LL <= = Cr nr Te MTE \ FÉ = AT Æ > : ASE = = = pm = SZ — eme Lez LL TT IT TT £ RIT il | hi AE NL | | N AT PES LES IL ITS F LÉ TES CRT L SES LAS LS SITES 2 TEE 12} RES LISEZ SE 3 = 22 Z= TA en AA 7 ALL LL TS = LS LE Er APTE : Z re : Le ZT mm mm TTL _— EEE TT rm] D Le LI ES 22Z = æ I Tr, = — Æx Libres SIR WILLIAM CROOKES, D.Sc.. FRS. _KReoue générale ds Sciences putes et appliquées TOME QUINZIÈME Revue générale Des Sciences pures el appliquées PARAISSANT LE 15 ET LE 30 DE CHAQUE MOIS Directeur : Louis OLIVIER, Docreur Ès Scrences TOME QUINZIÈME 1904 AVEC NOMBREUSES FIGURES ORIGINALES DANS LE TEXTE Librairie Armand Colin 5, rue de Mézières, Paris u. + Le : ; TRACER VO « ” srù pi LAS à ee " 15° ANNÉE 15 JANVIER 1904 Revue générale DS. Sciences pures et appliquées DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser Lout ce qui cuucerne la rédactiou à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. —- La reproduction et la traluction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPON DANCE $ 1. — Mathématiques Les problèmes aux limites relatifs aux équations aux dérivées partielles et aux équations différentielles du second ordre. — En 1900, M. Fredholm faisait connaître une méthode toute nouvelle pour la résolution du problème de Diri- chlet. Ce problème était regardé comme un problème fonctionnel (la fonction inconnue figurant dans une certaine intégrale définie) et résolu par un procédé très général, applicable à toute sorte de problèmes fonc- tionnels linéaires de même nature. Pendant que M. Fredholm continuait ses recherches {voir, par exemple, un Mémoire publié dans les Acta Mathematica, à l'occasion du centenaire d'Abel), plu- sieurs géomètres, à l'exemple de M. Hilbert, les ont appliquées à une série de problèmes classiques de la Physique mathématique et de problèmes analogues. C'est ainsi que, dans une thèse récente de l'Université de Güttingue, M. Mason a étudié par cette voie les équations différentielles linéaires ordinaires du second ordre. La méthode de M. Fredholm a été, à cet effet, combinée avec les méthodes dérivées du Calcul des Variations pour montrer l'existence de fonctions fon- damentales. Elle permet de partir non de l'existence d'un minimum, mais de celle — évidente a priori — d'une limite inférieure, atteinte ou non. On démontre qu'à cette limite inférieure correspond nécessairement une racine de la fonction entière qui intervient dans la méthode de M. Fredholm. $ 2. — Astronomie L'étoile variable de à Céphée. — M. H.-E. Lau avait commencé l'observation de à Céphée pour vérifier les résultats indiqués par M. Wirtz; puis, en construi- sant la courbe de lumière, il eut l'occasion de noter, dans la partie descendante de cette courbe, une irrégu- larité très sensible, qui se trouve déjà faiblement indi- quée sur les courbes d’Argelander, Schur, Oudemans et Wirtz : il est donc fort possible que cette anomalie soit réelle. M. Lau fut ainsi conduit à étudier cet astre REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. avec plus de soin et il vient d'exposer le résultat de ses recherches complètes *. L'étude de cette binaire spectroscopique offre un intérêt particulier, par ce fait que la théorie fondée sur les éléments déduits des mesures de M. Belopolsky s'est montrée incapable d'expliquer les variations d'éclat sans admettre l'existence d'une force secondaire dont les effets s'ajoutent aux variatfons dues aux éclipses des deux astres. En effet, M. Belopolsky a constaté que la date du minimum théorique diffère d'environ un jour deux heures de la date du minimum réel; M. Wirtz, de son côté, arrive à la conclusion que l’état chimique de l’astre éprouve des pe:turbations très notables pen- dant la révolution des deux soleils, l'amplitude de la variation photographique étant double environ de l’am- plitude visuelle. Selon M. Wirtz, on a, pour la variation photographique : M — 4,68, 5 — 5,93, tandis que la dis- cussion des observations visuelles lui fournit, au con- traire : M — 3,66 et m —%4;18, chiffres qui diffèrent sensiblement des données de la plupart des traités d'Astronomie. Il résulte des recherches de M. Lau que à Céphée se rapproche du type de & Lyre; mais il y a cependant une différence essentielle, puisque les maxima de à Céphée sont plus faibles qu'ils ne devraient être suivant la théorie de M. Myers, de sorte que l'hypothèse des éclipses alternatives est insuffisante pour expliquer la varialion de cette étoile : dans ce sens, et confor- mément, d'ailleurs, aux résultats précédents de Wirtz, le phénomène offert par à Céphée est beaucoup plus compliqué,que ne l’est la variation de 6 Lyre. $ 3. — Génie civil L'Aérodrome de la Tour Eiffel. — M. G. Eiffel a exposé, le 30 novembre dernier, devant la Commis- sion scientifique de l'Aéro-Club, un avant-projet d ins- tallation d'un aérodrome destiné à rendre sans danger les expériences d’aviateurs, d'aéroplanes et, en général, de tous les appareils de cet ordre plus lourds que l'air. On est fondé à penser que les accidents presque 1 Bull. de la Soc, Astron., p. 400, 1903. 2 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE constants qui se sont produits dans la pratique de ces appareils sont dus surtout à l'insuflisant apprentissage des expérimentateurs et à leur imparfaite connaissance des mouvements utiles. Une personne se lancant dans un aviateur est comme un baigneur qui, ne sachant pas exécuter les mouvements si simples de la nage, s'épuise en efforts mal coordonnés et finit par couler. L'utilité de pouvoir réaliser de tels essais et de faire cet apprentissage n’est pas douteuse. M. le capitaine Ferber, commandant à Nice la 17° batterie alpine, a, dans ce but, construit un grand manège de 15 mètres de rayon et de 48 mètres de hauteur, décrit dans le journal l’Aërophile de février 1903. L'appareil aviateur est suspendu à l'extrémité du bras de ce manège et les manœuvres peuvent s'opérer sans danger. On peut cependant penser que les mouvements doivent être gènés par la nécessité d'un parcours circulaire à aussi faible rayon, et par la force centrifuge qui en résulte. M. Louis Olivier, directeur de la /tevue générale des Sciences, pensa que l’on pourrait se servir, dans le même but, d'un càble tendu entre deux pylones, dont l’un serait la Tour Eiffel; il s’en ouvrit à M. Eiffel, qui accepta cette idée et se mit à l'étude. Il en est résulté le projet exposé à l'Aéro-Club. Il fallait que l'appareil, tout en ayant ses mouve- ments complètement libres, fut soutenu, en chaque point de sa course rectiligne, comme l'élève l’est à l’école de natation par la corde du maître nageur qui le suit dans son mouvement de progression. Dans le projet actuel, le soutien se fait par l'intermédiaire d’un chariot roulant sur un cäble incliné: le mouvement en avant est facilité par la pente générale donnée au câble, laquelle permet de procurer dans de bonnes conditions l'élan initial. Mais, bien entendu, le mou- vement n'est pas libre, sans quoi l'appareil prendrait rapidement une vitesse excessive et dangereuse; il est maintenu sur la pente, au point voulu, par un càble de retenue sans fin venant s’enrouler à l’origine du départ sur un treuil électrique et passant à son extrémité sur le pylone opposé. Le treuil est actionné, comme il en est besoin, sur les indications d’un chef de manœuvre qui, du sol, suivra les mouvements de l’aéronaute, comme le maître nageur, dont nous parlions, suit son élève. Ce surveillant pourra même, à l’aide d’un con- ducteur électrique, actionner directement le treuil, de manière à être complètement maître des mouvements du chariot. Si, par suite d’un accident ou d’une fausse manœuvre, le càble de retenue venait à casser, il faut disposer les choses pour que l’aéronaute ne vienne pas se briser contre le pylone d'arrivée. Dans le projet de M. Eiffel, le câble à une portée de 500 mètres; il vient s'attacher au premier étage de la Tour, à 58 mètres de hauteur ‘, et passe à son autre extrémité sur une grande poulie à gorges de 3 mètres de diamètre portée par un pylone métallique de 20 mètres de hauteur, établi dans le Champ-de-Mars dans le voisinage de la Galerie des Machines; de là, il se dirige au massif d'amarrage : sa longueur est de 350 mètres. La flèche (mesurée suivant la verticale) qui lui a été donnée est de 15 mètres. Tous les points de la chainette (ou de la parabole qui la remplace très sensiblement) sont ainsi déterminés. Le sommet infé- rieur, c'est-à-dire le point le plus bas de la courbe est à 18 mètres du sol et est à 92 mètres en avant du pylone. . Ce càble est formé de 6 torons de 7 fils d'acier de 3 millimètres, dont la charge de rupture est de 140 ki- logs par millimètre carré. Son diamètre est de 30 milli- mètres, son poids de 2 kil. 52 par mètre courant, et sa résistance à la rupture de 41.500 kilogs. La tension maxima, calculée avec ce poids et une surcharge mo- bile de 300 kilogs, dont 100 kilogs pour le chariot et 200 kilogs pour l'appareil aviateur, étant de 6.600 kilogs, on est dans les limites de sécurité habituelles. .? Ou à un point plus bas sur le pilier, si l'expérience en fait reconnaitre l'avautage. Les pentes varient progressivement, de la Tour au sommet, de 20 °/, à 0; sur une longueur de 250 mètres, dans les environs du sommet, elles ne dépassent pas 5°/,. L'effet de la surcharge mobile entrainera une déformation qui n'est pas très facile à calculer exacte- ment, mais dont on obtient une valeur maximum en admettant que les deux parties du câble restent en ligne droite. Le point le plus bas de l’ellipse qui forme le lieu géométrique des positions de ces sommets reste encore à 143 mètres du sol; mais, en réalité, ce point sera plus élevé, par suite de la flexion des deux parties du càble. Le chariot porteur est formé par un bâti supportant deux poulies à gorge engagées sur le càble : il reçoit, à la partie inférieure, le crochet d’amarrage, auquel l'ap- pareil aviateur est suspendu à l’aide d'un palan; ce dernier peut être manœæuvré par l’aéronaute, qui peut ainsi régler sa hauteur, en montant ou en descendant à sa volonté. Ce chariot porte, de part et d'autre, les attaches du câble sans fin servant à la manœuvre et permettant de lui imprimer tous les mouvements que l’on désire. La tension du palan supportant l'appareil s'exerce sur deux dynamomètres à ressort et est, à chaque ins- tant, inscrile sur un enregistreur mû par un mouve- ment d'horlogerie : il permet de mesurer à tout moment l'allégement du poids, c'est-à-dire la valeur réelle de la sustentation et, par suite, la qualité de l'appareil à ce point de vue. Le câble de retenue, destiné à régler la vitesse du chariot porteur, est un câble sans fin de 42 millimètres, mù par un treuil électrique placé sur la pile et actionné à distance par le chef de manœuvre. La transmission de la dynamo au tambour d'enrou- lement du treuil se fera à l’aide d'une vis langente, de manière qu'en cas de non-fonctionnement accidentel de la dynamo, le treuil soit bloqué, que le chariot reste immobile et qu'il ne soit pas entraîné par son poids. Enfin, un tendeur placé sur le pylone assurera d'une manière constante aux deux brins du câble de manœu- vre la tension voulue. Le freinage de sécurité, à la fin de la course, est obtenu, comme dans l'appareil de chute pour la résis- tance de l'air que M. Eiffel met encore actuellement en usage à la Tour de 300 mètres, par deux ressorts portés par le chariot, entre les mâchoires desquels le câble passe librement; mais elles sont énergiquement écar- tées l'une de l'autre, sur les 30 derniers mètres abou- tissant au pylone, par un tube en fer de 60 millimètres enveloppantle cäble de 30 millimètres et raccordé avec lui par un cône en acier. En cas de fausse manœuvre ou de rupture du càble de manœuvre, l'appareil vient en quelque sorte s’enfiler dans ce tube; les mächoires S'écartent et leur pression provoque un frottement dont lacontinuité amortit peu à peu, et sans aucune secousse, la vitesse. L'existence des mächoires, entre lesquelles le câble est saisi sur toute l'étendue de la course, à, en outre, pour effet de supprimer toute crainte de déraillement. Le projet de cet appareil paraît donc réunir toutes les conditions de sécurité désirables. Les propulseurs essayés pourront ne pas se borner à ceux mus par la force humaine. En effet, on pourrait, par un équilibrage convenable, à l’aide d'un contre poids porté par le cable, alléger l'appareil d'une valeur jixée à l'avance, de manière à ne laisser, par exemple, pour le moteur, qu'un poids de 2 kil. 50 à 3 kilogs par cheval. On verra ainsi d'une manière sûre et non réa- lisée jusqu'ici ce qu'on peut attendre de l'effet des héli- ces, en tenant compte des déplacements horizontaux: Tel est l'ensemble de l’avant-projet soumis par M. G. Eiftel à la Commission scientilique de lAéro-Club, à laquelle, dans sa séance du 30 novembre, présidée par M. le comte de Chardonnet, ila demandé si l'on jugeait ces études intéressantes tant pour le progrès de l’aéros- tation que pour celui de l'aviation. A Ja suite d'une discussion très approfondie, à la- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 09 “STeJU-0p-dmeqn ne 2UOUPOIPE UND UOIPEITEISUIP oload-jueAr 9p S11812Œ — ‘Y SN votsuadsns 3p- agmounp egeny (Q uonequ3snS 9P U0JJ2 .| /] 2 = À Fa ap ana1sthalug = UONETAE P srouedde S9P OT, 2]19U9"] Ë hr PRE apn19,] 4nod qoddns 9p jinsodst D; LS el AN Ce de 9san09 ET 3p ul} EE 211n995S 9P aPuI21] © mauvd 29e) (de SINAUEUL 9p 2e) 7 aamayeur 1L ep 9189 RS EURE RE OM nd 9 à 22 WaRT EE Pu DEP SIN ER ARR L DS CRE <— -——-— Er a — = cs — 0008, eI8Y2T 2[QUIASUY À CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE quelle ont pris part MM. Teisserenc de Bort, Wilfrid de lonvielle, Louis Olivier, Georges Besancon, Deutsch de la Meurthe et surtout M. Maurice Lévy, le Prési- -dent à adressé à M. Eiffel ses félicitations, et a con- sulté l'assemblée sur l'opportunité pour lAéro-Club de participer à ces recherches. Par un vote unanime, il a été reconnu qu'une telle installation rendrait, à l’aérostation par appareils avia- teurs ou aéroplanes, les services les plus considérables, en permettant de réaliser, sans danger pour les expé- rimentateurs, des progrès peut-être tout à fait inat- tendus. $S 4. — Physique Déviation vers FEst des corps en chute libre. — Tout le monde s'est intéressé à la reprise, au Panthéon, de la célèbre expérience du pendule de Fou- cault. Mais, en dehors de la leçon de choses qui en résultait, M. C. Flammarion à voulu profiter de cette installation pour faire une série d'expériences sur la Schéma des postes Fig.r2. lampe à arc; P, pile à sélénium; B, L » chute des corps, et examiner si le mouvement de rola- tion de la Terre se manifeste dans cette chute de 68 mètres de hauteur. Notre globe tournant de l'Ouest à l'Est, un objet situé à 68 mètres au-dessus du sol tourne un peu plus vite que le sol, et la vitesse dont il est animé, n'étant pas détruite lorsqu'on l’abandonne à la pesanteur, tend à le faire tomber à 8mw,11 à l'est de la verticale marquée par le fil à plomb. L'obsérvalion de cette chute, qui paraît simple, est, au contraire, émaillée de diflicultés, et des résultats peu concordants ont été obtenus par divers expéri- mentateurs habiles : Guglielmini, en 1790, à la Tour degli Asinelli de Bologne; Benzenberg, en 1802, à la Tour Saint-Michel de Hambourg et, en 1804. dans le puits de charbonnage de Schlebusch; Reich, en 1534, dans un puits de mine de Freiberg, etc. Il était donc tout indiqué de tenter à nouveau cette expérience, avec les moyens les plus précis que l'on puisse em- ployer aujourd'hui : c’est ce que fit M. Flammarion, avec la collaboration habile et éclairée de M. Benoît, astronome à l’ bservatoire de Juvisy. Le point essentiel est d'éviter tout mouvement initial dans la chute des billes. Dans les expériences an- transmetteur et récepteur en léléphonie optique. — M, M', batterie: T, téléphone; Tr, transformateur; M, microphonique. | | ï ciennes, on suspendait la balle à un fil que l'on brüiait, ou bien encore on l'attachait à un fil retenu à une pince, et même, dans une autre série, on chauffa les balles et on les déposa sur un anneau de cuivre hori- zontal qu'elles traversaient en se refroidissant : les résultats obtenus par ces divers modes de suspension sont fort discordants. Le dispositif employé, cette fois, est dû au savant constructeur J. Carpentier, dont le contremaître, M. Cartier, surveilla l'installation et le réglage avec tous les soins désirables : l'appareil se compose d'un électro-aimant dont le noyau en fer doux est mobile; la carcasse, en cuivre, se prolonge à la partie inférieure par une petite couronne circulaire parfaitement tournée, sur le biseau de laquelle vient reposer la bille qui ne peut être en contact avec le noyau. Toutes les précautions furent prises pour déterminer la verticale, donner de la stabilité aux appareils, éviter les moindres courants d'air susceptibles d'influer sur la direction initiale de la bille, La bille tombe et laisse miroirs paraboliques; microphone; Pm, pile une trace circulaire sur une plaque de plomb; les centres de ces traces sont relevés et constituent une sorte de cible tout autour de la verticale. Les conclu- sions relatives à 444 chutes sont les suivantes : La déviation vers l'Est est prépondérante et certaine. 11 y a de grands écarts entre les divers tracés. Et, tandis que le calcul indique une déviation vers l'Est de Sum {, on a observé 6mm,3 vers l'Est et 12,6 vers le Nord pour les douze séries; 7,6 Est, et'Onn Nord pour les six dernières séries. Ces résultats ne sont pas aussi concordants quil serait désirable, mais ce sont du moins des expériences bien faites, délicates, et dont la discussion peut mettre en lumière des causes perturbatrices non encore soup- connées, ou susciter d'ingénieux dispositifs expérimen- taux. Transport d'air liquide. — Voici les résultats d'une expérience récente de transport d'air liquide entre Berlin et Genève : le 14 décembre au matin, un flacon Dewar, contenant deux litres du curieux liquide, a été remis au service de grande vitesse des Chemins de fer à Berlin, dans un emballage spécial employé en CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 5 Allemagne pour ce genre de transport‘. Le 19 décembre au matin, l'envoi arrivait en gare de Genève et était livré, à midi, au Laboratoire de Chimie physique de l'Université; le récipient contenait encore un quart de litre d'air liquide, dont on a disposé pour des expé- riences faites le Jour mème. C'est certainement un des transports les plus longs effectués jusqu'à présent : il fait bien augurer d'essais entrepris sur des masses plus considérables. C'est à ce titre que nous avons cru devoir le signaler. Quand nos Chemins de fer se décideront-ils à ac- corder, pour le transport des gaz liquétiés, les mêmes facilités que les Chemins de fer étrangers? $S 5. — Electricité industrielle La téléphonie et la télégraphie optiques au moyen des projecteurs électriques. — Sur la base des anciennes expériences de M. Bell et des expé- riences toutes récentes du Professeur Simon et de M. E. Ruhmer, les usines Siemens-Schuckert viennent de construire les dispositifs pratiques suivants : Les transmetteurs comprennent, en premier lieu, un microphone Mi (fig. 2), à charbon granulaire très sensi- ble, qui transforme les ondes acoustiques du langage parlé en ondes électriques. Ces dernières se superposent au courant continu de la lampe L d’un projecteur élec- trique, donnant lieu, dans les intervalles des vibrations acoustiques successives du microphone, à des modifica- tions de l'intensité du courant de la lampe et à des oscillations de la température de l'arc voltaïque, produi- sant à leur tour un effet acoustique, le phénomène dit de la lampe parlante. Ces oscillations de température s'accompagnent, en raison des lois du rayonnement des corps incandescents, d'oscillations lumineuses de larc voltaique correspondant intimement aux vibrations de la membrane microphonique. C'est ainsi qu'un arc vol- taïque parlant sert de transmetteur photophonique, grâce à ces oscillations lumineuses, projelées au moyen d'un projecteur M (fig. 3) à la station réceptrice. L'organe le plus essentiel du dispositif récepteur est en sélénium, métal possédant, comme on le sait, la pro- priété de subir des variations de résistance électrique, accompagnant presque simultanément les moditica- tions de l'intensité lumineuse. C'est M. E. Ruhmer qui a donné aux dispositifs à sélénium, dits piles à sélé- nium, une sensibilité telle qu'une quantité de lumière relativement faible suffit à l'utilisation pratique du phé- nomène photo-électrique.Ces piles hautement sensibles, affectant la forme d'un cylindre, sont renfermées dans une ampoule en verre, vide d'air et pourvue d'un sup- port de lampe à incandescence normale. Afin de con- centrer autant que possible sur la pile la lumière qui la frappe, on attache l'ampoule au foyer d’un réflec- teur métallique parabolique M', de façon que les rayons lumineux parallèles qui viennent y tomber soient con- centrés sur cette dernière. Le réflecteur, fixé à un support en fer nickelé, est exposé au faisceau lumi- neux partant de la station transmettrice, de façon que sa surface soit frappée verticalement autant que possi- ble par les rayons lumineux. La pile à sélénium P est insérée dans le circuit d'une pile galvanique B d’une intensité suffisante, circuit comprenant en même temps le tétéphone T dont on se sert. Ce sont les fluc- tuations de la lumière arrivant de la station transmet- trice et la résistance variable du sélénium insolé qui donnent lieu à des oscillations du courant traversant la pile à sélénium et le téléphone, de manière à rendre perceptible dans les récepteurs de la station réceptrice les sons parlés dans le microphone du transmetteur. Les expériences faites pendant quelque temps, de concert avec M. E. Ruhmer, ont fait voir que ce pro- cédé permet de réaliser des transmissions très claires ! Cet emballage est constitué par une boite en tôle à quatre pans, au milieu de laquelle est placé le flacon Dewar enveloppé de feutre. | jusqu'à des distances dépassant 10 kilomètres. En vue d'assurer un effet avantageux à la lampe parlante, il est bon de choisir pendant un temps clair des courants variant entre 2 et 4 ampères, mais qui doivent être augmentés jusqu'à 40 ampères par un temps moins: transparent; les charbons ont à peu près 6 ou 9 milli- mètres de diamètre. La tension à appliquer à la pile du miroir récepteur dépend de sa construction; elle varie entre 40 et 80 volts, de facon que la pile soit traversée par un courant de 20 à 30 milliampères. Si l'on veut employer ce procédé, non pas pour télé- Fig. 3. — Projecteur de torpilleur système PFuhmer-Schuckert. phoner, mais pour télégraphier, une disposition du transmetteur essentiellement différente, indiquée par M. Ruhmer, devra être choisie. Il n'est pas nécessaire d'envoyer des signaux Morse à la façon ordinaire, au moyen des dispositifs signaliseurs généralement em- ployés en télégraphie optique, qui interceptent les rayons d'un projecteur et font agir sur la pile à sélé- nium des éclairs lumineux d'une durée plus ou moins grande, ce qui permet de les enregistrer; il vaut mieux se servir d'un dispositif nouveau, permettant en mème temps de faire varier bien plus rapidement l'intensité des rayons du projecteur. On y arrive en su- perposant, au circuit à courant continu de la lampe, un courant continu fréquemment interrompu au moyen d'un interrupteur mécanique et dont la fermeture et 6 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE DRE Te ER ER RE — l'ouverture se font avec une clé Morse, suivant les signaux Morse. À chaque fermeture de la clé télégra- phique, le courant continu superposé, et fréquemment interrompu, modifiera la puissance lumineuse de l'arc voltaïique, donnant lieu à des oscillations qu'il s'agira de faire parvenir à la station réceptrice. Si l'on fait en sorte que l'intensité lumineuse de la lampe soit main- tenue constante, ce procédé assure, en même temps qu'une expédition plus rapide des télégrammes, le se- cret absolu de ces derniers, puisque l'œil humain, in- capable de percevoir plus de 10 alternances par se- conde, recoit l'impression d’un rayon continu, en rai- son de la vitesse avec laquelle se suivent les oscillations lumineuses à la station transmettrice. La station réceptrice est disposée comme celle de téléphonie optique; elle comprend un réflecteur para- bolique, au foyer duquel est disposée la pile à sélénium, et deux téléphones. Les oscillations lumineuses de la station transmettrice sont percues au téléphone de la station réceptrice au moyen de la pile à sélénium, comme son bourdonnant intermittent, formant des signaux Morse acoustiques et directement entendus. La hauteur de ce son dépend de la période de linterrup- teur. Comme, dans cette méthode télégraphique, il ne s'agit pas de transmettre le langage humain, ce qui pourrait donner lieu à des incertitudes dues aux inten- sités acoustiques différentes des différentes voyelles, et que c'est un même son qui est entendu pendant des intervalles plus ou moins prolongés, il a été possible d'assurer une transmission bien claire des signaux dans des conditions atmosphériques qui auraient rendu difficile la transmission du langage. Le commencement d'une communication pourra être indiqué par une sonnerie actionnée également par la pile à sélénium et sans l'intermédiaire d'un fil de communication avec la station transmettrice. Les résultats satisfaisants des expériences jusqu'ici effectuées font voir que le système actuel de téléphonie et de télégraphie optiques est d'un usage avantageux dans la pratique et surtout à des distances courtes; aussi ce sont surtout les armées et les marines qui en profiteront. Grâce aux propriétés de la pile à sélénium, ce dispo- sitif pourra également servir à insérer à distance des circuits quelconques, pour la mise en marche des moteurs, l'insertion des circuits de lampe, le déelan- chement des sonneries, ete. Ce système se prête d'au- tant plus à être introduit à bord des vaisseaux qu'on pourra se servir des projecteurs existants, ce qui dimi- nuera considérablement le coût d'établissement. La commande des métiers à tisser par l'électricité. — Il est heureux de constater que, dans la lutte entre les grandes industries et les indus- tries domestiques qui à lieu dans certaines parties de l'Allemagne, ces dernières profitent parfois aussi des résultats de la technique moderne. Une entreprise coopérative destinée à fournir la puissance électrique aux tisserands domestiques (de l'industrie des rubans de soie), dans la Forêt Noire méridionale, vient d’être tentée dans le district du Holtzenwald; on a lin- tention de commander par l'électricité les métiers de cinq cents tisserands résidant dans vingt-huit loca- lités différentes. Le coût d'établissement de l’ensemble de cette installation est évalué à environ 340.000 marks; cette somme sera déboursée par la Compagnie de force motrice de Wald-Elektra-Säckingen-Waldshut, déduc- tion faite d'une subvention accordée par le Gouverne- ment. Cette entreprise est d'une grande importance, parce qu'elle doit permettre à la branche précitée de l'industrie textile de conserver son caractère d’indus- trie domestique, assurant des revenus annuels d'en- viron 300.000 marks aux habitants pauvres de cette partie de la Forêt Noire. De plus, la diminution de l'effort nécessaire de la part des tisserands permettra mème aux gens d’une force moyenne de se consacrer au tissage domestique sans compromettre leur santé; c'est ainsi qu'une division rationnelle de travail pourra être établie entre les membres d’une même famille, surtout pendant la période d'activité de l’industrie de la soie. Les calculs faits font prévoir que les tisse- rands retireront de la nouvelle installation des profits plus élevés, abstraction faite des avantages sani- aires découlant de la commande et de l'éclairage électriques. S 6. — Chimie organique Action de Facide nitrique sur l’éther dimé- thylacétylacétique. — Un très intéressant travail de M. W. H. Perkin jun.‘ vient de complèter et de coordonner les recherches effectuées par différents au- teurs sur l’action de l'acide nitrique sur l’éther acétyl- acétique et sur ses dérivés alcoylés. Ainsi Propper? montra le premier que l’action de l'acide nitrique sur l’éther acétylacétique fournit une huile, de la formule C*H°Az0*, qu'il nomma éther oximinoacétique. En 1890, Cramer* prépara l'acide oxi- minoacétique à l'état de pureté par l'action de l'hydro- xylamine sur l'acide glyoxylique : CHO.CO2H + AzH°OH — H°0 + AzOH : CH.CO?H et montra que l'éther de cet acide n’est pas identique avec celui de Prüpper. Quand, cependant, le vrai éther oximinoacétique est traité par l'acide nitrique, il est oxydé et converti en éther glyoxime-peroxyde-carbo- nique : ; CO®.C2H°. CH : AZOH CH51C02.CF A7 0 + 02 —92H°0 + | CO. CH5. CH : AzZOH C?H°.CO?.C : Az.0 Ce dernier corps est, en réalité, le produit obtenu par Propper, dans l’action de l'acide nitrique sur l’éther acé- tylacétique. Cette réaction de l'acide nitrique sur les oximes, donnant naissance à des dérivés du type « glyo- xime-peroxyde », semble avoir un caractère d'assez grande généralité. Par exemple, la benzaldoxime, la uitrosoacétophénone fournissent respectivement les dérivés : GSHPCEAZ O 6H — CO — C : Az.0 / | [Re LaE CODE | | CSH5.C : Az.0 CSH5 — CO — CG: Az.0 Si, au lieu de faire agir l'acide nitrique sur l'éther acétylacétique lui-même, on opère sur un dérivé monoalcoylé, on obtient, comme l’on sait, des dérivés dinitrés; par exemple, l'éther méthylacétylacétique est converti en dinitroéthane : CHSCOCH — COCH° + 2 OH.A7z0* | CHS — CHCOH + Az0° — CH. Az0? + CO + C*HOH. CH° Au contraire, si l’on part d'un dérivé dialcoylé, la réaction conduit à l'obtention de dérivés du type glyoxime-peroxyde, comme M. Perkin l’établit. C’est ainsi que, en prenant comme point de départ l'éther diméthylacétylacétique, l’on obtient le corps C#H#O’A7z? ou CHMON O:.A7z: C.CO:C- COCHE | ; 0.47 :C-CO.C:CO!CH® N CH CH° ——————_—_—_—_—_—_—_———————..—.————…—….….…… —…………._…_……—| 1 Jour. of the Chem. Soc., t. LXXXIII, p. 1217. 3 Ann., 1884, {. COXXII, p. 48: 8 Ber., t. XXIII, 3496. 4 CuanceL : Jahresberichte, ASS3, 1079. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE dont M. Perkin étudie longuement toutesles propriétés, fort remarquables, d’ailleurs, et dont nous signalerons les principales. La potasse caustique à l’ébullition le décompose com- plètement avec formation d'alcool méthylique, d'ammo- niaque, d'acides isobutyrique, diméthylmalonique, car- bonique, cyanhydrique. L'ammoniaque fournit la diméthylmalonamide et le diméthylmalonamate de méthyle. L’aniline agit d'une facon analogue; elle donne aussi lieu à une série de réactions fort compliquées que nous ne pouvons exposer ici en détail. La phénylhydrazine donne l'éther phénylhydrazidi- méthylmalonique, qui se convertit aisément en la pyra- zolidone : Loi de CH. Az | CH ; NAzH — CO enfin, la semicarbazide fournit une substance dont la constitution probable est : OH. Az : C.C0.C(CH°)>. COCHS | AzH°.C0. Az (OH) Az : CH $ T. — Botanique La formation des œufs chez les Ascom}ÿ- cètes. — Il n'y à pas bien longtemps encore que, dans la classe immense des Champignons, on ne considé- rait que les grandes espèces, celles que nous classons aujourd'hui dans l'ordre des Basidiomycètes. Peu à peu, d’autres sont venues s'y joindre, dont la variété infinie rachetait pour ainsi dire la ténuité. Les remar- quables travaux de M. Van Tieghem contribuèrent puissamment à éclaircir les divers problèmes que nous posaient les deux grands ordres des Myxomycètes et des Syphomycètes; mais on ne sait pourquoi nous avons dù attendre jusqu'à ces dernières années pour voir approfondir les propriétés du quatrième groupe de ces végétaux, champignons dont la reproduction se fait par des asques et que, pour cette raison, on à nommé Ascomycètes. Dans cet ordre, en effet, nous connaissons bien l'existence des œufs et des spores; mais les premiers, dans la majorité des cas, et même parfois les secondes, nous laissent très indécis sur leur mode de formation. Un grand pas vient d'être fait dans l'étude de leur origine : M. Harper, dans ses remarquables études sur le Pyronema confluens, nous montre la formation de l'œuf due, non plus à une cellule, comme le fait se présente généralement, mais à un article polynucléé. Sur un rameau du thalle se différencie un oogone, qui prend une forme absolument comparable à celle d’un ballon de chimie, tandis qu'une anthéridie prend nais- sance à coté et vient s'accoler à la partie mucilagineuse formant le col du ballon. Ayant dissous la membrane, l’anthéridie introduit son contenu dans l’oogone et donne ainsi naissance à l'œuf véritable, œuf toutefois qui, dès le début, comme nous venons de le dire, forme un article polynueléé. Le même savant nous à montré, par contre, l'œuf cellulaire dans le genre Aspergillus, cette moisissure si fréquente sur le cuir et dont jusqu'ici nous ignorions la formation ovigène. Il a pu observer la naissance de l’oogone et de l’anthéridie, leur combinaison en une cellule à travers la membrane résorbée, et leur enve- loppement progressif dans un réseau épais dont la cuticule donne naissance à ce périthèce, en forme de boule jaune, abondant dans les herbiers humides. C'est à ce périthèce qu'on avait autrefois donné le nom d'£rothium Herbariarum, le considérant comme un genre à part. Cette découverte offre une importance capitale, car, par analogie, elle nous permet de soup- conner le même mode de formation chez les genres Sterigmatocystis, Penicillium, et tous les genres voi- 1 sins dont le mode de croissance est identiquement le même. Un fait également très intéressant sur la formation des œufs a été constaté par M. Barker chez la levüre de bière. Dans ce cas, en effet, l’isogamie, apparente, cela va sans dire, est des plus complètes. Deux cellules du thalle, non différenciées préalablement, se pénètrent de façon à donner naissance à un asque, qui produira ensuite des spores. Enfin, peut-on parler des œufs chez les Ascomy- cètes sans citer les travaux du savant américain, M. Thaxter, sur les Laboulbéniacées. C'est grâce à lui, en effet, que cette famille, composée il n’y à pas encore longtemps du seul genre Laboulbenia, parasite bien connu des Coléoptères, compte actuellement une trentaine de genres et plus de deux cents espèces. Sur tous ces Champignons, l'œuf provient de la fusion de deux gamètes : l’une, l’oogone, qui se forme à l'inté- rieur de deux cellules produites par le thalle, et sur- montée d'une cellule stérile devenue mucilagineuse ; l'autre, l’anthérozoïde, qui, s'échappant d’un long cha- pelet né en un autre point du thalle, vient se fixer sur la cellule stérile et de là pénètre dans l'oogone. L'œuf se développe alors en donnant un asque à l’intérieur d'une sorte de périthèce analogue à celui du genre Spheria. H convient toutefois de remarquer que, tandis que dans la Spheria le périthèce suit la formation de l'œuf, dans le Laboulbenia il la précède. C'est également ici l'occasion de faire mention des travaux nombreux entrepris actuellement en vue d’'ob- tenir des spores exogènes dans le genre Tuber (dont font partie les truffes comestibles), travaux dont l'im- portance agricole n’échappera à personne et qui seront, sous peu, 1l y à tout lieu de l’espérer, couronnés de succès. $ 8. — Zoologie Les sens de l’'Escargot. — Tout le monde s'ac- corde à admettre que les grands tentacules des Gastro- podes stylommatophores, comme l'Escargot, la Lima- ce, etc., servent à la perception spéciale de la lu- mière et des odeurs. Ces appendices portent, en effet, à leur extrémité un œil compliqué, et, près de celui-ci, un ganglion volumineux en rapport avec l’épithélium qui revêt le teutacule; depuis Moquin-Tandon et Flem- ming, on à pris peu à peu l'habitude de considérer le grand tentacule, non seulement comme oculaire, mais encore comme olfactif, et même beaucoup d'auteurs attribuent à l'Escargot uné très grande sensibilité ol- factive, lui permettant de reconnaître la présence d'un aliment apprécié à d'assez grandes distances. M. Yung”, après des expériences mullipliées et qui laissent peu de prise à la critique, s'inscrit en faux contre ces diffé- rentes appréciations. L'œil ne sert qu'à une vision très limitée, préférablement dans une demi-lumière diffuse, et se montre tout à fait insensible aux éclairages in- tenses ; l'allumage subit d’une lampe électrique devant l'œil d'un Escargot ne provoque aucune réaction. Son ablation n'entraîne aucun trouble appréciable dans les faits et gestes de l'animal, de sorte que les yeux ne paraissent guère plus excitables par les radiations lu- mineuses que telle autre région quelconque de la peau. Il en est de mêmede l’olfaction : la sensibilité olfac- tive, facile à mettre en évidence, n’est pas du tout localisée sur le bouton des grands tentacules ; l'expé- rience montre que la peau tout entière, du moins celle qui revêt les régions que lanimal sort de sa coquille lorsqu'il rampe, est apte à percevoir les odeurs: il est juste de dire que cette faculté est plus développée sur les grands tentacules et l'extrémité an- térieure du corps que partout ailleurs. En expérimen- tant avec les aliments dont l'Helix pomalia se nourrit habituellement, on constate qu'il ne percoit leur odeur qu'à une distance moyenne de 4 à 3 centimètres, dis- 1 E. Yuwc : Recherches sur le sens olfactif de l'Escargot (Helix pomatia). Archives de Psychologie, t. IN, n° 9. 8 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE tance qui s'élève exceplionnellement jusqu'à 50 centi- mètres, dans le cas dumelon, qui est, comme l'on sait, particulièrement odorant. Au delà de ces limites, l'Escargol ne paraît sentir aucune odeur. Ces expériences sont corroborées par l'étude d’Helix amputés des grands tentacules coupés au ras de la tète; ils réussissent encore, quoique moins régulière- ment et à une plus petite distance qu'à l'état normal, à trouver leur nourriture, à la reconnaitre comme bonne et à éviter le contact des corps odorants désagréables ou délétères. Il est évident que la sensibilité générale de l'Escargot prévaut de beaucoup sur sa sensibilité spéciale; les trépidations du sol, la chaleur, les mouvements des herbes agitées par le vent et surtout l'humidité, qu'il perçoit à la distance de plusieurs mètres, l'impression- nent vivement, beaucoup plus que la lumière, les cou- leurs, les formes, les odeurs et les saveurs. En toutes circonstances, l'Escargot recherche l'humidité, et man- ge à peu près tout ce qui peut se trouver sur son pas- sage, sans manifester de préférence bien nette. $ 9. — Physiologie La Sapocrinine. — Pawlow et ses élèves ont démontré qu'il se produit une sécrétion pancréatique abondante quan: le contenu acide de l'estomac passe dans le duodénum, et que cette sécrétion est la consé- quente du passage de l'acide chlorhydrique, car elle peut être provoquée par l'introduction expérimentale d'acide chlorhydrique dilué dans le duodénum. Pawlow et ses élèves attribuaient cette action de l'acide chlorhydrique à une excitation provoquée par cet acide au niveau des terminaisons nerveuses conte- nues dans la muqueuse duodénale et transmises de là par voie réflexe à la sRude RARETÉQUE. Bayliss et Starling ont établi que cette conception de l'Ecole de Pawlow est inexacte, et qu'en réalité il se produit, par l’action de l'acide sur une substance con- tenue dans la muqueuse duodénale, un corps appelé par eux sécrétine, qui, résorbé rapidement, est en- trainé par le sang et par lui conduit au contact des cellules paneréatiques, dont il provoque l'activité par excitation directe. Babkine à démontré que les savons alcalins agissent, comme les acides, pour déterminer la sécrétion pan- créatique : introduits dans le duodénum, ils font écou- ler un flux de suc pancréatique assez z abondant. M. C. Fleig a étudié le mécanisme de celte action et établi quil présente la plus grande analogie avec le méca- nisme de la production et de l'action de la sécrétine. Si l’on fait macérer dans une solution de savon d'al- cali (de { à 10 °/) un fragment de la muqueuse duo- dénale, et si l’on injecte la liqueur filtrée dans les veines d’un chien, on provoque un très abondant écoulement de suc pancréatique présentant les propriétés générales du suc de sécrétine. Une macération savonneuse de la muqueuse de la seconde portion de l'intestin grêle ne possède aucune action sécrétoire, quand elle est injec- tée dans les veines. Une solution de savon alealin in- jectée dans les veines ne détermine pas de sécrétion pancréatique. Ces expériences établissent nettement qu'il se pro- duit, au contact de la muqueuse duodénale et de la so- lution de savon, une substance que M. FEleig appelle la sapocrinine, — la sécrétine devenant pour lui loxyeri- nine, — substance qui, résorbée dans l'intestin grêle, et passant dans le sang, détermine l’activité du pan- creas, Les mêmes conclusions résultent des faits suivants : Si, sur l'animal vivant, on introduit une solution de sa- von alcalin dans une anse des parties supérieures de l'intestin grêle et si, après que Ique temps, on l'en retire pour linjecter dans les veines d’un autre animal, on provoque, chez ce dernier, une sécrétion pancréatique. — Il y a plus : si, ayant introduit la solution de savon dans une anse intestinale voisine du duodénum, on recueille le sang veineux par incision d'une veine pro- venant de la région intestinale considérée, ce sang possède la propriété de provoquer une sécrétion pan- créatique chez un animal la recevant en injection in- traveineuse, ° C'est donc après avoir pénétré dans le sang que la sapocrinine agit sur le pancréas. Par quel mécanisme agit-elle ; en quel point de l'organisme se produit l'ex- citation première qui a pour conséquence ultime la sécrétion pancréatique? Plusieurs hypothèses se pré- sentent, dont M. Fleig fait la critique. . A la suite d’une injection de sapocrinine, il se pro- duit toujours un abaissement considérable de la pres- sion sanguine (on sait que cet abaissement à été observé toujours à la suite de l'injection intraveineuse de savons, d'oxalates alcalins, en général de sels décal- cifiants), et un abondant écoulement de lymphe par le canal thoracique. On ne saurait voir dans ces deux phé- nomènes physiologiques la cause de la sécrétion pan- créatique, car on peut les provoquer par divers moyens {injection de savons, injection de macérations de Ja muqueuse des dernières portions de l'intestin grêle, etc.) sans déterminer le moindre écoulement de suc pan- créatique. L'action de la sapocrinine est done essentiellement . sécrétoire. L'action sécrétoire parait s'exercer directement sur les cellules pancréatiques, et non par voie réflexe; on en à pour preuves les deux ordres de faits suivants : 1° la sapocrinine injectée dans les veines détermine une abondante sécrétion pancréatique chez l'animal à pancréas totalement énervé; 2° l’action sécrétoire de la sapocrinine est plus énergique quand elle est injectée dans une artériole se rendant au paneréas que quand elle est injectée dans un autre vaisseau quelconque de l'économie. En résumé, l’action de la sapocrinine paraît calquée sur celle de la sécrétine, puisqu'elle est,comme celle-ci, de nature sécrétoire et qu'elle se traduit par une exci- lation intrapancréatique portant probablement sur les éléments sécréteurs. Vivisection et antivivisection. — 11 vient de se plaider à Londres un procès qui à fait grand bruit dans le monde médical et qui à provoqué dans la presse des discussions passionnées. Voici les faits : Le docteur Bayliss, professeur au London University College, poursuivait pour diffama- tion M. Stephen Coleridge, secrétaire de la Ligue anti- vivisectionniste. M. Coleridge, au meeting de Ja Ligue, avait accusé le docteur Bayliss de faire souffrir les chiens soumis aux expériences physiologiques, et cela sur le témoignage de deux dames suédoises qui avaient assisté aux cours du professeur. Il s'agissait d’une tra- chéotomie pour laquelle la morphine avait été em- ployée, et cet anesthésique, au dire des témoins, aurait été insuffisant. Après de longues plaidoiries scientifiques et un dé- filé imposant de témoins, le jury a condamné M. Cole- ridge à 50.000 francs de ‘dommages- -intérèts. Cet arrèt a été considéré comme une importante victoire par les savants s'occupant de Physiologie. S 10. — Sciences médicales Nouvelle Convention sanitaire internatio- nale. — Une nouvelle Convention sanitaire interna- tionale a été signée le 3 décembre dernier!, L'As- semblée, composée de délégués des différents pays, s'est d'abord occupée de classifier les navires en infectés, suspects ou indemnes, et elle a réduit le délai de contamination de douze à sept jours. Elle a suc- cessivement étudié ensuite les mesures spéciales aux pays hors d'Europe (mer Rouge, canal de Suez, golfe 1 Semaine Médicale, Paris, 9 décembre 1903. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 9 Persique), et les règlements relatifs à la surveillance sanilaire des pèlerinages aux lieux saints et les péna- lités à appliquer aux capitaines qui, en transportant des pèlerins, contreviendraient aux prescriplions de la Convention. Il faut retenir encore la recommandation faite aux pays intéressés de modifier leurs règlements sanitaires de manière à les mettre en rapport avec les données actuelles de la science, notamment en ce qui regarde la transmission de la fièvre jaune par les moustiques, et de la peste par les rats. Enfin, les délé- gués ont décidé la création à Paris d'un Office sani- faire international, destiné à recevoir et à transmettre les renseignements sanitaires intéressant les pays qui ont adhéré à la Convention. Parmi les vingt-six pays (Egypte comprise) qui s'étaient fait représenter, vingt-deux ont signé celte nouvelle Convention. Les délégués du Danemark, de la Suède et de la Norvège l'ont acceptée, sous la réserve de l'acceptation défiuitive de leurs Gouvernements, et ceux de la Turquie ont déclaré, comme toujours d’ail- leurs, qu'ils ne pouvaient accepter que celles des réso- lutions de la Conférence qui se concilieraient avec les dispositions des règlements sanitaires de leur pays; mais la Conférence a, cette fois, prévu le cas, et elle à pris une résolution invitant tous les Gouvernements signa- aires à intervenir auprès de la Porte pour obtenir son acceptation, indispensable au bon fonctionnement des nouveaux règlements sanitaires. Le Lazaret du Frioul. — Dans la séance de l’Académie de Médecine du 8 décembre, M. le Dr A. Josias a prononcé un sévère réquisitoire contre le Lazaret du Frioul; mais il l’a fait certainement en termes trop mesurés, {trop académiques. Ce qu'il faut retenir, c'est que cet établissement est une honte pour la France, et il importe de se souvenir des justes doléances jusqu'à présent inutilement exprimées par MM. Bucquoy!, Teissier et Lortet. Au Lazaret du Frioul, les voyageurs n'ont ni linge, ni savon, ni bougies, et leurs chambres ne peuvent même pas être chauffées; on leur donne, comme aliments, des conserves avariées ; comme boissons, de l’eau sale et du lait impur. Il est impossible de ne pas être indigné lorsque M. Teis- sier nous apprend que l'Administration est tenue à fournir une indemnité à l’hôtelier, en cas de quaran- taine insuffisamment fructueuse, et nous signale les abus et les vexations qui en résultent. Quant à lhôpital Ratonneau, destiné aux malades atteints de la peste, de la fièvre jaune ou du choléra, il suffit, pour le juger, de citer les paroles mêmes de M. Josias : « Il vous est impossible, dit-il, de vous représenter un hôpital aussi délabré et aussi abandonné, sans aucune cheminée, sans le moindre appareil de chauffage. Il n’est nullement aménagé et ne renferme ni water-closets, ni pharmacie, ni instruments; en un mot, il n'y a rien, rien; ce n'est pas un hôpital, c'est une ruine. » On se demande vraiment pourquoi notre Gouver- nement entretient à grands frais un inspecteur général des services sanitaires; nous devons souhaiter, dans tous les cas, que les plaintes justement motivées de MM. Bucquoy, leissier et Lortel soient entendues en haut lieu et que le Rapport de M. Josias décide les Pouvoirs publics à apporter les améliorations indispen- sables à l'installation et au fonctionnement du Lazaret du Frioul, qui représente, en France, la barrière à peu près unique destinée à nous protéger contre les infec- tions venant de l'Orient. Lutte contre la tuberculose. — La Commis- sion parlementaire de lHygiène publique a chargé une délégation d'aller, à l'Etranger, étudier sur place l'organisation et le fonctionnement des sanatoria anti- tuberculeux et des moyens employés pour l'hygiène 4 M. Bucquoyx. Da peste à bord du Sénégal; une quaran- taine au Frioul. Rev. gén. des Sc., &. XII, p. 956. des eaux et de l'alimentation à Liége, Aix-la-Chapelle, Dusseldorf, Cologne, Hambourg, Berlin, Dresde, Leipzig, Francfort et Strasbourg. MM. les D'S Dubois et Meslier et M. Labussière ont été chargés respectivement des Rapports sur la tuberculose, sur Palimentalion et sur les eaux. Il faut espérer que cette Commission nous rapportera de son voyage des réformes qui semblent indispensables pour obtenir l'hygiène de lalimentation et des eaux. Quant à la question de la tuberculose, nous craignons bien que ce voyage ne soit guère ulile aux milliers de luberculeux français. Les sanatoria ont eu leur moment de fortune, à la suite de la cam- pigne menée avec éclat par le Professeur Panwitz, de Berlin; mais il faut relire l’article éloquent que le Professeur Grancher à consacré à cette question dans le Bulletin médical; du 7 mars 1903, et bien réfléchir à la portée de cette phrase, qu'il a fait imprimer en italique : « La conception allemande du sanatorium pour ouvriers et de son rôle primordial dans la phti- siothérapie sociale est fondée sur une erreur médicale. On ne guérit pas la tuberculose pulmonaire en trois mois : voilà le fait qui domine tout ». La « Tubereulosis aid and education Asso- eiation ». — Il vient de se fonder en Amérique, à Cambridge (Massachussetts), une œuvre dont le but est particulièrement louable : elle s'appelle la « Tubercu- losis aid and education Association ». Cette œuvre cherche à aider et à secourir les tuberculeux par toutes sortes de moyens. Non seulement elle leur donne des indications utiles pour se soigner en leur en fournissant la possibilité pécuniaire, non seulement elle fait l'éducation hygiénique des malades et de leur entourage au point de vue des moyens d’antisepsie et de thérapeutique à mettre en pratique, mais encore elle s'occupe de leurs conditions physiques et morales : c'est une belle initiative de philanthropes américains qui donnera certainement, si elle tient ses promesses, des résultats autrement appréciables que la construc- tion d'un dispensaire ou d'un sanatorium (Medical News). A propos de la prophylaxie de la fièvre typhoïde dans larmée.— On sait que l’Académie de Médecine, dans sa séance du 10 novembre, a adopté les conclusions du Rapport de M. Vallin sur lalimen- tation des garnisons en eau potable! ; on n’a pas assez remarqué que M. le médecin-inspecteur Kelsch, avant le vote, a fait observer avec juste raison qu'il se trouve d’autres causes génératrices de la fièvre typhoïde que la contamination de l’eau; il avait ajouté : « Quand toutes les casernes seront pourvues d’eau de source ou d'appa- reils stérilisateurs parfaits, on verra certainement beau- coup moins de cas de fièvre typhoïde qu'aujourd'hui, mais il y en aura encore:1ls seront dus à des causes qui, pour être moins en vue que la contamination d’eau, ne méritent pas moins d’être prises en considé- ration : tels sont le méphitisme des fosses d’aisances, l'infection du sol souillé par les infiltrations putrides, la mauvaise canalisation et l’engorgement des égouts, les travaux de terrassement entrepris én temps inop- portun, les poussières accumulées, enfin et surtout l'encombrement et le surmenage. » Nous ne pouvons que souscrire à ces paroles de M. Kelsch, car l’on sait que la fièvré typhoïde évolue pour ainsi dire sponta- nément chez les sujets affaiblis par un effort physique ou intellectuel. C'est pourquoi la fièvre typhoïde con- tinuera à sévir dans l’armée au lendemain de certaines marches d'entraînement, malgré l’eau stérilisée. Ce- pendant, il faut reconnaître que ces mesures de pro- phylaxie réclamées par l’Académie seront d’une grande utilité, notamment dans certaines garnisons de l'Ouest, et qu'elles feront diminuer, dans de fortes proportions, le nombre des typhiques. 1! Voir les conclusions de ce Rapport dans la Aer. gén. * des Se. du 15 novembre 1903, &. XIV, p. 1122. 10 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE S 11. — Enseignement Conseil Académique et Conseil de lUni- versité de Paris. — Suivant l'usage introduit l'an dernier, le Conseil Académique a tenu, le 148 décembre, une séance en commun avec le Conseil de l'Université. Cette séance, présidée par M. Liard, a été consacrée tout entière au compte rendu, par les doyens et direc- teurs, des actes de leurs établissements respectifs qui sont de nature à intéresser à la fois l'enseignement supérieur et l’enseignement secondaire. Ces comptes rendus ont donné lieu à d'intéressantes observations, dont voici les plus importantes : M. Debove, doyen de la Faculté de Médecine, à cons- taté une légère diminution du nombre des étudiants en médecine. Il ne faut pas s'en plaindre, car la carrière est encombrée, et il est bon que les jeunes gens soient prévenus, avant d'entrer dans la carrière médicale, des difficultés qu'ils y rencontreront. Il a ensuite ap- pelé l'attention du Conseil sur la nécessité d’un ensei- gnement pratique de l'Hygiène et des prophylaxies spéciales à la jeunesse dans les lycées et les écoles; la santé des élèves, leur moralité et l'avenir même de la nation y sont intéressés. A la Faculté de Droit, d'après le Rapport de M. Glas- son, le nombre des étudiants va chaque année crois- sant. Il en vient de tous les départements; il est pro- bable qu'avec le baccalauréat unique, le nombre des étudiants en droit s’accroitra encore davantage, même avec le service militaire de deux ans. Cela pourrait être un bien, car il est bon, dans une démocratie, que le plus grand nombre possible de citoyens aient des con- naissances pratiques en droit. Mais il faudrait, à côté des cours de licence et de doctorat, avoir des cours plus élémentaires, à la suite d'une réforme du certificat de capacité en droit. La communication de M. Croiset, doyen de la Faculté des Lettres, a porté surtout sur l’organisation du tra- vail des étudiants à l’intérieur de la Faculté et sur les baccalauréats. L'introduction de professeurs de lycées dans les jurys n’a rien modifié à la proportion des can- didats recus et des candidats éliminés. M. Appell, doyen de la Faculté des Sciences, a parlé des enseignements nouveaux de la Faculté des Sciences, où l'on se préoccupe de plus en plus d'unir la pra- tique à la théorie. A l'Ecole Supérieure de Pharmacie, M. Guignard, di- recteur, a dit que le nombre des étudiants a diminué. Ce n’est pas seulement le fait de la suppression des pharmaciens de 2° classe, mais surtout du nombre excessif des pharmaciens exercant en France. M. Henrot, directeur de l'Ecole de Médecine et de Pharmacie de Reims, à fait connaître que cette Ecole est en prospérité croissante. A propos du baccalauréat, M. Liard à fait d'intéres- santes remarques. Il a rappelé que cette année, pour la première fois, des professeurs de l'enseignement secon- daire ont siégé dans les jurys. Il à pensé qu'il y aurait intérêt à recueillir leurs observations et leurs impres- sions, non seulement sur les examens en eux-mêmes, mais surtout sur les tendances et les directions qu'ils peuvent révéler dans l’enseignement secondaire en général, sans distinction de caractère public ou privé des établissements. Les réponses des professeurs cons- tituent un document intéressant et instructif, qui est une sorte de tableau de l’enseignement secondaire ou du baccalauréat par des professeurs de l’enseignement secondaire. M. le Vice-Recteur a fait connaître au Con- seil les plus significatives de ces réponses, notamment pour la Philosophie, les Lettres, l'Histoire etles Sciences. Toutes ces réponses concordent en ceci que, sauf ex- ception, les études de toutes sortes semblent faire appel plus à la mémoire qu'aux facultés d'observation, de réflexion et de jugement. Un laboratoire de Physiologie appliquée. — Le temps n'est plus aux seules recherches d'ordre spéculatif : hier, l'industrie s'emparait des laboratoires de Physique et de Chimie et en tirait des éléments de rénovation et de développement qui lui donnent actuellement un essor qu'elle n'a jamais conuu. D'un autre côté, nous voyons les Sociétés philanthropiques, aux Etats-Unis, s'orienter dans une nouvelle direction : elles ont pensé, avec juste raison, que les laboratoires de Biologie doivent jouer, d’une façon analogue, un rôle immédiat et intense dans la solution des pro- blèmes de la vie, qu'il leur appartenait d'étudier, de critiquer et de codilier les conditions d'existence des individus et des collectivités. Les Pouvoirs publics, en France, ne pouvaient pas rester étrangers à ce mouvement, et le premier pas vient d'être fait par le Conseil municipal de Paris, qui a adopté, sur la proposition de M. Bussat, un projet de création d'un laboratoire de Physiologie appliquée. La voie est ouverte, et demain le physiologiste placé à la tête de ce laboratoire se trouvera en face d’un vaste programme de recherches déjà clairement tracé dans le remarquable projet de M. Bussat: question de ration alimentaire; valeur respective des différentes subs- tances alimentaires; travail musculaire; intoxication alimentaire, intoxication gazeuse, etc. Ne pouvant songer à retirer profit à très brève échéance de recherches dont quelques-unes serout de longue haleine, l'auteur du projet a pensé à mettre immédiatement en valeur les données physiologiques déjà acquises en demandant au directeur du nouveau laboratoire de les exposer dans des conférences des- tinées aux élèves des Ecoles professionnelles et des Ecoles normales de la Ville de Paris. Ainsi propagées, les notions capitales de Physiologie appliquée à l'Hy- giène rendront, à n'en pas douter, les plussignalés ser- vices. C’est donc d’une œuvre à double fin, et de la plus haute importance, que la Ville de Paris prend l'initia- tive en créant un laboratoire de Physiologie appli- quee. Une Chaire de Physique générale à la Sorbonne. — Le ministre de l'Instruction publique vient de déposer sur le bureau de la Chambre un pro- jet de loi portant création à la Faculté des Sciences de Paris d'une Chaire de Physique générale. Cette Chaire est destinée à M. Curie. Le vote de ce projet donnerait pleine et entière satisfaction aux désiderata que nous formulions dans notre précédent numéro (Æevue du 30 décembre, p. 1240). Conférences de la Société des Amis de l'Université. — Les Conférences faites à la Sorbonne sous le patronage de la Société des Amis de l’Univer- sité sont définitivement organisées ainsi qu'il suit : 44 janvier 4904. M. D. Berthelot (Pharmacie): Trans- port et distribution de la force par l'électricité. 21 janvier 1904. M. Revon (Lettres) : Le Japon mo- derne. 28 janvier 4904. S. A. le prince de Monaco : grès de l’Océanographie. 4 février 1904. M. Portier (Sciences) : Les migrations de la sardine et la crise sardinière. 41 février 1904. M. A. Lods (Théologie protestante) : Les Hébreux croyaient-ils à la vie future ? 48 février 1904. M. P. Curie (Sciences) : Le radium. 25 février 4904. M. Renault (Droit) : Un cas d’arbi- trage devant le tribunal de La Haye. 3 mars 1904. M. Thoulet (Sciences, Nancy) : Les lois physiques de l'Océan et leurs relations avec les êtres qui l'habitent. 47 mars 1904. M. Dieulafoy (Médecine) de défense contre l’appendicite. 24 mars 4904. M. Richet (Médecine) Les pro- : Nos moyens : L'asphyxie. A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ 1 LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ PREMIÈRE PARTIE : LA PRÉPARATION DU RADIUM ET SON RAYONNEMENT Les phénomènes de radio-activité et la décou- verte du polonium ont déjà fait l’objet d'un impor- tant article de M"° Curie dans cette ÆRevue'. Get article, publié au moment même de la découverte du radium, indiquait déjà la nature du problème si passionnant posé par l'existence des éléments radio-aclifs. Depuis cette époque, un mouvement scientifique considérable s’est créé, gràce à la dé- couverte du radium et gràce à la production de matières fortement radio-actives. L'étrangelé des phénomènes observés excite de plus en plus la curiosité du monde scientifique et même celle du grand public. De nombreux cher- cheurs s’en occupent aujourd'hui, et, parmi ceux qui ont fait avancer le plus l'étude de la radio-activité, en dehors des savants français à qui l’on doit la découverte des substances radio-actives et de phé- nomènes très importants relatifs à la radio-activité, nous pouvons citer : en Angleterre, MM. J.-J. Thomson, Sir William Ramsay, Dewar, Crookes et Soddy ; en Amérique, M. Rutherford ; en Allemagne, MM. Elster et Geitel, Giesel, Kaufmann el Des Cou- dres. La bibliographie du sujet est maintenant con- sidérable, et les faits nouveaux se succèdent rapi- dement; aussi est-il impossible de se faire en ce moment une idée exacte du développement que prendra cette question. J'indiquerai seulement, dans cet article, Les principaux faits qui sont défi- nilivement acquis et je discuterai les hypothèses qui peuvent guider actuellement les recherches. I. — PREMIÈRES RECHERCHES. Les premiers phénomènes de radio-activité ont élé découverts par M. H. Becquerel en 1896. Ce savant montra alors que l'uranium et ses composés émettent spontanément et d'une facon continue des rayons capables d'impressionner laplaque photogra- phique, d'ioniser les gaz pour les rendre conduc- teurs de l'électricité, de traverser des corps opa- ques. M" Curie, en France, et M. Schmidt, en Allemagne, trouvèrent simultanément, en 1898, que les composés du thorium possèdent également ces propriétés. M" Curie établit ensuite nettement que cette propriété nouvelle de la matière, que nous appelle- rons la radio-activité, est une propriété atomique, ? MmeS, Conte : Les Rayons de Becquerel et le Polonium. Revue gén. des Sciences du 30 janvier 4899, t. X, p. #1 et suivantes. c'est-à-dire qu'elle appartient à tous les composés d'un même élément, el que l'intensité du rayonne- ment, mesurée exactement par une méthode élec- rique dans les composés d'uranium et de tho- rium, est proportionnelle à la quantité d’élément, uranium ou thorium, contenue dans le composé. Elle montra également que la radio-activité de cer- tains minéraux contenant de l'uranium (pechblende, chalcolite, etc.) est plus grande que celle de l’ura- nium métallique, et qu’au contraire la chalcolite, reproduite artificiellement à partir de l'uranium pur, est moins active que celui-ci. C'est celte obser- vation qui à conduit à la découverte des nouvelles substances radio-actives. M. et M" Curie relirèrent alors de la pech- blende des substances fortement radio-actives : d'abord, une matière chimiquement analogue au bismuth; puis, en collaboration avec M. Bémont, une autre matière chimiquement analogue au baryum. S'appuyant sur ce fait que la radio- aclivité est une propriété atomique, ils émirent en même temps l'hypothèse que, lorsqu'une subs- tance est radio-active, elle contient un élément particulier qui lui communique cette propriété. Comme la nouvelle substance analogue au bismuth ne contenait ni uranium ni thorium; comme, de plus, sa radio-activité était beaucoup plus forte que celle de ces éléments, ils supposèrent qu'elle contenait un nouvel élément radio-actif, qu'ils nommèrent Polo- uium, et ils donnèrent le nom de Radium à l'élé- ment contenu dans la substance radio-active ana- logue au baryum. Ces matières furent ensuite préparées à un état très concentré; les effets devinrent très intenses, et des phénomènes très curieux furent découverts. La radio-activité, cette forme particulière de l'énergie, se dégage continuellement des corps radio-actifs sans qu'on puisse déterminer la cause de ce dégagement d'énergie; certains com posés sont spontanément lumineux et restent lumi- neux un temps considérable, plusieurs années; des effets de coloration sont produits sur un très grand nombre de corps : verre, porcelaine, sels alca- lins, etc. Enfin, le regretté Eugène Demarcçay examina les sels de baryum radifères au spectroscope photogra- phique et constata l'existence de raies nouvelles. IL 1 E. Demarcay : Le Spectre du Radium. Revue gén. des Sciences du 30 septembre 1900, t. XI, p. 10%. justifia ainsi l'hypothèse émise primilivement que ces matières renferment de nouveaux éléments. Tels sont rapidement résumés les fails qui ont été signalés précédemment dans cette Revue. La question s’est développée ensuite lrès rapide- ment. L'existence du radium comme nouvel élé- ment chimique élant complètement démontrée, des sels de radium purs furent préparés et de nouvelles substances radio-actives furent découvertes. L'ex- traordinaire intensité radiante de ces substances (elle peut atteindre un million de fois celle de l’ura- nium) permit une étude approfondie des divers rayonnements qu'elles émettent, et cetle étude est venue préciser d'une manière très heureuse les hypothèses faites sur la nature des rayons catho- diques. Enfin, de nouveaux phénomènes ont élé découverts; quelques-uns paraissent tellement différents de ce que nous connaissions jusqu'à présent, qu'on peut dire qu'une voie entièrement nouvelle et probablement d'une importance capi- tale est ouverte aux recherches scientifiques. II. — L'ÉLÉMENT RADIUM. J'indiquerai d’abord les expériences qui établis- sent l’individualité du radium comme élément chimique. On sait que les nouvelles matières radio-actives ont été relirées jusqu'ici des minéraux d'urane (pechblende, carnotile, etc.), qui les contiennent en proportion extraordinairement petite, et que l'extraction de ces corps présente de grandes diffi- cullés. Cependant, on suit très facilement leur pré- sence dans les différents traitements chimiques, grâce à leurs curieuses propriétés, el l'on peut avoir une mesure de leur concentration dans un produit en déterminant l'effet de conductibilité électrique sur les gaz, ou l'effet photographique. Ce dernier effet est, d'ailleurs, peu susceptible de mesure exacte. Une organisalion sérieuse de mesures de ce genre est absolument indispensable pour suivre l'effet des différents traitements chimiques et pour être sûr de ne pas perdre une partie des matières radio- actives. L'unité de mesure qui a servi à M. et M°° Curie est la radio-activité de l'uranium mélal- lique. Il serait à souhaiter que les auteurs qui s'occupent de celte question prissent la peine de comparer l'activilé de leurs produits avec cette unité; cela éviterait beaucoup d'incertlitudes et de confusion. Le radium a été obtenu jusqu'ici presque exclu- sivement à partir des résidus insolubles du traite- ment de la pechblende de Joachimstahl. Une pre- mière opéralion consiste à séparer tout le baryum contenu dans ce produit, lequel est un mélange compliqué, renfermant surtout des sulfates de 2 A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ plomb, de chaux, des oxydes d'aluminium, de fer, de la silice et, en faible quantité, presque tous les éléments métalliques connus. Le baryum que l'on extrait de ce minerai par des méthodes basées sur ses propriélés chimiques contient tout le radium : mais celui-ci est encore à un élat extré- mement dilué, puisque l'activité de ce baryum radifère est seulement 60 à 100 fois celle de l’ura- nium. La séparation du radium, ainsi noyé dans une grande quantité de baryum, s'effectue au moyen de cristallisations fractionnées dans l’eau ou en solutions acides, à l’état de chlorure ou mieux à l'état de bromure. Les portions les moins solubles sont les plus riches en radium. Toutes ces opérations constituent un travail con- sidérable, et ce n'est qu'après plusieurs années, en opérant sur d'énormes quantités de malières pre- mières, qu'on est arrivé à l'obtention d’un sel pur. On peut compter que deux décigrammes de chlo- rure de radium pur proviennent du traitement de 1.000 kilogs de résidus, ce qui correspond à une quantité encore plus grande de pechblende. Le travail de l'isolement du radium est très pénible et coûteux, et la dépense est le plus grand obslacle à la rapidité des recherches. La con- centration du radium est constatée par l’augmen- tation de l'intensité du rayonnement, el, dans les derniers fractionnements, on peut obtenir une matière dont la radio-activité est environ un million de füis plus grande que celle de l'uranium. A l'hypothèse d’un nouvel élément chimique un premier appui fut apporté par le fait qu'il s'opérait une concentration par cristallisation fractionnée, ce qui implique une différence de solubilité entre les sels radio-actifs et les sels non radio-actifs. Mais bientôt des preuves certaines de l'individualité chimique du radium furent trouvées. Demarçay fit l'examen spectral photographique des produits radio-actifs au fur et à mesure de leur concen- tration et il trouva bientôt un nouveau spectre. D'abord, on vit une seule ligne nouvelle; puis un spectre très brillant, entièrement nouveau, se mon- tra à côté de celui du baryum. L'intensité des nou- velles raies allait en croissant à mesure que l'aeti- vité du produit augmentait; à la fin, les raies les plus intenses du baryum avaient presque complète- ment disparu. On avail done un élément chimique nouveau, en partie caractérisé par ce nouveau spectre !. Une autre vérification importante fut faile simul- tanément par la détermination des poids atomiques desproduitsdu fractionnement. Cette détermination, qui peut être très précise lorsqu'on prend quelques précaulions, fut essayée dans toutes les portions très ‘ Ce spectre a déjà été donné par la Revue, t. XI, p. 1045. tie hot Éd ELLE ELLE ES mt té. A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ 13 actives; à mesure que le travail de concentralion s’effectuait, on constalait une augmentation de plus en plus notable dans le poids atomique, et les différences avec le poids atomique du baryum (137) furent bientôt si grandes qu'il devint absolument certain qu'un nouvel élément à poids alomique élevé était contenu dans les sels de baryum forte- ment radio-aclifs. L'augmentation de la radio-activité correspond toujours à une augmentation de l'éclat du nou- veau spectre et à une augmentation du poids atomique. L'hypothèse émise par M. et M®° Curie au début de leurs recherches, que la radio-activité des substances extraites de la pechblende est due à de nouveaux éléments chimiques, se trouve donc complètement vérifiée pour l’une de ces substances. Les fractionnements furent continués avec per- sévérance et l’on oblint du chlorure de radium pur. La pureté de ce sel peut être reconnue par l'examen spectral. La seule impureté qui accom- pagne le radium étant le baryum, et la réaction spectrale de cet élément étant extrèmement sensible, il est très facile de savoir si le sel de radium en contient des quantités appréciables. Lorsque l'examen spectral eût montré que le baryum n'était plus présent qu'à l'état de traces, le poids atomique ful déterminé soigneusement. La masse du chlorure de radium pur obtenu à ce mo- ment était seulement de un décigramme. Malgré cette faible quantité de matière, on put s'assurer, par des mesures comparatives faites avec des quan- tilés identiques de chlorure de baryum, que la mesure comportail une précision assez grande. La moyenne des résultats oblenus fut de 225, valeur très éloignée, comme on le voit, du poids ato- mique du baryum (137). Une indication nouvelle de la pureté du sel employé fut apportée par ce fait que des déterminations effectuées après de nou- velles crislallisations donnèrent le même résuilat. Le nombre 225 doit donc représenter le poids ato- mique du radium avec une assez grande précision, et M®° Curie, qui fit cette détermination, pense que l'erreur possible ne doil pas être supérieure à une ou deux unités‘. ? MM. Runge et Precht ont, postérieurement, essayé une détermination du poids atomique du radium en se basant sur la comparaison de éertaines lignes de son spectre avec celles des spectres des éléments de la mème famille : Ba, Sr, Ca, Mg, Zn; cette étude les conduisit au nombre 257 pour le poids atomique du radium. Ce nombre ne peut pas être pris en considération devant le précédent, qui fut obtenu par une mesure directe, avec un produit présentant tous les caractères de la pureté, el par une méthode tout à fait pré- cise. On doit également remarquer que la méthode de MM. Runge et Precht, fondée sur les relations entre les fré- quences de certaines raies spectrales, ne fait intervenir qu'un nombre très restreint des raies du spectre des éléments: qu appliquée aux métaux alcalins, elle présente une excep- tion importante quant au potassium, dont Le poids atomique Ainsi fut obtenu, après plusieurs années de tra- vail, un sel pur d'un élément dont l'existence, révélée par des propriétés entièrement nouvelles, fut d'abord soupçonnée par M. et Me Curie dans un minéral, la pechblende, qui en renfermait seule- ment la cinq millionième partie de son poids. Le nouvel élément, complèlement caractérisé, se place naturellement à la suite du baryum parmi les métaux alcalino-terreux, et son poids atomique, 225, le range au-dessous du baryum dans une case non encore remplie d’une colonne de la table de Mendéléeir. Ses propriétés chimiques le rapprochent complè- tement du baryum. Ses sels sont généralement moins solubles que ceux du baryum, et sont iso- morphes avec eux; la différence de solubilité est la plus nette pour les bromures:; les azolates semblent avoir sensiblement la même solubilité; le sulfate et le carbonate sont insolubles ; ce dernier est légère- ment soluble dans les sels ammoniacaux. Tous les sels radifères sont lumineux; la luminosité est la plus intense avec le platino-cyanure, le bromure et le chlorure. Les effets de radio-activité provoqués par les sels purs de radium sont extraordinairement intenses. Is excitent fortement la phosphorescence d'un très grand nombre de substances : platino-cyanure de baryum, de potassium, sulfate d'uranyle et de polasse, sulfure de zinc phosphorescent, sulfure de calcium, pierres précieuses, rubis, diamant, verre, etc. Naturellement, les effets électriques et photographiques sont de même ordre. Nous examinerons maintenant les différents phc- nomènes physiques provoqués par le radium. L'élude de ces phénomènes fut poursuivie simul- lanément de divers côtés, grâce à l'obligeance de M. et M"° Curie, qui prêtèrent complaisamment leurs produits les plus actifs à plusieurs savants, grâce aussi à la mise en vente dans le commerce de composés radifères. III. — LE RAYONNEMENT DU RADIUM. Les différents travaux sur le rayonnement des sels de radium ont montré qu'à côté de la lumière et de la chaleur dégagées par ces sels, on peut dis- linguer trois espèces de rayons, dont les proprié- tés communes sont les suivantes : 1° Ils rendent les gaz capables de décharger les corps électrisés, et ce phénomène est identique à celui que provoquent les rayons cathodiques ou les rayons de Ræntgen ; il est dû à la créalion de charges électriques égales et de signes contraires ne correspond pas à celui qu'indique la loi, et qu'enfin les propriétés si spéciales du radium peuvent être la cause d'une anomalie dans la disposilion de ses raies spectrales. 14 A. DEBIERNE -- LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ dans les gaz. On dit que ceux-ci sont ionisés; 2 Ils impressionnent la plaque photographique et traversent certains corps opaques; 3° Ils excitent la phosphorescence de certains corps. Ils ne se réfléchissent pas et ne se réfractent pas. Ces rayons, primitivement désignés dans leur ensemble sous le nom de rayons de Becquerel, ont élé éludiés par M. et M° Curie, MM. H. Becquerel, Villard, Giesel, Elster et Geitel, Dorn, Meyer, von Schweidler, Rutherford, Kaufmann, Des Cou- dres, elec. Les trois groupes de rayons désignés par les lettres «, 8 et sont différenciés facilement par l'action d'un champ magnétique. Sous l’action d’un champ magnétique intense, les rayons « sont faiblement déviés, de la même ma- 1. — Action du champ magnétique sur l'ensemble des force du champ Fig. o . rayons de Becquerel. — Les lignes de sont normales au plan de la figure et dirigées vers l'ar- rière de ce plan : «, rayons chargés positivement, ana- logues aux rayons-Canaux de Goldstem; 8, rayons char- ués négativement, analogues aux rayons cathodiques: y, rayons non Charges, analogues aux rayons Rôntgen. nière que les rayons-canaux de l'ampoule de Crookes; les rayons 5 sont fortement déviés, comme les rayons cathodiques; au contraire, les rayons 7, comme les rayons de Rœntgen, ne subissent aucune déviation. On retrouve, d'ailleurs, les autres pro- priétés des différents rayonnements qui ont été caractérisés dans le tube à vide, et il est naturel de penser que le mode d'excitation est également de nature électrique. L'action du champ magnétique peut être repré- sentée schémaliquement par la figure 1. Le radium étant placé au fond d’une pelite cuve de plomb très profonde, il s'échappe de l'ouverture de la cuve des ra yons formant un faisceau rectiligne. Si l'on éta- blit un champ magnétique intense et uniforme, normal au plan de la figure el dirigé vers l'arrière e ce plan, les rayons « sont faiblement déviés vers la gauche, les rayons & sont fortement déviés vers la droite et suivent des trajectoires circulaires, les rayons y gardent leur direction primitive. Ces trois groupes de rayons peuvent être également carac- térisés par des différences de pénétration. $ 1. — Rayons ©. Les rayons « sont les moins pénélrants ; ils cons- tituent une partie importante de l'énergie rayon- nante tolale émanant du radium. Une feuille d'aluminium de quelques cenlièmes de millimètre d'épaisseur suffit pour absorber la plus grande partie du rayonnement x. Ces rayons, caractérisés d'abord par leur faible pénétration et par une loi particulière d'absorption, ont été considérés longtemps comme non déviables dans un champ magnétique. C'est M. Rutherford qui, le premier, en montra la dévialion; elle est très faible, même avee un champ magnétique intense. M. Becquerel a pu, cependant, délerminer la valeur de cette déviation par une méthode pho- tographique analogue à celle qu'il avait déjà employée pour les rayons 6. Les rayons « sont éga- lement déviés dans un champ électrique, et cette dévialion a été mesurée par M. Des Coudres. L'existence de ces deux déviations et leur sens per- mettent de considérer les rayons « comme des pro- | jectiles chargés posilivement et animés d'une grande vitesse. Ces projectiles, d'après les mesures de M. Des Coudres, auraient une masse beaucoup plus grande que celle des projectiles cathodiques. Les rayons z suivent une loi particulière d’ab- sorption : ils sont d'autant moins pénétrants qu'ils ont traversé une quantité plus grande de matière; c'est le contraire qui a lieu pour les rayons de Rôntgen. Cette loi d'absorption correspond à une diminution d'énergie cinétique du projectile à mesure quil rencontre plus de-matière. Lorsqu'un sel de radium est enfermé dans un tube de verre scellé, l'effet des rayons « ne se fait pas sentir à l'extérieur; à l'air libre, à la pres- sion ordinaire, ces rayons ne produisent plus d’ac- lion à une distance du sel supérieure à > ou 6 cen- timètres. Il est probable que c’est la charge positive de ces rayons peu pénélrants qui produit, au moins en partie, l'électrisation du radium enfermé dans un vase qui se laisse traverser par les rayons £. Cette électrisation du radium a élé constatée pour la pre- mière fois par M. et M#* Curie, dans des expériences qui seront décrites plus loin, et les expériences récentes de M. Wien n'ont fait que confirmer leurs résultats. La charge positive des rayons + permet de les considérer comme analogues aux rayons-Canaux de Goldstein, produits dans le lube de Crookes; son. tte ni A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ mais ils sont beaucoup plus pénétrants, ce qui doit indiquer une vitesse plus grande des particules chargées positivement. $ 2. — Rayons f. Ces rayons sont, en général, beaucoup plus péné- trants que les rayons «; ils sont composés par une infinité de rayons de pénétrations différentes, et cer- tains d'entre eux peuvent traverser une lame de plomb de 1 millimètre d'épaisseur ou une colonne d'air de plusieurs mètres de longueur. Ils sont de même nalure que les rayons cathodiques et peuvent être considérés comme des particules chargées né- gativement félectrons) et animées de grandes vilesses. La propriété qui permet de les rapprocher des rayons cathodiques, el qui a été d’abord découverte, est la déviation par un champ magnétique. Elle a été constatée presque simultanément par MM. Gie- R Ë P ee = — Re Fig. 2. — Déviation magnétique des rayons B.— Le fais- ceau de rayons R provenant du radium passe entre les plateaux d'un condensateur: l'un de ces plateaux est porté à un certain potentiel, par une batterie de pile P; entre est en communication avec l'électromètre E, et on mesure le courant provoqué par le passage des rayons. Lorsqu'on établit un champ magnétique normal au plan de la figure, les rayons 8 sont déviés en R', et interceptés par l'écran métallique e. Le courantmesuré à l'électro- mètre diminue. sel, Meyer et von Schweidler et M. H. Becquerel. Elle peut être observée par l’un des trois procédés qui permettent de caractériser les rayons Becquerel. Si l'on emploie la méthode électrique, l'expérience peutêtre disposée de la manière suivante (fig. 2) : Un faisceau de rayons R, provenant d'un fragment d’un sel de radium, et neltement défini par un trou étroit percé dans un écran métallique e, passe entre les deux plateaux d’un condensateur. On établit une différence de potentiel entre les deux lames, et l'ionisalion du gaz, provoquée par le faisceau de rayons, détermine un courant dont on mesure l'in- tensité à l’aide d’un électromètre. Si, sur le passage des rayons et perpendiculairement au plan de la figure, on établit un champ magnétique, l'intensité du courant diminue : une partie des rayons a élé déviée sous l'influence du champ, et les rayons déviés R' ont été interceptés par l'écran. 15 Lorsqu'un écran au platinocyanure de baryum est placé sur le lrajet des rayons, on observe une tache lumineuse qui se déplace lorsqu'on établit un champ magnétique ; ce déplacement change de sens quand on renverse le champ magnétique. Le procédé photographique, employé par M. Bec- querel, permet d'observer la déviation d'une facon précise et de déterminer les trajectoires des rayons déviés. Si les rayons 8 sont bien constitués par des particules chargées négativement, le calcul montre qu'un champ magnélique uniforme, perpendiculaire à leur direction, doit transformer la trajectoire rec- tiligne en une trajectoire circulaire, dont le rayon de courbure $ est donné par la formule : Ho Ave où H représente l'intensité du champ magnétique, y la vitesse du projectile cathodique, 17 sa masse, e sa charge électrique. La mesure du rayon p et du champ H correspondant donne donc une première relation entre la vilesse v etle rapport _. Dans une des expériences de M. Becquerel, les trajectoires s'inscrivent sur la plaque photogra- phique. Une petile cuve en plomb, contenant un grain de radium, est placée devant un écran métal- lique percé d'un petit trou; un faisceau très étroit est ainsi défini et peut impressionner une plaque photographique placée dans son plan. Si l'on pro- duit un champ magnétique uniforme perpendi- eulaire à la plaque, les rayons déviables s'incurvent, et la plaque photographique gardera l'empreinte de leurs trajectoires. Le cliché obtenu montre que les rayons B subissent une véritable dispersion par l’aimant; le faisceau dévié est considérable- ment étalé à la facon d'un spectre (fig. 1). L'hété- rogénéilé des rayons $, déjà indiquée par les diffé- rences de pénétration, est ainsi mise nettement en évidence. On peut également constater, en interposant dif- férents écrans, que les rayons les plus pénétranis sont les moins déviables, ce qui correspond bien à une plus grande vitesse. Une autre expérience très simple permet de déterminer les rayons des tra- jectoires circulaires. Il suffit de meitre la cuve en plomb contenant le radium sur une plaque pholo- graphique (fig. 3). En l'absence de champ magné- tique, la plaque n’est impressionnée que par les rayons traversant la cuve de plomb. Lorsqu'un champ mazsnétique suffisamment intense est établi, les rayons déviables s'incurvent et viennent im- pressionner la plaque à côté de la cuve. On obtient alors une tache qui commence à une certaine dis- tance de la cuve. Les rayons ont suivi les trajec- | toires circulaires indiquées sur la figure, et il est 16 facile de mesurer le diamètre de ces lrajecloires. La déviation par un champ électrique, qui est une autre conséquence de la nature des rayons £, a élé montrée par MM. Dorn et Becquerel. La va- leur de celle déviation fournit une deuxième rela- . e . « tion entre le rapport > el la vitesse. Elle peut être déterminée de la manière suivante : Un faisceau Fig. 3. — Mesure du rayon de courbure des trajectoires des rayons f dévies par un champ magnétique. — R, sel de radium; P. plaque photographique. Les rayons f, après déviation, suivent les trajectoires circulaires T, et impres- sionnent la plaque photographique de A en B. étroit de rayons passe entre deux lames d'un con- densateur. Lorsqu'un champ électrique uniforme est établi entre les deux lames, chaque rayon $ est attiré vers la lame chargée positivement et déerit un are de parabole ; àsasortie du champ électrique, il suit la direction de la tangente à cette parabole. Le faisceau est recu sur une plaque photographique normale à sa direction, et l'on détermine la distance entre la tache produite lorsqu'il n’y à pas de Fig. 4. — Déviation électrique des rayons 8. — Une diffé- rence de potentiel très grande est établie entre les deux lames LL: sous l'influence du champ électrique, le fais- ceau de rayons 8 est dévié et, au lieu d'impressionner la plaque photographique en a, il limpressionne en D; ab représente la déviation 6. champ électrique et celle qui est produite en pré- sence du champ. L'équation suivante : » FifI De = nu 1) MVP 2 donne la relation qui doit exister entre celte dévia- È à e ; Sie hs Sn Lion à, le rapport — ,la vitesse v et l'intensité du 1 champ électrique F; 7 représente la distance par- courue par le rayon entre les lames du condensa- teur, 2 la distance parcourue depuis la limite du champ électrique jusqu'à la plaque. A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ Cette deuxième relation, combinée avec la rela- tion indiquée précédemment, permet de calculer le e Ë rapport — et la vitesse r. 111 Les nombres tirés des expériences de M. Bec- querel sont les suivants : = — 107 unités C. G.S. électro-magnétiques; v —1,6.10 centimètres par seconde. Les nombres ainsi obtenus ne peuvent être qu'approximatifs, car les impressions phologra- phiques sont loujours diffuses, à cause de l’hé- térogénéité du faisceau. Les champs électrique et magnétique produisant une dispersion des rayons, qui sont d'autant moins déviés qu'ils ont une vitesse plus grande, il n'est pas possible de délerminer, dans ces expériences, les déviations correspondant aux différentes espèces de rayons. Le problème a été résolu d'une manière très élégante par M. Kaufmann. Un grain de chlorure de radium pur, formant une source ponctuelle de rayons, est placé devant un écran percé d'un petit trou. Le faisceau très étroit ainsi déterminé passe entre deux lames d’un condensateur et est reçu sur une plaque photographique placée normalement. L'expérience est disposée dans un vase fermé dans lequel on peut faire le vide, ce qui permet de maintenir facilement un champ électrique suffi- samment intense entre les lames du condensateur. Tout l'appareil peut être placé dans un solénoïde. On peut donc produire en même temps un champ électrique et un champ magnétique uniformes. Les lignes de force de ces deux champs ayant même direction, le champ électrique produit une dévialion parallèle à la direction des lignes de force et le champ magnétique une déviation perpendiculaire à la même direction. Lorsque les champs magné- tique et électrique sont établis, chaque partie du faisceau vient donc frapper la plaque photogra- phique en un point déterminé par la valeur de la déviation électrique et celle de la déviation magné- tique, et l'ensemble de ces points forme une courbe dont la plaque photographique garde l'impression, et dont chaque point correspond à une espèce parli- culière de rayons 8. Les déviations magnétique et électrique correspondant aux différentes espèces de rayons sont facilement mesurées en détermi- nant les distances de chacun des points de la courbe aux directions des déviations, menées à partir du point d'origine oblenu par la trace du faisceau sur la plaque photographique lorsqu'il n’y à aucun champ. Le petit cliché obtenu par M. Kaufmann est très € e x A net; les valeurs de mn et y qui peuvent être dé-. duites des mesures de déviation sur ce cliché sont __—— A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ assez précises et données par le tableau suivant : e tac DRE # cts = — en unités CGS électro-magnétiques. ren em. par seconde. In 13110 2,36.1019 À A A RERO De NAN CREER ar GS 0,97: : (27 (Te (NGEREE RTS Les nombres obtenus par Simon pour les rayons cathodiques de l’ampoule de Crookes sont: 1,86.107 pour le rapport mn et 0,7.10" pour la vitesse r. Les . L vitesses des rayons 6 sont donc plus grandes que celles des rayons cathodiques, ce qu'il était aisé de prévoir, étant données les différences de pénétra- tion. Les rayons cathodiques ne peuvent, d'après Lénard, traverser une feuille d'aluminium d’une épaisseur plus grande que de mm.; dans 1. 1.000 l'air, à la pression atmosphérique, ils ne peuvent franchir que quelques millimètres, tandis que cerlains rayons $ traversent une lame de plomb de 1 millimètre d'épaisseur ou une couche d'air de plusieurs mètres. Le tableau qui précède montre également que certains rayons 8 ont une vitesse voisine de celle de la lumière (3.10 centimètres par seconde). Le tableau montre en même temps que le rapport e ; : He s de la charge électrique d'un projectile cathodique à sa masse diminue lorsque la vitesse augmente. Ce résultat avait élé prévu antérieurement, et les expériences de M. Kaufmann vérilient complète- ment la théorie si intéressante de M. Abraham, de Güttingen. Nous allons donner le principe de celte théorie. On sait que, suivant une théorie émise d’abord par Crookes et développée ensuite par J.-J. Thom- son et ses élèves, les rayons cathodiques sont con- sidérés comme des particules matérielles chargées négalivement (électrons) et animées de grandes vitesses. Si l’on admet que l'énergie des rayons cathodiques est représentée par la force vive Aer : A ( mv*) des particules matérielles en mouvement, ee / on peut calculer l'effet d’un champ électrique et celui d’un champ magnétique, et les formules que nous avons données plus haut sont obtenues par ce procédé. On peut donc, connaissant les dévia- tions, calculer la vitesse des projectiles cathodi- ques et le rapport sûr il résulte des expériences de MM. J.-J. Thomson et Townsend que la charge e du projeclile cathodique est la même que celle des ions dans les gaz et que celle de l'ion hydro- gène dans l'électrolyse. il en résulte donc pour la REVCE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. masse 2» une valeur bien déterminée, Cette masse calculée ainsi, est deux mille fois plus petite que celle de l'atome d'hydrogène, et toutes les pro- priélés des rayons calhodiques ordinaires sont bien représentées par une telle conception de la nature de ces rayons. M. Abraham a envisagé les rayons cathodiques à un autre point de vue : il a considéré l'énergie des rayons Cathodiques comme résultant du mouve- ment dans l’éther de la charge électrique de ces rayons, la vitesse d’une charge électrique ne pou-- vant être modifiée sans dépense d'énergie. Il trouva par le calcul que, lorsque la vitesse de la charge électrique ne dépasse pas une certaine valeur, l'énergie est sensiblement proporlionnelle au carré de la vitesse, c’est-à-dire que le résultat est le même que dans le cas d'une masse matérielle en mouvement. Mais, si la vitesse se rapproche de celle de la lumière, le calcul montre que l'énergie doit augmenter beaucoup plus rapidement que le carré de la vitesse, et qu'elle doit tendre vers l'in- fini pour une vitesse égale à celle de la lumière. La masse du projectile cathodique est done d'ori- gine purement électro-magnétique et est essentiel- lement variable; elle augmente quand la vitesse augmente et peut théoriquement devenir infinie. Les expériences de M. Kaufmann, qui montrent : Cr : qu'en effet le rapport mi diminue quand la vitesse augmente, confirment pleinement la théorie de M. Abraham, et viennent donner une base solide aux idées de ce savant. Ces idées peuvent avoir une importance capitale relativement aux hypothèses sur la constilution de la matière. En effet, dans les théories de Lorentz ct de Larmor, la matière est considérée comme formée par un système planétaire compliqué d'électrons en mouvement autour d'un centre, et la décou- verte de Zeeman a élé la conséquence de cette théorie. Si les propriétés des électrons en mouve- ment sont dues simplement à leurs charges élec- triques, il y a lieu d'envisager l'hypothèse que la matière est de nature entièrement électrique. Dans les expériences précédentes, la charge élec- rique des rayons 8 est révélée seulement par l'influence d'actions électriques ct magnétiques sur la trajectoire des rayons. M. ct M": Curie ont été plus loin: ils ontrecu celle charge sur un conducteur dont l'électrisation a pu être mesurée à l'électromètre. L'expérience, analogue à celle effectuée par M. Perrin pour les rayons catho- extérieures diques, est particulièrement délicate, à cause de la faible grandeur de la charge, qui, üe plus, est com- plèlement masquée par la forte ionisation provo- quée dans les gaz par le rayonnement du radium. Voici le dispositif qui a été employé pour éviter j* 15 A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ l'effet de l’ionisation de l'air. Une lame de plomb M, reliée à un électromètre E, est recouverte d'une couche de paraffine i sur laquelle est collée une feuille mince d'aluminium L en communicalion avec le sol (fig. 5). La lame de plomb ne peut donc pas recevoir les charges électriques contenues dans l'air. On place le radium R devant la lame de plomb, et les rayons £ assez pénétrants traversent la feuille d'aluminium, la couche de paraffine, et viennent déposer leurs charges négatives sur la lame de plomb. L'électromètre permet de constater Fig. 5. — Charge électrique des rayons f. — Le radium placé en R émet des rayons B, chargés d'électricité néga- tive, qui traversent la lame métallique LL en communi- cation avec la terre, l'isolant j et viennent déposer leurs charges sur le bloc métallique M en communicalion avec l'électrometre E. l'existence de ces charges et même de mesurer la quantité d'électricité reçue dans un temps donné. Cette quantité est naturellement très faible. Dans une autre expérience, le radium est placé dans une cuve de plomb À complètement entourée d'un diélectrique solide i et d'une feuille métallique mince L en relation avec le sol (fig. 6). La cuve est reliée à l'électromètre. Dans ces conditions, on cons- late une électrisation posilive spontanée de la cuve de plomb. Cette électrisation, qui à d’abord été Fig. 6. — Ælectrisation du radium. — Le radium KR, placé dans la cuve métallique À en communication avec l'élec- tromètre E, émet des rayons $ chargés négativement qui traversent l'isolant i et la lame métallique LL en com- munication avec la terre. Il prend une charge positive qui est mesurée à l’électromètre. considérée seulementcomme le complément néces- saire du départ des charges négatives des rayons £, peut ètre envisagée aussi comme la conséquence de la faible pénétration des rayons « chargés positivement. Geux-ci me peuvent traverser les corps solides, et leurs charges sont recueillies par l'électromètre. Cette électrisation positive est du ième ordre de grandeur que l’électrisation négative précédente. Le radium émet donc spontanément de l'électri- cilé positive et de l’électricité négative sous forme de rayonnements, et, s’il est entouré par une enve- loppe isolante qui laisse passer les rayons Snégalifs, il va se charger d'électricité positive, et son potentiel augmentera continuellement. Cette électrisation à été constatée d'une manière particulièrement frap- pante par M. Curie, il y a déjà longtemps, dans les cir- constances suivantes : Du radium ayant été enfermé pendant très longtemps dans un tube de verre scellé, le tube de verre fut entaillé à la lime pour être ouvert ; à ce moment une petite étincelle jaillit et perça la paroi de verre. Une telle décharge disruptive correspond à un potentiel intérieur de plus de dix mille volts et à une énergie qui n'est pas négligeable. Dans une autre circonstance sem- blable, M. Curie ressentit une petite secousse au moment de l'étincelle. Cette observation à été renouvelée récemment par M. Dorn. Les rayons $, de même nature que les rayons cathodiques de l’ampoule de Crookes, s’en distin- guent donc par une grande pénétration, et, malgré l'énergie considérable développée parles décharges électriques dans les tubes à vide, on n’a pas encore réussi à produire des rayons cathodiques de péné- tration comparable à celle des rayons 8 émanant du radium. Si l'on admet que le mouvement des parti- cules chargées des rayons 8 est dû, comme dans le tube à vide, à l'action d'un champ électrique intense sur ces particules, on doit admettre égale- ment que, dans les phénomènes de radio-activilé, des champs électriques d’une intensité extraordi- nairement grande sont mis en œuvre. $ 3. — Rayons }. On a désigné sous ce nom les rayons très pénétrants qui ne subissent aucune déviation sensible dans un champ magnétique ou un champ électrique ; leur pouvoir de pénétration est considé- rable : ils semblent analogues aux rayons de Rœntgen. Ils ont été découverts par M. Villard. Lorsqu'on a dévié les rayons 6 par un champ ma- gnétique et absorbé les rayons & par un écran, il ne reste plus que des rayons 7 dans le faisceau recli- ligne de rayons provenant du radium ; ceux-ci don- nent une trace tout à fait nelte, mais faible ,sur la plaque photographique. Ils traversent facilement les écrans et ionisent l'air faiblement. Cependant, l'énergie totale de ces rayons est peut-être considé- rable. En effet, si les effets sur la plaque photogra- phique et sur les gaz sont faibles, cela tient, en grande partie, à la faible absorplion subie par ces rayons. Ils semblent, d'après M. Curie, exercer une influence prépondérante pour faciliter le passage de l'étincelle électrique dans les gaz. Si l'on approche le radium de corps électrisés, la décharge disrup- live sous forme d'étincelle se produit plus facile- ment qu'en l'absence du radium. On constate éga- lement que, si l'on place un écran métallique | | A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ 19 devant le radium, l'effet n'est pas sensiblement diminué, même si l'écran métallique est très épais. En résumé, les rayons émis par le radium ont tous les caractères de ceux qu'émet l’am- poule de Crookes. Les rayons «, chargés positive- ment, correspondent aux r'ayons-canaux de Golds- tein, les rayons $ aux rayons cathodiques, et les rayons y aux rayons de ?œæntgen. Les rayons du radium sont seulement plus péné- trants. Tandis que les rayons-canaux ne parcourent dans le vide qu'une distance de quelques centi- mètres, les rayons « parcourent la même distance dans l'air à la pression atmosphérique. Les rayons . cathodiques traversent difficilement une feuille d'aluminium de 4 millièmes de millimètre d’épais- seur, et certains des rayons 8 du radium traversent une feuille de plomb d'un millimètre. Enfin, si les rayons de Rœntgen peuvent traverser une épaisseur assez grande de certains corps opaques, ils sont complètement arrêtés par une feuille de plomb d'un ou deux millimètres d'épaisseur, tandis qu’on peut constater un effet appréciable des rayons y à tra- vers une épaisseur de plomb de cinq ou six centi- mètres. Le rayonnement du radium est diffusé lorsqu'il rencontre un écran. Cette diffusion se produit, d'après M. Becquerel, surtout avec les rayons f. Lorsque ceux-ci rencontrent un corps solide, à l'entrée et à la sortie du corps solide il y à produc- tion de rayons secondaires peu pénétrants, ce qui donne des apparences particulières aux épreuves photographiques. Ces apparences ont été étudiées en détail par M. Becquerel. IV. — ExF&rs PRODUITS PAR LE RAYONNEMENT DU RADIUM. Le rayonnement du radium peut produire des effets de conductibilité électrique, des effets photo- graphiques et des effets de phosphorescence. $ 1. — Conductibilité électrique. Les différents rayons du radium qui ont été pré- cédemment étudiés rendent les gaz conducteurs de l'électricité, et cette conductibilité est de même nature que celle qui est produite par les flammes, la décharge disruptive, les rayons de Rœntgen. Elle résulte, dans le cas du radium comme dans les cas précédents, de la formation de centres électrisés posilifs et négatifs, qu'on appelle des ions; et ces ions ovnt même charge, même mobilité sous l'influence d’un champ électrique dans tous les cas. Tous les rayons du radium produisent cette ioni- sation, et la mesure de l’ionisation a servi jusqu'ici à déterminer l'intensité du rayonnement. Cette interprétation n'est, d’ailleurs, légitime que lorsque la Lotalité du rayonnement est absorbée par le gaz dont on mesure l'ionisalion : lorsque les rayons sont très pénétrants, on ne peul avoir ainsi une mesure exacte de l'intensité du rayonnement, Cette mesure peut se faire en déterminant la vitesse de décharge d'un électroscope chargé, en communica- lion avec un condensateur recevant le rayonne- ment. On peut également, pour avoir plus de sen- sibilité, utiliser un électromètre et compenser la décharge du condensateur par une charge déter- minée, obtenue par une traction connue exercée sur un quarlz piézo-électrique. Cette méthode, indiquée par M. et M®° Curie, est d'un emploi très commode et permet d'obtenir des mesures précises. M. Curie à montré que les rayons du radium peuvent rendre légèrement conducteurs les liquides diélectriques, tels que l'éther de pétrole, l'huile de vaseline, la benzine, etc. La paraffine solide devient également faiblement conductrice. S 2. — Effets photographiques et chimiques. Les différents rayons du radium impressionnent la plaque photographique, et cette propriélé a été très utile pour révéler certains phénomènes. Cer- tains rayons traversant facilement les corps opaques, on peut obtenir des radiographies comme avec les rayons X, en plaçant un fragment de radium devant l'objet posé sur une plaque pho- tographique. Les épreuves sont moins nettes qu'avec les rayons X, à cause de la production de rayons secondaires et de la diffusion des rayons. Cependant, on peut avoir des épreuves assez nettes en utilisant seulement les rayons y. Les radiogra- phies peuvent être obtenues en plaçant le radium, enfermé dans un tube de verre, à deux mètres de distance de l'objet et de la plaque; mais les diffé- rences de pénétration sont peu sensibles, exceplé pour les métaux; les os, par exemple, sont presque aussi transparents que la chair. Diverses actions chimiques ont été également observées. C'est ainsi que M. Berthelot a pu réaliser cerlaines décompositions, qui se produisent égale- ment sous l'influence de la lumière : l'anhydride iodique est décomposé en iode et oxygène; l’acide azotique donne des vapeurs nilreuses. M. Becquerel a constalé la transformation du phosphore blanc en phosphore rouge et la transformation en calomel du bichlorure de mercure mélangé d'acide oxa- lique. M. Hardy a obtenu la décomposition de l'iodoforme en solution benzénique ou chlorofor- mique avec formation d’iode, et a observé aussi certaines actions sur les solutions colloïdales. $ 3. — Effets de phosphorescence et de coloration. La phosphorescence d’un très grand nombre de corps est provoquée par les rayons du radium. Les 20 sels alcalins et alcalino-terreux, certaines matières organiques, le coton, le papier, le verre, les sels d'urane, le diamant, les pierres précieuses, elc., deviennent lumineux sous l'influence des rayons du radium. Cette phosphorescence est particuliè- rement intense avec le platino-cyanure de barçum, le diamant, le sulfure de zine, le sulfure de cal- cium et certains minéraux : la blende de Sidot, la willémite, ete. Les sels de radium ou de baryum radifère sont lumineux, et particulièrement le bromure etle chlo- rure. Cette luminosité, qui peut durer plusieurs années, est due en grande partie à la phospho- : rescence du sel sous l'influence du rayonnement qu'il émet lui-même. Elle est suffisamment intense dans certains cas pour permettre la lecture d’un journal; elle peut même se voir en plein jour. La lumière émise par le bromure est la plus forte; elle est d'une teinte tout à fait analogue à celle du ver luisant. Le chlorure peut avoir une teinte bleue dans certaines circonstances. La lumière émise par les sels de radium a été récemment examinée par M. et M" Huggins, au spectroscope. Ils ont constaté ce fait très curieux que le spectre n'est pas parfaitement continu ; il présente des renforcements, dont les positions cor- respondent exactement aux bandes brillantes du spectre de l'azote, obtenu en analysant la lumière produite par des décharges électriques à travers ce gaz. Il est naturel de penser que ces bandes sont dues aux décharges électriques du rayonnement du radium à travers l'air ocelus ou environnant. La totalité de la lumière des sels de radium ne serait done pas due à la phosphorescence de ces sels. La phosphorescence du sulfure de zinc sous l'influence du rayonnement du radium est accom- pagnée d'un phénomène toul à fait inaltendu, découvert par Sir William Crookes. Lorsqu'on approche un grain de radium d'un écran au sulfure de zine, el qu'on examine à la loupe la lueur émise par cet écran, on constate sur celui-ci la production de petites étoiles brillantes, qui s'éleignent el se renouvellent constamment en des points différents. Le petit appareil permellant de réaliser celte expérience a été nommé par M. Crookes le sprntha- risrope. L'action ne se produit qu'à une courte dis- tance du radium, et M. Crookes a admis qu'elle est provoquée par les rayons +. Il admet que chaque élincelle résulte du choc d’un projeclile des rayons x, qui doivent, d'après ce que nous avons vu plus haut, une relativement grande. M. Becquerel à constaté que le phénomène se pro- duit également avec d’autres corps phosphores- cents : platino-cyauure de baryum et sulfate d’ura- nyle et de polasse, et il pense qu'il est analogue avoir masse A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ aux étincelles qui se produisent lorsqu'on brise un cristal d'azotate d'urane ou un cristal de sucre. Dans le cas signalé par Crookes, la rupture du corps phosphorescent serait causée par les chocs répélés des projectiles des rayons «. Les corps phosphorescents sont modifiés sous l'influence des rayons du radium. Ces modifica- lions, qui avaient déjà élé constatées sous l'in- fluence des rayons cathodiques et des rayons X, peuvent être plus profondes avec le radium. Le platino-cyanure de baryum se colore en brun foncé, le verre prend des teintes brunes ou violeltes qui peuvent être très foncées, les chlorures alealins se colorent en bleu ou en violet, le sulfate de potas- sium se colore en vert émeraude très intense, le quartz transparent devient du quartz enfumé, la topaze incolore devient jaune orangé, et les sels de radium, d'abord incolores, se colorent en gris, en jaune ou en violet. En même temps que le corps se colore, il devient non phosphorescent, et la lumière qu'il émet devient de plus en plus faible. On peut penser que l'énergie de cette transformation inter- vient dans la quantité d'énergie lumineuse émise par le corps phosphorescent. Le phénomène parait être tout à fait général; chaque fois qu'un corps devient phosphorescent, il se transforme en un aulre corps non phosphores- cent. Cette seconde matière est généralement forte- ment colorée. Les matières qui proviennent de la transformation des corps phosphorescents doivent être considérées comme des modifications d'un ordre spécial; on ne peut pas, je crois, assimiler cette transformation à une réaction chimique ordi- naire, comme on l'avait primitivement proposé. On avait pensé que les colorations du verre et des sels alcalins proviennent d'une réduclion, soit à l’état métallique très divisé, soit à l’élat de sous-sels, des matières phosphorescentes. Une vérification de celte manière de voir semblait avoir été donnée par M. Giesel: il avait, en effet, obtenu une transforma- Lion des sels alcalins paraissant identique à celle que produisent les rayons cathodiques, par exposition du sel à l’action de la vapeur des métaux alcalins ; on obtient ainsi un produit bleu tout à fait analogue aux malières précédentes. Mais on peut facilement reconnaitre une différence essentielle : tandis que l'action de la chaleur ou de la lumière ne produit aueune modificalion du sous-sel alealin obtenu par la vapeur métallique, le sel alcalin coloré par les rayons du radium se décolore sous l’action de la lumière, et, lorsqu'on le chauffe, la décoloration est accompagnée d'un dégagement de lumière; ilse produit un phénomène de thermo-luminescence. Les produits colorés obtenus avec le radium nous paraissent donc d'une nature tout à fait par- ticulière et ne peuvent être considérés comme des A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ 24 composés chimiques ordinaires; malheureusement, ils ne résistent pas aux transformations chimiques, et la simple dissolution dans l’eau du sel alcalin coloré suffit pour détruire la coloration. Il sera done difficile d'être définitivement fixé sur la nature de ces produits si curieux. $ 4. — Effets physiologiques. Les rayons du radium agissent sur les tissus végélaux et animaux et sur les bactéries. Sur les végétaux, M. Giesel a constaté le jaunis- sement rapide des feuilles, et M. Matout a observé que, lorsque les rayons agissent longtemps sur les graines, leurs facullés germinatives sont détruites. L'action sur la peau a été observée dans un très grand nombre de cas : elle est analogue à celle que produisent les rayons X. Lorsque la peau a été exposée au rayonnement du radium, il apparait, quelque temps après, une rougeur qui se trans- forme peu à peu en une plaie plus ou moins grave. La rougeur apparait après un temps d'autant plus long que l'impression a été plus courte. Dans un cas d’une exposition de huit minutes, la rougeur est apparue seulement au bout de deux mois. Les tis- sus avaient donc gardé à l'état latent l'impression du radium sans modiäcalion extérieure apparente. Si l'exposition est assez longue, la brûlure apparait au bout de quelques jours; une ampoule se forme quelquefois ; dans certains cas, l’ulcération est très longue à guérir. Certaines brûlures faites volontai- rement par M. Curie sur lui-même n’ont été guéries qu'au bout de quatre mois, el une cicatrice très marquée est restée. L'action parait, d'ailleurs, différente suivant les personnes, et celles qui ont déjà été brûlées par le radium deviennent particu- lièrement sensibles. On à cherché à utiliser cette action pour le trai- tement de certaines maladies de peau, et M. le D'Danlos à obtenu des résultats très encourageants avec le lupus. L'épiderme malade est détruit par l'action du radium else reforme ensuite à l'état sain. On à également signalé récemment de divers côtés une action thérapeutique sur le cancer. On sait que certains effets ont déjà été produits par les rayons de Rôüntgen; or, le radium semble conduire aussi à des résullats encourageants. Peut-être les rayons très pénétrants émis par le radium per- mellront-ils d'obtenir des résultats dans un plus grand nombre de cas qu'avec les rayons X, qui, jusqu'ici, semblent n’exercer d'action bien nelte que dans le cas d’affections superficielles. De plus, le dosage et la localisation de l’action du radium sont très faciles à obtenir; aussi, si les résullats obtenus sont confirmés, il est probable que le radium deviendra un agent thérapeutique très important. M. Danysz en a essayé l’action sur différents tissus animaux ; celle action se produit surtout sur la peau et sur les tissus nerveux. Une exposilion assez courte sur le système nerveux de souris, de cobayes et de lapins détermine la paralysie, puis la mort. CeL effet a été également constaté sur les chenilles et Les larves d'insectes. M. Bobn a fait agir les rayons du radium sur les animaux en voie de croissance. Une exposition de larves de grenouilles et de crapauds à ces rayons produit un amoindrissement de la croissance, la formation de monstruosités et la mort des indivi- dus. Ces diverses actions présentent loujours le même caractère; elles ne se révèlent pas immédia- tement et se manifestent seulement tout à coup au moment où l’aclivité des tissus devrait augmenter. M. Bohn à fait également des expériences sur les éléments reproducteurs de l'oursin. Les rayons du radium affaiblissent rapidement les spermato- zoïdes, landis que les œufs soumis à cetle action semblent plus aptes à être fécondés ; dans certains cas, on a même pu obtenir la parthénogenèse. L'action sur les bactéries a élé étudiée d’abord par MM. Aschkinass et Caspari. Cette action est netle, mais assez faible, et la sensibilité est très différente suivant les espèces. Le charbon semble parliculièrement sensible. Enfin, une action qui résulte de phénomènes de phosphorescence a été observée par M. Giesel. Quand, dans l'obscurité, on approche de l'œil fermé un sel de radium suffisamment actif, on perçoit une impression de lumière. Si le sel est pur et suf- fisamment abondant, l’aclion est violente el se produit à travers la boile cranienne et même à travers un écran métallique; elle est donc due, en partie, à des rayons très pénélrants. Ce phénomène résulte, d'après les expériences de MM. Himstedt et Nagel, de la phosphorescence des milieux de l'œil. Toutes les parties de l'œil deviennent plus ou moins phosphorescentes sous l’action des rayons du radium, ce qui explique l'impression de lumière percue par la rétine. Ce phénomène peut être utilisé pour reconnaitre la nature des affections de l'œil chez les aveugles. Il résulte, en effet, des observations de M. le D' Ja- val que tous les aveugles chez lesquels la réüine est intacte perçoivent la lumière du radium, tandis que ceux dont la réline est atteinte ne perçoivent pas cette lumière. Les différentes actions physiologiques observées avec les rayons du radium indiquent que l'on doit prendre des précautions dans le maniement de ce corps. D'ailleurs, plusieurs brûlures accidentelles ont déjà été observées, et il est prudent de placer les produits très actifs dans une enveloppe métal- lique très épaisse. Si, jusqu'ici, on n’a eu à regretter 22 MARCEL BRILLOUIN — SIR GEORGE GABRIEL STOKES que des brûlures superficielles, les actions obser- Dans un second article, nous étudierons les autres vées par M. Danysz sur le système nerveux doivent | propriétés du radium et les hypothèses qui ont été rendre très prudentes les personnes qui mani- pulent les sels de radium très actifs. émises pour les expliquer. À. Debierne, Professeur à l'École Alsacienne. LA VIE ET L'ŒUVRE DE SIR GEORGE GABRIEL STOKES Sir George Gabriel Stokes, fellow of Pembroke College, Lucasian professor of Mathematics in the University of Cambridge depuis 1849, qui est mort le 42 février dernier, était né à Skreen, dans le comté de Sligo, en Irlande, le 13 août 1819; il devint membre de la Société Royale de Londres en 1851, obtint la médaille Rumford en 1852, et depuis lors toutes les Sociétés savantes et les Aca- démies du monde entier tinrent à le compter parmi leurs membres. Il avait succédé, comme Associé étranger de l’Académie des Sciences, à Weierstrass, le 19 février 1900. Au commencement de juin 1899, l'Université de Cambridge célébra son Jubilé avec la plus grande solennité, en présence des délégués de plus de soixante académies et universités. Un volume de Mémoires importants, publié à celte occasion par la Société philosophique de Cambridge, contient un beau portrait de Stokes et la reproduction de la médaille frappée en son honneur. Deux bustes de lui furent inaugurés, l'un à l'Université, l'autre à Pembroke College où il était entré jeune homme soixante-deux ans auparavant, en 1837. Stokes portait vaillamment ses quatre-vingts ans. C'était alors un petit vieillard sec et vif, au regard péné- trant. Sa surdité, malheureusement presque com- plète, ne l'empêchait pas, l’année suivante, lors de l'Exposition universelle, de s’aventurer au milieu de la cohue qui avait pris possession de Paris; il était resté un marcheur presque infatigable. Sa lucidité d'esprit et ses facultés inventives paraissent s'être conservées jusqu'à son dernier Jour. L'Université lui fit d'imposantes funérailles ; son cercueil fut porté autour de la cour de Pembroke College, suivant l’anlique coulume réservée aux Maîtres. Un long cortège, comprenant le clergé, les fellows du College, les anciens fellows et jusqu'aux undergraduated, rejoignit, près de la grande Église Sainte-Marie, un autre corlège parli de Senate- House, où se succédaient le Vice-Chancelier, les directeurs, docteurs, professeurs, etc., et d'innom- brables représentants des Sociélés savantes du monde entier, venus pour l'accompagner jusqu'au Mill Road Cimetiere, et lui dire un dernier adieu. Telle était la place tenue par Stokes dans la Science anglaise, que plusieurs de ses admirateurs avaient désiré pour lui le suprème honneur de West- minster. L'aclivilé scientifique de Slokes ne s'est pas démentie un instant depuis la publication de son premier Mémoire en 1842, il y a plus de 60 ans; la longue liste qu'on trouvera à la fin de cette notice en fait foi. Stokes x éludié un grand nombre de questions ressorlant de la Mécanique des fluides et de la Physique mathématique, et d'autres qui dépendent de l'Optique expérimentale et confinent à la Chimie; mais il ne paraît avoir rien publié, ni sur la Thermodynamique, ni sur les théories élec- triques, ni sur les théories moléculaires. C'est toujours du point de vue de la continuité, réelle ou apparente, de la matière quil part dans ses recherches théoriques, sans discussion, ni étalage de principes à ce sujet. Toutefois, il ne se refusait pas à envisager le rôle des molécules isolées dans les phénomènes physiques; nous en avons la preuve dans l'explication théorique de la phospho- rescence que Lord Kelvin nous a transmise, et plus nettement encore dans l'explication, publiée dès 1896 et qui reste pleinement satisfaisante, des pro- priétés des rayons découverts par Rôntgen. Dans tous les travaux de Stokes,on retrouve un mème souci, celui de pousser le développement des théories générales jusqu'à l'application aux problèmes particuliers et aux calculs numériques qui permettent un contrôle précis et complet de la théorie. Dans celte recherche, il s'est presque tou- jours montré d'une habileté supérieure dans l'art de préparer les équations différentielles et les for- mules pour le calcul numérique. À propos de la diffraction au foyer des lunettes astronomiques, il réussit, par d'ingénieuses remarques, à calculer la posilion des 40 premières franges avec moins de peine qu'Airy n'en avait eue pour les quatre premières seuiement (On the numerical calculation of a class of definite integrals and infinile series). Un autre exemple est fourni par le Mémoire de 1849 : « Discussion d’une équation différentielle relative à la rupture des ponts de chemin de fer ». C'est à la demande du Professeur Willis que Stokes entreprit l’élude de cette équation, pour en MARCEL BRILLOUIN —— SIR GEORGE GABRIEL STOKES 23 comparer les résultats avec ceux d'expériences destinées à fixer les conditions de sécurité d’em- ploi du fer dans les constructions exposées à des vibrations ou à des chocs violents. Cette équation : J'=8$8— 8 y(x— x") °, est éludiée sous tous ses aspects, préparée pour le calcul, et les intégrales satisfaisant aux conditions aux extrémités x = 0 et x— 1 sont calculées numériquement pour 8—0, 1, 2, 3,14, 5, 8, 12, 20, en faisant croître les valeurs de x par cinquantièmes ; enfin, les résultats sont repré- sentés par des épures, ce qui en rend l'interpréta- tion plus. claire. Indépendamment de l'intérêt propre de la question, on peut trouver là un modèle de discussion complète applicable à d'autres équations analogues. Les fonctions de Bessel, ou d’autres du même genre, surtout lorsque la variable grandit con- sidérablement, se sont présentées à lui maintes fois, dans divers problèmes d'Hydrodynamique et d’Acoustique, et chaque fois, non content de con- naître l'allure générale du phénomène, Stokes n’a pas hésité à pousser jusqu'au tableau numérique. S'attaquant à des problèmes précis, Stokes s’est souvent heurté à de très grandes difficultés, et en a triomphé, au moins dans les limites nécessaires à son but. Ainsi, après avoir donné à la théorie analytique de la viscosilé des fluides une forme devenue classique, il en fit l'application à une dif- ficile et importante question de technique géodé- sique, celle de la réduction au vide de la période des pendules, qui avait fait l’objet d'importantes recherches expérimentales de Bessel et surtout de Baily. Il avoue lui-même, au début de ce Mémoire, avoir été d’abord dérouté par la difficulté extraor- dinaire du problème à deux dimensions, celui du cylindre oscillant normalement à son axe, jusqu’au moment où il s’apercut que le problème à trois dimensions, celui de la sphère, est incompara- blement plus simple: nous savons maintenant qu'il en est souvent ainsi pour le domaine indéfi- niment étendu à l'extérieur du corps, parce que nous ne connaissons à l’avance que les conditions à distance infiniment grande par rapport à toutes les dimensions du corps, tandis que nous ne savons souvent rien pour les distances de l’ordre de l’une des dimensions du corps, même quand celle-ei est très grande par rapport aux deux autres. Après avoir poussé le plus loin possible l'étude rigoureuse du problème cylindrique, étude nécessaire pour cerlaines formes de pendules étu- diées par Baily, Stokes, sans se laisser rebuter par les difficultés de la question, guidé par la forme générale des résultats obtenus pour la sphère, réussit à donner des formules de réduction au vide représentant bien tous les résultats des trente-huit pendules de Baily (sur 96) auxquels la théorie est applicable. En ce qui concerne l'influence de la forme du pendule, cylindrique ou sphé- rique, suspendu par un fil ou une tige, l'accord de la théorie et de l'expérience est donc aussi satisfaisant que possible. La théorie, ne laissant rien d'indéterminé au point de vue géométrique, conduit à une valeur absolue de la viscosité de l'air, la première que l’on eût encore obtenue. Malheureusement Baily n'a opéré sur chaque pen- dule qu'à deux pressions, une atmosphère et un trentième d’atmosphère environ, et ni théorique- ment ni expérimentalement on ne pouvait sup- poser alors que, pour la viscosité, un trentième d’atmosphère est extrêmement loin d'être le vide; aussi la viscosité adoptée par Stokes est-elle beau- coup trop faible. En outre, l'absence d'observations aux pressions intermédiaires ne permetlant pas de déterminer la loi de variation de la viscosité avec la densité du gaz, Stokes admit, comme il semblait naturel, la proportionnalité de la viscosité à la densité. Qui eût pu, en effet, soupconner en 1850, dix ans avant les travaux de Maxwell, la loi, aussi exacte qu'imprévue, que celui-ci obtint d'abord comme conséquence de la théorie cinétique des gaz : la viscosité des gaz à température constante est indépendante de la densité. Aussi la forme même. de la correction finale de Stokes en fonc- tion de la pression doit-elle être modifiée en se reportant aux formules initiales. Au point de vue théorique, rien n’a été ajoulé à ce travail considé- rable, et personne n'a réussi à préciser l'influence de la forme du pendule mieux que n'a fait Stokes il y à un demi-siècle, tant les difficultés mathéma- tiques sont considérables. Pes difficultés singulières rencontrées au cours de ces recherches ont fait l’objet de trois Mémoires dans les Transactions de Cambridge en 1858, en 1869 et en 1889, sur la discontinuité des cons- tantes arbitraires que contiennent les développe- ments divergents, ou semi-convergents, si utiles pour le calcul numérique rapide, mais dont les constantes qui satisfont aux conditions limites sont particulièrement difficiles à déterminer, parce que le développement n’est pas valable jusqu'aux con- fins du domaine à explorer. Dans ses premiers Mémoires, Stokes détermi- nait les valeurs correspondantes des constantes dans la série descendante semi-convergente, et dans la série ascendante toujours convergente, en passant par l'intermédiaire d’une intégrale définie, équivalente à l’une et à l’autre forme ; dans son dernier Mémoire, en 1889, il montre comment on peut éviter cet intermédiaire quelquefois difficile à obtenir. La viscosité de l’air a fait l’objet de nombreuses expériences, la plupart instituées de manière à 2, MARCEL BRILLOUIN SIR GEORGE GABRIEL STOKES rendre calculables les valeurs aësolues d'après la forme de l'appareil en expérience, comme celles de Maxwell: mais il en est d’autres, où la forme de l'appareil, commandée par d'autres considéra- tions, rend le calcul rigoureux presque impossible, et qui, très soignées pourtant, mérilaient une dis- cussion approfondie : celles de Tomlinson, par exemple, au cours de ses études sur la torsion des fils métalliques, et celles de Crookes, aux plus basses pressions possibles, desquelles on peut tirer un contrôle de la loi de Maxwell sur la non influence de la densité. Stokes, seul peut-être ca- pable de faire une discussion théorique serrée de ces expériences, n'y à pas manqué, et a montré au-dessous de quelles limites de pression il faut faire intervenir directement la considération du chemin moyen dans l'interprétation des expé- riences. L'Hyÿdrodynamique, jusqu'aux confins de l'Hy- draulique, à fait l'objet d'un grand nombre de tra- vaux de Stokes au début de sa carrière : Rapports à l'Association Britannique; mémoires d'exposi- lion des principes; solutions de nombreux pro- blèmes particuliers, avec ou sans potentiel des vitesses; étude générale des mouvements symé- triques autour d'un axe; réaclions du fluide sur une ou deux sphères en mouvement varié; ondes d’oscillation; hauteur maximum d'une onde sans rotation, etc. Dans les problèmes particuliers, l’in- légralion au moyen de solutions simples conduit le plus souvent à des séries de Fourier, ou à des séries analogues. Stokes en a étudié les propriélés dans un curieux Mémoire (1847), où il donne les moyens de reconnaitre sur le développement en série les disconlinuités, soit de la série, soit de ses dérivées, d'après la forme du coefficient de rang » de la série en fonction de 2, ainsi que le moyen de débarrasser la série des termes qui la rendent dis- continue. Quiconque s'occupe d'Hydrodynamique en ma- thématicien ne peut manquer d'apporter sa con- tributlion au problème géodésique fondamental, celui de la forme de la Terre, du potentiel newlo- nien qu'elle produit au dehors, de la distribution de la pesanteur à sa surface, des densités inté- rieures. Stokes a cédé, lui aussi, à l'attrait de ces questions, etsa contribution n’est pas des moindres: il a, en effet, montré que l'attraction exercée par la Terre au dehors est entièrement définie par la masse totale et par la forme de la surface des mers, qui est, en fait, une surface d'équilibre pour l’action simultanée de la gravitation et de la force centrifuge. Lorsqu'on prend pour cette surface un ellipsoïde de révolution, la distribution de la pesanteur à sa surface, etl'action lointaine sur la Lune ou le Soleil, et réciproquement l'action de ces deux astres sur la Terre entière, sont définies par des expressions très simples, indépendamment de toute hypothèse sur la distribution interne des densités. Gelte indé- pendance ne peut plus étonner les physiciens, qui sont devenus familiers avec la traduction électrique et magnétique de la même propriété mathémalique du potentiel, et l'appliquent constamment en utili- sant les écrans; il n’en est pas moins important el curieux de constater que, pour calculer l’action, force et couple, de la Lune ou du Soleil sur la Terre, il suffit de connaître la forme extérieure de celle-ci el sa masse totale. L'accord des mesures de pesan- teur avec les valeurs de la nutation et de la préces- sion n'indique donc rien sur la constitution inté- rieure du globe terrestre, et, en particulier, n’est pas une confirmation de l'hypothèse de Laplace sur la fluidité initiale de la Terre. Le problème géologique de la distribution interne des masses est ainsi complèlement séparé du pro- blème extérieur proprement astronomique et géo- désique. Celle distinclion est entrée dans la science, et le nom de Stokes lui est justement attaché. Dans un second Mémoire, de la même époque, Stokes a traité, avec les développements les plus intéres- sants, la question géodésique pure, celle de la recherche de l’ellipsoïde au moyen des observations du pendule, c'est-à-dire de la réduction au niveau de la mer, et a semé bien des indications qui sont devenues classiques. La plupart des questions de Physique cosmique ont alliré l'attention de Stokes; on lui doit en par- ticulier des études sur les anémomètres; un appa- reil d’un emploi général pour l'enregistrement des heures de soleil; des études sur la photographie de la couronne solaire en dehors des éclipses, et sur les éclipses solaires elles-mêmes, etc. IT Une expérience de Leslie avait donné lieu aux plus singulières suppositions; la voici : un timbre est mis en vibration dans un réservoir, où l’on fait le vide; l'intensité du son transmis à l'extérieur diminue un peu; on laisse rentrer de l'hydrogène dans le réservoir vide : l’intensilé du son, au lieu d'augmenter, diminue encore davantage! Le phé- nomène est dû à l'augmentation de la longueur d'onde dans l'hydrogène, qui diminue l'importance des compressions et dilalations par rapport aux déplacements d'ensemble du gaz au voisinage immédiat du timbre, avec circulation de part et d'autre du bord vibrant. Cette explication qualita- tive une fois apercue, et donnée sous forme fami- lière, Stokes ne s'en contente pas, el cherche si l'ordre de grandeur théorique correspond à l'impor- MARCEL BRILLOUIN — SIR GEORGE GABRIEL STOKES 25 EE aa tance de l'effet observé. Tel est le point de départ d'un beau Mémoire sur les oscillations de l'air autour de sphères vibrantes, dont la théorie mathé- matique est, comme toujours chez Stokes, traduite finalement en nombres qui confirment pleinement l'explication proposée. Nous ne pouvons songer à donner ici une idée de l’ensemble des Mémoires de Stokes sur l'Acous- tique; de même, à peine pouvons-nous indiquer de nombreux Mémoires d'Optique physique, sur des bandes d'interférence dans le spectre, sur les anneaux de Newton à la limite de réflexion totale et au delà, sur les houppes d'Haidinger, sur l’ana- lyse de la lumière elliptique et la réflexion métal- lique,ete…, tous mémoires en partie théoriques, en partie expérimentaux ; car Stokes maniait lui-même les appareils et en étudiait scrupuleusement la construction pour en obtenir le plus de précision possible. Il faut pourtant signaler à part toute une discussion sur la constitution de l’éther lumineux et l'aberration de la lumière; Stokes montre qu'un entrainement, par le mouvement de translation de la Terre, de l’éther qui environne la Terre, donne- rait lieu aux phénomènes d’aberration observés, si les vitesses de l’éther avaient un potentiel, et si, en pénétrant dans Les corps qui le traversent, l'éther prenait instantanément la densilé dont le carré de l'indice de réfraction donne la mesure. Il faut rap- peler aussi tout le Mémoire sur la théorie dyna- mique de la diffraction et la direction des vibra- tions lumineuses ; ce Mémoire, qui date de 1849, est, bien entendu, écrit en langage élastique; mais les développements mathémaliques ne diffèrent pas tant que le langage, et l'on trouve pour la première fois, dans ce Mémoire, la notion des sources de con- densalion et de rotalion, celle des sources secon- daires, qui ne sont devenues familières à la plupart des physiciens que depuis Hertz. Enfin, la théorie de la double réfraction proposée par Stokes est assez voisine, elle aussi, de celle que fournit la théorie électromagnétique de la lumière, et, comme toujours, elle a amené Stokes à discuter la précision avec laquelle les mesures définissent la surface d'onde réelle. Ces indications, déjà longues, et pour- lant très incomplètes, montrent avec quelle conti- nuité, quelle probité scientifique et quelle pénétra- tion Stokes a accompli, pendant soixante ans, ce qui est proprement le devoir du professeur d’enseigne- ment supérieur, en dehors de sa chaire. III Il nous reste à parler du phénomène dont Stokes a découvert la loi fondamentale, celui de la fluores- cence. Sir D. Brewster en 1833, Sir G. Herschell en 1846 avaient observé, l’un sur le spath fluor, l'autre sur une solution de quinine, la belle coloration de ces substances exposées au soleil, et sa localisation superficielle dans une couche de faible épaisseur ; ils avaient vu l'inégale aptitude des diverses sources à produire cette lumière, et ce fait étrange que la lumière solaire, après avoir traversé une première couche de substance qui n'en modifie pas la cou- leur, est devenue incapable de produire de nouveau le phénomène; d'explication, point. Stokes com- prend que ce dernier fait n’est possible que si la lumière change de période à la surface du corps, et il achève de s'en convaincre en observant à l'aide de verres colorés, et constatant que le verre absor- bant, placé entre la source et la solution de quinine, ou entre la solution et l'œil, ne produit pas du tout le mème effet : un certain verre enfumé, presque incolore, près de la source supprime la fluores- cence, près de l'œil la laisse intacte; un autre verre brun-puce, près de la source laisse à la fluo- rescence son éclat, près de l'œil la supprime tota lement. Recourant alors au spectre, Stokes constate l'exactitude de ses vues : c’est la partie ultra-vio- lette du spectre incident qui agit, et lPaclion ne commence que pour la lumière de période plus courte que le bleu renvoyé par la quinine : c’est «l'obscurité rendue visible ». La lumière change done de période par la rencontre de certaines substances ; la période est allongée, mais tantôt la lumière fluorescente est presque simple, tantôt elle est elle-même très complexe comme il arrive avee le gaïac. Un très grand nombre de substances végétales en solution, les feuilles, les pétales des fleurs, les algues elles-mêmes sont fluorescentes. L'énumération et les descriptions de Slokes sont interminables ; les sels d’urane, en particulier, sont étudiés avec un soin et un détail extrèmes. Puis viennent les applications qu'on en peut faire : appli- cations théoriques sur la direction de la vibration en lumière polarisée; — applications pratiques, comme l'étude du spectre ultra-violet sans l’aide de la photographie; distribution des raies, pouvoir absorbant, pouvoir réflecteur, étude des flammes, de l'étincelle électrique, des éclairs; — applica- tions chimiques, marche des réactiuns auxquelles prennent part les substances fluorescentes, eLc. Outre toute cette riche moisson de faits, et la loi de l'accroissement de longueur d'onde, ce Mé- moire contient encore l'indication que la lumière fluorescente paraît être émise avec la même inlen- sité en tous sens, et proportionnellement à l'inten- sité incidente, sans être influencée par le passage d’une lumière étrangère dans une direction quel- conque à travers la solution fluorescente. Bien qu'au premier aspect la fluorescence paraisse ces- ser instantanément au moment où l'éclairement cesse, Stokes reconnut plus tard, par un examen 26 au miroir tournant, que la lueur dure un temps mesurable avant de s'éteindre; la différence avec la phosphorescence n'esl, à ce point de vue, qu'une différence de degré. : Le changement de longueur d'onde dans la fluorescence parut d'abord être un fait isolé, dont Stokes chercha l'explication dans la loi d'attraction des atomes à l'intérieur de la molécule; car le phénomène se produit dans la molécule, l'influence de la concentration et celle de la nature du dis- solvant sur la longueur d'onde étant minimes. Pour obtenir un semblant d'explication, il dut supposer que l’action qui ramène l'atome à sa posilion d'équilibre varie plus vite que la simple distance; à celle idée se raltachent les expériences sur la loi de l'intensité de la fluorescence en fonction de l'intensité de la lumière incidente, et sur l'influence possible du passage simultané de faisceaux lumi- neux transversaux. Les résultats de ces expé- riences ne furent pas favorables à l'hypothèse; pour lever l'obstacle, Slokes proposa d'admettre qu'une très petite fraction du nombre total des molécules présentes suffit à absorber toute l’énergie converlible en fluorescence, et que les autres molécules restent entièrement en repos; le nombre de molécules mises en vibration croitrait alors proportionnellement à l'intensité incidente. Pendant les dix-huit années suivantes, Slokes continua à publier des recherches sur ce sujet, tant au point de vue chimique qu'au point de vue physique, ainsi que sur des sujets connexes comme la réflexion métallique des corps autres que les métaux; assez peu satisfait de ses apereus de 1852 sur la théorie du phénomène, il fut extrèmement frappé des admirables découvertes spectroscopi- ques de Kirchhoff et Bunsen, en 1860; plus lard enfin, en 1867, une observation de laboratoire le mit sur la voie d’une explicalion nouvelle, qu'il n’a publiée qu’en 1901 en réimprimant ses œuvres, mais que lord Kelvin avait déjà fail connaître, en 1883, dans sa conférence sur la grandeur desatomes. Voici le problème dynamique simple, dont l’ana- logie avec le phénomène physique lui parut mani- feste : une corde tendue, flexible et inextensible, chargée de masses équidistantes, est mise en mouvement périodique en un de ses points; si la période est plus longue que la plus courte période propre du système, le trouble s'étend indéfiniment le long de la corde; si, au contraire, la période imposée est plus petile que la plus courte période propre du système, le mouvement reste localisé au voisinage du point attaqué, et y devient énorme; son amplitude s'éteint exponentiellement avec la distance. Lorsque la source cesse d'agir, le mou- vement imposé se transforme en mouvements propres du système. Il y aurait encore bien à dire MARCEL BRILLOUIN — SIR GEORGE GABRIEL STOKES à ce sujet; mais, tout incomplète qu'elle soit, l'ana- logie proposée ouvre la voie utile. En outre, selon la remarque de Stokes : « le phénomène de Ja fluorescence, qui n’est qu'une très brève phospho- rescence, paraît tout à fait semblable à cet autre qui nous est tout à fait familier, celui de l’échaufte- ment d'un corps au soleil, et de l'émission corréla- tive de radiations peu réfrangibles ». IV Sans discuter ici les limites d'exactitude de l’as- similation, et la question de la « calorescence » de Tyndall, on ne peut manquer d'être frappé de l’analogie d'une partie des caractères de la fluores- cence avec quelques-unes des propriétés surpre= nantes des radiations nouvelles qui révolutionnent la Physique depuis moins de huit ans. Aussi Stokes, qui n'avait cessé de se tenir au courant de toutes les découvertes des physiciens et des travaux auxquels avaient donné lieu les rayons cathodiques, apprit-il avec une curiosité passionnée les nouvelles manifestations de ces rayons hors des tubes vides, découvertes par Rüntgen. Et sur ce sujet, qui semble situé au cœur même des phé- nomènes électriques, c’est ce physicien, qui n’a pas écrit une fois les mots : « théorie électroma- gnétique de la lumière » et qui continue à penser en théorie dynamique au sujet de l’éther, qui va donner le mot de l'énigme et fournir tous les éléments d'une théorie générale des rayons Rüntgen dont il faudra bien, sans tarder beaucoup, que l’on poursuive toutes les conséquences expérimentales. Ces deux | langages différents, électrique et dynamique, ser- vent à énoncer bien des relations quantitatives identiques ou très peu différentes, et Stokes s'était familiarisé par une longue méditation, depuis son premier Mémoire sur la diffraction, avec tous les aspects de la propagation des perturbations trans- versales dans un milieu incompressible. Aussi, tandis que la plupart des autres physiciens lais- saient leur pensée errer ou même vagabonder, Stokes, ordonnant les faits à mesure qu'ils étaient publiés, construisait rapidement une théorie qui s'adapte exactement à lous les faits connus. La découverte de Rüntgen avait éclaté dans le monde en décembre 1895; moins d’un an après, dans une Adresse au « Victoria Institute », Stokes énoncçait, d’abord avec quelque prudence, et con- firmait en post-scriptum lors de l'impression de l'Adresse, l'opinion que les rayons de Rüntgen dérivent d'ondes de durée totale très brève, non périodiques. Le 12 juillet 1897, il faisait un exposé magistral de cette théorie devant la Société litté- raire et philosophique de Manchester, dans une conférence sur « la nature des rayons Rüntgen », re MARCEL BRILLOUIN — SIR GEORGE GABRIEL STOKES aussitôt reproduite et traduite en toutes langues. Je ne chercherai point à la résumer; le lecteur francais la trouvera traduite intégralement dans l'Éclairage électrique (t. XIV, p. 374-387). Je ne le priverai pas du plaisir de la lire; j'en extrais seu- lement la description théorique du phénomène, tel que Stokes se le représente : « Voici, dès lors, ce que je conçois relativement à la constitution des rayons Rüntgen : une pluie de molécules part de la cathode électrisée, molécules se suivant comme les gouttes d’eau dans une averse. Elles frappent successivement la paroi anticathodique, et le choc de chaque molécule produit dans l'éther une pulsation en partie posilive, en partie néga- tive. Il se produit ainsi une suile indéfinie de ces pulsations, provenant des divers points de la région anticathodique non protégée par un écran. » D'où l'absence de diffraction et l'absence de réfraction, résultant immédiatement de l'absence de périodicité régulière. Les savants anglais du siècle écoulé ont donné à la conférence scientifique une saveur rare; dans celte conférence, comme dans la série des lectures Burnett, dont il uous reste à parler, Stokes s'est montré l’égal des plus grands. Y John Burnett, marchand à Aberdeen, mort en 1784, avait, entre autres fondations charitables et pieuses, établi un prix, à distribuer tous les qua- rante ans aux deux meilleurs essais sur l'existence de Dieu, sa bonté et sa sagesse, d’abord indépen- damment de toute révélalion écrite, puis au point de vue chrétien, avec les conséquences utiles à l'humanité. En 1881, le Gouvernement, jugeant cet intervalle de quarante ans trop long, appliqua les fonds à des conférences poursuivies pendant trois années, de cinq en cinq ans, sur l'Histoire — l’Ar- chéologie — les Sciences physiques — les Sciences naturelles, — dans un esprit conforme aux vues du testateur. Les administrateurs décidèrent de com- mencer par les Sciences physiques et s’adressèrent à Stokes. Telle est l'origine des trois petits livres sur la Lumière. La première année, 1883, Stokes traita de la nature de la lumière ; l’année suivante, de la lumière comme moyen d'investigation, et, pour terminer conformément aux intentions de J. Burnett, en 1887, des effets bienfaisants de la lumière. Ce sont, en tout, douze conférences, dans les- quelles Stokes explique avec une merveilleuse aisance la théorie des ondulations, la fluorescence, la polarisation rotatoire, les applications astrono- miques de la spectroscopie, l'effet des radiations sur la vie terrestre, la structure de l'œil, et termine, LS — sans effort, par une véritable profession de foi chrétienne (3° Cours, p. 93 et 97). « Comme chré- liens, nous croyons que Dieu nous à été révélé, comme cela n'avait jamais eu lieu auparavant, par cet Être Divin qui emprunta notre nature, et résida parmi nous, plein de grâce et de vérité. La gran- deur de l'Univers nous montre quelque chose de la grandeur de l’Auteur; mais, lorsque nous étu- dions le caractère du Fils, image de l’invisible Dieu, nous apprenons, comme on ne l'avait jamais appris auparavant, que Dieu est Amour. » C'est là un trait de caractère commun à plusieurs savants anglais. Pour n'en rappeler qu'un seul, mais des plus grands, Michel Faraday s'occupait, comme on sail, très activement de la gestion temporelle et spirituelle de l'Église de la petite secte fondée par R. Sanderman; Stokes n'était pas moins zélé, parait-il, et se livrait fréquem- ment à la prédication. Mais. sauf en celte occa- sion unique, aucune de ses œuvres scientifiques ne révèle d'autre préoccupation que celle du pur savant. C'est que, suivant le mot célèbre attribué à Laplace, en Mathématiques, en Astronomie, et même en Physique, « on ne rencontre pas Dieu », au xix° siècle du moins, car, au xvi°, la rencontre était encore dangereuse. Ce domaine est désormais si bien acquis à la science pure que les plus fer- vents croyants, les indifférents, et les purs athées peuvent collaborer à la même œuvre expérimen- tale ; tous sont également déterministes dès qu'ils ont franchi le seuil du Laboratoire ou de l'Observa- toire. C'est dans les sciences biologiques que le conflit règne encore au xx° siècle, et que tout l'homme apparait dans l'œuvre scientifique; c'est aux abords du problème de l’origine de la vie et de la source de la pensée que les deux domaines, religieux etscientifique, se pénètrent encore. Aussi, pour satisfaire au vœu du fondateur, et trouver « ce qui est, existant par soi-même, el sans cause », Stokes, dans sa dernière leçon, après avoir indiqué comme favorable à l’idée de création le fait que les corps célestes n’ont pas toujours existé tels que nous les voyons, s'attaque au problème de la vie; s'appuyant sur un article de sir W. Dawson, dans The Religion tract Society, sur les transformations de la vie dans les temps géologiques, pour repousser le point de vue transformiste, il ajoute : « Con- tentons-nous de remarquer que, si, pour l’origine première de la vie sur la Terre, la science est impuissante à en rendre compte, et si nous devons avoir recours à quelque cause ultra-scientifique, il n'ya rien d'antiphilosophique dans la supposition que cetle cause ultra-scientifique ait pu agir aussi dans la suile » (p. 89). Passant à l'étude de l'œil, puis des êtres vivants, et y trouvant la manifesta- tion évidente d’un plan (design), par conséquent 28 d'un esprit ordonnateur, Stokes en conelut l'exis- tence de l'Être incréé, de celui qui a dit à Moïse « Réponds aux enfants d'Israël : JE surs (1 am) m'a envoyé vers Vous ». Si j'ai insisté sur cette dernière conférence, c'est qu'il est maintenant extrêmement rare qu'un phy- sicien ou un mathématicien éminent, même très pieux, soit amené à émettre, dans une publication scientifique, une profession de foi chrétienne aussi nelle, et, donnant les raisons de sa convic- lion, à les exposer au jugement des hommes de science; c'est aussi que, dans Stokes, tout l'homme, modeste, sincère et dévoué, est bon à connaitre. Tout le monde sait quels reproches amicaux Lord Kelvin lui a plus d’une fois adressés : c'est une théorie de la phosphorescence, que nous n'avons d'abord connue que par les conférences de Lord Kelvin; c'est une théorie de la double réfraction, si peu indiquée en quelques lignes de la British Association que Lord Rayleigh développa la même et que Glazebrook l’étudia expérimentalement sans se douter de la rencontre. C'est une transformation générale aussi importante que celle de Green, que Maxwellextrait des questions posées pour l'examen du prix Smith (1894). Que d'autres encore, à en Juger par cette lettre signée « Chemicus », que publia Nature (19 fév. 1903, p. 367 peu de temps après sa mort : « . Entré en correspondance avec Slokes vers 1893, sans êlre connu de lui, il mit néanmoins de suite à ma disposition sa vaste puis- sance intellectuelle, m'aida de ses encouragements et de ses avis, d'une manière qui eût été libérale venant du meilleur ami, et dont la valeur était incomparable, pour son abondance, sa lucidité et sa ponclualité. Il lui arriva de m'écrire jusqu'à trois lettres en un jour, et d'y ajouter un télégramme pour me dire qu'il craignait de $'êlre exprimé dans une de ses leltres avec trop de confiance », et Stokes agissait ainsi, paraît-il, avec d'innombrables savants! Nous ne connaîtrons tout le rôle quil joua dans la Science, et dont témoigne hautement l'admiration et la déférence affectueuse de tous les savants anglais à son égard, que le jour où sa correspondance scientifique sera publiée; souhai- Lons au moins que, dès à présent, l'Université de Cambridge s'efforce de la recueillir aussi complète que possible, et de concentrer les originaux ou des copies authentiques dans ses archives. C'est un complément nécessaire à la publication intégrale de ses Mémoires et Notes déjà imprimés, que nous espérons bien voir poursuivre sans délai, et auxquels il serait bien utile d'ajouter, au moins, un choix des questions posées par Slokes aux exa- mens les plus difficiles de l'Université. Marcel Brillouin, Pro’esseur au Collège de Fran:e. MARCEL BRILLOUIN — SIR GEORGE GABRIEL STOKES Liste des œuvres de Stokes. rois volumes de Mémoires, datant de 1842 à 1852, réimprimés par l'imprimerie de l'Université de Cam- bridge; les titres des Mémoires contenus dans ces trois volumes ne sont pas reproduits dans la liste qui suit. Les numéros d'ordre de la première partie de la liste sont ceux de la Bibliographie de la Société Royale de » Londres. Lorsqu'un Mémoire à paru dans plusieurs re- cueils, je n'ai inscrit que le titre du plus répandu. Depuis 1883, je ne réponds pas que la liste, relevée principalementau moyen des Fortschritte der Physik, soit complète. 2, 1842-1843. Phil. Mag. On the analytical condition of the rectilinear motion of fluids, with refe- rence to a paper by Prof. Challis. 8. 1846. Phil. Mag. Remarks on Prof. Challis’s theo- relical explanation of the aberration of light. 1848. Br. Ass. Rep. On à difficulty in the theory of light. . 1848. Br. Ass. Rep. On the refraction of light beyond the critical angle. 1848. Cambr. and Dubl. Math. Journ. Note on the duis of instantan-ous rotation. 1818. Cambr. and Dubl. àiath. Journ. Remark on the theory of homogeneous elastie Solids. 1849. Ph. Mag. On the theory of sound in reply to Prof. Challis. 45. 4851. Ph. Mar. On the alleged necessity for a new general equation in Hydrodynamics. 49, 4851. Joy. {nst. Proc. On the change of refrangi- bility of light and on the exhibition thereby of the chemical rays. 50. 1852. Br. Ass. Rep. On the optical properties of a recently discovered salt of quinine. 53. 1853. Phil. Mag. On the cause of the occurence of abnormal figures in photographie impres- sions of polarized rings. 54. 1853. Phil. Mag. On the metallic reflection exhibi- ted by certain non-metallie substances. 55, 1854. Phil. Mag. On certain recent investigations in the theory of light. 56. 4854. Wien. Sitz. Ber.Ueber das optische Schach- brettmuster. 57. 1854. Wien. Sitz. Ber. Die Richtung der Schwin- gungen des Lichtæthers im polarisirten Lichte, 58. 1855. Br. Ass. Rep. On the achromatism of à double object-glass. 4855. Phil. Mag. On the alleged fluorescence of a solution of Platino-cyanid of Potassium. 1856. Phil. Mag. Remarks on Prof. Challis’s paper entitled : « A theory of the composition of co- lours ». 1856. Phil. Trans. On the effect of the rotation and ellipticity of the earth in modifying the numerical results of the Harton Pendulum Experiment. 1857. Br. Ass. Rep. On the effect of wind on the intensity of sound. 1857. Phil. Mag. On the polarisation of diffrac- ted light. 1858. Cambr. Phil. Soc. Trans. On the disconti- nuity of arbitrary constants wich appear in di- vergent developements. 1859. Chem. Soc. Journ. On the existence of a second crystallisable fluorescent substance in the bark of the Horse-chesnut. 1859. Phil. Mag. On the bearing of the pheno- mena of diffraction on the direction of the vi- brations of polarized light, with remarks on the paper of Prof. Eisenlohr. 67. 1860. Chem. Soc. Jouru. Note on Paviin. 68. 1860. Chem. Soc. Journ. Account of the optical characters of Purpurine and Alizariue. 69. 1860. Pil. Mag. Note on the simultaneous emis- sion and absorption of rays ofthe same definite 66, nttttin ur ne En EP PE CP MARCEL BRILLOUIN — SIR GEORGE GABRIEL STOKES 15. 1864. Chem. . Philos. . Philos. May. XX VIIT. On the supposed identity . Phrlos. refrangibililty discovered by Mr Foucault, and rediscovered and extended by Mr Kirchhoff. 4860. Joy. Soc. Proc. Note on internal radiation. 1860. Zoy. Soc. l’roe. On the intensity of light reflected or transmitted through a pile of plates. 4862. Br. Ass. lep. Report on Double Refrac- tion. 1862. Phil. Trans. On the long spectrum of elec- tric ligh. 1863. Zoy. Soc. Proc. XII. Note to Col. Clerk's paper : « On the change of the form assumed by wrought iron when heated and when cooled ». Soe. Journ. II. On the application of the optical properties of bodies to the detec- tion and discrimination of organic substances. Mag. XX VIT. Mème sujet. of Biliverdin with Chlorophyll. Mary. On the reduction and oxidation of the colouring matter of the blood. | 19. 1867. Philos. Mag. XXXIV. On the internal dis- tibution of matter wich shall produce à given potential at the surface of a gravitating mass. 80. 186. Philos. Trans. CL VIII. Onthe communica- tion of vibration from a vibrating body to à surrounding gas. . 81. 4869. Adress to the British Association. Exeter. 82. 1869. Cambr. Phil. Soc. Trans. Supplement to à paper on the discontinuity of arbitrary cons- tants wich appear in divergent developements. 83. 1869. Chem. Soc. Journ. VIL On à certain reac- tion of quinine. 8%. 1869. Xoy Soc. Proc. X VIT. Note on Mr Hennes- sey’s account of the solar eclipse of the {8th Aug. 1868. 8». 1871. Br. Ass. Rep. Notice on the researches of the late Rev. William Vernon Harcourt on the conditions of transparency in glass and the connexion between the chemical constitution and optical properties of different glasses. 86. 1872. ess, of Math. Explanation of a dynamical paradox. 87. Hioy Sor. Proc. On the law of extraordinary re- Hacuon of Iceland spar. 88. 1873. C. Ae. Se. Sur l'emploi du prisme dans la Fe ation de la loi de la double réfrac tion. 89, 187%. Jioy. Soc. Proc. XXII. Note on M. Grubb's paper : « On the improvement of the spectros- cope », 90. 1874. Br. Ass. Rep. On the construction of à per- fectly achromatie telescope. 1875. Br. Ass. Rep. (avec Hopkinson). On the optical properties of a titano-silicie glass. 91. 1876. Nature. XIII. The early history of spectrum analysis. 92. 1876. /{oy. Soc. Proc. Letter ta J.-N. Lockyer on the dissociation of calcium. 93, 1876. Br. Ass. Rep. On à phenomenon of metallic reflection. 9%. 1878. Ædinh. R. Soc. Proc. Note on certain for- mulæ in the calculus of operations. | 95. 1878. Hoy. Soc. Proc. On the foci of lines seen through a crystalline plate. 96. 1878. Nature. On certain movements of radio- meters. 97. 1878. Microse. Soc. Journ. On the question of à theoretical limit to (he apertures of microscopie objectives. 98, 100. 101. 102: 103. 104. 105. 106. 1883. 1883. 1884- 1885. 1886. 1886. 1889. 1891. 1892. 1892. 1892. 1893. 1896, 1896, 1897. 1897. 1900. 1878. Roy. Soc. Proc. On an easy and at the same time accurate method of determining the ratio of the dispersions of glasses intended for objec- tives. 1879. Roy. Soc. Proc. Note on MM. Stewart and Dodgson's Report on à method of detecting the unknown inequalities of a series of observations. 1880. Meteor. Soc. Quart. Journ. Description of the card supporter for Sunshine recorders adopted at the Meteorological Office. 1881. l’hilos. Trans. Note on the reduction of M. Crookes experiments on the decrement of the are of vibration of à mica plate oscillating within a bulb containing more or less rarelied gas. 1881. foy. Soc. Proc. On à simple method of eli- minating errors of adjustment in delicate obser- valions of compared spectra. 1881. /ioy. Soc. Proc. Discussion of the results of some experiments with whirled anemometers. 4881. Nature. Solar Physics (lecture). 1883. Hoy. Soc. Proc. On the cause of the light border frequently noticed in photographs just outside the outline of à dark body seen against the sky; with some introductory remarks on phosphorescence. 4883. Cambr. Phil. Soc. Proc. On the highest wave of uniform propagalion. Brit. Jour. of Photogr. (10). Observation at Ca- roline Island of the recent eclipse. Nature. XXVHT. On coronal photography without an eclipse. 1692. fr. Axs. Rep. Reports on the best me- thods of recording the direct intensity of solar radiation. j Proc. Roy. Soc. On à remarkable phenomenon of crystalline reflection. Iridescent erystals of chlorate of potash. Chem. News, 58. Adress (o the Royal Society. Phil. Trans. CLXXVII. Notes on Experiments of Tomlinson on the viscosity of air. Camb. Phil. Soc. Proc. (t. VIE, p. 362). Note on the determination of arbitrary constants wich appear as multipliers of semi-convergent series. Phil. Mag. XXXII. Note on the theory of the solitary wave. ? Journal of Gaslight (38). An optical demonstra- tion of the Davy's theory. Proc. Chem. Soc. The interactions occurring in Flames. Nature. On an optical proof of the existence of suspended matter in flames. Nalure. The luminiferous ether. Nature. The perception of light. Nature Researches on the Rôntgen Rays (Adress to the Victoria Institute). Rôntgen Ras and and allied phenomena ; indication première de sa supposition de n0n pér pue ile, d'abord avec doute, puis plus sûr en P. Cambr. Phil. Soc. et L'Ecl. Pr d 1898, t. XIV, 374. Nature of Rüntgen Rays. C. R. Ace. Se., 125. Explanation of experimental Result attributed by de Metz to magnetic devia- tion of X Rays. Nature, 61. Effects of lightning upon electrit lamps. M. B. 30 GÉRARD LAVERGNE — L'AUTOMOBILISME AU SALON DE 1903 L'AUTOMOBILISME AU SALON DE DÉCEMBRE 1903 L'automobilisme vient de tenir au Grand-Palais! ses assises annuelles, dont l'éclat a encore dépassé celui des cinq expositions précédentes”. Nous n'avons su y voir aucune nouveauté sensa- tionnelle; et cela n’est, d’ailieurs, pas pour nous déplaire, car nous pouvons y trouver la preuve que la voiture à pétrole n’est plus très loin, nous ne dirons pas de son type définitif, mais d’un type assez stable pour présider pendant quelque temps à ses destinées, et dont le schéma reste, d’ailleurs, celui que nous avons donné il y a peu de mois”. En revanche, nous y avons constaté bien des amélioralions de détail, au premierrang desquelles nous citerons tout de suite l'augmentation de con- fort dont l'automobile se décide enfin à faire jouir ses usagers. Nous en ferons une revue rapide, sui- vant toujours l'ordre que nous nous sommes imposé dans nos précédentes études”, sans conser- ver d’ailleurs toutes les divisions, dont le nombre serait hors de proportion avec l'étendue de cet article. I. — VOITURES A PÉTROLE. $ 1. — Le carburateur. Les carburateurs à barbotage et à léchage sont totalement abandonnés pour les voitures : la maison Delahaye elle-même est arrivée au carburateur à pulvérisation. Dans quelques motocyclettes, la car- buration est assurée par une simple mèche trem- pant dans le réservoir. A l'exemple du carburateur Krebs, beaucoup d'appareils ont été dotés d'une entrée donnant un supplément d'air aux grandes vitesses. Nous ne voudrions pas garantir l'efficacité de tous ces dis- positifs, dus pour beaucoup à la mode régnante”. Nous avons constaté une tendance, qu'il faut d'ailleurs encourager, à rapprocher le carburateur 1 Du 10 au 25 décembre 1903. 2 M. Lucien Périssé a donné, dans la Vie automobile du 19 décembre, une statistique à laquelle nous emprunterons plusieurs chiffres. Elle se rapporte à cinquante et un cons- tructeurs francais (mème nombre qu'en 1902, en diminution de 26 sur 1901), ayant exposé 119 types de chässis, chiffre en légère augmentation sur celui de l'année dernière. 3 Revue gén. des Sciences, t. XIII, p. S54. 4 Revue gén. des Sciences, T. X, n°$ 4,5, 6, 7, 16; T. XIII, n9$ 47, 18, 49, 20; T. XIV, no 18. 5 Quelques carburateurs doubles ont fait leur apparition : celui de la maison de Dion-Bouton, chargé d'assurer une bonne alimentation aux deux cylindres de ses nouvelles voitures, dans lesquelles les manivelles sont calées à 1800 pour produire un meilleur équilibrage et les explosions ne peuvent donc plus se faire à intervalles égaux; celui de M. Léon Bollée, chargé d'assurer à son moteur une marche silencieuse pendant les arrèts de la voiture. , des cylindres : on diminue ainsi la longueur de la tuyauterie, le nombre de ses coudes. $ 2. — Moteur. Au point de vue de leur puissance, les moteurs offraient les pourcentages suivants : $ chevaux el au dessous. . 17/0 8 à 20 chevaux . SE : 16% | Au-dessus de 20 chevaux Sail On construit donc des moteurs de plus en plus forts, et celte augmentation de la puissance est demandée à des vitesses de rotation de plus en plus grandes : si quelques maisons (Panhard, Rochet- Schneider) continuent à faire tourner leurs moteurs à raison de 750 tours par minute, la majorité des constructeurs les poussent normalement jusqu'à | 1.100 et 1.200 tours. La commande mécanique des soupapes d'admis- sion se généralise : la proportion, qui élait de 45 °/, course de très bons résultats ; les voitures Renault soupapes automatiques. Ces soupapes sont mul- tiples pour les gros cylindres : Panhard en a mis 3, Napier 4. Dans les voitures Mercédès, les soupapes d'ad- mission sont commandées par des culbuteurs‘. La régulation par l'admission, si propre à aug- menter l'élasticité du moteur, qui était représen- tée au Salon de 1902 par une proportion de 86 °/,, atteint celte année 96 °/,. Autant dire qu'elle est générale; mais elle se diversifie à l'infini par ses disposilifs, liés d’ailleurs, pour la réalisation du | but final, avec ceux du carburateur. L'étranglement | de la conduite d'admission reste fort en honneur; la levée variable de la soupape, déjà employée en 1902, notamment par Renault, l'est davantage cette année, notamment par Cottereau. En ce qui concerne l’allumage, on ne voit plus de brûleurs, presque pas d'auto-incandescents ou d'allumages électro-catalytiques ; seuls, les alluma- ges électriques sont employés dans les propor- | tions suivantes : | 1902 1903 Par accumulateurs ou piles. . 149/o 120} 22 22 Par magnéto à rupteurs . . Par magnéto à bougies. . . . . » 6 Divers (auto-incandescent, etc.). 4 » ‘ Les groupes de soupapes sont alors opposés les uns aux autres, bien qu'une des deux oreilles du cylindre ait été sup- y + en 1901, de 45 °,, en 1902, a atteint 67°}, en 1903. Pourtant, les soupapes automatiques ont donné en et Mors, gagnantes de Paris-Vienne, Paris-Bordeaux « (seule étape courue dans Paris-Madrid), avaient des « Le GÉRARD LAVERGNE — L'AUTOMOBILISME AU SALON DE 1903 31 Le point faible de l'allumage par pile ou accu- mulateurs est assurément la bougie, qui s'encrasse facilement; pour remédier à ce grave inconvénient, on arecours à la rupture du courant secondaire, dans les condilions que nous avons dites{t. XIV, p.941), mais en ayant le soin de faire produire l'élincelle auxiliaire sous verre, et non pas à nu dans un Ca- pot qui peut contenir des vapeurs d'essence. On cherche aussi à éviter la décomposition de l'huile au contact de la bougie, en disposant au- tour d'elle, quelquefois en elle, une gouttière qui empêche le liquide d'arriver aux points où il de- viendrait dangereux, ou en donnant à la porcelaine une forme ovoide. Pour rendre manifeste le bon fonctionnement de l'allumage dans les divers cylindres, on dispose parfois sous les yeux du conducteur un tableau analogue à celui des sonneries électriques. L'allumage par magnéto gagne pourtant, et fort justement à notre avis, beaucoup de terrain : cette constance de son pourcentage en 1902 et 1903, qui nous à un peu surpris, n'est pas une preuve du Con- traire, car on voyait l'allumage par rupture dans presque tous les stands des maisons qui donnent le ton; d’autres maisons, qui l'ont essayé, n’ont pas encore renoncé à le mettre au point. La réalisation d'un bon système de rupture n’est pas très facile; mais, une fois acquise, elle assure à l'allumage un fonctionnement simple et efficace”. La magnéto commence à être employée concur- remment avec la bougie, remplaçant pour l’alimen- tation de celte dernière la pile ou les accumulateurs. On peut même avec elle, en la munissant d’un col- lecteur destiné à redresser ses courants, conserver pour l'alimentation de la bobine l'intermédiaire des accumulateurs : on y trouve parfois l'avan- lage, quand le moteur est à 4 cylindres, de le remettre en marche, après un arrêt qui l’a laissé sous compression, simplement en rétablissant le courant qui remet en vibration le trembleur cor- respondant au cylindre en pression, sans avoir à tourner la manivelle pour remettre en marche la magnéto. Mais il est permis de trouver que tout cela enlève à l'emploi de la magnéto la belle sim- plicité, qui, à notre avis, constitue la grande supé- riorité de l'allumage par étincelle de rupture *. primée. Les deux oreilles ont le défaut d'empêcher le cylindre de se dilater régulièrement. ! Cet allumage est le plus généralement muni d'un dispo- sitif d'avance; mais, en pratique, ce dispositif ne sert que lors de la mise en marche, pour donner un retard qui em- pèche les explosions prématurées et les retours de manivelle. Dans ses nouvelles voitures, M. Brasier à rendu ce méca- nisme uniquement manœuvrable par celui qui met le moteur en route : le chauffeur n'a plus de manette d'avance d'allu- mage sur le volant: c'est un organe de moins pour lui. ? Pour diminuer la complication résultant de l'emploi Shnultané d'une magnéto et d'une bobine, la maison Simms- En classant les moteurs d’après le nombre de leurs cylindres, M. Périssé a dressé le tableau sui- vant : 1902 1903 Moteurs à 4 cylindre: %.22120/5 150) — HIGYINATES EEE 26 — 3 — EN RE ue 4 — 4 — CE, 4 55 Les moteurs à 1 ou 4 cylindres sont donc en aug- mentation, au détriment des moteurs à 2 cylindres : le gain des premiers ne peut s'expliquer que par des raisons de simplicité et d'économie. Les mo- teurs à 3 cylindres, lels que ceux des maisons Panhard, Cottereau, Louet et Minerve, assurément mieux équilibrés que les moteurs à 2 cylindres, ne se répandent guère. Au lieu de faire des cylindres jumeaux, on les sépare souvent : des cylindres isolés s’'alèsent mieux, se réparent plus facilement, mais exigent des vilebrequins plus difficiles à façonner. On faisait encore en 1901 des cylindres à course plus grande, d'environ un tiers, que le diamèlre. En 1902, nous avons vu apparaître les cylindres carrés, dont l'alésage égalait la course. En 1903, l'alésage à dépassé la course, sous l'effet de la ten- dance qui pousse aux moteurs rapides, mais sans qu'on soit encore fixé sur le meilleur rapport à adopter pour ces deux éléments; la question, comme bien d’autres, n'est pas tranchée. Les moteurs verticaux sont encore en progres- sion par rapport à l'an dernier (96 °/, au lieu de 94 °/,). Les maisons Gillet-Forest et Bardon restent fidèles au moteur horizontal; la maison Delahaye l'emploie concurremment avec le moteur vertical; Ader et Schaudel construisent encore des moteurs en V. Le refroidissement par eau est la règle absolue pour les voitures et se retrouve même sur quelques motocycletles, en général sans pompe. Cet organe figurait sur 80 °/, environ des voitures exposées; pourtant, un courant très net d'opinion se dessine en faveur du refroidissement par thermo-siphon, qui a donné sur les Renault de si bons résultats. Nous voyons notamment les nouveaux types Geor- ges Richard-Brasier dolés d'un thermo-siphon à radiateur ventilé. Bosch a essayé de faire produire à la magnéto une étincelle de tension. Au bobinage primaire de l'induit, elle a ajouté un bobinage secondaire, de fil plus fin et plus long, et elle à monté sur la magnéto un distributeurdu courantprimaire ana logue à celui qu'on installe ordinairement sur l'arbre de dédou- blement du moteur. Mais l'isolement du courant secondaire à 10 ou 15.000 volts, dans un espace aussi réduit que l'inté- rieur d'une petite magnéto, est fort difficile. Cette maison à pourtant réussi à construire un appareil de ce genre pour les motocyclettes. Mais n'est-il pas plus simple, sur les voi- tures où l’on peut facilement loger une bobine, de s’en tenir à la vieille dualité des deux organes ? 32 GÉRARD LAVERGNE — L'AUTOMOBILISME AU SALON DE 1903 Ce radiateur est formé de tubes méplats verti- caux, que l'eau parcourt pour se rendre du collec- teur supérieur au collecteur inférieur. Son cons- tructeur, M. Audin, reproche au vid d'abeïlles de soumeltre les plaques verticales d'avant et d'ar- rière, et les soudures de tubes qui y sont prati- quées, à des températures variant beaucoup avec le niveau de ces soudures, et par là à des causes graves de dégradation. Pour celte raison et par suite des difficultés qu'on éprouve à trouver ou à guérir les fuites, les nids d’abeilles nous semblent être moins en vogue; en tout cas, ils demandent une construclion impeccable. Que le radiateur soit à nid d'abeilles ou autre- ment, il est presque toujours muni d'un venlila- teur : quand ce ventilateur est placé immédia- tement derrière le radiateur, le capot est muni d'ouvertures: s'il est disposé dans le volant, à l'arrière du moteur comme dans les Mercédès, le capot doit être étanche. Certaines maisons (Rochet- Schneider, Hotchkiss) emploient des ventilateurs à ailettes mobiles, pour proportionner l’arrivée d'air aux nécessités du moment. Le refroidissement est actuellement fort bien assuré ; on à vu une voiture de 100 chevaux faire 500 kilomètres sans avoir presque perdu d’eau. $ 3. — Transmissions. Les embrayages se font par cônes droits (80 °/), quelquefois par cônes inverses (10 °/,) ou par sys- tèmes divers (10 °/,\, presque exclusivement à serrage cylindrique, comme le système de Lindsay, employé par les Mercédès. Les changements de vitesse s'opèrent par train baladeur, ordinairement avec prise directe pour la grande vitesse. Nous signalerons comme nouveauté le système à tiroir de la maison Louet”. Dans les transmissions élastiques, le cardan à regagné le lerrain qu'il avait perdu en 1902 : 1901 1802 1903 Chaine. . 50 9/0 62 0/6 53 0/0 Cardan. 4% 90 7 CATLOIR: 17 0-0 6 3 0 Le cardan est plus simple et passe pour donner un rendement un peu meilleur que la chaine, mais il provoque une usure légèrement plus grande des pneus d’arrière el il est insuffisant pour les grosses voitures. La création par MM. Renard de leur train sur roule vient d'ajouter un chapitre important à la queslion des transmissions *. i Le cône d'embrayage transmet, par pignons d'angle, le mouvement à un arbre sur lequel est montée une roue dentée, avec laquelle un chariot mobile amène suceessive- ment en prise des équipages de deux roues, chargés de transmettre le mouvement à la couronne du différentiel. 2 La propulsion de ce train est assurée par un seul moteur S 4. — Autres parties de l'automobile. Le chässis en tôle emboulie se vulgarise : il s'accommode bien de l'allongement des longerons, destiné à permettre l'entrée latérale aux voyageurs d’arrière, et du rétrécissement de l'avant, destiné à faciliter les virages malgré son grand empattement. A un châssis embouli M. Brasier associe un faux châssis en tubes : il compte profiter de l’élas- ticilté du premier pour alténuer les vibrations occasionnées par la route el de la rigidité du second pour assurer à l’ensemble une grande soli- dité et au montage du moteur et des changements de vitesse la reclitude indispensable pour un bon rendement. Le stand Darracq nous à montré un chässis Arbel en acier embouti d'une seule pièce, avec ses longerons, traverses, tôles de support et d'abri du moteur : il ne reste de rivets que pour les mains des ressorts. Les billes que les voilures Peugeot et de Dion- Bouton ont depuis longtemps employées, et qui sont d'une application générale dans les molocy- clettes et les voiturettes, entrent de plus en plus dans la pratique courante des grosses voilures. On a pu les voir au Salon appliquées à lous les roule- ments : roues motrices, changements de vitesse, arbre moteur, magnéto. Cerlaine maison les aurait même, d'ailleurs sans succès, essayées pour les tôles de bielles. Elles sont montées dans des cuveltes coniques ou, plutôt pour les grandes forces, dans des colliers plats. Le peu de faveur qu'elles avaient eu jusqu'ici dans la construction française Lenait à deux causes : la faible supério- rité qu'on leur attribuait par rapport aux roule- ments lisses dans l’atténuation des froltements, la crainte des graves désordres amenés dans un rou- monté sur l'un des véhicules qui le composent. L'arbre de ce moteur se prolonge tout le long du train, grâce à des cardans qui lui donnent la souplesse voulue pour en épouser le profil varié. Près de chaque essieu que l'on veut rendre moteur, cet arbre principal détache un arbre secondaire, qui, par engrenages, actionne la couronne d'un différentiel monté sur l'essieu. Les voitures successives sont aussi reliées par un alle- lage de direction. Ce dispositif consiste en un timon dont l'extrémité antérieure est articulée à la queue de la pre- mière voiture et dont l'extrémité postérieure est reliée à l'essieu d'avant-train de la seconde. Lorsque le train est en courbe, le timon est placé dans une position oblique par rapport à l'axe de la voiture d'arrière et détermine une obliquité correspondante des roues d'avant de cette voiture, qu'il s'agisse d'un essieu à cheville ouvrière ou d'un essieu à deux pivots, comme ceux du train qui étail exposé. Par ces moyens fort simples, MM. Renard ont obvié aux deux grands obstacles qui, jusqu'ici, avaienl empêché la traction automobile de se développer pour les transports industriels : 10 les détériorations infligées aux routes par l'unique essieu moteur trop lourdement charge: 20 le ripage latéral des voitures remorquées,. Leur invention peut entrainer des conséquences écono- miques fort importantes. dla GÉRARD LAVERGNE — L'AUTOMOBILISME AU SALON DE 1903 33 lement par la casse d'une seule bille. Mais, avec les nouveaux aciers, on arrive à fabriquer des billes très solides, et il paraît que, pour les démarrages, la résistance est forlement diminuée par elles, si bien qu'on peut réduire la masse du volant et mieux utiliser, notamment dans les courbes, l’élas- ticité du moteur. Les Allemands attribuent à l'em- ploi général des billes le succès des voilures Mer- cédès dans la coupe Bennett. Ilsemble incontestable qu'un emploi judicieux des billes soit avantageux. Le pneu, qui reste toujours le ver rongeur de l’automobilisme, grossit comme diamètre : il semble bien que ce grossissement soit un facteur utile de l'augmentation de la vitesse. On emploie couramment des pneus de 100, 105 et 120 milli- mètres. M. Michelin en construit de 150 millimètres. La bande étroite, rationnelle au point de vue du rendement, mais dangereuse pour le dérapage, a pour ainsi dire disparu. On fait la bande plate, au moins pour les voitures de course. Les nombreux essais destinés à nous doter d'un bandage antidérapant montrent l'importance du but à atteindre ; ils ne sont parvenus à empêcher le dérapage qu'au prix d'une usure fort onéreuse pour le tourisme. Nous avons vu beaucoup d'imi- tations du pneu-euir Samson. M. Michelin a inerusté dans son caoutchouc des pastilles ou des rectangles métalliques. L'augmentation de longueur que nous avons constatée dans les châssis permet l'installation d'une caisse plus confortable, plus spacieuse et accessible par des entrées latérales. Le lonneau, dont la portière, située à l'arrière, force ses hôtes à descendre en pleine chaussée et est une menace perpétuelle pour la sécurité de celui qui s'y adosse, cède justement la place au double phaéton. Celui- ci, qui peut à la rigueur être muni d'un lroisième bane à l'arrière pour le mécanicien, devient déci- dément la véritable voiture de tourisme. Pour le service de ville, toutes les formes de voitures fer- mées sont dès à présent possibles. If. — VOITURES A VAPEUR. La maison Gardner-Serpollet a créé, cette année, un type à bon marché, à la fois simple et léger : sa 9 chevaux Simplex. La pompe à pétrole est sup- primée, le brûleur marche simplement sous pres- sion d'air; le pétrole lui arrive en traversant un appareil muni d'un liroir découvrant un nombre variable de trous. La même manette commande un tiroir analogue, qui ne laisse arriver à la pompe à eau qu'une quantité d’eau proportionnelle à celle du pétrole. La proportionnalité des deux liquides est ainsi obtenue plus simplement que dans les anciens {ypes. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904, III. — VOoiTURES ÉLECTRIQUES ET MIXTES La voiture électrique est restée comme méca- nisme ce qu'elle était, mais devient de plus en plus confortable comme carrosserie. La voiture mixte s'est enrichie d’un type très inté- ressant: la voiture à transmissionélectrique Kriéger. Un moteur à essence (quatre cylindres Georges Richard-Brasier de 24 chevaux, pour la voiture de 900 kilogs que l'inventeur nous a fait essayer pen- dant le Salon) actionne une dynamo-génératrice, dont le courant est envoyé aux deux moteurs élee- triques, commandant chacun par engrenages une des roues motrices d’arrière. Done, pas d’accumu- lateurs servant de tampon et de régulateur au groupe électrogène : l'énergie fournie par celui-ci est,àchaqueinstant,envoyéeaux moteurs desroues. M. Kriéger conserve au moleur thermique une puissance constante, en rendant également cons- lant le nombre de watts débités par la génératrice !. La variation de la différence de potentiel étant automatique, la voiture prend toujours d'elle-même la vitesse la plus appropriée au profil de la route, sans que, pour cela, la puissance du moteur ther- mique cesse d'être celle pour laquelle il a été réglé. La variation de vitesse du véhicule, à la volont € du conducteur, s'oblient alors simplement en mo- difiant la vitesse du moteur par étranglement de l'admission : M. Kriéger a ainsi obtenu en palier toute une gamme d'’allures de 10 à 75 kilomètres par heure. Celte facilité de manœuvre, l'absence d'embrayage, de changements de vitesse mécaniques, de différentiel (comme corollaire la diminution du dérapage), font de cette voiture un ensemble fort remarquable, qui constitue à nos yeux la nouveauté la plus intéressante du Salon. Si l’on arrive à diminuer son prix de vente, si la parlie électrique ne demande aucun entretien spé- cial et n’occasionne pas de frais trop onéreux, la transmission électrique pourra supplanter la trans- mission mécanique, assurément la partie la plus défectueuse de nos voitures à pétrole. Gérard Lavergne, Ingénieur civil des Mines. cette souplesse, ‘ IL obtient ce résultat en donnant à la génératrice trois excitations différentes : 1° Une excitation en dérivation. prise aux balais et variant proportionnellement à la force électro-motrice ; 2 Une excitation indépendante, produite par une petite batterie d'accumulateurs. Cette excitation est pratiquement constante et concourante avec la première: 3° Une excitation en série dans le cireuit de l'induit et dif'érentielle avec les deux autres, variable avec la charge de la machine et démagnétisant les inducteurs. Le champ résultant de ces trois excitations est tel que la variation de la différence de potentiel aux bornes E est inversement proportionnelle à la variation de l'intensité, 1, dans des limites très étendues. W —EI est donc constant. 1'* 3 pe HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE EE — — — — — ——"——"—" —]——]—"—" REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE I. — TRAITEMENT DU CANCER. La fréquence de plus en plus grande du cancer el l'impuissance du traitement opératoire dans un certain nombre de cas font que tout ce qui touche à son traitement a de l'intérêt. L'importance qu'il y aurait à guérir cette redoutable maladie est d'au- tant plus grande qu'elle frappe, en général, des gens dont la santé générale n'élait pas altérée. Aussi voil-on constamment paraitre des articles qui fran- chissent même quelquefois les limites de la presse scientifique et qui prônent des traitements nou- veaux comme de véritables panacées. Nous ne voudrions pas, dans cette /’evue, donner comme bien établis tous les résultats qui ont été récem- ment publiés; ce serait peut-être nous exposer à de profondes désillusions dans l'avenir. Nous ne pou- vons cependant laisser passer sous silence les nom- breuses tentatives qui ont élé faites dans ces der- niers temps. $ 1. — Application des rayons X. Les rayons X ont été particulièrement essayés dans la cure du cancer en Anglelerre et en Amé- rique. Dans un Mémoire publié il y à quelques mois, William L. Rodman et G. E. Pfahler (de Phi- ladelphie) ont réuni 234 cas d'épithéliomas soumis à l'application de ces rayons : 147, soit 65 °/,, au- raient été guéris;, 87, ou 36 °/,, améliorés, et 2, ou 1°/,, n'auraient pas été modifiés. La durée du trai- tement a varié de 3 à 22 semaines. Plusieurs fois on à noté des récidives, mais elles ont rapidement cédé à de nouvelles applicalions des rayons X. Bien que la plupart des observateurs conviennent qu'il n’est pas nécessaire de déterminer une réac- tion de la part des tissus, ils admettent cependant que les résultats sont plus rapides et plus positifs lorsque l’on a déterminé celte réaction. Varney, Grubbé, ete., pensent qu'il est nécessaire de brûler la peau avant que le carcinome ou le sarcome soient modifiés. On a parlé, pour expliquer l’action des rayons X, de nécrose cellulaire, de dégénérescence graisseuse, de développement du tissu élastique, de tendance à l’oblitéralion des vaisseaux sanguins, par suite de la formation d'un dépôt sur leur face interne, etc. Tous ces faits sont encore mal élablis. Non seu- lement on ne sait pas exactement comment agis- sent les rayons X, mais on ne sait pas bien si réel- lement ils ont une aclion dans les cas de cancers avérés. Les cas publiés en France et communi- qués à l'Académie de Médecine par Doumer et Lemoine (de Lille), par Vigouroux (de Paris) ne permettent pas de formuler actuellement un juge- ment définitif. Nos connaissances sont encore dans l'enfance et de nouvelles observalions sont néces- saires. Il semble que nous soyons en possession d'adjuvants utiles, mais ne pouvant encore, en aucune façon, se substituer au bistouri. $ 2. — Sérothérapie. Dans cette Revue, nous avons déjà eu l’occasion, à diverses reprises, de parler des tentatives séro- thérapiques de Richet et Héricourt, de de WlaëfF, et nous avons dit, à cette époque, qu'il ne s'agissait que d'améliorations temporaires, comparables à celles qu'on oblient par d’autres modes de lrai- tement *. Parmi toutes les tentatives qui se sont produites au cours de ces dernières années, une de celles qui ont fait le plus de bruit est celle d’Adamkiewiez {de Vienne). Cet observateur aurait obtenu la gué- rison de quelques cancers par l'injection sous la peau d'une toxine spéciale, isolée du sue carei- neux. Envisagée au point de vue de sa composition chimique, la cancroïne (c’est ainsi qu'Adamkiewiez dénomme la toxine qu'il emploie) serait une base triméthylée d'oxyde d’ammonium en double com- binaison avec le phénol et l'acide citrique. Cette toxine s'emploie en injeclions sous-culanées à la dose d'un centimètre cube à un centimètre cube et demi quotidiennement. Les quelques renseigne- ments directs que nous avons pu oblenir établis- sent que l’action de cette cancroïne n’est, tout àu moins, pas constante. Cette année même, Doyen a cru découvrir le mi- crobe du cancer, et il à conseillé de trailer les can- céreux par des injections de Loxines produites par le développement de ce microbe dans le bouillon gly- cériné. Malheureusement, ses publications man- quent de cachet scientifique; il ne précise pas les conditions de développement de ce mierobe, parle de cultures dans un bouillon spécial, dont il n'in- dique pas la composilion. Le seul cas que nous avons vu traiter par cette méthode n'a en rien été modifié, et l'unique résultat des injections à été un énorme phlegmon de la paroi abdominale. II. — TRAITEMENT DES TUBERCULOSES EXTERNES. Comme pour le cancer, nous voyons la tubereu- lose être l’objet de tentatives thérapeutiques où l’on ————_—_—_—_—_———————— 1 Revue gén. des Se., 1901, p. SS1. HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 35 utilise soit les rayons X, soit un sérum nouveau antituberculeux. $ 1. — Rayons X. Kümmel, Freund, Gocht, Schünberg, etc., ont soumis le lupus ordinaire et le lupus érythémateux à l'action des rayons X. Ces mêmes rayons ont été appliqués à des dégénérescences tuberculeuses ganglionnaires, à des ulcères tuberculeux, ete. Les publications faites ne permettent pas encore de formuler une opinion ferme sur la valeur de ce traitement. $ 2. — Sérothérapie. Tout récemment, Marmorek a préconisé un nou- veau traitement sérothérapique de la tuberculose. Les tuberculeux que nous avons vu soumettre à ce traitement ont tous été améliorés au début; plu- sieurs ont augmenté en poids, mais aucun n'a élé guéri. L'action de ce sérum ne nous à semblé rien présenter de spécial, et nous ne croyons pas qu'on puisse, d'ores et déjà, dire que nous sommes en possession d'un sérum antituberculeux, et que nous allons voir disparaitre la tuberculose, ni même diminuer dans une large proportion les tuber- culoses chirurgicales. De nouvelles observations nous semblent nécessaires; actuellement, cetle question de la sérothérapie des lésions lubercu- leuses humaines, qui, jusqu'ici, ne nous a donné que des illusions, reste à l'étude et ne peut être tranchée. IE. — L'nÉMODIAGNOSTIC EN CHIRURGIE. L'importance de l'examen du sang en Chirurgie semble prendre une importance de plus en plus grande. Depuis longtemps, on préconisait l'examen du sang en présence d'une splénomégalie de nature mal déterminée ou d'adénopathies multiples, en un mot toutes les fois qu'on soupconnait une leu- cémie, celle-ci contre-indiquant l'intervention opé- raloire; mais, en dehors de ce faisait guère l'examen du sang diagnostic. Malassez avait cependant bien montré les rap- ports de la leucocytose avec la suppuralion et Hayem avait confirmé ses travaux. Il faut arriver à la période actuelle pour voir l'examen du sang prendre une réelle importance en Chirurgie. Cet examen du sang est surtout ulile dans les {Suppurations profondes, où les signes habituels de la suppuralion ne peuvent êlre constatés. En gé- héral peu considérable dans les suppurations vis- cérales, nous dit Vaquez, la leucocytose est, au contraire, ordinairement élevée dans les suppura- cas spécial, on ne pour préciser un tions séreuses, où elle atteint les chiffres de 25 à 30.000. Cette leucocytose porte sur les polynu- cléaires neutrophiles. Dans les cancers fermés, il semble qu'une leuco- cytose dépassant 12 à 13.000 globules blanes rend très vraisemblable la généralisation de l'affection ou tout au moins son extension hors du foyer pri- mitivement atteint. En dehors de la numération, les modifications qualitatives ont aussi leur importance. L'éosinophilie a été signalée dans un grand nombre d'affections parasitaires : la trichinose, la filariose, l'anchylostome duodénal, la bilharzia, les kystes hydatiques, etc. La recherche a donc de l'importance dans certains cas: c'est ainsi qu'en présence d'une tumeur hépalique de nature indé- terminée, il y a toujours lieu de faire l'examen du sang. Si celui-ci montre de l’éosinophilie, il faut penser à une tumeur d'origine parasitaire, à un kyste hydalique par conséquent. IV. — INJECTIONS DE SÉRUM GÉLATINÉ L'an dernier, rappelant dans cette Æevue les travaux publiés sur le sérum gélatiné comme hé- moslatique, nous n'avons pas manifesté d’enthou- siasme pour cette nouvelle méthode de traitement. Elle vient, cette année, d'être vivement attaquée. A la suite de son emploi, vingt-trois cas de tétanos, publiés au cours de ces deux dernières années, ont été réunis par le Professeur Dieulafoy, qui déclare rejeter ces injections d’une manière absolue. L'Aca- démie de Médecine s’est émue de ces accidents, et M. Chauffard, dans un Rapport, a conclu que la préparation des sérums gélatinés « ne doit pas être libre, qu'elle doit être soumise aux lois et règle- ments qui régissent la préparation des sérums (hé- rapeutiques ». D'autre part, Marcel Labbé et Froin, étudiant chez l’homme et chez les animaux les modifications de la coagulabilité du sang après ces injections, sont arrivés à celte conclusion que les injections sous-cutanées de sérum gélatiné n'ont aucune action sur la coagulabilité du sang et sur l'arrêt des hémorragies. Il semble qu'aujourd'hui on ait tendance à re- jeter ces injections gélalineuses sous-cutanées de la thérapeutique antihémorragique. V. — TUNEURS DU CORPUSCULE RÉTRO-CAROTIDIEN. Une observation récente de M. Reclus a appelé l'attention sur les tumeurs du corpuscule rétro- carotidien, qui avaient déjà fait récemment l'objet de travaux en Allemagne, en Autriche et en Russie, mais qui, jusqu à ce jour, étaient restées à peu près complètement inconnues en France. Rapprochant 36 de leur observation personnelle dix autres faits pu- bliés par Marchand, par Maydl et Paltauf, par Dittel, par Gersuny, par Malinowsky, par von Hein- leth, Reclus et Chevassu ont tracé l'histoire de ces tumeurs développées aux dépens du gänglion inter- carotidien d'Arnold. Ces lumeurs se développent chez des sujets jeunes, entre dix-sept et trente-trois ans. Elles sont situées à cheval sur la bifurcation de la carotide primitive, qu’elles débordent en avant et en arrière, en arrière surtout. Leur volume varie d'un œuf de pigeon à un œuf de poule. Leur couleur est brune, quelquefois d'un brun violacé, leur consistance comparable à celle d'un fragment de thymus; elles sont encapsulées’et reliées par un pédicule vascu- laire aux vaisseaux carolidiens. Au microscope, on y trouve deux éléments es- sentiels : des cellules assez volumineuses, réunies en amas, et des formations vasculaires, à paroi mince, limitant ces amas, constituant ainsi des sortes d’alvéoles. Elles comprennent, en outre, un élément acces- soire, du tissu fibreux, qui forme capsule et envoie de la périphérie au centre des expansions qui en- lourent les plus gros vaisseaux. Les cellules, assez volumineuses, 9 à 25 y, ont un aspect épithélioïde; polygonales ou plus ou moins allongées, elles possèdent un noyau arrondi. Si l’on se rappelle la structure du ganglion inter- carotidien normal, on voit que ces Lumeurs corres- pondent à l'hypertrophie des deux éléments, vas- culaire et cellulaire, qui constituent le corpuscule inter-carotidier. Ces tumeurs se développent insidieusement, len- tement et progressivement ; elles occupent exacte- ment la bifureation de la carotide ; leur consistance est molle, légèrement élastique; elles sont pulsa- liles et présentent à l'auscultation un murmure plus ou moins accentué. Leurs allures sont généra- lement celles d'une tumeur bénigne. Le traitement | consiste dans l’ablation, qui doit être faite par dis- section: celle-ci n’est loutefois pas toujours pos- sible et l'on peut être amené à réséquer le paquet vasculo-nerveux du cou. Aussi l'intervention ne doit-elle être tentée que si des troubles foncelion- nels sérieux ou une évolution rapide justifient les tentatives opératoires, dont les conséquences peu- vent être graves. VI. — SYSTÈME NERVEUX. $ 1. — Tumeurs cérébrales. Une discussion du dernier Congrès français de Chirurgie a ramené l'attention sur le traitement des tumeurs cérébrales. L'étude de 344 cas de tumeurs encéphaliques HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE opérées à montré à Duret que les malades suc- combent aux aceidents primitifs de l'opération dans la proportion de 18,20°,,, pourcentage meilleur que celui de Bergmann, qui, dans sa statistique de 1899 arrivait à une mortalité de 25 °/,. Le nombre des malades qui ont obtenu un béné: fice réel de l'intervention s'élève à 64,06 °/,. Les uns voient disparaitre les douleurs violentes de 1 céphalée, les vertiges, la torpeur intellectuelle eë s'améliorer leurs crises convulsives et leurs para lysies; un grand nombre recouvrent complètement ou partiellement la vision. Plus de la moitié ont des améliorations durables uu même des guérisons. Aussi Duret conelut-il son Rapport en disant que les progrès réalisés dans la technique opéra toire, dans la rapidité et la sécurité de l'ouverture du crâne, permettent de bien augurer de l’aveni de la chirurgie cérébrale, en particulier de celle de l'ablation des néoplasmes. £ 2. — Traitement chirurgical des paralysies faciales dites incurables. En 1895, Ch. À. Ballance fit, pour la première fois, une anastomose spino-faciale dans un cas de paralysie faciale. Le fait, mentionné dans la slalis: lique opératoire de l'hôpital Saint-Thomas, ne fub pas publié, l'auteur n'étant que peu confiant dans son avenir. Il faut aller jusqu'en 1898 pour voir J.-L. Faure publier en détail une première opération qui, Si elle n'avait rien de démonstratif au point de vue thé rapeutique, montrait au moins qu'au point-de vue technique il n'y avait aucune objection à formule contre celte opéralion nouvelle. Depuis lors, des expériences sur le chien faites en Allemagne par Manasse, en Italie par Basseso“ Cicrella, puis des opérations sur l'homme, dues à Kennedy, à J.-L. Faure, à Ballance, à Moreslin, à Cushing, à Korte, ont montré que l'opération pou vait guérir la paralysie. | Les uns ont anastomosé bout à bout le facial sectionné avec la branche trapézienne du spinal ménageant ainsi les filets du sterno-mastoïdien; d'autres ont anastomosé le tronc du facial see lionné avec le spinal, laissé intact et avivé latéra lement: d'autres, enfin, ont anastomosé le tronc du facial avec le nerf hypoglosse. L'avenir montrera quelle est la meilleure tech nique. Ce que l'on peut dire, dès aujourd'hui, c'esb que, d'une façon générale, ces anaslomoses onl donné des résultats inespérés. Dans tous les casÿ sans exception, il a été impossible de ne pas reco naître qu'il y avait eu régénération des fibres du facial aux dépens des fibres du spinal, pour nê parler que de l'anastomose le plus souvent prali quée. Mais celte régénération a été plus ou moin HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE oS En] complète et les résultats obtenus sont plus ou moins brillants. Les plus beaux ont élé obtenus chez les malades opérés le plus rapidement. On à cependant des chances d'avoir un bon résultat après fort long- temps; une malade de Hartenbruch, chez laquelle le résultat fut assez bon, était paralysée depuis huit ans. Au début, les opérés n'ont pas le pouvoir de con- tracter isolément les muscles de la face; ils asso- cient cette contraction au mouvement d'élévation de l'épaule. Lorsqu'ils élèvent celle-ci, la moitié correspondante de la face se contracte. Mais il semble qu'il se produise bientôt des phénomènes d'adaptation; la contraction de la face disparait bien que le bras reste élevé. Il peut même y avoir rétablissement complet des mouvements volon- taires. Le fait s’est produit chez des opérés de Ken- nedy et de Martin. Avec le temps, il se fait une véritable éducation musculaire, une adaptation motrice, qui implique une sorte de suppléance des centres cérébraux. En présence de ces résultats, il est probable que l'opération bénigne que nous venons de décrire sera dans l'avenir plus fréquemment exécutée. NII. — TUBE DIGESTIF. $ 4. — Exclusion de l'intestin. Mise à l’ordre du jour du Congrès de Chirurgie cette année, la question de l'exclusion de l'intestin a fait l’objet de nombreuses communications, qui ont confirmé, dans ses grandes lignes, le Rapport que nous avons présenté. A part quelques faits exceptionnels, c'est surtout dans les tumeurs, les rétrécissements inflamma- toires ou tuberculeux, les lésions intestinales accompagnées de fistules, que l'on a eu recours à l'exclusion. L'analyse des observations montre que, dans le cancer, la survie n'a pas été plus considérable après l'exclusion qu'après la simple entéro-anasto- mose et que celle-ci suffit pour amener la cessation des accidents. Nous croyons donc que, en présence d'un cancer, l’'entéro-anastomose simple est suffi- sante. Au contraire, dans les lésions inflamma- toires, simples ou tuberculeuses, dans les lésions intestinales graves accompagnées de fistules, l’ex- clusion lui semble supérieure, car elle met au repos complet la partie malade et permet ainsi aux lésions de régresser. Ce n’est toutefois qu'un pis aller, inférieur aux opérations qui suppriment défi- nitivement et immédiatement la lésion (libération et suture d’une fistule stercorale, résection de l'in- testin malade, etc.). Mème ainsi limitée dans ses indications, l’exclu- sion de l'intestin a constitué un progrès réel, car elle a permis d'apporter un remède à une série de cas jusqu alors inacessibles à nos moyens chirurgi- caux ; quelquefois même, elle a suffi pour amener dans l’étal local et dans l’état général une amélio- ration telle qu'une opération radicale, impossible au début, est devenue facile au bout de quelque temps. $S 2. — Traitement du prolapsus du rectum. Malgré la multiplicité des opérations décrites et pratiquées, le prolapsus du rectum reste encore l’objet de tentatives thérapeutiques nouvelles, les résultats obtenus jusqu'ici semblant insuffisants. Celte année, Gérard Marchand et Lenormant ont conseillé d’adjoindre, à la rectopexie ordinaire- ment pratiquée, la suture des releveurs. Ils ont sur deux malades pratiqué cette suture, déjà préco- nisée en 1900 par Napalkoff à la suite de recher- ches cadavériques. L’insuffisance du périnée pos- térieur est un point bien connu de l'anatomie pathologique de la chute du rectum. De nombreux chirurgiens avaient cherché à y remédier en prati- quant, au niveau de l'anus, des excisions cunéi- formes suivies de sutures, en faisant des rectopéri- néorraphies. Mais tous ces procédés avaient l'in- convénient de s'adresser à des Lissus sans grande résistance. Pour réaliser une véritable fixation ana- tomique du rectum et supprimer le point faible du diaphragme pelvien, il était indiqué de chercher un plan plus solide. C’est ce qu'ont fait les chirurgiens que nous venons de citer, en plaçant des {sutures sur les releveurs. Cette myorraphie des releveurs, en même temps qu’elle remédie à l'insuffisance du périnée, a encore l'avantage de diminuer la profondeur du eul-de-sac prérectal qui, d'après les récentes recherches de Ludloff, aurait, dans les cas de chute du rectum, une profondeur anormale. VIII. — VOIES URINAIRES. $ 1. — Décapsulation du rein dans les néphrites médicales. Un certain nombre d'observations semblent, dès aujourd'hui, établir que la décapsulalion du rein, préconisée surtout par Edebohls, peut, dans un certain nombre de cas, améliorer l'état du rein et nous mettre en possession d'un mode de traite- ment chirurgical des néphrites, considérées Jus- qu'ici comme relevant uniquement du traitement médical. La décapsulation a pour effet immédiat de faire disparaitre la congestion ædémateuse, qui joue un rôle des plus importants dans la pathogé- nie des accidents urémiques, et pour effet éloigné de créer des voies complémentaires à la circulation 58 rénale, plus ou moins entravée par la selérose ou les poussées congestives. Lorsque la séparation intra-vésicale des urines montre que l’un des reins est à peu près exclusi- vement alteint, l'opération est indiquée, surtout s’il s'agit d'un sujet jeune, d’une néphrite aiguë ou subaiguë, d'une néphrite compliquée d'hématurie ou de phénomènes douloureux. $ 2. — Bactériologie des cystites. Considérée, il y a quelques années encore, comme très simple, la bactériologie des cystites est, en réalité, beaucoup plus complexe qu'on ne l'avait cru au début. Aux microbes aérobies, seuls étudiés au début, se sont ajoutés les microbes anaérobies qui, dans un certain nombre de cas, semblent jouer un rôle important dans la pathogénie des cystites. $ 3. — Traitement de l'hypertrophie prostatique. Le traitement opératoire direct de l'hypertrophie prostatique, dont nous avons déjà eu l’occasion de parler l'an dernier, semble aujourd’hui définitive- ment accepté. La conception du prostatique sans prostale, d’une maladie générale de l'appareil uri- naire liée à l'artério-selérose, conception unanime- ment acceptée il y a quelques années encore parce qu'elle était défendue par la haute autorité de Guyon el de ses élèves, est aujourd'hui universel lement abandonnée. Il s’agit bien, chez les malades dits prostatiques, d’une maladie locale de la pros- tate. Les examens histologiques de prostates enle- vées ont même montré que, dans un nombre de cas bien plus considérable qu'on ne l'aurait cru à priori, il s'agissait de lésions épithéliomaleuses à marche lente. L'indication de l'exérèse se présente donc avec une netteté bien plus grande encore qu'on ne le croyait lors des premières tentatives opératoires. La discussion ne porte plus que sur un point : le meilleur mode opératoire. Tandis que quelques chirurgiens préconisent la voie hypogastrique et énucléent brutalement avec le doigt la prostate après avoir ouvert la vessie, enlevant même quel- quefois en totalité avec la glande la partie pro- fonde de l’urètre, le plus grand nombre extirpe la glande par le périnée. Les résultals sont, en général, excellents. Maintes fois, nous avons vu la fièvre tomber, la cystite cesser et des malades, qui depuis des années n'urinaient qu'avec la sonde, qui même ue passaient celle-ci que très difficilement, se mettre à uriner normalement sans difficulté et sans douleur. Toutefois le volume ne semble pas le facteur le HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE $ 4. — Radiographie des calculs urinaires. La radiographie des calculs urinaires, si utile dans le diagnostic de la lithiase rénale, a fait dans ces dernières années l'objet de nombreux travaux et a, en particulier, été bien étudiée par Béclère. Au-dessous d’un certain volume, les calculs ré uaux ne peuvent être décélés par la radiographie plus important ; ce qui importe, c'est la composition chimique du calcul ou, plus exactement, la somme des poids atomiques des divers éléments chimiques dont il est composé, ce qu'on appelle, d’un mot, som poids moléculaire. Les diverses substances qui entrent dans I composition des calculs urinaires s'échelonnent d’après leur degré de perméabilité aux rayons X; depuis l'acide urique pur, dont le pouvoir d'absorp tion ne diffère pas sensiblement de celui des par- ties molles, jusqu'au phosphate de chaux, dont le pouvoir d'absorption atteint et même dépasse celui du squelette. Cela tient à ce que le poids atomique du calcium et celui du phosphore sont très élevés; tandis que l'acide urique ne contient que des élé ments ayant un faible poids atomique. Pour obtenir de bonnes épreuves, il faut que le dos soit bien au contact de la plaque, que l’on ait vidé l'intestin la veille par un purgatif et que l'o réduise le diamètre antéro-postérieur de l'abdomen en le comprimant. Le foyer lumineux doit, autant que possible, être réduit à un point. Pour diminuer les rayons secon= daires, qui partent de tous les corps frappés par les | rayons X, on emploie des rayons peu pénétrants} pas plus pénétrants que ceux marqués au radiochro= momètre de Benoist par le numéro 6, et l’on écarte | tous les rayons qui ne sont pas strictement néces saires à la recherche, à l'aide de diaphragmes de plomb qu'on place à la sortie des rayons de l'am poule et à leur entrée dans la peau. Béclère conseille aussi de pratiquer la stéréo radiographie, en prenant successivement deux clichés dans deux positions différentes convena blement choisies, de l'ampoule radiogène de telle sorte que les deux images, examinées au stéréos | cope, donnent l'impression d'un objet unique ave | l'illusion du relief et de la profondeur. | D: Henri Hartmann, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine Chirurgien de l'Hôpital Lariboisière. 1 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Bauer (G.), Professeur ordinaire à l'Université de Münich. — NVorlesungen über Algebra (éditées par le Mathematischer Verein de Münich). — A vol. in-8 de 1v-376 pages, avec un portrait et A1 figures dans letexte.(Prix :16 fr.50). T'eubner, Leipzig, 1903. En nous faisant connaître les Lecons d'Algèbre de M. Bauer, le Mathematischer Verein de Münich nous permet d'assister à un véritable tour de force : car c'en est un que de condenser dans un aussi court espace la plus grande partie de l’Algèbre supérieure de Serret, Malheureusement, le rédacteur n'a pu obtenir ce résultat sans quelques inconvénients : il a été obligé, pour l'atteindre, de faire perdre à l’enseignement de M. Bauer un peu de sa rigueur. Il était possible à Serret, mais il n'est plus admissible aujourd'hui, de démontrer le théorème de d’Alembert en introduisant le module minimum du premier membre de l'équation, sans prendre soin, sinon de démontrer rigoureusement l'existence de ce minimum, au moins de faire remar- quer qu'une telle démonstration est nécessaire. De mème, c'est simplifier un peu trop aisément la démonstration du théorème d'Abel (impossibilité de résoudre algébriquement les équations de degré supé- rieur au quatrième) que d’admetlre à priori et implici- tement la rationnalité, en fonction des racines, de toutes les quantités qui interviennent dans le calcul. Non que je voie un inconvénient à faire comprendre le véritable principe d'un raisonnement sans insister sur les minuties de rigueur; mais, encore une fois, il faudrait, au moins, faire allusion à l'existence de la difficulté et indiquer qu'elle a été résolue. Quelques additions utiles ont été faites au vieux plan de Serret. Bien entendu, le chapitre relatif aux déter- minants a été profondément renouvelé. On lira avec intérêt celui qui est consacré à la méthode de Graeffe pour la résolution des équations numériques. Jacoues HaApamaARD, Professeur suppléant au Collège de France, Maître de conférences à la Sorbonne et à l'Ecole Normale Supérieure. D’Ocagne (Maurice), Professeur à l'Ecole des Ponts- et-Chaussées, Répétiteur à l'Ecole Polytechnique. —- Exposé synthétique des principes fondamentaux de la Nomographie. — 1 vol. de 62 pages (Extrait du Journal de l'Ecole Polytechnique). Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1903. On connaît déjà assez la Nomographie pour qu'il soit bien inutile de l'expliquer en détail. Au besoin, nous renverrons à la notice que M. Laisant a consacrée dans la Revue (1899, page 526) au grand Traité de Nomo- graphie de M. d'Ocagne. C'est une branche des « Mathématiques appliquées aux arts », laquelle, sans se réclamer aucunement de la haute science théorique, se propose le but pratique suivant : faciliter les calculs numériques qu'exigent les applications, au moyen de procédés et d'appareils spé- ciaux (abaques, etc.). M. d'Ocagne a consacré à la Nomographie sa vie scientifique. Il a eu le double plaisir de voir ses travaux couronnés par l'Académie des Sciences (Prix Pon- celet 1902) et ses méthodes effectivement appliquées par les praticiens (manuels de tir de la marine ita- lienne, etc...) Tout cela est bien connu. Je me bornerai à indiquer ET: INDEX le caractère spécial du présent livre. Le Traité était surtout consacré aux applications. Le présent livre rappelle et précise quelles sont les considérations mathématiques fondamentales pour la Nomographie. LÉON AUTONNE. Maitre de Conférences de Mathémathiques à la Faculté des Sciences de Lyon. Appell (P.). Membre de l'Institut, Doyen de la Fa- culte des Sciences de Paris, et Chappuis (J.), Pro- fesseur à l'Ecole Centrale. — Leçons de Mécanique élémentaire (à l'usage des élèves des classes de 1"). — 1 vol. de vu-177 pages, avec T6 fiqures. (Prix : 2 fr. 75). Gauthier-Villars, éditeur, Paris, 1903. Le programme des études secondaires établi le 31 mai 1902, en remaniant considérablement les ma- tières enseignées, a nécessité la création, pour la partie scientifique, tout au moins, de manuels plus conformes aux conditions nouvelles de l’enseignement. C'est ainsi que M. Appell a publié, pour les classes supérieures des lycées, un « Cours de Mécanique ». à l'usage des candi- dats à l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures. C’est ainsi que, tout récemment, avec la collaboration de M. J. Chappuis, physicien, il a entrepris la publication des « Leçons de Mécanique élémentaire » à l'usage des élèves des clas de 1" latin-sciences ou sciences- langues vivantes. Le premier volume de ces « Leçons » a paru, comprenant les notions géométriques et les éléments de Cinématique. La première partie en esl constituée par l'exposition de la théorie des segments et des vecteurs, exposition aussi simple que précise et qui ne comporte que des développements géométriques élémentaires. Elle forme un tout, car elle comprend, avec raison, les moments linéaires et relatifs des vec- teurs, relégués d'habitude au chapitre de la Statique. La Cinématique débute par l'étude des unités; les auteurs y ont donné, très judicieusement, quelques développements aux notions préalables de la relativité de la notion de mouvement, de l'égalité et de la me- sure du temps. Au sujet de la « Cinématique du point», qui vient ensuite, il faut applaudir à l'introduction de la notion de dérivée dans l'étude des vecteurs vitesse et accélération. Voilà un progrès qu'on nous permettra de trouver heureux par la simplification en même temps que par la précision qu'il apporte. Les propriétés carac- téristiques des mouvements rectiligne et curviligne sont clairement notées; les auteurs abordent mème l’étude élémentaire du mouvement oscillatoire simple. Vient ensuite le chapitre relatif aux mouvements d'un système invariable. Les trois types simples (translation, rotation, mouvement hélicoïdal) y sont l’objet d'une rigoureuse étude. En outre, on peut y constater une préoccupation constante à rappeler les applications vraiment usuelles et à donner ainsi un caractère pratique, familier, à ces notions, traitées d'habitude de façon si abstraite. L'en- seignement dela Mécanique est ainsi rapproché de celui de la Physique, par un appel franc à l'expérience. Ajou- tons que, autant que possible, le raisonnement se sub- stitue aux artifices de caleul. Il est hors de doute, en effet, que c’est bien dans ce sens que doit étre comprise l'étude élémentaire de cette science, qui à été trop longtemps un ensemble de spéculations théoriques dé- placées dans l'Enseignement secondaire. Nous atten- dons donc avec contiance le prochain volume, concu dans le même esprit, que les auteurs ont promis aux élèves de la classe de Mathématiques. k En. DÉmozrs, Maître à l'École professionnelle de Genève. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 2° Sciences physiques Rowland {Henry Augustus). — Physical Papers (coliected for publication by a Committee of the Johns Hopkins University}. — 1 vol. in-8° de 704 pages et 5 pl. (Prix: 40 fr.). Baltimore, The Johns Hopkins Press, 1903. Lorsque Henry A. Rowland mourût en août 1901, ses collègues de l'Université Johns Hopkins formèrent un Comité pour élever un monument à sa mémoire. Ce Comité estima avec raison que le monument le plus précieux et le plus durable, l'hommage le plus beau et le plus utile serait la publication d’un recueil des tra- vaux de l'illustre physicien. Ces travaux, épars dans divers journaux scientiliques, n'avaient jamais été réunis et il était devenu difficile de se procurer quelques-uns d'entre eux. Le recueil ainsi projeté vient de paraître en un beau volume, orné d'un magnifique portrait du grand savant; il renferme, ce seul livre, toute l'œuvre de Rowland, à l'exception d'un petit nombre de Mémoires de Mathé- matiques dont la reproduction ne présentait pas un grand intérêt, à l'exception aussi des tableaux de lon- gueurs d'onde, résultats de mesures aujourd'hui clas- siques, qui auraient alourdi le volume et qui se trouvent facilement ailleurs. Si on la mesure au nombre des pages qui la contient, cette œuvre n'est donc pas des plus considérables : beaucoup de physiciens ont, pendant ces trente der- nières années, publié avec plus d'abondance de plus longs Mémoires; mais il n'en est guère qui aient, autant que Rowland, contribué au véritable progrès de la science. Tous ses travaux ont ce caractère de netteté, de précision qui seul fait les résultats définitifs; ils sont tous présentés avec une grande sobriété, une con- cision parfaite; aucun hors-d'œuvre superflu, aucune digression; l’auteur va toujours droit au but; dans cha- cun de ses Mémoires, un sujet unique est abordé, mais il est étudié à fond. Rowland était bien tel qu'il peint, dans un de ses discours, le véritable physicien : esprit solide et vigoureux, travaillant sans parti pris, mais avec passion, craignant les conceptions chimériques, cherchant la vérité dans l'expérience et non dans son imagination, préférant les faits aux hypothèses, les réalités tangib.es aux systèmes hasardeux ; il possédait cette opiniätre persévérance et ce souci de la rigueur qui achèvent et complètent les découvertes. : Dès 1865, à peine àgé de dix-sept ans, Rowland écri- vait au directeur du journal « Serentilie American» une curieuse petite lettre sur les vortex qui est reproduite dans le recueil actuel; cette lettre, ainsi que quelques autres essais publiés les années suivantes sur les phé- nomènes de résonance el sur le spectre de l'aurore bo- réale, permettaient déjà de prévoir le talent de l'auteur. Mais ses premiers travaux vraiment importants datent de 1833; c’est alors qu'il publia ses recherches sur le magnétisme. La lecture des Mémoires qu'il a consacrés à cette question est des plus intéressantes: elle établit d’une facon incontestable que, dès cette époque, il comprit nettement l'importance de la notion de perméa- bilité du fer et qu'il découvrit, le premier, les lois fonda- mentales du circuit magnétique. On relit de mème avec grand profit la relation des expériences qu'il fit en 1875 sur la détermination de la valeur absolue de l'unité Siemens, puis, en 1884 et 1887, sur celle de l'ohm, et aussi de celles qu'il consacra à diverses époques aux effets magnétiques de la convection électrique. Ces expériences ont, au point de vue théorique, une impor- tance de premier ordre; on se rappelle le mouvement scientifique auquel elles ont donné lieu et l’on sait que, tout récemment encore, de mémorables débats, où, de part et d'autre, la plus grande ingéniosité fut dépensée, se terminèrent par la consécration définitive de l'idée fondamentale de Rowland. Parmi les autres travaux de l'auteur qui peuvent ètre considérés comme des modèles d'expériences de haute précision, les déterminations de l'équivalent mécanique de la chaleur, avec les recherches accessoires sur la comparaison du thermomètre à mercure et du thermo- mètre à air et sur la varition de la chaleur spécifique de l’eau, mériteront toujours d’être consultées. Dans un autre chapitre de la Physique, en Optique, il a publié aussi des Mémoires du plus haut intérêt; on relira long- temps ses admirables Notices sur la construction des … réseaux et sur les mesures spectroscopiques. Les édi- teurs du recueil ont eu l'excellente idée d'ajouter aux Mémoires une description complète, qui n'avait jamais été donnée jusqu'ici, des machines à diviser qui permi-" rent à Rowland d'obtenir les magnifiques réseaux que l’on sait; cette description, accompagnée de plusieurs planches très belles et très nettes, est l’un des attraits du livre. L'œuvre de Rowland est une œuvre de science pure; l'illustre physicien n’a rien publié lui-même qui touche aux applications de la science. Dans un desdiscours qu'il prononça comme président de diverses sociétés scien- tifiques, discours qui sont tous reproduits dans le livre après les Mémoires, il se fait l'éloquent défenseur de la science pure; il s'élève contre le caractère que l'on attribue volontiers à ses compatriotes : d’être, avant tout, des hommes soucieux de l'intérêt pratique immé-. diat et peu curieux des vérités scientifiques qui ne paraissent pas directement utilisables. Aussi bien, les découvertes les plus désintéressées du savant apportent- elles souvent une aide précieuse, quoique imprévue, à la pratique; c'est ainsi, par exemple, que les progrès de l'industrie électrique ont été singulièrement facilités par les travaux purement théoriques de Rowland lui- mème sur le circuit magnétique. Daus la belle Notice nécrologique qu'il lui avait consa- crée peu de temps après sa mort, Noticequiest reproduite entète de l'ouvrage, le D' Thomas C.Mendenhall cite cette anecdote : Dans une réunion d’une société scientifique, Rowland lisait un Mémoire sur la théorie des généra- teurs électriques: à un certain moment, il fut inter- rompu par un ingénieur qui avait une grande expé- rience pratique des dynamos et qui fit observer que la . pratique était malheureusement en contradiction for- melle avec la théorie en question; pour toute réponse Rowland se contenta de dire : « Tant pis pour la pra, tique », et il continua sa démonstration. Il avaitle droit, ce pur savant, de parler ainsi; ce n'était chez lui ni vaine fatuité, ni ignorant mépris; mais il savait que les travaux du savant doivent servir de guide aux hommes pratiques et que la pratique doit changer de route quand elle n'est pas d'accord avec une théorie rigou- reusement établie ; il se rendait compte que ses décou- vertes recevraient quelque jour des applications parce qu'elles ne consistaient pas dans la construction de vagues hypothèses, mais dans la mise en lumière de faits importants solidement établis. LUCIEN Porxcané, Inspecteur général de l'Instruction publique. Ledebur (A. Professeur à l'Académie des Mines de Freiberg. — Traité de Technologie mécanique métallurgique ({raduit sur la 2° édition allemande par G. Hum8erT). — 4 vol. in-8° de 749 pages avee 729 figures. (Prix : 25 fr.) Gauthier-Villars, édi- teur, Paris, 1903. Ce Utre parait un peu lourd, mais il n’est pas pour effrayer les mécaniciens et les métallurgistes auxquels il s'adresse et pour qui le maniement de tonnes de métal n'est qu'un simple jeu. Ils auraient, d’ailleurs, le plus grand tort de s’en effrayer, car ils trouveront dans ce livre un exposé clair, logique et scientifique de toutes les transformations mécaniques que l’on peut faire subir à un lingot de métal et de toutes les variétés d'outils qui permettent ces transformations. Nombreux sont nos traités de Métallurgie, mais combien rares sont les traités mécaniques de cette espèce, qui sont cependant la suite naturelle des pre- miers! = deux “om x eh Gi ne: BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX L'ouvrage débute par la description des métaux et des alliages employés pour la fabrication des objets usuels. Ici nous exprimerons un regret, presque le seul que nous ayons à formuler : c'est que l’auteur ait passé sous silence les belles études d'Osmond, Le Chatelier, Guillemin, Charpy, Guillet, ete., sur la struc- ture microchimique des alliages, études qui, cepen- dant, ont permis d'interpréter un grand nombre des propriétés de ces alliages. L'auteur traite ensuite des différents travaux qu'on peut faire subir à un métal : travail par fusion (coulées, moulages, fours, etc.), travail basé sur la malléabilité (presses, laminoirs, banes d'étirage, emboutissage, etc.), travaux de séparation (machines à tourner, à raboter, à fraiser, à scier, etc.), travaux d'assemblage (pliage, serrage, rivelage, soudage, ete.), etc. Cette première partie de l'ouvrage est écrite à un point de vue tout à fait général, c'est-à-dire sans con- sidération de l'espèce des objets fabriqués. Dans la seconde partie, l'auteur traite de quelques cas parti- culiers, où sont appliqués les procédés étudiés dans la première partie : Fabrication des tôles, des grains de plomb, des caractères, des tuyaux, des vis, des clous, des monnaies, des aiguilles, des serrures, etc. On voit par cet aperçu, que nous avons fait très incomplet, le travail considérable réalisé par l’auteur et son utilité incontestable pour tous ceux qui s'oc- cupent de Métallurgie et de Mécanique. Et ce n’est pas là Fexpression d’une convenance banale, c’est l'expres- sion de notre conviction profonde. Rarement, en effet, nous avons rencontré un ouvrage industriel plus sûre- ment renseigné; on sent qu'on à affaire à un auteur qui à vécu dans les métiers qu'il décrit, qui s'y est rompu. Les rares erreurs que nous y avons rencontrées — et comment n'y en aurait-il pas dans une succession de sujets aussi variés? — sont des erreurs de détail sans grande importance. Aussi faut-il savoir gré à M. Hum- bert d'avoir rendu ce livre accessible aux industriels français en le traduisant d'une façon très claire, ce qui n'est pas chose facile. A. HozLarp, Chef du Laboratoire central de la Compagnie française des Métaux. Candlot (E.), Directeur de la Compagnie parisienne des Ciments Portland artificiels. — Chaux, Ciments et Mortiers. — 1 vo/. 11-16 de 190 pages avec 51 fig. de l'Encyclopédie des Aide-mémoire. (Prix : bro- ché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.). Gauthier- Villars el Masson, éditeurs. Paris, 1903. Le petit livre que M. Candlot publie dans la série des Aide-mémoire Léauté est l’abrégé, mis à jour sur quelques points, de son ouvrage classique sur les ciments et chaux hydrauliques; il possède toutes les qualités de son grand frère aîné comme méthode, clarté et choix judicieux des matières exposées. Sans entrer dans trop de détails, l'auteur donne cependant des développements suffisants pour rappeler nettement au lecteur les principes essentiels du sujet qu'il traite et les principales données relatives à la fabrication et à l'emploi de ces matériaux. Après un premier chapitre qui parle des chaux hydrauliques, on trouve une deuxième partie consacrée aux ciments naturels et artificiels ; ces derniers surtout occupent une place assez large, ce qui est parfaitement justifié par l'importance croissante que prend le ciment Portland dans les constructions modernes, civiles, mili- taires et maritimes. L'ouvrage continue par l'étude des mortiers et pré- sente ensuite, dans une quatrième partie, les procédés employés pour l’essai des ciments, des chaux et des sables. A la fin du volume, on trouve annexés les do- cuments officiels sur les fournitures de ciments et de chaux hydrauliques destinées aux travaux publics, avec les différents modèles de cahiers des charges. Tous ces chapitres résument exactement le sujet auquel ils sont consacrés et sont illustrés par de nom- breuses figures. CS = M. Candlot à jugé avec raison que les discussions théoriques ne sont pas à leur place dans un aide- mémoire; il a, par suite, laissé de côté les théories imaginées sur la constitution, la prise et le durcisse- ment des matériaux hydrauliques. Les lecteurs désireux de connaître et d'étudier ces questions complexes et encore si controversées les chercheront dans des ouvrages plus complets et dans les publications pério- diques qui les présentent au public. En limitant ainsi son sujet, l’auteur à pu donner plus de développement aux parties qni offrent une utilité et un intérêt immédiats, but principal de ce genre de publications, et nous ne doutons pas que son volume ne soit appelé à rendre service à tous ceux qui auront besoin de s'occuper de cette matière sans y être spécialistes. G. ARTH, Directeur de l'Institut chimique de Nancy. 3° Sciences naturelles Jumelle (Henri, Professeur-adjoint à la Faculté des Sciences de Marseille. — Les Plantes à caoutchouc et à gutta (EXPLOITATION, CULTURE ET COMMERCE DANS TOUS LES PAYS CHAUDS). — { vol. de 543 pages. Aug. Challamel, éditeur. Paris, 1903. Ce livre est une contribution importante à l'histoire générale des plantes à caoutchouc. Depuis dix ans, les progrès de nos connaissances sur cette question sont considérables. On s'en rend bien compte en lisant cet ouvrage, deuxième édition, complétée et étendue, de l'ouvrage du même auteur qui, en 4898, n'embrassail, d’ailleurs, que les colonies françaises. On y trouve des documents pittoresques et nouveaux sur les méthodes de travail et le commerce des seringueiros brésiliens, observés sur place par M. Bonnechaux, et d'autres sur les balatiers de l'Orénoque, d'après MM. Herbet et Joubert. La récolte du caoutchouc de Cast11loa, du Haut-Ama- zone, dont l'aire géographique laisse une marge im- portante à la multiplication, dans les parties à atmosphère très humide: les méthodes industrielles employées pour la séparation mécanique des globules et du sérum par les barattes et les écrémeuses centri- fuges, fournissent aussi des données récentes, Enfin, on y peut lire ce qui est connu sur les plantes (Carpodinus, Clitandra..….) dont les parties souterraines fournissent le caoutchouc des herbes, sur lequel la Mis- sion Chevalier attire actuellement l'attention. Mais c’est surtout l'étude botanique qui nous apporte son contingent de nouveautés. Elle embrasse 25 genres de plantes à caoutchouc réparties dans les quatre familles des Æuphorbiacées (4 genres), Artocarpées 2 g.), Asclépiadées (3 g.) et Apocynées (16 g.). L'auteur n'a qu'une confiance médiocre dans la réus- site des tentatives actuelles de culture des plantes à caoutchouc essayées loin des contrées d'origine de ces plantes. Aussi bien pourles Hevea que pour le Manihot Glaziovii, il y aurait à prévoir un échec presque géné- ral. Par contre, on possède maintenant sur ces deux genres des indications qui sont intéressantes : Les Hevea sont beaucoup plus répandus qu'on ne le croyait en Amazonie; et le Manihot, de son côté, cultivé dans son pays d’origine, pourrait donner du caoutchouc de Ceara dès la cinquième année. Le genre Sapium (14 esp. à caoutchouc) a une valeur hier encore insoupçonnée. M. Jumelle essaie une identification des divers Sapium américains, ou Jocheros, dont le polymorphisme rend parfois les diagnoses incertaines. Il est bon de noter, en particulier, la croissance rapide et la grosse produc- tion du Sapium tolinense Hort. On lira avec intérêt des renseignements sur l'Zuphorbia Intisy de Madagascar. Dans une monographie d'une quinzaine d'espèces de Ficus, l’auteur s'étend sur le F. elastica, qui supporte les températures de 89, et dont les essais de culture à Java et à Sumatra sont intéressants pour l’Indo-Chine française. Les faits concernant le caoutchouc noir de Mada- 42 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX ————— —————— gascar, fourni par le Mascarenhasia lisianthiflora, les connaissances très étendues maintenant sur les Lan- dolphia sont exposés avec les documents dus, en partie, à M. Terrier de la Bathie pour Madagascar, à MM. Chevalier et Lecomte pour le Soudan et le Congo, et aux recherches personnelles de l'auteur. Mentionnons encore les études sur les genres Xy/1- nabaria, Ecdysanthera, Parameria, Urceola, Willugh- beia.; puis les genres Funtumia, Hancornia, Chilocar- pus, Hymenolophus, Chonemorpha, Micrechites, Fors- teronia, Cryptostegia, Marsdenia et Cynanchum. 25 ligures de rameaux et de feuilles contribuent à donner une idée de ces végétaux. En ce qui concerne les Sapotacées à gutta, nous mentionnerons le succès récent des procédés d’extrac- tion, par un traitement mécanique, des feuilles qui donnent, en gutta de première qualité, 1/60 de leur poids frais. Les essais de culture à Java ont réussi, et les Palaquium Gutta, P. borneense, P. oblongifolium semblent indiqués pour la culture qui doit remédier aux dévastations d'hier. D'autre part, la production du Mimusops Balata, in- téressante pour les Guyanes et le Venezuela, est en extension marquée. Ce rapide exposé ne peut montrer tout l'intérêt et le mérite du livre de M. Jumelle, auquel les auteurs ulté- rieurs auront à se reporter. Ajouterons-nous pourtant une légère critique? Sans doute beaucoup de lecteurs regretteront, et avec raison, croyons-nous, qu'un tra- vail scientifique si étendu ne soit pas pourvu d'une bonne table bibliographique, renvoyant tout au moins aux descriptions initiales des espèces. C'est dans les ouvrages de cette sorte que les renseignements biblio- graphiques sont le plus utiles, et nous souhaitons vive- ment que l’auteur puisse combler cette lacune dans une édition ultérieure. Eomonp GAIN, Directeur des Études Agronomiques et Coloniales à l'Université de Nancy. Bordier (H.).— Précis de Physique biologique. 2° édition. — 1 vol. in-8° de 649 pages avec 288 figures et une planche en couleurs Lors texte. Doin, éditeur. Paris, 1903. La rapidité avec laquelle la première édition de la Physique biologique de Bordier s'est écoulée suffirait à prouver combien le besoin de ce petit livre se faisait sentir et justifie les appréciations que j'ai émises sur son compte au moment de son apparition. M. Bordier a encore trouvé moyen d'apporter à sa seconde édition quelques perfectionnements, principa- lement en ce qui concerne l'ordre d'exposition de cer- taines parties. Les questions peu étudiées au moment de la première publication ont recu un développement en rapport avec leur importance et avec le cadre du livre. L'Electricité médicale, en particulier, y est traitée avec le soin et la compétence que l'on pouvait attendre de l’auteur ; un chapitre presque nouveau sur la Biolo- gie, un autre sur la Photothérapie et la Radiothérapie en font un ouvrage tout à fait au courant des derniers progrès de la Physique médicale. Nous ne saurions trop recommander ce traité, très complet sous son petit volume, à tous ceux que ces questions peuvent et doivent intéresser. Dr G. Weiss, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine. ‘4 Sciences médicales Mossé (A.), Professeur de Clinique médicale à l'Université de Toulouse. — Le Diabète et l'Ali- mentation aux pommes &e terre. — 1 vol. 1n-8 de 182 pages (Prix : 5 fr.). Félix Alcan, éditeur. Paris, 1903. Le diabète ne peut ètre guéri ni même amélioré sans un régime alimentaire sévère. La diminution, puis la disparition du sucre dans les urines donnent la mesure de l'efficacité du traitement. Or, jusqu'aux travaux de M. Mossé, il était admis que, pour éviter l'augmenta- tion de la glycosurie, le diabétique devait s'abstenir de deux espèces d'aliments : les sucres et les hydrates de carbone, susceptibles de devenir glucose sous l'in- fluence des ferments digestifs; le régime antidiabé- tique excluait l'usage du sucre, du pain, des féculents, parmi lesquels la pomme de terre. En effet, le diabétique urine le sucre alimentaire que son organisme n'a pas utilisé. Il convient donc de sup- primer de son alimentation les matériaux hydrocar- bonés dont la glycolyse serait insuffisante. D'autre part, comme l'a dit Bouchard : « L'alimentation n’est réparatrice que lorsqu'elle est complète. C’est une sup- pression très grave que celle des féculents dans l’ali- mentation de l'homme ». Aussi M. Mossé a-t-il été dé- sireux de chercher le coefficient exact de nocivité des différents féculents pour les diabétiques. Or, autant il confirme l'interdiction du pain, autant il tient à réha- biliter la pomme de terre. Il la déclare non seulement inoffensive pour le malade glycosurique, mais l'aliment favorable; et il institue, grâce à elle, un nouveau régime antidiabétique, qu'il nomme, en souvenir du vulgari- sateur de ce tubereule : régime Parmentier. M. Mossé est d'avis que la pomme de terre doit rempla- cer le pain. Il la recommande cuite à l'eau ou à l'étouf- fée, et à la dose moyenne de 800 à 1.200 grammes par jour (poids des tubercules crus). Le chiffre qu'il admet pour rétablir une ration alimentaire normale est de 2 1/2 à 3 de pommes de terre pour 1 de pain. Sous l'influence de ce régime, il a vu la soif des malades disparaître, la quantité de sucre de l'urine s’abaisser, enfin l’état général devenir meilleur, tandis que le remplacement des pommes de terre par le pain amenait des effets inverses. Ainsi, sur les graphiques publiés par M. Mossé, on constate de véritables re- chutes apparaissant dès l'abandon du régime Parmen- tier. En tout cas, l'infraction systématique au régime des classiques n'a jamais provoqué chez ses malades. de recrudescence de la glycosurie. Il ne s’agit pas seulement de diabètes arthritiques améliorés par le régime Parmentier : M. Mossé relate également deux diabètes pancréatiques, d'autres avec complication suppurative, enfin avec albuminurie. Ces résultats seront pris en considération par ceux qui savent à quel degré le diabétique souffre de lim- possibilité où on le met de manger du pain. Les bis- cuits de gluten, d'aleurone, recommandés pour en tenir lieu, sont d'un goût peu agréable et d’un prix élevé. S'il est vrai que la pomme de terre puisse, sans pré- judice et même avec avantage, être conseillée aux diabé- tiques, le traitement de la glycosurie sera certaine- ment facilité. M. Mossé cherche, dans son Mémoire, à expliquer ce fait paradoxal : l'organisme du diabétique utilisant la fécule de pomme de terre, alors qu'il est incapable de glycolyser celle du pain. Il invoque tout d’abord l’eau de constitution de la pomme de terre, six fois plus abondante que dans la ration équivalente de pain: d’où diminution de la soif chez les malades. Il remarque aussi que le diabète, dyscrasie acide, est mieux combattu par la pomme de terre que par le pain (1 kilog de pommes de terre introduit dans l’éco- nomie ÿ grammes de carbonate de potasse; le blé ne fournit pas de carbonates alcalins). Done alcalinisation de l'organisme grâce au régime Parmentier. M. Mossé montre, en effet, la diminution de l'acidité urinaire pendant toute la période où le diabétique est traité par les pommes de terre. À Au reste, l'intérêt du travail de M. Mossé réside moins dans ces hypothèses que dans les faits cliuiques qu'il rapporte. Après les avoir lus, on se sent autorisé à tenter l'emploi prudent du régime Parmentier chez les diabétiques. François DÉHÉRAIN, Interne des hôpitaux. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 43 Courmont (J.), Professeur d'Hygiène, et Monta- gard (V.), Préparateur à la Faculté de Médecine de Lyon. — Les Leucocytes (technique). — Une bro- chure de 30 pages publiée in l Œuvre médico-chirur- gical (Prix :041, fr. 25.) Masson. et Ci, éditeurs: Paris, 1903. Dans une forme très succincte, très précise et très claire, celte monographie expose la technique de l'examen du sang et des sérosités, au point de vue des globules blancs; on y trouve décrits les procédés de numéralion dans le sang humide, et la technique des fixations et des colorations qui permettent d'obtenir de bonnes préparations de sang sec. Les formules indi- quées sont nombreuses et judicieusement choisies, les auteurs ayant vérifié la valeur de chacune d’elles dans leurs recherches personnelles. Le nombre des leucocytes et la proportion de cha- - cune des espèces leucocytaires dans le sang normal, avec leurs variations dans les différentes conditions physiologiques, y sont aussi indiqués d'une façon courte, mais complète, de sorte que cette monogra- phie contient tous les renseignements pratiques néces- saires à connaître pour commencer l'étude des for- mules hémo-leucocytaires dans les états physiologiques et pathologiques. A la technique de l'examen histologique du sang, les auteurs ont adjoint la technique de l'examen cyto- logique des sérosités, qui permet de faire, suivant la méthode de MM. Widal et Ravaut, le cytodiagnostic des épanchements pleurétiques, des ascites, des hydro- cèles et des méningites. Enfin, la monographie contient encore un index bibliographique très riche des principaux ouvrages et mémoires à consulter au sujet des leucocytes. Sa richesse documentaire, malgré son peu d'étendue, ainsi que la précision de ses détails, font de cet opus- cule quelque chose comme le bréviaire de l'hématolo- giste. MarcEL LABBÉ, Médecin des hôpitaux. 5° Sciences diverses Souchon (A.), Professeur à la Faculté de Droit de Paris. — Les Cartells de l'Agriculture en Alle- magne. — À vol. 1n-16 de 351 pages. (Prix : 4 fr. Librairie A. Colin, Paris, 1903. C'est aux environs de 1880, par l'effet de la con- currence mondiale, que la crise agricole à commencé de sévir sur l’Europe. Tandis que les agriculteurs anglais, obligés à se sauver eux-mêmes par les prin- cipes libre-échangistes de leur pays, restreignaient aux terres riches les cultures de céréales et dévelop- paient l'élevage, ceux de France et d'Allemagne, en particulier, abrités par des barrières douanières, cher- chaient à maintenir leurs positions en faisant appel à des méthodes nouvelles qu'ils avaient trop longtemps dédaignées, L'agriculture S'organisait d'abord en vue d'une meilleure production; elle s’industrialisait en devenant intensive, partout où cela était avantageux, en appliquant le principe de la division du travail et en se spécialisant d'après la triple loi du sol, du cli- mat et du marché, enfin, en substituant au travail humain le travail mécanique, sous ses formes les plus variées et les plus ingénieuses. On s'aperçut bien vite qu'une pareille transformation était incomplète, et qu'à l’organisation de la production il fallait ajouter l'organisation des débouchés pour arriver à une meil- leure vente des produits. L'agriculture fut ainsi ame- née là demander à la mise en pratique des procédés coo- pératifs des méthodes de commercialisation. En France, nos syndicats agricoles se sont voués surtout à l’indus- trialisation, et ils ont, certes, rendu de grands services dans ce domaine; mais leur action sur la vente est beaucoup moins avancée, surtout en ce qui concerne les grands produits, comme les céréales, le raisin, le bétail et ses dérivés. L'Angleterre est dans la même situation que nous, tandis que le Danemark, « perle coopérative de l’Europe », a réalisé des merveilles et que l’Allemagne marche rapidement dans la même voie. Le livre très documenté de M. A. Souchon nous renseigne sur l'état de la question dans ce dernier pays. Nous avons montré ici-mêème le rôle immense joué par l'association dans l’expansion commerciale de l'Allemagne. Les agriculteurs se sont mis à l’école des industriels et des commerçants. Non contents de l’or- ganisation des ventes directes, «ils rêvent, nous dit M. Souchon, la domination absolue du marché de leurs produits. Ils entrevoient de grands cartells de lagri- culture, faits, comme ceux de l’industrie, pour arrêter la dépression des prix et les maux de la surproduction ». Des résultats ont déjà été obtenus, Quelle est leur im- portance actuelle ? Quelles sont leurs chances d'avenir ? Et M. Souchon passe successivement en revue les asso- ciations pour la vente des céréales (Kornhäuser), ins- pirées des Country elevators américains, la Centrale für Viehvertretung, les laiteries coopératives, les pro- jets de création d'un cartell central pour la vente du beurre et du lait, la Centrale für Spiritus Verwertung et le cartell du sucre. Ce sont des études comparées avec ce qui existe ailleurs, et que nous ne saurions résumer dans l’espace d'un rapide compte rendu. Il faut les lire dans l'ouvrage, ainsi que les annexes renfer- mant les statuts des différents cartells. Dans ses conclusions, M. Souchon cherche à répondre aux deux questions suivantes : Les cartells de l’agri- culture sont-ils viables? Quelle est leur portée sociale et économique ? Nous croyons que l’auteur a raison de ne point partager l'opinion de M. Martin Saint-Léon, dans son livre récent, à savoir que la création des car- tells est presque impossible dans l’agriculture. Si les cartells du sucre et de l'alcool sont plutôt de nature industrielle, ils ne laissent pas d'exercer une influence marquée sur l'économie rurale, et les essais concer- nant la vente du lait, du bétail et des céréales ont bien un caractère exclusivement agricole, La route est ouverte et la lenteur de la marche ne permet pas de pronostiquer un arrêt. D'autre part, de l'étude précé- dente, il résulte que les cartells devront s'aider des coopératives de vente, lien nécessaire entre l'organi- sation centrale et le grand nombre des producteurs, que leur formation sera facilitée là où les progrès tech- niques de la culture sont plus avancés, la propriété moins morcelée, la législation plus libérale et les tarifs douaniers plus élevés. Gette dernière influence n'est pourtant pas générale ; le lait, par exemple, y échappe. Par ailleurs encore, la formation du cartell dépend de la nature du produit ; elle est facilitée si celui-ci cons- litue une matière première industrielle, et s'il peut être ramené à quelques types commerciaux bien définis. Le cartell du sucre mis à part, M. Souchon estime bienfaisante la portée économique et sociale de ces unions au point de vue du consommateur. Les prix n'ont pas augmenté, et, par la suppression des inter- médiaires, ils pourront même être diminués; enfin, la qualité des produits s’est améliorée. Ce sont là des avantages que l’on ne saurait invoquer pour la défense des cartells industriels, et il importe de souligner cette différence. Au point de vue du producteur, les cartells de l’agriculture n’ont pas agi avec une bien grande efti- cacité contre la crise agricole qui les a inspirés en partie. C'est qu'en donnant l'espoir d'une hausse des prix, ils n'ont rien fait contre la surproduction, qu'ils ont plutôt encouragée. Et l’on ne voit pas bien com- ment ils pourraient intervenir à cet égard; c’est là que résident à la fois les difficultés et aussi le danger de ces entreprises. L'enquête vraiment scientifique de M. Souchon apporte une contribution importante à l'étude de ce problème, d'un intérèt vital pour lagri- culture européenne. P. CLERGET, Professeur à l'Ecole de Commerce du Locle {Suis se). = = ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 1# Décembre 1903. L'Académie présente, à M. le Ministre de l'Instruc- tion publique, la liste suivante de candidats pour la place d’Astronome titulaire vacante à l'Observatoire de Paris : 1° M. Bossert; 2° M. Renan. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Hadamard com- munique ses recherches sur les équations aux dérivées partielles linéaires du second ordre. — M. E. Goursat généralise la théorie des fractions continues algébriques. — M. G. Wallenberg étudie l'équation différentielle de Riccati du second ordre. — M. A. Hérisson indique un procédé simple permettant d'obtenir, sur la paroi d’un cylindre qui tourne, de grandes pressions avec de faibles efforts. — M. Cannevel présente un nouveau moteur à combustion par compression à quatre temps. Il ne contient aucun organe d’allumage, fonctionne sans explosion et sans bruit; la combustion étant com- plète, il n'y a pas de mauvaises odeurs à l'échappement. — M. A. Pérot a déterminé les efforts développés dans le choc d’éprouvettes entaillées. Les efforts exercés croissant très vite, l'intervalle de temps correspondant à la production de l'effort sur le ressort est inférieur à 0,0005. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. P. Duhem, à propos d'une Note récente de M. Maurain sur la suppression de l'hystérésis magnétique par un champ magnétique oscillant, montre théoriquement que l'emploi de vibra- tions mécaniques doit conduire au même résultat. — M. H. Deslandres, étudiant les spectres de lignes et de bandes, montre qu'ils peuvent apparaître en même temps; mais le spectre de lignes correspond à une intensité plus grande du courant qui produit l'étin- celle ; il subsiste seul lorsque ce courant atteint une certaine valeur. — MM. J. Macé de Lépinay et H. Buis- son décrivent une nouvelle méthode de mesure des indices et des épaisseurs par l'observation des anneaux des lames parallèles et des franges des lames mixtes. — M. Eug. Bloch confirme la présence d'ions dans l'émanation du phosphore par la mesure des mobilités et des coeflicients de recombinaison. — M. A. Blanca étudié une résistance de contact constituée par un cohéreur formé d’un plan d'acier et d’une bille d'acier. Antérieurement à foute cohération, la résistance de contact dépend d’une manière réversible de l'intensité du courant qui la traverse. Il en est de mème après; pendant la cohération, il se produit une diminution irréversible. — M. Aug. Charpentier a reconnu que l'organisme humain et, en particulier, les muscles et les nerfs émettent des rayons ». — M. C. Matignon à observé que tous les métaux de la mine de platine sont chlorurés par le mélange 0 + HCI. — M. Léon Guillet a reconnu que seuls les aciers contenant moins de 5 °/, de Si sont utilisables; ils offrent une plus grande résis- tance au choc après trempe qu'avant. Ils renferment probablement deux solutions de silicium dans le fer : Fe-Si et Fe-Fe’Si. — M. O. Boudouard indique une méthode nouvelle de détermination des points cri- tiques du fer et de l'acier, basée sur l'enregistrement photographique des courbes de thermoélectricité. — MM. F. Osmond et G. Cartaud ont étudié, au point de vue micrographique, les fers météoriques. Ils ont été, au-dessus de certaines températures, des solutions solides homogènes de fer y et de nickel $. Au refroi- dissement, cette solution a laissé déposer, selon sa teneur, de la kamacite, de la taenite, ou de la kama- cite et de la taenite. La plessite est l’eutectique kama- cite-taenite. — MM. C. Chabrié el A. Bouchonnet ont obtenu un sesquiséléniure d'iridium par l'action de l'hydrogène sélénié sur une solution chaude de sesqmi- chlorure d'iridium; on ne peut l'obtenir par voie sèche. — M. Alb. Colson n'a pu obtenir d'acéto-chlorure de magnésium ou de calcium par l'action du chlore sur l'acétate de Mg ou de Ca. — M. L. Dubreuil a étudié l’action des bases pyridiques et quinoléiques sur les dérivés bromés de l'acide succinique; elle varie avec la nature de la base et du solvant et conduit, suivant le cas, aux acides malique, fumarique, bromofumarique, bromomaléique et acétylène-dicarbonique. — M. P. Brenans, en partant de l'orthonitraniline diiodée 1:4:6:2, a obtenu un nouveau phénol triiodé CSH2OH]S 1:3:5:6, F. 114. — MM. P. Sabatier et J.-B. Sen- derens, en faisant passer sur du nickel réduit, main- tenu à 215°-230°, un mélange de vapeurs de phénol et d'hydrogène en excès, ont obtenu un mélange-de ey- clohexanol et de cyclohexanone, qu'ils ont ensuite transformé soit en cyclohexanol pur par réduction, soit en cyclohexanone pure par oxydation. — M. J. Minguin communique ses recherches sur la stéréoiso- mérie dans les éthers camphocarboniques substitués et l'acide méthylhomocamphorique. — M. M. François a préparé un certain nombre d’iodures de mercurammo- nium dérivés des amines primaires et tertiaires. — M. P. Carré a constaté que l'acide phosphorique peut former avec la glycérine trois éthers à l'air libre et dans le vide : {°un mono-éther, l'acide glycérophospho- rique ordinaire, mono-acide à l'hélianthine et diacide à la phtaléine; 2 un diéther mono-acide à l'hélian- thine et à la phtaléine ; 3° un triéther neutre aux indi- cateurs colorés. — M. F. Battelli a reconnu, à la suite de Cohnheim, que la fermentation alcoolique du sucre, obtenue in vitro par les extraits d'organes d'animaux supérieurs, serait due à la présence de microorga- nismes et non à l’action d'une enzyme ou d'un nucléo- protéide d'origine animale. — M. A. Boïdin a constaté que l’action de l'amylo-coagulase sur les moùts de mais a pour effet de précipiter une partie de l’amylase avec l'amidon. Cette précipitation est différente de la rétrogradation des empois d'amidon, provoquée par les sels alcalins. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. André Broca et D. Sulzer ont reconnu que les sources modernes à très haute température, comme l'arc électrique ou les lampes à incandescence {rès poussées, sont nuisibles à l'œil, au lieu que les manchons à incandescence, dont l'émission est surtout dans le vert, sont, au contraire, très favorables à l'hygiène oculaire. — MM. G. Moussu et J. Tissot ont étudié la circulation de la glande paro- tidienne en état d'activité. Pour calculer la dépense de la glande, il faut faire intervenir le débit salivaire et l'augmentation de la richesse en globules rouges du sang veineux. — M. C. Phisalix à irouvé que, au mo- ment du frai, les œufs du Crapaud renferment les mêmes poisons que les glandes à venin. Dans le cours du développement, ces principes se transforment el sont utilisés à la nutrition des cellules. — M. G. Cou- tagne montre que l'étude des croisements entre taxies différentes (modalités nettement disjointes) est suscep- tible de fournir directement ou indirectement des données intéressantes sur la nature et le fonctionne- ment de tous les facteurs élémentaires de l'hérédité. M. L. Boutan à reconnu que, contrairement à l'opi- nion courante, la perle fine, bien qu'elle semble naître dans l'intérieur des tissus de certains Mollusques, est cependant une production de l’épithélium externe du manteau, au même titre que la coquille et les perles ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 15 dites de nacre. — MM. R. Zeiller et P. Fliche ont découvert des strobiles de Sequoia et de Piuus dans le Portlandien des environs de Boulogne-sur-Mer. — MM. A. Yermoloff el E.-A. Martel communiquent leurs observations sur la géologie et l'hydrologie du Caucase occidental. Séance du 21 Décembre 1903. Séance publique annuelle pour 1903. M. A. Gaudry, Président, prononce le discours d'usage, puis fait con- naître les prix décernés cette année par l'Académie. — M. G. Darboux, Secrétaire perpétuel, lit l'éloge histo- rique de Francois Perrier. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 17 Décembre 1903. Séance publique annuelle pour 1903. M. Motet lit le Rapport général sur les prix décernés cette année, puis M. le Président proclame les noms des lauréats. — M. S. Jaccoud, Secrétaire perpétuel, prononce l'éloge de Malgaigne. Séance du 22 Décembre 1903. L'Académie procède au renouvellement de son Bu- reau pour 1904. M. Léon Collin est élu vice-président. M. Motet est maintenu, par acclamations, sécrétaire annuel. M. E. Gley présente un Rapport sur un Mémoire du D: Maurice Mignon relatif à l'emploi du diapason dans l'exploration de quelques organes. L'auteur à obtenu de bons résultats par ce procédé dans l'exploration de la tête, des sinus de la face, des os, du thorax et des poumons. — M. J. Renaut montre que la macération de rein, appliquée aux malades atteints d'insuffisance urinaire, constitue l’une des médications les plus actives et les plus efficaces qu'on ait proposées jusqu'ici. Elle exerce avec rapidité des effets diurétiques intenses. C'est une médication antitoxique au premier chef, pro- venant de la sécrétion glandulaire des cellules épithé- liales des tubes contournés à bordure en brosse. — M. P. Brouardel expose les débats de la récente Con- férence sanitaire internationale de Paris (10 octobre- 3 décembre 1903) (voit p. 8). Séance du 29 Décembre 1903. L'Académie procède à la discussion du Rapport de M. Albert Josias sur le lazaret du Frioul (voir p. 9). Les conclusions en sont adoptées avec une légère mo- dification. — M. Kermorgant a étudié la répartition de la maladie du sommeil dans le Gouvernement géné- ral de l'Afrique occidentale française. On doit consi- dérer comme profondément contaminées les régions ci-après : la Casamance, la plus grande partie de la Haute-Guinée, l'hinterland du Libéria et de la Côte d'Ivoire, le Lobi; le Baol, le Cayor, le Baoulé, le pays des Bobos présentent des foyers secondaires, — M. Babinski lit un Mémoire sur le traitement des affections de l'oreille et en particulier du vertige auri- culaire par la rachicentèse. — M. Heryng donne lec- ture d’un travail sur le traitement des affections des organes respiratoires au moyen d'un appareil d'inha- lation fhermo-régulateur el gazéificateur. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 28 Novembre 1903. MM. F. Barjon et Cl. Regaud décrivent quelques modifications à leur méthode de collodionnage des éléments anatomiques dissociés. — M. V. Henri a observé que lexcitation d'un nerf viscéral produit, chez les Poulpes, la sécrétion d'un suc hépato-pancréa- tique rouge-brun, différent de celui qui est sécrété pendant la digestion. — M. M. Nicloux réfute les objections de M. Mouneyrat à la présence normale de glycérine libre dans le sang. — M. Ch. Garnier a trouvé ‘VOIES une cerlaine quantité de lipase dans les cultures de Sterigmatocystis versicolor, S.nigra el S.nidulans, — M. E. Maurel rappelle qu'il a déjà montré antérieure- ment que la désagrégation des leucocytes du sang est indépendante de la coagulation sanguine, — M. E. Brumpt à produit expérimentalement la maladie du sommeil chez un singe (Macacus cynomolqus) en lui inoculant du liquide céphalo-rachidien riche en Try- panosomes, — Le même auteur montre que la mouche tsé-tsé est l'agent de transmission de la maladie du sommeil ; cette même mouche peut transmettre égale- ment une filariose. — M. L. Bard à reconnu la forma- tion de pigments biliaires aux dépens du sang épanché dans la cavité arachnoïdienne. — M. G. Rosenthal montre que le coccobacille de Pfeiffer n’est pas le mi- crobe spécifique de la grippe, mais un saprophyte des respiratoires pouvant, comme les autres sapro- phytes, devenir pathogène. — MM. L.-G. Simon et H. Stassano ont constaté que les conditions physiolo- giques qui provoquent une sécrétion entérique active déterminent un afflux proportionnel de cellules éosi- nophiles dans la muqueuse intestinale et leur passage dans les glandes, où l’on peut les voir se transformer en produits de sécrétion. — M. L. Monfet montre que la diazoréaction reconnait pour cause, dans l'urine, une exagération des dérivés aromatiques conjugués. — M. C. Levaditi décrit une nouvelle méthode pour la coloration des spirilles et des trypanosomes dans le sang, basée sur l'emploi du brun Bismarck et du bleu polychrome. — M. L. Maillard a étudié le dosage de l'indoxyle par la méthode de nitration des couleurs in- digotiques. Exécutée correctement, elle estexacte; mais la méthode de sulfonation paraît plus sensible. — M. H. Grenet a reproduit expérimentalement le pur- pura en faisant intervenir trois facteurs : une altéra- tion hépatique, une altération nerveuse et une intoxi- cation agissant localement sur le système nerveux. — MM. Ardin-Delteil et Monfrin ont reconnu que, même à forte dose, le liquide céphalo-rachidien des paraly- tiques généraux n'est pas toxique, injecté dans les veines du lapin. — MM. H. Lamy et A. Mayer ont constaté qu'il n'y a pas de rapport constant entre le degré absolu de la pression artérielle générale, de la vaso-dilatation et de la viscosité du sang et celui de l'activité sécréloire du rein. La sécrétion glomérulaire n'est pas un simple problème d'Hydrodynamique; elle dépend de l’activité des cellules glandulaires. — M. J. Lefèvre indique l’ensemble des conditions à respecter pour aborder l'étude du rayonnement en fonction de la seule température. — MM. E. Rist et L. Ribadeau-Du- mas ont immunisé le lapin, par injection de doses faibles progressivement croissantes de taurocholate de soude, contre l’action hémolytique de ce dernier. Il se produit au début une chute marquée du nombre des hématies, mais celles-ci reviennent dans la suite à la proportion normale. — M. J.-P. Langlois à étudié la polypnée thermique sur un reptile du Sénégal, l'Agama colonorum. La dépression barométrique la fait dispa- railre. Séance du 5 Décembre 1903. M. Et. de Rouville à entrepris la révision des Néma- todes libres marins de la région de Cette; il décrit tou- tes les espèces qu'il a trouvées et dont trois sont nouvelles. — M. A.-M. Bloch a traité des plaies ancien- nes et rebelles par l'exposition à la lumière du Jour. La lumière blanche avive les plaies atones et active le travail de la cicatrisation. — MM. F. Widal et Javal ont étudié les variations de la perméabilité du rein pour le chlorure de sodium, au cours du mal de Bright; elles sont assez prononcées et dépendent, dans une certaine mesure, de l’étatde chloruration de l'organisme. — MM. J.-E. Abelous et J. Aloy ont reconnu qu'il existe dans l'organisme un ferment à la fois oxydant et réducteur. Il est à présumer que la réduction des combinaisons oxygénées se fait par hydrogénation. — M. Ch.-A. François-Frank décrit quelques points de A6 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES technique relatifs à la photographie et à la chronopho- tographie avec le magnésium à déflagration lente. — M. F.-J. Bose montre que les caractères essentiels des symptômes et des lésions de la syphilis permettent de faire rentrer cette maladie dans le groupe des maladies bryocytiques. — M. E. Maurel à constaté qu'il suffit de quelques heures de ventilation dans un endroit sec pour faire perdre aux grenouilles une partie im- portante de leur poids. Si l’on injecte de la strychnine à ces grenouilles et à des grenouilles normales, l'ac- tion du poison est en rapport avec le titre auquel le met la quantité d'eau contenue dans l'organisme. — MM. F. Battelli et G. Mioni ont observé que le sérum de bœuf possède une sensibilisatrice et une alexine qui, réunies, provoquent une constriction extrèmement violente des vaisseaux du cobaye. Le sérum de cheval possède l'alexine, mais est dépourvu de la sensibilisatrice correspondante. — MM. J.Sabra- zès, L. Muratet et J. Bonnes ont trouvé une cellule nerveuse libre dans le liquide céphalo-rachidien dans un cas de syphilis médullaire probable. — M. €. Phi- salix à constaté que la couleuvre à collier survit aux hémorragies abondantes et répare ses pertes sanguiñes ; en outre, les plaies du cœur s'y guérissent spontanément. — M. Alb. Branca à observé sur une lapine un kyste dermoïde du pavillon de l'oreille, qui s’est transmis par hérédité au cours de deux portées. — Le même auteur a constaté que toute modification dans l'aspect de la surface épidermique se traduit à la face profonde de l’épiderme par un développement inverse des bourgeons primitifs et secondaires. — MM. E. Brumpt et Wurtz ont reconnu que le Trypanosoma Castellani, parasite de la maladie du sommeil, est agglutiné dans le sang par une solution de citrate de potasse. — M. Maur. Camus signale une accumulation de stigmates physi- ques chez un dégénéré (brachycéphalie, atrés scoliose, syndactylie, ete...). — M.Ch. Garnier a déler- miné la teneur en lipase de divers liquides pathologi- ques chez l'homme. La sérosité du vésicatoire est celle qui montre le pouvoir lipasique le plus grand. Séance du 12 Décembre 1903. M. S. Ramon y Cajal décrit une méthode nouvelle très simple pour la coloration des neurolibrilles. — M. H. Grenet a étudié l’élat du caillot sanguin dans le purpura hémorragique et trouvé des cas où ilestrétrac- tile. — M. Ed. Retterer communique ses recherches sur le développement et les homologies des organes sénito-urinaires externes du cobaye femelle. — M. G. Weiss montre que rien ne s'oppose a priori à ce que le muscle soit un moteur thermique, même si son ren- dement était très supérieur. — M. E. Maurel à cons- taté, d’une manière générale, que certains vêtements font diminuer le poids de cobayes pourvus de leurs poils. — M. P.-E. Launois à reconnu l'existence de restes embryonnaires dans la portion glandulaire de l’hypophyse humaine, — M. J. Villard a observé que la chlorophylle existe dans les téguments de certains insectes, conjointement avec un principe tannique; elle est d’origine végétale et surajoutée au pigment. M. C1. Gautier à constaté l'existence de substances tannoïdes dans l'hépatochlorophylle, ce qui est une nouvelle preuve en faveur de son origine alimentaire. — M. Ch. Garnier à lrouvé de la lipase dans les cul- tures d'Aspergillus qlaucus, fumigatus et flavus. — MM. A. Chassevant et M. Garnier ont déterminé la toxicité de quelques dérivés hydroxylés du benzène. Tous sont convulsivants; c'est le dérivé ortho qui est le plus toxique, celui en méta le moins, parmi les iso- mères. — MM. A. Gilbert. M. Herscher etS. Poster- nak décrivent un procédé de dosage colorimétrique de la bilirubine dans le sérum sanguin, basé sur la réaction de Gmelin. — M. F. Arloing a constaté que les émulsions de bacilles tuberculeux renferment des prin- cipes toxiques très dangereux pour les sujets tubercu- leux quand ils sont introduits dans le sang. — M. G. Mioni à reconnu que le liquide péricardique normal de bœuf possède en assez grande quantité la sensibilisa- trice hémolytique pour le sang de cobaye; il est, au contraire, dépourvu de l'alexine. — M. J. Nicolas à observé, dans l'intoxication diphtérique expérimen- tale, une survie du lapin splénectomisé sur le témoin; le premier présente une hyperleucocytose marquée. — MM. J. Courmont et J. Nicolas ont trouvé que l'hu- meur aqueuse de lapins devenus enragés à la suite d'une inoculation intracérébrale de virus fixe est assez fréquemment, mais non constamment, virulente. — M. A. Mouneyrat apporte de nouvelles expériences d’où il déduit que la présence de glycérine libre dans le sang normal esttrès discutable. — MM. André Gouin et P. Andouard ont constaté que l’urine des Bovidés, recueillie au moment même de son émission, estneutre et non alcaline. — M. L. Nattan-Larrier a étudié la formation de la graisse dans le foie du fœtus. — M. J. Froment a reconnu que les tuberculoses guéries sont fréquentes chez les vieillards; mais elles n’agglutinent pas. Aussi les séro-réactions positives ont-elles une grande valeur pour déceler une tuberculose active et en évolution. — M. Mavrojannis a constaté qu'il existe au moins deux sortes de diastases liquéfiant la gélatine : les unes donnant de la gélatose, les autres de la gélatine peptonée. — MM. G. Moussu et J. Tissot montrent que, dans la détermination de la dépense de la glande parotide en activité, il faut tenir compte de deux facteurs : débit sanguin et sécrétion salivaire. — M. G. Malfitano a observé que la protéase char- bonneuse additionnée de sérum n'a plus d'action sur l’albumine, presque plus sur la gélatine solide et une action plus prononcée sur la gélatine liquide. —MM. x. . Henri, S. Lalou, A. Mayer et G. Stodel décrivent l = méthodes qu'ils ont employées pour une étude généra des propriétés des solutions colloïdales, M. G. Moussu est élu membre titulaire de la Société. REUNION BIOLOGIQUE DE BORDEAUX Séance du 17 Décembre 1903. M. L. Gentes a observé que le lobe nerveux de l'hy- pophyse parait contenir, chez certains animaux, des cellules épendymaires et névrogliques et surtout un nombre prodigieux de fibres nexyeuses, — M. Ch. Mon- gour à constaté que la ponction lombaire incomplète- ment évacuatrice parait être suivie le plus souvent d'une exagération de l’activité réflexe dans les affec- tions du système nerveux central. — M. F. Le Dantec décrit un nouveau Mon pour la recherche des para- sites du sang en général et des hémalozoaires du palu- disme en particulier. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 4 Décembre 1903. M. E. Bouty a étudié l'influence de là température sur la cohésion diélectrique des gaz. Pour cela, il a porté tout le système du condensateur et du ballon à gaz placé entre ses armatures à des températures comprises entre + 200° et — 100°. L'échauffement était produit à l’aide d'une spirale traversée par un courant. L’abais- sement de température était obtenu à laide d'air liquide qui se vaporisail dans l'enceinte. À haute tem- pérature, on est gèné par la conductibilité du verre du ballon. Mais, en employant un ballon de cristal très dur, on a pu pousser les mesures jusqu'à +200° envi- ron. Le résultat général est que, quel que soit le gaz ou le mélange de gaz employé, /a cohésion diélectrique à volume constant, c'est-à-dire relative à une masse de gaz invariable enfermée dans le ballon, est indépendante de la température. De — 1009 à + 2009, la variation, si elle existe, n'atteint certainement pas un centième. Parmi les propriétés des gaz, il n'y a guère que l'in- dice de réfraction et, par extension, probablement aussi la constante diélectrique (sur laquelle on ne possède d'expériences ni à haute ni à basse tempéra- ture) qui soient invariables à volume constant. On doit ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 47 done considérer la cohésion diélectrique comme une propriété moléculaire, au mème titre que l'indice. Grâce à l'obligeance de M. Moissan, M. Bouty à pu disposer d'une quantité d’argon pur suffisante pour étudier sa cohésion diélectrique. Celle-ci est environ trois fors plus faible que celle de l'hydrogène, considéré habituel- lement comme le gaz le plus conducteur. Tandis qu'avec sa batterie de 16.000 volts, M. Bouty n'avait pu pousser les mesures relatives à l'hydrogène au delà de 10,8 cm., il a pu, avec l'argon, atteindre 31 cm. — M. P. Lange- vin, en raison du très grand intérêt que présente le résultat de M. Bouty, sur l'indépendance de la cohésion diélectrique etde la température, rappelle que, au point de vue de la théorie des ions, ce résultat signifie, comme M. Bouty l'a signalé lui-même, que l'énergie nécessaire pour dissocier une molécule du gaz en un corpuscule cathodique et un ion positif est indépendante de la tem- pérature. Bien qu'ils n'aient pas le mème caractère de précision que les résultats de M. Bouty, d’autres faits viennent à l'appui de cette conséquence : M. Stark a montré récemment que la chute de potentielcathodique, dans un tube à gaz raréfié, reste invariable quand on élève jusqu'à 1.000 la température de la cathode en maintenant constantes la densité du gaz et l'intensité du courant. M. Mc Clung à observé que l'intensité de l'ionisation produite dans un même gaz à densité cons- tante, par un même faisceau de rayons de Rüntgen, est indépendante de la température. Ce fait que l'énergie d'ionisation, variable d’un gaz à l’autre, est, pour un même gaz, indépendante de la température, peut être rapproché de cet autre fait que l'énergie d'ionisation d'urs molécule (101 erg environ) est énorme par rap- “ .“uà l'énergie d’agitation thermique (10-16 erg), #won 100.000 fois plus grande. On conçoit done que le phénomène d'’ionisation reste indépendant du mou- vement thermique. Il parait en être de même de tous … les phénomènes qui intéressent la structure de l'atome : indépendance des raies spectrales et de la température, et faits signalés par M. Curie sur la constance de la durée de destruction de l’émanation du radium, inva- riable entre la température ordinaire et celle de l'air liquide, et de la chaleur dégagée spontanément par les sels de radium, invariable entre la température ordi- naire et celle de l'hydrogène liquide. — M. Victor Henri signale les expériences de MM. W. Ostwald et Gros sur la photographie par catalyse (catatypie). Les recherches nombreuses sur la catalyse faites par Ostwald et ses élèves ont montré que certains métaux que l’on ren- contre dans la photographie (Ag, Pt, Mn, etc.) accé- lèrent des réactions qui peuvent être utilisées en photo- graphie, et que cette accélération est proportionnelle à la quantité de catalysateur, Ces résultats ont pu être appliqués à la photographie et ont donné lieu à toute une série de procédés nouveaux, extrèmement rapides, pour le tirage des épreuves photographiques. Le premier groupe comprend les cas de catalyse directe ; le métal d'une épreuve photographique est employé comme catalysateur d'une réaction colorée. Par exemple, on applique contre un positif au platine une feuille de papier humectée d’une solution de bromate de potas- sium et de pyrogallol ; l'oxydation est accélérée par le platine, et l’on voit qu'après 5 ou 10 minutes on obtient sur la feuille de papier une image rouge posi- live, copie de l’image au platine. Le deuxième groupe de procédés, imaginés par MM. Ostwald et Gros, peut ètre désigné sous le nom de catalyse indirecte ou avec corps intermédiaire; ce corps est l’eau oxygénée. On humecte un négatif au platine sur papier avec une Solution d'eau oxygénée dans l’éther, on laisse évaporer l'éther, et l’on met contre cette épreuve une feuille de papier gélatiné : la gélatine fixe l'eau oxygénée aux endroits où elle n’a pas été décomposée, c'est-à-dire là où il n'y avait pas de platine sur le négatif; on laisse la feuille de papier gélatiné en contact pendant quelques secondes, puis on la plonge dans une solution de sel de manganèse ou de sel de fer. L'eau oxygénée qui à été fixée par la gélatine oxyde aux endroits cor- respondants le manganèse ou le fer, et l’on obtient ainsi, sur la feuille de papier gélatiné, une image en bioxyde de manganèse ou en sel ferrique. Cette image est très nette, et on l'obtient en quelques secondes, sans avoir besoin de lumière. On peut donc, en partant d’un négatif au platine sur papier, tirer très rapide- ment des épreuves positives au manganèse ou au fer. Ces positifs peuvent, à leur tour, être facilement colorés par toute une série de colorants, grâce aux propriétés oxydantes des sels manganiques et ferriques vis-à-vis des solutions d'aniline. — M. Ch.-Ed. Guillaume com- munique ses recherches sur les propriétés élastiques des aciers au nickel", SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 11 Décembre 1903. MM. V. Auger et M. Billy, en chauffant à des tempé- ratures variant de 180 à 280° du permanganate de potassium et une base alcalino-terreuse, en présence d’un mélange fusible de nitrates alcalins, ont obtenu des sels verts, insolubles dans l’eau, dont la composition corres- pond à la formule Mn°O8M®. La lithine fournit de même un composé MnO“Liÿ. Ils proposent de nommer ces sels, qui correspondent à l'union d'un manganite et d'un man- ganate, des manganimanganates basiques. Is ont remar- qué qu'un mélange offrant la composition (AzO®Li°. (AzOSK}* fond à 1310; un mélange (AzO®Li)*. (AzO'K). AzONa fond à 126°. — M. C. Matignon expose ses recherches sur l’action chlorurante de l'acide chlorhy- drique et de l'oxygène. En employant une solution d'acide chlorhydrique et de l'oxygène libre, il a trouvé que, dans ces conditions, tous les métaux s’attaquent à des températures variables pour chacun d'eux. — M. A. Hollard reprend le principe théorique de la séparation des métaux par électrolyse, d'après lequel il suffirait de faire croître graduellement la tension électrique aux électrodes pour que chaque métal se déposât à partir d'une tension, dite tension de polari- sation, qui lui est propre. M. Hollard démontre que, si ce principe n'est presque jamais applicable, cela tient au dégagement gazeux des électrodes, qui donne au bain une résistance électrique tellement grande que le courant qui le traverse est forcément trop faible pour permettre des séparations complètes. M. Hollard est arrivé à supprimer ces gaz el a effectué du même coup des séparations non réalisées jusqu'ici. M. Hollard montre ensuite que l’électrolyse du sulfate de nickel peut donner lieu à un rendement électro-chimique très supérieur à celui qui est prévu par l'équivalent électro - chimique du nickel bivalent, ce qui conduit à admettre l'existence, dans le bain, de sulfate nickeleux : SOIN. — M. A. Mouneyrat montre que les méthodes proposées jusqu'ici pour rechercher la glycérine libre dans le sang normal ne permettent pas d'aflirmer, comme on l’a fait, que cel alcool triatomique existe à l'état libre dans ce liquide. — M. Vournasos à envoyé une Note sur la recherche de l’acétone dans l'urine. — M. P. Carré à envoyé une Note sur l'éthérification de l'acide phospho- rique par la glycérine. SOCIËTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 3 Décembre 1903. M. J.-F. Bottomley a cherché à déterminer la for- mule moléculaire de quelques sels à l’état fondu au moyen de leur énergie superficielle moléculaire. Les nitrates de sodium et de potassium paraissent à cel élat être formés de molécules complexes renfermant neuf à dix molécules simples. — M. G.-T. Moody à étudié la corrosion atmosphérique du zinc. Elle lui paraît due, comme celle du fer, à l’action de l'acide ! Voyez l'exposé de ces recherches dans un article de l'auteur paru iei même (Rev. gén, des Sciences du 15 juil- let 1903, &. XIV, p. 714). 45 EEE carbonique sur le métal; mais l'attaque est moins Mmal- quée parce que l'acide est en grande partie retenu en combinaison sous forme de carbonate basique M. A.-C. Cumming a constalé que le cyanate de plomb est rapidement et quantitativement transformé en car- bonate de plomb par hydrolyse avec l'eau bouillante : Ph(UAz0}>-+2H20 —PDGO* + CO(AZH°}. L'eau froide ne l'attaque pas. — M. R.-C. Farmer à observé que les acides benzoïques substitués ont la propriété générale de former des sels contenant une molécule d'acide libre pour une molécule de sel neutre. Ces sels sont des composés cristallins délinis, décomposés par l'eau, mais non par les solvants inertes. — MM. B.-D. Steele et F.-M.-G. Johnson ont déterminé les courbes de solubilité des hydrates de sulfate de nickel (à 7H°0 et à 64H20 quadratique el monoclinique) entre — DoMEL 4-99. À 4310, les solutions laissent déposer un dihy- drate. — MM. B.-F. Davis et A. R. Ling ont étudié l'action de la diastase de malt sur l’'amidon de pomme de terre. La diastase, altérée par chauffage au-dessus de 55°, produit par action sur ‘amidon du d-glucose (42 o/, au maximum). — M. C.-W. Moore, en chauf- fant le malonate d'éthyle avec son dérivé sodé, a ob- tenu le phloroglucinoldicarboxylate d'éthyle C'H(OH} CO:C°H:), F.104°. SOCIÉTÉ ANGLAISE DES INDUSTRIES CHIMIQUES SECTION DE LIVERPOOL Séance du 25 Novembre 1903. M. H. Briggs décrit une nouvelle méthode pour la mesure des tensions de vapeur des solutions concen- trées d'acide sulfurique à haute température ; elle con- siste essentiellement à aspirer à travers l'acide un volume d'air sec mesuré et à peser l’eau entraînée. L'auteur a obtenu à 100° les résultats suivants : PRESSION POURCENTAGE DE H°S0! en millim. de mercure dans la solution 11,51 20,2 19,11 14.3 SL,81 8,5 84,26 5.3 81,32 2,4 91,22 Très faible SECTION DE NOTTINGHAM Séance du 25 Novembre 1903. M. H.J. Watson a étudié comparativement les mé- thodes employées pour déterminer l'acidité totale des gaz qui s'échappent des chambres de plomb pour la fabrication de l'acide sulfurique. Il a reconnu que l'hy- drate de soude seul constitue un meilleur absorbant que le peroxyde d'hydrogène seule qu'un mélange des deux est encore supérieur ; on obtient pour l'acidité les résul- lats les plus élevés en plaçant H°0? seul dans le pre- mier vase d'absorption et un mélange de NaOÏI et de H20? dans les suivants. SECTION CANADIENNE Séance du 18 Novembre 1903. M. H. Carmichael expose ses essais sur la séparation de l'or, de l'argent et du platine. Un alliage renfermant : Au 300, Pt 14, Ag 900, coupellé, puis traité successive ment avec HAzO® à 210 et à 32° B., laisse un cornet ne renfermant que de l'or pur. Un alliage renfermant : Au 25, Pt 5, Ag 300, coupellé, puis traité successivement par H?SO* dilué, lavé, et par HA70* concentré, laisse un cormetrenfermant Au et Pt et de faibles traces d’Ag. __ M. &, W. Me Kee a recherché dans quelles condi- tions l'admission de vapeur dans les producteurs de gaz à l'eau du type Lowe est le plus économique. Quand la pression du tuyau abducteur est réduite de moitié après la quatrième minute, on obtient une épargne considé- ACADÉMIES ET SOCIËTÉS SAVANTES ——— rable de coke, etla composition du gazestainsi modiliée que la proportion de CO* est abais SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE Séance du 21 Novembre 1903. M. O. Lummer présente une contribution à l'inter- préfation des récentes expériences de M. Blondlot sur les rayons N. L'auteur fait remarquer que, dans toutes ses observations, M. Blondlot se guide sur les augmen- tations d'intensité que présente une source de lumière sous l'action du rayonnement; aussitôt que ce dernier est éliminé, cette source de lumière s'obscurcit. Les dimensions de toutes les sources analysantes sont très petites; les observations se font dans la chambre obs- cure. On, en dépit des variations assez grandes d'inten- sité lumineuse dont il est question, ni M. Blondlot ni d'autres observateurs n’ont jusqu'ici réussi à démon- trer d'une facon objective la modification d'énergie correspondante, et, ce qui est plus frappant encore, certains physiciens, ayant voulu répéter les expériences si remarquables de M. Blondlot, n’ont point réussi à mettre en évidence les effets observés par ce dernier. Aussi l’auteur essaie, dans le présent travail, de faire voir qu'une grande partie des effets constatés par M. Blondlot peuvent s'imiter presque parfaitement sans faire usage d'une source de rayonnement quelcon- que, c'est-à-dire que les modifications de forme, de luminosité ou de coloration observées peuvent être dues à des phénomènes qui se passent dans notre œil grâce au concours des deux espèces d'éléments nerveux de notre rétine dans la vision à l'obscurité. Ces deux élé- ments sensibles à Ja lumière transforment, en eftet, l'énergie qu'ils recoivent du dehors en excitations ner- veuses. Les recherches physiologiques toutes récentes sur la vision à faible intensité lumineuse ont réussi gra- duellement à faire la part de ces deux éléments consti- tutifs de la rétine. Il paraît, en effet, que ce sont les cônes qui entrent en fonction dans la vision en pleine lumière, leur excitation produisant dans le cerveau la sensation de couleur, alors que les bâtonnets, conte- nant le pourpre, seraient absolument aveugles aux cou- leurs, n'entrant en fonction qu'à une lumière très faible et étant susceptibles d'exalter considérablement leur sensibilité dans l'obscurité. Avant que les cônes aient la sensation de lumière colorée, les bâtonnets trans- mettraient au cerveau l'impression d'une luminosité, incolore. Lorsqu'on observe, dans la chambre obscure, l'accroissement de température graduel d'un corps à partir de la température de la salle jusqu'à celle de l'incandescence, l'œil, d’après l'auteur, aurait par deux fois l'impression d'une discontinuité, à savoir : d'abord au passage de l'obscurité au gris « spectral » (incan- dessence grise), et ensuite au passage de cette der- nière à l'incandescence colorée (rouge). Ces deux discontinuités seraient dues au passage du seuil d'ex- citation de notre nerf optique; les organes transmet- teurs différeraient seuls dans les deux cas, c’est-à-dire SP" hi va que l'incandescence grise correspondrait au seuil d'ex- citation des bâtonnets, l'incandescence rouge à celui des cônes de notre rétine. Or, comme, dans la fosse centrale de la rétine, il n'y a que des cônes et point de bätonnets, tandis que le reste de la rétine contient les deux éléments constitutifs, disposés de telle manière que, vers le bord de la rétine, ce sont les bàtonnets qui » prennent le dessus, dans la vision directe ces derniers se trouvent éliminés, n'entrant en fonction que dans la vision indirecte périphérique. Ce concours des deux éléments sera sensible surtout dans le cas d’une lu- mière faible. Or, dans quelques expériences de M. Blon- dlot, c'est justement une surface peu lumineuse et de dimensions réduites qu'on regarde dans l'obscurité : avant de porter toute son attention sur la lame de pla- tine faiblement incandescente dont se sert M. Blondlot, on la regarde au moyen des portions périphériques de la rétine, les deux éléments constitutifs de cette dernière concourant à la vision. Aussitôt qu'on vient ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 19 à insérer l'écran de plomb ou la main entre la source lumineuse ef la surface de platine, afin d'en observer les modilications, on fixera autant que possible la lame de platine en éliminant les bâtonnets. La lame de pla- line prendra donc nécessairement un aspect moins lumineux et moins rougeûtre; comme, toutefois, cette fixation demande du temps et un certain effort, ces phénomènes demanderont pour être observés un temps appréciable (et c'est là justement ce que fait observer M. Blondlot). L'auteur ne va, du reste, pas aussi loin que certains autres expérimentateurs allemands, et n'a point l'intention de nier l'existence objective des rayons N. — M. A. Wehnelt avail signalé, dans une récente communication, le fait que des rayons catho- diques d’une vitesse (rès peu considérable {correspon- dant à 300 volts et moins) sont capables d’exciter une fluorescence vive sur le verre de Thuringe. Comme, d’après les récentes observations de M. Lenard, les rayons cathodiques seraient incapables d'exciter la phosphorescence de certaines substances en dessous d’une certaine valeur de la vitesse pour une valeur quelconque de leur « densité rayonnante », l’auteur vient d'exposer quelques substances aux rayons catho- diques de faible vitesse afin d'établir la limite infé- rieure de l’excitabilité fluorescente de ces rayons. II résulte de ces expériences que les limites indiquées par M. Lenard, loin de posséder une validité univer- selle, ne sont relatives qu'aux rayons dont il se sert et qui ne transportent que des quantités d'électricité extrêmement faibles. ALFRED GRADENWITZ. ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Séances de Novembre 1903. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Pascal s'occupe du second problème de réduction pour les formes différen- tielles d'ordre impair, et ajoute quelques recherches complémentaires. — M. S. Pincherle reprend les re- cherches de M. Nielsen sur les conditions nécessaires et suflisantes pour le développement d'une fonction analytique d’une forme donnée en série de factorielles, et il montre que ces conditions peuvent s'exprimer sous une forme plus simple. — Dans une autre note, M. Pincherle rappelle que, lorsque l’on connaît les pôles d'une fonction méromorphe et les résidus res- pecüfs, le problème classique de Mittag-Leffler permet de construire une expression qui représente la fonction à moins d'une fonction entière d’addition; mais le problème de la détermination de cette fonction entière au moyen de la fonction méromorphe présente, en général, de grandes diflicultés, et l'on ne connaît pas d'indications pratiques auxquelles il soit possible de recourir. M. Pincherle discute un cas dans lequel on peut obtenir complètement la détermination de la fonction susdite; la solution donnée par M. Pincherle se rattache d'une manière intéressante au problème de la sommation d'une série divergente. — M. V. Volterra observe que, pour l'application de la règle des phases, il est nécessaire de caleuler le nombre des composants indépendants et le nombre des phases d'un système donné; or, pour le calcul du premier de ces nombres, on ne trouve dans les traités aucune règle générale. M. Volterra en donne une, qui peut être très utile aux chimistes; elle sert à trouver le nombre qui détermine les éléments simples, formant des corps d’une compo- Sition chimique connue ; ces éléments peuvent être pris en quantités arbitraires qui, une fois élablies, fixent les masses de tous les éléments simples composant le système. — Le problème de l'inversion des intégrales définies dans le champ réel, proposée par Abel à propos d’une question particulière de Mécanique, a été résolu dans ces dernières années par M. Volterra. La question à été reprise par M. P. Burgatti, qui indique une méthode conduisant à la recherche de formules de résolution qui rendent plus général le problème de l'inversion. — M. E. Daniele s'occupe de la théorie des potentiels d'ordre supérieur; il recherche s'il est pos- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904, sible d'admettre réellement les forces dépendant des coordonnées et de leurs dérivées premières (ou, ce qui est la même chose, les potentiels correspondants), et quelle interprétation on peut leur donner. — M. E. Mil- losevich transmet à l'Académie les observations de la comète 1903 ec IV, faites par lui et par M. E. Bianchi à l'équatorial de 39 centimètres d'ouverture, à lObserva- toire du Collège Romain. 2° SCIENCES PHYSIQUES. —MM. V. Volterra et A. Rôiti pré- sentent une relation favorable à la publication d'un Mémoire déposé par feu M. Bartoli en 1882. Dans ce travail, l’auteur décrit des expériences préliminaires qui prouvent qu'en faisant tomber les rayons solaires sur la surface d'un anneau circulaire de cuivre argenté qui tourne rapidement, on voit ces rayons donner naissance à un courantélectrique. —M. R. Magini con- tinue à s'occuper du pouvoir d'absorption, et arrive à la conclusion que, dans ce phénomène, la nature des groupes formant la molécule d'un corps a très peu d’in- fluence ; il est plus probable que l'absorption dans le spectre ultra-violet est déterminée presque entièrement par la conformation moléculaire d’un côté, et par la nature des liaisons de l’autre. — Les expériences exécutées jusqu'ici avec la méthode de Poiseuille et avec d’autres méthodes, pour établir si un champ élec- tromagnétique manifeste quelque influence sur la vis- cosité d’un liquide placé dans ce champ, ont conduit à des résultats contradictoires. M. A. Pochettino a repris la question, et a fait usage de la méthode proposée par Helmholtz et appliquée par Meyer; il à trouvé ainsi qu'avec le benzène on reconnait une augmentation de viscosité de 1,5°/,, de 4°/, pour le xylène etde 1°/, pour le pétrole. — M. D. Pacini a fait de nombreuses mesures de la radiation actinique solaire et de la radiation calo- rifique, à Castelfranco Veneto, pendant l'été de 1903; les mesures élaient exécutées simultanément dans le même lieu et à différentes heures du jour, avec l’acti- nomètre photoélectrique de MM. Elster et Geitel, Des tables préparées par M. Pacini on déduit que le coef- ficient de transparence relatif à la radiation calorifique est deux fois et demie environ plus grand que celui de la radiation actinique; le rapport entre les deux valeurs est presque constant pour les différentes hauteurs du Soleil dans la mème journée. 11 est intéressant encore de voir que, lorsque la nébulosité du ciel augmente, le coeflicient de transparence pour la radiation actinique du Soleil diminue relativement à celui de la radiation thermique. — M. G. Guglielmo rappelle que la manière la plus simple de déterminer la tension superticielle d'un liquide consiste à peser les gouttes qui se détachent de l’orifice d’un cristallisoir, après avoir mesuré le diamètre minimum du col de la goutte lorsque cette dernière commence à se détacher. Mais, de cette facon, on à trouvé pour la tension superficielle de l’eau des valeurs très différentes, qui vont de 4,5 à 40,5 milli- grammes. M. Guglielmo démontre que ces différences proviennent de l’inexactitude des calculs, et des condi- tions peu convenables dans lesquelles on à fait les expériences. —MM. E. Paterno el A. Mazzucchelli, rap- pelant la difficulté présentée par le lavage du fluorure de chaux obtenu par voie humide, qui donne toujours des suspensions opalines, ont cherché si le CaFl, est capable de prendre l’état colloïdal, et ont étudié les solutions obtenues.— M. E. Rimini expose une nouvelle méthode pour le dosage de l'hydrazine el de quelques dérivés, qui repose sur le fort pouvoir de réduction de ce corps, signalé par Curtius et Jay. La réaction étudiée par M. Rimini se prète très bien à la détermi- nation du chlorure mercurique, et fournit un moyen rapide et assez exact pour contrôler promptement un grand nombre de préparations antiseptiques à base de sublimé corrosif. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. C. Rimatori donne la des- cription du fahlerz récemment découvert dans la mine de Palmavexi, près d'Inglesias (Sardaigne). Ce minéral a un aspect métallique et la coloration grise de l’acier. L'analyse à permis de reconnaitre que le minéral est 1 30 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES un sulfo-antimoniure de cuivre, c’est-à-dire une tétraédrite se rapprochant par sa composition du type simple 4Cu°S.Sb°S*'. — M. D. Delcampana donne une monographie complète de la faune du Giura supérieur des Sette Comuni Vicentini. — M. G. Noë, étudiant le cycle évolutif de la Æilaria labiato-papillosa Alessan- drini, avait observé aux abattoirs de Rome que l’in- fection est répandue dans toutes les localités, mala- riques ou non, et qu'elle frappe autant le bétail nomade que le bétail domestique. En cherchant l'hôte intermé- diaire du parasite, M. Noë a trouvé que cet hôte est la Stomoxys; chez cette dernière, la paroi du tube digestif est traversée par les embryons de la Filaria qui, après être arrivés dans la tête de l'hôte, y accomplissent, entre les muscles, leur développement larval; par le labium de la Stomoxys, ils passent ensuite dans l'hôte définitif. M. Noë ajoute des explications sur le méca- nisme de migration de larves adultes et décrit le phé- nomène par lequel la Æilaria immitis, à la fin de son évolution larvale, se dirige directement au labium des moustiques. — À une nouvelle affirmation du D' Loos, sur la possibilité que les larves d’Anchylostoma passent à travers la surface cutanée de l'homme et des animaux, et parviennentainsi jusqu'au tube intestinal, M. G.. Pieri répond par une série d'expériences, exécutées sur lui- même et sur des chiens, dans les meilleures conditions et avec les plus grandes précautions. Or, de ces expé- riences il résulte que l'infection par l'Anchylostoma, en déposant et maintenant les larves sur la peau, est absolument impossible; on doit donc admettre que la seule voie d'infection est la bouche. — Pendant la qua- trième expédition scientifique faite par M. Mosso au Mont Rose, au mois d'août, on a étudié les changements qui se produisent dans le sang aux grandes altitudes. Les nombreuses recherches exécutées par M. C. Foù prouvent que l'augmentation des globules rouges dans le sang s'observe seulement à partir de 3.000 mètres, après huit à neuf heures de séjour, et à un degré différent selon les individus. Cette hyperglobulie, qui est périphérique, est accompagnée d’une augmentation de l'hémoglobine. Après huit à dix jours de séjour à une grande altitude, on observe une augmentation des globules rouges dans les vaisseaux artériels. En redes- cendant dans la plaine, trente-six heures suffisent pour faire disparaitre l'hyperglobulie. M. Foà a encore reconnu que le sang, après l'hyperglobulie, devient normal sans qu'il se produise une destruction des glo- bules rouges. Il à trouvé que l’homme exhale une quantité moindre de vapeur d’eau dans l'air raréfié qu'à la pression ordinaire, ce qui ne justifie pas l'hy- pothèse de Grawitz qui attribuait l'hyperglobulie à la perte de vapeur d'eau de l'organisme dans la haute montagne; d'autres expériences contirment enfin que l'hyperglobulie périphérique est due à l'arrêt du sang dans les vaisseaux capillaires dilatés de la surface de la peau. — M. F. Kiesow apporte une contribution à l'étude de la vitesse de propagation de l'excitation dans le nerf sensitif de l'homme. 11 décrit les dispositifs etappareils de mesure qui ont servi pour les recherches sur le bras et sur la jambe; en comparant les valeurs obtenues par lui et celles trouvées par Helmholtz et Bart pour le nerf moteur, on arrive à la conclusion qu'une différence de la vitesse du courant de propaga- tion entre le nerf moteur et le nerf sensitif n’est guère admissible, au moins pour les voies nerveuses qui ont été étudiées. — Dans les carrières de pouzzolane et de tuf de la Campagne romaine, la culture des champi- enons de couche, sur le système de Paris, est très ré- pandue. En général, cette culture donne des résultats satisfaisants dans les premiers temps; mais, ensuite, dans la même carrière, le rendement diminue conti- nuellement et finit par devenir nul. Cette diminution est causée par le développement de parasites, et par- ticulièrement par un hyphomycète, la Monilia fimicola, décrit par MM. Costantin et Matruchot, qui s’attacherait au mycélium de l'Agaricus campester. MM. G. Cuboni et G. Megliola ont étudié la maladie des champignons de couche dans les carrières romaines, maladie qui se manifeste par des petits points blancs qui envahissent les meules, et sont formés par les Monrlia; ils croient que le parasite doit être attribué au genre Üospora, et ils proposent le nom de Ooospora fimicola (Cost. et Matr.). Les deux auteurs donnent des détails sur la. culture du parasite, et ils croient pouvoir aflirmer que l'Oospora n’est pas un parasite du mycélium de l’agarie, mais quil vit en saprophyte sur le fumier dont il utilise les substances nutritives, qui viennent ainsi à. manquer aux champignons. L'Oospora se reproduit avec une grande facilité et est très contagieux; la seule manière de le combattre, pour le moment, est d’ex- porter promptement el soigneusement de la carrière le matériel infecté. Ernest Mancini. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 19 Novembre 1903. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Weinek : La théorie des passages des planètes devant le disque so- laire. 20 Sciences PHYSIQUES. — M. F. M. Exner étudie les rapports entre la répartition de la pression atmosphé- rique et les nuages. Quand, avec une vitesse déter-, minée du vent et des isobares parallèles, l'air se trans-. porte d'une région de haute chute de pression dans une région de chute plus faible, il fait mauvais temps; dans le cas contraire, il fait beau temps. — M: A. Schell décrit un nouveau dispositif pour la préparation et la vision des images stéréoscopiques. ' 3° SCIENCES NATURELLES. — M. L. Merk arrive à da, conclusion que les cellules épithéliales adhèrent méca- niquement, soit entre elles, soit avec leur substratum ; elles collent par suite de leurs propriétés bio-chimiques, — M. F. Berwerth communique son quatrième Rap- port sur les observations géologiques et pétrographiques faites dans l'aile sud du tunnel de Tauern. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 31 Octobre 1903. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J.-C. Kluyver : Sur u (im) des séries dérivées de la série È + L'auteur in- 11 dique par g{(m) la fonction arithmétique du nombre entier 22 qui disparait pour m—multiple d’un carré et M qui, d’ailleurs, est égale à Æ1 ou à —1 à mesure que M ur est le produit d'un nombre pair où impair de nombres premiers. Le théorème d'Euler : DECTEEEE Lil DAS m1 DNS SAS ET OT Lust) 1 n'a été prouvé rigoureusement que très récemment par MM. H. von Mangoldt (1897) et E. Landau (1899). Ici, l'auteur s'occupe des séries : M = © T S u(mb + h) ba — ————— LS TEATEETe m—û convergentes tout de mème. Successivement, il trouve : ee 3V3 T sde Me10— 040211 — 0, ls —— T3: D: Tii=—Ts3—;, Te — 0}, Msy1 — 11928..., Ts,2— 10,10... Ts,3— 0528 V3 V3 140,034. T6, 1 — —T6,5— —— M6, — 6,4 — pe ur 2T. Tes = 0. — M. C. Sanders : Détermination astronomi- que de la longitude et de la latitude à la côte oceideutale d'Afrique. Seconde partie (pour la première, voir Aev. génér. des Sciences, t. XII, p. 1151). 4. Détermination de la longitude de Ghiloango dans les années 1901, 1902. 2. Détermination de la position de Mayili, factorerie de la Compagnie de commerce de MM. Hatton et Cookson ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 51 sur la rive gauche de la rivière de Chiloango, un peu en aval de la confluence des rivières Luali et Loango. — Rapport de MM. Kluyver et W. Kapteyn sur le Mémoire de M. K. Bes : La dépendance ou l'indépendance d'un système d'équations algébriques. Le Mémoire paraîtra dans les publications de l'Académie. 20 SGiENCES PHYSIQUES. — M. J.-D. van der Waals : L'équilibre entre une substance solide et une phase liquide, principalement à la proximité de Pétat cri- tique. Cette communication à été provoquée par les résultats obtenus par M. A. Smits et présentés dans la séance précédente de PAcadémie par M. Bakhuis Roozeboom (Rev. génér. des Sciences, t. XIV, p. 1175). Imaginons la surface 4 d’un mélange binaire, an- thraquinone et éther, où l'éther figure au second rang, à une température un peu plus élevée que Tx pour l'éther. Alors, il se présente un pli de fluide, fermé du côté de l'éther. Ajoutons-y la ligne % ou la surface 4 de l'état solide, c'est-à-dire une ligne Ÿ si l'état solide se caractérise par une composition invariable. Si l’anthra- quinone pure peut seule exister à l’état solide, cette ligne Ÿ se trouve dans le plan x=—0; pour faciliter les recherches, cette hypothèse est admise, de sorte qu'on obtient les phases coexistantes avec l'anthraqui- none solide en faisant rouler un plan sur la surface 4 et la ligne adjointe 4. À cause de la faible compressibilité du solide, à l'exception du cas d’une pression exces- sive, les phases coexistantes peuvent être trouvées à L ide d’une surface conique au sommet x=0, = vw, b—%,, où v, et d, indiquent le volume moléculaire de l'anthraquinone et la valeur de l'énergie libre, ces deux quantités prises à la température considérée. La courbe de contact de ce cône enveloppe de la surface à fait connaitre les phases coexistantes. En ce qui concerne la forme de cette courbe de contact, trois cas différents se présentent : 1° Elle peut rester entièrement à l’ex- térieur du pli liquide-vapeur et former une courbe tout à fait continue; 2° Elle peut traverser ce pli; cela implique qu'une partie de la courbe correspond à des phases de vapeur, une autre partie à des phases liquides, ces deux parties pouvant être liées l'une à l'autre par une troisième partie située entre la courbe connodale et représentant des phases métastabiles et labiles; 3° Elle peut toucher la ligne connodale en un certain point qui se trouve être le point de plissement. A l’aide de l'équation différentielle entre p, x et T, l'auteur discute la forme de Ja courbe en question. — Ensuite, M. van der Waals présente au nom de M. J.-P. Kuenen (Dundee, Ecosse) : Sur le point de mélange critique de deux fluides. Le point de mélange critique de deux fluides est, en général, un point où deux fluides coexistants deviennent égaux sous tous les rapports; le point correspondant de la surface Ÿ est un point de plissement du pli de fluide, celui de la représentation (y, x) est un point terminal ou critique de la courbe limite pour deux fluides. En particulier, le point de mélange critique c'est le point où les deux fluides se trouvent à la fois à l’état critique et sous la pression de la vapeur saturée; dans la représentation (v, x) ce point correspond au point de contact de la ligne du Îluide avec la ligné fluide-vapeur dans le point critique, de manière que ce point critique apparaît ou disparait si la température varie. Ce contact peut avoir lieu à l'intérieur où à l'extérieur de la ligne fluide-vapeur. Tous les cas possibles satisfont à la même condition géométrique : le contact de deux courbes limites l'une avec l’autre en un point critique. Un examen théorique de ce contact mène aux résultats suivants : Le point de mélange critique de deux couches fluides ne coïncide pas avec un point de tension maximum de vapeur; ce dernier point peut se présenter au delà du point cri- tique dans l'équilibre des trois phases; dans le point de mélange critique, la courbe limite de la branche du liquide de la représentation (p, x) présente un point d'inflexion dont la tangente est parallèle à l'axe des x. — M. H.-W. Bakhuis Roozeboom présente au nom de M. J.-J. van Laar : Sur les formes possibles de la partie réalisable de la ligne de fusion de mélanges binaires de substances 1Ssomorphes. Seconde partie (pour la première partie, voir Rev. génér. des Sciences, &. XIV, p. 923). L'auteur étudie plus en détail la posi- tion du point minimum, du point d'inflexion et du point eutectique, à l’aide de neuf diagrammes. Enfin, il démontre le théorème suivant, d'une portée assez générale : Si les chaleurs de mélange des deux com- posantes sont égales pour x— 1, les compositions des deux phases solides sont complémentaires l'une de l’autre. — M. H. Kamerlingh Onnes présente au nom de M. J.-E. Verschaffelt : Contribution à la connais- sance de la surface à de van der Waals. NUI. La sur- face Ÿ à la proximité d’un mélange binaire se com- portant comme une substance simple. Partie générale. La surface 4. La courbe limite pour une température donnée. Les isobares. La ligne connodale., La courbe limite d’un mélange x. Applications à des mélanges de HCI et CHf. Le travail est illustré d'une planche. — Ensuite, M. Onnes présente au nom de M. W.-H, Keesom : /sothermes de mélanges d'oxygène et d'acide carbonique. MI. La détermination d'isothermes entre 60 et 140 atmosphères et entre — 150 et H68c C. IV. Isothermes de l'acide carbonique pur entre 60 et 140 at- mosphères et entre 25° et 60° C. V. Isothermes de mélanges à teneur moléculaire 0,1047 et 0,1996 en oxy- gène et comparaison de ces isothermes à celles de l'acide carbonique pur. — M. J.-P. van der Stok présente au nom de M. W. van Bemmelen : Le champ de force des oscillations diurnes de la force perturbatrice magné- tique. À l’aide de diagrammes empruntés en partie à une publication de M. Lüdeling, l'auteur démontre les deux résultats suivants : 1° Le mouvement diurne des foyers arctiques de la force perturbatrice a lieu dans un cercle de rayon 14%5 autour d’un pôle coïncidant à peu près avec celui de l’aurore boréale et situé à la pro- ximité de l'extrémité de l'axe magnétique; 2° Presque sans exception, les vecteurs horizontaux se dirigent vers le foyer positif et s'écartent du foyer négatif. — M. C.-H. Wind présente la partie du « Traité de Phy- sique » de M. TJ. Bosscha se rapportant au Magnétisme et à l'Electricité, refondue par M. Wind. — M. J. van Bemmelen présente : 1° « Examen de quelques espèces de terre de Surinam » (argile alluviale et latérite), et 20 « L'absorption ». Huitième communication. — M. C. A. Pekelharing présente au nom de M. R. ©. Herzog : Sur l'action de l'émulsine. I s'agit de la quantité de sucre de canne transformé par l’invertine en des temps déterminés à des températures éterminées. Les expé- riences de l’auteur confirment l'exactitude de la for- mule de Ostwald : log (: à) log (: =). ä a où 4, k, x, { désignent respectivement la concentration primitive, la constante de la vitesse de réaction sans autocatalyse, la quantité de sucre transformé et le temps, tandis que e depend de à, Æ et de la constante k' de l’autocatalyse par la relation ak! — 30 SCIENGES NATURELLES. — M. C. Winkler présente, aussi au nom de M.G. A.van Rynberk : Sur la fonction et la structure des dermatomes du torse. Quatrième par- tie (pour les parties précédentes, voir Rev. gén. des Se., t XIN, p. 1152; t. XIII, pp..172 et 403). Par suite des résultats obtenus dans des expériences récentes, les auteurs se proposent de reprendre sous une forme nouvelle tous les résultats des méthodes physiologiques alin de les faire correspondre aux observations analo- miques de l'innervation périphérique de la peau du torse. Chez l'homme, la topographie des dermatomes du torse est encore assez inconnue. Ce que l’on en sait est déduit principalement d’une meilleure connaissance de l’innervation des nerfs intercostaux. Il va sans dire que les rapports anatomiques de la périphérie doivent se réfléchir dans les expériences physiologiques. C'est ce que prouvent les expériences des auteurs sur le chien. Leur étude d'une série de champs-noyaux LU [0] 52 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ramène, par les raccourcissements ou les interruptions de ceux-ci, à des rapports anatomiques périphériques. La décomposition du champ-noyau interrompu en une partie dorsale et une partie ventrale est presque exigée par l'anatomie du nerf intercostal, dont les branches dermiques se composent d'une tige postérieure et d'une tige antérieure, ou bien d'une tige dorsale et d’une tige latéro-ventrale. Le point d'interruption du champ-noyau, en même temps que celui de la plus grande largeur dans des cas favorables, correspond au domaine des branches cutanées latérales de ce nerf. Ainsi, le champ- noyau se divise aussi, pour le physiologiste, en trois parties distinctes, dont la forme et la fonction exigent une étude à part. La partie dorsale (fig. 4,) d’un champ-noyau à la forme d'un triangle isocèle à som- mét arrondi (pain de sucre); à l'endroit a se trouve son « ultimum moriens ». Dans les cas favorables, la partie latérale prend à peu près la forme d'un hexa- gone (fig. 4,) qui diminue jusqu'en D! et disparait le dernier en p. La partie ventrale (fig. 4,) disparaît en 6, d nd lv v Fig. 1. — Les parties du dermatome. d = ligne dorsale. V— — ventrale. 1 — — latérale. Id— — Jatéro-dorsale. Iv— — latéro-ventrale. 1. Limitation du dermatome théorique. 2° — du champ-noyau en cas favorable. 3. — — en cas moins favorable. ñ k, 5, 6. Parties dorsale, latérale et ventrale. a dorsal, b latéral, e ventral. Les figures 2 el 3 montrent le même chien, dont le sei- zième dermatome a été isolé de la manière ordinaire. Tout d'abord (fig. 2) on à affaire à un champ-noyau continu p, s'étendant de la ligne dorsale jusqu'à la ligne ventrale; deux jours plus tard (fig. 3), le champ s’est décomposé en trois parties d, 1, v. — Ensuite, M. Winkler présente au nom de M. G. A. van Ryn- berk : De la manière dont les domaines sensibles de la peau perdent la sensibilité dans la direction centripète pendant la mort. — M. Pekelharing présente au nom de M. K. F. Wenckebach : « Die Arhythmie als Aus- druck bestimmter Funktionsstürungen des Herzens » (L'arythmie comme expression de certaines perturba- tions du fonctionnement du cœur). — M. A. A. W. Hu- brecht présente au nom de M. H. Strahl (Giessen, Allemagne): Die Hückbildung der Uterus-Schleimhaut nach dem Wurf bei Tarsius Spectrum (Le processus de l'involution de la membrane muqueuse de l’uterus du Tarsius spectrum aprèsla parturition). — M. F. A. F.C. Went présente au nom de M. G. Gryns : Sur la forme Ascus de l'Aspergillus fumiqatus Fresenius. — M. K. Fig. 2. — Le seizième dermatome du chien. p, champ-noyau continu. Martin présente au nom de M. J. H. Bonnemn | morceau de pierre calcaire des zones céralopyqes nn diluvium des Pays-Bas. — Rapport de M. J. C. Schoute. sur ses recherches au Jardin botanique de Buitenzorg 4 4 s | 1 | Fig. 3. — Le seizième dermatome du chien. Le champ-noyau s'est décomposé en trois parties 4, 1, v, (Java). — M. van der Waals présente au nom de M.C.E. Daniels : Votice nécrologique sur T. Zaayer. P. IL. Scnoure. Le Directeur-Gérant : Louis OLivier. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette, 15° ANNÉE N° 2 30 JANVIER 1904 Revue générale : DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. SAT. x 03 Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Élection à l'Académie des Sciences de Paris. — Dans sa séance du 11 janvier, alors que notre numéro du 15 était déjà sous presse, l'Académie des Sciences a procédé à l'élection d’un nouveau membre dans sa Section de Minéralogie, en remplace- ment du regretté Munier-Chalmas. La Section avait présenté la liste suivante de candi- dats : En première ligne, MM. Ch. Barrois et A. Lacroix : en seconde ligne, M. Douvillé; en troisième ligne, MM. J. Bergeron, M. Boule, E. Haug, L. de Launay, P. Termier et F. Wallerant. Au premier tour de scrutin, le nombre des votants étant 58, M. Lacroix a obtenu . . . . 46 suffrages. MAWallerant = Mt UT ERUSs — M. Douvillé etre — M. Barrois Et 1 — M. Termier — 1 — M. Lacroix, ayant réuni la majorité des suffrages, a été déclaré élu. 3 L'œuvre du nouvel académicien est bien connue: elle se rapporte à la fois à la Minéralogie, à la Géologie et à la Physique du Globe, C'est en même temps celle d'un physicien et celle d'un naturaliste. Partant de ce fait que les matériaux soumis aux investigations des miné- ralogistes ne sont pas de simples sels de la Chimie, utilisables seulement pour des travaux de Physique moléculaire, M. Lacroix a considéré la recherche de leur mode de formation et du rôle qu'ils jouent dans la Nature comme l’une des parties de leur histoire les Plus passionnantes et les plus fécondes en résultats généraux. Aussi, peu de ses travaux ont-ils été effec- tués exclusivement dans le laboratoire: le plus grand nombre d’entre eux ont été accompagnés où inspirés par des recherches systématiques prolongées sur le terrain et poursuivies dans les régions les plus diverses ; l'expérimentation est souvent venue leur apporter un utile concours. Détermination des propriétés (et en particulier des REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. propriétés optiques), des minéraux, — étude de leurs variations avec les conditions de leur gisement et, par suite, avec leur mode de formation, — applica- tion des données ainsi acquises à la détermination de la composition des roches, — recherche des rela- tions existant entre la composition et la structure de celles-ci et leur gisement, — utilisation de la con- naissance des plus minutieux détails de la constitu- tion des roches métamorphiques pour la discussion de leur origine et, par suite, de celle des roches érup- tives qui les ont produites, — enfin, emploi de l'expé- rimentation pour reproduire quelques-uns de ces phé- nomènes, que l'étude sur le vif de l’éruption de la Martinique lui a permis de préciser, — telle est la belle série de recherches, remarquable à la fois par son étendue et sa continuité, qui à retenu l'attention de l'Académie, et a valu à M. Lacroix la haute distine- tion dont nous sommes heureux de le féliciter aujour- d'hui. Hommage à Mr Curie. — La mise au jour du radium et de toutes ses propriétés est, de toutes les dé- couvertes réalisées depuis Pasteur, celle qui a le plus vivement frappé l'esprit public et ému, chez nous, l'opinion. A l'heure actuelle, il n’est personne qu'elle ne passionne et qui ne cherche à s’éclairer sur le nou- veau corps. L'admirable travail de M. et Me Curie n'aura pas eu seulement l'immense mérite d'apporter à Ja science un précieux contingent d'idées et de directions nouvelles : il aura, de plus, obligé le grand public à porter son attention sur les grands problèmes du monde et à s'efforcer de s’y initier. Une circonstance particulière attire enfin à l’éclatante découverte de M. el Me Curie des sympathies rarement accordées aux recherches expérimentales. C'est ce fait, presque nouveau, en tout cas extrêmement rare, d'une œuvre géniale accomplie par une femme. Dans un récent banquet, tout littéraire, M®e la baronne de la Tombelle a exprimé de la façon la plus heureuse le sentiment d’allégresse qui a rempli le cœur des femmes à la nouvelle qu'une des leurs venait, par une active collaboration aux travaux de son mari, de conquérir avec lui et au même titre la plus légitime des célébrités. Nos lecteurs nous sauront gré o] 54 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE de reproduire ici la péroraison de l'éminente présidente de La Frite : « Un astre a été découvert, non pas lointain, inacces- sible, mais proche, mais asservi à Ja volonté des humains. L'événement ne date pas d'hier, mais les profanes l'ignoraient encore quand un don magnilique fait à ses père et mère vient d'apprendre aux plus ignorants ces six lettres magiques : radium. « Maintenant les offrandes vont affluer, les cerveaux vont se mettre à l'œuvre et l'embryon s'amplifiera, et bientôt, j'espère, à ce pauvre globe que les ténèbres ressaisissent chaque soir, un astre luira, réchauffant, inextinguible, fanal de rechange dont s'ébahira l’inter- mittent fanal. Alors, sur le marbre et dans les cœurs, un nouveau nom d'homme s’ajoutera à la liste déjà longue des vrais conquérants qu'il faut bénir, des vrais pionniers qu'il faut suivre. « Seulement — et c'est ici, n’est-ce pas, mesdames, que notre solidarité tressaille — ce nom d'homme ne S'établira pas seul dans les annales de la gloire véri- table. Il y aura — non pas au-dessus, ce serait dom- mage — ni au-dessous, ce serait injuste — mais à côté, fout à côté, joint à celui de l'inventeur par un émou- vant trait d'union, celui d'une femme, sa femme, sa moitié, son égale! Et dans le halo du radium flottera cette admirable image : deux fronts pensifs inclinés vers le creuset, deux petites mains et deux grandes puis rapprochées sur l’alambic où s'élabore l'éternel soleil. » Le Prix de la Presse Osiris. — Le Comité du Syndicat de la Presse parisienne vient d'attribuer le prix de 100.000 francs que la générosité de M. Osiris avait mis à sa disposition. Il a décidé de répartir cette somme entre les deux inventions qui ont fait, dans ces derniers temps, le plus d'honneur à la science françaises En conséquence, il a accordé 60.000 francs à Moe Curie, pour la continuation de ses recherches sur le radium, et 40.000 francs à M. Branly, pour ses travaux relatifs à la télégraphie sans fil. $ 2. — Nécrologie Karl von Zittel. — Le Professeur Zittel, conseiller intime, président de l'Académie des Sciences de Bavière, est mort à Munich, le 6 janvier 1904. Il a succombé aux suites d’une chute causée par un bicycliste emballé. M. Zittel était âgé de soixante-quatre ans. Après avoir enseigné à l'Université de Vienne, il était, depuis 1866, professeur de Paléontologie et de Géologie à Munich et conservateur du Musée royal de Paléontologie. On lui doit d'importants Mémoires de Pétrographie, de nom- breux travaux sur la paléontologie des Invertébrés des terrains anciens et un grand traité de Paléontologie justement estimé. $ 3. — Astronomie Observation des taches du Soleil. — La Société astronomique de France a déjà rendu de nom- breux services en groupant les bonnes volontés, en unis- sant les efforts particuliers pour augmenter la quantité de documents bien classés mis à la disposition de la Science : elle vient de se signaler une fois de plus par la publication du Rapport de M. Bouët, secrétaire de la « Commission solaire », sur la statistique des taches avec des instructions générales pour uniformiser les observa- tions du Soleil'.Nous ne pouvons que renvoyer à ce docu- ment important où se trouvent exposés le mode pro- pice d'observation, les précautions à prendre, la gran- eur constante à donner à l'image, la façon d'orienter le dessin, le dénombrement des taches et des groupes, l'estimation de la surface apparente des taches, l'addi- tion des surfaces tachées, l'observation des facules, etc., y compris les données météorologiques qui ne sont 4 Bulletin de la Soc. Astron., p. 151, 1905. point entièrement indépendantes de tous ces phéno- mènes. La tâche est ardue, il ne faut point se le dissimuler, et le but à atteindre ne peut ètre que lointain : la facon de voir les taches, de les dessiner, de les compter, d'estimer leur surface, fera ressortir entre les divers observateurs des différences parfois notables, mais dont les écarts pourront être compensés où tout au moins réduits à leur minimum si la méthode indiquée est ponctuellement suivie. Et le résultat récompensera cer- fainement tous ces efforts, car il importe hautement pour la connaissance même du Soleil, aussi bien que pour l'étude de son influence météorologique : c’est pourquoi nous ne saurions trop louer cette initiative de rendre les observations solaires uniformes, pour leur donner le plus de concordance possible et les prèter utilement à la discussion. $ $ 4. — Physique Fxpériences sur les rayons Xetle radium. — Les expériences de M. W.-G. Fuchs, à Chicago, dé- crites dans une Note récente‘, ont été exécutées au moyen d'un morceau minuscule de radium, gros comme la moitié d'une tète d'épingle, et dont la valeur S’estime à 1.000 dollars. La radiographie d’un papillon, reproduite par notre confrère américain, fait voir dis- tinctement tous les détails, à la seule exception des tissus des ailes, qui, étant trop déliés, n'ont pas été reproduits. Le papillon avait été placé sur une plaque photographique et exposé à l'action des rayons pendant vingt-quatre heures. M. Fuchs a également inventé un procédé pour co- lorer les diamants, procédé qui, semble-t-il, est basé sur un phénomène analogue à la projection cathodique. Ce sont les rayons X ou, plus probablement, des rayons d'une autre classe accompagnant les rayons Rüntgen, qui servent à transporter les particules de certains mé- {aux dans les pores du diamant; le tout se trouve dis- posé dans des tubes à vide. Ces colorations ne sont point altérées par l'action, même prolongée, d’un acide; en renversant le sens du courant, on peut les faire dis- paraitre entièrement. Il parait que l’auteur de ce pro- cédé est actuellement occupé à trouver une nuance susceptible d'augmenter la valeur commerciale des pierres, ce qui jusqu'ici à été impossible. Les expériences de télégraphie sans fil du Professeur Slaby. — Le Professeur Slaby, expéri- mentateur bien connu dans le domaine de la télégra- phie sans fil, avait reçu de la part du Fonds Jubilaire de l'Industrie Allemande une subvention de 25.000 fr. afin de continuer ses recherches. Or, nous apprenons qu'à propos de la récente Conférence de Télégraphie sans lil, ce physicien a présenté au Conseil un Rapport préliminaire. Ses expériences se rapportent d’abord au rôle que joue la Terre dans la télégraphie sans fil. Au moyen de grandes armatures en zinc posées sur le plancher de son laboratoire, le professeur allemand à construit une espèce de terre artificielle et étudié la propagation des ondes électriques à travers le sol. Il à constaté la présence d'ondes stationnaires, mettant en évidence la part importante que joue la surface con- ductrice de la Terre. La théorie des transmetteurs fermés n'était pas jusqu'ici à même d'expliquer les effets à distance de ce type «le transmetteur. Or, M. Slaby vient de les réduire à l'action des harmoniques supé- rieures, établissant ainsi une nouvelle théorie dont les résultats se trouvent en accord Lrès satisfaisant avec les expériences. Il s'est également occupé de construire des instruments au moyen desquels mème les per- sonnes non expérimentées fussent capables de mesurer la longueur d'onde d'une station transmettrice. C'est ainsi qu'à peu près douze types différents ont été expérimentés el se sont montrés parfaitement appro- 1 Western Electrician, t. XXXILI, n° 17, 1903. PE CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 59 priés. L'auteur est, en ce moment, occupé à étudier des types nouveaux de transmetteurs; il espère déduire de ces expériences une meilleure méthode pour accorder les différentes stations de télégraphie sans fil. $ 5. — Electricité industrielle La soudure par le coarant électrique et la soudure par Pare. — On sait que nombre d'ap- plications industrielles exigent des soudures autogènes, qu'on réalise soit à la forge, soit au chalumeau, soit électriquement. Les procédés sont nombreux et, d'ailleurs, diffèrent suivant la nature du résultat à obtenir; mais à bien des cas paraît s'appliquer avec succès un procédé de soudure électrique qui a déjà recu un certain nombre d'applications, et dont nous allons donner rapidement le principe et les résultats. Ce mode de soudure électrique diffère essentielle ment de la soudure réalisée au moyen de l'arc électri- que, et le principe sur lequel il repose consiste, au: contraire, à obtenir la soudure au moyen de la chaleur Joule développée dans le métal par suite de sa résis- tance au courant électrique. Si l’on fait passer le courant électrique à travers deux pièces de métal mises en contact par leurs extrémités, il se produit un échauffement au point de contact, et la température s'élève d'abord dans la partie centrale, où le rayonnement est à peu près nul, pour gagner la périphérie. Cette élévation de température ramollit le métal des deux pièces à souder, et il suffit de les pres- ser fortement l’une contre l’autre pour obtenir la sou- dure ; grâce à l’échauffement plus sensible au centre qu'à l'extérieur, on est sûr d'obtenir une bonne sou- dure, qui ne présente pas seulement un aspect satis- faisant, mais qui est encore meilleure à la partie centrale qu'à la périphérie. Ce mode de soudure offre aussi l'avantage de locali- ser l’'échauffement aux parties des pièces absolument voisines de la soudure, contrairement à la soudure à la forge, qui comporte toujours un très grand échauffe- ment des pièces sur une grande longueur, et aussi à la soudure par arc électrique, qui développe une grande quantité de chaleur, si grande que les pièces à souder peuvent subir certaines détériorations. Un autre avantage en résulte aussi pour les ateliers, qui sont exposés, dans la soudure à la forge, aux fumées et aux poussières de celle-ci, et pour le personnel, qui doit craindre, dans la soudure par l’are électrique, la flamme de l'arc et ses effets sur la vue. Enfin, cette soudure permet de disposer d’un moyen de réglage facile, puisqu'il suffit de régler l'intensité de courant et la pression exercée, et que, dans bien des cas, on peut mème régler celle-ci automatiquement. La pression nécessaire à la soudure des pièces est exercée par des dispositifs mécaniques, hydrauliques, ou autres, les pièces étant toujours portées par des pinces les maintenant en regard l'une de l’autre, et pouvant être facilement soumises à la pression voulue. Le courant nécessaire à l’échauffement est transmis aux pièces à souder par les mêmes pinces, dont les prises sont très largement établies, et parfois même refroidies par circulation d’eau, étant donné que le contact ne doit pas, bien entendu, chauffer avant la fin de l'opération. Ce courant est à faible tension et à grande intensité, d'ailleurs variable suivant les Cas: il est alternatif, et se prête ainsi aux transformations faciles, permettant, par conséquent, d'emprunter l'énergie à un réseau ou à une machine quelconque à courant alternatif, pourvu que la source ait une fré- quence de courant convenable. La fréquence est géné- ralement assez élevée; un simple transformateur réduit à quelques volts la tension du réseau dont on utilise l'énergie. Un grand nombre de dispositions de détail peuvent se présenter suivant les cas, le cas le plus défavorable étant celui où l'on dispose d'un réseau impropre à l’alimentation par courant alternatif, et où la soudure exige une production ou transformation de l'énergie nécessaire. Des avantages généraux que nous avons signalés résulte, dans certains cas, une réduction sensible des dépenses, et, dans tous les cas, une grande économie de temps, comme le montre le tableau I, qui permet de Juger la rapidité d'exécution des soudures sur tubes et sur barres rondes. TABLEAU |. — Données sur la soudure par le courant électrique. PUISSANCE en chevaux nécessaire à la dynamo DIAM ÊTR E SECTION TEMPS intérieur en millim. carrés en en millimètres environ secondes ——— | Tubes de fer extra-forts. Quant à la nature des métaux, elle fait varier grande- ment les résullats, puisque ceux-ci dépendent de la résistance électrique du métal. Quelques chiffres per- mettront de juger des résultats comparatifs pour le fer et le cuivre, par exemple : La soudure de barres de fer de 250 exige de 42 à 15 chevaux, et peut se faire en 33 secondes. La soudure de cuivre de même section exigerait de 35 à 40 chevaux, et pourrait se faire en 16 secondes. La soudure du fer de 740%? exigerait 35 à 40 che- vaux, et pourraitse faire en 55 secondes. La soudure du cuivre de 450mm? exiserait de 72 à 80 chevaux, et pourrait se faire en 22 secondes. S 6. — Chimie organique Synthèse totale de l'acide camphorique. — Ce grand événement, que bien des chimistes organi- ciens attendaient depuis si longtemps, est enfin arrivé. A vrai dire, il n'a pas suscité une très grande émotion. S'il s'était produit il y a trois ou quatre ans, alors il eût été d'une grosse importance, tandis qu'aujourd'hui on ne peut plus le considérer que comme un beau travail synthétique, mais qui n'apporte rien de plus à ce que l'on savait déjà, la question du camphre étant virtuel- lement résolue depuis que la véritable constitution des dérivés æ et $ des séries isolauronolique et cam- pholénique à été élucidée par la voie analytique, laquelle, à notre avis, peut se passer, dans bien des cas, de la voie synthétique pour être absolument probante. Cela dit, voici comment M. Komppa a réalisé la syn- thèse totale de l'acide camphorique‘. La méthode employée est exactement la même que celle qui a servi à l’auteur à réaliser la synthèse de l'acide apo- camphorique*. L'acide f-6-diméthylglutarique est con- densé avec l’éther oxalique pour donner l'acide dicéto- 1 Chem. Zeitung, Déc. 1903, n°98. Voir Revue générale des Scienccs, Nov. 1901, 56 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE RS EEE S apocamphorique, qui, méthylé, conduit à l'acide dicéto- camphorique : s CHIC CHVAICHE N C x N (C: 4 AN LA BARS GRECE C°H°CO:.CH |CH:CO?C*H° | | | | CO2C°H* CO?C°H° CO — CO CHMACEHE (LS 74 AL K CH CHCOCH | co: CO —CO Cet acide dicétocamphorique est réduit par l'amal- game de sodium en acide dioxycamphorique, lequel, chauffé à 425-130° avec de l'acide iodhydrique, fournit l'acide déhydrocamphorique : CH CH° Ne/ PAR CH coH.C MC | \co®H CH——CH° Cet acide additionne facilement l'acide bromhydrique pour donner un dérivé hydrobromé, et enfin ce dernier dérivé, traité par le zinc et l'acide acétique, donne l'acide mésocamphorique. Cette synthèse démontre définitivement, d'après M. Komppa, l'exactitude de la formule de Bredt. A notre humble avis, elle ne démontre rien du tout, parce qu'il y a déjà quelque temps que tous les chimistes qui ont abordé ce sujet, fertile en discussions et souvent en ardentes polé- miques, sont tous tombés d'accord pour admettre comme vraie la formule suggérée par Bredt en 1893, à la suite de l'apparition de la deuxième formule de Bouveault (1892) et du travail de Kænigs sur les pro- duits d’oxydation de l'acide camphorique*. G. Blanc, Docteur és sciences. $ 7. — Botanique La Fumagine de lOlivier et le Cyeloco- nium oleaginum. — Tout le monde sait combien, depuis quelques années, la culture de l'olivier a perdu de terrain dans le midi de la France. M. Zacharewicz, dans une intéressante étude publiée dans la Revue de Viticulture, nous montre l'influence néfaste, sous ce rapport, des hivers doux que nous subissons depuis quelque temps. L'humidité persistante et tiède qui en résulte favorise, en effet, le développement des plus redoutables ennemis de l'olivier et en particulier de la Fumagine noire (Fumago salicina). C’est un champi- gnon qui recouvre tout l'arbre d'une poussière noi- râtre, d’où son nom, et nécessite, pour se développer, un milieu nutritif approprié; ce milieu lui est fourni par les excréments sucrés du Lecanium Oleæ, coche- nille dont les carapaces desséchées, gonflées par les œufs qu’elles recouvrent, sont bien visibles à l'automne et en hiver sur le tronc des arbres. Les œufs, qui éclosent en mars, donnent naissance à des jeunes qui se répandent sur les rameaux, sécrétant partout le liquide où se développera abondamment la Fumagine. Le manque de froid rigoureux à eu pour résultat d'avancer l'époque d'éclosion de ces jeunes, qui autre- fois n’apparaissaient jamais avant le mois de juin, et d'accroître ainsi notablement les ravages du crypto- game parasite. Un autre champignon, le Cycloconium oleaginum, 1 La synthèse totale du camphre peut donc être considé- rée comme réalisée puisque Lou peut passer de l'acide camphorique au camphre (A. Haucer : Bull. Soc. chim., 1. XV, p. 984). cause aussi de grandes pertes dans les oliveraies. Le mycélium se développe dans le parenchyme de la feuille et dans l'assise corticale du pédoncule des olives: puis, transperçant l'épiderme, il vient donner naissance à de grandes plaques noirés, grisâtres au centre. Toutelois, pour germer, les spores de ce para= site exigent chez l'organe atteint un certain développe= ment; les jeunes pousses demeurent donc inattaquées et l'arbre est envahi du centre à la périphérie. En juin, la défeuillation peut être complète. On à préconisé, pour lutter contre ces champignons, une émulsion composée de savon noir, pétrole et sulfate de cuivre, agissant d’une part comme anticryptogamique par les composés cuivreux qui sy forment, d'autre part comme insecticide par l’'émulsion de pétrole. Mais il ne faut pas oublier que les meilleurs remèdes contre ces attaques sont encore les soins apportés à la culture : la taille et l'élagage des arbres doivent être pratiqués avec rigueur, mais sans exagération, la partie aérienne ayant un rôle essentiel chez tout végétal ; enfin, il ne faut pas oublier que l'olivier, comme toute plante, em- prunte au sol une partie de ses éléments de croissance ; il faut donc les lui rendre sous forme d'engrais ré= pandus après la cueillette des olives. $ 8. — Physiologie Le Sérum antithyroïdien. — En 1898, J. Bor- det a établi que l'injection, plusieurs fois répétée, à quelques jours d'intervalle, de globules rouges d’un animal à un animal d'espèce différente provoque, chez celui-ci, une réaction spécifique, dont l'effet est de donner à son sérum le pouvoir d'altérer rapide- ment, in vitro, les globules rouges du premier orga= nisme. En remplaçant, pour ces injections, les globules rouges par d'autres cellules libres, telles que des leu- cocytes ou des spermatozoïdes, on à obtenu des sé- rums capables d'altérer rapidement 22 vitro les leuco- cyles ou les spermatozoïdes ayant servi aux injections; on à fait apparaître, dans le sérum de l'animal injecté, des substances toxiques pour les cellules injectées, des cytotoxines. La préparation des cytotoxines capables d'agir sur les cellules fixes des tissus, cellules hépatiques, rénales, cérébrales, etc., a été tentée, et des résultats ont été publiés qui tendent à démontrer qu'il peut exister des sérums hépatotoxiques, néphrotoxiques, névrotoxi- ques, etc. ; toutefois, l'existence et le mode d'action de ces diverses cytotoxines ne sont pas aussi nets que ceux des hémotoxines, leucotoxines et spermotoxines : Si, en effet, les sérums obtenus par injections répétées d'émulsions d'organes se sont, en général, montrés toxiques pour les animaux dont les tissus avaient servi aux injections, les symptômes observés n'ont pas eu la constance et la spécilicité qu’on eût désirées d'une part, et, d'autre part, les tissus sur lesquels le sérum cyto- toxique a dù agir n'ont pas révélé d’altérations histolo- giques nettement et certamement définies. RC, 27 MM. Jean Demoor et A. van Lint, désirant résoudre d'une facon définitive cette importante question de Physiologie, ont étudié avec un grand soin et une grande précision le sérum antithyroïdien. Ils ont choisi ce cas spécial du tissu thyroïdien et du sérum cyto- toxique correspondant, parce qu'on connait très nette- ment les symptômes de la suppression thyroïdienne et de l'hypothyroïdisme ; parce que ces symptômes sont faciles à apprécier et caractéristiques; parce que, dès lors, il est facile de reconnaitre si les accidents produits par le sérum dit antithyroiïdien sont bien des accidents d'hypothyroïdisme. PA. Ces expérimentateurs ont donc injecté, de trois à cinq fois, à quelques jours d'intervalle, dans la cavité péritonéale de cobayes, des corps thyroïdes de chien finement pulpés et émulsionnés; puis ils ont saigné les cobayes ainsi traités, et séparé par centrifugation le sérum de ce sang coagulé. Ce sérum antithyroidien CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 57 était injecté sous la peau d’un chien neuf, et l'animal était soumis à une rigoureuse observation. Voici, d’après les auteurs, un exemple très net des accidents observés. Un petit chien pesant 3 kil. 700 re- çcoit à trois reprises, à quatre jours d'intervalle pour deux injections successives, 2 centimètres cubes de sérum de cobaye, préparé par des injections intrapéri- tonéales d’'émulsions de thyroïdes de chiens. Deux jours après la troisième injection, la tempéra- ture rectale atteint 40°, le chien a des frissons, est triste et pèse 3 kilogs. Son état maladif s'exagère rapi- dement; six jours aprèsl'injection, un ensemble sympto- matique très net se manifeste : l'animal est triste, trem- blant et passif; les yeux sont larmoyants, sanieux, presque fermés; un catarrhe nasal prononcé déter- mine une altération du rythme de la respiration avec reniflement fréquent. Le poil est mat, cassant et tombe par grandes plaques. La démarche est caractéristique : les membres postérieurs sont raides, en extension, et provoquent l'élévation du train postérieur; les doigts sont étendus : la marche estdigitigrade et bruyante. Bien que l’animal soit abondamment nourri, le poids tombe à 2.900 grammes. Ce sont là, sensiblement tout au moins, les caractères classiques de l'hypothyroïdisme tels qu'on les observe chez le chien ayant subi labla- tion des thyroïdes. Au quinzième jour après la dernière injection, l'animal meurt. Cette expérience, répétée un grand nombre de fois avec des variantes, a fourni des résultats assez concor- dants. Les chiens qui ont recu quelques injections de sérum antithyroïdien de cobaye traité comme nous avons dit ont, en général, présenté des accidents d'hy- pothyroïdisme ; mais, selon les animaux en expérience, ces accidents ont conduit l'animal à la mort, ou bien ont progressivement disparu, laissant le sujet en état de santé. MM. Jean Demoor et A. Van Lint ont voulu complé- ter cette étude physiologique par une recherche histo- logique. Chez beaucoup de chiens morts à la suite de l'injection de sérum antithyroïdien, ils ont relevé des altérations cellulaires extrêmement profondes, si pro- fondes qu'il n'était sûrement pas erroné de supposer que le système thyroïdien n'avait plus aucune de ses propriétés fonctionnelles. Ces savants font toutefois remarquer que, chez cer- fains chiens, morts dans les mêmes conditions et avec tous les symptômes d'hypothyroiïdisme, ils n’ont relevé que les troubles cellulaires symptomatiques d'une ex- citation fonctionnelle exagérée: ils en concluent que le mécanisme de la mort est différent chez les deux groupes d'animaux, et que, pour les derniers, il faut le chercher dans une sorte d'intoxication générale de l'organisme par le sérum antithyroïdien. Il n’est peut-être pas nécessaire d'avoir recours à cette hypothèse supplémentaire, comme le font MM. Demoor et Van Lint, pour concilier les deux groupes d'observa- tions histologiques. E Les accidents que ces auteurs appellent accidents d'hypothyroidisme sont, en réalité, comme l’a démon- tré M. Moussu, des accidents d'hypoparathyroïdisme ; ils résultent de la suppression fonctionnelle des para- thyroïdes. Ce sont donc les altérations histologiques des parathyroïdes qu'il eût été important de connaître; et l’on peut supposer, jusqu'à preuve du contraire, que ces altérations seraient identiques ou tout au moins analogues chez tous les animaux ayant succombé. Eninjectant aux cobayes des thyroïdes de chiens,ces auteurs ont injecté à la fois des thyroides et des para- thyroïdes; ils ont produit, par conséquent, un sérum antithyro-parathyroïidien, déterminant chez le chien adulte des accidents d’hypoparathyroïdisme, puisque les accidents d'hypothyroïdisme ne se manifestent que très tardivement et par des lésions trophiques. L'obser- vation histologique devait, nous semble-t-il, porter sur les parathyroides. Quoi qu'il en soit, MM. Demoor et Van Lint ont net- tement démontré la possibilité de produire un sérum cytotoxique pour les éléments d'un tissu aggloméré, comme il est possible d'en produire pour les éléments normalement dissociés. C’est là un important résultat, digne d’être enregistré. $ 9. — Sciences médicales La Commission permanente de la Tuber- culose du Ministère de lintérieur., — On à récemment procédé, au Ministère de lintérieur, à l'installation d'une Commission permanente de préser- vation contre la tuberculose. Cette Commission ne devra s'occuper que de la préservation des individus sains contre le mal, laissant à d'autres le soin de rechercher les meilleurs remèdes à apporter à ceux qui sont déjà atteints. La Commission s’est divisée en huit Sous-commis- Sions : 1° Education. D: Peyraud. 20 Alimentation. — Présidents : noury. 3° Habitation. — Présidents : Germain. 4° Milieu personnel. — Présidents : MM. les D'S Gran- ger et Albert Robin. 5° Milieu collectif. — Présidents : MM. Brouardel et Masson. 6° Conditions du travail. — Présidents : MM. Mille- rand et le D' Emile Roux. T° Défense sociale contre la maladie déclarée. — Présidents : MM. les D' Bouchard et Armaingaud. 80 Voies et moyens. — Présidents : MM. Strauss et Villejean. Le Dr Armaingaud vient de présenter à cette Com- mission, au nom de la 7 Sous-commission chargée d'étudier la défense collective, un Rapport sur la ques- tion de l'isolement des tuberculeux dans les hôpitaux, dont le principe avait été voté à l'unanimité dans la séance précédente. La Commission a adopté à l’unanimité les conclu- sions suivantes : 1° Dans les hôpitaux publics, les administrations compétentes doivent éviter toutes relations directes ou indirectes entre les malades tuberculeux et les malades non tuberculeux; 2° Les tuberculeux doivent être soignés dans des hôpitaux distincts et qui leur seront exclusivement CONSacrés ; 3 Les villes qui possèdent plusieurs établissements hospitaliers seront invitées à affecter immédiatement un ou plusieurs de ces établissements aux tubercu- leux ; 4 Là où l'affectation d'un hôpital tout entier est impossible, des quartiers spéciaux doivent être exclu- sivement réservés aux tuberculeux; 5° Là où l'affectation de quartiers spéciaux n’est pas immédiatement réalisable, en aucun cas les tuberculeux ne pourront être soignés dans les salles communes. La Commission a ensuite entendu un Rapport de MM. Millerand, ancien ministre, et Roux, sous-direc- teur de l’Institut Pasteur, qui, au nom de la Sous-com- mission du travail, ont proposé des modilications aux lois sur l'hygiène des ateliers et fait voter les conclu- sions suivantes : 1° La substitution du lavage au balayage dans les ateliers dont le sol doit être imperméable. Cette opération devra être faite le soir ou au moins une heure avant le travail; 2 L'obligation d'installer des crachoirs hygiéniques en nombre suffisant et interdiction absolue de cracher sur le sol; 3° L'apposition d'affiches contenant les mesures d'hygiène prophylactique contre la tuberculose. La Commission a réservé une quatrième proposition relative à l'examen médical des ouvriers. — Présidents MM. Buisson et le MM. Debove et Ma- MM. Jules Siegfried et 58 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Etiologie de l’appendiceite. — Le médecin-ins- pecteur Chauvel, à la séance de l'Académie de Méde- cine du 3 novembre, a fait des remarques très judi- cieuses au sujet de lPétiologie de l’appendicite. I à constaté que l'appendicite est, pour ainsi dire, inconnue chez les populations musulmanes de la Tunisie et de l'Algérie qui se nourrissent presque exclusivement de végétaux de toutes sortes et ne mangent presque pas de viande. M. Lucas-Championnière a pu observer, lui aussi, que l'appendicite esttrès rare parmi les paysans bretons, qui ne mangent de la viande que quelques fois par an, et dans les communautés religieuses qui ont fait vœu d'abstinence. De même, le Dr Schneider, mé- decin de la Cour du Schah de Perse, n'a soigné que quelques cas d'appendicite depuis qu'il est chargé de ces fonctions, et ces cas sont survenus chez des Per- sans qui avaient déjà habité Paris ou l’Europe. Enfin, il est de notoriété publique que l’appendicite est, pour ainsi dire, à l’état endémique dans les grandes villes des Etats-Unis, où l’on consomme beaucoup de viande, à New-York, par exemple, où l'on a pu dire que « tout le monde à son appendicite ». Sans doute, les savants vont rechercher encore la part qui serait due à l'abus de la viande dans l’étiologie de cette affection grave. D'ores et déjà, il est intéressant de constater, avec M. le Professeur Chantemesse, que, si elle venait à être bien établie, cette notion apporterait un appui considérable à la théorie de M. Metchnikoff qui, on s'en souvient, à fait jouer un rôle très important aux parasites animaux dans la production de l'infection appendiculaire. $ 10. — Géographie et Colonisation La Mission du Capitaine Lenfant. — On a recu de diverses sources d'excellentes nouvelles du Capitaine Lenfant. Cet explorateur est arrivé dans les eaux du Chari à bord d’une chaloupe à vapeur, ce qui prouve que les cours d’eau sont reliés ensemble depuis le lac Tchad jusqu’à la Bénoué. La presse anglaise parle en termes élogieux du Capi- taine Lenfant, qui a réussi où d’autres avaient échoué. Elle rappelle, en effet, que le Commandant Claude Macdonald, actuellement ministre, britannique au Japon, essaya autrefois d'aller de la côte au lac Tchad. Il remonta le Niger, longea le fleuve Kebbi, à bord d'un petit vapeur à aubes. Mais, malgré le faible tirant d'eau de ce bateau (25 centimètres), il ne put trouver suffisamment d'eau à certains endroits du fleuve, et il fut obligé d'abandonner sa tentative. Depuis, le Com- mandant Macdonald a lu un Rapport de son voyage à la Société de Géographie de Londres, etil y affirmait qu'il était impossible de communiquer par eau de la côte au lac Tchad. $ 11. — Enseignement Conseil de l'Université de Paris. — Ce Con- seil s’est réuni le 21 décembre sous la présidence de M. Liard. 11 à reçu communication du récent décret qui a rattaché l'Ecole Normale Supérieure à l'Université de Paris. Il vote des félicitations à M. et Mme Curie, lauréats du prix Nobel, et remercie le ministre d'avoir, suivant le vœu de la Faculté des Sciences, proposé aux Chambres la création d’une Chaire de Physique géné- rale destinée à M. Curie. Le Conseil a émis ensuite un avis favorable au maintien de la Chaire de Géologie de la Faculté des Sciences. Le Conseil a décidé enfin qu'il serait tenu au mois de janvier une assemblée générale de tous les profes- seurs, chargés ‘de cours, agrégés et maîtres de confé- rences de l'Université de Paris, à laquelle seraient invités les bienfaiteurs de l'Université. Quelques observations sur lEsperanto. — A propos du récent article de M. Colardeau sur « Le pro- blème scientifique d'une langue artificielle », avons recu de M. Raveau la lettre suivante : nous Monsieur le Directeur, L'Esperanto rencontre des partisans chaleureux, qui font valoir avec beaucoup de talent la supériorité de la langue créée par le D'Zamenhof. Sans aborder la ques- tion générale de la possibilité d'une langue commune, ni même de la valeur de l'Esperanto, me sera-t-il per- mis de dire ce que je pense d'une des qualités que l’on vante le plus, à savoir la facilité avec laquelle, sans surcharge pour la mémoire, la nouvelle langue forme des mots par des procédés de dérivation, qui sont aussi anciens que tous les idiomes connus, mais qui sont souvent contrariés par l'irrégularité inhérente à tout langage naturel? Je vois que, sur la racine half (arrèt d'un objet en mou- vement), on forme le double dérivé Lalt-14-11-0, qui si- gnilie frein, au sens mécanique (littéralement : instru- ment à faire arrêter). On me prévient que je ne serai pas obligé de former ce mot moi-mème et que je le trouverai dans le dictionnaire; J'en suis fort heureux, car, si je l'ignorais ou que je l’eusse oublié, il est très possible que la propriété que le D' Zamenhof considère comme caractéristique d’un frein ne soit pas celle à laquelte je penserai. Un frein sert bien souvent à empêcher la vitesse de dépasser une certaine limite; quand un char- retier serre son frein en haut d'une descente, ce n'est pas dans le but d'arrêter sa voiture, ni même de ra- lentir, mais simplement pour ne passe laisser entraîner. Si je cherche la signification la plus générale du mot frein (au sens mécanique), je trouve l’idée d'un instru- ment qui exerce un effort résistant et continu s'oppo- sant à un mouvement. L'arrêt n'est pas l'effet néces- saire de cette résistance. Par contre, un terme aussi vague que haltigilo s'appliquerait aussi bien à un butloir, à une entrave où à tout autre obstacle qu'à un frein. La même difficulté se rencontrera indéfiniment ; toutes les fois qu'on formera un substantif surune racine exprimant une idée qui ne sera pas extrèmement par- ticulière, l'appellation pourra convenir à d’autres êtres et, inversement, elle omettra des qualités essentielles de l'être désigné. On me répondra que, même si i Esperanto était tout aussi incapable qu'une langue quelconque de former un vocabulaire irréprochable au point de vue de la logique, l'usage régulier des procédés de dérivation soulagera beaucoup la mémoire. Je n'en suis pas sûr : je crains qu'à partir du jour où un mot m'aura semblé impropre je préfère m'en fier à ma seule mémoire pour enretenir le sens. Et que sera-ce quand je constaterai qu'une appella- tion, proposée pour un être, ne s'applique certainement pas à celui-là? Prenons, par exemple, le mot vortaro, qui signifie dictionnaire ; le suffixe ar est, me dit-on, réservé aux collectivités; en quoi un dictionnaire est- il une collection de mots? Un dictionnaire est un livre formé d'articles rangés dans un ordre alphabétique; si je réserve le mot vortaro à un dictionnaire de la langue française, comment appellerai-je l'ensemble des mots, le vocabulaire français? Ma mémoire me sera-t-elle inutile, pour me rappeler que le sens du mot vortaro n'est pas celui que je serais logiquement tenté de lui attribuer ? Revenons à notre frein. Je consens pour un instant à ce que l'idée de contrarier un mouvement paraisse à un espérantiste suffisamment connexe de celle d’ar- rêter pour qu'il ne rencontre pas la difficulté qui m'embarrassait; il va en trouver d’autres. Il s'agit de former le vocabulaire technique; comment appellerons- nous le frein de Prony? Il est de toute impossibilité de chercher à créer un mot nouveau pour désigner cet organe que les mécaniciens appellent couramment : le frein. Dans nos langues, personne n'est choqué de voir l'appellation de frein étendue à un appareil qui res- semble beaucoup à un frein; c’est là un procédé cons- RP TT CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 59 tant d'élargissement du sens des mots. Mais comment l'Esperanto pourra-t-il, sans répudier toute logique, appeler un appareil haltigilo, simplement parce qu'il ressemble à un autre appareil, qui peut mériter le nom de haltigilo? La nécessité où l'on sera ici d'appliquer une même désignation à des objets qui se ressemblent se retrou- vera fréquemment, à moins que l'on ne consente à accroître indéfiniment le nombre des mots de l'Espe- ranto. C'est là une difficulté que les espérantistes passent sous silence el qui est cependant des plus graves. L'application consciente des procédés de dériva- tion, qui est bien loin de fournir des résultats très satis- faisants, a pour conséquence de nous habituer à peser, un peu plus que nous ne le faisons d'ordinaire, la valeur des mots et de nous faire remarquer l'habitude où nous sommes d'employer un même terme dans des sens très variés. Cette multiplication des sens n'avait pas, en général, grand inconvénient, et je n'ai jamais été gèné d'entendre le mot frein prendre, dans la bouche d’un cavalier, d'un anatomiste ou d’un cocher, des significa- tions très différentes. Quel qu'ait été, ce que j'ignore d'ailleurs, le sens primitif du mot, chaque fois que je l'entends dans une acception déterminée, il éveille dans mon esprit une idée absolument distincte. Mais en Esperanto le mot devra rester confiné dans son sens étymologique, puisque ce sens doit toujours être pré- sent à mon esprit, sans quoi la logique ne serait QUE d'aucune utilité pour le retrouver on le comprendre et ma mémoire cesserait d'éprouver le soulagement qu'on lui promettait. De fait, on ne manque pas de me pré- venir que Laltigilo n "équivaut à frein qu'au sens mé- canique, ce qui signifie apparemment qu'aux autres sens correspondent d'autres mots, et je pose cette question : Simplitie-t-on véritablement une langue en enlevant à un même mot plusieurs acceptions plus ou moins connexes pour transporter chacune d'elles à des mots distincts? Je sais bien que, dans certains cas, l Esperanto pra- tique de telles coupes dans le voc abulaire qu'au (total on pourrait dire que le gain balance la perte. Mais je demande encore à vérifier la nature de ce gain. Si Je moe contre une complication du vocabulaire qui n'a pas pour effet de permettre Il expression de nuances plus délicates de la pensée, je n'accepterai pas plus volontiers la suppression de mots qui me paraissent indispensables pour exprimer des idées courantes. Japprends, par exemple, que l'Esperanto distingue deux sens que j'attribuais au seul mot français anti- quité : celui de « vieillerie » (par parenthèse, voici une langue qui traite bien légèrement l archéologie) et celui de « caractère d'ancienneté » et les attribue à deux dérivés différents. Celte subtilité fait mon admiration, mais aussi mon inquiétude; allons-nous avoir besoin d’un autre mot pour désigner les temps antiques et la société antique, qui sont deux autres acceptions du mot français antiquité? A côté de cette difficulté, qui est la même que je signalais plus haut pour un objet concret, apparaît la seconde : le mot qui signifie antiquité est dérivé lui-même de celui qui signifie nouveauté et, bien que je n’aie pas à ma disposition de dictionnaire esperanto, Je me crois fondé à penser qu'il existe deux adjectifs nova el malnova. Quel est donc le sens précis de ce couple de mots opposés? Si nova signifie nouveau, je serai tenté de croire que malnova signifie ancien, lorsque je penserai aux expressions lancien et le nouveau Testament; les anciens et les nouveaux (dans une école). Mais si malnova signilie ancien, pourrai-je traduire 20va par récent, en songeant à l'opposition 5 anciens ou récents ? D'ailleurs, malnova ayant le même radical que les mots qui signifient antiquité, je pense qu'on lui donnera quelquefois le sens d’antique, et c'est moderne que devra rendre nova, si je passe à la divi- sion des temps qu'établissent les historiens. Et si j'hésite pour ova entre moderne et nouveau, comment dirai-je : l’art moderne et l’art nouveau ? Ici encore, je n’épilogue pas sur un mot bien choisi; je soulève une question générale, peu différente au fond de la première ; les deux mots d'un couple comme ceux que forme l'Esperanto ne resteront en opposition de sens qu'autant que leur signification sera extré- mement limitée ; si l'on veut conserver ces oppositions, à cause de l'avantage qu'elles offrent de réduire de moitié l'effort de la mémoire, il faudra, ou bien mul- tiplier les mots plus qu'en aucune langue, ou bien renoncer à traduire des nuances aussi tranchées que celles qu'expriment les termes : récent, nouveau, mo- derne, d’une part, ancien et antique, d'autre part. On pourrait formuler bien d'autres réserves au sujet de la perfection de l'Esperanto et de la facilité qu'auront tous les peuples civilisés à en acquérir le vocabulaire et à le manier correctement. Ge que j'ai dit me parait plus que suffisant pour justifier ma conclusion : Si les apôtres qui sèment la bonne parole espérantiste veulent éviter à leurs néophytes bien des désillusions, ils de- vront leur faire comprendre que, si le but qu'ils se proposent est noble et désirable, la voie qui y conduit sera souvent ardue. L'idée de doter l'univers d'une langue que tous comprendraient et parleraient n'est peut-être pas chimérique, mais on compromettrait cer- tainement sa réalisation en ne prévenant pas ceux qui veulent y contribuer que les difficultés sont nombreuses et qu'ils doivent avant tout s'armer de courage et de persévérance. Veuillez agréer, etc. C. Raveau, Plhysicien du Laboratoire d'essais du Conservatoire des Arts et Métiers. Post-scriptum. — Depuis que ceci a été écrit, J'ai eu l’occasion d'interroger plusieurs savants espéran- tistes; leurs réponses, sur un des points qui m'inté- ressent le plus, sont uniformes : on créera autant de mots distincts qu'il en faudra pour dé signer les diffé- rents objets. C’est ainsi que vortaro semble devoir être réservé (c'est, du moins, une opinion personnelle à lun de mes interlocuteurs) à un dictionnaire en deux lan- gues, sans exemples, chaque mot correspondant à un mot, ce que nos candidats au baccalauréat appellent un lexique. Le Dictionnaire de l’Académie ne serait pas un vorlaro, non plus que le Dictionnaire de la conversa- tion. Les espérantistes ne font aucune difliculté à reconnaitre que, sur un nom donné, on devra souvent former plusieurs collectifs: ainsi nous avons vagorano (de vagono, wagon) qui signilie train, el $iparo (de $1po, bateau), qui signifie flotte; on créera des mots pour désigner un core de bateaux et le matériel roulant des chemins de fer, J'attendrai qu'ils soient créés, ainsi que beaucoup d'autres, en un mot que l'Espe ranto existe, pour me faire une opinion définitive. Un espérantiste très autorisé n'a assuré que jamais le mot haltigilo ne servirait à désigner le frein de Prony: on essaiera peut-être une RÉHAUISSE dont un terme signifierait : dynamomètre. Pour le frein de la langue, encore un mot spécial; j'ai entendu proposer une péri- phrase dont le sens littéral serait : corde de la langue. Je ne voudrais pas abuser de l’inadvertance d’un inter- locuteur que j'ai peut-être surpris et qui m'a, d'ailleurs, répondu avec beaucoup de complaisance, mais je ne puis m'empêcher d'observer que la métaphore s'impose invinciblement à notre esprit, et que c'est au moment où il rejette comme impropre l'appellation de frein donnée à un organe mécanique qui frotte sur un axe qu'un espérantiste trouve naturel de nous mettre une corde sous la langue, La Revue scientifique. — Nous apprenons que le D' Toulouse, médecin en chef de l'Asile d'aliénés de Villejuif, a pris la direction de la Rédaction dela Revue scientifique (Revue ros Il compte donner dans ce périodique, dont la vie se poursuit sans interruption depuis quarante ans, une plus grande place aux re- cherches expérimentales et, en particulier, aux sciences psychologiques et sociologiques. 60 A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ a ——_——@eaaa——2— EE ————_—_—_ LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ DEUXIÈME PARTIE : L'ÉMANATION ET LES AUTRES PROPRIÉTÉS CONSÉQUENCES THÉORIQUES Dans un premier article !, nous avons rappelé les recherches qui ont conduit à la découverte du ra- dium et indiqué les caractères de son rayonnement; nousallons examiner lesautres propriétés de ce corps et les hypothèses auxquelles elles ont donné lieu. I. — LA RADIO-ACTIVITÉ INDUITE ET L'ÉMANATION. Les phénomènes précédemment décrits avaient déjà été obtenus, pour la plupart, avec les tubes de Crookes. On avait déjà étudié des rayonnements analogues, sinon identiques à ceux qu'émet le ra- dium ; les différentes actions de ces rayonnements (ionisation des gaz, phosphorescence, etc.) avaient élé observées en parlie avec les rayons X et les rayons cathodiques, et, si le radium à permis de faire plus commodément certaines expériences et même d’en faire de complètement nouvelles, la nature des rayons qu'il émet n’était pas absolu- ment inconnue. La cause de la production de ces rayons par le radium est donc apparue d'abord seule comme complètement mystérieuse. Le phénomène que nousallons maintenant décrire est lié intimement à cette cause. Il semble jusqu'ici tout à fait spécial aux corps radio-actifs; son mode de propagation est également entièrement nouveau, et les lois de son développement, déterminées expé- rimentalement, n'ont pas encore reçu d'explication théorique Il a été découvert par M. et M"° Curie avec les composés de radium; quelques mois plus tard, M. Rutherford observa avec les composés du thorium un phénomène analogue, quoique se pré- sentant d'une manière un peu différente. Depuis, cette propriété s'est montrée très fortement avec les composés d'aclinium. Le premier phénomène constaté par M. et M": Curie est le suivant : Tout corps placé dans le voisinage d'un sel de radium à l’état solide ou en dissolution devient temporairement radio-actif, c'est-à-dire quil émet des rayons produisant, comme ceux du radium, l’ionisation des gaz, l'im- pression photographique, la phosphorescence, etc. Cette radio-activité provoquée sur les corps s'établit progressivement pendant l’exposilion à l'action du radium et persiste assez longtemps après que le radium a été éloigné. M. et M"° Curie ont appelé ce phénomène la radio-activité induite. 1 Voir la Revue du 45 janvier, t. XV, p. 11 et suiv. MM. Curie et Debierne ont précisé les circon- stances dans lesquelles le phénomène se produit. Les différents rayonnements décrits plus haut ne sont pas la cause du phénomène; des corps exposés à ces rayonnements peuvent n'être pas aclivés; d'autres, qui n’ont pas recu de rayons du radium, peuvent l'être fortement; le radium ne produit pas la radio-activité induite à l'extérieur d'un tube scellé qui le contient. La radio-activité induite se produit le mieux lorsqu'on place le radium, en tube ouvert, avec les corps à activer dans une enceinte close. Dans ces conditions, l'enceinte et tout ce qui est dans l’en- ceinte devient radio-actif; les parties qui ne re- çoivent pas le rayonnement du radium sont aussi actives que celles qui le reçoivent. L’activation se produit progressivement. Au bout d'un certain temps, tout l’espace de l'enceinte a acquis la pro- priété de rendre les corps radio-actifs. La cause de la radio-activité induite réside alors danscet espace, qui conserve la propriélé d’actliver les corps pen- dant un temps très long, un mois environ après que le radium a été retiré. Cette propriété disparait ce- pendant progressivement avec le temps. Elle dis- paraît immédiatement si l’on extrait les gaz de l'enceinte ou si l’on chasse ces gaz par un courant d'air. Les gaz extraits de l'enceinte peuvent activer; ils ontemporté la cause de la radio-activité induite. Une forme particulière d'énergie est donc pro- duile par le radium; cette énergie se diffuse autour de lui à la manière d'un gaz et crée la radio-acti- vité induite sur les corps environnants. M. Rutherford admet que cette énergie carac- térise un gaz matériel radio-actif instable, qui est dégagé d’une facon continue par le radium. Il a appelé ce gaz hypothétique l’émanation du radium. M. Curie, sans vouloir préciser autant les hypo- thèses, adopte le mot d’émanation pour désigner la nouvelle énergie dans la forme sous laquelle elle est répandue dans le gaz environnant le radium. Les nombreuses expériences qui ont été faites avec le radium et les autres corps radio-actifs per- mettent de donner l’image suivante du phénomène : Le radium produit d'une facor continue des cen- tres particuliers d'énergie (émanation); ces centres se répandent autour de lui comme un gaz, et la radio-activité excitée sur tous les corps environ- nants, et caractérisée par l'émission de rayons de Becquerel, est produite aux dépens de l'énergie de A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ ces centres activants. L'énergie activante de l'éma- nation diminue donc peu à peu pour se transformer en énergie radiante (rayons de Becquerel) émise par les corps aclivés, et celle énergie radiante se dissipe en produisant les effets précédemment dé- crits (ionisation, effets photographiques, ete.). Il y a ainsi, à partir du radium, une série de transfor- mations d'énergie, depuis l'énergie, de nature inconnue, qui produit l'émanalion, jusqu'à l’éner- gie lumineuse ou électrique qui résulte du rayonne- ment Becquerel. Les corps activés émettent des rayons identiques aux rayons directement émis par le radium ; ceux-ci peuvent être considérés comme résultant d'une transformation sur place de l'émanalion produite par le radium. Si l’on soustrait les corps activés à l'action de l’'émanation, l'intensité du rayonnement qu'ils émettent diminue progressivement, MM. Curie et Danne ont déterminé expérimentalement la courbe de décroissance, en mesurant à chaque instant l'intensité du rayonnement, à partir du momentoù le corps est soustrait à l'action du radium. Lorsque la durée de l'activation a été assez longue, ces courbes expérimentales peuvent toutes être représentées par une même formule : pb LE EU ie Bi (2 —4)e nil dans laquelle I représente l'intensité du rayonne- ment au temps {, |, l'intensité initiale, a un coeffi- cient numérique, 0, et 0, des constantes de lemps. La courbe obtenue en portant en abscisses les temps, et en ordonnées les logarithmes des inlensités, est représentée dans la figure 1 (courbe 1). Au bout de deux ou trois heures, l'influence de la deuxième exponentielle devient très faible; la loi de décrois- sance est une exponentielle simple, et la courbe en logarithme se confond avec une droite. L'intensité baisse alors de la moitié de sa valeur en 28 minules. Cette loi-limite peut être considérée comme carac- téristique des corps activés par le radium. Les activations provoquées par les autres corps radio- actifs, thorium et actinium, ont des lois de décrois- sance différentes. Lorsque la durée d'activation est courte, la courbe prend au début une forme différente; on peut même, pour des temps d'activation très courts, constaler une augmentation du rayonnement après que l'émanation à cessé d'agir; puis l'intensité passe par un maximum et diminue ensuite; au bout de deux heures environ, on retrouve la loi de diminution de moitié en 28 minutes. Ces courbes sont représentées dans la figure 1. Les différents aspects de la désactivation peuvent être expliqués théoriquement d’une manière très 6l exacte, d’après M. Curie, en supposant que l'énergie de l’'émanation ne se transforme pas directement en rayons de Becquerel, mais produit d'abord sur le corps activé une forme intermédiaire qui se trans- forme elle-même en énergie radiante (rayons de Becquerel), l'accroissement et la décroissance de chaque forme d'énergie se faisant suivant des lois exponentielles simples à coefficients déterminés ; chaque forme d'énergie peut, d’ailleurs, caracté- riser une matière particulière. L'activation d'un corps solide se fait également progressivement et la loi d'accroissement de l'acti- vité induite est identique à la loi de décroissance, Log.1 —! 4 À 3h 5 Fig. 1. — Courbes de décroissance de l'activilé induite prise par un corps solide sous l'influence de l’émanation du radium. — On a porté en abscisse le temps écoulé à partir du moment où le corps a été soustrait à l’action du radium, et en ordonnée le logarithme de l'intensité du rayonnement émis par le corps activé. Chaque courbe correspond à une durée différente de l’action de l'émana- tion. Après, toutes les courbes deviennent rectilignes et prennent la même direction. c'est-à-dire que la variation de la différence entre l’activité à un instant donné et l’activité finale peut être représentée par la même courbe que celle de la figure 1. Ce résullat est également expliqué par la théorie précédente. Tous les corps subissent la radio-activité induite, et les lois d’accroissement el de décroissance sont les mêmes. Cependant, certains corps semblent dissoudre de l’émanation, tels les liquides, la paraffine, le caoutchouc, le celluloïd, etc. Alors la loi de désactivation est plus lente à cause de l'in- fluence de l’'émanation dissoute. Lorsque des corps phosphorescents sont activés, ils deviennent lumineux, et la luminosité persiste 62 52 A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ tant que le corps est radio-actif. C’est ainsi qu'un vase de verre devient lumineux lorsqu'il contient de l'émanation. On peut aussi rendre lumineux, sous l'influence de l’'émanation, le diamant, le sul- fure de zine, le platinocyanure de baryum, etc. Les effets peuvent être très intenses. L'activation se produit seulement à la surface des corps, et chaque fois qu'on enlève par frotte- ment ou par des procédés chimiques la couche superficielle, on enlève en même temps la radio- activité induite. Celle-ci est, d’ailleurs, restée sur la partie enlevée, qui se désactive suivant la même loi. Les centres activants ou émanation sont caracté- risés par la faculté de produire la radio-activité induite. De plus, une très forte ionisation est pro- duite dans le gaz contenant de l'émanation, et l'énergie de l'émanation est généralement mesurée par l'intensité de cette ionisation. Cette jonisation peut être due soit à un effet direct de l'émanation, soit à la radio-activité induite produite sur le gaz par l'émanation. La loi de décroissance de l'énergie de l'émana- lion a été déterminée également par MM. Curie et Danne. C'estune loi exponentielle simple, de forme : t Ile 6; l'énergie décroit de la moitié de sa valeur en quatre jours. On à ainsi une deuxième constante de temps qui est également caractéristique de l'émanation du radium, et les deux constantes des lois de décroissance ont été considérées jusqu ici comme des nombres caractérisant l'élémentradium. La loi de décroissance de l’'émanation est très lente; des effets de radio-activité peuvent être produits dans une enceinte close, mise d'abord en communication avec le radium, un mois après que le radium a été enlevé. L'émanation a ainsi le temps de se diffuser très loin du radium avant d'être détruite, et des activations à grande distance peuvent se produire ; on peut obtenir de l’activité induite, révélée par exemple par la phosphores- cence du sulfure de zinc, dans une enceinte reliée au radium par un tube capillaire de 4 mètre de longueur. L'émanation est produite par tous les sels de ra- dium et la quantité d'émanation dégagée est propor- tionnelle à la quantité de radium. Le dégagement d'émanation est plus grand lorsque le sel est dis- sous dans l’eau que lorsqu'il est à l’état solide. Le rayonnement Becquerel émis directement par le sel est également variable; il est plus grand lors- que le sel est solide que lorsqu'il est en dissolu- tion, et un sel solide préparé depuis longtemps émet plus de rayons que lorsqu'il est fraîchement cristallisé. Ces variations s'expliquent de la ma- nière suivante : Le radium produit, quel que soit son état, toujours la même quantité d'émanation ; mais, lorsque le corps est solide, une grande partie de cette émanation ne peut se dégager à l'extérieur et est transformée sur place en radio-activité induite, puis en rayons de Becquerel. Le rayonne- ment émis directement par le sel de radium solide sera done imporlant, et son intensité sera con- stante lorsque la perte d'énergie par le rayonne- ment Becquerel et par l'émanation diffusée à l'ex- térieur sera égale à celle produite par le radium d'une facon régulière et continue. Lorsque le ra- dium est en dissolution, l'émanation peut se diffuser à travers le liquide, et elle ne produit que très peu de rayons Becquerel sur les particules du sel; si l’on fail cristalliser celui-ci, il émet d’abord un rayon- nement assez faible, qui augmente peu à peu sous l'influence de l'émanation qui ne peut plus se déga- ger. L'intensité du rayonnement alteint, au bout d'un mois environ, une valeur qui peut être cinq fois plus grande que celle du sel récemment cris- tallisé. D'une facon générale, toutes les circonstances qui favorisent la diffusion de l'émanation à l’exté- rieur (grande surface de contact avec l'air, courant d'air dans la dissolution, etc.) diminuent le rayon- nement propre du sel de radium; tous ces faits concordent parfaitement avec l'hypothèse que le rayonnement est dû à la transformation sur place de l’'émanation. Lorsqu'on veut obtenir de grandes quantités d'émanation, on a done intérêt à employer une solution au lieu d'un sel solide. Nous avons vu précédemment que l'activation par l'émanation se produit progressivement; elle atteint une valeur-limite après quelques heures d'exposition à l'émanation. Cette valeur-limite ne dépend pas de la nature du corps, c'est-à-dire que le rayonnement par unité de surface est le même pour tous les corps placés dans les mêmes condi- tions; mais cette limite dépend de plusieurs cir- constances intéressantes. Les corps électrisés négativement s'activent plus que les corps électrisés positivement. Ce phéno- mène a été découvert par M. Rutherford avec l'émanation au thorium; il semble général et se produit également avec celle du radium et celle de l’actinium. La grandeur de l'activation n'est pas identique dans toutes les parties d'une même enceinte. Dans les parties larges, l'activation est plus grande que dans les parties étroites, et la grandeur de l’acli- vité induite-limite d’une surface est sensiblement proportionnelle au volume de l'émanation placé devant elle. Ce résultat montre que l'activation n’est A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ 63 pas due à un phénomène de contact direct entre l'émanation et le corps solide; en effet, dans ce cas, l'intensité de l'activation en un point ne dépendrait que de la concentration de l’émanation en ce point. Or, cette concentration est sensiblement la même en tous les points d’une enceinte close, et l'activation devrait être également la même en tous les points. Si la radio-activilé induite sur une sur- face est proporlionnelle au volume d’émanation placé devant elle, c'est que chaque partie de l'éma- nation placée devant la surface agit sur celle-ei ; tout se passe donc comme si chaque centre d'émanation émeltait un rayonnement spécial produisant la radio-activité induite, l'intensité de celle-ci étant proporlionnelle au flux total de rayonnement recu par la surface. Ce nouveau rayonnement, tout à fait distinct de ceux qui ont précédemment étudiés, a été appelé le rayonnement aclivant (Debierne). L'influence de l'électrisation sur l'activation peut, d'ailleurs, être due à une action du champ électrique sur le rayonnement activant, dont les rayons seraient alors électrisés positivement. Si cetle manière de voir est exacte, chaque émanalion émet un rayonnement distinet, car la nature de la radio-activilé induite dépend de celle de l’'émanation. De nouvelles recherches sont nécessaires pour préciser complètement le méca- nisme de l'aclivalion. Dans un grand nombre de cas, l'émanation se comporte comme un gaz Lorsqu'on met en com- municalion un vase contenant de l'émanation avec un vase n'en contenant pas el à une température différente, le partage se fait entre les deux vases suivant les lois ordinaires de compression et de dilatation des gaz. L'émanalion se diffuse comme un gaz, et son coefficient de diffusion, déterminé par MM. Curie et Danne, est voisin de celui du gaz carbonique. Ces faits ne peuvent cependant être considérés comme donnant une démonstration de la nature matérielle de l'émanation, ils peuvent résulter simplement d'un groupement de molécules gazeuses ordinaires autour d'un centre d’émanation, groupement analogue à celui des molécules ordi- naires autour d'un centre électrisé qui constilue lion gazeux. En flout cas, les propriétés si curieuses de l'émanation indiquent que, si elle est de nature matérielle, la matière qui la constilue n'est pas dans l’état ordinaire. L'émanation perd les propriétés d'un lorsqu'on abaisse suffisamment la température. MM. Rutherford et Soddy ont découvert, en effet, que, lorsqu'un vase contenant de l'émanation est plongé dans l'air liquide, l'émanation se condense sur les parois du vase; ils considèrent ce phéno- mène comme une liquéfaction de l’émanation. Cependant, les circonstances qui accompagnent la gaz condensation de l’émanalion paraissent différentes de celles de la liquéfaction d’un gaz. En effet, MM. Rutherford et Soddy indiquent que la conden- sation s'effectue brusquement à une température parfaitement fixe (— 151°): lorsque l'émanation est condensée, on peut, sans l'évaporer, d'après MM. Ramsay et Soddy, faire passer au-dessus un courant d'air et même faire le vide. Or, lorsqu'un gaz se liquéfie, le liquide a généralement une forte tension de vapeur, et le gaz ne peut dispa- raître que progressivement à mesure que la tem- pérature diminue, par suite d'une diminution de tension de vapeur. De plus, la masse de gaz maté- rie] hypothétique constituant l'émanation est néces- sairement excessivement petite, et il serait tout à fait extraordinaire que la tension de vapeur de l'émanalion fût suffisamment faible pour qu'on püût faire le vide sans l'évaporer. Ce phénomène présente donc des circonslances tout à fait remar- quables. I! peut être utilisé pour séparer de l'éma- nation les gaz qui l'accompagnent. L'émanation ne semble pas s'altérer sous l’in- fluence des actions physiques ou chimiques. Une forte variation de température, de — 180° à + 500°, ne produit aucun changement dans la loi de dé- croissance, et l'on peut faire passer l’émanation à travers des solutions acides ou basiques, ou une colonne d'oxyde de cuivre chaufTé, sans faire varier ses propriétés. Différentes actions chimiques sont produites au contact du radium el résultent peut-êlre d'une action de l'émanalion. C'est ainsi que l'air qui à été en contact avec les sels de radium contient de l'ozone; l'oxygène est donc condensé comme sous l'influence des effluves électriques. Le bromure et le chlorure de radium dégagent des composés chlorés et bromés. Enfin, les solutions de sels de radium dégagent de l'hydrogène et de l'oxygène; ces gaz résultent vraisemblablement d'une décom- position de l’eau. Ces actions chimiques ne sont pas produites par le rayonnement du radium. Certains corps peuvent être activés en les dissol- vant dans une solution d'un sel de radium; on sépare ensuite le radium par un procédé chimique. MM. Curie et Giesel ont pu obtenir ainsi des sels de bismuth activés dont l'activité diminuait très lentement. II. — CiALEUR DÉGAGÉE PAR LES SELS DE RADIUM. Parmi les propriétés du radium, l’une des plus imporlantes, récemment découverte par MM. Curie et Laborde, consiste en ce fait que les sels de cet élément dégagent de la chaleur d’une facon continue; la quantité dégagée est considérable. On pouvait bien penser que les différents rayonnements émis 64 A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ par le radium se transforment en énergie calori- fique; mais la grandeur du phénomène est tout à fait différente de ce que l’on pouvait imaginer. Un gramme de radium dégage environ 100 calories à l'heure. Ce dégagement a été mis en évidence et mesuré dans des expériences très simples. Si l'on isole calorifiquement un sel de radium, sa température s'élève spontanément. Du chlorure de radium pur ayant été placé dans un vase de Dewar servant à la conservation de l'air liquide, la température intérieure s'éleva de 3° au-dessus de la température ambiante. La quantité de chaleur dégagée a été mesurée directement au calorimètre de Bunsen, dans lequel on détermine la quantité de glace fondue en un temps donné en utilisant la contraction au moment de la fusion. Le radium fond un peu plus de son poids de glace à l'heure. Enfin, une expérience très brillante de MM. Curie C H H A =, Fi. 2. — Dégagement de chaleur par le radium à la tempé- rature de — 2539. — R, sel de radium en tube scellé; HH, hydrogène liquide; C, cuve à eau. La chaleur dégagée produit une vaporisation de l'hydrogène liquide et le gaz dégagé est recueilli sur la cuve à eau. et Dewar permet de constater la production de cha- leur d’une manière tout à fait tangible, en même temps qu'elle montre que le dégagement se produit également à la plus basse température que nous puissions obtenir. Un vase de Dewar pouvant être muni d'un tube de dégagement à la partie supé- rieure (fig. 2), et contenant de l'hydrogène liquide (—253°), est lui-même plongé dans l'hydrogène liquide. Dans ces conditions, aucun apport de cha- leur à l'hydrogène liquide intérieur n’est possible, et aucun dégagement gazeux résullant d'une vapo- risation ne se produit. Si l’on place dans le vase intérieur un sel de ra- dium enfermé dans un tube scellé, une vaporisation continue se produit el l'on a un dégagement de gaz absolument régulier; avec 7 décigrammes de bro- de radium pur, ement était de 713 centimètres cubes par minute. Et la chaleur ) est de même ordre que la cha- leur dégagée à la température ordinaire et vraisem- mure le dégag dégagée (à —253° blablement à toute autre température. D’après des expériences récentes, l'émanation el la radio-ac- tivité induite seraient la cause de la production d'une grande partie de la chaleur dégagée. Le radium produit de la chaleur continuellement, comme il dégage l'émanation ou émet des rayons Becquerel, et peut-être le dégagement de la chaleur n'est-il que le dernier terme des transformations d'énergie que nous avons déjà énumérées plus haut. Peut-être aussi chaque transformation d'énergie étudiée précédemment (transformation de l'énergie du radium en émanation, celle de l'énergie de l'émanation en rayons de Becquerel avec les formes intermédiaires, etc.) n'est-elle pas intégrale et com- porte-t-elle un certain coefficient de rendement, une certaine proportion seulement de l'énergie de l'émanation, par exemple, se transformant en radio- activité induite, et le restant étant transformé en chaleur, de même que, dans une pile, une partie seulement de l'énergie chimique est transformée en énergie électrique, le surplus étant transformé en chaleur. On peut également considérer qu'après un certain nombre de transformations, toutes les formes d'énergie accompagnant le radium donnent de la chaleur, et, si l'on mesure la chaleur obtenue lorsque le radium est enfermé dans une enveloppe métallique suffisamment épaisse, on doit avoir ainsi une mesure de l'énergie lotale venant du radium. Il est vraisemblable que ce dégagement d'énergie date de la formation du minerai d'où l'on retire le radium; c'est un temps que nous ne pouvons évaluer, mais qui est certainement plus grand que des milliers de siècles. Un gramme de radium dégage environ 800.000 calories en une année; il en résulte que la quantité dégagée par le radium depuis sa formation est lout à fait inimaginable. L'ordre de grandeur de ce dégagement permet de considérer comme possible que l’énergie solaire et celle des étoiles, et peut-être en partie celle du centre de la Terre, soient produites par des corps radio-actifs : un calcul fait récemment par M. Wilson montre que la présence d'un gramme de radium par tonne de malière dans le Soleil permet d'expliquer le rayonnement total de cet astre. III. — PRODUCTION DE L'UÉLIUM. Plusieurs savants avaient déjà fait remarquer, dès le début des recherches sur les corps radio- aclifs, que les minéraux radio-aclifs sont également ceux qui contiennent de l'hélium, et ils avaient pensé que ce n'était pas là une coïncidence fortuile. M. Ramsay, à qui l'on doit la découverte de l'hélium dans les minéraux, et M. Soddy ont pu démontrer que l'hélium est produit par le radium. Il a déjà été indiqué précédemment que les solu- | tions de radium dégagent des gaz hydrogène et PR A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ 65 oxygène. MM. Ramsay el Soddy ont absorbé ces deux gaz par l'aclion du cuivre chauffé et de l'oxyde de cuivre et par absorption de l’eau formée par l'anhydride phosphorique. Ils observèrent que le gaz restant présente le spectre de l'hélium en même temps que quelques raies inconnues. Ils purent aller plus loin et préciser à quel moment apparaissait le spectre de l'hélium. Pour cela, ils condensèrent l'émanation dans l’air liquide et chassèrent les gaz mélangés par un Courant d'oxygène pur. Le spectre oblenu, lorsque l'éma- nation fut revenue à la température ordinaire, ne représentait pas le spectre de l’hélium ; ilcontenait des raies nouvelles que les auteurs considérèrent comme représentant le spectre de l'émanation. Mais, au bout d'un certain temps, les raies de l'hé- lium apparurent en même temps que disparaissait l'émanalion. On peut admettre, si les phénomènes ont été exactement observés, que l'hélium a élé, pour ainsi dire, créé sous les yeux de MM. Ramsay et Soddy; d'après leur dernière expérience, la production de l'hélium résulte de la destruction de l'émanation produite par le radium. La découverte si remar- quable des savants anglais est trop récente pour que toutes les circonstances qui accompagnent le phénomène soient bien connues; j'indiquerai cependant, à la fin de cet article, les interprétations qui peuvent êlre proposées. IV. — LES AUTRES SUBSTANCES RADIO-ACTIVES. J'ai déjà indiqué, précédemment, qu'il existe des éléments radio-actifs différents du radium. Les uns, comme le thorium et l'uranium, sont faible- ment radio-actifs; ils étaient connus avant la dé- couverte du radium. Les autres, comme le polonium et l'actinium, sont fortement radio-actifs; mais leur nature d'éléments chimiques nouveaux n'est pas encore démontrée : elle apparait cependant comme probable, étant donnée la démonstration complète qui a été faile pour le radium. L'uranium est faiblement radio-actif; malgré quelques travaux contradictoires, il semble bien aujourd'hui que cette radio-activité ne provient pas d'une impureté fortement radio-active et qu'elle caractérise l'élément uranium. Ce rayonnement, découvert et étudié par M. Becquerel, est très faible et contient les diverses espèces de rayons déjà trou- vées dans le radium. Il ne produit pas d’émanation ni de radio-aclivité induite, mais peut provoquer la radio-aclivité en solution. Certains sels d’urane phosphorescents sont spontanément lumineux, très faiblement d'ailleurs. Le thorium, dontlaradio-activité a été découverte simultanément par M®° Curie et M. Smith, a une radio-activité dont l'intensité est voisine de celle de l'uranium. Il a fait l’objet d'un grand nombre de travaux de M. Rutherford. Les rayons qu'il émet sont peu pénétrants, et il produit une émanalion qui donne la radio-activité induite. Malgré la gran- deur très faible des effets de l’'émanation, M. Ruther- ford a pu l'étudier complètement et trouver des résultats nouveaux, importants, qui ont déjà été signalés à propos du radium; l’émanation du tho- rium a une durée très courte par rapport à ceile de l'émanation du radium; son intensité diminue de la moitié de sa valeur en une minute dix secondes. Cette émanation se dégage très facilement des sels de thorium; elle a été étudiée en l’entrainant par un courant d'air; en effet, dans l'air tranquille, elle ne peut s'éloigner beaucoup du sel de thorium qui la produit, à cause de sa courte durée. La radio-activité induite provoquée par cette émana- tion suit une loi de décroissance telle que son in- tensité décroit de la moitié de sa valeur en onze heures. Des effets d'activité induite peuvent être également obtenus en solution, et M. Rutherford a obtenu des produits temporairement actifs en pré- cipitant l’hydrate de thorium par l'ammoniaque et en évaporant la dissolution. Le résidu est assez fortement actif et son activité diminue de la moitié de sa valeur en quatre jours. M. Rutherford admet que la substance produite est entièrement nou- velle au point de vue chimique, et il l'appelle le thorium X. Ce thorium X serait produit conti- nuellement par le thorium ordinaire et dégagerail l'émanation. Il admet également l'existence d'un radium X, d'un uranium X, etc. D'ailleurs, tous ces phénomènes sont certainement identiques à ceux observés antérieurement avec l'actinium et le radium. Le polonium est la première matière fortement radio-active découverte dans la pechblende. Les propriétés chimiques de ce corps le rapprochent du bismuth, et les produits actifs s'obtiennent en frac- tionnant le bismuth retiré de la pechblende. L'ac- tivité de certaines matières polonifères préparées par M. et M®° Curie est très grande; elle diminue avec le temps. Cette diminution est très lente; mais, après plusieurs années, l’activité a presque complètement disparu. L'existence d'un élément nouveau dans les matières polonifères na pas encore été démontrée; cependant, lorsqu'elles sont très actives, elles présentent des caractères chimiques qui semblent les distinguer du bismuth. M. Markwald a étudié le bismuth radio-actif et pense qu'à côté du polonium il existe un autre élé- ment radio-actif;: mais les résultats obtenus à ce sujet sont trop peu nets pour qu'on puisse avoir une opinion précise. Le rayonnement du polonium a été étudié assez 66 A. DEBIERNE — LE RADIUM ET. LA RADIO-ACTIVITÉ complètement. Il est tout à fait spécial et ne con- tient que des rayons «, c'est-à-dire chargés positi- vement. Ces rayons ont tous, d'après M. Becquerel, sensiblement la même vilesse et forment un fais- ceau homogène. Le polonium présente ainsi le seul cas bien cerlain d'un rayonnement unique de ce genre. En effet, les trois espèces de rayons parais- sent toujours coexister et résulter d'une même cause. Le rayonnement du polonium est très facile- ment absorbé, et cette absorption subit la loi par- ticulière aux rayons &. Il ne produit ni émanation ni radio-activilé induite. L'actinium à élé découvert par M. Debierne dans la pechblende. Il se rapproche, au point de vue chi- mique, des terres rares et principalement du tho- rium et du cérium; mais sa radio-activité se dis- tingue nettement de celle du Chorium. Il se trouve dans la pechblende en quantité beaucoup plus faible que le radium, et les traitements chimiques qui sont utilisés pour l’oblenir sont pénibles. Des préparations très actives ont cependant élé oble- nues, et leur activité élait de l'ordre de grandeur de celle des sels de radium purs. L'actinium n'a pu être caractérisé jusqu ici comme nouvel élément chimique. La quantité très faible obtenue à l’état concentré n'a pas permis une détermination de poids atomique, et l'examen du spectre, entrepris par M. Eugène Demarcay, a été interrompu par la mort de ce regretté savant. L'étude du spectre présente, d'ailleurs, une diffi- culté particulière, à cause de la complexité du spectre du thorium qui accompagne la matière aclive. L'actinium se distingue nettement des autres substances radio-actives; son activité reste parfai- tement constante après plusieurs années. Le rayon- nement est analogue à celui du radium, mais il est moins pénétrant. L'actinium produit très fortement la radio-activité induite et dégage une grande quan- tilé d'émanation. L’émanation de l’actinium obéit à une loi de dé- croissance extrêmement rapide; son intensité dimi- nue de la moitié de sa valeur en quelques secondes. Les aspects des phénomènes d'activation sont très différents de ceux qu'on a observés avec le radium, par suite de la destruction rapide de l'émanation. C'est ainsi qu'on ne peut obtenir la radio-aclivité induite qu'à une distance très courte de l’acti- nium dans l'air à la pression ordinaire. Pour pou- voir obtenir l'activation à grande distance, il faut opérer dans le vide; alors, la diffusion est beaucoup plus rapide et les centres d’émanation peuvent par- courir un espace plus grand avant d'être détruits. Les différents phénomènes produits par l'émana- ion du radium ont été également observés avec celle de l’actinium ; l'influence du champ électrique et celle du volume d'émanation sur l'activation d'une surface sont les mêmes qu'avec le radium. La radio-activité induite provoquée par l’éma- nation de l’actinium diminue de la moitié de sa valeur en quarante minutes. C'est avec l'aclinium que les phénomènes de radio-aclivilé communiquée par dissolution ont d'abord été observés avec le plus de netteté. Les sels dissous dans une solulion d'actinium devien- nent lrès actifs, et du chlorure de baryum ainsi activé avait acquis une forte radio-activité qui, diminua très lentement avec le temps; il possé- dait les propriétés d’un sel de baryum radifère, le spectre excepté. Les activations en solution sont trés marquées avec l'actinium et compliquent les traitements chimiques ayant pour but l'extrac- tion de cet élément. L'actinium est préparé maintenant à un état très aclif, et il se présente comme le corps radio- actif pouvant être, après le radium, étudié le plus facilement. Cette étude pourra être particulière- ment inléressante à cause des propriétés de son émanalion, si différente de celle du radium. D'autres substances radio-actives ont été ex- traites de la pechblende, mais leur individualité au point de vue radio-actif est beaucoup moins bien définie que pour les substances précédentes. Celle qui a fait l’objet du plus grand nombre de travaux est le plomb radio-aclif, signalé pour la première fois par MM. Hofmann et Strauss. Il a été étudié également par M. Giesel; mais aucune conclusion nette ne se dégage de ces travaux, et son existence comme malière radio-active nouvelle reste dou- teuse. On a constalé, en effet, que du plomb radio- actif peut être facilement obtenu à l’aide de l’acti- nium par une activation en solution analogue à celle qui a servi à préparer des sels de baryum radio-actifs, et il parait probable que le plomb radio-aclif, dont l'aclivilé va en diminuant, résulle d'une action analogue. Enfin, M. Markwald a annoncé la présence d’un corps radio-aclif accompagnant le polonium, et M. Giesel a signalé dans le groupe des terres rares un autre corps radio-aclif, qui parait absolument identique à l'aclinium. Tous les corps précédemment étudiés, radium, polonium, plomb radio-actif, ete., ont été extraits de la pechblende ; ils se trouvent également, pour la plupart, dans la carnotile, mais en moins grande quantité, et probablement aussi dans les autres minéraux uranifères ou thorifères. Les différentes pechblendes n'ont pas la même richesse en matières radio-actives nouvelles ; ainsi, la pechblende de Cornouailles en contient beaucoup moins que celle de Joachimsthal. Certains phénomènes de radio-activilé ont été A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ 67 observés en dehors des substances retirées de la pechblende et des autres minéraux uranifères. C'est ainsi que l'air ordinaire contient une quantité très faible d'une émanation produisant la radio-acti- vité induite, et MM. Elster et Geitel ont pu activer notablement des fils métalliques en les exposant à l'air et en les chargeant négativement. Celte acti- vilé pouvait êlre transportée sur une quantité de matière plus petite, en frottant la surface du fil et en recueillant la matière retirée par frottement. Celte matière avait une activilé assez grande. Son activité diminue de la moilié de sa valeur en 40 minutes. L'émanation parait êlre contenue sur- tout dans les caves et dans les endroits où l'air est confiné. L'air extrait du sol contient une quantité d'émanation encore plus grande. Certaines eaux minérales dégagent de l’'émana- lion, tandis que l’eau de mer et l’eau de rivière n'en conliennent pas. L'émanation des sources, d'après MM. J. J. Thomson et Adam, à la même loi de décroissance que l'émanation du radium, et la radio-activité induite provoquée diminue de la moitié de sa valeur en 40 minutes d'après les mêmes auteurs. Tous ces phénomènes de radio-activilé paraissent dus aux différentes matières qui se trouvent dans le sol, et il est possible que tous les corps soient faiblement radio-actifs. Ges phénomènes permettent d'expliquer la faible conductibilité de l'air, qui peut, d’ailleurs, être due aussi en partie à des radiations très pénétrantes d'origine inconnue. V. — CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES. Les phénomènes de radio-aclivité se produisant d'une facon constante et continue semblent bien caractériser des éléments chimiques ; ils se pré- sentent d’une manière particulière pour chaque élément radio-actif. La grandeur de l'énergie radio- active dégagée parait pouvoir être très variée sui- vant les éléments; on connaît des éléments radio- actifs, tels que l'uranium et le thorium, dont la radio-activilé représente seulement la millionième partie de celle du radium ou de l'aclinium, et il résulte d'un grand nombre d'essais faits par diffé- rents expérimentateurs, et aussi des propriétés particulières de la radio-activité de ces éléments, que cette faible radio-aclivité est propre aux éléments uranium et thorium el ne provient pas d’une impureté fortement radio-active. Cette propriété caractérise bien l'atome; elle suit celui-ci dans toutes ses combinaisons et n’est détruite par aucune transformation physique ou chimique ; l'uranium préparé au four électrique possède une radio-aclivité dont la grandeur pou- vail être prévue par celle de ses composés. La radio-activité peut donc servir à la recherche des éléments et même à un dosage qui, dans certains cas, peut être très précis. La démonstration com- plète de l'individualité chimique du radium montre quel parti on peut tirer d'une pareille méthode de recherches, et il est probable que cette démonstration pourra être également faite de la même manière avec l'actinium et le polonium, malgré les difficultés qu'elle comporte. Cette méthode peut devenir encore plus sûre si l’on utilise les résultats récemment établis. En effet, d'après les travaux récents sur la radio-acli- vité, les phénomènes se présentent pour chaque élément radio-actif d’une manière différente ; pour le thorium, le radium et l'actinium, des nombres précis, les constantes de temps de désac- tivation, permettent de caractériser parfaitement l'élément radio-actif, plus sûrement et plus faci- lement que par les réactions chimiques. Celles-ci, en effet, ne peuvent s'appliquer lorsqu'un élément se trouve en très faible proportion; il se produit alors, dans les réactions chimiques, des phéno- mènes d'entrainement qui masquent complétement les propriétés du corps cherché. Entin, la méthode est, dans certains cas, extraordinairement sensible, plus sensible que la méthode spectroscopique dans les cas les plus favorables. On peut ainsi, à l’aide d'un électromètre, déceler le radium dans un pro- duit qui en contient moins d'un cent-millionième, tandis que la réaction spectrale, qui est, d’ailleurs, extrêmement sensible pour le radium, ne permet de reconnaitre qu'une proportion d'un cent-millième. Lorsque les phénomènes de radio-activité auront été étudiés complètement, on aura ainsi une mé- thode de recherche tout à fait précieuse, qui pourra peut-être s'appliquer aussi aux éléments ordi- naires, si ceux-ci sont faiblement radio-actifs. Les poids atomiques connus des éléments radio actifs sont très élevés (thorium, 232; uranium, 240; radium, 225), et ces éléments trouvent tous leur place dans la dernière rangée de la table de Men- deleeff; il semble done que la radio-activité se manifeste surtout dans les atomes très lourds : elle peut résulter de la complication de la struc- ture atomique. Tous les corps radio-actifs se trouvent, en géné- ral, réunis dans les mêmes minéraux. On pourrait presque dire que les minéraux radio-actifs con- tiennent tous de l'uranium. Cela semble résulter de certains essais de M. Lerch; mais de nouvelles re- cherches plus profondes sont nécessaires pour que ce fait, qui peut être très important, soit complète- ment établi. D'ailleurs, si l'on met à part les miné- raux de thorium, qui contiennent, en général, peu d'autres substances radio-actives, ilest possible que les autres minéraux radio-actifs, carnotite, chalco- 68 lite, autunite, ete., proviennent d'une transforma- tion de la pechblende. D'autre part, les éléments voisins des corps radio-actifs, tels que le baryum voisin du radium, etle bismuth voisin du polonium, qu'on trouve dans d’autres minéraux, ne possèdent aucune aclivité, et l'on a pu fractionner 50 kilo- grammes de chlorure de baryum ordinaire sans avoir le moindre indice de la présence du radium. Il est donc vraisemblable que la présence simul- tanée des différents corps radio-actifs dans les minéraux n’est pas due à un hasard. Elle peut résulter : soit d'une origine spéciale de ces miné- raux, qui pourraient provenir, par exemple, des parties les plus centrales du noyau terrestre ; soit d'une action particulière subie autrefois par le minéral; soit enfin d'une action réciproque des éléments radio-aclifs, la présence de l’un d'eux provoquant la création des autres, comme il a été démontré que la présence du radium provoque la création de l'hélium; les essais heureux d'activa- tion en solution du bismuth avec le radium et du baryum sous l'influence de l’actinium permettent d'envisager plutôt cette dernière hypothèse. A mesure que l’on étudie les phénomènes de radio-activité, on découvre qu'ils donnent lieu à des transformations de matière ou d'énergie de plus en plus nombreuses. Si l’on considère les transfor- mations depuis la forme inconnue de l'énergie pri- mitive qui est la cause de tous ces phénomènes, on distingue l'énergie sous forme d’émanation, puis de rayonnement activant, puis deradio-activité induite, qui elle-même parait comporter l'existence de deux espèces de matière ou d'énergie, puis sous forme de rayons «, B, 7, puis sous la forme électrique de l’ionisation gazeuse, enfin sous forme d'énergie lumineuse et calorifique. Les mécanismes de ces différentes transforma- tions sont encore presque inconnus. Cependant, un caractère très net a élé précisé dans certains cas. Chaque fois qu'une espèce de matière ou d'énergie se transforme dans une autre, la quantité qui se transforme en un temps donné est proportionnelle à celle qui existe encore. Il en résulte des lois régu- lières exponentielles de décroissance, qui sont caractérisées par des constantes de temps. Ces constantes, pour chaque forme d'énergie ou de matière, pour l'émanation par exemple, sont difré- rentes suivant la nature du corps radio-actif qui a produit l'énergie initiale. Si l'on examine les trois corps radio-actifs qui produisent de l’'émanation : le thorium, le radium et l'actinium, on constate que chaque corps produit une émanation particu- lière, et les différentes émanations produisent des radio-activilés induites différentes. Ainsi le radium donne une émanation dont l'énergie diminue de la moilié de sa valeur en quatre jours, et cette éma- A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ nation donne la radio-activité induite, dont la loi limite de décroissance est définie par une diminu- lion de moitié en vingt-huit minutes; le thorium produit une émanation dont la diminution est de moitié en À minute 10 secondes, et cette émana- tion donne une radio-activité induite qui diminue de moitié en onze heures; enfin, l’actinium donne une émanation qui diminue de moilié en quelques secondes, et la radio-activité induite qui en résulte diminue de moitié en quarante minutes. D'ail- leurs, nous avons indiqué précédemment que, d'après une théorie non encore développée, la radio-activilé induite comporte le passage par deux espèces de matière ou d'énergie, et la transforma- tion de ces matières donne de nouvelles constantes de temps ; une transformation intermédiaire paraît également accompagner le dégagement de l'éma- nation par l’actinium. Et, lorsque ces différentes transformations seront complètement étudiées, on aura, pour chaque corps radio-actif ou au moins pour chaque émanation, une série de constantes de temps qui caractériseront l'élément ou l’'émana- tion, comme les périodes des raies spectrales (qui sont également des constantes de temps) caracté- risent les éléments chimiques ordinaires; ces diffé- rentes transformations seront probablement élu- cidées assez rapidement dans le cas du radium, de l’actinium et du thorium. On peut également faire remarquer, à propos du polonium et de l'uranium qui ne produisent pas de radio-aclivilé induite dans les condilions employées jusqu'ici, que cela peut provenir d'une très courte durée de l'émanation. Si celle-ci a une loi de décroissance seulement 100 fois plus rapide que celle de l’'émanation de l'actinium, qui elle-même est 100.000 fois plus rapide que celle de l’émanation du radium, la transformation se fera entièrement sur place, et l’on ne pourra pas oblenir de radio-activilé induite sensible sur les corps environnants. Les phénomènes de radio-activité provoqués par le radium meltent en jeu de grandes quantités d'énergie, et l'on peut espérer établir dans un laps de temps assez rapproché le processus des transfor- mations de cette énergie; mais la cause initiale de ces phénomènes restera probablement encore longtemps mystérieuse, malgré la découverte de MM. Ramsay et Soddy. Cette question a été sou- levée dès le début des recherches sur les corps radio-actifs, et les deux hypothèses qui ont été proposées à ce moment restent encore aujourd’hui celles qui sont envisagées le plus sérieusement. D'après la première hypothèse, l'énergie qui se dissipe à partir du radium a pour origine un rayonnement de nature inconnue qui traverse l’espace, est absorbé par le radium et transformé par lui en énergie radio-aclive. Le phénomène A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ serait comparable à l’action de la lumière ultra- violette sur le verre d'urane, où il y a transforma- tion de rayons invisibles en rayons visibles. Le rayonnement excitateur hypothétique qui agirait sur le radium devrait êlre extrêémement pénétrant. Il résulte, en effet, d'expériences anciennes d'Elster el Geitel sur l'uranium, que la radio-activité ne varie pas d'intensité lorsque le corps radio-actif est placé au fond d’une mine; de plus, les écrans très épais n'ont aucune influence sur l'intensité du rayonnement Becquerel, et la radio-activité a la même intensité le jour et la nuit. Cette constance dans l'émission de rayons Becquerel pourrait cependant s'expliquer en supposant un emmagasi- nement de l'énergie du rayonnement excitateur dans le radium, ce qui correspondrait à une durée de phosphorescence très grande. La production de l'hélium peut alors être considérée comme résul- tant de l’action d'une des formes spéciales d'énergie dégagées par le radium, soit sur lui-même, soit sur les corps environnants. L'existence d'un rayonnement inconnu traver- sant tout l'espace est la base de cette hypothèse; et, comme l'énergie du radium, qui résulterait de l'absorption de ce rayonnement, est très grande, il faudrait en conclure que chaque portion de l’espace est le siège d'une énorme quantité d’éner- gie disponible, sous la forme du rayonnement hypothétique. Jusqu'à présent l'hypothèse d’un rayonnement excitateur n’est appuyée directement par aucun fait, mais elle n’est pas contredite abso- lument par les faits connus et elle reste toujours possible. L'autre hypothèse, qui semble pour l'instant plus en faveur, consisle à admettre que l’énergie déga- gée est due à des transformalions atomiques, et la conception la plus simple que l'on puisse faire dans cet ordre d'idées, c’est de supposer que le radium est un élément instable en voie de transformation, l'énergie dégagée étant le résullat de la transmu- tation du radium en éléments inconnus. La décou- verte de MM. Ramsay et Soddy est venue apporter un appui considérable à celte hypothèse. La possibilité d'une variation des atomes chi- miques est une idée qui est acceptée maintenant par beaucoup de savants, surtout parmi les physi- eiens, qui ont élé amenés à considérer dans les ions gazeux et dans les rayons cathodiques des fractions très petites de l'atome. Il est bien certain également que les classifications des éléments sui- vant une loi périodique en fonction du poids ato- nique, comme la table de Mendeleeff, suggèrent, malgré leurs imperfections, l'hypothèse d'une com- munauté d'origine des éléments chimiques et la possibilité d'une transformation réciproque. Certains travaux sur la spectroscopie aboutissent | REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. à la même conclusion. Je rappellerai seulement que M. Lockyer, à qui l'on doit la découverte de l’hélium dans le Soleil, a montré que les spectres très compliqués de certains métaux usuels, comme le fer, peuvent se modifier entièrement et devenir beaucoup plus simples en employant une source électrique de très grande énergie; il a montré égale- ment que les spectres simplifiés ainsi obtenus coïncident avec les spectres de la lumière de certains astres, et il pense que ces spectres nou- veaux appartiennent à des éléments nouveaux résultant d'une désagrégalion des autres éléments. Ainsi, dans plusieurs voies très différentes, une transmutlation est invoquée pour expliquer les phénomènes. Cependant, depuis plus d'un siècle que l’on étudie les transformations de la matière d’une manière scientifique et parmi les milliers d'expériences de transformation d'ordre chimique qui ont été effec- tuées, aucun fait n’est venu appuyer directement cette manière de voir, et cela peut sembler à beau- coup une raison suffisante pour rendre tout à fait improbable la possibilité d’une transmntation. La conclusion logique cependant différente. L'absence complète de transformalions atomiques dans les réactions chimiques ordinaires doit ètre envisagée seulement comme une preuve que les agents physiques et chimiques employés jusqu'ici sont impuissants pour opérer une transformation aussi profonde. Il est probable également, étant donnée la stabilité si grande des atomes, qu'une pareille transformation se révèlera par des phéno- mènes tout à fait différents de ceux observés dans les réactions chimiques et qu’elle mettra en jeu une très grande quantité d'énergie. Aussi, lorsque des corps présentent des phéno- mènes aussi nouveaux que le dégagement spontané et continu d'énergie, l'émission de rayons de Bec- querel, le dégagement de l’'émanation, il est raison- nable d'envisager l'hypothèse d’une transformation atomique, et, depuis la découverte de MM. Ramsay et Soddy, cette hypothèse apparait presque comme nécessaire. La transformation atomique qui a été envisagée jusqu'ici est celle du radium lui-même; l'énergie quil dégage etl'hélium qu'il produit sont le résultat de cette transformation. C'est là une manière très simple d'utiliser l'hypothèse d'une transmutalion. Elle s'accorde cependant assez difficilement avec certains faits. On a constaté, en effet, que, pendant un intervalle de temps assez grand, six mois envi- ron, aucun changement ne se produit dans le spectre du radium pur; de plus, la variation de la masse d’un sel de radium a été cherchée par un très grand nombre d'expérimentateurs, et aucune conclusion certaine n’a été obtenue; les très faibles est + 70 variations observées sont de l'ordre des erreurs d'expériences ou peuvent être interprétées autre- ment. Or, pendant un intervalle de temps aussi long, la quantité d'énergie dégagée par une molécule- gramme de fradium est d'environ 10 millions de calories; la masse de l'hélium obtenue au bout de ce temps, si elle ne peut être encore calculée, doit être assez considérable, puisque la production de l'hélium a été constatée avec une quantité très faible de radium et après un temps très court; or, il serait absolument extraordinaire que le dégagement d'une telle quantité d'énergie et la formation d’une assez grande quantité d'hélium fussent le résultat de la transformation d’une masse infinitésimale de radium. Cependant, comme nous ne pouvons com- parer cette transformation à aucune autre, cette interprétation, qui est d’ailleurs la plus simple, doit être envisagée sérieusement. D'autres explications peuvent être proposées. Le radium peut être seulement un intermédiaire dans tous ces phénomènes. Il peut, par exemple, être considéré comme un élément catalysateur pro- voquant la transformation d'éléments communs, comme la mousse de plaline provoque la combi- naison de l'hydrogène et de l'oxygène ou celle du gaz sulfureux et de l'oxygène. Une quantité mi- nime du radium pourrait donc provoquer le déga- gement d'une énorme quantité d'énergie sans qu'on püt observer une variation sensible dans le ra- dium. Les éléments transformés par le radium peuvent être soit ceux qui sont combinés avec lui, soit les éléments gazeux qui reçoivent son action, À ce sujet, on doit signaler quelques faits qui peuvent fournir des indicalions. Lorsqu'on fait le vide sec aussi complet que possible sur un sel de radium, celui-ci ne dégage plus l'émanation que très diffici- lement, et l'on peut se demander si, dans le vide sec tout à fait rigoureux, le radium produirait en- core de l'émanalion et, par conséquent, de l'hélium. D'ailleurs, l'énergie radio-active du radium ne pa- rait pas avoir diminué pendant ce temps, et, si l’on introduit un gaz, il y a production immédiate d'une très grande quantité d’émanation. Il n'en reste pas moins le fait que, dans le vide, l'activation est beaucoup plus difficile qu'en présence des gaz ou de l'humidité, et il est possible que le radium provoque la transformation des éléments de l'air ou des éléments de l'eau, avec production d’hé- lium. On peut enfin combiner l'hypothèse d'un rayon- nement excitaleur avec celle d'une transformation atomique subie ou provoquée par le radium. On peut, par exemple, imaginer que l'énergie du rayon- nement inconnu reçu par le radium est emmaga- sinée par celui-ci comme dans une phosphores- cence, et que le radium utilise cette énergie pour A. DEBIERNE — LE RADIUM ET LA RADIO-ACTIVITÉ se transformer où pour provoquer la transmutation ‘des éléments voisins. Dans ce dernier cas, l'influence du vide peut s'expliquer complètement. L'émanation étant cons- tituée par un élément gazeux en voie de transfor- mation, cette émanalion ne peut se produire en l'absence de gaz; mais le radium, même placé dans le vide, emmagasine toujours l'énergie venant de l'extérieur, et, lorsqu'on introduit des gaz, toute cette énergie emmagasinée permet la production d'une grande quantité d'émanation. Les phénomènes radio-actifs se présentent alors comme ceux de la fonction chlorophyllienne des végétaux, où ceux-ci absorbent l'énergie du rayon- nement solaire et utilisent cette énergie pour séparer l'oxygène du carbone dans le gaz carbo- nique. Cette séparation permet ensuite une com- binaison qui dégage une grande quantité d'énergie. Ces phénomènes constituent, comme l’on sait, le procédé le plus important d'utilisation de l'énergie solaire, Les centres d'émanalion étant considérés, dans les hypothèses précédentes, comme des atomes en voie de transformation, on peut imaginer que le rayonnement activant émis par ces centres est une projection de fragments de l’alome à un état spécial ; et ceux-ci, en rencontrant les corps solides el en réagissant sur eux, subiraient une désagrégation plus profonde et produiraient des particules élec- trisées, des rayons de Becquerel. Ces différentes désagrégations obéiraient aux lois expérimentales observées avec l'émanation et la radio-activité induite. On aurait ainsi une transformation par- tielle de la matière en énergie, et l'hélium serait envisagé comme un noyau central de l'atome, non détruit dans ces phénomènes. Toutes ces hypothèses sont évidemment trop précises : elles ne reposent pas sur une base bien solide: on ne doit done pas chercher, pour le moment, à les développer outre mesure, et de nou- veaux faits viendront certainement les modifier profondément; on ne peut pas encore faire entre elles un choix bien judicieux ; mais elles sont très intéressantes à signaler, parce qu'elles sont suggé- rées directement par les faits, et que c’est proba- blement la première fois qu'on peut logiquement en émettre de semblables. Je terminerai cette étude en attirant l'attention sur une préoccupation de tous ceux qui s'inté- ressent à l'étude théorique du radium et à ses applications. On a préparé jusqu'ici seulement environ 2 grammes de bromure de radium pur et une certaine quantilé à l'état moins concentré, Mais ce radium a été obtenu presque uniquement au moyen de résidus de traitement de la pechblende, et il devient aujourd'hui presque impossible de ÉMILE DEMENGE — LE GAZ À L'EAU ET SES PRINCIPALES APPLICATIONS 71 se procurer de ces résidus. Aussi, les études sur le radium se développant de plus en plus, il est déjà très diflicile aux savants de se procurer du pré- cieux élément; et, si les résultats thérapeutiques se confirment pour le lupus et le cancer, les besoins de radium deviendront tels qu'il sera absolument impossible de les salisfaire avec les sources actuelles de radium, qui s'épuisent de plus en plus. Il est donc tout à fait indispensable d'organiser une chasse méthodique et scientifique aux miné- raux radio-aclifs. 11 faut également que, dans les usines qui s'occupent du traitement de minerais d'urane, les résidus soient examinés au point de vue radio-aclif, En ce qui concerne la recherche des minéraux radio-aclifs, la découverte de la production de l'hélium peut être un indice très précieux, et, par exemple, il serait intéressant de rechercher la cause de la présence de l'hélium dans certaines eaux minérales. André Debierne, Professeur à l'École Alsac'cnne. LE GAZ A L'EAU ET SES PRINCIPALES APPLICATIONS Avant de passer en revue les nombreuses appli- cations auxquelles se prête avantageusement le gaz à l’eau depuis que sa fabrication est devenue non seulement pratique, mais économique, il n’est pas inutile de comparer entre eux les différents gaz que l'on peut employer pour l'éclairage ou pour le chauffage. I. — COMPARAISON AVEC LES AUTRES COMBUSTIBLES GAZEUX. Tous ces gaz, sauf le gaz oxhydrique, con- tiennent au nombre de leurs éléments combus- tibles une combinaison du carbone soit avec l'oxygène, soit avec l'hydrogène. Ils peuvent être fabriqués de différentes façons : les uns, composés surtout d'hydrocarbures, proviennent de la distil- lation des matières carburées, houilles, lignites, bois, tourbes, huiles, etc.; les autres résultent de Ja combustion incomplète de ces matières, et leur principal élément combustible est, par conséquent, l'oxyde de carbone ; d’autres, enfin, sont obtenus par la décomposition de certains oxydes, tels que la vapeur d'eau, l'eau, l'acide carbonique, ete.; ils sont alors conslitués par de l'oxyde de carbone plus ou moins mélangé d'hydrogène libre, sauf le cas où il y a production d'acétylène. Il convient d'ajouter que la distillation, la combustion incom- plète et la décomposition peuvent entrer simultané- ment en jeu, et alors lès gaz produits comportent un mélange varié des différents éléments précé- demment indiqués. Le pouvoir calorifique de tous ces gaz dépend de la nature et de la proportion relative des éléments qui les composent; il est d'autant plus élevé à poids égal que la proportion des hydrocarbures ou de l'hydrogène est plus forte, et que celle des gaz inertes est moindre. Comme gaz de distillation, nous rappellerons, entre beaucoup d’autres, le gaz de houille, dont la composition, très complexe, varie dans de larges limites suivant les diverses qualités de charbon employé, la température des cornues et l'allure des fours. La proportion d'hydrogène en volume est, en moyenne, de 48 °/,, et celle de méthane (CH°) de 35 °/. Généralement, la teneur en oxyde de carbone se tient aux environs de 7,5 °/,. Le ga de houille ne contient guère que de 2 à 4 °/, d'acide carbonique et d'azote, qui jouent un rôle inerte dans la combustion. Aussi le pouvoir calorifique supérieur" du gaz de houille est relativement élevé : 5.500 calories environ. Parmi les gaz provenant de combustions incom- plètes, nous citerons le gaz Siemens, appelé aussi gaz de gazogène où gaz à air, et que les Anglais désignent sous le nom de producer gas. Dans ce gaz reste en proportion assez forte l’azole de l'air insufflé, dont l'oxygène a servi à la combus- tion partielle du carbone solide ; aussi son pouvoir calorifique n’est que de 800 à 1.000 calories. Mais si, en même temps que l'air, on fait arriver de la vapeur sous la grille, une certaine quantité de cette vapeur est décomposée et fournit 10 à 20 °/, d'hydrogène qui se mélange à l'oxyde de carbone du gaz. On obtient alors un gaz que l’on désigne indifféremment sous les noms de gaz mixte, gaz Lencauchez, çaz Dowson, gaz Mond, ete., et que les Anglais appellent Lalf producer gas, mixed gas ‘ Nous entendons par pouvoir calorifique supérieur le nombre de calories-kilogrammes fournis par la combustion complète et totale d'un mètre cube de gaz pris à la tem- pérature 0 et à la pression 760, les produits de la combus- tion étant ramenés à 00 et à 760. Cela suppose donc que la vapeur d'eau est condensée. Si l'on ne ramène les produits de la combustion qu'à 1000, c'est-à-dire si l’on admet que l'eau résultant de la combustion reste à l'état de vapeur, on obtient le pouvoir calorifique inférieur. La différence entre les deux pouvoirs varie avec la composition du gaz : elle est d'autant plus accentuée que le gaz renferme plus d'hy- drogène et de carbures d'hydrogène, # 19 2 ÉMILE DEMENGE — LE GAZ À L'EAU ET SES PRINCIPALES APPLICATIONS ou power gas. Malgré l'adjonction inévilable des matières inertes contenues dans l'air qui sert à la combustion partielle et l'augmentation de la teneur en acide carbonique résultant de l'allure plus froide du gazogène, la présence d'une certaine propor- tion d'hydrogène relève le pouvoir calorifique du gaz mixle par rapport à celui du gaz Siemens de facon à l'amener à 1.300 ou 1.400 calories. En réalité, pour cette fabrication, on fait déjà intervenir dans une certaine proportion le pro- cédé de décomposition, puisqu'il y à dissociation de vapeur d'eau au contact du charbon incandes- cent; mais, comme la quantité de vapeur d'eau envoyée sous la grille n’est jamais suffisante pour éteindre le feu, il est possible de produire ce gaz mixte d’une façon continue. Il n'en est plus de même lorsque la proportion de vapeur d'eau est plus considérable, et alors la fabrication devient intermittente. Après avoir porté le combustible au rouge, on fait passer au travers de la masse incandescente le courant de vapeur d'eau, qui se décompose en produisant un mélange d'oxyde de carbone et d'hydrogène jusqu'au mo- ment où cette masse n’est plus à une température assez élevée pour produire la dissociation. Alors, il faut reprendre le soufflage d'air. Dans ces condi- tions, puisque le soufflage d'air est interrompu pendant la décomposition de la vapeur d’eau, le gaz produit ne contient plus d'éléments inertes ou, du moins, la proportion de ces derniers est relali- vement très faible ; il en résulte donc une augmen- tation très réelle pour le pouvoir calorifique, qui est de 2.700 calories. Le gaz ainsi obtenu est désigné sous le nom de gaz à l'eau où water gas. On voit que la fabrication du gaz à l’eau rentre dans le groupe des gaz combustibles obtenus par décomposition. Comme autre exemple de gaz pro- duit par décomposition, nous citerons en passant l'acétylène, qui, aujourd'hui, s'obtient très facile- ment par la réaction de l’eau au contact du carbure de calcium. Il a pour formule CH, ne contient que très peu de gaz inertes, et a un pouvoir calorifique qui dépasse 10.400 calories. Ce rapide examen des différents gaz et des moyens de les obtenir permet de particulariser le gaz à l'eau au point de vue du pouvoir calorifique et de la composition. Comme le gaz de houille et l'acétylène, le gaz à l'eau a le grand avantage de ne pas contenir d'éléments inertes venant au moment de la combustion absorber une partie des calories ; aussi, avec le gaz à l'eau, en marchant à l'air froid, c’est-à-dire sans réchauffage préa- lable, peut-on obtenir des températures qui ne seraient atteintes que difficilement avec des gaz pauvres ou mixtes, même en chauffant l'air com- burant. Comme, d'autre part, le volume d'air néces- saire pour brüler l'unité de. volume de gaz à l'eau est bien inférieur à ceux qu'exigent le gaz de houille et, 4 fortiori, l'acétylène, les températures de combustion de ces trois catégories de gaz sont loin d'être proportionnelles à leurs pouvoirs calo- rifiques, et nous verrons que le gaz à l'eau, malgré son moindre pouvoir calorifique, a une température de combustion remarquablement élevée, qui dé- passe celle du gaz de houille et se rapproche de celle de l'acétylène. Aussi, lorsqu'il s’agit d'obtenir de hautes températures, sans exagération, le gaz à l'eau est tout désigné pour arriver au but dans les conditions les plus pratiques et les plus économiques. II. — FABRICATION DU GAZ À L'EAU. Le gaz à l'eau, composé presque exclusivement d'hydrogène et d'oxyde de carbone”, est obtenu par la décomposition de la vapeur d'eau au contact du carbone incandescent. Cette décomposition ne pouvant naturellement pas se continuer indéfini- ment, il est nécessaire de l'interrompre à temps pour insuffler de l'air et porter à nouveau le car- bone à l'incandescence. Tous les procédés de fabrication de gaz à l'eau, quels qu'ils soient, sont done à marche intermittente et comprennent une période transitoire de soufflage et une période de décomposition de vapeur, la seule produisant du gaz à l'eau et, par conséquent, ayant un caractère utile. Le soufflage pour le chauffage du charbon peut se faire de deux facons bien différentes : ou bien l'incandescence du combustible est obtenue par une insufflation d'air limitée, auquel cas on pro- duit du gaz de gazogène (producer gas), qui est utilisé pour la surchauffe de la vapeur ou pour la distillation des huiles de carburalion en vue de rendre le gaz éclairant (procédés Lowe, Loomis, Humphreys et Glasgow, Strache); ou bien le souf- flage d'air est fait dans des proportions qui per- mettent la combustion complète du combustible, de sorte que les gaz qui s'échappent ne contiennent plus qu'une proportion très minime d'oxyde de carbone (procédé Dellwik-Fleischer, fig. 1 et 2). Il y à évidemment tout intérêt à réduire autant que possible la période transitoire de soufflage et à opérer de façon à obtenir pendant ce temps une combustion complète, au lieu de s'attacher à pro- duire un gaz utilisable seulement pour des chauf- fages accessoires. Il en résulte, en effet, un double 1 Le gaz à l'eau théorique est constilué par un mélange à volumes égaux de CO et d'H. : H°0 + C—H?+CO0. Sa composition en poids est de H=— 6,67 0/0, CO —93,33 0/0: Un mètre cube de gaz théorique exige, pour sa combus- tion, 2 m. ©. 383 d'air. D I TP DT ÉMILE DEMENGE — LE GAZ À L'EAU ET SES PRINCIPALES APPLICATIONS 73 avantage : 1° une plus courte durée du soufflage: 2° une incandescence plus parfaite du combustible, el, par suite, une plus longue durée de la période de décomposition de vapeur et de production de gaz à l’eau”. Le gaz à l’eau contient en volume plus de 90 °/, d'éléments combustibles. Son pouvoir calorifique moyen inférieur est de 2.550 calories. Sa très haute température de combustion (avec de l'air froid, 1.800° environ) et sa pureté le distinguent, comme nous l'avons vu, de tous les autres gaz connus, tels que ceux de Siemens, de Dowson, de Mond, etc., et de l’employer soit à l'état pur, soit à l'état de mélange avec le gaz de houille. A l'état pur, le gaz à l'eau, auquel on donne une odeur très forte et facilement perceptible’, est brûlé dans des becs Auer. Ceux-ci sont de con- struclion plus simple, puisqu'ils ne nécessitent pas de Bunsen. Quant aux manchons à incandescence, leur éclat est plus vif qu'avec le gaz ordinaire à égalité de volume consommé, en raison de la tem- pérature de combustion plus élevée du gaz à l’eau. Le gaz à l'eau mélangé au gaz de houille abaisse évidemment le pouvoir éelairant du mélange d’une Fig. 1. — Gazogène et scrubber d'une installation Dellwik-Fleischer. — Le accès au-dessus et au-dessous de la grille pour le piquage du feu et le décr 2 portes que l'on voit à gauche donnent sage. Le gaz produit dans le gazogène traverse de bas en haut le scrubber où il est refroidi et débarrassé de ses poussières. qui contiennent forcément une grande proportion (60 °/, environ) de gaz inertes el incombustibles, limitant considérablement leur emploi. III. — APPLICATIONS A L'ÉCLÂIRAGE. Contrairement au gaz de houille et à l'acétylène, le gaz à l'eau n'est pas éclairant par lui-même; mais néanmoins les procédés modernes permettent d'en rer un excellent parli pour les besoins de l'éclairage, étant donné son faible prix de revient?, 1 Avec le procédé Dellwik-Fleischer, la période de souf- flage d'air dure deux minutes et celle d'injection de vapeur de huit à dix minutes, tandis qu'avec les autres procédés le soufflage dure deux fois plus que l'injection de vapeur. ? Avec le procédé Dellwik, par exemple, on obtient proportion égale à celle où il y entre. Quant au pouvoir calorifique du gaz résultant, il se trouve également réduit, puisqu'en principe le pouvoir calorifique du gaz à l’eau est à peu près moitié de celui du gaz de houille. II faut donc, dans ce cas, restituer au mélange son pouvoir éclairant, et, en même temps, son pouvoir calorifique au moyen d'une addition artificielle de benzol. Celte méthode de recarburation, appliquée au mélange de gaz de houille et de gaz à l'eau, couramment 2,2 me. de gaz par kilog de coke, soit une dépense de 0 kil. 455 de coke par mètre cube de gaz fa- briqué. Si on tient compte des pertes dues aux fuites (10/6), on peut compter sur une dépense de un demi-kilog de coke par mètre cube de gaz consomme. 1 Au moyen d'une dissolution à 10 °/, de mercaptan dans l'alcool, 14 ÉMILE DEMENGE -- LE GAZ À L'EAU ET SES PRINCIPALES APPLICATIONS entra‘ne une consommation absolue de benzol variant naturellement avec les proportions des deux composants, mais relalivement toujours assez importante, puisqu'elle est comprise entre 60 et S0 grammes par mètre cube de gaz à l'eau ren- trant dans le mélange. Dans les pays comme la France, il n'y a pas à cela gros inconvénient, les prix du benzol étant très abordables. Mais, en Espagne ou en Italie, l'élévation des droits d’en- trée celle matière en rend l'emploi plus difficile. En choisissant convenablement le point de la fabricalion du gaz de houille où l'on fait arriver sur LES Fie. 2. applique l'idée très ingénieuse d'introduire ie gaz à l’eau dans les cornues mêmes de distillation, et il en résulte de tels avantages que celte méthode nouvelle, dite d'autocarburation, a beaucoup de chance de se propager très rapidement et même de provoquer, chez les directeurs d'usines à gaz qui n'emploient pas encore le gaz à l’eau, le désir de disposer des moyens de le produire. En effet, on sait que, pendant les premières heures de la distillation, la chaleur se transmet au cœur de la charge de houille par conduclibilité seulement, et que la zone centrale, portée à une plus basse lempéralture que les parties de charbon — Vue de la plate-forme de chargement dans une irstallation Dellwik-Fleischer. — À gauche, se trouve le volant qui permet d'effectuer les changements de période dans la fabrication. Lorsqu'il s'agit d'alimenter de coke le gazogène, le, wagonnet est amené au-dessus du clapet de chargement et le coke qu'il contient descend par suite de l'ouverture du le courant de gaz à l’eau fourni par le gazomètre compensateur, par exemple en envoyant le gaz à l'eau dans le barillet réduire légèrement le chiffre de consommation de benzol indiqué plus haut. Dans ces conditions, en ellet, le gaz à l’eau barbottant au travers du gou- dron retienl une partie du benzol qu'il rencontre, et c'est autant de benzol en moins qu'on a à ajouter au mélange pour le ramener au titre voulu. C'est done là un premier pas fait dans la voie de l’éco- nomie du benzol, mais on peut encore aller beau- coup plus loin. des cornues, on arrive à Depuis quelques mois, dans la plupart des usines à gaz de houille qui sont munies d'appa- reils producteurs de gaz à l'eau, au lieu d'eflec- tuer le mélange seulement dans les barillels, on fond. reposant directement sur les parois, laisse se déga- ger des hydrocarbures lourds dans l'espace vide de la cornue. Ces hydrocarbures, au contact de la paroi supérieure incandescente, se décomposent en formant des hydrocarbures plus légers et en lais- sant se déposer du graphite qui conslitue une couche intérieure tout à fait adhérente et mau- vaise conductrice ; des dépôts se forment en quan- tilé d'autant plus grande que la pression des gaz à l’intérieur de la cornue est plus faible, et c’est déjà en vue de provoquer un dégagement plus rapide des produils de la distillation que les extrac- teurs trouvent leur raison d'être. Si l’on dispose du gaz à l'eau, on peut introduire ce gaz dans chaque cornue pendant toute la période où la dissociation des hydrocarbures à une ten- E | | ÉMILE DEMENGE — LE GAZ A L'EAU ET SES PRINCIPALES APPLICATIONS 19 dance à se faire; il en résulte immédiatement deux avantages très importants : 4° suppression presque absolue du dépôt de graphite et, par suite, augmentation du rendement en gaz de houille ; 2° carburalion aulomatique du gaz à l’eau, qui se charge de ces hydrocarbures lourds et les emporte au dehors de la cornue avant qu'ils aient eu le temps de se décomposer. D'après les chiffres obtenus dans l’une des prin- cipales usines allemandes où se pratique l’autocar- buration du gaz à l'eau, on peut admettre que le pouvoir éclairant du mélange de gaz, au lieu d’être naturellement réduit dans la même proportion que celle avec laquelle le gaz à l'eau entre dans le mélange, ne se trouve plus diminué que de 44 °/, de cette proportion. En d’autres termes, l'autocar- buration fournit un gain de 56 °/, sur le procédé d'enrichissement ancien qui ne reposait que sur l'addition de benzol; de sorte que la quantité de benzol qu'il reste à consommer pour obtenir un pouvoir éclairant identique à celui du gaz de houille pur ne correspond plus qu'à 44 °/, de celle qui était nécessaire autrefois. Grâce au procédé d'autocarburation, l'enrichissement du pouvoir calorifique se fait dans les mêmes proportions, et la perte en calories n’est plus que de 60 °/, de la perte qui résultait autrefois du mélange de gaz à l'eau avec le gaz de houille. C'est là un dernier point intéressant à signaler, au point de vue de l'utilisation du gaz de mélange pour les besoins du chauffage et de la force motrice. Une des principales objections qui aient été faites contre l'emploi du gaz à l'eau à l’état de mélange avec le gaz de houille se rapporte à l'aug- mentation de l’oxyde de carbone dans la composi- tion du gaz émis. Les adversaires du gaz à l'eau font valoir que CO est un poison redoutable, qui, absorbé d’une facon continue à faible dose, forme avec l'hémoglobine du sang un composé stable, provoquant à la longue l’anémie et des troubles dangereux. Ils en déduisent que l'émission d'un gaz qui contient presque 50 °/, de CO est contraire à l'hygiène et peut, dans les grandes villes, cons- tituer un danger sérieux. La conclusion est un peu rapide : Avant de con- damner un procédé qui présente tant d'avantages pour l'industrie du gaz et pour le publie, puisque c'est à sa mise en pratique que l’on devra l’abais- sement du prix du gaz universellement réclamé, il convient de se rendre compte de l'importance des inconvénients d’une proportion un peu plus forte d'oxyde de carbone dans la composition du gaz émis, tant au point de vue des pertes générales et légères de la canalisation dans les rues que lorsqu'il s'agit de grosses fuites dans les maisons. On sait que, dans le sang des animaux de Paris, on retrouve de l'oxyde de carbone, tandis que dans celui des animaux de la campagne il n’y en a pas trace. Maïs le gaz d'éclairage est-il seul responsable, et les poëles mobiles, calorifères, appareils de chauffage à air chaud, cheminées d'usines, etc. ne constituent-ils pas les principales sources de cet oxyde de carbone? À Paris, sur une production annuelle de 22 millions de mètres cubes de gaz d'éclairage, on peut admettre 10 °/, de perte, soit 2,2 millions de mètres cubes de gaz perdus, qui, à 8 °/, de CO, fournissent par an 176.000 mètres cubes ou par jour 483 mètres cubes d'oxyde de carbone qui se répand dans l'atmosphère. C'est insignifiant, à côté des gaz qui s'échappent de tous les foyers industriels. Calculons la teneur en CO d’un mélange composé de 80 °/, de gaz de houille et de 20°/, de gaz à l’eau. On aura : 800 litres de gaz à S e°/, de CO donnant 64 litres de CO 200 à 43 0/0 86 150 litres de CO 1000 litres de gaz de mélange Le mètre cube de mélange renfermerait done 15 °/,, soit 3 unités de plus que certains gaz de houille, et ce faible accroissement serait pour ainsi dire insensible, lors des fuites de la canalisation. Ces fuites sont décelées, d'ailleurs, par une odeur trés caractéristique qui, pour le jaz à l’eau carburé, est plus accenluée que pour le gaz de houille. Supposons maintenant que, par un accident quelconque, le gaz d'éclairage s'écoule dans l'air d'un appartement sans être brûlé ; il y a alors deux dangers à craindre, l'explosion et l’'empoisonne- ment. Ces dangers sont communs au gaz de houille et au gaz mixte, c’est-à-dire au gaz composé d'un mélange de gaz de houille et de gaz à l’eau. Il con- vient, à cet effet, de rappeler que le gaz à l'eau est moins explosif que le gaz de houille et que, pour avoir un mélange explosif avec l'air, 6 à 7 °/, de gaz de houille suffisent, tandis que, pour le gaz à l’eau, il en faut une quantité double : 12 à 13 °/.. D'autre part, quand on compare l'action toxique des différents gaz, on perd trop souvent de vue que, dans le gaz de houille, l'oxyde de carbone n'est pas le seul élément vénéneux, mais que le gaz des marais el les hydrocarbures denses, comme l'éthy- lène, le propylène, l'acétylène, sont également nuisibles à la santé. Or, aucun de ces autres gaz n'entre dans la composilion du gaz à l'eau. Il résulte de ce qui précède que, dans les cas de grosses fuites, le gaz mixte se comportera, à peu de chose près, comme le gaz de houille. Il sera moins explosif, mais asphyxiera dans les mêmes conditions. Quoi qu'il en soit, étant donnée l'extrême rareté des accidents qui sont actuellement causés par le 76 gaz de houille, la question n'a pas l'importance qu'on lui prête. L'aggravation de dangers! dont les manifestations sont si peu fréquentes ne paraît pas suffisante pour justifier la proscription absolue de l'emploi du gaz à l’eau et pour priver le publicet l’industrie gazière des facilités nombreuses que ce gaz procure et qui ont provoqué, depuis quel- ques années, un développement rapide de ses applications en Amérique, en Angleterre et en Allemagne. D'ailleurs, la pratique déjà longue du gaz à l'eau n'a pas fail apparaître de réels incon- vénients. En Angleterre, les Comités d'Hygiène, si sévères dans l'application des règles inléressant la santé, n'ont pas hésité en 1898, après enquête très minutieuse et consultation d’une Commission de chimistes et d'hygiénistes, à admettre une limite maxima de 20 °/, de CO dans le gaz dis- tribué ?. Les antagonistes du gaz à l’eau qui plaident au nom de l'hygiène ne parlent jamais des produits de la combustion, et cependant c’est à ce point de vue que la comparaison du gaz à l'eau au gaz de houille nous touche de plus près en temps ordinaire, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a ni fuite, ni robinet ouvert, puisque ce sont les produits de la combus- tion qui se mêlent à l’air que nous respirons et qui entrent dans nos poumons. Ces produits sont de même nature dans les deux cas : acide carbonique, vapeur d'eau, acide sulfurique, acide sulfureux; mais, avec le gaz à l'eau, l'acide carbonique est diminué d’un tiers et les acides sulfureux et sulfu- rique réduits de 11/12. Quant à la chaleur résul- lant de la combustion, chaleur qui échauffe l'at- mosphère des locaux éclairés au gaz, elle est naturellement beaucoup moindre avec le gaz à l'eau; enfin, la proportion d'oxygène de l'air absorbée pour la combustion est abaissée de plus de moitié. Toutes ces conditions favorables au gaz à l'eau ne semblent-elles pas devoir être portées à son actif ? IV. — APPLICATIONS AU CHAUFFAGE ET AU SOUDAGE. La très haute température de la flamme du gaz à l'eau ainsi que sa propreté au moment de la com- bustion sont ulilisées avec grand avantage pour le chauffage des métaux et particulièrement pour leur soudage. On connaît les difficultés que présente le soudage de l'acier, par suite de l’oxydabilité de ce métal au delà d'une certaine température. Jusqu'ici, pour porter une pièce au blanc soudant, on était obligé de la placer longtemps au contact même du combus- ! En supposant qu'il y ait aggravation. = Rapport de M. Genty à la Commission technique du gaz de Marseille. ÉMILE DEMENGE — LE GAZ A L'EAU ET SES PRINCIPALES APPLICATIONS tible fortement soufflé ; il en résullait que les deux extrémités à souder se recouvraient d’oxydes, de scories et de fraisils dont il fallait ensuite les nettoyer avant de les rapprocher par pression. Obtenue dans ces conditions, la soudure était géné- ralement douteuse, car, malgré toutes les précau- tions, des corps étrangers finissaient toujours par s'y interposer. Cela mème explique pourquoi, dans » la question du soudage, on attachait une si grande importance à la qualité du combustible employé et pourquoi, d'autre part, on cherchait à faciliter le nettoyage des surfaces en les saupoudrant de borax. De plus, le contact prolongé avec le char- bon cémentait le métal et en altérait les propriétés mécaniques. Le gaz à l'eau donne un moyen simple et écono- mique d'obtenir une soudure parfaite et, de plus, autogène, puisqu'on ne fait intervenir l'emploi d'aucune matière étrangère. On sait que, pour « brûler un mètre cube de gaz à l’eau, il suffit d’une quantité d'air à peu près trois fois moindre que pour brüler le même volume de gaz de houille; aussi se trouve-t-il que, malgré son pouvoir calori- fique moindre, le gaz à l’eau développe à la com- buslion une température plus élevée. Avec l'emploi d’un tel gaz et de l'air froid, c'est-à-dire en se plaçant dans les conditions les plus simples, on arrive done rapidement au degré de chaleur qui convient au soudage. Pour chauffer le métal, on se sert d'un brûleur spécial, constitué par une boîte en fonte à deux compartiments dans lesquels l'air et le gaz à l’eau sont insufflés avec une certaine pression. Les deux fluides viennent se réunir à la lèvre du brûleur, protégée par un garnissage réfractaire, et S'y enflamment. L'influence oxydante des produits de la combustion est facilement contrebalancée par un excès de gaz réducteur. Dans ces conditions, il n'ya aucune tendance à la production d'oxydes à la surface du métal et à la transformation de sa texture. Par suite, le poids et la qualité de la pièce soudée restent identiques, sans déchets ni altéra- tions, ce qui n'existe jamais avec le soudage au coke. Si l'on compare maintenant le soudage par le gaz à l'eau avec celui qu'on a obtenu par des pro- cédés récents autour desquels on fait grand bruit, et qui ont recours soit à l'électricité, soit à un mélange d'acétylène el d'oxygène, soit à un mélange d'hydrogène et d'oxygène, on voit que l'avantage reste tout entier au gaz à l'eau. La trop grande intensité du chauffage électrique est un obstacle très réel dans l’industrie du soudage :M l’ouvrier est obligé d'opérer trop rapidement pour être absolument sûr de son travail. De même, lan combustion vive des corps hydrogénés ou hydro- ÉMILE DEMENGE — LE GAZ A L'EAU ET SES PRINCIPALES APPLICATIONS carburés produit une température beaucoup trop élevée et trop locale : À une certaine distance des brûleurs employés, une flamme très chaude en forme d'olive provoque des résultats sensiblement analogues à ceux de l'arc électrique et peut entrai- ner, si l’on dépasse l'instant précis de la fusion, soil l'oxydation, soit la cémentation des surfaces. On remarquera, de plus, que la localisation d'un chauffage à très haute température produit, dans les pièces obtenues, des lensions d'autant plus nui- sibles à leur résistance que ces pièces sont de plus grandes dimensions et surtout de plus fortes épaisseurs. Aussi, avec ces moyens de chauffage, n'est-il possible de travailler que sur des pièces relalivement peliles et de faibles épaisseurs, ne devant pas supporter une grande fatigue, et même à la condition que l'ouvrier déploie la plus grande attention pour ne pas brûler le métal. 1 1 activer la production et pas trop grande pour nuire à la bonne marche du travail, à une température assez élevée etsur un assez large espace pour qu'il soit inutile d'utiliser pour la soudure un autre métal que celui de la pièce même. Ce procédé de chauffage est donc le seul vraiment économique et permettant d'obtenir une soudure absolument autogène sur des pièces dont l'épaisseur varie entre 3 millimètres et 15 millimètres. Par le gaz à l’eau, le travail de soudage a été totalement transformé, el son exécution est devenue si irréprochable que les chaudronniers n'hésitent plus, dans bien des cas, à le substiluer au rivetage. C'est là un moyen de faire à meilleur compte un assemblage absolument homogène et, par consé- quent, plus efficace que celui qui nécessite le per- cage de trous dans les tôles et dont l'étanchéité dépend seulement des rivets et de la façon dont C'est ainsi que le soudage électrique est actuelle- | ils ont été posés. Fig, 3. — Appareil pour souder les tubes en série. — Au centre, bâti supportant le martinet-soudeur; à gauche, chariot amenant les tubes à souder. ment employé dans la fabrication des tonneaux métalliques en tôle mince, pièces n'ayant pas à subir des pressions intérieures élevées et dans lesquelles, par conséquent, les tensions produites n'ont pas une grosse imporlance. Le même procédé est encore utilisé avec avantage pour la réparation des pièces de forge ou de moulage, mais toujours lorsqu'il s'agit de dissimuler un défaut ou manque de métal, et non en vue de retrouver la résistance première. Du reste, avec de tels procédés, le soudage ne s'obtient généralement que par la fusion d'une certaine quantité additionnelle de métal, que l'on choisit autant que possible identique au métal à souder. Ce n’est donc pas à proprement parler une soudure aulogène. Le chauffage avec le gaz à l'eau s'effectue moins rapidement et sur un plus grand emplacement qu'avec les procédés précédents, tout en permet- tant d'atteindre la température de soudage trois fois environ plus vite que lorsqu'on emploie le chauffage au coke. Les deux parties de la pièce, qu'il s’agit de souder, peuvent être ainsi chauffées proprement, avec une rapidité assez grande pour Parmi le grand nombre de pièces que l’on soude déjà au gaz à l'eau, il faut mentionner les réser- voirs à air ou à gaz comprimés, les bouteilles à acide carbonique liquéfié, les foyers de chaudières lisses ou ondulés, les boîtes à eau et communica- tions des générateurs de vapeur, les poleaux de lampes électriques et de trolleys, les mâts mili- taires pour vaisseaux de guerre, les appareils sphériques ou cylindriques pour la cuisson des chiffons ou de la cellulose, les bouées, les cloches à recuire, les tubes avec ou sans brides, les tuyaux pour conduites de gaz ou d'eau sous pres- sion, les tubes soudés en hélice, si remarqués à l'Exposition de Dusseldorf, etc..., lout le matériel enfin que l’on rivetait autrefois et pour lequel la combinaison d'une plus grande légèreté avec une plus forte résistance présente une importance considérable. Cette nomenclature montre la variélé des pièces qui sont fabriquées aujourd'hui au moyen du soudage par le gaz à l’eau. Ajoutons que le nombre d'installations de gaz à l’eau fonctionnant déjà pour des soudages de toutes sortes a permis d’accu- muler les expériences et que l’on est arrivé main- 78 ÉMILE DEMENGE — LE GAZ À L'EAU ET SES PRINCIPALES APPLICATIONS tenant à déterminer les meilleures conditions dans | lesquelles le (ravail doit être mené pour arriver à la perfection. Les appareils qui permettent l'application du gaz à l'eau au soudage sont d’une importance ({rès Un bäti est placé au centre et supporte le marlinet-soudeur mû par courroie. L'enclume se compose d'une longue barre équilibrée par un contre-poids et peut êlre abaissée ou relevée hy- drauliquement, ce qui permet le desserrage de la Fig. 4. — Appareil pour le soudage par le gaz à l'eau, pouvant convenir à la fabrication des tubes depuis 250 millimètres Jusqu'à 2M,500 de diamètre. variable, d'après la forme des pièces que l'on a à traiter et suivant que le travail doit être mené en série, c'est-à-dire d'une façon continue, ou n'a lieu que par intermiltence. pièce et son déplacement. En avant du bàli, est disposé un couple de deux brûleurs, placés paral- lèlement l'uo en regard de l’autre, et dans chacun desquels sont amenés, au moyen de deux conduites, Pipe (oc Lorsqu'il s'agit de fabriquer des tubes de diffé- rents diamètres compris entre 250 millimètres à 2500 et d'une longueur maximum de 5 mètres, et que celte fabrication comporte un tonnage suffisant, on à intérêt à monter une installalion complète, analogue à celle que représentent les figures 3 et 4. — Appareil pour souder les tubes ou viroles avec enclume mobile. 1 Je l'air et le gaz à l’eau insufflés à une certaine pres- sion au moyen de deux ventilateurs distincts. La pièce repose sur un chariot roulant sur rails, et les galets-supports qui la recoivent sont susceptibles de se relever ou de s'abaisser à volonté, suivant les dimensions transversales des tubes ou viroles. Cet appareil permet de faire les soudures non seulement longitudinales, mais aussi circonféren- tielles. Pour le soudage longitudinal des tubes de foyers d’un diamètre maximum de 4 mètre et d'une lon- Fig. 6. — Appareil pour souder à angle droit. gueur maximum de 2 mètres, l'installation peut être simplifiée de la facon indiquée sur la figure 5. Elle comprend toujours un bâti fixe avec mar- tinet; mais les supports de la pièce sont fixes et c'est l’enclume qui avance ou recule, faisant partie ÉMILE DEMENGE — LE GAZ A L'EAU ET SES PRINCIPALES APPLICATIONS 19 main. L'installation se compose alors uniquement d'un jeu de brüleurs suspendu à la voie aérienne; mais l'appareil de suspension est ménagé pour que, suivant les besoins, on fasse varier l'angle de chacun des brûleurs l'un par rapport à l'autre Fig. 7. — Appareil pour souder les pièces longitudinalement. (fig. 6). Une telle disposition convient également très bien pour une fabrication intermiltente de tubes : il suffit, dans ce cas, de placer parallèlement les deux brüleurs l’un contre l’autre et de donner aux conduites supportant ces brüleurs une lon- Hig. 8. — Conduite pour canalisation d'eau de Stockholm, fabriquée entièrement en tuyaux soudés par le gaz à l'eau Dellwik-Fleischer. d'un chariot roulant sur rails placés sur le sol. Quant au jeu de brûleurs, il est suspendu à un pelit chariot mobile sur une voie aérienne. Pour souder simplement les boîtes à tubes et autres pièces de chaudières, il n’est plus nécessaire d'avoir un marteau fixe, le frappage se faisant à la | gueur suffisante pour que le chauffage puisse in- téresser les tubes tout entiers (fig. 7. Nous aurons donné une idée des résultats obte- nus avec le soudage au gaz à l'eau et de la rapi- dité du travail en signalant que, dans une grande usine de Dusseldorf, avec un appareil du type I 80 ÉMILE DEMENGE — LE GAZ A L'EAU ET SES PRINCIPALES APPLICATIONS (fig. 3 et 4), conduit par trois hommes, on à pu | de tubes lisses, sans brides, une machine analogu souder en une heure par recouvrement une lon- | à celle du type Test, ainsi que nous l'avons dit, ca Fig. 9. — Poteaux pour électricité soudés au gaz à l'eau chez W. Fitzner, à Laurahütte. gueur de tube de ‘1 mètre de diamètre et de | pable de produire 4500 à 5500 de soudure longi- Qum5 d'épaisseur atteignant 5"500. | tudinale par heure; mais, si l'on tient compte du Naturellement, le prix de revient du soudage | changement des tubes et des autres interruptions Fis. 10. — Pièce d'emboitement de 2 tuyaux de diamètre différent entièrement soudée au gaz à l'eau. par le gaz à l'eau dépend beaucoup de l'épaisseur | dans le travail, on peut admettre une produetio des tôles employées, ainsi que de la forme et des | de 24 à 30 mètres de soudure par dix heures ave dimensions des pièces qu'il s’agit d'obtenir. des tôles de 8 à 10 millimètres d'épaisseur. Quanb Si, par exemple, nous considérons la fabrication | à la consommation en gaz à l'eau par heure dans ÉMILE DEMENGE -- LE GAZ A L'EAU ET SES PRINCIPALES APPLI CATIONS 81 les deux brûleurs, il faut lévaluer à environ 100 mètres cubes. Enfin, le prix moyen du mètre cube de gaz à l’eau, en supposant qu'il soit oblenu _par le procédé Dellwik-Fleischer, peut être compté à raison de 0 fr. 025, étant entendu que l’on fabrique avec du coke à 25 francs la tonne et du charbon pour vapeur à 22 francs. Tagceau [. chant tous ces chiffres, il est facile de mesurer l'avantage considérable qui, au point de vue éco- nomique, résulte du remplacement du coke par le gaz à l’eau, sans même faire intervenir la considé- ration très importante de la suppression à peu près complète des rebuts de fabrication. La comparaison qui précède se reproduit d'une — Installations Dellwik-Fleischer appliquées au soudage et au chauffage. RENDEMENT NOMBRE des des appareils en mètres cubes Généra- NOMS DES SOCIÉTÉS LOCALITÉS APPLICATIONS EE teurs par heure par jour ———————————————— A. Ges. Dillingen (Prusse- der Dillinger Huttenwerke . : Rhénane). . . chau- Fitzner Ateliers de construction et dronnerie de la Société W. et Gamper. . . Leeds Forge Co, Limited. Sielce, près Sosno- wice (Russie). Leeds (Angleterre Deutsche Rohrenwerke . . . . . .|Dusseldorf . W. Filzner, pabrique de chaudières(Laurahütte (Haute-) et tubes! . .. DEN A PISTES Te) An rent Duisburger Eisen et Stahlwerke . .|Duisbourg Deighton Patent Flue and Tube Co, (,, eeds (Angleterre). tint CT LA On Zawodsie, près Kattowitz (Haute- Silésie) . : Altona . .|Benrath A.Ges. Ferrum vormals Rhein u. va Go) Lange et Gehrekens . . . . ne A. Ges. Balcke, Tellering and' Co. (Norrkœæping Mekaniska Werkstaden « Vulkan ». ‘) (Suède). | Bergische Fahrradwerke « Elite ».(Lennep (près Eritz-Evertsbusch . . . . . . . -j Remscheid). Warsteiner Gruben u. Huttenwerke.f W SEE (NC) ) D ialie). . : : . Beardmore Co . .|Glasgow (Ecosse Usine Piedbeuf Orlévrerie d'Ercuis. . -|Belgique . : .|Ercuis (France). 250-320 5.000-1.680 [Soudage de tôles. Soudage des chaudières el ré- 300-620 QUES chautfage. 500-650 5.000-46.800 (Soudage de foyers ondulés el | de tuyaux. Soudage de tuyaux. Soudage de tourelles blindées | .000-15.360 4 et de mâts pour vaisseaux l de guerre et de chaudières. .800-6.210 [Soudage dechaudièresettubes. 2.000-15.600 do 250-320 2.000-15.360 250-320 100-130 500-650 ».000-7,680 do 3.360-5.040 do 5.000-7.680 {Soudage à la forge et fonderie de laiton. .620-10.080 [Feux de forge, soudage de chaudières et tubes. 600-960 Foyers à braser el à souder. (NOIRS à gaz, foyers forgeage, soudage, recuit, l trempe, éclairage, chauffage. (Soudage des chaudières, des 2.000-15.360 2 tubes et des mâts, feux de l forge, fours à rivets. Soud de tubes. Chauffages divers et éclairage. 100-130 | 2.400-3.120 250-320 250-320 i.000-7.680 100-130 .500-6.2%0 Dans ces conditions, les dépenses journalières pour la soudure sont les suivantes 1.000 mètres à 0 fr. 025. , , . An ee 25btr Main d'œuvre : 1 soudeur à 6 fr! VF 5 16 fr. — aides à 51fr: DES Force motrice : $ chevaux, 10 heures à 0 fr 8-fr. Usurerdes PrlENrTS es ue Cie e DA à OAITS Le prix de revient par mètre de soudure ressort par conséquent à un chiffre compris entre 1 fr. 70 t2 fr. 10. Or, avec le coke, il n’est guère possible de sou- der plus d'un demi-mètre en moyenne par heure, avec quatre hommes, lorsqu'on fabrique des tubes de petit diamètre, et avec cinq hommes, s’il s’agit de tubes dont le diamètre dépasse un mètre. Le prix des salaires seuls par mètre de soudure est donc compris entre 3 fr. 50 et 4 francs. En rappro- facon à peu près identique pour les fabrications autres que celles des tubes, par exemple pour celle des boîtes à eau, des foyers ou de toutes les autres pièces à parois épaisses dont les formes sont des plus compliquées. Du reste, les nombreux produits exposés à Dusseldorf par les premières fabriques de tubes et les principales chaudronneries de West- phalie ont montré combien le gaz à l’eau appliqué au soudage était en vogue et préféré à tous les autres procédés qu'on employait jusqu'alors ‘ Les quelques figures que nous avons données au cours de cet article (fig. 8 à 10) taines formes de pièces très employées en chau- dronnerie, qui n’ont pu être gaz à l'eau et que, jusqu'ici, riveter en grande partie. montrent cer- soudées que gràce au l’on était obligé de 1 Voir Bulletin de la Société des Ingénieurs civils, juil- let 1902 et janvier 1903. Rapports de’ ML. Gouvy, pp. 107 et 211. 82 ÉMILE DEMENGE — LE GAZ À L'EAU ET SES PRINCIPALES APPLICATIONS x Pour terminer, nous signalerons encore à l’avan- tage du soudage au gaz à l’eau la propreté du tra- vail, qui se fait sans fumées ni poussières, le peu d'encombrement que nécessilent les appareils, la possibilité de réduire et de simplifier les opéra- tions, puisque, dans la plupart des cas, grâce à la chaleur intense développée, il n’est plus nécessaire de procéder au chanfreinage des plaques. A titre d'exemple, nous indiquons, dans le ta- bleau I, les principales installations d'Allemagne, d'Angleterre et de Suède, où l’on applique déjà le gaz à l'eau, non seulement au soudage, mais encore au chauffage des feux de forges, des fours à rivets, des fours d'estampage, des fours à chaînes, etc. Dans toutes ces usines, la production du gaz à l'eau est obtenue par le procédé Dellwik-Fleischer, l'un des plus répandus en Europe. V. — CoNCLUSION. En résumé, le gaz à l’eau a été, jusqu'à ces der- niers temps, laissé de côté pour différentes raisons plus ou moins sérieuses, mais dont la principale était certainement l'élévation de son prix de revient. On connaissait déjà toutes ses propriétés avanta- geuses : haute température de flamme, faible volume d'air pour obtenir la combustion complète, propreté des produits de combustion ; mais on avait toujours reculé devant la complicalion des appa- reils qui servaient à le produire. Pour remettre ce gaz en vogue, il à fallu le concours de plusieurs circonstances : d'abord, les industriels ayant com- pris l'avantage qu'ils avaient à employer des com- buslibles à l'état gazeux, loutes les questions de combustion ont été reprises et analysées sur des bases plus scientifiques et il en est résulté la créa- tion des multiples gazogènes qui se disputent maintenant le premier rang. Naturellement, les appareils très rudimentaires qui servaient à la production du gaz à l’eau ont été mieux étudiés, eux et complètement transformés pour aboulir aux gazogènes actuels, dont la simplicité et le rendement sont de sûrs garants de succès. D'autre part, dans l'industrie un peu spéciale du gaz d'éclairage, la tendance était à l’utilisation de gaz de moins en moins éclairants depuis l’applica- tion si heureuse de la lumière à incandescence. Il était done tout naturel de songer à y utiliser un gaz non éclairant, mais économique comme le gaz à l’eau, d'autant plus qu'on ne pouvait rester indiffé- rent à l’utilisation toute trouvée d’une partie du principal sous-produit des usines à gaz, le coke, dont il était parfois si difficile de trouver l’écoule- ment. Toutes ces raisons ne sont pas étrangères au revirement auquel nous assistons et qui est tout en faveur du gaz à l’eau. aussi, Contrairement au gaz de houille ou à l'acétylène le gaz à l’eau n'est pas éclairant, c'est-à-dire qu'il n'est pas chargé de malières carburées susceptible de fournir du carbone en suspension dans 1 flamme. C'est là un grand avantage pour le chauf: fage industriel, puisqu'on peut conduire celle opé ration sans craindre de dénaturer par cémentatio Ja qualité des pièces chauffées. Avec l'éclairage pa incandescence, dans lequel les mailles seules de manchons produisent la lumière, le gaz à l'eau est plus indiqué que le gaz de houille, et on peut supprimer l'afflux d'air supplémentaire qui, dans: le Bunsen, complèle la combustion et brûle les particules solides tenues en suspension dans la flamme. Il en résulte un meilleur rendement lumi- neux. Enfin, là encore où l'emploi des becs par incan- descence ne s’est pas généralisé et où, comme c'est le cas dans la plupart des exploitations déjà exis- tantes, il y a lieu d'alimenter des becs ordinaires le gaz à l'eau apporte un contingent des plus utiles au gaz de houille, en abaissant son prix de revient dans une proportion appréciable, soit que le mélange des deux gaz soit ramené au titre imposés par l'addition de benzol seul, soil que le gaz à l’eau soit d’abord recarburé, avant le mélange, par son passage dans les cornues où la houille se distille et” que le pouvoir éclairant du mélange soit ensuite - complété avant l'émission avec le secours des vapeurs carburées appropriées. ÿ D'après les résullats obtenus depuis plusieurs années dans la plupart des grandes villes d'Europe, il est possible d'affirmer que les appareils de pro-" duction du gaz à l’eau, dans une usine à gaz de houille, deviennent un accessoire indispensable puisqu'ils présentent à la fois les multiples avan- tages d'abaisser le prix de revient du gaz émis, d'utiliser une partie du coke’, de régulariser la produelion du gaz de houille et, par conséquent, de réduire les frais d'entretien des fours, enfin de donner presque instantanément du gaz, ce qui est très appréciable aux époques où des variations sensibles se produisent dans la consommalion. Pour un atelier de construction, une forge, une chaudronnerie, en un mot pour toules les industries dont la fabrication comporte deschauffages à tempé- ratures élevées, le gaz à l’eau résume toutes les qualités que l’on peut rechercher dans un combus- üible, c'est-à-dire l'économie, la haute température, la rapidité et la propreté. Il faut ajouter, en ce qui concerne le soudage, une sécurité absolue au point ju, 1 Au fur et à mesure de l'abaissement du prix du gaz, la consommation de ce genre de combustible pour le chauffage des foyers domestiques augmentera naturellement dans de grandes proportions et les usines à gaz auront beaucoup plus de peine à écouler le stock de leur coke, ALFRED LE CHATELIER — LA LUTTE SOCIALE CONTRE LA TUBERCULOSE 83 de vue des dangers d'oxydation ou de cémentation du métal. Pour terminer, prenons le cas d'une usine métal- lurgique, d'une verrerie, d’une fabrique de produits chimiques ou d'une autre industrie analogue, dans laquelle il faudrait à la fois prévoir le chauffage, l'éclairage et la force motrice : on connait tout l'in- lérêt qu'il y à à remplacer maintenant le groupe chaudières et machines à vapeur par un ensemble de gazogènes et de moteurs. Elant donné le rende- ment remarquable obtenu dans les moteurs ali- mentés avec le gaz à l'eau soit pur, soit carburé, si l'on dispose déjà de gazogènes établis spéciale- ment en vue de l'éclairage et du chauffage, il n°y aura aucune nécessilé à créer des gazogènes spé- ciaux pour moteurs et l'on pourra grouper avec avantage, au centre des ateliers, les générateurs de gaz à l'eau qui alimenteront l'usine pour ses différents besoins. Emile Demenge, Ingénieur métallurgiste. LA LUTTE SOCIALE CONTRE LA TUBERCULOSE Avec l'autorité qui s'attache à son nom — celui d’un des hommes qui ont le plus fait pour guérir notre pays du fatalisme et de l'inertie, en présence des ravages de la tuberculose — M. le D' Romme vient de rendre un nouveau service à l’œuvre de défense nationale dont il a été un initiateur si dé- voué!. En précisant la valeur comparative et le rôle — le rapport de rendement utile — du sanato- rium, de la polyclinique et de l’hôpital, dans les conditions de milieu que constitue notre société, démocratique, mais peu préparée aux réformes vigoureuses, il a fourni à la « Lutte contre la Tuberculose » une nouvelle contribution, dont tous les lecteurs de la Revue générale des Sciences lui ont su gré. Elle était d'autant plus utile qu'il im- portait — au moment où les Pouvoirs publies se préoccupent enfin de discuter les mesures néces- saires et possibles pour combattre le fléau — de rappeler les exemples efficaces déjà donnés dans l’accomplissement d'un devoir social si grave. On est frappé cependant, en étudiant l'histoire de la «lutte contre la tuberculose » pendant ces dernières années, de constater la stérilité efforts tentés de bien des côlés, sous bien des formes, pour l’engager d’une facon décisive. Aver- tissements réitérés des sommités médicales et du corps médical entier, — déclarations d'hommes d'état, — initiatives privées, tout concourt à pré- parer une action énergique. Nous n'en piétinons pas moins entre les entreprises de charité privée et les demi-mesures académiques. Nous sommes fixés sur le but à atteindre, comme sur les voies et moyens. Nous avons le désir d'aboutir, mais nous parlons sans agir. « La vie est plus forte que les idées ». En fait, nous nous trouvons en présence d'un pro- blème dont une comparaison peut figurer le carac- des ! Voyez : D' Romwe : Le sanatorium, la polyclinique et Phôpital dans la lutte contre la tuberculose, Revue gén. des Sciences du 30 novembre 1903. ère dominant. L'idée se heurte aux conditions. Son impulsion est trop faible par rapportaux diffi- cultés trop grandes. Le mouvement qu'elle déter- mine est comme celui que créerait un moteur de peu de puissance, ayant à vaincre des résistances considérables. Pour aboutir, nous devons, avant de nous préoccuper des solulions, nous donner la possibilité de les appliquer, en augmentant la force d’impulsion, en réduisant la force de résis- tance. Ce principe n'implique, somme toule, qu'une meilleure division du travail. Nous poursuivons un objectif d'ordre médical, qui ne peut être atteint que par une action médi- cale. Mais cette action elle-même n'est réalisable que par une énergie sociale plus résolue, et par l’atténuation des obstacles sociaux. D'où la néces- sité d’une préparalion sociale. L'effort initial sur lequel tous ceux qui veulent en finir avec la tuber- culose doivent concentrer leurs volontés peut se définir par une courte formule : 11 faut que la lutte contre la tuberculose devienne une nécessité poli- lique. Qu'on ne s’effraie pas de cette affirmation, en apparence révolutionnaire. Il s’agit d’une simple question de tactique. En reprochant aux Pouvoirs publics leur inactivité, nous perdons constamment de vue l'équilibre organique de notre Société. Permet-il une réforme, un progrès, comportant soit des engagements de dépenses, soit des alteintes à quelque tradition, à quelque privilège, sans la manifestation préalable de la volonté populaire? Les Pouvoirs publics n'ont-ils pas fait preuve, en l'espèce, des meilleures intentions, des dévoue- ments les plus généreux ? Comment leur reprocher d'hésiter devant les décisions à prendre? Sont-elles réclamées, exigées par le pays? La masse de la nation n'en est-elle pas encore, dans la lutte contre la tuberculose, aux vœux plaloniques ? N’est-il pas 84 ALFRED LE CHATELIER — LA LUTTE SOCIALE CONTRE LA TUBERCULOSE évident que la préface de la lutte doit être la trans- formation de ces vœux en volonté? Comment y réussir? Là encore, question de tac- tique. Le Sanatorium, la Polyclinique, l'Hôpital, autant d'instruments de lutte nécessaires, mais coûteux. Qu'on propose demain au Parlement la dépense en rapport avec la nécessité : Où existe-t-il, à l'heure actuelle, un corps électoral disposé à l'accepter? Logements insalubres, ateliers conta- minés, professions dangereuses, cabarets, autant de foyers d'infection à circonscrire. Comment le tenter en présence de l'indifférence ou de l’opposi- tion des intéressés? L'éducation de l'esprit public reste à faire presque entière. Il ne s'agit pas seu- lement de sauver le pays du mal qui le ronge, mais d’abord de le convertir au double sentiment : du danger, et de l'urgence de la lutte. Nous savons par expérience ce qu'est à cet égard l'effet utile d'une propagande réservée. Assurément nous sommes prévenus. Nous n'ignorons pas que la tuberculose arrache chaque année 150.000 exis- tences à notre population appauvrie. Mais notre psychologie sociale est telle que cette formidable hécatombe nous effraie moins que la menace, sans conséquence, de quelques cas de peste. Comment ne pas conclure, de ce fait d'observation, que la propagande est inefficace dans la forme qu'elle a revêlue jusqu'ici? Du moment qu'elle ne porte pas, telle qu'elle est, comment la rendre plus décisive? On peut concevoir bien des méthodes. La multi- plication des articles de vulgarisation, des confé- rences, le développement intensif des procédés mis en œuvre jusqu'ici constitueraient assurément un progrès. Un effort, de faible rendement s'il est répété cent fois, produira davantage en se renou- velant mille fois. Mais, à qui s'adresse la propa- gande actuelle ? Aux milieux les moins contaminés, les moins intéressés. Autant en raison de sa forme même que parce que la masse est difficilement accessible aux considérations générales, elle ne touche pas cette masse qu'il faudrait atteindre. A cet égard, on ne sort pas d'un cercle vicieux : il faut que la lutte s'engage sur le terrain politique; mais elle ne peut l’aborder que par l'intervention de la masse qui, pour se décider, attend elle-même le mot d'ordre politique. Une simple accentuation de la propagande, trop platonique, poursuivie jusqu'ici pourrait avoir des effets de pénétration plus nets. Ce qui caractérise cette propagande, c'est la discrétion, la timidité, en quelque sorte, avec laquelle elle a abordé son thème, pénible et douloureux. Supposons, au con- traire, la carte des ravages de la tuberculose, affichée pendant un certain temps dans les dépar- tements les plus contaminés. Ne frapperait-elle pas les esprits d’une façon plus durable que des articles intermittents. Supposons encore la mise en vedette continue, par affiches, de la mortalilé proportion- nelle par tuberculose, à Paris, et dans les différents quartiers; n'en résulterait-il pas une certaine action sur l'opinion? Sans développer plus longue- ment cet ordre d'idées, on conçoit que l'application d'un effort matériel suffisant à une propagande d'ordre général, intensive et sans ménagements, puisse suffire à modifier réellement l'esprit public. Mais il convient d'aller plus loin dans cette voie, de ne pas s’en tenir à la propagande collective, et d'aborder la propagande corporative, syndi- cale. Pour prendre l’exemple d’un cas de détail, ne serait-il pas facile de faire rapidement l’éduca- tion politique et sociale de la classe, nombreuse et influente, des concierges des grandes villes, en s'adressant directement à leur corporation? Cet” exemple conduit à d’autres. Il n'est pas douteux qu'en visant directement la profession, la classe sociale, au lieu de viser la société en bloc, on aura un rendement autrement fécond de l'effort, au point de vue de la préparation à la lutte. z Une objection se présente, qu’il faut énoncers sans hésitation: « Conçue avec ces préliminaires, « la lutte contre la tuberculose devient une lutte de classes ». Évidemment. Que cela soit génant, déso- bligeant pour quelques préjugés sociaux: nul doute. Mais la question qui se pose, et qu'il ne faut pas perdre de vue, est celle de savoir s'il convient ou non de combattre la tuberculose. Dans l'hypothèse nécessaire de l’affirmative, vaut-il mieux se servir ou se priver des moyens d'action les plus énergiques pour la préparation du combat ? M » Pre Tr st AA IT FF dr ol hf 7, Admeltons que cette méthode un peu révolution- naire, mais pratique, soit appliquée avec les déve- loppements utiles : pour que l'indifférence fasse place à la volonté de la réaction, dans les milieux populaires, et pour que, cessant d'être seulement médicale, puis humanitaire, la lutte devienne ce qu'elle doit être, ce que nous n'avons pas le droit de l'empêcher d'être, une œuvre de passion sociale, quels seront les progrès consécutifs? Il | semble que la seconde étape puisse se combiner avec la première. Avant de songer à la création, en proporlion suffisante, de sanatoria, de poly- cliniques et d’élablissements préservateurs de tout ordre, ne convient-il pas, de procéder à la réforme des hôpitaux actuels, où, malgré des exemples comme celui du D' Letulle, le tuberculeux n'est généralement qu'un intrus, à Paris comme en pro- vince. Ce sera là une réforme d'ordre administratif, réalisable presque partout, sans efforts excessifs, au prix seulement d'une bonne volonté résolue. IL ALFRED LE CHATELIER — LA LUTTE SOCIALE CONTRE LA TUBERCULOSE D 4 S À est vraisemblable que son caractère administratif - n’est pas sans la rendre délicate, puisqu'elle ne se n fait pas d'elle-même, puisqu'on voyait encore, au début du xx° siècle, des typhiques mélangés avec - des tuberculeux, dans tel hôpital d’une grande ville voisine de Paris. Mais on peut remarquer qu'une enquête complète sur la situation des tuberculeux dans les hôpitaux, sur la condition faite à ces malheureux, et sur celle qu'ils créent eux-mêmes par leur voisinage, aurait un double effet. La vul- garisation de ces résultats exercerait une influence profonde sur l'opinion par les scandales de lèse- humanité qu’elle mettrait au jour, et, par là, sim- plifierait considérablement la réforme à accomplir. On peut donc préconiser celte enquête comme devant faire partie, dès le début, d’un programme méthodique de lutte. Élément aclif de propagande, elle aboutira, d'autre part, à son objectif direct, s'il est vrai qu'un simple fascicule de deux ou lrois cents pages, avec documentation photogra- phique, distribué aux Chambres, doive suflire à poser la question du luberculeux à l'hôpital dans des conditions telles qu’elle ne puisse pas rester sans sanction. Un premier pas vient d'être fait dans cette voie : le principe d’une transformation du régime de l'hôpital pour les tuberculeux a été posé officiellement; mais il reste à l'appliquer. Deux autres mesures législatives seront le corol- laire nécessaire d'une propagande décidée à ne rien ménager. On peut aisément en préciser le caractère et l’objet, en se demandant s'il y a ou non Lomicide, de la part du propriélaire, du lo- geur qui, louant au prix d'un logement sain un logement contaminé, ajoutent la tuberculose au bail, ou de la part du commerçant, de l'industriel, du chef d'administration qui, soit faute de protec- tion contre les poussières et les vapeurs, soit faute de désinfection après contagion, complètent aussi le salaire par la tuberculose. Application de la loi sur les logements insalubres, extension de la loi sur les accidents de travail, voilà, semble-t-il, des mesures bien graves. Ne voit- on pas qu'elles deviennent en réalité peu effrayantes par l'obligation préalable de la déclaration de la tuberculose à l’élat contagieux. D’autres objections - subsistent, d'ailleurs, et cela dans l'intérêt même du tuberculeux, qu'il ne faut exposer ni à des diffi- cultés de logement, ni à l'exclusion du travail. On ne saurait donc prétendre légiférer au pied levé en ces matières délicates. Mais l'éventualité des me- sures législatives, en ce sens, n'est-elle pas de celles qu'il faut affirmer dès le début, précisément pour mieux coordonner l'action de l'opinion et l'action consécutive des Pouvoirs publics. Retenons donc l'hypothèse, la perspective d'une forte concentration d'efforts sur la mise en appli- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904, + cation d’un programme de lulle, débutant par une propagande intensive, sans timidités, propre à frapper l'esprit populaire — et non plus, vague- ment collective, mais corporative et syndicale au besoin; — puis, prenant comme objectifs concrets, immédiats, la réforme des hôpitaux, par enquête publique sur la condi'ion des tuberculeux à l'hô- pital, et l'obligation de la déclaration médicale de la tuberculose à l'état contagieux en vue de l’affir- mation des responsabililés patronales ou autres de même ordre. Si une telle concentration ve- nait à se produire, n'est-il pas vrai que la ques- tion de la lutte contre la tuberculose changerait de face ? Elle cesserait d'être académique, platonique, pour devenir socialement aiguë; et ce ne serait pas un mal, puisque l'inaction ferait place à l’ac- tion. Elle préparerait l'œuvre considérable, domi- nante, mais coûteuse, de la lutte médicale, en amenant les communes, les départements, le pays. aux créalions dispendieuses qu'il est illusoire d'attendre de la seule charité privée. Elle permet- trait de compléter l'œuvre médicale par l'œuvre d'assistance, en créant chez le mutualiste, par le point de départ de la passion sociale, la notion des devoirs de la mutualité. Dans le cas même de la lutte contre le cabaret, le mouvement tournant n'est-il pas préférable à l'attaque directe? Quand le client du marchand de vins ou du liquoriste aura la peur de la tuberculose, peur qui sera pour lui le commencement de la sagesse, ne compren- dra-t-il pas de lui-même que, si le bureau ou l'atelier mal tenus et le logement insalubre sont les foyers de la contagion, l'alcool en est le propaga- teur? La question de la tactique à suivre pour donner enfin à la lutte contre la tuberculose un caractère de réalité effective doit nécessairement se poser. En voulant aller droit au but, on se heurte à des impossibilités. Ne semble-t-il pas, en le constatant, qu'il soit temps de créer par une propagande appropriée aux condilions du milieu populaire — le principal intéressé — une opinion sociale qui, orientée vers le terrain politique, conduira par élapes aux mesures législatives, en les rendant nécessaires et possibles. Du moment que le mou- vement commencé ne se développe pas assez vite, à cause d'une impulsion trop faible et de résistances trop grandes, ne serait-il pas judicieux de recou- rir à la méthode la plus pratique, — en matière de progrès social, — celle de l’action par engre- nage. Nous nous complaisons aujourd hui aux vastes espoirs d’une lutte victorieuse, et tous les efforts concentrés sur cette attente aboutissent au néant des résullats, malgré lant d'œuvres individuelles, 9+x 86 GUSTAVE LOISEL — REVUE si utiles dans leur domaine d'influence. Prenons une faible partie des efforts stériles et appliquons- les, non plus à la lutte même, mais au développe- ment de l'idée de lutte chez les déshérités qui forment la proie sociale de la tuberculose. Fai- sons-le sans fausse pruderie, sans hypocrisie, en disant simplement les choses telles qu'elles sont, — telles que nous les savons; — mais en les criant aux victimes, au lieu de nous les chuchoter à l'oreille, et en lançant le cri d'alarme avec le re- tentissement qui le fera seul entendre. N’est-il pas vrai qu'alors l'impulsion surpassera les résistances, et que le mouvement tactique décidera ce que REVUE ANNUELLE PREMIÈRE PARTIE : CROISSANCE ET I. — HKACTEURS DE L'ÉVOLUTION AGISSANT SUR LA CROISSANCE ET SUR LE DÉVELOPPEMENT. $S |. — Définition des termes. Il est tout d’abord nécessaire ici de préciser le langage, car : évolution, croissance et développe- ment sont trois termes qui sont trop souvent pris, malheureusement, l'un pour l’autre, ou avec des sens totalement différents. Il n’y a pas que les jeunes biologistes qui tombent dans cette erreur; les maîtres eux-mêmes en donnent parfois l'exemple. C'est ainsi que Rabaud, dans un article lrès inté- ressant*, nous montre Isidore Geoffroy Saint- Hilaire donnant, dans son Traité de Tératologie, trois sens différents, au moins, au mot développement. Voici comment on peut définir, en deux mots, chacune de ces expressions. L'évolution, au sens étymologique (evolutio, action de dérouler), et c'est le sens qu'il faut lui garder, croyons-nous, est comme le déroulement, figuré devant nos yeux, des diverses phases de la vie totale d’un individu (ontogénèse) ou d’un groupe d'individus (phylo- génèse). Cette évolution s'opère sous l'influence de plusieurs facteurs dont l'élude constitue ce qu'on doit appeler maintenant la science du 1 Dans notre Revue de l’année dernière, en parlant des travaux de Weber sur l'origine des glandes annexes de l'intestin moyen, nous avons Commis certaine erreur d'interprétation pour laquelle nous ne pouvons que ren- voyer au Mémoire complet que vient de publier Weber : L'origine des glandes annexes de l'intestin moyen chez les Vertébrés. Thèse Fac. de Méd. de Nancy, 1903, p. 1-250 avec 60 fig. et 27 pl. (voir p. 228 et 229), et Archiv. d'Anat. ICT UNE Rasaup : Fragments de Tératologie générale. L'arrêt et l'excès de développement. Bull. scient. de la France et de la Belgique, 1901, t. XXXIV, p. 481-511, ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE n'ont pu tant de forces plus importantes : il en- gagera la lutte par l'engrenage irrésistible de la Passion sociale. Passion sociale? Vous hésitez, vous reculez ; vous voulez bien secourir, aider le tuberculeux, mais non lui octroyer le droit de vivre! Soil; mais songez alors aux 150.000 vies dont vos fleurs de rhétorique font le sacrifice tous les ans, et ne dites pas : « Nous lultons contre la tuberculose », mais : « Nous parlons contre la tuberculose ». Parler, c'est déjà quelque chose; — Agir est mieux. Alfred Le Châtelier, Professeur au Collège de France. D'EMBR YOLOGIE DÉVELOPPEMENT. MÉTAMORPHOSES transformisme. Le développement, c'est la pre- mière partie de l’évolution qui conduit un individu donné de l’élat d'œuf à son type spécifique acluel: il ne peut se faire sans multiplication de cellules et sans différenciation de tissus, c'est-à-dire sans trans- formation continue de formes. Le moment où le type spécifique est atteint constitue l’état adulte. La croissance est un des moyens de l’évolution; c'est l'augmentation en volume ou en nombre des éléments différenciés. Elle a pour principal rôle de fournir des matériaux à la différenciation et, par là, elle accompagne presque toujours le développe- ment. Cependant les deux phénomènes peuvent aller l’un sans l’autre et réagir isolément vis-à-vis des facteurs de l'évolution; c'est ainsi que, dans le gigantisme infantile, par exemple, il y a maxi- mum de croissance avec minimum de dévelop- pement; par contre, dans le nanisme, le type spécifique est généralement atteint alors que lan croissance s'est arrétée de très bonne heure. C’est surtout la manière dont se fait la croissance et le développement qui donne le caractère propre à l’embryologie d'un être donné, c'est-à-dire à son ontogénèse. « Dans chaque classe du règne animal, on peut trouver, disent Edm. Perrier et Ch. Gravier, une ontogénie normale ou patrogénique (de marne, tes, père; yewdw, engendrer), dans la=-« quelle les formes ancestrales sont reproduites dans l'ordre chronologique de leur succession. À partir de ce type idéal, les autres ontogénies peuvent êlrem rangées suivant l'ordre de rapidité croissante de formation des diverses parties du corps ». C'est à 4 Ev. PERRIER et CH. GRAVIER : La Tachygénèse ou accéle-m ration embryogénique. Ann. des Se. nat., Zool., 1902, Se sér.,M t. XVI, p. 133-374, avec 119 fig. GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 87. l'ensemble des causes accélératrices des phéno- mènes embryogéniques que ces auteurs donnent le nom de {achygénèse (de ruxÿs, rapide). En 1874, Hæckel avait déjà distingué, dans les ontogénies, celles dans lesquelles le développement est masqué, à une époque plus ou moins précoce, par une adaplalion secondaire à des conditions spéciales d'existence de l'embryon ou de la larve, adaptation qui ne serait pas héritée de la série des ancêtres; c'était la forme cénogénétique (de xavie, nouveau, récent). La palingénie (de rawyyevectx, ag, renaissance, rétablissement d'une chose dans son état primilif) comprenait, au contraire, les types d'embryogénie définis par la loi de Serres, suivant laquelle l'embryogénie d'un animal ne serait que la répétition rapide de ses formes ancestrales. C'était, en somme, donner là de nouveaux noms à ce que Giard venait de faire connaître sous les expressions plus claires d'embryogénies conden- sées et d'embryogénies dilatées. L'un et l’autre savants ne faisaient, du reste, que développer des idées émises, dix ans auparavant, par Fritz Müller, dans cet opuscule à la dialectique si rigoureuse, intitulé : Für Darwin. Mais, comme le font remarquer Perrier et Gravier, les deux catégories distinguées par Giard et par Hæckel ne sont nullement équivalentes et ne peu- vent être opposées l'une à l’autre, pas plus qu'à la tachygénèse. Celle-ci doit être entendue « comme une force sans cesse agissante, ayant déterminé, à partir des ontogénies patrogéniques, une série continue d'ontogénies de plus en plus accélérées, dont les résullats, quels qu'ils soient, sont dési- gnées sous le nom de fachygénies ». Ce n'est là, en somme, qu'un mode constant de l'action de l'hérédité, que l’on constate dans le développe- ment des plantes aussi bien que dans celui des animaux. Si nous considérons seulement ici-le rôle de la tachygénèse dans le développement des organes, nous voyons, avec E. Perrier et C. Gravier, que ce rôle consiste : 1° A faire apparaître d'emblée, avec leur forme et à leur place définitive, des organes qui ont subi, au cours de l’évolulion phylogénique, un déplace- ment que l’ontogénie répète encore dans un cer- lain nombre de cas; 2 à faire apparaître, en une seule pièce, des organes qui se sont constitués phylogénétiquement par la sondure d'organes voisins verticillés, symétriques ou métamériques ; 3° à détacher, des organes qui doivent subir une transformation au cours de la vie, des bourgeons dormants qui les doublent et peuvent les rem- placer; 4° à faire développer ces bourgeons dor- mants avant la déchéance de l'organe primitif: ° enfin, à supprimer les organes primitifs pour faire apparaitre, d'emblée, ceux qui devaient seule- ment, d'abord, les remplacer. Edm. Perrier et Ch. Gravier développent chacun de ces modes d'action par de nombreux cas, choisis tantôtchez les Vertébrés, tantôt chez les Invertébrés. Chez les premiers, par exemple, la segmentation du corps, la disposition fondamentale du tube diges- üf, du système circulatoire et de l'appareil néphri- dien sont des caractères vraisemblablement hérités des Vers annelés. Les Vertébrés diffèrent surtout de ceux-ci par le renversement de leur attitude et par l'existence d’une corde dorsale entre le système nerveux et le tube digestif. Or, Perrier el Gravier montrent, dans leur Mémoire, que le renversement d’attitude est dû au grand développement et à la tachygénèse du système nerveux; quant à la pro-- duction d'une corde dorsale, elle serait due aux conditions tachygéniques tout à la fois du système nerveux et du mésoderme. $ 2. — Application de l'Énergétique à l'Embryogénie. Après avoir été conçue, en 1842, par un simple: médecin du Wurtemberg, Robert Mayer, après avoir envahi et révolutionné, pour ainsi dire, les sciences physico-chimiques, la doctrine de l'Énergie revient aujourd'hui à son berceau, à la Physiologie. . Elle y revient, nous montre A. Dastre dans un très bon exposé de la question !, pour nous expliquer une mullitude de faits et de lois d'expérience : le rôle et les principes généraux de l'alimentation, les conditions de la contraction musculaire, la loi de l'intermittence de l’activité physiologique, le fait de la fatigue, elc. Cette doctrine trouve également son application à l'Embryologie générale en nous per- meltant de mieux comprendre les lois de la crois- sance et du développement des êlres vivants. C'est cette application que nous trouvons dans un petit livre très intéressant de Maurice Springer : L'#ner- gie de croissance et les lécithines dans les décoc- tions de céréales”. « Sous le nom d'énergie de croissance, dit Springer, je comprends l’ensemble des forces et les diverses modalités de l'énergie importées dans les organismes vivants qui con- courent à la production des phénomènes de déve- loppement ». Cette définition montre bien qu'en réalité il n'y a pas une énergie de croissance spé- ciale, et c'est là, dans ce néologisme inutile, un reproche que nous nous permettrons de faire à Springer‘. : En réalité, et c'est là un écueil pour le biologiste, ! À, DasTRe : La Vie et la Mort, Paris, 1903, p. 51 à 441. ? Paris, Masson et C!e, Gauthier-Villars, 1903, * Nous signalerons également, dans son livre, quelques expressions, telles que : énergies latentes libérées. l'énergie se porte vers les organes…., qui auraient eu besoin d'être plus expliquées. y 88 GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE le mot énergie ne saurait comporter, il nous semble, une définilion unique; il faut une définition propre à chaque forme de l'énergie. D'un autre côté, les phénomènes vitaux les plus simples, qui sont actuellement le point de départ du biologiste, appa- raissent déjà si compliqués, que nous nous deman- dons s’il n’est point encore trop tôt d'introduire pareillement, en Biologie, une science qui présente en Mathématiques une précision numérique aussi grande. Quoiqu'il en soit, et sous le bénéfice de ces ré- serves, voici comment, d'après les auteurs, on peut appliquer l'Énergétique à la compréhension de cer- tains phénomènes de croissance. Un premier groupe de forces qui agissent dans la croissance provient de l'hérédité. L'ovule con- tient, en puissance, l'énergie ancestrale qui, dans l'état actuel de la Biologie, ne se manifeste à nous que comme la somme des énergies chimiques poten- lielles contenues dans les réserves ovulaires. La fécondation, ou d'autres phénomènes moins géné- raux, viennent permettre la manifestation d'éner- gie chimique qui se transforme en d’autres formes de l'énergie, principalement en énergie thermique. Entre ces deux termes, se placent les énergies vilales, ou travail physiologique, dont les mani- festations visibles se traduisent ici par la for- mation des blastomères qui constiluent le premier stade de la vie embryonnaire. La croissance se fait tout d'abord par la destruc- lion des réserves alimentaires contenues dans le jeune organisme. Il faut remarquer avant tout que la rapidité du mouvement de croissance est proportionnelle à l'intensité des processus d'oxy- dation. Mais d’autres corps viennent jouer un rôle des plus importants dans les manifestations fone- lionnelles par lesquelles se traduit l'intensité du mouvement de croissance. Les seuls de ces corps bien étudiés jusqu'ici sont l’eau, les oxydases, la potasse, les lécithines. L'observation montre que la proportion d'eau dans un organisme est d’aulant plus grande que la croissance et le développement sont plus actifs. Dans l'espèce humaine, par exemple, W. Preyer a montré que l’embryon de six semaines en renfer- mait 97,54 ‘/, de son poids et celui de cinq mois 88 °/,; à la naissance, on ne trouve plus que 66°/,, et, chez l'adulte, 63 seulement. L'eau n'apportant qu'une faible quantité d'énergie agit d’abord comme véhicule des substances dissoutes, puis par sa pression osmolique; ce dernier rôle, bien qu'en- core peu connu, doit être des plus importants, et, pour certains auteurs même, il serait toute l'expli- calion du rôle mystérieux du spermatozoïde dans 5 RE pe ere n ! Voir notre Revue d'Embryologie de 1901, p. 871. l’œuf, Il est vrai que Springer à vu qu'il n'existait pas de différences isotoniques entre le sérum san- guin d'un poulain de 3 jours et celui d'un cheval âgé de 8 ans. Mais Springer a raison d’ajouter aussitôt qu'au point de vue des phénomènes de croissance, ce n’est pas le sang, mais bien la lymphe qui est le vérilable milieu intérieur; c'est elle qui constitue le véritable tissu de croissance, et, en effet, on voit les organes lymphoïdes prédominer pendant toute la période de développement; on a même découvert dernièrement, chez l'homme, de ces organes qui ne serviraient que pendant la vie embryonnaire!. C'est une des raisons qui font penser à Springer que c'est là la voie par où les oxydases distribuent, dans l'organisme, certains éléments importants de l'énergie de croissance, d'un autre côté, Portier avait montré, il y a quelques années, que les oxy- dases prédominent dans les leucocytes. Le rôle des oxydases (agissant surtout par le manganèse) dans la croissance serait d'augmenter l'intensilé des réactions chimiques d'où découlent les énergies vitales. C’est grâce à la potasse que les produits de l’ac- tivilé vitale des cellules dialysent incessamment vers les plasmas extra-cellulaires:; aussi les re- cherches de Hugounenq? ont-elles montré que la teneur en potasse est en rapport avec le degré de développement des sujets *. Quant aux lécithines, tous les travaux qui ont été faits dans ces derniers temps, en particulier ceux de Desgrez, d’Aly Zaky et de Claude *, ont démontré, de la façon la plus nette et la plus précise, les effets stimulants de l'ovolécithine sur la croissance. D'autres auteurs, tels que Maxwell et Stoklasa, avaient {rouvé que les lécithines contenues dans les semences de beaucoup de plantes possèdent un rôle physiologique analogue. C'est pourquoi Springer s'est demandé si la léci- thine végélale, introduite chez les animaux comme aliment, ne remplirait pas, dans les organismes, un semblable rôle. La question était des plus inté- ressantes; elle dépassait le but thérapeutique cher- ché par l'auleur pour s'étendre à la Biologie géné- rale. Springer s'est d'abord adressé à de jeunes chiens âgés de deux mois qu'il a nourris en mélan- geant à leur pätée 1 à 2 litres de décoclion de graines de céréales. Au bout de quatre mois, il a vu que la croissance avait été d'un tiers ou d'une moitié plus rapide chez les individus en expé- rience que chez les individus témoins. Depuis, 1 Voir notre dernière Revue, 1902, 1fe partie, p. 11#1. 2 L. Hucocxexo : La statique minérale du fœtus humain, pendant les cinq derniers mois de la grossesse, Journ. de Physiol. et de Pathol. gén., t. 1, 1900, p. 509-512. s Voir également DÉHÉkAIN: Traité de Chimie, 1902, p.16#. 4 Voir le résumé de ces expériences dans le livre de SPRINGER, p. 0. GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 89 l'auteur a essayé d'appliquer ces données à la Cli- nique, mais nous ne pouvons le suivre sur ce ter- rain trop spécial, quelque intérêt qu'il présente pour le médecin. Il est intéressant de rappeler ici que Gabriel Delamare a vu une injection de pilocarpine pro- voquer une augmentation de cinèses dans les gan- glions lymphatiques et même dans les voies lym- phatiques”. Grynfelta fait une constatation analogue en faisant agir la pilocarpine sur la surrénale des Téléostéens *. L'intérêt de ces dernières observations réside dans ce fait que la pilocarpine renferme un grou- pement de triméthylamine, comme la choline. Or, cette choline est une base que l'on trouve nor- malement dans l'organisme, dans les lécithines. Et Desgrez a montré que cette choline agit sur les sécrétions salivaire, pancréalique, biliaire et rénale, ainsi que la pilocarpine*. Comme complément à ces notions d'une science encore dans l'enfance, nous citerons un travail de Tangl, particulièrement original, en ce sens qu'il s'engage de plus en plus dans la voie de l’'énergétique embryonnaire. Dans ce travail*, l'au- teur a essayé, en effet, de calculer la quantité d'énergie chimique qui est employée dans le tra- vail de l'ontogenèse. Tangl a expérimenté sur l’œuf de Moineau et sur celui de Poule. Sans entrer dans le détail de ses expériences, que l’on trouvera très bien exposé par Dastre”, nous dirons que le travail du développement (quantité d'énergie chi- mique consommée pendant le développement) est vraisemblablement proportionnel au poids de l'em- bryon, car il grandit avec lui ; la dépense d'énergie pour le maintien de la matière vivante est moindre que pour la création de nouvelle matière. La source principale de cette énergie étant dans les graisses de l'œuf, Tangl trouve qu'il y a 48 calories en jeu dans le développement du Poulet : 16 calories ont été consommées par le travail d'édification du corps : les muscles ont fixé 28 °/, de l'énergie uti- lisée; les os 22,4; la peau et dépendances 21,4; le système nerveux 3,1, et les viscères 17,6 °/,. Lorsque le travail embryonnaire est terminé, il reste done encore 32 calories que l’on retrouve dans le Poulet. $ 3. Action de l'électricité sur la croissance. Nous avons dit plus haut que les énergies chimi- * GABRIEL DELAMARE : Anatomie générale des lymphati- ques, in Traité d'Anat. de Poirier et Charpy, 1902, &. I, fig. 556, p. 1146. ? GRYNFELT : Thèse Fac. des Se., 1903. * A. Descrez : De l'influence de la choline sur les sécré- tions glandulaires. C. R. Ac. Sc., 7 juillet 1902. * F. Tancz : Beiträge zur Energelik der Ontogenese, Arch. f. die gesammte Physiol., 1903, t. XCIII, p. 327-376. ÿ In Journ. de Phys. et de Pathol. gén., 1903, p. 404. ques contenues dans les réserves se transforment, dans l'organisme vivant, surtout en énergies ther- miques. « Mais, comme le fait remarquer juste- ment Springer, il n’y a là qu'une équation appa- rente, car la production de chaleur animale est le résultat d'une multilude d’opéralions intermé- diaires : oxydations intra-organiques, dédouble- ments, synthèses ; or, tous ces phénomènes chimi- ques s’accompagnent de production d'électricité qui est dégagée ou absorbée. Cette électrogénèse cellulaire est un phénomène biologique de pre- mier ordre. Il est regrettable qu'il ait été à peine étudié ». Springer est heureusement entré dans celte voie; en électrisant des animaux et des enfants, il a constaté une notable poussée dans le développement et une augmentation de poids. Cela nous.conduit à parler d'expériences analo- gues qui n'ont plus élé failes chez les animaux, mais chez les végétaux. L'influence de l'électricilé atmosphérique fut étudiée expérimentalement pour la première fois sur les végélaux en 1746; ce fut un Écossais, Mainbray, qui, ayant eu l'idée d’électriser deux pieds de myrte, vit ces plantes prendre un accrois- sement très grand et beaucoup plus rapide qu'à l'ordinaire. Depuis celte époque lointaine, de nom- breuses expériences furent faites dans la même direction, surtout par des agronomes, mais aucune n'a présenté l'importance, comme durée et résul- tats, de celles de Sélim Lemstræm'. Dès 1885, le savant professeur finlandais avait remarqué que des graines de céréales électrisées avaient donné des plants d’une vigueur toute particulière. Trans- portant ensuite ces expériences de laboratoire sur un véritable champ de culture, Lemstræm obtint, de la même façon, des excédents de récolte de 35 °/, avec des graines d’orge et de 57 °/, avec le blé. D'un autre côté, il semble que l'électricité, favorable à la nutrition en général, le soit égale- ment pour l’activité sexuelle. C'est ainsi que trois pots de fraisiers, placés dans des conditions déter- minées, mürirent en cinquante-quatre jours pour le plant témoin, en trente-trois jours pour le plant soumis au courant négalif, en vingt-six jours pour le plant soumis au courant positif. Cette année, A. B. Plowman a résumé, dans le Physikalische Zeitschrift, les résultats d'expé- riences à peu près semblables qu'il a faites, au Jar- din botanique de l'Université d'Harvard, pour voir quels étaient les effets de l'électricité sur les graines. Pour cela, il faisait traverser un milieu * Lemstræm a rendu compte en détail de ses expériences dans les Mémoires de l'Université d'Helsingfors où il est professeur. On en trouvera le résumé dans un livre : De l'influence de l'électricité sur la végétation. Accroissement des récoltes, traduit, avec la collaboration de l'auteur, par P. van Biervliet; Paris, 1902. 90 GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE __——_—__———_ ————.—]— —Z————aa— mue renfermant des graines de Lupinus albus par un courant électrique compris entre des électrodes en charbon ou en platine. Ces expériences ont montré que les graines placées au voisinage de l'anode ont élé tuées au bout de vingt heures par des courants supérieurs à 0,003 ampère, alors que les graines voisines de la cathode restaient indemnes ou ac- quéraient un pouvoir germinaltif supérieur. Dans son Mémoire, Plowman fait suivre l'exposé de ses expériences de considérations générales, et pré- sente, sur l'influence des ions sur la vie végétale, des idées nouvelles qui paraissent assez intéres- santes. Tous ces résultals concordent donc pour montrer que l'électricité est un facteur général de la croissance produisant des effets analogues chez les animaux et chez les végétaux. & 4. — Action du radium sur la croissance. Les propriétés si particulières que les physiciens viennent de reconnaître à de nouvelles substances dites radio-actives devaient engager les biologistes à rechercher quels sont les effets de ces corps sur l'évolution des organismes. Georges Bohn, le pre- mier, vient d'entrer dans cetle voie en expérimen- tänt, avec lé radium, sur 80 larves et embryons de Crapauds et de Grenouilles'. Bien que ses expé- ‘riences soient encore peu nombreuses, les résul- tats obtenus sont cependant assez importants pour qu'il y ait lieu de les signaler ici. Il en résulte tout d’abord que les rayons de Becquerel agissent différemment sur la croissance des tissus et des organismes. Quand celle-ci est lente, comme chez les larves, ils déterminent un amoindrissement de la taille: quand elle est rapide, comme chez les embryons, ou bien ils détruisent les tissus, ou bien ils ralentissent leur croissance, ou bien enfin ils l'accélèrent et cela suivant les régions et les tissus. Les épithéliums, par exemple, sont plus sensibles que les autres tissus parce qu'ils croissent et se modifient plus activement. Les mêmes expériences nous révèlent un fait des plus intéressants, et qui, en effet, comme le dit Bohn, touche aux plus passionnants problèmes de la Biologie. Des embryons, âgés de moins de trois jours, sont placés pendant quelques heures (3 à 6) dans une petite cuve renfermant une mince couche d'éau, sur laquelle flottait un tube contenant quel- ques centigrammes d'un bromure de radium très actif, Ces embryons se sont d'abord développés comme à l'ordinaire : chez eux, le radium n'a ja- mais eu d'action apparente immédiate; mais, quand ils se sont transformés en têtards, c'est-à-dire long- temps après qu'ils avaient été replacés dans les 1 Gronces Bonx : Influence des rayons du radium sur les animaux en voie de croissance. C. R. Acad. Se., 27 avril 1903. conditions normales du développement, Bohn a vu des monstruosités apparaître : appendice caudal atrophié, rétrécissement en arrière de la tête, ete. Si ces monstruosilés sont bien dues à l'action antérieure du radium, ce qui, en réalité, n’est pas démontré, on pourrait conclure avec Bohn : Il suffit que les rayons du radium traversent le corps d'un animal pendant quelques heures pour que les tissus acquièrent des propriétés nouvelles. Ces propriétés pourraient resler ainsi à l'état latent pendant de longues périodes, pour se manifester tout à coup au moment où, normalement, l’activité des tissus augmente. Dans le mème ordre d'idées, Poulton, puis Merriefield avaient déjà montré que l'exposition d'une chenille à une lumière colorée suffit pour déterminer la même coloration chez la pupe. Et la ressemblance paternelle que l'on constate chez beaucoup d'enfants peut, à la rigueur, s'expliquer, comme le fait Bohn, par des pro- priélés spermatiques dormant dans l'œuf et dans l'embryon pour venir se réveiller à certains mo- ments. Ce ne doit être là, cependant, qu'une façon de parler, car cette attente de propriétés ne peut guère se comprendre dans l'état actuel de la science. Dans une seconde série d'expériences” portant sur les œufs et les embryons d'une espèce d’Oursin, Bohn est venu confirmer et préciser ses premières expériences. Les rayons du radium agissent sur la chromatine du noyau; suivant la durée de Fexpo- sition, ils augmentent son activité ou bien ils la détruisent. Ils tuent les spermalozoïdes, amas de chromatine nus (?), mais excitent la chromatine de l'ovule protégée par du protoplasma, déterminant ainsi la parthénogénèse. Enfin ils confèrent à la chromatine de l'œuf fécondé des propriétés du- rables, qui ont leur retentissement sur l’orga- nisme, au moment où celui-ci est en voie de croissance et de rénovation. II. —— LA CROISSANCE ET LE DÉVELOPPEMENT DES INDIVIDUS CONSIDÉRÉS SURTOUT D'APRÈS LES SEXES. $ 1, — Dans la vie embryonnaire. Toutes les recherches qui ont été faites jusqu'ici sur la croissance des organismes pèchent en ce sens qu'elles ne mettent pas en évidence un des facteurs internes les plus importants dans la vie des individus : le facteur sexe. Là encore, nous trouvons un défaut de méthode qui fait souvent dépenser une somme de travail considérable, non pas en pure perte, mais sans arriver à lui faire pro- duire tout ce qu'elle pourrait. 1 Geonces Boux : Influence des rayons du radium sur les œufs vierges et fécondés, et sur les premiers stades du développement. €. R: Ac. Se., # mai 1903. GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 91 C'est ainsi que les moyennes que nous donne E. Legou‘ ne peuvent guère être utilisées, non seu- lement pour l'Embryologie générale, mais même pour la Médecine légale, qui a été le seul but visé par l’auteur; il y a là, en effet, dans la construction des moyennes de Legou, trop de facteurs dispa- rates qu'il aurait fallu d'abord mettre en évidence : sexe, nanisme, gigantisme, varialions organiques, ete. C'est ce que Gustave Loisel a essayé de faire, en reprenant, dans cet ordre d'idées, les données numériques brutes fournies par les statistiques de Legou. 11 à d'abord recherché quelle était la crois- sance comparée, en poids et en longueur, des fœtus males et des fœtus femelles”. Il à vu que, jusqu’au 4° mois de la vie intra-utérine, tous les organes du corps : viscères, muscles et squelette, sont plus lourds dans le fœtus femelle que dans le fœtus mâle. La prépondérance du poids passe ensuite au sexe imàle, mais seulement pour ce qui concerne les or- ganes de la vie de relation proprement dite; l’encé- phale, les organes de nutriliou et d’excrétion restent loujours plus développés chez les fœtus femelles. Or, si nous remarquons, en particulier, que le cœur d'un côté, les reins, les capsules surrénales et le foie surtout, sont relativement beaucoup plus développés dans les fœtus femelles, on peut dire, il semble, que ces derniers sont des organismes mieux nourris el plus épurés que les organismes mäles. Les accoucheurs savent pourlant que les enfants males, à la naissance, sont plus lourds que les en- fants femelles; ceci est vrai, du poids tolal, mais seulement encore à partir de la fin du 4° mois; c’est, sans doule, l’âge où le système musculaire prend uue prépondérance de plus en plus grande sur les autres systèmes. Il en est de même pour la crois- sance de la longueur totale du corps du fœtus, croissance qui traduit surtout le développement du squelette. Jusqu'au milieu du 4° mois, la iongueur totale du fœtus femelle va en surpassant de plus en plus celle du fœtus mâle; elle se rapproche en- suite de celle-ci pour marcher presque parallèle- ment au-dessus d'elle, jusqu'au milieu du 5° mois; à parlir de cet âge, elle s'abaisse fortement pour devenir moins grande que dans le sexe opposé. Gustave Loisel à recherché ensuile quel est le degré d'activité de croissance chez les fœtus mâles comparés aux fœtus femelles”. Il a vu d’abord que, dans la période de la vie fœtale qui s'étend du 3° 1 E. Lecou : Quelques considérations sur le développe- ment du fœtus. Thèse Fac. Méd., Paris, 1903. ? G. Loisez : Croissance comparée en poids et en lon- sueur des fœtus màle et femelle dans l'espèce humaine. C. R. Soc. Biol., 31 octobre 1902, p. 1235. # G. Lorsez : Activité de croissance comparée dans les fœtus mâle et femelle de l'espèce humaine. C. R. Soc. Biol., 31 octobre 1903, p. 1237. au 6° mois (seule période qu'il ail pu étudier), la croissance des organes marche par poussées suc- cessives, qui vont en diminuant d'intensité au fur et à mesure que l'organisme se complique. Quant à la somme de ces activités de croissance, elle est plus grande chez le mâle que chez la femelle. « Or, dit Loisel, comme nous avons vu que, dans la même période, le poids relalif de tous les organes de la vie de nutrition est plus grand chez les fœtus femelles que chez les fœtus mâles, il faut en conclure, que cette suractivité ne conduit pas, pour l'organisme mäle, à un bénéfice réel, du moins sion compare avec le sexe femelle en voie de dévelop- pement ». Il y aurait peut-être là, dans la suraclivité de croissance du mäle, quelque chose de compa- rable aux processus fébriles qui excitent passagè- rement le mélabolisme général d'un organisme, augmentent ses échanges et ses oxydations et élèvent sa température. Des considéralions lirées de la Physiologie et de l'Embryologie comparées nous font admeltre que cette suraclivilé, qui restera l’un des caractères dis- tinclifs du sexe mâle, est due à des substances sti- mulantes, de l’ordre des substances excrétrices, qui sont moins bien détruites, ou plus mal rejetées, dans le sexe mâle que dans le sexe femelle. Cette opinion concorde, en eflet, avec le fait, mis en évidence dans notre première Note, du plus grand développement des organes d'excrétion dans le sexe femelle. Elle concorde également, d’un côté : avec les données bien connues de la statistique, qui nous montrent la femme possédant une plus grande puissance de viabilité, et cela dès sa naïs- sance”; de l’autre, avec les faits d'observation, qui nous montrent que, dans la série animale tout en- tière, les femelles vivent plus longtemps que les males. S 2. — Après la naissance. Nous rapprocherons de ces recherches celles que F. Houssay à entreprises sur le développement comparé des sexes chez les Poulets après la nais- sance”. Comme Loisel, dans l'espèce humaine, Houssay trouve également que les organes internes sont plus volumineux chez la femelle, parfois d'une facon absolue, et toujours d'une façon relative, si l'on rapporte leur poids au poids total ou au poids actif de l'animal. Il faut excepter, cependant, le cœur et les poumons, qui sont d'ordinaire plus importants chez le Coq. C’est encore aux mêmes résullats généraux qu'ar- 1 Cette survitalité de la femme existe mème avant la naissance, puisque le Journal officiel du 23 octobre 1903 nous montre, pour l'année 1902, 23.026 morts-nés du sexe masculin, contre 17.192 du sexe féminin. 3 EF, Houssay : Le dimorphisme sexuel organique chez les Gallinacés et sa variation avec le régime alimentaire. C. R. Ac. Sc., 12 janvier 1903. 92 GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE rive J. Noé en comparant, dans un très important Mémoire', les sexes chez le Hérisson adulte pris pendant l'été. Là encore, les poumons, le cœur et la rate sont plus lourds chez le mâle que chez la femelle : au contraire, ce dernier sexe l'emporte pour l'estomac, l'intestin, le pancréas etle foie. Noé conclut de ces données « que l'absorption est plus active chez la femelle, l'élimination chez le mâle ». Mais la seconde partie de celte conclusion ne nous parait pas absolument conforme avec les faits. En effet, les seuls organes épurateurs qui lui permettent de conclure ainsi, les reins, sont presque égaux dans les deux sexes (13 gr. 97 chez le M., 13,59 chez la F.); par contre, le foie, qui est manifestement aussi un organe épurateur, pèse 4 gr. 52 de plus chez la femelle que chez le mäle; enfin, Noé n’a pas tenu compte des capsules surrénales, destructrices des poisons musculaires, organes que nos recher- ches nous ont toujours montrés beaucoup plus lourds dans le sexe femelle que dans le sexe mâle. Des recherches d'analyse chimique que nous poursuivons en ce moment nous montreront, du reste, si les organismes femelles (à l'exception de leurs glandes épuratrices) renferment vraiment moins de poisons que les organismes mâles, comme nos études actuelles tendent à le démontrer. Il ya deux ans, J. Deschamps, analysant le phé- nomène de l’auto-intoxication ?, avait montré théo- riquement que la nutrition est limitée par l'ina- nition ou par l'auto-intoxication. Le caleul lui avait permis de construire une courbe de la nutrition, comprise entre deux asymplotes parallèles et pos- sédant un point d'inflexion à mi-hauteur, entre les deux asymplotes. Houssay arrive, par l'expérience", aux mêmes conclusions que Deschamps, en pesant réguliè- rement une couvée de poulets en bon état de santé. Comme Deschamps, il voit que toutes ses courbes possèdent un point d'inflexion principal. Chez les mâles, ce point est au cent-dixième jour; pour les femelles, il est au quatre-vingt-dixième jour; chez ces dernières, la courbe, après s'être infléchie, se redresse au cent-quarante-cinquième Jour. Houssay dit que ses courbes sont comparables à celles de Budin, relatives à la croissance des jeunes enfants, et qu'elles rappellent également les graphiques plus récents de Mühlmann qui sont construits avec des moyennes; ces derniers s’éten- dent, pour l'homme, de la naissance à quatre-vingt- 1 J. Noé : Recherches sur la vie oscillante. Essai de biody- ‘ namique. Thèse Kac. méd. Paris, 1903 p. 181. 2 J.-J. Descamps : Étude analytique du phénomène de l'auto-intoxication. Bulletin de la Société des gens de sciences, 15 janvier 1902, avec une figure (cité par Houssay). $ F, Houssay : Croissance et auto-intoxication. C. À. Ac. Se., 1902, t. CXXXIV, p. 1233, avec une figure. dix ans; cependant, l'inflexion est ici plus précoce que chez les oiseaux. Houssay pense que le relèvement du poids qui se constate chez les poules, à partir du cent-qua= rante-cinquième jour, traduit la préparation de la ponte. Cela nous parait certain; mais il ne suffit pas, pour expliquer ce phénomèné, de dire avee Houssay que la ponte est une différenciation étendue pouvant influer sur le poids. Si ce der- nier se relève, si la nutrition devient meilleure. quand l'ovaire commence à expulser ses œufs, c'est parce que l'ovaire fonctionne alors plus éner- giquement comme glande épuratrice de l’orga- nisme. C'est là une fonction générale des glandes génilales que nous croyons avoir démontrée com- plètement, à la Faculté des Sciences de Paris, dans notre cours libre d'Embryologie (1902-1903) *. Quoi qu'il en soit, de toutes ces recherches se dégage celle nolion que l’auto-intoxication est non seulement imminente, comme le dit Bou- chard, mais qu'elle est permanente et comme une condition même de la vie. « C’est elle qui, avec la pesanteur et plus que celle-ci sans doute, limite leur croissance (des métazoaires); elle doit être comptée comme une cause primordiale toujours présente, non seulement pour les états patholo- giques, mais pour tous les phénomènes physiolo- giques et morphologiques ». (Houssay, loc. eit.). Chez les Protozoaires, Loisel”, à la suite d'expé- riences et de considérations lhéoriques sur les- quelles nous ne pouvons nous arrêter ici, admet également que l'auto-inloxicalion est un facteur normal de l'évolution, conduisant à la sénescence et pouvant déterminer le phénomène de la conju- gaison. Dans ces dernières années, les notions de Méca- nique, introduites en Biologie par Marey et par Ch. Richet surtout, sont venues nous faire connaître d'autres facteurs agissant dans l'arrêt de croissance qui limite la taille chez les animaux. Ce sont ces notions nouvelles que nous trouvons présentées, d'une facon toute originale, dans un Mémoire de Chudeau *. Par des considéralions mathématiques, tirées elles-mêmes de la pesanteur, Chudeau montre que, 1 Il est bon de faire remarquer que nous donnons au mot épuration un sens beaucoup plus large que celui qui est attribué au mot excrétion. Les fonctions d'épuration com- prennent dans notre idée : 1 la meilleure utilisation des réserves qui, accumulées en trop grande quantité, finissent par nuire à l'organisme; 20 la destruction ou la transfor- mation de substances directement nuisibles; 3° la meilleure utilisation secondaire de ces substances transformées ; 4° le rejet (excrétion) des substances non utilisées. ; 2 G. LoiseL : Sur la Sénescence et sur la Conjugaison des” Protozoaires. Zoolog. Anz., 1903, t. XXVI, p. 484-495. 3 René Cauprau : Sur les tailles maxima de quelques ani- maux. Trav. de la Station zool. de Wimereux, t. IX, Miscel- lanées biolog., dédiées au Professeur Giard, p. 100-113. | L 4 4 use, GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 93 pour chaque type, il y à un maximum de taille et que les animaux qui approchent de ce maximum sont dans un état d'infériorité. Les lois de la Géométrie et de la Mécanique nous apprennent que, si la surface d’un corps croil comme les carrés, le volume de ce corps augmente comme les cubes. Dans ces conditions, la pesanteur et la nutrilion doivent imposer à chaque lype animal un poids maximum. En effet, la force d’un muscle est proportionnelle à la section droite de ce muscle et non à sa longueur: or, cette section, étant une surface, croit comme les carrés, c’est-à-dire plus lentement que le volume du corps lui-même. L'assimilalion continuant, il doit done arriver un moment où le poids du corps n'est plus en har- monie avec la force musculaire. « Tout animal voisin du maximum de poids compalible avec sa forme est, par cela même, dans un état d'infériorité », continue Chudeau. En effet, cet animal se déplace plus difficilement, trouve moins aisément la nourriture dont il a cependant un besoin plus pressant; par conséquent, la nutri- tion devient plus difficile, la croissance diminue peu à peu et finit par s'arrêter complètement. Une autre conclusion qui s'impose, dirons-nous avec Chudeau et Giard', c'est que plus l'animal grandit, plus les condilions de l'existence sont mauvaises pour lui. Ceci explique, en passant, la disparition des grandes espèces, disparition qui a commencé à la fin de l'ère secondaire et qui se continue encore de nos jours. $ 3. — Croissance de l'utérus et de l'ovaire chez la femme L'ouvrage de H. Bayer, dont nous parlons à la fin de cette Revue, se termine par l'étude de l'appareil *sexuel de la petite fille à la naissance, et par les modifications post-fætales qu'il présente jusqu'au moment de la puberté. C'est là, sans aucun doute, le chapitre le plus nouveau et le plus intéressant du livre. Suivant pas à pas la croissance de l'utérus et de l'ovaire pendant toute cette période, Bayer nous montre un rythme parliculier dans l’activilé de croissance de ces organes. Du quatrième mois de la conception au neuvième, l'utérus croit d'une facon continue; puis, après la naissance, il subit une sorte de régression qui le fait redescendre, en trois ans, au volume d'un utérus de fœtus de six mois. La croissance de l'utérus ne reprend sa marche ascendante qu'à partir de la quatrième année, marche d'abord très lente, puis qui s ac- centue à partir de la neuvième année et se A. Graro : Facteurs primaires de l'évolution. Cours pro- fessé à la Sorbonne, rédigé par Gustave Loisel. Paris, 1903, p. 1-XVI et 1-79 (p. 14). poursuit lrès énergiquement après la douzième. Bayer à vu que la croissance des ovaires présente des alternatives de progression et de régression à peu près parallèles à celles de l'utérus; cependant, l'arrêt et la régression qui suivent la naissance sont beaucoup moins accentués ici que dans l'utérus. Peut-être y a-t-il déjà, entre l'ovaire et l'utérus, des corrélations semblables à celles qui ont été signa- lées récemment entre les corps jaunes et l'utérus gravide. Il est regrettable, à ce point de vue, que Bayer n'ait point recherché quel était, pendant ces pé- riodes, l'état des sécrétions chimiques de l'ovaire Il est probable qu'il aurait trouvé, dans ces der- nières, une périodicité analogue à celle que nous avons signalée dans le testicule des oiseaux, pour une fonction semblable. $ 4. — Croissance du corps au moment de la puberté. Un médecin militaire francais, Paul Godin, vient d'apporter une contribution très intéressante sur la croissance et le développement du corps au mo- ment de la puberté *. Il a pu étudier et suivre pas à pas, en effet, de l'âge de treize ans et demi à celui de dix-sept ans et demi, cent pupilles bien constitués. Cette période est particulièrement intéressante pour nous, puis- qu'elle englobe la phase pubère (qui apparaît iei à l'âge de seize ans), et embrasse, en outre, l'année et demie qui la précède et l’année et demie qui la suit. Les poils pubiens sont les premiers caractères sexuéls secondaires qui apparaissent chez l'Homme ; l'enfant a alors en moyenne quatorze ans et demi. Six mois après, ces poils sont devenus plus nom- breux et la voix a pris des raucilés qu'elle n'avait pas auparavant. À quinze ans et demi, c'est-à-dire un an après le début de la pousse pubienne, on découvre un léger duvet dans les deux aisselles ou dans l’une des deux seulement. En ce qui concerne la mue de la voix, Paul Godin montre seulement que ce phénomène ne peut être considéré que comme simple modification de l’état antérieur. A la mème époque et corrélativement à cette mue, le cou grossit de 5 centimètres. Vers l’âge de quinze à seize ans, on voit des changements de coloralion se produire dans les cheveux et dans les yeux. Pour les cheveux, le changement consiste seulement en un foncement de la coloration primitive (de celle de treize ans); ceci, du reste, ne se produit que chez 28 adoles- cents sur 100. C'est l'inverse qui se produit le plus 1 Pauz Gon : Recherches anthropométriques sur la erois- sance des diverses parties du corps. A. Maloine, 1903, 212 p., avec 1 pl. 94 GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE souvent pour la teinte de l'iris. Celle coloration devient plus claire chez 45 °/,, tandis qu'elle devient plus foncée chez 18 °/, seulement. Comme pour les cheveux, le changement de coloralion des veux signale la puberté, tantôt par réduelion à une couleur unique, ce qui est très saisissant quand l'iris présentait au préalable une coloration complexe, tantôt par modification de la couleur précédente. Pendant tout ce temps, le volume des organes génilaux ne se modifie qu'exceptionnellement; Godin n'a constaté leur augmentation qu'aux envi- rons de l'âge de dix-sept ans. Comme de raison, les moyens dont disposait iei l’auteur n'ont pu lui donner que des résultats lout à fait superficiels et dont on ne peut lLirer aucune conclusion. En effet, ce que nous savons du développement des lesti- cules, chez les Verltébrés supérieurs, permet de penser que ces organes élaient en activité glan- dulaire depuis longtemps déjà. Les augmentalions du poids et de la taille sont les phénomènes les plus frappants qui caractérisent la puberté; c'est à cela surtout que Godin a con- sacré la plus grande parlie de ses recherches. Pour la taille, il est tout d'abord très remarquable que son accroissement bien connu se fait surtout pen- dant la période qui précède immédialement la puberté véritable, c'est-à dire vers l’âge de quinze ans et demi. Godin se rencontre là avec la majorité des an- thropologistes ; seul, Pagliani (cité par Godin) fait coïnecider la période de croissance la plus aclive avec la période puberlaire, en ce qui concerne la laille tout spécialement. Au moment de la puberté, la croissance de la laille éprouve donc un amoindrissement notable, lequel ne représente pas, cependant, un minimum. L'activité de croissance reprend quelque Lemps après, vers l’âge de seize ans, pour s’affaisser à partir de dix-sept ans. En somme, les chiffres de Godin, que l’auteur auraitdü traduire par des graphiques plus frappants, nous montrent que la croissance de la taille se fait sui- vant un rythme dont les périodes ont pu être mesu- rées par l’auteur; ces périodes seraient représentées par un écart de 11 millimètres entre les divers accroissements. « En ajoutant 11 millimètres aux 46 millimètres acquis de treize ans et demi à qua- torze ans et demi, on oblient 57 qui représente l'augmentalion en hauteur entre quatorze ans et demi et quinze ans et demi. Si de ce nombre on retranche 11 millimètres, on trouve 46, accroisse- ment réalisé depuis quinze ans et demi jusqu'à seize ans et demi. Diminué à son tour de 11 milli- mètres, il nous donne encore le dernier aceroisse- ment qu'il nous ait été permis de suivre sur la série de 100, à savoir 35 millimètres, longueur dont s'augmente la taille pendant l’année qui s'éten entre seize ans et demi et dix-sept ans et demi (p. 73). La croissance du corps en poids se fait par un mouvement rythmique comparable à celui de I laille. Mais ce que ne fait pas assez remarque Godin et ce qui ressort nettement cependant de comparaison de ses chiffres, c'est que ces deu rythmes : taille et poids, vont en alternant réguliè rement entre eux; à une augmentation dans l’acli= tivité de croissance de la taille, correspond tou jours une diminution dans l’activité de croissance du poids. Si Pagliani parait s'être trompé pour la taille, i avait vu vrai ici, et Bowdilch (cilé par Godin) s'était justement renconiré avec lui pour montrer que le principal accroissement du poids des indi- vidus se fait à l'heure de la puberté; c'est égale- ment, du reste, ce que dit nettement Godin : « Le poids réalise son principal accroissement au mo- ment de la puberté, et cette augmentation dure autant que la période pubertaire elle-même ». Mais il est important de remarquer également qu'à la période prépubertaire correspond un affaissement, dans l’activité de croissance du poids; de treize ans et demi à quatorze ans et demi, le poids du centimètre de taille de l'enfant avait augmenté de 11 à 12 grammes par semestre; dans le semestre suivant, alors que l'enfant grandissait énormément, l'accroissement du poids de son centimètre de taille n'était plus que de 7 grammes; c'est à partir de ce moment que la puberté réelle va se mani- fester, el alors on voit le même poids aller en aug- mentant de 16, 14 et 13 grammes pendant les trois semestres suivants. De même, M'° M. Stefanowska, en éludiant la croissance en poids de deux souris blanches (un mäle el une femelle) !, trouve également que l’éta- H blissement de la puberté, qui a lieu du quarante- | cinquième au soixante-seplième jour, est carac- M térisé par une grande irrégularité dans la croissance Ë des deux individus. « Dès le début de cette période, { dit-elle, nous voyons une inflexion considérable, M suivie bientôt par une rapide ascension, à laquelle k succède une phase d'arrêt dans la croissance. » 3 De ces données, peut-on tirer des conclusions ] générales sur l’état de la nutrition de l'individu, pen- dant cette période si importante de la vie? Peut-on dire, par exemple, que les poussées de la taille cor- respondent à des crises maladives, traduites nelte- ment ici par des ralentissements dans la croissance du poids? Cela semble possible si l'on se rappelle les | | L 1 M. SrerANowskA4 : Sur la croissance en poids de la souris blanche. C. R. Ac. Sc., 4 mai 1903, p. 1090, s 4 GUSTAVE LOISEL -— REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 95 maladies propres à la croissance que nous ont signa- lées les médecins. Il faut bien remarquer, cependant, que les mesures anthropométriques nous sont don- nées surtout par le squelette et parle système mus- “culaire, mais ne nous renseignent nullement sur la croissance des viscères, c'est-à-dire des organes principaux de la nutrition. Or, les recherches de Houssay et de Loisel, dont nous avons rendu comple plus haut, nous montrent qu'on se trom- -perait fortement si l'on concluait de l'un à l’autre. JIL. — RECHERCIIES NOUVELLES SUR LES MÉTAMORPHOSES. On sait que l'évolution du corps des individus subit une poussée des plus particulières au moment où se développent les organes génitaux; la crois- sance s'accompagne toujours alors de dévelop- pement et ce dernier processus est parfois si accentué qu'il conduit à de véritables métamor- phoses. Les nouveaux travaux qui ont paru sur les méla- morphoses depuis notre Revue de 1901 viennent encore limiter le rôle de la phagocytose que Metch- nikoff et ses élèves présentaient comme un facteur essentiel des phénomènes histolytiques qui accom- pagnent les métamorphoses. En 1901, Vaney et Conte, étudiant les métamor- phoses de Cercaires urodèles parasites de Mol- lusques terrestres, avaient constaté des phénomènes d'histolyse sans aucune intervention de phagocytes. La même année, Kellog' voyait des phénomènes de phagocytose chez certains Diptères et n'en trouvait aucune trace chez d'autres. Ce sont les mêmes résultats auxquels est arrivé Vaney dans le Mé- moire qu'il a consacré récemment à l'étude des larves et des métamorphoses des Diptères”. « La phagocytose, conelut-il, n'a pas un rôle prépondérant dans loutes les métamorphoses, car elles peut exister dans beaucoup de celles-ci et elle n'agit que secondairement dans les phénomènes postembryonnaires de certains Diptères ». Pour Vaney comme pour Kellog, la phagocytose n'a lieu que dans les types où les modifications subies durant la métamorphose sont très impor- tantes : ce sont, en général, les types les plus évo- lués qui présentent ces phénomènes. Dans de Nouvelles observations sur les métamor- phoses internes, 3. Anglas'reprend quelques points de l'étude histologique des métamorphoses chez les Insectes, étude à laquelle il avait déjà consacré un ————_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—…—…—…—…—…—…—…—_——_…—_…—…— _—"—_—_—…—…—_———— 1 KeLco : Phagocytose in the postembryonic developpe- ment of the Diptera. Americ Nat., 1901, 362-368. 2 C, Vaey : Contributions à l'étude des larves et des mé- ta morphoses des Diptères. Ann. de l'Univ. de Lyon, 1902, p. 14-171 avec 4 pl. 8 Arch. d'Anat. micr., 4902-4903, €. V, p. 78-121, avec 1 pl. fort i nportant Mémoire en 1900". [affirme de nou- veau que les leucocytes ne peuvent agir, si même ils agissent, que très faiblement et toujours secon- dairement à une régression spontanée. A la même époque, Anglas nous donnait l'élal actuel de nos connaissances sur les métamorphoses considérées dans leur ensemble?. Dans ce travail, dont une bonne partie renferme des vues origi- nales, Anglas décrit d'abord les phénomènes sim- ples d’histogénèse précédés d'une histolyse nulle ou minime, c’est-à-dire les phénomènes qui doivent être considérés comme une transformalion plutôt que comme une métamorphose véritable. Il passe ensuite à l'histolyse, dont il dégage les caractères essentiels, puis à l'histogénèse, qui se fait aux dépens de tissus ayant subi une histolyse; le der- nier chapitre est consacré au déterminisme de la métamorphose. Sur ce dernier point, Ch. Pérez est venu apporter un nouvel essai d'explication des phénomènes de métamorphose. « Dans le eas particulier des Insectes, dit-il”, ce qui tue les organes larvaires, c'estle développement brusque des ailes et des pattes, des organes géni- taux et des appendices copulateurs, de Lout ce qui constitue l'image sexuée. On peut penser que tous ces développements simultanés sont, dès l'origine, coordonnés, et que l'un deux peut être considéré comme déterminant tous les autres. Il m'a paru qu'on pouvait rattacher les formes adaplatives aber- rantes des larves d'Insectes à une inhibition du développement des organes sexuels corrélative d'une nutrilion facile et surabondante; il me parait de même que l’on peut rattacher la réapparition des caractères typiques de l'Insecte dans l'imago, réapparition qui concourt à la métamorphose, au développement tardif et rapide des organes géni- taux ». La métamorphose serait donc une « crise de maturilé génitale »; mais Pérez fait remarquer qu'il ne faut pas entendre par là la maturation histologique, c'est-à-dire ce processus particulier qui conduit les éléments sexuels à l’état où ils sont aptes à se conjuger; « le fait auquel j'ai attribué l'importance essentielle, conelut-il, c'est la prolifé- ralion des gonades ». Perez trouve un ardent défenseur de son idée dans Le Dantec, qui demande seulement à remplacer UE ie CERN CPR TE PE 1 Voir notre Revue annuelle de 1901. 2 J. Axccas : Les phénomènes des métamorphoses in- ternes, p. 1-84 et 16 fig. Collection Scienlia, Série biolo- gique, 1902. Naud, Paris. # Cn. Pérez : Contribution à l'étude des métamorphoses, Bull. scient. de la France et de la Belgique, 1903, t. XXVI, 195-427, avec 30 fig. et 3 pl. (p. 404). S F. Le Danrec : L'unité dans l'être vivant; Essai d'une biologie chimique, Alcan. 1902, p. 221. 96 l'expression de maturité génitale par celle, plus générale, de maturité sexuelle. Quand Le Dantec écrivit à ce propos : « Celle idée n’était encore jamais venue à personne », il ignorait que Lamarck l'avait déjà formulée explicitement en 1816; mais il est juste de dire que Pérez ignorait aussi‘ le passage où son illustre devancier avait traité des causes des métamorphoses des Insectes. Th. Lacordaire * combattit en son temps la théo- rie de Lamarck et, de même aujourd'hui, dès le moment où cette théorie, renouvelée par Perez’, réapparut en note préliminaire, elle fut combaltue vivement par d'autres biologistes, Lels que Bataillon * et Giard*. Dans son nouveau Mémoire (Loc. cit., p. 406), Pérez répond à quelques-unes des objections qu'on lui a faites. C’est d’abord le cas des neutres chez les Hyménoptères sociaux, qui présentent une véri- table métamorphose et qui, cependant, n'ont, dit- on, ni crise, ni maturité génitale. Mais Pérez fait Justement remarquer que, chez ces individus, ilya | toujours, pendant la nymphose, un début de déve- loppement d'organes génitaux ; pendant toute la vie de ces individus, on trouve même des ovaires rudimentaires qui, ajouterons-nous, peuvent for- mer des sécrétions internes, s'ils ne forment pas de véritables ovules. Une autre objection est celle venant d'expé- riences dans lesquelles la disparition plus ou moins complète des organes génitaux n'empêche pas la mélamorphose de s’opérer. Ces expériences ont | ! Cu. PÉREz : Les idées de L ne sur les causes de la nn Rae chez les Insectes. C. AR. Soc. Biol., 27 déc. 1902; p. 45 ? Cité Grarn : Les idées de Lamarck sur la métamor- phose. C. R. Soc. Biol., 10 janv. 1903, p. 8. * Cu. PÉREz : Sur la métamorphose des Insectes. Soc. Entom. de France, déc. 4899, n° 20, p. 398. * BaTaILLOX : La théorie des métamorphoses de M. Ch. Pérez. Bull. de la Soc. Entom., 1900, n° 3, p. 58-62. * GraRp : La métamorphose est-elle une crise de maturité génitale. Bull. de la Soc. Entom., 14 fév. 1900. — In. : Sur Le déterminisme es la métamorphose, C. R. de la Soc. de Biol., 16 fév. 1900, t. LIL. p. 131. Bull. GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE été faites, soit directement sur des chenilles, par exemple (Oudemans), soit indirectement dans les. cas de castration parasitaire. Ces objections ne sont pas encore sans réplique; mais, par contre, il est nombre d’Insectes chez lesquels l'ovaire fonc- tionne avant que l’évolution complète de l’animaln soit terminée (individus progénétiques). À Enfin, Giard fait remarquer que des phénomènes métaboliques aussi étendus que ceux qu'on connaîlh dans le stade Cypris (pupastage) des Cirrhipèdes, ou dansles larves Cyphonautes des Bryozaires du genre Membranipora, n'ont aucun rapport immédiat avec« les poussées génitales, qu'ils précèdent de beau coup. ' Ce sont là, évidemment, dans ces derniers faits, des objections très sérieuses à la théorie gonadiale,M objections auxquelles Pérez ne répond pas et n | peut répondre suffisamment. | Cependant, de tous les faits qui parlent pour ou contre la théorie de Pérez, il doit pouvoir se dé gager une notion générale. Cette notion est, nous semble-t-il, que les phénomènes des mélamor- phoses et de la sexualité sont, les uns et les autres, sous la dépendance d’un même ensemble de causes d'ordre beaucoup plus général, appartenant pro- bablement aux processus d’auto-intoxication el d'excrétion ; les corrélations qui existent parfois très nettement entre les deux ordres de phéno- mènês indiquent, sans doute, une relation de cause à effet, ayant agi secondairement; mais ce n'est pas dans la prolifération des gonades, croyons-nous,- qu'il faut aller chercher l'explication de cette relation : c'est dans les sécrétions internes des glandes génitales. Dans une seconde partie, nous passerons spécia- lement en revue les recherches récentes sur la formation, la structure et le développement de l'œuf. D' Gustave Loisel, Préparateur d'Embryologie à la Faculté des Sciences de Paris. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX ANALYSES 1° Sciences mathématiques fouët (Ed.-A.), Professeur à l'Institut catholique de Paris. — Leçons élémentaires sur la Théorie des Fonctions analytiques. Première partie. — 1 vol. gr. in-8° de 330 pages avec 35 figures. (Prix :7 fr. 50.) Gauthier-Villars, éditeur. Paris, 1903. 4 La première partie des Leçons elémentaires sur la Théorie des Fonctions analytiques donne déjà une idée suffisamment nette du caractère général de l'ouvrage que vient d'entreprendre M. Fouët. Il s’agit d'un traité élémentaire qui peut être mis entre les mains des étu- diants dès qu'ils possèdent les bases du Calcul diffé- rentiel et intégral, et nous ne doutons pas que l’ou- vrage complet ne constitue pour eux un excellent Bite à travers les divers domaines de la Théorie des Fonctions analytiques. Ce guide leur sera précieux, non seulement par les notions fondamentales qui s'y trou- vent réunies, mais aussi par les renseignements histo- riques et bibliographiques dont l’auteur a eu soin d’ac- compagner ces premiers principes. Le fascicule paru comprend l'Introduction et le Livre I. Dans l’/ntroduction, l'auteur a groupé les prin- cipales notions et dénominations concernant les fonc- tions en général, la théorie des ensembles, les types de fonctions et les fonctions analytiques. Le Livre 1, divisé en cinq chapitres, a pour objet l'étude des méthodes générales de definition et de représentation des fonctions. L'auteur y étudie succes- Sivementles fonctions algébriques, les fonctions définies par des séries ou des produits infinis, les fonctions définies par des intégrales, et enfin le prolongement analytique d’après Weierstrass. Le premier chapitre est consacré aux éléments con- cernant les fonctions algébriques et les surfaces de Riemann. Dans le suivant se trouve présenté le mode de définition des fonctions par les séries; l'auteur fait d'abord une étude générale des séries et des produits tonvergents ; puis il examine quelques séries classiques, entre autres la série exponentielle, les fonctions trigo- nométriques, la fonction eulérienne et la série hyper- géométrique. Procédant d'une manière analogue pour les fone- Hions définies par des séries multiples (chap. HU), M. Fouët étudie d’abord les séries multiples en géné- al, puis les applications aux transcendantes d'ordre Supérieur. Comme exemples, on trouve les fonctions s, €, p de Weierstrass et les fonctions thêta de Jacob. —. Le chapitre consacré à la définition des fonctions par “des intégrales débute par un exposé de la notion d'in- dégrale; puis viennent les notions essentielles relatives “aux intégrales de Cauchy. La démonstration du théo- ème fondamental de Cauchy y est présentée non seu- Jément d'après Cauchy-Riemann, mais aussi d'après la ncthode donnée par M. Goursat et qui a l'avantage de e pas exiger d'hypothèse relative à la continuité de la dérivée. L'auteur applique le théorème de Cauchy “iux développements de Taylor, et en donne quelques xemples. Le dernier chapitre du Livre I a pour objet l'étude u prolongement analytique d'après Weïerstrass, en enant compte des travaux récents de MM. Picard, Poincaré, Borel, Fabry, Hadamard, Mittag-Leffler et ‘autres. E H. Feur, Professeur à l'Université de Genève. BIBLIOGRAPHIE ET INDEX Gruet (Ch.), Zngénieur-électricien. — Moteurs pour dynamos. — 1 vol. in-12 de 386 pages avec 167 fi- gures. (Prix relié : T fr. 50). Ch. Béranger, éditeur. Paris et Liège, 1903. M. Gruet s’est proposé de résumer les renseignements théoriques et pratiques que doivent connaître sur un moteur les contremaitres et monteurs électriciens chargés d'associer ce moteur avec la dynamo qu'il est destiné à actionner. Et, comme il peut appartenir à l’une quelconque des trois grandes classes de moteurs à vapeur, à eau ou à mélange carburé, il fait défiler devant le lecteur tous ces types, se bornant — car il ne veut et ne peut, dans le cadre qu'il a choisi, faire œuvre d'encyclopédiste — à n’en décrire que quelques représentants, d’ailleurs judicieusement choisis. Dans la partie consacrée aux moteurs à vapeur, après avoir parlé des machines classiques et des moteurs rapides mieux appropriés aux dynamos, il passe aux turbo-moteurs, si séduisants pour l'usage électrique par leur simplicité, leur facilité d'entretien, leur allure silencieuse, leur bon équilibrage, qui les fait se con- tenter de fondations légères, la compacité du groupe électrogène qu'ils forment avec la dynamo, l'accouple- ment direct qu'ils permettent avec cette dernière, tout au moins quand il s’agit de la turbine à vapeur Par- sons, dont le nombre de tours peut varier de 1,100 à 3.500 par minute. Malheureusement, le turbo-moteur n'est économique que pour les grandes puissances, d'une centaine de chevaux au minimum. La seconde partie traite des turbines et de la création et de l’utilisation des chutes d’eau. La troisième, consacrée aux moteurs à gaz et à pétrole, commence par étudier les différents combus- tibles que ces moteurs peuvent employer : gaz d'éclai- rage, gaz à l’eau, gaz pauvre, gaz de bois (les pro- cédés fort variés par lesquels on prépare ces trois derniers sont groupés et décrits de facon intéressante) gaz de haut-fourneau, air carburé par le pétrole lam= pant, l'essence de pétrole, l'alcool. Rappelant les efforts que l’on fait actuellement pour substituer ce dernier au pétrole importé, M. Gruet semble compter sur la production économique de l'alcool par la distillation du vin : nous ne croyons pas que cette perspective soit du goût des viticulteurs, qui, assez justement, ne voient dans l'emploi comme agent moteur de l'alcool indus- triel que le moyen de débarrasser de concurrents encombrants le marché de leur alcool de vin. Avant de passer à la description des moteurs eux- mêmes, M. Gruet montre comment on peut mesurer leur puissance. Pour la mesure de la puissance indi- quée, il renvoie à ce qu'il a déjà dit à propos de la machine à vapeur. Mais ce n'est plus l'indicateur de Watt ordinaire qui peut être employé, à cause des variations incessantes que présente l'effort moteur donné par l'explosion du mélange; quelques rensei- snements sur les modifications apportées à l'appareil classique, notamment par M. Mathot, auraient utilement trouvé place à cet endroit. Les moteurs à pétrole lampant sont plus souvent employés que les moteurs à essence, à cause du prix moins élevé du combustible. Ces derniers, avec l'allure rapide qui leur est normale, sont pourtant bien com- modes pour actionner directement une dynamo. M. Gruet décrit le groupe électrogène de Dion- Bouton : le régulateur électrique du moteur assure de façon très élégante ce réglage, qu'ont dû réaliser tous les constructeurs qui ont voulu approprier leur moteur à l'usage électrique, Peut-être reprocherions-nous à l’auteur de n'avoir pas déterminé une fois pour toutes les qualités que la commande d'une dynamo demande à un moteur et de n'avoir pas montré, à propos de chaque moteur, comment il satisfait à ces conditions. Mais nous nous plaisons à reconnaître qu'il à bien rempli le but qu'il s'était assigné. L’ingénieur, de son côté, trouvera dans son ouvrage des renseignements pratiques intéressants. GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines. 2° Sciences physiques Gleichen (A.), Professeur au Gymnase réal de l Em- pereur Guillaume à Berlin. — Lehrbuch der Geome- trischen Optik. — 1 vol. in-8° de 511 pages avec 251 figures. B. G. Teubner, éditeur, Leipzig et Ber- lin, 1903. Ce livre très intéressant se recommande particulière- ment par le grand nombre de renseignements qu'il contient sur des points généralement négligés dans les traités d'Optique. Il peut être considéré comme se divi- sant en deux parties, l'une générale, l'autre d’applica- tions. Nous y trouvons d’abord un exposé rapide des lois de la réflexion et de la réfraction, des principes fonda- mentaux de la formation des images et de leur distinc- tion en images réelles et virtuelles. L'auteur montre comment ces images doivent être conçues dans la pro- pagation de la lumière par ondes, el comment la netteté des images est altérée du fait de l'astigma- tisme. Puis vient l'étude de la réflexion et de la réfraction par les surfaces planes, le prisme, les combinaisons de prismes, en supposant la lumière homogène. La forma- tion des images et les effets d'astigmatisme sont examinés en détail. Les miroirs courbes et les dioptres sont l'objet d'une étude analogue; les aberrations diverses et la courbure des images sont traitées avec le plus grand soin. La théorie des lentilles et des systèmes centrés est l’objet de développements très complets. Cette partie très importante se termine par l'examen des conditions permettant de réduire les aberrations, en particulier pour ramener l’image fournie par une lentille ou un système de lentilles à la forme plane et pour lui con- server une apparence semblable à celle de l'objet. Cette partie du livre se termine par un chapitre sur la dispersion et par lexposé des lois de la photométrie ainsi que des pertes de lumière par absorption et par réflexion. Les applications des principes de l'Optique commen cent par la description de l'œil humain, de laccommo- dation, des amétropies et de leur correction. Ces ques- tions sont traitées un peu trop rapidement, mais l'on ne peut guère s'attendre à de longs développements à leur sujet dans un ouvrage général sur lOptique. Les diverses lunettes et les télescopes variés sont étudiés d'une facon beaucoup plus complète. Chaque partie de l'inst'ument est examinée à part et accompagnée de nombreux renseignements numériques très précieux, de tableaux, formules et méthodes des différents auteurs. Enfin viennent deux chapitres extrêmement impor- lants, l’un sur les loupes et les microscopes, l'autre sur les objectifs photographiques. Le premier d’entre eux renferme déjà un grand nombre de détails très difti- ciles à trouver ailleurs sur les qualités des loupes et des objectifs microscopiques, sur le grossissement, le rôle de l'ouverture numérique, l'influence du couvre-objet, les effets de l’immersion, le condensateur, etc. Chacune de ces études est accompagnée de données numériques intéressantes. Mais c'est surtout le chapitre relatif à l'objectif photographique qui à pris une grande exten- sion : pour dire ce quil contient, il n'y aurait qu'à énumérer toutes les questions ayant rapport à cet ins- trument. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Le livre se termine par la description des spectros: copes, photomètres et spectrophotomètres, Cet ouvrage rendra les plus grands services à ceu qui s'intéressent aux applications de lOptique € surtout aux physiciens qui désirent se rendre u compte précis des qualités des divers instruments basé sur des systèmes centrés. Dr G. Weiss, Ingénieur des Ponts et Chaussées Holbling (V.), Commissaire supérieur de l'Office de: brevets et Professeur honoraire au Muséum techno logique de Vienne (Autriche). — Traité de la Fabri: cation des Matières de Blanchiment. (uvraf] volume grand in-8° de 343 pages avec 240 figures: (Prix : 45 fr.) Ch. Béranger, éditeur. Paris, 1903. Les produits employés dans le blanchiment devien nent chaque jour plus nombreux et se font une concur- rence de plus en plus vive. Au chlore et à ses dérivés; à l'acide sulfureux, sont venus se joindre un certai nombre de produits dont l'importance s'accroît réguliè rement; aussi l'auteur a-t-il cru devoir réunir en u Traité les procédés de fabrication de ces différent produits. Le traducteur à ajouté à l’ouvrage le mode d'emploi du permanganate de potassium et de l’eau oxygénée. Il est regrettable qu'il n'ait pas étendu cette addition aux autres produits. En effet, ce qui intéresse la majorité des lecteurs, c'est surtout la facon d'utiliser les produil de blanchiment et la fabrication de ces produits d'ordre secondaire. Or, les deux tiers de l'ouvrage sont consa crés à la production industrielle du chlore et de ses dérivés. L'auteur s'étend assez longuement sur la préparation électrolytique des liqueurs de blanchiment. 11 classe, avec juste raison, l'appareil Hermite comme historique; mais oublie l’électrolyseur Corbin, utilisé dans plusieur importantes usines de blanchiment de textiles ou pâte de bois et qui peut rivaliser avec l'appareil Kellner. Les chapitres suivants sont consacrés à la fabricatio de l'ozone, de l’eau ôxygénée, du bioxyde de sodium, des persulfates et percarbonates, des permanganates € finalement de l'anhydride sulfureux. Il était intéres sant de réunir dans un Traité spécial la fabrication d ces produits concourant au même but. Un certain nombre sont d'origine très récente et montrent le parti que l'on pourra tirer de l'Electrochimie dans un temps très rapproché. Comme nous l'avons fait remarquer, l'ouvrage eût été beaucoup plus instructif si l'auteur avait indiqué le mode d'utilisation des différents produits, au lieu des: nombreuses descriptions de brevets, exposées pour là plupart sans aucune discussion, et qui, en général, ne donnent qu'une idée très mauvaise et plus ou moins inexacte des procédés véritablement employés. C'est malheureusement une critique qui s'adresse à beaucoup de Traités de Chimie industrielle et surtout aux Traités d'Electrochimie. ANDRÉ BROCHET, Docteur ès sciences. Aso (D° K.), Professeur à l'Institut agricole de l'Uni=t versité de Tokio, et Pozzi-Eseot (Emm.). —Intro-. duction à l'étude de la Chimie végétale et agri- cole. — 1 vol. de 200 pages. (Prix : 4 fr.) F. R. da Rudeval, éditeur, 4, rue Antoine-Dubois, Paris, 1903: Ce volume à eu comme origine les lecons de Chimie agricole professées à l'Université impériale de Tokio par le Professeur 0. Læw, recueillies, puis résumées par le Professeur Aso, son assistant. A la demande de ces deux savants, M. Pozzi-Escot à charger de présenter ces résumés au public français, bien voulu sex après les avoir complètement remaniés et considéra= blement moditiés. Nous re fautes d'impression et de négligences typographiques trop fréquentes, une partie bibliographique un peu tronquée, enfin quelque manque de cohésion dans srettons, dans cet ouvrage, l'existence deu certaines parties; mais, ces réserves une fois faites, empressons-nous de dire que le livre présente cepen- “dant une réelle valeur; il répond à son titre et cons- “titue bien une « introduction » à l'étude de la Chimie végétale. Certaines théories sont exposées d'une facon “assez originale. Débutant par quelques notions d'histo- logie végétale et par une élude assez détaillée des albu- minoiïdes et des diastases, ce volume continue par divers chapitres consacrés au protoplasma, à l'activité chimique de la cellule, à la respiration végétale, à l'as- -similation, aux transformations et migrations des subs- tances végétales ; les auteurs terminent par un exposé “des principes généraux de l'analyse végétale, et par des généralités sur la pathologie végétale et les bactéries utiles en agriculture. En résumé, malgré quelques défauts de forme aux- quels il sera facile de remédier, l'ouvrage de MM. As0 et Pozzi-Escot mérite d'être signalé à ceux qui sont appelés à faire de la Physiologie végétale et de la Chimie agricole l’objet de leurs études. A. HÉBERT. 3° Sciences naturelles Transvaal Chamber of Mines. — Thirteenth annual Report for the year 1902. — 1 vo/. de 512 p. et volume de diagrammes. Arqus Printing Ce. Johannesbourg, 1903. Transvaal Mines Department. Yearly Report of the Government mining Engineer for the year ending June 30 th. 1902, — 1 vol. in-4° de 41 p. avec tables et planches. Government Prin- ting Works. Pretoria, 1903. Chaque année voit paraître deux volumineux Rap- ports sur l'industrie minière du Transvaal, publiés : lun par la Chambre des Mines, qui est une association privée; l'autre par le Gouvernement, jadis boër, aujourd'hui anglais. De ces deux Rapports, le premier surtout constitue un véritable monument statistique élevé à l'exploitation aurifère ; il n’est peut-être pas, en effet, une autre industrie dans le monde qui puisse et veuille étaler aussi complètement tous ses résultats au grand jour. Le caractère très spécial de celle-ci, où il ne peut y avoir de concurrence pour la vente d’un pro- duit qui est l'or, a permis des publications très détail- lées, intéressantes non seulement pour ceux qui s'occu- pent spécialement du Transvaal, mais pour tous ceux qui veulent extraire de l'or quelque part au monde. Je citerai toute une série de tableaux concernant les plans d'usines modèles pour le traitement de l'or, les diagrammes donnant la comparaison entre le Transvaal et divers autres pays pour les salaires, le prix de la nourriture, celui des matières premières, des explosifs, les frais de transport du charbon, les frais d'existence d'une famille de mineurs, ete. Ce treizième Rapport, concernant la première année d'exploitation après la guerre anglo-boër, met bien en évidence (planche 18) le dommage profond causé à cette magnifique industrie par un acte de piraterie, qu on avait prétendu d'abord accompli à l'avantage des actionnaires, l'accroissement des frais et des impôts, la diminution des bénéfices. Il y apparaît, notam- ment, que les frais ont passé, entre 1898 et 1902, de 23 shellings 10 à 25 sh. 8 et les bénéfices de 21 sh. 1 à 17 sh. 4. On sait que, jusqu'ici, cette dépréciation n'a fait que continuer à s'aggraver. Le tableau 11, qui donne les pertes résultant des hostilités mêmes, en forme le complément naturel. L. DE Launay, Ingénieur en chef des Mines. Kieffer (J.J.), Membre de la Société entomologique de France. — Monographie des Cynipides d'Europe et d'Algérie. Tome II, 1° fascicule. — À vol. in-8° de - 288 pages avec 9 planches. (Prix : 16 fr.) Hermann, éditeurs, 6-12, rüe de la Sorbonne. Paris, 1903. Le second volume de cette excellente monographie des Cynipides a suivi de près le premier (voir analyse BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 99 | dans /evue générale des Sciences, 14 année, n° 2, p. 104). Ce fascicule comprend les Cynipides zoophages, c'est- à-dire les tribus des Allotrines, Eucælines et Figitines. Les Allotrines ou Aphidivores vivent à l’état larvaire dans le corps des Pucerons ou des Coccides; les Puce- rons parasités demeurent fixés à la feuille ou à l'écorce après leur mort et prennent une teinte d’un brun noi- râtre ; l’Allotrine en sort par une ouverture circulaire pratiquée sur le dessus du Puceron. Les Eucælines sont parasites de larves ou de pupariums de Diptères, | plus rarement de larves de petits Coléoptères ; de même, les Figitines parasitent des larves de Diptères, de Coléoptères et de Neuroptères. Ce sont des Insectes extrèmement petits, pour la plupart assez mal connus, parmi lesquels M. Kieffer a trouvé beaucoup d'espèces nouvelles. L. Cuéxor Professeur à l'Université de Nancy. Faïrmaire (L.) Président honoraire de la Sociéti entomologique de France. — Coléoptères (8° partie de P'HISTOIRE NATURELLE DE LA FRANCE). Nouvelle édi- tion. — 1 vol. in-12 de 336 pages avec 27 planches en couleurs etA planche en noir. (Prix 6 fr. 50.) Les fils d'Emile Deyrolle, éditeurs. Paris, 1903. M Fairmaire est regardé à bon droit comme le plus éminent des entomologistes francais. Après avoir été l'élève des savants remarquables qui, au siècle dernier, suivirent les voies indiquées par Latreille, on l’a vu devenir maître à son tour, et sa longue carrière, son inépuisable activité, son ardeur toujours juvénile lui ont permis d'arriver au premier rang dans la science des Insectes. Depuis longtemps, nul ne lui conteste plus cette place. Entomologiste érudit, M. Fairmaire pos- sède des connaissances sur tous les ordres de la classe : mais ses tendances naturelles l'ont entrainé de bonne heure vers l'étude des Coléoptères, et c’est à ce groupe immense, où les espèces se comptent par centaines de mille, que sont consacrés la plupart de ses travaux. Grâce à un labeur assidu, à une mémoire prodigieuse et à un sens très exact des affinités, il a pu s'orienter dans le dédale des formes de l’ordre et suivre au milieu d'elles un chemin lumineux; son œuvre compte parmi les plus vastes et une surprenante vieillesse lui permet encore de l'accroitre chaque jour. Plus que toute autre seience, l'Entomologie pré- sente un abord difficile à cause des espèces innom- brables dont se compose le monde des Insectes. C’est pour faire disparaitre ces difficultés, où du moins pour les réduire dans la mesure du possible, que M. Fairmaire a écrit l'Histoire naturelle des Coléoptères de France. dont les fils d'Emile Deyrolle nous offrent une nouvelle édition. En dehors des planches colorices qui rem- placent les figures noires primitives, le nouvel ouvrage ne diffère pas sensiblement de l’ancien; on y retrouve la mème clarté d'exposition, le même choix judicieux des espèces, les mêmes tableaux dichotomiques qui conduisent progressivement des familles aux genres: comme dans l'édition ancienne, l’auteur a voulu être simple et éviter l'abus des mots techniques à mine rébar- bative ; d’ailleurs, un petit nombre de figures excellentes et un vocabulaire donnent la signification précise des termes scientifiques employés. Avec un pareil ouvrage, les entomvulogistes pourront aborder avec plaisir et profit l'étude des Coléoptères : d'une plunte alerte et concise, M. Fairmaire esquisse en quelques lignes la physionomie et l'habitat des espèces les plus communes. Guidé par ces descriptions et par les figures annexées à l'ouvrage, le jeune naturaliste acquerra bien vite un bagage de connaissances sérieux qui lui permettra de se livrer ultérieurement, soit à des recherches sur les 10.000 Coléoptères qui entrent dans la faune francaise, soit à des travaux sur telle ou telle famille en particulier. Je ne saurais trop recommander à la jeunesse studieuse l'ouvrage de M. Fairmaire : c’est pour elle que le vénéré naturaliste à semé le meilleur 100 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX de son vaste savoir; qu'il en soit récompensé comme il le mérite,je veux dire par une ample moisson d'élèves ! E. L. Bouvier, Membre de l'Institut, Professeur aù Muséum. 4 Sciences médicales Labbé (Marcel), Médecin des Hôpitaux. — Le Cyto- diagnostic. (LES MÉTHODES D'EXAMEN DES SÉROSITÉS PATHOLOGIQUES ET DU LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN.) — 1 vol. in-8° de 96 pages. (Prix cartonné : À fr. 50.) J.-B. Baillère et fils, éditeurs, 19, rue Hautefeuïlle, Paris, 1903. La Médecine au xx° siècle ne peut plus borner à la clinique seule ses moyens d'investigation. Pour le dia- gnostic des maladies, aussi bien que pour l’établisse- ment du traitement, le médecin sait utiliser les décou- vertes récentes de la science. Parmi les nouveaux moyens d'investigation, l'examen des sérosités patho- logiques à l’aide de l’oroscopie, de la bactérioscopie, de la cytoscopie, a pris ces temps derniers un grand développement. Ces méthodes nouvelles font le sujet du petit volume que publie un de nos jeunes médecins des hôpitaux, M. Marcel Labbé. L'arsenal instrumental nécessaire pour l'obtention des sérosités pathologiques est des plus simples : une seringue stérilisable, une aiguille suffisamment longue et suffisamment fine. Ces instruments, maniés avec les précautions usuelles d'asepsie, permettent de puiser sans inconvénient dans la plèvre, dans les articulations, dans le péricarde, dans l’espace arachnoïdo pie-mérien les liquides qu'il s’agit d'examiner. M. Marcel Labbé indique succinctement la technique à suivre pour l'obtention de ces liquides, les particula- rités qu'on peut noter à l'œil nu : aspect citrin ou, au contraire, aspect louche, teinte hémorragique ou teinte opalescente, ete. Il nous enseigne comment il faut pro- céder à l'examen chimique, spectroscopique, cryoseo- pique, quels enseignements nous pourrons tirer de ces examens au point de vue physiologique, au point de vue du diagnostic ou du pronostic de l'affection. 11 nous cite, par exemple, ce fait qu'une pleurite aiguë à un pronostic d'autant plus favorable que l'épanchement contient plus de fibrine. : L'examen des propriétés hémolytiques des sérosités permet également de trouver la clef de certaines difli- cultés. M. Bard a montré que le liquide hémorragique des pleurésies cancéreuses possède constamment des propriétés hémolytiques, tandis que les épanchements hémorragiques d'origine tuberculeuse ou septique n’ont pas cette propriété. Pour établir le diagnostic de la pleurésie cancéreuse et de la pleurésie tuberculeuse, on aura donc avantage à centrifuger l’exsudat hémor- ragique qui, dans les cas d’hémolyse, garde une teinte rouge par suite de l'hémoglobine dissoute. Cette réaction est simple; il n’est pas extrêmement compliqué d'utiliser la réaction agglutinante pour le diagnostic bactériologique d’une pleurite, d'une ascite, d’une péricardite M. P. Courmont a montré, par exem- ple, que le liquide des pleurésies tuberculeuses agglu- tine le bacille tuberculeux en culture homogène. Rechercher cette réaction agglutinante constitue un des temps de l'examen d’une sérosité. À Examen chimique, examen spectroscopique, cryos- copique, recherche des propriétés hémolytiques, de la réachon agglutinante, sont des méthodes d'examen d'un très grand intérêt scientifique; mais leur valeur pratique, leur valeur diagnostique est moindre que celle des deux méthodes qui forment le sujet principal du livre de Labbé : la bactérioscopie, la cytoscopie. La bactérioscopie, en permettant de constater direc- tement la présence de l'agent infectieux, démontre, d'une facon précise, lanature de l’'épanchementexaminé. Les microbes sont recherchés dans un exsudat de trois facons différentes : par la coloration, par les cul- tures, par linoculation à un animal sensible. -pleurésies L'examen microscopique direct de l’exsudat, ordi= nairement complété par un procédé de coloration, es bon quand il s'agit d'un épanchement purulent; est défectueux quand il s’agit d'un épanchement séro-fibri= neux ou hémorragique; est parfaitement suffisant pour déceler dans un liquide la présence de crochets ou d membranes de kystes hydatiques. On le complète gé néralement par la culture, par l’ensemencement sur milieu artificiel de quelques gouttes du liquide patho- logique. Les microbes pyogènes poussent rapidemen et facilement sur les milieux ordinaires; le bacille d Koch est difficilement décelable par ce procédé, quoique MM. F. Bezançon et V. Griffon soient parvenus à cultiver le bacille tuberculeux en se servant de sang gélosé. L'inoculation à un animal réactif est le procédé de choix pour déceler la nature bactériologique d'un épanchement; ce procédé permet, en outre, de re= connaître la virulence de l'agent infectieux en cause; son emploi s'impose pour les épanchements soupcon= nés d'être tuberculeux ou pneumococciques. Suivant le microbe à isoler, on emploiera tel ou tel animal réactif : le cobaye pour le bacille de Koch, la souris blanche pour le pneumocoque, le lapin pour le strep= tocoque ou le staphylocoque. M. Labbé étudie minu- tieusement la facon de procéder à ces inoculations et d'examiner ensuite l'animal mort pour constater les lésions produites. Ces procédés d'inoculation sont des procédés lents, car la survie des animaux est souvent de plusieurs mois.” : La cytoscopie est une méthode plus rapide et plus simple : elle consiste à examiner au microscope les exsudats pathologiques au point de vüe de la présence des éléments cellulaires : globules rouges et globules blancs, cellules endothéliales, Ce sont MM. Widal et Ravaut qui ont montré, les premiers, toute l'importance de l'examen histologique des épanchements séreux pour" le diagnostic de la nature de la maladie, cause de cet épanchement; ce sont les véritables créateurs du eyto- diagnostic. Cette méthode, employée d’abord pour l'examen des épanchements pleuraux, à été ensuite appliquée aux ascites, aux hydrocèles et au liquide céphalo-rachidien. L'examen par la cytoscopie des épanchements pu- rulents est facile. Il suffit d’étaler sur une lame une: goutte de pus, de sécher, de fixer et de colorer pour constater la présence de leucocytes altérés en dégéné-" rescence granulo-graisseuse ou transformés en glo- bules de pus. L'examen cytologique des épanchements séro-fibri= neux et séro-hémorragiques réclame une défibrination” et une centrifugation préalables. La défibrination em- pèche le coagulum fibrineux de se former et d’entrai- ner les cellules en suspension dans l'épanchement, ce qui les déroberait à l'examen ; la centrifugation, concen= trant le liquide, rend son examen plus facile ; M. Labbé étudie les précautions à prendre et les méthodes de préparation et de coloration. Il indique ensuite quels sont les éléments que l’on trouve dans les diverses pleurésies tuberculeuses, pleurésies à pneumocoque, à streptocoque, à bacille d’Eberth, épanchements pleurétiques des cardiaques, des brigh=. tiques, épanchements leucémiques, épanchements can-… céreux, chacun a sa formule cytologique. La pleurésie tuberculeuse primaire est caractérisée, pendant la ma jeure partie de son évolution, par la présence presque exclusive de lymphocytes très confluents, mêlés à um nombre plus ou moins considérable de globules rouges. . Cette formule si spéciale empêche de confondre cette affection avec certaines autres pleurésies dont le dia-, gnostic est souvent difficile par les seuls moyens cli- niques. D'autre fois, la présence de polynucléaires en excès permettra de reconnaître les pleurésies liées à des infections par des microbes tels que le pneumocoque ou le streptocoque. L'accroissement du nombre des polynucléaires, leur BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX dégénérescence pourront faire prévoir la suppuration de ces épanchements. Les cellules de nature si spéciale qui se trouvent dans les épanchements leucémiques ou cancéreux permettront d'affirmer un diagnostic comine dans un cas publié par M. Labbé. Le cytodiagnostie appliqué à l'étude des pleurésies donne donc des indications extrèmement précieuses ; appliqué à l'étude des épanchements dans les autres séreuses, il donne des résultats utilisables, quoique moins précis. MM. Tuflier et Milian ont montré le parti qu'on eut tirer du cytodiagnostic pour distinguer, dans es cas difficiles, un kyste de l'ovaire d'une péritonite tuberculeuse. Les épanchements péricardiques, les épanchements articulaires ont été éludiés au point de vue cytologique par MM. Widal et Ravaut, Achard et Lœper; les épanchements de ja tunique vaginale, par MM. Tuffier et Milian, Dopter et Tanton, Lœper. Les réactions bulleuses de la peau, vésicules, pustules, développées au cours des diverses maladies, possèdent une formule cytologique en rapport avec la nature de la maladie. Ainsi, dans certaines affections cutanées et, en particulier, dans la dermatite de Dubring, on con- state une éosinophilie parfois considérable (Leredde). M. Labbé passe rapidement en revue la cytologie de ces divers épanchements, la cytologie des réactions séreuses de la peau, de la sérosité du vésicatoire. Il aborde ensuite une des parties essentielles de son ouvrage, la cytologie du liquide céphalo-rachidien, On sait que le liquide céphalo-rachidien existe entre l'arachnoïde et la pie-mère et qu'il enveloppe tout le système nerveux central, moelle et encéphale. Ce liquide pénètre dans les ventricules cérébraux par les trous de Magendie et de Luschka, il remplit le canal épendymaire ; il forme au système nerveux une sorte de coussin protecteur liquide; il pénètre même dans lintérieur du névraxe en suivant les gaines lymphatiques des vaisseaux. Le liquide céphalo-rachidien et la substance ner- veuse sont done dans un rapport extrêmement intime ; toute altération du liquide ratentit sur le névraxe et inversement. L'étude de la composition physique, chi- mique, histologique du liquide céphalo-rachidien per- mettra au médecin de se renseigner sur l'état du système nerveux. I est facile de se procurer du liquide céphalo-rachi- dien dans le cul-de-sac de l’espace sous-arachnoïdien entourant l'émergence des nerfs de la queue de cheval. On y parvient par la ponction lombaire, petite inter- xention simple et inoffensive, quand elle est pratiquée suivant les règles. Une aiguille creuse est enfoncée à travers les parties molles dans l’espace sous-arachnoï- dien; le liquide céphalo-rachidien jaillit au dehors; on le recueille dans un tube de verre stérilisé. Ce liquide est étudié, comme les liquides pleuraux, au point de vue chimique, cryoscopique, bactériologique, cytologique. Ces diverses méthodes d'examen fournissent un très grand nombre de renseignements intéressants pour le diagnostic. La présence du sang dans le liquide permet, par exemple, de distinguer une hémorragie méningée antra-dure-mérienne d’une hémorragie extra-dure-mé- rienne, de différencier une hémorragie d'un ramollis- sement cérébral, d'affirmer après un traumatisme l'existence d'une fracture du crâne. La cytoscopie du liquide céphalo-rachidien facili- tera au médecin le diagnostic différentiel entre les méningites infectieuses et la pseudo-méningite hysté- rique; elle lui donnera le moyen de déceler des réac- tions méningées qui, sans elle, passeraient inapercues ou resteraient douteuses; elle lui a montré que les faits désignés autrefois sous le nom de méningisme n'étaient, en réalité, que des méningites atténuées et que, contrairement à l’opinion ancienne qui ne con- naissait que les méningites graves, nombre de ménin- gites sont curables, nombre de méningites sont légères et peuvent mème passer inaperçues. REVUE GÉNÉRALE LES £CIENCES, 1904. 101 Au cours des affections chroniques du système ner- | veux, la constatation de la lymphocytose du liquide céphalo rachidien rend possible le diagnostic du tabès et de la paralysie générale à leur début, à une période où les signes cliniques sont encore incertains. La cons- fatation de cette lymphocytose permettra souvent de dépister la syphilis et ses séquelles nerveuses, ce qui peut avoir, pour le pronostic et pour le traitement, une importance capitale. Le livre de M. Marcel Labbé contient l'exposé complet de toutes les indications que peut donner, pour le dia- gnostic et pour le pronostic, la cytologie du liquide céphalo-rachidien. A la lecture de ce livre, le médecin se convainera de la nécessité de savoir recourir aux examens scienti- liques des sérosités pathologiques, de savoir faire appel aux méthodes cytoscopiques. L'examen appro- fondi de quelques gouttes d'humeur permet de con- naitre plus sûrement et plus complètement que par l'investigation clinique l'état de santé ou l’état de maladie de l'organisme tout entier. Dans le COTps humain comme dans la Nalure, « tout se tient, s’'équi- libre et s'enchaîne ». Bien connaître une partie, c'est connaitre le tout. D' P. Desrosses. 5° Sciences diverses Castonnet des Fosses (Henri). — L'Inde fran- çaise au XVIII‘ siècle. Ouvrage posthume, pu- blié par les soins de la Société de Géographie com- merciale. — 1 vol. in-12 de v-455 pages. (Prix 3 fr. 50.) Paris, 1903. Cet ouvrage, préparé par l'auteur avant sa mort, et que la Société de Géographie commerciale de Paris a eu la pieuse pensée de publier, donne, comme il arrive presque toujours en pareil cas, l'impression d’un tra- vail inachevé, On se trouve donc assez embarrassé pour le juger, d'autant que le savant L. de Leymarie, qui a écrit la préface-biographie, ne dit pas si c'est lui qui à dirigé l'édition. En ce tempsde préoccupations coloniales, on ne saurait évidemment trop désirer que les lecons de notre passé soient mises à la portée du plus grand nombre. Et, dans ce but, il serait difficile de choisir un exposé qui révé- lt mieux que l'histoire de nos tentatives dans l'Inde, au xvin® siècle, les qualités et les défauts des Francais comme colonisateurs. Ces faits sont d'actualité, puisque, si nos explorateurs, nos chefs d'entreprises, nos fone- tionnaires d'outre-mer sont demeurés hardis et dévoués, il nous arrive encore trop souvent, malgré la diffusion des connaissances, de céder à la nervosité, à l'esprit de parti, ou de nous laisser aller à l'indifférence. A ce titre, on ne lira pas sans profit les pages dues à Castonnet des Fosses. Et j'ajoute que l'on trouvera de l'agrément dans certaines parties du livre (par exemple dans le chap. VIT : Rivalité de la Bourdonnais et de Du- pleix). Le volume pourra même paraître plus accessible et moins compact que les belles études, si connues, de M. Hamont sur le mème sujet. Mais il ne faudra pas y chercher un tableau complet de nos possessions de l'Inde au xvine siècle. En dépit du titre, la majeure partie de l'ouvrage est consacrée à l’œuvre de Dupleix, qui occupe sept chapitres sur douze (pages 185 à la fin). Les affaires de l'Inde sont aban- données au moment de l’arrivée de Godeheu et du dé- part de Dupleix (oct. 1754), et les dernières pages ne sont que le récit de la fin pénible du grand homme, en France. Nous regrettons, d'autre part, que l'on ait laissé subsister trop d'imperfections de forme, surtout dans les derniers chapitres ; et aussi que l’on se soit abstenu d'indiquer au moins les références principales. Ces précautions ne sont pas à négliger, même dans un livre de vulgarisation. J. MACHAT, Agrécé d'Histoire et de Géographie Protesseur au Lycée de Bourges. Jun ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 28 Décembre 1903. M. Troost est élu Vice-Président de l'Académie pour l'année 190%. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Lebesgue dé- montre diverses propositions sur les fonctions, en par- ticulier la suivante : Toute série convergente de fonc- tions mesurables est uniformément convergente quand on néglige certains ensembles de mesure €, # étant aussi petit que l’on veul. — M. J. Le Roux étend aux équations d'ordre supérieur certaines propriétés des intégrales des équations linéaires aux dérivées par- telles du deuxième ordre. — M. P. Wiernsberger dé- montre que toute expression de la forme : V2æV2+...+V2, indéfiniment prolongée, est convergente et représente le côté d'un polygone régulier de rayon 1 et d'ordre simplement pair. — M. J. Normand montre dans la surimmersion l'un des moyens les plus eflicaces d'ac- croître la vitesse des navires ou de la conserver si l’on veut ajouter à la coque armée un poids, susceptible de la réduire si l'on diminuait en même temps le poids du inoteur pour conserver le même déplacement. — M. Ch. Renard expose le principe d'un nouveau train routier à propulsion continue (voir p. 32). — M. Paul Gasnier décrit un nouveau dispositif électromécanique d'em- brayage et de changement de vitesse progressifs. — M. L. Ariès généralise la formule de Clapeyron, de facon à l'appliquer à tous les états indifférents. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ch. Fabry a déterminé l'intensité lumineuse des étoiles en les comparant avec une étoile artificielle de mème intensité, obtenue en éloïgnant progressivement une source de lumière. Il a ainsi trouvé que la lumière recue du Soleil est environ 60 milliards de fois plus intense que celle de Véga. — M. E. Rogovsky à constaté que la différence de tem- pérature de fils d'argent parcourus par un courant électrique et plongés dans l'eau à la surface de sépara- tion dépend de l'épaisseur de la couche adhérente et alteint, dans ses expériences, 24°.— M. J. de Kowalski à étudié la décharge glissante à la surface des isolants. Elle se produit le plus facilement dans le cas où la sur- face opposée est conductrice. — M. J. Thovert décrit le principe d'un nouveau diffusomètre, basé sur la mesure de l’abaissement maximum des rayons lumineux traversant la cuve de diffusion. — M. Aug. Charpentier à constaté que tout centre nerveux qui fonctionne ajoute à son émission de repos de nouveaux rayons n en proportion de son degré d'activité. Ces rayons se transmettent en divergeant selon les lois de l'Optique. — MM. H. Moissan el Binet du Jassoneix, en déter- minant par la méthode de Dumas la densité du chlore préparé dans les conditions ordinaires, ont obtenu des nombres variant de 2,424 à 2,506. En éliminant les diverses causes d'erreur, ils sont arrivés à trouver, pour la densité à 0° du chlore extrait du chlorure de sodium, la valeur 2,490. — M. Defacqz a préparé le fluorure de calcium anhydre et cristallisé par l'action du fluorure de manganèse sur le chlorure de calcium fondu. Il est soluble dans le chlorure de manganèse fondu. — M. M. Ascoli à constaté que l'osmose élec- trique se produit au sein de lammoniac liquéfié. — M. P. Lebeau a reconnu que tous les carbonates alcalins sont dissociables dans le vide au-dessous de 800°. Il se forme du gaz carbonique el un oxyde ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES alcalin volatil. — M. M. Delépine a étudié les «-aminos nitriles; ce sont des bases moyennes, de force très infé rieure à celle des alcalis et des amines grasses. L'a-amis nopropionitrile, contenant un carbone asymétrique, à été dédoublé en deux constituants par l'acide d-tar: trique. — M. D. Gauthier a préparé des combinaisons du saccharose avec un certain nombre de sels métal= liques (chlorures, bromures etiodures de Li, Ca, Sr, Ba — M. Tiffeneau à transformé les «-glycols primaires em aldéhydes sous l’action de l'acide sulfurique; c'est une réaction toute spéciale, due à la formation intermédiaire d'un alcool vinylique. — M. H. Duval à préparé les éthers nitriques de quelques acides-alcools (acides lac tique, &-oxybutyrique, etc.). — M. Louis Meunier, en faisant passer un courant de CO? dans une solution aqueuse contenant une molécule de nitrite alcalin ow de nitrite d'argent pour deux molécules d'aniline, à transformé presque intégralement l’aniline en diazoa midobenzène. — M. L. Brunel, en faisant passer un courant de vapeurs de phénol, de thymol ou de car vacrol et d'hydrogène sur du nickel réduit et chauffé: a obtenu les alcools hexahydrogénés correspondants — MM. A. Haller et G. Blanc, en faisant réagir l'épi chlorhydrine sur l'acétylacétone sodée, ont obtenu um composé cyclique non saturé C£H!°0?, qui a les pro priétés d'un alcool; abandonné à lui-même, il s'iso mérise spontanément en une cétone. — M. L. Ma= quenne montre que l'empois d'amidon liquide doit être considéré comme un colloïde, doué de propriétés sem blables à celles des corps de Graham et sensible aux mêmes influences qui agissent sur ceux-ci. — M. G. Ber trand, en faisant réagir la laccase sur le gaïacol, a obtenu un produit d'oxydation qui est une tétragaiaco quinone (C°H*.0.0CH*)'. La laccase agit donc à la fois comme oxydant et agent de condensation. — M. G André à étudié le développement de quelques plantes grasses annuelles. Les cendres du A/esembrianthemunm cristallinum renferment comme base dominante Ja potasse; il en est de mème chez le 17. tricolor, mais A proportion est moindre; chez le Sedum, la chaux l'em porte sur la potasse. — M. Th. Schlæsing fils & reconnu que les plantes prélèvent la plus grande partie de leur potasse sur la portion de l’alcali existant à l'état soluble dans les terres (en appelant solubles les composés qui fournissent des dissolutions de potasse delordre des millionièmes). — M. E. Fleurent montre que, pour la recherche des blés destinés à donne satisfaction à la fois à la boulangerie et à l'agriculture; le dosage de l'azote total est insuffisant; il doit être remplacé par le dosage du gluten, sur lequel repose la valeur industrielle des produits allant à la mouture. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. S. Durand a déterminé le minimum perceptible et la durée de la perception lumineuse chez les personnes dont la vue est affaiblies — M. H. Kronecker a reconnu que les effets du mal des montagnes tiennent non à la diminution de la pros portion d'oxygène, mais à l’action mécanique de 1 pression atmosphérique diminuée, qui produit une stagnation du sang dans les poumons. — M. J. Vallo a noté les modilications que subit la respiration pa suite de l'ascension et de l’acclimatement à l’altitudes du Mont-Blanc. La quantité d’air inspiré et le nombre des inspiralions augmentent progressivement pou compenser les effets de la diminution de pression atmosphérique. — M. Ch. Henry et Ml: J. Joteyko: ont constaté que les travaux dynamiques croissent pro= portionnellement aux travaux statiques énergétique= ment équivalents à l’ergographe; le coefficient de pro= portionnalité est 1/120. — MM. E. Varenne, J. Rousse et L. Godefroy ont reconnu que les essences d'anis ne sont pas toxiques pour l'organisme ; l'anéthol lui-même n'est pas toxique et pourra mème être employé en Mhérapeutique. — M. J. Danysz a étudié l’action du radium sur les différents tissus. Les épithéliums des jeunes animaux sont beaucoup plus sensibles que les tissus des adultes. — MM. P. Ancel et P. Bouin ont constaté que la glande interstitielle du testicule n'a pas pour rôle unique d'assurer la nutrition des éléments séminaux ; elle a une action générale sur l'organisme. — M. Armand Sabatier montre que, chez les Sélaciens (Squales et Raies) comme chez les Poissons osseux, il y a, pour chaque paire de membres, des mains de la ceinture distinctes des mains du membre. — M. L. Roule poursuit ses recherches sur l'évolution subie par les Poissons du genre Atherina dans les eaux douces et Saumâtres du midi de la France. — M. G. Coutagne décrit les quatre ordres de faits qu'il a constatés au cours de ses recherches sur les croisements entre taxies différentes chez les vers à soie du mürier. M. G. Bohn à reconnu que, chez les Convoluta, il n'y a pas, en réalité, de phototropisme; il y à arrêt à l'entrée de l'ombre, dù à la fatigue provoquée par la lumière. — M. Leclerc du Sablon a observé que, dans la fécondation croisée, le pollen étranger modifie non seulement les caractères de la plantule, mais encore ceux du péricarpe. — M. Grille à obtenu un hybride vrai de chasselas par vigne vierge. — M. Amar déduit de ses recherches que la formation de l’oxalate de chaux dans les plantes aurait pour but l'élimination de la chaux superflue plutôt que l'élimination d'acide oxalique. — MM. Bouilhac et Giustiniani ont observé que le Nostoc punctiforme et l'Anaboena recouverts de bactéries, en végétant sur un sol entièrement dépourvu de matières organiques, l’enrichissent ri apidement en azote et permettent Le développement normal d'une plante-telle que le Sarrasin. — M. H. Bouygues à étudié les dégâts causés par la Nielle dans les planta- tions de tabac en France; cette maladie lui parait être de nature bactérienne. — MM. Ch. Dépéret et O. Men- gel ont étudié la limite du Jurassique et du Crétacé dans la région orientale des Pyrénées; elle est carac- térisée par la présence constante d'une brèche polygé- nique à gros éléments. La formation des calcaires à couzéranite de la région pyrénéenne à eu lieu à deux époques distinctes de métamorphisme. — M. L.-A. Fabre à reconnu dans les formations glaciaires de la Garonne deux àges distincts : antépléistoct ène et pléis- tocène. — M. E. Haug a recherché l'emplacement des racines de quelques nappes de charriage des Alpes occidentales. — M. H. Arsandaux à étudié les roches basaltiques de l'Est-Africain :; elles présentent deux faciès distincts : doléritique et microlitique. Au point de vue magmatique, elles ont toutes une haute teneur en alumine. — M. A. Delebecque à étudié les lacs de la Haute-Engadine. Ils paraissent être tous situés dans la roche en place, qui aurait été excavée par les gla- ciers Séance du 4 Janvier 190%. M. Albert Gaudry, Président sortant, fait connaitre à l’Académie l'état où se trouve l'impression des Re- cueils qu'elle publie et les changements survenus parmi les membres et correspondants pendant le cours de l’année 1903. — La Section de Minéralogie présente la liste suivante de candidats à la place laissée vacante par le décès de M. Munier-Chalmas : 4° MM. Barrois, A. Lacroix el Douvillé; 2° MM.J. Bergeron, M. Boule, E. Haug,, L. de Launay, P. Termier et F. Wallerant. 49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Boussinesq montre que la formule à laquelle a été conduit M. H. Parenty pour représenter les résultats de ses expé- riences sur l'écoulement des gaz et de la vapeur d’eau, n'est qu'une réduction de l’ancienne formule théorique due à de Saint-Venant et Wantzel. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Th. Moureaux indique la valeur absolue des éléments magnétiques au {°° jan- ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES 103 vier 1904 à l'Observatoire de Val-Joyeux (Seine-et-Oise). — M. P. David à reconnu sur quelques roches volca- niques du Puy-de-Dôme ayant servi dans les construc- tions gallo-romaines que leur direction d'aimantation n'a pas varié sous l’action du champ terrestre, malgré les variations de ce dernier. — M. L. Teisserenc de Bort communique les résultats de cinq années d'obser- vations sur la décroissance de la température de l'air avec la hauteur dans la région de Paris. La décroissance moyenne est faible dans les couches basses, où elle pré- sente, à une hauteur variable av ec la saison, un mini- mum dû à la condensation des nuages et à des phéno- mènes d'inversion. Entre 6 et 41 kilomètres, il y à décroissance adiabatique ; vers 11 kilomètres commence une couche isotherme épaisse, — M. Aug. Charpen- tier a observé que les rayons 7 émis par le corps sont un peu différents des rayons de M. Blondlot. Les rayons nerveux, à l'inverse des rayons musculaires, sont arrêtés partiellement par l'aluminium. Le nerf aug- mente sa radiation sous l'effet de la plus légère com- pression, — M. P. Weiss indique un moyen pour déterminer l'intensité d’aimantation des cristaux, et montre, d'autre part, que, chez les substances possédant un plan magnétique, la loi de l'aimantation dans le plan magnétique n'est pas influencée par l'existence d’une composante du champ perpendiculaire au plan magné- tique. —M. A. Guillemin énonce sousune nouvelle forme la loi de l'équilibre osmotique : L'équilibre osmotique existe lorsque la tension d'expansibilité tendance à émettre de la vapeur) est la même de chaque côté de la paroi uniperméable. — M. F. Wallerant montre que, dans les transformations polymorphiques, les molécules constituant la particule la plus symétrique se retrouvent dans la moins symétrique ; mais, tandis que dans celle-ci elles sont diamétralement placées, elles sont réparties symétriquement dans celle-là. — M. P. Carré à con- staté que le diéther et le triéther phosphoriques de la glycérine sont saponifiés par l’eau froide en donnant de l'acide glycéro- phosphonque ordinaire. — MM. L. Ma- quenne, A. Fernbach el J. Wolf ont reconnu que l'empois d'amidon coagulé par l'amylo-caagulase est, comme l'amidon ré itrogradé, un mé lange complex e qui n'est plus que partiellement sacchariliable. — M. L. Beulaygue recommande le monosulfure de sodium comme indicateur permettant de saisir la décoloration complète de la liqueur de Fehling dans le dosage du glucose. — M. M. Berthelot a constaté que la déperdi- tion de l'eau et la dessiccation spontanée, à la tempé- rature ordinaire, des végétaux du genre Æestuca s'accomplissent en quelques jours et tendent vers une limite suivant une loi de proportionnalité au poids de l'eau éliminable qui demeure à chaque instant dans la plante. Cette loi est celle d'un phénomène irréver- sible. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. Doyon et A. Jouty, par ablation des parathyroïdes chez l'oiseau, ont obtenu des accidents aigus FAPARDIes à ceux qui surviennent chez le chien et le lapin et qui se terminent générale- ment par la mort. — M. Wassilieff du la prio- rité de l'application générale du crin de Florence à toutes les ligatures ou sutures perdues. — M. G. Cou- tagne éludie la sélection des petites différences que présentent les caractères à variation continue. MM. Ed. Heckel el H. Jacob de Cordemoy ont con- staté que les Dipteryx renferment à la fois, du moins pendant la période adulte, une résine copal, sécrétée par des poches sécrétrices disséminées dans différents membres de la plante, et un tannoglucose (Ærno), qui remplit des cellules spéciales bien différenciées. M. E. Haug poursuit ses recherches sur les racines des nappes de charriage dans la chaine des Alpes. — M.St. Meunier a étudié des échantillons géologiques recueillis au Soudan par le capitaine Friry. Ils montrent une large extension de la mer éocène en Afrique et tendent à confirmer l'existence d'une communication marine directe, à l'époque du calcaire grossier, entre le Sénégal et l'Egypte. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Séance du 11 Janvier 1904. M. le Secrétaire perpétuel annonce la mort de M. Karl von Zittel, Correspondant pour la Section de Minéralogie. — M. A. Lacroix est élu membre titulaire dans la Section de Minéralogie. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Borel démontre le théorème suivant, auquel conduit la méthode d’exelu- sion généralisée : Soit 0 (z) la dérivée logarithmique d'une fonction entière d'ordre p; on peut, dans tout angle aussi petit que l’on veut, tracer une infinité de droites telles que l'on ait, sur chacunes d'elles : [0(2|uR'e, qui se raccorde tangentiellement à la courbe : £ Æ F° C—=FR'{(4 . EF G F R (: me) ? les deux courbes sont valables : la première jusqu'à la limite «, donnée par la formule #Ra,—F, la seconde au delà de cette limite. Pour « —0,, elles ont même couple : C— TRE, et même tangente : SR Ces considérations sont dues à J. Thomson el datent de 4848. J'ai prouvé, dans mes Mémoires, que la courbe de torsion expérimentale s'éloigne beaucoup de cette forme théorique. En tout cas, il n'ya pas de point anguleux, même dans l'hypo- thèse d’une limite nette à partir de laquelle com- 120 mencent les déformalions dans chaque partie. de la masse. Il en est de même pour la flexion. Une seconde conséquence des théories précé- dentes est une loi dont l'importance pratique serait considérable, qui a été énoncée par Coulomb, reprise par Gerstner et plus récemment par Tresca; elle n’est malheureusement qu'une assez grossière approximation : Un corps déformé par une cer- taine force ou un certain couple devient parfaite- ment élastique pour toutes les forces ou tous les couples inférieurs aux précédents. Imaginons que l’on dépasse la limite d'élasticité indiquée par les théories précédentes : Ze corps se déforme; tout le monde admet que, simultanément, il se transforme. Le ciment se modifie; pour parler comme Coulomb, l’étendue du champ d'élasticité augmente. On peut dire que le corps change d'état, s’écrouil, en prenant ces mots dans leur sens le plus général. Du seul fait qu'il a pu supporter certaines forces ou certains couples, on a conclu qu'il était devenu parfaitement élastique pour toutes les forces et Lous les couples inférieurs à ceux qu'il a pu subir antérieurement. Une première conséquence qu'on a tirée de ces principes est que Ja courbe de retour au couple nul ou à la force nulle doit étre rectiligne. Wiede- mann, par exemple, dans son très inléressant Mémoire sur la torsion, admet qu'il en est ainsi. La fausselé d’une telle affirmation devient évidente dès qu’on utilise des appareils à indications con- tinues; j'ai pu montrer que la courbure de la courbe de retour est à ce point prononcée, que la tangente _ de passage au couple nul est à peu près égale à la moilié de la tangente qui correspon- drait à l’élasticilé parfaite. Voici une seconde conséquence : Décrivons, par exemple, une courbe de traction jusqu'à la charge F; revenons à la charge nulle, puis recommençons à charger. D'après la règle que nous discutons, le fil serait parfaitement élastique quand la charge passe de F à O et croît à nouveau de O0 à F; les deux courbes correspondantes seraient rectilignes et superpo- sées. Nous venons de voir qu'il n’en estpas ainsi. Mais, de plus, nous devrions aboutir pour la charge F à l'extrémité mème de la première courbe de traction. Si,alors, nous dépassons cette charge, la courbe que nous décrirens devrait être la continuation de la première courbe de traction, celle même que nous aurions obtenue en effectuant l'opération sans arrêt et d'un seul coup. L'expérience montre encore qu'il n’en est pas ainsi. Il semble bien que la courbe de traction au delà de la charge F tende à se raccorder asymptotique- ment au prolongement de la première courbe; H. BOUASSE — SUR LES DÉFORMATIONS DES SOLIDES mais nous voilà loin de la simplicité des hypothèses précédentes, loin des conséquences de l'existence d'une limite d'élaslicité. V Il ne (audrait pas croire que, même en admet- tant une limite d'’élaslicité, une cohésion bien déterminée au sens où l’entendait Coulomb, quel- que chose comme une force de frottement dont la valeur peut être connue avec précision, toutes les difficultés seraient supprimées. Elles abondent, au contraire, et je vais en donner un apercu très résumé. Un métal est déformé; nous venons de dire qu’il se transforme, qu'il change d'état. Mais les glissements se sont produits suivant certains plans; la matière est-elle restée isotrope? Il nous semble certain que non. Je ne dirai pas toutes les raisons qu'on peut donner en faveur de la non isotropie; elles sont nombreuses, concluantes, et je crois qu'aujourd'hui personne ne soutien- drail que la malière reste isotrope. Qu'on ne s’ima- gine cependant pas qu'il en a élé toujours ainsi; la manière dont Duguet dirige ses calculs prouve qu'il admet la thèse opposée. Voici une nouvelle question : l’écrouissage est-il fonction seulement de la grandeur géométrique du glissement ou dépend-il aussi des forces qui pro- duisent le glissement et généralement des condi- tions du glissement? L'expérience répond que les conditions de la déformation interviennent. Par exemple, j'ai montré que si l’on allonge un fil de u °/, avec ou sans filière, les courbes de torsion, les facililés de recuit ne sont absolument pas comparables. La vitesse elle-même intervient; la loi Coulomb-Gerstner, étudiée au paragraphe pré- cédent, se vérifie plus ou moins bien suivant la manière dont on a atteint la première fois une charge donnée. Eafin, j'ai montré que, par des tor- sions permanentes alternatives de faible amplitude indéfiniment répétées, produisant par conséquent des glissements énormes sous de petits couples, on n'arrive pas du tout au maximum d'écrouissage que peut produire la torsion. Le couple sous lequel se produit le glissement intervient et modifie la grandeur de la transformalion du métal, la valeur de l’écrouissage. Les ingénieurs diront peut-être que celte aniso- tropie, pour réelle qu'elle soit, ne présente prati- quement aucun intérêt; ce sont là des opinions que je ne discuterai pas : d’abord parce que je suis mal placé pour savoir ce qui est important dans la pratique ; ensuite, je le répète, parce que l'intérêt d'une proposition ne se mesure pas, pour le savant, à l'économie qui peut en résulter dans les applica- tious industrielles. H. BOUASSE — SUR LES DÉFORMATIONS DES SOLIDES 121 VI Les phénomènes sont donc beaucoup plus com- pliqués que ne l’imaginait Coulomb; pour parler exactement, il feignait d'ignorer leur complication, se doulant bien que, dans l'état de la technique et des ressources expérimentales des laboratoires il y a un siècle et quart, il ne parviendrait pas à les débrouiller. Nous n'avons plus les mêmes excuses et nous ne devons plus fermer volontairement les yeux sur des divergences énormes, si peu d'espoir que nous ayons d'en fournir avant longtemps une théorie salisfaisante. Nous n'avons plus le droit de nous contenter de dire que les corps flent, ou d’em- ployer des expressions comme on en rencontre tant dans Wertheim, expressions qui ne sont que la constatation de notre ignorance et du peu de souci que nous avons de la faire cesser. Il y à d’abord quelques lois générales fort con- nues et depuis si longtemps qu'on devrait bien cesser de les découvrir plusieurs fois l’an : je vais les passer en revue. Quand on applique à un corps quelconque des actions qui croissent, puis décroissent, la courbe de retour ne coincide pas avec la courbe d'aller : il y a hystérésis. Au mot et à la généralité près, la pro- position est connue depuis plus de cinquante ans. Tous les phénomènes de déformation ont de l'hys- térésis, et si on ne l'a pas observée partout, c’est qu'on n’a pas apporté assez de précision aux expé- riences. Que les physiciens ne considèrent donc pas comme une découverte de prouver l'existence de l'hystérésis ; que, surtout, ils ne se contentent pas de ce caractère pour établir des analogies entre les phénomènes. D'une part, l'hyslérésis est une pro- priété caractéristique de la forme solide, et la preuve de son absence dans un phénomène serait aujourd'hui du plus haut intérêt. D'autre part, elle se présente dans des conditions si différentes qu'il est impossible de la rapporter à une cause unique. Il y a, par exemple, Lystérésis pour les courbes de torsion des métaux, dans des conditions où il est extrêmement facile d'imposer des déformations permanentes; on peut dire qu'elle provient d'une inégale facilité de ces déformations pour la torsion et la détorsion. Mais il y a aussi Lystérésis pour les courbes de traction du caoutchouc, dans des conditions où les déformations permanentes sont à peu près rigoureusement nulles. Il saute aux yeux que ce terme d'Aystérésis est encore un de ces voiles que nous jetons sur notre ignorance. Le sens de parcours des courbes qui limitent le cycle est généralement tel qu'il y ait disparition d'énergie; mais ce n’est pas là une proposition né- cessaire; j'ai montré, en plusieurs lieux de mes Mémoires, que certaines parties du cycle pouvaient correspondre à une apparition d'énergie. Si on applique à un corps quelconque des actions qui varient périodiquement et qu'on détermine la valeur d'une fonction de ces actions variables, elle tend à devenir elle-même périodique. Les Alle- mands disent que la malière s'accommode : cette accommodalion est connue depuis bien des années, el ce serait rendre service à la science que de cesser de la découvrir de temps à autre. Par exemple, faisons subir à une corde de caoutchouc des varialions systématiques et périodiques de ten- sion; faisons-lui parcourir un cycle. Sa longueur tend à devenir elle-même périodique, de manière que, dans le plan /ongueur-charge, la courbe qui représente les opérations tend à se fermer. On peut dire encore que la courbe, qui possède d'abord une sorte de mouvement de reptation, se fixe peu à peu, tend vers une forme-limite. La proposition peut se généraliser pour plusieurs variables. Faisons subir à la corde de caoutchouc des variations systématiques de tension et de tem- péralure; c'est dans l’espace longueur, charge, température que la courbe gauche représentative des opéralions va se fixer. Enfin, le temps agit comme variable indépen- dante; si l’on veut, les actions extérieures restant constantes, l'état de la matière se transforme Spou- tanément. On n'a pas toujours admis cet énoncé : dans ces derniers temps même, M. Dubem a dé- pensé beaucoup de talent à soutenir le contraire. Il a proposé une théorie, en soi fort remarquable, mais que je crois en contradiction avec la plupart des faits connus. Cependant, aujourd'huiM. Duhem commencé à partager mon opinion et ne nie plus la nécessité d'introduire le temps comme variable. Ainsi, quelle que soit la manière de se représenter les phénomènes, quelle que soit l'explication chi- mique où mécanique que l’on propose, le fait d'une intervention de ce temps n’est pas douteux et n'est plus contesté. Grâce à quelle hypothèse a-t-on pu nier le rôle du temps dans les phénomènes? M. Brillouin disait en 1888 (Journal de Phy- sique) : « Il me parait probable que les phéno- mènes d'élasticité résiduelle, pour lesquels on a cru nécessaire de faire intervenir le temps directe- ment comme variable indépendante, peuvent en grande partie être expliqués par des déformations dues à la répélition quotidienne de cycles très peu différents, dues aux variations diurnes des éléments météorologiques, principalement de la tempéra- ture ». Sans doute les ébranlements, les trépidations jouent un rôle considérable dans les phénomènes à longue échéance, de cristallisation par exemple. Les essieux des locomotives sont rapidement hors d'usage ; les chutes de ponts suspendus, d'appareils d'éclairage en fonte, etc... sont des preuves cer- taines de modifications de cet ordre. Mais, et M. Bril- louin l'a soutenu depuis dans une série remar- quable de Mémoires, ce n’est pas sur les phéno- mènes d'élasticité résiduelle que cette influence se fait principalement sentir. - M. Duhem a repris cette hypothèse, l'a généra- lisée et en a fait la base de sa théorie. Ainsi, tout le monde admet que le recuit à température rigou- reusement constante demande un certain temps pour se produire; M. Duhem pose le contraire. Si le temps semble intervenir apparemment, c'est qu'il est impossible d'éviter de petites variations de température, des perturbations, dontle nombre est proportionnel à la durée du recuit. C’est ainsi que M. Marchis explique les phénomènes qui se pro- duisent dans les thermomètres. On tire sur une corde de caoutchouc, puis on ra- mène la charge à la valeur nulle : le caoutchouc continue des heures et des jours à se contracter et reprend, en définitive, à peu près sa longueur ini- liale. Tout le monde admet que la cause de ce rac- coureissement doit être cherchée dans une action intérieure, une élasticité résiduelle, une réaction lente qu'on expliquera soit par des mécanismes, soit par des transformations chimiques. M. Duhem soutient qu'en réalisant une température rigoureu- sement constante, en supprimant toutes les trépi- dations, on supprimerait le phénomène : hypothèse absolument gratuite. Il suffit, pour la rejeter, de -considérer l'énormité des changements de longueur et des détorsions à expliquer. Aussi bien j'ai accu- mulé contre cette opinion un nombre si respec- table de raisons et d'expériences que d'ici long- temps, je l'espère, personne ne se hasardera à la soutenir. En somme, introduire le temps comme variable indépendante, c'est une manière provisoire de dire que la cause de certains phénomènes est actuelle- ment hors de notre atteinte et inconnue. Tout se passe comme pour une montre que nous venons de remonter; assurément nous pouvons modifier sa marche par des changements de température, si la compensation n'est pas rigoureuse, par un remon- tage plus ou moins à fond, si la fusée est impar- faite; mais les modifications ainsi obtenues ne sont qu'accessoires, la cause du mouvement est dans la montre elle-même. Imaginons que nous ne sachions rien du mécanisme intérieur, quelle serait notre erreur si nous voulions donner comme causes à ce mouvement des trépidations ou des variations de température. Nous serions naturelle- ment amenés à dire, comme pur et simple résultat d'expérience, que la rotation des aiguilles se fait H. BOUASSE — SUR LES DÉFORMATIONS DES SOLIDES | proportionnellement au temps, ce qui revient à prendre le temps comme variable indépendante: Nous allons déduire des règles précédentes l’exis= tence et les propriétés de ce que M. Duhem a fort heureusement appelé les cycles limiles etles cycles limites des limites, noms récents qui ne doivent pas nous faire oublier que les notions qu'ils: recouvrent sont anciennes et fort connues. Soit, par exemple, un fil de cuivre étiré qui sup porte une charge P. Faisons varier P systématique- mententre P,etP,, par exemple suivant une loi sinu- soïdale en fonction du temps. D'après la faculté d'accommodation, la longueur finit elle-même par être une fonction périodique des temps : on dit que le cyele est fixé, ou que /e cycle limile est atteint. Chauffons le fil à T°. Maintenons-le un temps # à cette température et refroidissons-le. Recommen- cons à décrire des cycles entre P,etP,. Le fil s'est en partie recuit, si la température T est convenable, etne s'est pas complètement recuit, si le temps £est assez court. Nous allons obtenir un nouveau eyele limite. Recommencons cette opération un certain nombre de fois; les cycles limites diffèrent entre eux de moins en moins et tendent vers un eyele que nous pouvons appeler limite des limites. En effet, peu à peu le fil à pris le recuit définitif qui convient à la température T. On peut présenter les mêmes considérations un peu différemment. Supposons que nous mettions en jeu successivement deux variables, la charge P et la température T. Nous parcourons une série de cycles dans le plan figuratif (P, 2) (charge-longqueur) : il ya accommodation; peu à peu, la courbe qui repré- sente la longueur en fonction de la charge se fer- me : le cycle se fixe, il tend vers sa limite. Nous décrivons alors un parcours dans le plan /ongueur- température : ce parcours n'est pas fixé. Si nous revenons aux premiers parcours, nous obtiendrons un nouveau cycle limite. Recommençons ces mèmes séries d'opérations un grand nombre de fois ; peu à peu, le système complet des parcours devient pé- riodique ; si l'on veut, la courbe gauche décrite dans l'espace charge-température-longueur tend à se fermer. Sous cette dernière forme, on retrouve à peine modifié l'énoncé général de la proposition qui nous a servi à définir l’accommodation. L'existence des cycles limites et limite des limites provient de son application à deux variables distinctes qu'on fait varier successivement et systématiquement. Je le répète, tous ces fais sont connus depuis. longtemps, et il est du plus grand intérêt que les physiciens en soient prévenus, pour qu'ils ne s'at- tardent pas à redémontrer ce que personne ne peut plus contester dans l'état actuel de la science. Il faut maintenant déterminer d’une manière précise, ai NC LIRE H. BOUASSE — SUR LES DÉFORMATIONS DES SOLIDES non plus que ces propositions sont vraies, mais de quelle manière elles sont vraies : il me semble que, dans de trop nombreux Mémoires, l'effort ait été suffisant de retrouver les faits généraux que nous venons de passer en revue.Mais, pour aller plusloin, il est nécessaire de perfectionner les techniques ; c'est à quoi j'ai apporté tous mes soins. Mon exemple n'a pas été suivi jusqu'à présent : il est tout naturel que j'estime que c’est à tort. VII Il faut une technique rigoureuse et un outillage perfectionné. À ces mots, qu'on ne s'imagine pas des cercles divisés d'une précision extraordinaire, des thermomètres élalonnés au Bureau central des Poids et Mesures, des cathétomètres de fabrication spéciale. Les phénomènes à observer sont énormes, et la précision des mesures est à peu près loujours exagérée. Nous ignorons lant de choses actuelle- ment qu'on se donnerait, par exemple, une peine inutile en déterminant, à la seconde près, des angles qui varient de 90°, on ne sait pas encore sui- vant quelle loi. Quand on entre dans mon laboratoire, on est tout surpris de sa ressemblance avec un atelier. Des ficelles partout, des transmissions, un moteur don- nant indéfiniment un mouvement uniforme et de vitesse connue, des échafaudages, un nombre pro- digieux de poulies, de renvois, bref tout ce qui est nécessaire pour obtenir des tractions, des tor- sions automaliquement réglées, des changements de sens instantanés, des arrêts de durée connue. Je ne tire pas sur un fil, je n'effectue pas une opéra- tion, sans savoir aussi exactement que possible ce que je fais, au degré d'approximation que les expé- riences comportent. Toute la précision que tant d'expérimentateurs mettent aux mesures, alors que lexpérience montre qu'elle est inutile, je l'apporte à Ja définition de l'expérience. El, pour les mesures elles-mêmes, j'emploie souvent des procédés qu'on jugerait à première vue rudimentaires, mais que l'expérience déclare suffisants. Deux principes me guident toujours : Les actions doivent étreappliquées d'une manière continue etsui- vant des lois simples et connues ; les appareils doi- vent être à indications continues. On dira qu'il peut ètre intéressant d'étudier l'action des chocs : évi- demment, chacun est libre de faire ce qu'il lui plait: mais, dans l’état actuel de la science, on risque fort de perdre son temps en ne commencant pas par le commencement. Je me suis élevé avec vivacité contre la théorie de M. Duhem, parce qu'il en résulte l'inutilité d'une définilion rigoureuse des opérations. D'après elle, la façon dont on parcourt un cycle est indifférente. 123 Certes, on conçoit la sécurité qu'elle donne à l'expé- rimentateur délivré de toute installation délicate, longue et coûteuse ; on concoit aussi, si j'ai raison, quelle perte de temps et quels Mémoires inutiles. Quand on applique les méthodes correctes dont Je viens de donner la définition générale, on cons- tale que des phénomènes, qui semblent d'abord de simples jeux de la Nature, sont reproduits avec sûreté et facilité. Les résultats quantitatifs concor- dent avec une approximation inespérée ; on est conduit à augmenter peu à peu la précision des méthodes d'observation, pour ne plus négliger de petits écarts qui passent, du rôle de bizarreries sans importance et purement accidentelles, au rang de phénomènes dignes d'être classés. Il m'est impossible de décrire ici les perfection- nements que je me suis efforcé d'introduire dans la technique ; mes appareils sont généralement d’une extrême complication, précisément parce que je veux tout définir; je suis bien obligé de renvoyer le lecteur à mes Mémoires, où l’on en trouvera la description et la discussion détaillées. VIII Avant de poursuivre l'exposé des questions réso- lues ou à résoudre, nous devons préciser un point capital : S'il est nécessaire de prendre des précau- tions minutieuses pour définir toutes les opérations, on sera tenté de croire que le choix du métal sur lequel on opère est l'objet d'une sollicitude toute particulière. On sera donc étonné d'apprendre qu'il n'a qu'un intérêt médiocre, pour ne pas dire nul : cette proposition mérite quelques éclaircissements. Il y à une dizaine d'années, je présentai, comme thèse de Physique à la Sorbonne, un travail sur la photographie qui commençait en ces termes : « Je me suis proposé l'étude des lois qui régissent les phénomènes photographiques. J'ai choisi, pour les soumettre à l'action de la lumière, les plaques pho- tographiques du commerce, bien quelles soient de composition complexe et mal définie. J'y ai trouvé l'avantage d'avoir à ma disposition des plaques aussi identiques que possible entre elles (ce qui ne veut pas dire qu'elles le soient) et d'un emploi facile. Comme je cherchais non pas des lois numé- riques, mais la forme des équations différentielles qui peuvent représenter les phénomènes, il impor- tait peu que j'agisse sur des corps plus ou moins simples ; l'inverse était même préférable, en ce sens que les équations générales se trouvaient mieux déterminées que si le phénomène eut été plus parti- culier! ». Mon travail me fut retourné sans retard ; la première page avait suffi. Je ne faisais pourtant 1 Annales de la Faculté des Sciences de Toulouse, 1893. H. BOUASSE — SUR LES DÉFORMATIONS DES SOLIDES qu'énoncer, sous forme paradoxale il est vrai, l'idée très naturelle que, si les constantes diffèrent d'un corps à l'autre, les lois différentielles sont en petit nombre, et, somme toute, se retrouvent iden- tiques pour des composés simples ou pour des mé- langes complexes ; qu'en tout état de choses, si je parvenais à montrer quel doit être leur minimum de complication dans un cas particulier pris au hasard, il y avait bien des chances pour que mon étude ne fût pas seulement valable pour ce cas par- ticulier, mais eût des applications beaucoup plus générales. J'affirmais, de plus, que la détermination des constantes numériques est bien souvent une préoc- cupation vaine, illusoire et même sans grand inté- rêt pratique. L'évolution de la Physique des solides dans la deuxième moitié du xix° siècle est intéressante, envisagée du point de vue où nous sommes. Ouvrons un Mémoire de Wertheim; ce ne sont que tables de constantes. Les modules sont donnés avec einq, six chiffres significatifs. Dans un Mémoire de Joule, je trouve la densité du caoutchouc vulcanisé avec six chiffres significatifs densité qui varie suivant la composition de 0,9 à 2. Les Mémoires de Tomlinson contiennent des tableaux de nombres qui défient toute comparaison. Et, cependant, les fameuses constantes ne le sont pas, varient suivant l'échan- tillon, suivant la technique, suivant les parcours antérieurs, en un mot dépendent de l'histoire tout entière du corps considéré. Leur définition elle- même nous échappe, comme nous le verrons plus loin. Peu à peu, et surtout depuis une vingtaine d'an- nées, sous l'influence des recherches sur le magné- tisme, les physiciens sont revenus à des idées plus saines. Ils ont fini par comprendre que les corps solides se transforment indéfiniment, que les nombres n'ont généralement qu'un sens {out relatif el actuel, sans intérêt général ; que, sans doute, ils fixent utilement les idées, qu'ils sont même indis- pensables pour les applicalions industrielles, mais que, le plus souvent, ils ne sont pour les physiciens qu'une source d'erreurs, faisant considérer comme paramètres caractéristiques ce qui ne vaut qu'à une heure donnée de l’histoire du corps. Si, donc, il est illusoire de chercher à caractériser les corps purs par des paramètres numériques déterminés une fois pour toutes; si, d’ailleurs, il y à lieu de penser que les mêmes équations différen- tielles ou, d'une manière plus générale, les mêmes formes contiendront les phénomènes dus aux corps les plus divers (sous des restrictions que nous ferons plus loin), nous pouvons conclure que le choix du corps sur lequel porteront nos expériences est à peu près indifférent. De l'impossibilité de s'en fier à des paramètres” déterminés une fois pour toutes, résultent des con- séquences capitales : En premier lieu, force est bien de trouver un procédé plus simple pour énoncer le résultat des expériences. Dire quelles équations dif- férentielles représentent le phénomène, en laissant indéterminées les constantes de ces équations, est un moyen excellent, mais malheureusement d'une application très limitée : nous n'en sommes pas encore à connaitre ces équations elles-mêmes. Il ne nous reste donc que les courbes, envisagées, non plus d'après une équation, mais d’après leur forme générale; c'estainsi que, dans toutes ces questions, intervient de plus en plus une sorte de Géométrie de situation, avec des termes imagés dont le vaque relatif est une condition essentielle d'appli- cation. On dit que les parcours sont bouclés ou non bouclés, qu'ils se fixent, qu'ils rampent... On déter- mine comment ils se coupent, comment varient, leurs aires... On aboutit à des énoncés dont nous avons donné plus haut ($ V) des exemples. Une seconde conséquence est la nécessité d'effec- tuer toutes les comparaisons sur un échantillon donné de la substance considérée, et de ne jamais faire intervenir simullanémentles résultats obtenus avec deux échantillons différents, sans avoir dé- montré au préalable qu'ils fournissent numérique- ment les mêmes résultats. Croirait-on que, dans certain Mémoire allemand assez récent, l’auteur. utilise dans une même formule, pour vérifier une certaine relation théorique, les résultats de Joule obtenus avec un certain caoutchoue et les siens fournis par l'étude d'un autre caoutchouc! On: trouve dans mes Mémoires une quantité de tableaux de nombres; mais, une fois pour toutes, j'ai prévenu le lecteur de ne jamais comparer que les résultats numériques donnés dans un même tableau, à moins d'une indication spéciale. S'il est facile d'énoncer cette règle, il est pénible de la suivre. Que de fois ne m'a-t-il pas fallu recom- mencer entièrement une série d'expériences pour pouvoir la comparer à une autre que je n'étais pas sûr d'avoir effectuée avec des échantillons suffisam- ment identiques. Et ne croyez pas que refaire une série d'expériences soil un mince labeur. Une troisième conséquence de la dépendance des phénomènes de l'histoire antérieure, est la nécessité d'imposer une histoire assez longue, qui supprime les effets possibles de l'histoire qu'on ne connait pas. On passe quelquefois des jours ets des semaines à préparer le corps, c'est-à-dire à le mettre dans un état aussi défini que nos connais" sances actuelles le permettent. Si l'expérience défi- nitive, la seule qui importe après toute la prépara- tion, rate, tout est à recommencer : on doit se cuirasser contre l’impatience. H. BOUASSE — SUR LES DÉFORMATIONS DES SOLIDES 129 Il faut avoir à sa disposition une grande quantité de la matière quelconque sur laquelle on travaille. Cela résulte immédiatement de ce qui précède. Une matière qui a subi des actions complexes n'est bonne à rien. Par quel procédé lui faire oublier ce qu'elle a subi? Comment effacer cette histoire qui influera peut-être notablement sur les phénomènes futurs ? Mieux vaut prendre un échantillon neuf, les risques sont toujours moindres. Et voilà com- ment, réétudiant une question qu'un auteur avait traitée en employant, en toutet pour tout, dans deux Mémoires écrits à dix ans d'intervalle, 12°%,5 de fil, j'en ai dû consommer un demi-kilomètre. Parfois, les variations qu'on veut mettre en évi- dence sont trop petites pour qu'il soit possible d'employer des échantillons différents; force est bien d'utiliser la même pièce et de croiser les expé- riences. Mais la méthode des expériences croisées se présente ici avec des caractères si parliculiers qu'il est nécessaire d'insister. Dans les circon- stances ordinaires, on fait agir successivement et alternativement deux agents A et B, ou deux valeurs A et Bdifférentes d'un agent, et l’on cherche quelles sont les valeurs correspondantes d'une fonction de ces agents ou de cet agent. Si celte fonction subit elle-même des alternatives de croissance et de décroissance, on conclut à l'inégale action des agents À et B dans le premier cas, des valeurs différentes À et B de l’agent unique dans le second. On suppose implicitement que l’agent À ne mo- difie pas l'action exercée par l'agent B : la méthode, ne sert qu'à éliminer les variations de sensibilité de l'appareil de mesure, ou de tout autre phéno- mène lié au phénomène étudié. C'est ainsi qu'en photométrie on croise les expériences pour ne pas tenir compte des variations d'intensité de la source lumineuse. Il n’en va plus de même dans l'étude des défor- malions ; la méthode des expériences croisées de- vient sujette à caution, parce qu'il est général que l’action de la variable À modifie celle de la va- riable B ou réciproquement, de manière que le résultat dépend de la loi suivant laquelle les expé- riences sont croisées. Voici de ce fait un exemple caractéristique : On a beaucoup discuté la question suivante : Soit L la longueur d'une corde de caoutchouc, P la charge, T la température ; comment varie le quo- à dL tient À — gp Pour une charge P donnée, quand la température varie de T, à T,? Les uns prétendent que le quotient croît, les autres qu'il décroit : tout le monde a tort ou raison. On peut, en croisant convenablement les expériences faites aux deux températures T, et T, (T, CT), faire en sorte que à soit plus grand pour T, que pour T,, ou inverse- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. ment. En effet, quand on chauffe du caoutchouc, on transforme la matière; elle exige ensuite un temps assez considérable pour revenir à son étal initial. Si donc le temps { qui sépare les expériences à T,etT, est petit, l'expérience à T, se ressent de l’échauffement à T,. Elle s'en ressent de moins en moins, à mesure que { augmente. Soient À, el à, les valeurs de À pour les températures T, et T, : on peut faire en sorte que À, soit plus grand ou plus petit que À,. J'étudie ces phénomènes en ce mo- ment même, avec la collaboration d'un de mes élèves, M. Carrière. Le préjugé des constantes et des métaux purs n'est pas près de disparaitre; les raisons qu'on allègue en sa faveur: Il faut que les résultats obtenus puissent servir qualitativement aux physi- ciens qui étudieront la même question. Mais les physiciens qui ont besoin de constantes auront soin de les déterminer sur l'échantillon dont ils se servent et dans les conditions dans lesquelles ils opèrent. Je trouve, par exemple, dans les traités, le module de torsion d’un laiton avec quatre chiffres significatifs; croit-on que je vais l'utiliser pour un autre laiton, ou même pour un autre échantillon de même laiton? Quant aux métaux purs, à qui se fier si l'on n’est pas soi-même chimiste? et qu'appelle-t-on métaux purs? Quant à l'industrie, c'est une prétention dont on abuse que mettre la science pure constamment à sa remorque; il existe une infinité de questions dont elle n’a que faire, et c’est rendre le plus mau- vais service aux physiciens et aux industriels que de tout confondre. Dans l'industrie, il faut des paramètres déterminés avec une approximalion grossière : par exemple le module d’élasticité du fer est 20.000 kilogs par millimètre carré; il faut des formules qui mettent les ingénieurs à couvert : ils ne se cachent pas pour le dire. Les buts visés à l'usine et au laboratoire ne sont pas les mêmes. On m'objecte ensuite, avec plus de raison appa- rente, que je risque de choisir un métal donnant des phénomènes exceptionnels, sans généralité, ne s'appliquant strictement qu'à l'échantillon choisi. J'ai déjà répondu plus haut à cette objection. Vraiment, ce serait pour moi une chance inespérée de tomber précisément, sans les chercher, sur des cas rares, exceptionnels; qu’on se rassure, je nai pas eu ce bonheur ou ce malheur, parce que je me suis toujours placé dans les cas les plus ordinaires. Je veux étudier les métaux; je prends done un métal quelconque; mais il va de soi que je n'irai pas chercher des alliages, ni choisir le fer ou les aciers, qui sont, eux, des cas particuliers. Je pren- drai un mélal, platine, argent, cuivre, présentant les qualités les plus générales des métaux et aucun caractère exceptionnel. Mais je m'inquiéterai peu Etes voici de savoir si les métaux que j'emploie sont purs, parce que l'on sait que les petites impuretés indus- trielles ne modifient pas beaucoup les propriétés générales de ces métaux, au moins qualitativement. IK Dans les pages qui précèdent, nous avons déjà rencontré de nombreux groupes de phénomènes ; d'abord, ceux d'élasticité parfaite, puis ceux de cohésion. La question s'est posée de savoir com- ment s'effectuait la cession de la matière, puis quels changements d'état les déformations lui im- posaient ; nous avons réuni ces changements sous le nom général d'écrouissage. Nous avons vu que les courbes d'aller et de retour ne se superposent pas, et exprimé ce fait par le mot d’Aystérésis; nous avons prévenu qu'il recouvre probablement des phénomènes différents, qu'iln’est qu'une appel- lation générique et provisoire. Voici maintenant une expérience qui prouve chez les métaux une viscosité analogue à celle qu'on rencontre dans les liquides. Décrivons une courbe de première torsion en imposant les tor- sions, toujours de même sens, suivant une loi sinusoïdale par rapport au temps. Pour comprendre le résultat, il faut savoir qu'un fil de cuivre tel que ceux que j'employais, ayant environ 1/2 millimètre de diamètre et 4 mètre de longueur, chargé d’une centaine de grammes par exemple, peut être tordu de plusieurs centaines de tours sans se rompre. Si la torsion se fait à vitesse constante, on atteint sen- siblement le couple limite pour des torsions va- riables suivant l’état initial du fil (suivant qu'il est plus ou moins recuit ou étiré), mais qui ne dépas- sent pas quelques dizaines de tours. Supposons maintenant que la torsion se fasse avec une vitesse toujours de même sens, variant suivant une loi sinusoïdale : y — a + b sin°w /, avec les conditions a =>0, b > 0. L'expérience montre qu'après quelques dizaines de tours le couple C est représenté en fonction de la vitesse par une courbe à peu près fermée, ayant une forme et enve- loppant une aire variables avec la valeur des cons- tantes à, b etw. La déformation permanente exige done, pour se produire, des couples croissant avec la vitesse avec laquelle elle est effectuée. Il y a la plus grande analogie entre cette expé- rience et la suivante, qui met en évidence la visco- sité des liquides. Plaçons un vase cylindrique et rempli d'un liquide sur un support tournant, de manière que l’axe du cylindre coïncide avec l'axe de rotation. Immergeons dans le vase un autre cylindre concentrique, et, par un procédé quel- conque, déterminons à chaque instant le couple d'entrainement dù à la viscosité du liquide. Le H. BOUASSE — SUR LES DÉFORMATIONS DES SOLIDES cylindre intérieur est, par exemple, suspendu à um fil métallique dont on apprécie à chaque instant la torsion. On prend ce fil assez gros, de manière que le vase intérieur puisse être considéré toujours comme à peu près immobile. Si nous imMpOsOns au vase extérieur une vitesse de la forme y = a +: b sin? wf, le couple d'entrainement varie, et la courbe qui relie ce couple à la vitesse est sensiblement une droite, comme l’on sait. Le phénomène ne présentes pas sensiblement d'hystérésis. Dans les idées de Coulomb, les deux vases de l'expérience précédente représentent les molécules intégrantes ; le liquide qui les sépare est le ciment plus ou moins visqueux dans lequel elles sont plongées. La viscosité suit des lois beaucoup plus compliquées que pour les liquides; il n'y pas pro=, porlionnalité avec la vitesse; la courbe C,r est con- tinue, sans points anguleux. On trouvera dans mes Mémoires une étude délaillée du phénomène. X Les solides présentent enfin une propriété que les Allemands appellent, depuis Weber, « Elastische Nachwirkung », que l’on désigne généralement en. France sous le nom d'élasticité résiduelle, auquel » j'ai substitué, comme plus court et tout aussi appro= prié, le nom de réactivilé. Le caoutchoue est un excellent exemple d’um corps possédant à un très haut degré celte curieuse faculté de changer spontanément de forme sans que les actions extérieures se modifient et de se souvenir dans ces changements de ses déformations antérieures et de son histoire tout entière. Altachons une corde de caoutchouc par som extrémité supérieure et chargeons-la d'un poids suivant une loi connue; nous décrivons la courbe de traction. Si, brusquement, nous cessons d'aug- menter la charge, l'allongement ne cesse pas instan= tanément. Il continue pendant des heures et des jours, avec des vitesses qui diminuent vite, il est rai, mais qui n'en produisent pas moins, par leurs effets accumulés, un allongement très appréciable. Au bout de quelque temps, déchargeons le fil : nous décrivons la courbe de détorsion. Parvenu à la charge nulle, le fil n’a pas repris sa longueur ini- tiale ; mais le raccourcissement ne cesse pas de se produire. Au bout d’un temps qui est du même ordre que le temps pendant lequel le fil a été chargé, il reprend enfin sensiblement sa longueur primi- tive. En somme, il se conduit à peu près comme un corps parfaitement élastique, en ce sens que l'allon- gement n'est pas permanent : le phénomène est” H. BOUASSE — SUR LES DÉFORMATIONS DES SOLIDES 12 a cependant bien différent, puisque la durée de l’ex- périence influe sur les résultats intermédiaires. Ces phénomènes évoquent l'idée d'un ressort qu'on bande et qui se débande ensuite plus ou moins vite. On peut imaginer un mécanisme qui en repro- duit, au moins grossièrement, les circonstances principales et qui montre quel minimum de com- plication il faut donner aux hypothèses. Il fait com- prendre ce que nous disions plus haut, en compa- rant la corde tendue et détendue à un chronomètre remonté. La figure 1 représente ce qu'on peut appeler une molécule à élasticité parfaite, mais retardée; elle revient en définitive à sa forme initiale, mais de l'énergie est absorbée par les déformations. C’est un cylindre divisé en deux chambres À et B: la chambre À est vide, la chambre B est remplie d'un liquide de grande viscosité. Deux pistons P et P' s'y meuventsans frottement contre les parois ; entre le cylindre et le piston P’ il y a un certain jeu, qui permet au liquide de la chambre B de passer de LL, A RW ë NZ Fig. 1. — feprésentation d'une molécule à élasticité parfaite, mais retardée. l'avant à l'arrière du piston P' ou inversement. Les pistons sont reliés entre eux par un ressort R, le piston P' est relié au bâti par un ressort R’. Supposons que la molécule soit depuis longtemps abandonnée à elle-même sous des actions exté- rieures nulles : les ressorts sont complètement dé- tendus. Exerçcons une force F. Instantanément le ressort R se bande pour faire équilibre à la force F. Il exerce alors une force égale sur la tige du piston P. Le ressort R' tend lui-même à se bander, mais ses mouvements sont gènés par le liquide visqueux, qui remplit la chambre B et doit passer dans le petit espace laissé entre le piston P'et la paroi. Ce n'est qu'au bout d'un temps plus ou moins long que l'équilibre définitif est atteint. La déformation instantanée est done plus petite que la déformation finale. Supprimons alors la force F. Le ressort R se débande immédiatement, la molécule se raccourcit instantanément beaucoup. Mais l'équilibre n’est pas définitif; le ressort R' se débande lentement et ce n'est que peu à peu que la molécule reprend sa longueur initiale. Les phénomènes sont inverses pour une traction. On explique donc très aisément l'établissement d’une limite et le retour parfait à la forme primitive. Il ne faudrait cependant pas croire que celte hy- pothèse, si compliquée qu’elle paraisse, soit suffi- sante. On peut prouver, mais je renvoie pour cela à mes Mémoires, que la réactivité ne dépend pas seulement des forces et de la manière suivant laquelle elles ont été appliquées ; elle dépend encore des déformations permanentes qui accompagnent l'application de ces forces. Voici un autre phénomène qu'il ne serait possible d'expliquer à l’aide de ces molécules qf’en compli- quant singulièrement le mécanisme, en multipliant les ressorts et les chambres, en supposant que la viscosité des ciments visqueux est fonction des déformations antérieures. toutes hypothèses pos- sibles, mais qui finissent par ne plus avoir d'in- térêt, étant aussi complexes que les lois à repré- senter. Nous avons supposé qu'une corde de caoutchouc est tendue, puis détendue; retendons-là avec une charge inférieure à la première. Quand cette charge est installée, conformément à ce que nous avons dit plus haut, il se produit un allongement pendant quelque temps; mais ensuite, si les conditions de l'expérience sont bien choisies, la vitesse d’allonge- ment décroit, s'annule et peut devenir négative. Au bout d’un certain temps, elle devient positive. En définitive, nous pouvons obtenir sous charge cons- tante un allongement, puis un raccourcissement, puis un allongement spontanés. L'hypothèse trop simple que nous avons développée plus haut ne peut expliquer ce phénomène, puisque la tension du ressort R', au moment où la seconde force est installée, est plus grande, égale ou inférieure à cette force, et tend nécessairement vers elle : ce qui donne ensuite une déformation de sens unique. Ce n’est pas le lieu de passer en revue tous les phénomènes singuliers qu'il est possible d'obtenir et de répéter avec la plus grande aisance, à la seule condition de fixer la loi suivant laquelle les défor- mations sont obtenues. On a cherché à les expliquer théoriquement; je signalerai deux essais de haute valeur : lun dû à M. Boltzmann, l’autre à M. Brillouin. La théorie de M. Boltzmann repose sur deux hy- pothèses : 1° le fil se souvient un certain temps des déformations subies; ce souvenir s’eflace suivant une certaine fonction du temps; 2° la modification éprouvée sous l'influence d'une déformation est indépendante des modifications antérieures. Cette théorie, très ingénieuse, est insuffisante : j'en ai fait une discussion complète dans mes Mémoires. M. Brillouin admet que le corps est formé de grains cristallins, isolés, très petits, empâtés dans un réseau à peu près continu d’une manière vis- queuse; il met en œuvre d’une manière fort remar- quable les anciennes hypothèses de Coulomb. Plus récemment, M. Guillaume a tenté d’expli- quer la réactivité par une constitution chimique fonction de la pression avec retards convenables. C'est une autre face de la question. Je ne crois pas que toutes ces théories doivent chercher à s'éliminer l'une l’autre : elles peuvent être toutes vraies. On se ferait une idée très lausse de la complexité du problème, si l’on voulait rame- ner tous les phénomènes à un type unique. Je dirai de la réactivité ce que je disais de l'hystérésis; ce n'est qu'un mot qui doit recouvrir une foule de phénomènes différents. Il s'agit de les classer pa- tiemment sans s’imaginer qu’on en aura la clef dans huit jours. Voici de nombreuses années que j'étu- die ces phénomènes, et quand j'en parle à un audi- teur non prévenu, son premier soin est de me demander si j'ai trouvé une théorie qui les ren- ferme. Il est étonné de ma réponse, que je n’en cherche pas, et dissimule mal alors le mépris que lui cause mon indifférence. Cette indifférence n'est que sagesse, et la science marcherait plus vite si l'on faisait un peu plus d'expériences soignées et un peu moins de constructions hâtives. Qu'on relise les Mémoires de MM. Boltzmann et Brillouin, et l'on verra quelle science des phénomènes supposent leurs essais. Il n’est pas difficile de proposer des hypothèses qui expliquent un phénomène au hasard; il l’est infiniment d'en proposer qui ne soient pas purement et simplement des mots et qui rendent au moins à peu près la physionomie des faits. Dans l'étude de la réactivité, comme toujours, les physiciens ont cherché à exprimer leurs résultats par des formules et des constantes; l'échec est piteux. Les soi-disant coefficients d’élasticité rési- duelle, que certains auteurs ont déterminés avec grand soin et nombreux chiffres significatifs, varient aisément de dix fois leurs valeurs suivant les condi- tions de l'expérience. Et c'est un phénomène psy- chologique, presque aussi intéressant que la réac- tivité elle-même, que des observateurs conscien- cieux, faisant des expériences méticuleuses dans un cas particulier, énoncent alors des conclusions générales, et n'aient à aueun instant la curiosité de modifier tant soit peu leur technique pour vérifier ces conclusions. Leurs Mémoires n'ont aucun inté- rêt, ce qui est un rude châtiment de leur négli- gence. Si pourtant il existe des phénomènes où l'on ne doit étudier un domaine particulier qu'après avoir exploré la région avoisinante, c'est bien ceux qui nous occupent. Il est impossible, dès le début, de limiter sa besogne, comme le physicien qui étudie par exemple l’action de la température sur le pouvoir rotatoire du quartz. Et l’on en revient toujours à cette règle que me répétait souvent mon maitre M. Brillouin : « Faites des expériences moins définilives, si vous voulez, mais étendez le champ H. BOUASSE — SUR LES DÉFORMATIONS DES SOLIDES de vos investigations. Une expérience même gros sière à 100° vous apprendra plus sur l'effet de Je température que dix expériences soignées entre et 10° dont vous extrapolerez les résultats. » G conseil n’est pas très neuf, mais il mériterait d'êtr inserit en lettres d'or sur les murs de tous les labo ratoires. : XI Dans les pages précédentes, je me suis occup presque uniquement des déformations isother= miques qui ont fait l'objet principal de mes recherches. Cependant, outre qu'on est forcé d recuire les matériaux qu’on emploie, la températur intervient dans l'étude des transformations des so= lides, au mème titre que les actions mécaniques. On est tenté de se faire du recuit une idée sché- matique qui, malheureusement pour la simplicité des phénomènes, s'éloigne beaucoup de la réalité, On pourrait supposer qu'un recuit, maintenu à une température assez voisine du point de fusion, rend aux molécules leur mobilité, et que l’état ainsi obtenu est bien déterminé, stable et parfaitement isotrope. Il va de soi que l’on ne doit pas s'appro cher du point de fusion assez pour que le corps risque de se ramollir et de fondre. Malheureuse- ment, ce retour à l’homogénéité isotrope, que l'on cherche à obtenir par le recuit, n'est qu'un des multiples phénomènes qui se présentent. On sait que souvent un recuit prolongé donne une homogénéité anisotrope; il y à cristallisation. La description du métal brilé, telle que la font la plupart des auteurs, correspond bien à celte défi- nition. La cristallisation se produit même avec des métaux parfaitement purs et dans le vide. Les alliages cristallisent souvent mieux et plus facile- ment que les métaux avec lesquels ils sont formés. Les états obtenus par le recuit sont modifiés par la lo1 de refroidissement; on connaît les effets de la trempe. Les métaux peuvent occlure des gaz à tempéra- ture plus ou moins élevée et garder à froid les gaz qu'ils ont absorbés. Le milieu dans lequel se fait le recuit produit souvent de véritables actions chi- miques. Enfin, presque tous les alliages, soumis à un re- froidissement lent, tendent à se séparer en plusieurs produits définis, différant entre eux par la compo- sition, la densité, ele. La petitesse de la proportion dans laquelle entre un des deux corps, à supposer qu'il-n'en existe que deux, n'empêche pas le phé- nomène de se produire. On connaît ces effets de la température sous le nom de Ziquation. Dans ces derniers temps, l'étude de l’action de la température sur les alliages a été poussée très MW loin. Je n'ai voulu qu'indiquer l'extrème complexité H. BOUASSE — SUR LES DÉFORMATIONS DES SOLIDES 199 des phénomènes, mettre en garde les physiciens contre l’idée qu'on en pourra découvrir avant longtemps une théorie générale, et leur conseiller de s’en tenir pour le moment à des explications particulières. XII A mesure que l'on étudie d'une manière plus approfondie les phénomènes, les définitions admises comme des vérités au-dessus de toute discussion deviennent de plus en plus contestables. Je me suis appesanti dans mes Mémoires sur la difficulté, pour ne pas dire l'impossibilité actuelle, de trouver une définition des modules qui ait un sens expérimental. Prendre pour définition des modules d’élasticité la formule suivante : 1 dP ne ne où est la longueur, P la charge et s la section, ce n'est que résoudre la question en apparence. Outre que, pour les grandes déformations de corps tels que le caoutchouc, la formule perd toute significa- tion précise et prêle à des discussions sans fin, on obtient pour une même charge une infinité de valeurs de E, suivant la manière dont on impose cette charge. On peut faire varier de — © à + un coefficient qui devrait être caractéristique de la matière. On a proposé de définir E par des charges décrois- santes; cela ne diminue en rien l'indétermination. On peut tout en procédant par charges décrois- santes imposer à E, défini comme plus haut, une infinité de valeurs. J'ai proposé moi-même de définir le module comme la limite de ce que donne la formule précédente, pour de petits eyceles accomplis autour de la charge P, à mesure que le nombre des cycles croit. Mais j'ai démontré depuis qu'il y a fort à parier que le coefficient ainsi défini n'est pas celui qui caractérise véritablement la ma- tière au point de vue de son élasticité parfaite, et que Ja loi suivant laquelle les petits cycles sont parcourus intervient vraisemblablement sur leur forme et leurs dimensionslimites. Bref,ce que nous ignorons peut-être le plus actuellement, c'est com- ment tourner cette difficulté. J'en dirai, bien en- tendu, tout autant du module de torsion. XIII L'exposé qui précède a dû convaincre le lecteur qu'il faut des expériences précises, des raisonne- ments rigoureux et des distinctions que quelques- uns trouveront même subtiles, si l'on veut que la science des déformations sorle de l’état confus où elle gît actuellement. Or, l’analogie est un procédé dont il ne faut se servir qu'avec la plus extrême prudence ; il est vague de sa nature et bon tout au plus pour des questions à peine posées. Compa- raison n'est pas raison. Assurément, il est flalteur de se parer d'idées générales : on est philosophe à bon compte; reste à savoir si l'on fait de la besogne utile. On a voulu identifier dans leurs lois générales les déformations permanentes et l’aimantation. On trouve, dans les Mémoires de Wiedemann et dans la plupart des lraités classiques, un tableau d'où ressortirait une similitude absolue. Les analogies qui semblaient si frappantes à Wiedemann ne sont que de vagues ressemblances, qu'exagère encore notre ignorance. Comme il ne semble pas que l’en- goûment pour cette analogie diminue, je me vois contraint d'insister, et de montrer qu'elle se ramène à dire qu'il y a Lystérésis pour le magné- tisme et pour les déformations : nous avons vu au $ VI que vraiment c'était se contenter de peu. Qu'on se reporte au tableau susdit! : en voici le début. Torsion. — Les lorsions temporaires produites par des poids croissants sur un cylindre tordu pour la première fois augmentent d’abord plus vite que les poids. Magnétisme. — Les aimantalions temporaires d'un barreau soumis pour la première fois à l'ac- tion de courants croissants augmentent d'abord plus vite que les intensités de ces courants. Celte première analogie, et les autres sont d'égale valeur, contient une lourde erreur logique et n'est en définitive qu'un trompe l'œil. Tout d’abord, voici l'erreur logique. La torsion n'est pas homogène. Le fil tordu peut être considéré comme formé de tubes concentriques (voir le $ IV) emboités les uns dans les autres et qui, pendant la torsion, ne subissent pas les mêmes déformations. On à donc affaire à un phénomène complexe et rien ne dit que la loi de torsion, en fonction du couple résullant, soit celle qui régirait la Lorsion d'un tube creux infiniment mince, en fonction du couple élémentaire correspondant. Il n’en est plus de même pour le magnétisme; si le barreau cylin- drique est suffisamment allongé, il s’aimante éga- lement pour tous les cylindres élémentaires qui le composent. La différence des phénomènes comparés est donc telle que l’analogie est incorrecte : maïs l'analogie n'existe même pas si nous ne bornons pas notre parallèle aux petits champs On groupe les termes de manière suivante : Torsions, aimantations; couples, champs. Or, tout le monde sait que l’aimantation et aux petits couples. la comparaison de la 1 Jam et Boury: t. IV, 2° partie, p. 371. 130 tend vers une limite, alors qu'on peut supposer sans contradiclion que le champ croît indéfiniment ; donc la courbe d’aimantaltion tend vers une pseudo- asymptote parallèle à l'axe des champs. Tout le monde sait que le couple tend vers une limite, alors qu'on peut pousser la torsion jusqu'à des valeurs énormes; donc la courbe de première torsion tend vers une pseudo-asymplote parallèle à l'axe des torsions. En d'autres termes, tout le monde sait que l’une des courbes à un point d'inflexion et que l'autre n'en a pas. Jolie analogie que celle de deux courbes qui tournent d'abord leur concavité dans le même sens, puis tendent ensuite vers des asym- ptoles normales l’une sur l’autre! Si encore on pouvait répondre que l'analogie indiquée correspond au gros du phénomène! Mais l'inflexion sur la courbe d’aimantation correspond à des champs de l'ordre de quelques CGS, et l’on peut faire croître ces champs jusqu'à 40.000 unités. Ainsi l'analogie, absurde en bonne logique, n'est guère satisfaisante en pratique. Le reste du tableau vaut le commencement et ce serait perdre son temps que de pousser plus loin cette discussion. Mais, si les analogies ne valent pas grand’chose, il existe des différences essentielles entre les déformations et le magnétisme. D'aprèsles auteurs les plus sûrs, on peut ramener un morceau de fer à l'état neutre magnétique, c'est-à-dire lui reslituer intégralement les qualités qu'il possédait avant toute aimantation; ils s'accor- dent à dire que, pour ramener le barreau aimanté à l’état neutre, il faut le soumettre à des champs périodiques d'’intensilés décroissantes; les cycles se rapprochent de plus en plus de l’origine. Non seulement on parvient à faire passer la courbe tracée dans le plan champ-aimantation par l’origine des coordonnées, ce qui est possible d’une infinité de manières, mais on aboutit à celle origine {out en supprimant l'ellet des aimantalions et des désai- mantalions antérieures. Le métal est comme neuf. On obtiendrait les mêmes effets par un recuit con- venable. À Or, j'ai prouvé qu'il est impossible de ramener à son état inilial un métal qui a été modifié par des déformations permanentes, en n’employant que de nouvelles déformations, sans changement de tem- pérature. Il est impossible, en d’autres termes, de ramener le métal à l'état recuit par le seul moyen de déformations permanentes. Les transformalions imposées par les déformalions, transformations que nous avons englobées sous le terme général d'écrouissage, sont donc plus profondes et d’un autre ordre que les modifications auxquelles cor- respond le magnétisme. Certains auleurs semblent énoncer une proposi- tion contredisant la mienne; ils croient possible de H. BOUASSE — SUR LES DÉFORMATIONS DES SOLIDES ramener isothermiquement le corps déformé à l'état initial. Mais on s’apercoit vite, à la lecture de leurs Mémoires, qu'ils confondent l'aimantation nulle et l’état neutre. Ils ramènent le point figuratif de l'expérience au point de départ, à l’origine des coordonnées, mais pas du tout à l’état primitif. Je n'insiste pas: on trouvera la preuve complèle de ce que j’avane dans mes Mémoires. Récemment, cette même analogie entre les défor mations et le magnétisme a été invoquée sans plus de raison à propos des courbes de traction du 7 Alongements Fig. 2. — Courbes de traction du caoutchouc. caoutchouc. Elles sont connues depuis 1870 au moins, et données dans un Mémoire de Villari; on sait qu'elles présentent un point d'inflexion. La figure 2, tirée de mes expériences actuelles, faites en collaboration avec M. Carrière, montre qu'elles sont très analogues aux courbes classiques d'hys- térésis magnélique. Mais regardons-y de plus près: la conclusion sera bien différente. Tout d'abord, nous remarquerons que les courbes d'aimantation sont tracées à surface constante : le barreau, en effet, conserve sa section : pour les courbes de traclion du caoutchouc, la section est variable el sensiblement en raison inverse de la longueur, si nous admettons que le volume ne change pas (ce qui est exact à 2 ou 3 °/, près). Done, pour rendre les graphiques comparables, il faut dilater chaque absceisse proportionnellement à H. BOUASSE — SUR LES DÉFORMATIONS DES SOLIDES la longueur correspondante qui est indiquée en or- données. Pour que le nouveau graphique soit à peu près de même grandeur que le premier, on a contracté, dans le même rapport, les nouvelles abscisses, et de manière que les extrémités B des parcours coïncident. Le nouveau parcours obtenu est marqué en traits interrompus; 1] est logique- ment comparable avec la courbe d'aïmantation, mais m'a plus la moindre analogie. Le fameux point d'in- flexion a disparu. Je pourrais en rester là, mais je liens à montrer comment sont généralement faits ces rapproche- ments entre phénomènes différents : 1° J'ai eu beau feuilleter les livres donnant les courbes d'hys- térésis du fer doux; ils font tous correspondre le point d'inflexion E sur la courbe de retour à des champs négalifs; il correspond ici à des charges positives. 2% On sait que les cycles d'hystérésis, effectués entre champs égaux et de signes contraires, finissent par être symétriques par rapport à l'origine des coordonnées. Où est l’analogie avec le caoutchouc? 3° On sait combien peu la température agit sur les cycles d'aimantation. Or, des varialions relati- vement petites modifient considérablement la forme des phénomènes pour le caoutchouc. M. Carrière et moi étudierons ces questions dans un prochain Mémoire. % Enfin, la vitesse avec laquelle on impose les tractions à une influence telle qu'on peut faire en sorte que le retour suivant BC se fasse vers le haut, ce qui correspondrait, dans la fameuse analogie, à une aimantation croissante pour un champ décrois- sant. J'avoue ne pas avoir entendu parler de ce phénomène, ete. Je n'en finirais pas si je voulais tout dire. Si nous avions une théorie acceptable du magné- tisme, il pourrait être raisonnable de l'appliquer aux déformations permanentes. Mais on cherche à expliquer ce qui est obseur par ce qui n’est pas clair; surtout, on affecte de ne pas voir qu'il existe, dans les phénomènes présentés par les solides, des groupes absolument tranchés, et qu'il faudrait d'abord s'entendre sur lequel de ces groupes doit porter la comparaison. J'ai déjà dit et je répète qu'il n’est pas probable que l'hystérésis du caout- chouc soit comparable à l'hystérésis dans la torsion des métaux. XIN Aussi bien je crains fort que mes conseils restent lettre morte. Il parait si philosophique de tout con- fondre qu'on a comparé aux déformations perma- nentes des solides les phénomènes vitaux; mais c’est une histoire assez intéressante et qui mérite la peine qu'on insiste, 131 Voici d’abord une expérience autour de laquelle on a fait quelque bruit et qui ne nous apprend cependant rien de neuf. Supposons qu'un cylindre métallique ne soil pas homogène comme matière. On l’allonge: les parties les plus molles subissent les premnières une défor- mation. Du fait qu'elles se sont déformées, elles se sont transformées, elles sont devenues plus résis- tantes. Naturellement, aux points où ces défor- mations se sont produites, il y à étranglement, striclion. Après ce premier allongement, ramenons le barreau à une section uniforme, en le repassant au tour; puis tendons-le de manière à produire un nouvel allongement. Les points où se font les nouvelles strictions ne sont plus nécessairement aux points où se formaient les premières; il y à tendance à l'apparition de strictions aux points où antérieurement la déformation était faible et où, par conséquent, la matière n'a pas élé durcie. Si le premier allongement est poussé assez loin, le déplacement a effectivement lieu; s'il est petit, les strictions ne se déplacent pas sensiblement. Voila donc une expérieuce dont on interprète immédiatement le résultat général, et dont il serait extréèmement difficile de prévoir le détail dans chaque cas particulier, puisque ce détail dépend de la forme des courbes de traction de toutes les matières qui forment les différents éléments du cylindre. Il a suffi qu'on la présentät comme un exemple d'adaptation pour qu’elle ait eu les hon- neurs des revues littéraires. Or, c'est se payer de mots : il y aurait peut-être adaptation, si les parties du cylindre réagissaient les unes sur les autres, si leurs courbes de traction étaient modifiées par le voisinage d'éléments de propriétés différentes. Mais rien de tel ne se produit. En tous cas, l'inter- prétation de l'expérience n'exige pas une pareille hypothèse. S'imaginera-t-on de dire, par exemple, qu'il y a adaptation d’un filament de charbon de lampe à incandescence, nourri dans un hydrocar- bure, parce que ce sont les parties les plus minces qui profitent le mieux du nourrissage? Je veux bien que ce soient là des manières de parler, mais elles sont déplorables. Je concois que, pour embrasser un ensemble de phénomènes dont on n’a pas d'explication, on emploie un terme tel que le mot accommodation. Mais ici il n'ya rien de mysté- rieux; il suffit de regarder les courbes de traction pour se rendre compte du phénomène; quel profit tirons-nous des expressions imagées ? Voici un second exemple de cet anthropomor- phisme, de cette mythologie, qui projettent un grand nombre de nos contemporains dans des accès de mysticisme. On fait osciller un fil: tout le monde sait que les 132 oscillations s'amortissent ; Lord Kelvin prétend que, si le fil oscillelongtemps, l’amortissementaugmente, mais que le repos le ramène à sa valeur initiale. Tomlinson considère le fait comme douteux. Quoi qu'il en soit, c'est un phénomène ni plus ni moins intéressant qu'une multitude d’autres que je pour- rais citer, et qui prouvent que l’histoire antérieure du fil influe sur les phénomènes actuels. Il semble pourtant qu'il soit devenu capital, parce qu'on à dit qu'il y avait fatique d'élasticité; le fil se repo- serait et reprendrait une nouvelle vigueur. Ce terme : fatique d'élasticité est fort mal choisi; s’il y avail fatique d'élasticité, la durée d'oscillation aug- menterait. C'est fatique de cohésion qu'il faudrait | dire, ou fatigue de réactivité, ou... : au fond, personne ne sait ce qu’il faudrait dire, parce que le phénomème est loin d’être étudié avec précision. De toute manière, c’est une expression incorrecte; mais elle fait image, cela suffit : le phénomène, vrai ou faux, est devenu digne du grand public. Je ne suis pas, plus qu'un autre, l'ennemi des expressions imagées; mais je déplore que des mélaphores servent de passeport à des expériences insiqniliantes ou douteuses, et donnent à trop de gens l'illusion de comprendre. Je m'expose à être traité de mathématicien; si ce mot veut dire que je prise la précision el fais fi d'un succès facile, je m'en honore. NV Si l'étude des déformations est l’ensemble com- plexe des recherches minutieuses que je viens de décrire, avec quelle prudence ne devons-nous pas aborder l'étude des relations qui existent entre ces déformations et un autre phénomène, par exemple entre la résistivité et la torsion. Le problème peut se formuler en une ligne : On décrit, suivant une technique donnée, une courbe quelconque de tor- sion, avec des arrêts donnés, sous des charges P. CLERGET — L'EXPANSION COMMERCIALE DE L'ALGÉRIE : constantes ou variables données et à des tempéra- tures constantes et variables données; quelle est pas avec cette précision que le problème a géné: ralement été posé; aussi n'est-il pas résolu. Une trop petit pour produire une déformation permas nente, a-t-il quelque influence? L’écrouissage par déformation permanente produit une variation, cela n'est pas douteux. Mais existe-t-il des phénomènes analogues à la réactivité? En un mot, quels sont, parmi les groupes de phénomènes que nous avons distingués, ceux qui agissent sur la résistivité ? On voit quel intérêt offrirait cette étude systématique et quels renseignements nous en pourrions tirer sur la constitution de la matière. Je pourrais présenter les mêmes considéralions pour tout autre phénomène lié aux déformations des solides. | XVI La conclusion de cet exposé sera brève ; si nous voulons que l'élude des déformations sorte de lan voie sans issue où elle est engagée depuis si long- temps, il faut résolumentrompre avec des coutumes invélérées. Il faut perdre l'espoir de trouver en quelques mois ou quelques années une solution aux multiples questions qui sont posées; il faut, sans idées préconçues, avec patience, faire des expériences correctes, précises, où tout soit défini. Je crois que les physiciens en quête de découvertes retentissantes feront bien de chercher un autre sujet d'étude. H. Bouasse, Professeur de Physique à la Faculté des Sciences de l'Université de Toulouse. L'ESPRIT SCIENTIFIQUE DANS L'EXPANSION COMMERCIALE DE L'ALGÉRIE Il y aura bientôt trois quarts de siècle que nous avons pris possession de notre grande colonie afri- caine. Et si l’on tient compte des difficuliés spé- ciales que présentait l’entreprise, la France peut être, à beaucoup d'égards, fière de son œuvre. L'Algérie n'était point, en effet, une terre presque inhabitée, comme le furent à l’origine l'Amérique du Nord ou l’Australasie ; elle n’était pas davantage un pays entièrement occupé par une population pai- sible et sédentaire comme sont encore les Indes, « Ceylan ou Java; son cas était unique : nous allions nous heurter à chaque instant, et toujours davan- tage, à l'irrédentisme religieux d’une race intelli- gente el guerrière. La lenteur des premières années se justifie facilement. Alger conquis, on hésita d’abord à conserver la ville. On se cantonna en- suite à l’intérieur du fameux fossé d'enceinte, ouvert à travers la Mitidja, et dont les limites P. CLERGET — L'EXPANSION COMMERCIALE DE L'ALGÉRIE furent rapidement dépassées. L'occupation s’em- para entièrement du Tell, auquel le maréchal Ran- don rattacha Ouargla, et M. Tirman, bien plus tard, le pays du M'zab. C'est après la Convention Tagceau |. — Extension des cultures. DÉSIGNATION 1898 191. 00% Ha .059 7.590 12.286 Blé tendre. . Blé “dure... Orge . Avoine . Mais . Vigne. . franco-anglaise du 5 avril 1890 que M. Cambon poussa activement l’œuvre de la pénétration saha- rienne, en établissant les forts Mac-Mahon, Inifel et Miribel. Enfin, en 1899, notre drapeau flottait sur les oasis du Tidikelt, du Gourara et du Touat, déplaçant ainsi de plus de 10° vers le Sud, du 37° TaBLeau II. — Développement des voies de communication. DÉSIGNATION 1870 1898 Routes nationales. , . 1.710 km. 2.983 km Autres routes. , 4.000 — 27.696 — Voies ferrées . EM AME 395 — 3.053 — Tonnage de la naviga- tion dans les ports .! 1.276.260 tonn. | 3.550.000 tonn. au 27°, les bornes de notre meilleur domaine colo- nial”. En même temps que la surface s'étendait, l’agri- culture transformait le sol, « détérioré, déferlilisé » TABLEAU IV. 133 mouvement commercial. Et sur celle terre, « qui dévorait plus qu’elle ne produisait », la population n’a pas cessé de s'accroitre dans une proportion qui égale celle des pays d'Europe les plus favo- risés à cet égard (Tableaux I à IV)° Parallèlement au développement économique et à l'accroissement de la populalion, une évolution heureuse s'accomplit dans les méthodes de gouver- nement et d'administration de l'Algérie. On aban- donne une double assimilation, reconnue enfin impossible : celle des Arabes avec notre civilisa- tion ?, et celle de la colonie avec la métropole. Cette dernière, qui avait fait appliquer à l'Algérie — Développement du commerce extérieur. Tasceau II. ANNÉES ANNÉES CHIFFRES CHIFFRES 241 698 897 000 Ste 999; 311: 138. 545 1895 56 606. 580. 1898 1901 le ridicule système des « raltachements », ne ces- sera entièrement que par la disparition des dépar- tements, — selon le vœu des Délégations finan- cières, — suivie de la suppression de leurs députés et sénateurs. Les pouvoirs du Gouverneur général s'élargissent de plus en plus, en attendant la créa- tion d'une Assemblée coloniale, représentation des intérêts économiques du pays. Déjà la loi du 19 décembre 1900 a inslitué un budget spécial, discuté et préparé par les Délégations financières, et qui, depuis 1901, cesse d'être compris dans le budget de l'État français. Une Direction des Tra- vaux publics et une Direction du Commerce et de — Accroissement de la population. NATIONALITÉS LS86 Francais et naturalisés. Israélites indigènes. . Indigènes Marocains et Tunisiens. Etrangers Total. . 1896 1901 .072 96. 266 219.! rs par le long séjour d’un peuple inactif; on aména- geait les forêts; on utilisait l’alfa; le fer et les phosphates étaient exploités; les voies de commu- nication se développaient ; les inslitutions de crédit prenaient la même extension réjouissante que le 4 Cf. J. CAZENAVE Mustapha, 1900. : La Colonisation en Algérie, Alger- mars 1902, on l'Agriculture ont été fondées. Le 31 a créé, dans chaque département, des chambres 1 Cf. : GOUVERNEMENT GÉNÉRAL DE L'ALGÉRIE : Exposé de la situation générale de l'Algérie. Alger-Mustapha; publica- tion annuelle qui forme la principale source pour l'étude économique de la colonie. — M. Wauz : L'Algérie, 3 édit., Paris, 1897. Une nouvelle édition de cet ouvrage vient de paraître, entièrement revue par M. A. Bernard. ? Au XXIIIe Congrès géographique français, tenu à Oran, 134 P. CLERGET — L'EXPANSION COMMERCIALE DE L'ALGÉRIE d'agriculture qui présenteront au Gouverneur géné- ral, en mai et novembre, leurs vues sur toutes les questions qui intéressent l’agriculture, réforme parfaitement en harmonie avec le caractère sur- tout agricole de la production algérienne, et très opportune après la crise qui vient de frapper l’ex- portation des vins. Le nouvel emprunt de 50 mil- lions, accordé par le Parlement en avril 1902, est réparti sur cinq années et destiné à la création des centres de colonisation, au reboisement, à l'agran- dissement des ports, à la construction de routes, voies ferrées et travaux hydrauliques. C'est qu'en effet, depuis dix ans, les travaux publics, outil- lage indispensable d'une colonie, étaient par trop négligés, et principalement l'œuvre de l'irriga- tion, capitale dans un pays qui, suivant l'heureuse expression de Jules Duval, a besoin par-dessus tout d'une « polilique hydraulique ‘ ». Nous voudrions, dans les pages qui vont suivre, relever scientifiquement les faits sur lesquels repose la vie économique de l'Algérie, et que notre politique a le devoir de considérer pour aider au développement commercial de notre belle et plus ancienne colonie d'Afrique. Le territoire algérien colonisable est compris entre deux limites très différentes : d’une part, la Méditerranée, qui régularise le climat, et, d'autre part, le Sahara, dont l'atmosphère est tour à tour brülante el froide. Aussi bien, trouve-t-on dans ce pays les climats les plus divers, d'autant plus que la surface du sol est des plus tourmentées. On peut distinguer une zone marine, relalivement chaude et humide, une zone montagneuse tem- pérée, une zone de hautes terres, avec des tempé- ralures extrèmes très marquées, et, enfin, une zone désertique ou saharienne, où la pluie est très rare, l'air sec et souvent brülant. La dominante de ces climats est la sécheresse, commune aux pays mé- diterranéens ; c'est pourquoi l'irrigation y tient une place prépondérante. D'autre part, l'Algérie appar- tient à l'Europe et non à l'Afrique. L'Atlas, la grande chaine qui traverse le pays de l'Ouest à l'Est, et dont les plissements sont analogues à en 1902, l'agha Mohammed ben Rahal, a fort bien exposé la cçuestion. « L'assimilation, a-t-il dit en substance, sera Lou- jours impossible. Nous avons un passé trop ancien et trop grand, une histoire trop glorieuse, une religion à laquelle nous sommes trop attachés pour pouvoir y renoncer. Il nous faut marcher côte à côte, en cherchant de bonne foi à vivre en paix les uns avec les autres, dans l'intérèt de la prospérité et du développement de l'Algérie, chacun de nous gardant la mentalité qui lui est propre ». ! Sur toute la question des irrigations, cf. le savant ouvrage de M. Brunues : L’Irrigation dans la Péninsule ibérique et dans l'Afrique du Nord, in-#, Paris, 1902. d'hui. » ceux de l’Apennin, s'est simplement séparé des Alpes par un effondrement dans l'axe de la Médis terranée. Ainsi le climat, le relief et la flore l'Algérie se rattachent à l'Europe méridionale par leur caractère méditerranéen‘. Ces faits scientifiques constatés, quelles sont les productions agricoles que notre colonie devra dé velopper de préférence en vue de l'exportation Ce seront évidemment celles qu'exploite l'Europe méridionale, et, à cel égard, on ne saurait trop dissiper les illusions de ceux qui croient encore que l'Algérie est propice aux cultures coloniales telles que caféier, cacaoyer, canne à sucre, coton: nier, ele. Cette dernière plante, assez robuste pours tant, n'a jamais donné des résultats économiques: elle traverse difficilement une année entière, et & fructification annuelle est souvent compromise par des pluies automnales et des froids précoces” D'autre part, étant donnée la diversité des climats il ne faut pas que l'Algérie se borne à un petit nombre de cultures. La loi de sa production agri: cole doit être la variété”. Il faut aussi, d'une ma nière générale, substituer, parlout où cela est po sible, la culture intensive à la culture extensive qui a dominé jusqu'à ce jour, améliorer les mé thodes, introduire des espèces nouvelles, perfee tionner l'outillage, assainir certaines zones et sur tout entreprendre tous les travaux d’hydraulique agricole nécessaires. Cette amélioration des rende ments s'impose, non seulement pour accroitre les exportations, mais encore pour subvenir aux be: soins de la population indigène que l’on exproprie à mesure qu'elle augmente. Si nous partons des forêts pour aboutir à l’éle vage, en passant par les cultures alimentaires et industrielles, le premier produit d'exportalion que l'Algérie doit développer, c'est le liège. Le chênes qui le porte, est un des arbres les plus caracté ristiques de la région méditerranéenne occiden tale. On ne le trouve sérieusement exploité qu'en Espagne, Portugal, France, Italie, Tunisie, Algérie! 1 Cf. A. Berxaep et E. Froneur : Les régions naturelles de l'Algérie. Annales de Géographie, mai, juillet, novembre 1902. ? Au moment de la guerre de Sécession, pendant la sup pression du marché américain, la production cotonnière de l'Algérie s'éleva jusqu'à 8 ou 9.000 quintaux. Mais la déca* dence fut rapide. Pour quelques agriculteurs, l'expérience serait à refaire en empruntant, cette fois, des variétés d Turkestan ou d'Égypte. | 5 « Le cultivateur algérien, a dit M. Jonnart à la Chambres des Députés (décembre 1903), a compris que la culture de la vigne ne devait pas absorber tous ses efforts, ni l'inté gralité de ses capitaux: que son intérêt étail de développer la culture des céréales, la culture des primeurs, les culs tures arbustives qui débutent et qui ont un si large aveni en Algérie, et aussi l'élevage des troupeaux, de facon à assurer à la production algérienne une variété et, par cons séquent, un équilibre qui lui font encore défaut aujour P. CLERGET — L'EXPANSION COMMERCIALE DE L'ALGÉRIE et Maroc. Le liège algérien, dont la qualité pour- rait sans doute être améliorée, à moins que son infériorité ne fût l'effet du climat, à beaucoup d'avenir devant lui‘. Il en est de même de l’a/fa, que l'Angleterre emploie dans la fabrication du papier et qui couvre une partie de la zone des hautes terres, principalement dans la province d'Oran. Le papier d’alfa est souple, soyeux, résis- tant, transparent, d’une grande pureté. Il convient très bien pour les édilions de luxe, les belles gra- vures. Ces qualités suffisent pour atlirer l'atten- tion sur l'importance de cette graminée, commune aux régions sèches de l'Espagne et de toute la Berbérie, jusqu'à la Tripolitaine”. La culture des céréales forme la base de l’agri- culture algérienne. Elle satisfait aux besoins de la population et alimente, en outre, un commerce d'ex- portation qui est certainement appelé à grandir, surtout en ce qui concerne le blé dur, l'orge et le maïs. Le blé dur, par sa forte teneur en gluten, est particulièrement recherché pour la fabrication des pâtes et des semoules; de plus, les sortes algé- riennes viennent au second rang des blés du monde, immédiatement après ceux de Russie. Notre colonie, qui possède, en abondance, le phos- phalte de chaux, l’engrais par excellence des céréales, peut arriver facilement à doubler sa pro- duction, sans craindre la redoutable mévente qui frappe les vins depuis plusieurs années”. La vigne occupe la deuxième place dans les cul- tures. Elle produit, en moyenne, de 4 à 5 millions d'hectolitres de vin, dont la grande majorité doit être exportée, puisque les Arabes n'en consom- ment pas. Jusqu'en 1900, ce produit formait à lui seul le cinquième de la valeur du commerce total, importations et exportations comprises. On sai- sira ainsi le trouble occasionné par la crise ac- tuelle et l'importance d'en rechercher le remède. Il semble d’abord que là, comme dans notre Midi, on a trop recherché la quantilé, el souvent aux dépens de la qualité, alors que, la production ne cessant d'augmenter à peu près partout, il eût fallu faire l'inverse. De plus, étant donnée la température du pays, une solution heureuse serait sans doute celle que proposait récemment un chimiste œno- logue, M. Roques, et dont voici les conclusions : « Je ne veux pas exagérer l'importance des résul- tats que les viticulteurs algériens obtiendraient et 1 Cf. : H. Lereevre : Les forêts de l'Algérie, Alger-Mus- tapha, 1900. — GOUVERNEMENT GÉNÉRAL DE L'ALGÉRIE : Notices sur les forêts domaniales. Chénes-liège et cèdres, Alger, 1894. ; 2 Cf. J. BarranoieR et L. Tragur : L'Algérie, le sol et les habitants, Paris, 1898, p. 120-140. 8 Cf. H. Leco : L’Agriculture algérienne. Ses productions. Alger-Mustapha, 1900. — J. VarLer : Les céréales d'Algé- rie, id. — Cu. Rivière et H. LecQ : Manuel pratique de l'agri- culteur algérien, Paris, 1900. DES 2) leur dire : Vous pouvez, en calquant les procédés de vinification employés en Espagne, en Portugal, en Ilalie, préparer des xérès, des malagas, des madères, des portos. des marsalas, ete., et con- currencer les vins de liqueur de ces pays. Une telle concurrence ne s'improvise pas. Ceux qui connaissent les chais de Xérès ou ceux de Porto savent quelles richesses ils renferment; il y a là des stocks de vins vieux d’une grande valeur qui sont d'une ressource inestimable pour la prépara- tion de divers types de vins que le commerce d'ex- portation demande. C'est gräce à ces stocks pré- cieux que ces régions ont pu acquérir et conserver la renommée de leurs vins; de même que c'est gràce aux stocks de vieilles eaux-de-vie accu- mulés dans ses chais que Cognac a pu supporter la crise phylloxérique et maintenir sa vieille et légi- time réputation. De ce qu'on ne peut avoir la prétention de faire ces vins de liqueur de premier ordre, il ne s'ensuit pas qu'il y ait lieu d’aban- donner toutes les tentatives dans cette L'Algérie et la Tunisie peuvent prétendre à faire de pons vins de liqueur. Réussiront-elles mieux en cherchant à faire des vins genre madère, ou genre porto, ou genre malaga? C'est ce que l'avenir nous apprendra si nos viliculteurs se mettent à l'œuvre». La réserve de M. Roques inspire plutôt confiance. Quant au reste, les viticulteurs seraient bien inspi- rés en pratiquant davantage l’association, sous la forme de ces syndicats de vente dont nous parle- rons plus loin *. Le climat de l'Algérie, si favorable à la vigne, convient pareillement aux arbres fruitiers, qui sont une des richesses de l'Espagne et de l'Ialie*. Figuiers, orangers, citronniers, oliviers, carou- biers, chasselas de Fontainebleau, réussissent à merveille et donnent des produits de qualité supé- rieure. Il en est de même des deux millions de pal- miers que se parlagent les oasis du Sud. Les dattes de l’oued Rir, el spécialement la variété de- glet nour, peuvent rivaliser, comme finesse et saveur, avec celles des meilleures provenances. La Société agricole et industrielle du Sud algérien en a même tiré une eau-de-vie de bonne qualité, et ses essais de cultures polagères, asperges voie. el ! Cité par le Bulletin de lOffice des renseignements généraux et de colonisation du Gouvernement général de l'Algérie, 15 août 1902. ? Cf. J. Ducasr : Les vins d'Algérie, Alger-Mustapha. 1900. — J. Bertrano : La viticulture et la vinilication en Algérie, id. — NV. Pucrrar : Les vignobles d'Algérie, Paris, 1898. # Dans certaines régions, comme la plaine du Chéliff, les cultures fruitières forment le meilleur remède aux séche- resses et aux mauvaises récolles de céréales, parce qu'elles vont chercher dans le sol des réserves d'humidité et qu'elles agissent sur le climat lui-mème en empêchant l'échauite- ment de la terre. 136 P. CLERGET — L’EXPANSION COMMERCIALE DE L'ALGÉRIE piments, à l'ombre des palmiers, ontfortbien réussi. Les cullures maraïchères, comme les cullures fruitières, n'exigeant que de faibles capitaux, offrent au colon peu fortuné de grandes chances de réussite, surtout dans lazone marine et à proxi- milé des ports d'embarquement. L'exportation des primeurs, petits pois, haricots verts, artichauts, pommes de terre, tomates, asperges, etc., ne fait que croître. Le port d'Oran, à lui seul, en a exporté % millions et demi de kilogs du 1° juillet 1901 au 1°° juillet 1902. Quelques cultures industrielles ont sgalement les plus grandes chances d'avenir. Tel est le cas du tabac, surtout dans les qualités supé- rieures, et des plantes à essence : géranium, euca- lyptus, menthe. La culture du /in, principalement en vue de la graine, et celle du mürier pourraient ètre reprises et développées avantageusement. D'autres, comme celles de la ramie, des agaves!, — pour leur erin, — de certaines plantes à tannin, comme le sumac, du maté”, trouveraient des dé- bouchés certains *. Au point de vue de l'élevage, le climat algérien ne convient guère qu'au petit bétail, qui prend le lroisième rang dans les exportations, après le vin et les céréales. Les hautes terres, surtout, pos- sèdent de grandes étendues de lerrains, dont le mouton seul peut tirer parti. Aussi bien, faut-il veiller que, dans les steppes, la colonisation, en entravant la transhumance par l'occupation des meilleures terres et des points d’eau, ne provoque un trouble profond dans le fonctionnement ration- nel du système pastoral, en nuisant à l'élevage du mouton, véritable richesse de ces régions, pour le remplacer par des cultures très aléatoires et très limitées. Or, étant donné que lout ce bélail est exporté en France, qui est encore malgré cela tri- butaire de l’étranger, aussi bien pour la laine que pour la viande, on peut en conclure que l'Algérie ne saurait assez développer cette branche agricole à laquelle elle est si bien adaptée‘. Enfin, grâce à ses 1.100 kilomètres de côtes, remarquables par la richesse de leur faune ichthyo- logique”, l'Algérie pourrait relirer beaucoup plus 1 Cf. Dr Trasur : Le crin de Tampico el la culture des agaves en Algérie, dans la Revue générale des Sciences, 15 mars 1901. 2 D'après des études déjà anciennes de M. Mussat, profes- seur à l'Ecole de Grignon, le maté, produit jusqu'ici par le Paraguay et le Brésil, et qui va être introduit dans les pos- sessions allemandes de l'Afrique, pourrait être cultivé dans la province d'Oran, où il rencontrerait des conditions mé- téorologiques et géologiques favorables. 3 Cf. C. Rivière : Les cultures industrielles en Algérie, Alger-Mustapha, 1900. — P. Gros : Plantes à parfum, id. — J. BaTraNDIER : Plantes médicinales, id. 4 Cf. Courur : Espèce ovine, laines et industrie lainière, Alser-Mustapha, 1900. — GOUVERNEMENT GÉNÉRAL DE L'AL- GÉRIE : Le pays du mouton, Alger, 1893. 5 Dans un Rapport adressé, en 1890, au ministre de la de la pêche maritime par l'installation de fabriques de conserves, par la reprise de la pêche du corail presque complèlement abandonnée de nos jours par une large augmentation, du personnel néces? saire et nolamment par l'emploi des indigènes Si les premiers essais n'ont pas élé heureux, nt doute, longtemps encore, à l'âge de l’agricultur Mais, si les grandes industries de transformation lui sont interdites”, à de rares exceplions près, il Marine, M. Bouchon-Brandely, inspecteur général des pêches maritimes, s'exprimait ainsi sur la richesse de la faunt ichtyologique algéro-tunisienne : 4 La faune marine de ces eaux est analogue à celle de notre littoral méditerranéen, mais combien n'est-elle pas plus riche en individus! L'allache, l'anchois, la sardine s'y mon trent à toute époque de l'année, et, par moments, en bandes innombrables: on les pêche sans appät jusque dans We fond des ports, et il n’est pas rare de voir les barques revenir chargées jusqu'aux plats bords, leurs filets rompus sous le fardeau des prises. Les migrations des thons s produisent sur nombre de points; certaines madragues en capturent huit, dix et douze mille durant leurs deux moi de pêche. Les merlans, les homards, les langoustes y atteë gnent une taille inconnue sur les plages de l'Océan. On fail là, en un mot, de véritables pêches miraculeuses. » Depuis cette époque, on a constaté une notable augmerms tation de toutes les espèces migratrices ; il est vrai que là sardine à disparu presque complètement de certains parages pendant quelques années, spécialement du littoral oranaisi mais, par contre, elle s'est montrée en quantités considé rables, en bancs compacts, surtout depuis trois ans, sur là côte est de l'Algérie et sur la côte nord de la Tunisie. dernière campagne (1903), a été des plus fructueuses pêcheurs et saleurs, installés dans les baies de Bougie, Djidjelli, de Collo et de Stora, ont fait des affaires d'or, @l dans le seul petit port de Mahdia (Tunisie), du 15 mai al 25 juin, 151 barques, montées par 906 picheurs, ont pris chaque jour, en moyenne, 20.000 kilogs de sardines, d'une valeur de 18 fr. 50 les 100 kilogs. 1 Une nouvelle réglementation, rationnelle et prévoyante a divisé le littoral algérien en trois zones, dans chacune des quelles la pèche du corail est alternalivement ouverte pen dant cinq années consécutives, tandis qu'elle est interdi pendant la même période dans les deux autres. Ce dé assurera la repousse du corail et permettra aux nouvelles branches d'atteindre un développement suffisant pour avoil une valeur marchande rémunératrice. À 2 Cf. Iuserr: Vote sur les services maritimes de l'Algérie Alger-Mustapha, 1900. — H. Garnor : La colonisation mark time en Algérie, Alger, 1900. — P. LayrLe : La colonisatiof maritime en Algérie, et BaoN D'ORGEvAL : La pêche en AE gérie, dans les Comptes rendus du Congrès internationäi des pêches maritimes, tenu à Dieppe, en 1898. Paris, 1900 M. Jonnart et M. Pichon ont confié, l'an dernier, à M. E. Violard, une mission visant ce double but : 19 Pouss ser les fabricants de conserves de poissons migrateurs à venir s'installer sur le littoral nord-africain; 2° Engage les pêcheurs bretons à s'établir à proximité des usines algériennes. : 3 1] faut cependant mentionner et encourager, au point dé vue de l'exportation, les manufactures de tabac, dont queË ques-unes sont réputées à l'Étranger, les moulins à huil@ répandus surtout en Kabylie, les minoteries, les distilleri les fabriques de crin végétal, les sparteries, et enfin les induss tries d'art indigènes que l'on s'efforce de relever de leur P. CLERGET — L'EXPANSION COMMERCIALE DE L'ALGÉRIE 137 n'en est pas de même de l'extraction de certaines richesses naturelles, comme le sel, les phosphates et le fer, et, pour une moindre importance, le zine, le plomb et le cuivre. L'Algérie doit ici profiter le plus possible de ses avantages, et notamment du bon marché de la main-d'œuvre, pour exploiter des matières qui ont un débouché assuré dans l'agri- eulture et l'industrie européennes. Alors que nos hauts-fourneaux manquent de fer, le minerai algé- rien s'en va en Allemagne, en Angleterre, aux États-Unis même, qui savent apprécier sa pureté et sa forte leneur en métal. Avec les réserves acluelles de phosphates et les espérances que l'on fonde sur les nouveaux gisements de fer du Djebel-Ouenza, évalués par le Service des Mines algérien à 100 millions de tonnes’, l'Algérie a devant elle, dans cette voie, les plus belles chances d'avenir”. Il Nous venons de passer sommairement en revue les produits capables d'alimenter l’exportation de notre colonie de l'Afrique du Nord, et nous avons insisté principalement sur ceux qui (rouveraient le plus facilement des débouchés, puisque là est l’ob- jet essentiel de notre étude. Mais nous n'avons guère considéré que les aptitudes du sol et du climat La production exige un autre facteur : l'in- digène et surtout le colon. L'indigène, Arabe ou Kabyle, est bien, en effet, malgré ses méthodes pri- mitives, le grand cultivateur et plus encore le grand éleveur; mais, au point de vue direct de l’exporta- tion, il ne joue aucun rôle. Cette fonction incombe entièrement au colon. Voilà pourquoi l'immigration européenne a une place importante dans la ques- tion qui nous occupe. Cette question a passé par bien des phases, que M. H. Pensa esquisse en ces termes : « Colonisation par la création de villages militaires, ainsi que l’imagina le maréchal Bugeaud, colonisation par l'attribution gratuite de lots de terre, colonisation par l’adduction d'ouvriers des villes, comme celle qui, en 1848, amenait à Alger près de 10.000 colons, colonisation par l'intermé- diaire de grandes compagnies financières comme décadence. Cf, l'intéressante brochure de M. E. VioLraR» : Les industries d'art indigènes en Algérie, Alser, 1902. 1 Cf. L. pe Launay : Le Djebel Ouenza et les minerais de fer de la frontière tunisienne, dans la Nature, 16 août 1902: et l'article du même auteur dans la Revue générale des Sciences du 30 novembre 1902. Cf. SERVICE DES MINES : Votice minéralogique, Alger-Mus- tapha, 1900. — L. Pecaran : Les richesses minérales des colo- nies françaises, Paris, 1901. — MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS : Statistique de l’industrie minérale en France et en Algérie, Paris, 1901. — An. CarNor : Les phosphates de chaux, dans le Bulletin de la Société de Géographie et d'Ar- chéologie d'Oran, t. XVIII, 1898. L'auteur évalue les gise- ments de phosphales, commercialement exploitables en Algérie et Tunisie, à 500 millions de tonnes. l'attribution de 100.000 hectares, en 1866, à une Compagnie genevoise, colonisation par la vente des forêts séquestrées cu par la création administra- tive de villages : les entreprises coloniales les plus diverses furent également tentées!. » L'expérience ne nous aura done pas manqué, Aussi bien, M. Re- voil, continuant l'œuvre que vient de reprendre son prédécesseur et successeur, M. Jonnart, donnait à la colonisation l'impulsion qu'elle attendait depuis de longues années. Sur les 50 millions de l'emprunt précité, 12.900.000 francs lui seront consacrés dans le but, soit d'améliorer les centres anciens, soit de créer des centres dès maintenant étudiés, ou d'étendre la colonisation dans des régions nouvelles. « Par une série de villages nouveaux, écrit Le Temps, on va rejoindre la région de colonisation du plateau de Médéah à celle de la plaine du Chélif, continuer la pénétration dans l’intéressante région du Dahra et dans la région forestière du Telagh et aborder, à la fois aux environs de Batna, dans la province de Constantine, sur le plateau du Sersou, dans la province d'Alger, et dans la plaine des Maalifs, dans la province d'Oran, des régions nou- velles. Car c'est une sorte de découverte que l'ini- tiative privée a faite en ces dernières années que l'Algérie colonisable est plus profonde que l’on ne croyait et que des parties des hauts plateaux, délaissées autrefois, offrent d'excellentes terres à blé, où l’on retrouve un climat et des conditions culturales qui rappellent de près la France. Dans le Sersou, notamment, la colonisation officielle ne fera que suivre la colonisation libre qui y a péné- tré depuis quelques années et qui y prospère. L’Ad- ministration compte se procurer ainsi 1.220lots à donner en concessions gratuites ou à vendre, ce qui permettra d'installer plusieurs milliers de Français. Ce résultat fera un heureux contraste avec celui des années précédentes. » Il faut, en effet, se féliciter du large essai qui sera fait du sys- tème de la vente, mais il est à souhaiter qu’en cette matière on annule la disposition du décret de 1878 qui ne permet que la vente aux enchères, pour la remplacer par la vente à bureaux ouverts, seule pratique?. De plus, imitant en cela l'exemple qui a si bien réussi à la Tunisie, l'Administration, en bonne commercante, s'est mise à faire de la publicité en faveur de ses terres. Une affiche et 1 L'Algérie. Voyage de la délégation de la Commission sénatoriale d'étude des questions algériennes, Paris, 189%, 2 Cf. Rourre : Les Colons de l'Algérie, dans la Revue des Deux Mondes, 15 septembre et 15 octobre 1901. — J. CHAILLEY- Bert : Dix années de politique coloniale, Paris, 1902. — J. CAZENAYE : La colonisation en Algérie, op. cit. — Bulle- tin bimensuel publié par l'Office de renseignements géné- raux et de colonisation, ouvert à Paris par le Gouvernement général de l'Algérie, et qui s'occupe notamment « de signaler les débouchés ouverts en France et à l'Etranger aux pro- duits algériens ». 158 P. CLERGET — L'EXPANSION COMMERCIALE DE L'ALGÉRIE une petite brochure ont élé composées. L'affiche, qui porte une carte très claire, une notice sur les villages à créer et l'exposé des conditions à rem- plir pour obtenir une concession, doit être répan- due dans toute la France et aucun village ne sau- rait être oublié. La brochure, qui contient les mêmes renseignements, mais avec beaucoup plus de détails, est envoyée à quiconque en fait la demande. | ITT Produire abondamment l'objet convenable ne suffit pas : il est ensuite nécessaire de le transporter que des compléments, des parachèvements d’un outillage ancien. Ce n’est pas le cas dans les régions nouvelles de l'Algérie, où il s’agit, au contraire, de créer les premiers éléments de cet outillage. Les besoins sont nombreux et les ressources limitées# il est préférable de donner, au plus grand nombre possible, une satisfaction même moins complète plutôt que de limiter le nombre des participants en assurant, aux plus favorisés seulement, une solution plus parfaite. Plus tard, à mesure que les ressources de la colonie se développeront, on per- fectionnera, on reconstruira au besoin sur des plans définitifs, certains ouvrages édifiés pour ŸMédéa Berrouaghia/ Tiaret $ & 2 C. Zahrez Chott nn TA ) R:,4F64] = Chott el Hodna Bi ae a Chott Chemins de fer en exploitation. 7 ne ===)... construction Fig. 1. — Carte economique de l'Algérie. facilement à la mer ou vers la frontière et de lui trouver ‘des débouchés. La question des voies de communication est donc la première qui se pré- sente à nous. Et, avant d'entrer dans le détail, il faut attirer l'attention sur un principe général qui doit présider à l'établissement des travaux publics, à savoir l’é- conomie la plus stricte et la diffusion la plus large. S'il n'en a pas été toujours ainsi, si l'on à voulu souvent « tout faire comme en France et briller en exécutant de beaux travaux », ce temps est passé. M. Revoil, dans une circulaire en date du 28 juil- 1et1902, parlant de l’utilisation du dernier emprunt, écrit très justement : « Des ouvrages perfectionnés peuvent être justifiés dans un pays où les besoins les plus pressants sont déjà satisfaits et où ces travaux nouveaux ne constituent, en quelque sorte, répondre aux exigences du moment. On aura ainsi sagement proportionné les dépenses aux ressources, de chaque époque, et cela pour le plus grand bien: du pays ». 4 La longueur totale des routes algériennes était, en 1899, de 2.923 kilomètres pour les routes nationales, et 8.129 kilomètres pour les routes départementales, chemins de grande communica= tion et chemins d'intérêt commun. Leur dévelop- pement ne s'arrête pas, puisqu'en 1902-1903 3.800.000 francs seront consacrés à leur entretien ou à la construction de nouveaux tracés. Certaines défectuosités, dues à l'établissement au point de vue stratégique ou à l'insuffisance des études, n’empêchent point que l'ensemble soit générale- ment satisfaisant. La fréquentation des routes. algériennes est presque double de celle des routes P. CLERGET — L'EXPANSION COMMERCIALE DE L'ALGÉRIE 139 françaises, et, si l’on tient compte de ce fait que, par suite des conditions climatériques, chaleur et sécheresses persistantes surtout, elles présentent souvent peu de résistance, on comprendra que leur entretien soit difficile et coûteux". En France, le lonnage kilométrique total des routes nalionales, en 1894, a été moins de dix fois celui de l'Algérie, alors que la longueur totale du réseau dépasse quinze fois celle du réseau algérien. Ces chiffres montrent éloquemment la part importante et presque anormale que prennent les routes dans le trafic de notre colonie. Cela tient à deux causes : la première, c'est que l'indigène utilise surtout cette voie, et la seconde vient des conditions défectueuses dans lesquelles sont exploités les chemins de fer algériens et qui font que, par raison d'économie, le public préfère continuer à aller en diligence, comme cela se voit entre Bel-Abbès et Oran, Alger et Tizi-Ouzou, Constantine et Philippeville. Cependant, la route est insuffisante. C'est la vore ferrée qui augmente la sécurité, accroit la fortune publique, contribue à la mise en valeur du sol, tel un « véritable fleuve colonisateur qui charrie les colons et les dépose sur ses berges ? ». Au 31 mars 1900, l'Algérie possédait 2.906 kilo- mètres de voies ferrées, appartenant à six Com- pagnies. C’est peu comme longueur, — bien que la proportion, calculée par habitant, soit plus réjouis- sante et qu'il faille tenir compte des difficultés du relief, — mais c'est peu, étant donné que le cabotage ne rend guère de service aux communications el qu'aucune rivière n’est navigable ou flottable, et, par contre, c'est beaucoup comme nombre de Compagnies. Nous touchons ici à l’un des graves reproches que l’on adresse aux chemins de fer algériens : le manque de liaison et d'unité dans ! Aussi, est-ce en Algérie, dans le département d'Oran, que les premiers essais de pétrolage des routes ont été tentés. Les résultats satisfaisants, obtenus là-bas comme ailleurs, permettront sans doute à cette pratique de se généraliser. Ce rôle de premier ordre du chemin de fer est fort bien mis en lumière par les lignes suivantes de M. G. Hanotaux : « Ce qui parait évident, si peu que l’on séjourne en Algérie, c'est que le grand ouvrier de ces diverses tâches, le collabo- rateur le plus puissant de la civilisation, le conquérant, le pacificateur par excellence, c'est le chemin de fer. Par le chemin de fer, on assurera tout à la fois l'ordre, la richesse et la pénétration. Toutes les questions algériennes se perdent dans la question des chemins de fer, comme les fleuves dans la mer. Si, du jour au lendemain, cette terre était couverte du réseau qu'il est facile de réver, elle serait transformée comme par un coup de baguette : elle ferait de la France non seulement une « plus gr une « plus belle France ». Des terres admirables sont encore désertes : c'est que le travail humain ne saurait les aborder; des récoltes magnifiques ne se vendent pas : c'est que les conditions du transport sont mal établies, ou insuf- fisamment assurées; des richesses immenses qui résident sous ce sol sont ignorées : c'est que l'homme n'est pas mis à pied d'œuvre ». Cit. par les Annales politiques et litté- raires, 21 décembre 1902, ande France », mais leur organisation. « Les changements de réseaux, écrit M. Aug. Bernard, ont des conséquences fâcheuses au point de vue du transport des voya- geurs et des marchandises, au point de vue des pertes de temps, au point de vue des charges financières de l'exploitation, au point de vue de la décroissance des taxes pour les longs parcours, de la diversité et de la complication des tarifs. Il y a augmentation des frais généraux, allongement des délais de livraison, application de tarifs différents suivant les réseaux et souvent d’une ligne à l’autre d'un même réseau. En 1886, le transport des cé- réales coûtait, dans les départements d'Alger et d'Oran, 5 centimes par tonne kilométrique, alors qu'il revenait à 13 centimes dans le département de Constantine” ».On pourrait multiplier ces exemples. D'autre part, le contrat de certaines Compagnies est établi de telle manière qu'elles ont intérêt à ne pas développer leur trafic et qu’elles deviennent ainsiun obstacle aux communications. Deuxremèdes sont possibles : la fusion plus ou moins volontaire entre une ou deux Compagnies, ou bien, ce qui paraît encore préférable, le recours à la faculté de rachat que les contrats donnent à l'État à partir de 1903, solution que l'Algérie pourrait réaliser avec l'appui financier de la métropole *. Un autre défaut sérieux, c’est l'emploi simultané des deux systèmes à voie étroite et à voie large, qui impose des transhbordements coûteux et gène la circulation en empêchant les emprunts de maté- riel d'une ligne à l’autre. Enfin, il nous reste à indiquer quelques-unes des lignes dont la cons- truclion s'impose au point de vue du commerce extérieur. C'est d'abord la prolongation de la ligne de Tlemcem jusqu’au grand marché de Marnia, amorce de la future ligne d'Oudja-Taza-Fez. Le quadrilatère compris entre Bougie, Philippeville et le grand central aurait bien besoin d'être des- servi. Djidjelli est encore isolé malgré son impor- tance. Une ligne est projetée d’Aïn-Beida à Tébessa dont l'utilité serait peut-être moins grande qu'une autre allant de la première de ces localités dans la direction de Batna et desservant la région au nord 1 Les chemins de fer en Algérie, dans les Questions diplomatiques et coloniales, du 1e" octobre 1899. — Cf. éga- lement Foresrier : Votice sur les chemins de fer algériens. Alger-Mustapha, 1900. ? Le Conseil supérieur de l'Algérie, dans sa session de janvier 1897, a émis le vœu que « l'Etat procède au rachat de toutes les lignes ferrées d'intérêt général concédées à diverses compagnies, afin de faciliter l'unification du réseau et son exploitation dans des conditions à la fois moins onéreuses pour le budget et plus favorables au développe- ment des transports à bon marché ». Une loi récente (dé- cembre 1903) vient de réorganiser les chemins de fer algé- riens en conférant au Gouverneur général les pouvoirs du ministre des Travaux publics et en donnant à l'Algérie — avec l'appui financier de la Métropole — Ja libre disposition de ses lignes ferrées. 140 de l'Aurès'. Enfin, les trois lignes de pénétralion, projetées vers l'Extrème-Sud, de Beni-Ounif au Touat, parl'Oued Saoura, de Berrouaghia à Laghouat el de Biskra à Ouargla, sont indispensables, dans un butdesécurité etde pacification, sans que l’on puisse prévoir encore l'avenir qui leur est destiné au point de vue agricole et commercial. Il en serail de même du Transsaharien, dont la Mission Foureau-Lamy à établi la possibilité matérielle”. Et si l'on admet les prévisions de M. Paul Leroy-Beaulieu?, assi- milant à l'Égypte la région du Tchad, cette grande artère drainerait sur le territoire algérien les élé- ments d'un transit des plus rémunérateurs. La côte algérienne, qui s'étend entre Nemours et la Calle, est fort peu découpée et peu favorable à l’accostage des navires, bien qu’elle soit géné- ralement élevée et montagneuse. Trois grandes baies abritent Bougie et Djidjelli, Arzew et Mosta- ganem, Collo et Philippeville. Dans d'autres plus petites, mais parfois mieux abritées, se trouvent les ports d'Oran, Alger, Bône et quelques autres de moindre importance. Les avantages naturels faisant en partie défaut, il a fallu développer ou créer artificiellement. A la fin de 1899, on avait dépensé pour les travaux maritimes une somme dépassant 135 millions de francs, et il reste beau- coup à faire pour desservir convenablement un trafic qui s’accroit dans des proportions particu- lièrement rapides et qui exige des améliorations incessantes. La meilleure règle à suivre eût été de ne point éparpiller les crédits sur un trop grand nombre de points pour les porter sur ceux qui répondent à de réels besoins, car, en pareille malière, l’avenir est à la concentration du commerce maritime dans un petit nombre de grands ports. Ainsi, Mostaganem, exposé à tous les vents dan- gereux de l'Ouest et du Nord, a nécessité 6 millions et demi pour arriver à un lonnage annuel (1898) de 69.000 tonnes ; Ténès, 7 millions et demi, pour un tonnage de 11.500 lonnes, alors que Béni-Saf n'a dépensé que 3.850.000 francs pour un tonnage de 364.000 tonnes, el Bougie 2.286.000 francs pour un tonnage de 114.000 tonnes. Si l'on ne peut pas revenir sur ce qui est fait, il est temps encore de répartir la part qui revient aux ports, dans le récent emprunt de 50 millions, d'une manière plus rationnelle, c'est-à-dire proportionnellement au tonnage — et à sa valeur, — tout en tenant compte des aptitudes naturelles du port et des richesses 1 AuG. BERNARD : Op. cit. ? «Si l'on ne veut le considérer que comme un instrument de domination, le Transsaharien, sous ce point de vue spé- cial, serait alors une œuvre splendide, aplanirait bien des difficultés, supprimerait bien des obstacles ». F. FourEAu : D'Alger au Congo par le Tchad, p. 198. 3 Cf. ses articles sur ce sujet dans la Revue des Deux Mondes, des 4er juillet 1899, 1er octobre et 1er novembre 1902. P. CLERGET — L'EXPANSION COMMERCIALE DE L'ALGÉRIE de la région y aboutissant. Oran, surtout, a droit des arriérés ; ses installalions marilimes ne sont point en rapport avec son importance. L’étranger qui y débarque a de suite l'impression d'une œuvr inachevée, incomplète, manquant d'espace. Et la gare de la ville est à l'avenant. En donnant à Oran la grosse part qui lui revient, il ne faudrait pa oublier Bône, Philippeville, Bougie, enfin Alger: Alger vient au sixième rang des ports français! pour l’effectif des marchandises, et au deuxième (?), après Marseille, pour le tonnage de jauge. D'autre part, son imporlance comme escale ne cesse de croitre, et cela contribuerait beaucoup au dévelop= pement du port france qu'il est question d'y installer. Cette création, que Marseille réclame depuis si longtemps et qu'il faut espérer lui voir bientôt accordée, en même temps qu'à Bordeaux et à Dunkerque, ne laisserait pas de procurer à Alger, comme à Oran, de grands avantages, sans menacer en rien les intérêts agricoles de la colonie ‘, La loi du 2 avril 14889, dans le but de favoriser le commerce maritime national, a conféré le mono- pole de la navigation entre la France et l'Algérie au pavillon français. Il faut que cet avantage soit aussi favorable à la colonie, qui doit, en retour, être des- servie de la façon la plus avantageuse. Alger, Oran, Philippeville et Bône sont visités régulièrement, chaque semaine, par des paquebots des trois com- pagnies marseillaises subventionnées, la Compagnie générale transatlantique, la Compagnie de Naviga- gation mixte et la Société générale de Transports maritimes à vapeur. Il eût été préférable et plus juste que ces subventions, destinées à assurer le service postal, fussent attribuées à tout paquebot capable de transporter régulièrement des corres- pondances sur un point quelconque de l'Algérie, sous forme de prime à échelle croissante selon les. vitesses. C'est la solution que préconisait M. Félix Faure, en 1883, avec l’assentiment des Chambres de Commerce intéressées, celle de Marseille en particulier?. Si les primes sont insuffisantes, c'est aux ports eux-mêmes — suivant en cela l'exemple des colonies anglaises — à faire les frais néces- saires pour attirer de nouveaux services. Ce mode de subvention s'impose à un tel point que les Com- 1 Cf. GOUVERNEMENT GÉNÉRAL DE L'ALGÉRIE : ÂVotice sur les routes et ports, op. cit. — Iusert et Servas : Notice sur les services marilimes, Op. cit. MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS : Ports marilimes de la France et de l’Algérie.n VIII à : Algérie : Nemours à Tipaza; NIII b : Alger à la Calle, Paris, 1890-1892. — Ponts et chaussées. Département d'Alger. Statistique des ports maritimes de commerce. Année 1900. Le port d'Alger, Alger, 1901. — J. Srurax : AZ ger port de relâche, Alger, 1899. — Alger port franc, dans la Quinzaine coloniale, 10 novembre 1899. | 2 H, Corso : Les services maritimes postaux entre la France, l'Algérie et la Tunisie, dans la Revue politique et parlementaire, 5 juin 1895. J P. CLERGET — L'EXPANSION COMMERCIALE DE L'ALGÉRIE: 121 . pagnies qui ne sont point encouragées de cette ma- nière, ou qui cessent de l'être, ne songent plus qu'à “réaliser des économies de combustible au détri- - ment de la rapidité des traversées. Or, cette rapidité n'est pas seulement avantageuse aux messages postaux, mais encore aux denrées alimentaires de toute sorte, à destination de la métropole. C'est pourquoi il est très utile que des services directs unissent également Oran et Alger à Cette et à Port- VNendres, afin d'éviter l'encombrement des mar- chandises qui pourrait se produire à Marseille, où 25.000 colis, en moyenne, arrivent chaque jour, tandis que Port-Vendres en reçoit à peine 2.000, deux fois par semaine. De plus, grâce aux trains Spéciaux qui attendent les paquebots dans ce der- nier port, des raisins ont pu arriver en Belgique dans un parfait élat de conservalion, et des per- dreaux, sous plume, partis d'Oran le lundi, être rendus à Toulouse le mercredi matin. Le transport des denrées alimentaires fruils, primeurs, volailles, gibier, serait d'ailleurs singulièrement facilité, el ce commerce pourrait prendre en Algérie un développement considérable si les Compagnies se décidaient à aménager, sur quelques-uns de leurs paquebots, des cales frigorifiques. Ce serait aux syndicats de producteurs à prendre l'initiative de ce mouvement. Au point de vue des relations avec l'Etranger, le paquebot bimensuel de la Com- pagnie de Navigation mixte et les quelques autres vapeurs qui font le service entre Oran et Tanger ne peuvent que servir nos relations avec le Maroc, et nous aurions les mêmes raisons que l'Italie pour établir entre Alger et Oran d'une part, et les pays du Nord de l’Europe occidentale, Angleterre, Bel- gique notamment, des services de vapeurs qui déve- lopperaient, dans une large mesure, l'exportation des vins, huiles d'olive, fruits et primeurs. L'outillage économiqueaurait prisune plus grande extension si une autonomie plus complète avait permis à l'Algérie de choisir elle-même son régime douanier. La loi du 17 juillet 4867 a établi entre elle et la métropole une complète union douanière : tandis que les produits français importés en Algérie y pénétrent en franchise, les exportations algé- riennes — à l'exception des marchandises mono- polisées, telles que le tabac — sont exemptes de tout droit à leur entrée dans les ports métropoli- tains. Cette mème loi, dans l'intérêt bien entendu de la colonisalion, avait supprimé ou abaissé en Algérie les droits établis sur les produits étrangers nécessaires «aux constructions urbaines et rurales ». Depuis lors, l’article 10 de la loi du 29 décembre 1884 a malheureusement abrogé ces dispositions si libé- rales et si légitimes, en décidant que les produits étrangers introduits dans la colonie seraient sou- mis aux mêmes droits que s'ils étaient importés en REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904, France. Les protectionnistes ne s'en tiennent d'ail- leurs pas là. Sous prétexte que les impôts peuvenl être moins lourds aux colonies qu'en France, et la main-d'œuvre à meilleur marché, M. Méline estime « qu'il faudrait imposer, sous une forme quel- conque, aux établissements industriels qui essaie- raïient de se fonder aux colonies, une laxe suffi- sante pour rétablir l'égalité dans la production entre eux et les établissements français de la mé- tropole” ». Ce n'est pas avec un pareil régime que se sont développées les colonies anglaises. « Le sys- tème de la liberté industrielle, écrit M. Vignon, est le seul qui puisse assurer la mise en valeur rapide de notre domaine colonial, le seul qui donne aux capitalistes les garanties sans lesquelles ils préfére- raient l'étranger aux colonies ?. » Puisque nous parlons de capitaux aux colonies, une question importante s'y rattache : celle du erc- dit et des banques. Si les institutions de ce genre jouent un rôle essentiel dans les pays déjà organisés, elles prennent une place encore plus grande dans les pays neufs, où tout est à créer, où toutes les entreprises réclament à la fois l'argent indispen- sable. Dans les colonies anglaises, lorsqu'il s'agit d'ouvrir un nouveau centre, un des premiers édi- fices qui sort de terre, c’est la banque. L'Algérie, dont le développement économique a longtemps été entravé par l'usure, et qui ne doit pas cesser de travailler à détruire sa pernicieuse influence, ne saurait assez mulliplier et fortifier ses institutions de crédit. La Banque d'Algérie, créée par la loi du 4 août 1851, vient de voir son privilège prorogé jusqu'au 31 décembre 1920, et étendu aux « colo- nies et protectorats français en Afrique ». C'est une banque d'émission, d'escompte et de dépôts. Ses billets, qui ont cours légal, peuvent être émis jus- qu'à la limite de 42 millions de franes. Comme les autres banques coloniales, elle escompte les effets de commerce à deux signatures. Le transport de son siège social à Paris aura les plus heureuses conséquences, aussi bien pour la Banque que pour la colonie, en donnant, notamment, plus d’'indé- pendance au directeur et au Conseil d'administra- tion. Ainsi seront évitées les anciennes erreurs, dues, en partie, aux influences locales. Comme la Banque d'Algérie, le Crédit foncier et agricole d'Algérie fait aussi toutes les opérations de banque. Parmi les autres établissements, il faut signaler la Compagnie algérienne et les agences du Crédit lyonnais et de la Société générale. Les grande; maisons de banque francaises, par la création de ! Cit. par L. Viexox : L'exploitation de notre empire colc- nial, Paris, 1900. — Cf. du même auteur : La France en AJ- gérie, Paris, in-89. — E,. FazLor : L'avenir colonial de Ja France, Paris, s. d. MO cit. 122 succursales dans les principales villes de notre | colonie, exerceront, en effet, sur le crédit une influence des plus favorables, en lui donnant la stabilité et la confiance dont il a un besoin urgent, et en lui permeltant de lutter efficacement contre l'usure que nous avons signalée. TM Après avoir ainsi passé en revue, sommairement, tout ce qui peut contribuer au développement du commerce de l'Algérie, il nous reste à parler de limportarte question des débouchés. Comment faut-il en organiser la recherche? À quels pays doit- on s'adresser ? La recherche des débouchés exige d'abord un personnel capable, dont la formation se recommande naturellement aux Æcoles de Commerce. Le com- merce d'exportation surtout exige aujourd hui des connaissances siélendues que des études spéciales sont devenues absolument nécessaires. La créa- tion de l'École supérieure de Commerce d'Alger répondait donc à des besoins très réels. Mais elle est insuffisante. Oran devrait en posséder une semblable. El d’autres établissements analogues, mais d'un niveau moins élevé, pourraient être ouverls avec avanlage dans quelques centres importants. L'Exposition permanente des Colonies, fondée en 1855, réorganisée par un arrêté ministériel du mois de mars 1899 etencadrée dans l'Office colonial, est appelée à rendre de grands services à condition d'être plus connue et mieux fréquentée. Mais nous sommes loin encore du usée colonial de Haarlem ou de l’/nstitut impérial de Londres, les modèles du genre. « Les minéraux, les bois, les matières textiles, les denrées coloniales, les matières ali- mentaires, les produits végétaux et animaux, ainsi que ceux de l’industrie indigène, y sont exposés dans des salles spacieuses; des cartes, des photo- graphies, des dessins, des moulages, des spécimens, des échantillons de tout genre mettent, si l'on peut ainsi parler, les choses dans les yeux, tandis que des étiquettes, des brochures, des notices, donnent aux négociants, aux industriels, aux hommes d'affaires des renseignements précis. Enfin, dans d'autres salles, qui présentent en quelque sorte la contre-partie des précédentes, sont réunis les objets fabriqués de toute nature réclamés à l'Europe par les populations coloniales; des fiches font connaître les conditions d'emballage et de transport, les prix de vente, le nom des commissionnaires, ete..." ». Un musée colonial, en effet, n’est vraiment utile que s'il expose dans leur détail les productions P. CLERGET — L'EXPANSION COMMERCIALE DE L'ALGÉRIE ! L. Vicxon : Op. cit. agricoles et industrielles de chaque colonie, em même temps que les articles manufacturés qu'elles consomment, et s'il attire un grand nombre de visiteurs, commerçants en majorité. L'Algérie sen- tirait, la première, les heureux effets d’une pareille institution. Dans un précédent article”, nous avons montr le rôle de premier ordre que l'association a joué dans l'essor commercial de l'Allemagne. C'est lex grand remède, dont l'application est chaque jour plus nécessaire, aux difficultés que crée la concur- rence grandissante. Les marchés sont encombrés et les produits vendus souvent à vil prix. Il fau lutter à l'égard du prix et de la qualité. Or, l'asso= ciation diminue les frais de manipulation, de trans- portet de courtage ; elle divise les frais de recherche des débouchés en les rendant supportables chaque membre ; elle contribue à améliorer la qua lilé des produits; enfin, elle permet de combattre la fraude individuelle et de rétablir des réputations- compromises. C'est ce qu'ont très bien compris un certain nombre de syndicats algériens, tels que celui des « colons d'Akbou et des oléiculteurs de Kabylie », etle syndicat des « primeuristes d'Oran *». 4 En outre, ces associations nous paraissent (out par \ ticulièrement désignées pour travailler à l'organi-s sation des moyens de transport et de conservation des denrées alimentaires. Les procédés rigon que dl employés dans les wagons, les cales de navires, les entrepôts, prennent toujours plus d'extension et s'imposent pour le transport de la viande de boucherie, de la volaille, du gibier, des fruits et des primeurs, toutes choses qui forment une des richesses principales de l'Algérie. Ce qui fait, à l'heure actuelle, la fortune du Danemark contri- buerait, pour une large part, au développement commercial de notre colonie. Le commerce extérieur de l'Algérie s'élève à près de 600 millions de francs. Ce chiffre dépasse celui de plusieurs États d'Europe; il approche même de celui de l'Égyple, peuplée cependant de près de 10 millions d'habitants. Et l’on peul affirmer que, si la mévente des vins n'avait pas arrêté son développement, il dépasserait aujourd'hui 650 mil- lions. Plus des trois quarts de cette valeur forment la part de la France. Cette forte proportion peut surprendre, étant donnée la similitude des produc- 1 L'esprit scientifique dans les méthodes d'expansion com= merciale de l'Allemagne. Revue générale des Sciences, 15 avril 1902. 3 Cf. Bulletin hebdomadaire du Service des renseignements généraux de l'Algérie, 20 octobre 1901 et 1er février 1902., 3 Pendant l'année 1902, les échanges de l'Algérie avec l'extérieur ont atteint le chiffre de 624.850.000 francs, en augmentation de 44.320.000 sur 1901. Les importations figu- rent dans ce total pour un chiffre de 325.686.000 francs et les exportations pour 299.172.000 francs, en plus-value de 37.227.000 francs. P. CLERGET -— L'EXPANSION COMMERCIALE DE L'ALGÉRIE AA: ps Ce tions agricoles des deux pays; mais elle se justifie aisément si l'on tient compte du régime douanier, - qui facilite dans une large mesure l'importation des produits manufacturés français. D'autre part, il semble que cette part de la métropole ait atteint, - pour la cause que nous venons de signaler, sa limite maxima. Les exportations de vins algériens en France sont appelées à décroitre, à mesure que notre vignoble se reconstitue. Le Midi et quelques autres régions, comme la Bourgogne, ont déjà beaucoup de peine à écouler leur production. Mais, si l’on ne peut guère espérer voir cette proportion dépassée, il est possible de la maintenir par une extension équivalente des exportations de primeurs, fruits, céréales, produits animaux, minerais sur- tout, pour lesquels nous sommes tributaires de l'Etranger. ? C'est principalement aux pays du Nord de l'Eu- rope que l'Algérie devrait s'adresser pour étendre son commerce en leur fournissant les denrées agri- coles que leur climat se refuse à produire. L'An- gleterre, la Belgique, l'Allemagne offrent d’excel- lents débouchés à toutes les productions du sol algérien. Sans doute, il faudrait vaincre la coneur- rence de l'Espagne et de l'Italie, faire appel aux moyens que nous avons indiqués; mais nous pen- sons que, grâce à sa situation de pays neuf, où les charges qui frappent le colon sont moins lourdes que dans les pays d'Europe, l'Algérie pourrait prendre sur ces marchés une place de premier rang. Là est vraiment pour elle l'avenir. Notre étude ne serait point complète si nous ne _ parlions des relations de notre colonie avec les pays limitrophes. La Tunisie, prolongement naturel de l'Algérie et possession francaise, ne peut avoir ayec Sa voisine qu'un mouvement d'échanges assez faible. Tout autres doivent être les relations avec le Maroc, dont nous devons attirer le commerce dans le but de lui vendre le plus possible toute la gamme des produits manufacturés qui lui manquent. Ac- tuellement, il est loin d’en être ainsi. Si les Maro- cains viennent volontiers vendre leurs denrées en Algérie, ils n'y achètent presque rien : ils ont intérêt, surtout depuis les tarifs de 1892, à se procurer tout ce qui leur est nécessaire dans leurs ports, très bien approvisionnés par l'Angleterre et l'Allemagne. Les tommerçants allemands savent, beaucoup mieux que les nôtres, se plier aux exigences de leurs acheteurs. Et c’est là une première réforme à apporter. Il faudrait ensuite construire, en amorce de la future route de Fez, le chemin de fer de Tlemcen à Marnia, principal centre d'échanges et grand marché de bestiaux, établir une zone franche permettant aux produits destinés au Maroc de traverser libres de droits le territoire algérien, sans que des complications, « si raffinées qu'elles sont une pure barbarie », ne viennent rendre stériles les avantages accordés *, Quant au commerce avec le Sud, le regretté explorateur Paul Blanchet le qualifiait de «mythe »*. Ce qui est certain, c'est qu'à l’heure actuelle il est encore insignifiant. Volontairement, pour fuir le «roumi », les caravanes qui desservent le Soudan ne viennent toucher la côte qu'au Maroc ou en Tri- politaine. En un mois de séjour à Ouargla, la «reine du désert», P. Blanchet a vu arriver d’In- Salah deux chameaux. Et les échanges qui se font dans ce dernier ksar sont loin d'être aussi impor- tants qu'on le croyait avant l'expédition Flammand. Pour attirer vers l'Algérie le commerce du Soudan, il faudrait d’abord, autant que faire se peut, orga- niser le Sahara avec une bonne police indigène, el aussi avancer loujours plus nos lignes de pénétra- tion. Le transsaharien jouerait à cet égard un rôle de premier ordre. En rétablissant les anciennes lignes de caravane qui existaient avant la conquête, on pourrait trouver chez les populations soudanaises un excellent débouché au sel qui existe si abon- damment dans notre colonie. Nous détournerions ainsi à notre profit une partie des denrées que l'Angleterre échange justement contre le même produit minéral, très rare dans tout le Soudan. Enfin, une bonne politique économique saharienne devrait comporter, comme le long de la fron- tière marocaine, l'ouverture de «ports francs», où les nomades pourraient venir s’approvisionner. Ouargla jouit de ce privilège, qu'il faudrait étendre à Touggourt, Ghardaïa, El Goléa, Géryville, Aïn- Sefra. Nous avons achevé à grands traits l'étude que nous nous étions proposée. Basée, en partie, sur des observations personnelles, recueillies sur place au cours d’un récent voyage, nous souhaitons qu'elle contribue à atlirer loujours plus forte- ment l'attention sur la meilleure part de notre domaine colonial, en même temps qu'elle fournisse des indications et suggère des solutions à tous ceux, colons et administrateurs, qui s’emploient à la mise en valeur de la France africaine. P. Clerget, A Professeur à l'Ecole de Commerce du Locle (Suisse). ! Sur les relations de l'Algérie avec le Maroc, cf. les excel- lents articles de M. Auc. Bernarp : Les productions natu- relles, l'Agriculture, l'Industrie et le Commerce du Maroc, dans la Revue générale des Sciences des 30 janvier et 15 fé- vrier 1903; et aussi : F. Dessoziers : Le régime commercial de l'Algérie avec le Maroc, Bulletin de la Société de Géo- graphie d'Alger, II, 1898. — René Pixox : Le Maroc et les puissances européennes, Rev. Deux Mondes, 15 février 1902. ? L'Oasis et le pays de Ouargla, Annales de Géographie, 15 mars 1900. — Cf. RENÉ Prxon : Les Marches sahariennes. Autour de Figuig, Igli, le Touat. Revue des Deux Mondes, 15 janvier 1902. — E. FauLor : Le commerce du Sahara. Questions diplomaliques et coloniales, 15 février 1903. REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE DEUXIÈME PARTIE : RECHERCHES SUR L'ŒUF, TECHNIQUE EMBRYOLOGIQUE Dans une première partie”, nous avons résumé les travaux récents sur la croissance, le développe- ment et les métamorphoses. Nous allons main- tenant passer en revue les dernières recherches sur l'œuf et quelques ouvrages généraux sur la science embryologique. I. — RECHNERCUES NOUVELLES SUR L'ŒUF. $ 1. — Formation des œufs composés ou ectolécithes. Nous devons tout d’abord parler d'un travail de Henneguy sur les œufs si curieux, dits composés ou ectolécithes, qui renferment, sous une même en- veloppe, l'ovule et les cellules vitellines nourri- cières. 4 Ce travail est d'autant plus important que, mal- gré les recherches de Sommer et de Leuckart, la formation des œufs des Distomes, leur maturation et leur fécondation sont à peu près inconnues. Chez les Distomes, la première portion de l’uté- rus, qui correspond, physiologiquement, à l'ootype des Trémalodes monogènes, esl une sorte de carre- four où viennent se mélanger : un petit nombre d'oocytes, venant de l'ovaire ou germigène, beau- coup de cellules vitellines, provenant des vitello- gènes, un grand nombre de spermatozoïdes et, enfin, des masses réfringentes, irrégulières, de cou- leur jaune citron, creusées de vacuoles incolores, représentant la substance coquillière. Les oocytes renferment un protoplasma réticulé qui présente une assez grande affinité pour les cou- leurs basiques et pour l'hématoxyline. Les cellules vitellines ont, au contraire, un protoplasma à peu près homogène, non colorable. Dans les vitello- gènes, elles présentent, à leur périphérie, une série de corpuscules de couleur jaune-citron, remplis de granulations jaunes, fixant fortement la fuchsine, la safranine et l'hématoxyline au fer. Arrivées dans l'utérus, les cellules vitellines ne renferment plus ces corpuscules jaunes granuleux. Il est probable, dit Henneguy, qu'ils ont été expulsés des cellules vilellines et servent, avec le liquide secrété par les glandes de Mehlis, comme le pensait déjà Leuckart, à donner la substance de la coque des œufs. Herneguy a vu une centaine de cellules vitel- lines, des spermatozoïdes et un seul oocyte former 1 Voirla Revue du 30 janvier 1904, t. XV, p. 86 et suiv. 2 L.-F. HenxeGuy : Sur la formation de l'œuf, la matura- tion et la fécondation de l'oocyte chez le Distomum hepa- ticum..C. R. Ac. Sc., t CXXXIV, 26 mai 1902; p. 1235-1238. GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE des groupes qui s’entouraient de quelques masses de substance coquillière; ces masses se fusion- naient ensuite et s'étalaient en couche mince pour. former la coque de l'œuf. L'explication de ces groupements réguliers reste à trouver ; on ne sau- rait invoquer ici, en effet, une sorte de chimiotac- tisme exercé par l’oocyte sur les cellules vitellines, car, dit Henneguy, cet oocyte occupe toujours l'ex- trémité du plus grand diamètre de l'œuf corres- pondant au pôle operculaire. Un certain nombre de cellules vitellines et de spermatozoïdes restés en dehors dé ces formations se désagrègent. De mème, les spermatozoïdes intra et extra-ovulaires disparaissent au bout de quelque temps, absorbés par les cellules vitellines qui, très vraisemblable- ment, les digèrent. Cette propriélé fait penser à. Henneguy que les cellules vitellines doivent être considérées comme des ovules abortifs, n'arrivant pas à maturité, destinés à nourrir l'oocyte ou ses produits de division et probablement aussi à don- ner, tout au moins en partie, la substance coquil- lière. $ 2, — Membranes de l'œuf. Les enveloppes de l'œuf des Poissons ont donné lieu à beaucoup de recherches qui se continuent encore actuellement. En 1890, Mark ‘ reconnaissait quatre espèces de membranes ovulaires chez les Poissons osseux : 1° Une membrane vitelline vraie, représentant, la membrane cellulaire ; 2° et 3° une zone radiée et une couche villeuse (Lepidostée), produites égale= ment par l'ovule; 4° la membrane capsulaire de Muller (Perche et Brochet), qui provient de lépi= thélium folliculaire. A la même époque, Eigenmann * donnait la clas- sification suivante : 1° OEufs avec membrane simple : la zone radiée, qui peut avoir (2) une strue- Lure uniforme ou (b) être différenciée en deux couches; 2° OEufs avec zone radiée et une couche externe mince homogène qui peut être villeuse; 3° OEufs avec zone radiée et une couche externe épaisse produite par la sécrétion des cellules gra= nuleuses. Enfin, Eigenmann et d’autres décrivent une membrane zonoïde, demi-fluide, qui apparait après la zone radiée et lui sert de support, mais qui pourrait être aussi un produit artificiel de technique (Eigenmann). { Bull. Mus. Harv. Coll., t. XIX, n° 1. ? Bull. Mus. Harv. Coll.,t. XIX, n° 2. GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 145 Chez les Élasmobranches, Balfour (1878), puis Giacomiri', nous ont montré qu'il n'y avait jamais que deux membranes : une interne, striée radiai- rement, la zone radiée, et une externe, homogène, . que Balfour appelle « membrane vitelline ». C'est également ce que Beddard a vu chez les Dipnoïques ?, avec cette particularité que les deux membranes y sont homogènes. En général, les auteurs pensent que toutes ces . membranes sont formées par l’ovule lui-même et _représentent des espèces de cuticules (ce seraient - de véritables produits d’excrétion utilisés). Dans plusieurs cas, en effet, on voit ces membranes apparaitre avant que le follicule ne soit constitué, et, quand deux ou plusieurs œufs ovariens sont con- tenus dans le même follicule, les régions des œufs qui se Louchent sont entourées des mêmes mem- branes *. Cependant, les auteurs s'accordent aussi pour considérer la membrane capsulaire de la Perche comme provenant de l’épithélium folliculaire; les tubules de cette membrane seraient remplis par les processus des cellules folliculaires. D'après Eigen- mann, la membrane homogène la plus externe que l’on trouve dans l’œuf de Fundulus, P yqosteus, Clupea vernalis, etc., aurait la même origine. Wallace a retrouvé une membrane zonoïde striée chez un certain nombre de Téléostéens (Zoarces, Syngnathus, Salmo, Pleuronectes) et d'Élasmo- branches (Spinax et Chimcæra). Contrairement à l'opinion d'Eigenmann, il altribue à cette zone une existence réelle; elle proviendrait d’une différen- ciation des couches superficielles du protoplasma ovulaire, mais disparaîtrait dans l'œuf mûr. $ 3. — Structure du cytoplasma ovulaire. Le noyau vilellin de Balbiani continue toujours à occuper les histologistes. Presque tous les auteurs en ont fait jusqu'ici un organe permanent de la cellule, persistant à côté du noyau pendant toute la vie de l'ovule. Or, Lebrun vient s'inscrire en faux contre cette opinion, à la suile de ses nombreuses recherches chez les Batraciens f. « Toutes les formes de corps que nous avons observées à des âges différents, dit-il, sont passagères et n'ont entre elles aucun lien de parenté; ce sont des for- mations nouvelles, dont la plupart doivent être con- sidérées comme des fractions de noyau expulsées dans le cytoplasme ». R. Dumez , en étudiant les * GracomiNt : Contributo all istologia dell ovario dei Selaci. Ricerio nel Laboratoria di Anat. norm. d. Roy. Univ. de Roma, 1896, t. V. ï ? Proc. Zool. Soc., 1896. : 3 VAN BENEDEN : Arch. de Biol., 1880, t. I. * H, Legrun : Les cinèses sexuelles chez le Diemyctilus torosus. La Cellule, 1902, p. 1-99 avec pl. 5 R. Dumez : Rapports du noyau et du cyloplasme dans ovules en accroissement de la Cyflherea chione, a vu également le noyau expulser dans le cyto- plasma ovulaire des amas formés par la fusion de granules ou de filaments chromatophiles présentant certains caractères des substances nucléiniques. Le noyau vitellin de l'ovule des Mammifères a donné lieu à de nouvelles recherches de la part de Gurwitsch”. Chez le Cobaye, le noyau vitlellin du jeune ovocyle est une vérilable sphère qui consiste en une masse de protoplasma nettement défini entou- rant deux corpuseules centraux; c'est ce proto- plasma différencié qui donne naissance au fuseau achromatique de la mitose; on peut donc l'iden- tifier à l'idiosome de Meves, comme Rabl l'avait déjà fait chez le Chat. Après la milose, pendant la périade de croissance, on voit réapparaitre dans l'œuf un nouveau noyau qui se présente avec des caractères physiques différents. Mais ces résultats viennent d'être infirmés par Skrobansky”, qui a éludié égale- ment le Cobaye. Pour cet auteur, en effet, la for- mation du noyau vitellin n’est nullement associée à la division des oogonies et ne saurait être iden- tifiée à une sphère. Chez le Lapin, Winiwarter* a montré que le noyau vitellin apparaît comme un petit corps sphérique, réfringent et entouré d'une mince zone claire; on le trouve déjà au stade de dix jours. Chez la Femme, il est généralement situé dans la zone palléale qui entoure le noyau sur une partie de son contour; il est d’abord formé d'une zone interne claire conte- nant un ou plusieurs grains chromatiques et entourée par une couche exlerne granuleuse sombre ; plus tard, on rencontre fréquemment, dans cette dernière, des espèces de spicules, plus ou moins longs, fortement colorés et présentant un cerlain nombre de nodosités. Des formations spicu- laires avaient déjà été signalées par Meves, chez la Salamandre, dans les sphères attractives des sper- .malocytes de premier ordre . Ces spicules doivent rentrer, sans doute, dans la catégorie des enclaves ovulaires qui ont été décrits sous le nom de cristalloïdes dans un grand nombre d'ovules : Poissons (Külliker, 1889), Scorpion (Met- chnikoff, 1871), Olotera picea (Bertkau, 1875), Di- tyseus marginalis (1889), Pholcus phalançioides (van Bambeke, 1898) et Biche (von Ebner, 1901). l'œuf de la Cytherea chione L. La Cellule, 1902, {. XIX, p. 437-453 avec 1 pl. { AcexanDer GurwITscH : lodozom und Centralkôrper im Ovarialeie der Saugethiere. Arch. f. mikr. Anat., 1900, t. LMI, p. 371-392 avec 1 pl. 2 K. von SkroBansky : Zur Frage über der sogen. « Dot- terkern » (corpus Balbiani) bei Wirbeltieren. Archiv. 1. mikr. Anat., 1903, t. LXII, p. 194-206 avec 1 pl. 3 WINIWARTER : loc. cit., p. 131. 4“ Archiv. f. mikr. Anat., 1897, pl. 3, fig. 42, 45 et 46. 146 Tout récemment encore, Limon ! a décrit des cristal- loïdes dans l’œuf ovarique de Lapin. Ils apparais- sent dans les jeunes ovules, sous la forme d’encla- ves basophiles sphériques ou fusiformes, semblables à ceux que Regaud et Policard (1901) ont vus dans l'œuf de chienne; dans les œufs âgés, ces enclaves se transforment en bätonnets cylindriques dont la longueur atteint 15 à 18 v. Il est à remarquer que ces formations ne sont pas constantes ; par exemple, tous les ovaires exa- minés par Limon ne contenaient pas de cristal- loïdes; d’un autre côté, il n'y a pas uniformité dans les caractères morphologiques de ces enclaves. Winiwarter dit qu'il ne saurait identifier le corps de Balbiani à une sphère attractive, bien qu'il existe une grande analogie entre les deux formations. Il fait remarquer que des corps sem- blables se rencontrent dans d’autres tissus, dans l'épithélium postérieur de la cornée du Chat, par exemple. Chez quelques Poissons (Zoarces, Syngnathus, Salmo et Zeus), Wallace décrit ? un noyau vitellin semblable à celui qui a été figuré par Calkins (1895) et Foot (1896) chez le Ver de terre, et par Van Bambeke (1898) chez le Pholcus phalangioïdes. I se présente sous la forme d'une coiffe sombre, chro- matique, appliquée sur un des côtés de la vésicule germinalive. Formé d'abord par une substance homogène, on voit bientôt apparaitre, dans ce corps, des granulations, des vacuoles et des petits bâtonnets comparables aux formations spiculaires dont nous avons parlé ci-dessus ; cesbàtonnets se désagrègent ensuite en granules. Wallace n’a pas trouvé de noyau vitellin dans les œufs de PJeu- ronectes. Dans l'oocyte de Chauve-souris, O. van der Stricht® a étudié ies formations ergastoplasmiques qui apparaissent généralement autour du noyau vitellin ou noyau de Balbiani, dans les oocytes jeunes, sous la forme de longs filaments, pelo- tonnés, contournés et qui ont été appelées pseudo- chromosomes par M. Heidenhain. Ces formations se colorent fortement par l’hématoxyline et par la safranine et, si la coupe passe tangentiellement au noyau vitellin, elles forment, à côté de la vésicule germinalive, un pseudo-noyau, aussi volumineux que le noyau véritable; cependant, il n'existe jamais de membrane autour de ce pseudo-noyau. Quand l'ovule grossit, les pseudo-chromosomes se raccourcissent et s'épaississent davantage ; mais, ? M. Lion : Cristalloïdes dans l'œuf de Lepus cuniculus. Bibliogr. Anat., 1903, XII, 235-238 avec 3 figures. 2 W. WazLacer : Observations on Ovarian Ova and Folli- cles in Certain Teleostean and Elasmobranch Fishes. The Quart. Journ. of mier. Sc., 1903, p. 161-213 avec 3 pl. # Les pseudo-chromosomes dans l’oocyte de Chauve-souris. Compt. rend. Assoc. des Anat., Montpellier, 1902; p. 1 à 7. GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE le centre mème de l'oocyle, c'est-à-dire à loutes en se condensant, ils se séparent du noyau vitellin : quand on parvient à colorer ce dernier, on le retrouve, non pas au centre, mais en dehors e dans le voisinage immédiat du pseudo-noyau; du reste, les pseudo-chromosomes peuvent se forme directement en dehors de tout contact avec le noyau vitellin. Suivant pas à pas la croissance de l’ovule de Chauve-souris, Van der Stricht voit le cytoplasme ovulaire, qui, jusqu'ici, présentait une charpente filaire dense et compacte, parsemée de fins micro: somes, changer d'aspect : il se creuse d’alvéoles contenant un liquide hyalin et séparées par une charpente filaire qui est parsemée d'un très grand nombre de microsomes colorables en bleu trè vif par l’hématoxyline ferrique. À ce moment, on voil les pseudo-chromosomes se séparer les uns des autres et se disséminer vers la périphérie du vitellus, autour de la vésicule germinative et ver les profondeurs de la cellule. En même temps, ces pseudo-chromosomes s’épaississent considérable= ment en engendrant des amas ou des ilots compacts, denses; leur affinité pour les matières colorantes a fortement diminué; cependant, on peul constater avec l'hématoxyline ferrique qu'ils sont formés par une accumulation d’une infinilé de fines granula= tions, sortes de milochondries, colorables en bleu. très vif. | Enfin, ces fines granulalions se répandent le long des travées cytoplasmiques qui séparent les alvéoles devenues encore plus grandes, de sorte qu'à mesure que l'oocyle augmente en volume, les amas vitellogènes diminuent en importance. Van der Stricht pense que ces formations sont des élé- ments vitellogènes, bien qu'il lui ait été impossible d'observer la transformation directe des mitochon- dries, provenant des amas vitellogènes, en parties constituantes du contenu alvéolaire. F. Henschen ! vient de décrire et de figurer des pseudo-chromosomes dansles œufs d'Ecrevisse, de Homard et de Lymnée, mais sans apporter aucun” fait nouveau pouvant préjuger de leur signification physiologique. Enfin, M'° Loyez* trouve, dans les. cellules de l’épithélium folliculaire des Passereaux, à côté du noyau, une masse volumineuse formée de filaments enchevètrés, qu’elle rapproche des pseudo-chromosomes de Heidenhain; par contre, M’: Loyez n'a pu rencontrer aucune formation de ce genre chez la Poule, le Pigeon, Ha Pie ni la Chouette. Des formalions ergasloplasmiques semblables, ‘ Foxe HENscHex : Zur Struktur der Eizelle gewisser Crus- taceen und Gastropoden. Anat. Anz., 23 octobre 1903, t. XXIV, p. 15-29 avec 14 fig. 3 Mate Loyez : Sur la présence des formations ergasto- stat GUSTAVE LOISEL — REVUE. ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 147 mais non probablement toujours homologables, ont été vues dans les oocytes de Pholcus phalan- » gioides', d'Asterina gibhosa?, de Truite*, de Lapin et d'Homme ‘. Décrites sous des formes et avec des noms variés qui correspondent, sans doute, à des variations spé- cifiques, ces formations ne sont pas particuliéres aux oocyles des animaux, ni même aux cellules gonadiales. On les a décriles encore dans les sper- malocyles de Protée *, de Forficule et d'Escargot?, de Paludine et de Pygæra”, dans les cellules-mères du sac embryonnaire des Liliacées*; on a même signalé des images semblables dans l'épithélium de la membrane élastique postérieure de l'œil”, dans des cellules nerveuses du Saumon”, dans les cellules musculaires, dans les glandes mammaires, ete. : enfin, Van der Stricht décrit, dans la même Note, un pseudo-noyau formé de chromosomes, qu'il a rencontré dans chaque blastomère d'un œuf de Pristiurus, au stade de Discoblastula. On ne peut donc encore avoir d'idées générales sur la significalion exacte de ces formalions; mais il est probable qu'il faudra distinguer un jour celles qui prennent naissance dans le cyloplasme de celles qui sont excrélées du noyau. Cette année, Van der Stricht a continué à com- muniquer le résultat de ses recherches sur la struc- ture de l'œuf de Chauve-souris ” Le vilellus nutrilif apparait sous l'aspect d’un liquide hyalin remplissant les espaces vacuolaires du protoplasma et auquel s'ajoutent bientôt des granulations graisseuses. Au début, ce vitellus est répandu uniformément dans toutes les profondeurs du eytoplasme. Nulle part, dit Van der Stricht, on ne constate alors une zone deutoplasmique dis- tincle d'une zone de vitellus plastique. Cette dis- tinction apparait vers l’époque de l'apparition du premier fuseau de maluralion; la parlie centrale, très étendue, riche en deutoplasme, conserve une plasmiques dans l'épithélium follieulaire des Oiseaux. C. A. Ac. Sc., 2 février 1903, p. 312. 1 Cn. van Baueecke : Bullet. Acad. roy.de Belgique, 1891, p. 107, et Archiv. d'Anat. microscop., 1898, €. II. 2 M. et P. Bouin : Bibliogr. Anat., 189$, n° 2. 8 N. Czenuak : Anat. Anz., Bd XX, p. 158 (chondro- mites). 4 H. vax WINIWARTER (spicules). 5 Herwans : Arch. f. mikr. Anat., 1897, Bd L (anses archo- plasmatiques), et M. HerneNaaIN : Anat. Anz., 1900, t. XVIII, p. 513 (pseudo-chromosomes). 5 HexxeGuy : Lecons sur la cellule, 1896, fig. p. 375 el 376. 1 Fr. Meves : Arch.1f. mikr. Anat., 1901, p. 553. 8 Bouin : Arch. d'Anat. micr,, 1899, t. II. 9 Bazcowitz : Arch. f. mikr. Anat., 1900, t. (centrophormies). 10 E. Fursr : Anat. Hefte, 1902, Bd XIX, fac. 2. : Arch. de Biolog., t. XNIL, p. 33 LVI, p. 230 MO. van per Staicur : La structure et la polarité de l'œuf de Chauve-souris (V. noctula). C. 5e session, Liége, 1903, p. 43-48. R. Assoc. des Anat., structure pseudo-alvéolaire ; à la périphérie se forme une couche mince, plus ou moins homogène et riche en vitellus plastique. C'est dans cette zone corticale qu'émigre de bonne heure la vésicule ger- minative, plusieurs mois avant l’apparilion du pre- mier fuseau de maturation. Pendant la formation des globules polaires, le vitellus plastique s'épaissit au pôle opposé à celui où se détachent les deux globules polaires. « Ce pôle, où s'accumule graduellement le vitellus for- matif, mérite le nom de pôle animal. I est opposé au pôle d'expulsion des globules polaires vers lequel est refoulé le deutoplasme, et qui se com- porte désormais comme le pôle végétalif ». £ 4. — Structure du noyau (vésicule germinative) de l'œuf. La jeune vésicule germinative de l'œuf des Pois- sons osseux possède un nucléole chromalique net et très réfringent avec un réseau chromatique dont un certain nombre de travées s'appuyent sur ce nu- cléole. Stephan ‘ montre que ce dernier se rappro- che, par toutes ses réactions colorantes, de la chro- matine; ce serait un nucléole nucléinien (Carnoy) ou faux nucléole de Vigier. Le réseau chromatique disparait ensuite, et il ne reste plus qu'une sub- lance plasmatique (car yoplasme de Carnoy) dans laquelle est plongée une tache germinative. Cependant, Stephan dit que, dans les jeunes œufs de différentes espèces de Poissons des genres Ser- ranus, Sargus et Smaris, on peut trouver des nucléoles plasmatiques ou vrais nucléoles à côté des nucléoles nucléiniens, libres entre eux ou réunis dans une seule masse. Slephan est ici le premier à décrire des nucléoles composés (de sub- stance chromatique et plasmatique) dans la vési- cule germinative de Vertébrés; au contraire, de semblables nucléoles étaient connus chez un grand nombre d'Invertébrés. Quand l'œuf des Téléostéens augmente de vo- lume,le nombre des taches germinatives s'accroil rapidement, par accroissement de petits granules nueléolaires, ‘mais surtout par division directe ou bourgeonnement de nucléoles préexistants (Cun- ningham, 1895, et Stephan). Lorsque commence la formation du vitellus, les nucléoles très nombreux forment une sorte de réti- culum périphérique, accolé à la membrane vitel- line. En général, ce réticulum est entièrement chromatique; dans le Serranus cabrilla, il est formé de substance plasmatique contenant des nucléoles chromatiques aux nœuds du réseau; on prendrait volontiers ces formations, dit Stéphan, 1 P, Srepnan : Sur quelques points relatifs à l'évolution de la vésicule germinative des Téléostéens. Archiv. d'Anat. micr., 1903,t. V, p. 22-37 avec 1 pl. Es GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE pour des cellules conjonctives, et les masses chro- maliques, siluées à leur intérieur, forment comme les noyaux de ces pseudo-cellules. Au sujet du noyau de l'œuf des Sauropsidés, qui est encore si mal connu, M!° Marie Loyez! nous apporte quelques faits intéressants concernant plus spécialement la phase de croissance de l'ovule. Les modificalions que présente alors la vésicule germinative sont relativement simples chez les Oiseaux. Voici ce qui se passe chez la Poule, par exemple : Dans les ovules jeunes, le corps de la vési- cule est une masse homogène, contenant quelques petits nucléoles avec des chromosomes enchevêtrés, granuleux, très chromatiques. Plus tard, les nu- cléoles disparaissent et les chromosomes, prenant la forme de filaments plumeux, se fragmentent en perdant leur colorabililé; ce dernier caractère fait qu'ils disparaissent bientôt au milieu d'un nucléo- plasma très granuleux. Ils réapparaissent au stade suivant sous forme de petits cordons grêles, diversement contournés. La vésicule, continuant à croître, s’aplatit à la surface de l'œuf; elle montre alors les chromosomes groupés à son centre, en cordons plus épais etplus courts. Enfin, la membrane vésiculaire ou nucléaire disparait et le peloton chromatique gagne la péri- phérie de l'œuf. Chez d’autres Oiseaux, les nucléoles prennent une plus grande importance; parfois même, M'° Loyez a lrouvé, comme le cas est assez fréquent chez les Oiseaux, des nucléoles colorables les uns en bleu noir par l'hématoxyline au fer, les autres en rose par l’éosine. On observe ici, comme pour les chro- mosomes, du reste, des variations considérables suivant les espèces; mais on ne peut dire, comme on l'a fait pour les Batraciens et les Reptiles, que le développement des nucléoles est en raison inverse de celui des chromosomes; en effet, chez la Poule, il n'existe pas de nucléoles et pourlant la chromatine est peu développée. La vésicule germinative des Reptiles diffère de celle des Oiseaux en ce qu’elle renferme un très grand nombre de nucléoles : «plusieurs centaines et quelquefois plusieurs milliers dans une seule vésicule », dit M'! Loyez. À la fin de la période de croissance, au stade qui précède immédiatement la maturation, la vésicule germinative de l'Orvet présente au centre un très petit peloton de chromosomes enchevêirés, entouré d’une couranne de nucléoles vacuolaires: chez le Gecko, ces nucléoles n'existent plus, comme chez ! M. Loyez : Sur la formation du premier fuseau de ma- turalion chez l'Orvet (Auguis tragilis L.). C. R. Assoc. des Anal., Liége, 1903, p. 78-80 avec 2 fig. In. : L'épithélium folliculaire et la vésicule germinative de l'œuf des Oiseaux. Id., p. 81-85, avec 3 fig. la Poule et chez le Lézard ; comme chez le Seps le peloton chromatique est entouré d'une zone claire très nette. En 1893, Todaro avait décrit, chez le Seps chal- cides, la formation de canaux qui partiraient de I& surface du disque proligère pour aller rejoindre la vésicule; ces canaux (siphons excréteurs), qui seraient formés par la zona radiata, auraient pour rôle de rejeter au dehors certaines granulations de la vésicule, dont une parlie resterait encore danS une sorte de fossette, au moment de la maturation M': Loyez n'a rien vu de semblable chez l'Orvet, n chez le Lézard, ni chez le Gecko. Mais elle signale et figure des granulations spéciales qui s'accus mulent à la périphérie de la vésicule. Disons enfin que M!!° Loyez a pu observer la forma: tion du premier fuseau de maturation chez l'Orvet4 ce fait est d'autant plus important à noler que ce phénomènes n'ont encore élé éludiés, chez les Rep tiles, que par Todaro, chez le Seps chalcides. Dans un travail des plus intéressants que Lebrun a consacré à la vésicule germinative d’un Urodèle de Californie”, nous voyons avec grand plaisir l'au= teur abandonner les questions de morphologie pure pour s'adresser à la physiologie cyto-sexuelles Lebrun nous montre, d'abord, que la maturation l'œuf qui conduit à la formation des globules p laires doit être considérée comme une sorte de cri. provoquée par l'alimentation insuffisante, par. semi-asphyxie et par la déshydratation du proto= plasma. Cetle crise suit loujours, en effet, une période de jeune; elle serait due à l'accumulation, dansle eytoplasme, de produits de désassimilation. Lebrun parle ensuite de l’action de l'alimentation sur la morphologie de l'élément nucléinien, mais ici son argumentation est surtout théorique. $ 5. — Vitalité de l'ovule. Un des caractères les plus frappants qui distin- guent les deux éléments sexuels, màle et femelle, est la différence du pouvoir de vitalité qu'ils conservent après l'ovulation ou la sémination ; les spermatozoïdes sortis du testicule peuvent vivre, en effet, beaucoup plus longtemps que less ovules non fécondés sortis de l'ovaire. Celte vitalité disparait peu à peu, cependant, et il serait fort important de connaitre les processus de la sénes- cence el de la mort de ces éléments; quelques essais conlinuent à se faire dans cette voie; ce sont ceux de Gemmil*, de Delage’, de Loeb et ‘ H. Lesrun : Les cinèses sexuelles chez le Diemyctilus torosus. La Cellule, 1902, t. XX, p. 1-99 avec 4 pl. 2 J. F. Gemmiiz : The vitality of the ova, spermatozoa. Journ. of Anat. and Physiol., 1900, t. XXXIV, 163-181 avec 6 fig. 3 Yves DEcAGE * L'acide carbonique comme agent de choix GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 149 Lewis", qui ont porté principalement sur des ovules _d'Oursin. Gemmil a vu que la vitalité des ovules et leur “aptitude à une bonne fécondation dépendent de la durée du temps écoulé depuis la ponte. Chez l'Oursin, il oblint les meilleurs résullats avec des œufs âgés d'une heure au moins et de 4 heures au plus. Plus {ôt, il observait souvent l'entrée de plu- sieurs spermatozoïdes dans l'œuf, d'où résultait un développement irrégulier; plus tard, les ovules fécondés montraient une diminution dans leur acti- vilé cinétique, diminution qui allait en augmentant au fur et à mesure qu'on reculail le moment de la fécondation et s'accentuait principalement après la neuvième heure. Loeb et Lewis ont encore précisé ces résultats. Ils trouvent que l'œuf, non fécondé, gardé pendant 93 heures dans l’eau de mer normale, peut non seulement être fécondé, mais encore atteindre en- suite le stade pluteus (à la température d'environ 20° C.). C'est après ce temps seulement qu'ils voient la vitalité de l'œuf s’'affaiblir; de 24 à 32 heures 1/2, quelques œufs se développent seulement jusqu'au stade gastrula; en général, ils ne peuvent plus être fécondés après ce temps: ils se prennent en masse collante, acquièrent une couleur brun sale et se désagrègent. On trouve cependant des œufs qui peuvent recevoir les spermatozoïdes après 48 heures de séjour dans l’eau de mer; mais, dans ce cas, ils ne dépassent pas les premières phases de la seg- _mentalion. L'entrée d'un spermalozoïde arrêle ou modifie donc les processus qui conduisent naturellement les ovules à la mort; la déshydratation partielle produit arlificiellement le même effet, quoiqu'à un moindre degré?; le cyanure de polassiurn avec Lœæb et Warren Lewis, l'acide carbonique avec Delage agiraient également dans le même sens. Les deux savants américains, Læb et Lewis, ont montré, en effet, qu'en porlant d’abord les œufs non fécondés dans une solution de 100 parties d'eau de mer pour 1 partie d'une solution de L 11 KCAZ au 10? concentration de KCAz, ils avaient pu obtenir des pluleus d'œufs âgés de 112 heures et des segmen- lations d'œufs ägés de 168 heures (temp. 20° C.). IL est probable, disent-ils, que le cyanure de puis en diminuant graduellement la de la parthénogénèse expérimentale chez les Ascidies. C. R. Ac. Sc., 13 octobre 1902, p. 570. In. : Sur le mode d'action de l'acide carbonique dans la parthénogénèse expérimentale. Compt. R. Acad. Se., 20 oc- tobre 1902, p. 605. 4 J. Lors and W. H. Lewis : On the prolongation of the life of the unfertilized eggs of Sea-urchins by potassium cyanide. Amer. Jour. of Physiol., 1902, t. VI, p, 305-317. 2 Voir G. Lorsez : Revue annuelle d'Embryologie dans la Revue de 1901, t. XXIV, p. 1.13#. potassium peut égilement prolonger le pouvoir de développement parthérogénétique, car, tandis que des solutions faibles de KCAz sont capables d'arrêter certains processus cellulaires, les conditions nor- males du système peuvent être rétablies quand le KCAZz a diffusé”. Deux compatriotes de Lœb sont venus, depuis”, interpréter différemment cependant les résultats obtenus par Læb et Levis. Gorham et Tower pensent, en effet, que le cyanure de potassium agit indirectement en épurant le milieu des bac- téries qui, à l'élat normal, viennent agir nocive- ment sur les œufs pondus; ce sel ne serait pas, à proprement parler, un prolonger of life, mais bien un poison de la matière vivante, qui peut agir tout aussi bien sur les ovules que sur les bactéries. D'après ces auteurs, l'eau de mer, parfaitement stérilisée, conserverait même les œufs plus long- temps que ne le fait la meilleure des solutions de cyanure de Lœb; ils auraient pu conserver ainsi, pendant onze jours, des œufs en état d'être fécondés et de donner des pluteus. Cependant, Loeb a repris la question en s'adres- sant, cette fois, à des œufs d'Astérie(Asterias For- besii) *. Ses nouvelles recherches tendent à montrer que, dans la même eau de mer, les œufs mûrs non fécondés meurent beaucoup plus vite que les œufs non mûrs; leur mort rapide serait sous la dépen- dance de conditions inlernes et non pas déterminée par les bactéries contenues dans l’eau de mer; ils meurent, en effet, aussi rapidement dans de l’eau stérilisée. Loeb pense que les conditions internes qui amènent la mort sont en connexion intime avec les phénomènes de maturation. Aussi recherche- t-il quels sont les agents qui agissent sur ce der- nier phénomène. Il voit que l'oxygène et les ions hydroxyles libres l'accélèrent, ce qui explique peut-être pourquoi les œufs d’Astéries ne mürissent qu'après avoir été‘pondus, contrairement à ce qui se fait dans les œufs d'Oursin; par contre, le manque d'oxygène et la présence d'acides empêche la maturation des œufs de se faire. A la même époque, Delage montrait que l'in- fluence inhibilrice des acides sur la maturation des 1 Los et Lewis ont remarqué incidemiment que le manque d'oxygène ne prolonge pas ou prolonge peu la vie des œufs non fécondés. De mème, l'abaissement de température agit beaucoup moins bien que l'addition de KCAz à l'eau de mer. 2 E. P. Gornau et R. W. Tower : Does potassium cya- nide prolong the life of the unfertilized sea-urchins ? Amer. Journ. of Physiol., 1902, t. VIII, p. 175-182. 8 Jacques Lors : Ueber Eireifung, natürlichen Tod und Verlängerung des Lebens beim unbefruchteten Seesternei Asterias Forbesii) und deren Bedeutung für die Theorie der Befruchtung. Archiv. f. die gesamm. Paysiol., 1903, t. XCIIT, p. 59-76. 15) GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE œufs d’Asléries ne va pas seulement jusqu'à pro- longer leur vie, mais encore qu'elle leur per- met d'entrer en segmentalion et de se comporter par la suile comme de véritables œufs fécondés. C'est au moment où les ovules d'Astéries sont en voie de division pour l'expulsion des globules po- laires que Delage les place dans son réactif (eau de sellz fabriquée avec de l'eau de mer). La divi- sion réductrice s'arrête alors immédiatement chez les ovules. Il y a d’abord action inhibitrice, puis stupéliante, car lorsque l'œuf, après une heure de séjour dans le réactif, est placé dans l'eau nalu- relle, CO* s'élimine rapidement, et l'œuf rentre en aclivité; mais, au lieu d'achever une division très inégale qui fournirait un globule polaire, il fait une division égale, suivie de toute une série qui se poursuit normalement et constitue le phénomène de la segmentation. Il semblerait même, d'après Delage, que l'acide carbonique se montre un agent de développement aussi efficace que le spermaltozoïde. Dans ses expériences, en effet, {ous les œufs en expérience se sont développés parthénogénélique- ment, alors que les autres agents employés anlé- rieurement par lui donnaient 30 à 40 °/, de seg- mentation et seulement 3 à 10 °/, de blastula. Ici, dit-il, la proportion est de 100 °/,, et lorsqu'il fut obligé de quilter Roscoff, où il expérimentait, il laissa des larves carboniques, à un stade rappelant la larve auricularia des Holothuries, âgées de 32 jours, parfaitement agiles et en tout semblables à celles qui proviennent de la fécondation. Dans une Note récente, Y. Delage ! annonce qu'il continue ses expériences, sur lesquelles nous aurons sans doute l’occasion de revenir dans une prochaine revue. Nous ajouterons cependant que C. Viguier ? à cru pouvoir restreindre l'importance des résultats oblenus par Delage, mais Viguier s'est adressé à des œufs d’Oursin ; or, comme Delage le rappelle *, les œufs d'Oursin sont absolument rebelles à l’ac- tion de l'acide carbonique, peut-être parce qu'on ne peut agir ici avant la phase de maturation, ces œufs émellant toujours leurs globules dans l'ovaire maternel. Malgré leur très grand intérêt, ces expériences el observations ne peuvent nous dire encore quelle esl la nature des processus qui font mourir l'œuf non fécondé et le spermatozoïde isolé, et cela d'autant plus que nous venons de voir Gorham et . DELAGE : Elevage des larves parthé nogénétiques d'As- ue s dues à l'action de l'acide c arbonique, C. AR. Ac. Se. 7 septembre 1903, p. 449 3 C. VicutEer : Action de l'acide ce arbonique sur les œufs d'Echinodermes. C. R. Ac. Sc., 29 juin 1903, p. 1687. * In.: La parthénogénèse par l'acide carbonique, obtenue chez les œufs après l'émission des globules polaires, C. R. Ac. Sc., 21 septembre 1903, p. 413. Tower faire intervenir, pour les œufs d'Oursin, dt moins, un facteur étranger à la vitalité même du protoplasma ovulaire. Il ne suffit done pas de dire, avec Lœb et Levis, que la mort des ovules peut être déterminée par une auto digestion (ou par d'autres processus enzymatiques), ou peut êtrt encore considérée comme un phénomène catalÿs tique. Cependant, s'il est logique de penser à Pin fluence du milieu dans le cours d'une expérienct il n'en est pas moins vrai que les deux sortes d'éléments sexuels pondus portent, chacun en eux leur cause de mort, de même qu'ils possèdent, lui par rapport à l'aulre, leur raison de vivre. L causes intrinsèques de leur mort sont sans doute complexes; mais il en est une à laquelle les a teurs n’ont pas pensé, croyons-nous, et qui duil jouer, il nous semble, le principal rôle : c’est là présence, dans ces éléments, de substances toxfs ques, qui ont élé reconnues et éludiées dans lé Poissons. Tout derniérement, nous avons repris ces recherches dans les glandes génitales des Oursins et nous y avons trouvé, non seulement des toxalbumines comme chez les Tétrodons, ma encore des alcaloïdes qui tuent des lapins de forte taille en quelques minules'. L Plus récemment, Phisalix* a vu également Lo: vaire de crapaud se charger de venin au momen du frai, époque ou la glande génitale est en surac= üivité fonctionnelle; il a relrouvé ce venin dans les œufs pondus el l'a vu ensuile disparaitre au cours du développement. 1 Loeb et Delage semblent considérer la maturä tion des œufs comme une cause de mort. Nous nous demandons si les cinèses successives qui caractéri sent ce phénomène ne sont point plutôt déter minées par une aulo-intoxication progressive des œufs contre laquelle viendrait lutter l'acide car bonique, dans les expériences de Delage, l'acide nucléinique, dans la fécondation normale. Les poisons contenus dans les œufs agissent probablement comme substances stimulantes de l'activité cinétique de la cellule. Daus les œufs parthénogénétiques, ces stimulines seraient d telle nature ou de telle quantité que cette activité pourrait conduire directement à la formation d'u nouvel individu. Dans les œufs ordinaires, au con traire, ces stimulines seraient telles qu'elles ten draient à conduire l'œuf à la mort, à moins qu'une partie, au moins, de ces substances, ne soit trans- ! G. Lorsec : Les poisons des glandes génitales. Première note : Recherches et expérimentation chez l'Oursin. €. R: Soc. Biol., 11 nov. 1902. ? C. Paisauix : Corrélations fonce tionnelles entre les glandes: à venin et l'ovaire chezle Crapaud commun. C. À. Soc. Bi 19 déc. 1903. : GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE formée par les substances mäles ou par d'autres | substances neutralisantes. $S 6. — Classification embryologique des œufs. Pour ce qui concerne la classification des œufs, les traités de Zoologie et d'Embryologie continuent toujours à refléter, ou même à reproduire, les premières classificalions de E. Hæckel et de Bal- four; celle, plus récente el plus complète, de L. Roule 15€ Il est certain, en effet, que l'influence du deuto- plasma n’est nullement décisive des modes de divi- sions ultérieures de l'œuf; voir, par exemple, les divers groupes des Tuniciers, des el des Mammifères. Déjà, en 1892, Félix Henneguy avait pris pour base d’un nouveau lravail les données cytologiques, et la classification qu'il nous donna alors des œufs représenta un progrès très sensible sur ses devan- Batraciens Tagceau I. — Comparaison des classifications des œufs d'Henneguy, de Roule et d’Éternod. DÉSIGNATION 1o OEufs sans vitellus nutrilif. Noyau rigou- reusement central LS o OEufs avec très peu de vitellus intimement mélangé au poroplesms PRES très voi- sin du centre. : ; CORRE intimement mélangé au protoplasma, mais s'isolant ensuite, après la segmenta- tion. Noyau encore très voisin du € centre . Amphioxus. en o OEufs avec vitellus plus abondant encore, commencant à se répartir dans le protoplasma. du centre. . Jus inégalement Noyau s'éloignant Ganoïdes à 30 OEufs avec vitellus plus abondant, d'abord à | 50 OEufs avec vitellus très abondant, distinct, ( Crustacés. entourant le noyau qui reste près du centre. } Insectes. 69 OEufs avec vitellus et protoplasma netle- | Téléostéens. ment distine ts, se c antonnant chac Le res- \s Sélaciens. pectivement à l'un des pôles de l’ovule. ? Sauropsidés. Noyau très excentrique, placé au Poe Mammifères in- protoplasmique. CS oiPRE férieurs. 1° OEufs avec vitellus supplémentaire sur- | Trématodes, ajouté extérieurement à l’ovule et DIRE RESTES sous une enveloppe commune ; So OEufs déméroblastisés, c'est-à-dire à vitel- | lus ayant disparu secondairement dans l Mammifères su- le cours de l'évolution. Noyau sens ant à périeurs. revenir au centre de l’ovule. 0 | (Embryologie générale, Paris, 1893, page 113) prend encore comme point de départ les premières manifestations de la vie ovulaire, la segmentation ; c'est dire que cette classification est mécanique avant tout, comme celle de Hæckel. EL pourtant, « la structure intime, l'orientation des éléments deutoplasmiques dans les œufs, dit justement Eternod, ainsi que les modes de segmentation qui en découlent, sont plus difficiles à comprendre que ne le voudraient a priori Hæckel et Balfour ! ». 1 À. C. F, Erernon : Contribution à la classification em- EXEMPLES hypothétiques. Echinodermes. Cyclostomes. Amphibiens. HENNEGUY (1892 ET 1896) | ROULE (1893) ÉTERNOD (1900) Analécithes » 3, privatif; }éut- 60:, jaune d'œuf.) Alécithes CA SR XÉzt- Oocyte Oligolécithes Alécithes. sr (a){yos, peu). Bradylécithes (Bpavc, lent). Panlécithes (räv, tout). Mixolécithes uiEr:, mélange). | Centroléci- | > Panlécithes (r&v, tout). (: tentroléc ithes thes holo- Aévrpov, centre). blastiques. Centroléci- thes iméro- blastiques. Centrolécithes (Evrcov, centre). Métoocyte ou Epoocyte Amictoléc ithes. (æ; pic). Te Se ithes téh:, au loin). Ectolécithes zxtoç, au dehors). Télolécithes. me) À \ | Homolécithes d = \ EE mn Epoocyte Métalécithes (pet, qui indique (opos, pareil). EN chi ingement). Mé toocyl e ciers. C'est, du reste, une classification un peu ana- logue à celle-ci que Eternod nous présente ici, en tenant compte des facteurs suivants : 1° La position du noyau; 2° La direction de l'axe et de l'orientation des pôles plastique et nutritif; 3° La quantité relative du deutopiasme ; 4° L'orientation de celui-ci par rapport au noyau et à l’axe ovulaires; ER Et Re E 1900, €. VIII, p. 231- bryologique des œufs. Bibliogr. Anat., 241 (v. p. 233). »° Le mode de segmentation et, notamment, le lieu exact du plan équatorial de segmentation ; 6° Le genre de gastrulation ; 1° Les phénomènes d'évolution post-gastrulaire. C'est en partant de toutes ces données réunies qu'Eternod a pu composer une classification nou- velle, que nous croyons ulile de comparer, dans le tableau T, avec celles de Henneguy et de Roule. Eternod a fait suivre son essai de considérations générales intéressantes sur l'évolution probable des œufs. Elernod pense d'abord que l'œuf rigoureu- sement holoblastique, en tant qu'œuf, ne peut pas exister el n’a pas pu exister anciennement. La divi- sion absolument égale (holoblastique absolue) ne peut engendrer, dit-il, que des éléments loujours égaux et parfaitement semblables à eux-mêmes: or, c'est là le propre des organismes monocellu- laires (Protophytes, Protozoaires). Au contraire, pour engendrer des organismes pluricellulaires (Métaphytes, Mélazoaires), 1l faut une certaine dose de polarisation et de différenciation cellulaires: et c'est cette raison qui fait admettre à Eternod, comme type primordial d'ovules proprement dits, un groupe d'œufs pseudo-holoblastiques où oligo- lécithes. L'accumulation de plus en plus grande du deuto- plasme dans les œufs, etle méroblaslisme qui en fut la conséquence, vinrent ensuite apporter «une sorte d'affranchissement dans le combat pour la vie » aux organismes qui présentèrent ce phénomène. Et sur lui vinrent agir des causes primordiales : température, humidité, lumière, etc., que G. Loisel étudie succinctement dans une revue d'ensemble‘. Mais il estbien certain que d'autres circonstances nutritives intervinrent pour la constitution des œufs. Ce furent d’abord, continue Loisel, l'influence complexe des milieux et du climat, puis celle des rapports plus ou moins intimes que les jeunes en développement purent acquérir avec l'organisme maternel (gestation, commensalisme, parasilisme). Enfin, à ces influences, Eternod ajoute encore : 1° Les adjonctions périovulaires, telles que le manteau gélatineux protecteur de l'œuf de l'Am- phioxus et des Batraciens, que les larves doivent consommer et délruire avant d'être tout à fait libérées; telles, également, que l'a/bumen des Sau- ropsidés, qui est employé finalement à pourvoir à l'accroissement du jeune individu, jusqu'au mo- ment où ce dernier est devenu habile à chercher sa vie d’une manière indépendante; 2° Les soins malernels et paternels dont beau- coup d'organismes entourent leur progénilure, en ‘ G. Lorsez : Les causes et les conséquences de la pré- sence des réserves nutritives dans les œufs. Miscellanées biologiques, dédiées au Professeur Alfred Giard, Paris, 1899, p. 402-432. GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE la défendant contre leurs ennemis naturels, en lui préparant des pälées spéciales, ou autrement: 3° L'allaitement, acte pour le moins aussi décis pour les Mammifères que la gestation utérine. Ces dernières influences constituent, en somme des moyens adjuvants de nutrition embryonnañ qui vinrent prendre la place du deutoblastisme.M ainsi apparurent les séries organiques « qui of comme point de départ un groupe d'œufs démérc Dlastisés, progressifs pour les polarisations, maïs régressifs pour ce qui concerne le méroblastisme, ét dont, néanmoins, la segmentation et les formes évolutives qui en dérivent sont frappamment les mêmes que celles de leurs ancêtres,les œufs fram chement deutoplasmiques ». IT. — TRAITÉS GÉNÉRAUX. TECINIQUE EMBRYOLOGIQUE 1° Nous signalerons tout d’abord l'heureuse idéen qu'ont eue plusieurs savants allemands de coll tionner, sous la forme encyclopédique, tout ce qui existe actuellement en fait de technique microseo® pique, de méthodes histologiques et embryoles ques et de procédés micro-chimiques'. Pour ce qui nous concerne ici, e’est le Profes seur Ballowitz, de Greifswald, qui a rédigé article Embryologische Technik. Après quelques consi dérations générales, il nous parle : dans une pre mière partie, de la fécondation artificielle, de l'observation du matériel embryologique à l’étal vivant, de la préparation des œufs et des em bryons, des différents procédés de fixation et dé durcissement, qu'il décrit avec beaucoup de dé= tails, des méthodes de coloration, d'inclusion et de coupes; puis, dans une deuxième partie, Ballowitz ss, 4 Re montre l'application des méthodes embryologiquesM à chaque groupe de Vertébrés pris en particulier: (Pour l'embryologie des Invertébrés, il faut aller chercher chaque groupe à son ordre alphabétique! La technique embryologique est complétée par deux autres articles distincts. Le premier, sur les méthodes expérimentales embryologiques (Expes rimentell embryologische Methoden), est dû aw D' Wetzel, privat-docent à Berlin. Il comprend l'exposé des méthodes pour l'étude de la poten tialité d’une partie de l'œuf ou de l'embryon, pour observer l'influence des différents facteurs sur le segmentation et sur l'évolution des embryons, la description de l'appareil de Chabry, de l'embryos* cope de Gerlach, du prisme rotateur, ete. Dans le deuxième article (Plastiche Rekonstrule tion), le D' K. Peter, privat-docent à Breslau, initie l'embryologiste aux différentes méthodes de re { Encyclopädie der mikroskopischen Technik mit beson derer Berücksichtigung der Farbelehre. Berlin u. Wien: 2 vol. GUSTAVE LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE Construction des coupes microscopiques. Il divise Ces méthodes en deux groupes : celles qui donnent un modèle plastique des objets coupés (méthodes à trois dimensions) et celles qui nous offrent seule- ment une reconstruclion en surface au moyen du dessin (méthodes à deux dimensions). Toutes ces “méthodes, celles de Born, de His, de Kaschenko, de Schaper, par exemple, sont suffisamment exposées ici pour que l'embryologiste puisse les appliquer à ses études personnelles. Du reste, là, comme à la suite de chaque article de l'ouvrage, une biblio- graphie complète des travaux de ces dernières années permet au lecteur de se reporter aux sources originales. 99 Dans À Laboratory Text-book of Embryology", Ch. S. Minot nous donne surtout, comme l'indique son titre, un guide pour les études de l'embryo- logie des Vertébrés supérieurs au laboratoire. C'est | le Pore qu'il a pris comme type devant servir de base à l'embryologie pratique du mammifère, et c'est au développement de ce type qu'il consacre la plus grande partie de son ouvrage. Il prend ensuite le Poulet, mais pour le comparer surtout à l'embryon de Lapin. Il s'arrête davantage sur ce dernier pour indiquer comment on peut obtenir, fixer et étudier sa vésicule blastodermique. Il montre ensuite com- ment on peut observer la formation des globules polaires et la fécondation chez la Souris et vient | enfin à l'Homme, pour étudier l'utérus et les annexes du fœtus. Là encore nous trouvons décrites les dif- férentes méthodes pouvant servir plus spéciale- ment en Embryologie. 3° Dans une sorte d'introduction à un grand Traité d'Obstétrique qui paraît en ce moment en Allema- gne, Il. Bayer” présente d’une façon originale l'état de nos connaissances actuelles sur le développement de l’appareil génital femelle chez les Vertébrés, en général, mais surtout chez les Mammifères, chez la Femme en particulier. 1 1 fort. vol. de 380 p. avec 918 fig. Philadelphie, 1903. 2 H. Bayer : Entwickelungsgeschichte des weiblichen Ge- nitalapparates, t. CIV, avec 12 pl. et 33 fig. Strasbourg, 1903. Bayer nous montre d'abord la structure de l'œuf et la formation des feuillets blastodermiques chez le Lapin etchezl' Homme; puis, arrivant au système génito-urinaire, il nous fait d’abord connaître les organes d'excrétion qui se succèdent chez l’em- bryon, la formation de la glande sexuelle primitive et de ses dérivés dans l'espèce humaine, puis la constitution définitive de l'appareil génital chez la Femme pendant la période fœtale. 4° Korschelt et Heider ont commencé, l'année dernière, la publication de la deuxième édition de leur grand Traité d'Embryologie des Invertébrés*. Les deux premiers fascicules de cet ouvrage, qui forment, du reste, un volume séparé, intéressent tous les embryologistes, car ils sont consacrés d'abord à l'ensemble des données fournies jusqu'ici par l’Embryologie expérimentale : facteurs externes et internes du développement et problème de la détermination; on trouve ensuite l'état actuel de nos connaissances sur les éléments sexuels, sur leur origine et leur évolution. 5° Comme parallèle à cette publication, Oscar Hertwig vient de prendre la direction de la publica- tion d'un grand traité d'Embryologie des Vertébrés, auquel collaborent beaucoup de savants alle- mands*. Enfin, en terminant notre Revue, nous citerons, pour l'usage des étudiants en médecine, un fascicule de deux cents pages, L’Embr yologie en quelques leçons, de Debierre, et les Leziont elementari di Embriologia applicata alle scienze mediche, de Valenti Giulio“. D' Gustave Loisel, Préparateur d'Embryologie à la Faculté des Sciences de Paris. 1 E. Korscugzr und K. Heiner : Lehrbuch der verglei- chenden Entwickelungsseschichte der wirbellosen Thiere, p. 1-538 avec 318 fig. lena, 1902. 2 Handbuch der vergleichenden und experimentellen Ent- wickelungslehre der Wirbeltiere, herausgeg. von Osc. Hert- wig. lena, 1901. 5 Paris, Alcan, 1902. # Unione tipografico editrice torinese, Turin, 1903. 154 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE 4 ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Delaporte (L.-J.), Docteur en philosophie de l'Uni- versité de Fribourg (Suisse), licencié ès sciences mathématiques. — Essai philosophique sur les Géométries non euclidiennes.— 1 ro] de 139 pages. (Prix : 3 fr.) GC. Naud, éditeur. Paris, 1903. Les ouvrages dont nous rendons habituellement compte aux lecteurs de la Revue ont, avec des mérites assurément très inégaux, le caractère commun d'être intéressants. Les exceptions sont très rares. Le livre de M. Delaporte en est une. Quoique l'ouvrage n’en porte pas l'indication expli- cite, nous pensons qu'il s’agit là de la thèse de doctorat en philosophie que l’auteur a présentée à l'Université de Fribourg (Suisse). Il y à une certaine érudition, un certain souci de remonter aux sources. Le travail mérite assurément le diplôme qui a dû lui être décerné. Mais là s'arrêtera le bien que nous ayons à en dire. D'abord, si, des 139 pages du volume, on défalque la partie historique, les citations, la compilation de l'ap- pendice géométrique, les index, … la part personnelle de l’auteur apparaîtra comme mince. Ce n'est pas tout : L'auteur, qui se réclame d’Aristote, est un euclidien fervent, un partisan convaincu de la science tradition- nelle. Soit. Le malheur est que M. Delaporte ne se doute même pas combien sont touffus et complexes les problèmes qu'il s'imagine résoudre, Après avoir rédigé en peu de pages (de la page 48 à la page 60), et sans grandes démonstrations, un caté- chisme géométrique succinct, l’auteur exécute en quelques mots les théories différentes de ce catéchisme. C'est en quelques phrases qu'il dit son fait à Helmholtz ou à M. H. Poincaré. Nous ne saurions recommander la lecture du travail de M. Delaporte que si l'on est pourvu de loisirs abon- dants, sur l'emploi desquels on serait embarrassé. LÉON AUTONNE, Maître de Conférences de Mathématiques à la Faculté des Sciences de Lyon. De Chasseloup-Laubat. — Les Marines de guerre modernes.— 1 vol. in-k° de 373 pages avec 116 figures. (Prix : 15 fr.) Veuve Ch. Dunod, éditeur, 49, quai des Grands-Augustins, Paris, 1903. M. de Chasseloup-Laubat a fait une monographie très complète des navires de guerre appartenant aux grandes puissances maritimes : Allemagne, Angleterre, Autriche, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Russie. Chaque type de navire y est décrit dans ses principaux détails; des gravures et des schéma très clairs ef très bien faits permettent de se rendre compte de la dis- position et de importance de sa puissance offensive et défensive. Tous ceux qu'intéressent les questions si complexes relatives aux navires de combat trouveront réunis dans cet ouvrage les éléments pour une étude d'ensemble des flottes construites et de celles en cons- truction, aussi bien au point de vue des machines, des chaudières et de la distance franchissable que de l'ar- üllerie et du cuirassement. C'est l'ouvrage le plus complet et le plus utile qui ait été fait dans ce genre. Ajoutons que la préface est à lire : on y trouve résumée succinctement, mais d’une manière fort heureuse, l'histoire maritime Jusqu'à nos jours. A. CRONEAU, Directeur de l'Arsenal de Lisbonne, WWitz (Aimé), Doyen de la Faculté libre des Sciences de Lille. — Traité théorique et pratique des Moteurs à gaz et à pétrole. (4° Edition, refondue et entièrement remaniée). Tome I. — 1 vol. grand in-8° de 504 pages, avec 137 figures. E. Bernard» éditeur, Paris, 1903. Nous avons donné ici mème‘ des comptes rendus assez détaillés du second et du troisième volume de la troisième édition de cet ouvrage. Le succès de cette dernière, et le très grand développement pris dans ces dernières années par les moteurs à mélange carburé, ont amené l’auteur à complèter son œuvre et à MA remanier : la 4° édition comprendra deux forts volumes grand in-80. Celui que nous allons analyser aujourd'hui don l'histoire et la classification des moteurs, l'étude de divers combustibles qui les alimentent, l'exposé d’une théorie générique et d’une théorie expérimentale de ces moteurs, enfin leurs essais. Dans l'historique, très complet, nous voyons relatés selon leur ordre chronologique, les faits suivants, dont l'énoncé est comme la liste des principales nouveautés offertes par l'édition actuelle : 1° L'utilisation des gaz de haut-fourneau par des moteurs à explosion, notamment par le moteur à deux temps de M. von Achelhaeuser ; : 2° L'Exposition de Paris en 1900. Bien que les moteurs à gaz n'y aient pas occupé la place qui leur était légiti= mement due, qu'ils aient été frustrés de toute coopé- ration à la fourniture du travail et de la lumière, ils y firent pourtant constater de brillants progrès de construction. La consommation était abaissée à 500 litres de gaz à 5.250 calories; on prévoit qu'elle pourra bientôt être réduite à 400 litres par cheval-heure effectif. I semble qu'on ait réussi à corriger les régulateurs de loscillation périodique que leur imposait la résis- tance des organes de distribution qu'ils conduisent. L'allumage se fait le plus souvent par incandescence; pourtant l'inflammation par magnéto parait indiquée: pour les moteurs puissants. A Paris, le moteur à quatre temps du cycle Otto régnait en maitre; on n'y voyait que deux moteurs à deux temps. M. Witz n'en constate pas moins que le moteur à deux temps genre Clerk à des avantages incontestables, et, que, s'il a un faible rendement, cette infériorité est atténuée par l'alimentation au gaz pauvre. Le moteur von Achelhaeuser et le nouveau Duplex Kærting ont clairement démontré que le cycle à deux temps se prête bien à la production des grandes puissances. Enfin, le succès, jusqu'ici relatif, mais cependant certain, du moteur Diesel fait présager un retour aux moteurs à combustion ; | 3° L’Exposition de Dusseldorf en 1902. Elle a con- sacré le succès des forts moteurs à deux temps et mis en évidence, pour les moteurs à quatre temps, bien des perfectionnements de détail : sécurité absolue de fonctionnement, robustesse comparable à celle des machines à vapeur, marche silencieuse, amélioration du rendement. Les constructeurs allemands fabriquent de très puissants moteurs, dans lesquels ils font varier l'admission (le réglage par tout ou rien est réservé par eux aux petits moteurs); ils produisent l'allumage par magnéto, et ils compriment à 9 et 10 kilogrammes par centimètre carré®; ! Revue gén. des Sciences, tomes V et X. À ? IL est intéressant de constater que les deux premiers moyens sont employés pour les moteurs d'automobiles, f BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 133 … ;° Enfin, l'entrée en scène de l'alcool. L'ouvrage relate les concours organisés par le Ministère de l'Agri- “Culture en octobre 1901 et juin 1903, et le résultat si remarquable constaté sur un moteur Brouhot, d'une puissance de 16 chevaux, qui dépense par cheval-heure “effectif 340 grammes d'alcool pur et 233 grammes d’al- “cool carburé à 50 °/.. Ces chiffres correspondent à un rendement thermique effectif de 33, 90 °/,; on n'en “connait pas de plus élevé. L'auteur met en évidence les conditions indispensables à un bon rendement: brassage “énergique et réchauffement du mélange d'air et de va- peur d'alcool. | Dans l'étude des divers combustibles, une grande place est faite aux gazogènes, aux gaz pauvres, notam- ment à ceux de haut-fourneau. La théorie générique des moteurs est celle que nous connaissons. La théorie expérimentale s'attache à déterminer les imperfections des cycles réels, l’action de la paroi du cylindre, les divers régimes de détona- tion et de combustion. De cette théorie, soumise au contrôle de l'expérience, M. Witz s'efforce de dégager les règles que la construction doit suivre pour obtenir le meilleur rendement. Dans le dernier chapitre, consacré à la mesure du travail indiqué et du travail effectif et à l'établissement des bilans de fonctionnement, de nombreux résultats _ d'essais ont été rapprochés et comparés. M. Witz donne . des formules pour la détermination et le calcul des dimensions d'un moteur en vue d'une puissance donnée, sans s'exagérer, d’ailleurs, la valeur de ces formules. L'œuvre entière est digne du savant spécialiste, à la compétence duquel tout le monde rend hommage. GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines. 2° Sciences physiques Monnier (D.), Zagénieur des Arts et Manufactures, Membre du Conseil de l'Ecole Centrale. — Electri- cité industrielle. (Cours de l'Ecole Centrale des Arts et Manulactures) (2° édition). — 1 vol in-8° de 825 pages avec figures. (Prix :25 fr.) E. Bernard et Cie, éditeurs, Paris, 1903. ‘Dans un ouvrage qui traite de l'application d’une science, il est naturel de faire une juste part aux prin- cipes scientifiques indispensables sur lesquels elle repose. Mais il est souvent difficile de savoir restreindre cet exposé théorique et d'éviter les développements qui seraient hors de proportion avec lPimportance du sujet au point de vue de l'application. En d’autres mots, Time is money est un adage dont l'application devrait commencer non seulement dans l'industrie, mais aussi dans les études et les cours qui y condui- sent. Sous ce rapport, l'ouvrage de M. Monnier donne pleine satisfaction, et la partie théorique se trouve ré- duite à sa juste et légitime valeur. Le lecteur trouvera dans l'Introduction un résumé clair et précis des prin- cipes fondamentaux de l'Electrotechnique, avec Îles démonstrations usuelles qu'un ingénieur électricien ne peut ignorer. Les quatre premiers chapitres, qui servent d'intro- duction à l'ouvrage (1° Equivalence des différentes formes de l'énergie; 2 Actions magnétiques; 3° Actions électromagnétiques; 4° Induction électromagnétique), sont d'une lecture facile et profitable à tout lecteur désireux de se remettre en mémoire les points les plus “essentiels de la théorie de FPélectricité en vue des applications. C'est avec la deuxième partie que l’auteur entre dans le vif du sujet par l'étude des dynamos à courant continu, auxquelles il consacre dix chapitres en raison ‘dont ne s'occupe pas l'ouvrage, exclusivement réservé aux moteurs fixes. Qui sait si le troisième, l'augmentation de la compression, ne leur conviendrait pas aussi? de leur importance et parce que les principes qui président à la construction de ces machines retrouve- ront leur application dans l'étude d’autres appareils. Indépendamment de l'étude du fonctionnement des inducteurs, de l'induit, des différents modes d’enrou- lement et de la théorie des dynamos, ete., cette partie renferme plusieurs chapitres qui intéressent plus par- ticulièrement la construction. Ces pages seront d'une très grande utilité pour les ingénieurs; mais le physi- cien désireux seulement de se mettre au courant des applications pourra les lire plus rapidement. Les titres des chapitres qui suivent indiquent suffi- samment le plan suivi par l'auteur : Inducteurs, En- roulement de l'induit, Eléments de construction des induits, Théorie des dynamos à courant continu, Caractéristiques, Régulation, Moteurs électriques à courant continu, Etude d'un projet de dynamo à cou- rant continu. Avec le chapitre XV commence l'étude théorique des courants alternatifs. Dans cet exposé, l’auteur emploie d'abord la méthode générale analytique pour montrer ensuite les simplifications que peuvent introduire les deux auxiliaires si précieux de cette méthode, à savoir : la méthode graphique et la méthode des imaginaires. L'ingénieuse application que M. Steinmetz à faite de cette dernière méthode à la résolution du problème de la capacité uniformément répartie termine cet exposé. Vient ensuite l'étude, toujours théorique, des cou- rants polyphasés, des champs tournants et des harmo- niques des courants alternatifs. Ce dernier paragraphe vient compléter fort heureusement les théories précé- dentes en montrant les différences qui peuvent résulter du fait de la présence des harmoniques élevés et dans quel sens les calculs industriels peuvent être modifiés si l'on doit en tenir compte. Dans l'interprétation de certains phénomènes, l'ingénieur comme le physicien feront bien de ne pas perdre de vue ces influences possibles. É : C’est armé de ces connaissances théoriques indispen- sables que le lecteur aborde l'étude des principaux genres d'appareils de production, de transformation et d'utilisation du courant alternatif. Les chapitres XVI et XVII sont consacrés aux diffé- rents types d’alternateurs, construction et fonctionne- ment. Les transformateurs de courant alternatif font l'objet des chapitres XVIIT et XIX et sont l’occasion d'une étude théorique où sont développées les condi- tions générales de leur fonctionnement. Enfin, les cha- pitres XX, XXI et XXIT traitent des moteurs syn- chrones, asynchrones et de la transformation des courants alternatifs en courant continu. En résumé, cet ouvrage nous semble se recommander comme un des ouvrages généraux les meilleurs. Il constitue une initiation précieuse aux principaux domaines de la construction électrotechnique. En un nombre relativement restreint de pages, l’au- teur à su exposer dans leurs traits principaux tous les points essentiels du fonctionnement et de la construc- tion des appareils d'électricité industrielle. C'est assu- rément la grande expérience technique et didactique de l’auteur qui lui a permis d'atteindre ce résultat; c'est elle aussi qui garantit à cette seconde édition, comme à la première, un légitime succès. CH. Euc. GUYE, Professeur à l'Université de Genève. Haller (A.) embre de l'Institut, Professeur à la Sor- bonne. — Les Industries chimiques et pharmaceu- tiques. Rapport du Jury international de l Expo- sition de 1900 (classe 87). — 2 vol. in-4° de 406 et 446 pages. Imprimerie nationale. Paris, 1903. Au lendemain de l'achèvement d'un siècle de lumière etde progrès, siècle durant lequel la Chimie s'est érigée en science et a doté les Arts des perfectionnements les plus saisissants, il était à souhaiter qu'un monument commémoratif fût élevé à ces conquêtes de l'esprit humain. Un tel monument devait ètre l’œuvre à la fois d'un savant et d'un érudit. Nous le devons à la plume de M. Haller, le réalisateur de l'idéal et parfait accord de la Science et de l'Industrie. Des faits d'ordre économique ont porté certains esprits inquiets et rétrogrades à penser que l'intrusion des méthodes scientifiques dans les champs de lacti- vité industrielle doit fatalement produire de fâcheux bouleversements. Certes, l'on ne peut nier que la décou- verte de l’alizarine n'ait entrainé à la ruine la culture de la garance. Mais, si l’on envisage les faits d'une façon plus large, on sera forcé d'admettre que la Chimie ne cesse d'éclairer de ses lumières tous les ateliers, toutes les manufactures, dont la prospérité est liée à ses pro- grès. Tout changement dans un système économique ne produit son effet salutaire qu'au moment où, au chaosqu'iloccasionne, asuccédé l'ordre parfait, où toutes choses ont repris leur position d'équilibre dans le nou- veau système engendré par la révolution scientifique. Cette puissance de la science dans les bouleversements économiques est mise en lumière d'une façon magis- trale par M. Haller qui, étudiant les conditions suscep- tibles de favoriser la prospérité d'un peuple, nous découvre une face nouvelle de l’activité industrielle sur laquelle apparaît un facteur trop longtemps négligé en France : le capital intellectuel. Notre pays n'a pas manqué d'esprits féconds; on peut même dire que c'est en France que sont nées les plus grandes doctrines de la science chimique. M. Haller écrit à ce sujet des pages pleines d'à propos, au moment de la crise de pessimisme que nous subissons. Il met en relief les causes du malaise dans lequel nous nous débattons, il démontre qu'une ère de prospérité peut encore s'ouvrir pour notre pays à condition que celui- ci sache mettre en valeur les ressources intellectuelles dont il dispose. Pour cela, d'importantes réformes s'imposent en ce qui concerne notre enseignement supé- rieur, Les institutions surannées, dont la gloire ne pro- cède plus aujourd'hui que des traditions et de la légende, doivent faire place à des universités où puissent se développer l'esprit d'initiative, le goût de la recherche, où puisse fleurir et fructilier l'intelligence de la jeu- nesse française. Après l'Introduction dans laquelle sont soulevés et traités tous ces problèmes brülants relatifs au rôle du capital intellectuel dans le rendement du travail de l’homme, problèmes dont la solution nécessitait — il faut bien le dire — une rare compétence et un courage plus rare encore, M. Haller présente un tableau fidèle, un exposé méthodique et lumineux des conquêtes faites récemment dans le domaine de l'industrie chimique. Là encore, chaque page est le résultat d'une documen- tation copieuse, d’une méditation profonde. Tout cha- pitre comprend des considérations générales sur l'industrie spéciale qui y est décrite, sur sa marche évolutive durant les dix dernières années. A la suite de ces considérations figure la liste des maisons indus- trielles qui ont pris part au grand tournoi international. L'auteur ne se borne pas à une énumération sèche et banale : il présente le cortège imposant des initiatives privées, il met en lumière ce que chaque tentative per- sévérante à entrainé de richesse et de progrès. Le premier chapitre, l’un des plus importants, est consacré à la grande industrie chimique. La voie est bien désignée dans laquelle s'accomplit en ce moment, grâce à l'application des méthodes électrolytiques, une véri- table révolution en ce qui concerne la fabrication des alcalis caustiques et du chlore. Et, tandis que les débuts du xix®siècle avaient été marqués par la décou- verte de Leblanc, rendant solidaires les industries de l'acide sulfurique, de l'acide chlorhydrique et de la soude, M. Haller montre comment la fin de ce même siècle a vu ces industries se rendre indépendantes les unes des autres au grand profit du consommateur. Dans le second chapitre se trouvent passés en revue les produits de la petite industrie chimique et les pro- duits pharmaceutiques. L'étude d'une industrie qui, en France, s’est présentée, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX il y a quarante ans environ, sous les plus heureux aus: pices, celle des matières colorantes artificielles, fa l'objet du troisième chapitre. Lorsque la Chimie org nique futfécondée parles théoriesnouvelles, cette scient donua les plus éclatantes manifestations de sa puissai en permettant d'élever les édifices moléculaires les variés et les plus complexes, et en donnant le mo: de communiquer des propriétés particulières à @ innombrables groupements d’atomes, concus par imagination disciplinée et réalisés aussitôt. L'indus des matières colorantes s’est développée avec une rap dité telle que sa situation économique s'est trouvé constamment bouleversée, M. Haller montre quelles on été les conditions qui ont présidé à cette évolution pt gressive. Il constate avec regret que l’industrie française après de brillants débuts dans cette voie, a ralenti ses efforts et cueilli moins de lauriers. Après un chapitre consacré aux produits de la disti lation du bois, des résineux, de la houille et des huil minérales, M. Haller aborde une question dans laquel il a acquis une compétence toute particulière et qui l'intéresse au plus haut point, non seulement à causé de son aspect scientifique séduisant, mais encore parce qu'elle touche à l’une de nos plus élégantes industries nationales, qu'il a voulu préserver contre la routine la question des parfums naturels et artiliciels. L'étude des couleurs ou pigments minéraux, des laques, vernis, encres, cirages, ete., forme le sixième chapitre. La savonnerie, la stéarinerie, ete., sont l’objet, dans le chapitre suivant, de considérations historiques, économiques, techniques, qui présentent le plus haul intérêt si l’on envisage que la situation de ces indus tries en France comporte, à l'heure actuelle, de nom: breux desiderata, malgré son incontestable prospérité: Les industries des colles et gélatines, celles des matières plastiques, en particulier de la soie artificielle; trouvent la place qu'il convenait de leur réserver. En fin, un chapitre sur nos colonies termine l'importank travail dont le successeur des Wurtz et des Friedel vient de doter la littérature scientitique française. Nous avons essayé d'analyser cette œuvre, mais avec la conscience de rester impuissant à en faire ressortir la haute portée philosophique. Les belles pages qui composent son introduction, et dont les lecteurs de I Revue ont eu la primeur, nous ont procuré la même impression que les écrits des chimistes du siècle der nier : nous y avons rencontré ces deux qualités toujours inséparables, la pureté de la forme et l'élévas tion de la pensée. EUGÈNE CHARABOT, L Docteur ès Sciences, Inspecteur de l'Enseignement techniques 3° Sciences naturelles Commandant Barrë. — L'Architecture du sol de la France. Essai DE GÉOGRAPHIE TECTONIQUE. — À Va iu-8° de 393 pages, avec 189 cartes, coupes et perspec= tives, dont 12 planches. (Prix : 12 fr.) Armand Col et Ci, éditeurs. Paris, 1903. Il n'est pas, aujourd'hui, de géographe qui ne soit obligé de tenir compte des données géologiques, lors: qu'il entreprend l'étude d'une région. La nature du sol, son relief, son hydrographie, ses richesses miné rales, ete., sont intimement liés à la constitution du sous-sol et à son modelé. Cette vérité a eu quelquë peine à s'établir : elle est désormais admise, gràce aux beaux travaux de Neumayr et de Suess en Autriches Heim en Suisse, Davis et Gilberten Amérique, O0. Reclus; Marcel Bertrand, de Lapparent, ete., en France. E. Mais, jusqu'ici, les ouvrages parus sur ce sujet étaient d'ordre général. De plus, les études de Géographie ph sique s'appuyaient principalement sur l'examen des matériaux de la surface du sol et l'on ne faisait allusions qu'exceptionnellement à leur succession en profondeun et à leur disposition tectonique : on s’occupait de là façade de l'édifice et non de son architecture. Le Commandant Barré a pensé, à juste titre, que l’on BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Il Ce 1 “ne peut séparer ces deux éléments, ces deux facteurs “le premier étant sous la dépendance du second. Si on ne avait pas fait, jusqu'ici, c'est que les études de tectonique n'étaient pas assez avancées. Il n'est plus . permis de ne pas en tenir largement compte, car elles “éclairent intensivement bien des problèmes obscurs. Pour le savant oflicier, «ilne suffit pas au géographe “de lire en plan la carte géologique; il lui faut aussi la “déchiffrer en profondeur; bien plus, il doit chercher à “a lire dans le temps, afin de restituer par la pensée “les formes disparues ». L'étude de notre pays de France a été faite sous cette inspiration ; c’est son originalité et l’un de ses princi- paux mérites. Dans son « Essai de Géographie tecto- nique », le Commandant Barré à parfaitement réussi à nous montrer que la science géographique doit s'inté- resser au « pourquoi des choses », et non se borner à une encyclopédie de faits dont on ne cherche pas la raison d'être. Nous le félicitons d'être ainsi allé de Pavant et de nous avoir donné, en une langue d'une . belle clarté, de si intéressants aperçus sur notre pays, ñon seulement en s'aidant des derniers travaux parus, mais aussi en faisant œuvre personnelle. Son livre, qui est celui d’un homme de science très érudit, comprend huit chapitres et une introduction où sont exposées sobrement, mais suffisamment, les causes de l’évolution des formes extérieures du Globe. Le premier (I) est consacré à l'étude de la France et à son évolution géologique; on y à reproduit les esquisses De peobrapnques du Traité de Géologie de M. de Lapparent. Dans les 6 chapitres suivants, l'auteur étudie les diverses régions françaises, qu'il groupe de la facon suivante : I, HÉBIPE ue Nord et du Nord-Ouest; IT, Ré- gion du Nord- ES; Région de l'Est et du Sud-Est; Ÿ, Région du SR Sud- Ouest; VI, Région de l'Ouest; VIH, Région Centrale. Le dernier c hapitre. a trait à Pétude des côtes de la Méditerrané se, de l'Océan et de la Manche. Nous ne pouvons insister sur les détails de chacun de ces chapitres, semés de rapprochements suggestifs, de citations bien choisies et remarquablement écrits. Les cartes, les coupes et surtout les perspectives schématiques (innovation à imiter) complètent heureu- sement cet ouvrage, d'une lecture attachante, dans lequel géologues et géographes trouveront grand profit. # PH. GLANGEAUD, Professeur adjoint à l'Université de Clermont-Ferrand, De Seilhae (Léon), Déléqué permanent du Musée social. La Pêche de la Sardine. — 1 vo/. de 172 pages avec 19 figures de l'Encyclopédie scienti- fique des Aide-mémoire. (Prix: broché, 2 fr. 30: relié, 311.) Masson et Chatte Villars s, éditeurs. Paris, 1903. Ce petit ouvrage sort de la note ordinaire de la col- lection dont il fait partie. La technique y tient une place relativement restreinte; la science n'en a aucune. Par contre, la documentation y est abondante en tout ce qui touche au problème économique que soulève périodiquement la pêche de la sardine dans l'Ouest. Tous ceux qu'intéresse celte poignante question liront avec fruit le livre de M. de Seilhac. Ils y trouve ront, à défaut d’une explication salisfaisante des irrégularités de rendements de la sardine et de vues nouvelles sur les causes de ces irrégularités, un tableau exact des bouleversements que la disette de ce poisson apporte dans la vie des pêcheurs bretons. Ils y trouveront aussi des données précises et intéressantes sur les conditions économiques de l'industrie sardinière, ainsi que sur la situation matérielle et morale des pêcheurs sardiniers. À ce point de vue, cet ouvrage offre une réelle originalité et une incontestable utilité. G. Rocné, Docteur ès sciences. BEVUE GÉNÉRALE LES SCIENCES, 1904. 4° Sciences médicales Leredde (L. E.). — La nature syphilitique et la Gurabilits du tabes et de la paralysie MN 1 vol. in-8° de 140 pages. (Prix : 3 fr. 50.) C. Naud, éditeur, Paris, 1903. L'auteur prend pour point de départ un fait qu'il considère comme acquis : le tabes et la paralysie géné- rale se rencontrent, dans la majorité des cas, chez les syphilitiques ; il y a donc, entre l'infection syphilitique et ces syndromes anatomo-cliniques, des rapports de cause à. effet, Dès l’année 1888, le Professeur Fournier soutenait, avec preuves statistiques à l'appui, que 93 tabétiques sur 100 sont syphilitiques. Sur des milliers de tabétiques observés, on n'a relevé que trois cas dans lesquels les malades aient contracté la syphilis après l'apparition des sy mptômes du tabes. En ce qui concerne la paralysie générale, mèmes remarques; la syphilis a été démontrée dans au moins 80 c/, des cas. Il n'existe, sur des milliers d’observa- lions, que quelques cas où la syphilis a pu être éli- minée en toute cerlitude; on à vu en tout quinze fois à peine les paralytiques généraux contracter la syphilis dans la période agitée du début de leur affection. Donc, tabes et paralysie générale sont bien d° origine syphilitique. Pourquoi cette origine est-elle si souvent difficile à retrouver? C’est que la syphilis est extrêmement plus répandue qu'on ne l'imagine; et elle est souvent ignorée, soit que les accidents du début aient passé inapereus, vu leur bénignité, soit qu'il s'agisse de syphilis héréditaire. Une autre difficulté vient de ce que le tabes et la paralysie générale sont ordinairement l'ua et l'autre la conséquence de syphilis très anciennes; on retrouve rarement ces accidents cutanés ou autres, manifeste- ment syphilitiques, sur la nalure desquels aucun mé- decin n hésiterait à se prononcer. Les affections telles que le tabes et la paralysie gé- nérale ont été qualifiées de par asyphilitiques par le Professeur Fournier; il entendait ainsi qu'elles sont d'origine, mais nou de nature syphilitique, parce qu'elles ne cèdent pas sous l’action du traitement mercuriel. Cette opinion, selon M. Leredde, ne serait pas rigou- reusement exacte; aussi consacre-t-il plusieurs cha- pitres de son livre à la réfuter et à établir que tabes et paralysie générale sont bien de vature syphilitique. La conséquence logique de cette théorie est que le tabes et la paralysie générale seraient curables par le traitement antisyphilitique, autrement dit mercuriel. Et, cependant, n'a-t-on pas admis pendant longtemps que ce traitement était inefficace? C'est que celui-ci était trop timide, que les doses de mercure adminis- trées étaient souvent inconnues, et toujours insufli- santes. Le mercure agit selon la quantité de médicament utilisé par l'organisme; le seul moyen d'introduire les doses élevées nécessaires pour obtenir une action cura- tive est de se servir de la méthode des injections intra- musculaires. Et déjà, en effet, bon nombre d'observations récentes sont venues démontrer la plus grande efticacité du traitement par les sels mercuriels employés à haute dose. Les idées de M. Leredde seront certainement dis- cutées. Mais elles ont le mérite d'être simples, claire- ment exprimées. La mise au point.de l'état actuel des opinions sur deux maladies relativement fréquentes offre, en outre, un ebase solide, capable de donner con- fiance à ceux qui ne voudront pas se contenter d'essais thérapeutiques timides ; ils n'hésiteront pas à donner du mercure jusqu'aux limites de la tolérance de l’or- ganisme. Cependant, il ne faut pas l'oublier, si le mer- cure est un médicament, il est aussi un toxique. Dr Henry MEIGE. 158 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 18 Janvier 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Alph. Demoulin démontre le théorème suivant : Pour démontrer qu'une série simplement infinie de surfaces constitue une famille de Lamé, il suffit d'établir que, parmi les dépla- cements infiniment petits d'un trièdre M x y z, il en existe un jouissant de cette propriété que le complexe linéaire correspondant renferme la droite d relative à ce trièdre. — M. Ern. Pascal étudie les systèmes complètement intégrables d'équations aux différen- telles totales d'ordre supérieur. — M. A. Wiman dé- montre le théorème suivant: Soient F (7) une fonction entière de genre y-1 et d'ordre apparent p, et f (z) une fonction quelconque d'ordre apparent inférieur à p. Supposons, en outre, qu'il ne suflit pas, pour déter- miner le genre de la fonction F (7), de connaître le mode de croissance de son module maximum. Le genre de la fonction f {z) + F (7) est alors dans tous les cas égal à p. — M. J. Boussinesq applique la théorie générale de l'écoulement des nappes aqueuses infil- trées dans le sol aux fortes sources des terrains per- méables et, en particulier, à plusieurs de celles qui alimentent Paris. Il montre que, pour celles-ci, le bas- sin d'alimentation est très profond au-dessous de leur seuil. — M. J. Richard présente un cinémomètre dif- férentiel enregistreur. — M. M. Loewy présente les premiers fascicules du « Catalogue photographique du Ciel », publiés par M. Trépied, directeur de l'Observa- toire d'Alger. 20 SciENCES PHYSIQUES. — M. R. Biondlot a déterminé la dispersion et la longueur d'onde des rayons N par des méthodes semblables à celles qu'on emploie pour la lumière. Il a constaté l'existence de radiations dont les indices sont respectivement: 1,04; 1,19; 1,29; 1,36; 1,40: 1,48; 1,68; 1,86. Les longueurs d'onde corres pondant'aux 1°, 2°, 5°, 7° et 8° radiations sont respec- tivement 0,00815 u:; 0,0099 u; O0,01174y:; 0,0146 u; 0,0176 p. — M. R. Paillot a constaté que les radiations émises par le bromure de radium diminuent la résis- tance électrique du bismuth. — M.J. Duclaux montre que la composition des colloïdes simples est définie lorsque le liquide qui les entoure est lui-même défini; toute modification de l’un entraine une modification correspondante de l’autre. — M. A. Hollard à observé qu'avec une anode de platine dépoli les phénomènes de suroxydation qui se produisent dans le dépôt élec- trolytique du plomb restent constants quelle que soit la concentration. — M. de Forcrand critique quelques résultats de M. Kuriloff sur l’existence de certains peroxydes de zinc. — M. A. Leclère décrit une mé- thode de séparation de l'alumine et du fer basée sur la précipitation de lalumine à l'état de formiate basique. — M. L. Débourdeaux indique une méthode volumé- trique de dosage des chlorates, bromates et iodates basée sur ce fait que l'acide oxalique d’une sejution renfermant à la fois, pour 1400 centimètres cubes, 5 grammes de sulfate de manganèse et 12 centimètres cubes de H2S0* est détruit par les acides chlorique et bromique avec formation d'HCI et d'HBr et par l'acide iodique avec mise en liberté diode, — MM. L. Bou- veault et G. Blanc, en réduisant les amides par le sodium en présence d'alcool absolu, ont obtenu les alcools correspondants d'après l'équation : R.CO.A7H° + Na + 4CTSOH = R.CHÈOH H 4NaOCEIE AZH5; mais le rendement ne dépasse pas 25 à 30 °/,. — MM. A. Seyewetz et Girello ont reconnu que le trioxyméthy- lène en solution dans le sullite de soude se transforme rapidement à ébullition en un mélange de composé de la classe des sucres où l'on peut caractériser la pré sence du formose et du glycérose. — M. V. Grignard, en faisant réagir sur les combinaisons RCO®MeX | dérivés R,MgX, à réalisé la synthèse d’alcools tertiaires R.C(OHIR,. Il à ainsi préparé : le diéthylisoamylears binol, Eb. 83°-86° sous 15 millimètres: le phényld thylearbinol,- Eb. 101°-102° sous 11 millimètres. = MM. M. Doyon et N. Kareff ont constaté que l’injectia de pilocarpine ou d'adrénaline chez le chien déterminen la diminution et parfois la disparition du glycogèné du foie. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. Ferrus et Machart! apportent une nouvelle démonstration du fait que lé tracteurs élastiques ménagent les forces du cheval Pour des attelages à deux chevaux de lartillerie trais nant du matériel ordinaire, l'emploi de ressorts dé traction convenables a permis d'augmenter de 20 à 25 04 le poids des voitures, la longueur des parcours restant la même. — MM. G. Moussu et J. Tissot montrent que les glandes salivaires dépensent beaucoup plus pendant l'état d'activité que pendant l'état de repos, él que cette dépense se manifeste par un notable accrois sement de l'absorption d'oxygène. — M. Cluzet a vé= rifié expérimentalement sa loi d'excitation des nerfs par décharge de condensateurs. — M. V. Babès a re connu qu'il existe à la face et surtout à la base du crâne une région qui renferme un centre particuliers en rapport intime avec les quatre extrémités et dont le dérangement dans une époque embryonnaire pris mitive détermine une transformation des quatre meme bres dans le sens d’un excès, d'un défaut ou d'une modilication pouvant leur donner certains caractères! d'une autre race ou espèce. — MM. P. Ancel el P. Bouin ont constaté que, chez le porc, l'apparition des caractères sexuels secondaires est sous la dépen dance de la glande interstitielle du testicule. — M. JM Dauphin à observé que les rayons du radium arrêtent la croissance du mycélium du #ortierella et empê chent la germination de la spore; ils provoquent l'apparition de véritables kystes à l'intérieur des filan ments. Soustrait à l'action du radium, le champignon peut germer à nouveau. — M. Ed. Griffon a reconnw que les feuilles de l'£ucalyptas n'ont pas une capacité transpiratoire énorme; c’est plutôt par son aptitude x produire très vile une masse de feuillage énorme qué cet arbre joue un rôle important dans l'assainissement des terres marécageuses, — MM.C. Vaney et A. Conte” ont constaté que le Botrytis bassiana, recueilli su des vers à soie et épandu sur des feuilles de vignes amène en très peu de temps la ‘mort des larves d'A tises qui se nourrissent de ces feuilles. — M. G. Can tin à combattu le phylloxéra par la destruction de l'œuf d'hiver au moyen du lysol et a ainsi ramené en pleine prospérité des vignes considérées comme per" dues. — MM. P. Viala el P. Pacottet établissent ques les verrues de la vigne sont provoquées par un excès de lumière dans une atmosphère humide; c'est unes réaction de défense, par développement de faux tissu palissadique, contre une chlorovaporisation et une transpiration exagérées. — M. H. Arsandaux a étudié. un trachite à noséane trouvé au Soudan francais L'existence de cette roche montre la présence dem roches éruptives dans cette région. ; Séance du %5 Janvier 190%. Ÿ | M. Calmette est élu Correspondant pour la Section de Médecine et de Chirurgie. * ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 159 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Em. Picard Com- munique ses recherches sur certaines solutions dou- blement périodiques de quelques équations aux déri- vées partielles. 20 SciENCES PHYSIQUES. — M. H. Becquerel à constaté que certains sels d'uranium émettent de la lumière dune facon continue et avec une intensité que leur faible radio-activité ne faisait pas prévoir. Cette lumi- mosité semble être due à la phosphorescence excitée sur le sel actif lui-même par le rayonnement qu'émet là molécule d'uranium qu'il contient. — MM. J. Dewar et P. Curie ont observé que le bromure de radium pur, fondu et débarrassé de tous les gaz occlus, dé- gage dans le vide un gaz qui présente le spectre entier de l'hélium et pas d'autres lignes. — M. Aug. Char- pentier a reconnu que les faisceaux de radiations phy- Siologiques contenant des rayons 2 renferment cer- taines radiations qui ont la propriété d'être conduites par des fils métalliques. — M. Lambert à constaté qu'au cours de l’action des ferments solubles, en par- ticulier de l’action des ferments digestifs sur les ma- tières albuminoïdes, il se dégage des rayons 7. — M. A. Ponsot démontre la loi suivante : Dans l’électrolyse d'un mélange de seis du même acide, dont l'un est électrolysé, le nombre total de molécules transportées ne dépend que de la nature et de la concentration du sel-électrolysé. Il est indépendant de la présence des sels non électrolysés et de leur concentration. — M. A. Brochet, en électrolysant les chlorates de Ba, de Na et de Cu avec une anode en cuivre, à constaté que le euivre se dissout en quantité plus grande qu'il ne se dépose sur la cathode du vollamètre. Ce fait résulte de ce qu'une partie du cuivre entre en solution sous forme de sel cuivreux. — M. Ed. Defacqz, en lraitant entre 800° et 1400° un mélange de fluorure manganeux et de chlorure, bromure et iodure alcalino-terreux, a obtenu du fluorure alcalino-terreux et du chlorure, bromure et iodure de Mn. Le fluorure alcalino-terreux réagit aussi sur les chlorure, bromure et iodure en donnant des fluochlorure, fluobromure et fluoiodure. — M. M.-E. Pozzi-Escot signale une réaction colorée sensible de l'acide molybdique ; quand on y verse quelques gouttes d'une solution de tannin,il se produit une solulion orange, tirant sur le rouge-cerise en solu- tion concentrée, et sur le jaune en solution diluée. — M. H. Henriet apporte de nouveaux faits à l'appui de l'existence de l’aldéhyde formique dans l'air ; la quan- tité varie entre 1 et 3/100.000. — M. Louis Henry à préparé l'alcool isopropylique trichloré CFC.CH(OH).CH par l’action du chloral anhydre sur le composé magné- sien de l’iodure de méthyle ; c’est un solide cristallisé fondant à 50°-51°, — M. Ch. Moureu à constaté que les éthers B-acétaliques R.C(OC1).CH2.CO?CEIF (obtenus par la condensation de l'alcool avec les éthers acétylé- niques) perdent de l'alcool sous l’action de la chaleur en donnant des éthers éthyléniques f-oxyalcoylés R.C(OC?1F) CH.CO?CH5. Ces composés sont hy- drolysés par les acides en éthers fG-cétoniques R.CO.CHE.CO?C:H5. — M. M. Desfontaines, en saponi- liant les éthers $-méthyleyclopentanone-carboniques æ-substitués, a obtenu les acides $-méthyladipiques a-substitués correspondants. — MM. A. Guyot et Staehling : Sur quelques dérivés du tétraméthyldia- minophényl-oxanthranol (voir p. 162). — M. L. Ma- quenne à reconnu que l’amylocellulose n'est pas un principe unique, mais un mélange de plusieurs pro- duits de condensation différents, qui ont pour carac- tère commun de n'être pas colorables par l'iode et pour caractère distinctif d'offrir une résistance variable à Paction de l'amylase. — M. J. Dumont a étudié la ré- partition de la potasse entre les éléments fins et gros- siers des terres arables. 5 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. P. Bouin et P. Ancel établissent que c'est au manque de la glande intersti- tielle qu'il faut rapporter l'arrêt du développement des caractères sexuels mâles et la production de l'infanti- disme testiculaire. — M. G. Coutagne présente ses recherches sur la corrélation des caractères suscep- tibles de sélection naturelle. — M. J. Deschamps étu- die au point de vue analytique le phénomène de la vie oscillante et montre qu'il tend vers un régime régulier dont les limites et l'amplitude sont indépendantes de la quantité initiale du substance vivante mise en œuvre. — MM. A. Laveran et F. Mesnil ont examiné une nou- velle préparation de Prroplasma Donovani et confirment l'existence de formes endoglobulaires, qui ressemblent beaucoup à celles de l'Hématozoaire du paludisme. — MM. M. Caullery et F. Mesnil ont trouvé, dans la cavité générale d’un Térébellien, le Polycirrus hæma- todes, un organisme parasite nouveau, se rapprochant des Orthonectides, qu'ils nomment Pelmatosphaera polycirri. — M.P. Vuillemin montre la nécessité d'ins- tituer un ordre des Siphomycètes et un ordre des Mi- crosiphonées, parallèles à l'ordre des Hyphomycètes. — M. Maur. Gomont a étudié la végétation de quel- ques sources d’eau douce sous-marines de la Seine- Inférieure. Les Fucacées et les Corallines y manquent totalement. Les sources littorales ne renferment guère que des Ulvacées; les sources de mi-marée renferment plusieurs Gigartinées. — M. A. Dangeard n'a pas pu trouver de fécondation à l’origine du périthèce des Ascobolus. — M. J. Laborde à reconnu qu'il y à dans le vin, à l’état vivant, des races de ferments filiformes qui sont à la fois des ferments mannitiques et des fer- ments de la tourne bien caractérisés. — M. L. de Launay à cherché à établir les lois générales qui prési- dent à l'association ou à la séparation du fer et du phosphore dans les minerais de fer naturels. — M. St. Meunier signale l'exécution, à Saint-Louis du Sénégal, d'un forage atteignant actuellement 427 mètres de pro- fondeur et qui a traversé, de 200 à 240 mètres, un cal- caire blanc rempli de grosses Nummulites qui paraissent analogues aux Nummulites laevigatadu calcaire grossier paris'en. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 26 Decembre 1903. M. G. Bohn pense que ce sont les rayons N accu- mulés dans les nappes d'eau saumâtre qui déterminent l'exaltation de la sensibilité lumineuse qu'on observe chez les organismes qui s'y trouvent plongés. — M. M. Nicloux montre que les substances autres que la glycérine qui peuvent réduire le bichromate dans le sang sont en quantité négligeable et n'influent pas sur le dosage de celle-ci. — MM. J.-Ch. Roux et A. La- boulais décrivent un procédé permettant de calculer la rapidité d'évacuation de l'estomac et d'apprécier l'abondance de la sécrétion gastrique. — M. Ch.-A. François-Franck a éludié les variations actives du volume de la rate par les procédés photographiques. Dans celles-ci, la plus large part doit revenir au tissu museulo-fibreux de la capsule, des gaines, des travées et des alvéoles spléniques. — MM.R. Wurtz el A. Clerc signalent un cas d’éosinophilie intense provoquée chez une femme par la Filaria Loa. — MM. A. Gilbert et A. Lippmann ont étudié la réaction agglutinante dans l'ictère. Pour eux, elle n’est pas due au passage dans le sang des éléments de la bile, mais elle constitue une réaction vraiment spécilique. — M. L. Launoy a cons- taté que, dans une cellule pancréatique en hyperactivité normale, les phénomènes de division nucléaire ont lieu suivant le mode amitotique. Dans le noyau de cette cellule, la chromatine, normalement hématéiphile el chlorophile, devient fuchsinophile et cyanophile. Séance du 9 Janvier 1904. M. A. Giard recherche la facon dont la castration agit sur les caractères sexuels secondaires et montre que les théories humorales sont incapables d’en rendre compte sans complications extraordinaires. — M. 9. Lefèvre a constaté à nouveau qu'après un travail intense il se produit chez l'homme une hypothermie qui dure plusieurs heures; c'est probablement un processus 4e 160 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES repos et de réparation pour le système nerveux tro- phique. — M. H. Vincent signale un cas où la diète de sel à amélioré considérablement un hyperpepsique. — MM. M. Doyon et A. Jouty ontconstaté que l'ablation des parathyroïdes chez l'oiseau détermine des accidents aigus absolument comparables à ceux qui ont été signalés chez le chien et le lapin. — M. Ch.-A. François- Franck a étudié l’action des muscles respiratoires à l’aide de la photographie instantanée et de la chrono- photographie avec le magnésium à déflagration lente. Les muscles intercostaux internes et externes sont des agents aclifs d'inspiration quand le besoin de leur intervention se fait sentir, soit dans les dyspnées, soit dans le {ype respiratoire costo-supérieur. — M. L. Meunier décrit une nouvelle méthode permettant l'étude de la motricité stomacale et le dosage des élé- ments du suc gastrique. — MM. L. Richon et P.Jean- delize ont observé que la lapine en gestation succombe à la thyroïdectomie en présentant les manifestations chroniques suivantes persistance de la sécrétion lactée et non réapparition du système pileux sur l'ab- domen. Dans une des expériences, une lapine avorta dans un demi-coma avec crise d'hypothermie après un travail d'environ trois jours. — M. L. Azoulay signale un cas d'audition et de représentation colorées réver- sibles. — M. Capitan a guéri une crise d'urémie grave chez un goutteux âgé par l'administration d'ex- trait de rein de porc en injections sous-cutanées. — M. G. Loisel critique les travaux récents d'Ancel et Bouin et refuse d'attribuer aux seules cellules inters- titielles une fonction glandulaire qui a pour organes toutes les parties du testicule. M. J. Nageotte à étudié la topographie et la forme de la bandelette externe de Pierret dans le tabes incipiens. — M. G. Malfitano indique le mode de préparation de tubes de Mette d'albumine et de gélatine gradués et stériles. — M. M. Breton montre que le colibacille, hôte normal «le notre inteslin, à tous les âges de la vie, exerce une action adjuvante sur la digestion tryptique, et que cette action est prédominante dans le très jeune àge, alors que les sucs normaux ne possèdent encore qu'une faible activité. — M. Ch. Porcher à trouvé, sur quatre urines de vache prises au hasard, que trois élaient absolument alcalines et la quatrième moins nettement. — M. H. Cristiani décrit un aéroscope bactériolo- tique pouvant s'adapter aux différents tubes de culture. — M. P. Remlinger a constaté que la muqueuse pituitaire est capable d'absorber le virus rabique. — Le même auteur à reconnu que le rat et la souris sont très réceptifs pour la rage; mais il n’est pas impossible que, mordus par un chien ou un chat enragés, ils ne gué- rissent de leurs lésions. Séance du 16 Janvier 1904. M. G. Linossier déduit de ses expériences que l'in- gestion avec le repas d’un excès de sel provoque une diminution de l'acidité chlorhydrique du contenu gas- rique. — M. Ch. Garnier a observé la présence de formations ergastoplasmiques dans les cellules épithé- liomateuses d'une tumeur primitive du foie. — M. H. Gros à trouvé en Algérie, sur des Anopheles vivants, des larves hexapodes d'Acariens. — M, Bigart a obtenu l'apparition d’æœdème chez les lapins par ligature des uretères et injection intra-veineuse d’ovalbumine. — MM. L. Bernard ét Bigart ont constaté que les lésions des surrénales sont constantes dans l'intoxica- tion saturnine expérimentale et relèvent d'un type morphologique spécial, traduisant la suractivité fonc- tionnelle de l'organe, l'hyperépinéphrie. — M. A. Mar- morek montre comment on peut constater la présence de bacilles tuberculeux dans un liquide par la tubercu- line-réaction précoce. — M. L. Lortat-Jacob a reconnu que la thyroïdectomie partielle, chez des lapines en gestation, a permis la survie des mères, mais a déter- miné l'avortement dans un délai variable. M. E. Wahlen, en inoculant des cobayes avec des ; produits tuberculeux peu virulents, à observé une sorte de vac- 2 cination spontanée partielle au cours de la maladie, M. J. Rehns a constaté que les anticorps et antigènes soumis à l'action des vapeurs du formol, perden toutes leurs propriétés. — Le même auteur montre que les propriétés antihémolytiques des sérums nor maux sont dues principalement à une substance autre que les anticorps. — MM. M. AT et N. Kareff ont observé que l’adrénaline, injectée dans la veine porte du chier, détermine la diminution et parfois la dispart tion du glycogène du foie. — MM. J. Sabrazès el L. Muratet ont reconnu que le Trypanosome de l'An guille se reproduit par segmentation longitudinales mais la division n'est pas égale : l'individu-fille ests beaucoup plus petit que l'individu-mère. RÉUNION BIOLOGIQUE DE NANCY Séance du 14 Décembre 1903. M. Aug. Chevalier a constaté que l'organisme es une source de rayons », et que les tissus musculaires et nerveux en émettent d'autant plus qu'ils sont en état de fonctionnement plus actif. — MM. P. Ancel et P. Bouin ont reconnu que les cellules interstitielle constituent dans leur ensemble un organe caractéris- tique de la glande sexuelle mâle, qui joue dans l’orga= nisme une double action, locale et générale, la dernière probablement par voie de sécrétion interne. -— MM. L. Richon et P. Jeandelize ont observé que la castra= tion et l’ovariotomie totales mettent un obstacle au développement des organes génitaux externes chez le jeune lapin. La résection des canaux déférents main= l tient, au contraire, le développement normal de ces organes (les cellules interstilielles étant conservées). — M. L. Bruntz a constaté l'existence, chez les Pha= langides, d'organes phagocytaires jouissant de la pro" priété de capturer les particules solides d'encre de Chine injectées dans la cavité générale. — M. Th. Guilloz donne l'interprétation d’uné illusion radiogra= phique. — M. P. Bouin décrit une technique nouvelle pour la fixation et le traitement ultérieur des œufs de ! Salmonides. RÉUNION BIOLOGIQUE DE BORDEAUX Séance du 5 Janvier 1904. MM. M. Coyne et M. Cavalié ont étudié les lésions de la substance corticale du rein dans l'intoxicatiom aiguë par la cantharidine ou par l'antipyrine. Les modi-M fications les plus prononcées sont la décapitation des cellules épithéliales des tubuli contorti. — M. M. Ca- valié a éludié les chromoblastes du tégument externe dorsal du Torpedo Galvani. — M. J. Chaine a observé, . chez l'Oryetérope du Cap, une forme régressive du muscle dépresseur de la mâchoire inférieure, formant le passage du muscle au tendon. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 15 Janvier 1904. M. A. d’Arsonval devient président pour l’année. 1904. M. H. Dufet est élu vice-président, M. P. Lan- gevin vice-secrétaire. — M: C. Gariel résume les tra- vaux accomplis par la Société en 1903. — M. C. Tissot présente ses recherches sur l'eflet enregistré par le détecteur magnétique. A la suite d’une série d’expé- riences exécutées avec le dispositif de Rutherford et le détecteur magnétique à champ variable, il avait été amené à conclure !: {9 Que c'est l'hystérésis ordinaire qui est affectée par l'action de l'onde ; 2° Que l'appareil est sensible à l'intensité maxima. Le premier point se trouve confirmé par la récente étude méthodique que M. Maurain à faite du phénomène. L'emploi du bolo- mètre lui a permis d'établir nettement la seconde pro- position en opérant sur des systèmes placés à distance « { Soc. de Physique, 20 février 1903. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 161 (plusieurs kilomètres), par la comparaison des effets obtenus en faisant agir sur le détecteur magnétique des missions de même période et d'amortissements diffé- rents. Il est possible de satisfaire à ces conditions d’une “manière très simple en se servant à la transmission, “d'une part du système direct, d'autre part d'un sys- “ème indirect à circuit de décharge indépendant. Le bolomètre permet de se placer dans les conditions de “ésonance, et par suite de réaliser aisément des sys- “tèmes directs ou indirects de période identique. Si l’on Rec des émissions directes avec une antenne de “orme et de longueur invariables, et que l’on fasse va- rier progressivement la longueur de l'antenne récep- {rice, on obtient un maximum très net dans les indi- cations du bolomètre pour une valeur déterminée de la longueur de l'antenne de réception. En particulier, lorsque les antennes en présence sont identiques (an- ténnes simples quasi-verticales, par exemple), le maxi- Mum des indications du bolomètre se produit quand les antennes d'émission et de réception sont égales. Pour réaliser un système indirect qui fournisse des oscillations de même période, on conserve des antennes identiques à l'émission et à la réception, et l'on excite Fantenne d'émission par un dispositif Blondlot. En faisant varier progressivement la capacité du circuit de décharge, ou circuit primaire de l'excitateur, on ob- tient un maximum extrêmement marqué dansles indi- cations du bolomètre pour une valeur déterminée de la capacité. Les systèmes direct À et indirect B, ainsi déterminés, donnent vraisemblablement des émissions de même période. La comparaison des effets produits sur le détecteur magnétique a été faite de deux ma- nières différentes : 4° À égalité de wattage au primaire d'excitation. Les émissions À donnaient des signaux très intenses au téléphone du détecteur magnétique. La lecture en était aussi facile que si l'on avait entendu l'étincelle même éclater dans la pièce voisine. Les émissions B donnaient des signaux lisibles, mais fai- bles (comparables à ceux que l’on obtient à une tren- taine de milles de distance); 2° À égalité d'énergie recue par l'antenne, c’est-à-dire pour des indications identi- ques du bolomètre. Pour obtenir des indications iden- tiques au bolomètre avec les systèmes d'émission uti- lisés, on rédüisait progressivement le wattage d'excita- tion (en même temps que la longueur de l’étincelle) pour le système indirect. Les émissions À donnant des Signaux très intenses, les émissions B ne donnent plus que des signaux extrêmement faibles et à peine lisibles. Comme les émissions directes À sont beau- coup plus amorties que les émissions indirectes B, l'ex- périence parait établir, au moins d'une manière quali- alive, que le détecteur magnétique est sensible au maximum de l'intensité. Les résultats d'observation exposés dans un précédent travail! avaient amené M. Tissot à admettre que le cohéreur est sensible à la force électro-motrice maxima. Les considérations sui- vantes justifient cette manière de voir : On sait que, si Von intercale à la réception un petit transformateur sans fer de dimensions convenables (jigger de M. Mar- coni), on améliore notablement les résultats de la ré- ception sur cohéreur. Si l'on dispose le bolomètre sur le secondaire de ce transformateur à la place du cohé- reur, on oblient des déviations beaucoup plus faibles que lorsque le bolomètre est intercalé directement dans le circuit. Le Jigger agit done bien en produisant une élévation de tension. Or l’effet exercé sur le détec- leur magnétique est de beaucoup réduit quand on in- lercale le détecteur sur le secondaire du jigger. — M. le C'R. Bourgeois expose les premiers résultats de la AZission géodésique française à l'Equateur. Pour l'organisation et le programme de la Mission, nous renvoyons à l’article précédemment publié ici même?. L'année 1901 a été consacrée aux opérations fondamen- tales : mesure de la base centrale à Riobamba, des la- 1 (, R. de l'Acad. des Se., 23 novembre 1903. ? Revue gén. des Se. du 15’ août 1900, p. 915. titudes des extrémités de l'arc, de l'azimut fondamen- tal, et à la détermination de l'intensité de la pesanteur à la station centrale. En même temps, on procédait à la construction de signaux entre Riobamba et l'extrémité nord. On a procédé, pendant les années 1902 et 1903, à toutes les mesures géodésiques et astronomiques rela- tives à ce troncon, et l'on a pu entamer le tronçon sud, de Riobamba à Payta, en novembre 1903 ; les années 190% et 1:05 y seront employées. Actuellement, on est déjà en possession des résultats de la mesure de la base fondamentale, ainsi que de ceux de quelques stations magnétiques et de la valeur de l'intensité de la pesan- teur à Riobamba. Les résultats des mesures de bases donnent lieu à des conclusions intéressantes au point de vue de la métrologie. Ils montrent nettement les avantages que l’on retirera de l'emploi des fils en mé- tal invar Guillaume dans la mesure des bases. La me- sure d'intensité de la pesanteur à Riobamba présente un intérêt particulier. Toutes réductions faites, la va- leur de g à Riobamba (altitude : 3.000 mètres environ) est de 9,774.15; réduite au niveau de la mer au moyen de la formule de Bouguer, c'est-à-dire en tenant compte de l'attraction de la masse de terrain comprise entre la station et la surface du niveau zéro, elle devient 9,780.31, et réduite au niveau de la mer en ne tenant compte que de l'altitude et en supprimant le second terme, ainsi que le demandent certains géodésiens, elle prend la valeur 9,783.35. Or la formule de M. Hel- mert de 1901 donne comme valeur calculée, pour la latitude de la station de Riobamba (1° 40! Sud), g — 9,780.47, valeur qui s'accorde tout à fait avec les ob- servations réduites au moyen de la formule de Bou- guer, tandis que le résullat obtenu en ne tenant compte que de l'altitude présente un excès de 288 unités du 5° ordre, tout à fait inexplicable et anormal. 11 sem- blerait donc, du moins d'après cette première valeur, que les compensations mises en évidence dans la chaîne de l'Himalaya ne se produiraient pas dans la Cordillière des Andes. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS SECTION DE NANCY Séance du 20 Janvier 1904. M. J. Minguin fait part de ses recherches sur la sté- réoisomérie dans les éthers camphocarboniques substi- tués et l'acide méthylhomocamphorique. IL décrit ensuite l'éthylidènecamphre, obtenu, comme le méthy- lènecamphre, en partant de l'éther camphocarbonique substitué correspondant, qu'on brome et qu'on sapo- nifie ensuite par la potasse. Il fait remarquer que le pouvoir rotatoire de ce composé est bien supérieur au pouvoir rotatoire du dérivé saturé, l'éthylcamphre. — M. G. Favrel a démontré antérieurement que les chlo- rures diazoïques, mis en présence des alcoylacétylcé- tones, donnent les hydrazones des éthers cyanoxa- liques. Une réaction du mème genre se produit quand on fait réagir les chlorures diazoïques sur les éthers acétylacétiques chlorés «. Les corps qui prennent nais- sance doivent être, vraisemblablement, regardés comme les hydrazones particulières dérivant du chloroxalate d’éthyle. Il a pu ainsi obtenir : la phénylhydrazone du chloroxalate d'éthyle, fondant à 749-759 et 1039-104°; la phénylhydrazone du chloroxalate de méthyle, fon- dant à 95°-96°; l’ortho et la para-toluylhydrazones du chloroxalate d’éthyle, fondant à 57-59 et 138-1409; la diphénylhydrazone du chloroxalate d'éthyle, se dé- composant vers 300° sans fondre; la ditolyldihydrazone du chloroxalate d’éthyle fondant à 192°-19%°; la diani- syldihydrazone du chloroxalate d'éthyle, fondant à 152°- 1540, Le zinc-méthyle réagit sur la phénylhydrazones du chloroxalate d’éthyle et donne un corps fondant à 92°- 940, bien cristallisé, ayant sensiblement la composition de la phénylhydrazone du pyruvate d'éthyle, mais n'en ayant pas le point de fusion (117°). Ce corps peut être une combinaison équimoléculaire des deux phénylhy- 162 drazones + et 6 du pyruvate d'éthyle. — M. E.-E. Blaise expose ses recherches sur les cétones non saturées. Ces recherches ont été entreprises pour vérifier l'influence de la liaison éthylénique sur le caractère électronégatif de l'hydrogène. Il en résulte que les allylalcoylcétones, encore inconnues, se forment par action de l’iodure d'allyle sur les nitriles, en présence de zinc. La réac- lion donne, d'ailleurs, toujours naissance à une certaine quantité de la cétone propénylée isomère. Les alcoylal- lylacétones fixent très facilement l'acide bromhydrique, Dans les cétones saturées bromées ainsi obtenues, le brome est en position B, car les cétones bromées, trai- tées par les carbonates alcalins à l’ébullition, donnent les cétones propénylées isomères. M. Blaise se propose de développer l'étude des cétones non saturées et d’étu- dier l'influence de la liaison éthylénique sur leurs pro- priétés. — MM. A. Guyot et Staehling décrivent les produits obtenus en faisant agir l'anisol et le phénétol Sur le tétraméthyldiaminophényloxanthranol en pré- sence d'acide sulfurique concentré. Ces produits, dont les premiers représentants ont été récemment décrits par MM. Haller et Guyot!, répondent à la formule gé- nérale : Az!CH°}2 PAN LAS ON R Le produit de condensation avec l'anisol est une poudre cristalline blanche, fondant à 1769, très soluble dans le benzène, peu dans l'alcool et l’éther, répondant à la formule C#0*H*#A7, confirmée par l'analyse et la cryoscopie. Il réagit sur l'hydroxylamine et la phényl- hydrazine avec élimination de deux molécules d’eau, en donnant : d'une part, des cristaux blancs solubles dans le benzène et l'alcool chaud, fondant à 203, et, d'autre part, des cristaux jaunes, solubles dans le benzène, peu dans l'alcool, et fondant à 21%. On obtient de même avec le phénétol, à l'état cristallisé, et présen- tant des solubilités de même espèce et de même ordre, les produits correspondants, fondant respectivement à 175°, 186° et 2080. MM. Guyot et Staebling se propo- sent de poursuive cette étude. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 22 Janvier 1904. M. W. Bennett montre que la plupart des propriétés du faisceau astigmatique normal et les variations de forme de sa section transversale peuvent se déduire simplement de la considération des projections de ses rayons sur deux plans, dont chacun est perpendiculaire à l’une des deux lignes focales. La projection des rayons est concourante dans chaque cas. Les rayons interceptés par un fil droit perpendiculaire à l'axe constituent une suite de génératrices d’un paraboloïide hyperbolique; la section de cette surface par un autre plan est une hyperbole ou une parabole. Si le fil n’est pas perpendiculaire à l'axe, la surface d'ombre est un hyperboloïde à une feuille; la section par un plan quelconque est, en général, une hyperbole, qui est rec- angulaire quand le plan est perpendiculaire à axe, et qui se réduit à deux lignes droites quand le plan passe par l’une des lignes focales. Le Mémoire se termine par une méthode simple pour trouver, par le moyen des flèches, les positions des lignesapproximatives produites ee ? Comptes rendus, t. CXXXVII, p. 16. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES dans un petit faisceau réfracté obliquement par une lentille. — M. R. W. Wood étudie certains types d'ins terférence de la lumière. Il montre que les couleur des plaques mixtes sont dues tout simplement à la dif= fraction. Par contre, dans le cas de pellicules transpa- rentes déposées sur des surfaces parfaitement réfléchis- santes, qui, d'après la théorie élémentaire, ne devraient pas présenter de couleurs d'interférence, on observe, dans certaines conditions, des couleurs beaucoup plus brillantes que celles des bulles de savon, Dans d'autre conditions, en employant une lumière mono-chromas tique polarisée, on obtient des franges très curieuses, qui résultent de l'interférence entre la vibration ellip- tique venant de la surface du métal et la vibration plane polarisée réfléchie par la surface de la pellicule transparente. — M. $S. Skinner a étudié l'action des rayons du radium sur la plaque photographique. L'in= tensité de l’image développée augmente rapidement Jusqu'à un maximum avec l'augmentation de la durée d'exposition; puis elle diminue, d'abord rapidement, et ensuite très lentement jusqu'à un stade où il ne se forme pratiquement aucune image sombre par dévelop- pement. Les images d'étincelles peuvent être annulées, puis renversées par l’action prolongée des rayons du radium. —M. W. A. Price présente des commutateurs, galvanomètres et potentiomètres construits par MM. Crompton et Cie, SOCIÉTÉ ANGLAISE DES INDUSTRIES CHIMIQUES SECTION DE LONDRES Séance du 7? Décembre 1903. M. J. Grossmann étudie les conditions actuelles de l'industrie des cyanures. Au point de vue technique, l'une des plus grandes difficultés rencontrées par les fabricants consiste dans la purification des cyanures, qui sont généralement mélangés de sulfo et de ferrocya- nures, de sulfures et de carbonates. Toutefois, il est très aisé de convertir un cyanure impur en un ferro- cyanure très pur, et s'il était possible de retransformer à bon compte ce dernier en cyanure, on réaliserait un grand progrès dans cette fabrication. L'auteur propose, pour cela, de traiter le ferrocyanure par l'acide sulfus rique ; il se dégage de l'acide cyanhydrique, qui est neu- tralisé par la soude, et il reste du ferrocyanure ferreux, qui est retransformé en ferrocyanure par l'action de la” soude et d’un courant d'air. Les équations suivantes rendent compte des réactions : 2Na*Fe(CAz)°+ 3H?S0—6HCAz + Na°Fe?{(CAz)5 + 3 Na°s0t, 3 Na°Fe?(CAz) + GNaOH + yO j = 3Na*Fe(CAz) + Fe03+1+ 3 HO NaOH + HCAz — NaCAz + H20. Le Na?SO* formé comme produit accessoire peul être. électrolysé en soude et acide sulfurique ou être employé à la préparation même du cyanure d'après la réaction: - 2 HCAZ + Ca (OH)? + NatSO'— 2 NaCAz + CaSO! +2H°0: SECTION DE MANCHESTER Séance du x Décembre 1903. M. O. Guttmann éludie les récents progrès de Ja fabrication de l'acide sulfurique et leurs conséquences. Il pense que le vieux procédé des chambres de plomb pourra encore longtemps lutter contre les procédés de contact si les fabricants se décident à introduire dans leurs installations les plus récentes améliorations. Pour lui, la meilleure installation doit consister en ceci : brû- leurs mécaniques continus, bonnes chambres à pous- sières et filtres à poussières efficaces, ventilateur ame- nant des quantités d'air déterminées aux brûleurs, et peut-être un second pour conduire SO? à la tour de ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 163 Glover et dans une chambre tangentielle; une série de tours intermédiaires et de chambres tangentielles avec ventilateurs lents; ventilateur conduisant dans les deux premières tours de Gay-Lussac; eau atomisée fournie à chaque chambre; ascension automatique des acides dans les tours. Toute la machinerie serait commandée électriquement et la force nécessaire produite par un moteur à gaz alimenté par un générateur de gaz Mond, donnant également le combustible pour la concen- tation. SECTION DE NEWCASILE Séance du 5 Novembre 1903. M. S.H. Collins communique les résultats de 984 ana- lyses de laits purs du nord de l'Angleterre, au point de vue de la quantité de gr et de solides non gras. Le minimum légal, arrêté d'après des analyses de laits de vaches du sud de l'Angleterre, est de 4 °/, pour les graisses et de 8,5 °/, pour les solides non gras. Or, dans es analyses de l'auteur, 96 laits sur 984 (soit près de 10 9°/,) ont été au-dessous de ce minimum. Le lait du Nord est donc moins riche que celui du Sud. SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE Séance du 8 janvier 1904. M. E. Warburg présente sa théorie du passage des rayons cathodiques à travers les métaux, théorie met- tant en lumière les points suivants: 4° Les centres de force que présente l'aluminium traversé par des rayons cathodiques agissent sur les électrons avec une force inversement proporlionnelle à la 1,45%e puissance de la distance ; 2° Tout électron, en frappant un centre de force dans l'aluminium, perd en moyenne #4 °/, de sa vitesse ; 3° Les parcours libres moyens des électrons dans l'aluminium sont proportionnels à la 8,9% puissance de la vitesse; pour la vitesse correspondant à un potentiel de décharge de 15.800 volts, ce parcours libre est de 0,00182%, La théorie de l'auteur, qui se base sur des hypo- thèses analogues à celles qu'on formule dans la théorie cinétique des gaz, s'applique également à la réflexion des rayons cathodiques. — M. H. Starke résume sa théorie des phénomènes que présente la conduction de l'électricité à travers les flammes. Dans le cas où la flamme proprement dite contient deux électrodes non incandescentes, l'auteur pense que l'ionisation pénètre le volume de la flamme tout entier, au lieu de se limiter à la surface des électrodes; ce serait en raison de la grande vitesse des ions négatifs que la chute des potentiels se limite à la cathode pour sa plus grande partie. Or, le fut que le courant traversant la flamme pour les différences de potentiel supérieures se compose de deux portions, dont l'une est propor- tionnelle à la différence de potentiel alors que l’autre en est indépendante, à été avancé pour réfuter les vues de l’auteur, Mais cette contradiction apparente disparait si l’on suppose que l'état de saturation ne se produit dans l’espace conducteur qu'au moment même ou la différence de potentiel est appliquée; aus- sitôt que la distribution des potentiels limitant la presque lotalité de la chute de potentiel à la cathode est réalisée, l’état de saturation ne sera établi qu'à proximité de la cathode, où les ions présentant une petite densité se meuvent avec une extrème rapidité, tandis que, dans le reste de l'espace, la lenteur du mou- vement des ions peut donner lieu à des recombinaisons. Dans cette hypothèse, le courant traversant la flamme, par exemple le courant de particules positives dirigé vers la cathode, comprendrait d'abord toutes les parti- cules positives engendrées dans la région à chute de potentiel élevée (ce serait là le courant de saturation de cette région), puis une portion des ions positifs engen- drés en dehors de cette région et qui constituent le cou- rant non saturé du reste de l’espace de la flamme : c’est cette dernière portion qui s'acéroîitrait avec la force électro-motrice appliquée. ALFRED GRADENWITZ, ACADEMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 10 Décembre 1903. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. R. Daublebsky von Sterneck : Sur le plus petit nombre de cubes dont un nombre quelconque inférieur à 40.000 puisse être com- posé. — M. Ph. Forchheimer à remarqué que, dans des conduites à fond plat, peu profondes et abruptes, l'eau ne coule pas uniformément avec une surface à peu près plane, mais par bonds, en formant des ondu- lations retombant rapidement, de sorte que le profil en longueur de l’eau ressemble à des dents de scie, Ces ondes se meuvent plus rapidement que le liquide. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. Puluj montre com- ment le travail donné par un moteur à courant tour- nant peut être représenté par une courbe sur le dia- gramme circulaire de Heyland. — M. E. Bandl: Sur une forme de la décharge ordinaire par étincelle résul- tant d'une certaine direction de courant, — M. J. Bil- litzer cherche à compléter la théorie des phénomènes électro-capillaires de Helmholtz par la considération d'un facteur jusqu'à présent négligé : la variation de la tension de solution d'un métal avec sa tension superfi- cielle. L'équation complétée de la courbe électrocapil- lire est celle d’une parabole. — M. F. Kirchbaum a fait agir le carbonate de potasse sur l'isobutyraldéhyde. Il se forme à froid d’abord de l'isobutyraldol, puis, en quantité d'autant plus grande que la réaction dure plus longtemps, l'éther monoisobutyrique de l'octo- glycol correspondant à l’aldel. À chaud, la transfor- mation de l’aldol en éther se fait très rapidement. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. M. Probst a étudié les lésions des fibres cérébrales à la suite d’une hémi- plégie du cerveau. Après la destruction des fibres pyra- midales chez l’homme, il y a toujours une paralysie durable, tandis que, chez l'animal, il n'y à pas de paralysie motrice parce que, chez lui, les trajets mo- teurs de la coiffe agissent comme suppléants. La con- tracture hémiplégique, ainsi que le retour limité des mouvements actifs dans les membres paralysés, sont attribuables à l'action de fibres pyramidales conservées, et principalement aux voies motrices allant de la coiffe aux cellules de la corne antérieure de la moelle. Séance du 17 Décembre 1903. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. M. W. Wirtinger montre que les intégrales de la forme 12 y k) VA THE, ant) étendues entre deux périodes 2°, forment un système remarquable de transcendantes, dont la série hyper- géométrique pour 1 —=2 est le cas le plus simple. En particulier, ces fonctions satisfont à des équations différentielles homogènes linéaires de degré 2°, dont les coeflicients sont des fonctions modulaires de n° degré, — M. H. Barvik : Sur quelques intégrales d'Euler. — M. E. Waelsch: Sur l'analyse binaire (IH). 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. Sahulka explique le magnétisme terrestre en admettant que les couches atmosphériques supérieures ne tournent pas avec la Terre; comme elles sont électrisées positivement, elles agissent comme des courants qui iraient de l'Est à l'Ouest. L'aurore polaire serait causée par un échange d'électricité entre la Terre et les couches supérieures de l'atmosphère. — M. G. Jager rappelle que, si l'on fait tomber une goutte de gomme gulte à la surface de l’eau, elle se répand en formant un cercle, Si l'eau est animée d'un mouvement de rotation et que l’on fasse tomber la goutte excentriquement à la surface, il se forme une belle spirale régulière avec plusieurs enroulements. L'auteur explique la cause de ce phéno- mène. — M. O. Tumlirz : Le rayonnement total de la lampe Hefner. — M. C. Doelter à cherché à adapter le microscope pour l'examen des cristallisations de Leh- F(u)du (Ex,, —=0 (u) du Xyu 3 164 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES mann à l'étude des silicates fondus; pour la fusion, il se sert de la chaleur dégagée par un courant électrique. Par ce moyen, il a constaté que la fusion d’un mélange de silicates est plutôt une dissolution du silicate le moins fusible dans le plus fusible. — M. M. Rix à obtenu, en faisant agir sur le bromure de triméthylène beaucoup d'eau à une température inférieure à 50°, du triméthylène-glycol; peu d'eau à une température élevée : de l'acétone, de l'aldéhyde propionique et leurs produits de condensation. On obtient les mêmes produits par action de HSO* ou de HCI dilués à 170°- 2200, Il est possible qu'il se forme, comme produit intermédiaire, du propylène-glycol. -- M. M. von Schmidt à constaté que l'acide phellonique, retiré du liège par Kugler, est un acide monobasique saturé C#H#0%, I fournit avec HT un acide iodophellonique qui, chauffé avec Zn—+THCIl en solution alcoolique, donne l'éther éthylique d’un acide isophellonique. Par fusion de l'acide phellonique avec KOH, il se forme un acide phellogénique bibasique C#H#O0*#, L'auteur montre, d'autre part, l'improbabilité de la nature de glycéride attribuée par Kugler à la substance du liège,, la quantité de glycérine qu'on en extrait étant incom- mensurable par rapport à celle des acides gras. MM. J. Liebschutz et F. Wenzel, en condensant l'éther monométhylique de la phloroglucine qui ren- ferme un OH libre en para par rapport à I non subs- titué du noyau benzénique avec l'aldéhyde salicylique en présence de HCI, ont obtenu un dérivé de la fluo- rone, la 5: 7-diméthyl-8-oxyfluorone; par réduction de celui-ci, on obtient un leuco-dérivé. — MM. A. Séhreier etF. Wenzel ont étudié la faculté de réaction des divers dérivés substitués de la phloroglucine pour la formation de la fluorone. Louis BRUNET. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 28 Novembre 1903 (Suite). SCIENCES NATURELLES. — M. C. Winkler et G. A. van Rynberk : Sur l'accroissement des champs latéraux des dermatomes du torse sur la partie caudale de l'extre- mité supérieure. Une étude régulière des dermatomes de l'extrémité supérieure comporte de très grandes diffi- cultés, comme l'a constaté pour la première fois M. Sherrington dans son travail magistral. La première difficulté est de caractère technique. Pendant l'accrois- sement de l'extrémité, les dermatomes adjacents du cou et du torse se transforment, de manière que leurs domaines s'enchevêtrent et ne peuvent êtreisolés lesuns des autres qu'en coupant un grand nombre de racines postérieures adjacentes. Ainsi l'opération devient assez difficile, de plus longue durée, et en même temps les dangers augmentent, d'abord à cause de la proximité de la moelle allongée, ensuile par la présence des grands vaisseaux veineux périmédullaires. La seconde difficulté est en rapport avec les variations person- nelles. Chez le chien, ce ne sont pas toujours les mêmes dermatomes qui couvrent la patte de devant. Ordinairement, les racines postérieures 5 à 11 se char- gent de l’innervation de cette extrémité; mais il y a des cas où ce sont les racines # à 10 ou bien 6 à 12, Pour cette raison, deux racines de même rang ne sont pas toujours équivalentes. Comme Sherrington et Bolk, les auteurs ont toujours tracé, sur les extrémités de devant, les diamètres dorsal et ventral; de plus, ils se sont servi d'un artilice assez simple. Après avoir isolé un dermalome d'un animal en expérience et dessiné sur la peau même les limites des zones insen- sibles, ils le photographient dans plusieurs positions. Après avoir obtenu ainsi les photographies néces- saires pour le contrôle, l'animal est tué et la peau, avec le dessin qu'elle porte, est préparée d'une manière méthodique et étendue pour pouvoir être comparée avec d’autres exemplaires» Description détaillée du procédé et de plusieurs expériences. Conclusions : 1° Les de matomes 10et 11 et leurs parties caudales s'appliquen sur les dermatomes postérieurs; 2° Les parties ventral et dorsales deviennent de plus en plus petites et ins gniliantes; les parties latérales seules se retrouvent l'extrémité de la patte. e Séance du 19 Décembre 1903. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. A. Mont, de Te huacan (Mexique), a env oyé un Mémoire sur la duplica tion du cube. Sont nommés rapporteurs MM. Korte et Schoute. 29 Sciences PHYSIQUES. — M. H. Haga communiq au nom de MM. G. van Dijk el J. Kunst: pe déter= mination de l'équivalent électrochimique de argent Les valeurs trouvées pour l'équivalent électrochimiq de l'argent sont : Mascart (1884). . . SLT T EN AIS Kohlrausch (Het W. ) (1884). Re a TEE Lord Rayleigh et Mne Sidewick (1884). 0,011179 Pellatset Potier (4890) SN UNE Kahle (1898). RE bone toi 0 (MU lie Patterson et Guthe (1898) . . . . . . : . 0,014192 Pellattet/Leduc\(1903) ess ER DORE La différence entre ces résultats a engagé les auteursà entreprendre une nouvelle détermination du nombre en question avec des précautions extraordinaires. 1 courant a été mesuré au moyen de la boussole des lan gentes. Deux boussoles ont été employées, l’une ayant comme fil conducteur une lame de cuivre, soutenu@ par un chässis en bois, l’autre un fil mince de cuivres tendu sur un disque de marbre. L'intensité horizontalt du magnétisme terrestre a été déterminée par la mé thode bifilaire magnétométrique de Kohlrausch. L'in tensité du champ magnétique des lieux d'installation des boussoles des tangentes et du magnétomètre hifi laire à été comparée au moyen du variomètre-local dé Kohlrausch. Cet instrument servait en même temp pour mesurer les variations diurnes de l'intensité hori= zontale, pendant sa détermination et le passage du courant. L'influence instrumentale des magnétomètres unifilaires et de l’autre parlie des boussoles des tan gentes était infiniment petite. En ce qui concerne le voltamètre, les conditions indiquées dans le AReichs= gesetzblatt du 6 mai 1901 (p. 127) ont été suivies. La masse d'argent déposée était d'environ { gramme, l'in teosité du courant de 0,30 à 0,45 ampères, la durée du courant de 48 à 32 minutes. Deux vollamètres étaient disposés en série dans le courant. Ont été faites en tout 24 déterminations, 12 avec chaque boussole. La valeut moyenne de l'équivalent électrochimique trouvé à moyen de l’une des boussoles est 0,011.1816, de l’autre 0,011.1821. La moyenne de toutes les déterminations est 0,011.1818 (+ 0,000.000% — erreur moyenne). D'aprè les auteurs, l'erreur de ce résultat n’est pas supérieure à une unité sur dix mille. — Ensuite M. Roozeboon! présente, au nom de M. A. Smits : La {orme de courbe de solubilité dans le domaine des tempér& tures critiques des mélanges ne. Seconde com: munication (/tev. gén. des Se., t. XIV, p. 1175). It l'auteur indique la succession a sections (p, x) de là surface (p, t) avec la température; son travail illustré par plusieurs figures dont quelques-unes sont assez compliquées. — Enfin, M. Roozeboom présente la thèse de M. A. Stoffel : « Onderzoek over binaire em ternaire alliages van tin, bismuth, cadmium en lood x (Recherches sur des alliages binaires et ternaires d’étain de bismuth, de cadmium et de plomb). P. IH. Scxoure. Le Directeur-Gérant : Louis OLivier. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Casselte. 15° ANNÉE N° 4 29 FÉVRIER 1904 Revue générale des Cle HTC pures et appliquées DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Aûresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Nécrologie 0. Callandreau.— La science astronomique vient de faire une grande perte en la personne de M. O. Cal- landreau, membre de l'Institut et du Bureau des Lon- gitudes, décédé le 13 févrie La Revue consacrera prochainement une Notice détaillée à la vie et à l’œuvre de l'éminent savant. M. Duchesne-Fournet. — Nous enregistrons avec regret la mort d'un jeune explorateur, M. Jean Duchesne-Fournet, qui, récemment revenu d’une exploration en Ethiopie, très fructueuse au point de vue scientifique, a succombé, le 27 janvier, aux suites des fièvres contractées au cours de ce voyage. Né à Lisieux en 1875, Jean Duchesne-Fournet, fils d'un sénateur du Calvados, était à peine sorti de l'Ecole des Mines et de l'Ecole des Sciences politiques qu'il se prit de passion pour les voyages. Il revenait d’une excur- sion à la Guyane francaise, quand il songea à organiser une exploration en Ethiopie. Partie en octobre 1901, la Mission scientifique Duchesne-Fournet atteignit Addis-Ababa par la route des Gourgouras, qui n'avait été jusqu'alors l’objet d’au- cun travail topographique précis. Le lieutenant Collat, second de la Mission, leva un itinéraire très détaillé. D'Addis-Ababa, la Mission prit la route du Godjam. Elle reconnut la source du Nil Bleu et arriva au lac Tana, dont M. Duchesne-Fournet leva le plan au théo(lo- lite. Ses itinéraires, en relation constante avec ceux d'Antoine d'Abbadie, permettront d'établir une carte complète du Godjam. Après avoir fait le tour entier du lac Tana, la Mission revint,à la fin de juin 1902, à Addis-Ababa. Tandis que ses compagnons rentraient en France, le chef de la Mission se porta vers l'ouest pour aller visiter le Ouallaga ; il atteignit Nedjo, non loin de Toulou Tchoki, point où avait été M. Hugues Le Roux, en avril 1901, GR. $ 2. — Astronomie La figure des corps célestes. — M. Liapou- nof vient de consacrer à la forme d'équilibre d'une masse fluide animée d’un mouvement de rotation un REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904, important travail, publié dans les Mémoires de l’Aca- démie des Sciences de Saint-Pétersbourg. Ce Mémoire ouvre la voie par laquelle on peut espérer traiter le problème d’une manière complète etentièrement rigou- reuse. On sait, en effet, que les méthodes de Legendre et de Laplace permettent d'écrire une série d'approxi- mations successives. Mais rien ne prouve que cette sé- rie d’approximations soit convergente. Or, la méthode de M. Liapounof échappe à cet inconvénient. Le savant géomètre de Kharkow introduit, pour le potentiel d’at- traction, un développement d'une forme nouvelle, — laquelle ne prète pas, d’ailleurs, aux mêmes objections que l’ancienne en ce qui regarde la légitimité. Il arrive ainsi à présenter la solution sous forme d’une série ordonnée suivant les puissances de la. vitesse de rota- tion (ou plutôt d’un paramètre lié simplement à cette vitesse) et pour laquelle l’existence d'un domaine de convergence est établi. Malheureusement, ce domaine est encore trop étroit au point de vue des applications. C'est ainsi que, dans le cas le plus intéressant, celui de la Terre, la conver- gence n’est pas assurée. Le seul astre pour lequel on soit certain que la méthode s'applique, la série obtenue étant convergente, est le Soleil. Les anciennes mé- thodes, elles, ne donnaient cette certitude dans aucun cas, $ 3. — Physique La propagation lointaine des ondes élec- triques.— Le fait, qui semble bien démontré aujour- d'hui, de la transmission possible de signaux hertziens à travers l'Atlantique a frappé tout d’abord par son étran- geté les physiciens habitués à la notion de la propaga- tion rectiligne des perturbations dans un milieu homo- gène ; puis, comme il fallait bien trouver une explication de ce fait inattendu, on a eu recours à la diffraction, qui prévoit la possibilité de contourner un obstacle d'autant plus grand que la longueur d'onde des pertur- bations supposées périodiques est plus considérable, et l'on a attribué à cette propagation curviligne, de nature optique, le rayonnement de l'énergie oscillatoire d'Europe en Amérique. Il est incontestable que, dans la transmission des signaux par les ondes hertziennes, la diffraction joue , LL 166 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE un rôle important et souvent prépondérant, et qu'elle permet seule la communication entre deux postes peu éloignés, mais mutuellement invisibles, tout comme la diffraction du son établit la communication acoustique entre une source et un récepteur séparés par un obs- tacle même étendu. Cependant, il me semble que, dans l'explication que l'on à donnée de la cause pour laquelle les ondes hert- ziennes se propagent à de très grandes distances à la surface de la Terre, on a exagéré singulièrement le rôle propre de la diffraction. Chacun sait, en effet, que, dans la transmission à faible distance par des appareils peu puissants, on évite avec soin les obstacles de grandes dimensions qui, interposés entre les antennes de trans- mission et de réception, affaibliraient l'intensité des signaux au point de rendre impossible une communi- cation aisée en terrain bien dégagé. On compte ainsi surtout sur la communication æctiligne, et, si l’on est obligé d’avoir recours à la transmission par ondes dif- fractées, on réduit leur rôle au minimum en installant les postes en des endroits élevés et en plaçant les an- tennes aussi haut qu'il est possible. Or, si l'on songe que, entre les postes correspondants situés des deux côtés de l'Atlantique, le globe terrestre constitue un obstacle de 300mètresde hauteur, on recon- naîtra queles ondes, affaiblies par la décroissance sui- vant la loi du carré, absorbées par les milieux traversés, et, de plus, n'arrivant qu'après avoir contourné un aussi formidable obstacle, auraient bien peu de chance d'être encore perceptibles. Mais il me semble que le phénomène s'éclaircit beau- coup si l’on considère les conditions particulières dans lesquelles s'opère la transmission à très grande distance à la surface de la Terre. En réalité, l'espace dans lequel se propagent les ondes n'est pas autre chose qu'une lame mince d'un diélec- trique limité par deux conducteurs, dont l'un est le sol ou la mer, et l’autre la couche atmosphérique conduc- trice, dont l'altitude moyenne est d'une centaine de kilomètres au-dessus du niveau du sol. C'est entre ces deux conducteurs parallèles que l'é- nergie des ondes reste en grande partie confinée, étant à la fois guidée et réfléchie par les conducteurs et se propageant non point par ondes sphériques, mais par ondes cylindriques. | Une conséquence de cette idée semblerait être que, lorsque les ondes ont dépassé le plan équatorial per- pendiculaire au rayon passant par le point d'émission, elles devront se concentrer et croitre jusqu'à un maxi- mum intense aux antipodes. Ce serait, sans doute, pous- ser à l'absurde l'idée qui vient d'être émise. En effet, s'il est vrai que les couches supérieures de l'atmosphère sont conductrices, il est certain, d'autre part, qu'elles constituent un conducteur médiocre, et surtout dont la surface est mal définie. Une partie des ondes les traverse probablement, et une proportion, sans doute notable, s'y perd en travail interne, Il ne me semble pas moins correct d'attribuer à l’ac- tion directrice et réfléchissante de ces couches, combi- née avec celle du sol ou de la mer, un rôle important et peut-être essentiel dans la télégraphie sans fil trans- océanique. Si cette théorie est exacte, on augurera favorablement des projets de transmission à des distances croissantes, tels, par exemple, que celui de relier l'Italie à la Répu- blique Argentine, par un service assuré au moyen d'ap- pareils d’une grande puissance. Le succès d'une telle entreprise apporterait le plus solide appui à l’idée qui vient d’être esquissée. Ch.-Ed. Guillaume, Sous-drecteur du Bureau international des Poids et Mesures. Les thermomètres médicaux et le Labora- toire d’essais. — Le Laboratoire d'essais du Conser- vatoire des Arts et Métiers s'occupe, entre autres choses, du contrôle des thermomètres médicaux, et il a installé dans ce but une Section spéciale, dont le tr vail est très actif. Cette tâche est non seulement utile. mais humanitaire ; car, sur les indications des therm mètres médicaux peut reposer la vie d'un malade. U variation de l'instrument, une indication d’une fraction de degré, peuvent éclairer ou dérouter le diagnostie du médecin, ou modifier son traitement. Or, en raison de l'absence de contrôle scientifique, il y avait, d’après les renseignements du Läboratnire d'essais, dans les usages courants, environ 8 thermomètres défectueux pour un parfaitement exact. Il serait donc de la plus élémentaire prudence, po un médecin ou pour un malade, de n’accepter que des thermomètres contrôlés et poinconnés. D'autre parts les. fabricants de thermomètres médicaux conscien cieux ont intérêt, au point de vue de la responsabilités à soumettre au controle les instruments qu'ils fabri quent. Ajoutons enfin que le tarif d'essai et de poinçonnage établi pour couvrir les frais du Laboratoire d essais; qui est un établissement officiel, est très réduit. $S 4. — Electricité industrielle La Station centrale télétypique de Berlin. — Le réseau téléphonique de Berlin vient de recevoin un complément des plus précieux par la «Ferndrucker Centrale », récemment inaugurée. Les téléphones, qui ne rendent que les mots parlés, sont fréquemment, insuffisants dans les affaires, où, en outre d'une trans= mission correcte, il faut, dans bien des cas, qu'on possède une confirmation écrite de cette transmission: D'autre part, les conversations téléphoniques, comme on sait, sont susceptibles d'être interceptées par une tierce personne. Enfin, la personne appelée par le télé- phone peut être absente, et l'attente, souvent inutile; de son retour entraîne une perte de temps fâcheuse: Dans tous ces cas, le nouveau service des télégraphes imprimeurs constituera un moyen de communication efficace. L'appareil télégraphique, construit par la maison Siemens et Halske, et qu'il ne faut pas confondre avec le télégraphe rapide de cette même Société, est un télégraphe imprimeur similaire à l'imprimeur télégra= phique bien connu de Hughes et au télégraphe Baudot: La différence essentielle avec ces appareils plus anciens réside dans le fait que, ces derniers se mouvant libre= ment, le synchronisme des appareils reliés à la mêmes ligne devait être obtenu par l'habileté du télégraphiste, tandis que la conduite du nouvel appareil, qui n'est autre qu'une machine à écrire à distance, est des plus simples et peut être acquise par tout le monde dans un délai minimum. Le clavier du télégraphe imprimeur (fig. 1) est analogue à celui d’une machine à écrire ordi naire, comprenant quatre séries de sept touches cha= cune, dont vingt-six pourvues d'un côté d’une lettre et, de l'autre, d’un chitfre ou d’un signe de ponctuation: Quant aux deux touches qui restent, l'une sert soil pour signaler le commencement d’une conversation; soit pour insérer les lettres, tandis que l’autre, portant l'inscription « chiffres », sert pour imprimer les chiffres et signes de ponctuation. Les deux appareils reliés par une même ligne peuvent être employés indifféremment soit comme récepteurs, soit comme transmetteurs; sans qu'il soit besoin de les y préparer au préalables Ils sont, en effet, tous les deux automatiquement et simultanément mis en action, aussitôt que la première touche blanche de l’un d'eux est pressée vers le bass après quoi l'appareil actionné fonctionne comme transs metteur, et tout est prêt à servir. La roue d'impression porte à sa circonférence, dans un cercle, les lettres, et, dans un autre cercle parallèles au premier, les chiffres et signes de ponctuation. En agissant sur la clef commutatrice, la roue d'impression est déplacée automatiquement sur son,arbre de rotas tion, de facon à amener la série de signes voulue en regard de la surface d'impression du ruban de papier. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE En frappant alors une touche ordinaire, la roue d’im- pression est tournée jusqu'à ce que le signe en question se trouve en regard du papier; ce dernier est ensuite pressé contre la roue et, après avoir recu l'empreinte, retombe instantanément en bas, tout en se déplacant de l'intervalle de deux signes, de facon à ètre prêt pour une autre impression, Ce processus se pa simultanément dans les deux appareils reliés par la même ligne, c'est-à-dire dans le transmetteur aussi bien que dans le récepteur, ce dernier étant automa- tique. Dans le cas où le propriétaire de l'appareil est absent, il pourra lire le télégramme sur le ruban de papier à son retour. Le télégraphe-imprimeur donne de cette manière deux inscriptions parfaitement iden- tiques du même télégramme, l’une sur l'appareil trans- metteur et l’autre sur le récepteur; aussi, l'expéditeur a-t-il toujours à sa disposition une preuve de l’exacti- même temps, les leviers typographiques de l’un et de l’autre appareil, étant attirés, produiront l'impression de la lettre correspondante. Tant que la touche est abaissée, la roue aux t\pes est incapable de se déplacer; aussi la transmission peut avoir lieu à une vitesse quelconque. Après avoir transmis un télégramme, on met le transmetteur et le récepteur automatiquement hors du circuit à une certaine position de la roue d'impression, arrêtant l'appareil en même temps. Douze piles d'accumulateurs, renfermées dans une boîte, servent de batterie de service, étant divisées au milieu, de façon que l'une et l'autre moitié de la batterie puisse être insérée dans le circuit à courants locaux ou de ligne. La tension d'environ 12 volts, ré- gnant dans le cireuit de lignes, est assez basse pour éliminer toute possibilité d'influence inductive des cir- cuits du télégraphe-imprimeur sur les circuits télé- Fig. 1. — Télégraphe imprimeur de la Ferndrucker-Centrale à Berlin. tude de sa communication, éliminant toute possibilité d'ambiguité. A la droite de la roue d'impression, il y a une roue à balais fournissant l'encre d'imprimerie à la première. L'appareil est mû par un petit moteur électrique, dis- posé à l’intérieur de la partie mécanique, en avant du clavier. Aussitôt que la clef de commencement est pressée en bas, le circuit de l'appareil transmetteur est fermé, produisant la rotation d'un rouleau commutateur, qui lance des courants électriques de sens alternatifs dans le circuit du télégraphe imprimeur et à travers les relais de lignes reliés à l'appareil; les courants locaux insérés dans l'appareil transmetteur, aussi bien que dans l'appareil récepteur, produisent, au moyen des aimants dits de relais, une rotation de la roue d'im- pression à partir de la position initiale identique dans toutes les stations. Or, dans le cas où une touche à lettres est enfoncée, une goupille attachée à l'autre bout de son levier viendra frapper contre le balai de commutation tournant, arrêtant ce dernier et par là la roue typographique du télégraphe-imprimeur. En phoniques voisins; aussi on peut conduire les deux espèces de conducteurs par le mème câble. Un petit électromoteur, alimenté par la batterie d’accumula- teurs, remonte en même temps le mouvement d'horlo- gerie de l'appareil. _ Les avantages que présente le télégraphe-imprimeur en comparaison des systèmes téléphoniques et télégra- phiques actuels sont évidents. Comme le téléphone, cet appareil pourra servir pour une communication directe entre deux personnes à une distance quel- conque, tout en éliminant les méprises par la repro- duction simultanée en double de la communication. Comme nous venons de le dire, le télégraphe-impri- meur rendra en même temps impossibles les captages de conversations de la part d’une tierce personne, captages qui peuvent se produire même avec le télé- graphe Morse. C’est, par conséquent, le seul système de communication permettant.de conserver le secret absolu des dépêches. Une station centrale, analogue, quant à son aména- gement et son fonctionnement, aux stations centrales téléphoniques, vient d'être ouverte à Berlin (fig. 2); 168 elle servira d'abord à assurer les communications mutuelles entre tous les abonnés reliés aux réseaux des télégraphes-imprimeurs de Berlin. Cette station centrale est munie d'un tableau de distribution com- prenant des indicateurs et des clefs destinées à cent abonnés. Seize cordons de connexion permettent de desservir en même temps trente-deux abonnés et de réaliser la communication simultanée entre un tiers de tous les abonnés, dans le cas où le tableau de dis- tribution est au complet. Aussitôt que l’abonné appuie sur la clef d'appel de son télégraphe-imprimeur, l'em- ployé chargé du service du tableau de distribution est avisé par le fait que l'indicateur de l'abonné en question retombe en arrière; en même temps retentit une sonnerie; il aura alors à se mettre en communica- Fig. tion avec la personne qui appelle afin de demander la communication désirée au moyen des appareils inter- rogateurs, qui sont au nombre de six, et à relier les deux abonnés de facon que leurs appareils soient prèts pour une communication directe. En dehors de ces communications mutuelles, il y a cependant la possi- bilité de mettre un nombre quelconque d'abonnés en relation avec le même appareil transmetteur, de facon à transmettre la même communication simultanément à tous les abonnés, A cet effet, on a ménagé des com- mutateurs de groupes spéciaux. Aussitôt qu'en tournant une roue à main on insère tous les appareils récepteurs dans le circuit de l'appareil transmetteur, de petites lampes à incandescence s'allumeront dans les clefs des abonnés en question, après que les indicateurs seront tombés en arrière, pour montrer que tous les abonnés du groupe en question ont bien été reliés à l'appareil voulu. Des services télégraphiques similaires d’une station CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE centrale à un certain nombre d'abonnés reliés simul- tanément au même appareil, au moyen des dispositifs dits « tickers », sont d puis quelque temps en usage à Paris, à Londres et à New-York. Un service analogue sert également à Bremerhaven à transmettre les dépè- ches navales d'une station centrale à cent abonnés se trouvant à des endroits différents. La Station centrale qui vient d'être ouverte à Berlin est destinée, en dehors des communications directes et mutuelles entre les abonnés, à transmettre des informations analogues à un certain nombre d'abonnés, limitant son service dans les premiers temps aux télégrammes de Bourse transmis à des heures déterminées par l'appareil transmetteur de la Bourse de Berlin. Le même système de communi- cation pourrait être employé à transmettre les télé- | : 2, — Station centrale des télégraphes-imprimeurs à Berlin. grammes d'un bureau télégraphique central, tel que celui de l'agence Havas, à un certain nombre de bureaux de journaux. La Station centrale précitée est encore destinée à assurer les communications avec le Bureau central des Télégraphes d'Etat, afin de trans- mettre ou de recevoir des télégrammes par le télé- graphe d'Etat. Ce nouveau système est, enfin, depuis quelque temps en usage dans certaines grandes mai- sons industrielles, telles que l'Allgemeine Elektricitäts- Gesellschaft et la Compagnie Siemens et Halske à Berlin pour des communications entre leurs différentes sections. $ 5. — Chimie Méthode électrolytique pour préparer les poudres métalliques. — En électrolysant une solution d'un composé métallique et en se servant, à cet effet, d'une cathode en mercure, l’on obtient l'amal- game correspondant; cette méthode s'applique même hdi CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 169 aux mélaux communément regardés comme inamal- gamables, tels que, par exemple, le platine et le fer. Au moyen d'une disposition convenable, le Professeur A. Zamboni! vient de réussir à préparer des amalgames d'aluminium, de sodium, de potassium, etc., suscep- tibles d’être décomposés par l’eau. Ces amalgames sont des substances spongieuses, remplies de particules-de mercure, et dont le poids spécifique est intermédiaire entre ceux du mercure et du métal correspondant. Si Je vase cathodique est à fond perméable, lamalzrame se portera à la surface, où il pourra facilement être enlevé; si le bain contient des métaux différents, le dépôt de Vun ou de l’autre dépendra de la densité du courant, L'amalgame qu'il s'agit d'obtenir peut, par conséquent, être électrolytiquement purifié non pas seulement des corps inamalgamables, mais encore des métaux étran- gers. En comprimant fortement, dans des sacs en toile, l'amalgame ainsi obtenu par une méthode économique, l'on obtient du mercure presque pur, l’amalgame étant partiellement décomposé. Il restera une substance faci- lement pulvérisable, composée d'amalgames et de poudres métalliques. Lorsque cette masse est soumise à la distillation à une température inférieure au point de fusion de l’amalgame, le mercure se sépare du métal (surtout dans le cas du fer et des métaux voisins), tandis que ce dernier reste à l’état spongieux, friable, susceptible d'être réduit au mortier en une poudre extrêmement fine. En choisissant pour cette distilla- tion des milieux appropriés, on pourra obtenir des composés métalliques différents. Lorsque, par exemple, on distille lamalgame de fer dans un milieu réducteur, l’on obtiendra du fer pyrophorique, qu'il sera possible, par un traitement convenable, de convertir en fer ordi- naire. Les milieux oxydants donneront des oxydes ou protoxydes du fer jusqu'ici inconnus. Ce procédé a été trouvé à la suite d'une étude de l'accumulateur Edison ; il était primitivement destiné à donner de l’oxyde ferrique d’une façon expéditive. Présence de perchlorate dans le nitrate de soude employé comme engrais. — D'un Mémoire récent de MM. Pellet et Fribourg sur les travaux de MM. Crispo de Caluwe et Pagnoul*, il résulte que le nitrate de soude ne saurait être employé comme engrais sans danger parfois pour la végétation. Ces auteurs, après de nombreuses expériences, ont montré dans certains nitrates, outre la présence des iodates, chlorures et autres sels que l’on y rencontre constamment, celle de chlorates et de perchlorates. Ceux-ci peuvent même alteindre 1,5 °/, des engrais employés, et l’on cite le cas d’un nitrate qui en ren- fermait 6 °/,. Or, il est maintenant certain que ces sels sont des plus nuisibles à la végétation; le perchlorate sodique, en particulier, est nocif à moins de 4 °/,. Il importe donc de pouvoir doser ces quantités de substances étrangères; ceci est particulièrement facile pour les perchlorates en employant le procédé utilisé aux Poudres et Salpêtres dans l'analyse des azotates de sodium destinés à Partillerie. On calcine le nitrate mêlé à partie égale de carbonate de sodium dans un creuset à l'abri de l'air, puis on laisse refroidir toujours à l'abri de l'air. On dissout alors la masse dans de l'acide azotique étendu de son volume d’eau jusqu à ce que toute eff-rvescence cesse et que la liqueur soit franche- ment acide. Il n’y à plus qu'à fixer le taux en perchlo- rate à l’aide d'une liqueur titrée d'azotate d'argent. Si l’on veut simplement s'assurer que le nitrate ne contient pas au delà d’une certaine quantité de perchlorate, il suffira d'ajouter à 50 centimètres cubes de la solution nitrique le volume correspondant de liqueur titrée, filtrer et vérifier que ce qui passe ne précipite plus par l’azotate d'argent. Il y a, d'ailleurs, une remarque importante à faire : c'est que les nitrates perchloratés ne renferment, en général, que des traces de chlorates; ! Elettricila, n° 4, 1903. ? Annales agronomiques, Tome XXIX. il résulte, en outre, des expériences dont nous parlions en commencant que ces sels ont un degré de nocivité beaucoup plus faible que les perchlorates et surtout que le perchlorate sodique. On peut, cependant, savoir exactement à la fois la quantité de chlorate etde perchlo- rate contenus dans les engrais parle procédé suivant: Il suftit de doser le chlore préexistant, puis le chlore fourni par la calcination complète de la matière; la différence correspondra au chlore des sels chloriques; en trai- tant, d'autre part, la liqueur, après le dosage du chlore préexislant, par le nitrate de plomb, on connaîtra le chlore correspondant aux chlorates et, par différence, on aura celui des perchlorates. Enfin, M. Vinet Lalitte vient d'indiquer un procédé très rapide pour déceler la présence de faibles traces de chlorates : En ajoutant à la solution une petite quantité d'une solution d’aniline et en complétant au double du volume primitif par de Facide chlorhydrique à 22° B., on obtient une coloration rouge violacée passant au bleu intense pour des traces de chlorate. Il résulte de ce qui précède que, dans l'analyse d'un nitrate destiné à l’engrais, on ne saurait trop insister sur la nécessité d’un dosage exact en sels sodiques des chlorates et perchlorates contenus, l'influence de ces corps sur la végétation étant des plus nuisibles comme cela a surtout été constaté en Belgique. $ 6. — Physiologie La glande interstitielle du testicule des Mammifères. — Par une série de belles études à la fois histologiques et expérimentales, MM. P. Bouin et Ancel! viennent de démontrer, d'une façon qui parail définitive, que le testicule des Mammifères a une double fonction : la fonction sexuelle, seule connue jusqu'ici, est localisée dans les tubes séminifères, où se déroule le cycle cellulaire qui aboutit aux spermies; l’autre fonction serait dévolue aux cellules dites snterstitrielles, que l'on rencontre en grand nombre dans le tissu con- jonctif interposé entre les tubes séminifères, orientées le plus souvent autour des vaisseaux sanguins et lym- phatiques; ces cellules, qui, pendant longtemps, ont été considérées comme un organe trophique destiné à assurer la nutrition des cellules séminales, sont mani- festement des cellules glandulaires et fabriquent des produits variés, parmi lesquels des granules de graisse, des cristalloiïdes (Homme), du pigment, etc. = Sans compter les observations histologiques, l’expé- rience démontre que la glande interstitielle est indé- pendante de la partie séminifère : si l’on fait une résec- tion ou une ligature du canal déférent, les cellules sexuelles dégénèrent complètement au bout d'un certain temps, tandis que les cellules interstitielles restent parfaitement intactes; cette expérience reproduit tou à fait ce qui se passe dans les cas de cryptorchidie (testicules restés dans l'abdomen au lieu de descendre dans les bourses), ou bien dans les maladies chro- niques ou cachectisantes qui déterminent toujours un arrêt de la fonction spermatogénétique. Une seconde expérience, vraiment cruciale, démontre l'importance fonctionnelle de la glande interstitielle et confirme son indépendance de la fonction sexuelle. Un verrat adulte avait un testicule eryptorchide et resté dans l'abdomen; l’autre testicule, normal, fut enlevé complètement dans le jeune äge; or, à l'examen microscopique, le testicule unique de ce verrat pré- sentait des tubes sexuels dégénérés, comme d'habi- tude, et une quantité de cellules interstitielles doute de la quantité normale; il y avait donc eu Lypertrophie compensalrice, analogue à celle que l’on voit se pro- duire si souvent lorsqu'on extirpe une glande d’un système glandulaire pair Quant au rôle de l'appareil interstitiel, il est probable qu'il est assez complexe; sans aucun doute, il élabore 4 Recherches sur les cellules interstitielles du testicule des Mammifères. Arch. Zool. exp., [4], vol. I, 1903, p. 437. 170 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE des matériaux nutritifs pour les cellules séminales: de plus, il paraît tenir sous sa dépendance l’ardeur géni- tale et le déterminisme des caractères sexuels secon- daires. En effet, les hommes et animaux cryptorchides diffèrent profondément des castrats; les premiers, quoi- que aussi infeconds que les seconds, conservent l’ar- deur géniale et les attributs externes de la virilité (verrats riles, chevaux pifs), de même que les animaux qui ont subi la résection des canaux déférents: or, dans tous ces cas, les testicules ne renferment plus que l'appareil interstitiel, les tubes séminifères étant dégénérés; il semble donc bien qu'il y a relation de cause à effet. On peut penser que les cellules intersti- tielles déversent dans le sang un produit (sécrétion interne) qui à une influence déterminante sur les caractères anatomo-psychologiques du mäle. L'ab- sence de toute glande interstitielle (castration totale) serait la cause des modifications que subit l'organisme des castrés. On voit facilement ce qui reste à faire pour compléter la démonstration; du reste, MM. Bouin et Ancel an- noncent qu'ils publieront bientôt les résultats des expériences conlirmatives qu'ils ont entreprises. Des injections brown-séquardiennes, mais cette fois avec un extrait de glande interstitielle pure, donneraient sans doute des résultats du plus haut intérèt, tant pour la Biologie générale que pour la Clinique. ; Ablation des parathyroïdes chez l’oiseau. — La disünction physiologique fondamentale des thy- roïdes et des parathyroïdes est aujourd hui une notion nettement établie. On sait que M. Moussu a démontré les faits suivants, chez les Mammifères, chien, lapin, chèvre, porc, etc. : 1° L'ablation des thyroïdes avec conservation des parathyroïdes, ou tout au moins d'une partie des parathyroïdes, ne produit aucun accident, tétanique comparable aux accidents consécutifs à la thyroïdectomie globale ou thyro-parathyroïdectomie : elle ne produit, chez l'animal adulte, aucun accident, ou elle provoque seulement des accidents trophiques minimes et tardifs; mais elle produit, chez l'animal Jeune, en voie de développement, des troubles tro- phiques considérables, caractérisés par un crétinisme atrophique, avec ou sans myxædème, selon les espèces en expérience; 2 L'ablation des parathyroides en tota- lité, avec conservation des thyroïdes ou d’une fraction importante des thyroïdes, produit, chez le lapin el chez le chat, les accidents tétaniques qu'on observe à la suite de la thyroïdectomie globale. Il faut donc admettre que les th\roïdes et les parathyroïdes rem- plissent deux fonctions physiologiques essentiellement distinctes, comme elles ont une structure histologique essentiellement différente, Chez les Oiseaux, et notamment chez le coq, M. Moussu à établi que la thyroïdectomie, pratiquée chezle poussin, provoque un crélinisme atrophique analogue à celui qu'on observe dans les mêmes conditions chez le lapin. MM. Doyon et Jouty' viennent de compléter les analogies entre les Mammifères et les Oiseaux, en pratiquant chez ceux-ci la parathyroïdectomie, ou plus exactement en détruisant chez eux les parathyroïdes. Chez les Oiseaux, et notamment chez le coq, l’appareil thyro-parathyroïdien est situé dans le thorax. les thyroïdes et les parathyroïdes étant séparées par un assez grand intervalle; on peut donc agir séparément sur les unes ou sur les autres. L'ablation au bistouri étant extrèmement difficile, par suite de la situation profonde de ces organes et des rapports étroits qu'ils ont avec de très gros vaisseaux, MM. Doyon et Jouty les détruisent sur place par écrasement et cautérisation. En cautérisant les seules parathyroïdes, ces auteurs déterminent, chez le coq et chez la poule, des accidents aigus absolument comparables à ceux qui ont été si- gnalés chez le chien et chez le lapin à la suite de la parathyroïdectomie : paralysies, contractures, tremble Société de Biologie, séance, du 9 janvier 1904. ments fibrillaires, secousses musculaires, tremblements généralisés, dyspnée, diarrhée, vomissements, soif intense, hyperexcitabilité. Ces accidents débutent géné- ralement de six à dix heures après l'opération, et conduisent à la mort, qui survient de quinze à trente- six heures après l'opération. Certains animaux ne présentent que des accidents temporaires, ou ne présentent aucun accident; ces anomalies sont-elles la conséquence d'une ablation partielle insuffisante des parathyroïdes, comme cela se produit chez les Mammifères? Cest tout au moins vrai- semblable, mais MM. Doyon et Jouty n'ont pas encore définitivement résolu cette question secondaire de leur intéressante étude. Quoi qu'il en soit, ces recherches viennent combler une lacune expérimentale et parachever l’analogie des Mammifères et des Oiseaux, au point de vue des consé- quences de la thyroïdectomie et de la parathyroïdec- tomie. $ 7. — Sciences médicales La tuberculose en Allemagne. — L'Office im- Périal de Statistique de Berlin vient de publier le tra- vail du docteur Mayet, intitulé : Statistique des causes de décès depuis vingt cinq ans. D'après ce travail, la diminution de la tuberculose en Allemagne serait un fait acquis. Voici, en effet, les chiffres qui ressortent pour les villes de plus de 15.000 habitants. Sur 10.000 habitants, on a constaté le décès : De 1877 à 1881, de . - 357,1 personnes, — 882 A 11886 MU UNE G 0 2 — 1887 à 191. MAT QOUE — —_ SODOMIE RENTE EIE - — 1897 à 1901 . 0 211881 — Ces chiffres confirment l'opinion de M. Mayet, à sa- voir que la décroissance de la tuberculose est due aux efforts de plus en plus grands déployés en Allemagne pour enrayer ce fléau. A propos du scorbut infantile. — À l'une des dernières séances de la Société médicale des Hôpi- taux (11 décembre 1903), il y a eu une longue discus- sion au sujet de la maladie de Barlow ou scorbut infan- tile. Tous les distingués pédiâtres qui font partie de cette Société savante ont observé des cas de maladie de Barlow chez les enfants nourris avec les farines ali- mentaires et les laits pasteurisés ou maternisés, et mème certains d'entre eux (Comby, Netter, Aviragnet) ont accusé le lait simplement stérilisé de produire cette affection. Pourtant M. Variot, dont la pratique médicale est très étendue, et qui est un des grands partisans du lait stérilisé, a défendu cet aliment pré- cieux. Il n'en reste pas moins démontré que le lait maternel est le seul aliment qui ne puisse jamais nuire à l'enfant. Il convient done de muitiplier, en même temps que les gouttes de lait, qui rendent certainement de très grands services, les consultations de nourris- sons, telles qu'elles ont été préconisées par le Profes- seur Budin, de façon à enseigner aux mères qu'elles doivent allaiter leurs enfants, tout au moins pendant les premiers mois de leur vie. Si leurs occupations ou leur état de santé ne leur permettent pas de les nour= rir exclusivementelles-mêmes, elles peuvent s’aider de lait stérilisé, car l'allaitement mixte est encore supé- rieur à l'allaitement artificiel, et celui-ci seul produit la maladie de Barlow. ; Il est peut-être intéressant de rappeler, à ce sujet, qu'on n’est pas encore tout a fait d'accord sur la nature de cette affection, qu'a décrite, pour la première fois, il y a quelques années, Sir Thomas Barlow, le célèbre pédiâtre anglais : tandis que certains médecins, avec le Professeur Ausset, de Lille, en font une manifes- tation pure et simple du rachitisme, les autres, avec MM. Comby, Netter, Variot, Aviragnet, Guinon, Marfan, de Paris, considèrent cette maladie comme un scorbut CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 171 infantile ; la rapidité de la guérison obtenue avec le traitement antiscorbutique semblerait donner raison à ces derniers. Une « Ligue contre le paludisme » en Al- gérie. — On sait que le Gouverneur général de PAI- gérie, M. Jonnart, a arrèté récemment avec le D' Roux, de l'Institut Pasteur, les bases de l’organisation d’un Service destiné à combattre en Algérie le paludisme, qui, chaque année, fait dans cette colonie de nom- breuses victimes. Nous apprenons, d'autre part, qu'il vient de se fonder à Alger une « Ligue contre le paludisme ». Elle a pour président d'honneur M. Laveran, membre de l'Institut, pour président effectif M. Moreau, professeur à l'Ecole de Médecine d'Alger, et poursecrétaire général M. Soulié, professeur à la même Ecole, La Ligue a pour but : 4° De vulgariser, dans la colonie, les notions sur Vorigine du paludisme et les moyens les plus simples, es plus pratiques et les plus sûrs de le prévenir et de le guérir, tels qu'ils découlent des découvertes les plus récentes et les mieux établies; 2 De faciliter aux colons la mise en pratique de ces moyens, à savoir : protection contre la piqüre des qui l’on devra interdire l'entrée des locaux scolaires. Ce dernier paragraphe devrait bien être introduit dans le règlement français pour la prophylaxie des maladies contagieuses, $ 8. — Géographie et Colonisation Le tunnel du Simplon et les voies d'accès françaises. — Le percement du tunnel du Simplon laissera loin derrière lui les entreprises précédentes. Tandis que le tunnel de l’Arlberg a une longueur de 10.240 mètres, celui du Mont-Cenis de 12.849 mètres, celui du Gothard de 14.984 mètres, le tunnel du Sim- plon atteindra 19.729 mètres. Contre des difficultés plus grandes et nouvelles aussi, il a fallu employer des procédés nouveaux. Le tunnel est tracé en ligne droite dans la direction Nord-Ouest, Sud-Est, mais les deux extrémités se recourbent à cause de la proximité du Rhône, d'un côté, et de la rivière Diveria, de l’autre. Les deux voies se trouveront dans deux tunnels paral- lèles à une voie et distants de 17 mètres l’un de l’autre. Dans la première période de construction, le tunnel principal — ou tunnel I — sera seul achevé, tandis que le tunnel II ne comprendra qu'une galerie de base de 3 mètres de large et de 2",5 de haut. L'avancement TagLEeau [. — Graphique des travaux exécutés jusqu'au 31 décembre 19083. (La distance entre les têtes de galeries de direction est de 19.729 mètres.) DÉSIGNATION CHANTIER NORD A BRIGUE SR CHANTIER SUD A ISELLE des ANNÉES | MÈTRES KILOMÈTRES en KILOMÈTRES MÈTRES À Re 7 rat OR NET Br 20010 RÉ MO MERE T0 ES ENS M STE: [este TT Fe (PERTE PRE OO ER 1898 333 [= 409 76 Galerie 1899 2 300 [mm 3.866 ——1 "1.566 de 1900 4 AS mmammnmns 7.261 mm | 1 EC 1901 6.335 mms 10.763 mm | 4 20 direction. 1902 8.469 mess 14.328 mm | + D: 809 1903 10,144 mms | 11. 596 _———— "| 1.102 Moustiques; destruction de leurs larves; guérison totale des malades impaludés, de manière à assurer la | disparition complète et définitive de l'Hématozoaire de l'organisme des fiévreux ; usage préventif de la qui- nine, lorsque les indications précédentes ne peuvent être suivies; diffusion des notions primordiales de l'hygiène parmi les habitants des régions malarigènes ; application de toutes autres mesures dont l'utilité pourra être démontrée. Prophylaxie des maladies contagieuses dans les Ecoles d'Italie. — On vient d'adopter, en Italie, un nouveau règlement pour la prophylaxie des maladies contagieuses'. Il y a deux catégories de ces sortes d’affections : 4° les affections chroniques (tra- chome, teigne, gale, impétigo, pelade, tuberculoses cutanées osseuses, etc.) qui permettent la fréquentation de l’école aux élèves malades, à la condition qu'ils pré- sentent tous les quinze jours un certificat médical et qu'ils soient placés sur des bancs spéciaux; 2 les ma- ladies aiguës, parmi lesquelles on a fait entrer la tuber- culose pulmonaire, qui constituent des dangers trop grands pour les autres élèves : ceux done qui sont atteints de maladies aiguës ne peuvent pas aller à l'école, et c’est très bien. Ce qui est encore mieux, c'est que les autorités locales doivent exiger que, dans la déclaration obligatoire des cas de maladies contagieuses, il soit expressément indiqué si le malade fréquente une école ou si, dans la famille, il y a des écoliers, des insti- tuteurs ou des personnes employées dans une école, à 1 Semaine médicale, Paris, 18 novembre 1903. se fait au moyen de perforatrices nouvelles, très puis- santes, système Brandt, qui attaquent le rocher non point à coups séparés et consécutils, mais par friction, par un mouvement rotatif, sous une pression hydrau- lique de 100 atm. Les deux galeries se trouvent à une profondeur à peu près égale ; tous les 200 mètres, elles sont réunies entre elles par une galerie transversale ou traverse, qui est fermée au fur et à mesure que l’on en ouvre une nouvelle. Le tunnel part du côté Nord, à une altitude de 685,7, pour arriver par une pente de 20/,, au point culminant, qui se trouve à peu près à la frontière italienne, à 705 mètres de hauteur (Gothard 1.154 mètres, Mont-Cenis 1.294 mètres). Une pente de 10/,, descend vers l'entrée Sud qui se trouve à 633,5. La plus grande hauteur de la montagne au-dessus du tunnel est 2.135 mètres (Gothard 1.706 mètres, Mont- Cenis 1.654 mètres); elle explique la première grande dificulté rencontrée par l’entreprise : la haute tempéra- ture de la roche, qui s'est élevée jusqu'à 54° (Gothard 302). Pour parer à cet obstacle, on emploie d’abord des ventilateurs (2 à chaque issue), actionnés par des tur- bines hydrauliques, faisant 350 à 400 tours à la minute, sous une pression initiale de 273 millimètres d'eau, et chassant un volume d'air d'environ 30 mètres cubes par seconde. L'air, qui a 42° en sortant du ventilateur, en à 27 au front d'attaque. D'autre part, des appareils de réfrigération répandent de l’eau pulvérisée, fournie à une pression de 20 atmosphères, par des pompes centrifuges installées à l'usine centrale de Brigue et qui refoulent le liquide dans des conduites de 253 milli- mètres de diamètre, à raison de 60 litres par seconde, Une enveloppe non conductrice de charbon de bois 142 protège ces conduites contre la température ambiante. La seconde grande difficulté a consisté dans les venues d'eau, abondantes, surtout du côté d'Iselle, où elles ont commencé avec 1.200 litres à la seconde pour se réduire actuellement à 800. L'irruption la plus con- sidérable s'est produite à la sortie du gneiss d’Anti- gorio, dans des micaschistes et des calcaires cristallins grenats. Suivant M. Hans Schardt, ces venues d’eau proviendraient, pour les 3/5, des sources qui se sont laries sur une superficie de 12 kilomètres carrés, et, pour le reste, du torrent de Cairasca, voisin de la surface d'affleurement. Les galeries d'avancement, du même côté, eurent ensuite à traverser, sur une lon- sueur de #1 mètres, une couche de calcaire micacé très aquifère, pour laquelle il fallut avoir recours à des revêtements métalliques très coùteux et d'installation difficile. Ces obstacles ont naturellement beaucoup CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE - transversale, puis un mur sera construit immédiate= ment après la source d’eau chaude dans le tunnel EL et après la galerie dans le tunnel IL. Ces murs seront pourvus d'un trou d homme, ainsi que d'orifices pour les différents tuyaux amenant l'air et l’eau réfrigérante ou emportant le dégorgement de la pompe d’épuisements Après quoi, au delà du mur, on reprendra le travail de forage à la main, avec toutes les précautions dési= rables, tant que la roche restera sèche. La question des voies françaises d'accès au Simplon se pose déjà depuis plusieurs années et toujours avec plus d'insistance à mesure que se rapproche l'heure des l'achèvement du tunnel. En 1870, l'ouverture de la ligne du Mont-Cenis nous permettait de drainer une bonne partie du commerce de l'Angleterre, de la Belgique, voire même des Pays-Bas, à destination de l'Italie et des pays d'Orient. Cette suprématie commer= AHouchard x” # TESTER PONTARÉIER Frasne % Q L ‘ VI Cx À Mont d'Or y à \ LONS-LE SAUNIER @x Q ST CLAUDE a S'Amour à ù La Faucille © Ê G Ü Lignes & constrare Lac de Neuchatel Thon Re Lac de Thun Jpier\ dFrutiger LAUSANNE \ Ÿ À Kaudensteg Q Q Létschberq le Credo Vers Lyon ; par F_Porremans, 5, rue Hautefeille_ Paris Fig. 1. — Voies d'accès au tunnel du Simplon. ù Fr retardé les travaux et surtout l'avancement de la galerie Sud, comme on peut s’en rendre compte par le tableau I. La première Convention passée avec la Compagnie du Jura-Simplon prévoyait l'ouverture du tunnel pour le 30 avril 1904; l’entreprise a obtenu l’an dernier une prolongation d’une année, ainsi qu'une augmentation de la somme à forfait qui lui avait été accordée à l’ori- gine, soit 78 millions de francs au lieu de 69 millions et demi. Cette prime s'est trouvée encore mieux jus- tifiée par une nouvelle difficulté qui a surgi postérieu- rement. Dans la galerie Nord, au kilomètre 10.150, c'est-à-dire à 171 mètres après la ligne de faite, deux sources d'eau chaude (50°), d'un débit de 70 litres par seconde, ont rempli entièrement la contrepente, ren- dant l'épuisement très long et très pénible. En dépit de ce dernier obstacle, l’entreprise s'est décidée à con- tüinuer de descendre au-devant de l'attaque italienne, au péril de rencontrer de nouvelles sources. L'eau sera retirée de la contrepente, le tunnel If continué jus- qu'à ce qu'on approche de la faille où a jailli dans le tunnel 1 Ja source d’eau chaude ; on établira une galerie ciale dura jusqu'en 1881, année où s'acheva le perce- ment du tunnel du Saint-Gothard. La distance Paris- Milan était raccourcie de 27 kilomètres, passant de 924 — par le Mont-Cenis — à 897. De plus, le nouveau passage élablissait des communications rapides avee l'Italie, non seulement pour l'Allemagne, mais aussi en faveur de la Belgique et des Pays-Bas, et, en ce qui concerne ces deux derniers pays, à notre détriment. Le Simplon, par des conditions techniques de parcours et de courbes plus favorables que celles du Gothard, M vient, dans une certaine mesure, rétablir l'équil'bre en notre faveur et favoriser le rapprochement franco- italien. Seulement, il s'agit de savoir quel est le tracé M que nous voulons adopter pour que la chose tourne à notre plus grand avantage. Dès à présent, on peut regarder comme certain le percement par la Suisse — ou, plus justement, par le canton de Berne — du Lütschberg, entre Kandersteg et Gampel, et cela fera un premier accès uord pour le 1 Simplon, tandis que l'accès sud passera par Genève, M Lausanne ou la rive française du Léman. En ce qui concerne l'accès nord, aucune difficulté ne surgit pour CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE nous : nos voies ferrées sont déjà établies; Pontarlier sera très probablement la porte de sortie. C’est pour l'accès sud que les projets sont nombreux et les com- pétitions ardentes — du côté suisse même et tout par- ticulièrement entre Lausanne et Genève. On ne compte pas moins de cinq tracés, dont deux — Mouchard- - Bussigny et Lons-le-Saunier-Bellegarde — paraissent abandonnés à l'heure actuelle. C'est d’abord le projet Frasne-Vallorbe ou La Joux- VNallorbe, voté en 1402 par l’Assemblée fédérale suisse, très apprécié par le canton de Vaud et par Lausanne ; il forme le plus court chemin entre Paris et Milan . (840 kilomètres), mais il est le moins avantageux pour les intérêts francais. Sa construction ne coûterait que 21 millions, dont 6 millions fournis par la Suisse. Le tracé Mouchard-Bussigny ne doit être mentionné que pour avoir eu la faveur de notre ministre des Tra- vaux publics, avant d'échouer devant le refus de la Suisse d'y collaborer financièrement. Le projet Lons-le-Saunier-Bellegarde est moins avantageux que le suivant, sans paraître supérieur comme rendement. Il serait plus cher de 8 millions et plus long de 9 kilomètres. Laligne Saint-Amour-Bellegarde serait la plus longue entre Paris et Milan (895 kilomètres) et ne pourrait concurrencer que difficilement, au point de vue des voyageurs, les projets plus courts. Elle éviterait cependant la traversée du Jura dans sa plus grande largeur et utiliserait notre territoire sur un plus long parcours, jusqu'à Saint-Gingolph, c’est-à- dire sur 602 kilomètres au lieu de #77 par Frasne, Mais la Suisse, qui alors n'aurait plus le trafic que sur 121 kilomètres, du Bouveret à Brigue, au lieu de 194 kilometres de Vallorbe, n’y serait pas favorable, et, de plus, il faudrait percer un nouveau tunnel du Credo et rectifier la ligne Annemasse-Saint-Gingolph, ce qui élèverait, à la somme de 83 millions de francs, la dé- pense totale, tout entière à la charge de la France. Le dernier tracé, dit de la Faucille, relierait directe- ment Lons-le-Saunier à Genève. Son orientation et son protil sont avantageux; mais il nécessiterait, à travers les chaines parallèles du Jura, la construction de tunnels longs et nombreux, entraînant, pour une seule voie, une dépense de 130 millions de francs, — que des personnes compétentes trouvent, d'ailleurs, exagérée. Son avantage considérable serait de créer des débou- chés pour le Centre et l'Ouest de la France’. De plus, pour Paris-Genève, il réduirait le parcours suivi par les voyageurs de 605 à 488 kilomètres, et le parcours taxé des marchandises de 539 à 4s8 kilomètres. La dis- tance Paris-Milan serait ainsi de 870 kilomètres, avec des déclivilés au moins moilié moindres que le tracé par Frasne; ce tracé créerait une nouvelle traversée du Jura, indépendante du tunnel du Credo — dont on sait le mauvais état. Genève, qui aurait ainsi le privilège de se trouver sur une grande voie internationale, s inté- resserait financièrement à ce projet, — qui a toutes ses faveurs, — et pour lequel le canton a déjà promis une subvention de 20 millions. Quelle que soit la solution choisie, — et nous ne sau- rions cacher notre préférence pour la dernière, qui nous paraît la plus avantageuse pour les intérêts fran- cais et la plus rémunératrice, — il importe que l’on fasse vite pour regagner le retard que fait prévoir déjà l'ouverture prochaine du tunnel du Simplon. P. Clerget, Professeur à l'École de Commerce du Locle (Suisse). $ 9. — Enseignement École pratique de Sylviculture des Barres. — On sait que cette Ecole a été créée, par le décret du 14 janvier 1888, en vue de former des gardes parti- — ‘ Le Conseil municipal du Havre vient d'émettre un vœu en faveur de ce dernier RESJe (décembre 1903). Notons aussi qu'au 21 avril 1903, 96 Chambres de commerce et 42 Conseils 173 culiers, des régisseurs agricoles et forestiers, et sub- sidiairement des candidats à lemploi de préposés forestiers. Or, dans un Rapport qu'il adresse au Pré- sident de la République, le Ministre de l'Agriculture fait observer que cette Ecole n'atteint plus le but qui lui a été assigné. Parmi les jeunes gens qui en suivent les cours, bien peu se destinent à la profession de sarde particulier ou à celle de régisseur; en fait, cette Ecole ne forme pour ainsi dire que des candidats à l'emploi de préposés des Eaux et Forêts. D'autre part, le Ministre constate que les candidats nommés aux emplois de garde des Eaux et Forêts ne recoivent aucune préparation technique et professionnelle. Cest pour remédier à cette situation qu'un décret vient de trans- former l'Ecole pratique de Sylviculture des Barres en une Ecole d'enseignement professionnel et technique des gardes des Eaux et Forêts. Les préposés viendront y compléter leur instruction générale; ils y seront instruits sur les matières forestières : aménagement, exploitation, travaux forestiers, topographie, ete. En même temps, ils pourront recevoir un enseignement sur la chasse, l'élevage du gibier, le piégeage, etc., et aussi sur la pêche et la pisciculture. Les « classiques » et les « modernes » en Angleterre. — La lutte entre «classiques » et « mo- dernes » n'est pas spéciale à notre pays. Élle paraît être assez vive chez nos voisins d'Angleterre, si nous en jugeons par le discours que vient de prononcer, comme président de l'Association des Langues modernes, Sir A. Rücker, « principal » de l'Université de Londres. Il à commencé par rappeler qu'une société «çlassique » de l'Angleterre et du Pays de Galles venait de se fonder, dans la crainte que, selon la formule de cette société, «les études classiques ne fussent bientôt exclues de tout le système d'éducation anglais ». Puis, l’orateur a montré que ceux qui dirigent l'Association des Langues modernes ne sont animés d'aucun mauvais sentiment envers l’enseignement classique ; ils veulent seulement qu'on reconnaisse que l'enseignement classique ne con- vient pas à tous et qu'en outre l'enseignement moderne, fondé sur les langues modernes, n’est pas fait seulement pour les faibles d'esprit. L' « Association anglaise des Langues modernes » demande donc égalité de moyens et de considération pour deux formes égales et parallèles de la culture humaine. Et si l'une, convenant surtout aux lettrés, aux artistes, aux professeurs, a eu jusqu'ici tout le bénéfice de la sollicitude nationale et publique, il serait injuste de dire que l’autre ne mérite aucun encouragement. Aussi bien, Sir A. Rücker a déclaré que «le Sénat de l'Université de Londres à désormais témoigné son désir intense de faire prendre aux langues vivantes la place qu'il faut qu'elles aient dans un système moderne d'édu- cation ». Et, pour le prouver, il à ajouté que le Sénat de l'Université compte employer totalement à l’améliora- lion pratique de cet enseignement, à sa transformation par ce qu'on appelle la méthode maternelle où intuitive, la quotité disponible des 250.000 francs par an alloués par le Conseil du Comté de Londres. Pour cette année, cette somme sera attribuée à l'allemand seul, et ensuite au français. Université de jeunes filles en Russie. — L'ouverture solennelle d'une Université de jeunes filles vient d'avoir lieu à Saint-Pétersbourg, en présence du grand-duc Constantin-Constantinovitch, président de l’Académie des Sciences. Cet établissement d’enseigne- ment supérieur sera désigné sous le nom d'Institut pédagogique de jeunes filles. On n'admettra que les Jeunes filles ayant terminé leurs études dans une école d'enseignement secondaire. Le cours durera quatre années et comprendra deux facultés : celle des Lettres et celle des Sciences mathématiques. de commerce et 3 Conseils généraux pour le Frasne-Vallorbe et 2 Chambres de commerce et 3 Conseils généraux pour le généraux s'étaient prononcés pour la Faucille, 7 Chambres ! tracé Saint-Amour-Bellegarde. L. JOUBIN — L'ENSEIGNEMENT DE LA MALACOLOGIE AU MUSÉUM L'ENSEIGNEMENT DE LA MALACOLOGIE AU MUSÉUM LECON D'OUVERTURE DU COURS DE MALACOLOGIE Messieurs, La chaire de Zoologie que j'avais l'honneur d’oc- cuper à la Faculté des Sciences de Rennes est une des plus illustres parmi celles des Universités de France. Son premier titulaire fut, de 1840 à 1860, Félix Dujardin, auquel la Biologie est redevable de la découverte du Sarcode qu'on a, bien à tort, appelé depuis Protoplasma; il fut aussi l’un des fondateurs de l’'Helminthologie ; c'est à lui encore que revient la gloire d'avoir triomphé d'Ehrenberg dans la lutte mémorable d'où sortit la constitution, sur des bases scientifiques, de la classe des Proto- zoaires. Dujardin vint à Rennes lors de la création de la Faculté ; il en fut le premier professeur et le pre- mier doyen; mais, n’y trouvant point la tranquillité ni les conditions nécessaires à ses lravaux, il cher- cha bientôt à revenir à Paris; deux fois, il fut candidat au Muséum : mais ces tenlatives, pour des raisons diverses, n'aboutirent pas, et ce fut à grand'’peine que, quelques semaines avant sa mort, l'Académie des Sciences lui conféra le titre de Correspondant. J'ai considéré comme un devoir, il y a quelques années, de rendre à mon illustre prédécesseur la justice qui lui avait tant fait défaut et de mettre en lumière les titres qui lui assurent une place émi- nente parmi les plus grands naturalistes et lui donnaient tant de droits à voir se réaliser ses plus chers désirs. En succédant à Dujardin dans ses fonctions de professeur et de doyen, j'ai hérité aussi de son ambition d'obtenir une chaire au Muséum. Mieux servi par les circonstances, plus soutenu par de puissants appuis auxquels je rends un recon- naissant hommage, j'ai, bien que dépourvu de ses litres éclatants, réussi là où ilavait échoué. J'ai tenu à ce que ma première parole fut un salut au natu- raliste éminent dont j'ai été le continuateur et qui eût tant contribué à la renommée du Muséum. Messieurs, La tradition, qui, à juste titre, est si respectée ici, exigerait que, suivant l'usage, je rendisse compte, dans cette première leçon, des travaux et de la doc- trine scientifique de mon prédécesseur dans celte chaire. Mais vous comprendrez mon embarras puisque, par une heureuse exception, qui, je crois, est seulement la seconde depuis plus d’un siècle, j'ai l'honneur de remplacer un maître qui, par u simple permutation, est resté mon collègue même temps que mon direcleur. Son âge ne perme heureusement en aucune facon de considérer se carrière scientifique comme close, et ce serait à coup sûr en donner une idée Lrès incomplète qu d'essayer de l’analyser dès maintenant. M. Edmond Perrier ne m'en voudra pas, j'en suis convaincu, si je recule, d'un nombre d'années que je souhaite le plus grand possible, le moment de remplir envers lui un devoir traditionnel. Mais cet ajournement me permettra de mac quitter d'une dette envers un autre de mes prédé- cesseurs et de combler une lacune regreltable. En effet, par suite de circonstances particulières dont je dirai quelques mots tout à l'heure, Deshayes: successeur de Lacaze-Duthiers dans cette chaire, n} jamais dit un mot de son prédécesseur. Il avait, d'ailleurs, les mêmes raisons que moi de s'en abs: tenir; Lacaze-Duthiers élait simplement passé d Muséum dans cette chaire de Zoologie de la Sor: bonne qu'il a illustrée pendant plus de trente an Avant de résumer la carrière scientifique de mon ancien maitre, permettez-moi de rappeler lrès brièvement les premiers titulaires de celte chaire* Je ne veux point faire une énumération de leurs travaux ni une analyse de leur philosophie; je serais obligé de répéter ce qui a été déjà dit ici et publié. Je tiens seulement à fixer quelques faits e quelques dates. La réorganisation de l’ancien Jardin du Roi p la Convention, en 1793, sous le nom de Muséum d'Histoire naturelle, avait donné lieu à une refonte professeurs. Lamarck, qui,à cette époque, avait cinquante anss Botauique. A défaut d'une chaire de Botanique, celle des : Inverlébrés lui fut altribuée d'office parce qui élait le dernier nommé des professeurs. L. JOUBIN — L'ENSEIGNEMENT DE LA MALACOLOGIE AU MUSEUM 175 lareil service! Lamarcek eut cette généreuse audace bje n'ai pas besoin de rappeler les travaux zoolo- “ques et philosophiques qui jettent un éclat in- omparable non seulement sur ce savant à jamais lustre, mais aussi sur le Muséum tout entier. Ge serait lout à fait sortir du programme que je suis tracé que d'indiquer, même succinctement, s grands traits de son œuvre. D'ailleurs Lacaze- uthiers, en prenant possession de cetle chaire, a it sur Lamarck deux lecons qui ont été publiées s la Revue Scientilique; elles contiennent un posé de l'œuvre et des idées du grand natura- . Je dois dire cependant que Lacaze-Duthiers, ant un adversaire déclaré du translormisme, a Wdevoir apprécier d’une facon trop sévère, et, on moi, très injuste, certaines des opinions de Imarck. Depuis quarante ans, les idées qui sem- tient alors trop hardies et tout à fait invrai- mblables ont été acceptées par presque tout monde savant, et, depuis que les soi-disant réveries » de Lamarek sont mieux connues, plus bpuyées par les faits et les découvertes modernes, é les dédains de Cuvier et de Darwin, on reste rveillé de la profondeur de ses prévisions et de largeur de son génie. Longtemps seulement après . La discussion de ses idées, la critique de ses ries ont déterminé l'apparition d'une École ore redevable de méthodes précises et claires Melassification qui ont marqué un progrès nse sur celles de Linné. C'est au Muséum que Marck a décrit et déterminé les échantillons mul- S qui ont servi de base à son Histoire naturelle animaux sans vertèbres. C'est ici que sont en ie conservés ces « {ypes de Lamarck », si pré- x, si souvent consultés par les naturalistes du im- es nous manquent, où ont perdu leur valeur, ant été dépouillés de leurs inscriplions histc- ques par des inconscients dépourvus, comme sait Lacaze- Duthiers, d'une des vertus du Mu- im : « la religion des étiquettes ». Manurck usé par l’'énormilé de son labeur, de- venu aveugle, mourut pauvre et délaissé au Muséum 21829. Pour lui, comme pour Dujardin, comme Pour Llant d'autres, la justice et la gloire ne brillè- rent que longtemps après leur mort. En 1830, la chaire des Inverlébrés fut dédoublée, » par ordonnance royale du 7 février, Latreille, 4 1 qui depuis quelque temps suppléait Lamarek, fut chargé de celle des Animaux articulés, tandis que de Blainville oblenait celle des Annélides, Mollus- ques et Zoophytes, dont le titre n’a pas changé depuis, et que l’on appelle plus simplement la chaire de Malacologie. De Blainville ne resta que très peu de temps titu- laire de cette chaire; dès 1832, il prit celle d’Ana- tomie comparée, où ilremplaça Cuvier qu'il avait si longtemps combaltu et qu'il avait pris à tâche de contredire invariablement dans une série de travaux parallèles à ceux du grand analomiste. Le temps lui manqua donc pour marquer profondément son passage dans la chaire de Malacologie; cependant, un assez grand nombre de délerminations sont son œuvre. Cest ailleurs que l’illustre professeur a établi sa gloire; il ne m'appartient donc pas d'en indiquer les éléments. Je dois cependant citer deux de ses ouvrages qui se rattachent plus parti- culièrement à cette chaire : ses Manuels de Mala- cologie et d'Actinologie. Je ne veux pas omettre de signaler en passant que c’est à de Blainville qu'est due la découverte de la vraie nalure des Bélem- niles. Le passage de Blainville à l’Anatomie comparée laissait vacante la chaire de Malacologie, qui, en 1832, fut attribuée à Valenciennes. La caractéristique de Valenciennes c’est l'in- croyable étendue de ses connaissances. Préparateur de Lamarck, il l’aida dans le classement des Zoo- phytes et des Mollusques: il travaillait en même temps à l'Anatomie comparée des Mammifères avec Geoffroy Saint-Hilaire ; nous le voyons chargé du classement de la collection des Oiseaux en vue de la publication du Règne animal de Cuvier. A cette époque, il devient assistant de Lacépède et se met à l'étude des Reptiles et des Poissons. On a dit de Valenciennes qu'il était un des naturalistes fran- çais dont le savoir était le plus étendu et le plus varié. Cuvier se l’adjoignit comme collaborateur pour son Histoire nalurelle des Poissons, et, les 20 volumes de cet ouvrage inachevé, les 12 der- piers sont exclusivement dus à Valenciennes, et 2 au moins des 8 premiers sont entièrement de lui; la collaboration ne fut donc réelle que pour les six autres. Cette publication est le grand titre fique de Valenciennes. Mais précisément elle n'a aucun rapport avec la chaire de Malacologie, qu'il occupa de 1832 à 1865. Toulefois, si ses publications dans cet ordre ne sont pas très importantes, il n’en a pas moins laissé une trace durable de ces trente- trois années passées dans cette chaire. Sous son administration, les collections prirent un essor immense. Les galeries de Malacologie, qui, à la mort de Lamarck, ne renfermaient que sur scienuti- 176 L. JOUBIN — L'ENSEIGNEMENT DE LA MALACOLOGIE AU MUSEUM vom 10.000 échantillons, en comptèrent plus de 150.009; c’est lui qui a créé la collection des Helminthes et celle des Echinodermes, et c'est à lui que l’on doit les premiers échantillons d'animaux conservés dans l'alcool. C'est de cette période que date l'entrée au Mu- séum des importantes collections recueillies au cours desexpéditions scientifiques de Dumont d'Ur- ville, de Freycinet, de Bougainville, de Jacque- mont et de bien d’autres. Valenciennes entreprit aussi le classement el la détermination des Éponges. Il ébaucha ce travail et fit executer de magnifiques aquarelles que nous possédons ; mais les choses en restèrent là. Depuis lors, notre collection d'Eponges s’est énormément accrue; elle est devenue formidable, mais elle n’est que partiellement classée. J'ai l'espérance que d'ici peu un travail d'ensemble sera entrepris pour la mise en valeur de ces merveilleux matériaux, par mon collègue etamiM.Topsent, qui estle spécialiste le plus qualifié pour ce genre de travaux particu- lièrement difficiles. La trace que Valenciennes a laissée à la Malacologie, bien que ses recherches personnelles l’aient conduit dans une voie ditfé- rente, est donc profonde, et l’on peut dire que c’est de lui que date l'encombrement qui a nécessilé la construction des galeries où nous sommes en ce moment. Mais l’âge et les infirmités avaient obligé Valen- ciennes à se faire suppléer par un naturaliste qui, récemment venu de la Facullé des Sciences de Lille, remplissait à l'Ecole Normale les fonctions de maître de conférences ; c'était Henri de Lacaze- Duthiers. Lorsque, quelques mois plus tard, Valen- ciennes mourut, les sullrages du Muséum et de l'Académie l'appelèrent en 1865 à la chaire de Ma- lacologie. Comme je l'ai dit tout à l'heure, Lacaze-Duthiers, dans ses premières lecons, a fait l'éloge scienti- fique de ses prédécesseurs : Lamarck, de Blainville, Valenciennes. Au contraire, le successeur de La- caze-Duthiers, Deshayes, à manqué à la tradition. Je crois utile et juste de combler celte lacune et d’esquisser rapidement la carrière scientifique de l'éminent naturaliste qui fut mon premier maitre, et dont, par un singulier retour des choses, je me trouve être l’un des successeurs. Henri de Lacaze-Duthiers naquit le 15 mai 1821 au château de Stiguederne, dans le Lot-et-Garonne. Sa jeunesse semble avoir été particulièrement triste, dans un milieu rigoureusement fermé à toule idée de progrès et de science, où son père annihilait, par la dureté de son caractère violent et fils, de son côté, supportait difficilement ce je paternel contre lequel la révolte, d'abord cac éclata définitive lorsqu'il manifesta l'intent d'étudier la médecine et les sciences naturelles: père s'y opposa formellement ; le fils passa où et partit pour Paris, presque sans ressources, pant pour toujours toute relation avec son père Il suivit en même temps les cours de la Faculté Médecine et l'enseignement de Blainville et d° Milne-Edwards, dont il devint préparateur en 48 Interne de Trousseau à la Salpétrière, en M8 le voisinage lui permit de fréquenter assidüm il fallait vivre à Paris sans compter sur less sides paternels, depuis longtemps supprimés: raconté comment, pour apprendre son noué métier, il dul se faire maquignon, courir les foi d'un cours original et intéressant qui obtint succès. « Malo, puis à Saint-Jacut, l'embryologie du D tale. Mais il ne pouvait continuer à vivre ainsi si la Facullé des Sciences de Lille, où il trou comme doyen Pasteur. qui ont fait faire tant de progrès à la science animaux. A Pâques de 1858, il obtint un congé et pa pour la Corse, où il passa le printemps à jelers Bonellie, les Vermets et le Pleurobranche. En 1860, il fut chargé d'une mission en Algéni sur la recommandation de M. de Quatrefages, mi L. JOUBIN — L'ENSEIGNEMENT DE LA MALACOLOGIE AU MUSÉUM 177 rapporta un magnifique volume, illustré de ndides aquarelles, où se trouve élucidée l’his- du Corai!, à laquelle on n’a, depuis, ajouté que détails. Les fonds coralligènes lui livrèrent en rait à des fouilles intéressantes dans la nécro- e de Carthage. 1863, il est nommé maitre de conférences à le Normale Supérieure; en 1864, il supplée nciennes au Muséum, et il lui succède en 1865 ette chaire de Malacologie. À cette période trois années correspondent plusieurs voyages La Normandie. éjour de Lacaze-Duthiers au Muséum fut de te durée ; il le quitta en 1869 pour passer à la bonne, où il succéda à Graliolet dans la chaire de Zoologie et d'Anatomie comparée. Par une singulière anomalie, dont je n'ai pu trouver aucune explication, la période de l'exis- (ence de Lacaze-Duthiers qui s'écoula au Muséum tifiques à Cette, à Arcachon, en Bretagne et | Semble avoir été la moins active et la moins fruc- | tueuse de toute sa carrière scientifique. Quelques “Notes aux Comptes rendus de l'Académie des Stiences, un Mémoire où il réunit ses notes précé- _déntes sur les animaux des fonds coralligènes, la publication des lecons de sa première année de cours, forment toute la liste de ses travaux. = Jai cherché vainement dans nos collections. dans mon laboratoire, une trace importante de son pas- -säge au Muséum ; à part une petite collection d’An- tipalhaires, une autre de Bryozoaires, quelques coraux, déterminés par lui, je n'ai rien trouvé qui marquat une date dans la vie scientitique de cet élablissement. Sur nos registres j'ai lu quelques noles, quelques-uns de ces règlements compliqués, dont il fut plus tard si prodigue dans ses labora- foires et ses stations, et c’est à peu près tout. _ “Je ne m'explique pas cette singulière accalmie däns son existence si fièvreuse, si féconde. Peut- ètre, dès son entrée au Muséum, était-il décidé à ne pas y rester; peut-êlre aussi fut-il éprouvé plus quon ne le pourrait supposer par une série de deuils et de malheurs de famille qui vinrent laccabler à cette époque. Ses relations avec Henri Milne Edwards, qui avaient été si cordiales, étaient devenues, je ne sais pour quelles causes, extrême- ment lendues. Quelles que soient les raisons, simples ou com- plexes, de cette sorte d'interruption dans la vie Scientifique de Lacaze-Duthiers, le fait est que son court séjour au Muséum est la partie la moins intéressante de sa carrière; il paraît même en avoir gardé une sorte de rancune contre cet Établisse- ment dont il parlait rarement, si ce n'est pour le critiquer ou pour lancer quelque trait malicieux | ou quelque allusion mordante contre ses anciens collègues. En arrivant à la Sorbonne, Lacaze-Duthiers se transforma tout à coup. Nous l'avons vu pendant sa jeunesse aux prises avec les plus dures néces- sités de l'existence, étudiant, travaillant pour vivre. Plus lard, son activité se tourne décidément vers les recherches de Zoologie marine, toutes nouvelles à cette époque, qui l’entrainent sur les côtes d'Algérie, de Tunisie, de Corse, des Baléares el des points les plus divers de France; une profu- sion de Mémoires de premier ordre est le résultat de cet immense labeur. Nous allons le voir maintenant entrer, comme l'a si justement dit Pruvôt, dans une période d’al- truisme. Il ne lui suffit plus de travailler : il veut avoir des élèves et leur donner les moyens de pro- duire à leur tour, en leur évitant les difficultés dont il a si longlemps souffert. De là date le désir ardent de créer des laboratoires de recherches, tant à Paris qu'au bord de la mer, et de fonder un recueil scientifique desliné à la publication des travaux sortis de ses laboratoires. Avec une ténacité, une persévérance, un enthou- siasme que rien ne put rebuter, il arriva à la réali- sation de ce programme qui eut fait reculer lout autre que lui. Pendant trente-deux ans, il lutta pour la science, se dépensant de toutes façons et sans compter, fondant les slations de Roscoff et de Banyuls, les Archives de Zoologie E'xperimentale, et publiant 170 Notes ou Mémoires sur les sujets les plus divers. La créalion des Archives eut aussi une autre cause. Ardent patriote, blessé jusqu'au fond du cœur par nos malheurs de 1870, il voulut contri- buer par tous les moyens en son pouvoir au relève- ment moral du pays. Il n'hésita pas à engager une forte part de ses ressources dans l’organisation de ce journal, dont l'existence fut, pendant les premières années, des plus précaires. Ce n'était pas, non plus, sans de grandes difficultés qu'il trouvait alors des naturalistes consentant à lui donner leurs Mémoires pour ses Archives; souvent il dut ne s’en fier qu’à lui-même du soin de com- poser ses numéros, et c'est une des raisons pour lesquelles sa production scientifique fut si intense de 1869 à 1880. Ses Mémoires sur les Ascidies, le développement des Actinies et des Coralliaires, la morphologie des Mollusques, leurs organes audi- tifs et nerveux, la monographie de la Laura Ge- rardiæ, ete., se rapportent à cette période. 178 L. JOUBIN — L'ENSEIGNEMENT DE LA MALACOLOGIE AU MUSÉUM Ses espérances de relèvement et de succès scien- Lifiques étaient fondées non seulement sur son ac- tivité personnelle et sur la réussite de ses Archives, mais sur le désir qu'il avait de s’entourer d'éièves nourris de ses idées el enflammés comme lui d’en- thousiasme pour la nalure vivante. Au Muséum, il n'avait presque pas trouvé d'élèves. À la Sorbonne. l’affreux laboratoire obscur où il était campé dans les vieilles maisons de la rue Saint-Jacques ne lui permetlait pas d'en avoir beaucoup. Habitué aux voyages, aux recherches du bord de la mer, à la lumière intense de la Méditerrannée, il étouffait dans le cadre étroit et vermoulu des masures de l'ancienne Sorbonne. Aussi le voyons-nous chercher à créer un laboratoire sur un point de nos côtes. Il pensait tout d'abord à organiser un établissement temporaire, facilement transportable d'une localité à une autre selon la richesse de la faune ou lors- qu'elle lui aurait paru épuisée. Mais, bientôt séduit par la richesse merveilleuse des environs de Roscoff, il se décida à s'y établir définitivement. C'est là qu'avec de minimes ressources, dans une modeste maison louée, dépourvue de toutes les facilités que nous sommes maintenant habitués à trouver dans les laboratoires, il vint en compagnie de quelques jeunes gens, ses premiers élèves, se livrer avec ardeur aux études de Biologie marine. C’est dans cette vieille maison que je vins pour la première fois, en 1878, en compagnie de Lacaze- Duthiers, qui m'avait fait partager son enthousiasme pour la Nature ; il m'honorait alors de sa confiance, qui était réciproque, et j'y ajoultais ma vive affec- tion. Plus tard, j'ai, comme tant d’autres, éprouvé les varialions de son caractère, mais j'ai conservé, de mon côlé, les sentiments qu'il m'avait inspirés pendant ce premier séjour à Roscoff. J'ai assisté comme élève, puis comme prépara- teur, à la lulte incessante soutenue pour l’accrois- sement, la consolidation, l'aménagement de ce laboratoire; j'ai vu l'effort immense, l’inépuisable énergie dépensés pour cette créalion; j'ai vu les démarches, les avanies, les joies que chacune des pierres, chaque centimètre de ce lambeau de terre bretonne ont coûté au vieux maitre obstiné. S'il trouva des concours généreux et des soutiens puis- sants et dévoués, par exemple dans les trois direc- teurs de l'Enseignement supérieur : Du Mesnil, Al bert Dumont et Liard, combien n'eut-il pas à lutter contre les injustices, les dénigrements, les tracas- series locales, et surtout le tourment que lui cau- saient ses dettes, qu'il s'empressait d'ailleurs d'ac- croitre sitôt qu'il-avait trouvé moyen d’en éteindre une. Cette période de lutte que Lacaze-Duthiers venait de traverser pour fonder le Laboratoire de Roscoff, loin d’éteindre son énergie, semblait, au contraire, jeunes naturalistes qui, sous sa direction, péné la surexciter. Roscoff n'était pas encore fini qu'il treprit de créer, sur les bords de la Méditerrann un second taboratoire destiné à compléter celui de Ppitée en hiver et dE se familiariser av faune d'une mer one DIRE, 10 localité favorable, les négocialions qu'il ents avec les municipalités de diverses petites villes: subsides qu'il obtint de quelques généreux do teurs, aboutirent à la construction d’un laborate à Banyuls-sur-mer, près de la frontière d’'Espagi En 1883, Lacaze-Duthiers fit remise à l'État Laboratoire Arago; c'était un cadeau de plus cent mille francs, car l'Élat ne lui avait ”i donné. VA 4 J'ai eu l'honneur d'être le premier préparate de ce laboratoire; jy ai appris pendant plusi années à connaitre, non seulement la faune méd terranéenne, mais les métiers les plus divers; jà fait avec Lacaze-Duthiers des ouvrages de mace@ de plombier, de mécanicien, voire même d'élect des où plus da une ide nous eûmes nr doute voir s'écrouler les cloisons comme des chäleauxA cartes! Cette station fut ensuite augmentée par annexes, une jetée d'embarquement, un bassin d radoub, et, enfin, un bateau à vapeur. Une bom bibliothèque y fut aménagée; elle est depuis di venue très importante par le legs que Lacaz Duthiers lui a fait de tous ses livres. e Cette création du Laboratoire Arago remplit dernière période de la vie de Lacaze-Duthiers mais, comme celle qui correspond à la création Roscoff, elle est marquée par de nombreuses blications. N'est-1l pas admirable de voir ce sava vieilli luttant pour la science et se reposant travaillant encore pour la science ! C'est de Ban qu'il a daté ses Mémoires sur l’Aspergillum, "le Cynthiadées, le Gadinia, la Testacelle, l'Aney les Coralliaires, les Alcyonnaires, et une foule d notes sur l'Ostréiculture, les méthodes zoologique les progrès de ses laboratoires, des discours, et La mort est venue subitement le surprendr& quatre-vingts ans, pendant qu'il achevait un Mé moire sur la Tridacne qui a été publié depuis. L'activité et les habitudes de travail des maitre séduisent toujours les jeunes gens. Aussi n'est pas étonnant de voir Lacaze-Duthiers, dès les débuts de son enseignement à Paris, entouré d de son ardeur entrainante pour les recherches d L. JOUBIN — L'ENSEIGNEMENT DE LA MALACOLOGIE AU MUSEUM 179 Biologie marine, le suivent sur nos côtes, parcou- rent les grèves avec lui, et peuplent bientôt son Jaboratoire naissant de Roscoff. Il serait sans doute indiseret de citer des noms; mais les situations 4 aujourd'hui ces disciples de la pre- -mière heure disent assez la valeur du maitre, de n exemple et de son enseignement. C'est lui qui a fourni aux établissements d'enseignement érieur de France, et même de l'Étranger, la plupart des professeurs nommés pendant les vingt dernières années du siècle écoulé. Son but élait donc atteint, et, chose rare en ce monde, il a pu voir réalisé le programme qu'il s'était tracé. à de me suis borné à une citation rapide des titres des principaux Mémoires de Lacaze-Duthiers. Je messaierai pas d'en esquisser même une analyse uccincte qui m'entrainerait beaucoup trop loin. Jais ce serait en donner une idée incomplète et « nexacte que de ne pas faire remarquer que ces D forment un ensemble fortement lié dans s parties ; ils se rattachent tous à quelques dées directrices qui en font.une chaine parfai- ent continue. Ce n’est pas au hasard des ren- contres qu'il étudiait certains animaux ; il choi- + ses sujets avec un rare bonheur et une “intuition extraordinaire des résultats que leur “élude lui procurerait. Il les observait avec une “méthode impeccable. C'est la marque caractéris- Du de son œuvre, et c'est un des titres qui lui Ssurent un rang éminent dans la science. Pour ui, la Zoologie ne consistait pas seulement dans étude analomique d'un animal, quel que fût le “degré de perfection où il était arrivé à la conduire. Ikestimait que, pour connaitre un être vivant, il ne suffit pas d’avoir vu sa structure. Toutes les fois “quil l'a pu, il a étudié le développement de ses lypes, depuis l'œuf jusqu’à l'adulle; certaines de ses monographies, celle du Dentale, par exemple, Sont des chefs-d'œuvre sous ce rapport. Il pensait qu'un être n’est réellement connu qu'après que son évolution, sa structure et sa biologie ont été scru- ‘puleusement observées. “Il a voulu montrer que la Zoologie n'est pas une Science de pure observation, où le rôle du natura- “liste se bornerait à enregistrer des faits, mais qu'elle est aussi et surtout une science d'expé- riences, au même titre que la Physique ou la Chimie, où l'ingéniosité de l'observateur amène la production des faits, peut les faire varier suivant que lui-même fait varier les conditions de l’expé- rience, peut enfin supprimer une à une les causes d'erreurs. Tout cela nous semble très simple au- jourd'hui, et nous sommes tellement habitués à cette méthode qu'il nous parait extraordinaire qu'il n'en ait pas toujours été ainsi. C'est cepen- dant à Lacaze-Duthiers que nous devons celte TU æ introduction en quelque sorte de l'expérience en Zoologie ; et il se rendait si bien compte de la valeur et de l'importance de sa méthode qu'il à toujours tenu à ce litre de Zoologie expérimentale donné par lui à son enseignement, à son labora- toire et à son journal scientifique, les Archives de Zoologie expérimentale. C'est dans cette préoccupation d'introduire l'ex- périence scientifique dans la Zoologie qu'il faut chercher l'une des causes déterminantes de la création de ses stations maritimes, spécialement destinées dans sa pensée à effectuer cette réforme. Messieurs, je ne croirais pas avoir rendu compte fidèlement de la vie el des œuvres de Lacaze-Du- thiers si je me bornais à vous montrer les beaux côtés de son caractère, son énergie, sa puissance de travail, son influence prépondérante sur la Zoo- logie moderne. Avec les qualités éminentes dont il a si souvent fait preuve, il eut dû et pu être le chef incontesté de la Zoologie francaise. Mais son carac- tère défiant et jaloux, qui s'était développé dès son enfance sous l'influence néfaste de l'autorité outran- cière de son père, écarla peu à peu de Jui tous ceux qui, dès l’abord, s'étaient laissé séduire par son enthousiasme et son désinléressement scienti- fiques. Il ne put jamais comprendre qu'un étudiant qui le choisissait pour son maître et se donnait de tout cœur à lui n'eût point de ténébreux desseins; il voulut toujours et en tout lire entre les lignes ce qui n'y était pas. A la longue, ses élèves, froissés, se retirèrent, et laissèrent, à leur vif regret, le vieux lutteur vivre ses derniers jours solitaire, hanté par des idées de perséculion et persuadé de l'ingratitude universelle des zoologistes. Arrivé au comble des honneurs, membre et président de l'Académie des Sciences, membre de l'Académie de Médecine et de la Société d'Agriculture de France, grand officier de la Légion d'honneur, il mourut sans avoir su jouir de son œuvre ni être heureux de tout le bien qu'il avait fait. Comme tant d'autres, j'ai éprouvé les effets de ces faiblesses de caractère du grand savant, et ce ne fut pas sans un profond chagrin que je dus, après toutes les concessions possibles, cesser mes rela- tions avec celui que je me fais gloire d'appeler mon maître. J'ai tenu, lors de ses obsèques, dans ce Laboratoire Arago où il a voulu être enterré, à faire le voyage de Rennes à Banyuls pour apporter sur son cercueil l'hommage de ma reconnaissance et de mon inaltérable admiration. HIT J'ai résumé avec quelques développements la vie de Henri de Lacaze-Duthiers, bien qu'il n’ait passé que quatre ans au Muséum et que cette pé- 180 riode puisse être considérée comme la moins importante de sa carrière scientifique. Ce fut en 1869 qu'il passa à la Sorbonne. Sa dé- mission inopinée fit entrer au Muséum pour le rem- placer un savant déjà âgé de soixante-quatorze ans, le célèbre paléontologiste Deshayés. Il occupa la chaire de Malacologie de 1869 à 1875. Ses travaux purement zoologiques ne sont pas considérables ; on peut cependant citer ses recherches sur les Den- tales, les Hippurites et une grande monographie, restée inachevée, des Mollusques acéphales. Mais ses travaux de Paléontologie lui assurent une place éminente dans la science. C'est à lui qu'est due la connaissance des fossiles du bassin de Paris qu'il décrivit avec autant de patience que d’exactitude. Il en avait formé une merveilleuse collection qui est aujourd'hui à l'École des Mines. Une autre, moins importante, est ici. Pendant les sept années qu'il a passées au Mu- séum, Deshayes à introduit dans nos collections zoologiques un nombre considérable de fossiles, soigneusement intercalés à leur place morpholo- gique ; ils sont du plus grand intérêt pour la comparaison des formes éteintes avec leurs descen- dants actuels. C'était là le but unique que Deshayes s'était proposé en entrant aussi âgé au Muséum; il avait voulu juxtaposer dans une même série les coquilles vivantes et fossiles; on peut dire que son but a élé alteint et qu'il a rendu un service d’au- tant plus grand que, sans lui, cette organisation n'eût jamais été tentée, puisque, depuis longlemps déjà, les fossiles qui arrivent au Muséum vont au service de la Paléontologie. Disons cependant que l'excès se serait vile fait sentir, et que, si Deshayes eût vécu trente-lrois ans comme Valenciennes dans la chaire de Malacologie, il ne füt plus resté de nos collections qu'un ensemble de fossiles avec quelques formes vivantes intercalées. Certaines familles n'auraient pas tardé à disparaitre, sub- mergées sous les débris de leurs ancêtres. Il me reste à signaler un trait particulier de la vie de Leshayes. Entré déjà fort âgé au Muséum en 1869, Deshayes ne fit sa première leçon qu'en 1873, etil mourut en 1875 sans avoir jamais fait la se- conde. Il se borna, dans cette leçon unique, à quel- ques considérations générales sur la Malacologie et ne prononcça pas même le nom de son prédéces- seur Lacaze-Duthiers. Il avait remplacé les cours d'amphithéâtre par des causeries dans les collec- tions, restaurant par ce fait, et non sans raison, l'ancien titre de Professeur démonstrateur porté par nos premiers prédécesseurs. A la mort de Deshayes, la chaire de Malacologie fut confiée à M. Edmond Perrier, qui l’a occupée jusqu'au commencement de 1903. Je vous ai dit, Messieurs, pourquoi je m'absliendrai d'analyser L. JOUBIN — L'ENSEIGNEMENT DE LA MALACOLOGIE AU MUSÉUM l’œuvre de mon prédécesseur; cependant, il serai tout à fait injuste de ne pas vous signaler quelq uns des faits les plus marquants de ces vingt-huit dernières années. Le transfert des collections @ l’ancienne galerie dans le bâtiment où nous sommes actuellement a élé l’occasion de la réorganisatio complète de nos richesses. Ce fut un travail im mense du professeur et de ses collaborateurs; ch# cun y mit le zèle le plus louable, et c'est à M. Pe rier que nous devons plus particulièrement la mise en va'eur de. notre splendide collection d'Echine dermes. Les Expéditions du Travailleur et du Talisma ont fourni un grand nombre de matériaux du plu vif intérêt; une partie considérable a pris pl bien voulu, sur ma demande, confier à divers sa vants spécialistes ce qui restait encore à étudier Je signale seulement en passant la création et l'or" ganisation du Laboratoire de Tatihou, auxquell M. Perrier a pris la part la plus active. — Je n’er dirai pas davantage. IV Peut-être, Messieurs, me demandera-t-on quell sont, après avoir ainsi résumé le passé, mes inte tions d'avenir en prenant possession du précieu hérilage que j'ai reçu de mes illustres prédéce seurs. Vous avez pu vous rendre compte, par la rapide énumération de leurs œuvres, combien chacun titution de nos richesses. Si Lamarck, à cinquante ans passés, a pu S€ trausformer d'un éminent botaniste qu'il était en un illustre zoologiste, c'est que les collections qu'il a organisées n'étaient que peu de chose en compæ raison de celles que nous possédons aujourd'hui. Je ne veux, en quoi que ce soit, diminuer son mé= rite, pour lequel je professe la plus grande admira tion; mais je crois pouvoir dire que, s'il se f trouvé en présence de nos galeries actuelles, il 1 eût été impossible, je ne dis pas de mener à bien mais mêmed oserentreprendre letravail d'ensemb qu'il a fait ici. Songez, Messieurs, que, depuis Li marck, ses successeurs, de Blainville, Valenciennes de Lacaze-Duthiers, Deshayes, Edmond Perri n'ont pa cessé un seul jour d’accumuler par leu recherches, par des dons, par des expéditions, des” matériaux immenses. Je n'ai pas la prétention d les étudier tous, et cependant je crois le moment venu de procéder à une mise en valeur de ces tré sors. Nous avons d'énormes réserves; mais elles ne sont point dans l’état voulu pour être distri buées entre des spécialistes. Mon premier soin y L. JOUBIN — L'ENSEIGNEMENT DE LA MALACOLOGIE AU MUSEUM 181 être de les répartir de façon à constituer plusieurs collections distinctes. Nous avons actuellement une collection générale dans laquelle nous déposerons, comme par le passé, un exemplaire de tout ce qui n'y figure pas encore. Mais, avec nos doubles, je comp'e organi- ser tout d'abord une collection spéciale de France, qui facilitera la détermination rapide des échan- tillons que nous sommes appelés à rencontrer tous les jours. Cette collection sera déposée dans mon laboratoire pour être d'un accès plus facile aux tra- vailleurs. Puis, je compte établir une collection particulière pour chacune de nos colonies, afin que les per- sonnes qui s'y rendent puissent avoir un aperçu des animaux qu'elles y trouveront et qu'à leur re- tour elles déterminent facilement ceux qu'elles auront rapportés. Enfin, si la place ne me fait pas trop défaut, j'or- ganiserai des collections annexes pour chacune des grandes régions zoologiques du globe. - Je n'ose, sur ce dernier point, me flatter d'obtenir des résultats prochains. Quelque luxueux, quelque _vaste que soit le palais où nous nous trouvons réunis, les galeries qui appartiennent à mon ser- vice ne sont pas élastiques, et peut-être faudra-t-il attendre que la parlie qui reste à construire soit ‘achevée pour que je puisse mener mon projet jus- qu'à complète exéculion. Mais il est possible de Pébaucher et de commencer à préparer les maté- riaux que nos successeurs mettront à leur place définitive. C'est vous dire, Messieurs, que la Géographie zoologique lient une grande place dans mes préoc- cupations. Il ne reste plus guère sur notre planète que des régions inhabilables dont nous ne con- naissions pas la faune. Nous avons pour toules les autres des documents suffisants pour caractériser les formes animales qui les peuplent et apprécier les différences qu'elles présentent d'une région à l'autre. Pour certaines d'entre elles, nous pouvons tracer la carte exacte de leur domaine ; je ferai lout ce qui sera possible pour en accroilre le nombre. Les récentes expédilions zoologiques nous ont montré tout un monde nouveau habitant les grandes pro- fondeurs de la mer ; ces abimes commencent à être assez connus pour que l'on puisse envisager l'exis- tence d'une faune particulière des plus curieuses, dont il reste à savoir dans quelles mesures les limites géographiques correspondent à celles des animaux de la surface. Beaucoup de ces êtres ap- parliennent à des familles qui ressortissent à cette chaire et je serais particulièrement heureux de voir venir dans mon laboratoire, pour les étu- dier, les naturalistes qu'intéressent ces observa- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. lions passionnantes de la faune des grands fonds. Voilà, Messieurs, mon programme : mais je n'ai point la présomplion de croire que je suis capable à moi seul de mener à bien une aussi énorme lâche: si je puis en établir les cadres, en tracer les grandes lignes, en distribuer les détails, je crois que mon passage ici n'aura pas été inulile. Mais c’est à des spécialistes compétents, aussi nombreux que pos- sible, que je compte demander les revisions de genres el les déterminations d'espèces; nous arri- verons ainsi à la longue à des résultats importants et intéressants; les travaux qui s’accomplissent déjà autour de moi me donnent les meilleures espérances pour l'avenir. Vous voyez, Messieurs, que, si les recherches de laboratoire, de collections et la confection de cata- logues critiques ou historiques doivent être l’objet de toute ma sollicitude, je ne’ crois pas devoir attirer dans mon laboraloire, où la place est si étroitement mesurée, les jeunes gens qui se pré- parent aux grades universilaires de la licence ou de l'agrégation. Mon but est tout autre, et je dois les prévenir que je n'aurai en vue dans ce cours aucune préoccupation d'examens ou de prépara- lion professionnelle. Au contraire, je ferai tout mon possible pour mettre à la disposition de ceux qui font des travaux originaux les matériaux merveilleux qui abondent dans mon service. Ayant l'ambition de fournir aux travailleurs des de recherches, je désire également grouper dans mon laboratoire une autre catégorie de personnes. Je veux parler des amaleurs; on à quelquefois une tendance à donner à ce mot une signification défavorable ou à les considérer même comme negligeables ou génants. Je tiens à dire que mon opinion est loute différente. Dans un ser- vice comme celui dont j'ai la charge, je pense qu'il faut réserver aux amateurs une place qui témoigne en quelle estime nous lencns leurs travaux désin- téressés, nos collections doivent être à leur dispo- silion pour la classification des leurs. Ils ne s'oc- cupent généralement que d'une famille, quelque- fois d’un genre seulement; mais ils y acquièrent une compétence bien supérieure à celle que le professeur, obligé de connaitre un peu de tout, peut avoir dans leur spécialité. Ces amateurs ren- dent à l'Histoire naturelle en général, et au Muséum en particulier, les plus grands services, et sont pour nous de précieux collaborateurs. Je compte sur eux pour mettre en valeur la parlie de mes collections qu'ils connaissent, et, par l'ensemble de leurs efforts joints aux nôtres, faire une œuvre durable et éminemment scientifique. D'ailleurs, il n'y a point dans la science de parties que nous ayons le droit de dédaigner; dans son éléments 4 * 152 E. CORADIN — LES ONDES AÉRIENNES iufinie complexité elle est une, et quiconque s’ap- plique à en étudier un point, quelque restreint qu'il paraisse, a droit à tous nos encouragements. Et maintenant, Messieurs, il me reste à vous donner l'assurance que, nouveau venu dans cette illustre maison, je sens tout le prix et tout le poids de l'honneur qui m'a été fait en m'y appelant, que, si l'héritage que j'ai recu me surprend pars grandeur, j'essaierai du moins de me montré digne de ceux qui me l'ont transmis. L. Joubin, Professeur au Muséum. LES ONDES Les remarquables photographies de M. V. Boys, de la Société Royale de Londres, « ses projectiles pris au vol », ont jeté une vive lumière sur les phénomènes de la Balistique extérieure, jusqu'à ces derniers temps restés dans l'ombre. Expérimenta- teur habile, physicien éminent, savant modeste, M. V. Boys, après avoir exécuté des travaux sans précédent, en réduisant le temps de pose de ses 1 photographies à 33.000.000 de seconde, abandonna à d’autres le soin de tirer les conclusions qui s’im- posaient et de faire les applications pratiques, conséquences de ses merveilleuses expériences. Pour qu'une photographie instantanée soit nette, {I _ il faut qu'elle enregistre, qu’elle fixe à 8 de milli- mètre près, dernier élément de longueur percep- tible par les organes de la vue, la position du pro- jJectile. Faire de l'inslantané, comme disent les photo- graphes, c'est réduire le « flou » résultant de la vitesse de l’objet à photographier à son minimum. Si le projectile, par exemple, a une vitesse de 800 mètres par seconde, nous trouvons aisément Il FE que & de millimètre correspond au temps 6— TE de seconde. Or, M. Boys a dépassé cette limite. Nous ne dé- crirons pas ici ses procédés expérimentaux, infini- ment supérieurs à ceux de MM. Mach et Salcher, les Autrichiens bien connus. Nous renvoyons le lecteur à la Ætevue* qui a publié un article à ce sujet. J. — L'ÉPREUVE PHOTOGRAPHIQUE. Examinons attentivement une des photographies de M. V. Boys. Qu'y remarquons-nous? Tout d'abord, la silhouette très nette de la balle, enve- ‘ C. V. Boys : Les projectiles pris au vol, Méthode pour l'étude des mouvements dans les gaz. Revue générale des Sciences du 15 octobre 1892, t. III, p. 661 et suiv. AÉRIENNES loppée à l'avant par une onde aérienne, terminée4 l'arrière par une deuxième onde; puis, dans l’ang de cette dernière, derrière le culot, une sorte d bouillonnement torrentiel, en tous points semblabl longue queue d’une comète que serait la balle ? simple inspection d’une photographie de M. Boys | qu'un phénomène d’écartement moléculaire. Une partie du travail nécessaire à la progression du pro jectile est absorbée par la formation des ondes aériennes et r'ien que par ces ondes. Une aire de compression momentanément loe lisée, telle est l'onde avant. Mais pourquoi, dira-t-on, l'onde arrière ? Quand il s’agit de méthodes expérimentales, faut appliquer avant tout cette grande loi des qui bouillonne à l'arrière du culot qui la pro duite. Notre étude se dédouble donc. Nous n'avons plus: à examiner une seule balle. La deuxième, la balle d'air, n’est pas moins intéressante que la première Comme elle, elle possède ses ondes, sa vilesse qui lui sont propres. Elle est susceptible de nous con duire à des conclusions dont les applications pra tiques paraissent immédiates. II. — L'ONDE AVANT. ENREGISTREMENT AUTOMATIQUE DES VITESSES INITIALES. Par la connaissance des lois qui régissent la pro- pegation de l'onde sonore ou de l'onde aérienne, Fig. 1. nous disposons d’un moyen pratique de mesure de la vitesse initiale. Le projeclile, étant en A au temps T (fig. 1), sera en C au temps T +5. Nous aurons donc : AC—=Vat+6), ou, dans le triangle ABC rectangle en B : AB = —, en posant BCA = &. sin œ Væ+® — ou bien encore : : vitesse du son ICS RER vitesse du projectile | Comme la vitesse du son est à peu près constante et que le sinus est fonclion de l'angle, nous pour- rons écrire : Ve+g) = F(a). Pour l'exactitude de la lecture de l'angle «, nous $ : BCD lirons l'angle ——, car, comme nous le verrons dans la suite, l'angle de l'onde supérieure ou inférieure avec l'axe du projectile n’est pas constant. Il paraît superflu d'insister sur les services que peut rendre, aux Commissions d'expériences des armes porlatives, cette méthode éminemment sim- ple d'enregistrement de vitesses initiales. IIT. — L'ONDE ARRIÈRE. Il était facile de prévoir, puisque la balle se meut dans un milieu essentiellement compressible, l'air, E. CORADIN — LES ONDES AÉRIENNES 183 qu'un appel de cet élément devait fatalement se produire à l'arrière du culot. Quant à la formation des ondes, le raisonnement nous y faisait difficilement songer et l'on peut dire que l'expérience seule en a prouvé l'existence. Examinons le phénomène de plus près et suppo- Fig. 2. sons le projectile transporté, au bout du temps très court 9, de la position P à la position P' (fig. 2). Le vide se fera en P suivant ABCDE. En effet, pendant le temps 6, la vitesse « au vide » sera plus grande en CD qu'en A, en LM qu’en IK, et l’enve- loppe « du vide », s'il nous est permis de nous exprimer ainsi, aura la forme de la figure 2. Si nous Supposons que, par suite du mouvement continu de la balle, il s’est établi en S (fig. 3) une aire à basse pression 2, telle que 2 € H, la pression atmosphérique, l'air à la pression A se précipitera suivant la flèche dans l’espace libre AVUDCTIB, puisque cet air est plus mobile que l'air à la pres- sion atmosphérique par suite de sa moindre den- sité. Il ÿ aura choc sur les surfaces UV et TJ, par suite formation de l'onde arrière, puis déviation’de A Ü V Re T S (TE B M Fig. 3. o l'air suivant deux fuseaux (à la manière de l’eau sortant d'un entonnoir à extrémilé tronconique) tels que UM et TN soient tangentes à UV et à TJ. Or, tout ce que nous avons admis par le raison- nement est vérifié par l'expérience. Sur les photo- graphies de M. Boys, on remarque, en effet, en ar- rière de la balle, une zone de dépression donnant 184 naissance à un remous, à la « balle d'air » arrière. De plus, les ondes arrière nous indiquent par leur inclinaison sur l'axe de la balle que la vitesse de cette balle d'air est supérieure à celle de sa devan- cière. Nous conclurons donc tout simplement : L'onde arrière est une conséquence du travail de la balle d'air arrière, comme l'onde avant est une conséquence du travail de la balle. Fig. 4. s De l'inspection de la figure, nous pourrions tirer d'autres conclusions intéressantes, par exemple : 1° La vilesse au vide à la pression, de 760 milli- mètres n'est pas instantanée; 20 Cette vitesse est environ 25 kilomètres par se- conde ; 3° Une partie du travail dépensé à l'avant se ré- cupère à l'arrière, etc. Mais nous sortirions vite du cadre de cet article. IV. — MOUVEMENT DE L'AXE DU PROJECTILE. Le raisonnement et l'expérience ont démontré depuis longtemps l'existence du mouvement co- encore se constater sur les photographies. M. Boys, car les différentes épreuves indiquent € position telles que AB et A'B' du projectile (fig. 4 Guidé par celte considération, nous avons 4 conduits à n’envisager que l'angle = comr l'angle TAB ou BAM : aæ—be ou u — €, dont la demi-somme et est indépendante de s. Telles sont, succinetement résumées, les études que nous ont suggérées « les projectiles pris à vol » de M. Boys, de la Société Royale de Londres E. Coradin, Lieutenant au 18° régiment d'infanteri E. RABATÉ — LE CALCUL DES RATIONS ET DES SUBSTITUTIONS ALIMENTAIRES 185 LE CALCUL DES RATIONS ET DES SUBSTITUTIONS ALIMENTAIRES Le problème de l'alimentation rationnelle du bétail est l'un des plus ardus de toute l'Économie rurale. Lorsqu'un animal est insuffisamment nourri, il ne laisse point de bénéfice: « Toutes les fois qu'une machine marche sans produire, elle dépense, elle fait perdre; je le répète, dit Beaudement, bien nourrir coûte cher, mal nourrir coûte plus cher encore" ». Si l'animal recoit à discrétion des aliments gros- siers, l'abdomen se dilate; s’il reçoit des aliments concentrés, il y a lieu de craindre des indiges- tions, des congestions intestinales, des gastrites, des entériles, des calculs vésicaux; de plus, la dépense engagée est souvent hors de proportion avec le résultat obtenu. Entre ces deux cas extrêmes, il existe évidem- ment une quantité optimum d'aliments qui procure le maximum de bénéfices. Dans un autre ordre d'idées, les éleveurs ont net- tement établi que l’art de bien nourrir les animaux fournit l’un des meilleurs moyens d’améliorer les races. Enfin, les substitutions d'aliments peuvent procurer de sérieux bénéfices. De 1872 à 1900, d'après M. Lavalard, la Compagnie des Omnibus de Paris a réalisé, sur l'alimentation de ses che- vaux, une économie de trente millions de francs par la substitution partielle du maïs à l'avoine. Mieux qu'un raisonnement abstrait, de tels chiffres montrent l'intérêt de la question qui nous oc- cupe. Nous disposons déjà de résultats techniques précis, de données expérimentales bien établies. Ces résultats, les praticiens peuvent les meltre à profit soit par des tâätonnements longs el incertains, soit par une méthode précise el sûre, donnant des solutions qui découlent logiquement des bases adoptées. C'est cet emploi rationnel des résultats acquis à la science de l’alimentalion que nous désirons mettre en lumière, en nous aidant de quelques notions simples d'Algèbre élémentaire. A la vérité, ces notions sont encore trop élevées pour la masse des agriculleurs; mais les praliciens éclairés pourront les utiliser soit pour leur propre comple, soit pour répondre aux questions qui leur sont posées. £ BEAUDEMENT: Principes de Zoolechnie, 1 vol. in-8°, Paris, 1869, p. 14. I. — BASES DU CALCUL DES RATIONS. $ 1. — Les principes digestibles. La ralion est le poids d'aliments donné par têle et par jour. Elle dépend à la fois de l'aliment (nature, composition, volume, ete.) et de l'animal (espèce, race, âge, aptitudes individuelles, spécu- lalion poursuivie, etc.) Malgré la multiplicité de ces déterminants, la ration doit fournir à l'animal lout ce qu'il peut uti- lement transformer, afin d'éviter tout chômage, n’apporter que ce qui peut être utilement trans- formé, pour éviler lout gaspillage, et enfin procurer les principes digestibles au meilleur compte. Ces principes sont nombreux (albumine, légu- mine, amides, lécithine, graisses, sucres, ami- don, etc.). Ils jouent dans l'organisme des rôles variés, el, pour chaque production zootechnique, les divers principes digestibles prennent des valeurs physiologiques particulières. Ainsi, au point de vue énergétique, deux théo- ries sont actuellement en présence : la théorie des poids isodynamiques de Rubner el la théorie des poids isoglycosiques de Chauveau. D'après Rubner, la chaleur de combustion des principes immédiats réellement désassimilés rend exactement comple de la chaleur produite par l'animal dans Le même temps”. Les poidsisodynamiques des principes digestibles sont les poids de ces principes qui produisent par leur combustion la même quantité de chaleur. Un poids de 240 d’albumine ou un poids de 240 d'hy- drocarbonés fournissent la même quantité que 100 de graisse et ces poids seraient physiologiquement équivalents. M. Laulanié, s'appuyant sur les travaux de M. Chauveau, formule contre cette théorie les cri- tiques suivantes: 1° L'interprétation de Rubner ne serait admis- sible que si les divers principes immédiats étaient consommés sur place et sous leur forme initiale par le muscle en travail; 9% Le muscle est inhabile à consommer autre chose que du glycose, aliment nécessaire et exclusif du travail musculaire; 3 Il faut faire abstraction de l'énergie libérée dans le foie par les opérations qui transforment les principes immédiats et en extraient le glycose, 1 LauLanté : Energétique musculaire, Paris, Masson. 186 énergie définitivement perdue pour le muscle; 4 Les chiffres de Rubner ne peuvent êlre que des poids isothermiques, mais non des poids isotro- phiques. Suivant M. Chauveau, l'énergie consacrée à la production du travail des muscles a sa source prin- cipale, sinon exclusive, dans la combustion du glycogène qui imprègne le lissu propre de ces organes. Par suite, la valeur énergétique d'un prin- cipe immédiat est proportionnelle à la quantité de glycose qu'il peut produire. Les poids isoglyco- siques sont les poids de principes digestibles qui fournissent la même quantité de glycose. Le tableau I indique les principaux chiffres donnés par les deux théories. TaBLEAu I. — Poids isodynamiques et isoglycosiques de divers principes digestifs. POIDS POIDS SUBSTANCES isodynamiques | isoglycosiques Albumine. . SGraisse. Amidon Sucre de canne . . 2,01 1,00 1,46 : 1,53 Glycose 2,55 1,61 L'assimilation et l'ulilisation d’un poids connu de principe immédiat donnent lieu à un travail complexe qui rend difficile la détermination exacte de la quantité de chaleur ou de la quantité de gly- cose réellement livrées au muscle. Par de nombreuses expériences comparalives, M. Chauveau a cependant pu vérifier le bien fondé de la théorie des poids isoglycosiques. La valeur dynamique d'un aliment est égale à la somme des quantités de chaleur fournies par chaque principe digestible considéré isolément. La même remarque s'applique à la valeur glycosique. La combustion dans un calorimètre, la transfor- mation chimique en glycose, l'expérimentation di- recte sur les animaux permettent d'établir les poids isodynamiques, isoglycosiques, isotrophiques des nombreux principes nutritifs. D'après les vues de M. Chauveau, il est difficile d'attribuer à l'alcool une valeur énergétique. Il fau- drait, pour cela, que la molécule C*H'O pût reconsti- tuer synthétiquement la molécule de glycose C'H°O", Toutefois, en dehors des questions d'intoxication, d’'excitation nerveuse, d'élimination en nature,rap- pelons que certains animaux réduisent une partie de l'alcool ingéré à l'état de CO” et d’'H°0. La chaleur libérée dans cette combustion peut permettre une économie de glycose source d'énergie musculaire. C'estle rôle déjà connu del'alcoolaliment d'épargne. L'ancienne division en principes plasliques et E. RABATÉ — LE CALCUL DES RATIONS ET DES SUBSTITUTIONS ALIMENTAIRES de réserve ke du glycose source d’ Énern ; la fée peut devenir un aliment de la substance en dé nant de la graisse et des éléments qui concou à l'édification des tissus. Actuellement, par une simplification sans dot excessive, on convient de diviser les principes gestibles en lrois groupes : azotés, gras et hyÿdi carbonés. On admet, en outre, qu'à ro égal, ] graisses ont un pouvoir énergélique 2,4 fois pl élevé que celui des principes azolés et des } pr cipes hydrocarbonés. Cette convention admise poids de graisse mullipliés par 2,4, les poids d'# tés et les poids d'hydrocarbonés deviennent cor parables au point de vue énergétique. 2. — Les aliments’. ne 1. Composition utile d'un aliment. — D'après conclusion du paragraphe précédent, les poids principes digestibles comparables contenus da 100 d'aliment sont : le poids des matières azotées digestibles. . . . le poids des matières grasses digestibles X 2,4 ou g X 2,4 1 le poids des matières hydrocarbonées digestibles. h La somme de la graisse transformée, y, et hydrocarbonés, h, représente le poids des n0 azolés digeslibles contenus dans 100 d’aliment: n—}+bh. Le poids de matière sèche totale pour 100 d'al ment est m. | 2. Digestibilité. — Désignons par a le poi d'azolés bruts ingérés et par a le poids d'azoté digérés par un animal. J Pour l'aliment et l'animal donnés, le coefficien de digestibilité des matières azolées prend la vale particulière : | k— 1007. a Des coefficients semblables peuvent être établ pour les graisses etles hydrocarhonés. On a toujout 0 ; dans lesquels F = gr ce qui donne : RU IT OCES Par contre, si l'on admet qu'à une même longueur du tronc correspondent divers diamètres thora- ciques et inversement, ce qui est conforme à la réalité des faits, on a, pour une longueur donnée, ILE Dans ce dernier cas, les surfaces et les rations sont donc proporlionnelles aux périmètres de poitrine et non aux carrés de ceux-ci. 1 Au surplus, / et [Sont rarement constants d’un animal à l’autre, de sorte que la formule la plus générale est : TSIS MUTIC 1 RO Shk dt Des rapports du même genre peuvent être facile- ment calculés pour des solides parallélipipédiques ou cylindriques. 3. Rationnement progressif. — En dehors du rationnement proportionnel au poids vif ou pro- portionnel au carré des périmètres de poitrine, nous pouvons établir une nouvelle base de ratie nement qui tient compte de la remarque pratié déjà énoncée d’après laquelle le poids d'alimer à fournir par 1.000 kilogs de poids vif dimin® lorsque le poids individuel des sujets augmente Il suffit, pour cela, d'admettre que les poids! ÿ croissent suivant une certaine progression, que les poids de matières digestlibles correspo dants décroissent suivant une autre progression: Considérons, par exemple, les deux progressio géométriques du tableau IT : TABLEAU Il. — Exemple de rationnement progressif. MATIÈRE SÈCHE DIGESTIBLEN POIDS VIF INDIVIDUEL par 1.000 kilogs de poids wi a'=1 kilog a—100 kilogs aq! —2 aq = 19,44 \ 4 ag” S a = 50,1 6 a 32 aq” = 31,61 ik aq° 28 a72— 29,95 56 aq° 2 k Si l'expérience a montré que 100 kilogs matière sèche digestible sont nécessaires pol entretenir 1.000 animaux de 1 kilog et 10 kilogs sont nécessaires pour un animal 1.024 kilogs, quantités effectivement ulilisées dans la pratique, nous pouvons écrire : ag" = 10 a —= 100 1 10 1 d'ou i0 etq— 10 0,79%# Les valeurs prises par les poids de matière sèche peuvent être groupées dans un graphique rationnement figuré par une courbe du genre des logarithmiques (fig. 1). Au surplus, il est facile de multiplier les données” expérimentales, d'établir de nouvelles progres sions, tables et graphiques et de faire disparaile ainsi l'influence de l'espèce sur le laux dela ration. ; La plupart des phénomènes naturels se (rad sent graphiquement par des courbes dont l’allur se rapproche de celle des logarithmiques. Il n'est donc pas invraisemblable d'admettre que le ration nement varie suivant une courbe de ce genre. Nous n'avons pas, d’ailleurs, l'intention d° ériger en principe ce mode de varialion des ralions et de remplacer un système par un autre système. Nou pensons seulement que notre interprétation fournil! E. RABATÉ — LE CALCUL DES RATIONS ET DES SUBSTITUTIONS ALIMENTAIRES 189 an groupement logique des données relatives à la rogression du rationnement. Les lois du ralion- nement nous sont encore inconnues ; mais, en en al- tendant la détermination, il nous est possible de généraliser en procédant par interpolation entre les données expérimentales prises deux à deux. Nos applications sont calculées d’après les tables de rationnement de Wolff (hypothèse des rations proportionnelles aux poids vifs), mais les formules générales que nous élablissons gardent toute leur valeur pour une auire table de rationnement. 4. Normes d'alimentation. — On peut ainsi s’as- treindre à donner, par 1.000 kilogs de poids vif, une ou plusieurs des quantités 4 suivantes de principes nutrilifs : 100 Poids total de matières digestibles . $ e Poids dematièresazotées digestibles. A & Poids total de matière sèche. . . . M à Poids de matières non azotées diges- UN MEME NT RIT TC N È 19,44 Poids de graisse digestible. . . . . G È Poids d'hydrocarbonés digestibles H $ Poids de cellulose brute inférieur à. © | È Les solulions obtenues en s’ap- n puyant sur les quantités À et N À. sont identiques à celles qu'on | è 50, 11 obtient en partant des poids S et à À, puisque S= À + N. 3 La relation nutrilive de la ra- F tion peut sécrire : Æ= ;; ou Ÿ 31, 61 : 19,95 © 12,59 | $ 10 vif, À de matières azotées digestibles, N de matières non azotées digestibles, M de matière sèche totale. Ces quantités, désignées sous le nom de normes d'alimentation, varient avec les espèces, l’âge, la spéculation poursuivie. Les normes les plus pré- cises son! données par les tables de Wolff, rema- niées par Lelimann. Elles n’ont rien d’absolu et ne conduisent pas à une solution parfaite du problème du rationnement. Néanmoins, les rations ainsi obte- nues sont les plus exactes à indiquer à priori. I y a toujours lieu, dans l'application, de considérer les indications du calcul comme des approxima- tions, de surveiller les effets produits par la ration essayée (variation du poids, appélit, marche de la digestion, etc.), et de modifier légèrement, en plus ou en moins, les quantilés indiquées par le calcul. 5. Ration d'entretien et ration de production. Cas des moteurs animés. —Il est bien évident que, si l'animal fournit des ublilés : travail, lait, etc., il faut ajouter à la ration d'entretien un supplément de matières digestibles en rapport avec la quantité d'utilités fournies et constituant la ration de pro- duction. Prenons, par exemple, le cas d’un cheval qui fournit par jour un travail total de T kilogram- mètres, dont + T de débit kilogrammétrique utile” 3 ; ; : et 3 T de travail onéreux (fonctionnement des organes et transport de l'animal). Le nombre de RC 32 64 128 256 512 1024 Poids vifs individuels en külogr. HG. 1. — Graphique de rationnement établi avec x = aq et J= a qn pour a —=1, q' =2, a —100 et q— 0,19%% A S— À étant connues, la troisième l’est aussi. On assigne parfois une limite supérieure au poids de cellulose brute, le travail de la digestion Yariant dans le même sens que ce poids. Dans les rations, les rapports À et F'ont souvent des valeurs fixées à l'avance et comprises entre les limites suivantes : H— - Dans ces formules, deux quantités 1 GX 2,4 Ll 1 D C— C— COOCIF ; RAM CH CH 190%. M. Blaise en à fait récemment l'application à l'al- déhyde formique. Des travaux de M. Grignard et de ceux qui l'ont suivi dans cette voie, MM. Béhal, Blaise, Valeur, Masson, Zelinski, etc., il résulte que le magnésium peut être avec avantage substlilué au zinc dans toutes les réactions que nous venons d'exposer. On n'emploie pas les magnésium-alcoyles Mgk°, qui sont solides et ne sont pas d'un maniement com- mode, mais bien les dérivés organo-halogéno- magnésiens qu'on obtient, avec la plus grande facilité, en trai- tant le magnésium divisé par les éthers halogénés dissous dans l’éther anhydre. La réaction se fait spontanément avec une vive ébullition de l'éther: elle a lieu même avec les éthers halogénés des phé- nols (Grignard et Tissier), qui sont absolument sans action quand on emploie le zine. On obtient ainsi des solutions éthérées des dérivés organo-halogéno- magnésiens, qui possèdent des aptitudes réaction- nelles merveilleuses et fournissent toutes les con- densations attendues par simple addition goutte à goutte ou bulle à bulle (CO?) du réactif. Il ne se forme pour ainsi dire pas de goudrons dans ces réaclions ; les rendements y sont, par suite, excel- lents. L'étude complète de loutes les applications de la méthode au magnésium est un travail bien trop colossal pour pouvoir être réalisé par un seul homme ; aussi, dans tous les pays, les chimistes ont commencé à la meltre à contribution. M. Blaise à trouvé que les dérivés organo-magnésiens se con- densent avec les nitriles pour donner, après aclion de l’eau, des acétones. On n'avait jamais rien signalé d'analogue dans le cas du zinc. On peut, trop s'avancer, prévoir que l'exemple donné par M. Blaise sera suivi. Sans V74 2. — Méthodes catalytiques de MM. Sabatier et Senderens. Ces savants ont lrouvé que certains métaux très divisés et fraîchement réduits, en parliculier le cuivre et le nickel, constiluent des agents de cala- lyse incomparables, permettant d'obtenir, d'une manière simple et élégante, des réactions tout à fait inatlendues. L'hydrogène passant sur ces métaux à des tem- pératures comprises entre 200° et 400° a ses afli- nités augmentées: dans d'énormes proportions. Il se fixe directement sur une foule de molécules aux- quelles on n'avait pu jusqu'ici le combiner que d'une manière indirecte. Il transforme, dans ces conditions, les hvdro- carbures non saturés de la série grasse, éthy- n ++ + 198 léniques ou acétyléniques, en paraffines; cetle hydrogénation a lieu même pour les carbures benzéniques, qui deviennent des eyclohexanes substitués. Pour arriver au même résultat, il fallait précédemment employer la méthode clas- sique de M. Berthelot, c'est-à-dire l'acide iodhy- drique en tube scellé à des températures supé- rieures à 200°; encore avait-on à compter avec des transposilions moléculaires transformant plus ou moins complètement les hydrocarbures obtenus en dérivés du cyclopentane. On obtient le cyclohexane à partir du benzène, pour ainsi dire sans pertes, en faisant passer le mélange d'hydrogène et de vapeur de benzène sur du nickel chauffé aux environs de 200°. Quand les hydrocarbures aromatiques contiennent une chaîne latérale un peu longue, elle est souvent coupée plus ou moins partiellement par suite d’une hydro- génation plus avancée : CSH5. CH + SI = CH HE CH. Parmi les hydrogénalions intéressantes pro- duites par le cuivre, nous citerons la transforma- üon du nitrobenzène en aniline; on ne peut em- employer le nickel, dont l’action catalytique est trop puissante et qui donnerait du cyclohexane et de l'ammoniac. Le cuivre permet également de réduire à l'élat d'alcools primaires et secondaires les aldéhydes et les acétones; mais la réaction n’est jamais com- plète, parce qu'aux mêmes températures ces alcools, passant au contact du cuivre, sont partiellement décomposés en hydrogène et aldéhydes ou acé- tones. Avec le nickel, au contraire, les températures de ces deux réactions inverses sont très différentes : au-dessous de 200°, souvent même au-dessous de 100°, les vapeurs des aldéhydes et acétones les plus volatiles se combinent à l'hydrogène ; au con- traire, entre 200° et 300°, les vapeurs des alcools sont transformées presque intégralement en hydrogène etaldéhydes ou acétones. $ 3. — Dérivés acétyléniques. Les hydrocarbures acétyléniques ont assez rare- ment servi de matière première à des recherches, à cause de la difficulté de leur préparation. M. Mou- reu ne s'est pas laissé rebuler par cet obstacle, et en a été récompensé par les nouvelles méthodes qu'il a découvertes, aidé de ses deux collabora- teurs, MM. Delange et Desmots. Il a trouvé que les dérivés sodés des hydrocarbures acétyléniques vrais se condensent, à froid et en présence d’éther anhydre, avec les aldéhydes et les éthers- sels : les aldéhydes ordinaires conduisent à des alcools secondaires, la formaldéhyde à des alcools L. BOUVEAULT — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE ORGANIQUE 4 primaires, possédant, les uns et les autres, fonction acétylénique : R.C= CNa + CHO —R'=R.C=—C.CH —R! ] OXa R.C= CNa + CH?0 = R.C= C.CH?.ONa: Ces curieuses réactions, qui n'ont pas lieu les acétones, peuvent être rapprochées de cel des dérivés nitrés de la série grasse, si bien& diées par M. Henry; elles ont aussi une certai parenté avec les méthodes de M. Grignards léniques sodés est, d’ailleurs, plus forte que ce des dérivés nitrés, car ceux-ci sont sans ali sur les éthers. On a, au contraire : l OC : R.C—CNa = CO2CH°-R—R.C—C-C=ON ES OC2IF R' 74 R.C=C.C—ONa + H?0 — NaOH-+ C:H°O +R.C—C-C0 e ! R' Dans le cas du formiale d'éthyle, on obtient, lieu d’une acélone, une aldéhyde acétylénique M cétones acétyléniques fixent une molécule de sous l'influence de l'acide sulfurique, et devienn des £-dicétones : R.C=C.CO.R'+ H*0 =R.CO.CH?.CO.R® La formation des célones acétyléniques accompagnée d'une réaction secondaire, du une action catalytique très curieuse du dé acélylénique sodé. On connait les auto-conde tions que subissent les éthers acétiques en sence du sodium et qui mènent aux éthers à tylacéliques; les éthers des autres acides gras se prêtent pas à celle transformation qui, au € traire, a précisément lieu, en présence d’un hyd carbure acétylénique sodé, sans que ce der prenne part à la réaction. On a alors une méth de préparation des éthers $-cétoniques, qui p ètre figurée par l'équation : 2R.CH?.COOR' + Na — R.CIHE.C : C.CO?R' + R'OHI oNa k IT. — PROCGÉDÉS DE CARACTÉRISATION ET DE CONTR Il est très difficile de démontrer l'existence dunt faible quantité d'impureté dans une substance ganique liquide, plus difficile encore de la dos Les réactions colorées, de même que celles fournissent des précipités, sont rares et SOuME irrégulières ; l'analyse organique comme le men des constantes physiques sont bien loinMde posséder une sensibilité suffisante. M. Crisme pu résoudre le problème dans nombre de cas di manière à la fois simple et élégante. dé L. BOUVEAULT — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE ORGANIQUE 199 Il existe des liquides qui, sans être miscibles en toutes proportions, se dissolvent néanmoins abondamment l’un dans l’autre. Nous en avons un exemple dans l’éther de pétrole, d’une part, les al- cools méthylique, éthylique et propylique, de l'autre. Un mélange limpide d'éther de pétrole et d'alcool, soumis à un refroidissement graduel, se trouble à partir d’une certaine température, que M. Crismer nomme lempérature critique de disso- lution. Il a trouvé que celte température critique est constante pour deux liquides déterminés, même CH° | | CH.CO'H = CO? + 3 CEH°O + AzII° + COH.C.CH S MCE, CO:H CHE M. Perkin junior a fait faire un progrès lrès sen- sible à cette même question de l'acide campho- rique par la synthèse d’un de ses dérivés les plus proches, l'acide isolauronolique. Le cyanacétate d'éthyle, traité successivement par le bromisobutyrate d’éthyle et le 5-chloropropio- pate d’éthyle, donne naissance à un éther com- plexe se condensant facilement sous l'influence de l'anhydride acétique, avec perte d'une molécule pour des variations considérables de concentra- tion ; en revanche, elle varie considérablement par l'addition de corps étrangers, même en très petite | d'alcool : quantité. La mesure des températures critiques des CH CHS solutions de divers échantillons d'alcools dans | coocr 2 C” COOC2H5 AN ZA | CIS — CHI? — COOCTI l'éther de pétrole permet de contrôler leur pureté , et d'y déceler des quantités d’eau bien plus petites He que le centième. NC CO CHENE CAz” | | CHE — CH—COOC1H USE CO IT. — SYNTnÈsES. Après de très nombreuses et très intéressantes péripéties, la formule de constitution du camphre a élé enfin établie d'une manière définitive; après sa synthèse partielle, réalisée à partir de l'acide camphorique par M. Haller, M. Komppa vient enfin d'en faire la synthèse totale. On s'efforce, d'autre part, à préparer synthéliquement lous les compo- Le nouveau produit, hydrolysé, fournit un acide 7-cétonique : CIS CHS ZEN COI—CH/ \cO | | CB — CH? sés qui ont pu être obtenus en partant du camphre ou des corps qui s'y rattachent. M. Perkin junior et M'° Smith ont bromé, puis éthérifié l'acide xx-diméthylglutarique, puis enlevé à l'éther bromé une molécule d'acide bromhy- drique; ils ont ainsi obtenu un éther diméthylglu- laconique : CIF | CO*C#11%.C. CI. CHBr.CO?C21r | GIE CIF | = HBr - CO CH5.C.CH : CII. CO2CIF, | CII Ce dernier se condense avec le cyanacétate d'éthyle sodé en donnant un éther complexe : cl |. /CIR.CO®CH NME Ce CAz ; CH “cor que l'acide sulfurique étendu et bouillant hydro- lyse avec formation de l'acide isocamphoronique, qui s'est trouvé identique à celui qui provient de l'oxydation de l'acide +-campholénique : CIF | CH. CO2C2I Co*c#1r.C. ce Az CH | ù CH NGC + à H20 dont l'éther éthylique, lraité par l'iodure de mélhyl- magnésium, donne un éther-alcool tertiaire, aisé- ment déshydratable en campholytate d'éthyle : CH CH CHs cHe COOCH: : COOC?'H° Û CHE È CH C — 120 + Nc Nc ce | IBSCIE | || CH? — CH: CH3=— CH L'acide campholytique s'isomérise facilement en | acide isolauronolique. La synthèse des matières colorantes naturelles a fait aussi des progrès importants. En remplaçant, dans certaines préparations de l'indigo arlificiel, | la fusion alcaline par une fusion avec l’amidure de sodium AzH*Na, on à considérablement augmenté | le rendement en indoxylate de sodium, et par suite | en indigo : | cH | CH//\CH coon | | | + AZHENa CH( /C\ CH CH ÀÂH CH CHAN CC Na — AZI + | I + H°0. CHECK CH CH ÀÂzH D'un autre côté, M. Bohn a découvert un nou- | veau pigment bleu, ressemblant sous certains rap- , ports à l'indigo, en fondant à 200-300 la $-amido- 200 anthraquinone avec de la potasse ; il lui a donné le ‘nom d'indanthrène. De nombreuses synthèses dans le groupe des matières colorantes jaunes contenues dans les bois tinctoriaux ont été réalisées par M. de Kostanecki, qui a exposé lui-même le résultat de ses travaux dans un belle conférence, faite devant la Société Chimique de Paris, le 2 mars 1903. La constitution des matières albuminoïdes reste encore la partie la plus mystérieuse de la Chimie organique. Depuis les travaux mémorables de Schutzenberger, la contribution la plus impor- tante y a été apportée par M. Kossel, d'Heidelberg. Ce savant a appliqué des méthodes analogues à l'étude de matières albuminoïdes spéciales, qui se trouvent dans le sperme des poissons et aux- quelles il a donné le nom de protamines. La complexité moléculaire de ces protamines est moindre que celle de l’ovalbumine ; aussi M. Kos- sel a-1-il pu aller plus loin dans l'étude de leurs dédoublements. 11 a bien voulu exposer le résultat de ses magnifiques travaux devant la Société Chi- mique de Paris, lors de sa réunion annuelle, le 30 mai 1903. | Pendant que M. Kossel cherche à élucider, par la voie analytique, la constitution des albuminoïdes, M. E. Fischer tend au même but par la voie syn- thétique. S'inspirant des idées prophétiques émises par M. Grimaux dans son travail sur le colloïde m-amidobenzoïque, il cherche à préparer des pro- duits analogues aux albuminoïdes en formant des anbydrides internes des acides amidés. IV. — TRANSPOSITIONS MOLÉCULAIRES. L'invariabilité des liaisons des atomes de car- bone entre eux, se maintenant à travers les modi- fications de compositions provoquées parles agents . physiques et chimiques, a été longtemps consi- dérée par les organiciens comme une vérité inlan- gible. C'est sur elle qu'est basée la détermination expérimentale de la formule de constilution. On peut, en effet, considérer cette invariabilité comme une règle, mais comme une règle suscep- tible d'exceptions. On en connaît assez aujour- d'hui pour qu'il devienne important de les codi- fier, ce qui permettra sans doute d'en prévoir de nouvelles et de les utiliser. MM. Blanc et Blaise ont expliqué récemment le mécanisme de l'étrange transformation des dérivés : en & campholéniques et l'ont identifié avec celui de la pinacolinisation : CH CH CIE CH | Get CIE — C — GC — OH = CHE — C— G — OH | OL: CH CHE OI Piuacone. L. BOUVEAULT — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE ORGANIQUE \ CHe ro + ar CCR Le Pinacoline. co‘ cu CRE CO CHE 01 cH Ncéi OH Nc Nc 4 Ë i : TE Nc de = No Nc CH° | | CHE | CHE — CH? CHE — CHE Ac. & campholénique + H?0. CON [NC CH — CIE Ac. &-campholénique. Une autre transposition très inattendue vien d'être découverte par M. Demjanoff. Le nitrile l'acide hexahydrobenzoïque, réduit par le sodiur et l'alcool, fournit une amine, l'hexahydrobenzyla mine : CIE ca /N CH — CHE — AzHE ss Jeu CIE Cette dernière, traitée par l'acide nitreux, au liel de donner de l'azote et l'alcool hexahydrobenzy lique, est transformée en alcool subérylique, qu possède une chaîne fermée heptagonale : | CHE CHE cH2/ CH — CHOH ce CHAN jee " =. > CHI. à CIE Gil CIE ® 6 l CH? CIE Cette intéressante migration est à rapprocher d celle, établie autrefois par M. Tissier, de la & méthyléthylamine en méthylisopropylcarbinol, ré lisée au moyen du même acide nitreux : CH® | CH — C — CH? — AzH® + AzO'H | CIS CH | — Az° + H°0 -- CH? C = CH(OH)=0) Il gralion pinacolique. V. — NOTIONS NOUVELLES. $ 1. — Oxygène tétratomique. d'hydrogène; mais, si ces deux atomes sont re placés par deux radicaux alcooliques, l'atome 8 soufre n'est plus saluré dans le nouveau corps RSR A7 L. BOUVEAULT — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE ORGANIQUE 201 il est capable de se combiner avec un iodure alcoo- lique R'I, pour donner un véritable sel : R A Re Ni ? | comparable à un iodure d’ammonium quaternaire et où le soufre est létratomique. Ce sel, traité par l'eau et l'oxyde d'argent, fournit une base puissante: RSR R/ Non _ L'oxygène,si voisin du soufre à lant d’égards,ne pourrait-il pas se comporter d'une facon analogue? L'idée en elle-même n'est pas neuve et a cours depuis longtemps dans quelques laboratoires : je me souviens, en effet, avoir fait, en 1887, sur le con- _ seil de mon maître, M. Hanriot, une conférence sur Lozone, l'eau oxygénée et l’hydroxylamine, basée sur l'hypothèse de l'oxygène tétratomique. La théorie de l'oxonium, d'abord émise par MM. Collie et Tickle, a pris corps sous l'impulsion de MM. Baeyer et Villiger, qui ont groupé tous les faits s’y rattachant, et y ont apporté une importante contribution expérimentale. M. Friedel a annoncé, il y a longtemps, que loxyde de méthyle se combine avec l'acide chlorhy- drique sec; nous désignons maintenant celle com- binaison par la formule : CI ll cH/ “a Une foule d'éthers-oxydes se comportent de mème, mais leur lendance à se combiner aux acides est plus faible; cette tendance augmente beaucoup avec la complexité moléculaire des acides. C'est ainsi que les acides ferro et ferricyanhydriques donnent des combinaisons cristallisées avec presque tous les éthers-oxydes. La diméthylpyrone, éther-oxyde d'une espèce spéciale : Co donne un chlorhydrate qu'on peut faire cristalliser dans l’eau. Des faits intéressants dans cet ordre d'idées ont été apportés par M. Fosse, dans son | travail sur les dinaphtoxanthones. Enfin, la tétratomicité de l'oxygène permet d’ex- | pliquer le rôle de l’éther dans la formation des | réactifs organo-halogéno-magnésiens, rôle que M. Blaise a établi le premier. Il convient de repré- senter ces réactifs par la formule générale : CH 7R No CHAN re = xt $ 2. — Atome de carbone trivalent. Quand un corps simple possède plusieurs va- lences, les différences entre ces valences sont en général des nombres pairs. Nombre de chimistes se sont refusé à admettre des exceptions à celte loi, répugnant à la notion d’atomicité libre : il a bien fallu, cependant, l'accepter pour le bioxyde d’azole. Pour ce qui est du carbone, ses valences sont presque loujours saturées toutes les quatre ; il est divalent seulement dans quelques rares occasions, comme l’oxyde de carbone, les carbylamines, l'acide fulminique. Quant au carbone trivalent, peut-être existe-t-il dans le benzène et ses homologues, mais son existence n'y a jamais été soutenue par des preuves expérimentales. M. Gomberg, en traitant par le zinc en poudre le chlorotriphénylméthane dissous dans l’éther, le benzène ou l'acétate d'éthyle, a obtenu un composé ayant pour formule CSP CH C—, C‘H® quil à appelé le triphénylméthyle et qui constitue- rait un véritable radical libre. Ce composé jouit à un très haut degré des propriétés des corps non saturés; il se combine à l'iode pour donner CI(C‘H°)?. Les solutions, qui sont jaunes, absorbent énergiquement l'oxygène de l'air et fournissent la solution incolore d’un peroxyde (CSH5}— C.0.0.0C — (CSI). Le triphénylméthyle donne avec l'éther, le ben- zène, l'acétate d'éthyle des combinaisons molé- culaires cristallisées qui, dépouillées du dissolvant par la chaleur dans un courant d’acide carbonique, l'abandonnent à l’état amorphe. On a songé d’abord à doubler la formule du tri- phénylméthyle et à en faire l’hexaphényléthane (C'H°)"C — C(C'H°) ; mais, oulre que ses propriétés n'auraient guère convenu à l'hexaphényléthane, ce dernier à été préparé par une autre voie et s'est trouvé différent. La constitution du triphénylméthyle avec un atome de carbone trivalent est loin d’être indiscu- table, mais elle semble très vraisemblable. A un corps possédant comme celui-là des propriétés tout à fait exceptionnelles, pourquoi ne pas concéder une constitution également exceptionnelle? La Chimie est une science expérimentale : les concepts philosophiques doivent s'y incliner devant les résultats de l'expérience. L. Bouveault, Maitre de conférences à la Faculté des Sciences de Paris. 202 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 4° Sciences mathématiques Humbert (G.), Membre de l'Institut. — Cours d'Ana- lyse de l'Ecole Polytechnique. Tome 1. — 1 vol. in-8° de 482 pages avec 111 figures. (Prix : 46 fr.) Gauthier-Villars, éditeur. Paris, 1903. Ce livre est la première partie du cours professé par l’auteur à l'Ecole Polytechnique : il a donc été fait pour un auditoire d'une culture mathématique déjà avancée, désireux de profiter des plus récents progrès de la science, mais qui, dans l’ensemble, se destine plutôt aux applications qu'aux recherches de science pure; M. Humbert a très heureusement concilié ces tendances diverses : son livre, simple, élégant, rigou- reux, et d’une grande clarté, est à la fois très scienti- fique et très pratique; il rendra les plus grands services aux étudiants de nos Universités. L'ouvrage est divisé en trois parties : la première, consacrée au Calcul différentiel, débute en précisant quelques propriétés indispensables de continuité, et introduit aussitôt la notion des différentielles considé- rées comme infiniment petits, avec les applications géométriques les plus immédiates. Sont ensuite étudiés les changements de variables avec, dans le cas de plu- sieurs variables indépendantes, l'emploi systématique de la différentielle totale : le chapitre se termine par des notions intéressantes sur les transformations de contact, avec les transformations de Legendre et de Lie comme exemples. Puis viennent les propriétés générales des séries à termes réels ou imaginaires, les propriétés spéciales aux séries entières avec leur convergence uniforme, l'introduction des fonctions analytiques d’une variable complexe, uniformes et multiformes, des indications pratiques sur les dévelop- pements en séries entières considérées comme moyen d'approximation, et enfin la théorie des maxima et minima à un nombre quelconque de variables indé- pendantes. La seconde partie traite des principes du Calcul intégral; tout d'abord sont classés et décrits les types généraux d'intégration indéfinie conduisant à des fonc- Lions primitives élémentaires et dans lesquels l'élément différentiel est réductible à la forme rationnelle, lin- tégrale pouvant dès lors ètre considérée comme atta- chée à une courbe unicursale; puis vient la réduction aux formes canoniques des intégrales abéliennes atta- chées à y°=X, X étant entier par rapport à la variable x, et enfin la réduction aux intégrales elliptiques des intégrales attachées à une courbe de genre 1 : cette dernière question, en particulier, est traitée avec une simplicité et une élégance remarquables. On arrive ensuite à l'intégrale définie : l'auteur, après avoir exposé la conception en quelque sorte expérimentale et pratiquement si importante qu'en avaient les pre- miers inventeurs, montre la nécessité logique de pré- senter les choses à l'inverse : il définit d'une facon simple et rigoureuse l'intégrale définie comme limite de somme, en développe les propriétés, et en tire la définition de la mesure d'une aire plane, d'un arc de courbe, etc... ; en outre, il insiste comme il convient sur les précautions qu'exige l'intégration définie, par exemple quand la primitive est multiforme, ou encore lorsqu'on a recours au changement de variable; puis il étend la notion au cas de limites infinies, ou d'une discontinuité de l'élément, et donne les exemples usuels correspondants. Cette partie de l'ouvrage se termine par l'intégration des séries uniformément convergentes, la différentiation sous le signe / et ET INDEX l'intégration des différentielles totales, le calcul des coefficients d'un développement en série de Fourier, et les procédés approchés de quadrature. La troisième partie : Applications géométriques, débute par la théorie du contact des courbes ou des surfaces, traitée par la considération de l’ordre infi- nitésimal de la distance de deux points des éléments considérés, voisins du point de contact. Ensuite esl développée la théorie générale des enveloppes d'une famille de courbes ou de surfaces, simplement ou doublement inlinie, avec application aux surfaces dé- veloppables, aux congruences de lignes et leurs élé- ments focaux; cela conduit à l'étude des éléments osculateurs d’une courbe quelconque, de ses courbures et de ses développées. Le chapitre suivant traite de la courbure des surfaces : indicatrice, formule de la courbure d'une ligne tracée sur la surface en coordon- nées curvilignes quelconques et théorème de Meusnier, directions et rayons de courbure principaux; d'où l'étude des lignes asymptotiques et de courbure, avec la détermination de la cyelide de Dupin à deux séries de lignes de courbure circulaires, la correspondance si importante élablie par la transformation de contact de Lie entre les asymptotiques et les lignes de courbure, et la démonstration du célèbre théorème de Dupin sur les intersections de trois surfaces triplement orthogo- nales; enfin est indiquée la relation entre les lignes de courbure d'une surface et le système correspondant des zéodésiques sur la développée. Gette dernière partie de l'ouvrage se termine par des généralités sur les surfaces applicables : surfaces développables sur le plan, appli- cabilité d'un hélicoïde sur une surface de révolution, théorème de Gauss sur la conservation de la courbure: totale, et par des indications sur la représentation conforme d'une surface sur une autre, avec application au problème des cartes géographiques. M. LELIEUVRE, Professeur au Lycée et à l'Ecole des Sciences de Rouen. Marchis (L.),, l’rofesseur adjoint de Physique à la Faculté des Sciences de Bordeaux. — Leçons sur les moteurs d'automobiles et les applications indus- trielles de l’alcool au chauffage, à l'éclairage et à la force motrice. — 1 vol. 1n 4°, de 539 payes, avec environ 200 figures. (Prix : 16 fr.) V'e Dunod, éditeur, Paris, 1903. Dans une introduction fortement documentée, l’au- teur donne l'historique des tentatives diverses qui, à des époques parfois assez lointaines, ont précédé la naissance de l’industrie automobile : celle-ci ne remonte, on le sait, qu'à 1894, date de la course Paris-Rouen. Cet historique est suivi d’un tableau du développement de l’industrie en question, avec schéma des diverses voitures (systèmes à vapeur, à pétrole, électrique, pélro- léo-électrique), rappel des principales courses, etc. Dans les divers chapitres, sont successivement étu- diés : les combustibles des moteurs à explosion (pétrole, alcool, alcool carburé); les applications de lalcool à l'éclairage el au chauffage: les moteurs à explosion employés en automobile (mode d'action, refroidisse- ment, distribution, échappement, régulation, allumage) : l'équilibrage des moteurs et les vibrations des châssis; les moteurs à alcool. La conclusion est consacrée à la description du moteur de course moderne. Ces lecons, professées à la Faculté de Bordeaux, y constituent un cours de Physique industrielle. M. Mar- chis s'est efforcé, comme ül le dit lui-même dans sa PNR NN RE CERN SEEN ON PRIE CIN I PS CU BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 203 lecon de clôture, de rendre le tableau digne du cadre. Nous pouvons ajouter qu'il y à réussi par les dévelop- pements théoriques qui accompagnent la description des dispositifs pratiques. Nous citerons particulière- ment les passages relatifs au pétrole, à ses gisements, à son étude chimique; au manographe Carpentier-Hos- pitalier; à la pompe centrifuge; aux conditions de fonctionnement d’un carburateur à giclage; à l'équili- brage du moteur en général; aux vibrations des bâtis et châssis. Ces développements donnent lieu, cela va sans dire, à des considérations et à des calculs qui ne sont pas accessibles à tous les lecteurs; mais le chauf- feur le moins théoricien lira avec fruit, dans l’cuvrage de M. Marchis, les développements pratiques, qui y occupent une large place etsont fort clairement traités. GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines, 2° Sciences physiques De Marignac (J.-C. Galissard). — Œuvres com- plètes, publiées hors série, sous les auspices de Ja Société de Physique et d'Histoire Naturelle de Genève, par E. Anor. — 2 vol. 1n-4°, de 701 et 839 pages. (Prix : 30 fr.) Genève : Ch. Eggimann et Cie; Paris : Masson et Ci°; Berlin : Friedlander et lils, 4903. S'il est un monument digne de la mémoire d’un savant de haute valeur comme M. de Marignac, c'est certainement la publication de l'ensemble de ses œuvres. Ce soin pieux, la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève l’a assumé, avec le concours de M. E. Ador, gendre de Marignac et, comme lui, profes- seur à l'Université de Genève. Dans une Notice magistrale, qui sert d'introduction à ces deux très beaux volumes, M. Ador résume la vie, toute de labeur modeste, de Marignac, et donne une analyse raisonnée des travaux de celui-ci. Si Marignac appartient. à Genève par sa naissance et par l’enseigne- ment qu'il y donnait, la France peut revendiquer en lui l'ancien polytechnicien, l'ingénieur au corps des mines qu'elle a cédé à la Suisse. Mais son œuvre admi- rable est aux deux pays ; elle a résisté au temps, et les travaux postérieurs l’ont confirmée; elle est définitive- ment acquise à la Science. L'origine des recherches de Marignac peut se rattacher à une idée directrice : la vérification de l'hypothèse de Prout, que les poids ato- miques des corps simples sont multiples de celui de l'hydrogène. La plus grande partie de son activité scientifique a donc été dirigée vers la détermination des poids atomiques avec la plus grande exactitude possible : voici ceux dont on trouvera l'établissement dans ses œuvres : Ag, Az, Ba, Bi, Br, Ca, C, Ce, CI, Co, Di, Er, Gd, I, La, Mg, Mn, Ni, Nb, Pb, K, Si, Sr, Ta, Te, MY b; Zn, Ze. De mème, ses nombreuses recherches cristallogra- phiques, qui sont accompagnées de très belles planches de cristaux, avaient pour objectif de trouver de nou- velles preuves à l'appui de la théorie de Mitscherlisch sur l’Isomorphisme, et de discuter les formules des sels complexes. C’est ainsi qu'il a été amené à ses tra- vaux célèbres sur les fluosilicates, les fluotungstates, les fluozirconates, les fluostannates, les silicotungstates ; là, comme dans ses études minéralogiques, s'est mani- festée sa préoccupation des relations entre la compo- sition atomique et la forme cristalline : il a même traité la question dans plusieurs Mémoires spéciaux. Toujours guidé par des idées générales, mais avant tout expéri- mentateur avisé et serupuleux, il fut un des précur- seurs de la Chimie physique, par ses études sur la dif- fusion des solutions salines et sur les chaleurs spéci- liques de celles-ci, afin d'y trouver des relations stæ- chiométriques. L'un des premiers à adopter (1865) la notation atomique, le souci d'appuyer la théorie d'Avogadro l'amène à la publication d’un Mémoire sur la chaleur de volatilisation du sel ammoniac, suivi bientôt de plusieurs autres sur les systèmes de nota- tions chimiques, les équivalents, etc. Parmi les parties les plus intéressantes de ses œuvres, nous devons citer ses nombreux Mémoires sur les terres rares, que les travaux récents n'ont fait que compléter, et que Sainte-Claire-Deville qualifiait de «travail de bénédictin expérimenté »; leur étude devra précéder toute tentative de prendre connaissance de ces délicates questions. Le second volume se termine par de fort intéressantes « Réflexions sur le groupe des terres rares », à propos de la théorie de Crookes sur la genèse des éléments. Enfin, nous ne devons pas oublier de mentionner de nombreux travaux de Minéralogie et de Thermochimie qui s'ajoutent encore à tout ce que nous venons d’énu- mérer. Cette édition définitive des œuvres de Marignac à bénéficié des notes manuscrites et des corrections de l'auteur lui-même, permettant ainsi d'éliminer les fautes d'impression ou les erreurs numériques. Ces deux volumes auront leur place marquée dans toute bibliothèque de Chimie minérale, de Chimie physique ou de Minéralogie. Tous les hommes de science sauront gré à la famille de Marignac et à la Société de Phy- sique de Genève d’avoir réuni un pareil recueil d'aussi importants travaux. h A. DE GRAMONT, Docteur ès sciences. 1 Janson-de-Sailly. — Manuel théorique et pratique d'Electricité. — 1 vol. petit in-8° de 360 pages avec 216 figures. Librairie Hachette et Ci°, Paris, 1903. Le nouveau programme d'enseignement des lycées exigeait de nouveaux manuels qui lui fussent particu- lièrement adaptés. L'apparition de tels ouvrages ne s’est pas fait attendre. Celui dont M. Chassagny vient d’enri- chir la Bibliothèque scolaire répond à ce besoin du moment, et, déjà pour cette raison, serait favorable- ment accueilli des professeurs et des élèves dans les classes supérieures des lycées. Mais l'esprit élevé dans lequel il est concu, la parfaite clarté des exposés, le sens pratique qui transparaît en maint détail lui assureront un cercle de lecteurs beaucoup plus étendu. Dès les premières pages, apparaît la préoccupation d'établir solidement quelques principes généraux avant d'abor- der le chapitre spécial de la Physique auquel l'ouvrage est consacré. En somme, l'Electricité n’est qu'une forme particulière de l'énergie; on en rencontrera les diverses manifestations en étudiant les phénomènes particuliers — attractions, production de chaleur et de lumière, modifications de l'état chimique des corps — auxquels donne lieu sa présence ou son mouvement. Mais tous ces phénomènes sont soumis à quelques principes plus compréhensifs, qui sont ceux de la Mé- canique et de l'Energétique. Des pages très claires in- diquent les grandes lignes de ces principes, que le lecteur ne devra pas oublier, et qui lui donneront un fil conducteur à travers le dédale des faits particuliers traités au cours de l'ouvrage. C’est là un excellent dé- but, montrant avec quel soin l’auteur a pensé son livre avant de l'écrire, et quel souci il a eu de donner au lecteur une bonne orientation. Dans un ouvrage correspondant au niveau des lycées, on ne peut pas encore être subtil; on ne soulèvera pas la question de savoir si le champ est le phénomène principal et l'électricité une résultante, ou si quelque chose existe qui puisse porter le nom d'électricité et à la présence duquel est dù le champ ambiant. On don- nera surtout des définitions, en laissant seulement pressentir ce qu'a d'hypothétique, en dehors du champ lui-même, la cause qu'on peut lui attribuer. C'est ainsi que procède M. Chassagny; il parle des deux électricités, et entoure les conducteurs de signes posi- tifs et négatifs. Mais, à côté de cette représentation des phénomènes, il insiste beaucoup sur l'existence et la forme du champ, dessine les surfaces de niveau et les lignes de force, et consacre même quelques pages à Chassagny (M.\, Professeur de Physique au Lycée =" , v u 20% l'exposé du théorème fondamental de Gauss et de ses applications. Un court chapitre, englobé dans l'Electricité statique, traite des phénomènes lumineux dans les gaz raréfiés, des rayons X et des diverses radiations découvertes dans ces dernières années. On peut se demander si c’est bien là que devait être fait cet exposé; il n'y est peut- être pas plus mal qu'ailleurs, mais il n'y est pas beau- coup mieux. Le passage de l'électricité statique à l'étude du cou- rant est très naturel. L'auteur rappelle qu'une machine statique arrive à un état stationnaire si ses supports ne sont pas parfaitement isolants, et qu'on peut régler cet état à volonté en la reliant au sol par un fil mauvais conducteur. L'écoulement de l'électricité devient alors évident, et ses lois peuvent être établies par l’expé- rience. C'est la méthode instinctive, à laquelle rien ne peut plus être objecté, depuis que le phénomène de Rowland est définitivement confirmé. Elle n'est pas vieille cependant dans l'enseignement élémentaire, où, jusqu'à ces dernières décades, on séparail soigneu- sement les deux aspects des phénomènes électriques, frappé que l’on était surtout par les manifestations sta- tiques à très haut potentiel et par les phénomènes dynamiques à potentiel peu élevé. D'ailleurs, il n’a pas fallu moins que la machine rhéostatique de Planté, avec son élévation graduelle du potentiel d’un couple d'éléments jusqu'à une brillante étincelle, pour amener, dans l'esprit de bien des physiciens, la conviction de l'identité des charges électriques produites par les piles ou les machines. A l'étude des propriétés du courant succède celle des sources, puis l'exposé des phénomènes magné- tiques. Ici encore, l'étude des lignes de force du champ est partout au premier rang, ef, dans ce sens, l'ouvrage est absolument moderne.Peut-êtreeüt-on pu l’alléger de la description des anciennes méthodes d’aimantation, les ennuyeuses simple touche et double touche, bonnes à exposer à l’époque où il fallait absolument trouver quelque chose à dire. Mais il me semble que, dans un ouvrage moderne, elles tiennent une place inutile. Il me paraïtrait bien plus utile de donner quelque part dans les applications un procédé de désaimantation, car, aujourd'hui, la difficulté n’est pas tant de se procurer un aimant que d'éviter l'aimantation des pièces d'acier. L'étude de l’Electrodynamique et de lInduction achève la partie théorique de l'ouvrage. Une centaine de pages sont ensuite consacrées aux applications machines fondées sur l'induction, mesures électriques, télégraphie, éclairage, etc., sans oublier le four élec- trique et la soudure à l'arc. J'ai insisté sur la clarté avec laquelle l'ouvrage est écrit, et je n'ai pas à y revenir; un détail encore pour montrer combien l’auteur en a le souci : les figures sont nombreuses, et chacune d'elles est accompagnée d'une légende complètement explicative, dont la lecture suffit à tout comprendre, et dont le texte n'est que le commentaire. C'est là un excellent procédé d'ensei- gnement, et qui seul permet de tirer de l'illustration tout ce qu'elle peut donner. CH.-En. GUILLAUME, Directeur adjoint au Bureau international des Poids et Mesures. 3° Sciences naturelles Mangin (L.) et Viala (P.. — La Phthiriose de la Vigne. — 1 vol. grand in-8° de 112 pages avec 5 planches et 55 fiqures. (Prix : 10 fr.) Bureaux de la « Revue de Viticulture », Paris, 1903. MM. Mangin et Viala publient, à l'occasion d'une maladie récemment observée sur des vignes de Ja Palestine, un travail dont l'importance dépasse de beaucoup celle d’une étude de Pathologie végétale; il représente plutôt une contribution d'un grand intérêt à la Biologie générale. On sait que, dans les temps les plus reculés, les vignes de la Palestine furent frappées BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX d'une maladie attribuée, par les textes anciens, à un ve ou à un pou; on essaya même, au début de la cris phylloxérique, mais sans succès, d'identifier le nouvea parasite avec le parasite ancien se réveillant après de longs siècles d'innocuité. La maladie actuelle, au com traire, paraît bien être, sinon semblable dans ses mani festations à la maladie ancienne, du moins provoqué par le même parasite. Pour étayer leur conviction les auteurs n'ont pas hésité à compulser les texte hébraiques et les auteurs grecs. Le chapitre de han érudition qu'ils consacrent à cette discussion sembl bien prouver que la maladie actuelle est attribuable partie au « pou » des anciens; c'est pour cette raison que MM. Mangin et Viala ont conservé à cette affectial le nom de « phthiriose », que lui avait donné Strabor La cause primordiale de la maladie est le parasitism d'une cochenille, le Dactylopius vitis Nedzelsky, cochenille blanche. Cette cochenille à un habitat trè étendu et se rencontre dans toutes les régions chaudes de la culture de la vigne; mais le mode de vie qu'ell a adopté en Palestine paraît bien spécial à cett contrée; tandis que, dans toutes les régions où elle été étudiée, Crimée, Tunisie, Portugal, midi de 4 France, la cochenille blanche mène une vie simple exclusivement aérienne, sur les rameaux et les feuill où sa piqûre provoque un abondant écoulement séveux en Palestine, le même parasite a une vie exclusivement souterraine, radicicole et compliquée de la plus curie des symbioses avec un genre nouveau de Champignon: le Bornetina corium. Chacun de ces habitats s'accome pagne de lésions propres, dactylopiose sur les organes aériens, phthiriose sur les racines. Bien qu’on n’obse pas actuellement de dactylopiose en Palestine, les auteurs ont voulu s'assurer de l'identité du parasite, en faisant une étude zoologique très minutieuse; ont, de plus, constaté que les lésions des ceps dactylop éraillures, dépôts vernissé et poisseux, diffèrent com= plètement des lésions de la phthiriose. Si, le plus souvent, dans nos pays, la présence du Dactylopius des autres cochenilles s'accompagne de la présence de la fumagine, il ne saurait y être question d'une sorte de symbiose; car, d'un côté, la cochenille ne tire aucun bénéfice du champignon, fuit même les places noircies$ de l’autre, le développement de la fumagine est incons= tant et parait lié non seulement à la présence de k cochenille, mais aussi à l'humidité de l'atmosphère: Les lésions de la phthiriose sont bien différentes et tout à fait singulières La cochenille pique les racine comme les organes aériens, en dégorgeant de grand quantités de sève. Le champignon symbiotique, le Ba netina corium, se développe aux dépens de cette sève et forme, par son mycélium, un manchon qui a la cons sistance du cuir; ce manchon enveloppe les racines sans jamais les pénétrer et détermine leur mort en les frappant d'asphyxie; il constitue un véritable fourreat à l'intérieur duquel circulent les cochenilles. Ce production pathologique, sans exemple dans l'histo des affections végétales, ne laissa reconnaitre sa nature qu'après la découverte des spores du champignon. Ge mycélium forme un feutre que l’on coupe au coute comme du cuir ou du caoutchouc; son épaisseur € d'environ six millimètres. Il existe toujours un vidé entre la face interne du manchon et la face externe de la racine, et c'est dans ce vide que circulent les coche nilles. La face interne du manchon, différente de la surface externe, est tapissée par une fine couche cotons neuse qui se couvre, à un moment donné, d'une pous sière couleur chocolat, formée par les nombreuses spores du Bornetina corium. La sporulation se produit lorsque le champignon n'est plus nourri, par les sucs cions moins abondantes des cochenilles sur des racin épuisées et plus ou moins asphyxiées par la gain imperméable du Bornetina. C'est à ce moment que les cochenilles émigrent vers d’autres points des racines, elM emportant, fixée à leur corps, de la poussière de spores: Dès lors, une modification profonde se produit dans le cuir mycélien; il durcit et se retrécit. Les membranes céliennes gélifiées sont agglomérées avec des grains rre et acquièrent une dureté comparable à celle du ciment. La dernière partie du travail de MM. Mangin et Viala, nsacrée à l'étude histologique et expérimentale du mpignon, n’en est pas la moins intéressante. Pen- deux années successives, les auteurs ont cultivé champignon sur les milieux les plus divers et dont ombre n'est guère inférieur à une centaine; ils ont btenir artificiellement toutes les particularités de anisation du Bornetina, notamment la formation uir; ils ont suivi le processus de la sporulation et hors de doute ce fait important que la forme et dimension des spores varient avec le milieu de cul- e. Quant à la place systématique du champignon, uteurs en font un groupe spécial, celui des Bor- ées, qu'ils rangent provisoirement entre les Usti- inées et les Basidiomycètes. sociation du Bornetina et du Dactylopins ne peut re s'interpréter que comme une symbiose. Toutes entatives faites par les auteurs pour inoculer le impignon ont échoué; c'est donc un saprophyte, et prophyte qui ne peut évoluer qu'associé au Dac- jus, parce qu'il se nourrit des sucs dégorgés par dernier. Le Dactylopius retire-t-il quelque bénélice ette association? La vie aérienne du Dactylopius les régions autres que la Palestine, sa vie aérienne outerraine en Palestine durant les temps hébraïques, ie aujourd'hui exclusivement souterraine dans cette me région, donnent à penser que l'habitat souterrain un habitat acquis, provoqué par l’extrème séche- et l'extrême chaleur du climat syrien ; que, de la vie souterraine étant insuffisante pour le dre contre des conditions si défavorables, le Dac- us n'a pu se protéger de facon efficace qu'en pciant symbiotiquement avec le Bornetina. Cette othèse séduisante des auteurs s'appuie sur des con- rations très démonstratives, relatives au change- de climat qui a affecté cette région depuis le dé- des temps historiques. De nombreuses figures et de es planches, dont quelques-unes en couleur, com- lént fort heureusement ces belles recherches. ‘4 F. PécHOUTRE, Professeur au Lycée Buffon. 4° Sciences médicales gues de Fursae (J.). — Manuel de Psychiâtrie. = vol. in-8° de 314 pages. (Prix : 4 fr.) Felix Alcan, diteur, Paris, 1903. uteur s'est efforcé de concentrer, dans un petit & aisément transportable et facile à consulter, les maissances psychiatriques nécessaires à tout mé- in. On peut dire qu'il y a réussi. On œuvre n'est pas seulement pratique : dégagée théories, elle constitue une mise au point des prin- x chapitres de la Pathologie mentale, et elle pose ment les problèmes que la Psychiâtrie de l'avenir à résoudre. livre est divisé en deux parties. première traite de la Psychiâtrie générale et com- d l'étude des causes, des symptômes et du traite- des troubles mentaux, envisagés indépendamment eclions dans lesquelles ils se rencontrent. es sujets traités dans cette première partie, no- ent dans le chapitre de la séméiologie, sont ne mportance primordiale. Une connaissance pré- e des troubles psychiques élémentaires (illusions, uemations, troubles de la conscience et de l'atten- lion, etc.) est indispensable à qui veut connaitre la enèse et l’évolution des psychoses. | 4 deuxième partie du manuel est consacrée à la Ps chiâtrie proprement dite, c'est-à-dire à l'étude indi- “a + des maladies mentales. Donont grouper ces affections ? ‘a Anatomie pathologique permettrait d'établir entre elles des catégories étayées sur une base réelle; mais, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 205 les lésions de la plupart des psychoses étant inconnues, toutes les classilications proposées jusqu'ici en Patho- logie mentale sont forcément artilicielles. L'auteur à choisi la plus pratique, la plus commode, pour établir un pronostic et instituer un traitement. Il adopte celle de Kraepelin, professeur à l'Université d’Heidelberg, en y apportant cependant quelques modifications. On ne peut reproduire ici cette classification et donner la liste des formes psychiques, qui, dans cette partie de l'ouvrage, sont passées en revue. Ce que l’on peut dire, c’est que ce livre trouve bien sa place dans la bibliothèque du praticien ou de l'étu- diant qui veut commencer à se familiariser avec l'étude de la Psychiâtrie. D' HexrY MEIGE. Paris (A.). — Contribution à l'étude des modifi- cations sanguines chez l'enfant äiphtérique traité par le sérum antidiphtérique (7hèse de la Faculté de Médecine de Paris.) — 1 vol. in-8°. J. Rousset, éditeur, Paris, 1903. Un grand nombre d'observateurs ont étudié les mo- ditications du sang chez les malades atteints de diph- térie et chez les animaux inoculés avec la toxine ou l'antitoxine diphtérique. Les résultats obtenus ne sont pas absolument con- cordants et certains faits ont été laissés dans l'ombre. Aussi devons-nous savoir gré à M. Albert Paris d'avoir repris la question et d'en avoir fait le sujet de sa thèse inaugurale. Le travail de cet auteur, basé sur vingt-trois obser- vations et seize expériences, à élé conduit avec tout le soin désirable. Si la lecture en est un peu aride, les conclusions nous semblent fort intéressantes. M. Paris à étudié trois problèmes différents : il a recherché les variations des leucocytes, les variations quantitatives des globules rouges, les modifications de la résistance globulaire. Dans chacun de ces trois cha- pitres, il a mené de front l'examen du sang chez les enfants malades et chez les animaux intoxiqués; enfin, il s'est attaché à mettre en évidence l'influence du sé- rum spécifique. 10 Variations des leucocytes. — La diphtérie déter- mine chez l'enfant une augmentation des leucocytes, avec prédominance des polynueléaires. L'injection du sérum diminue l'hyperleucocytose et agit d'autant plus rapidement que le cas est moins grave. Si, dans un délai de trente minutes à cinq heures, la modification ne s'est pas produite, c'est que la dose de sérum est insuffisante : il faut pratiquer une nouvelle injection. Dans presque tous les cas, on observe, une demi- heure à deux heures après l'injection, une augmenta- tion des polynucléaires neutrophiles. Quelques heures plus tard, le nombre de ces cellules diminue; cette diminution est retardée dans les cas graves. 2 Variations des globules rouges. — La diphtérie diminue le nombre des globules rouges. L'injection du sérum provoque une légère hypoglobulie, suivie d'un retour à la normale et, plus tard, d'hyperglobulie. 3° Résistance globulaire. — Chez les enfants diphté- riques n'ayant pas recu de sérum, on observe une aug- mentation de la résistance minima (R,) des globules rouges et une légère diminution de la résistance moyenne (R,)'. Après les injections de sérum, R, diminue, revient au chiffre normal et parfois le dé- passe; pendant la convalescence, il demeure augmenté; KR, ne se modifie guère. Chez les animaux, à la suite d'une injection de toxine diphtérique, R, et R, diminuent. Après l'injec- tion de sérum, R, et R, redeviennent normaux. Après SRE RE EU PU ET ARS ‘ La résistance minima est déterminée par la solution où commence la destruction globulaire : chez les enfants normaux, elle est de 4% à 48 o/, de NaCI. La résistance moyenne est donnée par la solution dans laquelle le sang parait laqué : elle est, d'après Paris et Salomon, de 32 à 36 v/, de NaCI. 206 une deuxième ou une troisième injection de sérum, R,etR, diminuent; R, redevient normal au bout de deux à cinq heures; R, reste diminué. Quand on introduit seulement le sérum antidiphté- rique chez les lapins normaux, on voit diminuer rapi- dement R, et à un degré moindre R,. Au bout de trois à six heures, R, redevient normal, R, reste un peu diminué. Au bout de vingt-quatre heures, il n°y à plus de modifications appréciables. En répétant les injections de sérum, on observe des modilications analogues, mais moins marquées el moins durables. Nous avons insisté sur le dernier chapitre du travail de M: Paris, car ses recherches sur la résistance globu- laire constituent la partie la plus nouvelle et la plus originale de l'intéressant Mémoire que nous venons d'analyser. D' H. Rocer, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine, Médecin des Hôpitaux. 5° Sciences diverses Dumolard (Henry). — Le Japon politique, écono- mique et social. — { vol. 1n-12 de viu-342 pages, (Prix : 4 fr.) Librairie Armand Colin. Paris, 1903. Cet ouvrage est le fruit d'observations de trois années, rendues plus complètes et plus précises par le fait que l’auteur a occupé, pendant son séjour au Japon, la chaire de droit francais à l’Université Impériale de Tokio. Cette situation officielle a permis à M. Dumo- lard de mettre dans son livre tout autre chose que des impressions de voyageur. Il n’y faut pas, sauf excep- tions rares, chercher la page descriptive ou anecdotique : c'est un tableau systématique « des divers organes essentiels de la vie politique, économique et sociale de ce pays en pleine transformation » (p. VI). Ainsi le volume complète, de la facon la plus attachante et la plus utile, diverses études nouvelles, dont l'inspiration lut toute différente. Il met à la portée du public français ce qu'il est actuellement possible de savoir sur les ressources, les moyens d'action et la puissance de ce Nippon, que les Européens rencontrent en face d'eux dans l’'Extrème-Orient. Après un chapitre d'introduction (« Un peu d'his- toire »), dans lequel M. Dumolard fait ressortir les étapes et les dates importantes de la transformation du Japon, se place l'exposé de l’état politique de l'Em- pire. L'auteur montre combien le pays est encore loin de posséder une constitution fixée, et combien il lui reste à faire pour l’organisation du régime parlemen- taire. La place grandissante occupée par les politiciens en face des hommes de 1868, le fonctionnarisme, ont des traits de ressemblance avec certains Etats occiden- taux. Mais le Japon se distingue encore par la survi- vance et la puissance des anciens clans, que n'ont fait disparaitre, ni la suppression du système féodal, ni la création, en 188#, d’une noblesse nouvelle. Un autre caractère particulier est l’infériorité de la presse en général. IT faut lire en détail toute cette partie de l'ou- vlaäge pour souscrire au jugement de l'auteur, qui estime (p. 55) que « le peuple japonais n'a pas gagné beaucoup à la transformation politique ». Avec le chapitre VI commence l'étude des questions économiques et sociales, qui intéresseront de plus près les lecteurs de la Aevue. La situation financière du Japon, tout d'abord, appa- rait comme peu brillante. Après une liquidation coù- teuse de l’ancien régime, l'Empire est entré, autant par l'action de certains hommes d'Etat que par la force des circonstances, dans la voie des grosses dépenses d'ad- ministration, de guerre et de marine, sans compter l'intérêt exigible de la dette, qui dépasse déjà 4 milliard 250 millions. Ce mouvement, qui s'est accentué depuis la guerre contre la Chine et le traité de Simonoséki, n'est pas sans donner des craintes pour l'avenir : quoique de nouvelles ressources deviennent sans cesse nécessaires, le Gouvernement échoue dans ses tenta- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX tives pour augmenter l'impôt (qui s'est accru M 250 millions de francs en trois ans); et, d'autre part, 0 éprouve des difficultés extrèmes, soit à faire couv les emprunts extérieurs, soit à trouver des prêteurs dehors. Le Japon est demeuré un pays surtout agricole. Poul la consommation de ses 45 millions d'habitants |surum superficie de 380.000 kilomètres carrés seulement} importe fort peu de denrées alimentaires. C'est que so sol, dont 5 seulement est exploitable, et dont la ferti lité n'est que moyenne, fournit d'énormes rendemenl (principalement en riz), grâce à la division extrême la propriété et à la minutie du travail. Il est curieux voir, dans ce milieu routinier, naître et se développe ces associations de mutualité rurale, comme la « Hoto kousha », décrite (p. 114 et suiv.) par M. Dumolard: En dépit de très sérieux progrès, dont le mérite vient surtout au Gouvernement, le Japon ne présen guère, au point de vue industriel, que la « brillam facade d'un édifice factice et sans solidité » (p. 43€ L'auteur ne croit pas au péril économique Japonal même en ce qui concerne le placement des march dises nipponnes en Chine, aux dépens des produi européens. Le manque de dressage, les défauts im rents au tempérament des ouvriers du pays, la divisie des capitaux entre une foule de sociétés, en seraient raisons principales. On ne peut pas ne pas être frappl par exemple, de ce fait que les chemins de fer, dont construction a débuté en 1872, n'avaient atteint, en 190 que la longueur de 3.600 milles anglais, et se trouvaie aux mains de cinquante-huit compagnies. 0 La persistance de mauvaises méthodes commercial l'absence de moralité en affaires, la hausse contint du prix de la main-d'œuvre (en dépit de l'emploi di proportionné du travail des femmes et des enfants), obstacles que la législation apporte à l'entrée des cap taux étrangers (notamment par l'interdiction à Européens de posséder le sol), sont évidemment aus des causes d'infériorité. Cependant, M. Dumolardiii siste avec raison sur le fait que les marchandises m nufacturées dans les usines du Japon figurent main nant dans l'exportation pour une proportion de 784 C'est l'indice d'un indéniable essor, sensible surtoule ce qui regarde les industries du coton, et suffisammael expliqué par l'augmentation d'une population qui peut tout entière subsister par l'agriculture. ; Le passage de la production familiale à l'industnii lisme à posé, plutôt que fait naître, la question socld On lira avec un vif intérêt, dans l'ouvrage de M. Dum lard, les pages consacrées au paupérisme, parmi Me quelles la description de certains quartiers de Tok (p. 178) m'a particulièrement frappé. x Les chapitres IX à XI, sur l'instruction publique religion, le féminisme, l'art, font ressortir lunM vices fondamentaux de l'âme japonaise : l'orgueils montrent le curieux mélange qui existe aujourd'huMe ce pays, de limitation à la fois servile et dédaigneu de l'Occident, avec la persistance des vieilles traditio Jusque dans la rédaction de leurs codes (18N2-99) Japonais apparaissent comme des parvenus mal M grossis. Les trois derniers chapitres, qui concernent la re sion récente des traités avec l’Europe et les Etats-Uni la politique extérieure, les agissements du Japon Corée, perdraient à être résumés ici. Deux idées trices de la diplomatie nipponne s'en dégagent : le Jap! veut être traité d'égal à égal par les puissances €l sées, et il a la haine du Russe. J. Macuar, | Agrégé d'Histoire et de Géograpl Professeur au Lycée de Bourges | | | | # Ce comple rendu était déjà écrit lorsque, au commen ment du mois, les hostilités ont éclaté entre le Japon ebl Russie, La tournure des événements, en venant à l'appule certaines idées exprimées par M. Dumolard, donne à Sûl livre un puissant intérêt d'actualité. (N. pe LA Din.) Séance du 1* Février 1904. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Guichard éludie istèmes de deux surfaces dont leslignes de courbure ojettent sur un plan suivant les mêmes courbes. recherche de la représentation sphérique de ces ces revient à celle des surfaces dontles plans prin- x sont conjugués par rapport à une quadrique de ülution. — M. A. Pellet communique ses recher- sur les fonctions entières. — M. Edm. Maillet les fonctions monodromes et les nombres trans- dants. — M. J. Janssen présente l'Atlas de photo- es solaires exécutées à l'Observatoire de Meudon. J. Guillaume communique ses observations du Lfaites à l'Observatoire de Lyon pendant le troi- & trimestre de 1903. Le nombre des groupes de es et leur surface lotale ont diminué légèrement rapport au trimestre précédent, Le nombre des es de facules et leur surface ont, au contraire, ayonnement solaire à Varsovie depuis 1901. Il à iStaté une diminution considérable de ce rayonne- Là partir de mai 1902, laquelle à atteint son plus übdegré au printemps de 1903. SCIENCES PHYSIQUES. — M. C. Chabrié décrit le Gipe de la construction d'un appareil d'optique mé à obtenir de très forts grossissements. — “C: Gutton à constaté que, chaque fois que du sul- ë de calcium phosphorescent est placé dans un ph magnétique non uniforme, il devient plus e. L'action d'un champ uniforme est nulle. — ug. Charpentier à observé qu'une lame d'acier mpée, productrice de rayons N, promenée sur le gauche du crâne, agit sur les centres cérébraux oduit un certain accroissement de l'éclairement rent des objets extérieurs. — M. Ed. Meyer à taté que les végétaux maintenus à l'obscurité ent continuellement des rayons N. — M. J. Ber- a essayé de déterminer expérimentalement le meilleur vêtement par des expériences sur un buste en ire rouge, rempli d'eau à la température de 37°. Il enu entre les temps que met le buste à se refroidir ou couvert de différents vêtements des rapports qui urent la valeur du vêtement ou son coefficient de dtection. — M. H. Moissan a observé qu'un mélange hme et en poudre fine de chaux vive et de charbon sucre ne réagit pas après dix minutes de chauffe à lempérature de fusion du platine. Le carbure de lium fond à une température supérieure à celle de lüusion du platine. — M. A. Trillat a reconnu que les Sülütions colloïdales de manganèse obtenues en pré- once de l’albumine et d'un alcali possèdent les pro- és d'un ferment oxydant. — M. H. Pélabon à ié la fusion des mélanges de trisulfure d'antimoine #ldantimoine. — MM. P. Sabatier el A. Mailhe, en Sant passer un mélange de vapeurs de composés halo- nés aromatiques et d'hydrogène sur du nickel réduit, _Sonb parvenus à remplacer les halogènes par de l'hydro- _sène sans addition d'hydrogène au noyau. — M. A. Béhal à préparé le B-campholénol-1 ou alcool campho- nique, isomère du bornéol, par réduction du umpholénate d’éthyle inactif ; c’est un liquide bouillant 420-216. Par ébullition prolongée avec H#SO*, il donne WMOxXyde. — M. R. Fosse à préparé de nouveaux dinaphtopyranes substitués par copulation des sels de dimäphtopyryle avec les trois crésols ortho, méta et Puis — M. E. E. Blaise, en condensant les nitriles ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES 207 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER RCAZ avec l'iodure d'allyle en présence de zine, à obtenu des dérivés organométalliques qui sont décom- posés par l’eau avec formation d’AZIF et des cétones CIE : CH.CIE.CO.R. — M. Ch. Moureu a obtenu, par l'hydrolyse sulfurique à chaud des acides éthyléniques £-oxyalcoylés R.C(OR") : CIT.CO®H, les acétones R.CO.CH*. Ces mêmes acides sont décomposés par la chaleur en CO? et carbures R.C(OR’):CHE, qui sont hydrolysés à leur tour en acétones R.CO.CHF et alcools R'OH. — M. P. Freundler poursuit ses recherches sur les azoïques el la réduction des composés nitrés. — M. E. Demoussy à vérilié que la croissance rapide des végétaux sous châssis n’est pas seulement due à la température élevée, mais doit, en outre, être attribuée à l'acide car- bonique dégagé par le fumier. Il est probable qu'en plein air, les plantes de faible hauteur profitent aussi de CO? dégagé par le soi. —MM. Bouilhac et Giustiniani ont constaté que diverses plantes supérieures non légumineuses peuvent profiter de l'azote aérien fixé par certains organismes végétaux inférieurs (algues et bactéries); la matière azotée produite est assez diffusible pour permettre le développement rapide des végétaux. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Arm. Sabatier montre l'existence de mains des ceintures chez les Poissons holocéphales et chez les Dipneustes. Il y a une relation entre la situation des orilices branchiaux et des mem- bres et le développement des mains des ceintures. — M. R. Anthony, étudiant l'orientation des Tridacnes, montre qu'ils n'ont subi aucune torsion et doivent probablement leur aplatissement à leur genre de vie el à l'action de la pesanteur. — M. G. Coutagne étudie la sélection des caractères polytaxiques dans le cas des croisements mendéliens. — M. J. Anglas montre les rapports du développement de l'appareil trachéen el des métamorphoses chez les Insectes. — M. R. Dubois signale l'emploi des rayons X à la recherche des perles chez les pintadines vivantes; on peut opérer sans blesser les animaux et rejeter à la mer ceux qui n'en contiennent pas. — M. P.-P. Richer à reconnu que les fleurs de Sarrasin sont toujours stériles après polli- nisation directe ou indirecte (entre fleurs de même forme de la mème plante); elles sont très peu fertiles après pollinisation croisée illégitime entre fleurs de mème forme de plantes distinctes; elles sont très fer- tiles après pollinisation croisée légitime entre fleurs de forme différente de plantes distinctes. — Mi M. Stefa- nowska à étudié la croissance en poids de plantes cultivées dans l'eau additionnée de sels nutritifs. L'ac- croissement de la masse végétale en fonction du temps suit une loi mathématique rigoureuse. — MM. P. Viala et P. Pacottet sont parvenus à obtenir de belles cul- tures de black-rot sur divers milieux (infusion de hari- cots, etc.) après plusieurs passages sur moût de raisins verts. L'acidité favorise leur développement et de fortes doses de sucre le retardent ou l'empêchent. — M. L. de Launay montre que le phosphore a pu jouer, dans la métallurgie du globe, soit à l'état libre, soit à l'état de H#PO®, un rôle de minéralisateur. — M. P. Lemoine signale la présence de l'Oligocène à Madagascar. — M. P. Choffat à étudié les séismes ressentis en Por- tugal en 4903. Le centre principal se trouve toujours dans les profondeurs de l'Océan; un autre centre important se trouverait en Andalousie. Séance du 8 Février 19084. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Em. Borel présente quelques remarques sur les équations différentielles dont l'intégrale générale est une fonction entière. - M. Traynard étudie certaines fonctions thêla et quel- 208 ques-unes des surfaces hyperelliptiques auxquelles elles conduisent. — M. Fatou démontre qu'une série entière à coefficients rationnels et entiers, qui est le développement d'une fonction algébrique, possède un rayon de convergence toujours plus petit que 1, à moins que la fonction algébrique considérée ne se réduise à une fraction rationnelle dont tous les pôles sont des racines de l'unité. — M. G. Remoundos étudie les zéros d'une classe de transcendantes multiformes. — M. Louis Fabry montre que, dans le calcul du grand axe d'une orbite cométaire lorsque l'astre est très éloigné du Soleil, on oublie souvent de faire entrer en ligne de compte la masse des planètes. Les caleuls de M. Stromgreen pour la comète 1890 II, revisés à ce point de vue, conduisent plutôt pour cet astre à une orbite elliptique. — M. J.-A. Normand indique une méthode de détermination du déplacement d'un bâti- ment de combat en tenant compte de la surimmer- sion. 2° SGrENCES PHYSIQUES. -— M. H. Deslandres à vérilié, avec le deuxième groupe de bandes de l'azote, sa loi générale de distribution des raies dans les spectres de bandes, qu'il énonce maintenant d'une facon plus pré- cise comme suit : En général, chaque bande, exprimée en nombre de vibrations, est divisible en séries de raies enchevètrées, chaque série étant telle que les intervalles successifs sont en progression arithmétique. Les raisons des séries sont égales ou très voisines. Avec certaines bandes (2° groupe de l'azote en parti culier), les différences entre les positions des raies calculées et mesurées sont loutes inférieures à la raison ; parfois même, l'écart moyen quadratique est au plus égal à l'erreur de pointé. — M. C. de Watteville a étudié les spectres de flamme des métaux Li, Na et K. La flamme est divisée en régions n'émettant cha- cune qu'un groupe de raies : la zone moyenne, les lignes des séries secondaires, et la zone haute les lignes de la série principale. — M. A. d'Arsonval décrit un nouveau dispositif électrique, reposant sur l'emploi d'un condensateur, pour souffler automatiquement l'arc de haute fréquence. — MM. A. d’Arsonval et Gaiffe présentent des dispositifs de protection pour sources électriques alimentant les générateurs de haute fré- quence. Ils consistent dans l'intercalation, entre le transformateur et l’éclateur, d'un circuit arrètant les ondes soit par résistance, soit par induction, ou les deux à la fois. — M. E. Bichat montre que la trans- mission des rayons N par des fils de différentes suh- stances est tout à fait analogue à l'expérience dans laquelle la lumière est conduite d'une extrémité à l'autre d’une tige de verre courbée par une suite de réflexions successives. — M. C. Chabrié étudie la fonc- tion qui représente le grossissement des objets vus à travers un cône de cristal ; elle diffère par une cons- tante de l'équation d'une hyperbole rapportée à ses asymptotes. — M. C. Gutton à mis en évidence l'effet magnétique des courants de convection par leur action sur le sulfure de zinc phosphorescent. — M. V. Schaf- fers propose une nouvelle théorie des machines à influence, basée sur la considération de la variation de capacité par unité de surface dans la rotation des pla- teaux. — M. L. Fraichet montre la relation qui existe entre les variations brusques de la réluctance d'un barreau d'acier aimanté soumis à la traction et la formation des lignes de Luders : les deux phénomènes paraissent provenir de la mème cause. — M. A. Ponsot communique quelques remarques sur l’osmose, à pro- pos d’une Note de M. Guillemin. — M. A. Brochet et J. Petit ont constaté que le courant sinusoïdal active la dissolution du cuivre dans le ‘cyanure de potassium, avec formation d'un sel Cu*{CAz}*. GKCAz. Le zinc et le nickel se comportent de même en formant des sels M'CAz)2KCA7. — M. F. Pearce et Ch. Couchet, en dirigeant un courant alternatif dans des solutions de certains sels, ont observé : soit une dissolution des électrodes, phénomène déjà connu, soit une réduction plus ou moins complète du sel dissous, si toutefois ce ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES sel est réductible., — M. R. Boulouch, en faisant la lumière sur un mélange de S et de P#S? auquel avait ajouté quelques paillettes d’iode, a obtenu…“t cristallisation abondante d'un sulfure P#$. Par Pa de la lumière sur un mélange de P et de S en sol avec un peu d'I, on obtient un sulfure P'SF, — Dervin montre que l'action de la chaleur su mélanges de soufre et de sesquisulfure de phospl donne des résultats analogues à ceux de M. Bou! — MM. C. Marie et R. Marquis montrent que l'aû carbonique déplace l'acide azoteux des solutions di tite de sodium. — M. L. Guiïllet a reconnu qu& aciers au vanadium se divisent en trois groupes di tinc{s; seuls, les aciers à moins de 7 °/, de vanaditt sont susceptibles d'applications industrielles (acie outils). — M. ©. Boudouard a déterminé expérimenl lement l'influence spécifique du nickel sur la positit des points de transformation du fer dans les acier nickel. — M. L. J. Simon, en condensant l’urée am pyruvate d'éthyle, a obtenu l’éther homo-allantoïq CH*.C(AzH.CO.AzH*#.CO*C#H5, se décomposant a environs de 200°. — M. P. Carré, en éthérifiant le g col par l'acide phosphorique à 1400-4145, sous 15 18 millimètres, a obtenu 3,5 °/, de triéther, 42,40 diéther et 44 °/, de monoéther. — M. L. Maque montre que le grain de fécule possède, au point de chimique, la même composition que l’'empois vieil ce qui le conduit à y voir de l'amidon rétrogradé, el à-dire mélangé d’amylocelluloses à divers états dec densation. — MM. A. Haller et A. Guyot, en fais réagir le bromure de phénylmagnésium sur l’anth quinone, ont obtenu le dihydrure d'anthracène y-dilll droxylé u-diphénylé, F. 242. — M. H. Pottevin: faisant réagir l'acide oléique sur la mono-oléinenr présence de diastase pancréatique, a préparé la 0e léine. On peut de la mème façon éthérifier l'acide sté rique el l'acide oléique par divers alcools. — MM. Eug Charabot et Al. Hébert ont reconnu que l’éliminab systématique etcomplète des inflorescences des plantés à parfum produit un accroissement manifeste d tige et, en ce qui concerne l'essence, une augmentaliot aussi bien de sa proportion centésimale que de St poids absolu dans les parties vertes. — MM. J. E. A lous et J. Aloy ont constaté que la diastase 0x réductrice existe dans le règne végétal comme dans règne animal. — M. H. Coupin a reconnu que le S rigmatocystis nigra assimile l'alcool éthylique, la gl cérine, l'érythrite et la mannite. L'alcool méthyliqu et le glycol sont non assimilables et indifférents M alcools propyliques et butyliques sontnon assimilable et toxiques. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. L. Calvet a déterm 63 Bryozoaires marins recueillis au sud de la P gonie; en ce qui concerne ces animaux, la théorie dl la bipolarité des faunes paraît être en défaut. — M Jolly montre que la température a une influence recte sur la durée des phases de la division des cellu animales, surtout sur celle des phases médianes: M. H. Jacob de Cordemoy a reconnu qu'il exisl entre les racines latérales et aériennes de la Vamil cultivée et le support auquel elles adhèrent étroil ment, un mycorhize à la fois ectotrophique et end trophique; il paraît y avoir, entre l'Orchidée et le My corhize, une association symbiotique réelle. — Mn Bergeron montre que les lrois bandes paléozoïqué fossilifères du versant méridional de la Montagne-No correspondent à trois nappes de charriage venant sud-est et refoulées contre le massif axial de la m tagne. — M. H. Douxami signale la présence dedi lines, dues à l'existence en profondeur de gypses, da les environs de Thonon-les-Bains. Ces dolines sembl ainsi jalonner le bord nord des Préalpes. Les gyp sont : ou bien d'âge tertiaire, aquitanien, ou biens rattachent au gypse d’Armoy triasique. — M. Agnus montre que le Palaeoblattinn Douvillei, considén d'abord comme un insecte, n'est autre qu'une poinle, génale d'Asaphidé, Wilobite des mers anciennes. | ACADÉMIE DE MÉDECINE En | Séance du 19 Janvier 1904. M. Ch. Périer présente un Rapport sur un Mémoire DoVillemin relatif au traitement des ostéo-arthrites culeuses du genou par l'association combinée de fhode selérogène et des injections intra-arlicu- . Dans trois cas, la guérison à été obtenue en trois nois sans complicalions, sans suppuration, avec rité complète des mouvements de la Jointure. — 1 Castel présente un Rapport sur une communi- lu Dr Jacquet intitulée : Echec de cent tenta- inoculation peladique. La transmissibilité de la », déjà fort discutée, paraît aujourd'hui absolu- controuvée. — M. A. Pinard donne quelques ren- éments sur le fonctionnement de la Maison d’ac- hements Baudelocque depuis sa création (1889) u 4e janvier 1904. Dans cet intervalle, 31.539 fem- nt accouché ou avorté dans le service et chez les femmes agréées; la mortalité totale à été de la mortalité par septicémie de 0,22 °/,. — jamin lit un Mémoire sur un cas d'hémorragie e causée par une affection du cœur chez un che- gre âgé de six ans. Séance du 26 Janvier 1904. Vcadémie procède à l'élection d'un membre Uitu- dans la Section d’Anatonie et de Physiologie. nier est élu par 42 voix contre 35 à M. Poirier, à M. F. Henneguy. hauvel présente un Rapport sur un Mémoire du “Koenig concernant les névrites optiques péri es et leur traitement chirurgical. La seléroto- préconisée par l'auteur ne paraît pas avoir toujours des résultats bien évidents. — M. V. Cornil pré- n Rapport sur une communication du D'Heryng lée : Traitement des affections des organes respi- ives au moyen d'un appareil d'inhalation thermo- ateur et gazéilicateur, Pour obtenir la pénétration liquides pulvérisés dans les parties profondes des aériennes, l’auteur a élevé la température de ces S jusqu'à 65° et 70°. IL à obtenu ainsi d'heureux lats dans les maladies chroniques du pharynx et itro-pharynx, SOCIETE DE BIOLOGIE Séance du 23 Janvier 190%. MMM. Caullery et F. Mesnil ont rencontré dans dCavité générale d'un Térébellien, le Polycirrus hae- des Clap., un organisme parasite, qu'ils dénomment Losphaera Lolycirri, et qui ne parait rentrer dans ù groupe connu, tout en se rapprochant des ionectides. — MM. P. Ancel et P. Bouin répondent critiques adressées par M. Loisel à leurs travaux Sulaglande interstitielle du testicule des Mammifères. - MM: Edm. et Et. Sergent ont étudié les larves üpodes d'Hydrachnides vivant en parasites sur les bheles ; le rèle nuisible de ces Acariens vis-à-vis de IS hôtes est très probablement nul. — M. P.-A. Za- hades considère la fibrile conjonctive comme un ongement cellulaire, qui aurait sécrété dans sa & périphérique la substance collagène et qui per- @ail sous forme de filament axile. — MM. P. Bar R: Daunay ont constaté, sur cinq femmes bien üntantes, que la densité du sang diminue pendant le ee er mois de la grossesse normale; elle se relève aoms vite chez les femmes qui sont nourrices que chez dl ëS qui ne le sont pas. A la fin de la grossesse, la Proportion de plasma dans le sang s’accroit; celle des (l embryonnaire polygénétique autositaire atteint les - es ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES -tère 209 dimensions normales d'un système simple indépendant. — MM. M. Doyon et N. Kareff ont constaté que l'in- jection de pilocarpine diminue ou fait disparaitre le glycogène du foie. — M. R Lépine à observé que l'exposition du cou aux rayons X peut être suivie, chez un animal qui réagit bien, d’une excitation fonctionnelle du corps thyroïde qui amène, dans sa nutrition, une perturbation analogue à celle qui résulte de l'ingestion de la glande (augmentation de l’excrétion d'urée, ete.). — M. P. Mulon à reconnu que la réaction chromaftine est spécifique de la présence de l’adrénaline dans une cellule, 11 existe, chez les Vertébrés supérieurs comme chez les Téléostéens, des glandes adrénalogènes dissé- minées le long du sympathique, au voisinage des groupes de cellules. En utilisant la coloration de l’adré- naline pas OsO#, l’auteur a constaté que l’adrénaline semble contenue uniquement dans la médullaire, et plus précisément qu'elle existe en nature au niveau des granulations intracytoplasmiques, qui vraisembla- blement en sont entièrement formées. — M. Laufer à traité avec succès deux cas d'hyperchlorhydrie par le régime hypochloruré. — M. R. Bensaude estime, con- trairement à M. Grenet, que la prise du sang dans la veine n'élimine pas les causes d'erreur auxquelles on est exposé dans l'étude du caillot sanguin; le seul con- trôle consiste dans l'examen des hématoblastes. — MM. Edm. et Et. Sergent ont constaté la présence de Trypanosomes dans le sang de plusieurs Dromadaires d'Algérie; la maladie qu'ils provoquent paraît différente du nagana et du surra. — Les mêmes auteurs ont trouvé, dans le sang d’une grenouille verte de Kabylie, un Trypanosome nouveau, qu'ils nomment Tr. inopi- natuin ; il offre des ressemblances avec le Tr. Lewisi etle 77. Remaki. Séance du 30 Janvier 190%. MM. Edm. et Et. Sergent ont trouvé, chez la T'estudo maurilanica, une hémogrégarine parasite voisine de H. Stepanowi. — Les mêmes auteurs ont constaté la présence d'Hématozoaires dans le sang d'un grand nombre d'Oiseaux de l'Algérie. — M. G. Hayem éludie les effets du chlorure de sodium dans les gastropathies. — M.9J. Nattan-Larrier a constalé une réaclion ther- mique chez le cobaye soumis à l’action de la tubercu- line peu de temps après l'inoculation d’un liquide sus- péct. — MM. A. Gilbert et A. Lippmann ont observé un cas d'agglutination du bacille d'Eberth par le sérum d'une ictérique présentant la symplomatologie de l'ic- catarrhal. — Les mêmes auteurs ont constaté qu'à l'état normal les conduits pancréatiques sont envahis dans leur portion terminale par une abondante flore microbienne. Les germes anaérobies offrent, par leur fréquence, leur abondance et leur variété, un contraste frappant avec l'inconstance, la pauvreté et la rareté des aérobies. — M. F.-J. Bose à éludié les lésions du foie dans la syphilis héréditaire. Le virus syphilitique, disséminé dans tout le foie par la voie veineuse, provoque des proliférations cellulaires karyo- kinétiques à la fois épithéliales et conjonctivo-vascu- laires qui constituent la pustule syphilitique. Mais les proliférations épithéliales sont bientôt détruites par les conjonctivo-vasculaires; la pustule, devenue complète- ment conjonctive, régresse et constitue la gomme. — MM. G. Billard et L. Dieulafé ont exagéré ou diminué à volonté la toxicité d'une solution de curare en modi- fiant sa tension superficielle par l'addition d'alcool ou de savon. — Les mêmes auteurs décrivent un procédé de mesure de l'émission du parfum des fleurs. — M.R. Dubois, à propos de la découverte des rayons N d'ori- gine physiologique, rappelle ses expériences sur. la lumière physiologique. — M. P. Remlinger est arrivé - à faire traverser par le virus rabique les bougies Ber- kefeld N et W, après passage préalable par la bougie V. ® — MM. A.-M. Bloch et H. Busquet ont reconnu que le tremblement physiologique est un phénomèné com- mun à touslesindividus et se produisant dans deux cir- constances : dans l'effort musculaire extrême et dans la 210 recherche d'une position d'équilibre; il présente, à côté d'une énorme irrégularité d'amplitude, une uni- formité de vitesse à peu près absolue. — MM. M. Lœper et A. Louste croient qu'il existe dans le sang, au cours de l’évolution des sarcomes, une migration persistante ou passagère des cellules néoplasiques, que l’hématolyse préalable et la centrifugation permettent de mettre en évidence. — MM. Thiercelin et L. Jouhaud ont étudié les variations morphologiques et la structure du bacille d'Eberth dans différents milieux. — M. E. Wahlen à observé une propriété vaccinante de certaines cultures liltrées de tuberculose. — M. G. Mioni dose le pouvoir hémolytique des liquides de l'organisme en faisant agir un volume constant de liquide plus ou moins dilué sur une quantité constante de globules rouges lavés à 37, pendant une heure, en agitant souvent, et dosant ensuite l'hémoglobine dissoute. — MM. J. Sabrazès et L. Muratet ont conservé vivant le Trypanosome de l'Anguille dans des sérosilés humaines à 36° pendant deux jours; l'eau distillée, au contraire, le tue et le désagrège. — M. Ch.-A. François-Frank décrit une méthode pour la photographie simultanée des mouve- ments extérieurs de la respiration et des courbes pneu- mographiques et pleuro -anémométriques. Il étudie ensuite le mécanisme des troubles respiratoires dus à la perte de tonicité des parois abdominales et à la ptose viscérale dans l'attitude verticale. — M. C. Delezenne communique de nouvelles observations sur le pouvoir kinasique de la fibrine. — MM. F. Ramond el F. Flan- drin déduisent de leurs expériences que le mode d'absorption des graisses par osmose, après saponifica- tion, est loin d’être négligeable, etque cetteabsorption se fait surtout par la veine porte. — M. F. Ramond à étu- dié la desquammation épithéliale de l'intestin grêle provoquée par l’arrivée du chyme. — M. J. Anglas montre que les cellules de remplacement de l'intestin chez les Hyménoptères peuvent être considérées comme «les cellules trachéales devenues libres peu après leur immigration à la base externe de l'épithélium intes- tinal. Les métamorphoses proprement dites des Insec- tes, qui ne portent jamais que sur l'intestin moyen et la musculature, sont corrélatives de poussées trachéen- nes successives, RÉUNION BIOLOGIQUE DE BORDEAUX Séance du 19 Janvier 1904. M. Ch. Livon à constaté que les vieilles solutions d'adrénaline restées claires ont conservé leurs pro- priétés, tandis que les solutions devenues foncées les ont perdues. — M. A. Briot à trouvé sur la Vive un Trématode parasite nouveau, qu’il nomme Microcotyle draconis. — M. Ed. Hawthorn à observé que le pou- voir agglutinant pour les cultures homogènes du bacille de Koch est presque toujours transmis de la mère au fœtus chez les cobayes infectés. — M. P. Stéphan a constaté que, chez les Poissons pêchés à la dynamite, l'explosion ne produit pas toujours la séparation de la base du cràne et de la première vertèbre cervicale, que l'on avait indiquée comme caractéristique. SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 5 Février 1904. M. Eugène Bloch à montré antérieurement que la conductibilité électrique de l'air sec qui a passé sur du phosphore est due à des ions de très faible mobilité, capables de condenser la vapeur d’eau simplement saturante; ces ions sont de véritables poussières char- tées, visibles dans une lumière suffisamment intense. On peut se proposer de poursuivre l'étude de l’'émana- tion du phosphore en déterminant le coefficient de r'ecombinaison « des ions. Celui-ci est lié par l’équa- tion ; sl ap LH aT P Po ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES aux densités des charges (positives) p, et p aux épo= ques 0 et T. La mesure des densités p, et p peul se faire par la méthode directe que M. Townsend a em ployée dans le cas des rayons de Rôntgen et qui est une méthode de courant gazeux. Le résultat est le suis vant : le coefficient de recombinaison varie entre 2 @f 6, alors que, pour le cas des rayons de Rüntgen, Je nombre le plus probable est 3.400. Il y a donc un écal du même ordre entre les coefficients de recombinaison qu'entre les mobilités. Il faut même remarquer quelé nombres obtenus sont encore deux ou trois fois trof grands, par suite de l’existence dans le gaz de pous sières très nombreuses, dont la présence est inévitahlé et vers lesquelles les ions peuvent se diffuser, ce qui accroît en apparence la recombinaison. On peut aussi mesurer, dans le cas de l’'émanation du phosphore, 8 rapport a An(k, —k;) (dans lequel 4, et À, désignent les mobilités des ions des deux signes. Ce rapport a été introduit dans l'étude des gaz ionisés par M. Langevin, qui en montré la signilication théorique et a donné u méthode expérimentale pour le mesurer directeme dans le cas des rayons de Rüntgen. Le nombre représente le rapport du nombre de recombinaisons au nombre {olal des collisions entre ions de sign contraires. Dans le cas des ions très peu mobiles di phosphore, il devra donc être égal à 1, à moins que perte de conductibilité du gaz ne se fasse par un autre mécanisme que la recombinaison seule (par exemplé par les poussières), auquel cas le nombre e pourra être notablement plus grand que l'unité. La méthode mesure de M. Langevin, applicable seulement au € d’un gaz en repos, ionisé par une seule décharge d'un tube de Crookes, peut être modifiée très simpleme de manière à devenir une méthode de courant gazeux applicable au cas du phosphore. Elle fournit des væ leurs dé : comprises entre 3 et 6, conformes, par coms séquent, à la théorie, si lon tient compte de ce qui« été dit, à propos du coefficient de recombinaison, sur le rôle de la diffusion vers les poussières. L'ensemble de ces résultats et de ceux de la précédente communica tion parait résoudre, au moins qualitativement, question si controversée de la conductibilité de Lair qui a passé sur le phosphore ; en particulier, l'hypo thèse de l’ionisation parait pleinement confirmée et les anomalies apparentes ne tiennent qu'à la masse exceps tionnelle des ions. L'auteur termine en indiquant uné méthode qui permet, à tout instant, de connaître € valeur absolue la vitesse d’un courant d'air, et surto de vérifier sa constance. — M. L. Teisserenc de Bort montre que les sondages atmosphériques par ballons sondes exécutés à l'Observatoire de Météorologie dyna mique depuis cinq ans, dans tous les mois et par toutes les situations atmosphériques, permettent de déters miner quelle est la décroissance de température sui vant la verticale dans nos régions en différentes saisons Tous ces lancers ont été faits à des heures où l'influence directe de l'insolation sur les thermomètres ne peut fausser les résultats; généralement, les ballons sont partis deux heures avant le lever du Soleil. Les calculs portent sur 581 ballons, divisés en deux groupes, l'un contenant les résultats de tous les ballons, l'autré formé seulement des 1#1 ascensions qui ont atteinl l'altitude de 14 kilomètres. Ces deux séries donnent, d reste, pour les altitudes communes, des résultats and logues. L'une et l'autre montrent la variation très marquée de la température avec la saison ; cette varias tion, qui est d'environ 14° près du sol, est encore d’at moins 10° à 10 kilomètres et supérieure à 9° ve 13 kilomètres, La décroissance moyenne de la tempé rature dans les deux premiers kilomètres est de 0923 en décembre et de 0°42 en mai; elle est affaiblie dans une notable proportion par les inversions di température qui sont très fréquentes à ces altitudes# ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES puis la décroissance augmente à mesure que la va- peur d'eau devient moins abondante et atteint son maximum vers 9 kilomètres, où elle est d'environ 0083 en été, se rapprochant ainsi beaucoup de la décroissance adiabalique. Comme la sécheresse va tou- joursen augmentant, on devait s'attendre à ce que la décroissance restât très forte; mais, contrairement à tout ce qu'on pouvait supposer, à une altitude plus grande, la température cesse de décroitre : on entre dans une zone d'une épaisseur inconnue, mais qui atteint au moins 6 kilomètres, dans laquelle la tempé- rature reste à peu près stationnaire et présente mème une augmentation qui, parfois, est de 5° à 6°. Sur les courbes qui représentent la température moyenne en décembre, cette zone est très marquée: on la retrouve, d'ailleurs, en toute saison. Cette zone, désignée sous le nom de zone isotherme, se rencontre à des altitudes très variables, suivant la situation atmosphérique. Avec les basses pressions, surtout au nord-ouest du centre du tourbillon, on entre dans la zone isotherme à 8 kilomètres ; dans les aires de forte pression, sur- tout au sud-ouest d'une dépression, la zone isotherme se rencontre seulement à 12 ou 13 kilomètres. La tem- pérature est ordinairement distribuée ainsi dans le minimum et le maximum barométrique. Près du sol, il fait souvent plus chaud dans le minimum; mais, en s'élevant, on trouve une température beaucoup plus froide que dans le maximum de pression, et la diffé- rence va en s'accentuant; vers 8 à 9 kilomètres, la température cesse de diminuer, pendant qu'elle con- tinue à s'abaisser avec la hauteur dans le maximum au-dessus des basses pressions. Il en résulte que plus haut il fait sensiblement plus froid dans les aires de fortes pressions qu'au-dessus des dépressions. La cause de l'arrêt dans le décroissement de la température est fort obseure. On peut l'attribuer à lexistence d'un courant général plus chaud, comme M. Assmann, le célèbre météorologiste allemand, l'a indiqué. Mais il y a quelques objections sérieuses à cette explication. Personnellement, l'auteur serait tenté de rapporter l'existence de cette zone à la cessation, à une cer- taine hauteur, des mouvements à composante verti- cale marquée. En sorte qu'en Fabsence de variations thermiques par détente, on verrait se reproduire en haut un régime à couches chaudes et froides super- posées comme celui des inversions qu'on observe cou- ramment dans les parties basses. — M. Ch. Nordmann signale, parmi les questions de Physique terrestre dont la solution est susceptible d'être abordée, grâce aux résultats de M. Teisserenc de Bort, celle des pro- priétés magnétiques de l'atmosphère etde leur influence possible sur la période diurne de l'aiguille aimantée. Il montre que, contrairement à ce que croyait Faraday, la susceptibilité magnétique de Pair atmosphérique diminue à mesure qu'on s'élève. D'autre part, les pro- priétés magnétiques de l'atmosphère ne peuvent avoir que des effets infimes sur le champ terrestre et, en particulier, elles ne peuvent produire qu'une fraction complètement négligeable de la période diurne. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 22 Janvier 1904. M. H. Moissan présente de nouvelles recherches sur l'augmentation de volume de la fonte au moment où elle passe de l’état liquide à l'état solide. Il rappelle les nombreux travaux publiés sur ce sujet et il présente à la Société les échantillons de quelques-unes de ses expériences. — M. Schmitt a étudié l’action des chlo- rures d'acides sur les sels d'argent de divers éthers acyl- cyanacétiques. Les dérivés qu'il obtient répondent à la forme énolique : RCOCOR' || . CAzC — COOCHS Ils diffèrent des composés alcoyleyanacétiques en ce 211 RCOAZH AUS COOCHP, et non des dérivés aminés : RCAZH? Il : PO CAz — C — COOCH: HA \ N 4 AT — M. A. Béhal a obtenu, en hydrogénant, par kkméthode 2 de MM. Bouveault et Blanc, la campholénolactone, le glycol saturé correspondant fusible à 1459. Traité par l'acide sulfurique étendu, il donne le même oxyde que l'alcool camphonique; la déhydrocampholénolactone et le cétocampholénate d'éthyle, hydrogénés dans les mèmes conditions, fournissent le même glycol, ce qui permet d'en établir la constitution. — M. A. Hollarda trouvé que le peroxyde de plomb électrolytique déposé sur une anode de platine dépoliau jet de sable avait une constitution différente de celle du peroxyde de plomb séparé sur platine platiné. Tandis que le pero- xyde de plomb déposé sur platine platiné contient une quantité de superoxydes variable avec la concentration du bain en plomb et d'autant plus grande que cette concentration est plus petite, le peroxyde de plomh déposé sur platine dépoli contient une quantité de super- oxydes constante, quelle que soit la concentration du bain en plomb. Son facteur analytique est0,858, tandis qu'il serait 0,866 si le peroxyde était constitué exclusi- vement par PbO?. M. Hollard a trouvé, d'autre part, que le peroxyde de manganèse électrolytique contient une forte proportion de superoxyde. Le poids du pero- xyde déposé diminue constamment quand on chauffe celui-ci de 100 à 200° ; à 200, il correspond encore à la constitution Mn*05. La constitution de ce peroxyde de manganèse est indépendante de la nature physique du platine. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 19 Novembre 1903. SCIENCES NATURELLES. — M. N.-H. Alcock à étudié la rapidité de l'impulsion nerveuse chez les individus grands et petits, en vue de reconnaitre si la différence de longueur des nerfs homologues à une influence ou non sur cette rapidité. Des recherches faites sur la grenouille et sur l’homme, il résulte que : 10 la rapi- dité de l'impulsion nerveuse par unité de longueur est la même, quelle que soit la stature de l'individu; 2 le temps pris par l'impulsion pour aller du centre à la périphérie est plus long chez les grands individus; 3° les nœuds de Ranvier n’exercent aucune influence sur la vitesse de l'impulsion. — M. A.-D. Waller : Les effets sécréto-moteurs dans la patte du chat, étudiés à lélec- tromètre, — M. H., Wager : La structure cellulaire des Cyanophycées. — M. L. Rogers communique ses recherches sur l'action physiologique et les antidotes des venins de la Couleuvre et de la Vipère. Les actions de divers venins ont été étudiées à l’aide de tracés res- piratoires et circulatoires. L'auteur s'est occupé tout d'abord des vipères venimeuses de l'Inde. Le Lora bun- garus où hamadryade, le plus grand serpent venimeux de l'Inde, cause la mort par la paralysie des centres respiratoires, rapidement suivie par celle des plaques motrices terminales des nerfs phréniques, exactement comme dans le cas du cobra. Le Bunqgarus coeruleus, ou krait commun, produit le même effet, mais l’action sur les plaques terminales est moins marquée. Le Bun- garus fasciatus, où krait à raies, produit à petites doses des symptômes semblables à ceux indiqués ci- dessus, plus un ralentissement bien accentué de la cir- culation, et à fortes doses une coagulation intravascu- laire comme la vipère; on à trouvé que son venin se compose des éléments mélangés de ceux de la cou- leuvre et de la vipère. L'action hémolytique de ces RS) 212 trois venins est beaucoup moins marquée que celle du venin du cobra, et n'a pas de conséquence mortelle. L'action physiologique des venins des serpents men- lionnés et des serpents de mer ayant été trouvée iden- tique à celle du venin du cobra (à l'exception de l'élément de la vipère dans le Bungarus fasciatus), lanti-venin de Calmette à été essayé contre eux tous, et il à agi efficacement à des degrés divers pour chacun, à l'excéplion du Bungarus fasciatus pour lequel l'élément de la couleuvre seul est neutralisé, celui de la vipère restant fatal. Le sérum n'est pas cependant assez efficace pour être d'une grande valeur pratique. Ensuite, l'auteur examine deux vraies vi- pères, le Daboïa russellii et le puff adder africain, et deux vipères à crochet, le Crotalus horridus et le Tri- menurus anamallensis ; Yaction essentielle commune à toutes les quatre est une paralysie du centre vaso- moteur, produisant une chute sensible de la pression sanguine, suivie tôt ou tard par une diminution secon- daire de la respiration, mais contrebalancée pour un temps d’une façon sensible par l'extrait adrénal. Dans le cas des vipères vraies, de grandes doses produisent une coagulation intravasculaire; mais, en donnant de petites doses préliminaires, la paralysie vasomotrice fatale peut ètre rapidement produite sans coagulation, tandis que le venin du serpent à sonnettes produit promptement le mème effet sans coagulation pour une seule forte dose, et aussi des hémorragies qui ne sont pas causées par le Dabora. — M. G.-H. Grosvenor pré- sente ses recherches sur les Nématocytes des Æolides. Ces corps furent découverts par Alder et Hancock en 1843. Déjà en 1858 Strethill Wright communiquait à la Société Royale d'Edimbourg les résultats de quel- ques observations qui semblaient prouver que ces nématocytes ne se développent pas dans le corps de l'Æolide, mais proviennent des Cœlentérés qui lui servent de proie. Quoique ce Mémoire ait été republié quatre ans plus tard dans le Miecroscopical Journal, il semble avoir été complètement laissé de côté; lon à supposé en général que les nématocytes des Nudi- branches se développent ia situ, el ils ont été souvent cités comme un exemple inexplicable d'homoplasie ou mème comme une preuve d'une étroite relation entre les Mollusques et les Coœlentérés. Cependant C.-0. Glaser à récemment soutenu l'opinion contraire. Voici les preuves mises en avant par l'auteur, en faveur de l'hypothèse de Strethill Wright : 1° Non seulement les nématocytes des Æolides et des Cœlentérés sont iden- tiques dans leur plan et dans leur mode de décharge, mais chacun des divers types distincts existe dans les deux groupes; 2° Les nématocytes des Æolides diffèrent d'individu à individu dans les espèces, et même dans le même individu il peut y avoir des nématocytes caractéristiques de deux ou plusieurs genres ou familles distinctes de Cœlentérés; 3° Chaque fois que lon connait quel Cœlentéré à servi à la nourriture d'un Æolide, on trouve que les nématoëytes des deux sont identiques. De mème, les nématocytes des fèces ne peuvent jamais être distingués de l'une des espèces au moins qui se trouvent dans le cnidosac; 4° Les Æolides (Janidee, Fiona et Calma glaucoides) connus pour ne pas se nourrir de Cæwlentérés n'ont pas de nématocytes: 5° On a observé que les nématocytes et d’autres corps non digestibles passent à travers le canal cilié de la cavité de la glande gastrique dans le enidosac; 6€ La preuve la plus concluante de Strethill Wright découle d'une expérience d'alimentation d'un Æolide avec un IHydroïde dont les nématocytes différent de ceux con- tenus dans les cnidosacs de FÆolide. Cette expérience a été souvent répétée, donnant toujours comme résultat l'apparition rapide des nouveaux nématocytes dans les cnidosacs de l’Æolide. Dans un cas, trois spécimens de Liizzolia peregrina, contenant seulement de petits né- imatocytes en forme de points (6,5 y) dans leurs eni- furent nourris de Pennaria Cavolinii, un Hydroide ayant des nématocytes ovoïdes très distincts de deux tailles (25 & et 7 y). Après un mois environ de dosacs, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES | ce régime, les nématocytes en forme de points étaie presque tous remplacés par ceux des Pennaria. Q@ derniers étaient enfermés dans les cnidocystes de. facon ordinaire. Quoique les nématocytes des Æolidl soient dérivés de leur nourriture, ils déchargentMle tilaments par expulsion du cerata dans l'eau de mer il ne peut y avoir de doute qu'ils soient employ comme armes de défense. La fonction importantes probablement originale des ouvertures terminales cerata consiste dans l'élimination des nématocytes n@ digestibles, lesquels, à cause du caractère diffus du sy tème digestif, ne peuvent pas être facilement reje seulement par l'anus. Le fait de leur décharge, lorsqu sont expulsés nus dans l’eau de mer des cnidosa d'un Æolide, prouve que les nématocytes travaille sans l'intervention d'un protoplasma vivant. L'ét des conditions de décharge des nématocytes dans Cœlentérés et les Æolides, et de leur façon de se com porter dans diverses solutions, amène à la conclusit que l'on se trouve en présence d’un phénomène d'a mose. Deux sortes de cellules contribuent au dévelop pement des cnidocystes : les unes, appelées cnidoblas ingèrent et disposent les nématocytes, tandis que autres, placées entre les cnidocystes adjacents, parb cipent à la sécrélion des parois membraneuses. Lé deux espèces dégénèrent dans les cnidocystes compli tement formés. Séance du 26 Novembre 1903, 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Morrow étudie distributiondes tensions et des déformations dans las tion transversale d'une poutre. Il a effectué quelqu expériences sur la mesure des déformations latérales transversales de barres de fer forgé ou fondu soumis un moment fléchissant, au moyen d'une méthode optiqt d’une grande délicatesse, donnant le 1/400.000° de cent mètre. Les barres employées avaient environ 3 ceni mètres de largeur et6,5 centimètres d'épaisseur; elll étaient supportées par des couteaux distants d'envi 90 centimètres. Les mesures d'extension ou de @ traction transversale ont été effectuées en 7 pol différents de l'épaisseur de la barre, tandis que couple fléchissant appliqué était augmenté progre vement. Les déformations observées ont été sensi ment plus faibles que celles qui peuvent être dédui de la théorie de Bernouilli-Euler. Des déformatiof observées, on à déduit les tensions sur les sectiol transversales des poutres. Pour le fer fordu, aux eh ges faibles, la tension longitudinale varie comme distance à l'axe neutre; elle est moindre que né feraient prévoir les conditions théoriques. Lorsque charge augmente, les diagrammes de déformati S'incurvent de plus en plus dans la direction du déformation décroissante aux distances plus gran de laxe neutre; ce phénomène est accompagné 4 déplacement de la surface neutre vers le côté comprit de la poutre. } 2 SGiENCES PHYSIQUES. — M. T.-C. Forter : Quelq expériences sur le magnétisme. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. K. Pearson : Conl butions mathématiques à la théorie de l'évolution: Sur une théorie généralisée de l'hérédité alternal avec référence spéciale aux lois de Mendel. Séance du 30 Novembre 1903. Séance anniversaire annuelle. La Société procèden renouvellement de son Bureau. Sont nommés: Président : Sir William Huggins ; Trésorier : M. A. B. Kempe: Secrétaires : M. J. Larmor et Sir A. Geikie; Secrétaire étranger : M. K. Darwin. La Société décerne les médailles suivantes : Médaille Copley : M. Ed. Suess ; L Médailles royales : Sir David Gill et H. T. BroW Médaille Davy : M. P. et Mc S. Curie; Médaille Hughes : M. J.W. Hittorf. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 213 Séance du 3 Décembre 1903. SCIENCES NATURELLES. — M. R. Kidston décrit trois ts spécimens de Neuropteris beterophylla Bron- {, chacun montrant un fragment de portion termi- ile de pinna portant une grosse graine rhabdocarpée, &ue d'environ 3 centimètres et large de 1,1 à centimètre; sa forme générale est oblongue, Aux ments des tiges sont attachés un ou deux pinnules. europteris est donc un membre typique de la nille des Cycadofilices. Les spécimens portant les nes proviennent des houillières du South Stafford- e et étaient préservés dans de petits nodules ferri- 5. — M. A. W. Campbell présente ses éfudes histo- ques sur les localisations cérébrales \aire précen- aie ou motrice, post-centrale, visuelle, lobe temporal eblobe limbique). Séance du 10 Décembre 1903. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. H. Darwin : Sur lé intégrales des carrés des fonctions harmoniques es surfaces ellipsoidales. — M. F. H. Jackson : Une éralisation des fonctions x* et T(). SCIENCES NATURELLES. — MM. A. Mallock et A. M. ies ont étudié la résistance à la chaleur du Bacillus hracis. Is ont constaté que le chauffage des spores Panthrax dans l’eau à 1000 C. ou à une température Supérieure, même pendant un temps très court, assure destruction. Ils n'ont pas déterminé quelle est la te inférieure de la température destructrice quand chauffage est prolongé. — MM. J. B. Farmer, J. E. Moore et C. E. Walker communiquent leurs recher- cles sur les ressemblances qui se présentent entre les llules des tumeurs malignes de l'honme et celles des us reproducteurs normaux. Is ont identifié, à l'in- énieur des bords de prolifération des tumeurs progres- ites, des cellules qui offrent un type de karyokinèse aordinairement semblable, sinon identique, à la ose hétérotype qui constitue un caractère si cons- de la production des cellules sexuelles. Cette mi- ou division nucléaire, diffère remarquablement Son caractère des autres divisions des cellules du tps : les chromosomes nucléaires passent par une lie de changements tout à fait particulière. Toutes variétés principales communément rencontrées is l'évolution des cellules sexuelles ont été identifiées s les tumeurs malignes des types carcinomateux et omateux. Les auteurs considèrent comme justifié apport de la malignance de ces tumeurs avec ces , et considèrent le tissu malin en question comme it pour origine des cellules qui ont perdu leur ca- ère somatique et pris directement la nature de S de reproduction: Ils proposent le terme de qame- nique pour désigner les tissus qui sont potentielle- t ou actuellement prêts à donner naissance à des ules sexuelles (gamètes), tandis qu'ils appellent étoïdes les cellules qui ont passé par les transfor- ions indiquées plus haut, mais qui n'ont pas formé lement des gamètes fonctionnels. La naissance des llules gamétogéniques aux dépens du tissu soma- e est un phénomène commun chez les plantes, dis il est obscurci chez les animaux parce qu'il est en ation avec une condition pathologique. Séance du 20 Janvier 190#. MM. J. Dewar et H. O. Jones ontétudié les réactions himiques du nickel-carbonyle.Il est décomposé par les Solutions de CI, Br, I, (CAz} et S dans les solvants organi- ques, avec formation de CO et d'un composé de nickel. Wbréagit sur le nickel-carbonyle, mais pas HBr, ni JICI; ISO’ le décompose en formant du sulfate de nickel, H et CO. Le nickel-carbonyle réagit sur le ben- Zène en présence d'AICE ; à la température ordinaire, il se forme surtout de la benzaldéhyde; à 100°, Le pro- duit principal est l'anthracène. Le toluène donne du REVUE GÉNÉRALE LES SCIENCES, 1904. p-toluylaldéhyde et du 2:6-diméthylanthracène; le m-xylène fournit du 2:4-diméthylbenzaldéhyde et un tétraméthylanthracène. Le naphtalène donne un hy- drocarbure C'H'®, EF. 1800-1810, et des produits résineux. — M. H. O. Jones à préparé de trois facons l'iodure de phénylbenzyl-méthyléthylammonium : 4° avec la méthyléthylaniline et l’iodure de benzyle; 20 avec la benzyléthylaniline et l'iodure de méthyle; 3° avec la benzylméthylaniline et l'iodure d’éthyle ; on obtient le même composé cristallisant en prismes, F. 1400-1420. On peut résoudre ce sel en ses deux constituants au moyen des acides d el Z-camphresulfoniques. Le sel 4 de la base droite donne [MP — 74°; le sel / de la base gauche donne [M]? —=— 710,2. — M. G. Barger a pour- suivi l'application de sa méthode microscopique pour la détermination des poids moléculaires par la compa- raison des tensions de vapeurs de deux solutions®. Il l’a étendue à l'étude de l'association dans les mélanges de solvants associants et non associants. L'étude des solutions d'acide benzoïque dans des mélanges de ben- zène et d'alcool éthylique et d'acide cinnamique dans des mélanges de chloroforme et d'alcool méthylique montre qu'une faible proportion d'alcool suftit pour donner aux acides un poids moléculaire normal. — MM. J. J. Fox et J. T. Hewitt, en faisant réagir CH'T sur la 6-acélamino-2 : 7-diméthylac:idine, ont obtenu un iodure d'acridinium quaternaire, qui, hydro- Ivsé par H?SO0", fournit un carbinol, K. 2100, de for- mule : /Az CH (CH?) C'HS< 4 CHE (CH* \CH (0H) AZI). Cette base, chauffée pendant quelques heures à 18%, perd une molécule d'eau en se transformant en un corps rouge sombre. — MM. E. R. Needham et W. H. Perkin jun., en faisant réagir le sodioacétoacétate d'éthyle sur le chlorure d’o-nitrobenzoyle, ont obtenu un éther, qui, hydrolysé par AZIF, fournit l’o-nitroben- zoylacétate d’éthyle, AzO®.C‘T1,CO.CHE.CO?C'IP ; celui-ci est hydrolysé par HESO' concentré en donnant l'acide o-nitrobenzoylacétique, F. 4189, qui est décomposé par l'eau bouillante en o-nitroacétophénone et CO. - M. W. H. Perkin jun. et M! À. E. Smith ont reconnu que, par distillation, les deux acides eis-et trans-B-0x\- axy-triméthylglutariques donnent l'anhydride de l'acide cis-xay-triméthylglutaconique, Æ. 88°, donnant par hydrolyse l'acide correspondant, F. 1259. Pendant la distillation, il se dégage CO* et il se forme d'autre part un acide huileux, l'acide crotonyldiméthylacétique, CO.C(CH® 2.CH : CHL.CIF ; celui-ci, traité par Br, four- nit la lactone de l'acide $-bromo-y-hydroxy-xxy-trimé- thylbutvrique, F. 83°; traité par IPSOS, il donne la lac- tone de l'acide ÿ-hydroxy-axy-triméthylbutyrique, K. 520. — MM. J. B. Cohen et J. Miller ont étudié, sur les mono et dichlorotoluènes, l'influence des substituants du noyau sur l'oxydation de la chaîne latérale. Les dérivés monohalogénés sont plus rapidement attaqués que les dihalogénés; parmi eux, le dérivé para est le plus, le dérivé méta le moins oxydable. Parmi les com- posés dihalogénés, le 3 : 5 est le plus résistant, le 2 : 4 et Le 3 : 4 les plus attaquables. — M. Th. Ed. Thorpe à étudié l’interdépendance des critères physiques et chi- miques dans l'analyse de la graisse du beurre. Il décrit, en même temps, un thermostat simple destiné à être employé dans l'examen réfractométrique des huiles el des graisses. — MM. A. W. Titherley et J.F. Spencer, en condensant l'aldéhyde furfurique avec le succinate de soude en présence d'anhydride acétique, ont obtenu l'anhydride difurfurylidènesuccinique (1), F. 187, et l'acide «y-difurfurylidènepropionique (11), F. 2139, C*H$0.CH : C.CO\ C‘H°0.CH : CII | |. 0 cl : C'H°O.CH : C.CO C0. CH : C.CO®H 1 Voir la Revue du 30 mai 1903, p. 533. Le premier donne un dérivé tétrabromé fluorescent, F. 196. — M. H. R. Le Sueur, en chauffant l'acide a-hydroxystéarique, a obtenu un aldéhyde C:‘H#CHO, F. 36°, qui est oxydé par le permanganate en un acide CH%.COI, F.60°-61°. — M. H. A. D. Jowett a repris la fusion de l'isopilocarpine avec la potasse caustique et a reconnu que l'acide volatil qui se forme n'est pas l'acide isobutyrique, mais bien l'acide butyrique nor- mal. — M. F. S. Kipping, en faisant réagir le tétra- chlorure de silicium sur une solution éthérée d’éthyl- bromure de magnésium, a obtenu principalement le irichlorure d'éthyl-silicium; ce dernier réagit ‘sur le bromure de phényl-magnésium avec formation de dichlorure d’éthyl-phénylsilicium, Eb. 228°-230° ;celui-ci réagit à son tour sur le bromure de propylmagnésium à chaud et il se forme le chlorure de phényléthylpropyl- silicium, Eb. 2409 environ. — MM. F. D. Chattaway et J.M.Wadmore décriventla préparation etles propriétés d'une série d’'acyl- et de chloro-amines substituées. SOCIÉTÉ ANGLAISE DES INDUSTRIES CHIMIQUES SECTION DE NEW-YORK Séance du 12 Novembre 1903. M. V. Coblentz passe en revue les produits médici- naux synthétiques qui ont été lancés dans le commerce en ces dernières années : anesthésiques locaux, alca- loïdes, hypnotiques, antipyrétiques, antiseptiques, solvants de l'acide urique, antirhumatismaux, aliments concentrés, etc. Séance du 20 Novembre 1903. M. Ch. Baskerville à recherché si l'on pourrait em- ployer comme mordants les terres rares qui restent comme produits accessoires dans la fabrication des manchons Auer. Les expériences montrent que les terres rares ont, à ce point de vue, peu de valeur pra- tique, à cause de leur faible action mordancçante, de leur rareté et de leur prix élevé. SECTION DE SYDNEY Séance du 16 Décembre 1903. M. R. G. Smith montre que les bactéries habitant les tissus des arbres à gomme peuvent former de l’ara- bine, de la métarabine, de la pararabine et d’autres gommes. Si les gommes naturelles de ces arbres sont produites par des bactéries, il est fort probable que toutes les autres gommes arabiques sont d'origine bac- térienne. La gomme est produite par une altération de la sève sous l'influence de la bactérie; il en résulte la possibilité d'augmenter la production de gomme d'un arbre par inoculation artificielle. SECTION DU YORKSHIRE Seance du 14 Décembre 1903. M. H.R. Procter présente un exposé critique des récentes méthodes d'analyse des eaux. — M. J. W. Cobb décritune méthode d'analyse et de détermination de la fusibilité des cendres de houille, ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 10 Décembre 1903. MM.F.Richarzet R.Schenck appellent l'attention sur les analogies qui existent entre la radio-activité et les phénomènes présentés par l'ozone. De récentes recher- ches ont fait voir que l'ozone présente, en commun avec le radium et d’autres substances radio-actives, la particularité de donner lieu à la production d'ions gazeux. D'autre part, l'ozone, comme vient de le cons- tater M. Braun, est capable d'influencer les plaques pho- tographiques à l'égal des substances radio-actives. Enfin, d'après M. E. van Aubel, la présence des substances ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ozonisées augmenterait la conductivité des piles à sélé nium d'une façon tout analogue aux agents ioniseur Or, les auteurs ont établi que les autres propriétés d substances radio-actives, et plus particulièrement lex@ tation de la fluorescence, se retrouvent également da® l'ozone. Voici une autre analogie qui se présenté l'esprit : on sait que la désagrégation du radium a lié avec un dégagement de chaleur très intense et en raist duquel le radium est capable de développer des qua tités incessantes de chaleur qu'il transmet au mil ambiant; or, c'est avec un développement de chaler très fort que l'ozone se décompose dans ses comp sants. La seule différence entre l'ozone et les substam ces radio-actives est dans le poids atomique qui, dansé cas de l'ozone, est bien plus faible que dans celui du radium et des corps analogues; mais ce désacco n'empêche pas les auteurs de regarder les phénomène précités comme preuve suffisante du fait que l'ozonë est une substance essentiellement radio-active. Séance du T Janvier 1904. M. R. Schenck présente une théorie des phé mènes radio-actifs, en se basant sur l'hypothèse qu les électrons, dans les phénomènes d'équilibre ck mique, et notamment dans l'équilibre entre l'oxygèn et l'ozone, sont gouvernés par la loi des masses (loi d Guldberg-Waage). Dans un travail antérieur, fait collaboration avec le Professeur Richarz, de Marbu® l'auteur avait fait voir que l'ozone appartient au group des substances radio-actives, ce qui est d'autant plis: important que c’est là un corps disponible en qua! tités quelconques. Ce travail avait montré que l’o70 en se dissociant, devient conducteur de l'électrici c'est-à-dire se transforme en oxygène en émettant des ions gazeux; d'autre part, sa formation a lieu en pré sence d'ions gazeux, dans certains phénomènes élet triques. On est donc en présence d’un processus rém sible, parfaitement analogue aux phénomènes de di sociation, et, si l'on considère les ions gazeux comm des particules matérielles, l'on est fondé à dire l'ozone, élant formé d'oxygène et d'ions gazeux, est composé chimique d'électrons et d'oxygène, soit" « électronure d'oxygène ». Les électrons et les i atomiques seraient régis par la loi des masses, toi autant que les ions électrolytiques et les molécu électriquement neutres. Une différence entre la diss® ciation de l'ozone et la plupart des processus de disse ciation ordinaires est dans le dégagement de chalet dont s'accompagne cette réaction et en raison duqu il faut considérer l'ozone comme un composé end! thermique. Comme, par conséquent, la constante * d'équilibre de cette réaction diminue à température croissante, la constance de l'ozone doit s'accroître € même temps; la concentration des ions gazeux dégagé par l'ozone sera à son tour plus petite qu'à b température. L'auteur explique le fait bien connu q les composés de radium fortement actifs émettent uni odeur d'ozone, par l'ionisétion de l'air due aux i gazeux qu'émet le radium, et qui donne lieu à la for mation d'ozone aux dépens de l'oxygène ambia L'hypothèse se présente à l'esprit que le radium et le substances analogues seraient également des « él tronures ». Il est vrai que les conditions d'équilibre dans ces cas, seraient quelque peu différentes de cell de l'ozone gazeux; le processus serait analogue à dissociation du carbonate de calcium en oxyde de ca cium et en acide carbonique. L'auteur croit probabh que les substances radio-actives doivent leur existent à des phénomènes volcaniques accompagnés de w lents dégagements d'électricité. Comme dans beaucel de réactions lentes, telles que les oxydations de s tances organiques, donnant lieu à la formation d'oz® on à récemment constaté la présence d'ions gazeux, est possible que beaucoup de réactions chimiques sinon toutes, s'accompagnent de la présence de ions gazeux en quantités variables. Comme, Es part, le peroxyde d'hydrogène, produit fréquemment { . dans les processus d'auto-oxydation, est l’analogue parfait de l'ozone, dégageant, comme on le sait, des émanalions qui impressionnent les plaques photogra- phiques à travers une plaque d'aluminium, il convient de le regarder également comme « électronure ». La loi de Guldberg et Waage explique certains phénomènes remarquables, tels que, par exemple, le fait que le phosphore, tout en étant non lumineux et inoxydable dans l'oxygène pur sous pression atmosphérique, devient lumineux et éprouve une oxydation aussitôt que la concentration de l'oxygène est diminuée, La pression de luminescence maxima du phosphore dé- pend, du reste, de la température et s'accroit lorsque Doxygène est additionné de petites quantités d'ozone, Il parait que, pour produire une sensation lumineuse dans notre œil, la concentration des ions doit excéder une certaine limite. Après avoir émis l'hypothèse que les « émanations » des substances radio-actives ne seraient autre que de l'ozone, l'auteur essaie d'expliquer la radioactivité excitée par l'action de l'ozone, auquel seraient dus encore les phénomènes de déperdition spon- tanée d'électricité se produisant dansles caves et les de- meures (où les processus de putréfaction et de décom- position sont plus intenses) avec une intensité bien plus grande que, par exemple, dans certaines mines. —M. Dilthey fait une conférence sur le rôle de l'An- thropologie aux xvi® et xvut siècles, exposant le dé- weloppement de cette science durant cette période, aussi bien que ses rapports avec la littérature poétique du xvit et la philosophie du xvne siècle, + ALFRED (1RADENWITZ. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 4 Séance du 19 Décembre 1903 (suite). … 2° SciENCES PHYSIQUES. — M. H. W. Bakhuis Roo- zeboom présente en son nom et au nom de M. A. H. W. Aten : Lignes anormales de solubilité de mélanges binaires, provenant de l'existence de composés dans la solution. Auparavant, M. Roozeboom a montré par le Système acétaldéhyde-paraldéhyde (Rev. gén. des Se., &XIIT, p. 1048) comment les équilibres de phase des substances qui, à l’état fluide et gazeux, se composent de mélanges de deux espèces de molécules jouissant de la faculté de se transformer l'une dans l’autre, sont liés avec les équilibres de phase des mélanges binaires. Cet ordre d'idées admet une extension, en considérant les équilibres de phase des mélanges binaires où les deux composantes for- ment un ou plu- sieurs composées. Les auteurs se bornent aux cas où les composan- tes ne forment qu'un seul com- posé. En cas d'é- quilibre, la quan- tité de ce com- posé dans le mé- lange fluide ou gazeux dépendra de la proportion de mélange des ab deux composan- ù tes, de la tempé Fig. 1. rature et de la pression. Considé- rons seulement les équilibres entre fluide et solide Sous une pression constante. S'il n'y à pas d'équilibre entre le composé et les composantes, les phénomènes de fusion et de congélation se représentent dans l’es- pace à l’aide d'un prisme dont la base est un triangle équilatéral, où la dimension perpendiculaire à la base correspond à la température, tandis que dans le trian- gle on exprime les proportions mutuelles des compo- Santes et du composé, représentées par a,, b, et ab. Au g ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 21 ©E contraire, s'il y a équilibre entre le composé et ses Composantes, on a affaire à une courbe arb (fig. 4), re- présentant les proportions de mélange, l'isotherme de dissociation, Guidé par des considérations beaucoup plus détaillées de M. Roozeboom, M. Aten a examiné plusieurs cas possibles théoriquement, qui, d'une part, expliquent des lignes anormales de solubilité observées Jusqu'à présent, et font connaître, d'autre part, des phé- nomenes nouveaux. Pour plus de particularités, nous renvoyons à l'étude elle-même, — M. C. A. Lobry de Bruyn présente, au nom de M. W. Alberda van Ekens- tein : ibenzal-et benzalméthylqlucosides. Les recher- ches de l’auteur paraîtront plus détaillées dans le Recueil des Travaux chimiques des Pays-Bas. — Ensuite, M. de Bruyn présente au nom de M. C. H. Sluiter : La trans- formation CH:C0 | CH : Az | ON = C,H,COON, + CAzH. — Enfin M. de Bruyn présente les thèses : 4° de M. J. W. von Geuns : « Inwerkingsproducten van Dinitro- benzol en Cyaankalium » (Produits de réaction du di- nitrobenzène et du cyanure de potassium); 2 de M. 8. Tymstra Bzn : « Geleidbaarheidsbepalingen van oplos- singen van natrium in absolute en verdunde alcoholen en in mengsels van twee alcoholen » (Détermination de la conductibilité des solutions de soude dans des alcools absolus et dilués et dans des mélanges d’al- cools). — M. le Secrétaire présente, au nom de M. A.F. Holleman, la traduction italienne de son « Leerboek der anorganische Chemie : Trattate di Chimica inorga- nica », par M. G. Bruni. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. C. Winkler présente au nom de M. J. K. A. Wertheim Salomonson : Sur les images retardataires du tact. Etude en rapport avec l'expérience de M. Goldscheider (Zertschrift für Klin. Med., 1891). Si, par la pointe d'une aiguille, on exerce une pression faible sur le dos de la main, on remarque d'abord une sensation piquante et ensuite — après un intervalle d'insensibilité — une seconde sensation du même caractère, se distinguant de la première en ce qu'elle n’est pas accompagnée d’une sensation du tact etsemble donc prendre naissance à l’intérieur de l'or- 1 2 Fig. 2. — Images retardalaires du tact. gane. Mème si la première sensation n’est pas doulou- reuse, la seconde peut exciter de la douleur. L'auteur fixe l'attention sur l’analogie entre ce phénomène et celui des images retardataires de l'œil. Les trois sensa- tions consécutives qu'il a observées donnent lieu à la représentation graphique de la figure 2, tandis que, d’après M. Hess, les sensations de l'œil avec les sensations négatives des couleurs complémentaires correspondent Fig. 3. — Images relardataires de l'œil. à la sinussoïde à amplitude de plus en plus petite de la figure 3. Les phénomènes s'accordent parfaitement quant à la durée des diverses parties. — Ensuite 216 M. Winkler présente la thèse de M. E. A.J.M.Sträter : « Een geval van sclérose en plaques disséminées » (un cas de sclérose, etc.). — M. M. W. Beyerinck présente un travail fait avec M. A. van Delden : Sur les bactéries actives dans le rouissage du lin. Le rouissage du lin est une opération qui à pour but la destruction de l'écorce primaire et secondaire dans la tige de la plante, de sorte que les fibres restant intactes peuvent être isolées par un traitement mécanique connu sous les noms de « broyage » et « taillage ». Ces fibres sont collées aux cellules environnantes de l'écorce par une substance qu'on appelle la pectose; les libres élémen- taires sont collées entre elles en faisceaux par la mème substance, mais ici la lamelle intermédiaire contient encore de la /ignose, matière plus résistante à l’action des agents rouisseurs. La pectose rappelle dans son caractère chimique les celluloses, mais elle contient du calcium, est inso- luble dans l'eau et donne par hydro- lyse des hexoses et des pentoses. Dansles rouis- soirs, la pectose est fermentée par un microbe spéci- fique, le Granulo- bacter pectinovo- run, isolé pour la première fois par M. Fribes dans le laboratoire de M. Winogradsky ; dans toutes Îles méthodes de rouissage (excep- té le rouissage sur pré), c'est ce mi- crobe qui fait le travail qu'on dé- sire, le rouissage chimique ne don- nant pas de bôns résultats. Sans dif- liculté et avec une sûreté presque ab- solue, on obtient un bon procédé de rouissage eten mème temps une bonne culture brute du microbe Fig. 4. — Appareil pour le rouissage Youisseur à l’aide du lin. — A, cylindre; B,C, tubu- de l'expérience de lures; D,réservoir:; L, lin en fibres; Jaboratoire sui- T, thermostat. vante: Dansun cy- lindre A (fig. 4), contenant environ 300 c.c., on met 20 à 25 grammes de lin eru L; on ferme ce cylindre par un couvercle à deux tubulures dont l'une, B, se termine immédiatement sous le couvercle, tandis que l’autre, C, pénètre dans l'intérieur et atteint le fond du cylindre. On place le cylindre dans un thermostat T de 30° à 35° C. et l'on y fait circuler lentement un courant d'eau à l’aide du réservoir D, de manière que l'eau y soit renouvelée cinq à dix fois en trois jours. Après ce temps, on ouvre le cylindre, on trouve le lin roui et l'examen microsco- pique des tiges montre une belle culture de Gr. pecti- novorum, surtout quand on racle les débris de l'écorce le Jong de la tige à l’aide d'une pincette et que l'on recueille une goutte de cette masse sur une lame porte- objet. C'est le Gr. pect. qui peut décomposer la pec- (ose au moyen d'un enzyme, la peclosinase (non iden- tique à la pectinase de MM. Bourquelot et Hérissey, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Comptes rendus, t. CXXVII, p. 191, 1898, parce qu extrait de moût concentré ne peut pas rouir le Dans un appareil sans renouvellement de l'eau, ile impossible de parvenir à un bon rouissage avec dur cru; dès le premier jour, on observe une format d'acide par les ferments lactiques qui rend impo le développement suffisant de Gr. pect., et, quoit une légère acidité soit favorable à l'action de la peë sinase, onne peut pas obtenir un rouissage compl Par le courant d’eau, on emporte la matière solub lin, qui contient la nourriture de ces bactéries aeï fiantes; avec leur nourriture, ces ennemis du rot sage disparaissent eux-mêmes, et les bactéries capabl d'attaquer la matière insoluble ont la liberté dem multiplier. Dans un bon rouissage, la pectose seules attaquée; les fibres et les cellules ligneuses reste intactes. Le Gr. pect. est « anaérobie » ou pl « microaérophile », parce que, comme chez tous organismes dits «anaérobies » bien connus, des qui tités minima d'oxygène sont favorables à son di loppement, tandis qu'à l'accès libre de l'air il ne en pas du tout. Les auteurs ont isolé leur microbe pan cultures sur des plaques de gélose dans lextrai moût à 2 à 3 °/, Balling, à une température de 35 dans un exsiccateur deux fois évacué et rempli di drogène. Les colonies se reconnaissent facilement un moiré (très caractéristique qu'on observe en lum: oblique. A l’aide du Gr. pect. à l’état pur, on. rouir le lin stérilisé sans aucune précaution; se ment, il est recommandable d'inoculer en mème tem un second organisme, par exemple le Saccharommt sphaeromyces, pour absorber l'excès d'oxygène: circulation et même le renouvellement ne sont p nécessaires, les ferments lactiques ne pouvant mu parce qu'ils sont absents. L'expérience se fait avec. cultures pures, très simplement dans des éprouv de grand modèle, remplies avec des tiges de ] morceaux de 10 à 15 centimètres de longueur, grande quantité que le frottement contre la para empêche de nager à la surface au moment où. ajoute de l’eau. Le rouissage est terminé dans ces ditions en trois jours à une température de 309 à 3 Le Gr. pect. forme des bâtonnets de 10 à 15 y de gueur sur 0,8 & de largeur, avec des spores termin oblongues de 1,2 à 1,8 p; il fait vivement ferm ter un extrait de moût dilué (3 °/, Balling), sans ace libre de l'air, et de mème le bouillon avec 2 24 glucose, de lévulose, de galactose, de lactose et d tose, tandis que l’amidon, l’inuline, le manni glycérine et l’érythrite ne sont pas attaqués. importante est la fermentation qu'il provoque dans solution de pectine de gentiane, préparée par ext tion avec l'acide chlorhydrique et précipitalion ave l'alcool, sans autre source d'azote que l’'ammoniagt tandis qu'une solution de glucose ne montre aucune mentation dans les mêmes circonstances. Par desp cularités il se distingue du Granulobacter urocephal forme analogue toujours présente dans le lin présentant sous le microscope une forme plus lor et plus recourbée, à spores plus arrondies. Les « organismes forment une petite quantité de dias de trypsine. Les expériences des auteurs ont mont qu'un bon rouissage n'est possible que dans l’eau 6 rante, soit dans les ballons ou dans les rouissoirs 6 dans une institution industrielle. 11 semble qu rouissage manufacturier soit le meilleur système, pa qu'ici on peut régler tous les facteurs important toutefois, en cette matière, la décision définitive 8 donnée par la pratique. P.-H. SCHOUTE.. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER #7 Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, {, rue Cassette. D) 15 MARS 1904 CS Revue générale NSCIéencC pures el appliquées DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. … Airesser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Puris. — publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. | CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Astronomie 2 Les Atmosphères des Planètes.— On acherché souvent à expliquer, en s'appuyant sur la théorie ciné- “tique, l'absence de gaz légers dans les atmosphères planétaires. Suivant cette hypothèse, les molécules gazeuses sont animées de vitesses dirigées dans tous les sens, variables d'une molécule à l’autre, mais pré- sentant la même valeur moyenne dans toute l'étendue | dédla masse, si la température est constante. C'est au Lehôc des molécules extrêmes qu'est attribuée la pres- Lsion exercée par le gaz sur les parois de son enceinte. | Edpression et le nombre des molécules contenues dans Ë volume donné étant connus, on peut caculer la vitesse moyenne. Pour l'hydrogène à la température dézéro, elle est d'environ 1.840 mètres par seconde. Elle “eSbdhautant moindre pour les autres gaz que leur den- silévest plus grande. Mais il y a des molécules dont la vitesse est bien supérieure à la moyenne; et, si elles se trouvent à la limite de l'atmosphère, elles peuvent sor- tivide la sphère d'attraction de leur planète et se dif- fuser dans l’espace. Ainsi, à la surface de la Terre, un Mobile lancé avec une vitesse de 11.180 mètres par Seconde ne reparait plus : c’est la vitesse critique. Sur la Lune, la vitesse critique n’est que de 2.437 mètres. Il nest donc pas surprenant que l'hydrogène ait quitté latmosphère terrestre et qu'aucun gaz ne soit resté autour de la Lune. ; Wependant, on peutse demander pourquoiles comètes, à la surface desquelles la vitesse critique est excessi- vement faible, ne sont pas déjà et depuis longtemps toutes dispersées; comment aussi les planètes, qui ont “étéformées par des agglomérations successives de va- peurs et de gaz portés à une haute température, n'ont pas vu leurs matériaux se dissiper avant même d'être réunis. Et, parmi tant d’autres critiques que comporte la théorie cinétique, ces contradictions ont sans doute échappé à ceux qui s'appuient sur cette théorie pour affirmer que les petits astres ne peuvent conserver d'atmosphère. Dans ces conditions, M. du Ligondès! a cru devoir examiner de plus près comment les choses se passent Un in ei te done À Bull. de la Soc, Astron., p. 291, 1903. REVUR GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. en réalité, et, dans une Note très intéressante, l’auteur montre que la tendance à la dispersion des atmosphères est indépendante de la masse. Sans entrer dans le détail du calcul, on voit que c'est une erreur manifeste d’attri- buer à la faiblesse de l'attraction lunaire l'absence d’at- mosphère autour de notre satellite ; il faut plutôt croire que la porosité du sol, attestée par le relief de la sur- face, a déterminé l'absorption rapide de l’eau d’abord, ensuite des gaz. Il est non moins inexact de dire que l'hydrogène, l'hélium et autres gaz légers ont quitté la Terre pour se concentrer autour du Soleil. Si ces gaz avaient le pou- voir de diffusion qu'on leur prèle, aucun astre ne serait capable de les retenir. La théorie cinétique repose sur l'exactitude de la loi de Mariotte. Or l'expérience apprend qu'au delà d'un certain degré de raréfaction, la diminution de pression est plus rapide que celle de la densité; c’est une preuve que les vitesses molécu- laires décroissent aussi. Aux limites de notre atmos- phère, où la température est très basse, ces vitesses sont donc loin d'atteindre les chiffres que la théorie donne pour les couches inférieures. En résumé, les calculs et raisonnements sur lesquels on s'appuie pour expliquer, d'après la théorie ciné- tique, l'absence de gaz légers, ou même l'absence totale d’atmosphère autour des planètes et de leurs satellites, paraissent dénués de fondement. $ 2. — Mécanique A propos de la déformation des solides. — Nous recevons de M. P. Duhem, professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaux, la lettre suivante : Monsieur le Directeur, La /tevue générale des Sciences à publié récemment un article de M. Bouasse intitulé: Sur les déformations des solides*. En cet article, M. Bouasse, parlant de mes recherches, dit (p. 116) : « Dans son dernier Mémoire, M. Duhem avoue lui-même qu'il n’a pas réussi, que, « quoiqu'on puisse penser de mes critiques, il ne lui parait pas douteux que le fond n’en soit en partie jus- A 1 Revue générale des Sciences du 15 février 1904, p. 415. 5 LT FA 218 tifié », et, suivant la méthode de Coulomb, il superpose une nouvelle théorie à l'ancienne. » Je connais votre obligeance et l'hospitalité de la Revue: abuserais-je de l'une et de l'autre en vous demandant de mettre le texte entier, dont M. Bouasse a extrait deux lignes, sous les yeux des lecteurs? Peut- être n'y verront-ils pas l’aveu que je n'ai pas r'éussI. Voici ce texte ‘ : « Dans plusieurs de nos écrits relatifs à l'hystérésis, nous avons expliqué divers phénomènes de moditica- tions, spontanées en apparence; nous avons expliqué aussi l'influence que la vitesse avec laquelle varient les conditions extérieures exerce sur les effets d'hysté- résis: cette explication fait jouer un rôle essentiel aux variations très petites, mais incessantes, des actions extérieures qui semblent invariables. Cette explication a été récemment attaquée par M. Bouasse, professeur à la Faculté des Sciences de Toulouse, avec une grande vivacité. Quoiqu'on puisse penser de plusieurs de ses critiques, il ne nous parait pas douteux que le fond n’en soit en partie justifié. Les théories que nous avons développées expliquent un grand nombre de phéno- mènes accompagnés de modilications permanentes; elles ne les expliquent pas tous. « Mais notre doctrine mème appelle un complément pour lequel, dans nos précédents écrits, nous avions, en quelque sorte, posé une pierre d'attente. « Pour passer des modifications infiniment lentes des systèmes affectés d'hystérésis aux modifications accom- plies avec une certaine vitesse, nous avions fait usage du principe de d’Alembert. Mais nous avions pris ce principe sous sa forme primitive, où interviennent seulement, à côté des forces réelles, les forces d'iner- tie. « Depuis longtemps, cette forme est reconnue insuf- fisante dans l'étude des systèmes dénués d'hystérésis ; depuis longtemps, on a reconnu la nécessité d'ajouter à la force d'inertie une force de viscosite. « L'introduction de la force de viscosité dans les équations du mouvement d'un système affecté d'hysté- résis se présente comme le développement nécessaire de la théorie dont nous avons posé les fondements; dès le début, ce développement pouvait être prévu; aussi, en excluant de nos recherches précédentes la considé- ration des forces de viscosité ou résistances passives, avions-nous eu soin de signaler ? cette exclusion comme une simplification provisoire. « L'objet principal du présent Mémoire est de montrer comment on peut s'affranchir de cette simpli- fication etcomment, en s’enaffranchissant, on obtient du premier coup l’explication d'une foule de phénomènes qui échappent à la théorie simplifiée ». Croyez, Monsieur le Directeur, à mes sentiments les plus dévoués. P. Duhem, Correspondant de l'Institut. ————————————_—_—————————————…—…—…—……—…—…………….…—…—….…_……—…—…—…—…——_—— 1 P, Done : Sur les déformations permanentes et, l'hys- térésis. Septième Mémoire : Hystérésis et Viscosité; Intro- duction (Mémoires in-49 de l'Académie de Belgique, t. LAN, 1902). 2 Sur les déformations permanentes et l'hystérésis. Troi- sième Mémoire : Théorie générale des modifications per- manentes. $ 14 (Mémoires in-40 de l'Académie de Belgique, t. LIV, 1896). Voici le passage auquel le texte fait allusion : « Pour ne pas compliquer la question sans utilité, nous nous borne- rons à étudier le cas où Jes résistances passives Sont toutes égales à 0, et nous allons préciser de la manière suivante ce que nous entendons par ces mots : Lorsque les résistances passives sont toutes égales à 0, dans un système dénué de modifications permanentes, la Statique et la Dynamique de ce système sont liées l’une à l'autre par le Principe de d'Alembert; ce principe entraine la conséquence suivante : Considérons maintenant un système susceptible de déformations permanentes. Dire que les résistances pas- sives y sont toutes égales à Ü, ce sera, pour nous, dire que la proposition précédente est applicable à ce système ». CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 3. — Physique L'influenee des déformations sur P tricité de frottement. — Dans des expérien antérieures, M. N. Hesehus avait fait voir en pren lieu qu'en diminuant la densité superticielle d'un to donné, on rend celui-ci plus négatif au point de vué l'électricité de frottement. Comme, toutefois, presque toutes ses expériences antérieures, les Wa tions de densité superficielle étaient produites soit chauffant, soit en polissant le corps, la possibilité d action chimique compliquant les phénomènes nl pas entièrement exclue, Aussi l’auteur a-t-il ent une nouvelle série d'expériences où les variations de sité superticielle sont produites par des déformation corps en expérience. Voici les conclusions qu'on déd de cette investigation *: 1° Le verre comprimé s'électrise positivementMp rapport au verre non déformé ; ; 2 Les tubes de caoutchouc soumis à une élong s'électrisent négativement lorsqu'on les frotte ave tubes identiques non déformés; , 3° Une plaque fléchie, étant frottée avec une pla plane, s'électrise positivement sur le côté conca négativement sur le côté convexe ; ce phénomèn: le plus frappant dans le cas de l’ébonite et à peine ceptible dans celui des métaux et surtout celui de} minium. Voici l'explication que l'auteur donne di phénomène : Deux corps en contact peuvent être con dérés comme constituant un condensateur ; l'éne électrique de lunité de surface de ce condensatk provient de la variation de tension superficielle (a) au contact; c'est pourquoi Au?/87e — a ou RS différence de potentiel (u) doit, par conséquent, petite pour les corps à constante diélectrique élew (métaux); 40 En tenant compte de ce qui précède, on est fom à formuler la loi générale suivante : En frottant sur l'autre deux corps de même nature chimique en les amenant au contact, on électrise positiveme corps dont la densité superficielle est la plus grant Relation entre la conductivité du sé nium et l'intensité de la lumière ineident __ M. Hopius® vient de faire une série d'expérien avec un appareil construit par M. M. Kohl et un disp sitif de contrôle de sa propre construction, sur dus nium fourni par la maison E. Merck, à Darmstad premier était éclairé par un brüleur étalon à la@ d'amyle placé à des distances intermédiaires entre 200 centimètres, et l'autre par une lanpe Nernsiu posée à ces mêmes distances. Les intensilés de coun ainsi mesurées s'accordent assez bien avec l'hypothe d’une proportionnalité directe entre l'augmentation conductivité du sélénium et la racine cubique de tensité lumineuse. $ 4. — Electricité industrielle Les essais de traction à courant altern tif simple enltalie. — Nous avons déjà parlé de traction par courant alternatif simple; mais n6 sommes obligé d'y revenir, car, la question étant l'ordre du jour, elle a provoqué de nombreux @ dont les heureux résultats paraissent encouragen plus sérieuses espérances au point de vue pratique. Nous avons indiqué la méthode un peu indi proposée en Amérique, et qui consiste dans l'adj tion de l'air comprimé à l'électricité dans la tra par courant monophasé. Il ne semble pas que les id de l'inventeur aient reçu jusqu'ici aucune applicatié Mais d’autres méthodes, directes et indirectes, s@ 1 Journal de la Société Physico-chimique russe, n°4 2 Journal de la Socicts Physico-Chimique Russe, ns 1903. Len préparation ou en application, et, parmi celles- Putilisation du moteur série à collecteur, annoncée prix de quelques modifications par la Compagnie tinghouse aux Etats-Unis, et différemment réalisée Milan par M. le D' Finzi. On n'a encore aucune nou- élle des résultats obtenus par la Compagnie Westin- se sur la ligne de Baltimore à Annapolis; nous ons connaître le système employé quand nous en rons contrôlé les résultats. 11 sera intéressant alors délé rapprocher du système mis en essais à Milan par 16D: Finzi, système dont nous sommes à mème de ner dès maintenant le principe et les résultats. principe consiste à composer le moteur, comme ® ferait d'un moteur série ordinaire de traction mé à marcher sous courant continu, d'un induit lecteur tournant au centre d’une couronne de saillants bobinés, l'induit et l'inducteur étant ntés en série. Les inconvénients dus à la grande self-induction, à éaction d'induit et aux étincelles sous les balais, nt éliminés par une construction rationnelle de tous organes du moteur, construction qui ne fait différer ci, en définitive, des organes du moteur à courant inu que par quelques détails d'ordre secondaire. mporte, d’ailleurs, de remarquer que la fréquence seulement de 18 périodes par seconde, ce qui dimi- beaucoup les inconvénients de l'induction. Pour alimenter le moteur à tension convenable sans judice de la tension de la ligne, et pour permettre mise en marche et le réglage de la vitesse, on inter- entre la ligne et le moteur, un transformateur lucteur de tension dont l’enroulement secondaire Composé de sections qui, associées en série en plus moins grand nombre, donnent plus ou moins de ts aux bornes du moteur, simple transformateur à ondaire réglable, qui à l'avantage de donner un Marrage plus économique que le démarrage rhéos- ique. Le bon fonctionnement de ce moteur a été rilhié au cours d'essais réalisés publiquement sur le œau de tramways de Milan pendant les heures arrèt du service. Be service est d'ordinaire assuré par le courant con- Qu à 550 volts, alimentant par fil aérien des voitures Hiies chacune d'un moteur de 27 chevaux. Pour ali- r ce réseau en courant alternatif, on le débran- de l'usine à courant continu, et on le relia à un nateur de 60 chevaux. On improvisa une sorte ine provisoire alimentant la ligne à la fréquence 18 périodes par seconde et à la tension de 550 volts, des pôles étant relié à la ligne aérienne et l'autre dlasterre pour conserver le retour par les rails, et se mtenter d'un seul conducteur aérien, comme on le it avec le courant continu. Au moteur et contrôleur d'une voiture avaient été titués le moteur à courant alternatif simple et le Sformateur de réglage précédemment décrits, et le représentant un poids à peu près équivalent, par- ut 200 kilomètres, au cours desquels furent faits nombreux démarrages, de nombreuses observa- ns et lectures, et des relevés qui ont permis de cons- er le bon fonctionnement des moteurs, et d'établir valeur comparative des rendements en alternatif ben continu, la valeur des facteurs de puissance, etc. Le facteur de puissance moyen en marche de l’en- ble (ligne, transformateur et moteur) a varié entre æt 0,95, avec une moyenne de 0,8. Bénergie absorbée par tonne et par démarrage jus- dmune vitesse de 22 kilomètres à l'heure a été de #valts-heures avec l'équipement à courant alternatif, 12,5 watts-heures avec l'équipement normal de la de Milan (moteur G. E. 52 à courant continu). De me, l'énergie absorbée par tonne et par kilomètre narche normale (vitesse moyenne de 18 kilomètres Pheure, et avec 2,2 démarrages en moyenne par omètre) à été de 45 watts-heures avec l'équipement zi à courant alternatif, et de 70 watts-heures avec quipement G. E. 52 à courant continu. Po U CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 219 $S 5. — Chimie Synthèses d’aldéhydes. — L'intérêt considé- rable que présentent les aldéhydes, tant au point de vue scientifique qu'au point de vue de leurs applications industrielles, et plus particulièrement en parfumerie, à depuis longtemps suscité un assez grand nombre de procédés et engagé maint savant à rechercher une méthode vraiment pratique pour fabriquer ces corps. Excepté en série aromatique, on ne connaissait point de synthèse donnant de bons résultats, nous pourrions même dire donnant un résultat appréciable. Coup sur coup, quatre nouveaux procédés viennent de surgir, qui paraissent avoir résolu le problème d’une manière satisfaisante. 4° Procédé de M. Bouveaull!. — M. Blaise a montré autrefois que les dérivés organo-magnésiens se com- binent aux nitriles. Ces combinaisons, traitées par les acides étendus, se transforment en cétones. Donc, avec l'acide cyanhydrique et les dérivés organo-magnésiens on doit obtenir des aldéhydes. Malheureusement, la réaction échoue à cause du caractère acide de l'hydro- gène de l'acide cyanhydrique : on a seulement : R H.CAz + Me x X =RH+MgC CAZz La réaction de M. Blaise a été étendue aux amides par M. Béis. La formiamide doit done conduire au résultat cherché. Cette fois encore, le caractère acide des hydrogènes du groupe AZI empêche la réaction. Il suffit de les immobiliser pour écarter cet empêchement La diméthylformiamide, la pipéridylformiamide, la méthyl et l'éthylformanilide donnent une réaction régulière, que M. Bouveault représente ainsi : Æ R R' A7 H.COAz{ +Mg{ —H—CO0£ “R:' Nr EXT N R X ue R" MeX R on —> +H'O—R'—CHO+AzH LMel ”. NR' x Le manuel opératoire est des plus simples et les ren- dements sont assez bons. 20 Procédé de M. Gattermann? (en collaboration avec M. Maflezzoli). — Il consiste à faire réagir à 50° les dérivés organo-magnésiens sur l’éther formique : R.MgBr + H.CO2C?H5 — BrMgOC2H5 + RCHO. Avec le toluène o-bromé, l’auteur a obtenu un ren- dement de 50 °/, en aldéhyde o-toluique. Par le même procédé, il a préparé la benzaldéhyde, laldéhyde m-toluique, lanisaldéhyde, la phénylacé- taldéhyde, l’aldéhyde 4-naphtoïque et l’aldéhyde cam- phorique. 30 Procédé de M. Darzens®. — Ce procédé est fondé sur les réactions suivantes : L'acide glycolique ou ses éthers se condensent avec les cétones ou les aldéhydes en présence de l’éthylate de soude pour donner des éthers d'acides &-oxy-acryliques substitués. Ceux-ci, saponifiés et distillés dans le vide, perdent CO: et donnent une aldéhyde. En pratique, on condense l'acé- tone choisie avec l’éther monochloracétique en présence de C*HONà, on saponilie et on distille : R N CO + CH2.C1. CO2C2H5 + CEHSONa R'/ R\ — CEHSOH + NaCl + \ R' NCO2C2H5 R OH R. ON 60: MN CH CHU: R/ NGOH R'/ PCR CXXX VII, p. 987. > Ber. D. Ch. G.. t. XXXVI, p. 4152. 3 Bull. Soc. Chim., t. XXIX, p. 1156. 4 Procédé de MM. Bchal et Sommelet'. — Ce pro- cédé permet d'obtenir les aldéhydes du type : R CH — CHO R'/ en décomposant par l'acide oxalique sec les éthers- oxydes d'a-glycols répondant à la formule : R Dorian e R” | OH Quant à ces derniers, on peut les obtenir en faisant agir les dérivés organomagnésiens sur l’éthoxyacétate d'éthyle. Les alcools tertiaires cherchés s'obtiennent avec un bon rendement (60 °/, de la théorie). Quant à la transformation en aldéhydes, elle s'effectue en géné- ral avec un rendement qui est rarement inférieur à 50 0/0. Digestion des mannanes et des galac- tanes par la séminase.— M. Hérissey, dans une remarquable suite d'articles publiés dans la Revue de Botanique, nous fait connaître ses récents travaux sur une diastase des réserves nutritives végétales, qu'il dénomme séminase. C'est un ferment soluble (ou un ensemble de ferments solubles) qui transforme les hydrates de carbone des réserves de l’albumen corné des Légumineuses en sucres assimilables. Sous action de cette diastase, le mannane donne du mannose, et le galactane du galactose, tous deux solubles et dialy- sables. La composition de la séminase serait complexe; elle n'a pu être déterminée; mais son individualité a été mise en évidence par plusieurs faits très précis : c'est ainsi que les ferments de l’Aspergillus niger agissent faiblement sur le mannane et le galactane de l'albumen du Caroubier, tandis qu'ils transforment le saccharose, le maltose, le tréhalose, les glucosides, l'inuline et l’amidon. La diastase destinée à digérer cet albumen ne peut donc être assimilée à l’invertine, à la maltase, à la tréhalase, à l'émulsine ou à l'inulase, mais doit, au contraire, posséder des propriétés parti- culières lui permettant l'hydrolyse des composés orga- niques en question. Comme confirmation de ses expé- riences, M. Hérissey a obtenu du galactose parfaitement pur et cristallisé par l’action de cette séminase sur un galactane. I] convient toutefois de remarquer que les hydrates de carbone considérés ne seront pas, quelle que soit leur origine, transformés par la même diastase, mais qu'au contraire il y aura une diversité de ferments correspondant à la diversité des substances à digérer. $ 6. — Physiologie Combustions intra-organiques dans les glandes à l'état de repos et d'activité — CL. Bernard avait conclu de ses expériences sur la glande sous-maxilliire que les combustions sont diminuées dans les glandes en activité; il s’'appuyait surtout sur ce fait que le sang sort plus rouge des glandes en acti- vité que des glandes au repos et que la proportion d'acide carbonique et d'oxygène du sang efférent est très peu modifiée. M. Chauveau s’est élevé contre cette doctrine, faisant remarquer que les conclusions de CI. Bernard sont gravement entachées d'inexactitude, parce qu'il a omis, dans son calcul des combustions intra-organiques, de tenir compte du débit sanguin, facteur essentiel. M. G. Moussu, professeur à l'Ecole vétérinaire d’Al- fort, et M.J. Tissot viennent de répéter les expériences de CI. Bernard, en les exécutant sur le bœuf, dont la glande parotidienne, douée d'une activité considérable, a des vaisseaux et des nerfs facilement accéssibles à l'opérateur. Janv. 1904). 1 C, Ra € CXXXVII CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Ces auteurs établissent les faits suivants { : 4° Le débit sanguin, pendant la période d’activi la glande, est infiniment plus grand que pendant période de repos : de 20 grammes environ par mimi pendant le repos, le débit du sang veineux passe une expérience, à 137 gr. 50 pendant la période d vilé; 2 Le débit salivaire peut être considérable par port au débit sanguin : pour un débit veineux 120 grammes par minute, le débit salivaire a 25 grammes et même, dans un cas, 93 grammes; 3° La richesse du sang veineux en globules ra pendant la période d'activité, est considérableme accrue : de 6.300.000, le nombre des globules a p 8.700.000 et même à 9.900.000. : C'est évidemment cette richesse globulaire qui raison de la richesse en oxygène du sang veineu glande en activité : elle résulte d'une concentration sang, due à la sécrétion salivaire proprement dite, q prive le sang d'une partie de son eau. : Par conséquent, deux facteurs essentiels doiven trer en ligne dans le calcul de la dépense de la glan le débit sanguin et la sécrétion salivaire. L'oxy entrant dans la glande doit être calculé sur un volu de sang artériel égal au volume du sang veineux s'écoule par minute, augmenté du volume de Ss sécrétée pendant le même temps. L'oxygène sot de la glande se calcule sur le volume du sang vei écoulé par minute. MM. Moussu et Tissot ont constaté, en tenant co de ces considérations fondamentales, que le sang pé trant dans la glande pendant une minute perd f €: d'oxygène, la glande étant en repos, et qu'il en 4 ce. ©. 51, la glande étant mise en activité par l'exe tion de ses nerfs. L'excès de dépense dù à l’activité donc, pour une minute, de 2 ©. c. 65. La dépense“ oxygène est deux fois et demi plus considérable pe dant l’activité que pendant le repos. 4 En résumé, les glandes salivaires dépensent beaucol plus pendant l’activité que pendant le repos; et dépense se manifeste par un notable accroissemen la consommation d'oxygène. l'énergie mise en pendant la sécrétion salivaire est donc bien, comme, soutenu M. Chauveau, créée par les processus d combinaison lavoisérienne. L Rôle du contact du sang avec les corp étrangers dans la coagulation de ee liquid — On sait que Freund a établi, il y a une quin d'années, que le sang recueilli au sortir du vais dans un vase dont les parois sont enduites d’hui de vaseline ne se coagule qu'avec une extrème Je teur. On sait que M. Bordet, directeur de l’Institut ba tériologique de Bruxelles, et son assistant, M. Gen ont observé des phénomènes analogues, en substitu la paraftine (qui à l'avantage sur la vaseline d'adh au verre et de permettre des centrifugations en t paraffinés) à l'huile et à la vaseline. Dans la coagulation du sang, on peut noter une de phénomènes successifs : production par les le cytes d’un zymogène; transformation de ce zymogi en fibrin-ferment, en présence des sels calciques: plasma, action de ce ferment sur le fibrinogèm précipitation de la fibrine. Quel est, ou quels s parmi ces phénomènes, celui qui est, ou ceux quis influencés par la paroi de paraffine? Est-ce la produt tion du zymogène qui est retardée, les leucocytess recevant plus — dans des conditions où le sang mouille pas la paroi — l'excitation nécessaire à la pi duction rapide de ce zymogène ? Est-ce la transformati® du zymogène en fibrin-ferment; est-ce la transformi tion du fibrinogène en fibrine; est-ce la précipitationt la fibrine qui est empêchée, ou tout au moins retardée MM. Bordet et Gengou, sans prétendre résoudre ‘Ÿ 1 C. R. Soc. de Biologie, 1904. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 221 es questions, viennent de publier‘ sur un point ier des expériences intéressantes, d'autant plus noter que nos connaissances sur lazymogenèse, les concernent, sont moins étendues. Ces auteurs tendent pas que, dans les expériences en tubes finés, la genèse du zymogène soit normale; ils iminent pas cette question; ils s’attachent simple- nt à établir que la transformation du zymogène en dent, toutes conditions nécessaires de milieu chi- le étant réalisées, ne se fait pas en vase paraffiné même facilité, avec la mème rapidité qu'en vase n paraffiné. eurs recherches ont été faites avec le plasma salé , : on sait que le sang reçu dans une solution de "ure de sodium, telle que le mélange sang-solution contienne 5 °/, de sel, ne se coagule pas sponta- t : c'est ce qu'a établi, tout d'abord, M. Armand nier. — MM. Bordet et Gengou, étudiant le plasma ce sang salé, ont vu qu'il contient du zymogène, point de fibrin-ferment : il ne renferme pas de ferment, parce qu'il est incapable de faire coa- e plasma oxalaté, réactif du fibrin-ferment; parce ssiil se coagule par addition d'une faible propor- “de sérum; il renferme du zymogène, substance trice du fibrin-ferment, parce qu'il se coagule ème, quand on le dilue de quelques volumes distillée, r dilution du plasma salé au moyen d'eau distillée, étermine donc la transformation du zymogène en i-ferment. MM. Bordet et Gengou font l'expérience nparativement en vase ordinaire el en vase paraffiné, miant, d’ailleurs, les conditions de l'expérience, nstatent ce fait très remarquable : la coagulation ‘plasma salé dilué se fait en une demi-heure, par iple, en vase normal; elle ne se fait qu'en deux es et plus en vase parafliné. cette intéressante expérience résulte la consé- e énoncée par ces auteurs : « Le contact avec un s étranger tel que le verre, dont un caractère ppant est d'être mouillable, favorise activement la oduction du fibrin-ferment aux dépens du profer- nt. Cette influencé s'observe en dehors de toute vention d'éléments figurés. L'influence coagu- eexercée sur le sang par le contact des corps étran- “et que les expérimentateurs ont si fréquemment xvée peut donc s'expliquer sans qu'on soit forcé nvoquer l'irritabilité cellulaire. [ne faudrait pourtant point conclure que le contact les parois de verre ne joue aucun rôle dans la èse du profibrin-ferment; des expériences directes Emeltraient seules de poser une conclusion nette à ajet. Il convient, pour le moment, de réserver de con la plus absolue cette dernière question. Les erches de MM. Bordet et Gengou nous montrent ement que les phénomènes de contact intervien- activement dans la transformation du profibrin- u pour mériter d'être signalé. à $ 7. — Psychologie sensation du « déjà vu ». — Dickens à fait par la bouche de son héros David Copperfield : us connaissons tous par expérience ce sentiment quinous envahit parfois, que ce que nous sommes en rain de dire ou de faire a déjà été dit et fait antérieu- tement, il y a longtemps; que nous avons déjà été en- ourés par les mêmes figures et les mêmes objets dans mêmes circonstances. » es écrivains et les poètes ont souvent décrit ces mi- es émouvantes de la vie dans laquelle une sensa- nouvelle semble avoir été déjà éprouvée. ans le Roman d'un Enfant, de Pierre Loti, le héros onnut la mer qu'il voyait pour la première fois. … {éreconnaissais et je tremblais ». On cite les vers de Verlaine, dans son « Kaléidos- cope » : Ce sera comme quand on a déjà vécu Un instant à la fois très vague et très aigu. … Ce sera si fatal qu'on en eroira mourir. Trembler, penser, mourir, ainsi s'exprime l'émotion intense éprouvée en pareils cas. Sans angoisse, en effet, la sensation du « déjà vu » n'existe pas ; l'angoisse en fait partie intégrante et nécessaire. 11 faut qu'en re- connaissant la chose qu'il n'a jamais vue, le sujet ne comprenne pas d'où à pu venir la première impression; dès lors, il est stupéfait de trouver antérieurement déposée dans son esprit une image qui s'y est formée à Son insu, à un moment et dans des circonstances qu'il ignore. Cet étonnement, brusque et intense, com- mence l'angoisse, qui s'accroit de toutes les hypothèses que la surprise engendre. Voilà la sensation du « déjà vu » constituée; son angoisse caractéristique est, en somme, produite par la faillite de la raison du sujet en face d’un phénomène inexplicable et contradictoire; elle résulte, dit Paul Bourget, de la présence simultanée dans l'esprit et du heurt de deux évidences inconci- liables. L'expression « déjà vu » est, d’ailleurs, trop étroite; souvent il s’agit d'une sensation de « déjà entendu »; plus souvent encore, c'est une sensation plus complète « d'émotion déjà éprouvée ». Si les travaux concernant la sensation du « déjà vu » sont nombreux et intéressants, si, au point de vue des détails de sa symptomatologie, le phénomène est par- faitement décrit, une grande incertitude subsiste en ce qui concerne son mécanisme psychologique. M. Grasset! vient de tenter cette mise au point scien- tilique. Le professeur de Montpellier remarque qu'il y a deux éléments, également essentiels, dans la sensa- tion du « déjà vu » : d'abord, la reconnaissance d'une image, d'une émotion, d'un état psychique qu'on à conscience de n'avoir jamais éprouvé ; ensuite l’ign0- rance de l'origine de la première impression (image visuelle ou auditive, émotion), antérieurement acquise par le psychisme du sujet, et à laquelle l'impression actuelle paraït identique. Pour M. Grasset, il est nécessaire qu'il y ait eu dans le psychisme une image ou une impression, dépo formée à l'insu du sujet. D'où lastupéfaction ango du patient quand il constate dans son esprit la pré- sence d'une image précise, image qui n'y est entrée à aucun moment, du moins à son avis. Toute la question scientifique revient dès lors à ceci : Un sujet peut-il, inconsciemment et à son insu, acqué- rir des connaissances psychiques, qu'il pourra utiliser plus tard dans diverses opérations intellectuelles cons- cientes (comparaison, raisonnement...) sans jamais se rappeler (même à ce moment où il les utilise) ni le moment, n1 les circonstances de l'acquisition de cette connaissance psychique ? A cette question M. Grasset répond nettement par l'affirmative; et le fait s'explique par la distinction entre un psychisme supérieur et un psychisme -infe- rieur. Il existe un centre supérieur d'intellectualité, le centre O, libre et conscient. Au-dessous de lui sont les centres du psychisme inférieur, qu'on peut schémati- quement relier les uns aux autres par des lignes dont l'ensemble figure un polygone; l'activité polygonale n’est pas libre; elle est subconsciente ou incons- ciente. A l’état habituel, les centres des deux ordres de psychisme collaborent d'une manière inextricable ; mais ils peuvent aussi, dans certains états pathologi- ques, dans certaines circonstances extra-physiologi- ques, se désagréger et fonctionner isolément. 1 Grasser : La sensation du « déjà vu»; sensation du « déjà éprouvé »; l'illusion de « fausse reconnaissance ». Revue de Psychologie normale et pathologique, Janvier- Février 1904. Dans ces états de désagrégation sus-polygonale, dans ces circonstances où le centre supérieur O0 n'assiste pas à ce que fait le polygone, les centres psychiques infé- rieurs peuvent acquérir des impressions diverses. Plus tard, le centre psychique supérieur, le centre 0, peut découvrir ces impressions dans le polygone et les utili- ser, sans connaitre le momentet le mode d'acquisition de celte conception par les centres psychiques infé- rieurs inconscients. Cette formation inconsciente de concepts dans les centres psychiques inférieurs désagrégés peut s'expli- quer de deux manières : 4° les centres polygonaux ont de la memoire et les concepts peuvent venir de l'exté- rieur; 2° les centres polygonaux ont de l'imagination et les concepts peuvent se former dans les centres psychiques inférieurs. Dans lun comme dans l’autre cas, l'acquisition, inconsciente à son origine, peut pénétrer dans la mé- moire générale du psychisme, et y rester latente au même titre que les souvenirs d'origine consciente. Si quelque circonstance (spectacle, sensation...) éveille ce souvenir (recollection, évocation), O0 reconnaît l'impres- sion, tout en continuant à en ignorer l'origine. D'où la contradiction, l'irrationnel : Je sujet reconnait, comme déjà existante en lui, une impression qu'il ne se rap- pelle pas avoir acquise. D'où l'étonnement, l'angoisse, tout le « déjà vu ». Il ne s'agit pas d'illusion, ni de fausse reconnaissance; la reconnaissance est réelle; mais c'est la reconnaissance d'une impression dont le sujet ignore la première manifestation. $ 8. — Sciences médicales Hôpitaux français d'Enfants tuberculeux. — A lire nos journaux quotidiens et nos périodiques médicaux, la France est très en retard pour toutes les questions d'hygiène et surtout de prophylaxie de la tuberculose. On à plaisir à constater que les étrangers nous rendent plus volontiers justice que nous-mêmes. M. Ward, qui vient de faire, à travers l'Europe, un voyage d’études, constate que les hôpitaux d'enfants tuberculeux sont très bien compris et très bien orga- nisés en France. Il à admiré successivement Berck, Hendaye, Villiers-sur-Marne et Ormesson, et c’est sur leur modèle qu'il propose de construire à Coney Island un hôpital pour enfants tuberculeux. Traitement du cancer du sein par la cas- tration ovarienne. — Dans la séance du 6 jan- vier 190%, M. le D° Guinard, chirurgien des hôpitaux de Paris, communiquait à la Société de Chirurgie l’obser- valion d’une malade qui, atteinte simultanément d’un fibrome utérin et d'un cancer du sein droit, avait vu, à la suite de la castration totale, la tumeur mammaire diminuer rapidement de volume, devenir plus souple et moins adhérente à la paroi, tandis que disparaissait peu à peu l’engorgement ganglionnaire de l’aisselle. Ce mode de traitement n'est pas nouveau, et c'est Beat- son (de Glasgow) qui en a eu le premier l'idée en 1896 *. Depuis cette époque, plusieurs chirurgiens ont pra- tiqué la castration dans des cas de cancer du sein ino- pérable. Parmi eux, il faut citer Boyd, Herman, Paton, et, plus récemment, Reynès (de Marseille), Mauclaire et Jayle (de Paris). Au point de vue pratique, comme le fait remarquer M. Dumont*, dans la Presse médicale, les résultats de cette méthode ne semblent pas très encourageants. Le cas de M. Guinard est le seul qui soit absolument favorable. Aucun des autres chirur- giens n'a employé le mot guérison, et, sur les 54 cas de la statistique de Boyd, 19sont étiquetés «plus ou moins améliorés », et 35 sont indiqués comme n'ayant subi aucune amélioration ou une amélioration à peine mar- quée et passagère. Il semble donc qu'il faille se réser- * BeaTson (G.-Z.), British med. Journal, 1896, 1386. * Presse médicale, 1904, n° 6, p. 45. # Bovn (St.), Brit. med. J., 20 octobre 1900, p. 1161. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ver et attendre pour apprécier sainement l'importance pratique de cette opération, qui, jusqu'à nouvel ordre restera une opération d'exception. Inoculation dela syphilis auxsinges ant poïdes. — M. le D' Lassar (de Berlin)! a réussi à ino culer, sous la peau d'un chimpanzé, àgé de quatre où cinq ans, des parcelles de chancre induré et de la séro sité chancreuse. Les petites plaies se cicatrisèrent mais, au bout de quatorze jours, deux d'entre el situées au-dessus du sourcil, s'indurèrent et prirer l'aspect typique du chancre syphilitique; un troisièm chancre,semblable aux précédents, apparut bientôt milieu du front; en même temps, le poil tombait st divers points du corps et des éruptions se faisaient dans les régions palmaires, plantaires et anales. La mareh de l'affection sembla bien être celle de la syphilis. Ces dans tous les cas, une observation à rapprocher de expériences de MM. Metchnikoff et Roux*, qui sont parvenus à transmettre la syphilis à un chimpanzé mâll au moyen de produits syphilitiques recueillis sur dé chimpanzé femelle, précédemment inoculé par eux avet succès. $ 9. — Géographie et Colonisation La délimitation de la Guinée françai Mission du D' Maclaud. — La Mission pour Ja délimitation de la frontière septentrionale de la Guiné francaise que M. le D' Maclaud, administrateur des Colonies, vient de remplir, de concert avec une Com= mission portugaise, n'a pas seulement donné de très appréciables résultats politiques; elle a, en outr permis à l'explorateur de réunir d’intéressantes notions sur un pays qui était resté, jusqu'ici, mal connu, et su les populations qui l'habitent. Il s'agissait de reprendre les travaux de délimitation effectués en 1900 par M. le capitaine Payn, en exécution de la Convention du 12 mai 1886; ces travaux avaien! été plus scientifiques que pratiques et il y avait lieu pour éviter des diflicultés, de procéder à un aborne ment sérieux. Il en est résulté une exploration com plète du pays, qui a permis d'en rectifier la carte. La région comprise entre les fleuves Cassini et Com pony, à égale distance desquels doit se tenir la première partie de la frontière, est si basse que la marée remonte très loin à l’intérieur. Une végétation très dense, où les palétuviers et les palmiers à huile sont en nombre se développe au {milieu d'un inextricable réseau dé marigots; la vase qui les entoure en rend les abords difficilement praticables. 4 | Au delà de cette dépression côtière, commence le plateau peu élevé du Foréa, riche région d’alluvions, où croit le bambou et où l’on cultive avec succès le rizet l'arachide. C’est un pays tout à fait propre à la cultur du coton. On y rencontre parfois de larges cuvettes, peu profondes, appelées Vendous, qui s’emplissent d'eau et sont très giboyeuses. 14 Aux approches du rio Grande, le relief s'accentue; latérite remplace les alluvions et forme une successiol de terrasses stériles, coupées de petites failles où coulent des rivières bordées d’une végétation épaisse C'est un magnifique pays de chasse, où les buffles les antilopes abondent, et où les éléphants viennent hiverner. : Plus à l’est, entre Boké et Kadé, les vallées sont plus larges; le bambou y forme par ses racines un réseau serré qui retient lhumus, et le riz ainsi que le mil viennent en abondance. La région de Kadé rappell celle du Foréa. C’est un plateau alluvionnaire, partout cultivé, que bordent des grès saccharins aux pente pittoresques; il en sort, vers l’est, des sources chaudes chargées de chlorure de sodium et de magnésie. Grèce “MIE Li ‘ Société de Médecine berlinoise, séance du 16 dé cembre 1903. 4 > Annales de 1 Institut Pasteur, décembre 1903. ‘» CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 2 à une habile diplomatie, M. Maclaud put nous con- server, moyennant de légers sacrifices, ce centre fertile de Kadé que l’on avait jusque-là considéré comme français et qui se trouvait être à l’ouest de la frontière, c'est-à-dire du côté portugais. - Au nord du pays de Kadé et du rio Grande s'étend une plaine basse et marécageuse, inhabitable, mais très giboyeuse. Le Kayoun, affluent du rio Grande, et “Je Geba y confondent leurs sources. En avril, on brûle les herbes de cette brousse, mais elles repoussent si vite que les troupeaux y trouvent leur nourriture jusqu'à l'époque des pluies. . Cette partie de la Guinée est habitée par des peu- plades nombreuses et diverses, qui sont comme des “épaves de populations autochtones refoulées vers la “côte par des envahisseurs venus du nord-est, Mandin- “ques, Sousous, Peuhls. Les principales de ces peuplades, “qui habitent un espace relativement restreint sont : les “Nalous, les Yolas, les Tendas, les Bagas, les Landoumas, les Mékhiforès, —…._ Les Nalous, dont le roi Dinah-Salifou avait eu un “succès de curiosité lors de sa visite à Paris, en 1889, perdent chaque jour du terrain. Après avoir essaimé vers le Cassini, le Compony et le rio Nunñez, ils ont été arrètés par les envahisseurs. Ceux du Nuñez, qui sont musulmans, sont paresseux et font travailler les “captifs; ceux des îles, fétichistes, sont d'excellents “pécheursetnavigateurs, cullivent le rizet élèvent le porc. Les Yolas, venus de la Casamance, cherchent à y retourner; ils sont fétichistes et monogames. Cette peuplade exploite surtout le caoutchouc et le palmier. “Les Tendas, originaires de la région de Boussoura, sont également fétichistes, ils sont chasseurs et, comme cultures, ils ont le riz, l’arachide, le caoutchouc et le palmier. Les Bagas, auxquels il faut joindre les Madoris et les Forès, sont de belle race. Jaloux de leur indépen- dance, ils commencent à se rapprocher des blancs. Les hommes sont paresseux et imprévoyants; mais les femmes, qui sont travailleuses, se livrent à la pèche; elles commandent à leurs maris, et, si elles les battent parfois, elles mettent leur orgueil à les vêtir magnifi- quement. Les Bagas se marient par échange de sœurs ou, à défaut, de nièces. On enterre les Bagas dans leur case, qui est ensuite abattue ; si la femme survit, elle édifie une nouvelle case sur les ruines de l’ancienne pour un second mari. Ces peuplades ne reconnaissent pas de chefs; c'est le conseil des vieillards — toujours ivres — qui dirige tout, mais il manque d'autorité. Les Landoumans, émigrés du Fouta, sont des féti- chistes qui se rapprochent des Bagas. Laborieux et intelligents, ils cultivent le kola, le sésame, le riz et mème le café. Les Mékhiforès sont d'anciens captifs du Fouta-Djallon, d'origine mandingue, qui ont repris leur liberté. Ils deviennent d'habiles ouvriers et four- nissent la meilleure main-d'œuvre des Rivières-du-Sud ; ils ont volontiers accepté la protection de la France et paient régulièrement l'impôt. Ils cultivent le riz, le Sésame et surtout le kola. Ces diverses populations ont constitué des confréries, ou sociétés secrètes, appelées Simos, dont le but est de résister aux envahisseurs. G. Regelsperger. $ 10. — Enseignement La Caisse des recher-hes scientifiques. — En réponse à un journal qui mettait à sa disposition une somme destinée à des études sur le radium, M. d'Arsonval l’engageait à verser cette subvention à la Caisse des recherches scientifiques. La Aevue à signalé en son temps la création de cette Caisse, des- tinée à centraliser les ressources mises à la disposition de la Science, à permettre aux savants de poursuivre leurs recherches en leur fournissant, au moment où il leur est particulièrement utile, l'argent nécessaire à leurs travaux, alors que les prix dont l'Institut dispose ne peuvent que récompenser des résultats acquis. 19 Co Accueillie avec grande faveur par le Parlement, l'idée prit corps, et la loi du 14 juillet 1901 créa la Caisse en lui donnant la personnalité civile. Puis on fit appel aux fonds du pari mutuel pour la doter. La Caisse est divisée en deux sections : à la première, qui a pour but les recherches biologiques, les études poursuivies pour combattre les maladies des hommes, des animaux et des végétaux, le pari mutuel assure 125.000 francs par an; la seconde, qui doit encourager les recherches scientifiques de toute nature, dispose actuellement d'une somme de 100.000 francs, destinée spécialement à l'étude de procédés pratiques d’épura- tion des eaux d'égout et des eaux résiduaires. En outre, la Caisse possède quelques ressources provenant soit d’une souscription qui lui à été apportée le jour même de sa création et qui avait été recueillie par les soins de son fondateur, grâce au concours du Crédit foncier et des Etablissements de crédit, soit de quelques libéralités provenant surtout des Administra- tions de chemins de fer. Mais ce n'est là qu'une bien maigre fortune. Alors que dans certains pays des mil- lions sont remis chaque année aux savants pour leurs travaux, nous ne disposons en France pour ce but que de moins de 300.000 francs. Sans doute, cette Caisse est inconnue de l'immense majorité des Français; et, d'autre part, certains esprits l'accueillirent avec froideur. C'est encore, a-t-on dit, un organisme d'Etat, un moyen d'action dont dispo- sera le Gouvernement pour quelques savants de son choix. Pour rassurer ces esprits inquiets, il suflit d'in- diquer le fonctionnement de cette ‘'aisse : ce sont des savants qui, dans chaque section, répartissent entre les différentes demandes les ressources dont ils peu- vent disposer. Dans la Section des recherches biolo- giques, ce sont MM. Marey, Ranvier, Schlæsing, van Tieghem, Brouardel, Lancereaux; dans celle des recher- ches purement scientifiques, MM. Mascart, Berthelot, Bouquet de la Grye, Darboux, Fouqué, Perrier. Ajou- tons enfin que le Conseil d'administration de la Caisse comprend, à côté de deux délégués de la Commission scientifique, MM. Darboux et Marey, quatre membres élus par les grands corps de l'Etat : MM. Berthelot, pour le Sénat; Audiffred, l'auteur de la loi, pour la Chambre des députés; Dislère, pour le Conseil d'Etat, et de Foville, pour la Cour des Comptes. Parmi les dernières subventions distribuées, nous relevons une somme de 60.000 francs accordée à M. Calmette, directeur de l'Institut Pasteur, de Lille, pour organiser, avec le concours de grands industriels de la région du Nord, une série d'études pratiques en vue de l'assainissement des rivières polluées par les eaux résiduaires des usines. Un Rapport annuel doit faire connaître la liste des subventions accordées; et il est permis d'espérer que ce document officiel indiquera, à côté de l'appui donné, les résultats obtenus. Ce sera certainement le meilleur moyen de propagande que les administrateurs de la Caisse pourront employer pour provoquer de nouvelles libéralités, destinées soit aux recherches scientifiques en général, soit à des travaux intéressant plus particulièrement les donateurs. Quelques observations sur lesperanto. — Nous avons recu à ce sujet les deux lettres suivantes : Monsieur le Directeur, « J'ai lu avec grand intérêt, dans votre numéro du 30 janvier, les observations présentées par M. Raveau au sujet de l'Esperanto. Permettez-moi d'y répondre en quelques mots. « M. Raveau me semble avoir oublié dans sa cri- tique trois choses. La première c'est qu'une langue, quelle qu'elle soit, n’est pas un composé de mots, mais, en réalité, de phrases. Autrement, il serait impossible de se comprendre dans nos langues, puisque presque chaque mot y possède plusieurs significations dis- tinctes. Si, en réalité, nous nous entendons, cela vient CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE de ce que nous ne nous contentons pas de mots isolés, mais les réunissons, les corrigeons, les définissons en quelque sorte l’un par l’autre pour en faire des phrases qui précisent le sens de chaque terme, incompréhen- sible isolément. C'est pourquoi tout travail, toute dis- cussion sur un mot isolé de son contexte ne peut avoir qu'une portée très restreinte et ne prête qu'à des con- clusions relatives. « La deuxième considération oubliée par M. Raveau est que l'Esperanto ne repose pas seulement sur le principe de dérivation par affixes, mais aussi sur la composition des racines et sur l'internationalité des termes. Si un mot comme antropologio est compris de tous les gens instruits du monde civilisé, il est évident qu'on pourra, à bon droit, en s'adressant à eux, l’'em- ployer en Esperanto, bien qu'à la rigueur on puisse exprimer directement la même idée par Lomoscienco. Mais antropologio, compris de tous dans une acception identique, passe de droit dans la langue internationale, où, sans charger la mémoire, il a le mérite d'échapper à tout reproche d'imprécision, « Enfin, le troisième point auquel je m'étonne qu'un polyglotte comme M. Raveau n'ait point songé, c’est que l'Esperanto est une langue internationale, qu'il ne doit point, par conséquent, tenir seulement compte du francais, mais qu'il doit s'inquiéter également des autres grandes langues. Si une image, si une nuance est inter- nationale, elle doit être exactement traduisible en Espe- ranto. Mais si, au contraire, elle ne l’est point, si un seul ou un petit nombre de peuples ont éprouvé le besoin d'avoir deux mots distincts pour traduire deux nuances difficilement définissables, il est très contestable que la langue internationale doive conserver cette dualité d'exception, si la simple analyse ne peut donner à tous les autres peuples la clef des termes employés. « C’est pourquoi, si l'allemand se contente de « Wür- terbuch » (livre de mots) et de « Lexikon »; si le russe trouve que « slovar » (analogue du vortaro esperanto) et « leksikon » lui suffisent ; si le francais, l'anglais, l'es- pagnol et l'italien, chacun avec son orthographe parti- culière, n'éprouvent guère le besoin d'avoir autre chose que « dictionnaire » et « lexique », il est difficile de concevoir pourquoi l’esperanto ne pourrait pas se contenter, lui aussi, de « vortaro » et de « leksikono », dont je m'étonne que M. Raveau n'ait point parlé. « L'esperanto, d'ailleurs, fournit par lui-même le moyen d'aller bien au delà des exigences les plus sévères, puisqu'il nous offre, en outre, toute une série de mots composés ou dérivés, compréhensibles à pre- mière vue de tout espérantiste, mais d’un emploi nul- lement obligatoire pour celui qui ne tient pas à dissé- quer sa pensée. Je n'en cilerai que quelques termes, comme Vortlibro, Vortareto, Vortarego, Radikvortaro, Badikvortareto, Radikvortarego, Vorttabelo, Vortta- beleto, Vortamaso, Vortkolekto, Terminaro, Termina- relo, etc. « Il n'est, je le répète, pas un espérantiste ayant quelques mois de pralique, quine puisse donner immé- diatement la traduction périphrasique (et pour cause) de tous ces mots, bien que ne les ayant Jamais ren- contrés auparavant. En cela réside un avantage pré- cieux de la dérivation régulière des mots de l’espe- ranto. « Quant au mot « frein », M. Raveau trouve tout naturel qu'en français on dise « frein de la langue », par exemple. Est-il bien sûr que l'allemand, qui l'ap- pelle « bandelette », le russe, qui le nomme « bridon », soient tout à fait de son avis? Je ne cite que pour mémoire l'anglais, qui n’a point de mot du tout et doit recourir au latin. « Il y a donc ainsi toute une série d'idiotismes dont il faut se garder de donner une traduction litérale, si l'on veut éviler de n'être point compris, — aussi bien dans toutes les langues naturelles qu'en esperanto, d’ailleurs. Mais l'emploi d’un dérivé ou composé, comme le fait l’Esperanto, permet souvent d'éviter ces idio- tismes en donnant une analyse de l’idée, peut-être sible pour un étranger que n'importe quelle traduction littérale d'une image particulière à un peuple. L'espe ranto n'a donc point tort de dire pour « frein de langue » langa irlimigilo où langa movlimiqgilo: mème, il trouvera dans sa dérivation le moyen d’expri mer le ralentissement du mouvement par un walalke celilo quelconque, comme tout à l'heure il rendait pa movlimiqilo l'idée de la limitation de ce mouvement Que si M. Raveau trouve encore que ce n’est poin assez, je suis tout prêt à lui en fournir d’autres, et même au besoin à recourir à une racine nouvelle auss internationale que possible pour la langue technique: «Il faut, en effet, distinguer absolument la langue du spécialiste de celle qui est en usage courant. Il y plus d'une personne qui passe toute son existence sa se douter qu'il existe quelque part un instrument qu'or appelle « frein de Prony ». Et ces personnes trouveront tout naturellement que le mot haltigilo ou malakceli leur suffit amplement, lorsqu'en parlant, par exemples d'un voyage en voiture elles diront : « Por eviti falon ni devis uzi la malakcelilon ». Voilà pour le mot frei, de la langue journalière, celle qui a déjà fait ses preuves. — Quant à la traduction technique du mot « frein de Prony », nous avouons qu'elle n'existe pas, l'esperantom scientifique n'étant pas encore arrivé à son entier. achèvement. Mais le comblement de cette lacune m saurait tarder, car la langue courante, l’esperanto jour nalier, existe et vit. Il suffit, pour s'en convaincre, dem le demander aux voyageurs et aux commerçants qui s'en servent. Quant à la langue technique, les espéran= tistes possèdent maintenant un organe scientifique, la Scienca Revuo, où sont résolues ces questions spéciales sous la direction d'un Comité international de savants dont personne ne contestera la situation éminente,m et qui sauront sans aucun doute rallier par leur déci=n sion compétente les suffrages de tous. » Paul Fruictier, 3 Directeur de « Lingvo internacia » et de « Scienca Jevuo ».. de ° à Monsieur le Directeur, i « Dans l’avant-dernier numéro de la Revue, M. Raveau« a présenté contre l'Esperanto quelques objections, aux-« quelles je voudrais répondre ; je prendrai nécessaire= ment les points particuliers qu'il a examinés, puis jen terminerai en donnant mon avis sur les objections dem principe. M. Raveau prend comme exemples trois mots: le mot frein (haltigilo), le mot antiquite (malnovajo) et le mot dictionnaire (vortaro). « Pour le mot frein, il semble regretter que l’Espe-= ranto ne traduise pas par un seul mot toutes les accep= tions du mot francais frein. La réponse à cela est aisée Le nombre des idées actuellement en vogue est très grand, et chaque jour le bagage s'en augmente; depuis bien des siècles, les hommes ont renoncé à créer um radical nouveau chaque fois qu'une nuance utile appa= rait dans les idées; dans toutes les langues, chaque ? mot a un certain domaine d'idées sur lequelil = ; z quand on veut préciser, on lui ajoute une épithète ou un complément. Dans le cas fréquent où ces domaines d'idées sont différents dans les différentes langues, une langue internationale doit tenir compte de toutes les langues existantes. Si nous donnions à un mot esperanto le domaine d'idée du mot francais frein, nous ne serions immédiatement compris ni par les Allemands, ni par les Russes, ni par les Anglais. « Est-ce à dire que je désapprouve le français d’avoir donné au mot frein ses diverses acceptions? Non, car on peut dire que jamais, dans une phrase, il n'y à doute. Et cependant, si nous demandions au français la rigueur que M. Raveau demande à l'Esperanto dans ses critiques, on pourrait bien discuter; et toutefois, je trouve que le mot frein est saffisant pour exprimer ce qu'il veut, mais cela uniquement à cause du reste de la phrase. Ce n’est pas trop mal pour une vieille langue comme la nôtre, formée au hasard des recherches de CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 19 T Ce ÈS la littérature et de la brutalité des bouges. Un seul proche peut s'adresser au mot frein: © est de ne pas rappeler le radical d’un mot usuel signiliant arrêter ou retarder. C’est un radical de plus, qui charge inuti- lement la mémoire. L’ Esperanto à donc justement éliminé ce radical, et la précision n'y perd rien, car “on peut, à côté du mot usuel haltiqilo, en créer une infinité d’autres qui, suivant les cas, pourront exprimer toutes les délicatesses de la pensée, et qui seront immé- es compris de tout esperantiste, si peu exercé il soit. « Voyons maintenant ce que M. Raveau nous dit sur mot malnovaÿo, qu'il traduit par antiquité où vieil ie. Ce qu'il nous reproche principalement est de aiter bien légèrement l'archéologie. Certes, je suis de avis, et, sil n'avait pas fait une omission, je n'em- ierais jamais le motmalnoyaÿo qu'en jetant un regard ixieux du côté de l’Académie des Incriptions et Belles tres, dont les foudres ne pourraient manquer de atteiudre; mais il me suffit d'ouvrir le dictionnaire peranto pour y trouver la racine antikva, de laquelle je fais immédiatement le mot antikvaÿo, et ce dernier mot à certainement toute la noblesse désirable pour rchéologue le plus chatouilleux. “« Prenons maintenant le mot vor/aro. “ensemble de mots, d'après les règles de dérivation de Esperanto, et on le traduit par dictionnaire. M. Raveau Il signifie nous dit : Il ya beaucoup d’ensembles de mots qui ne sont pas des dictionnaires: les dictionnaires sont quelque chose de bien autrement complexe qu'un ensemble de mots; il y a des dictionnaires de toute espèce. . —« C’est une objection qui vient, Ë and on a sur l'Esperanto quelques notions vagues, et ui s’évanouit quand on l’a un peu pratiqué. L ‘Esperanto 3 onne des règles de dérivation nettes par aflixes et | composition des mots, et les commencants Ini deman- dent volontiers, à cause de cela, la rigueur mathéma- tique de tous les mots, et la suppression de tout effort de mémoire. Cela remplacerait l'effort de mémoire par n autre effort, bien plus puissant, de raisonnement. F: vais tâcher de le montrer maintenant, et de faire ressortir que l'Esperanto à su s'assouplir comme il le devait pour être pratique. s « Si l’on voulait faire de la Physique une branche des Mathématiques, on ferait une grosse erreur, et l’on ferait une véritable absurdité, cependant, si on voulait Ja priver de leur secours. De même en L inguistique, on peut faire un admirable usage des affixes à sens | “bien net; il serait absurde de leur demander à chaque “instant la précision absolue. # « En Esperanto, jamais un mot composé avec des Tüdicaux existants et des affixes grammaticaux n'est barbarisme. Il peut être mal pensé, mais ce n’est pas nom de la grammaire qu'il sera proscrit, ce sera an 4 du bon sens. Dans ces conditions, on pourrait faire une langue avec infiniment peu de racines, et en ls combinant convenablement, en mots composés ayant seulement quelques lignes chacun de longueur, on pourrait faire quelque chose d’une indiscutable précision. Je n'ai pas besoin d'insister pour montrer ton arrive ainsi à l'absurde. Il faut savoir sacrifier la Ligueur mathématique dans les limites utiles. ….< Une langue construite mathématiquement ne Sadresserait qu'au raisonnement en négligeant de parti pris tout le secours qui peut lui être apporté par la mé- moire. Cela seul nous montre qu'il serait ridicule de nous priver de l'aide de ce puissant auxiliaire. Deman- dons-lui un effort qui ne Île fatigue pas, ou qui le fatigue le moins possible, mais ne surchargeons pas le faisonnement sous prétexte de décharger un peu la mémoire. En nous servant des deux, au contraire, Nous pourrons arriver à une utilisation rationnelle de notre intelligence ; chacune des deux facultés, travail- en effet, à l'esprit lant à un taux raisonnable, travaillera bien, comme un muscle auquel on peut demander de soutenir sans fa- tigue un long effort modéré et qu'on ruinerait rapide- ment en augmentant cet effort, même très peu. « La meilleure langue sera donc celle qui saura s'arrêter au juste point dans le sens de la composition des mots, qui saura demander à chaque instant à la mémoire ce que j'oserai appeler son effort de rende- ment maximum, en demandant le pareil au raisonne- nement. Prenons les exemples de vortaro (dictionnaire) ; $iparo (flotte); vagonaro (train de chemin de fer). Ce sont les dérivés collectifs les plus simples de vorto (mot); $ipo (navire); vagono (vagon). Fallait-il leur laisser un sens indéterminé? Ils auraient alors servi bien rarement, et l’on aurait dû, pour exprimer les idées ci-dessus traduites, les compliquer extrèmement en leur enlevant par le fait même la généralité. Zamenhof a alors pensé qu'en choisissant parmi les collections désignées les plus utiles, il demanderait à la mémoire un bien faible effort, au prix duquel il arriverait à avoir des mots d'un sens assez général, tout en étant UE dant assez restreint pour fixer notablement l'idée et aider le raisonnement. Je mets en fait, pour l'avoir éprouvé moi-même, qu'il suffit, ayant lu la grammaire Esperanto, d'avoir vu une fois un des mots ci-dessus pour n’en plus oublier le sens. Ces mots, sans spécifica- cation, auraient été inutilisables par trop grande génér alité ; une petite définition arbitraire, très aisée à retenir parce qu'elle est rationnelle, en fait des outils simples et d’un usage quotidien, par cela mème qu'il leur reste une généralité utile. «En somme, une bonne langue ne doit pas être rigou- reusement mathématique. quand on cherche à relier toujours le mot à l’idée par la relation de nécessité et suflisance, on tombe souvent dans labsurde, en pri- vant le raisonnement du concours si utile de la mé- moire; on tombe dans un excès contraire à celui où sont tombées nos langues nationales actuelles, qui demandent trop à la mémoire, en la mettant mème parfois en contradiction avec le raisonnement. Il faut se servir de certaines conventions comme celles des aflixes et de la composition des mots, mais il faut savoir ne pas s’y asservir. Certes, c’est là une délicate question de tact, qui devra évoluer dans le cours des siècles en mème temps que les idées à exprimer elles- mêmes, et que la mentalité de l'espèce humaine. Mais, quand on jette un coup d'œil sur les diverses langues existantes, nationales ou artificielles, on demeure con- vaincu que la limite juste a été trouvée par Zamenhof, et que celui-ci à véritablement créé un e ngin remar- quable pour exprimer la pensée du xx° sièc le. Bien des personnes ont fait à l'Esperanto des critiques, mais ce qui est remarquable, c'est que chacun en adresse de diflérentes. Zamenhof lui-même reconnait qu'on peut trouver à sa langue des imperfections; mais il n’a pas voulu chercher à faire l'ange, craignant fort de ne faire que la bête, et il a créé un outil à exprimer, je dirai même à fixer la pensée, qui est — malgré quelques imperfections nécessaires — excellent. » André Broca, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine. Nous avons tenu à placer sous les yeux de nos lec- teurs les deux lettres qui précèdent, afin de leur per- mettre de se former sur l’Esperanto une opinion rai- sonnée. Nous pensons que les objections de M. Raveau et les réponses de MM. Fruictier et Broca leur donne- ront une idée suffisante des arguments qui peuvent être fournis à l'encontre ou en faveur de la nouvelle langue internationale, et nous considérons maintenant comme close la discussion qui s'est élevée dans nos colonnes. UNE NOUVELLE ESPÈCE DE RADIATIONS LES RAYONS N En prenant possession du fauteuil présidentiel de la Société française de Physique pour l'an- née 1902, M. Henri Poincaré félicitait les membres de celte Société. C'est vraiment, remarquait-il, une grande source de joie, de pure satisfaction intel- lectuelle, que d'être à même de suivre les progrès fantastiques de la Science physique, en ce début du xx° siècle. Certes, depuis quelques années, les physiciens sont favorisés. Après les admirables travaux sur la radio-activité, qui ont ému le monde savant au point que cette émotion a gagné le public, alors que l'attention de tous les chercheurs était attirée vers le mystère que comporte encore cette propriété nouvelle de la matière, les physiciens eurent, au mois de mars 1903, la surprise d'apprendre que M. René Blondlot venait de découvrir, dans l'émis- sion de nombreuses sources, et en particulier du Soleil, une nouvelle espèce de radiations, qui venaient se ranger dans le spectre solaire au-delà de l’ultra-violet, dans la région des pelites lon- gueurs d'onde. Entre autres propriétés intéres- santes, ces radiations agissent sur l’acuité visuelle. Cette remarque mit alors M. Augustin Charpentier à même de s'apercevoir que l'organisme — et par- ticulièrement les muscles et Le nerfs en état de fonctionnement — émet des radiations, dites « physiologiques », ayant de nombreux points de ressemblance avec celles de M. Blondlot. De plus, l'organisme réagit sous l'action, soit des rayons de Blondlot, soit des radiations physiologiques. Un grand nombre de problèmes, tant de Phy- sique que de Physiologie, se trouvaient donc sou- levés par les découvertes des savants professeurs de l'Université de Nancy. La ÆRevue générale des Sciences a jugé intéressant de donner à ses lec- teurs un résumé des résullats acquis dans cette voie, el surtout de permettre aux chercheurs, en les mettant, avec quelque détail, au courant de la technique des rayons N°, d'aborder cette question qui, en quelques mois, est devenue passionnante, et qui parait vraiment grosse de conséquences et d'applications ?. ‘« Du nom, dit M. Blondlot, de la ville de Nancy, à l'Université de laquelle ces recherches ont été faites. » 3 ]Isera permis à l'auteur de cet article d'exprimer ici sa etre gratitude aux savants qui lui ont, à l'Université de Nancy, ouvert leurs laboratoires, et qui lui ont montré, avec une complaisance inépuisable, toutes leurs expé- es es. Que M. le Doyen Bichat, M. Blondlot, M. Charpen- MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N I. — HISTORIQUE DE LA DÉCOUVERTE. Nous croyons devoir commencer par résumer a genèse de la découverte de M. Blondlot. C'est x exemple typique d'application de la méthod scientifique, avec emploi combiné de l'induction de l'expérience, s’apportant constamment « mutuel appui, et coopérant à la découverte del vérité. C'est sous l'impression, déjà ancienne, que lui avait causée la lecture du Mémoire de M. P. Curie“ «Sur la Symétrie dars les phénomènes physiques que M. Blondlot entreprit les recherches exposée dans sa Note? « Sur la Polarisation des rayons XD recherches qui le conduisirent à la découverte des rayons N. Dans son Mémoire, M. Curie énonce le principe Û | 4 Û LE} singulier pour le faisceau IR. suivant : « Lorsque certains effets révèlent une cer taine dissymétrie, cette dissymétrie doit se retrows ver dans les causes qui leur ont donné naissance » De sorte que, si les conditions dans lesquelles 1 on phénomène se produit présentent un certain degré de dissymétrie, il n’est pas impossible que ce phé nomène présente le même degré de dissymétrie mais cela n’est pas sûr. Malgré le caractère dub tatif de celte conséquence, le principe de symétri constilue un précieux instrument de découverté Voici l’applicalion que M. Blondlot en a faite : Si l’on considère un tube focus (fig. 1), par chæ cun des rayons émis par l’anticathode I passe ur plan singulier : c'est celui qui contient le rayon émis IR et le rayon cathodique CI qui lui donné naissance. C’est justement là la condition de I I [ IR L Fig. 1. — Polarisation du faisceau émis par un tube focus: — C, cathode; I, anticathode. Le plan CIR est un plan tier, M. Gutton veuillent bien trouver ici ses très sincères. remerciements. 1 1 P. Curie : Journal de Physique (3), t. III, p. 393 (189%4)" # R. BLonoLor : C. R., t. CXXXVI, p. 284 (février 1903). $ MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N 29 a dissymétrie nécessaire pour que le faisceau émis par l’anticathode puisse être polarisé; M. Blondlot s'est proposé de. rechercher, par l'expérience, si cette condition nécessaire ne serait pas suffisante. A cet effet, il a utilisé, comme analyseur propre à déceler l’état de polarisation du faisceau, une petite élincelle électrique jaillissant entre deux pointes métalliques, telle qu'il en avait déjà employé dans ses expériences sur la vitesse de propagation des rayons X; cette élincelle possède la dissymétrie nécessaire pour pouvoir servir d'analyseur, sans que l’on puisse savoir à l'avance si cette dissymé- trie est suffisante. Or, si l’on place l’étincelle sur le trajet du faisceau IR, etsi on la fait lourner autour de IR dans un plan normal à ce faisceau, on con- ‘slate qu'elle subit des variations d'éclat : cel éclat est maximum quand l’étincelle est dirigée parallè- lement à CI et minimum lorsqu'elle est dirigée nor- malement à CI. Le plan CIR est donc, pour le faisceau IR, un plan d'action sur l’étincelle; c'est bien là le genre de dissymétrie qui correspond à la polarisation. M. Blondlot, ne soupçonnant pas à cette époque qu'il y eût, dans le faisceau émis par l’anticathode, autre chose que des rayons X, crut avoir démontré l'état de polarisation de ces rayons dès leur émission. Mais il s'aperçut bientôt que, en réalité, les rayons X n'étaient pas en cause dans les expériences précédentes. Il avait constaté, non seulement que le faisceau émis par l’anlicathode possède un plan de polari- sation, mais encore que le quartz, le sucre font tourner ce plan de polarisation. Il essaya alors si une pile de micas de Reusch aurait la même action rotatoire, ce qui se vérilia. Les idées suivantes se succédèrent alors dans son esprit, aussitôt sou- mises au contrôle de l'expérience, et aussitôt véri- fiées : Une seule lame de mica doit produire la polarisation elliptique, et, en effet, elle la produit; le mica est donc biréfringent pour les radiations en jeu; alors, celles-ci doivent subir aussi la ré- fraction simple, par conséquent être déviées par un prisme, et concentrées par une lentille; l'expé- rience montre qu’il en est bien ainsi; elles doivent aussi se réfléchir sur un miroir, être diffusées par une surface dépolie : c’est ce que l’on vérifie ‘. Les radiations étudiées, susceptibles de réflexion, de diffusion, de réfraction, ne sont donc pas les rayons X. Comme, d'ailleurs, elles traversent le papier noir, le bois, l'aluminium, et ne produi- sent ni fluorescence, ni action photographique, il s'agit de radiations non encore signalées. M. Blon- dlot leur donna le nom de rayons N ?. 1 R. Bconpzor : C. 2, t. CXXXVI, p. 735 (mars 1903). ? C'est à ces rayons N que doivent se rapporter non seu- lement les expériences de polarisation ci-dessus décrites, mais encore les travaux publiés en 1902 par M. BconpLor Quelles sont les sources qui émettent ces radia- tions? Quelles sont les propriétés de celles-ci? Nous allons maintenant indiquer les réponses déjà faites à ces questions, non pas sous une forme didactique, trop difficile à atteindre pour un sujet aussi nouveau, mais en essayant cependant de rapprocher les faits semblables, sans respecter l’ordre chronologique. II. — SOURCES DE RAYONS N. Le tube focus n'est pas la seule source de rayons N; ces radiations existent aussi dans l’émis- sion d'un bec Auer, d'un bec de gaz annulaire, d’une lame métallique — en argent, par exemple — chauffée au rouge naissant, d’un arc électrique, d'une lampe Nernst'. Cette dernière source est particulièrement intense, et c'est avec les rayons N émis par une lampe Nernst de 200 waits que M. Blondlot a fait la plupart de ses expériences. Le manchon Auer ou le filament de lampe Nernst est placé dans une lanterne de tôle, bien close, et percée, à la hauleur de la source, d’une fenêtre bouchée par une plaque d'aluminium, substance parfaitement transparente pour les rayons N. Mais la source de ces rayons qui est de beau- coup la plus intense est le Soleil, ce qui rend par- ticulièrement facile en été l'étude des radiations nouvelles *. Il suftit de disposer d'une chambre dont la fenêlre, exposée au Soleil, soit close — hermétiquement quant à la lumière — par des volets de bois. Il est intéressant de remarquer que, parmi toutes les sources ci-dessus énumérées, seuls le tube focus et la lame d'argent présentent le degré de dissymétrie nécessaire pour qu'il y ait lieu de re- chercher si le faisceau produit est polarisé ?; l'ex- périence a montré que, effectivement, dans ces cas-là, il y a polarisation. III. — RÉACTIFS DES RAYONS N. $ 1. — L'Étincelle. Comment met-on en évidence la production de rayons N°? Le premier réaclif de ces rayons qui ait été employé est, nous l'avons dit, une très petite étincelle électrique, dont l'éclat est augmenté sous « sur la vitesse de propagation des rayons X ». (C. R,, t. CXXXV, p. 666, 721, 163 et 1293). Le résultat, que cette vitesse est égale à celle de la lumière, est une vérification de plus, presque superflue aujourd'hui, de la parenté des rayons N avec la lumière. 1 R. BLonnzor : C. R., t. CXXXVI, p. 1120 et 1227 (mai 1903). # R. Bconozor : C. 2. t. CXXXVI, p. 1421 (juin 1903). 3 Pour le cas de la lame d'argent, il s'agit d’un faisceau émis obliquement. 228 MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N l'influence de ces rayons. Voici comment on pro- duit cette étincelle : Deux cylindres de platine iri- dié, de 0°,5 de diamètre, ayant chacun environ 1 centimètre de longueur, sont très soigneusement travaillés au tour, d’abord à la lime, puis avec de Fig. 2. — Pointes de platine entre lesquelles jaillit l'étin- celle, — P se termine par un méplat, P' est arrondie. L, L!, pièces de laiton amenant le courant. (Le méplat et l'arrondi des pointes P et P!' ont été exagérés pour la netteté de la figure.) l'émeri de plus en plus fin, et finalement polis par froltement sur du bois, de manière à leur donner la forme de la figure 2. Les deux pointes, qui ont chacune environ 0‘*,5 de Jongueur, n'ont pas la même forme : l’une d’elles P est terminée par un méplat, l'autre P'est arrondie. Ces deux pièces de platine sont fixées à de petits cylindres en laiton L, L', sur lesquels sont soudés les fils qui amè- nent le courant excila- teur de l'étincelle. Ce courant est produit par l’appareil d'induction connu sous le nom d'ap- pareil à chariot de du Bois-Reymond, fré- quemmentemployé pour les usages médicaux', composé de deux bobi- nes pouvant glisser à volonté l'une dans l’au- tre : l’une, la primaire, élant alimentée, par l'in- termédiaire d’un trem- bleur, par le courant d'un accumulateur, et l’autre, la secondaire, étant alors le siège de courants induits régla- bles par le glissement relatif des deux bobines. Ce sont ces courants in- Fig. 3. — Installation de l'étincelle. —FGF, support en bois; P, P', pointes de platine; V, vis de réglage; S, support: ABCD, cadre tenant le verre dépoli. duits qui font jaillir l’é- tincelle entre les pointes PP Pour être sensible aux rayons N, cetle élincelle doit être extrêmement bien réglée. Il faut qu’elle soit aussi régulière que possible, peu éclatante, et cependant stable; on y parvient en rendant très pointes sont mastiquées à la cire Golaz sur 1 deux branches d'une fourche de bois FGF (fig. 3} et leur distance est réglable par le moyen d'une vis micrométrique V, tournant très bien dans Je bois. Avant de se servir de cet instrument, on lave les pointes à l'alcool, on passe entre elles une feuille de papier pour les essuyer et les repoitirs puis on règle l'appareil à chariot et la distance explosive, de manière que l'étincelle soit à la fois très faible, très courte, et cependant continue *. Dans ces conditions, l'élincelle, placée devant la source de rayons N, la lampe Nernst, par exemple, possède un certain éclat. Si l'on interpose entre elle et la lampe Nernst un écran de papier ou de carton mouillé (l’eau pure est absolument opaque pour les rayons N), cet éclat diminue. Il augmente de nouveau, el l'étincelle devient pius violette lorsqu'on enlève l'écran. La facilité d'observation de ces variations d'éclat est augmentée lorsqu'on: fixe devant l'étincelle, à environ 2 centimètres dem distance, un morceau de verre dépoli soutenu pa un cadre ABCD ; on apprécie les variations d'aspect de la tache lumineuse produite par l'étincelle su ce verre dépoli avec plus d'aisance que les varia tions d'éclat de l’étincelle elle-même. Par ce qui précède, on se rend compte des diffi= cultés que présente l'emploi de l'étincelle comme réactif des rayons N. Ce procédé est très intéres- sant parce que, comme nous le verrons plus loin, c'est le seul qui ait permis de photographier les effets des rayons N; mais la délicatesse de son emploi a conduit M. Blondlot à chercher, pour les usages courants, des procédés plus faciles à mettre en œuvre *. $ 2. — Les corps incandescents. Il s'est d'abord demandé si la sensibilité de l'étincelle aux rayons N est due à ses propriétés électriques, ou si l'incandescence d’une petite masse gazeuse intervient seule. Cetle dernière supposition parait exacte, car une flamme de gaz extrémement pelite, ayant environ 1 millimètre de long, bleue, comme celle que fournit un chalu= meau à trou très fin, dans lequel on ne fait pass arriver d’air, devient plus lumineuse lorsqu'elle est soumise à l'action des rayons N. Il ya, comme pour l’étincelle, avantage à observer cette flamme à, travers un verre dépoli. Non seulement les gaz, mais aussi les solides incandescents sont sensibles aux rayons N : Un fil de platine, porté au rouge sombre par un courant, et observé à travers un verre dépoli, manifesté, 4 1 R. BLonncor : C. R., t. CXXXVNIII, p. 453 (février 1904). 2R. BLoncoor : C. R.,t. CXXXVI, p. 1227 (mai 1903); et. t. CXXX VI, p. 166 (juillet 1903). ‘ ] MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N 229 sous l'action des rayons N, les mêmes variations d'éclat qu'une petite flamme ou qu'une petite étin- celle. Il en est de même d’une lame mince de pla- tine, portée au rouge sombre par une pelile flamme de gaz : elle devient plus éclatante quand on con- centre sur elle des rayons N. $ 3. — Le sulfure de calcium. Un autre réactif, d’un emploi extrêmement com- mode, et qui est devenu, pour M. Blondlot, le détec- teur de rayons N le plus recommandable, est le sulfure de calcium phosphorescent. Ce corps, étalé en couche mince sur un écran, et rendu phospho- rescent par insolation, subit dans l'obscurité, lorsqu'il est soumis aux rayons N, un accroisse- ment de luminescence qui devient sensible pour tout œil un peu exercé. Il est bon, pour faire ces observations, de prendre quelques précautions qu'il ne sera pas inulile de signaler aux expérimentateurs débulants. Il arrive assez fréquemment que l'observateur, en regardant le sulfure de calcium phosphorescent, ait l'impres- sion que celui-ci subit, spontanément, de très no- tables variations d'éclat. Ces apparences sont dues à ce que l'œil n'est pas assez accoutumé à l'obscu- rilé, ou est fatigué, ou, le plus souvent, fait un effort trop grand en fixant l'écran de sulfure; il convient de se placer bien en face de l'écran, sur une normale à celui-ci, à une distance variable avec la vue de l'observateur et la luminosité du sulfure, et de regarder un peu vaguement, de manière à êlre impressionné par l'écran phospho- rescent, sans le fixer. Une remarque très générale, qui s'applique aussi aux autres modes d'observa- tion desrayons N, est que l'œil est presque toujours plus sensible aux diminutions qu'aux augmenta- tions de luminosité. On s'aperçoit d’ailleurs bien vite, à l'usage, qu'il y a une intensité de la phos- phorescence qui fournit la plus grande sensibilité, c'est-à-dire pour laquelle les variations d'intensité sont parliculièrement sensibles à l'œil : si l'écran est plus éclatant, ou s'il l’est moins, l'œil apprécie moins facilement des variations qu'il observe net- tement pour l'intensité optimum. Comme écran récepteur, on se sert de carton ou de papier noir sur lequel le sulfure de calcium est étalé, de manière à former des figures variables à volonté. On peut utiliser, assez commodément, une ligne de taches circulaires, peu éloignées l’une de l’autre ; par exemple, un diamètre de 6 millimètres et un écartement de 2 millimètres donnent d'assez bons résultats (fig. 4). On peut encore employer la figure formée par deux pointes très aiguës, recou- 4 On délaie du sulfure de calcium dans du collodion bien fluide, et on étale ce liquide, en plusieurs couches minces successives, sur du carton ou du papier. verles de sulfure de calcium, et peu éloignées l’une de l’autre (fig. 5); lorsqu'elles augmentent d'éclat, elles paraissent se rapprocher. Enfin, s'il s’agit de localiser avec précision un pinceau de rayons N, on se sert d'un carton mince percé d'une fente très étroite dans laquelle on a tassé du sulfure de calcium, dont les variations d'éclat sont appré- ciables, même our un ob- “©0008 servateur peu N exercé, avec une sûreté re- marquable (fig. 6). Fig. 5. On peutsou- vent, lorsqu'il s'agit d’obser- ver un phéno- mène assez in- tense, se con- tenter d’em- ployer un écran de 3 à 4 cent. carrés de surface, uniformément recouvert de sulfure. Un dispositif, qui parait propre à impressionner les expérimenta- teurs les moins exercés, consiste à poser sur un large écran de sulfure de calcium phosphorescent un objet à contours bien découpés (fig. 7). On se place à quelque distance de l'écran, de manière à ne plus voir ces contours avec une parfaite netteté ; si ESS Fig. 6. Fig. 4,5. 6. — Différentes formes d'é- crans au sullure de calcium. A B C D Fig. 7. — Un objet R, à contours bien arrêtés, étant placé sur l'écran phosphorescent ABCD, se détache plus nette- ment lorsque l'écran est soumis à l'action des rayons N. l'on fait alors tomber des rayons N sur l'écran, la netteté revient, la silhouette de l’objet se détache beaucoup mieux sur le fond phosphorescent; dès que les rayons N sont détournés de l'écran, les contours de l'objet redeviennent foust. Dans le même ordre d'idées, M. Charpentier à proposé, pour déceler les rayons N, d'employer un 1 Signalons, dès à présent, que les variations d'éclat du sulfure de calcium, sous l'influence des rayons N, ne se ma- nifestent qu'avec un certain retard. Nous verrons l'explica- tion de ce fait à propos de l'emmagasinement des rayons N. 230 écran de platinocyanure de baryum rendu fluores- cent par le voisinage d'un sel de radium*. En pla- cant celui-ci à des distances variables, on peut régler la luminosité de l'écran à sa valeur optimum. Afin d'éviter les complications que pourrait intro- duire le rayonnement du radium, M. Charpentier est d'ailleurs revenu à l'écran de sulfure de cal- cium; il le monte quelquefois (fig. 8) sur un bou- chon de liège B à l'extrémité d'un tube de plomb T, a 14 EL a B V b Fig-8— Dispositif Charpentier pour étudier les ravons N. — T, tube de plomb; B. bouchon de liège recouvert de sulfure de calcium sur sa face ab; T', tube coulissant sur T; V, verre dépoli. entouré lui-même d'un autre tube à coulisse 1” qui porte un verre dépoli V ce qui permet, grâce à la coulisse, de faire varier la sensibilité de l'écran phosphorescent, ou plutôt de la tache qu'il produit sur le verre dépoli. Il importait de s'assurer que toutes les actions précédentes sur l'étincelle, la flamme, le platine incandescent, et le sulfure de calcium phosphores- cent, ne sont pas dues à une élévation de tempéra- ture. M. Blondlot l'a vérifié, d’abord par l'emploi d'une pile thermoélectrique et d'un galvanomètre à cuirasse, dans les conditions d'extrême sensibilité indiquées par M. H. Rubens, ensuite en s’assurant directement que les rayons N ne produisent aucune modificalion appréciable dans la résistance élec- trique du fil de platine incandescent dont ils accroissent l'éclat. £ 4. — Les corps peu éclairés. Ce qui précède établit nettement que la lumière émise par de nombreuses sources augmente d'éclat lorsque ces sources sont soumises aux rayons N. Est-il nécessaire, pour constater un semblable effet, d'utiliser une véritable source de lumière, c'est-à-dire un corps ayant une luminosité propre, ou la propriété s'étend-elle aux corps éclairés, qui ne font que renvoyer la lumière provenant d’une source extérieure? La réponse à cette question est fournie par l'expérience suivante : Une bande de papier blanc, longue de 15 millimètres et large de 2 millimètres, est faiblement éclairée dans une salle obscure ; si l’on fait tomber sur elle des rayons N, elle augmente d'éclat et de netteté; lors- 1 AuG. CHARPENTIER : C. R., t. CXXXVIT, p. 1049 (décembre 1903). 2 R. BLoxozor : C. R., t. CXXXVII, p. 684 (novembre 1903). MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N qu'on supprime l’action des rayons N, le morceat de papier redevient moins net et plus sombre: s'agit, dans cette expérience, de lumière diffusée il était naturel de chercher si la lumière régulière ment réfléchie par une surface polie était égale ment accrue par les rayons N. On a vérifié qt en est bien ainsi en employant comme surfacé réfléchissante, soit une aiguille d'acier, soit à miroir en bronze poli. Cet accroissement d’éclat que prennent, sou l'influence des rayons N, des corps faiblemen éclairés, permet à M. Blondlot d'utiliser, comme réactif des rayons N, un morceau de craie, exemple, qui se détache faiblement sur un fond sombre dans une pièce où il arrive peu de lumière IV. — INFLUENCE DES RAYONS N SUR L'ÉMISSION DE LUMIÈRE. Les divers effets des rayons N, que l'on vient d'exposer, ne se produisent dans le sens quia é ; | décrit que si l’on observe normalement — ou à pou | près — l'écran qui émet de la lumière, ou qui diffuse. En observation très oblique, presque tan ï gentielle, les effets observés sont exactement con traires : le sulfure de calcium phosphorescent parait alors moins lumineux, quand il est soumi aux rayons N, que lorsqu'il est soustrait à leur action ‘. Il semble donc que l'effet des rayons N soit de modifier la distribution de la lumière, en: concentrant au voisinage de la normale la lumière émise par le corps qui est soumis à leur action (fig. 9) il y a ainsi accroissement d'éclat quand on regarde normalement, et diminulion si on regarde tangen tiellement. En regardant obliquement, les phéno* = 8 a Fig. 9. — Influence des rayons N sur la distribution deda lumière émise par un écran phosphorescent. — AB n'esf l pas soumis à l'action des rayons N. A'B! y est soumis. mènes sont peu intenses, car l'effet change de signe en passant par zéro; et c'est une des raisons pour lesquelles les expériences sur les rayons N ne peu“ vent pas être vues simultanément par un grand uombre d'observateurs. V. — ENREGISTREMENT PHOTOGRAPHIQUE. Les différentes laclions des rayons N, décrites jusqu'ici, exigent, pour être observées, l'emploi ‘ R. Bcoxpor : C. R., t CXXXVIIL. p. 541 (février 1904) de l'œil. Or, il était intéressant d'avoir des effets: objectifs de ces rayons; cela présentail a priori une certaine difficulté puisque les rayons N n'ont pas d'action photographique; mais M. Blondlot y est parvenu en enregistrant sur la plaque photogra- phique les variations d'éclat que ces rayons font subir à l'étincelle'. Peut-être parviendra-t-on à enregistrer de la même manière l'action des rayons N sur le sulfure de calcium phosphorescent; mais, jusqu'à présent, les essais n'ont guère porté que sur l'étincelle, qui offre l'avantage de posséder un grand pouvoir actinique. On pourrait craindre, dans ces photographies, l'effet des variations for- tuites qui peuvent survenir dans l'éclat de l'étin- celle; aussi M. Blondlot s'est-il mis à l'abri de cette cause d'erreur par une méthode d'opérations croi- Sées que nous allons décrire avec quelque détail : L'étincelle E, réglée avec le soin que nous avons dit, éclate dans une boîte de carton noir FGHI, ouverte seulement du côté de la plaque photogra- N N Fig. 10. | | Fig. 41. N N’ G Ee F ! A [e) B Æig. 10 el 11. — Photographie de l'étincelle soustraile ou soumise à l'action des rayons N. — E, étincelle; FGHI, boîte en carton noir: AB, chàssis contenant le cliché et entrainant dans ses déplacements l'écran CD; NN’, fais- ceau de rayons N. phique AB (fig. 10 et 11.) Au châssis qui contient cetle plaque, est fixée une feuille de zine pliée BDC, qui sert à supporter un écran CD, opaque aux rayons N : feuille de plomb ou, mieux, de papier mouillé. Les rayons N, arrivant dans la direc- tion NN’, sont, dans la position de la figure 10, interceptés par cet écran, et la moitié OB de la plaque est donc impressionnée par l'étincelle E, Soustraite à l’action des rayons N. À une pose de cinq secondes dans cette position, on fait succéder une pose de cinq secondes dans la posilion de la figure 11, obtenue en faisant glisser vers la droite, de la longueur OA, le châssis porte-plaque et l'écran CD invariablement lié à ce chàssis; c’est alors la moitié OA de la plaque qui est impres- sionnée par l'étincelle, cette fois soumise à l'action des rayons N. Puis on recommence à poser cinq secondes dans la première position, puis encore cinq secondes dans la deuxième, et ainsi de suite 1 R. BLonpLor : . R., t. CXXXVI, p. 1120 (mai 1903) et t CXXXVIII, p. C 453 (février 1904). MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N 231 jusqu'à concurrence de cent secondes. Les temps sont comptés avec un métronome, et les déplace- ments du chässis réglés par des glissières et des butoirs. On à ainsi, pour chaque moitié de la plaque, une pose totale de 50 secondes, durée fort Q Q Fig. 12. — Détail de l'installation photographique (coune verticale). — L, lanterne; S, feuille d'aluminium; N. filament de lampe Nernst; P, écrans de bois etde papier; QQ'RR!, caisse de bois; SGF, support de l'étincelle E; AB, châssis porte-plaques; T, T', glissières du chässis. convenable pour avoir une bonne impression pho- tographique, et grâce au fractionnement et au croi- sement de ces temps de pose, on est dans les meil- leures conditions pour discerner avec sûreté les effets des rayons N. Les figures 12 et 13 donnent les détails de l'installation photographique. La reproduction (fig. 44) d'un cliché obtenu en pre- nant comme source de rayons N une lampe Nernst, Fig. 13. — Détail de l'installation photographique (coupe horizontale). — Voir la légende de la figure 12; CD, écran entrainé par le chässis AB;SS, butoirs limitant la course du chässis. et comme écran une feuille de papier mouillé, montre nettement la différence d'impression causée par l’étincelle suivant qu'elle est, ou non, soumise aux rayons N. 239 VI. — ETUDE DES RADIATIONS N. $ 1. — Mesure des indices. Lorsqu'on fait tomber sur un prisme d’alumi- nium un faisceau bien défini de rayons N, onobserve 4 Fig. 14. — Photographie de létlincelle. — A droite, lames d'aluminium, et une feuille de papier noir. l'étincelle protégée de 1 que ce faisceau est dispersé. On peut constater la formation d'un spectre de bandes étroites, et la mesure des déviations correspondant à ces diverses Fig. 15. — Mesure des indices de réfraction. — N, filament de lampe Nernst; B, lame d'aluminium, plaque de bois, feuilles de papier ; E, écran de carlon mouillé avec fente F; A, prisme d'aluminium; L, écran muni d'une fente fine contenant du sulfure de calcium. bandes permet de déterminer les indices correspon- dants’. La figure 45 montre quel est le dispositif "IR. BLoxpcot : C. R., t. CXXXVIIL, p. 125 (janvier 1204). MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N impression produite par l'étincelle soumise aux rayons N émis par la lampe Nernst à travers une planche de bois, deux A gauche, impression produite par ‘action des rayons N par un écran de papier mouillé. adopté : Le faisceau de rayons N émis par la I Nernst sort de la lanterne par la fenêtre d'alumin S; il traverse ensuite une planche de bois, ur feuille d'aluminium et deux feuilles de papier no puis il est limité par un écran de carton mouillé dans lequel on a pere vis-à-vis du filam de la lampe Nernst, ut fente F ayant 5 mill mètres de largeur 35 millimètres de E teur. Ce faisceau rm contre normalemen prisme d'aluminium 2 obtenu en fondant morceau de ce mé pur, puis le polissan avec le plus grand soi à l’émeri, puis au col cothar. Si l’on déplace dans un plan L quel conque, de l’autre cô du prisme, un écran dé carton percé d’une fent très étroite (1 milli tre de largeur sur 4! millimètres de baw teur), remplie de su fure de calcium rendu phosphorescent, on s'a perçoit que, pour certaines positions de la fente l'éclat de celle-ci passe par un maximum très neb ces maxima correspondent aux divers faisceau TaBLeau 1. — Exemple d'une étude de la dispersiot de l’aluminium. ! _d sin (A + A) INDICES F4 AT Are Ex d'après Blondlot|] millim. 2,8 1026! 1,04 1,04 14,5 1 28 1,23 1,196 90,4 9 56 1,31 1,287 22,3 10 53 41,35 1,36 26,6 12 54 1,40 1,40 32,4 15 36 1,48 1,483 48,3 22 36 1,66 1,677 68,5 30 33 1,85 1,854 dispersés. La core A se détermine aisément MP S et l'indice est fourni par la formule de Descartes : par sa tangente à; n sin A—sin(A+A\, A désignant l'angle du prisme. Afin de montrer avec quelle sûreté on détermine la position des faisceaux de rayons N dispersés, MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N 233 Bichat a bien voulu faire, à ma demande, quel- es déterminations rapides, ayant pour but plutôt xation de points de repère dans le spectre de minium que la mesure des indices. Voici ableau 1) le résultat de ces expériences faites, très ement, avec un prisme d'angle À = 2715'et distance D—116 centimètres. Les distances d té évaluées à 4 millimètre près. La dernière ane du tableau contient les indices déterminés ieurement par M. Blondlot. Les indices, déterminés par la méthode du isme, peuvent se contrôler par la mesure des dis- es focales d'une lentille. M. Blondlot a utilisé à effet une lentille plan-convexe, en aluminium, sneusement polie, dont le diamètre est 7 cenli- s, etle rayon de courbure 6,63. $ 2. — Mesure des longueurs d'onde. w a longueur d'onde des radiations nouvelles se mine par la méthode des réseaux. On disperse, E’ FR 6. — Mesure des lon- eurs d'onde. — E!, écran carton mouillé avec fente délimitant le faisceau ; euille d'aluminium por- nt une fente f très étroite garnie de sulfure de cal- Im; R, réseau; m, petit roir collé à l'alidade qui ïte M; L, lunette et T, le divisée, servant à dé- erminer les rotations de m. Bun prisme d'aluminium, le faisceau de rayons N S par une lampe Nernst (dispositif de la fig. 15), à l'aide d'un écran E’ de carton mouillé percé ine fente étroite F' (fig. 16), on isole le faisceau ple que l'on veutétudier, en arrêtant les autres. d écran M, formé par une feuille d'aluminium ns laquelle on à ménagé une fente f'extrème- ent étroite (& de millimètre ), garnie de sulfure alcium phosphorescent, est monté sur l'alidade goniomètre dont l'axe de rotation passe par la It, en faisant tourner l'alidade, déplacer à volonté ente dans le champ. On place d'abord cette fente exactement sur le faisceau IF', et cela s'obtient en en cherchant le 4 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. maximum d'éclat, lequel est parfaitement défini, sans aucune apparence de diffraction. Puis on installe le réseau R contrela fente F', et, en déplacant alors l'écran M de part et d'autre de sa position actuelle, on trouve des maxima d'éclat, des franges de diffraction, très serrées et équidistantes. Les angles, très petits, dont il faut faire tourner l’alidade (au moyen de la vis de rappel qui la commande) pour passer de l’une de ces franges à une autre, et dont on a besoin pour délerminer la longueur d'onde, sont mesurés par la méthode de réflexion : un petit miroir plan » est collé sur le côté de l’ali- dade, et l’on vise avec une lunette L l'image, dans ce miroir, d'une règle divisée T. Les franges étant Lrès serrées, on mesure, non pas l'écart angulaire de deux franges consécutives, mais celui de deux franges symétriques d’un ordre élevé, par exemple de la dixième frange à droite et de la dixième frange à gauche. On à opéré avec trois réseaux portant respecli- vement 200, 100 et 50 traits par millimètre, et les résullats furent les suivants (Tableau IT) : TanLeau Il. — Longueurs d'onde des rayons N. RÉSEAU EMPLOYÉ RE INDICE MOYENNE [l . 1 ; c au — de mill.|au — de mill.|au L de mill. 200 100 20 mn 0 ,008155 0,0099 0,0117 0,016 0,0176 [Ts [rs 0,00813 0 ,00839 0,0093 0,0106 0,0117 » 0,016 0,0176 » 0,018% Ces mesures ont été contrôlées par la méthode des anneaux de Newton. L'appareil producteur d’anneaux est monté sur le chariot de La Provos- taye et Desains, et l’on détermine d’abord, en lu- mière jaune (raie D), le déplacement qu'il faut lui faire subir pour que, en visant un point déterminé, on voie se succéder en ce point les deux extrémités du diamètre d'un anneau. Remplacçant alors la lumière jaune par les rayons N, et la lunette par une fente à sulfure de calcium phosphorescent, on donne au chariot le même déplacement que dans l'expérience précédente, puis, observant les varia- tions périodiques d'éclat que subit le sulfure de calcium, on compte ainsi les anneaux rencontrés pendant ce déplacement ; leur nombre est le rapport de la longueur d'onde de la lumière jaune à celle des rayons N. Ce procédé n’est pas très précis parce que, pour que les anneaux formés par les rayons N ne soient pas trop serrés, il faut que les anneaux en lumière jaune soient assez larges, ce qui fait que leur position est mal définie. Cependant, il a fourni 3% 234 MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N 1 une très bonne vérification des mesures plus pré- cises faites par la méthode des réseaux !. On remarquera que les longueurs d'onde et les indices des rayons N varient dans je même sens, c'est-à-dire que l'aluminium présente, pour ces radiations, le phénomène de la dispersion ano- male. Ajoutons que, tout récemment, M. H. Bagard a annoncé que, par réflexion sur une lame de verre poli, il avait pu polariser les rayons N émis par une lampe Nernst. Il a, de plus, constaté qu'un tel faisceau polarisé subit, en traversant une lame d'Al ou de CS?, le phénomène de la polarisation rota- toire magnétique …. VII. — Rayons N.. En explorant avec la fente de sulfure de calcium phosphorescent le spectre que donne, à travers le prisme d'aluminium, le faisceau de rayons émis par la lampe Nernst, M. Blondlota trouvé que, dans la région très peu déviée du spectre, il existe cer- EE EE ENT an SR PROS set NENININENRENNEP Fig, 47. — Répartition des faisceaux N et N, dans le spectre fourni par un prisme d'aluminium. — 1P, direction du faisceau incident. jains azimuts dans lesquels l'éclal de la fente diminue sous l’action des rayons, et augmente, au contraire, quand on les intercepte”. Il y a ainsi, dans le rayonnement de la lampe Nernst, des rayons, distincts des rayons N, que M. Blondlot appelle rayons N,, et qui ont sur la luminosité du sulfure de calcium un effet exactement contraire à celui des rayons N. Quand on suit le spectre de l’alu- minium, à partir du point P (fig. 15), qui définit la direction du faisceau incident, on rencontre trois faisceaux N,, formant deux intervalles dans chacun desquels se trouve un faisceau N; au-delà, on ne trouve plus que des faisceaux N (fig. 17). 1 Dès que M. Blondlot eut annoncé qu'une source de rayons N donne dans une lentille plusieurs foyers, M. Sa- gnac pensa que ces foyers étaient des maxima de diffrac- tion produits par une seule radiation simple, et non pas de véritables foyers dus à la complexité du rayonnement. Partant de cette hypothèse, il en déduisit que la longueur d'onde de cette radiation devait-être de l'ordre de Omm,2 Journal de Physique, (4), t. 1, p.553). Cette interprétation maintenant comme erronée, puisque des expé- riences directes ont établi la complexité du rayonnement, :t fourni les IonE gueurs 7 onde de ses dive rses parties. ? H. Bacann : C. R., HR 56 rier 1904). 3/R ee 2 M: _ L CXXXVIL, p. 545 (février 1904). apparail Si l’on construit la courbe qui représente les wa riations simultanées de l'indice et de la long d'onde des rayons N, on trouve que les po relatifs aux rayons N, se placent, eux aussi, cetle courbe. i » | | Le pouvoir pénétrant des rayons N est wr grand; un grand nombre de substances se laisse traverser par eux, à la condition, loutefois, quel surfaces en soient bien polies. En effet, on a vu qi ces radiations ont une très petite longueur d'ond de l'ordre de 0u,01, de sorte que des aspérités, seraient de peu d'importance pour des rayons mineux, et n'en modifieraient pas la propagat peuvent fort bien provoquer la diffusion de rayons N. $ Nous avons déjà dit que l’eau pure est tout fait opaque pour les rayons N : il suffit d'un feuille de papier à cigarettes mouillée pour arrête complètement le rayonnement d'un bec Auer © d’une lampe Nernst. Au contraire, l’eau salée es parfaitement transparente. De même, les rayons traversent le bois, le papier, le quartz, les gemme, le verre sous une épaisseur de 1%,50 grosses plaques d'aluminium, le laiton sous épaisseur de 0,65, une grande épaisseur de cure, etc. Le platine, qui est opaque, à froid, so une épaisseur de 0,1, ne l'est plus sous une épais seur inférieure à 0, 03. M. Bichat a déterminé la transparence de dives substances, et particulièrement des mélaux, pot chacun des faisceaux en lesquels un prisme d’al minium décompose le rayonnement de la lam Nernst'. Ses expériences sont résumées par le# bleau II suivant, dans lequel le signe O indique transparence, et le signe @ l’opacité : ; VIII. — RELATIONS ENTRE LES RAYONS N ET LA MATIÈRE. $S 4. — Transparence et opaciteé. | TABLeAu IIL — Transparence de quelques substance pour les divers rayons N. SUBSTANCES ÉPROUVÉES (épaisseur en centièmes de millime INDICE Plomb|Cuivre | Verre [Zinc|Argent| Or Palla-! Kickel| 28 £ À RH 3 dium diun 10 66 164 | 76 | 300 |202| 5 20 1,04 | @ @ 0e 0 © ee e 1,196| @ e 6e 0e, © e|e e 1,281] @ e 0e 0e © 0e e 1,36 | © @e 0e, © ee e 1,40 | @ ee 6806 © ee e 1,48 | © e ON|'ONMNONIOINe e 1,67 | @ ONuNerGIRONIOIIe e 1,85 | O O O'ONROUIO'Le e 1E, Bicuar : Comptes rendus, t. CXXXVIII, p. 548 (fév. 41908 MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N 23 t transparent ; cependant, on a constaté, dans ombre d'expériences, qu'une feuille de plomb ordinaire intercepte les rayons N; cela tient à la uche mince d'hydrocarbonate qui recouvre tou- ours ce métal; en enlevant cette couche, le plomb vient transparent. On peut s'assurer d’ailleurs vient opaque quand on la recouvre d'une couche céruse ; au contraire, le blanc de zinc se laisse traverser par les rayons N. $ 2. — Emmagasinement. Il existe un grand nombre de corps qui, soumis aux rayons N, emmagasinent ces rayons, et peuvent ensuite en émettre. Cette propriété fut découverte le la manière suivante : Après avoir concentré sur du sulfure de calcium phosphorescent, au moyen Dune lentille de quartz, les rayons N émis par un & Auer qui était enfermé dans une lanterne de tôle, M. Blondlot éteignit le bec Auer, et le sortit de lanterne ; il constata que la lanterne et la lentille ntinuaient à émettre des rayons N, puisque terposition d'un écran de papier mouillé entre S objets et le sulfure de calcium faisait diminuer clat de celui-ci, qui redevenait, au contraire, plus mineux lorsqu'on supprimait l'écran. On vérifia ors que nombre de corps, exposés aux rayons N, viennent ensuite des sources qui peuvent être nt actives ; tels sont le quartz, le spath, le verre, spath-fluor, la barytine, un grand nombre de élaux : or, argent, cuivre, zinc, plomb; l'alumi- um ne possède pas cette propriété, mais le sulfure calcium la possède; du sulfure de calcium qui a insolé devient une source de rayons N. Et cela permet d'expliquer le retard avec lequel produisent les variations de luminosité de ce ps, sous l'influence des rayons N : l'emmagasi- ement progressif de ces rayons par le sulfure de cium fait que l'accroissement d'éclat de celui-ci se produit que peu à peu, et, quand les rayons N ssent d'agir directement, la portion emmaga- Sinée prolonge leur effet, si bien que la diminution d'éclat n'apparait qu'avec un certain retard’. “Le phénomène de l’'emmagasinement est très énéral : l'eau salée, l'hyposulfite de sodium, cris- “lallisé ou en solution, le présentent. Cette pro- miété explique que nombre de corps insolés : bri- ues, cailloux, etc., soient des sources de rayons N. Nous verrons plus loin comment l'emmagasine- ment par le sulfure de calcium permet d'obtenir commodément des sources de rayons N. - $S 3. — Conduction. M. Charpentier s'est aperçu que certaines sub- R. BronoLor : C. R., t. CXXXVII, . 129 (novembre 1903) Stances, transparentes pour les rayons N, comme le cuivre, l'argent ou le verre, sont susceptibles de conduire ces radiations; c'est-à-dire que l'on peut observer, à une extrémité d'un fil de cuivre ou d'une baguette de verre, les effets d’une source de rayons N que l’on approche de l’autre extrémité ‘ M. Bichat à étudié le mécanisme de cette transmis- sion et pense qu'elle peut s'expliquer de la même manière que la transmission de la lumière dans les fontaines lumineuses, en admettant qu'une série de réflexions successives sur les parois du fil transmetteur conduisent les rayons N d’une extré- milé à l’autre de ce fil *. A l'appui de cette théorie, il apporte les observations suivantes : C'est bien le fil qui conduit les rayons N, et non le milieu environnant, car la transmission se fait également bien, que le fil soit plongé dans l'air, qui est transparent, ou dans l’eau, qui est opaque pour les rayons N. Seules, les substances transpa- rentes sont capables de conduire ces radiations : la transinission ne se produit pas à travers un tube fl G K G F Fig. 18. — Conduction des rayons N par un fil de cuivre. — La transmission d’une extrémité à l'autre se fait dans un fil FIG; mais, si le fil présente un coude brusque en K, les rayons N sortent du fil en ce point. plein d’eau pure; elle se fait, au contraire, avec un tube plein d'eau salée, un fil de cuivre, d’alumi- nium, une baguette de verre. En y regardant de plus près, on trouve qu'un fil de cuivre ne transmet que les rayons d'indices 1,67 et 1,85, qu'un fil de plomb (à tranches fraîchement coupées) ne con- duit que les radiations d'indices 1,36, 1,48, et 1,85, c'est-à-dire, d’après le tableau IIT, que ces sub- stances ne conduisent que les radiations pour les- quelles elles sont transparentes. Cette transmission se constate, quelle que soit la forme du fil conduc- teur, à condition que celui-ci ne présente pas d’angles très aigus; avec un fil de cuivre plié à angle aigu, par exemple, on observe que les rayons N ne sont pas conduits jusqu'à l'extrémité de ce fil, mais, au contraire, sortent du fil à l'endroit du coude brusque (fig. 18). L'expérience suivante rend bien vraisemblable l'hypothèse qu'il se produit une réflexion des 1 AuG. CHARPENTIER : C. R., t. CXXXVIII, p. 194 (janvier* 190%). 2 E. Brouar : C. R.. t. CXXXVIII, p. 329 (février 1904) rayons N à l'intérieur du fil conducteur : A l’extré- milé d'un fil de cuivre, on place une source de rayons N; on s'aperçoit alors qu'un écran de sul- fure de calcium phosphorescent, lorqu'il est placé à l'extrémité du fil, acquiert une luminosité plus grande qu'en toule autre position laté- rale à ce fil. Puis on oxyde la surface du fil sur une petite longueur en le chauffant dans la flamme oxydante d'un chalumeau; on le laisse refroidir; et l'on observe alors que le sulfure de calcium n'éprouve plus, quand on le met à l'extrémité du fil, l'accroissement d'éclat constalé avant l'oxyda- tion : il n'y a plus transmission; au contraire, en déplaçant l'écran le long du fil, on s'aperçoit que le sulfure de calcium brille, dans une certaine région, d'un éclat plus vif que dans toute autre; et cette région est voisine de la partie oxydée ; là, les rayons N sortent du fil. Si, au moyen de toile d'émeri fin, on repolit la surface du fil, les phé- nomènes se reproduisent, identiques à ce qu'ils étaient avant l'oxydation. Les rayons N émis par le sulfure de calcium A C Fig. 19. — Obtention de sources secondaires de rayons N, constamment entretenues. — ABCD, écran «le sulfure de calcium exposé au jour ; EFGH, toile métallique ; I, fil de cuivre transmetteur de rayons N à la plaque P qui sert de source secondaire. phosphorescent (dont l'émission s'explique, nous l'avons dit, par l'emmagasinement) subissent, eux aussi, celte sorte de conduction par un fil de cuivre. L'expérience suivante le montre bien ! : un écran recouvert de sulfure de calcium est attaché à un fil de cuivre dont l’autre extrémité aboutit à un pelit écran de sulfure destiné à révéler la présence des rayons N. Le fil peut être très long (10 mètres), et les deux extrémités en sont placées dans des pièces différentes. Si, devant le premier écran, on fait brûler du magnésium, de manière à accroître sa phosphorescence, on observe que, au bout de quelques secondes, nécessaires à la transmission, et peut-être aussi à l’émission, la luminosité du deuxième écran s'accroît. Une expérience à blanc, où l’on supprime le fil, permet accroissement d'éclat n'est pas dû à une action de s'assurer que cet directe du magnésium sur le second écran. I y a suivant l'expression de M. Charpentier, une sorte de transmission apparente de la phos- phorescence d'un écran à l'autre. donc là, MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N ( grand écran 13 X 18 ou 18 X 24 de sulfure de cal cium est exposé d’une manière permanente à" lumière du jour. Sur cet écran se trouve placé une toile métallique à larges mailles, à laquelle es soudé un fil de cuivre dont l'extrémité peut se trot ver dans une pièce obscure où l’on veut étudier les propriétés des rayons N (fig. 19). Dans ces cond tions, les rayons N émis par le sulfure éclairé 8 transmettent, par l'intermédiaire de la toile métal lique et du fil de cuivre, à l'extrémité de celui-@ qui fonctionne alors comme source secondaire, sans cesse revivifiée. IX. — Émission DE RAYONS N PAR LES CORPS A L'ÉTAT CONTRAINT. Dans tout ce qui précède, nous n'avons parlé que des rayons N émis par un certain nombre sources lumineuses; il y a toute une catégori d'autres sources, dont les radiations, sans être goureusement identiques aux rayons N, pose beaucoup de leurs propriétés. A la suite d’expé riences de M. Charpentier, établissant l'’augmen tation de luminosité du sulfure de calcium phoss phorescent au voisinage d’un muscle tendu ou du poing serré, M. Blondlot eut l'idée de chercher si un état de tension ou de compression mécanique ne provoquerait pas, de Ja part de certains corp l'émission de rayons N. Il vérifia qu'il suffit d'exercer une pression sul un objet quelconque, de bois, de verre ou métal, pour que cet objet émette aussitôt de rayons N, pendant le temps que dure cet état de contrainte. $ 1. — Corps trempés. Au lieu d'exercer sur des corps une compression M. Blondlot songea alors aux corps qui, spontané ment, se trouvent à l’état contraint, comme l’aci@ trempé, les larmes balaviques, et l'expérience fut coneluante : une lime, une bille de roulement, des larmes bataviques, constituent des sources puis santes de rayons N, dont on peut observer l'effet soit sur le sulfure de calcium, soit sur l’étincelles La figure 20 montre un cliché obtenu par la mé thode décrite plus haut, en employant comme source de rayons N deux limes et un ressort à montre; la partie droite du cliché est fournie pa 1 AUG. CuanpenTiER : C. R.,t. CXXXVIIT, p. 414 (février 1904). IR /BLoND1. OT: /C-N., t. CXXXVIL, p. 962 (décembre 1903}s tions de deux clichés développés simultanément, d ont la moitié gauche a été impressionnée par l’étin- celle protégée par un écran de plomb, et la moitié lroite par l’étincelle non protégée, avec cette seule différence que, dans le cliché 21, il tombait sur l'ap- areil les rayons N provenant de larmes bataviques, idis que le cliché 22 a été obtenu sans interven- on de rayons N. . La propriété que possède l'acier trempé d'émettre s rayons N ne disparait pas par l'action du temps; la lame, trempée, d'un couteau de l'époque méro- vingienne émet encore aujourd'hui des rayons N, tandis que la soie de ce couteau, qui n'est pas l ce (cela fut vérifié à la lime), n'en émet pas. Il convient d'ajouter que le rayonnement de 9 cessources,s'ila beau- | coup de propriétés com- RER ne | munes avec les rayons SE mis par une lampe Nernst, par exemple, _ en est peut-être un peu 0 différent ; il a les mé- _ mes effets sur l'étin- à ou sur les corps phosphorescents; il su- f bit la transmission par PA n fil métallique ou de fe E: LA erre (et les phéno- mènes “ transmission ont surtout été étudiés avec de semblables jources) ; mais il sem- ble qu'une portion de ce rayonnement ne soit pas arrêtée par l'eau, Des études ultérieures pourront seules déter- miner le degré de complexité de ce rayonnement. Fig. 20. S 2 $ 2. — Vibrations sonores. Etant donné que la compression d'un corps pro- Yoque l'émission de rayons N, M. Macé de Lépinay pensa que les vibrations sonores, toujours accom- pagnées de compressions et de dilatations succes- ives, pourraient avoir le même résultat”. L'expé- ience montre, en effet, que la mise en vibration dun diapason, d'un timbre de bronze, ou d'un Cylindre d'acier, provoque un accroissement de éclat d'un écran de sulfure de calcium voisin. Cette action se manifeste, d’ailleurs, aussi bien “lorsque le sulfure est voisin d'un ventre, où cepen- dant les déformations sont nulles, que d'un nœud, m1 J. Macé pe Lérinay : CNE CNE ROUE, ro vier 190%). (jan- * de. MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N 237 où elles sont maxima ; de plus, on l'observe encore en interposant un écran de plomb ou d’eau distil- lée entre la source sonore et le sulfure de calcium. Ces derniers résullats prouvent que la mise en vibra- lion de l'air lui-même, les compressions et dilata- tions successives qu'il subit, ont de l'effet sur le sulfure de calcium phosphorescent. Cela fut vérifié directement, en supprimant le corps sonore vi- brant, et produisant le son par les seules vibra- tions de l'air, au moyen d'une sirène; on observa fort bien les variations de luminosité du sulfure de calcium. Un autre moyen d'observation est également uti- lisable : c'est l'augmentation d'éclat que subissent — Rayons N émis par deux Jimes el un ressort. — La partie gauche de l'épreuve est donnée par l'étincelle, protégée contre l'action des rayons N par un écran de plomb; au contraire, la partie droite est l'impression produite par l’étincelle soumise aux rayons N. les corps faiblement éclairés lorsqu'ils sont sou- mis aux rayons N. M. Macé de Lépinay emploie comme corps peu éclairé le disque même de la sirène; on le fait tourner d'une manière continue, en l’éclairant juste assez pour l'enlrevoir, sans en distinguer aucun détail. Lorsqu'on fait arriver le courant d'air, on voit augmenter l'éclat et la net- teté de ce disque; lorsqu'on arrête le courant d'air, les contours redeviennent vagues. On s'est mis à l'abri de toute illusion en se bouchant les oreilles, afin d'ignorer si la sirène fonctionne ou non; on est renseigné, avec une sûreié parfaile, par les simples changements d'aspect du disque. $ 3. — Champ magnétique. Puisqu'l ressort des expériences précédentes qu'un corps, solide ou gazeux, devient, lorsqu'il est à l'état contraint, une source de rayons N, on 238 MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N pouvait se demander si celte propriété ne s'élen- Fig. 22. Fig. 21 et 22. — Rayons N émis par des larmes bataviques. — Dans chaque épreuve, la partie gauche est produite par l'étincelle protégée par un écran de plomb, la partie droite par l'étincelle non protégée. La figure 21 correspond au cas où des rayons N sont produits par des larmes bataviques, la figure 22 au cas où l'on n'a pas fait agir de rayons. Les clichés ont été développés simultanément. relatives à l'influence d’un champ magnétique sur | champ créé par un fil rectiligne placé à 1 ce la luminosité du sulfure de calcium phosphores- cent, fournissent une réponse à cette question : 1C. Gurrox : C. R., t. CXXX VIII, p. 268 et 568 (février 1904} Si l'on déplace‘ le long d'uu barreau aimanté wr drait pas au genre de contrainte qui, selon les idées | des petits écrans explorateurs, au sulfure de ca de Faraday, règne dans un champ magnétique. On | cium, précédemment décrits, en ayanl pris la pi peut considérer que les expériences de M. C. Gutton, | caution d'envelopper ce barreau dans une fewill de plomb, pour évi les effets des rayon émis par l'acier tr pé, on constate qu luminosité du sulfur de calcium, très intens au voisinage des pô baisse beaucoup ver le milieu de l’aimant Les effets sont les mê mes si l’on déplace d la même manière l'é* cran au sulfure à l’ex térieur d'une bobir parcourue par un COU rant. | Mais l'expérience montre que, dans Ie région où le champ de le courant passe 0 qu'il ne passe pas. champ n'est pas unis forme. Le champ m& gnétique terreslre, que est uniforme, n'a pa d'action; mais, si chant, par exemple, d fils de fer doux, at de calcium. La sensibilité d’ailleurs très grande car on à constaté qu le sulfure de caleiur révèle l'existence mètre du sulfure, lorsqu'il y circule le courant produit par un Daniell dans un circuit ayant une résistance de 100.000 ohms’. … La différence entre l’action d’un champ uniforme “et celle d'un champ non uniforme semble bien indiquer qu'on ne doit pas rapporter les effets observés à l’état de contrainte du milieu. D'ail- leurs, en se gardant de toute interprétalion trop hâtive, M. Gutton, après avoir étudié les effets roduits sur le sulfure de calcium phosphorescent par un champ uniforme d'intensité ou de. position variables, a simplement énoncé le résultat expéri- mental suivant : « Chaque fois que des variations d'intensité d’un champ magnétique ou des dépla- cements des lignes de force produisent des forces lectromotrices à l'endroit où se trouve le sulfure phosphorescent, on observe une augmentation d'éclat de la phosphorescence. » -X. — AUTRES CIRCONSTANCES D'ÉMISSION DE RAYONS N. Nous mentionnerons ici quelques résultats, d’in- “terprétation encore obseure, constatés par M. Bichat?. — Au voisinage d'un gaz liquéfié, un écran phos- phorescent subit un accroissement d'éclat: cela peut se vérifier avec un siphon d'anhydride sulfu- reux, un tube d'oxyde azoteux liquide, ou un tube de Natterer à anhydride carbonique : lorsqu'on “déplace l'écran au sulfure de calcium le long de celui-ci, son éclat augmente brusquement lorsqu'il est vis-à-vis du liquide; la région contenant le gaz est, au contraire, sans action. Si l’on vaporise tout le liquide en portant le tube à une température supé- rieure au point critique, le tube n'agit pas sur l'écran phosphorescent ; mais, en laissant refroidir, on voit l'éclat du sulfure de calcium s’accroitre brus- quement, à l'instant où la condensation se produit. L'air liquide émet, lui aussi, des rayons N, et, qui plus est, les gaz qui proviennent de son évapo- ration spontanée en émeltent également : un tube dans lequel ces gaz sont conduits est une source de rayons N, tant qu'il reste du liquide non évaporé. Enfin, l'ozone gazeux exerce la même action sur le sulfure de calcium phosphorescent. XI. — EFFETS lPHYSIOLOGIQUES DES RAYONS N. La première observation d'ordre physiologique fut faite par M. Blondlot dans les conditions sui- vantes* : En regardant un objet faiblement éclairé, une petite bande de papier, il constata que l'éclat et la nelteté de cet objet étaient notablement accrus 1 La très grande sensibilité que l'on possède ainsi pour déceler un champ magnétique a permis à M. Gutton de véri- fier aisément l'effet magnétique des courants de convection. {C- Gorron : C. R., t. CXXXVIII, p. 352.) 2 E-"BicHAT :C. R:,t. CXXXVIII, p- 550 (février 1904). $ R. BLonpzor : C. Z., t. CXXXVII, p. S31(novembre 1903). MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N 239 lorsqu'on dirigeait vers l'œil un faisceau de rayons N. Lorsqu'on supprimait ceux-ci, l’objet reprenait son aspect primitif. L'expérience se fait aisément en employant, comme source de rayons N, un objet trempé, comme un outil d'acier, ou des larmes bataviques. Dans une pièce très peu éclairée, on regarde un objet blanc, le cadran d’une horloge, par exemple ; on règle l'éclairage et la distance à ce cadran de manière à ce que celui-ci ne produise sur l'œil que l'impression confuse d’une tache grisätre. Si l’on approche alors de l'œil une source de rayons N, l'objet regardé s’éclaircit, ses contours deviennent plus nets, on distingue, par exemple, les aiguilles sur le cadran. Dès qu'on écarte de l'œil la source de rayons N ‘qui peut être un simple couteau), l’objet s'assombrit de nouveau, et ses contours s'atténuent. Les phénomènes sont identiques à ceux que l’on observe lorsque c’est l'objet regardé, et non plus l'œil, que viennent frapper les rayons N. Les variations d'éclat d’un objet peu lumineux, constalées par M. Gutton lorsqu'on déplace un barreau aimanté (convenablement entouré de plomb) au voisinage de cet objet, se produisent aussi lorsque c'est près de l'œil qu'on déplace le barreau aimanté. D'autres effets sur la vision furent constalés par M. Charpentier‘. On se place dans une demi-obscu- rité, puis on promène, sur le côlé gauche du cräne, une lame d'acier trempé. Lorsque cette lame se trouve vis-à-vis de la région postérieure du pariétal et de la région occipitale voisine, il se produit un léger accroissement de l’éclairement des objets, et mème, vers le centre de cette zone, une augmenta- tion de netteté : au total, il y a, comme dans l’expé- rierce de M. Blondlot, accroissement de l’acuité visuelle. M. Charpentier a même observé sur lui- même que, dans l'obscurité, il y avait parfois pro- duction de sensation lumineuse. La pupille paraît présenter, d’ailleurs, des réactions aux rayons N; ainsi, en plaçant une source de rayons N au-dessus de la septième vertèbre cervicale, on observe une dilatation pupillaire sensible. Enfin, dans une Communication plus récente, M. Charpentier a annoncé qu'il y a lieu de croire que les rayons N ont une action excitante sur l'olfaction et la gustation, ainsi que sur certains centres auditifs ?. XII. — RADIATIONS PHYSIOLOGIQUES. $ 1. — Emission par l'organisme. Non seulement les rayons N exercent des actions 1 Auc. CHarPeNTIER : C. R., t. CXXXVIIT, p. 210 (février 1904). 2 AuG. CHARPENTIER : Réunion Biologique de Nancy, séance du 9 février 1904, et C. R. t. CXXXVIII, p. 584 (février 1904). physiologiques, mais encore l'organisme émet des radiations, que M. Charpentier appelle radiations physiologiques ”, qui présentent beaucoup de points de ressemblance avec les rayons N. Lorsqu'on approche un pelit écran ?, recouvert Carton noir | — Ecran au sulfure de calcium pour recherches physiologiques (grandeur naturelle). Fig. 23. de sulfure de icalcium phosphorescent, d'un mus- cle, et particulièrement d'un muscle contracté, la luminosité de l'écran augmente. En déplaçant corps, on peut, par exemple, en face de celui-ci, cet écran devant le délimiter du l'écran explorateur est plus lumineux l'aire cœur : que vis-à-vis des régions avoisinan- tes. Il ne s’agit pas, naturellement, de baser sur celte ac- tion un procédé cli- nique, qui serait in- férieur, comme sen- sibilité, aux autres moyens dont on dis- pose. Le mème effet est produit quand on approche l'écran d'un nerf ou d'un centrenerveux(ren- flement cervical ou renflernent lombai- re), surtout lorsque ce nerf ou ce centre sont en état de fonc- De la manière tionnement. même qu'on peut délimi- ter le cœur, on peut délerminer, avec une exac- | titude vraiment remarquable, la position du centre de Broca, centre nerveux intéressé dans l'émission de la parole. Voici comment se fait l'expérience : l'observateur promène un petit écran phosphores- AuG. CHARPENTIER : C. R., t. CXXXVII, p. 1049 (décem- | 1903 Prote gé contre le rayonnement calorifi-gue. | MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N + cent (fig. 23) sur le côté gauche du crâne d'un sujet qui parle sans interruption, qui comple, p exemple (fig. 24); il lui est alors facile de s'apers cevoir qu'il y a un point du cràne vis-à-vis dus quel l'éclat du sulfure de calcium est maximum ce point coïncide parfailement avec la position q l'on attribue au centre du langage articulé‘. On peut aussi constater que, pendant l'émission de la paro les muscles du larynx, qui travaillent, provoquen! aussi un accroissement de luminosité du sulfure. D'une manière analogue, on peut suivre, tous jours avec l'écran phosphorescent, le trajet des nerfs intéressés dans une action quelconque. P exemple, lorsque le sujet contracte le bras droit on observe, dans la région cervicale, une illumis nation marquée à droite; mais, vers le haut de là moelle, c'est, au contraire, du côté gauche que se manifeste la plus grande activilé, le croisement se faisant en général un peu au-dessous du bulbe. Le travail cérébral lui-même se traduit extérieus rement par un accroissement de luminosité du sulfure, comme le montre l'expérience suivante” Un expérimentaleur observe l'écran pla cé devant le front d'un sujet ; celui-ck se met en état de travail ou de repos cérébral, sans que l'observateur sache lequel de ces deux états le suj se trouve; puis, au commandement dé l'observateur, le sw jet passe du travail au repos, où du res pos au travail. chaque changes ment, l'observateur constale une vari& tion d'éclat du sul fure; et il est facile de s'assurer ensui en sujet passait du tra vail au repos que l'éclat de l'écran dE minuait, landis que, lors du passage du repos au travail, la luminosité augmentait*. Ici, commen dans les recherches purement physiques, l'obser vateur est plus sensible aux diminulions qu'aux augmentations d'éclat, et ces variations exigent toujours un certain temps pour se produire. 1 AUG. CHARPENTIER : C. R., t. CXXXVII, p. 1271. # AuUG. CuaARPENTIER : Arch. d'électr. médicale, 25 janv.190#* | | | | MARCEL ASCOLI — LES RAYONS N De tout ce qui précède, il ressort que l'orga- nisme, et particulièrement les tissus musculaires et nerveux en fonctionnement, émettent des radia- tions. Celle propriété n'est pas spéciale à l’orga- nisme humain; des expériences concordantes ont été faites sur la grenouille, le chien, le lapin. $ 2. — Propriétés. C'est en cherchant à mieux localiser l'origine des radiations physiologiques que M. Charpentier dé- couvrit la propriété que possèdent ces radiations d’être conduites par un fil métallique, propriété qui appartient aussi, on s’en aperçut ensuile, aux rayons N. Ayant exposé plus haut ces phénomènes de conduction, nous nous bornerons ici à indi- quer l'application qu'en fait M. Charpentier à l'étude des centres d'émission de rayons physiolo- giques !. Une petite plaque de cuivre P, aussi petite qu'on le veut, est attachée ou soudée à un fil de cuivre, qui communique avec l'écran à sulfure de calcium. La plaque P sert d'explorateur; on la dé- place à volonté; elle recueille les radialions qui, après avoir parcouru le fil, viennent impressionner le sulfure. Dans ces conditions, l'écran de sulfure peut rester immobile, ce qui facilite beaucoup l'ob- servation de ses varialions d'éclat. On voit, au tolal, que les radiations physiolo- giques présentent beaucoup d'analogies avec les rayons N : elles influencent la luminosité de l’élin- celle, du sulfure de calcium phosphorescent, des bacilles phosphorescents; elles sont susceplibles d'être conduites. Cependant, ie rayonnement phy- siologique parait plus complexe que les rayons N: il n’est pas entièrement arrêté par le plomb, ni par l'eau pure. Certaines distinclions doivent, d'ail- leurs, être établies, parmiles rayons physiologiques, entre les radiations musculaires et les radiations nerveuses. Les premières traversent, comme les rayons N, l'aluminium sous grande épaisseur. Les secondes, au contraire, sont partiellement arrêtées par un demi-millimètre d'aluminium ; mais la partie du rayonnement qui traverse celle épaisseur -là est susceptible alors d'en traverser de beaucoup plus grandes. Une autre différence est que la radia- tion du nerf est extrêmement accrue par la com- pression de celui-ci, landis que la compression d’un muscle n'a pas d'effet appréciable sur l'inten- sité des radiations qu'il émet. S 3. — Autres circonstances d'émission. D'après M. Ed. Meyer, la luminosité d’un écran phosphorescent s'accroît, de manière appréciable, lorsqu'on approche cet écran d’un végétal”; cette 1 A. CHARPENTIER : C. R., t. CXXXVIIT, p. 194 (janvier 1904). ? AuG.CaaRPENTIER: C. R.,t. CXXXVIII, p. 45 (janvier 1904). 3 Enouano Meyer : C. R., t. CXXX VII, p. 101 (janvier 1904). 244 | action parait d'autant plus intense que l’activité physiologique est plus grande : en effet, dans cerlaines expériences comparalives, l’auteur a pu observer une différence entre l’action de graines ger- mant en toute liberté, et celle degraines dont la ger- minalion est arrètée par l’action anesthésiante du chloroforme. Des végélaux développés entièrement dans l'obscurité, et à l'abri des rayons N extérieurs, ont toujours montré la même action sur l'écran phosphorescent', si bien qu'on parait s'être mis à l'abri de toute espèce d’'emmagasinement. Pour terminer l'exposé des faits de ce genre, nous mentionnerons les résultats oblenus par M. Lambert, qui a observé que, dans les phéno- mènes de digestion d'une matière albuminoïde (fibrine) par un ferment soluble, il y a émission de rayons N, qui dure autant que dure la diges- tion”. XIII. — ConcLusions. En résumé, notre connaissance du spectre s'est enrichie, par la découverte de M. Blondlot, de ra- dialions non lumineuses, dont les longueurs d'onde sont de l’ordre du centième de micron, et pour les- quelles il a indiqué un certain nombre de détec- teurs. La question est loin d'être achevée; désireux de « débrouiller » au plus tôt les principales pro- priétés de ces radiations, M. Blondlot a été de l'avant, négligeant sciemment nombre de questions qui, en cours de route, se présentaient à son esprit, et qui devront être reprises. Nous souhaitons que cet article, en faisant connaître l’état actuel de l'étude des rayons N, excite l'activité des cher- cheurs, et leur fournisse en même temps des ren- seignements praliques pouvant guider leurs tra- vaux. Il faut bien déclarer, en effet, que les expériences de M. Blondlot, quoique fort nettes pour ses visiteurs, sont délicates à reproduire, puisque nombre de physiciens, tant en France qu'à l'Étranger, ont éprouvé de grandes difficultés, pour quelques-uns insurmontables, à observer les phé- nomènes signalés. Il est désirable que la générali- sation de résultats objectifs, tels que la photo- graphie de l’étincelle en a fournis à M. Blondlot, permette à de nombreux savants de faire progres- ser cette intéressante étude. Au point de vue physiologique, la question est, comme au point de vue physique, fort intéressante, mais, par essence mème, elle est plus complexe. On est parvenu à obtenir une sorte d’'extériori- 1 En. Meyer : C. R., t. CXXX VIII, p. 272 (février 1904). 3 LamBert : C. R., t. CXXXVIII, p. 196 (janvier 4904). Signalons encore les communications suivantes relatives à l'émission des radiations physiologiques : AUG. CHARPENTIER et En. Mever : C. 2R:, t. CXXX VIII, p. 520; et GILBERT BALLET : idem, p. 524 (février 1904). 949 sation du travail cérébral, à manifester celui-ci par un phénomène physique ; d'autre part, on a constaté des actions fort curieuses des radiations nouvelles sur l'organisme. Cela explique le très grand reten- tissement qu'ont eu ces recherches, trop grand, sommes-nous tenté de dire, car ce peut être un malheur pour la Science qu'une question scienti- INFLUENCE DU MILIEU EXTÉRIEUR SUR L’'ŒUF PARTHÉNOGÉNÈSES EXPÉRIMENTALE ET NATURELLE Dans un organisme pluricellulaire, on appelle œuf une cellule migratrice ou fille de cellules mi- gratrices, qui est susceptible, à un instant précis de son évolution, sous l'influence de certains exci- lants, de se multiplier pour reproduire l'organisme dont elle s’est détachée ou se détachera. Beaucoup de biologistes considèrent l'œuf comme une cellule différente des autres cellules du corps : à peine l'embryon est-il ébauché que souvent on distingue déjà un groupe de cellules à aspect tout à fait par- ticulier ; ces cellules, comme les autres cellules du corps de l'embryon, se multiplieront, mais elles ne donneront pas un organe servant aux fonctions de nutrition ou de relation, elles donneront des œufs: elles constituent les ébauches des glandes génitales; ce sont les cellules-mères des œufs. Ces cellules prédestinées conserveraient en quel- que sorte le patrimoine héréditaire; elles garde- raient le souvenir de toutes les influences passées qui se sont exercées sur les ancêtres de l'organisme considéré. Mais, au cours de leur évolution, elles seraient elles-mêmes soumises, dans un ordre déterminé, à des influences actuelles, multiples et variées. L'étude de cesinfluences est du plus haut in- térêt, car si, le plus souvent, les influences actuelles ne font que réveiller le souvenir des influences passées, dans certains cas elles peuvent aller à leur encontre et être la cause de variations. Pour faire cette étude, il est nécessaire de déterminer avec une précision rigoureuse les conditions de vie des cellules-mères de l'œuf, — à mesure qu'elles émi- grent, — et de l'œuflui-même, avant qu'il se divise, — dans l'organisme ou en dehors de l'organisme s'il se détache de bonne heure; en un mot, il est nécessaire de faire l'éfhologie de l'œuf au sens le plus large du mot. I. — ETHOLOGIE DE L'Œur. 1. Migrations des cellules-mêres.—Très souvent, les cellules-mères des œufs voyagent dans les or- GEORGES BOHN — INFLUENCE DU MILIEU EXTÉRIEUR SUR L'OŒEUF + fique soit trop Llôt la proie d’esprits non scienti fiques, qui dénaturent les faits, et en tirent d'extravagantes conclusions, au point de jeter discrédit sur des travaux véritablement sérieux. Marcel Ascoli, Agrégé des Sciences physiques, Préparateur-adjoint à la Sorbonne. ganismes. Ces migrations sont remarquables chez les Cælentérés: les cellules reproductrices se diffé rencient dans l’ectoderme et émigrent de très bonne heure dans l’endoderme; chez les Hydraires, elles se déplacent même le long des rameaux de la co= lonie; chez les Actinies et les Madrépores, les cloi- sons de la cavité gastrique sont bordées par un bourrelet ectodermique, duquel se détachent les œufs pour s'éloigner à l'intérieur des cloisons (H. Wilson, Manicinia areolata). Chez les Arthro- podes (y compris les Némathelminthes, qui n'e sont que des formes parasites), les cellules repro- ductrices se différencient de très bonne heure, quelquefois avant l'embryon lui-même, et émigrent dans l'embryon au fur et à mesure de sa forma- tion ; chez les Insectes, en particulier, les cellules sexuelles apparaissent à la partie postérieure du corps autour d'une invagination ectodermique (fossette génitale), puis se dirigent en avant pour se répartir métamériquement (Heymens, Ortho- ptères). Chez les Néphridiés, à cavité générale bie nette, comme les Annélides et les Vertébrés, les œufs, au contraire, apparaissent tardivement et se forment directement aux dépens du revêtement de la cavilé générale; toutefois, chez les Plathelmin- thes, qui ne sont que des Annélides parasites, les œufs se différencient à un slade très précoce du développement, et celui-ei se trouve plus ou moins arrêté ; chez les Echinodermes, enfin, les œufs ont pu être considérés comme des globules du sang spécialisés. Ainsi, les cellules-mères des œufs, au cours de leur évolution, peuvent se trouver dans des con- ditions variées : chez les Coelentérés et les Arthro- podes, elles commencent à se différencier pour ainsi dire dans le milieu extérieur ; mais, petit à petit, elles s’éloignent de la périphérie et gagnent des régions du corps qui diffèrent au point de vue chimique; chez les Néphridiés, elles se différen- cient d'emblée dans le milieu intérieur dont la composition est, dans une certaine mesure, indé- pendante de celle du milieu extérieur et varie avec le degré de perfectionnement de l'appareil excré- teur parrapport à l’activité générale de l'organisme. 2. Passage brusque de l'œuf d'un milieu dans un autre. — À un moment donné, l'œuf se détache : c'est le phénomène de la ponte ; mais plusieurs cas peuvent se présenter : l’exotokie, l'endotokie et l'épi- tokie (Giard). Très souvent, l'œuf est rejeté dans le milieu extérieur et passe brusquement d'un milieu chimique dans un autre milieu chimique; mais la variation peut ne pas influencer l'œuf, vu une protection (membranes) souvent très effi- cace, parfois, l'œuf pondu reste à l’intérieur de l'organisme, dans des poches plus où moins indé- pendantes de la cavité générale, et la variation chi- mique subie par l'œuf est, en général, moins con- sidérable que dans le cas précédent; enfin, dans quelques cas très rares, l'œuf vient se fixer après la ponte sur les téguments externes. On le voit, /a poule entraine une varialion brusque et plus ou . moins considérable de la composition chimique du liquide qui baigne l'œul; cette variation est sur- tout sensible pour les œufs à membrane semi-per- méable, qui passent du milieu intérieur où ils se sont différenciés dans le milieu extérieur où ils vont se développer : Aunélides, Poissons, Amphibiens, Echinodermes (ce sont précisément ces œufs qui se prêtent le mieux aux expériences de la parthéno- génèse artificielle). 3. Milieu intérieur et milieu extérieur. — De toutes façons, on est amené à étudier comparative- ment la composition chimique du milieu intérieur dans les diverses régions du corps et aux divers stades du développement, et celle du milieu exté- rieur dans les divers habitats et aux diverses sai- sons. C’est à R. Quinton que l'on doit d’avoir entrevu nettement l'extrême importance de cette question; une vue des plus intéressantes est celle- ei : tout animal, terrestre, d’eau douce ou marin, tend à maintenir à son intérieur les conditions de vie de ses ancêtres : les diverses cellules vivent dans le milieu intérieur, comme les animaux vivaient dans le milieu marin ancestral, qui diffère du milieu actuel surtout par la concentration; on retrouve dans le sang toutes les substances chi- miques de l’eau de mer; toutefois, il y a à tenir comple, en dehors des éléments purement miné- raux, des diverses substances organiques, souvent « toxiques », contenues dans ces milieux. On sait quelle importance ont prise depuis plusieurs an- nées les questions d'osmose; mais, si les varia- tions physiques priment souvent les varialions chimiques, l'élude des premières ne doit pas entrainer à négliger l'étude des secondes. GEORGES BOHN — INFLUENCE DU MILIEU EXTÉRIEUR SUR L'OŒUF 243 IL. — VARIATIONS PHYSIQUES ET CHIMIQUES DU MILIEU OÙ SE DÉVELOPPENT LES ŒŒUFS. $ 1. — Le milieu marin Les œufs peuvent se développer dans le milieu marin. Une idée inexacte a faussé jusqu'ici toutes les recherches de Biologie marine (et, en particulier, celles relatives à la parthénogénèse). On croit que la composition chimique de l'eau de mer est invariable. Rien n'est plus faux : cette compo- sition subit des variations incessantes, souvent très faibles, il est vrai, voire même infinitésimales, mais qui sont capables d’avoir un grand retentis- sement sur la matière vivante, d'entrainer des va- riations considérables dans l’activité des organis- mes. Récemment, Loeb, niant formellement la par- thénogénèse naturelle chez les Oursins constatée par Viguier à Alger, déclarait que, pour que l’on pût admettre ce fait, il faudrait admettre aussi que Ja constitution de l'eau de mer à Alger diffère de celle du reste du monde! Il est assez curieux qu'une pareille assertion vienne de la part du cé- lèbre biologiste américain, qui s'est illustré en étu- diant les variations artificielles de la composition chimique du milieu sur les êtres vivants, et à qui l’on doit les résultats les plus positifs relatifs à Ja fécondation chimique. La composition chimique de l’eau de mer est fonction de la vie des êtres qui y habitent. En bien des points de la mer, l'acide carbonique est rejeté dans l’eau en grandes quantités par les animaux et les végétaux : peu importe, si cet acide ne reste pas à l’état de liberté, car, si une partie se combine fortement aux bases (carbonates neutres, en pro- portion invariable dans l’eau de mer), l’autre partie s'y combine faiblement (bicarbonales instables, en proportions variables), et le résultat est toujours le même : le degré d'acidilé, révélé par la phtaléine du phénol, est variable; en certains points de la mer, l'acide carbonique est absorbé (algues litto- rales, animaux des profondeurs), et il y a là une nouvelle cause de variation de l'acidité de l'eau de mer; enfin, il y à un fait biologique de première imporlance et que l'on persiste à ignorer : les algues rouges, contrairement aux algues vertes, rendent l’eau alcaline, même à la teinture de tournesol, en sorte que, dans une région très res- treinte, on peut observer des différences très con- sidérables dans les réactions de l’eau de mer. « Aux environs de Marseille, la côte présente des anfrac- tuosités rocheuses appelées calangues; il y en a de deux sortes : celles de la côte même, où vivent des algues vertes, et où se fait sentir la désalure; celles desîles, où vivent des algues rouges qui déversent 24% GEORGES BOHN — INFLUENCE DU MILIEU EXTÉRIEUR SUR L'OEUF dans l’eau certaines substances chimiques, comme l'ammoniaque, qui la rendent plus ou moins alcaline et loxique ». En transportant des Crustacés des unes dans les autres, les mouvements respiratoires changent lout à fait de caractère : l'eau des ca- langues à algues rouges est spasmodisante, comme d'ailleurs celle des fonds coralligènes (Broundo). La différence de composition de l'eau est révélée par des modifications, non seulement de l'activité musculaire, mais encore de l’activité ciliaire. Or, les agents physiques et chimiques qui modifient les mouvements des cils modifient aussi les mou- vements milosiques. Il est donc certain que la mitose d'une cellule, teïle qu'un œuf, ne s'accom- plit pas de la même façon dans les calangues de la côte et dans les calangues des iles. On le voit, il ya lieu de tenir compte, dans l'étude biologique de l'œuf marin, des variations de constitution de l'eau de mer: il ya lieu, toutes les fois que l’on fait une expérience sur un œuf, de déterminer exactement la composilion actuelle du milieu ambiant, et, faute d'avoir pris cette précaution (Viguier, Ariola), les expériences faites jusqu'ici, sans un déterminisme rigoureux, n'ont qu'une valeur relative et ne con- cordent pas. Les facteurs éthologiques les plus importants, dont il faut Lenir compte dans le milieu marin, sont : 1° CO”; 2° AzH°; 3° divers autres produits d'excrélion. Ces substances sont le point de départ de réactions chimiques assez complexes, qui se passent dans l’eau de mer et les organismes (calci- ficalion), el qui varient suivant les profondeurs et les régions. Aussi, si la composition saline de l’eau de mer est assez constante, s'il y a toujours le même rapportentreles poids des divers sels dissous, la quantité de calcaire varie. De plus, dans toute la zone littorale, la salure de l’eau peut diminuer, tandis qu'elle peut augmenter dans les mers fer- mées. Les phénomènes biologiques ne sont pas les mêmes dans les mers froides et dans les mers chaudes, dans les mers ouvertes et dans les mers fermées, non seulement à cause des variations de température et d’agitation de l’eau, mais encore à cause des différences de composition chimique. Et même, en général, les facteurs chimiques sont au premier plan, les facteurs physiques el méca- niques au second plan. Uñ t 2. — Le milieu aquatique d'eau douce. Les mares. Les œufs peuvent se développer dans l'eau douce, mais il faut remarquer que certains Poissons re- tournent à la mer pour pondre (Anguilles). Lorsque l’eau douce est confinée, elle peut subir des variations de composition chimique assez con- sidérables et intéressantes au point de vue qui nous occupe. Dans les mares, en particulier, il peut y avoir des quantités assez considérables" d'acide carbonique et de substances diverses pro» venant de la putréfaction des corps organiques. $ 3. — Les milieux organiques. Les œufs peuvent enfin se développer dans un milieu organique : ils ne sont pas alors pondus at dehors. Deux cas peuvent se présenter : ou bien l'organisme qui les produit vit dans la mer, lea douce, ou l'air, ou bien cet organisme est parasite d'un autre organisme. Le milieu organique (sang, bile, chyle, urine) est essentiellement un milieu confiné, chargé dé Sa composition est fonction de l’activité des organes facile; si un être est situé dans le milieu intérie d'un autre animal, l'excrétion, malgré le développe” ment énorme de l'appareil excréteur, se fait moins bien; 2% l’aclivité excrétrice varie avec le degré. d'organisation, avec le perfectionnement de l'appa reil rénal; 3° l'activité excrétrice varie avec les phases du développement; au cours de leur évolu= tion, beaucoup d'êtres passent par des périodes d’ « intoxication », les métamorphoses (Bataillon, Houssay). Chez les Vertébrés, il y a jusqu'à trois reins successifs ; or, c'est dans une phase d'asphyxie qu'un rein disparait pour êlre remplacé par un autre; celte disparition est elle-même une caus d'intoxication. Chez les Tuniciers, la première mé= tamorphose est fatale et le rein disparait d'une façon définitive : l'animal est ainsi fait qu'il s'in toxique conslamment, il est malade comme le prouve toule la biologie de ces animaux; il ne peut se fatiguer : il mène la vie passive, fixée ou flottante. Si l'inloxication est destructive pour les cellules vieilles, il semble qu'elle soit excitatricen pour les cellules jeunes, pour les œufs; nous abordons là un point de vue nouveau. III. — RETENTISSEMENT DU MILIEU SUR LA MATIÈRE VIVANTE ET SUR LES ŒUFS EN PARTICULIER Toute variation de l’élat mécanique, physique ou chimique du milieu modifie l’activité de la matière vivante; la modificalion peut être quantitative ou qualitative. La Biologie ayant commencé par celle de l'homme et étant faite le plus souvent par des médecins, toute modification de l'activité de la matière vi- vante observée est immédiatement rangée sous une rubrique empruntée au langage médical; or, | 4 4 GEORGES BOHN — INFLUENCE DU MILIEU EXTÉRIEUR SUR L'OEUF 245 un mot qui a été créé pour désigner une manifesta- tion de l’activilé d'un organisme aussi complexe que l'homme est, en général, impropre à désigner une manifestation d’une cellule, d'un œuf. Le lan- gage, comme l'a bien montré Le Dantec, entraine des comparaisons inexactes, suscite des idées fausses. Y. Delage, à qui l'on doit des recherches fort intéressantes sur « l'acide carbonique comme agent “e choix de la parthénogénèse expérimentale * », semble attacher, bien qu'il s’en défende, une im- portance beaucoup trop grande au sens des mots du vocabulaire médical. Il discute longuement sur « le mode d'action de l'acide carbonique dans la par- thénogénèse expérimentale * »; il se demande si (CO? agit par son acidité, ou par son action anes- thésiante, où par son action asphyxique, comme si chacun de ces mots avait un sens plus précis que les termes d'action spécifique (stimulante), d'action catalytique (accélératrice) qu'il rejette, car à chaque mot doit correspondre une idée; et aussitôt après, ilemploie le terme de poison qui, sans doute, a pour lui une signification précise. « Toutes les théories dans lesquelles on explique la parthénogénèse par une action excitante ou accélératrice de l'agent qui la détermine sont passibles d'une même objection, fondée sur ce fait que l’évolution de l'œuf ne se produit pas dans le réactif... mais seulement alors qu'il a été replacé dans de l’eau de mer naturelle. Or, ce n’est pas là le mode habituel des excitants ou des agents quelconques produisant leurs effets par une action directe. Ce n'est pas après avoir été éliminés de l'organisme que la caféine, l'alcool, la morphine... produisent leurs effets bien connus... Les agents parthénogénétiques, quels qu'ils soient, agissent comme des poisons temporaires; ils sont efficaces dans la mesure où ils jouissent de cette double qualité. Ceux qui ne sont pas assez nocifs pour arrêter la maturité sont ineflicaces; ceux qui sont des poisons trop forts et dont l’action est per- manente ou simplement de trop longue durée tuent les œufs. CO? est un agent parfait parce qu'il imprègne complètement les œufs, et que son action est absolument passagère, qu'il s’élimine complè- tement et ne laisse après son élimination aucune altération du protoplasma. » Ce passage, qui ren- ferme un certain nombre de remarques exactes, il est vrai, à côlé de quelques inexactitudes (pas d’ef- fets de la morphine pendant l'élimination) et quel- ques faits non prouvés (non altération du prolo- plasma par CO?), ne précise rien, n'apporte aucune clarté nouvelle. C'est ce dont s'est bien rendu comple Viguier, qui est un excellent ‘critique ‘, 2 DELAGE : C. R. Ac. Sc., 13 octobre 1902. ? Idem, 20 octobre. 3 Micurer : C. R. Ac. Sc., 29 juin 1903. en déclarant que « l’action de CO? n'est actuelle- ment pas mieux expliquée que celle de tant d’autres réactifs essayés dans les expériences de la parthé- nogénèse arlificielle ». Les modifications de l'activité de la matière vi- vante sont qualitatives et quantitalives ; mais on sait peu de chose sur les modifications qualitatives qui varient avec le degré d'organisation; aussi est-il prudent, dans l’état acluel de nos connais- sances, de n’envisager que les modifications quan- titatives, et de ne voir, avec Verworn, dans l’action d'un excitant quelconque (chimique, mécanique...) qu'une excitation ou qu'une paralysie. « Retenons ceci, dit Verworn : entre l'excitation et la paralysie il n’y a qu'un constraste quantitatif. Toutes deux ne présentent que des degrés différents d’un seul et même phénomène, la vie, et à la vérité l'excitation un renforcement, la paralysie un afaiblissement de l'intensité normale des phénomènes vitaux. Les phénomènes de paralysie peuvent être provoqués par hyper-excilation. Ce fait est important, car il nous montre que les mêmes excitants qui, pour une faible intensité ou une courte durée, produisent une excitation, peuvent, pour une intensité plus élevée ou une durée plus considérable, faire naître des effets précisément inverses, des paralysies. » Nous aurons à tenir compte de celte remarque pour com- prendre les phénomènes de parthénogénèse. IV. — PARTHÉNOGÉNÈSE EXPÉRIMENTALE. L'action excitante ou paralysante d’un excitant peut déterminer la parthénogénèse, c’est-à-dire le développement de l'œuf (segmentation) où n’a pas pénétré un spermatozoïde. $ 1 — Moment où l'on peut provoquer la parthénogénèse. C'est à Delage’ que l'on doit les notions les plus précises sur le moment qui est le plus fa- vorable pour déterminer expérimentalement la parthénogénèse. Dans le développement de l'œuf, il y à un stade critique au début de la matu- ration : la membrane nucléaire se rompt et le suc nucléaire se diffuse dans le cytoplasma avec les sels ou ferments qu'il peut contenir (maturation cytoplasmique) ; ce stade est particulièrement favo- rable à la mérogonie et à l’action des substances déterminant la parthénogénèse. L'œuf tout à fait mûr de l’Asterias glacialis est complètement rebelle à la parthénogénèse. Récemment, Delage précise: « Les œufs encore pourvus de leur vésicule germi- native ou ceux ayant émis depuis quelque temps ! Decace : 4901. Etudes expérimentales sur la maturation cytoplasmique et sur la parthénogénèse artificielle chez les Echinodermes, Arch. Zool. exp., (3), t. IX, 285-326. 246 les deux globules sont absolument réfractaires à | l'acide carbonique. Ce n'est pas, cependant, le fait de posséder ou non la chromatine des globules polaires qui intervient ici. J'ai constaté, en effet, que le développement parthénogénétique s'effectue aussi bien chez les œufs n'ayant émis aucun glo- bule, chez ceux qui en ont émis un seul ou chez ceux qui ont émis les deux... Il faut que l'œuf soit déjà sorti de l’état de repos qui précède l'émission des globules ou qu'il ne soit pas retombé dans l'état de repos qui suit l'émission du second glo- bule. Il faut que l'œuf soit dans cet état labile, d'équilibre instable, qui se rencontre pendant les phénomènes de cinèse et qui n'existe plus quand la cellule est à l’état de repos cinétique ». Les œufs d'Oursin, qui émettent leurs globules dans l'ovaire maternel, sont rebelles à CO*; mais, en combinant avec cet agent le secouage et la chaleur, ils peu- vent se segmenler. $ 2. — Divers agents naturels qui provoquent la parthénogénèse. Pour provoquer la parthénogénèse, on peut em- ployer, ou des agents qui exercent leur aclion nor- malement dans la nature, ou des agents artificiels; l'action de ces derniers n’a, en général, qu'un inté- rêt de pure curiosité; toutefois, dans certain cas, elle peut fournir des indications sur le mécanisme de la parthénogénèse. Les agents naturels sont, ou bien des agents chimiques (gaz et sels dissous dans l’eau), ou bien des agents mécaniques (agitation), ou bien des agents physiques (tempéralure, diverses radia- tions). 1. Gaz dissous. — Acide carbonique. — C'est en- core à Delage” que l’on doit d’avoir trouvé un fac- teur de choix de la parthénogénèse, l'acide carbo- nique. Or, c'est précisément ce facteur qui paraît agir le plus fréquemment dans la nature pour dé- terminer la parthénogénèse. « Les médecins trou- vent un cerlain intérêt à injecter à des animaux marins des poisons, tels que la strychnine, la digi- taline.…, extraits de plantes lerrestres, alors qu'il est du plus grand intérêt pour le zoologiste d'étudier les intoxications par les substances chimiques dis- soutes en quantité variable dans l’eau de mer, O, CO”, AzH°.…. substances qui dépendent de l’habi- tat et du genre de vie de l'animal étudié. » Cette déclaration (1901), toute critiquée qu'elle ait été, peut s'appliquer avec profit, non seulement aux organismes pluricellulaires, mais encore aux orga- nismes unicellulaires et aux œufs. Les résultats si intéressants trouvés par Delage le prouvent bien. 1 4902 et 1903. C: RAc/"Sc., 13 et. 20 octobre -21 septembre 1903. Arch. Zool. exp., (3), t. X, 1902, 213-235. GEORGES BOHN — INFLUENCE DU MILIEU EXTÉRIEUR SUR L'OEUF Mais cela ne suffira pas pour convaincre certains physiologistes qui sont avant tout médecins et pas du tout biologistes. Avec l'acide carbonique, Delage a obtenu une grande constance dans les résultats; 100 °/, de blastulas nageuses, blastula qui donnent des Jarves, lesquelles, placées à l'ombre, dans de l’eau renouvelée et agitée, et nourries par du vitellus de jaune d'œuf et des cultures de chlorelles, peuvent vivre trois mois; « elles approchent alors du mo ment de la métamorphose, et l’Astérie est is dans tous ses organes essentiels ». 2. Sels dissous. C'est Loeb qui, en 1899, & signalé le premier la possibilité de faire évoluer un œuf jusqu'à des stades avancés sous l'influence de l'excitation de solutions salines plus ou moins concentrées. Tandis que Tichomirov. Dewitz, Ku glain n'avaient obtenu avec des agents anormaux, tels que l'acide sulfurique et le sublimé, que de commencements d'évolution, Loeb, avec des solu- tions des sels mêmes de l'eau de mer, a obtenu, avec des œufs d'Échinoderme, des blastula ciliées et des Plutei. La découverte de Loeb a été le point de départ de recherches maintenant si nombreuses (Morgan, Bataïllon, Fischer...) qu'il est difficile d'en rendre compte succinctement. Loeb lui-même a poursuivi les siennes et en a rendu compte dans trois Mémoires fondamentaux ‘. Dans le premier, Loeb indique qu'il a obtenu la. parthénogénèse avec des solutions hypertoniques de KCI, NaCI, MgCl; pour les œufs d'Arbacia, il emploie en particulier le mélange suivant : è 10 : À - 500/, environ — MgCË + 50 0/, environ d'eau de mer. Dans le deuxième Mémoire, Loeb montre que les mélanges de plusieurs solutions salines sont plus favorables : on oblient avec ceux-ci une con- centration suffisante sans qu'aucun des sels at- teigne une dose nocive; il arrive à des Plutei avec squelette normal au moyen de la solution artifi- cielle suivante : 5 95 (ac) JE (ser ) à (Sxa) +5 LENS ar) #1(£ co*Xa®). Avec un mélange à parties égales 20 — MgCE + eau de mer 4 Loss : 1899. On the nature of the process of fertilization and the artificial production of normal larvæ (Plutei) from the unfertilized eggs of the Sea-Urchin. Awer. Journ. of Phys., Il, 135-458. — 1900. On the artificial production of normal larvæ from the unfertilized eggs of the Sea-Urchins (Arbacia). Zdem, 434-471. — 1901. Experiments on artificial parthenogenesis in Annelids (Chætopterus) and the nature of the process of fertilization. Zdem, IV, 423-459 à GEORGES BOHN — INFLUENCE DU MILIEU EXTÉRIEUR SUR L'OEUF les Plutei sont petits, tombent au fond du vase et meurent. Dans le troisième Mémoire, Loeb reconnait que KCI, NaCI, CaC!° et le sucre de canne, en solutions à peu près isotoniques, déterminent les mêmes effets sur les œufs du Chælopterus, en particulier la formation de trochophores; mais KCI produit le ‘développement à des doses moindres que les autres sels, et méme quand la pression osmotique est égale ou inférieure à celle de Teau de mer; tous les sels de potassium agissent de même : il y a donc une action spéciale de l'atome K. Loeb montre encore qu'il faut tenir compte aussi bien ‘du temps d'exposition que de la concentration; mais une faible augmentation de la teneur en potassium produit le même effet qu'une forte aug- mentation de la durée d’action. Il signale enfin que le développement parthénogénétique peut avoir lieu dans de l'eau de mer légèrement concen- tree. Giard, Delage, Viguier, en particulier, ont re- pris les expériences de Loeb. Je dirai plus loin les considérations importantes auxquelles a été conduit Giard. Delage ‘ admet les résultats de Loeb et les con- firme ; il opère sur les œufs du S{rongylocentrotus lividus, et il montre que MnCl à une efficacité supérieure à celle des sels alcalins. Viguier les discute, les critique avec acharne- ment. Je rendrai compte, dans un paragraphe sui- vant, de la série des travaux de ce zoologiste. En 1900, il essaie un seul des réactifs de Loeb, et il n'obtient que des insuccès. « Je me serais bien gardé, dit-il récemment, de conclure des insuccès obtenus que ce réactif était sans action. Mais, au cours de mes expériences, je découvris la parthé- nogénèse naturelle, et, tout naturellement, je fus amené à me demander si les développements attri- bués aux réactifs ne devaient pas l'être à cette cause. Je pense maintenant que l'on peut consi- dérer l'aclion des réactifs comme hors de doute; mais, pour un mème réaclif, le titre des solutions qui donnent de bons résullats varie beaucoup, d'après Loeb lui-même. » 3. Agitation de J eau. — On doit à un élève de Loeb, Mathews, des observations intéressantes *, relati- vement à la production de la parthogénèse par une agitation mécanique. Comme les résultats sont loin d’être constants, Viguier raille Mathews et son collaborateur Witcher, et d’une facon géné- 1 DELAGE : 1901. Arch. Zool. exp., (déjà cité). ? Marmews : 1901. Artificial parthenogenesis produced by mechanical agitation. Am. Journ. of Phys., VI, 142-154.— Marnews et Wrroner : 1903. The importance of mechanical shock in protoplasmic activity. Zdem, VIII, 300-306. 247 rale la mentalité de tous les élèves de Loeb. «On a fait sa théorie, petile ou grande, généralement la plus grande possible. Elle durera ce qu’elle durera ; et, si elle n'éclaire pas beaucoup la science, elle mettra peut-être son auteur en lumière. Il ne reste plus qu'à savoir en quelle lumière. » Delage, au lieu de critiquer, vérilie les faits. Et, tout récem- ment, il est arrivé, comme nous l'avons vu, à une conclusion intéressante : « On peut par des agents mécaniques (secouage), ou physiques (chaleur), meltre les œufs d'Oursin réduits, au repos, et par suite rebelles à l’action de l'acide carbonique, dans un état de labililé nucléaire qui les rend sen- sibles à cette action et leur permet de se segmenter parthénogénétiquement ». 4. Variations de la température. — Un autre élève de Loeb, Greeley ‘, a étudié l'influence des varia- tions de température (abaissement et élévation). Avec des œufs d’'Arbacia refroidis entre 0° et 5°, il n'obtint que de fausses segmentations ; avec des œufs d'Asferias Forbesii, il parvint jusqu’au stade Bipinnaria. En élevant la température (31° à 37°), il n'a pu obtenir la segmentation des œufs de cette dernière espèce. Nous venons de voir le résultat obtenu par Delage, à la suite d’autres, d’ailleurs. Viguier parait se désintéresser de la question. >. Radiations. — Une seule observation semble avoir été faite sous l'influence des radiations. Les rayons cathodiques émis par le radium ont pu provoquer la segmentation des œufs du S/rongy- locentrotus lividus : on a obtenu des demi-morulas de seize cellules. Ceci est une simple indication : il est reconnu aujourd'hui que les rayons de Bec- querel agissent normalement dans la Nature, et que l'action physiologique de ces rayons offre beaucoup de ressemblance avec celle des rayons lumineux *. $. 3. — Mécanisme de l’action des agents parthénogénétiques J'ai déjà dit plus haut ce que je pensais de ceux qui croient expliquer l’action d'un agent sur la ma- tière vivante en disant que celle action est celle d'un acide, d'un anesthésique, d'un narcotique …; on ne sait pas comment agissent ces diverses sub- stances et si elles agissent dans toutes les circon- stances de la même façon. Je ne m'attarderai donc pas à discuter les opi- 4 GREELEY : 1901. On the analogy between the effets of loss of water and lowering of temperature. Am.Journ. of Phys., VI, 122-428. — 1902. Artificial parthenogenesis in starfish produced by a lowering of temperature. /dem, VII, 296-304. 2 G. Bonn : 1903. C. R. Ac. Sc., & mai et 21 novembre. 248 GEORGES BOHN — INFLUENCE DU MILIEU EXTÉRIEUR SUR L'OŒUF nions de ceux qui emploient des mots sans signi- fication précise. Mais j'exposerai avec quelques détails des considérations de la plus haute impor- tance, appuyées sur des faits précis, dues au Profes- seur Giard. Cet éminent biologiste a insisté à juste titre, depuis très longlemps, dans son enseigne- ment et dans ses travaux’, sur l'importance de l'anhydrobiose en Biologie : il entend par là le ralentissement des phénomènes vitaux sous l’in- fluence de la déshydratation progressive ; il appelle tonogamie la parthénogénèse provoquée par une déshydratation suivie d'une hydratation. 1. Tonogamie.— Déjà en 1894, Giard montre que, si la déshydratation brusque est un danger pour l'être vivant qui la subit, la déshydratation pro- gressive est sans danger et parfois même utile : elle entraîne la diminution des échanges respira- toires et de tous les phénomènes vitaux; elle conduit à un état de vie latente dont le sommeil estival n’est qu'un cas particulier; mais l’état de torpeur cesse avec l'hydratation, et il en résulte une période réactionnelle, dans laquelle tous les phénomènes vitaux sont augmentés. Giard cite de nombreux exemples graines, spores, bulbes, sclérotes, kystes de Protozoaires et de Protophytes, œufs d'Apus, Rotifères, Tardigrades, Nématodes, prolengation de l'élat de nymphe, Mollusques ter- restres, Protoplerus... En plongeant un œuf de Ver à soie deux minutes dans l'acide sulfurique concentré, on obtient une éclosion précoce. En avril 1900, à Wimereux, Giard répèle les expériences de Loeb et de Morgan, avec MgC}, surles Asferias ru- bens?, et obtient des résultats moins complets que ceux de Læb (stade 16, souvent irrégulier au bout de douze heures); mais, au lieu de nier les résultats de Lœæb, comme a tenté de le faire Viguier, — en étho- logiste qui se rend vraiment compte des variations incessantes du milieu marin (voir IT, $ 4), — il ajoute : «Je ne doute pas qu’en opérant à une saison plus avancée et en variant les conditions de l'expé- rience, on ne puisse voir se former la larve Brachio- laria ». Le développement parthénogénétique ne commencait que lorsque les œufs élaient retirés de la dissolution saline et replacés dans l’eau de mer, c'est-à-dire lorsque l'hydratation succédaït à la dés- hydratation. Le 4 août, Giard complète la Note du 12 mai : Viguier, qui n'a pas lu Læb, vient en effet 1894. L'anhydrobiose ou ralentissement des vitaux sous l'influence de la déshydratation progressive . Soc. Biol., 16 juin. — 1900. Développement des œufs d'Echinodermes sous l'influence d'actions kiné- tiques anormales (solution saline et hybridation). Idem, 12 mai. — A propos de la parthénogénèse artificielle des œufs des Echinodermes. Idem, 4 août. — 1901. Tonogamie. Idem, 5 janvier. 2 (203 gr. MgCI?, 6H°0 dans 1 litre eau distillée) + quantité égale eau de mer pure filtrée. 1 GIARD : phénomènes particularités de structure des plantes que l’on de « conclure ‘ trop rapidement à l'inefficacité de solutions salines », alors que Bataillon?, qui a expé rimenté. sur les œufs des Vertébrés inférieurs de conclure que « le sérum, diphtéritique ou non se comporte comme une solution isotonique, saline ou sucrée, et agit par sa pression osmotique ». Les expériences de Giard, comme celles de Læb, ont été faites comparativement avec des témoins. « L'action chimique n'est pas primitive : elle est la consé= quence de l'anhydrobiose suivie de déshydratalion et elle consiste dans l’apparition de diastases qu rendent possible l’évolution cellulaire. » Le 5 jan- vier 1901, Giard consacre une note à la {onogamie Beaucoup de substances diles anesthésiantes agi raient par déshydratation {observation deLapicque de Tuliberg, de Michel, de R. Dubois...) ; l'anhydro: biose est importante à considérer, non seulemen au point de vue de l'évolution de l'œuf, mais encore au point de vue de l'évolution des autres cellules: Cette idée est particulièrement féconde ; elle viente de conduire J. Laurent à l'explication de certaines peut provoquer par une modification de l’alimen- tation. « Les solutions suffisamment ES de diverses substances (NaCI, glycérine) provoquent le cloisonnement du péricycle; or, dans la racine, le péricycle peut être considéré comme une zone particulièrement crilique (formation des radi-M celles). Comme les solutions concentrées ont cer-« tainement pour effet de déshydrater partiellement le protoplasma, on est tenté de rapprocher cette conclusion de l'opinion des zoologistes qui consi- dèrent la segmentation de l'œuf comme une consé- quence de la déshydratalion provoquée par la péné- tration du spermatozoïde. » En terminant sa Note, Giard insiste sur ce fait que « toutes les parthénogénèses provoquées ne sont pas nécessairement dues à la déshydratalion suivie d'hydratalion: certaines actions mécaniques ou chimiques semblent, en effet, produire des résultats analogues à ceux obtenus par des modifications de la lension osmotique ». | | 2. Action des ions métalliques. — Lœb, parli d'un point de vue opposé, est arrivé progressivement au même résultat. Dans son Mémoire de 1899, il attribue la parthénogénèse à l’action des ions mé- talliques, et il pense même que le sperme agit en apportant des ions métalliques (Mg) à l'œuf; dans le Mémoire de 1900, il fait déjà intervenir l'augmen- tation de pression osmolique; dans le Mémoire de 1 ViGuiEr : 1900. €. R. Ac. Sc., 2 et 9 juillet. 2 BaTAILLON : 1900. C. R. Ac. Sc., 9 juillet. k 3 Launewr : 1902. Nutrition carbonée des plantes vertes. Thèse, Paris (juin). GEORGES BOHN — INFLUENCE DU MILIEU EXTÉRIEUR SUR L'OEUF 249 4901, il conclut que /a pression osmotique est un facteur important, mais non indispensable ; il vient précisément d'obtenir la parthénogénèse chez le -Chaetoptère avec des solulions potassiques même moins concentrées que l’eau de mer; il y aurait une action spécifique des ions métalliques « calaly- seurs »; dans l’œuf, il y aurait deux substances antagonistes : l’une le poussant à se diviser, et qui serait favorisée par les ions catalyseurs, l’autre déterminant sa mort. Une élève de Giard, M"° Rondeau-Luzeau, arrive à une conclusion analogue : « L'influence des chlo- rures dissous sur le développement des œufs de Batraciens se manifeste par une action physique ‘due à l'hypertonicité des solutions, et par une ‘action chimique, qui le plus souvent caractérise le sel employé. » # 3. Excitation ou inhibition? — Quelle est l’action des ions métalliques ? On ne peut faire à ce sujet que des hypothèses, et je ne sais pas si l’on ajoute “quelque clarté au phénomène de la parthénogénèse en yfaisant intervenir des phénomènes électriques. Delage croit nécessaire de démontrer que le sper- matozoïde n'agit pas en apportant à l'œuf des ions Mg? et attribue la parthénogénèse non à une exci- tation, mais à une inhibition portant sur la sortie des globules polaires (voir II). V. — PRÉTENDUE PARTHÉNOGÉNÈSE NATURELLE. Niguier*et Ariola*, qui ont opéré sur les bords de la Méditerranée, prétendent que beaucoup de cas attribués à la parthénogénèse artificielle doi- vent l'être à la parthénogénèse naturelle. En 1876, Greeff signalait la parthénogénèse na- turelle de l'Asterias rubens. Depuis, Cuénot, Giard signalèrent l'hermaphroditisme successif de l'As- “erina gibbosa, de l'Echinocardium cordatum, et rapprochèrent ces casde l'hermaphrodilisme simul- tané des Synaptes et de diverses Ophiures. Dans ses deux premières Notes, Viguier signale la par- thénogénèse naturelle chez trois espèces d'Oursins, et aussitôt Loeb s'empresse de déclarer que le fait est impossible. IL s'en est suivi une polémique 4 Mme Roxorau-Luzeau : 1902. Action des chlorures en dis- Solution sur le développement des œufs de Batraciens. Thèse, Paris (juin). 2 Y. et M. DELAGE : C. R. Ac. Sc., 24 décembre 1900. 3 Vricuier : 1900. C. R. Ac. Se., 2 et 9 juillet. Fécondation chimique ou parthénogénèse. Ann. Se. IVat., (8), 817-138. — 4901. C. R. Ac. Sc., 10 juin et 15 juillet. — 1902. C. À. Ac. Sc., 1 et 21 juillet. — 1903. Contribution à l'étude des varia- tions naturelles ou artificielles de la parthénogénèse. Ann. Sc. IVat., (8), XVII, 14-141 (avril-août). # ArroLA : 4901. La pseudogamia osmotica nel Dentalium. Mitth. aus. d. Zool. Station zu Neapel, XV. — 1902. La na- tura della Parthenogenesis nell Arbacia. Atti della Soc. Li- gustica di Scienze, XII. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCRS, 1904, assez vive qui est racontée tout au long dans le Mémoire qui vient de paraitre (août 1903). Viguier fournit des détails sur la technique qu'il a employée et donne le procès-verbal de toutes ses expériences. Celles-ci ont porté sur : Arbacia pustulosa Gray, Strongylocentrotus lividus Brandt, Sphserechinus granulanis À. Ag. (vivant à une cerlaine profon- deur). Viguier dit qu'il a employé loutes les pré- cautions nécessaires pour que les spermatozoïdes ne soient pas apportés par l’eau des expériences; mais, malgré quelques déterminations de densité effectuées par le D' Bounhiol, le déterminisme de ses expériences n'offre aucune rigueur : il ne four- ait aucune indication sur la composilion chimique de l'eau de mer où il plonge ses œufs et sur les varialions possibles qu'elle peut subir en milieu confiné et dans les laboratoires; par conséquent, au point de vue auquel ilse place, ses expériences n'ont aucune valeur. J'en donnerai cependant les résullats principaux : Un nombre considérable de larves apparaissent parmi les témoins de certaines cultures, et, pour les Strongylocentrotus en particu- lier, la solulion saline (MgCl) retarde le développe- ment, l'arrête même parfois, ce qui est le contraire des conclusions de Lœb. Viguier conclut qu'il ya parthénogénèse naturelle, inconstante, et que « les Oursins doivent être complètement éliminés des recherches sur la fécondation chimique, car, pour attribuer, avec autant d'assurance que le fait Loeb, le développement des œufs à l’action du liquide d'expérience, il faudrait être absolument garanti contre la parthénogénèse naturelle ». On peut con- clure autrement : Il n’y aurait pas parthénogénèse nalurelle, mais bien parthénogénèse artificielle provoquée par les conditions défectueuses des laboratoires, par la variabilité incessante de la composition de l’eau de mer, surtout dans la Médi- terranée (II, $ 1), et les Oursins ne doivent être éli- minés des recherches sur la fécondation chimique que par ceux qui ne savent pas déterminer avec précision les conditions dans lesquelles ils opè- rent. La même observation s'applique aux expériences d'Ariola. VI. — PARTHÉNOGÉNÈSE NATURELLE. La critique précédente n'est point la négation absolue de la parthénogénèse naturelle des Echino- dermes. Il est fort probable qu'en certains points de la Méditerranée, les œufs des Echinodermes sont susceptibles de se développer sans le concours des spermalozoides. Examinons rapidement les différents cas de par- thénogénèse naturelle connus : 1° Dans la mer, la parthénogénèse serait pré- Bxx 250 GEORGES BOHN — INFLUENCE DU MILIEU EXTÉRIEUR SUR L'OEUF sentée par des Echinodermes et par des Annélides, animaux dont les œufs ont une membrane semi- perméable et sont pondus dans le milieu extérieur; chez les Echinodermes, le phénomène semble limité à certains habitats; ces animaux sont calcigènes et peuvent vivre avec profit dans des eaux chargées de CO? et de AzH”, eaux où les phénomènes de cal- cification sont si intenses; or, précisément ces eaux, qui se rencontrent dans certaines calangues de la Méditerranée et dans certains fonds, excilent les œufs ;les Annélides parthénogénétiques vivraient également dans les fonds chargés de CO? (Chaelop- tère); 2° Dans les mares, la parthénogénèse est très fréquente; or, là encore, dans ces milieux confi- nés, on retrouve en abondance les excilants de l'œuf ; 3° Chez les Znsectes, on a observé communément depuis longtemps des cas de parthénogénèse; or, les Insectes ont une activité musculaire très grande et souvent une excrétion assez imparfaite, en sorte que les poisons de la fatigue peuvent s'accumuler dans le sang et produire des troubles toxiques, qui atteignent leur maximum pendant les périodes de métamorphose; 4 La parthénogénèse se complique parfois de progénèse chez les Amphibiens des mares, chez les Insectes; mais, chez les parasites, c'est la règle : l’intoxication est très intense; elle porte sur les cellules-mères des œufs qui se différencient de bonne heure et qui donnent des œufs capables d'évoluer à un stade très précoce du développe- ment. On peut faire la double constatalion suivante : 1° Les animaux chez lesquels on peut produire facilement la parthénogénèse artificielle (Echino- dermes, Annélides, Amphibiens, Poissons d’eau douce) sont voisins d'animaux qui présentent la parthénogénèse naturelle. (Si on les excluait, comme le veut Viguier, que resterait-il?) 2° Les meilleurs agents pour la parthénogénèse artificielle (CO*, sels) sont précisément ceux qui agissent dans l'eau de mer, dans les mares, dans les milieux organiques pour produire la parthéno- génèse naturelle. Pour arriver à produire la parthénogénèse chez un animal par des excitants artificiels, il est néces- saire, en quelque sorte, que celui-ci ait acquis, sous l'influence des excilants naturels, une prédis- position spéciale. VIT. — RÔLE DU SPERMATOZOÏDE. On pourrait se demander maintenant quel est le rôle du spermatozoïde? Ceci nous entrainerait à aborder les théories de la fécondation, déjà expo- sées ici’, et à sortir quelque peu de notre sujet. J dirai seulement, avec Loeb et Giard, que le sper: matozoïde a un double rôle : un rôle dans la trans: mission des caractères hérédilaires, pour leque intervient la chromatine (phénomène nucléaire) et un rôle dans l'excitation de l'ovule, pour leque il peut être remplacé par des excitants divers. L mécanisme de l’excilalion de l’ovule par le spermas tozoïde pourrait, s'il élait suffisamment connu nous intéresser ici; mais cette excitation est-ell d'ordre chimique ou d'ordre mécanique? On ne peut faire que des hypothèses à cet égard; si l'on admettait la première hypothèse, il serait difficile de savoir s'il s'agit d’un effet chimique direct ol d’un effet indirect (zymase). ; ! VIJI. — Conxccusron. La découverte de Loeb a élé particulièrement, féconde; elle a provoqué de nombreuses recherches dans diverses directions; elle a suscité des théorie intéressantes. Toutefois, les nombreux expérimen= taleurs, zoologistes, histologistes, physiologistes médecins, qui ont abordé la question de la fécon= dation chimique, ont accumulé des faits sans” suivre une méthode rigoureuse, et les ont inter-* prélés souvent d'une facon défectueuse: les faits. se contredisent, les interprétations s'opposent à toute coordination; on discute avec äpreté et la discussion est le plus souvent stérile: en un mot, le plus grand désarroi règne. J'ai indiqué dans cet* article, qui est une revue critique d'ensemble de la question, les deux principales causes de ce désarroi: ù 1° on n'a pas tenu compte des variations de la composition des liquides naturels dans lesquels les œufs peuvent se développer; 2 on a discuté less faits observés en se servant de mots impropres à less désigner, parce qu'empruntés au langage médical Cependant, la lumière commence à se faire, grâce surtout à Loeb et à Giard. Loeb, en véritable phy… siologiste, a étudié les manifestations de la malièren vivante dans les organismes les plus variés, aux divers stades de leur développement et au sein des leurs divers tissus. Giard, en véritable biologiste, a étudié les manifestations des organismes vivanls« dans les divers habitats, a dégagé l'action des fac" teurs primaires (excitants chimiques, mécaniques et physiques) sur l’évolulion des formes. L'un eb l'autre ont tenu compte des multiples variations dues, soit à l'organisme lui-même, soit au milie extérieur, el n’ont point perdu de temps à discuter sur des mots vides de sens. Ils nous ont indiqué la S [1 voie à suivre. Georges Bohn, 4 Docteur et agrégé ès sciences Ÿ Préparateur chef à la Faculté des Sciences de Paris 2 k 1 DeLAGE : 1901. R. gen. Sc., XII, 864-880. [N £ A. FOCK — LA CONQUÉTE ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE PAR LES VOIES FERRÉES 254 … Le partage de l'Afrique, par la délimitation des sphères d'influence, est aujourd'hui un fait accom- Ji. Toutefois, les lignes conventionnelles, ainsi D sur la carte, ne sauraient constituer une barrière contre les empiètements d'ordre écono- mique. Or, en fin de compte, ce sont les conquêtes industrielles et commerciales qui marqueront à 5 pays d'Europe son champ d'action, débouchés, dans l'intérieur du continent noir. Aux colonies, l'hégémonie politique est un leurre, moment où la suprématie économique ne vient pas la compléter‘. La première, en effet, doit avoir uniquement pour but d'arriver à la seconde. Sinon, aura, en définitive, tiré les marrons du feu au inéfice de ses concurrents et de ses rivaux. La prise de possession mililaire d'abord, l'orga- nisation civile et administrative ensuite, n'épuisent ses intéressés. Ils ont encore pour mission d’encou- Tager l'esprit d'initiative de leurs nationaux, de faciliter à ceux-ci l'exploitation, la mise en valeur, Sous tous les rapports, des territoires annexés ou protégés. Or, c'est surtout par l'ouverture de voies de communications sûres, rapides et à bon marché, que ces résultats peuvent être atteints. “ Le problème africain se résume ainsi, à l'heure actuelle, en la création de réseaux ferrés de péné- tration. Car la masse compacte du continent ne se laisse guère attaquer par les routes fluviales. Le Seul moyen pratique d'avancer vers l'intérieur, cest d’avoir recours à la locomotive. A tout prendre, le rail fournit l'arme pacifique, mais décisive, qui, habilement maniée, donnera la prépondérance industrielle et commerciale sur la terre d'Afrique. Certaines puissances européennes, mieux inspirées que leurs rivales, s’en sont avisées depuis longtemps. Aussi bien, ont-elles pris les dévants, déroulant hardiment les rubans d'acier vers des postes lointains qui, dès aujourd'hui, sont devenus à leur profit autant de centres d'attraction et de développement économique. Ces extensions leur ont permis de s'assurer d'emblée des positions très avantageuses, et d'acquérir, pour le moment du moins, une supériorité incontestable. Il importe d'appeler sérieusement l'attention sur » « Where economic supremacy subsists, political ri- valry is not dangerous: where political supremacy subsists, economic rivalry can undermine it; where neither subsists, economic invasion prevents political invasion by a rival ». ALBxANDER ULar : England, Russia and Thibet (T'he contem- Orary Review, December 1902.) donc pas la tâche incombant aux gouvernements | LA CONQUÊTE ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE PAR LES VOIES FERRÉES l'inquiétant état de choses créé par un tel déploie- ment d'activité, et dont notre pays, pendant les dix dernières années, ne s'est peut-être pas suffisam- ment préoccupé. En exposant la situation présente des chemins de fer africains, en indiquant les projets à l'étude et les lignes en cours de con- struclion, il sera possible de se rendre compte si la France a été distancée; jusqu'à quel point elle se trouve, par cela même, en mauvaise posture; comment, enfin, elle pourra déterminer le rétablis- sement de l'équilibre, rompu à son détriment. Voici le tableau qui récapitule, pour l'année 1903, les longueurs kilométriques des voies ferrées en exploitation dans les différentes régions du con- tinent noir : Colonies françaises : Algérie . . 2.933 kilom. Tunisie. : 948 — Afrique occidentale . 843 — Djibouti . : PERS 296 — Ile de la Réunion . . . . . AAT — Total re 5.167 kilom. Egypte : Chemins de fer de l'État 2,245 kilom Compagnies privées. Mes .IAT — Lignes militaires du Que OADE ee le = eue DE — Total. £,646 — Colonies anglaises : Colonie du Cap. . . . . . 3.416 kilom Natal. : 960 — Transvaal et Ora ange. 2.198 — Rhodésia . 5 1.840 — Afrique orientale 936 — Afrique occidentale . 300 — Ile Maurice. . HU 167 — Rotal n Este 9.747 — Colonies allemandes : Afrique orientale . 50 kilom. Afrique du Sud-Ouest . 194 — (ROtAlEM EE 4 — Colonies portugaises : Angola . : 543 kilom. Mozambique 400 — SUN AA SDENS 943 — Colonies italiennes : ERYÉOTÉE EMMA MERE ee Die OS D R— Etat indépendant du Congo. . . . . . . . . SO HOotalio ner NL RD 21.173 kilom. En dernière analyse, il n'existe que trois véri- 232 lables réseaux : ceux de l'Algérie-Tunisie, de l'Égypte et de l'Afrique Australe. Le premier forme un ensemble complètement isolé; les deux autres servent de base, au Nord et au Sud, à la grande artère du Caire au Cap. Quant aux lignes transversales, — anglaises, et allemands de l'Afrique Occidentale, de même ceux de la Mer Rouge, sont autant d'entrep indépendantes, ayant pour but de relier au littors |-certaines contrées dépourvues, en l'état, de tou porte de sortie praticable. ALGERIE H FRq Fa Ghadames El Goléa Lo) © © Zindouf AS wlah ty $ & Taoudéni o £ & TRIPOLI Cernins de fer en exploitation... -construet ou projetes EEE 2 Re Dee Grave: par F_Borremans 5,rue Hautefeuille_ Paris. Fio4 allemandes et porlugaises du côté de l'Océan In- dien; belges, anglaises el portugaises au départ de l'Atlantique du Sud, — elles constituent les amorces, déjà considérablement développées, de deux et peut-être trois voies de communication directes entre les côtes Est et Ouest, au-dessous l'Équateur. Finalement, les chemins de fer français, anglais — Réseau des chemins de fer africains. Des réseaux à mailles plus ou moins serrées, @ exploitation dans les trois principales colonie organisées à l'européenne; trois ou quatre trans continentaux, dont l’un de la Méditerranée au Ca et les autres de l'Atlantique à l'Océan Indien, cours d'exécution par toutes les extrémités à fois; une série de railways de pénétration, enlièr ment autonomes, visant chacun un objectif spécis A. FOCK — LA CONQUÈTE ÉCONOMIQUE DE L’AFRIQUE PAR LES VOIES FERRÉES 253 et restreint, qui se construisent simultanément et sont déjà, sur plusieurs sections, livrés à la cireu- ation; — tel est, au début du vingtième siècle, le bilan africain en matière de voies ferrées. > ' Il » Les premiers chemins de fer dont à été dotée V'Algérie, il y a plus de trente-cinq ans, ceux d’Al- ger à Oran (426 kilomètres) et de Philippeville à Constantine (87 kilomètres), ont fait l'objet de concessions à la Compagnie Paris-Lyon-Méditer- ranée. C'est seulement de 1875 que date la formation de Compagnies exclusivement algériennes. Or, celles- ci, seize ou dix-sept ans durant, n'ont pas cessé de construire. Ê Mais, depuis lors, le Parlement s'étant montré hostile au vote de nouvelles garanties d'intérêt, “tout est reslé en suspens. À peine si, dans le Sud- Oranais, un prolongement d'à peu près 150 kilo- mètres a pu être exécuté au-delà d'Aïn-Sefra. En somme, et en faisant abstraction des trois ré- centes lignes d'intérêt local ainsi que des tramways sur routes‘, on constate, pour la dernière période décennale, un arrêt complet dans le développement du réseau d'intérêt général de la colonie. Rien, ce- pendant, ne parait moins justifié que cette inaction persistante. Le grand central algérien court parallèlement à la mer, de Tlemcen à Sidi El Hemessi, sur une lon- -gueur d'environ 1.250 kilomètres, en passant par - Sainte-Barbe-du-Tlelat, où se trouve la bifurcation “sur Oran; par la Maison-Carrée, qu'un tronçon de 45 kilomètres relie à Alger; par le Kroubs, situé à 45 kilomètres de Constantine et tête de ligne du réseau Bône-Guelma, se dirigeant vers la Tunisie. Des embranchements orientés vers le Nord y rat- “tachent les ports principaux des trois provinces : Arzew, Mostaganem, Bougie, Philippeville et Bône. Quant aux voies de pénétration qui y prennent appui, elles sont au nombre de trois, en écarlant celles de Sainte-Barbe du Tlelat à Ras El Ma (451 kilomètres) et de Soukahras à Tebessa (128 ki- lomètres), qui ne sont susceptibles ni lune ni autre d'un prolongement autonome vers le Sud. 1 La ligne d'Oran à Arzew (43 kilomètres), exploitée par là Société des Chemins de fer algériens; la ligne d’Ain-Mokra à Saint-Charles (65 kilomètres), concédée à la Compagnie de Mokta El Hadid par la loi du 25 avril 1900 ; la ligne d'Aïn- Beïda à Khenchela (54 kilomètres), concédée à la Compagnie de l'Est algérien par la loi du 20 juillet 1900. La première de ces lignes est à voie de 1m,05; les deux autres sont à voie de 1 mètre. La Société des Chemins deïfer sur routes en Algérie à un réseau de 113 kilomètres de tramways dans le département d'Alger; M. Emile Labori a la concession du tramway de La Calle à Bône, 87 kilomètres. En Oranie, le rail s’'avance d'Arzew jusqu'à Beni- Ounif, en face de l'Oasis de Figuig, à une distance de 600 kilomètres de la Méditerranée. D’Alger, il atteint péniblement Berrouaghia, après un parcours de 138 kilomètres. Dans le département de Cons- tantine, son point terminus se trouve à Biskra, que 328 kilomètres seulement séparent de Philippeville. Au Centre comme à l'Est, ces modestes résultats sontacquis depuis douze ans, et l'on semble résigné à s’en contenter; à l'Ouest, il a fallu quinze ans, de 1888 à 1903, pour franchir les 150 kilomètres, exis- tant entre Aïn-Sefra, Djenian bou Resk, Duveyrier et Beni-Ounif! La France s’est done enfermée dans l'attitude que les Anglais définissent, par une expression caracté- ristique mais intraduisible, comme étant celle de « masterly inactivity ». Au point de vue général africain, qui est d'ordre impérial si l’on peut ainsi dire, notre pays a négligé de se servir de l’incompa- rable base d'opérations que lui offrent ses posses- sions méditerranéennes pour la pénétration vers les régions soudanaises. En ce qui concerne l'AI- gérie elle-même, prise dans ses limites propres, il s'est borné à y créer un réseau restreint, à l’éla- boration duquel ont présidé trop souvent des préoccupations politiques et électorales, au détri- ment des considérations purement économiques. Ces circonstances spéciales expliquent les ano- malies que l'on relève dans l'établissement et lex- ploitation des voies ferrées algériennes. Il est permis d'en prévoir l'élimination successive, au- jourd'hui que la colonie a la haute main sur son budget et a pris en charge l'administration de ses railways. La refonte des conventions, l’unificalion des Compagnies‘, le remaniement des tarifs, con- sliltuent autant de questions nécessilantune promple solution. Or, celles-ci seront bien mieux et plus ra- pidement traitées à Alger qu'à Paris. Dès lors, les travaux de construction recevront sans doule une nouvelle impulsion, en vue de l'achèvement du réseau actuel. Les projets à étudier en ce sens devront surtout avoir pour but de répondre aux désidérata agri- i La Compagnie P.-L.-M. a les lignes d'Alger à Oran et de Constantine à Philippeville, soit 513 kilomètres. La Compa- enie de l'Est Algérien exploite un réseau de 887 kilomètres, comprenant la ligne d'Alger à Constantine, avec les embran- chements sur Tizi-Ouzou, sur Bougie, sur Batna el Biskra, sur Aïn-Beida. La Compagnie de l'Ouest Algérien a 368 ki- lomètres, de Sainte-Barbe du Tlelat à Ras El Ma et à Tlem- cem, puis de Blidah à Berrouaghia. La Compagnie du Bône Guelma possède 436 kilomètres, du Kroubs à Duvivier, à Bône et à Sidi El Hemessi, enfin de Soukahras à Tebessa. L'Etat exploite les lignes de l’ancienne Compagnie franco- algérienne, d'Arzew à Aïn-Sefra, à Duveyrier et à Beni- Ounif. sur une longueur de 600 kilomètres, ainsi que les 902 kilomètres de Mostaganem à Tiaret. La Compagnie de Mokta-El-Hadid, finalement, a les 33 kilomètres entre Bône et Aïn-Mokra. 254 coles, industriels et miniers. L’écoulement à bon marché des céréales et des vins est assez bien assuré, principalement sur les Hauts Plateaux de la province de Constantine, puis dans le Tell Algé- rois et Oranais'. Mais les richesses minérales de la Kabylie et de l’Aurès restent inexploitables, faute de moyens de transport. Le gisement de fer de Djebel-Anini, situé sur la route directe de Sétif à Bougie, fournit à cet égard un exemple élo- quent. Certes, la ligne de Soukahras à Tebessa a rendu possible l'exportation des phosphates. Seu- lement, ceux-ci ont été découverts après l'ouverture du chemin de fer, etce dernier élait simplement CA A. FOCK — LA CONQUÊTE ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE PAR LES VOIES FERRÉES D'autre part, l'indépendance administrative et budgétaire, décrétée en faveur des territoires de Sud, autorise l'espoir que la Métropole ne reculeré pas ‘ antage devant un effort sérieux pour lancer vers l'intérieur une grande artère de pénétr IT 4 A la différence de ce qui se passe en Algérie, le Protectorat tunisien travaille énergiquement à ou tiller la Régence de multiples voies ferrées. Une seule Compagnie, celle de Bône-Guelma exploite l’ensemble du système, à l'exception della C. Zahrez G E Chott el Hodna E Chemins de fer en exploitation”... ne H--------1}. Construction. L F Borgemaps -Se | Fig. 2. — féseau des chemins de fer algériens et lunisiens. destiné à donner au port de Bône la contre-partie de la ligne des Ouled Rahmoun à Aïn-Beida, accor- dée à Constantine et au port de Philippeville. Le hasard, en l'espèce, a bien fait les choses; personne, toutefois, ne saurait s'en attribuer le mérite. Quoi qu'il en soit, l'ère nouvelle qui s'ouvre pour l'Algérie va mettre fin à la période de piétinement sur place, à laquelle succédera une phase active et de progrès. L'autonomie financière, dont jouit aujourd'hui la colonie, lui donne le moyen d'approprier à ses be- soins le système de ses chemins de fer. Les exten- sions rationnelles qui s'imposent ne tarderont done pas à être entreprises, au plus grand profit de l'essor éc UE de l'Afrique francaise du Nord. ‘ I n'en est pas de même des expéditions de moutons: puisque les lignes de pénétration sont insuffisamment avancées dans le Sud Algérois et Constantinois. ligne de Sfax à Gafsa, uniquement établie en vue de l'exportation des phosphates du massif du Metlaoui. Ce qu'on appelle l’ancien réseau, c’est le prolon- gement du grand central algérien jusqu'à Tunis, à travers la vallée de la Medjerdah, sur une étendue de 204 kilomètres. Le nouveau réseau se compose des railways cô= tiers, desservant Bizerte, Hammam-_Lif, Zaghouan, Nebeul et Sousse, avec un développement total de 413 kilomètres, y compris les trois amorces ve S l'intérieur, de Zaghouan dans la plaine du Fahs de Sousse à Kairouan et de Sousse à Moknine‘. ! Voici le détail du nouveau réseau : Djedeïdah à Bizerte, 13 kilomètres; Tunis à Hammam Lif, 17 kilomètres: Tunis à Zaghouan avec embranchement sur la plaine du Fahs et sur Crétéville, 86 kilomètres; prolongement de la ligné | de Tunis à Hammam Lif sur Nebeul avec embranchement A. FOCK — LA CONQUÊTE ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE PAR LES VOIES FERRÉES 9255 Il s’agit maintenant de pousser plus loin ces -amorces, afin de les transformer en de véritables “chemins de fer industriels. Tel a été le but de la loi du 30 avril 1902, autorisant le Gouvernement tuni- “sien à contracter un emprunt de 40 millions de francs. Du Pontdu Fahs, onira jusqu'à Kalaat-es-Senam', où se trouvent de grands gisements de phosphate, dont la mise en œuvre est prévue et même imposée aux concessionnaires. Dépassant Kairouan, le rail “se dirigera sur Sbiba, centre, également, d'une région phosphatière. Quant au district des Nefzas, connu pour ses mines de fer, il sera relié à Bizerte. Enfin, Sfax va être rattaché au réseau de Sousse, “ce qui fera cesser l'isolement de la ligne de Gafsa. » On ne saurait nier que le Protectorat n'ait suivi une polilique très rationnelle, en ce qui regarde l'établissement descommunicationsdanslaRégence. Il les a surtout envisagées et étudiées, selon une “conception absolument juste, comme les facteurs essentiels de l'évolution économique du pays. Sous ce rapport, le contraste avec l'Algérie saute aux yeux. Seulement, — et il n’est qu'équitable de le reconnaitre, — Tunis a, dès l'origine, bénéficié d’une liberté d'action qu'Alger n'a jamais pu oble- ‘nir avant l'année dernière. Encore se ressentira-t- on longtemps, dans l’ancienne capitale des deys, des ingérences électorales dont le beylick se trouve être complètement affranchi. D'autre part, les riva- lités départementales et locales, si vives d'Oran à Constantine et à Bône, ne se manifestent dans la province autonome de l'Est qu'en des proportions fort restreintes. Elles se bornent à la lutte entre Tunis et Bizerte, puisque la pénétration vers le Soudan ne peut devenir un sujet de discorde. En effet, le Transsaharien oriental reste, jusqu’à nou- vel ordre, une entreprise difficilement réalisable, étant donné que son tracé emprunte nécessaire- ment le territoire ottoman, tout au moins de Rha- damès à Rhat. Bizerte, port militaire de premier ordre, aspire à jouer également un rôle prépondérant, en lant qué port de commerce. Ses intérêls entrent ainsi en collision avec ceux de Tunis, d’un côté, avec ceux de Bône, de l’autre. La loi du 30 avril 1902 lui a déjà donné satisfac- tion dans la mesure du possible, en étendant sa sphère d'attraction à la région des Nefzas. Mais le port de Bizerte réclame et demande davantage. Il ne se contente même pas de la ligne stratégique de Sur Menzel bou Zelfa, 13 kilomètres; de la ligne de Nebeul (de Berbou-Rekba) à Sousse, 83 kilomètres; de Sousse à Kaïrouan, 98 kilomètres; de Sousse à Moknine, 48 kilo- mètres; de Tunis à la Goulette et à la Marsa, 35 kilomètres. 4 Avec embranchement sur le Kef. Béjà à Mateur, dont l'exécution est décidée et qui le metlra en relation directe avec la haute Medjer- dah et le réseau algérien. Il exige, par surcroît, sous prétexte de s'assurer le fret de relour pour les arrivages de charbon, que les minerais de fer du massif de l'Ouenza lui soient amenés au moyen d'un railway de 270 kilomètres. Une discussion des plus importantes s'est déroulée à ce propos devant la Réunion d'Etudes Algériennes!. Les représentants de Bône ont sou- tenu que leur ville est le port d'embarquement tout désigné pour les produits du Djebel Ouenza, celui-ci, au surplus, étant situé dans le départe- ment de Constantine. Mais il semble bien démontré que les arguments techniques militent en faveur du tracé sur Bizerte. Cependant, aucune solution n'est encore intervenue et la question reste ou- verte. En tout cas, l’'émulalion entre Tunis et Bizerte, au lieu de nuire au développement du réseau de la Régence, a plutôt exercé une action en sens inverse. Le Protectorat est comme un homme heu- reux : toutes les circonslances, même celles qui, au premier abord, paraissaient devoir porter préja- dice à ses efforts, finissent par tourner à son avan- tage. IV La puissance européenne à laquelle revient l'honneur d'avoir accompli, jusqu'à présent, l'œuvre la plus considérable pour l'introduction du rail en Afrique, est incontestablement l'Angleterre. Le moment parait proche où les locomotives bri- tanniques cireuleront entre le Caire et le Cap. Dans le nord-est du continent, elles vont déjà à Khartoum, distant d'Alexandrie de 2.220 kilomètres. Les chemins de fer de l'État égyplien, qui s'arré- taient d'abord à Siout (378 kilomètres au sud du Caire), ont été chargés depuis des 127 kilomètres consiruits en 1881 par les Anglais pour atteindre Kenneh. De ce dernier point à Assouan, où se ren- contre la première cataracte du Nil, l'exploilalion de la voie ferrée se trouve entre les mains d'une Compagnie privée”, jouissant de la garantie du Gouvernement khédivial. Au delà, à partir de Ouadi-Halfa, commence la ligne militaire du Sou- dan, raccordée au réseau égyptien par le petit troncon, établi dès 1874 et 1875, de la première à la seconde cataracte. Cette ligne militaire est intéressante à plus d'un titre. Elle comporte deux embranchements : l'un, de 928 kilomètres, se dirigeant droit sur Khartoum 1 Bulletin, nos 1,2, 3 de janvier et février-mars 1903. 2 La Société anonyme du chemin de fer de Kenneh à Assouan. 256 à lravers le désert de la Nubie; l’autre, de 326 kilo- mètres, poussé dans la province de Dongola jusqu'à Kerma. Bien que l'exécution aiteulieu avec une extrême rapidité, la dépense moyenne par kilomètre n’a pas dépassé 47.500 francs. Il est vrai que les difficultés techniques ont été nulles; entre Ouadi Halfa et Abou-Hammed existe un alignement droit de 72 kilomètres! Les déclivités restent dans la limite de 0,008; quant aux ouvrages d’art, en dehors du pont de 306 mètres sur l'Atbara, ils sont peuimportants. A. FOCK — LA CONQUÊTE ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE PAR LES VOIES FERRÉES * puisqu'ils doivent assurer l'entrelien de sept type différents de machines. En effet, l'Administratiot militaire, désireuse de hâter l'ouverture de & ligne, s’est équipée où et comme elle a pu. La circulation hebdomadaire comprend jusqu'i deux trains express en chaque sens, avec des vo® tures-salons, des restaurants et des wagons-lits. Ej outre, un train de marchandises transportant des voyageurs est quotidiennement mis en march dans l'une et l’autre direction. ee Les recettes, qui étaient de 3.600.000 francs en 1900, ont dé La marche passé 4.000.000 hâtive des tra- de francs, soi vaux à même 3.200 francs pat eu pour résul- kilomètre et tat de réduire au minimum les petits ponts et les canaux ou fossés d'as- sainissement. Dès lors, à chaque cruedes oueds traver- sés, les lerras- sements avoisi- nants sont en- levés. Cet état de choses en- traine de cons- tantes répara- lions et néces- site l’établisse- ment d'une sé- rie d'ouvrages supplémentai- Birket el Kéroun — SJ Abouksa Médinet dl Fayoum res, dontlecoût Ÿ siryañus (os NX N) LE CAIRE 1902. Le coeffi= cient d'exploi- lation est assez élevé; ilattein Fri 0, Le train- kilomètre coûte ainsi 3 fr. 41 SU la ligne princi pale de Khar toum, et 4 fr sur l'embran- chement de Kerma. Le tra fic vers le sud est fourni par les approvision: nements mili- laires elles ma lériaux de cons- truction:; les transports vers le Nord com: viendra aug- menter le mon- tant de la dé- pense kilométrique. Les chemins de fer au sud de Ouadi-Halfa fournissent déjà des données fort utiles concernant l'exploitation en pays désertique. | On y à constaté l'usure rapide des rails par le sable et la destruction des traverses en bois par les | termites. On s'y est vu contraint d'organiser des trains d’eau, la nappe souterraine n'ayant été trou- | vée qu'en deux endroils, à 22 et à 29 mètres de profondeur, sur toute l'étendue des 380 kilomètres qui séparent Ouadi-Halfa d'Abou-Hammed. Ce dernier point, bien que la température estivale y soit excessive, comporte un dépôt de locomotives avec une installation pour les petites réparations, les grands ateliers étant établis à Ouadi-Halfa et à Shendi. Ceux-ci ont une tâche très ardue à remplir, Fig. 3. — Réseau des chemins de fer égyptiens. prennent Le caoutchouc, li voire, les plu | mes d'autruche et les céréales. Cette énuméralior | démontre que les expéditions ne portent encore que sur des tonnages fort modestes; néanmoins, elles suffisent pour couvrir largement les frais d'exploë tation. C'est là, à l'égard des railways désertiques un résultat intéressant à constater. J L'achèvement, jusqu'au lac Albert, de la parie septentrionale du transcontinental entre le Caire le Cap, reste provisoirementen suspens, Lord Cros | mer ayant déclaré qu'il n'en voyait pas l'utilité: Par contre, les Anglais sont décidés à reprendre le projet d’une voie ferrée du Nil à la mer Rouge. En 1885, la tentative de relier Berber à Souakim a dû être abandonnée, après d'énormes sacrifices d'ars gent, faits pour l'exécution des 32 premiers kilos Hot NET A. FOCK — LA CONQUÊTE ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE PAR LES VOIES FERRÉES mètres. Aujourd'hui, on ira directement de Kbar- toum à Kassala, centre commercial très important, puis de là à Souakim ou bien à Massaouah. Les tra- vaux pouvant êlre altaqués des deux côtés à la fois, ‘le succès est désormais certain et sera sans doute rapidement obtenu. D'ailleurs, dans la pensée des autorités britanni- ques, Kassala paraîl désigné comme point de départ d'une grande ligne vers le Sud, à travers l'Abys- sinie. Le traité conclu avec le Négus, au commence- ment de l’année dernière, ouvre aux rails anglais le passage en terriloire éthiopien. On les conduira par Gedaref jusqu'à Roseires sur le Nil Bleu, pour es diriger ensuite vers Itang qu'arrose le Baro, affluent du Sobat. L'objectif final sera le lac Ro- dolphe que, d'autre part, un troncon de 160 kilo- mètres mettra en communication avec le chemin de fer de l'Ouganda. Le réseau égyptien se trouvera, dès lors, rattaché à celui de l'Afrique orientale. V La contre-partie de ce qui n'existe encore qu'à l'état de projet au-dessus de l'équateur — l'éta- blissement de la demi-boucle sans solution de con- tinuité entre la Méditerranée et l'Océan Indien — se trouve déjà réalisée dans la partie australe du continent noir. En effet,le 6 octobre 1902 a eu lieu, à 1.000 kilomètres de la côte orientale et à 2.275 kilo- mètres du Cap, la soudure entre les lignes se diri- geant de Beïra par Salisbury vers l'Ouest et de Capetown par Boulouwayo vers le Nord. Le système des chemins de fer sud-africains s'est développé, depuis quinze ans, dans des proportions vraiment extraordinaires. En 1889, à l’époque où fut fondée la Chartered C°, la voie ferrée venant du Cap s’arrêtait à Kimberley et celle de Beïra n'avait même pas été mise à l'étude. Aujourd'hui, après une période d'activité fiévreuse à laquelle la guerre anglo-boer n’a nullement coupé court, la situation se résume dans les chiffres éloquents du tableau I ci-après. C'est surtout dans la Rhodésia que, sous l'éner- gique impulsion de Cécil Rhodes, les voies ferrées ont pris un essor vigoureux. Le réseau de la co- lonie du Cap finit à Vryburg; au delà de ce point, la construction de la partie australe du transconti- nental vers le Caire a été assumée par la Char- tered C°*. Celle-ci poursuit sans hésitation la marche au Nord. Boulouwayo est depuis longtemps dépassé; Wankie, avec ses gisements de charbon, vient d'être atteint. Aux 330 kilomètres ainsi franchis 251 s'ajouleront bientôt les 120 restant à parcourir jusqu'au Zambèze. Un pont de 180 mètres, jeté sur le fleuve en aval des célèbres chutes de Victoria, permeltra ensuite à la locomotive de pénétrer dans la Rhodésia septentrionale et d'arriver aux mines de cuivre, récemment découvertes à 240 kilomètres au Nord-Est. De cet endroit le rail, s'élevant rapidement à l'altitude de 1.500 mètres, doit se diriger vers le lac de Cheroma, distant de 110 kilomètres. Sur le pla- teau, très salubre, où se trouve cette nappe d'eau, la Compagnie se propose d'établir l’une des prinei- pales stations du transcontinental, dont l'impor- tance sera considérable au point de vue sanitaire. Le tracé projeté descend plus loin jusqu'au Tan- ganyika (altitude : 910 mètres), et s'arrête à Aber- corn, situé à l'extrémité australe du lac, après un nouveau trajet de 450 kilomètres. TABLEAU Ï|. — Longueur des railways sud-africaïins. LIGNES LIGNES ; en exploi- en : s SEA tation [construe-| TOTAUX en 1902 tion kilomètres | kilomètres | kilomètres 1. Cape Government Railways.| 3.855 | 1.650 | 5.51% 2. Rhodesian Railways . 37 s91 3. Beira Line (Portugais) . . . 293 » 4. Natal Government Raïilways. IS4 480 5. Central South African Rail- NES Eee RE LO 1 010 | 3.161 6. Delagoa-Bay (Portugais) . 96 » 96 Totaux. 10 016 | 4.031 | 14.047 I! reste alors la traversée des territoires belge et allemand, qui séparent le Tanganyika du Victoria Nyanza, ou plutôt la Rhodésia de l'Ouganda. Il s'agit là d'une dernière section d'environ 700 kilomètres, allant d'Oudjidji à Mengo; seulement, tout est encore dans le vague à ce sujet, puisque même la question de savoir s'il convient de s'entendre avec le Congo ou avec l'Allemagne n'a pas été tranchée jusqu'ici. À l'heure actuelle, d'ailleurs, l'activité rhodé- sienne se concentre surtoul autour de Boulouwayo. Une ligne de 170 kilomètres, récemment ouverte, rattache à la capitale les charbonnages de Gwanda. De Gwelo, à mi-chemin de Salisbury sur la voie ferrée de Beïra, un railway de 35 kilomètres con- duit à Selukwe, centre de mines d'or. Aussi bien, Boulouwayo, qui aspire à devenir le Chicago de l'Afrique du Sud, ne tardera-t-il pas à justifier le titre orgueilleux dont, dès aujourd'hui, il se pare. Les gisements de Wankie sont d'une richesse 4 Cependant, ce sont les « Cape Government Raïilways » qui exploitent la ligne jusqu'à Boulouwayo. 1 Constitués, après la guerre, par la réunion des lignes du Transvaal et de l'Etat libre d'Orange. 258 A. FOCK — LA CONQUÊTE ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE PAR LES VOIES FERRÉES incomparable; ils couvrent plus de 4.010 kilomètres carrés, avec des couches de 2 mètres d'épaisseur et d'une qualité presque égale à celle du meilleur charbon anglais. Leur mise en exploitation contri- buera puissamment au développement économique du pays: le trafic des chemins de fer en éprouvera une augmentation sensible. La circulation, au sur- plus, est déjà arrivée à un degré très notable d'in- tensilé: depuis six ans, et malgré la guerre anglo- boer, le commerce de la Rhodésia s’est accru de 400 °/.. La Chartered C° a introduit sur son réseau des wagons en acier sur bogies, qui portent 30 tonnes de charge. Elle double point de vue de la construction et de l'exploi tation. Au sud du Caire, la voie normale se prolong seulement jusqu'à Luxor. A partir de ce point règ la largeur de 1,067, dont les Anglais ont pu appré cier, dans l'Inde, la capacité et le rendement. même gabarit sera adopté, d'une manière exelt sive, sur toutes les lignes projetées du Souda oriental. La majeure partie des chemins de fer d’'intéré général, construits en Algérie-Tunisie, ont été éta blis sur le type normal de 1°,435, ce qui les a fai ressortir à un coût kilométrique excessivemer élevé. Une ré a organisé le premier (rain de luxe en Afri- que australe, que le prince et la princesse de Galles ont inau- guré au cours de leur voyage de l’année der- nière. Si Cecil Rhodes a dis- paru, son esprit audacieux sur- vit et préside toujours aux destinées de l'empire colo- nial qu'il a créé No /lopolol le, À o action, quis’es produite vers 1890, a eu pout conséquence l'application dé la largeur di 1 mètre aux li gnes des Ouled Rahmoun à Ain Beïda et de So kahras à Tebes sa, ainsi qu'à tout le résea secondaire, ac tuellement en cours d'exéeur tion. En outre l’'écartement de 1" 05aétéadop de loutes piè- té sur les deux 1 Chem. de f en const" ces voies de péné ow projetes.……… VI Fig. Les trois principaux réseaux africains présentent la plus complète diversilé dans les types mis en œuvre, notamment en ce qui concerne la largeur de la voie. Se conformant à la pratique qui avait prévalu dans l'Europe occidentale, l'Égypte et l'Algérie-Tunisie ont débuté par l'application de l'écartement — dit normal — des rails à 1%,435. Mais il fut bientôt reconnu que, sans avoir à craindre d'aboutir à un outil de transport insuffisant, il élait permis de faire moins grand et de réduire ainsi les dépenses, au ‘ Les voies ferrées du Cap et du Natal ne présentent pas de particularités intéressantes. On va doubler la ligne prin- cipale de Durban à Ladysmith et améliorer les communica- tions entre différents centres importants, notamment au Transvaal et dans l'Orange. Ainsi Kimberley et Johan- nesburg, distants de 440 kilomètres à vol d'oiseau, sont à 1.050 kilomètres par le rail! La ligne de Klerksdorp à Four- teenstreams remédiera à cet état de choses. 4. — Réseau des chemins de fer sud-africains. de l'Ousambara dans l'Est africain, ceux des co" = | F B0RgE4rEs 5e provinces d’Al ger et d'Oran, la première allant de Blidah à Berrouaghia, J& seconde se développant entre Arzew et Beni-Ounif: L'Afrique australe, s'inspirant de l'exemple dë l'Inde, s'est ralliée dès l’origine au type de 17,067: Elle à ainsi assuré à ses railways le précieux avan: tage de l’uniformité, du Cap au Zambèze. Le troncon en terriloire porlugais, au départ de Beïra, exéculé tout d'abord à la voie de 0,60, a été transformé en vue de son raccordement, effectué l’année der nière, à la grande artère transcontinentale de Ca pelown au Caire. Les amorces deslignes transversales, ainsi que les seclions autonomes des régions côlières, accusenb beaucoup de variété dans les types employés. Cel de 0,75 se rencontre entre Matadi et Stanley-Pool; celui de 0,60 à Swakopmund, dans le Sud-Ouest allemand. Les chemins de fer de l'Ouganda et. A. FOCK — LA CONQUÊTE ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE PAR LES VOIES FERRÉES 259 lonies porlugaises du côté de l'Atlantique, ont eu recours à la largeur de 1 mètre. Il en est de même pour les lignes françaises de l'Afrique occidentale, comprenant celles du Sénégal, de la Guinée, de la côte d'Ivoire et du Dabomey. En dernière analyse, la conclusion qui se dégage des résultats obtenus jusqu'à l'heure actuelle, “c'est que la voie étroite, — de 1,00 à 1,067, — constitue le type dominant dans le continent noir: et y sera appliquée, à l'avenir, d'une manière à peu près exclusive . NII . Après avoir mené à bonne fin, malgré les diffi- cultés et les obstacles, la construction du chemin de fer du Congo Inférieur, l'État Indépendant | poursuit à l'heure actuelle la réalisation du projet tendant à l'ouverture de voies de communication jusqu'à ses frontières orientales. Il établira ainsi, dans six ou sept ans, une artère transversale de l'Ouest à l'Est, combinant les transports fluviaux avec ceux par ligne ferrée. Voici quels sont les éléments de la route qui sera, dès lors, à la disposition des commerçants et des voyageurs : La navigation maritime jusqu'à Matadi, dans l'estuaire du Congo, les vapeurs de l'Atlantique pouvant remonter à ce port; Le rail de Matadi à Léopoldville (Stanley Pool), sur une distance de 388 kilomètres; La navigation fluviale entre le Stanley Pool et les Stanley Falls (Stanley-ville), qui se trouvent | aux deux extrémités du bief du Congo Movyen, long de 1.650 kilomètres. A Stanley-ville, il y aura une première bifur- cation. La branche Nord-Est comprendra : Le rail des Stanley-Falls à Mahagui sur le lac Albert; Le steamer pour la traversée du lac; Le rail entre les lacs Albert et Vietoria-Nyanza; Le steamer pour la traversée jusqu'à Port Flo- | rence ; Le rail de Port Florence à Mombassa {chemin de fer de l'Ouganda). La branche Est et Sud-Est, au delà de Stanley- ville, comportera : Le rail jusqu'à Ponthierville, sur une longueur présente un caractère mixte | bateau à vapeur y alternent. En outre, à l’est de En effet, de Nyangwe, situé à 400 kilomètres de Ponthierville, partira un chemin de fer, long de 500 kilomètres, se dirigeant vers Albertville, sur la rive occidentale du Tanganyika. Or, les lignes allemandes sont appelées à mettre la rive orientale de ce lac en communication directe avec l'Océan Indien. Quant à la route fluviale, se prolongeant au delà de Nyangwe jusqu'à Kasongo, elle sera continuée par un tronçon de railway d'environ 100 kilomètres, que nécessitent les chutes de Hinde et qui aboutira au dernier bief du Congo Supérieur, à Kongola. De ce point, les steamers feront encore un trajet de 590 kilomètres et s’arrêteront au confluent du Nzilo, où le fleuve cesse d'être navigable. On aura alteint, en cet endroit, l'entrée des régions du Katanga; une voie ferrée traversera celles-ci et raltachera au Congo la frontière australe de l'État Indépendant, en venant se souder, finalement, près des mines Kansanshi, aux lignes de la Rhodésia Septentrionale. A tout prendre, le transcontinental des Belges : la locomotive et le Stanley-ville, il se développe suivant trois itiné- raires, disposés en éventail si l’on peut ainsi dire. Celui du centre, empruntant les railways alle- mands, va droit à la Côte Orientale: les deux extrêmes débouchent sur le réseau anglais, éta- blissant des relations ininterrompues avec le Caire au Nord, avec le Cap au Sud. Le projet d'ensemble, conçu par l'État Indé- | pendant, ne laisse donc pas que d’avoir de l’en- vergure; son exécution intégrale amènera une transformalion complète des régions équatoriales, dont les conséquences se feront sentir dans toute l'étendue du continent africain. VIII Tout a été dit sur les énormes difficultés techni- ques el financières avec lesquelles ont été aux prises les constructeurs de la ligne du Bas Congo. Ceux-ci, cependant, n’ont pas eu à se repentir de leur persévérance; la ligne, ouverte jusqu'à Léo- poldville depuis le 6 juillet 1898, a donné, sous | tous les rapports, des résultats considérables. de 100 kilomètres, pour contourner les rapides | (Stanley-Falls) ; La navigation fluviale entre Ponthierville et Ka- Songo, distants l’un de l’autre de 530 kilomètres. Sur ce dernier parcours se trouvera un second point de bifurcation. 1 Heus : Die Eisenbahnen in den Tropen, Spurweite, Bau und Betrieb (Berlin 1902). Auparavant, le transport d’une tonne de mar- chandises de Stanley Pool à Matadi prenait vingt et | un jours et coûtait 1.000 francs. Actuellement, l'expédition par le rail s'effectue en vingt et une | heures; quant aux frais, ils accusent une très forte | diminution sur les chiffres primitifs. A l’origine, le tarif général était à la montée de 100 francs, à la descente de 40 francs les 100 kilogs. Cela revenait respectivement à 0 fr. 25 et à 0 fr. 10 260 la tonne kilométrique. Mais, en 1901, le Gouverne- ment de l’Elat Indépendant, moyennant l'abandon de la clause du rachat jusqu'au 1° juillet 1916, a obtenu des réductions importantes, qui atteignent 25 °/, et 40 °/, selon la nature des marchandises, et s'élèvent même à 50 °/, pour le riz, la chaux et le ciment. Il est vrai que de nouveaux abaissements de tarif sont interdits avant le 1° juillet 1907, et tant que la recelte nette ne dépasse pas 15.300 fr. par kilomètre. Cette dernière limite, d'ailleurs, est déjà franchie. La recette brute kilométrique se trouve être supé- rieure à 35.000 francs ; or, le coefficient d'exploita- tion se maintient aux environs de 45 SLR Ces données sont éloquentes. Ce qui paraît éga- lement très significatif, c'est l'essor de la produc- tion du caoutchouc, provoqué par l'ouverture de la voie ferrée. En effet, de 30.050 kilogs, représentant une valeur de 116.768 francs, en 1887, l'exportation de cetle malière a passé à 5.316.534 kilogs, valant 39.874.005 francs, en 1900. En vue de l'exécution prochaine des railways vers les grands lacs de l'Afrique Orientale, la gare de Matadi a élé complètement reconstruite en 1902, et de grands travaux d'agrandissement sont en cours d'achèvement dans le port de Léopoldville. Grâce à ces mesures, le transit des malériaux et du matériel de toute sorte pourra s'opérer dans de bonnes conditions. D'autre part, les transports fluviaux sur le bief de Stanley Pool anx Stanley Falls sont assurés par plus de 100 vapeurs. Dans le bassin du Congo Moyen, comprenant le fleuve et ses affluents, cir- culent des remorqueurs de 350 tonnes! calant 1",06, et des steamers de 150 lonnes avec un tirant d'eau de 0,76. Les plus gros appartiennent à l'Etat Indépendant, qui en compte à peu près 30; les Belges disposent d'une vingtaine de bateaux, les Français d'une quarantaine, IX Les éludes sont entièrement terminées pour la ligne de Stanley-ville à Mahagui. Elles méritent d'être signalées, en raison de la tâche ardue que les ingénieurs” ont eue à accomplir dans la traversée de la forêt vierge. Quant aux difficultés que ren- contreront les travaux, elles apparaissent comme étant moins grandes que celles vaincues entre Matadi et le Stanley Pool. Seuls, les marais cons- titueront une sujélion réelle; le passage des Mon- tagnes Bleues, qui séparent les bassins du Congo et ‘11 vient d'en être construit un nouveau, jaugeant 500 tonnes. * Sous la direction de M. Adams, l'un des constructeurs de la ligne de Matadi à Léopoldville. A. FOCK — LA CONQUÊTE ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE PAR LES VOIES FERRÉES LA du Nil, eutrainera sans doute de fortes dépenses; mais ne soulèvera aucun problème technique spé cial. De Stanley-ville, situé à 428 mètres d'altitude, le tracé remonte la vallée du Tchopo, passe dans celle du Lindi et se dirige ensuite vers l'Arouwhimis qu'il atleint à Mawambi, à la cote 900 m. S'éle vant d'une manière continue, il longe l'Iluri et parvient à son point culminant près de Kavali, à 1.464 mètres au-dessus du niveau de la mer. De là, le tracé redescend assèz rapidement jusquà Mahagui, qui ne se trouve plus qu'à 648 mètres. Mahagui, la plus méridionale des stations belges sur le Nil’, domine le lac Albert et possède un cli mat excellent. L'air y est très sain, alors que tous. les autres postes, tant anglais que belges, établis dans le haut fleuve”, se distinguent par leur insa= lubrité, en raison du voisinage des marais. Les conditions atmosphériques dont jouit Mahagui sont même telles que de nombreuses cultures euro- péennes y réussissent à merveille. C’est donc bien: un point absolument désigné pour l'installation des services qu'il y a lieu de concentrer au terminus! d'un grand chemin de fer. Les railways vers les grands lacs ne sont, d’aik leurs, pas les seuls dont se préoccupe l'Etat Indé- pendant. Un décret du 14 mars 1903 a aulorisé le fondation d'une Sociélé d'études pour les voies ferrées du Stanley-Pool au Katanga et de l’Itimbiri à l'Ouellé, ainsi qu'à un point à déterminer sur la frontière française. La combinaison adoptée en cette occurrence pré sente un réel intérêt, puisqu'elle repose sur l’aliri= bution de terrains, à titre de subvention. La Société recoit, en effet, pour la couvrir de ses frais d’études; 10.000 hectares à choisir parmi les terres vacantes du bassin de l'Ouellé, et 10.000 hectares à prendre dans les mêmes conditions, le long de la ri gauche du Congo, en aval des Stanley Falls. En outre, 3 millions d'hectares de forêts seront exploë tés par l'Etat Indépendant, les bénéfices devant être partagés par moitié entre lui et la Société. La ligne que celle-ci va entreprendre dans l& direction du Katanga n'a rien de commun avec le 4 Voir: Sir Harry Jonxstox : Major Delmé Redeliffes map of the Nile Province of the Uganda Protectorate (The Gens graphical Journal, 2 février 1903). Cette carte, à l'échelle du 1.500.000°, donne, pour la première fois, le tracé exact de la section du fleuve qui s'étend entre le lac Albert et Doufilé Elle fait ressortir clairement l'aspect lacustre si étrange qui caractérise cette partie du Nil. Le major Redcliffe est le fondateur de la station de Nimoulé. 2 Les Anglais ont trois stations sur la rive droite du Nils Ouadelaï, Nimoulé et Gondokoro, dépendant de l'Ougandas les Belges possèdent, sur la rive gauche, les stations de“ Doufilé, Lado et Kiro. Voir Sir C. N. E. Error : Notes of a Journey through Uganda, down the Nile to Gondokoro. (The Geographical Journal, 6 décembre 1902.) A. FOCK — LA CONQUÊTE ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE PAR LES VOIES FERRÉES 261 tronçon du transcontinental dont il a été question ci-dessus, et qui, prenant son origine sur le Congo Supérieur, traversera le Katanga du Nord au Sud, pour aller se relier à l'artère principale venant du Cap. Au demeurant, les études de ce dernier tracé sont déjà en cours; la Mission Jacques, qui en est chargée, se trouve depuis longtemps en route. X Les Anglais auront devancé les Belges aux grands lacs équatoriaux. Dans les premiers jours de 1902, la locomotive a fait son apparition sur les bords du Victoria-Nyanza : les derniers rails du chemin de fer de l'Ouganda venaient d'être posés. Cette entreprise esl considérée, à bon droit, comme le chef-d'œuvre africain en matière de “voies ferrées. Elle offre l'exemple unique d'une ligne d’à peu près 4.000 kilomètres, exécutée d'un seul jet en plein pays tropical encore complètement inorganisé, où les obstacles de toute nature s'ac- cumulaient dans des conditions vraiment exlraor- dinaires ‘. Au début, sur un parcours de 300 kilomètres, il a fallu lutter contre le terrible climat des basses régions côlières, aussi meurtrier pour les hommes que la mouche tsétsé l’est pour les bêtes de somme. La mortalité parmi celles-ci, importées du Cap, de Chypre et de l'Inde, prenait des propor- tions effrayantes; quant aux ouvriers, la moyenne des décès par les fièvres dépassait 3 °/, de l'effectif sur place. La main-d'œuvre, d’ailleurs, faisait ab- solument défaut, en sorte qu’on s'est vu dans l'obligation de recruter plus de 20.000 coolies indiens, dont le transport et l'entretien consti- tuaient une lourde charge. En effet, les ressources du pays étant nulles, on ne pouvait subvenir aux besoins d’une pareille armée de travailleurs qu'en se faisant expédier tous les approvisionnements de Bombay et de Colombo. Il était surtout difficile de suppléer au manque d’eau potable, avec lequel on eut à compter jusque vers le 400° kilomètre. Aussi bien, les travaux ont-ils suivi une marche très lente, tant qu'ils furent entravés par ces graves sujétions d'ordre sanitaire. Dans la zone montagneuse, la situation changea de face. L'insalubrité disparut; de l’eau excellente existait en abondance. Les préoccupalions concer- nant la main-d'œuvre s'en trouvèrent diminuées d'autant; à leur place surgirent celles inspirées par de grosses difficultés techniques, L'ignorance complète au sujet du régime des pluies présentait des inconvénients sérieux pour l'étude des projets relatifs aux ponts et viaducs, le caractère essentiel- Correspondance respecting the Uganda Railway. Report 4 Parliament, July 1901, By Colonel F. Grace. lement torrentiel des rivières rencontrées étant susceptible d'amener des surprises fort désa- gréables. D'autre part, la rareté des matériaux de construction compliquait sans cesse la tâche des ingénieurs qui, nulle part, par exemple, n'ont pu trouver l'argile nécessaire à la fabrication des briques. Altaqués en janvier 1896, les travaux ont été terminés en 1902, La ligne, qui mesure 936 kilo- mètres de longueur, part de Kilindini, dans l'ile de Mombassa, pour aboutir à Port-Florence sur le Victoria-Nyanza. Elle comporte un profil des plus accidentés, avecde fortes contre-pentes. À Kikouyou, vers le kilomètre 582, la ligne rouge atteint la cote 2.346 ; elle redescend à 1.828 mètres au 700° kilomètre, remonte à 2530 mètres — point culminant — à Mau (kilomètre 791), pour s'abaisser finalement de nouveau à 1.190 mètres, au bord du lac. Il s'agit donc, très nettement, d'un tracé de montagne; la déclivité maxima est de 0,09, le rayon minimum des courbes a 250 mètres. Les ter- rassements, tant en remblai qu'en tranchée, sont très importants, les ponts et viaducs fort nom- breux. La voie unique, suffisamment robuste, se compose de rails de 25 kilogrammes et de traverses métalliques, sauf sur les sections où le sol est salé et où il a fallu avoir recours aux traverses en bois créosoté ‘. Les bâtiments des gares sont partie en maçonnerie, partie en tôle ondulée et galvanisée. Le chemin de fer de l'Ouganda dispose déjà d'un matériel roulant assez considérable. En 1902, il v avait 92 locomotives, dont 22 machines-tender pour les gares; les 70 deslinées au service des trains pesaient chacune 43 tonnes en ordre de marche. Le nombre des voitures à voyageurs se chiffrait par 154, celui des wagons de marchan- dises par 1.193. La circulation à été organisée au moyen d'un train journalier dans chaque sens, avec, en plus, 1 train express et 4 trains de matériel par semaine. La vitesse commerciale est de 24 kilomètres à l'heure; le trajet de Kilindini à Port-Florence prend ainsi environ 40 heures *. Grâce aux multiples accidents du profil en long, ainsi qu’au prix excessif du combustible *, le coef- ficient d'exploitation de la ligne s'élève à 89 °/,, ce qui est exorbitant et démontre suffisamment dans quelles conditions défavorables on se trouve placé. Pendant l'exercice 1901-1902, les transports de marchandises n'ont pas dépassé 11.000 tonnes à la montée et 1.250 tonnes à la descente; la recette 1 Les traverses en bois ne sont pas attaquées par les four- mis blanches. ? Le train express comprend un wagon:-lit. 3 La tonne de houille coûte à Mombassa 37 roupies. 262 brute a seulement atteint 1.750.000 francs ‘. Si l’on considère que la construction du railway a néces- sité une dépense totale supérieure à 130 millions de francs *, la question se pose de savoir jusqu'à quel point les résultats obtenus justifient l'énorme effort consenti. Or, sans insister sur cette circonstance que l’ex- ploilation intégrale n'a pas encore accompli sa seconde année, il importe d'appeler l'attention sur la transformation profonde que l'établissement du chemin de fer a déterminée dans l'Afrique Orien- tale anglaise et jusque dans la province du Haut- Nil. Les commerçants de l'Inde se sont mis à en- vahir le pays; le long de la voie, ils ont installé des parcs à bestiaux; aux abords des principales vares, leur activité a créé des bazars, dont l’appro- visionnement ne laisse rien à désirer. Celui de Naïroli (524° kilomètre) est particuliè- ment bien assorti. On v vend des produits manu- facturés de toute espèce, à des prix relativement peu élevés; on y offre même des objets de luxe. Il est vrai que les services de l'exploitation sont concentrés à Naïroli, choisi en raison de sa situa- tion à 1.600 mètres d'altitude et de sa parfaite salubrilé. Mais il n’en reste pas moins acquis qu’en cet endroit, où régnait jadis la solitude la plus complète, existe dès aujourd'hui une aggloméra- tion de 5.000 habitants. Autour de Kikouyou, les cultures ont pris un développement considérable. La Mission écossaise y entretient un fort beau jardin d'essai, où pous- sent la plupart des légumes et des fruits de la | Grande-Bretagne. A Port-Florence, une jetée, construile avec des | palées en bois, s'avance sur une distance de 120 mètres en dehors du rivage. Les steamers, faisant le service du lac, arrivent ainsi à accoster sans difficulté. Le Protectorat de l'Ouganda pos- sède deux bateaux à vapeur, le Wänifred et le Sybil, ayant chacun 53 mètres de longueur avec 12,53 de tirant d'eau. Ils déplacent 600 tonnes, sont munis de deux hélices, et peuvent recevoir, non seulement un important chargement, mais aussi 12 passagers de 1" classe et 100 passagers de pont. Le Winifred met trois jours pour le voyage aller et retour de Port-Florence à Entebbe, chef-lieu du Protectorat, situé sur la rive opposée du Victoria- Nyanza. Il dessert en même temps les principaux ports intermédiaires. En envisageant ainsi dans son ensemble le nouvel état de choses dont l'Ouganda et le Haut-Nil sont ‘ Pour l'appréciation de ce chiffre, il convient de tenir compte des tarifs très bas appliqués sur le chemin de fer de l'Ouganda. 2 Voir : Report by His Majesty's special Commissionner of the Protectorate of Uganda (Sir Harry Johnston), Parlia- went, July 1901. A. FOCK — LA CONQUÊTE ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE PAR LES VOIES FERRÉES redevables à l'ouverture de la voie ferrée, on sera obligé de reconnaitre que le sacrifice financier de l'Angleterre ne tardera pas à trouver une large compensation dans l'essor économique des riches provinces, admises au bénéfice des transports rapides et peu coûteux. Le contre-coup de cette évolution provoquera, du reste, l'accroissement continu des expéditions par le rail et l'augmenta- tion correspondante des recettes du chemin de 1 fer ‘. XI Abstraction faite des lignes anglaises et belges, le Transcontinental Est-Ouest se trouve encore être amorcé de deux côtés différents : dans l'Afrique orientale allemande et dans les colonies portu- gaises bordant l'Atlantique. Les projets élaborés à Berlin tendent surtout à relier le Tanganyika à l'Océan Indien. Mais le peu d'enthousiasme manifesté au Reichstag pour les entreprises africaines n'a pas encouragé le Gouver- nement à demander le vote des crédits nécessaires. Bien que, d’après les gouverneurs von Liebert, et Goetzen, le développement rapide dés voies fer- rées soit une question de vie ou de mort pour la colonie orientale, celle-ci a dû se contenter, jus- qu'ici, d'une mise en train des plus modestes. Son réseau embryonnnaire se compose unique- ment de la première section du railway de l'Ousam- bara, s'étendant sur 84 kilomètres entre Tanga et Korogwe. Ouvert au mois de mars 1902, ce tronçon a coûté 6.500.000 marks; il va être prolongé de 65 kilomètres jusqu'à Mombo. On estime que l'ex- ploitation donnera ensuite des bénéfices notables, en raison des transports fournis par les plantations de café. Aujourd'hui, les efforts des coloniaux allemands ont pour but d'obtenir la construction immédiate des 230 kilomètres qui séparent Dar-es-Salam de Mrogoro. De cette facon, en effet, ils entameront dans sa partie initiale l'itinéraire direct, aboutis- sant à Oudjidji, sur la rive occidentale du Tanga- nyika. Or, les disposilions du Reichstag permettent d'escompter une décision favorable, qui inter- viendra au cours du printemps. Du côté de l'Atlantique, les Portugais ont depuis longtemps livré à la circulation la ligne de Loando à Ambaca, centre important de cultures indus- trielles. Le rail sera encore poussé en avant, afin d'atteindre Malanjé, mais on s'en tiendra aux 550 ki- 1 Ce résultat parait d'autant plus certain que Kilindini est, sans conteste, le plus beau port de la côte Orientale, entre Suez et le Cap. D'autre part, voici comment s'exprime le dernier Rapport sur la ligne de l'Ouganda : « The success of the railway must largely depend upon a good and cheap organised fleet of steamers and boats working both the lake and its rivers. » ser à AO A. FOCK — LA CONQUÊTE ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE PAR LES VOIES FERRÉES 263 lomètres ainsi établis. Il n'existe pas, dans cette direction, de visée transcontinentale. Le contraire se constate pour le chemin de fer que, dans les provinces d'Angola et de Benguela, le Gouvernement de Lisbonne a concédé en dé- cembre 1902 à une Compagnie anglaise. Le tracé adopté part de la baie de Lobito, longe la fron- tière des deux provinces, passe à Caconda et s'ar- rête provisoirement, après un parcours de 4400 ki- lomètres, à la limile orientale des possessions portugaises. Les travaux devront être terminés en huit ans; la Compagnie s'est réservé, entre autres privilèges, le droit d'usufruit des forêts de l'État, et celui — très avantageux — d'exploiter toutes les mines existant dans une zone de 120 kilomètres de chaque côté de la voie ferrée. Ce vaste projet à une portée considérable; il trahit le ferme dessein de l'Angleterre d'asseoir la domination britannique sur toute l'Afrique Aus- trale, et même sur telle partie des régions équa- toriales où des mains puissantes ne se sont pas encore emparées de l'hégémonie économique. Dans cet ordre d'idées, les Anglais ont concu, au surplus, une seconde entreprise qu'ils se proposent de réa- liser simultanément, avec la rapidité et la décision qui les caractérisent. La «South West African C° » est propriétaire des mines de cuivre et de plomb découvertes à Tsu- mel. En vue de les mettre en communication avec l'Atlantique, elle a résolu d'exécuter un railway, prenant son point de départ à Port Alexandre, dans lAngola Méridional. Au cours des études, poursuivies à cet effet, a tout d'un coup surgi le projet de lancer du même terminus sur l'Océan un lranscontinental orienté vers la capitale du Transvaal. Cette artère coupera la ligne du Cap à Boulou- Wayo à la hauteur de Gaberones, ce qui mettra le croisement à des distances de Port Alexandre et de Capetown, se chiffrant respectivement par 1030 et 963 kilomètres. D'autre part, les deux ports sont éloignés l'un de l’autre d'environ 2.100 kilomètres, h alors que leurs itinéraires vers Pretoria n'ac- cusent qu'une différence de 340 kilomètres en faveur de Capetown. Dans ces condilions, il semble rationnel d'admettre qu'à l'avenir le commerce de l'Europe Occidentale avec l'ancienne République Boer et la Rhodésia passera par Port Alexandre, qui deviendra ainsi un concurrent redoutable de “la capitale du Cap. Seulement, cette rivalité locale ne portera aucun préjudice aux intérêts britanniques, bien au con- traire. Et l'Angleterre aura, par une nouvelle con- “quête du rail, affirmé une fois de plus sa supré- matie économique au sud de l'Équateur. XIL Il reste maintenant à passer en revue la série des chemins de fer autonomes, dont la plupart ont élé entrepris par les colonies de la côteoccidentale. Sur ce champ d'action plus restreint, mais néan-- moins fort intéressant, le premier rang appartient incontestablement à la France. Depuis quelques années, ce pays a déployé une réelle énergie pour hâler l'introduction de la locomotive, tant au Sou- dan qu'en Guinée et au Dahomey. Pendant assez longtemps, le Sénégal seul fut fa- vorisé, tout en n'étant doté que de l'unique ligne de Dakar à Saint-Louis’. Les travaux du railway de pénétralion vers le Niger trainaient d'une manière désespérante; des motifs de loute nature, budgé- laires et autres, paraissaient s'opposer à leur achèvement. Aujourd’hui, sous une impulsion vi- rile, les choses ont pris meilleure tournure. La voie ferrée du Soudan est en exploitation jusqu’au kilo- mètre 320, au delà de Kita ; les terrassements s'a- vancent déjà jusqu'aux environs du kilomètre 500, et arriveront à Koulikoro en 190%. Dans un délai de dix-huit à vingt mois, les 563 kilomètres entre Kayes et le Niger seront enfin livrés à la circu- lation d'une extrémité à l’autre. Cet événement exercera une influence incaleu- lable sur le développement agricole et commercial des vastes régions situées dans la boucle du grand fleuve. En vue d’accentuer encore davantage cet essor, dont doit notamment bénéficier la culture du coton, le gouverneur général de l'Afrique Ocei- dentale a mis à l'étude le chemin de fer de Thiès à Kayes. Celui-ci, en effet, complétera la file ininter- rompue des rails, courant de l'Océan jusqu'au Niger, à l'origine de son bieï moyen. Or, plus loin dans l'Est, le rail, parti de Cotonou, finira par atteindre le même bief à Carimana, en amont des chules de Boussa. Dès lors, l'ensemble des colonies françaises de la côte occidentale se trouvera comme enveloppé par une grande artère demi-circulaire, de laquelle feront partie 2.000 ki- lomètres de navigation fluviale. La voie ferrée du Dahomey a été attaquée en 1900 ; au bout de deux ans, 100 kilomètres étaient ouverts à l'exploitalion. D'ici quelques mois, la lo- comotive, actuellement arrêtée à Toffo, parviendra à Paouignan, distant de la côte de 250 kilomètres et désigné comme terminus provisoire. Au delà de ce point, le tracé se dirigera sur Parakou (200 kilo- mètres), puis sur Carimana, où le contact sera pris avec le Niger, à 700 kilomètres de la mer. * A titre d'indication de l'action économique de cette ligne, il est intéressant de relever que le transport des ara- chides, de 30.000 tonnes en 1890, est monté à 155.000 tonnes en 1901. 264 A. FOCK — LA CONQUÊTE ÉCONOMIQUE Les travaux n'ont rencontré et ne rencontreront aucune difficulté sérieuse. Les déclivités du profil en long se maintiennent au-dessus de 0,012; les rayons des courbes ne descendent pas à moins de 1.000 mètres. Un wharf a été établi à Cotonou, et l'on envisage la construction d'un câble aérien pour le chargement des marchandises de la jetée dans les vapeurs en pleine mer. Il y a lieu de faire remar- quer, en outre, qu'un tronçon deligne de 40 kilo- mètres court parallèlement au rivage de Cotonou à Wydab et qu'à 14 kilomètres de ce dernier centre, à Pahou, la voie bifurque pour remonter au Nord. En Guinée, sur le chemin de fer de Conakry au Niger, M. Salesses a résolu d’une manière fort ori- ginale le problème de la main-d'œuvre. L'entre- prise, — qui, d'ailleurs, fut résiliée au bout de deux ans, en février 1902, — ayant rencontré des diffi- cultés dans le recrutement des ouvriers, M. Salesses eut l'idée de recourir au système du travail à la tâche. L'expérience réussit au delà de toules les prévisions; après avoir été généralisée, la nouvelle méthode amena sur les chantiers un effectif de plus de 5.000 travailleurs. Elle eut, en oulre, pour con- séquence un abaissement notable des prix de re- vient, surtout en ce qui concerne les lerrasse- ments. De telle sorte que les estimations de la dépense, s'élevant à 90.000 francs par kilomètre, et dont on craignait l'insuffisance, ne seront pro- bablement pas dépassées. La voie est achevée sur environ 150 kilomètres ; il faudra sans doute encore deux ou trois ans pour arriver à Timbo. L'écartement des rails mesure 1 mètre, comme sur presque toutes les lignes ana- logues. Les traverses employées sont exclusive- ment mélalliques. A l'instar des autres colonies françaises, la Côte d'Ivoire avait depuis longtemps son projet de rail- way. Mais la réalisation en subit des ajournements successifs, grâce à la découverte des terrains auri- fères. On éludia, en effet, diverses combinaisons, ten- dant à tirer parti de la mise en valeur des gisements d'or, pour obtenir des concours financiers en faveur de l'exécution de la voie ferrée. Une récente déci- sion ministérielle vient enfin de donner satisfaction aux desiderata de la Côte d'Ivoire, en prescrivant la construction d'une première section de 72 kilo- mètres. De même qu'en Guinée et au Dahomey, la direction technique appartiendra au Service du Génie militaire, avec cette différence, toutefois, qu'il sera chargé, à Grand-Bassam, non seulement de l'infrastructure, mais aussi de la superstructure. On n'aurait ainsi esquissé qu’un tableau incom- plet de l'activité française dans le continent noir, au point de vue des chemins de fer, si l'on ne men- tionnait pas la ligne d'Éthiopie, lancée de la Côte des Somalis vers les hauts plateaux abyssins. Tout DE L'AFRIQUE PAR LES VOIES FERRÉES le monde a encore présentes à la mémoire les riva- liés que cetle entreprise a suscitées en Angle- terre, où l’on voulait s'en rendre maitre pour dé- tourner le tracé sur Zeïlah. L'intervention du Gou- vernement français, accordant son appui financier à la Compagnie concessionnaire, fil échouer défi- nilivement ces tentatives au printemps de 1902. Les résultats de celte attitude ferme autant que sage ne se sont pas-fail attendre. Le 25 jan- vier 1903 le premier train arriva en gare d'Addis- Harrar (Diré-Daouah). L'exécution des 296 kilo- mètres qui séparent ce dernier centre de Djibouti avait nécessité une période de cinq ans et demi. Ce délai ne semble pas excessif, si l’on tient compte de l'éloignement et du climat peu favorable de la base d'opérations sur la Mer Rouge, ainsi que du caractère nettement montagneux d'une grande partie du tracé, dont le point terminus se trouve à 1.193 mètres. Les études du prolongement sur Addis-Ababa, commencées en février 1903, se poursuivent encore à l'heure actuelle. XIII Les Anglais n’ont pas eu à se louer, Jusqu'à pré- sent, des résultats obtenus dans l’élablissement des railways destinés à desservir leurs colonies du golfe de Guinée. À la Côle d'Or, le Gouvernement, ayant voulu construire lui-même, a mis trois ans et demi pour terminer 64 kilomètres, qui lui ont coûté 235.000 francs l’unité, alors qu'une grande maison d’entre- prise avait offert d'exécuter la section de 295 kilo- mètres entre Tarkoua et Coumassie au prix de 105.000 francs l'unité par kilomètre! La partie du railway allant de Secondi aux gisements aurifères de l'Ashanti est achevée sur une longueur de 160 kilomètres. Le Lagos travaille un peu plus économiquement; le kilomètre n'y revient guère qu'à 90.000 francs. La ligne a été ouverte à l'exploitation de la mer jusqu’à Ibadan: on la prolonge vers Oshogbo et Ilorin, situé à une distance de 210 kilomètres au Nord. Elle présentera plus tard un réel intérêt, lorsqu'elle débouchera sur le Niger et sera con- tinuée en amont, sur la rive gauche du fleuve, dans la direction de Zoungerou, la nouvelle capitale administralive de la Nigéria. Ce tronçon de voie ferrée, le premier en plein Soudan Central, va être entrepris sur la proposition de Sir Frederick Lugard, en vue de relier à la mer de vastes éten- dues de terrain propres à la culture du coton. Quant au projet d'un railway de Yola au Tchad, préconisé par la Chambre de Commerce de Liver- pool, il n'est pas encore sorti de la phase initiale | des discussions académiques. LS N : A. FOCK — LA CONQUÊTE ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE PAR LES VOIES FERRÉES 265 XIV La Compagnie agricole allemande, qui s’est ins- tallée au Cameroun, s'occupe activement de couvrir l'ensemble de ses concessions d’un véritable réseau de lignes industrielles. Elle exploitait, à la fin de 1902, une section de 7 kilomètres sur l'itinéraire principal de Victoria à Méanja, ainsi que 10 kilo- mètres de raccordements, auxquels, depuis, sont venus s'en ajouter encore 7 autres. L'année pro- chaine, on espère avancer avec le tracé central jusqu’à Ebongo, puis vers Soppo, où sera atteinte, à 630 mètres d'altitude, la limite des territoires de la Compagnie. Mais ces travaux, d'un caractère purement local, n'offrent qu'une importance très secondaire. Il en va autrement de la concession, octroyée en sep- tembre 1902 à un Syndicat berlinois, et portant sur l’exéculion d'un chemin de fer de 400 kilomètres orienté au Nord-Est, qui, d'après les clauses du cahier des charges, devra être livré à la circulation en 1908. Pour le tracé, on hésite entre trois direc- tions ; toutefois, il paraît probable, après les re- connaissances effectuées, que l'on se prononcera en faveur de l'itinéraire par Duala et Dibombari sur la rive gauche du Mungo, de préférence à celui de Victoria par Buenga. Les deux se réunissent, d'ailleurs, à Mundame pour toucher ensuite à Tinto et s'arrêter jusqu'à nouvel ordre à Bali. Il reste bien entendu que, dès aujourd'hui, cette ligne est envisagée comme devant former la pre- mière section d'une grande artère allemande de 900 kilomètres, dont le terminus se trouvera sur les bords du Tchad. Le Syndicat se promet de créer d'importants éléments de trafic, en procé- dant à des plantations de cacao, de tabac et de coton, en vue desquelles il s’est fait accorder 50.000 hectares de terrain. En outre, il a la préten- üon de délourner sur ses rails les courants com- merciaux du Soudan Central, dès que ses locomo- tives auront pénétré dans le Bornou. La colonie allemande du Sud-Ouest n'est pas restée en arrière ; elle possède également une voie ferrée qui s'étend sur 194 kilomètres entre Swa- kopmund et Windhoek, en passant par Karibib et Okahandja. Entièrement ouverte à l'exploitation, elle sert surtout aux transports du Gouvernement, qui réalise ainsi de fortes économies. L'expédition d'une tonne de marchandises par des chariots à bœufs coûlait 480 francs de la côte à Windhoek : elle ne revient plus qu'à 56 francs par le chemin de fer. Celui-ci a entraîné une dépense totale d'envi- ron 17 millions de francs, non compris, cependant, le crédit spécial afférent au môle de Swakopmund, long de 375 mètres et construit en granit. Grâce à cette jetée, le chargement et le déchar- REVUE GÉNÉRALE I1ES SCIENCES, 1904, gement des navires s’opèrent dans de bien meil- leures conditions, et Swakopmund va devenir le port d'embarquement des minerais de cuivre pro- venant des mines d'Olavi, qui seront exploitées au moyen d'un railway particulier, XV De l'exposé présenté dans les pages qui précè- dent, les conclusions se dégagent, pour ainsi dire, d’elles-mêmes. Ce qui fait la force de l'Angleterre du Nord au Sud de l'Afrique orientale, ce qui lui assure dès aujourd'hui la suprématie économique dans la moitié du continent noir, ce sont ses chemins de fer, c'est son transcontinental du Caire au Cap. Ce qui, d'autre part, permet à l'État Indépen- dant du Congo de croire, sans trop de présomp- tion, à la possibilité d'entreprendre avec succès, sur une très grande échelle, l'exploitation agricole et commerciale de ses vastes territoires, — c’est l'achèvement, dans un avenir prochain, de son réseau de communications terrestres et fluviales, dans lequel les railways et le fleuve constilueront une grande artère lransversale à la hauteur de l'Équateur. Or, bien qu'en Afrique Occidentale le rôle pré- pondérant soit, sans contestation possible, dévolu à la France, celle-ci ne s’est inspirée que très tar- divement — et avec quelle prudente réserve! — de l'esprit éminemment pratique auquel ses con- currents et rivaux sont redevables de leurs succès. Elle n’a pas encore eu la hardiesse réfléchie de lancer le rail à travers l’espace, pour donner à son domaine la cohésion indispensable et mettre en œuvre le facteur essentiel de l'hégémonie écono- mique. Que l'on ne cherche pas à justifier celte timidité, qui deviendra bientôt de la faiblesse, en prétendant que l'effort à accomplir sera hors de pro- portion avec l'objectif à atteindre. Cet argument pouvait paraître fondé il y a quinze ans: il faudrait délibérément négliger les enseignements de Ja récente évolution africaine pour le soutenir aujour- d’hui. Les chemins de fer transformeront le Sou- dan en un pays de grandes cultures industrielles : ils permettront ainsi à la production francaise de se rendre indépendante de l'étranger pour de nom- breuses matières premières. Cette considération, à elle seule, semble topique, en présence de la marée montante de l'impérialisme qui entraîne même la Grande-Bretagne. Il incombe donc à la France d'ouvrir sans retard la voie transcontinentale qui mettra en communi- cation directe la Méditerranée et l'Atlantique du Sud, en faisant circuler la locomotive d'Alger à Libreville par le Tchad. A. Fock. un 5 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES En analysant, dans la Revue du 15 février, l'ouvrage de M. L.J. Delaporte : Essai philosophique sur les Géo- métries non euclidiennes, M. Léon Autonne supposait, en l'absence d'indication explicite, qu'il s'agissait d'une thèse de doctorat en philosophie. M. Lerch, professeur de Mathématiques à l'Université de Fribourg, veut bien nous écrire qu'il résulte, des recherches faites par lui à l'Université de Fribourg, qu'il s'agit en effet d’une thèse passée devant la Faculté des Lettres, et dont il n'a été ni juge, ni rapporteur. 4° Sciences mathématiques Weber (H.), Professor in Strassburg, et Wellstein (J.), Professor in Giessen. — Encyclopædie der Elementar-Mathematik. Tome I : Elementar-Alge- bra und Analysis. — 1 vol. in-8° de xIv-k47 pages, avec 25 figures, par H. Weger. (Prix : 10 fr.) B.-G. Teubner, éditeur, Leipzig, 1903. MM. les Professeurs Weberet Wellstein ont entrepris de constituer une espèce de dictionnaire des Mathéma- tiques élémentaires où l'ordre alphabétique serait rem- placé par un ordre logique d'exposition; le premier de ces auteurs nous donne aujourd'hui, dans le volume dont il est question ici, une nombreuse série d'articles succincts, de quelques pages chacun, où est condensé à peu près tout ce qu'on est convenu d'appeler Arith- métique, Algèbre élémentaire et « Mathématiques spé- ciales », éléments d'Analyse. Les auteurs prennent la précaution de nous avertir que leur idée n'a pas été de faire un nouveau manuel destiné aux commencants : ils ont eu pour objectif de donner aux maitres un réper- toire aussi complet que possible des matières à ensel- gner et de procurer aux étudiants, qui ont parcouru le cycle des études secondaires, une vue systématique et d'ensemble sur les connaissances élémentaires acquises C'est pourquoi le livre est conçu à un point de vue asse général, avec le but d’être, avant tout, concis et com- plet. Cela est vrai surtout de la première partie, qui traite de la connaissance des nombres, où se voit le souci d'établir, à un point de vue vraiment philoso- phique, une plus sévère compréhension de la notion de nombre, d'après les progrès réalisés tout récemment encore dans cette connaissance. Ces préoccupations sont également visibles dans tout le corps de l'ouvrage, et l’auteur ne craint pas de rappeler, par de nom- breuses notes historiques, la voie suivie par les ma- thématiciens dans leurs recherches. De même, les méthodes (ex.: celle de la complète induction) sont soigneusement exposées. Du reste, la division même du livre montre bien sa conception plus systématique que pédagogique. L'Arithmétique y comprend : les équations du 4°" et du 2° degré, l'analyse combinatoire, les théories du binôme, des progressions, des logarithmes. Du mème avis que Serret!, l’auteur réserve, comme objet propre de l'Algèbre, la théorie générale des équations. On regrette cependant, à la fin de cette première partie, l’'omission de la théorie des déterminants, dont l'appli- cation à la résolution des équations linéaires est pour- tant courante. L'Algèbre débute par les propriétés générales des équations algébriques, l'étude des fonctions entières, des fonctions symétriques. A signaler la démonstration intuitive, tirée de Gauss, au sujet du théorème fonda- mental de l'existence des racines. Deux chapitres ! Algèbre supérieure. ET INDEX étendus étudient l'indétermination des équations du 4er et du 2 degré, à la suite des congruences des. nombres. La théorie des nombres premiers y est pous- sée assez avant : théorèmes de Wilson, de Fermat, décomposition, nombres parfaits, etc. Après l'étude des fractions continues, vient celle de la solution algé- brique des équations du 3° degré (formule de Cardan) et du 4 (procédé de Ferrari et travaux de Gallois). Puis l’auteur s'attache à exposer longuement la démons- tration de l'impossibilité radicale de résoudre l'équation générale du 5° degré à l’aide des fonctions ordinaires de l'Algèbre. Vient alors naturellement la résolution des. équations « numériques » (Th. de Sturm, Regula falsi): Un excellent chapitre est celui qui traite de la division du cercle, présentée systématiquement, et jusqu’au fameux Mémoire de Gauss. Il faut remarquer que la notion de dérivée est bannie de l'étude de toutes ces questions. Ilnous semble pour- tant qu'il est difficile d'étudier la continuité des fonc- tions, leur développement en séries, par exemple, sans le secours de ce précieux auxiliaire et que les procédés inventés pour s’en passer paraissent souvent artificiels. et laborieux. Ce n'est que dans la troisième partie (Analyse), et seulement pour la démonstration de la transcendance de e et de 7, que M. Weber introduit cette notion. Cette 3m partie comporte l'étude complète des séries, de leurs propriétés principales, de leurs conditions de: convergence. Enfin, un complément traite des con- gruences de degré supérieur. L'ouvrage entier ne comporte que fort peu d'exercices ; à peine ce qui est nécessaire pour illustrer une théorie et appuyer un exposé difficiles. Il est bon de dire que les auteurs préparent, comme couronnement de leur œuvre, une série d'applications qui sera publiée bientôt. Signalons, pour terminer, que ce premier volume, d'une typographie très soignée, contient un répertoire alphabétique détaillé qui achève d'en faire un guide pratique, une sorte de vade-mecum très utile. Ep. DÉmoLrs, aitre à l'Ecole professionnelle de Genève. Schreber (D° K.). — Die Kraftmaschinen (Les MacHines MoTRices). Vorlesungen über die wichtiqs- ten der zur Zeit gebrauchten Kraftmaschinen für Zuhürer aller Facultäten an der Universität Greifs- wald gehalten). — 1 vol. in-8° de 348 pages avec 54 figures et une planche. Teubner, Leipzig, 1903. M. Schreber, privat-docent à l'Université de Greifs- wald, a pris l'initiative de créer un cours de Mécanique à l'usage de tous les étudiants des facultés : le succès qu'il a obtenu l'a engagé à publier ses leçons, que nous avons lues avec un vif intérêt. C’est qu'en effet, après avoir pris connaissance du but de l’auteur, qui est bien exposé dans une lumineuse préface, nous nous demandions avec curiosité comment il était possible de présenter à des étudiants en droit, par exemple, une théorie des machines motrices assez complète pour qu'elle valut la peine de leur être exposée, et cepen- dant assez simple pour qu'ils n'en fussent point rebu- tés. Il s'agissait de trouver un juste milieu entre la Thermodynamique de M. Moutier et les Merveilles de la Science de M. Figuier. M. Schreber s’est, il faut le reconnaitre, beaucoup plus rapproché du premier ouvrage que du second : ainsi il parle à ses auditeurs du cycle de Carnot et de l’entropie et il leur dessine des diagrammes entropiques; il leur donne aussi les for- mules de rendement maximum de la roue à eau de Poncelet, etc. L'exposé est très clair: mais il nous BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 267 semble que les étudiants des Facultés de Droit alle- mandes ont dû eux-mêmes s'effaroucher quelque peu de l'appareil mathématique dont fait usage leur docte pro- fesseur ; nos jeunes juristes français luiauraient en tout cas demandé de leur expliquer d’abord ce qu'est un cosi- nus, et je ne crois pas leur faire insulte en disant qu'ils n'auraient pas été fort assidus à son cours. Par contre, les étudiants de la Faculté des Sciences de Greifswald n'en ont certainement manqué aucun, et ils ont bien fait, parce qu'ils y ont appris beaucoup de choses utiles, qu'ils doivent savoir: pour eux, cet enseigne- ment technique est excellent, car il constitue une indi- cation à l'art de l'ingénieur. La table des matières permet de juger de l'étendue des questions embrassées par ces lecons ; après une introduction sur l'énergie, le travail et la puissance des moteurs, M. Schreber envisage tour à tour les moteurs animés et les moteurs à eau et à vent; puis il aborde les machines thermiques proprement dites: machines à vapeur, moteurs à air chaud et à gaz, à explosion et à combustion ; les turbo-moteurs ne sont eux-mêmes pas oubliés. Enfin, un dernier chapitre compare les prix de revient du travail fourni par ces moteurs d’'es- pèce si différente. Le programme est complet, on le voit ; ajoutons qu'il est traité avec une grande ampleur et une remarquable compétence. Aimé Wirz, Professeur à la Faculté libre des Sciences de lille. 2° Sciences physiques Fisher (H. K. C.) et Darby (J. C. H.). — Manuel élémentaire pratique de Mesures électriques sur les Câbles sous-marins (Traduit de l'anglais sur la deuxième édition par LÉON Hussox). -- 1 vol. in-8° de 174 pages avec 67 fig. (Prix : 5 ). Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1903. Les auteurs connaissent à fond leur sujet. Malheu- reusement, ils ne l'ont pas exposé avecclarté. L'ouvrage est divisé en deux parties. Il aurait été plus rationnel d'en faire trois, que voici 1° Exposé théorique des méthodes de mesures élec- triques applicables sur les lignes sous-marines (mesures de résistance, d'isolement, de capacité); 2° Application de ces méthodes pendant la pose et, après la pose, en cours normal d' exploitation; 3° Application des mêmes méthodes à la localisation des défauts qui peuvent se produire sur les câbles sous- marins. Les auteurs ont réuni les deux premières parties. Ils débutent, fort mal du reste, par un chapitre sur l’ex- plication de quelques termes, dans lequel nous lisons que le potentiel est le pouvoir de produire un certain travail. Cette définition est mauvaise, vide de sens. Nous reconnaissons qu'il est difficile d'en trouver une qui soit satisfaisante. Mais est-il bien nécessaire de la chercher et ne vaut-il pas mieux laisser le lecteur se donner lui-même la notion exacte du potentiel? Il est des mots qu'il convient de ne pas définir. Un peu plus loin, nous apprenons qu’ «une force électromotrice ou une différence de potentiel déter- minent un courant électrique ». Cette phrase n "est pas heureuse non plus. Elle laisserait croire à l'identité, qui n'existe pas, entre une dons électromotrice et une différence de potentiel. D'autre part, elle énonce une erreur, Car ni une force électromotrice, ni une diffé- rence de potentiel, ne déterminent dans tous les cas la circulation d’un courant électrique. Elles peuvent seulement la déterminer si certaines conditions sont remplies. Les auteurs auraient, en somme, bien fait de supprimer ce chapitre des définitions. N'en parlons pas davantage. Le reste de la première partie est consacré aux divers essais qu'on est obligé de faire dans le laboratoire d'une société qui exploite des réseaux sous-marins. Nous y trouvons, mais dans un désordre regrettable, tout ce qui regarde la mesure d'une résistance ordinaire, la mesure des résistances d'une pile et d’un galvanomètre, tout ce qui regarde la théorie du pont de Wheatstone et l'application des méthodes décrites à la mesure de la résistance du conducteur d’un câble immergé; nous y trouvons enfin la discussion des essais de l'isolement et de la capacité d'un cäble. La seconde partie est réservée à la localisation des défauts que peut présenter une ligne sous-marine. La méthode de Kennelly, celle de la boucle, celle qui est dite de l’ « Earth overlap », celle de Blavier y font l’objet de longs développements. Mais ce qui rend surtout le livre intéressant, ce sont les exemples chiffrés dont il est rempli. Nulle formule qui ne soit immédiatement traduite en nombres, nulle théorie qui ne soit immédiatement appliquée. En gé- néral, un auteur se soucie peu de donner des exemples de ce genre. Il les juge sans doute trop terre à terre. Qu'il a tort! Il faut quelque efois à un lecteur un travail ardu pour tirer parti de la plus belle équation, alors qu'un seul petit exemple l'aurait doucement conduit au but. Pour résumer l'impression que nous a produite le livre de MM. Fisher et Darby, nous dirons qu'il contient des éléments précieux, éléments dont nous avons été nous-même heureux de faire notre profit, mais qu'il faudrait mettre en ordre. Le livre n’est pas arrangé avec art.Il semble plutôt la sténographie d'une conversation à bâtons rompus, très rompus même. Le lecteur ne voit pas toujours où on le mène. C'est un grave défaut dans notre pays. Nous aurions préféré une adaptation à une traduction. De celle-ci, nous ne parlerons pas. Nous nous con- tenterons de demander à M. Husson pourquoi il s’obstine à écrire « la force d’un courant ». C’est une expression qu'on rencontre fréquemment dans les Journaux quo- tidiens à cinq centimes. Les électriciens préfèrent dire l'intensité d’un courant ». ALFRED GAY, Ancien élève de l'Ecole Polytechnique, Morel (M.-A.), Directeur des Usines à ciment Port- land de Lumbres. — Les Materiaux artificiels. — 4 vol. in-16 de 178 pages de l'Encyclopédie des Aide-mémoire. (Prix : broché, 2 fr. cartonné, 3 fr.). Gauthier-Villars et Masson, éditeurs. Paris, 1903. Les matériaux artificiels de M. Morel débutent par une préface où l’on esquisse rapidement l'histoire de la construction, depuis l’époque des hommes primitifs jusqu'aux Expositions de Paris en 1900 et de Dusseldorf en 1902, « consécrations officielles en France et en Allemagne des nouveaux procédés de construction » (ciment armé, pierres artificielles, ete.). Cette préface se termine par l'indication de la division et du contenu de l'ouvrage, que nous transcrivons ici. Chapitre à Matériaux semi-artificiels : — Bitumes, asphaltes, chaux, ciments, plâtres, briques, tuiles, mé- taux, alliages, etc. ; Chapitre II. Matériaux purement artificiels : — Verre, opaline, produits céramiques, émaux, produits réfrac- taires, etc. ; Chapitre III. Matériaux artificiels associés à une armature métallique : — Ciment armé, verre armé, briques armées, etc.; Chapitre IV. Matériaux artificiels associés par agglo- mération à l’aide d’un liant non métallique : — Mor- tiers, bétons, pierres artificielles, laitiers de hauts-four- neaux, agglomérés divers, mosaïques, stucs,staff, etc. Chapitre V. Matériaux artificiels accessoires : — Enduits, mastics, peintures, tentures, papiers, lino- léum, ete. Comme on le voit par cette énumération, la matière embrassée par ce petit volume de 178 pages in-16 est excessivement vaste; aussi, dans certaines parties, ! Lorsque nous écrivions nos deux petits livres sur _ les cäbles sous-marins, 268 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX l'exposé se réduit-il presque à une simple nomen- clature, effleurant légèrement quantité de sujets inté- ressants que l’auteur semble fort bien connaitre, mais sur lesquels il ne nous donne que fort peu de détails, pressé qu'il est de passer à autre chose. C'est ainsi, par exemple, que tousles métaux et alliages sus- ceptibles d’être employés dans la construction occupent en tout dix pages, les pierres artificielles six, etc. Le nombre des figures est également très restreint, Les quelques passages sur lesquels M. Morel insiste un peu, comme les matériaux en verre, par exemple, nous font regretter qu'il n'ait pas jugé à propos de laisser complètement de côté les sujets déjà traités dans d’autres volumes des Aide-mémoire, pour borner son exposition à un nombre de matériaux moins con- sidérable et se ménager ainsi la possibilité de donner les renseignements utiles que lui auraient suggérés son expérience et sa compétence dans ce genre de matières. G. ARTH, Directeur de l'Institut chinique de Nancy. Eder (J. M.), Directeur de l'École des Arts graphi- ques de Vienne. — Système de Sensitométrie des plaques photographiques. (Traduit de l'allemand par EvouaxD BELIN.) — 1 vol. gr. in-8° de vi-52 pages avec 9 fig. et 17 pl. (Prix : 3 {r. 75).Gautlner-Vil lars, éditeur. Paris, 1903. : Les applications multiples de la photographie à la science et à l’industrie, ainsi que la nécessité d'opérer souvent dans des conditions identiques, ont fait naître depuis longtemps le besoin de méthodes précises pour comparer la sensibilité des différentes préparations photographiques. Cette comparaison présente en pra- tique de grosses difficultés. En effet, il faut, pour im- pressionner les préparations, utiliser une source lumi- neuse toujours identique à elle-même, par l'intensité et la nature des radiations qu'elle émet. En outre, il est indispensable de tenir compte de plusieurs autres fac- teurs, tels que ceux qui interviennent pendant le déve- loppement et qui, s'ils sont assez faciles à préciser quand il s’agit d'une même émulsion, deviennent difli- ciles à comparer lorsqu'on s'adresse à des émulsions différentes. Il faut, en outre, étudier l'accommodation de ces préparations à l'échelle des ombres et deslumières ainsi que l'apparition du voile Le savant directeur de l'Ecole impériale des Arts graphiques de Vienne, le Dr Eder, dans une série de communications remarquables faites à l'Académie des Sciences de Vienne, à étudié avec une grande préci- s on les éléments de cette question délicate d’un sys- t”me de sensitométrie pour les plaques photogra- phiques ; il a pris comme point de départ la méthode sensitométrique de Scheiner, qu'il estime être la meil- leure. Ce sont ces communications, traduites de l'allemand par M. Belin, ancien élève du D' Eder et auteur lui- mème d'une méthode de sensitométrie, qui ont été réunies dans l'intéressante brochure que vient d'éditer M. Gauthier-Villars. Dans cette étude, le D' Eder, après des considéra- ti ns générales sur la sensitométrie et sur les diverses imélhodes d'évaluation du degré de noircissement des plaques photographiques, indique le calcul de la sensi- bilité d’une plaque d'après le système du Congrès pho- tographique de 1889. Il étudie ensuite la relation entre le degré d'éloignement de la source lumineuse et cha- que numéro du sensitomètre de Scheiner et il indique le moyen d'évaluer l'intensité du voile des plaques photographiques. Dans les chapitres suivants, il traite de Ja construction de la courbe de noircissement et des constantes du développement. Il décrit également ses intéressantes recherches sur les méthodes de renforcement et d’affaiblissement des couches photographiques au moyen de mesures micro- métriques, ainsi que sur la suppression du voile au moyen d'un affaiblisseur, La sensitométrie et les courbes de noircissement des plaques au gélatino-bromure d'argent sous l'influence des radiations diversement colorées et la détermina- tion de la courbe de sensibilité des plaques photogra- phiques pour le spectre de diffraction, terminent la première partie. La deuxième partie est consacrée aux mesures de précaution qu'il est indispensable de prendre dans les essais photométriques par voie de méthode photogra- phique. Le chapitre le plus important est celui qui traite de la comparaison de l'éclat photochimique de Ja lampe à la benzine avec celui d'une lampe à l'acétate d'amyle diaphragmée et de pouvoir optique sensible- ment égal. Dans la troisième partie, le D' Eder décrit une nou- velle méthode de détermination des maxima de sensi- bilité du gélatino-bromure et du collodion à l'iodure d'argent. Il étudie spécialement les différentes actions sensibilisatrices des colorants sur le bromure et le chlorure d'argent. L'ouvrage du D' Eder constitue une étude très docu=, mentse et très consciencieuse, d'une haute portée scientifique. Nous croyons que, malgré son caractère . technique, il n’est pas seulement destiné aux spécia- listes. Nous sommes persuadé, au contraire, qu'il ren- dra des services aussi bien au point de vue du com- merce que de la science, d'autant plus que les nom- breux tableaux et graphiques qu'il renferme permet- tent d'en rendre la compréhension très facile. A. SEYEWETZ, Sous directeur de l'École de Chimie industrielle de Lyon. 3° Sciences naturelles Mouillefert (P.), Professeur à l'Ecole d'Agriculture de Grigquon. — Traité de Sylviculture. T. II, EXPLOITATION ET AMÉNAGEMENT DES BOIS. — À Vol. in-12 de476 pages avec 10 planches et 97 figures. (Prix ; 6 fr.) Félix Alcan, éditeur, Paris, 1904. Le premier volume de ce traité, paru au commence- ment de l'année dernière, était consacré à la description des principales essences forestières. Avec ce deuxième volume, l’auteur entre dans le domaine de la pratique. M. Mouillefert consacre le premier chapitre au déve- loppement de l'arbre à l'état isolé et en massif, à la formation du capital ligneux et à ses modifications avec le temps. ; ; Les principaux modes d'exploitation (futaies et tail- lis) sont ensuite décrits, au point de vue général et au point de vue spécial, c'est-à-dire l'application de ces méthodes à chacune de nos principales espèces, avec les meilleures indications pour la création de massifs de ces essences, les modes d'exploitation, la nature et la quantité des produits obtenus. Un chapitre est ré- servé aux oseraies. Le chapitre suivant traite de la truf- ficulture. L'auteur passe ensuite aux principaux modes d’abattage et de vidange des produits forestiers. La deuxième partie du volume traite de l’aménage- ment des bois, comprenant l'inventaire des forces pro- ductives de la forêt, la formation des parcelles et des coupes; l'exploitabilité, question des plus importantes en sylviculture, est résumée d'une facon très claire. Le choix du régime à adopter suivant les circonstances, l'exposé du plan d'aménagement, le calcul des revenus annuels ou possibilité de la forêt sont ensuite traités. Le volume se termine par la description des méthodes à suivre quand il y a lieu de changer le régime d’ex= ploitation. , L'énoncé des sujets traités suffit pour faire com- prendre l'importance de ce deuxième volume pour les propriétaires forestiers, et pour toutes personnes que les questions de production des bois intéressent, D. ZoLra, Professeur à l'Ecole d'Agriculture de Grignons xt BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 269 D’Arsonval, lrofesseur au Collège de France, Membre de l'Institut et de l'Académie de Médecine ; Chauveau, Professeur au Muséum d'Histoire na- turelle, Membre de lInstitut et de l'Académie de Médecine; Gaviel, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, Membre de l'Académie de Médecine ; Marey, Professeur au Collège de France, Membre de l'Ins- titut et de l'Académie de Médecine, Directeurs. — G. Weiss, /ugénieur des Ponts et Chaussées, Pro- fesseur agrége à la Faculté de Médecine de Paris, Secrétaire de la rédaction. — Traité de Physique biologique. Tome II.—1 vol. gr. in-8, de 1144 pages avec 665 figures, et 3 planches en noir et en cou- leurs. (Prix : 25 francs). Masson et Ci, éditeurs. Paris, 1903. Ce volume est le deuxième de cet important ouvrage, dont la publication, commencée il y a deux ans à peine, est si appréciée aujourd'hui par les biologistes. Pour mener rapidement à bien une œuvre aussi consi- dérable, le même principe de division du travail et de répartition des articles entre de nombreux savants spécialement compétents a été conservé pour ce deuxième volume. Un tel système, fort avantageux pour l'exposition de chaque sujet pris séparément, n'est pas sans entrainer quelques difficultés pour la confection de l’ensemble du volume. La réunion des différents chapitres sur des sujets voisins donne sou- vent lieu à quelques redites, de même qu'elle expose aussi de temps à autre à certaines omissions, les diffé- rents collaborateurs n'ayant pas toujours entre eux une entente absolument suffisante. C’est à combler € défaut d'homegénéité que s'est appliqué le orétuiie de la rédaction, et tous ceux qui savent apprécier la difficulté de ce genre de travail sauront le plus grand gré à M. Weiss du volume qu'il présente aujourd'hui aux biologistes. Ce deuxième fome, sous son titre général : Aadia- tions-Optique, renferme trente et un articles écrits par dix-sept collaborateurs. Une énumération de ces ar- ticles donnera un aperçu de l'importance et de l'intérêt du volume : Principes généraux d'Optique géométrique, par M. G. Weiss. — Constitution des radiations, par M. G. Weiss. — Spectroscopie biologique, par M. A. Hénocque. — Mesure et utilisation de la A par M. André Broca. — Photographie, par M. Londe. — Chaleur rayonnante, par M. C.-M. Carre Polarisation rola- toire et polarimétrie, par M. Th. Malosse. — Phospho- rescence, Fluorescence, Transformation des radiations, par M. C.-M. Gariel. — Action de la lumière sur les animaux, par M. Raphaël Dubois. — Biophotogénèse ou production de la lumière par les êtres vivants, par M. Raphaël Dubois. — Action des radiations sur les végétaux, par M. L. Mangin. — Diffusion, par M. C.-M. Gariel. — Etude optique de l'œil, OEil réduit, Aberra- tions chromatiques,par M. C. Sigalas. — Puissance des systèmes centrés, numérotage des verres, par M. C. Si- galas. — Formation des images sur la rétine, par M. Tscherning. — Des divers états DD IAUES de l'œil, emmétropie, amétropie, presbytie, par H. Bertin- Sans.— Astigmatisme, par M. A. Imbert. in qe d'optique physiologique destinés à la détermination des éléments des anomalies de la réfraction, par M. A. Im- bert. — Procédé optométrique de Cuignet ou scotos- copie, par M. A. Imbert.° — Correction optique des amétropies, par M. A. Imbert. — Ophtalmotonomètres, par M. A. Imbert. — Acuité visuelle, par M. Sulzer. — Champ visuel et topographie rétinienne, par M. Sulzer. — Impressions lumineuses sur la rétine, par M. Char- pentier. — Images entoptiques, par M. G. Weiss. — Mouvements de l'œil, par M. C.-M. Gariel. — Vision binoculaire, Strabisme, par M. Tscherning. — Loupe, £ I par Th. Guilloz. — Apercu anatomique sur l'appareil visuel, par M. Auguste Pettit. Tous ceux qui auront parcouru cet ouvrage, ou même qui l'auront simplement feuilleté, resteront frappés mt de l'importance et du nombre des articles relatifs à l'appareil de la vision. Plus de la moitié du volume, «1 effet, est consacrée à cette question. Si quelques phy siologistes regrettent le peu de développement accordé à certains chapitres, comme à celui de la spectropho- tométrie, ou si d’autres déplorent l'absence d’un cha- pitre sur la calorimétrie, tous trouveront parfaitement justifié, et apprécieront l'abondance du développement donné à l'étude de l'œil. C’est, parmi les études phy- siologiques difficiles, une de celles qui sont actuel- lement les mieux faites et les plus avancées; les savants les plus illustres y ont attaché leur nom et l'ont poussée à un haut degré de précision en la faisant bé- néficier de l’application des méthodes physiques les plus délicates et les plus précises. Il convenait donc de lui donner ici une très large place, et c'est ce qui rendra ce volume particulièrement précieux aux bio- logistes et aux médecins. L. Cauvs. 4 Sciences médicales Javal (Emile), directeur honoraire du Laboratorre d'Ophtalmoloqie de l'Ecole des Hautes-Etudes, Men- bre de l'Académie de Médecine. — Entre Aveugles : CONSEILS A L'USAGE DES PERSONNES QUI VIENNENT DE PERDRE LA VUE. — 1 vol. in-16 de 208 pages. (Prix : 2 fr. 50). Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1903. En écrivant « Entre Aveugles, conseils à l’usage des personnes qui viennent de perdre la vue », le D'° Emile Javal voulait, avant tout, faire un livre utile et pratique. Il a pleinement réussi; mais il a, de plus, fait œuvre intéressante au point de vue psyc chologique et scienti- fique. Comme son titre l'indique, ce livre sera surtout utiie aux voyants devenus aveugles tardivement et plus par- ticulièrement encore à ceux qui exerçaieut avant leur malheur une profession libérale ; il leur fera connaitre rapidement tout ce que de pénibles et parfois doulou- reuses expériences ne leur enseigneraient que len- tement. Parce qu'il est un savant d'un esprit logique et pré- cis, et parce qu'il a perdu la vue, M. Javal sait qu'il faut tout apprendre à l’aveugle, surtout peut-être les choses simples de la vie qui sont devenues pour lui difficiles et compliquées. Il indique tout à son compagnon d'in- fortune : comment se guider dans sa nuit et comment en société manger proprement et promptement, par quels artifices ingénieux assurer le secret de sa corres- pondance et de quelle facon classer lui-même ses pa- piers, etc... Il lui facilite la lecture et l'écriture en Braille. Il le fait même profiter des instruments qu'il a inventés ou perfectionnés pour son propre usage, comme la planchette scotographique et le tricycle tandem. Mais beaucoup d'objets et de commodités ne sont pas à la portée de toutes les bourses; c'est pourquoi l'au- teur conseille de ne pas faire connaître à un ee des jouissances qu'on ne pourrait pas lui procurer Aussi bien est-ce moins à l'aveugle qu'aux personnes qui l’entoureñt que le livre est destiné. Il leur indi- quera toujours clairement, et souvent de facon char- mante, les précautions matérielles à prendre pour épargner à l’infirme les accidents et mieux encore leur fera connaître les moyens de diminuer sa peine morale. Ce qui est le plus pénible pour un homme actif qui a perdu la vue, C ‘est l’inaction. A l'inverse d’autres intir- mités qui affaiblissent totalement un individu et ne lui laissent qu'un immense désir de repos, souvent la cé- cité ne diminue pas les forces, et les hommes d'énergie et de volonté conservent dans leur nuit un besoin d'action qui, chez certains, s'exalte même en face des difticultés. Il est donc bon que l’aveugle continue à exercer sa profession, ou du moins poursuive des tra- vaux de même ordre. On ne doit pas, non plus, par une crainte exagérée des accidents, lui déconseiller l'exer- cice. Il sera d'autant plus heureux qu'il agira davan- tage. 270 Mais l’action, pour lui, suppose l'assistance d'autrui, et cette assistance lui est à charge; c’est done une déli- catesse de l'aider sans qu'il le remarque et sans le lui faire remarquer. Aisément l'aveugle devient défiant; il ne faut done jamais le tromper, même avec les meil- leures intentions, car la découverte d'un mensonge, même du plus pieux mensonge, marquerait pour lui le début d'incertitudes pénibles et définitives. Peut-être, cependant, M. Javal exige-t-il du médecin trop de franchise, quand il lui demande de ne paslaisser d'espoir à celui dont la vue va s’éteindre. Quand ce malheureux profiterait du peu de vue qui lui reste pour s’habituer à l'écriture Braille, ce serait une mince con- solation d’un désespoir anticipé. Ne peut-on pas, d’ail- leurs, sans lui ôter toute espérance, lui faire « organiser sa vie en prévision de l'échéance fatale » ? Un chapitre du livre est intitulé : le sixième sens; c'est de la sensation des obstacles éprouvée par cer- tains aveugles (les aveugles-nés en particulier) qu'il s’agit ici. Reprenant la théorie de Lord Kelvin, M. Javal se demande si des radiations obscures ne peuvent pas impressionner le revêtement cutané et plus spéciale- ment la peau du front. L'hypothèse ne paraît pas invraisemblable à qui connait l’origine ectodermique de la rétine; il est toutefois probable, selon nous, que les sensations d'obstacles sont perçues par des organes variables suivant les individus, et, les faits cités parais- sent le prouver, — chez beaucoup il s’agit de la per- sistance d'une faible perception lumineuse, et chez d’autres de sensations auditives. On peut enfin tirer du livre de M. Javal une forte lecon. La vie actuelle de l’auteur est un admirable exemple de courage et d'énergie : elle prouve que, si la cécité peut interrompre d'admirables travaux scien- üfiques, elle ne peut pas rendre inactif un grand savant et inutile un vrai médecin. Dr RENÉ ONFRAY, Moniteur à la Clinique ophtalmologique de la Faculté de Médecine. Rothsehild (D: H. de). — Le Lait à Copenhague. — 4 vol. de 36 pages avec 12 pl. hors texte. (Prix : 2 fr.). O. Doin, éditeur. Paris, 1903. Le docteur Henride Rothschild s'occupe des questions d'hygiène de l'enfance et d'alimentation par le lait avec une compétence toute spéciale, avec une persé- vérance et un dévouement dont on doit lui être recon- naissante C'est au cours de ses études de prédilection qu'il est allé, chargé d’une Mission du Gouvernement, en Dane- mark, à Copenhague, pour s’enquérir par lui-même, sur place, des conditions du commerce du lait, et éta- blir une comparaison entre ce qui se fait de très bien là-bas et, à ce que dit l’auteur, de bien médiocre chez nous, en France, et en particulier à Paris. La petite brochure du docteur de Rothschild, intitulée : Le Lait à Copenhague, est d'une lecture fort attrayante, fort instructive. L'auteur passe en revue les précau- tions minutieuses prises en Danemark dans le but de livrer au public du lait pur et sain; il nous décrit les procédés de filtration, de pasteurisation ou de conser- vation par le froid, et enfin par les modes de transport et de distribution en ville. Cette étude consciencieuse et complète est appuyée de belles et nombreuses pho- tographies. Peut-être y aurait-il lieu d'adresser une modeste cri- tique au savant auteur au sujet de la comparaison qu'il établit entre les prix d'achat et de vente du lait à Copenhague et à Paris. 1l semble que, dans notre grande ville, nous soyons victimes d'une scandaleuse exploitation, car, dit l'au- teur, à Copenhague le lait est acheté en moyenne aux cultivateurs à 0 fr. 145 le litre et revendu aux particu- liers 0 fr. 225, alors qu'à Paris les deux prix sont res- pectivement 0 fr. 13 (achat) et O0 fr. 50 (vente). À Copenhague, le lait représente la boisson usuelle, très répandue; le commerçant en gros s'adresse direc- tement à la clientèle comme le brasseur à Munich, A BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Paris, le lait est vendu en gros à 20 ou 22 centimes le litre, moins cher qu'à Copenhague, mais le public doit, s’approvisionner chez le détaillant; c'est ce dernier, cet intermédiaire indispensable, qui majere le prix jusqu'au point de le doubler parfois en réalité. Mais, laissant de côté cette petite querelle, nous esti- mons, en résumé, que l'étude si documentée du docteur de Rothschild sera lue avec intérèt par nos gros com- mercants en lait, qui trouveront de-ci de-là des notes à prendre, des progrès à réaliser dans leurs laiteries, au grand profit de l'intérêt général du public qui con- somme et qui paye. R. LEzÉ, Professeur à l'Ecole d'Agriculture de Grignon. Raynaud (D' L.), Directeur de la Santé, médecin des Hopitaux d'Alger. — Documents sur le Nord-Ouest Africain. Etude sur l'hygiène et la médecine au Maroc. (Suivi d'une Notice sur la Climatologie des principales villes de l'Empire). — 1 vol. in-8° de 204 pages. (Prix : 5 fr.) J. B. Baïillère, éditeur. Paris, 1903. C’est l'œuvre d’un médecin curieux, non seulement de la Médecine, mais encore de ce que j'appellerai les « marginalia » de cette science. Sous le prétexte médical, l’auteur nous fait pénétrer dans la société indigène du Maroc et nous donne une foule de détails de mœurs intéressants : son livre est de ceux que les ethnographes et les folkloristes feuillette- ront avec prolit. La partie consacrée à la médecine indi- gène est très importante ; elle ajoute beaucoup à ce que Quedenfeldt avait jadis écrit à ce sujet; la matière médicale est, en particulier, d’un grand intérêt. Enfin, le livre se termine par une série de documents entière- ments inédits sur la climatologie du Maroc. Ce sont, avec les observations de MM. de Foucauld et de Segonzac, les seuls matériaux sérieux que nous possé- dions sur la météorologie marocaine; mais ils sont beaucoup plus importants que ceux de ces voyageurs, parce que ce sont des observations poursuivies sur place pendant plusieurs années. Aussi les géographes du Maroc les consulteront-ils nécessairement. M. le D' Raynaud a bien payé sa contribution à l'exploration scientifique du Maroc qui se poursuit actuellement. Evvoxo DourTté, Chargé de cours à l'Ecole Supérieure des Lettres d'Alger. 5° Sciences diverses Philippar (Ed.-V.), Docteur en droit, ancien élève de l'Ecole nationale d'Agriculture de Grignon et de l'Ecole libre des Sciences politiques. — Contribution à l’étude du Crédit agricole en Algérie. — 1 vol. gr. in-8° de 340 pages. L. Larose, éditeur. Paris, 1903. L'Algérie a joué un rôle prépondérant dans notre mouvement colonial contemporain. Voisine de la Mé- tropole, elle est en même temps la plus importante et la mieux connue de nos colonies; puis, elle n’a cessé d'être un champ d'expérience pour.les méthodes et les procédés de colonisation. Par l'institution des Délégations financières, elle est devenue, ces dernières années, l'école du « self gover- nment » colonial, qui effraye encore quelques esprits attachés aux traditions de l’autoritarisme administratif, mais n’en représente pas moins l'avenir nécessaire. Elle devait naturellement prendre la tête du courant de rénovation qui se dessine dans les études coloniales, par la substitution progressive des travaux de méthode scientifique à la liltérature d'improvisation. On a parfois méconnu dans les milieux algériens, où, faute d’une conception bien équilibrée des droits et des devoirs d’un régime d'autonomie libérale, sévit encore le fléau du particularisme de clocher, les services émi- nents et prépondérants rendus à l'Algérie par l'En- seignement supérieur. Ses écoles ne donnent pas seulement à notre France africaine une illustration scientifique dont elle a le droit d'être fière. Leur BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 271 exemple a fortement imprimé, dans la psychologie algé- rienne, le sentiment de lutilité et de la supériorité de l'idée scientifique. N’en a-t-on pas la preuve, en consta- tant l'évolution si frappante qui se produit dans les recherches de tout ordre consacrées, en Algérie même, à l'étude de son histoire, de son sol, de ses habitants, de ses conditions économiques. Pour ne prendre qu'un exemple, n'est-il pas frappant de voir l'œuvre de la penétration saharienne, dominée, synthétisée par Pouyanne, par Choisy et Rolland, par Roche et Bé- ringer, compagnons de Flatters, par Foureau, par G. Flammand, et maintenant par Gautier, qui repré- sente au Sahara l'Ecole Normale et l’Académie des [ns- criptions? Dans l'ordre d'idée des Sciences économiques, le livre de M. Philippar constitue une affirmation remar- quable de ce mouvement scientifique. Il est et restera de ceux qu'on peut assigner comme modèle aux efforts de l'expansion coloniale moderne, L'auteur n'abordait pas seulement son sujet avec l'autorité de fortes études d'Agronomie, de Droit, d'Economie politique et avec la pratique des institutions de crédit d'Algérie. En entrant dans la famille de l'illustre savant dont il avait été l'élève à Grignon, il avait pu se pénétrer des enseignements, des exemples que donna toute la vie d'un des maîtres les plus féconds de la science contemporaine, M. Dehé- rain. Sous le titre modeste de Contribution à l'étude du Crédit agricole en Algérie, M. Philippar a fait en réalité une étude complète des besoins du crédit, des organes qui le distribuent, et de son fonctionnement. Dans la première partie de l'ouvrage, consacrée aux Besoins du Crédit, ilexamine tout d’abord le caractère accidentel de la conquête de l'Algérie et ses conséquences; puis, mon- trant que les conditions locales donnent, dans le déve- loppement de l'Algérie, la prépondérance à l'élément agricole, il étudie les diverses industries agricoles au point de vue de leurs relations avec le crédit, dont la nécessité se trouve si fortement démontrée par la plaie générale de l'usure. Comment délivrer l'Algérie de ce fléau? L'usure n'apparait-elle pas, si on l'analyse en tant que phénomène existant, «non plus comme une spéculation immorale, mais comme une pratique rendue nécessaire par les conditions ambiantes»? (P. 67.) Il est difficile de ne pas partager la conclusion de l’auteur : « Le taux élevé de l'intérêt en Algérie n'est pas sim- plement, comme on veut le faire croire, la résultante de l’avidité des uns ou de la détresse des autres : c’est la conséquence forcée de la situation d'un pays qui pos- sède peu d'argent, quand tout le monde en a besoin de beaucoup ». (P. 69). Dans la seconde partie, l'auteur donne l'historique des institutions de crédit, de tout ordre, qui fonction- nent en Algérie, en insistant sur leur rôle agricole. Ce résumé, substantiel et clair, intéressera vivement les lecteurs désireux de se faire une idée précise et documentée de la situation et du fonctionnement de ces institutions, ainsi que de l'importance de leur intervention dans le mécanisme de la vie de l'Algérie. Le chapitre V : Les Sociétés indigènes de prévoyance, de secours et de prêts mutuels retiendra particuliè- rement l'attention de ceux qui se préoccupent des be- soins de la population indigène. En appréciant gran- dement les heureux résultats assurés déjà par le progrès philanthropique que représentent ces Sociétés de prévoyance dans leur état actuel, on ira peut-ètre plus loin que les conclusions qui en terminent l'étude. Pour combattre le développement de l'usure en Egypte, l'Administration anglaise n'a pas hésité à organiser un régime de prêts de Banque, garantis par elle, et dont elle assure le remboursement au même titre que la perception de l'impôt. Cette pratique a des précédents anciens en Algérie, où, à mainte reprise, les communes indigènes ont contracté des prêts isolés en faveur de tribus éprouvées par les épizooties ou la sécheresse. Le moment n'est-il pas venu, tout en conservant et en développant les Sociétés indigènes de prévoyance, en | assurant aussi « une distribution de plus en plus impar- tiale et justiliée, tant des secours que des crédits » (p. 242), comme le demande si justement M. Philippar, de faire bénéficier les indigènes des avantages que rend possibles, au point de vue du crédit, l'organisa- tion spéciale des communes indigènes et mixtes? Les conditions particulières de l'Algérie ne placent- elles pas, dans bien des cas, les travaux d'intérêt local, afférents à une tribu, ou à une fraction de tribu, sur le même pied, comme rendement utile, que les prêts indi- viduels. En présence d’une tribu dévorée par l'usure, à la suite de mauvaises récoltes, l'Administration commu- nale se trouve entravée jusqu'à un certain point — malgré les précédents — dans l’œuvre de relèvement qu'assurerait un crédit suffisant. Ne peut-elle agir efficacement, en empruntant elle-même, aux profits et charges de la tribu, pour transformer rapidement, par des barrages, des canaux d'irrigation, des abreu- voirs, des puits, les conditions de la production agri- cole? En discutant, dans la troisième partie, « le fonction- nement du crédit », M. Philippar analyse en premier lieu les circonstances économiques générales qui aug- mentent l'intensité et la diversité des besoins de crédit. Il en résulte une division à faire entre les divers besoins de crédit, suivant qu'ils résultent d'événements acci- dentels, ou se rapportent à l'amélioration et à l’exten- sion de la propriété, à la préparation des récoltes, ou à l'attente de la vente. La conclusion générale de cette « contribution à l'étude du crédit », précieuse pour l'étude de la vie sociale et économique de l'Algérie, est de celles qu'on ne saurait trop mettre en lumière. Tandis que « la Tunisie a systématiquement écarté le colon pauvre », et « recherché surtout le colon moyen et le capitaliste » (p. 328), on peut dire qu'il s'est produit l'inverse pour l'Algérie. « On y a amené beaucoup de colons pauvres, qui, au point de vue de la solidité de notre établissement, ont joué un rôle consi- dérable, mais qui n’ont pas accru la richesse du sol autant qu'on pourrait le souhaiter » (p.328). A ce pays, si merveilleusement doté par la nature, si abondam- ment pourvu de main-d'œuvre, à deux degrés, par les indigènes et par les colons, il ne manque que l'élément décisif de la prospérité : l'intervention active et expé- rimentée des capitaux. Comment ne pas s'associer à cette conclusion néces- saire? Pour ne prendre qu’un exemple, comment ne pas songer à ce que deviendrait l'admirable vallée du Chélif, avec la masse énorme d’eau qui s’y perd, ses couches profondes d’humus et sa population laborieuse, si elle était moins ignorée des capitaux métropolitains? En développant cet ordre d'idées, on s’écarterait du cadre assigné par M. Philippar à son excellente étude. . Mais peut-on s'empêcher, quand on connaît l'Algérie, quand on l'aime, de souhaiter à nos grandes institu- tions de crédit le sentiment nécessaire du mouvement moderne de la vie économique et sociale, afin qu'elles se départissent, au moins en sa faveur, des préférences trop administratives qui les tiennent à l'écart des entre- prises les plus fécondes. Quel grand rôle n’auraient-elies pas, quelle puissante prospérité ne réussiraient-elles pas à s'assurer, au lieu de végéter dans les emprunts d'état, si, en Algérie comme ailleurs, elles entreprenaient. résolument la tâche féconde de transformer notre expansion coloniale, trop géographique, en expansion économique? Puisse l'Algérie, elle-même, qui donne à nos colonies l'exemple de la méthode scientifique dans le mouvement intellectuel, leur donner aussi l'exemple de l’activité pratique dans le mouvement économique, en se désintéressant de ses cofs politiques, en se pas- sionnant pour son seul intérêt positif : celui de ses cultures, de ses troupeaux, celui de la prospérité maté- rielle. L'ouvrage de M. Philippar ne peut que l'y encou- rager à tous égards. Il mérite toute sa sympathique attention. A. LE CHATELIER, Professeur au Collège de France. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 15 Février 1904. M. le Président annonce à l'Académie la mort de M. O. Callandreau, membre de la Section d’Astronomie. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Edm. Maillet com- munique ses recherches sur les nombres quasi-ration- nels et les fractions arithmétiques ordinaires ou con- tinues quasi-périodiques. — M. J.Boussinesq démontre d'une facon simple et générale l’unicité de la solution simple fondamentale et de l'expression asymptotique des températures dans le problème du refroidisse- ment. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Debierne à reconnu que l'énergie de l’émanation de lactinium, mesurée par l'effet d'ionisation dans les gaz, décroît régulière- ment à partir du moment ou l'émanation à été produite: la diminution est de moitié en 3,9 secondes. L'énergie activante de l'émanation augmente d'abord, passe par un maximum, puis diminue ensuite suivant la même loi. — M. Aug. Charpentier a réalisé au moyen de fils de cuivre la transmission des rayons N émis dans la phos- phorescence ; on peut également transmettre ces rayons par une ficelle imprégnée d'une solution collodionnée de sulfure de calcium phosphorescent. — M. E. Ariès étudie les conditions de l'état indifférent d'un système chimique. — MM. A. Brochet et J. Petit montrent que la présence d'ions complexes n'est pas nécessaire pour qu'il y ait électrolyse sous l’action du courañt alter- natif, — MM. P. Sabatier et A. Maiïlhe ont constaté qu'en faisant agir l'hydrogène sur les dérivés halogénés de la série grasse en présence de nickel réduit, l'halo- gène n’est jamais remplacé par H: il est éliminé plus ou moins facilement sous forme d'hydracide et il se forme un composé incomplet ou bien la molécule se dédouble. — M. R. Lespieau à préparé l’éther y-chloroacétylacétique par oxydation du composé CHECI.CH(OH). CHECO*CIF avec le bichromate ; l'éther obtenu est un liquide incolore, Eb. 1059 sous 11 milli- mètres ; il se condense avec la thio-urée pour former l’amidothiazylacétate d’'éthyle. — M. R. Delange, en faisant réagir PCF sur le dihydrosafrol, a obtenu le dichlorométhène-dioxypropylbenzène : ( CGH7.CsHs NC. NO Il est décomposé par l'eau, l'alcool, l'acide acétique avec formation de carbonate de propylpyrocatéchine. — M. L.-J. Simon, en dissolvant l'allantoine dans la potasse, a obtenu un sel, l'allantoate de K, d'où les acides précipitent un acide allantoïque. Celui-ci est décomposé par l'eau chaude avec formation d'acide glyoxylique et d'urée. — M. A. Fernbach montre que les petits granules de fécule représentent un noyau relativement riche en phosphore sur lequel viennent se superposer peu à peu, pour former des grains de plus en plus gros, des couches d'amidon exemptes de cet élément. — MM. E. Heckel et F. Schlagdenhauffen montrent que le produit de sécrétion rouge dominant dans l'écorce de Dipteryx odorata présente la plus grande analogie avec les Ainos déjà connus. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Charrin fait voir la multiplicité et la complexité des produits volatils ou stables, solubles ou insolubles dans l'alcool, alcaloï- diques ou diastasiques, d’origine microbienne, cellu- laire ou mixte, qui naissent au cours d’une infection. Séance du 22 Février 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Em. Picard montre que, pour la surface la plus générale de degré m (m > 4), le nombre £ est égal à 1 et que, de plus, toute intégrale de différentielle totale relative à la surface est une combinaison algébrico-logarithmique. — M. C. Guichard présente ses recherches sur les groupes de réseaux et de congruences. — M. P. Montel re- cherche les conditions de convergence uniforme d'une suite infinie de fonctions analytiques de z à l'intérieur d'un domaine connexe D. — M. R. de Montessus de Ballore étudie la représentation des fonctions par des suites de fractions rationnelles. — MM. A. Perot et H.-Michel Lévy ont étudié la fragilité des métaux par la mesure des efforts développés dans le choc d’éprou- vettes entaillées. Les métaux se divisent en deux groupes : ceux où la résistance à la déformation est constante ou augmente jusqu'à la rupture, et ceux où elle passe par un maximum pour décroitre ensuite. 20 Scrences PHYSIQUES. — M. H. Pellat montre que la luminescence du gaz appelée colonne anodique suit exactement la trajectoire des corpuscules négatifs et n’a aucun rapport avec celle des ions posilifs. — M. R. Blondlot à enregistré, au moyen de la photo- graphie, l'action produite sur les rayons N par une petite étincelle électrique. — M. G. Sagnac à constaté que les anomalies de la propagation de la lumière dans les instruments d'optique sont dues uniquement à une série d’oscillations de la phase (retards alternant avec des avances) qui se répètent indéfiniment le long de l'axe. — M. J. Thovert a reconnu que la vitesse de diffusion varie exactement en raison inverse de la vis- cosité du liquide où elle se produit. — M. Marage a constaté que le tympan et la chaîne des osselets à l'état physiologique transmettent toutes les vibrations du son avec leurs qualités propres; à l'état pathologique, ces mêmes parties transmettent les vibrations en conser- vant leur forme, mais en modifiant leur hauteur et leur intensité. — M. C. de Watteville montre qu'on doit attribuer aux variations de température de l'arc les modifications qui se produisent dans son spectre sous certaines conditions. — M. J. de Kowalski : Sur la décharge disruptive à haute tension (voir p. 275). — M. N. V. Karpen présente un nouveau récepteur pour la télégraphie sans fil. — M. P. Jégou à reconnu que tout fil parcouru par un courant électrique émet des rayons N reconnaissables à leur action sur la flamme d'un bec de gaz. — M. A. Guébhard donne, en fonction du temps, les courbes de sur et sous-exposition d'un cliché photographique et celles de l'inversion par sur- développement lent. — MM.R.-L. Mond et M. Wil- dermann décrivent un nouveau type perfectionné de chronographe. — M. E. Solvay propose, à propos du radium, l'adoption d'un nouveau principe physique : celui de la permanence du caractère spécilique propre à chacun des rayons énergétiques jusque dans leur potentialisation même. C'est-à-dire que l'individualité des substances solaires, émissives de ces rayons, per- sisterait dans leur fixation potentielle, et leurs raies. spectrales, en conséquence, devraient se retrouver dans l'énergie émise par les corps radio-actifs. — MM. Eug. Charabot et J. Rocherolles démontrent la loi suivante : Dans la distillation de deux substances RE P contenues dans des vases différents, le rapport p' entre le poids de la substance la moins volatile et le poids de la substance la plus volatile que lon recueille simulta- nément augmente : {° lorsque la température à la- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 2173 quelle on maintient(laseconde substance croît; 2° lorsque la pression qui règne dans l'appareil décroit, — MM. V. Auger el M. Billy, en fondant ensemble du per- manganate de potassium, une base alcalino-terreuse et un mélange fusible de nitrates alcalins, ont obtenu des mangani-manganates Mn°0$ M°.H°0 ou OH.M.0.Mn0.0. M.0.Mn0°.0.M. OI. — M. L. Meunier montre que la mise en liberté d'acide nitreux des solutions de nitrite de soude par CO*, dans les expériences de MM. Marie et Marquis, n'a lieu qu'en présence de KI ou de sels halogénés, mais non avec le sel pur. — MM. A. Haller et Th. Muller ont constaté, par la mesure des indices de réfraction, que les acides méthiniques cyanés sem- blent exister naturellement sous la forme énolique. D'autre part, l'accumulation dans ces composés de radi- caux négatifs exalte non seulement la fonction acide, mais encore la réfraction et la dispersion moléculaires. — MM. P. Sabatier et J.-B. Senderens, en hydrogé- nant l’aniline par le nickel réduit, ont obtenu : la cyclo- hexylamine C°H'#AzI®, Eb. 134; la dicyclohexylamine (GSH#t)2AZH, Eb. 2509; et la cyclohexylaniline C'HSAZH. CSHi*, Eb. 2759. — M. E. Roux a obtenu, par réduc- tion de la mannosoxime, une nouvelle base, la man- namine où amino-1-hexanepentol 2 5-6; elle constitue des cristaux incolores, F. 1399; {x]p —— 2° en solution aqueuse. — MM. L. Maquenne el L. Philippe ont dédoublé l'acide ricinique, par action de HCI fumant en tube scellé, en AzH*, CO? et une base F. 80° qui est une méthyldioxypyridine ou méthyloxypyridone. On en déduit pour la ricinine la formule : Az — M. L. Lindet à étudié l’inversion des solutions de sucre chauffées dans des vases de verre ou de métal. L'inversion est activée ou retardée suivant qu'il se forme des hydrates d’oxydes à propriétés acides ou ba- siques. — M. M.E. Pozzi-Escot rappelle qu'il a montré, antérieurement à MM. Abelous et Aloy, l'existence d’une diastase oxydo-réductrice dans les cellules vivantes. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. Aug. Charpentier et Ed. Meyer ont observé une émission plus grande de rayons N par les nerfs glandulaires excités par voie réflexe et par les nerfs inhibiteurs excilés direc- tement. — M. G. Ballet à constaté une diminution d'émission des rayons N au niveau des muscles para- lysés ou atrophiés dans les cas de myopathie, de névrites ou de poliomyélites. — MM. V. Henri el A. Mayer ont reconnu que les radiations du radium peuvent précipiter les colloïdes positifs. Elles transfor- ment l’oxyhémoglobine en méthémoglobine, qui se pré- cipite lentement; elles détruisent peu à peu l'activité des ferments. — M. C. Phisalix a observé aussi que les rayons du radium exercent sur le venin de vipère une influence atténuante dont l'intensité est fonction du temps et probablement aussi de l'activité du sel de radium. — M. A. Laveran a constaté que le sérum humain, inefficace sur le Tr. gambiense, à, au con- traire, une action évidente, quoique faible, sur le Try- panosome des chevaux de Gambie. L'acide arsénieux à dose suffisante agit sur le 77. gambiense. — M. E. Bouvier montre que la mutation Æ/enshawi de l'Alya bisuleata et la mutation A/luaudi de l'A. Serrata sont bien des Ortmannia:; mais elles représentent des es- pèces en voie d'évolution et qui, suivant le cas, pour- ront persister où disparaitre en tant qu'Ortmanmia; ce sont des formes ataviques d'Afya. — M. G. Chauveaud a reconnu que la tige des Fougères est constituée par la fusion de parties différentes, en nombre variable suivant le niveau considéré. — M. I. Gallaud montre que, contrairement aux hypothèses actuelles, les formes libres auxquelles il faut rattacher les endophytes d'Or- chidées ne sont pas des Fusarium. — M, M. Molliard a trouvé que la forme conidienne de la Morille est un Costantinella. — MM. L. Mangin et P. Viala signalent que, grâce aux pluies abondantes de 1903, la coche- nille a repris en Palestine la vie aérienne qu'elle avait autrefois; ses piqüres renouvelées sur les souches de vigne ont produit une végétation extraordinaire du Bornetina corium. — MM. L. Daniel et Ch. Laurent montrent que le vin des vignes greffées diffère sensi- blement du vin des vignes non greffées; les variations de ses divers éléments dépendent de la nature des sujets; le changement peut être utile ou nuisible sui- vant les cas. — M. M. Boule à cherché à déterminer l'âge des squelettes humains trouvés dans les grottes de Menton. Deux paraissent appartenir au Quaternaire inférieur, un au Quaternaire moyen et un autre au Quaternaire supérieur. — M. Grand Eury à découvert que les Sigillaires et les Lepidodendrons fossiles ont des souches et des rhizomes analogues susceptibles d'emprunter les traits distinctifs des tiges. — M. E.-A. Martel décrit le gouffre-tunnel d'Oupliz-Tsike, en Transcaucasie; c'est la plus grande excavation natu- relle rencontrée dans le grès. — M. J. Thoulet décrit une méthode de reconnaissance et de mesure des cou- rants sous-marins profonds par l'étude des variations de densité, ACADÉMIE DE MEDECINE Séance du 2? Février 1904. M. Lannelongue à complété le traitement scléro- gène des ostéo-arthrites tuberculeuses par une méthode d'injection qu'il appelle intra-extra-articulaire. On fait d'abord une injection inlra-articulaire avec de l'huile iodoformée créosotée; puis, au bout de quelques Jours, une injection extra-articulaire au chlorure de zinc. On obtient ainsi des guérisons beaucoup plus rapides. — M. Cadiot lit un travail sur le cancer chez les ani- aux. Séance du 9 Février 190%, M. Le Dentu montre que le diagnostic purement clinique de l'actinomycose par les seuls signes objec- tifs est absolument impossible dans certains cas. Pour lui, toute observation d actinomycose doit étre appuyée de la constation, dans le pus ou le tissu de la tumeur, des éléments du champignon. — M. Le Damany lit un travail sur la pathogénie de la luxation congénitale de la hanche. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 6 Février 190% MM. J. Renaut et E. Laguesse critiquent les tra- vaux de M. Zachariadès sur les fibres conjonctives. — M. Verdun décrit un nouveau procédé de coloration de l’amibe de la dysenterie et des abcès tropicaux du foie, basé sur l'emploi de deux solutions : l’une à l’éo- sine, l'autre aux bleus de Borrel et d'Unna. 11 donne ensuite quelques caractères spécifiques des amibes préparés par son procédé. — M. G. Bohn montre que les mouvements respiratoires musculaires des Anné- lides marins sont essentiellement en rapport avec leur genre de vie. — MM. P. Ferret et A. Weber décri- vent quelques malformations du système nerveux cen- tral de l'embryon de poulet obtenues expérimenta- lement: 1° anomalies résultant de l'absence de fer- meture partielle ou totale de la gouttière nerveuse; 29 absence de développement de portions de la plaque médullaire. — MM. M. Doyon et A. Morel ont étudié l'action de quelques corps ternaires (glycérine, man- nite, arabinose, dextrose, lévulose, saccharose, inuline) sur le glycogène du foie; seuls, le dextrose et le lévu- lose ont augmenté le glycogène d'une facon sensible. — MM. M. Doyon, N. Kareff et Fenestrier ont observé une hyperglycémie consécutive à l'injection de pilo- carpine dans la veine porte. — MM. M. Doyon et tÔ 1 ra N. Kareff ont constaté que l'atropine injectée dans la veine porte détermine chez le chien une baisse sen- sible de la pression et l'incoagulabilité du sang. — M. H. Cristiani a reconnu que les résultats défavo- rables obtenus dans la greffe thyroïdienne chez les Oiseaux provenaient de la présence, sur une des faces de l'organe, du revêtement épithélial d'un des sacs aériens des Oiseaux. — Le même auteur montre que de petits morceaux du tissu thyroïdien peuvent être greffés avec succès après avoir séjourné dans de l'eau salée physiologique. — MM. E. Wertheimer et Ch. Du- bois ont constaté qu'une injection préalable d'atropine supprime complètement, à dose appropriée, les effets excitants de la physostigmine sur la sécrétion pan- créatique. — MM. G. Billard et L. Dieulafé montrent que les substances capables d'abaisser la tension super- licielle des solutions aqueuses favorisent leur absorp- tion par les végétaux. — M. R. Dubois rappelle ses recherches, antérieures à celles de M. Yung, sur l’olfaction chez l'escargot. — M. F. Battelli a observé que, chez le chien, le pouvoir hémolytique du sérum sanguin et celui de la lymphe du canal thoracique sont entre eux, en moyenne, dans le rapport de 11 à 7. L'alexine hémolytique provient des gros mononu- cléaires. — M. E. Nicolas a constaté un abaissement considérable de la tension superficielle des urines d'herbivores par l'addition de NaCI. — MM. À. Frouin et E. Pozerski décrivent un procédé de section intra- thoracique des pneumogastriques chez le chien par voie abdominale. — M. A. Frouin montre que la pep- sine urinaire est d'origine stomacale; elle est résorbée au niveau de l'estomac et ne peut l'être au niveau de l'intestin. — MM. Le Play et Corpechot décrivent les lésions des reins provoquées par l'action des néphro- lysines. — M. M. Hepp montre que le suc gastrique physiologique exerce une action excito-sécrétoire puis- sante et durable sur la sécrétion de la muqueuse gas- trique malade, action qui tend à la régénérer. — M. M. Letulle a observé un cas de varices lymphatiques de l'intestin grèle. Séance du 13 Février 1904. M. Ch. Richet montre que, si l'on veut éliminer com- plètement, dans les opérations chimiques autolytiques ou diastasiques, les phénomènes dus aux microbes, il ne faut pas se servir de chloroforme ou de benzène; tout au plus pourra-l-on employer un mélange des deux. — Le même auteur a observé que les rayons dégagés par le sulfure de calcium ont une faible action (retardante) sur la fermentation lactique. — M. C. Phi- salix présente un cobaye qui montre des attaques épi- leptiformes survenues à la suite d'une infection micro- bienne. — MM. J.-E. Abelous et J. Aloy ont constaté que la diastase oxydo-réductrice existe chez les végétaux comme chez les animaux; mais, chez les premiers, son action est entravée par la présence des oxydases vraies. — M. H. Cristiani a observé que du tissu thyroïdien de rat ayant sé journé dans du sérum de lapin préala- blement séché, puis dilué avec de l’eau distillée, a donné d'excellentes Ates — Le même auteur à pratiqué avec succès des greffes thyroïdiennes chez les Amphi- biens, quoique l'opération soit beaucoup plus difficile que pour les autres classes de Vertébrés. — MM. V. Henri et A. Mayer : Action du radium sur les colloïdes et sur les ferments solubles (voir p. 273). — MM. V. Henri et G. Stodel ont observé que les troubles dus à la des- truction du labyrinthe chez les Grenouilles dispa- raissent progressivement; mais ils reparaissent brus- quement si l'on procède à l'ablation des hémisphères cérébraux. — M. E.-L. Trouessart à reconnu la coexistence de deux formes d'hypopes (enkystée et migratile) dans une même espèce, chez les Acariens du genre Trichotarsus. — M. E. Wadhlen a cherché à caractériser la substance vaccinante sécrétée par le microbe de la tuberculose; c’est une nucléo-albumine. — MM. H. Bierry et A. Pettit ont constaté que le sérum de lapins ayant reçu, par voie d'injections intra- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES cœlomiques, non plus des cellules entières, mais des nucléoprotéides préalablement isolés, est doué dé pro- priétés cytotoxiques énergiques pour l'organe dont ces albuminoïdes dérivent. — M. J. de Christmas montre que la réaction fébrile de Marmorek n'est pas suffi- sante pour établir le diagnostic de la tuberculose. — M. G. Bohn à observé, “chez les Annélides marins, que les mouvements hélicoïdaux se substituent aux mouvements sinusoidaux toutes les fois qu'il y a un effort à vaincre. — M. A. Branca à reconnu que le tes- ticule perd parfois sa fonction spermatogène chez les Axolotis en captivité. — M. L. Launoy montre qu'au point de vue histologique la pilocarpine (injectée à doses fortes par la voie veineuse) ne peut pas être regardée comme un véritable agent sécréteur pour la cellule pancréatique. L'activité ‘anormale des sues de pilocarpine s'explique par le passage des leucocytes dans la sécrétion (que l’auteur a vérifié histologique- ment) et l'apport d'une kinase par ces éléments. — M. R.-J. Laufer montre que, dans la formation des ædèmes, il faut tenir compte de la quantité de liquide ingéré. Une élévation de la pression sanguine précède la formation et suit la résorption de l'ædème. — MM. Dopter et Gouraud ont observé que la capsule surrénale réagit d’une façon particulière devant l’in- toxication urémique (vascularisation et hypertrophie de certains éléments glandulaires). — MM. H. Bierry et S. Lalou ont constaté que, sous l'influence de l'adrénaline, l'augmentation du sucre du liquide cé- phalo-rachidien une fois établie se maintient au moins pendant six heures, tandis que l'hyperglycémie dis- parait assez rapidement. — M. A. Giard montre que la petite Pintadine de la Méditerranée doit être appelée Meleagrina albina Lamarck ou M. occa Reeve. RÉUNION BIOLOGIQUE DE NANCY Séance du 12 Janvier 1904. M. Aug. Charpentier: Moyens d'observation et carac- tères divers des radiations d’origine phy SIGHGDES (voir p- 239). — M. Ed. Meyer : Emission de rayons N par les végétaux (voir p. 24). — M.L. Garnier montre que le prétendu chlore organique découvert dans le foie par M. J. Perin n'y existe pas plus que dans le pancréas, la rate et les reins, et qu'il représente, en réalité, l'acide HCI déplacé par P?05 résultant de l'oxydation du P des nucléines et lécithines. Par contre, la mu- queuse de l'intestin grêle renferme un acide (HCI) demi- combiné. — MM. P. Ferret et A. Weber ont constaté que la piqüre des enveloppes secondaires de l'œuf constitue un procédé tératogénique excellent, surtout quand la piqure a lieu aux environs du germe. — MM. P. Ancel et P. Bouin ont observé deux sortes de cellules interstitielles chez le cheval, les unes éosino- philes, les autres picrinophiles. — Les mêmes auteurs montrent que la ligature du canal déférent seul, chez les animaux dont le testicule possède encore sa struc- ture embryonnaire, n'arrête le développement ni de la glande séminale, ni de la glande interstitielle. On n'est pas autorisé à dire que l'apparition des caractères sexuels secondaires est sous l'influence de la glande interstitielle sans avoir montré que les cellules sémi- nales et le syncytium sertolien ne sont apparus à aucune période du développement du testicule. — M. R. Maire a constaté chez une Piézizée, la Pustu- laria vesiculosa, et une Phacidiacée, la Rhytisma ace- rinum, l'existence de quatre chromosomes dans les mitoses de l’asque. RÉUNION BIOLOGIQUE DE BORDEAUX 1904. M. R. Dupouy a constaté que l’action des diastases oxydantes de l'organisme n’est pas gènée par la qui= nine et que ses propriétés antithermiques ne sont pas dues à une diminution des oxydations intra-organiques diastasiques. — Le même auteur n’a pas trouvé d'eau Séance -du 2 Février ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 275 oxygénée dans la salive. — M. J. Sellier à presque constamment trouvé, dans le sang de divers Poissons et Crustacés, une diastase saccharifiante. — M. Ch. Pérez présente quelques observations sur les larves d'Hydrachnes. — M. J. Bergonié décrit une méthode pour la mesure de la résistance thermique ou coefficient d'utilité des vêtements confectionnés (voir p. 207). — M. Tribondeau a étudié les enclaves contenues dans les cellules des tubes contournés du rein chez la Tortue; elles sont plus nombreuses en hiver qu'en été; elles changent de composition. — M. M. Cavalié à observé qu'il existe, chez l'embryon de poulet, dans l'intérieur des muscles, du quatorzième au dix-septième jour, des traïnées cellulaires rappelant la disposition des nerfs moteurs préterminaux et des terminaisons nerveuses motrices. — M. A. Pitres signale l'existence, dans trois cas de névralgie rebelle du trijumeau, d’une réaction méningée se traduisant par de la lymphocy- tose du liquide céphalo-rachidien. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 19 Février 1904. M. le Secrétaire général présente, au nom de M. E. Ducretet, une expérience montrant la production spon- tanée de courants alternatifs de fréquence élevée au moyen du téléphone. L'appareil employé est le télé- phone haut parleur de MM. R. Gaillard et E. Ducretet. On met en circuit le microphone, le récepteur et une pile d’une dizaine de volts, de manière à obtenir un courant d'environ un demi-ampère. Si l'on place le récepteur à environ 30 centimètres en avant du micro- phone et si l’on imprime à ce microphone une légère secousse, on entend un son de sirène très puissant qui se maintient indéfiniment et dont on peut régler la hauteur en modifiant la distance des deux appareils. Le courant qui passe dans le circuit est un courant inter- rompu de l’ordre de grandeur de l’ampère. Au moyen d'un transformateur ordinaire de téléphone, on obtient un courant alternatif de même puissance dont la fré- quence est exactement réglée par la hauteur du tuyau sonore. — M. J. de Kowalski présente ses recherches sur la décharge disruptive à très haute tension. I] a pu, grâce à l’amabilité de la Compagnie de l'Industrie électrique à Genève, effectuer une série d'expériences avec du courant continu sous la tension de65.000 volts. Après avoir décrit brièvement les machines système Thury et étudié le caractère des décharges haute tension dans l'air, il indique le moyen de produire de très fortes oscillations au moyen d’une batterie de conden- sateurs et appuie sur l’importance de ce genre de pro- duction des ondes pour la télégraphie sans fil. Il étudie quelques-uns des effets du condensateur sur la marche de la machine (régularisation des tensions) et passe aux résultats qu'il a obtenus en mesurant les distances explosives dans l'air à haut potentiel. L'are électrique formé par un courant continu à haute tension entre électrodes métalliques à été étudié pour la première fois avec le même courant. Les caractères généraux du phénomène se rapprochent de ceux qui ont été recon- nus par MM. Guye et Monasch pour l'arc à courant alternatif. On distingue aussi une zone stable et instable dans lesquelles l'arc semble dépendre de très près de certaines conditions de l'expérience. Ainsi, par exemple, la longueur limite de l'arc, dans la zone stable, dépend de l'intensité du courant et de la différence de poten- tiel aux bornes de la machine. Dans la zone instable, lare à un aspect dissymétrique par rapport au plan per- pendiculaire à la ligne des pôles. A peu près fixe à la cathode, il va aboutir successivement et très rapidement à des points très différents de l’anode. — M. A. Turpain a étudié /es propriétés des cohéreurs associés. Les recherches ont été faites avec des cohéreurs à limaille métallique, différant entre eux par la longueur des intervalles séparant les électrodes (8, 9, 10, 12, 14 et 16 dixièmes de millimètre). M. Turpain a d’abord con- Staté que la sensibilité de ces cohéreurs, pris isolément, est d'autant plus faible que l'intervalle entre électrodes est plus grand. Il a, de plus, reconnu que cette sensibi- lité est beaucoup plus grande quand le cohéreur est en circuit fermé que quand il est en circuit ouvert au moment où il recoit des ondes. Il a ensuite étudié la sensibilité des cohéreurs précédents disposés en paral- lèle, trois à trois ou tous les six. Il a observé encore une sensibilité bien plus grande en circuit fermé qu'en circuit ouvert. Les six cohéreurs étant disposés en série, la sensibilité de l'ensemble n'est guère différente, que le circuit soit fermé ou ouvert. Cette sensibilité dépend du pointde lachaine descohéreurs où l'antenne est atta- chée. Si l'antenne est formée de quatre fils, respective- ment reliés à quatre points différents de la chaine, la sensibilité est notableinentaccrue. En disposant en série deux ou trois des cohéreurs, et mettant en parallèle les trois ou deux chaînes ainsi formées, M. Turpaina reconnu que la sensibilité de l'ensemble dépend du mode d'asso- ciation etaussi du nombre des points d'attache desfilsde l'antenne. Cette sensibilité est maximum quand les cohéreurs sont disposés suivant trois chaînes de deux cohéreurs en série et l'antenne formée de trois fils reliés aux milieux des trois chaines. — M. A. d'Arson- val décrit un procédé pour souffler automatiquement l'arc de haute fréquence par le courant lui-même et le fait fonctionner. Ce procédé consiste à ajouter aux bornes de l’éclateur un condensateur de capacité et de self convenables, indépendant du condensateur d’utili- sation. — MM. A. d'Arsonvalet Gaiffe décrivent etfont fonctionner devant la Société un dispositif spécial qui a pour but d'empêcher le retour en arrière de l’écla- teur des ondes de haute fréquence. Ce dispositif con- siste essentiellement dans l'intercalation, entre le trans- formateur et l’éclateur, d'une boîte comprenant des résistances self-inductives et d’un condensateur bran- ché en dérivation aux bornes à haut potentiel du transformateur. On évite ainsi tout retour en arrière des ondes de haute fréquence et l'on protège eflicace- ment toutes les parties du circuit à basse fréquence, y compris l'alternateur, qui, sans cette précaution, est souvent mis hors de service comme les auteurs en ont vu de fréquents exemples. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 12 Février 190% M. P. Freundler résume les résultats qu'il a obtenus en réduisant divers dérivés nitrés en solution alcaline. Il montre que l'influence de la position des groupe- ments substitués dans le noyau influe dans une large mesure sur la formation des azoïques, et développe à ce propos les idées de M. Bamberger touchant le passage direct des hydroxylamines aux azoïques par déshydra- - tation. — M. R. Delange montre que le dichloromé- thènedioxypropylbenzène bout à 1429-1459 (10 mm.), réagit sur l'eau, l'alcool absolu, l'anhydride et l'acide acétique, l'acide benzoïque avec formation de carbonate de propylpyrocatéchine ; le même carbonate phéno- lique, obtenu par action directe de l’oxychlorure de carbone sur la pyrocatéchine, en solution alcaline, bout à 139-1419 (13 mm.), et réagit sur les amines pri- maires et secondaires avec formation d'uréthanes phé- noliques de la forme générale : AR 0.C0,A7z€ CH. CH SOH R' Le dichlorométhènedioxypropylbenzène donne avec le phénol un véritable éther orthocarbonique phéno- (OR OCSHS CEHTACHSS D CL : No’ NOCSHS lique, qui bout à 256-2580 (17 mm.).— M. Gab. Bertrand a étudié l’action de la laccase sur le gayacol. [se produit 216 un corps insoluble cristallisé, de couleur rouge pourpre, qui est une tétragayacohydroquinone : O0 CH | SOCHS | OCH* CH 4 àT0) | 7x0) (OL EE OCIF OCH* (059 » & 0 Ce produit caractéristique donne, par réduction par la poudre de zinc en solution acétique, de la tétragaya- cohydroquinone, dont M. Gab. Bertrand a préparé l'éther diméthylique et l'éther diacétique. La réaction de la tétragayacoquinone a son maximum de sensibilité dans les solutions de gayacol les plus concentrées ; elle permet de décéler 1/250.000 de laccase de l'arbre à laque, soit un peu moins que l'émulsion de résine de gayac; d'autre part, elle est moins sujette aux causes d'erreur. — M. C. Matignon a montré que l'acide vana- dique, en solution extrêmement étendue, peut être ca- ractérisé par l'acide pyrogallique combiné avec l'éther contenant des traces d'éthénol CH*:CHOH. — MM. Bau- bigny et Chavanne décrivent une nouvelle méthode de dosage des éléments halogènes organiques (cas du chlore et du brome) basée sur l'oxydation du composé par le mélange sulfochromique. La méthode est précise, rapide, et permet le dosage séparé de l'iode d'une part, du chlore et du brome d'autre part, dans les composés organiques. — M. Hanriot expose les raisons-qui l'ont conduit à envisager comme des corps complexes les composés décrits sous le nom d’ « argent colloïdal ». 11 montre qu'ils n'ont ni la composition ni les propriétés de l'argent. Contrairement à l'opinion de M. Chasse- vant, il croit qu'il n'existe aucune réaction commune à la molécule physique des colloïdes, et que les réactions des argents colloïdaux doivent leur faire attribuer une fonction acide. — M. P. Brenans, en décomposant, au moyen de l'iodure de potassium, le sulfate diazoïque de l'orthonitraniline diiodée AzH?.CH°*Æ.A20* 1:4:6:2, a ob- tenu le nitrobenzène triiodé AzO?.CSH°I 1:3:5:6, isomère nouveau en gros prismes jaunes, F. 124, La nouvelle base provenant de la réduction de ce nitrotriiodoben- zène, l'aniline triiodée AzM°.CSH2 1:3:5:6, cristallise en aig. incol. FE. 116°. Son dérivé acétylé CH*.CO.AzH.C'T 4:3:5:6 est en aiguilles se volatilisant à partir de 2009 et fondant à 227. Cette aniline triiodée a pu être diazotée et la liqueur aqueuse contenant le diazo à été portée à l'ébullition. M. Brenans à obtenu ainsi un nouveau phénol triiodé, Visomère OH.CHE 1:3:5:6, aiguilles prismatiques, incolores F. 1140. Son éther ethylique | C*H5O-CSH°E crist. en aiguilles F. 120°. Son éther ace- tique C*H°0?.C'IFL est eu aiguilles F. 123°. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 12 Février 1904. La Société procède au renouvellement de son Bureau pour l'année 1904. Sont élus : Président : M. R. T. Glazebrook ; Vice-Présidents : MM. T. H. Blakesley, C. Chree, J. D. Everett el J. Swinburne; Secrétaires : MM. W. Watson et W. R. Cooper; Secrétaire étranger : M.$. P. Thompson; Trésorier : M. H. L. Callendar ; Bibliothécaire : M. W. Watson. M. R. T. Glazebrook prononce un discours sur les progrès de l'Optique géométrique et, en particulier, sur la théorie du microscope. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIETE DE CHIMIE DE LONDRES Séance du k Février 1904. M. H. A. D. Jowett a analysé de l’épinéphrine pure (adrénaline de Takamine, suprarénine de von Furth)et a confirmé la formule C*H#0*Az de Aldrich. Par oxy= dation avec KMn0!, elle donne de la méthylamine, de l'acide formique et de l'acide oxalique. Par fusion avec KOH, on obtient une petite quantité d’une substance présentant les réactions de l'acide protocatéchique. Enfin, par méthylation avec CHI et Na, il se forme de la triméthylamine et de l'acide vératrique. Ces résultats | peuvent s'expliquer par les deux formules : OH OH Non ou | J et | N SS CH. AZH.CH® CH.OH 4 dron Une. aa. en dont la seconde paraît la plus probable. — MM. A. G. et F. M. Perkin, en exydant le pyrogallol en solution neutre ou légèrement acide, en présence de Na*SO" et avec une anode tournante de platine iridié et une ca= thode de plomb, ont obtenu de la purpurogalline. Avec | l'acide gallique, il se forme de l'acide purpurogalline- carboxylique. — M. M. O. Forster et Mie F. M. G. Micklethwaïit, en faisant passer un courant de peroxyde d'azote dans une solution chloroformique de 1-nitro- camphène, ont obtenu un nitrosate C'°H*05A7*, K. 2179. Celui-ci peut être transformé par l’action limitée de KOH ou AzH* en un corps C'°H#O'Az?, KE. 1230; l’action plus prolongée des alcalis fournit une huile verte, qui | est oxydée par le ferricyanure de K en un composé C#H%05%AZz?, FE. 85°-S6°; 1l donne des dérivés mono et tribromés, F. 157° et K. 78°. — M. R. E. Doran à CONS-M taté que la tendance du thiocyanate d’acétyle à réagir soit comme tel, soit comme thiocarbimide, dépend presque entièrement de la température, quoique la mo- dification tautomérique soit influencée par la nature de la base avec laquelle ce corps est mis en réaction. —= MM. R. S. Morrell et E. K. Hanson ont résolu l'acide 23-dihydroxybutyrique en ses composants actifs par le moyen de la quinidine. Le sel gauche est très peu | soluble dans l'eau; on en retire l'acide gauche, [2}° 13,5. Faber et ‘lollens ont obtenu un acide a8-dihydro- xybutyrique, [x —+#139,7, qui est probablement l'isomère droit. — M. A. W. Crossley, en faisant réagir le brome sur le 3:5-dichloro-1 : 1-diméthyl-4 :#-dihy- drobenzène, a obtenu un dérivé tribromé, F. 4189, qui perd HBr par chauffage en se transformant en 3 :5- | dichloro-4-bromo-0-xylène, F. 1000. Le corps primitil donne aussi un dérivé monobromé qui perd HBren fournissant le 3:5-dichloro-0-xylène. L'auteur a pré- paré d'autres dérivés bromés et nitrés de ces xylènes substitués. — MM. F. E. Francis el O. C. M. Davis | ont fait réagir le sulfure d'azote sur divers aldéhydes | aromatiques. Le benzaldéhyde donne de la cyaphénine et un peu de lophine. L'aldéhyde p-toluique fournit la tritolyleyanidine correspondante. — M. F. D. Chat- taway, à propos d'un Mémoire récent de Stieglitz et Sarle, rappelle ses travaux antérieurs sur les diacyl= chloro-imides. SOCIÉTÉ ANGLAISE DES INDUSTRIES CHIMIQUES SECTION DE LONDRES Séance du 4 Janvier 190+. MM. M. Chikashige et H. Matsumoto signalent les désavantages du gaz à l'eau non carburé employé comme combustible dans les laboratoires : insuffisance de volume de la flamme; destruction rapide des bains à ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Li O 1 1 d'air et des bains-marie en cuivre par la flamme; des- truction des récipients de nickel et de platine; forma- tion d'un dépôt adhérent sur les creusets de porcelaine et les ustensiles de cuivre; caractère toxique du gaz à l'eau. — M. B. F. Howard propose une méthode de dé- termination rapide du mercure dans ses sels, basée sur la précipitation du métal par l'acide hypophosphoreux. On laisse la solution se reposer jusqu'à ce que le mer- cure se soit rassemblé en un globule que l'on lave, sèche et pèse. Les résultats sont assez exacts. — M. A. Marshall décrit une méthode pour déterminer l'humidité dans les explosifs à la nitroglycérine, Elle consiste à chauffer par un courant de vapeur un poids connu d'explosif dans un creuset d'aluminium surmonté d’un cône en verre et à mesurer la perte de poids. SECTION DE MANCHESTER Séance du 8 Janvier 190%. MM. R. S. Hutton el J. E. Petavel décrivent les méthodes et les appareils qu'ils emploient pour la pré- paration et la compression des gaz purs : hydrogène, azote, oxyde de carbone, éthylène, etc. SECTION DE NEWCASTLE Séance du 18 Janvier 1904. M. W. Ramsay fait une conférence sur le radium et les gaz inactifs de l'atmosphère. SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE Séance du 22 Janvier 1904. M. O. Lummer rend compte de ses expériences sur Ja vision à la lumière et dans l'obscurité; il se base dans ses considérations sur la théorie de M. von Kries, d'après laquelle ce sont les cônes de la rétine qui con- stituent notre appareil sensible aux couleurs, alors que les bälonnets sont l'appareil absolument achromatop- sique de la vision à l'obscurité. La vision pour les inten- sités lumineuses considérables serait due aux cônes, tandis que les bâtonnets, n’entrant en fonction que pour les faibles intensités lumineuses, seraient capa- bles d'exalter fortement leur sensibilité dans l’obscu- rilé; avant que les cônes n'aient transmis au cerveau la sensation de lumière colorée, les bàätonnets y pro- duiraient, en effet, l'impression de luminosité incolore. L'anatomie de la rétine fait voir, d'autre part, que la fosse centrale de la rétine ainsi qu'une portion de la macula lutea ne renferment que des cônes et point de bâtonnets, alors que ces derniers, tout en se trouvant répartis sur tout le reste de la rétine, sont présents dans les régions périphériques en nombre plus grand que les cônes. Le système des cônes et des bätonnets, se trouvant en relation avec un système tout aussi régulier de cellules ganglionnaires dans l'écorce de la partie postérieure du cerveau, est comparable au cla- vier d'un piano. L'auteur illustre le concours des deux appareils visuels précités par une série d'expériences fort instructives. Lorsqu'on observe le spectre donné par une lampe à incandescence graduellement échauffée, on à d'abord uné sensation de luminosité incolore, qui ensuite cède la place aux impressions de couleurs en même temps que le maximum d'intensité lumineuse se déplace de la région vert bleuâtre vers la portion vert jaunàtre du spectre. L'auteur fait voir également que, dans le cas d'un éclairage faible, le spectre semble être privé de couleurs lorsqu'on l’examine au moyen des portions périphériques de la rétine. Cette expé- rience, aussi bien que les modifications les plus variées de cette dernière, suggère à l'auteur une nouvelle hypothèse relative à la nature de l’achromatopsie, Les personnes affectées d’achromalopsie totale sont évi- demment absolument dépourvues de cônes, alors que l'achromatopsie partielle, bien plus fréquente, et qui, loin d'être une véritable cécité aux couleurs, ne con- siste qu'à les faire confondre, serait due au fait que la rétine contient des bâätonnets même aux endroits où les personnes à vision normale ne possèdent que des cônes, à savoir dans la fosse centrale où se fait la vision directe. Les personnes affectées d'achromatopsie partielle reçoivent de la région bleu verdätre du spectre une impression incolore et caractérisée par une lueur grisätre; cette zone neutre des achromatopsiques coïncide précisément avec l'endroit de sensibilité maxima des bâtonnets. Toute personne à vision nor- male observe ce même phénomène en examinant un spectre fortement lumineux, non pas directement, mais au moyen des régions périphériques de l'œil; le milieu du spectre est occupé alors par une bande incolore d'une luminosité blanchâtre, coincidant avec les ré- gions vert bleuâtre, en mème temps que le bout rouge du spectre se raccourcit comme cela s'observe chez les achromatopsiques. On sait qu'un mélange de rouge et de bleu apparait parfaitement blanc à ces derniers, alors que la couleur mixte normale est le rose. Or, lorsqu'on intercepte, dans le rayonnement sortant d’un prisme et concentré par une lentille, les portions vert- jJaunâtre et vert-bleuâtre, le champ mixte apparaît dans la vision directe en un rose splendide, tandis que l'observation périphérique fait voir une lueur blan- châtre et comme fluorescente. — MM. H. Du Bois et H. Rubens ont étudié, il y à onze ans, la polarisation des rayons infra-rouges non diffractés, traversant d'étroits réseaux de fils, en vue de réaliser des condi- tions plus simples que dans l'étude des rayons visibles à courte longueur d'onde. En effet, dans la région infra-rouge du spectre, les phénomènes dépendent bien moins des vibrations moléculaires propres de la substance, qui affectent à un si haut point les phéno- mènes observés dans le spectre visible qu'une confir- mation de la théorie électromagnétique se heurterait aux difficultés les plus grandes. Or, dans le présent travail, les expérimentateurs étendent leurs recherches à des longueurs d'onde bien plus grandes, en se ser- vant des rayons dits résiduels (Æeststrahlen) du spath fluor (longueur d'onde moyenne 22,5 p) et du sel gemme (longueur d’onde moyenne 51,2 4), le manchon d'un bec Auer servant de source lumineuse. Après avoir été polarisés, en se réfléchissant sur des plaques de verre ou de quartz sous l'angle de polarisation, les rayons ont été réfléchissur quatre surfaces de fluorure de calcium ou sur cinq surfaces de sel gemme, après quoi un miroir concave les à concentrés sur une pile thermique. Les résultats de cette expérience font voir que le pouvoir de transmission de ces rayons s'accroit pour des longueurs d'onde croissantes; laccrois ment des rayons non polarisés est tout particulière- ment remarquable, étant en accord satisfaisant avec les valeurs théoriques. Séance du 5 Février 1904. M. J. Precht a étudié le dégagement de chaleur du radium. La quantité de chaleur dégagée par le chlo- rure de radium a été évaluée à environ 100 calories par heure et par gramme de radium pur par MM. Curie et Laborde; d'autre part, l’auteur, de concert avec M. Runge, a estimé cette même quantité à 105 calories par heure. Or, M. Precht vient de reprendre ses recherches en se servant d’un calorimètre à glace où l'on avait introduit 34,1 milligrammes de bromure de radium renfermé dans un tube de verre scellé. Après que toute différence de chaleur étrangère à l’action du radium eut été éliminée par un repos prolongé de l'appareil, M. Precht a procédé à des mesures, d'après lesquelles le dégagement de chaleur d’un gramme de bromure de radium équivaudrait à 61,15 calories par heure. Or, d'après la formule Ra Br° et le poids ato- mique du radium déterminé par voie spectroscopique 258), À gramme de radium dégagerait 98,83 calories par heure. Il en résulterait que 6 kil. # de radium four- nissent d’une facon permanente la quantité de chaleur correspondant à la force d’un cheval. L'accord remar- quable de toutes les observations Jusqu'ici faites rend 19 —! co ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES probable la supposition que le dégagement de chaleur des sels de radium abandonnés à eux-mèmes constitue une constante physique. — M. J. Stark à fait des expériences sur l'ionisation sous l'action des chocs d'ions positifs, en se servant de la méthode que voici : Un réseau de fils de laiton ou une plaque d'aluminium perforée d'un grand nombre de trous d'un diamètre de Oum % fait fonction de cathode de l’effluve; cette cathode étant mise à la terre, une portion des rayons positifs, provenant de l'effluve, passait à travers ses trous dans l’espace postérieur, en ionisant le gaz y contenu; au moyen de deux électrodes, d’une force électromotrice de 4 volts et d'un galvanomètre sensible, on mesure cette ionisation en unités arbitraires par l'intensité du courant. Voici les conclusions que l'au- teur déduit de ses mesures: L'énergie cinétique des ions positifs doit être supérieure à une valeur minima donnée pour ioniser par leur choc le gaz voisin de la surface d’un métal. Cette valeur minima, désignée sous le nom de tension d'ionisation, équivaut à la chute ca- thodique normale de l’effluve dans le gaz en question et par rapport au métal en expérience comme cathode. La tension d'ionisation des ions positifs au sein d'un gaz n'est pas inférieure à la chute cathodique normale, soit 340 volts dans le cas de l'air. L'auteur étudie ensuite le cas d’une pointe aiguë se trouvant en regard d'une plaque à une distance considérable, l’une et l’autre situées à l'intérieur d’un vase contenant de l'air d'une raréfaction quelconque. Dans le cas où la pointe est cathode et la plaque anode, on observe sur la partie antérieure seule de la pointe, pour une pres- sion considérable du gaz, un point faiblement lumineux, alors que le reste du parcours entre la pointe et la plaque reste obscur. À mesure que décroit la pression du gaz, la base de la lueur s’élargit et se prolonge. Pour une pression d'environ 20 millimètres, on con- state la présence de 3 couches dans la lueur cathodique : l'une, mince et rougeâtre, est immédiatement voisine de la surface cathodique; elle est prolongée par une couche d’un bleu pur et d’une faible intensité et une couche épaisse d'un bleu rougeàtre. D'autre part, la colonne lumineuse positive et, derrière celle-ci, la couche anodique croissent du côté de la cathode à mesure qu'augmente l'intensité du courant. Or, l’auteur observe que l'ordre des couches différemment colorées est, dans le cas où la pointe fait fonction d’anode, inverse de celui d'une pointe cathodique. La chute de tension sur l'anode du courant de pointe positif décroit pour des pressions décroissantes du gaz. Après avoir atteint la valeur de 440 volts dans l'air, elle s’y arrête, indépendamment de la pression dugaz et de l'intensité du courant; c'est cette valeur minima que l’auteur désigne sous le nom de « chute anodique normale de pointe positive »; cette grandeur est indépendante du métal de l’anode. ALFRED GRADENWIZ ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du T Janvier 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Rheden a déter- miné l'orbite détinitive de la comète 1890 IT. La trajec- toire est parabolique, avec écartement possible plutôt dans le sens de l'hyperbole que de l’ellipse. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. L. Pfaundler présente deux photographies colorées, prises d'après la méthode de Lippmann et représentant : l'une, deux spectres superposés, mais de sens inverse; l’autre, deux spec- tres se croisant à angle droit. Toutes deux montrent un système de bandes sombres, analogues aux bandes d'interférence de Talbot sur fond coloré; l'auteur donne l'explication théorique de ce phénomène. — M. J. Hann a étudié les anomalies atmosphériques sur les îles pendant la période 1851-1900 et leurs rapports avec les anomalies atmosphériques simultanées sur le N. O. de l’Europe. Il y a un rapport très net entre les variations de pression aux Açores et à Stykkisholm et les variations de température dans le N. O. et le centre de l'Europe. — M. V. Drapezynski : Sur la répartition des éléments météorologiques au voisinage des minima et maxima barométriques à Kew. — M. F1. Ratz étudie la nitromalonamide (provenant de l'action de l'acide nitreux sur l'amide malonique) et ses produits de dédoublement. — MM. R. Scheuble et E. Loebl, en réduisant par Na en solution d'alcool amylique bouillant les amides des acides subérique, palmitique; stéarique et laurique, ont obtenu l'octométhylèneglycol, les alcools hexadécylique, octodécylique et dodécy- lique. — MM. C. Pomeranz et F. Sperling : Sur la lactucone. — MM. P. Cohn et A. Blau, en faisant réagir la diméthylamine sur le 2-chloro-5-nitrobenzal= déhyde, ont obtenu un dérivé nitré de l’o-diméthylaz midobenzaldéhyde; l’aldéhyde mème se prépare par l'action du sulfate de diméthyle sur l'o-amidobenzal- déhyde. Séance du 1% Janvier 1904. SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. Billitzer propose une nouveile théorie, d'après laquelle la valence des élé= ments diminuerait avec l'élévation de température. Il en serait, par exemple, ainsi pour le carbone, et l'acé= tylène, l'éthylène, l'oxyde de carbone seraient des combinaisons saturées à une certaine température. — M. F. Pastrovitch graisses animales brutes. Séance du 271 Janvier 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Burggraf à déterminé la trajectoire définitive de la comète 1874 II. Elle est parabolique, avec écartement possible dans le sens de l’ellipse. 20 SCIENCES NATURELLES. — M. V. Grunberg : L'équa- tion des couleurs à l’aide des trois sensations fonda- mentales du système de couleurs Young-Helmholtz. — M. K. Toldt : L'apophyse angulaire du maxillaire infé- rieur chez l'homme et les Mammifères et ses rapports avec les muscles de la mastication. — M. A. Nalepa : Contribution à la systématique des Eriophyides. ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Séances de Décembre 1903 et de Janvier 1904. 1° Sciences MATHÉMATIQUES. — M. L. Bianchi s'occupe des recherches de M. Servant sur les relations qui existent entre les surfaces isothermes (à lignes de cour- bure isothermes) et les surfaces déformables avec con- servation des rayons principaux de courbure ; il com= plète ses recherches démontrant qu'il est possible de passer, à l'aide seulement de quadratures, d’une surface isotherme connue à un couple de surfaces appli- cables de Bonnet, et inversement. Dans une autre Note, M. Bianchi, se reportant à deux passages des œuvres posthumes de Gauss, démontre la proposition, générale suivante : Lorsqu'on a fixé une représentation quelconque équivalente de la sphère sur soi-même, il existe des couples infinis de surfaces applicables (dépendant de deux fonctions arbitraires) qui ont pour Sur l'auto-dédoublement des, | 1 4 « images sphériques ces deux figures sphériques données. La recherche de ces deux couples dépend de l'intégra= tion d'une équation linéaire aux dérivées partielles du second ordre. — M. G. Mittag-Leffler étudie la fonc = tion E,(x) dans le cas où « est complexe. — M. N. Niel- sen : Sur la multiplication de deux séries de factorielles: _M.M.S.Contarini : Sur le mouvement d'un système holonome de corps rigides. —M.G. Boccardi, qui a été chargé de la formation du Catalogue des photographies du ciel exécutées à l'Observatoire de Catane, s'occupe du degré de précision qu'il est possible d'obtenir dans les positions photographiques des étoiles. — M. P. Piz zetti considère quelques cas particuliers du problème des trois corps. — M. N. Tonni-Bazza publie deux documents relatifs à Nicolo Tartaglia. Le premier de ces documents est une pétition au Doge et à la Seigneurie de Venise pour obtenir le privilège d'imprimer l'ou= vrage : Quesiti et inventioni diverse, dans lequel il donne, le premier, la solution des équations du troi- D ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 279 sième degré, solution que Cardan lui avait volée. L'autre document consiste dans l'inventaire des livres et des pauvres hardes que le grand mathématicien possédait en 1557 au moment de sa mort. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Guglielmo, après avoir rappelé les inconvénients que présente l'hygromè- tre chimique dans la détermination du degré d'humi- dité de l'air, décrit deux appareils imaginés par lui qui permettent d'éliminer ces inconvénients et sont d'une application facile et rapide. M. Guglielmo décrit encore quelques moditications qu'il propose pour le volumé- nomètre et ajoute la description d’un voluménomètre à poids. — M. G. Martinelli a étudié les phénomènes d'électrisation présentés par les corps diélectriques amorphes soumis à une compression instantanée, ou à une pression croissant graduellement. Les corps étu- diés par M. Martinellisont:le caoutchouc, le verre, le sou- fre, la paraffine, la gomme-laque. Avec les deux compres- sions, on ne trouve pas de grandes différences ; les deux faces des corps comprimés manifestent un état élec- trique opposé. Avec la gomme-laque, la dépression donne lieu à une inversion de l'électrisation; pour la paraftine, on voit s'accroître la charge avec l'extension de la face comprimée; et l'intensité du phénomène s'accroit de même lorsque augmente la force de com- pression. — M. E. Oddone rappelle qu'un ébranlement périodique de l'air, produit d'une manière quelconque, donne lieu à une série de vibrations plus rapides, har- moniques par égard aux vibrations primitives; c’est la loi que l’on véritie à l’aide des résonateurs de Helm- holtz. M. Oddone à trouvé que le phénomène des har- moniques se produit non seulement dans les fluides, dans les cordes et dans les plaques vibrantes, mais aussi dans l'ébranlement d’un solide, comme on peut l'observer en étudiant la transmission des ondes du sol dans les tremblements de terre, à l’aide des seismo- grammes. — M. A. Pochettino a fait des recherches sur la variation du champ magnétique horizontal ter- restre avec la hauteur au-dessus du niveau de la mer, dans deux stations placées sur le groupe du Rocciame- lone dans les Alpes graies. Ces recherches ont démon- tré que la composante horizontale diminue avec la hauteur; des mesures de M. Pochettino résulte que le gradient de cette diminution a une valeur très voisine de 0,000%. — M. C. Chistoni transmet les tables de mesures phyrhéliométriques qu'il a exécutées à Sessola et à Monte-Cimone, pendant l'été de 1900. — MM. E. Paterno et M. Cingolani donnent la description d’un nouveau procédé de stérilisation de l'eau avec le tachiol (fluorure d'argent). — MM. G. Ciamician et P. Silber décrivent les résultats obtenus en poursui- vant leurs recherches sur les altérations produites par la lumière dans les composés non saturés. — MM. G. Plancher et S. Albini s'occupent de la synthèse des corps furaniques par la chloroacétoaldéhyde. — M. L. Vanzetti annonce que, au cours denombreuses recher- ches qu'il a entreprises avec M. Kærner sur les produits de séparation de l'olivile extrait de lagomme d'olivier, on s'est trouvé en présence d'un acide qui se forme avec l'acide vératrique et oxalique lorsqu'on oxyde dans une solution alcaline le diméthylolivile ; M. Van- zelti donne des détails sur la préparation de cet acide vératroylformique et sur ses propriétés. — M. I. Bel- lucci étudie l'acide platinique (hexa-oxy-platinique). 3° SCIENCES NATURELLES. — M. F. Zambonini présente une étude de quelques cristaux d'épidote provenant des roches du col Bettolina, qui se trouve sur la chaine de Séparation entre la vallée d'Aryas et celle de Gressoney. M. Zambonini décrit, en outre, quelques remarquables cristaux de « célestite» de Boratella en Romague. — M. D. Lovisato transmet à l'Académie une description de la greenockite qu'il a trouvée en Sardaigne, dans les mines de Montevecchio; c’est un sulfure de cadmium, espèce minérale très rare dans la nature, que l’on rencontre pour la première fois en Italie. — M. A. Mosso rappelle que, dans l'axphyxie causée par l’aspi- ration d’un gaz inerte, ou par l’hémorragie, ou sim- plement par la fermeture de la trachée, après une période d'exeitation dans laquelle les animaux font des mouvements respiratoires profonds, on observe un arrêt de la respiration qui peut durer une minute ou deux, et même plus chez le chien; enfin se produisent des mouvements respiratoires qui vont en s'affaiblissant. M. Mosso commence l'étude de cet arrêt, qu'il attribue a la paralysie des cellules qui se trouvent dans la moelle allongée, d’où partent les impulsions motrices pour les muscles de la respiration. — M. G. Galeotti a fait des expériences comparatives sur l’alcalinité du sang de plusieurs animaux pendant leur séjour dans la cabane fegina Margherita au sommet du Mont-Rose et à Turin. On a reconnu de cette manière que, chez les animaux portés sur le Mont-Rose, se manifeste une diminution de l’alcalinité du sang, qui va de 36 à 4#°/,; on peut croire que cette diminution est due à une plus grande production d'acide lactique qui a lieu, en effet, lorsque l'organisme ne dispose d'oxygène qu'en quan- tité insuflisante. — MM. B. Grassi et L. Munaron ont poursuivi leurs recherches sur la cause du goitre et du créfinisme endémiques, qui confirment les résultats annoncés dans une Note précédente, c'est-à-dire que le goitre et le crétinisme seraient dus à des poisons élaborés par des microbes vivants dansun milieu humide hors de l'organisme humain. — M. A. Lustig areconnu, par de nombreuses expériences faites sur les poules que l'on habituait à l’action toxique de labrine, que l'immunité acquise ne se transmet pas par hérédité. Ernesto Maxaini. ACADEMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 30 Janvier 1904. 49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. W. Kapteyn L'équation différentiell: de Monge. Etude des condi- tions dans lesquelles l'équation Hr + 2Ks + Li— 0, où H, K, L ne dépendent que des coeflicients différen- tiels y et g de z par rapport à x et y, possède deux intégrales intermédiaires, considérées déjà sous une autre forme par M. J. Valyi. — M. J. de Vries : Sur des systèmes deconiques en rapport avec les involutions de groupes de points situés sur des courbes rationnelles. Les coniques déterminées par cinq points quelconques d'un groupe quelconque d’une involution I, s > 5, sur une courbe rationnelle C* d'ordre 7, forment un sys- tème dont les caractéristiques & et v ont les valeurs 2(n —2)(s—1), et k(n—2)(s —1),. Extension de ces considérations aux cas s<5 en faisant passer toutes les coniques par 5 — s points fixes. — Ensuite M. de Vries présente : Les involutions fondamentales sur des quintiques rationnelles. La quintique C* admet dix involutions quadratiques fondamentales, incises par des faisceaux de coniques dont les quatre points de base sont des points doubles de C°, et autant d'invo- lutions cubiques fondamentales dont les groupes sont les triples de points, collinéaires avec les couples des involutions quadratiques. — M. P. H. Schoute : Les nombres Plückériens d'une courbe en E*:Simplification de la notation des formules données par G. Veronese qui permet de réduire les 3(n — 1) relations entre les 3n quantités caractéristiques d'une courbe située dans un espace à 2 dimensions sans se trouver dans un espace à 2 — 1 dimensions à la forme : 2 pr = SUSk—1)— Sk+1—3Sk—1 l Dt6 — SxpuNsx£1—1)—sx—3sr+2$,(K— 1,2, ..., n—1). SRE 2 — SE 1 — 3 (Sk +1 — SK) Les nombres de rang So, S,,..., Si dont s, et sh repré- sentent l’ordre et la classe, s,41 et S le nombre des points et des espaces E"-1 stationnaires, forment les premiers termes d’une série récurrente, ete. — Ensuite M. Schoute présente deux Mémoires de M. W. A. Ver- sluys: 1° Les singularités d'une courbe plane générale touchant s fois la droite à l'infini et passant e fois par chacun des points eyeliques; 2 Sur la position des trois points d'une courbe gauche situés dans un de ses 280 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES plans osculateurs. La surface développable S* d'une courbe gauche est coupée par le plan osculateur au point P suivant la tangente p en P et une courbe C7-!; l'auteur démontre à plusieurs reprises que la courbe C1 ne contient que deux des troïs points qui détermi- nent le point osculateur en P. — M. J. Cardinaal pré- sente au nom de M. H. de Vries : « Application de la cyclographie à la théorie des courbes planes ». Sont nommés rapporteurs MM. Cardinaal et J. de Vries. — M. J. C. Kapteyn présente : « Skew frequency curves in biology and statistics » (Courbes asymétriques de fréquence dans la Biologie et la Statistique). 20 SciENGES PHYSIQUES. — M. J. D. van der Waals pré- sente au nom de M. C. H. Brinkman :La délermina- tion de la pression à l'aide d'un manomètre fermé à air. L'auteur s'est servi des déterminations connues d’iso- thermes par Amagat (Mémoires sur l'élasticité et la dilatabilité des fluides jusqu'aux très hautes pressions, Ann. de Chim. et de Phys., 4893), contenant dans les tableaux 5 et 10 quatre isothermes de l'air pour des pressions variant de 100 à 3.000 atmosphères. Pour des pressions inférieures à 100 atmosphères, l'auteur à extrapolé à l'aide de l'équation d'état : _(U+a2) (4—b,) (1 + at) a P V—0 Ve où la fonction b du volume est donnée par l'expression : b F Do j1—a +8 — Des onze termes de correction correspondant au cas de molécules sphériques, l’auteur n’a considéré que trois. En comparant ses résultats avec ceux observés par Amagat à 159,7, il a cherché les valeurs des cinq quan- tités a, D, &, B, y s’adaptant le mieux possible aux expériences entre 100 et 3.000 atmosphères. Toutefois, pour éviter les calculs laborieux des cinq équations normales à vingt coefficients que comporte la méthode des moindres carrés, il détermine d'abord les valeurs les plus probables de à et b; correspondant aux valeurs a—0,375 (Boltzmann et der Waals fils), 8 — 0,958 (van Laar et Boltzmann) et ÿ — 0,01 (hypothèse tout à fait arbitraire), ce qui donne a —2.410, L, — 1.906. Ensuite il déduit pour a—2.#0 les valeurs b,— 1.863, a— 0,3616, b —0,1330, y 0,05176, s'adaptant parfaite- ment aux valeurs observées pour des volumes 3.209, 2.060, 1.643 et 1.466. Enfin, à l'aide de ces valeurs nou- velles de «, 8, +, il applique les deux équations nor- males à dix expériences entre 100 et 1.000 atmosphères, ce qui donne les valeurs 4 = 2.358,6 et h, — 1.852,0. Ses résultats définitifs font connaître une extrapolation assez exacte au-dessous de 100 atmosphères. — Ensuite M. van der Waals présente au nom de M. H. J. E. G. du Bois : Phénomènes d'orientation hystérétiques. Dans une communication précédente (Revue génér. des Se., t. XII, p. 112 et 218), relative à un essaim de toupies égales et indépendantes, l’auteur arrivait à la conclu- sion suivante : « Mème si le montant de l'énergie, au lieu d'être égal pour toutes les toupies, suit la loi de ‘distribution de Maxwell, les résultats n'en sont pas affectés, comme le démontre une approximation gra- phique, aussi pour le cas diabatique. En somme, une influence d'orientation apolaire est un phénomène mé- caniquement tout aussi possible et vraisemblable que l'orientation parapolaire supposée seule possible il y a quelque temps ». Il a donc laissé de côté la discussion de la stabilité du mouvement, l'application des condi- tions générales donnant lieu à des calculs laborieux. Plus tard, il a comblé cette lacune dans un cas parti- culier qui lui a fait connaître un troisième groupe de phénomènes d'orientation qu'il distingue comme phé- nomènes -hystérétiques. Il s’agit d’un essaim d’un grand nombre de toupies, dont chacune est polarisée équatorialement suivant un axe principal d'inertie et dont les axes de rotation stables ont la même direction; elles se trouvent sous l'influence d’un champ uniforme de même direction dont l'intensité ne change pas brus- quement. — M. H. W. Bakhuis Roozeboom présente en son nom et au nom de M. A. H. W. Aten : Les lignes de solidilication du système soufre-chlore. Au- trefois, M. Roozeboom s'est occupé des lignes d’ébulli- tion du même système (Revue génér. des Se., t: XIW, p. 838). Ici il s'agit de l'équilibre entre les substances S2CE, SCE, SCF et CE dans les fluides. Cet équilibre ne varie que très insensiblement pendant le refroidisse- ment jusqu'à 0° et plus du tout à des températures où des substances solides se précipitent. Cela donne lieu à des phénomènes caractéristiques accompagnant la solidification, non encore observés chez d'autres sys- tèmes, mais dont l'explication semble bien possible à l'aide de la doctrine des phases. En laissant de côté la composition intérieure du fluide et ne s’occupant que de sa composition brute en CF et en SCF, — ce qui est nécessaire parce qu'on ignore la quantité de SCI à côté de CE et S°CF, — on trouve une représentation dans le plan (fig. 1), où l’on s'est servi des composantes 3C/ et S°CE, pour que le milieu des axes des abscisses corres- | ponde à la composition SCI. Là EH et HA sont les _ E | D °N Û | ; Ze | (l ( [ Il [ | | SCI S Cle S2 Cia | Fig.1.— Lignes de solidification du système soufre-chlore, lignes de solidification des mélanges binaires SCI et CE, EK et KD celles de SCI et S°CE, AG et DG celles de CE et SCP. Les mélanges ternaires correspondant aux points situés à l'intérieur de IHAG font précipiter d'abord le chlore, ceux à l’intérieur de IKDG le S°CE, ceux à l'intérieur de HEKI le SCI, etc. — Ensuite M. Roozeboom présente au nom deM. J.J. van Laar: La forme des lignes de fusion de mélanges ternaires, quand la chaleur de mélange dans les deux phases est sensiblement nulle. Troisième communication (Voir Revue génér. des Se., t. XIV, p. 923, et t. XV, p. 51). Ici l’auteur s'occupe exclusivement du cas idéal «= 0, a!— 0, où la chaleur de mélange des deux phases dis- paraît absolument. — M. H. Kamerlingh Onnes présente au nom de M. L. H. Siertsema: Æxamen d'une source d'erreurs dans la mesure de rotations magnétiques du plan de polarisation en des solutions ahsorbantes. L'au- teur démontre qu'une source d'erreurs indiquée par Bates (Annales de Physique, série 4, t. XIE, p. 1091) n'a pas eu une influence sensible sur les mesures publiées par lui (Archives néerlandaises, série 2, t. V, p. #47.) 3° SCIENCES NATURELLES. —M. C. A. J. A. Oudemans : Exosporina Laricis Oud. Description d'un « fungus » inconnu, vivant sur le larix (Larix decidua) et exerçant une influence extrèmement pernicieuse sur cet arbre. P. H. Scnoure. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. EE —————_————————_——— — Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. ABC" Se 15° ANNÉE N° 6 30 MARS 1904 Revue générale SL ICIICOS pures el appliquées DiRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $S 1. — Nécrologie Octave Callandreau. — Le 13 février 1904 est mort subitement, en pleine maturité d'esprit, à l’âge de cinquante et un ans, l’un des savants qui ont cul- tivé, avec le plus de talent, les recherches astronomi- ques en France, depuis une trentaine d'années. Vivant loin du bruit, se partageant entre ses devoirs d’inté- rieur, les obligations inhérentes à ses fonctions, ses amis et la science, Callandreau a été l'un de ces hommes foncièrement droits et bons dont les vertus et le carac- tère honorent la famille et la société à laquelle ils appartiennent. Toujours disposé à mettre son savoir au service de chacun et à donner un conseil désinté- ressé, au courant de toutes les questions à l’ordre du jour, ilétait en relations suivies avec la plupart des astro- nomes contemporains, et sa brusque disparition a été profondément ressentie en France comme à l'Etranger. Callandreau (Pierre-Jean-Octave) naquit le 18 sep- tembre 1852 à Angoulème. Cadet d'une nombreuse famille, il était fils et petit-fils de magistrats. Ses pre- mières études, commencées au Lycée d’Angoulème, s’achevèrent à la maison paternelle, avec un répétiteur qui découvrit et développa en lui le goût des sciences. Elève brillant du cours de Mathématiques spéciales à Sainte-Barbe, Callandreau entra dans les premiers à l'Ecole Polytechnique en 1872 et en sortit, deux ans après, le 24° de sa promotion, manquant d'un rang la carrière qu'ilambitionnait. Rentré provisoirement dans sa famille et désigné pour servir dans l'artillerie, il se disposait à rejoindre ses camarades à l'Ecole de Fontainebleau, lorsque Le Verrier, sentant la nécessité de recruter un personnel jeune et intelligent pour assurer l'avenir des recherches astronomiques en France, alla le chercher au fond de sa province et lui proposa d'entrer à l'Observatoire en qualité d'aide astronome. Entrevoyant la possibilité de satisfaire ses goûts pour la science et de donner un libre essor à ses aptitudes, il accepta, sans hésiter, la situation qui se présentait, se soumit docilement au joug de fer qui pesait alors sur notre grand établissement astronomi- que, contractant des habitudes de travail méthodique dont il aimait à rappeler l'origine, consacrant ses loi- sirs à l'étude et préparant l'avenir. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904, Les lecons de Mécanique céleste de Victor Puiseux, dont il suivit le cours à la Sorbonne, exercèrent une influence décisive sur sa tournure d'esprit. L'enseigne- ment si clair de ce maitre éminent lui fit découvrir la voie dans laquelle il devait diriger ses efforts. Dès ce moment, le jeune astronome orienta définitivement ses pensées vers les spéculations de l'Astronomie mathématique. Reçu docteur ès-sciences en 1880, nommé astronome- adjoint à l'Observatoire l’année suivante, il prit part en 1882 à une Expédition pour l'observation du passage de Vénus sur le Soleil. Au retour de son voyage, il fit la connaissance de Tisserand, dont il devint l'ami et le collaborateur dans la rédaction du Bulletin Astrono- mique. En 1892, l'Académie des Sciences, après avoir plusieurs fois récompensé ses travaux, lui ouvrit ses portes, pour remplacer l'amiral Mouchez dans la Sec- tion d’Astronomie. Quelques mois plus tard, il suecé- dait à Faye, comme professeur d’Astronomie à l'Ecole Polytechnique, à laquelle il était attaché depuis plu- sieurs années à litre de répétiteur. Enfin, sa nomina- tion d’astronome titulaire en 1897 couronnait sa car- rière à l'Observatoire de Paris. Les étapes rapides de sa situation officielle sont jus- tifiées par une série ininterrompue de travaux d'Ana- lyse et de Mécanique céleste qui honorent grandement la science de notre pays. L'activité scientifique de Callandreau s'est manifestée surtout dans les Comptes Rendus, le Bulletin Astrono- mique, les Annales de l'Observatoire, le Journal de lE- cole Polytechnique et dans plusieurs périodiques étran- gers. Presque au sortir de l'Ecole Polytechnique, il se signalait déjà par une heureuse tentative relative à l'emploi des fractions continues algébriques, pour le calcul de certains coefficients introduits par Laplace dans le développement de la fonction perturbatrice, inaugu- rant la suite des recherches analytiques qu'il n’a cessé de poursuivre, pour améliorer sur différents points la théorie des perturbations planétaires. Dans cet ordre d'idées, on lui doit notamment des travaux des plus intéressants, au point de vue des applications astrono- miques, sur la valeur asymptotique de certaines expres- sions dépendant d'un nombre élevé et sur des séries jouissant de propriétés analogues à celle de Stirling, 6 282 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE qui se prèle, malgré sa divergence, mieux que tout autre développement, au calcul numérique de la fonc- tion Eulérienne de seconde espèce. Grand admirateur de Laplace, Callandreau consultait sans cesse la Mécanique Céleste, fermement convaincu que cette œuvre magistrale contient le germe des solu- tions de la plupart des grands problèmes de l'Astrono- mie mathématique. C'est en s'inspirant des idées de ce grand géomètre et en les développant qu'il édifia son beau travail sur les perturbations d’une petite pla- nète par Jupiter, dans le cas où lesmoyens mouvements des deux corps sont sensiblement commensurables, problème du plus haut intérèt, auquel se rattache l'ex- plication des lacunes qui existent dans l'anneau des astéroïdes compris entre Mars et Jupiter. Travailleur infatigable, toutes les théories lui étaient familières. Il comprit, l'un des premiers, les avantages des méthodes de Gylden et les adapta au calcul des perturbations de la planète Héra par les corps les plus importants du système solaire. Ayant contracté de bonne heure, à l'Ecole Polytechnique, cette faculté d’assimilation que développe un enseignement varié, il embrassait plusieurs sujets à la fois et se reposait de ce travail en jetant des fondations sur lesquelles il voulait édifier dans l'avenir, laissant au temps le soin d'en éprouver la solidité. Il conçut, dès cette époque, le plan de ses recherches destinées à faciliter le calcul des variations séculaires des éléments des orbites, recherches qui furent achevées définitivement quelques années seule- ment avant sa mort. L'équation célèbre de Lindstedt, qui joue un rôle important dans l'étude du mouvement de la Lune et dont il devait fournir une solution si élégante, deve- nait également, à ce moment, l'objet de ses préoccupa- tions scientifiques. La théorie de la figure des corps célestes, qui est intimement liée à la solution du problème difficile de l'équilibre d'une masse fluide animée d’un mouvement de rotation, lui doit d'importantes contributions. Les travaux de Clairaut, applicables aux planètes douées d'un faible aplatissement, donnent, dans le cas de Saturne, des indications peu précises. Callandreau, après avoir obtenu par des moyens entièrement rigoureux le développement en série du potentiel des sphéroïdes, entreprit de rechercher analytiquement les dépen- dances qui existent entre certaines données numé- riques, fournies par les observations astronomiques, pour l’astre si mystérieux du système solaire. L'une des conséquences de son beau travail est d’assigner à la densité superficielle de Saturne des limites telles que l’on se trouve dans l'obligation de classer les matériaux visibles à la surface de cette planète en dehors de la liste des corps solides ou liquides. Rap- prochée du fait, aujourd'hui bien démontré par l'ex- périence et le calcul, que le système des anneaux de Saturne est formé par des nuées de corpuscules, cette conclusion apporte une confirmation inattendue à l'opinion de Laplace, qui voyait dans ces anneaux des preuves toujours subsistantes de l'extension primitive de la substance de la planète. Là ne se bornent pas les recherches de Callandreau dans cette branche de la Mécanique céleste qui établit le lien nécessaire entre la loi de la gravitation et la forme des disques planétaires. Son nom se trouve mêlé à ceux de Roche, Tisserand, Radau, Maurice Lévy, Poincaré dans le mouvement scientifique auquel donna lieu la théorie de Clairaut, il y a une vingtaine d'années, lorsque l’on chercha, en variant les hypo- thèses sur la loi des densités à l'intérieur du globe, à faire cadrer les indications du caleul avec les données numériques fournies par le phénomène de la préces- sion des équinoxes et par la Géodésie. Mais le problème astronomique à l'étude duquel Cal- landreau s’est consacré peut-être avec le plus de plai- sir se rapporte à la théorie de la capture des comètes par Jupiter, question qu’il fit notablement progresser après les Laplace, les Le Verrier, les Tisserand, Il ne se passionna pas moins pour éclairer le sujet si obscur encore de la désagrégalion desessaims météoriques, el pour montrer lesliaisons qui existent entre les comètes et les courants d'étoiles filantes. S'il étudia au point de vue analytique ces questions ardues, avec le soin, la puissance et la fécondité qui caractérisent ses écrits, il ne négligeait pas le côté purement expérimental des phénomènes; il est juste de rappeler que c’est grâce à l'impulsion qu'il donna durant ses années de prési- dence à la Société Astronomique de France, que s'or- ganisa, dans notre pays, l'observation systématique des étoiles filantes, dont les lois d'apparition ne sont pas encore suffisamment connues. Quand on réfléchit à la part importante que prenait Callandreau à la rédaction du Bulletin Astronomique, au total immense des observations qu'il effectua en participant aux services réguliers de l'Observatoire, au soin qu'il apportait à la préparation et à la rédaction de son cours à l'Ecole Polytechnique, aux nombreux Mémoires qu'il a publiés sur les sujets les plus élevés, à toute l'étendue de son œuvre scientifique enfin, on demeure frappé de l'activité d'esprit du grand astro- nome qui vient de s’éteindre. Mais, si le savant peut être proposé comme modèle aux jeunes gens qui entrent dans la carrière astronomique, l'homme digne qu'il fut toute sa vie à droit, avant tout, au respect et à l’ad- miration générale, car la noblesse de son caractère et l'élévation de ses sentiments dépassaient encore la hauteur de son savoir. Son désintéressement était, du reste, au niveau de sa modestie, et les honneurs sont venus à lui de France et de l'Etranger sans qu'il ait jamais songé à les solliciter. Callandreau a vécu avec l'idée dominante de se rapprocher de la perfection morale. Ceux qui l'ont connu peuvent certilier qu'il à atteint son idéal. $ 2. — Physique Variations de la vitesse de refroidisse- ment des corps chauffés et électrisés sous l'influence du radium. — En étudiant par l’expé- rience l'influence du radium sur la vitesse de refroi- dissement d'un corps placé dans un milieu gazeux, M. N. Georgievski arrive aux conclusions suivantes : 1° La vitesse de refroidissement d'un corps chaufté dans les différents milieux gazeux ne subit pas de va- riations notables sous l'influence du radium ; 20 La vitesse de refroidissement d'un corps chauffé au sein d’un gaz (hydrogène, gaz d'éclairage, air atmo- sphérique, acide carbonique) et soumis à l'action du radium augmente dans le cas où le corps chauffé est porteur d’une charge électrique. Dans ce cas, on observe une augmentation, non pas seulement sous l'influence simultanée des rayons «, 8 et y, mais encore sous celle des seuls rayons £ et y; 3° Cette augmentation de la vitesse de refroidisse- ment d'un corps chauffé est plus grande quand la charge de ce dernier est négative; 4 Les relations qui existent entre l'augmentation de la conductivité calorifique et le potentiel d'un corps chargé et chauffé peuvent se représenter par des courbes pareilles à celles au moyen desquelles M. Town- send a exprimé les relations entre « : p et X : p pour ces mêmes gaz. $ 3. — Electricité industrielle Le rendement de la lampe Nernst. — Dans une récente étude sur le rendement de la lampe Nernst, M. L.R. Ingersoll? s'est servi de la méthode d'Angstrüm, consistant à provoquer la dispersion de la lumière et à intercepter les portions non lumineuses du spectre. La portion lumineuse est recomposée en lumière blanche 1 Voir Journ, de la Soc. physico-chimique russe, t. XXXW, n° 6, 1903. 2 Electrical Engineer, t. XXXII, n° 26, 1903. LR - lisible. De CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 283 par une lentille cylindrique et comparée photométrique- ment à la radiation totale d'une autre source parfaite ment analogue. L'énergie de ces deux radiations est ensuite comparée de nouveau en remplacant l'écran photométrique par une pile thermique ou un bolomè- tre et en observant les déviations galvanométriques pour chacune de ces deux lumières. Cette méthode se prête particulièrement aux essais des lampes Nernst parce que la grande luminosité du lilament permet d'employer une fente étroite sans trop sacritier de l'intensité. Afin de comparer l'énergie des deux radiations, l’auteur remplace l'écran photométrique par une pile thermique de Rubens, combinée à un petit galvanomètre de Thompson. Il ressort du tableau que donne l’auteur que les filaments, d'une facon générale, sont loin d’être uniformes. Les filaments nouveaux présentent un ren- dement de 4,61 °/, en moyenne, rendement qui,après ètre rapidement tombé jusqu'à 4,3 0}, pendant les vingt premières heures, ne varie ensuite que lentement. Les essais de filaments d'un âge de quarante heures et supérieur ont donné des rendements de 4,17 °/0, alors que quelques filaments très âgés présentent la valeur der3;40 0/6. Les filaments ayant brûlé plus de vingt heures pré- sentent, choseremarquable, un aspect cristallin marqué ; il semble que la décroissance de rendement observée soit due à l’accroissement de la surface radiante et à l'abaissement de température dont s'accompagne la production de cette structure cristalline. Les chiffres précités se rapportent à des filaments à 110 volts fournis par la Nernst Lamp C, à Pittsburg, et consommant normalement 89 walts. Pour chaque watt au-dessus de 89, et dans des limites étroites, le rendement s'accroît de 0,06 °/,, et inversement pour les watts au-dessous de 89. Le rendement de 4,172), correspondrait, d'après la courbe des énergies de M. Wien, à une température absolue de 1.360° C. Cette valeur est en accord parfait “avec les évaluations indépendantes de la température des filaments Nernst, faites par d'autres méthodes. Dans cette hypothèse, il conviendrait de considérer la lampe de Nernst comme un corps parfaitement « noir ». Le télégraphe imprimeur rapide de Sie- mens et Halske.— À une récente séance de l'Asso- ciation des Electriciens, à Berlin, M. Wilhelm von Siemens à donné une intéressante conférence sur le télégraphe imprimeur rapide que la Compagnie Siemens et Halske vient de construire après en avoir fait une étude spéciale pendant quelques années, Cet appareil appartient à la famille des télégraphes dits automatiques (système Pollak-Virag), où le télégramme est préparé par un dispositif analogue à une machine à écrire, per- çant, pour chaque lettre à télégraphier, un trou spécial ou des trous dans un ruban de papier continu. Ce der- nier, étant entrainé à travers le transmetteur télégra- phique tournant, lance automatiquement dans le cireuit des impulsions de courant correspondantes. Comme l'appareil Siemens permet de télégraphier 2.000 lettres par minute sur la même ligne, tandis que chaque employé, même avec les meilleurs dispositifs, ne peut pas transmettre plus de 200 à 300 lettres dans le même temps, il sera possible de transmettre sur la mème ligne les télégrammes expédiés par un certain nombre d'employés. Dans l'appareil Siemens, 2 trous par lettre sont percés dans le ruban de papier et la lettre elle- même est imprimée en caractères ordinaires immédia- tement au-dessus, de façon que le ruban perforé con- tienne le télégramme sous une forme distinctement plus, le public lui-même pourra se charger ‘le perforer les rubans, et délivrera au bureau télégra- phique les rubans tout préparés. Dans l'appareil récep- teur, le ruban arrive à la même vitesse et est prêt à être collé sur les formulaires télégraphiques. Afin de réaliser cette impression de 2.000 lettres par minute sans appareil mécanique délicat, on a eu recours à l’étincelle électrique. Un disque, où les différentes lettres sont coupées comme dans un patron, tourne à une vitesse de 2.000 tours par minute entre un micro- mètre à étincelles et un ruban continu de papier pho- tographique. Aussitôt qu'une étincelle passe dans le micromètre, une silhouette de la lettre qui se trouve en face de ce dernier est projetée sur le ruban de papier. Faisons remarquer que l'étincelle doit être produite avec une précision d'un 40.000° de seconde, afin que la lettre voulue apparaisse à l'endroit voulu. Le ruban de papier va passer ensuile au dessous d'éponges impré- gnées de liquide développeur et fixateur: le processus photographique ne demande que neuf secondes et le ruban sort de l'appareil tout imprimé. Pour produire le passage de l’étincelle avec une telle précision à un moment donné exactement, et d'accord avec les impulsions de courant transmises à partir de l'appareil transmetteur, on a utilisé heureusement la pro- priété que possèdent les condensateurs électriques de se charger et décharger dans des intervalles de temps très brefs. Le mécanisme de l'appareil a, par consé- quent, été simplifié à tel point que le récepteur, abstraction faite du dispositif photographique, consiste simplement en un arbre mû par un électromoteur et où, en dehors du disque à type précité, ne sont montés que des balais glissant sur des disques de contact. De plus, il y a 5 relais d'une construction spéciale et dont les languettes suivent les impulsions rapides sans la moindre difficulté et à une vitesse suffisante. Un dispo- sitif ingénieux spécial réalise le synchronisme parfait des deux appareils transmetteur et récepteur, ce dernier exécutant dans des temps donnés un nombre de tours toujours égal à celui du transmetteur. Les expériences, pour lesquelles l'Administration des Postes impériales avait prêté quelques-unes de ses lignes, ont mis en évidence l'utilité de cet appareil pour les transmissions rapides à grande distance. MM. Franke, Thomas et Ehrhardt ont contribué par leur collabora- tion à la construction de cet appareil. N 4. — Agronomie Influence du milieu sur la composition de la betterave à sucre. — M. Willey, chef du Bu- reau chimique au Département de l'Agriculture, à Washington, a récemment fait connaître le fruit de ses nombreuses enquêtes et expériences sur les con- ditions de productivité de la betterave à sucre. Il résulte de ce travail que les principaux agents d'influence (extérieure) sur la richesse en sucre de cette racine sont: la latitude, l'altitude, la tempéralure moyenne et la moyenne des pluies. Au point de vue de la latitude, le rendement croit du Sud au Nord et atteint un maximum entre 60° et 75°. La température moyenne joue aussi un rôle très important, et la richesse sucrière de la plante diminue rapidement quand la température monte; c'est aussi par la température qu'influe l'altitude, et la variation se produit dans le même sens. Enfin. pour les betteraves uniquement soumises à l'action de la pluie, c’est moins la moyenne annuelle que la moyenne mensuelle de ces pluies qui fait varier la quantité de sucre produit. Il importe pour la meilleure croissance moyenne des mois de mai, juin, juillet et août soit de 8 à 10 millimètres, tandis qu'elle doit être infc- rieure pour les mois de septembre et d'octobre: il est évident que le rendement pourra être sensiblement amélioré pour les exploitations qui disposeront d'irriga- tions ou d’arrosages arüficiels; on pourra ainsi régler la quantité d’eau nécessaire; mais, en {ous cas, la conséquence très nette de ces études est que la nature du sol n'influe pas sensiblement sur la composition chimique de la betterave, à l'encontre des conditions géographiques et atmosphériques que nous venons de citer. que Ja Le Rat destructeur des récoltes. — Au cours de Ja discussion du budget de l'Agriculture: devant le 284 Parlement, le Ministre avait été sollicité par des repré- sentants de régions agricoles de faire rechercher par son administration les moyens les plus énergiques pour amener la destruction de rongeurs nuisibles, et principalement des Rats. Ces animaux, d'après les députés de la Charente notamment, auraient causé de tels ravages que les récoltes auraient été en partie com- promises. A la suite des Rapports des inspecteurs de l'Agricul- ture, le Ministre vient de s'entendre avec M. le D'Roux, sous-directeur de l'Institut Pasteur, pour expérimenter dans la Charente un procédé contre la destruction des Rats, ces animaux venant de détruire les blés et les seigles semés par les agriculteurs de la région. La Mis- sion chargée de cètte expérience sera composée de trois des collaborateurs du D' Roux, ayant à leur tête le DrDanysz, et fonctionnera sous le contrôle de M. de Lappa- rent, inspecteur général de l'Agriculture. Si les résul- tats obtenus sont satisfaisants, le procédé pourra être appliqué dans d'autres régions dévastées par les rats. 5. — Physiologie Sur la trypsinogénèse. — Le tissu pancréa- tique sain, a situ, ne contient pas de trypsine active sur les substances protéiques, mais un générateur de trypsine, un trypsinogène capable de se transformer en trypsine active sous l'influence de divers agents chimiques. Le suc pancréatique normal, recueilli par cathété- risme du canal pancréatique, ne possède lui-même aucune activité tryptique, mais peut en acquérir une énergique sous l'influence des mêmes agents chi- miques. On sait, depuis les études de l'Ecole de Pawlow, de Delezenne, de Popielski, ete., que le suc intestinal ou la macération aqueuse de muqueuse intestinale possè- dent au plus haut degré celte propriété trypsinogé- nique. On admet, depuis les expériences déjà anciennes de Heidenhain, que cette mème transformation se produit sous l'influence des acides dilués et notamment de l'acide chlorhydrique à 2 ou 3 °/,,. Ces notions aujour- d'hui classiques conduiraient donc à admettre que le sue pancréatique, inactif au moment de sa pénétration dans l'intestin, y est activé : d’une part, par l'action des acides du contenu gastrique qui arrive du pylore, et, d'autre part, par le sue sécrété par les glandes de la paroi intestinale. Un élève du Professeur H. J. Hamburger, M. E. Hekma, a entrepris récemment, au Laboratoire de Physiologie de l'Université de Groningue, des recherches sur la part qu'il convient d'attribuer dans l'organisme à cha- cun de ces deux processus!, et il est arrivé au résultat assez inattendu que la trypsinogénèse par action des acides n’est pas une réalité. è En se reportant aux Mémoires de Heidenhain, — ce que ne font pas souvent les auteurs, — M. Hekma a constaté que cet éminent physiologiste fait seulement la remarque suivante : il a trouvé que les extraits gly- cérinés de pancréas ont une plus grande activité quand on ajoule de l'acide acétique à cette substance avant d'y mêler la glycérine. Il y a loin de cette simple con- statation à l'affirmation tranchante des auteurs clas- siques, qui sont devenus de plus en plus affirmatifs à mesure qu'ils s'empruntaient les uns aux autres ce renseignement. M. Hekma, examinant avec soin cette réaction de l'acide acétique sur le pancréas en milieu glycériné, établit, à n’en pas douter, que son action trypsinogé- nique est illusoire. La glycérine exerce une action empêéhante sur la transformation spontanée du trypsi- nogène en trypsine dans le tissu pancréalique extrait de l'organisme ; l'acide acélique diminue cette action empêchante. Et, en effet, si l'addition d'acide acétique 1, Journ. de Physiol. et Pathol. gén., {. VI, n° 1, p. 25. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE aux extraits glycérinés en augmente l'activité protéo- lytique, l'addition de cet acide aux extraits aqueux ne produit point le mème effet. Par conséquent, chez l'animal normal, c'est par le suc intestinal, et par lui seul, que le suc pancréatique est activé. L'agent physiologique de la trypsinogénèse est l'entérokinase du sue intestinal. $S 6. — Sciences médicales Une nouvelle application thérapeutique de la ponetion lombaire. — M. Babinski, professeur agrégé à la Faculté de Médecine et médecin de l'Hôpital de la Pitié, vient d'appliquer, avec succès, la ponction lombaire au traitement de certaines affections de l'oreille‘. Déjà il avait établi que le vertige voltaïque, c'est-à-dire le vertige produit arüficiellement par le passage d'un courant voltaïque, subit une perturbation chez les sujets atteints d'affections auriculaires et qu'il est dû, par conséquent, à une excitation de l'oreille e interne; depuis, il a constaté que le vertigeexpérimental est modifié par la ponction lombaire; il a donc été amené à déduire, de ces faits, cette conclusion que la ponction lombaire agit sur l'oreille interne. Cette opé= ration est absolument inoffensive et, d'après les obser- vations de l’auteur, elle agit surtout sur le vertige; les bourdonnements et la surdité sont bien moins in- fluencés par ce traitement. Mais, sur 32 malades atteints de vertige auriculaire rebelle et très nettement carac- térisé, 11 seulement ont été ponctionnés sans succès; chez les 21 autres, le résultat a été tout à fait remar- quable. Coloration vitale des tissus pour aug- menter la pénétration et favoriser lacetion curative des rayons chimiques. — M. Robert Odier (de Genève), ayant constaté que les tissus orga= niques opposent, au passage des rayons chimiques du spectre, une résistance assez considérable et que cette résistance est due à la matière rouge du sang, lequel absorbe les rayons comme une simple solution colorée, a cru pouvoir en conclure que, si le sang, au lieu d’être rouge, était bleu, la lumière aurait, sur notre organisme, une action autrement puissante et qu'il n’y aurait pas une seule partie du corps humain qui püt se sous- traire à son influence‘. Or, s'il n’est pas possible de changer la couleur du sang, on peut du moins aug= menter la transparence des tissus aux rayons chimiques en utilisant la propriété qu'ont certaines couleurs (bleu de méthylène, thionine, violet de gentiane) de se fixer, pendant un laps de temps plus où moins long, sur les cellules vivantes ou certaines de leurs parties. L'au- teur a donc injecté des solutions de ces diverses substances à des lapins, des chats ou des chiens, et il a vu qu'on peut impressionner en une minute, à 20 cen- timètres de distance, avec une lampe à arc, un papier au gélatino-bromure, enfermé dans un sac de collodion et placé, après trépanation, sous la voûte cranienne d'un chat préparé de la sorte. Chez un lapin, en diri= geant le cône lumineux sur l’un des côtés de l'abdomen, on impressionne, en trente secondes, une plaque sen= sible placée contre la paroi opposée. Enfin, l'injection locale d'une solution de thionine à 1 °/,, dans la paroi abdominale d'un chien, permet, en faisant agir, SUP cette peau colorée, les rayons concentrés d’une lampe à arc, d'impressionner, en vingt secondes, une plaque photographique préalablement introduite dans la cavité péritonéale, au-dessous de la partie injectée. Ces résultats, qu'il conviendrait de discuter, sont très intéressants : peut-être la photothérapie et la radiothé= rapie trouveront-elles, dans la coloration des {issus ma= lades, un auxiliaire puissant, s’il est vrai que les rayons actifs atteignent, par ce moyen, même dans la profon= deur, les parties de l'organisme qui sont le siège du processus inflammatoire. AU, Me - the PET NE MER Er EEE 1 Semaine médicale, 21 janvier 1904. PERLE CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 285 $ 7. — Géographie et Colonisation La Mission Lenfant. — Le capitaine Lenfant vient, on le sait, de démontrer qu'une communication interfluviale existe réellement, et, pour la plus grande part, navigable, entre la Bénoué, affluent du Niger, et le Logone, qui se jette dans le Chari; ce sont le Mayo- Kabi, affluent de la Bénoué, et les marais du Toubouri qui forment cette jonction. Le problème avait, au point de vue géographique et scientifique, un intérêt de premier ordre, et sa solution peut amener d'impor- tantes conséquences économiques pour nos possessions du Chari et du Tchad. Cette communication avait été entrevue par Barth, en 1852; le D' Carl Vogel, qui visita les bords du Tou- bouri en 1854, émit à son tour la mème hypothèse. Le major Claude Macdonald essaya, en 1891, de la vérifier, suivit le Mayo-Kabi, mais, ne trouvant pas suflisam- ment d’eau, il affirma qu'il était impossible de com- muniquer par voie fluviale de la côte au lac Tchad. Mizon, à la même époque, considérait le Mayo-Kabi comme un déversoir des lacs Léré et Toubouri. Ce ne fut, cependant, que dix ans plus tard que la reconnais- sance opérée par le capitaine Lofler, de la Sanga au Chari et à la Bénoué, ramena l'attention sur cette question. Il résultait des observations faites par cet officier et des renseignements donnés par les indigènes qu'entre le Logone et la Bénoué, la dépression du Toubouri-Kabi est, à la saison sèche, remplie de tout un chapelet de mares et de lacs et qu'à la saison des pluies, toutes ces eaux se confondent pour ne plus former qu'une seule nappe, sur laquelle les pirogues circulent et qui met en contact les deux grandes rivières. Mais le capitaine Lofler n'avait longé que pendant la saison sèche la dépression qui s'étend du Logone au Mayo-Kabi, et encore s'en était-il éloigné, entre M Bourao et Bifara, pour passer plus au Nord, par Binder. Il importait donc, pour résoudre entièrement le pro- blème, d'étudier la dépression aux hautes eaux et sur toute son étendue. C'est là ce qui faisait l'objet de la Mission du capitaine Lenfant. Le 27 août 1903, la Mission quitta Garoua, terminus de la navigation à vapeur sur la Bénoué et, bientôt après, remonta le Mayo-Kabi. Ce cours d'eau coule dans une plaine bordée de hauteurs uniformes, dont l'altitude est de 110 à 415 mètres. Cet aspect continue jusqu'au village de Lata, à 80 kilomètres de Léré. Une vingtaine de kilomètres séparent Lata de la dépression du Toubouri; mais ces vingt kilomètres furent la partie la plus pénible du voyage, la Mission ayant rencontré là des obstacles inattendus. Le Toubouri se trouve, en effet, à 110 mètres au-dessus du Kabi. La rivière, en sortant du Toubouri, s'engage dans des gorges encombrées de blocs énormes, puis on arrive entre deux murs à pic de 140 à 150 mètres, inclinés vers l’intérieur. Le courant empêchant d'avancer, le capitaine Lenfant descendit à terre et alla reconnaitre l'obstacle. Après six heures d’ascensions très pénibles sur des roches à pic, il parvint au faite du mur. Il vit alors, en amont, une cascade de 6 à 8 mètres de chute sur 50 mètres de longueur, puis, plus bas, une chute de 8 à 10 mètres qui se déverse dans une cuvette de laquelle le fleuve saute en une cataracte de 60 mètres au fond du gouffre. Au pied de l'obstacle, des hippo- potames apparaissaient gros comme des moutons. Le pied de la chute est à 260 mètres d'altitude et Bourao 22350. Si, de Forcados à la chute de Lata, la voie fluviale de pénétration est merveilleuse, il existe bien là un obs- tacle infranchissable. De Lata à Gourounsi, il ne peut être question de navigation; il faut une journée de por- lage, soit 25 kilomètres. La Mission dut démonter son chaland, le Benoit-Garnier, pour le transporter au- dessus de la cataracte. Les dispositions hostiles des habitants de la contrée, qui n'avaient jamais vu de blancs, firent perdre beaucoup de temps à la Mission, qui eut la plus grande peine à se procurer des vivres et des porteurs. Le capitaine Lenfant, ayant été relever la situation de Binder, au nord du Toubouri, fit une constatation intéressante. Il découvrit que cette localité, qui est le centre d'un beau pays peuplé de 20 à 25.000 habitants, Peuhls pour la plupart, est en pays français, bien que les Allemands y aient planté leur drapeau et y per- coivent l'impôt. Binder est situé, en effet, par 9°56"42" de latitude nord et c'est le 10° parallèle qui à été fixé comme limite entre les possessions françaises et alle- mandes. Les chutes de Lata se trouvent, on le remarquera, entre Bifara et M Bourao, c'est-à-dire dans la partie de la voie fluviale que le capitaine Lofler n'avait pas longée; aussi, rien n'avait-il fait encore soupçonner l’existence de cet obstacle. A partir de Gourounsi commence le Toubouri, et là aussi reprit la navigation de la Mission. Le bateau fut re- monté et mis à flot au village de M Bourao. Le Toubouri est un marais large et profond, long de 100 kilomètres et dont les rives ont à peine 5 mètres de hauteur. Il présente une série de mares et de plaines herbeuses qui, aux mains des Peubls, constitueraient des rizières splendides. Le lac, que l’on rencontre ensuite en approchant vers le Logone, est plutôt une plaine marécageuse, avec des trous de 5 à 6 mètres de profondeur. Entre le lac et le Logone, il y a 20 kilomètres de dis- tance. On dirait, sur ce parcours, un vrai parc avec des bosquets et des pelouses; les chaumières qu'on y voit sont habitées par des gens tout à fait sauvages. L'eau du fleuve s'écoule par des canaux latéraux et une rivière mal tracée, obstruée d'herbes et reliant des étangs. Au passage de la Mission, la crue était à sa fin; elle avait dù être de 1,38. Elle est à son maximum du 15 août au 1° octobre. Durant celte période, des vapeurs calant trois pieds d'eau y circuleraient à l'aise ; du 20 juillet au 25 octobre, la navigation y est possible pour des chalands calant deux pieds. La ligne d'eau bifurque, au Logone, en trois bras dont deux excellents, très voisins et profonds. En avant de ces bras, il y a, dans le Logone, un banc de sable de 4 kilomètres de longueur, et la quantité d'eau qui entre est limitée par ce banc. Pour trouver cette communication, c’est par le Tou- bouri qu'il faut passer, car la rive gauche du Logone a, sur 60 kilomètres, un aspect uniforme. Les bancs de sable masquent les abords de la rive et l’on pourrait, pendant des mois, passer devant les herbes, pareilles à toutes les autres, par où le Benoit-Garnier a débouché, sans se douter que c'est là le passage qui conduit à la Bénoué. Le 2 novembre, la Mission arriva à Fort-Lamy, au confluent du Logone et du Chari. Les constatations faites par le capitaine Lenfant peuvent donc avoir une grande portée pratique. De Garoua à Lata, on peut compter six jours avec des bateaux calant trois pieds et longs de 30 mètres, de Lata à Gourounsi un jour de portage, de Gourounsi au Tchad neuf à dix jours de chaland. On peut, par cette voie, aller en soixante-dix jours de Bordeaux au Tchad au lieu de cinq mois qu'on met par le Congo. Le prix de transport de la tonne pourrait, d'après le capitaine Lenfant, se trouver réduit ainsi de 2.000 francs à 000 francs. Gustave Regelsperger. Une carte de l'Afrique Occidentale fran- çaise. — M. Roume, Gouverneur général de l'Afrique Occidentale française, vient de prendre un arrêté aux termes duquel le Service géographique de l'Inspection des travaux publies du Gouvernement général devra procéder à l'établissement d'une carte d'ensemble au Il 500.000 rentes feuilles de cette carte seront exécutées suivant de l'Afrique Occidentale française. Les diffé- 286 les ressources annuelles et en tenant compte des besoins les plus pressants. Les travaux à exécuter premiers mois de feuille de Dakar, pour 1903 et pendant les l'année 190% s'appliqueront à la $S 8. — Enseignement Le Bureau municipal de renseignements scientifiques de l'Université de Paris. — Ce Bureau, qui vient d'être officiellement inauguré par la Commission mixte du Conseil de l'Université de Paris et du Conseil municipal, est ouvert au public depuis la rentrée d'octobre 1903. 1l est destiné à fournir 1m- inédiatement aux étudiants francais ou étrangers vou- lant s'initier aux ressources scientifiques et littéraires que présente la capitale, les renseignements de toute nature dont ils ont besoin dans leurs études. À peine créé depuis quelques mois, il a déjà recu et renseigné plus de 600 étudiants étrangers. N'est-ce pas la meil- leure preuve que ce nouvel organe de l’enseignement parisien répondait à un réel besoin ? L'initiative de cette création revient à M. le D' Blon- del, directeur actuel du Bureau. Mais c'est grâce au bienveillant concours de M. Liard, vice-recteur de l'Aca- démie de Paris, et grâce aussi à M. Dausset, président de la 4° Commission du Conseil municipal de Paris, qui a su obtenir l’appui financier de la Ville, que M. Blon- get a pu réaliser son idée. . Blondel, qui est secrétaire général de l’Associa- 4 internationale de la Presse médicale, était bien placé pour concevoir l'utilité de ce Bureau. Vovageant à l'extérieur de la France et cherchant à savoir pour- quoi certains étrangers venaient en si petit nombre étudier chez nous, il obtint souvent cette réponse : « C’est que nous sommes un peu perdus lorsque nous venons à Paris. Vous avez tant de Facultés, d'Ecoles, de cours divers, que nous ne savons plus où nous adresser, pour connaitre dans quel établissement nous {rouverons l'enseignement spécial que nous cherchons et dont nous avons besoin ». Cette objection était juste. Aussi bien, elle fit naître en l'esprit de M. Blondel l'idée d'un bureau qui centraliserait tous les rensei- gnements universitaires et dont le personnel, parlant plusieurs langues, indiquerait aux étrangers, gratis et sans retard, le cours à suivre, l'établissement à visiter, le savant à consulter, etc. « Paris, dit M. Blondel dans la circulaire qu'il adressa récemment au monde savant, qui attire tant de visiteurs dans l’ordre scientifique, se doit à lui-même de leur faciliter leur travail, de les re- tenir, en mettant à leur disposition le plus grand nombre de documents possible, tout en Hu évitant des pertes de temps décourageantes », La création d'un tel bureau, dit-il encore, doit aider grandement à la mise en valeur des richesses de toutes sortes que Paris peut offrir à la curiosité ou à l'instruction de ses visiteurs, jusqu'ici un peu troublés devant la multiplicité des aff ches et la difficulté de se procurer un renseignement pratique et immédiat. j Bref, le Bureau de renseignements scientifiques est organisé depuis la rentrée dernière; il est situé à la Sorbonne, dans la galerie des Sciences, et il est ouvert de 10 heures à midi, et de 4 heure et demie à 4 heures. Le personnel se compose de M. Blondel, directeur, et d'un secrétaire; l'un et l’autre peuvent répondre en quatre langues aux personnes qui se présentent. Voici maintenant quel est le mode de fonctionne- ment de ce service, qui, d'ailleurs, à été longuement décrit par M. Dausset dans son intéressant Rapport. Les renseignements consignés au Bureau sont portés sur des fiches classées dans des meubles spéciaux et mises, quand il y a lieu, à la disposition des visiteurs. On y donne aussi des renseignements verbaux et par correspondance. Dans la bibliothèque se trouvent des annuaires de tout ordre, et sur les tables, les program- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE mes des examens et des concours, les plans d'études, les programmes des Facultés et des Ecoles, ete. Les fiches sont rangées en trois catégories corres- pondant aux trois ordres de renseignements qui peu- vent être demandés : Etablissements d'enseignement ou d'études S ; objets d'études ; fiches nominatives. La première catégorie renferme le programme des cours des Facultés, du Collège de France, du Muséum, des grandes Ecoles, de l'Institut Pasteur, professionnelles, du Musée social, ete. Dans cette caté- gorie figurent aussi les sociétés savantes, les musées, les hôpitaux, ete. La seconde catégorie, la plus importante, détaille les objets d’études et les groupe par catégories, dont les principales sont: Sciences médicales Seiences Juri- diques, Philosophie, Religions, Géogr aphie et Histoire, Lettres, Beaux-Arts, Sciences économiques, Sciences sociales, Sciences physiques, Sciences chimiques, Sciences naturelles, Sciences mathématiques, Sciences appliquées. Dans chaque catégorie, et pour chaque objet d’études, on trouve, sur autant de fiches séparées, l'indication des cours, des laboratoires, des musées, des sociétés savantes, des périodiques, particuliers à chaque spécialité. La fiche porte le sujet du cours, les heures, le local, les conditions d'admission, etc. On comprend fac ilement l'importance, pour quiconque arrive à Paris, de trouver groupés tous les moyens d'études dont il peut disposer, surtout si l'on songe que les mêmes matières sont parfois étudiées dans vingt établissements différents, sous des aspects di- vers. L'Agronomie, par exemple, ne comporte pas moins de 38 c cours, s'étendant depuis la Chimie agri- cole jusqu'aux Cultures coloniales et à la Législation agricole. Tous ces renseignements ont été extraits des annuaires, des affiches et des publications. Actuelle- ment, le nombre des fiches écrites dépasse 5.000, et il augmente chaque jour de 30 à #0 unités, ce qui mon- tre combien est grande la richesse de Paris en moyens d'études. La troisième catégorie de fiches renferme les noms de toutes les personnes dirigeant un enseignement, de quelque ordre que ce soil, public ou privé. Chaque fiche donne l'adresse du professeur, les jours et heures d'audience, et même son numéro de téléphone. De telle sorte que, par le téléphone qui est dans la salle, et qui est à la disposition des visiteurs, l'étranger peut être mis immédiatement en communication avec le profes- seur ou le savant qu'il veut consulter. Sur la table centrale, un registre, grand ouvert, in- dique chaque jour les conférences d'ordre scientifique qui se font à Paris, et dont le nombre atteint de 20 à 40 par jour. Une dernière catégorie de renseignements est en préparation : dans un dossier particulier pour chaque pays, l'étranger trouvera tout dE qui l'intéresse, de- puis l'ambassade, le consulat, la chambre de com- merce, les sociétés de bienfaisance ou d’études, jus- qu'aux adresses des savants de chaque nationalité fixés à Paris. Enfin, M. Blondel espère pouvoir mettre prochaine= ment à la disposition des visiteurs des cartes d'entrée ou permis de visile pour études, que l'étranger ne se procure pas toujours facilement. Voilà ce qu'est le Bureau des Renseignements scien= tüifiques de la Sorbonne. C'est une institution qui n'existe dans aucune autre capitale. Paris est donc ac= tuellement la seule ville où l'étudiant étranger peut, le jour même de son arrivée, se tracer un plan d'études complet et conforme à ses goûts. Aussi, depuis le mois d'octobre, et bien qu'il fût dans la période d’ins- tallation et de tâtonnements, ce Bureau a-{-il reçu de nombreux visiteurs. Telle est cette nouvelle création universitaire, qui est appelée à rendre de grands services aux étudiants étrangers et, par suite, à notre pays. E. Caustier. des Ecoles ” ds VS x M8 ÈS P. APPELL — L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DES SCIENCES 287 L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DES SCIENCES‘ I. — APERÇU SUR L'ÉVOLUTION DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR SCIENTIFIQUE. Pour se rendre compte de ce qu'estactuellement l'Enseignement supérieur scientifique en France, de ce qu'il peut et doit être dans l'avenir, il im- porte d'étudier rapidement son évolution pendant le siècle passé. Au début de la période révolutionnaire, on n’'aper- coit guère que deux établissements d'Enseignement supérieur : le Collège de France et le Muséum d'His- toire Naturelle. Mais, vers 1794, apparaissent, à peu près en même temps, deux Ecoles, l'Ecole Polytechnique et l'Ecole Normale Supérieure, qui, sorties de la même pensée, ont eu des destinées parallèles, souvent entremèélées, et qui, suivant la belle expression d'Hermile, sont deux branches d'une même famille étroitement unies par le sen- timent absolu de la justice et du devoir. La nécessité de former des élèves aptes à rece- voir l'Enseignement des Ecoles d'Ingénieurs civils et militaires (Ponts et Chaussées, Mines, Génie marilime, Génie militaire, Artillerie) suggéra l'idée d'une Ecole préparatoire à tous les corps d'ingé- nieurs. À la fin de 1794, fut rendue une loi créant une Ecole Centrale des Travaux publics, à laquelle devaient être admis des jeunes gens de 16 à 20 ans justifiant de connaissances sur les éléments de l'Arithmétique, de l'Algèbre et de la Géométrie; les examinateurs élaient chargés de juger les qualités intellectuelles et l'instruction des candidats: les élèves étaient externes et recevaient une indem- nité. L'année suivante, la Convention modifia cer- tains détails d'organisation et changea le nom d'Ecole Centrale des Travaux publics en celui d'Ecole Polytechnique; l'Ecole fut placée sous l'autorité du Ministre de l'Intérieur, et le nombre des élèves à admettre varia de 250 à 300 suivant les années. C'est seulement en 1804, à l'élablisse- ment de l'Empire, que l'Ecole fut militarisée et rattachée au Ministère de la Guerre, dont elle n'a cessé de dépendre jusqu'à ce jour. L’orgauisalion de l'Ecole a peu varié, dans ses principes, depuis 1804 ; c'est une sorte de Faculté des Sciences fer- mée, recrulée au concours, donnant un Enseigne- ment général préparatoire à diverses Ecoles tech- niques, civiles et militaires; ses élèves concourent incessamment entre eux, en vue du classement de 1 Cette étude fait partie d'une série de conférences sur l'Education de la Démocratie, données à l'École des Hautes Etudes Sociales, 16, rue de la Sorbonne, sous la présidence de-M. Croiset, Doyen de la Faculté des Lettres. sorlie qui permel, aux mieux classés, le choix de l'Ecole technique où ils poursuivront leur carrière sans qu'aucune nouvelle concurrence puisse les menacer. Le nombre des élèves a varié, suivant les époques, du minimum de 66 sous la Restauration au maximum de 265, après la guerre de 1870-1871. Depuis quelques années, de nombreux exercices d'ordre militaire ont éte imposés aux élèves. Après avoir pourvu à la préparation scientifique des Ingénieurs, la Convention fut amenée égale- ment à assurer le recrutement d'un corps ensei- gnant, par la création d’une Ecole Normale de Paris, destinée à former des instituteurs et des profes- seurs « sous la direction des hommes les plus éminents en tous genres de sciences et de talents ». L'idée première, telle qu'elle est exposée dans le Rapport de Lakanal, semble avoir été de former des maitres primaires au contact des premiers esprits du pays ; mais bientôt, on fut amené, en pratique, à considérer l'Ecole Normale comme une Ecole d'enseignement supérieur pour la Répu- blique. Telle fut l'Ecole Normale de l’an II, con- temporaine de la première Ecole Polytechnique, licenciée après une courte existence. Le décret impérial de 1808, organisant l'Univer- sité Impériale, reprit la tradition de la Convention et fonda l'Ecole Normale avec sa forme el ses principes actuels, dans ce qu'ils ont d'essentiel. Dès cette époque, il fut décidé que les élèves ne recevraient pas, à l'Ecole, d'enseignement didac- tique; ils devaient suivre au dehors, au Collège de, France, au Muséum, à l'Ecole Polytechnique, les cours qui leur étaient nécessaires suivant qu'ils se destinaient à l’enseignement des lettres ou des sciences ; des répétiteurs interrogeaient les élèves en leur faisant revoir les cours, les exer- çaient aux problèmes, aux expériences de Phy- sique et de Chimie, et les formaient à l’art d’ensei- gner. Peu après, les Facultés furent instituées, et c'est désormais là que les élèves de l'Ecole Nor- male allèrent chercher l'Enseignement général. Les élèves, dit le règlement, prennent leurs inscriplions sous trois professeurs de la Faculté des Sciences. Celte organisation s'est maintenue. L'Ecole Normale (Section des Sciences) reçoit, par concours, des boursiers qui, en première et deuxième année, suivent les cours de la Faculté des Sciences, et reçoivent, en troisième année, une préparation technique à la carrière du professorat; ces élèves n'ont à l’Ecole que des conférences et des manipulations, et ne possèdent vis-à-vis de leurs concurrents du dehors aux postes de profes- 288 P. APPELL — L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DES SCIENCES seurs, aux grades et aux titres universilaires, , de vulgarisation scientifique, et avaient quelques d’autres avantages que ceux qui résulteut de la vie en commun d'un petit nombre de jeunes gens, avec l'intimité des maitres, dans la paix des labo- ratoires el des bibliothèques. Les Facullés, créées par la loi de 1806, vinrent compléter,en 1808, l'organisation de l'Enseignement supérieur scientifique en France; d'après cette loi, il devait être établi près de chaque lycée, chef-lieu d'une Académie, une Faculté des Sciences dont faisaient partie, avec le premier professeur de Mathématiques du lycée, trois autres professeurs : un de Mathématiques, un d'Histoire naturelle, et le troisième de Physique et Chimie A Paris, la Faculté des Sciences était formée de la réunion de deux professeurs du Collège de France, de deux du Muséum, de deux de l'Ecole Polytechnique et de deux professeurs de Mathématiques des lycées. En outre, le cours d’Astronomie du Collège de France et le cours d’Anatomie et Physiologie comparées du Muséum furent déclarés cours de Faculté, tant pour l'enseignement que pour les inscriptions. Tous les établissements scientifiques de Paris venaient ainsi coopérer à l’enseignement de la Faculté des Sciences. Je passe sous silence le détail des modifications qui dégagèrent peu à peu les Facullés de toute relation directe avec les lycées et qui, à Paris, les rendirent indépendantes des autres élablissements d'Enseignement supérieur. Mais je considère comme indispensable de faire remarquer que, l'Ecole Poly- technique ne suffisant pas à donner un enseigne- ment général à tous les jeunes gens qui désiraient suivre la carrière d'ingénieur, et les Facultés s'étant au début désintéressées de ce genre d'en- seignement, d'autres Ecoles préparatoires Ecoles techniques prirent naissance; les Ecoles des Mines et des Ponts et Chaussées instituèrent une année préparatoire d'Enseignement général; l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures fut créée, avec un examen d'entrée analogue à celui de l'Ecole Polytechnique, mais plus élémentaire, une première année d'Enseignement scientifique, et deux années d'Enseignement technique. Nous arrivons ainsi à la fin du second Empire, avec un Enseignement supérieur des Sciences dis- persé dans les Facullés des Sciences, les Facultés de Médecine, les Ecoles de Pharmacie, et à Paris, dans le Collège de France, le Muséum, l'Ecole Polytechnique et les Ecoles préparatoires aux Ecoles techniques. Les diverses Facullés, pau- vrement installées, étaient indépendantes les unes des autres, tenues par l'Etal dans une étroite tutelle. Soumises à un régime uniforme de cours et de programmes, les Facultés des Sciences fai- saient des bacheliers, donnaient des cours publics aux véritables élèves de licence en vue du professorat. Les Facultés de Médecine et les Ecoles de Phar- macie donnaient, outre leur enseignement profes- sionnel, un enseignement préparatoire de Sciences générales, Physique, Chimie, Sciences naturelles; mais cescours, regardés comme accessoires, élaient, dans les Facultés de Médecine, principalement sui- vis en vue des examens, avec la hâte d'arriver le plus vite possible à l'enseignement professionnel. Quelques chercheurs travaillaient dans des labora- toires mal outillés, et réussissaient, à force de vo- lonté et d'ingéniosité, à maintenir le rang de la Science française dans le monde. La nécessité de donner à l'Enseignement supé- rieuret aux recherches scientifiques une impulsion nouvelle fut vivement ressentie par Duruy, qui ouvrit de nouveaux laboratoires et créa l'Ecole des Hautes Etudes. Dans un remarquable Rapport de 1868, Duruy indiquait les vices du système en fonclion, et proposait des remèdes. Il voulait faire servir les immenses ressources du Muséum à la création d'une Ecole Supérieure d'Agronomie; il signalait le délaissement des Facultés et recher- chait les moyens de les utiliser pour l'éducation scientifique des jeunes gens : « Pour cela, disait-il, il n’est pas nécessaire d'interdire nos Facultés aux auditeurs bénévoles qui viennent y chercher le seul aliment intellectuel qu'ils puissent trouver en certaines villes; mais il faut que cet enseignement, qui s'adresse au grand public, devienne l’acces soire au lieu d'être le principal, qu'aux lecons ora- toires se joignent les lecons didactiques, l'Ensei- gnement supérieur étant fait pour mettre l'étudiant au courant des méthodes et pour lui apprendre la science que les méthodes ont créée ». Le Rapport se termine par des doléances, qui n'étaient que trop juslifiées, sur la misère des bâtiments et du malériel de l'Enseignement supérieur scientifique en France. Après la guerre de 1870-71, un grand effort fut fait pour l'éducation scientifique de la démocratie. Un Rapport ministériel de 1878 reconnait la néces- silé de soutenir et d'encourager les hommes illustres qui font école, de donner à la Science qui a, pour ainsi parler, ses appélils changeants, et déplace incessamment ses exigences et ses métho- des, tous lés outils qui lui sont nécessaires. Il indi- que la création de bourses d'études et de voyages, la dotation des bibliothèques : il insiste particu- lièrement sur la multiplicalion du nombre des préparateurs, la créalion des cours annexes et des maïitrises de conférences. Par là se trouvaient établis les intermédiaires nécessaires entre les maitres et les élèves : par là était assurée une évo- lution encore inachevée, consistant à placer à côté P. APPELL — L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DES SCIENCES des cours didactiques, des interrogations, des expli- calions familières, un contact direct avec l'expé- rimentalion. Le mouvement ainsi commencé aboutit enfin à la création des Universités, couronnement des efforts des hommes qui, depuis 1871, avaient occupé les fonctions de ministres de l'Instruction publique et de directeurs de l'Enseignement supérieur Waddington, Ferry, Paul Bert, Goblet, Bourgeois, du Mesnil, Dumont, Liard.…. Pour susciter et augmenter l’activité scientifique, pour coordonner les efforts éparpillés, on donna aux Facultés une cerlaine autonomie matérielle et morale, en leur accordant la personnalité civile et en les groupant sous le nom d'Universilés. Le Gouvernement de la République, malgré les charges énormes résultant de la défaite, continua les sacrifices nécessaires pour la reconstruction des bâtiments, l'aménagement des laboratoires, l’augmentalion du nombre des chaires et des maïitrises de conférences; partout il fut secondé par les Conseils municipaux, tant pour les dépenses matérielles que pour les créations d'enseignements. On sait, en particulier, quelle a élé la libéralité desla Ville de Paris, quelle part elle a eue dans la construction de la Sorbonne, et coniment elle à pris entièrement à sa charge la création d'une chaire d'Évolution des êtres orga- nisés. M. Liard, qui dirigeait alors l'Enseignement Supérieur, caractérisait de la facon la plus heu- reuse le rôle des Facultés : «Il fallait que la Science, avec tout ce qu’elle implique d'esprit de vérité et de liberté d'esprit, de foi dans les idées et de sou- mission aux faits, d'idéalisme dans les convictions et de réalisme dans les méthodes, füt, chez elles, non plus l'accident, mais l'essentiel ». Et ailleurs: « Introduire dans les examens et dans l’enseigne- ment qui y conduit plus de science que par le passé, appareiller la fonction professorale des Facultés à leur fonction scientifique ». Une heureuse conséquence de la réunion des Facultés en Universités fut l'organisation du P.C.N. Les cours préparatoires qui se donnaient autrefois dans les Facultés de Médecine sur les sciences physiques, chimiques et naturelles furent transporlés dans les Facultés des Sciences, où ils forment ce qu'on appelle par abréviation le P.C.N. Le passage par cet enseignement est obligatoire pour l'inscription dans une Faculté de Médecine. Cette réforme fournit à la carrière médicale une base scientifique indispensable; par l'organisation de manipulations nombreuses et surveillées de près, elle donne aux futurs éludiants en médecine l'habitude de l'observation personnelle et le goût des recherches scientifiques. Nous allons maintenant nous occuper de l'orga- nisalion actuelle de l'Enseignement supérieur des 289 Sciences, des perfectionnements qu'il conviendrait d'y apporter, en insistant sur les relations de l'En- seignement scientifique avec les Ecoles techniques et l'Industrie. IT. ENSEIGNEMENT GÉNÉRAL SCIENTIFIQUE. L'enseignement supérieur des Sciences est donné actuellement, comme objet principal ou comme en- seignement préparatoire, dans un grand nombre d'é- tablissements qui comprennent : en première ligne les Facullés des Sciences, puis l'Ecole Polytech- nique, le Collège de France, le Muséum, les années préparatoires aux Ecoles techniques (Mines, Ponts et Chaussées, Ecole Centrale), certains cours des Ecoles de Pharmacie, de l’Instilut Agronomique, des Ecoles d'Agriculture. Nous nous occuperons d'abord des Facultés des Sciences. Les travaux des Facultés des Sciences peuvent se ramener à trois types, qui se présentent avec de nombreux intermédiaires : l'enseignement général, l’enseignementscientifique en vue des applications, les travaux de recherches. $ 1. — Enseignement général des Facultés. Les Facultés donnent un enseignement général portant sur les connaissances regardées actuelle- ment comme classiques dans les diverses branches des Sciences. Cet enseignement correspond, à peu près, au programme des trois anciennes licences : Sciences mathématiques (Analyse, Mécanique, Astronomie), Sciences physiques (Physique géné- rale, Chimie générale, Minéralogie), Sciences natu- : relles (Zoologie, Physiologie, Botanique, Géologie). Pour les Sciences physiques, chimiques et natu- relles, il y a, en quelque sorte, deux sections : une section plus élémentaire constitue le P.C.N., une section plus élevée les cours de licence. Pour les Mathématiques, la création de cours de Mathéma- tiques générales dans la plupart des Facultés indique également une tendance à élablir une sec- tion plus élémentaire ou section préparatoire. Dans cet enseignement général, on cherche à donner aux étudiants les éléments essentiels des Sciences, à développer en eux l'esprit scientifique en leur faisant connaître et appliquer les méthodes de recherches. A côté des cours diaactiques sont organisées des conférences et des manipulalions dans lesquellesles élèves sont en rapport direct avec des maitres de conférences, des chefs de travaux, des préparateurs chargés de leur donner des explications, de les inter- roger, de leur faire faire des problèmes, des exer- cices pratiques, des manipulalions, des lectures, et de les initier ainsi à la recherche et à la réflexion 290 P. APPELL — L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DES SCIENCES personnelle. Ces conférences et ces exercices pra- tiques sont d'une importance toute particulière; sans eux, les cours magistraux seraient loin de produire tous leurs effets utiles, car beaucoup d'élèves sortent de la préparation au baccalauréat avec une tendance fächeuse à se contenter d’ap- prendre et de répéter la parole du maitre. En Mathémaliques, les étudiants de licence sont exercés sur des problèmes de Calcul différentiel, de Calcul intégral, de Mécanique; en Astronomie, on cherche à les familiariser avec les calculs numé- riques et le maniement des instruments; ce côté pralique de l’enseignement de l'Astronomie de- mande à être très développé ; cela serait facile dans les Universités où le Directeur de l'Observatoire est en même temps professeur à la Faculté; à Paris, la Faculté a fait, dans ce but, un accord avec l'Obser- vatoire du Bureau des Longitudes, situé au Parc de Montsouris, où se trouve un outillage excellent ayant servi pendant longtemps à l'éducation astro- nomique des officiers de marine. Dans les Sciences physiques et naturelles, les étudiants en licence sont de même exercés par de nombreuses manipulations à réaliser les expé- riences qu'ils ont vu décrire, à construire et à étu- dier des appareils, à acquérir l'éducation de l'œil et de la main, et à corriger par l'observation person- nelle et directe ce que les notions prises dans Îles livres et les cours ont de théorique et de schéma- tique. Enfin, en Botanique, en Géologie, et en Géo- graphie physique, les élèves font des promenades et des voyages scientifiques. À la fin de l'année, les étudiants subissent l’exa- men du certiticat d’études P. C. N., ou les examens des certificats de licence : la réunion de trois de ces derniers certificats donne le grade de licencié. Dans ces examens, les notes des conférences et des travaux praliques sont consultées par les examina- teurs; en outre, les travaux pratiques forment, à l'examen même, une épreuve importante pouvant être éliminatoire. Voici les critiques que soulèvent ces diverses facons de procéder et les améliorations qu'il me paraît utile d'y apporter : 1° En ce qui concerne l’enseignement du P. C. N., les étudiants qui se deslinent à la Médecine sont à peu près les seuls à le fréquenter : il serait très utile que le P.C. N. fût fréquenté par des étudiants de toute nature, sauf peut-être les mathématiciens, et qu'il comportàt, outre les cours actuels, un enseignement de Mathématiques comprenant les éléments du Caleul arithmétique, de l'Algèbre et de la Géomélrie analytique. Le certificat d'études P. C. N. ainsi constitué formerait un certificat d’études supérieures pouvant conférer un tiers de licence, à condition qu'il fût pris avant les deux autres certificats. On gagnerait à ce système de placer une année non obligatoire entre le lycée et les études de licence. Il arrive actuellement que de jeunes bacheliers se font inscrire à des cours de licence qu'ils ne peuvent pas suivre, à cause du changement brusque de mé- thode ou encore parce qu'ils se sont trompés sur leur vocation : une année de P. C.N., avec un ensei- gnement simple et de très fortes manipulations, leur donnerait une éducation scientifique, les ini- lierait aux méthodes des diverses sciences et leur permettrait ensuite de choisir leur voie en connais- sance de cause. Cette année ne serait pas un retard, puisqu'elle conférerait un tiers de licence, En outre, le fait de posséder déjà ce tiers de licence engagerail certainement beaucoup de futurs médecins à prendre ensuite deux autres certificats, pour avoir le grade de licencié et peut-être plus tard celui de docteur ès sciences; l'éducation scientifique du corps médical ne pourrait qu'y gagner. Enfin, l'in- troduction d’un enseignement de Mathématiques au P. C. N. se justifie par ce fait que les connais- sances mathématiques, indispensables aux physi- ciens et aux chimistes, rendent aussi de grands services dans les sciences naturelles où les procé- dés géométriques, les représentations graphiques jouent actuellement un rôle de plus en plus consi- dérable ; 20 Relativement aux conférences et aux travaux: pratiques, il nous semble que les enseignements didactiques sont souvent beaucoup trop chargés par rapport aux conférences et aux manipulations. On se préoccupe trop de faire des cours complets, ce qui fatigue les élèves et les maintient dans l’ha- bitude prise au lvcée d'écouter des lecons et de les apprendre pour l'examen. Il n'y a pas d'inconvé- nient à ce qu'un cours ne soit pas complet, pourvu que les élèves comprennent bien l'esprit des mé- thodes et acquièrent, dans les travaux pratiques, l'habitude de réfléchir et de chercher; pour les parlies qui n'auraient pas élé enseignées, ils se tireront ensuite facilement d'affaire sans cours, avec des livres et des travaux dans le laboratoire. Par contre, il faudrait développer les conférences d'interrogations et surtout les manipulations. Trop souvent, les étudiants de licence manipulent sur des instruments ou des préparations montés par le préparateur et font ainsi deux ou trois manipulations seulement par semaine : ils prennent alors une part personnelle trop faible aux travaux pratiques. Il faudrait que les élèves pussent aller au laboratoire quand ils le voudraient et y passer des journées entières, en y montant eux-mêmesles appareils, en apprenant à faire une expérience à peu de frais, en voyant travailler et en aidant les pré- parateurs et les chefs de travaux. Les manipulations tits « P. APPELL — L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DES SCIENCES 294 toutes préparées devraient, autant que possible, disparaitre de l'enseignement supérieur. On à déjà essayé ce nouveau système, qui donne d'excellents résultats. Ainsi, à Paris, certains labora- toires, comme celui de Chimie analytique et celui de Géographie physique, sont constamment ouverts aux éludiants de licence. En Zoologie et Anatomie comparées, on à installé des ‘travaux pratiques facultatifs ; on a autorisé des élèves qui en ont fait la demande à travailler au laboratoire, quand ils le voudraient, en assignant à chacun d'eux une place déterminée avec un petit matériel et en mettant à leur disposition des livres : seize élèves ont demandé l’année dernière à profiter de ces avantages; mais on a constaté que l’assiduité à l'étude des livres à été plus grande que l’assiduité aux travaux pra- tiques : le Directeur du laboratoire attribue ce fait à ce que la plupart des élèves, sortis depuis peu de temps du lycée, n’ont pas encore l'esprit d’ini- lialive et l'habitude du travail personnel. Mais les laboratoires où une organisation de ce genre peut fonctionner sont rares, et sur certains points tout manque. Ainsi, pour la Mécanique appliquée, les élèves devraient vivre dans un labo- raloire qui soit un véritable atelier, avec des ma- chines en action et des appareils d'essai, sous la direction de préparateurs qui seraient de véritables ingénieurs, capables de leur faire vérifier, sur chaque sorte de machine, les théories exposées par le pro- fesseur. Mais ce genre d'étude est, en France, tout à fait dans l'enfance : il existe une scission à peu près complète entre la Mécanique enseignée dans les Facultés comme une Science mathématique et la Mécanique des usines et des ateliers, malgré les progrès faits dans cetle voie par plusieurs de nos Universités. On peut à peine comparer ce qui se fait en France, dans les Universités les mieux outillées, aux magnifiques installations des labo- ratoires de Mécanique, qu'on voit en Amérique, dans plusieurs Universités, et en Europe, à Char- lottenbourg ou au Polytechnicum de Zurich. Pour résumer la façon dont nous concevons l’enseignement général des sciences expérimen- tales dans les Universités par la limitation de l’en- seignement ex cathedra et l'accroissement du temps passé au laboratoire, nous pouvons dire qu'elle est la suite de l’évolution indiquée par Duruy : l’ensei- . gnement oratoire à été remplacé par l'enseigne- ment didactique; l’enseignement didactique doit lui-même être réduit, remplacé et complété par le travail du laboratoire, le contact journalier avec la réalité elle-même. Dans ce système, il faudra un grand nombre de préparatears et de moniteurs. On devra, comme on le fait déjà, inslituer deux espèces de préparateurs : les préparateurs titulaires en petit nombre, faisant leur carrière de ces fonctions, et les préparateurs de passage, qu'on pourra recruter parmi les étu- diants boursiers; en échange de la faveur qu'ils recoivent de l'Etat, les boursiers devront, plusieurs fois par semaine, donner trois ou quatre heures aux élèves de licence des laboratoires ;'pour ceux des boursiers, et ils sont nombreux, qui se destinent à l’enseignement, ce genre de travail sera un excel- lent exercice de pédagogie pratique; d’ailleurs, ces bourses ne devront rester au même étudiant que trois où quatre ans au plus, pour qu'un grand nom- bre de jeunes gens puissent en profiter successive- ment. Un système de ce genre fonctionne depuis long- temps à l'Ecole Normale, où existent des agré- gés restant à Paris deux ou trois ans, afin de pour- suivre des études supérieures, et faisant fonction de préparateurs ou de répétileurs. 1 2. — Certificats. Les études dont nous parlons ici (enseignement général) sont sanctionnées par des certificats de licence. Chaque Faculté des Sciences peut proposer des certificats nouveaux, dont la création n’est définitive qu'après autorisalion du Ministre. De celte façon, l’enseignement n’a plus la lamentable uniformité qu'il présentait autrefois; chaque Uni- versité peut adapter ses programmes aux besoins scientifiques locaux, aux savants qui lui prêtent leur concours. Mais il est un point sur lequel les Facultés devraient avoir plus d'initialive et d'indépendance : s'il est naturel que la création d'un certificat nouveau doive être autorisée par le Ministre pour éviter des abus, pour empêcher, par exemple, que cerlains enseignements cessent d’être scientifiques pour devenir techniques, il est légi- time aussi que, le certificat une fois créé, les Facul- tés soient libres de réglementer les conditions de l'examen, de fixer par exemple l'ordre de certains certificats, dans l'intérêt des études. Cette liberté ne ferait qu'augmenter la valeur deslicences scien- tifiques, en ajoutant au contrôle des programmes fait par le Ministre le contrôle des conditions d'examens fait par les Facultés. Par exemple, une Faculté où existent un certificat de Chimie générale et un certificat de Chimie appliquée pourrait déci- der, si elle le juge utile d’après l’organisation des cours, qu'aucun candidat ne se présentera à la Chimie appliquée s’il ne possède déjà le certificat de Chimie générale : de même, une Faculté pourrait n’admettre à l'examen de Physique générale que des candidats possédant le certificat de Mathématiques générales, etc. ; elle pourrait aussi ne pas admettre pour la licence certains groupements de certi- ficats, 292 P. $ 3. — Recrutement des Facultés. D'après les règlements, le grade de bachelier est nécessaire et suffisant pour entrer dans les Univer- sités. Quelques étudiants en Mathémaliques et en Sciences physiques sortent de «spéciales »; mais la très grande parlie des étudiants sont seulement ba- cheliers:leuréducaltionscientifiqueest donc celle qui correspond au baccalauréat. Les bacheliers lettres- philosophie, nombreux au P.C.N., ont des connais- sances mathématiques insuffisantes pour suivre les cours de Physique et de Chimie; leur préparation est surtout mauvaise dans les parties élémentaires : le système métrique, la multiplicalion et la division des nombres décimaux, qu'ils connaissent beaucoup moins bien que les élèves des écoles primaires. Les bacheliers lettres-sciences sont, au point de vue des connaissances, suffisamment préparés pour le P.C.N., mais insuffisamment pour les cours de licence. Quant à l’éducation scientifique, elle a de grands progrès à faire. Ces imperfections tiennent en grande partie au mode d'examen du baccalau- réat; les candidats, sachant qu'ils auront à répondre à l'examen sur un programme qui est comme la table des matières de dix volumes d’Arithmétique, de Géométrie, d'Algèbre, de Cosmographie.., font appel surtout à leur mémoire pour être prêts à tout, craignant qu'une défaillance entraîne la perte d'une année. Ils sexagèrent certainement les hasards de l'examen, car un examinateur attentif peut démèêler assez vite la part de l'intelligence, de la mémoire, de l'émotion. Néanmoins, l’impres- sion existe chez les élèves, fortifiée par quelques accidents d'examens arrivés à de bons sujets : elle nuit certainement à la valeur des études, à l’auto- rilé des professeurs, au travail réfléchi et personnel. En outre, le baccalauréat actuel ne comporte pas et ne peut pas comporter d'épreuves pratiques : ilen résulte que les élèves craignent de perdre leur temps dans les exercices de manipulations ou de dessin. On remédierait à tous ces inconvénients, pour les élèves des lycées, en délivrant, dans leur lycée même, aux meilleurs d'entre eux le diplôme de bachelier, d'après l'ensemble de leurs notes de compositions, de leçons, d'interrogations, d'exercices pratiques pendant les deux dernières années. Pour les élèves sortant du lycée sans diplô- me et pour les candidats venant de l’enseignement libre, le baccalauréat subsisterait sous sa forme actuelle. Enfin, je lermine ces réflexions déjà longues sur le recrutement, en disant un mot des élèves-femmes. Depuis plusieurs années, un grand nombre de jeu- nes femmes suivent les cours des Facultés, princi- palement ceux du P.C.N. en vue de la médecine. Mais, par une anomalie inexplicable, le diplôme de APPELL — L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DES SCIENCES fin d'études secondaires, délivré par l'Etat dans les lycées et collèges de jeunes filles, n’a aucune valeur ni pour l'inscription dans les Facultés des Sciences, ni pour l'inscription dans les Facultés de Médecine. Il en résulte que le régime actuel des lycées de jeunes filles est une sorte de piège tendu aux parents, qui sont cependant en droit d'exiger qu'une jeune fille, ayant suivi le cours régulier d'études secondaires dans un lycée de l'Etat et ayant réussi aux examens consacrant ces éludes, puisse, sans nouveau diplôme, aborder l’enseigne- ment supérieur. III. — ENSEIGNEMENT SCIENTIFIQUE EN VUE DES APPLICATIONS. $ 1. — Relations avec les Écoles techniques. A côté de l’enseignement général correspondant aux anciennes licences est venu, depuis la consli- tution des Universités, se placer un enseignement scientifique nouveau qui, malgré ses origines récentes, a déjà pris une grande extension. Nous voulons parler de l'Enseignement scientifique fait en vue des applications, c'est-à-dire des Ecoles techniques et de l'Industrie. L'étude de cet ensei- gnement soulève, d'une facon générale, le pro- blème des relations entre les Facultés des Sciences et les Ecoles techniques. Nous appelons Ecoles techniques, les écoles qui préparent directement à l'exercice d’un art ou d’une profession. Ainsi les Facullés de Médecine, les Ecoles de Pharmacie sont des Ecoles techniques; la préparalion profes- sionnelle et pédagogique à l'enseignement, c’est- à-dire à la carrière du professorat, est une prépa- ration technique qui se trouve mêlée à l’enseigne- ment des Facultés : les Ecoles d'Electricité, les deuxième et troisième années de l'École Centrale, les trois années qui suivent l’année préparatoire aux Ecoles des Mines et des Ponts, la troisième année de l'École Normale supérieure, l'École Coloniale, l'Institut Agronomique, l'École de Physique et de Chimie de la Ville de Paris, les Écoles d'Agricul- ture, les Écoles supérieures de Commerce, les Écoles d'Arts et Métiers. sont des Écoles techni- ques. L'École Polytechnique, au contraire, est une École purement scientifique, donnant un enseigne- ment général, comme une Faculté, et préparant ses élèves à certaines Écoles d'application. La règle générale qui nous semble devoir régir les rapports entre les Facultés et les Ecoles tech- niques est la suivante : l'enseignement technique devant être appuyé sur un enseignement scien- tifique aussi élevé que possible, pour mettre les élèves à même de lutter contre la concurrence étrangère, de perfectionner et de renouveler sans P. APPELL — L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DES SCIENCES cesse les applications de la Science, il est indispen- sable d'établir le plus de points de contact possible entre l’enseignement supérieur et les Ecoles tech- niques, les Facultés fournissant aux jeunes gens l'éducation scientifique, les Ecoles techniques les préparant à l'exercice de l’art ou de la profession qu'ils poursuivent. En d’autres termes, les Facultés doivent remplir, vis-à-vis des Ecoles techniques, le rôle que la Convention avait assigné à l'École Poly- technique à l'égard des Ecoles d'ingénieurs, avant l'établissement des Facultés. Cette idée a été, comme nous l'avons vu, réalisée depuis longtemps à la section des Sciences de l'Ecole Normale, dont les élèves de première et deuxième année sont comme des boursiers de licence recevant à la Sorbonne l'Enseignement scientifique, la fonclion propre de l'Ecole élant, pendant la troisième année, de préparer ses élèves à la carrière du professorat : elle a été réalisée récemment par l'institution du P. C. N., transpor- tant dans les Facultés des Sciences l'enseignement général préparatoire aux études médicales. La même idée est exprimée par Renan, à la fin des Mélanges d'Histoire et de Voyages, à propos de la liberté de l'Enseignement supérieur : « On résoudrait, dit-il, la plupart des difficultés par ce principe que l'Université enseigne tout l’en- semble de la Science théorique, laissant aux Ecoles d'application, aux séminaires de toutes sortes, le soin de former des sujels en vue d’une certaine pratique. » Le principe énoncé par Renan nous semble devoir être Ja base des relations entre les Universités et les Ecoles techniques. Et qu'on ne croie pas que, en poursuivant son application, nous ayons en vue une sorte de protectionnisme universitaire, le désir de donner des élèves aux Facultés : il s'agit, dans l'intérêt de la Science comme dans celui des applications, de faire le parlage des fonctions et de laisser l’enseignement scientifique à l'orga- nisme le mieux adapté au but visé. L'observation montre que, chaque fois qu'une Ecole technique veut donner un enseignement scientifique, cet enseignement passe au second plan, par rapport à l’objet principal de l’école; il est donné à la hâte, dans un esprit d'utilité immédiate, sans les exer- cices, les interrogations, les manipulations néces- saires. Nous verrons plus loin comment le principe de la séparalion des deux enseignements et de leur organisation en vue d'un but commun a déjà recu, sous des formes diverses, de nombreuses applica- tions, résultant de la force même des choses et de l’impérieux besoin qui domine l’industrie moderne de se renouveler sans cesse au contact de la Science. Comme le dit M. Haller, dans son remar- 293 quable Rapport sur les Arts chimiques à l'Exposi- tion de 1900 : « L'avenir est à l'industrie scienti- fique, et malheur aux nations insouciantes qui restent au-dessous de ces nécessités nouvelles ». Seulement, nous devons mettre les Facullés en garde contre un écueil redoutable : il faut éviter qu'il s'établisse une confusion inverse de celle qui existe aujourd'hui et que les Facultés versent dans l'Enseignement lechnique. L'Enseignement des Facultés doit être exclusivement scientifique et non technique; les deux enseignements doivent avoir leurs organes propres, aussi perfectionnés que possible, mis en relations par des Conseils ou Commissions mixtes composées de savants et d'in- génieurs, analogues aux Conseils des Universités où siègent les représentants des Facultés des Sciences, des Ecoles de Médecine et de Pharmacie. En laissant pénétrer l'Enseignement technique dans les Facultés des Sciences, on amènerait rapidement la déchéance de la Science française et, par suite, l'affaiblissement des études techniques elles- mêmes, qui ne peuvenl progresser qu'avec une base scientifique solide et profonde. Il est parfai- tement admissible, et le fait existe déjà, que les Universilés organisent à côlé d'elles, avec leurs ressources, des Instituts lechniques; mais ces Instituts doivent être nettement séparés des autres services, et se borner à donner un enseignement professionnel à des éludiants qui suivent ou ont suivi l’enseignement scientifique général de la Faculté des Sciences. Voici des indications sommaires sur quelques organisations-types qui existent actuellement dans cet ordre d'idées. A Lille, les rapports les plus étroits ont été établis entre l’Institut industriel du Nord de la France et la Faculté des Sciences. Cet Institut est un établisse- ment fondé par le Département et la Ville, occupant parmi les Ecoles techniques une situation intermé- diaire entre les Ecoles d'Arts et Métiers et l'Ecole Centrale. Tout d’abord, il y a entre l’Instilut et la Faculté une sorte d'union personnelle, en ce sens que les cours théoriques y sont donnés par des membres de la Faculté qui y enseignent les Mathé- matiques spéciales, l'Analyse, la Mécanique, la Physique, l'Electricité, et qui y donnent des confé- rences et des interrogations. Puis, les meilleurs élèves de l’Institut viennent à la Faculté compléter leur éducation scientifique et prennent, quand ils sont bacheliers, des certificats de Mathématiques générales, de Mécanique ralionnelle, de Mécanique appliquée, de Physique industrielle, de Chimie générale, de Chimie industrielle. Les élèves sortant de l'Institut industriel avec le diplôme forment à peu près le quart de l’effeclif : ils trouvent facile- ment des situations dans la région, où ils sont 294 recherchés comme ingénieurs. Cetle organisation pourrait encore être améliorée si les cours théo- riques de l’Institut, d'un caractère vraiment scien- tifique, étaient tous faits à la Faculté même. Comme annexe directe à l'Université de Lille existe un Institut électrochimique, qui donne un diplôme d'ingénieur électricien et dont les élèves suivent à la Faculté des Sciences les cours de Ma- thématiques générales, de Physique générale, de Thermodynamique et de Mécanique appliquée; à noter que cette Mécanique est réellement appliquée et que, cette année, le professeur a fait porter son enseignement sur l'étude théorique des automo- biles. Enfin, pour montrer l'union réalisée, dans cette Faculté, entre la Science et l'Industrie, signa- lons ce fait que, dans le jury des certificats de Chimie industrielle, figure un docteur ayant une situation industrielle considérable, celle d’admi- nistrateur délégué des Établissements Kullmann. A l'Université de Nancy, nous relevons quatre Instituts techniques: l'Institut chimique, l'Ecole de Brasserie, l’Institut électrotechnique, l'Institut agricole. À l’Institut de Chimie, la base de l'Ensei- gnement est constiluée par les cours de la Faculté sur la Chimie minérale, la Chimie organique, la Chimie analylique; ces cours sont complétés à l'Institut par des lecons dans lesquelles on étudie une série d'industries spéciales : Métallurgie, Céra- mique, grande Industrie chimique, Électrochimie ; des cours spéciaux, subventionnés par la Ville de Nancy, se rapportent aux procédés chimiques de teinture et d'impression. L'Enseignement pratique se fait dans de vasles laboratoires, où les élèves sont admis chaque jour de huit heures à midi et de deux heures à six heures. La durée des études est de trois ans : cependant, des jeunes gens ayant déjà suivi des cours de la Faculté et munis de diplômes ou de certificats de licence peuvent être dispensés d’une ou deux années d’études. Un diplôme d’ingénieur-chimiste est délivré aux meil- leurs élèves. L'Institut électrochimique a été fondé par les généreuses subventions des industriels de la région, du Conseil général de Meurthe-et-Mo- selle, du Conseil municipal de Nancy et de l'Etat. Son organisation est analogue à celle de l'Institut chimique. Dans les deux premières années, les élèves prennent à la Faculté les connaissances générales en Mathématiques, en Physique, en Chi- mie; la troisième année est technique : sont admis d'emblée en troisième année les anciens élèves des grandes Ecoles de Paris et les étudiants pourvus du certificat de Physique générale et de l'un des certificats fondamentaux de Mathématiques : Ana- lyse infinitésimale ou Mécanique rationnelle. Enfin, l'Institut agricole a pour but de donner une ins- truction supérieure préparant à la profession P. APPELL — L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DES SCIENCES d’agriculteur : il comprend une section d'études coloniales. À Bordeaux, nous relevons de même une Ecole de Chimie appliquée à l'Industrie et à l'Agriculture, dont les élèves suivent les cours de Chimie pro- fessés régulièrement à la Faculté pour les can- didats à la licence, ainsi que ceux de Chimie indus- trielle et de Chimie agricole, et reçoivent à l'Ecole un enseignement technique. Un laboratoire d’Elec- tricilé industrielle est annexé à la Faculté dans des conditions analogues. Je ne puis ici passer en revue toutes les organisations analogues existant dans les Universités de Besançon, Caen, Clermont, Dijon, Grenoble, Lyon, Marseille, Montpellier, Rennes, Toulouse... ; une telle étude serait des plus instructives : elle montrerait avec quelle variété de formes, avec quelle intelligente activité, les Uni- versités se sont efforcées partout de répondre aux exigences de la Science et de l'Industrie. À Paris, l'Université possède un Instilut de Chi- mie appliquée où les élèves sont admis à la suite d'un examen de capacité et étudient pendant (rois ans. L’Enseignement pratique qu'on y donne est coordonné aux cours et conférences de la Faculté des Sciences que les élèves sont tenus de suivre. La Faculté des Sciences de Paris ne possède pas d'autre Institut technique proprement dit; mais, dans la plupart des Enseignements expérimentaux, se trouvent placés, à côlé des cours et exercices généraux, des Enseignements scientifiques faits en vue de certaines applications ; il arrive aussi que des étudiants ayant pris à la Faculté des certi- ficats d'études supérieures vont ensuite dans des Ecoles lechniques, ou que des jeunes gens sortis de ces Ecoles viennent prendre à la Faculté un Enseignement scientifique. C'est ainsi que, cha- que année, plusieurs étudiants de la Faculté entrent à l'École d'Électricité après avoir pris les certificats d’études supérieures nécessaires; que les cours, conférences et travaux pratiques de Géologie et de Minéralogie ont élé suivis par d'anciens élè- ves de l'École Centrale, des élèves de l'École des Mines, des officiers chargés de missions, venant faire leur éducation scientifique en vue de la prospection, de la recherche des sources et, d'une facon générale, de la Minéralogie et de la Géologie appliquées. De même, le laboratoire de Géographie physique à été fréquenté par de futurs professeurs de Géographie, des élèves diplômés de l’Institut Agronomique, des élèves de l'École Coloniale, des ingénieurs et des officiers du Service géographique. Les exercices de Botanique ont été suivis par des étudiants ayant en vue l'Enseignement agricole, ou des applications à l’Agriculture et à l'Horticul- ture. De nombreux élèves de l'Institut Agrono- mique, de l'École de Grignon, des autres Écoles P. APPELL — L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DES SCIENCES supérieures d'Agriculture sont venus passer avec succès des certificats de licence; certains d’entre eux ont même poussé leurs études jusqu'au doc- torat et ont fait ensuite une carrière rapide dans l'Enseignement agricole supérieur. Le laboratoire de Physique a conduit plusieurs de ses élèves à d'importantes silualions dans l'Industrie, ete. $ 2. — Critique de l’état actuel. Possibilité d'organisation pour l'avenir. Actuellement, comme dans les organismes im- parfaits, il existe encore une grande confusion de fonctious. On peut reprocher aux Facultés des Sciences de donner un Enseignement technique en s'occupant de la préparation professionnelle au professorat; un professeur de lycée’ doit être savant : avant d'enseigner, il doit connaître la Science pour l'avoir pratiquée ; il doit êlre placé bien au-dessus des sujets qu'il aura à traiter et êlre capable de trouver dans sa science même le moyen de perfectionner son enseignement : ces qualités, le futur professeur les acquerra dans une Université; il doit ensuite posséder l'art d'enseigner, de composer une lecon, de présenter une démons- tration avec habileté, de faire des expériences de cours qui fassent image et frappent l'imagination des enfants; ces qualités professionnelles, il doit les recevoir soit dans des Instiluts techniques (pou- vant dépendre des Universités) comme la troisième année de l'École Normale Supérieure, soit au cours d'un stage organisé, dans les lycées des diverses Académies, par les soins du Recteur, avec le concours des professeurs les plus expérimentés de l'Enseignement supérieur ou secondaire. Mais si, sur ce point spécial, les Facultés font un peu d'En- seignement technique mélangé à l'Enseignement général, il existe, en revanche, un très grand nom- bre d'Ecoles techniques qui donnent un Ensei- gnement scientifique général, souvent à quelques centaines de mètres de distance d’une Faculté des Sciences. Tel est, dans les Écoles de Pharmacie, l'enseignement général des Sciences physiques, chimiques et naturelles, qui trouverait, semble-t-il, sa place toute préparée au P. C. N. Tel est, à l'Ecole des Mines, à l'Ecole des Ponts, à l'Ecole Centrale, l'enseignement de la première année ou année préparatoire, où se font de véritables cours de Faculté sur l'Analyse mathématique, la Méca- nique rationnelle, la Chimie générale, la Physique générale. Tels sont enfin de nombreux cours de l'Institut Agronomique et des Ecoles d'Agriculture. À ce défaut d'harmonie, à ces enseignements scientifiques dispersés, qui certainement ne sont pas meilleurs que ceux des Facullés, qui sont ? Tanxery : Rapport sur la réforme de l'agrégation. 295 moins bien organisés et moins bien outillés comme conférences et travaux pratiques, il est nécessaire de substituer une organisation nouvelle, qui don- nera un meilleur rendement au point de vue scien- tifique, avec une diminution des frais généraux supportés par le budget. Dans les Écoles des Ponts et Chaussées et des Mines, on devrait supprimer l’année préparatoire et recevoir directement en deuxième année des élèves des Facultés des Sciences présentant cer- tains certificats et subissant, s'il parait utile, un concours où un examen de capacilé : le nombre des élèves admis pourrait ne pas être absolument déterminé a priori, le diplôme d'ingénieur délivré à la sortie n'étant donné qu'aux bons élèves. Un régime analogue devrait être appliqué à l'École Centrale, qui deviendrait ainsi exclusive- ment technique. A Paris, l’Institut Agronomique pourrait de même, pour certains cours théoriques, envoyer ses élèves à la Facullé des Sciences, après en- tente entre les deux établissements; ou bien l’on pourrait exiger le certificat d’études P. G. N. des candidats à l'Institut Agronomique et y supprimer les cours théoriques correspondants. Pour les Écoles d'Agriculture, presque tout est à faire en vue d'une entente avec l’enseignement supérieur. Conformément à un vœu exprimé dans un des Congrès de 1900, quelques chaires de Faculté ont été créées en vue de la préparation scientifique à l'Agriculture, sans que, bien entendu, ces chaires aient un caractère technique pouvant faire un double emploi avec l'enseignement pra- tique des Écoles d'Agriculture. Mais aucune orga- nisation d'ensemble n’a encore été proposée. Notre étude nous amène fatalement à la ques- tion de l'École Polytechnique. Cette École, qui, dans ses débuts, a élé en quelque sorte la première Faculté des Sciences, qui a été intimement mêlée à la création de la Faculté de Paris, est restée à peu près immuable dans les principes de son organi- sation : ainsi que nous l’avons déjà dit, elle appa- rait comme une Faculté des Sciences fermée, dont les élèves, suivant un cours d'études qui ne laisse aucune place à la libre recherche, concourent entre eux en vue de certaines situations d'ingénieurs qu'eux seuls peuvent obtenir par la voie de l’ensei- gnement supérieur. Je constate ce caraclère de Faculté de l'École Polytechnique, sans y trouver à redire : tout établissement donnant un enseigne- ment général préparatoire aux Écoles techniques doit être un véritable établissement d'enseignement supérieur. Si cette École n'existait pas, les Facultés des Sciences s'organiseraient sans peine pour accom- plir la fonction dont l'École des Travaux publics 296 P. APPELL — L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DES SCIENCES —__———__—_—— . ——————————— Tale ee rar trames avait été chargée par la Convention, avant qu'il existät des Facultés, de donner un enseignement scientifique en vue des Écoles d'ingénieurs, du moins au tilre civil. Les élèves des Facultés, munis des certificats exigés, ayant suivi un enseignement scientifique dont le programme et l'esprit auraient été établis après entente avec les Écoles techniques, entreraient directement dans ces Ecoles, sous la garantie d'un examen de capacité ou d'un con- cours. Les Universités rempliraient alors pleine- ment leur rêle d'éducatrices de la démocratie elles établiraient entre les esprils les plus distin- gués du pays, dans toutes les carrières scientifi- ques, théoriques ou pratiques, par la communauté du travail, par la liberté de l'étude, l'union et l'harmonie que, dans la diversité croissante des individualités et des consciences, la science seule peut donner. Mais l'École Polytechnique existe : ses beaux états de service, le respect qu'inspire une institution plus que séculaire, lui assureront sans doute encore une longue carrière, el la pré- serveront d'une transformation en école exclusi- vement militaire. Seulement, dès maintenant, son organisation appelle des modifications profondes : on pouvait, il y a un siècle, enseigner en deux ans, à des jeunes gens sortant de l’enseignement secon- daire, l'Analyse mathémalique, la Mécanique ra- tionnelle, l’Astronomie, la Physique générale, la Chimie générale, en poussant cet enseignement jusqu'aux limites mêmes de la science d'alors : on ne le peut plus pour la science d'aujourd'hui. Malgré l'habileté de professeurs qui sont choisis parmi les premiers savants du pays, malgré la bonne volonté d'élèves excellents, nommés après concours, il est impossible d'embrasser avec fruit un pareil programme : les cours succèdent aux cours, rapides, condensés, nourris de la substance des sciences; les élèves les écoutent, les compren- nent, et en tirent peu de profit à cause du temps trop court qui leur reste pour la réflexion person- nelle, les exercices écrits, l'étude des livres, la vie du laboratoire. Ce n’est pas ici le lieu d'étudier en détail une nouvelle organisation de l'École : le seul point que je veuille viser, parce qu'il rentre com- plètement dans mon sujel, est l'avantage que possède l'École Polytechnique d'être, de toutes les institutions d'enseignement supérieur, la seule qui ouvre certaines carrières civiles, les carrières d'ingénieur de l'État pour les Mines, les Ponts et Chaussées, les Constructions navales : par là, ses élèves sont mis à l'abri de toute concurrence, ce qui constitue un vérilable privilège dans une démocratie où la libre concurrence intelli- gences doit se produire, non une fois, à un instant unique, qui décidera de toute la vie, mais le plus souvent possible. Il semble donc nécessaire que des l'École Polytechnique accepte la concurrence de l'enseignement supérieur pour l'entrée aux Écoles des Mines, des Ponts et Chaussées, etc..., au litre d'ingénieur de l'État; cette réforme n'’esl pas seule- ment conforme à l'esprit de justice : elle rendra à l'École Polytechnique et au pays le grand service de diminucr cette poussée énorme de jeunes gens suivant tous la même voie en vue de vingt à trente places et faussant, par leur grand nombre, les épreuves du concours d'entrée. Les détails d'orga- nisalion de cetle concurrence entre une École fermée et les Facultés sont, sans nul doute, difli- ciles à régler : mais l'essentiel est que cette concur- rence devienne possible, quelque dures qu'en soient les conditions pour les candidats libres. En toute hypothèse, le point essentiel qu’il faut considérer, est que le recrutement des élèves ingénieurs de l'État doit avoir pour base une culture scientifique aussi haute que possible : il serait très dangereux, pour l'avenir du pays, que ce recrutement se fit par une culture et des épreuves prématurément techniques; tout en admeltant l'accès au grade d'ingénieur des conducteurs désignés par leurs services et ayant des connaissances théoriques suf- fisantes, l'on ne saurait trop lulter contre l’idée de recruter principalement les ingénieurs par le rang; la concurrence doit se produire, mais sur le terrain de la haute culture scientifique. On trouvera la même manière de voir exprimée dans un article de M. Lucien Lévy, actuellement examinateur d'admission à l'École Polylechnique, paru dans la Revue Scientifique du 9 janvier 1892: « Et ceci, dit M. Lucien Lévy, nous amène à nous demander s'il ne conviendrail pas de remplacer les examens de sortie de l'École Polytechnique par des examens d'entrée aux Écoles d'application où pourraient concourir tous les candidats du dehors, comme cela a lieu, par exemple, pour l'agrégation, où se présentent, concurremment avec les élèves de l'École Normale, les étudiants libres, qu'ils aient suivi des cours de Facullé ou non, pourvu qu'ils soient licenciés et Francais. Il n'est pas trop difficile d'imaginer un mode d'examen où le publie serait admis, les élèves de l'École Polytechnique conservant certains avantages de points ou autres et surtout étant assurés d'un poste en tout état de cause ». M. Lévy admet même que les Facultés puissent présenter des candidats aux Écoles d’ap- plication mililaires. « Par exemple, dit-il, la Com- mission d'examen pour l'École d'Application du Génie el de l'Artillerie, qui, d’ailleurs, pourrait $e confondre en partie avec les Commissions d’autres Écoles, examinerait et classerait tous les candidats: le ministre de la Guerre nommerait le nombre d'of- ficiers-élèves qui lui seraient nécessaires: les élèves de l'École Polytechnique qui auraient échoué à cet # E * iÈ gard P. APPELL — L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DES SCIENCES examen final seraient, de droit, sous-lieutenants dans l’armée active ». Il existe actuellement un concours pour les ingé- nieurs des Postes et Télégraphes en dehors de l'École Polytechnique : mais, si mes renseigne- ments sont exacts, ce concours n'est pas organisé dans l'esprit que j'indique, puisque les élèves sor- lant de l'École Polytechnique ne peuvent y prendre part, du moins l'année même de leur sortie. Nous avons ainsi envisagé, sous ses aspects principaux, le problème de la préparation aux Écoles techniques par l'Enseignement supérieur, Mais ce n'est pas seulement de cette façon que pourra être réalisée une union féconde entre la science et les applications; il existe, pour arriver au même but, une aulre voie, en quelque sorte inverse, qui se trouve déjà suivie sur quelques points particuliers. On sait quelle bonne volonté de travail, quelle santé morale el intellectuelle se rencontrent souvent chez les élèves des Écoles techniques moyennes, comme les Écoles d'Arts et Métiers. Déjà le Minis- tère du Commerce a institué, pour les meilleurs élèves de ces écoles, des bourses d'éludes leur permellant de se préparer à l'École Centrale. Pourquoi ne pas diriger quelques-uns de ces Jeunes gens, manifestant des aptitudes scientifi- ques, sur les Universités, où ils recevraient un enseignement théorique en vue de l'industrie à laquelle ils se deslinent, en vue par exemple des divers Instituts d’Électricité, de Chimie appli- quée, etc.; des élèves d’un genre analogue pour- raient venir également des Écoles d'Horticulture et d'Agriculture. Nous verrions à celte innovalion le grand avantage d'introduire dans les Universités des éléments nouveaux et de faire l'expérience d'une méthode consistant à donner à l’enseigne- mentscientifique une base pratique. Peut-être aussi ce rapprochement d'étudiants, d'origines très diffé- rentes, ferait-il tomber bien des préjugés et des idées fausses. IV. — TRAVAUX DE RECHERCHES, Au-dessus de leur mission de faire connaitre et comprendre les Sciences, les établissements d’en- seignement supérieur, vraiment dignes de ce nom, en ont une autre, noble entre toutes, celle de faire progresser la Science et d'initier sans cesse de nouvelles générations de travailleurs aux méthodes d'invention et de découverte. L'accomplissement de cette mission a une importance essentielle, car, seuls, les maîtres ayant fait et continuant à faire des travaux personnels, des recherches originales, peuvent connaître le fond des méthodes propres à chaque ordre de sciences el communiquer à leurs disciples cet esprit de curiosité scientifique, de REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904, 297 recherche passionnée de la vérité pour elle-même, en dehors de toute application et de tout profit immédiats, qui constituent le vérilable savant. Quand bien même certaines chaires de Faculté auraient peu d'élèves pour les études générales. leur existence serait encore justifiée par ce fait qu'elles fournissent à leurs titulaires les loisirs et les moyens de poursuivre leurs travaux et de laisser mûrir leurs idées. Et un Pasteur méditant dans son laboratoire de Strasbourg eëse préparant, par une discipline scientifique de tous les instants, à ses découvertes futures, rend par là un plus grand service à l'humanité et à la France que par l'enseignement de licence qu'il a pu donner à cette epoque. Je me permets d'insister sur ce point, car il serait à craindre que, dans notre démocratie, on fût porté à juger l'importance d'une chaire d'un caractère élevé et des laboratoires correspondants par le nombre des élèves qu'ils réunissent: il faut la mesurer aux découvertes qui y ont élé faites ou qui peuvent s'y faire : il faut se rappeler, en outre, que des résullats paraissant n'avoir qu'une beauté théorique peuvent conduire à des applications inattendues. Les exemples ne manquent pas dans les domaines les plus divers, depuis les études astronomiques, qui, en conduisant Newton à énon- cer les principes de la Dynamique, ont préparé la Mécanique moderne, ainsi descendue du ciel sur la terre, jusqu'aux recherches sur les organismes microscopiques, qui ont conduit Pasteur à renou- veler une partie des Sciences chimiques et natu- relles et à ouvrir un champ immense d'applications à la Médecine, à l'Agriculture et à l'Industrie. Tout récemment encore, la télégraphie sans fil est née de recherches théoriques d’un ordre très élevé. Alin de favoriser et de développer ces travaux de découvertes dans les sciences mathématiques, on a établi dans les Facullés, à côté des cours généraux, comme l'Analyse mathématique, la Mécanique ra- tionnelle et l’Astronomie, qui ont un programme à peu près invariable, des cours portant sur les par- lies les plus élevées de la Science, dans lesquels le professeur indique l’état actuel de certaines ques- tions et conduit ses auditeurs jusqu'à ces régions noyées d'ombre où s'élabore la Science de demain : ces cours, devant se renouveler d'année en année, exigent de leurs titulaires des efforts d'invention et d'érudition incessants : tels sont les cours de Géo- métrie supérieure, d'Analyse et d'Algèbre supé- rieures, de Mécanique céleste, de Phvsique mathé- malique. Dans les Sciences physiques et nalurelles, on a, de même, à côté des laboratoires d'enseignement, créé des laboratoires de recherches, qui sont, ou bien des laboratoires particuliers pour les profes- seurs et leurs préparateurs, ou encore des labora- 6* 298 P. APPELL — L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DES SCIENCES toires ouverts à des travailleurs. Ce$ travailleurs sont des licenciés préparant des thèses de Doctorat d'État ou d’'Université, ou des docteurs continuant des recherches scientifiques, ou des officiers et des ingénieurs étudiant des questions scientifiques élevées en vue de missions et d'applications indus- trielles. Si, comme il est à souhaiter, il est établi pour les agrégations de sciences expérimentales un diplôme d'études supérieures exigeant un travail de laboratoire, on verra une nouvelle catégorie de travailleurs se joindre à ceux qui existent actuel- lement. Un recrutement régulier de chercheurs se fait par les boursiers d’études ou boursiers de Doc- torat, qui recoivent une subvention de l'Etat pour pouvoir, pendant deux ou trois ans, se livrer à des études désintéressées. Certaines villes, en tête des- quelles il convient de placer Paris, quelques géné- reux amis de la Science, quelques établissements particuliers comme l'Institut Thiers, donnent éga- lement des bourses de ce genre. Il y aurait évi- demment un grand intérêt à ce que ces bourses se mullipliassent. Souvent des étrangers, en possession de grades ou même de fonctions, viennent passer une année ou deux dans des laboratoires dirigés par des hommes illustres pour s'initier à leurs méthodes d'investigation scientifique : tels ont été les labora- toires de Sainte-Claire Deville à l'École Normale, de Claude Bernard au Collège de France; tels sont actuellement plusieurs laboratoires dans les dépar- tements et à Paris, dans les Facultés ou dans les autres établissements d'enseignement supérieur. On ne saurait faire trop de sacrifices et d'efforts pour accroître cette clientèle scientifique de notre pays. L'organisation et l'outillage des divers labora- toires de recherches exigent des modifications incessantes et des agrandissements continus : à mesure que la sphère des Sciences s'étend, sa fron- tière avec l'inconnu grandit également et les sujets de recherches se multiplient ; il suffit, pour s'en convaincre, de voir ce que sont devenues en cent ans les recherches sur l'Électricité et de songer au domaine qu'ouvre une découverte comme celle des substances radio-actives. Aussi faut-il avouer que, dans bien des Universités, on a commis une lourde faute en installant les laboratoires dans des monu- ments coûteux où aucun agrandissement n'est pos- sible, ou en les édifiant sur des terrains trop exigus. La véritable solution du problème, qui à été appli- quée dans quelques établissements en France et à l'Étranger, consiste à former des Instituts séparés pour les diverses sciences, Physique, Chimie, Bota- nique, Zoologie, où se trouvent réunis les labora- toires d'enseignement et les laboratoires de recher- ches, chaque Institutayantses bâtiments appropriés avec de vastes cours permettant des agrandisse- ments ou des constructions provisoires; on arrive de cette facon à un meilleur rendement écono- mique et scientifique : économique, car tous les frais généraux sont diminués par les approvision- nements en commun des laboratoires d’un même institut et par l'utilisation d’une installation cen- trale d'énergie électrique et mécanique; scienti- fique, car les diverses branches d'une même science étant réunies, les étudiants en percoivent nettement tous les rapports et sont amenés à vivre dans un milieu qui excile l'esprit de recherche. Dans un tel institut, peuvent être juxtaposés des laboratoires de recherches indépendants les uns des autres : le directeur de l'institut doit avoir une autorité administrative et non scientifique; sinon, il pourrait en résulter de graves dangers pour l’orien- tation des recherches. Ainsi, à l'Université de Paris, l'un des besoins les plus urgents à l'heure actuelle est la création, sur un grand emplacement distinct de la Sorbonne, d’un Institut de Chimie où se trouveraient réunis les enseignements et les laboratoires de Chimie minérale, de Chimie organique, de Chimie biolo- gique et de Chimie appliquée, qui sont actuelle- ment dispersés sur trois points : à la Sorbonne, rue Michelet et à l'Institut Pasteur. Nous avons vu, à propos de l’enseignement général, quelle est l'impérieuse nécessité d'établir des rapports étroits entre les Universités, les Ecoles tecnniques et l'Industrie. Les laboratoires de recherches doivent également se trouver en rap- port constant avec les applications industrielles ou agricoles, soit pour en tirer des sujets de recherches théoriques, soit pour fournir des solutions aux dif- ficultés qui arrêtent les praticiens. Il importe que, dans les grandes industries, se trouvent non seule- ment des ingénieurs techniques, mais des savants connaissant les dernières méthodes de travail et de recherche. C’est là que se trouve véritablement la solution du problème des rapports de l’Enseigne- ment supérieur avec les applications. Sans doute, les Instituts techniques dont nous avons parlé, prenant des élèves des Facultés et leur donnant, le plus rapidement possible, les connaissances scienti- fiques et techniques en vue d’une industrie, rendent de grands services; mais ils ne peuvent guère former que des ingénieurs se bornant à appliquer correc- tement les méthodes et les théories qu'on leur à a apprises. C’est aux laboratoires de recherches en UT re ju qu'il faut demander les ingénieurs capables de faire progresser lindustrie. C’est ce qui fait la force de l'Allemagne et principalement des indus- tries chimiques allemandes : par exemple, dans une Société badoise de produits chimiques, on relève 148 chimistes, savants, faisant des recher- FA C. COLSON — LA PRÉPARATION AUX ÉCOLES TECHNIQUES SUPÉRIEURES ches, et 75 techniciens seulement; dans la Société Bayer, on trouve 145 chimistes se livrant à des tra- vaux personnels. Chaque fois qu'un de ces savants découvre une substance nouvelle, elle est aus- sitôt brevetée; les usines ont ainsi un nombre lormidable de brevets, si bien que la France, où aucune organisation semblable n'existe, ne peut lutter contre la concurrence allemande. La respon- sabilité de cet état de choses incombe plus à notre haute industrie qu'aux Universités, qui sont toutes prêtes à recevoir et à former des chercheurs. En terminant cet exposé déjà trop long, je suis heureux de constater les grands progrès que l'En- seignement supérieur a faits en France depuis trente ans : sous le rapport de l'enseignement géné- ral et des travaux de recherches, nous sommes au- 299 Jourd'hui en mesure de lutter avecles autres nations, et nous avons la satisfaction de voir nos thèses de doctorat à un niveau scientifique supérieur à celles des autres pays. Nous sommes en relard dans l’or- ganisation des relations entre l'enseignement théo- rique et les Ecoles techniques et dans l'emploi des savants par la haute industrie ; nous avons constaté là une regrettable confusion de fonctions, une dis- persion funeste d'énergie et d'argent, et même des lacunes à peu près complètes. C’est à mettre cette fonction de l'Enseignement supérieur scientifique au niveau des autres que doivent surtout tendre nos efforts. P. Appell, Membre de l'Institut. P.-S. — Cette conférence a été suivie, le jeudi 18 février, d'une discussion publique contradic- toire, à laquelle ont pris part des ingénieurs et des professeurs, entre autres MM. Croiset, Lemoine, Lippmann, Clément Colson, Lucien Lévy, Carvallo. M. CI. Colson, Ingénieur des Ponts et Chaussées, Conseiller d'État, après avoir pris Connaissance du texte précédent, a réuni les principales objections présentées, sur la question des Écoles techniques, au cours de la discussion contradictoire, dans la lettre suivante, qu'il m'a fait l'honneur de m'adresser : on y verra que, si nous diflérons sur le choix des moyens, nous sommes d'accord sur le principe fon- damental, qui est d'assurer aux Écoles techniques un recrutement scientifique élevé. Mon cher Doyen, Vous avez bien voulu m'engager à résumer par écrit les observations, sur la préparation aux Écoles lechniqués, formulées au cours de la dis- cussion qui à suivi votre conférence, celles aussi que M. le Président Alfred Picard vous a présentées à l'Institut. Je m'empresse de répondre à votre gracieuse invilation, heureux si l'impartiale hospi- talité de la Revue génerale des Sciences veut bien accueillir ces quelques réflexions à la suite de votre conférence. I L'idée essentielle que vous avez émise, sur le point qui intéresse les ingénieurs, c'est que l’ensei- gnement donné à l'École Polytechnique ou celui de l'année préparatoire des Écoles techniques est un enseignement scientifique général, qui aurait sa vraie place dans les Facultés. A cela, M. Lemoine a excellemment répondu que, si la science est la même parlout, les parties sur lesquelles il faut insister ne sont pas les mêmes, quand on prépare un futur ingénieur à suivre des cours techniques, que quand on forme des savants ou des professeurs, et vous vous êles empressé de reconnaître que les Facultés auraient à adapter certains cours aux nécessités spéciales des nouveaux élèves à qui elles s’ouvriraient, si l’on appliquait votre idée. Permettez-moi de faire remarquer que la spécia- P."A" lisation de ces cours devrait être bien plus con.- plèle qu'il ne semble au premier abord. Pour ne pas élerniser les études d’un jeune homme qui aura à suivre pendant plusieurs années l’'enseigne- ment technique, il faut le mettre à même d'appren- dre, en peu de temps, exactement les parties de la science genérale dont il aura besoin, et, à cel égard, chaque école professionnelle a ses nécessités spéciales. À l'Ecole Polytechnique, on met deux ans à préparer à toutes les Ecoles d'application à la fois, par des cours déjà très différents de ceux des Facultés et déja trop chargés, des jeunes gens qui seront appointés dès leur entrée dans ces Ecoles. Les élèves externes des mêmes Ecoles, ceux de l’Ecole Centrale, qui ne commenceront à gagner leur vie qu'après en être sortis, sont plus pressés, et c'est en un an qu'ils doivent acquérir ce qui leur manque encore comme culture scienti- fique, après avoir terminé leurs Mathématiques spéciales. Il faut, pour cela, leur servir cette culture sous une forme adaptée à leur usage par- ticulier. Pour prendre un exemple, dans l'année préparatoire de l'Ecole des Mines, destinée à des chimistes et à des métallurgistes futurs, on consacre cinquante lecons à la Chimie; à l’École des Ponts et Chaussées, pour de futurs constructeurs, le cours de Chimie ne comporte que trente-six lecons, et les autres sont remplacées par des leçons sur les appli- cations de la Géométrie descriptive et sur l’Archi- teclure. 300 Sans doute, on pourrait faire chacun de ces cours dans les Facultés; mais il faudrait agencer ceux dont auraient besoin les candidats à chaque Ecole, comme développement des diverses parties de l’en- seignement, comme horaires, comme exercices pra- tiques, de telle manière qu'ils pussent être suivis en un an. Peut-être, à la Sorbonne, le nombre des élèves serait-il suffisant pour justifier cette orga- nisation spéciale. Mais, en la créant, ferait-on autre chose que transporter rue des Ecoles ce qui se fait aujourd'hui rue des Saint-Pères ou boulevard Saint-Michel? Y a-t-il vraiment là une réforme bien intéressante ? En ce qui concerne spécialement l'Ecole Poly- technique, vous critiquez l'avantage qu'elle confère aux élèves qui y ont élé recus, en leur assurant une position par le succès obtenu « à un instant unique qui décidera de loute la vie ». J'avoue que, tant que nous envisagerons le recrutement scientifique de carrières où le nombre des places est limité (nous parlerons plus loin du recrutemert par le rang), il m'est impossible de concevoir comment on éviterait que la carrière tout entière dépendit du succès dans un concours, qui sera toujours un instant unique, décidant de loule la vie. En faisant concourir les étudiants des Facultés avec les poly- techniciens, pour l'entrée dans chaque Ecole d'ap- plication, on reculera l'instant unique, on ne le supprimera pas; si l’on met les places d'ingénieur de l'État au concours entre les élèves sortis de toutes les Ecoles techniques, on l’aura tout simple- ment reculé un peu plus encore. L'agrégation est ouverte à d’autres candidats qu'aux normaliens; mais elle est, elle aussi, la condition de l'obtention de certaines siluations, dont le résultat d'un con- cours ouvre ou ferme l'accès. On peut recom- mencer ce concours deux, trois, quatre fois, comme celui d'entrée de l'École Polytechnique; ce ne sera jamais qu'une épreuve d'un instant. L'École Polytechnique, à cet égard, réduit au mi- nimum le hasard du concours. S'ouvrant à beau- coup de jeunes gens, parce qu'elle prépare à beau- coup de carrières, elle atténue le rôle du hasard à l'entrée, plus qu'on ne pourrait le faire dans des examens divisés, dont chacun ne comporterait qu'un nombre infime de candidats reçus. Ensuite, c'est par un concours permanent, où l’on fait compter dans le classement de sortie toutes les notes obtenues pendant deux années, que se fait la répartition des carrières. Voilà la vraie manière, non pas de sup- primer, mais de restreindre l'influence de l'examen qui décide en trop peu de temps de tout un avenir, de la combiner avec celle d'un travail prolongé, au lieu de laisser à l'examen le rôle décisif, qu'il aurait seul dans un concours d'entrée aux Ecoles d'application. C. COLSON — LA PRÉPARATION AUX ÉCOLES TECHNIQUES SUPÉRIEURES Vous émettez l'avis qu'il serait possible de con- cilier l'existence de l'Ecole Polytechnique avec l’ou- verture des écoles d'application aux élèves des Facultés. Je conçois difficilement comment on pourrait combiner l'influence des notes acquises en cours d'études à l'Ecole Polytechnique, avec un concours entre ses élèves et des jeunes gens qui n'auraient pas reçu ces notes. Une pareille combi- naison est admissible pour un examen; vous la proposez, avec raison, pour les élèves des lycées, en ce qui concerne le baccalauréat. Elle ne me parait pas admissible pour un concours, car l'inégalité qui en résulterait, entre les concurrents, soulèverait bien vite un tolle qui la ferait disparaître. Or, il ne faut pas oublier que, pour les places d'ingénieur de l'Etat, dont le nombre est limité, c'est nécessai- rement d'un concours qu'il s'agit, non d’un examen. A cela, on objectera que le recrutement des pro- fesseurs occupant cerlains emplois par un con- cours d'agrégation, auquel préparaient à la fois l'École Normale etles Universités, alongtemps sub- sisté. Oui, il a subsisté, tant que, pratiquement, il n'a élé ouvert qu'aux normaliens et aux professeurs en exercice, c'est-à-dire aux élèves d'une école spé- ciale et au personnel déjà engagé dans la carrière. Du jour où les Facultés se sont organisées en vue de la préparation systématique, à l'agrégation, de jeunes gens n'appartenant pas au corps ensei- gnant, une évolution à commencé, dont on vient de voir l'aboutissement logique, l'absorption de l'École Normale par l'Université de Paris. Je n’entends pas discuter ici cette absorption; mais vous nous disiez l’autre jour vous-même que vous ne la conceviez pas pour l'Ecole Polytechnique, qu'une Ecole mililaire n'aurait que faire à la Sor- bonne. C'est donc bien de la suppression pure et simple de l'Ecole Polytechnique, et non de son rattachement à l'Université, qu'il s'agirait, le jour où l'on croirait avoir rendu son enseignement par- liculier inutile, en organisant dans les Facultés la préparation aux Ecoles techniques. Il pourrait subsister une Ecole spéciale militaire; il n'y aurait plus une École Polytechnique, préparant à des car- rières civiles et militaires multiples et subordon- uant le choix entre elles à un concours permanent de deux années. IT L'éventualité de cette disparition peut-elle être envisagée autrement que comme un immense péril pour la culture scientifique en France? Voilà la question vérilable. Je n’insislerai pas sur les objections très sérieuses que l’on pourrait présenter contre la substitution de l’enseignement universitaire, même adapté aux besoins des futurs ingénieurs, à celui de l'Ecole C. COLSON — LA PRÉPARATION AUX ÉCOLES TECHNIQUES SUPÉRIEURES 301 Polytechnique. La supériorilé du premier füt-elle incontestable, on pourrait encore douter qu'il soit bon de le laisser subsister seul, de supprimer toute diversité dans le mode de formation des jeunes intelligences. L'un des arguments qu'invoquent souvent les partisans des écoles rivales de celies de l'État, c'est qu'il n’est pas bon de couler tous les cerveaux dans le même moule. N'est-ce point leur fournir une arme puissante, que de montrer l'Etat visant à l’uniformilé absolue, et enclin à supprimer celles de ses propres écoles qui constituent des moyens différents des moyens ordinaires, pour arriver à des buts voisins? À côté de la vie libre de l'étudiant, travaillant à ses heures sans autre sanc- lion que le succès de fin d'année, dont je ne mé- connais pas les avantages, n'y a-t-il pas quel- qu'intérêl à conserver une autre discipline, qui a aussi les siens, sous laquelle des jeunes gens internés sont moins exposés à des entrainements funestes au travail. Ce seraient là des considérations dont on devrait tenir grand comple, même si l'on croyait que le système que vous indiquez dût avoir pour résultat unique de substituer les cours des Facultés à ceux de l'Ecole Polytechnique. Mais, en fait, ce n'est point ainsi que les choses se passeraient. Le point capilal, sur lequel je n'ai aucun doute, c'est que le résultat de ce système serait, non de substituer un mode de culture à un autre, mais de faire disparaître celui qui serait supprimé, sans le rem- placer. Le jour où l’enseignement que donne aujour- d'hui l'Ecole Polytchnique ne sera plus donné par elle, il ne sera plus donné nulle part aux neuf dixièmes de ceux qui le recoivent aujourd'hui. Il ne le sera plus, parce qu'il lui manquera, à la fois, les candidats et les débouchés. Les candidats, d'abord. Vous savez, comme moi, que, pour la grande majorité d’entre eux, le but nest päs d'entrer dans telle ou telle carrière, mais d'entrer à l'Ecole Polytechnique. A l'âge où l'on commence à s'y destiner, les vocalions décidées sont rares; mais les aptitudes scientifiques se des- sinent, el toute l'ambition de la plupart des familles où un enfant en manifeste, c'est de faire de cet enfant un polytechnicien. Simple affaire de prestige, sans doute; mais prestige justifié par le passé de l'Ecole, et qu'en tout cas il ne dépend de personne de transférer à un autre titre. On sait, d'ailleurs, que celui-là conduira à une carrière assu- rée, et que, si le jeune homme sortant de l'Ecole n'est pas satisfait de celles que son rang de clas- sement lui permettrait de prendre, il pourra, en donnant sa démission, trouver dans d'autres fonc- tions publiques, dans l’industrie, dans la science, des débouchés pour lesquels ce fameux prestige ne sera pas sans ajouler quelque chose aux avan- ages des connaissances acquises. Au point de vue démocratique, auquel vous faites allusion, les éludes universitaires seront toujours loin d'offrir un équivalent à l'Ecole Poly- technique, précisément parce qu'au terme du séjour dans cette École, il y a une carrière assurée. Beaucoup de polytechniciens appartiennent à des familles sans fortune, et c’est seulement grace à des bourses que plus de la moitié d’entre eux ont pu arriver à l'Ecole et y faire leurs deux années. Sans doute, les bourses pourraient les mener de même à la licence es-sciences, à condition que le laux en fût relevé. Mais la licence n’est pas un gagne-pain assuré, et, même avec des bourses, poursuivre jusqu'à vingt-deux ans des études théo- riques, pour avoir à cet âge à chercher une carrière, est un luxe interdit à beaucoup de jeunes gens. C'est pourquoi, si cette voie remplaçait l'École Polytechnique, ceux-là seuls la suivraient, qu'une vocalion caractérisée appellerait à’ prendre la science ou l’enseignement comme but de leur exis- tence. Les autres chercheraient à entrer, qui dans une École spéciale militaire, qui dans une École technique d'accès facile, qui même dans un de ces postes de début qu'on obtient sans diplôme, pour arriver le plus tôl possible à gagner leur vie: ils ne s’exposeraient pas à rester sans carrière à vingt- deux ou vingt-trois ans, après avoir poursuivi aussi tard des études scientifiques qui ne les mèneraient à rien, sils échouaient à celle des écoles techni- ques supérieures qui aurait été leur objectif. Il est vrai qu'il dépendrait de l'État d'imposer ce sacrifice, malgré le caractère aléatoire de son but, à ceux qui aspireraient aux emplois dont il dis- pose; il n'aurait qu'à exiger d'eux des diplômes ou des connaissances scientifiques d’un ordre élevé. Mais l'État le ferait-il? Cela est au moins douteux, et c'est pourquoi je disais plus haut que les débou- chés manqueraient, non moins que les candidats. C'est qu'en effet il faudrait ignorer le mouvement actuel de l'opinion pour ne pas voir que, si le recru- tement des corps d'ingénieurs civils et mililaires cesse de se faire par l'École Polytechnique, ce ne sera pas par les Facullés qu'il se fera, c'est par le rang, Où par des écoles d’une valeur scientifique inférieure. Nous n'entendons certes pas contester que, dans les corps d'ingénieurs de l'État comme dans les armes spéciales, le recrutement par le rang doive avoir sa place et sa large place. S'il faut absolu- ment qu'une partie notable des emplois soit occu- pée par des hommes ayant reçu une cullure scien- tifique supérieure, il n’est pas nécessaire que tous le soient. Il est bon que le conducteur des Ponts et Chaussées, le sous-officier, chez qui une instruction 302 moins élevée, mais suffisante à la plupart des besoins de la pratique, s’unil à l'expérience du ser- vice, puissent arriver en nombre assez grand au grade d'ingénieur ou d’officier. Cela se fait déjà dans une assez forte proportion; cela peut se faire davan- tage, et nous sommes nombreux, parmi les anciens polytechniciens, à croire qu'il faut ouvrir plus largement encore qu'aujourd'hui nos diverses car- rières à ceux de nos collaborateurs qui y sont aptes. Il faut le faire, non pas en instituant à leur usage des examens qui, même si on en abaisse le niveau, resteront inaccessibles au vérilable prali- cien, mais en appelant celui-ci par le choix aux grades supérieurs, quand il s’en montre digne — et, au point de vue militaire, en cherchant les moyens de retenir au régiment, comme officiers, une partie des sous-officiers d'élite qui trouvent aujourd'hui, dans les fonctions d'officier d'administration d'ar- tillerie ou du génie, des avantages supérieurs. Seulement, ce n’est pas de cela que se contente- ront ceux pour qui l'utilité de la haute culture, dans toutes les carrières qui touchent aux applications des sciences, est une conception surannée. Ce qu'ils demandent, c’est que l'entrée dans la carrière par les emplois les plus modestes soil la condilion de l'accès des hauts grades. S'ils admettent des exa- mens, pour l'obtention de ces grades, c’est à la condition qu'ils ne dispenseront pas de passer par le rang. Ils ne comprennent pas que ce passage par le rang est pratiquement incompatible avec de fortes études portant sur des connaissances théori- ques, et que les examens subis en cours de carrière ne peuvent faire à la culture scientifique qu'une place insuffisante. Or, il ne faut pas se dissimuler que ces concep- tions et ces aspirations trouvent auprès de beau- coup de personnes un accueil favorable. Deux influences disposent l'opinion à les bien accueillir : d'une part, les tendances utilitaires, qui font con- sidérer comme superflu tout ce qui n'a pas une application immédiate ; de l’autre, la fausse démo- cralie, qui traite de privilège tout avantage fait à la culture générale et qui méconnait cette vérité essentielle, que la seule manière d'ouvrir à tous l'accès des hauts emplois, sans abaisser le niveau intellectuel de ceux qui les occupent, c’est, non pas de supprimer les écoles et les diplômes, mais de les rendre accessibles par des bourses aux enfants des familles les plus modestes, s'ils en sont dignes. De là viennent ces projets, dont le Parlement a élé incessamment saisi depuis des années, et qui tendent à établir l'unité d'origine des officiers, le recrutement exclusif des ingénieurs parmi les con- ducteurs des Ponts et Chaussées. Si ces projets n’ont pas abouti jusqu'ici, c'est en grande partie grâce à la situation acquise de l'École Polytechnique, à C. COLSON — LA PRÉPARATION AUX ÉCOLES TECHNIQUES SUPÉRIEURES son preslige, aux services qu'elle a rendus, au sou- venir des hommes éminents qu'elle a produits, à l’altachement filial qu'ont gardé pour elle ceux qui en sont sortis. Le jour où elle disparaitrait, la plus grande force qui résiste à ce qu'a d’excessif la poussée d’en bas disparaîtrait avec elle. Ce jour-là, soyez-en convaincu, ce n'est pas aux Facultés que le Ministre de la Guerre demandera des officiers d'artillerie ou du génie, que d’ailleurs iln'ytrouverait guère ; illes prendra à Saint-Cyr, ou parmi les sous-officiers, s'ils peuvent fournir assez de candidats. Ce n’est pas non pius aux Facultés que le Ministre des Travaux publics prendra ses ingé- nieurs; ce sera peut-être à l'École Centrale; ce sera bien plutôt parmi les conducteurs, qui formeront plus facilement que les sous-officiers une pépinière pour les emplois supérieurs,etqui neseles laisseront pas disputer par de nouveaux venus. Peut-être, pour quelques emplois spéciaux, où la nécessité de con- naissances scientifiques apparaît avec trop d’évi- dence pour être méconnue, exigera-t-on des di- plômes universilaires ou une préparalion spéciale. Mais, sauf de rares exceptions, ce ne seront pas des Jeunes gens ayant acquis ailleurs les mêmes con- naissances qui remplaceront les polytechniciens, ce seront des hommes dépourvus de ces connaissances. Ce n’est pas à vous qu'il est besoin d'expliquer le préjudice incontestable qui en résulterait, pour les corps d'ingénieurs civils et militaires de l'Etat, et ce n’est pas l'intérêt des services que ces corps assurent qui est en cause ici; l'objet en question, c'est l’enseignement supérieur des sciences. Eh bien, à ce point de vue, ce qui disparaitrail, avec l'Ecole Polytechnique, ce n’est pas seulement la part de cet enseignement supérieur qui y est aujour- d'hui donnée, et qui ne retrouverait pas ailleurs la même clientèle ; c'est aussi une grande partie du travail qui se fait, principalement en vue de l'Ecole Polytecnique, dans les classes d'élémentaires supé- rieures et de spéciales; c'est une bonne part aussi de la valeur scientifique des études dans toutes les Ecoles d'ingénieurs, que l'obligalion de suivre l'Ecole Polytechnique, de se recruter comme elle dans les classes de Mathématiques spéciales, de présenter des programmes pas trop inférieurs aux siens, maintient aujourd'hui à un niveau qui fait si grand honneur à notre pays. Voilà pourquoi je considère la cause de l'Ecole Polytechnique comme celle même de la haute cul- ture scientifique en France. Avec la part de plus en plus large que l’on fait, et qu'il faut faire, au recru- tement par le rang, je n’aperçois pas la possibilité de réserver aux éludiants des Universités une part appréciable des emplois civils auxquels elle con- duit, sans réduire la proportion déjà insuffisante de ces emplois, à la sortie de l'Ecole, dans une PP L. CUÉNOT — LES RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'HÉRÉDITÉ MENDÉLIENNE 303 mesure qui équivaudrait à sa transformation en une Ecole exclusivement militaire, c'est-à-dire à sa suppression. Aux yeux de beaucoup de Français, cette suppression serait un malheur national et une déchéance intellectuelle. Cela ne veut pas dire que l'Ecole Polytechnique p’aurait pas à gagner à entrer un peu plus en con- tact avec l'Université. Dans la préparation des pro- grammes, comme dans le recrutement des profes- seurs el des examinateurs, beaucoup d'entre nous pensent qu'il serait utile de faire une plus grande part aux professionnels de l'enseignement. Nous croyons qu'il y a tout avantage à ce que le Minis- tère de la Guerre, de qui relève l'Ecole, fasse lar- gement appel aux lumières, non seulement des ministères à qui elle fournit une partie de leurs agents, mais aussi du personnel enseignant qui prépare les candidats dans les lycées, et des foyers de la science qui sont les Facultés. Seulement, pour que l'Ecole Polytechnique s’ap- puie avec confiance sur l'Université, lorsqu'il s'agit de régler ses programmes d'entrée et d’en- seignement, de recruter son personnel, de servir ensemble la cause commune de la haute culture, il faut qu'elle soit bien sûre que, dans ses avis, l'Université ne sera pas inspirée par l’arrière-pensée de l’absorber. C'est parce que je suis sûr, mon cher Doyen, que tel n’est pas votre but, que j'abrite avec confiance ces quelques réflexions sous votre haute autorité. Votre très dévoué. C. Colson, Conseiller d'État, LES RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'HÉRÉDITÉ MENDÉLIENNE Nos connaissances sur l'Hérédilé ont fait récem- ment de tels progrès qu'il m'a paru intéressant de résumer les recherches nouvelles; pour la première fois, en partant des données expérimentales, elles ont permis d'introduire dans les phénomènes héré- ditaires la précision mathémalique et la possibilité de prévoir, là où l’on ne voyait que hasard et caprice; elles ont permis d'interpréter de la façon la plus claire un grand nombre de cas d'hérédité, auxquels ne s'applique pas du tout la loi empirique de Galton, qui, pendant un temps, a été présentée comme une solution universelle. Bateson va jusqu à dire, et ce n'est pas exagéré à mon sens, que les expériences fondamentales de Mendel sont dignes de prendre place à côté de celles qui servent de base à la Chimie atomique. Par une singulière rencontre, trois botanistes, Correns, De Vries et Tschermak, en même temps et indépendamment les uns des autres, ont publié en 4900 des recherches expérimentales sur l'hybri- dation, qui, dans l’ensemble, confirment celles qu'un moine augustin, Gregor Mendel, avait failes, quarante ans auparavant, dans le jardin de son cloître de Brünn. Les deux publications de Mendel (parues en 1866 et 1870), aussi remarquables par leur précision que par leur géniale simplicité, ont été insérées dans un recueil local peu répandu, et sont restées tout à fait ignorées, de sorte qu'elles n'ont exercé aucune influence sur le développement des théories de l’hérédité, comme celle de Weis- mann, pour ne citer que la plus célèbre, ni sur la recherche empirique des lois de l'hérédité, basée sur l’interprélation de slalistiques, suivant la méthode de Galton. Ces expériences d'hybridation ont non seulement résolu quelques problèmes d'hérédité et révélé le fait inattendu de la disjonclion des caractères dans les gamètes; mais, de plus, elles ouvrent une voie féconde et sûre qui ne peut manquer de donner encore des résultats intéressants, tant pour la théo- rie que pour la pratique de l'élevage. Dans cet arlicle, je m'occuperai seulement du mode héréditaire le plus intéressant, que l’on con- nait maintenant avec une précision suffisante : celui des caractères dits mendéliens, ainsi nommés en l'honneur du clairvoyant biologiste qui les a si bien étudiés. I. — ÉTUDE DES MONOHYBRIDES. $ 1. — Souris. L'exemple le plus simple et le plus convaincant est celui des Souris (Mus musculus L.) : les Souris grises, prises à l’élat sauvage, et les Souris albinos, que l’on trouve facilement chez les marchands, sont deux formes qui reproduisent volontiers ensemble, à condition que l’on prenne comme mâle une Souris grise; en captivité, les femelles grises restent généralement stériles. Ces deux formes diffèrent par un caractère très net : chez les Souris blanches, il ne se développe aucune matière colo- rante, ni dans les poils, ni dans les membranes de 304 l'œil; aussi le pelage est-il d’une éclatante blan- cheur, teinte due aux lacunes aérifères des poils, tandis que les yeux sont d’un beau rouge vif, teinte du sang. Au contraire, les Souris grises sont pig- mentées : les yeux sont noirs, par suite de la pré- sence de grains pigmentaires dans la choroïde, l'iris, l'épithélium interne de la rétine; le pelage a une teinte générale grise, plus claire sous le ventre, due à la superposition de trois leintes, du blanc (lacunes aérifères des poils), du noir et du jaune, logées sous forme de grains pigmentaires dans l'écorce et la moelle des poils. Il n'existe aucun intermédiaire entre la Souris grise et l’albinos; le caractère qui les différencie est tranché, très facile à reconnaitre, et il est tout irdiqué d'utiliser ces deux variétés pour une élude expérimentale de l’hérédité. Naturellement, il doit y avoir une différence entre le plasma germinatif(œuf ou spermatozoïde) d’une Souris grise et celui d'une Souris albinos, sans doute une différence qui porte sur la constitulion chimique d'une ou plusieurs de leurs substancesconstiluantes. Appelons respectivement A et 4 les plasmas germi- natifs de la Souris grise et de l’albinos, sans faire aucune hypothèse sur cette différence et sur les substances qu'elle affecte. 1. Croisement entre les deux variétés. — Quand on croise une albinos femelle par une grise mäle (le seul croisement qui réussisse facilement, comme je l'ai dit plus haut), on obtient foujours, sans excep- tion, des petits gris, identiques au père ; ces hybrides ne montrent visiblement aucune trace de la particu- larité maternelle. Le caractère À (présence de pig- ment) étant seul exprimé chez l'hybride, on dit qu'ilest dominant par rapportau caractère a (absence de pigment); ce dernier est dominé ou récessif. Cela n'est pas nouveau; il y a longtemps qu'on connait des hybrides végétaux ou animaux qui montrent'seulement l’un des caractères parentaux à l'exclusion de l'autre : c'est ce que Lucas appelait l'hérédité par élection, et Pearson l'hérédité exelu- sive; de tels hybrides sont appelés unilatéraux par De Vries. Bien que nous ne sachions pas ce qu'est devenu le caractère dominé, appelons (A H à) l'œuf fécondé qui donnera naissance à l’'hybride gris. 2, Croisement des hybrides. — Maintenant, croisons entre eux les hybrides gris : cette fois, leur progéniture n'est plus uniforme; elle comprend une majorité de Souris grises, identiques à leurs père et mère et aux grands-pères, et une minorité d’albinos, identiques à leurs grand'mères. Le carac- tre a, qui avait en apparence disparu chez les hybrides, reparaît maintenant dans toute sa force. L. CUËNOT — LES RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'HÉRÉDITÉ MENDÉLIENNE Si l’on a obtenu un nombre considérable de portées, on s'aperçoit qu'il y a un rapport numé- rique constant entre le nombre des gris et celui des albinos : toujours 3 gris pour 1 albinos. Par exemple, j'ai obtenu, de croisements entre hybrides gris, 270 petits, qui comprenaient 198 gris eb 12 albinos; or, 198 et 72 sont à peu près dans la proportion de 3 à 1; il y a 6 albinos de trop, écart tout à fait insignifiant, qui se serait atténué ou aurait changé de sens si l'expérience avait été con- linuée plus longtemps. Pour expliquer la réapparilion du caractère dominé chez les descendants des hybrides, et le dimorphisme de ceux-ci, Mendel et Naudin, mais le premier avec beaucoup plus de précision que le second, ont pensé que les supports matériels des deux caractères À et à, juxlaposés dans l'œuf fécondé d'où sortira l'hybride, et sans doute aussi dans les cellules somatiques de celui-ci, se dis- Joignent dans les gamètes de l'hybride ; la moitié des gamèles ne renfermerait donc en puissance que le caractère À, l’autre moitié, que le caractère a. Quand on croise les hybrides entre eux, les gamètes du père et de la mère peuvent se combiner de quatre facons différentes, aussi probables l’une que l'autre : A+A, A +a, a+ A, a + a. Dans les trois premiers cas, le produit présentera le caractère dominant À (le gris s’il s'agit de Sou- ris); dans le quatrième, le caractère dominé a (albi- nos). Celte hypothèse explique donc bien le rap- port constant de 3 à 1, que nous avons signalé plus haut. Mais on peut poursuivre la démonstration : si la théorie est exacte, il est évident que l’albinos (a+ a) ne renferme pas lrace du caractère gris À, bien que ses deux parents et ses deux grands-pères aient élé gris; quant aux trois autres, il y en a un (AHSA), qui ne renferme pas trace du caractère dominé 4, et qui est tout à fait identique comme constitution germinale à une Souris grise sauvage, tandis que les deux autres (A+ 4 ou a+ A, ce qui est la même chose) sont des hybrides, identiques à ceux de la première génération. Nous allons vérifier séparément ces quatre points: Les albinos (4 a), croisés entre eux, donnent tou- jours, sans exception, des albinos, sans que jamais réapparaisse le caractère gris. Quant aux gris, comme il est impossible de distinguer extérieure- ment les (A + A) des(A+), on peut opérer de la facon suivante : tous les gris à essayer sont croisés chacun avec un albinos; or, deux tiers d'entre eux donnent dans les portées un mélange de gris et d'albinos, ce qui prouve que ces gris renfermaient à l'état dominé un caractère 4, puisque la combi- naison (aa) a pu se former; conformément aux L. CUÉNOT — LES RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'HÉRÉDITÉ MENDÉLIENNE 305 probabilités, il y a exactement autant de petits gris que d’albinos. Au contraire, un liers de gris donne des portées uniquement composées de gris; ils ne renfermaient done pas le caractère à. On peut faire d’autres vérifications : croiser, par exemple, les descendants d'hybrides avec des Sou- ris grises sauvages; conformément à la théorie, on n'obtient que des petits gris, tantôt de formule A + A, tantôt de formule À + à. On peut exprimer tous ces croisements dans les 41 1 Lèe. PE [EL RÉRSRR EU LR de 1 114133 14 i A B P - 2 her: Es DZ Tes Bar #, à. tungsgeselz de De Vries, liquation de Coutagne). La disjonction des caractères dans les gamètes des hybrides permet de prévoir et de comprendre certains faits, qui paraissent paradoxaux au premier abord : Appelons 1/2 sang, à l'exemple des zootech- niciens, la Souris grise (À + à) issue du croisement entre gris sauvage et albinos; ce 1/2 sang, accou- plé avec un albinos, donne des albinos et des grises qui ont 3/4 de sang blanc; une grise 3/4 de sang, accouplée avec un albinos, donne des albinos et »” 1 9 Fig. 1. — Hybridation du Zea Mays. — À et C sont les épis de deux races différentes, À à albumen amylacé, C à albumen renfermant, au lieu d'amidon, du sucre et de la dextrine. B, épi d'un hybride entre ces deux races, après auto-fécon- dation. On voit facilement que les trois quarts des grains sont lisses et amylacés et que un quart des grains sont sucrés et ridés. (DE VRies, Mutationstheorie, t. IN, p. 150, 1902.) trois schémas suivants; le caractère récessif est placé entre parenthèses, et j'ai supprimé le signe + dans les formules individuelles : HATENtSE rer el LA ape A2 À a À a V V V \ re génération . A(a) Aa Aa \ A(a) a 2e génération. AA<+2A(a2)+ aa AA + Alfa A(a,—+ aa TT — ue ne. Ces —— 3 il 2 l 1 Les expériences donnent des résultats d’une telle constance et la prévision numérique est tellement certaine qu'il ne peut y avoir aucun doute sur la réalité du phénomène de la disjonction. Ce n'est plus une hypothèse, mais bien un fait réel (Spal- des grises qui ont 7/8 de sang blanc, etc. J'ai poussé l'expérience jusqu’au dixième croisement, 1.023 1.024 Or, s'il y a bien disjonction des caractères, on à croisé à chaque fois des gamètes à caractère a (ceux de l’albinos) par des gamètes A et a (ceux de l'hy- bride gris), de sorte qu'on a beau introduire d’une facon répétée du sang blanc, pour parler le langage zootechnique, on oblient toujours, en nombre égal, des (A + a) et des (aa); le sang gris n'est affaibli en rien. C’est bien ce que montre l'expérience. Une Souris albinos, dont les ancêtres, pendant un nombre de générations aussi grand qu'on vou- qui fournit des grises ayant de sang blanc. 306 L. CUÉNOT — LES RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'HÉRÉDITÉ MENDÉLIENNE dra, ont élé gris (A Æ à), est cependant un albinos de race absolument pure, qui ne présentera jamais d'atavisme gris; en croisant deux Souris grises n — ; 1 hybrides, renfermant chacune de sang blanc, n 2 élant aussi grand qu’on voudra, on pourra obte- nir des grises de race absolument pure (A + A), qui ne présenteront jamais de retour à l’albinisme. J'ai tenu à accumuler les preuves, afin qu'il ne puisse rester aucun doute sur la réalité du phéno- mène, intéressant et inattendu, de la disjonction, dont, désormais, toutes les théories de l'hérédité devront tenir compte dans leurs essais d’explica- tion. $ 2. — Maïs. Voici un autre exemple de caractère mendélien rencontré dans le règne végétal, dont nous de- vons l'étude à De Vries. Il existe deux formes de Zea Mays L., qui se distinguent l'une de l’autre par la constitution chimique des réserves de l’al- bumen des grains : dans le Maïs ordinaire, la ré- serve est formée d'amidon; dans le Maïs sucré, elle est conslituée par du sucre et de la dextrine. A l'état sec, on distingue facilement les épis des deux variétés (fig. 1) : les grains àamidon A restent lisses, tandis que ceux du Maïs sucré Cse rident en se des- séchant. Désignons les deux caractères antagonistes par les lettres A et à. De Vries féconde les fleurs femelles de la variété sucrée avec du pollen de la variété amylacée: pour comprendre ce qui se passe, je rappellerai brièvement le phénomène de la double fécondation des Angiospermes : le sac embryonnaire renferme en haut une oosphère ou gamète femelie, porteur du caractère a; au centre, se trouve le noyau de l'albumen qui provient de la fusion de deux noyaux polaires ; il est aussi porteur du caractère 4. Le tube pollinique renferme deux noyaux ou gamètes mâles, qui sont l'un et l'autre porteurs du carac- tère A. Il y a double fécondation de l’oosphère et du noyau de l’albumen ; nous verrons plus tard, en plantant la graine, ce que donnera l'oosphère fécondée; quant à l'albumen, il évolue toujours, sans exceplion, en albumen amylacé : le caractère amylacé est donc dominant sur le caractère sucré. Ces graines sont plantées et donnent naissance à des Maïs hybrides (AL 4). On laisse l'autoféconda- tion s’opérer, et on l’obtient sur chaque pied des épis mixtes qui renferment visiblement un quart de grains ridés (sucrés) contre trois quarts de grains lisses (amylacés) (fig. 1, épi B). Il est facile d'interpréter l'expérience : au mo- ment de la formation du sac embryonnaire dans les fleurs femelles, et des cellules mères du pollen dans les fleurs mâles, il y a eu disjonction des ca- ractères À et a : la moitié des sacs embryonnaires et la moitié des grains de pollen sont porteurs du caractère À, l'autre moitié du caractère a. Il y a donc, comme pour les Souris, quatre combinaisons possibles : Fécondation d’un albumen A par un noyau mâle À — A + À = === A — a A+ a _ — ä — A— a PA = = a —- a—=a+a Comme À est dominant par rapport à a, l’épi comprendra donc finalement trois grains à albumen amylacé et qui resteront lisses, contre un grain à albumen sucré, qui sera ridé. Si l'on féconde les fleurs femelles du Maïs hybride (A + à) par du pollen de Maïs sucré (a), on aura Fig. 2. — Epis d'hybrides entre maïs à albumen amylacé et albumen sucré, fécondés par le pollen de maïs sucré. — La moitié des grains sont amylacés (lisses), l'autre moitié sucrés (ridés). (D'après de Vries. des épis qui comprendront autant de grains lisses (A + à) que de grains ridés (a + à) (fig. 2). Enfin, si on plante les graines ridées d’un Maïs hybride, on constate que leur descendance ne pos- sède en puissance que le caractère dominé a, con- formément à la formule théorique. Le couple de caractères albumen amylacé-albumen sucré se com- porte donc exactement comme le couple de carac- tères coloration grise-albinisme chez la Souris. Il. -— ÉTUDE DES POLYHYBRIDES. Dans les deux exemples que je viens de déve- lopper, je n'ai envisagé que des formes qui diffèrent L. CUÉNOT — LES RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'HÉRÉDITÉ MENDÉLIENNE 307 par un caractère unique, de telle sorte que leur croisement donne naissance à un monohybride, suivant l'expression de De Vries. L'étude des di-, tri-, polyhybrides, c'est-à-dire des produits du croisement de deux formes qui diffèrent par 2, 3,..7 caractères, nous apprendra encore des faits inté- ressants. $ 1. — Souris. Les Souris valseuses du Japon possèdent la sin- gulière propriété de se déplacer en valsant, la loco- motion en ligne droite leur étant interdite, très probablement par suite d’une variation de struc- ture, encore inconnue, dans leur système nerveux central; il n'y a pas chez ces Souris de malforma- lion congénilale de l'oreille interne (absence de deux canaux semi-circulaires), comme on l'a cru pendant longtemps. Si l'on croise des Souris valseuses par des Souris qui présentent le mode normal de locomotion, on oblient constamment, sans exception, des Souris qui se déplacent normalement; le caractère de locomotion rectiligne, que j'appellerai B, est donc dominant par rapport au caractère valseur b. Les hybrides (Bb), croisés entre eux, fournissent une majorité de non valseurs contre une minorilé de valseurs, dans le rapport de 3 à 1. Sur 44 Souris provenant d'un lel croisement, 36 ne valsent pas et 8 valsent (von Guaita), ce qui se rapproche très suffisamment des chiffres théoriques prévus par la règle de Mendel, 33 et 11. Procédons maintenant au croisement de deux variétés de Souris, l’une AB, grise à mode de loco- motion normal, l’autre 4h, albinos et valseur. Les hybrides de première génération, de formule (AB + ab,, sont tous semblables et reproduisent identiquement le parent AB, puisque les caractères a et h sont dominés. Les hybrides (AB + a), croisés entre eux, donnent une seconde génération remarquablement polymorphe, mais dont les diffé- rents membres présentent entre eux des rapports numériques parfaitement définis. Sur 16 petits, il y a : 3 albinos non valseurs — 12 non vals. 1 albinos valseur — À valseurs. 4 albinos. 9 gris non valseurs 3 gris valseurs gris. 1 19 Voici maintenant l'interprétation mendélienne : dans les gamètes des hybrides (AB + ab), il y a eu disjonction des caractères, chaque couple de carac- tères se comportant tout à fait indépendamment de l’autre; il est facile de comprendre que les glandes génitales de chaque hybride renfermenten nombre égal quatre types de gamètes : AB, Ab, aB, ab. Lors de la fécondation, ces quatre types peuvent se combiner de neuf façons différentes, comme le montre le tableau suivant : AB+AB— AB 9 (AB + Ab)—92ABb 2(AB+aB)—2AaB } 9 gris non valseurs. SUNB LL) \ 2 (Ab + aB) ABB } ADP AD = Ab * 2 (ab + Ab) —2Aab ° aB+41B — aB i 2 (ab + aB)—2aBb ab + ab — ab gris valseurs. 3 albinos non valseurs. 1 albinos valseur. {l y a quatre combinaisons (AB, Ab, aB, ab) qui sont représentées chacune une fois, et qui sont des formes constantes qui ne varieront plus : deux sont identiques aux ancêtres des hybrides, les deux autres sont nouvelles. Il y a quatre combinaisons (AB, aBb, Aab, AaB), représentées chacune deux fois, qui renferment un caractère constant, et un couple qui prêtera encore à la disjonction. Enfin il y à une combinaison (AaBb), représentée quatre fois, qui est identique aux hybrides de la première génération. Non seulement les prévisions théoriques sont vérifiées par l’expérience, mais on peut se con- vaincre par des essais subséquents que les pelits ont bien la formule héréditaire que leur assigne la théorie. Les expériences avez des trihybrides (Souris, Pois) donnent encore les mêmes résultats qu'on peut exprimer d'une façon générale : Si n repré- sente le nombre des couples de caractères diffé- rentiels non corrélatifs, obéissant aux règles men- déliennes, la disjonction des caractères dans les cellules génitales des hybrides donne 2” gamèles différents ; ces 2 gamètes formeront, lors de la fécondation, 3" combinaisons différentes, parmi lesquelles 2 sont des variétés fixes et désormais constantes. Le nombre des variétés nouvelles créées par ce croisement, et dues à un arrangement nou- veau des caractères, est naturellement de 2! — 2 =", Mais ce qu'il est surtout intéressant de retenir, c'est que Les caractères peuvent s'hériter indépen- damment les uns des autres; chez l’hybride, les caractères paternels ne restent pas liés ensemble, pas plus que les caractères maternels; il se fait dans les cellules génitales un brassage des diffé- rents caractères, de telle sorte que chacune d'elles recoit un échantillon complet de caractères, tantôt d'origine paternelle ou maternelle, tantôt d'origine variée, conformément aux règles de la probabilité, sans qu'aucun caractère soit représenté deux fois dans une même cellule. Quant à expliquer plus intimement le phéno- mène de la disjonction, et comment le support matériel d'un caractère peut se substituer à son homologue, je m'avoue tout à fait incapable de le faire. Qu'il nous suffise actuellement de savoir 308 L. CUÉNOT — LES RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'HÉRÉDITÉ MENDÉLIENNE que l'interprétalion el la notation mendéliennes sont strictement adéquates aux résultats expéri- mentaux, si bien qu'elles permettent de les annon- cer d'avance. S 9 S 2 . — Caractères corrélatifs. L'expérience seule, quand elle est possible, peut nous apprendre si un caractère donné est indépen- dant des autres; en effet, il arrive très souvent qu'un certain nombre de caractères, séparables dans une description, forment au point de vue héréditaire un groupe inséparable qui se transmet tout entier : ainsi, dans les croisements de Pisum arvense, il v a quatre caractères qui s'hérilent du même coup : fleurs rouges, laches rouge violet à la base d'insertion des feuilles, tégument de la graine jaune verdàlre avec ponctualion violelte et écusson brun brillant (Tschermak); il est possible que ces caractères résultent du développement d'une ébauche unique du plasma germinalif, celle de l’anthocyane. Dans les croisements entre Souris albinos à yeux rouges et Souris pigmentées à yeux noirs, quelle que soit la couleur du pelage, grise, noire, jaune ou panachée, je n'ai jamais eu de séparation entre les poils colorés et les yeux noirs d'une part, le pelage blanc et les yeux rouges d'autre part : on peut concevoir que les deux pre- miers caractères sont des localisations ou modifi- cations d'une matière colorante représentée par une ébauche unique dans le plasma germinatif, et que les deux seconds sont liés à l'absence totale de chromogène pigmentaire. D’autres fois, il est plus difficile de comprendre la relation qui peut exister entre des caractères corrélatifs, par exemple les fleurs colorées et la pilosité des feuilles chez certains Matthiola; chez les Pommiers, d'après Beach, les fleurs de couleurs claires sont associées avec de petits fruits, les fleurs foncées avec de gros fruits. De même, dans l'exemple classique des Chats sourds à yeux bleus, il y a corrélation entre des caractères qu'aucun lien physiologique ne parait réunir. Lors de la disjonction des caractères dans les gamètes des hybrides, les caractères corrélatifs forment d'habitude un groupe non dissociable, qui se transmet lout d'une pièce; c'est ce que Correns appelle la disjonction zygolytique, par opposition à la disjonction seirolytique qui sépare les carac- tères indépendants. $ 3. — Exemples de caractères mendéliens. Les caractères qui suivent la règle de Mendel {dominance plus ou moins complète d'un caractère, puis disjonction dans les gamètes des hybrides) sont très nombreux, aussi bien chez les animaux que chez les plantes. En voici une liste très incom- plète, qui suffit à montrer leur variété; le caractère dominant est indiqué en premier : Mode normal de locomotion chez les Souris : Souris valseuse. Rats et Souris à pelage uniforme : Pelage panaché de blanc. Souris jaune : Souris grise, noire et albinos. Souris grise : Souris noire. Souris jaune, grise ou noire : Souris albinos. Crête de Poule dite en pois ou en rose : Crête simple. Vers à soie zébrés (race Jaune Var) : Vers non zébrés (race Blanc des Alpes). Vers à soie moricauds (race Bagdad) : Races blanches. Cobayes « abyssins » à poils raides : Pelage lisse des Cobayes normaux. Dioïcité de Bryonia dioica : Monoïcité de Bryonia alba. Citrus trifoliata (feuilles persistantes en hiver) : Espèces cultivées de Citrus (feuilles caduques en hiver). Hyosecyamus niger bisannuel : Hyosc. niger annuus (annuel). Papaver persistants : Papaver annuels. Forme normale des fleurs d'Antirrhinum majus : Formes péloriques. Linaria vulgaris (fleurs à éperon) : Fleurs sans épe- ron. Orge à grains disposés en deux rangées : Hordeum tri- lurcatum, grains disposés sur quatre rangées. Pilosité des feuilles (Lychnis, Matthiola) : Feuilles glabres. Fruits recouverts de piquants (Datura) : Fruits sans piquants. Chelidonium majus (feuilles lobées) : Ch. laciniatum à feuilles laciniées. Graines lisses de pois : Graines anguleuses et ridées. Epis sans barbes de Blé et Orge : Epis barbus. Couleur jaune des cotylédons de pois : Cotylédons verts. Zea Mays à albumen amylacé : Maïs à albumen sucré. Solanum nigrum à baies noires : S. nigrum chlorocar- puin à baies vert jaunâtre. Papaver somniferum Mephisto (tache noire à la base des pétales) : Pap. som. Danebrog (tache blanche). D'une facon générale les fleurs colorées : Variétés blanches ou bleuàtres. L'hérédilé mendélienne n'est pas le seul type héréditaire connu; il y en a d’autres; mais il parait être très répandu dans les deux règnes, et je crois que lorsqu'on fera de nouvelles expé- riences el qu'on comprendra mieux les cas liti- gieux, son importance croitra encore, surlout en ce qui concerne le phénomène capilal de la dis- jonction des caractères dans les gamètes. IIJ. — LES THÉORIES SUR L'HÉRÉDITÉ CONFRONTÉES AVEC LES RECHERCIHES EXPÉRIMENTALES. On a vu que les éludes expérimentales d'hybri- dation ont mis en lumière deux ordres de faits très intéressants : 1° les caractères peuvent s’hé- riter indépendamment les uns des autres; 2° quand un animal où une plante contient en puissance des couples de caractères antagonistes, ceux-ci se disjoignent régulièrement, conformément aux pro- babilités, de telle sorte qu'un gamète pris en par- ticulier ne contient en puissance que la moitié des couples. L. CUÉNOT — LES RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'HÉRÉDITÉ MENDÉLIENNE Il esttout naturel de confronter avec ces résultats les connaissances cytologiques actuelles; les con- ceptions que l’on a tirées de ces dernières au sujet des processus héréditaires sont sans aucun doute hypothéliques, et nous aurons peut-être dans cette confrontation un moyen de contrôler ou de eriti- quer ces conceptions. Je ne veux point passer en revue les très nom- breuses théories basées sur l'hypothèse des parti- cules représentatives, gemmules, plasomes, unités physiologiques, micelles, pangènes, idioblastes, biophores, mnémons, elc.; leur procès a été fait et bien fait. Mais, si la critique de ces systèmes est définitive, il faut avouer qu'on n'a rien proposé de bien satisfaisant à leur place. Du reste, au point de vue parliculier qui nous occupe, il n'y a guère que Wilson, Sutton et Boveri qui aient cherché des rapprochements entre nos connaissances cylologiques et les expériences sur l'hérédité mendélienne ; aussi me bornerai-je à cette comparaison. Pour Boveri el son École, qui représente en somme l'opinion moyenne, la plus volontiers acceptée par les biologistes, c’est la chromatine nucléaire qui est le support des caractères hérédi- taires. Il est à peine utile de rappeler que cette opinion, du reste très défendable, s'appuie surtout sur les faits suivants : il est incontestable qu'au point de vue héréditaire, le père et la mère ont une valeur égale, à tel point que, dans les croi- sements entre deux races, il est indifférent de savoir quelle est la race qui a fourni le gamète femelle, et celle d’où provient le gamète mâle. Or, les études cytologiques sur la fécondation nous ont appris avec certitude que les deux seules subs- tances qui paraissent rigoureusement équivalentes à tous les points de vue, dans les deux gamètes, sont les chromatines des noyaux mâle et femelle qui se mélangent pour constituer la chromatine de l'œuf fécondé ; en effet, le cytoplasme de ce dernier provient presque uniquement de la cellule femelle, tandis que le centre cinétique provient exclusive- ment de la cellule mâle. De plus, les expériences de mérogonie et de parthénogénèse artificielle ont montré, avec une égale certitude, qu'un œuf femelle complet, non fécondé, de même qu'un cytoplasme femelle uni à un noyau mâle et au spermocentre, possédent tout ce qu'il faut pour que l'organisme puisse se développer. Boveri admet que les divers chromosomes des noyaux sexuels ont une valeur différente les uns des autres; en d'autres termes, qu'ils sont les supports de caractères différents. Appelons A, B, G, D... les chromosomes paternels et a,b,ce,d.… les chromosomes maternels. Au moment de la fé- 309 condation, les deux noyaux se mélent; la for- mule du zygote devient ALB+C+D... La+y + c+d.., formule qui se transmet de cellule en cellule jusqu'aux cellules génitales primordiales de l'hybride. Sutton admet qu'au stade de synapsis, préparatoire à la maturation, il y a union bout à bout des chromosomes homologues de même sorte, c'est-à-dire qu'il y a constitution de chromosomes bivalents A4, Bb, Ce, Dd.. Or, au moment des divisions réductionnelles, ilest évident que la posi- tion de ces chromosomes bivalents sur la région équatoriale du fuseau est purement une affaire de chance; tantôt c'est le bout maternel, tantôt le bout paternel qui regarde un pôle donné; toutes les combinaisons possibles d'orientation peuvent se réaliser à ce moment. Quand il y a division réduc- tionnelle, les chromosomes bivalents se résolvent en leurs composants; telle cellule génitale recoit aBCD, telle autre abcD, tandis que leurs cellules- sœurs ont recu Abed, ABCd, etc. Il y a évidem- ment 2* combinaisons possibles, 7 représentant le nombre des chromosomes bivalents. Dans cette manière de voir, on conçoit facilement que chaque gamète recoit un échantillon complet de toutes les sortes de chromosomes, c'est-à-dire toutes les subs- tances nécessaires pour le développement, et par suite contient en puissance tous les caractères diffé- rentiels sous une forme unique, tandis que le zygote hybride les contenait en puissance sous deux formes antagonistes. Lorsque les 2* gamètes ainsi disjoints se ren- contreront, ils pourront donner 3° combinaisons différentes; par exemple, 3 combinaisons lorsqu'il n'y a qu'un caractère différentiel (Souris grise et Souris albiaos), c'est-à-dire un couple de chromo- somes différents; 9 combinaisons dans le cas de deux couples de chromosomes différents (Souris grise à marche normale et Souris albinos valseuse), etc. Quand plusieurs caractères sont corrélatifs et s'héritent ensemble, c'est qu'ils élaient renfermés en puissance dans un seul et même chromosome et l'on comprend qu'il n’est pas nécessaire qu'il y ait entre eux une liaison anatomique ou physiolo- gique. Evidemment tout cela s'accorde bien — peut-être même trop bien — avec les résultats expérimen- taux. Il ne semble pas, cependant, que la disjonc- tion des caractères ait lieu au moment des divi- sions réductionnelles ou de maturation; ce que l’on sait du croisement Maïs amylacé par Maïs sucré s'y oppose. Quand on a fécondé les ovules d'un Maïs hybride par du pollen d'hybride, on constate que les grains qui ont un albumen sucré (caractère dominé) produisent des plantes qui possèdent en puissance seulement le caractère 310 F. DEHÉRAIN — LA FRÉQUENCE DU POULS ET L'ÉLIMINATION URINAIRE sucré (Correns) : il est done évident que les deux noyaux du tube pollinique, celui qui féconde l'oos- phère et celui qui copule avec le noyau secon- daire du sac embryonnaire, étaient porteurs du même caractère sucré; il en est exactement de même pour le noyau de l’oosphère et le noyau secondaire, et comme ils proviennent tous deux du noyau unique de la cellule-mère du sac embryonnaire, celui-ci ne renfermait donc en puissance que le caractère sucré. Or le noyau de la cellule-mère du sac, lorsqu'il se divise, présente dès le début le nombre réduit de chromosomes (Guignard, chez le Lis). La disjonction est donc antérieure à la réduc- tion numérique. Le système de Sutton et Boveri, du reste très ingénieux, repose sur quatre hypothèses au moins: 1° la chromatine est le support des propriétés héréditaires ; 2° les divers chromosomes supportent des caractères différents, ou, en d’autres termes, ils ont une constitution chimique différente ; 3° il y a permanence des chromosomes, c'est-à-dire qu'à l'approche de chaque mitose, ils sont reconslitués par des particules identiques comme valeur chi- mique à celles qui constituaient les divers chro- mosomes du zygote ; 4° il y a attraction entre chro- mosomes homologues, au moment de la réduction numérique. Or, ces hypothèses sont purement spéculatives, et il est assez inutile de se prononcer pour ou contre elles, tant qu'on n’aura pas résolu ce problème capital : savoir si, oui ou non, c’est le noyau qui est seul le support des propriétés héré- ditaires; ce qui revient à dire que les différences qui peuvent exisler entre deux formes voisines, par exemple une Souris grise et une blanche, sont liées à des différences qualitatives ou quantitalives dans les substances du noyau, le cytoplasme ayant une constitution constante. Il faut que ce problème, dont la non-solution arrête tout progrès positif de la Biologie générale, soit résolu par voie expé- rimentale; or, les expériences déjà tentées par Boveri, Seeliger et Morgan n'ont donné que des résultats contestables et peu concordants. Aussi toutes les théoriessurl'Hérédité me paraissent-elles, pour l'instant, des exercices plus littéraires que scientifiques, ce qui ne les empêche pas d’être intéressantes. L. Cuénot, Professeur de Zoologie à l'Université de Nancy, LA FRÉQUENCE DU POULS ET L’ÉLIMINATION URINAIRE OLIGURIE ET TACHYCARDIE I. — PAR RAPPORT A QUOI VARIE LE POULS? Nous avons chacun un nombre personnel de pulsations par minute. Il diminue depuis l'enfance et sera plus restreint encore dans notre vieillesse. Ces variations, qui vont de 80 à 55, se font insen- siblement, si bien que le médecin peut considérer chez son malade un nombre « normal » de pulsa- tions. Celles-ci augmentent de fréquence par la chaleur, l'émotion, une marche rapide, etc.; certains sujets sont plus sensibles que d’autres à toutes ces causes : ils ont des « palpitations ». Or, en cas de maladie fébrile, il est classique, à défaut de ther- momètre, de tâter le pouls afin d'évaluer la tempé- rature. Pour Lorain, une augmentation de 95 batte- tements représente un degré de fièvre. Cependant, dans certaines péritonites, il y a dis- cordance entre le rythme cardiaque et la tempéra- Lure ; de même dans la fièvre typhoïde. La fachycar- die (augmentation du nombre des pulsations) n’est donc pas forcément un phénomène parallèle à la lièvre. En outre, les variations du pouls n'existent pas seulement au cours des maladies infectieuses. Dans les maladies des reins et surtout du cœur, les pul- sations peuvent être de 110, 120, 140 ou plus encore par minute. Dans les épanchements de la plèvre et particulièrement dans ceux du péritoine, la fré- quence du pouls est la règle. Au cours des intoxi- cations, de quelque nature qu’elles soient : tabac, alcool, plomb, mercure, etc., l'accélération du pouls s'observe fréquemment. Or, nous avons remarqué un rapport, partiel dans les maladies «infectieuses », constant dans les autres affections, entre la fréquence du pouls et l'élimination urinaire. Chaque fois qu'il y a oligurie, c'est-à-dire chaque fois que l'élimination urinaire est diminuée pour une cause quelconque, nous avons constaté l'accélération du pouls. Les poisons normalement éliminés par l'urine sont, en cas d'oligurie, retenus dans l'organisme; ils intoxi- quent alors le système nerveux cardiaque el pro- duisent la tachycardie. II. — MÉTHODE EMPLOYÉE. Les malades observés ont le pouls pris une fois par jour, le matin, tandis que leurs urines sont , plain in Ed F. DEHÉRAIN — LA FRÉQUENCE DU POULS ET L'ÉLIMINATION URINAIRE 911 recueillies de midi à midi. Mais les courbes ainsi élablies présentent, à certains jours, des variations qui semblent indépendantes de celles du pouls. En effet, l'élimination urinaire est mal représentée par la quantité seule; aussi faisons-nous interve- nir la notion de densité. Il est évident qu'un malade qui urine 1 litre à la densité de 1,004, élimine moins de principes nocifs qu'un autre urinant également 1 litre, mais à la densité de 1,022. Aussi, nous servons-nous d'un coefficient d'éli- minalion E, très facile à obtenir en mulipliant la quantité des urines par les deux derniers chiffres de la densité exprimée en millièmes : Elimination (E) — quantité (g) X densité (d). Exemple : MUETES ER A00E. . : CR EME TES CA 1012. + : ER PE D 1006 à RE MIS 8, 24, 18, sont les chiffres nous servant à former notre échelle d'élimination. Si l'homme normal urine 1.500 grammes à 1,018, le coefficient E sera de 27. Nous devons, toutefois, faire remarquer les quel- ques obstacles que rencontre l'examen du pouls et des urines chez les malades : Outre la difficulté d'obtenir la totalité des urines émises chaque jour, il faut remarquer que nous comparons à cette période, qui va de midi à midi, un seul «instant », qui est celui où le médecin prend le pouls. Néan- moins, les ‘press inverses des deux phénomènes n'en sont, à quelques détails près, nullement obs- curcies. Enfin, les sueurs représentent une élimination toxique indépendante des urines. Elles peuvent done amener parfois une détente du pouls dont il doit être tenu compte dans la comparaison que l'on fait entre les courbes du pouls et celles des urines. III. — Sr, DANS UNE MALADIE INFECTIEUSE, LE POULS NE VARIE PAS PROPORTIONNELLEMENT A LA FIÈVRE, C'EST QU'IL VARIE EN RAISON INVERSE DE L'ÉLIMINATION URINAIRE. En effet, tout malade atteint de maladie fébrile urine moins qu'à l’état normal : il présente de l'oligurie. Tel typhique, tel pneumonique, urinent seulement 409 grammes par jour au lieu de 1.500. Il en résulte qu’ils sont doublement intoxiqués : 1° par les poisons que sécrètent les bactéries qui causent la maladie, toxines pneumococciques, typhiques, diphtériques, létaniques (ces substances n'élant pas secrétées par le malade, mais bien par ses parasites, nous les appellerons « Aétéroto- xines »); 2 par suite de l'oligurie qui, eoincidant avec l'infection, entrave non seulementl'élimination de ces hétérotoxines, mais encore la sortie des poisons ordinaires de l'urine que nous appellerons « autoloxines ». L'organisme, à un moment où il devrait éliminer deux fois plus pour moins pâtir, se trouve non seulement relenir les poisons extraordinaires (hétérotoxines), mais encore les poisons ordinaires lautotoxines). Or, la thérapeutique va recourir à tous les moyens pour hâter ce que le clinicien appelle : «la crise urinaire ». On emploie dans ce but le régime lacté, les boissons à la dose de trois litres, les bains, les irrigations, les injections de sérum. De telle sorte qu'un typhique, heureusement traité, présente parfois une diurèse qui précède d'une semaine ou plus la fin de la maladie. Dans ces cas heureux, on voit la courbe du pouls quitter Jours d Ann Elimination Le] [=] Fig. 1. — Fièvre typhoïde. celle de la fièvre pour redescendre vers la normale. Nous distinguons donc chez un infecté deux phases successives : d'une part,une poussée d’hétérotoxines avec température et pouls également élevés. Nous expliquons alors la tachycardie par une intoxica- tion directe du cœur due aux hétérotoxines. D'an- tre part, la période où la rétention des toxines (de quelque origine qu'elles soient) a plus d'importance encore que leur production; et dans ce cas le pouls baisse si le malade élimine, se maintient fréquent si l'oligurie persiste (fig. 1). Par conséquent, si les variations de la tempéra- ture indiquent le degré d'infection, les variations du pouls témoignent du degré d'intoxication de l'organisme. MALADIE INFECTIEUSE, LE RAISON INVERSE DE L'ÉLIMINATION URINAIRE. IV. — Dans UNE NON POULS VARIE EN 4° L'oligurie est un des symptômes principaux des maladies du cœur et des reins. Chez l'individu 312 F. DEHÉRAIN — LA FRÉQUENCE DU POULS ET L'ÉLIMINATION URINAIRE antérieurement atteint de myocardite ou d’endo- cardite survient, à propos d’un simple écart de régime, d'une fatigue intempestive, un état de crise durant lequel le cœur, antérieurement lésé, est au- dessous de sa tâche. Il en résulle une baisse de la pression artérielle et une sécrélion rénale diminuée d'autant. L'oligurie se trouve être ici une cause nou- velle d'intoxication; le cœur entre alors en tachy- cardie progressive, devient irrégulier, puis aboutit à l'as ystolie. Nous avons pu constaler que les cas d’embryo- cardie, où les battements du cœur (150 ou plus) atteignent la fréquence de ceux du fœtus, sont jus- tement ceux où l’oligurie confine à l’anur'ie, c'est-à- dire à la suppression totale de l'urine. La période de crise dans les maladies du cœur est donc due à la rétention aulotoxique. Aussi, dès Jours d'observation 10[n1!172 31#151617|81)9 Elimination Boppeysps- der — Maladie de cœur : insuffisance mitrale en crise d'asystolie. Fig. 2. qu'on rétablit la polyurie par le traitement appro- prié, les pulsalions reviennent à la normale. La digitale, employée dans ce but, n'arrive à ralentir le pouls qu'à la condition de produire la diurèse. Au cas où elle ne rend plus au cœur une contraction suffisamment énergique pour relever la tension artérielle, l'oligurie persiste et le pouls reste aussi fréquent. Son chiffre peut même augmenter si l’on a prolongé intempestivement le médicament. Les courbes concernant les cardiopathies sont parmi les plus précises que nous ayons pu recueillir (fig. 2). 2° Dans la néphrite, l'anurie est la mort, l’oli- gurie la période de maladie. Ici, la cause de l’éli- mination insuffisante n’est plus, comme dans les cardiopathies, la tension artérielle trop faible, mais un épithélium du rein qui, détruit ou malade, laisse incomplètement filtrer les toxines urinaires. L'auto-intoxication qui résulte de l’oligurie n’est plus du même ordre que celle que l’on constate dans les maladies du cœur : en effet, l'épithélium excrète certaines substances et pas certaines autres, de sorte qu'ici la rétention est « élective » el prolongée, tandis que, chez les cardiaques, elle est « Lotale » et temporaire, Le pouls n’en est pas moins influencé proportionnellement à cette réten- lion dans l'urémie (état de crise des néphrites) Jours d'observation Elimination : F. Baggemanls -del, . — Néphrile chronique. comme il l’est dans l’asystolie {état de crise des cardiopathies) (fig. 3). lei encore, l’abaissement du nombre des pulsa- tions coïncide avec la polyurie de délivrance, et le médicament actif, la théobromine, qui semble « ouvrir » le rein dans ces cas de rétention, se trouve ainsi ralentir secondairement le pouls comme nous l'avons vu faire à la digitale. 3° Lorsqu'il existe des épanchements dans la plèvre (pleurésie), dans le péritoine (ascite), l'équi- Jours d'observation 617|18|931|10|n112113|114#115|16|17 T Elimination F Bogreynps del Fig. 4. — Ascite par cirrhose alcoolique. — Pouls à 140. Elimination de 5 à 10. libre des liquides de l'organisme est rompu. Les boissons ingérées, au lieu d'amener une diurèse correspondante, semblent simplement aller grossir la collection qui gonfle déjà la séreuse. Si bien qu'un pleurétique ou un ascitique qui est à la période d'accroissement de sa maladie voit son séindih: / F. DEHÉRAIN — LA FRÉQUENCE DU poids augmenter chaque jour, tandis que ses urines diminuent (Chauffard). Cette oligurie prolongée maintient le malade en auto-intoxication et son cœur en tachycardie. L'as- citique surtout présente le plus souvent 100 à 120 pulsations, quelquefois même 130 et 140, si les accidents plus aigus doivent se terminer par la mort. La surcharge cireulaloire imposée au cœur par l’épanchement, qui peut atteindre 15 litres et plus, n'intervient pas dans la modification du rythme du cœur. En effet, la ponction, même si elle décharge le péritoine d'une dizaine de litres, ne fait pas varier le nombre des pulsations (fig. 4). 4° Les intoxications métalliques, indépendam- ment de l’excilation directe qu’elles peuvent avoir sur le cœur, produisent aussi la tachycardie en diminuant la diurèse. La courbe du malade atteint D Elimination a Fopreyaps. del Fig. 5. — Colique de plomb. de colique de plomb que nous publions ici peut en donner la preuve (fig. 5). D'autre part, nous avons pu constater que les pigments biliaires résorbés dans l'ictère, et qui semblent avoir sur le cœur une action de ralentis- sement (hradycardie), peuvent cependant être neu- tralisés par les poisons accélérateurs, comme nous l'avons observé dans deux cas d'ictère avec oligurie et sans bradycardie. 5° Toutes les causes de déshydratation de l'or- ganisme sont en même temps l'occasion d'oligurie, el, par conséquent, de tachycardie. Ce sont : Les cas de diarrhée intense : Les cas d'hémorragies répétées ; Les cas de vomissements rendant impossible l'in- gestion de boissons. V. — OBJECTIONS. 1° La lachycardie, au lieu d'être a conséquence de loligurie, w'en serait-elle pas la cause ? — Le cœur, en augmentant ses battements, ne peut-il, en BEVUK GÉNÉRALE LES SCIENCES, 1904. POULS ET L'ÉLIMINATION URINAIRE 313 effet, devenir incapable de faire fillrer le sérum au niveau du rein, d'où oligurie? Mais : à) Cette explication, qui supprime toute no- tion d'intoxication, reste une hypothèse purement « physique » : Le problème devrait alors se résoudre par la comparaison exclusive de ces deux termes : la quantité d'urine et le nombre des pulsa- tions. Par exemple, 120 pulsations représenteraient une oligurie de 300 grammes. Il n'en est pas ainsi dans l'examen des faits; aucune oligurie n’est im- putable à un chiffre déterminé de pulsations. Le pouls s'abaisse d'un jour à l’autre si la quantité d'urine et surtout la densité impliquent une élimi- nation plus forte que a veille. Comme on peut le voir sur nos courbes, cette notion de l'état humoral antérieur est capitale. L'abaissement du pouls, si E grandit, ne se fait que par rapport au pouls constaté « la veille », et non dans un rapport absolu avec la quantilé émise : D) L'introduction du coefficient de « densité » a favorisé l'établissement de nos courbes. Il ne s’agit donc pas seulement de phénomènes d'hydrodyna- mique, de battements cardiaques et de pression artérielle par rapport à un filtre qui serait le rein, mais de conditions physiologiques plus complexes, où il faut faire intervenir la notion des matériaux extractifs de l'urine; c) L'hypothèse du rein « filtre » est nécessaire à la façon de comprendre que nous critiquons. Or, d’après les travaux récents de MM. Lamy et Mayer', il semble que la sécrétion urinaire soit, dans l'état physiologique, le plus souvent indépendante de la pression artérielle. De jour en jour, la conception de la sécrétion rénale se complique d'un facteur nou- veau : la qualité physique et chimique du sérum sanguin en contact avec l'épithélium rénal ; d) Jamais nous n'avons eu personnellement l'occasion de constater un cas d'oligurie sans tach y- cardie. Au contraire, la tachycardie coïncide parfois avec une diurèse normale : tel pneumonique, observé récemment, avait 140 pulsations et 1 litre 1/2 d'urine. Tout malade atteint de goitre exophtal- mique présente, lui aussi, une lachycardie cons- lante et sans oligurie. 2° La lachycardie ne serait-elle pas due à un encombrement de la circulation? — Si l'on n'admet pas que le cœur s'accélère par suite de l’oligurie, il semble naturel d'attribuer la tachycardie à sa sur- charge. En effet, l’ascitique, le pleurétique, les car- diaques, les urémiques ont leurs tissus progressi- vement infiltrés de liquide par suite de leur oligurie, Pour combattre cette conceplion, nous invoque- rons ici encore : Société de Biologie, décembre, 1903, 314 F. DEHÉRAIN — LA FRÉQUENCE DU POULS ET L'ÉLIMINATION URINAIRE a) L'origine toxique et non mécanique de la tachycardie prouvée par l'utilisation favorable du coefficient 4 X d; D) Suivant une loi célèbre de Marey, «le cœur ne s'accélère que si on le décharge ». Dès 1881, Marey prit la peine de détruire l'hypothèse « tachycardie due à un obstacle mécanique » émise par Haller et Blackley ; c) Nous pouvons nous-même prouver que la gène mécanique n’est pour rien dans la tachycardie, en rappelant le cas des malades atteints de pleurésie ou d'ascite et dont le pouls reste aussi rapide après ponction de leur épanchement, uniquement parce que cette intervention n'arrive pas à faire cesser leur oligurie (fig. 4). 3° L’oliqurie et la tachycardie ne varient-elles pas dans le même sens comme étant les deux consé- quences de l'hypotension artérielle? — Voici, par exemple, un typhique dont la tension artérielle est moindre qu'à l’élat normal : Son cœur, trouvant moins de résistance à vaincre, bat plus vite (loi de Marey). Au même moment, l'hypotension artérielle provoque également une diminution de la sécrétion urinaire. A cette facon de voir nous opposons : a) Que la tension artérielle ne régit pas la sécré- tion urinaire; h) Que cette théorie, pas plus que les précédentes, ne tient compte du coefficient de densité ; c) Qu'on peut constater de la tachycardie sans hypotension. Ces différentes objections ne peuvent donc être soutenues que si l'on considère le rein comme un fillre soumis à la pression artérielle, ce qui n'est pas. D'autre part, aucune n’est capable de s’accom- moder de la notion « densité ». Au contraire, il est naturel de croire que le cœur, qui se laisse si fortement influencer par les médi- caments, par différents poisons tels que la nicotine, les toxines bactériennes (hétérotoxines), puisse également présenter de la tachycardie lorsque l'oligurie relient partiellement dans la circulation générale les autotoxines fabriquées chaque jour par l'organisme. VI. — DES CAUSES DE L'OLIGURIE. Si l’oligurie est le phénomène auquel se rattache le plus directement la tachycardie, les causes de l'oligurie se trouvent être les raisons premières de la tachycardie. Nous avons donc cherché à d’après de récents travaux. Toute perturbation de l'organisme parait avoir pour effet immédiat l'oligurie : la fièvre typhoïde, la pneumonie, la péritonite, une intoxication quel- conque, amènent une diminution de l'élimination urinaire. Lorsqu'on examine l'urine d’un malade en période de crise, les différents produits de l'urine ne sont pas retenus au même degré : la rétention des chlorures parait être la règle, tandis que, d'ordinaire, l'urée continue à être éliminée. Sous l'influence d’une excitation toxique, d'origine quelconque, l'épithélium rénal semble donc retenir les chlorures. Celte rétention amène elle-même une localisation chlorurée dans les tissus et un coefficient de liquide pour maintenir ces sels solu- bles, d’où oligurie. Cette rétention est surtout ma- nifeste dans les maladies du rein et aussi dans celles du cœur, comme l'ont montré récemment MM. Achard et Widal. Dans les néphrites, la rétention des chlorures peut sembler d'origine organique, tandis que, dans les autres maladies, il s'agirait seulement d'un état fonctionel de l’épithélium. Dans les maladies de cœur, l’oligurie semble avoir pour cause l'hypotension artérielle. En cas de pleurésie, l'oligurie est due à l'appel de liquide que fait une plèvre infectée. Dans l'ascite, l'oligurie s'explique, soit par l'in- fection locale dans la péritonite tuberculeuse, soit par l'obstacle à la circulation dans le système de la veine porte, lorsqu'il s'agit de cirrhose alcoolique. Toutes ces causes si différentes de diminution des urines sont donc pour nous l'origine de la tachycardie. En cas d'élimination insuffisante et quelle que soit la maladie en cause, le cœur bat plus vite pendant la période d'intoxication, puis revient à la normale dès que la diurèse s'est rétablie. La connaissance de ce rapport oligurie- tachycardie pourra fréquemment rassurer le mé- decin, lorsqu'il se trouvera en présence d'un malade dont le pouls s'accélère. En effet, souvent, chez un typhique par exemple, il aurait tendance à craindre une lésion du muscle cardiaque sur simple constatation de la tachycardie. Les fails que nous venons d'exposer permettent de conce- voir qu'il s'agit très souvent d’une accélération fonctionnelle du cœur et rarement d'une lésion organique. La thérapeutique, en faisant cesser l'oligurie, confirmera la vérilable origine de la tachycardie. les interpréter, François Dehérain, Interne des hôpitaux. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 315 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Bachmann (P..— Niedere Zahlentheorie. Ærster Theïl, — 1 vol. in-8° de 402 pages. Teubner, Leipzig, 1903. En composant ce nouveau traité élémentaire de Théorie des nombres, M. Bachmann pouvait craindre de faire double emploi avec ses précédents Z/emente der Zahlentheorie. Aussi a-t-il eu soin de refaire son ou- vrage sur un plan entièrement différent, beaucoup plus étendu que le premier, et comportant un nombre con- sidérable d'additions. C'est, tout d'abord, une Intro- duction historique, et, immédiatement après la théorie des résidus quadratiques (celle des formes quadra- tiques ne figure pas, du moinsdansle premier volume), un chapitre consacré aux congruences d'ordre supérieur, C'est, d'autre part, dans tout le cours de l'ouvrage, une abondance de détails et de compléments de toute sorte, tels que : dans le second chapitre (Divisibilité), l'impos- sibilité de l'équation 2.3.5.7. 11... p— a" + Ju ou la dé- monstration, par le raisonnement simple de Lucas, de l'existence d'une infinité de nombres premiers de la forme 6 x— 1; dans le troisième (Resteset congruences), les généralisations, par Schemmel et Lucas, du symbole o(n); avec la théorie de l'algorithme d'Euclide, une étude assez complète des suites de Farey, etc. Il n'est. pour ainsi dire, aucune des théories exposées qui ne fournisse l’occasion de développements ana- logues. On peut même se demander si leur multipli- cilé ne risque pas de jeter quelque confusion dans l’es- prit du lecteur peu expérimenté; et, de fait, l'ouvrage de M. Bachmann semble moins utile à ceux qui com- mencent qu'à ceux qui savent déjà. Ce qu'il y a de cer- lain, c'est qu'à ceux-là, il offre nombre de remarques curieuses el de citations intéressantes. JAcQuEs HaDamarp, Professeur suppléant au Collège de Francce, Maitre de conférences à la Sorbonne et à l'Ecole Normale Supérieure. Moreux (Abbé Th.) — Le Problème solaire. — 4 vol. in-8° de 344 pages avec 107 fig. dont 30 hors texte. (Préface de M. CAMILLE FLAMMaRION). Paris, Bertaux, 25, rue Serpente; et Bourges, l'ardy- Pigelet, 15, rue Joyeuse. L'abbé Moreux est, au jugement des astronomes- physiciens les plus compétents, l'un des observateurs les plus sagaces des taches solaires et surtout l'un des artistes les plus habiles à les dessiner. Plusieurs années d'études, à l'Observatoire qu'il a installé à Bourges, l'ont conduit à des vues originales sur l’activité solaire, sur les variations et la nature des taches et des protubé- rances. D'importantes revues d'Astronomie, en France et à l'Etranger (Angleterre, Belgique, ete.), ont signalé, avec plus de compétence que n’en saurait avoir l’auteur de cet article, l'intérêt d'une théorie qui se présente comme très cohérente, et qui, si elle ne s'impose pas encore à l'exclusion de toute autre en une matière où les résultats bien établis sont très dispersés, est pour le moins tout aussi satisfaisante qu'aucune des théories proposées jusqu'ici, et paraît très propre à coordonner les faits acquis et à orienter les nouvelles recherches. Nous voudrions surtout signaler ici « le Problème Solaire » à tous ceux qui connaissent l'auteur du livre comme l’un des astronomes qui ont proclamé, avec le plus d’insistance, l'influence des variations de l’activité solaire sur les phénomènes terrestres. Sans doute, il y a longtemps que cette influence n’est plus contestée ; et nous ne croyons pas que, depuis Faye, personne ait ET INDEX méconnu, par exemple, la relation qui existe entre les taches solaires et les variations du magnétisme terres- tre; pour nous borner à la France et à la période con- temporaine, il suffira de citer, sur ce sujet, les beaux travaux de M. Marchand, directeur de l'Observatoire du Pic du Midi et, plus récemment, ceux de M. Ch. Nord- mann. Il n'en est pas moins vrai que M. Moreux à beau- coup contribué à propager ces idées, et qu'il lui est arrivé d'apporter à la prédiction d'un trouble magné- tique lié à la présence d’une tache solaire une préci- sion surprenante. La partie capitale de l'ouvrage est la théorie Lhyper- thermique des taches solaires. Pour l'auteur, les taches ne sont ni des volcans, ni des cyclones : ce sont des régions surchauffées. Le surcroît de chaleur a son origine dans la condensation locale de matériaux de la couronne et de la chromosphère : l'augmentation de chaleur, favorisant les phénomènes de dissociation, supprime la région photosphérique’et laisse une région plus sombre. La tache correspond ainsi à une sorte de trou découpé dans la couche de nuages brillants de la photosphère, et permet à nos regards de pénétrer un peu plus profondément au-dessous de la couche ordi- nairement visible. Ce trou correspond à un centre de haute pression, contrairement à l'hypothèse essentielle de la théorie de Faye, et c’est tout autour que se pro- duisent les protubérances éruptives, I] n'y à pas lieu de s'arrêter à l’objection qu'on pourrait tirer des me- sures bolométriques de Langley : les taches, incontes- tablement, émettent beaucoup moins de chaleur que la surface moyenne de la photosphère; cela ne suffit point pour conclure que ce sont des régions plus froides: cela prouve, tout simplement, qu'elles ont un pouvoir émissif plus faible. Qu'une large portion de la surface terrestre vienne à être recouverte de neige, et qu'au milieu de cette nappe blanche une région vienne à s'échauffer au point d'amener la fusion de la neige, on aura là une tache sombre, qui, par rayonnement noc- turne, enverra vers l’espace moins de chaleur qu'une surface égale de la couche neigeuse. En conclura-t-on que la neige est plus chaude que le sol nu, là où elle a fondu ? Attribuer la chaleur des taches, et la déchirure pro- duite par chacune d'elles dans la couche photosphé- rique, à la chute de matériaux sur le noyau solaire, c'est s'obliger à chercher la cause des variations pério- diques du nombre des taches dans les variations pé- riodiques que subit la condensation actuelle de ce qui reste de la nébuleuse primitive. Ici, M. Moreux nous semble très heureusement inspiré en appliquant, au mécanisme de la condensation actuelle des matérianx de la couronne, les idées qui ont inspiré la cosmogonie du Colonel de Ligondès. La théorie qu'a donnée ce savant de la formation de notre système solaire à partir du chaos initial ne se heurte plus aux objections que soulevaient celles de Laplace ou de Faye. Elle explique avec une rare élégance la séparation de la matière cos- mique, concentrée dansle plan du maximum des aires, en anneaux distincts qui ont donné les diverses pla- nètes, et surtout l'existence d'une planète beaucoup plus grosse que toutes les autres à une distance moyenne de l’astre central. L'application des mèmes principes démontre la nécessité d'une division de l’es- pace, au voisinage plus immédiat du noyau déjà formé, en secteurs relativement pleins et relativement vides de matière : et cette déduction s'accorde très bien, comme le montre M. Moreux, avec ce que l'on sait de la répartition des comètes. Elle explique, d'une ma- nière analogue, la nécessité d'une division de chaque 316 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX secteur en anneaux successifs de matière alternative- ment plus dense et moins dense; et elle fait com- prendre ainsi que l'activité provoquée par la chute de ces matériaux subisse des variations périodiques, rela- tivement régulières, sans toutefois offrir la régularité qu'on peut attendre dans la gravitation d’une planète déjà formée. L'auteur passe en revue, à la lumière des mêmes idées, l'étude de la rotation solaire, l'étude de la cou- ronne telle que l'ont révélée les observations d’éclipses ; il consacre enfin un chapitre à la « météorologie so- laire », et ce chapitre n’est ni le moins intéressant, ni surtout le moins propre à faire réfléchir, encore qu'on y rencontre parfois, — comme, d'ailleurs, en quelques autres endroits de l'ouvrage (notamment dans les pages relatives à la température du Soleil), — des assertions hasardées sur lesquelles il y aurait lieu de faire des réserve L'expérience personnelle de M. Moreux garantit la compétence et l'autorité avec lesquelles il donne les plus judicieux conseils, et sur l'intérêt que présente l'observation régulière des taches, et sur les méthodes à suivre pour les voir et les reproduire. Ces conseils achèvent de faire de son livre, qui est d'une lecture agréable et qu'illustrent d'admirables dessins, le livre par excellence des gens qui, sans ètre astronomes de profession, ont besoin, pour leurs propres travaux, de connaitre l’état actuel de la science sur ce grand pro- blème d'Astronomie physique, « l'un des plus impor- tants qui puissent être posés à la pensée humaine », suivant le mot de M. Flammarion dans sa Préface, — et, en tous les cas, le plus directement intéressant pour nous. BERNARD BRUNHES, Directeur de l'Observatoire du Puy-de-Dôme. 2° Sciences physiques Guilbert (C. F.). — Les Générateurs d'électricité à l'Exposition Universelle de 1900 (Ouvrage couronné par l'Académie des Sciences). — 1 vol. in-8° Jésus de 1v-765 pages, avec 20 tables séparées, 615 gravures et plans, dont 118 planches hors texte (Prix : 30 fr.). C. Naud, éditeur, Paris, 1903. Le beau livre que M. C. F. Guilbert a écrit, à l'occa- sion de l'Exposition de 1900, demeurera longtemps le livre de références le plus complet, le plus général et le plusattrayant, non seulement pour ceux qui ont tout à apprendre en le lisant, mais encore pour ceux qui désirent l'utiliser seulement à litre de documentation. L'ouvrage intéresse, en effet, les deux catégories de lecteurs : ceux qui recherchent dans un livre l'exposé rationnel des principes et leur application à la science et à la technique industrielle, et ceux qui, déjà au cou- rant de la théorie et de la technique, apprécient sur- tout l'abondance des indications documentaires, sous forme de tableaux, de courbes et de constantes diverses soigneusement contrôlées et classées. L'ouvrage de M. C. F. Guilbert débute par des consi- dérations générales, inspirées par l'examen des élé- ments principaux de diversité des types de machines, et le premier chapitre se lermine par une classification dans laquelle l’auteur encadre toute son étude des alter- nateurs. M. C. F. Guilbert divise d'abord les alternateurs en deux grands groupes : jo Alternateurs à flux magnétique renversé ou à pôles alternés ou hétéropolaires. 20 Alternateurs à flux magnétique ondulé ou à saillies polaires ou homopolaires; Le premier groupe se subdivise en deux sous-groupes ou sections, suivant la forme des pôles inducteurs : jo Alternateurs à pôles inducteurs saillants; 20 Alternateurs à pôles inducteurs continus. Chaque groupe ou sous-groupe d'alternateurs peut encore se diviser en plusieurs classes, suivant la consti- tulion du circuit magnétique, ou, plus exactement, des pôles inducteurs el des épanouissements polaires. L'auteur distingue 3 classes principales correspon- dant aux différentes constitutions de ces partiès. Ces trois grandes classes sont les suivantes : a) Alternateurs à pôles et épanouissements pleins ; b) Alternateurs à pôles et épanouissements feuilletés ; ec) Alternateurs à pôles pleins et épanouissements feuilletés. Dans chacune de ces classes, l'auteur établit des sub- divisions suivant la nature des perforations, puis sui- vant la fixité ou la mobilité de l’induit, et enfin d’après le nombre de phases. Enfin, les familles ainsi obtenues sont encore divi- sées d'après le nombre des perforations par pôle et par phase. Du classement des monographies consacrées aux al- ternateurs, résulte une grande netteté dans leur com- paraison, et les détails abondants que M. C.-F. Guilbert a consacrés à chaque machine n'en font pas perdre de vue les caractères généraux et n’atténuent pas l'effet des parallèles qu'on peut établir. La seconde partie de l'ouvrage, consacrée aux con- vertisseurs, est d'une étendue beaucoup moindre (p. 409 à 499), mais elle emprunte un intérêt tout spé- cial aux travaux relativement récents dont furent l'objet les appareils de transformation du courant alter- natif en courant continu, qui constituent ia partie la plus importante de cette classe : les commutatrices et les redresseurs de courant. La troisième partie est consacrée aux dynamos à courant continu, que l'auteur classe, pour son examen, suivant la nature du cireuit inducteur. 11 divise les dynamos en trois grandes classes : 1° Les dynamos à circuit magnétique inducteur en acier; 2 Les dynamos à circuit magnétique inducteut en fonte et acier (tôles ou fer forgé); 3° Les dynamos à circuit magnétique inducteur en fonte. 4 La première classe de dynamos à courant continu, de beaucoup la plus importante, est subdivisée en deux parties, suivant la nature de l'induit : induit denté el induit lisse. Sur un total d'environ deux cents pages, les dynamos àinducteur en acier occupent plus de cent cin- quante pages. L'auteur complète ses indications sur les alternateurs par un premier appendice où sont reproduites les courbes périodiques de la tension aux bornes de quel- ques-uns des alternateurs exposés, relevées par M. Dob- kévitch à l’aide d'un oscillographe Blondel. Un second appendice résume et complète toutes les dimensions et données principales des machines dé- crites dans ce volume. Les tableaux, au nombre de dix: cinq pour les alter- nateurs, un pour les commutatrices et quatre pour les. machines à courant continu, permettront au lecteur de comparer entre elles les machines du même genre et de se rendre compte des limites de variation des différents coefficients qui servent de points de départ à la construction des machines dynamos. Nous nous reprocherions de terminer cette trop courte analyse sans mentionner le soin apporté par l’auteur dans l'établissement des tables des matières el des titres de chapitres en trois langues : anglais, fran- cais et allemand. 11 nous reste à souhaiter que M. C.-K. Guilbert fasse de nouvelles éditions de ce livre pour le tenir au courant des progrès de la construction, progrès dont il ne faut pas, il est vrai, s’exagérer la rapidité. On pourra, dès maintenant, consulter une série d'articles que M. G.-F. Guilbert consacre en ce moment à la construction des dynamos en Allemagne et qu'il fait paraître dans la /tevue Technique. Ces ar= ticles constituent la suite naturelle du livre que nous venons d'analyser, car ce sont des monographies du mème genre, consacrées aux groupes électrogènes de l'Exposition de Dusseldorf, de sorte qu'elles réalisent la mise à jour des questions relatives à la construction des machines, étudiées par M. Guilbert avec tant de compétence à la suite de FExposilion de Paris. P, LETHEULE. saut Nate Lesteié mtlt® PAP TE TR TTL Groth (D' Lorentz Albert).— The Potash Salts; their production and application to Agriculture, Indus- try and Horticulture (avec une préface de SAMUEL RiDEaL). — 1 vol. de 292 pages. The Lombard Press, Limited, Gracechureh street, Londres, 1903. Get ouvrage, édité avec le luxe auquel nous ont accoutumés les éditeurs d'outre-Manche, illustré par 65 figures dont la plupart sont fort soignées, constitue un ensemble de documents des plus précieux et des plus complets sur les sels de potasse et leurs princi- pales applications. Après quelques remarques générales sur la produc- tion, l'auteur aborde la découverte des sels de potasse naturels, le développement commercial et industriel des mines en pleine production ou à l’état de dévelop- pement, en émaillant cette partie de nombreux docu- ments numériques, de reproductions de photographies des principales exploitations et de schémas explicatifs au sujet des diverses couches minières qu'on rencontre. La formation des dépôts de sel, la géologie et la miné- ralogie des sels de potasse viennent ensuite. L'organi- sation des syndicats allemands est étudiée en grand détail et appuyée d'une quantité de tableaux et de chiffres. Connaissant les dépôts de sels etleur exploitation, le lecteur se trouve à même de passer à la partie pratique de l'ouvrage : applications à l'industrie, alcalis, chlore, hypochlorites, chlorates, complétées par des tableaux statistiques; applications à l’agriculture, théorie, con- sommation, utilité des sels de potasse dans les grandes cultures, pommes de terre, navets, prairies, légumi- neuses et céréales; applications à l'horticulture, à la production des pommes, des cerises, des prunes, des groseilles, des fraises, des vignes. On passe alors à l'examen des établissements industriels proprement dits, remarques sur les machines et les bouilleurs, condenseurs, accessoires, ete., sur les compresseurs d'air, les machines à percerles roches, sur les pompes: enfin, l'emploi de l'électricité dans les mines fait aussi objet d’un chapitre détaillé. L'ouvrage de M. le D' Groth constitue ainsi l'une des monographies les mieux faites des sels de potasse et qu'il sera bon, pour tous ceux auxquels l'anglais est assez familier, de posséder et de consulter chaque fois qu'ils auront besoin d'un renseignement quelconque Sur cette industrie ou sur ses applications. A. HÉBERT. Lévy (Lucien), Docteur ès Sciences. — Les Moûts et les Vins en Distillerie. — 1 vo/. iu-8° de 652 pages, de la Bibliothèque technologique. (Prix: 14fr.) C. Naud, éditeur, Paris, 1903. Extrêmement complet et détaillé, cet ouvrage com- porte plus de six cents pages de texte. L'auteur ne néglige aucune des notions de Chimie théorique utiles à la clarté de son sujet. Il étudie d'abord l'alcool, puisles principes immédiats intervenant en distillerie : sucres de diverses espèces, hydrates de carbone non sucrés, acides variés, substances azotées, matières albuminoïdes, le tout suivi de résumés de microbio- logie etentremélé de judicieux renseignements analy- tiques. Suit lalongue énumération des plantes saccha- rifères, soit par leurs racines, soit par leur tige ou leur fruit, et la liste des végétaux féculents. M. Lévy aborde ensuite la technique de la fabrication des vins et moûts : de longues pages expliquent les trai- tements à faire subir aux betteraves ef aux matières amylacées, si longues en vérité que, aux vins eux-mêmes, quoique figurant sur le titre du volume, peu de lignes ont été consacrées. EL mème quelques légères inadver- lances où omissions seraient à relever dans ce chapitre ; mais ilest si court que le lecteur méridional aurail mauvaise grâce à les relever dans un travail écrit Presque exclusivement pour les industriels du Nord et dont ceux-ci pourront ürer bon prolit. ANTOINE DE SAPORTA. 917 3° Sciences naturelles Imbeaux (D' Ed.), /agénieur des Ponts et Chaussées, Directeur du Service municipal de Nancy. — Les Eaux de Paris, Versailles et la banlieue (Æxtrait de l'Annuaire des distributions d'eau de France, Algérie, Belgique, Suisse et Luxembourg). — 1 vol. 1n-8° de 138 pages avec 4 planches et cartes. (Prix : 3 fr. 50). V*e Dunod, éditeur. Paris. 1903. Tandis qu'en Angleterre, en Hollande et en Alle- magne, il est aisé de trouver un résumé détaillé de toutes les installations d'eau dans les villes, en France, et en général dans tous les pays de langue francaise, aucune nomenclature de ce genre n'existait encore. L'Annuaire des distributions d'eau de France, Algérie, Belgique, Suisse et Luxembourg comble done une lacune importante de notre littérature scientifique. Le présent extrait, présenté par M. Imbeaux, est d'un heureux présage pour le gros volume qui va paraître prochai- nement. On y trouve, décrites dans un style bref et concis, toutes les installations d'eau des villes de plus de cinq mille habitants. Un historique de la question précède, s'il y a lieu, l’organisation actuelle; enfin, M. Imbeaux traite également la question des eaux usées. Ce livre est très documenté et renferme les der- niers projets élaborés par les différentes municipalités, la plupart non encore mis à exécution. Ceci suflit pour montrer qu'un esprit Curieux pourra, en peu de pages, se documenter rapidement sur les eaux qu'il est appelé à consommer. Cet extrait de l'Annuaire des distributions d'eau sera aussi utile aux municipalités en quête d'ameénées d'eau qu'aux spécialistes en la matière. Aux premières, il permettra de savoir ce qui est fait chez les voisins, et de ne s'adresser, pour les renseignements complémen- taires, qu'aux endroits où ceux-ci pourront être utiles. Quant aux seconds, il servira de véritable dictionnaire technique. Comme M. le D' Imbeaux, nous ne doutons pas qu'une seconde édition ne suive bientôt la première ; mais qu'il nous permette d'exprimer une idée qui répond, croyons-nous, à un réel besoin. On ignore souvent les eaux qu'une ville peut, dans son voisinage, avoir à sa disposition. I serait peut-être utile, tant au point de vue hygiénique qu'industriel, d'en dire quel- ques mots toutes les fois qu'on le pourra. Je n'ignore pas la difficulté qu'aura M. le Dr Imbeaux à se ren- seigner sur un tel sujet, mais le distingué directeur du Service municipal de Nancy a résolu des problèmes plus difficiles que celui-là pour y renoncer au premier examen. F. DIENERT, Chef du Service de Surveillance des sources de la Ville de Paris. Houard (C.), Préparateur à la Sorbonne. — Recher- ches anatomiques sur les Galles de Tiges : Pleu- rocécidies. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 vol. in-8 de 420 pages, avec 394 figures dans le texte. Tirage à part du Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, Paris, 1903. C'est en 1873 que M. Thomas donna le nom de cécidies « à toute production végétale anormale, accompagnée de formation de lissu nouveau, détermi- née par la réaction de la plante à l'irritation parasi- taire ». Selon que le parasite est un animal ou un végé- tal, on distingue les cécidies en zoocécidies et en phytocécidies. Il s'agit dans ce Mémoire des zoocécidies, et M. Houard s'est limité, dans ce vaste sujet, à l'étude de la réaction du végétal-hôte, à l'action du parasite, en ne considérant que les galles latérales produites sur les tiges. Ses investigations anatomiques ont porté sur les déformations dans lesquelles la longueur des entre-nœuds n'est pas altérée : ce sont les pleurocrer- dies caulinaires. I a volontairement laissé de côté toutes les galles terminales des tiges, ou acrocéeidies 318 caulinaires, qui proviennent de la déformation du bourgeon terminal et du raccourcissement des pre- miers entre-nœuds. Ayant ainsi défini le but qu'il se proposait, l’auteur aborde son sujet qu'il partage en quatre chapitres, sui- vant que le parasite est situé : 1° contre l’épiderme : 2 dans l'écorce; 3° dans les formations secondaires libéro-ligneuses; 4° dans la moelle. Les pleurocécidies étudiées sont au nombre de trente- deux. Nous sommes heureux de le dire, toutes ont été décrites avec le plus grand soin. Un grand nombre d'excellentes figures accompagnent le texte, d’où il résulte que la lecture de cette importante contribution à l'étude des galles est des plus aisées et se recom- mande par ses qualités de précision et.de méthode. Les cécidies caulinaires, causées par un parasite situé contre l’épiderme (chez les : Hedera Helix, Potentilla hirta var. pedata, Brachypodium sylvaticeum, Fraxinus excelsior, Picea excelsa), produisent, dans la région avoisinante, une hypertrophie de tous les tissus, el particulièrement de l'écorce et de l'anneau vasculaire, en formant une saillie latérale, dontle plan de symétrie passe par l'axe et est déterminé par ce parasite et la génératrice opposée de la tige; rarement l’action céci- dogène s'étend à la moelle. Dans le second groupe, le parasite étant situé dans l'écorce (Pinus sylvestris), lhypertrophie porte surtout sur le parenchyme cor- tical avec un plan de symétrie déterminé de même el passant par le centre de la cavité larvaire. Le parasite peut habiter la région libéro-ligneuse secondaire, et l’auteur a étudié onze de ces cas parti- culiers, portant sur des : Tilia sylvestris, Populus Tremula, Salix capræa, Sarothamnus scoparius (deux parasites), Quercus coccifera, Rubus fruticosus, Bras- sica oleracea, Glechoma hederacca, Cytisus albus, Quercus peduneulata. Le parasite, se développant dans la zone cambiale, excite le fonctionnement de l’assise génératrice qui donne surtout des tissus ligneux nou- veaux au milieu desquels s'établit la cavité larvaire. Le plan de symétrie de la déformation produite passe par l'axe du rameau. Enfin, dans le quatrième chapitre, l'auteur étudie la cécidie caulinaire qui provient de l’action cécidogène d'un parasite situé dans la moelle. Il signale ce cas chez les : Sisymbrium Thalianum, Potentilla reptans, Hieraciun umbellatum, Hypochæris radicata, Atriplex Halimus (avec deux parasites différents), Æryngium campestre, Torilis Anthriscus, Sedum Telephium, Ulex europæus, Ephedra dystachia, Epilobium monta- num, tetragonum, Populus alba, Pinus sylvestris. La réaction du végétal est indiquée par la multiplication des cellules médullaires, qui se bourrent de matières de réserve servant de nourriture au parasite. L'action cécidogène s'étend aussi à l'anneau libéro-ligneux et à l'écorce, et la cécidie produite, conservant la symé- trie de l'axe, prend un aspect fusiforme. Tels sont, dans leurs grandes lignes, les modes de réac- tion opposés par le végétal à l'action parasitaire; mais, dansles détails, une foule de facteurs sont à considérer, tels que la nature et la grosseur du parasite, la struc- ture anatomique particulière du végétal, etc. M. Houard a groupé, en outre, dans un chapitre spécial, la série des modifications apportées dans chaque organe du tissu du végétal parasité, et cela pour chacun des cas signalés plus haut; de même il a résumé, dans le chapitre VI, les relations existant entre les tiges, les pleurocécidies et les parasites : forme de la cécidie, nutrition des tissus gallaires et du parasite, relation entre la structure de la galle et la métamorphose du parasite, chute de la galle, influence sur la ramification, etc. Les conclusions générales, terminant ce remarquable Mémoire, seraient entièrement à citer ; nous y renvoyons le lecteur qui s'intéresse à ces phénomènes particuliers de Biologie végétale. EuiLe PERROT. Professeur à l'Ecole Supérieure de Pharmacie de Paris. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 4 Sciences médicales Smolensky (P.) — Traité d'Hygiène. ProcéDÉés RAPIDES DE RECHERCHE DES FALSIFICATIONS ET DES ALTÉ- RATIONS. — (Traduit du russe par S. Broipo et A. Za- GUELMANN, et annoté par L. Guiraun, Professeur, et A. GauTié, Préparateur d'Hygiène à la Faculté de Médecine de Toulouse). — 1 vol. in-8 de 752 pages avec 19 fig. (Prix : 20 fr.). G. Steinheil, éditeur. Paris, 1904. Ce volume est presque entièrement consacré à l'étude de l'alimentation et des aliments. Les quatre derniers chapitres sont seuls relatifs à l'examen du rôle sani- taire que jouent le sol, l'habitation, les modes d'éclai- rage et les vêtements. Il n’est pas douteux, d’ailleurs, que l'alimentation doive ètre le souci principal des hygiénistes; son rôle est d'une importance capitale. Les connaissances réellement scientifiques que nous avons acquises, et qui sont dues surtout aux travaux des chimistes et des bactériologistes, sont relativement récentes et manquent encore un peu de précision sur certains points. Le D° Smolensky pense, avec juste rai- son, que c'est en vulgarisant et en développant le contrôle chimique des aliments qu'on pourraaméliorer la qualité de ceux-ci. C’est assurément le moyen le plus efficace, et sa généralisation rendrait la fraude impossible; la difficulté est que ce contrôle nécessite des opérations longues et délicates, pour lesquelles il faut à Ja fois des chimistes habiles et des laboratoires bien installés. M. Smolensky n'ignore pas cela, et ce qu'il se propose de faire connaître, ce sont des procédés de contrôle dont l'exécution soit assez rapide et assez facile pour permettre de reconnaitre si les aliments sont parfaitement sains et normaux ou sil est nétes- saire de les soumettre à un contrôle plus précis. Si nous sommes tout à fait d'accord avec M. Smo- lensky sur l'utilité de contrôler la pureté des aliments, nous pensons qu'il ne faut pas trop se faire d’illusion sur l'efficacité de ce contrôle. Si un examen sommaire et facile à faire permet de déceler certaines fraudes un peu grossières, il laissera sûrement échapper des fraudes plus savantes, que pourra seulement découvrir le chimiste habitué à ce genre de recherches et ayant à sa disposition un laboratoire bien installé. Ce chi- miste lui-même peut quelquefois laisser échapper des fraudes ou des altérations. On en a eu un exemple lors d'une épidémie observée il y a quelque temps en Angle- terre et qui n'était autre chose qu'un empoisonnement arsenical produit par des bières fabriquées avec des glucoses impurs. Cette cause à pu passer inaperçue pendant un certain temps parce que les analystes chargés de l'examen des produits alimentaires ne recherchent pas d’une façon constante l’arsenic dans les produits qu'ils examinent. On ne peut, d’ailleurs, leur en faire un grief, car il leur est matériellement impossible de faire des analyses complètes, au sens exact du mot, sur les produits qu'ils examinent d'une facon courante. Ce que l’on peut seulement demander aux analystes, c'est de diriger leurs recherches dans tel ou tel sens, suivant les points sur lesquels leur atten- tion peut être appelée. D'autre part, il faut reconnaître aussi que les procédés que décrit M. Smolensky, et qu'il considère comme faciles à exécuter, nécessitent déjà une pratique assez grande des manipulations chimiques; nous avons eu maintes fois l'occasion de constater qu'on s'exposail à de graves méprises en confiant à des personnes inex- périmentées l'exécution d'essais qui paraissent simples, mais qui sont, en réalité, assez délicats. Ces observations n’enlèvent rien à la valeur du tra- vail très complet de M. Smolensky ; nous sommes sim- plement moins optimistes que lui au sujet des services que peuvent rendre les procédés simples de contrôle des aliments. X: ROCQUES, Chimiste expert des tribunaux de la Seine, Ancien chimiste principal du Laboratoire municipal de Paris. vs M 2 ec CAS qe nr ARR 2. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 319 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 29 Février 190%. M. le Président annonce le décès de M. Em. Laurent, Correspondant pour la Section d'Economie rurale. 10 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. C. Jordan étudie les formes quadratiques invariantes par une substitu- tion linéaire donnée (mod. p). — M. G. Tzitzéica indique le moyen d'obtenir la déformation continue d'une surface S dans laquelle il y a des réseaux qui restent invariables dans cette déformation. — M. P. Duhem énonce une condition nécessaire pour la stabi- lité initiale d'un milieu élastique quelconque. — M. L. Montangerand présente l'observation d’une oc- cultation d'étoile par la Lune faite le 24 février à l'Ob- servatoire de Toulouse. — M. L. Lecornu montre que le théorème de M. Léauté sur le frottement de pivote- ment demeure exact dans le cas de deux corps pressés normalement l'un contre l’autre. — M. Sabouret pro- pose une méthode pour l'étude expérimentale des mouvements secondaires sur les véhicules en marche. Dans certaines voitures à allure médiocre, il a constaté que les secousses transversales horizontales ont une fréquence double de celle des oscillations verticales ‘essorts de suspension. SCIENCES PHYSIQUES. — M. R. Blondlot: Sur une nouvelle espèce de rayons N {voir p.234). — M.R. Blon- dlot : Particularités que présente l’action exercée par les rayons N sur une surface faiblement éclairée (voir p. 230). — M. E. Bichat : Sur la transparence de certains corps pour les rayons N (voir p. 234). — M. E. Bichat : Cas particuliers d'émission de rayons N (voir p. 239). — M. H. Bagard : Sur la rotation magnétique du plan de polarisation des rayons N (voir p. 234). — M. C.Chabrié communique quelques épreuves obtenues avec son diastoloscope, appareil grossissant basé sur l'emploi de deux cônes en verre à la place de lentilles. — M. V. Crémieu présente un stato-voltmètre, appa- reil basé sur l'emploi d'une méthode de zéro consis- tant essentiellement à équilibrer une attraction élec- trostatique par une répulsion électrodynamique; cet appareil permet de mesurer de 2 à 40.000 volts en équi- libre stable. — M. C. Gutton: Sur l’action des champs magnétiques sur les substances phosphorescentes (voir p. 238). — M. Gagnière a observé que les étincelles données avec un interrupteur Wehnelt par le secon- daire de la bobine à la fermeture et à l'ouverture du courant primaire sont suivies à l'une de leurs extré- mités d'un trait bleu violacé et à lautre d'un trait orange, en ordre inverse dans les deux cas. — M. J. Duclaux a reconnu que les phénomènes d’'entraine- ment par coagulation sont de simples substitutions, aux radicaux composant le colloide, de ceux du sel précipitant. — M. V. Henri décrit la méthode qui lui a permis d'étudier l'influence de la concentration et de la température sur la dissociation de l'oxyhémoglobine. — M. A. Granger, en chauffant le cadmium dans la vapeur d'arsenic entrainée par un gaz inerte, à obtenu un arséniure Cd'As?, en cristaux rougeàtres. — M.R, Fosse, en copulant les sels de dinaphtopyryle avec les amines aromatiques di-alcoylées, a obtenu de nou- velles bases : R ES CH, SALON SO. R/ C6” — M. J. Minguin a préparé l'éthylidène-camphre, dont le pouvoir rotatoire, du mème ordre de grandeur que celui du méthylène-camphre, est beaucoup plus élevé que ceux des éthylet méthyl-camphres. — M. G. Blanc a préparé les acides ax-diméthylglutarique et &x-dimé- thyladipique au moyen des lactones obtenues elles- mèmes par la réduction des éthers ax-diméthylsucci- nique et &x-diméthylglutarique. — M. H. Desmots a observé qu'une série de bactéries appartenant au groupe du Bacillus mesenterieus attaquent les hydrates de carbone avec production d'acétylméthylcarbinol. — M. C. Gessard à reconnu que le chromogène des cap- sules surrénales est, sous l'état incolore qui résulte du manque d'oxygène, le produit, que nous ne connais- sons encore que coloré, de l'action de la tyrosinase sur la tyrosine. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. R. Dubois a étudié les perlesde nacre, produites par l'insertion, entre lacoquille et le manteau des Mollusques nacriers, d’un corps étranger qui se recouvre bientôt de nacre. Ces perles sont fragiles et ne sont brillantes que sur une de leurs faces. — M. Aug. Charpentier à constaté que les rayons N exercent une action très nelte sur la sensibi- lité olfactive; réciproquement, les subtances odorantes émettent des rayons N. — M. Ch. Richet établit que le sulfure de calcium exerce une influence notable (acti- vante, puis relardante) sur la marche de la fermenta- tion lactique. — M. L. Bull étudie le mécanisme du mouvement de l'aile des insectes. L’extrémité de l'aile décrit, dans son battement, une lemniscate, qui est due à l'effet de la résistance de l'air. — M. A. Dauphiné a constaté que, dans les organes souterrains d’un certain nombre de plantes adaptées au climat alpin, la ligniti- cation est extrêmement restreinte, et réduite aux seuls vaisseaux dans les racines et dans les rhizomes dépour- vus de fibres. — M. C.-L. Gatin à observé que la plan- tule des palmiers n’est pas toujours droite, mais pré- sente chez beaucoup d'espèces une courbure qui peut devenir très accentuée. — M. Gy de Istvanffi conclut de ses études sur l'hivernage de l’oïdium de la vigneen Hongrie qu'un traitement hivernal s'impose : enlève- ment des grappillons etserments attaqués, badigeonnage un peu avant l’éclosion des bourgeons. 5 A e pi ï ACADEMIE DE MEDECINE Séance du 16 Février 1904. M. le Président annonce le décès de M. A. Liétard, Correspondant national. — M. le D' Enriquez lit un Mémoire sur la sécrétine, médication acide duodénale, stimulatrice des fonctions sécrétiniques chez lhomime. — M. le D' Darier donne lecture d'un travail sur lac- tion analgésiante et névrosténique du radium. Séance du 23 Février 1904. L'Académie procède à l'élection d’un membre titu- laire dans la Section d'Hygiène publique, Médecine légale et Police médicale. M. Vaillard est élu. — M. le D' Doyen lit un Mémoire sur le traitement du cancer. — M. le D' Golesceano donne lecture d’un travail inti- tulé : Critique sur les gargarismes et les avantages des grandes irrigations bucco-pharyngées. Séance du 1° Mars 1904. L'Académie procède à l'élection d’un membre dans la Section de Médecine vétérinaire. M. Benjamin est élu. — M.Kermorgant présente un Rapportsurles maladies épidémiques et contagieuses qui ont régné dans les colonies francaises en 1902. — M. F. de Ranse décrit un syndrome pelvi-abdominal chez la femme, compre- nant divers symptômes, douleurs, névralgies, hyperes- 320 ACADEMIES ET SOCIÈTES SAVANTES thésies, spasmes, troubles vaso-moteurs, congestions, ptoses, troubles fonctionnels, etc., s'étendant aux trois appareils génital, digestif eturinaire. Ce syndrome doit être considéré soit commeune forme fruste de l'hystérie ou de la neurasthénie, soit comme une expression morbide protopathique, que l'auteur appelle névropa- thie pelvi-abdominale. — M. le D'Lagardelit un travail sur la techique et une instrumentation nouvelle pour les injections de paraffine. SOCIETE DE BIOLOGIE Séance du 20 Février 1904. M. G. Seurat à constaté qu'il n'y à pas d'Huîtres perlières dans le lagon de Temoe. — M. A. Giard décrit une faunule caractéristique des sables à Diato- mées d'Ambleteuse (Pas-de-Calais). L'espèce dominante est | Actinocyelus (Eupodiscus) Roperi; elle est accompagnée de nombreux Flagellates (Oeyglossa velox) et de Turbellariés Rhabdocæles (Cicerina tetra- dactyla, Protodrilus Symbioticus, ete.). — M. Aug. Pettit a étudié le foie de l'A/ligator lucius Cuwv.: il est formé de cordons cellulaires, parcourus par un canalicule central: par places, on trouve des masses pigmentaires. — M. H. Cristiani indique un procédé de contrôle du pouvoir cytolytique qui consiste à sou- mettre du tissu thyroïdien sain à l'action de sérums divers et à constater quel résultat il donne ensuite lorsqu'il est greffé. — M. Ch. Richet a constaté que les deux substances toxiques du venin des Actinies sont antagonistes lune de l'autre : la congestine est anaphylactique, alors que la thalassine est prophylac- tique. — M. le D' Troussaint indique un procédé simple pour mettre en évidence le colibacille dans les eaux qui le renferment en très petite quantité. — M. P. A. Zachariadès montre qu'il existe des fibrilles conjonctives sans collagène, qui ne gonflent pas dans les solutions acides, et qui, par conséquent, sont réduites, pour ainsi dire, à leurs filaments axiles. — M. Gallaud à constaté que les mycorhizes endophytes, au moins pour les Orchidées, sont des Champignons du genre Fusarium. — Mie L. Stern a observé que le pouvoir hémolytique des sérums sanguins normaux présente des différences individuelles considérables. Vis-à-vis des globules de lapin, les sérums se présen- tent, quant à la valeur moyenne de leur pouvoir hémo- lytique, dans l'ordre décroissant suivant : sérum de chien, de bœuf, de mouton. — M. H. Vincent a observé que la stomatite ulcéro-membraneuse primitive n'est pas toujours due à une infection mixte par les spirilles et les bacilles fusiformes, mais qu'elle peut être occasionnée par l'association d'autres microbes. — MM. D. Courtade et J. F. Guyon montrent que l'excitation du pneumogastrique provoque la contrac- tion brusque de la vésicule biliaire. — M. L. Marcha- dier à reconnu que l'alcool est un anticoagulant remarquable dans la mesure d'une partie d'alcool pour quatre de sang. MM. Ambard el Beaujard étudient les relations entre l'hypertension artérielle et la rétention chlorurée. — MM. C. Delezenne et A. Frouin établissent que la sécrétion physiologique du sue duo- dénal se fait sous l'influence du même excitant que la sécrétion pancréatique et la sécrétion biliaire, et c'est le passage du liquide acide de l'estomac dans l'intestin qui excite simultanément les trois organes glandulaires dont les sucs sont nécessaires à la digestion intesti- nale. RÉUNION BIOLOGIQUE DE NANCY Séance du 9 Février 190%. M. Aug. Charpentier : Nouvelles observations sur les rayons N physiologiques (voir p.240).—M.Ed. Meyer: Emission de radiations N par les végétaux maintenus à l'obscurité (voir p.2#1).—M. X. Mathieu a constaté que, dans certaines intoxications, l’inexcitabilité périodique du cœur est notablement prolongée. — MM. P. Ancel et P. Bouin montrent que le développement du (ractus génital avec ses annexes et l'apparition de l'instinet sexuel chez le jeune animal sont sous la dépendance de là glande interstitielle, comme le maintien de l'inté- grité du tractus et de l’activité génitale chez l'adulte. — Les mêmes auteurs montrent que les différences morphologiques constatables dans les cellules intersti- tielles chez le vieillard, les animaux âgés et les infan- tiles expérimentaux correspondent à des différences physiologiques concernant l'instinct sexuel et les carac- tères sexuels secondaires. — MM. P. Ferret et A. We- ber mettent en évidence la spécificité de l’action téra- togénique de la piqüre des enveloppes secondaires dans l'œuf de poule. — Les mêmes auteurs poursuivent leur étude des malformations du système nerveux cen- tral obtenues expérimentalement chez l'embryon de poulet : anomalies des ébauches oculaires primitives, cloisonnements et bourgeonnements du tube nerveux. RÉUNION BIOLOGIQUE DE MARSEILLE Séance du 23 Février 1904. M. Boinet montre que l'abondance des peptones dans le liquide ascitique d'un cirrhotique permet de diagnos- tiquer, pendant la vie, une oblitération complète du tronc de la veine porte. — MM. Huon et Monier font voir qu'on peut éviter les accidents produits par les conserves de viande : 1° en exigeant que le bétail abattu pour la conserve soit bien reposé ; 2° en rejetant de la conserve le bélail qui présente une lésion aiguë ayant déterminé une réaction fébrile ; 3° en rejetant de la con- serve le bétail présentant des lésions chroniques graves. — MM. Alezais et Bricka ont étudié les lésions des mus- cles chez le lapin rabique. — MM. Oddo et Olmes ont observé que les injections sous-cutanées de doses mas- sives d'huile phosphorée au centième entraînent la mort du cobaye en 24 heures avec dégénérescence graisseuse du foie nulle ou peu marquée. — M. M. Ar- thus à constaté que le liquide du transsudat péritonéal de cheval ne contient pas de thrombogène ; ce dernier n'apparait que dans le sang extravasé. — MM. J.-C. Gauthier et A. Raybaud montrent que l'étude de l’agglutination du bacille de Yersin peut fournir des renseignements pratiques importants; pour cela, certai- nes conditions sont nécéssaires : emploi d'un sérum non chauffé, usage d'une température constante. Dans ces conditions, l'agglutinabilité du bacille de Yersin par un sérum spécifique semble devoir permettre l'identilication rapide de cultures soupconnées pes- teuses. tr SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 19 Février 1904 (suite). M. Ch.-Ed. Guillaume à donné, dans une précé- dente communication, les valeurs de la résistivité et de sa variation avec la température pour quelques- uns des alliages de fer et de nickel doués de pro- priétés réversibles. Des recherches ultérieures ont permis de compléter ces premiers résultats, et de tracer le diagramme ci-joint (fig. 1) qui donne, pour toute la série des aciers au nickel réversibles, les va- leurs des deux paramètres de la résistivité à 0° : sa valeur absolue et sa variation avec la température. Ce diagramme, communiqué dans le courant de l'été der- nier à MM. Hagen et Rubens, les à engagés à étendre à la série des aciers au nickel les admirables recherches qu'ils ont consacrées à la mise en évidence d’une rela- üon prévue par la théorie entre la résistivité et l'émis- sivité des métaux (Voir les Annales de Chimie et de Physique, numéro de février 1904). Ainsi que M. H. Le Chatelier l’a indiqué autrefois, le passage des aciers au nickel irréversibles de l'état non magnétique à l'état magnétique abaisse considérablement leur résistivité, et élève leur coefficient de variation: ce fait a été véri- lié par MM. Hagen et Rubens, ainsi que le montre le segment de courbe M, correspondant aux alliages rendus magnétiques par le refroidissement dans l'air liquide, | | | | | À ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 321 tracé d’après leurs expériences, tandis que la courbe NM, qui se relie à la courbe des alliages réversibles, cor- respond, d'aprèsles mesures de M. Guillaume, aux mêmes alliages à l’état non magnétique. La courbe pour les alliages irréversibles magnétiques se relie sans doute d'une facon continue aux valeurs correspondant au fer à la température ordinaire. Pour la varialion de la résis- tivilé avecla température, desalliages de teneurs voisines ont fourni parfois des nombres sensiblement différents; la courbe correspondante ne donne donc que des résul- tats approchés. La valeur déterminée par MM. Hagen et Rubens sur un alliage à 56 pour 100 de nickel est très légèrement supérieure à 0,004, ce qui conduirait à admettre un maximum accentué du coefficient de varia- tion pour une teneur voisine de 60 pour 100 de nickel. Ce fait demande à être vérifié par lPétude d'un certain nombre d'alliages autour de ce maximum supposé. M. Guillaume a trouvé que les alliages recuitsont une résisti- vilé un peu inférieure à celle des mêmes alliages écrouis, avec un coeflicient de variation un peu plus élevé, é SOCIETE CHIMIQUE DE PARIS Séance du 26 Février 1904. M. Brunel expose les résultats qu'il a obtenus en appliquant aux phénols la méthode d'hydrogénation de MM. Sabatier et Senderens. En opérantàune Lem- pérature de 165- 100 d'une classe particulière d’'acétates, et l'action de l'acide sulfureux sur ce corps confirmerait et étendrait cette manière de voir. M.Colson poursuit ses expériences sur ce sujet. — M. A. Haller communique à la Société, au nom de M. A. Guyot et au sien, des recherches entre- prises sur l’action du bromure de phénylmagnésium sur l’anthraquinone. Ils ont obtenu une combinaison répondant à la formule : HOMCSHS (E PANZON NANENC) C AN HO CIF qu'ils considèrent comme du y-diphényl--dihydroxy- dihydrure lanthracène. —M. A.Haller demande égale- ment l'ouverture d’un pli cacheté, déposéle26 mars 1904, au nom de M. A. Guyot et au sien, sur le produit de condensation préparé en traitant une solution acétique de phénol et d’aldéhyde 0-nitrobenzoïque par de l'acide chlorhydrique. Des recherches récentes sur le même sujet, publiées dans une thèse inaugurale à Marbourg, par M. K. Siebert, _AR obligent les au- Den e48 teurs à communi- quer leurs pre- miers résultats. 170° en présence 90 d'un excès d'hy- Comme le savant drogène, les phé- allemand, MM. A. nols sont réguliè- 70 rement hydrogé- Haller et Guyot ont obtenu, dans nés etdonnentles cette réaction, alcools hydroaro- 50 matiques corres- pondants par fixa- 0.008 Mes aiguilles jau- 0.004 nes, d’un Corps C#HSAZO®CI, fon- 0.003 tion de 6 atomes 30 d'H sur le noyau. dant au-dessus de 0.002 200° et possédant Lorsque la tem- encore la fonction 0.001 pérature dépasse 10 phénolique. Il est, 470°, l'action ca- en effet, soluble talytique du nic- Fe0 10 20 3u 40 50 60 70 80 So 100Ni dans les alcalis et kel sur les alcools : ÿ pe ; Ut. donne raissance formés dédouble Fig. 1. — Valeur absolue et variation avec la température de la résistivité à'un dérivé mé ceux-ci en cétone et hydrogène. Ce dédoublement, découvert par MM. Sabatier et Sende- rens, à été étudié par eux dans diverses séries. A 2009, la quantité d'acétone formée représente une portion du mélange pouvant dépasser la moitié de celui-ci. La réaction d'hydrogénation à été appliquée au phénol ordinaire, au thymol et au carvacrol. Le phénol fournit très facilement le cyclohexanol CH#ON, avec un rendement sensiblement théorique. Le thy- mol est transformé en un liquide huileux incolore, à odeur forte de menthe, bouillant à 214°,5-2170. C'est un mélange de deux stéréoisomères C‘I19.OH, lun liquide, bouillant à 2145, l’autre cristallisé en longues aiguilles prismatiques, fusibles vers 280, bouil- lant à 217. L'hydrogénation du carvacrol est plus lente que celle des phénols précédents. Après com- plète réaction, on obtient un liquide huileux à odeur de thym et de safrol, bouillant à 218-2210, Il est cons- titué par deux stéréoisomères qui n'ont pas encore été séparés. L'auteur continue ses recherches sur les alcools ainsi préparés. — M. Alb. Colson a étudié l’ac- üon du chlore sec sur les acétates anhydres en solu- tion dans l'acide acétique pur, de facon à éliminer les réactions d'oxydation dues à l’action du chlore sur l'eau : L'acétate de plomb donne le tétracétate, dont la réaction sur l’eau donne lieu à des actions thermiques particulières; l'acétate de baryum donne un acétochlo- rure acide; les autres acétates alcalino-terreux donnent des aciers au nickel réversibles. des chlorures; l'acétate de calcium paraît être le type thylé (F. 1440), à un dérivé benzylé (EF. 142) et à un éther benzoïque (F. 231°). Les solu- tions alcooliques de ce composé fournissent, avec des traces d’alcali, des liqueurs qui possèdent une fluo- rescence analogue à celle de la fluorescéine. — M. P. Freundler expose les résultats de ses recherches sur la méthode d’acylation en présence de pyridine. Il à déterminé les conditions de préparation des dérivés amidés secondaires et tertiaires, et il signale à ce propos quelques réactions de déplacement qui s'effec- tuent à basse température. M. Freundler établit ensuite d’une façon définitive que la benzoylation est plus énergique à chaud, en solution pyridique, qu'à froid, en présence de soude ou de potasse. Il montre égale- ment que l'emploi de la première méthode est limité par des réactions secondaires, et que le chlorure de benzoyle réagit en présence de la pyridine sur diffé- rents groupements fonctionnels (éther-sel, éther-oxyde, CH? malonique, etc.). — M. Simon expose la suite de ses recherches sur les uréides. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 21 Janvier 1904. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. A.-G. Greenhill : La troisième intégrale elliptique et le problème ellipso- tonique. — Lord Rayleigh: Sur l'ombre acoustique d'une sphère, avec un Appendice donnant les valeurs 322 - ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES des fonctions de Legendre de P, à P,, à intervalles de 5, par M. O. Lodge. 90 SCIENCES NATURELLES. — MM. E.-F. Bashford et J.-A. Murray communiquent leurs recherches sur la distribution zoologique, la nature des mitoses et la transmissibilite du cancer. Des tumeurs malignes ont été observées chez la vache, la génisse, le chien, le cheval, la jument, le mouton, le porc, la souris blanche, la souris jaune, le chat, la poule, Fa salamandre, la morue, le rouget et la truite. L'augmentation progres- sive des tumeurs malignes est due à la division et à l'augmentation de volume de leurs cellules consti- tuantes. Le processus de division cellulaire est généra- lementindirect, la division mitotique du noyau précé- dant la division du protoplasme. Cette dernière manque fréquemment, et il se forme des cellules multinucléées qui peuvent entrer ultérieurement en mitose en for- mant des figures pluripolaires. La succession frappante des mitoses caractéristiques a été observée dans toutes les tumeurs malignes examinées, tandis qu'elle faisait défaut dans les tumeurs bénignes. La transmission du cancer de l'homme aux animaux, ou d’un animal à un autre d'une espèce différente, n’a pu être obtenue. Les seules transplantalions suivies de succès ont été celles d'animal atteint de tumeur maligne à animal de la même espèce. —|MM. F.-W. Oliver et D.-H. Scott ont étudié une graine fossile des couches carbonifères inférieures, la Lagenostoma Lomaxi, et montrent qu'elle provient de plantes carbonifères bien connues, les Lyginodendron. Séance du 28 Janvier 1904. SCIENCES NATURELLES. — M. R. Stæhelin a étudié le rôle joué par le benzène dans l'empoisonnement par le gaz d'éclairage. Il arrive aux conclusions suivantes : 4° Le gaz d'éclairage produit d'abord l'excitation, puis la roideur du muscle de grenouille isolé; 2 Des gre- nouilles exposées au gaz d'éclairage présentent des phénomènes excitatoires qui font défaut quand l’ani- mal est placé dans une atmosphère de CO ou d'azote; 3° Les effets spécifiques du gaz d'éclairage sur les gre- nouilles sont déterminés par la présence du benzène dans ce gaz et peuvent être produits par de l'air conte- nant la même quantité de benzène; 4 I] n'y a pas de raison pour supposer que l'effet toxique du gaz d’éclai- rage sur les Mammifères soit déterminé par un autre facteur que sa teneur en CO. — MM. S.-G. Shattock et C.-G. Seligmann communiquent leurs observations sur l'acquisition des caractères sexuels secondaires, indiquant la formation d'une sécrétion interne par le tes- ticule. Chez les jeunes moutons et volailles d'Herdwick, l'occlusion du vasa deferentia n'empêche pas l’acquisi- tion complète des caractères mâles secondaires; il s'ensuit que la décharge du sperme n'est en aucune facon la cause de la production de ces caractères. La production des caractères secondaires n’est pas due à des changements métaboliques provoqués par un ré- flexe nerveux provenant de la fonction physique du mécanisme sexuel. Cela est évident dans les cas de caponisation incomplète où les greffes, dépourvues de canaux communiquant avec l'extérieur, et constituées de tubes seulement, sont réellement des glandes sans canal éférent; les résultats métaboliques de leur fonc- tion sont attribuables à l'élaboration d’une sécrétion interne et à son absorption par la circulation générale. — MM. S.-M. Copeman et F.-G. Parsons présentent leurs recherches expérimentales, effectuées pendant quinze mois, sur le sexe des souris. Voici leurs con- clusions : 4° Le nombre des naissances mâles est légè- rement plus élevé que celui des naissances femelles; 2° certains mâles engendrent une proportion beaucoup plus grande de mâles, d’autres une proportion plus grande de femelles; 39 il y a quelques preuves que cette tendance est héréditaire; 4° certaines femelles tendent à donner naissance à un excès de mâles ou de femelles, mais les faits ne sont pas aussi concluants que pour les mâles: 5° la procréation entre un mâle et l'un de ses descendants pendant 5 générations a lieu sans perte de fertilité ou dégénération corporelle appa- rente; 6° le nombre moyen des jeunes dans une portée, déduit de l'observation de 73 portées, est de 6,7; 7° dans les grandes portées, plus de Jeunes sont exposés à être dévorés par la mère que dans les petites portées; 8° dans les grandes portées, la proportion des femelles est plus grande que dans les petites; 99 les femelles âgées de plus de six mois produisent plus de mâles que les femelles d'âge inférieur; 109 la tempéra- ture et l'époque de l’année où se produit l'imprégna- tion semblent exercer une influence faible ou nulle sur la proportion des descendants mäles ou femelles. —- M. G.-E. Smith étudie la morphologie de la région rétrocalcarine du Cortex cerebri. — M, H.-H. Dale communique ses recherches sur les « tlots de Langer- hans » du pancréas. Ses observations ont été faites, sur le pancréas du chien, du chat, du lapin et du cra- paud. Le pancréas à été durci dans un mélange de sublimé corrosif et de formaldéhyde, puis des sections coupées dans de la parafline et colorées avec du bleu de toluidine et de l'éosine. Les îlots apparaissent à un faible grossissement, comme des surfaces relativement incolores. Le pancréas à été examiné à l’état de repos {activité normale), à l’état d’épuisement produit par l'administration prolongée de sécrétine, et à l'état d'inanition. L'épuisement est produit chez les Mammi- fères (le chat et le chien) par des injections répétées de sécrétine dans la veine jugulaire pendant six à douze heures, accompagnées de saignées vers la fin de l'expérience, jusqu'à ce que le pancréas cesse ou cesse presque de sécréter. Les animaux étaient anesthésiés par de la morphine et un mélange d’alcool-chloro- forme-éther. Pour le crapaud, la sécrétine a été injectée dans le sac lymphatique dorsal, à l’aide d’une aiguille hypodermique, pendant deux à quatre jours. L'effet d'inanition a été observé sur un chat égaré, très amai- gri, et tué immédiatement, et sur des crapauds qui avaient été pendant plusieurs mois dans le bassin du laboratoire. On a observé les formes intermédiaires décrites par Lewaschew dans les glandes fondamen- tales de toutes les espèces, les îlots étant formés par une assimilation de l'épithélium sécrétant aux cellules centro-acinaires et l'épithélium des ductules, avec un réarrangement ultérieur des cellules résultant de la formation de larges capillaires sanguins tortueux. On a aussi trouvé, chez le crapaud, une preuve de la recon- struction des alvéoles de sécrétion aux dépens des îlots et de la multiplication cellulaire au stade d'ilot. L'effet de l'épuisement s'est manifesté de la même facon dans tous les cas : une transformation très étendue du tissu sécrétoire de la glande, en de grands ilots, à contours irréguliers, conservant des traces visibles de leur première structure alvéolaire, et con- tenant de nombreuses formes intermédiaires. Chez un chien, on a constaté que la plus grande partie d'un lobe, chez un crapaud que la plus grande du pancréas, étaient ainsi transformées. L'effet d'une, ina- nition prolongée est, en somme, presque identique à celui de l'épuisement, mais un peu plus faible L'auteur a aussi fait des expériences sur le chien et le lapin afin d'observer l'effet de l'occlusion du conduit pan- créatique. Dans tous les cas, il en est résulté une fibrose interstitielle. Les surfaces du pancréas non détruites ont revêtu l’état d'ilots, mais les îlots préformés n’ont présenté aucune immunité spéciale vis-à-vis de la des- truction. Les expériences laissent indécise la question de la fonction des îlots, mais les résultats de l’occlu- sion du conduit sont en faveur des vues de Laguesse, d'après lesquelles ils représentent un état de sécrétion interne dans la vie du tissu pancréatique. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 26 Février 1904. M. B. Bonniksen présente un nouveau dilatomètre, destiné d’abord à mesurer la dilatation des balanciers ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 9329 des montres, et applicable ensuite à la détermination du coefficient de dilatation de substances employées sous forme de fils de 1 1/4 pouce de longueur. — M. W. Watson décrit un magnétographe à fil de quartz pour force verticale. L'auteur a eu en vue de réduire le moment d'inertie du système suspendu, afin de déter- miner les variations à période rapide du champ ter- restre. Le principe de l'instrument consiste à suspendre un aimant à une fibre de quartz horizontale, maintenue tendue au moyen d'un ressort. Le centre de gravité de l'aimant et la torsion de la fibre sont disposés de telle facon que l'axe de l’aimant soit horizontal. Toute varia- tion de la force verticale produit une rotation de lai- -mant autour de la fibre, enregistrée au moyen d'un miroir attaché à l’aimant. — M. G. W. Walker montre que le phénomène observé par Quincke (abaissement du niveau d'une solution de chlorure ferrique dans un tube capillaire relié à une boule lorsqu'on porte le tout entre les deux pôles d’un électro-aimant) peut s’expli- quer par la seule considération de tensions magné- tiques d'ordre électrique. — M. W. Watson signale quelques difficultés dans la préparation des diagrammes et les moyens de les surmonter. — M. R. J. Sowter présente un électroscope portatif à haut isolement, spé- tialement adapté à la mise en évidence et à la mesure du pouvoir de décharge des substances radio-actives. SOCIETE DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 17 Février 1904. M. R. J. Friswell communique ses observations sur quelques modifications intramoléculaires et originai- rement réversibles s'étendant sur de longues périodes de temps. — M. G. W. F. Holroyd, en salurant par l'acétylène une solution éthérée de bromure de phényl- magnésium et abandonnant au repos, à observé au bout de quelques jours le dépôt de cristaux octaé- driques. Ceux-ci, qui semblent répondre à la compo- sition CH*#:0*Br*Mg*, sont décomposés par l’eau avec précipitation d'hydrate de magnésie et mise en liberté d'éther. Leur formule développée paraît ètre Mg?Br°.OH. 2(C2H°)°0 ; ce serait une combinaison d'oxybromure de Mg, de bromure de Mg et d'éther. — MM. F. S. Kip- ping et A. H. Salway étudient l’arrangement dans l'espace des groupes combinés à un atome d'azote tri- valent. Leur conclusion est que les trois groupes ainsi que l'atome d'Az sont situés dans un même plan et aussi symétriquement que possible. Ils n'ont obtenu, dans aucun cas, d'isomères chez les corps de ce type. — M. AI. Mc Kenzie est parvenu à résoudre l'acide mandélique racémique par éthérification avec le bor- néol ou le menthol et hydrolyse fractionnée des éthers obtenus. — M. A. E. Dixon à oblenu le trithiocyanate de phosphore P (CAZS}* par l’action de PCF sur le thyo- cyanate d’ammonium sec en présence de benzène ; c'est une huile bouillant à 163° sous 15 millimètres. On obtient de la même facon, par l'action de POCF, le trithiocyanate de phosphoryle, PO (CAZS)}, huile bouil- lant à 175° sous 21 millimètres. — M. Ch. Ed. Fawsitt à constaté que les densités des solutions aqueuses de certaines substances organiques montrent, à un haut degré, la propriété additive. Ainsi les densités de l’urée, de la méthylurée et de l'as-diméthylurée en solution sont respectivement de 1,0155, 1,0137 et 1,0107, tandis que celles des solutions d'ammoniaque, de méthyla- mine et de diméthylamine sont 0,9932, 0,9886 el 0,9856. — M. A. L. Stern montre que le produit de l’action des acides dilués sur la cellulose, constitué soi- disant par de l’hydrocellulose, n’est en réalité que de la cellulose modifiée, car sa composition élémentaire est identique à celle de la cellulose. — M. F. D. Chat- taway a constaté que les diacylanilides, chauffées en présence de HCI ou de ZnCl°, subissent une transposi- tion intramoléculaire en acylaminocétones isomères. Les dérivés acylchloraminés des cétones aromatiques subissent de même un réarrangement intra-molécu- laire, l'halogène lié à l'azote changeant de place avec un atome d'hydrogène attaché au noyau en ortho ou para. ACADEMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 21 Janvier 1904. M. F. Braun a essayé de réaliser l'expérience des réseaux électriques de Hertz dans la région du spectre visible. On sait que, dès 1888, Hertz a fait voir que les oscillations électriques traversant lair et venant tomber sur un réseau de fils métalliques se décom- posent en deux composantes : alors que la vibration parallèle aux fils est réfléchie, la vibration normale est transmise sans affaiblissement appréciable. Il va de soi que la production de phénomènes analogues dans la région du spectre visible constituerait une preuve de plus de l'identité des oscillations visibles lumineuses avec les oscillations électriques. Or, en 1886, le Profes- seur Kundt avait fait l'expérience suivante : Ayant pro- duit sur des plaques de verre, placées horizontalement au-dessous d’un mince fil métallique vertical à une distance de quelques millimètres, des miroirs métal- liques (de la forme d’un cône extrêmement aplati) par la projection du fil métallique servant de cathode dans l’espace raréfié, ce savant à étudié une couche métal- lique pareille en lumière sensiblement parallèle, entre deux nicols entrecroisés; il à observé que la plaque métallique éclaircissait le champ visuel, en même temps qu'il s’est détaché une croix noire aux bras parallèles aux plans de polarisation. M. Kundt avait interprété ce phénomène comme une double réfraction due à l'orien- lation des particules projetées. A l'inverse de cette interprétation, contredite par la nature généralement isotrope des métaux, l’auteur suggère l'hypothèse que les particules orientées en direction radiante, bien que se présentant au microscope comme couche homogène, se comportent comme un réseau de Hertz. Il réussit, en effet, à démontrer la justesse de cette hypothèse et l'analogie parfaite du phénomène de Kundt avec les phénomènes présentés par les réseaux électriques de Hertz. Citons, parmi les applications de ce phénomène suggérées par l’auteur, la discussion des images mi- croscopiques de coupes minces des tissus organiques colorés à l'or. — MM. J. Bernstein et A. Tschermak ont étudié les phénomènes thermiques présentés par l'organe électrique de la Torpedo. Les recherches phy- siologiques jusqu'ici faites dans cette voie ont eu pour objet d'établir l'intensité, la direction et la durée des chocs. On à ainsi trouvé que les décharges se décom- posent en impulsions individuelles de courte durée, suivant toujours la même direction. Les éléments juxtaposés dans les colonnes de l'organe prendraient une tension négative du côté de l'entrée de la fibre nerveuse. Quant à ce qui concerne la cause des diffé- rences de potentiel produites dans ces éléments, les re- cherches Jusqu'ici faites n'ont cependant pas pu donner d'explication plausible. Or, d’après les récentes théories thermodynamiques des piles galvaniques, il convient de distinguer les piles exothermiques, s'échauffant pendant le fonctionnement, des piles endothermiques, se refroidissant pendant qu'elles fonctionnent. Alors que la force électromotrice des premières diminue, celle des secondes s'accroît à température croissante. Or, voici les expériences que viennent de faire les auteurs, pour la plupart à la Station zoologique de Naples. Pour déterminer les variations de température de l'organe électrique des Poissons, on s'est servi de piles fer-constantan à dix ou vingt éléments, plongées dans les organes détachés ou introduites entre les deux organes d’un même poisson; un galvanomètre Rubens extrêmement sensible se trouvait en relation avec la pile; l'irritation de l'organe à été produite à partir des nerfs au moyen des courants d'une bobine d’induction, agissant le plus souvent pendant une seconde. Comme il était impossible de déterminer l'énergie électrique de la décharge par la méthode électrique de l'électrodynamomètre, les auteurs ont 324 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES déterminé la quantité de chaleur développée dans le circuit extérieur au moyen d’un thermomètre élec- trique à air analogue à celui de Riess. Ces expériences ont donné le résultat remarquable que les variations de température que subit l'organe irrité sont extrêmement faibles : c'est dire que l'organe électrique se distingue essentiellement des muscles par ses phénomènes ther- miques; il ne peut donc être assimilé aux piles fonc- tionnant d'une facon exothermique avec des dégage- ments considérables de chaleur chimique. Il parait même probable que cet organe électrique constitue une pile endothermique, et même une pile de concen- tration. Il semble qu'au point de vue des phénomènes thermiques cet organe ressemble aux tissus nerveux bien plutôt qu'aux tissus musculaires. Ces recherches sont confirmées par des expériences ultérieures faites en vue de trouver le coefficient de température de la puissance des chocs. ALFRED GRADENWITZ. SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE Séance du 19 Février 1904. M. E. Hagen rend compte des expériences qu'il vient de faire, de concert avec M. H. Rubens, sur le pouvoir d'émission et la conductivité électrique des alliages métalliques. Dans un Mémoire antérieur, les expérimentateurs avaient fail voir que la conductivité électrique des métaux est reliée au pouvoir de ré- flexion R pour les grandes longueurs d'onde et à la longueur d'onde elle-mème par l'équation : K VA Cette loi, trouvée par voie purement expérimentale, se déduit, comme l'ont fait voir MM. P. Drude, E. Cohn et M. Planck, de la théorie électromagnétique de la lumière à condition d'y négliger l'influence des molé- cules. La valeur théorique de la constante K, à savoir 36,50, concorde très bien avec les valeurs trouvées par l'expérience. Or, dans le présent travail, les auteurs continuent ces recherches en vue de fournir une con- firmation ultérieure de la loi en question. Ils s’adres- sent surtout à une série aussi étendue et aussi variée que possible d’alliages métalliques, contenant les mé- taux Ag, Au, Pt, Ni, Fe, Zn, Cd, Sn, Pb, Al, Mg, Bi, Cu, et dont la conductivité électrique, à la température de l'expérience, varie entre 4 et 30. Les expérimentateurs (sur le conseil de M. Ch.-Ed. Guillaume) se sont surtout occupés des aciers au nickel, qui, d'après les mesures du savant suisse, montrent des conductivités fortement variables, présentant un minimum très accentué pour une teneur en nickel de 30 °/,. Les alliages nickel- acier se prêtent, d'autre part, éminemment aux vérifi- cations de la loi d'émission en raison du poli excellent dont ils sont susceptibles, et de leur conductivité peu élevée et fortement variable avec la composition. Une propriété tout particulièrement précieuse de ces al- liages est l’existence de deux modifications essentiel- lement différentes et parfaitement stables dans des limites de température étendues, à conductivités diffé- rentes, et dont l’une ést magnétique et l’autre non magnétique. Le pouvoir d'émission de ces modifica- tions pour les grandes longueurs d'onde doit évidem- ment éprouver des variations correspondant au passage de l’une dans l’autre. En étudiant à l'état fondu le bismuth pur aussi bien que quelques alliages connus de bismuth, les auteurs font voir, d’ailleurs, que ces ma- tières à l’état liquide se comportent d’une facon tout à fait normale au point de vue de leur pouvoir d'émission, tandis que le bismuth solide paraît être la seule substance réfractaire à la loi en question. La constance du pro- duit (100—R) x, calculé d’après les données expéri- mentales des auteurs, est fort satisfaisante, surtout en ce qui concerne les aciers au nickel. Les valeurs de la conductivité électrique de ces derniers concordent assez bien avec les valeurs trouvées par M. Guillaume. (100 — R) VW = L'accord entre l'expérience et la théorie, plus satisfai- sant que dans le travail antérieur des auteurs, est, sem- ble-t-il, dû surtout au fait que la conductivité et le pouvoir d'émission ont toujours été déterminés-sur le même échantillon. ACADEMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 4 Février 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Aug. Adler dé- montre que l'ombre du conoïde de Plücker sur tout plan normal à la ligne double est une hypocycloïde de Steiner, excepté en éclairement parallèle. — M. F. Ehrenhaft éludie les vibrations électromagnétiques de l'ellipsoïde de rotation. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. F. Henrichet A. Wirth montrent qu'en solution faiblement acide, l’hydroxyla- mine réagit sur la dypnone avec formation d'une oxime F. 1340, (andis qu'en solution alcaline il se forme une combinaison isonitrosée isomère F. 78°. Cette iso- mérie s'explique par la théorie de Hantzsch-Werner. — M. H. Meyer décrit les modes de préparation de l'éther méthylique vrai de l'acide mucique bromé et des éthers méthylique et éthylique vrais de l’acide phtalaldéhydique au moyen des chlorures de ces acides. — Le même auteur a préparé le deuxième éther méthy- lique de l'acide o-benzoylbenzoïque, K. 80-819 — M. E. Senft décrit une méthode pour la recherche microchimique du sucre au moyen de l’acétate de phénylhydrazine ; le réactif est employé en solution glycérinée; en présence de sucre, il se forme des osazones caractérisables par leur couleur jaune et leur forme cristalline. — M. R. Ditmar a fait agir de l’acide nitrique concentré sur diverses espèces de caoutchouc. Le corps jaune amorphe obtenu paraît être un acide dinitrodihydrocuminique. ; 3° ScIENCES NATURELLES. — M. A. Exner à constaté que les rayons du radium améliorent rapidement les sténoses dues aux tumeurs carcinomateuses de l’æso- phage. — M. K Linsbauer a étudié un certain nombre de feuilles de plantes Monocotylédonées au point de vue de l’action d'orientation de la lumière. La plupart des feuilles sont à l'obscurité et à la lumière géotropi- quement négatives; plusieurs sont en même temps héliotropiquement positives. La courbure des feuilles observée à la lumière est due à la photonastie. Les feuilles aphotométriques acquièrent leur position à la lumière par des courbures spontanées géotropiquement négatives. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 30 Janvier 1904 (suite). M. C. A. Lobry de Bruyn présente au nom de M. A. W. Visser: Actions d'enzymes considérées comme des réactions d'équilibre dans un système homogéne. Les considérations de l’auteur se basent sur la remarque ue les réactions dues aux enzymes sont réversibles. Les résultats de ses déductions mathématiques paraî- tront ailleurs. Ici, il ne donne que l'énoncé des résultats principaux de ses expériences. — M. L. Bolk présente au nom de M. A. J. P. van den Broek : Les enve- loppes embryonaires et le placenta de Phoca vitulina. — M.J. van Bemmelen lit le rapport de la Commission géologique; ensuite il présente un Mémoire de M. J. Lorié : Description de quelques nouveaux percements du sol. — M. K. Martin présente un exemplaire de la troisième livraison de son Reisen in den Molukken, in Ambon, den UÜliassern, Seran (Ceram) und Buru (Voyages dans les Molucques, etc.). — M. A. F. Holle- man présente la thèse de M. G. L. Voerman : Een quan- titatief onderzoek, enz. (Recherche quantitative sur la théorie de tension de M. Baeyer). P. H. Scnoure. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, {, rue Cassette. LA Le 15° ANNÉE No 15 AVRIL 1904 Revue générale HA CIeCCS pures et appliquées DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux : Quà ae Tnde publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $S 1. — Nécrologie H. Perrotin. — Les deuils se succèdent. Après M. Callandreau, M. Perrotin, directeur de l'Observatoire de Nice, vient d'être enlevé aux siens, à ses amis, à la Science qu'il servait avec autant de zèle que d'abné- gation. Si nous ne pouvons, ici, retracer par le détail cette vie si bien remplie, nous voulons, du moins, ren- dre un dernier hommage à l’homme de bien et au savant dont la carrière a été si soudainement brisée. M. Perrotin s’est consacré tout entier à l'Astronomie, qui lui est redevable de nombreuses découvertes et de travaux importants. Après avoir étudié, à l'Observatoire de Toulouse, sous la direction de M. Tisserand, il fut nommé, en 1880, directeur de l'Observatoire de Nice, à la fondation duquel il contribua pour une large part, et conserva ces fonctions jusqu'à sa mort. On lui doit, pendant son séjour à l'Observatoire de Toulouse, un Mémoire consacré à la théorie de Vesta, et divers travaux d'observation, parmi lesquels la découverte de la planète Nemausa et de cinq astéroïdes (138), (149), (163), (170), (180), des observations régulières et nombreuses des taches du Soleil, des satellites de Jupiter et de Saturne, et les calculs des éléments et éphémérides des planètes Tolosa et Méduse. Mais l'œuvre la plus importante de M. Perrotin con- siste dans la direction de l'Observatoire de Nice, qui lui fut confiée par M. Bischoffsheim, dont les libéralités, on le sait, ont fait de cet observatoire l’un des premiers du monde. Nous ne pouvons songer à énumérer tous les travaux de M. Perrotin pendant cette période, après le voyage qu'il effectua à travers l'Europe, en vue d'organiser son futur observatoire et d’en faire le modèle qu'il est resté. Citons seulement : l'observation du passage de Vénus sur le Soleil, qu'il fit comme chef de la Mission envoyée par l’Académie des Sciences; la détermination d'un cerlain nombre de longitudes, notamment Nice, Paris, Milan; deux nouveaux Mémoires sur la planète Vesta; l'étude des planètes Vénus et Mars; des observations sur Saturne et Uranus, et sur trois comètes périodiques retrouvées par lui : Tuttle, Faye et Encke; des travaux très importants sur la détermination de la vitesse de la lumière et des observations de la planète Eros en vue de REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. la détermination de la parallaxe solaire. Nous ne parlons pas des travaux effectués par l'Observatoire de Nice sous sa direction, et de toutes les découvertes de pla- nètes, de comètes et de nébuleuses qui y ont été faites. Enfin, sur sa demande, M. Bischoffsheim voulut bien créer l'Observatoire du Mont-Mounier, à 2.741 mètres d'altitude, qui complète si heureusement celui de Nice dont la réputation n'a cessé de grandir. Les titres de Correspondant de l’Institut et de Cor- respondant du Bureau des Longitudes, la croix de la Légion d'honneur, l'estime de tout le monde savant étaient venus consacrer l’œuvre de M. Perrotin, lorsque la mort impitoyable l'a enlevé à la science à laquelle il eût pu, dans la force de l’âge, rendre encore {ant de services. Son éloge ne saurait être mieux fait qu'en rappelant un passage du discours que MH. Faye prononçait le lundi 29 mars 4897 à l'Académie des Sciences : « Ce que j'admire dans la carrière de M. Perrotin, c'est qu'il a fait servir la puissance des grands instru- ments à l'étude des questions qui ne pouvaient guère être abordées par d’autres voies : c’estainsi qu'il a créé, pour son Observatoire de Nice, un personnel nombreux qu'il à fait largement travailler au progrès de la science. Pour cela, il n'a employé qu'un moyen : c'est le zèle qu'il a su communiquer à ses collaborateurs par son propre exemple. « Cest ainsi qu'il a compris son rôle, et par là il a su faire fructifier l'œuvre du généreux créateur de l'Obser- vatoire de Nice, le plus beau de toute l'Europe, je dirai même le plus beau du monde entier, surtout si l'on y joint définitivement l'addition, aujourd'hui indispen- sable, due à M. Perrotin, celle d’une suceursale placée à 2.740 mètres de hauteur. » $S 2. — Mécanique A propos de la déformation des solides. — Comme suite à la lettre de M. P. Duhem parue dans notre numéro du 15 mars, M. H. Bouasse nous communique les observations suivantes : « J'ai simplement voulu énoncer ce fait incontestable que M. Duhem, après avoir, dans szx volumineux Mémoires, cherché par tous les moyens à faire cadrer 7 320 sa théorie avec les faits, admet enfin qu'il n’y a pas moyen et introduit, dans un septième Mémoire, les forces de viscosité qui ne font pas partie intégrante de la première théorie. Je ne nie pas la pierre d'attente, mais je constate qu'il a été forcé de s’en servir. Comme, précisément, la plupart de mes critiques portaient sur l'impossibilité de ne pas introduire quelque chose comme la viscosité, c'est-à-dire, sous une forme quel- conque, le temps comme variable indépendante, je suis en droit de maintenir mon texte. « En définitive, je ne dis pas que M. Duhem avoue s'être trompé, n'avoir pas réussi, mais qu'il avoue n'avoir pas réussi aVeC une seule theorie, ce qui est tout différent. Le quoi qu'il en soit de mon texte ne peut prêter là-dessus à aucune équivoque. » $ 3. — Physique L'action du radium sur les tubes à vide soumis à une différence de potentiel. — On se sert souvent des tubes à vide comme détecteurs de champs électromagnétiques, dont la présence est indi- quée par la luminescence du tube. L'intensité du champ doit, à cet effet, être supérieure à un certain minimum, caractéristique de chaque tube individuel]. Comme le fait remarquer M. D.-M. Sokoltzew, dans un travail récemment présenté à la Section de Phy- sique de la Société Physico-Chimique Russe, la sensi- bilité d'un tube à vide de ce genre peut être accrue lorsqu'on tient compte des phénomènes qui se passent dans ce tube aussitôt que l'influence d’une différence de potentiel y fait naitre une luminescence. En effet, le gaz renfermé dans le tube sera ionisé, en même temps que se produira un phénomène de décharge à travers le gaz, manifesté par la luminescence; c'est dire que le champ agit comme ionisateur. Or, si l'in- tensité du champ est insuffisante pour produire cette ionisation, il convient d'avoir recours à l’action d'un autre ionisateur. C'est en se basant sur ces considé- rations que l’auteur a eu l'idée d'employer le radium pour augmenter la sensibilité du tube. Ce dernier a été exposé à l'influence d’un champ électrique trop faible pour y produire des phénomènes lumineux; aussitôt que M. Sokoltzew a fait tomber sur le tube des rayons du radium, il à remarqué une luminosité, qui s’exaltait en mème temps que les rayons du radium devenaient plus efficaces. $ 4. — Electricité industrielle La traction tangentielle système Dulait. — Le prix Ferraris a été décerné récemment au sys- tème de traction proposé sous ce nom par M. Dulait, de Charleroi (Belgique). Ce système repose sur un mode d'emploi nouveau des courants polyphasés. Dans les applications ordinaires de ces derniers aux installations fixes ou aux installations de traction, on compose les moteurs de deux couronnes concentriques, le stator et le rotor : le premier, fixe comme le nom l'indique, recoit un enroulement que doit alimenter le réseau polyphasé (d'ordinaire triphasé) ; l’autre partie, concentrique à la première et intérieure, est mobile par mouvements de rotation, comme l'indique le nom de rotor qui lui a été donné. Le couple d'entrainement résulte de l’action des cou- rants du stator sur les courants induits par ceux-ci dans le rotor. Ce rotor porte, à cet effet, des enroule- ments indépendants qui sont le siège des courants induits, mais ne reçoivent aucun courant de l’extérieur et n’ont aucune connexion avec le réseau ou avec le stator. En assujettissant le stator à la voie et le rotor à la voiture, on rend celle-ci indépendante des fils d'amenée de courant, de telle sorte que les voitures ainsi disposées offrent l'avantage de n’exiger pour leur fonctionnement aucun conducteur, ni aucune prise de courant mobile. Ces voitures sans conducteur ou sans fil électrique CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE sont réalisées par M. Dulait d'une manière spéciale, qui leur a fait donner le nom de voitures à traction tangentielle : I] faut, pour se les représenter, s'ima- giner que les couronnes concentriques, appelées stator et rotor, du moteur ordinaire ont été développées sui- vant deux surfaces parallèles et peu écartées l’une de l'autre, ce qui est une des conditions essentielles de fonctionnement des moteurs d'induction. Bien entendu, la pièce provenant du développement du rotor sans fil d'amenée de courant est montée sous la voiture, et la pièce provenant du développement du stator est fixée à la voie. Le fonctionnement est le suivant : Le rotor mobile, soumis à l’action du stator placé dessous, obéit au cou- ple exercé par lui; mais, en se déplaçant, il échappe à son action, et il doit rencontrer un autre stator qui exerce une action semblable. Les stators répartis sur la voie sont mis en jeu par des distributeurs qui les mettent successivement sous courant. Cette idée séduisante n'avait pas été sans apparaître à certains devanciers de M. Dulait; mais ceux-ci l'ont abandonnée en raison des énormes diflicultés qu'en présente la réalisation. En effet, pour être susceptible d'un fonctionnement économique, les moteurs doivent présenter un très faible entrefer, et la pratique, dans les moteurs d'induction rotatifs, est de ne pas s’écarter beaucoup d’un millimètre. Il est, bien entendu, impos- sible de maintenir cette faible distance entre le rotor monté sur la voiture et le stator établi sur la voie dans le système Dulait:; il a fallu admettre un entrefer beaucoup plus grand, et recourir à des palliatifs que nous ne pouvons pas indiquer ici. De plus, les enroule- ments ne sont pas uniformément distribués autour d'un même axe comme dans les moteurs à induction, les éléments plans du système Dulait ne constituant qu'un développement discontinu des éléments tour- nants, moins favorables que ceux-ci à la production de l'effort de traction et à l'utilisation du flux. M. Dulait a mis en application le principe ci-dessus exposé sur une ligne de 800 mètres de longueur‘, mais dont 400 mètres seulement sont équipés complètement. La section non équipée sert à l'arrêt du train sans application des freins ordinaires. La presque totalité de la section équipée est en palier, et seule une lon- gueur de 50 mètres présente une rampe de 40 2/60. Le train d'essai est composé de deux voitures ordi- naires à 36 places, roulant sur une voie à écartement normal, établie en rails de 30 kilogs le mètre courant. Le rotor développe sous les voitures où propulseur présente une longueur totale de 19 mètres, et il est divisé en douze sections de 1%,57, portées par 43 trains de roues; celles-ci roulent sur une voie étroite, com- posée de rails de 43 kilogs le mètre courant et établie entre les rails de roulement des voitures. Les stators établis sur la voie entre les rails ont une longueur de 2,75 environ, et sont espacés de 18 mètres. Ils sont enroulés différemment, suivant qu'ils servent à provoquer le démarrage ou à entretenir la marche du train. : Une ligne à haute tension longe la voie, et permet d'alimenter, au moyen de câbles souterrains montés en dérivation, les enroulements des stators, par l’intermé- diaire, bien entendu, des distributeurs dont la néces- sité a été signalée plus haut. Comme on ne peut changer le sens de marche de la voiture qu'en changeant la direction du champ fuyant obtenu dans le stator, la Compagnie Dulait a étudié des appareils permettant de réaliser ce changement à l’aide des voitures elles-mêmes. Le caractère particulier de ce système appelle quel- ques observations nouvelles : Ilest à noter, par exemple, que les attractions électromagnétiques entre rotor et stator, qui sont équilibrées dans le moteur ordinaire, ne le sont pas dans la traction tangentielle, et se tra- duisent par une attraction très forte entre la voie et les voitures. Cette attraction augmente l'adhérence, mais eo ! Au voisinage de Charleroi. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE elle oblige aussi à augmenter beaucoup la solidité du matériel. Elle a, en somme, tous les avantages et les inconvénients d’une augmentation de poids notable. Les courants triphasés servant aux essais avaient la fréquence de 10 périodes par seconde, et la vitesse correspondante du train était de 39 kilomètres à l'heure. Le rendement global en énergie entre la jante des roues et l'usine génératrice serait de 6% à 68 °/,, selon les cas. On utiliserait les avantages bien connus du courant alternatif pour la transmission de l'énergie à distance, sans avoir à recourir au courant continu pour la traction et à installer des sous-stations trans- formatrices pour passer du courant alternatif au cou- rant continu. On supprimerait les canalisalions fixes, que nécessitent les autres systèmes, au voisinage de la voie, et qui sont d'ordinaire réalisées sous forme de 3° rail ou de fils de trolley. Seraient également supprimées les prises de courant ou conducteurs mobiles, qui se présentent d'ordinaire sous forme de sabots frotteurs, d'archets ou de trolley. La voiture est indépendante de tout courant à haute ou basse tension. Le moteur et les engrenages sont sup- primés, et le mouvement de translation est réalisé directement. Les contrôleurs ordinaires sont remplacés par des résistances métalliques insérées dans les en- roulements du propulseur, et permettant d'en régler la marche. Enfin, le problème du changement de direction dans la marche du train présente un aspect original et difti- cile, car, pour inverser le sens de marche, il faut inverser la direction de déplacement du stator : c'est une nouvelle difficulté dans la réalisation du système que nous venons de décrire, mais qui, d'après les inventeurs, aurait recu une solution satisfaisante et pratique. $ 5. — Chimie La constitution de l'épinéphrine (adréna- line). — L'épinéphrine (nom donné par Abel et Craw- ford au principe actif des capsules surrénales) a été isolée par ces savants à l’état impur en 1897. La même substance à été isolée aussi, dans un état plus ou moins grand de pureté, par von Fürth!, qui la nomma surrénine. Le produit pur et cristallisé fut isolé en 1901 par Takamine? et appelé par lui adrénaline. Aldrich* l’obtint peu après par une autre méthode. Deux formules furent proposées pour ce corps, qui agit comme base mono-acide : la formule C'°H#0O4z (Takamine) et la formule C’H#O*Az (Aldrich). Abel adopta la formule C'H#O*Az + ; H°0, bien que les résultats analytiques concordent également avec la formule C'H#OAz, formule également adoptée par von Fürth et confirmée par Pauly*. Von Fürth prépara, en outre, un dérivé tribenzoylé et un dérivé tribenzène- sulfoné; il montra aussi que l'épinéphrine ne contient pas de groupe OCH' et qu'elle fournit de la méthylamine par traitement avec les acides concentrés. La fusion alcaline lui fournit des traces d'un acide qui donna les réactions, peu nettes d’ailleurs, de l'acide protocatéchique. De tous ces faits, von Fürth con- clut qu'on pouvait adopter la formule (CH*.AzC°H.OH) CSH° (OH°), le groupement lié au noyau aromatique étant : CH — OH CH — AzH.CH* | ou | CH°.A7H.CH* CH? — OH Un travail récent de M. Jowett® confirme la formule d’Aldrich C*H#O*Az et permet de donner dès à présent Zeit. phys. Chem., 1900 t. XXIX p. 103. An. Journ. of Pharm., 1901, t. LXXIII, PA922; Am. Journ. of Physiology, 1901, t. V, p. 457. Ber., 1903, t. XXXVI, p. 2945. H. A. D. Jowerr : Chem. Soc., t. LXXXV, p.192. a à» & 1 » ee 19 1 à l'épinéphrine une formule de constitution qui rend bien compte des faits observés. Lorsqu'on chauffe en tubes scellés l'épinéphrine en solution méthyl-alcoolique avec de liodure de méthyle en présence de méthylate de soude, on obtient un pro- duit qui est dissous dans l’eau et traité par le nitrate d'argent pour enlever l'iode. La solution, oxydée par le permanganate de potassium, donne de la triméthyla- mine et un acide C'H®0* qui a été identifié avec l'acide vératrique. Ces faits sont représentés comme suit : oH ocHs OCHe ON / Nocxs /Nocn: 5 l | > (CH°)'Az + | | va INA CH.OH ÜH.OH Üo2H | | CH2.AzH.CH® CH2.Az(CH°} | OH La formule de constitution de l'épinéphrine parait donc établie. La synthèse offrirait un intérêt considé- rable, par suite des propriétés physiologiques de ce corps. Elle ne paraît pas être extrèmement facile à réaliser. $ 6. — Agronomie L'influence de l’éther sur le forçage des plantes. — C'est M. le Professeur Johannsen, de l'Ecole supérieure d'Agriculture de Copenhague, qui a découvert cet intéressant phénomène, d'une portée pratique considérable, puisqu'il permet de faire fleurir les plantes quatre ou cinq mois plus tôt que par les méthodes ordinaires. C'est une petite révolution en horticulture, où l’on ne pratiquait, jusqu'à ce jour, que le forcage en serre, dans des conditions favorables de chaleur et de lumière. De même que chez l'homme, l’éther, à faible dose, paraît exercer sur les plantes un effet excitant. Les arbustes que l’on veut forcer sont soumis à l’éthérisation dans un récipient entièrement clos, pendant deux ou trois jours consécutifs. On se sert d'éther sulfurique pur à 65°, à la dose de 35 à 40 grammes par hectolitre d'air, à une température de 17 à 19° C. L'éthérisation produit d’abord la chute des feuilles, les bourgeons se gonflent, puis font éelo- sion. Dans le cas des lilas, il suffit de dix jours pour que les thyrses se développent, et, huit jours après, l'épanouissement est complet. L'éthérisation demande, pour être faite avec succès, que la végétation soit arrêtée; on attend ainsi les premières gelées, ou bien on arrache l’arbuste quelque temps avant l'opération, et, comme certaines fleurs sont demandées en toute saison, on peut encore faire agir le froid industriel pour arriver au même résultat. L'éther n’agit pas sur toutes les plantes; ce premier inconvénient, joint à la facilité d'inflammation du liquide, a donné l’idée de lui substituer le chloroforme, qui agit quatre fois plus activement, mais en demandant une durée d'action plus longue. Ce forçage extra-rapide donne des fleurs plus par- faites que le procédé des serres; il réussit mieux, sa rapidité est plus grande et il produit enfin une économie très appréciable dans les frais de main- d'œuvre, de combustible et de matériel. Très employé aujourd'hui dans les forceries allemandes, ce procédé n'a pas encore trouvé chez nous l'accueil auquel il a droit, malgré les efforts très méritoires de M. Albert Maumené, l'intelligent vulgarisateur de toutes les nou- veautés horticoles. $ 7. — Sciences médicales Le Service de santé dans l'Armée japo- naise. — D'après M. le D' Ed. Laval!, le Service de 1 Le Caducée, Paris, 1904, p. 63. 328 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE santé, dans l’armée japonaise, est assuré par le per- sonnel suivant : Au grand quartier-général, il y a un médecin-inspecteur, de qui relève tout le service de santé des troupes en campagne; dans chaque quartier général d'armée, est un médecin-inspecteur de grade inférieur. Au quartier général de chaque division, on compte trois médecins : un médecin principal et deux médecins-majors. Enfin, chaque régiment, de trois mille hommes environ, est pourvu de trois médecins, ce qui fait un médecin par bataillon. Dans les régiments de cavalerie et d'artillerie, il n'y a que deux médecins. Chaque division indépendante comprend, en outre, un groupe de santé (un médecin principal et huit médecins- majors), à côté duquel fonctionnent les ambulances (un médecin-major et six médecins en sous-ordre). Chaque ambulance peut assurer le traitement de deux cents blessés. Il y a, en outre, les hôpitaux de campagne qui participent aux formations de deuxième ligne; ils sont sous les ordres directs du général chef d'étapes; leur nombre est variable, comme leur constitution. L'effectif des médecins est, pour chaque hôpital, de huit à douze environ, Enfin, dans le service de l'arrière-garde, nous trouvons des hôpitaux d'évacuation, puis des na- vires-hôpitaux. Le matériel des ambulances et des hôpitaux de campagne se rapproche beaucoup de celui de nos ambulances et hôpitaux de campagne; d'ail- leurs, teute l’organisation du Service de santé est calquée, pour ainsi dire, sur le Service de santé des armées européennes. Les moyens de transport diffè- rent cependant; comme les routes sont très mauvaises en Extrème-Orient, l’armée japonaise n’use pas de voi- tures de transport des blessés; ces derniers sont tous transportés, sur des brancards, par des hommes. Une fracture professionnelle.— M.le Dr Lucas- Championnière, chirurgien de l'Hôtel-Dieu, vient de signaler à l'Académie de Médecine, dans la séance du 45 mars, une nouvelle fracture professionnelle. C’est la fracture du radius causée par la mise en marche des moteurs d'automobiles. Cette fracture est relativement assez fréquente; l’auteur en a recueilli une certaine quantité de cas; MM. Lyot et Demoulin, chirurgiens des hôpitaux, M. Tuffier, chirurgien de l'Hôpital Beaujon, lui en ont communiqué également de nombreux exemples. Cette sorte de fracture se produit soit par arrachement, si la main ne quitte pas assez vite la poignée de la roue qui commande le moteur, soit par choc direct, si elle ne s'éloigne pas à la distance nécessaire. D’après M. Lucas-Championnière, cet acci- dent ne se produirait que lorsqu'on met en marche le moteur en conservant l'avance à l'allumage; ce serait la raison du faux pas qui fait que la roue tourne tout à coup en sens inverse. Dans tous les cas, c'est une fracture nouvelle, conséquence inévitable d'une pro- fession qui prend de l'extension de jour en jour. On peut la rapprocher de la fracture de la clavicule, si commune chez les jockeys et les coureurs cyclistes. Un nouveau moyen de diagnostic de la fièvre typhoïde. — M. le Dr Michelazzi (de Pise) vient de proposer‘ la ponction de la rate comme un moyen de diagnostic différentiel des affections typhi- ques et simili-typhiques. On sait comme la rate réagit au cours des maladies infectieuses et, d'autre part, combien une ponction, pratiquée aseptiquement, est une chose bénigne : c’est pourquoi l’auteur à essayé ce moyen dans vingt cas de typhus abdominal. La pulpe extraite était soumise à une série d'essais bac- tériologiques par les diverses méthodes appliquées en pareils cas (méthodes de Piorkowsky, Elssner, etc.), afin de diagnostiquer les formes microbiennes rencontrées. Cette technique, appliquée dès la fin de la première semaine, lui a permis de déceler deux streptococcies à allures typhiques, deux cas d'infection coli-bacillaire et un cas de tuberculose miliaire à type typhoïde. Ces NE © ‘ XIIIe Congrès italien de médecine interne, Padoue, 1903. déductions expérimentales furent, d'ailleurs, confirmées par l’évolution ultérieure de ces affections ou par l'au- topsie des malades. Voici donc un nouveau moyen de diagnostic, qui a sa place marquée à côté de la séro- réaction de Widal et de la diazo-réaction d'Erhlich : cette méthode semblerait mème devoir donner de meilleurs résultats que celle qui consiste à cultiver du sang prélevé dans une veine, parce que la rate exerce, dans les infections, une véritable sélection des microbes pathogènes. Le bacille de la dysenterie.— M. le D'L. Jehle et M. le D' Charletor ont fait des recherches très minu- tieuses à ce sujet et ils en ont communiqué les résul- tats à la Société de Médecine interne et de Pédiatrie de Vienne, dans la séance du 11 février. Tantot ils ont trouvé le bacille de Shiga et Kruse à l'état de pureté, tantôt ils l'ont trouvé associé au bacille de Flexner, et tantôt, au contraire, ils ont rencontré celui-ci tout seul. Enfin, ils ont pu déceler la présence de ces divers bacilles dans des cas de diarrhée simple et même dans des selles normales. L'étiologie de la dysenterie n’est donc pas univoque pour ces auteurs. On peut rappro- cher de leurs conclusions celles d’un travail de M. le D' Verdun (Société de Biologie, 43 février), qui, dans un cas d’'abcès tropical du foie, a vu nettement des Amæba Coli, lesquels, on le sait, produisent une autre forme de dysenterie, la dysentérie amibienne ou tropicale; toutefois, cette affection peut s'observer également dans nos climats et passer pour une dysenterie d’ori- gine bacillaire. $ 8. — Géographie et Colonisation L'Expédition Peary au nord du Grônland (1S9S-1902). — Bien que l'explorateur américain Peary, parti en 1898 dans le but de chercher à atteindre le pôle Nord, soit de retour aux Etats-Unis depuis la fin de 1902, les résultats de ses quatre années d'explo- ration arctique ne sont connus d’une façon complète que depuis peu de temps, par la publication du Rap- port de son voyage. Si Peary à été loin d'arriver au pôle Nord et mème aux latitudes atteintes par Nansen et par Cagni, sa longue exploration lui à, au moins, permis de déterminer avec une précision nouvelle la configuration des terres les plus septentrionales du Nouveau Monde. Le plan de Peary était de pénétrer avec le Wind- ward le plus loin possible dans les détroits qui sépa- rent la terre d'Ellesmere du Grônland et d'établir une série de dépôts de provisions, ou caches, entre le point terminus de la navigation et Fort-Conger, station située, comme on sait, sur les bords de la baie Lady-Franklin, et où l'Expédition Greely avait hiverné de 1881 à 1883; ayant réuni à Fort-Conger des approvisionnements suf- fisants pour en faire, en toute sécurité, une base d'opération, il projetait de gagner le pôle par trai- neaux à travers les glaces de la mer Paléocrystique. Là où Markham, en 1875, espérait trouver la mer libre, c'était, au contraire, une étendue de glaces solides que Peary comptait rencontrer pour réussir dans son entreprise. à Le premier soin de l'Expédition fut done de ravi- tailler Fort-Conger; elle y parvint au prix d'énormes efforts et de grandes souffrances. Parti en juillet 1898 sur le Windward, le navire qui avait conduit l'Expédi- tion Jackson à la Terre Francois-Joseph, Peary put amener son navire jusqu'auprès du cap d'Urville, sur la terre d'Ellesmere, par 79°30 de latitude Nord envi- ron. Au mois de septembre, il explora la baie de la Princesse-Marie et reconnut que la langue de terre qui s'étend au Sud forme un isthme rattachant au con- tinent la terre précédemment désignée sous le nom d'îile Bache. Au sud de cette presqu'ile, la profonde indentation de la côte, à laquelle les cartes donnent le nom de détroit de Buchanan et de Hayes-Sound, est un golfe ramilié en plusieurs fjords dans sa partie supé- PU CHRONIQUE ET CORRESPONDAXYCE 329 rieure, Peary s'assura également que les baies Wood- ward et Sawyer, qui terminent la baie de la Princesse- Marie, sont bien fermées à l'Ouest. Le 29 octobre, Peary partit en reconnaissance vers le Nord. C'est alors que commenca, pendant la nuit polaire, ce lent et pénible travail consistant à établir, sur une série de points échelonnés du cap d'Urville au Fort-Conger, des abris pour les provisions et les bagages. A cet effet, il suivit avec ses traineaux le pied de la glace (ice-foot), sorte de banquette de glace formée de blocs que la banquise repousse contre la côte. Cette route devint très difficile entre le cap Fraser et le cap Norton Shaw, à cause de l'amoncellement des glacons. Au cap John-Barrow, un énorme fragment s'élevait jusqu'à trente mètres au-dessus du niveau de la haute mer. C’est durant les périodes de lune de l'hiver que dut se poursuivre cette rude tâche, et, après des efforts pour ainsi dire surhumains, Peary atteignit Fort-Conger le 6 janvier 1899. La température était extrèmement rigoureuse; il y eut, en décembre, une période de douze Jours pendant lesquels elle ne s'éleva pas au-dessus de — 4193 centi- grades et descendit à — 466. A Fort-Conger, les maisonnettes élevées par l'Expédi- tion Greely étaient encore debout et l’on put y trouver quelques provisions, ainsi qu'un fourneau et un poêle que l’on put allumer. Peary, en arrivant, s'aperçut qu'il avait les deux pieds gelés. On revint vers le Wynd- ward au cap d'Urville. Pendant ce voyage de retour, la moyenne des minima fut — 489 centigrades et le minima absolu — 538 centigrades. Peary rapporta les docu- ments ofliciels et les papiers privés que l'Expédition Greely avait laissés à Fort-Conger en 1883. Le 13 mars, Peary subit l'amputation de plusieurs orteils. Il put néanmoins repartir, le 19 avril 1899, pour Fort-Conger, et, le # mai, il tenta d'atteindre la côte septentrionale du Grünland; mais le mauvais état de la glace ne lui permit pas de traverser le canal Robeson. De retour au cap d'Urville, Peary alla compléter, au mois de juin, son exploration de la région de la baie de la Princesse-Marie, commencée l'année précédente, ll'escalada le glacier Benedict, qui se déverse au fond de la baie de Sawyer (dans la baie de la Princesse-Marie), et, de son sommet (1.200 mètres environ), il put examiner la conformation de la partie occidentale de la terre d'El- lesmere, encore inconnue. Il remarqua que cette région était libre de glaces et offrait un aspect ana- logue à celui du Grônland au détroit de Smith. Il aperçut un grand fjord à 50 milles environ au Nord- Ouest. Dans cette région, la saison est au moins d’un mois en avance sur la côte est. Un cours d'eau consi- dérable s'écoule, en été, entre le glacier et la mon- lagne, ce qui met en évidence l'importance des actions torrentielles qui s'exercent durant la belle saison dans les régions arctiques soumises à une glaciation intense. Cette première campagne avait donné des résultats géographiques très importants et Fort-Conger était devenu une base d'opération solide pour l'avenir. En août 1899, le Windward vint à Etah, sur la côte occi- dentale du Grünland, ainsi que la Diana, steamer envoyé par le Peary Arctie Club pour ravitailler l'Ex- pédition. Au milieu de février 1900, l'Expédition, laissant Etah, lit route vers le Nord. Le 28 mars, Peary atteignit Fort- Conger et le 11 avril, il partit pour la côte nord-ouest du Grünland. La présence, au pieddes falaises, de nappes d'eau qu'il fallait éviter, exposa les explorateurs à de sérieux dangers. Le 8 mai, on arriva à l'extrémité de l'ile Lockwood, le point extrême atteint en 1882 par l'explorateur de ce nom, lieutenant de Greely. Pearv v retrouva le cairn élevé à cette époque: le thermomètre et la note qui avaient été déposés là, dix-huit ans aupa- ravant, élaient en parfait état de conservation. .Parvenu au cap Washington, Peary reconnut que ce n était pas là, comme l'avait cru Lockwood, l'extrémité septentrionale du Grünland. A l'Est, la terre se pro- longe encore légèrement vers le Nord, et, contournant le cap, il apercut un promontoire plus septentrional, près duquel s'étendent deux glaciers; il l'appela cap Morris Jesup, du nom du mécène qui avait le plus con- tribué à lui fournir les moyens matériels de son expé- dition. Sur ce point, la faune est relativement abon- dante; où tua un ours, un lièvre, six bœufs musqués et on releva partout des traces de loups. De ce promontoire, Peary s'avanca vers le Nord, à travers la banquise. Le pack était extrêmement acci- denté, hérissé de monticules de pression qui attei- gnaient jusqu'à 10 et 15 mètres, boursoufflé de vagues de neige, coupé d'étroits canaux d’ean libre et de cre- vasses dissimulées par la neige. Parvenue, par 83250! de latitude Nord, sur le bord d'une nappe libre, la caravane dut revenir sur ses pas. Ayant regagné la côte, Peary continua sa route vers l'est. Au delà du cap Bridgman, il aperçut une mon- tagne qu'il reconnut pour l'avoir vue, en 1895, du haut de l’inlandsis, au sud de la baie de l'Indépendance, et qu'il avait alors nommée mont Wistar. Arrèté par les brouillards, et ses provisions diminuant, Peary décida de revenir sur ses pas, le 22 mai. Tout indique, d'après l'explorateur, qu'un immense océan s'étend le long de cette côte jusqu'au pôle et jusqu'aux archipels du Spitzherg et de Francois-Joseph. En 1901, Peary fit une tentative vers le Nord, mais la fatigue des hommes et des chiens l’obligea à revenir. En mai, il joignit à Port-Payer le Windward, qui avait à bord Me Peary et sa fille, et l'Zrie, envoyé par le Peary Aretie Club pour le ravitailler. Dans les premiers jours de mars 1902, Peary quitta Fort-Payer pour rallier de nouveau Fort-Conger; le 24 mars, il s'achemina de cette station vers le Nord. La marche le long de la terre de Grant fut très labo- rieuse et rendue pénible par de fréquentes tempètes. Comme en 1901, l'entrée du canal Robeson était occu- pée par une large nappe d’eau. Au nord du cap Hécla, Peary trouva la surface de la glace inépale, mais plus favorable qu'au nord du cap Washington. Le 6 avril, il s'engagea sur la banquise polaire dans le but d'atteindre la latitude la plus sep- tentrionale possible; mais, malgré ses efforts déses- pérés, il dut s'arrêter le 21 avril par 841747". C'est la plus haute latitude à laquelle on soit parvenu dans le Nouveau-Monde. Cet échec provient, en grande partie, de la nature tourmentée de la glace, qui faisait que les chiens n'étaient plus d'aucun secours, de la quantité de cre- vasses d’eau libre qui l’interrompaient et de la mobilité des bancs de glace, sujets à de continuels déplacements. Cette mobilité de la glace provient vraisemblablement du voisinage d'une mer libre, que révéla à Peary, tant au-dessus du cap Hécla qu'au-dessus du cap Morris Jesup, la présence de nuages de vapeur d’eau dans la direction du Nord. Ni Markham, ni Peary n'ont eu absolument raison dans leurs hypothèses, et il semble aussi impossible d'atteindre le pôle en traineau qu'en bateau. Les dures épreuves subies par Peary et les constata- tions qu'il a pu faire ne lui ont cependant pas enlevé tout espoir d'atteindre un jour son but : le vaillant explorateur compte repartir en juillet 1904, et, une fois de plus, de la terre de Grant, s'élancer à la conquête du Pôle. Gustave Regelsperger. $ 9. — Enseignement Inauguration d’un nouveau Laboratoire. — Le lundi 21 mars, M. Nénot, l'habile et savant architecte de la Sorbonne, remettait à M. le Recteur de l'Université et au Doyen de la Faculté de Médecine, le laboratoire expérimental construit par ses soins sur l'emplacement du bastion 76, au boulevard Brune. Les lecteurs de la Æevue savent quelle a été l'origine de ce nouveau laboratoire. Les études de Physiologie 330 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE expérimentale et de Pathologie comparée sont à l’étroit dans les locaux situés au centre de Paris, et le Conseil de l’Université a jugé qu'il y aurait intérêt à faire une sorte de décentralisation, et à instituer, dans un plus vaste espace, un laboratoire pourvu des ressources in- iepe nsables à des études physiologiques plus appro- fondies. M. Ch. Richet, parlant au nom du doyen et des pro- fesseurs de la Faculté, a remercié en quelques mots tous ceux qui ont contribué à cette œuvre utile : le Conseil de l'Université de Paris d’abord, dont l’initia- tive a été si efficace; puis les donateurs qui ont bien voulu y contribuer : M. le Professeur Chantemesse, M. le Professeur Pinard, M. J. Carvallo et M. Louis Olivier; les salles de travail portant les noms de ces bienfaiteurs rappelleront à tous les travailleurs le ser- vice rendu par des hommes éminents et généreux à la science physiologique. M. Ch. Richet a remercié aussi M. Liard, recteur de l'Université, et M. Brouardel, l’an- cien doyen de la Faculté, qui, ainsi que le doyen actuel, M. Debove, ont tenu à honneur de faire réussir cette nouvelle construction, à laquelle M. Nénot et son assis- tant, M. Sotta, ont donné tous leurs soins, imaginant, dans de nombreux détails, d'ingénieuses dispositions. Il a rappelé, enfin, que M. Gréard en a été le principal instigateur. C’est lui qui en est le véritable créateur ; c'est à lui surtout que devra s'adresser la reconnaissance des étudiants ou des maitres qui font des recherches physiologiques au bastion 76. M. Gréard a répondu en ces termes : « Monsieur et cher professeur, « Je suis très touché de vos remerciements. C’est à nos trois donateurs d'origine, à M. Chantemesse, à M. Olivier, à M. Carvallo, qu'ils doivent aller, à M. le Professeur Pinard, qui, donateur, lui aussi, a plaidé et gagné devant la Faculté de Médecine et le Conseil de l'Université la cause du bastion, au Conseil de l’Univer- sité lui-même, dont la subvention libérale a complété les dons de nos bienfaiteurs pour le commencement d'installation. « Et comment, à mon tour, ne vous remercierais-je pas d’avoir accueilli avec une ardeur si générale l'idée de cette première entreprise de colonisation scienti- fique? Il faut toujours quelque courage pour entrer dans une voie nouvelle, et c'était une voie nouvelle que l'établissement de ce laboratoire loin du siège de la Faculté, en pays inc onnu, presque aux confins du monde Parisien. Plus d’ une fois, en venant ici au cours des travaux, le souvenir m'a traversé l'esprit d’un. de mes premiers voyages en Allemagne, à Leipzig. J'avais passé la matinée à visiter l'Université, qui est au centre de la ville. Le Recteur, qui m'accompagnait avec le Con- sul de France, m'avait fait les honneurs des cours de Philosophie, de Philologie, de Commerce et de Comp- tabilité; j'avais parcouru la bibliothèque, les salons d’étudeet de conférences; et,comme Je marquais quelque surprise de n'avoir rien trouvé qui se rapportät à un enseignement sérieusement organisé des sciences ap- pliquées, Physique, Chimie, Histoire naturelle, Physio- logie : Eh bien, me dit le Recteur, allons au désert. Au bout d’une demi-heure, nous He dans une grande plaine sablonneuse, à peine coupée de quelques bouquets d'arbres. Là, commencaient à s'élever, dans des enclos spéciaux, un Institut des Sciences appliquées et un Institut de Médecine. — Mais les étudiants, les professeurs, y viendront-ils? — Soyez-en assuré. Il ne s'agit que d'ouvrir le chemin. Dix ans après, dans un nouveau voyage, Je constatais qu'une ville nouvelle avait poussé dans le désert, que, de tous les points de Leipzig, de l'Université particulièrement, l'accès était rapide et facile : on ne regrettait que de ne s'être pas ménagé assez d'espace. « Que sera notre laboratoire du bastion dans dix ans? Quand l'enceinte fortifiée sera définitivement rasée nul doute que Paris, qui se sent étreint de toutes parts, ne se développe et ne s’étende aussi de ce côté; nul doute, surtout, que les nouveaux moyens de circulation, souterrains où autres, que la science perfectionne chaque jour, ne mettent le laboratoire de Physiologie presque à la porte de la Faculté. M. Liard, le grand promoteur de l’enseignement supérieur, nous entre- tenait récemment d’un rêve d'extension pour la Faculté des Sciences et la Sorbonne. J'en ai fait beaucoup, moi aussi, de ces rêves; j'en fais encore dans le silence de la retraite. J'ai la confiance que tous, ceux de M. Liard comme les miens, seront un jour réalisés. Il ne nous manque que l'argent; il ne manquera pas toujours. Et dès le moment que l'Université est résolue, non pas à se séparer certes, mais à s'éloigner un peu de son berceau, que, comme une famille devenue trop nom- breuse pour continuer de subsister tout entière là où elle est née, elle tend à se chercher partout des res- sources et des instruments de travail, des centres nou- veaux d'activité, ces centres se créeront, toujours inti- mement liés à la maison-mère par la communauté des idées et des intérêts, mais non plus condamnés à vivre à l’étroit dans son ombre. « Je ne pouvais tout à l'heure me rendre compte de cette installation, dont la simplicité ingénieuse et pra- tique fait honneur à M. Nénot, l'architecte de la Science moderne, sans que la grande figure d’un de vos ancêtres, mon cher Monsieur Richet, se levât devant mes yeux. Le confesserai-je ? En ma jeunesse, J'ai fait quelquefois l’école buissonnière. Quand j'étais à l'Ecole Normale, nous avions à prendre part au cours de grec du Collège de France. C'était M. Boissonade qui le professait. Il prenait son temps et l’on pouvait manquer certaines explications sans en souffrir pour l’ensemble du cours. Nous nous en remettions, d'ailleurs, à quelques camarades du soin de prendre les notes. Et avec Taine, avec Prevost-Paradol, nous allions à la lecon de Claude Bernard, qui avait lieu dans le même temps. Nous ne pouvions la suivre dans le détail. Mais les grandes idées de la méthode qui en illuminait le développement nous pénétraient. Je vois encore la haute physionomie du maître, debout devant sa petite table d'expériences, la puissante sévérité de son regard plongeant dans les phénomènes de la vie au fur à mesure qu'il les expliquait le scalpel en main, j'entends sa parole simple et grave. De retour à l'école, nous nous jetions dans la Physiologie de Burdach, le savant professeur de Künigsberg, dont les ouvrages récemment traduits étaient en faveur et nous ne pouvions nous lasser d'admirer hors de toute comparaison le génie de Claude Bernard. Que dirait-il, aujourd'hui, desressources mises à la disposition de la science, de l’organisation de ce laboratoire de grande physiologie, lui dont la vie s’est consumée, non sans détriment pour sa santé, dans la petite cave humide du Collège de France où il faisait son cours. Ah! si nous avions l’espace et le plein air, s'écriait-il un jour devant Taine au sortir d'une lecon… L'espace et le plein air sont aujourd'hui assurés ici. Nous nous en réjouissons pour la science dont le progrès est entre vos mains. Vous avez bien voulu, cher Monsieur : donner mon nom à l’une de vos salles de travail. Je recois ce souvenir comme un grand honneur. Et, puisqu'il s’agit de baptême, je bois de tout cœur, avec une pleine foi, au nouveau-né, à sa croissance rapide, à son avenir. » Muséum d'Histoire naturelle. — M. le D' Ver- neau, assistant de la Chaire d’Anthropologie du Muséum, vient d'être nommé Professeur intérimaire en rempla- cement de M. E. Hamy, à qui un congé a été accordé. M. Verneau a commencé son cours le mardi 12 avril, à 3 heures, et le continue les jeudis, samedis et mardis suivants à la même heure. E.-L. BOUVIER — LES ABEILLES ET LES FLEURS 331 LES ABEILLES ET LES FLEURS Beaucoup d'Insectes recherchent les fleurs, non d'un amour purement platonique et seulement pour les charmes qu'elles présentent, mais surtout, sinon exclusivement, pour les profits qu'ils peu- vent en tirer. Ceux qui les dédaignent sont de deux sortes : les uns, étroitement adaptés à un régime spécial, à la fois piqueurs et suceurs et, par consé- quent, mal doués pour faire quelque emprunt aux verticilles floraux; les autres, plus ou moins pri- mitifs et, par les habitudes, semblables à leurs ancêtres des époques où les fleurs à corolle n’exis- laient pas encore. Aux premiers se rattachent les Hémiptères et quelques Diptères; aux seconds les Ortho-névroptères et leurs très proches voisins, les Coléoptères, ou, du moins, le plus grand nombre de ces derniers. Entre les Insectes dédaigneux des fleurs et les espèces authophiles les plus parfaites, telles que l’Abeille mellifique, se range toute une série de formes sur lesquelles je crois utile d'attirer votre attention, encore que leur élude ne rentre pas directement dans le cadre de cette conférence. Ces espèces sont représentées par un certain nombre de Coléoptères, par les Papillons, et surtout par les insectes qui, aux côtés de notre Abeille, viennent se ranger dans l’ordre des Hyménoptères. En général, les Coléoptères ne sont pas antho- philes; ils ont des habitudes carnassières comme la Cicindèle, ou dévorent les lissus végétaux comme le Hanneton. Ceux qui choisissent pour gite les corolles aux riches teintes sont tout simplement en quête de poussières polliniques ou de jeunes ovules. Quand vous voyez une jolie Cétoine tran- quillement établie entre les pétales de l'Eglantine, ou une larve d’Anthonome dans le frais bouton du Pommier, ne croyez pas que ces Insectes ont fait choix du logis à cause de sa haute splendeur; c'est simplement parce qu'ils y trouvent un aliment approprié à leur goût. Les Coléoptères anthophiles sont, en réalilé, de francs herbivores, et rien dans la structure de leur bouche ne saurait les empêcher de se nourrir d'une autre partie de la plante. Chez les Papillons, au contraire, l’armature buccale se réduit à une trompe faite pour aspirer le nectar des fleurs, si bien que tout autre genre de vie ne saurait convenir à l'ani- mal. Voyez ce Sphinx de l'Euphorbe en train de bu- tiner sur des corolles (fig. 1); avec sa longue trompe déroulée, il peut cueillir au passage la moindre gou- 1 Conférence faite dans le grand amphithéâtre du Mu- séum. telette nectarifère ; mais il va de soi que tout autre régime lui est complètement interdit. Ainsi, les Papillons sont beaucoup plus anthophiles que les Coléoptères; mais on pourrait pourtant concevoir ces Insectes sans les fleurs, car, s'ils ont besoin de ces dernières à l’élat adulte, ils savent parfaite- ment s'en passer dans le jeune âge. Leurs larves, en effet, ont des habitudes tout autres; elles sont franchement broyeuses de lissus végétaux, et, si le Papillon se contentait de humer des sucs liquides autres que le nectar, son indépendance vis-à-vis de la fleur serait complète. Des Papillons de cette sorte ont certainement existé; vers le début de l'époque secondaire, des Sphinx à longue trompe fréquentaient déjà les vastes forêls de Gymnospermes où les fleurs à corolle n'existaient pas en- core. D'ailleurs, les Papillons se rattu- chent certainement à des Névroptères broyeurs, et, de nos jours, certainsd'entre eux, tels que les Y1- cropteryx, ont con- servé la puissante ar- mature buccale de leurs ancêtres. Comme les Papil- lons, les Hyménop- Fig. 1. — Le Sphinx de l'Eu- phorbe (Celerio Euphorbiæ) et sa chenille, (Reproduction ù d'un tableau exécuté par tères actuels cher- Lhermitte pour le Laboratoire hentleurrourcriture d'Entomologie du Muséum.) dans les fleurs; mais la plupart sont moins bien adaptés à ce régime, leurs mandibules étant faites pour broyer et leurs mâchoires pour humer les sucs. Aussi n'est-il pas rare de voir une Guêpe abandonner la fleur où elle butinait pour se précipiter sur un Insecte, le mettre en pièces et le dévorer. Incomplètement anthophiles à l'état adulte, ces Hyménoptères ne le sont pas du tout pendant le jeune âge et, en cela, rappellent encore les Papillons. Leurs larves broyeuses dédai- gnent toujours les fleurs : celles des mouches à scie (Tenthrédines)s'attaquentaux tissus végétaux, celles des Ichneumons dévorent des proies vivantes, etles larves de Guêpe la proie triturée que leurs parents ont mise en boulettes. À ces divers points de vue, beaucoup de Diplères anthophiles ressemblent tout à fait aux Hyménoplères précédents. 332 Ainsi, des Coléopières anthophiles aux Guêpes et des Guêpes aux Papillons, on voit se développer progressivement les relations des Insectes avec les fleurs. Ces relations deviennent singulièrement plus parfaites et plus étroites chez les Hyménop- tères dont M. le Professeur Pérez a fait l’attachante étude dans son beau livre des Abeilles, et qu’on désigne généralement sous le nom de Mellifères, parce qu'ils ont la faculté de transformer en miel le nectar des fleurs. Les Hyménoptères mellifiques sont très nombreux : les uns solitaires, comme les Andrènes, les Halictes, les Xylocopes, les Osmies; les autres sociaux, comme les Bourdons, les Méli- pones tropicales et les Abeilles proprement dites, dont notre Abeille mellifique, la « blonde avette » de Ronsard, nous offre certainement le type le plus parfait. Avec M. Pérez, nous donnerons à tous les Mellifères le nom d'Abeilles, sauf à les désigner par leurs noms génériques et spécifiques toutes les fois que le besoin s’en fera senlir. L'objet de cette conférence sera d'étudier, avec le plus de précision possible, les relations qui existent entre les Abeilles et les fleurs. C'est un sujet qui touche aux problèmes les plus ardus et les plus passionnants de la Philosophie naturelle; il a sus- cité des observations nombreuses, des discussions intéressantes, et provoqué maintes découvertes dont la pratique culturale a largement profité. L'illustre Darwin lui a consacré lrois de ses ouvrages les plus estimés : en 4877, son livre magistral sur la fécon- dation des Orchidées; en 1877, son étude sur les Eflets de la fécondation croisée et de la féconda- tion directe dans le règne végétal; et, en 1878, son traité sur les Différentes 1ormes de fleurs dans les plantes de la même espèce. Ces trois ouvrages sont fondamentaux et resteront indéfiniment dans les bibliothèques. A côté de ces œuvres mémorables, je citerai les recherches effectuées en Angleterre par sir John Lubbock, les innombrables observations faites en Allemagne par Hermann Müller, et les travaux publiés en France par M. Pérez et par M. Gaston Bonnier. Nous savons avec quelle compétence M. Bonnier s'occupe de l’Abeille mellifique, avec quel succès il a étudié les nectaires floraux où l’active ouvrière va puiser les éléments de son miel. En dépit de ces travaux et de beaucoup d'autres, dont la liste démesurément longue serait fasti- dieuse, les naturalistes et les philosophes sont loin d'être absolument d'accord sur l'étendue des rela- tions qui existent entre les Abeilles et les fleurs. A l’heure actuelle, on peut assez exactement répartir ces pionniers de la science en deux camps adverses : d'un côlé, les partisans des théories de Darwin, de sir John Lubbock et d'Hermann Müller; de l’autre, le groupe des observateurs qui adop- E.-L. BOUVIER — LES ABEILLES ET LES FLEURS tent plus ou moins complètement les conceptions de M. Bonnier. Les premiers admettent qu'il existe entre les Abeilles et les fleurs des adaptations réci- proques très étroites; les seconds considèrent ces adaptations comme extrêmement réduites, et cer- tains même ont une tendance à les nier. Voulez-vous avoir une idée aussi exacte que possible des vues qui dominent dans la première des deux Écoles? Écoutez ce passage que j'emprunte à M. Pérez, un de ses adeptes les plus éminents : « Une admirable harmonie, dit le savant z00lo- giste, existe entre le monde des fleurs et le monde des Abeilles... La structure des Abeilles est admi- rablement adaptée à tirer le meilleur parti possible des fleurs. Les fleurs, d'autre part, présentent une richesse inouïe d'inventions pour les attirer. » Sir John Lubbock est plus explicite encore : « Non seulement, dit-il, la forme et les couleurs actuelles, les leintes brillantes, la douce odeur et le miel des fleurs ont été peu à peu développés à la suite d'une sélection inconsciemment exercée par les insectes ; mais l’arrangement même des couleurs..., la forme, la grandeur et la position des pélales, la situation relative des étamines et du pistil, sont tous disposés par rapport aux visites d'insectes, et de façon à assurer le grand objet (la féco raies que ces visites sont destinées à effectuer. » Entre ces théories et la manière de voir qui leur est diamétralement opposée, il y a place pour bien des conceptions. Nous allons examiner, sans parti pris, celle qui nous paraîtra la plus rationnelle. A cet effet, nous rechercherons d’abord dans quelle mesure les fleurs sont utiles aux Abeilles, et dans quelles mesures les Abeilles sont utiles aux fleurs; puis, ayant élucidé ces deux problèmes, qui sont de première importance, nous verrons si, en raison des avantages que les Abeilles trouvent dans les fleurs et les fleurs dans les Abeilles, il y a eu adap- tation réciproque entre ces deux sortes d'êtres, et quel peut être le degré de cette adaptation. Je commence par l'étude des relations qui existent entre les Abeilles et les fleurs. C'est un fait connu de lous que les Abeilles fré- quentent assidûment les fleurs. Ces visites nom- breuses, et qui se multiplient sans relàche par les beaux jours, ne sont pas désintéressées. L’Abeïille de- mande aux fleurs deux éléments qu'elle affectionne entre tous:le pollen ,ou poussière fécondante des éta- mines, et le nectar sucré qui, le plus souvent, s'accu- mule au fond des corolles. Le pollen sert directement à la nourriture de l'insecte ; mais, chez les Abeilles sociales, et très probablement aussi chez celles qui vivent isolées, le nectar doit préalablement subir 4 | une élaboration particulière. Riche en sucre de canne, ce liquide est soumis à des modifications profondes dans le gésier de l'animal; sous l'action des produits salivaires, la matière sucrée qu'il renferme se transforme en glucose; il acquiert un goût spécial, une odeur particulière else transforme en miel, que l'Abeille dégurgite dans les cellules de son nid, qu'elle mélange parfois avec le pollen pour en faire une pâtée nutritive, ou qu'elle ingère elle- même, à son profit, avant ou après la dégurgitation. A l'état sauvage, les Abeilles adultes se nourris- sent exclusivement de miel et de pollen; aucun autre élément naturel ne leur convient et ne saurait les faire subsister. En domestication, notre Abeille mellifique peut tirer parti de certains succédanés qui lui sont offerts par l'Homme : elle accepte de la farine à la place de pollen, de l’eau sucrée au lieu de nectar, mais toujours elle revient à la fleur, qui lui offre ses aliments de prédilection, et, à l’état sauvage, elle n’en connaît pas d’autres. A ces divers points de vue, les Abeilles adultes sont comparables aux Papillons et, comme eux, large- ment tributaires de la fleur qui produit et élabore leur aliment exclusif. Mais, landis que les larves des Papillons ont un régime tout autre et sans relation aucune avec l'appareil floral, celles des Abeilles présentent les mêmes exigences que l'adulte et, comme lui, se nourrissent exclusivement de miel et de pollen. Chez les espèces solitaires, l’Abeille femelle pré- pare pour ses jeunes la pâtée nutritive dont j'ai parlé plus haut; chez les espèces sociales, et no- tamment chez notre Abeille mellifique, c'est à des femelles stériles, appelées ouvrières, que revient cette fonction. Pour être exact, j'ajouterai que les jeunes larves de l'Abeille mellifique, durant les pre- miers jours, recoivent pour nourriture une gelée spéciale, riche en matière albuminoïde sécrétée par les ouvrières nourrices, et que les larves de reines sont soumises à ce régime durant toute leur évolu- tion ; mais cette gelée est produite par les nourrices aux dépens du miel et du pollen, de sorte que je n'ai rien exagéré en disant que ces deux substances sont également nécessaires aux larves d'Abeilles et aux Abeilles adultes. J'aurai l’occassion de vous décrire dans un ins- tant les oulils dont se servent les Abeilles au cours de la récolle : puissantes mandibules pour ouvrir les corolles et les anthères, brosses de poils pour réunir les grains de pollen, trompe plus ou moins longue pour humer le nectar ou, lorsque la soif se fait sentir, pour aspirer quelques gouttelettes d’eau. En ce moment, il me suffira de vous mon- trer combien sont ingénieuses les Abeiïlles quand il s’agit de recueillir sur les fleurs les aliments qu'elles convoitent. E.-L. BOUVIER — LES ABEILLES ET LES FLEURS 339 D'après les observations de M. Gaston Bonnier et de Georges de Layens, la répartition des Abeilles mellifiques sur les fleurs est sujette à des varialions considérables, mais toujours calculées. Chaque ma- tin, la ruche envoie dans la campagne des éclai- reurs qui explorent le voisinage pour y reconnaître les plantes de choix et les régions propres à la ré- colte. Au relour de cette avant-garde, les ouvrières sortent en grand nombre, les unes chargées de recueillir le pollen, les autres de butiner pour du miel. Le principe de la division du travail est par- faitement observé, chaque butineuse récoltant exclusivement l’un ou l’autre des deux produits et, presque toujours, au moins dans chaque voyage, limitant ses visiles à une seule sorte de fleur. Ainsi, le travail s'effectue plus sûrement et avec plus de rapidité. « Les Bourdons et les Abeilles, dit justement Darwin, sont de bons botanistes, car ils savent que les variétés peuvent présenter de profondes diffé- rences dans la couleur de leurs fleurs sans cesser d'appartenir àla même espèce. J'ai vu fréquemment, ajoute l’illustre naturaliste, des Bourdons voler droit d’une plante de Dictamnus fraxinella, ordinairement toute rouge, vers une variété blanche; d’une variété de Delphinium consolida et de Primula veris à une autre différemment colorée; d'une variété pourpre foncé de Viola tricolor à une autre jaune d'or, et, dans deux espèces de Papaver, d'une variélé à une autre qui différait beaucoup comme couleur. Mais, dans ce dernier cas, quelques Abeilles volaient indifféremment à l'une ou l’autre espèce, quoique passant à d’autres genres, el agissaient comme si ces deux espèces avaient été de simples variétés. » On peut faire partout des observations analogues: dans un parterre où fleurissaient des Balsamine hortensis de diverses nuances, j'ai vu le Xylocope violacé, diverses espèces de Bourdons et l'Abeille mellifique se rendre également sur les co- rolles de toutes teintes. Ces insecles reconnaissent à distance, comme le pense Darwin, le port spécial de la fleur, et sans doute aussi son parfum. Il résulte de ce qui précède que l'Abeille mellifique adapte ses visites aux circonstances et, suivant la floraison, change fréquemment de champ de récolte. Au printemps, vous la voyez qui buline sur les rares fleurs alors ouvertes, celles à chatons notamment; un peu plus lard, elle fréquente en foule les Cerisiers, les Pêchers et les Poiriers; plus tard encore, au moment où la plupart des corolles s’épanouissent, elle donne le choix aux inflores- cences des Légumineuses, surtout à celles du Robinier, du Trèfle et du Sainfoin qui lui fournis- sent en quantité un nectar de prédilection. Les api- culteurs connaissent parfaitement cette faculté de choix que possèdent les Abeilles; ils ont voulu en 334 E.-L. BOUVIER — LES ABEILLES ET LES FLEURS lirer parti en cultivant pour l’insecte, non loin des ruches, une Hydrophilidée américaine, la Phacélie de Californie, qui donne pendant longtemps une floraison abondante. Les procédés qu'emploient pour butiner nos Mellifères sont loin d'être uniformes : l’Abeille mel- lifique, dont les mandibules et les màchoires ne sont pas très fortes, se contente généralement de pénétrer dans les corolles; les Xylocopes ne se donnent point tant de peine et, d'un coup de leur puissant appareil buccal, mettent à nu les organes nectarifères. Les Anthophores et les Bourdons ont fréquemment recours au même procédé brutal. Très ingénieuse, l’Abeille mellifique sait tirer parti des méthodes employées par les autres Mellifères : elle profite des perforations que ces dernières ont ou- vertes dans les corolles et y introduit sa trompe pour humer le nectar. Un fait, dont je fus témoin l’an dernier, nous montre combien peut être grande, en pareil cas, l’ingéniosité de notre avette. Dans mon jardin d'expériences se trouvait un parterre de Capucines, dont les fleurs, très abondantes, étaient fréquentées par les Xylocopes et presque toutes perforées dans l’éperon, un peu au-dessus des nectaires. Ordinairement, l'Abeille mellifique absorbe le nectar des Capucines en pénétrant dans la fleur et en allongeant sa trompe jusqu'au nec- ar. Dans le cas présent, elle n’agissait pas de la sorte; ayant reconnu que ses visites étaient vaines et que d’autres butineuses avaient en grande partie épuisé le nectar par un trou de l'éperon, elle se rendait toujours directement sur ce dernier et, à travers l'orifice préexistant, allongeait sa trompe jusqu'aux nectaires. D'ailleurs, cette méthode élait propre aux ouvrières chargées de faire du miel; les butineuses de pollen agissaient tout autrement et, sans s'occuper de l’éperon, pénétraient directe- ment dans la corolle afin d'y atteindre les anthères. Je crois inutile d'insister davantage : les Abeilles sontmerveilleusement douées pour la récolte du nec- tar et du pollen; ces deux produits floraux leur sont nécessaires et ils leur suffisent à tout âge; si bien qu'on peut dire, avec M. Pérez, que « toutes les es- pèces d’Abeilles disparaïîtraient sans exception si les fleurs cessaient d'exister, ou si elles cessaient de produire du nectar et du pollen ». II Cette conclusion étant bien établie (et je pense qu'on ne saurait la contester), il nous faut voir si les Abeilles sont de quelque utilité pour les fleurs et dans quelle mesure elles leur sont utiles. La question a été fort discutée, et c’est à elle, pour une grande part, que sont dues les divergences de vues dont je vous entretenais il y a un instant. En tout cas, nul ne l’a étudiée de plus près et avec une ri- gueur plus grande que l’illustre Darwin, dans les trois œuvres mémorables dont je vous ai cité les titres. Avant d'entrer dans le vif de cette étude, laissez- moi d'abord vous exposer quelques principes fon- damentaux relatifs à la fécondation des végétaux phanérogames. Dans la plupart de ces plantes, sur- tout dans celles que vous connaissez le mieux, les organes mäles, ou étamines,et les ovules,ou organes femelles, sont réunis au sein de la même fleur qui, dans ce cas, est désignée sous le nom de fleur Lerma- phrodite. À la périphérie se trouvent les étamines, terminées par des anthères qui renferment les grains de pollen, c'est-à-dire les éléments sexuels mäles ;au centre existent un ou plusieurs sacs dont l’ensemble constitue le pistil qui renferme, à son intérieur, un nombre d'ovules {rès variable, mais toujours infiniment moins grand que celui des grains de pollen. Pour que les ovules puissent se transformer en graines, il est nécessaire que les grains de pollen germent sur le pistil, y enfoncent un prolongement, et, par ce dernier, viennent fu- sionner leur substance avec celle de chaque ovule. La fécondation se produit de même dans les plantes dont les fleurs sont unisexuées, c’est-à-dire les unes mâles, les autres femelles; seulement, chez ces plantes, il faut nécessairement que le pollen des fleurs mäles soit porté sur le pistil des fleurs femelles. Si la fécondation est toujours la même dans son essence, les modes suivant lesquels on la voit se produire sont loin d’être uniformes, mais peuvent être ramenés à deux: la fécondation directe et la fécondation croisée. La fécondation est directe quand les ovules sont imprégnés par le pollen de la fleur qui les renferme; elle est croisée quand l'imprégnation se produit entre ovules et pollen de deux plants différents. Darwin a établi que la fécondation croisée est singulièrement plus avan- tageuse pour la plante que la fécondation directe et que, dans la limite d’une même espèce, ces avan- tages sont sensiblement proportionnels aux diffé- rences des corps reproducleurs qui subissent le croisement. Entre deux fleurs d'une même tige, les avantages de la fécondation croisée sont faibles ou nuls; ils augmentent quand les fleurs appar- tiennent à deux plants distincts, surtout quand ces plants ont végété dans des conditions dissem- blables ; enfin, ils s'exagèrent au maximum quand les plants appartiennent à deux variétés diffé- rentes de la même espèce. Ces avantages se mani- festent, en général, par une végétation plus robuste, une floraison plus hâtive, et la formation de graines plus nombreuses et plus propres à germer. Les démonstrations de Darwin reposent sur un luxe né E.-L. BOUVIER — LES ABEILLES ET LES FLEURS 933) inoui de preuves, d'expériences et d'observations; elles sont, d’ailleurs, justifiées par la pratique cou- rante et s'étendent même au règne animal. Pour- tant, elles ont soulevé des contestations nombreuses dont tous les arguments sont empruntés aux œuvres mêmes de l'illustre philosophe. Il est vrai, en effet, que certaines plantes (entre autres le Lathyrus odoratus où Pois de senteur) se repro- duisent toujours par auto-fécondation, — que la très grande majorité des fleurs sont hermaphro- dites et, par conséquent, lrès propres à la féconda- tion directe, — et que plusieurs Phanérogames, à côté des fleurs normalement ouvertes, présentent des fleurs cléislogames toujours closes et néanmoins parfaitement fécondes. Oui, tout cela est vrai, et Darwin le savait mieux que tout autre, puisqu'il a consacré de longues pages à l'examen de ces faits. Mais comment peul-on partir de là pour contester les avantages du croisement ? Chez les êtres vivants, l'acte essentiel est évidemment celui de la repro- duction, primo vivere, el tout dans la Nature est orienté vers ce but. Ainsi s'explique la multiplicité extraordinaire des grains de pollen, surtout chez les fleurs unisexuées, l'hermaphrodisme floral, la cléistogamie et, chez certaines plantes, telles que le Pois de senteur, l’aulo-fécondation persistante. Mais, s’il est nécessaire que la plante soit fécondée, il est éminemment utile qu'elle le soit dans des conditions qui favorisent la vigueur et la fécondité de sa descendance, et l'expérience prouve que ces avantages sont acquis par le croisement bien mieux que par l’aulo-fécondalion. En d'autres termes, les dispositions qui permettent la fécondation directe garantissent au végétal qui les possède le maintien de sa lignée; mais, ce minimum de sécurilé une fois acquis, ce sera tout bénéfice pour l'espèce si elle peut se reproduire par la fécondation croisée. Rien ne montre mieux les avantages de ce der- nier mode de fécondation que l'extrême prédomi- nance des propriélés ou des dispositions qui lui permettent de se produire dans le règne végétal. La fécondation croisée s'impose fatalement dans toutes les plantes à fleurs unisexuées; c'est de toute évidence, et il serait oiseux d'’insister sur ce point; mais je crois utile de montrer comment, en dépit des apparences, elle se réalise très souvent, le plus souvent même, chez les plantes à fleurs hermaphrodites. Voici d'abord un fait des plus curieux et qui a élé mis en lumière par les expériences de Darwin et de nombreux bolanistes : lorsqu'on dépose simultanément, sur le pistil d'une fleur hermaphro- dite, le pollen même de cette fleur et celui d'une autre fleur de la même espèce, on observe que ce dernier germe plus rapidement que l'autre et que, dans la majorité des cas, il détermine à lui seul la fécondation. D'après les expériences de Darwin, cette avance dans la génération du pollen étranger est, en moyenne, de vingt-quatre heures. Il est trop clair qu'une semblable propriété favorise les croise- ments et les rend presque inévitables: sans dout2, le pollen d’une fleur hermaphrodite peut tomber directement sur le stigmate du pistil immédiate- ment contigu, mais il suffira d'un coup de vent ou de la visite d’un Insecte, pour apporter aus- sitôt sur le même stigmate des grains de pollen étrangers, qui prendront les devants dans l'acte reproducteur. A cette propriété curieuse, qui favorise le croise- ment chez toutes les plantes à fleurs hermaphrodites, s’en ajoute fréquemment une autre, la dichogamie, qui concourt au même but. On qualifie de dicho- games les fleurs hermaphrodites dont les organes sexuels ne sont pas mürs en même temps, soit que leurs élamines mürissent avant le pistil, soit, ce qui est plus rare, que le ‘pistil mûrisse avant les étamines. Par opposition, on attribue le qualificatif d’isogames aux fleurs hermaphrodites oùles organes des deux sexes mürissent simultanément. Chez ces dernières, la précocilé germinative du pollen étran- ger favorise seule les croisements ; chez les autres, c'est-à-dire chez celles qui sont dichogames, les croisements sont favorisés par cetle germination hâtive en même temps que par la maturation non simultanée des éléments sexuels d’une même fleur. En fait, la dichogamie suffit presque toujours pour nécessiter le croisement, et, comme les plantes di- chogames sont beaucoup plus nombreuses que les plantes 1sogames, on arrive à cetle conclusion que la fécondation croisée doit être lout à fait prédo- minante chez les végétaux munis de fleurs. Revenons maintenant aux Abeilles. Nous avons élabli la prédominance du croisement chez les vé- gétaux à fleurs et les avantages qui en résultent pour la plante; si nous arrivons à reconnaître que les Abeilles sont les agents les plus actifs de la fé- condation croisée, il ne nous sera plus possible de douter que ces [Insectes sont extrêmement utiles aux végétaux qu'ils fréquentent. C'est ce que nous al- lons maintenant examiner. Qu'elles soient isogames ou dichogames, les fleurs abandonnent leur poussière pollinique aux Insectes ou au vent, dans la très grande majorité à tous deux à la fois. On donne le nom de plantes anémopbiles à celles dont la fécondation ne s'effec- tue guère que par le concours du vent. Faute d’In- sectes amis des fleurs, toutes les Phanérogames primitives furent exclusivement anémophiles et ont légué ce caractère à leurs descendants actuels: elles sont essentiellement représentées par les Gymnospermes à fleurs unisexuées, dont les Coni- fères sont, chez nous, les principaux représentants. 336 E.-L. BOUVIER — LES ABEILLES ET LES FLEURS Comme le vent est un véhicule absolument aveugle, beaucoup de pollen est perdu, de sorte que ces plantes en produisent une quantité considérable : de là, ces pluies de pollen qu'on observe à certaines époques près des forêts d'arbres verts. Passez au bois de Vincennes, dans quelques semaines d'ici; pour peu que le vent s'y prête, vous reviendrez tout jaunis peut-être par le pollen des massifs de Pins. Au reste, les plan- tesexclusivement anémophiles sont en grande minorité; la plupart des végétaux à fleurs disséminent leur pollen, et par la voie du vent, et par celle des Insectes. Ces deux agents de fécon- dation croisée sont loin d'agir avec la même efficacité, car, si le vent dissémine au hasard la pous- sière pollinique, les Insectes la portent sûrement au point voulu, c'est-à-dire sur le pistil des fleurs qu'ils fréquentent. D'après les expé- riences de Darwin et celles de nombreux autres observateurs, on arrive à cette conclusion remar- quable que la moitié au moins des plantes qui corolle); Fig. 3. — Primula vulgaris. — À, fleur à long style (st): B, fleur à court style (st); s, s', stigmate: a, a/, étamines; 0, 0!, ovaires; pg, pg', grains de pollen. (D'après Cheshire.) nous occupent sont frappées de stérilité totale ou partielle lorsqu'on les recouvre d’une gaze qui em- pêche les Insectes d'y arriver. En général, les plantes qui réclament le plus im- périeusement la visite des Insectes sont celles dont les fleurs présentent le plus d'irrégularilé. Beau- Fig. 2. — Fleur de Salvia officinalis. — À, jeune, montrant un sac pollinique atrophié; B, âgée, montrant son stigmate; C, jeune, vue en section verticale longitudinale; D, visitée par une abeille; E, en section longitudinale (base du tube de la a, sac pollinique fertile; ac, sac pollinique stérile; e, connectif qui réunit les deux sacs et qui peut osciller en hi autour du filet f de l’étamine; st, style: ng nectaire à la base des ovaires; ca, calice; co, corolle. and Bec-Keeping.) | coup même sont ainsi faites que l'Insecte doit for- cément se couvrir de leur pollen et produire la fé- condation croisée, au cours de ses tentatives pour la récolte du nectar. Nulle part cette structure n'est aussi frappante que chez les Sauges (fig. 2), Labiées anormales où deux élamines ont disparu et où les deux autres se réduisent sensiblement à un très long connectif muni d'un sac pollinique. Examinez cetle fleur de Sauge (C)! Par son point d'insertion sur le court filet stami- nal /, le connectif e est divisé en deux bras inégaux : l’un, court et stérile ac, qui se recourbe vers le bas, à l'entrée même du tube corollin ; l’au- tre, long et appliqué sous le lobe supérieur de la corolle, où iül porte à son sommet le sac pollinique a. En pénétrant dans la gorge de la fleur pour atteindre le nectar(en 14), l'Abeille (D) re- foule de sa tête le court bras stérile, provoque de la sorte un mouvement de bascule dans le connectif et recoit sur sa face dorsale le long bras de ce dernier, avec la poussière pollinique. Ainsi chargée de cet élé- ment fécondateur, l’aclive ouvrière se rendra sur une autre corolle et, au moment même d'y péné- trer, en saupoudrera le stigmate qui fait saillie sur le lobe supérieur. A l'exception de la Salvia cocci- uée, étudiée par Ogle et Darwin, toutes les Sauges sont fécondées de cette manière par les Abeilles. Avec les Primevères, nous abordons un groupe de plantes bien plus vaste et très varié, qui se prête non moins bien au croisement par les Insectes, maïs grâce à un tout autre procédé. Dans cette Primula vulgaris (fig. 3), comme dans toutes les autres es- pèces du genre, on distingue deux sortes de fleurs : les unes ‘B) où le slyle s/' ne dépasse guère le mi- lieu du tube corollin et où les étamines a' se fixent vers l'orifice de ce dernier; les autres (A) où la posi- tion est inverse, le style s{ s'épanouissant vers l’ori- fice et les étamines à formant une couronne au milieu du tube. A cette différence remarquable s'en ajoute une autre non moins curieuse: le pollen des fleurs à court style est formé de grains volumineux pg' et celui D'après Cheshire : Bees - E.-L. BOUVIER — LES ABEILLES ET LES FLEURS 397 des fleurs à long style de grains fort petits py. Ces fleurs sont aussi mal disposées que possible pour la fécondation directe ou pour la fécondation par le vent; chez elles, d'ailleurs, plus que dans toule autre plante, les affinités d'un pollen sont pour les fleurs de l’autre forme, de sorte que l’interven- tion des Insectes de- vient presque né- cessaire. Quand une Abeille va recueillir du nectar au fond des corolles à court style (B), elle froisse les étamines avec sa tête, qui se couvre forcément de pous- sière pollinique ; que l'Insecte se rende ensuile sur des fleurs de l’autre sorte (A),non moins forcément, il dépo- sera sur leur stig- mate les volumi- neux grains de pol- len qu'il a entraînés ‘et, avec sa trompe, en recueillera de pelits qui serviront à féconder les fleurs à court style. Avec le botaniste Hilde- brandt, nous quali- fierons d'hétéro- stylées les plantes nombreuses qui présentent un polymorphisme analogue. Darwin en a fait une étude approfondie ; il a montré notamment que la fécondation de ces wégétaux est presque toujours croisée, qu'elle s’ef- fectue presque toujours par le moyen des Insectes, que l'auto-fécondation y est fort rare et qu’elle se rapproche de l'hybridation, soit par la stérilité des plantes qui en résullent, soit par la dégénérescence rapide des produits qu’elle engendre. Chez les Violettes, les Aristoloches et beaucoup d'autres Phanérogames, la disposition de l’appa- reil floral rend plus nécessaire encore l'intervention des Insectes ; mais je passe sur ces exemples et j'ar- rive aux Orchidées où, dans presque tous les cas, cette intervention s'impose d’une manière absolue. Voici, en quelques mots, le curieux mécanisme par lequel s'effectue la fécondation dans les repré- sentants de cette famille. La figure 4 reproduit les détails d'une fleur d'Orchidée : le large labelle 7 de la corolle con- duit dans un long éperon qui renferme les organes Fig. 4. | — Fleurs d'Orchidées et leur fécondation par l'Abeille. — A, fleur d'Orchis morio dont on a enlevé les sépales, deux pétales et en partie le côté droit de l’éperon; cette fleur est visitée par une Abeille sur le front de laquelle une pollinie (po) vient se fixer par son rostellum (r) glutineux; B, cette pollinie est portée dans une autre fleur qui la reçoit sur son stigmate st, après quoi une autre pollinie po sera emportée par la visiteuse; C, fleur d'O. morio, incomplète comme celle de A, mais vue de face, pour montrer l'entrée de l’éperon, et l’anthère (4), qui s'ouvre par deux fentes pour laisser sortir les pollinies (po); D, pollinies isolées (po) fixées au rostellum (r); E, F, G, positions successives que prend une pollinie sur la tête de l’Abeille; H, dissociation d'une pollinie; 1, une pollinie de Vanda sur la tête d'un Mellifère. producteurs du nectar n; en avant, à l'entrée de l'éperon, le style s'épanouit en un double stigmate s4 que surplombe l'unique et volumineuse anthère 2 de la fleur. Au lieu d’être dissociés en poussière, les grains de pollen sont intimement reliés entre eux et forment deux masses, appelées pollinies po, qui viennent se réunir par un pédicule € sur un corps gluti- neux {r, à l'entrée de l'éperon. Abs- traction faite de l’'Ophrys apifera, qui peut se fécon- der lui-même, grâce à une structure spé- ciale, les plantes de la famille sont inca- pables d'auto-fécon- dation et le vent ne leur est d'aucun secours ; par contre, on peut aisément enlever leurs polli- nies en touchant avec la pointe d’une aiguille ou d’un crayon le corps glu- tineux où elles vien- nent se réunir. C'est par un procédé ana- logue que les Melli- fères produisent la fécondation croisée de ces plantes; en s'avançant dans l'éperon pour la recherche du nec- lar, ils entrent en contact avec le disque visqueux (A), se chargent d'une ou deux pollinies et les em- portent ensuite généralement fixées sur la partie Fig. 5. — Transport des pollinies d'Orchidées par les Melli- ières (les pollinies sont représentées par des aires rayées). — No 1, Eulema dimidiata; n° 2, Euglossa cordata. (Ces figures, relevées d'après nature, montrent que les pollinies se fixent en un point quelconque du corps.) antérieure du corps (B, E, G, 1). Comme l’a montré Darwin, le ciment fixateur se dessèche bien vite et bien vite aussi la pollinie s'incline en avant (F, G); quand l'Insecte pénètre dans un autre éperon, 338 E.-L. BOUVIER — LES ABEILLES ET LES FLEURS cette dernière est placée de telle sorte qu'elle s'applique sur le stigmate (B) et lui abandonne l'élément fécondaleur (voir aussi fig. 5). Le rôle des Insectes et les avantages du croise- ment chez les Orchidées se manifestent avec toute la netteté désirable dans la Vanille : au Mexique, cette plante est fécondée naturellement par divers Insectes, et notamment par les Mélipones qui res- semblent beaucoup à notre Abeille; dans les autres régions du globe, on la féconde par voie artificielle en rabattant l'élamine sur le pistil au moyen d'une aiguille. En somme, la Vanille subit au Mexique la fécondation croisée naturelle, et partout ailleurs l’auto-fécondation artificielle. M. Lecomte, qui à bien voulu me donner ces détails, attribue au croi- sement la qualité tout à fait supérieure de la Vanille mexicaine. Dans les serres de nos pays, la Vanille a les mêmes exigences; elle peut y fleurir, mais ne donne pas de graines sans fécondation préalable. Profitant des riches collections d'Orchidées réunies par son père, mon excellent collaborateur, M. Ro- bert du Buysson, était devenu très habile dans la cullure de ces belles plantes; il obtenait des gousses de Vanille, soit en pratiquant la fécondation artifi- cielle, soit au moyen des Mégachiles et des Bour- dons qu'il tenait en captivité dans les serres. A Ja suite de cette élude, on est en droit de con- clure que les Insectes anthophiles, et en particulier les Mellifères, jouent un rôle de premier ordre dans la fécondation des plantes à fleur, qu'ils leur assurent les avantages du croisement et que, dans un très grand nombre de cas, ils sont absolument néces- saires à l'acte reproducteur. Peut-être M. Pérez a-t-il exagéré en disant, avec Dodel-Port, que « cent mille espèces de plantes disparaîtraient de la surface du globe » si les Abeilles cessaient de les visiter; en tout cas, on ne saurait douter qu'un pareil phénomène n’apportât des perturbations très profondes dans le règne vé- gélal, tel qu'il existe actuellement. III Nous sommes désormais fixés sur deux points de première importance : les fleurs sont nécessaires aux Abeilles, et celles-ci, de leur côté, sont très utiles ou même nécessaires à la fécondation des plantes à fleurs. Il s'agit maintenant de savoir si la réciprocité des services à eu pour conséquence une adaptation réciproque entre ces deux sortes d'êtres. Nous n'ignorons pas que tous les êtres sont su- jets à des variations plus ou moins étendues et que, parmi ces variations, celles qui sont avanta- geuses à l'espèce se fixent et se développent ulté- rieurement par sélection naturelle et par hérédité. Or, si les fleurs sont nécessaires aux Abeilles et les Abeilles utiles ou nécessaires à la fécondation des fleurs, on est en droit de penser que toutes les va- riations qui favorisent la récolte dans les premières et la fécondation dans les secondes ont dû se fixer et s'amplifier dans la suite des temps. Voilà ce qu'in- dique le raisonnement; mais la science ne saurait se contenter d'a priori, et nous devons examiner dans quelle mesure cette conclusion très légitime es! justifiée par les faits. L'adaptation des Mellifères à la récolte du pollen et du nectar se manifeste par degrés dans toute une série de formes dont les termes extrêmes sont les Prosopis et l'Abeille mellifique (Apis mellifica). Chez les premiers, la structure ne diffère pas essen- liellement de celle des Guëpes; c'est à peine si l'appareil buccal s’allonge et si des poils plus nom- breux se développent pour la récolte du pollen: nous sommes au début de l'évolution propre aux Fig. 6. — Abeille mellifique vue de côté. — Reproduction d'un tableau original de M. Clément. Mellifères. Dans l'Abeille mellifique, d'autre part, cette évolution atteint son maximum ét se mani- feste par des caractères adaptatifs de la plus haute évidence (fig. 6). Pour la cueillette du pollen, des poils collecteurs qui recouvrent tous les points du corps et qui, sur la face interne du premier article tarsien des pattes postérieures, se groupent pour former une merveilleuse petite hrosse. Les boulettes polliniques agglomérées par cel appareil sont re- cues dans une dépression ou corbeille creusée sur la face externe de l’article précédent; elles s’y accu- mulent en grand nombre et y sont retenues par une frange de poils recourbés jusqu’au moment où l'ouvrière, jugeant ses manchettes trop lourdes, rentre à la ruche et s'y débarrasse de son fardeau. Pour la récolte du nectar, les modifications adap- tatives sont encore plus parfaites et plus compli- quées : à l'exception des mandibules, toutes les pièces de l'appareil buccal s'allongent et se grou- pent pour former une trompe qui, au repos, se replie deux fois sur elle-même et, pendant le tra- vail, atteint la moitié de la longueur du corps. E.-L. BOUVIER — LES ABEILLES ET LES FLEURS 339 Excavés sur la face interne et fortement étirés dans le sens longitudinal, les mächoires et les palpes labiaux constituent par juxtaposition les parois de l'organe (fig. 7, n° 3 et 4); dans l'axe se trouve la langue, fine et grêle, qui s'épanouit en languette à son extrémité libre, se creuse en élroite gouttière sur sa face ventrale et porte Pi leurs de nombreux poils absorbants. Il Fig. 7. — Appareil buccal des Mellifères. — No 1, Abeille à angue courte, portée sur un long menton : Halictus qua- dricinctur. N° 2, tête et trompe de Bombus hortorum (Bourdon des jardins), vues de côté; sur les deuxtiers de sa longueur, la ligule est protégée par les maxilles et les palpes labiaux). No 3, maxilles et lèvre inférieure de l'Abeille commune (Apis mellifica), vues de face avec leurs pièces écartées : à la base, les deux maxilles, en avant, les deux palpes labiaux pluriarticulés; au milieu, la ligule. N° 4, coupe transversale à travers une trompe d'Apis mellifica; sur les côtés et au-dessus, les deux maxilles; au-dessous, les deux palpes maxillaires; au milieu, la ligule. (D'après H. Müller.) ne faut rien moins qu'un appareil semblable pour atteindre le liquide sucré dans les nectaires qui le produisent; car ces organes sont d'ordinaire profondément cachés au fond des corolles, tantôt formant un cercle à la base du pistil comme dans cette Crucifère (fig. 9, n° 2); tantôt reléguée au bas de l'éperon floral comme dans la Capucine ou dans celte Orchidée (fig. 4). Grâce aux poils absorbants de la languette, les sucs nectarifères sont attirés, passent dans la gouttière capillaire et arrivent jus- que dans le canal formé par les mâchoires et les palpes labiaux ; ils y circulent ensuite et remontent jusque dans la bouche sous l'impulsion produite par les mouvements de dilatation et de va-et-vient qu'exécute la langue. Pour comprendre ce méca- nisme, il suffit d'examiner les Abeilles à l’abreu- voir quand elles vont y faire provision de liquide. Au Laboratoire de Biologie végétale, je les ai vues en grand nombre, il y a un mois, occupées à cette importante besogne : groupées sur le tapis de mousse qui recouvrait un petit bac, elles faisaient toutes saïllir leur trompe et humaient à longs traits l'eau interposée entre les tiges du Cryptogame. Elles n’agissent pas d'autre manière au moment de la récolte du nectar. Ajouterai-je que l’Abeille mel- lifique n'est pas moins bien douée pour l'édification du magasin nécessaire à la récolte? Avec ses aires abdominales où s'élaborent des lamelles de cire, avec les pinces qui saisissent ces lamelles et les mandibules qui les broient, elle possède la ma- tière et les instruments qui lui servent à construire ses alvéoles. Est-il possible de concevoir un être mieux adapté aux besoins de la récolle ? Entre les Prosopis et notre Abeille commune, les autres Mellifères forment une longue série où l'on voit se perfectionner peu à peu l'appareil récol- tant. Voici d'abord les Halictes, les Dasypodes et les Andrènes; solitaires comme les Prosopis, ces Abeilles sont un peu mieux douées au point de vue des appareils collecteurs. Si leur trompe reste fort imparfaite (fig. 7, n° 1) et au repos ne se replie qu'une fois sur elle-même, on voit un revêtement de poils touffus sur la jambe et le premier article larsien de leurs pattes postérieures, parfois même, comme chez les Andrènes (fig. 8, n° 1), sur la hanche et sur le thorax à la base des mêmes pattes. Chez une Andrena ovina, que j'ai capturée à Fontainebleau il y a quelques semaines, les houppes collectives étaient toutes colorées en Jaune par la masse de pollen qu'elles avaient captu- rée. Dépourvu d'un appareil collecteur semblable, le Prosopis en est réduit à ingérer le pollen, qu'il dégurgite mélangé au miel sous la forme de bouillie. Avec les Xylocopes, les Anthophores et les Eu- glosses, nous arrivons à des Mellifères où la vie so- Fig. 8. — Transport du pollen par les Mellifères (les charges de pollen sont indiquées par des aires rayées). — N° 1, Andrena Clarkella; n° 2, Apis mellifica (Abeille com- mune); n° 3, Megachile centuncularis L.; chez les Mégachiles, la brosse pollinique est placée sur la face ventrale de l'abdomen, ciale n’existe pas encore, mais où la trompe égale en perfection et parfois même dépasse en dévelop- pement celle de l’Abeille commune; chez les Eu- glosses, elle mesure pour le moins une fois et demie la longueur du corps. Il n’est guère possible d'être mieux outillé pour la récolte du nectar. La cueil- lette du pollen s'effectue au moyen d'un appareil 340 E.-L. BOUVIER — LES ABEILLES ET LES FLEURS qui ressemble beaucoup à celui des Halictes, mais où les poils sont plus courts et plus ou moins dis- posés en brosse, aussi bien sur la jambe que sur le premier article tarsien. On se rapproche évidem- ment de l’Abeille mellifique, mais sans en atteindre la perfection, car la jambe n'est pas encore diffé- renciée en corbeille, et les poils de la double brosse, avec les rugosités dont ils sont munis, servent à récolter le pollen aussi bien qu'à le retenir. Un pas de plus et nous arrivons aux Abeilles | sociales : la brosse des jambes disparait pour faire place à une corbeille (fig. 5 et fig. 7, n° 2), et celle du premier article tarsien se perfeclionne et ne sert plus qu'à réunir les poussières polliniques ; ce n’est plus au nid que l’Insecte imprègne de miel cette poussière, mais au moment même où il en fait la récolte, façconnant ainsi des boulettes qu'il entasse dans sa corbeille; pour répondre aux exigences de la vie sociale, la butineuse accumule des réserves, et présente à cet effet la facilité de sécréter une ma- tière cireuse, ce qui lui permet de construire des alvéoles. D'ailleurs, les aptitudes sont loin d’être également développées dans toutes les formes du groupe ; au bas de la série se placent les Bourdons, qui édifient sans art de gros alvéoles ovoïdes où ils élèvent leur couvain et accumulent leurs ré- serves ; ces dernières sont toujours peu considé- rables, et insuffisantes pour subvenir aux besoins de l’hivernage, si bien que les colonies ont une faible durée et disparaissent toutes aux approches de la mauvaise saison. Plus industrieuses el plus prévoyantes sont déjà les Mélipones, qui édifient sous les tropiques des nids compliqués, où les urnes à réserves entourent des gâteaux destinés au couvain. Les urnes à réserves ressemblent aux alvéoles du Bourdon, mais elles servent simple- ment de magasins, et les provisions qu'y entasse l’Insecte sont suffisantes pour permettre à la colo- nie de se perpétuer quand les fleurs diminuent ou disparaissent. structure et un rôle bien différents ; ils sont unique- ment destinés à l'élevage et se composent d’une assise d'alvéoles cylindriques étroitement juxtapo- sés. Cette architecture nous conduit à celle des Abeilles proprement dites, qui réalise la perfection la plus grande par son extrême simplicité et son économie des matériaux. Ici les alvéoles sont tous de même type et propres à l'emmagasinement aussi bien qu'à l'élevage : ils se composent de prismes hexagonaux séparés les uns des autres par des cloisons communes, et, dans chaque rayon, forment deux assises opposées que sépare un fond commun. Plus d'intervalles perdus, plus de maté- riaux inutilement employés; ce n’est pas sans ad- miralion qu'on étudie ces édifices merveilleux, si sagement construits et si bien appropriés à leur Les gâteaux à couvain ont une | usage. Au reste, parmi les quatre espèces d'Abeilles actuellement connues, on observe des différences d'industrie fort appréciables : la petite Apis florea et la grosse Apis dorsata nidifient à l'air libre et ne construisent qu'un seul rayon; l'Apis indica nidifie fréquemment dans des anfractuosités et y élève des rayons parallèles où les Teignes et autres ennemis ont librement accès ; notre Abeille melli- fique, enfin, travaille de manière semblable, mais protège mieux sa construclion et, par des soins de tous les instants, en éloigne les parasites. Ainsi, du Prosopis à l'Abeille mnellifique, nous trouvons une série de formes où s'établit par degrés une industrie de plus en plus parfaite. Ces formes se sont produites dans la suile des temps et, à. l'heure actuelle, nous rappellent pour ainsi dire les différents stades évolutifs des Mellifères; elles nous montrent, avec une grande évidence, de quelle ma- nière ces Insectes se sont adaptés aux fleurs. À ceux qui seraient tentés de mettre en doute cette adapta- tion, je ferai observer qu'elle se manifesle même à l'heure acluelie et que bien des faits semblent mon- trer qu'elle n'a pas encore atteint son terme. Les apiculteurs savent que les Abeilles mellifiques ne sont pas toutes également bien douées pour la ré- colte du nectar, et que certaines butinent avec plus de profit parce qu’elles ont la langue plus allongée ; on a même inventé un appareil spécial, le glosso- mètre, pour mesurer la longueur de cet organe. Par une sélection rigoureuse, les apiculteurs arri- veront peut-être à fixer les formes où la langue atteint un plus grand développement; ils seront . alors en possession d'une race avantageuse et plus propre que toute autre à la récolte du miel. Avec ses merveilleux instincts, combien serait précieuse notre Abeille si elle pouvait disposer de la très longue trompe des Euglosses ! Nous entrons ici dans le domaine de l'hypothèse, mais sans nous éloigner de la vraisemblance, car l’Abeille mellifique est un être essentiellement variable. Originaire de l'Asie, comme toutes les autres espèces du même genre, on la trouve actuellement sur presque tous les points du globe, depuis la zone torride jusqu'aux limites extrêmes des régions tempérées, partout marquée au coin du climat où elle vit. Ainsi ont pris naissance des races ou des variétés locales, souvent très distinctes les unes des autres : notre Abeille noiràtre est déjà sen- siblement différente de l’Abeille italienne au pelage doré, mais toutes deux s’éloignent bien davantage encore des Abeilles mellifiques tropicales, surtout de celles qui sont enfermées dans les îles. Il faut une étude comparative minutieuse pour rapporter au même Lype toutes ces formes; on en compte plus de trente, dont beaucoup ont été prises, par beaucoup de zoologistes, comme des espèces particulières. h. > E.-L. BOUVIER — LES ABEILLES ET LES FLEURS Cetle facullé de variation n'est pas propre à l’Abeille; plus ou moins accentuée, elle existe chez tous les Mellifères et c’est à elle que sont dus les divers degrés d’adaptalion que J'ai signa- gnalés dans ce groupe. Dans la longue suile des temps, tous les Mellifères se sont adaptés à la récolte du miel et du pollen et ont subi de ce fait une évolution progressive; mais cette évolution n'a été soumise ni à la même uniformilé, ni au mème développement, et c'est ainsi que se sont différenciées les nombreuses formes que nous y avons reconnues. IV Aujourd'hui, on ne conteste guère l'adaptation des Abeilles à la récolte sur les fleurs, mais l'adaptation de ces dernières aux Abeilles reste l’objet de con- troverses lrès ardentes. Exagérée par les uns, elle est fort discutée parles autres, d'où les deux Écoles que je vous ai signalées au débul de cette confé- rence et qui ont pour protagonistes : d'un côté, Darwin et sir John Lubbock; de l’autre, M. Gaston Bonnier et ses élèves. Avant d'aborder cette délicate question, laissez- moi vous rappeler encore le passage dans lequel sir John Lubbock-en a très nettement fixé l'étendue et la portée : « Non seulement, dit-il, la forme et les couleurs actuelles, les teintes brillantes, la douce odeur et le miel des fleurs ont élé peu à peu déve- loppés à la suite d’une sélection inconsciente, exercée par les insectes, mais l'arrangement même des couleurs, la forme, la grandeur et la position des pétales, la situalion relative des étamines et du pistil, sont tous disposés par rapport aux visiles d'insectes et de façon à assurer le grand objet (la fécondation) que ces visites sont destinées à effec- tuer ». Tel sont les différents termes du problème; il ne nous reste plus qu'à les examiner successive- ment afin d’en connaitre la valeur. Et d’abord, doit-on croire que le nectar des fleurs provient d'une adaptation qui aurait pour résultat d’attirer les Abeilles et, par là même, de favoriser l'acte reproducteur ? Dans son beau travail sur les nectaires, M. Gaston Bonnier a fourni des arguments nombreux et irréfu- tables contre cette manière de voir qui, au premier abord, semble toute naturelle. D'après cet auteur, les nectaires sont des organes de réserve où le sucre de canne s’élabore et s’accumule, dissous dans le suc cellulaire (fig. 9). Quand la nuit survient, fer- mant les stomates aérifères et arrêtant la chlorova- porisation, l'émission de vapeur d’eau par la plante est remplacée par une sorte de sudation qui vient sourdre en divers points de la surface et, dans les nectaires, sous la forme de goutteleltes plus ou REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904, 341 moinsrichesen matièresu crée. Ainsi, les goutteleltes de nectar ont la même origine que l’eauémise par les stomates aquifères ; elles sont le résullat d’un arrêt dans la transpiration et ne présentent pas d’autres caractères propres que celui d'avoir traversé des organes riches en saccharose. Le nectar ne ren- ferme jamais qu'une très pelite parlie du sucre élaboré par les nectaires: quand les Insectes ne viennent pas le recueillir peu après son émission, il est réabsorbé par la plante et, comme toute la réserve sucrée, sert à la nutrition des lissus, au développement des organes, principalement à la formalion des graines. En somme, c'est pour son usage propre et non pour atlirer les Abeilles en vue de la fécondation que la plante élabore du sucre et sécrète du nectar; elle accumule ces réserves aux points les plus voisins du lieu d'utilisation : ordi- nairement dans la fleur, puisqu'elles doivent servir | Fig. 9. — Les nectaires et l’exsudation du nectar. —"N0 1 Coupe longitudinale à travers l'extrémité du pédicelle floral et des carpelles d'une Labiée, la Salvia lantanifolia : cal, insertion du calice; cor, insertion des pétales; n, nec- taires, et, tout au sommet, les carpelles; fe, vaisseaux qui vont aux carpelles; fn, vaisseaux qui vont aux nectaires. No 2. Portion de coupe longitudinale à travers l'extrémité du pédicelle floral et de l'ovaire dans une Crucifère, l'Au- brietia Columnæ : sep, sépales; et, étamines; n, n, nec- taires; g, gouttelette de nectar qui tombera dans le réser voir €. No 3. Coupe très grosse d'un nectaire de Pêcher, montrant le nectar g qui s'accumule dans la chambre € d'un stomate et qui forme une gouttelette au dehors, après avoir suinté entre les cellules s, s', qui entourent l'ori- fice stomatique o; en e, les cellules superficielles dépour- vues de sucre sont disposées sur deux assises. (D'après M. Gaston Bonnier.) surtout à la nutrition des graines, mais parfois aussi dans d’autres parties du corps où elles sont plus utilement placées. Les Fougères, qui sont des plantes sans fleur, ont assez communément des nectaires, et, chez plusieurs Phanérogames, certains de ces derniers se développent à une grande dis- tance des corolles ; la Vesce, par exemple, pré- sente des nectaires bien développés dans les stipules, c'est-à-dire à la base même des feuilles. Il est donc impossible de considérer le nectar et les nectaires comme les produits d'une adaptation qui 7* 349 E.-L. BOUVIER — LES ABEILLES ET LES FLEURS aurait pour résultat d'attirer les Iisectes sur les fleurs ; pour cette partie du problème, toutau moins, la théorie de sir John Lublock ne me semble pas justifiée. Je serai moins affirmatif au sujel du parfum floral, soit qu'il émane des pétales ou du pistil, soit qu'il provienne du nectar; les Abeilles ont l'odorat très sensible et l’on ne saurait douter que ces par- fums ne les attirent de très loin vers les fleurs. Cette sensibilité olfactive se manifeste de mille manières, notamment par l'habileté avec laquelle nos Abeilles savent découvrir le miel dans les locaux les mieux fermés : au Laboratoire de Biologie végétale, j'ai vu ces Insectes envahir par milliers la maisonnette où l'on conserve les rayons enlevés aux ruches: ce bâtiment était parfaitement clos et l'on avait même pris le soin d’en calfeutrer les fentes; pourtant, malgré des recherches assidues, on ne put découvrir la fissure qui avait livré passage à toute cette légion. M. Pérez observe justement que les Melliféres, aux premiers beaux jours, fré- quentent assidüment les chatons des Saules, qu'ils y arrivent « du côté mème où le vent entraine les émanalions odorantes » et que ce sont bien certai- nement ces émanations qui les attirent, puisqu'ils se rendent aussi bien sur les Saules à chatons verts (Saules femelles) que sur ceux à chatons jaunätres (Saules mäles). ILest vrai que les Saules fleurissent à une époque où la végétation semble morte et qu'on pourrait attribuer la visite des Abeilles à la coloration tranchée des chatons; mais M. Pérez observe, d'autre part, que les Andrènes se jettent sur les jeunes feuilles de Cognassiers, qui répandent une forte odeur d'amandes amères, et pourtant les bourgeons de tous les végétaux s'ouvrent largement à cette époque. Je sais bien que Sir John Lubbock a vu des Abeilles passer indifférentes à côté d'un appät de miel qu'il avait placé à une faible distance de leur ruche; mais je crois aussi que M. Pérez a très exac- tement interprété cette expérience en disant que l'Abeille butineuse, au moment où elle sort pour la récolte, est «exclusivement absorbée par l'idée de son travail » et qu'elle « semble étrangère à tout ce qui n’est pas l'objet de son activité présente ». Je sais bien aussi que M. Gaston Bonnier oppose, à la théorie de l'attraction par les parfums, l'indiffé- rence que les Abeilles manifestent pour la Mélitte fausse mélisse (Melittis melissophyllum), dont les fleurs sont finement odorantes; mais je sais égale- ment que toutes les fleurs n’atlirent pas également les Mellifères, et l'on peut fort bien admettre que la Mélitte est une plante pour laquelle les Abeilles ne manifestent aucun goût. Avec la très grande majo- rité des naturalistes, nous admetlrons, par consé- quent, que les parfums floraux sont un élément d'attraction pour les Insectes. Faut-il croire, avec Darwin et sir John Lubbock, que ces parfums sont le produit d’une adaptation de la fleur à l’Insecte? Il serait peut-être téméraire de se prononcer en faveur de l'affirmative, car beaucoup de plantes sont fortement odorantes en dehors des parties qui constituent leurs pièces florales. Pourtant, si l'on considère que les émissions parfumées sont infini- ment plus fréquentes dans les fleurs que dans les autres parties du végétal et que, chez les animaux, elles servent très souvent à favoriser les rapproche- ments sexuels, on a quelque raison de penser que la théorie des auteurs anglais présente à tout le moins un grand degré de vraisemblance. En tous cas, on ne saurait nier que les parfums floraux attirent les insectes anthophiles et nolamment les Mellifères. Bien plus évidente encore est l'attraction produite par le coloris des fleurs. Qui n'a vu les Abeilles butiner dans une prairie, choisissant leurs inflores- cences favorites et dédaignant toutes les autres? «Danslespelousesrases desmontagnes,ditM. Pérez, où quelques fleurs seulement sont semées de loin en loin, on voit les Bourdons alpestres voler au ras du sol à leur recherche. Isolées comme elles sont, leur parfum ne saurait les révéler à distance; l'in- secte à courte vue n’a d'autre ressource que de seruter de très près le gazon. » Que la visite des Mellifères puisse être provoquée par le seul coloris floral, c'est ce qui résulte de l'observation suivante : Vers la fin de l'été dernier j'observais les ouvrières de notre Abeille mellifique dans une prairie où la Brunelle commune, le Lotier corniculé, le Plantain et diverses espèces de Trèfles jetaient quelques notes vives. Bien que la floraison fût pauvre, les butineuses ne fréquentaient guère que la Brunelle et-savaient fort bien reconnaitre ses grappes dressées où les calices défleuris forment une base d’un brun rougeûtre et les corolles violettes un couronnement terminal. L'insecte examinait toutes les grappes, qu'elles fussent ou non terminées par des fleurs; la coloration des calices suffisait pour l’attirer, mais il reprenait son vol dès qu'il avait reconnu la vanité de ses recherches. Sur la Sauge éclalante, j'ai constaté parfois des méprises semblables, ce qui n’a rien de surprenantsi l'on songe que le calice et la corolle de cette Labiée ont une rutilance à peu près identique. Dans l’un et l'autre cas, on doit croire que l'Abeïile associait la notion de couleur à l'idée de récolte, et que la teinte des inflorescences lui servait exclusivement de guide dans ses voyages. Je n’insisterais pas davantage sur cette question, si deux naturalistes éminents, M. Gaston Bonnier et M. Plateau, n'avaient contesté que « les couleurs brillantes attirent les insectes de préférence aux E.-L. BOUVIER — LES ABEILLES ET LES FLEURS 343 couleurs peu visibles, toutes les autres conditions élant égales, d’ailleurs ». Il ne sera pas inutile, je pense, de revenir sur les expériences de ces deux savants et de mettre en regard celles, beaucoup plus précises et autrement probantes, de M. Auguste Forel. M. Plateau recouvrait des capitules de Dablia avec des feuilles vertes, non point tout d'un Coup, mais peu à peu jusqu'à occlusion complète; opérant de la sorte, il constalait que les Abeilles conti- nuent leurs visites aux capitules, malgré la teinte verte qui aurait dû les soustraire au regard. M. Forel reprend la même expérience dans une corbeille où élaient épanouis 43 capitules de coloration dif- férente; avec des feuilles de Vigne repliées en dessous et fixées par des épingles, il recouvre de suite et complètement 28 de ces capitules, les autres étant laissés intacts à l'air libre. Aussitôt les Abeilles cessent de visiter les capitules complète- ment recouverts, non sans être lroublées par leur disparition apparente. L'une d'elles, après deux heures, finit par reconnaitre le stratagème et atteint un capitule floral en suivant les joints infé- rieurs de la feuille de Vigne; d’autres suivent son exemple et bientôt les capitules recouverts sont visités comme les aulres. « Plateau avait donc mal expérimenté et faussement conclu, dit M. Forel. Les Abeilles voyaient encore ses Dablias d’abord incom- plètement recouverts. Lorsqu'il les recouvrait en- suite entièrement, mais seulement par-dessus, les Abeilles avaient déjà été rendues alltentives au stratagème et voyaient encore les Dahlias par le côté. Plateau avait compté sans la mémoire et l'attention des Abeilles. » M. Gaston Bonnier expérimentait autrement que M. Plateau. A 20 mètres d’une ligne de ruches et sur une prairie de fond vert uniforme, il disposait une rangée de rectangles placés à 2 mètres les uns des aulres et mesurant 22 centimètres sur A9 ces rectangles élaient rouges, verts, blancs ou jaunes et tous enduits d'une même quantité de miel; ils furent également visités par les Abeilles, à part certaines variations plutôt en faveur des rectangles verts. Cette expérience n'est pas aussi probante qu'on pourrait le croire; elle ne tranche pas « définitivement la question » et démontre tout simplement que les Abeilles sont fortement aitirées par le miel, ce que l'on savait depuis longtemps. Il ne faut pas oublier, en effet, que ces Insectes sont en quête d’une récolte, que cette récolle se trouve sur des fleurs, et que le coloris ne sert qu'à déceler la place occupée par ces dernières. Il n'y a aucune raison pour que les Abeilles rendent visite à de grands rectangles colorés, car ces rectangles ne ressemblent en rien à des fleurs; mais on peut croire quelles sont attirées vers les fleurs par les teintes brillantes des corolles. Telle est la question qu'il faut résoudre, et l’on ne saurait admettre que les expériences de M. Bonnier ont pu conduire à ce résultat. Le savant observateur aurait été plus heureux en se servant de fleurs artificielles, encore que ces imi- tations soient le plus souvent dédaignées par les Insectes. M. Forel a eu recours à cette méthode et sa conclusion ne ressemble guère à celle de M. Bonnier. Dans une corbeille de Dahlias, il introduit des fleurs artificielles grossières au sein desquelles il dépose une goutte de miel. Au début, les Abeilles se contentent de fréquenter les Dahlias: puis l'une d'elles vient butiner dans les imitations et y multiplie ses voyages. D’autres ouvrières limitent, et bientôt toutes les fleurs artificielles sont visitées, sauf celles dont la coloration est verte. Alors l’accoutumance aux imitations ne laisse plus rien à désirer; les Insectes délaissent les Dahlias et se rendent sur les fleurs imitées, méme quand elles sont dépourvues de miel. Toute fleur artificielle brillante.les attire, toute imitation de teinte verte les laisse indifférentes. Le pro- blème de l'attraction par les couleurs paraît bien résolu. 11 est résolu, en effet; mais je crois que M. Forel a eu tort de ne pas accorder aux Abeilles une perceplion assez nette des odeurs; ces Insectes sont attirés par l'odorat aussi bien que par la vue, et c’est ainsi qu'on peut expliquer leurs visites aux fleurs en chàätons verdâtres et aux feuilles couvertes de miellée. Quand M. Bonnier argue de ces visiles pour contester l'attraction due aux teintes florales, il oublie que les Insectes butineurs se laissent guider par tous leurs sens, par l'odorat aussi bien que par la vue. Somme toute, il est bien certain que les Melli- fères sont atlirés par les couleurs florales bril- lantes; mais en faut-il conclure que ces couleurs sont le résultat d’une adaptation de la plante aux insectes ? C’est l’opinion de nombreux naturalistes, et des plus éminents; mais, bien que cette hypo- thèse me semble très probable, j'avoue en toute sincérité qu'elle aurait besoin de très concluantes démonstrations. En ce point comme au sujet des odeurs, 1! semble bien que l'adaptation existe; mais on ne saurait être plus affirmalif, car il pourrait se faire que le parfum, comme le coloris, eût un rôle particulier et tout autre dans le fonctionnement vital de la plante. Quoiqu'il en soit, ces deux agents servent à attirer les Mellifères, et, comme tels, favorisent la fécondalion des végétaux phanéro- games. J'en dirai autant des diverses sortes de compli- cations florales: allongement tubulaire des corolles, formation d’étroits éperons, recouvrement des éta- mines par les pièces du limbe, ele., Toutes ces dispositions obligent les Mellifères à pénétrer pro- E.-L. BOUVIER — LES ABEILLES ET LES FLEURS fondément au sein des fleurs, et à se couvrir de poussière pollinique. Quand une Abeille butine sur la Sauge éclatante, elle se cache parfois tout entière dans la corolle allongée, et y disparaît comme dans un fourreau ; faut-il ajouter qu’elle en revient toute couverte de grains fécondateurs ? M. Gaston Bonnier n'admet pas que la complication florale se développe pour favoriser la visite de certains in- sectes, et il observe justement qu'une adaptation aussi étroite aurait pour résultat de diminuer les chances de fécondation. Cela me paraît de toute évidence. En fait, la complication florale n’a pas pour effet d’éloigner la plupart des Insectes antho- philiens au profit de quelques autres; à divers degrés, elle présente à tous les mêmes obstacles et les oblige tous à se couvrir de poussière pollinique. Que cette complication ait pour effet d’éloigner cer- tains Insectes à trompe courte ou de forcer cer- tains autres à pratiquer un trou dans les corolles pour atteindre le nectar, on ne saurait le con- tester, et l’on ne contestera pas davantage qu'un tel résultat soit défavorable à la dissémination du pollen; mais le désavantage qui en résulte pour la plante se trouve largement compensé d’ailleurs, car, si la complication florale éloigne des étamines cer- tains Mellifères en quête du nectar, elle les oblige tous à se couvrir de poussière fécondante lorsqu'ils sont à la recherche du pollen. Je rappelle à ce pro- pos que, dans un jardin richement fleuri, où des Xylocopes fort nombreux avaient perforé l'éperon des Capucines et des Balsamines, j'ai vu les Abeilles préposées au miel se servir exclusivement de la voie qui leur était ainsi ouverte; jamais elles ne pénétraient dans les corolles, tandis que les buti- neuses de pollen y pénétraient toutes et toujours en ressortaient avec une ample récolte. Si, en dehors de l'attraction qu'ilsexercent sur les Mellifères, le parfum et le coloris de la fleur peuvent, à la rigueur, jouer un rôle dans l'adaptation du végé- tal, on n'en saurait dire autant de la complication du calice et de la corolle. Comment expliquer la variété infinie de ces organes et leurs dispositions parfois bizarres sans recourir à l'hypothèse d'une réaction de la plante vis-à-vis de l’insecte? Cette réaction à pris naissance le jour où les premiers Insectes visitèrent les premières fleurs ; elle se con- tinue de nos jours et, en dépit de la lenteur qui pour- rait faire douter de son existence, on la voit dans certains cas se manifester sous nos yeux. C'est à elle, très certainement, qu'il faut attribuer l’atro- phie du sac pollinique inférieur des Labiées à deux étamines. Pour en être convaincu, il suffit d'ob- server avec attention un Mellifère butinant sur des Sauges (fig. 2) : de sa tête, l'insecte repousse le petit bras du long connectif staminal et lui fait subir une friction violente qui se renouvelle à chaque visite; ilest impossible qu'un pareil frottement ne réagisse pas sur les tissus staminaux, et, comme il s'est vrai- semblablement fait sentir depuis que les Sauges existent, on conçoit qu'il ait eu pour résultat d'en- rayer peu à peu le développement des sacs polli- niques sur le petit bras du connectif. En fait, l’ex- trémité de ce bras présente parfois quelques traces d'une formation pollinifère, et, dans la Salvia cre- tica L., ces vestiges staminaux sont encore bien développés et fertiles. De cette cinquième et dernière partie de notre étude, il résulte : 1° que les nectaires et le nectar sont bien certainement destinés aux besoins de la plante et qu'ils ne proviennent pas d’une adapla- tion de la fleur aux Insectes; 2° que les parfums floraux et les couleurs florales sont peut-être le résultat d'une adaptation de même nature, et que, dans tous les cas, ils attirent puissamment les Insectes anthophiles auxquels ils signalent la pré- sence du butin; 3° que, dans bien des cas, sinon toujours, les formes florales plus ou moins com- pliquées doivent être mises au compte d'une adap- tation des fleurs vis-à-vis des Insectes. Telle est la manière de voir, qui, en l’état actuel de nos connaissances, me paraît la plus juste et la mieux fondée: elle n'est pas de nature à satis-" faire les naturalistes des deux camps adverses, et, à coup sûr, ne mettra pas un terme à leurs discus- sions. Mais on n'épuise pas un pareil sujet dans une simple conférence, et, d’ailleurs, c’est le propre des problèmes relatifs à l'évolution de provoquer les divergences qui poussent aux recherches. Par sa nature même, l'adaptation réclame de longues périodes évolutives; il est rare qu'on puisse la constater directement, et son évidence n'éclate qu'au prix de longues observalions comparatives ; elle se manifeste par des états particuliers bien plus que par une action immédiate très apparente, d'où résultent des divergences qui tiennent à l'in- terprélation des faits observés. On est à peu près unanime, aujourd'hui, pour reconnaitre que les Mellifères, au point de vue des appareils de récolte, sont étroitement adaptés aux fleurs: mais beaucoup contestent que les plantes à fleurs soient adaptées aux Abeilles, et pourtant la pratique culturale nous démontre que les plantes sont, à tous égards, beaucoup plus plastiques, beaucoup plus animaux. aisément modifiables que les Y S'il existe une adaptation réciproque entre les Mellifères et les plantes à fleurs, il ne faut pas en conclure que l'un de ces groupes s’est modifié au profit de l’autre; chacun d'eux à évolué pour son propre compte, et, si l’on peut s'exprimer de la A. GRADENWITZ — EXPÉRIENCES sorte, sans avoir cure des avantages du groupe opposé. Ainsi s'expliquent et tombent d'elles mêmes les objections nombreuses que parait soulever la théorie de l'adaptation réciproque. Le Mellifère ne poursuit qu'un but, la récolte, et tous les moyens lui sont bons pourvu qu'il arrive à butiner ; le plus souvent, la plante en profite, mais elle peut aussi en souffrir. Pour capitonner leurs cellules, certaines Osmies découpent les pétales des fleurs; pour atteindre le nectar, les Bourdons perfo- rent souvent les corolles et les Xylocopes déchirent de leurs puissantes mächoires les tubes floraux allongés; dans l'un et l’autre cas, le Mellifère est arrivé à son but, sans nul souci de la plante qui est considérablement lésée. D'un autre côté, le végétal ne cherche qu'à bien assurer sa descendance, et les phénomènes dont il est le siège concourent exclusivement vers ce but; c'est par ricochet, pour ainsi dire, que le parfum et le coloris des fleurs sont avantageux aux Insectes; la complication florale est plutôt un obstacle à la récolte, tandis qu'elle favorise à un haut degré l'acte reproducteur. Les fleurs cléistogames nous donnent la preuve frap- pante de l'indépendance de la plante vis-à-vis de l’In- secte; toujours closes, petites el réduites à un faible bouton, elles se fécondent directement sans inter- vention aucune; l'Insecte ne les visite pas. Il est rare qu'elles existent seules; le plus souvent, on les trouve associées à des fleurs normales; dans tous DE TRACTION ÉLECTRIQUE RAPIDE 345 les cas, elles sont une preuve que le végétal cher- che, par tous les moyens possibles, à rendre inévi- table l'acte reproducteur. Claude Bernard a merveilleusement formulé ces réserves dans un aphorisme que relève M. Gaston Bonnier, dans son travail sur les nectaires : « loi de la finalité physiologique est dans chaque étre en particulier, el non hors de lui; l'organisme vivant est fait pour lui-même; il a ses lois propres, in- trinsèques. Il travaille pour lui, el non pour les autres ». On ne saurait mieux définir les adaptations réci- proques dont nous avons constaté l'existence entre les Abeilles et les fleurs. Ce n’est point pour l'avan- tage de la plante que se sont modifiés les appareils récoltants des Mellifères, mais au seul profit de ces Insectes dont ils facilitent l'alimentation; et, d'autre part, c'est pour l'avantage de la plante, et au grand bénéfice de la reproduction, que les fleurs se sont modifiées dans leur forme, leur coloris et leur par- fum. L'Insecte a Liré le meilleur parti de la confor- mation florale, et la plante de la visite des Insectes, mais chacun de ces êtres à évolué pour son propre compte en s'adaptant, d'après les règles établies par l'illustre Lamarck, aux conditions vitales du milieu ambiant. La E. L. Bouvier, Professeur au Muséum d'Histoire naturelle, Membre de l'Institut. LES EXPÉRIENCES DE TRACTION ÉLECTRIQUE RAPIDE SUR LA LIGNE DE MARIENFELDE-ZOSSEN Alors qu'il existe actuellement, dans la plupart des pays civilisés, un nombre fort considérable de tramways et de chemins de fer suburbains ex- ploités au moyen de l'électricité, la locomotive à vapeur règne encore presque en souveraine dans le domaine de la traction sur les chemins de fer à voie normale. Or, malgré les grandes qualités de la locomotive à vapeur, qui jusqu'ici s'est montrée à la hauteur de toutes les exigences du trafic moderne, qualités qui n’ont pas été encore complètement utilisées, les ingénieurs commencent à prévoir les limites pratiques qui s'opposeront à son développement ultérieur. Il parait, en effet, qu'en raison du poids spécifique élevé de cette machine, il n'y a pas lieu d'espérer surpasser des vitesses d'environ 150 kilomètres avec la locomo- tive à vapeur. En dehors des avantages spéciaux inhérents au service électrique, le problème de la traction électrique rapide doit, par conséquent, préoccuper l'esprit de tous ceux qui s'intéressent au progrès de la vie moderne. Ce sont des considéralions de cet ordre qui, il y a quatre ans, engagèrent deux des plus éminents représentants de l'industrie électrique, MM. Rathenau et Schwieger, à provo- quer une action commune des deux plus grandes maisons d'électricité de l'Allemagne, à savoir l'A gemeine Elektricitäts-Gesellschaft et la Com- pagnie Siemens et Halske. Peu de temps après, il se fondait une entreprise spéciale, sous la raison sociale de Société d'étude des Chemins de fer élec- triques rapides, destinée à étudier soigneusement le problème de la traction électrique à grande vitesse, et à en élablir les conditions de service aussi bien que les limites pratiques. L'Administra- tion des Chemins de fer allemands mit gracieuse- ment à la disposition de cette Société le chemin de fer militaire de Marienfelde-Zossen, près de Berlin, 340 A. GRADENWITZ — EXPÉRIENCES DE TRACTION ÉLECTRIQUE RAPIDE el quelques-unes des banques les plus importantes d'Allemagne voulurent bien donner leur aide à cette entreprise intéressante. Les deux maisons d'électricité précitées construisirent chacune une voiture électrique; ces deux voitures devaient ser- vir alternativement au cours des expériences. La maison Siemens et Halske se chargea de construire la ligne amenant la force électrique, tandis que l'Allygemeine consentit à engendrer cette dernière dans la station centrale qu'elle possède à Ober- schonweide, ainsi qu'à construire les feeders reliant celle-ci à la ligne de Marienfelde-Zossen. Sur cette dernière, on devait employer la même disposition Fig. 1. des conducteurs et des prises de courant, et le même type de courant (à savoir du courant alterna- tif à 40.000 volts entre deux conducteurs), que dans les expériences antérieures effectuées par la maison Siemens sur son chemin de fer d'essai de Gross- Lichterfelde, près de Berlin. Le chemin de fer militaire, de 23 kilomètres de longueur, reliant Marienfelde et Zossen paraissait tout particulièrement approprié, en raison de l’ab- sence de courbes d’un rayon inférieur à 2 kilo- mètres, alors que les pentes, courtes et rares, ne sont, nulle part, supérieures à 1 : 200. La super- structure ne correspondait cependant qu'aux ar- ciens types de chemins de fer prussiens ; elle com- prenait des rails légers, d'un poids de 33,4 kilogs par mètre, placés soit sur des traverses en bois, soit sur de courtes traverses en fer, alors que le ballas- age de la voie consistait essentiellement en maté- riaux de qualité inférieure. On dut prévoir, dès le début, que cette superstructure ne serait pas assez résistante pour supporter des vilesses maxima de 200 kilomètres par heure; mais on résolut, néan- mains, de commencer les expériences sans recons- truire la voie, en se contentant de quelques légères réfections tout à fait secondaires. — Aspect extérieur de la voiture Siemens et Halske et de la ligne de transmission pour la traction électrique rapide. La disposition de la ligne de transmission est re- présentée dans la figure 1: les trois fils horizontaux amenant le courant triphasé sont distants d’envi- ron 4 mètre. Le point de suspension du fil hori- zontal inférieur est à peu près à 5'/, m. au-dessus du bord supérieur des rails. Le parcours entier est divisé en sections d'environ 1 kilomètre cha- cune, pourvues au milieu d'un disposilif compen- sateur des perles de tension; le zéro du système est mis à la terre et relié aux rails. Le point de sus- pension est susceptible d'un certain déplacement horizontal, aussilôt que les archets de captage viennent appuyer sur le fil horizontal; cette dispo= sition assure un contact satisfaisant et simultané entre les trois fils horizontaux et les archets de A. GRADENWITZ — EXPÉRIENCES DE TRACTION ÉLECTRIQUE RAPIDE 347 contact supportés par la voiture, même aux vitesses les plus grandes. Des dispositifs de protection mettent les fils automatiquement à la terre, dans le cas d’une rupture de fils. Quant à la prise de courant, les collecteurs que supporteat les deux voitures sont essentiellement identiques, ne différant que dans les détails. Alors que, dans la voiture Siemens, ces collecteurs affec- tent la forme de mâts attachés aux deux extrémi- truits en vue d'un rendement de 250 chevaux cha- cun, étant pourvus de bobines à barres bifurquées ; les enveloppes des moteurs sont fixées sur un cadre en fer, supporté des deux côtés de la voiture par des plaques-ressorts, dont chacune est attachée au res- sort du support principal de la voiture. Les enve- loppes des moteurs supportent chacune un axe creux, glissé sur l'axe de la voiture et où repose l'induit du moteur. Le moteur est accouplé aux Fig. 2. — Avant et trucks de la voiture Siemens et Halske. tés de la voiture et qui tournent autour de leurs axes verticaux, les deux groupes de trois collec- teurs (un pour chaque phase) dont est pourvue la voiture de l’Al/jemeine sont disposés les uns der- rière les autres. Les deux voitures automotrices construites par les deux maisons d'électricité qui ont entrepris les expériences, sont destinées à environ 30 voya- geurs, et corrrespondent, quant à leur aménage- ment et leurs dimensions, aux règlements tech- niques établis par l'Association des Administrations de Chemins de fer allemands. Les moteurs de la voiture A. Æ.-G. sont cons- roues de l’axe en question au moyen de bras doubles attachés des deux côtés de l'axe creux et touchant les parties glissantes des roues. Le poids du moteur, loin de reposer immédiatement sur les axes de la voiture, se trouve ainsi réparti par des ressorts de support sur les boites des axes du truck. Les moteurs construits par la Compagnie Siemens et Halske, d'autre part, sont des moteurs à 6 pôles, destinés également à des débits de 250 chevaux chacun, le courant d'énergie étant amené au rotor par trois anneaux glisseurs, sous une tension de 1.150 volts. Le rotor, avec sa boîte, presse fortement 318 A. GRADENWITZ — EXPÉRIENCES abs ES: DE TRACTION ÉLECTRIQUE RAPIDE contre l'axe de la voiture. La partie stationnaire du moteur, entourée d'une double caisse en fonte, re- pose sur les paliers de l'axe sans ressorts inter- médiaires. Le diamètre intérieur du rotor est de 780 millimètres, alors que le diamètre extérieur du moteur est de 1,05 m. Le montage direct des moteurs sur les axes, aussi bien que leur suspension au moyen de res- sorts sur le truck, ont donné des résullats pleine- ment salisfaisants dans les expériences jusqu'ici faites, bien que la suspension par ressorts semble être préférable à la suspension rigide du moteur. Les deux voitures sont peu différentes quant à leur forme extérieure; la voiture Siemens est plus longue d’un mètre et un peu plus étroite que sa rivale. Ces différences, légères à la vérité, donne- ront des résultals intéressants au sujet de l’in- fluence de la forme de la voiture sur la résistance que cette dernière éprouve de la part de l'air, ré- sistance s'accroissant très rapidement pour des vi- tesses croissantes, et qui consomme finalement la parlie de beaucoup la plus grande de la puissance électrique. Les résistances nécessaires au démar- rage sont, dans la voiture Siemens el Halske, faites en métal et commandées au moyen d'un contrôleur actionné par l'air comprimé. Dans la voiture de l'A. Z.-G., au contraire, les démarrages se font au moyen d'un rhéoslat liquide d'un trpe nouveau, permettant de régler exactement le rendement et d'éviter un échauffement excessif de la résistance, La commande de cet appareil se fait de la cabine — Intérieur de la voiture de l'Allgemeine Elektricitats-Gesellschaft pour Ja traction électrique rapide. du mécanicien au moyen d'une transmission méca- nique simple. Malgré les différences considérables que présentent les deux voitures, les deux maisons d'électricité ont oblenu des résuitats également satisfaisants. Dans les essais fails en automne 1901, on a réa- lisé des vilesses allant jusqu’à 150, et, dans un cas, même jusqu'à 160 kilomètres. Comme, loutefois, aux vitesses de 140 kilomètres par heure, des oscil- lations et des chocs très sensibles commencaient à se faire senlir, on renonça à ce moment à tout accroissement ultérieur de la vitesse, et le reste de l'année fut consacré à des mesures et des enregis- A. GRADENWITZ — EXPÉRIENCES DE TRACTION ÉLECTRIQUE RAPIDE trements précieux de la consommation d'énergie électrique. L'accélération réalisée dans le démar- rage à été trouvée différente suivant le travail fourni par la source de force et le rendement des moteurs. Pour obtenir des vitesses de 30 kilo- mètres, des distances de démarrage variant entre 2,000 et 3.200 mètres el des périodes de démarrage de 138 à 220 secondes se sont montrées néces- saires, ces chiffres correspondant à une accéléra- tion qui variait entre 0,13 et 0,20 m. par se- conde. Comme, toutefois, les mo- teurs sont capa- bles de fournir environ 3.000 chevaux pendant de courts inter- valles, tandis que, pour lac- célération précé- dente, il ne faut que 700 ou 1.000 chevaux,ceschif- fres ne représen- tent aucunement une limite supé- rieure.' Quant à ce qui regarde le frei- nage des voitu- res,ces dernières peuvent toutes les deux être ar- rèlées au moyen d'un frein rapide Westinghouse, d'un frein à main ou du contre-cou- rant; la voiture del’A. Æ.-G. est, de plus, pourvue d'un frein électrique. Fig. 4. Dans le cas où la pression de l'air est de 6 atmosphères dans les cylindres de freinage, qui sont au nombre de 2 à 3 par truck, la pression sur chacun des 24 sabots de frei- nage disposés des deux côtés de la roue est d’'envi- ron 6.000 kilogs; les sabots du frein reçoivent, par conséquent, une pression totale de 144.000 kilogs ou 156 °/, du poids de la voilure. Parmi les facteurs dont l'étude a fait l'objet de ces expériences, signalons encore la consommation d'énergie qui, dans les démarrages avec accélé- rations variables entre 0,1 et 0,2 m. par seconde, variait entre 400 kw. (544 chevaux) et 740 kw. — Cabine du mécanicien dans la voiture Siemens et Halske. 349 (1.000 chevaux.) alors que, dans le cas de courses prolongées, ce facteur élait de 148 kw. à la vitesse de 90 kilomètres. Faisons remarquer à ce propos qu’une somme de 2.400 chevaux a été nécessaire pour obtenir les vitesses maxima de plus de 200 kilomètres récemment réalisées. On a égale- ment étudié avec soin la résistance de l’air : dans les récentes expériences, les valeurs observées allaient jusqu'à 210 kilogs par mètre carré. Il Après les ex- périences de 1901, une recon- struction soi- gneuse de la voie fut trouvée né- cessaire. Gette reconstruction occupa une par- tie de l’année 1902, dont le res- te fut consacré à la suite des ex- périences sur la consommation d'énergie et au- tres facteurs, pour des vitesses allant jusqu'à 130 kilomètres. Les travaux de réfeclionontpré- paré le succès éclatant des ex- périences récen- tes. Après avoir muni la super-” structure d'une couche de 15.000 mètres cubes de basalte pilé et remplacé les anciens rails par de plus lourds, cor- respondant à ceux qu'emploient généralement les Chemins de fer rapides prussiens, on a pu consla- ter que la voie n'était pas seulement capable de supporter des vitesses croissantes, mais que les voitures avaient une allure si sûre et si stable que les chocs des rails devenaient presque insensibles. Ilest, par exemple, possible de manier les instru- ments de mesure et d'inscrire les lectures de ces derniers en se tenant debout au milieu de la voiture, même quand cette dernière marche à toute vitesse. Après avoir atteint des vitesses maxima de 189 kilomètres par heure, à la fin de septembre 390 1903, la voiture Siemens, qui, la première, a eu l'occasion de montrer ses capacités, a réalisé et même dépassé légèrement la vitesse énorme de 200 kilomètres sur le parcours Mahlow-Dahlwitz- Rangsdorf, soil sur une distance de 5 kilomètres, parcourue en 1 1/2 minute. La vitesse moyenne de 135 kilomètres par heure, réalisée dans cette course, permettrait de faire le voyage de Berlin à Cologne (577 kilomètres) en 3 1/4 heures à peu près, alors que les trains actuels les plus rapides meltent neuf heures à faire ce voyage. Ce résultat, obtenu le 6 octobre, a même été dépassé le 23 octobre, où une vitesse de 207 kilomètres fut réalisée sans noter la moindre perturbation. La voiture de l’Al/gemeine Elektricitäts-Gesell- schaft avait, entre temps, repris à son tour les expé- riences, et, dans le courant du mois d'octobre, les deux voitures ont été expérimentées à tour de rôle. Afin de déterminer d'abord les conditions de service de la voiture À. Æ.-G., on n’a employé au début que des vitesses modérées, qu'il a, cependant, été possible d’accroitre rapidement, de facon que, le 28 octobre, la voiture à grande vitesse de l'A//- gemeine a mème légèrement dépassé le record élabli par la voiture Siemens, en atteignant la vitesse énorme de 210 kilomètres par heure, tout en marchant avec une stabilité surprenante. Il va sans dire que, d’une voiture allant à de telles vitesses, les objets les plus voisins ne sont plus aperçus. Bien que le mécanicien soit capable de distinguer les obstacles obstruant la voie, il ne pourrait pas en profiter pour arrêter le train, la dis- tance de freinage étant de 2 kilomètres. Les spec- tateurs pouvaient tout juste distinguer la présence de personnes dans le véhicule; avant, toutefois, d'avoir pu fixer leur taille, ils avaient perdu la voi- ture de vue. Bien que la voie soit bien alignée, une demi-minute tout au plus s'écoule entre les mo- ments d'apparition et de disparition de la voiture. La différence, au point de vue économique, entre le service électrique et le service par la vapeur ressort des calculs suivants, dus à M. W. Reichel, ingénieur en chef de la maison Siemens et Halske. Soient donnés : d’une part, un train de chemin de fer à vapeur du poids de 330.000 kilogs, compre- nant une locomotive à vapeur et 6 wagons, conte nant 168 places et consommant 1.400 chevaux à toute vitesse; d'autre part, un train électrique, comprenant une voiture automotrice et 4 voitures remorques, pesant 260.000 kilogs, tout en conte- nant 180 places et en consommant 1.000 chevaux. Le coût d'élablissement sera à peu près égal dans les deux cas, à savoir d'environ 500.000 francs. Le coût d'exploitation du train lui-même pour chaque 100 kilogs sera de 0,65 franc dans le cas de la loco- motive à vapeur, et de 0,62 franc dans celui du ser- A. GRADENWITZ — EXPÉRIENCES DE TRACTION ÉLECTRIQUE RAPIDE vice électrique. Au point de vue économique, les chemins de fer électriques ne sont, par conséquent, pas si inférieurs aux chemins de fer à vapeur que beaucoup sont enclins à le penser. Il est vrai que ces données, relatives aux vitesses maxima usuelles, subiront des modifications considérables pour les vitesses énormes qu'on vient d'atteindre. D'une part, en effet, on pourrait craindre que la con- sommation énorme d'énergie que demanderont les trains électriques dans ce cas-là ne s'oppose à toute possibilité d’un service régulier et normal. Les ré- sullats définitifs de ces essais, qui ne seront pro- bablement pas publiés avant plusieurs mois, four- niront sans doute une réponse au moins partielle à ce problème. D'un autre côté, il reste à savoir si, pour des vitesses inférieures aux vilesses maxima qu'on vient d'atteindre, mais notablement supé- rieures aux vitesses les plus grandes des horaires actuels, la locomotive à vapeur ne l'emporte pas quand même sur sa rivale au point de vue écono- mique. C'est pour élucider cette importante ques- tion que l'Administration des Chemins de fer Prus- siens vient d'organiser une série d'essais pour les- quels on a construit des locomotives à vapeur lout particulièrement puissantes. On fait courir ces locomotives sur cette même ligne de Marienfelde- Zossen, el, comme on espère alteindre des vitesses d'à peu près 140 kilomètres, ces expériences four- niront des données comparatives fort intéressantes. Quant aux résultats immédiats des expériences de traction électrique rapide, on à beaucoup parlé d'un chemin de fer rapide qu'on aurait l'intention d'installer prochainement entre Berlin et Ham- bourg et qui mettrait ces deux villes à une distance d'environ une heure. Il parait, toutefois, quece bruit est au moins prématuré el qu'on croil nécessaire de continuer les expériences de Zossen sur une ligne expérimentale plus grande. La principale difficulté qui s'opposera à un service rapide régu- lier résidera sans doute dans les précautions desti- nées à en garantir la sûreté ; il reste à savoir aussi si le danger des déraillements ne s'opposera pas à l'emploi des vitesses maxima sur les lignes à pentes plus considérables et à courbes plus rapides. Quoi qu'il en soit, l'importance de ces expériences ne saurait être exagérée; alors même qu'elles ne conduiraient qu'à l'emploi courant de vitesses d'environ 150 kilomètres, l'avantage d'un tel ser- vice serait encore énorme. Des expériences spé- ciales ont, du reste, fait voir que ces voitures rapides se prêtent éminemmentaussi à un service de banlieue ou mème inter-urbain ; les vitesses com- merciales réalisées avec des arrêts très fréquents sont, en effet, encore fort respeclables et de l’ordre de grandeur des vitesses maxima des express actuels Alfred Gradenwitz. ANTOINE DE SAPORTA — LES ANALYSES AGRICOLES PAR VOLUMÉTRIE GAZEUSE 391 LES ANALYSES AGRICOLES Approximatifs ou rigoureux, les procédés que nous enseigne la Chimie analytique en vue du do- sage des éléments ou principes immédiats se clas- sent en trois catégories bien distinctes. Les méthodes gravimétriques ou pondérales con- sistent à engager le corps à doser, préalablement dissous, dans une combinaison définie, stable et insoluble. Isoler le précipité du reste de la liqueur, le laver, le sécher, le peser et en déduire l'élément cherché au moyen des « facteurs d'analyse ». Pro- - cédé très rigoureux quand il est pratiqué par un chimiste habile, travaillant dans un laboratoire bien outille. Si les savants qui possèdent des balances de précision, des étuves à dessiccation et disposent de beaucoup de temps, apprécient fort les analyses gravimétriques, il n’en est pas de même des chi- mistes industriels, qui sont beaucoup plus pressés. Ils préfèrent — avec raison — les méthodes volu- métriques liquides, dans lesquelles on déverse pro- gressivement sur la prise d'essai une liqueur titrée contenue dans une burelte graduée, jusqu'à ce que, par cette addition, ladite prise d'essai passe par une phase critique traduite par un signe bien apparent : généralement un virage de teinte. La lecture est immédiate, le calcul rapide. Toutefois, deux difficultés barrent quelquefois la route au débutant : la confection préalable des li- queurs titrées et l'instant exact du passage de l'insuffisance à l'excès. Expliquons-nous : certaines liqueurs titrées, très faciles à préparer quand elles contiennent un réactif solide et chimiquement pur (acide oxalique, par exemple), exigent des làton- nements fastidieux quand leur principe actif con- siste en soude caustique, en acides sulfurique, ni- trique, chlorhydrique, dont la composition peut varier dans d'assez larges limites. D'autre part, certaines transformations finales paraissent diffi- ciles à saisir au juste; celles, par exemple, rela- tives à l'acidité des vins (méthode Pasteur), à la décoloration de la liqueur bleue de Fehling (sucre dans les fruits, les boissons, les urines). Si, pourtant, notre opérateur possède un calci- mètre agricole du modèle de M. Bernard ou du type construit par M. Trubert, le premier plus com- mode, mais le second d'emploi plus général, il peut, sans balance de précision, sans étuve, sans liqueurs titrées ni burettes, réaliser des dosages fort intéressants et d’une précision bien suffisante par la troisième méthode, dite de volumétrie ga- zeuse. Elle se base, ainsi que la gravimétrie, sur les lois de Berthollet : seulement, au lieu de faire PAR VOLUMÉTRIE GAZEUSE naître un précipité pour le rassembler et le peser, on provoque un dégagement gazeux facile à me- surer, qui s'arrête de lui-même quand l'évolution de l'attaque est complète et dont l'intégralité se proportionne à la richesse de la prise d'essai en l'élément à doser. Comme en analyse gravimé- trique, la proportion de réactif intervenant, si elle nest pas indifférente, n'exige pas, du moins, une extrême rigueur. En somme, la méthode par volumétrie gazeuse constitue le meilleur procédé de dosage pour l'a- griculteur, qui ne réclame point, en vue des be- soins de sa pratique, et même souvent de l'épreuve de ses théories, une précision extrême. A l'égard des matières pauvres, une approximalion d'une unité de pourcentage de l'élément utile ou nuisible suffit souvent très bien. Qu'une terre litre 10°/, ou 9°/,de calcaire, qu'un moût de raisin jouisse de 11 ou de 12 degrés d'acidité tartrique, peu im- porte au viticulteur. Qu'un sulfate de potasse dé- nole 45 ou 47 degrés commerciaux en K°O, le prix, l'usage, les doses à répandre de l’engrais ne se mo- difieront guère. Or, avec un peu d'adresse et d'ha- bilude, on oblient sans peine des résultats serrant de beaucoup plus près la vérité. [. — APPAREILS AGRICOLES DE VOLUMÉTRIE GAZEUSE. Ces appareils furent primitivement imaginés pour le dosage rapide du calcaire dans les terres, et surtout en vue de l'adaptation des vignes améri- caines calcifuges (/?ipar ia notamment). Deux types principaux nous paraissent surtout recomman- dables, en ce sens que, soit tels quels, soit après de légers perfectionnements, ils peuvent se plier à divers emplois dosimétriques assez variés. Le modèle (fig. 1) imaginé par M. Trubert, agrégé de l’Université, et qui, d’ailleurs, fait partie du matériel plus complet d'un nécessaire chimique agricole destiné à rendre d'excellents services, à pour lui une extrème simplicité qui n’exelul point l'exactitude entre les mains d'un opérateur soi- gneux. Son emploi est aussi très général. Il se compose tout bonnement d’un flacon à réac- tion F, de 400 centimètlres cubes environ de capa- cité, chargé des réactifs isolés par une jauge J, lequelcommunique avec un tube abducteur coudé T, aboutissant sous une cloche divisée C, pleine d’eau, et reposant dans une cuve en verre V contenant aussi un peu d’eau. Après la réalisation du mélange d'où résulte en F le dégagement gazeux, la poussée des bulles chasse dans la cloche à travers l’eau un T'CPOTESRNT 352 ANTOINE DE SAPORTA — LES ANALYSES AGRICOLES PAR VOLUMÉTRIE GAZEUSE égal volume d’air qu'on mesure après affusion d’eau froide et rétablissement de l'égalité des ni- veaux. Durant l'afflux des bulles d'air en C, la pression primitive se maintient constante, grâce à Fig. 1. — Calcimètre de M. Trubert. — 1 flacon: J, J, jauges ; T, tube abducteur; C, cloche divisée; V, cuve en verre : O, robinet d'écoulement. un orifice d'écoulement O percé dans la cuve Vet obturable à volonté; elle diffère à peine de celle de l'atmosphère qu'on retrouve finalement. Erreur en somme négligeable : quelquefois, l'erreur causée | par les fractions de bulles impuissantes à vaincre la 2.— Calcimètre de M. A. Bernard. — F, flacon à réac- tion; C, tube mesureur; B, boule mobile. pression liquide l'est moins, mais on peut l'appré- cier. Au contraire, le modèle de M. Bernard (fig. 2) donne des indications continues. L'air déplacé par les bulles en F afflue directement au haut du tube mesureur C, et l'observateur doit surtout se préoc- cuper de maintenir à l'élévation voulue la boule mobile B dans laquelle s'accumule l’eau refoulée, de manière à rétablir sans cesse l'égalité des ni- veaux. Quoique remplissant parfaitement le but en vue duquel il à élé créé, l'appareil primitif peut être perfeclionné sans grands frais, mais avec avantage, de façon à en développer l'emploi. Nous con- seillons d'ajouter au bouchon du vase à réaction un petit robinet en cuivre normale- ment fermé, mais qui, ouvert un mo- ment après l'en- foncement du bou- chon, permet l’ex- pulsion de Pair comprimé par la fermeture. Il est bon aussi de mu- nir le calcimètre d'une tige verli- caleenlailon,amo- vible à volonté, qui sert, non seule- ment à guider la poire mobile dans son mouvement de descente, mais surtout à la fixer à la hauteur vou- lue au moyen d’une vis de pres- sion. Avantage très appréciable, cetle disposition permet aussi de conserver jus- qu'à une nou- Fig. 3.— Acidimètre-tartrimètre per- fectionné à réglette mobile. — NH, flacon à réaction; 1,robinet ; DD'D*, tube abducteur; N, tube mesureur; C, boule mobile; E F G, tubes pa- rallèles accessoires; R, réglette; V, vis de pression. velle opération la trace de l'ancienne, ce qui ne se pouvait dans le calcimètre primitif. L'instrument que construit M. Delporte fonc- tionne avec encore plus de commodité et d'exaeli- tude (fig. 3). Il est muni de deux petits tubes pa- rallèles EFG permettant un parfait réglage, et la descente comme l'ascension de la poire mobile Cse réalisent au moyen d'un cordon suspenseur s’en- roulant sur un tambour. Il existe bien d'autres appareils calcimétriques: mais il serait trop long de les énumérer tous, soit que leur délicatesse ou leur prix les relèguent dans les laboratoires techniques, soit que leur emploi, ANTOINE DE SAPORTA — LES ANALYSES AGRICOLES PAR VOLUMÉTRIE GAZEUSE suffisant dans certains cas, présente, en général, trop peu d'exactiltude. Nous ferons toutefois une exception pour l'appareil anéroïde de M. Houdaille, dans lequel la pression du gaz développé dans une enceinte fermée déforme une boîte métallique. Ce faible déplacement, amplifié par un mécanisme assez délicat, se communique à une aiguille mo- bile devant un cadran divisé. Lorsque la dilata- lion de la boite s'opère régulièrement, on obtient en peu de lemps des résultats très précis au prix d'un peu d'attention et de minutie et de beau- coup de propreté. IT. — CALCIMÉTRIE. Dans les appareils Bernard et Trubert, le calcaire d'un échantillon pesé de la terre à expérimenter est décomposé par l'acide chlorhydrique commer- cial dont est chargée la jauge; ce calcaire fournit un dégagement gazeux exactement proporlionnel à son poids ; on compare le volume observé à celui qui provient d'une quantité convenable de poudre de marbre pur. En suivant les indications des auteurs relatives à la concentration du réactif, en ménageant la dose suivant la richesse présumée en calcaire, on obtient d'excellents résultats, soit que l'heureuse construction des instruments compense les erreurs entre elles, ou les rende négli- geables, ou les uniformise. Ce n'est pas tout que de se rendre compte du pourcentage brut d'un sol en carbonate de calcium; il faut encore juger de son assimilabilité. Déjà, lorsque l'on traite par l'acide chlorhydrique une terre magnésienne dolomitique, on s'aperçoit de l'extrême lenteur du dégagement gazeux; dans certains cas, la vilesse est assez amortie pour qu'on puisse compter sans peine les bulles au calcimètre Trubert. Loin de se montrer nuisibles à la vigne américaine, de semblables terres favorisent plutôt sa croissance. Certains calcaires bitumineux très compacts n’agissent plus sur Ja vigne d’une facon pernicieuse et n’accusent au calcimètre qu'une attaque très lente. Mais alors, mieux vaut procéder comme l’a fait, avec son appareil enregistreur, M. Houdaille, à l'École d'Agriculture de Montpellier, et substituer à l'acide chlorhydrique, agent trop violent, un acide plus faible, l'acide tartrique, dont le sel de calcium est presque insoluble. M. Hou- daille a constaté l'existence de deux facteurs inté- ressants, parfaitement mesurables et liés de facon très curieuse à l'adaptation du ÆRiparia comme porte-greffe. Ce sont la vitesse d'attaque et la limite d'attaque, déduites l'une et l'autre du gra- phique d'attaque. Or, l'appareil Trubert permet de retrouver, avec les terres essayées par M. Houdaiïlle, les coefficients 393 que cet agronome à obtenus au moyen de son calcimètre enregistreur. On introduit dans le vase à réaction 10 centimètres cubes d'une solution à 20 °/, d'acide tartrique, avec une charge de terre dans la jauge telle que tout le calcaire, supposé décomposé par l'acide chlorhydrique, remplisse les 100 divisions de la cloche. On provoque la réaction : l'acide tartrique ronge le calcaire et chasse le gaz; on agile le mélange à intervalles réguliers (tous les quarts de minute par exemple) et l’on note périodi- quement le niveau de l'eau dans la cloche graduée. Prenant pour abscisses les temps et pour ordonnées les dégagements, on construit graphiquement une courbe figurative assez analogue, d'abord, à une parabole. Bientôt, toutefois, il ne se dégage plus de bulles, et la courbe dégénère en droite paral- lèle à l'axe des temps; la limite d'attaque est alors alteinte. Il est clair que, plus cette limite d'attaque, liée à la nature et à la division des grains de cal- caire, se maintient inférieure à l'unité, meilleur est le sol étudié à l'égard des plantes calcifuges dont les racines jouissent d’une faculté assimilatoire comparable à celle d'un acide faible. D'autre part, une décomposition rapide dénote un calcaire actif et, par cela même, dangereux pour ces mêmes végé- taux. Au point de vue des expériences agricoles, il suflit, sans construire de courbe sur le papier, de mesurer la vitesse par le temps en secondes néces- saire pour parvenir, dans les conditions indiquées, à la division nette : 33,3 (soit 34 brut). L'instrument primitif de M. Bernard ne peut ser- vir à la détermination de ces coefficients; mais il suffit de le compléter par un dispositif propre à soutenir la boule mobile : tringle verticale avec collier à vis, ou suspension commandée par un bou- ton ou une roulette. III. — AZOTOMÉTRIE. L'azote des sels ammoniacaux est dégagé par une solution assez concentrée d'hypobromite de sodium. Le calcimètre Trubert remplit très bien l'office d'azotomètre pourvu que l’on modère la réaction en ne versant l'hypobromite que goutte à goutte dans un liqueur ammoniacale très étendue pour éviter une élévation de température. Avec les appareils du modèle Bernard, le vase à réaction est un peu petit; il est bon de compenser la concentration inéluctable de la solution en immergeant ce vase dans l’eau froide. Il serait trop long d'entrer dans des détails de manipulation ; qu'il nous suffise de recommander, en vue de ces expériences, de grandes jauges à fond rond, et susceptibles, quoique chargées à fond, de ne se vider que peu à peu par inclinaison du flacon ou fiole à réaction. Au contraire, les jauges appli- 354 ANTOINE DE SAPORTA — LES ANALYSES AGRICOLES PAR VOLUMÉTRIE GAZEUSE quées aux mesures d’acidilé ou de calcimétrie peu- vent être beaucoup plus petites, plus courtes, et doivent même souvent reposer sur un fond plat. En attaquant un engrais organique, une terre, par l'acide sulfurique bouillant additionné de traces de. mercure métallique ou oxydé, de sulfate de cuivre grillé, on convertit l'azote en sel ammo- niacal qu'on peut traiter à l'hypobromite après neutralisation approximative par un alcali. Seul, le flacon de M. Trubert est assez grand pour permet- tre l'expérience. Il n'en est pas de même pour le dosage de l'acide phosphorique sous forme de phosphate ammoniaco-magnésien; le précipité formé par les manipulations classiques est rincé à l'alcool sur le filtre, qu'on introduit avec son contenu dans Je flacon pour l'éprouver finalement à l'hypobromite. IV. — ACIDITÉ DES MOUTS, VINS ET BOISSONS FERMENTÉES EN GÉNÉRAL. Les divers agents à tendance acide incorporés dans le liquide, dont on prélève toujours 20 centi- mètres cubes (10 centimètres cubes dans le calci- mètre anéroïde Houdaille), déplacent l'acide carbo- nique d'un carbonate ou bicarbonate, d'où un dégagement gazeux proportionnel à l'acidité de ces 20 centimètres cubes. On à proposé tour à tour : la craie broyée, le bicar- bonate de sodium solide à des doses diverses, ce même agent en solution aqueuse à 10 °/,. À notre avis, on obtient de bons résultats avec une charge en médiocre excès (60 centigrammes au maximum) de bicarbonate de sodium récent et pur, mais rien ne vaut le bicarbonate de potassium en cristaux. Constituant un sel peu altérable à l’état sec, de composition constante, se conservant des années entières en flacon bouché, le bicarbonate CO°KH s’'emploiera à la dose uniforme, quoique non rigou- reuse, de 50 centigrammes par essai. À défaut de balance, on broiera avant chaque série d'expériences une pelite quantité de ce sel et l’on mesurera la charge avec une cuiller. Avec l'acide tartrique, par exemple, on a : 2COSKH + CH406.H? = C#H4OSK? + 2C02 + 21H20; le gaz carbonique se dégage forcément, parce que la liqueur est déjà saturée par l'excès du bicarbo- nate, tandis qu'au bicarbonate de sodium se trouve toujours mélé un peu de carbonate susceptible d'absorber du gaz carbonique en compliquant les conditions d'équilibre de l'ensemble. Il existe un moyen bien simple de s'assurer de la pureté du bicarbonate de potassium dont on dis- pose. On pèse des poids égaux de marbre en poudre et de bicarbonate, et on traite au calcimètre succes- sivement chacun de ces deux échantillons avec le même volume d'acide chlorhydrique dilué ; les déga- gements gazeux devront être identiques, puisque CO*KH comme CO'Ca — 100. Servons-nous d'abord de l'appareil Trubert. Pro- cédons à une « tare », c’est-à-dire à un essai préa- lable pratiqué avec 20 centimètres cubes d'une liqueur à 10 grammes d’acide tartrique par litre et avec 50 centigrammes de bicarbonate potassique; soit N le nombre observé (en pratique voisin de 60 centimètres cubes); recommencons avec la même charge de sel et 20 centimètres cubes du liquide à essayer : résultat N'. Le quo- y! NC dénote l'acidité tartrique en grammes par litre. Les résultats sont proportionnels et concordent très bien avec les indications obtenues par la mé- thode Pasteur à l'eau de chaux. Nous procéderons de même avec l'ins- trument de M. Ber- nard. Toutefois, les « tares » s'abaissent un peu en valeur ab- solue, et les acidités calculées au moyen de l'échelle centési- male par le quotient 10 N' N peu faibles pour les aciditésinférieures,et un peu forles pour les acidités supérieu- res. Pour les expé- riences de précision et pour les acidités extrêmes, une se- conde lare s'imposerait, et il faudrait se résigner à construire des tables ou à faire intervenir de fasti- dieux coefficients destinés à rectifier les résultats bruts. Pour simplifier les manipulalions et éviter le cal- cul, nous avons recommandé l'emploi d'une réglette mobile verticale, divisée de 5 à 15 grammes en dixièmes de gramme; elle s'adapte aux anciens instruments de M. Bernard comme aux nouveaux types analogues (voir fig. 3 et 4). Au moyen de cette lient paraissent : un Autre aridimètre perfectionné à réglette mobile. H, flacon à réaction; D, tube Fig. 4 — abducteur; C, réglette mo- bile; A, boule mobile sup- portée par la tige R et com- le tube mesureur. muniquant par le tube B avec MÉSL: ANTOINE DE SAPORTA — LES ANALYSES AGRICOLES PAR VOLUMÉTRIE GAZEUSE 355 réglette, la connaissance de l'acidité tartrique d'une liqueur est immédiate, pourvu qu'au moyen d’un larage préliminaire on ait placé convenablement une des divisions centrales; ce réglage n’est dé- rangé que par d'énormes varialions de pression, fort rares quand on ne déplace pas l'appareil, ou des changements sensibles de température. Aux pressions ordinaires, aux approches de 20° ou 22° C., la réglette, lorsqu'elle est ajustée sur une tare de 40 grammes au litre, fournit d'un bout à l’autre de l'échelle des résultats capables de lutter en précision avec les données de la méthode Pas- teur bien conduite. Si les conditions atmosphériques d'expérience s'écartent trop de cette moyenne (cela arrive souventen hiver), ilest possible de commettre des erreurs de 2 ou 3/10 de gramme, mais seule- ment pour les acidités trop faibles ou par trop fortes. Mais deux moyens distincts permettent de dé- tourner la difficulté. Pour les expériences variées de haute précision, faire deux tares, l’une avec 20 centimètres cubes de liqueur tartrique type, l’autre avec 10 centimètres cubes de cette même liqueur coupés avec 10 centimètres cubes d’eau. Si le second résultat est trop fort en apparence (5,3 exemple) diminuer au haut de l'échelle les résultats observés de 1, 2, 3 dixièmes proportionnellement à leur écart de la tare centrale et forcer symétri- quement les acidités expérimentales du bas de la règle. Si l’on étudie uniquement, soit des moûts, soit des vins, une seule tare bien choisie suffira, pourvu qu'elle ne s'écarte pas de plus de 3 divisions des types extrêmes étudiés. Ainsi la tare 10 est tou- jours parfaite en vue de l'examen des moûts, et en hiver la tare 7,5 s'applique très bien aux vins. On n'ignore point, d'ailleurs, que cette tare peut être réalisée simplement au moyen de 20 centimètres cubes d'acide sulfurique décinormal de 4 gr. 9 au litre. Les moûts et les vins jeunes, et, plus généra- lement, les liquides chargés de gaz carbonique, doi- vent être soumis à une ébullition de quelques secondes, puis refroidis jusqu'à la température du laboratoire. Par un singulier hasard, l'appareil Houdaille, médiocrement précis en tant qu'acidimètre lors- qu'on emploie le réactif (craie) et l'échelle de son inventeur, donne d'excellents résultats quand il fonctionne avec 10 centimètres cubes de liquide et 20 centigrammes de bicarbonate potassique, et cela en se servant de l'échelle caleimétrique dressée dans un but tout différent. Les centièmes de calcaire se transforment en grammes d'acide sulfurique par litre. V. — ANALYSE DES TARTRES. Parallèlement au titrage de l'acidité des vins se place la mesure de la richesse commerciale des tartres et lies, c'est-à-dire de leur teneur en bitar- trale de potassium C‘H‘OSKH. Lorsque, dans un volume constant d'eau froide (20 centimètres cubes), on diffuse 500 milligrammes exactement pesés de crème de tartre ou de tartre brut finement broyés, et qu'après fermeture du vase à réaction on fasse basculer dans le liquide une « jauge » chargée d’un demi-gramme environ de bicarbonate potassique en cristaux, il se dégage lentement du gaz carbonique, et finalement le volume gazeux recueilli dans l'éprouvelte se proportionne exactement à la teneur de l'échantillon en bitartrate de potassium pur ou, si l’on veut, à sa puissance acide. On compare celle- ci au même type qu'on a choisi pourles vins, c’est- à-dire à 20 centimètres cubes d’une liqueur tar- trique à 10 grammes d'acide au litre, atlaqués par un demi-gramme de bicarbonate ". Cette manière d'opérer exige assez de patience; elle ne s'applique pas au calcimètre Trubert et ne réussit avec l'appareil Bernard qu'après que celui-ei a subi une transformation ou un perfectionnement dans son mécanisme. Mais le grand inconvénient consiste dans l'emploi forcé d'une balance de pré- cision, car les 500 milligrammes de tartre doivent être pesés, non approximalivement comme le bicar- bonate, mais exactement, au demi-centigramme près. Si la crème de tartre se dissolvait passablement à froid comme à chaud, il suffirait de diffuser l’échan- tillon (5 grammes) dans un volume connu d'eau, 200 centimètres cubes par exemple, et de prélever à la pipette une prise de 20 centimètres cubes qu'on essaierait à l’acidimètre. Mais cela ne se peut, car, malgré les phénomènes de sursaturation, dès que la chaleur cesse d'agir, la majeure partie de la crème de tartre se précipite. Pourtant, si l’on additionne la liqueur bouillante d'une certaine proportion d’acide borique en pail- lettes, — 1 gramme pour fixer les idées, — la solu- tion ne dépose plus par refroidissement. Il s’est formé de l « émétique de bore » ou « crème de tartre soluble », qui, circonstance curieuse, agit exactement sur le bicarbonate potassique comme la crème de tartre primitive, à la rapidité près de l'attaque qui s'accélère énormément : C'H'06.RH Tartrate acide de potassium (Crème de tartre) CH*(Bo0)'O° KH RE CS Emétique de bore (Crème de tartre soluble) Ce fait infirme définitivement l’ancienne théorie, abandonnée aujourd'hui, d’après laquelle le radical « boryle » BoO se portait sur le deuxième hydro- { Un calcul très simple, que nous nous dispensons de faire ici, montre que 200 milligrammes d'acide lartrique équiva- lent alcalimétriquement à 500 milligrammes de crème de tartre pure, sauf une erreur négligeable en pratique. 356 ANTOINE DE SAPORTA — LES ANALYSES AGRICOLES PAR VOLUMÉTRIE GAZEUSE gène acide resté libre, ce qu'indiquait la dénomina- tion erronée de « tartrate double de potassium et de boryle ». Un caleul très simple montre que la crème de tartre pure est solubilisée en absorbant le tiers de son poids d'acide hydraté BoO°H”. Il ne convient pas de trop dépasser cette dose, car l'acide borique libre possède une action décom- posante faible, mais sensible, sur le bicarbonate de potassium. L'expérience apprend qu'au contraire on arrive aux mêmes résullats pratiques avec le quart de la proportion théorique, soit qu'un phéno- mène chimique mal connu intervienne, soil plutôt que l'excès de crème de tartre intacte devienne alors assez faible pour ne se précipiter à froid qu'au bout d'un temps assez long (plusieurs heures), alors qu'on opère au bout de quelques minutes. Finalement, après avoir fait une « lare » au moyen de la liqueur tartrique type (dégagement N), on prélèvera 5 grammes de trartre brut ou de lie sèche qu'on additionnera d’un gramme environ d'acide borique commercial et l'on arrosera le tout de 150 à 180 centimètres d’eau. On chauffera et, après ébullition prolongée durant quelques mi- nutes, on laissera refroidir; on complétera exacte- ment les 200 centimètres cubes sur lesquels on pré- lèvera à ia pipette 20 centimètres cubes pour essai au bicarbonate de potassium : résultat N. La ri- chesse (ou le titre) sera représentée par le quotient 100 N, ont Cette méthode, en ce qui concerne les lies et tartres de couleur, nous parait préférable au pro- cédé classique à la phénolphialéine, qui exige la confection d'une liqueur alcaline titrée et se base sur un virage souvent difficile à saisir. Si l’on opère avec le calcimèlre Bernard, l'emploi de la régletle acidimétrique écarte tout calcul et fournit immédiatement le degré commercial. Il est, sinon indispensable, du moins utile d'adopter un dispo- sitif permettant d'accrocher ou suspendre la poire mobile. VI. — DOosaGE DE LA POTASSE. Jusqu'à présent, deux éléments se montraient rebelles à tout dosage par volumétrie gazeuse : à savoir la potasse et le cuivre. Il fallait rassembler la première, au prix de manipulations délicates et longues, pour la peser ensuite sous une forme spé- ciale, et isoler le second au moyen d’un courant électrique. Fait curieux, le platine, ce métal si cher aujourd’hui, qui peut-être dépassera l'or en valeur commerciale, jouait un rôle essentiel dans les deux opérations. La potasse, en effet, se dose à l'état de chloroplatinate, etle cuivre, mis en liberté sous l'action d’une pile Daniell, se dépose sur un cylindre de platine laré d'avance qu'on repèse à la fin de l'expérience. Quoique les méthodes soient excellentes, — et sans doute parce que leur excellence dépend de leur minulie, — elles ne sont pas toujours à la portée d'un agronome chimiste occasionnel. Pour- tant, il lui importe beaucoup de pouvoir contrôler la richesse de ses engrais à base de potasse et de se rendre compte de la proportion réelle de cuivre, soluble ou non, dissimulé dans ses poudres anti- cryptogamiques. Voyons d'abord ce qui concerne la potasse. Un poids relalivement considérable — quelques gram- mes — de la matière à analyser est dissous à l’ébul- lition, puis jeté sur un fillre sans plis qu’on lave plusieurs fois à l'eau bouillante. On laisse refroidir la solution, on l'étend à un volume exact conve- nable et on l'homogénéise. Une fraction suffisante de cette liqueur est alors immunisée par la crême de tartre en léger excès, qui n’en modifie pas le volume. Après agilation et contact prolongé durant quelques minutes, on filtre de nouveau, et, sur le filtratum, on prélève un volume constant, 5 cen- timètres cubes, qu'on introduit avec une pipette dans une fiole conique d'Erlenmeyer. On ajoute une quantité connue d'une liqueur de bitartrate de sodium, saturée elle-même de bitartrate de potas- sium. Au bout de quatre à cinq heures de copula- tion, précédées et interrompues par des agitations répétées méthodiques, le sel de potasse de l’engrais a changé sa base contre la soude du bitartrate, et, quoique le bilartrate de potassium ne soil pas insoluble rigoureusement, il se comporte comme tel, puisque chacune des liqueurs réagissantes est déjà séparément saturée de ce sel. Le précipité peut et doit contenir toute la potasse soumise à l'essai; comme il est doué d'une réaction acide, sa formation a dû affaiblir d'autant l'acidité primitive et totalisée des deux liqueurs employées. De là une perte facilement mesurable et qui fournit déjà un renseignement précieux sur la teneur approxima- tive en potasse du sel essayé. Mais ce n’est pas tout. Après avoir soutiré l’eau- mère qui baigne le précipilé, lavé celui-ci à deux reprises avec de l'eau saturée de crème de tartre, puis égoutté, on le dissout à chaud dans l’eau additionnée d'acide borique; l’on introduit enfin, dans le vase à réaction de l'appareil acidimé- trique, la liqueur et les eaux de lavage et on les traite par le bicarbonate polassique. Le dégage- ment gazeux obtenu est proportionnel à la dose de crème de tartre formée, c'est-à-dire, en fin de compte, à celle de la potasse. Il serait très délicat d'isoler par lavage le préei- pité de crème de tartre sans en rien entrainer. Aussi conseillons-nous de décanter la partie liquide bès ANTOINE DE SAPORTA — LES ANALYSES AGRICOLES PAR VOLUMÉTRIE GAZEUSE 357 dans un tube à essai, assez épais et court, quoique pouvant supporter le feu, muni d'un trait de jauge de 10 centimètres cubes et percé d'un très petit orifice pratiqué à 15 ou 20 millimètres au-dessus du fond. Le trou peut s'obturer à volonté au moyen d'un éclat de bois taillé. Dans ces conditions, les parties so- lides entrainées se rassemblent vite au fond du tube bouché et le liquide clair s'écoule seul lorsqu'on dégage l'orifice. On parachève l'épuisement par succion capillaire en appuyant l'ouverture contre une paroi inclinée. La majeure partie du précipité restée dans la fiole est additionnée directement d'acide borique (dont la dose exacte se calcule d'après les données déjà fournies par la méthode par différence), puis d’eau distillée. Le liquide bouilli est déversé encore chaud dans le tube: il s'assimile le reste du précipité à la suite d'une seconde ébul- lilion. Après refroidissement, compléter les 10 cen- timètres cubes jusqu'au trait de jauge, déverser dans le vase à réaction du calcimètre, laver fiole et tube avec 10 centimètres cubes d’eau qu'on ajoute aux premiers, et éprouver acidimétriquement l’en- semble. Les deux méthodes de dosage de la potasse par différence et directe se contrôlent parfaitement, sur- tout dans les taux moyens et en l'absence du sul- fate de calcium. La dernière est préférable pour les richesses moyennes ou fortes (chlorure de potas- sium, par exemple); la première, au contraire, semble meilleure pour certains engrais pauvres". VII. — DosAGE DU CUIVRE. Lorsqu'un sel de cuivre se trouve en présence du composé à Lype d'ammoniaque condensée nommé « hydrazine », et que l'industrie chimique livre actuellement sous forme de sulfate d'hydrazine en superbes cristaux, l'hydrazine réduit le sel cui- vrique en sel cuivreux au prix de tout son azote : 4CGu0' + AZ2H4 — 2Cu°0 + 2H°0 + Az° CRE CREER Oxyde Hydra- cuivrique zine Azole libre Oxyde cuivreux Quatre molécules-milligrammes de sulfate de * Pour ne pas surcharger notre exposé de détails fastidieux, donnons ici quelques renseignements relatifs à la pratique de l'opération : Soit N la tare du jour en centimètres cubes : il est bon que les 5 centimètres cubes d'essai renferment 30 K—- de bilartrate de sodium, saturée de bitartrate de potassium, doit jouir d'une force acide à peu près double, à volume égal, de celle de la liqueur-type d'acide tartrique. 11 faut tenir compte aussi de la faible acidité de la prise d'essai. Pour apprécier après le dépôt l'acidité réduite de l'eau-mere, prendre une portion connue de celle-ci et ramener par le calcul à l'intégralité. Enfin, la perte d'acidité, traduite en centimètres cubes, correspond sensiblement au pourcentage en K°0 de la matière essayée, et le nombre de centimètres un poids d'engrais en milligrammes de La solution cubes observés à l'essai final dénote sans calcul ce mème Pourcentage. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904, cuivre cristallisé pur, qui pèsent précisément 1 gramme, dégagent, mises en présence de 130 mil- ligrammes de sulfate d'hydrazine SO‘H°.Az*H*, deux atomes-milligrammes d'azote, c'est-à-dire autant de gaz que le font 107 milligrammes de chlorure d'ammonium pur traités par l'hypobromite de sodium. Cette intéressante réaction nous a été si- gnalée par M. Joseph de Girard, docteur ès sciences, à Montpellier ; elle permet de doser très facilement le cuivre des poudres anticryptogamiques. La substance à essaver est attaquée à chaud par un volume exactement mesuré V d’eau légèrement aiguisée d'acide nitrique. Après suffisant contact, on filtre la bouillie obtenue, on recueille une frac- tion du volume V, la moitié par exemple, conle- nant, par conséquent, la moitié du cuivre de l’échan- tillon, et l'on déverse dans le vase à réaction du calcimètre Trubert. On neutralise avec un aleali fixe, de façon toutefois que la liqueur reste encore très faiblement acide; on introduit un léger excès de sulfate d'hydrazine et l'on garnit la grande jauge d'une forte charge de lessive alealine qu’on déverse goutte à goutte. Le mélange se trouble et rougit à mesure que la soude déplace l'hydrazine et que celle-ci est décomposée en perdant de l'azote qu'on recueille dans la cloche. On compare le volume d'azote à celui que dégagerait un poids convenable de chlorure d'ammonium pur traité à l'hypobromite. Les résullals sont exacts. Toutefois, la difficulté pratique provient de ce qu'il faut un poids assez lourd de sulfate de cuivre pour obtenir un dégage- ment gazeux suffisant, que, pour l'attaque parfaite d'une poudre commerciale dans laquelle le sel de cuivre est diffusé dans un large excès de matière inerte, il convient d'employer un fort volume d'eau acidulée, et qu'en fin de compte, le vase à réaction ne doit pas être envahi par une masse liquide exa- gérée". Nousrecommandons, dans ce but, de répartir d'abord la couche de poudre sur le fond plat d'une grande fiole conique, de verser ensuite le liquide et de chauffer le tout légèrement, en disposant sur le goulot une petite poire en verre pour ralentir l’évaporation. Il est malheureusement moins facile de parer à un autre inconvénient : à savoir le prix élevé du sulfate d'hydrazine. Ce réactif ne saurait revenir actuellement à moins de 80 francs le kilogramme, et chaque essai, en admettant qu'il porte sur 2 grammes de sulfate de cuivre, reviendrait à 25 centimes au moins. A l’industrie chimique de lever cet obstacle. Antoine de Saporta. © La capacité du vase à réaction de Fappareil Bernard est rop faible pour permettre les essais de cuivre à lhydra- zine, Il faut opérer avec le dispositif Trubert. 308 + BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Pionchon |(J.), Professeur à la Faculté des Sciences de Grenoble. — Evaluation numérique des Gran- deurs géométriques (Bibliothèque de lElève-In- génieur ; 1" section : Mathématiques). — 1 vol. in-8° de 128 pages avec ligqures. (Prix : 3 fr. 50.) Gratier et Rey, éditeurs, Grenoble, 1903. Sous le titre de : Bibliothèque de l'Elève-lngénieur, M. Pionchon vient d'entreprendre la publication d’une série de petites monographies dont l’ensemble doit constituer un /tecueil de Notions fondamentales, théo- riques et pratiques, sur les Sciences appliquées. Cette tentative est des plus intéressantes, et nous espérons que M. Pionchon parviendra à s'entourer des spécia- listes qui lui sont nécessaires pour mener à bien cette utile entreprise. Une pareille collection peut rendre de grands services dans les pays de langue française, car il n'existe guère d'ouvrage francais poursuivant ce but. L'ingénieur français, chacun le reconnait, possède un excellent bagage de connaissances théoriques au moment où il quitte ses études, mais son instruction est'souvent purement théorique; on néglige dans bien des cours — nous avons en vue surtout les cours de Mathématiques — d'introduire dans les problèmes des considérations empruntées aux applications pratiques. Mais, pour qu'une collection semblable à celle que pré- pare M. Pionchon ait sa raison d’être, il est indispen- sable qu'elle tienne compte, dans une large mesure, des diverses branches des sciences appliquées. Les monographies qui la composent ne doivent pas être de simples résumés des connaissances théoriques utiles à l'ingénieur; chaque notion abstraite doit être accom- pagnée des formes caractéristiques sous lesquelles on la rencontre dans les applications. La Bibliothèque de l'Elève-Ingénieur comprendra cinq sections, renfermant chacune une douzaine de volumes : 4° Mathématiques; 2° Mécanique; 3° Phy- sique industrielle; # Electricité industrielle ; 5° Eco- uomie industrielle. Les douze volumes de la Section mathématique por- teront les titres suivants : Calculs numériques; Calculs algébriques; Analyse infinitésimale ; Grandeurs géomé- triques; Mesures de longueurs; Mesures de surfaces; Mesures de volumes; Dessin géométrique; Nomogra- phie; Topométrie; Topographie. Pourquoi cette répartition, qui présente des dispro- portions que l’on ne s'explique guère? On ne pourra en donner un jugement complet que lorsqu'on aura pris connaissance du contenu des divers volumes. Ce que l'on peut dire, dès maintenant, c'est qu'il eût été préférable, dans l'intérêt de ?Ælève-Ingénieur, de grouper les Mathématiques en deux volumes au maxi- mum. Non seulement les recherches eussent été plus faciles, mais il eût été possible de mettre la collection complète à la portée d'un plus grand nombre de per- sonnes. Pour le moment, un seul volume à paru dans la Sec- tion mathématique ; il est intitulé : £valuation numé- rique des grandeurs géométriques. L'auteur y résume les notions suivantes : évaluation numérique des lon- gueurs, des angles, des courbures, des aires, des vo- lumes ; puis il examine l'influence du choix de l'unité de longueur sur l'évaluation des grandeurs géométri- ques. L'Appendice contient quelques considérations générales : 4° sur l'étude quantitative des grandeurs géo- métriques; 2° sur la désignation numérique des gran- deurs géométriques. , Ce groupement des diverses notions est intéressant ET INDEX et s'adapte bien à ce genre de résumés. Par contre, on peut reprocher à l'auteur l'emploi de quelques dénomi- nations dont on ne fait guère usage en Mathématiques; citons, à titre d'exemple, « la matricule d’un segment ». D'autre part, il n’est pas tenu compte dans une mesure suffisante des applications pratiques ; on ne trouve pas dans ce volume de ces exemples qui frappent l'élève et lui permettent de saisir nettement la notion théorique qu'on vient de lui présenter. H. Feur, Professeur à l'Université de Genève, Fliegner (A.), Professeur à l'Ecole Polytechnique de Zurich. — Les Distributions à changement de marche avec tiroir unique ({raduit de l'allemand par P. Horrer, avec une préface de M. Marcer). — 4 vol. in-8° de 190 pages avec T7 planches gravées. Ch. Béranger, Paris, etSchulthessetCie, Zurich,1903. La grande notoriété de l’auteur et les deux éditions qu'a eues son livre, en Allemagne, nous dispensent d'en faire l'éloge; M. Mallet a, d’ailleurs, témoigné du mérite de la traduction francaise en consentant à lui donner une préface. L'ouvrage de M. Fliegner manquait d'une introduc- tion historique : M. Mallet a comblé cette lacune, en remontant à la genèse des changements de marche; son avant-propos constitue une étude synthétique très intéressante, pleine d’apercus nouveaux et inédits. M. Fliegner a traité son sujet en se plaçant surtout au point de vue théorique, mais cet ouvrage sera très utile aux ingénieurs chargés d'établir des projets de machines. Dans un premier livre, le savant auteur étudie la commande des tiroirs de distribution; le second livre est consacré à la classification des chan- gements de marche avec barre d'assemblage variable et invariable et par variation de l'angle de déviation. On y trouve d’abord la description des coulisses de Ste- phenson, de Gooch et d'Allan; puis, viennent celles de Walschaerts et de Hackworth, et les distributions de Morton et de Wild. La méthode adoptée par le professeur de Zurich est celle de Muller, qui résout par des épures, sans inter- vention de l'analyse, le problème des distributions : c'est donc une méthode exclusivement graphique. Elle dérive de celle de Schorch, mais elle est plus simple, attendu que les arcs de cercle sont remplacés par des perpendiculaires à l'axe du tiroir; mais la comparaison des épures de Schorch et de Muller montre que l'avance à l'admission y est représentée avec la même précision; les phases peu intéressantes de la distribution sont les seules qui soient influencées par l'approximation ad- mise. L'épure obtenue est donc très utile aux prati- ciens. L'application qui en est faite par M. Kliegner. aux distributions à changement de marche présente le grand avantage de permettre un tracé précis par la règle et le compas. L'ouvrage est d'une lecture facile; mais nous regret- tons que toutes les figures aient été rejetées dans les planches placées à la fin du volume; la gravure permet assurément une précision plus grande que des clichés insérés dans le texte, et cette manière de faire se prête fort bien à la méthode graphique, qui sert de base à toutes les déductions; mais des schémas n'ont pas besoin d'une semblable précision, et le lecteur se reporte plus aisément à des figures intercalées dans leurs légendes explicatives. Cette légère critique ne diminue en rien le mérite des éditeurs, qui ont sur- veillé avec le plus grand soin l'exécution matérielle de l'édition française. AIMÉ Warz. "Professeur de la Faculté libre des Sciences de Lille: « nn ant Ée. n E BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 359 a 2° Sciences physiques Comptes rendus du Congrès ée la Houille blanche (1-13 septembre 1902). — 2 vol. gr. iu-8° de 605 et 666 pages avec ligures. Syndicat des Propriétaires et industriels possédant ou exploitant des forces molrices hydrauliques, ?, place du Lycée, Grenoble. Grâce aux deux beaux volumes qui viennent de pa- raitre, il restera du Congrès de la Houille blanche autre chose qu'un Souvenir agréable, mais forcément appelé à s'effacer avec le temps Le livre que nous venons de lire est bien fait pour entretenir ce souvenir sous sa forme la plus heureuse. Les Membres du Congrès voudront souvent Sy reporter pour leur documentation, et ceux qui n'ont pas pu assister au Congrès pourront, en le lisant, s’en faire une idée aussi exacte que possible. Le premier volume est consacré aux comptes rendus des travaux du Congrès, et le second aux comptes ren- dus des excursions et visites officielles de la région française et de la région suisse avoisinant les Alpes. Les préliminaires jugés nécessaires à l'exposé logique des travaux du Congrès, ainsi que l'historique complet de celui-ci, occupent la première partie du premier volume, soit environ 145 pages; le reste du volume est consacré, en proportions à peu près égales, aux confé- rences de la section technique et à celles de la section économique. On sait que les deux sections ont tenu simultanément leurs séances à Grenoble, Annecy et Chamonix. Les insénieurs des Ponts et Chaussées, MM. Wilhelm, René Tavernier, de la Brosse, ont traité de l'hydrologie en pays de montagnes; M. Crolard, de la régularisation du débit des cours d’eau par le moyen des lacs ou des réservoirs artiliciels ; M. Drouhin, ingénieur de la Société électrochimique de la Romanche, a exposé les travaux hydrauliques des installations devant utiliser l’eau des torrents : M. A. Dumas, la construction des barrages et des TÉSELVOITS ; M. Boucher, les questions d'hydraulique industrielle en général ; M. Sloan, l'essai des turbines: M. Ribourt, professeur à l'Ecole Centrale, la régula- risation de ces dernières : L'électrieité, qui fournit le meilleur mode d'utilisa- tion des chutes d’eau et du transport de leur énergie à distance, a fait l'objet de contérences techniques égale- ment fort intéressantes. É M. Picou à complété l'étude des installations hydro- électriques par quelques considérations sur la partie des installations concernant l'électricité. M. Thury a traité de l'isolement des canalisations à haute tension et à courant continu, et de l'emploi de la terre pour le retour du courant. M. Hospitalier à fait présenter l'ondographe, et MM. Rougé et Faget l’alterno-redresseur étudié par eux pour la conversion du courant alternatif en courant continu. M. Blondel à présenté une note sur ie calcul rapide des conducteurs aériens, au moyen d'un abaque uuique. M. Boissonnas, directeur de la Société franco-suisse pour l'Industrie électrique, a traité du transport élec- rique de l'énergie ; M. Henri Gall, administrateur-délégué de la Société d'électrochimie, de l'industrie électrochimique fran- çaise ; M. Godinet, de l'éclairage ; M. Petit, de la traction électrique. La Section économique s’est occupée des questions relatives à la législation des cours d'eau en France, et Surtout des cours d'eau non navigables ni fottables, qui intéressent plus particulièrement la région visitée. En présence d'un projet de loi proposant d'attribuer au Gouvernement la propriété des chutes de puissance Supérieure à 200 chevaux et la faculté pour Jui d'en donner la concession, le Congrès a examiné de nom- breux projets, plus propices aux intérêts de l’industrie, et Son attention s’est fixée surtout sur le projet de loi présenté par M. Michon, professeur à la Faculté de Droit, et connu depuis sous le nom de « projet de loi de Grenoble ». Il attribue la propriété de la chute à l’en- semble des riverains, mais il autorise dans certains cas la licitation de ces droits. Le premier volume est complété fort utilement par le texte des projets de lois relatifs à la question légis- lative, et par le texte du traité récent destiné à assurer l'éclairage électrique de Grenoble, ainsi que la repro- duction d'un Rapport sur la même question. Le second volume rend compte des excursions du Congrès de la Houille blanche, d'abord sur le versant français des Alpes, el notamment dans la région gre- nobloise, les vallées du Drac, de la Romanche, de lAre, du Bréda, de la Haute-Isère et de FArve, puis en Suisse dans la vallée du Rhône, et particulièrement la visite des installations de Genève, de Saint-Maurice et de Lausanne. Après un compte rendu humoristique et pittoresque des diverses excursions du Congrès, on trouve développés leurs éléments principaux d'intérêt, sous forme de monographies descriptives des usines visitées par le Congrès et même de quelques autres usines de la région. L'enseignement propre du livre se complète encore par les bibliographies qui suivent certains chapitres. I est facile de le consulter avec fruit; tant au point de vue économique qu'au point de vue technique, et l'on trouvera qu'il contient de nombreux renseignements sur les chutes d’eau, le transport de l'énergie et son utilisation. Il est regrettable, toutefois, qu'on n'ait pas mis à profit cette belle publication, comme d'ailleurs le Congrès qui en est la source, pour donner un apercu des services rendus par la Houille blanche aux nom- breuses industries qu’elle dessert, pour étudier l’état de ces industries, leur importance relative et leur avenir. Cette enquête eût pu ètre menée à bien par leffort col- lectif des congressistes; mais aucune enquête indivi- duelle ne peut, à cet égard, compléter l'œuvre inache- vée du 1° Congrès, c'est-à-dire donner l'information précieuse que nous regrettons de ne trouver dans aucune publication, pour définir le rôle économique de cet agent industriel si fécond, la Houille blanche. L'ouvrage ne visait pas ce but, puisqu'il ne rentrait pas dans le programme du Congrès en question; nous le regrettons, et nous voulons espérer qu'une autre publication comblera celte lacune. Quant à celle que nous présentons à nos lecteurs, elle est de lecture agréable, et, comme livre de références, d’une consul- lation très facile, grâce aux tables des matières el aux tables de gravures accompagnant chaque volume. Bien étudié, et riche d'illustrations excellentes, l'ou- vrage Sera donc non seulement un souvenir agréable à Ceux qui ont été associés aux visites du Congrès, mais il constituera une attraction puissante et il sera d’une lecture instructive pour les lecteurs qui n'ont pas eu la bonne fortune d'y prendre part. P. LeraEuLe. Pairault (E.-A.), Pharmacien principal des troupes coloniales, Chargé de mission scientifique aux An- lilles. — Le Rhum et sa fabrication. — 1 vol. 1n-8° de 289 pages. Naud, éditeur, Paris, 1903. M. Pairault à étudié sur place les rhummeries des Antilles, et il à établi à Saint-Pierre de la Marti- nique un laboratoire pour faire des recherches rela- Lives à cette industrie. Il est donc bien documenté, ce qui donne un grand intérêt au volume qu'il publie. Le tableau que trace M. Pairault de l'industrie rhum mière aux Antilles n’est pas attrayant; cette industrie serait une de celles qui ont le moins utilisé les pro- grès de la Science, dont certaines autres industries de la fermentation ont, cependant, si lrgement profité. On fabrique le rhum comme il y à Cinquante ans, avec la même ignorance du rôle des ferments, les mêmes aléas, les mèmes pertes, avec la même routine! 300 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX M. Pairault donne des renseignements précis sur les divers modes de fabrication du rhum et sur les sortes de rhums qu'on prépare. On produit deux sortes de rhums : le rhum d'habitant et le rhum industriel ou rhum d'exportation. Le premier, consommé sur place, est préparé dans les petites rhummeries, au moyen du vesou cru ou du vesou cuit. Il est très fin, son arome est suave et bien supérieur à celui des rhums d’expor- tation, qui sont préparés au moyen de mélasses. Le rhum préparé pour l'exportation doit avoir un arome très intense, recherché par les exportateurs qui peu- vent se livrer ainsi à la fraude. Le rhum d'exportation peut, en effet, être coupé avec trois à quatre fois son volume d'alcool industriel neutre, que son odeur in- tense masque aisément. Le rhum d'habitant ne sup- porterait pas une semblable dilution. M. Pairault ap- pelle l'attention sur cette fraude très courante, qui est très préjudiciable aux fabricants de rhums. M. Pairault, en suivant attentivement le travail des rhummeries, a pu se rendre compte de leur défectuo- sité. Pour s’en faire une idée, il suffit de constater le rendement; or, M. Pairault a vu que celui-ci était de 25 à 30 °/, inférieur au rendement théorique, alors que, dans une fermentation bien conduite la perte peut être limitée à 5 °/, au maximum à 10 °/,. Ce mauvais rendement est dù à la malpropreté et à l'in- curie, La mélasse est abandonnée dans des citernes où elle reçoit des poussières de toute nature; la fer- mentalion n'est pas surveillée : elle se fait au hasard, à une température quelconque, et il n’est pas surpre- nant que le résultat soit mauvais. En présence de cet état de choses, M. Pairault s'est efforcé de faire connaitre les méthodes propres à amé- liorer la fabrication et principalement la partie la plus défectueuse de celte fabrication : la fermentation. Il faut opérer la fermentation en cuve aseptique et au moyen de levures pures. Il faut aussi opérer avec soin pour ne pas introduire de bactéries dans les fer- mentations. C'est, en effet, le développement anormal de ces bactéries qui est cause des mauvais rendements que l’on constate. Comme on avait fait à M. Pairault l'objection que les bactéries sont nécessaires pour produire l'arome du rhum, il à fait des essais pour juger la valeur de cette assertion, et il a constaté que les bactéries ne jouent aucun rôle utile dans la pro- duction du bouquet. Il convient donc, pour régulariser la fabrication et lui faire donner des résultats favorables et réguliers, d'opérer sur des moûts aseptiques qu'on ensemence avec des levains purs. M. Pairault recommande dans ce but l'appareil de M. Barbet. Au point de vue de la distillation, l'auteur dit que les appareils employés aux Antilles sont très bons. Lorsqu'on veut utilisér des appareils continus, il faut avoir soin de ne pas trop pousser la rectilication, atin de ne pas diminuer le bouquet, qui réside, comme on le sait, dans les impuretés. M. Pairault termine son ouvrage en donnant des indications sur la manière dont doit être établie une rhummerie modèle et sur la façon dont le contrôle doit y être exercé au point de vue bactériologique et au point de vue chimique. Les industriels ne sauraient avoir un meilleur guide que M. Pairault, et il est à souhaiter que ses conseils soient suivis dans les rhummeries de nos colonies. X. RocQues, Ex-chimiste principal du Laboratoire municipal de Paris. Malmgren (S. M.) — Synthesen vermittels Brom- camphers und Magnesium. (Thèse DE LA FACULTÉ pes SCIENCES D'HELSINGFORS). — 1 vol. in-8° de JM payes. Imprimerie J. Simelii Erben, Helsingfors, 1903. Par le moyen de la synthèse de Grignard, l'auteur a fait entrer le groupe camphoryle dans un grand nom- bre de combinaisons. 3° Sciences naturelles Robin (Aug.). — Géologie pittoresque. La TERRE. SES ASPECTS, SA STRUCTUBE, SON ÉVOLUTION. — A vol. gr. in-4° de 330 pages, avec cartes géologiques en couleur, 760 reproductions photographiques (24 hors texte), 53 tableaux de fossiles caractéristiques, et 158 des- sins. (Prix : 20 fr.) Larousse, éditeur. Paris, 1903. Voici un livre que consulteront, avec plaisir, aussi bien les géologues de profession que le public qui s'in- téresse à la Géologie. Il renferme, en particulier, de nombreux documeuts, admirablement reproduits au moyen de clichés photographiques. C’est là une des caractéristiques et un des avantages de cet ouvrage de vulgarisation, car les figures, bien choisies, souvent originales, permettent toujours de se rendre netteme LA compte de ce dont il est question, aussi bien des pay- | sages géographiques et géologiques que des carrières, des fossiles, des minéraux, etc. Le texte de « La Terre » est, d'ailleurs, clair et précis, et l'auteur a su prendre, en général, des exemples ty= piques parmi les faits nombreux qu'il avait à exposer. L'ouvrage est divisé en trois parties : La première a trait aux phénomènes actuels et com- prend les chapitres suivants : L'atmosphère, l'eau li- | quide, l'eau solide, les cours d’eau, la mer, la séche- resse de l'air, le vent, les organismes, le feu souterrain. La seconde est consacrée aux formations géologiques éruptives et sédimentaires, depuis les temps primaires jusqu'à nos jours. La troisième est assez complexe : on y trouve des chapitres un peu spéciaux, comme les environs de Paris; d'autres, d'utilité pratique : les excursions gé0- logiques; enfin, un chapitre sur l'homme, un autre sur les minéraux, et le dernier, particulièrement intéres- sant et philosophique, sur le passé et l'avenir de la Terre. Pour ces diverses raisons, cette publication mérite une place dans toutes les bibliothèques; elle peut aider à l'étude de la Géologie, en donner le goût, et servir beaucoup à titre documentaire. Il convient, enfin, de féliciter vivement la librairie Larousse, pour le soin tout particulier qu'elle a apporté à l'édition de cet ouvrage. PH. GLANGKAUD, Professeur adjoint à l'Université de Clermont-Ferrand. PP PO Cotte (J.). — Contribution à l'étude de la nutrition chez les Spongiaires. — { broch. de 148 pages avec figures. EX trait du Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, t. XXXVIIL. Laboratoire d'évolu-: tion des êtres organisés. Paris, 1903. M. Cotte a rassemblé dans ce travail, en y ajoutant un grand nombre d'observations personnelles, les docu- ments un peu épars que l’on possède sur les princi- paux points de la Physiologie des Eponges. Il étudie d’abord le mécanisme du courant qui par- court les voies aquifères avec une rapidité variant selon leur calibre. I est lent dans les corbeilles vibratiles ; mais les flagella des choanocytes déterminent un bras- sage énergique de l'eau etla forcent à se déplacer perpen- diculairement à leur axe. Le sens du courant paraît être toujours le même, et difficilement susceptible d'inversion; les corbeilles vibratiles des Clionides sont, comme celles des autres Spongiaires, parcourues par le courant principal et non pas en dérivation sur lui. Outre le courant des voies aquifères, il existe, réglé par le jeu des contractions des pinacocytes, un courant lacunaire qui parcourt la substance fondamentale et sert de voie aux phénomènes d'absorption et d’excrétion. La partie la plus considérable du Mémoire est con= sacrée à l'étude de la digestion. L'absorption des parti= cules solides parcourant les canaux est effectuée par les choanocytes. Le transport dans l'intérieur du corps des substances ingérées appartient aux cellules migra= trices, ainsi que le prouve l'examen de coupes effectuées sur des Eponges fixées après un séjour plus où moins long dans de l’eau de mer additionnée d'amidon, de bactéries ou de poudres colorées. “ar de PR arcs dun. Elie ce + pt BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 361 Les Spongiaires n'émettent pas de ferments digestifs dans le liquide qui les baigne ; leurs fonctions diges- tives, purement intracellulaires, sont dévolues, chez les Calcaria, principalement aux choanocytes, et chez les Incalcaria aux amibocytes. M. Cotte à pu assister à la phagocytose des cellules d'une algue par les cellules . amiboïdes de l'Eponge avec qui elle vil en commensa- lisme; il a vu également les cellules amiboïdes effectuer une migration dans des tubes capillaires enfoncés dans le tissu des Eponges et chargés de particules charbon- neuses, puis absorber ces particules. La nature des diastases des Spongiaires n'est pas CE dans l’'embranchement. Chez la plupart exis- terait un ferment agissant sur les matières albumi- noïdes, appelé par l'auteur subéripsine. Certains de ses caractères le rapprochent de la trypsine : la digestion s'effectue bien, surtout en milieu alcalin; elle va jusqu'à la production de leucine et de tyrosine; mais ce fer- ment agit également en milieu acide : les produits de digestion donnent la réaction de la tyrosinase, mais non celle du tryptophane. Comme on sait la complexité des conditions qui interviennent dans la digestion des protéiques, cette étude mériterait d'être poursuivie chez les Spongiaires, qui s'écarteraient un peu, à ce point de vue, d'autres êtresinférieurs. D'ailleurs, M. Cotte signale chez certaines espèces la présence simultanée de pepsine et de trypsine. Parmi les autres ferments digestifs, à noter l'existence d'une présure, sur laquelle les acides et les sels de chaux ontune action adjuvante, de l’amylase, de l'invertine, de la lipase, de la tyrosi- nase. En étudiant les secrétions et pigments, M. Cotte con- firme les observations de Krukenberg sur les rapports de la cholestérine et des lipochromes. Divers agents d’oxydation déterminent, dans une solution chlorofor- mique de lipochromes, l'apparition de corps donnant avec l'acide sulfurique la réaction de Salkowski. Chez certaines espèces, il semble y avoir, pendant la vie, coexistence de cholestérine et de lipochromes. Après une judicieuse critique de la notion de pigments, l'au- teur range les lipochromes dans la catégorie des pseu- do-pigments, car leur coloration n'intervient pas dans leur rôle biologique, qui est sans doute analogue à celui des substances de réserve. A la suite des pigments sont étudiées les cellules Sphéruleuses, qui peuvent être considérées comme de nature glandulaire. Elles dérivent des cellules ami- boïdes et s’éliminent, soit en totalité dans les canaux, soit par fragments dans la substance fondamentale. Elles Sont utilisées quand les conditions de la nutrition deviennent défectueuses. On voit alors leur nombre diminuer et, à leur place, on aperçoit des cellules de mème forme, mais d'aspect vacuolaire, correspondant manifestement aux premières vidées de leur contenu. Parmi les matières de réserve des Spongiaires se trouvent les graisses. M. Cotte a constaté l'existence à peu près certaine des acides butyrique et oléique chez lientera simulans. On ne peut pas y déceler d'amidon lorsqu'on prend la précaution de dissoudre les lipo- chromes et de détruire les diastases avant de faire la réaction de l'iode. Cette réaction ne s’est montrée dou- teuse, parmi les nombreuses espèces étudiées, que chez Spongelia pallescens, toujours associée à une algue. L'excrétion se fait pour les choanocytes directement dans leschambres, et pour la mésoglée, suit directement, soit indirectement par l'intermédiaire des amibocvytes et des cellules sphéruleuses. L'azote résiduel s'élimine sous forme d'ammoniaques composées. Les Eponges paraissent pouvoir se nourrir des diverses particules solides, débris animaux ou végétaux, bactéries, qui passent à leur portée: et leurs phéno- menes généraux de nutrition s'accomplissent comme ceux des autres animaux avec lesquels elles partagent l'incapacité d'élaborer l'amidon. Ce qui forme une particularité intéressante de leur étude, c'est de voir, à côté d’une grande simplicité d'or- ganisation, laissant la cellule opérer intégralement le travail de nutrition, sans aucune tendance à la différen- lation, des phénomènes de transport déterminés par les conditions particulières de la vie des Spongiaires, et qui ne sont pas sans analogie avec ceux que pré- sentent les animaux supérieurs. M. LAMBERT, Professeur agrégé de Physlologie à la Faculté de Médecine de Nancy. 4 Sciences médicales Roger (G.-H.), Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. — Introduction à l'étude de la Médecine. 2° édition, revue et augmentée. — 4 vol. in-8° carré de 141 pages. Librairie C. Naud. Paris, 1904. C'est la seconde édition d’un ouvrage, qui, par sa forme et sa composition, a obtenu le plus légitime succès. Cette heureuse destinée lui était due. Le livre, en effet, dans la pensée de l’auteur, s'adressait spéciale- ment à « ceux qui commencent l'étude de la Médecine ». Il s'est trouvé que beaucoup de ceux qui avaient fini leurs études de Médecine en ont fait leur profit aussi bien que ceux qui les commençaient. Dans cette édition, M. Roger a fait des additions très nombreuses, qui ont augmenté le format de l'ouvrage. Il est toutefois resté fidèle à son plan primitif. Il à envisagé la Pathologie dans son ensemble et en a considéré les parties dans un judicieux détail, faisant choix des faits importants, « des résultats définitifs », les mettant en relief et évitant « systématiquement les discussions théoriques ». C’est ainsi que l'auteur expose tour à tour les causes des maladies, l’étiologie, à laquelle six chapitres entiers sont consacrés, M. Roger explique le rôle prédominant des microbes, leur mode d'action, celui des produits qu'ils sécrètent, les réactions qu'ils déterminent, etc. Puis, jusqu'au vingtième chapitre, il expose les grandes questions médicales, les réactions nerveuses, les troubles de la nutrition, l'hérédité, linflammalion et ses formes, les tumeurs, les atrophies et dégénérescences, les synergies fonctionnelles, les sympathies morbides, l'évolution des maladies. Il apporte un grand soin à l'examen clinique des malades. Il examine suc- cessivement les divers appareils, conduit l'examen suivant les indications qui leur sont propres, donne, chemin faisant, la valeur sémiologique, Ja signification des symptômes constatés. Toute la médecine pratique, en tant qu'art du diagnostic, tient en une centaine de pages. Le médecin qui les saurait bien serait assure de ne pas commettre une erreur grossière et de pouvoir prendre avec profit une observation valable. M. Roger a évité soigneusement toute complexité. Il n'a pas parlé des signes discutables : tous ceux qu'il donne sont définitivement acquis. L'avenir ne pourra que les com- pléter; il ne pourra pas les changer. C’est là une chose fort importante pour l'éducation du jeune médecin et que le maître a très bien comprise. Je fus autrefois l'élève d'un homme remarquable, dont l'esprit médical était à la fois d’une prudence et d'une subtilité rares. Il aimait à nous dire que toute la médecine utile devait se faire « avec sa tête et ses dix doigts ». Cela nous semblait singulier de sa part, à lui, qui passait volontiers d'interminables heures, penché sur son mi- croscope, à faire des comparaisons histologiques très précises. M. Roger, clinicien que les recherches de borne ont illustré, me le rappelle dans cette partie de son livre consacrée à la Clinique. Et aujourd'hui, en parlant ici de l'Introduction à l'étude de la Médecine et de l’auteur de ce livre, je trouve l'expression exacte de ma pensée au sujet de Fun et de l'autre dans les termes mêmes que les éditeurs de Celse employèrent Jadis pour présenter au lecteur le Traité de l’'Admirable Eclectique : « On peut le proposer aux médecins comme un excellent modèle de ce bon sens pratique, de cette exactitude d'analyse, de ce doute raisonné et philosophique, qui doivent être la règle de conduite du médecin et qui font de la Médecine le plus noble des arts, » Dr A: LÉTIENNE: 362 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 7 Mars 1904. M. le Président annonce la mort de M. Fouqué, Doyen de la Section de Minéralogie, et de M. Perro- tin, Correspondant pour la Section d’Astronomie. — M. Agassiz est élu Associé étranger, et M. Warming, Correspondant dans la Section de Botanique. 19 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Bouty a constaté que la cohésion diélectrique de l’argon est très faible, et de beaucoup inférieure à celle de l'hydrogène. De simples traces de gaz étrangers l'accroissent considérablement. — M. H. Pellat: Loi générale de la magnétofriction (voir p. 365). — M. G. Sagnac à vérifié expérimenta- lement les lois de la propagation anomale de la lumière le long de l'axe d’un instrument d'optique et contirmé l'existence d'une série d'oscillations le long de cet axe. —M.C.Raveau : Démonstration élémentaire de la règle des phases (voir p.364). — MM. J. Lemoïne et L. Cha- peau: Différents régimes de l'étincelle fractionnée par soufflage. — M. M. Lambert a constaté que la pro- duction de phénomènes osmotiques s'accompagne, dans certaines conditions, d'un renforcement de l'éclat d'un écran phosphorescent approché du vase où ils s'accomplissent. — MM. G. Urbain et H. Lacombe ont séparé l'europium du gadolinium par fractionnement de leurs sels doubles avec le magnésium. Le poids atomique du nouveau métal, déterminé par trois méthodes, est en moyenne de 151,79, valeur que les auteurs considèrent comme exacte à 0,06 près. — M. E. Rengade a étudié l'action de CO® sur le sodium- ammonium et le potassium-ammonium. Au-dessous de —60°, il se forme exclusivement un carbamate alcalin avec dégagement d'H. A une température moins basse, il se produit en même temps un formiate alcalin. — MM. C. Matignon et F. Bourion ont constaté que le mélange chlore et chlorure de soufre constitue un excellent agent chlorurant pour les oxydes; il fonc- tionne à basse température et permet de préparer commodément des chlorures anhydres. — MM. L. Ma- quenne et W. Goodwin ont préparé les phényluré- thanes d’un grand nombre de sucres réducteurs et de polyoses en chauffant à l’ébullition un mélange de ceux-ci avec un léger excès de carbanile dilué dans la pyridine anhydre. — M. E.-E. Blaise à observé que, dans les allylalcoylcétones, la liaison éthylénique émigre avec une extrème facilité pour donner naissance à des cétones propénylées. — M. D. Gauthier à préparé des combinaisons du saccharose avec les iodures et avec les sulfocyanures alcalins. — MM. R. Lépine et Boulud montrent que le pouvoir lévogyre de certains extraits de sang pris des veines sus-hépatiques doit être attribué à l'acide glycuronique provenant du foie. Toutefois, il n’en faut pas conclure que le foie soit la source prin- cipale de l'acide glycuronique. — M. G. Bertrand a constaté que l'épinéphrine s’oxyde aisément par la laccase en donnant une coloration rouge analogue à celle qui résulte de l'oxydation de la tyrosine par la tyrosinase. — M. F. Battelli a reconnu que l'extrait de foie et de muscles oxyde l'acide formique avec déga- gement de CO* en présence de peroxyde d'hydrogène. — M. M. Berthelot a étudié les échanges gazeux qui se produisent entre l'atmosphère et les plantes séparées de leurs racines et maintenues à l'obscurité. La tempé- rature de la meule s'élève beaucoup, pour diminuer ensuite très lentement. Les gaz dégagés sont constitués par un mélange d'O et,de CO*, dans des proportions qui se rapprochent de celles qui caractérisent la respi- ration animale. — M. G. André à étudié les variations de l'acide phosphorique, de l'azote et des matières ternaires chez les plantes grasses annuelles. 20 SCIENCES NATUREILES. — M. Aug. Charpentier a constaté que les rayons N dirigés sur l'oreille provoquent une augmentation des sensations auditives. D'autre part, il a observé que les rayons N, de M. Blondlot produisent sur le système nerveux des effets inverses de ceux des rayons positifs. — MM. Aug. et Louis Lumière et J. Chevrottier ont reconnu que les oxy- dases artificielles (émulsions d’oxydes de fer ou de cérium dans des substratums gélatineux) atténuent les toxines microbiennes, car les animaux injectés avec la toxine tétanique, par exemple, meurent plus rapide- ment que des animaux ayant recu successivement la toxine et l'oxydase. — M. Grand Eury montre que les Névroptéridées sont très probablement des Cycadinées primitives, les stipes de ces fougères ressemblant d’une manière frappante aux Colpoxylon, Medullosa. — M. P. A. Dangeard signale, chez le Saccobolus viola- ceus et l'Ascophanus ochraceus, un exemple de la trans- formation des gamétanges des Siphomycètes en gamé- tophores sous l'influence de la vie aérienne. — M. Gy de Istvanffi montre que la perpétuation du mildiou de la vigne se fait grâce à un mycélium hivernant, qui existe à l’état de vie latente dans les divers organes de la vigne. — M. H. Douvillé signale le fait que l’aplatis- sement du sphéroïde terrestre a augmenté progressive- ment, ce qui semblerait indiquer que le mouvement de rotation de la Terre a été en s’accélérant. — MM. P. Termier et A. Leclère concluent, d'une étude sur la composition chimique des assises cristallophylliennes de Belledonne, que le métamorphisme régional ne va pas sans un apport d’alcalis. Séance du 14 Mars 1904. Sont élus Correspondants : pour la Section de Géométrie, M. Volterra; pour la Section de Minéra- logie, M. Brôgger; pour la section de Botanique, M. C. Flahault. 19 SGciENCES MATHÉMATIQUES. — M. Zoretti présente ses recherches sur les ensembles parfaits et les fonc- tions uniformes et énonce, en particulier, le théorème suivant : En excluant du plan les points 2ntérieurs à l'un au moins des cercles d’une suite dénombrable de cercles, on obtient un ensemble fermé (contenant son dérivé). 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. R. Blondlot montre que l'action de la chaleur sur la phosphorescence diffère de celle des rayons N en ce qu'elle produit une augmen- tation d'éclat dans toutes les directions et non dans la: normale seulement. — MM. A. Pérot et Ch. Fabry indiquent un procédé de mesure optique de la diffé- rence de deux épaisseurs. — M. G. Sagnac énonce de nouvelles lois relatives à la propagation anomale de la lumière dans les instruments d'optique. — M. C.. Tissot à mesuré, au moyen d'un bolomètre détecteur d'ondes électriques très sensible, l'énergie mise en jeu dans une antenne réceptrice à différentes distances; l'énergie reçue varie en raison inverse du carré des. distances. — MM. P. Curie et J. Danne ont étudié la disparition de la radio-activité induite par le radium sur les corps solides. Les résultats peuvent s'inter= préter théoriquement en supposant que l'émanation agit sur les parois solides en créant une substance radioactive B, qui disparait suivant une loi exponen- tielle simple en donnant naissance à une nouvelle substance C, disparaissant de mème.— M. H. Bagard a constaté que le sucre de canne et l'essence de RS Ce On É nt e É LE ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 363 nr térébenthine dévient à droite le plan de polarisation des rayons N, tandis que l'acide tartrique droit le dévie à gauche. — M. F.-A. Forel a observé constam- ment le cercle de Bishop (couronne cireumsolaire pro- duite par des poussières volcaniques lancées dans la haute atmosphère) depuis le 4e août 1903. Cette réap- parition est consécutive aux éruptions de la Martinique. — M. A. Ponsot donne trois démonstrations simples de la règle des phases. — M. J. Meunier décrit un appareil destiné à régulariser le fonctionnement des trompes à vide. — MM. H. Moissan et F. Siemens ont constaté que Si commence à se dissoudre dans le zinc à 5909; à 8500, la solubilité est de 1,62 °/,. Dansle plomb, la solubilité de Si commence à une tempéra- ture plus élevée 1.100) ; à 1.4000, elle est de 0,15 0/5, et au point d'ébullition de 0,79 /,. Le silicium se sépare en cristaux par refroidissement. — M. H. Moissan montre que, chaque fois que, dans une électrolyse, on produit du calcium au contact du charbon au-dessus du rouge sombre, il se forme une faible quantité de carbure de calcium. — MM. C. Marie et R. Marquis prouvent que, dans une solution d’azotite de sodium contenant CO®, il doit y avoir théoriquement, et il y a pratiquement de l'acide azoteux libre. La quantité est très faible, mais elle se renouvelle au fur et à mesure qu'elle est consommée. — MM. G. Blanc et M. Desfon- taines ont préparé le nitrile campholytique par action de PCF sur l'amide campholytique racémique. La réduction de ce nitrite fournit une base, qui semble être de l'æaminocampholène racémique impur. — M. E.-E. Blaise, par l'action de la chaleur sur les æoxyacides, à obtenu un dégagement de CO avec for- mation de l’aldéhyde renfermant un atome de C de moins que l'acide dont on est parti. — M. F. Bodroux, en faisant réagir l'orthoformiate d'éthyle sur les combi- naisons magnésiennes aromatiques en solution tolué- nique, à obtenu des aldéhydes avec un bon rendement, — M. L. Beulaygue décrit une nouvelle méthode de dosage des matières protéiques végétales. — M. A. Trillat montre que, par addition de formaldéhyde au lait, la caséine est rendue inassimilable en proportions plus où moins grandes; en outre, on retrouve toujours la formaldéhyde dans le lait tant que celui-ci n’est pas altéré. — M. E. Grimal à obtenu, par distillation aqueuse de l'herbe fraîche de l'Artemisia herba alba, une essence jaune-verdätre contenant du camphène gauche, de leucalyptol, du camphre gauche et des acides caprylique et caprique combinés à un terpène non identifié. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. le Prince d'Arenbere décrit les mesures prises par la Compagnie de Suez à ISmailia pour la suppression du paludisme par la des- truction des moustiques, mesures qui ont été couron- nées de succès. — MM. A. Charrin et Le Play ont reconnu que l'injection, au cobaye, par voie sous-cuta- née et à doses répétées, de produits provenant du tube digestif d'une série de nouveau-nés normaux ou malades, provoque des arrêts de développement. — MM. F. Heim el A. Oudemans décrivent deux nou- velles formes larvaires de Thrombidium parasites de l'homme, pour lesquelles ils proposent les dénomina- tions de 7°. poriceps et T. lr'iaticeps. — M. Arm. Viré décrit quelques expériences effectuées au Laboratoire des catacombes du Muséum. Des animaux normaux Soumis à l'obscurité présentent une diminution de colo- ration, une persistance des organes devenus inutiles et un grand développement des organes devenus plus utiles. Les animaux souterrains ramenés à la lumière présentent un commencement de pigmentation. — M: L. Roule décrit un cérianthaire nouveau, le Pacy- cerianthus Benedeni, caractérisé par des cloisons cour- tes, des cloisons directrices épaisses, une disposition biseptale et une paroi de la colonne épaisse et consis- . tante. — M. R. Dubois montre que les structures, en apparence diverses, des perles S’expliquent facilement par le passage d'éléments migrateurs calcifères au tra- vers d'un épithélium fenêtré sécrétant la conchylioline. La nacre, quoique d'un travail plus grossier, est pro- duite par le même mécanisme fondamental. — M. Aug. Charpentier à constaté que les rayons N agissant en un point de l’organisme sont transportés par les voies ner- veuses et peuvent faire sentir leur action sur un écran phosphorescent appliqué en un autre endroit. — M. R. Zeiller présente quelques observations au sujet du mode de fructification des Cycadofilicinées, confirmant les observations récentes de M. Grand'Eury. — M. Grand'Eury montre que les stipites, houilles brunes et lignites sont le produit de la macération dans l'eau de plantes de marais. — M. L de Launay étudie la répartition des éléments chimiques dans la Terre et sa relation possible avec leurs poids atomiques. La /tevue publiera prochainement un article de l’auteur sur cette question. — M. L. Duparce a découvert dans les roches granitiques de l'Oural du Nord une curieuse variété d’orthose, qu'il nomme isorthose. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 8 Mars 1904. M. À. Laveran, considérant que d'excellents résul- (als, au point de vue de la lutte contre le paludisme, ont été obtenus déjà, dans un grand nombre de pays, au moyen de la protection mécanique de l'habitation contre les moustiques, émet le vœu que cette méthode prophylactique soit appliquée dans l'armée, notamment dans les casernements militaires de Madagascar, où abondent les moustiques propagateurs du paludisme. L'Académie adopte ce vœu. — M. Lancereaux retrace l'histoire de la dormeuse de Thenelles, dont le sommeil a duré pendant vingt années. Ce sommeil, à début brusque, avec perte de connaissance, anesthésie, con- tracture généralisée et exagération des réflexes, n’était pas un sommeil naturel, mais une attaque hystéro- épileptique modifiée. — M. Le Bee lit un Mémoire sur un cas d'utérus didelphe. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 27 Février 1904. M. À. Laveran à examiné des Culicides recueillis à Rochefort-sur-mer et en Camargue; dans les deux cas, il a trouvé, parmi eux, des Anopheles maculipennis. D'autre part, il a trouvé dans le sang d'un cheval mort à Konakry un Trypanosome voisin de Tr. Brucei. — M. C. Phisalix a constaté que les rayons du radium exercent sur le venin de vipère une influence atté- nuante. — M. E. Wahlen à extrait des cultures de tuberculose un nucléo-protéide spécifique, qui donne une Combinaison avec l'iode. — M. J. Rehns a vérifié et complété les résultats de Rümer sur l'immunité acquise par l'œil du lapin contre l’abrine, — M. Ch. Ni- colle à trouvé chez un Bufo mauritanicus de Tunisie une hémogrégarine nouvelle, qu'il nomme /. tuni- SIensis. — M. G. Marinesco étudie les troubles de la sensibilité vibratoire dans les affections du système nerveux; elles sont plus accusées au niveau des os des extrémités. — M. M. Lambert a constaté la production de rayons N dans diverses réactions chimiques. — MM. P. Bouin et P. Ancel communiquent quelques réflexions sur le déterminisme des caractères sexuels secondaires el de l'instinct sexuel. — M. F.-J. Bosc conclut de ses recherches que le cancer est une maladie de nature inflammatoire, virulente, due à des parasites vrais, intra-cellulaires, de la classe des Protozoaires. — M. V. Henri étudie l'influence de la concentration, de la dilution avec l’eau distillée et de la température sur la dissociation de l'oxyhémoglobine. Les premiers résultats paraissent montrer qu’une molécule d’oxyhé- moglobine se dissocie en deux molécules d'hémoglobine et une d'oxygène. — M. H. Desmots à reconnu que les bactéries du groupe du B. mesentericus peuvent pro- duire de l'acétylméthylcarbinol aux dépens de divers hydrates de carbone. — M. P. Remlinger signale un certain nombre de faits, cliniques et expérimentaux, 364 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES qui militent en faveur de l'existence d'une toxine rabique; celle-ci réaliserait deux sortes d'accidents, spécifiques et non spécifiques. — M. Alb. Branca à observé, chez l’Axolotl, que la glande interstitielle peut acquérir un développement considérable toutes les fois que la spermatogénèse est abolie. — Le mème auteur étudie le réseau vasculaire de la muqueuse vésicale. — M. F. Ramond montre qu'il existe dans le sang des substances, ditférentes des lipases, qui amènent la coa- gulation ou, mieux, l'agglutination des émulsions grais- seuses. — M. Ch. Dubois est arrivé, chez un animal qui a reçu de l’adrénaline, à dilater les vaisseaux soit par l'excitation directe des nerfs vaso-dilatateurs, soit par l'excitation centrale. — M. Sicard, dans sepl cas de névralgie du trijumeau, a constaté deux fois une lymphocytose accusée dans le liquide céphalo-rachidien. — MM. À. Gouin et P. Andouard communiquent de nouvelles observations montrant que l'urine des Bovidés est normalement acide; elle ne devient alcaline que sous l’action des ferments. — M. Ch.-A. François- Frank décrit un procédé de photographie simultanée des déplacements costaux, diaphragmatiques, abdo- minaux et des courbes pneumographiques et pleuro- manométriques. — M. E.-L. Trouessart montre que l'hypope enkysté du Trichotarsius oSmiae est une deuxième nymphe femelle fécondée, qui se réveillera pour donner naissance à la forme femelle adulte. — Le mème auteur montre que, chez les Sarcoptides et les Tyroglyphides, la femelle nubile ne présente pas d'ori- fice externe propre à la copulation; le mâle doit percer cet orifice par une véritable ponction hypodermique. — M. S. Ramon y Cajal décrit trois modifications, pour des usages différents, de sa méthode de coloration des neurofibrilles par l'argent réduit. 11 a constaté, d'autre part, chez des animaux atteints de rage et chez le lézard hibernant, que le réticulum neurofibrillaire subit dans sa disposition des changements considérables. MM. A. Gilbert el A. Lippmann ont constaté qu'à l'état normal le canal de Sténon est envahi par une flore microbienne extrèmement abondante, principale- ment anaérobie. Les canalicules intra-glandulaires et le parenchyme glandulaire sont stériles. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du k Mars 1904. M. N. Vasilesco Karpen propose une explication du nouveau moyen, trouvé par M. d'Arsonval, pour souffler l'arc de haute fréquence. Les deux circuits oscillants, circuit d'utilisation et circuit soufflant, ont des périodes d’oscillation distinctes; il arrive donc nécessairement, et cela dès la première demi-oscillation du circuit à plus longue période, que les intensités des courants traversant les deux circuits soient égales et de signes contraires dans leur partie commune, c'est-à-dire dans l’étincelle; à ce moment, celle-ci s'éteint. A partir de cet instant, les deux circuits n'en font plus qu’un, et les condensateurs se déchargent l'un dans l’autre. Comme il n'y à pas d’étincelle, l'air compris entre les deux boules de l’éclateur reste froid et l'arc ne s’'amorce pas. — [étude des propriétés des substances réduites en lames minces ayant des épaisseurs de plus en plus fai- bles a permis à M. Henri Devaux de reconnaitre plu- sieurs faits importants : 1° Les propriétés mécaniques de la substance, cohésion pour les solides, tension superficielle pour les liquides, se maintiennent jusqu'à une certaine épaisseur; elles subissent une baisse brusque et considérable, ou même s’annulent complè- tement dès que cette épaisseur est diminuée de moitié. Cette épaisseur particulière mérite le nom de dimen- sion critique des états solides et liquides. 2% Si la substance est capable de s'étendre spontanément sur l'eau, son extension est toujours limitée, ordinairement au delà de la minceur critique. De sorte que l’on peut avoir, côte à côte, deux portions de surface, l’une huilée, par exemple, et l'autre pure, ayant identique- ment la mème tension superficielle. 3° L'emploi de solutions titrées a permis de déterminer avec précision l'épaisseur de ces lames. Cette épaisseur est toujours très faible, particulièrement pour les lames d'acide oléique et de savon en extension maxima, dont le poids en grammes par centimètre carré est voisin de 10. Mème au voisinage de cette minceur excessive, l’exis- tence de la substance se révèle avec certitude.4° L'épais- seur critique mesurée pour chaque substance est une dimension remarquablement voisine du diamètre attribué à la molécule, c'est-à-dire qu’elle est toujours au voisinage de {uy. Parfois, il y a identité avec le dia= mètre moléculaire calculé (sullure de plomb, stéarate d'alumine, oléine); plus souvent, l'épaisseur trouvée est un peu supérieure. 5° Ce fait se réalisant non seulement pour les liquides, mais aussi pour les solides, au moins pour certaines substances solides qui conservent leur cohésion jusqu'à cette épaisseur moléculaire, on peut en conclure que la molécule n’augmente pas de gros- seur, pour ces substances, quand apparaît l'état solide. Elle serait la même qu'aux états gazeux ou liquide. — M. C. Raveau donne une démonstration élémentaire de la règle des phases. 1° Pour démontrer la règle des phases, il n’est pas nécessaire de faire appel aux prin- cipes de la Thermodynamique: il suffit d'invoquer les caractères expérimentaux de l'équilibre réversible des systèmes hétérogènes. Cet équilibre, défini par la phase des différentes parties homogènes, est déterminé par la constitution chimique globale du système, la tempéra- ture et la pression. Tout équilibre qui ne présenterait pas ces caractères ne saurait être qualifié de réversible*. On conclut de là que, si la composition globale d'un système A est la mème que celle d’un système qu'on formerait en faisant varier uniquement la masse des phases d'un système B en équilibre, l’état d'équilibre considéré de B est commun à A et à B.Ce point admis, le raisonnement devient purement algébrique. 2° Pour obtenir des équilibres différant un peu d’un état pris par un système donné, il faut, si on laisse la tempéra- rature et la pression constantes, faire varier les quan- tités des c constituants indépendants. Cette opération estinefficace quand les quantités ajoutées ou soustraites sont les mêmes que si l’on avait fait varier uniquement la masse des phases du système, c'est-à-dire si elles peuvent être mises sous la forme : Mn= md) y + mg Da+...+ mode n im représentant la masse du nième constituant qui se trouve dans la phase « du système initial. Si e est infé- rieur ou égal à », on peut toujours considérer les dM comme des fonctions linéaires et homogènes de e diffé- rentielles indépendantes, fonctions que l'on formera en complétant d'une facon quelconque les expressions précédentes. Les c—+ nouveaux paramètres que l'on introduira ainsi sont les seuls dont la présence influe sur l'état d'équilibre. Les variations qu'ils déterminent sont indépendantes; l'état d'équilibre dépend donc au total de e 2 —% paramètres. En se plaçant à ce point: de vue, la raison pour laquelle, par exemple, l'équilibre réversible d'un système dans lequel il y à autant de phases que de constituants est déterminé uniquement par la température et la pression, c'est que des masses quelconques des constituants peuvent, en général, se répartir en des phases données. 3° La démonstration est en défaut quand les expressions linéaires du paragraphe précédent peuvent s'annuler simultanément. On peut alors faire varier la masse des phases dans un même 1 Le mot équilibre, employé faute d'un meilleur, n'implis que ici aucune idée de compensation mutuelle entre des actions qui se contrebalancent. Sa signification n'est pas analogue à celle du mème terme en Slatique, mais à celle du mot immobilité en Cinématique. Un système en équi- libre est celui dans lequel la phase des différentes parties homogènes est invariable, le mot phase englobant, suivant WA l'expression de Gibbs, toutes les propriétés, à l'exception de la forme et de la grandeur. PO PT r 4 h 0 ; ‘ à ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES système sans modifier l'équilibre. La pression ne varie pas si la température est constante. C'est ce qui se pro- duit toujours lorsque 9 = «+1; on à alors une relation entre la température et la pression. Sig = c—+2,on peut former deux systèmes comprenant € phases com- munes et, en outre, respectivement, la (e+-1)ième et la (eH2)ième; à chacun de ces systèmes correspond une relation entre la température el la pression, qui se trouvent ainsi déterminées lorsque les cÆ2 phases existent simultanément. — M. H. Pellat expose une méthode qui lui a permis de montrer que la colonne anodique d'un tube à gaz rarélié est formée par le choc des corpuseules, tout comme la gaine cathodique, et non par le choc des ions positifs. Dans son étude anté- rieure des phénomènes de magnétofriction, M. Pellat a trouvé que le faisceau cathodique des tubes de Crookes, la gaine cathodique et la colonne anodique des tubes de Geissler obéissentaux mèmes lois. Ilapparait dèslors que la magnétofriction est une des propriétés fondamentales des corpuscules en mouvement, qu'on peut ainsi for- muler : Les corpuscules en mouvement (ou rayons catho- diques)éprouvent,dans un champ magnétique intense,une action analoque à un frottement anisotrope très grand dans le sens perpendiculaire aux lignes de forces et nul (ou à peu près) dans le sens de ces lignes. — M. V. Cré- mieu décrit et fait fonctionner son stato-voltmètre. La méthode quil utilise consiste à équilibrer une attraction électrostatique par une répulsion électrodynamique. On règle l'intensité du courant qui produit cette répulsion en agissant sur une boîte de résistance etla mesure des potentiels revient à une simple lecture de résistance. L'appareil est sensible à 2 volts et permet de mesurer jusqu'à 40.000 volts. D'ailleurs, on pourrait en construire allant de 2 volts jusqu'à n'importe quel voltage. M. Cré- mieu rappelle ensuite rapidement la méthode publiée il y a trois ans pour le réglage automatique du poten- tiel d’un condensateur. I décrit le relais électrostatique imaginé pour appliquer cette méthode et montre le fonctionnement de cet appareil.— A propos des commu- nications antérieures de M. de Kowalsky et de M. d’Ar- sonval, MM. J. Lemoine et L. Chapeau signalent des observations qu'ils ont faites sur les étincelles soufflées par un courant d'air, jaillissant entre les pôles métal- liques d'un transformateur à haut voltage dont le pri- maire est alimenté par un courant alternatif. Si l'appa- reil fonctionne pendant quelques heures avec des boules de laiton primitivement polres, on observe deux régimes successifs : Premier régime. Les étincelles forment entre les boules un paquet cylindrique dont l'épaisseur apparente tient à ce que les points d'attache des étincelles sont répartis sur une surface de quel- ques millimètres carrés sur les boules. Une photogra- phie au miroir tournant donne les paquets qui corres- pondent aux alternances successives. La distribution des étincelles est irrégulière. Leur nombre est relati- vement faible : 25 par alternance, par exemple. La dif- férence de potentiel efficace, mesurée entre les pôles de l'éclateur, dans la même expérience, est de 10.000 volts. Second régime. Le second régime succède au premier après quelques heures de marche. Les étincelles forment entre les boules un trait lumineux unique, rectiligne, immobile. Le miroir tournant donne des paquets à dis- tribution régulière. Le nombre des étincelles a aug- menté; il est de 50 par alternance et la distribution des étincelles est régulière: En même temps, la différence de potentiel est descendue à 7.000 volts. Le passage au second régime est dû à la formation sur les deux boules de deux monticules coniques d'oxyde qui servent de point de départ à l'étincelle, On retrouve le premier régime en les supprimant. On le retrouve encore en remplaçant l’oxyde par des pointes métalliques de même forme. Parmi les différents métaux essayés, l'alumi- nium possède la propriété curieuse de donner immé- diatement et indéfiniment le second régime.Quand l'une des boules est en laiton poli et l'autre en aluminium, les alternances d’une mème parité, commandées par le laiton,sont du premier régime; les autres, commandées par l'aluminium, sont du second régime. En écartant peu à peu les boules, on affaiblit et l'on finit par faire disparaitre les alternances du premier régime. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 4 Février 1904. M. G. Mussee étudie l’origine du parasitisme chez les champignons. Le problème, jusqu'ici inexpliqué, de savoir pourquoi les champignons parasitiques sont généralement confinés sur une ou, au plus, sur quelques plantes-hôtes voisines, trouve sa solution dans lintervention de la chimiotaxie. De nombreuses expériences ont été entreprises, à la fois avec des cham- pignons parasitiques et saprophytiques, dans le but de déterminer la nature chimiotactique positive ou néga- tive de diverses substances existant normalement dans les plantes, Parmi ces substances, on peut citer le saccharose, le glucose, l’asparagine, les acides malique et oxalique et la pectase. Pratiquement, les tubes ger- minatifs de tous les champignons sont positivement chimiotactiques pour le saccharose, et la raison pour laquelle toutes les plantes contenant cette substance ne sont attaquées par aucune espèce de champignon réside dans la présence de certaines autres substances, dans la plante, qui sont négativement chimiotactiques ou répulsives pour les tubes germinalifs. Des spécimens de plantes immunisées appartenant aux espèces alla- quées par un parasite obligé doivent leur immunité à l'absence ou à la présence dans une faible proportion de la substance chimiotactique pour le parasite. Cette découverte aidera dans la production de familles immu- nisées de plantes cultivées, tous les essais antérieurs dans ce but ayant été entrepris avec l'hypothèse d'une résistance physique. On peut élever des champi- gnons purement saprophytiques pour les faire devenir parasitiques en semant les spores sur une feuille vi- vante à laquelle on a injecté dans les tissus une sub- stance positivement chimiotactique pour les tubes ger- minatifs du champignon experimenté. Par des moyens analogues, un champignon parasitique peut-être con- duit à attaquer une nouvelle plante-hôte. Ces expé- riences prouvent (ce qui avait été jusqu'ici seulement supposé) que le parasitisme de la part des champignons est une habitude acquise. L'infection se produit plus spécialement durant la nuit ou pendant un temps sombre et humide, à cause de la plus grande turges- cence des cellules et de la présence en excès de la substance chimiotactique dans la sève cellulaire.—M.R. Gregory : La division réductrice chez les Fougères. — M. E.-S. Salmon décrit ses expériences culturales avec des « formes biologiques » d'Erysiphaceæ. L'au- teur indique que, grâce à une spécialisation du parasi- tisme, des « formes biologiques » ont été développées chez les Zrysiphaceæ, et que le pouvoir d'infection, caractéristique de chaque forme biologique, est, dans les conditions normales, rigoureusement défini et fixé. Jusqu'ici le résultat des expériences de nombreux in- vestigaleurs — à la fois en ce qui concerne le groupe ci-dessus de champignons et les l/redineæ, où la même spécialisation du parasitisme se produit — à été une accumulation de preuves tendant à faire ressortir l'im- mutabilité des « formes biologiques ». Dans une série d'expériences culturales avec des « formes biologiques » d'£rysiphe Graminis D.C., l'auteur a découvert qu'avec certaines méthodes de culture, dans lesquelles la vita- lité de la feuille-hôte intervient, les pouvoirs restreints d'infection, caractéristiques des « formes biologiques », déclinent. Dans ces expériences culturales, la feuille, avant l’inoculation, a été lésée par l'enlèvement d'un pelit morceau du tissu de la feuille, ou en touchant l’'épiderme avec un couteau chauffé au rouge. Les expé- riences ont prouvé que le degré d'infection d’une « forme biologique » s'accroit lorsque la vitalité d'une feuille est affectée par une lésion, de sorte que les conidies de certaines « formes biologiques » sont ca- pables d’infecter des feuilles lésées d'espèces-hôtes, D 566 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES lesquelles sont normalement immunisées contre leurs attaques. D'autres expériences ont prouvé que les conidies des champignons produites sur une feuille « coupée » sont capables immédiatement d'infecter des feuilles lésées du même hôte. L'auteur suppose que les lésions des feuilles, causées dans la nature par la grêle, les tempêtes de vent, les attaques d'animaux, etc, peuvent produire le mème effet que les lésions artiti- cielles décrites plus haut, en rendant la feuille lésée sensible à un champignon autrement incapable de l'in- fecter. L'auteur attire l'attention sur l’étroite relation qui existe entre la façon de se comporter du champi- gnon dans les expériences et les faits biologiques obtenus dans la classe des champignons parasitiques connus sous le nom de « parasites à lésions ». — MM. J.-N. Langley et H.-K. Anderson ont étudié les eltets de la réunion du nerf cervical sympathique avec la corde tympanique. Les expériences ont été dirigées dans le but de déterminer si le sympathique cervical, relié avec les cellules nerveuses périphériques sur le trajet de la corde tympanique, changera en partie leur fonction de vaso-constricteur en vaso-dilatateur. Chez un chat anesthésié, on a incisé le ganglion cervical supérieur et l’on a réuni l'extrémité centrale du nerf sympathique cervical à l'extrémité périphérique du lingual qui contient les fibres de la corde tympanique. Après avoir laissé le temps nécessaire pour l'union et la régénération des nerfs, le sympathique cervical à été excilé, ce qui a causé une prompte sécrétion des glandes sous-maxillaires; cette mème opération à été souvent répétée. L'expérience montre : 1° que les fibres du nerf vaso-constricteur sont capables de se réunir avec les cellules nerveuses périphériques du vaso-dilatateur et deviennent des fibres vaso-dilata- trices ; 2 que, soit qu'il y ail contraction ou inhibition du muscle non strié des artères, la stimulation du nerf dépend du mode de terminaison du nerf de la fibre nerveuse post-ganglionnaire. Le sympathique cervical donne une sécrétion moindre et plus prolongée qu'à l'ordinaire, de sorte que quelques-unes des libres ner- veuses ont été reliées avec les cellules nerveuses péri- phériques sécrétoires de la corde tympanique. — MM. E.-F. Bashford el J.-A. Murray ont éludié la conjugaison du noyau de repos dans un épithéliome de la souris. Les auteurs ont déjà attiré l'attention sur le fait que le pouvoir de prolifération de la cellule, qui se produit dans un épithéliome de la souris (Jensen), est un phénomène sans précédent chez les Mammi- fères. Une masse de tumeur du poids de 16 livres a été produite artificiellement en transplantant des portions de la tumeur initiale et leurs dérivés. En cherchant à jeter la lumière sur ce fait, les auteurs ont étudié avec soin le phénomène qui suit la transplantation des por- tions du tissu dans de nouvelles places, et ils ont trouvé que les tumeurs qui se produisent dérivent généalogi- quement des cellules introduites. Ils ont étudié la croissance des tumeurs qui surgissent à des étapes successives de vingt-quatre heures. On a observé la conjugaison du noyau de repos dans une tumeur enlevée le huitième jour et d’une grosseur moindre que la moitié d’un pois cassé. Pour prendre un cas spéci- tique, les noyaux de deux cellules adjacentes se con- tinuent à travers la membrane de la cellule par un pont semblable à un tube, au centre duquel on peut voir, dans chaque cellule, un cordon d'une substance nucléaire avec des renflements fusiformes. Les cellules, de ce cas particulier, sont adjacentes au stroma et proches de la surface extérieure de la jeune tumeur. Séance du A1 Février 190%. M. T. K. Rose à étudié certaines propriélés des séries d'alliages d'argent et de cadmium. Les essais faits à l'Hôtel royal de la Monnaie pour produire des étalons uniformes de plaques d'essais d'argent et de cuivre n'ont donné aucun résultat à cause de la ségré- galion des corps constituants. La courbe de refroidis- sement de l’alliage indique que la soliditication com- mence à 900 et se termine à 778° en passant par un état päteux, pendant lequel le réarrangement des parties constiluantes peut avoir lieu, avec ce résultat que la distribution uniforme de l'argent est troublée. La courbe de refroidissement de lalliage contenant 92,5 °/, d'argent et 7,5 °/, de cadmium ressemble à celle d’un métal pur, n'indiquant aucun état pâteux appréciable, et des plaques d'essais composées de ces corps ont été trouvées d'une composition uniforme. L'alliage est excessivement ductile, et l’on ne rencontre aucune difficulté en faisant des essais sur cet alliage par n'importe quelle méthode connue. Lorsqu'on prépare de gros lingots, il est nécessaire de verser l'argent dans une quantité convenable de cadmium fondu, cette méthode diminuant la perte du cadmium par volatilisation. Les courbes de refroidissement et la microstructure de toute la série des alliages d'argent et M de cadmium ont été aussi étudiées et l’auteur à obtenu la preuve de l'existence d’un certain nombre de com= « posés. Les alliages contenant de 100 à 80 °/, d'argent sont homogènes à Loutes les températures au-dessus de la courbe du solidus, quoiqu'ils paraissent contenir deux corps entre les courbes du solidus et du liquidus. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES i Séance du 3 Mars 1904. ’ M! K. B. Burke et M. F. G. Donnan ont étudié les réactions entre le nitrate d'argent et certains iodures d’alkyles en solutions alcooliques absolues. A 24,5 et à des concentrations variant de N/20 à N/80, les réac- tions sont représentées par une forme spéciale de l'équation de vitesse bimoléculaire, où le coefficient de vitesse est fonction de la concentration initiale des réactifs. Dans des solutions contenant les réactifs en quantités équivalentes, le coefficient de vitesse 4 aug-M mente avec la concentration moléculaire initiale €, la k relation entre Æ et € étant: k=K«%%, où K est indé- pendant de la concentration. — MM. R. $. Morrell et A. E. Bellars ont séparé les acides G-crotonique et -crotonique par la cristallisation fractionnée de leurs sels de quinine, celui du premier étant le moins solu- ble. On peut obtenir ainsi de l'acide $-crotonique très pur, F. 159. — MM. S. Ruhemann el E. R. Watson, en faisant réagir KOH alcoolique sur la benzylidène- acétophénone, ont obtenu l’éther éthylique du diben- zoylméthane, C5. C(OC?H5) : CH. CO. CHF, F. 899-900. Le dérivé p-nitré se comporte de mème. L’aniline réagit sur la benzylidène-acétylacétone pour former le com- posé C‘H°.CH(AZH.C°H°).CH(CO.CH*E, F. 1139. L'ammo- niaque alcoolique réagit sur le même corps en donnant uneacétyldiphénylméthyltétrahydropyrimidine, F.1#79. — M. W. R. Bousfeld décrit un procédé de purili- | cation de l’eau par distillation fractionnée continue. — M. Al. Findlay à étudié les relations d'équilibre de deux isomères dynamiques, le thiocyanate d'ammonium et la thiocarbamide, au point de vue de la règle des phases. La courbe des points de solidification est d'une forme simple; elle consiste en deux branches se ren-, contrant en un point eutectique à 104,3. Le point de fusion du thiocyanate d’'ammonium est d'environ 149°;* celui de la thiocarbamide est supérieur à 1759-1977. La forme simple de la courbe montre qu'il ne se produit aucun composé stable aux températures indiquées sur cette courbe. — MM. A.G. Green et A. G. Perkin ont trouvé que la phénolphtaléine, décolorée par un excès d'alcali, peut ètre entièrement neutralisée sans repren- dre sa couleur par litration ménagée à basse tempé= rature avec l'acide acétique dilué. Mais, si celte solution neutre incolore est bouillie, elle reprend sa couleur intense et elle devient alcaline. Par acidification, il se précipite de la phénolphtaléine libre. Ces faits s'expli- quent simplement si l'on attribue les variations de couleur au passage de la forme quinonoïde à la forme benzénoïde et vice-versa, dû à l'hydratation et à là déshydratation. — M. W. H. Perkin jun., en faisant réagir le B-iodopropionate d'éthyle sur le cyanacétate Ad ke PRE D Lo ds " | 1 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 367 d'éthyle sodé, a obtenu le +-cyanopentane-xye-tricar- boxylate d'éthyle, Eb. 2282 sous 20 millimètres, qui donne par hydrolyse l'acide pentane-«ye-tricarboxylique. Celui-ci, mis à digérer avec l’anhydride acétique et dis- tillé sous pression réduite, perd H20 et CO? et se con- dense en acide p-cétohexahydrobenzoïque, F. 68. L'auteur en étudie les dérivés. — MM. C. H. Burgess et D. L. Chapman exposent un certain nombre de faits nouveaux qui montrent que lactivité d’un mélange d'hydrogène et de chlore dépend entièrement de la condition du chlore. Une solution de chlore peut exister soit sous une forme active, soil sous une forme inac- tive. — M. J. W. Mellor a mesuré la durée de la période d’induction d'un mélange d'hydrogène et de chlore à différentes températures de 3° à 50°. La période est d'autant plus courte que la température est plus élevée. — Le même auteur montre que l'activité chimique plus grande du chlore insolé est intimement associée à Ja présence de vapeur d'eau. — MM. A. C. O. Hann et À. Lapworth ont combiné la carvone avec l'acide cyanhydrique à froid en présence de KCAz. Le nitrile formé donne par hydrolyse deux acides isomères non saturés, CH160.CO*H, K. 1370 et 960-970. La pulégone se comporte de même; son mitrile fond à 460,5. — M. H. M. Dawson à éludié la formation des perio- dures de potassium dans les solvants organiques. Le plus haut periodure formé est l'ennéaiodure KI*. — MM. H. S. Raper, J. T. Thompson et J. B. Cohen po nent leurs recherches relatives à l'action de hypochlorite de soude sur les sulfonamides aroma- tiques. L'halogène prend d’abord la position ortho par rapport au groupe aminé. Si un groupe méthyle est présent et que la position para par rapport au groupe aminé soil libre, l'halogène entre soit en position ortho par rapport au méthyle, soit en para par rapport au groupe aminé. SOCIETE ANGLAISE DES INDUSTRIES CHIMIQUES SECTION DE LONDRES Séance du 4% Février 1904. M. J.-L. Baker présente un résumé du Rapport de la Commission Royale chargée d'étudier les causes de l'épidémie d'empoisonnement arsenical qui a sévi en Angleterre à la fin de 1900. Cette épidémie, qui a atteint plus de 6.000 personnes et produit au moins 70 décès, a été attribuée à l'usage de bières fabriquées avec du malt où du sucre contenant de l’arsenic provenant du mode de préparation. Le Rapport étudie successi- vement : les essais servant à déceler l'arsenic dans les aliments ou les substances servant à la préparation des aliments; les moyens par lesquels les aliments peuvent être contaminés par l’arsenic; les précautions à prendre par les fabricants pour exclure l’arsenic des aliments; les moyens actuels de contrôle officiel de la pureté des aliments par rapport à l’arsenic et les améliorations à y introduire. — MM. J.-L. Baker et W.-D. Dick rap- pellent que beaucoup de brasseurs demandent, pour la fabrication de certaines bières, des malts très clairs. Ceux-ci sont oblenus en faisant brûler du soufre dans le four à griller le malt. Cette pratique doit être consi- dérée comme dangereuse, car les soufres de qualité inférieure contiennent de l’arsenic qui peut contaminer le malt et, ultérieurement, la bière, Séance du 22 Février 1904. . M. Th. Tyrer présente la seconde partie de son étude sur l'emploi de l'alcool dans l'industrie chimique et la nécessité de dégréver l'alcool industriel. SECTION DE NEW-YORK Séance du 22 Janvier 1904. M: M.-L. Griffin étudie la fabrication des solutions décolorantes servant au blanchiment et le dépôt qu’elles y forment par le repos. La pureté et la température de l'eau, ainsi que le degré d’agitation, ont une grande influence sur les propriétés de ces solutions. — M. J.-M. Matthews décrit le procédé de fabrication de la soie artticielle d'après les brevets de Chardonnet*. SECTION DE NOTTINGHAM Séance du 27 Janvier 1904. M. S.-R. Trotman indique un procédé de détermi- nation électrolytique de l’arsenic, qui permet de recon- naître avec certitude 0,000.000.2 gramme d'oxyde arsénieux. SECTION DE NEWCASTLE Séance du # Février 1904. M. G. Sisson décrit un appareil pour la production de l'acide carbonique liquide et divers usages de ce dernier : fabrication de boissons gazeuses, réfrigéra- tion, extinction, manœuvre des signaux de chemin de fer. SECTION D’ÉCOSSE Séance du 23 Février 190% M. Th. Ewan propose deux méthodes pour la déter- mination des cyanates qui se trouvent fréquemment dans les cyanures commerciaux : l’une est basée sur l’insolubilité du cyanate d'argent, l’autre sur la décom- position de la solution aqueuse d'acide cyanique en GO0* et AzHS. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du k Février 1904. M. G. Quincke communique un Mémoire sur la double réfraction des gelées, constituant la suite des recherches de l’auteur sur les couches liquides invi- sibles et la tension superficielle des précipités liquides. ALFRED GRADENWITZ. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 11 Février 1904. 1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. F.Hasenôhrl signale un cycle d'opérations qui serait en contradiction avec le deuxième théorème de la Thermodynamique si l’on n'admet pas que les dimensions de la matière se modi- lient par suite de son mouvement à travers l’éther. — M. A. von Obermayer présente ses recherches sur l'écoulement des corps solides, en particulier de la glace, sous une haute pression. — M. E. Lecher montre que le courant annulaire sans électrodes de I. J. Thom- son se compose de trois actions : 4° Il se produit par impédance une grande différence de potentiel à variation rapide au commencement et à la fin de la bobine, qui provoque, outre une forte ionisation du gaz, un écoulement de l'électricité dans le vide; 2° ce phénomène lumineux est repoussé contre le bord par les forces magnétiques de la bobine; 3 Il y a proba- blement une accentuation du phénomène lumineux par les courants d'induction qui peuvent se produire dans les gaz fortement ionisés. — M. K. Przibram éludie la luminescence des gaz raréfiés dans des tubes sans élec- trodes placés dans un champ de Tesla. — M. G. Jäger communique quelques observations sur la théorie des expériences d'Exner-Pollak. 2° SCIENCES NATURELLES. — M. F.Siebenrock à étudié des phénomènes d'arrêt partiel dans la formation d’une carapace dorsale de Testudo torniere. Celle-ci présente, dans sa partie antérieure, une ossification incomplète des plaques costales, et une absence totale de plusieurs neuralia. — M. E. Cohen à étudié des échantillons de fer météorique tombés à De Sotoville (Alabama). Ils con- ! Voir À, MéxéGaux : L'état actuel de la fabrication de la soie artificielle en France, dans la Revue du 30 juillet 1898, p. 569. 368 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES tiennent principalement du fer, du nickel et du phos- phore.— Le même auteur a fait l'examen d'une tectite, de nature incontestablement météorique, tombée à Igast, en Livonie, en 4855. Par sa composition, elle se rapproche étroitement des moldavwites, et il n'y à plus lieu de douter de l'origine également météorique de ces dernières. Séance du 18 Février 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. N. Herz montre que le problème de la « coupure arrière » n'est qu'un cas particulier d'un problème plus général, qui com- prend également comme cas spécial le problème des huit points. — M. L. Weinek : La théorie de l'aberra- tion des étoiles. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. C. Doelter poursuit ses recherches sur la fusion des mélanges de silicates. Le mélange vitrifié, la solution solide des deux silicates, montre un abaissement du point de fusion au-dessous de ceux des constituants et un point eutectique. — M. C. Taussig montre que les oxamides de laniline, de l'o- et de la m-toluidine, de la m-nitraniline,chauffés avec HgO, se transforment dans les urées correspon- dantes. — M. A. Glogau a constaté que l’éther méthy- lique acide de l'acide phtalonique, F.79°-81°, est transformé par AzH° en acide imidophtalonamique, F.191°-193°; avec la phénylhydrazine, il donne l'acide phénylphtalazone-carbonique ; sa formule doit donc être CSH:(COOH)(CO.COOCH®). 3° ScreNcEs NATURELLES. — M. F. Kossmat : Etudes géologiques sur le percement du tunnel de Wochheimer. ACADEMIE ROYALE DES LINCEIL Séances de Février 190#. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Bianchi rappelle le théorème dont il a donné la démonstration dans la séance précédente, et, dans une nouvelle Note, il éta- blit qu'il est possible de rendre cette démonstration indépendante de la Géométrie elliptique et de pré- senter, sous une forme plus générale, l'équation aux dérivées partielles dont dépend le problème. — M. A. Abetti, à propos de la communication de M. Boccardi, sur la précision des positions des étoiles obtenues par la photographie, expose quelques considérations sur l'importance et sur l'exactitude de l'observation di- recte, et sur la nécessité de recourir, pour quelques étoiles, à l'observation directe au cercle méridien. — M. G. Picciati présente une étude théorique de lalté- ration produite dans le champ électromagnétique, engendré par la translation uniforme d'une charge élec- trique, parallèle à un plan conducteur défini, par la présence d'une mince couche d'un diélectrique solide, d'épaisseur constante, étendu sur/le plan. 20 SGIENCES PHYSIQUES. — M. R. Magini, dans des Notes précédentes, avait démontré que des relations déterminées existent entre les spectres ultraviolets d'absorption des isomères organiques incolores et la configuration moléculaire résultant de la position dif- férente des groupes atomiques, et entre les mêmes spectres et la nature des liens qui réunissent ces groupes. Or, la tautomérie étant considérée comme un cas particulier de l’isomérie, M. Magini a étudié la ma- nière de se comporter du spectre de l’éther acétacé- tique. Ce corps singulier présente un exemple typique de tautomérie, et il est possible d'en suivre avec une grande facilité et avec une grande précision, à l’aide de l'examen de ses spectres ultraviolets, les transfor- mations intimes. — M. Q. Majorana à reconnu qu'en soufflant sur une flamme pulsante (flamme manomé- trique), l'on peut obtenir la reproduction des sons qui font vibrer la flamme. Le son d’un tuyau d'orgue ou d'un diapason, émis dans une chambre voisine et agissant sur une capsule manométrique réunie à la flamme à gaz, est très bien reproduit lorsque le cou- rant d'air frappe la flamme. L'expérience réussit par- faitement avec des petites flammes, et l’on arrive à reproduire la parole articulée et à obtenir une flamme parlante. On peut même se servir d’un appareil télé- phonique, et reproduire le phénomène avec une dis- tance quelconque entre la capsule manométrique et la flamme. I] y à donc une curieuse relation entre l’expé- rience signalée par M. Majorana et l'arc chantant et parlant de Duddell. — MM. F. Garelli et P. Falciola étudient l'équilibre de solutions de gaz dans des liquides, en recourant à la cryoscopie, qui fournit des moyens très-simples pour étudier d'importants pro- blèmes. Les auteurs ont maintenu un solvant liquide à une température constante proche de son point de congélation, et, saturant le liquide avec un gaz, ils ont déterminé l’abaissement du point de congélation causé par le gaz dissous dans le liquide. On a encore opéré avec des solutions plus pauvres en gaz, en suivant le phénomène à différents degrés de concentration ; les gaz sur lesquels on a commencé les recherches étaient le gaz sulfhydrique et l'acide carbonique. z 30 SCIENCES NATURELLES. — M. E. Repossi donne communication des observations faites par lui sur les cristaux de zircon qui se trouvent dans la pegmatite d'Agliasca (Lac de Come). — M. F. Millosevich donne la description d'un minéral très rare, la danburite, qu'il a eu occasion de rencontrer, uni à la calcite,, dans une roche serpentineuse de St Barthélemy, dans le Val d'Aoste. — M. C. Parona a examiné des exem= plaires de Toucasia carinata découverts dans le calcare, de l'ile de Capri; la présence de ces fossiles permet de mettre le calcaire de Capri en correspondance avec les calcaires à facies urgonien, caractérisés par les mêmes fossiles, de l'Italie méridionale. — M. A. Mosso à fait des expériences de ventilation rapide des poumons, à. l'aide d'un appareil spécial qui peut fonctionner avec l'air comprimé ou raréfié. Dans une autre communi- cation, M. Mosso propose une théorie nouvelle de la, tonicité musculaire, fondée sur la double innervation des muscles striés. — M. F. Supino transmet à l’Aca- démie les résultats de son étude histologique du sque- lette de l'Orthagoriseus; et il arrive à la conclusion que, dans cet animal, il y a une parfaite distinction entre le cartilage et l'os, dont la structure spéciale à été parfaitement décrite par Harting. — M! A. Fo a trouvé dans le tube intestinal d'une souris blanche une quantité énorme de petits flagellés, découverts par Grassi en 1882 et nommés par lui Dicercomonas muris: Mie Foù donne une description détaillée de ces fla= gellés, dont elle présente les dessins et propose une classification. —M. F. Kiesow a exécuté sur soi-même des recherches relatives au temps simple de réaction, tactile des poids; il donne des tables des valeurs obte= nues en excitant la pulpe du doigt du milieu de la main gauche. — M. G. Galeotti a fait des recherches sur les modifications que subit le réflexe de la déglutition à 4.560 mètres sur le Mont-Rose. Ces recherches prous vant que, chez les individus qui sont en conditions normales et se trouvent à de grandes hauteurs aus dessus du niveau de la mer, les centres qui commans dent le premier acte de la nutrition sont un peu moditiés dans leurs capacités fonctionnelles; en effet, ces centres se fatiguent plus vite, tandis qu'ils pro duisent des mouvements plus actifs des muscles d l'æsophage. ErNesro MANcGINI. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. ———————_—— Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 15° ANNÉE N° 8 30 AVRIL 1904 Revue générale Tien cC pures et appliquées DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 1. — Nécrologie CA M. Fouqué. — M. Fouqué, qui vient de mourir subitement à l’âge de soixante-quinze ans, était né à Mortain (Manche), le 21 juin 1828. L’éminent professeur du Collège de France à contribué, dans une large mesure, aux progrès de la Géologie et de la Pétrogra- phie. Nous voudrions rappeler ici les différentes phases et les principaux traits de sa vie scientifique, qui rem- plit un demi-siècle. Après avoir été élève à l'Ecole Normale Supérieure (1849), il y reste attaché comme préparateur d'Histoire naturelle durant cinq ans. C’est là que sa vocation scientifique se dessine, car il devient l'élève, puis le collaborateur, du célèbre chimiste Ch. Sainte-Claire-Deville. Les encouragements et la bien- veillance qu'il rencontre vont lui permettre, en effet, de compléter les travaux d’un maitre, auquel il fut tou- jours profondément reconnaissant. Ch. Sainte-Claire-Deville, qui avait déjà publié des études fort curieuses sur les gaz dégagés par les vol- cans, profite d’une nouvelle éruption du Vésuve pour emmener son élève avec lui. M. Fouqué se passionne pour l'étude des phénomènes volcaniques, sous le double vocable de chimiste et de géologue. Il ne se contente plus, désormais, d'analyser les gaz issus des volcans; il recherche et explique leur répartition, leur manière d’être, leur genèse, et tire de ses observations des conclusions importantes sur la cause des éruptions volcaniques. C’est surtout à la suite de la Mission dont il est chargé, par l’Académie des Sciences, pour étudier l'éruption du grand volcan de lZtna, qu'il met en lumière ses idées nouvelles sur les phénomènes phy- siques et chimiques des éruptions volcaniques. Le travail qu'il publie alors, résultat d'observations faites sur place, contrôlées par des recherches de labo- ratoire, lui sert de thèse de doctorat. Ses conclusions sont, depuis, devenues classiques dans le monde savant. Non seulement il reconnaît l'exactitude de la classi- lication des fumerolles, trouvée par Sainte-Claire-De- ville, mais il établit aussi que les phénomènes éruptifs décroissent dans un ordre constant et régulier, dans le temps et dans l’espace. Il signale, en outre, le pre- mier, dans les volcans actifs, l'existence du carbonate d’ammoniaque, du carbonate de soude et de l'hydro- REVUE GÉNÉRAL DES SCIENCES, 1904. gène libre. Il démontre, également, l'existence de véri- tables flammes dans les cratères au maximum d'activité, phénomène qui, jusqu'alors, était universel- lement contesté par les géologues. De toutes ces don- nées, l’auteur concluait que les réactions constatées dans les manifestations volcaniques sont la conséquence, et non la cause, de celles-ci, et, par suite, que la chaleur centrale du Globe, jointe à l'hypothèse d'une pénétra- tion de l’eau de mer dans les profondeurs de l'écorce terrestre, suffisent pour expliquer fréquemment tous les phénomènes éruptifs. Le jeune savant continue ses études de Géologie chi- mique en étudiant les mélanges gazeux des soufrières, des volcans boueux, des terrains ardents et autres évents volcaniques de l'Italie, de la Grèce et des Açores. Désormais, sa voie est tracée. L'Académie le juge digne d’être envoyé trois fois en mission à l'Ile de Santorin, et deux fois aux Açores, où il assiste à l’érup- tion de Terceira. Il rapporte de ces voyages une passion pour la Géologie et des moissons d'observations nouvelles, qui achèvent de le faire connaître. Aussi est-il bientôt chargé de la suppléance du cours d'Histoire naturelle des corps inorganiques au Collège de France, où il remplace successivement ses deux maîtres : Elie de Beaumont et Ch. Sainte-Claire-Deville. En 1877, il sera nommé définitivement titulaire, et, quatre ans plus tard (1881), membre de l'Institut. En 1879, il fait paraître sur l’/e de Santorin un ouvrage remarquable, qui peut servir de modèle aux géologues, car il révèle une science profonde et de rares dons d'observation. A ces recherches stratigraphiques lointaines, M. Fou- qué ajoute l'étude du massif ancien du Cantal, compa- rable à l’'Etna comme dimensions, étude dont il est chargé par le Service de la Carte géologique de la France. 11 fait connaître la véritable nature et l’ordre de succession des éruptions de ce grand volcan du Massif Central, sans se soucier des fatigues de toute nature qu'il rencontre, car il considère, « à juste titre, que les progrès de la Géologie doivent se conquérir, sur le terrain, par une exploration personnelle ». Mais il ne limite pas son champ d'action aux données immé- diates de l'observation; il les complète, les développe 8 370 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ———————.._—_—.."— ]—]—]— —]—]— — ——————————————————_—_—_———————— et leur donne un plus grand degré de certitude par le contrôle des analyses faites dans le laboratoire. C'est dans cette troisième série de recherches que M. Fouqué a été et restera un chef d'Ecole incontesté, par les methodes pétrographiques et chimiques nou- velles qu'il a fait connaître. Jusque vers 1860, une partie des roches éruptives étaient considérées comme des magmas informes, des sortes de pâtes, dans lesquelles on ne distinguait que de rares cristaux. En Allemagne, Zirkel, von Lasaulx, puis Rosenbusch, en appliquant le microscope à l’exa- men des roches taillées en lames minces, font de l'étude des roches une science rationnelle. M. Fouqué introduit, le premier, en France ces procédés d'inves- tigalion, tout en les améliorant dans une large mesure. En taillant dans les roches des lamelles d’une minceur extrême (de 1 à _ de millimètre), on les rend trans- parentes et on peut leur appliquer l'emploi de la lumière polarisée. On aperçoit ainsi tous les éléments, tous les minéraux constitutifs, dont on peut déterminer alors la forme, les dimensions et les propriétés physiques. M. Fouqué ajoute encore le contrôle chimique à ces déterminations, en isolant et purifiant les cristaux microscopiques ; ainsi la Pétrographie devient une science précise et exacte, qui fournira des données précieuses aux géologues, dans l'étude des divers dis- tricts éruptifs, comme ceux du Massif Central : Mont- Dore, Cantal, Chaîne des Puys, Velay, etc., puisqu'elle montre que des laves, souvent semblables en appa- rence, sont parfois très différentes au point de vue physique et chimique. Ces nouvelles doctrines sont développées, d'une façon magistrale, dans la Minéraloqie micrographique, ou- vrage qui est un modèle de clarté, et que M. Fouqué publie en collaboration avec son élève et ami M. Michel Lévy. Les deux savants vont désormais unir leurs efforts et entreprendre une nouvelle série de travaux, travaux de synthèse, ceux-là, ayant pour objet la reproduction artificielle, par fusion ignée et recuit, d'un grand nom- bre de roches et de minéraux. Les nouveaux procédés de synthèse s'appliquant aux roches les plus variées, des plus anciennes aux plus récentes, on peut en con- elure que la genèse des roches à été la même à toutes les époques géologiques; en un mot, que la nature à toujours employé les mêmes moyens de reproduction. L'Ecole française de Pétrographie, avec ses deux maîtres éminents, Fouqué et Michel Lévy, est fondée; elle entreprend alors de classer les roches en se basant sur la structure et la composition minéralogique. Cette méthode permet, étant donnée une roche quelconque, de la nommer et de la décrire. L'Ecole allemande, principalement représentée par M. Rosenbusch, ajoute, à la notion de structure, celle des conditions de gisement, à laquelle vient, plus tard, s'adjoindre la notion chimique: les roches étant envisa- gées comme des associations complexes de sels variés. De ces vues, sont sorties de brillantes et savantes dis- cussions, sur lesquelles se greffent toute une série de questions importantes sur les magmas éruplifs, la consanguinité des roches, etc. (travaux de Brôgger, en Suède ; Iddings, Washington, en Amérique, etc.) J'ai omis, à dessein, de parler des questions qui ont été l’objet des recherches, patientes et minutieuses, de M. Fouqué, durant les quinze dernières années de sa vie. Il s’agit de la détermination des propriétés optiques des feldspaths plagioclases, détermination qui est indispensable pour l'étude des roches éruptives. C'est encore par le contrôle de la Chimie et de la Minéra- logie que ce problème, des plus délicats, commencé par M. des Cloizeaux, fut résolu par M. Fouqué. Toutes les études publiées depuis, sur ce sujet, n’ont fait que confirmer les déterminations d’un savant aussi con- sciencieux que scrupuleux. M. Fouqué n'était pas seulement un grand savant; il possédait aussi, à un haut degré, les qualités de profes- seur : la clarté et la précision. Ceux qui, comme moi, ont eu l'honneur d’être de ses élèves, savent avec quelle simplicité, où l'élégance n'était pas exelue, avec quelle chaleur communicative il exposait les questions les plus ardues. Ce maître éminent, dont la perte laisse un grand vide dans la science, était, dans la vie privée, aussi simple que bon, aussi modeste que délicat, pour ses élèves, comme pour les siens. Il aura eu la joie de voir, de son vivant, presque toutes ses idées confirmées et acceptées, et deux des élèves qu'il à le plus chéris, MM. Michel Lévy et La- croix, devenus à leur tour des maitres, qui continuent à étendre l'influence et la gloire de la science fran- caise. Ph. Glangeaud, Professeur adjoint à l'Unsversité de Clermont-Ferrand. $ 2. — Industrie Les Musées et les Laboratoires industriels de Allemagne. — Le développement industriel et commercial de l'Allemagne a été raisonné, méthodique. Plusieurs des travaux publiés par la Hevue l'ont suffi- samment établi; mais le sujet est encore loin d’être épuisé, témoin l'enquête intéressante, faite récemment par M. P. Lemoult sur les Musées industriels (Gewerbe Museum‘). Ces sortes d'expositions permanentes sont formées d'une très grande variété de produits fabriqués et comprennent également les matières premières et les transformations intermédiaires. Chaque ville a sa spécialité : Francfort-sur-le-Main expose des objets d'art, médailles, bronzes, porcelaines; Cologne, des poteries, céramiques, verreries; Nuremberg, des mo- teurs à gaz et des outils pour le travail du bois, etc. Ces Musées réservent habituellement une vaste salle — placée presque toujours sur le passage des visiteurs, — aux produits nouveaux, qui ne resteront là que le temps nécessaire pour être connus du public et attirer son attention. Chacun d'eux porte son prix et le nom du fabricant; de plus, l’objet est généralement accom- pagné d’une notice qui sollicite l'attention du visiteur. Ce n'est pas dans les régions très industrielles, où l'on travaille surtout pour l'exportation, que ces mai- sons rendent les plus grands services; c'est, au con- traire, là où les fabriques sont disséminées que l'in- dustriel doit rechercher les moyens de faire connaître ses produits, et, comme il vend principalement dans un rayon local qui n’est pas très étendu, ce sont les con- sommateurs eux-mêmes qu'il s’agit, avant tout, d'attirer et d’intéresser. L'Allemagne du Sud, région d'industries éparses, en renferme un grand nombre : entretenus avec le plus grand soin, perfectionnés sans cesse et tou- jours dans un but pratique, ils sont très fréquentés. L'un des plus anciens — puisqu'il remonte à 1830 — est celui de Stuttgart, dû à l'initiative privée de la So= ciété pour l'encouragement de l'Industrie dans le Wur- temberg. D'étape en étape, il est arrivé à occuper, depuis 1896, un véritable palais, dont le prix a dépassé trois millions de francs. Il est visité annuellement par 40 à 50.000 visiteurs et renferme des collections se rapportant aux industries les plus variées; on y trouye des modèles en petites dimensions d'instruments ara- toires, des instruments de musique, des produits de la verrerie, des moteurs électriques et des moteurs à va- peur, à gaz, à pétrole, à benzine. Chaque appareil est monté sur de petites roues qui permettent de le déplacer sur des rails, afin de l’amener près d'une fenêtre où il pourra être examiné soigneusement et même mis en mouvement si le visiteur le désire. Citons encore une série de dispositifs destinés à pro- téger les ouvriers contre les accidents du travail, un musée japonais et un musée chinois, des collections de textiles, de métaux, d'applications industrielles de l'os, du cuir, du papier et du bois. Le Musée renferme enfin une Bibliothèque contenant plus de 100.000 ouvrages et ———_—_—_—_—_—_—________—————_—— 1 La Science au XX siècle, 1903, p. 217. LS UPRES Ed . not 7 oe, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE documents, et un laboratoire d'analyses chimiques qui à effectué, depuis sa fondation, — 1842 — 23.000 recher- ches industrielles. Deux ascenseurs, l’un hydraulique et l'autre électrique, assurent le.service des personnes et le transport des marchandises et complètent une installation vraiment remarquable par l'esprit scienti- fique qui la dirige et par les résultats pratiques qu’elle a déjà donnés jusqu'ici. Les laboratoires industriels ou instituts technico- scientifiques montrent, mieux encore peut-être, l'alliance réelle et féconde qui existe partout en Alle- magne entre la science et l'industrie. Tandis que les fa- bricants de matières colorantesne manquent pas de faire précéder la mise en pratique de chacune des inventions qu'ils exploitent de recherches scientifiques systémati- quement dirigées, d'études et d'essais minutieux dans les laboratoires de l'Université, les fabricants de ma- tières explosives ont fondé, près de Berlin, un établis- sement scientifique des plus complets. La Zentralstelle für wissenschaltlich-technische Un- tersuchungen! a pour but de fournir des renseignements sur les nouveautés et les améliorations qui se pro- duisent dans le domaine de la fabrication des matières explosives. Créée en octobre 1898, sous forme de Société à responsabilité limitée, par dix grandes fabriques d'armes, de munitions ou de dynamite, elle possède un capital de fondation qui se monte à environ 2.100.000 marks, tandis que ses dépenses annuelles oscillent entre 3 et 400.000 marks. La Zentralstelle est formée d'une Section chimico- physique et d’une Section physico-métallurgique, ayant chacune à leur tête un directeur. La première Section possède des laboratoires de Chimie, où se poursuivent les analyses et les recherches théoriques, dont les résultats sont repris, au point de vue de leur réalisation industrielle, dans des bâtiments voisins spécialement aménagés à cet effet. La seconde Section dispose d'une vaste halle destinée aux machines qu'actionne un puissant moteur à gaz. On y trouve des presses hydrauliques, des machines pour les essais de rupture, de pression et de flexion, un marteau-pilon, etc. Des ateliers renferment une petite fonderie, des laminoirs, et toute une série d’ins- tallations mécaniques auxiliaires pour l'essai des mo- teurs et les recherches micrographiques sur les mé- laux. La Zentralstelle s'est surlout occupée, depuis sa fon- dation, du perfectionnement des méthodes pour l'essai et la conservation des poudres en usage relativement à leur durée, de l'amélioration de produits chimiques nouveaux, de l’examen de nouvelles méthodes de fabrication, d'essais d'acier destinés aux armes à feu, de la préparation et de l'essai de billes d'acier pour roulements, ete.; elle a fourni des Rapports au sujet d'installations pour la production ou la conservation des matières explosives ; elle à donné son avis sur les mesures de sécurité proposées pour le transport de ces matières. Il faut noter, enfin, que ces recherches si variées ont été entreprises par la Zentralstelle, aussi bien sur la demande des Ministères de Ja Guerre, de la Marine et du Commerce que pour le compte des fabriques qui l'ont fondée, et l’on aura une juste idée de l'importance des services rendus par cet établissement. P. Clerget. $ 3. — Météorologie L'influence de la Lune sur la pluie.— À propos de la Note parue dans notre numéro du 415 février 1904 (p. 109), M. Aug. Souleyre, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées à Bône, nous écrit qu'il a mis en évidence l'influence de la déclinaison de la Lune sur da pluie en Algérie pour la période 1889-1897 dans la Revue scientifique du 28 octobre 4899 et dans le Bulle- * Bürgel's Industrie und Handels Blatl, n° 7, 1903. Berlin, 371 tin de la Société Astronomique de France d'oc- tobre 1899, Les lois météorologiques sont plus nettes aux bords des déserts qu'en pleins pays tempérés. Elles peuvent s'étudier en Algérie comme en Australie, comme au Turkestan, comme dans la République Argentine. $S 4. — Physique Quelques observations relatives aux piles à sélénium. — La question de savoir si la diminu- tion de la résistance des piles à sélénium exposées à un éclairage plus ou moins intense est due à des processus chimiques, comme le veut M. Bidwell, paraît difficile à résoudre, le sélénium formant des composés chimiques au contact de tous les métaux et surtout lorsqu'il est chauffé, Or, les piles à sélénium sont précisément fabriquées en enroulant du fil de cuivre ou de platine sur une plaque ou sur un cylindre de matière isolante : après l'avoir enduit de sélénium, on porte le tout à la température de 200° et l'y maintient pendant cinq heures après que le sélénium a cristallisé. Dans un travail récent‘, M. G. Berndt s'adresse à un Corps qui, sans offrir une résistance électrique exces- sive, ne forme pas de composés chimiques avec le sélénium, à savoir le charbon. Les piles à sélénium sur charbon construites par l’auteur ne devraient pas, si la théorie de Bidwell est exacte, montrer la moindre sensibilité photoélectrique. Voici, du reste, le procédé dont se sert M. Berndt pour la fabrication de ces piles : Une plaque de verre de 3 centimètres de largeur et de 6 centimètres de longueur est recouverte de fils de charbon d'environ 4 centimètres de longueur et 0,2 millimètre de diamètre à des distances réciproques de 1,5 à 2 millimètres, de facon que le premier, le troi- sième, etc. fils dépassent de 1 centimètre d’un côté, el le deuxième, le quatrième, etc... fils de mème de l’autre côté. Ce sont ces bouts en saillie d'un mème groupe de fils de charbon que l’auteur relie entre eux avec ou sans le concours d’un métal. Après avoir ainsi préparé les plaques et après avoir bien séché celles- ci, on les enduit d'environ 1 gr. 50 de sélénium pul- vérulent, qu'on répartit d'une façon uniforme, après quoi on le fond sur la plaque de verre; après avoir pro- duit un refroidissement rapide, on provoque, par un échauffement modéré, la cristallisation du sélénium. Or, contrairement à l'hypothèse de Bidwell, les deux piles à sélénium ainsi préparées se sont montrées sen- sibles à la lumière; dans toutes les deux, la résistance est, en effet, tombée d'environ 55 °/, après qu’on les eût exposées pendant cinq minutes à l'action d’une lampe à incandescence de seize bougies placée à 10 centi- mètres de distance. L'auteur démontre également l'absence de processus chimiques produits par l’éclai- rage et qui disparaitraient en même temps que ce dernier. De tels processus devraient, en effet, s'accom- pagner d'un dégagement de chaleur positif ou négatif, et, comme le font voir des expériences spéciales, il ne s'en produit pas d'appréciable. Après avoir ainsi démontré que la diminution de résistance sous l’action d’un éclairage n’est point due à des processus chimiques, quels qu'ils soient, l’auteur expose l’une de ses piles à sélénium à l’action de la lumière de Li, Na et TI. La sensibilité à la lumière décroit à longueur d'onde décroissante. Quant à ce qui concerne la relation entre la sensibilité des piles et l'intensité lumineuse, la loi indiquée par M, Rosse?, et d’après laquelle la sensibilité à la lumière serait à peu près proportionnelle à la racine carrée de l'intensité lumineuse, a été confirmée. Les piles à sélénium sur charbon offrent, enfin, la par- ticularité de maintenir la résistance dans l'obscurité à des valeurs constantes, abstraction faite des variations dues à la température, contrairement à ce que l'on ZE 121-124, 490%. ! G. BernoT : Physical Zeitschr., V, n° 5, p. ? Phil. Mag., (4), 41, 1874. 312 observe dans le cas des piles ordinaires sur fils métal- liques. Voici, du reste, l'hypothèse que formule l'auteur pour expliquer les phénomènes photo-électriques pré- sentés par le sélénium : Le sélénium cristallin existe- rait sous deux modifications, se trouvant en équilibre dynamique, lequel serait déplacé sous l'action d'un éclairement pour se rétablir aussitôt que cesse ce dernier. $ 5. — Zoologie L'Océanographie et les Pêches maritimes. — La récente crise sardinière vient d'attirer l'attention sur la question des pêches maritimes. Mais, dans les milieux directement intéressés, il y a longtemps déjà que lon se préoccupe d'un double problème: lhy- pothèse de lappauvrissement des fonds que fréquen- tent les poissons sédentaires, et les causes qui régis- sent le déplacement des poissons migrateurs‘. Ces deux questions n'intéressent pas les mêmes popula- tions; de plus, elles réclament des solutions différentes. Les pêcheurs d'espèces migratrices ne se plaignent pas d'une diminution des bancs, mais de leur inconstance au point de vue de l’époque et de la durée d’appärition, de la direction, etc. Ces questions si pratiques et si actuelles se présentent à un moment où l'Océanogra- phie commence à faire parler d'elle dans les milieux savants. « Les poissons migrateurs, disait récemment le prince de Monaco, obéissent aux lois que le courant, la lumière, la température, les exigences de l'alimen- tation leur imposent; l'Océanographie peut seule étu- dier ces questions et fournir aux pêcheurs les cartes scientifiques de la surface comme du fond de la mer, grâce auxquelles ces hommes apprendront l'exercice rationnel de leur métier. » Si l'Océanographie est encore bien jeune pour fournir déjà la solution de ces importants problèmes économiques, ceux-ci ne laisse- ront pas d'agir heureusement sur son développement en réclamant une étude immédiate dont elle pro- fitera la première. Et c'est précisément ce qui arrive aujourd'hui. Une Conférence internationale, provoquée par le Gouvernement suédois, pour l'exploration de la mer Glaciale, de la mer du Nord et de la Baltique, dans l'intérêt des pècheries, s'ouvrit à Stockholm, le 15 juin 1899. Les Pays scandinaves, le Danemark, l'Allemagne, la Russie, l'Angleterre s'yétaient fait repré- senter. Le programme prévoyait l'examen d’une double série de recherches océanographiques et biologiques, et la création d’un Laboratoire international permanent qui permettrait d'assurer l'uniformité des méthodes et la centralisation des résultats. Une seconde Confé- rence, réunie en 4901, à Christiania, et à laquelle la Belgique avait adhéré, continua l'étude du programme de recherches et scinda l'organisme central en un Laboratoire, établi à Christiania, chargé de la partie hydrographique, et en un Bureau permanent, installé à Copenhague, qui conserve, en principe, la direction générale des recherches, et, pratiquement, la partie biologique du programme. Celui-ci comporte dès lors : L'établissement de cartes indiquant la distribution de certains poissons aux diverses époques de l’année ‘subsidiairement des œufs, alevins ou jeunes de ces espèces); L'étude des migrations de ces poissons par l'observa- tion des pêches, par l'étude des races locales et de leur aire d'extension, par l'immersion de poissons marqués ; La distribution qualitative et quantitative du plan- kton et l'étude particulière de celui qui se trouve un peu au-dessus du fond ; La détermination des nurseries ou localités spéciale- ment fréquentées par les jeunes de certaines espèces; La destruction du poisson par ses ennemis naturels el parles divers engins de pêche; Cf. A. Curony : Les Pêches maritimes, in -Æevue scienti- fique, 26 décembre 1903. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE L'étude de la survie des poissons chalutés; Les essais de fécondation artificielle à bord; L'élaboration des statistiques de pêches à terre. La Conférence de Copenhague, en 1902, se contenta de perfectionner le programme, dont on n'avait pas encore pu commencer la réalisation. Aujourd'hui, pra- tiquement et financièrement, l’œuvre internationale vit; des navires construits et équipés vont poursuivre leurs observations et leurs recherches. La France, malgré les démarches de plusieurs savants, et notam- ment d'un éminent collaborateur de cette Æevue, M. J. Thoulet, s’est jusqu'ici abstenue. Le fait que les principaux intérêts de nos pêcheries sont placés dans l'Atlantique et la Méditerranée ne nous semble pas une raison suffisante. Dans une conférence récente, donnée à Paris, le prince de Monaco nous reprochait, non sans raison, la froideur officicile que nous conti nuons de témoigner à l'Océanographie. L'indifférence que nous paraissons marquer à l'importante question des pêches maritimes en est une preuve de plus. P. Clerget. «< $ 6. — Physiologie Sécrétion physiologique de la bile et du sue intestinal. — On connaît aujourd'hui, de façon satisfaisante, le mécanisme de la sécrétion physiologique du suc pancréatique. On sait que l'acide chlorhydrique du contenu gastrique, expulsé à travers le pylore dans le duodénum, agit sur la muqueuse duodénale et en- gendre à ses dépens une substance, la sécrétine, qui, résorbée par les vaisseaux sanguins de l'intestin et amenée au contact des cellules pancréatiques, en dé- termine l’activité fonctionnelle. Un mécanisme analogue préside, au moment de la digestion intestinale, à la sécrétion de la bile et du suc entérique : de la bile, dont la présence dans l'intestin est nécessaire à la perfection de la digestion et de l'absorption des matières grasses; du suc entérique, dont la présence dans l'intestin est nécessaire pour assurer l'activité du suc pancréatique déversé. V. Henri et Portier, en injectant dans une veine une solution de sécrétine, obtenue en traitant par l’acide chlorhydrique le produit de raclage de la muqueuse duodénale, ont observé une augmentation notable de la sécrétion biliaire‘. Bayliss et Starling ont obtenu le même résultat, en injectant dans les veines une solution de sécrétine aussi pure que possible ?. M. A. Falloise, assistant à l'Université de Liége, a vérifié les conclu- sions de ses devanciers en employant une solution de sécrétine débarrassée parfaitement d’albumoses et de sels biliaires, écartant ainsi l’objection qu'on aurait pu produire : la prétendue action de la sécrétine n'est-elle pas tout simplement due aux albumoses et aux sels biliaires qui la souillent, ces substances, et plus parti= culièrement les sels biliaires, étant, de facon indiseu- table, de puissants agents cholagogues *? Enriquez et Hallion, Rutherford, Wertheimer, Fleig sont arrivés aux mêmes conclusions par des expériences variées. Dans un travail récent, M. Falloise étudie avec beaucoup de soin le mécanisme de cette action chola= gogue de l'acide chlorhydrique, introduit dans le duo= dénum. - 11 démontre que l'acide chlorhydrique n’exerce som action cholagogue qu'au niveau du duodénum et de RSS PT PRE on Sa pare | 4 RS première portion du jéjunum; introduit dans la partie terminale du jéjunum ou dans l'iléon, il est absolument inefficace. Or, on a établi, d'autre part, que Ce MÊME acide chlorhydrique ne provoque de sécrétion pancréss tique que s’il est introduit dans le duodénum ou dans la première partie du jéjunum, d'une part; et, d'autre part, que la macération chlorhydrique de muqueuse 1 C. R. Soc. de Biologie, 1902, p. 620. î 2 J. of Physiology, t. XXVHI, p. - . Bull. Acad. de Belgique, CI. d. Sc., 1902, p. 945. « ‘ Bull. Acad. roy. de Belgique, Cl. d. Sc., 1905, p. 757-191 À & CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 313 intestinale ne possède le pouvoir de la sécrétine vis-à- vis du pancréas que si la muqueuse employée est celle du duodénum ou de la première partie de l'iléon. Il y à donc analogie parfaite entre la sécrétion pancréa- tique et la sécrétion biliaire. L'action de l'acide chlorhydrique introduit dans le duodénum sur la sécrétion biliaire n’est pas instan- tanée : il y a une période latente, durant de trois à cinq minutes, comme il y a une période latente de même durée pour la sécrétion pancréatique produite dans les mêmes conditions. L'accélération de la sécrétion biliaire suit, d’ailleurs, une marche parallèle à l'accélération de la sécrétion pan- créatique, elle atteint son maximum (débit qui peut être quadruple du débit normal avant l'expérience) de la septième à la douzième minute après l'injection d'acide chlorhydrique; puis elle diminue progressi- vement jusqu'à la vingt-cinquième minute environ. Comme la sécrétion pancréatique consécutive au pas- sage des aliments dans le duodénum, ou à l'injection d'acide chlorhydrique dans le duodénum, la sécrétion biliaire engendrée dans les mêmes conditions est due au même mécanisme humoral. L'acide chlorhydrique engendre, aux dépens d'une prosécrétine, contenue dans la muqueuse duodénale, une sécrétine qui, résorbée par les racines du système porte, est entrainée au foie et en accélère l’activité sécrétoire, comme dans le cas de la sécrétion pancréatique. Toutefois, on ne saurait affirmer que ce mécanisme, qui est incontestablement le principal, soit unique; les expériences réalisées jusqu'à ce jour permettent de supposer qu'à ce méca- nisme humoral essentiel peut s'adjoindre un mécanisme réflexe, l'acide chlorhydrique agissant comme excitant sur les terminaisons nerveuses du duodénum, pour aller provoquer, par voie réflexe, à distance, la sécrétion du pancréas et du foie. Le suc intestinal et les macérations de muqueuse intestinale contiennent une substance, appelée enté- rokinase, qui possède la propriété de transformer en trypsine active la protrypsine contenue dans le suc pancréatique au moment de sa sécrétion. On sait, en effet, que le suc pancréatique, tel qu'il s'écoule du canal pancréatique, ne possède aucune propriété protéoly- tique et n'en acquiert que grâce à son mélange, dans le duodénum, avec le suc sécrété par les glandes de cette portion de l'intestin. Quelles sont les conditions physio- logiques de la sécrétion du suc intestinal? Les auteurs, qui ont étudié cette question, n'ont pas obtenu des résultats concordants. Pour les uns, la sécrétion intes- tinale se produit abondante dans une anse intestinale séparée par le procédé classique de Thiry-Vella, et, par conséquent, cette sécrétion, indépendante de la présence de matières alimentaires au point considéré, résulte Soit d'un mécanisme humoral comme les sécrétions pancréatiques et biliaires, soit d’un mécanismenerveux réflexe, ayant son point d'excitation dans la muqueuse digestive et son point de terminaison dans l’ensemble des glandes intestinales. Pour les autres, — et Pawlow, l'émi- nent physiologiste de l'Institut impérial de Médecine expérimentale de Saint-Pétersbourg, auquel nous devons tant de résultats importants sur les sécrétions digestives, est du nombre, — pour les autres, la sécrétion du suc intestinal parait suivre des lois très spéciales, en ce sens qu’elle serait purement locale, ne se produirait que dans le segment intestinal directement excité, et n'aurait vraisemblablement comme cause efficace que l'excitation mécanique due au contenu intestinal. MM. C. Delezenne et A. Frouin, de l'Institut Pasteur, dans une Note communiquée à la Société de Biologie le 20 février dernier, ont fait connaître les raisons de ces divergences d'opinion, et fourni des explications très satisfaisantes sur le mécanisme physiologique de la sécrétion du suc intestinal. l Les résultats divergents des auteurs sont dus à ce que les observations n’ont pas porté sur la même région de l'intestin. En pratiquant des fistules de Thiry de 20 centimètres de longueur, soit sur la région duo- dénale, soit sur le milieu du jéjunum, soit sur l'iléon, MM. Delezenne et Frouin ont fait les observations sui- vantes : Les fistules duodénales ont toujours, chez les huit chiens en expérience, présenté une sécrétion abon- dante, se manifestant de trois à sept heures après le repas; sur des chiens de 25 à 30 kilogrammes, on à pu recueillir pendant la période d'activité maxima, c’est-à- dire de la quatrième à la sixième heure, 10 à 20 cen- timètres cubes de suc, alors que, chez l'animal à jeun, aucune sécrétion appréciable n’est observée. Les fistules des portions moyenne et terminale du Jéjunum, par contre, n'ont jamais fourni, pendant la période d'activité digestive, que des quantités extrême- ment faibles de suc, { à 2 centimètres cubes, tout au plus, en trois ou quatre heures. Les fistules de l’iléon, enfin, n’ont jamais donné, dans aucune des circonstances réalisées, aucune sécrétion véritable. Quelle est la cause de cette sécrétion duodénale? N'est-elle pas, comme les sécrétions pancréatique et biliaire, produite par un mécanisme humoral ? N'est-ce pas ici encore l'acide chlorhydrique du contenu gas- rique qui est la cause initiale de l’ensemble des phénomènes physiologiques qui conduisent à cette sécrétion ? En exécutant des expériences analogues à celles qui ont permis de pénétrer le mécanisme de la sécrétion pancréatique, MM. Delezenne et Frouin établissent que cette sécrétion intestinale est provoquée par l’action de l'acide chlorhydrique sur la muqueuse intestinale dans la région duodénale ou jéjunale supérieure. En effet, l'introduction d'acide chlorhydrique à #4 °/, dans l'estomac d'un chien, à jeun, porteur d’une fistule de Thiry duodénale, détermine rapidement une abondante sécrétion duodénale. L'introduction d'acide chlorhy- drique dans une anse intestinale supérieure, isolée selon la méthode de Thiry, chez un chien porteur d’une double fistule de Thiry, détermine dans la seconde fis- tule une sécrétion abondante (5 à 10 centimètres cubes en dix minutes, pour un fragment intestinal de 20 cen- timètres de longueur), pourvu que cette seconde fistule corresponde à la ré &: gion duodénale. C'est encore vraisemblablement par l'intermédiaire de la sécrétine, ou d'une sécrétine, que se produit cette sécrétion à distance; MM. Delezenne et Frouin ont constaté, en effet, que l'injection intra-veineuse de la macération acide de muqueuse intestinale (bouillie et neutralisée) détermine toujours une sécrétion plus ou moins abondante de suc duodénal. Sans nier que cette mème sécrétion pourrait être également pro- voquée par un mécanisme réflexe, MM. Delezenne ct Frouin concluent légitimement de leurs recherches que la sécrétion physiolosique du suc duodénal se fait sous l'influence du même excitant que la sécrétion pancré- atique et que la sécrétion biliaire : le passage du liquide acide de l'estomac dans l'intestin met en activité les trois organes glandulaires, dont les sues sont nécessaires à la digestion intestinale. $ 7. — Sciences médicales Le sucre et le vin dans lalimentation du Soldat. — M. le D' Boigey, médecin militaire, a expé- rimenté le sucre chez le soldatt. Ha fait prendre, à 20 sol- dats, 40 grammes de sucre par jour, pendant un mois, Ils ont gagné généralement en poids, ils ont fait un tra- vail musculaire plus important; mais ils ont présenté une certaine tendance à la dyspepsie, explicable peut- être par le surmenage du foie chez ces gens bien nourris et, en quelque sorte, suralimentés. Pour le D' Bienfait?, le sucre serait plutôt profitable lorsqu'il y a défaut de nourriture ou travail exagéré. Il faudrait donc le prescrire aux soldats en campagne ou en ma- * Caducée, 9 janvier. ? Caducée, 6 février. Et = CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE næuvres. Ces deux auteurs ont également étudié l’action du vin comme tonique; mais, tandis que M. Boigey le déclare utile et le classe au rang des substances ali- mentaires, M. Bienfait distingue entre l'effet utile réel, qui est bien minime, et l'agrément très appréciable qu'il ya à boire du vin età ressentir le coup de fouet qui ue nourrit pas, mais donne une impression de vigueur. Le Paludisme à Madagascar. — M. le D: La- veran, dont on connaît les travaux remarquables sur le paludisme, à attiré l'attention de l'Académie de Méde- cine, dans la séance du 8 mars, sur la situation de notre colonie de Madagascar. Le paludisme y cause d'effroyables ravages. On sait que c'est l'Anophèle qui porte l’hématozoaire infectant; or, les Rapports des «différentes stations médicales de l'ile montrent que, dans les casernes, les hôpitaux et les infirmeries mili- taires, les Anophèles abondent. Il faut, cependant, remarquer que ces Culicides ne sont dangereux que s'ils ont absorbé l'hématozoaire en se posant sur des végétaux en décomposition ; mais cette condition est parfaitement réalisée à Madagascar, où l'on entreprend la construction des routes, des ponts, des chemins de fer et l'assainissement des marécages et des rivières. Comme moyen prophylactique, il en est un, qui, d'après l'auteur, a donné d'excellents résultats en Nouvelle-Calédonie : c’est l'emploi des toiles métal- liques, entourant complètement les maisons d'habitation et protégeant l'homme dès qu'il a mis pied dans la maison ; ce procédé serait de beaucoup supérieur à la moustiquaire, dont l'effet est souvent illusoire et qui diminue notablement la quantité d'air nécessaire à l'hématose. Si l'on compare, en effet, la mortalité de Madagascar et celle de la Nouvelle-Calédonie, on voit qu'ici elle est de 5 °/,, alors que là elle atteint 33 °/,; de plus, dans les maisons de la Campagne romaine, où cette mesure a été prise en 1901, on n'a plus noté que 3 °/, des cas d'infection. M. le D' Laveran, soucieux, à Juste titre, de la santé de nos troupes, à donc fait voter par l’Académie un vœu tendant à munir les caserne- ments et les maisons de Madagascar de ces toiles métalliques La mryosite infectieuse au Japon. — [La myosite infectieuse, dont on enregistre quelques rares cas en Europe, est excessivement fréquente au Japon. Scriba, il y à quelques années, en avait publié 165 ob- servations; MM, Ita et Simaka (de Kyoto) en ont étudié 42, cas *. Toutes les fois où les auteurs ont pu faire l'examen bactériologique, ils ont trouvé le staphylocoque aureus, et plus rarement abus. L'étiologie de cette infection est assez obscure, et peut-être faut-il mettre en cause l'alimentation? Quoiqu'il en soit, la myosite suppurée doit être tenue pour une staphylomycose, qui doit prendre rang à côté des myosites streptomycosiques, pneumomycosiques où gonomycosiques, décrites par divers auteurs, Traitement à ciel ouvert des plaies par l'exposition au soleil et par la dessicecation. — C'est M. le D' O. Bernhard qui propose ce genre nouveau de pansement dans le Münchener medicinisehe Wochenschrift, du 5 janvier 1904. 11 s’agit tout sim- plement d’un bain de soleil : en exposant les plaies, pendant plusieurs heures consécutives, à la lumière solaire telle quelle, l’auteur vise non seulement les propriétés bactéricides de cette lumière, mais aussi l'action de la chaleur par rayonnement. Il a eu l'idée de ce traitement en constatant que la cicatrisation des plaies évolue d’une manière particulièrement favorable chez les habitants de la Haute Engadine. Il va sans dire que cette méthode thérapeutique, avantageuse dans les ‘ Voir leurs observations dans la Deutsche Zeitschrift für Chirurgie, t. LXIX, 2-4. pays où l'air est pur et sec, ne donnerait que des résultats médiocres là où l'air atmosphérique contient beaucoup d’'impuretés ou se trouve saturé de vapeur d’eau. Quoiqu'il en soit, M. Bernhard a obtenu d'excel- lents résultats de son bain de soleil dans les plaies trau- matiques, les brûlures, les gelures, les ulcères vari- queux, les plaies de nature infectieuse et même les ulcérations tuberculeuses. La photothérapie, par emploi des rayons chimiques concentrés, et les radiations caloriques du spectre avaient déjà été utilisées par M. Thayer dans des cas semblables, avec des résultats très appréciables. Un nouveau procédé de traitement des affections de lestomae. — M. le Professeur Fer- rannini ! vient d'essayer d'appliquer la cataphorèse à la thérapeutique des affections stomacales. Par le nom de cataphorèse, on désigne, comme l’on sait, le transfert du pôle positif vers le pôle négatif de substances dissoutes dansun liquide traversé par un courant galvanique. L’au- teur a donc rempli l'estomac d’une solution médicamen- teuse dans laquelle plongeait une sonde dont l'olive re- présentait l'électrode positive ; le pôle négatif était figuré par une large électrode appliquée extérieurement sur l’épigastre ; dans ses expériences, sur les animaux, puis sur l’homme sain, M. le Professeur Ferrannini a réussi à faire pénétrer ainsi, dans l'épaisseur des parois sto- macales, les médicaments nécessaires. Fort de ces résul- tats, il a appliqué ce moyen de traitement à des affec- tions gastriques rebelles et il a pu les guérir au bout de quelques jours seulement, avec des séances quoti- diennes d’un quart d'heure et avec une intensité de courant qui ne dépassait pas 5 milliampères. Ces résul- tats sont très encourageants, car l'on sait, surtout depuis les travaux du Professeur Bouchard, qu'un médicament interne exerce une action thérapeutique d'autant plus énergique que le chemin qu'il parcourt, pour arriver au contact du foyer morbide, est moins détourné. $ 8. — Universités et Congrès Association des Anatomistes. — L'Associa- tion des Anatomistes vient de tenir à Toulouse, du 27 au 30 mars, sasixième réunion, plus animée encore que les précédentes. Aux nombreux membres français, venant des principales Universités, s'étaient joints les Professeurs Waldeyer (Berlin), Ramon y Cajal (Madrid), Swaen (Liége), Romiti (Pise), Eternod (Genève), Bu- gnion (Lausanne), Van der Stricht (Gand), Stirling (Manchester), etc. L'accueil des Toulousains, présidés par le Professeur Tourneux, assisté des Professeurs Herrmann, Laulanié et Roule, a été des plus empressés et des plus cordiaux. Communications et démonstra- tions ont abondé. Genève a élé choisi comme siège de la prochaine réunion, au commencement d'août 1905. Grâce à une entente avec les Associations analogues allemande, anglaise, américaine et italienne, qui semblent bien disposées à siéger exceptionnellement en commun à la même date et dans la même ville, nous aurons pour la première fois un véritable Congrès fédératif interna- tional des Anatomistes. MM. Sabatier (Montpellier) et Bugnion (Lausanne) ont été désignés comme président et vice-président du groupe francais. L'Université de Paris en 1902-1903. — Le Conseil de l'Université de Paris a entendu, dans l’une de ses dernières séances, la lecture du Rapport annuel sur la situation des établissements de l'Univer- sité de Paris. Ce Rapport, véritable étude d'ensemble, est dû à M. Lyon-Caen, membre de l'Institut, professeur à la Faculté de Droit. Cet auteur, dans son Rapport, a réduit les renseignements statistiques au nécessaire; il à voulu, avec raison, faire une part plus large à tout ce qui peut donner une idée de l’activité des maitres 1 La Rilorma medica, 190%, 6 janvier. = ee CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE et des élèves. Aussi bien, il a réussi à nous donner un tableau fidèle de la vie intérieure de l'Université de Paris. En voici, d’ailleurs, les principaux faits : Le personnel enseignant des cinq Facultés et de l'Ecole supérieure de Pharmacie compte 246 profes- seurs, dont 138 professeurs titulaires. Ce chiffre ne représente pas le total des professeurs qui donnent l'enseignement supérieur à Paris, car il y a plus de 200 professeurs dans les divers établissements de l'Etat qui ont une organisation indépendante, comme le Col- lège de France, le Muséum d'Histoire naturelle, l'Ecole des Chartes, etc. Enfin, il faut ajouter 25 cours libres, dont l institution, dit le rapporteur, « mér ite d'ètre conservée à raison des services qu'on en peut espérer, plus qu'à raison de ceux qu'elle rend ou a rendus jusqu'ici ». Le nombre des étudiants a été de 12.574, en augmen- tation sur le nombre de l’année précédente. Les femmes ont été au nombre de 612, dont 301 pour la Faculté des Lettres (194 étrangères). Le total des étudiants étrangers des deux sexes a été de 1.241. Quant à l’activité scientifique des Facultés, elle est marquée par le développement continu des laboratoires el des conférences. De plus en plus, les étudiants puisent dans ce milieu des idées et des directions pour leurs recherches personnelles, spécialement pour leurs thèses de doctorat. Les laboratoires de recherches et d'enseignement de la Faculté de Médecine sont peu fréquentés; pourtant, d'un seul d’entre eux, celui de Chimie, il n'est pas sorti moins de 58 Mémoires originaux. La Faculté des Sciences, comme l'a fait remarquer son doyen, M. Appell, doit satisfaire à des besoins variés, auxquels correspondent des enseignements différents. Aussi il y existe : 1° un enseignement général, qui doit donner aux étudiants les éléments essentiels des sciences, développer en eux l'esprit scientifique et leur faire connaître les méthodes de recherches; 2° un enseignement spécial, en vue des applications pratiques; 3° des travaux de recherches. Enfin, des travaux pra- tiques ont été organisés en grand nombre. « Sans eux, dit M. Appell, les cours seraient très loin de produire tous leurs effets utiles, car beaucoup d'élèves sortent de la préparation au baccalauréat avec une tendance ficheuse à se contenter d'apprendre et de répéter la parole du maitre. » Les recherches scientifiques faites dans les laboratoires réunissent les professeurs, les chefs de laboratoires, les préparateurs, des aspirants au doctorat ès sciences, des savants français et étrangers; leurs résultats, dont plusieurs ont eu une influence considérable sur les progrès des sciences, ont été consignés dans les Comptes rendus de P Académie des Sciences et dans des revues spéciales. Signalons, dans le Laboratoire de Physique générale, les études con- tradictoires effectuées par un savant américain et le préparateur du cours, et qui ont définitivement démontré l'effet magnétique de la convection électrique. A la Faculté des Lettres existe une organisation très complète, destinée à favoriser et à diriger le travail des élèves. A l'Observatoire de l'Université, tions du calcul de la vitesse de la lumière sont achevée le directeur a été autorisé à procéder aux études pré- liminaires pour calculer la vitesse du son. A la Faculté de Médecine, il a été fondé un Institut de Médecine légale et de Psychiâtrie, destiné à Ponnee des connaissances spéciales au médecin-légiste et à l'aliéniste. b Enfin, les services de la Chaire d'Évolution des êtres organisés avaient dû, faute de place, s'installer dans des baraquements et ‘dans un ancien bâtiment utilisé par Soufflot lorsqu'il dirigeait la construction du Pan- théon; mais, toutes ces constructions menaçant ruine, M. Nénot à dù dresser les plans d'une annexe de la Sorbonne qui les remplacerait ; les dépenses sont éva- luées à 250.000 francs. M. Lyon-Caen conclut en disant que, « plus on examine ce qui se fait dans notre Université, les efforts à Nice, les opéra- 375 des maitres et des élèves, les résultats obtenus, plus on est convaincu que l'Université de Paris est un centre d’études qui, digne de la France et de sa capitale, peut rivaliser avec les Universités les plus célèbres des autres pays ». Conseil de l'Université de Paris. — Le nou- veau Conseil de l'Université de Paris, qui vient d’être élu pour trois ans, est constitué de la facon suivante : M. Liard, vice-recteur de l'Académie, président de droit; les d':yens des Facultés et le directeur de l'Ecole supérieure de Pharmacie, membres de droit; repré- sentants élus des Facultés : Théologie protestante, MM. Bonet-Maury et Ménégoz; Droit, MM. Cauwès et Lyon-Caen; Médecine, MM. Joffroy et Pinard; Sciences, MM. Lippmann et Bonnier Lettres, MM. Lavisse el Boutroux; Pharmacie, MM. Bouchardat et Prunier. M. Appell, doyen de la Faculté des Sciences, a été élu vice-président par le Conseil, et M. Lavisse, secrétaire. Agrégation de Médeceine.— Le Concours d'agré- gation de Médecine (section de Pathologie externe et de Médecine légale) vient de se terminer par les nomi- nations suivantes : Faculté de Paris : MM. P. Carnot, Claude, Balthazard, Labbé, Macaigne. Faculté de Montpellier : . Ardin-Delteil. Faculté de Nancy : MM. bone Hoche. Faculté de Lille : M. Ingelrans. Faculté de Lyon : MM. Nicolas, Charvet. Faculté de Bordeaux : MM. Verger, Abadie, Faculté de Toulouse : MM. Cestan, Baylac. M. P. Carnot, recu premier, est le fils de M. A. Car- not, membre de l’Institut, directeur de l'Ecole des Mines. M. Balthazard est ancien élève de l'Ecole Poly- technique et ancien officier du Génie. Agrégation de Pharmacie. A la suite du dernier concours, sont nommés agrégés près les Ecoles supérieures de Pharmacie (section de Physique, Chimie et Toxicologie) des Universités suivantes : Paris : MM. Tassilly, Physique; Guerbet, Chimie et Toxicologie. Montpellier : Nancy : M. Tarbouriech, Chimie et Toxicologie. M. Girardet, Chimie et Toxicologie. Personnel universitaire. — M. Meslin, profes- seur de Physique à la Faculté des Sciences de Mont- pellier, est nommé directeur de l’Institut de Physique. M. Haug, docteur ès-sciences, maitre de conférences de Géologie à la Faculté des Sciences de Paris, est nommé professeur de Géologie à ladite Faculté. M. Fabry, docteur ès-sciences, chargé d'un cours de Physique industrielle à la Faculté des Sciences de Mar- seille, est nommé professeur de Physique industrielle à la dite Faculté. M. Verdun, chargé d’un cours de Parasitologie à la Faculté de Médecine de Lille, est nommé professeur de Zoologie médicale à la dite Faculté. M. Fockeu, chargé d'un cours de Botanique à la Faculté de Médecine de Lille, est nommé professeur de Matière médicale et Botanique à la dite Faculté. M. Maurel est nommé professeur de Pathologie expé- rimentale à la Faculté de Médecine de Toulouse. M. Guilhem est nommé professeur de Médecine légale à la Faculté de Médecine de Toulouse. M. Job, chargé d’un cours de Chimie à la Faculté des Sciences de Toulouse, est nommé professeur de Chi- mie à la dite Faculté. M. Reclus, agrégé des Facultés de Médecine, est nommé professeur d'Opérations et Appareils à la Faculté de Médecine de Paris M. Pachon, agrégé près de la Faculté de Médecine de Bordeaux, est nommé maitre de conférences au Labo- ratoire de Physiologie générale du Muséum, à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes (Section des Sciences naturelles). 876 C' R. BOURGEOIS — L'ÉTAT ACTUEL DE LA GÉODÉSIE L'ÉTAT ACTUEL DE LA GÉODÉSIE Les théories et les méthodes géodésiques vrai- ment scientifiques datent du milieu du xvi° siècie. Elles ont pris naissance, en France, lors des me- sures de la méridienne de France par les Cassini et des arcs polaires et équatoriaux par les Académi- ciens français; perfeclionnées encore au commen- cement de ce siècle par Borda, Delambre, Méchain el Legendre, au moment ‘des opérations qui ont abouti à la création du Système métrique, elles ont subi une transformation profonde, sous l'influence de la science allemande, au milieu du xix° siècle. Aujourd'hui, grâce à l'impulsion donnée par l’Asso- ciation Géodésique Internationale à tous les travaux qui ont pour objet soit l'élude de la forme de la Terre, soil la constitulion des réseaux de triangu- lation primordiaux en vue de la description géo- métrique des Eiats, la science géodésique est en progrès incessants. Il est intéressant de marquer son élape actuelle, d'autant que des opérations importantes, et d’une ampleur que l’on n'eût osé soupçonner autrefois, sont aujourd'hui en plein cours d'exécution. ÏJ. — LEs INSTRUMENTS ET LES MÉTHODES. $ 1. — Les Mesures de Bases. Les appareils bi-métalliques en usage depuis Borda pour la mesure des bases semblent devoir céder le pas aujourd'hui aux appareils monométal- liques en métal à faible dilatation, et il se mani- *este, en outre, une lendance très marquée à la subs- tilution de fils ou de rubans aux règles massives. Cette évolution est due à la découverte des pro- priétés des alliages d'acier et de nickel, qui, sui- vant la valeur de leur teneur en nickel, sont plus ou moins dilatables, et peuvent même ne présenter qu'une dilatation insignifiante. Les études de ces alliages ont été poursuivies pendant plusieurs années par M. Ch. Ed. Guillaume, aujourd'hui directeur-adjoint du Bureau Interna- tional des Poids et Mesures, à Sèvres. Il a re- connu que les allongements, sous l'influence de la température, de barres d’acier-nickel à 36 °/, de nickel sont tellement faibles que les corrections à apporter aux mesures des bases géodésiques peu- vent pratiquement ne plus exiger qu'une connais- sance approchée de la température. Le coeffi- cient de dilatation d’un tel alliage n'est, en effet, entre 0° et 6°, que de (6,877 + 0,001276) 10 —7, en moyenne, ce qui, pour une varialion de 10 degrés et une règle de 4 mètres, ne donne qu'un allonge- ment total de 35 microns. Les avantages qui peuvent en résulter pour les mesures des bases géodésiques sont immédiats. Jusqu'ici, en effet, quels qu'aient été les appareils employés, même les règles bimétalliques les mieux construites, el quelles qu'aient été les précautions prises, l'indétermination sur l’évalualion de la température restait toujours considérable, en raison de l'incertitude où l'on était sur la facon dont les règles suivent les variations de la température ambiante. Avec le métal invar (nom qui a été donné à l'alliage de 64 °/, d'acier et de 36 °/, de nickel), au contraire, il est possible d'employer des appa- reils monomélalliques simples et peu coûteux, en A ei ù = ï A i [ ; i i 1 [l ll i l oi [2 +, lo ! LE I I 1 ! | 1 NE (l LD F \ 4 Fig. 1. — Section du type de règle-élalen en métal invar construit pour le Service Géographique français. se contentant, pour l'évalualion des températures, des indications d'un thermomètre à mercure. Différents services géodésiques, et en particulier le Service Géographique français, ont donné mis- sion au Bureau International des Poids et Mesures de faire construire pour leurs besoins des étalons géodésiques de 4 mètres en métal invar. Frs È 4 H Le type auquel on s’est arrêté (fig. 1) est celui. d'une règle à section en H, avec talons, inscrite dans un carré de 4 centimètres de côté. La règle pèse 26 kilogs et, portée sur les points de flexion minima, prend une courbure dont la flèche totale est de 06. Le tracé des divisions aux deux bouts est fait sur le plan des fibres neutres, mis à nu sur toute la longueur de la règle, et consiste en trois millimètres à chaque extrémité, dont celui du milieu est subdivisé en dixièmes; deux traits longitudi- naux les recoupent et marquent l'axe de la règle; les mètres intermédiaires sont marqués chacun par un seul trait, qui sert pour l’étalonnage. C! R. BOURGEOIS — L'ÉTAT ACTUEL DE LA GÉODÉSIE 311 La règle est renfermée dans une boîte en alumi- nium, dont le couvercle porte aux extrémités deux trappes qui peuvent se rabattre en met- tant à découvert les traits extrêmes. La fiole du niveau est à compensation, de façon à pouvoir faire varier à volonté la longueur de la bulle; les ther- momètres à mercure ont leur réservoir entière- ment noyé dans une pièce d'aluminium descendue dans le creux de la règle. L'ensemble de tout l’ap- pareil pèse 55 kilogs, poids notablement inférieur à celui de la plupart des anciennes règles géodé- siques toutes nues et sans aucune protection. C'est à ce type ou à un type analogue que se rapporte- ront maintenant toutes les règles emplovées à la mesure des bases. Mais, quelque allégées et simplifiées qu'elles soient, les règles demeurent loujourslourdes et d’un transport délicat et difficile. Un savant suédois, M. Jäderin, a introduit depuis une quinzaine d’an- nées dans la pratique de la Géodésie des fils métal- liques tendus sous un effort constant; ces appa- reils présentent l'avantage d'être peu encombrants, simples et susceptibles d'être employés dans des terrains à peu près quelconques. L'appareil Jäderin primitif consistait essenliel- lement en deux fils de 24 mètres, l'un d'acier et l’autre de laiton, terminés à chacune de leurs extrémités par des réglettes divisées, que l’on tendait à bras au moyen de dynamomètres, sous la réduction à l'horizontale. En mesurant chaque intervalle successivement avec le fil d'acier et le fil de lailon, on déterminait la longueur de la base Fig. 2. — Appareil Jäderin replié, comme avec une règle bimétallique; on pouvait également employer chaque fil séparément et pren- dre à chaque portée la température au moyen de thermomètres à mercure. Destiné tout d’abord aux opérations géodésiques Fig. 3. — Appareil Jäderin en place pour une opération géodésique. un effort constant de dix kilogs, au-dessus de | rapides, et principalement aux opérations colo- trépieds-repères rigoureusement alignés dans le plan de la base. Un nivellement spécial donnait l'inclinaison de chaque portée et permettait de faire niales, l'appareil Jäderin a recu des perfectionne- ments multiples (fig.2 et 3),et l’utilisation du métal invar l’a rendu propre aux mesures de bases de 318 C' R. BOURGEOIS — L'ÉTAT ACTUEL DE LA GÉODÉSIE haute précision. Le Bureau International des Poids et Mesures a entrepris, à ce sujet, des études qui l'ont amené à créer un type d'appareil nouveau ; en même temps, le Bureau faisait des recherches sur la limite de précision que les fils permeltent d’at- teindre et sur leur degré d'invariabilité, soit sous la simple action du Lemps, soit par l'effet des manipula- tions auxquelles ils sont soumis lors de leur emploi. Au nombre des perfectionnements apportés à l'appareil, il faut citer tout particulièrement la subslitulion de poids tenseurs, montés sur des chevalets (fig. 3), aux anciens dynamomètres, ainsi que la modification apportée aux réglettes termi- pales, dont la division est actuellement tracée dans le prolongement même du fil. Ces régletles, qui étaient autrefois en laiton, sont, de plus, construites maintenant en métal invar comme le fil lui-même (fig. 4). Les résultats acquis sont aujourd’hui de nature à dissiper les craintes que l’on avait concues con- cernant les fils d'invar, desquels on pouvait très Fig. 4. — Réglettes terminales ancienne et modifiée, de lappareil Jäderin. légitimement penser que la précieuse propriété qu'ils possèdent de se dilater très peu devait être contrebalancée par quelque défaut caché, et surtout par une très grande tendance à se déformer sous l’action du temps ou par toute autre cause de varia- tion”. Les études faites à Breleuil ont montré que, lorsque les fils sont conservés sans subir aucune manipulation, leur longueur se maintient constante d'une facon remarquable, et que l'enroulage et le déroulage, opérations fréquentes et inévitables, n'occasionnent que très exceptionnellement des variations atteignant les erreurs possibles des mesures faites dans de bonnes conditions. Les opérations exécutées jusqu'ici en employant concurremment des fils et des règles montrent, d'une facon caractéristique, que les fils en métal invar donnent, dans la mesure des bases géodésiques, une précision au moins égale, sinon supérieure, à celle de la mesure des angles. L'usage s'en répand de plus en plus, en raison surtout de la facilité qu'ils : Rapport de directeur-adjoint Mesures. MM. Benoit et Guillaume, du Bureau directeur et International des Poids et procurent de mesurer des bases très longues sans préparation préalable du terrain; on arrivera ainsi à la mesure directe d’un grand côté de triangulation, ce qui permettra de s'affranchir du rattachèment de la base au réseau par un agrandissement suces- sif des triangles, opération qui, bien souvent, fait perdre tout le bénéfice de la précision de la mesure directe de la base. Au lieu de fils, il est également possible d’em- ployer des rubans; les Américains ont adopté celte solution dès 1892. Les rubans dont ils se sont servi à celte époque étaient en acier, tendus sous 15 kilogs au moyen d'un appareil spécial, et l’on observait directement la température au moyen de thermomètres. L'introduction du métal invar ren- dra là encore les plus grands services, el peut-être en arrivera-t-on à des mesures par des rubans sou- tenus sur toute leur longueur, de facon à supprimer la forme en chaïînette des fils ou rubans tendus, que plusieurs géodésiens considèrent comme pou- vant introduire des erreurs, si les conditions de tension et d'état du fil changent lant soit peu. Les dernières mesures de bases exécutées récemment par les Américains donnent la physio- nomie actuelle de ces opérations, et font ressortir les principes que les expériences antérieures ont fait adopter aujourd'hui ; ils peuvent se résumer comme il suit : On admet tout d'abord qu'il faut renoncer aux appareils anciens, dits de haute précision, qui sont lourds et de manipulation difficile, pour employer les appareils nouveaux, pourvu que ceux-ci soient susceptibles d'assurer la précision du 1/500.000°, qui sera suffisante tant que l'on n'aura pas fait progresser parallèlement la précision des mesures d’angles; une précision supérieure dans la mesure de la base serait, en effet, perdue dans l'opération du raltachement au réseau. Comme corollaire de ce premier principe, il est de toute nécessité de cher- cher à avoir la meilleure figure possible pour le rattachement, quitte à mesurer au besoin une base en terrain difficile, si cela est nécessaire. On a reconnu, en second lieu, que, pour faire le travail dans le moins de temps et avec le plus d'économie possible, il y avait intérêt à arrêter, dès le début des opérations de triangulation, les emplacements de loutes les bases, de façon à pou- voir les mesurer toutes en une seule campagne et avec une seule équipe. Enfin, l’on ne doit pas perdre de vue que les mesures de bases faites avec un seul appareil, ou des appareils d'un type uniforme, cachent toutes les erreurs pouvant provenir de l'équation absolue de ce type d'appareils, de même que les étalon- nages faits dans les laboratoires sont illusoires et peuvent ne pas donner du tout les valeurs néces- > PA C' R. BOURGEOIS — L'ÉTAT ACTUEL DE LA GÉODÉSIE 3179 saires pour l'emploi des appareils sur le terrain; il n'y a d'exception que lorsque l’on emploie la règle dans la glace fondante, aussi bien lors de l'élalonnage que dans la mesure elle-même. Partant de là, les mesures américaines ont été faites d’après le programme suivant : Les neuf bases que le Coast and Geodetice Survey avait à mesurer en 1900, le long du grand arc de méridien transcontinental qui suit le 98° degré, ont été mesurées en une seule campagne de six mois. On s’est servi, pour les mesures, de cinq appareils différents : la règle bimétallique d'Eimbeck, en acier et laiton, deux rubans d'acier de cinquante mètres, et deux rubans d'acier de cent mètres. Chaque base à été divisée en cinq segments, et chacun d'eux a été mesuré à l'aller et au retour avec un instrument. Lesappareils ont été étalonnés sur le terrain,avant etaprès chaque mesure de base, dans des conditions se rapprochant autant que possible de celles de la mesure proprement dite. On a employé comme éta- lon la règle de cinq mètres qui a servi autrefois aux mesures de bases dans la glace fondante. Enfin, sur chaque base, un kilomètre, dit kilo- mètre-lémoin, a été mesuré au moyen des cinq appareils, ce qui a permis de connaître leurs équa- tions relatives. L'erreur probable maxima atteint 1 690.000 1.200. 000 erreurs ont été calculées au moyen des résidus provenant des différences entre les mesures des diverses sections par les différents appareils, ré- sultats évidemment plus précis que ceux que l'on obtient d'habitude par les résidus provenant des différences entre des mesures faites en se servant d'un appareil unique. La simplicité des appareils employés à permis de faire toutes les mesures avec cinq opérateurs et cinq adjoints seulement; la base la plus courte a 6 kilomètres, la plus longue 13, et la longueur totale des 9 bases, qui sont réparties sur 1.400 kilomètres de distance, est de 69 kilomètres 200. Malgré cela, les frais totaux de l'opération, y compris les transports, les étalon- nages et les émoluments de tout le personnel, ne se sont élevés qu’à 1.231 dollars, soit 160 dollars environ par kilomètre. » l'erreur probable minima Ces $ 2. — Les Mesures d'Angles. Les instruments employés aux mesures d’angles ont subi peu de modifications depuis une vingtaine d'années. Le cercle azimutal réitérateur construit par Brünner reste l’un des types les plus parfaits de ce genre d'instruments, lesquels semblent, dans l’état actuel de la science et de l'industrie, avoir atteint toute la perfection dont ils sont suscep- tibles. Par contre, on a remplacé dans certains pays, notamment en Allemagne et en France, la méthode d'observation par tours d'horizon par une mé- thode différente, celle de la mesure directe des angles formés en chaque station par les directions qui y aboutissent, en combinant celles-ci de toutes les manières possibles. En une station S (fig. 5), par exemple, à 6 directions, on observera les angles : 4 4,5 5,6 2 3 ,3 2,4 3,9 4,6 l 5 3 Les considérations qui ont fait adopter cetle nouvelle méthode, dont le promoteur a été le général Schreiber, chef de la Section trigonomé- trique du Service de la Carte en Allemagne, sont les suivantes : La méthode par tours d'horizon répond à toutes Il li M VI Fig. 5. — Nouvelle méthode de mesure des angles. les conditions théoriques, lorsqu'il est possible de faire des tours d'horizon complets, dans des conditions identiques et sur des supports inva- riables; elle a alors l'avantage d'être simple et rapide. Mais il arrive, pour ainsi dire constamment, que les séries sont incomplètes, car, en raison des variations dans l’éclairement, il y a presque toujours un certain nombre de signaux mal éclairés ou invisibles. On est donc obligé, pour obtenir les différentes directions avec le nombre voulu de séries, de reconstituer celles qui, faites à une même origine, ne comprennent pas tout le tour d'horizon, en groupant entre elles des observa- tions exécutées dans des conditions différentes. L'homogénéité n'existe plus, dès lors, et les prin- cipes sur lesquels est basée la méthode dispa- raissent ; celle-ci cesse d'être rationnelle. Le temps nécessaire aux observations augmente considérablement avec le nombre de séries par- 380 tielles faites à une même origine. On perd aussi beaucoup de temps lorsque, dans l'exécution même d'un tour d'horizon, l’un des signaux est momentanément mal éclairé ou inobservable et que l'on ne veut pas interrompre la série com- mencée. Enfin, dans le cas où l’on opère en pays de plaine ou dans des régions boisées, cas fréquent dans nos pays et qui force souvent d'installer le cercle azimutal à une grande hauteur au-dessus du sol, sur des pylônes en briques ou en charpentes toujours plus ou moins instables, les séries les plus courtes sont évidemment les moins sujettes aux erreurs provenant du manque de stabilité de l'instrument. La méthode de mesure directe des angles dans toutes leurs combinaisons permet de réaliser entièrement ce dernier desideratum et d'éviter les inconvénients que l'on vient de signaler. Les séries n'y comportent jamais que deux direclions; elles sont donc réduites au minimum; les angles étant indépendants, il est à peu près possible de travailler constamment en utilisant à chaque mesure les signaux visibles ou convenablement éclairés, et l'on peut, en outre, profiter des instants favorables, même s'ils sont de courte durée, pour mesurer les angles formés par les direclions les moins bien partagées au point de vue de la visi- bilité. Enfin, aucune direction n’est favorisée, et l'ensemble de la station présente une symétrie parfaite. On applique également ici la méthode de la réitération, et les diverses mesures d’un même angle AB sont faites à des origines différentes, convenablement réparties sur le cercle de façon à éliminer les erreurs de division. Cette méthode est appliquée en Allemagne pour toutes les opérations primordiales; en France, on l'a étendue même aux opéralions de second ordre entreprises en vue de la réfection du Cadastre. $ 3. — Les Études des déviations de la verticale. Les opérations géodésiques du xvuir siècle avaient pour but de rechercher si réellement la forme de la surface de la Terre diffère de celle d'une sphère ; les travaux de la première moitié du xix° siècle ont été consacrés à la détermination de l'aplatis- sement de l’ellipsoïde terrestre; aujourd’hui, tout en cherchant encore à améliorer, dans la mesure du possible, les valeurs obtenues antérieurement, l’on a été conduit, par l’élat d'avancement même de la question, à serrer de plus près l'étude des formes particulières du géoïde dans les diverses régions, et l'extension des éludes sur les déviations de la verticale est une des caractéristiques de la science géodésique actuelle. C!' R. BOURGEOIS — L'ÉTAT ACTUEL DE LA GÉODÉSIE L'exemple, dans cette voie, a été donné par les Américains, qui déterminent, à presque tous les sommets de leurs triangulalions primordiales, la latitude et un azimut astronomique, ou, quand la chose est possible, une différence de longitude avec un point-origine. La comparaison des éléments géodésiques et astronomiques donne, comme on le sait, les déviations, dans le sens Nord-Sud et dans le sens Est-Ouest, de la verticale vraie par rapport à la normale à la surface de référence adoptée comme s'identifiant le mieux avec la forme extérieure de la Terre dans la région considérée. De nombreux travaux ont élé également entrepris récemment dans cet ordre d'idées en Allemagne, où l’on fait ce que l’on pourrait appeler des mono- graphies de régions particulières ; la France a commencé des études analogues en Algérie et sur la méridienne de Paris, et l'un des plus importants travaux permanents du Bureau Central de l’Asso- ciation Géodésique Internalionale est l’élude de la forme du géoïde au moyen de l’ensemble de ces diverses observations que l'on poursuit d'année en année. Il est intéressant de jeter un coup d'œil sur les résultats qu'ont obtenus les Américains dans leur étude générale. Les déterminalions astronomiques ont élé faites jusqu'ici en 246 stations géodésiques; les coor- données calculées l'ont été sur l’ellipsoïde de Clarke de 1886, pris comme surface de référence (a==6.378.206,1: b—6.356.583,8: ee) et en partant de celles d’un point-origine (Meades Ranch, Kansas) pour lequel on peut conjeclurer que la dévialion de la verlicale est nulle. Les valeurs extrêmes des déviations de la verticale observées varient de <+11"29 à —18"38 dans le sens du méridien et de 1430 à —2%"06 dans le sens perpendiculaire. Elles ont une tendance marquée à indiquer un défaut de masse dans les Océans, tant sur le ver- sant du Pacifique que sur celui de l'Atlantique, et un excès de masse sur le Continent. Elles montrent également, quoique d'une facon moins nettement marquée, des déviations régionales s'étendant sur des surfaces considérables et qui paraissent dues aux accidents topographiques importants. Ces résultats ont été traduits graphiquement au Coast and Geodetie Survey, qui a pu ainsi publier une carte portant les courbes d'allitudes du géoïde par rapport à l’ellipsoïde de référence. L $ 4. — Les Déterminations de l'intensité de la pesanteur. Les déterminations d'intensité de la pesanteur sont le complément obligé des études sur les dévia- DIT C' R. BOURGEOIS — L'ÉTAT ACTUEL DE LA GÉODÉSIE 381 tions de la verticale ;elles ont pris, depuis une tren- taine d'années,une grandeextension.Onsaitqu'elles se font d'ordinaire, et l'on pourrait mêmedire exelu- sivement, par l'observation de la durée des oscil- lations d'un pendule d'expérience, de longueur bien déterminée, pour les observations absolues, ou d'un pendule invariable pour les observations relatives. Des progrès considérables ont été réa- lisés depuis un demi-siècle, et les appareils bien connus de Sterneck, de Detforges, de Slückrath et d'autres encore, donnent les meilleurs résultats pratiques. Le principe même de la méthode des oscillations avait rendu impossi- respondent aux indications du thermomètre hyp- sométrique. On pourra donc obtenir g,°— g'? : 15 Ba? — Bof EG — Go > : o La comparaison de la correction de l'intensité de la pesanteur ainsi observée à la valeur de cette même correction calculée pour la latitude d’après la formule de M. Helmert, par exemple : C — —0,002644 BA? cos 29, permettra d'étudier les anomalies que présente la pesanteur observée bles jusqu'ici les dé- par rapport à la pe- terminalions en plein Océan; la seule opé- ration qui avait pu être faite au large, jusqu'en 1900, était celle de Nansen, sur l'Océan glacial gelé. Un pas considéra- ble vient d'être fran- chi tout récemment. M. le D: Hecker, re- prenant les idées émi- ses par le savant sué- dois M. Mohn, a ima- giné de déterminer 4 en mer par la compa- raison des valeurs de la pression atmo- sphérique exprimées simultanément au moyen d’un baromè- tre à mercure et d'un hypsomètre (fig. 6). En raison de la va- rialion de la pesan- teur aux différents lieux du Globe, si, à une pression atmosphérique donnée, correspond, en un lieu de lalitude # et d'altitude 2, une hauteur barométrique B,? (toutes corrections de température et de capillarité faites), il correspondra pour la même pression, à la lati- tude 45° et à l'altitude 0, une hauteur baromé- trique B,‘, liée à la première par la relation : Fig..6: de la pesanteur en pleine mer par la comparaison des indica- tions du baromètre (1 et 2) et de l'hypsomètre (3). Br° gr —= Bo go". Si l’on observe simultanément la pression atmo- Sphérique au lieu (2, &) au moyen du baromètre et de l’hypsomètre, ce dernier instrument donnera la hauteur barométrique qui correspondrait à la pre- mière au lieu (0,45°\, puisque c’est ainsi que sont calculées les Lables donnant les pressions qui cor- — Appareil de M. Hecker pour la mesure de l'intensité santeur calculée par la formule de Clai- raut. M. Hecker a fait un premier voyage d'ex- périences sur la ligne de paquebots Ham- bourg, Lisbonne, Rio- de-Janeiro, choisie en raison de Ce que la merestfort tranquille sur ce trajet pendant les mois de juillet et d'août. Au cours du voyage, les observa- lions ont été ratla- chées aux stations pendulaires déjà exis- tantes de Rio-de-Ja- neiro et de Lisbonne, où M. Hecker a déter- miné gpar laméthode ordinaire, au moyen d’un pendule de Stückrath. La discussion gé- nérale de l’ensemble des observations de ce pre- mier voyage a donné, comme valeurs des anoma- lies de l'intensité de la pesanteur, des résultats qui permettent d'affirmer, dès maintenant, que les tra- vaux du D° Hecker paraissent devoir vérifier l'hy- pothèse de la répartition isostatique des masses, émise par l’archidiacre Pratt. Il semble, en effet, résulter des observations faites que la pesanteur en eau profonde sur l'Océan Atlantique, entre Lisbonne et Bahia, a une valeur presque normale, correspondant en moyenne à celle donnée par la formule de M. Helmert pour les continents. Depuis, M. Hecker esl reparti pour un second voyage dans le Pacifique, voyage exécuté, comme 382 C! R. BOURGEOIS — L'ÉTAT ACTUEL DE LA GÉODÉSIE le premier, sur les crédits dont dispose l’Associa- tion Géodésique Internationale. $ 5. — Les Nivellements de précision. Les nivellements géométriques ont acquis au- jourd’hui toute la précision dont ils sont capables dans l’état actuel de la science; les perfectionne- ments de détail que l’on y apporte chaque année ne changent pas la méthode,et ne modifient pas profondément les instruments. Le type de ces opé- rations restera vraisemblablement longtemps en- core le nouveau nivellement général de la France, qui se poursuit sous la direction de M, l'Ingénieur en chef des Mines Lallemand. IT. — LES GRANDES OPÉRATIONS GÉODÉSIQUES ACTUELLES. Plusieurs grands Etats ontentrepris actuellement, sous l'impulsion de l'Association Géodésique Inter- nationale, de nouvelles mesures d’arcs de méridien en vue de déterminer, avec toutes les garanties que présente la science moderne, les éléments moyens de l’ellipsoïde terrestre. Indépendam - ment des grands $S 1. — Arc du Spitzberg. La chaîne méridienne du Spitzhberg s'étend sur 4,5 d'amplitude entre les parallèles de 76° et de 80°,5., Commencée en 1899 par deux Missions, l’une Russe et l’autre Suédoise, qui se sont diviséle tra- vail, elle a été 2 = | LA L\ terminée tout ré- = Ë = de cemment. Les % difficultés ontété se — grandes et la tri- 23 angulati gulation a ren- contrédesérieux obstacles : au Nord en raison de la difficulté d'installer les stations, au Sud en raison de la largeur du Store- fjord, bras de mer qui séparait les deux côtés de SE la chaine et qui O9NO09 ANG AHAIT arcs mesurés aux Etats-Unis, dont il a déjà été fait mention, une Se SUD-OUEST Mission Russo- Suédoise vient ; AFRICAIN de terminer la mesure d'un are polaire de 4°,5 au Spitzberg, après plus de quatre années de travaux; une Mis- sion francaise exécute actuelle- ment, à la Répu- blique de l'Equa- ALLEMI? D on où om = a nécessité l’em- ploi de triangles de 100 kilomè- tres de côté. Les bases ont été me- surées pendant l’été de 1902,dont la longue durée a été favorable. On s’est servi de fils Jäderin qui ont été étalon- nés sur place au moyen d'une rè- gle de fer étalon, laquelle a été ré- cemment redé- — terminée au Bu- teur, la mesure reau Internatio- d’un arc équato- rial de 6°; enfin, les Anglais ont entrepris en 1899 Fig. et continuent la triangulation d’un arc allant du Cap à Alexandrie, qui embrassera ainsi 65° environ, et sera le plus considérable dont la mesure aura été effectuée à l'époque actuelle. Il aura l'avantage de s'élendre à peu près sy- métriquement de 30° environ de part et d'autre de l'équateur. F.Porremans_Je/. 1. — Opérations de triangulation de l'arc. du Cap au Caire, nal des Poids et Mesures. En outre de la triangulation proprement dile et de la mesure des positions as- tronomiques fondamentales, on a mesuré 12 lati- tudes complémentaires, et l'on a déterminé l'inten- sité de la pesanteur en cinq stations différentes, au moyen du pendule. Ces dernières observations ont été difficiles à réaliser dans de bonnes conditions, en raison des mouvements propres de la glace SA DS A à C! R. BOURGEOIS — L'ÉTAT ACTUEL DE LA GÉODÉSIE 383 sur laquelle on était obligé d'installer les appareils. Malgré ces difficultés, malgré le froid et les rigueurs des longs hivernages, les savants Russes et Suédois sont parvenus, grâce à leur admirable persévérance, à mener l’œuvre à bonne fin ’. $ 2. — Arc Africain. Le travail gigantesque commencé en Afrique, | qui doit livrer à la science un géodésique, ne parait pas devoir présenter de grosses difficultés. En Rhodésie, du 22° au 16° degré de latitude, le travail a été entrepris, sur l'initiative de la Char- tered Company, par le Geodetie Surveyof Rhodesia ; mais les travaux de mesures d'angles, qui étaient déjà commencés en 1900, ne paraissent pas avoir beaucoup progressé; néanmoins, la chaîne a été reconnue Jus- qu'à la fronliè- arc de 65° d'am- re nord, c'est- plitude, avance petit à petit malgré les dif- ficultés qu'une œuvre aussi vaste doit fata- lement rencon- trer, surtout à à-dire jusqu’au Zambèze, et les opérations sont en cours d’exé- culion dans la partie sud. Les difficultés à vaincre dans COLOMBIE x Pasto ses débuts. La chaine mé- ridienne suit le 30° degré de longitude à l'Est du méri- dien de Green- wich; de plus, dans la Colo- cette portion de la chaîne sont très grandes : le climat y est très malsain ; il yrègne de nom- breuses mala- dies et des fiè- vres dangereu- nie du Cap, un autre arc déjà mesuré, et dou- blant le précé- dent, s'étend le long du 20° de- gré de longi- lude, depuis le Cap Aguilhas, ses; la main- d'œuvre indi- gène indispen- sable est diffi- cile à se procu- rer,etl'état des chemins ou des pistes ne per- met,cependant, pointe méridio- _nale de l’Afri- que, jusqu'au 22 degré de latitude sud; il sera relié à de faire les transports qu'aumoyen de bœufs ou à dos d'homme ; les observations celui du 30° de- gré de longi- tude (fig. 7). La triangulation du sud, le long du méridien de 30°, est terminée jusqu'à la frontière du Trans- vaal, soit jusqu’au 28° degré de latitude sud, Il a été, comme bien l’on pense, impossible jusqu'à présent de faire quoique ce soit au travers du pays Boer; mais, actuellement, il est question d'y com- mencer une reconnaissance qui, au point de vue Æ.Borremans- Se: 4 Voir A. Hansky : La mesure d'un arc de méridien au Spitzherg, dans la Revue des 15 et 30 décembre 1902, Fig. 8. — Régions où se poursuivent les mesures de l'arc de l'Equateur, sont très sou- vent gênées el même arrêtées par les fumées produites par les feux de brousse allumés par les indigènes; enfin, les saisons des pluies, qui ont une durée de plus de quatre mois chaque année, arrêtent périodiquement les travaux. Du Zambèze au Lac Tanganyika, on a fait l'explo- ration de la région, qui s'étend sur T° de latitude. A partir du Lac Tanganyika, le 30° degré de longi- tude suit en gros la frontière entre l'Est Africain Allemand et l'Etat libre du Congo, et traverse tantôt l'un, tantôt l’autre de ces Etats. Il est donc 384 C' R. BOURGEOIS — L'ÉTAT ACTUEL DE LA GÉODÉSIE nécessaire qu'un accord intervienne entre l’Alle- magne et l'Etat libre au sujet des travaux à entre- N NT Jilcan liles ‘4 Troya Æl Pelaco PK, | >? Mirador g Padre-uret /” (Jigpisa) Fanœureu N( ÆlRedondo (Xera-Crux } Cotucachi © Pusacocha Paca hugs Ua) ou Vans. Z re } Pambamarc«æ N Trances-ureu/ A Pichincha\ D CAR 2 Qu it Panecillo MY | N Suncholagua VAE opazx 4 Aider É— QOuangotastn ee (Loma de francta) la mie mg \ K | \ \ \ | N\ à Huicotango J'agoatoa QE À Hipicatsu) Ambalo” | 7 ) | Mochà, Cahuito KO | { Mulmul | a Chimboraxo LES As |A Jgrèlata Base géodésique S— sous ces latitudes. R Différence de Longitide Le Service Géographique de Hat dan _ l'Armée, chargé de celte impor- ranetshpa dl cf Sommet jéndésique LUE tante opération, a actuellement L A | nan See = en Equateur une Mission de cinq VA à xagroun k officiers géodésiens et d’une quin- € È Observatoire de Quito © 4 È ET zaine de sous-officiers et hommes Ce | Locales por 95 de ltroupes/fqui depuis lames A Sayualley Summets de montagnes —— © 1901, s'emploient à la mesure Fig. 9. — Réseau nord de la triangulation de l'Arc de l'Équateur. prendre. Il n’y a rien de fait encore, reconnaissance dans cette région ; nement allemand-a demandé à Signes conventionnels Côté de La Trrianqulation—— —— en tant que mais le Gouver- l'Académie des Sciences de Berlin un Rapport au sujet des travaux à entreprendre, etil est probable que, d'ici peu, un officier va être chargé de diriger une première reconnaissance de la chaîne dans l'Est Africain Allemand. Quant à la portion de l'arc qui traverse l'Egypte, il sera facile, au moment opportun, de décider le Gouvernement égyplien à entreprendre les travaux, qui seront de première ulilité pour la carte FÉBS lière du pays. Toutes les bases du Sud ont été mesurées avec des appareils Jäderin étalonnés au Cap avant et après les opérations. L'ensemble des bases me- surées dans la Colonie dn Cap couvre une longueur de 13 milles, soit 21 kilomètres environ. L'œuvre, on le voit, quoique n'élant pas encore entrée dans sa pleine période d'exécution, est en bonne voie; l'Association Géodésique Internatio- nale, dans ses dernières réunions plénières, et l’As- sociation des Académies, lors de son dernier Con- grès, ont émis des vœux pour la réalisation de cette grande opération scientifique, vœux qui ont été transmis aux divers Gouvernements intéressés. L'Angleterre est entrée franchement depuis trois ans dans la période des observations ; l'Allemagne ne tardera pas à la suivre, et l'on est en droit d’es- pérer qu'en 1906, date de la prochaine Conférence générale de l'Association Géodésique Internationale, l’on sera déjà en possession d'une notable partie de l'arc et des premiers résultats oblenus dans la région sud. $ 3. — Arc équatorial de la République - de l'Equateur. La France, comme on le sait, a entrepris autrefois, sur le vœu de l'Association Géodésique internatio- nale, exprimé à la Conférence générale de Stultgard, en 1898. la mesure d’un are équalorial de 6° d'ampli- tude dans la région inlterandine, où les Académiciens avaient effec- tué au xvui* siècle la première détermination d'un arc méridien d'un arc qui part des frontières de la Colombie et s'étend jusqu'aux environs de Payta, au Pérou (fig. 8 el 9). L'Académie des Sciences exerce, par l'intermé- diaire d'une Commission prise dans son sein, son contrôle scientifique sur l'opération. AP dE En ne. C' R. BOURGEOIS — L'ÉTAT ACTUEL DE LA GÉODÉSIE 389 La chaine méridienne a été divisée pour la mesure en deux tronçons, l’un allant de la base fondamentale de Rio-Bamba à la stalion extrème du Nord, à Tulcan, l'autre allant de Rio-Bamba à la station extrême du Sud, à Payta. L'année 1901 a été employée à la mesure de la base fondamentale de Rio-Bamba, à celle des lati- tudes fondamentales extrêmes de Tulcan et de Payta, el aux délerminations des différences de longitude, au moyen de l'échange de signaux télé- graphiques entre Rio-Bamba, Quilo el Tulcan, ainsi qu'à la mesure de la gravité à Rio-Bamba. Les travaux géodésiques proprement dits ont commencé en 1902 par le troncon nord, entre Rio-Bamba et Tulcan, et sont actuellement terminés. Les années 1904 et, au besoin, 1905 seront consacrées à la géodé- sie du troncon sud, aux travaux astronomiques relatifs à ce tronçon, au nivellement de précision qui doit relier la base fondamentale à la mer, et aux délerminations de l'intensité de la pesanteur. Les opérations astronomiques secondaires, qui sont exécutées au fur et à mesure de l'avancement des travaux géodésiques, comprennent, outre la détermination d'un certain nombre d'azimuts, la mesure de la latitude à chaque station. Celle-ci est faite, soit par la méthode des observations circum- méridiennes d'étoiles dans les deux posilions du cercle pour le même astre, soit au moyen de l'astro- labe à prisme. On doit également déterminer la différence de longitude Quito-Guayaquil, et l'en- semble de ces travaux astronomiques fournira les éléments d'une comparaison très complète des valeurs des coordonnées géodésiques et astrono- miques, indispensable pour l'étude des déviations de la verticale dans la chaine des Andes. Les difficultés à vaincre ont été grandes, el il à fallu toute l'endurance, toute l'énergie el aussi toute la patience de nos officiers pour les surmonter et mener l’œuvre à bonne fin. Les mauvais temps ont été persistants, et paraissent avoir, depuis deux ou trois années, un caractère exceptionnel, quisem- ble se rattacher à la recrudescence d’activité volea- nique qui s’est manifestée dans loute l'Amérique du Sud depuis l'éruplion du Mont Pelé. De plus, la Mission doit lulter contre la destruction des signaux par les Indiens, qu'il à été jusqu'ici impossible d'empêcher, quelque zèle qu'ait montré le Gouver- nement Equatorien. Les Indiens voient dans la présence des sisnaux géodésiques soit l’indicalion d'un trésor caché, soit la manifestation d'un tra- vail inconnu fait par des étrangers qui attirera sur eux les colères divines, soit encore des bornes érigées dans le but de les déposséder de leurs biens. Aucun avis, ni du Gouvernement, ni du clergé, très influent cependant sur l’esprit des Indiens, n'a pu et ne pourra vraisemblablement empêcher ces BEVLE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 190%, destructions, dues autant à l'ignorance qu'à la superstition ; elles sont très préjudiciables aux tra- vaux, car elles sont poussées jusqu'à l'enlèvement du massif en béton dans lequel est fixé le repère et forcent à recommencer souvent, non seulement la station dont le repère a élé détruit, mais encore celles d’où il à été visé. La destruction du signal de Chujuj, centre d’un polygone, a obligé de refaire entièrement quatre stalions. La base fondamentale à été mesurée au moyen de l'appareil bimétallique de Brünner, qui a servi en 1890 à la mesure de la base fondamentale de Paris, et en 1891 et 1892 aux mesures des bases de vérification de Perpignan et de Cassel, lors des opérations de la Méridienne de France. L'impossi- bilité, en raison du mauvais état des chemins, de transporter au Nord l'appareil bimétallique très lourd, a conduit la Mission à mesurer la base de véri- fication de Tulcan seulement au fil Jäderin. Les fils ont été étalonnés au Bureau international des Poids et Mesures, et réétalonnés à l'Equateur même, avant et après la mesure, sur une base de 2% mètres mesurée à l'appareil bimétallique. En outre, la base fondamentale a été entièrement mesurée deux fois à l'appareil Jäderin, ce qui constitue encore un ex- cellent étalonnage des fils. La base fondamentale, à l'exemple de ce qui avait été fait en France pour la base de Paris, à été par- lagée en deux segments, et le segment sud a été mesuré deux fois. Voici, en partant des élalonnages faits à Breteuil en 1901, avant le départ, les résul- tats des diverses mesures : Segment sud, 1'e mesure. — 2e mesure - 59m ,965. 162,4 95,958 520 4,9 DITérEN CENT 6.641 8,5 Soit de la longueur. 1 506.000 La base totale a une longueur de 9.380",758.868. Les mesures au fil Jäderin ont donné les résultats suivant(s : Moyennes des deux mesures de la base totale. AU MNVAR. 2. Au fil de laiton 9,380m 755 . 32 9.380m,741.41, d'où l'on dédüit les différences avec la mesure à l'appareil bimétallique : 1 3.200.000 1 L 500.000 Pour le fil invar. gum, 5 ou Pour le fil de laiton. 17um,4 0 Le résultat trop faible obtenu avec le fil de laiton semble tenir à ce que, ce fil ne suivant pas inslan- tanément les variations de la température ambiante, la correction de température, faile en se basant sur les lectures au thermomètre-fronde, est trop forte. g* 350 L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE Les latitudes des extrémités de l'arc sont : Pour la station de Tulcan. Pour la station de Payta + 004745" FO URTa ar . —50 5'IS L'amplitude totale de l'arc est donc de 505233" Enfin, l'intensité de la pesanteur, délerminée à Rio-Bamba, et ramenée au niveau de la mer par la formule de Bouguer, est de 9",780.35, résultat qui, comparé à la pesanteur calculée par la formule de M. Helmert (9,780.47), met en évidence un accord que l’on peut considérer comme parfait. Ce résultat est particulièrement intéressant, en ce sens qu'il paraît indiquer que, pour cette station tout au moins, la compensation des massifs exté- rieurs par un défaut de masse intérieur, constatée à certaines stations faites dans l'Himalaya, n'existe pas dans la région équatorienne des Andes. Les progrès réalisés dans la science géodésique sont, comme on le voit, considérables et, ainsi qu'on le disait au début de cette étude, incessants. A chaque réunion triennale de l'Association Géodé- sique Internationale, il en est constaté de nouveaux et d'importants. C'est à l'impulsion donnée par cette Assemblée que l’on doit l'essor de la Géodésie, et il est juste de reporter l'honneur du développe- ment actuel de cette science à la mémoire de son fondateur, le général Baeyer, et à celle des Oppolzer, Perrier, Ibanez, Faye, Ferrero, Hirsch, pour ne parler que des disparus, qui ont compris son appel et y ont répondu. Commandant R. Bourgeois, Membre correspondant du Bureau des Longitudes, Chef de la Section de Géodésie au Service Géographique de l'Armée. ON 05 HO, TÆ\ o \ AE _ LD >| Loue # \ ] Toute notre Chimie inorganique est nécessaire- ment fondée sur l'étude des éléments que nous offre l'écorce terrestre, avec les mers et l'atmosphère situées au-dessus d'elle. À peine pouvons-nous y ajouter, par l'analyse spectrale, quelques notions sur la constitution des astres, et soupçonner vague- ment qu'en dehors des éléments, ou états chimiques, terrestres retrouvés dans ces astres, il en existe d'autres, dont les raies seules se montrent à nous dans leur spectre lumineux, mais dont les pro- priétés nous échappent. Cela revient à dire que nous connaissons seule- ment la malière dans les conditions, probablement très spéciales, où elle se trouve à la périphérie d'un astre solidifié comme la Terre, ou, jusqu’à un certain point, dans l'enveloppe incandescente d’un astre igné comme le Soleil; et quoique, par des expériences de laboratoire, nous nous efforcions de varier ces conditions en augmentant et dimi- nuant les pressions, en accroissant ou réduisant les températures, en faisant intervenir les énergies diverses dont nous disposons, il est évident, ce- pendant, que nous nous mouvons dans un cercle très restreint et que nous demeurons très igno- rants relativement aux formes que celte matière peut prendre dans la partie centrale d'un soleil, ou même aux vagues confins qui la séparent de l'éther. Nous constatons seulement, de plus en plus, que toutes les antiques barrières, autrefois établies 7\ LA DISTRIBUTION DES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE INTRODUCTION A LA GÉOLOGIE CHIMIQUE entre les aspects variés de l'énergie, ou les états physiques et chimiques de la matière, tombent l’une après l’autre, en même temps qu'apparaît le carac- lère provisoire et approximatif des lois les mieux établies ; nous apprenons à spéculer sur des états critiques, où un corps n'est plus ni liquide, ni so- lide, ni gazeux, sur des passages de la matière à un éther universel, sur des éléments qui semblent mème transformer spontanément leur énergie po- tentielle en énergie diffuse. Je laisserai de côté ici ces questions, qui touchent au grand problème de la transmutation, pour me borner à considérer les divers éléments chimiques, conformément à leurs définitions ordinaires, dans le milieu même où la Chimie les cherche et les découvre, c'est-à-dire dans les associations minérales qui constituent l'écorce terrestre, envisagée en Géologie comme superficielle; nous nous proposerons ainsi de voir, . en remontant, autant que possible, à l'origine des phénomènes par lesquels s'est constituée la Terre, quelle place chacun de ces éléments a dû occuper de préférence dans notre planète encore fluide, quel ordre primitif les a classés dans telle ou telle zone plus ou moins profonde, enfin quelle part ils y ont prise, dans quelle proportion ils y sont inter- venus ; peut-être ainsi arriverons-nous à quelques conséquences générales sur la grande opération de métallurgie cosmique dont résulte la Terre et pourrons-nous apporter un concours géologique L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE 387 aux recherches les plus actuelles de la Chimie. Cette étude, qui forme le préambule nécessaire d'un traité de Géologie chimique en préparation depuis plusieurs années, se rattache directement, comme on le verra aisément, aux notions nou- velles relatives à la profondeur originelle des mi- nerais, que j'ai énoncées dans un article publié ici même en 1900!, et qui, depuis lors, ont recu, de divers côtés, des acquiescements précieux. Dans une première partie de ce lravail, nous essaierons donc de déterminer, par la Géologie, et spécialement par la Mélallogénie?, quel est, en moyenne, l'ordre de superposition général des éléments chimiques dans la Terre, ou plutôt, en nous reportant à l'hypothèse extrêmement pro- bable de la fluidité originelle, quelle pouvait être la répartition de ces éléments dans notre planète encore incandescente et directement soumise aux principes de la Mécanique, avant que les accidents et dislocations géologiques y aient introduit la complexité et l’apparente confusion actuelles. Nous verrons ensuite combien celte répartition empiri- quement établie concorde, dans son ensemble, d'une façon remarquable, avec le simple classe- ment de ces mêmes éléments par ordre de poids alomiques, et nous pourrons en conclure cette loi nouvelle, parfaitement conforme avec nos idées mécaniques, que, dans la Terre incandescente avant sa solidification, les éléments chimiques se sont écartés du centre en raison inverse de leur poids atomique, comme si les atomes dissociés, et libres de toute combinaison chimique à de très hautes températures, avaient été uniquement et indivi- duellement soumis à l'attraction universelle et à la force centrifuge *. Une semblable loi, outre qu'elle est de nature à introduire une grande simplicité dans un ordre de phénomènes extrêmement com- plexes, apporte, par sa vérification même, une preuve de plus en faveur de la fluidité originelle, c'est-à-dire de la théorie de Laplace; en même temps, elle peut mettre sur la voie de bien des relations minéralogiques et chimiques entre les éléments. Il faut, d'ailleurs, ajouter que, malgré la concordance générale et bien frappante des fails avec un énoncé aussi théorique, plus d'une ano- ‘ Rev. gén. des Sciences du 13 mai 1900. Voir également mon volume sur les Richesses minérales de l'Afrique (1903), où j'ai essayé d'appliquer cette idée pour l'ensemble d'un continent. * Je propose de remplacer par ce nom nouveau la longue périphrase ordinaire de « Science des gites minéraux et métallifères ». ; * Dans la forme incandescente que présente l'atmosphère Solaire, il semble, en effet, ne pas y avoir de composés chimiques. Plus on fournit de chaleur à un composé chimique, plus il tend en moyenne à se dissocier, de même qu'inversement, d'après M. Berthelot, la stabilité d'un composé est en rapport avec la quantité de chaleur qu'il a dégagée en se constituant. malie, plus d’une difficulté se présentent encore, ce qui ne saurait étonner dans un problème aussi difficile et où il entre nécessairement autant de spéculation sur des régions inabordables : soit que notre métallogénie ne place pas certains éléments à leur vraie place; soit que leur poids atomique ordinairement admis demande à être multiplié ou divisé par un coefficient simple, en raison de po- lymérisations, ou même de combinaisons, qui nous échappent; soit encore que la loi en question soit à reclifier par l'intervention d'autres principes inconnus. J'aurai soin d'insister particulièrement sur ces difficultés. Dans une seconde partie, nous examinerons quelle est, d'une facon absolue, la proportion (et non plus seulement la place) de ces divers éléments dans la superficie terrestre. Cette pro- portion ne paraît, elle, au contraire, jusqu'à nouvel ordre, obéir à aucune loi : ce qui est très explicable si la Terre s’est formée, cornme on peut, je crois, le supposer, par le concours accidentel d'atomes dispersés dans l’espace et déjà chimique- ment constitués avant leur rencontre. [I — ORDRE DE SUPERPOSITION DES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE. L'écorce ierrestre se présente à nous avec une structure très compliquée, où se manifeste, en dehors de la disposition primitive que nous vou- drions reconstituer, l'empreinte de tous les phéno- mènes géologiques successifs, qui l'ont profondé- ment modifiée et altérée depuis sa solidification. Ces phénomènes comportent, en très grand nombre, des déplacements relatifs dans le sens vertical : sédimentations, plissements de terrains, effondre- ments de voussoirs, montées de roches éruplives et d'eaux métallifères filoniennes. Pour le but que nous nous proposons, il faut, autant que possible, faire abstraction de ces phénomènes, qui sont cependant les plus apparents, les plus manifestes à nos yeux, et nous replacer, par la pensée, dans les conditions où pouvait se trouver la Terre avant toute sédimentation, ou même, un peu plus tôt, avant la consolidation de sa croûte superficielle et la con- densation des vapeurs disséminées au-dessus de celle-ci. 11 semble done, au premier abord, que, dans cet ordre d'idées, on ne puisse arriver à rien de sérieux et de précis, et que toute étude de ce genre doive nécessairement confiner au roma- nesque. Nous allons voir, cependant, qu'en analy- sant les faits d’un peu près, et dégageant un à un les principes secondaires par lesquels ils se relient entre eux, on peut déduire de ces principes, à leur tour, la loi générale, énoncée plus haut, avec une très suffisante approximation. 383 L'atmosphère, par laquelle nous commencerons, est composée essentieAement d'oxygène, d'azote, avec un peu d'acide carbonique et d'argon, aux- quels on peut ajouter des traces d'hydrogène et de carbure d'hydrogène. Si nous considérons qu'au-dessous de celte atmosphère, il existe actuellement une masse d'eau considérable, — suffisante, comme nous le verrons, pour couvrir loule la Terre, supposée nivelée, sur près de 3 kilomètres de hauteur, — on peut très rationnellement admettre qu'au momentde la solidilicalion terrestre, cette eau, alors en vapeur, ou plutôt ses éléments dissociés se trouvaient ré- partis dans l'atmosphère, c'est-à-dire que la pro- portion d'hydrogène était très notablement supé- rieure à la proportion actuelle. C'est, d'autre part, un des principes les plus neltement établis de la Métallogénie que la dispa- rition de l'oxygène dans les milieux profonds, que le caractère essentiellement superficiel de ce mé- talloïde, en entendant, bien entendu, comme superficielle, une zone d'au moins 30 ou 40 kilo- mètres d'épaisseur, qui n'est rien, en effet, sur un rayon de 6.400. Celle disparition, il est vrai, n’est jamais com- plète dans nos roches ignées, qui représentent une scorie silicilée relativement superficielle, même dans les plus basiques, c'est-à-dire les plus pro- fondes d'entre elles que nous puissions atteindre: mais elle s'annonce déjà très manifestement dans ces maginas basiques et devient complète dans les gites mélalliferes sulfurés, qui représentent, pour nous, un apport de la profondeur (à la condilion d'envisager ceux-ci là où ils ont pu échapper aux actions de surfice). De même l’eau, qui représente encore en profondeur une associalion d'oxygène et d'hydrogène, parait devoir disparaitre presque totalement, avant même qu'on arrive au bas de celle écorce silicatée. En dehors de la faible pro- portion qu'en retiennent habituellement les roches, les grands mouvements d'eaux souterraines sont, en xénéral, très directement d’origine superficielle. Nous pouvons donc, sauf à revenir plus tard sur quelques objections apparentes, considérer que l'oxygène est. dans la constilulion de la Terre, un élément d'origine périphérique, et nous sommes disposés à envisager la solidification de la Terre comme ayant élé très directement reliée à un cest-à-dire, à la fois, de combustion et de scorifisation, qui a combiné cet phenomène d'oxydation : oxysène avec des vapeurs mélalliques venant de régions plus profondes. Antérieurement, il devait exister, dans l'enveloppe de la Terre la plus écartée du centre, des vapeurs d'oxygène, d'hydro- gène, d'azote, d’argon et de carbone. On peut ajouter que l'oxygène était en quantité tout à fait L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE surabondante, puisque, après sa combinaison avec l'hydrogène, avec le carbone et avec tous les élé- ments scoriacés, que nous trouverons tout à l'heure dans l'écorce terrestre, il en est resté ce grand excès dont se composent les trois quarts de notre atmosphère. Ce que l'analyse spectrale nous révèle sur la cons- titution de la chromosphère solaire et des étoiles parait, comme nous le verrons, correspondre à une zone différente de l'écorce terrestre et à des produits plus profonds déplacés par volatilisation ; cependant, l'hydrogène y apparaît abondamment dans les parties les plus élevées et les plus volatiles, telles que les protubérances, de même qu'il carac- térise la majeure parlie des étoiles brillantes blanches et bleues' et les éloiles temporaires. L'oxygène n'apparait pas, d'ordinaire, dans les astres incandescents, ou n'y est pas reconnaissable : soil qu'il fasse réellement défaut, et que la Terre représente ainsi un Cas particulier, ayant préci- sément permis le développement de la vie; soit, ce qui est bien plus probable, que ce métalloïde se trouve au-dessous de la chromosphère dans la pho- tosphère incandescente, dont émane seulement un spectre continu, que nous ne pouvons chimique- ment analyser ?. Celte comparaison avec le Soleil nous conduirait ainsi à placer l'hydrogène originel dans une zone encore plus excentrique que l'oxygène. L’hélium, qui accompagne l'hydrogène dans le Soleil, pour- rait avoir été associé avec lui sur la Terre, bien que, jusqu ici, la Géologie n'apporte aucune confir- malion de celte induction. Parmi les éléments secondaires de l'atmosphère, il en est un qui présente déjà un genre de difficul- tés auquel nous devions nous attendre et que nous retrouverons tout à l'heure pour un autre groupe de métalloïdes (chlore, soufre et phosphore) : c’est le carbone. Le carbone est en très faibles quantités dans l'air, soit à l’état d'acide carbonique (0,01 °/,), soit, comme l'a montré récemment M. A. Gaulier, à l'élat de carbure d'hydrogène. Même en ajoutant à ce carbone de l'air lout celui qui est fixé dans le. monde organique et que l’on peut imaginer em- prunté originellement à l'air, on reste encore dans des chiffres très faibles, puisque tous ces éléments organiques, supposés répartis uniformément sur la Terre, y conslilueraient évidemment une imper- ceptible pellicule. D'autre part, la composition moyenne des roches cristallines accuse une teneur 1 Plus une étoile est brillante et, par conséquent, chaude, plus, d’après Sir Norman Lockyer, son spectre se simplifie et tend à se réduire à celui de l'hydrogène. 2 Rowland a reconnu dans le Soleil la présence de trois métalloiïdes : oxygène, carbone et silicium. tas be EE Te, rs DE PTE RU eS L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE 389 sensible en carbone (près de 0,2 °/,)', grâce à laquelle ont pu se former, dans la destruction de ces roches el la sédimentalion de leurs débris partiellement dissous, les terrains calcaires ; et,sans parler des giles pétrolifères qui peuvent être d'ori- gine organique, l’on constate, sous bien des formes, notamment dans les régions volcaniques, le déga- gement de carbone interne, à l’état de carbure d'hydrogène plus ou moins brülé en acide carbo- nique. On peut donc se demander — et c’est un grand sujet de discussion entre les géologues — s'il faut placer le carbone primitif dans l’atmos- phère * et admettre alors que le monde minéral l'a recueilli ensuite dans les roches profondes par l'in- termédiaire ordinaire de la vie, ou si le carbone est, au contraire, un élément originellement profond, apporté par des émanations à la surface et recueilli là par les organismes, La première solution, qui est peut-être la plus couramment admise en Géologie, aurait, comme nous allons le voir, l'avantage de faire rentrer le carbone dans la loi générale que je me propose de démontrer. Malgré la tentation de l'ad- mettre, qui pourrait en résulter, elle me parait cependant peu admissible, tant à cause des venues carburées profondes, si probables en maints gise- ments géologiques, que par considération de la répartition acluelle du carbone entre les roches profondes et la superficie : les roches cristallines en contenant au moins vingt fois plus que l'air. Au-dessous de l'atmosphère, viennent les mers, essentiellement formées par la combinaison de l'hydrogène et de l'oxygène, mais, en outre, chimi- quement enrichies par tous les principes solubles que peut présenter l'écorce terrestre et qui, un jour ou l’autre, après un ou plusieurs circuits plus ou moins longs, finissent toujours par y être ap- portés à la faveur du ruissellement, comme dans un égout universel *. Cette composition de l’eau de mer présente donc une difficullé analogue à celle que nous venons de trouver pour le carbone : difficulté tenant à ce que les éléments dont la mer est formée se retrou- vent, aux proporlions près, dans les roches ignées, et que les plus importants d’entre eux dominent 1 M. A. Gautier (C. R. 1901) a récemment contribué à mettre en évidence cette proportion de carbone dans des roches où il ne parait pas avoir été introduit par une alté- ration superficielle récente. > On sait qu'à la température de l'arc électrique, le gra- phite devient gazeux. % Ainsi qu'il était facile de s'y attendre, on trouve un peu de tout dans l’eau de mer, comme l'ont montré Mala- gutti et Durocher pour le plomb, le cuivre et l'argent (Ann. des Min. [4], 17, 1850); Sonstad, Münster, Liversidge pour l'or (Chemical News, 1872, 1892; Journ. Proc. Royal Soc. of New South Wales, XXIX, 1895; Eng. and Min. Journ., New- York, printemps 1898). D'après Liversidge, il n'y aurait pas moins de 31 mil- liards d'or dans la mer; d'après Münster, il y en aurait 6. également dans les émanations volcaniques ac- tuelles, ou ont dû dominer dans les venues hydro- thermales métallifères, attribuables à des émana- tions volcaniques anciennes. Le problème se pose de la facon suivante : Etant donné que les mêmes éléments, les mêmes groupes d'éléments se ren- contrent ainsi dans des conditions très diverses et sont tous, en raisor même de leur solubililé, sus- ceplibles de subir des remises en mouvement rom- breuses, à quelle phase de leurs cycles sont-ils quand nous les rencontrons dans l’eau de mer? Y ont-ils préexisté dès le début (là ou dans l’atmos- phère) pour aider ensuite à la conslitulion des matériaux solides; ont-ils été empruntés à ces der- niers; ou viennent-ils d'une zone plus profonde encore? Afin d'arriver à une solution rationnelle, il y alieu, ce me semble, de distinguer, tout d'abord, ces éléments de l'eau de mer en deux groupes : 1° les mélaux, qui, après le sodium, le potassium, Île calcium elle magnésium dominants, comprennent, à peu près, toute la série chimique, jusqu'au zinc ou à l'or; 2 les métalloïdes : chlore, soulre, iode, brome, fluor, bore, phosphore, etc. Pour les métaux, la réponse à la question précé- dente ne me paraît guère douteuse. Ces métaux sont les mêmes que ceux de l'écorce, simplement classés d’après leur solubilité : d’abord le sodium, qui tend toujours à dominer dans une eau mise en contact avee des roches feldspathiques, comme beaucoup de nos eaux minérales”; puis le potas- sium: ensuite les subslances alcalino-terreuses, calcium et magnésium, et, seulement à l'état de traces, les autres métaux, qui forment des sels peu solubles ou aisément reprécipités par les actions oxydantes, métaux d’ailleurs relativement très rares déjà dans l'écorce. Pour expliquer semblable coïnei- dence, une lixiviation de ces roches parait beau- coup plus logique à admettre que la présence à l'état de vapeurs, dans l’atmosphère incandescente primitive, des mêmes métaux qui, un peu plus bas, formaient l'écorce, bien que cette volatilisalion ait pu interveniraccessoirementetcontribuer, pour une part problématique, à la composition actuelle. La question des métalloïdes est plus obscure. Le chlore domine de beaucoup (en chlorures); puis vient le soufre (en suifates); accessoirement, on à la plupart des autres métalloïdes, dont quelques- uns, comme l’iode, le brome, le phosphore, l'azote ou le carbone, n'apparaissent guère que lorsque les organismes ont réussi à les fixer, et dont d'autres, tels que le bore, ne se manifestent bien qu'a- près les évaporations naturelles ou artificielles, dont résultent les giles salins géologiques ou les eaux-mères de nos salines. 1 Voir mon Traité des Eaux thermo-minérales, p. 92. 390 L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE Il est remarquable que le chlore et le soufre, qui dominent dans la mer, soient également, avec le carbone et, accessoirement, le bore, les éléments caractéristiques du volcanisme; ce sont aussi des éléments tout à fait constants dans toule la série des phénomènes internes, où nous croyons recon- naitre la trace de fumerolles dégagées en profon- deur par les roches ignées anciennes : groupe des minéraux associés aux roches granulitiques acides, où domine l'influence du chlore, du fluor et, plus accessoirement, du bore et du phosphore; ségréga- tions presque toujours sulfurées des roches basi- ques : nombreux minéraux contenant des inclusions de chlorure ou d’acide carbonique; enfin filons concrétionnés mélallifères, dont les uns se sont manifestement formés sous l'influence du chlore et du fluor, au moyen desquels on reproduit lous leurs minéraux, dont les autres sont encore associés au soufre, et dont les derniers ont pu se déposer en présence de l'acide carbonique liquide ou des carbonates alcalins sous pression. L'analogie des fumerolles volcaniques avec les autres phénomènes anciens que je viens d'énumérer rend très vraisem- blable l'identité d’origine des deux phénomènes, qui est généralement admise aujourd'hui. Mais, d’autre part, la similitude entre les produits volca- niques et les produits marins vient-elle de ce que le volcanisme est alimenté en sels minéraux par des intrusions marines, ou, au contraire, de ce que toutes les fumerolles, dégagées depuis l’origine par les phénomènes internes et, en partie, peut-être, avant la scorification même, par la Terre encore fluide, ont fini, tôt ou tard, après s'être combinées aux métaux terrestres, par arriver dans la mer? Les deux hypothèses peuvent également se sou- tenir par des arguments plausibles et ont toutes deux leurs parlisans. La première conduirait, en principe, à admettre que tous les métalloïides en question se trouvaient, originellement, au-dessus de l'écorce terrestre dans l'atmosphère; car les traces de chlore qui existent, à l’élat résiduel, dans les roches (0,02 °/,) ne peu- vent avoir été l’origine des 2 °/, de chlore qui existent dans l’eau de mer et qui, pour 3 kilomètres d’épaisseur d'eau, représentent donc 100 mètres de sel marin, uniformément répartis sur toute la Terre”. Dans la seconde, au contraire, ces corps auraient existé et existeraient encore au-dessous de la zone silicatée superficielle, au voisinage du bain métallique, par les émanations ou les liquations duquel ont été formés nos minerais. De ces deux hypothèses, également admissibles, ‘ En remarquant que les continents occupent seulement les 28 centièmes de la superficie terrestre, cela conduirait à admettre, sur ces continents, l'érosion moyenne de plus de 1000 kilomètres de roches cristallines. je le répète [l’une soutenue par Daubrée et Fouqué; l'autre défendue par Elie de Beaumont el M. de Lapparent}, la seconde m'a toujours paru la plus plausible et, même en supposant que l'eau des volcans vienne en tout ou partie d’infiltralions superficielles, j'ai essayé autrefois de faire voir que les métalloïdes apportés au jour par le volca- nisme, chlore, soufre, bore, arsenie, carbone, ele., ont, comme les mélaux filoniens, des chances pour être empruntés, au moins pour une part, à une réserve profonde’. Quelques faits nouveaux ont été apportés récem- ment en faveur de cette idée, qui, ainsi que nous le verrons bientôt, concorde, mieux que loute autre, avec notre loi générale : notamment les belles expériences de M. À. Gautier”, prouvant que tous les éléments des fumerolles volcaniques peuvent être produits par une simple action calorifique exercée sur un granite, par conséquent sans aucune intrusion marine, et les séries d'observations pen- dulaires, montrant les très profondes dislocations terrestres qu'accusent les rivages jalonnés par des volcans, par conséquent la possibilité que la posi- üon littorale de ceux-ci tienne uniquement à leur situation sur une ligne de cassure. Au-dessous de l'atmosphère et des mers vient l'écorce terrestre. Dans la composition de celle-ci interviennent un certain nombre d'éléments chimi- ques, dont nous pourrons tout à l'heure discuter la proportion exacte dans la seconde moitié de cet article, mais dont l’ordre de grandeur relative apparait avec une netteté parfaite. Si nous laissons de côté, comme nous devons le faire pour cette étude, les terrains sédimentaires, simple produit du remaniement de l'écorce cristal- line opéré après la solidificalion de celle-ci, Loutes les études géologiques mettent en évidence l’exis- tence de roches plus acides à la surface, plus basiques en profondeur ‘, dans la composition des- quelles entrent, à peu près exclusivement, l'oxygène pour une moilié, le silicium pour plus d’un quart et l'aluminium pour un dixième, puis, secondaire- ment, le fer, le calcium, le magnésium et les alcalis. ! Trailé des Sources thermo-minérales, p. 15. 2 Comptes rendus, 1901, passim: — Cf. L. DE Launay : Notes sur la théorie des gites minéraux; la géologie du graphite. Ann. des Mines, janvier 1903. _ En parlant ici de superficie et de profondeur, je n'entends nullement distinguer les roches d'épanchement des magmas grenus à structure granitique qui peuvent, les uns et les autres, présenter toute la série des mêmes termes acides et basiques; mais je fais seulement allusion à la profondeur plus ou moins grande des seuls magmas grenus, c'est-à-dire, suivant {toute vraisemblance, des magmas cristallisés à peu près dans leur zone d'origine. Quand on est tenté de donner trop d'extension générale aux résultats de la Petrographie, ilne faut, d'ailleurs, jamais oublier quelle zone extrèmement restreinte de la Terre ils concernent : 30 ou 40 kilomètres d'épaisseur sur 6.400. L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE 391 Plus la roche est acide et superticielle, plus y abondent l'oxygène, le silicium, l'aluminium et les alealis, les autres éléments tendant à être éliminés, mais le magnésium persistant longtemps après le calcium et le fer. En laissant done de côté l'oxygène (emprunté, comme je l'ai dit, à l'atmosphère péri- phérique dans la grande scorilication qui à consti- tué la première croûte terrestre, ou dans les refu- sions postérieures), on voit que les métaux de celte écorce doivent être, de haut en bas : d'abord le silicium, l'aluminium, le sodium, le potassium et le magnésium ; puis le calcium et le fer. Mais ce dernier métal, en raison de son extrème diffusion dans toutes les parties de l'écorce terrestre et de sa prédominance si vraisemblable à une certaine profondeur (prouvée par les ségrégations basiques, par la densité terrestre, par les météorites, par la composilion solaire, etc.), doit être très probable- ment considéré ici comme un produit adventif, emprunté à une zone plus profonde. Il est évident, en effet, que, dans un phénomène tel que celui auquel nous nous atlaquons, un ordre de suecession théorique n'a pu être strictement réalisé, et le seul examen des tourbilions accusés par la chromosphère solaire montre bien que cer- tains éléments, dominants dans une zone profonde, ont dû se trouver représentés également, d’une façon plus accidentelle, un peu plus haut. A cette liste d'éléments essentiels constituant la scorie silicatée, il conviendrait d'ajouter également des éléments plus rares, mais ordinairement asso- ciés aux roches acides, tels que le baryum et le strontium des feldspaths, le lithium et le gluci- nium, le zirconium (si fréquent en inclusions inicros- copiques) et, peut-être même hypothétiquement, l’étain, qui se sépare des autres mélaux pour se rapprocher du silicium ou de l'aluminium, par sa combinaison avec l'oxygène comme par son gise- ment en veines directement dérivées des roches acides. Enfin, les roches acides de certaines zones pro- bablement profondes, lelles que la Norvège, le Brésil ou les États-Unis, renferment, en abondance assez notable, les minéraux, autrefois considérés comme rares, du groupe du lhorium, cérium, lan- thane, etc. Quand nous essayons de franchir par la pensée cette zone de la scorie silicalée, qui est, en somme, la seule directement accessible à nos recherches minières, nous sommes forcés de faire une part plus grande à l'hypothèse. Nous ne connaissons, en effet, les milieux plus profonds que par certains de leurs produits, montés accidentellement dans les parties plus hautes de l'écorce à la faveur de quelque grand mouvement de dislocation, soit di- rectement à l’état de roche basique avec ségréga- tions métallifères, soit, plus indirectement, à l'état flonien. Et ce qui complique les choses, c'est que les divers produits ainsi obtenus et étudiables pour nous ont été formés, à des époques géologiques très différentes, alors que l'épaisseur même de l'écorce terrestre avait pu varier, par des bains ignés qui ne provenaient peut-être pas du tout des parties centrales el encore fluides du Globe (en admettant qu'il en subsiste), mais de ce qu'on à appelé des laccolithes, c’est-à-dire de lentilles fluides (ou fluidifiées) emprisonnées entre des roches solides et subissant une seconde ou troi- sième fusion. Néanmoins, il apparait aussitôt, par toutes les observations de la Métallogénie, qu'il doit exister, au-dessous de cette écorce silicalée, au moins trois groupes d'éléments chimiques, rapprochés les uns des autres, dans chaque groupe, par leur mode de gisements aussi bien que par la profondeur origi- nelle attribuable à ceux-ci, et différents, pour la même raison, d'un groupe à l’autre. Ce sont : 1° les mélalloïdes : chlore, soufre, etc., dits minéralisateurs ; 2 les métaux de ségrégalions basiques : fer, manganèse, nickel, chrome, etc.; 3° les métaux des filons concrétionnés : zine, plomb, argent, etc. On peut aller plus loin et tenter de concevoir l'ordre de superposition initial de ces trois groupes, mais sans se dissimuler les chances d'erreur iné- vitables dans un tel raisonnement. C’est, d'abord, directement au-dessous des métaux constituant la scorie silicatée que je placerai la série des métal- loïdes minéralisateurs : à savoir, le chlore, le soufre, le phosphore, le bore, le fluor et, peut-être, le car- bone. Il est, en effet, bien manifeste que ces minérali- sateurs ont joué un rôle essentiel dans la cristalli- sation de toutes les roches silicalées acides étudiées tout à l'heure, auxquelles ils ont été visiblement mélangés pendant leur fusion et à la périphérie desquelles ils semblent surtout s'être concentrés par volatilisation. Ainsi que je l'ai déjà fail remar- quer plus haut, on trouve constamment leur trace dans ce genre de roches : minéraux chlorurés ou cristallisés par l'intervention du chlore et du fluor; minerais sulfurés; phosphates et fluophosphates si fréquemment cristallisés en inclusions d'apatile ou associés aux gites stannifères des roches acides (wawellite,amblygonite)!; minéraux boratés (tour- maline,etc.); inclusions d'acide carbonique liquide, ou groupements minéraux tels que les pegmalites, paraissant avoir nécessité l’intervention de carbo- nates alcalins, ete. Toutes les fusions ou refusions 1 Voir à ce sujet une Note sur le rôle du phosphore comme minéralisateur (C. R., févr. 1904). 39 L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORC E TERRESTRE de ces silicates, y compris celles qui alimentent le volcanisme contemporain, ont sans cesse été accompagnées très abondamment de ces métal- loïdes, et il ne me semble pas que ce soient toujours les mêmes métalloïdes qui aient passé d’une roche l’autre par simple refusion, puisque le résultat de chaque éruption volcanique est d’en répandre des torrents dans l'atmosphère. Je croirais done volontiers à une réserve profonde de ces éléments volatils, situés d’abord au-dessous des métaux, silicium, aluminium, etc., qui forment la scorie oxydée, et s'étant plus ou moins mélangés avec eux pendant le brassage tourbillonnaire qui a dû pré- céder et accompagner la scorification ‘ Avec le soufre, le chlore et le phosphore, élé- ments dominants, il est logique de placer leurs homologues plus rares, tels que le sélénium et le tellure pour le soufre, le fluor, exceptiennellement le brome et l’iode, pour le chlore. Plus bas encore, e piacerai le groupe naturel, parfaitement déterminé, des ségrégations basiques, dont les types les plus beaux se trouvent affleurer en Scandinavie et au Canada ou, plus générale- ment, dans la zone boréale, la plus anciennement consolidée du Globe, et dans la zone analogue plus voisine de l'équateur (Brésil, etc.). Ce genre de roches, passant à des minerais pro- prement dits, manifeste un appauvrissement en oxygène, silicium, aluminium et alcalis, qui les dé- note aussitôt comme se rattachant à une formation plus profonde que les silicates acides et légers de la surface. La Géologie montre, en outre, qu'elles se présentent uniquement dans les régions de l'écorce terrestre où l’érosion parait avoir enlevé les ler- rains superficiels sur la plus grande épaisseur. C’est done par un résultat de l'observation et non par une hypothèse que nous assignons à ces ségréga- tions basiques une origine profonde. Dans un travail récent, où j'ai particulièrement éludié celle question el où j'ai essayé de montrer son lien avec la Géologie générale?, j'ai, conformé- ment aux idées de M. Vogt, mis en évidence les associalions de métaux qui paraissent avoir coexisté en profondeur dans ces magmas basiques et qui se sont seulement un peu séparés les uns des autres entre les diverses classes de gabbros dans le phénomène de liquation ou de ségrégation. D'une façon absolue, ce qui caractérise cette ! En Pétrographie, M. Michel Lévy a été conduit à envi- toutes les roches comme résultant d'un mélange variable entre une scorie acide, à composition feldspa- thique (silice, alumine, alcalis et chaux) avec intervention des minéralisateurs, et un magma basique ferromagnésien, que j'envisage ici comme plus profond. ? Ann. des Min., janvier 1903 : La Géologie du Titane, el juillet 1903 : L'origine et les caractères des minerais de fer scandinaves. Voir également : Contribution à l'étude des gisements métallifères (Ann des Min., 1900). sager catégorie de minerais, c'est leur oxydation, que nous ne retrouverons plus tout à l'heure dans les métaux filoniens proprement dits, mais c'est aussi le caraclère incomplet de cette oxydation, qui marque immédiatement une différence avec les sili- cates précédents. Il est visible que, de l'atmosphère à la scorie acide, puis aux ségrégations basiques en question, la quantité d'oxygène diminue peu à peu. Nous commençons à pénétrer réellement au- dessous de la scorie, dans le bain métallique in- terne. En même temps, le rôle des minéralisateurs est beaucoup plus restreint, bien qu'il ne soit pas nul, comme je l'ai indiqué dans le travail précité, et se traduise notamment par la présence du soufre (pyrite, pyrrholine), par celle du phosphore (phos- phure de fer, apatite). Nous ne sommes plus en présence de ces minéralisateurs abondants, dont nous observions tout à l'heure la trace constante. C'est pourquoi il me parait naturel d’attribuer à ces métaux des ségrégalions basiques une place originellement inférieure à celle des métalloïdes. Le métal de beaucoup prédominant ici est le fer; avec lui, viennent les métaux qui sont si directe- ment associés au fer et que rapprochent de lui tant de leurs propriétés chimiques : le chrome, le manganèse, le nickel et le cobalt: il faut ajouter le tilane et le vanadium, que la Chimie ne place pas ordinairement ici, mais qui, dans ces gise- ments, se trouvent constamment unis au fer : l'acide litanique arrive à former 14 °/, de certaines magnétites de Norvège, et le vanadiui, à un degré moindre, suit toujours le sort du titane'. On peut également noter, dans les mêmes ségrégalions, la présence fréquente du cuivre, associé : soil avec le nickel dans les pyrrhotines; soit avec la magnétite, à l’état de chalcopyrite. Tous les caractères des gisements de cuivre concordent, cependant, pour faire de ce métal un intermédiaire entre ceux qui dominent dans les ségrégations basiques et ceux dont nous allons nous occuper maintenant, qui forment surtout les filons. Le cuivre se partage entre ces deux catégo- ries de giles, bien que ce ne soit pas (comme le fer, par exemple) un métal assez abondant pour être un peu partout disséminé. Il semblerait donc assez logique d'attribuer au cuivre une place spé- ciale entre les métaux de ségrégation et ceux de filons. Nous arrivons enfin à cette catégorie de métaux, en somme extrèmement rares à la superficie ou 1 Peut-être conviendrait-il de placer ici le platine, à cause de sa présence par traces dans les pyrrhotines nické- res de Sudbury au Canada, de Klefva en Suède, et dans les péridotites de l'Oural? D'autre part, le platine présente avec l'or des communautés fréquentes de gisements, qui pourraient conduire à reviser les théories couramment admises sur sa métallogénie. L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE 393 même dans les quelques kilomètres d'épaisseur de l'écorce silicatée que nous pouvons alteindre par nos travaux, el qui nous sont connus presque exclu- sivement par leurs gîtes filoniens : métaux, dont aucun n'entre pour 1 : 1.000.000 dans la constitu- tion de l'écorce terrestre et dont le lotal n’en con- stitue certainement pas 1 : 100.000. Ces métaux, dont nous venons de voir un pre- mier spécimen avec le cuivre, mais qui comportent surtout, par ordre d'abondance, le plomb, le zinc, l'argent, puis le mercure, le bismuth, le tungstène, l'or, l'uranium, etc., ont, presque tous, une assez forte densité, et la seule considération de la den- sité terrestre moyenne, si supérieure à la densité superficielle, pousserait à admettre qu'ils doivent, dans les parties profondes de la Terre, jouer un rôle de beaucoup supérieur à celui qui leur est attribué à la superficie". On peut ajouter que les circonstances où nous les rencontrons, on peut le dire, à l'état de traces, sont, autant qu'on peut l’apprécier, très exceptionnelles et semblent avoir uniquement pour résultat de nous faire connaître, à la faveur de circonstances particulières et sous forme d'échantillons, de spé- cimens, des substances beaucoup plus abondantes là où nous ne pouvons pas pénétrer. Dans un autre travail, j’ai essayé de montrer comment la présence de ces métaux en plus ou moins grande quantité dans les filons concrétion- ——_— 1 On sait que la densité moyenne de la Terre est de 5,5, contre 2,1 à la superficie. En partant de cette donnée et de l'aplatissement terrestre, on a essayé, par divers moyens, de calculer la densité interne. Legendre avait trouvé 8,5 au milieu du rayon, 114,3 au centre; Ed. Roche, 7,6 au centre. Les contradictions de ces calculs me paraissent seulement prouver qu'il n'y a pas à les faire entrer en ligne de compte. D'autre part, on a soutenu que la densité plus forte de l'intérieur pourrait simplement tenir à une con- densation des éléments superficiels résultant de la pression. C'est oublier qu'au centre, l'attraction de la pesanteur est réduite à zéro. D'ailleurs, s'il y a unité fondamentale de la malière, un atome très dense n'est peut-être précisément qu'un atome condensé par la pression. Nous ne savons absolument rien sur les états chimiques et physiques que peut prendre la matière au centre de la Terre, puisque la pression doit y jouer un rôle essentiel et que, dans toutes nos expériences, nous sommes forcés de rester très loin au- dessous de la pression de 10.000 atmosphères, où l'acier se pulvérise. Pouvons-nous même affirmer que, dans ces conditions très spéciales, une portion de l'énergie interne, employée à condenser les atomes, ne peut pas se trans- former en énergie externe, calorifique ou lumineuse, c'est-à-dire que la masse de la matière ne peut pas se muer en phlogistique, comme le supposaient les alchi- mistes. Dans cet ordre d'idées, qui semblait abandonné depuis Lavoisier, des phénomènes comme ceux des subs- tances radio-actives autorisent toutes les hypothèses. Le passage de la matière à la force n'est peut-être pas un rêve. Le poids des éléments soumis à des réactions ne reste peul- être pas toujours le même, en dehors des conditions très res- treintes auxquelles on s'était borné jusqu'ici, etc. Mieux vaut donc s’en tenir aux faits géologiques, qui prouvent un apport profond de certains métaux, empruntés à une zone qui, en chiffres absolus, peut être encore très super- ficielle, tout en étant inférieure à nos silicates. nés, où on les recueille, dépend, pour une très forte part, des propriétés de leurs sulfures ou parfois de leurs chlorures, c'est-à-dire de leur affinité pour le soufre ou le chlore et de la solubilité de leurs sulfures dans un sulfure alcalin, accessoirement de leur allure en présence de l'acide carbonique, et comment la communauté de certaines propriétés chimiques à déterminé leurs associations minéra- logiques, qu'elle permet de prévoir". La cristallisation de ces métaux dans leurs filons est donc, à proprement parler, déjà, — au sens, du moins, où nous pouvons l'entendre ici, — un phé- nomène secondaire; ces métaux ne sont pas, dans ces filons, à leur place originelle; ils y ont été apportés de bas en haut, à la faveur d’une combi- naison avec le soufre, le chlore ou autres éléments analogues, qui leur a prêté de la mobilité; ils viennent de plus bas et, puisque nous ne les trou- vons pour ainsi dire pas dans les ségrégations basiques, puisqu'ils n’ont pas élé compris dans l'oxydation où dans la liquation qui a formé celles- ci, nous sommes conduits à supposer que l'ori- gine première de leur montée filonienne peut être située au-dessous du milieu, essentiellement ferru- gineux, qui a formé ces ségrégalions basiques. [ls doivent venir de plus profondément, et cepen- dant, quoiqu'il semble y avoir, au premier abord, contradiction, c'est en moyenne plus haut que nous les rencontrons sous la forme filonienne et que nous les exploitons, en général, pratiquement ; les filons métallifères, c'est-à-dire les fentes de l'écorce où ont cristallisé les métaux en question, me semblent, en principe, apparlenir à une zone de cetle écorce plus haute que les ségrégations; ———_—_—_—_—_——— 1 Formation des gites métallifères, passim. Cette cristallisation s'est faite en milieu réducteur, à l'abri de l'oxygène atmosphérique : oxygène qui, dans tous les filons de zinc, plomb, argent, antimoine, elc., où on le rencontre, a, comme je l'ai montré, été uniquement intro- duit par un remaniement secondaire. Elle s'est donc faite uniquement à une certaine profondeur; Jes filons métalli- fères, à l'origine, n'ont pas dü etre cristallisés jusqu'au jour, et, en effet, le volcanisme superficiel n'en renferme pour ainsi dire pas trace, non plus que les eaux thermales épanchées par des griffons, quand celles-ci ne se sont pas trouvées en contact avec d'anciens métaux, qu'elles ont dis- sous. D'autre part, plus on s'enfonce dans un champ de filons, plus il paraît se simplifier et se réduire à quelques grandes fractures. Peut-être, à de grandes profondeurs, le phénomène filonien se réduit-il à quelques très importants accidents, dont dériveraient plus haut tous les autres. Je ne parle naturellement pas ici des gites métallifères attribuables à des remises en mouvement plus ou moins accentuées, qui arrivent notamment à former des gites sédi- mentaires: je laisse également de côté, dans cet exposé rapide, les très minimes inclusions métalliques que peuvent contenir les roches silicatées, et auxquelles on a parfois voulu attribuer la formation des filons per descensum. Enfin, je sépare entièrement, des autres métaux proprement dits restant à étudier, l’étain, qui, dans tous les gisements connus jusqu'ici, se comporte à la facon du silicium ou de l'alu- minium comme un métal oxydé à toutes profondeurs, et par conséquent confiné dans cette croûte silicatée acide. 394 L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE au niveau des ségrégalions, on trouve parfois les mêmes métaux, mais pas à l’état filonien, pas en concentrations aussi localisées. C'est, surtout, je crois, le caractère des vides à remplir qui ne s’est pas prêté, dans ce niveau, à la forme filonienne:; c’est, peul-êlre aussi, un peu que les ségrégations pro- prement dites et les filons métallifères ont, dans un mouvement général du sol, occupé deux aires horizontales différentes : l’une sur les plissements: l’autre sur les dislocations. Dans les deux cas, il a pu y avoir communication accidentelle entre la zone des métalloïdes et celles des métaux proprement dits et, par conséquent, formation de minerais par réactions sulfurées ou peut-être chlorurées; mais ces métaux ne se sont pas répartis de même et le rôle des minéralisateurs a été moins actif à ce niveau inférieur des ségré- gations basiques qu'au voisinage du niveau plus élevé où ces minéralisateurs eux-mêmes domi- naient. Le phénomène métallifère filonien présente, lorsqu'on cherche à l'analyser un peu sans se contenter des phrases vagues habituelles, de sin- gulières difficultés. Pourquoi, en lel point, sur telle fracture et à tel moment, ces bouffées de sul- fure de plomb, tandis qu'un peu plus loin pouvait se produire, sur la même cassure, du sulfure de fer, et qu'un peu plus tard (comme en témoignent les filons concrétionnés), on avait, successivement, au point d'abord considéré, d’autres bouffées de sulfure de zinc, puis de sulfure de cuivre, puis encore de sulfure de plomb, etc...? On a vite fait d'invoquer les fumerolles de quelqueroche éruptive. Mais ce milieu rocheux, producteur de fumerolles, ce ne sont pas les roches que nous voyons à la surface; car, si quelques-unes peuvent contenir, à l’état résiduel, des traces des métaux les plus communs et les plus disséminés, comme le cuivre, le zinc ou même le plomb, on n'a pas, par exemple à Almaden, une roche capable de fournir les 175.000 tonnes de mercure qu'on en a déjà extraites (sans compler tout ce qui reste encore), ou, dans les gneiss de Freiberg, de quoi alimenter les 1.900filons de plomb, argent, zinc, fer, cobalt, nickel, urane, bismuth, cuivre, etc., qu'on y a exploités depuis 300 ans. L'intensité du phénomène filonien métallifère en quelques régions de prédilection, comme le Mexique ou l'Ouest américain, la facon dont les remplissages métallifères semblent s'être reproduits parfois (Saxe, etc...) à une série d’épo- ques géologiques successives très différentes, la localisation même, en de semblables régions, des métaux dominants, qui varient tellement d’un point à l’autre, d'un filon au voisin, dans les même roches encaissantes, forcentabsolument, mal- gré toutes les répugnances qu'on peut éprouver à invoquer des causes inaccessibles et mystérieuses, à admettre, pour ces bouffées métallifères, une cause profonde, infragranitique, une communi- cation accidentelle établie, à certaines époques de grandes dislocations, entre cette cause pro- fonde et la portion de l'écorce qui, aujourd'hui, affleure à la superficie et qui était alors enfouie sous d’autres roches, enlevées par les érosions. il faut qu'il ait existé, au moment où ces filons se sont remplis, un milieu métallique interne, mis en contact accidentellement avec les métalloïdes tels que le chlore et le soufre, milieu dans lequel les métaux n'étaient pas, en moyenne, mélangés tous ensemble, mais où l'un ou l’autre dominaient suivant les points, peut-être suivant la pro- fondeur, et la même conclusion s'étend peut-être par extension à l’origine des magmas locaux, qui ont produit dans telle ou telle région des familles des roches consanguines, caractérisées ici par la prédominance de la soude, là par celle de la potasse, etc. Quant à établir un ordre de superposition pri- milive dans ces métaux, que nous n'alteignons qu'à la suite de leur transport par un phénomène chi- mique indirect, c'estévidemment impossible; cepen- dant, il est assez frappant que leur rareté soit, en dehors de la remarque faite plus haut sur le rôle de leurs affinités chimiques, parfois en raison inverse de leur densité, comme si les plus denses avaient eu moins de chances d'être minéralisés et emportés au jour, c'est-à-dire s'étaient trouvés d'abord plus profondément *. C'est donc uniquement aux calculs et aux remarques failes plus loin, dans la seconde partie de ce travail, sur la proportion relative de ces métaux, que nous pouvons recourir pour imaginer, d'une façon extrêmement problématique, celte superposition. Il résulte de ces calculs que l'abondance relative de ces divers éléments métalliques permet de les classer en un certain nombre de groupes: 4° Plomb, zinc et cuivre {ce dernier plus rare); 2° anlimoine, molybdène, cadmium, argent; 3° mer- cure, bismuth, tungstène, platine et or; 4° uru- nium et radium. Enfin, plus bas encore, dans l'écorce terrestre, nous entrons totalement dans l'inconnu et ne pou- vons même soupconner quels éléments existent. Mais il parait vraisemblable que même nos métaux filoniens, tout en ayant une origine relativement profonde, sont très loin, cependant, de provenir des 4 ]l ne s'agit là, bien entendu, que d'une remarque assez vague, à défaut d'un meilleur moyen d'appréciation: car, dans la proportion superficielle de ces métaux, doit égale- ment intervenir, comme pour les corps précédents, leur proportion profonde, que nous ignorons. L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE parlies centrales, qui, depuis l’origine de la Géo- logie, n'ont pu avoir aucune relation avec la super- ficie. Nous pouvons donc, en ce qui les concerne, donner libre cours à notre imagination et supposer qu'il existe là des mélaux inconnus : peut-être ceux auxquels appartiennent les raies non identifiées du spectre solaire; peut-être d'autres encore, que nous ne soupconnerons jamais". En résumé, de cette élude, qui a été, jusqu'ici, purement géologique, ressort, avec quelque vrai- semblance, l'ordre de superposition suivant pour les principaux éléments chimiques qui constituent l'écorce terrestre”. 1° Hydrogène — Afmosphère primitive et protu- bérances solaires; 2% Oxygène, azote (argon, néon) * — Atmosphère; 3° Silicium, aluminium, sodium, potassium, li- thium, glucinium, magnésium, calcium (baryum, strontium) — Æcorce silicalée ; 4° Chlore, soufre, phosphore (bore, fluor), car- bone — Minéralisateurs ; 5° Fer, manganèse, nickel, cobalt, chrome, titane, vanadium — Ségrégations basiques de profondeur ; 6° Cuivre — Gites liloniens reliés aux ségré- gations basiques; 7° Zinc et plomb; antimoine et argent; mercure, bismuth, lungstène et or; uranium et radium — Gites filoniens. Considérons maintenant une liste des éléments chimiques classés d'après l’ordre de leurs poids atomiques el voyons si, entre la liste géologique précédente et cette liste chimique, il existe bien la relalion annoncée au début de ce travail. Dans l’ensemble, cette relation apparait aussitôt; car on à, par ordre de poids atomiques, la série suivante : 1° Hydrogène {1); 2° Azote (14), oxygène (16) ; 3° Sodium (23), magnésium (24), aluminium (27), silicium (28); 4° Phosphore (31), soufre (32), chlore {34); 5° Titane {48), vanadium (51), chrome (52), man- ganèse (54), fer (56), nickel et cobalt (59); 6° Cuivre (64) ; 7° Zinc (64); argent (108) et antimoine (120); tungstène (184), or (197), mercure (200), plomb (207)et bismuth (208); radium (295) et uranium (239). ! Les pressions intenses que nous pouvons imaginer dans les zones profondes d'une sphère fluide (sinon dans ses parties centrales) sont évidemment propres à créer des états de la matière que nous sommes impuissants à imaginer. ? Je n'ai pas besoin de dire que cette classification est purement géologique et non chimique. Pendant l'impression de cet article, M. Moissan vient de publier, dans la Revue générale de Chimie (21 févr. et 6 mars 1904), un important travail sur la classification des corps simples. * Je mets entre parenthèses les éléments tout à fait acces soires. 395 Mais il existe des anomalies diverses, en sorte que la comparaison à établir entre les deux listes demande une courte explication. C’est ce que nous allons faire en parcourant la série complète des éléments classés par ordre de poids atomiques. Le premier élément que nous trouvons sur la liste est l'hydrogène (1), qui vient également en lète de notre liste géologique *. Cet hydrogène, qui se présente ainsi comme le corps à la fois le plus excentrique et le plus léger du Globe terrestre, ce n'est pas, rappelons-le, celui qui, actuellement, peut exister en traces à l'état libre dans l'air et qui, suivant M. À. Gautier, résul- terait d'une émanation terrestre constante, causée par la dissociation profonde de l'eau dans les roches ; c'est celui qui a dû exister primilivement avant de s'unir à l'oxygène pour former l'eau des ners et qui, alors, a dû former à peu près 11°/, en poids de l'atmosphère; c'estl’équivalent de celui que nous retrouvons également dans les protubérances de la chromosphère solaire et dans l’incandes- cence des étoiles. Immédiatement après l'hydrogène, vient l'hé- lium (4), qui a été, en effet, découvert à la péri- phérie du Soleil, où il accompagne constamment l'hydrogène. Il est assez singulier que, sur la Terre, cet élé- ment léger de la lumière solaire ait été seulement retrouvé, jusqu'ici, dans un minerai d'urane, c'est-à- dire associé avec un métal dont le poids atomique est particulièrement élevé et se place, dès lors, à l'autre extrémité de la série chimique. Mais ces mi- nerais d’urane sont, de toutes facons, un problème, puisqu'en dehors des oxydes d’urane, de thorium, de cérium, de zireonium et de plomb, qui en forment la masse”, c'est là qu'ont été découverts récem- ment les extraordinaires mélaux radio-actifs de M. Curie. Il y a là toute une étude à peine ébau- chée. Peut-être, si la détermination de l'hélium dans la clévéite est bien exacte, avons-nous là un premier cas de ces polymérisations probables, qui seront signalées plus loin, appliqué ici à l'hydro- gène. Je passe ensuite le Lithium (7) et le glucinium (9), au sujet desquels j'aurai quelques mots à dire lout à l'heure, et nous arrivons maintenant au deuxième groupe des éléments atmosphériques : azote (1#), oxygène (16), néon (20) auxquels s'associent, dans la série chimique, trois métalloïdes que, géologique- ment, nous avons préféré placer plus bas, mais qui se trouvent pourtant déjà en quantités notables pe GR SR — 1 Les nombres mis ici entre parenthèses sont les poids atomiques, aux décimales près. 2 Hillebrand avait cru y reconnaitre de l'azote (On the occurrence of nitrogen in uraninite, Bull. geol. Surv., n° 78, 1891, p. 43), qui, d'après W. Ramsay et W. Crookes, est, en réalité, de l'hélium. 396 L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE dans l'air ou dans la mer : bore (11), carbone (12), fluor (19). Inversement, le seul élément qui nous manque est un corps nouveau, l’argon (39,9), dont le poids est presque exactement le double de celui du néon. Puis se présente, avec une netteté toute parlicu- lière, notre troisième groupe géologique, celui de la scorie silicatée : sodium (23), magnésium (24), aluminium (27). silicium (28). Ici, aucun élément hétérogène n'intervient dans la liste chimique ; parcontre, il nous manque : à côté du sodium (23), les autres métaux alcalins, le polas- sium (39)et le lithium (7); à côté du magnésium (24), le calcium (40), le strontium (88) et le baryum (138). Mais nous pouvons être lentés de faire intervenir, à ce propos, une hypothèse, qui a déjà été formu- lée, depuis longtemps, en Chimie et qui se trouve- rait expliquer la plupart des anomalies de notre loi : c'est celle qui tend à considérer les métaux d'un même groupe chimique comme reliés les uns aux autres par une relation comparable à celle de la polymérisation. Il existe, entre les poids atomiques des éléments analogues, des relations numériques, des récurrences par séries, qui ont élé autrefois indi- qués par de ChancourtoisetMendéléefr. Ces relations sont précisément d'une rigueur spéciale pour le groupe alcalin : Sodium (23,03) — Lithium (7,03) -- 16 — Potassium (39,15) — 16, el, pour l’autre groupe qui nous offrira tout à l'heure une anomalie, nous avons de même : Sélénium (79,1) — Soufre (32,06) + 47,04 — Tellure (127) — 41, Ces relations, qui n’ont jamais été formulées en une loi bien nette et qui perdent, il faut le recon- naitre, de leur rigueur apparente quand on déter- mine plus exactement les poids atomiques, semblent néanmoins suftisantes pour laisser entrevoir, entre cerlains corps simples en apparence distincts, un lien intime; et quand, dans notre série chimique, nous trouvons à sa place normale un seul élément d'un de ces groupes, généralement le principal, comme le sodium tout à l'heure et bientôt le chlore ou le soufre, au lieu des groupes complets (sodium, potassium et lithium), (chlore et fluor), (soufre, sélenium et tellure), on peut se demander si cela ne lient pas à ce que ces deux ou trois éléments d'un même groupe sont, en réalité, les représen- tants, diversement condensés (ou même combinés), d'un seul corps véritablement simple! Après le groupe de la scorie silicatée vient, égale- * M. Berthelot a fait remarquer qu'en raison de la loi de Dulong et Petit, il ne saurait y avoir polymérisation au sens de la Chimie organique; mais la relation, suivant lui, peut être différente. ment bien caractéristique, notre qualrième groupe des minéralisateurs : phosphore (31), soufre (32), chlore (35). Le fluor reprendrait ici sa place nor- male si l’on élait autorisé à doubler son équivalent; le bore et le carbone, si on les triplait. Mais il est inutile de faire intervenir ce genre d'hypothèses pour remarquer l'homogénéilé de ce groupe; le soufre et le chlore sont les deux éléments essentiels, grâce auxquels ont crislallisé presque tous les minerais métallifères, et le phosphore, auquel on altribue moins habituellement un tel rôle, parce qu'il a donné des sels oxydés même en profondeur, intervient néanmoins d’une facon très constante dans les cristallisations des roches. Plus loin, nous arrivons aux éléments essentiels de toutes les ségrégations basiques, c'est-à-dire aux métaux, qui, par une oxydation incomplète, se sont liquatés dans les roches les plus profondes. Là encore, le groupe est très remarquablement con- forme à celui que nous avons obtenu directement par la Géologie : Litane {48), vanadium (51), chrome (52), manganèse (55), fer (36), nickel el cobalt (59), cuivre (64). Il est à noter que nous trouvons là, bien à leur rang, même ces éléments relativement rares, le titane et le vanadium, dont la place géologique est, en effet, dans le groupe du fer. Le plaline seul, si c'est bien là sa place réelle, manquerait dans cet ensemble. Le groupe des sulfures métallifères, qui cons- Liluent les filons concrélionnés, est ensuite repré- senté par des éléments que nous venons déjà d'examiner : le fer {56), le nickel et le cobalt (59), le cuivre (64), auxquels s'ajoute normalement le zinc (65). Il y manque le plomb (206), que son poids atomique relègue à une place tout à fait anormale; mais, ici, il faut bien remarquer que, dès que nous arrivons au phénomène filonien, quelque chose de tout à fait indépendant de la densité atomique et de la répartlilion primitive commence à intervenir, puisque le phénomène filonien a précisément consisté dans un déplace- ment, dans un apport vers la périphérie des mé- taux, qui ont pu être empruntés à des couches très inégalement profondes par l'action des mêmes : minéralisateurs, el qui ne se trouvent associés dans leurs gisements que par une communauté de pro- priétés chimiques, jusqu'à un certain point indé- pendante de la densité de leurs atomes. Malgré cela, il esl curieux de remarquer combien la classification empirique, établie plus haut en nous basant sur l'abondance plus ou moins grande des métaux (impliquant plus ou moins de facilités pour venir à la surface, c'est-à-dire une profondeur ini- tiale plus ou moins grande), concorde à peu près avec l’ordre de grandeur des poids atomiques. On _r L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE a, en effet, successivement : antimoine (120) et argent (108); mercure (200), bismuth (208), tungs- tène (18.) et or (197); radium (225) et uranium (239). Ilest, notamment, intéressant de trouver, toutau bout de la liste, comme le métal terrestre auquel nous pouvons attribuer l'origine la plus profonde, l'uranium, avec lequel sont, on le sait, associés tous les nouveaux métaux radioactifs et l'hélium, métal solaire. On pourrait alors, avec un peu de hardiesse, se demander si ces métaux ne nous ap- porleraient pas un témoignage accidentel des élats spéciaux que peut prendre la matière dans les parlies centrales, particulièrement chaudes et com- primées de notre planèle, où l'énergie lumineuse et calorifique se serait alors associée d'une façon instable à l'énergie intra-moléculaire, pour s'en dégager peu à peu en revenant à un équilibre plus normal, II. — PROPORTION RELATIVE DES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE. Jusqu'ici, nous nous sommes borné à envisager la place occupée, dans la structure primitive de la Terre, par les divers éléments chimiques, et c'est seulement en passant que nous avons parfois in- diqué la proportion relative de ces corps. C'est, au contraire, celle proportion qui va nous occuper seule maintenant. À diverses reprises, on a tenté, dans ces dernières années, d'évaluer en chiffres la composition chimique terrestre, c'est-à-dire de dé- terminer quelle part y prennent chacun des élé- ments énumérés tout à l'heure (du moins en ce qui concerne son écorce superficielle), et les très nom- breuses analyses de roches cristallines exécutées récemment ont permis d'atteindre, dans cet ordre d'idées, une approximation de plus en plus grande. Parmi les travaux de ce genre qui vont me servir de guides, je citerai surtout ceux de MM. Clarke et Hillebrand aux Etats-Unis, où des centaines d’ana- lyses pétrographiques ont été rassemblées et com- mentées, et celui de M. Johan Vogt, en Norvège, qui est spécialement consacré aux éléments rares métalliques”. La zone Lerrestre qui est accessible à nos inves- tigations directes, ou pour laquelle il parait licite de prolonger, sans modification appréciable, des résultats constatés ailleurs, comprend trois parties distinctes : l'atmosphère, les mers et la croûte sili- catée, avec ce qu'on peut trouver accidentellement, 1 CLarke : The relative abundance of the chemical ele- ments. Bull. of the Philosoph. Soc., Washington, t. I, 1889; Bull. of the U. S. geol. Survey, n° 78, p. 35 à 43, 1891, et no 148, 1897. Vocr : Ueber die relative Verbreitung der Elemente, etc. Zeits. f. prakt. Geol., juillet 1898. 397 dans cette dernière, de ségrégations basiques ou de minerais filoniens, empruntés à des zones sans doute inférieures. Ces trois parties interviennent respectivement dans la proportion suivante : POIDS ABSOLU en millions PROPOR- de milliards TION de tonnes relative Croûte terrestre, jusqu'à 16 kilom. au-dessous du niveau de la mer (limite conventionnelle) : 6.800 mil- lions de kilom. cubes, à une den- sité moyenne de 2,1 . : . : 18.360 92,21 Eau de mer*:1.500 millions de kilom. cubes à une densité moyenne de OUR ENS TITI 1.545 7,76 ATMOSDRETER SEE NC RC RE 5:33 0,03 19.910,3 100,00 De ces trois parlies, deux sont connues chimique- ment avec une approximation très grande : l’eau de mer et l'atmosphère. Malgré toutes les diver- gences locales que l'on rencontre, la composition de l'air et des océans varie entre de faibles limites pour des conditions déterminées; la loi de ces varia- tions elle-même parait bien connue, soit qu'on s'élève dans l'air, soit qu'on s'enfonce dans la mer, et il est aisé d'obtenir une analyse moyenne. La question de l'écorce terrestre est, au contraire, beaucoup plus délicate, et, même en se bornant à la portion directement accessible, soit par des éro- sions superficielles, soit par des travaux de mines profonds, on rencontre, pour établir des chiffres moyens, diverses difficultés, que nous allons, avant tout, examiner. Si l'on suppose cette analyse moyenne obtenue avec une précision complète, il faut encore remarquer qu'elle s'applique seulement à une zone très peu épaisse el comprenant presque uniquement les parties soulevées au-dessus du niveau de la mer. M. W. Clarke a néanmoins cru pouvoir admettre que, jusqu'à 16 kilomètres de profondeur au-dessous de la mer, les variations restaient du même ordre que dans celte partie superficielle, c'est-à-dire que l’on pouvait continuer à appliquer la même analyse moyenne. Quand même l'hypothèse ne serait pas tout à fait exacte, le degré d'approximalion doit être comparable à celui que nous pouvons espérer alleindre de loutes facons ; nous adopterons donc cette hypothèse ac- cessoire, qui nous permettra de consacrer quelques calculs antérieurs. La difficulté, à laquelle je viens de faire allusion, 1 Voir pe LapparEnrT : Géologie, 3° édil., p. 56 et 60. D'après ce savant, l'altitude moyenne des terres émergées est de 700 mètres et leur volume de cent millions de kilomètres cubes ; la profondeur moyenne des mers est de 4.000 mètres et leur volume de 1.500 millions de kilomètres cubes. H. Wacner, en 4895 (Areal und mittlere Erhebung der calcul de Landflächen), admettait seulement 1280. Le MM. Clarke et Vogt était fondé sur 1268. 398 L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE pour oblenir une analyse moyenne de l'écorce ter- restre, apparaît dès le premier examen et semble même d’abord plus grave et plus rédhibitoire qu'elle n'est en réalité. Il saute aux yeux que cette écorce est absolument inhomogène ; elle présente, dans un ordre confus et en quantités encore très mal déter- minées, même en plan horizontal, sur les affleure- ments superficiels, à plus forte raison en section verticale, des roches et terrains appartenant aux types les plus divers, que la Pétrographie ou la Litho- logie s'appliquent encore à démêler. On peut, dès lors, se demander si l'idée même de chercher une moyenne pour un ensemble aussi complexe etaussi hétérogène n'est pas tout à fait illusoire. Quelques remarques préliminaires permettent, cependant, de simplifier le problème et nous conduisent à une so- lution, dont l'exactitude approximative est prouvée par la concordance des résultals obtenus au moyen d'analyses tout à fait différentes. La première de ces remarques, qui pourra sur- prendre d’abord, estque, dans une analyse moyenne de l'écorce terrestre, surtout si on l'étend jusqu’à 16 kilomètres de profondeur, on est en droit de négliger les sédiments pour se borner aux roches cristallines et crislallophylliennes. Cela semble en contradiction avec l'importance apparente de ces sédiments sur nos cartes géologi- ques, dans nos explorations, nos travaux de mines el nos tranchées. Mais on peut d'abord remarquer que celte importance est toute superficielle ; si nos cartes géologiques représentaient une section terrestre faite au niveau de la mer, en supprimant par con- séquent les enlassements très locaux de sédiments surélevés, qui forment nos chaines montagneuses, les terrains sédimentaires n'y occuperaient plus qu'une place restreinte; ils disparailraienl sans doute complètement à 3 ou 4 kilomètres plus bas. En général, les sédiments, qui constituent, sur l'écorce cristalline, une sorte de manteau détritique laissé par le passage des mers, y sont peu épais, sauf en des points tout à fait accidentels, où quelque lambeau sédimentaire se sera trouvé pincé et empri- sonné dans une dislocation profonde. Lorsque l’un d'eux prend un développement exceptionnel, une sorte de compensation entraîne généralement la diminution des autres au même point : les zones favorables à ces grandes accumulations de sédi- ments, qui sont, en somme, très restreintes, s'étant sans cesse déplacées sur la superficie terrestre. 3 kilomètres de sédiments superposés (en dehors des zones disloquées montagneuses) constituent ! Le calcul montre que tout le relief du sol au-dessus des mers représente à peine 100 millions de kilomètres cubes, dont peut-être 50 pour les chaînes montagneuses, tandis que l'écorce terrestre, sur les 16 kilomètres d'épaisseur con- sidérée, en comprend 6.800. donc presque un maximum assez rarement atteint’. Mais, quand même la part relative de ces sédi- ments serait beaucoup plus grande, on aurait encore le droit de les négliger, en se fondant sur leur ori- gine, qui est exclusivement due à la destruction et au remaniement de roches cristallines et cristallo- phylliennes. Puisque les matériaux des sédiments sont les mêmes que ceux des roches et n’en dif- fèrent que par leur groupement, l'analyse moyenne des uns doit être la même que celle des autres ; seuls, quelques principes particulièrement solubles, tels que les alcalis, ont pu aller se perdre dans la mer et (sauf dans quelques gisements de concentration saline) manquent dans les sédiments. Mais tous les autres se retrouvent sous les trois formes essen- tielles d'argiles, sables quartzeux et calcaires. Pour ces derniers, cependant, l'observation vul- gaire semble contredire cette affirmation ; à voir les régions de la France centrale, qui nous sont surtout familières, on croirait l'abondance de la chaux dans nos sédiments beaucoup plus grande que dans nos roches. En réalité, il n'y a là qu'un accident local dans la composition des sédiments, qui, ailleurs, par compensalion, seront exclusivement argileux ou sableux; du reste, la proportion de la chaux dans les roches cristallines est beaucoup plus grande qu'on ne le supposerait à leur aspect. Ainsi que nous allons le voir tout à l'heure, la composi- tion moyenne des roches cristallines donnerait, ré- partie en malériaux sédimentaires, environ 8 °/, de calcaire, 37 °/, d'argile et 43 °/, de silice; soit, pour 1 de calcaire, à peu près 4,5 d'argile et 5,5 de sable siliceux. Cette proportion théorique ne présente rien de manifestement contraire à ce que l'on peut observer dans les sédiments”. 1 Le cas de Paris est certainement l'un des plus défavo- rables que l'on puisse choisir pour vérifier cette observa- tion, puisque la série sédimentaire, régulièrement super- posée, y monte jusqu'au Tertiaire. Il est pourtant bien pro- bable qu'on ne percerait pas 2.000 mètres de sondage à Paris sans atteindre le soubassement primaire analogue à celui de la Bretagne, où l'on pourrait tomber directement sur le granit, et sinon sur quelque synclinal silurien, qui lui- même n'aurait, sans doute, pas plus de 1.000 mètres d'épais- seur. 3 ou 4.000 mètres de sondage conduiraient à peu près certainement au granit. En effet, la nappe aquifère des sables verts (Albien), qui affleure de la Nièvre aux Ar- dennes, a été atteinte à Grenelle à 548 mètres de profon- deur; à la Butte-aux-Cailles à 574 mètres ; à la Chapelle à 718 mètres. On peut admettre qu'elle se trouve environ à 530 mètres au-dessous du niveau de la mer. En comptant S00 à 1.000 mètres pour le Jurassique, on est peut-être au- dessus de la vérité; puis, il est probable qu'on arriverait directement au primaire ou au primitif. Dans tout autre cas, en ajoutant toutes les épaisseurs maxima de sédiments que l'on peut trouver en divers points, on arrive à un total de 40 à 50 kilomètres: mais ce chiffre n’a évidemment aucun rap- port avec la réalité pratique en un point déterminé. 2 D'après un calcul de M. Mellard Reade, les terrains cal- caires représenteraient une épaisseur moyenne de 176 mètres sur toute l'étendue de la Terre. M. Clarke à cru devoir ajouter la proportion d'acide carbonique correspondant à ce nr RÉ ans EL TT en -miett pet Ch con L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE 399 Laissant donc de côté les terrains sédimentaires, il ne nous reste plus qu'à obtenir une analyse moyenne des roches cristallines, caleul, qui, pour être rigoureux, nécessiterait : 1° la détermination de la place occupée par chaque grand groupe de roches (granit, diorite, ete.), c’est-à-dire l'évalua- tion de sa réparlition en plan et en coupe verticale; 2° l'analyse moyenne de chacune de ces roches. Il est certain, nolamment, qu'en prenant, comme nous allons le faire nécessairement, des analyses toutes relatives à la superficie, on doit commettre une erreur systématique, ayant pour effet d'attribuer à l'écorce une acidité trop grande. Toutes les obser- vations géologiques prouvent, en effet, ainsi que nous l'avons admis dans la première partie de cette étude, que la basicité de l'écorce terrestre va en s’ac- croissant à mesure qu'on s'y enfonce, avec dispa- rilion progressive de l'oxygène, du silicium, de l'aluminium et des alcalis, c'est-à-dire des éléments acides, etaugmentation du magnésium, du calcium, du fer, c'est-à-dire des éléments basiques.Cependant, M. Clarke, dont le travail est soigneusement établi, s’est borné à prendre un lot d'environ 1.500 analyses de roches, choisies à peu près au hasard en ce qui concerne lechoix des types et discutées seulement en lant qu'exactitude opératoire, et c'est au moyen de ces 1.500 analyses qu'il a calculé son analyse moyenne. Ce qui tend à justifier son procédé pour les éléments un peu abondants, c'est qu'avec ces 1.500 analyses il a obtenu, en 1897, presque exacte- ment le même résultat qu'en en prenant seulement un premier lot de 880, dans une première tentative faile en 1891, et que, lors de cette première tentative, sept ou huit groupes de 60 analyses régionales quelconques lui avaient donné des chiffres presque identiques. L'hypothèse d'une homogénéité moyenne dans la composition de la croûte terrestre parait donc conduire à une approximation convenable, d'au- tant plus rationnelle qu'en résumé presque toutes les analyses comportent les 7 ou 8 mêmes éléments dans des proportions assez analogues; ce sont les résultats de son calcul que je vais reproduire, pour ces éléments essentiels. Pour les éléments rares ne dépassant pas 1 ?/, et très variables d'un point à l’autre, la méthode, au chiffre (0,44 °/, pour l'épaisseur de 16 kilomètres) aux 0,37 0/6, résultat de l'analyse des roches cristallines, et a obtenu ainsi une proportion de 0,81 pour toute l'enveloppe terrestre. Ce chiffre est sans doute trop fort, car c'est admettre implicite- nent que le carbone des calcaires vient exclusivement de l'atmosphère et non primitivement des roches cristallines, alors que celles-ci, pour 3,5 de chaux, renferment 0,31 de carbone ou environ 1 °/, d'acide carbonique correspondant à 1,20 de chaux. 176 mètres de calcaire doivent, en ce qui concerne la chaux, correspondre à 2.200 mètres de sédiments d'après la proportion de 8 °/,, où à une même épaisseur de roches cristallines remaniées. contraire, n’est plus applicable, et nous serons obligés tout à l'heure de raisonner autrement. D'après les calculs de M. Clarke, modifiés seule- ment sur deux ou trois points accessoires, on à (aux secondes décimales près, qui sont évidemment sans valeur) pour la composition moyenne des roches : Silice - 59,80 Alumine . ÉCEUE 15,40 Sesquioxyde de fer. 2,10 Protoxyde de fer. TEE NE () CHAUX Se ONE NE 4,80 Magnésie, . . 4,40 Potasse 2,80 SOUTERE-E 3,60 Eau (dont 0,40 persistant au-dessus DEAD) EE ME Ne ME RS ES A5 0) Oxyde de titane 0,50 Acide phosphorique . 0,20 99,10 Ou, en éléments chimiques, par ordre d'impor- tance : Oxygène Re Et ES 41,10 SIGNE 2 M Re NOTE 27290) Aluminium . 8,10 Fer . . : 4,10 : Calcium. - . 3,50 99,00 Sodium . 2,10 Magnésium . 2,60 Potassium 2,40 Titane 0,30 Hydrogène 0,20 Chlore 0,17 Carbone. . 0,10 Phosphore ee 0,10 Mancaneses 45-00 NO UT Soufre 0,06 Baryuim. 0,03 Hluor-wart 0,03 Chrome! 0,01 Zirconium. . 0,01 Nickel 0,005 Strontium. 0,005 NAT ENS MU EUENE 0:00 100,095 Un premier résultat ressort aussitôt de ces chif- fres : c'est que l’oxygène, comme je l'ai déjà annoncé, forme environ la moitié de l'écorce terrestre, résultat encore plus exact quand on tient compte de l'atmo- sphère et des mers; plus d’un autre quartest formé par le silicium, il reste moins d'un quart pour tousles autres corps chimiques, dont environ 8 °/, d'alumi- nium et 5 ‘/, de fer. L'écores terrestre est donc un silicate d'alumine, de fer, de chaux, de magnésie et d'alcalis, où entrent seulement pour environ 1°/, de substances étrangères”. 1 On arriverait évidemment à une grande approximalion en ne considérant que les roches à structure grenue, dont les autres roches éruptives représentent, dans l'en- semble, des dérivés localement modifiés. La composition des trois suivantes, que je donne comme comparaison, est, en moyenne : ALU- OXYDES x SILICE MINE ALCALIS de fer CHAUX MAGNESIE Granite. 72 14 9 2 À 0,50 Syénite. 65 16 11 , 2 0.50 Diorite . 52 17 6 10 l 5,0 100 L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE En nous bornant d'abord aux éléments essentiels et considérant, non plus seulement l’écorce solide, mais l’ensemble de la superficie composant cette écorce, avec les mers et l'atmosphère, dans les pro- portions données plus haut, nous trouvons : Parmi les autres éléments dont la proportion se trouve accrue, il faut compter surtout l'hydrogène, qui, au lolal, n’atteint encore que 0,90 °/°; accessoi- rement, le chlore : 0,175, le carbone 0,20, l'azote 0,02, Il faut surtout remarquer la très faible proportion totale de ces quatre derniers éléments, sur lesquels, à défaut de calcul, on pourrait se faire illusion par suite de leur abondance relative dans les mers et l'atmosphère. Même avec la correction qu'en- traine la considération de l’eau et de l'air, les huit éléments principaux, qui, dans la première partie du travail, ont été donnés comme formant l'écorce sili- catée, entrent encore pour 98 °/, dans le total. Nous examinerons tout à l'heure le rôle des éléments secondaires; mais il me parait auparavant, ulile d'essayer une comparaison entre cette zone terrestre superficielle et ce que nous pouvons, par l'analyse spectrale, connaître du Soleil. En général, on a surlout fait cette comparaison pour mettre en évidence une analogie, qui a frappé les premiers observateurs, agréablement surpris de pouvoir identifier nombre d'éléments solaires avec des éléments terrestres. Mais le contraste réel me parait encore plus sensible que les analogies. Quand nous envisageons les zones successives ap- parentes du Soleil en nous écartant du centre, nous avons : d'abord, un bain métallique incandescent à spectre continu, la photosphère, dont la compo- sition ne nous est révélée que partiellement par la considération des vapeurs qui s'en dégagent au- dessus, dans une couche gazeuse plus froide, la chromosphère, et que nous reconnaissons là au moyen deleurs raies d'absorption. Dans ces vapeurs, le fer domine de beaucoup, et si, à défaut d'une analyse quantitalive encore impossible, nous repré- sentons, par une image tout à fait grossière, la com- position de cette chromosphère, simplement pour POIDS | ÉCORCE Mers | 4TMOS- M ONAE rl ato- | solide PHÈRE | la zone probable Oxygène. 16 47.10 | 85,80 23 50,12 | +1/20 Silicium . 28 27,90 » » 25,72 | +1/15 Aluminium.! 27,5| 8,10 » » 1,41 | 1/4 Fer 56 4,70 » » 4,33 Calcium . 40 3,00 | 0,05 » 3,23 Sodium 23 2,10 4,14 » 2,58 } +13 | Magnésium.| 2% 2,60 | 0,14 » 2,41 \ Potassium .| 39 2,40 | 0,04 » 2,21 99,00 fixer l’ordre approximatif des grandeurs, nous avons peut-être quelque chose dans ce genre : Fer. à : 65 Magnésiuin. n 8 Nickel . 6 Calcium 3,9 Aluminium . 1 Sodium. 0,5 Hydrogène . 0,5 HÉTUNT ENNEMIS Manganèse, coball, titane, chrome, élain . S cH Traces. Corps non identifiés. . 15 100, 0 De ces éléments, les plus volalils gagnent la par- üie supérieure et forment les protubérances de la chromosphère. On trouve surtout de l'hydrogène au-dessus des facules brillantes, et des métaux, sodium, calcium, magnésium, au-dessus des taches. Cette composition appelle aussilôt deux remar- ques : Tout d'abord,1/3environ des raies spectrales n'ont pas été identifiées; il existe donc, dans la chromo- sphère solaire, une proportion importante de mé- taux que nous ne connaissons pas sur la Terre. En revanche, nous n'y trouvons pas, ou à peine, les trois éléments essentiels de l'écorce terrestre : oxygène et silicium (totalement absents au spectro- scope); aluminium, très réduit. Le fer, le magné- sium etle nickel, relégués généralement sur la Terre dans les ségrégations basiques profondes, sont, au contraire, prédominants sur le Soleil. Que faut-il en conclure? que la composition géné- rale du Soleil est différente de celle de la Terre? C'est à coup sûr possible — bien que contraire à notre désir d'unité et de simplicité, surtout pour deux astres aussi voisins, aussi dépendants l'un de l’autre, aussi logiquement attribuables à une même nébuleuse primitive. — Mais on peut, il me semble, remarquer également quece que nous connaissons du Soleil, à savoir les vapeurs dégagées de son bain métallique fluide, forme, dans sa composition, une zoneextrémementrestreinte,vraisemblablementtrès différente, comme posilion, de la zone, également très restreinte, qui nous est accessible sur la Terre, Peut-être assistons-nous sur le Soleil à la scorifica- tion même de la zone métallique, à une opéralion mé- tallurgique dont la température peut aller à 7.000 de- gréset dans laquelle, en même temps que les métaux se combineraient à l'oxygène et au silicium dans la photosphère, sans y être discernables, une portion d'entre eux se volatiliserait plus haut? Envisageons maintenant les éléments secondaires autres que les huit corps chimiques principaux, dont le total forme seulement, nous l'avons vu, 2 °}, de l'écorce terrestre et qui constituent néan- moins le point de départ de toute notre Chimie. mt. @ar. de æœt'2" de jo « Lei * L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE AOL Ces éléments, d’après M. Vogt, se répartissent, par ordre d'importance, environ de la facon suivante : 4 entre À et 0,1 0 . Titane, hydrogène, chlore et car- : bone. | Phosphore, manganèse, baryum, soufre, fluor, azote. Chrome, nickel, zirconium, stron- tium, lithium. Etain, cobalt, argon, brome, iode, rubidium, arsenic, peut-être cérium, yltrium et lanthane. Sentre 0,1 et 0,02 0}. 5 à environ 0,01 0/6. . 7 entre 0,005 et 0,0001 0/5. En tout, il existe une trentaine d'éléments, entrant pour plus de 1 millionième dans la composition de la Terre; les quarante autres restentg pour la plu- part, très loin au-dessous de cette proportion déjà si infime. Quelques-uns de ces éléments, parmi ceux figu- rant au tableau précédent, demandent des obser- vations spéciales, parce que la proportion qui leur est attribuée peut étonner à première vue; surtout, il est nécessaire d'évaluer approximativement les métaux proprement dits, dont il n’a pas été question jusqu'ici. Pour ce côté de la question, le travail de M. Vogt va nous servir de base. Si nous prenons la liste d’après l'ordre probable d'importance numérique, nous devons commencer par le fifane. Ayant publié récemment une mono- graphie géologique de ce métal!, je n'ai qu'à en retenir ici les conclusions. J'ai montré alors com- bien, malgré sa réputation de rareté, il était cons- tamment diffusé dans nos roches et dans nos ter- rains, son point de départ paraissant être les ségrégations basiques, où le titane accompagne le fer. J'ai également peu de chose à ajouter à ce qui a élé dit plus haut pour l'Aydrogène et le carbone. L'existence de ces deux éléments dans les roches profondes à été niée, et l’on a pu soutenir que, lorsqu'on les rencontrait, il y avait eu apport super- ficiel d'eau et d'acide carbonique. Cependant, on a beau chercher à obtenir une roche inaltérée; on n'arrive pas à la trouver exempte de ces substances”, qui semblent, dès lors, entrer réellement dans sa composition primitive. L'action de la chaleur pro- fonde peut alors dissocier l'eau et produire du carbure d'hydrogène, avec un peu d'hydrogène libre, ainsi qu'on le constate dans le volcanisme. Le chlore entre pour environ 2 °/, dans l’eau de mer. On estime, en oulre, que sa proportion moyenne dans les roches est comprise entre 0,02 et 0,04. Le chlore des roches existe, soit en in- clusions chlorurées dans le quartz, soit à l'état de minéraux chlorurés, tels que l’apatite ou les feldspaths basiques de certaines roches, ordinai- Te MR EN - ! Annales des Mines, janvier 1903. A. GauTIER : C. R., 1901. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. rement récentes (sodalite, etc.) ". Cette propor- tion ne se trouve pas sensiblement augmentée par les grands gites de sel, qui représentent, dans certains terrains, un résidu d'évaporation marine. Le nombre de ceux-ci est si faible, en effet, qu'il me parail difficile d'estimer leur épaisseur moyenne à plus de 1 centième de celle des terrains calcaires”, évalués eux-mêmes à 150 mètres, soit 1"50 de sel, ou, par rapport à 16 kilomètres d'épaisseur, à peine 0,004 de chlore. Nous pouvons noter, dès à présent, que la teneur en Auor de l'écorce est à peu près la même que celle en chlore : le premier l'emportant dans les roches acides (apatite, tourmaline, topaze, ete.), et le second dans les roches basiques. Mais, dans les eaux de la mer, la quantité de fluor est presque nulle *, en sorte que la proportion totale de cet élément se trouve très notablement rabaissée. Le phosphore est, dans toutes les roches, un élément très constant sous la forme d’apatite. Il n'est guère de roche qui tienne moins de 0,005 d'acide phosphorique, et, souvent, la teneur est beaucoup plus forte. Dans bien des cas, son origine première parait avoir été à l’état de phosphures de fer, manganèse ou calcium, plus rarement en asso- ciation avec d’autres métaux, comme le plomb, ou les métaux du groupe du thorium, c’est-à-dire dans des conditions analogues à celles où se pré- sentent le soufre et les autres minéralisateurs ; mais, tandis que l'oxydation du soufre s’est faite uniquement à la surface par altération secondaire, celle du phosphore à pu avoir lieu en profondeur dans la croûte silicatée et l'y fixer toutes les fois qu'il se trouvait assez de chaux pour saturer l'acide phosphorique produit : ce qui est, on peut le dire, le cas constant. Après quoi, dans les altérations superficielles, le phosphate de chaux à suivi la fortune du fer et du manganèse, en se dissolvant, comme eux, par l'intervention de l'acide carbonique et se reprécipitant plus loin, quand l'excès d'acide carbonique se dégageait #. Les analyses de roches groupées par M. Clarke donnent une teneur moyenne de 0,09 ou 0,10 °/,. Le manganèse et le bar yum, que nous trouvons ici, par hasard, à côté du phosphore, présentent, avec lui, dans toute la série des altérations super- ! Je ne parle pas des chlorures visiblement secondaires, qui se produisent par altération sur les affleurements des filons de plomb, d'argent, ete. ? M. Vocr admet un dixième, ce conclusions. # M. Carnot (Ann. des Mines, 1896) a trouvé, dans l’eau de l'Atlantique, 0,0000$ de fluor. # Dans un Mémoire récent sur l'origine des minerais de fer scandinaves (Ann. des Mines, juillet 1903), j'ai montré dans quelles conditions se fait la concentration ou l’épura- tion du phosphore dans les minerais de fer. qui ne change rien aux ge 402 L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE ficielles, des associations de gisements, sur les- quelles j'ai insisté ailleurs. Notamment, la com- binaison si fréquente du manganèse et du baryum en psilomélane est très remarquable. Ces trois corps offrent ce même caractère de se concentrer très notablement par l'intervention de l'eau chargée d'oxygène et d'acide carbonique. Ou en rencontre ainsi des gisements altérés, dont les proportions pourraient faire illusion sur leur abondance pro- fonde. Néanmoins, la plupart des analyses de ro- ches en contiennent. Pour le manganèse, un lravail spécial de M. Vogt lui a fait trouver, comme moyenne de 232 analyses relalives à des roches acides, 0,056 de protoxyde de manganèse, et, dans 141 roches basiques, 0,123. Il à admis, finalement, une moyenne de 0,075. Sui- vant lui, dans les roches, la proportion du manga- nèse au fer varie de 4 : 50 à 1 : 75. Le baryum est également presque constant dans les feldspaths des roches, bien que les analyses ne l'y signalent pas toujours. M. Clarke et Hillebrand ont récemment montré, par d'innombrables ana- lyses, la diffusion de ce corps, ainsi que celle du strontium. Le baryum peut aller de 0,03 à 0,04; le strontium s'approche de 0,01. Ces deux éléments ont subi, dans les altérations superficielles, une concentration qui en a formé de véritables gisements, à allure parfois stralifiée pour le strontium, plus souvent filonienne pour le baryum. On sait qu'ils existent très fréquemment comme gangue dans les filons métallifères. Leur origine, dans ce cas, est problématique. Souvent, ils disparaissent alors quand on s'enfonce et doivent avoir été empruntés à la lixiviation superficielle des roches. Parfois ils semblent, au contraire, persister, et le baryum surtout accompagne le plomb, dont le poids atomique est également très élevé, comme s'ils avaient tous deux une même origine. Le soufre est très abondant dans les roches, à l'état de pyrite ou de pyrrhotine, surtout dans les roches basiques ; il forme, en outre, quelques grands gisements pyriteux, qui n'accroissent pas beaucoup sa leneur moyenne. J'ai déjà parlé tout à l'heure du /uor à propos du chlore. Quant à l'azote, il est inutile de rappeler son rôle dans l'atmosphère; son manque d’affi- nilé ordinaire pour les autres éléments chimiques fait qu'il n'existe pas (ou, du moins, n'a pas été signalé) dans les roches. Le chrome à été évalué (peut-être un peu haut) à environ 0,01 °/. Il ne devient abondant que dans les roches basiques, où,comme le fait le man- ganèse, il tend à se substituer au fer dans un grand nombre de ses minéraux. Le groupe des péridotites renferme, en moyenne, 0,20 °/, de chrome; mais, par contre, il fait à peu près défaut dans les roches acides. Sa proportion parait très analogue à celle du nickel, qui se présente dans les mêmes condi- tions, probablement un peu supérieure. Le zirconium est, au contraire, un élément très habituel des roches relativement acides, où ilentre à l’état d'inclusions microscopiques dans divers minéraux. Ils'est développé spécialement dans cer- taines syénites néphéliniques et augitiques. C'est, comme le titane et l’élain, avec lesquels il présente tant d'analogies, un métal de l'écorce silicatée plu- tôt que des gites filoniens ; mais, comme l’étain, il va du côté acide, tandis que le titane va du côté basique. " Le lithium est décelé par l'analyse spectrale dans la plupart des roches, surtout les roches acides ; il v est souvent dosable. On le retrouve, avec le sodium. dans les eaux thermales qui traversent ces roches, et sa proportion par rapport à ce dernier mélal parait être alors de 4 à 500. On peut, à ce propos, signaler, dans le même groupe des métaux alcalins, le rubidium, qui, dans les roches, accompagne le lithium et, dans l’eau de mer, est plus abondant que lui (1 de rubidium pour 1.000 de sodium). Dans les éléments des roches acides (feldspaths et micas), on trouve également des traces très sen- sibles d'étain : l'étain semble ainsi, comme je l'ai indiqué plus haut en passant, se rattacher assez directement à la scorie silicalée, au milieu de laquelle il s'isole parfois en veines ou filons plus importants. Ses affinités connues pour le titane et le zircon font qu'il apparaît fréquemment dans le rutile et le zircon, de même que les analogies de son oxyde avec la silice expliquent son rôle dans les roches acides. Le cobalt suit très fidèlement le sort du nickek dans les roches basiques. M. Vogt a trouvé. en moyenne, À de cobalt pour 10 de nickel. En même temps, il existe souvent, dans les mêmes gites, du cuivre, en proporlion deux ou trois fois moindre que le nickel. Le brome et l’iode, qui ne preonent place ici qu'en raison de leur présence dans l’eau de mer ow dans les produits d'évaporation salins, sont, dans l'écorce terrestre, des mélaux extrèémement rares. Les minéraux où on les a signalés sont, presque tous, des substances altérées d’affleurements. Néan- moins, leurs relations chimiques avec le chlore sont si intimes qu'il paraît logique de les classer dans le même groupe géologique. L'arsenic se rattache géologiquement au groupe du soufre, et forme, comme lui, avant tout, un élé- ment des gites métallifères ; mais il existe aussi à l’état de mispickel dans les roches, au même titre que la pyrite. Sa proportion est loujours faible. Nous arrivons enfin au groupe des métaux presque exclusivement concentrés dans les filons sd ” so :4 L. DE LAUNAY — LES ÉLÉMENTS CHIMIQUES DANS L'ÉCORCE TERRESTRE 4103 el dont, comme je l'ai dit, la proportion est toujours extrèmement minime, puisqu'aucun d'eux ne forme certainement 1 millionième de l'écorce terrestre. La production industrielle de ces divers métaux peut donner une certaine idée de leur abondance relative, bien qu'elle soit naturellement influencée par la question commerciale et que, le jour où un corps rare trouve un débouché important, comme cela est arrivé aux monazites par l'emploi de l'éclai- rage à l’incandescence, on en découvre souvent des quantités de gisements ignorés. Ainsi, un métal particulièrement recherché pour ses propriétés, comme le platine, l'argent ou le cuivre, peut sembler plus abondant qu'il n’est en réalité. Par contre, sile molybdène ou le cadmium avaient plus d'applications, on en trouverail très probablement davantage. Le chiffre de la produe- tion demande, jusqu'à un certain point, à être corrigé par le prix de vente, qui devrait être en raison inverse de la production sila rareté géologique était le seul élément influencant celle-ei, et qui explique, par suite, et permet de corriger cerlaines ano- malies. En 1901, on à produit approximativement dans le monde : PRIX MOYEN NOMBRE de la tonne POIDS ue tonnes en francs. atomique Plomb. . . . 861.000 345 206 Cuivre. . . . 509.000 1.650 6% Zinc... … 490.000 433 65,4 Antimoine. . 411.0°0 700 120 APSODT: eue - 5.500 98.000 108 Platine. ..": o.000 1.300.000 19% Mercure . £ 3.200 6.500 200 Bismuth. . . 700 13.000 208 (OR EE 400 3.1%4.000 197 Tungstène . . 10 7.000 184 Molybdène. . 16 20.000 96 Cadmium . . 13 10.000 112 Sels d’urane . Il 22.000 239 Si l’on examine celte liste en tenant compte de la remarque précédente, notamment pour le molyb- dène et le cadmium, on voit qu'à part une exception très caractérisée, celle du plomb, les métaux filo- niens se classent, d'après leurs poids atomiques, en quatre groupes principaux, qui correspondent assez bien, en sens inverse, à l'importance de leur production : 1° cuivre et zinc (le premier métal se rallachant, comme nous l'avons vu, géologique- ment à un groupe différent); 2° antimoine, molyb- dène, cadmium et argent; 3° tungslène, mercure, bismuth, or el plaline; 4° uranium. Il est visible que la forte valeur du cuivre, d’une part, du platine et de l'or, de l’autre, détermine, pour ces métaux, une surproduction, c’est-à-dire qu'il y a lieu de les reculer Sur notre lisle, comme-rang de rareté. Par contre, il est possible que le mercure soit, en réalité, plus abondant qu'il ne le parait, puisque son prix est rela- livement faible par rapport à celui de l'argent; cependant, il faut bien remarquer que l'argent est obtenu comme un Les observations faites sur la composition moyenne des roches conduisent même à accentuer l'isolement et la prédominauce du premier groupe, qui est le seul dont on trouve fréquemment des traces dans les analyses. Le zine, qui a des affinités chimiques assez fortes, paraît intervenir quelque- fcis à l'état de silicate; le cuivre se rencontre le plus souvent dans les pyrites, qui existent elles- mêmes incorporées en individus microscopiques dans diverses roches basiques. Le plomb serait chimiquement susceptible d'entrer, comme le zincet même mieux encore, dans la composition de la scorie silicatée; car il forme divers silicates et, notamment, d’après des syn- thèses de MM. Fouqué et Michel Lévy, il peutexister des labradors ou anorthites plombeux; en réalité, on ne le trouve à peu près jamais dans une ana- lyse de roches, si ce n’est peut-être associé avec de l'apalite : ce qui expliquerait la formation fré- quente, sur les affleurements de galéne, de pyro- morphite (isomorphe avec l’apalite). En revanche, son abondance filonienne est grande, comme on le sait et comme suffit à le montrer sa très forte production annuelle. Celte abondance, lout à fait imprévue pour un corps de poids atomique aussi élevé, ne paraît guère explicable que par les pro- priétés chimiques du sulfure de plomb. Dans leur ensemble, tous ces mélaux sont abso- lument exceplionnels dans les roches qui consti- tuent l'écorce terrestre’. Un seul, le platine, que l’on exploite uniquement en alluvions, a élé consi- déré d'habitude comme se rattachant aux péri- dotites, dans lesquelles il parait en exister des traces, et c'est pourquoi nous l'avons rattaché tout à l'heure aux ségrégalions basiques. Cepen- dant, la localisalion très générale du plaline allu- vionnaire dans les placers aurifères, la découverte d'un certain nombre de filons aurifères contenant du platine ou de l'osmiure d'iridium pourraient, comme je l'ai dit plus haut, provoquer quelques réserves relativement à l'ensemble des gisements originels du platine. Pour quelques métaux ordinairement associés dans leurs gisements, M. Vogt s’est efforcé de cal- culer leurs proportions relatives, afin d'en tirer des conclusions sur la facon dont ces éléments se sont concentrés dans la métallurgie naturelle. Il a trouvé ainsi qu'il pouvait y avoir, en moyenne, L d'argent pour {1.000 à 5.000 de cuivre ou de plomb ; 4 d’or pour 25 à 50 ou même 100 d'argent: sous-produit du plomb, du cuivre, de l'or, ete., tandis que le mercure doit être exploité généralement pour lui seul. ! Fr. Sandberger avait crwreconnaitre la plupart de ces métaux (cuivre, bismuth, antimoine, plomb, argent, etc.) dans les silicates des roches. W. Stelzner a montré, au contraire. qu'ils n'y existent très exceptionnellement qu'à l'état de traces sulfurées. 1 de cadmium pour 100 à 1.000 de zinc; 1 de cobalt pour 10 de nickel, etc. On constate de même que, dans les mines de pyrrhotine du Canada, il entre à peu près 1 de pla- tine pour 50.000 de nickel et 1 d'or pour 250.000. De tels chiffres ne peuvent être considérés que comme une indication approximalive sur l’ordre de grandeur qu'il faut attribuer à chaque élément. Ils suffisent néanmoins pour que, dans l’en- semble, nous puissions ranger à peu près les élé- ments qui forment l'écorce terrestre par ordre d'importance, ainsi qu'on l’a vu précédemment. Arrivé là, on pourrait encore se demander, comme conclusion de cette seconde partie, s’il existe une loi théorique déterminant 4 priori l'abondance de tel ou tel métal, de même que, dans la première partie, j'ai cru pouvoir en établir une pour sa place originelle dans la sphère terrestre. C’est surtout dans cet ordre d'idées que des tenla- tives avaient été faites antérieurement à ce Mé- moire, et l'on avait été parfois séduit par certaines relations, qui paraissent exister entre la rareté d’un corps et son poids atomique, surtout lorsqu'on reste dans un même groupe chimique (rubidium et césium, plus rares que le potassium; sélénium et tellure que le soufre; brome et iode que le fluor, etc.) J'ai été moi-même ici amené à invoquer une hypothèse semblable pour classer entre eux les métaux du groupe filonien. Néanmoins, je crois que, dans l’ensemble, on était sur une fausse voie en cherchant de ce côté une loi générale et que les coïncidences rencontrées avaient, en général, d’au- tres causes, sur lesquelles j'ai insisté au cours de cette étude. C'est ainsi que la rareté d’un métal à fort poids atomique me paraît beaucoup moins provenir directement de son poids atomique que de sa posi- tion plus centrale dans la sphère fluide, et, sans CHARLES RICHET — LA GÉNÉRATION SPONTANÉE doute, cette position plus centrale est elle-même, en principe, fonction du poids atomique, comme on l’a vu plus haut; mais beaucoup d'autres phé- nomènes sont intervenus pour modifier l’ordre primitif, notamment les affinités chimiques ou la volatilité. Et, surtout, il faut, ce me semble, faire rentrer de plus en ligne de compte, comme donnée prépondérante, la proportion primitive des divers éléments chimiques dans la Terre. Or, cette pro- portion pourrait bien, il est vrai, être réglée par quelque loi géométrique de cristallisation, si l'on admettait que la Terre résulte directement d'une condensation en éléments chimiques, opérée, à la faveur de forces qui nous échappent encore, sur une matière cosmique originellement identique dans toutes ses parties. Mais la conclu- sion est contraire si l’on suppose que la Terre a été constituée sous sa forme individuelle par des élé- ments chimiques déjà formés, par le concours d'atomes ou de parcelles de matière plus ou moins grandes, ayant déjà pris, à ce moment, les caractères et la structure de nos éléments chimiques. Or, c'est celte dernière conclusion qui me paraît résulter de notre première loi. Si les éléments se sont classés, dans la sphère fluide, à des distances du centre d'autant plus grandes que les atomes étaient plus légers, il faut, en effet, que les atomes aient déjà existé dès ce moment avec le poids atomique que nous y mesurons, et alors la proportion première des éléments ne peut être que tout à fait acciden- telle. Je n'ai pas besoin de faire remarquer l’in- térêt que présenterait cette conclusion, si elle était admise, pour les tentatives de transmutalion qui, depuis quelques années, occupent l'esprit de tant de chimistes éminents. L. de Launay, Ingénieur en Chef des Mines, Professeur à l'Ecole supérieure des Mines LA GÉNÉRATION SPONTANÉE : . Le mot de génération spontanée n’a plus qu'un intérêt historique. De décisives et simples expé- riences ont établi, sinon que la génération spon- tanée est à jamais impossible, au moins que, dans les conditions expérimentales les plus diverses que nous puissions imaginer, elle ne se produit jamais. Toutefois, il y a quelque utilité à passer rapide- 1 Cette étude est destinée à prendre place dans le Dic- tionnaire de Physiologie publié, sous la direction de M. Ch. Richet, à la Librairie Alcan. — Maintenant que la question de la génération spontanée appartient au seul domaine de l'expérience, il semble utile d'en exposer l’exacte mise au point, en rappelant à grands traits les controverses qu'elle a si longtemps suscitées. ment en revue les théories des biologistes du passé sur la génération spontanée des êtres vivants. Plus qu'en tout autre sujet d'étude, nous appren- drons là à quel point l'opinion commune, — et même l'opinion des savants, — abusée par des apparences et se contentant de documents insuf- fisants, peut profondément errer. Mais, avant d'entrer dans le court résumé histo- rique de la question, il faut bien s'entendre sur la signification précise du mot « généralion spon- tanée ». ; D'une part, génération spontanée peut s'appli- quer à la génération d'êtres nés aux dépens de par- CHARLES RICHET — LA GÉNÉRATION SPONTANÉE 405 ticules organisées, c'est-à-dire provenant d'une malière vivante, mais d’une matière vivante ayant d'autres caractères spécifiques. Par exemple, quand on dit qu'un taureau mort donne naissance à un essaim d’abeilles, c’est l’Aétérogénie, c'est-à- dire la naissance d'un être À, non pas aux dépens de la malière inerle, mais bien aux dépens d'un être vivant B, complèlement différent de lui. A côté de l'hétérogénie, il y a la génération spon- tanée proprement dite, création d'êtres vivants aux dépens de la matière inorganique ou inorganisée, comme, par exemple, si, en présence de l'air, aux dépens de l’eau, de l'acide carbonique et des sels minéraux, un être organisé, d'espèce déterminée, venait à apparaitre. C'est là la génération spon- tanée proprement dile. De fait, génération spontanée et hétérogénie sont aujourd'hui également impossibles à accepter. Il n'y a, du reste, qu'une nuance entre ces deux hypothèses : et il est tout aussi absurde d'admettre que le sang d'un poisson donne naissance à l'Oidium albicans que de supposer que, dans l’eau de mer, aux dépens exclusifs des matières minérales, il naitra un Oidium albicans. On verra pourtant que, si l'hypothèse de la géné- ration spontanée proprement dite a élé bientôt complètement abandonnée, l'hypothèse de l'hété- rogénie, jusqu'en des temps très récents, a eu de nombreux défenseurs. I. — Des Axcrens À REDt, HARVEY ET SWAMMERDAN. Les auteurs anciens rapportent quantité de fables relatives à la naissance d'êtres procréés sans germes préalables, prolem sine matre creatam. Impuissants à expliquer le mode de génération des divers êtres, ils supposent que ces organismes naissent des ma- tières en décomposition. Aristote disait que tout corps sec qui devient humide produit des animaux, pourvu qu'il soit susceptible de les nourrir’. Les poissons viennent du sable; les vers, des chairs corrompues ; les chenilles naissent des feuilles ; les poux naissent de la chair, et les puces proviennent de la fermentation des ordures. Virgile raconte que les abeilles naissent du cadavre d’un bœuf, et ce n'est pas une fiction poétique qu'a imaginée le chantre des Géorgiques; c’est presque une affirma- tion scientifique, puisque aussi bien toute l’Anti- quité et tout le Moyen-Age ont accepté la légende du pasteur Aristée. Même Van Helmont, plus crédule, s'il est pos- sible, qu'Aristote et Virgile, admetlait la généra- tion spontanée des souris, et il donne la curieuse recette de la procréalion des souris : 1 Hist. des animaux, 1183, 1, 313. « Les odeurs qui s'élèvent du fond des marais produisent des grenouilles, des limaces, des sangsues, des herbes. Si l’on enferme une chemise sale dans l'orifice d’un vase renfermant des graines de froment, le ferment sorti de la chemise sale, modifié par l'odeur du grain, donne lieu à la trans- mutation du blé en souris après vingt et un jours environ. Les souris sont adultes; il en est de mâles et de femelles, et elles peuvent reproduire l’espèce en s'accouplant! ». Le père Kircher, au milieu du xvir siècle, croyait que la chair des serpents, desséchée et réduite en poudre, peut donner naissance à des vers qui deviennent serpents. Mais voici enfin la méthode expérimentale; et, tout de suite, un peu de clarté apparail. En 1638, Fr. Redi fait une expérience très pré- cise… « Je commencais, dit-il, à soupconner que tous les vers qui naissent dans les chairs y sont produils par des mouches et non par ces chairs mêmes, et je me confirmais d'autant plus dans cette idée que. j'avais toujours vu des mouches voltiger et s'arrêter sur les chairs, avant qu'il y parût de vers. Sed vara fuisset nullo experimento firmata dubitatio..…… C'est pourquoi, au mois de juillet, je mis dans quatre bouteilles un serpent, quatre petites anguilles et un morceau de veau. Je bouchaiï exactement ces bouteilles avec du papier que j'arrêtai sur le goulot en le serrant avec une ficelle ; après quoi je mis les mêmes objets dans autant de bouteilles que je laissai ouvertes. Or, peu de temps après, les poissons et les chairs des bouteilles ouvertes se remplirent de vers; et je voyais les mouches y entrer et en sortir librement; mais je n'ai pas aperçu un seul ver dans les bouteilles bouchées, quoiqu'il se fût écoulé plusieurs mois... Dans d'autres expériences, il me fut prouvé qu’il ne se formait jamais de vers dans les chairs enfouies sous la terre, quoiqu'il s’en formât sur toutes les chairs sur lesquelles les mouches s'étaient posées ? ». En même temps que Redi faisait cette démons- ration expérimentale, Harvey, dans son livre sur la génération des animaux (Æxercit. de qgenera- tione animalium), formulait le grand principe : Omne vivum ex ovo. Mais, ne connaissant que d'une manière imparfaite le système de généra- tion des Insectes et des Invertébrés, il n’applique le mot ovum qu'à l'œuf des Mammifères, de sorte que le Omne vivum ex ovo signifie seulement qu'il y a chez les Mammifères, comme chez les Oiseaux, une ponte ovulaire; ce qui est déjà en soi une admirable découverte, quoiqu'elle ne s'applique pas 1 Cité par Pasreur : Rev.des cours scient., 1864, 258. ? Experimenta circa generalionem insectorum, Amster- dam, 1686. à l'hypothèse de la génération spontanée. Il semble inême donner au mot oyum une acception beau- coup plus large que celle que nous lui attribuons aujourd'hui : « Zd commune est ut ex principio vivente gigauutur, adeo ut omnibus viventibus -primordium insit eX quo el a quo provenient… Omnes generaliones animalium moti in hoc uno conveniunt quod a primordio vegetali tanquam e -maleria efficiente virtule dotata, oriantur : diffe- run autem, quod primordium “hoc vel sponte et -casu erumpat vel ab alio præexistente tanquam fructus proveniat® ». - Cette doctrine est, à vrai dire, celle de l'hété- rogénie; naissance d'être vivants aux dépens de , ce dernier étant soluble dans l'acide sulfurique con- centré. 4) SECTION DE NEW-YORK Séance du 19 Février 1904. M. F.-S. Hyde a préparé l'oxyde graphitique vert avec diverses espèces de graphites par la méthode de Fitzgerald. 1 se forme d'autant plus facilement que la graphitisation est plus complète ; le charbon et les ma- tières carbonacées ne donnent pas cetoxyde.— M. R.-A. Worstall a étudié l'absorption de l'iode par les diverses essences de térébenthine. Ce facteur peut servir d'essai de pureté ; tout échantillon ayant un indice d'iode infé- rieur à 370 °/, doit ètre condamné. —M. S.-S. Sadtler indique une nouvelle méthode pour la détermination de certaines aldéhydes et cétones dans les huiles essen- tielles. Elle est basée sur les deux réactions suivantes : R.CHO + 2NaS03 12H20 —R.CH: (NaS03)° + 2Na0H + H0; R.CO.R + 2Na°805 + 2H20 —R?: C : (NaSO®)? + 2Na 0H + HO. En neutralisantlasoude formée par une quantité connue d’un acide titré, on peut déterminer la quantité de com- . posé présent. SECTION DE NOTTINGHAM Séance du 24 Février 190%. M. L. Archbutt confirme le fait que les indices d’iode obtenus par l'emploi de la solution d'Hanus (iodo-bro- mure) sont plus faibles que ceux qu'on obtient par la méthode de Wijs. La différence est particulièrement forte pour l'essence de térébenthine. SECTION D’ÉCOSSE Séance du 19 Janvier 190%. M. G.-H. Gemmel communique ses recherches sur les méthodes d'essai chimique et mécanique du ciment Portland. ] e SECTION DU YORKSHIRE Séance du 25 Janvier 190%. MM. F.-W. Richardson el A. Jaffé décrivent une méthode de détermination du sucre de canne, du lac- tose, etc., dans le lait. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 18 Février 1904. MM. C. Runge el J. Precht, en éludiant les lignes les plus intenses données par le spectre d’étincelle du radium, démontrent que les champs magnétiques pro- duisent la même décomposition qu'on observe dans le cas de Mg, Ca, Sr, Ba. Cette décomposition est iden- tique, non pas seulement qualitativement (c'est-à-dire par rapport au nombre de composantes et à leurs intensités relatives), mais mème au point de vue quan- titatif, les distances étant mesurées en fonction des nombres de périodes. Or, en ce qui regarde une rela- tion possible entre les nombres de périodes correspon- dant aux lignes homologues et les poids atomiques de l'élément, on découvre une formule simple dans le cas de la seconde série secondaire, alors qu'on ne trouve de relation pareille s'appliquant à {outes les séries (la série principale et les deux séries secondaires) qu’en considérant, en fonction des poids atomiques, non pas les nombres de périodes eux-mêmes, mais les diffé- wences de chaque couple de nombres de périodes corres- | pondant à une paire de lignes; en effet, la formule -_eroirique y = €.x", où y est le poids atomique, x la . différence des nombres de vibrations, et e el n certaines constantes, paraît très bien représenter les résultats des expériences, qui, d'autre part, font voir que le radium appartient au groupe des terres alcalines. Séance du 3 Mars 1904. MM. F. Richarz el R. Schenck, il y a quelque temps, ont fait part à l'Académie de l'observation que la blende de Sidot tsulfure de zinc) devient lumines- cente dans un count d'ozone. Dans une communica- tion ultérieure, les expérimentateurs résument quelques autres cas de luminescence due à l'ozone. Alors que le phosphore blanc, comme on sait, devient incandescent mème dans l'air atmosphérique, le phosphore rouge ne présente de luminescence qu’au sein de l'ozone, cette luminescence étant de faible intensité dans le cas du phosphore rouge ordinaire, tandis que celle du phosphore retiré d’une solution de tribromure de phos- phore est fort intense. Quand à ce qui regarde l'effet désozonisateur de la blende de Sidot et du phosphore rouge, un courant d'ozone, qui, ayant été abandonné à lui-même, n'était pas capable d'agir sur un jet de va- peur, a exercé un effet très intense après être venu au contact de l’une ou l’autre de ces substances. Parmi les autres corps qui présentent une faible incandes- cence au sein de l'ozone, il convient de mentionner l'acide arsénique vitreux; une goutte d'huile de téré- benthine présente une luminescence très forte. Les expérimentateurs observent même qu'un doigt de la main, aussi bien que la laine, le papier, le lin, le coton, exposés à un courant d'oxygène fortement ozonisé et s'échappant dans l'air, présentent une luminescence qui est due probablement à l'adhérence de l'ozone. En ce qui concerne la question de savoir si la luminescence est due à l'oxydation des substances produites par l'ozone ou bien aux ions d'oxygène libérés par la désa- grégation de l'ozone, les auteurs ont l'intention de faire des recherches spectroscopiques dans cette direction, Séance du 10 Mars 1904. M. Vogel présente les résultats de ses recherches sur l'astre double spectroscopique f-Aurigae. Cette étoile, connue comme étoile double spectroscopique depuis 1890, a surtout été observée à l'Observatoire de Cam- bridge (Amérique). Or, il y a quelque temps, M. Tikhoff, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 123 ayant fait des mesures sur les spectrogrammes pris à Pulkowa, est arrivé à des résultats en désaccord avec les expériences antérieures. Les observations organisées par l’auteur à l'Observatoire de Potsdam font voir que ni le temps de révolution déduit des expériences faites à Cambridge, ni celui qu'a déterminé Tikhoff, ne sont exacts. En se basant sur le chiffre trouvé par l’auteur, à savoir 3123h2m1{65, on voit disparaître les anomalies trouvées par M. Tikhoff. L'orbite de ces deux étoiles, tournant autour de leur centre de gravité commun, est presque circulaire; les masses des deux corps étant presque égales, leur somme est au moins quatre à cinq fois plus grande que la masse du Soleil. — M. Van't Hoff continue ses communications sur les conditions de formation des dépôts de sels océaniques. De con- cert avec MM. Grassi et Dension, l’auteur à étudié les solutions jouant un rôle dans les dépôts de sels natu- rels à la température de 839, au point de vue de leur tension maxima. Les phénomènes sont, paraît-il, déter- minés par l'allure de vingt solutions constantes. — M. Schotti présente une étude sur les intégrales ré- duites du premier genre, établissant un système de & intégrales, capable de servir à la définition des fonctions abéliennes de os variables, bien que le genre des diffé- rentes intégrales soit supérieur à o. — M. Strasburger présente un Mémoire sur la division de réduction. Dans le cas du Galtonia candicans, présentant un objet tout particulièrement favorable aux recherches, ainsi que dans celui du Tradescantia virginica, l'auteur a été en mesure de démontrer, sur les oocytes ou sperma- tocytes primaires, une division de réduction hétéro- typique dans le premier degré de division, lequel a été suivi par une division homéotypique. C'est à ce propos que l’auteur fait ressortir surtout l'importance des chromosomes pour l'hérédité, leur individualité, la synapse, ainsi que les problèmes de bâtardisation. — M. J. Hartmann a fait des recherches sur le spectre et l'orbite de 3-Orionis, en se basant sur une photogra- phie prise à l'Observatoire de Potsdam. La période de 1422b, indiquée par M. Deslandres (qui a découvert cet astre en 1900 à Meudon), se montre inexacte. La pé- riode déduite par l'auteur est de 5417b34"38s : tous les éléments de lorbite elliptique ont été déterminés. Dans ses recherches sur le spectre de l'étoile, l'auteur a observé qu'une ligne spectrale appartenant au calcium ne prend aucune part au déplacement périodique des autres lignes du spectre, dû au mouvement variable de l'étoile; il en conclut qu'une masse nébuleuse con- sistant en vapeurs de calcium se trouve entre la Terre et cet astre. Séance du 11 Mars 1904. M. Frobenius présente un Mémoire sur les carac- tères des groupes plusieurs fois transitifs. Un groupe de substitutions 2r fois transitif présente en commun avec le groupe symétrique du même degré tous les ca- ractères dont les dimensions sont au plus égales à r. ALFRED (GRADENWITZ, ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM Séance du 27 Février 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L.-E.-J. Brouwer : Sur la décomposition d'un mouvement continu autour d'un point O de l'espace E, à quatre dimensions en deux mouvements coutinus autour de O en E,. Théorie. Application au mouvement Eulérien en E,. — Rapport sur le Mémoire de M. H. de Vries : « Application de la cyclographie à la théorie des courbes planes », par MM. J. Cardinaal et J. de Vries. L'auteur s'occupe de la courbe plane algébrique la plus générale. Il en cons- truit la surface cyclographique, lieu des droites cou- pant orthogonalement la courbe elle-même et sous un angle de 450 le plan de cette courbe. L'ordre de cette surface d’égale pente et de son arête de rebrousse- ment, les nombres des plans osculateurs et des tan- 42 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES gentes stationnaires de cette courbe gauche. La seconde partie du travail contient des applications nombreuses faisant ressortir la fécondité de la méthode, par exemple la détermination du nombre des cercles tou- chant trois courbes complanaires données. Cette étude paraîtra dans les Mémoires de l'Académie. 20 SGIENCES PHYSIQUES. — MM C.-A. Lobry de Bruyn et L.-K. Wolf : Æst-1l possible de démontrer, à l'aide de la méthode optique de Tyndall, la presence des molecules dans les solutions? H y a quelques années, M. W. Spring, dans un Mémoire sur la diffusion de la lumière par des solutions, a indiqué un moyen de pré- parer des solutions aqueuses opliquement vides ren- dant invisible un faisceau de la lumière intense qui les traverse, ce qui forme une extension aux liquides des expériences de Tyndall sur les gaz. M. Spring par- vint à ce but en faisant naître dans un liquide un pré- cipité gélatineux d'un hydroxyde métallique; après clarification du liquide, l'accès de l'air élant empêché, les particules minces qui se trouvent même dans l'eau distillée sont enveloppées par le précipité colloïdal et entrainées vers le fond. Ainsi, M. Spring distinguait d'abord entre solutions colloïdales, ou pseudo-solutions, et solutions vraies, en rangeant dans le premier groupe les solutions qui, examinées avec des faisceaux intenses, montrent toujours une diffusion de la lumière, quelque faible qu'elle soit, et dans le second groupe les solu- tions qui peuvent être rendues absolument vides; mais, dans une communication plus récente, il est revenu sur cette opinion. Les auteurs ont répété les expé- riences de M. Spring, dont les recherches de MM. Sie- dentopf et Zsigmondy sur la démonstration et l'évalua- tion de la grandeur des particules ultramicroscopiques forment une extension importante. Leur résultat prin- cipal est qu'il est désirable que les recherches en ques- tion soient transportées du laboratoire de Chimie au la- boratoire de Physique, et qu’elles y soient répétées avec le plus grand soin à l’aide d'instruments minutieux. — Ensuite, M Lobry de Bruyn présente, en son nom et au nom de M. C. H. Sluiter : La transposition de Beckimann ; la transformation de l'acétophénonoxime en acétanilide et sa vitesse. La transposition en question, caractérisée par l'équation R,CAzZOH > ROOAZHR, a permis de déterminer la configuration de plusieurs stéréo-isomères, comme : RCR' | — RCAZHR' et | — RHAz—CR'. AzOH ( HOAz 0 RCR' Elle a lieu sous l'influence de plusieurs réactifs, comme l'acide sulfurique, ete ; ces substances étant appliquées ordinairement en grande quantité, on estime probable que la transposition elle-même porte presque toujours sur des produits intermédiaires, contenant à l'azote un groupe négatif (ou le groupe OK) alternant avec le groupe alkyle ou aryle lié au carbone, de manière que l'amide se forme sous l'influence de l'addition d’eau. Ainsi: RCR' RCR' RCX + H°0 RC—0 ii) TES | NII) | mel) + AzOH AzX AzR' AzHR' Les auteurs soumettent la transposition de Beckmann à une recherche de dynamique. La première substance examinée est l'acétophénonoxime, dont on ne connaît qu'une forme unique et qui se transforme en acéta- nilide d’après l'équation : CSH5 — C — CH° —> Il CSH5.HAz.COCH®. HOAZ La vitesse de réaction augmente avec la quantité d'acide sulfurique dont on se sert, comme le montre le petit tableau suivant : CONCENTRATION CONSTANTE TEMPS DE TRANSFORMATION de H?S04 de vitesse pour la moitié, en minutes 93,6 0,0011 275 Tempéra- ) 94.6 0,0013 232 ture: 60049752 0,0038 15 - l 98,7 0,0070 43 Les résultats des auteurs prouvent que la transposition est vraiment intramoléculaire. Dans un complément, les auteurs démontrent que l'opinion émise par M. Stie- glitz sur la nature de la transposition, d'après laquelle la transformation de Hoffmann et la transposition de Beckmann doivent être expliquées du même point de vue, n'est pas acceplable. — Enfin, M. de Bruyn pré- sente deux études de M. P. van Romburgh : 1° L’o- cymène;2 Les produits d'addition du s-trinitrobenzène. — M. A. F. Holleman : La nitralion du fluorobenzène. Dans la thèse de M. J. W. Beekman (/?ev. génér. des Se.,t. XIV, p. 1176), l'auteur exprime l'opinion, basée sur des séries incomplètes d'expériences, que, dans la nitration indiquée, les composés mononitriques iso- mères se forment en proportions différentes de celles qui se présentent chez les autres dérivés halogénés du benzène. M. Holleman communique ici les résultats de nouvelles séries d'expériences. A la fin de son étude, il fait connaitre les résultats de toutes les déterminations quantitatives des produits de nitration des benzènes halogénés dans le tableau suivant : CSHSEL COHSCI CSHS5Br (CSHSI r Ortho . 6,1 29,8 37,6 34,2 Températ: re Méta. . . 4,1 0,3 (2?) 0,3 (?) — de nitrat' sn : Para. 89,8 69,0 62,1 65,8 00 Ortho . _ 26,6 34,4 Température Méta. . . — 0,3 (2) 0,3 (2) — de nitration : Para. : . — 13,1 65,3 64,7 300 — M. H. W. Bakhuis Roozeboom présente au nom de M. À. Smits : Contribution à la connaissance de Pal lure de la décroissance de la tension de vapeur dans les solutions aqueuses. Aperçu historique des résul- tats des méthodes du point d'ébullition, de la tension de vapeur et du point de solidification : Blagden (1788), Rüdorff (1861), Coppet (1871), Helmholtz (1886), Bremer (1887), Tammann (1887), Walker (1888), Dieterici (1898). Les recherches récentes de l'auteur ont été faites à l'aide du micromanomètre. Ensuite, l'auteur commu- nique les résultats de la détermination de la décrois- sance de la tension de vapeur de Na!1 et de solutions de cette substance à l’aide du micromanomètre, où le manomètre aniline-eau a été remplacé par le mano- mètre de Lord Rayleigh. Les résultats sont consignés en plusieurs tableaux. Enfin, M. Smits mentionne que dorénavant M. Biltz s'occupera de la loi de dilution chez les chlorates, les perchlorates et les permanga- nates, tandis qu'il se consacrera lui-même à une étude des nitrates à ce point de vue. — M. S. Hoogewerff communique au nom de M. J. Rutten : Description d'un appareil régulateur de la pression pendant la distillation sous de faïbles pressions. 30 SCIENCES NATURELLES. Rapport sur le Mémoire de M. J. Lorié : « Quelques nouveaux percements du sol », par MM. J. M. van Bemmelen et J. L. C. Schrœæder van der Kolk. — M. C. M. A. Gorter : « L'image de mémoire ». Sont nommés rapporteurs : MM. H. Zwaardemaker et Th. Place. — Ensuite, M. Winkler présente un Mémoire de M. R. P. van Calcar : « Etudes clinico-biologiques du méca- nisme des maladies d'infection ». Sont nommés rap- porteurs MM. C. H. H. Spronck et M. W. Beyerinck. P. H. ScnourTe. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. A Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette Winkler présente un Mémoire de TU - UNI en TU NE UE nn ride tante denrées 15° ANNÉE N° 9 15 MAI 1904 Revue générale des Sciences pures el appliquées DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Æevue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Election à l'Académie des Sciences. — La Revue est heureuse d'annoncer à ses lecteurs l'élection toute récente de son éminent collaborateur, M. G. Bi- gourdan, à l'Académie des Sciences. Cette élection a eu lieu dans la séance du 25 avril. Le nombre des votants étant 53, M. Bigourdan a obtenu 45 suffrages, contre 5 donnés à M. Hamy, 2 à M. Puiseux et 4 bulletin blanc. Tous nos lecteurs connaissent la belle carrière scien- tifique du nouvel académicien, qui, depuis vingt-cinq ans, n'a cessé de produire, dans l’ordre de l'Astronomie de position, une brillante série de découvertes. Ses travaux se rapportent : les uns à la grosse question de l'équation personnelle; les autres à la correction des déformations des instruments de recherche, à la déter- mination des éléments des comètes et des essaims d'étoiles filantes, à l'étude des étoiles fixes et des étoiles doubles, enfin à l'examen optique des rotations des planètes. Plusieurs Missions dont il a été chargé en différents ays pour l’observalion des éclipses se sont, grâce à ui, montrées particulièrement fructueuses, bien qu'ac- complies dans des contrées, comme le Sénégal, où les tavailleurs manquent de toutes ressources et se trouvent le plus souvent aux prises avec les atteintes si déprimantes du paludisme. L'entrée de M. Bigourdan à l'Académie est la juste récompense de son constant dévotment à la Science et des fruits que ce dévoñment à portés. L. O. w74] 2. — Nécrologie Emile Dueclaux. — La mort d'Emile Duclaux est — la Revue tient à l’exprimer très haut — un deuil universel : il fut à la fois un savant de haute valeur, un écrivain de science incomparable, un philosophe et, par ses actes, un grand moraliste. Une plume autorisée exposera prochainement ici toute la grandeur de son œuvre. I. (ON Charles Soret. — Les Sciences physiques vien- nent de perdre un savant de grand mérite en la per- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. sonne de M. Charles Soret, décédé à Genève, dans sa cinquantième année, après une courte maladie. Fils du célèbre physicien genevois Louis Soret, dont il fut à la fois le collaborateur et le collègue à l'Université, Ch. Soret entra dans la carrière universitaire en 1879 en qualité de professeur de Minéralogie, poste qu'il abandonna en 1888, à la suite de sa nomination de professeur de Physique expérimentale. Surmené par son enseignement, ses fonctions de recteur et ses tra- vaux personnels, il se retira de l'Université en 1900. Après avoir fait des études à Genève, puis à Paris, Soret ne tarda pas à se faire connaitre par une série d'importantes recherches « sur l'état d'équilibre que prend, au point de vue de sa concentration, une disso- lution saline primitivement homogène dont deux par- lies sont portées à des lempéralures différentes », qu'il poursuivit de 1879 à 1888. II s'y révéla comme un expérimentateur à la fois consciencieux et habile et comme un véritable savant. Ces recherches ont joué plus tard un rôle fondamental dans les travaux d’autres physiciens, et ils ont conduit à la /o1 Sorel qui est le résumé de ces observations. Dès 1882, Soret se consacra plus particulièrement à la Cristallographie et à l'Optique, ses branches favo- rites, et il laisse dans ces domaines de beaux travaux, concernant principalement la réfraction et la disper- sion dans les corps cristallisés et la polarisation rota- toire. On lui doit un réfractomètre destiné à la mesure des indices de réfraction et de dispersion des corps solides. C’est cet appareil qui lui a permis, après des recherches fort délicates, de donner les résultats rela- tifs aux aluns cristallisés, qui se trouvent reproduits dans l'Annuaire du Bureau des Longitudes depuis 1891. La plupart des travaux de Soret ont été publiés dans les Archives des Sciences physiques et naturelles et les Comptes rendus del Académie des Sciences de Paris. Les lecons de Cristallographie ont donné lieu à un excellent traité didactique, intitulé : £/éments de Cris- tallographie physique; très appréciés des spécialistes, ces Eléments compteront encore pendant longtemps parmi les meilleurs ouvrages. Lorsque, après quelques années de repos, Soret par- vint à se remettre des suites du surmenage qui l'avait éloigné de son laboratoire, il reprit avec joie ses tra- 9 426 vaux personnels. Une nouvelle et brillante carrière scientifique semblait s'ouvrir devant lui. Il venait de publier la première partie d’un travail sur la tourmaline; mais une maladie foudroyante l'a surpris et terrassé au moment où il s’apprètait à ter- miner son Mémoire. Physicien de grand mérite, Soret élait aussi un pro- fesseur consciencieux et distingué et un excellent rec- teur. Par son esprit conciliant, par la rectitude de son jugement, par sa modestie, Soret était un noble carac- tère. C'est par ces hautes qualités, jointes à une science profonde, qu'il s'était acquis la sympathie et la con- liance de tous ceux qui l'ont approché. H. Fehr, Professeur à l'Université de Genève. $ 3. — Electricité industrielle Les oscillographes « Duddell ». — En raison de l'usage, de jour en jour plus répandu, des courants alternatifs, tant pour l'éclairage que pour la transmission d'énergie, il est de la plus grande importance pour l'ingé- nieur-électricien de connaitre les formesd'ondes des cou- rants alternatifs qu'il emploie. Par exemple, des moteurs à courant alternatif, qui donneraient un très grand ren- Fig. — Schéma de l'oscillographe Duddell. — N, S, pôles de l’aimant; s, s, ruban de bronze phosphoreux, replié autour de la poulie P; K, bloc; L, pont. dement avec certaine forme d'onde, peuvent n'avoir qu'un très faible rendement ou peuvent même refuser tout à fait de marcher avec une autre forme. Le ren- dement des transformateurs dépend aussi, dans une cerlaine mesure, de la forme de l'onde; et bien des ingénieurs, qui sont disposés à faire de fortes dépenses pour obtenir une légère augmentation du rendement de leurs transformateurs ou moteurs, ne se rendent pas compte des économies sérieuses qu'ils pourraient réali- ser en choisissant une forme d'onde convenable. Ainsi, on à trouvé que le rendement lumineux (lumière par , walt) de l'arc à courant alternatif est de #4 °/, plus CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE fort avec une courbe de force électromotrice à sommets aplatis qu'avec une courbe à sommets aigus. Au con- traire, les transformateurs acquièrent le plus fort ren- dement lorsque la forme d'onde est à sommets aigus. En outre, la rupture de cäbles à haute tension et à extra-haute tension, qui entraîne de sérieuses pertes pécuniaires, est souvent due à des phénomènes de résonance qu'on peut éviter par une étude préalable de la forme de l'onde. On comprendra donc toute l'importance d’une bonne méthode d'observation et d'analyse de la forme de l'onde d'un courant alternatif ou d'une différence de potentiel. Nos lecteurs connaissent les principaux oscil- lographes actuellement en usage pour résoudre le pro- blème'. Un appareil nouveau semble apporter une solution plus précise: c’est l'oscillographe Duddell, dont la construction a été confiée à la Cambridge Scientific Instrument C°, qui en fabrique de quatre types dif- férents. Cet instrument, qui est, somme toute, une forme très perfectionnée de galvanomètre à bobine mobile, présente, sur les autres appareils employés actuelle- ment pour l'observation et l'enregistrement de courants" variables et de différences de potentiel, divers avan- tages. Il consiste essentiellement en un galvanomètre d'Arsonval combiné, soit avec un miroir rotalif ou vibrant, soit avec une pellicule photographique mo- bile ou une plaque photographique à déclanchement.- Le schéma ci-contre (fig. 1) représente la partie galvanométrique de l'instrument et le principe d’après lequel il travaille. Dans l’étroite ouverture séparant les pôles N, $S, d'un puissant aimant, sont tendus deux conducteurs parallèles s, s, formés en repliant sur lui- même un ruban de bronze phosphoreux autour de la poulie P, laquelle est reliée à une légère balance à ressort. Les rubans sont fixés par leurs extrémités inférieures sur un bloc K, et ils sont maintenus en position à leur partie supérieure par le pont L. En modifiant la tension sur le ressort tendant la boucle de bronze phosphoreux, la périodicité de l'instrument peut être variée à volonté. Chaque tirant de la bouclem passe par une ouverture séparée (qui ne figure pas sur le schéma) dans le circuit magnétique. Les interstices entre les parois des ouvertures et du ruban mobile ne sont que de 38 millimètres. Ces ouvertures sont rem- plies au moyen d’une huile visqueuse, sur laquelle est placée une lentille maintenue en position entièrement par la tension superficielle de l'huile, et servant à son tour à maintenir l'huile en place. La fonction de l'huile consiste à amortir les mouvements des rubans. Un petit miroir marqué M est fixée à la boucle, comme on le voit. Le passage d’un courant au travers de l’une de ces boucles a pour effet de faire avancer l’un des tirants, tandis que l’autre recule, de sorte que le miroir tourne autour d’un axe vertical. Dans l'instrument du type à haute fréquence, la période naturelle de vibration de la boucle est de 1/10.000° de seconde, et, les inters- tices élant, comme nous l'avons dit, extrêmement faibles, l'effet amortissant de l'huile est si fort qu'on peut être certain que l'instrument donnera des résul- tals exacts, même lorsque la périodicité du courant à vérifier est supérieure à 300 périodes par seconde. De petits plombs fusibles placés sous les boucles protè- gent celles-ci en cas de courant excessif accidentel. Les fusibles sont constitués par des fils très minces, ren- fermés dans des tubes en verre maintenus en position au moyen de crampons à ressort. Le rayon lumineux réfléchi par le miroir M est recu sur un écran ou plaque photographique, la valeur instantanée du courant étant proportionnelle au dé- placement linéaire de la tache de lumière ainsi formée. Avec des courants alternatifs, la tache de lumière oscille çà et là, suivant les variations de courant, et { Voir A. Bconpez : L'inseriplion directe des courants électriques variables, dans la Revue des 15 et 30 juillet 1901. décrit donc une ligne continue. Par conséquent, pour obtenir une image de la forme de l'onde, il est néces- Saire de traverser la plaque protographique ou la pellicule dans une direction à angles droits avec la “‘lirection du mouvement de la tache de lumière. On “peut interposer un second miroir sur le passage du “rayon lumineux, et faire vibrer ou tourner ce miroir de façon à communiquer au rayon lumineux un mou- vement uniforme, proportionnel au temps, dans un plan à angles droits avec le plan de vibration du rayon dû au courant. La tache de lumière décrira alors, sur un écran fixe où plaque, la courbe du temps de varia- tion de la différence de potentiel ou du courant, suivant le cas. Si les variations sont périodiques, comme dans les courants alternatifs, le second miroir peut être syn- chronisé et la tache de lumière tracera la forme de Ponde d'une facon continue. La période de l’oscillographe Duddell est extrême- : 1 8.000 ‘ 10.000 de seconde, dans le modèle à haute fréquence), et son emploi est absolument exempt de décalage, parce que sa self-induction et sa capacité sont pratiquement nuls. De plus, il est absolument exempt d'erreurs d'hystérésis. Sa déflexion est donc, à n'importe quel moment, exactement proportionnelle à la valeur instantanée du courant qui le traverse, même avec des fréquences de 300 périodes, ou plus, par seconde; de sorte qu'il constitue un ampère-mêlre instantané exact, ou un voltmètre instantané. Sa résistance totale (avec fusible) n'est que de 5 à 10 ohms. Les graphiques sont cons- ütués par des points lumineux suffisamment petits et intenses, soit pour la photographie, soit pour l’obser- vation directe par l'œil. On peut obtenir simultanément deux formes d'ondes ou plus; par exemple, les formes d'ondes pour le courant dans un circuit donné, et pour la différence de potentiel entre deux points du circuit. On peut observer et enregistrer des variations de formes d'ondes au moment où celles-ci se produisent. Des variations irrégulières, non périodiques, de diffé- rence de potentiel ou de courant peuvent être aussi aisément notées, que le circuit soit à courant continu ou à courant alternatif. Les usages pratiques des oscillographes sont très nombreux, attendu qu'ils enregistrent avec une très grande exactitude les variations de périodes de difré- rences de potentiel et de courants. Ces instruments enregistrent, par exemple, les variations simultanées de différence de potentiel ét de courant au moment de l'ouverture et de la fermeture d'un circuit induit, les courbes de charge et de décharge de condenseurs, les variations de différence de potentiel et de courant dans les bobines de l’armature d’une dynamo, ainsi que dans la primaire d'une bobine d’induction, etc. Ils enregis- trent même les variations très rapides de différence de potentiel et de courant qui se produisent lorsque l'arc à courant continu siffle. Pour ce qui concerne les courants alternatifs, on peut obtenir très vite, sans difficulté, et avec précision, les formes d'ondes et leur différence de phase; on peut se rendre immédiatement compte ainsi de la self- induction de bobines d'arrêt, de la capacité du con- denseur, du facteur d'énergie, du rendement, etc., de transformateurs. j ment faible, lorsqu'il n'est pas amorti $ 4. — Chimie biologique Modifications chimiques des sérums san- £uins au cours du chauffage et de l’immu- nisation. — En présence des modifications diverses que subissent, sous l'influence du chauffage à des températures variables, les propriétés immunisantes d'un sérum, on devait être amené à rechercher quels Sont les phénomènes physico-chimiques qui accom- pagnent ces changements dans l’action biologique. Du côté des modifications d'ordre physique, le résultat CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 7 D NN td 1 127 de ces recherches a été jusqu'à présent négatif. Ni la conductibilité électrique, ni le point de congélation du sérum ne sont modifiés par le chauffage (Dietrich, von Zeynek, E.-P. Pick)‘. Mais des changements chimiques importants ont pu être saisis récemment, notamment par M. L. Moll?. Du sérum sanguin maintenu pendant { heure à 60° s'enrichit notablement en globuline, en mème temps qu'il se forme un peu d'alcali-albumine. Par chauffage à 56° pendant une demi-heure, il ne se forme que de la globuline. De même, si de la sérum-albumine cris- tallisée, en solution à 1-3 °/, avec addition d'un égal volume d’une solution de carbonate de sodium à 0,0795 °/,, est chauffée pendant 1 heure à 60°, on ob- tient, par demi-saturation avec du sulfate d'ammonium, un précipité qui présente tous les caractères de la sérum-globuline, que l’on peut dissocier comme celle-ci en une fraction d’euglobuline et une fraction de pseudo- globuline, tous produits contenant la mème proportion de soufre que les globulines naturelles correspondantes. Cette transformation, qui n'a pas lieu à 37°, exige la présence dalcalis; elle est done fonction des ions hydroxyles. Elle est retardée par les sels neutres et surtout par les sels ammoniacaux. Partant de ces faits, M. L. Moll s'est proposé d'étudier les variations des matières albuminoïdes au cours de limmunisation. Déjà l'augmentation des globulines dans les sérums d'animaux immunisés contre certaines toxines (toxine diphtérique) a été signalée de divers côtés. Il était donc intéressant de rechercher si c'est là une réaction générale des organismes vis-à-vis du procès immunisant, et, plus tard, quelle est la nature de cette relation. L'auteur à étudié d'abord les effets des injections sous-cutanées d'albumine, lesquelles provoquent, comme on le sait, la formation d’un sérum précipitant la matière albuminoïde injectée (réaction des précipitines). Dans ces conditions, on constate que, sitôt que la réaction des précipitines est établie, les globulines sont augmentées dans le sérum. D'autre part, diverses expériences conduisent l’auteur à ad- mettre que, dans la réaction des précipitines, la majeure partie, sinon la totalité, de la substance du précipité provient du sérum. Or, les sérums dans lesquels on constate cette augmentation des globulines sont les seuls qui donnent la réaction des précipitines. Cette réaction parait donc due à de nouvelles globulines, apparues dans le sang sous l'influence des injections. Ces globulines sont différentes des globulines naturelles du sérum, puisque le sérum naturel n’est pas précipi- tant, différentes aussi de celles que le chauffage fait apparaître, puisque du sérum chauffé ne donne pas la réaction des précipitines. Il faut se contenter pour l'instant d'enregistrer ces constatations; elles représentent un premier résultat dans la recherche du mécanisme chimique de l'immu- nisation. $ 5. — Physiologie Le sucre dans Falimentation. — Au moment ou l’industrie sucrière traverse, particulièrement en France, une période si pénible, il est intéressant d’étu- dier quels sont les nouveaux débouchés que l’on peut tenter d'ouvrir à ce produit, et de montrer les nom- breuses applications dont il est susceptible. C’est ce que vient faire M. Grandeau dans un remar- quable article, très fortement documenté, des Annales Agronomiques®. Il examine d'abord le rôle du saccha- 1! Voy. BAUMGARTENX : Dal et 518. ® W. See : Zeitschr. f. Hygiene, t. XXXI, p. 513. — Ar- KINSON : Journ, of exp. Med., &. V. — Joacuim : Pflüger's Arch., &. XCII. — E.-P. Pick : Beitr. z. chem. Physiol. u. Path., &. 1, p. 357; M. Jakony : Zh1d., t. I, p. 59. * Directeur de la Station Agronomique de l'Est, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, ® Ann. Agronom., 4e lrimestre, 1903, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE rose dans l'alimentation. On sait que Claude Bernard en a, le premier, signalé la non-assimilabilité directe : pour que l'économie animale puisse en tirer parti, il faut qu'il soit transformé, el c'est ce dont se charge une diastase, Finvertine, appelée par CI. Bernard fer- ment inversif, et qui dédouble le saccharose en glucose et lévulose : ; C'2H201 E H?0 = CSH206 + CSHE206 — glucose + lévulose — sucre interverti. Dès lors, ces éléments sont susceptibles d’être utilisés par le foie pour produire le glycogène. On sait que la fonction glycogénique du foie s'exerce aux dépens, non seulement des matières sucrées, mais aussi des matières amylacées et azotées; au moment de lutili- sation de ces substances de réserve, de nouvelles transformations donnent, en même temps que la pro- duction finale d'acide carbonique et d’eau, l'énergie et la chaleur nécessaires à la vie animale. Le sucre n’a donc pas, quant à la production de glycogène, une place prépondérante sur les autres matières alimen- taires, mais il a d’autres avantages : il suffit, en effet, d’une légère modification pour lamener à la forme utilisable et produire ainsi le maximum d'effet utile avec le minimum de dépense. Si l'explication de ce phénomène est récente, les applications en sont bien anciennes, et tout le monde connait le rôle que joue la canne à sucre dans l’alimen- tation des nègres, les dattes dans celle des Arabes, etc. De nombreuses expériences ont été tentées par des voyageurs, des ascensionnistes, qui ont tous constaté, d'une facon certaine, non seulement le rôle éminem- ment nutritif du sucre, mais encore l'abolition presque immédiate de la fatigue après absorption de cette substance. Dans ce sens, les conclusions du docteur Leitenstürfer sur l'alimentation de l’armée allemande ont eu un grand retentissement, et il semble que l’aug- mentation de la consommation du sucre par l’homme sous toutes les formes possibles (confitures, marme- lades, mets sucrés, etc.) soit une des meilleures solu- tions à la question sucrière. Il est, toutefois, un autre usage susceptible de prendre aussi un grand développement : c’est l'alimentation du bétail. Depuis un certain temps déjà, on emploie à cet effet la mélasse mélangée avec de la menue paille ou des balles de blé, nourriture qui convient surtout aux bœufs que l’on engraisse et aux vaches laitières; mais on aurait grand avantage à adopter la mesure déjà prise en Allemagne, mesure qui à pour effet la dénaturation de tous les sucres de qua- lité inférieure, qu'on pourrait ainsi faire entrer pour une bonne partie dans les rations d'alimentation. Il résulte, en effet, d'expériences tout à fait probantes que l'accroissement de travail obtenu dans cés con- ditions justifie d’une manière éclatante la théorie. Aussi ne devra-t-on pas oublier le rôle prépondérant que joue le sucre dans l’économie animale pour résoudre les graves questions mises au jour par la Convention de Bruxelles. $ 6. — Sciences médicales L'inoeulation aux rats du microbe du cancer. — Des expériences très intéressantes! se poursuivent, en ce moment, à l’Asile Sainte-Anne, dans les sous-sols du Pavillon de Chirurgie, aménagés à cet effet. M. le D' Dagonet, médecin des Asiles de la Seine, est en train d'y étudier l’évolution du cancer chez les animaux, sujets d'expériences, auxquels le microbe à été inoculé. Lorsqu'on juge par les symp- tômes pathologiques que la maladie à atteint un déve- loppement suflisant, Panimal estsacrilié et les tumeurs cancéreuses sont soumises à un examen histologique. 1 Voir Gazelte mtdicale de Paris, 190%, p. 124. Des essais ont été tentés sur divers animaux, mais ce sont les rats qui se prêtent le mieux à ces expériences ; ils sont, en effet, naturellement sujets au cancer, tan- dis que les cobayes, par exemple, en paraissent tota=n lement exempts. Les résultats de ces expériences ont été très intéressants. L'évolution de la maladie dure, en. moyenne, trois mois, pendant lesquels l'animal est mis en observation : au bout de ce laps de temps, il présente, en général, de fortes tumeurs cancéreuses qui ne laissent aucun doute sur leur nature à l'examen» histologique. Quant au virus inoculé, il provient des malades sur lesquels est pratiquée l’ablation des tu= meurs, dans le Pavillon de Chirurgie de Sainte-Anne;s par M. le D' Picqué, qui est le chirurgien en chef des. Asiles de la Seine. Ces expériences ont pour but d'essayer de produire une sorte de vaccine ou de sérum qui serait, sans nul doute, le moyen thérapeus tique idéal à opposer à l’infection cancéreuse. Des tens tatives ont déjà été faites dans cette voie par Adam= kiéviez, WlaëlT, Doyen et d'autres chercheurs, mais elles ne semblent pas avoir donné des résultats bien probants. - La contagion familiale de la lèpre. — M. le. D' A. Noël a étudié pendant douze ans la lèpre à læ Guadeloupe et il vient de publier ‘ le résultat de ses observations nombreuses. Il affirme la non-hérédité et il cite à l'appui de son opinion 45 cas où l’on ne trouve pas trace d'hérédité; bien plus, il fait observer que des enfants nés de père et mère lépreux, nourris du lait de leur mère, mais soustraits à son contact, ne sont pas et ne deviennent pas lépreux, car les enfants ne naissent pas infectés. Partageant l'opinion de M. le Dr Jeanselme?, M, Noël accepte la contagion familiale; négligeant l'hérédité de graine, il croit seus lement à une certaine hérédité de prédispositions D'après ses études, la contagion se fait par voie cutanée; mais il faut tenir compte de la température, des mœurs locales, du plus ou moins d'hygiène et de la débilités des individus. Afin d'éviter la contagion de la mère à l'enfant pendant les six premiers mois de l'allaitement M. Noël a appliqué avec succès, pour les enfants nés des parents lépreux, des mesures de prophylaxie très sévères. et une propreté minutieuse avant, pendant et après less tétées: après ce temps, il les envoyait au loin et il as ainsi trouvé moyen de conserver indemnes une Cers taine quantité de petits enfants destinés à devenir lépreux. L'auteur croit encore qu'avec des mesures d'hygiène, on parviendra à restreindre de plus en plus les foyers de léprose età en empêcher la contagion de plus, il a constaté que le traitement qui réussissait le mieux était l'huile de chaulmoogra associée au sulfate de strychnine. Une cause d'infériorité du soldat japonais: — M. le Dr Matignon, qui a été le médecin de la Légas= tion de France à Pékin, d’où il a rapporté des notes très intéressantes et un livre précieux, et qui, par cons séquent, a vu les soldats japonais de très près, fait remarquer® que ces petits troupiers, carrés el trapus, qui semblent faits pour la marche, péchent par les pieds C'est que le Japonais, avant d'être soldat, a le pied. absolument libre: à peine arrivé au régiment, son pieds est enfermé dans une gaine de cuir plus ou moins rigide, qui le gêne et le blesse. Dans la dernière cam” pagne de Chine, en 1900, où les troupes japonaises ont" eu peu à marcher, somme toute, cette défectuosité dus pied chaussé à l’européenne n'a pas eu loccasion dem bien se manifester. Il n’en a pas été de mème, en 18954 en Mandchourie. Les étapes furent pénibles, l'hiver très dur et le nombre des éclopés considérable, de sorlen 1 Dr A. Norz : Paris, Jouve, 1903, in-89, 58 p. | 2 JeANSELME : ZÆtude sur la lèpre dans la peninsule 1ados Chinoise et dans le Yun-Nan (Paris, 1900) et Cours de Ders matologie exotique, Paris, 1904. 3 J.-J. Maricnon : Le CGaducée, 190%, n° à. mONT CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE D — — Leg? “que des officiers japonais purent, à la fin de cette “euerre, proclamer que le soulier européen avait fait “plus de mal à leurs hommes que les balles chinoises. “Comme le fait remarquer avec Juste raison M. le D' Ma- “tignon, cette considération d'hygiène pèsera, sans doute, d'un très minime poids auprès des théoriciens de la stratégie : cependant, il ne faut pas oublier que Napoléon gagna des batailles avec les jambes de ses grognards et que, peut-être aujourd'hui encore, dans les plaines de la Mandchourie, la victoire sera à l'armée ‘qui aura la meilleure marche, $ 7. — Géographie et Colonisation La Corée et ses habitants. — La Société de Géographie de Paris a entendu récemmentune intéres- sante conférence de M. Louis Marin sur la Corée el ses habitants. Les événements qui se passent actuellement dans le « pays du matin calme » ont donné de l’actua- lité à cette question. Aussi, depuis quelques mois, les géographes et les économistes s'efforcent de nous donner sur cette péninsule, sur ses ressources el ses habitants, les notionsles plus précises. A la Société de Géographie, M. Louis Marin a rappelé que la Corée avait été successivement influencée par des aborigènes blancs, des invasions tartares el khoun- ghouzes, des expéditions chinoises et japonaises. Beau- coup de ces éléments ont été retenus dans les mon- tagnes etse sont mélangés. Aussi le peuple Coréen est- il, dans son physique comme dans ses mœurs, un {ype fort complexe: Il est différent de ses deux voisins jaunes, le Chinois et le Japonais. La taille est impo- sante, les yeux ne sont pas bridés, le front est saillant et découvert, les visages sont très barbus comme ceux des Ainos, l'œil est fin et rêveur. La pauvreté persis- tante de ce peuple, comme le fait remarquer M. G. Du- crocq"*, est un indice de cette simplicité d'esprit qui lui fait dédaigner la vie moderne : il ne désire que la tranquillité ! Les femmes sont grandes et élancées; leur visage « a souvent une expression de gravité troublante, une sérieuse douceur qui contraste avec l’insouciance des hommes ». Le Coréen est vêtu de blanc : veste, pantalon, sou- liers, bonnet, tout est blanc. Il sort paré d'une sorte de pardessus de Loile flottante, « blanchi, empesé, lus- tré par les soins des épouses ». Le blanc semble la couleur qui convient le mieux à ce peuple enfant. Aussi, « Séoul est une grande blanchisserie où le tic- tac des battoirs ne s'arrête jamais ». Et, pendant que les femmes travaillent pour que leurs maris resplen- dissent, les Coréens pensent que la vie est bien faite. D'ailleurs, ils sont musards et les rues sont pleines de désœuvrés qui fument et bavardent. En somme, ils ont un tempéramment plutôt artiste, et il est juste de reconnaître qu'ils sont des maitres dans deux iudus- tries : l'ébénisterie et la parcheminerie. « Ils s'entendent, dit M. Ducrocq, à construire une étagère ou un coffret, bien ajusté, en bois d'ébène ou de cerisier, à lui donner un vernis rouge, laqué, où la patine d'un jus de tabac, à l'enjoliver de charnières, de verrous, de plaques de cuivre : l'idée de cacher le trou d'une serrure sous une tortue ou un papillon ciselé est de leur invention. Ils découpent dans les loupes des arbres de beaux panneaux de marqueterie. » Mais la première industrie coréenne est certaine- ment celle du papier. Les usages du papier y sont mul- tiples : huilé, il à la solidité de la toile; màâché, il est dur comme pierre et sert à faire des cloisons, des par- quets, des corbeilles et des seaux pour puiser l'eau. « Dès qu'une goutte tombe, le Coréen tire de sa poche un cornet de papier dont il se coiffe ». Le papier est encore employé dans les examens, et les compositions des candidats sont ensuite passées à l'huile et devien- nent d'excellents manteaux contre la pluie. La Chine PR RE Lee 1 G. Ducnoco : Pauvre et douce Corée, Champion, 1904. 429 se fournit de papier en Corée : il en arrive à Chefou des bateaux pleins pour servir aux paperasseries des mandarins chinois. Le peuple coréen aime la lecture des romans; aussi possède-t-il une riche littérature populaire. En Corée, on vit surtout la nuit : c'est la nuit que se donnent les fêtes de danse et de chant; c’est la nuit qu'ont lieu les enterrements, avec deux corbillards, le premier «pour amuser le diable », le second conte- nant le mort plié en deux; c'est la nuit que la mariée est soumise à une torture symbolique: ses amies viennent lui épiler les tempes, lui tatouer le visage, lui farder les lèvres, lui peindre les cils et les coller, lui cacheter les narines et les oreilles. Livrée ainsi à son mari, ildépend alors de lui qu'elle voie, qu'elle entende et qu'elle respire. Le Coréen est, en somme, sympathique. Aussi bien la France à profité largement de cette sympathie, puisque la plupart des grandes administrations et des grandes affaires coréennes sont conseillées par nos compatriotes. L'Ecole française de Séoul est très fréquentée, et ils sont nombreux les Coréens qui parlent et écrivent notre langue, et nous gardent une humble amitié. En résumé, il ressort de la conférence de M. Louis Marin et du livre de M. G. Ducrocq un sentiment de sympathie et de pitié pour ce gentil peuple, pauvre et rèveur, qui fait maintenant à ses dépens la triste expé- rience d'un de ses proverbes favoris : « Quand les baleines combattent, les crevettes ont le dos brisé ». très accueillant et très augmenter le chiffre de notre commerce extérieur et l'effectif de notre marine marchande, en fournissant à cette dernière un fret plus abondant. Les lecteurs de la /tevue savent combien cette tâche est urgente el nécessaire. Dès lors, ce qu'il importe de connaitre, c’est la part d'influence que la zone franche exerce vérita- blement sur le développement des ports. Constatons d'abord la prospérité et l'extension remar- quables de Londres, Liverpool, Anvers, Rotterdam, qu'un régime douanier très libéral dispense d’avoir recours à cette institution. Les principaux ports francs sont Hambourg, Brême, Gênes, Copenhague, Trieste et Fiume. Choisissons le premier d'entre eux, celui qui témoigne du développement le plus rapide, et tâchons de délimiter aussi exactement qu'il est possible la part de prospérité qui provient du fait de sa franchise doua- 1 Statistique comparée des grands ports d'Europe, au point de vue du tonnage de jauge (en milliers de tonneaux) : AUGMEN- 1870 1880 1890 1899 TATION. Londres. 4.089 5.970 130 0/0 Hambourg 1.389 2.766 445 — Anvers 1.362 3.063 100 — Rotterdam 1.026 1.681 526 — Liverpool ü 3.416 4.943 SO — Marseille . 1.954 2.169 121 — TÉME here 660 1.169 26% — | Le Havre... . 1.206 1.969 So — | Amsterdam . 405 1.016 100 — 430 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ————_—_—_—aaEaZaEaa—Laaa————— nière*. La première cause de la situation exception- nelle de Hambourg provient du développement écono- mique général de l'Empire, et la preuve en résulte du simple examen du trafic du port, trafic maritime et trafic intérieur. La seconde grande cause se trouve dans le riche secteur industriel desservi par l'Elbe. Grâce à ce fleuve, la Bohème, la Saxe royale et la Saxe prussienne, la Thuringe, le Brandebourg font passer par Hambourg la presque totalité de leurs importations et de leurs exportations. Si l’on ajoute à cela les faveurs de transport que le Gouvernement accorde aux pro- duits destinés à l'Etranger, ainsi qu'aux marchandises qui transitent sur l'Elbe à destination de l'Autriche, l'excellente administration du port due à l'autonomie presque complète de son gouvernement local, la pros- périté de Hambourg s'explique naturellement. La zone franche en est bien un des facteurs, mais son rôle n'a Jamais été qu'accessoire et elle a bénéficié elle- même des causes précitées. Dans quelle mesure a-t-elle agi? À quoi son rôle s'est-il borné? Les facilités d'im- portation et de réexportation ont augmenté le nombre des voyages des navires; ceux-ci peuvent débar- qner immédiatement et sans formalités toute leur marchandise et reprendre la mer très rapidement. Les avantages commerciaux sont plus directs encore que ceux offerts à la navigation maritime. Nous les avons énumérés en définissant la zone franche: la marchan- dise peut ainsi attendre le moment favorable de la vente, soit pour l'intérieur, soit pour l'étranger. Les slatistiques hambourgeoises d'entrée et de sortie font ressortir les commodités de transaction dues à la fran- chise douanière et l'importance que le port à prise, de ce fait, comme marché de produits coloniaux. La zone franche de Hambourg jouit encore du privilège de se livrer à la production industrielle, Les avantages qui en résultent ne sont point considérables. Pour pénétrer sur le territoire national, les produits fabri- qués dans la zone acquittent, en général, des droits plus élevés que les matières premières dont ils dérivent : il faut donc les vendre à l'Etranger, et il est certain qu'une industrie qui ne travaille que pour l'exportation court de grands risques. D'autre part, en ce qui con- cerne la concurrence que ces produits de la zone peu- vent faire aux produits nationaux sur les marchés étrangers, le bénéfice du droit d'entrée sur la matière première est compensé par le prix plus élevé du terrain et par l'élévation de main d'œuvre résultant du fait que la journée de travail comprend l'aller et le retour des ouvriers, habitant en dehors de la zone. Ces réflexions suffisent pour justifier la création, dans quelques-uns de nos ports, d'organisations semblables : elles montrent également — et nous aurions abouti aux mêmes conclusions en étudiant Gênes ou Co- penhague — que la zone franche stimule la prospé- rité, mais sans la créer. P. Clerget, Professeur à l'Ecole de Commerce du Locle. $ 8. — Enseignement L’Ecole Centrale et l'Enseignement supé- rieur des Sciences. — A la suite de la publication de l'article de M. P. Appell ? sur l'Enseignement supé- rieur des Sciences, nous avons recu de M. H. Monnory, directeur des Etudes à l'Ecole Centrale, les quelques réflexions qui suivent : « Les considérations exposées par M. Appell soulèvent ! Cf. RéNé Dozcor : Le Port france de Hambourg, in /evue politique et parlementaire, 10 décembre 1902. * Revue générale des Sciences, 30 mars 1904, t. XV, p. 287. tant de questions vitales pour les Universités, aussi bien que pour les Ecoles techniques, que ce n'est pas en quelques lignes qu'elles peuvent être discutées dans leur ensemble. Je me bornerai à essayer de mettre au point ce qui intéresse l'enseignement de l'Ecole Cen-\ trale. 1 « L'enseignement scientifique général donné à l'Ecole Centrale ne paraît comparable que dans une certaines mesure à celui des Facultés. Îl n’a pas précisément pour objet, comme ce dernier, de faire connaître la Science pour elle-même, mais surtout de mettre les élèves à même de suivre l'enseignement technique. supérieur de l'Ecole, et plus tard la carrière indus= trielle, avec l'esprit scientifique et un bagage suffisant de connaissances générales. Le temps relativement court dont on dispose et le but spécial que l'on poursuit conduisent à donner aux élèves de l'Ecole Centrale un enseignement scientifique général qui leur soit parti=. culhièrement approprié. C'est ce qui est réalisé aujour- d'hui grâce aux savants éminents, professeurs pour lan plupart à l'Université de Paris, qui ont bien voulu sé charger des cours scientifiques généraux. La nécessité d'une adaptation spéciale, aux futurs ingénieurs, d l’enseignement supérieur des Sciences a été déjà mise. en lumière dans la lettre de M. Colson :; elle semble. reconnue, d'ailleurs, par M. Appell lui-même. N'est-il pas alors bien difficile de discerner l'avantage que les: élèves pourraient recueillir en suivant, à la Faculté des Sciences, plutôt qu'à l'Ecole Centrale, les mêmes leçons, données par les mêmes professeurs? « D'autre part, la première année d'études à l'Ecole Centrale n’est consacrée qu’en partie à l'enseignement scientifique général; c'est aussi une année d'enseis guement technique élémentaire. Les élèves de première année étudient les éléments d'Architecture, de Ma- chines, la Géométrie descriptive appliquée. Ils con= sacrent presque la moitié du temps passé à l'Ecole à l'étude pratique du dessin sous toutes ses formes * dessin architectural; dessin de machines: épures de cinématique, de stéréotomie, de charpente; croquis. d'atelier, etc. M. Appell propose que cette première année d’études soit faite dans les Facultés des Sciences; mais l'enseignement technique élémentaire que les élèves de première année suivent à l'Ecole Centrale n'a aucun rapport avec l'enseignement donné dans les Facultés. Dira-t-on qu'il suffit de le supprimer et den consacrer uniquement, à l’enseignement scientifique général, la première année d’études des futurs ingé= nieurs des Arts et Manufactures? Ce serait la désors al nisation complète de l’ensemble de l'enseignement» technique qu'ils recoivent à l'Ecole Centrale. ; « L'examen des conséquences qui ne pourraient pas manquer d'en résulter, comme la disparition de l'Ecole Centrale, conduirait à une discussion sur l'enseigne= ment technique proprement dit. Cette discussion semble sortir du cadre de la conférence du savant Doyen de la Faculté des Sciences. » Henri Monnory, Directeur des Etudes à l'Ecole Centrale La réorganisation de l'Ecole Normale Su- périeure. — Le Ministre de l'Instruction publique vient de nommer une Commission qui devra s'occuper de la réorganisation de l'Ecole Normale Supérieure, et particulièrement de régler les conditions d'entrée à cette Ecole. Cette Commission, présidée par M. Liard, vice-recteur de l’Académie de Paris, est composée de MM. Bloch, Gabriel Monod, Tannery, Frédéric Houssay, Lavisse, Bayet, Appell et Croizet. : M. 0 CONCOURS 1 Jbid., L. XV, p. 299. L ÉMILE BOREL — LES MATHÉMATIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE A31 LES EXERCICES PRATIQUES DE MATHÉMATIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONFÉRENCE FAITE LE 3 MARS Messieurs et chers collègues, C'est un exorde bien banal pour une conférence — puisqu'on à donné ce litre à nos modestes cau- series — que de dire : Aucune compétence parti- culière ne me désignait pour traiter ce sujet; beaucoup d’autres auraient été mieux qualifiés que moi pour le faire. Pourquoi done vous en êtes-vous chargé? telle est l'objection bien naturelle qui surgit chez l'auditeur. Je crois qu'il y a quelque intérêt à répondre à cette objection, non que j'aie le mauvais goût de vouloir vous entrelenir de questions personnelles, mais parce que les raisons pour lesquelles il m'a semblé que le personnel enseignant de l'École Normale ne pouvait pas rester à l'écart de ces conférences et de ces discussions me paraissent être d'un intérêt général et toucher à des questions actuelles et vitales. Le trait essentiel de la nouvelle organisation de l'École Normale et de l'agrégation est l'institution du stage scolaire. Dans des conditions dont le détail n’est pas encore réglé, nos élèves, sans interrompre complètement leurs études à l'École, seront mis, pendant quelques mois, sous la direc- tion de maîtres éprouvés de l’enseignement secon- daire*. Nous allons done, Messieurs, dans un avenir prochain, collaborer à la formation des nouveaux agrégés; n'est-il pas nécessaire que nous nous retrouvions de temps en temps pour causer de 4 Cette conférence faisait partie d'une série de conférences, suivies de discussions, sur l'enseignement des Sciences mathématiques et des Sciences physiques, organisées par M. Ch. V. Langlois, directeur du Musée pédagogique, sous le patronage de M. le Vice-Recteur de l'Académie de Paris. La discussion de cette conférence a eu lieu le 24 mars, sous la présidence de M. Jules Tannery; dans cette discussion, certains professeurs de l'enseignement secondaire, tout en approuvant les réformes suggérées dans la conférence, ont exprimé la crainte que leur réalisation ne rencontrat des difficultés de la part de l'Administration, ou ne parüt pas suffisamment conforme à la lettre des programmes. M. Jules Tannery a alors fait observer que, comme il avait été souvent répété dans les précédentes discussions, la lettre des programmes ne devait pas être regardée comme rigou- reusement imposée à tous les professeurs, et que ceux-ci pouvaient librement les interpréter et notamment modifier l'ordre des matières. Ceci est, par exemple, nécessaire, comme l'a fait remarquer M. André Durand, si l’on veut faire faire aux élèves les constructions du premier Livre de la Géométrie avant d'avoir terminé le second. 2 Rapport du Ministre de l'Instruction publique au Prési- dent de la République, Journal officiel du 10 novembre 1903. 1904 AU MUSÉE PÉDAGOGIQUE : cette collaboration; n'est-ce pas à cette condition seulement que l’organisation nouvelle pourra pro- duire tous les bons résultats qu'on est en droit d'en attendre? Voilà pourquoi je n'ai pas cru pouvoir répondre par un refus à l'invitation qui m'était adressée par le directeur du Musée pédagogique ; on ne saurait trop multiplier les occasions de montrer quel intérêt on porte, à l'École Normale, à toutes les questions d'enseignement. Cet intérêt a été contesté; on a même prélendu, dans certains journaux, que la réforme récente avait pour but de rendre pédagogique une École qui avait cessé de l'être. Ce n’est pas devant vous qu'il est nécessaire de faire justice de ces accusa- lions; je voudrais cependant, puisqu'aussi bien la réforme de l'École est assez étroitement liée avec l'instilution même de ces conférences pour qu'il ne soit pas déplacé d'en parler ici, en dire quelques mots. Je suis très heureux, en effet, d’avoir une occasion de chercher à dissiper quelques inquié- tudes qui, je le sais, existent au sujet de cette réforme chez certains d’entre vous. Bien entendu, je ne parlerai ici que de la Seclion des Sciences; c’est à elle seule que se rapporte tout ce que je vais dire. Je penserai même plus spécia- lement aux Mathématiques, comme il est naturel. À quoi donc se réduisent, pour nous, les réformes dont on a fait tant de bruit, au point que certains ont feint d'y voir la disparition de l'École ? Je n'ai pas à parler des modificalions adminis- tratives dans la situation du personnel enseignant : que M. X.. ait le titre de maitre de conférences à l'École Normale Supérieure où de chargé de cours à l'Université de Paris, déléqué à ? École Normale Supérieure de l'Université de Paris, je pense que son enseignement et ses rapports avec ses élèves n'en seront nullement modifiés. Quels sont donc les autres changements? Pour ma part j'en vois deux, pas davantage, d’ailleurs liés l'un à l’autre : l'augmentation du nombre des élèves et l'exlernat prévu pour certains d'entre eux. Le nombre des élèves que l’on recevra cette an- née à l'École n'est pas encore fixé; d'après les termes du décret, on peut penser quil pourrait être voisin de 25; nous avons connu, il n'y à pas très longtemps, des promotions de 20 élèves (la Section des Lettres a eu des promotions de 25 élèves); 132 ÉMILE BOREL — LES MATHÉMATIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE l'augmentation ne parait pas de nalure à modilier le caractère d'intimité qui est un des plus grands charmes de l'École”. On pourrait craindre que l'ins- titution des exlernes, en créant deux catégories d'élèves, ne délruise l'homogénéité des promo- tions ; c’est là une question qui a atliré très sérieu- sement l'attention de l'Administration, et le règle- ment du régime intérieur (non encore élaboré), relalif aux externes et aux internes, sera certaine- ment concu de manière à mélanger le plus possible tous les élèves, afin qu'ils ne cessent pas de cons- tituer un ensemble homogène. D'autre part, on peut remarquer, comme l'a fait M. Lanson”, qu'en réalité, même dans une promotion de 20 élèves, il se constitue plusieurs petits groupes de camarades plus intimement liés entre eux; ces groupes seront un peu plus nombreux dans le nouveau régime, voilà tout. L'enseignement de l'École sera-t-il modifié? De- puis très longtemps, nos élèves suivent de nom- breux cours à la Sorbonne; ils continueront. Quant aux conférences, elles seront toujours dominées par le double souci de la science et de l'enseigne- ment, que l'on ne sépare pas à l'École ; on s'y pro- pose comme idéal de former des savants qui sa- chent enseigner, et aussi des professeurs qui soient des hommes de science, c'est-à-dire qui connais- sent les méthodes de la science. Il n'a jamais été question de créer à l'École des emplois de professeur de Pédagogie; mais la péda- gogie pralique, la seule qui vaille quelque chose, continuera à être mèélée à l’enseignement de tous les professeurs. Souvent, au milieu d'un cours d'ordre élevé, on trouve à placer une remarque rela- tive à l’enseignement élémentaire et, inversement parfois, dans la critique d’une lecon d'agrégation, on a l'occasion d'ouvrir des horizons sur des par- ties très éloignées de la science. La seule éducation pédagogique qui ne pouvait pas être donnée à l'École, pour des raisons évi- dentes, c’est ce que l’on peut appeler l'éducation expérimentale, c'est-à-dire en présence de vrais élèves, d’une vraie classe. Qu'une telle éducation soit indispensable pour former de bons professeurs, c'est ce qu'il paraît difficile de soutenir ici, car, sans aller bien loin, nous trouverions d’excellents pro- fesseurs à qui elle a fait défaut. Mais que cette édu- cation puisse être utile pour fournir le nombre maximum de meilleurs professeurs, c’est ce qu'il paraît impossible de nier, à moins d’admeltre que l'expérience acquise n’est en aucune manière trans- missible, ce qui serait la négation de presque tout enseignement. 1 Le chiffre des élèves à admettre pour la Section des Sciences vient d'être fixé à 20 pour 1904. ? Jievue de Paris, décembre 1903. C'est dans l'institulion de cette éducation péda- gogique pratique que réside la vraie réforme de l'École; les conférences et discussions du Musée pédagogique peuvent être une excellente prépara= lion à cetle tâche nouvelle que nous allons avoir à accomplir ensemble; voilà pourquoi j'ai beaucoup tenu à y participer, malgré une hésitation bien naturelle à traiter des questions d'enseignement secondaire sans autre expérience personnelle de cet enseignement que celle qui peut résulter des examens auxquels j'ai pris part. À la réflexion, d’ailleurs, cette hésitation ne m'a pas paru justifiée; la conférence devant êlre suivie d’une discussion, les exagéralions révolutionnaires auxquelles pour- rait me conduire le manque d'expérience ne peuvent pas avoir d'inconvénient; vous saurez, quand il" sera nécessaire, me ramener au contact des réalités. J'entre maintenant dans mon sujet, que nous di- viserons, si vous le voulez bien, en deux parties, pour la clarlé de la discussion. Nous parlerons d’abord de ce que l’on peut tenter de faire sans rien changer aux programmes ni à l'organisation de l’enseigne- ment, de ce que l'on peut faire dès demain; nous rechercherons ensuile ce qui pourrait se faire si, au lieu de nous trouver en face de programmes, d'examens, de concours, de budgets déterminés, nous nous trouvions devant une table rase. Il est clair que cette seconde partie devra être surlout regardée comme l’occasion d'échanges de vues eb ne pourra guère avoir de sanctions pratiques immédiates. Les exercices pratiques de Mathématiques dans l'enseignement secondaire, tel qu'il est acluelle-" ment organisé, consistent à peu près exclusivement: 1° en calculs numériques ; 2° en dessin géométrique (dit aussi dessin graphique). Les calculs numériques sont fort peu estimés, en général, des élèves de l’enseignement secondaire; ils sont regardés par presque tous comme une cor- vée aussi ennuyeuse qu'inutile. Un élève dira très couramment : « J'ai très bien réussi mon problème;. mon raisonnement est juste; je me suis simple- ment trompé dans le calcul, à la fin; mais c’est une simple erreur de virgule; j'ai trouvé 34 fr. 50 au lieu de 345 francs. En somme, je suis très salis- fait! » On étonnerait beaucoup cet élève en lui de- mandant s'il serait aussi satisfait si ses parents, après lui avoir promis 345 francs pour s'acheter une bicyclette neuve, lui donnaient seulement 34 fr. 50. Il n’a, en effet, nullement l'idée que l’on puisse songer à établir un rapport quelconque entre les nombres qu'il manie dans ses problèmes et des ÉMILE BOREL — ES MATHÉMATIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE 4133 francs réels, servant vraiment à acheter des choses. Les nombres des problèmes ne sont pas pour de bon ; une erreur de virgule n’y a pas d'importance. C'est enfoncer une porte ouverte que d'insister sur les inconvénients et les dangers de cet élat d’es- prit. Mais, s'il est aussi répandu chez les élèves, l'éducation qu'ils reçoivent n'y est-elle pas pour une pari? et ne serait-il pas facile aux professeurs de le modifier, sans beaucoup de peines ni d’efforts, simplement en portant sur ce point toute l'attention qu'il mérite. Il ne s’agit pas là de réformes ni de changements profonds, mais simplement d'un en- semble de petits détails, sur lesquel je vous de- mande la permission de m'étendre un peu. Tout d'abord, il paraît nécessaire que, dans la correction des devoirs et des compositions, il soit tenu le plus grand compte des erreurs de caleul dans les applicalions numériques, même si le rai- sonnement est juste et l'élève intelligent. Sans doute, il peut être pénible de classer assez loin, pour une faute de calcul, un élève qu'on regarde comme l'un des plus intelligents de la classe; mais on ne doit pas hésiter à le faire, dans l'intérêt de cet élève même et aussi dans l'intérêt général de la classe. On peut même, sans paradoxe, soutenir que, plus un élève est capable de raisonner juste, plus une faute de calcul doit être regardée comme grave dans son devoir; car la confiance même qu'il a légitimement dans l'exactitude de ses raisonne- ments entraînera des inconvénients praliquement plus graves que si, se méfiant de lui-même, il n’uti- lisait son résultat pour un but réel qu'après l'avoir vérifié par une autre mélhode ou recouru aux lumières d’un conseiller plus habile. Dans le même ordre d'idées, tant que le Concours général subsistera et aura, par suite, une influence sur le travail de certains élèves et aussi sur l’en- seignement de cerlains professeurs, il sera utile d'y faire jouer un rôle au calcul numérique. Non pas, bien entendu, en instituant pour le calcul un con- cours séparé, pour lequel certains élèves se prépa- reraient spécialement; mais en mêlant les applica- tions numériques aux problèmes de Mathématiques et de Physique et en tenant grand compte de la manière dont elles sont traitées. J'en dirai autant pour les examens divers, et en particulier pour les baccalauréats. Si j'ai mentionné en premier lieu ces moyens, en quelque sorte extérieurs, de donner plus d’im- portance aux applicalions pratiques dans l'esprit des élèves, c'est d'abord parce qu'ils sont les plus faciles à employer et aussi parce que l’ascendant du professeur est assez grand sur la plupart des élèves pour que ceux-ci ne puissent attacher une valeur réelle à des exercices pour lesquels leur professeur paraît avoir quelque mépris. Mais je n'oublie pas que le but final de lout enseignement est de former des hommes libres, capables de juger par eux- mêmes, sans se fier à la parole du maitre; nous devons donc intéresser les élèves aux calculs numé- riques et leur en montrer l'importance par des arguments qu'ils soient capables d'apprécier. Ces arguments seront, cela va sans dire, presque tou- jours sous-entendus; ils ressortiront de l’enseigne- ment sans qu'il soit le plus souvent nécessaire de les formuler explicitement. Il est inutile d’insister sur l'importance qu'a le choix des énoncés; le lemps n'est plus où l'on donnait des problèmes numériques avec des don- nées tout à fait au hasard, sans s'inquiéter aucune- ment de la réalité. On à toujours soin, lorque les données sont concrètes, de les choisir, sinon tou- jours réelles, du moins possibles. D'ailleurs, les problèmes dans lesquels les données sont des nombres concrets deviennent de plus en plus nombreux; il est à souhaiter qu'ils le deviennent encore davantage, car une erreur sur un nombre abstrait apparaîtra toujours comme moins impor- tante qu'une erreur sur une grandeur concrète, erreur que l’on peut faire tomber sous le sens. À ce point de vue, il est très utile d'établir le plus de points de contact possible entre les calculs numé- riques et les autres exercices pratiques de Mathé- matiques; nous reviendrons sur cette question tout à l'heure, à propos des diverses formes d’exer- cices pratiques; il semble que ce soit là l'un des meilleurs moyens d'intéresser les élèves au calcul numérique, en leur faisant, pour ainsi dire, toucher du doigt les résullats. De même, les calculs numériques sont évidemment le complé- ment nécessaire de nombreuses expériences de Physique et même de certaines expériences de Chimie. Mais les calculs les plus susceptibles d'intéresser les élèves sont peut-être ceux qui se rapportent à des faits concrets qui leur sont familiers dans la vie journalière; si l’on demande au possesseur d'une bicyclelte combien il lui faut de coups de pédale pour franchir un kilomètre, il y à peu de chances pour qu'il fasse une erreur dans la place de la virgule; un peu de réflexion l’en préservera. ILest bon d'ailleurs, dans tous les cas où cela est possible, d'habituer l'élève à trouver, par une vision directe des choses et un calcul mental rapide, une valeur très grossièrement approchée de la solution. Dès lors, ayant une idée de ce que l'on appelle parfois l’ordre de grandeur du résultat, il ne sera pas exposé à une erreur de décimales dans le calcul définitif”. { À ce sujet, M. Jules Tannery me raconte que Bertin prétendait ne se préoccuper jamais des règles pour placer la 434 Pour ce calcul définitif lui-même, il ne paraît pas nécessaire d'exiger une trop grande précision; il peut même y avoir à cela de grands inconvé- nients. D'abord la longueur des calculs rebute vite les commencçants ; il vaut mieux exiger des calculs plus nombreux et, dans chacun d'eux, moins de décimales. De plus, dans beaucoup de questions, il est tout à fait absurde de calculer trop de déci- males, à cause de l’imprécision nécessaire des données et aussi de la nature du résultat. Les élèves comprendront vite ces remarques, si on les leur fait sur des exemples concrets immédiate- ment accessibles; c'est par des expériences répétées qu'ils se rendront le mieux compte du nombre de décimales à conserver dans chaque calcul. Il serait, en effet, tout à fait hors de propos d'exposer à de jeunes élèves une théorie complète et systématique des erreurs. Quand on y regarde de près, on constate qu'une théorie rigoureuse des erreurs doit être fondée sur le théorème dit des accroissements finis, qu'on le mette en évidence ou qu'on le dissimule; de sorte qu'il faudrait commencer par exposer ce théorème avant de faire faire aucun calcul approché, si l'on voulait être absolument logique. C’est un exemple, entre beau- coup, des conséquences absurdes auxquelles con- duit le désir d’une logique trop absolue. On doit donc initier peu à peu les élèves aux procédés les plus simples de calcul approché, mais d'une manière purement expérimentale; on leur fera calculer, par exemple, le développement de 99 4 leur bicyclette en prenant successivement rx ——, — mo 4 in — 0,141 x 9314416 7 — 212199) 7 — 3,141592, et on leur fera comparer les divers résultats obtenus avec celui que donne une mesure directe; on leur fera, de même, rechercher expéri- mentalement l'erreur introduite dans le résultat par une erreur de mesure de un centimètre dans le diamètre de la roue, par une erreur de un milli- mètre, etc. Les conclusions s’imposeront d'elles- mêmes. De plus, il ne parait y avoir que des avantages à simplifier le plus possible la tâche matérielle de l'élève dans les calculs, par l'emploi de moyens auxiliaires. On l’engagera le plus tôt possible à utiliser les ressources des logarithmes; on pourra aussi lui apprendre l'usage de la règle à calcul et même, si on peut lui en procurer de pratiques, l’autoriser à se servir de tables de racines carrées virgule; il la mettait à l'œil d'après la signification du résultat. Il ne semble pas que la règle de Bertin puisse être recommandée sans danger à tout le monde; elle condui- rail peut-être cependant, dans l'ensemble, à moins d'erreurs. Mais ce qu'il faut faire, c'est lemployer concurremment avec les règles ordinaires. ÉMILE BOREL — LES MATHÉMATIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE et de racines cubiques, de tables de sinus natu- rels, ete. Il existe, en Allemagne, des recueils de tables numériques variées et simples, à l'usage des élèves de l'enseignement secondaire. Je ne discu- terai pas les avantages relatifs de ces divers pro- cédés ; par exemple, on peut préférer l'emploi des logarithmes à quatre décimales à l'emploi de la règle à calcul, ou inversement; l'essentiel est que la tâche du calculateur soit simplifiée le plus pos- sible, afin qu'arrivant sans beaucoup de peine au résultat, le plaisir d’être arrivé ne soit pas gàté par les ennuis d’une trop longue route. Je bornerai là les remarques générales que je voulais vous soumettre sur les calculs numériques; malgré leur simplicité et parfois leur évidence, j'y ai insisté, car c’est là l'exercice pratique mathéma- tique essentiel; nous le retrouverons, d’ailleurs, mêlé à tous les autres. A regarder les apparences, le dessin géométrique occupe une place assez importante dans notre enseignement secondaire. Il figure, avec des coeffi- cients très honorables, aux programmes de presque toutes les écoles; il est enseigné dans de nom- breuses classes, el des prix spéciaux lui sont réservés. Alors qu'il dépend du professeur de né- gliger presque absolument les calculs numériques s'il le juge convenable, nous nous trouvons ici en présence d'exercices pratiques ayant une organisa- tion propre, avecunnombre d'heures bien déterminé par les programmes. Pour ne citer qu'un exemple, en seconde C, nous voyons figurer deux heures de dessin graphique à côté de trois heures de français et de deux heures de langues vivantes; il semble dif- ficile de se plaindre et de réclamer qu'on augmente encore l'importance relative de cet enseignement, Aussi n'est-ce pas une augmentation du nombre d'heures, mais une meilleure utilisation de ces heures, qui paraît désirable. Un premier défaut, je dirai même un vice capital de l’organisation actuelle, c'est la séparation sou- vent absolue entre l'enseignement du dessin géo- métrique et l’enseignement de la Géométrie. Cette séparation est, d’ailleurs, d'autant plus grande, en général, que l'établissement d'instruction est plus important; à ce point de vue, les grands lycées de Paris sont très inférieurs à la plupart des modestes collèges, où l’on est souvent obligé de confier au professeur de Mathématiques l’enseignement du dessin géométrique. Il y a ainsi tout au moins union personnelle entre ces deux royaumes ; mais, si cette union personnelle est préférable à la séparation complète, elle est cependant insuffisante quand elle n'est pas en même temps union réelle. L’ensei- gnement de la Géométrie et celui du dessin géo- métrique ne doivent pas constituer deux ensei- ÉMILE BOREL — LES MATHÉMATIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE gnements dislincls, pas plus que le cours de Physique et les manipulations. Si je me permets d'insister sur les inconvénients du système actuel, c'est que j'ai eu l'occasion de voir de près, tout récemment, les conséquences absurdes auxquelles il conduit. Je pourrais citer une classe de Mathématiques élémentaires où les élèves ont dû faire, pour leur professeur de dessin géométrique, des constructions de coniques, de tangentes aux coniques, etc., plusieurs mois avant que l'on ait pu parler des coniques dans le cours de Géométrie; ces constructions étaient faites d'après les explications données par le professeur de dessin, explications purement graphiques, sans aucune justification théorique. On voudrait croire que cet exemple est isolé ; mais il est une trop na- turelle conséquence de l'organisation actuelle pour qu'on puisse l'espérer. Faut-il bouleverser complèlement cette organi- sation? Ce n'est, sans doule, pas possible; ajoutons que cela ne paraît pas désirable. Tous les profes- seurs de Mathématiques n’ont pas le goût, ni même peut-être la compétence, d'enseigner ce qu'on peut appeler la partie technique du dessin géométrique ; il n’y a pas d’inconvénients, surtout dans les classes élevées, à confier cet enseignement, soil à un spé- cialiste, soit à celui des professeurs de Mathéma- tiques du lycée qui s’y intéresse le plus. Seulement on devrait admettre, comme un principe essentiel, que la haute direction de cet enseignement appar- tient, pour chaque classe, au professeur qui en- seigne la Géométrie dans cette classe; de même que, dans tout enseignement de Physique ou de Chimie où le professeur ne dirige pas lui-même les manipulations, c'est d’après ses instructions qu'on doit les organiser ; il paraîtrait absurde de les confier à un préparateur qui ferait faire des expé- riences d'électricité pendant que les élèves sui- vraient un cours d'optique. C'est cependant ce qui se fait en Géométrie. Une question liée à la précédente est celle de la sanction à donner aux exercices pratiques. Dans le système acluel, ils sont jugés presque exclusive- ment au point de vue de la pureté et de la régularité du trait ; comme conséquence assez naturelle, il y a un prix spécial de dessin graphique, tout à fait indépendant du prix de Géométrie. Pour des raisons déjà dites à propos des calculs numériques, ce système n’est pas bon; on aperçoit, d’ailleurs, plu- sieurs moyens de le modifier ; indiquons-en quel- ques-uns, sans avoir la prétention de soumettre tous les élèves, quel que soit leur äge et le but qu'ils poursuivent, à un régime uniforme. On peut cependant énoncer un principe général, sur lequel, je pense, nous tomberons d'accord : on doit tenir très grand compte, dans l'appréciation 435 du dessin géométrique, de ce que l’on peut appeler son exécution technique; il y aurait, à négliger ce point, de graves inconvénients, sur lesquels il est inutile d'insister. Mais cette exécution technique comporte deux qualités; d’une part, l'aspect exté- rieur du dessin, pour celui qui y voit simplement des lignes qui s’entrecroisent ; d'autre part, l’exac- titude et la précision des constructions. Ces deux qualités sont, d’ailleurs, très étroitement liées l'une à l’autre; c'est par le soin apporté au tracé des lignes qu'on arrive à la précision, et, inverse- ment, si le dessin n’est pas précis, si trois lignes qui devraient concourir ne concourent pas exacte- ment, son aspect extérieur en souffre. Certains correcteurs paraissent avoir une tendance regret- table à ne pas tenir compte du défaut de précision, lorsque l'aspect extérieur n'en souffre pas; il semble qu'il y ait là une interversion fâcheuse ; les soins matériels d'exécution n'ont pas d'intérêt en eux-mêmes ; ils ne sont pas une fin en soi; s'ils sont indispensables, c’est uniquement parce qu'ils sont la condition nécessaire de la précision des constructions ; c’est à cette précision que l’on doit tenir par dessus tout. Ce point acquis, on peut concevoir, comme je l'ai dit tout à l'heure, bien des moyens de mêler plus intimement, dans les compositions et l’obten- tion des prix, le dessin géométrique à la Géométrie. On pourrait incorporer dans chaque composition de géométrie une construction graphique à exé- cuter avec soin, et tenir sérieusement compte de cette partie de la composition dans son appré- ciation totale. On pourrait aussi noter chaque dessin géométrique à un triple point de vue : aspect extérieur, précision et exactitude des constructions employées, ces notes étant combinées suivant une loi à déterminer. Mais je n'insiste pas sur ces détails d'exécution, ne tenant nullement aux solutions par- ticulières que j'indique, pourvu que la barrière qui sépare le dessin géométrique de la Géométrie disparaisse Le plus vite possible. C'est surtout dans l’enseignement des éléments de la Géométrie que le dessin peut rendre de grands services. On devine sans peine que je ne demande pas qu'on ajoute quelques heures de dessin gra- phique aux programmes des classes de la sixième à la troisième. Mais, dans les heures consacrées à la Géométrie, on peut apprendre aux élèves à se servir d'un compas, d’une équerre, d’un tire-ligne, et, comme devoirs de Mathématiques, leur donner de temps en temps des dessins géométriques, de même que, comme devoirs de Géographie, on leur donne des cartes. Les exercices pratiques pour- raient être très utilement mêlés de calculs numé- riques; le théorème de Pythagore, les polygones réguliers, etce., fournissent de nombreux exemples 436 ÉMILE BOREL — LES MATHÉMATIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE dans lesquels on peut exiger de l'élève la cons- truction géométrique d'une longueur, en même temps que son calcul numérique, les deux procédés se vérifiant l'un par l’autre. Les théorèmes sur les aires et les volumes seront, cela va sans dire, l’occa- sion d'une revision du système métrique. De même que pour le calculnumérique,onutilisera les moyens auxiliaires, lels que l’emploi du papier quadrillé, de nature à simplifier la tâche de l'élève. Plus tard, quand il saura résoudre des triangles, - il prendra l'habitude d'accompagner chaque réso- lution de triangles d'une construction graphique qui lui permeltra de contrôler approximativement le résullat de ses calculs et d'éviter, par suite, cer- taines erreurs absolument grossières, qui ne sont malheureusement pas rares. Cet emploi systématique de constructions gra- phiques dans l’enseignement de la Géométrie élé- mentaire aurait, d'ailleurs, bien d’autres avantages: il permettrait de transformer, en la simplifiant beaucoup, l'exposition des éléments de la Géo- métrie. Par exemple, la plupart des élèves com- prennent très difficilement ce que signifient au juste les théorèmes sur les cas d'égalité des triangles. On leur dit que, pour que deux triangles soient égaux, il suffit que l’on sache que leurs côlés sont égaux; et on leur dit aussi que deux triangles égaux ont tous leurs éléments égaux. Il y a là une petile subtilité très rarement comprise, je l'ai bien des fois constaté aux examens du baccalauréat. Si on leur disait ce que nous savons tous : ce théorème signifie qu'avec trois côlés donnés, on ne peut pas construire deux triangles différents, on serait, je crois, bien mieux compris, car le cas d'égalité aurait une base concrète : les constructions faites par l'élève. Bien des questions de Géométrie appel- leraient des remarques analogues. Mais ce serait m'écarler de mon sujet que d'in- sister sur ces questions, qui exigeraient une étude longue et approfondie; je me contente de vous rap- peler les remarques que nous faisait iei M. Henri Poincaré sur le pantographe et sur l'utilité qu'il peut avoir pour faire comprendre les notions d'ho- mothétie et de Similitude. En résumé, nos conclusions sont les suivantes, en ce qui concerne le dessin géométrique : éfablir une union inlime entre cel enseignement et celui de la Géométrie; ne pas le séparer non plus des calculs numériques. En dehors du calcul numérique et du dessin géo- métrique, nous ne trouvons actuellement presque rien en fait d'exercices pratiques de Mathéma- tiques; en tout cas, rien de systématiquement organisé. Réservant pour l'instant la question d'une organisation générale et systématique, on peut signaler bien des moyens qui pourraient être employés pour introduire plus de vie et de sens du réel dans notre enseignement mathéma- tique; il y a des essais à faire, pas tous en même temps au même endroit, mais ici ou là, suivant les circonstances, les disposilions des élèves, les res- sources locales, les goûts du professeur. Par exemple, on peut demander à chaque élève d'apporter dans sa poche un mètre en ruban; lui faire mesurer les deux côtés d'un rectangle (du tableau noir, d’une table, etc.), et lui faire calculer la diagonale, puis vérifier le résultat. On peut, de même, faire calculer expérimentalement le rapport de la circonférence au diamètre, le volume d'un vase de forme simple, etc. On habiluera aussi les élèves à évaluer les longueurs et les angles à vue d'œil. Tous ces exercices contribueront à donner la notion plus exacte de l'importance qu'il faut atta- cher aux dernières décimales dans un calcul numé- rique, et à montrer combien il est absurde de re- chercher dans le résultat une exactitude dépassant celle des données expérimentales. Dans des classes plus élevées, il sera souvent possible de faire faire aux élèves de vraies opéra- tions d’arpentage sur le terrain, avec des appareils simples, et le plus possible de vérificalions par des calculs numériques. Dans l’enseignement de la Cosmographie, it y aura, bien entendu, avantage à montrer le plus possible le ciel aux élèves en leur apprenant à le voir. Même à l'œil nu, on peut faire bien des obser- vations; dans certains cas, on trouvera l’occasion de se servir d’une montre à secondes; parfois, on disposera d’une pelite lunette. I] vaudra toujours mieux faire des observations simples el nom- breuses que des observations précises, mais rares. L'évaluation approchée des angles à vue d'œil pourra leur être utile; ils devront savoir quel est le diamètre apparent du Soleil et de la Lune, ete. L'organisation de ces exercices pratiques d'ar- pentage et de Cosmographie se heurtera quelque- fois à des difficullés administralives. Il faut du beau temps pour l’arpentage, du soleil dans cer- lains cas pour la Cosmographie, une nuit étoilée dans une autre occasion, etc. Or, les nuages n'ont pas des mœurs très administratives; ils ne se prè- teront pas toujours à l'horaire des classes, dont la belle ordonnance fait l’orgueil de l'antichambre de M. le Proviseur. Il pourra être ulile de déplacer une classe de latin pour observer une éclipse, ou de retarder l'heure du coucher pour voir une oceul- tation d'éloile par la Lune. Tout cela sera très simple, avec de la bonne volonté, si la convielion s'affirme partout que ce sont là des choses sérieuses et non des amusements. En Mécanique aussi, on peut faire bien des ÉMILE BOREL — LES MATHÉMATIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE 437 choses sans ressources spéciales : il est aisé de montrer aux élèves Jes transmissions de mouve- ment sur une bicycletle à chaine, parfois aussi sur une acalène; une vis, un écrou, voire un vulgaire tire-bouchon se trouvent partout. Certains tire- bouchons perfeclionnés donnent d'excellents exemples de transmissions de mouvements. Si un élève s'intéresse à la photographie et possède un appareil, on pourra d'abord déterminer cinémati- quement la durée du temps de pose dans des con- ditions déterminées et s’en servir ensuite pour me- surer des vitesses; même si l'on n'obtient ainsi que des résultats très grossiers, du moment que la mé- thode aura été comprise, on n'aura pas perdu le temps consacré à ces expériences. Signalons aussi la possibilité de visiter des ateliers, des usines, etc. Je me borne à ces quelques exemples, qu’on pour- rail évidemment multiplier; en résumé, on doit rechercher toutes les occasions de faire mesurer à nos élèves des grandeurs concrètes : longueurs, temps, angles, vilesses, elc., de manière qu'ils appliquent le calcul à des réalités et se rendent compte par eux-mêmes que les Mathématiques ne sont pas une pure abstraction. IT Mais pour amener, non seulement les élèves, mais aussi les professeurs, mais surtout l'esprit publie à une notion plus exacte de ce que sont les Mathémaliques et du rôle qu'elles jouent réelle- ment dans la vie moderne, il sera nécessaire de faire plus et de créer de vrais laboratoires de Ma- thématiques. Je crois que cette question est très importante et doit être étudiée tout à fait sérieuse- ment; nous pourrions, si vous le voulez bien, com- mencer ensemble celte étude, tout en nous atlen- dant à ce qu'elle n’ait guère de sanclions pratiques immédiates. Nous savons, en effet, combien l’'Admi- nistration manque d'argent pour des besoins encore plus urgents, combien les laboratoires de Physique et de Chimie sont pauvres; il y a là des nécessités devant lesquelles nous sommes prêts à nous ineliner avec patience — pendant quelque temps du moins. Durant celte période d'attente, nous pourrons peut-être, grâce à des initiatives privées ou des cir- conslances locales exceptionnellement favorables, tenter quelques essais d'organisation de labora- toires de Mathématiques, essais précieux par les enseignements que nous en relirerons. Il est, en effet, nécessaire d'arriver, non pas à multiplier les points de contact entre les Mathématiques et la vie moderne (ces points de contact sont innombrables et se multiplient chaque jour d'eux-mêmes), mais à mettre ces points de contact en évidence pour tous; c'est le seul moyen d'empêcher que les Mathéma- tiques soient un jour supprimées comme inutiles par voie d'économie budgétaire; celte économie coûterait vite très cher à la nation qui la ferait; mais, pendant quelques dizaines d’années, les choses continueraient à marcher tout de même, par rouline, et il serait ensuite très long et très difficile de regagner le lerrain perdu. Quelle conceplion pouvons-nous donc avoir d’un laboratoire de Mathématiques? Tout d'abord, il ne doit pas coûter cher; les appareils coûteux et en- combrants n’y sont pas à leur place. Sans doute, si l'on peut, sans aucun frais, montrer à des élèves un théodolite de précision ou une lunette astrono- mique d'observatoire, il n'y à pas d'inconvénient à le faire. Mais il ne faut pas s’exagérer le profit qu'ils en retireront; il leur sera autrement utile d'avoir entre les mains des appareils plus simples, dont ils puissent se servir seuls, sans crainte de les abimer. De même, les modèles de Géométrie plus ou moins compliqués, comme on en vend surtout en Alle- magne, comme on en voit au Conservatoire des Arts-et-Métiers, ne doivent pas être détruits quand on les possède, car ils peuvent rendre quelques services; mais des modèles simples, construits par les élèves eux-mêmes, avec du bois, du carton, du fil, de la ficelle, etc., les instruiront bien davan- tage. Toutes ces constructions doivent être d’ail- leurs l'occasion de calculs numériques, très sim- ples, avec très peu de décimales, mais dont l'erreur finale ne dépasse pas les erreurs de mesure. On a déjà deviné quel pourrait êlre, à mon sens, l'idéal du laboratoire de Mathématiques : ce serait, par exemple, un atelier de menuiserie; le prépara- teur serait un ouvrier menuisier qui, dans les pe- tits établissements, viendrait seulement quelques heures par semaine, tandis que, dans les grands lycées, il serait présent presque constamment. Sous la haute direction du professeur de Mathématiques, et suivant ses instructions, les élèves, aidés et con- seillés par l’ouvrier préparateur, lravailleraient par petits groupes à la confection de modèles et d'ap- pareils simples. Si l'on possédait un tour, ils pour- raient construire des surfaces de révolution; avec des poulies et des ficelles, ils feraient les expé- riences de Mécanique que nous décrivait M. Henri Poincaré, vérifieraient d'une manière concrète le parallélogramme des forces, etc. Il y aurait dans un coin une balance d'épicier; de l'eau et quelques récipients permettraient, par exemple, de faire faire aux élèves, sur des données concrètes, les problèmes classiques sur les bassins que l'on remplit à l’aide d'un robinet et que l’on vide en même temps à l'aide d’un autre robinet, etc. Mais je ne peux pas ici tracer le programme compiel de ce qui pourrait se faire; je préfère 438 chercher à répondre à quelques objeclions que peut soulever le principe mème de l'institution des laboratoires de Mathématiques. Il y a Lout d'abord une question de rivalité pro- fessionnelle, si l’on peut dire, entre les Mathéma- tiques el la Physique, sur laquelle je voudrais m'expliquer en toute liberté. Les physiciens ne vont-ils pas trouver que nous empiétons sur leur domaine ? ne sont-ils pas les seuls à avoir le droit de se servir d'une balance ou de posséder une machine d'Alwoud? devrons-nous engager avec eux une lulte rappelant les interminables procès entre corporations dont nous parlent les historiens des siècles passés ? Il peut paraitre superflu de soulever ces ques- lions, auxquelles la réponse est trop évidente; j'ai cependant entendu parler de discussions analogues qui se sont élevées entre les professeurs d'une même Faculté des Sciences (il ne s'agit pas de celle de Paris) ; je vois aussi, dans les programmes même, des traces de celte tendance aux luttes cor- poratives. Les éléments de la Mécanique sont en- seignés deux fois aux élèves des sections C et D: d’abord, en seconde, par le professeur de Physique; ensuite, en première, par le professeur de Mathé- matiques. Chacun d’eux peut ignorer l'existence de son collègue ; aucun accord n'est prévu entre eux. Et j'entends d'ici un dialogue entre deux intransi- geants des deux partis : « Je suis bien obligé d’en- seigner la Mécanique vraie à mes élèves, dit le physicien; pour mon collègue de Mathématiques, elle n’est qu'un prétexte à développer des formules algébriques et à enseigner la théorie géométrique des vecteurs. -— Il faut bien que je revienne sur l'enseignement de Mécanique donné par mon col- lègue de Physique, répond le mathématicien; il n’a aucun souci de la rigueur des raisonnements et se borne, d’ailleurs, aux quelques notions qui lui sont indispensables ». Heureusement les intransigeants sont rares ; en fait, il y a de plus en plus accord entre mathéma- ticiens et physiciens pour enseigner de la même manière les mêmes choses; il est à souhaiter que cet accord devienne encore plus grand. Il serait désirable que les élèves sachent que le frottement existe, comprennent pourquoi on peut placer une échelle contre un mur vertical, etc. Si la création de laboratoires en partie communs, se prêtant des appareils, utilisant même, dans un petit établissement, les mêmes outils, pouvait avoir pour résultat de rapprocher les physiciens et les mathématiciens, ce serait déjà une raison suffisante pour les créer. Je crois que les physiciens s'accor- deront assez généralement pour céder aux mathé- maticiens l’enseignement des éléments de la Méca- nique, mais à une condition évidente : c'est que ÉMILE BOREL — LES MATHÉMATIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE ces éléments seront enseignés d'une manière expé- rimentale et non pas purement abstraite. Les éti- quettes ont, d’ailleurs, peu d'importance et si, dans tel établissement, le laboratoire de Mathématiques n'est qu'un coin du laboratoire de Physique ; si c'est le professeur de Physique qui y dirige les exercices pratiques de Mécanique et mème de Géo- métrie, de Cosmographie et d'Arpentage, nous n’y verrons aucun inconvénient. Les organisations les plus souples sont les meilleures et l’on ne saurait trop multiplier les occasions de mettre en évidence l'unité de la science. Évidemment, il est inévitable qu'il se produise parfois des difficultés person- nelles, des heurts, des rivalités ; il peut s'en pro- duire partout où se trouve plus d’un èlre humain; nous ne prétendons pas réformer la nature humaine. Mais, avec la bonne volonté qui existe dans notre corps enseignant, bonne volonté à laquelle tous rendent hommage, avec la largeur d'esprit et la hauteur d'idées qui y règnent, on peut être con- vaincu que ces difficultés seront lrès rares, aussi peu nombreuses que celles qui pourraient surgir actuellement entre plusieurs professeurs de Phy- sique usant d'un même laboratoire. Une objection plus grave en apparence est la suivante : N’allez-vous pas, me dira-t-on, trans- former nos lycées et collèges en autant d'Ecoles primaires supérieures ou d’'Ecoles d’Arts et Mé- tiers. L'enseignement secondaire doit-il faire double emploi avec l'enseignement primaire su- périeur ? Tout d’abord, je ne ferai aucune difficulté pour reconnaitre que, sur plusieurs points, l'enseigne- ment secondaire ne pourrait que gagner de res- sembler davantage à l’enseignement primaire. On constate trop souvent aux examens du baccalau- réat, et même aux examens d'entrée aux grandes Écoles, des ignorances scandaleuses, notamment sur le système métrique, qui ne seraient pas tolé- rées au moindre examen primaire. L'enseignement primaire forme d'excellents esprits, et le jour où une législation plus démocra- tique leur ouvrirait loutes grandes les portes de l’enseignement supérieur, ils y feraient une con- currence redoutable aux élèves de l’enseignement secondaire. Mais je n’ai pas à traiter ici des rap- ports entre nos trois ordres d'enseignement, ni de la conception plus libérale qu'il faudrait se faire de leurs relations mutuelles. Je me place en face des faits actuels et je précise la question : Il existe en France un enseignement secondaire qui, malgré certaines imperfections, a incontestablement une grande valeur éducalive; ne risque-t-on pas de dimi- nuer cette valeur éducative en y rendant plus pra- tique et moins théorique l’enseignement des Mathé- matiques ? Avant de répondre à cette question, je ÉMILE BOREL — LES MATHÉMATIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE voudrais dissiper un malentendu possible: j’ai parlé de ce que, à mon sens, il y avait à faire au point de vue desexercices praliques de Mathématiques, mais je n'ai pas dit qu'il fallait supprimer l’enseigne- ment théorique des Mathématiques ; je pense, au contraire, qu'on peut le conserver {el qu’il existe (à peu de chose près); mais cet enseignement théo- rique ne sera que mieux compris s'il est accom- pagné d'exercices pratiques, tels que nous avons essayé de les définir, S'agit-il donc d'une augmentation du nombre d'heures consacrées aux Mathématiques ? Nulle- ment; on gagnera largement le temps consacré aux exercices praliques, car les élèves compren- dront plus vite la théorie. Tout au plus, si l’on se décide à créer un véritable enseignement du tra- vail manuel, faudra-t-il y consacrer quelques heures supplémentaires ; mais ce ne seront pas des heures de travail pour le cerveau ; le maniement de la lime ou du rabot pourrait remplacer certains exercices de gymnastique. Cela élant bien entendu, il semble que la valeur éducative de l’enseignement mathématique ne pourra qu'être augmentée si la théorie y est, le plus souvent possible, mêlée à la pratique. L'élève com- prendra qu'il est sans doute excellent de bien rai- sonner, mais qu'un raisonnement juste ne conduit à des résullats exacts que si le point de départ est lui-même exact; qu'il faut, par suite, ne pas croire aveuglément à tout raisonnement, à toute dé- monstration d'apparence scientifique, mais se dire toujours que la conclusion n’a de valeur qu'aulant que les données ont été scrupuleusement vérifiées par l'expérience. C'est la meilleure éducation que nous pouvons souhaiter donner à nos élèves. Quand ils auront bien compris à la fois la puissance indé- finie du raisonnement abstrait et son incapacilé absolue à créer de toutes pièces une vérité pratique, ils seront mieux armés pour la vie. Cette orientation nouvelle de l’enseignement des Mathématiques dans nos lycées et collèges, dont nous venons d’esquisser les grandes lignes, exer- cerait la plus heureuse influence sur les idées phi- losophiques de la classe instruite, idées qui diri- gent en réalité l’évolution du pays. On va trouver peut-être que j'exagère vraiment trop l'importance de mon sujet et qu'il est absolument dispropor- tionné de vouloir faire dépendre la vie d'une nation d'un calcul numérique ou d’un dessin au trait. Je voudrais ne pas donner lieu au reproche d'exagé- ration ; cependant, s’il est vrai que c’est le rayon- nement de la pensée grecque qui a assuré la pré- dominance de notre race sur le Globe et si, aux débuts de ce développement de la Grèce, une in- fluence prédominante a été exercée par les philo- 139 sophes géomètres, depuis Thalès de Milet jusqu'à Platon, on pensera sans doute qu'on ne saurait exagérer l'importance de la valeur des Mathéma- tiques dans l'éducation de l'humanité *. Mais, si les Grecs ont élé nos premiers éduca- leurs, si nous leur devons une reconnaissance éternelle pour avoir, les premiers, proclamé les droits de la raison humaine et compris que le monde n’est pas gouverné par les Dieux ni par le hasard, nous savons aussi qu'ils ne se sont pas toujours exactement rendu compte des limites im- posées à la raison par l'expérience, au possible par le réel. Dans le premier essor de son affranchis- sement, la raison a cru pouvoir, à elle seule, cons- truire à priori le Monde, et de là sont nés les sys- tèmes idéalistes où des esprits supérieurs, depuis Platon jusqu'à Hegel, ont montré à quelles aberra- tions peut aboutir l'intelligence humaine lorsqu'elle veut planer au-dessus et en dehors des réalités”. On reproche, d’ailleurs, souvent aux mathéma- ticiens ces tendances idéalistes; c'est une opinion très courante (ce qui ne veut pas dire qu'elle soit toujours justifiée) que les ingénieurs trop forts en Mathématiques s'absorbent dans la théorie aux dé- pens de la pratique; d'autre part, il ÿ a certaine- ment, parmi les mathématiciens, une plus grande proportion de mystiques que parmi les naturalistes, par exemple. Ne doit-on pas chercher la cause de tous ces faits dans la séparation trop grande entre la théorie et la pratique ; le mathématicien qui s’absorbe dans son rêve est un peu dans la situation de l'élève pour qui les francs des problèmes ne sont pas des francs réels, servant à acheter des objets; il vit dans un monde à part, construction de son esprit, en ayant le sentiment que ce monde n'a souvent aucun rapport avec le monde réel. Il se produit alors le plus souvent l’une des deux éventualités suivantes : ou bien le mathématicien construit à priori un monde réel, adéquat à son monde d'idées; il aboutit alors à un système méta- physique ne reposant sur rien; ou bien il établit une démarcation absolue entre sa vie théorique et sa vie pratique, et sa science ne lui sert de rien pour comprendre le monde; il accepte, sans pres- 1 Voir le très intéressant livre de M. Gaston Milhaud : Les philosophes géomètres de la Grèce. Platon et ses prédé- cesseurs. Paris, Alcan, 1900. ? Puisque j'ai été amené à parler des Grecs, je demande la permission d'ouvrir une parenthèse. Depuis qu'il existe des Français, il n'est guère arrivé qu'un français ait appris le grec sans avoir appris d'abord le latin; on sait pour quelles raisons historiques. Est-il nécessaire qu'il en soit toujours ainsi; et ne pourrait-on examiner sérieusement, sans arrière-pensée traditionnelle, s'il ne serait pas possible de regarder ces deux langues mortes comme équivalentes; dans notre enseignement, comme le sont l'anglais et l’alle- mand. En d'autres termes, ne pourrait-il pas y avoir des sections grec-sciences ou grec-langues vivantes? 440 E. CHARON — COMPOSÉS NON SATURÉS ET RADICAUX NÉGATIFS que y réfléchir, les croyances du milieu dans lequel il vit. Nous venons de parler des mathémaliciens ; l'éducation mathématique actuellement donnée dans les lycées a certainement une influence ana- logue sur les esprits qui ne poussent pas leurs études scientifiques plus loin que le baccalauréat : ou bien cette éducation mathémalique ne réagit pas sur l'idée qu'ils se font du monde (et c’est sans doute le cas le plus fréquent), ou bien elle a une influence que nous serons d'accord, je pense, pour regarder comme fàcheuse: elle leur donne une tendance à trancher les questions par des raison- nements à priori, composés le plus souvent de mots vides de sens ou tout au moins mal définis : telle la fameuse preuve dite ontologique de l’exis- tence de Dieu. Au contraire, une éducation mathématique à la fois théorique et pralique, comme nous avons cherché à la concevoir, peut exercer la plus heu- reuse influence sur la formation de l'esprit. Nous pouvons espérer ainsi former des hommes ayant foi dans la raison, et sachant qu'il ne faut pas chercher à biaiser en face d’un raisonnement juste : on n'a qu'à s'incliner. Ils auront aperçu, sur des exemples multiples, le déterminisme des phéno- mènes naturels et seront préparés à comprendre la notion de loi physique.Mais, en même temps, ils se défieront de tout raisonnement en l'air, sans bases dans le réel, porlant sur des mots mal définis, de tout calcul effectué sur des nombres abstraits dont la signification concrète n’est pas précisée ; ils cher- cheront toujours à voir l'objet tangible derrière le symbole. En un mot, nous contribuerons à former des hommes libres, dont la raison ne s'incline que devant le fait; nous ferons tout au moins tous nos efforts pour nous rapprocher le plus possible de cet idéal. Emile Borel, Maitre de Conférences à l'Ecole Normale Supérieure. COMPOSÉS NON SATURÉS On peut, en Chimie organique, classer le nombre immense des composés connus de deux manières différentes : 1° On réunit dans une même famille tous les dérivés d'un radical commun : dérivés méthyliques, éthyliques, ete. ; % On série ensemble tous les composés caraclé- risés par une fonclion donnant à la molécule ses caractères principaux et rattachée à un radical quelconque : acides, alcools, amines, etc. Dans les deux cas, on attribue à certains carac- tères des composés envisagés une importance capi- tale en négligeant tous les autres. Les nécessités de la classification justifient celte manière de procéder; mais tout chimiste sait com- bien est arbitraire cette façon de faire. Toutcompte à la fois dans le monde alomique qui compose une molécule. La fonclion chimique est définie nettement et caractérisée par un complexe d'atomes, ou groupe- ment fonctionnel, qui se retrouve loujours iden- tique dans une même famille. Envisageons la fonction qui présente le caractère négatif le plus accentué : la fonction acide; elle est représentée dans nos formules par le groupement : 7e Non ou carboxyle, et l'hydrogène de ce groupement ET RADICAUX NÉGATIFS fonctionne d'une façon toute spéciale sur laquelle il est inulile d’insister. « Tout acide, dit Gerhardt, peut être transformé par le perchlorure de phosphore en un chlorure qui, traité par l’eau, reproduit l'acide primitif, en même temps qu'il se dégage de l'acide chlorhydrique ». Cette restriction conduit à ne considérer comme acides que les composés pouvant donner des éthers sels et des amides. Elle exclut des composés sus- ceptibles de se combiner aux bases pour donner des produits de substitution analogues aux sels, mais n'obéissant pas à la restriction de Gerhardt, tels que les acides cyanhydrique, picrique, urique, cyanique. On a donc élé ainsi conduit à utiliser le terme radical négatif pour dénommer d’une façon générale tout ensemble atomique donnant un ca- raclère acide à cerlains atomes d'hydrogène de la molécule. On peut ainsi réunir dans une classe unique les composés primitivement dénommés - acides non carboxylés. Chaque fois que nous constaterons le caractère acide dans une molécule, si faible soit-il, nous se- rons amenés à conslaler la présence, dans celte molécule, d'un ou plusieurs radicaux négatifs. Nous allons voir de quelle généralisation ces vues sont susceplibles. Les acides vrais ou acides à car- boxyle ne sont plus qu'une des séries de cette grande classe nouvelle. Le nombre de ces composés d’allure si singulière E. CHARON — COMPOSÉS NON SATURÉS ET RADICAUX NÉGATIFS À — = + (acides sans carboxyle) s'est accru considérable- ment depuis vingt-cinq ans. Victor Meyer, ayant préparé les dérivés nitrés des carbures gras : nitrométhane, CH*.Az0?; nilro- éthane, CH°.CH°.Az0?, reconnut leur caractère acide et le formula ainsi : « Dans la sphère d'action du groupe nitré, l'atome d'hydrogène est acidifié et il “peut être remplacé par un métal ». - Conrad, en étudiant l’éther malonique : CO.0.C*H°. CH°.CO.0.CH”, reconnut aussi aux alomes d'hydro- - gène du groupe méthénique des propriétés sem- | blables. 11 affirma que l'action des deux groupes Car- - bonyles voisins imprimait à ces atomes d'hydrogène - un caractère semblable à celui que donne un grou- - pement nitré. Il constata bientôt le même fait avec - le benzoylacélate d'éthyle : C'H°.C0.CH°.C0.0.C°H°. M. Haller, soit seul, soit avec ses nombreux élèves, avait entrepris de son côté l’élude des con- séquences de l'introduction du groupement C : Az dans les molécules. Le camphre cyané, le maloni- trile, les éthers de l’acide cyanacélique, la cyana- . cétophénone lui révélèrent des propriétés compa- rables à celles des dérivés à carbonyles en 8 et même beaucoup plus accentuées. Dès 1882, la préparation de l’éther cyanomalo- nique est le premier exemple de fonction acide purement organique, sans carboxyle, car les dérivés nitrés des carbures de Victor Meyer doivent leur caractère acide à l'introduction d'un radical non organique, mais minéral : AzO*. Ces composés cyanés (cyanomaloniques, acétylcyanacétiques, ben- zoyleyanacéliques) jouent, en effet, le rôle de véri- lables acides. Ils se combinent aux bases et décom- posent les carbonates minéraux pour donner des sels cristallisant en liqueur aqueuse. M. Haller a divisé ces corps en acides méthéniques -et méthiniques, suivant qu'il reste deux ou un seul atome d'hydrogène rattachés au carbone typique. Je ferai ici une restriction relative aux formules éno- liques de ces composés, dont je parlerai plus loin. Alphonse Combes avec l'acétylacétone, J. Wisli- cenius avec l’éther acétylacétique, Claisen avec les &-dicétones ne tardèrent pas à apporter, aux faits observés simultanément par Victor Meyer, Haller et Conrad dans (rois voies différentes, un appoint con- sidérable. Von Beyer, après sa synthèse de la phloroglucine - par l’éther malonique, constatait également qu'elle donne une trioxime et que, par conséquent, elle fonctionne tantôt comme un triphénol, tantôt comme une tricétone £ : 4 - COH (D) ZA LES F CH CH CH? CHE kr: | | et | | L CON COH OL 0 5 CII CHE REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 190% L'action négative des groupements carbonyles dans R.CO.CIF.CO.R était de plus en plus mise en lumière et rapprochée de l'action des groupements nitrés. Conrad, reprenant l'étude du mécanisme de la réaction de Perkin, démontrait que, dans l’action de l’aldéhyde benzylique sur l'acide propionique, il ne se forme pas l'acide C"H°.CH : CH.CH°.COOH, comme Perkin l'avait cru, mais l'acide : C'élait encore une extension des idées précé- dentes, les hydrogènes voisins du groupement carboxyle subissant l'action particulière de ce groupement. Les recherches de Wurtz, de Lieben et de leurs sur l’aldolisation ont considérablement étendu le champ de nos connaissances sur des actions du même genre. Dès 1888, M. Haller donna une liste des radicaux négalifs alors connus; il les avait classés d’après leur degré d'influence sur les atomes d'hydrogène influencés : élèves AzO®, SO?, SOR, CAz, CO, CHO, COOR, Az — Az, —C=, Il posait aussi en principe que : 1° Suivant le nombre et la nature des radicaux introduits dans le formène, la molécule prend un caractère plus ou moins acide ; 2 L'ordre dans lequel ces radicaux sont écrits est l’ordre décroissant de négativité; mais cette classification n’a rien d’absolu. Elle repose sur des apparences et non sur des mesures. Victor Meyer, de son côté, étudiait l’action néga- tive du phényle. D'abord, il fit ressortir que, dans la di- et la triphénylamine, la basicité s'atténue par rapport à l’aniline. Les études de la désoxybenzoïne, du cyanure de mercure, de l’éther phénylacétique suivirent. Le radical phényle présente des propriétés néga- tüives plus faibles que les termes déjà cités. M. Haller avait démontré l'augmentation de l'acidité par introduction de nouveaux radicaux négatifs dans la molécule; Victor Meyer et Alphonse Combes en démontrèrent la diminution par inlro- duction de radicaux positifs. Combes reconnut, notamment par la mesure des chaleurs de neutrali- sation des sels de l’acétylacétone et de la méthyla- cétylacétone (10,95 cal. et 9,77 cal. pour les sels de potassium), que l'introduction du radical méthyle diminue, dans ce cas, l'acidité de la molécule. Victor Meyer reconnul aussi la manière d’aug- menter le caractère négatif du radical phényle en y introduisant le groupement nitro : (AzO°*)?C°H°.CH°. CO.0.CH° fonctionne comme le nitrométhane et 9° 242 l'éther acétylacétique. Le diphénylméthane ne réagit pas sur l'éthylate de sodium, pendant que le dinitrodiphénylméthane donne des sels violets. Il est d'importance capitale de remarquer que, dans tous les composés passés en revue, le caractère négatif apparait dans le voisinage d'atomes poly- valents échangeant entre eux plusieurs valences, soient : 0 710 14 . AzL C—0, C7 47: L , No mais il n’a pas encore été question d'action néga- tive exercée par des radicaux purement hydrocar- bonés, sauf dans le cas du radical phényle, cas tout à fait particulier, que M. Haller, cependant, altri- buait déjà au carbone —C=. On savait bien aussi que certains composés acé- tyléniques (acétyléniques vrais) donnent des acéty- lures métalliques, que l’on peut rapprocher des sels: mais ces acétylures réagissent plutôt par addi- tion, et c’est encore un point de la théorie sur lequel je n'insiste pas. J'arrive aux recherches de M. Henrich et aux miennes. Ces recherches étendent les considéra- tions précédentes aux composés non saturés éthy- léniques. Voyons d’abord les travaux de M. Henrich et, avant tout, les faits qui l'ont guidé. Markwald, en 1895, a reconnu que dans l’indène CH CH? ANS le groupement méthénique montre le caractère acide faible. 11 donne un produit de condensation avec la benzaldéhyde, et l’on peut également pré- parer un dérivé isonitrosé par l’action de l'acide nitreux. Hallgarten dans l’éthylation de l’anthranol, Her- zig et Zeisel.dans leurs études sur les produits de substitution de la phloroglucine et de la résorcine, Goldschmidt, Strauss, Kostanecki, Henrich, enfin, dans l'étude des dérivés nitrosés du phénol, de la résorcine, de l’orcine, etc., observèrent toute une série de transpositions moléculaires, d'isomérisa- tions, qui conduisent à admettre que ces corps réagissent d’après les circonstances sous leurs diverses formes tautomères possibles, notamment dans le cas de la résorcine, réagissant sous la forme hexaméthylène-dicétone : co N (1) CH* | CH co N®/ CH? A CH On reconnut que non-seulement le carbone E. CHARON — COMPOSÉS NON SATURÉS ET RADICAUX NÉGATIFS méthénique (1) réagissait comme dans les f-dicé- tones, mais qu'il en élait de même du carbone mé- thénique (2), quoique son énergie de réaction soit moindre. Herzig et Zeisel observèrent que, par le sodium et l'iodure d’éthyle, on obtient finalement un com-= posé triéthylé de formule : co ZN CH C(C2H5) L, 20 CH — C?H° Ils ne firent aucune conjecture sur l'activité du deuxième CH?. On peut expliquer celte éthylation, comme l'a fait Henrich, en admettant pour le groupe CH : CH une action identique à celle du groupe C—0. Cela revient à dire que le groupe CH : CH est un groupe négatif. En somme, dans CH:CH.CH°.CO, le méthylène joue le même rôle qu'un des carbonyles dans: —CO.CH°.C0 —. Pour le démontrer, il suffit d’expé- rimenter avec l'éther glutaconique C°H°.0.C0.CH: CH.CH°.CO.0:C?2H°. Les formules suivantes montrent ses relations avec la résoreine : | CO : OC2H5 Co A En HC HC CHE ] PAT ITS HC CO ; OCH° HG CO A Nu CH° CH? On peut soder l’éther glutaconique, isoler le dé- rivé sodé. On peut aussi, par réaction avec l'éthylate de » sodium et les. iodures alcooliques, préparer des produits de substitution bien définis. Ce composé, traité par l'acide nitreux, donne un dérivé isoni- trosé ; avec le diazobenzène et divers autres réactifs, il se conduit comme les éthers maloniques et acé- tylacétiques. Ces faits démontrent nettement le caractère négalif de —CH:CH —. M. Henrich, examinant l'ensemble des composés organiques, à alors bien nettement fait ressortir que are“ lex rad la négativité ou acidité était toujours la caractéris- 4 tique des radicaux non saturés, quels qu'ils soient. La condition nécessaire et suffisante pour la néga- tivité, c’est la présence d’un radical non saturé, hydrocarboné ou non. Tout radical non saturé est négatif. L’azote lui= même donne, sous cette forme, des composés aci- des; c'est le cas dans l’acide azothydrique : AZ I DA. Az Dans cet exemple, le caractère acide si énergique * E. CHARON — COMPOSÉS NON SATURÉS ET RADICAUX NÉGATIFS rS = Re Fe l'hydrogène imidique est dû au retentissement et à l'accumulation sur cet hydrogène, des actions … des atomes — Az— non saturés. Plus le caractère 1 non saluré sera accentué, plus le caractère négatif sera net, autrement dit plus l'acidité sera forte. … C'est toujours l'échange de deux ou plusieurs — valences entre deux atomes semblables ou dissem- blables qui amène cette négativité. La nature des “atomes considérés est secondaire; c'est seulement “dans le mode de groupement de ces atomes qu'il “faut chercher l'origine de l'action négative. On peut même dire qu'un groupe d'atomes est d'autant plus négatif que les atomes composants sont plus rapprochés, qu'ils se saturent récipro- quement pius de valences. C’est le cas des groupe- ments nitré, cyané et acétylénique. En fait, ce sont les plus négatifs. Si l'on passe en revue les propriétés physiques des composés organiques non saturés : volume moléculaire, réfraction moléculaire, valeur calori- fique, on arrive à cette conclusion que les groupes d'atomes qui présentent la plus grande somme d'énergie condensée sont aussi ceux qui montrent le caractère négatif le plus accentué. J'ai, parallèlement à M. Henrich, poursuivi l'étude des liaisons hydrocarbonées, au point de vue de Ja négativité; mais cette étude n’a pas porté sur des composés dans lesquels les atomes d'hy- drogène, dans un groupement méthénique, étaient substituables par le sodium ou un radical hydro- carboné. Les résultats obtenus sont beaucoup plus généraux. J'envisagerai successivement faits : 1° Aclion de la double liaison sur les atomes rat- tachés à un atome voisin de cette double liaison ; 2° Action de la double liaison empêchant l’en- lrée, dans la molécule, d'atomes pouvant la saturer normalement ; 3° Déplacement, dans cette molécule même, d'a- tomes préexislants. Dans ces trois cas, nous allons constater l’exis- tence d'une force qui tend à éloigner certains ato- mes de son centre d'action. trois ordres de TJ — AcrioN DE 14 DOUBLE LIAISON SUR LES ATOMES RATTACHÉS AU CARBONE VOISIN. Nous allons examiner plusieurs cas. D'une façon générale, la double liaison exalte le caractère du sroupement fonctionnel voisin, qui réagit alors avec beaucoup plus de facilité que dans le cas du com- posé saturé correspondant. Pour les acides et les aldéhydes non saturés, par ‘exemple, la formation de sels, d'amides, d'hydra- Zones, de carbazones et des produits de condensa- tion est grandement facilitée. Des réactions secon- daires par la fonction éthylénique interviennent et troublent souvent la marche des phénomènes, qui semblent alors moins nets que dans la série sa- turée correspondante ; mais, si, par des artifices convenables, on évite ces réactions secondaires, le principe précédent apparaît dans toute sa généra- lité. Je n'étudierai que quelques cas particuliers de ce retentissement. 1° Alcool crotonique, CH*.CH:CH.CH°OH. — Ce composé, traité par les hydracides à froid, s'éthérifie immédiatement, À peine a-t-on dissous à froid cet alcool dans {rois à quatre volumes d'acide concen- tré, que l'on voit le liquide se troubler. Bientôt, le dérivé halogéné se sépare presque en quantité théorique. On obtient ainsi les chlorures, bromures, iodures de crotonyle en quelques instants. L'éthérification par les acides organiques est tout à fait comparable. Il est inutile de passer par les chlorures ou les anhydrides d'acides. Par simple contact à froid, on obtient les éthers, et la vitesse de la réaction est beaucoup plus grande que dans le cas de l’alcool butylique normal. Ces éthers, à leur tour, ont une activité réaction- nelle extrèmement remarquable. Ils se saponifient très rapidement par l'eau et repassent avec la plus grande facilité à l’alcool générateur. Les chlorures, bromures, iodures de crotonyle, dans les dissol- vants appropriés, réagissent immédiatement sans chauffer sur les sulfures, sulfhydrates, sulfocya- nates alcalins, etc. L'eau et les solutions alcalines faibles les saponifient déjà à froid, et avec la plus grande facilité dès qu'on élève un peu la tempéra- ture. Les mêmes réactions, appliquées aux dérivés bu- tyliques, sont beaucoup plus difficiles à réaliser : on est, dans ce cas, dans la série saturée, et les di- verses transformations étudiées plus haut ou ne marchent pas ou exigent tout au moins l'emploi d’une température beaucoup plus élevée. 2° Alcool allylique, CH° : CH.CH*OH. — J'ai re- cherché si la même méthode d'éthérification à froid par les hydracides pouvait être appliquée à cet alcool. Elle marche encore, mais plus lentement, et il ne se sépare de la solution de l'alcool dans l'hydracide qu'environ 20 à 25 °/, de la quantité théorique du dérivé halogéné qui devrait se former. Les différentes réactions étudiées plus haut ont également, dans le cas des dérivés allyliques, une caractéristique spéciale. Elles sont moins énergi- ques que celles des dérivés crotoniques, mais tout à fait comparables, et différencient nettement la série allylique de la série saturée correspondante : la série propylique. 3° Alcool cinnamique, CSH°.CH : CH.CH°OH. — 447 E. CHARON — COMPOSÉS NON SATURÉS ET RADICAUX NÉGATIFS Les résultats oblenus dans l'étude de cet alcool permettent de lui attribuer des propriétés particu- lières encore plus accentuées que celles de l'alcool crotonique. Il est absolument rationnel d'attribuer à la double liaison ces propriétés spéciales qui ap- paraissent ou disparaissent avec elle. Les phéno- | mènes observés sont dus à l'influence des radicaux négatifs : CH°:CH, CH°.CH:CH, C'H°.CH:CH sur le groupement fonctionnel alcool et ses dérivés. On peut même remarquer que ces radicaux sont | écrits ici dans l’ordre de négativité croissante, si l'on mesure cetle négativité par l'énergie des réac- tions étudiées plus haut. Il est possible d'obtenir des composés non sa- turés dans lesquels l'influence de la double liaison est encore plus nette. C’est le cas pour le chlorure de cinnamylidène C°'H°.CH : CH.CHCF. Ce chlorure est très instable : il se conduit en présence de l'eau comme les chlorures d'acide, à l'énergie de la réac- | tion près. Si on l’abandonne sous l’eau, à froid, il est transformé en aldéhyde cinnamique, et la solu- tion aqueuse se charge d'acide chlorhydrique. Abandonné à l'air, il dégage bientôt spontanément de l'acide chlorhydrique par action de la vapeur d'eau atmosphérique. Cette instabilité vis-à-vis de l’eau à froid, qui différencie si nettement ce com- posé des hydrocarbures chlorés dérivés des aldé- hydes salurées, est bien due à la présence d'une liaison éthylénique voisine du carbone auquel sont rattachés les atomes de chlore. En effet, si l'on sature cette double liaison par le chlore ou brome, on obtient deux nou- veaux composés qui, quoique renfermant plus de chlore ou de brome dans leur molécule, sont très stables et se sont conservés absolument purs de- puis leur préparation. On peut, à volonté presque, supprimer celle double liaison. Il suffit de rempla- cer un des hydrogènes rattachés aux carbones de la double liaison par du chlore ou du brome. Elle existe encore dans nos schémas représenta- s’est atténuée et a même dis- paru complètement en fait. Pour cela, on peut étu- dier les aldéhydes chloro et bromocinnamiques : CSH°.CH : CCI.CHO et CSH°.CH :CBr.CHO. La double liaison dans le dérivé chloré peut en- core être mise en évidence. Il fixe le chlore ou le brome à la condition -de le diluer à peine et dene pas refroidir au moment de la réaction. Les déri- vés : C‘H°.CHCI.CCE.CHO et C°H°.CHBr.CCIBr.CHO donnent des hydrates très bien cristallisés, comme le chloral, et, par oxydalion, les acides corespon- dants. le Lifs des corps, mais Pour l'aldéhyde bromée, on peut l'introduire en poudre dans le brome liquide, ou opérer en diluant le chloroforme ; il n'y a pas de : on retrouve l'aldéhyde intacte. légèrement par réaction Il faut donc en conclure que la substitution d'un chlore à l'hydrogène lié à l’un des carbones de la double liaison atténue considérablement le carac- ère non saturé de la molécule, et que la substitu- tion d’un brome l’annihile complètement dans notre cas. L'étude des chlorures va immédiatement confir- mer ces résultats : C°H°.CH : CCI.CHCF est attaqué par l’eau très lentement à froid, assez vite dans l'eau bouillante; C°H°.CH:CBr.CHCF est stable dans ces conditions. En chauffant, il fond sous l'eau, mais il suffit d’amorcer la cristallisation pour qu'il se reprenne en masse solide cristalline par re- froidissement. On a pu le laisser plusieurs mois sous l’eau sans qu'il se transforme. La mobilité des halogènes rattachés à un car- bone voisin d'une double liaison est Lelle, dans cer- tains cas, que la transformalion de la molécule est spontanée. Les iodures d’allyle et de crotonyle vont nous en fournir deux exemples remarquables. Dans le cas de l’iodure de crolonyle surtout, les faits sont bien nets. Si l'on abandonne ce composé fraichement pré- paré, incolore et pur, à l’action de la lumière, il s'al=m tère rapidement : de liquide, il devient solide sous forme de masse noirâtre, empâtant de fines ai guilles de plus en plus nombreuses. On peut isoler ces dernières; elles sont parfaitement blanches et. stables. L'analyse, la détermination du poids mo-. léculaire ont permis de démontrer que l'on avait ainsi le composé : CH°.CHL.CHI.CH°.CH°.CH : CH.CH° Il est stable, et ceci ne doit pas surprendre, car nous pouvons remarquer que, s'il renferme de l'iode et une double liaison, il n’y a plus voisinage entre l'halogène et le groupement éthylénique. Pour expliquer cette transformation, nous admet= tons que CH®.CH : CH.CH°I s'est scindé sous l’action de la lumière en CH°.CH:CH.CH°. et 1; puis deu radicaux hydrocarbonés se sont soudés en donnan le dicrotonyle CH°.CH : CH.CH°.CH?.CH : CH.CH, qui a fixé l'iode libre en présence. è On pourrait objecter que cette transformations est due à l’action de la lumière sur un dérivé iodés et à cette action seulement. Je ferai observer ques dans le cas présent, cette action de décomposition est totale et rapide à la température ordinaire Dans le cas des iodures salurés, la coloration d liquide est très lente, et il est presque impossible d'isoler trace de l'hydrocarbure pouvant se former même-au bout de quelques mois. Avec l'iodure d'allyle, on constate que les phénos mènes se rapprochent de ceux qu'on observe avec l'homologue supérieur. CH? : CH. est moins négatifs" aussi l'iodure est-il plus stable. Préparé depuis quelque temps, il prend l'odeur du diallyle et, si On le chauffe, on peut en séparer, en opérant sur une Ce S.- gror mÉRÉ Re. de. td 2 ne Fr À | | E. CHARON — COMPOSÉS NON SATURÉS ET RADICAUX NÉGATIFS 445 quantité notable, du diallyle libre que l'on peut caractériser facilement. ACTION DE LA DOUBLE LIAISON EMPÉCIANT L'ENTRÉE DANS LA MOLÉCULE D'ATOMES POUVANT LA SATURER NORMALEMENT. EU Nous avons étudié plus haut l'action de la double liaison dans des complexes atomiques définis et tout formés ; nous allons maintenant la voir exer- cant son action dans la formation même de ces complexes. Elle détermine, dans certains cas, la -marche des cataclysmes atomiques consécutifs à nos réactions et qui donnent naissance à de nou- veaux groupements. Nous allons voir que l’on peut formuler ici une loi très générale. Précédemment, la mobilité des atomes d'hydrogène ou des éléments les remplaçant était fonction de deux variables : 1° Le caractère négatif plus ou moins accentué du radical ; 2 La nature même de l'atome substituant. Maintenant nous n'envisagerons plus que la saturation par l'hydrogène, et le caractère du radical négatif sera seul en cause. Les réactions que nous allons passer en revue sont toutes des dédoublements de molécules, com- parables à ce que nous avons vu plus haut dans la -décomposition spontanée de l’iodure de crotonyle. La molécule en transformation, au lieu: de se saturer normalement d'hydrogène, n'en fixe que partiellement ou pas du tout, et il y a saturation par soudure de radicaux monovalents. On peut exprimer l’ensemble des faits par la loi très générale suivante : Quand il y a doublement moléculaire par réduc- tion, au lieu de saturation normale par l'hydrogène, le radical primitif doit étre considéré comme « négatif. Le rendement en composé de molécule double n'est pas fonction des conditions de la réaction, mais du caractère négatif plus ou moins fort du radical en jeu. Ce rendement est même le meilleur moyen de . mesurer cette négativité. Nous allons envisager deux séries d'expériences. 1° Formation des hydrocarbures diéthyléniques. — Dans la préparation des hydrocarbures avec les dérivés halogénés, les réactions sont toutes diffé- rentes si l'on opère avec des composés saturés ou avec des composés éthyléniques. Ainsi l'iodure de méthyle, traité par l’'amalgame de sodium en pré- _sence de dissolvants appropriés, donne du méthane et exclusivement ce composé. Pour doubler la molé- cule, il faut opérer dans des conditions telles qu'il n'y ait pas d'hydrogène formé. C’est l'expérience réalisée dans la formation de l’éthane par l’iodure de méthyle etle sodium. Voici ces réactions : CHI + H° = CH‘ + HI et (CHSI® + Na — CHS.CH$ + 2 Nal. La première de ces réactions, conduite avec des dérivés renfermant des doubles liaisons, marche tout autrement. En effet, dans la réduction par l'hydrogène des dérivés allyliques et crotoniques CH:CH.CHI et CIF.CH : CH.CHT, il y a bien formation de propylène CH®.CH : CH° et de butylène CH°.CH : CH.CH'; mais il y a toujours aussi formation de diallyle CH°: CH.CH?.CH°.CH : CH° et de: dicrotonyle CH°.CH: CH.CH°.CH°.CH: CH.CH°. Pour les dérivés allyliques, le rendement appro- ximatif est de 10 à 45 °/, en diallyle; pour les com- posés crotoniques, on obtient environ 50 ‘/ de dicrotonyle. La même réaction n'a pas encore été tentée avec les dérivés cinnamiques. La réaction peut être conduite de différentes facons; on peut employer les dérivés chlorés, bromés ou iodés indifféremment. Elle est plus ou moins facile, mais les rendements ne sont pas modifiés. Ils sont fonclion uniquement de la nature des radicaux négatifs. Ainsi, pour une partie des produits en œuvre, un seul hydrogène entre en jeu par molécule à réduire : 2(CH°:CH. CH°1) + H°— CH: CH.CH°.CH°.CH : CH 2H. La double liaison agit done comme si elle empé- chait l'entrée du second atome d'hydrogène dans le composé non doublé. 2% Formation des pinacones. — Dans la forma- tion des pinacones, les phénomènes sont iden- tiques. Si l’on réduit dans certaines conditions (couple zinc-cuivre, qui ne réduit pas la double liaison elle- même) les aldéhydes éthyléniques suivantes : acro- léine, aldéhyde crolonique, aldéhyde cinnamique, on obtient des résultats qui confirment les précé- dents : Avec l'acroléine CH? :CH.CHO, il y a bien for- malion d'alcool allylique, mais il se fait aussi de 15 à 18 °/, du glycol CH°: CH.CHOH.CHOH.CH : CH”. Pour l'aldéhyde crotonique, CH°.CH:CH.CHO, le rendement en glycol CH°.CH : CH.CHOH.CHOH. CH : CH.CH° dépasse 50 °/,, et la proportion d'alcool CH°.CH : CH.CH°OH diminue d'autant. Avec l’aldé- hyde cinnamique, C°H°.CH:CH.CHO, il ne se fait plus que des corps de molécule double; il est impossible de constater la formation d'alcool cinna- mique C$H°.CH : CH.CHOH. Dans cette série d'exemples, la double liaison, comme précédemment, empêche la saluration nor- male de la molécule par l'hydrogène..On voit aussi 46 E. CHARON — COMPOSÉS NON SATURÉS ET RADICAUX NÉGATIFS que celte formation de pinacones, qui pourrait sembler anormale tout d'abord, est proportionnelle à la négativité du radical en jeu. Dans les exemples précédents, il n'entre en réac- tion que des atomes d'hydrogène et de carbone; mais il faut remarquer que la nature des atomes considérés est sans importance : seul, le caractère négalf des radicaux réduits doit être envisagé. Nous avons vu que la présence d'oxygène dans le cas des aldéhydes n’a rien modifié. Le même principe s'applique aussi à la réduction des dérivés nitrés et nitrosés aromatiques et permet de com- prendre la formation des composés azoxy, azoïques et hydrazoïques. Je ne m'étends pas plus sur cette partie de la théorie. IT. — DÉPLAUEMENT DANS LA MOLÉCULE D'ATOMES PRÉEXISTANTS. Les considérations précédentes sur les radicaux négatifs vont nous permettre maintenant d'ex- pliquer certaines réactions avec transpositions intramoléculaires qui semblent tout d'abord un pur jeu du hasard. Ce serait le moment d'exposer avec détails la théo- rie des valences partielles de M. Thiele, fondée sur un fait expérimental que j'avais généralisé en même temps que lui, dans les composés diéthyléniques. Si l’on envisage un composé diéthylénique à doubles liaisons voisines : R.CH : CH.CH : CH.R, la saturation d’une des doubles liaisons entraine toujours une transposition moléculaire telle que le composé résultant répond au schéma : R.CH°.CH : CH.CH°.R pour une saturation incomplète par l'hydrogène. L’addition d'halogènes ou d'hydra- cides se passe de même. Pour les composés hydro- carbonés, cette Joi ne souffre aucune exception. Celles que l’on pourrait trouver dans la littérature chimique semblent dues non à des faits réels bien observés, mais à des erreurs d'interprétation. Ces vues sont même devenues classiques d'emblée et ont permis de comprendre nombre de réactions encore obscures. J'avais nettement mis ce point en lumière dans un pli cacheté déposéà la Société Chimique quelque temps avant l'apparition de la théorie de M. Thiele, et je proposais d'accepter comme une loi le prin- cipe que je viens d'énoncer. M. Thiele a été beaucoup plus loin. Il n'envisage pas seulement les doubles liaisons voisines hydro- carbonées, mais les doubles liaisons quelles qu'elles soient. Ainsi étendue, cette théorie présente nombre d'exceptions; elle n’est plus qu'une interprétation permettant de saisir mieux les faits souvent, mais pas toujours. Rejeter systématiquement la migration molécu- laire, comme l’a fait M. Thiele, me semble beaucoup trop absolu. Il n'admet pas, en effet, qu'il y ait d'abord saturation partielle, puis transposition. Ainsi R.CH:CH.CH:CH.R donnerait d'emblée R.CH°.CH: CH.CHR. Il n'y aurait pas formation d'abord de : R.CH : CH.CH°.CHFR, puis transposi- è YU c. tion en R.CH°.CH : CH.CH?R. On peul remarquer, cependant, que ce passage de l'atome d'hydrogène du carbone $ au carbone à avec déplacement de la double liaison s'interprète très facilement avec nos schémas stéréochimiques. Toutes les transposi- tions moléculaires, dans l’ordre des faits relevés ici, | pe. onttoujours lieu ainsi entre atomes en position let 3,et la nature des atomes considérés est indif- férente; la transposition des atomes d'hydrogène ou d'halogènes est identique, qu'ils soient rattachés à « des atomes d'azote, de carbone ou d'oxygène; elle ne dépend que de la nature des radicaux négatifs considérés. C'est, comme on peut le reconnaitre, toujours le mème principe qui règle le résultat final. Voyons quelques faits où la migration moléculaire doit nécessairement être acceptée. Nous savons déjà que, dans le cas des acides B-cétoniques et des B-dicétones, nous envisageons les corps réagissant tantôt sous la forme céto- nique : R.CO.CH°.CO.R, tantôt sous la forme éno- lique : R.COH : CH.CO.R. Les taulomérisations de la phloroglucine et de la résorcine sont du même ordre de faits. Nous passons de l’une à l’autre forme pour l'interpréta- tion des réactions; nous sommes même parvenus à isoler des dérivés se rattachant nettement à l’une ou à l’autre série de composés isomères. Pour les composés B-dicétoniques, on passe d’une forme à l’autre très facilement ; les deux formes sont pour ainsi dire également instables et se trans- forment l’une dans l'autre sous les moindres in- fluences. Dans le cas de produits renfermant des radicaux plus négatifs, la transposilion devient plus immédiate et la forme tautomère plus stable. Il en est ainsi pour les dérivés cyanés étudiés par * M. Haller et ses élèves. Ê Dans les acétylcyanacétates, la forme énolique :" DL EE n cu» — cou ce SCOOR doit être admise dans la plupart des réactions. Je ne veux pas dire qu'elle est seule stable et existe seule: pour certaines réactions, on peut encore admettre la forme célonique, mais la forme éno0- lique est celle qui permet l'interprétation du plus grand nombre de faits. Je ne crois pas être trop osé en affirmant que ge E. CHARON — COMPOSÉS NON SATURÉS ET RADICAUX NÉGATIFS 447 cette forme énolique, si instable dans les composés 20 Acide cinnamylidène-acétique. — Le second renfermant deux carbonyles en 6, est beaucoup plus stable dans les molécules où un carbonyle est remplacé par C : Az. Est-il irralionnel d'admettre un rapport entre cette stabilité et le caractère négatif plus accentué du radical G : Az. Je ne le crois pas. Cette migration moléculaire s’observe également dans les composés azotés, notamment dans la trans- position des dérivés nitrosés en oximes : R.C.CH.R = R.C.C.R I A2 Î | O Az0 O AZOH et des azoïques en hydrazones : / CAz ,CAZ CSHS — A7 — Az — CH — CSH5 — AzH— Az —C NCOOR NCOOR Elle s'exerce aussi dans les composés hydrocar- bonés qui nous intéressent surtout ici. Je n’envi- sagerai que deux cas un ancien, le nitrile crotonique, et un récent, encore inédit, l'acide cinnamylidène-acétique. 4 Nitrilecrotonique. — Les faits ont été singuliè- rement obseurs pendant longlemps. On a d’abord confondu les deux aclions si différentes du cyanure de potassium et du cyanure d'argent, l'une condui- sant aux nitriles et l’autre aux carbylamines. L'action du cyanure de potassium sur l'iodure d’allyle, conduite sans précautions, au lieu de donner le nitrile CH°:CH.CH°C : Az, donne le nitrile croto- nique CH°CH : CH.C : Az, transformable en l'acide dont la formule est indiscutable. M. Lespieau a récemment montré qu'on peut éviter la transfor- mation du nitrile en opérant à basse température. Comment expliquer cette transposition; c'est bien simple. Un alome d'hydrogène du groupe- ment méthénique dans CH?:CH.CH°.C : Az passe du è YA E d carbone B au carbone à avec déplacement de la double liaison. Si nous examinons les conditions de stabilité dans ces deux corps, nous voyons que : Dans la première formule, l'atome d'hydrogène est sollicité par deux forces que l’on pourrait dire de sens contraires : une émanant du groupement C : Az qui tend à le déplacer vers le carbone à; une autre émanant de CH?:CH. qui tend à le main- tenir où il est. Il est donc en état d'équilibre instable; nous savons déjà que la force 2 est plus faible que la force 4. Il y aura donc transposition sans la moindre influence étrangère. Dans la formule 2, les deux actions négatives agissent dans le même sens; il est donc tout na- lurel que l’état d'équilibre soit plus stable. Remarquons que la forme stable présente les liaisons multiples rapprochées l’une de l’autre le plus possible. cas de transposition moléculaire envisagé ici a été observé par M. Dugoujon et moi, il y a quelque temps. Il s'agit de l'acide cinnamylidène-acétique : C°H°.CH : CH.CH°.COOH (1). Nous devions, par l'ac- tion de l'aldéhyde phénylacétique sur l'acide malo- nique en présence de pyridine, obtenir l'acide : C°'H°.CH°.CH : CH.COOH (2); on obtient exelusive- ment l'acide (1). ILa été impossible d'isoler trace de l'acide (2); or, sa formation dans la réaction est forcée, au moins comme terme de passage. En effet, voici la série des réactions qui se produisent : C00H COOH CeH5.CH?.CHO -+ CHE: — C'H5.CH?.CHOH. CH Coon NCooH OH = CH. CH. CH : CC + H0 NCo0oH — CSH5.CH2.CH : CH.COOH + CO? — C°HS.CH : CH.CH?.COOH. L'aldolisation avec départ d'eau dans des cas semblables a déjà été observée nombre de fois et à 65° au plus dans les conditions de l'expérience; il est impossible d'expliquer la réaction autrement. Le départ d'eau a bien lieu aussi comme il est écrit plushaut, sinon les deux carboxyles seraient stables. Ce n’est done qu'après sa formation préliminaire que l'acide benzylidène-acrylique s'isomérise. La condensation exposée ici a lieu en présence de pyridine à une température ne dépassant pas 65°, c'est-à-dire dans des conditions telles que l'iso- mérisation n'aurait pas lieu si elle n'était pas le résultat direct de la stabilité des deux composés possibles. Des considérations identiques aux précédentes sur les forces qui sollicitent l'hydrogène du grou- pement CH° pourraient être exposées avec détails, et nous voyons que c'est encore un cas où l'in- fluence des radicaux négatifs entre en jeu au pre- mier plan. On peut, dans toutes ces migrations, faire lamême remarque. Un atome d'hydrogène passe d’un atome de carbone à un autre atome polyvalent en posi- tion 3 par rapport à l'atome auquel initialement était rattaché l'hydrogène considéré. Le mécanisme de la transposition apparaît tou- ! jours identiquement le même. Les schémas stéréo- chimiques permettent d'en donner très facilement unereprésentation graphique, qui nous fait com- prendre ce mécanisme simple, je dirai même péné- trer le pourquoi de cette oscillation de l'hydro- gène. On a, pour expliquer ces faits, considérés comme anormaux, posé en princique que la formule, et par conséquent la disposition des atomes dans la molé- cule, tendait vers la forme symétrique, ou encore que le carbone s'accumulait vers le centre de la molécule. 418 Ces principes sont très empiriques, et il paraît beaucoup plus rationnel et plus vrai de dire que la forme d'énergie que nous désignons par le terme négativité tend à s'accumuler sur le même point. Nous voyons ici des actions de même sens s'atli- rer, s'accumulerlesunes près des autres, etce n’est pas forcément dans des conditions de symétrie moléculaire. Le cas des éthers acétyleyanacétiques en est une preuve. Il serait bien facile d'en donner d'autres. On peut faire ressortir encore que, si la théorie n'explique pas complètement, par exemple, latrans- position du diazoamidobenzène C'H°.Az:Az7.AzH. C'H'en amidoazobenzène C°H°.4z: Az.C'H'.AzH°, de l'hydrazobenzène C'H°.AzH.AzH.C‘H° en benzidine AZH°.C'H°.CH*.AZH, il y a toujours accumulation des radicaux négatifs l'un près de l’autre dans la forme la plus stable. On voit que la théorie des radicaux négatifs, telle qu'elle prend figure actuellement, mérite d'attirer l'attention. Elle aura probablement le sort de toutes ses devancières : s'édifier lentement, être acceptée, puis disparaitre. Qu'importe, si elle laisse après D' HENRY MEIGE — LES TICS elle et des interprétations ingénieuses et des faits expérimentaux plus nombreux et mieux coor- donnés. Nous sommes encore loin des lois simples et dé- finitives de la combinaison chimique; mais cetle théorie nous fait pénétrer plus profondément dans l'intimité des phénomènes moléculaires et contri- bue ainsi à élargir le cercle de nos connaissances. Je rappellerai pour terminer les paroles d'un grand physicien français, Biot. Il avait espéré un instant fonder une théorie solide de la combinaison chimique sur l'étude des corps actifs sur la lumière polarisée et, n'ayant pu parvenir à son but, il en marquait la difficulté en ces termes : « Ce sont des phénomènes près desquels ceux de - la précession des équinoxes ne sont que des jeux d'enfants. Remonter de ces effets complexes aux lois simples des forces élémentaires qui les pro- duisent semble être un problème mille fois plus difficile que celui que Newton a résolu. » La pensée de Biot est toujours vraie”. E. Charon, Chef de Travaux, Docteur ès Sciences à la Faculté des Sciences de Paris. LES l. — Qu'est-ce Qu'un rc. Le mot fic n'est pas un intrus dans la langue médicale; mais il n'y a pas longtemps qu'il lui est | permis d'y figurer avec un sens précis. Avant de recevoir la consécration nosographique, il fai- sait partie du langage courant où il est né, semble- til, par germination spontanée. Tic, en effet, ce n'est pas autre chose, à l’origine, que l'écho verbal d'un choc léger, d’un déclanchement bref. On retrouve cette onomatopée sous la même forme dans toutes les langues. 7ic évoque aussi l'idée de répétition : il figure dans {ic-tac. Nul vocable, assurément, ne semble mieux adapté à son objet. Sa grande simplicité est encore un de ses avan- lages. À l'usage, les acceptions du mot {ie se sont géné- ralisées dans le langage courant. Pour les con- naitre, posons à différentes personnes la question : Qu'est-ce qu'un lic? — Un tic, dira la première, c'est un gesle rapide qui se répète involontaire- ment. — Un tic, répondra une seconde, c'est une grimace familière à certains individus. — Un lic, ajouleront les autres, c'est une manière d'être | bizarre, — c'est une mauvaise habitude, — c'est une pelile manie. — Et chacun de donner son TICS exemple : cligner de l'œil, c'est un tic; — hocher la tête, autre tic; — c’est un tic que de friser per- pétuellement sa moustache; — c'est un lie que de ronger ses ongles. Telle ou telle habitude singu- lière, comme de chantonner, desiffloter, de balancer son corps, au cours de différentes occupations — voilà des tics ! Intercaler à profusion dans ses dis- cours des locutions oiseuses, toujours les mêmes : « N'est-ce pas. savez-vous... vous concevez.… ete. », — voilà encore d'autres espèces de tics! Après une telle enquête, le mot fie apparaît comme servant à désigner une série de phéno- mènes qui n'ont entre eux que des analogies peu apparentes. Il ne semble done guère convenir au langage scientifique, qui réclame avant tout de la précision. « Il importe, disait Broca, que chaque chose ait un nom, que chaque chose n'ait qu'un nom, et que ce nom ne désigne qu'une seule chose. » Le mot fic répond-il à ce désidératum? Pourquoi non?.…. En l'employant dans des acceptions qui, en effet, semblent à priori fort M . diverses, le langage courant nous donne, au con- traire, une excellente leçon de clinique; car, à défaut Te Ed ! Conférence faite au laboratoire de M. Haller, à la Sor- bonne. lobes + À D' HENRY MEIGE — LES TICS 449 de connaissances scientifiques, le bon sens popu- laire se laisse souvent guider par un esprit d'obser- -vation dont le médecin ne doit pas faire fi. Et si nous entendons qualifier de /ics des actes aussi différents que ceux-ci : cligner de l'œil, ronger ses ongles, siffloter, répéter les mêmes mots, ete., c'est bien parce qu'il existe entre tous ces actes des analogies qui ont sauté aux yeux de prime abord. C'est qu'on y retrouve certains carac- tères communs : i/s se répètent, toujours les mêmes, involontairement, inconsciemment; ils sont super- flus, sans causes et sans buts; bref, ce sont des habitudes intempestives, bizarres, incohérentes. On employait souvent autrefois l'expression « tic d'habitude »; il faut bien croire qu'elle était justifiée, puisque aujourd'hui même on lit dans les ouvrages classiques que le tic est une maladie de l'habitude, — une habitude morbide, dit M. Brissaud. Oui, assurément, l'Labitude est la mère de tous les ties. Ce qui ne veut pas dire que l'habitude n'ait pas d’autres enfants : nous aurons l’occasion d'en . signaler quelques-uns, qui ne méritent pas d'être baptisés lies. Retenons seulement pour l'instant - que le bon sens populaire a parfailement su recon- naître le lien de parenté qui unit une série d'actes, . dissemblables en apparence, mais dépendant d'une même cause très générale, — la répétition, — et présentant comme caractère commun d'être 1nvo- lontaires, intempestifs, souvent impérieux et difii- ciles à réprimer, enfin témoignant d'une hizarre- rie singulière chez ceux qui en sont atteints. La langue scientifique, en empruntant le mot {ie au vocabulaire journalier, n’a pas eu à le délourner de ce sens. Elle s'est contentée de restreindre ses . applications. Elle a décidé de réserver le nom de ! ! ties aux seules habitudes intempestives qui se ma- nilestent par un phénomène convulsif, du visage, du corps ou des membres: un clignement de l'œil, un haussement d'épaule, un hochement de tête, une brusque grimace, un cri bref, etc. On est donc d'accord pour reconnaitre que dans le tic les contractions musculaires ont un caractère convulsif. Au début, on disait couramment {ic convulsif; mais on envisageait uniquement les convulsions de la forme clonique. Cependant, puis- qu'on parle de convulsion, on doit entendre ce mot dans son sens le plus général, et tenir comple des deux formes principales que revêt la convulsion : la forme clonique, dans laquelle les contractions . musculaires sont séparées par des intermittences - de repos, et la forme tonique, dans laquelle les ! contractions se rapprochent tellement les unes des autres qu'il devient impossible de les distinguer et . qu'il en résulte un état de contraction forcée per- manente, ou, comme on dit, {étaniforme. C'est pré- cisément le cas de certains tics. Assurément, les plus communs, tout au moins les mieux connus jusqu'à ces dernières années, sont les tics de forme clonique, — ces brèves grimaces aussitôt éteintes qu'allumées, ces brusques mouvements de la tête ou des mem- bres qui se succèdent, entrecoupés de temps de repos, d'ailleurs très variables dans leur durée. Mais l’observalion nous apprend que, chez un même sujet, suivant les jours, suivant les périodes de sa maladie, certains mouvements qui, aujour- d'hui, sont séparés par des intervalles de calme très appréciables, apparaitront demain très rap- prochés et se rapprocheront encore davantage les jours suivants; ils finiront même, dans certains cas, par se confondre tellement les uns avec les autres que, si l’on ignore la première phase de ces. accidents, il ne viendrait jamais à l'esprit qu'ils ne soient qu'une métamorphose des convulsions clo- niques observées le premier jour: on se trouve, en effet, en présence d’une véritable convulsion to- nique. Exemple : Le clignotement exagéré des pau- pières est constitué par une succession de con- tractions musculaires qui se répètent à intervalles plus ou moins rapprochés, mais suffisamment éloi- . gnés pour que chaque mouvement soit distinct des autres. C'est évidemment un fie clonique. An con- traire, certain clignement, qui nécessile une con- traction musculaire forte et prolongée, et qui dure souvent un temps assez long, devra être considéré comme un fic tonique. Or, on peut voir ces deux formes se succéder chez le même sujet, à quelques semaines d'intervalle. Eh bien! lorsque l'on assiste chez un même malade à une transformation de ce genre, doit-on dire qu'il est atteint de deux maladies différentes? Faut-il le qualifier de tiqueur pendant la phase clonique de son affection, et lui refuser cette déno- mination pendant la phase tonique? — La clinique ne permet qu'une réponse : il est nécessaire d'en- visager, à côlé des tics cloniques, que chacun con- nait, des ics de forme tonique, qui ne sont souvent que des métamorphoses des précédents, qui, d'ail- leurs, reconnaissent même origine, même patho- génie, qui, enfin, sont influencés par les mêmes interventions thérapeutiques !. Peut-être eût-il été préférable d'employer un vocable nouveau pour désigner ces accidents to- niques. Celui de myotonie semblait tout indiqué; mais, comme celui de myoclonte, il expose à la con- fusion. On l’applique, en effet, à une foule d'affec- lions dans lesquelles le fous ou le clonus mus- culaires sont exagérés et qui ne semblent pas 1 Hexry Meice et E. Fexoez : Les tics'et leur traitement. 1 vol. Masson, 1902. 150 D' HENRY MEIGE — LES TICS appartenir toutes à la mème catégorie de troubles nerveux. Au lieu de créer un mot nouveau, mieux valait utiliser celui de {ie, qui attire l’atten- tion sur les liens de parenté des phénomènes to- niques en question avec les tics cloniques déjà connus. Il existe dans la langue psychiatrique un autre mot dont nous aurons l’occasion de nous servir : c'est celui de s{éréotypie. On décrit des stéréotypies du mouvement et des stéréotypies de l'attitude. Une distinction s'impose entre les ties et les stéréo- typies, d'autant plus qu'il s'agit, dans les deux cas, d'accidents reconnaissant mêmes causes et même genèse, justiciables du même traitement. Rien de plus simple : une différence capitale permet d'opérer objectivement la distinction. Dans la stéréotypie, il s'agit de gestes ou d’attitudes dans lesquels les contractions musculaires n'ont rien d’anormal en soi. Gestes ou attitudes sont bien involontaires, répétés à l'excès et hors de tout propos; mais le phénomène moteur ne diffère pas de ce qu'il serait si le geste ou l'attitude étaient volontaires et logiques. En d'autres termes, 1] ne s'agit pas d'un phénoméene convulsif. Sans doute, dans la pratique, tous les intermé- diaires existent entre un tic véritable et une stéréo- typie. Mais on ne saurait ranger parmi les tics une foule d'habitudes motrices intempestives, aux- quelles on donne souvent ce nom. Par exemple, l'onychophagie, l'acte de ronger ses ongles, est plus proprement une stéréotypie, manifestation motrice automatique, à la vérité inopportune et déplacée, mais qui n’a rien de convulsif. Chez certaines personnes, on constate une dispo- sition anormale, comme une sorte de chute, de l'une des paupières, — de ptosis, dit-on, — qui, d’ailleurs, cesse aussitôt que le sujet y porte son altention, qui se produit sans qu'on puisse cons- tater la moindre paralysie ni sans qu'il y ait con- traction exagérée, autrement dit convulsion, de l'orbiculaire. Donnera-t-on à ce phénomène le nom de tic? — Certainement non; il méritera, au con- traire, le nom de s/éréotypie palpébrale. Et les exemples en sont assez fréquents. Ces considérations terminologiques ne sont pas superflues ; elles permettent de délimiter avec plus de précision la place du tic en nosographie. Une dernière distinction de mots est d'impor- tance capitale : je veux parler de la différence qu'il est indispensable d'établir entre le ticet le spasme. C'est à M. Brissaud que nous devons d'avoir net- tement délimité le domaine du spasme : « Le spasme, dit-il, est le résultat d'une irritation subite el passagère d'un des points d'un are réflexe »: c'est un acte réflexe dont le centre est spinal où bulbo-spinal *. L'épine irritalive peut siéger sur la voie centri- fuge, sur le centre réflexe lui-même, ou sur la voie centripèle, peu importe. Ainsi, l'affection im- proprement connue sous le nom de fic douloureux de la face n'est pas un tie, mais bien un Spasme, un spasme dans lequel l'épine irritalive siège sur la voie sensitive, centripète, le trijumeau. Le spasme facial, indolore, est, lui aussi, un spasme, dans lequel l'irritation porte, soit sur la voie motrice, soit sur le centre bulbo-protubéran- tiel du nerf de la VII paire, le facial. Dans l’un ou l’autre cas, il s'agit d’un phéno- F mène réflexe, auquel les centres supérieurs, ceux de l'écorce cérébrale, en particulier, ne prennent aucune part, et dont la cause provocatrice est une irritation localisée. Tout au contraire, dans le 1e, les réactions motrices témoignent d'une participation, à un moment donné, des interventions corticales. IL s’agit, en d'autres termes, d’un acte psycho-réflexe. Le tic est, proprement, un trouble psycho- moteur. C’est un frouble moteur, puisque le phé- nomène objectif présente les caractères d’une con- vulsion, — trouble de la contraction musculaire. Et l'on peut déjà entrevoir que c'est aussi un trouble psychique, puisque l'acte est inopportun, illogique, absurde. C'est donc bien un (trouble: psycho-moteur. ' Tout de suite, ajoutons qu'une des causes nécessaires à l'installation d'un tic est une dispo- sition psychique spéciale, qui se traduit par un contrôle insuffisant des actes moteurs. Une débilité particulière du pouvoir inhibiteur de la volonté, une certaine impuissance à exercer la surveillance « nécessaire à la juste mesure et à la répartition pon- dérée de certains actes, voilà quel est l'apanage mental propre aux liqueurs. Nous en verrons bien- tôt la preuve. II. — COMMENT NAIT UN TIC. La première manifestation d'un tic est, le plus souvent, un geste volontaire, adapté à un but défini, et pour la production duquel une interven- tion des centres nerveux les plus élevés, de ceux qui régissent nos actes volontaires, est nécessaire. la cause provocatrice d’un tic, et, corollairement, l'explication de la réaction motrice qui fut, à l’ori- | gine, la réponse volontaire du sujet à cette provo=" cation. Souvent, avec le temps, le mouvement pri-" Il est presque loujours possible de ne € / 1 Brissaun : Leçons sur les Maladies nerveuses. La Sal- pètrière, 1893-94, : À D' HENRY MEIGE — LES TICS 151 milif se défigure; en l’analysant avec soin, on arrive pourtant à reconnailre ses traits essentiels dans la « carricature », comme disait Charcot, qu’en a fait le tiqueur. Exemple : Un enfant de douze ans, élevé jusqu'a- lors dans sa famille, fut envoyé au lycée, Pour porter son bagage d'écolier, il mit sur son dos un petit sac, pareil à ceux des soldats, maintenu par deux courroies passant sur les épaules. Le premier jour, la pression de ces deux courroies détermina une certaine gène, à peine douloureuse, que l'enfant, cependant, essaya d'atténuer en relevant de temps en temps l'une des épaules; il s'apercut que ce geste répondait à son but et, chaque fois qu'il sentait la pression augmenter d’un côté, il soulevait l'épaule du côté opposé. Il se trouva que l'épaule droite était plus comprimée que la gauche; l'enfant prit ainsi l'habitude de soulever plus souvent l'épaule gauche. D'abord, il ne fit ce geste que lorsqu'il por- lait son sac. Peu à peu, il continua à le faire quel- ques instants après avoir quitté ce dernier, la sensation de gêne persistant encore; bientôt, le haussement de l'épaule gauche se répéta toute la journée, alors qu'il n'existait plus aucune gêne locale. Ainsi naquit un {ic de haussement, lequel, d’ailleurs, fut facile à guérir. Ici donc, un geste initial, parfaitement logique, déterminé par une cause précise et tendant à un but précis, se répétant quotidiennement, a engendré peu à peu une habitude motrice, d'apparence con- vulsive, involontaire, automatique, sans but ni rai- son, qu'un contrôle insuffisant des actes moteurs a laissé s'installer : c'était un tic. Sans doute, il n'est pas toujours possible de re- constituer aussi exactement la genèse de tous les tics. La cause provocatrice échappe quelquefois; quand le tic est de date ancienne, le sujet l’a souvent oubliée; même, elle a pu lui échapper complète- ment. Mais, au demeurant, la pathogénie du tic varie peu. Dans certains cas, cependant, le mouvement ini- tial, qui plus tard se transformera en tic, se pro- duit indépendamment de la volonté du sujet : Une escarbille entre sous la paupière. Brusque- ment, celle-ci se ferme. Ce n’est là qu'un réflexe simple, s'effectuant sans le concours de l'écorce cé- rébrale. C’est done un spasme. L'escarbille dispa- raît, mais la conjonctive reste irrilée et le cligno- tement persiste; c'est encore un spasme. Si la cause irritative et l’irritation n'existent plus, avec elles doit disparaitre aussi le mouvement spasmodique. Or, il arrive parfois que, quand même, le cligno- tement se répète, et se répète encore. Qu’est-ce que cette bizarrerie? — Ce peut être un tic. En quoi consiste donc ici le rôle des centres supérieurs? Ne semblent-ils pas être restés com- plètement étrangers à la manifestation motrice? Oui, tant que le corps étranger n'a fait que provo- quer un simple réflexe. Mais la cause irritative disparue, ces centres ont pu intervenir à leur tour, pour commander la reprise du geste. Et si l'on ne retrouve pas toujours la preuve de cette interven- tion, du moins doit-on reconnaitre que la persis- tance de l'acte inopportun témoigne encore d’une imperfection des centres frénaleurs, autrement dit du pouvoir inhibiteur de la volonté, qui s’est trouvée impuissante à réprimer un geste intem- pestif. Ainsi, un tie peut succéder à un spasme. Et il n’est pas douteux que, dans bien des cas, une réac- tion motrice franchement spasmodique peut déter- miner la forme et la localisation d'un tic. Un tic peut aussi naitre d'une idée. Sous l'influence d’une idée, j'exécute un mouve- ment: c'est un acle psycho-moteur. La même idée, reparaissant, engendre le même mouvement, l'acte psycho-moteur se répète. Par cette répélilion, il acquiert chaque jour plus de facilité à se répéter encore; peu à peu même, il se répète si aisément qu'il devient un acte automatique, pouvant se passer de l'intervention idéative pour se reproduire. C'est là le fait de toute éducation, basée elle-même sur la répétition d'un même acte, autrement dit sur l'habitude. De volontaire qu'il était au début, l'acte devient donc automatique à force d’être répété. Est- ce un lic? — Non, si cet acte est exécuté correcte- ment, sans excès dans sa forme, et s’il demeure adapté à son but. Mais, s'il vient à se reproduire sans cause et sans but, si par surcroit il subit dans sa forme des modifications excessives, s’il est à la fois exagéré et intempestif, alors vraiment il repré- sente un acte psycho-moteur anormal, un /rouble psycho-moteur : c'est donc encore un lic. En somme, on le voit, si la cause première d'un tic est variable, le mécanisme pathogénique reste le même. Cette cause provocatrice est, le plus sou- vent, une sensation anormale, une gène, une légère douleur, que le sujet cherche à atténuer par un geste approprié, — ou bien c’est d'une idée qu'est issu le mouvement initial. Cause extérieure ou idée venant à disparaitre, le geste disparait également chez l'individu normal. Chez le tiqueur, on le voit persister. Cette anomalie est précisément la conséquence d'une imperfection mentale. Car le candidat aux ties est un déséquilibré. Une vive souffrance peut le laisser indifférent. Parcontre, une minime douleur, une simple gène, le préoccu- perout à l'extrême. Pour s’en débarrasser, il aura 152 recours à toutes sortes d'inventions singulières; il adoptera les gestes ou les positions les plus bizarres. De là, des mouvements, des attitudes étranges, graines de ties toutes prêtes à germer, si le terrain est approprié. Eviter une sensation anormale : tel est bien le premier but d’un grand nombre de ces réac- tions motrices, incontestablement commandées par les centres supérieurs. Mais ce n'est pas tout. La sensation anormale ayant disparu, le tiqueur n'est pas débarrassé de son malaise : il redoute de l'éprouver à nouveau; il veut s'assurer de son absence; il va à se recherche; s'ingénie à le re- trouver, et, pour y parvenir, il multiplie les gestes ou les attitudes bizarres, jusqu’à ce qu'il soit arrivé à ses fins : éprouver de nouveau la sensation anor- male. Cela devient chez lui un hbesoi», impérieux, irrésistible. Et, de même qu'au début il ressentait une satisfaction lorsqu'il était parvenu à éviter la gêne ou la douleur, de même, maintenant, il n’est satisfait que lorsqu'il a refait le geste qui le soula- geait autrefois, bien qu’en vérité il ne soit plus de saison aujourd'hui. La destination intempestive de ce geste, sa répé- tilion à outrance, trahissent, à n’en pas douter, un certain déséquilibre mental, sans lequel il n'exis- terait pas de tiqueurs. IIT. — L'ÉTAT MENTAL DES TIQUEURS. Il n’est guère, en effet, de tiqueurs chez qui l'on ne puisse constater des bizarreries mentales, et l'on peut dire que, psychiquement, ils sont tous des anormaux. Je sais bien que, lorsqu'il s'agit de singularités psychiques légères, le départ entre ce qui est normal et ce qui ne l'est pas est toujours chose fort délicate. Si mon voisin ne pense pas, n’agit pas comme moi, dans les mêmes circons- tances, lequel de lui ou de moi mérite le qualifi- catif d'anormal?.. Nous sommes toujours enclins à accuser autrui, nous réservant pour nous la meil- leure part. L'équilibre mental parfait est done dif- ficile à définir. On arrive cependant à s'entendre sur le déséquilibre mental. Et il est certain que les tiqueurs en donnent des preuves unanimement re- connues. Faut-il entendre par là qu'il existe chez eux un trouble psychique spécial, que l'on n'ob- serve pas chez les autres psychopathes? — Assuré- ment non. Les mêmes particularités psychiques se rencontrent encore chez une foule d'individus, chez tous ceux qu'on englobe dans la vaste famille des dégénérés, — famille immense en vérité, carilsuffit d'une bien minime bizarrerie mentale pour mériter d'en faire partie, et, par contre, de bien graves ma- nifestations vésaniques sont rattachées également à la dégénérescence. 4 D' HENRY MEIGE — LES TICS Sans parler de ces dernières, je rappellerai seu- lement qu'on retrouve chez les liqueurs toutes les mêmes preuves de déséquilibre psychique qui ont été minutieusement analysées chez les dégénérés; c'est ainsi qu'on rencontre chez eux des manifes- tations par excès ou par défaut de la volonté et de l'émotivité. Leur volonté surtout est singulièrement fragile et instable; ils ne sont pas capables de vou- loir beaucoup, ni pour longtemps; d'où l’on infère avec raison que les interventions des centres supé- rieurs sont, chez eux, inconstantes, faibles et éphé- mères. Leur capacité d'attention est très atténuée ; de là une légèreté, une versatilité, qui rappellent vraiment la mentalité de l'enfance. C'est pour caractériser cet étal psychique que j'ai déjà employé fréquemment le mot d'infanti- lisme mental”. Il a pu surprendre, lorsqu'il était appliqué à des sujels notoirement connus par une intelligence et des facultés d'assimilation remar- quables. Je crois cependant que ce mot répond bien à son objet. Si l’on observe l’évolution de l'esprit chez les enfants, on s'aperçoit aisément que cette évolution est infiniment variable suivant les sujets. Tel reste par l'esprit plus jeune que son âge, tel autre se montre plus avancé prématurément. Il est des adolescents de quinze ans qui conservent la tour- nure d'esprit d'enfants de huit à dix ans. Il ne manque pas d'adultes chez lesquels on peut cons- tater de semblables retards. Et de mème au physique. Ne rencontrons-nous pas à chaque instant des sujets qui, par leur corps, sont en retard ou en avance de plusieurs années sur leur âge réel? Le proverbe à raison: « On n’a jamais que l’âge que l'on paraît avoir ». Eh bien! chez les tiqueurs, rien n'est plus. fré- quent que de constater un retard, parfois considé-. rable, du développement mental par rapport à l’âge réel du sujet. Que de fois j'ai entendu dire en par- lant de l’un d’eux : « C'est extraordinaire comme il est resté jeune de caractère ! » On voit des garçons de quinze ans, des adultes même, s'amuser encore aux jeux des bébés de six ans; ils ont la même légèreté d'esprit, la même insouciance, ils rient ou pleurent pour des niaiseries; parfois, ils ont des colères ou des élans de tendresse vraiment enfan- tins. Ce qui ne les empêche pas de donner, par ailleurs, des témoignages brillants d’une intelli- gence vive, d'une imaginalion primesautière, d'un raisonnement fort sensé. Mais ils donnent aussi à profusion des preuves de leur légèreté, de leur versalilité, de leur enfantillage, d'autant plus décon- certantes que le sujet est plus âgé. Cet infantilisme mental appartient à tous les liqueurs. £ 1 HexryY Mic : Histoire d'un tiqueur. Journ. de Méd. ét de Chir. pratiques, 25 août 1901. : D' HENRY MEIGE — LES TICS Est-ce à dire qu'il Jeur soit propre? Non, assu- rément. La plupart des dégénérés méritent le même qualificatif mental. Mais celte constatation, chez les tiqueurs, à une certaine importance. Elle implique, en effet, l'existence d'un retard ou d'un arrét dans le développement de certaines fonctions psychi- ques. De la même facon que nous avons décrit un infantilisme physique‘ caractérisé par la persis- tance, chez l'adulte, d'une conformalion extérieure propre à l'enfant, de la même façon on peut donner le nom d'infantilisme mental à la persistance de certains caractères de l'esprit appartenant à l’er- fance, comme la légèreté, la versatilité, une émoti- vité aux manifestations excessives, mais extrème- ment fugaces, qui normalement s'atténuent jusqu à disparaitre chez l'individu suivant une évolution normale. Et, de même encore que les anomalies du déve- loppement corporel ne portent pas sur tous les appareils, de même aussi les différentes fonctions psychiques ne se trouvent pas retardées simulta- nément. On voit des individus chez qui l'accroisse- ment de la taille se fait avec une rapidité excessive, tandis qu'au contraire chez eux les transformations cutanées ou pileuses ne s'opèrent que très tardive- ment. On voit aussi des sujets chez qui la mémoire, l'intelligence, deviennent rapidement très bril- lantes, tandis que leur capacité d'attention, leur volonté demeurent, la vie durant, quasi enfantines. Si l'on comprend ainsi l'infantilisme mental, on reconnaitra certainement qu'il est particulièrement fréquent chez les tiqueurs. Pour ce qui est des autres singularités psy- chiques qu'on observe chez eux,assurément il n’en est guère que l’on puisse considérer comme carac- téristiques. Cependant, il faut faire exception pour une tendance toute spéciale aux impulsions et aux obsessions. Ce qui, d’ailleurs, s'accorde à merveille avec l'infantilisme mental. Lorsqu'un sujet est incapable de fixer son esprit pendant un certain temps sur un même point, lorsqu'il « papillonne » incessamment d’un sujet ou d'une occupalion à l'autre, lorsqu'il n'apporte au contrôle de ses pensées ou de ses actes qu'une attention capricieuse, il est beaucoup plus exposé à voir s'installer dans son esprit une idée préva- lente, l'idée lixe, contre laquelle il se trouve désarmé, et qui bientôt vient dominer toutes les autres. Parmi les déséquilibrés où se recrutent les liqueurs, on rencontre un grand nombre d'ob- sédés. Et il existe entre le lic et obsession des afinités tn de té fort étroites, que MM. Pitres et Régis” ont parlicu- lièrementétudiées.Tantôtl'idéeobsédante engendre le tic; tantôt, au contraire, un lie devient lui-même l'origine d'une obsession. Dans l'un ou l’autre cas, on voit combien est grande la part qui revient au trouble mental, et combien il est juste de consi- dérer le tic comme un trouble psycho-moteur. En dehors d'une prédisposition psychique qui n'est vérilablement pas douteuse, d’autres facteurs étiologiques viennent favoriser l'éclosion des tics. Il est presque superflu de dire que l'hérédité joue ici un rôle capital, comme dans toutes les manifestations de la dégénérescence. L'hérédité peut être similaire; le cas est très fréquent : il y a des familles de tiqueurs. Mais ce peut être l’héré- dité névropathique sous tous ses modes : névroses, psychoses de toutes sortes. L’inmilalion joue aussi un rôle très important, el l'on peut se demander souvent si ce n'est pas à l'imilation, bien plus qu’à l’hérédité, qu'il convient d'attribuer la véritable importance étiologique. Il fau! aussi tenir le plus grand compte de l'édu- cation. Les parents des liqueurs ou leur entourage sont souvent responsables des Lics de leur progéni- ture. Je suis convaincu qu'une surveillance alten- tive exercée sur les jeunes candidats aux tics par- viendrait à enrayer chez eux presque toutes les manifestations de ce genre; el voilà en quoi le rôle étiologique de l'éducation, de la mauvaise éduca- tion, est si important. Que de parents consacrent des efforts considérables à donner à leurs enfants certaines habitudes de politesse ou de bienséance conventionnelles, Landis qu'ils négligent d’enrayer chez eux une foule d'habitudes motrices intempes- tives, parmi lesquelles figurent au premier chef les tics. On dit, et l’on répète communément, qu'il est dangereux d'attirer l'attention d’un enfant sur son tic. Quelle hérésie ! Tout au contraire, il importe de rappeler le petit tiqueur à l’ordre, aussi souvent qu'il est nécessaire. Nombre de ties de l'enfance peuvent être aussi facilement corrigés que cer- taines habitudes malséantes, comme de renifler, de faire du bruit en mangeant, de se tenir mal ou de marcher mal. Ce n'est, je le répète, qu'une question d'éduca- tion. Et, à cet égard, ce sont souvent les parents eux-mêmes qu'il conviendrait d'éduquer. Un des premiers devoirs du médecin, lorsqu'il s'agit de soi- gner un tic du jeune àge, est de commencer par bien faire entendre aux parents l'importance et Ja direction de leur rôle d'éducateurs. Souvent on y réussit. Souvent aussi l'on échoue. Dans ce cas là, 4 Henry Marce : L'Infantilisme, le Féminisme, etc. L'An- thropologie, L, IV, 1895, ! Prree et Ré£cis : Les obsessions et les impulsions. Paris, \ Doin. 1902 = on s’apercoit bien vite que les parents eux-mêmes présentent les mêmes défectuosités psychiques, le même infantilisme mental, qui, non seulement favo- risent l'éclosion d'un tic chez celui qui en est me- nacé, mais aussi chez ceux qui sont chargés de sa surveillance. IV. — LA FONCTION TIC. Le tie, dit-on, est un frouble fonctionnel. Rien de plus exact. El ce qualificatif va encore nous arrêter quelques instants. Le terme de fonction est très compréhensif. Dans la langue scientifique, aussi bien que dans le lan- gage courant, on l'emploie pour désigner des phé- nomènes extrêmement divers en apparence, mais qui présentent tous un certain nombre de caractères communs. La respiration, la circulation sont des fonctions ; la locomotion, la mastication sont des fonctions; on dit aussi que l'écriture est une fonc- tion. Bien plus, le mot s'étend dans la vie sociale pour désigner cerlaines occupations de l'individu utiles à la société. Existe-t-il des caractères com- muus à toutes ces fonctions? — Oui, et il en est un qui nous frappe immédiatement, car déjà nous l'avons signalé : c’est encore la répétition. Dans la respiration, dans la circulation, un rythme régulier préside à l'exécution de la fonction. Dans la marche, dans la mastication, c’est encore un mouvement qui se reproduit, toujours le même, sauf les variantes que certains accidents imprévus viennent y appor- ter. Enfin, dans la vie sociale, ne se représente- t-on pas un bon « fonctionnaire » comme faisant toujours les mêmes choses aux mêmes heures? La répétition d'un même acte conduit done à le con- sidérer comme un acte fonctionnel. Un tic, à cet égard, est donc bien un acte fonctionnel. Mais, dans toute fonction, il y a plus encore : c’est, d’abord, le besoin, qui précède l'exécution de la fonction, besoin qui se montre d'une évidence et parfois d'une impériosilé indiseutables : témoin, la miction. La nictitation, fonction elle aussi, est précédée d'un besoin, qui peut passer inaperçu à l'état normal, mais qui devient très évident si, pour une raison quelconque, l'œil cesse d'être humecté par le battement régulier des paupières. Car l'importance de ce besoin apparaît surtout lorsqu'il n’est pas satisfait, lorsque l'acte fonc- tionnel qu'il précède est retardé. Par contre, l’ac- complissement d’une fonction est suivie d'une sa- tisfaction véritable. Eh bien! A cet égard encore, les tics sont bien des actes fonctionnels *, On y retrouve, poussés même * Hexrv Merce : Tic et fonction. Revue neurologique, 1902, P. 983. 54 D' HENRY MEIGE — LES TICS à l'excès, le besoin prémonitoire et la satisfaction consécutive, surtout lorsque le tic s'accompagne de phénomènes obsédants. Commandez à un tiqueur de se contenir un instant : son besoin de tiquer deviendra de plus en plus impérieux. Et, dès que vous lui permettrez de cesser de se contenir, il tiquera copieusement, et il en éprouvera une satis- faction extrême. Le tic participe donc bien aux ca- ractères des actes fonctionnels. Mais je m'empresse d'ajouter qu'il représente un acte fonctionnel anor- mal. D'abord, Za répétition de l'acte se fait avee excès. Dans une fonction normale, les mouvements qui concourent à son exécution sont soumis à une loi biologique générale, la loi du moindre effort. Si nos paupières battent pour humecter notre ‘œil, les contractions palpébrales sont proportionnées au but proposé. Au contraire, dans le {ic de cligno- tement, les paupières battent beaucoup plus sou- vent, ou beaucoup plus fort, qu'il ne serait néces- saire pour assurer la nictitation. Le tiqueur déroge done à la loi du moindre eflort. Si l'acte qu'il exé- cute est bien un acte fonctionnel, c'est un acte fonc- tionnel anormal, par excès de l'intensité, de la fré- quence ou del’amplitude des mouvementsaccomplis. De la même façon, le besoin est exagéré chez le tiqueur. Ce besoin apparaît extrèmement impé- rieux, inévitable, alors qu'il pourrait être réprimé ou retardé, non seulement sans préjudice, mais encore avec avantage. Enfin, les Lics ne sont pas seulement des pertur- bations d'actes fonctionnels communs à tous les individus. Il en est qui représentent des fonctions nouvelles, imprévues, superflues, absurdes et sou- vent même nuisibles, fonctions parasites, où il est possible de retrouver des caractères communs aux actes fonctionnels normaux, mais dont l’inutilité, l'intempestivité, la nocivité même, témoignent encore une fois d'une insuffisance du contrôle de la raison. V. — DE QUELQUES VARIÉTÉS DE TICS. Les localisations des tics sont innombrables. Tous les muscles de l'économie peuvent être le siège d’un tic; et tous ces muscles pouvant se com- biner entre eux d’un nombre infini de façons, on comprend que les variétés de tics soit elles-mêmes infinies. 11 n'y aurait, d’ailleurs, qu'un intérêt rela- tif à passer en revue toutes les variétés de Lics con- nues jusqu'à ce jour. On serait certain, en effet, de laisser de côté une foule de tics qui peuvent être observés ultérieurement. Je me contenterai donc de passer brièvement en revue les principales loca- lisations. La face est, assurément, de tous les points du corps, le lieu de prédilection des ties. D'abord, c'est là qu'ils sont le plus apparents ; ensuite, la multi- plicilé des muscles faciaux et la diversité de leurs fonctions prêtent à un plus grand nombre de com- binaisons fonctionnelles. Les muscles de la face ont, en effet, des fonc- tions multiples. Ils servent à l’accomplissement d'actes essentiellement vilaux, comme la maslica- tion, la respiration, la nictitation. Ils servent, en “outre, à traduire les émotions, les sentiments, ce qu'on appelle les « états d'âme ». C'est à la face que “la fonction mimique est assurément le plus déve- “loppée. Pour toutes ces raisons, la face peut être * considérée à priori comme un siège de prédilec- | tion des ties; c’est bien ce que confirme l'observa- lion. - Ici, comme ailleurs, le « mouvement nerveux » par lequel le tic se révèle peut porter sur un ou sur “plusieurs muscles. Exemple: le {ic de clignotement, | qui ne porte que sur le muscle orbiculaire des pau- pières, parfois même d’un seul côté, mais le plus souvent sur les deux. Autre exemple : les tics de rire où de pleurer, qui représentent des caricatures d'un acte mimique normal, le rire ou le pleurer, et qui mettent en jeu les muscles orbiculaires des paupières et des lèvres, les muscles du nez, les zygomatiques, etc..; enfin, le tie de reniflement, dans lequel on voit s'associer les muscles du nez, du voile du palais et les muscles inspirateurs, le diaphragme en particulier. Dans les deux premiers cas, les muscles qui entrent en jeu sont innervés par un même nerf, - Je facial; dans le second, d’autres nerfs participent au mouvement : le spinal, le phrénique, etc. D'une facon générale, lorsque les tics de la face portent sur plusieurs muscles recevant toute leur innerva- tion de la septième paire, il est bien rare qu'on ne voie pas s'y ajouter les contractions d'autres muscles recevant leur innervation de sources diffé- rentes. C’est là un élément de diagnostic important, entre deux affections souvent confondues l’une avec l’autre, mais essentiellement dissemblables par leur nature, leur cause, et aussi par leur manifestation objective, je veux parler du fie facial et du spasme lacial. Je me suis tout spécialement efforcé de mettre en évidence les différences cliniques objectives qui permettent de faire le diagnostic de ces deux affections ‘. Il serait peut-être excessif de dire que rien ne ressemble moins à un tic facial qu'un Spasme facial, et cependant, dans la majorité des cas, ce diagnostic est de ceux qui, comme on dil, « sautent aux yeux ». Il est bon d'en rappeler en deux mots les grandes lignes. ; *4 Le spasme facial. Revue neurologique, 30 oct. 1903. D' HENRY MEIGE — LES TICS rs on Dans le spasme facial, les muscles qui entrent en jeu sont, et ne sont que des muscles tributaires du nerf facial, en particulier tous les peauciers de la face et du cou; par conséquent, ni l'œil ni la langue ne présentent de mouvements anormaux. De plus, l'affection est, dans l'immense majorité des cas, franchement unilatérale. Il se peut qu'au moment des grandes crises, l'excitation réflexe se propage à quelques muscles du côté opposé : c’est l’excep- tion. Dans le fie facial, au contraire, dans le {ie mi- mique surtout, les deux moitiés de la face entrent en jeu, à des degrés divers peut-être, mais il est bien rare que les contractions soient absolument dimidiées. Dans le spasme facial, les contractions se pro- duisent en suivant une marche progressivement croissante en intensité et en étendue. Par exemple, on voit d'abord l’orbiculaire se contracter, puis le zygomalique, puis le peaucier du cou; et ces con- tractions, légères d'abord, deviennent peu à peu de plus en plus fortes et de plus en plus fréquentes, pour aboutir à une sorte de tétanisation de toute une moitié du visage, réalisant ainsi une espèce de contracture, sur laquelie il est fréquent de voir se produire de petits frémissements, et que, pour cette raison, nous avons proposé de désigner sous le nom de contracture frémissante. Rien de pareil dans le tic facial : la secousse musculaire se pro- duit instantanément dans tous les muscles qui doivent entrer en jeu; elle atteint d'emblée son maximum, et elle disparaît avec la même rapidité, quitte à reparaître quelques instants plus tard; en outre, on ne voit jamais se produire cet état de con- contracture frémissante qui semble le propre du spasme facial. Enfin, un autre caractère diagnostique de très grande importance, c'est que, dans les spasmes, quels que soient Les efforts d'attention, de volonté du sujet, quelles que soient ses distractions, quelles que soient les pressions exercées sur la région spas- modique, lorsque l'accès a commencé, il faut qu'il se continue avec l'inexorable fatalité d'un réflexe simple. Dans le tic, au contraire, les interventions psychiques, la surprise, l'attention, l'émotion, un effort de volonté le plus souvent, et aussi un con- tact minuscule, une pression insignifiante, suffisent généralement à arrêter, — pour un temps plus ou moins long, mais à arrêter, — le phénomène con- vulsif. Je passe sur d’autres éléments de diagnostic qui viennent s'ajouter à ceux-ci, en particulier sur ce fait que les tics ne se produisent jamais pendant le sommeil. Et je répète qu'en vérité, il ne me parait guère possible de confondre un spasme avec un tic de la face, en se basant sur des signes cliniques objectifs. L'importance de ce diagnostic est grande, 456 D' HENRY MEIGE — LES TICS car il en découle un pronostic et une thérapeutique essentiellement différents suivant les cas. Les lies des yeux méritent une attention par- ticulière; clignotements et clignements sont très fréquents. On peut en rapprocher un certain nombre d'affeclions oculaires, qui, si elles ne méritent pas précisément le nom de tics, appar- liennent sans contredit à la même catégorie de troubles fonctionnels, et sont justiciables du même traitement. Le lic peut porter, en même temps que sur l'orbiculaire des paupières, sur l’un quel- conque des muscles moteurs de l'œil. Il n’est pas rare de voir un sujet, atteint d’un tic de clignote- ment, faire en même temps un mouvement de l'œil, soit en dedans, soit en dehors. Ces tics du globe oculaire peuvent même exister sans que les paupières entrent en jeu, et il y a lieu d'en rap- procher certaines oscillations rapides, — nyslag- milormes, — dont on ne peut trouver l'explication dans une lésion quelconque des noyaux ni des nerfs moteurs de l'œil. Beaucoup de ces nys{ag- nus de cause inconnue et introuvable ne sont, sans doute, que des habitudes fonctionnelles anormales. Et de même certains s{rabismes. Bien plus, il me parait très vraisemblable que certains mouvements de l'iris et du crislallin peu- vent être rattachés, non pas à des lésions maté- rielles, mais à des troubles de la fonction irienne ou de l’accommodation, comme la micropsie où la mégalopsie”. Il n'ya rien d'excessif à qualifier de ties ces acci- dents, puisqu'ils paraissent bien répondre à des habitudes fonctionnelles anormales, qui se tra- duisent par des phénomènes moteurs se répélant avec une apparence convulsive, et sur lesquelles les interventions corticales ont un effet inhibiteur non douteux. On peut décrire de même des fies de l'oreille externe (pavillon) ou interne, se tradui- sant par des bourdonnements où des bruits variés. Après les yeux, les lèvres sont, à la face, le siège de prédilection des tics. Il est presque impossible d'énumérer toutes les variélés des mouvements anormaux dont les lèvres peuvent être le siège; on y constate surtout des tics cloniques, mais les tics toniques des lèvres ne sont pas inconnus. Certains sujets font un tic tonique de pincement des lèvres out à fait comparable aux ties de clignement des paupières. Les stéréotypies labiales sont aussi fort nombreuses. De ce nombre est la cheilophagie, qui est presque aussi fréquente que l’onychophagie *. Ce ne sont point des tics, à proprement parler, 1 Tics des yeux. Annales d'Oculistique, 1903. 2 Hexry Meice : Tics des lèvres. Cheilophagie. Congrès de Médecine aliéniste.et neurologicte. Bruxelles, Août 1903. mais plutôt des habitudes morbides de manger ses lèvres ou ses ongles. Une remarque à ce propos. Tics, habitudes mor- bides ou stéréotypies tendent à se localiser de préférence dans les régions du corps où les Lermi- naisons sensitives sont plus particulièrement abon- dantes et délicates, comme les yeux, les lèvres, les ongles. La grande richesse des filets sensitifs dans ces régions multiplie les causes d'incitation. La répétition des incitations entraine la répétition des réactions motrices; par là se trouve facilitée l’ins- tallation d’un geste anormal. Et s’il s’agit d'un pré- disposé, celui-ci a de grandes chances pour ne pouvoir échapper à l’une quelconque de ces habi- tudes morbides. Ainsi s'explique le grand nombre d'onychophages, de cheilophages, de clignoteurs qu'on observe chez les dégénérés en général, et chez les tiqueurs en particulier. Les fics du nez ne sont pas rares; mais ils sont rarement isolés et font le plus souvent partie de tics respiratoires, comme par exemple le fic de renillement, si fréquent chez les enfants, et même chez les adultes. Sa cause est presque toujours un coryza ou une excoriation nasale, qui ont élé l'ori- gine d'une contraction des muscles canins ou élévateurs des ailes du nez, accompagnés d’une contraction diaphragmatique ou des museles expi- rateurs. On trouve aussi des tics des muscles mastica- teurs : sous la forme clonique, — ils sont alors caractérisés par des mouvements de masticalion où » de diduction intempestifs, — et très souvent aussi sous la forme tonique, réalisant ainsi une sorte de contraction permanente des mâchoires, à la- quelle on a donné le nom de frismus mental, et qu'on n'observe pas seulement dans certaines grandes psychoses, mais aussi simplement à titre épisodique chez des dégénérés. Les ties localisés aux muscles du cou sont très fréquents:ils se traduisent par de pelites secousses de la tête, de haut en bas ou latéralement : fies de hochement, d'aflirmation, de négation, de saluta- tion, qu'il ne faul pas confondre avec certains spasmes d'allure analogue. Par exemple, l'affection décrite sous le nom de spasmus nulans ne doit pas être considérée comme un tic. Elle s'accompagne, « ag ge + ' en effet, d’autres manifestations qui permettent de supposer l'existence d'une lésion matérielle. De M plus, on l'observe chez de tout jeunes enfants. Or, les tics, les vrais Lies, n'existent jamais pen-« dant les premières années. Ce n'est guère que vers ’âge de six ou sept ans que les tices apparaissent sous la forme de clignotements, de grimaces lé- gères, de secousses de la tête ou des membres, … généralement très faciles à corriger à cet àge. Mais D° HENRY MEIGE — LES TICS 157 dans les cinq premières années, les tics ne s'ob- servent pas. Aux lies du cou s'ajoutent fréquemment des lies - de l'épaule, ce qui s'explique par le mode d'inser- > tion des muscles de la région cervicale. | Parmi les Lies du cou, il es! une forme un peu Porc à laquelle M. Brissaud a donné le nom de torticolis mental'. Tantôt ce tic revêt une forme clonique et se lraduit par des secousses de la tôte entrecoupées de temps de repos : mouve- ments de rotation, de flexion, ou de renversement, - qui peuvent être très variables dans leurs manifes- tations. Tantôt il s'agit d’un tic tonique, réalisant une attitude de rotation, de flexion ou de renver- . sement de la tête presque permanente, et qui mé- -rite vraiment le nom de tic, car les muscles qui concourent à la production de ces attitudes, — le | sterno-mastoïdien, en particulier, — apparaissent . en élat de contraction forcée. Chez le même sujet, il n’est pas rare de voir un forticolis clonique se transformant en {orticolis tonique, ou inversement. Nouvelle preuve qu'il s’agit bien d’une seule et même affeclion, quelles que soient les apparences extérieures. Et ces torlicolis méritent bien le qualificatif de mentaux, car ce sont au premier chef des troubles psycho-moleurs. Les causes qui président à leur apparition, les modifications qu'ils subissent sous l'influence des interventions psychiques permettent de les assimiler aux ties. Nous avons décrit, avec M. Féindel, un signe qui fait rarement défaut en pareils cas et qui démontre bien la part qui revient aux interventions psychiques : il suffit, en effet, au sujet qui est atteint d’un torticolis de ce genre d'approcher son doigt de son visage, — souvent même sans que le doigt arrive en contact avec la peau, — pour obtenir la cessation du mouvement convulsif ou le redressement de l'attitude. C'est ce que nous avons appelé le geste antagoniste efli- cace, que chaque malade invente et complique à son gré de stratagèmes plus ou moins bizarres, d'appareils étranges, — gestes ou moyens de dé- fense bien connus des aliénistes, fort nombreux dans le cas d’obsession, et qui deviennent parfois eux-mêmes des {ics surajoulés, capables aussi de remplacer les ties initiaux. C'est à ces gestes ou attitudes antagonistes de défense qu’un de nos ma- lades donnait le nom pittoresque de paralics, — reconnaissant lui-même que ces paralics étaient souvent l’origine de tics nouveaux. Le torticolis mental, tel qu'il a été décrit par M. Brissaud, est bien un tic. Mais, de même qu'il existe des tics et des spasmes de la face, il existe 1 BrissauD : Loc. cit. — Her MEIGE et E. FEINDEL : Les tics et leur traitement. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1904. aussi des tics et des spasmes du cou : il y a des torticolis-ties et des torticolis-spasmes. Les muscles du {rone, ceux du dos, ceux de la ceinture pelvienne, sont aussi le siège de ties. On connait les tics de balancement, si fréquents chez les idiots et les arriérés. Ces mouvements, qui se répètent généralement d’une façon rythmique, re- présentent dans la hiérarchie des tices les degrés les plus inférieurs. Je n'insiste pas sur les tics des bras ou des Jambes, qui sont très variés. Ces derniers appor- tent dans la démarche des modifications souvent très singulières : sauts, génuflexions de toutes sortes, variables à l'infini. Les doigts sont rarement le siège de tices véri- tables. On en observe cependant. Mais, le plus sou- vent, il s’agit d’habitudes motrices vicieuses qui, n'ayant pas le caractère convulsif particulier aux tics, appartiennent aux stéréotypies : — par exem- ple, les soi-disant fics de grattage. Il y a encore toute une variété de tics qui repré- sentent des perturbations d'actes fonctionnels nor- maux tels que la déglutition, la respiration, la pho- nation. Chacun d'eux mériterait assurément une description particulière : le {ic de sputation ou de crachottement, lun des plus désagréables que l’on connaisse; le tic d'éructatioi, auquel convient éga- lement le nom de fic aérophagique : c’est bien un des meilleurs exemples qu’on puisse donner d’une perturbalion fonctionnelle, car les aérophages in- tervertissent le rôle de la déglutition et de la respi- ration ; ils avalent et font pénétrer par l’œsophage l'air qui, normalement, ne doit passer que par la trachée, puis ils expulsent cet air par des éructa- tions sonores, parfois, comme on dit, « en salves ». Ces tics aérophagiques sont surtout fréquents chez les sujets d’un certain âge, qui présentent déjà un certain degré de déchéance mentale; ils accompa- gnent nombre de vésanies. Il existe aussi des fics de soufflement, de ron- lement, de reniflement et de toux, actes fonction- nels intempestifs, dénaturés. J'arrive à une série de tics plus spéciale : je veux parler des {ics du langage. Ceux-ci sont si fréquents chez certains tiqueurs qu'on à pu considérer comme caractéristiques de la maladie les phénomènes décrits sous le nom d'écholalie et de coprolalie. L'écholalie n’est pas, à proprement parler, un tic; car, en pareil cas, Les mots proférés par le malade ne sont, le plus sou- vent, que la répétition des mots prononcés devant | lui, sans que ce phénomène ait rien de convulsif. | I n’en est pas de même de ces mots explosifs, de ge NE D' HENRY MEIGE — LES TICS 3 ces cris brefs et répétés, toujours les mêmes, avec une brusquerie véritablement convulsive, qui, lorsqu'il s'agit de vocables grossiers ou orduriers, méritent bien alors le nom de coprolalie. Enfin, très proches des tics du langage sont les troubles de la parole, dont l'exemple le plus connu est le hégaiement. Le bégaiement est-il un tic? Non, car il n'apparait qu'à l’occasion du seul acte de la parole, tandis que le propre du tic est de se manifester en toutes occasions. Un cri bref, un hem! un bah! etc., qui éclate brusquement au cours de n'importe quelles occupations, aussi bien pendant le silence que pendant la parole, voilà un véritable tic du langage. Mais une répétition de syllabes, une hésitation et même une façon de parler explosive, un défaut de prononciation tel que le chuintement, tous ces troubles de la parole ne se produisant qu'à l'occasion de la parole, ne sont pas des tics véritables. À vrai dire, ces phéno- mènes sont tout à fait proches parents; les sujets qui en sont atteints présentent presque toujours le même état mental que les tiqueurs. Souvent mème le tic et le bégaiement coïncident ou alternent chez le même sujet. D'ailleurs, tics du corps et tics du langage sont justiciables des mèmes modes de traitement et les heureux résultats obtenus par l'application aux uns et aux autres des mêmes moyens thérapeu- tiques confirment encore la parenté de ces acci- dents. Mais il serait excessif de donner la dénomi- nation de {es à ces troubles du langage, de la même façon qu'il ne convient pas d'appeler tics les troubles moteurs connus sous le nom de crampes professionnelles, crampes des écrivains, crampes des pianistes, des télégraphistes, etc., encore qu'il s'agisse bien ici le plus souvent de troubles psycho- moteurs de la même famille. Cependant, les crampes fonctionnelles ou pro- fessionnelles ont aussi pour caractère distinetif de ne se produire qu'à l'occasion d'un acte déter- miné, l'écriture, le jeu du piano ou de l'appareil Morse, etc. En dehors de ces actes, ils n’appa- raissent pas. Les lics, au contraire, éclatent en toules occasions, à propos de tout comme à pro- pos de rien. Leticn'est pas, d'ailleurs, spécial à l’homme. On a décrit depuis longtemps des fics chez les animaux, et il semble même que le mot fic ait été appliqué pour la première fois à cerlains mouvements con- vulsifs que font les chevaux. Jusqu'à ces toutes dernières années, les lics des animaux n'avaient guère été étudiés qu'accessoirement dans les re- cueils vétérinaires. Depuis la publication que nous avons consacrée, M. Feindel et moi, aux tics de l’homme, deux de nos confrères, M. Rudler, méde- cin militaire, et M. Chomel, vétérinaire de l'armée, ont entrepris une étude méthodique des lies des chevaux en leur appliquant nos procédés d'étude . Les résultats qu'ils ont publiés viennent entière- ment confirmer la similitude pathogénique et eli- nique des tics humains et des ties équins. Qu'il s'agisse de ce Lic de balancement, appelé chez le cheval tie à l'ours, ou des ties de léchage, de mordillement, les mêmes remarques que l’on peut faire chez l'homme sont applicables au cheval. Les chevaux liqueurs appartiennent tous à une caté- gorie d'individus anormaux, chez lesquels on retrouve des stigmates physiques de dégénéres- cence, tout à fait comparables à ceux que pré- sentent l'immense majorité des liqueurs humains. Bien plus, il est possible de reconnaîlre aussi chez les chevaux tiqueurs une disposition névropathique, qui rappelle singulièrement celle des tiqueurs humains. On peut établir chez l'animal une dislinc- tion entre les actes moteurs purement réflexes, d'origine spinale ou bulbaire, et d’autres actes qui impliquent nécessairement une parlicipation des centres supérieurs, autrement dit qui présentent tous les caractères de nos actes psycho-réflexes. S'il est un peu aventureux de parler de psychisme de l'animal, etsi, bien entendu, l’activité psychique de ce dernier reste toujours à l’état rudimentaire par rapport à celle de l’homme, il n’est pas superflu, cependant, de constater que les tics de l'animal offrent précisément le plus de ressemblance avec ceux qu'on observe chez les sujets dont le dévelop- pement psychique est resté, lui aussi, rudimentaire: c'est-à-dire avec les lies des idiots, des imbéciles, des arriérés. Ces tics sont, en effet, fort nombreux chez les individus dont le retard ou l'arrêt mental est consi- dérable. Et ce fait s'explique aisément : l'arrêt de“ développement manifeste des centres supérieurs chez les idiots et les arriérés les place au dernier rang des infantiles psychiques. Etant donnée l’irré- gularité, et souvent même l'impossibilité, du con- trôle cortical chez ces malades, on peut s'attendre à voir se multiplier chez eux les phénomènes d’automatisme. C’est ce que confirme amplement l’observalion. Les tics surviennent aussi chez des sujets dont, jusqu'à un certain âge, le développement psychique a été normal, mais qui, sous une influence quel= conque, sont tombés en déchéance mentale. Rien n'est plus fréquent que de voir apparaitre des tics ou des stéréotypies au cours des différentes psy- choses. Ici encore la diminution accidentelle du 1 Ruper el CuoeL : Revue neurologique, p.541, 649, 853, 1903, et Congrès de Bruxelles, Août 1903. contrôle cortical vient donner laraison de la prépon- dérance qu'acquièrent les phénomènes d'auloma- tisme, qu'il s'agisse de tics, de stéréolypies, ou d'autres manifestations motrices anormales, comme le catatonisme. En définilive, on voit que toutes les causes “capables de supprimer le contrôle des centres supé- rieurs favorisent l'éclosion des tics. Ces causes peuvent être sous la dépendance d'une imperfection congénitale, ou d’un arrèt de développement de l'écorce elle-même ou de ses voies d'association …avecles centres situés au-dessous d'elle. Des modi- “fications accidentelles survenant au cours des diffé- “rentes psychoses peuvent aboutir au même résul- Ltat. Mais il y a lieu d'établir, cliniquement, une distin- tion entre les lies qui peuvent être rattachés à un “arrêt ou à un retard du développement nerveux et les tics qui surviennent au cours de psychopathies “éventuelles. Les premiers appartiennent surtout au jeune âge, débutent souvent entre la sixième et la huitième années, parfois aussi au moment de la puberté: ils sont souvent variables, tendent généra- lement à s'atténuer avec le temps; en tout cas, ils sont plus facilement accessibles à nos moyens de traitement. Les seconds sont des tics tardifs qui sont moins aisément curables. Il existe encore une forme de tic qui mérite d’être signalée à part: c’est celle qui est connue sous le nom de maladie des ties ou maladie de Gilles de la Touretle. Chez cerlains sujets, en effet, l'affection semble suivre une marche constamment progressive, depuis son début dans le jeune âge jusqu'à une époque avancée de la vie. Un tic très banal, et bien localisé “en apparence, tend peu à peu à s'étendre, de proche en proche, et à se généraliser. De l'œil il gagne toute la face, puis la tête, les épaules, les bras, le tronc, les jambes; enfin des cris, des mots étranges, souvent orduriers, sont prononcés de façon involon- taire et convulsive. Ainsi se réalise le tableau cli- nique de la maladie de Gilles de la Tourette, accom- pagnée d'écholalie et de coprolalie. Gette forme représente l'apogée du tic. Sa marche progressive est difficile à enrayer, son pronostic est particuliè- rement sévère ; dans un certain nombre de cas, en effet, on a vu la maladie aboutir à un état démentiel irrémédiable. Très heureusement, ce sont là des formes excep- tionnelles, et les cas où la marche de la maladie n'est pas progressive sont les plus nombreux. Il imporle donc de réagir contre une opinion que les descriptions de la maladie de Gilles de la Tourette ont contribué à accréditer : je veux dire l'incurabi- D' HENRY MEIGE — LES TICS 459 lité des tics. Bien au contraire, il faut le répéter, la grande majorité des tics sont curables, ou pour le moins susceptibles d'améliorations très grandes. VI. — COMMENT ON SOIGNE LES TICS. Ce n’est pas le moindre intérêt de la question des tics que les enseignements relirés de l’applicatioa d’un traitement logiquement conçu. Depuis l’année 1893, où, à l’instigation de M. le Professeur Bris- saud, nous avons commencé à appliquer systéma- tiquement aux tiqueurs une méthode de traitement basée sur la discipline des actes psycho-moteurs, nous avons vu, non seulement s’accumuler les preuves de l'efficacité de cette méthode, mais nous avons pu tirer des résultats oblenus des confirma- tions pathogéniques très précieuses *. Le tic étant un trouble psycho-moteur, on peut espérer, a priori, agir sur lui soit par la voie psy- chique, soit par la voie motrice. Dans le premier cas on s'adresse à la psychothérapie, dans le second à une gymnastique rationnelle. L'une ou l’autre de ces méthodes ont été employées; isolé- ment, chacune d'elles n’a pas toujours donné de bons résultats. C'est qu’en effet leur emploi simul- tané est de toute nécessité. Et c'est à quoi tend la méthode connue désormais sous le nom de discipline psycho-motrice*. À l'in- verse des méthodes d'éducation physique, qui ont pour objectif de transformer des actes voulus en actes automatiques, la discipline psycho-motrice tend à supprimer les actes automatiques et à déve- lopper le pouvoir frénateur et correcteur des cen- tres supérieurs. Chacun sait ce que l’on entend par un acle aulo- matique. Nous l'avons déjà dit : c’est un acte qui, à force d'être répété, sous l'influence de l’habi- tude, se reproduit sans que la volonté, l'attention du sujel soient nécessaires à son exécution. Tandis qu'à son début cet acte exigeait le concours d’in- terventions corticales multiples, manifestations de volonté ou d'attention destinées à le régulariser, à le coordonner, peu à peu, grâce à la répétition, grâce à l'éducation, qui n’est elle-même que le fruit de la répétition, le contrôle exercé par les centres supérieurs devient moins nécessaire, moins fré- quent, et va même jusqu'à disparaître tout à fait : l'acte est alors devenu habituel, automatique. Toutes les éducations physiques tendent à ce but. Qu'il s'agisse d'enseigner l'escrime ou le piano, l'équita- tion ou la dactylographie, le but de l’éducateur est 1 Hexry Meicz et E. FemoeL : Traitement des tics. Presse Médicale, 16 mars 1901. ? BrissauD et Hexry Merce : La discipline psycho-motrice. Congrès de Madrid, Avril 1903. 460 D' HENRY MEIGE — LES TICS ." { | toujours de transformer, par l'habitude, un acte primitivement volontaire et nécessitant le contrôle d'une foule de sens et de centres, en un acte auto- matique capable de s'exécuter sans ce contrôle. Tous les actes fonctionnels appartiennent à cette même catégorie; ils ont nécessité, au début, la mise en jeu d'une foule de contrôles, puis peu à peu ils arrivent à s'en dispenser. L'écriture en est le meilleur exemple; elle nous montre bien l'im- portance de la répétition d'un même acte pour la création d’une fonction nouvelle. Beaucoup d'actes fonctionnels qui nous sont nécessaires et indispensables ont nécessité, eux aussi, une éducation analogue. La nictitation ne se fait pas chez le nouveau-né avec la même régularité que chez l'adulte ; la mastication exige une véritable éducation, qui, le plus souvent, échappe aux yeux des éducateurs, mais qui n'en est pas moins le résultat d'habitudes motrices enseignées par l'exemple. La preuve en est que tous les sujets ne mangent pas de la même facon ; si, assurément, le résultat obtenu est le même, les moyens employés varient suivant les peuples ou suivant les milieux. On pourrait en dire autant de la plupart de nos fonctions. Celles-là même qui semblent les plus essentiellement vitales, les moins « apprises », ont nécessité un temps d'éducation; les actes néces- saires à leur exécution ont dù se répéter pendant un temps souvent fort long, avant que la fonction ait acquis son complet perfectionnement. Les tics, qui, nous l'avons vu, peuvent être con- sidérés comme des fonctions anormales, sont soumis aux mêmes lois, et, avant d'acquérir l'automa- tisme, le tic traverse une phase d'éducation; cer- tains tiqueurs même se rendent très bien compte des efforts qu'ils ont fait pour créér un tic; d'autres passent leur temps à le perfectionner ou à en créér de nouveaux. Eh bien! Si la répétition d'un même acte inop- portun et excessif peut entrainer la création d'une fonction parasite, inversement n'est-il pas possible de corriger cet acte fonctionnel gräce à l'interven- tion de ce même contrôle psychique qui a servi à le créer? Voilà la question qu'il était permis de se poser a priori, et à laquelle on peut répondre aujourd'hui par l’affirmative, avec preuves à l’ap- pui. Il semblerait que, pour arriver à ce résultat, il suffise d'attirer l'attention du malade sur son tic et de lui demander d'opérer lui-même les corrections nécessaires; c'est ce que se propose la psychothé- rapie pure, et c'est à quoi elle peut quelquefois aboutir, bien qu'à la vérité elle n'v réussisse pas souvent. Et, en effet, si le malade comprend géné- lement bien ce qu'on lui demande de faire, besoin d'être guidé, il a tout à fait comme un enfant Ici encore, nous retrouvons une preuve de la réa- lité de cet élat mental infantile qui joue un si grand rôle dans la vie du tiqueur. Il ne suffit pass de lui dire : « Ne tiquez plus. Faites que votre volonté, que votre attention, se portent tout en tières vers ce but : maitriser vos gestes intempes- a tifs.… » Il est nécessaire de lui apprendre comment il doit opérer cette correction. D'ailleurs, s'il est vrai que, dans nombre de cas ï le liqueur soit le propre créateur de son tic et qu'il l'ait constitué lui-même de toutes pièces, le plus souvent aussi il a fait cette opération sans s'en rendre compte; ce n’est point parce qu'il a voulu faire et répéter tel ou tel geste qu'il est arrivé à ñ acquérir un automatisme spécial, c'est surtout. parce qu'il a négligé de contrôler ces gestes et qu il les a répétés inconsciemment, ou, si l'on veut,« subconsciemment. En général, cependant, le tiqueur sait fort bien pourquoi et comment il a fait ce geste initial. Ainsi, un malade, atteint d'un tie de clignement, savait fort bien comment cette habitude lui était venue : il s'amusait à viser un point de la monture de son binocle. Le geste initial était parfaitement voulu et adapté à son objet. Mais par la suite, à force de se répéter, il devint habituel, automalique et finit même par se reproduire quand le binocle n’était plus sur le nez. Ce tiqueur-là eût été capable de réprimer son clignement, s'il n’eût eu cette légè- reté d'esprit, cette versatilité, ce peu de persévé-" rance, qui appartiennent à tous les liqueurs etquiles mettent, comme les enfants, dans l'impossibilité de se tirer d'affaire tout seuls. Î Combien d'enfants arriveraient à écrire, à jouer" du piano, etc, s'ils Dent un maitre auprès d'eux pour ramener à chaque instant leur atten-« tion sur les actes qu'ils doivent faire, autrement® dit pour leur « màcher la besogne », en leur indi=" quant par le menu tous les détails de son exécu-« tion? Il en est de même des tiqueurs. Eux aussi sont pleins de bonne volonté, parfois même témoi=M gnent d'une ardeur des plus louables, mais ce beau feu est vite éteint; au premier insuccés ils se décou=" ragent; souvent aussi, ils ont tendance à apporter des modifications de leur crû, généralement plutôt préjudiciables qu'utiles. Eux aussi, ils ont besoins d'un éducateur, et cet éducateur sera, s’il le faut, le médecin. Celui-ci ne bornera pas son rôle à leur indiquer en paroles ce qu'ils doivent faire ; il devræ encore leur faire exécuter sous ses yeux l'acte cor recteur commandé. Il doit surtout le leur faire répéter avec une surveillance toujours attentive; car c'est de cette répétition correcte que dépend Jan correction de l'acte intempestif. C'est par cette répé tition, soumise au contrôle des centres supérieurs; que l'acte normal deviendra peu à peu lui-même _& D: HENRY MEIGE — LES TICS 461 automatique. Ainsi une habilude motrice vicieuse era remplacée par une bonne habitude motrice. Nous retrouvons encore icices mots de répétition t d'habitude, qu'il ne faut jamais perdre de vue orsqu'on parle des tics. La langue populaire nous appris la valeur de ces notions. Les proverbes, on le sail, sont souvent les expressions banales du bon sens et de l'observation. L'un d'eux nous dit : « L'habitude est une seconde nature ». L'histoire “des liqueurs en fournit plus d'une preuve. C'est “pour avoir pris l'habitude de hocher la tête, afin “de redresser un chapeau instable, qu'un enfant, “normal jusqu'alors, apparaît désormais comme doté d'une fonclion nouvelle insolite, d’une fonc- “tion de hochement, qui modifie sa nature première. …_ Mais il n'est pas de proverbe qui n'ait sa contre- “partie. Un autre nous dit : « Chassez le naturel, il “revient au galop ». L'expérience, en effet, montre “que, si l'on parvient à chasser un tie, ce tic a souvent Lendance à reparaitre sous la mème forme ou à être remplacé par un autre Lic. Il semble qu'il y ait chez les candidats aux tics un « potentiel de tic » tou- jours prèt à se manifester. Ce n’est pas une raison pour renoncer à la lutte, et, s'il est indispensable que la discipline psycho-motrice soit appliquée avec persévérance, s’il est nécessaire de chasser très loin ce « mauvais naturel », pour qu'il ne risque pas de revenir au galop, il n'est pas moins certain qu'en poursuivant un temps suffisant les efforts de correction, le tiqueur finit par acquérir, par habitude, une « seconde nature », qui est une nature à ne plus tiquer. La discipline psycho-motrice tend vers ce but. Pour être vraiment fructueuse, elle doit — son nom l'indique — faire appel aussi bien aux idées qu'aux actes. En d'autres termes, il faut que le sujet reprenne l'habitude d'exercer un contrôle efficace sur tous ses gestes, sur tous ses mouvements; il faut donc mulliplier les occasions de lui faire pen- ser un acte et exécuter l'acte pensé, sans perdre de vue le but à atteindre. Il est donc indispensable de faire appel! à chaque instant à son activité psy- chique et de subordonner tous ses actes à cette der- nière. Il faut exiger de lui des efforts volontaires, constants, loujours nouveaux, capables d'inhiber les actes moteurs intempestifs, capables aussi de créer des actes moteurs corrects. Il ne suffit donc pas de commander et de se faire obéir : l’exécu- tion passive viendrait à l'encontre du but opposé; il faut que chacun des mouvements que l’on prie d'exécuter soit, non pas seulement le reflet d’un ordre donné, mais le résultat d’une intervention personnelle du sujet. C'est ainsi que l'on parvient à développer et à perfectionner son activité psycho-motrice; c'est ainsi qu'il prend l'habitude d'exercer sur lui-même un contrôle indispensable. Le malade doit donc toujours faire un effort per- sonnel, et maintes fois il doit le répéter. Plus fré- quent et plus personnel sera cet effort, meilleur sera le résultat. Il ne suffit donc pas de faire agir : il faut amener le patient à vouloir agir ; il faut, en outre, lui montrer pourquoi et comment il doit agir. On ne doit pas le considérer comme un être passif, se bornant à exécuter les ordres donnés, mais comme un élève auquel on apprend à penser pour agir, comme un Collaborateur avec lequel on tra- vaille à l’œuvre de guérison. Et cette correction dépend autant des efforts et de la persévérance du médecin que de ceux du malade. Voilà comment doit être comprise la discipline psycho-motrice. Objectivement, on conçoit qu'elle doit porter à la fois sur l’immobilité et sur le mou- vement. Des gammes d'exercices méthodiquement graduées doivent être faites par le malade sous une surveillance attentive et régulière. Peu à peu, le sujet s'entraine à obtenir une immobilité de durée progressivement croissante, et à exécuter des mou- vements simples, débarrassés de tout geste superflu. Ce traitement général est notablement facilité par un procédé de correction dont les résultats paraissent démontrés aujourd’hui : Ze contrôle par le miroir'. Le miroir est destiné à remplir l'office de surveillant, à rappeler à l’ordre le malade, lorsqu'il est seul, pendant l'exécution des exercices prescrits. Les avertissements du miroir, qui reflète impitoyablement toutes les fautes, obli- gent le patient à multiplier ses efforts correcteurs. Ils développent son activité psycho-motrice. Ainsi se prend peu à peu l'habitude d'exercer sur les actes moteurs le contrôle nécessaire à leur bonne exécution. | Outre leur portée pratique, les heureuses modifi- cations obtenues par l'application de ce traitement confirment bien les idées que nous venons d’expo- ser sur les causes, la génèse et la nature même des lies. D' Henry Meige. ‘ Hrxri Meice : La correction des tices par le contrôle du miroir. Congrès de Grenoble, Août 1902. & [er] 19 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Verneaux (René), Chef du Contentieux des Messa- geries maritimes. — L'Industrie des Transports maritimes au dix-neuvième siècle et au commen- cement du vingtième siècle. — 2 vol. in-8°. À. Pe- done, éditeur, Paris, 1903. Les questions de marine marchande sont ignorées en France, non seulement du grand public, mais de la plupart des personnes occupant les plus hautes situations dans la hiérarchie sociale, La loi du 7 avril 1902, loi dont la Commission extra- parlementaire étudie déjà le remplacement d'urgence, tant elle répond mal au but qu'elle devait remplir, est un exemple, tout récent et bien topique, de la légèreté et de l’incohérence avec lesquelles le Parlement traite les questions de marine. Non pas que cette loi ait été votée trop vite; la Chambre des députés lui consacra, au contraire, plus de trente séances, et le Sénat près de vingt; mais que de conceptions erronées, que d'af- firmations inexactes, que d'hérésies sortirent de la bouche de certains orateurs, et quelles conséquences déplorables cette ignorance de la question n'a-t-elle pas engendrées! Tel ministre, dont le département était directement intéressé par ces débats, parfois pas- sionnés, ne prit pas la parole une seule fois pendant leur durée; tel autre ministre ne craignit pas, du haut de la tribune, de vouer à l'exécration publique les armateurs de voiliers, sous prétexte qu'à la faveur de la loi de 1893 ils faisaient naviguer leurs navires en zigzag à travers les océans, pour toucher des} primes plus fortes, alors que les primes sont calculées en ligne droite du point de départ au point d'arrivée. On affirma que ces mêmes voiliers, ces pelés, ces galeux d’où venait tout le mal, gagnaient des sommes fabu- leuses et distribuaient des dividendes insensés rien qu'en naviguant sur lest, alors qu'en réalité la plus grande partie de leurs recettes provenaient des frets, lesquels étaient très élevés à l’époque considérée. Cela explique pourquoi M. Millerand, président de la Commission extraparlementaire instituée par le décret du 5 novembre 1905, prononcait, le 14 décembre der- nier, en souhaitant la bienvenue à ses collègues, les paroles suivantes : « Aussi bien, l'heure rest plus à rechercher pourquoi et comment le projet de loi Sur la marine marchande a été, au cours de longs débats, trituré et transformé de telle sorte qu’il en est arrivé à produire des résultats tout contraires à ceux que s’en promettaient ses promo- teurs et ses défenseurs... » Je m'excuse de cette digression un peu longue sur la loi d'avril 4902; mais elle n'était pas inutile; car le lecteur de cette notice en a déjà tiré sans doute la con- clusion que, si nos honorables parlementaires avaient eu la bonne fortune de lire avec attention l'ouvrage de M. Verneaux, ils seraient cerlainement parvenus à élaborer une loi plus conforme aux intérêts considé- rables qu'elle avait pour mission de sauvegarder. Ils eussent appris par l'étude des Régimes antérieurs, auxquels ont été soumises les marines marchandes étrangères et la marine marchande française elle- même, quels étaient les remèdes à apporter à une ins- titution tout aussi essentielle à la vie économique d’un pays que les canaux, les fleuves et les chemins de fer, dont elle est le prolongement nécessaire, au-delà des mers. Ils se fussent familiarisés avec les Xégimes inter- nationaux, le Champ d'évolution des navires, avec le matériel, le personnel et l'exploitation d'une Compa- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX ET INDEX gnie maritime; et, après l'expérience malheureuse des lois de 1881, de 1893, nous n’en serions pas encore à rechercher en 1904 comment il faut remplacer la der- nière et la plus mauvaise de toutes, c'est-à-dire la loi de 1902, moins de deux ans après sa promulgation. Il n'y a pas de questions plus spéciales et plus com- plexes que celles qui intéressent la marine marchande, car elles embrassent à la fois : la construction navale, l'industrie nationale et étrangère, le commerce inter- national, la navigation, l'armement, et ce ne sont pas seulement nos députés et nos sénateurs qui peu- vent tirer grand profit du livre que nous présentons aujourd'hui; mais les armateurs eux-mêmes, les négo= ciants et industriels, et enfin tous ceux, et je les sou haite très nombreux pour la richesse et la grandeur du pays, qui auront des intérêts sur mer, soit comme actionnaires de compagnies de navigation, soit comme exportateurs ou importateurs de marchandises. Ils y apprendront les règles internationales de la paix, et les règles internationales de la querre.Ge dernier cha= pitre, malheureusement d'actualité aujourd'hui que la guerre est déchainée entre la Russie et le Japon, sera d'un intérêt tout particulier pour eux, ainsi que pour les publicistes eux-mêmes qui ont l’'importante mission d'instruire des millions de lecteurs sur ces questions, par la voie de la presse ou des revues périodiques, Tous y trouveront, comme dans l’ensemble de l’ou-" vrage, du reste, des notions complètes, exposées avec méthode et avec l'exactitude qu'elles comportent, de nombreux renvois et références aux ouvrages consultés, en un mot tous les éléments nécessaires pour se faire des idées justes sur cette industrie si peu connue des Transports maritimes. En résumé, cet important ouvrage n'a qu'un défaut : c'est d'être né trop tard. Peut-être, sa vulgarisation, si elle eût pu se faire quelques années plus tôt, nous eñût- elle épargné ces hésitations et ces erreurs dans le régime légal auquel a été soumise notre marine de commerce. C’est une des principales raisons pour les- quelles son développement semble arrèté, en présence des progrès énormes des marines voisines et de la marine marchande japonaise elle-même, dont le pavil= lon, sans rival dans les mers de Chine pour le bon mar= ché du fret, vient concurrencer celui de nos vieilles marines européennes jusqu'à Londres ef à Hambourg. Que tous ceux qui prennent souci de la prospérité de notre grande industrie et du commerce national d'outre mer qui nous assure des débouchés indispensables, étudient donc les questions d’où dépend la prospérité de la mariñe marchande. Mieux vaut tard que jamais, et qu'ils se félicitent de posséder aujourd'hui un ouvrage qui leur permettra de s'initier au problème dont la solution, si elle ests logique, contribuera puissamment au développements de la richesse nationale. E. Dusoc. 2° Sciences physiques Sorel (E.), Ancien Ingénieur des Manufactures d@ l'Etat. — La grande Industrie chimique minérale: Tome II. Potasse, Soude, Chlore, Iode, Brome-: — 4 vol. de 679 pages avee 127 fig. (Prix : 15 fr C. Naud, éditeur. Paris, 1904. Le nouveau livre donné au public par M. Sorel est. l'exposé des procédés classiques employés pour la fabris cation d’un certain nombre de produits appartenant à l'industrie chimique minérale. Comme le précédent" volume, celui-ci est également didactique plutôt que A Al BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX techniquement utilitaire. On y trouve ce qui est relatif | aux composés usuels du sodium et du potassium, à l'acide chlorhydrique et au chlore, plus la préparation de l’iode et du brome. — Les nouveaux procédés dans lesquels intervient le courant électrique ne se rencon- trent pas dans cet ouvrage. Fidèle au plan qu'il à énoncé dans l'introduction placée en tête de son premier volume, M. Sorel donne des historiques assez complets des questions traitées ; il expose le développement progressif de chaque indus- te et insiste d'une manière détaillée sur des sujets qui ne possèdent plus qu'une importance secondaire aujourd'hui, comme, par exemple, la fabrication de la potasse végétale et celle de la soude Leblanc, dont « les principales opérations intéressent au plus haut point la technologie générale ». Nous ne saurions faire un crime de cette manière de voir et de procéder. Et même, si l’on se place au point de vue de la formation des intelligences, de leur initiation à l'industrie chi- mique basée sur la connaissance et l'utilisation des principes scientifiques, nous aurions admis volontiers quelques pages de plus sur la régénération du soufre contenu dans les charrées de soude. M. Sorel n’expose, dans son premier volume, que le procédé Chance, encore utilisé aujourd'hui; il aurait pu parler un peu, aussi, des procédés de Schaffner et Mond, de Hofmann (Dieuze),etc., disparus depuis longtemps, il est vrai, mais offrant, au point de vue spécial qui nous occupe, un intérèt de tout premier ordre. Suivant son habitude, l'auteur donne des documents numériques intéressants à consulter, avec l'indication des usages auxquels sont destinés les composés dont il nous entretient. — La description des appareils, le calcul de leurs dimensions, les particularités de leur fonctionnement, sont l'œuvre d'un ingénieur qui les à réellement pratiqués ; on trouvera beaucoup moins de détails sur les opérations chimiques nécessitées par l'étude et le contrôle de ces fabrications. — Les don- nées bibliographiques font aussi généralement défaut. M. Sorel a rapproché, de façon instructive, l'industrie allemande des sels de potasse de celle qui avait été imaginée par Balard pour utiliser les eaux-mères des marais salants dans le midi de la France, et qui «a été transportée dans le bassin de Stassfurt ». Il était intéressant de mettre en relief la similitude des pro- duits travaillés, l'analogie de leur origine, et de mon- trer comment le chimiste francais a été le précurseur de ceux qui ont monopolisé la production des com- posés potassiques, grâce aux richesses minérales trouvées dans le sol de leur pays. Nous signalerons encore à l'attention du lecteur le chapitre relatif à la condensation des vapeurs en général, avec application de ces principes au gaz des fours à sulfate pour en retirer l'acide chlorhydrique. A l’occasion, en traitant de l’alcalimétrie, M. Sorel nous fait voir commentles marchands anglais entendent à leur avantage la détermination des poids molécu- Jaires. Ce fait n’est pas unique; nous avons, nous- même, eu l’occasion de signaler une erreur de ce genre touchant le commerce de l'eau oxygénée en France’. Nous pourrions ajouter que, dans bien des cas, l'application pratique des principes les plus élé- mentaires de l'analyse par des chimistes (?) plus que malhabiles, produit des résultats au moins aussi éloi- gnés de la vérité. Et, puisque nous parlons de l’alcalimétrie, on nous permettra de regretter que M. Sorel n'ait pas employé son influence et la notoriété de son livre à réagir contre certains errements archaïques que l'industrie francaise persiste à suivre, comme l'usage du degré Descroi- zilles, lequel ne repose sur aucune base scientifique. Dans un but de clarté et de simplification, cette méthode d'évaluation est remplacée, en Angleterre et en Allemagne, par des systèmes plus rationnels. — Nous continuons à faire usage d'une vieille diligence, — # Moait. scient, du D' Quesneville, 1901, & XV, p. 435. 163 qui fut estimable en son temps, cela est certain, — dans une région où tout le monde voyage depuis longtemps en express. Le respect des traditions be devrait pas aller jusque-là. G. ARTH, Directeur de l'Institut chimique de Nancy. Merceron-Vicat, ancien ingénieur des Ponts et Chaussées. — L. Vicat ; sa vie et ses travaux. — 4 vol. in-8° de 245 pages. V'e Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1903. Bien que la renommée de Vicat soit universelle, il n'existait pas encore de livre permettant de connaître la vie et les principaux travaux de l’illustre ingénieur. M. Merceron-Vicat, son petit-fils, a recueilli les docu- ments épars dans diverses publications et ila donné de courts extraits des principales œuvres de Vicat. Ce livre permet ainsi, à tous ceux qui s'intéressent à l'art des constructions, d'apprécier l'œuvre considérable du savant modeste qui créa l'industrie des produits hydrauliques. Dans le premier chapitre, la Notice biographique de M. Mary montre quelle fut l'existence, toute de labeur et de patiente observation, de M. Vicat. Dans le chapitre suivant, M. Merceron-Vicat donne un extrait du pre- mier ouvrage de Vicat sur la fabrication des chaux hydrauliques artificielles (1818). Les règles indiquées par Vicat sont encore suivies aujourd'hui et elles con- tenaient en germe tous les procédés employés par la suite pour la fabrication des ciments. Puis vient la classification des chaux hydrauliques (1828). Cette classification n'a jamais cessé d'être employée et jusqu'à nos jours elle n'a pas été modifiée. Dans l'étude intitulée : « Chaux limites et calcaires argileux incomplètement cuits (1840) », Vicat montre les dangers des chaux dont la teneur en argile est voi- sine de celle des ciments, et qui, s’éteignant difficile- ment, donnent lieu à des phénomènes de gonflement. Il montre, dans le même travail, comment des calcaires argileux peuvent donner des ciments prompts, à condi- tion d’avoir un indice suffisamment élevé. La fabrication des pouzzolanes artificielles (1846) est, parmi ses recherches, celle qui a peut-être le plus passionné Vicat; il a fait voir qu'il est possible de trouver presque partout des matières permettant de produire d'excellente pouzzolane. Le cinquième extrait est intitulé : « Ciments éventés et ciments cuits jusqu'à ramollissement » (1851). Vicat indiquait dans cet ouvrage les propriétés curieuses des ciments éventés et, à propos des ciments cuits jusqu'au commencement de fusion, faisait pressentir le parti que l’on pourrait tirer des grappiers. Le dernier des extraits est consacré à l’action de l'eau de mer sur les mortiers hydrauliques (1846-1853). Les travaux de Vicat sur les causes de la décomposition des mortiers à la mer restent, encore aujourd’hui, le guide le plus sûr dans cette question si obscure. Seules, les belles découvertes de M. H. Le Chatelier ont permis d'élargir sur ce sujet nos connaissances. Enfin, dans un dernier chapitre, M. Merceron-Vicat montre Vicat jugé par ses contemporains. Il reproduit les Mémoires et Rapports faits au Conseil municipal de Paris, à la Chambre des députés par Arago, à la Chambre des pairs par le baron Thénard, à la Société d'encouragement pour l'Industrie nationale, à l'occasion du prix de 12.000 francs décerné à Vicat en 1846. E. CANDLor. 3° Sciences naturelles Laurent (L.). — Les Produits coloniaux d’origine minérale. —1 vol. in-12 de 352 pages. (Prix : 5 fr.) J.-B. Baillère, éditeur. Paris, 1903. L'ouvrage de M. Laurent pourra rendre quelques ser- vices. Il est regrettable seulement que, conçu dans un esprit surtout commercial, il n'ait pas, du moins, été exposé sous une forme plus pratique. Le lecteur, ce 464 me semble, aurait beaucoup plus besoin de savoir quels métaux il peut trouver dans une de nos colonies que d'apprendre dans laquelle de nos colonies on rencontre du fer et du plomb. C’est cependant par ordre de métal qu'est faite, après un très sommaire exposé géologique, toute la description. On regrette, en outre, l'absence de toute bibliographie et l'ignorance où l’auteur semble être resté des ouvrages les plus importants et les plus récents, tels que le livre de M. Glasser sur la Nouvelle- Calédonie ou le Mémoire de M. Leclère sur la zone frontière de la Chine et du Tonkin. Des figures, prises un peu partout, et dont la présence étonne parfois, illustrent assez mal le texte. L. DE LAUNAY, Ingénieur en chef des Mines, Professeur à l'Ecole des Mines De Ségonzace (Marquis). — Voyages au Maroc (1900- 14901). — 4 vol. in-4° de x1-405 pages avec 178 pho- togr. dont 20 hors texte et 1 carte en couleur. (Prix: 20 fr.) A. Colin, éditeur, Paris, 1903. Le MÊME : Itinéraires et profils. — 10 cartes. Henry Barrère, éditeur, Paris, 1903. Au Congrès des Sociétés de Géographie qui eut lieu à Oran en 1902, M. de Castries eut un mot que je me plais à répéter, non pas comme l'expression d’un chau- vinisme mal compris et déplacé, mais bien comme un encouragement à ceux qui poursuivent l'exploration scientifique de l'Afrique du Nord : « La carte du Maroc, dit-il, est une carte francaise ». Et, en effet, si l’on envisage l'histoire de la géographie africaine, on voit que le premier qui donna de l'Empire des Chérifs une carte scientifique fut le capitaine Beaudoin, et que cette carte fut la seule sérieuse que l’on posséda jusqu'à l'époque récente où M. de Flotte Roquevaire publia la sienne, fruit d'un long travail et résultat d’une critique éclairée de toutes les sources. De plus, entre toutes les reconnaissances poussées dans le Magrib Extrême, trois sont au premier rang, d'une ampleur et d’une valeur telles qu'elles effacent presque toutes les autres : l’ex- ploration du pays insoumis est l’œuvre de MM. de Fou- cauld et de Ségonzac; celle du pays soumis est l’œuvre du capitaine Larras. L'ensemble de leurs voyages embrasse à peu près tout le Maroc, et tel est le soin avec lequel ils ont levé leurs itinéraires que ceux des autres voyageurs ne sont, en comparaison, que d'in- formes croquis. Tout cela va être prochainement syn- thétisé par M. de Flotte dans une deuxième édilion de sa carte. En écrivant ce qui précède, nous n’entendons nulle- ment rabaisser le mérite d'éminents voyageurs étran- gers, comme par exemple M. Theobald Fischer, le grand géographe allemand : les magistrales relations que ce savant nous a données de ses voyages au Maroc ne sont pas des travaux cartographiques, mais bien des études de géographie, dans le sens le plus élevé de ce mot. De même, la belle synthèse de M. Paul Schnell, mise à la portée du public français par M. Augustin Bernard, est exclusivement un travail de géographie physique, et les travaux que M. Brives poursuit en ce moment même au Maroc intéressent avant tout la géologie. Mais les seuls fondateurs de la carte du Maroc, point de départ nécessaire de toutes les autres études, sont les trois explorateurs que nous avons cités. Nous présentons ici aux lecteurs de la Revue le livre du dernier venu d’entre eux. Plus de 3.000 kilomètres d’itinéraires, appuyés sur près de quarante positions astronomiquement détermi- nées, 20 degrés de la carte fixés presque 2e varielur dans leurs grands traits, d'innombrables profils et détermi- nations d'allitudes, de précieuses indications de faune et de flore, une abondante moisson d'observations ethnographiques sur des peuplades à peine connues, tel est le bilan de l'exploration de M. de Ségonzac elle ne peut ètre comparée qu'à celle de Foucauld. Le Rif, presque inconnu, redouté des voyageurs et dont les habitants donnaient encore, il y a à peine cinq ou six ans, le spectacle inoui d’actes de piraterie BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX commis en pleine Méditerranée à la fin du xix° siècle, le Rif est traversé de part en part deux fois par M. de Ségonzac : c'est une terre montagneuse, pauvre et peu 4) boisée, contrairement à ce que beaucoup pensaient. L'idée géographique qu'on s'en faisait est confirmée et précisée : des chaînes parallèles, orientées de l'Est à. l'Ouest, comme dans le Nord de l'Algérie, mais plus élevées (2.500 mètres), courent le long du rivage et se recourbent vers le Nord pour passer le détroit et se prolonger en Andalousie. Mais c’est surtout la masse confuse du Moyen-Atlas qui est définitivement débrouillée par notre explo- { rateur : trois et même quatre chaines, courant du Nord-Est au Sud-Ouest, comme l'Atlas Saharien d’AI- gérie, et s’abaissant en terrasses vers le Sebou, voilà le trait dominant de ce puissant massif, dont M. de Ségonzac a escaladé le pic suprême, l’Ari Aïach, à { 4.250 mètres d'altitude. I] à visité la source mystérieuse du Sebou, où se perpétuent d’antiques rites sacrificiels (p. 231), et il a poussé sa reconnaissance jusqu'à la: limite orientale du Moyen-Atlas, qui s'arrête, rempart formidable, devant la Moulouia : il séparerait ainsi le Maroc de l’Algérie (p. 200), si la trouée de Tâza n’ouvrait. une communication aisée entre les deux pays. Il y a, page 216, une intéressante description de Tâza, qui est tout à fait actuelle. On sait que c'est la caractéristique de l'Afrique du Nord d'être divisée en compartiments qui n’ouvrent les uns sur les autres que par d'étroites cluses. Un des plus importants résultats obtenus par M. de Ségonzac est le déplacement que ses observations ont fait subir sur la carte à toute la région méridionale du Moyen-Atlas : l’'Ari Aïach est reporté de 40! à l'Ouest et Merrakech elle-même doit, comme l'avait démontré le capitaine Larras, être reculée de 20! vers l'Océan. La relation de M. de Ségonzac nous présente ce Moyen-Atlas, qui est le pays des Bräber, comme «riche, peuplé, avec des monts boisés et des vallées fertiles ». Les forêts semblent consister en thuyas, en cèdres, en chênes (probablement le chêne ballote); le chêne-liège serait surtout abondant dans la région méridionale du Rif. Ces données ne nous semblent pas suffire pour justifier le lyrisme avec lequel nous avons souvent entendu parler des richesses forestières du Maroc. La meilleure ressource du pays des Brâber paraît être l'élevage. Notre auteur ne s’est pas borné à des observations géographiques, et les ethnographes trouveront à glaner à chaque page une foule de détails intéressants. Dans le Rif, où le voyageur dut se déguiser et avait moins de moyens d’information, ces détails sont nécessairement moins nombreux (curieuse description d'une mahalla, M p. 39), mais ils abondent dans la partie qui concerne les Brâber, La présence du Chérif d'Ouezzän a permis à M. de Ségonzac d'assister à nombre de manifestations 4 religieuses et rien n'est plus amusant que de le suivre dans cette tournée pastorale. Comment se peut-il qu'après cela il ait consacré une note (p. 149) à ex- { pliquer que le culte des saints n'existe pas chez les Berbères? « Ces démonstrations, dit-il, sont des hom- | mages et non un culte ». Ayant écrit un Mémoire pour prouver le contraire, je me permets de protester ami- : calement : j'espère qu'on me dispensera de ressusciter à cette occasion l’interminable querelle des catholiques et des réformés sur le sens du mot «culte ».Je pourrais, d’ailleurs, invoquer l’auteur contre l’auteur lui-même, puisqu'il dit (p. 287) : « Le culte des saints, qui fut de toute antiquité si cher aux Berbères, a pris dans le Rif une incroyable extension ». Le proverbe de la page 149, que Mouliéras avait déjà cité, est traduit inexactement et ne prouve rien, étant visiblement d'origine littéraire. Parmi les innombrables cérémonies religieuses aux- quelles l'auteur a assisté, il faut citer les danses de khouän ou membres des confréries musulmanes. La description d’une séance d’Aïssäoua avec l'horrible festin qui la termine (p. 158) est particulièrement sai- sissante. Je rappellerai à ce propos que les touristes peuvent voir à Tlemcen ce spectacle barbare : ayant ent td eme étend BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX assisté aux fêtes des Aïssioua à Méquinez et à Tlemcen, e puis assurer que ces dernières, moins grandioses, ne + cèdent en rien aux premières Comme sauvagerie. M. de Ségonzac à naturellement vu aussi d'innom- brables fantasias courues en l'honneur de son chérif et il en donne de bien jolies descriptions (p. 155 par exemple). Ce qui est encore plus curieux, c'est le récit d'un combat auquel il à assisté chez les Beni Mür et qu'il décrit avec sa compétence spéciale : c'est un document précieux sur la manière dont se fait la guerre chez ces peuplades (p. 108). Une constatation, un peu inattendue, est celle de limmoralité des Brâber : la pureté de mœurs des Berbères en général était jusqu'ici un lieu commun, malgré des exceptions notoires (certaines tribus kabyles, Aurès, ksoûr du « Sahara...) et nous nous souvenons que M. Sabatier, au Congrès de Géographie d'Alger, chercha à démontrer ar des chiffres la supériorité morale des Berbères sur es prétendus Arabes. En ce qui concerne spécialement es Berbères marocains, les travaux de Quedenfeldt et de Mouliéras nous les représentaient comme supérieurs n moralité aux Marocains réputés arabes : el voici que M. de Ségonzac nous dénonce leurs mœurs dis- -solues, leur immoralité conjugale (p. 127, 135, 136), les . danses impudiques où ils se nent et qui ne sont … qu'un « branle lascif » (p.189). Nous devons avouer que — nos observations personnelles sur les Chleuh de l'Atlas … sont concordantes sue celle de notre voyageur. … L'ouvrage de M. de Ségonzac, en principe, ne com- “ portait pas de notes. Du moment qu'il voyageait en pays inconnu, il pouvait livrer ses observations, néces- sairement inédites, sans aucun commentaire et en laissant aux savants de cabinet le soin de mettre en œuvre ses matériaux. Pour le mème motif, la partie intitulée « Renseignements » aurait pu, à notre avis, être éliminée ou, pour ce qui est inédit, fondue dans le texte : notes et renseignements contiennent, en effet, souvent des inexactitudes. La transcription des mots arabes, pour laquelle M. de Ségonzac réalise cependant … d'énormes progrès sur les voyageurs ordinaires, est Dome fautive en maint endroit. Je crois, d'autre part, qu'il ya certains mots pour lesquels l'usage à con- “sacré une orthographe qu'on ne peut plus changer. Aucun Français ne se résignera à écrire Gahra pour “Sahara, Figig pour Figuig, Qoran pour Coran, qaïd pour caïd..… Je m'en voudrais, du reste, d’insister outre mesure sur des vétilles qui ne diminuent en rien la haute valeur de l'œuvre de M. de Ségonzac : j'aime mieux faire «l'éloge des appendices scientifiques qui terminent l'ou- vrage. M. de Flotte Roquevaire y a mis en lumière, avec sa grande compétence, les résultats nouveaux de l’ex- ploration au point de vue de la Géographie physique. Les notices géologique, botanique et entomologique, «signées de noms comme ceux de MM. Ficheur, Bonnet, —…Bedel, André, etc., sont en particulier des plus intéres- £ santes à parcourir : elles démontrent surabondamment lunité du Magrib (et ce mot en arabe désigne toute “l'Afrique du Nord) et elles donnent bien, dans leurs … énumérations, l'impression d'une autre Algérie. Le L'ouvrage est écrit avec bon goût et avec une sim- mplicité d'un art infini. La magie “du style dissipe entiè- “rement la monotonie habituellement inhérente aux “récits de voyage. L'auteur excelle à commencer et à terminer le récit de chacune de ses étapes par quelques traits descriptifs gracieux, qui donnent l'impression de la nature marocaine et qui précisent chaque fois le cadre sans cesse renouvelé de l'itinéraire. Des ouvrages comme celui-là sont parmi les plus beaux titres dont une nation puisse parer ses s préten- tions politiques, et c'est certainement le sens général qu'il faut donner à la belle préface dont M. Etienne a honoré l'œuvre du marquis de Ségonzac. ; Eomoxn Doutté, de Cours à l'École Supérieure des Lettres d'Alger. + M md Chargé ES ep) © 4° Sciences médicales Gley (E.), Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. — Etudes de Psychologie physiologique et pathologique. — 1 vol. in-8° de 331 pages de la Bibliothèque de Philosophie contemporaine. (Prix : fr.) Félix Alcan, éditeur. Paris, 1903. La Psychologie physiologique forme une zone fron- tière entre deux sciences qui, par la pratique, ne se ressemblent en rien. De l’une à l’autre, l'origine et la culture des chercheurs, les méthodes, la langue même, diffèrent complètement; les philosophes et les physio- logistes n'ont peut-être de commun que ceci: leurs ambitions sur cette zone frontière où les amène face à face la réalité objective de leurs études. Chacun des deux camps dénie à l’autre la compétence nécessaire pour observer et comprendre des phénomènes si déli- cats, et chacun des deux camps à raison sur ce point. Dour faire, en effet, de la Psychologie physiologique, il ne suflit pas d'être psychologue ou physiologiste: il faut réunir en soi ces deux cultures, séparées, chez nous, dès les rudiments, à la bifurcation du collège. De là, tant de mauvais travaux, qui prétendent vainement aborder les questions dont aucun penseur ne peut se désintéresser. M. Gley est à la fois psychologue et physiologiste: il a commencé par des études de Philosophie, non pointen amateur, mais en professionnel, et c'est par la Psycho logie physiologique précisément qu'il à abordé la Phy- siologie. Depuis, il a fourni la carrière physiologique que l'on sait; mais il n'a point cessé pour cela de s'inté- resser à l’ob jet de ses premières curiosités, et il nous le prouve aujourd'hui, en nous donnant ce livre qui mérite son titre, moins modeste qu'il le pourrait paraitre, d’études de Psychologie physiologique. Un livre de ce genre ne peut s’analyser dans le cadre de la présente bibliographie. C'est par le détail surtout que valent ces recherches; un esprit pr udent comme M. Gley se garde le plus souvent d'y superposer des conclusions tranchées qui se puissent reproduire en quelques lignes. On peut indiquer seulement les tèles de chapitres sous lesquelles on trouvera, avec des recherches originales qui doivent une grande valeur à la forte éducation technique de l’auteur, l’état actuel de la science résultant d'une bibliographie solide et sérieusement critique : 1° Les conditions physiologiques de Pactivité intel- lectuelle. C’est sur ce sujet qu'a porté le travail inau- gural de M.Gley, il y a plus de vingt ans, À à bonne école, chez Beaunis. Question capitale, puisqu'au fond elle comprend celle-ci : Le travail de la pensée est-il un tra- vail matériel? Question délicate, puisque la masse d'organes directement intéressée est, en tout cas, mi- nime par rapport à la masse du corps qui, indirecte- ment, s'ébranle. Avec divers sous-chapitres, cette ques- tion occupe plus de la moitié du livre. 20 Les mouvements musculaires inconscients. Ici, le phénomène est net; les prétendues transmissions de pensée dépendent de mouvements inconscients pro- duits automatiquement par certaines représentations mentales. M.Gley a été le premier,sinon à donner l expli- cation, du moins à en fournir la preuve expérimentale. 3° Le sens musculaire; recherches personnelles sur la question. 4 Les aberrations de l'instinct sexuel. Xct, siologiste expérimental n ‘a pas grand chose à Mais le médecin, qui est vraiment un biologiste dans leur jour scientifique et ramène à l histoire natu- relle (la déviation cire pour explication la loi elle- mème) des actes que la littérature et la pseudo-morale courante dramatisent et obscurcissent comme à plaisir. le phy- voir. , pose Louis LAPICQUE, Maître de Conférences à la Sorbonne. 7,1 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 11 Avril 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Mittag-Leffler démontre un nouveau théorème général de la Théorie des fonctions analytiques. — M. D.-Th. Egorov étudie une classe particulière de systèmes conjugués persis- tants, dont les surfaces sont caractérisées par la pro- priété suivante : L'équation tangentielle relative au système des lignes de courbure admet comme solution particulière le coefficient g de l'élément linéaire ds de la représentation sphérique. — M. G.-A. Miller com- munique ses recherches sur les groupes d'opérations. — M. Ed. Maillet détermine la classe des substitutions d'ordre 2 en vue des applications à la Théorie des équations et à la Géométrie. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. V. Crémieu décrit une nouvelle balance azimutale, dite quadrifilaire, dont la stabilité est indépendante de la sensibilité. — M. H. Poincaré donne la théorie mécanique de cette balance. — M. J. Meyer a observé que les rayons N, sont émis par divers genres de sources; ils sont emma- gasinés par l'aluminium, l’eau salée, une solution d'hyposullite ; ces rayons se réfractent et se diffractent. — M. Alb. Colson à constaté qu'il se dégage des rayons N quand on ajoute de la potasse à une solution de sulfate de zinc, tandis qu'il ne s’en produit pas dans l'opération inverse. Cette production de rayons parait ètre due à la formation de sels basiques. — M. A. Bau- douin à reconnu que, dans l'alcool méthylique, l’os- mose électrique est encore notable, mais, en moyenne, plus faible que dans l’eau, dans les mêmes conditions. — M. P. Lemoult calcule par sa formule les cha- leurs de combustion de composés organiques azotés et trouve un accord satisfaisant avec les données de l'expérience. — M. L. Débourdeaux décrit un nouveau procédé de dosage de l'azote dans les composés azotés par réduction avec le monosulfure et l’hyposulfite de potassium. — M. A. Berg a constaté que l'acide iodhy- drique, suivant sa proportion, retarde ou accélère l'oxydation de l'acide Pre Pour chaque solution de ce dernier, il semble exister une dose de HI qui n'influence pas l'oxydation. — M. Et. Barral, par chloruration en présence d’I, d'AICI ou de SbCI, a réussi à obtenir tous les degrés de chloruration du carbonate de phényle. — M. L.-M. Bullier rappelle qu'en 1895 il à indiqué un mode de formation du car- bure de calcium par électrolyse d'un mélange de chlo- rure fondu, de chaux vive et de charbon; mais ce mode de préparation n'a pas donné de résultats satis- faisants au point de vue industriel. — MM. H. Alliot et G. Gimel préconisent l'addition ménagée d'oxy- dants dans les fermentations industrielles; ils favo- risent puissamment la prolifération de la levure et détruisent les germes anaérobies qui viennent sou- vent troubler les fermentations. — M. F. Battelli et M'° L. Stern ont déterminé la richesse en catalase des différents tissus animaux. Le foie vient en première ligne, puis le rein, la rate et le cœur; les muscles et le cerveau en contiennent peu. — M. Ch. Porcher communique de nouvelles preuves en faveur de lhypo- thèse que le lactose résulte de la surproduction de glucose par l'organisme et de la transformation de celui-ci, par la mamelle, en sucre de lait. — M. ©. Gengou à constalé que les précipités de sulfate de baryum et de fluorure de chaux agglutinent et hémo- lysent les globules lavés de lapin, de bœuf et de poule, 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Lannelongue préco- nise l'emploi, en Pathologie, d'une méthode graphique qui à pour but d'apprécier les modifications de forme et les changements de rapports survenus dans les parties du corps humain, par l'inscription, sur le sujet vivant, au moyen de crayons ou de pinceaux, des alté- rations superlicielles ou profondes. — M. Ch. Henry a mis en évidence la proportionnalité du travail sta- tique T, du muscle au travail W énergétiquement équi- valent. — M. Aug. Charpentier a constaté que l'inter- position de principes actifs, tels que la thyroïdine, l'ovarine et l'extrait testiculaire, entre un écran phos- phorescent et l'organe qui les produit sur le vivant, renforce la phophorescence due aux rayons N dégagés par cet organe. — M. R. Bayeux à reconnu, par des expériences faites au Mont-Blanc, que la quantité d'oxyhémoglohine augmente dans le sang normal avec l'altitude, tandis que sa vitesse de réduction diminue. — M. F. Bordas montre que les lièges qui fournissent, les bouchons communiquant aux liquides le « goût de bouchon » proviennent de chênes atteints de la maladie dite de la tache jaune. Cette maladie est due au dévelop- pement de plusieurs moisissures, en particulier, de l'Aspergillus niger.: — M. E. de Wildeman décrit une plante myrmécophyte et acarophyte nouvelle de la famille des Rubiacées, qu'il nomme Randia Lujæ. —: M. J. Brunhes à observé que, dans tous les petits rapides de l'Europe centrale, il y a toujours plus de M 90 0/, de tourbillons qui tournent dans le sens inverse M des aiguilles d'une montre. — M. Th. Moureaux a « observé, au magnétographe de l'Observatoire du Val= Joyeux, le tremblement de terre du 4 avril, qui a eu son maximum d'intensité à Philippopolis, dans les Bal= kans. Séance du 18 Avril 190#. ; La Section d'Astronomie présente la liste suivante de candidats à la place laissée vacante par le décès de M. Callandreau : 1° M. G. Bigourdan,; 2° MM. Andoyer, 4 M. Hamy et P. Puiseux. î 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Poincaré montre M que la méthode horistique de Gylden conduit dans cer- fains cas à des résultats fantastiques; c'est en vain qu'on essaiera de tirer de cette méthode des dévelop- pements uniformément convergents au sens géomé- trique du mot. — M. G. Mittag-Leffler a découvert une nouvelle fonction entière simple. — M. S. Berns- tein réduit le problème de la détermination d'une ca= ractéristique d'une équation différentielle du second ordre, assujettie à passer par deux points réels fixes, au i problème du prolongement analytique. — M. M. LerchM« présente des recherches sur une série analogue aux fonctions modulaires. — M. L. Schlesinger montre que la plupart des recherches relatives aux groupes des équations différentielles linéaires deviennent beau- coup plus élégantes si on les rattache à un système de » équations du premier ordre. — M. P. Duhem démontre que, tant que la vitesse de transformation" garde un signe invariable, de petites oscillations éprou= vées par l’action observable au voisinage d'une valeur moyenne constante exercent seulement une faible in= fluence sur les modifications d'un système affecté d'hys=M térésis et de viscosité, pourvu que le coefficient dem viscosité soit grand par rapport à l’oscillation que peut éprouver la valeur de l’action observable. — M. Consi- di dère conclut de ses expériences sur les mortiers ou bétons que la résistance à l’écrasement d'un solide ayant une résistance propre G et un angle de frotte ment fest égale à à ACER ang (5 — ©) y di ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 467 lorsqu'on exerce une pression P sur sa surface latérale, A est au moins égal à l'unité. 20 ScIENCES PHYSIQUES. — M, G. Meslin à réussi à équilibrer une interférence de lame isotrope par une interférence due à la polarisation rotatoire, et cela par l'intercalation d'un quartz perpendiculaire à l'axe; mais la compensation ne se fait que si le rapport des épaisseurs est voisin de 15.000. On peut tirer parti de ce phénomène pour la mesure de très faibles variations d'épaisseur. — M. M. Hamy donne les résultats de ses mesures de longueurs d'onde des radiations du zinc, faites par la méthode interférentielle et par compa- raison avec la raie rouge du cadmium. — M. Edm. van Aubel a constaté que la poudre de colophane impressionne à l'obscurité une plaque photographique recouverte de papier noir; une feuille de cuivre arrête les radiations de la colophane. — M. C. Gutton à observé que les oscillations hertziennes tombant sur un écran phosphorescent augmentent l'éclat de la phosphorescence quand on observe normalement, et la diminuent quand on regarde tangentiellement. — MM. Favé et Carpentier décrivent plusieurs types d'amortisseurs barbelés qui éteignent les oscillations de mobiles n'ayant pas besoin d'être réduits à une masse insigniliante. — M. H. Moissan a analysé deux échantillons de gaz des fumerolles de la Guadeloupe. Tous deux renferment CO?, HS, Az, O et de l’argon. — MM. H. Moissan et F. Siemens ont constaté que la décomposition du silicium par l'eau, qui se produit dans les tubes de verre, est amorcée par la petite quantité d'alcalis que cède le verre à l’eau. Elle ne se produit pas, même à 100°, dans des tubes en platine. — M. G. Chesneau a reconnu que c’est la production de sulfure alcalin par action de H?S sur l'acétate de soude, mème en présence d'acide acétique libre, qui est la cause de l'affaiblissementapparent de celui-ci. —M.L. Henry montre que le produit cristallin qui se forme, à côté de l’acétol, dans la réaction de l'alcool méthylique sur le formiate pyruvique, est un polymère de l’éther méthylacétolique CH#CO.CH®(OCH*). — M. À. Kling à étudié le produit précédent et trouvé que c’est un di- mère de l'acétolate de méthyle. Il peut se former directement par action de l'alcool méthylique sur l'acétol. — M. J. Hamonet, par l’action de HBr sur les éthers-oxydes RO(CH)"OR, à obtenu des éthers halogénés RO(CH?}'Br, qui donnent facilement des dé- rivés magnésiens RO(CH?)}"MgBr. Ceux-ci se prêtent à un grand nombre de synthèses nouvelles. — MM. L.-J. Simon et A. Conduché ont constaté que l’éther oxa- lacétique se condense avec les aldéhydes en présence d'ammoniaque pour donner des dérivés de substitution d'une cétopyrrolidone. — M. Et. Barral décrit les produits de chloruration du carbonate de phényle obtenus avec le chlorure d’antimoine. — M. F. Ta- boury, par l’action du soufre ou du sélénium sur les combinaisons organo-magnésiennes des hydrocarbures aromatiques, a obtenu les thio-ou séléno-phénols cor- respondants, mélangés d'une certaine quantité de di- sulfures ou de diséléniures provenant de leur oxydation. — M.L.Bouveault montre qu'on peut purilier el carac- tériser les divers alcools en en préparant les éthers pyruviques, qui se combinent avec la semicarbazide pour donner des combinaisons cristallisées caractéris- tiques. M. M. Tiffeneau a obtenu deux acides f5- méthylcinnamiques isomères dans l’action de CO® sur le dérivé magnésien de l'«-méthyl-w-bromostyrolène. L'un fond à 1299, l’autre à 970-989, — M. C. Béis, en faisant réagir des composés organo-magnésins mixtes sur la phtalimide et la phénylphtalimide, à obtenu des corps se ratlachant au groupe de l'isoindol. — MM. E. Varenne et L. Godefroy ont étudié, au moyen du chronostilliscope, les hydrates de l'alcool méthylique et de l’acétone. Le premier donne six hydrates, à 1, 2, 3, 5, 8 et 20 H?0; la seconde fournit au moins {rois * hydrates, à 3, 4 et 8 H°0. — M. P. Petit montre que l'enzyme saccharifiant se trouve dans l'orge à l’état de combinaison dédoublable par les acides et qu'une variation d'acidité peut donner à cet enzyme le pouvoir liquéfiant indépendamment de toute germination. — MM. J. Chenu et Alb. Morel ont constaté que les parathyroïdes contiennent une proportion d'iode beau- coup moindre que le corps thyroïde (environ # fois moins chez le chien). 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. M. Doyon et N. Karef ont reconnu que, si l'on enlève le foie et si l'on fait communiquer la veine porte avec une veine sus- hépatique, le sang devient incoagulable d'une façon définitive. — M. J. Perraud montre que les Lépidop- tères nocturnes percoivent les diverses radiations lumineuses du spectre et sont par elles différemment impressionnés. La lumière blanche est celle qui exerce la plus grande attraction sur ces papillons. — M. Em. Fauré décrit la structure du pédoncule de la Vorticella convallaria L. et son mode de fonctionnement. — M. L. Laurent à étudié un fruit ailé fossile, très abondant dans le Tertiaire du Cantal. II montre qu'il est iden- tique à ceux de l'Abronia, plante herbacée américaine actuelle appartenant aux Nyctaginées. — M. E.-A. Martel a étudié la source sulfureuse de Matsesta (Transcaucasie) et ses relations avec deux cavernes voisines qui ont été ses anciennes issues. — M. M. Baudouin a fait l'examen histologique et bactériologique de boues extraites à 10 mètres de profondeur d’un puits funéraire gallo-romain à la Nécropole du Bernard (Vendée). Il y a trouvé de nombreux microbes, en par- ticulier des colibacilles, qui doivent provenir des ca- davres d'animaux enfouis dans le tombeau. — M. Mar- boutin montre que le mürissement d'un filtre se manifeste par la valeur de l'amplitude des variations journalières (0,5 mgr. au minimum) et la décroissance du minimum journalier de la teneur en oxygène dis- sous, : ACADEMIE DE MEDECINE Séance du 5 Avril 1904. M. Kelsch montre qu'à côté de la contagion directe par le germe, les causes secondes (surmenage, alimen- tation insuffisante, insalubrité des casernements, man- que de lumière, alcoolisme, etc.) jouent un grand rôle dans le développement de la tuberculose dans l’armée. Séance du 12 Avril 1904. M. J.-B. Montana y Florez adresse un Mémoire sur la genèse des cellules du sang. Séance du 19 Avril 1904. M. Paul Fabre a constaté qu'il n'y a pas de maladie à symptômes caractéristiques qu'on puisse appeler anémie des mineurs. Par contre, les mineurs n’en sont pas moins exposés à une foule de causes anémiantes : 1° par déperdition (hémorragies); 2 par diminution ou cessalion des fonctions hémalogènes ; 3° par usure excessive des globules (surmenage, maladies); 4° par mortilication des globules (empoisonnement, cachexie, présence d'helminthes divers, etc.). La prophylaxie doit consister à surveiller Paération, à s'assurer de la propreté des galeries et de la propreté individuelle, à veiller sur l'alimentation et à éviter tout excès et toute cause de surmenage. — M. Kermorgant signale de nombreux cas de lombricose aux colonies, en particu- lier en Indo-Chine. — M. Chaput lit un Mémoire sur la cocaïne locale en Chirurgie abdominale. —M.Reynès donne lecture d'un travail sur la castration ovarienne dans les cancers inopérables de la mammelle. SOCIETE DE BIOLOGIE Séance du 26 Mars 19084. M. L. Dyé a étudié la répartition des Anophelinae à Madagascar ; ils sont particulièrement nombreux dans le Nord et le Sud, et, dans l'intérieur, à Maevatanana. — M. Ch. Féré signale un cas d'horripilation unilaté- rale paroxystique. — Le même auteur a étudié l’action physiologique du suc de valériane. La dégustation pro- A68 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES duit un effet excitant immédiat et très prononcé dans la fatigue. La dégustation d'acide formique produit aussi, dans la fatigue, une excitation intense. La fatigue a pour effet de diminuer le contrôle de l'effort. — M. L. Camus montre qu'on peut suivre très aisément l'écoulement de la lymphe à l’aide d'une fistule du canal thoracique dans le thorax chez les chiens chloralosés et légèrement peptonisés. Avec cette méthode, l'auteur a constaté que l'injection d'adrénaline est suivie d’un écoulement plus abondant de la lymphe.— M. A. Lorand a observé que le diabète n'apparaît chez les acroméga- liques que lorsqu'ils présentent, depuis un temps plus ou moins long, des manifestations d'hyperthyroïdie. — M. A. Laveran signale la fréquence des hématozoaires du paludisme chez les enfants indigènes à Conakry. — MM. Ch. Achard et M. Loeper ont recherché l’action exercée in vitro sur diverses cellules par une série de substances en solutions également concentrées. La s0o- lution d'urée est celle qui altère le plus les cellules de la moelle osseuse. — MM. Ch. Achard et G. Paisseau décrivent les altérations cellulaires produites, en par- ticulier dans le rein, par l'injection intra-veineuse de solutions hypoltoniques et hypertoniques de diverses substances. — MM. Aug. Pettit et Alb. Mouchet pré- sentent une observation de lymphadénome à évolution irrégulière, avec alternatives de régression et de pro- gression. — M. Mérieux propose de diagnostiquer l'in- toxication tuberculeuse chez l'homme par l'inoculation sous-cutanée à des cobayes tuberculeux de divers Hi- quides de l'organisme. — M. Ch. Dubois montre qu'on peut juger, d'après les changements de coloration de la muqueuse linguale, de l’action des substances vaso- constrictives sur l'appareil vasculaire et le système vaso-moteur. — M. L. Ducloux a trouvé, chez l’'Emys leprosa, une hémogrégarine nouvelle, qu'il nomme A. bagensis. — MM. Vaquez et Ribierre admettent que, dans le sang des ictériques, l'immunité des globules rouges vis-à-vis de l’action hémolytique de l’eau distil- lée et du taurocholate de soude est double, à la fois humorale et cytologique. — MM. Brumpt et Wurtz ont cherché à provoquer expérimentalement la maladie du sommeil chez divers animaux. La souris et le rat meurent en trois à quatre mois; leur sang fourmille de parasites. Le cobaye et le lapin meurent sans avoir pré- senté de parasites. Les singes présentent la maladie sous forme aiguë ou sous forme chronique. Le porc semble réfractaire, tandis que le chien montre des phénomènes marqués de somnolence. La maladie chez les animaux est une simple septicémie, avec produc- tion de toxine. — M. A. Marie a observé qu'en passant par l'encéphale des oiseaux, le virus de la rage, non seulement perd son activité, mais se comporte comme un vaccin vis-à-vis de l'organisme des Mammifères. — MM. Launois, Loeper et Esmonet ont découvert dans l'hypophyse des corps muriformes ou en rosace qui sécrètent une substance grasse. — M. L. Launoy à constaté que la pilocarpine provoque la sécrétion du suc gastrique; elle la diminue chez les animaux à pneumogastriques sectionnés. Elle provoque également la sécrétion pancréatique, en partie par action directe sur le pancréas, mais surtout par action indirecte (par passage de la sécrétion gastrique dans le duodénum). — M. P. Wintrebert montre que, entre les 10° et 12e paires nerveuses, existe un centre sensitif et mo- teur pour la queue tout entière des larves d’Anour Il détermine, d'autre part, la limite des zones périphé- riques d'innervation réflexe des centres nerveux dans la queue des Urodèles. — M. A. Frouin a constaté que, si l’on évapore du suc gastrique pur dans le vide, à la température ordinaire, tout l'acide chlorhydrique dis- parait; HCI serait donc entièrement libre. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 15 Avril 1904. M. P. Lauriol présente le photomètre Symmance et Abbady. Un disque tournant, convenablement chan- {reiné, présente tour à tour à l'observateur, en un même point de l'espace, des surfaces éclairées par l’une ou l'autre des deux sources de lumière à comparer. Avec une fréquence convenable (environ 6 par seconde), il se produit un papillotement qui cesse lorsque, en réglant convenablement les distances, on a égalisé l'éclat des deux surfaces. L'appareil demande encore divers perfectionnements, mais paraît se prêter un peu mieux que d'autres aux mesures, surtout pour deux sources de couleurs différentes. Toutefois, l’étude complète est encore à faire. M. A. Broca fait remar- quer que le principe du photomètre présenté lui semble inexact. On ne peut défirir d’une manière précise l'égalité de deux lumières de couleurs différentes. Elles donnent des notions qui pourront toujours se distinguer l’une de lautre. Le phénomène mis en jeu est physiologiquement différent du phénomène d’'éga- lité d'éclat apparent; il faut établir par des expériences concluantes si, oui ou non, il donne des résultats con- cordants avec la détermination directe avant de pou- voir se prononcer définitivement sur sa valeur. — M. Lemoine présente à la Société la lampe Sol de M. Dillemann, ingénieur des Arts et Manufactures. Cette lampe à incandescence, par l'alcool, d'une cons- truction et d'une manœuvre très simples, peut rendre de grands services pour les projections dans les labo- raloires qui ne disposent pas de l'électricité ou de la lumière oxhydrique. — M. Jobin présente le spectros- cope autocollimateur Fabry et Jobin, qui a figuré à l'Exposition annuelle de la Société, à Pâques. IL rap- pelle les avantages généraux de l’autocollimation en spectroscopie. La disposition du spectroscope Fabry et Jôbin est la suivante : La lumière émise par la fente placée sur le côté de l'appareil tombe sur un petit prisme à réflexion totale qui renvoie la lumière dans l'axe de l'appareil. Le faisceau lumineux traverse ensuite l'objectif, en sort parallèlement, se réfracte successivement dans deux prismes de flint et se réflé- chit sur un miroir plan. Après cette réflexion, il tra- verse à nouveau, en sens contraire, les deux prismes, puis l'objectif, el vient ainsi, après quatre dispersions, peindre un spectre dans le plan focal de l'objectif. Ce spectre est examiné à l’oculaire ou bien reçu sur une plaque photographique. Les caractéristiques de cet appareil sont les suivantes : 1° Les prismes et le miroir sont mobiles sur des alidades qui, grâce à un système de cames en développante de cercle, dont M. Jobin explique l’épure, ont des mouvements angulaires dans les rapports 4-3-4, et sont ainsi maintenues automati- quement au minimum de déviation pour toutes les régions du spectre; 2° Les centres de rotation des ali- dades portant les prismes sont choisis de telle facon que les prismes et le miroir restent constamment cen- trés sur le faisceau lumineux. M. Jobin indique ensuite les résultats que M. Fabry a obtenus : Par exemple, dans la région b du spectre (2—520), M. Fabry a pu voir toutes les raies marquées sur les cartes de Rovwland, SOCIÈTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 11 Février 190% (suite). MM. J.-A. Ewing et L.-H. Walter décrivent une zou- velle méthode pour découvrir les oscillations électriques au moyen d'un indicateur approprié à la télégraphie sans fil. 11 est basé sur l'indicateur d'hystérésis d'Eving et utilise le changement que produisent les oscillations électriques dans l'hytérésis d'un métal magnétique exposé aux inversions du magnétisme au moyen d'un champ tournant. L'hystérésis permet au métal magné- tique d'être trainé après le champ, et ce trainage est contrebalancé par un ressort, une déviation définie du métal étant produite par ce moyen. Lorsque les oscilla- tions se produisent, cette déviation subit un change- ment soudain, qui constitue l'indication. Dans les con- ditions des premières expériences, les auteurs ont trouvé, comme ils s'y attendaient, une réduction de la Ë | î 4 f ï Î : È La 4 jen ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 169 déviation de l'hystérésis lorsque les oscillations se produisaient. Mais, dans des expériences subséquentes, lorsque le métal magnétique était arrangé sous la forme d'un fil d'acier fin isolé, à travers lequel les oscillations électriques devaient passer, ils ont trouvé qu'elles pro- duisaient une grande augmentation de la déviation. En ce qui concerne la télégraphie sans fil, l'instrument a l'avantage de donner des effets métriques. Au point de vue physique, l'augmentation de l'hystérésis est inté- ressante et inattendue. Elle est probablement due à ce que la magnétisation circulaire oscillatoire facilite le processus magnétisant longitudinal en permettant au fil d'acier de prendre une magnétisation beaucoup plus grande à chaque inversion qu'il ne le ferait autrement, et ainsi en augmentant indirectement l'hystérésis d’une telle façon que l'influence réductrice directe des oscil- lations est anéantie. Le résultat net semble dépendre de deux influences antagonistes, et dans un fil d'acier fin, dans les conditions de l'expérience, l'influence qui fait augmenter l'hystérésis, par suite de l'augmentation de l'induction magnétique, est de beaucoup la plus puis- sante. — M.J.-A. Harker présente ses recherches sur /es étalons de haute température du Laboratoire national de Physique et la comparaison des thermomètres de platine et des thermo-jonctions avee le thermomètre à gaz. C’est une continuation du travail du D° P. Chap- puis et de l’auteur (Phil. Trans. A., 1900) sur une com- paraison de l'échelle du thermomètre à gaz avec celle de certains thermomètres de platine allant d’une tem- pérature inférieure à zéro jusqu'à 600° C. Les résultats de ce travail ont confirmé les expériences de Callendar et Grifliths et ont montré que les indications du ther- momètre de platine peuvent être réduites à l'échelle normale au moyen de la formule de différence de Cal- lendar : d=—T—p{t—3ù|(T/100)—T/100!, dans la- quelle pt indique la température du platine, T la tem- pérature sur l'échelle normale, et à une constante, laquelle, pour le platine pur, est d'environ 1,5. Les tem- pératures choisies pour la détermination de à sont 0° C., 100° C., et le point d'ébullition du soufre. Dans ce travail, les recherches ont été étendues jusqu'à une température de 1.000°C.; un certain nombre de thermo- jonctions types de platine — platine-rhodium ont aussi servi pour les comparaisons. Les divers instruments, après la détermination de leurs constantes, ont été éprouvés ensemble dans des fours à résistance élec- trique spécialement construits, chauffés par une bat- terie spéciale dans laquelle des températures de 4000 à 1.100° C. pouvaient être maintenues constantes pen- dant un temps considérable. Les recherches montrent que : 1° les lectures des thermomètres de platine BA, et K,, lesquels peuvent être considérés comme instru- mentsreprésentatifs lorsqu'elles sont réduites à l'échelle du thermomètre à air par l'emploi de la formule de différence de Callendar, sont, jusqu'à une température de 1.000° C., en complet accord avec les résultats obtenus avec le thermomètre à volume constant à azote conte- nant de l'azote chimique et utilisant la valeur cou- rante pour la dilatation de la porcelaine de Berlin avec laquelle la cuvette est construite ; 2 les thermo- mètres de platine s'accordent de très près avec une série de thermo-jonctions représentant l'échelle de température du Zieichsanstalt, basée sur des mesures prises avec un thermomètre à gaz ayant une cuvette de platine-iridium. Comme les résultats de ces expériences semblent justifier très complètement l'emploi de la for- mule parabolique de Callendar sur une vaste échelle, une table à été calculée par laquelle la valeur T peut être obtenue directement de la valeur de pt pour un intervalle de température compris entre 2000 et 1.1000 C. et pour la valeur 1,5 de la constante 5.— M. W.-J-.-S. Lockyer expose ses recherches sur la variation des taches solaires en latitude, de 4861 à 1902, d'où il tire les conclusions suivantes : 4° La loi de Spôrer sur les zones de taches n'est qu'approximativement exacte et ne donne qu'une idée très générale sur la circulation des taches solaires; 2 les courbes de Sporer sont les résultantes intégrées de deux, trois et quelquefois quatre courbes de régions d'activité des taches, chacune de ces dernières diminuant presque continuellement en latitude; 3° les réductions de Spôrer el plusieurs autres ont indiqué la nature ondulée par- ticulière de la courbe intégrée, particularité que l'au- teur montre, en.grande partie, réelle et non pas due à des erreurs d'observation; 4° les explosions de taches dans les hautes latitudes ne sont pas restreintes aux époques de minimum de taches solaires où aux envi- rons, mais se produisent même jusqu'aux époques de maximum ; 5° les commencements successifs des régions d'activité des taches aux hautes latitudes entre un minimum et un maximum de taches semblent étroite- ment liés aux régions d'activité des proéminences dans ces périodes. — M. Ed. Matthey : Sur les étalons constants de plaques pour l'essai de l'argent. Séance du 18 Février 1904. Sir N. Lockyer poursuit ses études sur /a classiliea- tion thermique des étoiles, basée sur la comparaison de leurs spectres. Quand deux spectres, intenses dans la région H6—Hy, sont comparés, on trouve que, dans les éloiles les plus froides, les émissions dans le rouge sont prépondérantes, tandis que, dans les étoiles les plus chaudes, lultra-violet est plus étendu et plus intense. L'auteur confirme sa précédente conclusion, d'après laquelle les étoiles peuvent être divisées en deux séries, l’une à température ascendante, l'autre à température descendante. A la base se trouvent les étoiles Antariennes et Pisciennes, au sommet les étoiles du type de y Argus. — M. M.-W. Travers a étudié la formation des solides aux basses tempéra- tures, et spécialement de l'hydrogène solide. Quand on refroidit lentement un liquide organique, comme l'acéto-acétate d’éthyle, jusqu'à la température de l'air liquide, il se transforme en un solide cristallin, la formation des cristaux commencant sur les bords et se propageant rapidement dans toute la masse. Si, par contre, le refroidissement a lieu très rapidement, il se forme une substance vitreuse dure, qui est, en réalité, un liquide à haute viscosité, dont les propriétés diffè- rent de celles des solides cristallins, et qu'on peut appeler gseudo-solide. L'auteur à recherché ce qui se passe dans la solidification de l'hydrogène liquide. Lorsque ce dernier est soumis à l’ébullition dans le qui reste ne parait guère plus visqueux; enfin, la masse contient tellement de solide qu'elle devient puis homogène. Le solide obtenu s'évapore très rapide- ment; il a l'apparence de glace partiellement fondue et ne présente pas de cristaux. L'auteur pense toutefois que l'hydrogène solide est une substance cristalline et âteuse, non un pseudo-solide ; la constance de sa pression de fusion semble l'indiquer. La question de la formation des solides à basse température à une grande impor- tance biologique : il est, en effet, probabie que, si des organismes vivants étaient refroidis à des températures où les changements physiques, tels que la cristallisa- tion, ont lieu avec une vistesse mesurable, l'effet serait mortel. — M. J. Walker esquisse une théorie des élec- trolytes amplotères. Sous ce nom, on désigne les électrolytes qui sont capables d'agir comme acides vis-à-vis des bases, et comme bases vis-à-vis des acides. L'un des types les plus simples est celui des amino- acides, comme la glycine, AzH°.CH°.COOH. La théorie de l’ionisation et de la conductibilité électrique des solutions aqueuses de substances amphotériques peut ètre obtenue par une application rationnelle de la loi de l'action de masse et de la théorie d’Arrhénius. Si l'electrolyte anhydre est représenté par la formule X et la forme hydratée par la formule HXOH, les ions en solution seront: 410 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES H+, OH XOHE MERE a ui c d les lettres inférieures représentant les masses actives pour l'équilibre des ions correspondants. En repré- sentant par u la somine des masses actives des formes non ionisées, et en considérant l'équilibre des diffé- rentes paires d'ions positifs et négatifs, on arrive aux expressions suivantes : K + Kat Ç kpua + 1 —; b==; c—kaua; d=—, Et » ky a K 1 LE Tr K dans lesquelles K représente le produit ionique pour l'eau, 4, la constante de dissociation de l’électrolyte amphotère agissant comme acide et 4 la même cons- tante pour l’électrolyte agissant comme base. La valeur de K est bien connue; 4, et y peuvent être déduits de mesures du degré de dissociation hydrolytique des sels de l'électrolyte amphotère. Pour les électrolytes faible- ment ionisés,u est presque égal à la masse active totale. Il est donc possible de calculer les concentrations des divers ions ; de celles-ci et des vitesses ioniques corres- pondantes on calcule la conductibilité électrique de la solution. Le calcul à été fait pour les acides amino- benzoïques; les résultats concordent avec les valeurs observées. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 25 Mars 1904. M. J. Fleming montre que, pour de longs solénoïdes (longs d'au moins 50 fois leur diamètre), l'inductance peut être calculée à 1 °/, près au moyen de la règle : inductance en em. = longueur de fil dans l'unité de longueur du solénoïde X longueur totale du fil dans le solénoïde entier en cm. Au moyen d'une inductance ainsi déterminée, on peut mesurer de faibles capacités, comme celle d'une bouteille de Leyde. L'auteur pré- sente, enfin, un étalon d'inductance gradué en micro- henrys. — Le mème auteur présente un ampère-mètre à fil chaud pour la mesure de très faibles courants al- ternatifs (0,002 amp.). — M. C. G. Barkla expose ses recherches sur l’énergie des rayons Rüntgen secon- daires. Des électroscopes sont placés dans un faisceau primaire de rayons Rüntgen, et dans un faisceau secon- daire provenant de l'air dans une direction perpendi- culaire à celle de la propagation des rayons primaires. En comparant les vitesses de décharge, avec ou sans interposilion de plaques d'absorption en aluminium, on trouve que l’absorbabilité des rayons secondaires diffère de celle des rayons primaires de moins de 5 °/, de sa valeur. Les pouvoirs ionisants des deux radia- lions sont, de mème, presque égaux. L'énergie de la radiation secondaire émise par certaines substances légères, placées dans un faisceau primaire d'intensité définie, est proportionnelle à la quantité de matière traversée. Dans le passage des rayons X à travers l'air atmosphérique normal, la diminution d'intensité due à la radiation secondaire est de l’ordre de 0,02 °/ par centimètre. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 23 Mars 1904. Séance générale annuelle. La Société procède à l’élec- tion du Bureau pour l’année 1904. Sont nommés : Président : M. W. A. Tilden; Vice-Présidents : MM. H. T. Brown, H. B. Dixon, W. R. Dunstan, P. F. Frankland, D. Howard et R. Meltola; Secrétaires : MM. W. P. Wynne et M. O. Forster: Secrétaire-étranger : Sir W. Ramsay ; Trésorier : M. Al. Scott. SOCIÉTÉ ANGLAISE DES INDUSTRIES CHIMIQUES SECTION CANADIENNE Séance du 18 Février 1904. M. E. A. Le Sueur communique ses recherches sur la condensation fractionnée de l'air et la production commerciale de l’oxygène. — M A. Me Gill étudie les moyens d'améliorer les eaux destinées à l'alimentation des chaudières. Un des grands inconvénients de cer- taines de ces eaux, c'est l'écume qu'elles forment à l'ébullition. Pour éviter cette formation, il faut que la proportion de sels de sodium en solution ne dépasse pas un maximum : 1,5 °/6,. La chaux caustique en excès est également nuisible en présence de graisses saponi- fiables, qui sont toujours présentes dans les concentrés des chaudières. Il faut donc éviter un excès de chaux dans le traitement des eaux. Enfin, la matière solide en suspension prédispose à la formation d'écume; il faut donc alimenter les chaudières avec de l’eau aussi claire que possible. SECTION DE MANCHESTER Séance du 5 Février 1904. MM. W.J. Pope et J. Hubner ont étudié les altéra- tions de structure qui se produisent dans le merceri- sage du coton. Ils donnent la cause vraie de la produc- tion du lustre par immersion dans la soude caustique et étirage subséquent. Les fibres de coton étant main- tenues dans le fil ou le tissu ne peuvent se dérouler entièrement et librement comme si elles étaient plon- gées séparément dans le caustique, chaque fibre étant gênée par son contact avec d’autres. Quand le fil ou le tissu est ensuite tendu dans l'état encore gélatineux produit par l'action de la soude, les fibres sont re- dressées et les angles doux et arrondis qui pro- duisent le lustre sont alors formés. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 24 Mars 1904. M. E. Fischer présente les résultats de ses recherches, faites avec la collaboration de M. F. Wrede, sur la chaleur de combustion de quelques composés orga- niques. Afin de réaliser une précision plus grande dans la graduation de la bombe calorimétrique de M. Ber- thelot, les auteurs ont engagé MM. Jäger et von Stein- wehr à élaborer, à l’Institut Impérial Physico-Technique, un nouveau procédé électrique spécial. Après avoir déterminé à l’aide d’un instrument gradué par cette méthode les chaleurs de combustion de 35 composés organiques, les auteurs se servent de leurs résultats pour discuter, entre autres, la formation des polypep- tides et la liaison double conjuguée. — M. J.-H. var’t Hoff continue ses recherches sur les conditions de for- mation des dépôts de sels océaniques. Dans la présente communication, il étudie d'une facon quantitative, de concert avec MM. Sachs et Blach, les 20 solutions à composition constante régissant la cristallisation à la température de 83°. — M. Kônigsberger présente un Mémoire sur Les Ondes aqueuses trouvé par M. Wien dans la succession de Von Helmholtz, ainsi que deux Mémoires incomplets, mais qu'il serait facile de com- pléter, sur le Mouvement des Liquides compressibles à symétrie autour d'un axe, et enfin une étude sur l’Allure des Tourbillons à Déroulement spiral, étude qui en est restée à son commencement. ALFRED GRADENWITZ. SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE Séance du 4 Mars 1904. MM. F. KohlrauschetF.Henning ont étudié la con- ductivité des solutions aqueuses de bromure de radium. Le st din di he. A he PS Ed er On pouvait supposer que les sels de radium, à l'état d'électrolytes, présenteraient des phénomènes particu- liers, soit en raison du poids atomique élevé de cet élément, soit par suite de son influence ionisatrice. Or, les expériences des auteurs font voir que les solutions de bromure de radium de concentration variant entre 1/12.000 et 1/20 norm. ont une allure parfaitement analogue à celle des sels chimiquement voisins. En effet, la courbe représentatrice ne fait voir l'existence ni d'une hydrolyse, ni d’une altération temporaire en présence du platine nu, alors que les modilications observées avec des électrodes platinées sont très peu considérables. La même analogie se constate dans le cas du coefficient de température, que les auteurs trouvent égal à 0,024 à la température de 18° pour l'ion de ra- dium au sein de l'eau. La conductivité équivalente des solutions, à celle même température, augménte de 100 à 12% dans l'intervalle de concentration précité. ALFRED GRADENWITZ. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 3 Mars 1904. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Fr. Hocevar com- munique ses recherches sur la décomposition des formes algébriques en facteurs linéaires. — M. R. Daublebsky von Sterneck : Line analogie dans la théorie des nombres additifs. — M. G. Horn à déter- miné d'une facon définitive la trajectoire de la comète 1889 VI (Davidson); elle est elliptique; sa période de révolution est comprise entre 5.600 et 23.000 ans. — M. Ad. Hnatek a déterminé définitivement l'orbite de la comète 1826 V et calculé son passage devant le disque solaire. La trajectoire est parabolique ; quelques heures après son passage au périhélie, cette comète s’est présentée devant le Soleil, ainsi que l'a observé Gambart ; le calcul confirme ses observations. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. E. Suess, F. Becke et Fr. Exuer ont déterminé l’action sur une plaque photographique de 4 échantillons de pechblende urani- fère conservés au Cabinet minéralogique de la Cour depuis 1805, 1807, 1814 et 1853. L'intensité des images obtenues après une exposition de 92 heures est presque identique à celle qu'on obtient avec des minerais récents. Pendant une durée d'un siècle, il n'y à donc pas de diminution appréciable de l’action photogra- phique. — M. H. Hofer explique la production du … magnétisme dans certaines briques par la cuisson. L'argile non magnétique renferme toujours de l’oxy- dule ou de l'hydrate de fer. Par la cuisson sur un bon feu, l'oxydule se transforme partiellement en oxyde ; par cuisson sur un feu fumant, avec flamme riche en G et CO, l'hydrate est partiellement réduit en oxydule. Dans les deux cas, il se forme de l'oxyde de fer oxy- dulé ou magnétite. — M. H. Meyer considère l'acide diéthylanthranilique comme une pseudo-bétaine; il fond à 1200-1210, il est neutre aux alcalis, donne un mn periodure et fournit des sels avec les acides minéraux. …— M. M. Fortner a transformé le 2-aminofluorène en cyanofluorène et obtenu par saponificalion l'acide fluorène-méthylique, dontle chlorure se condense avec “le benzène pour former le benzoylfluorène. L'acide fluo- mrène-méthylique, d'autre part, est oxydé en acide fluorénone-méthylique, identique à l'acide fluorénone- monocarbonique dérivé du rétène. — M. L. Langstein: Les hydrates de carbone de la sérum-globuline. — M. P.H. Greilach : Recherches d'analyse spectrale sur la formation de la chlorophylle dans les plantes. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. F. Siebenrock décrit quelques tortues provenant du nord du Brésil. Séance du 10 Mars 1904. SCIENCES PHYSIQUES. — MM. J. Herzig et J. Pollak décrivent l'éther monométhylique de l'acide pyrogallol- carbonique C5H° (COOH) (OH)? (OCH?) (1:2:3:4), qui se décompose avec perte de CO? pour donner l'éther pyro- gallol-1-monométhylique. De l'éther diméthylique de . | ; : ni Fe ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ATI l'acide pyrogallolcarbonique C‘H?(COOH) (01) (OC, on obtient de même l’éther pyrogallol-1 :2-diméthy- lique encore inconnu. — M. W. Pauli a constaté qu'il suffit de 2? à 3 gouttes d’un éther sulfocyanique en in- Jection intra-veineuse pour amener la mort, tandis qu'il faut jusqu'à 10 grammes d’un sulfocyanure métal- lique pour obtenir le mème effet. La différence provient de la vitesse différente avec laquelle l'anion actif pénè- tre dans les cellules; cette vitesse est de beaucoup accrue par l'union avec un alkyle. Séance du 17 Mars 1904, 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Buchholz pré- sente la suite de ses recherches sur le mouvement du type 2/3 dans le problème des trois corps, auquel obéissent les planètes du groupe de Hilda. — M. H. Mache étudie la vitesse d’explosion dans les gaz ton- nants homogènes. En se basant sur deux hypothèses nouvelles, il retrouve un théorème de Gouy, d'après lequel la consommation de gaz d'une flamme ne dépend pas de la forme, mais de la superficie de la surface de combustion. Ce théorème se vérifie expérimentalement. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. Billitzer poursuit ses recherches sur la théorie des phénomènes électro- capillaires. 11 montre que la double couche disparait vers — 0,4 volt contre l'électrode d'hydrogène, la capacité de polarisation defPt, Ag, Pb passant par un maximun en ce point. —M. J. Donau montre que cer- taines fibres végétales sont très propres à la recherche microchimique de l'or. Un fil de cocon, trempé dans un mélange de chlorure de zinc et de pyrogallol, lavé, puis porté dans une gouttelette d’une solution d'or extrèmement diluée, rougit par suite de la forma- tion d’or colloïdal. — M. R. Ofner a constaté que le sucrose fournit une osazone avec la benzylphénylhy- drazine, tandis que la méthylphénylhydrazine ne donne d'osazone qu'avec les sucres cétoniques. — MM. F. Wenzel et A. Schreier ont obtenu la tétraméthyltrioxy- fluorone par union de la diméthylphloroglucine avec son aldéhyde et par l’action de H°SO* concentré sur la méthylène-bis-diméthylphloroglucine. Par réduction, elle fournit le tétraméthyltétraoxyxanthène. — MM. W. Heinisch et J. Zellner ont étudié, au point de vue chimique, le champignon des mouches, l'Amanita muscaria L. L'analyse des cendres montre une forte teneur en K et P°0* et une teneur minime en Ca. L'extrait à léther de pétrole renferme une graisse riche en acides palmitique et oléique libres et un corps, F. 1549, qui semble identique à l’ergostérine. ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM Séance du 19 Mars 1904. 1° ScrENcEs MarHÉMATIQUES. — M. D. J. Korteweg pré- sente au nom de M. F. Schuh: Une relation de réalité se rapportant aux courbes planes réelles et imagi- paires à Sinqularités Supérieures. En 1876, M. F. Klein a étendu une relation trouvée par M. H. G. Zeuthen pour le cas d'une courbe C* du quatrième ordre à une courbe algébrique quelconque dont l'équation n'admet que des coefficients réels et qui ne possède que les quatre singularités Plückériennes ordinaires, en démon- trant la formule n + 8 + 22" — £ + 4 +95", où » et À indiquent l'ordre et la classe, tandis que f', #!, =", à! représentent les nombres de singularités réelles points d'inflexion, points de rebroussement, tangentes doubles isolées et points doubles isolés. M. Schuh étend cette équation à des courbes planes à singularités su- périeures dont l'équation admet des coeflicients com- plexes et fait voir que, par cette généralisation, l'équa- tion elle-même prend la forme plus simple 2 + X'r1 = À + L'{!, où X'{ représente la somme des ordres des singularités à point réel, Z'v! la somme des classes des singularités à tangente réelle. L'auteur considère comme élément de la courbe un point de la courbe avec la tan- gente correspondante faisant partie d’une branche à un seul développement en série suivant Puiseux à expo- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES sants entiers ou fractionnaires; cet élément est singu- lier : 4° Si le point ou la tangente est singulier ou s'ils le sont tous les deux; 2 Si le point ou la ten- gente ou tous les deux font partie de plusieurs élé- ments : 3° Si le point est réel et la tangente imaginaire ou inversement. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Kamerlingh Onnes présente en son nom et au nom de M. C. Zakrzewski : Contribution à la connaissance de la surface % de van der Waals.IX : Lés conditions de coexistence de mélanges binaires de substances normales d'après la loi des états correspondants. 1. Le traitement gra- phique des conditions de coexistence. 2. L'équation d'état réduite empiriquement. 3. Validité de la loi des élats correspondants pour des mélanges. &. Détermina- tion des quantités critiques des mélanges supposés in- décomposés. 5. Les lignes Ÿ réduites. 6. La surface d des mélanges de chlorure de méthyle et d'acide carbonique à — 25°. Modèle de la surface. Les lignes binodales et les tangentes joignent deux phases coexistantes. 7. Simpli- fication de la détermination des conditions de coexis- tence au cas ou la phase liquide se trouve de beaucoup au-dessous de sa température critique. 8. Application de la loi empirique de la tension de vapeur réduite de substances pures aux phénomènes de coexistence chez les mélanges. Le travail est illustré par deux planches, dont lune montre la forme de la surface. — M. A. F. Holleman : Sur la réaction de HOOH sur les dicétones 4:2 et sur les acides a-cétoniques. Communication en rapport avec les réactions R.CO.CO*H + HOOH — R.COOH. + HOCO*H (— H°0 + CO*), et RCO.CO.R + HOOH — R.CO?H + R'.CO*H. — M. C. A. Lobry de Bruyn présente au nom de M. C. L. Jungius : La lrans- formation mutuelle des deux pentacétates Stéréoiso- mères de d-glucose. D'après l’auteur, le troisième penta- cétate stéréo-isomère, fondant à 86°, décrit par M. Tanret en 14895, n'est qu'une combinaison des deux autres. Il représente la constitution de ces deux isomères par la formule AcO.CH.CHOAc.CHOAc.CH.CHOAc.CH20 Ac, (RE ER nee) où Ac — CH#.C0, la présence de l'atome de carbone asy- métrique à gauche expliquant l'existence des deux iso- mères. Il détermine la vitesse de transformation à l'aide du polarimètre de Schmidt et Haensch et trouve que ; - 1 œ l'expression : log — 7 Ê EE isomères. — Ensuite, M. de Bruyn présente au nom de M. J. J. Blanksma : Sur la substitution dans le noyau du benzène. Littérature du sujet, se rapportant à la solution de la question : Pourquoi tel groupe dirige-t-il tel autre vers les positions ortho et para ou bien vers la position méta : Armstrong (1887), Crum Brown et Gibson, Hoffmann, Bamberger, Hantzsch, Chattaway et Orton, Flürschheim (1902), Holleman. Résultats de l'auteur : Si, dans le noyau du benzène, un, deux ou trois groupes OH, AzH* où CH, ou toutes les combinai- sons avec répétition de ces substances deux à deux ou trois à trois, se trouvent dans les positions 1,3, 5,on pourra introduire, dans des circonstances favorables, les groupes CH#,CH*OH(CH?CI), COH(CHCE), COOH(CCF), COCH*,COC'H;, SO'H, I, Br, CI, AzO®?(Az0, AzAzCEH°),etc., dans le noyau, et cela d'autant plus facilement qu'il y a plus de groupes OH, AzH° ou CH5. En ce qui concerne la substitution indirecte, où les nouveaux composants se placent d'abord dans la chaine secondaire pour émi- crer ensuite vers le noyau, on doit examiner : 4° La différence d'énergie entre les substances admettant des groupes dans la chaîne secondaire où dans le noyau, c'est-à-dire Ja quantité de chaleur qui se dégage au moment de ce déplacement d'un groupe de la chaîne secondaire vers le noyau; 2° La vitesse de ce déplace- ment et comment elle varie sous l'influence de groupes différents en des positions différentes; 3° Dans quelles circonstances le remplacement de groupes déterminés par d'autres groupes à lieu. — M. Franchimont pré- © est constante pour les deux sente la thèse de M. G. C. A. van Dorp : « Sur les pro= duits de nitration des dérivés de la tétrahydroquinoline ». 3° SCIENCES NATURELLES. — M. W. Einthoven : Quelques applications du qalvanomètre à corde (voir Rev. génér. des Se., t. XIV, p. 968). Dans les recherches récentes de M. et Me Curie qui ont conduit à la découverte du radium, l'intensité du courant dont ils se sont servis fut mesurée à l'aide d’une lame de quartz piézo-élec- trique ; M. Einthoven exécute beaucoup plus facile ment cette détermination à l’aide du galvanomètre à corde, Expériences avec quelques milligrammes d'un. sel de radium. Détermination de l'intensité de courants: extrémement faibles. Mise en évidence de quantités minima d'électricité. Enregistrement de sons. Etude des sons phonétiques et des sons du cœur. Le galvano- mètre à corde démontre les courants d'action d'un muscle ischiadique de grenouille engendrés par l'irri- tation accompagnant l'ouverture et la fermeture d’un courant constant avec toutes les particularités exigées par la loi de contraction de Pflüger. Peut-être arrivera= t-on ainsi à de nouvelles conceptions sur la manière dont les nerfs réagissent aux excitations.— M. H. de Vries pré- sente au nom de M. E. Verschaf- felt : Détermi- nation del'action des poisons sur les plantes. Siun morceau d'un organe vivant d'une plante ter- restre est mis dans l’eau, il se remplit d'eau à cause des pro- priétés osmoti- ques du proto- plasma, et cette eau gonfle les parois des cel- lules jusqu à ce qu'ellesnesoient plus capables d'extension. Au contraire, si l'organe est mort, au lieu de s'emparer de l’eau, il perd une certaine quan- tité de l’eau qui gonflait les parois des cellules, cette eau quittant le tissu avec les substances dissoutes dans l'humeur des cellules, de manière que l'organe diminue de volume et de poids. Ainsi, il semble qu'on n'ait qu'à examiner si un organe de plante terrestre, mis dans l’eau, augmente ou diminue en poids pour décider s'il est vivant ou mort. Pour montrer l’exacti- tude dé cette méthode, l’auteur a déterminé la limite 0,005 0,004 . 0,003 + HCI +2H20 0,002 T 0,001 C29H2A7A0Z L ee 1 1 0 01 0,2 Na CI 0 Fig. 1. — Déplacement de la limite toxicologique de la quinine par ad- dition de Na CL toxicologique de quelques substances pour la pomme. de terre, la betterave, les feuilles potelées de l'A/06, less tiges succulentes de Hegonia, de fiheum, etc. Voici un la limite toxico=. exemple des résultals des recherches : logique du chlorhydrate de quinine par rapport à la pomme de terre est très basse; elle ne s'élève qu'à un. milligramme par litre d’eau, la durée d'action étant de vingt-quatre heures. Par l'addition de NaCl d'une con= centration déterminée, l'effet mortel n'est atteint dans le même temps que par une quantité plus grande de quinine. Ainsi, comme le démontre le graphiques (fig. 1) du déplacement de la limite toxicologique, l'addi= tion de 0,2 gramme-molécule de NaCl au litre d'eau fait monter la concentration nuisible de la quinine de 0,001 à 0,005, tandis qu'une addition d'une quantité plus grande de NaCl à, au contraire, une influence moins heureuse. P. H. Scnourte. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, |, rue Cassette, | RP rt M AS Î | | | 15° ANNÉE N° 10 30 MAI 1904 Revue générale BOCS OCiences pures el appliquées Direcreur : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Xevue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Election à l'Académie des Sciences de Paris. — Dans sa séance du 9 mai, l'Académie a pro- cédé à l'élection d'un membre dans sa Section de Minéralogie, en remplacement du regretté Fouqué. La Section avait présenté la liste suivante de candidats : 4° M. Ch. Barrois; 2° M. Douvillé; 3° MM. Bergeron, Boule, Haug, de Launay, Termier et Wallerant. Au premier tour de scrutin, le nombre des votants - étant 50, M. Barrois à été élu par 39 suffrages, contre 6 accordés à M. Wallerant et 5 à M. Douvillé. On doit au nouvel académicien des travaux de pre- mière importance sur plusieurs parties de la Géologie qu'il est rare de voir cultivées simultanément par le même savant. Ses premières recherches ont porté sur les terrains crétacés du Sud de l'Angleterre: l’auteur les à réunies dans une thèse remarquable où, pour la première fois, on trouve soigneusement établies jusque dans le détail les correspondances entre les assises crayeuses de cette région et celles des terrains crétacés “du Nord de la France et du Bassin de Paris. Emprun- tant ses démonstrations à toutes les méthodes alors “connues en Paléontologie, en Stratigraphie et en Tec- tonique, ce beau Mémoire a marqué un pas décisif dans le progrès de la Géologie francaise. Dans un tout autre ordre d’'investigations, M. Barrois à aussi rencontré le succès. Ses patients et féconds travaux sur les terrains cristallins de notre Bretagne ont enfin élucidé la grosse question de la structure et de la formation de cette province. Chemin faisant, M. Barrois à aussi éclairé nombre de problèmes an- nexes et contribué pour une part considérable au pro- grès général de nos connaissances en Géologie. $S 2. — Nécrologie E. Marey, J. Sarrau. — De nouveaux deuils viennent de frapper le monde savant : l'illustre physio- logiste E. Marey, l'éminent ingénieur J. Sarrau, si connu par ses travaux sur les explosifs, sont décédés à quel- ques jours d'intervalle. La /evue consacrera prochai- nement une Notice à leur vie et à leur œuvre. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. Octave Gréard. — Le 25 avril, M. Octave Gréard est mort subitement, quelques instants après avoir présidé une séance du Conseil supérieur de l’Instrue- tion publique. C'est dire qu'il a été frappé en pleine activité encore, continuant, à soixante-seize ans sonnés, sa précieuse collaboration à l'œuvre d'éducation et d'instruction de la jeunesse française, qui avait} été véritablement la passion de sa vie. À cette œuvre, il s'était donné tout entier. Entré à l'Ecole Normale Supé- rieure en 1849, avec Prevost-Paradol, il y avait rejoint cette célèbre promotion de 48 qu'ont illustrée Taine, About et Sarcey. On sait, par les lettres et les souvenirs récemment publiés, quelle activité d'intelligence, quelle ardeur, quelle volonté d'apprendre et de comprendre | ont marqué ces générations de normaliens, quelle eflervescence aussi suscitèrent chez ces esprits géné- reux les rigueurs du Coup d'Etat et le régime de com- pression morale qui suivit. M. Gréard resta dans les cadres universitaires et, plus sûrement peut-être que tel brillant révolté de ses condisciples, il sut, dans le rang, contribuer puissamment à l'émancipation intel- lectuelle du pays. Après avoir professé la rhétorique à Reims, à Versailles et à Paris, il prenait, en 1866, le grade de docteur ès lettres avec une thèse d'une obser- vation délicate sur Za Morale de Plutarque, où l'on sent déjà toute la mesure et la sobre distinction de son talent. En même temps, quittant le professorat pour l'administration, il devenait inspecteur de l'Académie de Paris et directeur de l'Enseignement primaire de la Seine. À part un court passage à la Direction de l'En- seignement primaire au Ministère, de 1872 à 1873, M. Gréard allait, jusqu'en 1879, accomplir à Paris une œuvre de réforme essentielle, d'une importance capi- tale pour l'éducation du peuple et de la petite bour- geoisie. Il y apporta d'inestimables qualités de tact, d'esprit de suite, de persévérante recherche et de pru- dente hardiesse, « remontant au delà du présent », comme lui-même l'a écrit, pour « ressaisir dans le passé, à travers les lois qui ont vécu et les projets de loï auxquels il n'a pas été donné de vivre, la suite, le développement, le progrès de nos principes d’enseigne- ment populaire ». C'est par cette sûre méthode qu'il cherche «l'indication décisive des expériences faites, en | mème temps que la raison des progrès qu'il reste à faire », 10 * = 1 = Mais, pour procéder ainsi, presque avec une rigueur scientifique, pour innover, sans brusquerie, quel labeur préparatoire ! Il lui faut d’abord dresser ce monument de La législation de l'instruction primaire en France depuis 1789 jusqu'à nos jours’, s’enfoncer dans les sta- tistiques?, voir de ses yeux fonctionner les systèmes en vigueur et lescomparer aux méthodes étrangères. Rien ne lui échappe. Avec le même soin, il étudie et com- mente la théorie des Kindergarten, examine la question de Ja protection et de l'éducation des apprentis et recherche les nécessités de l'instruction des adultes et de l’enseignement primaire supérieur. Qui ne l'aura connu que plus tard, dans le cadre sévère de ses réceptions rectorales, ne pensera pas sans étonnement que ce maitre de l'Université, entouré et comme défendu par le cérémonial administratif, n'a pas dédaigné un jour de scruter l'âme obscure des tout petits enfants, de se demander quels exercices conve- naient le mieux à leur ouvrir l'intelligence, et que, patiemment, il lisait ce que les fillettes de douze ans racontaient sur le choix d'une profession, gravement heureux de trouver chez la plupart « l'amour de la famille et l'intelligence de la loi du travail ». C'est avec une pareille conscience qu'on fait les grandes besognes. Aussi, en 4879, le Ministre, l’enlevant à la Direction de l'Enseignement primaire de la Seine, le nomma aux plus hautes fonctions universitaires : vice-recteur de l'Académie de Paris. M. Gréard se mit à sa tâche nou- velle avec la même ténacité laborieuse, le même souci de concilier la saine tradition et les besoins présents. Il a procédé aux plus minutieuses enquêtes sur toutes les questions qui se sont récemment posées : internat, régime des collèges étrangers, discipline, diversification des programmes, réforme et extension de l'enseigne- ment secondaire spécial, baccalauréat, enseignement supérieur à Paris, ete. et toutes les solutions qu'il indi- que sont marquées au coin du plus ferme et du plus clairvoyant bon sens. Longuement aussi, il s'est préoc- cupé de l'éducation des filles, et, non content de coopérer activement à la création des lycées qui leur donnent aujourd'hui l'enseignement secondaire, il a marqué combien il s'intéressait à l'éducation féminine en étudiant avec une visible prédilection les grands éducateurs de jeunes filles. C'est ce qui nous a valu ses charmants essais sur Fénelon, sur Mme de Maintenon, J.-J. Rousseau, M° D'Epinay, etc. En M. Gréard, l'administrateur se doublait d’un fin lettré. En 1875, l'Académie des Sciences morales, reconnaissant la haute valeur de son œuvre pédago- gique, l'avait appelé à elle. Cette œuvre, lui-même l'a exposée avec une discrétion qui l'empêche de jamais se nommer, dans une série d'études * qui lui méritèrent d'être élu, en 1886, à l'Académie francaise, en rempla- cement de M. de Falloux. « Des écrits qui, par leur destination première, n'auraient dû ètre que des do- cuments administratifs, ont été par vous amenés à toute la distinction d’une œuvre d'art». Aucune appréciation ne saurait être plus juste que ces paroles, par lesquelles le duc de Broglie l’accueillait à sa réception à l'Acadé- mie, le 49 janvier 4888. Mais ce n'était pas seulement à ces travaux, en quelque sorte professionnels, que sa- vait s'appliquer le clair talent de M. Gréard. Comme pour se délasser de sa tâche quotidienne, il a écrit sur son ami Provost-Paradol et sur Edmond Scherer deux ——_—_—_—_—_—_—_—_————…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—_—_—_—————— 1 Paris (Ch. de Mourgues), 1874, 3 volumes grand in-80. Ce recueil a été continué jusqu'en 1900 (6 volumes). 2 L'instruction primaire à Paris et dans les communes du département de la Seine en 1875. Paris (Ch. de Mourgues), 1875, in-40. — Exposition universelle de 1818. L'enseigne- ment primaire à Paris et dans le département de la Seine de 1861 à 1871. Paris (Chaix), 1878, grand in-#°. 3 L'Education des femmes par les femmes. Paris (Hachette) 1877, in-12. — Mme de Maintenon. Extraits de ses lettres, avis, entretiens, conversations et proverbes sur l'éducation. Paris (Hachette), 1884, in-12. 4 Elles ont été réunies sous le titre de : Education et ins- truction. Paris (Hachette), 1887, 5 volumes, in-12. e CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE essais biographiques qui sont des modèles par la lim- pidité de l'exposition, la lucidité de la pensée et une finesse de touche où la critique sait se faire sentir, mais toujours discrète et comme impersonpelle. Au lendemain de la réception de M. Gréard à l'Aca- démie française, Scherer écrivait de son discours : « Pas un mot à effet, mais tout bien pensé et bien dit, mais partout la mesure, la justesse, la convenance ». Ce n'était pas seulement à ce morceau académique, c'était vraiment à l'œuvre de toute sa vie que pouvait s'appli= quer et que nous appliquerons ce Jugement. Depuis un an, M. Gréard avait quitté les lourdes fonc- tions de vice-recteur de l'Université de Paris; mais, comme on l'a vu, il n'avait pas, pour cela, renoncé à son activité coutumière. Nul homme n'a été plus labo- rieux, et, malgré le poids de ses multiples occupations, n'a donné son concours à plus d'enquêtes et de comi- tés, dès qu'il croyait leur action utiie à l'enseignement. Dans cette Revue même, à laquelle il avait bien voulu accorder le haut patronage et l'autorité de son nom lorsque y fut entreprise l'œuvre éducatrice des Voyages d'études, nous lui devions, en même temps qu'un hom- mage à sa mémoire, l'expression respectueuse de notre reconnaissance. H. Léonardon. $ 3. — Astronomie Fondation d'un Observatoire astrophysique en Espagne. — L'Espagne sera bientôt dotée d’un Observatoire d'Astronomie physique qui n'aura rien à envier aux plus perfectionnés de ceux qui se trouvent en Angleterre et en Amérique, et qui même réalisera 4 en quelque sorte un établissement unique par l'idée générale qui a présidé à sa fondation et à l’organi- sation de ses divers services, à savoir : l'étude des rela- tions, de plus en plus évidentes, qui existent entre l'ac- tivité du Soleil et les divers phénomènes électriques M et magnétiques de notre globe. La construction (aujourd'hui presque achevée) de cet observatoire est due à l'heureuse initiative du FREE l'Observatoire de Manille, auteur de recherches distin- guées sur le magnétisme aux iles Philippines. * Le nouvel observatoire, situé en Catalogne, près de Tortosa, à peu de distance de l'embouchure de l'Ebre, a pour coordonnées géographiques : 40°48 de latitude nord et 1°47 de longitude ouest de Paris. Deux bâtiments sont consacrés au magnétisme ter= restre : l'un réservé aux mesures absolues, l’autre aux instruments de variation à lecture directe et enregis= treurs de M. Mascart. Le R. P. Cicera a fort heureuse- ment modifié sur un point le type classique de l’enre= gistreur Mascart : l'inscription photographique se fera. sur un cylindre développant à l'heure 2 centimètres de papier sensible, soit le double de ce que font les appa= reils construits jusqu'ici. Ce perfectionnement pers mettra de déterminer avec une précision plus grande, (celle qu'on obtient avec les appareils en usage ne dépasse guère une approximation de + 3") le momenb exact des perturbations, et en particulier le début tou= jours fort brusque de celles qui paraissent d'origine cosmique; et l'on peut espérer quil sera possible, grâce à lui, de préciser la simultanéité soupconnée entre l'observation de certains phénomènes d'activité solaire et le début de ces perturbations. A cet effet, un pavillon voisin des pavillons magné= tiques est destiné à l'observation constante du Soleil, qui serà poursuivie à l’aide d'un équatorial spécial pour l'observation des taches, d'un spectrohéliographe d'Evershed pour la photographie de la chromosphère et des facules projetées sur le disque, et d’un spectro goniomètre photographique pour la mesure des Vi tesses radiales des éruptions protubérantielles. 4 Jusqu'ici, les observations magnétiques étaient effec- tuées dans des observatoires spéciaux, munis tout al plus d'instruments pour l'observation directe des {aches solaires, les études spectrographiques de Pactis 4 d rs LU . . <: . r4" x « Cirera, ancien chef du Service magnétique à M # CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ATS vité solaire étant réservées à des observatoires où l’on ne faisait point de magnétisme terrestre d’une manière continue ; il est inutile d'insister sur les inconvénients multiples qu'avait cet état de choses pour la compa- raison des deux catégories de phénomènes; la manière encore si incomplète dont nous connaissons leurs relations en est une preuve suffisante. On ne peut donc qu'applaudir à l'initiative du R. P. Cirera, qui comble sur ce point une lacune en réunissant sous la même direction des séries d'observations complètes et paral- lèles de lactivité solaire et de notre magnétisme. Enfin, outre un pavillon consacré à la météorologie et à l'optique atmosphérique, et un autre muni d'ins- truments sismographiques, le nouvel observatoire pos- sèdera une section d'électricité atmosphérique et tellu- rique; on y enregistrera, concurremment avec les phénomènes magnétiques, l'intensité des composantes principales des courants telluriques, la déperdition atmosphérique, et les variations du champ électrique de l'atmosphère. Là encore, l'Observatoire de Tortosa parait appelé à rendre de grands services en nous éclairant sur les relations multiples qui lient, semble-t-il, ces divers phénomènes entre eux et avec le Soleil. On ne peut donc que souhaiter la plus heureuse chance à cet établissement véritablement bien com- pris, où se trouveront réunies enfin, et étudiées paral- lèlement à l’aide des méthodes les plus modernes et des appareils les plus ingénieux, la Physique terrestre et l’Astrophysique, ces deux sœurs jumelles qui n’au- raient jamais dû être séparées. Nous venons d'apprendre qu'il est question de cons- truire, au voisinage du nouvel observatoire, un tram- way électrique d'intérêt local. — Ce serait rendre impossible toute observation magnétique, et ruiner, dès son début, l'idée féconde qui à présidé à la fonda- tion de ce bel établissement. Il faut espérer que le Gouvernement espagnol saura imposer aux constructeurs de ce malencontreux tram- way un mode de traction qui ne soit pas funeste à l'Observatoire de Tortosa; il ne voudra pas permettre qu'on détruise une œuvre qui promet d’être à la fois si fructueuse pour la science et si honorable pour lEs- pagne. Ch. Nordmann, Doctewr ès sciences, Attaché à l'Observatoire de Paris. $ 4. — Physique Nouvelles recherches sur la phosphores- cence. — On sait, depuis Becquerel, que, si l’on pro- jette un spectre sur une plaque phosphorescente, la luminescence est augmentée dans certaines des régions atteintes, affaiblie dans d’autres {par comparaison avec le fond uniformément lumineux du reste de la plaque). Becquerel avait cru à une action spécilique des rayons, qu'il avait divisés en excitateurs (réfrangibilité Supé- rieure à celle de la raie G), modérateurs (de F à G) et extincteurs (au-dessous de EF). Des recherches récentes de Dahms!' ont montré que cette manière de voir n'es pas exacte, et que les phénomènes dépendent essen- tiellement des intensités relatives de la phosphores- cence et du spectre. Par exemple, avec la couleur lumineuse de Balmain (sulfure de calcium additionné de bismuth),les radiations comprises entre 384 et 396 ut, qui affaiblissent l'éclat d'une substance fortement phos- phorescente quand l'intensité du spectre est faible, laccroissent dans les conditions contraires. Des expé- riences nombreuses, qui ont porté, en outre, sur le sul- fure de strontium, le sulfure de zinc d'IHenry et la fluorine, et dans lesquelles on a fait varier l'intensité de la phosphorescence et la durée d'action du spectre, ont conduit à la conclusion suivante : l'action excita- trice des radiations incidentes se compose avec l'amor- tissement spontané de la phosphorescence, pour aboutir 1 Annalen der Pbysik, L. XI, p. 425, 1904. à un équilibre mobile de rayonnement dont la vitesse d'établissement est uniquement déterminée, cæteris paribus, par l'intensité de la radiation. Si cette vitesse est supérieure à la vitesse d'affaiblissement de la phos- phorescence, une radiation capable d’exciter le corps neuf affaiblira l'éclat du corps préalablement excité. Ce sera l'inverse dans le cas contraire. On n'a pu relever qu'un seul exemple d'action spéci- fique ; les radiations infra-rouges détruisent très rapi- dement, ef sans activation préalable, la phosphores- cence du sulfure de zinc; il semble que la quantité d'énergie rayonnée dans ces conditions soit très infé- rieure à celle que le sulfure abandonne spontanément, à égalité d’excitation; l'auteur n'a pas pu donner de ce fait une explication satisfaisante. Les rayons les plus actifs pour déterminer la phos- phorescence ne sont pas les mêmes pour tous les corps: pour la fluorine, par exemple, leur longueur d'onde est inférieure à 274 pu; la connaissance de l’action des différentes régions du spectre sur le corps neuf per- mettra d'obtenir, dans les expériences avec la lumivre anche, le maximum de luminescence, grâce à l'emploi de filtres à radiations, transmettant les rayons les plus actifs et éliminant ceux qui exercent une action des- tructive. La fluorine est remarquable par une fluores- cence ultra-violette très intense et ne s’amortissant qu'avec une extrème lenteur, $ 5. — Biologie Influence du milieu extérieur sur l'œuf. — Nous recevons de M, C. Viguier, attaché à la Station zoologique d'Alger, la lettre suivante : Monsieur le directeur, Des circonstances pénibles pour moi, sans intérêt pour le public, m'ont empèché de vous adresser plus tôt une rectification que j'estime nécessaire à l’article publié par M. Bohn, dans la /evue du 13 mars, sous le titre ci-dessus; je vous serais fort obligé si vous vou- liez bien faire paraître cette réponse sous le même titre, et je vous prie d'agréer d'avance les remer- ciments d'un ancien collaborateur. M. Bohn veut bien déclarer (p. 245) que je suis un excellent critique. En le remerciant de cette flatteuse appréciation, je regrette d'être obligé de faire quelques remarques sur les principaux points où je suis pris à partie; et je le ferai de la facon la plus brève, n'ayant pas la prétention de reprendre ici une discussion générale. _ 40 p. 247, le col., Agitation de l'eau: M. Bohn cite, comme se rapportant à l'agitation de l'eau employée pour provoquer la parthénogénèse (chez les Astéries, non chez les Oursins, où jamais on n'a constaté le phénomène à la suite de l'agitation seule), un passage de la p. 72 de mon Mémoire sur les variations de la parthénogénèse (Ann. Se. Nat., 1903), qui se rapporte en réalité à tout autre chose : c'est-à-dire à l'action des secousses imprimées à l'œuf par les mouvements de la queue du spermatozoide. Ce passage se terminait, du reste (p.73), en demandant comment la théorie s'appli- quait aux cas où les spermatozoïdes sont immobiles. Il n’y avait, ce me semble, aucune équivoque possible et le préjudice qui m'est causé est d'autant plus grave que, M. Bohn n'indiquant pas la provenance de la citation, il est impossible de reconnaitre son erreur. 29 p. 247, 2 col., Varialions de la température « Viguier paraîl se désintéresser de la question ». C'est parfaitement exact pour les variations portant sur les œufs d’oursin déja pondus; et personne, jusqu'ici, n'observa qu'elles suffisent, chez ces animaux, à pro- voquer le développement. Mais c'est absolument faux pour les variations de la température pendant l'évolu- tion de l'œuf; et j'ai longuement exposé les raisons qui m'amenèrent à penser ainsi. C'est même l’objet prin- cipal de ce Mémoire. 3°1p: 248; dre col. : « Au lieu de nier les résultats de 476 Lœb, comme Viguier a tenté de le faire... ».Je n'ai jamais 1e les faits observés par d’autres. J'ai pensé qu'ils pouvaient comporter une autre explication; et j'ai critiqué des théories. C'était mon droit. « Viguier, qui n'a pas lu Lœb ». J'ai lu, et dans leur langue, dès qu'il me fut possible de me les procurer, toutes les publications relatives au sujet. Je les ai citées de même en texte original, de peur que l’on ne me reprochät d'en avoir altéré le sens. Cela m'a même valu un reproche contraire à celui que me fait M. Bohn; on a trouvé que j'aurais dù traduire! 4° p. 249, % col. : « Le déterminisme de ses obser- vations n'offre aucune rigueur : il ne fournit aucune indication sur la composition chimique de l'eau de mer où il plonge ses œufs et sur les variations possibles qu'elle peut subir en milieu confiné et dans les labo- raloires; par conséquent, au point de vue auquel il se lace, ses expériences n'ont aucune valeur. Viguier conclut qu'il ya parthénogénèse naturelle, inconstante, ete... On peut conclure autrement : il n'y aurait pas parthénogénèse naturelle, mais bien parthénogénese artificielle provoquée par les conditions défectueuses des laboratoires, par la variabilité incessante de la composition de l’eau de mer, surtout dans la Méditer- ranée (ici M. Bohn renvoie à ce qu'il a dit plus haut au sujet des calanques de la côte de Provence, et parait ignorer qu'il n'en est pas question ici... la moindre carte eût pu suffire à le renseigner), et les Oursins ne doivent ètre éliminés des recherches sur la fécondation chimique que par ceux qui ne savent pas déterminer avec précision les conditions dans lesquelles ils opèrent », Je suis agréablement surpris qu'après cela M. Bohn “euille bien admettre qu’ «ilest fort probable (!) qu'en ‘ertains points de la Méditerranée, les œufs des Echino- dermes sont susceptibles de se développer sans le con- cours de spermatozoïdes ». J'ai exposé que mes sujets se trouvaient toujours dans des conditions aussi semblables que possible, et que, dans des observations de ce genre, la comparaison est tout. Lorsque, dans des cultures tenues dans des conditions identiques, provenant d'animaux toujours pèchés aux mêmes endroits, les œufs immergés dans de l'eau provenant du même bassin, simultanément, et à la mème température, se développent différemment, ou, quelques-uns, pas du fout, on est en droit de con- clure, sans avoir analysé l’eau, que les œufs ne sont pas identiques. Ceux qui analyseraient exactement l’eau de chacune de leurs cuvettes d'élevage ignoreraient encore, en srande partie, la composition chimique exacte des œufs. C’est pour cela que, dans ma Note : Hybridations anormales (C. Æ. Ac. des Se., 2 mai 1904), je con- cluais en parlant des œufs d'oursin : « Pour les déve- loppements parthénogénétiques, soit naturels, soit provoqués, si les conditions extérieures étaient tout, tous les œufs devraient évoluer de mème. Il en est fort rarement ainsi. C'est qu'en réalité l'état des œufs n’est pas le même, sans que les théoriciens soient encore à même de nous renseigner exactement à ce sujet. Mais les généralisateurs sont {rop souvent des esprits sim- plistes, que séduit une apparence de rigueur, et qui se hâtent trop de mettre en équation des problèmes où demeurent trop d'inconnues. » 5° p. 250, 4" col., M. Bohn dit : « Les animaux chez lesquels on peut produire facilement la parthénogénèse artilicielle (Echinodermes, Annélides, Amphibiens, Poissons d'eau douce) sont voisins d'animaux qui présentent la parthénogénèse naturelle. (Si on les excluait, comme le veut Viguier, que resterait-il?) ». « Pour arriver à produise la parthénogénèse chez un animal par des excitants artificiels, il est nécessaire, en quelque sorte, que celui-ci ait acquis, sous l'in- {luence des excitants naturels, une prédisposition spé- ciale ». C'est exactement ce que j'ai dit, p. 128 de mon tra- vail, avec toutes les réserves qu'impose l'état encore CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE imparfait de nos connaissances; c'est justement la prédisposition spéciale qui est l'inconnue, dont on me semble faire trop bon marché. La conclusion de M. Bohn exclut du reste, pso facto, la parthénogénèse artificielle des Mammifères, que Lœb s'empressait de prédire, dès sa première Note, et que je critiquais. aussitôt. En somme, cette idée trop exclusive que les variations du milieu extérieur sont tout conduit ici à des con- clusions aussi exagérées que dans le cas où l’on voulut en faire l'unique facteur de la détermination du sexe, et où l’on tenta d'agir sur le sexe des produits en sou- mettant la mère à des traitements plus ou moins étranges. Cela, sans réfléchir que, chez les animaux à portée nombreuse, le sexe des produits n’est pas le mème; que, chez nous, dans les cas de grossesse gémel- laire ou multiple, les enfants peuvent aussi être de sexe différent, bien que le milieu où ils se développent soit le même. Là encore, on peut parler de prédisposition spéciale, mais c’est aussi mettre un mot, rien de plus. D' C. Viguier. S 6. — Sciences médicales LA Distribution géographique de la folie aux Etats-Unis. — D'un travail très documenté de M. le De White’, il résulte que le nombre des aliénés aux Etats-Unis est d'autant plus grand que la densité de la population est plus forte et, par suite, la lutte pour la vie plus intense. Dans les états industriels de l'Est, l'aliénation mentale est très commune. Dans le Massa- chusetts, par exemple, on compte un aliéné pour 348 habitants, tandis qu'en Virginie la proportion est de 1 pour 512, dans l’Arkansas de 1 pour 935, et au Texas de 4 pour 950. Pour l’ensemble des Etats-Unis, les Etats du Sud mis à part, la proportion des aliénés est de 1 pour 542. Dans les Etats du Sud, Alabama, Arkansas, Floride, Louisiane, la proportion des aliénés est, parmi les nègres, de 4 pour 4.277, tandis que, chez les blancs, dans les mêmes Etats, elle est de 1 pour 456. De même, il est intéressant de noter que, si en Géorgie on ne trouve qu'un nègre aliéné pour 1.764 nègres sains, à New-York, au contraire, on en trouve 1 pour 333, proportion presque semblable à celle de la population blanche. Le nègre, donc, est dans son élément à la campagne; mais, dès qu'il entre en compétition avec les blancs, qui sont mentalement supérieurs à lui, il succombe dans cette lutte inégale et fournit la même proportion d'aliénés qu'eux. Myxæœdème provoqué par Fablation des mamelles hypertrophiées.— Le D' Djemil-Pacha, professeur de Clinique chirurgicale à la Faculté impé- riale de Médecine de Constantinople, vient de publier ? un cas de myxœædème survenu très rapidement à la suite de l’ablation des deux mamelles hypertrophiées chez un homme. Cette observation est très intéressante parce qu'elle est unique en son genre. En effet, on savait jusqu'ici que le myxædème est dû à une insufli= sance fonctionnelle de la glande thyroïde et qu'il est une conséquence falale de la thyroïdectomie. Mais, dans le cas actuel, l'auteur n'a pas touché à la glande thyroïde, et pourtant le myxædème est survenu immé= diatement après l'opération. Il est donc permis de penser qu'il existait, chez ce malade, une relation intime entre le corps thyroïde et l'hypertrophie des mamelles, et il se pourrait que les glandes mammaires aientrempli chez lui les fonctions de la glande thyroïde, jusqu'ici, d’ailleurs, très imparfaitement connues. Cette suppléance des fonctions du corps thypoïde par cer= taines glandes permettrait, peut-être, d'expliquer les guérisons de myxœdème obtenues dans quelques cas, guérisons que l'on expliquait jusqu'ici par le dévelop= pement des glandes accessoires parathyroïdes (Gley). 1 Archives internationales de Chirurgie, Gand, 1903, I, S1- 2 Voir Médecine moderne, 1904, n° 3, p. 18. ñ : s CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 4 $ 7. — Géographie et Colonisation Les résultats scientifiques de l'Expédition autarctique du D' Nordenskiôld.— Le pôle an- tarctique, que M. de Lapparent, en 1898, qualitiait de « Pôle oublié », ne l’est plus aujourd'hui. Depuis cette époque, de multiples explorations scientifiques ont par- couru les régions antarctiques et, au prix de difficul- tés inouies, ont rapporté une ample moisson de faits nouveaux ; l'Expédition antarctique suédoise, qui avait à sa tête le D' Otto Nordenskjüld, a été l'une des plus fructueuses. Nous rappelons que cette Expédition, par- tie de Gôteborg, sur l'Antarcetie, le 15 octobre 1901, à abordé la région des glaces au début de 1902, et que, le 10 novembre 1903, elle s'embarqua sur le navire argen- tin l’'Uruguay qui avait été envoyé à sa recherche et qui la rapatria. Les observations faites par l'Expédition, dans le do- maine de la Géographie, ont une importance de pre- mier ordre. Du 63° au 65° de lat. S., sur la côte ouest, c'est-à-dire jusqu'à l'entrée du détroit de Gerlache, et sur la côte est, du 63° au 6605 de lat. S., la carte a été entièrement modiliée, à la fois par les deux excursions faites aux printemps de 1902 et de 1903, par la croisière de l'Antaretie en décembre 1902 et par les levés du lieutenant Duse. La terre Louis-Philippe, que l’on séparait jadis de la terre de Graham, ne fait qu'un avec elle et lui est unie par un isthme montagneux. Elles forment ensemble, entre les détroits de Gerlache et de Bransfield, d'une part, etla mer de Weddell, d'autre part, une bande con- tinentale d’un seul tenant, orientée du sud-ouest au nord-est, qui continue la terre du roi Oscar et se ré- trécit vers le nord. A la suite de la terre Louis-Philippe et dans la même direction, se trouve l'île Joinville qui, en réalité, est un archipel, qui comprend notamment l'île Dundee et l'ile Paulet. A l’ouest du long continent des terres du roi Oscar, Graham et Louis-Philippe, il n'y a qu'un seul chenal très allongé. Le canal d'Orléans, de Dumont d'Urville, devient le prolongement du détroit de Gerlache (ou de Ja Belgica). C'est ce qu'avait d’abord supposé Nordens- kjold et ce qui a été établi ensuite d’une manière positive par le levé au 1/300.000 effectué, du 26 novembre au 5 décembre 1902, par le lieutenant Duse, entre l'ile As- trolabe et le cap Neyt de la carte de Gerlache. Du côté de l’ouest, il faut signaler aussi que la terre Trinity disparaît de la carte. A l'est du mème massif continental, nos connais- sances se précisent également. Un nouvel archipel ré- sulte du morcellement de la partie orientale de la terre Louis-Philippe. Il est séparé de la terre de Graham par un vaste chenal en forme de demi-cercle. Dans la plus grande île, que Nordenskjüld propose d'appeler ile Ross, se dresse le mont Haddington. Une autre île, située au nord de celle-ci, en est séparée par le détroit de Sidney Herbert; au sud-est, sont l'ile Seymour et l'ile de Snow-Hill, cette dernière sur laquelle le D' Nordens- kjold à hiverné, qui sont l’une et l'autre séparées de l'île Ross par le détroit de l'Amirauté. Puis au sud, du même côté, se trouve un autre groupe d'îles; il comprend les iles des Phoques, Lindenberg, Jason, Hertha, Oceana, Christensen, Robertson, par conséquent toutes les iles situées en avant de la terre du roi Oscar, Mais M. Nordenskjüld donne au sujet de cet archipel méridional une explication utile à noter. Les prétendues iles des Phoques ne seraient pas en réalité des îles; il y aurait seulement là une masse de glace haute de quelques dizaines de mètres, reposant sans doute sur le fond d'une mer très peu profonde et de laquelle émergent des« nunataks », ou pointements rocheux d'origine volcanique. Ce serait une glace côtière extrèmement développée comme étendue; le voyageur y à cheminé en traineau, pendant plus de 150 kilomètres, sans se douter tout d’abord que cette terrasse unie et horizontale était une glace terrestre et non la glace de mer habituelle. 1 1 Le massif continental, c'est-à-dire les terres Louis- Philippe, Graham, du roi Oscar, est constitué par des roches cristallines, principalement par des granits et des porphyres, et, sur une moindre étendue, par des couches précrétaciques plissées. Au contraire, dans les archipels situés à l'est dominent les roches volcaniques récentes, basaltes et tufs, tandis que les roches grani- toides font entièrement défaut. Sous la série volca- nique, M. Nordenskjüld a reconnu lexistence d'une vaste formation de terrains fossilifères, surtout des grès, qui s'étend dans la plus grande partie de lile Ross, dans l'ile Cockburn, et qui constitue entièrement les iles Seymour et Snow-Hill. Le capitaine Larsen avait, pour la première fois, en 1893, découvert des empreintes de conifères, aux en- virons de l’île Seymour; lexpédition du D' Nordens- kjôld à pu apporter des renseignements tout nouveaux sur les terrains sédimentaires antarctiques. On à cons- taté que les fossiles sont très abondants dans ces for- mations, qui présentent à la base des ammonites. Dans les niveaux supérieurs apparaissent d’autres ani- maux marins, sans doute tertiaires, ainsi que des osse- ments de Vertébrés, surtout d'Oiseaux, et des empreintes végétales, principalement d'arbres feuillés. D'autre part, le D' Gunnar Andersson et le lieutenant Duse trouvèrent, au nord-est de la terre Louis-Philippe, ès de l'endroit où ils hivernèrent, une riche flore ossile, différente de celle de l'ile Seymour, et consis- tant surtout en fougères, conifères et cycadées ; cette flore présente une grande ressemblance avec celle de l'étage rhétien en Scanie. Les observations du D' Andersson dans le canal d'Or- léans confirment celles de M. Arctowski dans le détroit de Gerlache, concernant l'existence d'une période gla- ciaire dans l’Antaretique. Le canal d'Orléans aurait été rempli par un immense glacier s'étendant vers le nord- est. Sur la côte est de la terre Louis-Philippe, où furent isolés, pendant l'hiver 1902-1903, Gunnar Andersson, le lieutenant Duse et un matelot, le sol porte les traces évidentes d’une ancienne extension de la glaciation. Le glacier de Snow-Hill, dont le De Nordenskjôld à pu poursuivre l'étude pendant deux ans, présente le facies type du glacier-calotte antaretique, s'élève en plusieurs mamelons atteignant une altitude de 300 mè- tres et se termine en mer par une falaise verticale dont la hauteur varie de 50 à quelques mètres. Sa surface, très unie, n'est découpée que par des crevasses tout à fait insignitiantes. D'après les mesures exécutées pen- dant près de deux ans, le mouvement d'écoulement de la glace n'a pas dépassé quelques mètres. La stratification parallèle, observée dans les ban- quises antarctiques, provient des dépôts successifs for- més par les couches de neige. Ce n'est pas l'hiver qui amène ces dépôts; durant cette période, dans les loca- lités découvertes tout au moins, la neige est balayée par le vent. Le Dr Nordenskjôld observa au contraire, durant l'été de 1902-1903, une augmentation notable du revêtement de neige, 0m30 à 035 environ, el, en novembre 1903, quand il quitta la station d'hivernage, cette augmentation persistait. Les observations faites sur la température du glacier ont montré que, pendant l'hiver, à profondeur égale, le glacier possède une teni- pérature un peu plus élevée que le sol, tandis qu'en été il a une température notablement plus froide que la terre. Les plus importantes découvertes océanographiques ont été effectuées par l'Antarctie dans le détroit de Bransfield. Les sondages ont révélé des fonds relative- ment bas; la profondeur maxima est de 1.510 mètres. Les eaux de ce détroit se trouvent en même temps être exceptionnellement très froides; leur température varie de — 403 C. à — 1065, cette dernière ayant été observée au fond. Les températures de fond des eaux antarc- tiques sont ordinairement d'environ —0°6. Les eaux de la mer de Norvège, quoique très froides, n'ont que — 104. M. Gunnar Andersson conclut de ces observa- tions que le détroit de Branslield est un bassin isolé, 418 séparé du libre océan par des seuils sous-marins, qui ne permettent pas aux eaux chaudes de se renouveler. L'Antarctie a vainement recherché l'ile Middle, qui est marquée sur les cartes entre les Shetlands et l'ile Astro- labe: à l'endroit où l’on supposait qu'elle existait, la sonde à révélé un fond de 1.460 mètres. Des observations météorologiques et magnétiques très complètes et très suivies ont été faites pendant les dix-huit mois que la Mission est restée à la station d'hivernage. Nuit et jour quelqu'un veillait, et aucune souffrance ne put interrompre la régularité des obser- valions; elles étaient faites dans une cabane en bois isolée, à quelques centaines de mètres de l'habitation principale, Quand le temps le permettait, on faisait, en outre, des observations en dehors de la cabane, dans les environs et même sous la terre. Durant les douze premiers mois, la température moyenne fut de — 12%, C'est à peu près celle que l’on observe aux deux points les plus froids du degré cor- respondant de latitude nord, savoir la vallée de la Léna, en Sibérie, et la baie d'Hudson. Cette moyenne est sen- siblement inférieure à celle qu'observa l'Expédition de la Belgica (— 96) et très peu supérieure à celle qu'observa Borchgrevink (— 13°9); ces deux expéditions avaient été de 7 de latitude plus au sud. Le maximum du froid fut constaté la première année : — 419%, Le maximum de chaleur fut observé la seconde année : + 993. On eut à souffrir de brusques sautes de tempé- rature causées par le vent du sud; la plus forte fut, en quelques heures, de 34°. La vitesse moyenne du vent fut, pendant la première année, de 84 mètres par seconde; elle a été beaucoup plus grande en hiver qu'en été. C’est du sud-ouest que venait la brise dominante. Le maximum de vitesse a élé de 34 mètres à la seconde; mème avec un vent de cette violence, les explorateurs se rendaient à leur observatoire, mais en rampant et en s'arc-boutant dans la neige. Cinq jours sur sept, celte vitesse fut de 10 mètres à Snow-Hill. Aucune aurore australe ne fut observée par l'Expé- dition. Au point de vue bactériologique, le Dr Ekelüf, en dehors d’études sur le sang sous les latitudes polaires, a fait, durant les hivernages sur les bords de l'Admi- rally Inlet, des observations qui ont révélé la présence de quantités assez abondantes de bactéries à la surface du sol, en même temps qu'une grande rareté dans l'air ambiant. Tandis que Nordenskjüld et ses compagnons hiver- naient à Snow-Hill, l'Antarctie accomplissait une inté- ressante exploration à la Géorgie du Sud et aux Falklands, qui fut aussi très féconde en résultats scien{ifiques. Entre ces deux terres, l'allure des fonds est très iné- gale. Près des Shag-Rocks, les fonds remontent à 168 mètres, puis, entre ce banc et la Géorgie du Sud, ils tombent de nouveau à 3.380 mètres. Au nord-ouest de cette terre, on a trouvé jusqu’à 5.997 mètres. A la Géorgie du Sud, le lieutenant Duse a dressé une carte au 1/1.000.000° de la baie de Cumberland et des environs, correspondant à une surface de 700 à 800 kilo- mètres carrés. Ce fjord présente les mêmes caractères bathymétriques généraux que ceux de Norvège, La Géorgie du Sud offre un exemple remarquable de plissement; l'axe coïncide avec la direction longitudi- nale de l'île. L'île a passé par deux phases de glaciation. Pendant la première, elle a été presque entièrement recouverte par la glace, et la baie Cumberland à dû être remplie alors par un énorme glacier débordant sur la mer. Une seconde phase, plus récente el moins intense, a laissé partout d’imposantes moraines. La glaciation d'ailleurs, encore aujourd’hui très développée. Les collections zoologiques réunies à la Géorgie du Sud comprennent des éléphants et des léopards de mer (squelettes et exemplaires en peau), et des échantillons du plankton de cinq lacs. Des dragages ont été exécutés est, 45 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE entre les Falklands et la Géorgie du Sud; le plankton y a été tout particulièrement étudié. M. Skottsberg, lfbotaniste de l'Expédition, a étudié la flore de la Géorgie du Sud, qui est très pauvre : 15 espèces phanérogames, 3 Fougères, 4 Lycopode, 52 Mousses, 11 Hépatiques, 26 Lichens. Les îles Falklands ont été aussi soigneusement étu- diées. Au cap Meredith, M. Andersson a reconnu que - le Dévonien inférieur, qui constitue ces îles, repose directement sur lArchéen, représenté par un gneiss avec intrusions granitiques. Ailleurs, le substratum est formé par des roches stratifiées, probablement des schistes cristallins. Il à été reconnu que l'archipel n'a pas été soumis à une glaciation pléistocène, Gustave Regelsperger. La Mission scientifique du Maroc.(Archives Marocaines.) — Les Missions scientifiques du Maroc ont gardé jusqu'ici un caractère temporaire et per- sonnel. Notre intervention, comme Puissance chargée du contrôle de l'Empire chérilien, devait nécessaire- ment nous mener à y donner aux études scientifiques un caractère plus stable et plus administratif. C’est dans cette pensée qu'à la fin de l'année dernière M. Jonnart, gouverneur général de l'Algérie, a détaché pour deux ans au Maroc M. G. Salmon, ancien membre de lInstitut français d'Archéologie orientale du Caire et administrateur des communes mixtes d'Algérie. La direction de cette Mission a été confiée à notre colla- borateur, M. A. Le Chatelier, professeur de Sociologie musulmane au Collège de France. 11 ne s'agit encore que d'un organisme embryon- naire, puisqu'il n'y a qu'un seul chargé de Mission. Mais la présence, dans le Conseil de perfectionnement de la Mission, de MM. Maspéro, Barbier du Meynard, Cagnat et Hamy, membres de l'Institut, à côté du Directeur de l'Enseignement supérieur au Ministère de l'instruction publique, du Directeur des Affaires poli- tiques au Ministère des Affaires étrangères et du Direc- teur des Affaires indigènes d'Algérie, à côté d'hommes politiques considérables, montre bien que, dans l'esprit de ses promoteurs, cette entreprise est appelée à se développer. Elle à, d'ailleurs, suivi une marche progres- sive qui dénote dans l'impulsion donnée une méthode remarquable. En même temps que M. Salmon arrivait au Maroc, à la fin de novembre, un appel adressé à l'initiative privée permettait de doter la Mission d'une petite biblicthèque d'études. Cette bibliothèque est modeste encore, puisqu'elle ne compte actuellement que mille sept cents numéros environ, d’une valeur forcément inégale. Mais, à côté de la collection complète de la levue africaine, don de M. le Président de la Répu- blique, on y trouve la collection complète du Journal Asiatique depuis 1828, la collection complète de la Zeitschrift der Morgenlandischen Gesellschaft, les publications et bulletins du Comité des Missions du Ministère de l'Instruction publique, les publications du Gouvernement général de l'Algérie, les collections complètes de la /tevue critique, de la Revue de l'His- toire des Religions, de la ltevue des Etudes juives, de la Grande Encyclopédie, don de M. A. Berthelot, etc., et presque tous les ouvrages de fonds, arabes, français, anglais, allemands, espagnols, utiles pour l'étude de l'Afrique du Nord. La Mission s’est ainsi trouvée dotée, dès les premiers mois de son existence, d’un instru- ment de travail suffisamment complet. Pendant que la Bibliothèque s'organisait à Paris, M. G. Salmon, dont la réputation comme orientaliste n'est plus à faire et quia pris rang brillamment par ses publications de l'Ecole du Caire, par sa thèse d’/ntro= duction topographique à l'histoire de Bagdad, par son bel ouvrage récent sur Le Poète aveugle précurseur d'Omar Khayam, commencait ses travaux sur le Maroc, nouveau pour lui. . Le premier fascicule des Archives Marocaines, publication de la Mission scientifique du Maroc, qui & e LÉ.» et ‘HR à d CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ES 1 2 été donné à l'impression à la fin de mars et vient de paraître à la fin d’avril, montre que l'initiation n'a pas été longue pour le jeune savant qui à l'honneur d'inaugurer une nouvelle phase des études marocaines. Les Archives Marocaines deviennent, dès leur appari- tion, le guide nécessaire de tous ceux qui s'intéresssent à la connaissance de la Société marocaine. Pendant que M. Michaux-Bellaire, agent consulaire de France à Qcar-el-Kébir, et l'un des hommes qui connaissent le mieux le Maroc, fournissait, dans un article sur les Impôts marocains, une contribution expérimentée à cette question importante, M. Salmon a donné, sur l'administration marocaine à Tanger, une monographie qui est un modèle de précision et de clarté. Nous voyons ainsi apparaitre un Maroc d'une structure sociale complexe, nécessitant, dans nos rapports avec lui, une prudence documentée. M. Salmon à eu, en outre, la satisfaction, que comprendront tous les Orien- talistes, de mettre la main, comme début, sur le pre- mier manuscrittraitant des Institutions Berbères dont on ait connaissance. Enfin, par un excellent article sur la Qacba de Tanger, il s’est montré lidèle aux tradi- tions de l'Ecole du Caire. Si l'on ajoute qu'un second fascicule, de même étendue que le premier, va paraître au commencement de juin et que deux autres en préparation paraitront dans le courant de l'été, on comprendra lintérèt qui s'attache à la création assurée par le Gouvernement général de l'Algérie avec le concours matériel du Ministère des Affaires étrangères et du Ministère de l'Instruction publique. Cet intérêt est d'autant plus grand que les résultats acquis démontrent l'efficacité de la méthode suivie. En effet, ce qui caractérise essentiellement la Mission scientifique du Maroc, c'est d'une part qu'elle n'est dotée que d’un budget minime, puis, d'autre part, qu'elle constitue un service administratif dirigé. En constatant la rapidité et la valeur de la produc- tion de la Mission et son faible prix de revient, on ne peut méconnaître l'opportunité, aussi bien au point de vue scientifique qu'au point de vue pratique, du déve- loppement de l'organisme actuel. En soumettant cette manière de voir au Conseil de perfectionnement, M. A. Le Chatelier s'est borné à formuler l'opinion que le moment peut être venu d'adjoindre à M. Salmon un second chargé de Mission. La /evue générale des Sciences, qui, dans les ques- tions dont elle s'occupe, à parfois fait preuve d'une initiative dont ses lecteurs ne lui ont pas su mauvais gré, a une manière de voir un peu différente, qu'elle lient à formuler explicitement. En présence d'une entreprise conduite avec un tel esprit de méthode et caractérisée dès le lendemain de sa création par de tels résultats, il n'y a qu'une seule mesure à prendre : Constituer la Mission scientilique du Maroc avec un budget autonome, suffisant pour lui donner dès main- tenant trois ou quatre membres; la doter de la person- nalité civile et en confier la gestion aux savants éminents qui représentent à sa tête l'Institut et le Collège de France. $ 8. — Universités et Sociétés La Société des Amis de l'Université de Paris. — Cette Société a tenu son assemblée générale annuelle le 3 mai dernier, sous la présidence de M. Ca- simir Périer. Le président a rappelé en termes émus le souvenir de l’ancien recteur, M. Gréard, qui fut le fon- dateur de la Société des Amis de l'Université et qui n'avait cessé de lui prodiguer son dévouement. Puis M. Lyon-Caen, membre de l'Institut, a lu son Rapport annuel sur la situation morale et financière de la Société. Il a montré une fois de plus l'utilité des voyages à l'étranger pour les étudiants et a fait appel à la généro- sité des « Amis » de l'Université afin d'augmenter le nombre des bourses de voyage et les ressources des laboratoires. Ces derniers vont recevoir les sommes sui- vantes : 2.500 francs au Laboratoire de Pharmacologie de la Faculté de Médecine pour l'achat d'un enregis- treur avec régulateur Foucault; 2.000 francs au Labo- ratoire de Chimie organique, dirigé par M. Haller, labo- ratoire fréquenté par 24 travailleurs se livrant tous à des recherches originales; 750 francs au Laboratoire de Toxicologie de l'Ecole Supérieure de Pharmacie. Enfin, la Faculté des Sciences recevra 3.200 francs pour l’orga- nisation d'une salle de travail pour ses étudiants. Une somme de 1.000 francs sera consacrée à l'acquisition d’une précieuse collection géologique recueillie à Mada- gascar par M. Lemoine au cours des deux séjours qu'il lit dans cette île, et 2.000 francs serviront à enrichir la collection d'archéologie de la Faculté des Lettres. L'assemblée a procédé ensuite au renouvellement du tiers des membres du Comité de direction. Les dix membres sortants ont été réélus. Ce sont MM. Léon Bourgeois, Alfred Croiset, Dervillé, Hachette, d'Haus- sonville, Albert Kahn, Liard, Monod, Perrot, de Verneuil. La séance s’est terminée par une savante conférence de M. Charles Gide, professeur à la Faculté de Droit, sur La houïlle noire et la hourlle blanche. A la Société de Géographie. — La Société de Géographie de Paris a tenu, le 22 avril, son assemblée générale sous la présidence de M. A. Grandidier, mem- bre de l’Institut. Le secrétaire-général, M. le baron Hulot, a donné lecture du Rapport sur les prix décernés par la Société pour l’année 1904. Grande médaille d'or de la Société : D Sven Hedin, pour ses explorations dans l'Asie centrale (1894-1902). Prix Herbet-Fournet (médaille d'or et 6.000 franes) : le capitaine E. Lenfant, pour son exploration Niger- Bénoué-Tchad (1903-1904). Prix Ducros-Aubert (médaille d'or et 1.400 francs) : M. Alfred Lacroix, de l'Institut, pour ses missions à la Martinique (1902-1903). Prix Pierre-Félix Fournier (médaille spéciale et 1.300 francs) : M. Paul Pelet, pour son «Atlas des colo- nies françaises ». Prix Louise Bourbonnaud (médaille d'or) : le lieute- nant Charles Chédeville, pour sa carte de lAfrique occidentale française (3° territoire). Prix Conrad Malte-Brun (médaille d'or) : le lieute- nant L.-P. Drot, pour ses travaux cartographiques relatifs au Haut-Dahomey Prix Henri Duveyrier (médaille d'or) : le lieutenant E. Nieger, pour sa carte des Oasis sahariennes. Prix Léon Dewez (médaille d'or) : M. A. Bonnel de Mézières, pour ses explorations dans l'Afrique tropicale (1892-1901). Brix Barbié du Bocage (médaille d'or) : le comman- dant O. Barré, pour son ouvrage : «l'Architecture du sol de la France Prix Jules Girard (médaille d’or) : M. Jules Richard, pour ses explorations océanographiques. Prix Charles Maunoir (médaille de vermeil) : M. A. Plane, pour ses ouvrages « Amazonie » et «Pérou ». Prix J.Janssen (méd. de vermeil, : le cap. J.-B. Roche, pour ses observations astronomiques en Guinée. Prix Juvénal-Dessaignes (méd. de vermeil) : M. Max. Petit, pour son ouvrage : « Les Colonies françaises ». Prix Alphonse de Montherot (médaille d'argent) : M. F.-W. Stokes, pour ses voyages arctique et antarc- tique (1892-1902). Prix Charles Grad (médaille d'argent) : M. L.-A. Fabre, pour ses travaux de géographie pyrénéenne. Prix William Huber (médaille d'argent) M. E. Chaix-Du Bois, pour ses travaux sur les Alpes. Prix Alexandre Boutroue (méd. d'argent) : M. Eug. Gallois, pour ses voyages dans les colonies françaises. Prix Milne-Edwards (médaille d'argent) : l'abbé Soulié, pour ses travaux sur le Thibet oriental. Prix Francis Garnier (médaille d'argent) : l'abbé Gaillard, pour ses travaux sur Nan-King. Prix Jomard(Monuments dela Géographie) : M. Henry Duhamel, pour ses études sur les Alpes. 480 W.-H. JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE Nos idées sur la constitulion des corps célestes doivent nécessairement se fonder sur des phéno- mènes terrestres; nous appliquons donc à ces corps des lois naturelles qui nous ont été révélées par une variété infinie d'observalions systématiques. Bien souvent, cependant, nous sommes ainsi amenés à étendre nos notions physiques fort au delà des limites de nos expériences ; nous suppo- sons l'existence de mouvements, de températures, de forces tellement considérables que leur réalisa- tion dans le laboraloire est une impossibilité. Hâtons-nous de dire que ceci n'amoindrit nullement la valeur de la Physique céleste comme science positive, puisque la seule condilion que doive rem- plir une théorie cosmique pour satisfaire l'esprit est celle-ci : chaque fois que l'application des lois physiques à nos conceptions relatives aux astres conduit à prédire une impression déterminée sur nos sens, il faut que l'observation vienne confirmer nos prévisions. C'est surtout aux impressions visuelles que l'on a eu recours pour mettre à l'épreuve l'exactitude de ces conceptions; en ce faisant, on s’est toujours basé sur le principe de la propagation recliligne de la lumière, c'est-à-dire qu'on n'a jamais doulé que les sources lumineuses ne se trouvassent dans la direc- tion même où on les observait. On a tenu compte, certes, de la réfraction dans l'atmosphère terrestre, mais on ne s’est guère préoccupé du pouvoir réfrin- gent de la matière qui compose les corps célestes. Une simple comparaison met en évidence com- bien cette omission est capable de fausser les idées. Observons un bec Auer à travers un globe de verre parfaitement transparent, mais taillé à facettes; il sera impossible de distinguer la forme réelle du manchon incandescent; l'aspect de la source lumi- neuse dépendra essentiellement de l'indice de ré- fraction du verre, de la configuration et de la posi- {ion des faceltes, et le moindre mouvement du globe peut en changer complètement tous les détails. Les conséquences de celte observation élémen- taire sont énormes, et de nalure à révolutionner presque toutes les idées existantes sur la constitu- lion du Soleil: Nous allons démontrer comment elles peuvent conduire à des explications nouvelles des phéno- mènes solaires, de leur périodicité, et de leurs rela- tions avec les phénomènes terrestres magnétiques et météorologiques qui les accompagnent. I. — RAYONS COURBES. La lumière ne se propage suivant une ligne droite que dans un milieu homogène; dès que la réparti- tion de la matière n’est plus uniforme, les rayons seront généralement réfractés ou courbés. Lorsque le milieu se compose, par exemple, de couches ho- rizontales dont la densité optique décroit graduel- lement daps le sens vertical, seuls les rayons ver- ticaux s'y propageront suivant une ligne droite; tout rayon formant un angle avec la verticale sera courbe et sa courbure sera maximum là où sa direction est horizontale. Il est facile de démontrer qu'en un point quel- couque d'un milieu non homogène, on a la relation : 9 o étant le rayon de courbure, » l'indice absolu de ; : : Sr ACTE dn » réfraction au point considéré, n'— TE la varia- S tion de l'indice de réfraction dans la direction du rayon de courbure. Entre la densité d du milieu réfringent et l'indice de réfraction existe la relalion : n° —1 1 FLE = constante. Dans la plupart des cas, n > 1; alors 7 augmente en même temps que la densité du milieu réfringent, et le rayon lumineux s'incurve vers des couches plus denses; si, au contraire, n «1, le rayon s'in- curve vers des couches de densité moindre, c’est- à-dire vers des régions où, dans ce cas, 2 aug- mente. Or, quelle que soit l’idée qu'on se forme au sujet de l’état physique du noyau du Soleil, il est dif- ficile de se représenter les couches extérieures autrement qu’à l'état gazeux et de densité généra- lement décroissante. On peut, en outre, s'attendre à des irrégularités dans la densité, le rayonnement calorifique et la rolation devant engendrer des cou- rants dans celte masse gazeuse. Les rayons provenant des couches profondes parcourent dans cette atmosphère des milliers de kilomètres, et y doivent nécessairement subir, alors même qu'ils ne sont que faiblement recourbés, une déviation très notable de leur direction primitive. Il en résulte que tous les phénomènes solaires que nous observons, les taches, les facules, les gra- À ; a W. H. JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE A81 - nulations, les protubérances, ne sont que des fan- tômes, des images, qui, évidemment, prennent nais- sance grâce à une distribution particulière de la malière solaire, mais que rien ne nous autorise à considérer comme correspondant à des objets réels { semblables. — Ilest difficile de se pénétrer de la conclusion, inévitable cependant, que toutes les données qu'on a cru pouvoir déduire des observations et mesures “solaires doivent être rejetées, pour autant qu’elles s'appuient sur la supposilion erronée de la propa- gation recliligne de la lumière. Les observations en elles-mêmes ne perdent évi- demment rien de leur valeur; mais les conclusions qui en ont été Lirées, et sur lesquelles reposent les théories solaires, ne peuvent être maintenues. Le diamètre de la photosphère, les dimensions des taches, les hauteurs et les vitesses des protu- 4 les hauteurs dans la chromosphère aux- . quelles on à cru constater la présence des gaz dif- férents, sont autant de grandeurs qui perdent leur significalion traditionnelle. Pour donner une nouvelle interprétation de ces phénomènes, nous devons, sans attribuer à leurs configurations observées une importance qu'elles ne comportent pas, commencer par nous faire du Soleil une conception fondamentale, qui, dans ses grands traits, soit en harmonie avec nos connaissances générales physiques et astronomiques. En y appli- quant les lois de la propagation curviligne de la lumière, nous chercherons à expliquer nos prinei- pales impressions visuelles, résullats d'observation. Ensuite, parce qu'il y aura nécessairement des lacunes à combler dans nos idées et explications préliminaires, les observations nous fourniront de précieuses données pour perfectionner notre nou- velle conception du Soleil, qui, finalement, ne devra Sur aucun point se trouver en conflit avec nos no- tions physiques générales. 1: — L'ÉTAT DE LA MATIÈRE DANS LE SOLEIL. THÉORIE DE M. A. Scumipr. Il y à quinze ans, personne ne mettait en doute que le Soleil ne fût un corps sphérique, entouré d’une atmosphère gazeuse. On appelait « photosphère » la surface appa- rente. On se la représentait comme composée de nuages lumineux, flottant dans les couches assez denses de l'atmosphère, et formés par la condensation des gaz ayant perdu par rayonnement une partie de leur chaleur. Il fallait bien attri- buer, soit à la photosphère, soit à quelque couche plus profonde, une certaine consistance pour rendre compte des prétendues « éruptions » : les prolubé- rances. Au-dessus de la photosphère, on admettait l'exis- tence de la « chromosphère » : une enveloppe de gaz incandescents, visibles lors des éclipses totales, et dont la partie inférieure surtout, la « couche renversante », produirait les raies d'absorption dans Je spectre solaire; enfin, au-dessus et bien distincte de la chromosphère, la « couronne », milieu gazeux plus rare et plus étendu. Beaucoup d'astronomes n'ont pas encore aban- donné celte conception, malgré l'objection que Ja température probable du Soleil (6.000° à 7.000°) dépasse vraisemblablement la température critique de tous les éléments dont la présence dans le Soleil a élé révélée par l'analyse spectrale. Cependant, dès 1891, une toute autre hypothèse fut émise, qui dispensait d'admettre dans le Soleil les états liquide et solide. Dans son travail remarquable : « Die Strahlen- Fig. 1.— Marche des rayons lumineux provenant de diffé- rentes couches de la masse solaire. brechung auf der Sonne », le D' August Schmidt, de Stuttgart, démontra qu'en considérant le Soleil comme une masse gazeuse de densité graduellement décroissante du centre vers les couches extérieures, l'impression visuelle d'un disque nettement déli- mité s'explique de facon parfaitement naturelle par l'incurvation des rayons lumineux. Pour la démonstration de cette thèse, nous devons renvoyer au travail original de M. Schmidt, el nous nous bornerons à mettre en lumière les conclusions principales. M. Schmidt a donné le nom de « sphère critique » à la surface sphérique, dans la masse gazeuse, qui salisfait à la condition que son rayon est égal au rayon de courbure des rayons lumineux qui s'y pro- pagent horizontalement; c'est elle qui produit sur nous l'impression visuelle d'un disque lumineux. Suivons, en effet, le parcours d'un rayon courbe qui nous atteint après avoir été langent à une sur- face sphérique enveloppant de très près la sphère critique G (fig. 1). Le rayon de courbure minimum d'un tel faisceau lumineux ee’ est supérieur au rayon de ladite surface sphérique. Ce faisceau provient 482 donc de couches extérieures faiblement lumineuses, de sorte qu’on n'observe que peu de lumière suivant la ligne droite e'. Les rayons lumineux qui, en un point de leur parcours dans la masse gazeuse, sont tangents à des surfaces sphériques siluées immédiatement à l'intérieur de la sphère critique, ne peuvent jamais quitter le milieu réfringent, car leur rayon de courbure est inférieur à celui de la sphère qu'ils touchent (i1', fig. 1). Ce n’est que dans des couthes beaucoup plus profondes, où les variations de la densité et de l'indice de réfraction sont plus lentes, que l'on trouvera de nouveau des faisceaux lumi- neux tangents à des sphères concentriques de rayon inférieur à leur rayon de courbure minimum (1,7, fig. 1), et pouvant donc traverser la sphère critique. Cette dernière constitue donc la limite extérieure d'une couche sphérique d'épaisseur considérable, qui ne peut nous envoyer de rayons tangenliels, de sorte que l'accroissement graduel, vers le centre, du rayonnement de celle couche épaisse, nous reste complètement invisible. Les rayons qui, comme i,i,', traversent la sphère critique dans une direction peu différente de la tan- gente, ont parcouru dans la masse gazeuse de lon- gues trajectoires spiralées, et proviennent donc de couches très profondes, d'un pouvoir émissif bien su- périeur à celui des régions situées près de la sphère critique €, qui, dès lors, doit nous paraïtre comme un disque lumineux, contrastant vivement avec son entourage immédiat. Les explications données par M. Schmidt des protubérances et d’autres phénomènes solaires sont moins convaincantes, puisqu'il suppose l'existence d'une véritable chromosphère où les divers gaz se trouvent rangés en couches distinctes, dont les pro- tubérances seraient les images difformées. Mais, en admettant son hypothèse si plausible sur l'état exclusivement gazeux du Soleil, on reconnait immédiatement combien il serait invraisemblable que les divers gaz y restassent séparés les uns des autres, les lois mécaniques et thermodynamiques exigeant, au contraire, qu'ils y produise un mélange intime et continuel. Ce principe essentiel de notre nouvelle théorie sera développé dans le chapitre suivant. III. — LES MOUVEMENTS INTERNES DE LA MASSE S0- LAIRE. TnÉORIE pe M. R. EMDEN. En appliquant les mêmes développements ma- thématiques qui ont servi à von Helmholtz pour analyser la nature des mouvements dans l’atmos- phère terrestre, M. R. Emden! à étudié l’état de 1 R. Eupex : Ann. der Phys., [4], t. VI, p. 116-197. 1 W. H. JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE mouvement de la matière à l’intérieur du Soleil supposé gazeux. Ses conclusions ne perdent rien de leur validité lorsqu'on renonce, comme nous, à admettre que la masse solaire gazeuse est nettement limitée par une surface sphérique. Ce sont les couches extérieures de la masse gazeuse qui se refroidissent le plus vite par rayon- nement; elles descendent et sont remplacées par des gaz ascendants, plus chauds, de sorte que, si le Soleil ne tournait pas, il n'y aurait que des courants radiaux. Mais la rotalion autour de l'axe modifie considérablement ces courants; la vitesse angulaire des masses descendantes va en aug- mentant, celle des masses ascendantes diminue ; la masse entière se divisera donc en couches de densités différentes, tournant à des vitesses dif- férentes. Von Helmholtz a démontré que de pareilles cou- ches gazeuses peuvent, pendant un certain temps, se mouvoir les unes par rapport aux autres, nel- tement séparées par des « surfaces de disconti- nuité », correspondant à des variations brusques de la densité et de la vitesse. Le frottement entre deux couches contiguës pro- voque des ondulations dans cette surface; les vagues, se propageant avec la couche de vitesse maxima, déferlent, forment des lourbillons, de sorle que, par le mélange partiel de deux couches voisines, il pourra se former une nouvelle couche dont les propriétés seront intermédiaires entre celles des couches primitives. Comme von Helmholtz l’a fait pour les courants atmosphériques, M. Emden a pu déterminer, d'après les conditions du problème, l'allure générale des surfaces de discontinuité pour les couches tour- nantes du Soleil ; il trouve, en effet, que ces surfaces doivent avoir une forme rappelant des hyperbo= loïdes de révolution, comme l'indique le schéman de la figure 2 (le cercle pointillé ne représente pas la surface du Soleil, mais une sphère quel conque à l’intérieur de la sphère critique). Les vagues qui prennent naissance dans ces sur- faces de séparation se propagent dans le sens de lan rotation autour de l'axe, et, lorsqu'elles déferlent après être devenues de plus en plus abruptes, elles« forment des tourbillons dont les axes sont partout perpendiculaires à la direction de propagation des vagues, c'est-à-dire coïncident avec les génératrices! des surfaces de discontinuilé. Les courbes de lan figure 2 font donc connaître les directions de ces” axes. ï Dans une même surface de discontinuilé, la dif=n férence entre les vitesses de rotation existant de part et d'autre de cette surface est d'autant plus grande que le point considéré est plus rapproché dé W. H. JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE 483 - de l'axe; il s’ensuit que la transilion d'une vague à un tourbillon commencera dans les régions - profondes pour ne se produire que plus tard dans « les couches plus éloignées du centre; nous verrons ) plus loin l'importance de cette conclusion. | Puisque ces tourbillonnements provoquent le - mélange de deux couches contiguës et la formation de deux nouvelles surfaces de discontinuité, on - concoit que jamais une surface de discontinuilé “ n'existera dans toute son étendue et avec la forme - que nous lui avons attribuée dans notre figure schématique. Partout on rencontrera des fragments de pareilles surfaces, mais leur caractère général - et les directions moyennes des axes des tourbillons seront bien ceux du schéma. Malgré ces transfor- mations conlinuelles, l’état de mouvement reste en S Fig. 2. — Allure générale des surfaces de discontinuité du Soleil. quelque sorte stalionnaire; dans l'épaisseur de chaque couche, passagèrement comprise entre deux surfaces de discontinuité, les courants de convection transportent constamment vers l'in- térieur des gaz refroidis et font remonter de la substance plus chaude, rélablissant ainsi continuel- lement les différences de vitesse. Ainsi, notre conception fondamentale du Soleil comme une masse gazeuse illimitée nous conduit nécessairement à la conclusion que les gaz y subissent un mélange intime et ininterrompu, hypothèse éminemment séduisante et plausible, qui ne peut trouver sa place dans aucune des _ anciennes théories solaires. _ Finalement, nous signalons la grande ressem- blance entre l'allure des surfaces de discontinuité déterminées théoriquement et la structure visible de la couronne. Ce fait a son importance; il n'y a pas lieu de se méfier de cette impression visuelle, | puisque l’image optique de la matière rare de la | | ! couronne n'a point subi une aussi forte difformation par réfraction que celle des couches profondes du Soleil. IV. — LA DISPERSION ANOMALE DE LA LUMIÈRE DANS LES GAZ. Dans les milieux gazeux, comme dans les corps liquides et solides, l'indice de réfraction augmente pour des longueurs d'onde décroissantes; cette dis- persion normale n’a loulefois qu'une faible valeur. L'indice de réfraction pour la lumière du sodium est Do = 1,000.29% dans l’air à 0° à la pression atmosphérique. La dis- persion, dans ces conditions, n’est que : ar — nc — 0,000.002.95, de sorte que la dispersion moyenne relative est : + — (0,01. Si donc, dans un milieu gazeux, la lumière décrit des trajectoires courbes, celles-ci ne différeront que très peu pour les différentes espèces de lumière. Toutefois, certains rayons forment une exception à cette règle. Ceux, en effet, dont la longueur d'onde ne diffère qu’extrèmement peu de celle des rayons qui sont fortement absorbés par le milieu gazeux considéré, y sont caractérisés par un indice de réfraction très notablement supérieur ou infé- rieur à ceux des autres rayons. En s'approchant de la raie d'absorption du côté des grandes longueurs d'onde, l'indice augmente rapidement; il diminue, au contraire, quand on s'approche de la raie du côté des faibles longueurs d'onde. Ce phénomène, auquel on a donné le nom de « dispersion anomale », fut découvert par Le Roux, en 1860, pour la vapeur d'iode; plus tard (en 1870) Christiansen et Kundt l'observèrent pour plusieurs subslances fortement colorées, et enfin Kundt et Winkelmann pour les vapeurs de sodium et de potassium. M. Becquerel a trouvé que chacune des deux raies du sodium donne lieu individuellement au phénomène de la dispersion anomale. Cerlaine particularité que j'observai pour la pre- uière fois en répétant les expériences de M. Bec- querel, et sur laquelle je reviendrai plus loin, m'incita en 1900 à développer l'hypothèse que nombre de phénomènes solaires peuvent être expliqués à l’aide de la dispersion anomale. Depuis lors se sont mullipliées les expériences tendant à prouver que foules les vapeurs métalliques, carac- térisées par de fortes raies d'absorption, peuvent donner naissance à ce phénomène. La contribution AS% W. H. JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE la plus importante à notre connaissance de ces faits est due aux travaux de M. H. Ebert, de Munich. Ces recherches ont déjà donné des résultats positifs pour les vapeurs des éléments suivants : sodium, potassium, thallium, lithium, calcium, strontium, baryum, uranium, cérium, lanthanium, argent, zinc, cuivre, fer, et également pour l'oxy- gène liquide. Une méthode élégante pour étudier le phénomène est celle des « prismes croisés », due à Kundt. A l’aide d'un spectroscope ordinaire (à prismes ou à réseau), on étend en un spectre Lorizontal de faible hauteur un faisceau de lumière blanche, provenant d'une petile fente rectangulaire verti- cale. En disposant sur le parcours de ce faisceau, entre la fente et le spectre, un prisme à arête de réfraction horizontale, constitué par la substance à étudier, chaque couleur du spectre subit une dévia- tion verticale, déterminée par l'indice de réfraction dans cette substance pour la couleur en question. Fig. 3. — Spectre d'absorption de la vapeur de potassium. Le spectre horizontal se transformera donc en une bande courbée montrant immédiatement toutes les particularités du pouvoir réfringent de la subs- tance éludiée. M. Becquerel et, après lui, M. Wood, MM. Lum- mer et Pringsheim, M. Ebert, et l'auteur, modi- fièrent légèrement cette méthode, notamment en se servant d'un spectroscope à fente horizontale, suivi d’un spectroscope à fente verticale, et obtinrent des résultats du plus haut intérêt; à titre d'exemple, nous reproduisons ci-dessus, d'après un dessin de M. Ebert', le spectre courbé (fig. 3) produit par un prisme de vapeur dense de potas- sium, la dispersion horizontale étant relativement faible ; nous pouvons en tirer plusieurs conclusions dont nous nous servirons plus loin. La valeur très grande de l'indice de réfraction du côté rouge des raies d'absorption K, et Kg, ainsi que la valeur très faible de l’indice du côté violet de ces deux raies sont ici particulièrement frap- pantes. Le fait que deux raies d'un même métal donnent lieu à la dispersion anomale à des degrés très différents mérite également d'être signalé. Du côté violet des raies d'absorption, l'indice de 1 Physikal. Zeitschr., t. IV, p. 476. réfraction descend nolablement au-dessous de l'unité”. Finalement, il importe de constater que la dis= persion anomale ne se manifeste pas près des bandes d'absorption diffuses (trop prononcées dans la figure) entre K, et Na. H La présence d'une raie d'absorption neltement. délimitée parait être une condition essentielle pour que le phénomène se produise. Il n’est point néces=" saire que la raie soit très large : l'expérience réussit tout aussi bien avec des prismes de vapeurs de faible densité donnant des raies d'absorption” fines et étroites. C'est précisément cette dernière parlicularité (dont on appréciera dans la suite toute l'impor- tance pour l'explication des phénomènes astro: Ds Fig. 4. — Spectre d'absorption de la vapeur de sodium. physiques) que j'observai en répétant les expé- riences de M. Becquerel et à laquelle je viens den faire allusion. Le phénomène spectral observé est représenté par la figure 4. En interceptant la lumière électrique par un écran, placé entre la fente horizontale de la dis position adoplée par M. Becquerel el la flamme prismatique du sodium, je dislinguai, quoique faiblement, les deux raies d'émission figurées par les traits pointillés D, et D.. En admettant ensuite” la lumière électrique, je remarquai que les quatre: flèches fortement lumineuses s’approchaient de six près des faibles raies d'émission qu’elles semblaient se confondre avec ces dernières. Des mesures” micrométriques, effecluées en admettant et en 1 La faible anomatie en sens inverse que l’on constate près des raies D est due à la présence d'une petite quantité de vapeur de sodium à l'extérieur du prisme de vapeur de potassium. 4 W. H. JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE 485 “interceplant alternativement la lumière blanche, démontrèrent que la distance entre les raies d'émis- sion et la lumière ayant subi la réfraction la plus forte en sens verlical, tout en étant encore netle- ment reconnaissable comme telle, éfait inférieure à 1/60 de la distance entre D, et D.. M. Becquerel, qui, primitivement, avait trouvé une distance envi- ron dix fois plus grande, a plus tard confirmé l'exactitude de mon observalion. Il résulte donc de ces expériences que, malgré la largeur considérable des bandes sombres dans “le spectre principal, la lumière correspondante n'a “élé absorbée que dans une faible proportion par “la flamme du sodium. Celle-ci a laissé passer la Dlesque totalité des ondes lumineuses, même celles - dont la longueur ne différait que fort peu de la “longueur d'onde des raies D; toutefois, elle a fait “dévier ces derniers rayons bien plus fortement que - les autres portions du spectre, situées loin des - raies d'absorption. Voici done un cas où le spectre d'absorption . d'une vapeur présente de larges bandes sombres, qui ne méritent pas lenom de bandes d'absorption. La disposition spéciale de l'expérience permettail de voir ce qu'était devenue la lumière qui faisait défaut autour des raies du sodium; mais si, pour une cause ou l’autre, cette lumière, déviée d'une facon anomale, n'avait pu arriver dans le champ du spectroscope, on aurait sans doute attribué à tort les bandes sombres uniquement à l'absorption. Des mesures précises de la valeur de la dis- persion anomale font encore défaut; les résultats acquis permettent de l’évaluer à plus de mille fois la dispersion normale. Il est évident que les rayons sujets à la dispersion anomale seront fortement courbés dans un milieu de densité irrégulière. Si donc, dans la théorie ‘solaire de M. Schmidt, la dispersion ne joue qu'un rôle secondaire, puisqu'il n‘y est pas encore ques- tion de la dispersion azomale,on comprend, d'après ce qui précède, qu'il y a lieu de réserver à cette “dernière une place prépondérante dans l'expli- cation des phénomènes solaires. Nous formulons comme suit nos conclusions principales : 1° Lorsque la lumière émanant d'une source à spectre continu traverse un espace où de la Napeur de sodium se trouve disséminée de facon irrégulière, les rayons voisins des raies D seront déviés bien plus fortement que les autres de leur direction primitive. Le maximum de déviation sera subi par les ondulations lumineuses dont la lon- gueur diffère si peu de hp, et de An, qu'on peut à peine les distinguer de la lumière du sodium. Des vapeurs de sodium faiblement Iëmineuses ou même obscures, traversées par un faisceau éner- gique de lumière blanche, peuvent donc en appa- rence émellre une lumière assez intense, qui, {out en provenant en réalité de la Source extérieure, présente une ressemblance forte, mais trompeuse, avec la lumière du sodium. 2° Lorsqu'on examine au spectroscope la lumière blanche qui a traversé, à peu près en ligne droite, un espace rempli de vapeurs de sodium, il est pos- sible qu'on trouve, à l'endroit occupé par les raies D, de larges bandes sombres dues à la forte dévia- tion subie par la lumière de celte région spec- trale, qui n'a ainsi pu atteindre la fente du spectroscope. Dans ce cas, la dispersion anomale provoque l'illusion d’un élargissement des raies d'absorption. De ces deux corollaires importants, nous allons appliquer le premier aux phénomènes solaires qui se caractérisent par un spectre à raies brillantes, le second à ceux qui présentent un spectre continu à raies obscures. V. — PuÉNOMÈNES SOLAIRES DONNANT SPECTRE A RAIES BRILLANTES. UN Après avoir développé et coordonné dans les pages précédentes les hypothèses et observations physiques qu'il était indispensable de rappeler pour faciliter la complète compréhension des expli- cations nouvelles que nous allons donner des phé- 0’ Fig. 5. — Marche de rayons normaux AO, O'B, et ayant subi la dispersion anomale OhB. nomènes solaires, nous pouvons aborder l'étude de la chromosphère et des protubérances. Supposons que l'arc ZZ' (fig. 5) représente une partie d'un grand cercle de la « sphère critique » de M. Schmidt; l'observateur se trouve à une grande distance dans la direction de O0. Un rayon qui, en un point quelconque A, quitte cette surface sous un angle d'à peu près 90° avec la normale, et qui provient done de couches très profondes (voir Chap. Il), atteindra le point O sui- vant une trajectoire dont la courbure diminue constamment, si nous admetlons que la densité de la masse solaire décroit graduellement vers l’exté- rieur. Un rayon qui, dans les mêmes conditions, part de B, suit le chemin BO', et, par suite, n’atteint pas le point O; pour l'observateur placé en O, Ase trouve encore situé juste à la limite du disque 186 W.H. solaire apparent; mais la lumière venant du point B est invisible pour lui. De petites irrégularités dans la densité de la matière le long du chemin AO pourront bien trou- bler tant soit peu le parcours des rayons, mais seu- lement dans une faible mesure, l'indice de réfrac- tion dans les gaz différant peu de l'unité. Ces troubles se manifestent par des entailles peu pro- fondes du bord du disque solaire. Supposons à présent que, dans le voisinage de A, au-dessus de la surface ZZ', se trouve, mélangée à d'autres gaz, de la vapeur de sodium, de densité non uniforme, et figurons-nous cette vapeur peu ou point lumineuse. La majeure partie du faisceau BO' de lumière blanche ne subira de ce chef qu'une faible réfrac- tion irrégulière; par contre, les rayons dont la lon- gueur d'onde diffère très peu de A», et de An, dé- vieront plus fortement, el pourront suivre par exemple le chemin pointillé B2O. Alors on pourra observer de O, à une petite dis- tance Ah au-dessus de À, de la lumière, ayant une grande analogie avec celle du sodium, mais venant néanmoins, par le point B, d'une source intérieure à spectre continu. Si notre explication est exacle, l’examen spec- troscopique précis de cette lumière, dite chromo- sphérique, devra révéler une différence en longueur d'onde avec les raies d'émission D. On serait peut-être tenté de croire que, seuls, les rayons dont l'indice de réfraction dépasse la valeur normale, c'est-à-dire ceux dont les longueurs d'onde sont un peu plus grandes que ho, et ho, peu- vent arriver, par le chemin B/0 jusqu'à l’observa- teur. Tel n'est cependant pas le cas, car il suffit qu'il y ait au-dessus de A de la vapeur de sodium de densité croissante de bas en haut pour que des rayons à indice exceptionnellement petit, c'est- à-dire inférieur à l'unité, puissent suivre ce même parcours B20O. On peut donc s’attendre à trouver dans le spectre de la chromosphère des rayons situés de part et d'autre de chacune des raies D; en outre, c'est tout près du bord du disque solaire apparent qu'il y a le plus de chance de voir encore de la lumière qui diffère relativement beaucoup en longueur d'onde de celle du sodium, car là il suffit que l'indice de réfraction diffère peu de la valeur normale pour faire infléchir des rayons de la photosphère (c'est- à-dire de la sphère critique) dans la direction de O0. Par contre, loin au-dessus de À, on ne devra aper- cevoir en général que les rayons qui se distinguent à peine de la lumière du sodium. : Ces déductions de la théorie de la dispersion anomale correspondent exactement à la réalité des phénomènes observés sur les raies de la chromo- JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE sphère. Celles-ci ont souvent une large base et se prolongent en forme de flèche. On pourra s’en convaincre par les figures et descriptions données … dans l'ouvrage de M. N. Lockyer : Chemistry of the sun (p. 109 et 111). C'est surtout pour les raies! chromosphériques de l'hydrogène que cette forme caractéristique est particulièrement frappante. Les mêmes considérations s'appliquent à toutes les vapeurs donnant lieu à la dispersion anomale. En. dehors de la sphère critique, on observe donc une. région produisant un spectre de raies brillantes, alors même que les substances gazeuses n'y sont que peu ou point lumineuses. Nous pouvons donc écarter l'hypothèse de :s Le es Le El RE tence réelle d’une chromosphère où les vapeurs for- tement lumineuses seraient distribuées en couches distinctes. Si nous conservons le mot « chromo- sphère » pour la facilité du langage, nous ne dési-" gnons par là que la zone à raies spectrales bril=n lantes, extérieure au disque apparent, et visible lors des éclipses totales. Au commencement et à la fin de la totalité, on peutobserver, pendant quelques secondes, ce qu’on appelle le spectre du « flash », qui correspond done aux couches intérieures de celte « chromosphère »," et qui se caractérise par une abondance particulière de raies brillantes. | A des distances croissantes du bord du Soleil, les. raies deviennent de moins en moins nombreuses; mais il serait faux d'en conclure que beaucoup d'éléments qu'on rencontre encore dans les couches plus profondes de la chromosphère fassent défaut dans les régions élevées, hypothèse inévitable dans. les anciennes théories; nous n'y voyons plus, au contraire, qu'un phénomène purement optique, dé-" terminé simplement par les degrés différents aux= quels les différentes raies d'absorption du mélangew gazeux occasionnent la dispersion anomale de las lumière voisine. Ê Ensuite, il n'y aura plus lieu de s'étonner que d'un même élément certaines raies soient visibles’ jusque dans des régions élevées, d'autres seule ment près du bord; ni, d'ailleurs, des divergences, souvent considérables entre les rapports des inten=" silés des raies d'un même élément, d’une part dans le spectre de la chromosphère, d’autre part. dans les spectres d'émission et d'absorption. 4 Cite La lumière des raies de la « chromosphère »M et du « flash » peut être distribuée symétrique= ment de part et d'autre des raies correspondantes" de Fraunhofer, de sorle que, dans ce cas, l'on croit observer une coïncidence avec ces dernières" par contre, en cas de distribution irrégulière de la densité des vapeurs, il peut arriver que tantôt les rayons à indice très grand (c’est-à-dire à À un peul F7 W. H. JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE A87 - plus grande que celle de la raie d'émission), tantôt - les rayons à indice très faible (donc à À un peu plus ; « étroit noyau obscur correspondant à Le petite) prédominent dans la lumière infléchie vers nous par dispersion anomale ; on peut alors s’atten- dre à ce que les raies de la chromosphère et du flash soient déplacées par rapport aux raies d'absorption. On sait que l'observation confirme pleinement cette prévision. Notre explication de la lumière de la chromo- sphère fait prévoir que les raies de son spectre ne seront pas très nettes, mais plus ou moins diffuses, et que, dans la plupart des cas, elles montreront un valeur exacte de la période de vibration qui caractérise le gaz absorbant; on n'oubliera pas, cependant, que la raie d'absorption qui mérite réellement ce nom pourrait bien être si étroite qu’elle échappe à l’ob- servation, et notamment beaucoup plus étroite que la raie de Fraunhofer dans le spectre ordinaire, laquelle paraît élargie par dispersion anomale de la lumière voisine. Les photographies spectrales obtenues lors d'éclipses solaires totales montrent, en effet, très souvent ce dédoublement de raies, que l’on a tou- jours attribué à des causes fortuites ou à des imper- fections techniques. Or, il est excessivement remarquable que foules les photographies obtenues à laide de la chambre à prismes par l Expédition hollandaise qui, en maï1901, observa éclipse totale à Sumatra, montrent des raies ({aucilles) chromo-sphériques doubles ; à plu- sieurs endroits, l'aspect de l'une des composantes de la raie double diffère notablement de celui de l’autre. 11 a été impossible d'expliquer cette parti- cularité par un défaut de mise au point ou par quelqu'autre cause perturbatrice. La distribution observée de la lumière dans les faucilles doubles correspond parfaitement à ce qu'elle devrait être d'après mes recherches théoriques, publiées ailleurs, en supposant que {oute cette lumière ne se compose que de rayons photosphériques déviés par dispersion anomale . Il est évidemment possible que les résultats de celte Expédition, qui fut peu favorisée par l'état atmosphérique, aient été influencés par des pertur- bations inconnues ; mais il est incontestable que, lors des éclipses solaires futures, la distribution de la lumière dans les raies chromosphériques méri- tera une attention toute spéciale. Les observateurs ne pourront vouer assez de soins à la mise au point exacte de leurs appareils, sans se laisser influencer par la supposilion, dénuée de fondement, que les raies de la chromosphère doivent être simples et nettement limitées. 2 Arch. nécrl., [2], t. VII, p. 88-98, 1902. Les difformations, élargissements, excroissances, ramilications, observés souvent sur les raies de la chromosphère ou de protubérances, ont été, jus- qu'ici, expliqués, de facon bien peu satisfaisante d’ailleurs, par le principe de Doppler, d'après lequel les raies d'émission d’un gaz incandescent doivent, dans le spectre, se déplacer dans la direc- tion de la lumière violette lorsque la substance lumineuse s'approche de nous à une vitesse consi- dérable, et dans la direction opposée lorsqu'elle s'éloigne. La grandeur de ce déplacement des raies permet de calculer la vitesse du gaz suivant la ligne visuelle, et l’on a ainsi trouvé des vitesses de plus de 200, quelquefois jusqu'à 500 kilomètres par seconde ! Quelqu'invraisemblables que soient l'apparition et la cessalion soudaines de ces déplacements d'énormes quantités de matière à des vitesses aussi formidables, tant qu'on n'avait pas d'autre expli- calion, il fallait bien accepter cette hypothèse, si contraire à nos notions physiques. La dispersion anomale élimine complètement la difficulté. Les raies de la chromosphère ne sont point des raies d'émissions diflormées; leur lumière se com- pose de rayons voisins de ces raies et provient de couches profondes du Soleil; elle peut se différen- cier d'autant plus des raies d'émission des gaz qu'il existe sur son chemin de plus grandes irrégu- larilés dans la densité de la masse solaire. Bien qu'en elles-mêmes ces irrégularités soient dues à certains mouvements dans la matière ga- zeuse, nous pouvons entièrement nous passer de l'hypothèse de ces vitesses inouïes qu'entraine l'ap- plication du principe de Doppler dans les théories existantes. Ajoulons que, récemment, plusieurs physiciens ont réussi à obtenir un spectre de raies brillantes et à reproduire artificiellement plusieurs phéno- mènes solaires (taches et protubérances) par dis- persion anomale de lumière blanche d'une source terrestre dans des vapeurs peu ou point lumi- neuses. Si donc il est facile d'arracher de l'esprit cette supposition de mouvements fantastiques de matière solaire suivant la ligne visuelle, il est moins aisé d'abandonner de même l'hypothèse de projections radiales de matière incandescente; pour tous les astronomes qui partent du principe que les pheé- nomènes lumineux de la chromosphère sont les projections géométriques d'objets lumineux sem- blables, elle trouve un appui singulièrement fort dans l'observation directe, — car ne voit-on pas monter les protubérances à des vitesses de cen- taines et de centaines de kilomètres par seconde? Mais les variations incohérentes de ces vitesses 188 radiales, sans qu'on puisse découvrir aucun équi- valent de l'énergie perdue ou absorbée; la forma- tion de protubérances nébuleuses loin du bord du Soleil; le calme plat auquel font place soudaine- ment les « éruptions » les plus violentes, — ce sont autant d’énigmes dont la clef est restée introu- vable. Or, dès qu'on renonce, comme nous le faisons dans notre théorie, à attribuer aux impressions vi- suelles celte signification prépondérante, on n'aura plus de peine à considérer ces mouvements radiaux comme une illusion d'optique, qu'il convient d’ana- lyser à l'aide des principes physiques qui nous guident dans notre élude. Rappelons-nous qu’en appliquant la théorie de M. Emden à un soleil gazeux illimité (Chap. I), nous voyons dans la « chromosphère » (simple continuation, d'ailleurs, de la « photosphère ») un milieu dont la structure est déterminée par les vagues et tourbillons qui s'y propagent dans les surfaces de discontinuité ; nous en considérons les régions qui, pour nous, se projettent immédiate- ment en dehors du disque. Puisque, de par leur nature et leur origine mêmes, ces tourbillons se caractérisent par de grandes irré- gularités de densité de la matière solaire, ils don- nent lieu, bien plus que les couches de densité plus uniforme qui les séparent, à la dispersion ano- male de la lumière blanche qui les traverse. Ils font done dévier une portion notable de cette lu- mière, qui, sans cela, serait perdue pour nous, dans la direction de la Terre; il eu résulte qu’un tel tourbillon doit se rendre visible par une image lumineuse apparente ayant l'allure générale d'une portion de génératrice d'une surface de disconti- nuité (fig. 2, Chap. II). La « chromosphère », dont, en effet, la structure visible ressemble à la section verticale d’une prairie touffue enveloppant la photosphère, n’est donc que l'image de l'ensemble de ces tourbillons relative- ment petits, continuellement formés par enroule- ment des surfaces de discontinuité dans l'océan solaire. De même, on n'aura pas de difficulté à recon- naître dans les protubérances les régions tourbil- lonnantes plus étendues, formées, lorsqu'elles dé- ferlent, par les très grandes vagues, plus rares, de ces surfaces agitées. Et puisque (voir Chap. INT) le passage d'une vague à l'état de tourbillon commencera générale- ment, et surtout pour ces ondulations de grande amplitude, dans les régions les plus rapprochées de l'axe de rotation du Soleil, pour se propager en- suite vers l'extérieur, le phénomène lumineux qui l'accompagne devra également se propager en s’éloignant du bord du Soleil : c'est à celte circons- W. H. JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE lance que les protubérances doivent leur analogie trompeuse avec des éruptions ou projections ra- diales. La chromosphère et les protubérances ont fait l'objet d'observations spectrales minutieuses el mulliples; la littérature sur ce sujet est des plus étendues. Nous sortirions du cadre de cet exposé si nous voulions démontrer que pas une des particularités décrites par MM. Janssen, Lockyer, Young, Des- landres, et par tant d’autres observateurs habiles et consciencieux, disposant d’un outillage remar- quable, n'échappe à une explication parfaitement naturelle à l'aide des principes que nous avons développés. Les excroissances irrégulières des deux compo- santes des raies doubles de la chromosphère et des « protubérances; les mouvements latéraux de ces dernières ; leur disparition rapide; l'apparition presque immédiate d'une protubérance à l'endroit précis du bord du Soleil où les raies subissent un déplacement soudain du côté violet du spectre; la différence d'aspect entre les protubérances polaires et équatoriales, tous ces phénomènes et beaucoup d'autres, observés depuis longtemps, sont des con- séquences nécessaires de notre théorie; nous de- vons, pour la démonstration, nous référer à nos publications antérieures. En résumé, nous éliminons complèlement de l'explication des protubérances la notion de vi- esse, en lant que déplacement radial de ma- tière, ou propagation d'un phénomène chimique ou d'un état de mouvement; il n'y a que formalion normale de tourbillons sous l'influence de l'état local de la matière solaire. Quand une vague dé- ferle successivement en des endroits de plus en plus éloignés de l'axe solaire, on ne peut évidem- ment parler d'une « vitesse » de propagation du phénomène, dans le sens physique de ce mot. VI. — PhnÉNOMÈNES SOLAIRES DONNANT UN SPECTRE CONTINU A RAÏES SOMBRES. La lumière voisine des ondulations correspon- dant aux raies d'absorption proprement dites, pour la photosphère tout entière, subit, dans les tour=- billons du Soleil, une déviation plus ou moins considérable due à la dispersion anomale; elle fournit, dans tout le système solaire, la lumière chromosphérique, dont les rayons, qui, pour nous, se projettent sur le firmament aux environs du disque solaire apparent, constituent, dans un sens plus étroit, « la chromosphère ». Cette lumière doit donc faire défaut dansle spectre continu du disque. La généralité du phénomène explique pourquoi, dans le spectre solaire ordinaire, même dans elui ia / W. H. JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE des régions centrales du disque, les raies de Fraunhofer se détachent sur un fond plus ou moins obscurei de part el d'autre de la raie. Nous altribuons donc une double origine aux raies sombres du spectre solaire, une absorption réelle des ondes dont la période coïncide très exac- tement avec la période de vibralion de la matière, et une dispersion de la lumière avoisinante, forte- ment déviée. Là où les irrégularités de la densité sont parti- culièrement prononcées, c’est-à-dire, comme nous le verrons un peu plus loin, dans les faches, cette dispersion sera considérable : c'est pourquoi il y a élargissement des raies de Fraunhofer dans le spectre des laches. Cette lumière dispersée n’a pas disparu : son ab- sence dans le spectre d’une tache est contrebalan- cée par une augmentation d'intensilé des rayons situés immédiatement de part et d'autres des raies, dans le spectre des /acules voisines. Là, on pourra doncrencontrer, au contraire, des raies légèrement déplacées de part et d'autre par rapport aux raies d'absorption et contrastant avec le fond par un plus grand éclat, tandis que la raie de Fraunhofer proprement dite sera plus étroite et paraîtra moins sombre que d'ordinaire. Quelquefois, les raies brillantes des facules aussi bien que les raies sombres des taches sont forte- ment déformées. Ces anomalies spectrales, dont on ne rend compte que bien péniblement à l’aide du principe de Dop- pler, s'expliquent sans peine, dans notre théorie, comme conséquence d'une distribution très inégale de la densité. Nous n'avons aucune raison de ne pas étendre la théorie de M. Emden, relative aux mouvements dans un milieu gazeux, jusqu'aux régions cosmiques de notre système solaire où, non seulement les der- nières lueurs de la « couronne », mais aussi la « lumière zodiacale », nous révèlent l'existence d'une matière extrêmement raréfiée, mais certaine- ment pondérable. Nous devons donc admettre que les surfaces de discontinuité s'y prolongent, et que la densité y présentera des irrégularités locales. L'aspect bien connu de la couronne peut nous don- ner une idée de l'allure générale de ces surfaces ; il y en a beaucoup qui semblent s'étendre dans la région équatoriale comme des lames presque planes et peu inclinées sur l'équateur. Quand on a bien présente à l'esprit cette struc- ture stratiforme, et, aux endroits des tourbillons, tubiforme, de la substance gazeuse, on conçoit que les feuilles des surfaces de discontinuité qui se trouvent entre la Terre et le Soleil se projettent géométriquement sur le disque sous forme de zones plus ou moins étroites, parallèles à l'équateur s0- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1904. 189 laire. Toutes les fois que ces zones sont particuliè- rement étroites et les discontinuités très pronon- cées, les faisceaux lumineux nous atteindront après de longs parcours dans des lames à densité va- riable et, par conséquent, auront perdu une notable portion de leurs rayons, déviés par dispersion anomale. La perte sera plus considérable encore lorsque la ligne visuelle coïncide avec l'axe d’un tourbillon; on doit alors observer sur le disque un point obscur. Pour s’en rendre compte, il suffit de se représenter un faisceau tubulaire de lumière entou- rant l'axe d’un tourbillon, qui est une ligne de densité minima; sin > 1, la divergence du fais- ceau augmente, et la quantité de lumière qui atteint la Terre est diminuée. Si, au lieu d'un seul, tout un faisceau de tourbil- lons est dirigé vers la Terre, le point s'étend en une tache, qui, tout en changeant continuellement de forme, peut rester longtemps visible, malgré la ro- tation du Soleil, puisque les axes des tourbillons ne coïncident pas rigoureusement avec les généra- trices des surfaces de discontinuité, de sorte que, pendant un temps relativement long, la ligne vi- suelle peut, dans cette région de tourbillons vio- lents, rester parallèle à un grand nombre d’entre eux sur une partie notable de leur étendue. Les facules doivent leur origine aux régions où, au contraire, la substance se trouve distribuée de telle façon qu'un faisceaux lumineux qui la tra- verse subit une diminution de sa divergence. Une des anomalies spectrales les plus énigma- tiques dont il soit fait mention dans la littéralure astronomique est, sans contredit, le spectre solaire anormal de Hale". Les photographies prises sur une même plaque, à courts intervalles, montrent, encadré entre les spectres normaux obtenus avant et après la pertur- bation éphémère, un spectre complètement anor- mal qui se caractérise principalement : 4° Par l’affaiblissement considérable d’un grand nombre de’‘raies de Fraunhofer, dont plusieurs sont même presque complètement effacées ; 20 Par le renforcement extraordinaire de cer- laines autres raies d'absorption; 3° Par de notables déplacements de certaines raies. Frappé par la contradiction apparente que les raies affaiblies sont précisément celles auxquelles correspondent les raies chromosphériques les plus brillantes, j'ai cherché à expliquer ces perturba- tions singulièrement compliquées à l'aide des principes que je viens d'exposer. 1 GeorGE E. Haze : Solar research at Yerkes Observatory. Astroph. Journ., t. XVI, p. 211-233, 1902. 10* 190 W. H. JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE Non seulement je crois y avoir pleinement | est plus souvent tangent à des surfaces de discon- réussi, mais il semble même permis de dire que le spectre de Hale fournit un appui des plus impor- tants aux idées nouvelles. J'ai consacré à ce phénomène merveilleux une élude spéciale‘, qui ne saurait trouver place ici. Nous nous trouvons donc de nouveau en pré- sence d'un phénomène que, jusqu'ici, il avait fallu attribuer à une modification aussi considérable qu'énigmatique de la « couche renversante », dont le pouvoir émissif et absorbant aurait subi soudai- nement, sur une étendue immense, un bouleverse- ment total, au point de le rendre méconnaissable. Notre théorie en rend compte sans avoir recours à aucune hypothèse artificielle. VII. — LA VARIABILITÉ PÉRIODIQUE DE LA RADIATION SOLAIRE. Les variations périodiques de la fréquence des taches et des protubérances solaires ont donné naissance à la supposition que la quantité d'énergie rayonnée par le Soleil serait soumise à des fluc- tuations analogues. Des recherches très étendues, effectuées par Küppen, par Ch. Nordmann et d’autres, ont, en effet, révélé l'existence d'’oscilla- lions périodiques de la température moyenne sur la Terre, les périodes coïncidant avec celles des laches solaires, dans ce sens, toutefois, que /es maxima de fréquence des taches correspondent aux minima de température terrestre. Pendant les périodes de grande variabilité de l'aspect du Soleil, ce dernier ne rayonne donc pas vers la Terre, comme on le supposait généralement, une plus grande, mais, au contraire, une plus faible quantité d'énergie. Sir N. Lockyer et W.J.S. Lockyer ont, en outre, trouvé une différence dans le caractère du spectre des taches, observé au cours des années de grande ou de faible fréquence de ces dernières. On n'a pas su établir encore avec certitude que l'aspect variable des raies de Fraunhofer dans le spectre de la photosphère présente la même pério- dicité; mais il est, en tout cas. excessivement remarquable que les particularités du spectre des taches pendant les maxima montrent une grande ressemblance avec les anomalies du spectre singu- lier de la photosphère, photographié par M. Hale eu 1894, c'est-à-dire pendant une période de grande fréquence des taches. Il est donc permis d'attribuer les deux phéno- mènes à une cause commune, et nous en concluons que, pendant les années où les taches sont nom- hreuses, le faisceau de lumière qui frappe la Terre 1 Arch. Nécrl., série Il, t: NIIT, p- 374. tinuité très prononcées que pendant les années où la fréquence des taches est un minimum. La multiplicité des laches provient alors des tourbillonnements énergiques dans les parties de ces surfaces qui se trouvent dans les couches plus denses de la masse solaire gazeuse ; l'élargissement exceplionnel des raies d'absorption est dû à la dispersion anomale de la lumière, sur tout son parcours vers la Terre dans toute l'immense éten- due de cette structure stratiforme et tubiforme du milieu gazeux. Dès lors, il est évident qu'un minimum de la température moyenne de la Terre doit coincider avec un maximum de taches, car c'est alors que tous les rayons voisins des innombrables raies d'absorption subissent une dispersion beaucoup plus considérable. La lumière des taches subissant cette influence à un degré supérieur, on ne s'étonnera plus que ce soit le spectre de ces endroits qui montre le plus nettement les conséquences que nous venons d'in- diquer de la variabilité du milieu réfringent *. Ne doit-on pas se demander si notre hypothèse d'une variabilité périodique des parties des sur- faces de discontinuité le long desquelles nous observons le Soleil est suffisamment justifiée par le seul fait qu'elle nous fournit une explication simple et naturelle de l'apparition simultanée des phénomènes spectraux susmentionnés et des maxima des taches? Jusqu'à ce jour, on a toujours considéré la période undécennale de la fréquence des taches, ainsi que les oscillations, plus courtes, de la fréquence des protubérances, comme des manifestations d'une « activité variable » du Soleil ; mais en quoi con- siste exactement cette « activité », et quelle est la cause de ses fluctualions, ce sont des questions au sujet desquelles les opinions sont encore aussi vagues que nombreuses. Les hypothèses de M. de la Rue et de M. Balfour Stewart sur une influence des planètes sur le Soleil; celle de M. Herschel sur l'apparition périodique de nuages de météores; celle de M. J. Halm sur les fluctuations périodiques de la température de la photosphère sous l'effet de la formation et de la destruction partielle alternalives d’une enveloppe à grand pouvoir absorbant: toutes, elles sont restées en défaut pour expliquer la variabilité du pouvoir rayonnant et des phénomènes spectraux du Soleil, sans introduire de nouvelles difficultés de principe. ! Pour les détails de notre explication des « widened line. crossings », découverts par M. Lockyer, nous renvoyons à une étude publiée dans les Proc. Roy. Acad. of Amster= dam, vol. VI, p. 270. W. H. JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE Dès lors, il semble permis de chercher cette Xplication à l'aide de l'hypothèse que nous venons de développer, et qui, dans notre théorie, ne sau- ait être qualifiée d’artificielle. - Peut-être même n'est-il pas indispensable d’ad- neltre une périodicité quelconque de « l'activité solaire » (quel que soit le sens qu'on attache à ce not) pour rendre compte des variations régulières le l'aspect général du Soleil et de la composition le sa lumière. Nous montrerons plus loin (Chap. X) qu'il semble possible d'expliquer la période undeé- ennale par l'étude purement géométrique du dépla- ment de la Terre par rapport à la masse solaire azeuse, supposée dans un état relalivement sta- ionnaire, et formant le « système optique » de ucture spéciale à travers lequel nous observons e noyau incandescent. Pour le moment, toutefois, nous partirons de iotre hypothèse provisoire que l’ensemble des sur- laces de discontinuité le long desquelles nous arrive a lumière du Soleil subit des variations de même ériodicité que la fréquence des taches et des pro- lubérances, sans nous préoccuper de la cause de ces fluctuations simultanées. NII. — CONSÉQUENCES DU MOUVEMENT DE LA TERRE A TRAVERS LE CHAMP INÉGAL DE LA RADIATION SOLAIRE. Lorsqu'on introduit une flamme de Bunsen entre ne source lumineuse intense et un écran blanc, De même, la lumière du Soleil, longeant les sur- faces de Miscontiaute, se ru iné galement Sous de ation solaire. 11 est vrai que le pouvoir réfringent de la matière la couronne est minime: mais néanmoins les âjectoires immensément longues des ondulations ineuses sujettes à la dispersion anomale pour- nt être sensiblement recourbées, et le degré de livergence de leurs faisceaux, surtout de ceux qui longent lesdites surfaces, pourra être très différent, subir de grandes variations. Il n'est point nécessaire que cette incurvation jt forte pour produire sur la Terre un effet consi- rable. Supposons que d'un point du Soleil émane un,cône de lumière, dont la demi-ouverture, dans le cas de propagation rectiligne, serait de 1", et que e faisceau élémentaire conroute avec fixe d'un ourbillon. Il suffit alors que les rayons de la sur- face du cône ne dévient que de 1" de leur direction mimitive, pour que la divergence du faisceau soit Oublée, ce qui réduit au quart de la valeur nor- male l'intensité que possède, pour un point déter- iné de la Terre, la lumière de la longueur d'onde considérée. ( Bien que l'angle visuel sous lequel on mesurerait en un point du Soleil le diamètre de la Terre ne soit que de 17”,6, on conçoit, en généralisant ce raison- nement, que les surfaces de discontinuité puissent constituer une cause cosmique déterminant des dif- férences dans l'énergie solaire rayonnée simulta- nément vers des points divers de l'hémisphère éclairé. Notre théorie rend done compte de toute une caté- gorie de perturbations locales d'origine cosmique dans les phénomènes terrestres influencés par la radiation solaire, et qui, sans ces perturbations cosmiques, obéiraient à des lois ne dépendant que de la configuration géographique, de la rotation de la Terre autour de son axe, et de la succession des saisons. Nous étendrons ce raisonnement à deux groupes de variations périodiques de l'action sur la Terre de la radiation du Soleil. $ 1. — Les périodes semi-annuelles et annuelles. À de très grandes distances de l'axe du Soleil, les surfaces de discontinuité s'approchent de plus en plus de surfaces planes. Celles qi sont voisines du plan équatorial seront donc aussi à peu près parallèles à ce dernier: l'im- pression visuelle des lignes structurales de la cou- ronne dans ses régions extrêmes correspond à cette considération théorique. Figurons-nous les surfaces de discontinuité géo- métriquement prolongées jusqu'à l'orbite de la Terre; on voit immédiatement que leurs sections avec le globe terrestre seront des cercles parallèles, dont toutefois l'orientation par rapport aux paral- lèles géographiques dépendra de la position de la Terre dans son orbite. Choisissons, pour fixer les idées, quelques posi- lions caractéristiques. Le 21 mars, l'aspect de la Terre, vue du Soleil, correspondra à la figure 6 a; au printemps, le pôle sud du Soleil se trouve orienté vers la Terre; le 5 mars, notre planète a atteint le point de son orbite où la distance au plan équatorial du Soleil est un maximum. L'équateur solaire pourrait donc être représenté par un trait au nord de l'écliptique E, et presque parallèle à celte dernière, mais à une distance de 1°, mesurée du Soleil. (Le rayon de la Terre n'étant que 8”,8, ce trait tomberait donc tout à fait en dehors du papier.) Les surfaces de discontinuité prolongées, pouvant encore être considérées comme sensiblement parallèles à l'équateur solaire à cette distance de 7°, peuvent donc être figurées par des traits pointillés d, à peine inclinés par rapport à E. Les figures 6 b, 6 c et 6 d représentent respec- tivement l'hémisphère éclairé, vu du Soleil, 492 W. H. JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE le 21 juin, le 22 septembre et le 21 décembre; l'in- clinaison maxima des traits figurant les surfaces de discontinuité (toujours supposées parallèles à l'équateur solaire) par rapport à l’écliptique est de 7° (le 4 juin et le 4 décembre). L'examen de ces figures démontre : 1° Qu'aux équinoxes (fig. 6,aet c) tous les points éclairés de la Terre traversent, pendant le mou- vement diurne, les surfaces de discontinuité sous des angles relativement grands (supérieurs à 23° vers midi), et toute la journée dans le même sens. 2 Que, peu après les solstices, ces points déeri- vent, au contraire, des trajectoires sensiblement parallèles à ces surfaces peu avant et après-midi, et les traversent le matin et le soir sous des angles de sens opposé. Si nous nous rappelons que les conditions qui Fig. 6. — Aspects de la Terre vue du Soleil à différentes époques. — E, écliptique: d, projection de l’équateur solaire. régissent la composition de l'énergie rayonnée (c'est-à-dire les particularités du système optique interposé) varient le plus rapidement dans le sens perpendiculaire aux surfaces de discontinuité, nous en coneluons immédiatement que fous les phénomènes terrestres qui dépendent du rayon- nement solaire devront subir des fluctuations plus importantes au printemps et en automne, qu'en été et en hiver. L'amplitude des fluctuations diurnes des phéno- mènes météorologiques devra donc, d'après notre théorie, être : Un maximum : fin mars; Un minimum : commencement juillet; Un maximum : fin septembre; Un minimum : commencement janvier. On peut, de même, rendre compte du fait que le minimum des fluctuations en hiver sera générale- mentplus petit que le minimum observé en été, par suite de la différence de longueur de l'arc diurne dans ces deux saisons. $ 2. — Les périodes qui coïncident avec celles de À l'aspect du Soleil. ê L'hypothèse formulée plus haut sur l'origine dem la variabilité que l’on observe dans le nombre et la | fréquence des taches solaires enlraine immédiale-n ment, par la nature même de notre explication, lan conséquence qu'exactement la même périodicité doit se manifester dans tous les phénomènes ter= restres qui sont influencés par le rayonnement solaire. k Pour préciser : pendant les années de fréquence maxima des taches, c'est-à-dire lorsque les rayons solaires nous parviennent après avoir longé des surfaces de disconlinuité particulièrement serréess et à tourbillons particulièrement fréquents, les” phénomènes dépendant de la radiation doivent présenter des variations diurnes bien plus pronon- cées. On ne connait que trop les perturbations sou- daines et irrégulières, qui, sans aucunement se rattacher au mouvement diurne, affectent presque simultanément toute la surface du globe terrestre, telles que les «tempêtes magnétiques », qui, l’année passée, ont tant fait parler d'elles. Notre théorie en rend compte (comme nous l’étudierons plus en détail dans le chapitre suivant) en admettant sim-= plement qu'il existe des irrégularités locales dans le système des surfaces de discontinuité, qui est entrainé par le Soleil dans la rotation autour de son axe el passe à une vitesse énorme devant les pla= nètes dont la vie est si intimement liée à la quan- tité et à la composition de l'énergie qui leur esb rayonnée par le Soleil, qu’elle doit nécessairement se ressentir de toutes les variations et de toutes les irrégularités de ce système complexe. Les protubérances étant, d’après nous, également une manifestation des surfaces de discontinuité; nous concluons que leur période triennale doit se retrouver dans les variations des phéaomènes ter- restres. à Depuis longtemps, on avait soupconné l'exis= tence d’une corrélation entre la fréquence des taches et des protubérances, d’une part, et les varialions et perturbations météorologiques et magnétiques, d'autre part, sans pouvoir définir ce lien autrement, que comme « la cause commune qui régit les deux, groupes de phénomènes, solaires et terrestres »* Nous croyons avoir trouvé cette cause commune dans la variation incessante du système des suis faces de discontinuité qui, à chaque moment, S trouve entre les parties les plus denses du Soleil et la Terre, variation qui, d'une part, fait changer Tas- W. H. JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE 193 ect du Soleil, et, d'autre part, l'action que ce der- mier exerce par rayonnement sur la Terre. IX. — LA PÉRIODICITÉ DANS LES VARIATIONS DU MAGNÉTISME TERRESTRE ET DES ÉLÉMENTS MÉTÉO- ROLOGIQUES. — Alathèse formulée à la fin du chapitre précédent devrait logiquement se rattacher la démonstration précise de la facon dont lesdites variations pério- EL. de l'énergie solaire rayonnée vers notre pla- -nèle doivent produire, comme conséquence immé- -diate, des fluctuations périodiques analogues dans “les éléments magnétiques; nous devrions eusuite démontrer que les périodicités Lerrestres réellement observées sont bien celles déduites de la théorie. Malheureusement, cette voie déductive nous est “encore interdite. On ne met pas en doute que la - température, la pression et la circulation atmosphé- riques, comme cerlaines manifestalions de la vie organique de notre planèle qui y sont intimement liées, ne soient régies par le rayonnement solaire ; de même, il existe de nombreux indices que les variations du magnétisme terrestre sont le résultat de courants électriques convectifs dans l’atmo- sphère, lesquels, à leur tour, dépendent de la radia- tion du Soleil; mais la nature de cette influence n'esc pas encore connue dans ses détails. Nous ignorons jusqu'à quel point la composition de la lumière solaire influe sur la quantité d'énergie rayonnée qu'absorbe notre atmosphère. Tout ré- cemment, M. V. Schumann a trouvé des raies d’ab- sorption fortes et nombreuses dans l’ultra-violet des spectres de l'azote, de l'oxygène et de l'hydrogène: M. Langley a trouvé de nombreuses raies d’absorp- tion atmosphériques dans l'infra-rouge. Or, il est parfaitement possible qu'un faisceau lumineux frappant une région quelconque de l'hémisphère éclairé contienne les ondulations correspondant à ces raies en quantités tantôt fortes, tantôt faibles, par suite de la dispersion anomale dans les sur- faces de discontinuité; ces variations pourraient, par exemple, produire des dépressions locales. Demême, nous avons tout lieu de supposer que, pour le degré d'ionisation, la composition de la lumière solaire n’est point indifférente. Il y a là un immense champ de recherches à peine effleuré; mais tant que nous nous trouvons encore en face de tels problèmes, il nous est impossible de prouver que les variations magnétiques et météoro- logiques sont une conséquence directe de variations correspondantes dans la nature de la radiation solaire. Mais, si la coordination des phénomènes observés révèle l’existence de périodicités qui, jusque dans leurs moindres détails, correspondent à celles que nous avons étudiées (Chap. VII, $ 4 et $ 2) pour le champ irrégulier de la radiation solaire, nous y voyons un argument puissant en faveur de l'opi- nion que la dispersion anomale variable de la lu- mière solaire joue un rôle prépondérant dans ces fluctuations desdits phénomènes terrestres. J'ai consacré récemment une étude spéciale ! à ce sujet, qui est d’une si haute importance pour mettre à l'épreuve notre théorie solaire. J'y ai fait ressortir successivement que cette con- cordance entre les périodicités solaires et terrestres existe pour la fréquence de l’aurore boréale et aus- trale, — pour les constantes du magnélisme ter- restre, — pour la pression barométrique. Séparé- ment y ont été étudiées, pour chacun de ces phénomènes, d'abord les variations qui corres- pondent au mouvement diurne de la Terre (et qui, d'après notre lhéorie, doivent avoir des maxima fin mars et fin septembre, des minima au commen- cement de juillet et de janvier, le minimum d'hiver élant plus prononcé que le minimum d’élé), et ensuite les varialions séculaires et irrégulières, connexes à l'apparition des taches et des protubé- rances. Des savants tels que M. Wolf, M. Ellis, M. Chree, M. Lockyer, M. Bigelow, M. Arrhénius, M. Mel- drum, M. Poey, et tant d’autres, ont compulsé et analysé d'innombrables observations et statistiques météorologiques et magnétiques, qu'il conviendra d'étudier soigneusement en envisageant l'in- fluence de la dispersion anomale. Le cadre néces- sairement limilé de cet article ne nous permet point d'exposer les résultats déjà acquis, quoique encore bien incomplets, et nous avons dû nous bor- ner à suggérer l'ordre d'idées à suivre pour ces re- cherches, qui probablement deviendront d'un inté- rêt primordial pour l'explication des phénomènes régissant la vie de notre planète. On ne peut espérer que, dans un avenir peu éloi- gné, on réussira à démêler les innombrables causes locales et perturbatrices de nalure géographique qui influent sur l’état climatérique à la surface de la Terre; mais il est certain que, si la Terre était soumise à un champ parfaitement uniforme de ra- diation solaire, la circulation atmosphérique arri- verait à un « état normal », déterminant pour chaque point des conditions elimatériques typiques, qui ne dépendraient plus que de la situation géo- graphique et des mouvements diurne et annuel de la Terre. En réalité, il n’en est rien, et nous altribuons { The periodicity of Solar Phenomena and the corres- ponding periodicity in the variations of meteorological and earthmagnetic elements, explained by the dispersion of light. Proceedings of the Royal Academy of Amsterdam, Vol. VI, p. 270-302, 1905. 19% les perturbations périodiques et irrégulières au mouvement de la Terre à travers le champ inégal de la radiation solaire. Si nous voulons résumer les conclusions tirées de notre théorie solaire à l'égard des phénomènes terrestres, nous pouvons formuler la thèse suivante, fondamentale pour la Météorologie cosmique : La même cause (inégalité du champ de radiation) qui nous fait observer sur le Soleil des taches, des facules et des protubérances, se traduit sur la Terre par des variations et des différences dans le rayon- nement sélectif, et, dès lors, par une augmentation de la circulation atmosphérique. L'influence de cette circulation renforcée sur les éléments météorologiques dépendra partout des conditions climalériques. X. — UNE HYPOTHÈSE SUR L'ORIGINE DE IA PÉRIODE UNDÉCENNALE. Si, dans les chapitres VII, VII et IX, nous nous sommes simplement efforcé de démontrer com- ment et pourquoi l'on peut considérer l'inégalité du champ de radiation solaire comme la cause com- mune qui constitue le lien entre la variabilité des phénomènes solaires et terrestres, nous allons maintenant terminer notre étude par une explica- tion purement géométrique d’une des variations périodiques les plus frappantes de ce « système optique » : c'est-à-dire que nous essaierons de rendre compte de la période undécennale en sup- posant sensiblement invariable l'état de la matière sur le Soleil. Il existe deux causes de variabilité du système optique considéré 1° Des déplacements de matière dans la masse solaire ; 2° La variation continuelle de la position qu'oc- cupe, dans le système des surfaces de discontinuité, la droite qui réunit les centres de la Terre et du Soleil. C'est la deuxième cause qui produit les varia- ons les plus rapides; en effet, le Soleil accomplit une révolution synodique en vingt-six jours environ, de sorte que, dans cette période, la droite en ques- tion décrit dans le système optique une surface co- nique presque fermée et différant peu d'une sur- face plane. Remarquons que, d’après la théorie d'Emden, les différentes couches du Soleil gazeux ont des pé- riodes de révolution différentes, parmi lesquelles il est difficile de choisir celle qui doit être con- sidérée comme « la période » par excellence. Il pa- rait toatefois qu'il en existe une qui, plus que toute autre, se manifeste dans les variations des phéno- mènes terrestres, et qui coïncide approximative- W. H. JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE ment avec la période de révolution synodique des taches et des facules. ri Soit T jours la durée de cette période. Considérons un point situé dans le plan équas torial du Soleil, et dont la période de révolution« synodique ait exactement cette valeur T, et concevons une surface sphérique B, passant par cé point, et ayant son centre en celui de la masse so: laire gazeuse; puis faisons tourner celte sphère autour de l’axe du Soleil, à une vitesse angulaire uniforme, telle que la durée d’une révolution syno dique soit T jours. | Cette surface sphérique nous représente ce que nous appellerons « le Soleil tournant »; mais nous ne perdrons pas de vue que les différentes couches gazeuses peuvent parfaitement se déplacer par rapport à B. La droite AZ qui réunit le centre A de la Terre à Fig. 7. — Marche des projections de la Terre sur Je Soleil. celui Z du Soleil rencontre B en un point P. Nous appellerons ce point la projection de la Terre sur le Soleil, et nous en déterminerons le lieu sur B. L'inclinaison de l'équateur solaire sur l’éclip tique est de 7°15". Vers le 4 juin et le 6 décembre: la Terre a par la ligne des nœuds. La figure 7 représente une partie de la sphèré B ; EE' et QQ' sont les sections par l'écliptique € par l'équateur solaire. Le % juin, la projection de la Terre se trouve en P,. Par ce point, nous menons le premier méri dien M. Après T jours, M a accompli une révolution syno® dique, et rencontre alors pour la deuxième fois] droite AZ (non figurée) en un point P,, situé un peu au nord de l'équateur solaire Dans l'intervalle, P aura décrit sur la sphère une spire complète P,P'P'P. Les points d'inlersection suivants, P, et P,, dè sont situés encore plus au nord: — mais, vers Jen 3 sptembre, la projection atteint sa plus grandé latitude nord (7°15'), pour ensuite s'approcher de W. H. JULIUS — LES THÉORIES SOLAIRES ET LA DISPERSION ANOMALE nouveau de l'équateur, qu'elle rencontre le 6 dé- cembre, un peu au delà de P,. Tous les points d'intersection pour une année sont indiqués sur le méridien M dans sa position iniliale; P, à P,, sont situés dans l'hémisphère sud du Soleil. P,, est atteint au bout de 14 XT jours, mais ne coïncide pas avec P,. Pour déterminer la distance exacte entre ces deux points, il serait indispensable de connaître la valeur exacte de T. Si notre hypothèse, que les fluctuations méléoro- logiques et magnétiques dépendent des inégalités dans la radiation produites par les surfaces de discontinuité, est exacte, la rotation du Soleil, qui, comme on sait, s’accomplit en vingt-six jours envi- ron, ne peut jamais se manifester par une périodi- cité d’une grande netteté dans les phénomènes terrestres; car, après chaque révolution synodique du Soleil, la Terre. tout en se trouvant dans le même méridien solaire, a généralement une latitude hé- liographique différente. Nous devons donc nous attendre à trouver des écarts relativement considérables dans les valeurs que différents observateurs ont trouvées pour ce nombre T, que l'on appelle souvent « la période de Hornstein ». Et, en effet, les 26 valeurs que j'ai rencontrées dans la littérature sur ce sujet (et dont 20 sont basées sur des observations magnétiques, 6 sur des données météorologiques) oscillent entre 26,68 et 25,47 !. Il est impossible d'attribuer une préférence ab- solue à l’un quelconque de ces chiffres, dont la moyenne arithmétique estT = 25,924. Il convient de signaler que celte moyenne s’ap- proche de très près du chiffre de MM. Ekholm et Arrhenius, qui donnent 25,929 pour la période dé- duite d'observations sur la fréquence de l’aurore polaire pendant un nombre d'années (de 1722 à 1896) qui dépasse de beaucoup celui sur lequel s'étendent toutes les autres observations. Nous choisissons donc provisoirement la valeur moyenne T — 25,924. Or, 14 X 25,924— 362,936. L'année sidérale a 365,256 jours, de sorte que la deuxième spirale 1 Valeurs de la période d'environ 26 jours, déduites : a) d'observations magnétiques par : M. Broun, 25,92 (Ma- kerstown), 25,86 (Greenwich); M. Hornstein : 26,37 (Prague et Vienne), 26,24 (Saint-Pétersbourg); M. Müller : 25,87, 25,47, 25,66, 25,179, 25,86 (Pavlovsk); M. Liznar : 25,95, 26,05, 26,05 (Vienne), 26,10(Kremsmünster), 25,89, 26,03, 25,64 (Pavlovsk), 25,62 (Fort Rae), 26,08 {Jan Mayen): M. Ad. Schmidt: 25,87 (Batavia); M. Van der Stok : 25,80 (Prague et Saint-Péters- bourg); b) d'observations météorologiques par M. Broun: 25,83 (Singapore); M. Z{ornstein : 25,82 (Prague); M. Von Bezold: 25,84 (la Bavière): M. Van der Stok : 25,80 (Batavia et Saint- Pétersbourg); M. Bigelow: 26,68 (l'Amérique Septentrio- nale); MM. Ækholm et Arrhénius : 25,929 (aurores bo- réales et australes). 195 annuelle de la projection P passe par de tout autres points de la sphère B que la spirale de la première année, car elle a son origine en un point de l’équa- teur solaire qui n’atteint l'écliptique que 2,32 jours après le point P,. Le même écart angulaire existe entre la troisième et la deuxième, la quatrième el la troisième spirale annuelle, ete. Le retour exact des mêmes phénomènes solaires et terrestres ne deviendrait probable que si le point P décrivait de nouveau exactement la même spirale passant par les points P,,P,,P....…. Prices à-dire si la droite AZ parcourait de nouveau exac- tement les mêmes points du « système optique », supposé à l’état sensiblement stationnaire. Or, la douzième spirale annuelle ne s'écartera de nouveau qu’extrêmement peu de la première, car. 25,924: 9,32 —11 17. Si donc l’état et la distribution de la matière solaire restaient à peu près stationnaires, la droite AZ réunissant les centres de la Terre et du Soleil parcourrait, après onze ans, dans le système op- tique, approximalivement la même succession de positions. Toutefois, puisque l'état de la matière solaire peutdifficilement être considéré comme absolument invariable, — quoique peut-être les variations sécu- laires soient lentes et graduelles, — nous formu- lons l'hypothèse : que la période undécennale observée doit être Ja conséquence combinée d'une varialion progressive (el pas nécessairement péri- odique) du système des surfaces de discontinuité et du déplacement périodique de la Terre par rap- port à la masse lournante moyenne du Soleil. Notre théorie solaire n’est nullementaffectée par l’explicalion que l’on donne des variations pério- diques de la structure particulière du système optique qui joue un rôle prépondérant dans nos déductions, et nous ne contestons nullement que le cycle undécennal pourrait parfaitement être une manifestation d'une fluctuation réelle dans ce que nous appellerons encore, pour la facilité du langage, « l'activité solaire ». Il semble néanmoins permis de voir un argument en faveur de nos idées dans la circonstance que non seulement la durée moyenne, mais aussi l’ini- précision de la période undécennale s'expliquent par des considérations géométriques élémentaires. En terminant l'exposé que l’on vient de lire, je tiens à exprimer ma reconnaissance à mon frère, M. Ch. Julius, ingénieur au Hävre, dont le concours m'a été particulièrement utile dans l'adaptation de mon étude à la l'evue générale des Sciences. W. H. Julius, Professeur à l'Université d'Utrecht, Membre de l'Académie des Sciences d'Amsterdam. 496 M. ASCOLI — LES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT LES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE D'APRÈS LES CONFÉRENCES DU MUSÉE PÉDAGOGIQUE Pour inaugurer les conférences et les discussions qu'il se propose d'inslituer sur diverses questions touchant à l'enseignement et à la pédagogie, M. Ch.-V. Langlois, directeur du Musée Pédago- gique, en a organisé celte année une première série sur l'enseignement des Sciences mathématiques el physiques. La question de l’enseignement scientifique pré- sente un intérêt tout particulier à la veille du jour où les programmes du 31 mai 1902 vont êlre mis en vigueur dans toute leur étendue; la caractéris- tique générale du nouveau plan d'éludes est, en effet, l’'augmentalion notable de la part faite aux sciences dans l’enseignement secondaire. Ce qui importe, d'ailleurs, dans la réforme, ce n'est pas lant les modifications apportées à la lettre des pro- grammes, que celles que l’on désire introduire dans l'esprit de l'enseignement : « En soi, dit M. Liard, les programmes, même les meilleurs, sont à peu près indifférents. Ils ne valent que comme indica- tion, limite, et direction. Ce qui vaut, c'est le maitre, et, dans le maitre, c'est la méthode ». Aussi est-ce surlout de questions de méthode qu'il s'est agi dans les six conférences suivantes, dont on se propose, dans cet article, de résumer les idées directrices” : 4. M. HExR1 Porxcaré, membre de l’Institut, professeur à l'Université de Paris : Les définitions géné- rales en Mathématiques. 19 . M. Lippmanx, membre de l'Institut, professeur à l'Uni- versité de Paris : Le but de l'enseignement des Sciences eXporimentales dans le cours normal de l'Enseignement secondaire. 3. M. Lucien Poixcaré, inspecteur général de l'Instruc- tion publique : Les méthodes d'enseignement des Sciences expérimentales. ES . M. LanGgvin, professeur suppléant au Collège de France : L'esprit de l'enseignement scienti- fique. 5. M. EMILE BoREzL, maitre de conférences 4 l'Ecole Nor- male Supérieure : Les exercices pratiques de Mathématiques dans l'Enseignement Secon- daire. ! I] convient de signaler que, si M. Langlois demande ces conférences à des personnes particulièrement compétentes, son but n'est nullement de créer une sorte de chaire magis- trale d’où tomberaient des paroles officielles, que devraient précieusement recueillir les professeurs de tous ordres, mais bien de provoquer, dans le monde de l'Université, des échanges de vues sur les problèmes de l'enseignement. 5. M. Marorte, docteur ès-sciences, professeur au Lycée Charlemagne : L'Enserguement des Sciences mathématiques et physiques dans l'enseigne- ment Secondaire en Allemagne; les dernières réformes. Ces conférences ont été précédées d'une allocu- tion de M. Liard, et suivies de discussions, prési- dées successivement par MM. Henri Poincaré, Ch.-V. Langlois, et Jules Tannery, et auxquelles ont pris part, outre les conférenciers, MM. Abraham, Adam, Bioche, Durand, Dybowski, Estanave, Grévy, Hadamard, Lemoine, Malapert, Massoulier, etc. I. — PROGRÈS A RÉALISER DANS L'ENSEIGNEMENT SCIENTIFIQUE. Ce que l’on s’est proposé en augmentant l'impor- tance des sciences dans l’enseignement secondaire, c'est de leur attribuer la large part qui doit leur revenir dans la formalion des esprits. Jusqu'ici, ce rôle était dévolu aux lettres, tandis que les sciences étaient surtout des matières d'examens, dénuées de: tout caractère éducateur. Il est bien entendu que le désir de voir les scien- ces parliciper activement à la culture générale n’en- traine pas l'abandon des disciplines liltéraires. « Les lettres sont et resteront, comme par le passé, des institutrices éprouvées qu'il serait impossible de suppléer dans leur domaine » {Liard). Mais suffi DR sent-elles? À quelqu'un qui lui demandait s'il était préférable de donner aux enfants une éducation littéraire ou une éducation scientifique, M. Laisant répondail : « Autant vaudrait se demander s'il est plus nécessaire à un homme de manger que de dormir, s’il est plus utile de le priver de nourriture en lui permettant le sommeil, ou de le priver de sommeil en lui permettant de s'alimenter ». Pour se rendre compte du résultat fourni par la faible instruction scientifique qui accompagnait jusqu'ici la culture littéraire, il faut étudier l'effet produit sur la masse du public; or, il suffit d'un examen bien superficiel pour s'apercevoir que ce publie n'a reliré aucun profit de l'enseignement scientifique qu'il a reçu. Cela ressort du succès des annonces à allure « scientifique (?!) que publient quotidiennement les. journaux ; on en à encore un exemple dans le cas, cité par M. H. Poincaré, du monsieur bien mis, M. ASCOLI — LES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT 497 . bachelier, connaissant, ou du moins ayant appris le principe d'égalité de l’action et de la réaction, et qui, cependant, s'arc-bouiant dans sa voiture, pousse de toutes ses forces sur l'avant, dans l’'es- poir d'en faciliter la marche! Quant aux esprits poussés par un goût particu- culier vers l'étude des sciences, ou plusexactement des Mathémaliques, car les autres sciences ne complaient guère jusqu'ici, il faut craindre pour eux qu'une culture scientifique mal dirigée les déforme au point de créer « ce logicien étroit, in- supportable raisonneur, triste produit des Écoles scientifiques, qui, ne voyant jamais qu'une face de toutes les questions, oubliant les contingences, ignorant que tout n’est pas souris à l'enchainement mathématique, veut, théoricien maladroit, réduire la vie en syllogismes et abonde en paradoxes qui ne sont pas même amusants parce qu'il a le tort d'y croire ». Il faut craindre aussi que l'habitude de ne rien négliger dans une démonstration rigoureuse ne produise un esprit irrésolu, ne trouvant jamais l'équilibre, « parce qu’en présence d’une résolution à prendre, il voit avec perspicacité toutes les rai- sons pour ou contre, mais qu'il les veut peser, comme ferait un chimiste dosant des réactifs, et qu'il n'y peut parvenir, parce que les raisons n'ont pas de commune mesure » (L. Poincaré). A tous ceux-là, qui ignorent, ou qui savent mal, ce qui est pire, l'enseignement scientifique n'a nullement profité. Ils ont eu pourtant des profes- seurs intelligents, quelquefois même éminents: pourquoi le résullat est-il si piteux? Il semble bien que cela tienne d’abord au carac- tère dogmatique de l’enseignement mathématique qu'ils ont recu; le professeur à pris grand soin d'étrerigoureux, de ne manier que l'abstraction, et inconsciemment s'est gardé de montrer à ses élèves les applications concrètes des théorèmes qu'il éta- blissait. « Il en résulte que beaucoup d'entre eux, n'apercevant aucune liaison entre les Mathéma- tiques et la réalité, s’imaginent qu'elles sont un monde impénétrable, accessible seulement à quel- ques intelligences spécialement construites, et ne font aucun effort pour y pénétrer; que ceux mêmes qui ont pu y pénétrer en viennent vite, à force de se mouvoir dans l’abstrait, sans rappels assez fré- quents aux réalités, à considérer les Mathématiques comme une convention, une logique et un jeu. Si l'on n'y prend garde, ce serait, à brève échéance, le formalisme, c'est-à-dire ce qu'il y a de moins éducateur au monde » (Liard). De plus, mème pour ce qui concerne les sciences expérimentales, on en a donné aux élèves un exposé déductif : « On énonçait d’abord la loi, comme on énonce un théorème ; puis on en donnait la démonstration, toujours comme s'il s'agissait d'un théorème. Le fait n'apparaissait qu'ensuite, quand il apparaissait, comme une illustration, el non comme la source de la loi » (Liard). Ainsi, même dans les sciences expérimentales, les élèves ne prenaient pas contact avec la réalité ; et, forcément, il en résultait dans leur esprit une séparation absolue entre ce que l’on étudie en classe, et ce que l'on rencontre dansla vie. M. Lipp- mann estime que ces cloisonnements, qui se pro- duisent dans la pensée de l'élève, non seulement entre le monde de la Science et celui de la réalité, mais encore entre les Mathématiques et la Physique, ou la Physique et la Chimie, contribuent pour la plus large part, par l’incohérence qu'ils provoquent dans l'esprit, à l’infériorité du niveau moyen. C'est l'unité de la Science qu'il faudrait faire comprendre aux élèves. Les conséquences de ces défauts, on les surprend au baccalauréat : Un candidat, sachant parfaite- ment son cours, et établissant incidemment une formule, ne songera pas à utiliser celle-ci pour résoudre une applicalion numérique; il ne conçoit pas que la formule de Physique puisse se trans- former, lorsqu'une des grandeurs qui y figurent est inconnue, en une équalion lelle qu'on en résout dans la classe de Mathématiques. Quant à résoudre une équalion dont l’inconnue ne s'appelle pas x, c'est une difficulté que peu d'élèves sont capables de surmonter. Un autre candidat lrouvera, à la suite d'une erreur de calcul, que, en ajoutant un certain poids de glace à de l'eau à 100°, on obtient une tempéra- ture finale de 425°, et cela ne le choquera pas; il écrira même volontiers, s'il a le lemps de para- cheverses calculs, que la température est 125°2437! Chose grave, il ne sait pas calculer; et, chose plus grave encore, il ne sait pas s'apercevoir de l’absur- dilé de son résultat, car il n'a pas le sens de la réalité. L'élève est, d’ailleurs, comme l'a indiqué M. Bo- rel, fortindulgent pour ses propres fautes de caleul : s'il a trouvé qu'une locomotive fait 8.000 kilomèlres, ou encore 800 mètres à l'heure, alors qu'il aurait dû trouver 80 kilomètres, il estime que son pro- blème est assez bon, car il ne contient qu'une erreur de virgule! Il est évident qu'il importe de remédier à un semblable état de choses, et c'est le but de la récente réforme de l’enseignement secondaire. Les conférences dont nous nous occupons ont cher- ché à mettre au jour les moyens d'atteindre ce but. A la séance d'ouverture de ces conférences, qui sont placées sous son patronage, le Vice-Recteur de l’Académie de Paris, M. Liard, a sommairement CRETE + 198 M. ASCOLI — LES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT exposé dans quel esprit devait être concu, selon lui, l’enseignement des sciences : « Dans l’enseignement secondaire, les études scientifiques doivent, comme les autres, contribuer à la formation de l'homme. Elles sont donc, elles aussi, à leur facon, des « humanités », au sens large du mot, les « humanités scientifiques », comme n'a pas hésité à les appeler un des plus fervents partisans de la culture classique. Leur office propre est de travailler, avec les moyens les mieux adaptés, à la culture de tout ce qui, dans l'esprit, sert à découvrir et à comprendre la vé- rité positive, observation, comparaison, classifi- cation, expérience, induction, déduction, analogie: d'éveiller et de développer ce sens des réalités et des possibles qui n'importe pas moins que l'esprit d'idéal; enfin, et par là elles deviennent d'une facon latente, mais efficace, des maïtresses de philosophie, d'habituer les intelligences à ne pas penser par fragments, mais à comprendre que tout fragment n’est qu'une partie d’un tout. Elles ont bien ainsi ce caractère général, où l'on est convenu de voir le propre des disciplines de l’enseignement secondaire. » « Pour bien remplir cel office, il est évident que l’enseignement des sciences doit surtout faire appel aux facultés actives des esprits, à celles-là mêmes par lesquelles se fait la construction des sciences. La mémoire y joue sans doute un rôle, mais non le principal. Ce qu'il s’agit de former, c'est la vision exacte des choses, le discernement du réel et de l'irréel, du vrai et du faux, le senti- ment de la certitude et la justesse du raisonne- ment. Par suite, rien de plus contraire au véritable enseignement scientifique que de verser dans des esprits passifs, soit par le livre, soit même par la parole, malgré la supériorité de ce mode de trans- mission, une masse d'absiractions et de faits à apprendre par cœur. C'est promptement le verba- lisme, c'est-à-dire un fléau. Ce qu'il faut, au con- traire, c’est susciter la spontanéité de l'élève, mettre en jeu ses activités mentales, provoquer son effort personnel, en un mot, le rendre capable d'agir. La vieille formule du philosophe est tou- jours vraie : « savoir, c'est faire ». Iei, comme ail- leurs, le vrai profit n’est pas ce que l'élève peut reproduire, mais ce qu'il peut produire. » Et, conséquence inévitable de cette opinion, les six conférenciers se sont rencontrés pour demander que l’on fit, dans l’enseignement des sciences, une part de plus en plus large à l'expérience et à l’in- duction, que l'on monträt aux élèves comment la science se fait, et non une science toute faite. Pour bien faire comprendre à l'élève la marche que suit l'esprit humain dans la recherche de la vérité, il faut le faire travailler lui-même , il faut, dit M. Lippmann, lui faire faire de la recherche, en entendant par là qu'il faut obtenir de lui un effort personnel, qu'il faut lui faire faire un ap- prentissage de l'initiative intellectuelle. Le profes- seur devra se garder de surcharger la mémoire de l'élève, mais il se proposera de le mettre en état de résoudre lui-même une application simple des notions élémentaires enseignées. Pour atteindre ce but, les sciences mathématiques et physiques sont des auxiliaires particulièrement désignés, non que les vérités qu'elles enseignent aient une valeur éducatrice particulière, mais parce que ces sciences ne nécessitent que des matériaux simples, et parce que leurs procédés sont à la portée des élèves. IT. — SCIENCES MATHÉMATIQUES. D'où vient cette opinion erronée, si fréquemment exprimée, que, pour comprendre les Mathéma- tiques, il faut une organisation spéciale? « Com- ment se fait-il, se demande M. H. Poincaré, qu'il y ait tant d'esprits qui se refusent à comprendre les Mathématiques? N'y a-t-il pas là quelque chose de paradoxal? Qu'ils soient incapables d'inventer, passe encore, mais qu'ils ne comprennent pas les démonstrations qu'on leur expose, qu'ils restent aveugles quand nous leur présentons une lumière qui nous semble briller d'un pur éelat, c'est ce qui est tout à fait prodigieux. » L’explication ne serait- elle pas que l'on présente aux gens la lumière elle- même, qui les aveugle, et non les objets qu'elle éclaire; en d’autres termes, ce résultat prodigieux et paradoxal ne tient-il pas à la forme abstraite de l'enseignement mathématique? « D'une façon générale, dit M. Liard, l'enfant comprend mal les définitions et les formules abstraites. Ce qui, sauf exception, lui est directe- ment accessible, c'est le concret. Aussi le plus grand service à lui rendre, n'est-il pas de le jeter de prime saut dans l’abstrail, mais de diriger son travail et son effort de telle facon qu'il y entre de lui-même. Quand les cas individuels sur la compa- raison desquels son attention aura été appelée seront assez nombreux, d'elles-mêmes les abstrac- tions germeront, écloront, et ce seront alors des. idées qui adhèrent, non des mots qui effleurent. » Ce thème a été repris par M. Henri Poincaré, à propos des définitions en Mathématiques. Il serait vain, d’après lui, de vouloir faire retenir aux élèves des définitions correctes, irréprochables au point de vue de la logique et de la rigueur, satisfaisantes pour un mathématicien qui comprend la nécessité de toutes les restrictions, mais parfaitement dénuées de sens pour l'enfant qui n'y voit que de froids assemblages de mots, dont la complication ne lui est pas expliquée. Le professeur aura beau Be ; M. ASCOLI — LES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT ES © 9 Justilier après coup sa définition, en l’expliquant, la commentant, la précisant à l’aide d'exemples, elle ne pénétrera pas dans l'esprit de l'élève aussi bien que si le maitre avait commencé par faire appel à l'intuition de l'enfant, avait préparé sa définition par des exemples, au point qu’elle s’im- posàt à l'esprit comme nécessaire. M. H. Poincaré estime que l'intuition est une des facultés de l'esprit qu'il appartient à l’enseigne- ment mathématique de développer; « c’est par elle que le monde mathématique reste en contact avec le monde réel; c'est à elle qu'il faut demander la vue d'ensemble que la logique pure ne peut nous donner. » Et il compare le logicien qui s’abstien- drait de faire appel à l'intuition, à un naturaliste qui n'aurait jamais étudié l'éléphant qu'au micros- cope; croirail-il connaître suffisamment cet ani- mal? Cet appel à l'intuilion conduira quelquefois à ne présenter d'abord que des idées très simples; on introduira ensuite, et seulement au fur et à mesure qu'elles deviendront nécessaires, les complications: on sera peut-être ainsi amené à modifier plusieurs fois la définition intuitive, mais cette méthode de retouches successives présentera l'immense avan- lage d'être conforme à celle qui a été suivie dans l'élaboration de la science. Elle sera singulière- ment plus éducative qu'une exposition dogma- tique de l'élat actuel de cette science. Mais il reste bien entendu « qu'une bonne et solide logique doit continuer à faire le fond de l’enseignement mathématique. La définition par l'exemple est toujours nécessaire, mais elle doit préparer la définition logique, elle ne doit pas la remplacer; elle doit tout au moins la faire désirer, dans les cas où la véritable définition logique ne peut être donnée utilement que dans l’ensei- gnement supérieur. » Passant en revue les principales sciences mathé- matiques, M. H. Poincaré a alors montré par quel- ques exemples comment ces principes généraux peuvent être appliqués : En Arithmétique, il sera facile de loujours faire précéder les définitions d'exemples nombreux, afin que l'élève comprenne le principe des opéra- tions avant que celles-ci soient définies; la notion des nombres négatifs sera introduite par des exemples concrets (segments, températures,.…..). Pour ce qui est de la Géométrie, il faudra, dans l'enseignement, donner les bases de cette science comme expérimentales: « Peut-on définir la ligne droite ? La définition connue, le plus court chemin d'un point à un autre, ne me satisfait guère. Je parlirais tout simplement de la règle et je mon- trerais d'abord à l'élève comment on peut vérifier une règle par retournement; cette vérification est la vraie définition de la ligne droile; la ligne droite est un axe de rotation. On lui montrerait ensuite à vérifier la règle par glissement et on aurait une des propriétés les plus importantes de la ligne droite. Quant à cette autre propriété d'être le plus court chemin d’un point à un autre, c'est un théorème qui peut être démontré apodictiquement ; mais la démonstration est trop délicate pour pouvoir trouver place dans l’enseignement secondaire. Il vaudra mieux montrer qu'une règle préalablement vérifiée s'applique sur un fil tendu. Il ne faut pas redouter, en présence de difficultés analogues, de multiplier les axiomes, en les justifiant par des expériences grossières. Ces axiomes, il faut bien en admettre, et si l’on en admet un peu plus qu'il n’est stric- tement nécessaire, le mal n’est pas bien grand; l'essentiel est d'apprendre à raisonner juste sur les axiomes une fois admis. » De la même manière, c’est le compas qui con- duira à définir la circonférence; la planche à dessin, sur laquelle une règle est mobile en con- servant äeux degrés de liberté, permettra de pré- parer la définition du plan. Le pantographe sera un excellentexemple de transformation homothétique. « Peut-être vous étonnerez-vous de cet incessant emploi d'instruments mobiles; ce n'est pas là un grossier arlifice, et c'est beaucoup plus philoso- phique qu'on ne le croit d’abord. Qu'est-ce que la Géométrie pour la Philosophie? C'est l'étude d’un groupe, et de quel groupe? de celui des mouve- ments des corps solides. Comment alors définir ce groupe sans faire mouvoir quelques corps solides? » « Devons-nous conserver la définition classique des parallèles et dire qu'on appelle ainsi deux droites qui, situées dans le même plan, ne se ren- contrent pas quelque loin qu'on les prolonge? Non, parce que cetle définition est négalive, parce qu'elle est invérifiable par l'expérience et ne saurait en conséquence être regardée comme une donnée immédiate de l'intuition. Non, surtout, parce qu'elle est totalement étrangère à la notion de groupe, à la considération du mouvement des corps solides qui est, comme je l’ai dit, la véritable source de la Géo- métrie. Ne vaudrail-il pas mieux définir d'abord la translalion rectiligne d’une figure invariable, comme un mouvement où tous les points de cette figure ont des trajectoires rectilignes; montrer qu'une semblable translation est possible, en fai- sant glisser une équerre sur une règle. De cette constatation expérimentale érigée en axiome, il serait aisé de faire sortir la notion de parallèle et le postulatum d'Euclide lui-même. » Enfin, lorsque l'intuition peut suppléer à une dé- finition, il est préférable de supprimer celle-ci, plutôt que de la donner contournée, laborieuse, voir illogique. Il n'y aura pas lieu, par exemple, de 500 M. ASCOLI — LES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT ou le volume; «les enfants que c'est, et ne réclament définir la surface croient rien ». En Analyse, les notions de tangente et de vitesse prépareront la définition classique de la dérivée ; l'intégrale sera définie comme une surface : « l'élève croit savoir ce que c’est qu'une surface, et il ne comprendra qu'il ne le sait pas que quand il saura très bien le calcul intégral; ce n’est donc pas au moment où il aborde ce calcul qu'il peut y avoir intérêt à le lui dire ». En Mécanique, les expériences seront nom- breuses, afin que les élèves n'aient pas l'impression que « les forces sont des flèches avec lesquelles on fait des parallélogrammes! » Si l'intuilion et l'expérience doivent jouer un rôle important à la base de l'enseignement mathé- matique, cela ne veut pas dire, on ne saurait trop le répéter, qu'il faille négliger de montrer aux élèves l'intérêt que présente un bel enchainement logique de propositions, tel qu'en contient la Géo- métrie d'Euclide ; ce serait ne pas profiler d’une très belle occasion de leur apprendre à raisonner juste; mais ce dont il faut se garder, c’est d’effa- roucher les jeunes esprits par une trop grande ri- gueur, qui n'est ulile que pour qui en comprend la nécessité. Et, justement, M. Hadamard souhaite que, au moment où il est obligé d'introduire de la rigueur dans son enseignement, le professeur fasseéprouver aux élèves eux-mêmes ce besoin de rigueur, qu'il leur montre, sur des exemples, que l'évidence intuitive et l'expérience ne suffisent pas toujours pour arriver à des résultats exacts, et que la certi- tude ne peut èlre acquise que lorsque l'intuition aura été passée au crible du raisonnement mathé- matique. Il ÿ aurait évidemment intérêt à orga- niser deux enseignements successifs de la Géomé- trie : le premier, intuitif et expérimental, où l'on passerait rapidement en revue tout le cours de la Géométrie, et dont l'esprit général serait, par exemple, celui des Æléments de Géométrie de Clairaut; le second, qui reprendrait avec rigueur les mêmes questions, ou, du moins, qui ne manque- rait pas de signaler aux élèves les cas où l'on est obligé de se contenter de raisonnements non rigoureux. Si l'on consentait à apporter aux pro- grammes les modifications demandées dans ce but par M. Grévy, il serait. facile de faire le premier enseignement dans le premier cycle (classes de 5°, 4, 3°), et le second dans le second cycle (classes de2*et1""). Cette organisationest, d’ailleurs, adoptée avec succès en Autriche. Je n'insisterai pas sur la conférence de M. Borel, que les lecteurs de cette Revue ont pu lire zn extenso. Tous les professeurs s'accordent à déplorer que les savoir ce élèves ne sachent pas calculer, et n'aient pas le sens des réalités. M. Durand pense que, s'ils ne savent pas cal- culer, cela tient à ce que c'est dans des classes d'une heure, à raison de deux ou de trois par semaine, qu'on enseigne le calcul en septième et sixième. Or, il est impossible d'exiger que l'atten- tion des enfants se soutienne, dans une classe de calcul, pendant une heure, et l’on peut se demander si le très ancien système} qui consistait à confier l’enseignement du calcul au professeur de lettres qui y consacrait, chaque jour, dix minutes ou un quart d'heure, ne donnait pas de meilleurs résul- tats. En exigeant des élèves de nombreuses appli- cations numériques, et en attachant, dans la cor- rection des problèmes, une importance égale aux fautes de calcul et aux fautes de raisonnement, il est possible d'obtenir que les élèves fassent plus de cas des résultals concrets. Quant au dessin géométrique, chacun souhaite que cet enseignement soit sinon donné, du moins dirigé par le professeur de Géométrie. Il est, en effet, inadmissible que les élèves fassent, au cours de dessin, des conslruclions relatives à une partie de la Géométrie non traitée en classe, (andis que le professeur de Mathématiques est obligé de se passer du concours précieux qu'apporteraient à son enseignement des exercices pratiques convena- blement réglés. III. — SCIENCES PHYSIQUES. La part que peuvent prendre les Sciences expé- mentales à la formation des esprils est au moins aussi grande que celle des Sciences mathémali- ques. Ce sont elles qui peuvent donner aux élèves ce sens de la réalité si souvent absent; elles sont, de plus, un admirable stimulant de l'initiative, alors que la vigueur et la rectitude de l'esprit seront plutôt conséquences de l'éducation mathématique. « C'est des sciences expérimentales, dit M. Liard, que viennent deux notions essentielles, deux habi- tudes d'esprit, qui sont des forces : la notion de la vérité positive, c'est-à-dire du fait expérimentale- ment constalé, et avec elle l'habitude de tenir le fait pour un fait qui s'impose et qu'on ne peut mai- triser ou modifier que par d'autres faits; la notion plus générale de la loi naturelle, c'est-à-dire dela relation des faits individuels entre eux, et avec elle l'habitude de tenir la vérilé objective pour indépendante de nos désirs et de nos volontés. » Et M. Lucien Poincaré ajoute : « La méthode expérimentale bien comprise ne développera pas seulement l'esprit d'examen et le sens critique en apprenant comment on doit interroger la Nature et la contraindre à répondre; elle sera encore une qu hé De oi de saisies M. ASCOLI — LES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT 501 école d'imagination réglée, car elle doit enseigner à manier l'induction scientifique, et, par conséquent, à construire une hypothèse; l'hypothèse est un moment nécessaire de celte méthode. » L'ancien exposé déductif que l'on adoptait pour ces sciences inductives était incapable de déve- lopper chez les élèves ces qualités de l'esprit : en faisant suivre un énoncé simple, comme celui de la loi de Mariolte, vérifié par une expérience assez simple elle-même, de restrictions sur l'exactitude de cet énoncé, on ne pouvait faire naître dans l'es- prit de l'enfant la notion de la vérité expérimen- tale et de la certitude scientifique. L'importance des lois physiques, qui semblaient des énoncés a priori, au lieu d'être imposées par les faits, dis- paraissait entièrement, tandis que le rôle de l'ex- périence, réduite à une simple vérification, était complètement dénaturé. De plus, les élèves en arrivaient à croire tel dis- positif plus ou moins compliqué indispensable à la vérification de telle ou telle loi; et l'appareil, que l’on avait décrit avec un grand luxe de détails, ne tardail pas à occuper dans leur mémoire la place qui aurait dû être réservée à la loi elle-même. Le moyen de rendre à l'étude des Sciences phy- siques sa valeur éducatrice, c'est de forcer l'élève à employer la méthode même par laquelle progresse la science. Grâce au guide qu'est le professeur, le chemin suivi le sera rapidement, nombre d'obstacles en seront écartés; mais l'élève, ayant constaté lui- même des faits, grâce à des observations et des expériences nombreuses faites autant que possible à l’aide des objets qui l'entourent, ayant découvert, sous la suggestion du professeur, la loi qui les unit, ayant imaginé, toujours grâce à la même sugges- tion, des expériences de contrôle, aura cette fois acquis la notion de la certitude scientifique. De plus, cette méthode accroît beaucoup l'intérêt que l'élève prend à la classe, ou, pour mieux dire, elle remplace l'ennui et l'inerlie d'autrefois par une curiosité constamment éveillée. Cette notion de la vérité expérimentale, l'enfant la retirera encore mieux, peut-être, de l'expérience qu'il aura faite lui-même, si on lui en fait bien ressortir l'intérêt, si l'on parvient à ce qu'il y voie autre chose qu'un jeu. Quoique, dans cette organi- salion de manipulations, des considérations budgé- taires interviennent, il faut bien dire que, le plus souvent, point n'est besoin d’un matériel compliqué et dispendieux. M. L. Poincaré, qui a beaucoup insisté sur ce point, estime que la transformation du travail mécanique en chaleur est établie aussi nettement, et de manière plus profitable pour l'élève, par l'inflammalion d’une allumetle par frottement qu'avec le coûteux appareil de Tyndall. Dans cet ordre d'idées, le Æecueil d'expériences élémentures, publié par M. Abraham, fournit un grand nombre de dispositifs permettant de monter à peu de frais des expériences que l’on peut faire complètes, ce qui est nécessaire pour qu’elles soient fructueuses. Il importe, en effet, de faire comprendre aux élèves que la véritable expérience est quantita- tive : « Si vous pouvez mesurer ce dont vous parlez et l'exprimer en nombres, dit lord Kelvin, vous savez quelque chose de votre sujet; mais si vous ne pouvez pas le mesurer, si vous ne pouvez pas l'exprimer en nombres, vos connaissances sont d'une pauvre espèce et bien peu satisfaisantes. » La méthode induclive, semblable à celle qui a fait progresser la science, doit-elle être exclusive- mentemployée dans l’enseignement? M.L. Poincaré ne le pense pas, et il déclare que « lorsqu'une induction, même un peu plus rapide que ne l'exige- rait peut-être la rigueur, aura amené à comprendre l’une de ces grandes coordinations qui, comme le principe de la conservation de l'énergie, comman- dent aujourd'hui les sciences expérimentales, il ne faudra pas craindre de prendre ce principe comme nouveau point de départ et d'y rattacher systéma- tiquement les faits que l’on rencontrera dans les chapitres ultérieurs ». Les méthodes qu'il convient d'adopter dans l’en- seignement des Sciences physiques étant ainsi fixées, quels sont les sujets sur lesquels il convien- dra de les appliquer? M. L. Poincaré estime que, pour déterminer ce qu'il convient d'enseigner, il ne faut pas craindre de se demander : « Y a--il utilité pour les élèves à savoir ce fait? » On arrivera à un enseignement utilitaire. Pourquoi non? « Il n'y a pas d'erreur plus funeste que de dédaigner les applications usuelles. » M. J. Tannery écrivait récemment : « Le désintéressement est une belle chose; mais vraiment,en quoi manque-t-on de désintéres- sement quand on s'efforce d’être utile aux autres? Avoir honte de l'utilité, quelle sottise ! Ce qui est utile, c'est ce qui répond aux besoins de l’homme, ce qui permet de les satisfaire; l'utilité d’un ensei- gnement est en quelque sorle la mesure de son humanité. » Rendre l’enseignement pratique, pro- fiter de toutes les occasions de montrer dans la vie courante les applications des lois ou des prin- cipes enseignés, c'est le moyen d’intéresser les élèves, et de leur faire comprendre le but de la science. M. L. Poincaré recommande cependant de ne pas tout sacrifier à l'actuel; « méfions-nous, dit-il, des nouveautés si fugaces et si changeantes; la science connaît, elle aussi, les caprices de la mode. Dans l'enseignement élémentaire, on doit s'occuper de la science faite, et non de celle qui s'élabore; l'enfant doit apprendre ce qu'il a intérêt à retenir lorsqu'il sera devenu homme; il estinutile 502 M. ASCOLI — LES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT de charger sa mémoire de théories éphémères qui auront disparu lorsqu'il entrera dans la vie active. Il existe assez de faits solidement et définitivement établis pour que l’on n'aille pas chercher autre part les matières que l'on doit inscrire dans les programmes. » Et nous touchons ici à la question, traitée par M. Langevin, de la part qu'il convient de réserver, dans l’enseignement secondaire, à l'exposé des théories qui, encore que provisoires, sont en somme le but de toute science, et dont M. L. Poin- caré a, d'autre part, nous l'avons vu plus haut, signalé le caractère éducateur. Il faut remarquer que les programmes de 1902 font passer trois fois consécutives sous les yeux des élèves les divers chapitres de la Physique et de la Chimie. Et il semble bien que l'esprit doive être assez différent, qui présidera à l’une ou à l'autre de ces révisions. Dans le premier cycle, l'enseignement sera purement expérimental, la part de l'intuition y sera grande; il faudra, semble-t-il, s'estimer très heureux si l'on a éveillé la curiosité des élèves, si on leur a appris à voir ce qui se passe autour d'eux, et à se rendre compte de l'ordre de grandeur des phénomènes. En seconde et première (C ou D), on peut espé- rer faire comprendre aux élèvesles grandes lois de la Nature et l'importance qu'elles ont dans la pra- tique. Enfin, dans la classe de Mathématiques, le profes- seur, ayant affaire à des élèves ayant déjà vu et compris ces lois (compris paree qu'ils auront appris à les appliquer), pourra peut-être faire un enseigne- ment plus élevé, sans qu'il soit beaucoup plus détaillé, et M. Langevin souhaite qu'on y fasse une assez large part aux théories. Il estime qu'il y aurait avantage à montrer aux élèves comment l'expérience conduit à élever ces constructions, dont on sait qu'ellessont provisoires et destinées à subir des remaniements nombreux, mais qui donnent à la science le véritable caractère de vie qu'elle doit avoir, et non pas cet aspect de science définitive et morte que lui donne l'exposé dogmatique. M. Langevin critique la manière dont la Méca- nique rationnelle a été, jusqu'ici, présentée dans l’enseignement secondaire; au fond, cette science n'est qu'une synthèse qui est conforme aux faits dans certaines limites d'expériences, et il convien- drait de lui conserver ce caractère. Un exposé de la Mécanique basé sur l'expérience, avec emploi de la méthode des retouches successives, tel que le cou- coit M. Borel, donnerait évidemment moins de prise à la critique que l'exposé dogmatique habituel. Mais, en outre, M. Langevin pense que la Méca- nique rationnelle jouit, parmi les synthèses, d'une place trop privilégiée, et il estime qu'il y aurait intérêt à faire à côté d’elle une place à la théorie atomistique, reposant sur les bases solides que sont le principe de l'équivalence et le principe de Carnot, principes « qui paraissent devoir définitivement rester à la base de notre représentation du monde extérieur ». Il est remarquable que, dans l'enseignement, on n'hésite pas à introduire les idées atomistiques en Chimie, ou même en Électricité, où les lois des combinaisons, et la loi de l’électrolyse de Faraday, imposent la notion de la discontinuité de la matière et de l'électricité, alors que, par un de ces phéno- mènes de cloisonnement dont M. Lippmann a fait le procès, on répugne à les introduire dans l'étude des gaz. Pourtant, les expériences récentes sur les gaz conducteurs constituent une base solide pour l'hypothèse atomistique; M. Langevin déclare même qu'elles « font passer les atomes du rang des hypothèses à celui des principes ». Et il conclut : « Après avoir exposé les faits et les lois en suivant autant que possible la méthode expérimentale et inductive, je crois qu'il ne faut pas hésiter à en faire l'union par une synthèse actuelle et vivante. » Il est certain, comme l’a fait remarquer M. Mas- soulier, que, lorsqu'on aura affaire à des élèves ayant déjà fait connaissance sérieusement, au moins une fois, avec les principaux faits de la Physique et de la Chimie, on pourra vraiment les inléresser en leur montrant comment ces faits, quelque peu épars, peuvent être coordonnés par une théorie, dont on ne manquera pas, d’ailleurs, de signaler le caractère dubilatif et provisoire. IV. — L'ENSEIGNEMENT SCIENTIFIQUE EN ALLEMAGNE. Les conseils donnés par les précédents confé- renciers sont-ils facilement applicables dansla pra- tique? M. Marotte, qui a rapporté d’un voyage d'études en Allemagne de précieux renseignements sur l'organisation de l’enseignement secondaire de ce pays, a répondu par l'affirmative à cette question en exposant dans sa conférence ce qui, parmi ce qu'il a vu, lui a paru le mieux répondre aux ten- dances françaises actuelles. En particulier, la méthode de redécouverte, ou so- cratique, ou encore heuristique, comme on l'appelle en Allemagne, y est appliquée par la plupart des professeurs, au moins lorsqu'il s’agit d'initier des enfants à la Science. « Chez nous, dit M. Marotte, le professeur expose presque constamment, tandis que l’élève reste passif. En Allemagne, le profes- seur est un guide, et l'élève est actif. Toute la classe se passe en interrogations fractionnées, très courtes, passant rapidement d'un élève à un autre, pour les maintenir tous attentifs. Ces interrogations sont M. ASCOLI — LES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT _ dirigées par le maitre de façon, ou bien à faire découvrir parles élèves la propriété mathématique, - ou bien à leur faire dégager de l'expérience faile sous leurs yeux la loi physique à établir. Les ques- + Lions posées sont, comme il convient, extrêmement . simples. Il faut que l'élève moyen puisse y répon- . dre sans trop longue réflexion. » - La classe ainsi conçue permet de montrer aux - élèves le mécanisme de la recherche scientifique, etrépond en cela aux desiderata exprimés plus haut. M. Marotte reconnait, en outre, parmi les avantages de cette méthode, celui de forcer l'attention des élèves, en donnant de l’animation à la lecon, et leur faisant jouer un rôle actif. De plus, on est sûr de ne pas dépasser le niveau moyen de la classe, puisque ce sont les élèves eux-mêmes qui règlent la marche de l’enseignement, de sorte que celui-ci s'adresse davantage à la masse, et risque moins de former une élite au détriment de la moyenne. Nous verrons plus loin les objections qui ont été faites à cette méthode; signalons dès à présent qu'elle ne doit pas être exclusive, et qu'en Allemagne même, dans les classes supérieures, on estime utile d’em- ployer la méthode d'exposition. Ce qui caractérise encore l’enseignement alle- mand actuel, ce sont ses tendances utilitaires. Elles résultent surtout de la propagande active faite par la Société des Ingénieurs allemands, et se mani- festent, dans les programmes de 1901, par la recommandation, faite aux professeurs de Mathé- matiques, de choisir des exercices « montrant l'application de leur enseignement à d'autres domaines, soit de la vie ordinaire, soit surtout des Sciences physiques ». V. — OBJECTIONS. Nous avons dit que les conférences en question ont été suivies, à huit jours d'intervalle, de discus- sions. Nous estimerions avoir rempli incomplèle- ment notre tâche, si nous ne résumions ici les principales observations formulées, au cours de ces discussions, par des professeurs dont l'expérience et le talent indiscutables rendent l'opinion pré- cieuse à connaitre. S 1. — Expériences et manipulations. M. Lucien Poincaré a beaucoup insisté sur l'in- térêt qu'il y a à rendre l’enseignement aussi expé- rimental que possible. M. Abraham, qui à fait l'effort que l’on sait pour fournir au corps ensei- gnant le moyen d'organiser à peu de frais des expériences et des manipulations instructives, à exposé cependant, avec une grande énergie, les nombreuses difficultés auxquelles se heurte le pro- fesseur; presque toutes, ces difficullés se ramènent 503 à une : le manque d'argent; les autres sont des difficultés d'organisation, auxquelles il est peut- être plus facile de remédier rapidement. En particulier, l'enseignement expérimental est à peu près impralicable avec des classes d'une heure, dans lesquelles il faut, non seulement faire un cours, mais interroger les élèves et corriger des devoirs, sans compter que, dans une même salle, se succèdent, sans intervalle, deux ou trois classes d'une heure, ce qui rend impossible le montage des expériences de la deuxième et de la troisième. La circulaire ministérielle du 19 juillet 1902 pré- voit que les classes de Physique et Chimie devront peut-être, dès le premier cycle, durer une heure et demie ou deux heures. Il est indispensable, chacun le reconnait, d'user de cette licence. En somme, il ne s’agit pas d'objections de prin- cipe, et à condition : 1° que les Pouvoirs publics comprennent que la réforme universitaire entraine une réforme budgétaire; 2 que l'Administration laisse au professeur une large iniliative pour l'or- ganisation de ses leçons et de ses manipulations, on ne voit rien qui soit en contradiction avec les conseils donnés par les conférenciers. $ 2. — Méthode heuristique. La méthode socratique présente de très grands avantages au point de vue de la culture scientifique que l'on se propose de donner aux esprits; et son application fournira, c'est bien vraisemblable, d’ex- cellents résultats dans des classes peu nombreuses comme il y en a dans les collèges et lycées de pro- vince. Mais certains professeurs se demandent si, dans des classes de trente, ou quarante, ou cin- quante élèves, comme il y en a dans certains grands lycées de province el à Paris, cette méthode sera aussi fructueuse ; et si la légèreté d'esprit, la ten- dance à l'indiscipline des écoliers français ne rendront pas singulièrement plus difficile que celle de son collègue allemand la tâche du professeur qui, en France, voudra appliquer la méthode heu- ristique, telle que la décrit M. Marotte. Celui-ci a, d'ailleurs, signalé que cette méthode entraine nécessairement une marche en beaucoup moins rapide; cela est peut-être plus un avantage qu'un inconvénient, si l'on se dit, avec M. Lippmann, que « il n'y a d'acquis que ce qui est définitivement acquis », et que « il ne faut enseigner que ce qui ne s’oublie pas ». Mais alors on se heurte aux programmes, qui sont détaillés, et que le pro- fesseur a le devoir de parcourir d'un bout à l'autre. avant $ 3. — Programmes. Contre ces programmes énumératifs, ces pro- grammes-tables de matières, comme il les appelle, M. Lippmann s'est élevé avec beaucoup de véhé- 50% M. ASCOLI — LES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT mence. Il se demande si l'on désire que les élèves puissent mériter la note « Passable » sur tout un programme, Ou la note « Très Bien » sur quelques sujets, et, déplorant la médiocrité, il préfère sans hésilation la deuxième solution. Mais, pour dé- charger les classes de la médiocrité, il faudrait, par des examens de passage fréquents, éliminer les élèves au fur et à mesure qu'ils se montrent incapables de suivre, et qu'ils ne font plus qu'alourdir la marche de l'enseignement. Sans insister sur ce point, ce qui nous ferait sortir du sujet limité de ces conférences, nous voulons indiquer maintenant un autre reproche qui fut fait aux programmes scientifiques actuels, parce qu'il a provoqué une discussion d'où res- sortit nettement l'importance qu'il y a à ce que le professeur soit libre d'organiser à sa guise son enseignement. Pour M. Lemoine, les programmes actuels, qui sont parfaitement ordonnés, et témoignent de beau- coup de logique, sont trop précis; la minutie avec laquelle ils sont détaillés les rend difficilement applicables par n'importe quel professeur qui pourrait, avec aulant de logique, concevoir un enchaînement tout différent. Aussi M. Lemoine craint-il, et M. Malapert avec lui, que, lorsque tous les professeurs auront bien compris, se seront bien assimilé l'orientation de ces programmes, leurs cours se ressemblent tellement que le même jour, à la même heure, tous les professeurs de France traiteraient de la même manière le même sujet! Ce résultat n'est certainement pas celui qu'ont rèvé les hommes qui ont réorganisé l’enseignement scientifique. Alors, comment éviter cet écueil? Le moyen a été formulé de la manière la plus nette par MM. H. Poincaré, L. Poincaré et J. Tannery : « On demande aux professeurs d'être intelligents, a déclaré M. Tannery, donc il faut qu'ils soient libres ». « Vous avez absolument le droit, a dit M. L. Poincaré, d'organiser votre enseignement comme vous le voulez, en restant dans le cadre du programme. » Et il avait prononcé, au cours de sa conférence, les paroles suivantes : « Il serait bien désirable que nos programmes de Physique et Chimie ne fussent jamais un cadre rigide, une bar- rière infranchissable établie lout le long de la route à suivre. Dans les Sciences physiques, il n’est pas, comme dans les Mathématiques, un ordre logique à peu près unique qui s'impose; on y envisage trop de notions compliquées, presque indépendantes les unes des autres, pour qu'un enchainement, quel qu’il soit, ne présente pas un caractère fort arbitraire; il y a donc place pour les initiatives personnelles, et, suivant les besoins particuliers des elèves, suivant aussi leurs goûts, leurs réflexions, leurs aptitudes spéciales, les maitres pourront, avec grand profit, varier la règle qu'ils doivent adopter pour ordonner leur enseignement”. » Une des voies dans lesquelles l'initiative du pro- fesseur pourra le plus utilement s'exercer, c’est dans la partie en quelque sorte locale de son ensei- gnement. Il n'est pas douteux que, dans le dépar- : tement du Nord, au voisinage des districts miniers, le professeur ne donnera pas les mêmes exemples de transformations d'énergie que dans l'Isère, au pied des Alpes, là où l’on exploite la houille | blanche. Et, dans l’enseignement concret tel qu'il a été préconisé, dans l'effort fait pour relier son cours | à ce que l'élève voit journellement autour de lui, le professeur ne pourra que gagner à lirer profit de tout ce qui l'entoure, des industries locales, des installations usinières, qui feront comprendre aux élèves qu'il existe une Mécanique appliquée, que, en Physique, il y a autre chose que quelques appareils et de nombreuses formules, et que la Chimie se fait ailleurs que dans des tubes à essais. NI. — CONCLUSIONS: En résumé, quelles sont les conclusions qu'il convient de tirer de cet ensemble de conférences et de discussions? Si l’on veut faire de l'enseignement scientifique un véritable instrument de culture générale, il importe de placer à sa base l'expérience. Il faut - apprendre aux élèves à observer d'abord, à tirer parti de leurs observations ensuite, afin de faire pénétrer en leurs esprits la belle parole de M. H. Poincaré : « L'expérience est la source unique de la vérité : elle seule peut nous apprendre quelque chose de nouveau ; elle seule peut nous donner la certitude ». Il faut s'attacher à éviter l'exposition dogma- tique, et montrer la Science telle qu'elle est, en possession de quelques certitudes, en acquérant de nouvelles chaque jour, et cherchant cependant à en acquérir toujours davantage. Tout cela est-il entièrement nouveau? Certes non, et MM. H. et L. Poincaré l'ont bien nettement. exprimé, au cours de leurs conférences respectives, en rendant hommage au corps enseignant. Comme toujours, l'apparente révolution qui se produit dans M l'enseignement n'est que la mise au point d'une évolution lente qui s'effectuait depuis de longues M années. Et si la jeune Université trouve aussi natu- à 4 La même idée, encore que timidement exprimée, figure \ cependant dans le plan d'études. Voici, en effet, la Note qui accompagne le programme de Physique de la classe de Pre- mière C : « Dans l'étude de l'électricité, comme dans les autres parties du programme, le professeur pourra suivre un ordre différent de l'ordre indiqué, et commencer, par exemple, par l'étude du courant. » La conclusion de la dis- cussion dont il s'agit a élé que cette Note doit ètre consis dérée comme ayant une portée très générale. » J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE relles les modifications que l’on apporte officielle- ment à l'enseignement des sciences, cela lient sans aucun doute à ce qu'elle a été formée par d’excel- lents Maîtres, réformateurs avant la lettre, qui ont su lui inculquer cet esprit scientifique, qu'on lui 505 demande aujourd'hui de faire pénétrer chez ses élèves. Marcel Ascoli, Ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure, Agrégé des Sciences physiques. L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE PREMIÈRE PARTIE La question de l'olivier n'est pas nouvelle en Algérie : peu après la conquête, les premiers co- lons se préoccupèrent de mettre en valeur les oli- viers sauvages et d'utiliser le produit des oliviers cultivés pour la fabrication de l'huile. Des efforts considérables furent faits à cette époque et, en 1854, l'Algérie arrivait déjà à une production importante. Le mouvement en faveur de l'olivier parait ensuite s'être sensiblement ralenti, et bientôt tous les efforts des colons se tournèrent vers la eul- ture de la vigne. Mais, en 1893, à la suite de l’abon- dante récolte de vin dans la Métropole et de la mévente qui s'ensuivit, la question de l'olivier fut de nouveau remise à l'ordre du jour. et, depuis, elle n'a cessé de s'imposer de plus en plus. Les diverses assemblées délibérantes de la colo- nie : Conseil supérieur, Conseils généraux, Délé- gations financières, se sont tour à tour occupées de celte importante question et ont émis des vœux ‘pour demander qu'on favorise cette branche de la production algérienne. En 1900, le Gouvernement général décidait d'ac- corder des primes aux agriculleurs qui créeraient des oliveltes, soit par plantation, soit par greffage de sauvageons. Mais, avant de planter ou de greffer, il faut savoir quelles variétés il convient de choisir pour obtenir le maximum de rendement en huile. C'est alors qu'apparut la nécessité de faire l’étude de la composition des nombreuses variétés d'olives disséminées sur le terriloire de l'Algérie. D'autre part, la culture de l'olivier et la produc- tion des olives ne sont qu'une partie de l’oléiculture, et, si l’on doit encourager les colons et les indigènes à produire beaucoup de matière première de bonne qualité, il ne faut pas se désintéresser des trans- formations que la récolte est appelée à subir, mais chercher à l'utiliser dans les meilleures conditions possibles. Or, personne ne conteste que la fabrication de l'huile est encore souvent rudimentaire et qu'il reste beaucoup à faire pour augmenter le rende- ment des olives et améliorer la qualité de l'huile, aussi bien chez les Européens que chez les indi- REVUK GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904, CULTURE DE L'OLIVIER gènes. C'est pourquoi l'étude des huiles et des tourteaux n'était pas moins indispensable que celle des olives pour avoir les éléments d'apprécia- tion nécessaires permettant de réaliser une amé- lioration d'ensemble et de placer les producteurs algériens au premier rang. C'est ainsi que certains pays voisins, comme le Portugal, l'Italie, la Tunisie, ete., sont arrivés à des résultats considérables par des recherches mé- thodiques analogues à celles que nous venons d'in- diquer, nous donnant l'exemple à suivre pour dé- terminer les règles d'une bonne fabrication. L'étude des huiles algériennes était encore utile à un autre point de vue : pour déterminer les va- riations des caractères chimiques et physiques dans les produits actuels, avec des données obte- nues par l'examen d'échantillons de provenance authentique. Tandis que le Gouvernement général faisait faire une enquête sur les conditions économiques de la culture de l'olivier et la fabrication de l'huile, il nous chargeait de faire l’étude des olives, des huiles et des grignons de la récolte 1901-1902. Un travail aussi considérable demande nécessaire- ment beaucoup de temps et, commencé à la fin de 1901, il n'a pu être achevé qu'en 1903. Ces diverses études seront publiées avec tous les détails qu'elles comportent, mais il nous a paru utile de les mettre dès aujourd'hui à profit pour faire un exposé critique de l'industrie oléicole, telle qu'elle est actuellement pratiquée. La culture de l'olivier en Algérie ne peut prendre une extension nouvelle qu’à la condition d'amélio- rer la fabrication de l'huile. TL — L'OLIVIER. L'olivier ne se développe, fleurit et fructifie bien que dans le bassin méditerranéen; exception doit cependant être faite pour l'Australie méridionale et quelques régions du Cap et de la Californie, où l'on a essayé de l’acclimater avec plus ou moins de succès. 10** 506 D'une manière générale, un climat sec et chaud pendant l'été, avec une température moyenne d'au moins 49° à partir de la floraison, lui est nécessaire. D'autre part, on a observé que, pour bien mûrir ses fruits, l'olivier devait recevoir, de la floraison à la venue des premiers froids, en sus de la tempéra- ture moyenne de l'air ambiant, un supplément de chaleur solaire évalué à 1.100°. Pendant l'hiver, un climat relativement froid, pourvu que la tempéra- ture minima ne descende pas au-dessous de — 8, ne lui est pas défavorable, surtout si ces abaisse- ments de température amènent des pluies (ou de la neige) abondantes, de manière à constituer les réserves d’eau nécessaire pour l'été. En Tunisie, les plus beaux oliviers sont dans la zone marine, au bord de la mer. En Algérie, au contraire, les oliviers les plus développés et les plus productifs sont dans l'intérieur du pays et surtout à une altitude qui varie entre 200 et 800 mètres; c'est ainsi que la Kabylie, envisagée dans son ensemble, présente les conditions clima- tériques favorables à la culture de l'olivier. Il en est de même en Portugal, où la culture de l'olivier est réduite dans la bande limitrophe de l'Océan et se développe surtout à une altitude de 300 à 800 mètres. On trouve des oliviers sauvages jusqu'à 4.500 mètres d'altitude. Les vallées encaissées et humides ne lui convien- nent pas, comme les versants ou les plaines abrités. Les conditions météorologiques ont une grande influence sur l'abondance et la régularité de la production de l'olivier. Le type primitif de l'espèce (Olea europeà) est l'olivier sauvage ou variété oléaster (zéhoud} des Arabes), qui, transformé par l'influence du milieu et la culture, a donné les variétés cultivées ou Olea sativa (en arabe zitoun). Les variétés sauvages se reproduisent par le moyen de la semence, tandis que la reproduction des variétés cultivées, dont le nombre est considé- rable, doit être fait par marcottes, boulures ou par le greffage. C'est que les variations qui proviennent du milieu extérieur ne sont pas héréditaires et que les descendants d'un type amélioré reprennent toujours plus ou moins les caractères primitifs. D'autre part, on ne saurait attendre de bons ré- sultats de l'introduction d'une nouvelle variété dans une autre région qu'autant qu'elle trouvera dans sa nouvelle patrie à peu près les mêmes con- ditions de sol et de climat. Il existe une grande confusion dans la nomen- clature des diverses variétés cultivées en Algérie, à cause de la synonymie dont elles jouissent et des termes génériques qui servent à les désigner : cer- taines variétés, en apparence distincles, sont en réalité très voisines ; d’autres ont des noms diffé- J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE renis qui s'adaptent à une même variété. Il faudra réunir un grand nombre d'éléments d'appréciation pour réaliser une classification définitive. Mais la détermination des variélés n'aurail pas une grande valeur pour les oléiculteurs si l’on n'y ajoutait les renseignements sur les rendements en olives, la teneur en huile et la composition de l'huile. Ce sont surtout ces données qui sont utiles à connaitre et qui exigent une étude approfondie si l’on veut tenter l'amélioration des bonnes variétés par une sélection bien comprise, en choisissant les greffons sur les arbres qui donnent les olives les plus riches en huile. Certaines variétés donnent régulièrement une production abondante, tandis que d'autres sont beaucoup moins fertiles ou ne présentent pas la mème constance dans les rendements. D'un autre côté, on peut remarquer que les gros rendements en olives ne correspondent pas toujours au plus fort produit en huile de bonne qualité. Quoi qu'il en soit, les dénominations indécises et provisoires qui figurent dans notre tableau d’a- nalyses” sont suffisantes pour fixer les oléiculteurs qui connaissent déjà l'aspect extérieur de l'arbre, la forme et la couleur des feuilles, des fruits et des noyaux. II. — MATURATION DES OLIVES. La formation de l'huile dans les olives coïncide avec la disparition des hydrates de carbone, notamment de la mannite (alcool hexatomique), que l'on trouve en abondance aussi bien dans les feuilles que dans les fruits de l'olivier; mais le mécanisme des actions chimiques (oxydation, hydrolyse, condensation, dédoublement) qui prési- dent à cette transformation est encore très obscur. Les phénomènes inverses de destruction des matières grasses sont un peu mieux connus. Pen- dant la germinalion des graines oléagineuses, on observe la disparition de l'huile, suivie de l’appari- tion d'amidon et de sucre réducteur. M. Müntz a montré, il y a déjà longtemps, que l'huile est saponifiée dès le début de la germina- tion. Cette saponification a lieu sous l'influence d'une diastase analogue à la lipase, que nous retrou- verons en étudiant l’altération des huiles et qu'on a déjà rencontrée dans certains champignons et dans le sang des animaux. Ce dédoublement diastasique s'opère aussi quand on place les graines broyées et humectées d’eau dans une étuve modérément chauffée. Les huiles, qui sont des éthers saturés, constitués par l'union d'une molécule de glycérine (alcool 1 C. R. du Congrès de l'Assoc. fr. pour l'av. des Sc., 1903: J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE 507 triatomique) avec trois molécules d'acides gras, se dédoublent en acides gras et en glycérine. La glycérine est ensuite susceptible de se dédou- bler ou de se polymériser et de se transformer en ucre. Quant aux acides gras mis en liberté, ils emblent se comporter différemment suivant qu'ils ppartiennent à la série saturée ou à la série non aturée (Maquenne) : les premiers seraient simple- ent brülés avec production d'eau et d'acide car- bonique, tandis que les seconds seraient capables e donner, par oxydation ménagée, des hydrates e carbone utilisés pour la charpente de la plante- Les diastases pouvant déterminer des actions éversibles, ces recherches jettent une certaine clarté dans les phénomènes qui accompagnent la formation de l'huile. Quoi qu'il en soit,les variations de composition qui se produisent dans les olives pendant la matu- rité peuvent être résumées de la manière suivante : 1° Le poids de l’olive s'accroit progressivement “jusqu'à la maturité, mais cet accroissement est “surtout dû à la pulpe; le noyau n'intervient que À D une faible proportion ; 2° L'eau de végétation diminue dans l'olive à “mesure que la maturité s'avance; D 5° La proportion d'huile dans le fruit complet va “en augmentant jusqu'à un maximum qui corres- pond à la maturité parfaite, pour décroître ensuite “lentement, avec une proportion d'oléine plus grande dans la première période de végétation. La “proportion relative des acides insaturés va en di- -minuant, tandis que celle des acides saturés va en augmentant: 4° La proportion de malière grasse dans la pulpe suit une marche parallèle à celle du fruit complet; 5° La coque ou endocarpe ne contient aucune trace d'huile au moment de la maturité; 6° La teneur en huile de l’amande commence à diminuer lentement avant la maturité: 1° Etant donnée la répartition de l'huile dans chacune des parties composantes de l'olive, il est clair que la quantité d'huile, toutes choses égales “d'ailleurs, est relativement plus élevée dans les variétés pulpeuses que dans celles qui renferment une forte proportion de noyaux; 8° Les olives les moins lourdes, dont le volume est sensiblement égal, sont les plus riches en huile, et la densité peut, dans une certaine mesure, être utilisée pour apprécier la teneur en huile. I] faut, du reste, comparer des fruits également mûrs, car on observe de grandes variations dans la teneur en huile suivant le degré de maturité; 9% La proportion des acides libres dans l'olive est Minimum au moment où la maturité est parfaite, et la quantité qui passe dans l'huile, avec des fruits Sains,ne s'élève pas au-delà de quelques dixièmes. Les olives vertes, de même que les fruits atta- qués par les insectes ou incomplètement dévelop- pés, avariés, pourris ou fermentés, peuvent, au contraire, contenir une proportion élevée d'acides libres, susceptibles de passer en grande partie dans l'huile. En ce qui concerne les éléments minéraux conte- nus dans l'olive, on constate que c'est la potasse qui forme la principale partie des cendres de la pulpe; elle prédomine aussi dans l’endocarpe et l'amande. L'acide phosphorique, qui existe en très petite quantité dans la pulpe, augmente d’une ma- nière sensible dans l’endocarpe et surtout dans l'amande, où il devient presque égal à la potasse. Les matières azotées sont surtout abondantes dans l’'amande et la pulpe. Ce résumé de l’état actuel de nos connaissances sur ce sujet indique nettement que la récolte des olives ne doit être ni prématurée ni trop tardive, et être toujours subordonnée à leur maturité parfaite, pour obtenir le maximum de rendement et de qualité. IIT. — COMPOSITION DES OLLVES. Au point de vue botanique, l’olive est une drupe, composée d'une partie charnue (pulpe ou péricarpe) et d'un noyau central constitué lui-même d’une coque dure (endocarpe) et d'une amande avec embryon et albumen. On observe de grandes diffé- rences dans le développement relatif de la pulpe et du noyau, suivant les variétés, et l'étude de la forme des fruits et des noyaux paraît être le meil- leur critérium des variétés souvent difficiles à dis- tinguer. Il y a une différence énorme entre l’olive sauvage, dont le poids moyen reste compris entre 0 gr. 5 et 1 gramme, et le fruit de la variété espagnole ou Sévilhana, qui est l'une des plus grosses olives connues et dont le poids peut arriver à 12 ou 15 grammes, avec 10 à 13 grammes de pulpe. Malgré son volume, la sévilhana rend peu d'huile (26 à 45 °/, à l’état sec), et l'huile qu'elle fournit est amère; mais elle est excellente pour les conserves quand elle est récoltée verte (Hidalgo Tablado). Les olives sauvages contiennent, à l’état normal, de 1 à 9°/, d'huile, et à l’état sec de 21 à 98 °/,. Ce sont les fruits de grosseur moyenne qui paraissent être les plus savoureux, les meilleurs pour les conserves et aussi les plus riches en huile de bonne qualité. C'est ainsi que l'olive Cordovil des Portugais, ou Cordovis des Espagnols, dont le poids moyen est compris entre 4 et 5 grammes, peut contenir depuis 40 jusqu'à 54 °/, d'huile à l'état sec. L'olive Galléga, qui est la plus répandue et la plus 508 commune en Portugal, ne pèse guère plus de 2 grammes en moyenne, et renferme environ 40 °/, d'huile à l’état sec, d'après les recherches de M. Larcher Marcal. Le sol a une influence marquée sur la teneur en huile et sur la qualité. Les terrains meubles, granitiques ou calcaires, produisent de l'huile plus fine, plus fluide que celle des terres argileuses, compactes et humides, où l'on récolte généralement un produit plus épais et moins agréable. Les terres argileuses et compactes donnent une huile grasse, qui dépose facilement dans les réci- pients, dès que latempérature s’abaisse, des masses blanches, en forme de chou-fleur, de cristaux de glycérides d'acides saturés ou concrets. Les olives récollées dans les terres riches et humides sont moins riches en huile. Les arbres décrépits qu'on trouve sur les sols arides ou rocail- leux donnent des olives petites, mais riches en huile fine ; malheureusement, la production en est très faible. Les sols sains pouvant fournir à l'olivier les élé- ments essentiels (azote, potasse et acide phospho- rique pour la formation et le développement des feuilles et des fruits)sont ceux qui donnent quantité et qualité d'huile. A Sfax, la terre réputée la meilleure pour les oliviers est constituée par un sable calcaire rou- geätre d’une grande épaisseur; cette terre est pauvre en azote, mais riche en calcaire et en po- tasse (Bertainchand). Le travail du sol avec la charrue, la houe ou la pioche, est aussi un facteur sérieux de la produc- tion. Il est incontestable que ces scins jouent un rôle imporlant dans l'abondance de la production et la qualité du produit. Le sol des oliveltes régulièrement plantées se prête surtout facilement à ces travaux de culture. Parmi les cultures qui conviennent pour être asso- ciées avec celle de l'olivier, on peut citer les cul- lures sarclées (vigne, pomme de terre, etc...) Enfin, la taille et l’élagage des arbres sont une nécessité pour régulariser la production et faciliter la récolte. On voit combien sont nombreux les facteurs qui peuvent influencer la production des olives, faire varier la proportion et la composition de l'huile et modifier ses qualités. Cet exposé sommaire montre aussi, d'une manière très nette, qu'il ne suffit pas de connaître le rende- ment en olives des diverses variétés; il faut encore étre fixé sur leur teneur en huile et sur la qualité du produit, si l'on veut faire un choix judicieux et ne mulliplier que les variétés susceptibles de donner le maximum de produit en argent. AL 4 LEPT. LA # | J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE 1. Récolte des échantillons. — Si l'on veut com- parer entre elles les différentes variétés au point de vue de leur teneur en huile, il faut autant que pos= sible les cueillir quand elles ont atteint le même” degré de maturité. Or, nous savons que les époques" de maturité parfaite ne sont pas les mêmes pour les diverses variétés, et que la cueillette doit être” échelonnée. \ En Italie, la teneur la plus élevée en huile se pré- sente à la fin de novembre, d’après les recherches de Luca. En Portugal, la richesse maximum a été constatée en décembre. En France, la cueillettes des olives a lieu en hiver, souvent par un froid très* vif, Dans le nord de l'Afrique, la récolte des olives. commence en novembre, et se conlinue pendanth l'hiver. La préparation des échantillons destinés à l’ana= lyse (cueillette, emballage, transport) exige des” soins minulieux et demande à être faite par des personnes connaissant toutes les circonstances qui, peuvent avoir une influence sur le résultat final et les conclusions à en tirer. En ce qui concerne les. échantillons que nous avons eu à examiner, le pré- lèvement en a été fait par les soins des maires ou des administrateurs, et ils ont été envoyés à la Direction de l'Agriculture au Gouvernement général, qui s'est chargée de les faire parvenir à la Station. agronomique. Je dois, à la vérité, ajouter que les olives ne sont pas toujours arrivées dans un élab satisfaisant au laboratoire, ce qui nous a obligé à renoncer à notre projet de les reproduire toutes par la photographie. 2. Méthodes d'analyse. — Aussitôt arrivés au la boratoire, les échantillons ont été déballés et il & été prélevé sur chacune des variétés 100 olives fraiches prises au hasard, de manière à faire um échantillon moyen. Cet échantillon moyen, composé de 100 fruits, est placé dans une capsule de porce= laine tarée et pesé. Cette première pesée donne le poids des olives fraîches. Les capsules sont ensuite portées dans une étuve à air chauffée à 75 degrés! environ et y restent jusqu'à ce que les olives soient devenues dures et rugueuses ; elles perdent ainsin un poids d'eau variable avec le degré de maturité” et leur composition, mais qui peut atteindre ebm dépasser la moitié du poids initial. Une secondes pesée permet d'établir le rapport entre les olives” ainsi desséchées et les olives fraiches. Les olives ainsi préparées sont aptes à être épuisées par l'éthesl ou le sulfure de carbone et peuvent se conserver longtemps dans cet état de dessiccation, sans alté ration, si l’on a soin de les placer dans des bocaux secs et bien bouchés. Si l’on veut déterminer le totale, il est nécessaire de porter les olives dans l'étuve à 100°, après avoir préalablement divisé le. oc EL LEP J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE pulpe et écrasé le noyau. La quantité d'eau contenue dans les olives müres est généralement comprise ntre 35 et 40 °/,. Pour le dosage de la matière grasse dans la pulpe, on sépare la chair du noyau avec un canif, puis on la désagrège dans un mortier avec un pilon, en ajoutant un peu de sable pur pour faciliter l'opéra- tion. La masse pâteuse ainsi obtenue est introduite, avec les noyaux, dans un appareil Schlæsing à épuisement, ou dans une allonge en verre fermée “par une pince. On extrait l'huile avec le sulfure de carbone, si l'on emploie l'appareil Schlæsing, et avec l’éther à 65°, si on utilise l'allonge. Dans les deux cas, on a soin de laver soigneuse- ment l'extrémité des doigts, le canif et le mortier avec le dissolvant, et l'épuisement est continué jusqu'à ce qu'une goutte de liquide ne laisse aucune -trace huileuse après évaporation. Pour celte extraction, on prend un nombre va- -riable d'olives suivant les variétés, de manière à -avoir toujours des poids à peu près semblables. L'huile est recueillie dans des verres de Bohême tarés, puis on porte à l'étuve à 100° et l’on pèse. Le résultat obtenu donne la quantité n d'huile con- tenue dans le poids P d'olives employé pour le dosage. Pour ramener à 100 grammes, on a 100 : De x — 5 2,et, pour les olives normales, en dési- .gnant par à la matière sèche °/, d'olives fraiches, 100 à De ao Voici maintenant comment nous avons opéré pour le dosage des matières grasses dans les amandes : Les noyaux sont sortis de l'appareil à épuisement, raclés pour enlever les débris de pulpe adhérente, désséchés à l'air et pesés. Ils sont alors placés un à un dans un mortier d'Abich, et d'un coup de marteau on brise la coque sans tou- cher à l'amande. Ce sont les amandes ainsi mises à nu qui sont ensuite écrasées dans un mortier de porcelaine et épuisées dans un tube avec de l’éther. On a ainsi la quantité d'huile contenue dans un poids p d'amandes, correspondant à un poids P ‘d'olives. Nous avons eu ainsi à examiner 60 échantillons des diverses variétés d'olives cultivées en Algérie. La place nous manque pour reproduire ici le tableau des résultats analytiques: mais nous allons résu- mer les conclusions qui découlent de cet examen. Certains fruits sont presque sphériques; d'autres, au contraire, sont très allongés en forme de gland; mais la plupart ont la forme ovoïde (olive Limi de Tlemcen). Quelques variétés ont des fruits ter- minés en pointe recourbée et déjetée (grosse olive de Fort-National). Les olives bien müres sont tan- Môt de couleur noir-grisâtre, de couleur noire tirant pe »09 sur le bleu, tantôt couleur d’un noir lustré; d'autres sont noires avec des tons violets. La pulpe est aussi de couleur variable. Les olives encore en partie vertes donnent une huile très fruitée et un peu amère. L'huile des olives noires bien mûres est beaucoup plus douce. L'huile des olives violettes tient le milieu entre les deux. Les fruits incomplè- tement mûrs sont verts, violets ou noirs avec des taches vertes. Le noyau épouse en général la forme du fruit; mais il est tantôt presque lisse comme les graines de pin pignon, tantôt strié et rugueux. La pulpe est adhérente au noyau et difficile à détacher, ce qui explique la teneur en huile relativement élevée des grignons de noyaux. Les amandes avortées ne sont pas rares dans certaines variétés. On trouve une certaine analogie entre le poids des olives d'Algérie et de Tunisie. Si l’on consulte le tableau publié par mon collègue M. Bertainchand'!, on trouve que le poids des olives de Tunisie oscille entre 0 gr. 93 (Chemlali de Sfax) et 6 gr. 32 (Zarassi de Gafsa). En Algérie, le poids des olives varie entre 0 gr. 85 (olives de Mizrana) et 5 gr. 94 (olives Limi de Tlemcen). M. Bouffard, professeur à l'Ecole d'Agriculture de Montpellier, qui a analysé les variétés cultivées dans le midi de la France, indique des poids moyens variant entre 1 gr. 27 et 4 gr. 90. Le poids moyen d'un noyau est assez variable suivant les variétés et passe de 0 gr. 30 à 0 gr. 80. En considérant les noyaux d'un même poids d'olives, on lrouve que le poids moyen pour les va- riétés examinées est de 0 gr. 40 pour le noyau com- plet (coque et amande) et que le poids moyen de l'amande seule est de 0 gr. 04, c’est-à-dire le dixième du poids du noyau complet. Ces chiffres sont inté- ressants à retenir et nous donnent des renseigne- ments utiles en ce qui concerne les proportions respectives de pulpe et de noyaux. Les variétés tu- nisiennes seraient, en effet, plus pulpeuses, d’après les résultats de M. Bertainchand. En Tunisie, une seule variété (Saial de Bizerte) présente une pro- portion de noyaux supérieure à 20 °/, (23,50 °/,), et le minima observé descend jusqu'à 10,65 °/, dans l'olive Saheli de Gafsa. En Algérie, au contraire, les noyaux figurent pour 45 °/, dans l’olive Azemour d'Azeffoun et peuvent atteindre 54°/, dans le Petit- Chemlal; le taux le plus bas (12,25 °/,) à été trouvé avec les olives Limi. Dans les olives examinées par M. Bouffard, on voit la proportion de noyaux varier entre 12 °/, (Picholine) et 24,60 °/, (Corniale). D'une manière générale, les olives algériennes ont donc le noyau plus développé et il s'ensuit que, d'après ce que nous savons de la répartition de ! BERTAINCHAND : Sur les principales variétés d'olives et d'huiles de Tunisie, 1896. 510 l'huile, leur richesse en matière grasse doit être plus faible. C’est, en effet, ce qui résulte de la com- paraison des chiffres de M. Bertainchand avec les nôtres. En Tunisie, la teneur en huile des diverses va- riété d'olives a varié entre 12,79 °/, (Djeheli de El Ala) et 41,08 c/, (Hobh Reguerig de El-Oudiane). En Algérie, le minimum se présente avec l'olive Beksi de Tlemcen (10,71 °/,) et le maximum avec les olives Garel de Jemmapes (33,87 °/,). Les olives tunisiennes renfermeraient en général plus de 30 °/, d'huile, tandis qu'en Algérie ce chiffre est rarement atteint. Les résultats de M. Bouffard, pour le midi de la France, varient entre 11 °/, {variété Argental) et 22,80 °/, (variété Pigalle). Le professeur Passerini, qui a étudié les variétés d'olives de la campagne florentine, a vu, en 1900, la teneur en huile varier entre 13,25 °/, et 24,99 °/,, suivant les variétés”. D'ailleurs, il faut retenir que cette comparaison en faveur des olives de Tunisie est plutôt apparente que réelle et doit, tout au moins, être fortement atténuée, si l’on tient compte que les olives de Tunisie ont été cueillies avec des soins minutieux et sont arrivées en parfait élat de conservation au laboratoire, tandis que les olives que nous avons eu à examiner étaient souvent incomplètement mûres ou avariées. Nous estimons donc qu'il faut considérer les chiffres qui expriment la teneur en huile de la pulpe comme représentant le rendement théorique des olives qu'on trouve dans les moulins, et non le rendement maximum qu'elles sont susceptibles de donner quand elles sont cueillies avec soin, à maturité parfaite, et broyées avant toute alté- ration. Enfin, sans vouloir diminuer l'importance des recherches de mon collègue, M. Bertainchand, que j'aurai encore à citer en étudiant les huiles et les grignons, je ne puis m'empêcher de faire remar- quer que la grande quantité de matière grasse trouvée dans les noyaux, près d'un tiers de la quantité totale dans certains cas (9,94 °/,), vient élever la teneur totale en huile des olives de Tunisie. Les amandes renferment de 30 à 50 °/, d'huile, en moyenne 45 °/, pour l'ensemble des variétés que nous avons eu à analyser. Or, si l’on estime la proportion des noyaux à 20 °/,, chiffre bien supérieur à la moyenne de Tunisie, on trouve, sachant que la coque ne renferme pas d'huile et que les amandes entrent pour un dixième dans le poids total, en admettant la richesse moyenne de 45 °/, d'huile, que les noyaux ne devraient guère 1 Agricultura moderna. J. DUGAST —— L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE "4 re renfermer plus de 1 °/, d'huile et que le contingent ainsi apporté est des plus minimes. L L'huile de l’amande semble être un peu plus riche en acides gras saturés que celle de la pulpe; aussi a-t-on une tendance à considérer l'huile de pulpe comme présentant une plus grande fluidité et un indice diode plus élevé que l'huile provenant du fruit entier. Mais, même en admettant pour certain que l'huile” d'amande soit douée de ces caractères distinctifs, il faut reconnaitre que, étant donnée sa faible pro= portion dans le produit provenant du fruit entier, elle ne saurait modifier ni la qualité ni la conser= vation de l'huile de chair. Il ne faut done pas craindre le broyage des olives et considérer le dépulpage comme une opération: entraînant une perte de temps et une augmentation" des frais de fabrication sans profit pour personne et devant, par conséquent, être abandonnée. î 3. Variations dans la teneur en huile. Les“ olives d'une même variété, comme le Chemlal ow l'Adjeraz, présentent des variations considérables dans la teneur en huile suivant leur provenance, ce qui confirme ce que nous avons déjà dit au. sujet de l'influence du sol et des conditions cli= matériques. £ La variété Azibli est riche dans le Djurjura ets relativement pauvre dans la région de Fort- Na tional. L'olive Limi de Tlemcen est grosse ets donne aussi un bon rendement en huile de bonne, qualité. La variété Bauchout rentre dans la caté-w gorie des olives riches en huile. L'olive Mourom de Sidi-bel-Abbès donne un rendement en huile tout à fait insuffisant. Les fruits de la variété Ouallade où Oualletten sont petits et leur teneur en huile est assez faibles La variété £lyamly, au contraire, donne des olives" petites, mais riches en huile. Il en est de mêmes pour la variété de Port-Gueydon, désignée sous le nom d'Azemour. L'une des variétés envoyées de“ Jemmapes (communal de la Robertsau), sous 1 rubrique « olive greffée Garel », présente une ris chesse en huile remarquable. Les arbres dont les feuilles sont couvertes dè fumagine donnent, toutes choses égales d’ailleurs des olives moins riches en huile. Il en est de même pour les autres maladies parasitaires qui affectent les fonctions physiologiques de l'arbre. Ces quelques résultats suffisent à montrer l’exs trème variabilité de composition qu'on trouve dans nos variétés d'olivier et combien il serait utile de poursuivre ces recherches, à peine ébauchées, pouls tâcher de connaitre, dans chaque région, les races qui conviennent le mieux au double point de vue du produit en olives et du rendement en huile, eb J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE de déterminer, d’une manière suffisamment appro- chée, l'influence des divers facteurs sur leur teneur en huile. Il serait également utile d'être fixé sur l'époque qui correspond au maximum de richesse en huile etde connaître, d'une manière un peu plus précise, la relation qui existe entre les changements de couleur ét la richesse en matière grasse. Le rendement en huile des diverses variétés d'olives est utilement complété par l'étude de la composilion chimique des huiles et surtout par la détermination des proportions respectives des acides gras fluides et des acides gras concrets. Nous retrouverons les résultats de ces détermina- tions, pour un certain nombre de variétés, en étu- diant les huiles. Notons, cependant, qu'à ce point de vue, on a déjà remarqué que l'huile extraite des variétés d'olives de petit volume, dans lesquelles le développement du noyau est relativement plus fort, se distingue, en général, par une plus grande quantité d’acides . concrets; on observe, au contraire, que l'huile provenant des grosses olives pulpeuses, avec un noyau relativement petit, est composée d'une plus forte proportion de glycérides des acides non saturés et présente un indice d’iode généralement plus élevé. Le rendement pratique en huile au moulin est évalué, en moyenne, à 12 ou 15 °/,; mais il peut descendre bien au-dessous, et l’on obtient à peine 8 °/, de certaines olives. D'autre part, les grignons qui restent sous la presse et qui représentent, comme nous le verrons, environ la moilié du poids des olives, contiennent encore 10 à 15 °/, de matière grasse. Avec des presses puissantes et eu opérant dans de bonnes conditions, on peut facilement réduire la teneur des grignons à 10°, ce qui représente encore 5 °/, de l'huile totale contenue dans les olives. Dans ces conditions, il faut des olives riches à 20 °/, pour obtenir 15 °/, d'huile, et des olives riches à 17°, pour avoir un rendement de 12 °/,. Si l’on examine le tableau d'analyses que nous avons publié ailleurs, on remarque qu'un liers environ des olives peuvent donner un rendement supérieur à 15 °/,; un liers, un rendement compris entre 12 et 15 °/;,; enfin, le dernier tiers, un produit inférieur à 12 °/, d'huile, Nous eslimons qu'on doit rejeter des nouvelles plantations les variétés qui contiennent moins de 20 °/, d'huile, et susceptibles de donner un rende- ment inférieur à 15 °/,, et s’efforcer, au contraire, de multiplier les variétés ayant une teneur en huile comprise entre 20 et 30 °/, et pouvant donner un rendement pratique d'au moins 15 à 20 kilo- grammes d'huile par 100 kilogs d'olives. IV. — CONSERVATION DES OLIVES. Les efforts des oléiculteurs doivent tendre à extraire l'huile au fur et à mesure que les fruits sont ramassés ; c'est de cette manière qu’on obtient l'huile la plus fraiche et la plus fine. Maisilest clair que, dans la pratique, cette méthode ne peut pas toujours être appliquée, par suite du manque d'usines et de l'encombrement qui se produit dans celles qui travaillent, surtout dans les années de bonne récolte. D'autre part, les usines qui achètent des olives peuvent être obligées à une conservation plus ou moins prolongée, à cause de l'irrégularité des livraisons. La conservation des olives, depuis la récolte jusqu’au moment où il est possible de fabriquer l'huile, s'impose donc encore dans bien des cas. Les divers procédés préconisés pour la conser- valion des olives ont été étudiés par MM. Larcher Marçal et Otto Klein, à la Station agronomique de Lisbonne !. Lorsque les olives sont entassées en tas plus ou moins volumineux, elles sont exposées à fermenter et à pourrir au bout de quelques jours; l'huile qu'on obtient alors est rance, de qualité tout à fait inférieure et la quantité extraite est réduite. La conservation des olives à l'air, en les dis- posant sur un plancher de manière à ne former qu'une seule couche, ne donne pas non plus de bons résultats, d’après les recherches de MM. Marçal et Klein. Le développement des champignons et des bactéries et l’action de l’oxygène diminuent la teneur en huile, et la perte est de 45 °/, au bout de cinq mois, bien que la proportion d'huile sus- ceptible d’être extraite au pressoir soit plus consi- dérable. D'autre part, l'huile extraite des olives ainsi desséchées à l'air a une couleur vert foncé et est âcre et piquante au palais. Le degré de l'acidité de l'huile augmente rapidement et passe de 0,4 °/, (huiles des olives fraiches) à environ 9 °/, après un mois de conservation, pour atteindre près de 50°/, au bout de cinq mois; l'huile laisse déposer abondamment. La conservation des olives dans l'eau douce sans cesse renouvelée présente aussi des inconvénients d'après les savants expérimentateurs. La propor- tion absolue d’huile reste à peu près invariable et augmente d’une manière relative suite de l'entraînement par l'eau d'une partie des matières solubles dans l’olive. La proportion d'huile suscep- tible d'être extraite sous une pression déterminée va en augmentant avec la durée du séjour des olives dans l'eau, mais elle reste toujours inférieure par ! R. LarcHer MarcaL : L'olivier et les huiles d'olive en Portugal, 1900. 512 J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE à celle des olives fraiches. L'augmentation de l'acidité de l'huile est relativement faible; le taux ne s'élève guère au-dessus de 1,5 °/, au bout du premier mois de conservation et ne dépasse pas beaucoup 6 °/, après cinq mois. L'huile obtenue est de couleur verdâtre et ne donne qu'un faible dépôt; mais l'odeur n’en est pas agréable et le goût est plus ou moins mauvais, à cause de la décom- position des matières albuminoïdes de l'olive par les bactéries. C'est un procédé qui est quelquefois employé en Algérie pour des conservaliens de courte durée. On pourrait en atténuer les inconvénients en salant l'eau qui se renouvelle constamment. En Algérie, les olives sont quelquefois plongées dans l’eau bouillante après la cueillette, puis étalées pour les sécher et finalement mises en tas. Avec ce traitement, employé par les indigènes, on détruit les vers et les germes de moisissures, mais on n'empêche pas l’altération ultérieure des olives et de l'huile. Il faut recourir au salage des olives pour assu- rer leur conservation. Les olives salées avec écoulement de la saumure donnent une huile de couleur jaune clair, qui laisse déposer une couche épaisse de flocons et de cristaux. La proportion totale de l'huile se maintient à peu près constante pendant toute la durée de la conser- vation (cinq mois); mais la quantité obtenue au pressoir va en augmentant de mois en mois, par suite de l'altération qui se manifeste dans les olives par le développement des ferments et bac- téries, à la suite de la disparition du sel qui s'écoule avec l’eau de végélation. Le degré de l'acidité de l'huile, qui est compris entre 3 et 4°/, à la fin du premier mois, s'élève au-dessus de 24 °/, à la fin de l'expérience. C’est un procédé qui peut être utile pour une conservation de courte durée (un mois au maximum), c'est-à-dire tant que le sel manifeste son action préservatrice. Le meilleur procédé de conservation consiste à saler les olives et à les laisser baigner dans la saumure. Dans ces conditions, la quantité absolue d'huile contenue dans les olives diminue progres- sivement ; le déchet peut s'élever à 9 °/, après une conservation de cinq mois; mais celte huile, dis- soute par le sel et entrainée dans la saumure, peut être extraile de l'enfer. La proportion d'huile sus- pour les empêcher de remonter et d'être attaquées ceptible d'être extraite par la pression va aussi en diminuant. è L'acidité lotale de l'huile atteint 3 à 4 °/, après un mois de conservation, mais ne s'élève guère au- | dessus de 6 °/, après cinq mois d'expérience. Les olives ainsi traitées donnent une huile jaune d'or dont le goût et l'odeur sont normaux; elle ne dépose pas. 1 Les olives cueillies à maturité parfaite peuvent donc être conservées dans une saumure pendant des mois sans s'altérer et donner de l'huile de bonne qualité. MM. Marçal et Klein n'indiquent pas la quantité de sel employée dans leurs expériences. Mais nous avons fait, de décembre à mai, c’est-à- dire pendant une période de cinq mois, des essais qui nous ont donné toute satisfaction, avec de l’eau contenant 100 à 200 grammes de sel par litre. En Algérie, les récipients qui conviennent le. mieux pour cet usage sont les cuves ou amphores en ciment, analogues à celles utilisées pour le vin. On les remplit d'olives par couches successives en les salant et on les recouvre d’eau. Il faut seulement avoir soin de placer une claie à la partie supérieure par les moisissures. Avec les olives saines, lan quantité d'huile qui passe dans l’eau est négli- geable. Les méthodes de conservation employées pour « les olives destinées à la fabrication de l'huile s'ap- pliquent aussi aux conserves (olives vertes, violettes M ou noires); mais il faut, au préalable, enlever l'amertume (lanin) des fruits. On y arrive en plon- geant les olives pendant quatre ou cinq heures, dans une lessive alcaline (carbonate de potasse ou M de soude caustique), contenant l'équivalent de 100 à 150 grammes de potasse par 10 litres d’eau. On rince ensuite les olives à l’eau salée, d’abord faible, puis plus concentrée, jusqu'à ce que l'excès d’alcali ait disparu. On conserve ensuite dans une saumure contenant au moins 1 kilogramme de sel par 10 litres d'eau, qu'on peut aromatiser suivant les goûts. Dans un deuxième article, nous examinerons la fabrication de l'huile, ses propriétés et l'utilisation des grignons. J. Dugast, Directeur de la Station agronomique d'Alger: BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 513 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Vogel (O0ti0). — Jahrbuch fur das Eisenhuttenwe- sen (ANNUAIRE DE LA MÉTALLURGIE DU FER POUR 1901). 2e année. — 1 vol. in-8° de 464 pages avec 43 lig. (Prix : 12 fr. 50.) A. Bagel, éditeur, Dusseldorf, 1903. Tout le monde connait le «Stahl und Eisen», cette revue métallurgique de Dusseldorf, organe des maîtres de forge allemands, dans laquelle un grand nombre de spécialistes et d’industriels viennent à l'envi décrire leurs procédés ou leurs méthodes, sans craindre les concurrents où les imitateurs. Cette facon d'envisager l'industrie, sans mystère, et de travailler au grand jour a contribué certainement à développer, chez nos voi- sins, l'esprit d'initiative et d'entente qui vient encore de se manifester dernièrement par l'organisation du Syndicat général de l'acier. En tout cas, les progrès si considérables que nous constatons dans tant d'acié- ries westphaliennes ou silésiennes ont été évidemment provoqués par la grande publicité apportée aux trans- formations successives de chacune d'elles. Aussi est-ce toujours avec beaucoup de fruit que les ingénieurs français, spécialisés dans la Métallurgie, consultent la revue allemande, et M. Henri Le Châtelier a si bien senti l'intérèt et même la nécessité d’une publication exclusivement consacrée à cette industrie considérable qu'il vient de créer récemment la evue de métallur- gie, à laquelle nous souhaitons, en passant, un succès identique à celui de sa devancière. L'ouvrage dont il est question ici a été publié comme complément des articles parus dans le «Stahl und Eisen ». C'est un résumé succinct, mais très complet, de toutes les littératures, allemande et étrangères, se rapportant à la science de l'ingénieur des usines à fer ou à acier. Le plan adopté pour la répartition des questions est logique : après les généralités et la sta- üistique, viennent les combustibles de toutes qualités et sous toutes les formes, depuis le bois jusqu'au gaz «de fourneau, puis, naturellement, les appareils où ces combustibles sont employés, le matériel réfractaire et les scories. Les différents minerais sont ensuite décrits, puis les installations et méthodes pour produire les fontes de première et deuxième fusions, le fer soudé et le fer fondu, que nous entendons plus généralement sous le nom d'acier; enfin, les procédés qui se rappor- tent aux transformations si nombreuses du métal, pour lesquelles interviennent le forgeage, le laminage, le soudage, l'étamage, la galvanisation, l'émaillage, etc. L'étude des propriétés des fers et aciers et des nom- breux moyens de contrôler leurs qualités termine cette longue série de documents de l'histoire si fertile et si récente de la Sidérurgie. Ce n’est pas la première fois que nous avons à louer l'idée ingénieuse qui consistait à grouper, en un certain nombre de pages, toutes les publications parues pen- dant une période de temps déterminée sur ces ques- tions si pleines d'intérêt pour un métallurgiste, afin de lui faciliter les recherches et lui faire gagner un temps précieux. Déjà, depuis de longues années, parait deux fois par an un résumé similaire dans le journal de la puissante société «Iron and Steel Institute», publié sous l’active et intelligente impulsion de son secrétaire, M. Bennett H. Brough. Le livre allemand de M. Otto Vogel en est limitation, mais il comporte plus d'ampleur. Le style est soigné, Tes analyses fort claires, et certaines desc riptionssont accompagnées de figures explicatives très utiles à consulter. Certes, personne n'était mieux qualifié que le rédacteur du €Stahl und ET INDEX Eisen» pour conduire à bien cel important travail et y continuer les excellentes traditions de son journal. On remarquera que chacun des nombreux chapitres du volume est suivi de la nomenclature des brevets allemands, autrichiens ou américains, pris sur les questions qui y sont décrites. Il faut espérer que, dans les prochaines éditions d’un ouvrage annuel, dont le suc- cès durable est assuré, il ne sera pas fait de sélection à ce point de vue et que les brevets, de quelque natio- nalité qu'ils soient, y trouveront lement place, du moment qu'ils auront une certaine valeur. Nous terminerons nos éloges sur ce Hors très inté- ressant en exprimant le vœu de le voir paraître désor- mais dans le courant de l’année qui suit celle où sont relevées les diverses publications. Cela exigera de l'auteur un travail encore plus ardu, mais il en sera récompensé par l'intérèt plus grand que les lecteurs attacheront à un ouvrage devenu alors tout à fait actuel. EMILE DEMENGE, Ingénieur-métallurgiste. NWitz (Aimé), Professeur à la Faculté libre des Sciences de Lille. — Traité théorique et pratique des Moteurs à gaz et à pétrole (4° edition, refondue et entièrement remaniée). Tome 11. — A vol. grand in-8° de 1135 pages. (Prix des 2 volumes : 30 fr.) E. Bernard, éditeur, Paris, 1904. Ce volume forme, avec celui que nous avons récem- ment analysé ici même, l'édition complète. La plus grande par tie en est consacrée à la mono- graphie dét aillée des moteurs, dont le premier volume a donné l'histoire et la classification. Dans cette revue, où figurent, avec leurs caractéristiques judicieusement établies, tous les types construits et parfois même sim plement concus, nous signalerons, parmi les moteurs à gaz, les moteurs Kærting et van Æchelhaeuser, qui donnent une si bonne solution du problème des moteurs puissants; le moteur Letombe à admission variable et surcompression corrélative, à simple double et même triple effet; le moteur compound Roser-Mazurier, qui a été appliqué en automobilisme, et le moteur Genty, de la Société des Industries écono- miques, compound à gaz et à vapeur, qui n'a pas été encore construit. Parmi les moteurs à pétrole, celui de M. Diesel, conçu comme moteur thermique universel, pour mar- cher aux gaz riches et pauvres, aux pé roles légers et lourds, et aux combustibles solides pulvérisés, ne fonctionne bien qu'avec les pétroles; en revanche, tous ces derniers, mème les schistes sirupeux, donnent de très bons résultats. Aussi ne sera-(-on pas surpris d'apprendre que, pendant l'année 1905, la Compagnie d'Augshourg a mis en marche 244 cylindres Diesel, d'une puissance totale de 8.750 chevaux, en grande partie destinés à la Russie. Ce pays possède plus de la moitié des moteurs Diesel construits jusqu'ici ; l’Alle- magne en à gardé un quart. Cela s'explique par le bas prix du pétrole dans ces deux pays. En France, ce combustible est trop cher pour qu'on puisse l’'employer dans les grandes installations. Pourtant, la Société fran- caise des moteurs Diesel et la Compagnie française des moteurs à gaz, les deux concessionnaires pour notre pays des brevets allemands, ont construit quelques moteurs de ce genre, notamment pour des torpilleurs de notre marine. ‘ Rev. gén. des Sc., tome XV, p. 154. 51% Le moteur Banki, à quatre temps, à haute compres- sion, avec injection d'eau pour empèécher les allumages anticipés, qui à permis, avec une puissance de 25 che- vaux, d'obtenir le cheval-heure effectif moyennant 221 grammes de benzine, n’est pas encore devenu assez pratique pour prendre dans l’industrie la place que ces résultats semblent lui promettre. Cette grande multiplicité de descriptions individuelles demandait à être complétée par des rapprochements synthétiques, aboutissant à une étude plus générale et à une discussion des divers dispositifs. Nul n’était plus qualifié que M. Witz pour faire cette critique, quil a rendue éminemment instructive. Dans un dernier chapitre sont étudiées les diverses applications des moteurs à gaz et à pétrole. Ils conviennent parfaitement à la petite industrie ; ils commencent à prendre une place importante dans la grande. Au quadruple point de vue du prix de revient, de la sécurité de fonctionnement, de la régu- larité de la marche et de la consommation d’eau, les moteurs à gaz peuvent avantageusement entrer en lutte avec la machine à vapeur, dans des conditions déter- minées; dans certains cas spéciaux, ils doivent lui être préférés. Les moteurs à gaz sont souvent employés dans les stations centrales : le développement des alternateurs semble avoir marqué pour eux un temps d’arrèt dans cette application ; pourtant, on a démontré récemment qu'ils pouvaient très bien actionner ces machines électriques. Les deux volumes forment une œuvre complète, très remarquable. GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines. 2° Sciences physiques Hildebrandsson (ll. Hildebrand), Professeur à ? Uni- versité royale et Directeur de l'Observatoire météo- rologique d'Upsal, et Teisserenc de Bort |(L. Météorologiste titulaire au Bureau Central, Directeur de l'Observatoire de Météorologie dynamique. — Les bases de la Météoro!ogie dynamique : Historique. Etat de nos connaissances. — 2 vol in-4° (6 fasci- eules, dont 5 parus, les 1er, 2e, 4,56 et 6e), Paris, Gau- thier-Villars, 1898-1903. L'ouvrage de MM. Hildebrandsson et Teisserenc de Bort est une revue historique et critique de ce qu'est la Météorologie dynamique au début du xx° siècle. M. Teisserenc de Bort est, avec M. Rotch, de Blue Hill, le savant qui a le plus activement préconisé et le plus pratiqué les sondages de la haute atmosphère par ballons-sondes et cerfs-volants. M. Hildebrandsson, membre du Comité météorologique international, est surtout connu par ses beaux travaux sur les nuages : nul n'a dépouillé et critiqué avec plus de sagacité les observations de nuages faites, depuis de longues années, dans les divers observatoires du Globe. La Météorologie dynamique est, avant tout, l'étude des perturbations atmosphériques, de leurs lois et de leurs effets. Il ne semble pas que cette branche de la science puisse jamais atteindre au degré de rigueur qui est la caractéristique de l'Astronomie. Une pertur- bation atmosphérique — bourrasque, cyclone, orage — se produira quand certaines conditions seront réali- sées : mais naïîtra-t-elle ici ou là, à telle heure ou à telle autre? Il paraît bien y avoir ici, entre la cause qui déclanche le mécanisme, et les résultats, cette dispro- portion qui est le fond même de la notion de contin- gence, une notion qui n'a pas de place — on pourrait dire plus justement : qui n'a plus de place — en Astro- nomie, au moins dans l'étude de notre système solaire tel qu'il nous apparaît aujourd'hui. La connaissance des lois générales auxquelles obéissent les perturba- tions, leur propagation, leur évolution, n'en est pas moins objet de science : où en est cette science à l'heure présente, et par quelles méthodes de discussion BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX des observations elle se fait, tel est l’objet du présent livre. Les deux premiers fascicules retracent à grands traits l'histoire de la Météorologie, depuis Halley, Hadley et Maury, jusqu'à notre époque. Quelques pages documen- tées sont consacrées à l’œuvre de Dove, l'une des per- sonnifications les plus nettes de ce type de savant qui a fait dans une branche de la science d'importantes découvertes, mais dont l'autorité devient ensuite le plus sérieux obstacle au progrès de cette science même. C'est sa conception de la lutte entre « le courant équa- torial » et « le courant polaire », par laquelle il expli- quait tous les changements de temps en Europe, qui a longtemps empêché les travaux de Brandes, d’Espy et de Loomis, sur les « tempêtes tournantes » de nos régions, d'être appréciés à leur valeur. Si le terme de « courant équatorial » a été repris depuis lors par cer- tains météorologistes francais, comme De Tastes, du moins ces météorologistes n'ont pas méconnu le rôle des grands mouvements tourbillonnaires qui, pour eux, sont les bouées entrainées par le courant; et, par ailleurs, cette dénomination de courant équatorial paraît même aujourd'hui devoir être rejetée, s'il est établi que le grand courant d'air chaud et humide qui nous arrive du sud-ouest ne vient pas d’au delà du tro- pique. Un des chapitres les plus intéressants est consacré à la grande œuvre de Le Verrier; il s'agit ici beaucoup moins d'une œuvre scientifique propre, que d'une œuvre d'organisation, à laquelle la Météorologie doit d’être entrée dans une voie nouvelle. Les difficultés que ren- contra Le Verrier dans l’organisation du service telégra- phique international, difficultés dont il triompha à force de ténacité, celles qui découragèrent en Angleterre l'amiral Fitz-Roy, moins prudent que Le Verrier et trop empressé à donner prématurément des dépèches de «prévision », au lieu de télégraphier de simples indi- cations d'où les intéressés devaient déduire leur pré- vision, les travaux de Buys-Ballot en Hollande, ceux de Buchau en Ecosse, de Jellinet en Autriche, de Mohn en Norvège, toute cette partie décisive de l'histoire de la Météorologie, qui va de 1850 à 1872, est exposée avec des citations nombreuses et caractéristiques, illustrée par des reproductions exactes de documents de cette époque, premières cartes « barométriques et anémo- métriques » de Le Verrier, « Synoptic Charts » du Ser- vice météorologique anglais, cartes du « Storm Atlas » de Mobhn, etc.; et l’on a ainsi un tableau très vivant de la part prise par les diverses nations d'Europe à cette œuvre générale, dont la France a été l’initiatrice. La partie historique se termine par un chapitre rela- tif à la vapeur d’eau dans l'atmosphère : on y trouvera étudiés les travaux de Renou et de Kämtz, qui ont éta- bli que la condensation pure et simple ne saurait donner de la pluie, ceux de Hann sur la théorie du fæhn et du sirocco, produits par Courants aériens descendants, théorie qu'ont vériliée avec une remarquable précision les travaux de M. Marchand à l'Observatoire du Pic du Midi; enfin, les recherches si importantes d’Aitken sur le rôle des noyaux de condensation dans la production du brouillard. Une troisième livraison, qui n’a pas encore paru, donnera la distribution des divers éléments météoro- logiques de la surface du Globe. La première livraison du second volume (4 de l'ouvrage) aborde, d'aprèsles documents actuels, l'étude de la distribution des éléments météorologiques autour des minima et des maxima barométriques. Il n’est pas possible de résumer en quelques lignes ces pages qui contiennent elles-mêmes un si grand nombre de résul- tats d'observations : inclinaison du vent par rapport aux isobares sur terre-et sur mer, variation de cette inclinaison à l'avant et à l'arrière d'une dépression, relation entre la force du vent et le gradient baromé- trique, ces divers points sont traités sans le secours d'aucune considération théorique, mais simplement par la discussion des annales d’observatoires. Peut-être À 1 Can di dsos BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 515 ne serait-il pas hors de propos d'observer, au sujet de la relation entre le vent et le gradient, que si l’on n'est parvenu qu'à des formules empiriques s'appliquant à des moyennes, c'est qu'on n'a pas assez remarqué que, dans le régime variable, il ne saurait y avoir une rela- tion déterminée entre la force du vent et le gradient où n’entrent pas les dérivées de l’une ou de l’autre de ces grandeurs par rapport au temps. La règle proposée par M. Gabriel Guilbert, — et qu'on peut énoncer en disant que, si le vent est plus fort que celui qui correspondrait au gradient actuel en régime permanent, c'est que ce gradient diminue, tandis qu'il augmente en cas de vent trop faible pour ce gradient, — cette règle peut assu- rément être discutée et regardée comme une règle approchée trop simple ; il n'en est pas moins vrai que le principe qu'elle invoque et qui consiste à introduire la variation avec le temps des éléments en présence est difficilement contestable, et qu'il y aurait intérêt à s'en inspirer dans le classement ét la discussion des observations. Sur la hauteur verticale à laquelle atteignent les cy- clones, les observations des vents et des nuages à diverses hauteurs apportent aussi des indications; mais, Sur ce point particulier, certainement, de nou- velles recherches sont nécessaires. Ce n'est pas le moindre mérite du livre, de permettre au lecteur de distinguer les questions définitivement résolues, celles qui ne le sont pas encore, et celles pour lesquelles on possède, dès à présent, quelques éléments de solution. La cinquième livraison est entièrement consacrée aux trajectoires des dépressions et des cyclones, et la sixième à l’important problème de la circulation géné- rale de l'atmosphère. Au-dessus de la région des calmes équatoriaux souffle en permanence un vent d'est, de 30 à 40 mètres par seconde. Entre cette région et les tropiques, soufflent, au ras du sol, les alizés, au-dessus, les contre-alizés, qui viennent du nord-ouest dans l'hémisphère austral, du sud-ouest dans l'hémisphère boréal. Mais, en avançant vers le nord, le contre-alizé de notre hémisphère de- vient vent d'ouest, et à la latitude du tropique souffle franchement suivant le parallèle, sans se prolonger en aucune facon au nord du tropique. Au delà de la ré- gion des calmes tropicaux, marquée par un maximum de pression barométrique, commence la circulation propre de la zone tempérée, où l'air tourne constam- ment de l'ouest à l’est, ainsi que l'a établi pour la pre- mière fois le P. Dechevrens. Il y a, autour des basses pressions polaires, une circulation d'ensemble, pareille à celle qui se produit autour du centre d’un cyclone; on a, dans les couches inférieures, un mouvement de rotation avec composante centripèle, ce qui correspond aux vents de sud-ouest de nos régions, et, dans les couches plus élevées de l'atmosphère, un mouvement de rotation avec composante centrifuge ;-c'est ce que met en évidence l'étude du mouvement des cirrus qui, dans notre zone tempérée, viennent, en moyenne, du nord-ouest. Comment s'opère la transition entre ces diverses zones échelonnées de l'équateur au pôle nord? Et com- ment se fait le passage du courant supérieur au cou- rant inférieur? Autant de questions qui sont encore incomplètement résolues. Nous espérons avoir donné une idée de la richesse de documentation de l’ouvrage. Volontairement res- treint à une partie spéciale de la Météorologie, il ne traite ni des méthodes d'observation, ni des synthèses théoriques, ni du problème pratique de la prévision. En revanche, il montre bien, par une discussion plus dé- taillée des observations que/ne peuvent la donner les traités les plus complets, comment se fait la science météorologique, quel est le degré de certitude auquel elle peut légitimement prétendre, et aussi quelles ques- tions s'imposent avec une particulière urgence à l’at- tention des observateurs. BERNARD BRUNHES, Directeur de l'Observatoire du Puy-de-Dôme. 3° Sciences naturelles Fritel (P.H.), Attaché au Muséum d'Histoire naturelle de Paris. — Paléobotanique (Plantes fossiles). (Histoire naturelle de la France, 24° bis Partie). — 1 vol. pet. in-8° de 1v-347 pages avec 412 fig. et 36 planches. (Prix : 6 fr.) Les fils d'Emile Deyrolle, éditeurs. Paris, 1903. La Paléobotanique est, à coup sûr, l'une des branches de l'Histoire naturelle qu'il est le plus difficile de présenter sous une forme vraiment élémentaire, à rai- son de l'état de dissociation et de fragmentation sous lequel se rencontrent presque loujours les restes des plantes antérieures à l’époque actuelle et des difficultés toutes spéciales qu’en offre, par suite, la détermination. Aussi faut-il savoir un gré particulier à M. Fritel d'avoir cherché à donner, sous une forme accessible à tous, une idée au moins approchée de ce qu'a été la végé- tation de notre pays, aux différentes époques de son histoire géologique. Le petit volume, très substantiel, qu'il vient de publier dans la série de l'Histoire naturelle de la France, comprend d'abord un résumé géologique géné- ral, avec indication des caractères essentiels de la flore de chaque étage, ainsi que des principaux gisements à végétaux fossiles de la France, classés suivant leurs niveaux respectifs. L'auteur donne ensuite, pour cha- cun des terrains et des horizons où ont été recueillies des plantes fossiles, la description, accompagnée de bonnes figures, des espèces les plus fréquemment ren- contrées; les formes spécifiques ainsi décrites sont au nombre total de 539. Il y a malheureusement à relever, du moins en ce qui regarde les flores paléozoïques et secondaires, quelques erreurs de détail ou omissions qu'il eût été facile d'éviter, telles que l'absence, pour la flore autunienne, de toute mention relative aux gise- ments classiques des environs d’Autun, ou l'inscription dans la flore silurienne du fameux Æopteris des ar- doises d'Angers, dans lequel Saporta, après en avoir fait une Fougère, avait lui-même reconnu de simples dendrites pyriteuses. Par contre, les flores tertiaires, étudiées avec un grand développement, car elles occu- pent près des deux tiers de l'ouvrage, ne donnent prise à aucune critique sérieuse, et ont été traitées par l'au- teur avec une grande sûreté de documentation. L'ouvrage de M. Fritel est de nature, dans son ensemble, à aider très utilement à la diffusion des connaissances paléobotaniques, el ceux qui peuvent avoir l’occasion de rencontrer des empreintes végétales trouveront en lui un premier guide de nature à les encourager à des récoltes et à des études trop délaissées jusqu'ici dans notre pays, mais qui, pour cette raison même, réservent aux chercheurs attentifs plus d'une précieuse découverte. R. ZEILLER, Membre de l'Institut, Inspecteur général des Mines. Anglas (J.), Préparateur de Zoologie à la Sorbonne. — Les Animaux de Laboratoire : la Grenouille. (Anatomie et dissection). — 1 vol. gr. in-8& de 30 pages, avec 1 planches coloriées. (Prix : 5 fr.). Schleicher frères et Ci°, éditeurs, Paris, 190#. Ce volume est le premier d’une série intitulée : les Animaux de laboratoire, qui comprendra cinq autres volumes, consacrés à l'Ecrevisse, la Sangsue, l'Escargot, la Souris, la Carpe; ilest destiné à faciliter aux étudiants en sciences naturelles et en médecine à la fois la prati- que de la dissection élementaire et l'interprétation des organes rencontrés au cours de celle-ci. Les plan- ches coloriées sont formées de feuillets découpés et superposées, suivant un système bien connu, mais qui est peut-être moins naturel qu'il ne parait, car, les muscles mis à part, les organes s'enchevêtrent bien plus qu'ils ne se recouvrent; et il n’est pas certain qu'un étudiant comprenne mieux des planches super- posées, toujours assez difficiles à manier, que de bonnes figures séparées des différents systèmes organiques. 16 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Il n'aurait pas éLé mauvais, je crois, d'indiquer avec plus de précision les différences qui séparent les deux espèces de Grenouille que l'on dissèque habituellement (Hanaesculenta et temporaria), pour inciter les étudiants à déterminer les animaux dont ils se servent; ce n’est jamais superflu, mème pour les formes les plus com- munes, etrien n'est plus propre à donner le sens de l'observation fine et exacte. Les planches sont accompagnées d’un texte qui donne l'anatomie succincte de la Grenouille, ainsi que des indi- cations techniques; je ferai remarquer à M. Anglas qu'il n'y a pas de trou pariétal chez les Batraciens actuels (on n'en voit un que chez les Stégocéphales), et qu'il existe deux vomers et une unique vertèbre sacrée ; peut-être aussi aurait-il été bon de signaler les sacs à cristaux qui se trouvent à droite et à gauche de la colonne vertébrale; enfin, une bonne indication technique est de disséquer l'animal, non dans de l’eau ordinaire, qui gonfle les organes, mais dans de l’eau / salée à 4 2/0. L. CUÉNOT, Professeur à l'Université de Nancy 4° Sciences médicales Castex (E.), Agrégé des Facultés de Médecine, profes- seur de Physique Médicale à l'Université de Rennes, chef du Service d'Electrothérapie et de Radiographie de l'Hôtel-Dieu.— Précis d'Electricité médicale. — Un vol. in-12 de 672 pages et 208 fiqures dans le texte. (Prix :8 fr.), F. de Rudeval, éditeur, Paris 1903. Nous ne nous plaindrons jamais qu'il y ait en France trop de livres d'Electricité médicale, surtout lorsqu'ils seront bien faits comme celui-ci. C'est, en effet, par le livre, autant, sinon plus, que par les travaux originaux, que se répand au dehors d'un pays la renommée de telle ou telle de ses Ecoles scientifiques. Voyez, il y à vingt ans, quels livres nous avions à opposer en France, en fait d'Electricité médicale, à ceux d'Erb, de Remak, de Ziemssen, de Piersons, etc. Aussi, qu'était-il arrivé ? C'est que tous ceux qui naissaient à l'électricité médi- cale avaient Erb pour livre de chevet, ne juraient que par lui et citaient d'abord son opinion, même s'ils ne la partageaient pas. La plupart allaient jusqu'à apprendre dans ces livres, les immortels travaux combien rétré- cis et critiqués, de notre grand Duchenne de Boulogne. Et ce qui se passait en France avait lieu, à bien plus forte raison, dans les autres pays. Aujourd'hui, on peut bien le dire sans fausse modes- tie, il existe une Ecole francaise d'Electricité médicale représentée brillamment, et par le nombre, et par la valeur. Cette Ecole s'est donné la peine, contrairement à ce qui se faisait autrefois, d'apprendre d’abord l’Elec- tricité avant de l'appliquer à la Thérapeutique, et c'est ainsi que nous avons vu, à la place de la galvanisation du sympathique, qui tenait dans la technique de jadis la place de la thériaque dans la pharmacopée de l’avant- dernier siècle, c'est ainsi que nous avons vu, dis-je, toutes ces formes nouvelles de courant, toutes ces appli- cations ralionnelles, toutes ces méthodes basées sur la recherche expérimentale et clinique par lesquelles l'Electrothérapie tout entière a été transformée de fond en comble. Or, c'est par le livre, par le Précis aussi bien que par le gros Traité, que cette transformation, cette régénération, pourrait-on dire, doit être mise en lumière et il appartient à l'Ecole dont elle est sortie presque entièrement d'écrire ces précis et ces traités. Ouvrez le livre d'Erb, la grande autorité d'il y a vingt ans, et mettez-le à côté du livre que je me fais un plaisir de vous présenter aujourd'hui. Vous n'y trouverez rien de commun : technique, méthodes, instruments, biblio- graphie : tout est changé. Et il en est de celui-ci comme de ceux qui l'ont précédé en France. Je veux bien que ce soit l'œuvre du progrès, mais il y à peut-être autre chose : cette autre chose, c’est la manière de voir, de travailler, c'est le clair esprit de la nouvelle Ecole fran- caise d’Electricité médicale. C'est dans tous les bons travaux de cette Ecole, sans ostracisme et sans préférence, que M. Castex à puisé pour faire son livre, et il faut l'en complimenter. Il à eu l'idée heureuse d'y réunir, non seulement l’'Electro- thérapie proprement dite, mais encore la Radiologie et la Photothérapie. Ce sont là de bien gros morceaux, évi- demment; mais, comme le dit M. Castex dans sa préface, tout cela est réuni en France dans un même service dans la plupart des hôpitaux, au moins en dehors de Paris, et je ne crois pas que ces hôpitaux s’en trouvent plus mal. C'est rationnel à tous les points de vue, et c’est économique comme organisation matérielle. D'ail- leurs, ne savons-nous pas aujourd'hui que toute l’'Elec- tricité médicale se divise en deux grandes sections : les Applications directes de l'Electricité à la Médecine, et les Applications indirectes. M. Castex à traité de toutes les applications directes et de quelques appli- cations indirectes les plus importantes, les rayons X et la photothérapie. Il l’a fait avec méthode, avec clarté, non seulement comme quelqu'un qui sait, mais, bien mieux, comme quelqu'un qui sait enseigner. J. BERGONIÉ, Professeur de Physique biologique et d'Electricité médicale à l'Université de Bordeaux. Bernard (Léon), Chef de Clinique médicale à la Fa- culié de Paris. — Les Méthodes d’exploration de la Perméabilité rénale. — 1 vol. de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire. Masson et Ci, édi- teurs. Paris, 1904. Grâce aux méthodes que lui fournissent la Physique et la Chimie, la Médecine tend de jour en jour vers des données plus précises. Par l'emploi des chiffres et de la méthode graphique, le clinicien arrive à rendre objec- tive l'étude d'une maladie, Le « Manuel » de M. Léon Bernard rend compte des nouveaux modes que le laboratoire a mis à notre dispo sition pour évaluer le degré de perméabilité des reins. Dans un premier chapitre, l'auteur passe rapidement en revue les résultats fournis par « l'Analyse chimique » etla « Densimétrie », méthodes déjà anciennes, mais qui restent les plus solides et les moins susceptibles d'être abandonnées. Puis il discute la méthode préconisée par Bouchard pour mesurer la toxicité urinaire, par l'injection intra veineuse d'urine à un lapin, jusqu'à intoxication mor- telle. Il montre que les conditions importantes de la technique expliquent le désaccord entre les divers expé- rimentateurs au sujet du coefficient urotoxique normal. Au chapitre troisième, M. Léon Bernard aborde l’em- ploi de la cryoscopie pour l'examen des urines. Ayant exposé avec impartialité les conceptions de Koranyi, puis de Claude et Balthazard, l’auteur développe sa propre méthode, basée sur le point cryoscopique, non seulement de l'urine mais du sérum sanguin, ainsi que A urine A sérum Au chapitre suivant, M. L. Bernard montre l'emploi utile de la méthode de « l Elimination provoquée ». Le procédé de MM. Achard et Castaigne est exposé en dé- tail : injection de un centimètre cube de bleu de méthy- lène sous la peau du malade; puis examen de l'inten- sité, de la prolongation, du retard, dans l'élimination de ce colorant par les urines. M. Léon Bernard a rendu service en réunissant en un petit volume les conditions techniques et les concep- tions théoriques propres à populariser ces différentes méthodes. Chacune d'elles explique une partie du pro- blème de l'élimination urinaire; mais, tandis que cer- taines, telles que l'Analyse et la Densimétrie, sont d’un usage immédiat dans la pratique médicale, les autres restent des modes de compréhension variés de la fonc- tion des reins, plus propres à éclairer le chercheur qu'à guider le praticien. sur l'établissement du Rapport François DEHÉRAIN, Interne des hôpitaux. CT € CE A ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 517 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 25 Avril 190%. M. G. Bigourdan est élu membre de la Section d'Astronomie. — M. Gordan est élu Correspondant pour la Section de Géométrie. 49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Zoretti démontre les théorèmes suivants : Si le domaine d'existence d'une fonction analytique est borné, elle admet néces- sairement des coupures. Dans un cercle quelconque entourant un point-coupure d'une fonction analytique, cette fonction admet nécessairement des coupures. — M. P. Ditisheim a essayé de déterminer la différence de longitude entre les Observatoires de Paris et de Neufchatel par le transport de chronomètres à ancre peu sensibles aux secousses. La moyenne des valeurs trouvées est de 182880; la détermination directe à donné, en 1877, 18M28°53. — M. H. Poincaré : Rapport de la Commission chargée du contrôle scientifique des opérations géodésiques de l'Equateur (p. 384). — M. P. Chofardet présente ses observations de la comète 1904 a (Brooks) faites à l'Observatoire de Besançon, avec l'équatorial coudé. — M. Salet communique ses obser- vations de la mème comète, faites à l'Observatoire de Paris. — M. G. Fayet a calculé les éléments provisoires de la comète Brooks. — MM. M. Farman, Em. Tou- chet et H. Chrétien ont cherché à déterminer la hau- teur des Léonides en novembre 1903 en les observant simultanément en deux stations distinctes. La moyenne des hauteurs d'apparition à été de 103,6 km., celle des hauteurs de disparition de 75,8 km. — M. Edm. Maillet communique ses recherches sur les coefficients de tarissement des débits des décrues des rivières. La décrue semble surtout soutenue par l’égouttement des terres et les sources éphémères qui en résultent. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. A. Jacquerod et F.-L. Perrot ont constaté que le point de fusion de l'or au thermomètre à azote à volume constant (avec ampoule de silice), à une pression initiale de 200 millimètres environ, est voisin de 1.06%. Les coefficients de dilatation de l'air, de Az, G et CO entre 0 et 1.000° sont excessivement voisins. — MM. Ph.-A. Guye et Ed. Mallet ont reconnu qu'on peut utilement adopter, comme valeur probable d'un rapport atomique, la moyenne arithmétique corrigée par la règle de M. E. Vallier. Cette méthode, appliquée aux résultats des expériences de M. Morley sur le rapport 0 : H, donne O = 15, 8787 pour H = 1, où H — 1,00764 pour O = 16. — M. P. Lemoult a déterminé les chaleurs de combustion à pression constante de quelques ami- nes cycliqués et a trouvé un accord satisfaisant avec les nombres calculés par sa théorie. — M. A. Dufour à constaté que l'hydrogène etle silicium s'unissent direc- tement et en très faible proportion à une température supérieure à celle de la fusion du Si, en donnant de l'hydrogène silicié Si H*. — M. H. Pécheux a préparé par fusion trois alliages d’Al et de Ph à 93, 95, et 98 0/, d'Al. Ils sont inoxydables à l'air humide. Ils sont atta- qués à froid par HCI, KOH et SO“H® concentrés. — M. Hanriot : Sur l'or colloidal (voir p. 520). — M. L. Robin à extrait des fleurs de mimosa une matière colorante jaune pouvant être utilisée comme indicateur pour l'alcalimétrie ou l’acidimétrie ; elle convient par- ticulièrement à la recherche de traces d'acide borique. —M. V. Grignard a constaté que le dérivé magnésien du bromophénétol n’est pas stable; il en est probablement de même pour les composés magnésiens analogues dérivés d'éthers-oxydes de phénols arylaliphatiques. — M. Lespieau, en fixant 2 atomes de CI ou Br sur l'acide vinylacétique, a obtenu des acides butyriques substitués en 5 eten y; ceux-ci, par perte d'hydracide, fournissent des acides crotoniques y-substitués et même lalactone oxy-crotonique. — M. R. Fosse, en traitant le carbonate de $-naphtyle par un carbonate alcalin, a obtenu la dinaphtopyrone, d’après l'équation ; Co 2 C0 (0. CHR — CO? + 2CHTOH + COHS/ ces. ONE — M. L. Hugounenqg a extrait de l'œuf du Hareng une albumine nouvelle, la clupéoviue, donnant par hydrolyse de nombreux acides amidés. Au contraire, la clupéine du sperme de hareng fournit par hydrolyse surtout des produits basiques. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Charrin à reconnu que l’autolyse d’un viscère engendre des troubles mor- bides par des procédés multiples : atteintes portées à la fonction capitale de ce viscère, disparition de prin- cipes utiles (diastases) à des actes physiologiques, genèse ou augmentation de composés nuisibles. — M. F. Garrigou montre que l’action thérapeutique de certaines sources minérales provient de l’état colloïdal des métaux qu'elles renferment, état qui en fait de véri- tables oxydases. — M. Bercut présente un appareil mécanique permettant la trépanation et le massage vibratoire, — M. Ph. Eberhardt a observé, sur la flore de l'ile de Long Island, l'influence d'une atmosphère très humide et chaude : augmentation de la croissance en hauteur, réduction de l'appareil radiculaire, grand développement de la surface foliaire. — M. L. Ravaz montre que la brunissure est un cas particulier de l'appauvrissement de la plante amené parla production; on l'évitera en faisant usage de fumures riches en potasse. — M. E. de Martonne retrace l'évolution du plateau de Mehedinti (Roumanie). — M. J.Welsch à étudié les failles et les ondulations des couches secon- daires et tertiaires dans la vallée inférieure du Loir. Il y a deux systèmes principaux de dislocations : l’un est dirigé O.-N.-0., à peu près suivant la direction sud- armoricaine ; l'autre est dirigé du S.-0. au N.-E. Séance du 2 Mai 1904. La Section de Minéralogie présente la liste suivante de candidats à la place laissée vacante par le décès de M. Fouqué : 1° M. Ch. Barrois; 2° M. Douvillé; 3° MM. J. Bergeron, M. Boule, E. Haug, L. de Lau- nay, P. Termier et F. Wallerant. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Guillaume pré- sente ses observations de la comète Brooks (190% à) faites à l'équatorial coudé de l'Observatoire de Lyon. — M. P. Duhem démontre que les petites oscillations de l’action extérieure r'ont qu'une influence négligeable sur les oscillations d'un système dont le coeflicient de viscocité est grand par rapport à l'amplitude de ces oscillations. — M. Ch. Renard décrit un nouvel appareil destiné à la mesurg de la puissance des moteurs; il est fondé sur les lois de la résistance de l'air et porte le nom de moulinet dynamométrique. — M. Séjourné signale une disposition nouvelle intéressante adoptée pour le Pont Adolphe, à Luxembourg. La largeur totale de 16 mètres est obtenue, non par une voûte unique, mais en établissant à chaque tête un pont de 5%,25 de largeur et recouvrant d'un plancher en béton armé l'intervalle entre ces deux ponts. 20 SciENcES PHYsiQues. — M. G. Lippmann à Con- staté que l’action du magnétisme terrestre sur une tige d'acier invar destinée à un pendule géodésique est 518 complètement négligeable devant l’action de la pesan- teur; il y a donc tout avantage à substituer le métal invar au laiton. — Le P. Colin a observé les éléments magnétiques en 23 stations au sud et à l'est de Tana- narive ; Lous les éléments sont irréguliers ou anormaux. — M. P. Vaillant montre que les écarts parfois consi- dérables qu'on obtient dans les observations spectro- photométriques sont d'autant plus grands que l’absorp- lion du corps coloré varie plus rapidement dans l'intervalle du spectre considéré. — M. V. Crémieu étudie la sensibilité de sa balance azimutale. M. B. Brunhes montre que le sens de la rotation des cyclones et tourbillons aériens ou d'eaux courantes est déterminé par la force centrifuge composée due à la rotation terrestre et par la durée de rotation. Dans l'hémisphère nord et pour des durées de rotation attei- gnant ou dépassant 5 à 10 secondes, il y a prédominance des tourhillons sinistrorsum. MM. A. Brochet et J. Petit ont observé que le platine se comporte comme le fer et le cobalt vis-à-vis du courant alternatif et se dissout avec la plus grande facilité dans les cyanures. — M. Alb. Colson à reconnu que les actionschimiques qui émettent des rayons N sont toujours accompagnées d'actions physiques (contraction, refroidissement, etc. qui agissent dans le même sens. — MM. P.-Th. Muller et Ed. Bauer ont été conduits par divers procédés physico-chimiques à attribuer à l'acide cacodylique et à son se] de soude la même constitution: il s'ensuit qu'un corps amphotère n’est pas nécessairement un pseudo- acide.— M. A. Dufour a observé quelasiliceest réduite à haute température par l'hydrogène ; il sefait de l'hydro- gène silicié et de l’eau: la réaction inverse est possible. — M. H. Pécheux a obtenu par fusion des consti- tuants 9 alliages bien définis : Zn‘Al, Zn°Al, ZnAl, IZnAË, ZnAF, ZnAl', ZnAl‘, ZnAl!° et ZnAl®. Ils sont tous attaqués par HCI à froid. — MM. L. Vignon et A. Simonet, par action du chlorure de diazobenzène sur la diphénylamine, ont obtenu le phényldiazoami- dobenzène CSHSAz : Az. Az (C°H°}, fondant à 47°. M. E.-E. Blaise est parvenu à différencier nettement les cétones allylées et propénylées par l'action de l'hydroxylamine, de la semicarbazide et du brome. M. L. Bouveault a appliqué la réaction de Grignard aux éthers halogénés des alcools tertiairés; la réaction n'a lieu bien qu'entre 5 et 15°, La solution magnésienne absorbe CO? sec et fournit l'acide correspondant. M. M. Descudé à préparé lon de méthyle bichloré symétrique CICH®.0.CHECI par l'action du PCF sur le méthanal polymérisé. Le produit de la réaction bout à 102-105°, —M. M. Nicloux décrit un procédémécanique d'isolement des substances contenues dans-les cellules végétales. — MM. Em. Bourquelot et H. Hérissey, en hydrolysant l’aucubine par les acides, ont obtenu du dextrose et une nouvelle substance CTH°O$, qu'ils nom- ment aucubigénine. Les feuilles d’'Aucuba renferment un ferment capable de dédoubler l’aucubine : c'est de l'émulsine. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Calmette a constaté que quelques venins renferment, outre la neurotoxine commune à tous les venins, une hémorragine. Il serait donc utile de préparer des sérums antivenimeux poly- valents, actifs à la fois contre la neurotoxine et l'hé- morragine. — M. Aug. Charpentier confirme, par l'étude des rayons N émis par le nerf, l'existence d'os- cillations rapides dans le nerf excité. — M. C. Spiess a observé, dans le tube digestif de l'Aulastome, des différenciations épithéliales qui sont dues à l'influence de son régime alimentaire carnivore et de sa voracité bien connue. — M. C. Viguier signale des exemples d'hybridations anormales chez les Oursins. — MM. H. Coupin et J. Friedel ont constaté que le Sterigmato- cystis versicolæ se développe normalement dans le liquide Raulin, sans acide tartrique. Son mycélium est de couleur rouille: il sécrète un pigment qui peut aller du jaune clair au carmin intense. — M. R. Gallerand a étudié une moelle de palmier (Satranabe) qui sert de nourriture aux Sakalaves; elle renferme de l’amidon et FÉ . UN, é "" ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES une proportion relativement forte de substances albu- minoides (10,5 2/6). — M. M. Guédras signale l’exis- tence d'un filon stannifère en Lozère, à proximité d’un important gîte de barytine. ACADEMIE DE MÉDECINE Séance du 26 Avril 1904. M. A. Laveran présente un Rapport sur deux Mé- moires de M. L. Cazalbou relatifs à deux trypanoso- miases des animaux en Afrique. L'une, la Mbori, par- ticulière aux dromadaires, a pour agent un Trypano- some voisin de Tr. Evansi et de Tr. Brucei, qui est transmis par une mouche, le Tabanus soudanensis. L'autre, la Soumaya, atteint surtout les Bovidés; elle a pour agent un Trypanosome voisin du précédent, pro- pagé aussi par un T'abanus. — M. Ch. Monod présente un Rapport sur un Mémoire du D' Lagarde, relatif à un instrument destiné à faciliter les injections intersti- tielles de paraffine. La paraffine solide y est soumise à une forte pression et sort de l'aiguille à l’état mou, ce qui permet de lui donner facilement la forme voulue. — M. J. Boeckel, dans un cas de paralysie de la bran- che profonde du nerf radial, après traumatisme, a re- cherché les extrémités sectionnées du nerf, les a sutu- rées, et a obtenu une bonne guérison. Séance du 3 Mai 1904, L'Académie procède à l'élection d'un membre titu- laire dans la Section d'Hygiène publique, Médecine légale et Police médicale. M. Netter est élu. M. A. Manouvriez montre que l'affection connue sous le nom d'anémie des mineurs est, en réalité, une maladie parasitaire, une ankylostomiase, qui se mani- feste presque exclusivement chez les mineurs, parce que les galeries de mines présentent seules la tempé- rature élevée nécessaire au développement des larves de ce parasite, originaire des pays chauds. — M. Ray- mond présente un malade atteint de myopathie sca- pulo-humérale, qui l'empêchait complètement de se servir de ses membres supérieurs. On a alors suturé l’omoplate aux 5° et 6° côtes, de facon à donner aux muscles non atrophiés un point d'appui suflisamment solide pour récupérer tout ou partie de leurs fonctions. Trois mois après l'opération, le malade peut de nou- veau se servir de ses bras. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 16 Avril 1904. MM. M. Doyonet N. Kareff montrent que l'atropine ne provoque pas l’incoagulabilité du sang par une ac- tion directe sur ce liquide ; elle agit par l'intermédiaire du foie. — M. A. Giard relève quelques inexactitudes d'un travail de Mie H. Richardson sur les Bopyriens. — Le mème auteur a étudié la parthénogénèse artificielle par dessèchement physique. Celui-ci parait agir en modifiant les rapports du noyau et du protoplasme. — M. Ch. Féré : Rôle des attitudes et des mouvements associés dans le travail à l’ergographe, et influence du changement de rythme sur le travail suivant l’état de fatigue. — M. L. Grimbert recherche l'urobiline dans l'urine par le procédé de Roman et Delluc appliqué à l'urine déféquée par la méthode de Denigès. — M. Marinesco à étudié les lésions des neuro-fibrilles con- sécutives à l'anémie provoquée par la ligature de l'aorte abdominale. — M. A. Billet a aussi observé l'hémogrégarine nouvelle décrite par M. Ducloux dans le sang de l’'Emys leprosa. — M. R. Gaultier a cons- taté qu'à l’état normal, quand l'alimentation est mixte et l'intestin sain, la réaction des fèces est toujours neutre. Le régime hydro-carboné et l'insuffisance des sécrétions glandulaires entraînent une réaction acide des fèces. — M. J.-B. Piot-bey a observé une hyper- thermie cadavérique chez des bœufs égyptiens ayant succombé à la piroplasmose (malaria bovine). — M. Ch. Nicolle à trouvé une hémogrégarine à action karyoly- à «ote chez le Gongylus ocellatus. — M. 9. Rehns a étu- lié le mode d'action des cytotoxines 17 vivo. Les glo- bules rouges atteints par le fixateur injecté ne ren- contrent pas d'alexine libre dans le plasma. — M.P. Salomon n'a pu, avec le liquide provenant d'une gomme syphilitique, provoquer l'infection syphilitique. Chez un singe inoculé avec ce liquide, on à ultérieure- ment, avec une lésion syphihtique jeune, déterminé l'apparition d’un chancre induré. — MM. M. Doyon et N. Kareff : Effet de l’ablation du foie sur la coagula- bilité du sang (voir p.463). — M. Dufourt a constaté que l'absorption des alc alins à augmente la ne de l'urée par rapport à l'azote total de l'urine. M. C. Pagès préconise l'emploi du pistolet de Stahel pour laba- tage des bœufs; il donne la mort instantanément et sans souffrance. -— M. G. Moussu montre que, chez des vaches laitières qui n'ont pas de gros signes cliniques de tuberculose, la mamelle peut laisser passer ou éli- miner des bacilles en quantité suffisante pour infecter des sujets d'expérience. — M. J. Perraud : Sur la per- ception des radiations lumineuses chez les papillons nocturnes (voir p. #63). — M. C. Hervieux a recherché l’indoxyle dans le sang ; le sang de la veine cave en renferme plus que celui des veines coliques. C'est l’in- verse qui se produit pour la présence de l'indol; la veine colique renferme même un peu de scatol. MM. A. Gouin et P. Andouard ont constaté que le ré- gime alimentaire, chez les Bovidés, influe beaucoup sur l'hydratation des tissus du corps; le bicarbonate de soude, en particulier, augmente fortementl'hydratation. NE. Brumpt décrit une espèce nouvelle de mouche tsé-isé provenant de l'Afrique centrale, qu'il nomme Glossina Decorsei. — Le mème auteur montre, d'autre part, que la Filaria Loa Guyot est la forme adulte de la microlilaire désignée sous le nom de Ær/aria diurna Manson. — M. J. Lesage à reconnu que la dose mor- telle pour le chien de l’adrénaline injectée en solution dans les veines est intermédiaire entre 0,1 et 0,2 mgr. par kilog. — M.R. Bayeux conclut de ses mesures sur l'oxyhémoglobine que les combustions organiques dimi- nuent à mesure que l'altitude augmente. M. L. La- picque estime que la méthode de Hénocque ne peut donner sur ce point que des résultats absolument illu- soires. — M!!° A. Drzewina décrit la structure de l'organe lymphoïde de l'æsophage chez les Sélaciens. — M. Alb. Branca a observé de curieux corpuscules sidérophiles dans le revêtement épithélial du fourreau de la langue chez le Tropidonotus natrix. — Le mème auteur montre que les glandes intra-épithéliales de l'urètre antérieur se rapportent à deux types : les unes, petites et nombreuses, occupant la paroi de la lacune; les autres, rares mais volumineuses, siégeant au fond. — MM. P. Nobécourt et G. Vitry ont étudié les modifi- calions des solutions chlorurées sodiques dans les dif- férentes portions de l'intestin du lapin. — MM. J. Ca- mus el P. Pagniez ont constalé qu'il existe une hypo- hémoglobinie musculaire qui ne dépend pas directe- ment de la ‘teneur du sang en hémoglobine, mais surtout de l'état général du sujet. : Séance du 23 Avril 1904. MM. E. Bourquelot et H. Hérissey : Sur l'aucubine {voir p. 518). — M. J. Aloy a constaté la coexistence des actions oxydantes et réductrices dans les extraits d'or- ganes d'oiseaux, de carpe, d'écrevisse, d'huitre et de ver de terre. — MM. P. Bar et R. Daunay ont trouvé que, chez les femmes enceintes, le carbone urinaire Sest accru par rapport à l'azote; il l'est davantage chez les multipares que chez les primipares. — M. G. Bohn a observé qu'une alimentation abondante favorise la croissance des embryons de grenouilles et retarde la transformation en têtard; la suppression brusque de l'aliment détermine une transformation immédiate. Les têtards provenant d'œufs insolés sont plus gros que ceux qui proviennent d'œufs non insolés. — M.J. Le- sage à remarqué que le chat présente, vis-à-vis de l'adrénaline, une résistance beaucoup plus grande que le ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 519 chien ; la dose mortelle est de 0,5 à 0,8 mgr. par kilog. — M. A.-M. Bloch présente un appareil, l'endéchomètre, permettant de mesurer les bruits fournis par la per- cussion médicale. — MM. J. Ville et E. Derrien indi- quent dans quelles conditions l'emploi du procédé de Mohr au dosage du chlore urinaire peut donner des résultats comparables. — M. E. Maurel montre que, d'une manière générale, l'azote uréique est fonction de l'azote absorbé et, jusque dans une certaine mesure, de l'azote ingéré. Dans les conditions de la ration moyenne d'entretien, tout l'azote alimentaire, sauf environ 0 gr. 40 par kilog de poids, se retrouve dans les urines et à l'état d'urée. —M. E. Brumpt a reconnu que la maladie désignée sous le non d’'Aïno par les Somalis de l'Ogaden est une trypanosomiase probable- mentidentique au Nagana de Afrique orientale. — Le même auteur décrit une maladie, connue sous le nom de peste du cheval, qui frappe ces animaux en Abys- sinie; les symptômes et les lésions ressemblent beau- coup à ceux de la péri-pneumonie. — M. A. Herpin à étudié la distribution des veines dans le rein chez le veau, le cochon et le mouton. — M. Ch. Schmitt a constaté l'existence, dans la peau, de ferments oxy- dants et réducteurs, qui jouent un rôle dans la forma- tion des pigments. MM. J. Chenu et A. Morel montrent que les parathyroïdes externes contiennent beaucoup moins d'iode que le corps thyroïde (4 fois moins chezle chien). — M. L. Nattan-Larrier décritles myélocytes basophiles du foie fœtal. — MM. A. Chas- sevant et M. Gares ont étudié la toxicité des dérivés carboxylés du benzène. Une seule substitution COOH diminue la toxicité du noyau; deux substitutions déterminent une toxicité voisine de celle du benzène. Séance du 30 Avril 190%. M. J. Rehns à observé que le carmin finement broyé en suspension dans l'eau salée peut fixer d'assez grandes quantités de toxine tétanique. On peut injecter à des lapins jusqu'à 500 doses mortelles de cette toxine ainsi neutralisée sans accidents et sans production d'antitoxine. — MM. E. Toulouse et Damaye ont cons- taté une prédominance très nette des états morbides similiaires chez les collatéraux par rapport aux pa- rents. — MM. Ed. Toulouse et C1. Vurpas signalent la longue durée de l'élévation thermique dans la fièvre émotive el sa persistance longtemps après la dispari- tion de l'émotion. — M. R. Dubois à observé la forma- tion de cultures minérales à la suite du dépôt d'une particule de baryum sur un bouillon gélatineux. — M. C. Spiess étudie les différenciations épithéliales du tube digestif d'Haemopis sanguisuga sous l'influence du régime alimentaire. — MM. A. Gilbert, M. Hers- cher et $. Posternak présentent un appareil pour le dosage de la bilirubine dans le sérum sanguin. — M. M. Nicloux décrit un procédé mécanique d'isole- ment des substances cellulaires. — Le même auteur montre que la substance active, douée de propriétés lipolytiques, contenue dans la semence de ricin, est le cytoplasma, à l'exclusion de tous les autres éléments de la graine. — M. A. Branca décrit la transformation de la spermatide en spermatozoïde chez l'Axolotl. — M.E. Maurel montre que notre organisme peut se suflire avec 0 gr. 01 de CaO et 0 gr. 005 de Mg0 par kilog de poids. Ces quantités sont contenues normalement dans nos aliments habituels. — M. J. Lesage a reconnu que chez le chien, anesthésié ou non, la mort dans l’'em- poisonnement par injection intra-veineuse d'adréna- line est rapide; elle à lieu par arrêt du cœur. — MM. M. Loeper et Cantonnet ont observé des varia- tions rapides du volume de l'œil à la suite de modifica- tions apportées à l'équilibre moléculaire du sang. — M. D. Jacobsohn a constaté que les bacilles tuberculeux rendus fluorescents ne donnent plus avec la tuberculine l'ascension thermique caractéristique de 2 degrés. — M. Ambard a provoqué expérimentalement l'ædème chez les animaux par des injections pratiquées vingt heures après ligature des uretères; on observe d° abord »20 ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES de lœdème périviscéral, puis intermusculaire, puis cutané. — MM. A. Charrin et Léri ont observé que, dans les hémisphères cérébraux de nouveau-nés issus de mères malades, il peut exister des hémorragies. — MM. M. Doyon et N. Kareff montrent que l'ablation d'une seule glandule parathyroide chez la Tortue d'Afrique est sans effet; la destruction des deux glan- dules provoque la paralysie et la mort. — M. Pariset a constaté que l'injection de suc pancréatique dans le sang porte augmente parfois du simple au double la quantité de sucre dans la veine sus-hépatique. — MM. P. Carnot et P. Amet ont étudié l'absorption des solutions salines par l'intestin. L'absorption de NaCl n'est nullement proportionnelle à l'absorption d'eau. — M. P. Wintrebert a étudié la régénération des membres postérieurs chez l'Axolotl après ablation de la moelle lombo-sacrée; elle peut être obtenue chez l'adulte comme chez la larve en dehors des centres médullaires. RÉUNION BIOLOGIQUE DE BORDEAUX Séance du 12 Avril 1904. M. R. Brandeis à examiné le liquide céphalo-rachi- dien dans quatre cas de zona; il a trouvé, chaque fois, de la lymphocytose. — MM. Coyne et Cavalié ont observé des lésions constantes dans lintoxication par l'iodoforme et par le chloroforme. Par l’iodoforme, il y à néphrite parenchymateuse subaiguë, avec nécrose et abrasion de l'épithélium par plac par le chloro- forme, on rencontre une congestion intense avec glo- mérulite. — M. M. Cavalié a étudié les ramilications nerveuses dans les lames de l'organe électrique du Torpedo galvani. RÉUNION BIOLOGIQUE DE MARSEILLE Séance du 19 Avril 1904. MM. Alezais et Bricka ont étudié les altérations des muscles du chien dans la rage; elles paraissent plus profondes aux membres postérieurs qu'aux membres antérieurs. — MM. A. Raybaud et Vernet ont observé deux cas de splénomégalie chronique avec anémie chez le nourrisson. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Ÿ Séance du 22 Avril 1904. M. A. Kling présente une note sur le dimère de l'ace- tolate de méthyle obtenu par l’action de CH*OH sur le formiate d'acétol; il lui attribue la formule : CH$.C(OCH).CH® | | (0) (O | | CHS.C(OCHS).CH® — M. H. Hanriot, étudiant les solutions d’or colloïdal obtenues par Henrich en traitant le chlorure d'or par la pyrocatéchine, a pu précipiter ces solutions par les acides. Le précipité, devenu insoluble dans l'eau, à la propriété de se redissoudre dans les alcalis en régé- nérant les solutions primitives. Celles-ci précipitent par divers sels métalliques en donnant des composés com- plexes renfermant du métal précipitant. Enfin, l'analyse de l'or colloïdal précipité a montré que ce n’est pas de l'or métallique, mais un composé riche en or (91,5) uni à une matière organique. — M. R. Locquin expose les résultats généraux de ses recherches sur la nitro- sation des éthers $-cétoniques &-substitués, opération qui est susceptible de donner, comme on le sait, des isonitrosocétones R.CO.C(: AzOH)R'ou des oximes homo- pyruviques R'.C(:Az0H).CO?R". On obtient les isonitro- socétones lorsqu'on fait intervenir les agents nitrosants sur les acides B-cétoniques, eu solution neutre, tandis qu'on chtient toujours des oximes pyruviques lorsqu'on nitrose au sein de l'alcoolate de soude ou en liqueur acide. A est particulièrement avantageux d'utiliser comme réactifs les éthers nitreux dans le premier cas, et les cristaux des chambres de plomb au sein de l'acide sulfurique concentré et refroidi à 0° dans le second cas. Les rendements en oximes homopyruviques ne sont alors jamais inférieurs à 85 °/, de la théorie, quel que soit le poids moléculaire considéré. M. Locquin montre comment il est amené à attribuer le sens de la réaction à La forme que prend, suivant les cas, la molé- cule de la matière première : la nitrosation de la forme cétonique donnerait les isonitrosocétones, tandis que la nitrosation de la forme énolique donnerait les oximes homopyruviques. Ces dernières, traitées par l'alcool saturé de gaz chlorhydrique ou par le bioxyde d'azote ou mieux encore par l'acide nitreux, sont transformées plus où moins facilement en éthers R'.CO.CO*?R", homo- logues supérieurs des éthers pyruviques, dont on ne connaissait jusqu'à présent que les deux ou trois premiers termes: — MM. Ch. Moureu et R. Delange, en faisant réagir l'éther de Kay sur les dérivés halogéno- inagnésiens des carbures acélyléniques R.C=—CMgX {conformément à la réaction que MM. Bodroux et Tschitschibabin ont fait connaître dernièrement pour une série de dérivés halogéno-magnésiens ordinaires R.MgX), ont obtenu, avec de bons rendements, les acétals des aldéhydes acétyléniques R.C=C.CHO, que les auteurs avaient déjà préparés par l'action directe des éthers formiques sur les carbures sodés. L'acétal phénylpropiolique C‘H°.C—C.CH(OC*H°® distille à 144-1459 sous 14 mm. L'acétal amylpropiolique C*H".C —C.CH(OCHF® distille à 110° sous 11 mm. L'acétal hexylpropiolique C°H4#.C = C.CH(OC*#H°)° bout à 126-127° sous 12 mm. et l'aldéhyde correspondant à 90-92° sous 13 mm. — MM. L.-J. Simon et A. Con@uché ont con- densé l’éther oxalacétique avec les aldéhydes en pré- sence d’ammoniaque ; avec l’aldéhyde benzoïque on a : CO?C2H5.CHE.CO.CO2C:1P + C'HSCOH — 2A7H° — C*H°0H + H°0 C#H#470.AzH5. On obtient facilement la subs- tance acide correspondant au sel ammoniacal; d'après les recherches exécutées, cette substance serait un dérivé de la cétopyrrolidone carbonique : CO CO —; CH col Jen CHE AZII Cette substance à des propriétés acides analogues à celles de l'éther oxalacétique et fournit, comme lui, phénylhydrazone et oxime. La réaction s'applique aux aldéhydes aromatiques et aux aldéhydes de la série grasse (furfurol, aldéhydes nitrobenzyliques, anisique, salicylique, vanilline, pipéronal, ænanthol, etc.) On peut remplacer dans la réaction l'ammoniaque par une base primaire, telle que la méthylamine ou l'aniline, mais pas par une base secondaire. Enfin, avec les dérivés de substitution de l’éther oxalacétique, la réac- tion suit un autre cours. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 18 Février 1904 (suite). M. G.-C. Simpson présente ses recherches sur la radio-activilé atmosphérique aux latitudes élevées. En, 1901, Elster et Geitel ont découvert un gaz radio-actif dans l'atmosphère terrestre; ils ont indiqué une méthode pour le rechercher, ainsi qu'un étalon arbi- traire au moyen duquel il peut être mesuré. Dans ce mémoire-ci, l'auteur donne les résultats d’une série de mesures faites, d'après la méthode d’Elster et Geitel, dans le village de Karasjok (Laponie). Les mesures onb été prises trois fois par Jour, sans interruption, pen- dant quatre semaines, du 23 novembre au 19 décembre 1903: durant cette période, le Soleil ne s’est pas élevé au-dessus de l'horizon. Le principal résultat obtenu est la valeur très élevée atteinte par la radio-activité, la valeur moyenne pour le mois (A —102) étant presque six fois plus élevée, et la valeur maximum (A —432} presque sept fois plus élevée que les valeurs correspons _4 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 521 dantes trouvées, dans le fcentre} dej l'Allemagne," par Elster et Geitel. L'analyse des résultats indique que les moyennes des observations faites le matin et l'après- midi sont presque égales (87 et 88 respectivement), tandis que la moyenne de celles du soir est beaucoup plus élevée (131), ce qui montre une période diurne, L'auteur a étudié avec soin l'effet des divers éléments météorologiques, mais il n'a pu découvrir aucun rap- port entre la radio-activité et la hauteur du baromètre ou la température, quoique cette dernière ait varié considérablement (de —35° à +2,59C). Au contraire, la quantité des nuages semble avoir une influence, la radio-activité en l'absence de nuage étant A—130, lorsqu'il y à quelques nuages isolés A —107, lorsque le ciel est complètement couvert A—76. Les mesures de variation du potentiel, faites au moyen d'un électro- mètre auto-enregistreur concurremment avec celles de la radio-activité, n'indiquent aucune relation directe entre les deux. L'aurore boréale paraît aussi n’exercer aucune influence sur la radio-activité. Les résultats empruntent un intérêt particulier à la position septen- trionale du lieu d'observation (69020! N. et 36'E.) et ils jetteront quelque lumière sur la distribution géogra- phique de la radio-activité atmosphérique. L'état de la terre fortement gelée, recouverte de neige sur plus de 100 milles à la ronde, constitue des conditions unifor- mes qui aideront à une juste compréhension de la source de l’émanation radio-active de l'air. Séance du 25 Février 1904. M. J. Y. Buchanana télerminé /a compressibilité de quelques solides : platine, or, cuivre, aluminium et magnésium. La compressibilité linéaire absolue à été mesurée à des pressions de 200 à 300 atmosphères et à des températures de 7 à 41° C.; les déterminations ont été faites par la même méthode qui à déjà servi à l'auteur pour le verre, Voici le résultat des expériences : Tagceau I. — Compressibilité de quelques corps. COMPRESSIBILITÉ ; POIDS , SUBSTANCE ANNÉE DENSITÉ | A atomique : ’ , linéaire | cubique Platine. 190% 19% 21,5 0,1835 | 0,5505 CDR PT AIN — 197 19,3 .260 0.780 CULVTE NE 63 8,9 8 0 ,S6% Aluminium. . .| — 27 2,6 1,674 Magnésium . .| — 24 1,75 3,162 Mercure . 1875 200 13,6 1533 Verre (flint) 1SS0 » — 0,973 = —, 190% » 2,968 | 1,02 — allemand.| — » 2,494 | 0,846 Dans le cas des cinq premiers métaux, la compressi- bilité augmente quand la densité et le poids atomique diminuent; mais il n'y à aucune raison de supposer que la compressibilité soit une fonction de ces deux facteurs. — M. N.-H. Alcock conclut de ses recherches sur les phénomènes électro-moteurs des nerfs non mé- dullés des Mammifères : 4° Les nerfs non médullés pré- sentent une variation négative et un courant de lésion environ trois fois plus grands que les phénomènes simi- laires dans les nerfs médullés du même animal; 2° La variation négalive de ces nerfs subit une diminution - progressive quand les stimuli se répètent; 3° La cause immédiate de cette diminution est un changement localisé au point d’excitation ; 4° Les courants électro- toniques des nerfs non médullés sont très faibles (1/40e de ceux des nerfs médullés). — M. R.-H. Elliott a étudié l'action du venin du cobra indien sur l’orga- nisme. Le venin du cobra agit directement sur le tissu musculaire des vaisseaux sanguins, ou par l’intermé- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. diaire de ses terminaisons nerveuses vaso-molrices, en contractant les artérioles et élevant la pression arté- rielle. Le venin agit aussi directement sur le ventricule de grenouille isolé, le tuant en position de systole si la solution est concentrée, et le stimulant si la solution est faible. Le venin affecte puissamment le cœur isolé des Mammifères. En injections sous-cutanées mortelles faibles, le venin de cobra tue en paralysant le centre respiratoire; en injections intra-veineuses fortes, la respiration cesse aussitôt. — MM. A.-E. Wright el S.-R. Douglas ont montré antérieurement que la pha- gocytose qui a lieu quand des cultures de Staphylococ- cus pyogenes sont ajoutées au sang humain dépend directement de la présence de certaines substances (opsonines) dans le sang, qui exercent une action spéci- fique sur les bactéries. De nouvelles recherches sur le rôle des fluides sanguins en rapport avec la phago- cytose, les auteurs concluent que l'action opsonique ne s'exerce pas uniquement sur le S. pjogenes, mais sur d’autres bactéries. En ce quiconcerne l’action bactéricide du sang humain, les microbes pathogènes peuvent se diviser en quatre classes : 1° bactéries très sensibles à l’action bactéricide, bactériolytique et opso- nique des fluides du sang humain normal : B. typho- sus, Vibrio cholerae Asiatieae; 2° bactéries sensibles à l'action bactéricide de ces fluides, mais surtout très sensibles à leur action opsonique : Z. Coli et B. dysen- teriae ; 3° bactéries absolument insensibles à l'action bactéricide, mais éminemment sensibles à l'action opsonique : Staphylococeus pyogenes, B. pestis, Micro- coccus melitensis, Diplococeus preumoniae de Fraenkel; 4° bactéries insensibles à la fois à l'action bactéricide et à l’action opsonique : Z#. diphteriae et B. xerosis. L'immunisation efficace contre le S{aph. pyogenes dépend de l'élaboration d'une opsonine dans le système du patient inoculé; il doit probablement en être de même pour d’autres immunisations. Séance du 3 Mars 190#. MM. J. W. Gifford et W. A. Shenstone étudient les propriétés optiques de la silice vitreuse. Us ont fait un certain nombre de mesures des constantes optiques de cette substance, qui, à cause de l’unifor- mité de sa composition, de sa grande transparence pour les radiations ultra-violettes et parce qu'elle ne peut être réfractée doublement comme le quartz, semble avec raison devoir jouer avant longtemps un rôle important dans les travaux d'optique. Pour le moment, elle est assez coùteuse, mais cette difficulté sera rapi- dement surmontée. Les prismes employés par les auteurs ont été construits par le procédé connu. L'uniformité du nouveau verre a été éprouvée en cons- truisant un prisme composé de quatre lamelles de silice, préparées séparément, en les soudant l'une sur l'autre et en coupant alors un prisme dans la masse. Ce prisme, comparé avec un prisme similaire formé de quatre morceaux de verre borosilicaté (n° 0,364 de Schott), de la même fusion, a été trouvé bien supé- rieur dans ses propriétés au dernier. Le Mémoire ren- ferme une courbe pour un doublet fin de fluorite achromatisée avec de la silice vitreuse, qui montre que la longueur focale de la combin1ison est presque indépendante de la longueur d'onde, ainsi qu'une liste des longueurs focales pour une lentille de fluorite et de silice vitreuse et une table des dispersions par- tielles et proportionnelles de la fluorite, de la silice vitreuse et du quartz. pe Voici quelques indices de réfraction pour la silice vitreuse LONGUEURS D'ONDE INDICES | 1.950 (Rb). 1453.398 | A!7.682,45 (Ka). 891.5 | .861, B!7.0 (He) 34.340,66 (Hw). C 6.563,04 (Ha) 7 | H!3.961,68 (AD. D 5.893,17 (Na) 2) 3.610,66 (Cd). A 5.607,1 (Ph). | 3.302,85 (Zn). 522 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES LONGUEURS D'ONDE INDICES LONGUEURS D'ONDE INDICES 3.034,21 (Sn 1,486.SS1 D 'AAR 45 EL EN M 533-898 2.748,68 (Cd) 1,496.311 2-098,8 7 (Zn) M 538-547 DÉY ERIC CS OISE ON 2.062,0 D Me ELRE 2.445,86 (Ag) . . 1,510.96 2.024,2 DL RIDE 9.312,95 (Cd) 1,519.313 |. 4.988,14 (AI) |. A5: 2,965,13 » 1,523.053 1.933,5 À D 2.494,4 » 1,529.103 | 1 CR RE: Coefficient thermique de la réfraction pour D pour 10 C. : 0,000.003.46. — M. R. W. K. Edwards présente une échelle radiale de surfaces, SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 20 Avril 4904 M. AI. Scott a constaté qu'à 982,8 la densité de vapeur de lhydrate d'hydrazine est de 15,8 au lieu de 25 comme le demanderait la formule Az°H#.H°0, et qu'à 4389 la dissociation en Az*H* et H°0 est complète. — Le même auteur a trouvé que les volumes de CO et O0 qui se combinent pour former CO* sont relativement 1,9985 et 14 pour CO retiré de l’oxalate de Ca, et 1,999% et 1 pour CO provenant de l'acide formique. Le poids atomique qu'on en déduit pour G est de 11,99. — M. E.-H. Archibald à déterminé à nouveau le poids atomique du rubidium, après avoir soumis son chlorure à une série de purifications, et a trouvé la valeur moyenne 85,49 (0—16).—M.W.-H.Perkin jun. a réalisé la synthèse du terpinéol inactif en chauffant l'éther de l'acide A-tétrahydro-p-toluique avec un excès de MeCHEI ettraitant le produit par HC] dilué. Le terpinéol ainsi obtenu est converti en dipentène par digestion avec KHSO'; d'autre part, il est transformé en hydrate de terpine par l'action de H°SO*, — MM. F.-B. Power et EF. Tutin ont retiré des feuilles de Gymnema sylvestre, Asclépiadée de l'Inde, du quercitol lévogyre, en cristaux incolores, F.174, [a] = — 730,9. Il donne un dérivé penta-acétylé. — MM. F.-B. Power et F.-H. Lees ont déterminé la composition de l'huile essentielle du laurier de Californie. Ils y ont trouvé : de l’eugénol, du /-pinène, du cinéol, du safrol, de l'éther méthylique de l'eugénol, de l'acide vératrique et une nouvelle cétone cyclique non saturée, l'umbel- lulone, C:H#0, liquide, Eb. 219-2200, — M. F.-H. Lees a étudié l'umbellulone isolée de l'essence de laurier de Californie. Elle fournit un dérivé dibromé instable C:H14 OBr°, qui perd HBr en formant une bromo-cétone non saturée CH#0Br. Elle estoxydée par le permanganate à froid en donnant une lactone C*H#°0°, — M. S.-H.-C. Briggsa préparé unesérie dechromatesetde molybdates doubles ammoniacaux, de formule M; My (RO!}.2A7zH?, où M: — AzH: ou K, Mr — Cu, Zn, Cd, Co ou Ni, etR — Cr ou Mo. II a obtenu, d'autre part, une série de chro- mates doubles hexahydratés, M? Mr (CrO*}?. 6H°0, où My = Mg ou Ni, et M — K, Rb ou Cs. — MM. C.-F. Cross et E.-J. Bevan proposent de désigner sous les noms d'hydracellulose et d'hydrocellulose les pro- duits extrèmes de l'action des alcalis et des hydracides sur la cellulose. —MM. M.-0. Forster et H.-M. Attwell ont préparé la bornylcarbimide C{H{7Az : C : O par l'action du nitrite de soude sur le nitrate de bornyl- carbamide en suspension dans l'eau à 0°; c'est une substance cristalline fondant à 72°. —M. Ch.Simmonds a réduit divers silicates métalliques, en particulier celui de plomb, en les chauffant dans l'hydrogène. L'auteur nomme silicites les produits obtenus, qui sont presque inattaquables par les acides et les oxydants, et ne se dissolvent que dans HF et les carbonates alcalins en fusion. — MM. J.-C. Crocker et F. H. Lowe ont préparé divers picryluréthanes par l'action des cya- nates, du chlorure de pieryle et de l'alcool. — Mie M.-A. Whiteley étudie l'action du chlorure de nitrosyle sur le malondiméthylanilide, qui conduit à la formation de dérivés tétra-substitués doués de propriétés inté- ressantes, dont l’auteur continue l'examen. SOCIÉTÉ ANGLAISE DES INDUSTRIES CHIMIQUES SECTION DE LONDRES Séance du T7 Mars 1904. M. H. de Mosenthal communique ses recherches microscopiques sur la structure de la fibre de coton brut et de coton nitré. La fibre naturelle est constituée par une sorte de tube tordu, limité par deux mem- branes ou cuticules, l'une extérieure, l’autre intérieure, entre lesquelles se trouve une substance granulaire. Elle présente des couleurs brillantes en lumière pola- risée. La fibre nitrée diffère peu d'aspect extérieur, mais elle est plus sombre en lumière polarisée. La fibre na- turelle, réduite en pulpe, se dissout dans les solutions de certains sels métalliques, d’où elle est reprécipitée par l'acide acétique. Tous les cotons nitrés se dissolvent, en général, dans l’acétone, d’où ils sont reprécipités par l'eau: il semble qu'on soit ici en présence de solutions colloïdales. — MM. W. Macnab et A. E. Leighton ont déterminé les produits et la température relative de combustion de quelques poudres sans fumée. Les gaz qui se dégagent sont CO?, CO, CH*, H et Az. Voici la liste des poudres par ordre croissant de températures dégagées : canonite, Schultze, ambérite, poudre sans gumée de Kynock, rifléite, cordite, ballistite. SECTION DE NOTTINGHAM Séance du 24 Février 1904. M. F. Clowes à déterminé la solubilité de l'oxygène dans l’eau de mer et dans des eaux de différents degrés de salinité. La solubilité diminue régulièrement à mesure que la quantité de NaCIl augmente. La solubi- lité dans l'eau de mer augmente pendant quelque temps lorsqu'elle est soumise à une agitation éner- gique. — Le mème auteur à déterminé la quantité de bactéries présentes dans l’eau de la mer du Nord, et l'effet des eaux de mer et de rivière ainsi que du trai- tement biologique sur la quantité de bactéries présentes dans les eaux d’égouts. L'eau de mer n'exerce aucune action inhibitrice sur la vie et la multiplication des bactéries; l’eau de la mer du Nord contient, en moyenne, 287 colonies de bacilles au centimètre cube. Dans un cas, les bactéries intestinales des eaux d’égout ont disparu de la rivière à 27 milles au-dessous du point où elles avaient été introduites dans le courant. SECTION D’ÉCOSSE Séance du 23 Février 1904. M. J. S. Ford montre que la plupart des résultats extraordinaires obtenus par divers auteurs dans l'étude de l’amidon soluble et du pouvoir diastasique sont dus à la méconnaissance du rôle important de traces d’im- puretés. L'action diastasique (amylolytique) atteint son maximum en solution neutre. L'asparagine et les divers sels ne renforcent pas l’action, à moins qu'elle n'ait subi une réduction préalable. L'influence retardatrice des acides dépend de leur dissociation, c'est-à-dire de la présence d'ions H libres. L'’amidon soluble purilié, où des amidons d'origine diverse, donnent des quan- tités égales de maltose avec des quantités égales de diastase. — M. H. Ingle à constaté que les composés organiques non saturés absorbent ICI de diverses solu- tions ; il n'y à pas de substitution pendant la réaction de Wijs ou de Hubl. L'acide formé est dù à l’action de l'eau sur les iodochlorures; la quantité d'acide dépend probablement de l’ionisation et de l'hydrolyse subsé- quente des iodochlorures. La présence de groupes aro- matiques et de groupes négatifs dans un composé non saturé, attachés à la liaison éthylénique, tend à dimi- nuer son attraction pour ICI. Les iodochlorures sont réductibles par l'action d'une solution aqueuse de KI. MM. R. R. Tatlock et R. T. Thomson commu- niquent leurs recherches sur les analyses et les varia- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 523 tions de composition des eaux employées à la produc- tion de la vapeur. ÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE Séance du 18 Mars 1904. MM. O. Lummer et E. Pringsheim réalisent, devant la Société, des expériences illustrant la dispersion anomale au sein des gaz, en vue d'appeler l'attention sur les applications importantes que viennent de trouver ces phénomènes dans la Physique du Soleil et dans l'interprétation de certaines autres observations astro- physiques. Les auteurs viennent de constater la disper- sion anomale sur un nombre considérable de lignes d'intensité moyenne dans des lampes à arcs colorés avec additions minérales différentes, et notamment sur 6 lignes du chrome, 3 lignes du magnésium, 8 lignes ultérieures du strontium, ? lignes du sodium (abstraction faite des lignes D) et sur 32 lignes appartenant pour la plupart au calcium. Bien qu ‘ils aient été incapables de démontrer d’une façon absolument sûre la dispersion anomale dans le cas des lignes du fer, si importantes .pour la Physique du Soleil, ‘ils en ont trouvé des indi- cations. Après avoir repris ces expérie nces au moyen d'une lampe à arc permettant de produire des arcs voltaïques dans une atmosphère d'hydrogène et à des pressions élevées, ils SRE obtenir des résultats meilleurs avec le fer et certains autres éléments. — M. E. Pringsheim réalise ensuite quelques expériences de cours relatives à l'Optique. Il répète d’abord les expériences de M. Umow ‘, où un coin de verre réflecteur était employé comme analyse ur de lumière à polarisa- tion rectiligne et pour démontrer la rotation du plan de polarisation dans des quartz à rotation droite et à rotation gauche. L’expérimentateur fait voir ensuite que l’eau troublée par une addition de solution alcoo- lique de colophane peut servir, dans un cylindre de verre, comme analyseur de lumière polarisée; il démontre, enfin, la rotation du plan de polarisation dans une solution de sucre troublée de la même manière; la lumière polarisée traversant la solution forme un ruban coloré en spirale. La projection des couleurs des lames minces en lumière transmise fait l’objet de la seconde expérience de M. Pringsheim. Après avoir produit, dans un anneau de fil circulaire et vertical, une membrane de solution de savon, il projette cette dernière en lumière transmise sur un écran blanc au moyen de la lumière à incidence nor- male provenant d’une lampe à arc. La lame mince ne montre pas de couleurs d'interférence, l'intensité des deux rayons interférents étant trop différente; alors qu'en effet l'un des rayons à subi une double réflexion, l’autre a été transmis directement par la lamelle de savon. Afin de réduire l'intensité des deux rayons au même ordre de grandeur, il faut augmenter le pouvoir de réflexion de la me mbrane de savon. C'est ce qu'on réalise en faisant arriver la lumière sous un angle incident considérable. En tournant l'anneau avec sa membrane autour d’un axe vertical, on voit à incidence croissante les couleurs se présenter d'abord très pâles, pus à incidence très oblique, lumineuses et bien caractéristiques, disparaissant aussitôt que l'anneau revient en arrière. ALFRED GRADENWITZ. ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Séances de Mars 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Millosevich trans- met à l'Académie ses observationssur les planètes NA et NB 1904, découvertes par Dugan à Künigstühl à l’aide de la photographie. — M. E. Cesàro : Nouvelle théorie Ann. d. Physik (4), t. intrinsèque des espaces courbes, — M. G. Fubini : Sur les couples se surfaces applicables dans l’espace algé- brique. — O. Tedone s'occupe du problème de l'équilibre Ft re d'un cylindre cireulaire indéfini. — M. T. Levi Civita : Sur l'équation de Képler. 2° SCtENCES PHYSIQUES. — M. R. Nasini fait connaitre les recherches que l’on est en train d'exécuter dans son laboratoire, à l'Université de Padoue, sur la radioacti- vité en relation avec la présence de l'hélium. Au cours de ces recherches, M. Pellini à remarqué une forte propriété radioactive dans le précipité barytique obtenu des boues et des eaux de Abano. La même pro- priété a été observée par M. Anderlini dans les maté- riaux donnés par les sondages dans les localités à émanations boriques de Larderello et dans le sulfate barytique provenant d’une roche du Vésuve où il exis- tait de l’hélium et du baryum. MM. F. Angeli et G. Velardi décrivent le procédé qui leur à permis d'obtenir directement le dérivé nitrique de l'indol, sans que ce dernier corps soit détruit par l'acide nitri- que, et sans recourir à une voie indirecte en y intro- duisant à l'avance des radicaux négatifs. — Dans une autre Note, M. Angeli, avec la collaboration de M. F. Angelico, décrit les recherches faites ensuite sur les Az-oxindol, e’est-à-dire les indols où l'hydrogène iminique est remplacé par l’oxydrile. — MM. A. Ste- fanini et L. Magri ont étudié l’action du radium sur l'étincelle électrique, dont on savait déjà que les pro- priétés sont modiliées, dans la forme et dansle change- ment des pôles, par la lumière ultraviolette et par les rayons Roentgen. Les expériences exécutées en pro- duisant la décharge entre de petites sphères et des pointes, en changeant leurs pôles, ont démontré que la décharge est facilitée ou empêchée par le voisinage du radium, en variant la distance et en changeant le signe de l'électricité de deux électrodes. — M. R. Arno donne la description d'un appareil qu'il a imaginé pour révéler les ondes hertziennes; cet appareil devient très utile dans un laboratoire de physique, parce que, étant d'un emploi facile, il peut servir pour les mesures quantitatives. Probablement, on pourra l'employer comme récepteur télégraphique; en tout cas, il per- mettra decomparerles pouvoirs d'émission de différents transmetteurs dans la télégraphie sans fil avec ondes hertziennes. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Mosso rend compte des expériences faites dans son laboratoire en plaçant un singe (Papio anubis) dans la grande cloche pneu- matique, eten y produisant de fortes dépressions à l’aide de pompes qui en extraient l'air, laissant pour- tant subsister une ventilation suffisante à la respiration de l'animal. En soumettant le singe à des dépressions rapides correspondant à la hauteur de 10.000 mètres, on le voyait devenir comme hébété, sommeiller et vomir ; après cette première période, l'animal revenait vile à ses conditions normales, mais sans que l’on observât jamais des troubles dans sa respiration. La résistance du singe ne paraissait pas toujours la même, et quelquefois son état devenait inquiétant à une alti- tude de 8.000 mètres seulement; mais, avec la repéti- tion des dépressions, le singe montrait une résistance croissante. M. Mosso insiste sur l’admirable structure des poumons, qui empêche que des troubles profonds se produisent, aux fortes dépressions, dans la circula- tion. M. Mosso ajoute quelques observations faites sur les modifications de la respiration et du sang, sur deux singes, au sommet du Mont Rose et dans le laboratoire de Turin. — M. C. de Stefani décrit les particularités d’une coupe géologique obtenue dans une carrière près de Rome, et des stratifications marines qui se trouvent dans cette coupe. — M. C. Rimatori à examiné plu- sieurs échantillons de blende de Sardaigne, ajoutant à ces recherches analytiques l'usage du spectroscope ; il a reconnu que des échantillons contenaient en forte proportion l'indium, accompagné quelquefois par des traces de gallium. “ ERNESTO MANGINi. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 23 Avril 1904. 4e SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. H. Schoute : Projections régulières de poly topes réguliers. L'auteur énonce des théorèmes généraux d’après lesquels chacun des trois polytopes réguliers de l’espace à 2 dimensions é : 1 peut se projeter, pour 2 pair sur = 2 plans, et pour » impair sur : (n — 1) plans et une droite perpendicu- laire entre eux, suivant des polygones réguliers, ou des polygones réguliers et un segment de droite portant à ses extrémités la projection des moitiés des sommets. La démonstration de ces théorèmes paraitra dans les Archives du Musée Teyler. — M. D. {. Korteweg pré- sente trois communications : 4° au nom de M. L. E.J. Brouwer : La transformation symétrique de l'espace E, en rapport avec les espaces tridimensionaux Ea et E4. Complément de la communication précédente (Rev. gén. des Se., t. XV, p. 423); ici les indices d et g signi- lient « droite » et « gauche ». Démonstration géomé- trique du théorème : Deux positions symétriques l'une de l’autre de l’espace E, admettent un couple de plans de coïncidence; dans l’un de ces deux plans, rectangu- laires l'un à l’autre, les figures correspondantes sont congruentes; dans l’autre, elles sont symétriques l’une de l'autre ; — 2° Au nom de M. E. Jahnke (de Berlin) : Bemerkung zu der am 27. Februar 1904 vorgelegten Notiz von Herrn Brouwer (Remarque sur la note pré- sentée le 27 février 190% par M. Brouwer). Réclamation de priorité. M. Jahnke prétend que les résultats trouvés par M. Brouwer ont été publiés par lui en 1896 et 1901; — 3° Au nom de M. L. E. J. Brouwer : Deduction algébrique de la décomposabilité du mouvement con- tinu autour d'un point fixe en E, en ceux en deux E,. Ici M. Brouwer fait voir qu'il y a une grande différence entre les théorèmes qu'il a communiqués à la séance du 27 février et ceux de M. Jahnke. Ce que M. Jahnke appelle rotation élémentaire (Elementardrehunq) n'est pas une rotation, mais une transformation symétrique, ne jouissant pas de la propriété de former un groupe. Enlin, i! démontre par l'Analyse les résultats obtenus précédemment par la Géométrie. 2 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. A. Lorentz : Les phénomènes électromagnétiques dans un système se mouvant avec une vitesse quelconque, inférieure à celle de la lumière. La question de savoir si la transla- tion d'un système, comme, par exemple, celle due au mouvement annuel de la Terre, a quelque influence sur les phénomènes électriques et optiques, peut être ré- solue assez facilement, pour autant qu'on suppose que toutes les quantités, où entre le carré du rapport de la vitesse w de translation et la vitesse c de la lumière, peuvent être négligées. Au contraire, le problème devient beaucoup plus difficile dans les cas où une À : w° Fe : “ influence de l’ordre — se fait sentir encore. L'expé- ee rience d'interférence de Michelson forme le premier exemple généralement connu de cette nature; pour expliquer que, dans ce cas même, la transformation n'a pas d'influence, il faut supposer, comme l'ont dé- montré Fitz Gerald et l'auteur, que les dimensions des solides varient un peu à cause du mouvement à travers l'éther en repos. Récemment, on a fait des expériences où entrent également les quantités du second ordre. D'abord, MM. Rayleigh et Brace ont examiné si, par suite du mouvement de la Terre, un corps devient biré- fringent, supposition vraisemblable eu égard aux petites variations mentionnées des dimensions ; toute- 521 ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES fois, les résultats de ces expériences ont été négatifs. Ensuite, MM. Trouton et Noble se sont demandé si un condensateur chargé, dont les plaques sont inclinées par rapport à la direction du mouvement terrestre, subit l’action d'un couple, comme l'exige la théorie des électrons. Pour s’en convaincre, il suffit d'imaginer un condensateur, l'éther figurant comme matière dié- lectrique; alors un calcul assez facile fait voir qu'un U : ; couple — w*sin 24 tâche de faire tournerlecondensateur & de manière que les plaques deviennent parallèles à la direction de la translation, si U représente l'énergie du condensateur et & l'angle entre la normale des plaques et la direction de la translation. Seulement, quoique le condensateur pendu à une balance de torsion, employé par MM. Trouton et Noble, füt sans doute assez sensible pour accuser le couple indiqué, ils n’ont observé aucune déviation. Donc, les expériences mentionnées rendent souhaitable d'attaquer encore une fois le même problème. Mais il y a plus. Dans les Rapports du Con- grès de Physique de 1900, t. I, p. 22-23, M. Poincaré à observé que la théorie des phénomènes électriques et optiques dans des solides en mouvement à quelque chose d’artificiel en ce qu'elle a été obligée de recourir à une hypothèse nouvelle pour l'explication de l’expé- rience de M. Michelson et que cette nécessité pourrait très bien se répéter plusieurs fois. Sans doute, il serait plus satisfaisant de pouvoir déduire de certaines hypo- thèses fondamentales que plusieurs actions électroma- gnétiques sont indépendantes de la translation, non seulement jusqu'aux quantités du premier ou du second ordre, mais pour une valeur quelconque de la vitesse. L'auteur a fait une première tentative dans cette direc- tion (/tev. génér. des Se., t. XI, p. 658); il se croit en état de la répéter ici avec l'espérance de plus de succès. Il y suppose que la vitesse de translation est quelconque, que seulement elle ne surpasse pas celle de la lumière. Ses calculs se basent sur les équations fondamentales de la théorie des électrons (voir l’article « Weiterbildung der Maxwell'schen Theorie, Electronentheorie » de l'auteur, dans la Mathematische Encyclopädie, tome V, $ 21 a). Chemin faisant, il suppose que les électrons, sphériques dans l’état de repos, changent de forme à cause de la translation, de manière que les dimensions dans la direction de la translation deviennent A fois, celles dans les directions perpendiculaires à la transla- tion deviennent / fois plus petites, l'élément de volume conservant sa charge. De plus, il suppose que la loi des forces électriques dans un système électrostatique s'applique tout aussi bien aux forces entre les parti- cules de matière sans charge qu'à celles entre ces particules et les électrons déformés en ellipsoïdes de révolution aplatis dont l'axe indique la direction de la translation. A l’aide de ces hypothèses, il rend compte des résultats de MM. Rayleigh et Brace et de MM. Trouton et Noble; de plus, ces considérations satisfont à ce qu'a exigé M. Poincaré : elles sont indépendantes de ; ; w e l'ordre de grandeur du quotient —-Le travail se ter- C mine par quelques réflexions sur la détermination des masses longitudinale et transversale d’un électron par” M. Abraham et la confirmation de ces calculs par les mesures de M. Kaufmann sur l'influence des forces élec- triques et magnétiques sur les rayons du radium, etc. (À suivre.) P. H. ScHouTE. ——— —— ——_ -———]—————————————————————— Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette 15° ANNÉE Ne 15 JUIN 1904 Revue DirecrEuUR : générale BR ivt pures ef appliquées LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 1 1 Aüresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande, 4 | CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE À N 1. — Nécrologie A Stanley et son œuvre africaine. — Sir Henry Morton Stanley, de son nom patronymique John Row- lands, né le 10 juin 1840 à benbigh (pays de Galles), dé- cédé à Londres Le 9 mai 1904, a accompli six voyages en : Afrique. En 1867-1868, il participa, en qualité de corres- … pondant militaire du New-York Herald, à la campagne — des Anglais en Abyssinie contre le roi Théodore. j Envoyé ensuite, parle directeur du même journal, à la recherche de Livingstone, dont on étaitdepuis longtemps m sans nouvelles, il arrive à Zanzibar en janvier 1871, … atteint, par la route ordinaire des caravanes arabes, Oujiji sur le Tanganika, y rencontre Livingstone le 10 novembre 1871, le ravitaille, passe quatre mois en sa —… compagnie et revient à Zanzibar le 7 mai 1872. L'année » suivante, il suivit, de nouveau comme correspondant, ‘ les opéralions de la guerre des Anglais contre les Achantis —_ Ces trois voyages avaient bien préparé Stanley à la grande et mémorable expédition qu’il accomplit de 1874 à 1877. Le Daily Telegraph et le New-York Herald mettent de larges crédits à sa disposition. Il arrive à Zanzibar le 21 septembre 1874, y recrute une véritable armée de porteurs, et, le 17 novembre, « lExpédition anglo-américaine », forte de 356 hommes, quitte Baga- moyo. Stanley gagne le lac Victoria, puis Ouganda, — apercoit le lac Muta Nzigé, revoit Oujiji, traverse le Tan- mcanika,et atteint la ville arabe de Nyangoué établie sur ce Loualaba, découvert cinq ans auparavant par Living- Stone et resté depuis l'une des énigmes de la géogra- phie africaine. Le 22 novembre 1876, Stanley s’em- barque sur « ce chemin qui marche », décidé à se laisser porter par lui dans le Nil, dans le désert ou dans l'Atlantique. Le 9 août 1877, il arrivait à Boma : le Congo était découvert. En qualité d'agent politique de l'Assocration inlerna- tionale du Congo, Stanley passa les années 1879 à 1884 dans l'immense région qu'il venait d'ouvrir à l’activité européenne. Enfin, son dernier voyage en Afrique eut pour prétexte le ravitaillement d'Emin Pacha, gouverneur de la pro- vince équatoriale du Soudan égyptien, coupé de toute relation avec le monde civilisé par suite du soulèvement REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. mahdiste. Stanley quitte Londres le 31 janvier 1887, débarque une fois de plus à Zanzibar, y rassemble des porteurs, faitle périple de l'Afrique par le Cap, remonte le Congo, l'Arouhimi et rencontre une première fois Emin sur la rive sud-ouest du lac Albert le 29 avril 1888. Il retourne sur ses pas pour rechercher son arrière- garde, puis revient au lac Albert et y retrouve Emin, mais destitué de sa charge de gouverneur par ses soldats révoltés. Il le ramène à Bagamoyo, où l'Expédition arriva le 4 décembre 1889. Par ces voyages, Stanley a augmenté les connaissances des géographes sur trois régions africaines : Tanganika, Haut-Nil et Congo. En faisant le tour du Tanganika, il en à beaucoup précisé la configuration, restée fort indé- cise, malgré les travaux de Speke et de Burton (1857- 1859). On connaissait le nom de la rivière Roussisi, mais on croyait qu'elle transportait dans le lac Albert les eaux du Tanganika. Stanley a établi qu’elle est non pas un émissaire, mais un tributaire, et formulé l'hypo- thèse, depuis reconnue exacte, qu'elle apporte au Tan- ganika les eaux d'un lac inconnu, le Kivo (ou Kivou). Dans le système du Haut-Nil, Stanley, en accomplis- sant la cireumnavigation du lac Victoria, a démontré l'existence d'une seule nappe lacustre, et ruiné Ja théorie, alors en faveur, d'une pluralité de petits lacs séparés. Il a découvert le troisième grand lac nilotique, le Muta Nzige (surnommé l'Albert-Edouard en l'honneur du prince de Galles, aujourd'hui Edouard VII), établi que ce lac communique avec l'Albert par la rivière Semliki, révélé enfin l'existence de cet étonnant Rouwenzori, ce massif montagneux couvert de champs de neige, peut-être même de glaciers, et dont l’ascen- sion complète reste encore pour les alpinistes un bel exploit à accomplir. Mais le titre de gloire de Stanley, le haut fait qui lui assure l’immortalité, c'est la découverte du Conso. En 1876, il existait encore dans l'Afrique centrale une immense région inconnue, dont Isanguila, point extrème atteint en 1816 par Tuckey sur le bas Congo, à l’ouest, et Nyangoué, sur le Loualaba, à l’est, l'Ouellé, découvert par Schweinfurth le 49 mars 1870, au nord, et l'itinéraire suivi par Cameron de Nyangoué à Benguela, en 1875, au sud, marquaient les limites. Sur ce 11 « blanc », Stanley jeta l'arc de cercle du Congo. Il rap- porta, non pas des notions fragmentaires, mais la des- cription complète du cours du fleuve : direction géné- rale, iles, chutes (Stanley Falls dans le haut et Livings- tone Falls dans le bas), lac intérieur (Stanley Pool). Il avait apercu les embouchures de plusieurs grands affluents : Arouhimi, Bangala ou Mongalla, Oubangui, Lomami, Sankourou. Les combats mêmes qu'il avait dû livrer pour s'ouvrir une voie à travers les flottilles ennemies de pirogues indigènes prouvaient combien les rives du fleuve étaient peuplées. Pour trouver dans l'histoire de la Géographie l’analogue de cet événement, il faut remonter très haut, à la descente du Mississipi par Cavelier de la Salle en 1682, ou à celle du fleuve des Amazones par Francisco Orellana en 1541. A cette dé- couverte primordiale, Stanley en ajouta ultérieurement d'autres de moindre importance, telles que celles des lacs Léopold I et Tumba, et du cours de l'Arouhimi. Accomplis à toute autre époque de l'histoire, ces voyages n'auraient pas eu d'autre conséquence que de troubler le recueillement des Sociétés de Géographie; mais ils coïncidèrent avec le moment où politiques et hommes d'affaires commençaient à tourner leurs re- gards vers l'Afrique. Aussi ont-ils contribué à trois évé- nements très importants : la prise de possession de l'Ouganda par la Grande-Bretagne, l'expansion de la même puissance sur le Haut-Nil blanc, la formation de l'Etat indépendant du Congo. Mtésa, roi de l'Ouganda, quand Stanley y arriva, était, contrairement à la plupart des nègres, curieux de reli- gion. Entre le fétichisme pratiqué par ses ancêtres, l'islam, dont l'avaient superficiellement instruit les marchands arabes de Zanzibar qui fréquentaient chez lui, et de vagues notions qu'il avait recueillies sur le christianisme. il restait perplexe. Stanley voit le parti à tirer de ces dispositions d'esprit. Le 14 avril 1875, il lance un appel aux Missions anglaises : « Si un véritable missionnaire, pieux et d'esprit pratique, venait ici, quel champ il aurait devant lui! Quelle moisson s'offre à la faucille de la civilisation ! » Cet appel est entendu et, en 4877, un membre de la Church missionary Society, nommé Wilson, arrivait en Ouganda. Depuis cette époque, la Grande-Bretagne ne cessa plus d'y être représentée, soit par ses révérends, soit par ses agents politiques. De la chaine de faits qui ont abouti à son établissement dans cet admirable pays, à la fon- dation de l’'Uganda Protectorate en 1894, le séjour de Stanley constitue donc l'anneau initial. Par suite de la rébellion militaire qui éclata dans l'Equatoria à l’arrivée de Stanley, l'£Emin pasha Relief Expedition, qui avait pour but d'engager Emin au ser- vice de la British East Africa Association et d’annexer la province au domaine de cette compagnie coloniale, échoua. Néanmoins, en y détruisant le régime adminis- tratif rudimentaire que Gordon, puis Emin y avaient institué, en provoquant la chute de la domination égyptienne, déjà vieille de dix-neuf ans, Stanley prépa- rait l'avenir, et il a contribué indirectement à faire du Nil un fleuve anglais, événement capital de l’histoire contemporaine de l'Afrique. Enfin, Stanley a pris une grande part à la fondation de l'Etat indépendant du Congo. L'Association internatro- nale africaine, créte à Bruxelles en 1876, dans un objet scientifique et humanitaire, sous le patronage du roi Léopold IL, porta d'abord ses efforts vers l'Afrique orien- tale. Mais, dès qu'ils recurent la nouvelle de la décou- verte du Congo, ses fondateurs modifièrent leurs plans. Un Comité d'Etudes du Haut Congo se constitue; il absorbe bientôt l'Association internationale africaine et devient l'Association internationale du Congo. Stanley accepte d’entrer au service du Comité d'étu- des, puis de l'Association internationale du Congo, sa filiale; en cinq ans, par ses fondations de postes, et par des traités conclus avec les chefs indigènes, il établit la domination de ses mandataires sur tout le cours du fleuve, depuis l'embouchure jusqu'aux Stanley Falls. Quand cette souveraineté territoriale eut été CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE reconnue par les puissances européennes, l'Association internationale s'effaça devant l'Etat indépendant du Cougo (février 1885}. Sans cette longue et pénible campagne, il n'est pas certain que le nouvel Etat eût été fondé, et les indigènes ont eu comme l'intuition de l'importance de l'œuvre de Stanley en appliquant à l'Etat indépendant le nom même qu'ils avaient autre- fois donné à l'explorateur : Boula Matari. Indépendamment de l'exposé de ses découvertes et de son œuvre politique, les procédés employés par Stanley en Afrique pourraient donner lieu à des déve- loppements étendus, mais ils allongeraient outre mesure cette Notice. Il reste que, dans l'histoire de la Géographie et dans l'histoire coloniale, son rôle a été considérable. Par ses découvertes géographiques, la vie de milliers de blancs et celle de millions de noirs a été modifiée et l'histoire d'une grande partie du continent africain a pris un nouveau cours. Henri Dehérain, Sous-bibliothécaire de l'Institut. $ 2. — Génie civil Installation d’une force motrice au gaz de haut-fourneau aux usines métallurgiques d'Ilsede (Allemagne).— Dès que l’utilisation des gaz de hauts-fourneaux pour la marche des moteurs eut été reconnue pratique, les Directeurs des usines métallurgiques d'Ilsede s'empressèrent d'en faire l'expé- rience en grand, afin de se rendre compte de l’écono- mie qu'on pouvait ainsi réaliser. Dans ces usines allemandes, qui comportent trois fourneaux en marche, avec une production moyenne de 220 tonnes de fonte par jour, et un quatrième four- neau en montage, les gaz produits sont abondants et d’une qualité très uniforme. Déjà en raison des diffi- cultés pour se procurer à bon marché, dans la région, du charbon de qualité convenable, par suite du grand éloignement des gisements charbonniers, une partie de ces gaz de hauts-fourneaux était employée sous les chaudières qui alimentaient une station génératrice d'électricité d'une puissance de 1.830 chevaux. La consommation d'énergie électrique pouvait être développée considérablement, soit dans les usines mêmes, soit dans les mines voisines où l’on exploite le minerai de fer, soit enfin à Peine, ville distante de 8 kilomètres, où se trouvent des trains de laminage transformant l'acier produit à Ilsede. Aussi, en pré- sence de ces circonstances particulièrement favorables, le programme fut bientôt tracé pour convertir en kilo- walts, le plus économiquement, les calories contenues dans les gaz de hauts-fourneaux. Pour cela, il fallait d'abord modifier l'atelier des machines soufflantes, qui, jusqu'alors, marchaient à la vapeur, consommant ainsi une partie importante des gaz; on remplaça donc suc- cessivement ces machines par deux moteurs à gaz soufflants de 500 chevaux, qui n’exigèrent plus que le 1/5 du gaz consommé et laissèrent un disponible très sérieux en vue de l'installation électrique. Une nouvelle station centrale de force motrice fut établie pour une puissance immédiate de 6.000 chevaux, avec possibilité d'étendre cette puissance à 12.000. Lan salle des moteurs se compose de deux travées, chacune mesurant environ 44 mètres sur 64, avec une hauteur de 16 mètres; elle est desservie par un pont roulant de ; 26 tonnes. Cette salle est capable de recevoir six groupes électrogènes de 1.000 à 1.200 chevaux chacun La con struction du bâtiment est entièrement métallique. Un groupe électrogène comprend un alternateur trie phasé du type à volant inducteur, actionné directement par un moteur à gaz à deux cylindres. Ce moteur est ds deux temps, du type OEchelhaueser ; on sait que, dans ce système très spécial, deux pistons se meuvent Simulil tanément en sens inverse dans un seul cylindre et sont disposés de façon à recouvrir ou découvrir les orifices d'admission et d'échappement aux extrémités extés rieures de leurs courses respectives, de sorte que toute 2 =. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE , 19 1 espèce de soupapes, clapets ou tiroirs est supprimée. Une pompe, actionnée dans ie prolongement même de la tige du piston arrière, chasse respectivement le gaz et l'air dans le cylindre par les lumières d'admission avec une pression de 0 kil. 2 à 0 kil. 3 par centimètre carré. Quand les pistons se rapprochent l'un de l’autre dans la course intérieure, la compression du mélange se produit et l'explosion à lieu. La régularisation de la vitesse est obtenue par la variation de la qualité du mélange de gaz et d'air. L'alternateur tourne à 125 tours par minute et marche à 10.000 volts avec 50 cycles par seconde. Le facteur Plÿsik. Zeïtschr., t. \, no 5, pp. 130-135. dues à une émanation radio-active dissoute dans l'eau et qui suit la loi de Dalton-Henry à l'égal d'un Gaz ; 4 Les coefficients d'absorption de différents liquides par rapport à cette émanation radio-active se calculent par les équations régissant l'absorption des gaz; 5° L’émanation du radium semble se comporter, au point de vue de l'absorption parles liquides, d’une facon analogue à l'émanation provenant de l'eau des con- duites L'action du radium surles verres, le quartz et d’autres corps. — Sous l'influence des rayons du radium, les verres, ainsi que le quartz, comme on le sait, noircissent temporairement; la coloration ainsi produite disparaît, non seulement sous l'influence d'un échauffement, mais aussi à la température ordinaire. M. N. Georgiewski! a étudié par une méthode photo- métrique l'absorption des verres et du quartz colorés de cette manière, ainsi que la diminution temporaire de cette absorption, diminution qui peut être représentée par une courbe logarithmique. L'auteur décrit des expériences faites sur le quartz, le mica, le gypse et d'autres corps, montrant la modifi- cation des propriétés optiques que subissent ces matières sous l'influence des rayons du radium. C’est ainsi que le mica, placé entre des nicols croisés, accuse un changement de polarisation chromatique dans la portion soumise auparavant à l’action des rayons du radium, changement qui disparait après que l'échantillon a été chaufté. Le gypse etle spath d'Islande, tout en présentant une variation des propriétés optiques, ne noircissent pas sous l’action des rayons du radium. $ 4. — Chimie physique Une revue nouvelle : le «Journal de Chimie physique ».— L'année dernière a vu naître un organe scientifique destiné à rendre les plus grands services à ceux qui, dans les pays de langue francaise, s'inté- ressent à cette science Jeune et vivace, mais déjà dans le plein de son développement, qui relie les domaines contigus de la Physique et de la Chimie. Nous aurions été heureux de souhaiter, dès son appa- rition, une cordiale bienvenue au nouveau Journal de Chimie physique®. 1 nous à paru préférable de laisser le nouveau périodique faire ses premiers pas et d'en observer, au cours de la publication de son premier volume, la nature, l'organisation et le développement. Cette attente n'a point été perdue, puisqu'elle nous permet aujourd'hui non plus de formuler un vœu, mais d'enregistrer un succès. De ce succès, la constitution du Journal de Chimie physique ne permettait guère de douter. Le directeur, M. Ph.-A. Guye, professeur à l'Université de Genève, qui fut un pionnier dansdiverses directions delascience nou- velle, et n'a cessé de se tenir dans ses rangs d'avant- garde, a réussi à grouper tous ceux qui se sont fait un nom en Physico-Chimie, non seulement dans les pays latins, mais partout où le mouvement physico-chimique se montre le plus intense. Le Comité de rédaction, dont l'appui est assuré au nouveau journal, comprend les noms des créateurs du mouvement actuel physico- chimique, et ceux de tous les chefs d'école. En France, la Physico-Chimie à eu un sort singulier ; tandis que l'École française peut revendiquer à juste titre la découverte de plusieurs des principes fonda- mentaux qui Pont définitivement constituée, l'enseigne- ment classique est venu tardivement à ses doctrines, et tant d'admirables efforts ne se sont constitués que len- tement en un faisceau pleinement productif. Aujour- d'hui, grâce en partie à l'autonomie des Universités, EE ON ER TT, ‘ Journ. de la Soc. phys.-chim. russe, t. XXXVI, n° 1 b, BUIET Ps A Genève, à la librairie Kündig; à Paris, à la librairie Gauthier-Villars. 25 francs par an. 528 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE & celte lacune du haut enseignement se comble de plus en plus. Dans nombre de Facultés, le cours de Chimie s'étend aux domaines voisins, et, dans plusieurs, la Physico-Chimie est érigée en un enseignement aulo- nome. Mais le complément indispensable de la production scientifique est la publication, sans laquelle le travail est bientôt rendu stérile et devient promptement rebu- tant. Le journal fondé par M. Guye, en facilitant aux travailleurs de langue française à la fois la publication de leurs travaux et la lecture des recherches des autres physico-chimistes, ne peut manquer de provoquer un important mouvement vers la nouvelle science. En feuilletant le premier volume du Journal de Chimie physique, on est frappé de l'abondance el de l'intérêt des travaux auxquels il a déjà pu donner l'hos- pitalité : les bons auteurs affluent, et, sans pa er de M. laller, qui, comme nous l'indique la préface du volume, a une part directe à la rédaction du journal, nous notons au passage les noms de M. Le Chatelier, de M. Curie, de M. Duhem, de M. Guntz, de M. Guye, de M. Louguinine, de M. Spring. Outre les articles originaux, le Journal de Chimie physique publie un bulletin bibliographique très étendu, donnant l'image complète du mouvement physico-chimique en tous pays; le ton de ce bulletin est précis, la classification en est bonne. Innovation digne d’être notée dans une revue de science, el qui montre bien l'évolution des idées concernant les rela- tions du laboratoire et de l'usine : une place à part est réservée aux demandes de brevets, qui, au moment de leur exposition publique, notamment au Patent-Amt allemand, constituent souvent la première publication d'un procédé intéressant, non seulement pour l'indus- trie,mais même pour le progrès scientilique. Ch.-Ed. Guillaume. Directeur-adjoint du Bureau international des Poids et Mesures. $ 5. — Chimie physiologique L'influence de l'alimentation sur l'excré- tion de l'acide urique à l'état normal et chez le goutteux. — Bien que l'on compte par centaines les observations qui ont été faites sur l’excrétion de l'acide urique à l'état normal et chez le goutteux, le nombre de celles que l’on peut utiliser avec sécurité est, en réalité, relativement restreint. En effet, tous les dosages faits d’après l'ancienne méthode de Heintz (précipitation de l'acide urique par l'acide chlorhy- drique) sont tout d'abord à rejeter, et seuls les résultats obtenus par la méthode de Salkowski-Ludwig, ou encore par celle de Hopkins, peuvent être conservés. D'autre part, on ne peut convenablement interpréter les résul- tats de tels dosages que là où l'on a noté avec précision la nature de l'alimentation, et, mieux encore, là où l'excrétion de l'acide urique a pu être suivie pendant les différentes périodes de la journée. Enfin, la goutte étant une affection plus fréquente dans la clientèle aisée que dans celle des hôpitaux, on se heurte à une nouvelle difficulté, péniblement ressentie par tous les observateurs, et qui est d'obtenir, surtout au moment des accès, une discipline sérieuse et suffisamment pro- longée, dans le recueil méthodique des fractions d'urine et dans la surveillance qualitative et quantitative de l'alimentation. Ces difficultés, ajoutées à celles qui sont inhérentes à la question elle-même, expliquent pourquoi on n’a pas dépassé, en ce qui concerne l’origine et l'excrétion de l'acide urique, l'étude des premiers et des plus gros facteurs qui interviennent dans ce phénomène. Les recherches dont il va être question ci-après justifieront pleinement cette assertion. Un premier fait s'est dégagé des travaux publiés dans ces dernières années: c'est que la quantité d'acide urique excrétée peut varier tout autrement que la quan- tité d'alimentsazotés ingérés.Ainsi, uneurine avec gr.87 d'azote total contient 0 gr. #56 d'acide urique, tandis MW qu'une autre avec 20 gr. 08 d'azote total en fournit M 0 gr. 492; c'est à peu près autant’. Au contraire, la qualité de l'aliment azoté exerce une action très directe. Déjà Siven, Burian et Schur? avaient montré quel est \ à cet égard le rôle de la viande. De récentes rechercher de P. Pfeil et de Fr. Soetbeer* sont venues complétes la démonstration de ces auteurs. En voici la substance ? Lorsqu'un adulte bien portant reçoit une alimentation exemple d'azote (soupe et gâteau contenant de l’arrow- root, du beurre et du sucre), la quantité d'acide urique excrétée lombe au 3° jour à son minimum (0 gr. 28% en 24 heures dans un cas), et la courbe d’excrétion, tracée d'après des dosages dans les fractions d'urine recueillies de 3 heures en 3 heures, montre que l'ex- crétion se fait d'une facon à peu près continue, sauf un maximum assez sensible au matin. Avec une alimentation contenant de l'azote, mais exempte de viande (lait, riz, pommes de terre, œufs, fromage), l'exerétion d'acide urique s'installe au 3° jour \ sensiblement au même minimum (0 gr. 308 en 24 heures) que pour l'alimentation exempte d'azote. Pour M. P. Pfeil, la valeur de ce minimum est va= riable pour une mème alimentation, d'un individu à l'autre, et elle dépend de facteurs physiologiques per=, sonnels: mais la forme de la courbe d'excrétion resté la même d'un individu à l'autre. Loewi* soutient, au contraire, que des individus semblablement nourris et dont le tube digestif absorbe également bien, excrèlent M les mêmes quantités d'acide urique. Sur ce point, de nouvelles recherches sont nécessaires. L'introduction de la viande dans le régime (pain, beurre, œufs, fromage, pommes de terre et viande) produit, dans les 3-4 heures qui suivent, une hausse considérable de la quantité d'acide urique excrétée.n Le surplus est d'environ 0 gr. 40 à 0 gr. 50 d'acide en 24 heures pour 350 grammes de viande, et cette hausse est immédiate, même après un long régime sans viande: La forme générale de la courbe d'excrétion est carac= téristique, indépendante des variations quantitatives personnelles, et beaucoup plus accidentée naturelle- ment que pour l'alimentation sans viande ou sans azote. Lorsqu'après l'alimentation avec viande, on rem vient brusquement au régime sans viande, ce n'est qu'au 3° jour que l'excrétion est redescendue à som minimum, ce qui indiqueque, pendantun certain temps, il reste à éliminer un surplus d'acide urique provenant des jours précédents. L'acide urique excrété se composerail donc de deux parties : 4° un certain minimum indépendant de l'ali=M mentation, puisqu'il atteint la mème valeur avec où sans aliments azotés; 2° un surplus variable avec la quantité de viande consommée, et nullement influencé par les autres aliments azotés énumérés plus haut. M. Soetheer a continué cette étude chez le goutteux, et il a constaté que l'influence de l’alimentation sur” l'excrétion de l'acide urique n’est pas la même ici qu'à l'état normal. Déjà, avec le régime sans viande, la courbe d'excrétion s'éloigne un peu de celle de l'état normal, surtout par de subites ascensions de la quan= tité d'acide émise en 3 heures. Après addition de 300 grammes de viande, on constate que le malad nw'élimine pas le surplus d'acide auquel on pourrais s'attendre. Ainsi, pour 24 heures, la quantité d'acide était, par exemple, de 0 gr. 316, et, après addition des 350 grammes de viande, de 0 gr. 310, bien que la diu= rèse fût très abondante. Toutefois, ce résultat n'est pa constant, et il peut arriver que tout se borne à des irrégularités marquées dans la courbe d'excrétion. 7 1 Hjirscurecn : Virckow's Arch., t. CXIV, p. 301. 3 Give : Skand. Arch f. Physiol.it. XI], p: 122:.=NBtS rian et Scuur : Pfüger's Arch., t. LXXX, p.337, el t. LXXXVI, J-22011: £ 3 P. Preis : Zeitschr. f. physiol. Chem., t. XL, p. 1. = Fr. Sogreeer : Zbid.,t. XL, p. 55 et suiv. 4 Loewi : Arch. £, exp. Path..t. XLIN, p. 4; t: XLV, p°401 — Pflüger's Arch., t. LXXXNIL, p. 296. 4 ; PF] CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 329 Dans la goutte aiguë, sans fièvre et sans accidents du côté des reins, la courbe d'excrétion, avec le régime sans viande, s'éloigne peu de la normale; mais, lors- - qu'on ajoute de la viande à la ration, on constate que l'ascension immédiate de l'excrétion urique, si nette à l'état normal, fait entièrement défaut, et que toute la courbe révèle des désordres profonds dans l'excrétion de ce produit. On peut faire à ces recherches une critique, que l'auteur énonce d'ailleurs lui-mème, à savoir qu'elles ortent sur un trop petit nombre de cas et un trop petit nombre de jours, et cette critique pèse particu- lièrement quand il s'agit d'une maladie comme la goutte, où les particularités individuelles, le polymor- phisme des formes cliniques, sont presque de règle. Mais c'est une raison de plus pour persévérer dans cette direction, afin d'établir peu à peu, par des obser- valions précises‘, des relations solides entre la marche . des symptômes cliniques et celle de l'excrétion urique. - Il faudrait que l'on pût, en outre, étudier parallèle- ment les variations de la teneur du sang en acide urique. Depuis que M. Goto? a montré, dans le labora- toire du Professeur Kossel, que l'acide urique n’est point précipité en présence des acides nucléique et thymique, toutes les déterminations d'acide urique dans le sang sont devenues sujettes à caution et sont, par conséquent, - à reprendre. Il serait superflu d'insister sur l'intérêt - qu'elles présentent, l'exerélion urique n'étant pas né- cessairement parallèle à la production de ce composé. $ 6. — Sciences médicales A propos de Puériculture. — M.]le professeur Pinard, dont on connaît les beaux efforts pour abaisser la mortalité infantile, vient de signaler, à l'Académie de Médecine, les excellents résultats obtenus par M. le D' Morel, maire de Villiers-le-Duc (Côte-d'Or), grâce à l'application d’un arrêté qui lui parait de nature à enrayer la dépopulation. En effet, dans l'espace de dix ans, il n'y à pas eu à déplorer, dans cette commune, la mort d’un seul enfant. Voici les dix articles de cet arrêté : 1° Toute femme enceinte, mariée ou non, ne possédant pas de res- sources suflisantes, pourra demander l'assistance de la commune. 2° Pour bénéficier de cette faveur, la femme «devra déclarer, à la mairie, sa grossesse avant le septième mois et faire connaitre la sage-femme qui lui donnera ses soins. Celle-ci sera invitée à visiter la femme, de facon à se rendre compte de la présentation, et examiner si les urines contiennent de l’albumine. Pour cela, il lui sera alloué 5 francs, qui seront payés par la commune, sans participation de l'Etat, ni du département. 3° Si la sage-femme prévoit que l'intervention d'un médecin st nécessaire, elle en avise la mairie; celle-ci demande le médecin, qui est payé au tarif de l'Assistance par la commune, sans participation de l'Etat, ni du départe- ment. 4° Toute accouchée assistée recoit { franc par jour, à condition qu'elle reste couchée un laps de temps Suflisant; si elle se lève auparavant, il ne lui est rien alloué. 5° Toute femme qui prendra un nourrisson élevé à l'allaitement mixte devra avoir un appareil à stériliser le lait, avec ses accessoires, et le présenter à chaque visite du médecin-inspecteur. 6° Les nourrissons des femmes assistées seront pesés tous les quinze jours à la mairie ou, à défaut, à domicile; les résultats de ces ‘pesées seront inscrits à la mairie. 7° Tout nourrisson atteint de diarrhée ou de troubles respiratoires devra être signalé à la mairie dans les vingt-quatre heures. 8° Les nourrices qui ne se conformeraient pas aux prescriptions des articles ci-dessus se verraient retirer leur autorisation. 9° La mairie possédera des appareils à stériliser le lait qui seront vendus à prix réduits aux nourrices et prèlés gratuitement aux femmes assistées. !: Les dosages d'acide urique ont été effectués par MN. Pfeil et Soetbeer d'après Salkowski-Ludwig, avec dosage d'azote d'après Kjeldahl dans les cristaux obtenus. ? Goro : Zeitschr. physiol. Chem., L. XXX, p. 418. 10° Toute nourrice ayant élevé un enfant, et qui le présentera à un an, aura droit à deux francs par mois depuis la naissance. Il serait à souhaiter que le vœu du professeur Pinard fût exaucé, c'est-à-dire que toutes les municipalités, vraiment soucieuses de la vie des tout petits, prissent modèle sur l'arrèté du Dr Morel, de Villiers. Effets des rayons X sur lappareil génito- urinaire. — Les rayons X amènent la dégénéres- cence, non seulement des celluics épithéliales, mais encore d'autres cellules; ils entrainent notamment l'atrophie des testicules. C'est ce qui résulte des cu- rieuses expériences que MM. Albers, Schônberg et Frie- del ont publiées dans la Münchener medicinische Wo- chenschrilt el que M. le D' Romme vient de signaler dans la Presse Médicale (n° 9, 1904). Ces trois expé- rimentateurs placèrent des lapins et des cobayes dans des cages dont le fond pouvait être traversé par les rayons d'une ampoule de Crookes. À la suite de plusieurs séances de radiations, dont chacune ne dé- passait pas quinze à vingt-cinq minutes, on accoupla les animaux avec des femelles indemnes de tout trai- tement. Ces couples furent gardés en cage pendant une période variant de quinze jours à cinq mois, selon les cas; cependant, aucune femelle ne devint enceinte. II faut noter encore que les animaux mâles, qui avaient été soumis à lPaction des rayons X, ne présentaient aucun trouble de leur état général et avaient conservé leur appétit sexuel, ainsi que la faculté de copulation. Ce ne fut qu'à l'autopsie qu'on trouva les causes de cette stérilité, Chez tous les animaux mâles, il existait une atrophie considérable des testicules, dont le vo- lume avait diminué de moitié et même des deux tiers. A l'examen microscopique, on constala que la plupart des cellules qui tapissent la partie interne des conduits séminifères avaient disparu pour être remplacées, dans certains endroits seulement, par quelques cellules ré- tractées, dont le protoplasma était atteint de dégéné- rescence muqueuse. De plus, il n'existait pas le moindre signe de spermatogénèse, et nulle part on ne trouvait de spermatoblastes. Enfin, à l'examen du liquide re- cueilli dans les vésicules séminales, on ne put déceler aucun spermatozoide. Les rayons X avaient donc, dans ce cas, entrainé une dégénérescence rapide des con- duits séminifères, et cette dégénérescence avait eu for- cément pour résullat une azoospermie complète. $ 7. — Géographie et Colonisation La question du Coton. — Le coton est actuel- lement un des produits agricoles les plus rémuné- rateurs et les plus universellement employés. Ces deux qualités n'empêchent pas l’industrie cotonnière de subir présentement en Europe une crise intense, causée par la rareté grandissante et les prix toujours plus élevés dela matière première’. Depuis 1863-64, les cours du coton n’ont jamais été aussi élevés. Ce phénomène résulte, en partie, du quasi-monopole des Etats-Unis, qui produisent plus des trois quarts de la production totale — 10 millions et demi de balles sur 44 millions, — et arrivent de plus en plus à consommer eux-mêmes le coton qu'ils récoltent. Leurs manufactures, qui employaient 2 millions et demi de balles en 1892, pas- saient à # millions en 1902. Mais la situation provient aussi du développement de l'industrie des graines de coton. Depuis la découverte de l'emploi de l'huile, des gousses et des farines de graines de coton, les demandes de cet article ont augmenté dans des proportions con- sidérables, et les moulins à huile accaparent de plus en plus les graines les plus riches et les plus lourdes, abandonnant les autres à la culture. Cette question de ! Cf. notamment les Annales de Géographie du 15 janvier 190%, p. 88. — Marcrer : L'œuvre de l'Association cotonnière coloniale, in Revue des Cultures coloniales, 5 mars 1904. — Drevrus : La culture du coton dans le Protectorat britannique est-africain, in Æconomiste français, 21 et 28 mai 1904. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE l'appauvrissement graduel de la graine mérite de retenir aussi l'attention; elle à sa part de responsabilité dans la crise actuelle. Les pays industriels d'Europe s'inquiètent à juste titre de cet état de choses, et ceux qui possèdent des colonies songent à imiter l'exemple de la Russie, qui approvisionne aujourd'hui ses manufactures, pour une large part, grâce à ses plantations du Turkestan. Dans les premiers mois de 1902 s’est fondée à Man- chester la British Cotton Growing Association, qui a envoyé, au début de 1903, une Mission de six savants afin d'étudier la question cotonnière dans les colonies anglaises de la côte occidentale d'Afrique. Parmi les résultats acquis, il semblerait qu'il vaut mieux per- fectionner les espèces indigènes qu'acclimater le coton américain, laisser à la culture son caractère local plutôt que de créer de grands domaines à l'aide de capitaux européens, comme dans le cas de l'arachide au Sénégal. À cette manière de voir, on peut présenter l’objection que la culture du coton demande beaucoup plus de soin et d'intelligence que n’en sauront apporter les indigènes. D'autre part, l'Association anglaise a pensé que le coton pourrait aussi tirer les Anülles de leur langueur économique. De grands efforts sont faits pour introduire cette culture dans ces îles, et, lan passé, plusieurs milliers d'hectares ont été plantés. Les provisions de graines nécessaires ont été importées dans les colonies, en franchise douanière, et, par les soins des gouverneurs locaux, des factoreries doivent être installées, dans lesquelles la récolte de tout un district sera préparée et mise en balles. Ces établis- sements deviendront des centres d'achat où les planteurs pourront recevoir le plus tôt possible le montant de leur récolte. Une enquête officielle évalue à 300 livres (136 kilogs) le rendement d’un acre (0,404 hectare), et à 100 franes le bénéfice net minimum que peut produire cette surface plantée en variété dite Sea 1sland. En Allemagne, depuis 1900, les efforts sont dirigés, en particulier, vers le Togo, le Kameroun et l'Afrique orientale allemande, par les soins du Xolonial Wirt- schaftliches Komitee. Maïs les vraies régions d'avenir demeurent les territoires du Tchad, dans le Haut- Kameroun. En France, nous possédons, depuis janvier 1903, l'Association cotonuière pour le développement de la culture du coton dans les colonies françaises. Cette société a, en outre, pour objet de favoriser l'achat et l'emploi par l'industrie française du coton récolté dans nos colonies. Elle se propose de faire entreprendre des enquêtes et d'organiser des missions, de poursuivre son œuvre de propagande par des conférences et par des publications. En outre, elle subventionnera des essais de culture, tentera elle-même des expériences et provoquera l'envoi du coton colonial en France. Sans oublier les autres colonies, elle désire porter principa- lement son effort sur l'Afrique occidentale, aidée par l’activité du Gouverneur général. Le Moyen et le Bas iger et le Haut Sénégal sont, sans doute, des régions très favorables, mais à la condition que les voies ferrées y arrivent et qu'un système d'irrigation y soit organisé. Contrairement à l'opinion anglaise, M. Van Cassel, d’après une communication à la Société de Géographie de Paris, estime qu’en ces régions les défauts des espèces indigènes, tels que manque d’uni- formité et de longueur des soies, difficulté de la sépa- ration des graines, ete., nécessiteraient l'introduction de variétés égyptiennes, — dont on sait la finesse, — capables de mieux s'adapter que les espèces améri- caines ?, P. Clerget, Professeur à l'Ecole de Commerce du Locle. 4 Un Congrès international du Coton s’est réuni à Zurich, le 23 mai dernier. La France, l'Anglelerre, l'Allemagne, la Russie, l'Autriche, le Portugal, l'Italie et la Suisse y étaient représentés. Entre autres vœux, le Congrès a voté à l'una- ninité une résolution exprimant la nécessité d'une organi- sation internationale. Sur les raisons qui ont motivé la $ S. — Enseignement Les Mathématiques dans l'Enseignement secondaire. — Nous recevons de M. A. Turpain, professeur-adjoint à la Faculté des Sciences de Poitiers, la lettre suivante : « Permettez-moi de réclamer l'hospitalité de votre Revue relativement à deux points de la très intéres-. sante conférence de M. Borel sur : « Les Mathéma- tiques dans l'Enseignement secondaire », publiée dans le numéro du 45 mai dernier. « En ce qui concerne les réformes à apporter à l’en-. seignement des Mathématiques, et principalement en ce qui à trait au développement des exercices pratiques et à l'utilité éducatrice des Mathématiques, je crain- drais d’atténuer, en les reprenant, la force des argu- ments que M. Borel apporte, sous une forme si impec= cable, à l'appui de sa thèse. « Je me contenterai de signaler, au début de sx conférence, une manière un peu personnelle d’envi- sager le rôle de la future Ecole Normale Supérieure rattachée à l'Université de Paris et le trop bon marché. fait de celui qui peut incomber, dans l'éducation péda- gogique des futurs professeurs, aux Universités de province, qu'on aurait, je crois, vraiment tort de sacri= fier à la Sorbonne. — N'avons-nous pas tous présents: à l'esprit des noms de savants distingués, qui jettent actuellement sur la branche de Ja science qu'ils cul- tivent un lustre des plus brillants et qui ne sont sortis. ni de l'Ecole Normale, ni peut-être même tous de la … Faculté des Sciences de Paris". « Avec l’organisation ancienne des bourses de licence dans les Universités de province, le jeune homme désireux de se consacrer à la science ou au professorat, … et qui n'avait pu, souvent par suite des nécessités des la vie, entrer à l'Ecole Normale Supérieure, consacrait,. à la faveur de bourses obtenues, cinq ou six ans à des. études que les normaliens font en trois ou quatre ans et arrivait ainsi à l'agrégation, devenait mème docteur et pouvait entrer dans l’enseignement supérieur. — Nombreux, actuellement, dans nos Facultés, sont ceux qui ont suivi cette voie, et l'on pourrait citer bon nombre d'anciens boursiers de licence de province aujourd'hui professeurs de Faculté et qui tiennent très, honorablement les postes qu'ils ont conquis. — En sera-t-il de même avec l'organisation nouvelle? Il est à craindre que non. — Le concours aux bourses de licence dans les Universités, partant à l'Ecole Normale Supérieure réorganisée, qu'on annonce pour 1905, aura pour résultat l'établissement d'une liste dont les meil= leurs sujets seront drainés, soit comme internes à l'Ecole Normale, soit comme externes boursiers de licence à la Sorbonne. Les Universités de province recevront, et cela suivant les disponibilités budgé= taires, les sujets classés en queue de liste, qui seron vraisemblablement les moins bons, sinon les médiocres. Les Facultés de province ne pourront donc plus conti nuer à former des professeurs et des savants, en petit. nombre, il est vrai, mais qui souvent se sont classé d'une remarquable manière. — Il en résultera — me dira-t-on — que ces sujets de valeur, qui restaient autrefois éloignés de Paris, auront maintenant l'inesti= mable avantage d'être formés en Sorbonne. D'accord; mais que devient alors la vie des Universités de pra vince? A la faveur de l'autonomie enfin conquise, elle constituent déjà des Ecoles et rivalisent d'une manière des plus fécondes avec la Sorbonne. A peine nos Étu=\ réunion de ce Congrès, Cf. C. W. Macanra : L'industrie coton nière et le projet de Congrès international, in Revue écon0s mique internationale, 15-20 avril 1904. | 4 Ceux auxquels nous faisons allusion, et que le seul désir de ne pas froisser une modestie respectable nous empêche de nommer, ont fait preuve, non seulement dë science profonde dans leurs recherches, mais encore d'um rare talent de professeur, tant dans les ouvrages didat tiques qu'ils ont publiés que dans leurs cours. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 531 diants ont-ils pris l'habitude de subir, sans pour cela se croire discrédités, leurs thèses de doctorat devant les Universités de province, que l’on crée un nouveau modus vivendi qui va immanquablement transporter à ’aris, au profit de la seule Sorbonne, agrégations et doctorats. x «Est-ce que la science française ne se serait pas bien trouvée de l'existence d'écoles rivales? Et faut-il rap- peler les plus glorieuses pages de l'histoire de la science italienne et, entre lous exemples, la féconde controverse qu'eurent, à laurore du dernier siècle, deux grands chefs d'école, Galvani et Volta ? N'est-ce pas à cette lutte d'écoles que l'Electricité doit d'être passée du domaine de la pure curiosité à celui de la féconde utilisation et qu'elle doit aujourd'hui de révo- lutionner l’industrie ? « S'il est, avec quelque raison, soutenable qu'une origine et une préparation communes peuvent être utiles pour la préparation à l'agrégation, concours d'ordre didactique, qui osera admettre que l'originalité dans la recherche scientifique se trouvera augmentée par l'inspiration d’une seule discipline ? « Nous avons toujours pensé que la constitution des Universités de province avait un but de décentralisation et devait créer de vivants et féconds centres d'activité scientifique autres que Paris. Et voilà qu'à peine on a doté ces Universités de toutes les conditions possibles et faciles de vie active, on leur enlève le premier élément de cette activité : leurs élèves! Tout au plus semble-t-on vouloir leur réserver les moins bons d’entre ceux qui désirent se consacrer à la science ou au pro- fessorat. Ne peut-on craindre, d'ailleurs, que bientôt les disponibilités budgétaires du chapitre des bourses de licence se limitent à la seule Université de Paris ? Parmi les jeunes gens qui, grâce à l’organisation ancienne des bourses de licence, ont pu pénétrer dans l’enseignement supérieur s’en trouvent un grand nombre venus par la porte de l’enseignement primaire, soit anciens instituteurs, soit anciens élèves des écoles communales supérieures, pour qui le certificat P. C. N. constitue un pont entre l'enseignement primaire et l’enseignement supérieur. Cette remarque nous amène à reprendre un point de la remarquable conférence de M. Borel : le desideratum formulé que, sur plusieurs points, l'enseignement secondaire ressemblàät plus à l’enseignement primaire et le regret qu'une législation plus démocratique n’ouvre pas plus larges les portes de l’enseignement supérieur. Il y a plus à dire, et la ques- lion ressortit, nous semble-t-1l, aux mœurs mêmes de notre pays, qui ne sont pas toujours celles d’une véri- table démocratie. « Pourquoi des domaines communs à l'enseignement primaire et à l'enseignement secondaire ? au point que nos lycées et collèges comprennent parmi leur person- nel un certain nombre d'instituteurs? En est-il de mème de l'enseignement secondaire et de l’enseigne- ment supérieur? Nullement. L'accès de l'enseignement secondaire ne devrait être, selon nous, accordé qu'aux enfants munis, soit du certificat d’études primaires, soit même (pour certaines classes) du certificat d'études primaires supérieure « Est-ce que l'accès de la Faculté est accordé (ou tout au moins la collation des grades) à ceux des étu- diants non munis du baccalauréat? Nous sommes persuadé qu'une grande réforme de l’enseignement secondaire serait obtenue, dans l’ordre de l'obtention des connaissances pratiques, par une semblable filia- tion. Et nous n'en voulons pour preuve que la consta- tation du fait suivant : presque toujours, lorsqu'un cours ou une classe comprend des instituteurs ou des certifiés de l’enseignement primaire, ce sont ces étu- diants ou ces élèves qui se classent à la tête de leurs camarades. C’est là un fait que nous avons personnel- lement constaté très souvent en ce qui concerne les examens du certilicat P. C. N. « Pourquoi donc a-t-on laissé, lorsqu'on organisa, naguère, l'enseignement primaire, deux endroits où cet enseignement est donné : l'école communale et les classes inférieures de nos lycées et collèges? Pour- quoi? La raison n'en peut ètre trouvée que dans le désir de la clientèle ordinaire des lycées et collèges de ne pas méler ses enfants à ceux des écoles commu- nales. Notre bourgeoisie répugne-t-elle toujours autant qu'il y a vingt ans à la fréquentation de ses enfants avec les fils du peuple? Nous ne le croyons pas. En tout cas, une législation qui aiderait à cette fusion, dans certains milieux provinciaux où elle ne s’est pas encore faite, rendrait un double service aux études et à la démocratie. « Si, aujourd’hui encore, certain bourgeois peut être froissé de voir son fils tutoyé par celui de son fournis- seur, il n'ose guère plus le manifester et, à la faveur de cette crainte, on pourrait peut-être, en faisant œuvre de bon éducateur, faire également œuvre de démocrate ». Ë A. Turpain, Professeur adjoint à la Faculté des Sciences de l'Université de Poitiers. Le Congrès international de Zoologie de Berne. — Le V° Congrès international de Zoologie, tenu à Berlin en 1901, à choisi Berne comme lieu de sa sixième session, qui se tiendra du 14 au 19 août 1904, sous la présidence de M. le professeur Th. Studer, de Berne. Pendant le Congrès, des excursions auront lieu à Genève, à Neufchâtel el aux lacs du Jura pour visiter les palalittes, des conférences scientifiques seront faites par MM. les Professeurs R. Blanchard (Paris), C. Chun (Leipzig), C. Emery (Bologne), A. Giard (Paris), P. P. C. Hoek (Copenhague), F. Sarasin (Bâle), et W. Salensky (Saint-Petershbourg). La séance de clôture du Congrès se tiendra à Inter- laken. Après la clôture, les membres du Congrès seront invités à visiter d’autres villes de la Suisse. Les demandes de renseignements doivent être adres- sées à M. le président du VI® Congrès international de Zoologie, Musée d'histoire naturelle, Waisenhaus- strasse, Berne. Personnel universitaire. — M. Garbe, profes- seur de Physique à la Faculté des Sciences de Poitiers, est nommé doyen de la dite Faculté. M. Ausset, agrégé, chargé d'un cours de Thérapeu- tique à la Faculté de Médecine de Lille, est nommé pro- fesseur à la dite Faculté. M. Ménier, professeur de Botanique à l'Ecole prépa- ratoire à l'Enseignement supérieur des Sciences de Nantes, est nommé directeur de la dite Ecole. M. Fatou, agrégé des Sciences mathématiques, aide- astronome à l'Observatoire de Paris, est nommé astro- nome-adjoint au dit établissement. A l'Ecole Polytechnique. — Sont nommés à l'Ecole Polytechnique : Examinateur de Physique, M. Vieille, directeur du Laboratoire central des Poudres et Salpêtres, ancien répétiteur et professeur de Physique à l'Ecole Poly- technique, en remplacement de M. Potier, démission- naire, Répétiteur titulaire de Physique, M. Hamy, répéti- teur adjoint, en remplacement du commandant Col- son, démissionnaire. Répétiteur adjoint de Physique, M. Mesnager, ingé- nieur des Ponts et Chaussées, professeur à l'Ecole des Ponts et Chaussées, 532 EUGÈNE ROUX — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES SUCRES LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES SUCRES L'étude des sucres, qui constitue l'une des parties les plus importantes et les plus séduisantes de la Chimie organique, se trouve être, en même temps, l'un de ses chapitres les plus récents. Bien qu'il s'agisse là de substances connues pour la plupart depuis longtemps, les idées théoriques qui en ont permis le groupement systématique sont relativement peu anciennes, et la chimie des sucres, basée sur leur synthèse, est l’œuvre de ces vingt dernières années. Dans un traité magistral, paru il y a quatre ans, M. Maquenne à exposé le bel ensemble de ces théories et donné la description méthodique des sucres avec leurs principaux dérivés, classés d'après leur fonction chimique et leur constitution. Depuis cetle époque, de nombreux et importants travaux ont été publiés : je me propose de passer en revue les plus intéressants d’entre eux, aidé par les conseils et les indications de mon excellent maitre, M. le professeur Maquenne, qui, sur le même sujet, prépare un supplément, devenu néces- saire, au volume dont je viens de parler. Comme on le verra par la suite, toutes les re- cherches récentes ne sont que l’éclatante confirma- üon des vues théoriques déjà connues. IL en est toujours ainsi lorsque l’on est guidé par une idée exacte : les faits nouveaux, bien loin de compli- quer les choses, ne font, au contraire, que les sim- plifier. Un cerlain nombre de points obscurs ont été éclairés, quelques erreurs ont été corrigées, et, dans son ensemble, l'édifice n’a fait que s'agrandir. On sait que les sucres sont classés en deux grandes catégories : les sucres réducteurs et les sucres hydrolysables. Sous le nom de sucres rédacteurs, on désigne des substances qui possèdent, sur une chaîne carbonée, qui peut être cyclique, une fonction aldéhydique ou cétonique avec plusieurs fonctions alcooliques. Tels sont, par exemple : Le glucose . Le lévulose. Le rhamnose . CHO — (CHOH)' — CH?CH CHEOH — CO — (CHOH — CH2OH CHO — (CHOH}' — CHS CHOH — CHOH | Le chitose . CHO — CH CH — CIFON 74 [8] Par hydrogénation, ils donnent des alcools poly- atomiques, tels que la mannite, la sorbite, etc. Les sucres Aydrolysables sont des polyoses qui résultent de la condensation, avec perte d'eau, de deux ou plusieurs molécules de chacun de ces mo- noses. Ils comprennent donc les bioses, tels que le saccharose, les trioses, comme le raffinose, etc., jusqu'aux polyoses complexes, comme les pento- sanes, les dextrines, l’amidon, la cellulose, chez lesquels l'indice de condensation est encore indé- terminé. Ayant rappelé ces grandes lignes de la classifi- cation des sucres, j'y rattacherai le plan de cet exposé et j'examinerai les récents travaux effec- tués : 1° Sur les sucres réducteurs et les polyols cor- respondants ; 2° Sur les sucres hydrolysables. Dans une troisième partie, j'étudierai les pro- duits qui résultent de l'introduction de l'ammo- niaque dans la molécule des sucres, en général, c'est-à-dire les sucres aminés. I. — RECHERCHES SUR LES SUCRES RÉDUCTEURS ET LES POLYOLS CORRESPONDANTS. Pour donner plus de clarté à cette étude, je place ici (tableau I) un tableau des sucres réducteurs actuellement connus, avec les polyols correspon- dants. Pour rappeler leur formule de constitution, j'emploierai des signes figurant la position des oxhydriles fonctionnels, en considérant toujours la fonclion aldéhydique comme placée à gauche. Ainsi le glucose ordinaire, dont la formule déve- loppée est: ON I ON ON CHO—C—C—C—C—CH°OH, HN OHMEAMEN sera simplement désigné par TITT. Pour apporter plus de précision, il faudrait avoir recours à la nomenclature fractionnaire de M. Ma- quenne et représenter ce sucre par la fraction 6; mais cette figuration parait suffisante pour une étude rapide. $ 1. — Nouvelles synthèses. On sait que deux méthodes principales inter- viennent dans la synthèse des sucres : 1° La méthode de Kiliani, qui permet de passer d'un sucre à son homologue supérieur, en faisant agir l'acide cyanhydrique sur ce sucre et saponi- fiant le nitrile obtenu. Il n'y a plus alors qu'à ré- duire la lactone de l'acide formé, celte dernière _opéralion constituant ce qu'on appelle le procédé de Fischer; 29 La méthode de Wobhl, qui permet de faire le chemin inverse. Elle consiste à transformer l’oxime , AR d'un sucre en nilrile de l'homologue inférieur, puis à chasser l'acide cyanhydrique; ce qui donne l'aldose contenant un C de moins que le sucre dont on est parti. Ces deux méthodes ont conservé leur caractère de généralité. Toutefois, la seconde seule a été uti- lisée dans les travaux récents dont nous nous occu- pons. L'auteur, Wohl, l'a appliquée au J-arabi- nose, l'arabinose naturel 111. Il en a tiré le Zéry- EUGÈNE ROUX — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES SUCRES D93 du nitrile par l'oxyde d'argent, il saponifie simple- ment par l’'ammoniaque, dans une capsule plate, au bain-marie. L'acide cyanhydrique se dégage. Le sucre reste à l’état de combinaison avec l'acétamide. Une troisième méthode s'est généralisée depuis peu. C'est la méthode à l'eau oxygénée, découverte par Fenton et systématisée par Ruff. Elle consiste à trailer le sel de chaux d'un acide monobasique par l’eau oxygénée, contenant 1 at. ‘/, d'O actif par Tagceau |. — Sucres réducteurs et polyols correspondants. ALCOOLS SUCRES RÉDUCTEURS RO TLOMR NON AE à USER EEE EBTENRR LES ES ETS TE" TL | ‘d-Lhréose TL inconnu. VOS REC OR REMIETS 1T | */-thréose 1iT synthèses récentes. ae ; *d-érythrose TT synthèse récente. OR ER RE TP EMORNE CIOE . Tu * 1-érythrose ul ee *d-érythrite TM S i-érythrite HS d-érythrulose L 7 i-érythrite TT | *r-érythrulose . Ter = : \ d-arabinose AITT d-arabite . ATT } dlyxose. SET : 1-arabinose , EL I-arabite . TA j 1-1yxose . TTL inconnu. 28 2 2e d-ribose . TT — adonite (ou ribite TTT ; Tor es LLL ee *d-xylose 1T1i synthèse récente. xylite. Le I-xylose. . FTEAUTI — PRE ŒPlUCOSC EEE TATÈT d-sorbite . TL } d-vulose . LiTL : 1-glucose JA tiL DÉS ONDES ES Mer el à he Je 1-gulose . TTLT d-mannite. . ALT OT d-mannose. ALT J-mannite. . LA UT J-mannose. MTL d-idite TTL d-idose net 1-idite 1ITIT Iidose LT : : d-talose . A er LERUETS CONTES ET MONITEUR sut | CRE pl — : ce OT LLC SNNCONNU: = IHalose TITL — I-talite . rrra | k pl — Ars d {7 UNE — £ d-galactose ERT Dulcite .. DT j I-galactose 1ITTL rrrr ee A ces Re Pan ls es jo" afcet + "ele s î =. : TEA ET US à d-sorbile TATT el d-mannite LITT d-Fructose . ITT 1-sorbile 1T1LL et J-mannite Tee I-fructose . TALEL d-sorbile LLTL et d-idite . HAT d-sorbose . . iTi 1-sorbite TTLT et J-idite . 1ITIT I-sorbose TAT (ex-pseudogatose). throse 11, qui n'était pas connu. Ce dernier, par hydrogénation, a donné l’érythrite inactive, natu- -relle, dont la synthèse avait été faite autrefois par Griner. M. Maquenne s'est également servi de celte mé- thode pour faire la synthèse du /-thréose 17 en partant du xylose ordinaire T1T. Ce nouveau sucre donne par hydrogénation l'érythrite gauche 1T, dont la formule se trouve confirmée par ce fait que son oxydalion le transforme en acide tar- trique gauche. M. Maquenne a fait connaitre, à ce Sujet, une simplification intéressante de la méthode de Wohl. Au lieu d'éliminer l'acide cyanhydrique molécule d'acide, en présence d'une trace d’un sel de fer, sulfate ou acétate. Une molécule de CO se sépare et l’on obtient l'aldose immédiatement infé- rieur. Cette méthode vient donc doubler celle de Wobhl; elle lui paraît préférable par sa simplicité comme aussi par les rendements qu'elle fournit. Cette méthode a été appliquée par Ruff au d-ara- bonate de calcium, LTT; il a ainsi obtenu le d-éry- throse TT, et son inverse optique le Zérythrose 11, en parlant, avec Meusser, du l-arabonate de calcium. Par hydrogénation, l'un et l’autre de ces sucres donnent l'érythrite ordinaire. Ruff et Kobn, en par- tant du 1-xylonate de calcium T1T, ont préparé le 534 Lthréose 1T, dont nous avons vu la synthèse par la méthode de Wohl. Fischer et Ruff ont préparé le d-xylose 1T1, inconnu jusque là, en partant du (d/-gulonate de calcium L11TL1, et opéré la synthèse du xylose ordi- naire TIT par cette même méthode appliquée au I-gulonate de Ca TT1T. Enfin, Ruff et Meusser ont fait agir l’eau oxygénée sur l’isosaccharinate de Ca et obtenu une pentanetriolone CH*OH.CO.CH?. CHOH.CH°OH, dont la constitution vérifie celle de l'isosaccharine, la saccharine du maltose et du lactose : CHOH — COH — CH? — CH — CH°OH CO ———— () De même, Kiliani et Nagell ont obtenu un peu- tanetriolal CHO.CH”.(CHOH).CH°.OH au moyen du EUGÈNE ROUX — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES SUCRES La méthode à l’eau oxygénée a été appliquée par Neuberg à l’érythrite inactive et lui a donné deux cétotétroses, le mélange de 1 et de d-érythrulose, c'est-à-dire l'érythrulose racémique. Cette méthode à l’eau oxygénée n’est pas la seule qui permelte de créer une fonction cétonique. L'oxydalion biochimique conduit au même résultat. C'est ainsi qu'en faisant agir la bactérie du sorbose sur l'érythrite inactive ordinaire, Bertrand a obtenu le d-érithrulose, inconnu jusqu'alors. L’oxydation biochimique présente le grand avantage de fournir l’un seulement des deux isomères possibles, l’autre servant d’aliment à la bactérie qui se développe. Par contre, on ne peut savoir, a priori, à quelle série, gauche ou droite, se rattache le produit qu'on obtient. Dans le cas de l'érythrulose, Bertrand a montré Tascrau Il. — Synthèses récentes. AUTEURS MÉTHODE RUE AE. Se ? sur d-arabonate de Ca LTT. Rutf et Meusser . H°0? sur J-arabonate de Ca TLL . Wohl . 52e Wohl sur J-arabinose TLL . Neubers . IF0? sur i-érythrite TT. . Bertrand . Ox. bioch. de j-érythrile TT . Maquenne . Wobhl sur J-xylose TIT. l Ruf et Kohn. H°0? sur /Z-xylonate de Ca : : ! :f Ethréose LT. : +. + + |" Férythrite. Fischer et Ruf HOWsüur deulonate deNCa Lire Ndxylose AT ME TTite = . .| H°0? sur J-gulonate de Ca TTIT. . TESYIOS ENTER E E EEE ÉVPLEE Ru et Meusser . H°0® sur isosaccharinate de Ca Kiliani et Nagell. H°0? sur métasaccharinate de Ca . .|"Pentanetriolal : SUCRE OBTENU POLYOL CORRESPONDANT -[*d-érythrose TT nt I-érythrose 11 .[*r-érythrulose + et 1. 1-érythrite. i-érythrite. i-érythrite. ( i-érythrite 11. .|*d-érythrulose L . -)*d-érythrite TL. À *Pentanetriolone : CHOH— CO — CH? — CHOH— CIPON. CHO — CH —iCHOH) — CH?ON. SR ————— ——— ———— —— — ———— ————————_————————_—_— métasaccharinate de Ca, ce qui montre que la méta- saccharine, ou saccharine du galactose, a pour constitution : CHOH — CH3 — CH — CHOH — CH?OH. | C0 Lorsque l'on fait agir l’eau oxygénée, dans les mêmes conditions, non plus sur l'acide, mais sur le sucre, ou sur le polvol, on réalise une oxydation ménagée, qui ne porte pas sur la fonction aldéhy- dique, mais sur le carbone voisin, lequel devient cétonique. On obtient ainsi, quand on part d’un aldose, un sucre cétone et aldéhyde, que l'on désigne sous le nom d'’osone. Ce sont des sucres qui réduisent la liqueur de Fehling à froid ; on n'en connait encore qu'un petit nombre d'individus. On préparait autrefois ces osones en décompo- sant les osazones par l'acide chlorhydrique. Fischer a indiqué dernièrement une méthode nouvelle, bien préférable, qui consiste à décomposer les osazones, lorsqu'elles sont solubles, par l'aldéhyde benzoïque. qu'il s'agissait du d-érythrulose, car, par oxyda- tion, ce célose doune de l'acide tartrique droit. L'ensemble de ces recherches est résumé dans le tableau IT. On voit qu'elles ont fait connaitre trois des quatre tétroses aldéhydiques prévus. Pour éviter la confusion, Ruff a proposé de réserver le nom d'érylhroses aux deux tétroses qui, par hydrogé- nation, donnent l’érythrite inactive, et d'appeler thréoses, par altéralion du nom précédent, ceux qui conduisent aux deux érythrites actives. L'un de ces thréoses n'est pas encore connu, mais sa synthèse est vraisemblablement possible en partant du xylose droit. Les deux érythrites aclives élant connues, MM. Maquenne et Bertrand ont pu constater que le mélange équimoléculaire de ces deux polyols est bien identique à l'érythrite racémique décrite par Griner, il y a une dizaine d'années, dans son remarquable travail sur la synthèse de l’érythrite. On voit, en se reportant au tableau [, qu'il ne reste à décrire qu'un petit nombre de pentoses, ce nos ES D 2 à 2 ER ÉRPR: - oeb: 5 de Det RS NAME 1 = ss < ue qui n'offre, d’ailleurs, aucun intérêt, puisqu'ils doivent avoir, au pouvoir rolatoire près, les mêmes caractères que leurs anlipodes. La synthèse des deux xyloses, dont j'ai parlé précédemment, à eu sa répercussion dans la série des hexoses. En effet, ils ontété obtenus en partant des acides guloniques, lesquels dérivent des glucoses; or, Fis- cher et Ruff, en employant les méthodes générales déjà connues, ont réalisé la synthèse du d-galac- tose en partant du /-xylose. Il en résulte une relation directe entre le glucose et le galactose, c'est-à-dire entre la sorbite et la dulcite, laquelle a paru, pendant longtemps, une sorte de Lype indépendant, distinet par l’ensemble de ses caractères, de ses isomères, la sorbite et la mannite. Le schéma suivant représente les étapes qu'il faut franchir pour passer du glucose au galactose : 1iTIL mA UT den glucose —+ ac. J-sacchar. — ac. I-gulonique — -xylose | ITIL où TTIT \f TIIT dE Es 9 Dulcite <— d-galactose <— d-lyxose et d-talose SEAT 1TIL ET) ou TTAT tr l-glucose; par oxydation = ac. 1-saccharique; par l'amalgame de sodium — ac. l-qulonique, en même temps que lac. l-gluco- nique 1T11; le gulonate de Ca par H?0° = 1-xylose: par oxydation — ac. I-xylonique; le xylonobromure de Cd, traité par H°5, puis chautfé trois heures avec la pyri- dine, s'isomérise = ac. d-lyxonique; dont la lactone, par l'amalgame de sodium — d-Iyxose; soumis à la méthode de Kiliani = d-galactose, en même temps que le d-talose LLLT. TT Ar LIT dur TILT On remarquera que le passage du xylose au lyxose s'opère avec un changement de signe. Il serait préférable de considérer le d-lyxose et le d-galactose, qui est le galactose naturel, comme appartenant à la série gauche, puisqu'ils dérivent du /-glucose. Les choses seraient ainsi mieux d'accord avec ce qui se passe dans la Nature. On sait, en effet, que la décomposition de l'acide carbonique de l’air sous l'influence des radiations solaires, dans les cellules chlorophylliennes, donne naissance aux deux glucoses, le droit et le gauche. Or, tandis que le glucose droit persiste, ou prend les multiples formes de condensation qu'on appelle dextrines, amidon, cellulose, son isomère lévogyre se dégrade, donne naissance aux pentoses, qui sont tous effec- tivement gauches, ou bien relourne, par un chemin analogue à celui qui vient d'être décrit, au galac- EUGÈNE ROUX — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES SUCRES 535 tose et aux galactanes, qui doivent être gauches, par conséquent. Aucune raison spéciale ne s'oppose à ce change- ment de signe. Le galactose naturel avait été rangé dans la série droite alors qu'on ignorait complète- ment les relations qui permettent de le rattacher maintenant au /-glucose. Une nouvelle relation entre la duleite et la sorbite et l'idite résulte de récents travaux de Lobry de Bruyn et Ekenstein. Ces savants avaient autrefois constaté qu'en traitant le galactose par la potasse étendue à 70°, il se produit, par isoméries suc- cessives, un mélange de fagatose et d’un sucre qu'ils nommèrent pseudo-lagalose. En reprenant ces expériences, ils ont reconnu que ce dernier su- cre est identique au /-sorbose, lequel, par hydrogé- nation, donne de la /-sorbite et de la Z-idite : T(117T) d-galactose (TAT) — J-sorbose ( 1(T11) 7-sorbite. —> ( 1L(TLT) J-idite. Inversement, quand on traite par KOH, de la même façon, le Z-sorbose, on oblient du d-galactose. Ces transformations sont analogues à celles qui se produisent quand on fait agir la potasse sur le glucose : L(LTT) d-mannite. T(ATT) d-sorbite. T(LTT) d-glucose —+ (ATT) d-fructose —- Seulement, ici, la transformation est moins pro- fonde, puisqu'elle ne porte que sur le deuxième oxhydrile, tandis que, dans le cas du galactose, le troisième est affecté. Il y à lieu de remarquer que, dans cette réaction, encore, le d-galactose donne des produits de la série gauche. Il y a donc là une nouvelle raison de considérer le galactose naturel comme étant le I-galactose. $S 2. — Nouveaux sucres naturels. L'étude des produits naturels à fait connaitre quelques sucres réducteurs nouveaux. Vongerichten, en hydrolysant par les acides mi- néraux l’apiine, qu'on extrait de la graine du persil, a obtenu du glucose et un sucre, l’apiose, auquel il a reconnu la constitution d'un pentose à chaine arborescente : CH COH — CHOH — CIO, CH” qui donne, par oxydation, l'acide apionique; lequel, réduit par l'acide iodhydrique en présence de phos- phore, fournit l'acide isovalérique. L'existence, dans la Nature, de composés sucrés de cette forme est à rapprocher de celle de l'alcool isoamylique et aussi de celle de la leucine, qu'on sait être l'acide amino-isovalérique. 536 L'hydrolyse de la cyclamine à fourni à Plzak le cyclose, pentose dont la constitution n'est pas encore bien établie et que déjà Raymann avait entrevu. Enfin, l'hydrolyse de la convolvuline à donné à Volocek un mélange de deux sucres, l'isorhodéose et le rhodéose, ainsi que du glucose. Ces corps pa- raissent être des méthylpentoses; le rhodéose est probablement l’antipode du fucose de Tollens, d'après l'opinion même de cet auteur. Une foule de produits naturels, de produits exo- tiques notamment, n'ont pas encore élé étudiés d'une manière approfondie. Il est certain que la liste des sucres naturels n’est pas close. $ 3. — Sucres connus, dont la constitution a été établie récemment. Les recherches récentes poursuivies dans le bul de pénétrer la structure inconnue de quelques sucres ont donné d'intéressants résultats. Tout d'abord, en montrant l'identité du pseudo- tagatose et du l-sorbose, Lobry de Bruyn et Ekens- tein ont fourni une relation importante entre la sorbite et la dulcite. Nous en avons parlé précé- demment. La plus grande incertitude régnait quant à la constitution du chitose; Fischer a montré que c'est un sucre furfurique répondant à la formule : CHOI — CHOI | CH — CHO. 4 (a) | CIPON -- CI On sait que le chitose dérive de la chitosamine, un sucre aminé dont on aura occasion de parler un peu plus loin, qui a pour formule : CIFON — (CHOI) — CH (AZI) — CHO Or, en traitant ce corps par l'acide azoteux, on obtient le chilose, au lieu du mélange de glucose et de mannose que la réaction classique permet de prévoir. Fischer a montré que les choses se passent cependant comme l'indique la théorie; mais une anhydrisation interne, qui se produit simultané- ment, ferme une chaine furfurique et donne le chitose : CII" CHON | CIFOH — CH \ o HOII l CI — CHO, dont la formule est C°H°0° et non pas C°H#?05 qu'on lui assignail autrefois. Il en résulte que les dérivés de ce sucre doivent être formulés avec H°0 de moins. L'acide chitonique C°H#°0", par exemple, devient C°H°0°, répondant au schéma : EUGÈNE ROUX — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES SUCRES CHOIH— CHOH | | CHEON — CI CH — COON NZ (R] Cependant, l'acide chitarique conserve sa for- mule, simplement parce qu'on le tenait pour l'anhydride du précédent. Il ne parait être, en réa- lité, que l’un de ses isomères. $ 4. — Réactions nouvelles des sucres. Quelques recherches sur les réactions des sucres sont à signaler. Celles de Neuberg ne reposent pas, à vrai dire, sur une propriété nouvelle, puisqu'elles sont relatives à la préparation des hydrazones et des osazones; mais cet auteur a montré l'intérêt qu'il y avait, parfois, à substituer, à la phénylhy- drazine employée habituellement, une pkénylhy- drazine substituée dissymétrique du type AzH — AzR.C‘H®, par exemple la méthylou la benzylphé- uylhydrazine. En effet, ces hydrazines donnent avec les a/doses des hydrazones incolores seulement, et, avec les cétoses, des osazones colorées. La réaction se fait en liqueur acétique, au bain- marie, et l’on sait que, dans ces conditions, la phé- nylhydrazine donne loujours des osazones. Avec les osones, on a également des osazones colorées, mais la réaction a lieu à froid. L'emploi de ces hydrazines est donc un excellent moyen d'obtenir les sucres à l'état pur, lorsque leur hydrazone se forme sans difficulté, car ces combinaisons sont ensuite facilement décemposées par l'aldéhyde benzoïque ou formique. Il est bon de rappeler que la phénylhydrazine habituellement employée donne des hydrazones solubles en général, difficiles à purifier et à priver, notamment, de l'osazone qui tend toujours à se former. L'emploi de ces phénylhydrazines substituées fournit encore un moyen de distinguer les cétoses des aldoses, et ce moyen parait bien préférable à la réaction empirique de Séliwanoff, qui consiste à traiter le sucre par un excès d'HCI à chaud, en pré- sence d'une petite quantité de résorcine, les cé- toses donnant ainsi une coloration rouge. Parmi les autres réactions ou combinaisons ré- cemment étudiées, je signalerai que Schorl, d’Ams- terdam, à montré que les sucres aldéhydiques se combinent à l'urée, à la (hio-urée, ainsi qu'à leurs produits de substilution asymétrique, en présence de l'acide sulfurique étendu, pour donner des pro- duits semblables aux oximes et aux hydrazones. Il suffit que l’urée renferme un AzH° intact, mais l'action est limitée. Par exception, la diphénylurée dissymétrique ne réagit pas. Les corps ainsi obte- nus sont réducteurs el donnent des phénylosazones. EUGÈNE ROUX — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES SUCRES 537 Enfin, Ekenstein, tout récemment, a réussi à obtenir les acétals des sucres réducteurs avec l'al- déhyde benzoïque, en employant, comme déshy- dratant, non plus les acides chlorhydrique ou sul- furique, avec lesquels on n'avait jamais réussi, mais l'anhydride phosphorique. Les acétals des pen- toses sont des corps qui cristallisent bien, mais ceux des hexoses sont des substances huileuses. S ». —- Constitution des sucres réducteurs. Nous allons maintenant considérer l'ensemble des observations faites dans ces dernières années, et chercher ce qui s'en dégage au point de vue de la constilulion des sucres. On peut en tirer des indications du plus grand intérêt, On sait que la première hypothèse relative à la constitulion des sucres est celle de Fittig, qui leur assigne une formule aldéhydique ou cétonique, représentant le glucose, par exemple, par CHO — (CHOH)* — CHOH. En effet, les sucres réducteurs se comportent comme des aldéhydes dans la plupart de leurs réactions. Ainsi, ils donnent, quand ils sont aldé- hydiques, des acides mono, puis bi-basiques par oxydation, et deux acides quand ils sont cétlo- niques ; au Lotal, ces acides renferment autant de O que le sucre qui leur a donné naissance. ils donnent des hydrazones, des oximes, ils se combinent à l'acide cyanhydrique et recolorent la fuchsine dé- colorée par l'acide sulfureux sans excès. Cependant, par beaucoup de leurs caractères, les sucres s'écartent des aldéhydes. Ainsi, ils sont gé- néralement inaltérables. Seuls, les termes inférieurs se polymérisent facilement et se combinent aux bi- sulfites alcalins ; c'est le cas de l’aldéhyde glycé- rique, de la dioxyacétone et de l’aldéhyde glyco- lique. Les termes plus élevés, qui sont réellement ce qu'on appelle les sucres, ne jouissent d'aucune de ces propriélés. Enfin, si les aldoses recolorent la fuchsine sul- fureuse, par contre les céloses ne la recolorent pas. Ces raisons ont amené autrefois Tollens à pro- poser des formules oxydiques pour les sucres. Celte nouvelle conception avait l'avantage, en expliquant les anomalies précédentes, de prévoir des formes isomériques, inexplicables avec les for- mules précédentes. Tollens considère le glucose comme dérivant d'un hexaneheptol par formalion d'une fonction oxyde d’éthylène; d'où deux iso- mères possibles, si l’on admet loutefois que cette anhydrisation ne s'effectue pas indifféremment avec l’un ou l'autre des oxhydriles de la chaîne, mais seulement avec l'un d'eux. Lobry de Bruvn, Ekenstein, Marchlewski admeltent que cette fonc- tion oxyde d'éthylène est en 1.2; Fischer la sup- pose plulôl en 1.4. Ces deux formes possibles sont donc : I OÙ — C —(CHONR— CH — CHOH — CH2OI 14 on H—C (CHO) — CH / CHOTN — CIPOH 0 On connait, en effet, avec Jacobi et Skraup, deux phénylhyarazones du glucose isomères. On sait que les glucosides artificiels de Fischer forment deux séries isomères, # et 6. Les premiers sont hydroly- sables par les diastases de la levure (sucrase, mal- tase, elc.), tandis que les glucosides 8 ne sont attaqués que par l'émulsine des amandes, laquelle ne réagit pas sur la série x. Les deux schémas précédents rendent bien compte de celle isomérie. Faut-il donc rejeter complètement l'hypothèse de Filtig et se ranger à l'avis de Tollens? Il ne faut, en réalité, abandonner ni l'une ni l’autre de ces deux conceptions, car les sucres semblent prendre tantôt la forme aldéhydique, tantôt la forme oxydique, et cela sous l'influence des réac- tifs, suivant les conditions de milieu. En effet, Tanret, par ses remarquables recher- ches sur l'isomérie des sucres, en a fait connaitre lrois formes. Pour le glucose, par exemple, il a décrit : le glucose », dont le pouvoir rotatoire, ins- table en dissolution, décroit jusqu’à la limite de 52°,6; le glucose £, dont le pouvoir rotatoire est slable et précisément de 52°,6: enfin le glucose +, qui présente une multirotation inverse de celle de « et donne une déviation qui s'élève jusqu'à la même limite. Les deux formes + et y sont instables en dissolution et s'acheminent toutes deux vers la forme stable 6. Ainsi s'explique neltement le phénomène de la multirolation, observé d'une manière générale chez les sucres. J'ai eu l'occasion de vérifier que ces transfor- mations s'opèrent suivant une logarithmique, qui ma permis de délerminer le pouvoir rolatoire initial de chacune des deux variétés & et y, J'ai trouvé, pour «, +409, c'est-à-dire plus du double de la déviation donnée par le glucose ordinaire, et +19°,8 pour £. Simon à proposé de considérer le glucose 8 comme répondant à la formule aldéhydique, « et y étant, de part et d'autre, les isomères oxydiques. Tanret à également montré qu'il existe trois pentacétines du glucose. Nous allons voir qu'il est possible de considérer l’une d'elles comme corres- pondant à la formule aldéhydique, les deux autres correspondant aux deux formes oxydiques. A: "4 EUGÈNE ROUX — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES SUCRES En effet, Fischer et Armstrong ont obtenu les deux méthylglucosides x et 8, en parlant des deux pentacétines fusibles à 112 et 134°, que Tanret a désignées par y et. La méthode élégante employée par ces chimistes est assez nouvelle en Chimie organique, car elle fait intervenir la basse tempéra- ture de l'air liquide. Voici comment ils ont opéré: 5 grammes d’acétine étant introduits dans un tube étiré qu'on place dans l’air liquide, on fait arriver un courantde gaz chlorhydrique sec jusqu'à ce qu'on en ait solidifié 7 à 10 centimètres cubes. On scelle alors le tube, qu'on abandonne à la température ordinaire. Quand l'acétine est dissoute, on replonge le tube dans l'air liquide, avec les précautions d'usage, et l’on ouvre. Le contenu est dissous dans l'éther, et l'acide chlorhydrique éliminé par l’eau glacée et le bicarbonate de soude. L'évapora- tion de l’éther donne un fétracétylchloroglucose CSH°OCI(C?H°0?)*, qui, traité par le carbonate d’ar- gent et l'alcool méthylique, se transforme en mé- thyl-glucoside tétracétylé qu'on saponifie par la baryte. Fischer et Armstrong ont montré que la même relation existe entre les acétines des autres sucres et les glucosides correspondants. Armstrong, de son côté, a poursuivi ces recher- ches et s’est proposé de faire le chemin inverse. Il a pu montrer, assez simplement, que l'hydrolyse des méthylglucosides x et 6 régénère les sucres « et y de Tanret, c'est-à-dire les deux variétés aux- quelles Simon attribue les formes oxydiques. En faisant agir la sucrase sur le méthylglucoside , il obtient un liquide dont le pouvoir rotatoire s'abaisse instantanément quand on l’additionne d’une petite quantité d'ammoniaque. D'autre part, en hydrolysant l’isomère 8 par l'émulsine, la même addition d'’ammoniaque produit, au contraire, une élévation du pouvoir rotatoire. Le sucre mis en liberté est donc + dans le premier cas et y dans le second. On sait, en effet, que les sucres prennent très rapidement leur pouvoir rotatoire définitif lorsque l’on fait intervenir, soit la chaleur, soit une trace d'ammoniaque. Pour coordonner ces faits, on voit qu'il faudrait appeler «et 6 les deux glucoses doués de multi- rotation, qui correspondent aux deux glucosides « et B, appeler de même les deux acétines y et « de Tanret, et, en un mot, considérer les lettres à et 8 comme représentant les deux isomères oxydi- ques. Le symbole y serait alors celui de la forme aldéhydique. Le glucose B, à pouvoir rotatoire stable et intermédiaire entre les deux précédents, ainsi que l’acéline correspondante, appartiendraient à la série 7. - La possibilité de ces trois formes simultanées apparait bien en considérant le schéma suivant, dans lequel le tétraèdre figurant le carbone ter- minal de la chaine prend les trois positions pos- sibles, les autres carbones restant fixes : ON OI ON AUS JNR3 OI Z ù OH Non A : NT SR \ N7 \ N NEA 1 «< [4 1 RC (6) 62 AN Ca LR a) D OH => On ie 2 NC NE NE Il oN | C—(CHOH}—CH— C—(CHOH)—CH— O:CH(CHOH) / S / EN A OH HE — CHOH Dans les deux premières positions, l'anhydrisa- tion s'opère avec l’un des oxhydriles de la chaine : ce sont les formules oxydiques. Dans la troisième, l'anhydrisation ne peut plus se produire qu'entre les deux oxhydriles du même carbone : c'est la forme aldéhydique. Je dois dire, cependant, que Armstrong ne croit pas à l'existence de la forme aldéhydique. Il pense que le glucose, par exemple, n'existe que sous les deux formes multirotatoires, et que celui qui donne une déviation stable (8 actuellement) n'est qu'un mélange répondant à un certain équilibre entre les deux précédents. Il est de fait qu'on peut réaliser un pareil mé- lange, ainsi que je l’ai fait, et constater la stabilité de son pouvoir rotatoire. Mais cela n'est pas une preuve décisive, car les deux glucoses se transforment avec des vitesses égales et le résultat peut aussi bien être invoqué dans un sens que dans l’autre. Il faudrait, pour en üirer une conclusion formelle, opérer sur un mé- lange de deux sucres ayant des vitesses de trans- formation inégales. II. — RECHERCHES SUR LES POLYOSES. $ 1. — Polyoses naturels. La liste des polyoses naturels s'est enrichie pen- dant ces dernières années de quelques produits nouveaux. On doit à Tanret le premier hexotétrose connu, le stachyose, qu'on extrait du Sfachys tuberifera (appelé communément Crosne), et qu'on avait jus- que-là considéré comme un triose. Tanret a montré l'identité du stachyose et du mannéotétrose, extrait par cet auteur de la manne du frêne. Le stachyose, sous l'influence des diastases hydrolysantes, telles que l'invertine et l'émulsine, ou sous l’action des acides faibles, comme l'acide acétique, se dédouble en lévulose et manninotriose, lequel est un triose Lé-atbe ho mater pos ns) EUGÈNE ROUX — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES SUCRES nouveau, que les acides résolvent en lévulose, glu- cose, galactose. Ch. et G. Tanret ont fait connaître le rhamni- nose, C“H*0", qu'ils ont obtenu en soumettant à une hydrolyse ménagée la xanthorhamnine, le glu- coside que renferme la graine de Perse. Ce sucre est encore un triose,qui se dédouble, par les acides, en 2 molécules de rhamnose et 1 molécule de glu- cose. ! Un autre triose, également nouveau, a été extrait par Bourquelot et Hérissey de la gentiane : le gen- tianose C*H*0". Les acides étendus, à 100°, en sé- parent du lévulose et un biose, que ces auteurs ont appelé le gentiobiose, C°H°0”", lequel est hydrolysé à son tour, par les acides étendus, mais à 1109, et transformé en deux molécules de glucose. Enfin un nouveau biose, le cellose, C*H*0". 1/2 H°O, a été récemment décrit par Skraup et Kœnig. Il s'obtient en traitant la cellulose du papier par un excès d'anhydride acétique et saponifiant l’acétine produite. Ce sucre serait, d'après les au- teurs, un isomère du mallose. Comme on le voit, aucun sucre réducteur nou- veau n'intervient dans la constitution des polyoses nouvellement étudiés. L'étude plus approfondie de ceux que fournissent les polyoses plus ancienne- ment connus, reprise par Tollens et ses élèves, n’a pas non plus fourni de résultats imprévus. Il y a cependant lieu de mentionner la présence, non encore signalée, du fucose parmi les produits d'hydrolyse de la gomme adragante. Sur les polyoses complexes, peu de recherches ont été faites en dehors de celles de M. Maquenne, qui jettent un jour tout nouveau sur la constitution de l’amidon et permettent de saisir le mécanisme de sa formation dans les plantes. Contrairement à ce que l'on croyait, l’empois d’amidon, chauffé à 120° et refroidi immédiatement, est seul entière- ment saccharifiable par le malt. Si la saccharifica- tion n’est pas immédiate, on constate une rétro- gradation progressive, accélérée par le froid, par les alcalis ou les acides en petite quantité, rapide sous l'influence d'une diastase, l'amylo-coagulase, extraite dernièrement par Wolf et Fernbach des feuilles et des graines. Le fait remarquable est que cet amidon rétro- gradé, devenu inattaquable par les diastases du malt, peut atteindre la proportion de 30 °/, du poids de la fécule mise en œuvre. Il n’est pas constitué par un produit homogène. Il représente, au contraire, une série d'états pro- gressifs de condensation, dont la résistance aux agents d'hydratation, diastases ou acides, est va- riable avec les conditions d'attaque. Dans le grain @e fécule cru, l'amidon est en quel- que sorte protégé par une série d’enveloppes con- | 539 centriques d'amidon rétrogradé, ce qui explique son mode de formation dans certaines conditions de composition du suc cellulaire, ainsi que sa perma- nence lorsque celles-ci lui deviennent hostiles. i’amidon est donc un véritable colloïde, qui se modifie incessamment, en présentant des états infiniment variés d'hydratalion. La teneur en iode très variable, comme l’on sait, de ses pseudo-combinaisons avec ce métalloïde s'accorde bien avec cette manière de voir. $ 2. — Essais de synthèse des polyoses. Ainsi qu'on pouvait le prévoir, divers chimistes onl poursuivi avec persévérance des essais de syn- thèse des polyoses. Leurs efforts ont été vains, en ce sens qu'aucun sucre naturel, tel que le saccha- rose, n'a pu être reproduit artificiellement. Mais ils n'ont pas été stériles, car ils ont fait connaître des produits nouveaux, des bioses, dont la consti- tution n'est certainement pas lrès éloignée de celle de leurs isomères naturels. Les tentatives ontété faites par deux voies diffé- rentes. On a employé la méthode chimique et la méthode physiologique. Nous avons décrit l’élégant procédé dont Fis- cher et Armstrong se sont servis pour préparer les acétochlorhydrines et les acétobromhydrines en partant des acétines. Ces produits ont été précisément préparés dans le but d'obtenir, par réaction avec les glucoses sodés, des combinaisons de la forme des bioses. En effet, Fischer et Arms- trong ont obtenu ainsi le galactosidoglucose, par réaction du glucose sodé sur l’acétochlorhydrine du galactose, et, inversement, le glucosidogalac- tose; l'un et l’autre de ces deux corps donnant les mêmes produits de dédoublement que le lac- tose, sans être identiques à celui-ci. Cependant, le premier pourrait être le même sucre que le mé- libiose, le biose qu'on obtient en hydrolysant par- tiellement le raffinose et qui se dédouble en glucose et galactose droits; mais le fait n’est pas dé- montré. Ces auteurs ont également obtenu le ya- lactosidogalactose. La méthode physiologique ou diastasique a pour origine les expériences de Hill, dont le retentisse- ment à été grand. En soumettant à l'action de la maltase, extraite de la levure, des solutions concentrées de maltose, Hill avait observé que la transformation de ce sucre en glucose est limitée et que, inversement, en fai- sant réagir cette même maltase sur du glucose en solution concentrée, une partie de celui-ci retourne à l’état de maltose. C'était établir le principe de la réversibililé des actions diastasiques et bases d'une méthode de synthèse des turels qui promettait d’être féconde. 240 Les résultats publiés par Hill ont été soumis à de nombreuses vérifications, car il importait d’avoir la certitude d’un fait de cette importance. Ils ont été contestés. Emmerling s’'efforça de démontrer que la réversibilité n'exisle pas, au sens rigou- reux du mot, car, d'après lui, il ne se forme pas de mallose, mais de l'isomaltose et de la dextrine; on sait que l'isomallose est un polyose, de nature mal définie, que Fischer a obtenu en traitant le glucose par l'acide chlorhydrique. Pottevin, par contre, à défendu les conclusions de Hill en mon- trant que, s'il se forme de l'isomaltose, celui-ci n'est, en réalité, qu'un mélange de maltose et de dextrine. Il semble donc que le mallose n'est pas le seul produit de condensation du glucose sous l'influence de la maltase. En effet, Hill, en reprenant ses expé- riences, a trouvé que le maltose, dont il confirme l'exis!ence, est accompagné d’un autre biose, qu'il a appelé revertose. Fischer et Armstrong ont essayé l’action conden- sante des diastases sur des mélanges de sucres dif- férents. Ils ont fait agir la laccase du kéfir sur une solution concentrée de glucose et de galactose à poids égaux, espérant oblenir le lactose. Ce qu'ils ont obtenu est un biose différent, qu'ils ont appelé isolactose, fermentescible par la levure basse et non dédoublable par l'émulsine, contrairement au lactose ordinaire. : Comme on le voit, les diastases hydrolysantes produisent bien une condensation, quand elles agissent sur les sucres en solution concentrée, mais celte action de réversibilité ne reproduit pas néces- sairement le polyose originel. Ceci enlève une par- tie du grand intérêt que présentait le phénomène et ne justifie plus toutes les espérances que les premières conclusions de Hill avaient fait naitre. IIT. — LES AMINOPOLYOLS. . Nous arrivons maintenant à la troisième et der- nière partie de celte étude. Après avoir parlé des sucres réducteurs et des sucres hydrolysables, j'aborde le sujet des sucres aminés, devenus, par les recherches récentes, l'objet d'un chapitre assez intéressant dans la chimie des sucres. On en connaît trois séries : les 2mines, les osa- mines, les glucamines. Les deux premières sont connues depuis longtemps; mais ce n’est que gràce aux travaux récents de Fischer et Leuchs qu'on est maintenant fixé sur leur véritable conslitution. $ 1. — Imines. Les premiers sucres aminés connus sont ceux qu'oblinrent Lobry de Bruyn et van Leent, en faisant réagir l'ammoniaque sur la solution des EUGÈNE ROUX — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES SUCRES sucres dans l'alcool méthylique. Fischer a montré que ces corps sont des imines, qui répondent à la formule générale : CH°OH — (CHOH) — CH : AzHM Ce sont des produits très faiblement basiques, très altérables, qui se dédoublent par hydrolyse avec la plus grande facilité. $ 2. — Osamines. D'autres sucres aminés avaient été ultérieure- ment préparés par Fischer, en réduisant les phé- nylosazones par le zinc et l'acide acétique. Il leur a donné le nom d'osamines. Ceux-là sont de véri- tables amines; mais elles renferment une fonction aldéhydique ou cétonique qui leur confère les pro- priétés réductrices des sucres et en fait encore des produits très altérables. Le type de ces osamines, l'isoglucosamine, à pour formule de coustitution : CH°OH — (CHOH) — CO — CH'AZH:. M. Maquenne en a vérifié tout dernièrement l’exactilude : en soumettant ce corps à la réduction par l'amalgame de sodium, il a obtenu le mélange prévu de glucamine et de mannamime, bases nou- velles, dont je parlerai dans un instant. A celle classe des osamines, Fischer avait ratta- ché, sans pouvoir cependant lui assigner de for- mule certaine, la chilosamine, une base que l'on obtient très facilement à l’élat de chlorhydrate ou de bromhydrate, en attaquant, par l'un ou l'autre des acides concentrés, la chiline de la carapace des crustacés ou celle des champignons. Fischer et Leuchs ont réalisé dernièrement une brillante syn- thèse de cette osamine et montré qu'elle est préci- sément l’un des isomères de l’isoglucosamine. Son nom de chilosamine, qui ne précisait pas sa cons- litution el rappelait plulôt son origine, doit être È remplacé par celui de glucosamine, qui convient mieux à sa formule : CIBON — (CHOH,5 — CH (AZI) — CHO La synthèse de Fischer etLeuchs a été réalisée en partant de la l-arabinosimine de Lobry de Bruyn, une imine de la classe précédente. En voici les phases principales : CIPOH — (CHONS — CI IL arabinosimine, par HCAz= AZI CHON—(CHON—CIH.CAZ L | nitrile, qui, par saponification = AzH° CHON — (CHOH) — CH.COON x acide chitamique. ; AZI L'acide chilamique ainsi obtenu n’est que l'iso-M mère actif de celui qu'on obtient en oxydant la chitosamine, et l'hydrogénation de sa lactone donne seulement la /-glucosamine, l'isomère de la chito- samine, laquelle se trouve être par conséquent la d-glucosamine. Pour réaliser la synthèse rigoureuse de la base naturelle, il faudrait donc partir du d-arabinose, au lieu de partir de l'arabinose naturel: mais il n'ya aucune raison de supposer que le résultat ne sera pas celui que l’analogie indique. Je rappellerai que cette synthèse, en établissant la formule de la chitosamine, a permis à Fischer de . déterminer la nature exacte du chitose, le sucre furfurique qui résulte de son traitement par l'acide nitreux, dont j'ai parlé précédemment à propos des sucres réducteurs. è S 3. — Glucamines. La troisième classe des sucres aminés est celle des glucamines, qui sont des aminopolyols connus depuis peu de temps. Ils répondent à la formule : CIHEOH — (CHOH)2 — CHPAZHE, Leur mode de préparation parait pouvoir s'ap- pliquer à tous les sucres réducteurs. Il consiste à réduire l'oxime de ces sucres par l’'amalgame de Sodium : CIPON — (CHOIH): — CH : AzOH + 41] — CIFOH — (CHOH)r — CH2AZzHE + H20. Nous avons fait connaître, M. Maquenne et moi, le premier terme de la série, la glucamine, obtenue » en partant du glucose; j'ai décrit depuis la galac- lamine, la mannamine, l'arabinamine, la xylamine, qui dérivent du galactose, du mannose, de l'ara- binose et du xylose. Par leurs propriétés, ces amines forment un con- traste frappant avec les précédentes. Ce sont, en … effet, des produits stables, qui se comportent comme « les bases fortes, chassant l’'ammoniaque de ses combinaisons et réagissant à la facon de la potasse et de la soude sur les solutions métalliques. Elles ne renferment plus de fonction adéhydique ni céto- nique, et réagissent tant par leurs oxhydriles alcoo- liques, en donnant des dérivés tétra ou pentacé- Lylés, des tétra ou pentaphényluréthanes, que par “leur fonction amine primaire, en donnant des sels, des urées, des combinaisons avec l'aldéhyde ben- . zoïque, l’acétylacétone, etc. Les glucamines donnent avec le sulfure de car- bone une réaction qui parait générale aux amino- …polyols et peut servir à les caractériser. Quand on chauffe leur solution aqueuse, à 100, avec du sul- fure de carbone, il se forme un sénévol, comme avec les amines primaires en général; mais, ici, la chaine se ferme par une réaction interne et l’on oblient une mercaplo-oxazoline : WCSAZCIE — (CIIOI)2 — CI2OH —- ! /Az— CHE (SH) C: | O — CH — (CHOI)2—1 — CIO. —> REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1904. EUGÈNE ROUX — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES SUCRES 541 Les oxazolines cristallisent bien et donnent aveë le nitrate d'argent des dérivés également cristal- lisés caractéristiques. Ces sucres aminés présentent-ils quelque intérêt en dehors du domaine de la Chimie pure ? C'est ce que je voudrais montrer avant de terminer. On sait que les éléments minéraux de l'air et de l’eau pénètrent par la plante dans le cycle de la vie organique : or, le premier édifice moléculaire qui se forme est celui qui constitue les sucres. La décomposition de l'acide carbonique de l'air, en présence de l’eau, dans les cellules chlorophyl- liennes des feuilles, produit de l’aldéhyde for- mique, qui se polymérise immédiatement et four- nit le glucose, origine de tous les sucres et de tous leurs multiples produits de condensation. La plu- part d'entre eux ont été reproduits ainsi par voie de synthèse, et, si les polyoses, du saccharose à la cellulose, n’ont pu être encore obtenus artificielle- ment, du moins leur synthèse n'offre-t-elle rien de mystérieux. En un mot, on s'explique sans peine la formation de tous les principes ternaires en parlant du glucose. On se trouve arrêté lors- qu'il s'agit de faire intervenir l'azote. D'autre part, on a été amené à considérer l’al- bumine comme une sorte de sucre azoté. On a vu que la glucosamine est la partie essentielle de la chitine. Neuberg a trouvé de la galactosamine dans les produits de décomposition de certaines matières albuminoïdes. De sorte que, par deux chemins opposés, par celui de la synthèse, comme par celui de l'analyse, la même conclusion s'impose : deux groupements chimiques sont en quelque sorte les pivols de la vie, celui des sucres et celui de l’ammoniaque. N'est-il pas permis dès lors d'espérer que l'étude des sucres aminés pourra conduire un jour à la synthèse de l’albumine? Déjà, il est facile de passer de l’un d'eux à l'acide amidocaproïque, isomère de la leucine, dont la pré- sence est constante dans les produits de dédouble- ment de l'albumine. En effet, on obtient cet acide amidé en réduisant l'acide chitamique, produit d'oxydation de la chilosamine, par l'acide iodh y- drique, dans certaines conditions, ainsi que j'v suis arrivé dans des recherches pour lesquelles j'ai eu la mauvaise fortune d’être devancé par Neuberg el Wolf, qui, en Allemagne, ont fait connaitre ce même résultat. On voit donc le grand intérêt physiologique et chimique que présentent les sucres aminés. Je n'in- sisterai pas davantage ’. Eugène Roux, Docteur ès sciences, \ssistant au Muséum. a * Conférence faite au Laboratoire de Chimie organique de la Sorbonne, lg 542 J. THOULET — L'OCÉANOGRAPHIE DANS LE VOISINAGE IMMÉDIAT DU RIVAGE L'OCÉANOGRAPHIE DANS LE VOISINAGE IMMÉDIAT DU RIVAGE Dans un précédent article’, j'ai résumé quelques conseils généraux, fruits d'une assez longue expé- rience, pour les personnes désireuses de s'occuper d'Océanographie. Je m'adressais plus particulière- ment à des médecins de la marine, dont plusieurs, qui m'avaient fait l'honneur de me demander des instructions, avaient l'intention d'utiliser, au profit d'une science aussi peu cultivée en France qu'elle prend chaque jour de plus vastes développements à l'Etranger, les loisirs de longues navigations, le plus souvent accomplies à bord de paquebots suivant un même parcours et à des époques très diverses de l’année. Je continuerai aujourd'hui ces instructions. En les écrivant, j'aurai spécialement en vue les plus humbles des navigateurs, — que ne suis-je de leur nombre! — ceux qui habitent au bord de la mer et sont possesseurs d'une simple embarcation se manœuvrant à l'aviron ou, tout au plus, munie d'une voile tellement restreinte que quiconque, ou à peu près, est en élat de s’en servir : amateurs de pêche ou de promenades sur l’eau, ou des deux à la fois, comme ilyena tant dans les ports, Sortant dès l'aube, seulsou trois à quatre ensemble, ils emportent leur déjeuner, hissent leur voile pour arriver plus vite à la place dont chacun garde mystérieusement le secret : herbier, creux de sable ou banc de roches autour duquel abondent tels ou tels poissons. Parvenu à destination, on amène la voile et l'on tend les lignes, les palangres ou les nasses jusqu'au soir, vers l'heure où le soleil, s'abais- sant sur l'horizon, s'éclaire d’éclatantes colorations rouges et envoie sur les flots de grandes ombres qui teintent en bleu sombre le creux des ondulations dont la crète, rasée obliquement par les rayons lu- mineux, se montre toute scintillante de reflets. Les engins sont rentrés à bord, le grappin est levé, la voile est hissée de nouveau et le bateau, s'inclinant sous la poussée de la brise, prend la route du retour pendant que les pêcheurs, dont un seul tient le gouvernail, achèvent d’enrouler les lignes sur leurs cadres, remettent les hameçons enlevés, nettoient la vieille boëtte et mettent tout en ordre dans les coffres. L'extrème limite de leurs territoires de pèche ne dépasse guère une cinquantaine de mètres de fond. C'est pour ces très modestes océanographes que j'écris. Malgré la modicité des ressources dont ils 1 J. Tuouuer : Instructions océanographiques, dans la Revue du 30 août 1903, t. XIV, p. 872. disposent, ils ne se doutent pas des immenses ser vices qu'ils sont en mesure de rendre à ia science d'abord, à eux-mêmes ensuite, par le plaisir et l'intérêt qu'ils trouveront à exécuter leurs investi- gations scientifiques. Puissé-je être assez heureux pour le leur persuader ! Je suppose que ceux auxquels je m'adresse ne sont point ignorants des éléments de l’Océano- graphie; s'ils l'étaient, mon précédent article les renseignerait sur ce qu'ils ont à faire. Le but que nous nous proposons est l’étude complète de la région maritime voisine de la localité habitée par le futur explorateur et que, selon un principe immuable, il conviendra de représenter sur une série de cartes. Pour obtenir ces résultats, les instruments et appareils indispensables ne sont ni nombreux, ni compliqués, ni coûteux. Le champ d'investigation s'étendra depuis le bord même de la mer jusque par 50 mètres de profondeur. Cette zone forme une unité bien complète, ayant des caractères parfaitement distincts, parmi lesquels le plus saillant est d'être la région où l'agitation superficielle de l'eau, c'est-à-dire les vagues et les courants, exerce son action avec le maximum d'énergie. Le premier soin doit être de vérifier la carte du fond. J'emploie à dessein le mot «vérifier »et non le mot «dresser». En Europe,eneffet,si peu importante que soit la localité dont on veut s'occuper, il est douteux qu'il s'en trouve une seule qui ne soit pas représentée sur des cartes marines. Tout au plus se pourrait-il que la carle en fût à une très petite échelle. C'est pourquoi il conviendra d’abord de se procurer la carte de la région à explorer; dans le cas où elle serait à une échelle trop faible, on en ferait un agrandissement graphique. D'une ma: nière ou de l’autre, on profitera des cotes indiquées pour tracer les isobathes, dont l'écarlement sera choisi avec tact. Si rien ne s'oppose à ce qu'elles soient espacées de mètre en mètre, le résultat n'en sera que meilleur. On a tout avantage à dresser@ sur le terrain des plans à grande échelle et à les 1 réduire pour la mise au net. Dans les conditions, où nous nous supposons, c’est-à-dire avec des fonds compris entre 0 et 50 mètres, si, d’après le modelé du terrain, les isobathes de mètre en mètre sont jugées trop rapprochées, on les tracera de 2 en i : £ 7 nn fs rats Smet L] J. THOULET — L'OCÉANOGRAPHIE DANS LE VOISINAGE IMMÉDIAT DU RIVAGE 543 2 mètres, au moins pour les 10 ou les 20 premiers mètres, et ensuite, au plus, de 5 en 5 mètres. Le document ainsi construit représente ce que l'on sail actuellement; la besogne ultérieure consistera à en vérifier l'exactitude et ensuite à le perfec- tionner. Certes, à ne considérer que nos feuilles hy- drographiques françaises, il est cerlain que ces cartes sont élaborées avec beaucoup de talent et de précision. Néanmoins, il s'y est glissé plus d’une erreur facile à citer. Sans compter l'immense avantage qui résulte pour la science et pour la navigalion d'une rectification, un « amateur » éprouverait une bien juste et compréhensible sa- üsfaction d'amour-propre s'il parvenait à rendre meilleurs des travaux déjà si excellents et exécutés par d'éminents savants. Tous les sondages doivent être ramenés au niveau des plus basses mers et, par conséquent, être corrigés de la hauteur de la marée. Il faudra done, dès le début, repérer le niveau, qui, le plus souvent, sera recouvert d'eau au moment de l'expérience. On y parviendra au moyen de relèvements d'après des repères situés à terre et déjà marqués sur la carte. On trouvera ainsi une profondeur qu'il y aura lieu de retrancher des cotes de sondages nouvellement obtenues. Sil'ontient à procéder avec une complète rigueur, en un point convenablement choisi au voisinage de la terre, on installera un marégraphe de l'espèce la moins coûteuse, puisqu'il consistera en une graduation peinte à l'huile, de 5 en 5 centimètres, par exemple, le long d’un quai ou de quelque pilolis d'embarcadère. Faute de mieux, on enfoncera solidement un pieu dans la vase ou le sable au milieu de l'eau et l’on y fixera une règle verticale divisée comme précédemment. On rattache ces points au niveau des basses mers à l'aide de quelques coups de sonde donnés à inter- valles réguliers en chaque station ; et, pendant tout le temps que dureront les sondages au large, un aide notera du rivage la hauteur de l'eau sur la règle graduée, de dix en dix minutes ou de quart d'heure en quart d'heure, par exemple, et en dres- sera la courbe par points. Rien de plus facile maintenant que la correction d'un sondage, quelles que soient sa localilé et son heure, car on se bor- nera à corriger la profondeur trouvée de la pro- fondeur à laquelle se trouvait au même instant le zéro marin au niveau des plus basses mers mesuré par rattachement à l'échelle marégraphique. Dans les mers sans marées, comme la Méditerranée, ces précautions seront le plus souvent inutiles, à moins cependant qu'on ne veuilie s'occuper des questions si intéressantes, et aussi si délicates, relatives aux marées qu'on pourrait appeler microscopiques, à l'influence du vent, de la densité de l'eau ou de la pression barométrique sur le niveau de la mer, ou encore des seiches. L'embarcation n'aura plus maintenant qu'à effectuer les sondages. Pour cela, il suffira de deux instruments. Le premier est un cercle ou un sex- tant pour les relèvements, et, comme l’un et l'autre sont d'usage courant en navigation, on s’en pro- cure aisément et à bon compte, neufs ou d'occasion, dans les ports. J'ai eu beaucoup à me louer du cercle de poche Hurlimann'. L'instrument, d'un diamètre de 11 centimètres seulement, se porte en bandoulière, dans un étui moins volumineux et moins lourd que celui d'une jumelle, et il permet d'évaluer la minute, ce qui est plus que suffisant pour la besogne à exécuter. On mesure, avec le cercle ou avec le sextant, les angles sous lesquels on aperçoit de la station au moins trois repères silués à terre et pris deux à deux. Ces angles, par la construction de géométrie élémentaire du segment capable, permettront de fixer très exacte- ment la position du sondage. Si l'on peut agir plus grandement et laisser con- tinuellement à terre un observateur, on obtiendra une rapidité notablement supérieure en se servant du tachéographe Schrader. L'instrument est d’un prix assez élevé : il vaut, je crois, 1.500 francs ; mais, avec lui, le travail s'effectue, sur le terrain et à la mer, avec une simplicité, une promplitude et une précision inouïes *. L'opérateur s’installe sur le rivage et suit, à la lunette, l'embareation occupée à sonder. Au moment où un pavillon hissé lui indique que le plomb vient de toucher le fond, il vise une mire fixée au mat. Une unique lecture fournit la direction et la distance, en d’autres termes la position exacte du point de sondage. Si la côte est haute, l'opération est encore plus facile, car la hauteur constante du tachéographe au- dessus de l’eau, évaluée une fois pour toutes, et l'angle fait avec l’horizontale par la visée de l'em- barcation permettent, sans qu'il soit même néces- saire de se servir d'une mire, de trouver le côté du triangle rectangle figurant la distance horizontale de la station marine à la station terrestre, c'est-à- dire la location exacte du sondage. L'appareil de sondage se bornera, à la rigueur, si l’on n'a pas à dépasser une douzaine ou une quinzaine de mètres, à un petit treuil en bois à manivelle, que n'importe quel menuisier ou char- pentier construira pour un prix modique. On ne manquera pas de le munir d’un encliquetage, afin d'empêcher le fil de se dérouler trop vite. J'ai fait, à l'aide d’un instrument de ce genre, l'hydrographie Re Le ne visu à OPA IE * Hurlimann, rue Victor-Considérant, 6, à Paris. ? F. Scaraner et CH. SAUERWEIN : Sur l'emploi du tachéo- graphe Schrader pour les travaux d'hydrographie. €, R. Ac. Sc., 16 nov. 1903, p. 181-783. w 244 des lacs des Vosges, d’une profondeur maximum de 30 mètres, et j'en ai été très salisfait. La ligne de sonde était en chanvre; elle avait été préalable- ment divisée de mètre en mètre avec des lanières en cuir, de 5 en à mètres par des marques en chiffon bleu et de 10 en 10 mètres par des chiffons alternativement blancs et rouges. Avant chaque opération, on la laissait tremper dans l’eau pendant quelques minutes avec son poids suspendu; on la remontait ensuite doucement en la mesurant avec un mètre, de manière à établir sa correction d'hu- midilé. S'il s'agit de profondeurs atteignant et même dépassant 50 mètres, il y aura avantage à adopter un fil d'acier avec treuil en métal et poulie comp- teuse. Le fil ou càble dont se sert le Prince de Monaco pour tous ses sondages, quelque profonds qu'ils soient, est en 3 torons de 3 fils chacun, soit 9 fils d'acier. Aux forges de Châtillon et Commentry, où ilest fabriqué, il vaut environ 5 centimes le mètre. En l’envoyant à l’eau, on le fait passer dans un chiffon mouillé d'huile de lin et, quand on le rentre, on l'essuie avec un autre chiffon afin de le sécher. L'huile siccative ne tarde pas à produire un vernis protecteur, et l’on est débarrassé des précau- tions multiples qu'on prenait autrefois pour le protéger contre la rouille : bain d’eau de chaux et le reste. La seule précaution se borne à veiller avec un soin extrême à ce quil ne se forme pas de coques, qui diminueraient au moins des trois quarts sa force portante. On enroule le fl sur un treuil métallique, et, avant de descendre dans la mer, il traverse un guide constitué par trois rouleaux d'acier de 2 centimè- tres de diamètre sur 20 centimètres de hauteur, l'un horizontal, les deux autres verticaux. Le système est excellent pour éviter les coques, et l'appareil est susceptible d'être fabriqué par le premier serrurier venu. Enfin, si, au prix d'une augmentation de dépense, on veut gagner plus de commodité dans les opéra- tions, on prendra un sondeur Belloc. J'ai fait construire un modèle très simplifié, notablement moins coûteux et, en revanche, beaucoup plus commode que le modèle-type, qui m'a donné loute satisfaction, non seulement à moi, mais à des explo- rateurs auxquels j'en ai conseillé l'emploi. L'ins- trument, installé dans une caisse, est vissé au couvercle. Il suffit de la poser sur un des bancs de l'embarcation, de le fixer avec trois ou quatre serre-joints et il est prêt à fonctionner. Après le travail, on l’essuie, ou le recouvre de sa caisse, et l'opération s'achève en deux ou trois minutes. Comme plomb de sonde, on adoptera un plomb tronconique ordinaire, très allongé; mais, comme celui-ci ne rapporte point d'échantillon et qu'il est te . J. THOULET — L'OCÉANOGRAPHIE DANS LE VOISINAGE IMMÉDIAT DU RIVAGE assez inutile de consacrer deux opérations à faire isolément la topographie du fond et sa lithologie, alors que le tout peut s'effectuer simultanément, il y aura avantage à se servir d'un système capable de ramener un échantillon. Le meilleur, le plus simple, le plus rustique et le moins coûteux est le sondeur à double cuiller de l'ingénieur Léger. L'appareil se compose d’une double cuiller assez lourde, en laiton, qu'on descend maintenue ouverte par une sorte de loquet. En heurtant le fond, le loquet trébuche, les cuillers referment leur double mâchoire, et, comme chacune d'elles présente une section trapézoïdale, même dans le cas où un caillou serait pincé et empécherait les cuillers de se refermer complètement, la vase ou le sable accu- mulé dans l'angle inférieur ne serait pas complète ment délavé pendant la remontée et il en resterait suffisamment pour une analyse. L'avantage du sondeur Léger est de ramasser du sable. Le sable est aussi difficile à récolter que la vase est facile. Pour celle-ci, tout convient. Forel en recueillait dans le fond du lac de Genève avec un petit seau d'enfant atlaché à une ficelle, alourdi d'une pierre et qu’il trainait quelques instants. Si, done, le sondeur Léger conserve le sable, il ramène à plus forte raison la vase. Cependant, dans cer- tains cas, il pourra être avantageux, sur des fonds uniquement de vase, de posséder un boudin découpé à l'emporte-pièce, montrant une coupe du terrain sous-marin. On prendra alors un tube de laiton, ouvert aux deux bouts, d'un diamètre de 15 millimètres environ, long de 50 ou 60 centi- mètres, sur lequel on enfilera des poids. On enverra à la mer en laissant descendre rapidement. Pour cela, il suffit de mollir le frein en corde du treuil. Le tube découpe verticalement une tranche de ter- rain, on remonte et on expulse le boudin en le poussant par le haut du tube avec un mandrin en bois ayant presque le même diamètre. Le boudin, sur lequel on ne manquera pas d'indiquer par un signe quelconque le haut et le bas, sera étendu sur une feuille de papier buvard, où l'on inscrira les indications nécessaires; on le laissera se dessécher quelque peu à l'air, on l'enroulera dans le papier, ensuile dans un morceau de calicot préalablement: lavé pour lui enlever son apprêt, et enfin on le con- servera dans un large tube de verre bouché et étiqueté. Les autres échantillons seront séchés et enfermés dans des sacs en calicot lavé. En résumé, je conseillerai d’emporter trois sondeurs: un sondeur Léger, plus particulièrement pour le sable, un tube pour la vase, et enfin un, plomb ordinaire destiné à relever l'emplacement des fonds rocheux sans crainte de détériorer la cuiller ou le tube; on aura même avantage, pour les pierres, à prendre une pelile drague dans le ÿ J. THOULET — L'OCÉANOGRAPHIE DANS LE VOISINAGE IMMÉDIAT DU RIVAGE genre de celle des pêcheurs de goëmon bretons. On lui donnera une ouverture de 20 à 25 centi- mèlres au plus. J'ai payé la mienne 8 francs à un forgeron de village. On y altache un sac en grosse toile, de tissu très peu serré, dont le fond est main- tenu fermé par une ficelle. On y attache ensuite, par un bout de corde, une pierre assez lourde ou une gueuse de fonte. On drague pendant un temps très court, afin de ne pas risquer de rencontrer des terrains différents, on remonte et l'on choisit, pour le conserver, un échantillon aussi franc que pos- sible. On ne saurait recommander trop de soin dans la récolte des fonds. Il est indispensable que l'échan- lillon, qui doit être ullérieurement analysé qualita- tivement et quantitativement, au prix d’un travail délicat et long, ayant de très importantes consé- quences, soit absolument complet, tel qu'il repo- sait sur le sol sous-marin et comme si on l'y avait ramassé avec la main. Les échantillons suiffés, incomplets et impossibles à nettoyer, sont sans la moindre valeur, sauf pour fournir un aperçu de la nature du fond dans une étude préliminaire ; aucun ne mérite d'èlre conservé. Si l’on n'a affaire qu'à de petits fonds et que la mer soit limpide, on pourra relever avec beaucoup d'exactitude les emplacements des divers sols sous-marins avec une lunette d’eau consistant en un tube de fer blanc de 5 à 6 centimètres de dia- mètre, fermé à l'une de ses extrémités par un verre à vitre assujetti avec du mastic hydrofuge. L'ins- trument, qui n’est pas coûteux, rend de précieux services. On enfonce le bout vitré à un ou deux centimètres dans l’eau; toutes les rides superfi- cielles sont supprimées et l'on distingue le fond à une profondeur susceptible d'atteindre et même de dépasser une dizaine de mètres, en Méditerranée par exemple. L'analyse mécanique, minéralogique et chimique des fonds ne peut être faite d'une manière précise et détaillée que dans un laboratoire. Il faut donc remettre les échantillons à un spécialiste, au cas où l’on n'aurait pas soi-même le matériel et les connaissances nécessaires. Mais il est indispen- sable de se livrer sur place à un examen sommaire, permeltant d'attribuer au fond le nom qu'il com- porte et de le représenter par sa teinte spéciale sur la carte lithologique. Il suffira de prendre environ gros comme une noisette du fond, de le délayer avec de l’eau de mer s’il est particulièrement argi- leux et de le verser dans un tube en verre gradué. Le rapport entre la hauteur du sable descendu en une minute et la hauteur de la vase tombée en trente minutes exactement donne, avec une préci- Sion suffisante pour une étude sommaire, le nom Je ES © ) à attribuer au fond '. J'ai publié en 22 feuilles grand aigle un atlas bathymétrique et lithologique des côtes de France ?, qui n'est qu'une simple esquisse destinée à être de plus en plus complétée et précisée. Je conseillerai d’en adopter la nomen- clature et les teintes; l'uniformité du rendu étant ainsi assurée, chaque nouveau sondage sera porté selon le résullat de son analyse et le tracé des aires de même nature lithologique modifié en consé- quence. IT L'étude topographique et l'étude lithologique sont maintenant achevées, ou, plutôt, pour les ter- miner, on possède lous les instruments nécessaires. Il n’est plus besoin que de multiplier les coups de sonde. Le matériel n’a pas exigé de frais excessifs ; celui qui va servir à l'étude physique et dynamique de la mer en exigera encore moins. Je ne pense pas que, pour des fonds supérieurs à 90 mètres, donnée admise au début de ces ins- tructions, il y ait grand besoin de se livrer à des éludes sur la densité de l’eau de mer. Il n'y aurait donc pas lieu d'employer d'aréomètre, ni même de recueillir des échantillons d'eau. Je ne conseillerais de se livrer à ces travaux que dans le seul cas où l'on aurail l'intention de s'occuper des sources d’eau douce sourdant au fond de la mer au voisi- nage de la terre. La question est d'un intérêt con- sidérable, car elle touche au problème de la cireu- lalion générale océanique superficielle du bord vers le centre des océans. Pour s'y livrer, il faudra être en même lemps océanographe, géologue, strati- graphe et physicien. Ce serait un magnifique sujet, et je souhaite vivement qu'il tente un jeune savant appartenant à celles de nos universilés françaises qui sont voisines de la mer. On devrait suivre les couches géologiques terrestres côtières, per- méables et imperméables, en estimer la pente, le parcours el l'affleurement sur le lit océanique. On recueillerait alors tout contre le fond des échantil- lons d’eau, dont on prendrait sommairement sur place la densité à l’aréomètre, et ensuite avec une complète précision, dans le laboratoire, la densité normale à 0°, représentée en Océanographie par le symbole S°. On ne manquerait pas de mesurer chaque fois la température, qui, à elle seule, four- nirait peut-être de sérieuses indications. Je doute que la bouteille de Kiel, qui ne coûte rien puis- qu’elle se compose d'une simple bouteille en verre suspendue à une ficelle, puisse servir. Je n'ai point 4 J. Taouzer : Classification rapide des fonds marins. Etude des échantillons d'eaux et de fonds récoltés dans l'Atlantique nord en 1901. Résultats des campagnes scien- tifiques d'Albert 1, Prince souverain de Monaco, fase. XXII. ? Challamel, éditeur, 17, rue Jacob, Paris. 546 J. THOULET — L'OCÉANOGRAPHIE DANS LE VOISINAGE IMMÉDIAT DU RIVAGE fait d'essai, mais avec elle j'aurais peur d’un mé- lange d'eaux intermédiaires. Si l'expérience me donne raison, il faudrait très probablement se servir d'une bouteille Mill, ou mieux d'une bouteille Richard d’un volume plus considérable que d'’ordi- naire, soit environ deux litres. Les échantillons d'eaux seraient conservés dans des flacons à bou- chon paraffiné. Je ne sache pas qu'il y ait beaucoup de travaux faits relativement à la répartition de la tempéra- ture dans les eaux peu profondes. En un même lieu, cette température subit-elle des variations notables de saison à saison ou peut-être dans le cours d'une même journée ? — jusqu'à quelle pro- fondeur ? — les marées ont-elles une influence ? — ces variations seraient-elles en relation avec l’état du temps ou celui de la mer? — et surtout, ce qui touche au problème éminemment pratique des pêcheries, la température est-elle en relation, soit à la surface, soit dans la profondeur, avec la pré- sence de poissons migrateurs : sardine, hareng, maquereau ou morue? Aucune de ces questions n'a été complètement élucidée, et il n’y aurait rien de surprenant à ce que l'étude de l’une quelconque d’entre elles conduisit à des résultats inattendus. Peut-être encore la question des sources sous-ma- rines, dont nous parlions tout à l'heure, se rat- tache-t-elle à des mesures de température. En tous cas, ne serait-on que mis sur la voie, il est évi- dent qu'une mesure thermométrique, qui, surtout à d'aussi faibles profondeurs, ne demande que quelques instants, sera préférable, au moins comme recherche préliminaire, à une récolte d'eau suivie d'une prise de densité, même à l'aréomètre et sur place, et d’une analyse. On prendra pour ces tra- vaux des thermomètres Negretli et Zambra, que l’on fabrique aujourd'hui en France ! à un prix notablement inférieur à celui de l'étranger el avec une précision au moins égale. On les munira d'une monture simple, plutôt à verrou qu'à hélice, parce que, avec celte dernière, l'obligation de remonter l'instrument de 4 ou 5 mètres au moins pour pro- voquer son retournement et marquer ainsi la tem- pérature, enlèverait toute exactitude aux mesures. On en sera quitte pour exécuter le retournement avec un messager de Rung. Je recommanderai, pour les prises de températures qui auront besoin d'être très précises, quand il faudra lire le thermomètre ramené au jour, d'opérer immédiatement, ou, si la température de l'air est particulièrement élevée, ce qui n'aurait rien d'étonnant, car ces travaux d’océa- nographie se font en été, de laisser l'instrument se mettre en équilibre de température avec l’atmo- # Chabaud-Thurneyssen, Paris. rue Monsieur-le-Prince, 58, à sphère, de faire ensuite la lecture et enfin de cor- riger. La transparence de la mer semble avoir plus d'importance qu'on ne l'avait supposé. On sait que la simple division de deux nombres permet, au moyen d'une mesure de transparence, de doser avec une grande approximation le poids par litre d'eau de matières en suspension dans la mer. On comprend que la question se relie étroitement à l'industrie des pèches. On se servira d'une boule en cuivre de 15 centimètres de diamètre, peinte en blanc, qu'on attache à une cordelette graduée. On la leste suffisamment, on la laisse descendre, et, en l'observant avec la lunette d'eau, on note sa dis- tance de disparition. En exprimant cette distance y en dixièmes de millimètres, la valeur de x, poids de matières en suspension, en grammes par litre, % 40%. sera donnée par la formule x ——: Si l'on suppose, par exemple, la distance de disparition égale à 0 450.000 — 0,000088 gr. par 45 mètres, on aura x — litre ‘. Il est probable que la couleur de la mer dépend surtout de la nature du plankton en suspension. Peut-être le plankton animal est-il jaune, tandis que le plankton végétal est vert. Le problème, qui importe à la fois à l'Océanographie et à l'Histoire naturelle, expliquerait la présence ou l'absence de la sardine ou de tel autre poisson dans des loca- lités déterminées. Quoi qu'il en soit, on parviendra à évaluer la couleur de la mer avec beaucoup plus de précision qu'avec la gamme liquide de Forel, graduée de 0 à 10, sans cesser néanmoins de se rattacher à celle-ci, au moyen d'un miroir incliné à 45° qu'on enfonce dans l’eau et qui se nuance de la facon la plus nette, d’une belle teinte uniforme, à la fois lumineuse et transparente, parfaitement facile à identifier. Pour l'identification, on em- ploiera la lunette à double prisme jaune et bleu, qui donne une précision complète, ou un tube parallélipipédique en zinc, percé d'un œæilleton à l'une de ses extrémités et, à l’autre, d'une fente derrière laquelle on intercale l’une des dix lames de verre colorées respectivement des couleurs de. la gamme de Forel. On peut alors, par une inter- polation estimée entre deux quelconques des dix numéros, obtenir vingt termes de comparaison, précision le plus souvent largement suffisante. On pourrait chercher expérimentalement l'in- tensité du mouvement causé sur le fond, à diverses profondeurs, par des vagues de hauteur déter- minée, et par conséquent la dimension des grains # J. Tuoccer : Sur la transparence de la mer. C. R. Ac Se., t. CXXXNVII, p. 748, 9 novembre 1904. Ÿ n J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE 07 de sable, de nature minéralogique connue, mis en suspension dans l’eau ou roulés sur le sol. Nous reviendrons en détail sur ces mesures. Une dernière opération est à faire : l'étude des courants. On emploiera deux bouteilles accouplées de Hautreux. Je me suis servi, dans l'Iroise, de sept ou huit de ces bouteilles doubles, peintes de couleurs différentes, séparées par des ficelles de longueurs variées et abandonnées toutes ensemble en un même point à un moment déterminé. On les laissait obéir au courant pendant un temps suffi- sant. On se mettait ensuite à la poursuite de cha- cune d'elles, et, quand on la relevait, on notait exactement l'heure et la position au moyen d'un coup de sextant ou de cercle sur des repères situés à terre. On possédait ainsi des éléments néces- saires pour établir une rose de courants. Le maté- riel de ces expériences se réduit à une pelote de ficelle et à une vingtaine de bouteilles d'eau miné- rale qu'on se procure chez les pharmaciens. On se servira aussi comme flotteur de la boule à transparence ou d’une drague à courants, facile à fabriquer avec un double cadre rectangulaire en bois léger sur lequel on coud de la toile à voiles huilée. En guise de bouée, on prend un flotteur en liège muni d’un signal. On installe la ligne à la profondeur voulue, on met à l’eau en un point et à un moment connus, et l’on abandonne au cou- rant. On se borne alors à suivre de loin pour ne pas troubler la marche du flotteuret, à des inter- valles de temps fixes, on note l'heure et la posi- tion, fournissant tous les éléments de délermi- nation. J'insisterai sur le conseil d’opérer, pour toutes les expériences et mesures océanographiques, en des stations fixes, à chacune desquelles on rappor- tera le plus grand nombre de données possible. En embarcation, rien n'est plus facile; on mouille un grappin ou l'on fait usage d’un sac de pierres attaché à un càble léger. On y amarre l’embarca- tion, et, si l’on est forcé d'abandonner momenta- nément la place, comme pour l'étude des courants, on y laisse une bouée ou, plus simplement encore, un radeau composé de deux planches en croix à l'intersection desquelles on plante un pavillon visible de loin. Je me suis borné à mentionner les principales mesures à prendre dans les conditions partieu- lières où je me suis placé au début. Il n'est pas douteux qu'en se livrant aux expériences décrites, et qui sont indispensables à la connaissance de ja mer au voisinage immédiat des côles, on sera con- duit à en imaginer une foule d'autres. Si le pro- priétaire d’une embarcation et des quelques ins- truments que j'ai cités a bonne volonté, le travail ne lui manquera pas. Ma dernière recommandation sera de ne pas éparpiller ses efforts, de procéder méthodiquement et de mettre tous les résultats obtenus sous forme de cartes et de graphiques. ; J. Thoulet, Professeur à la Faculté des Sciences de Nancye L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE DEUXIÈME PARTIE : FABRICATION ET PROPRIÉTÉS DE L'HUILE Dans un premier article‘, nous avons étudié la culture de l'olivier et la composition des olives; nous allons maintenant exposer les procédés de fabrication de l'huile, les propriétés de celle-ei et le parti que l’on peut tirer des résidus de fabri- calion. I. — FABRICATION DE L'HUILE. $ 1. — Récolte des olives. La cueillette des olives, qui est la première opé- ration de la fabrication de l'huile, se fait à une époque variable suivant les pays. En Algérie, la cueilletle des olives commence en novembre ; en France, elle a lieu bien plus tard, pendant l'hiver. La cueillette des fruits de l'arbre de Minerve, 4 Voyez la Revue du 30 mai 1904, &. XV, p. 505. dont les rameaux symbolisent la paix, est faite au moyen du gaulage ou en les détachant à la main. Il ne faut pas attendre que les olives se détachent d'elles mêmes par excès de maturité. Le gaulage des olives présente de nombreux inconvénients quand il n'est pas pratiqué avec discernement; il faut des gaules légères et flexibles, et battre les rameaux de haut en bas, et de dedans en dehors, en tâchant d'éviter de meurtrir les fruits et de délacher les rameaux fructifères de l’année suivante. Le gaulage mal fait détruit une grande partie de la future récolte et c'est une des causes de l'intermittence des récoltes. Il ne faut jamais battre les rameaux à rebrousse-feuilles, afin de permettre à la production de se régulariser aulant que pos- sible et d'empêcher l'arbre de trop saisonner. La cueillette à la main se pratique à laide d'échelles qu'on applique le long des arbres ou en montant sur les oliviers; on assujettit alors la branche avec la main gauche et l’on détache les fruits avec la main droite en les faisant glisser de bas en haut; c'est ce que les Kabyles appellent « traire les olives ». En Portugal, on emploie des échelles très légères faites avec des perches de châtaignier pour n'avoir pas à grimper à l'arbre; ces échelles ont la forme ordinaire ou sont formées de trois montants réunis à l’aide de charnières à l’une de leurs extrémités, de manière à constituer un trépied, et deux des montants portent des chevilles en bois formant échelons. Le meilleur système de cueillette des olives consiste à en enlever le plus possible à la main et à gauler seulement les rameaux qu'on ne peut pas atteindre autrement. Les olives gaulées tombent à terre, ou mieux sur des toiles grossières disposées autour des arbres: là, on les ramasse à la main pour les déposer dans des paniers. C'est le moment, en faisant le ramassage, de mettre à part les olives piquées et allérées pour les traiter séparément. Chaque variété doit être cueillie à sa complète maturité, mais celte condition n'est pas toujours observée. Le rendement de l'olivier est extrêmement va- riable suivant les régions, le mode de culture et les conditions climatériques de l’année, ainsi que nous l'avons déjà vu. La richesse en huile est aussi influencée notablement par ces diverses circons- tances, el il y a telle année où les olives ne rendent pas, comme les raisins donnent du vin peu alcoo- lique. Le dernier recensement indique que l'Algérie compte 5.329.658 oliviers productifs, pour une pro- duction annuelle de 24.684.800 kilogs d'huile, soit une moyenne d'environ 5 litres d'huile par arbre, ce qui, à raison d’un rendement moyen en huile de 12°/,, Correspond à une récolte d'environ 40 kilogs d'olives par arbre. Des arbres en pleine production peuvent donner 100 kilogs d'olives, mais ceux quisont cultivés dans les terrains maigres ont une production très faible. Dans une Notice publiée par le Comice agricole de Bougie, on trouve que 100 arbres par hectare ren- dent, en moyenne, 39 litres d'huile par arbre. Si l’on veut déterminer la valeur relative de deux lots d'olives, il faut tenir compte de la teneur en huile, de l’état de maturité ou de conservation des olives, de la variété et de la provenance. La diffi- culté consiste dans l'appréciation judicieuse de ces divers facteurs et des coefficients qu'il convient de leur attribuer. On classera les olives en diverses catégories, » m' CE Ds OT L ® AR L ee h ” * <. J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE suivant l'état de maturité ou de conservation, pour chaque variété d’une même région, et on leur appli- quera le prix qui correspond à la qualité probable des huiles que ces catégories sont susceptibles de donner, en prenant pour base le prix de ces divers types sur le marché. Ensuite, on déterminera la richesse en huile et l'on obtiendra la valeur du quintal d'olives en multipliant la teneur en huile par le prix du barème établi comme nous venons de l'indiquer. $ 2. — Broyage des olives. Les moulins à huile sont souvent silués le long des cours d’eau etsont à deux fins : ils fonctionnent avec l’eau quand elle est assez abondante, et, à défaut, au moyen de la vapeur. En Algérie, on trouve des moulins à huile annexés à certaines minoteries. Ils sont mis en mouvement par une roue hydraulique ou, mieux, par une turbine. On a aussi quelquefois recours à la force animale pour les petits moulins. On trouve encore aujourd'hui des moulins de tous les systèmes, depuis les plus rudimentaires jusqu'aux plus perfectionnés. Les moulins sont à une, deux ou trois meules courantes. Quand il y a plusieurs meules, elles parcourent des pistes con- centriques empiélant les unes sur les autres, de manière à agir successivement sur les olives: d'autre part, un système de soulèvement permet de régler la distance des meules à l'aire et de céder. devant une résistance trop considérable. Dans la plupart des pays, les moulins les plus répandus sont encore formés d'une seule meule verlicale en pierre de taille ou en fer. L'indus- trie oléicole est très ancienne en Algérie, si l'on en juge par les vestiges de l'époque romaine. Ces ruines indiquent même qu'elle avait pris un grand développement avec un cerlaindegré de perfec- tionnement. La croyance que l'huile de noyau était nuisible à la qualité de l'huile de pulpe avait amené les Romains à construire des moulins (7rapelum) qui dépulpaient les noyaux sans les écraser. Nous avons déjà vu ce qu'il fallait penser de celte pra- tique, qui a été reprise de nos jours par un indus- triel de Tunisie, M. Epinat. Le dénoyautlage des - olives entraine une augmentalion des frais de fabri- cation qui n’est pas compensée par une augmen- tation suffisante de qualité. Les petites différences de qualité des huiles peuvent provenir d'autres M causes contingentes des procédés de fabrication. L'enquête à laquelle il a été procédé par les soins de l'Administration montre que le nombre. des moulins, en Algérie, s'élève à 4.599 pour une production d'huile égale à 215.553 quintaux, Soit une moyenne de 46 kilogs d'huile environ par moulin. Il faul en conclure que les moulins sont 7 J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE 549 ————— ———————— —————————_—_—_—_—_—…—…—"—"…"…"…"”…"”"”"—"—"…"—"”"—"”"”"—"”"—"—"—"—"—"—"—"…"…"…"…"…"—"…"…"…"…"…—…"—"—"—"—"—"—"—…"—"—"—"—"—"—"—_— — beancoup trop nombreux, surlout dans les arron- dissements de Bougie, de Tizi-Ouzou, d'Orléansville et de Setif. L'arrondissement de Bougie en compte à lui seul 2.855. Les moulins actionnés par l'eau ou la vapeur donnent toujours un travail plus rapide et plus régulier que ceux qui fonctionnent à l’aide des mo- teurs animés (cheval ou homme). Or, il est utile d'avoir une pâte aussi homogène que possible pour faciliter la pression. Ce qui manque acluellement, ce sont des appa- reils simples pouvant fonctionner avec, peu de force motrice, de manière à permettre aux petits oléiculteurs de moudre les olives au fur et à mesure qu'elles sont cueillies, et d'en extraire ensuite l'huile. On trouve, cependant, des broyeurs analogues à ceux qu'on emploie pour les pommes ou les raisins et construits de manière à obtenir un bon travail de désagrégation. Il y a déjà eu quelques tentatives faites de ce côté, et, avec un peu de persévérance, les constructeurs arriveront sans doute à établir des instruments qui donneront toute satisfaction aux propriétaires. Depuis la domination romaine, l’industrie oléi- cole s’est conservée chez les indigènes, mais avec un outillage des plus rudimentaires, parfois presque nul, et une absence à peu près complète de soins de propreté, si nécessaires dans cette fabrication. Ces conditions, jointes à une conservation souvent prolongée et défectueuse des olives, font que l'huile indigène est, en général, forte, rance, et d'une valeur inférieure de moitié à l'huile faite par les Européens avec les procédés modernes. Les indigènes se sont ainsi peu à peu habitués à ces huiles fortes ; mais j'incline à penser qu'ils ne sont point rebelles aux huiles douces, que ce n'est point une préférence invincible et que, le jour où ils auront adopté les bons procédés de fabrication, leur goût s'adaptera très facilement aux huiles douces. Grâce à l'initiative de l'Administration, les indi- gènes ont déjà commencé à transformer leur outil- lage, et l'on trouve quelques moulins installés à l’européenne. Ces moulins publics, organisés par les djemaas, sont appelés à rendre les plus grands services; ils permettront non seulement de faire de l'huile de bonne qualité, d'augmenter le rendement par l'emploi d'un outillage plus puissant, mais encore de tirer partie des grignons qui se trouvent ainsi - concentrés en un point et susceptibles d'être vendus pour être traités économiquement en vue d'en extraire les dernières parcelles d'huile. Le paiement se fait en nature, le propriétaire prélevant une portion du produit fabriqué pour - l'amortissement du capital et pour solder les frais d'entretien et de fonctionnement de l'usine. Pour obtenir de l'huile de bonne qualité, il est indis- pensable de ne travailler que des olives saines. Si l'on ne peut moudre les olives aussitôt après la cueil- lette, par suite de l'encombrement, il faut les con- server dans l’eau salée, comme nous l'avons indi- qué, pour éviter la fermentation. C'est une erreur de croire que l'huile augmente pendant la conservation, et les auteurs romains (Columelle) disaient déjà qu'il est aussi peu vrai de croire que l'huile s'accroit en tas, que le blé augmente dans la meule. $ 3. — Pressurage. Dans son ouvrage sur l'olivier et les huiles d'olives en Portugal, M. Larcher Marçal compare les anciennes huileries (Lagar) à un recoin de l'enfer ou à un tableau peuplé de tortionnaires de l'Inquisition. Il faut, en effet, avoir vu de ses propres yeux, pour s'en faire une idée, l'installation défectueuse et malpropre de ces anciens moulins, qui commencent à devenir rares, pour apprécier la différence avec les usines modernes, pourvues d’un outillage perfectionné et où règne souvent la pro- preté la plus méliculeuse. Les indigènes sont de beaucoup les plus gros producteurs d'olives; mais la statistique nous apprend qu'ils ne fabriquent qu'une quantité d'huile relativement faible, environ 1/8 de la pro- duction totale algérienne. C'est que la majeure partie des olives récoltées par les indigènes es achetée par les Européens, au poids ou à la mesure (double décalitre pesant environ 16 kilogs quand il est comble), à des prix très variables suivant les années, la teneur en huile, le degré de conserva- tion, etc, depuis 5 francs jusqu'à 10 francs el même 41 francs le quintal. Les olives vendues par les indigènes doivent être préalablement lriées pour éliminer les fruits avariés, les feuilles et les brindilles. Les olives souillées doivent être lavées. On construit des trieurs et des laveurs d'olives. Après la mouture, les olives réduites en päte sont placées dans des scourtins, qui sont d'un usage antique et fabriqués ordinairement en sparte, en alfa ou en coco. Ce sont des sacs ayant la forme d'un béret avec un orifice relativement petit. Ces sacs présentent de nombreux inconvénients : ils sont d'un usage peu commode, crèvent si la pression devient trop forte, communiquent un saveur particulière à l'huile quand ils sont neufs et surtout s'imprègnent de matière grasse qui devient rapidement rance quand ils sont usagés. L'usage des scourtins ne permet guère d'obtenir la propreté méticuleuse de l'outillage et des ustensiles acces- soires, si nécessaire à la production de l'huile fine. Il faut autant que possible les rejeter. 590 On a done cherché à remplacer les scourtins par des toiles simplement repliées, avec des claies d'égoultage pour faciliter la sortie de l'huile, ou par des appareils métalliques capables de retenir la pâte et de laisser l'huile s'échapper. | En Portugal, on emploie des lamelles circulaires en fer forgé, qu'on dispose en piles avec des dia- phragmes de distance en distance pour faciliter l'écoulement de l'huile. On utilise encore la cage du pressoir à vis, mo- difiée de manière à être employée pour cet usage spécial : les cercles de fer sont renforcés, plus nombreux, et les pièces de bois sont plus étroites et aussi plus nombreuses. Il faut une cage avec des mailles assez serrées pour empêcher la fuite de la pâte d'olives. Les scourtins une fois remplis de pâte d'olives, répartie bien régulièrement à l'intérieur, sont portés sur la plate-forme du pressoir, et la pile est soumise à la pression. Les systèmes de pressoirs employés pour le pres- surage des olives sont très variés. On trouve toutes les presses, depuis les plus rustiques jusqu'aux presses hydrauliques les plus puissantes; elles sont actionnées par la vapeur, l'eau ou les bras; les anciens pressoirs avec fûts en bois (arbre de couche horizontal), analogues à ceux employés pour le pressurage des raisins, encore utilisés dans certains pays, permettent d'obtenir une pres- sion graduée et régulière, gràce à l’élasticité des fibres du bois qui tendent à reprendre leur posi- tion primitive quand la déformation n’a pas été poussée trop loin; l'huile suinte peu à peu et len- tement. Les oléiculteurs cherchent naturellement de plus en plus les pressoirs les plus puissants, ceux qui permettent de tirer des olives la plus grande pro- portion d'huile possible, sans avoir égard à la qualité. C'est ainsi qu'on construit des presses à levier ou des presses hydrauliques susceptibles de donner des pressions considérables, au moins 150 kilogs par centimètre carré. Ces presses doivent porter un sommier avec des ressorts en acier ; autrement, la pression s'affaiblit dès que le mouvement s'arrête, en sorte que l'écoulement de l'huile est intermittent. Les pres- soirs à vendanges peuvent aussi servir pour cet usage. Nous avons déjà signalé l'influence de la pression sur le rendement en huile et aussi sur la qualité du produit, en étudiant les olives. Dans les usines, on se sert de deux presses : l'une, dite préparatoire où ordinaire à vis, donnant une pression moyenne de 15 kilogs; l’autre, dite de deuxième pression, donnant une pression double, soit environ 150 kilogs. Certaines presses sont munies d'un déclanchement automatique. J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE Après la première pression, les scourtins sont relirés de la presse et vidés: les grignons sont concassés et émiettés à la main, puis remis dans les scourtins et soumis à la presse hydraulique. L'emploi de l’eau froide doit être réglé de ma- nière à ce qu'elle reste le moins longtemps pos- sible en contact avec l'huile. La quantité d'huile extraite par ces deux pres- sions successives est ordinairement de 15 à 18°/, des olives. Ce rendement est faible, car il reste dans les grignons une proportion d'huile qui ne descend guère au-dessous de 10 °/,. L'huile qui sort ainsi des presses est souillée de débris de pâte et mélangée d’eau de végétation. L'huile de première pression donne les types n® 1, 2 et 3 que nous examinerons plus loin; l'huile de deuxième pression donne les types 3 et 4, suivant la qualité des olives. La grande proportion d'huile qui reste dans les tourteaux tient en partie au broyage imparfait des olives, broyage qui est commandé par la nécessité de ne pas avoir une pâte trop fine pouvant fuir par les mailles des scourtins. L'installation d'une huilerie avec l'outillage nécessaire pour obtenir une fabrication irréprochable coûte encore assez cher (de 10 à 15.000 francs), et il faut travailler une quantité d'olives suffisante pour couvrir l'in- térêt et l'amortissement du capital engagé, el réa- liser un certain bénéfice. C'est dire que chaque usine doit être assurée de trouver autour d'elle les olives nécessaires pour une production de quelques centaines de quintaux d'huile. On a proposé de remplacer le pressurage par le turbinage, ce qui permettrait de se passer des presses puissantes nécessaires dans les huileries; les olives, réduites en pâte aussi fine que possible; sont placées dans le panier de la turbine muni d'un tissu filtrant. Sous l'influence de la force centri- fuge, la pâte est lancée contre les parois, et l'huile traverse le tissu filtrant et la toile métallique. Après quelques minutes de rotation, on aurait déjà une quantité d'huile importante. On injecte alors de l'eau froide dans la turbine, et l’on remet en mouvement; l'eau injectée déplace l'huile, la chasse et sort avec elle à travers les. parois du panier. Ces deux opérations donnent de l'huile limpide et comestible, qui se sépare de l’eau et vient sur- nager à la surface. Enfin, si l’on injecte de la vapeur d’eau dans la turbine, on peut extraire les dernières parcelles À ÿ d'huile et épuiser complètement les grignons ; cette troisième opération donne de l'huile d'industrie. Tel est, en résumé, le procédé d'extraction par le turbinage, que nous n'avons pas encore eu l'oc- casion de voir fonctionner, mais qui, à priori, 4 V J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE 501 semble présenter de sérieux avantages sur la pres- sion, si les résultats pratiques sont conformes aux dires des inventeurs. $ 4. — Décantation et filtration. L'huile qui sort des presses, en mélange avec l'eau de végétation et les matières entrainées mécaniquement, s'écoule dans les piles ou enfers. Ces récipients, construits en fer-blanc, en ciment armé revêtu de carreaux de verre, ete., sont dis- posés en batteries, de manière à permettre à l'huile de s'épurer en passant de l’un à l’autre. Mais ce travail est long, et l’on a avantage à le remplacer en tout ou en partie par la filtration, de manière à réduire la durée du contact de l'huile | avec les impuretés, qui sont une cause d'altération. La densité de l'huile étant en moyenne égale à 0,918 et celle du jus d'olive débarrassé de son huile (margine) comprise généralement entre 1,050 et 1,065, la séparation de l'huile se fait tout natu- rellement par décantation, à l’aide d'un robinet placé au fond. Certains oléiculteurs emploient des séparateurs à travail continu, sortes de récipients florentins à double effet. Si, dans un récipient possédant une ouverture de sortie près de sa partie supérieure, et un tube plongeant jusqu’au fond, ouvert à ses deux extré- mités et portant une ouverture latérale, on fait arriver du jus d'olive pour le remplir et qu'on laisse en repos, on voit la séparation de l'huile et des margines s'effectuer bientôt. Si l’on fait arriver, par un tuyau descendant jusqu'à la zone de sépa- ration, le jus d'olive, d’une manière lente et con- tinue, l'huile s'écoule par l’orifice percé dans la paroi du récipient, tandis que l’eau et les impu- retés (margine) sont évacuées par la tubulure laté- rale du tube plongeant. L'appareil, une fois amorcé, fait un travail continu si les deux orifices de sortie sont placés de manière à ce que la colonne de margine dans le tube fasse exactement équilibre à la colonne d'huile et de margine dans le récipient. Mais la margine qui s'écoule ainsi tient en sus- pension une assez grande proportion d'huile. Une bonne méthode consiste à faire tomber l'huile sur un filtre grossier, au sorlir du pressoir, de manière à la débarrasser de ses plus grosses impuretés avant de l'envoyer dans le réservoir à décantation ou à séparation. Ensuite, on laisse au repos pendant quelques heures et l'on fait passer l'huile sur des filtres de plus en plus fins. Les huiles obtenues avec des olives avariées ou fermentées doivent être lavées à l’eau pure. En Italie, on les lave avec de l’eau acidulée par de l'acide citrique ou du jus de citron. On à aussi recommandé le battage de l'huile avec l'eau, voire même sa pulvérisation dans l'eau avec des instruments spéciaux; mais ces opéralions pré- sentent l'inconvénient d'oxyder l'huile au contact de l'air dissous dans l’eau; en outre, la séparation du mélange ainsi obtenu est longue à s'effectuer. Or, nous savons que l'huile doit demeurer le moins longtemps possible en contact avec l’eau. M. Mon- gioli a inventé un laveur d'huile composé d'un cylindre de tôle étamée, ayant à sa partie infé- rieure une boîte fermée dans laquelle le jus d'olive et de l’eau sous pression (une atmosphère) arrivent par deux tubulures. On règle l'introduction des deux liquides pour qu'ils arrivent à volumes égaux. La partie supérieure de la boîte est percée de trous très fins par lesquels le moût d'olive et l'huile sortent à l’état d'émulsion et se répandent dans le grand cylindre. Là, l'huile se sépare de l’eau et des impuretés. Les impuretés surnagent l'huile ou sont entrainées par l’eau. L'huile lavée est évacuée par des robinets placés à hauteur convenable. Dans tous les cas, la filtration est indispensable pour épurer rapidement et complètement l'huile d'olive. Il importe de faire cette opération rapide- ment, après décantation et lavage à l’eau froide, afin de débarrasser l'huile de ses impuretés avant de l'envoyer dans le réservoir de l'huile limpide. La filtration doit être faite, autant que possible, sous pression, à l'abri du contact de l'air, et demande une propreté méticuleuse sous peine d’être cause de l’altération future de l'huile. C’est pour cette raison que les organes fillrants doivent être nettoyés souvent ou, mieux, renouvelés, de manière à éviler l'oxydation et le rancissement de l'huile qui les imprègne. C'est pour celte raison aussi que les filtres à manches nous semblent peu recommandables. La plupart des huiles algériennes, à l'exception de quelques échantillons, sont insuffisamment épurées; certaines huiles indigènes abandonnent un dépôt volumineux. Les huiles fabriquées par les Européens eux-mêmes sont souvent mal filtrées et conservent des impuretés qui les font s’altérer; les huiles vraiment limpides sont rares. Ce manque de limpidité est une cause de dépréciation pour les huiles d'Algérie. On ne saurait trop préconiser la filtration rapide des huiles aussitôt que leur décan- tation est terminée. Les filtres sont constitués par des tubes en tôle perforée ou en toile métallique, dans lesquels on place la matière filtrante (bourre de coton, coton ou fibres de nature diverse, etc...). Ces tubes, qui fonctionnent à la manière d'une bougie Chamber- land, peuvent être assemblés dans une boite en plus ou moins grand nombre, comæme dans le filtre Milliau. Quand le débit du filtre est jugé insuffi- sant, on enlève la matière fillrante et on la rem- place. 92 Les filtres en papier or&inaire conviennent très bien pour filtrer de petites quantités d'huile ; on trouve même dans le commerce des filtres enlon- noirs en papier, tout préparés. Les filtres-presses formés d'une série de boîles filtrantes fonctionnent bien et sont employés cou- ramment dans les usines importantes. Dans la pra- tique, la filtration des huiles laisse à désirer; la plupart des filtres employés filtrent d'une manière imparfaite, er les bons filtres ont un débit insuffi- sanl. Il y a de ce côté une amélioration sérieuse à réaliser. Cependant, pour les huiles déjà dé- grossies, on à des filtres qui fonctionnent d’une manière salisfaisante. Le filtre Capilieri est essentiellement formé d'une série de disques en élain fin avec des rondelles de papier à filtre. Il y a une différence énorme entre l'aspect et la qualité des huiles ainsi préparées et celles qu'on produit encore le plus souvent dans certains pays. Beaucoup d'huiles algériennes sont trop fruitées, trop colorées pour être livrées directement à la consommation. Par contre, elles conviennent très bien pour faire des coupages avec des huiles exo- tiques. Ces huiles de coupage sont vendues à l'état de pureté aux négociants de la métropole. Les huiles les plus douces sont livrées à la consom- mation locale. L'huile commune, de couleur jaune ou légère- ment verdätre, représente aujourd'hui la masse générale de la production pour les Européens. Il serait cependant possible, en choisissant convena- blement les variétés, en faisant la cueillette à maturité parfaile, en fabriquant au fur et à mesure de la récolte, en exerçant une surveillance rigou- reuse pour maintenir l'usine et l'outillage dans un élat parfait de propreté et en épurant l'huile d’une manière rationneile, de produire les meilleurs types réclamés par le commerce, à savoir : l'huile presque neutre pour les conserves de poissons, et l'huile surfine de qualité supérieure pour la table. Quant aux huiles indigènes, dont la qualité laisse tant à désirer, il faut sounaiter que leur fabrica- lion s'améliore de manière à en faire des huiles de consommalion ou de coupage pouvant être ulilisées par les Européens et non pas seulement des huiles propres à la savonnerie. Pour atteindre ce résultat, il suffira d'améliorer l'outillage, de moudre des olives fraiches et de prendre les mesures de pro- preté nécessaires. D'autre part, on assure que les huiles indigènes sont toujours mélangées (c'est du moins ce que nous avons trouvé dans une Notice publiée par les soins de l'Adminisiration) à une forte proportion d'huile de graines par les Kabyles eux-mêmes avant d'être livrées à l'acheteur, parce que, sur J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE bien des points, la production est inférieure à la consommation. IT. — LES uUILES. $ 1. — Composition. Les huiles sont des mélanges de glycérides ter- tiaires ou éthers de la glycérine en proportion variable, avec des traces de corps insaponifiables tels que la phytostéarine, elc.; la saponification les dédouble en glycérine et en acides gras. D'après les recherches relatives à l'huile d'olive, nous savons que les acides gras qui entrent dans sa composition sont les suivants, par ordre d'im- portance décroissante : 19 L'acide oléique. C'SH02 20 L'acide palmitique . GHHEOZ 30 L'acide stéarique. C'HSOE 49 L'acide linoléïque CHHEO 59 L'acide linolénique. CEH0Z et probablement encore des traces d’autres acides, notamment l'acide arachidique C?*H0°. Tous ces acides sont monobasiques et il en faut trois molécules pour éthérifier les trois groupes ‘alcool de la glycérine. Les acides palmitique et stéarique sont des corps saturés, solides à la température ordinaire et fondant seulement à 62 et 69°. Ce sont les glycé- rides de ces acides gras qui ont une tendance à se solidifier dès que la température devient basse. La proportion des acides palmitique et stéarique a donc une grande importance, parce qu'elle im- prime aux huiles des propriétés spéciales et une tendance exagérée à se troubler aux basses tem- péralures. Les acides oléique, linoléique et linolénique sont. des acides non saturés, c'est-à-dire que, sous cer- taines influences, ils peuvent facilement fixer deux, quatre et six atomes d'un élément monoatomique pour se saturer. Les glycérides de ces acides con- stituent la portion des huiles qui reste encore liquide quand les glycérides des acides concrets se solidifient. La proportion de ces acides gras fluides varie en sens inverse des acides gras saturés. L'acide oléique, qui est de beaucoup le plus im-. portant des trois, est liquide à la température ordinaire et se solidifie seulement à 4°. Les deux autres acides non saturés augmentent la sic- cativité de l'huile d'olive. On admet que l'huile d'olive contient en moyenne 28 °/, de glycérides d'acides saturés et 72 °/, de glycérides d'acides non saturés, mais cette proportion est très variable. En effet, ce chiffre de 72 °/, pour les glycérides des acides non saturés correspond à 68,90 d'acides gras (en supposant qu'il n'existe que de la trioléine), soit, en rapportant à 100 d'acides gras, une propor- es. J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE 503 tion cenlésimale d'acides fluides égale à 72,13 et d'acides concrets égale à 27,87, en prenant la teneur moyenne des acides gras totaux égale à 95,5. Or, il suffit de consulter notre tableau d'analyses, publié ailleurs, pour constater des différences souvent considérables. Si les huiles n'étaient composées que de trioléine, l'acide oléique existant en puissance dans cent par- ties d'huile serait égal à 95,7 et la glycérine, égale- ment en puissance, serait représentée par le chiffre 10,40. Mais tous les autres acides gras qui entrent dans la constitulion de l'huile d'olive ayant un poids moléculaire moins élevé, le pourcentage de 95,7 °/, d'acides gras est un maximum qui est rarement atteint dans les huiles pures et non altérées. En réalilé, la proportion des acides gras totaux n'est pas bien inférieure à ce chiffre et reste très voisine de 95,5. C’est qu'on trouve dans les huiles des acides gras libres, qui ont pris naissance sous l'influence de phénomènes d'oxydation ou de fer- mentalion et qui contribuent à relever le taux des acides gras totaux. Enfin, on peul encore rencontrer dans les huiles des composés à fonctions acide-alcool ou anhydride, mais en très petite quantité. Lecoefticientde réduction des glycérides en acides gras et celui qui sert à les ramener à 100 d'acides gras étant inverses, il en résulte que, dans les analyses, les chiffres qui expriment le pourcentage des acides gras indiquent aussi, sensiblement, la proportion des glycérides dans les huiles. Les acides gras sont insolubles dans l’eau, mais solubles dans l'alcool et l'éther; ils sont fixes ou volatile. Dans les huiles, la proportion des acides volatils est faible. L'huile tient aussi en dissolution de l'oxygène et de l'azote qui se dégagent dans le vide. & 9 $ 2. — Propriétés organoleptiques. Les résullats fournis par l'analyse ont besoin d'être complétés par l'examen des caractères orga- noleptiques. Ces caractères sont déterminés par la dégustalion, qui permet de classer les huiles en diverses catégories d'après leur goût. On apprécie la saveur, l’odeur, la couleur, la pâte et aussi la limpidité. 4. Saveur. — Il faut distinguer entre : à) les huiles amères, comme celles faites avec des olives peu mures ou avariées; d) les huiles douces, obtenues avec des olives saines et bien mures, de première pression; y) les huiles grasses, ou huiles riches en acides saturés. 2. Odeur. — Les bonnes huiles d'olives ont une odeur agréable, due à des acides volatils ou à des substances provenant des olives; les huiles de mauvaise qualité ont une odeur de rance, qui devient repoussante quand elles sont profondément allérées. 3. Couleur. — On trouve toute la gamme des couleurs entre le vert foncé et le jaune d’or; cer- taines huiles sont presque blanches. La couleur jaune d'or ou jaune nuancée de vert est la plus appréciée. Mais, en dehors de la teinte, il y a lieu de consi- dérer le brillant : on rencontre des huiles dont la couleur est lerne, pour ainsi dire passée, tandis que d’autres ont une couleur brillante qui plait à l'œil. 4. Päle. — C'est l'impression onclueuse que laisse sur le palais une huile qui vient d’être dégustée; les huiles surfines ont moins de pâte que les huiles ordinaires, et l'impression qu'elles laissent est plus fugace. 5. Limpidité. — Une limpidité parfaite est une qualité nécessaire, et le manque de transparence déprécie la valeur d'une huile. Les huiles présentent facilement le phénomène du surrefroidissement, c'est-à-dire qu'elles se main- tiennent encore à l’état liquide au-dessous de la température à laquelle certains constituants sont solides; puis le liquide devient louche et, si la tem- péralure continue à baisser, on a une masse pâteuse. On peut hâter la solidification en amoreant la cris- tallisation. D'autres fois, on observe simplement une série de centres de cristallisation ressemblant à des colonies de microbes dans la gélaline, et le reste de la masse conserve sa limpidité. Les négociants éclairés savent profiter de ces caractères pour faire des coupages et présenter aux consommateurs des types d'huile à peu près uni- formes; ils peuvent ainsi rendre vendables des produits qui, autrement, ne seraient pas acceptés facilement par la clientèle. La qualité des huiles varie beaucoup avec les différentes variétés d'olive, avec la nature du terrain, avec les conditions elimatériques de l’année et surtout avec les soins apportés à la fabrication et à l'épuralion de l'huile. Au point de vue commercial, nous pouvons, comme M. Larcher Marçal, classer les huiles en six types qui sont les suivants : 1° Aluile presque neutre, très fluide, parfaitement claire et limpide, de couleur jaune clair (conserves de poissons). L'Italie envoie chaque année des quantités con- sidérables de ce type d'huile dans l’ouest de la ©? ©€ + France pour les conserves de sardines. En évitant avec soin les causes qui peuvent augmenter l'aci- dité et provoquer l’altération, nous pouvons pro- duire cette sorte d'huile. Il y a là un débouché important à conquérir; 2% Huile surfine, d'un jaune d'or, brillante, légè- rement acidulée, avec odeur et goût de fruit, claire et limpide (table, première qualité). Ces huiles sont recherchées par la clientèle riche de certains pays. Les huiles des types naméro 1 et numéro 2 ne peuvent guère être obtenues qu'avec des olives parfaitement saines, arrivées à maturité complète et en employant une pression modérée pour l'ex- traction ; 3° Huile line, possédant les mêmes caractères que le type numéro 2, mais moins accentués (table, deuxième qualité). C’est encore un produit de choix oblenu de première pression; 4° [Huile ordinaire où commune, plus épaisse que les types précédents, avec une tolérance plus grande d'acidité, couleur jaune ou un peu verdàtre, en bon état de conservation, mais pouvant se troubler facilement sous l'influence d'un abais- sement de température (table ordinaire). Ces huiles sont obtenues avec des olives de moins bonne qua- lité ou résultent d’un mélange du produit de la première et de la deuxième pression; 5° Huile de qualité inférieure, de couleur variable, mais dans laquelle la proportion d'acidité ne dépasse pas 5 °/, (lubrification des machines dans l'industrie et dans la marine, graissage, ensimage) ; 6° Huiles lampantes, c'est-à-dire celles que leur goût ou leurs propriétés chimiques excluent des usages ci-dessus (savonnerie). Levty pe numéro 4 correspond, comme nous l'avons déjà vu, à la masse générale de la production des colons. Les indigènes, à quelques exceptions près, ne produisent guère que les types 5 et 6. La limpidité de l'huile est trop souvent négligée, la plupart des huiles algériennes sont plus ou moins troubles, ce qui nuit beaucoup à leur qualité. Quelques huiles indigènes abandonnent un dépôt boueux qui peut aller jusqu'au quart du volume total; ce dépôt, à odeur repoussante, communique à l'huile un goût et une odeur des plus désa- gréables. Dans les huiles européennes, le dépôt est surtout constitué par de longues aiguilles disposées en gerbes ou en paquets. Ces paquets sont eux-mêmes réunis en masses radiées, qui se déposent sur les parois de la bouteille ou tombent au fond. Ces aiguilles de palmitine et de s{éarine s'illuminent vivement à la lumière polarisée; c'est ce qu'on appelle vulgairement la margarine. L'acidité de la matière grasse constituant ces cristaux est toujours J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE faible et provient de l'huile qui les imprègne et dont il est difficile de les séparer. L'industrie des conserves, qui a besoin d'huiles presque neutres, exige aussi qu'elles ne se troublent pas quand la température s'abaisse, ce qui l’oblige à recourir à des coupages d'huiles d'olives avec des huiles de graines. Mais on peut démargariner les huiles qui ont uue tendance à se figer quand la température diminue, c’est-à-dire leur enlever une partie des acides salurés, en les filtrant après avoir préalablement abaissé la température de l'huile et séparant ainsi le dépôt de la partie liquide. Les huiles ainsi traitées restent limpides el ne se troublent plus. Des décantalions successives, alternant avec des périodes de repos, peuvent débarrasser l'huile des matières déposées ou en suspension; mais la filtra- tion agit bien plus rapidement et d'une manière plus parfaite. On a songé à employer la force cen- trifuge pour faire la démargarination des huiles. Les huiles sont abandonnées à une température convenable, de manière à faciliter la séparation des glycérides d'acides gras saturés. La masse est en- suite placée dans le panier de la turbine et, sous l'influence de la force centrifuge, l'huile liquide est entraînée au dehors, tandis que les cristaux des glycérides des acides saturés restent dans le panier. Les cristaux de margarine sont ensuite recueillis et utilisés dans l'industrie. Il y a là un déchet im- portant qui augmente le prix de l'huile démarga- rinée. S 3. — Altération et conservation de l'huile. Les huiles, comme les autres corps gras en géné- ral, présentent une grande résistance à l’action des ferments. Les huiles d'olives renferment naturelle- ment les germes de toutes les végétations qu'on trouve à la surface des fruits. Dans les huiles mal épurées, contenant encore de l'eau de végétation, les Mucédinées (surtout le Penicillium glaucum) se développent dans l'huile, Dans les huiles privées d'eau, les spores ne peu- vent germer; c'est pour cela que l’eau est considé- rée comme très nuisible à la conservation de l'huile. - Le lavage des huiles à l'eau, employé comme moyen d'épuration, ne convient pas toujours aux huiles de qualité. L'huile mal épurée renferme aussi des matières azotées et minérales en quantité suffisante pour alimenter la végétation; mais cetle condition n'est pas indispensable au développement des Mucédi- nées, qui jouissent de la propriété, au moyen de la diastase qu’elles sécrètent, de saponifier les glycé- rides et de mettre en liberté les acides gras, qui cristallisent en grumeaux d’un blanc mat (acides J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE 35 € QE stéarique el palmitique), et la glycérine, qui est brûlée avec production d’eau et d'acide carbonique. A l'origine, on peut extraire la glycérine par un lavage à l'eau, avant qu'elle ait été utilisée par ces petits végétaux. Certaines huiles algériennes renferment une quantité notable de ces grumeaux, qui s'attachent aux parois de la bouteille ou tombent au fond, ce qui à fait dire que ces huiles étaient falsifiées avec des produits étrangers, riches en margarine. Certains microbes, une sorte de levure (Saccha- romyces olei) découverte par M. Van Tieghem, jouissent de la même propriélé de dédoubler les glycérides par un mécanisme analogue. D'autre part, dans les huiles mal épurées, la fermentation de la matière azotée peut donner de l'ammoniaque capable de saponifier l'huile. A ces causes d’altération, il faut joindre l'oxyda- tion qui se produit avec le temps, lentement à l'obscurité et très rapidement au soleil : il y a ab- sorption d'oxygène, émission d'acide carbonique et dédoublement des glycérides sous l'influence d'une distase, analogue à la Zipase, qui existe dans l'huile, apportée pendant la fabrication ou sécrétée par les bactéries, avec formation d'oxyacides inso- lubles dans l’éther de pétrole. Les produits de dé- doublement sont à leur tour oxydés, et l'on peut trouver finalement de l'acide formique, ce qui montre que les acides volatils qu'on trouve dans les huiles peuvent avoir des origines distinctes. L'absorption d'oxygène est d'autant plus grande que les huiles sont plus riches en acides non satu- rés, parce qu'ils ont une tendance à s'oxyder et à se transformer en oxacides. L'’oxydation ménagée des huiles peut améner l'oxydation des glycérides el la saturation des acides non saturés, sans aug- menter d'une manière sensible l'acidité. Quand l'oxydation est plus énergique, les glycérides se décomposent en acides gras et en glycérine; la glycérine disparait en donnant, comme nous l’avons vu, des produits nouveaux, parmi lesquels l'acide formique, tandis que les acides gras salurés peu- vent se dédoubler en termes inférieurs, dont l’un peut être volatil, et les acides non saturés en acides concrets saturés et en acide acétique. C'est pourquoi une teneur élevée en acides volatils in- dique généralement une altération avancée. Après une oxydalion intense, on constate la pré- sence de produits substitués de nature résinoide qui abaissent l'équivalent de saturation. La lumière tend à décolorer lentement l'huile d'olive; l’action simultanée de la lumière et de l'oxygène amène rapidement la décoloration. L'ac- tion de l'acide carbonique, au contraire, empêche la décoloration de se produire (0. Klein). La rancidité de l'huile peut devenir très forte sans que son acidilé s’accroisse sensiblement. Le processus de la rancidilé, qui correspond à un changement de goût, n'est pas nécessairement lié a une augmentation d'acidité ; il est plutôt dû à des produits odorants volatils (acides, éthers, etc.) provenant de la destruction des glycérides, produits encore très mal connus et cependant d’une certaine importance pratique. La plupart des huiles fabriquées par les indi- gènes sont rances à des degrés divers et ont une odeur et une saveur fortes qui les rend impropres pour la table; les indigènes seuls peuvent les con- sommer. Cela tient, d'une part, à ce qu'ils se ser- vent d'olives altérées, fermentées ou pourries, et, d'autre part, aux procédés tout à fait défectueux de fabrication et d’épuralion. Les huiles faites par les colons ont aussi souvent un goût trop prononcé, auquel les clients ne s'ha- bituent pas facilement; ce goût légèrement amer est dû à des olives avariées ou incomplètement mûres, ou provient quelquefois d'un manque de soins pendant la fabrication. L'huile prend facilement le goût et l'odeur des matières avec lesquelles elle se trouve en contact, et il faut traiter des olives bien müres, saines, et éviter le contact des objets susceptibles de com- muniquer leur odeur à l'huile, pour avoir un pro- düuit exempt de goûts anormaux. Les huiles de couleur verdàtre ou vert claire ne sont pas rares en Algérie. Ces couleurs ne sont pas recherchées par le commerce, qui apprécie surtout les huiles qui ont une couleur ambrée ou jaune d'or. Pour conserver l'huile, il faut la soustraire à l’ac- tion combinée des divers facteurs que nous venons d'examiner; mais il faut d'abord qu'elle soit parfai- tement purifiée par des décantations successives el une filtration, de manière à la débarrasser de la totalité de ses impuretés. L'eau et les impuretés sont les principales causes de l’altération et de la rancidité qui se manifestent dans les huiles. La fil- tralion doit être faite le plus rapidement possible, sous pression et à l'abri de l'air. L'huile ainsi préparée et mise à l'abri des in- fluences extérieures (chaleur, air, lumière, etc. conserve longtemps ses propriélés physiques et chimiques et toutes ses qualités organoleptiques. Les huiles qui ne sont pas parfaitement limpides et qui contiennent de l’eau ou des substances élrangères (surtout des matières protéiques) sont tôt ou tard envahies par les bactéries et sujeltes à s’altérer et à devenir rances. L'huile limpide estconservée dans des récipients imperméables et pouvant être facilement nettoyés. Pour les grands récipients, on utilise le fer blanc; on leur donne la forme d'un tronc de cône à la 556 J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE partie supérieure, afin de rendre la surface de l'huile exposée à l'air aussi faible que possible.Les amphores revêtues de carreaux de verre sont des récipients excellents pour la conservation de l'huile. Les tonneaux de bois servant au transport de l'huile doivent être parafinés pour les rendre imperméables. Pour la vente au détail, on soutire l'huile dans des bouteilles de verre, en ayant soin de les placer dans une pièce obscure, après les avoir soigneuse- ment bouchées. On a conseillé l'emploi des bou- teilles en verre jaune ou rouge qui arrêtent les rayons actifs de la lumière; mais elles présentent l'inconvénient de ne pas laisser voir la limpidité et la couleur de l'huile et d'être d'un nettoyage plus difficile. La plus minutieuse propreté doit présider à tou- tes les manipulations de l'huile d'olive destinée à la consommation. Indépendamment de la fabrica- tion proprement dite, la conservation et le trans- port des huiles donnent lieu à des opérations qui laissent souvent à désirer tant au point de vue des soins de propreté qu'à la manière de les conduire. Les huiles d'olives bien préparées se présentent avec une limpidité parfaite, une couleur brillante, jaune d'or ou ambrée, neutre ou légèrement aci- dulée, avec une odeur et un goût discrets de fruit. Ainsi préparée, l'huile d'olive est incontestable- ment la reine des huiles pour la table; mais que de progrès à faire pour que cet idéal se généra- lise ? Les fabricants qui font des mélanges d'huile d'olive avec les huiles de graines disent volontiers que les consommateurs recherchent surtout l'huile à goût neutre et à bon marché; seulement, ils ou- blient d'ajouter que ces huiles sont presque tou- jours présentées au bon public sous l'étiquette d'huile d'olive. La vérité est que la plupart de ceux qui mangent de l'huile de coton, de sésame, d'ara- chide le font à leur insu et que la grande majorité des consommateurs européens a une prédilection marquée pour l'huile d'olive, mème de qualité or- dinaire. III. — LES GRISNONS. Malgré tous les perfectionnements apportés dans le mode d'extraction de l'huile par les presses, il reste toujours une proporlion d'huile considérable dans les tourteaux. Les tourteaux ou grignons d'olives se présentent, en Algérie, sous des formes et une constitution variables. Les tourteaux d'olives provenant des huileries européennes se présentent sous la forme de pains ou galettes d'épaisseur va- riable; les divers éléments constituants sont bien agglomérés, et, dans la pâte, on retrouve les noyaux inlacts ou écrasés. Les oléiculteurs qui n'ont pas à leur disposition des presses assez puissantes ou qui emploient des olives avariées produisent des tourteaux friables, qui se désagrègent immédiatement en une masse qui prend rapidement un aspect de terreau mélangé de noyaux et de fragments de coques. Les indigènes qui écrasent les olives avec des moulins tout à fait primitifs et qui se servent de presses en bois produisent deux sortes de grignons. Après une première extraction, les grignons sont malaxés dans l’eau : les pellicules et la plus grande partie de l'huile viennent surnager à la surface et les noyaux et les débris de pulpe tombent au fond. Les grignons des pellicules recueillies à la surface sont légers et ressemblent un peu à du mare de thé ressuyé; ils sont très riches en huile. Quant au tourteau constitué parla pulpe et parles noyaux, il est beaucoup moins riche. D'ailleurs, le dépôt recueilli ainsi au fond de l'eau se réduit souvent aux noyaux seuls, la chair très divisée étant entrai- née par l'eau. Il y a lieu d'ajouter que ce mode de traitement des tourteaux d'olives n'est pas spécial aux indi- gènes et qu'on le retrouve dans les huileries euro- péennes, mais alors pratiqué d’une manière plus rationnelle, non plus avec les pieds, mais avec des appareils mécaniques qui divisent et remuent la masse. Jusqu'à ces dernières années, aucune usine ne faisait le traitement des grignons au sulfure de carbone. Les tourteaux étaient quelquefois ven- dus à Marseille au degré ou utilisés pour la nour- riture des pores, mais ils étaient le plus souvent jetés au fumier ou employés comme combustible. C'était une perte sèche, considérable pour la co- lonie. La statistique évalue la production de l'huile d'olive en Algérie, pendant la campagne 1901-1902, à 246.000 quintaux. Or, si l’on admet un rendement moyen des olives de 15°/,, ce qui est probablement un peu au-dessus de la vérité, — nous avons adopté le chiffre de 12°, au moment de la récolte des olives, la vérité est entre ces deux chiffres, — on trouve qu'à cette quantité d'huile correspond une récolte d'olives égale à 1.640.000 quintaux et que : ces olives ont dû laisser 820.000 quintaux de gri- gnons. Il s'ensuit qu'en prenant la teneur des tour- teaux égale à 10 °/,, ce qui estun minimum comme on peut le voir en consultant notre lableau d'ana- lyses, la quantité d'huile restée dans les grignons peut être évaluée au moins à 82.000 quintaux. Si l'on estime l'huile de ressence obtenue par le sul- fure de carbone à 50 francs le quintal, on trouve que la valeur de l'huile ainsi perdue chaque année par l'industrie algérienne représente une valeur qui est supérieure à 4 millions de francs. J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE On voit combien une transformation rapide de notre outillage pour la fabrication de l'huile, sur- tout chez les indigènes, s'impose, tant au point de vue du rendement que de la qualité. Etil faut féli- citer l'Administration d'encourager cette transfor- mation en aidant à l'acquisition de presses et de moulins. Le broyage des noyaux permet de bénéficier de l'huile contenue dans les amandes, mais on a re- marqué que les coques brisées retenaient à l'inté- rieur, par adhérence, une proportion d'huile sensi- blement égale à celle des amandes, de sorte que le gain serait nul ou peu sensible. Mais ce broyage est nécessaire pour épuiser les grignons par la pression à chaud ou par le sulfure de carbone (huile de ressence). Le marc retient naturellement une proportion d'huile d'autant moins forte que le pressoir est plus puissant; mais, malgré cela, il reste toujours une quantité importante de matière grasse dans le tourteau. Voici à ce sujet une expérience faite en Portugal par M. Larcher Marçal ‘ : Huile contenue dans 1 kilog de marc. VARIÉTÉ CASTELLO DE VIDE 16 gr. S9 or, 120 gr. 109 VARIÉTÉ PORTAIÈGRE Pressoir hydraulique. . — ordinaire. Ga. qi Le degré de maturité et bien d'autres circons- tances que nous avons eu l'occasion d'examiner à . propos des olives et des huiles ont, d'ailleurs, une influence sur le rendement avec une presse déter- minée. La température a cependant une action prépondérante, qu'il est bon de rappeler encore ici. Dans la saison froide, quand la température est basse, l'huile sort difficilement, et la proportion qui reste dans le marc est considérable. Cette action est surtout manifeste avec les olives dont l'huile est riche en acides gras saturés. C'est pour remédier à cet inconvénient du froid qu'on traite le marc . par l’eau bouillante, pour diminuer la viscosité de 4 l'huile et faciliter son écoulement: mais il vaut beaucoup mieux se servir de la chaleur sèche en chauffant l'usine avec des calorifères, La pression n'a pas seulement une influence sur le rendement en huile; elle a aussi une action très nette sur la qualité du produit. Voici des résultats intéressants, tirés des expé- riences de MM. Larcher Marcal et Klein, et concer- nant les proportions d'huile extraites à différentes pressions : PE CN PR A PAM TRE ! R. Larchen-Marçaz : Loc. cit. BEVUE GÉNÉRALE 1ES SCIEMCES, 1904. 97 Iluile obtenue avec 100 kilogs d'olives. 20 ATMO- 60 ATMo- 150 ATMO- SPHÈRES SPHÈBES SPHÈRES VARIÉTÉS à froid à froid eau bouillante ToraL Galléga . 3k917 3K263 4k791 11k999 Merdial. . : 4,473 2,633 2,813 12,509 Cordovil . ., 6,493 3,019 3,133 13,238 Bical . 8,100 3.050 3,250 15,000 Moncanilha. 8,883 3,100 4,050 15,100 On voit que la proportion d'huile extraite à froid avec une pression modérée croit avec la richesse en huile des variétés ; mais il n’en est pas de même pour les pressions élevées. L'ébouillantage des grignons, après la première pression, est une mauvaise opération, qui ne doit être pratiquée que lorsque l'outillage ne permet pas de donner une seconde pressée plus puissante à froid. $S 1. — Composition des grignons. Les tourteaux, les pellicules et les noyaux nous sont parvenus au laboratoire en bon état de con- servation; mais il n'en est pas de même pour les grignons à l'élat de masse friable, qui étaient sou- vent altérés et moisis. J'incline donc à penser que les chiffres qui se rapportent à ces derniers ne représentent pas toute la matière grasse perdue, une certaine quanlité ayant été déjà oxydée et détruite. Il a été prélevé sur chacun des grignons un poids de 300 grammes dans une capsule de porce- laine tarée. Ces capsules ont été placées dans l'étuve à dessécher, en même temps que les olives. Quand les tourteaux étaient suffisamment dessé- chés, on les passait au moulin après avoir noté la perte de poids et l’on en prenait 10 grammes pour déterminer l’eau qui restait dans une étuve à 100°?, et 10 grammes pour extraire l'huile par l'éther ou le sulfure de carbone. Les tourteaux, à la sortie des presses, renferment aussi des matières azotées, des matières miné- rales, ete... Mais ces déterminations ne présentent qu'un intérêt tout à fait secondaire, la véritable deslination des grignons d'olives étant le /rarte- ment au sullure de carbone et non l'alimentation des moutons ou des pores. C'est pourquoi nous nous sommes borné aux dosages de l'huile et de l'eau. Après leur traitement par un dissolvant appro- prié, les grignons constiluent un engrais organique excellent, comparable au bon fumier de ferme. Ils sont généralement plus riches »en azote et en potasse que le fumier, mais plus pauvres en acide phosphorique. On en ferait un engrais complet en leur ajoutant un peu d'acide phosphorique sous forme de superphosphate, de scories ou de phos- phate naturel. La teneur en huile des tourteaux véritables est TL 558 J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE extrêmement variable et passe de 11,42 °/, de ma- tière sèche (Texier à El Affroun) à 35,38 °/, (Belon, à Saint-Denis-du-Sig). Le taux de matière grasse dans les noyaux est plus faible et se maintient entre les limites de 11,95 °/, de matière sèche (noyaux d'olives Djerraz de Collo) et 5,48 °/, (Bois-Sacré). Les noyaux écra- sés et privés d'une partie de leurs amandes sont encore moins riches en huile : 2,51 °/, (Taher, douar Oued-Nil). Nous avons déjà dit que les coques ne contenaient pas d'huile. En effet, 10 grammes de coques (olives Djeraïz de Gouraya), épuisés par l'éther, n’ont donné que 0 gr. 04 (soit 0,4 °/,) d'un résidu com- posé de matière résinoïde et de quelques goulte- lettes d'huile provenant vraisemblablement de fins débris de pulpe ou d'amande. Les grignons de noyaux renferment toujours une plus ou moins grande quantité de pulpe adhérente et imprégnée de matière grasse. C'est ce qui ex- plique leur richesse en huile relativement élevée. Les grignons désignés sous le nom de masse friable, c'est-à-dire ceux obtenus avec le concours de l’eau et l'emploi de presses insuffisamment puissantes, contiennent de 15,03 °/, d'huile (Clauzel, domaine Hammam) jusqu'à 25,35 (grignon de Petit). Mais, comme nous l’avons déjà fait remarquer plus haut, la plupart de ces grignons étaient dans un état de conservalion laissant à désirer et avaient certaine- ment déjà perdu une certaine proportion d’huile. Enfin, les pellicules présentent une richesse très élevée en huile, variant entre 18,90 °/, de matière sèche (Les Braz, douar El-Aueb, fraction des Beni- Basset) et 48,25 °/, (El Mila, douar Ouled Debab). Les grignons renferment aussi des quantités très variables d’eau : 53,30 °/, dans les grignons pourris de Baral et 9,56 °/, dans les pellicules séchées de l'Oued-Cherf. Les pellicules ou les grignons délités peuvent contenir jusqu'à moitié de leur poids d'eau, mais les tourteaux véritables ne contiennent guère que 25 à 35 °/, d'eau et les noyaux dépassent rarement 20 °/,. On voit l'énorme quantité d'huile perdue chaque année par l'oléiculture algérienne, et, en présence de celte constatation, on ne saurait trop préconiser l'épuisement des tourteaux par un dissolvant appro- prié. Actuellement, deux usines sont déjà installées pour le traitement des grignons par le sulfure de carbone : l’une à Marceau, près de Tizi-Ouzou, et l’autre près de Bougie, au pont de la Soummam. Cette dernière, qui vient de faire sa première cam- pagne, transforme ses huiles en savons. $ 2, — Conservation des grignons. Il y a donc un intérêt de premier ordre pour les oléiculteurs à pouvoir conserver leur marc, de ma- nière à perdre le moins possible d'huile, et surtout à empêcher son altération, qui la rendrait impropre à bien des usages industriels. La conservation des tourteaux a été l'objet d’une étude intéressante de MM. Marcal et Klein, quil me semble utile de résumer ici. Ces savants ont étudié comparativement les quatre procédés de conservation suivants : 1° Séchage du mare à l'air libre; 2° Marc lassé à l'abri du contact de l'air; 3° Marc mouillé avec l’eau rousse et exposé au contact de l’air à la partie supérieure; 4° Marc tassé et mouillé avec l’eau rousse et préservé du contact de l’air. L'eau rousse est le liquide noiràtre (margine) formé par le jus d'olive (eau contenant des matières diverses en solution et en suspension), qui s'écoule en mélange avec l'huile pendant la pression, et qu'on sépare par décantation dans les enfers. Les expériences ont été faites avec des grignons contenant 12,69 °/, d'huile, ayant une acidité de 1,18 °/,, et ont duré quatre mois. Ces tourteaux renfermaient 27,51 °/, d'eau, et avaient été obtenus avec l'olive Galéga contenant 46,6 °/, d'eau et 21,76 °/, d'huile. Les expérimentateurs ont partout observé une décroissance dans la quantité de ma- tière grasse par suite du développement des moi- sissures, et une augmentation considérable dans le degré d’acidité de l'huile, surtout sous l'influence de l'oxygène de l'air. Les méthodes n° 2 et 3 sont à rejeter. Le procédé n° 1 (séchage du mare à l'air) peut être employé, à la condition d'opérer rapide- ment pour éviter l’altération des grignons; mais l'huile qu'on obtient est très foncée en couleur et son acidité peut s'élever à plus de 50 °/,. La méthode de conservation par l’eau rousse, à l'abri de l'air, est celle qui réunit les meilleures conditions : la perte de matière grasse est minimum et l'huile éprouve une altération moins sensible. A priori, on pouvait penser qu'en salant les marces à la manière des olives, on obtiendrait encore de meilleurs résultats et qu'on parviendrait ainsi à éviter presque complètement l’altération de la matière grasse. Cette idée, qui n'avait point échappé aux expérimentateurs, nous avons tenté de la mettre en pratique, non avec des margines que nous n'avions pas à notre disposilion, mais simplement avec de l’eau. Les margines des usines européennes contien- nent peu d'huile : de 0,1 à 0,5 °/,; maisles margines indigènes sont bien plus riches et entraînent une quantité d'huile non négligeable. Des bocaux sem- blables à ceux employés pour la conservation des olives ont été remplis de grignons. Les grignons ont été ensuite mouillés avec de l’eau contenant 100 grammes de sel par litre, comprimés et con- À J. DUGAST — L'INDUSTRIE OLÉICOLE EN ALGÉRIE 559 servés pendant deux mois. Dans ces conditions, la déperdition d'huile ne dépasse pas 1 °/, et l’aug- mentation de l'acidité est faible. En résumé, pour assurer la conservation du mare avant son épuisement définitif, aussi bien que celle des olives, de manière à éviter l'allération de l'huile et à en perdre le moins possible, il faut le soustraire à l'influence combinée de l'oxygène de l'air et de la lumière, et empêcher, au moyen d'un antiseptique, le développement des champignons et des bactéries dans la masse. En pratique, l'agent conservateur employé jus- qu'ici est le sel, qui n’altère pas et ne dénature pas l'huile; les autres substances antiseptiques pré- sentent des inconvénients plus graves. $ 3. — Extraction de l'huile des grignons. Avant d'être traités par le sulfure de carbone, . les grignons doivent subir quelques préparations destinées à permettre un contact intime entre Ja matière et le dissolvant, de manière à assurer l'épuisement le plus rapidement possible. C'est pour cela qu'ils sont d'abord désagrégés dans un broyeur, puis séchés à une température peu élevée pour ne pas altérer l'huile. A la sortie du séchoir, les grignons sont de nou- veau broyés sous les meules d’un moulin. De là, ils passent dans l’extracteur, où ils restent un temps suffisant pour que l'épuisement soit complet. Le sulfure de carbone tenant l'huile en dissolution est ensuite envoyé dans un appareil à distiller spécial, où évaporateur. On chauffe doucement ; le sulfure de carbone se dégage à l'état de vapeur et vient se condenser au contact de l’eau froide, pour être - ensuite ramené dans le hac-réservoir, et l'huile qui reste est écoulée dans un réservoir. Quant aux grignons, ils sont retirés de l'ex- tracteur par un trou d'homme ménagé à cet effet; ils ne renferment guère que 0,5 °}, de matière grasse. L'appareil est alors prêt pour une seconde opéra- tion. Théoriquement, le cycle de ces diverses mani- pulations peul se répéter indéfiniment avec le même dissolvant qui se trouve régénéré; mais, en pratique, il y a une perte qu'on évalue à environ 10 litres par tonne de grignons épuisés. Les dissolvants employés sont des liquides très inflammables, et les travaux de surveillance et de conduite des appareils doivent être confiés à des ouvriers exercés. Les grignons se vendent, en moyenne, 95 francs la tonne. Or, dans l’état actuel des choses, on peut tabler sur un rendement de 10 °/, d'huile. L'huile ainsi obtenue a une valeur supérieure et se vend actuellement 65 francs, soit une différence de valeur de 40 francs par tonne. Il faut faire en sorte d’aug- Î menter encore cette différence en conservant à l'huile de ressence toutes ses propriétés. Or, l'épuisement des grignons par le sulfure de carbone, la benzine ou l'essence de pétrole, tel qu'il est pratiqué actuellement, présente des incon- vénients qu'il convient de signaler ici. Tout d’abord, il exige une installation assez coû- teuse, et les usines ont quelquefois à payer des frais de transport assez considérables pour s’appro- visionner en tourteaux. Ces frais de transport, qui représentent une parlie notable de la valeur des grignons, sont une cause de dépréciation. Mais là n'est point le plus grand inconvénient de ce sys- tème, comme nous allons le voir. Les grignons achetés par les usines à extraction sont généralement conservés en tas, à l'air libre et tant bien que mal, en attendant leur expédition. Or, nous venons de voir que, si la perte d'huile n'est pas très considérable quand le temps qui s'écoule entre la pression et la livraison à l’ache- teur est de courte durée, l'huile devient cependant rapidement acide en même temps que sa couleur se fonce. A l'usine, les grignons peuvent être conservés dans l'eau de mer ou dans l'eau salée; mais ils sont aussi souvent simplement emmagasinés en tas en attendant qu'ils soient travaillés. Dans ces conditions, l'huile obtenue est toujours plus où moins acide et colorée; il y a, en outre de cette défectuosité dans la qualité du produit, une perte considérable de matière grasse. Pour tirer tout le profit possible des grignons, il faudrait les traiter tout de suite après leur sortie des presses, sur les lieux mêmes de production. On éviterait ainsi les frais de transport, en même temps qu'une perte sensible dans la quantité et la qualité de l'huile restant dans les tourteaux. Les constructeurs doivent s’efforcer de réaliser ce desiderata en établissant des extracteurs simples et robustes, pouvant marcher avec tous les dissol- vants, faciles à conduire et d'un prix assez réduit pour leur permettre d'être installés dans tous les moulins d’une certaine importance. Les tourteaux sulfurés sont moins riches en eau et plus riches en azote que les grignons à la sortie des presses. On peut en faire la base d'excellents engrais. Quelques usiniers, là où le combustible est cher, les emploient pour le chauffage des chau- dières. Les margines peuvent être utilisées pour l'obtention des salins de potasse !. J. Dugast, Directeur de la Station agronomique d'Alger. ER 1 E. Miccrau, E. BerraiNcHAND, F.MaLLer : Rapport sur les huiles d'olives de Tunisie et sur l'utilisation des margines, 1900. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX i° Sciences mathématiques \Veiss (F.-J.), ingénieur civil à Bäle. — Traité de la Condensation. (Traduit par E. HANNEBICQUE.) — 4 vol. in-8° de 527 pages avec 17 fig. (Prix : 20 fr.) Dunod, éditeur, Paris, 1904. 11 peut sembler extraordinaire, à première vue, que la question de la condensation dans les machines à vapeur fasse l'objet d’un aussi gros volume, alors sur- tout que ce volume — nous en sommes avertis dès le début — ne donne aucun détail technique sur la cons- truction des condenseurs, des pompes, des canalisa- tions. Mais, en réalité, les phénomènes dont il s'agit sont fort complexes, leur théorie nécessite des discus- sions délicates, et ils présentent, d'ailleurs, une impor- tance industrielle qui justifie de longs développements. La méthode suivie est bien celle qui convient en matière de Mécanique appliquée : après avoir demandé à la Physique toutes les indications qu'elle peut fournir, l’auteur discute à fond les équations obtenues, en s'ai- dant de procédés graphiques, et il ne s'arrête qu'après avoir fourni des exemples numériques. Les apercus originaux abondent dans cette œuvre d'un spécialiste qui a consacré sa carrière à l'étude de la condensation. Une rapide analyse suffira pour nous en convaincre. La condensation se fait par mélange ou par surface, et de là deux grandes catégories de condenseurs. Mais une distinction plus profonde concerne le mode de circulation. La circulation est méthodique, si l'afflux de vapeur à condenser se fait en sens inverse du courant d'eau; elle est parallèle dans le cas contraire. La circulation méthodique présente, par rapport à la circulation parallèle, des avantages considérables. D'abord, les échanges de chaleur se font plus compléte- ment, Ce qui procure une économie d'eau froide pou- vant aller à 30 °/,. Cette économie a sa valeur, lors même que l’eau froide ne coûte rien, parce qu'on dimi- nue ainsi le travail nécessaire pour l'extraction de l’eau chaude. En outre, la pompe à air se trouve placée dans la région du condenseur ou règne la température la plus basse et où, par conséquent, la tension de la vapeur est la plus faible : elle extrait donc de l'air moins humide. Or, il n'y à guère d'utilité à pomper de la vapeur qui se reforme. La circulation méthodique permet, en somme, d'employer une pompe plus petite, dépensant moins de travail. Le calcul montre que cette économie de travail peut atteindre 50 °/,. La circulation méthodique exige évidemment que la pompe à air ne serve pas en même temps à extraire l'eau chaude : celle-ci doit être enlevée, soit par une pompe indépendante, soit par un tuyau vertical des- cendant à plus de dix mètresau-dessous du condenseur. Si l’on connait : d'une part, le nombre de calories apportées au condenseur par la machine dans l'unité de temps, d'autre part, la quantité d’eau froide injectée, un calcul facile fait connaître la température de l'eau évacuée. À cette température correspond une certaine tension de vapeur : ce serait la pression du conden- seur, S'il n'y avait pas d'air mélangé à la vapeur. La pompe à air doit être établie de facon à se rapprocher autant que possible de cette pression limite qui repré- sente le vide physiquement réalisable. Quand la pompe est donnée, il faut régler le nombre de tours en consé- quence; mais il faut se garder de faire tourner plus vite : on ne réussirait qu'à augmenter la quantité de vapeur enlevée en même temps que l'air, sans abaisser pour cela la pression, puisque la vapeur se reproduit constamment. Cette assertion, formulée par M. Weiss, me paraît trop absolue. En forcant la pompe à air à enlever des quantités de vapeur croissantes, on augmente le froid produit par l’évaporation; on abaisse donc la tempéra- ture du condenseur, et par conséquent sa pression. Du reste, dans une autre partie de l'ouvrage, l’auteur dit lui-même que si la pompe à air est trop grande, elle parvient, dans une certaine mesure, à faire monter le vide. A vrai dire, l'abaissement de pression ainsi obtenu nécessite un supplément de travail, et il est douteux que le résultat final soit avantageux; mais il serait bon de s'en assurer par une discussion appro— fondie. La limite de vide ne peut être atteinte, dans le cas d'une circulation parallèle, qu'au moyen d’une pompe infinie. Avec la circulation méthodique, elle peut être réalisée en employant une pompe de dimensions bien déterminées. Pour calculer les dimensions de la pompe à air, il - faut connaître la quantité d'air à extraire dans l'unité de temps. Une partie vient des gaz dissous, et elle est proportionnelle au volume d’eau injecté. Contraire- ment à ce qu'on suppose parfois, ce n'est pas la source principale : l'air qui pénètre par les joints représente un volume pouvant dépasser dix fois et même vingt fois celui de l'air dissous. Suivant Grashof, dont. M. Weiss invoque l'autorité, la rentrée d'air due aw défaut d'étanchéité est sensiblement indépendante du degré de vide, dès que la pression dans le condenseur est inférieure à la moitié de la pression atmosphérique. Nous devons, à cette occasion, rappeler les recherches théoriques de Hugoniot, d’après lesquelles le débit en poids d'un réservoir de gaz par un orifice en mince paroi est indépendant de la pression d'aval, tant que celle-ci est inférieure à la fraction 0,522 de la pression M d'amont; cette conclusion est conforme à celle de Grashof. D’après cela, la rentrée d'air doit être simple- À ment proportionnelle à la somme des sections de passage. lgnorant la valeur de cette somme, M. Weiss propose d'admettre que la rentrée d'air est proportion- nelle au volume total des appareils. On peut, en effet, sup- poser que l'ensemble des fuites est à peu près propor- tionnel à ce volume, Mais il me devient impossible de suivre l’auteur quand il ajoute que, le volume des appareils étant lui-même sensiblement proportionnel à la consommation de vapeur, la rentrée d’air peut être figurée par la formule U—4 D, dans laquelle D désignem cette consommation etyu. un coefficient numérique: Car alors, pour une installation donnée, la rentrée d'air varierait avec le travail demandé à la machine, lors! même que rien ne serait changé dans l’état du tuyau= tage et dans la pression de la vapeur qu'il renferme, conséquence évidemment invraisemblable. 4 Souvent, la pompe à air, dans un but de simplification, sert en mème temps à l'extraction de l’eau chaude Son volume est déterminé en conséquence; il faut alors; comme nous l'avons déjà remarqué, renoncer à la circulation méthodique. Quand l'appareil est établi dans ces conditions, on doit éviter d’exagérer l’arrivée d’eau froide, sans quoi la pompe deviendrait incapable de suftire à l'extraction de l'air et l'on verrait monter la pression. J1 existe une valeur de la quantité d'eau froide qui donne le maximum de vide. D'après Iles calculs de M. Weiss, la quantité optimum, pour une machine donnée, est à peu près la même, quelle ques soit la consommation de vapeur; mais ces sent reposent sur l'emploi de la formule U—=#4D et motivents par suite les mêmes réserves. M. Weiss conclut que quand on à une fois trouvé la position la plus favorables : 2e BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX «de la vanne, on peut la laisser toujours dans la même position. En revanche, il est désirable, au moins dans le cas de la circulation méthodique, que la vitesse de la pompe à air varie en sens inverse de la consommation de vapeur. Effectivement, quand cette consommation augmente (sans variation de l'injection d’eau froide), la température — et par conséquent la pression — s'élève dans le condenseur. La pompe à air travaillant dans la région la moins chaude, la pression de la vapeur dans le mélange extrait est faible et peu variable; l'augmen- tation de pression du condenseur se traduit donc presque intégralement, en ce qui concerne la pompe, par un accroissement de pression de l'air; comme le poids de celui-ci demeure invariable, il y a réellement un volume moindre à extraire. Cette particularité à conduit M. Weiss à imaginer un dispositif dans lequel la pompe est commandée par un petit moteur dont on peut faire varier la vitesse au moyen d’un régulateur spécial. Pour obtenir une transmission complète de la cha- leur entre la vapeur et l'eau, il est inutile de s’atta- cher à une très grande division de l’eau. La transmission s'accomplit parfaitement du fait de la chute de l'eau en cascade et de son rejaillissement. Le temps nécessaire à la condensation est si petit qu'il n’est pas mesu- rable. Les condenseurs par surface sont plus coûteux el nécessitent plus d’eau que les condenseurs par mé- Jange. Ils exigent une plus grande pompe à air parce que, la masse gazeuse étant plus chaude, l'air est plus dilaté etsurtout plus dilué dansla vapeur. Il est vrai que l'air dissous dans l’eau froide ne pénètre pas dans les condenseurs par surface, mais nous avons vu quele vo- lume de cet air est pratiquement insignifiant en pré- sence de celui qui entre par les joints. Le seul avantage sérieux des condenseurs par surface est de donner la vapeur condensée sous forme d'eau distillée. Pour cal- culer la surface de refroidissement nécessaire, M. Weiss admet que Ja quantité de chaleur traversant une paroi est proportionnelle au carré de la différence des températures. Cette hypothèse, contraire à celle de Newton, à été, parait-il, déduite par le Professeur Werner de certaines expériences; elle est également admise par Grashof. En vue de préciser le degré d'utilité de la condensa- tion, M. Weiss analyse avec détail le fonctionnement d'une machine, suivant qu'elle est pourvue ou non d'un condenseur, Dans le cas d'une machine fixe, la condensation permet d'utiliser la vapeur à une pres- sion réduite. Le volume admis demeure le même, mais, la pression étant moindre, il en est de même du poids de vapeur consommé pour un travail donné. Dans le cas d'une machine à détente variable, la con- densation permet de diminuer le volume admis, d’où, encore, une économie de vapeur. L'auteur détermine le nouveau degré d'admission résultant de l’applica- tion de la condensation et en déduit la valeur de l'économie. Pour avoir l'économie effective, il faut te- nir compte de ce que les machines à condensation présentent une cause de perte spéciale, due à l'ampli- lication des oscillations de température dans les cylin- dres. II faut également noter que, dans les machines à détente fixe, l'effet utile de la condensation est environ deux fois moindre que dans les machines à détente variable par le régulateur. Un chapitre fort intéressant concerne le calcul d’une condensation centrale. Ainsi que l'indique le traduc- teur dans sa préface, les résultats économiques obte- nus en installant un condenseur unique, destiné à re- cevoir toute la vapeur d'échappement d’une usine, ont été si concluants que beaucoup de mines et de grandes usines d'Allemagne, d'Autriche-Hongrie, de Russie, d'Amérique ontmonté des condensations centrales, En France, les installations de ce genre sont encore très peu nombreuses. ] M. Weiss montre comment on doit diriger les calculs pour trouver la condensation la plus avantageuse et 561 comparer le coût de l'installation à son effet utile. Dans un exemple complètement traité (condensation centrale pour sept machines à détente variable, dont trois compound et quatre monocylindriques), on trouve que l'établissement de la condensation économise an- nuellement 24.350 francs pour une dépense de premier établissement évaluée à 137.500 francs. Il y a, d’ailleurs, avantage à adopter une condensation centrale plutôt qu'une série de condensations indépendantes : le prix de revient total est moins élevé, la surveillance et l'en- tretien sont plus faciles; le degré de vide est plus constant. Toutefois, il vaut parfois mieux installer deux condensations au lieu d’une. Si les frais sont un peu plus grands, par contre on est assuré d’avoir toujours l’une des condensations en état de fonc- tionner. La distribution des machines à condensation doit être étudiée en vue de permettre un écoulement rapide de la vapeur sortant des cylindres et aussi de réaliser, malgré l’abaissement de la pression d'échappement, une compression suflisante. Cette considération a con- duit M. Weiss à proposer certaines modifications des tiroirs de distribution. La condensation dans les machines à régime variable soulève divers problèmes, qui sont étudiés avec soin. Signalons en particulier la notion, due à Eberle, de l'inertie du condenseur. La masse d’eau qui se trouve dans le condenseur et la masse métallique exigent un certain temps pour s'échauffer ou se refroidir, et la température du conden- seur ne suit done qu'avec un certain retard les varta- tions de la consommation de vapeur. Le calcul montre qu'à la suite d’une variation brusque de la consomma- tion par unité de temps, cette température se met à varier en fonction exponentielle du temps. Théori- quement, il faut un temps infini pour que le condenseur parvienne à un nouvel état de régime. Mais, prati- quement, l'équilibre se rétablit dans un temps très court; il faut une masse énorme d’eau pour faire véritablement volant de chaleur. Si l’on veut avoir un volant sensible, il est avantageux de placer la réserve d'eau à l'extérieur du condenseur. Cette eau circule entre le condenseur et de grands réservoirs fermés placés à un niveau inférieur, puis elle remonte au condenseur. On obtient ainsi ce que l’auteur appelle un accumulateur d'eau froide. L'ouvrage se termine par l'étude des moyens propres à refroidir artificiellement l’eau de condensation. Il y'a quatre causes de refroidissement : l'évaporation, la convection de l'air à la surface libre, la radiation, la convection de l'air le long des parois. En pratique, c’est seulement par évaporation de l’eau à la surface libre et convection de l'air à son contact que l’eau cède sa chaleur. En somme, l'ouvrage si complet de M. Weiss est de nature à intéresser les théoriciens aussi bien que les praticiens. On ne lit guère, chez nous, les livres alle- mands : la traduction de M. Hannebicque rendra done de réels services à l’industrie francaise. L. Lecornu, Ingénieur en chef des Mines. Jully (A.), {nspecteur de l'Enseignement manuel dans les écoles de la Ville de Paris. — La Règle à Calcul (NOTIONS THÉORIQUES ; EMPLOI ET APPLICATIONS PKATIQUES). —1 vol. in-A6° de 125 pages avec fiqures (Prix :1 fr. 50). T. Bernard, éditeur, Paris, 190#. Ce petit volume est la reproduction de causeries faites aux maîtres-ouvriers professeurs dans les cours techniques d’apprentis de la Ville de Paris. Il sera utile à ceux qui désirent s'initier au maniement de la règle de Mannheim sans avoir étudié les logarithmes: il les exercera à résoudre rapidement un certain nombre de problèmes pratiques et de calculs, ordinairement longs et difficiles, que l’on rencontre dans l'emploi des machines-outils. 2° Sciences physiques Vidal (Léon), Professeur à l'Ecole Nationale des Arts décoratifs. — Traité pratique de Photochromie. 4 vol. in-12 de NIII-337 pages avec 96 fig. et 14 pl. en couleurs. (Prix : T fr. 50). Gauthier-Villars, édi- teur. Paris, 1904. S'il est un sujet passionnant, c'est bien celui qui a pour but la reproduction des couleurs au moyen de la photographie. Nul n'était plus compétent que M. Vidal pour traiter cette question vraiment à l’ordre du jour. On sait l'importance qu'a prise la photographie dans les arts de copie, où elle occupe maintenant la première place. De sa sincérité, de son exactitude de traduction, on ne peut plus discuter. Les seules critiques que l’on pourrait lui faire, en ce qui concerne la reproduction des modèles coloriés, c'est qu'elle ne traduit pas toujours exactement les valeurs du modèle et qu’elle rend ainsi imparfaitement l'original. De celui-ci, aux couleurs éclatantes et variées, nous ne recueillons qu'une image monochrome, irréprochable quant aux lignes, mais qui ne pourra nous donner qu'une représentation incomplète du modèle. L'’obtention de la reproduction des couleurs par la photographie est un gros problème, qui à préoccupé déjà nombre de chercheurs. Deux solutions différentes ont été proposées, l’une par la méthode directe, l’autre par la méthode indirecte. Après quelques généralités sur la lumière et les cou- leurs, qui sont indispensables pour lire l'ouvrage avec fruit, M. Vidal fait l'historique de la question : il montre les premiers travaux de Becquerel, de Poitevin, de Niepce de Saint-Victor, de Cros et Ducos de Hauron, de Lippmann. A noter une intéressante réunion de documents sur la question de priorité qui s'est élevée entre Cros et Ducos de Hauron, lesquels, par une coïncidence singulière, ont communiqué le même jour leurs procédés à la Société francaise de Photographie. La méthode interférentielle de M. Lippmann est décrite avec tous ses détails, ainsi que tous les perfec- tionnements apportés par M. Lumière; M. Vidal s'arrête plas longuement sur les méthodes indirectes de pho- tographie des couleurs, car la belle découverte de M. Lippmann en est, en quelque sorte, au point où était : la photographie lors du daguerréotype. On sait, en effet, que dans cette méthode l'image est unique, renversée, : et doit être vue sous une certaine incidence. Avec la méthode indirecte, il n’en est plus de même, et la multiplication du document en couleurs devient chose possible, ce qui intéresse particulièrement les procédés de reproduction graphique. L'auteur aborde avec grands détails l'étude des écrans colorés qui servent pour l'analyse des couleurs, puis les procédés de synthèse qui permettront de recons- tituer l’image en couleurs. C’est toute l'histoire de la photographie trichrome, aujourd'hui si développée. Il termine par la description des procédés photomé- triques qui permettent maintenant la multiplication du document photographique en couleurs. Outre l'intérêt présenté par cet ouvrage, qui embrasse toute la question de la photographie des couleurs, il est destiné à devenir le Vade mecum de tous ceux, ama- teurs ou industriels, qui veulent marcher dans la voie du progrès et demander à la photographie d'ajouter à la vérité de la traduction la magie des couleurs. De nombreuses figures et des planches en couleurs aux divers états de l'opération éclairent d'une facon magis- trale les démonstrations de l’auteur. ALBERT LONDE. Carracido (José R.), Professeur de Chimie biolo- gique à l'Université de Madrid. — Tratado de Qui- mica biologica. — 1 vol. in-8 de 725 pages el 114 figures. (Prix : 20 fr.). Perlado, Paez et Ci, éditeurs, Madrid, 1903. Le traité de Chimie biologique de M. Carracido est divisé en cinq parties. La première est consacrée à BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX l'exposé d’une série de questions de Chimie physique, de Physique biologique, de Chimie organique et de Biologie générale dont l'auteur juge avec raison la connaissance préalable indispensable à l'étude de la Chimie biologique. Ici sont étudiées avec soin, bien que … d'une manière nécessairement écourtée, la pression osmotique, la cryoscopie, la plasmolyse, la théorie des ions, toutes les questions relatives à la structure molé- culaire des corps organiques, les équilibres chimiques, les réactions chimiques intra-organiques (oxydations, réductions, hydratations, etc.), et enlin les ferments figurés et les actions diastasiques. Vient ensuite, dans la seconde partie, l'étude chimique des principes immé- diats de l'organisme, qui termine et complète toute la partie préliminaire de l'ouvrage. La constitution histo- logique et chimique de la cellule fait l'objet de la troi- sième partie ; la quatrième comprend l'étude des asso- ciations cellulaires, c’est-à-dire les divers tissus (y com- pris le sang et la lymphe), celle des fonctions orga- niques (digestion, respiration, génération, excrélion) et celle des bilans nutritifs. On peut faire à l'ouvrage de M. Carracido cette cri- tique que des notions préliminaires, indispensables assurément à l’étude de la Chimie biologique, mais en somme extérieures à cette partie de la Chimie, y occu- pent une place qui, nécessairement, a obligé l’auteur à raccourcir d'autant l'exposé des questions constituant l'objet propre de l'ouvrage. Il me semble que, de plus en plus, les ouvrages de Chimie physiologique à l'usage des étudiants en médecine tendront à éliminer de leur cadre un nombre considérable de questions qui, autre- fois, y tenaient une place importante, soit parce que les ouvrages de Chimie et de Physique ne faisaient pas à ces questions une place assez large, soit parce que les étudiants n'abordaient pas l'étude de la Chimie biologique avec une culture générale suffisante. Aujour- d'hui qu'un enseignement propédeutique de Chimie et de Physique générales est le plus souvent donné aux étudiants, et qu'au surplus la Chimie organique pure s'empare de plus en plus de l'étude de suhstances dont les chimistes biologistes étaient autrefois seuls à s'occuper, il vaut mieux alléger d'autant les ouvrages de Chimie physiologique et se borner à utiliser large- ment, mais non plus à exposer systématiquement dans ces ouvrages, les notions préliminaires en question. Peut-être, M. Carracido n’'a-t-il obéi là qu'à une néces- sité de l'organisation des études médicales dans son pays? Mais cette nécessité l’a obligé à condenser forte- ment toute la partie proprement biologique de son ouvrage, si bien qu'en plusieurs endroits des questions importantes, comme celle des rations alimentaires, des transformations réciproques des aliments par exemple, n'ont pas recu un développement en rapport avec l'étendue du livre. L'ouvrage, bien au courant des récentes publications françaises et étrangères, offre un tableau complet et bien ordonné des données essentielles de la Chimie physiologique et sera certainement un guide utile pour les étudiants en médecine de langue espagnole. E. LauBLING, Professeur à la Faculté de Médecine de Lille. » Saillard (E.). — Technologie agricole. (SUCRERIE, MEUNERIE, BOULANGERIE, FÉCULERIE, AMIDONNERIE.) — 1 vol. in-16 de 423 pages et163 fig. (Prix : 5fr.) d.-B. Baillière et fils, éditeurs Paris, 1904. Ce petit traité s'adresse surtout au grand public agri- cole, qui a le plus grand intérêt à avoir des notions exactes sur les industries qui utilisent les produits du sol. Il contient la description sommaire des procédés employés dans les principales industries agricoles : sucrerie, meunerie, boulangerie, féculerie, amidon- nerie et glucoserie. ù Il était intéressant de faire ressortir l'importance du rôle de la science dans ces industries : c'est ce que l’auteur n'a pas manqué de faire, en donnant la sucre- rie comme exemple. Si cette industrie a fait tant de A IS SI OO IT TE NT RE ADD bn nn fie te > hd ol BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 563 progrès pendant ces vingt dernières années, c'est que le chimiste y est devenu le collaborateur indispensable. On trouve un laboratoire dans toutes les sucreries : partout on suit scientifiquement le travail des ouvriers, partout on est outillé pour établir le bilan du sucre par jour, par semaine, ou pour toute la campagne. Le Syndicat des fabricants de sucre de France a même installé un laboratoire, très bien outillé, dont le rôle est d'étudier les procédés nouveaux de fabrication ou les points obscurs du travail ordinaire. La sucrerie présente à ce point de vue une supério- rité marquée sur les autres industries décrites dans ce volume, où l’'empirisme joue souvent un grand rôle. JL est donc utile d'appeler l'attention de tous ceux qui collaborent au développement de ces industries pour susciter des études et les faire progresser. X. RocQues, .Chimiste expert des Tribunaux de la Seine, Ancien chimiste principal du Laboratoire municipal de Paris. 3° Sciences naturelles Giglio-Tos (Dr Ermanno), professeur de Zoologie et d'Anatomie comparée à l'Université de Cagliari. — Les Problèmes de la Vie. 2° partie : L'Ontogenèse et ses problèmes. — 1 vo/. in-8° de 368 pages avec figures dans le texte. (Prix : 12 francs). Chez lau- teur, à l'Université de Cagliari, 1904. Les qualités qui distinguaient la première partie de cet ouvrage ‘se retrouvent dans la seconde. C’est d’abord la précision de l'expression et l'élégance de la phrase qui rendent ce livre très agréable à lire. Mais ces quali- tés de pure forme ne sont elles-mêmes que l’expres- sion d’un mérite plus profond, de l’enchaïînement ri- goureux des idées, sobrement exposées, sans qu'un détail accessoire et oiseux vienne en relâcher l’étroite liaison. Cette deuxième partie de l'œuvre de Giglio-Tos est consacrée à l’ontogenèse, Après uneanalyse minutieuse des phénomènes fondamentaux de l'ontogenèse, après avoir montré que les différenciations histolo- giques et morphologiques ne sont que les conséquences d'une différenciation chimique des cellules, après un examen de la constitution de l'œuf, nécessaire pour la parfaite compréhension des phénomènes ontogéné- tiques, l’auteur considère les bases possibles de l’onto- genèse. Ces bases ne peuvent être que les trois modes possibles de développement biomoléculaire : autogéné- tique, homogénétique, hétérogénétique (voir le 4°: livre); c'est-à-dire que les deux premiers blastomères : ou bien sont égaux entre eux et égaux à l'œuf, ou bien sont égaux entre eux mais différents de l'œuf, ou bien encore sont différents entre eux et différents de l'œuf. Or, de ces modes de développement on ne peut retenir que le troisième, ou mode hétérogénétique. Cela étant posé, il est démontré qu'il n'y a que deux modes pos- sibles de développement hétérogénétique : le dévelop- pement polyodique et le développement monodique. Ces termes doivent être expliqués. Le développement polyodique est celui dans lequel, l'évolution suivie par les blastomères étant supposée représentée par des voies qui les conduisent à la différenciation histologique définitive, ces voies seront aussi nombreuses que les cellules de l’agrégat, et l'apparition de deux blastomères nouveaux après chaque cytodiérèse marquera aussi l'apparition de deux nouvelles voies dans leur évolution. Ce mode polyodique ne peut exister, car toute différen- ciation histologique devrait ètre représentée par un seul élément chez l'adulte, ce qui n’est pas le cas. Reste le mode monodique. Tous les blastomères y suivent la même voie dans leur évolution, c’est-à-dire la voie qui caractérise l'évolution de l'œuf : le bioplasme ovulaire ! Voir l'analyse de cette première partie dans la Revue du 15 mars 1901, p. 238. a disparaît à la première segmentation en devenant dans chacun des deux premiers blastomères les bio- plasmes D et c; de même, à la seconde segmentation, h se divise en € et d, et ainsi de suite; au stade 8, les blastomères auront la constitution bioplasmique : d,e,e,f,e, 1, f, q; il y aura toujours un blastomère en tête (ici d) et un blastomère en queue (ici g), et entre les deux phases extrêmes un nombre de phases inter- médiaires d'autant plus grand que le nombre des blas- tomères est lui-même plus considérable, — Les consé- quences du mode de développement monodique dans l’évolution embryonnaire sont exposées (chap. vtr); ce développement explique les principaux phénomènes ontogénétiques. Le chapitre vir est consacré à l'examen de l’asynchronisme de segmentation ; les segmenta- tions, en effet, qui nous paraissent synchroniques, ne le sont en réalité pas; la cause de cet asynchronisme réside dans la durée variable de la période assimilatrice pour les diverses cellules successivement formées. Par le développement monodique, et par l'asynchronisme de segmentation qui en est la conséquence, l’agrégat cellu ; laire acquiert une polarité et une symétrie bilatérale- celle-ci est due à la présence, dans l’agrégat, de cellules homonymes contemporaines. — Les chapitres vu et 1x ont pour objet l'étude des première et deuxième phases de l’ontogenèse. On y voit se produire, selon le mode monodique, une première lignée de cellules; à ce phénomène se borne la potentialité évolutive de l'œuf. Les formes parenchymula, morula et blastula de cette première phase sont expliquées; la formation de la hlas- tula, notamment, a pour cause la production, de la part des blastomères, de substances diffusibles et s’accumu- lant à l'intérieur de l'agrégat cellulaire. La deuxième phase de l’ontogenèse à son tour est la conséquence de la phase précédente; la production des cellules de la deuxième lignée reconnaît pour cause la probiose (vie antérieure) des cellules de la première lignée; celles-ci, en effet, par leurs produits de sécrétion ont préparé le milieu interne qui servira de nourriture aux blasto- mères arrivés à la phase limite de l'évolution de l'œuf et les orientera dans une nouvelle voie évolutive carac- téristique de la deuxième phase ontogénétique. La pro- duction des cellules de Ja deuxième lignée s'acCOMmpa- gne d’une différenciation histologique, c’est-à-dire de la distinction d'espèces cellulaires, et d’une différen- ciation morphologique, consistant essentiellement dans le phénomène de la gastrulation. — L'étude de la localisation des différenciations histologiques et mor- phologiques est le sujet du chapitre x, où la symétrie rayonnée (chap. x) et la symétrie bilatérale (chap. xt) apparaissent comme deux conséquences naturelles des deux sortes possibles d’asynchronisme de segmenta- tion (asynchronisme ralenti et accéléré). — Les phases ultérieures de l’ontogenèse sont étudiées dans le cha- pitre x. Par le développement monodique et par la probiose, chaque lignée cellulaire nouvelle a son ori- gine dans une cellule d’une lignée précédente et dans la nature des substances chimiques constituant le milieu interne. — Comme dans la première partie de cet ouvrage, les problèmes de l’ontogenèse sont énoncés et solutionnés dans un chapitre spéeial, par exemple les problèmes suivants : 1° Déterminer les résultats du développement de portions d'œufs excisées avant la segmentation ; 2° déterminer les résultats du dévelop- pement des deux premiers blastomères isolés; et ainsi de suite. On trouve dans ce chapitre les résultats rationnels et théoriques du développement de l'œuf, de portions de l'œuf, des blastomères isolés ou soumis à d’autres conditions spéciales. L'auteur demande que, pour juger de la valeur de son interprétation, on fasse la comparaison entre ces résultats théoriques et les résultats des expériences. — Dans le chapitre xi1v, il examine des modes de développement particuliers résultant d'une combinaison entre les développements polyodique et monodique. — Le chapitre xv traite de la régénération, et il y est montré comment ce phéno- mène découle du mode de développement monodique. 56% BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX — Le chapitre xv1 est consacré à quelques considéra- | tions sur l'ontogenèse des végétaux. L'auteur prie les biologistes de ne pas oublier le but qu'on doit se proposer dans des travaux scientifiques tels que le sien. L'ontogenèse des organismes ne cons- titue pas un problème unique, mais autant de pro- blèmes qu'il y a d'espèces et même d'individus. Il s’est agi pour lui, non pas de donner les solutions de ces multiples problèmes, mais de rechercher le principe fondamental qui régit le phénomène ontogénétique. De méme, la détermination pratique du parcours d’une rivière exigerait la connaissance d'un grand nombre de facteurs : vitesse du courant, densité de l’eau, incli- naison et constitution géologique du lit et des bords, résistance des matériaux qui les constituent, etc. Au point de vue théorique, la solution du problème dépend de la connaissance d’un seul principe, celui de la gra- vité, qui régit la chute des corps. Il en est de même de l'ontogenèse, où le développement monodique est le principe fondamental cherché. Quelques critiques de détail n’affaibliront pas l'estime qu'on doit avoir pour un ouvrage aussi fortement pensé que celui-ci. L'auteur confond (p. 29) les termes de « sécrétion » et d'activité « glandulaire ». 11 semble y avoir contradiction entre les passages des pages 31 et 36, où il est dit successivement : « toute cellule, par le fait même qu'elle a une constitution chimique définie, possède une différenciation histologique », et : « une différence dans la constitution bioplasmatique de ces cellules est parfaitement conciliable avec l'égalité de leur différenciation histologique ». On ne comprend pas (p. #4) pourquoi le deutoplasma est opposé aux matières vivantes, puisqu'il n'y à pas, d'après l’auteur, de différence essentielle entre les matières brutes et les matières vivantes. Quant à la critique générale de la deuxième partie de ‘et ouvrage, elle ne diffère pas de celle que j'ai dû adresser à la première. Nous avons là une conception très remarquable de l’'ontogenèse et de ses problèmes, peut-être plus honorable pour l'auteur que profitable pour la science. Quel est le savant, en effet, qui, voulant publier un traité didactique de Biologie générale ou d'Embryologie, pourrait se contenter d'exposer, sous couleur de résultats scientifiques, les déductions de l'ouvrage de M. Giglio-Tos, et qui oserait faire, comme lui, complète abstraction des données positives de l'observation et de l'expérience? On doit se servir des faits scientifiques acquis et s’interdire de donner comme tels ceux qui ne le sont pas encore. La docu- mentation n’est pas seulement utile, elle est obligatoire : dire, par exemple (p. 35), que la substance contractile ne manifeste pas de différences dans ses fonctions chez le même individu à des phases diverses de son existence, c'est, de la part de l’auteur, méconnaître de nombreuses recherches, celles entre autres de Fano et Bottazzi, ses compatriotes. En parlant de la différenciation histolo- gique (p. 29), on n'a pas le droit de faire abstraction des propriétés des substances qui la constituent, sans quoi cette différenciation devient insaisissableautrementque par la raison pure. Les blastomères en tête ou en queue (p. 66), l'asynchronisme de segmentation (p. 79), le liquide qui ne diffuse pas à l'extérieur de la blastule (p. 142), sont d’heureuses trouvailles de l'esprit, mais non encore de l’expérience ; rien de tout cela ne se voit jusqu’à présent. La valeur de cet ouvrage commande le respect, par la conviction, maintes fois exprimée par l’auteur, que les choses ne peuvent se passer que comme il le suppose et veut le prouver. En l'absence de données positives expérimentales, personne cependant ne se sentira obligé de partager cette conviction. Mais tout le monde lira avec le plus grand plaisir, avec le plus grand profit pour l'esprit, cet intéressant ouvrage, qui honore à la fois son auteur et la langue francaise. A. PRENANT, Professeur à la Faculté de Médecine de l'Université de Nancy. 4 Sciences médicales Reclus (P'Paul), Wembre de l'Académie de Médecine, Professeur à la Faculté de Médecine. — L'Anesthésie localisée par la cocaïne. —1 vol. in-12 avec fiqures. Masson et Cie, éditeurs, Paris, 1903. “ M. P. Reclus vient d'élever un nouveau monument à la cocaïne. On retrouve dans cette œuvre les qualités habituelles du maître : la clarté, l'élégance de la forme, la perfection du détail; il nous faut en examiner la substance et en apprécier la portée. Seize ans de pratique de la cocaïne, plus dé 7.000 opérations faites avec l’aide de cet analgésique, ont permis à l’auteur d'établir une technique précise, — encore que délicate, — dont l'observation stricte met le patient à l'abri de tout danger et assure l’anesthésie locale la plus complète. Cette technique peut se résu- mer en trois préceptes : malade dans le décubitus hori- zontal ; titre de la solution invariablement au centième; injection {raçante, continue, analgésiantsuccessivement chaque plan anatomique. Afin de faciliter le manuel opératoire, M. Reclus passe en revue chacune des inter- ventions qu'il considère comme susceptibles d’être entreprises sous l’anesthésie locale, et il suffit de jeter un coup d'œil sur les figures très nettes qui accompa- gnent le texte pour savoir comment, dans chaque cas, l'on doit tracer l'injection. A côté de cette méthode purement locale, l’auteur à indiqué — et c'est là un des points les plus intéressants de son livre — un pro- cédé d'analgésie régionale qui mérite plus qu'une simple mention. Quand on veut, par exemple, inciser un pana- ris, il suffit de faire à la base du doigt une injection circulaire, en bague, pour supprimer toute douleur. En somme, nous devons regarder aujourd'hui comme définitivement acquises l'innocuité et la sûreté de l’anes- thésie localisée par Ja cocaïne, obtenue selon la tech- nique du chirurgien de Laënnec. A l'actif de la méthode, nous devons encore porter l'ingénieux procédé d’anal- gésie régionale (doigts, orteils). Et ces résultats sont de nature à justifier la persévérance de M. Reclus. Mais là où nous ne pouvons le suivre, c'est lorsque, d'une mé- thode dont les applications sont restreintes aux opéra- tions de petite chirurgie ou à quelques interventions d'urgence et de courte durée (hernie étranglée, anus contre nature, gastrostomie) chez des sujets affaiblis, il a voulu faire une méthode générale, capable de répondre à presque toutes les indications de la grande chirurgie. M. Reclus ne doit donc pas s'étonner d'être encore seul, ou à peu près, à faire à la cocaine l’extirpation d'un kyste de l'ovaire, la résection d'un appendice à froid ou la trépanation de la mastoïde, même dans le petit nombre de ces cas d'élection, décrits soigneusement dans son livre, et où la simplicité de l'acte opératoire semble réaliser l'indication optima de l'anesthésie loca- lisée. 11 suffit d'avoir assisté à l’une de ces grosses inter- ventions à la cocaïne — souvent du reste terminée au chloroforme de l'aveu même de l'auteur — pour se rendre compte de l'insuffisance de cette méthode d’anesthésie, pour peu que l'opération se prolonge ou qu'il survienne quelque complication. Pour éviter le danger, presque toujours évitable, de l'anesthésie générale, on tombe dans un pire, celui de l'infection ou de l’hémorragie. C’est là, on en conviendra, une perspective peu faite pour entrainer l'adhésion des chirurgiens. Est-ce à dire que M. P. Reclus n'ait pas rendu à la pratique chirurgicale, et surtout à celle du médecin de campagne auquel il s'adresse particulièrement, un service signalé en préconisant avec persévérance l'anal- gésie cocaïnique et en la rendant inoffensive par une technique minutieusement étudiée ? Nous ne le pensons pas et, avec l'auteur lui-même, nous conclurons bien volontiers que le procédé, « n'eüt-il à son actif que l’aisance qu'il nous donne dans le traitement du panaris, aurait encore droit à notre reconnaissance ». D' GABRIEL MAURANGE. TE COMPTES Dre 5 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Les 09 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 9 Mai 1904. : M. le Président annonce à l’Académie la mort de M. E. Duclaux, membre de la Section d'Economie rurale. —M. Ch. Barrois est élu membre de la Section de Minéralogie, en remplacement de Fouqué. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Autonne présente ses recherches sur le connexe linéaire dans l’espace à 1-1 dimensions. — M. J. Boussinesq étudie le pouvoir refroidissant d’un courant fluide faiblement conducteur sur un cylindre indéfini de section droite quelconque et dont l'axe est normal au courant. Il est proportionnnel aux racines carrées de la conductibilité intérieure K du courant, de sa capacité calorifique C, de sa vitesse V, et aux excès 0, de température du cylindre, ainsi qu'à la racine carrée de l’espacement $,-8,, loin du cylindre, des deux surfaces extrêmes d’égal potentiel Vg entre lesquelles le cylindre se trouve compris. — MM. Ram- baud et Sy présentent leurs observations de la comète Brooks (190% a), faites à l'Observatoire d'Alger. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. d'Arsonval montre qu'on peut maintenir un tube à rayons X dans le même état de fonctionnement pendant très longtemps. Pour cela, le degré de vide étant le même, il faut que l'intensité du courant qui y circule reste constante, ce qu'on peut vérifier au moyen d'un milliampère- mètre spécial construit par M. Gaiffe. — MM. P. Curie et A. Laborde ont déterminé la radio-activité des gaz qui se dégagent d’un certain nombre de sources ther- males. Elle est assez faible; la loi de décroissance est celle de l'émanation du radium. — M. D. Berthelot à ramené à l'échelle absolue les nombres récemment trouvés pour le point de fusion de l'or, et il obtient les valeurs suivantes : D. Berthelot 1.065°,6; Holborn et Day 1.0649,3; Jacquerod et Perrot 1.0670,4, valeurs qui sont bien concordantes. — M. M. Hamy, à propos de la raie 508 du cadmium, qui change de constitution Suivant le milieu où elle prend naissance, montre que la longueur d'onde moyenne d'une raie complexe n’est définie qu'à la condition de se placer dans des condi- lions physiques toujours identiques. — M. Th. Tomma- sina à reconnu l'existence d’une radio-activité induite sur tous les corps par l'émanation des fils métalliques “incandescents; il a observé trois émissions typiques, «, Gety, de cette pyroradioactivité. — M. J. Becquerel à constaté que diverses sources de rayons N (sulfure de calcium, sable insolé) ont leur émission suspendue par l'action des anesthésiques (choloroforme, éther, proto- xyde d'azote). — M. André Broca précise quelques points de technique pour l'examen des organes au moyen des rayons N, en particulier l'examen du cer- veau. — M. A. Charpentier poursuit l'étude de la propagation des oscillations nerveuses au moyen des rayons N. Ces oscillations sont longitudinales et don- nent lieu à des phénomènes d'interférence. M. M. Berthelot présente quelques remarques sur l'emploi du courant alternatif en Chimie et sur l’ana- logie des réactions qu'ildétermine avec d'autres réac- lions accomplies avec le concours de l'oxygène libre. — M. A. Baudouin a étudié l'action des ions polyvalents dans l’osmose dans l'alcool méthylique : un ion positif à peu ou pas d'action sur la charge d'une paroi chargée positivement, diminue et dans certains cas renverse la charge d'une paroi chargée négativement; un ion néga- tif à une influence inverse. MM. G. Urbain el H. Lacombe ont isolé l'oxyde de samarium à l'état rigoureusement pur et déterminé le poids atomique «du métal. La moyenne des valeurs obtenues est 150,34 pour O— 16. — M. E. Vigouroux rappelle qu'en 1901 il à déjà signalé le fait de la combus- tion du silicium dans l'hydrogène avec production d'hydrogène silicié. — M. A. Dufour montre que, dans les tubes de Geissler à hydrogène silicié, le déplacement du Si s'explique par la formation d'hydrogène silicié dans les parties chaudes du tube et sa décomposition dans l’espace obscur de Faraday; la volatilisation de Si n'y est qu'apparente. — M. H. Pécheux, en plongeant dans l’eau disüllée froide une baguette d’alliage Sn-Al coulé, dont on vient de limer la surface, a observé un abondant dégagement de gaz tonnant. — MM. A. Kling et M. Viard indiquent une méthode de différenciation des alcools primaires, secondaires et tertiaires de la série grasse, basée sur le fait que les derniers sont décomposés en 2 mol. à 218°, les seconds à 360, les premiers résistant à ces températures. — M. A. Haller prépare les dérivés alcoylés ou alcoylidéniques des cétones cycliques par l'action de l’amidure de Na sur les cétones, qui donne le dérivé sodé, puis par action des iodures alcooliques ou des aldéhydes sur ce dernier. Il à obtenu ainsi toute la série des alcoylmenthones. — M. E. Bœdtker, en réduisant le nitrobenzène par Sn + HCI pour préparer de l'aniline, à observé Ja formation de p-chloraniline, K.70°,5. — M. M. Nicloux a constaté que la substance active douée de propriétés lipolytiques contenue dans la semence du ricin est le cyloplasma à l'exclusion de tous les autres éléments de la graine. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. F. Marceau a étudié la structure du cœur chez le Poulpe. Les fibrilles striées constituant l'écorce des fibres sont un peu plus grosses que chez les Vertébrés et ont une affinité générale plus grande pour la laque ferrique.— M. P. Becquerel a observé que le tégument de la graine humide per mettant l’'osmose est perméable à l'alcool absolu, tandis que, désséché à un certain degré, les phénomènes d'osmose ne pouvant plus se produire, il est complète- ment imperméable à ce liquide anhydre. Séance du 16 Mai 1904. M. le Président annonce à l'Académie le décès de MM. J. Sarrau, membre de la Section de Mécanique, E. Marey, membre de la Section de Médecine et de Chirurgie, et Williamson, correspondant pour la Sec- tion de Chimie. — L'Académie présente, à M. le Mi- nistre de lInstruction publique, la liste suivante de candidats pour une place d’Astronome titulaire vacante à l'Observatoire : 1° M. M. Hamy; 2° M. Renan. 19° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Boussinesq étudie le pouvoir refroidissant d'un courant fluide, faiblement conducteur, sur un corps limité en tous sens. Il est proportionnel aux racines carrées de la conductibi- lité K du courant, de sa chaleur spécifique C par unité de volume, de sa vitesse V, et proportionnel aussi à l'excès 0, de température du corps, en même temps qu'à la racine carrée d’une intégrale £',, laquelle, pour tous les corps de.même forme, orientés de mème dans le courant, est en raison directe de leur volume. — M. P. Duhem démontre que les petites oscillations de l'action extérieure et de la température n’ont aucune influence appréciable sur les transformations d’un sys- tème lorsque le coefficient de viscosité de ce système est grand par rapport aux amplitudes de ces oscilla- tions. — M. Ch. Renard décrit un nouvel appareil, qu'il nomme balance dynamométrique et qui permet de mesurer la valeur du moment résistant d’un appareil tournant dans l'air autour d'un axe de symétrie et la poussée du système. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Jean Becquerel montre 566 que le changement de netteté et de luminosité des surfaces faiblement éclairées soumises à l’action des rayons N est attribuable en majeure partie à une varia- tion de sensibilité de la vision provenant des rayons N envoyés par ces surfaces, et non à une variation appré- ciable de la lumière émise. — M. H. Pellat donne une explication des différences de coloration que présente un même tube à gaz raréfié, — M. B. Eginitis a observé au microscope l'aspect des pôles métalliques quand des étincelles jaillissent entre eux. Les bouts sont ornés de points brillants, qui paraissent être des centres d'émission de vapeur incandescentes. — M. P. Vail- lant montre que la densité des solutions salines aqueuses peut être considérée, au moins approxi- mativement, comme une propriété additive des ions. Les anions monovalents ont une densité voisine de 5, les cathions monovalents une densité voisine de 2. — M. Ph.-A. Guye tire de l'équation de van der Waals l'équation suivante qui s'applique aux gaz permanents : Vn (Ha) (1 —D)=R+m TT, où V, est le volume d'une mol.-gr. à 0° et sous 1 atm., a et h les deux constantes de l'équation des fluides, R—22.410,4 et m—0,08#73. Les poids atomiques déduits de ces équations sont : H—1,00765; O —16; Az — 14,004; C — 12,003. — M. H. Moissan signale que ses expé- riences sur la formation de carbure de calcium par électrolyse du chlorure en présence de charbon difrè- rent sur plusieurs points de celles de M. Bullier. — M. C. Marie a préparé de l'acide hypophosphoreux pur par action de H°SO“ sur l'hypophosphite de Ba ou de Na. Il est décomposé à 130°-140° en acide phospho- reux et PH*; vers 1602-1700, l'acide phosphoreux se décompose à son tour en acide phosphorique et PH. — M. G. Baugé à préparé un tartrate chromeux C‘H*CrO$ par action de l'acide tartrique sur l'acétate chromeux à l’ébullition; c’est un sel bleu, anhydre, cristallisé. — M. Ch. Lauth a remplacé par divers substituants l'hydrogène d'un groupe AzH® dans cer- taines leucobases du triphénylméthane; il a obtenu des matières colorantes bleues, analogues au bleu patenté et très résistantes aux alcalis. — MM. L. Bouveault et A. Wahl, en faisant réagir le peroxyde d'azote sur les éthers isonitroso-acétylacétiques, ont obtenu des éthers «bs-dicétoniques, du type R.CO.CO.COR’.—M.P. Lemoult a constaté que PCF, réagissant sur les amines cycliques RAZH° à l’ébullition, donne, à côté d’un composé orangé, les mêmes produits que donnerait PCI5, sans dégage- ment gazeux, mais avec mise en liberté de P blanc. — MM. A. Seyewetz et Gibello ont préparé divers polymères nouveaux de la formaldéhyde, doués de pro- priétés caractéristiques. — M. P. Genvresse à obtenu des produits de condensation, molécule à molécule, de la formaldéhyde avec le caryophyllène, le clovène et le cadinène. — MM. Eug. Charabot et G. Laloue ont été conduits à admettre qu'une partie des composés odo- rants, chez la plante, se transporte de la feuille vers la tige, c'est-à-dire du point où ces composés se forment le plus activement vers un point où leur solubilité devient moindre. — M.P. Petit a observé qu'une infu- sion de malt alcalinisée, puis additionnée de quantités croissantes d'acide lactique, reste d’abord claire, puis devient louche et enfin se coagule complètement. — MM. P. Miquel et H. Mouchet décrivent un mode d'épuration bactérienne des eaux de source ou de rivière par filtration sur sable fin. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. André Broca et A. Zimmern ont constaté que l'examen de la moelle au moyen des rayons N permet de contrôler sur l’homme vivant l'existence des centres médullaires, et même d'avoir une notion précieuse sur leur degré d'activité. — M. M. Pacaut a observé l'existence de noyaux gémi- nés dans les cellules de divers tissus : æsophage, glandes gastriques, rein, poumon, corps thyroïde, etc., chez le cobaye. — M. G. Bohn fait connaître les lois de l’ac- tion de la lumière sur le développement des Amphi- biens, et une nouvelle théorie de la métamorphose (par inanition et non par asphyxie). — M. R. Anthony con- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES sidère les Aethéries comme ayant dérivé, sous l'in fluence de conditions d'existence spéciales, des Unio- nidlae. M. P.-A. Dangeard communique des obser- vations nouvelles sur la non fécondation nucléaire chez les Gymnoascées et les Aspergillacées. — M. B. Renault montre que les Cryptogames peuvent avoir eu plusieurs points de contact avec les Phanérogames : les Colpoxylon rappelant les Cycadées et les Fougères, les Arthropitus faisant songer aux Equisétacées et aux Conifères, enfin les graines de Gnetopis à celles des Gnétacées. Séance du 2% Mai 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Solvay présente quelques considérations sur l'énergie en jeu dans les actions dites statiques, sa relation avec la quantité de mouvement et sa différenciation du travail. — M. Ch. Renard a déterminé, avec sa balance dynamométrique les résistances directes à l'air de diverses carènes. aériennes. La loi du carré de la vitesse s’est remarqua- blement vérifiée. — M. Moehlenbruck présente une sorte de règle à calculer circulaire, destinée à faciliter l'emploi des tours à fileter étrangers en transformant les mesures anglaises en mesures métriques et vice- versa. — M. Jacob à étudié la détonation des explosifs M sous l’eau. Les phénomènes de propagation du mouve-M ment sont différents suivant que le coeflicient de com- pressibilité est supposé constant ou variable; dans le premier cas, la vitesse de propagation est constante; dans le second, elle augmente avec la pression. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Bichat a observé que des tubes scellés contenant différents gaz, placés sur un support isolé et voisin d’un écran au sulfure de calcium phosphorescent, produisent des variations périodiques de l'éclat du sulfure. — M. G. Moreau à constaté qu'en chauffant à une température élevée, 1.000° par exemple, une vapeur saline, celle-ci est rendue conductrice et reste conductrice jusqu'à la température ordinaire. — MM. Guinchant et Chrétien ont étudié par la cryoscopie les dissolutions d’anti- moine dans le sulfure d’antimoine. En admettant que. le corps dissous est bien l’antimoine, celui-ci serait à l'état monoatomique; mais les chiffres concordent éga- lement avec la formation d’un composé Sb°S*. — M. M. Berthelot, à propos des travaux récents sur les | émanations, rappelle ses anciennes recherches sur les limites de sensibilité des odeurs et des émanations. — M. H. Henriet a reconnu que la formaldéhyde existe dans l'air atmosphérique normal à raison de 2 à 6 grammes par 100 mètres cubes. — M. R. Locquin indique une nouvelle méthode de caractérisation des acides gras; elle consiste à préparer leurs éthers avec l'acétol, et ensuite les dérivés de ces éthers avec la semicarbazide. — MM. P. Sabatier et J.-B. Senderens,… en hydrogénant les méthyl- et éthylanilines par 1 nickel réduit entre 160° et 180°, ont obtenu les dérivés. hexahydrogénés dans le noyau correspondants. Avec les toluidines et les xylidines, la réaction principale s'accompagne de réactions secondaires. — MM. A- Haller et A. Guyot ont préparé le y-diphénylanthra- cène, F.240°, par l’action de l'acide acétique et de Zn: ou de Hlsur le dihydrure d'anthracène-y-dihydroxylé=N y-diphénylé. L'action de l'amalgame de Na sur le y-diphé= nylanthracène donne son dihydrure, F.218°, — M. P- Freundler montre que la présence, dans le second: noyau des alcools azoïques, d’un groupement CO?H ou CH°OH ortho-substitué facilite la transformation des azoïques-alcools en dérivés indazyliques par réduction. — M. Léo Vignon, en copulant le diazobenzène AVEC le phénol, a obtenu le p-oxyazobenzène, puis le “htenus "1 PEN bidiazobenzène; le phénoltridiazo n’a pu être obten dans aucun cas. — M. M. Nicloux montre qu'au point de vue de l’action de la température, de la vitesse de saponification, etc., il y a parallélisme complet entre len cytoplasma de la graine de riecin et les diastases (inver= tine, émulsine, trypsine, etc.). — MM. Ed. Urbain eb. L. Saugon ont constaté que la graine de ricin, à l’état, , ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 567 de repos, saccharilie lamidon et invertit le saccharose; ces deux propriétés appartiennent au cytoplasma. 30 SCIENCES NATURELLES, — MM. Jean Becquerel et André Broca ont étudié les modilications de la radia- tion des centres nerveux sous l'action des anesthésiques. Quand on voit apparaître des rayons N sur la moelle, ou qu'on ne peut plus distinguer sur celle-ci ses centres d'activité, l'animal est en danger. — M. Aug. Char- pentier montre quil y a certaines propriétés com- munes, impliquant quelque analogie de nature, entre les excitants sensoriels et les organes nerveux périphé- riques ou centraux affectés à leur perception. — MM. M. Lambert el Ed. Meyer ont observé que les rayons N ont sur l’activité des ferments solubles comme sur la végétation une influence ralentissante, mais extrèmement faible. — M. A. Moutier signale diverses observations, montrant que les courants de haute fré- quence produisent, dans certains cas, une expulsion rapide des calculs. — Mie I. Ioteyko a déterminé les modifications des constantes ergographiques dans diverses conditions expérimentales (administration d'alcool, de sucre, de caféine, anémie du bras). — M. F. Bordas recommande la stérilisation dans le vide à 130° pour détruire les Mucédinées qui développent dans certains lièges les produits qui donnent ensuite au vin le goût de bouchon. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 10 Mai 1904. M. le Président annonce le décès de M. E. Duclaux, associé libre de l'Académie. M. Albert Robin signale divers exemples de l’action exaltée des médicaments à l’état naissant et en préco- nise l'emploi en thérapeutique. Séance du 17 Mari 1904. M. le Président annonce le décès de M. E. Marey, membre de l'Académie, SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 7 Mai 1904. M. A. Billet a observé la présence, chez le lézard ocellé d'Algérie, d'une hémogrégarine karyolysante nouvelle, qu'il nomme A. curvirostris. — M. G. Dela- mare à traité l'hypophyse par le triacide d'Ehrlich;les granulalions éosinophiles se colorent en rouge vif ou violacé, les cyanophiles nettement en violet. — M. J. Rouget a réussi à infecter la souris et le rat par le try- panosome de la dourine.— MM. Ch. Achard et G. Pais- seau ont constaté la production d'œdème par des injections de liquides hypotoniques et par des solutions d'autres substances que NaCI. — M. François-Franck a reconnu à nouveau que le contact de liquides, gaz ou vapeursirritants avec la muqueuse broncho-pulmonaire provoque une contraction des vaisseaux pulmonaires. Cet effet vaso-moteur résulte d’un réflexe et non d'un effet de contact. —M. E. Bataillon montre l'existence d'une courbe de turgescence chez les œufs de Bufo vul- garis, qui s’abaisse pendant la maturation de l'œuf. — M. E. Maurel a constaté que la quantité d'acide phos- phorique nécessaire à l'organisme est de O0 gr. 04 à 0 gr. 05 par kilog de poids; elle est contenue dans les aliments composant habituellement notre alimentation. — M. J. Lesage a observé que, chez le chat, la mort dans l'empoisonnement par injection intra-veineuse d’adrénaline est lente; elle a lieu par arrêt de la respi- ration. — MM. E. Brumpt et R. Wurtz ont traité par divers médicaments la maladie du sommeil expérimen- tale chez le singe ; l'acide arsénieux seul a une action parasiticide; il est malheureusement très toxique. — M. E. Brumpt décrit les filarioses humaines qu'il a ob- servées en Afrique entre Djibouti et l'embouchure du Congo. — MM. F. Battelli et G. Mioni ont reconnu qu'en injectant dans les vaisseaux du chien des glo- bules sanguins hétérogènes, se laissant hémolyser par le sérum de chien, on observe une hypoleucocytose considérable, suivie d’une forte hyperleucocytose. — M. G. Mioni, en injectant rapidement dans les veines d'un chien le sang défibriné ou les globules sanguins d'un animal dont les globules sont hémolysés par le plasma du chien, a constaté que le sang du chien pris dans une artère devient incoagulable pendant quelque temps et que la pression artérielle subit une chute plus ou moins prolongée. — M. E. Fauré a étudié la struc- ture du protoplasma chez les Vorticellides ; on distingue un cytoplasma et un karyoplasma. — M. G. Bohn à étudié l'influence des variations de l’éclairement sur les premiers stades larvaires chez les Amphibiens:; elles ont des effets de plus en plus accentués à mesure qu'elles ont lieu plus avant dans le développement de l'embryon. — Le même auteur signale un cas de sym- biose déterminant une pœæcilogonie. — M. Chaput a obtenu de bonnes anesthésies locales et lombaires par l'emploi de la stovaine à 1/200, dont la toxicité est moindre que celle de la cocaïne, — MM. J. Camus et P. Pagniez ont observé l'existence d'une diminution de la teneur en hémoglobine de la fibre musculaire cardiaque chez le chien, quelquefois spontanée, mais qu’on peut aussi provoquer. — M. Ch. Richet commu- nique de nouvelles expériences sur les effets prophylac- tiques de la thalassine. D'autre part, il a trouvé que les Actinies et les Crevettes contiennent de la thalassine. — MM. Moussu et A. Charrin décrivent des altérations osseuses dues à l’ostéomalacie chez le lapin. M. H. Vincent est élu membre de la Société, RÉUNION BIOLOGIQUE DE NANCY Séance du 19 Avril 1904. M. Aug. Charpentier : Ecrans phosphorescents à propriétés spécifiques pour l'exploration des différents organes sur le vivant (voir p. #66). — M. Dufour étudie les lentilles cylindriques et toriques au point de vue de la correction de l’astigmatisme. — M. Th. Guilloz explique le fait que les astigmates n'acceptent souvent qu'une hypocorrection, au moins au début. — MM. P. Ferret et A. Weber montrent que la piqûre au niveau du point déclive de l'œuf n’est pas susceptible d’altérer l’évolution de l'embryon. — M. X. Mathieu a observé que l’action de la chaleur sur le cœur de grenouille adapte la réactivité des muscles ventriculaire et auri- culaire à la plus grande fréquence des oscillations qui leur viennent du sinus veineux. — M. R. Maire à constaté la présence indiscutable de gouttelettes grais- seuses dans les noyaux des jeunes protobasides du Colcosporium Campanulæ. — M. Th. Guilloz décrit un procédé de micro-ophtalmoscopie, qui consiste à examiner le fond de l'œil par un procédé analogue à celui de l'image renversée, au moyen d'une lentille convexe de faible puissance. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 6 Mar 1904. M. Marage expose à la Société quelques-unes des expériences qu'il a entreprises pour étudier la physio- logie de l'oreille. Le pavillon contribue à indiquer la direction du son. Le conduit auditif augmente l'action des vibrations sur le tympan. Le tympan agit comme une membrane mince et à peine tendue, qui transmet toutes les vibrations sans introduire ni supprimer aucune harmonique. L'étrier se déplace de quantités qui sont au plus de l’ordre du 5 de millimètre. L'en- dolymphe et la périlymphe sont formées d'une dissolu- tion, dans un liquide de nature inconnue, de bicarbo- nate de chaux et traces de bicarbonate de magnésie, avec cristaux en excès de carbonates insolubles : ces cristaux sont les otolithes. Les vibrations sont trans- mises à travers la périlymphe et l'endolymphe sans subir aucune modification. Quant à l’action de ces vi- brations sur le système nerveux lui-même, M. Marage 568 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES estime que les différentes théories émises jusqu'ici sont des hypothèses très intéressantes, mais qu'il n'y en à pas une seule qui soit appuyée sur des faits absolu- ment probants. — M. P. Villard rappelle que, dans un travail antérieur, il a montré que l'émission catho- dique est un phénomène discontinu, de fréquence aisé- ment mesurable, et signalé l'existence de deux modes de décharge électrique dans un gaz raréfié. Il décrit les caractères principaux de ces deux modes de décharge : Une ampoule de Crookes (tube à croix par exemple) est excitée par une bouteille de Leyde; l'émission ca- thodique ordinaire apparaît dès que le voltage dépasse une certaine valeur V, variable avec l’état de l'ampoule ; et l'intensité de l'émission augmente avec le voltage. Ki l'on cesse de faire agir la machine alimentant la bou- teille, l'émission continue pendant un certain temps, une demi-minute par exemple, puis s'arrête quand le voltage est redescendu à la valeur V, et la bouteille reste chargée. Il s'est ainsi produit dans le diélectrique gazeux une fuite qui se répare d'elle-même et dont le débit est limité par l'ampoule indépendamment des résistances extérieures qui peuvent être négligeables. Si, au moyen de la machine, on augmente la charge de la bouteille en surmontant cette fuite, lorsque le vol- tage atteint une nouvelle valeur V', supérieure à V, le condensateur se décharge instantanément et complète- ment dans l’ampoule : cette décharge est accompagnée d'un bruit sec et d'une illumination générale du gaz de l'ampoule. Si le vide est poussé assez loin, on peut cependant constater la présence de rayons cathodiques, en majeure partie très déviables par un champ magné- tique. Le caractère principal de ce second mode de décharge est qu'elle équivaut à un court circuit et le débit n'est limité que par les résistances extérieures. Des oscillations électriques se produisent et le voltage du condensateur tombe sensiblement à zéro. Avec une ampoule renfermant un gaz raréfié au minimum de résistance, on peut répéter l'expérience avec une source continue à 500 volts. On observe d'abord une émission cathodique d'intensité modérée (quelques dixièmes d’ampère), capable de rendre le verre fluo- rescent; puis, si l'on élève un peu le voltage, il se pro- duit une décharge de grande intensité. A la pression ordinaire, le premier mode de décharge n’est autre que l’effluve à bruissement caractéristique qui s'échappe des armatures d'une bouteille de Leyde chargée et abaisse son voltage jusqu'à une valeur limite : le second mode est l’élincelle disruptive qui décharge complètement le condensateur. L'auteur pense que l'existence de deux modes de décharge suffit à expliquer les phénomènes nouveaux, récemment décrits par M. Pellat et attribués par cet auteur à une action magnétique spéciale, Ja magnétofriction. M. H. Pellat ne croit pas que l'explication que vient de donner M. Villard des phénomènes qu'il a observés puisse convenir. — M. d'Arsonval présente, de la part du D' Stéphane Leduc, de Nantes, une Note sur la Cristallogénie. M. Leduc suit le travail de cristallisa- lion en employant des solutions additionnées de col- loïdes. Lesexpériences démontrent que !e phénomène de la cristallisation ne consiste pas seulement dans l'arran- sement des molécules suivant des formes géométriques, mais encore dans le mouvement des molécules des corps cristallisables, au sein des liquides de cristallisation, suivant des directions régulières et géométriques. — MM. H.Nagaoka et K. Honda ont déterminé l'intensité d'aimantation de huit échantillons d'acier au nickel, de teneurs comprises entre 24 et 70 °/, de nickel. La courbe de la susceptibilité en fonction de la teneur part de 0, vers 25 °/,, et monte rapidement jusqu'à 29 °/,, où se trouve un maximum relalif, redescend et remonte jusqu'au maximum absolu vers 50 2/,, pour redescendre ensuite régulièrement jusqu'à la suscepti- bilité du nickel. Tous les échantillons étudiés s'allongent dans le champ; pour ceux de faible teneur en nickel, l'allongement en fonction du champ est graduel, tandis qu'il est plus rapide et atteint plus vite sa limite pour ces les échantillons à forte teneur. A partir de 50 °/,, on constate un maximum peu accusé en fonction du champ. La courbe des allongements en fonction de la teneur pour un champ donné ressemble à la courbe de l'in- tensité d'aimantation, et présente le mème plissement vers 20 °/,. Les changements de volume sont incompa- rablement plus grands que dans le fer ou le nickel. Ils sont sensiblement proportionnels au champ, et attei- gnent 50.106 du volume, au maximum, c’est-à-dire pour 29 °/, de nickel, dans un champ de 1.600 gauss. MM. Nagoaka et Honda insistent sur la coïncidence d'une série de maxima des propriétés des aciers au nickel à la teneur de 29 °/,, qui semble constituer un point caractéristique de ces alliages. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 13 Mar 1904. MM. A. Brochet et J. Petit ont constaté que le pla- tine se dissout d'une facon remarquable dans les cya- nures, sous l’action du courant alternatif. Avec le cya- nure de potassium à # molécules-grammes par litre, la dissolution dépasse 1 1/2 gramme par ampère-heure pour une densité de courant correspondant à #0 am- pères par décimètre carré environ. Cette dissolution correspond à une usure de 1/10 de millimètre par heure. On obtient en une seule opération les platino- cyanures alcalins et alcalino-terreux, notamment celui de baryum, dont la préparation, très complexe, est longue et onéreuse. Le sel de baryum se présente sous deux variétés, qui diffèrent par leur couleur et par l'in- tensité de leur fluorescence sous l'influence des rayons X et des corps radio-actifs. — M. Lespieau communique le résultat de ses recherches sur le cya- nure d’allyle. Il à trouvé que ce corps répond à la for- mule attendue, sans transposition moléculaire, mais que l'hydratation déplace la liaison éthylénique. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 3 Mars 1904 (suite). M. C. Chree présente ses recherches sur la nature des relations entre la fréquence des taches solaires et le magnétisme terrestre. La formule (1) R— a + BS, dans laquelle R représente une quantité magnétique telle que l'amplitude de l’oscillation diurne de l'aiguille, a et b des constantes et S la fréquence des taches solaires (d'après Wolf et Wolfer), a été tout d'abord appliquée par Wolf pour la série de la déclinaison moyenne pendant l’année. Le Mémoire de M. Chree s'occupe exclusivement du rapport entre la fréquence des taches solaires et le magnétisme terrestre. Il se base sur des observations faites à Milan (1836-1901), Greenwich (1841-96), Pawlowsk (1890-1900), Batavia (1887-98), et Maurice (1875-90). Son but est d'établir en quelle mesure les résultats ren- fermés dans le précédent Mémoire de l’auteur sont particuliers à la station ou à l’époque indiquée. Il recherche quelles différences peuvent exister entre la connexion des taches solaires dans les jours ordinaires et dans les jours de tranquillité magnétique, et quelles différences apparaissent lorsqu'on applique l'équation (4) à la moyenne des différences entre les lectures quotidiennes les plus élevées et les plus basses, au lieu de l'appliquer à l'étendue de l'inégalité moyenne diurne. Il considère aussi les diverses mesures du carac- tère troublé de l'année au point de vue magnétique, et leur rapport avec le grand nombre des taches solaires. Il semble y avoir une tendance générale pour b/a à augmenter lorsqu'on passe d'une quantité, telle que l'étendue de l'inégalité diurne, qui est comparativement indépendante des troubles, à une quantité telle que intervalle moyen absolu quotidien, qui est fortement dépendante des perturbations. La formule (1) devient cependant de moins en moins strictement applicable plus la quantité magnétique à laquelle elle est appliquée est troublée. Lorsqu'on considère des quantités telles et Katharinenburg ru 4 À } ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 569 que la moyenne des douze intervalles mensuels (maxi- mum et minimum pour le mois) ou l'intervalle annuel (maximum et minimum pour l'année), on trouve de grandes différences entre les valeurs observées et les valeurs calculées d’après la formule ci-dessus. Dans le cas d’intervalles entre les inégalités moyennes diurnes pour l’année, l'accord entre les valeurs observées et les valeurs calculées est à peu près aussi bon à Pawlowsk, Katharinenburg, Batavia et Kew. Dans le cas de la déclinaison, la différence moyenne entre les valeurs observées et les valeurs calculées est environ de # °/, de la valeur moyenne de l'intervalle pendant la période considérée. En résumé, l'accord est moins bon dans le cas de la force verticale que dans le cas de la déeli- naison, de l'inclinaison ou de la force horizontale. — M. A. Fowler aéludié le spectre des étoiles antariennes et ses cannelures, particulièrement le spectre d'x Hercu- lis et o Ceti où elles sont bien développées. Il arrive à la conclusion que ce spectre est essentiellement un spectre d'absorption, et que la substance principale à laquelle il faut attribuer la production des cannelures est le titane ou un composé de cet élément avec l'oxygène. La table de longueurs d'onde donnée par l'auteur montre que les détails des cannelures du titane se trou- vent reproduits avec une remarquable fidélité dans le spectre stellaire, surtout dans celui d’o Cetr. Séance du 10 Wars 1904. M. J. Dewar communique de nouvelles recherches sur la thermomeétrie à résistance électrique à la tem- pérature de l'hydrogène bouillant. Deux faits semblent résulter de ses expériences : 1° que la résistance d'un métal non allié diminue continuellement avec la tem- pérature et, dans chaque cas, paraît s'approcher d’une valeur asymptotique définie, au-dessous de laquelle aucun abaissement nouveau de température ne semble la réduñe; 2° que la relation parabolique entre la tem- pérature et la résistance ne se vérifie plus aux tempé- ratures très basses. Les métaux employés à la cons- truction des thermomètres ont été : le platine, l'or, l'argent, le cuivre, le palladium, le fer, le nickel, et deux alliages : platine-rhodium et maillechort. — M. R. J. Strutt à éludié Ja radio-activité de certains minéraux et de certaines eaux minérales. Pour cela, il chauffait la substance dans un tube de verre et recueillait l'éma- nation dégagée; puis il déterminait la loi de décrois- sance de cette dernière par son action sur l'électros- cope mesurée à des intervalles déterminés. Voici les résultats obtenus : PERTE TEMPS EN JOURS à l'électroscope nécessaire pour due que l'émanation à l'émanation se réduise de MINÉRAL de 100 grammes moitié Samarskite 103.000 3,48 Fergusonite . 61.000 3,80 Pitchblende . 29,800 3,50 Malacone 1.200 3,81 MONAZITE NS MON 4.000 3,50 — , : : [5] 3,81 — Je — 2% 3,80 TC ONU ENTER. 41 4,05 La malacone et la monazite contiennent de l'hélium, mais pratiquement pas de radium. Cet hélium est peut- être le produit de la désagrégation du radium, qui est retenu énergiquement par le minéral. L'auteur à exa- miné par la même méthode les dépôts d'un certain nombre de sources minérales et les résidus de l'évapo- ration de Peau. Voici quelques résultats : PERTE à l'électroscope TEMPS EN JOURS nécessaire pour due que l'émanation à l'émanation se réduise de SUBSTANCES de 100 grammes moitié Source du roi, à Bath : Dépôt à l'intérieur des DATOIS EEE 2.500 3,60 Dépôt du fond . dec 650 — Résidu silin de l'eau. . 69 — PERTE TEMPS EN JOURS à l'électroscope nécessaire pour due que l'émanation à l'émanalion se réduise de SUBSTANCES de 100 grammes moitié Vieille source royale, à Bath : Dépôt des conduites . . 635 — — dufond. 100 — des parois. . . . 173 Dépôt de Buxton.”-1.. 1.370 L'activité de ces eaux minérales semble bien due au radium, dont la présence a, d'ailleurs, été démontrée par voie chimique. — M. G. J. Burch : Quelques em- plois des lentilles cylindriques. Si lon place, entre un écran et un objet, une lentille cylindrique, sisonaxe est vertical, elle formera une image définie des lignes ver- ticales, si son axe est horizontal, des lignes horizon- tales. Si donc l'on place à une distance u de l'objet une lentille cylindrique avec son axe vertical, et à une dis- tance u de l'écran une seconde lentille d'égale puis- sance avec son axe de courbure horizontal, il se formera sur l'écran une image définie agrandie verti- calement v/u fois et horizontalement u/v fois (1/0 —1/v==1/f). La méthode peut être employée pour comparer par la photographie des courbes construites à différentes échelles et pour augmenter ou diminuer les ordonnées d’une courbe. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 22 Avril 1904. Sir W. de W. Abney communique ses recherches sur le calcul des couleurs pour les sensitomètres colo- rés etl'illumination des positifs photographiques à trois couleurs par les couleurs spectrales. — M. J. D. Eve- rett étudie l’'empilement normal de sphères dans l’es- pace et ses rapports avec la théorie de l'Univers d'Os- borne Reynolds, d'après laquelle l'Univers est com- posé de grains sphériques égaux empilés à peu près normalement. L'auteur montre que, dans la lutte pour l'existence entre différentes sortes d’empilements éga- lement compacts, l’'empilement normal présente de grands avantages. — M. R. T.Glazebrook rappelle que, lorsqu'un réseau, examiné äu microscope, est déplacé dans son propre plan, dans une direction perpendicu- laire à celle des traits, les images de diffraction vues dans l'objectif se déplacent, bien qu'elles ne changent pas en réalité. L’explication de ce fait s'obtient par la considération des différences de phases entre les images diffractées. — M. C. E. S. Phillips présente une pompe pneumalique automatique. Séance du 6 Mai 1904. M. W. Duddell présente trois nouveaux instruments thermiques pour la mesure des courants alternatifs. Le premier est un ampère-mètre à bande enroulée d'Ayr- ton-Perry sensible. Le'second est un galvanomètre ther- mique très sensible, formé par la combinaison d'un radio-micromètre de Boys avec une très faible résis- tance, qui est chauffée par le courant à mesurer et qui chauffe la thermo-jonction du radio-micromètre par radiation et convection. Le troisième est un instrument analogue pour tableau de commutation. — M. F. E. Smith présente et décrit trois appareils du Labora- toire national de Physique : 4° un étalon de résistance à mercure; 2 une boîte de résistance de 10 ohms; 3° un galvanomètre astatique. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 5 Mai 1904. MM. W. A. Bone et W. E. Stockings ont étudié la combustion lente de l’éthane dans diverses conditions. Les proportions d'éthane et d'O les plus favorables à la réaction chimique sont équimoléculaires (1: 1). La combustion a lieu en plusieurs phases définies : 1° oxy- dation primaire en acétaldéhyde et eau ; 2° oxydation rapide de l’acétaldéhyde en formaldéhyde, CO et eau; 570 3° oxydation finale du formaldéhyde en CO?,C0 et IFO. Il peut y avoir production secondaire d'H, de méthane ou d’éthylène, sans dépôt de C. — M. W. Ackroyd à étudié l'action des rayons y du bromure de radium sur les halogénures alcalins. LiCl devient blanc, NaCl orange, KCI violet, RbCI bleu-vert et CsCl vert. Les couleurs produites sont stables à l'obscurité et dispa- raissent plus ou moins vite à la lumière. Quand la phosphorescence induite n'est plus visible, elle peut ètre ramenée par la chaleur. — M. Th. M. Lowry à appliqué sa méthode à la détermination des proportions d'a-glucose et d'a-galactose dans les mélanges d'iso- mères dynamiques qui se forment quand ces sucres sont dissous dans l'alcool ou dans l’eau. Dans l'alcool méthylique anhydre, il y a à peu près la mème propor- tion des deux isomères; dans le mélange C*4*0H—ÆH°0, il existe probablement une forte proportion de Ja forme aldéhydique hydratée du sucre, qui est un produit intermédiaire du changement isomérique. — MM. G. Th. Morgan et H. Ben Winfeld et M'e EF. M. G. Micklethwait ont préparé divers produits de subs- titution de l’ar-tétrahydro-«-naphtylamine, entre autres le dérivé 4-bromé, F, 42, et l'acide 4-sulfonique. — M. C1. Smith a également préparé divers dérivés du tétrahydro-naphtalène : le dérivé 1-bromé, Eb. 2559- 2570: le dérivé 2-bromé, Eb. 2389-2300; la 14-bromo-ar- tétrahydro-B-naphtylamine, KF. 52° 5; la méthylène-ar- tétrahydro-$-naphtylamine, (C"* H'* Az), K. 1219. — M. J. S. Ford a trouvé que la loi de proportionnalité de Kjeldahl se vérifie pour la diastase de lorge et du malt séché à l'air. — MM. Th. H. Easterfeld et G. Bagley ont étudié les acides des résines des Coni- fères, en particulier l'acide abiétique provenant de la distillation de la colophane. Cet acide, distillé lui- mème lentement à basse pression ou chauffé à 200° avec HE, fournit un hydrocarbure C8 IF, identique au colophène de Deville, mais que les auteurs nomment abiétène; il bout à 340°-345°. Distillé avec du soufre, il donne du rétène et deux autres hydrocarbures. Ces observations montrent que l'huile de résine est un rétène hydrogéné; l'acide abiétique serait l'acide décahydrorétènecarboxylique. — M. F. E. Francis et M'e M. Taylor montrent que le produit d'addition de la benzylidène-aniline et du méthylacétoacétate d’éthyle existe sous une seule forme. — MM. ©. Silberrad et Th. H. Easterfeld, en faisant réagir les halo- gènes sur le sodiocarboxyglutarate d'éthyle, n'ont obtenu aucune condensation, mais simplement les dérivés halogénés du carboxyglutarate d'éthyle. — MM. A. Neville et R. H. Pickard ont préparé un certain nombre de carbimides optiquement actives. — M. Th.-S. Patterson à déterminé les variations de rotation des tartrates de méthyle, d’éthyle et de propyle avec la température. La rotation du tartrate de méthyle s'évanouit à 0°, celle du tartrate d'éthyle probablement à — 34° et celle du tartrate de propyle probablement à — 60°, — MM. J. Drugman et W. E. Stockings ont étudié l'action de H°S sur les solutions de formaldé- hyde et d'acétaldéhyde. Avec le premier, en solution aqueuse, en l'absence d'IHCI, il se forme un précipité blanc, FE. 98°, de formule 3 CH?S.CH°0; en présence d'HCI, on obtient le trithioformaldéhyde cristallisé (CHS}, F. 216°. Avec le second, en l'absence d'HCI, on n'obtient aucun composé; en présence d'HCI, il se forme le corps (CH*CH)?S0,F. 61°, etles x, 6 et y-trithioa- cétaldéhydes (C?H'S), F. 101°, 125°-126° et M. A. E. Dunstan présente le résultat de ses recherches sur la viscosité des mélanges liquides. Les solutions aqueuses donnent des résultats anormaux. Partout où il y a affinité chimique entre les deux liquides d'un mélange, les résultats sont aussi anormaux. Les subs- lances contenant un groupe hydroxyle ont, en général, une plus forte viscosité que les substances monomolé- culaires. — M. F. Southerden, en chauflant 3 cc. d'HESOS avec 100 ce. d'alcool] isopropylique pendant six à douze heures à 150°-1609, a obtenu, à côlé du propy- lène, de l'éther isopropylique, Eb. 689,5-69°, HO — ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIÉTÉ ANGLAISE DES INDUSTRIES CHIMIQUES SECTION CANADIENNE Séance da 25 Mars 1904. M. G. W. Mc Kee a étudié la décomposition du ben- zène aux températures élevées, question d'une grande importance pratique dans la fabrication du gaz de houille et du gaz à l’eau carburé, où cette décomposi- tion peut, donner lieu à la formation de substances solides obstruant les appareils. L'auteur à constaté que la décomposition est déjà perceptible vers 5509, pour s'élever considérablement au-dessus de 7009. Il ne faut donc pas dépasser cette tempéralure dans l’enrichisse- ment du gaz à l’eau. — M. A. Me Gill poursuit ses recherches sur l'amélioration des eaux d'alimentation des chaudières. Il montre, en particulier, qu'une eau qui doit sa dureté au bicarbonate de chaux seul, peut être adoucie de moitié par une agilation vigoureuse pendant une heure sans addition de réactifs, Le carbo- nate de Mg et le sulfate de Ca ne peuvent exister simultanément dans les eaux naturelles. SECTION DU YORKSHIRE Séance du 22 Février 1904. M. W. J. Dibdin présente l’état actuel de la question du traitement bactérien des eaux d'égouts. Pour obvier aux inconvénients que présentent les filtres à coke, dont la capacité est relativement faible et qui s'en- crassent facilement, l’auteur à construit des liltres en tuiles plates superposées, pourvues d’arêtes qui laissent subsister des intervalles entre elles. L'efficacité de ces filtres s'est montrée égale à celle des filtres à coke et la capacité double. Séance du 21 Mars 1904. M. W. Mc D. Mackey expose les divers procédés e£ appareils employés pour le lavage des houilles, opé- ration qui a pour but de débarrasser les charbons de la gangue qui y est mêlée en utilisant la différence de densité entre le charbon et la gangue. Séance du 18 Avril 1904. M. S. H. Davies poursuit ses recherches sur l’eflica- cité relative des substances isolantes au point de vue thermique par l'étude des meilleurs revêtements pour les tuyaux parcourus par de la vapeur fortement sur- chauffée, atteignant parfois une température de 250°C. Les meilleurs isolants sont la magnésie, la laine de scorie et la remanite (fils de soie de rebut). Ensuite viennent divers isolants préparés avec du mica. Un troisième groupe, ayant la moitié de lefficacité du premier, comprend diverses substances préparées avec des fils d'amiante. — MM. S. H. Davies et B. G. Me Lellan ont déterminé la quantité de beurre de coco contenue dans la noix de coco; la moyenne générale d’un grand nombre de déterminations est de 54,4% °/0. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 4% Avril 1904. M. O. Hertwig discute les relations qui existententre l'œuf animal et l'embryon qui en prend naissance. Pour réfuter le principe d'après lequel ce seraient les ré- gions germiques qui forment les organes, l'auteur rappelle ses expériences où un œuf de grenouille non fertilisé était exposé à l’action de la force centrifuge, produisant à l'intérieur une transposition des parties de l'œuf légères ou lourdes respectivement (noyau, protoplasma et jaune). Puis la fertilisation étant effec- tuée, les processus de germination ont commencé, non pas au pôle animal, mais au pôle végétatif exempt de pigments, les deux pôles ayant pour ainsi dire changé de rôle. Dans une seconde série d'expériences, l'auteur | | | 5 fait voir qu'au moyen d'une opération facile les œufs de grenouille fertilisés peuvent être orientés dans l’es- pace, de facon à placer parallèlement leur surface de séparation première. — M. C. Klein présente ses re- cherches sur la relation entre les propriétés optiques et la composition chimique de la vésuviane. Il fait voir que les chromocyclites de ce minéral, en étantchauffées, passent à l'état de vésuviane optiquement normale négative, possédant le pourcentage d’eau et de fluorine le plus petit de toutes les variétés connues. Des phé- nomènes optiques analogues ont été étudiés par l'au- teur en 1892, dans le cas des variétés correspondantes de l’apophyllite; il résultait de ces expériences qu'en chauffant l'une quelconque de ces variétés, on la trans- forme en apophyllite normale positive du type bruci- tique. — M. van’tHoff présente une communication ultérieure sur les conditions de formation des dépôts salins océaniques. Avec la collaboration de M. Meyerhof- fer, il établit les limites de température auxquelles sont liées toutes les combinaisons minérales possibles entre les chlorures et les sulfates de sodium et de magnésium “entre 25° et 830, — Un Mémoire de M. C. F. Geiser, m 2 4 Lés ‘bte... professeur à l'Ecole Polytechnique de Zurich, a pour objet l'engendrement des surfaces minima au moyen .d'ensembles de courbes d’une espèce donnée. Le pro- cédé indiqué par l'auteur permet de déterminer toute surface minima, réelle où imaginaire, renfermant un ensemble de lignes droites ou de cercles. Ce même pro- cédé est appliqué à résoudre le problème de la déter- mination de toutes les surfaces pour lesquelles l’un des ensembles de lignes de courbure est formé par un ensemble de lignes droites ou bien par un ensemble de cercles. ALFRED GRADENWITZ. SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE Séance du 15 Avril 1904. M. E. Goldstein présente ses recherches sur les spectres de luminescence discontinue des corps solides organiques. On sait qu'à l'égal du verre des parois de l'ampoule, de nombreuses matières solides présentent une luminescence sous l’action des rayons cathodiques. Parmi les substances examinées dans cet ordre d'idées par MM. Wiedemann et Schmidt, il convient de noter un certain nombre de corps organiques, qui tous ont donné des spectres continus, alors que M. Crookes à observé des spectres discontinus en exposant à l’action des rayons cathodiques des terres rares etdes solutions solides de ces dernières. L'auteur à étudié le groupe des corps dits aromatiques, comprenant, à côté de substances à coloration vive, des composés presque incolores. Il s’est posé la question de savoir si, dans . ces corps, le faible pouvoir d'absorption peut être exalté = sous l’action des rayons cathodiques jusqu'à donner à des couleurs résiduelles. Or, comme l'ont fait voir ses expériences, il en est bien ainsi. La luminescence, sou- vent très intense, observée quand on expose cerlaines de ces substances au rayonnement cathodique, à cDERES l’auteur à étudier à nouveau la composition spectrale de cette lumière, bien que, dans tous les corps appar- tenant à la série grasse, on n'ait trouvé que des spectres continus, exempts de toute structure. Le premier corps aromatique ainsi étudié, à savoir la xanthone, présen- tant une phosphorescence rouge dans le rayonnement cathodique, a en effet montré un spectre discontinu bien marqué, comprenant cinq raies lumineuses étroites et analogues, qui appartiennent respectivement au vert, au bleu verdàâtre et au violet (deux). Ce spectre rappelle vivement le spectre des carbures d'hydrogène gazeux dans les tubes de Geissler, bien que la position des Mmaximas soit essentiellement différente dans les deux cas. Des résultats analogues ont été observés dans le cas de nombreux corps appartenant à cette mème série aromatique, et voici la relation approximative que vient de trouver M. Goldstein entre le caractère du spectre et la nature chimique des corps : dans les substances à deux anneaux ou plus, la tendance à ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 571 donner des spectres discontinus semble ètre bien plus forte que dans les groupes à un anneau seulement. ALFRED GRADENWITZ. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 23 Avril (suite). 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. D. van der Waals pré- sente trois communications : 4° au nom de M. Ph. Kohnstamm : L'équation critique de van der Waals. D'abord l’auteur résume l'histoire remarquable de la question. L'équation a n ) y de Tait et. A. Lorentz, et l'équation : de van der Waals. La polémique entre Tait, Lord Ray- leigh et M. Korteweg. La discussion entre Boltzmann et van der Waals, où s’est mêlé M. van der Waals fils (Groningue). Les résultats de MM. C. Brinkman et J. J. van Laar. La remarque de MM. Dieterici et Happel, d'après lesquels l'équation : a RT b h? = ( nor .) ne saurait être d'accord avec les données expérimen- tales. Critique des différentes déductions d'équations analogues. De son côté, l’auteur parvient à l'équation : hs j À DD. EN (P+%) BE À mn RP RD ANNE UPS où » est un nombre fini, ou bien à : (» . à) Ce n'est qu'après que deux des trois quantités auront été déterminées sous forme mathématique qu'on pourra arriver à une meilleure correspondance entre l’expé- rience et la théorie; ces trois quantités sont les deux quotients de surface contenus dans la dernière équation et la notion « volume disponible »; — 2° Encore au nom de M. Ph. Kohnstamm : Les expressions de Clau- sius et de van der Waals pour le chemin libre moyen et le nombre des percussions. Les équations originales : surface libre LE surface totale ce libre surface {totale des sphères de distance =RT. surfi : de percussion. rns?— y — r Mrns u Die TX | Ê= F v de Clausius ont été corrigées en : par M. van der Waals; de plus, Clausius trouva plus tard, et avec lui Jäger et Boltzmann : ñ b 11 b Feu Les Lg p — 72$ > S A TAS° » 11h Le b 1— —- 1—2- DEV y D’après l’auteur, la correction de M. van der Waals est fautive: d’un autre côté, le rapport de ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES # figurant dans les équations nouvelles de Claudius, n'est qu'une première approximation pour l'expression plus générale volume disponible surface libre = des sphères de distance surface totale Ainsi il trouve pour ce quotient : 11h F . 1 AE si PRINT S v aq v£ re ya b 17 L? L° . bn? D CE CON — ‘ LT TE ST HT où » est un nombre fini; — 3° au nom de M'e,J. Reudler: Quelques remarques sur la loi de distillation de Sydney Young. D'après l'auteur, qui à examiné quelques-uns des cas choisis par M. Young et confirmé le résultat de ce savant, la loise basetoutsimplement sur la décomposition du mélange dans ses composantes. — M.C. A. Lobry de Bruyn, en son nometau nom deM.R. P. Van Calcar : Varialions de concentration el eris- tallisation de solutions par l'intermédiaire de la force centriluye. Dans une communication précédente (Æev. génér. des Se., t. XV, p. 424), MM. Lobry de Bruyn et Wolff ont démontré la continuité de l’état de suspen- sion des solutions colloïdales et des vraies solutions. Les expériences nouvelles de MM. Lobry de Bruyn et Van Calcar en donnent une nouvelle démonstration. En effet, à l'aide de la force centrifuge les auteurs ont réussi à y engendrer des variations de concentration et à faire cristalliser des solutions saturées. — En- suite M. Lobry de Bruyn présente au nom de M. C. L. Jungius : Considérations théoriques relatives à des réactions-limites se présentant en deux ou plusieurs phases consécutives. Dans la détermination des vitesses de réaction, on a remarqué souvent que l’ordre d’une transformation ne correspond pas au nombre desmolé- cules qui y prennent part, d'après la formule. Ainsi la décomposition de As, est monomoléculaire, tandis que la formule 4AsH, — As, + 6H, fait attendre une réaction du quatrième ordre. Les idées de MM. Van't Hoff et Ostwald. L'auteur se propose de démontrer la possibilité théorique d'une réaction, en apparence directe, mais composée au contraire de plusieurs décompositions successives et menant à une position d'équilibre entre le système initial et le tème final, de manière qu'elle est reversible tout de même. En effet, les recherches de MM. Smits et Wolff sur la vitesse de réaction de CO (Rev. génér. des Se., t. XIV, p. 840) en ont fait connaître un exemple. — M. J. M. Van Bem- melen présente au nom de M. H. P. Barendregt L'action des euzymes. Communication provisoire sur 2 V4 Fig. 1. Fig..2. une étude de l'auteur pendant les deux dernières années. L'auteur s’est proposé d'examiner à quel degré une recherche expérimentale portant sur les actions des enzymes les plus simples confirmerait l'hypothèse que les enzymes exercent leur force catalytique à l’aide de radiation. Le point de départ de cette hypothèse réside dans la propriété caractéristique de l'action des enzymes qui les distingue très nettement de l'action des acides. Une représentation graphique de l’action d'une même quantité d'acide (fig. 1) ou d'enzyme (fig. 2), pendan le mème temps, sur des solutions de sucre de canne de concentration différente accuse très clairement cette différence. Dans le cas de l'acide, la ligne est droite; donc la quantité de sucre de canne interverti est pro- portionnelle à la concentration initiale. Dans le cas d'un enzyme, la ligne commence presque tout de suite à s'incliner de plus en plus vers l’axe des x. Cela s'explique par la théorie de la radiation. On peut com- parer une particule d’enzyme dans des solutions con- centrées de sucre à une source de lumière dans le brouillard de densité variable. Plus le brouillard est dense, plus petite est la sphère éclairée. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. A. W. Hubrecht ; La corrélation génétique entre les différentes tiges des Invertébrés. Dans un Mémoire volumineux, paru dans le tome XXX VIII du Jenaische Zeitschrilt für Na- turwissenschaft (Journal d'Histoire naturelle de Iéna), en 1903, M. A. Lang de Zurich a fait connaitre son opinion sur la « phylogenèse des Annélides ». D'après. M. Hubrecht, les Cténophores ne se trouvent pas au commencement de la série comme le croit M. Lang et ne forment pas non plus les chainons intermédiaires entre les Cœlentérés et les Vers; il faut plutôt consi- dérer ces animaux comme les derniers termes d'une série de développement qui mène des Annélides aux Hirudinées et aux Plathelminthes. — M. M. Weber fait connaître les résultats scientifiques de l'Expédition Siboga, surtout évidents dans l'accroissement inattendu du nombre des espèces nouvelles; de la collection de 109 espèces d'Ascidies holosomes sont nouvelles 61espè- ces, de 18% Holothuries 78, de 151 Holothuries de la mer profonde 112, de 75 corails de la mer profonde 38, de 50 Sipunculides 29, de 119 Echinides 31. A l’aide de cet accroissement, on obtient pour la première fois une idée assez générale de la faune marine de l’Archipel des Indes Orientales, qui a beaucoup de valeur parce qu'on a fait attention à la distribution verticale, à la nature du sol et à plusieurs autres facteurs océaniques faisant par- tie des conditions d'existence de ces organismes. — Ensuite M. Weber présente : Die Säugetiere. Einfül= rung in die Anatomie und Systematik der recenten undl fossilen Mammalia (Les Mammifères. Introduction à l'anatomie et à la systématique des Mammifères récents et fossiles). — M. L. Bolk : La distribution des types de blonds et de bruns dans les Pays-Bas. Recherche systématique d'anthropologie physique. Les données statistiques qui en forment la base ont été obtenues” parun examen minutieux des écoliers de toutesles écoles primaires publiques et particulières. Tous les instituteurs ont recu des cartes postales contenant un certain nombre de questions se rapportant à la couleur des cheveux et des yeux; les données sur les enfants, israélites ont été séparées des autres. Ainsi l'examen à porté sur 447.200 enfants. Le résultat principal est que le pourcentage des bruns augmente de 40 à 40%, quand on traverse le pays du nord au sud. L'auteur en indique la cause probable, et pour cela il remonte à César même. Son travail est illustré par une carte faisant ressortir graphiquement les résultats. — M. J: M. van Bemmelen communique, au nom de M. J. Lorié, qu'un percement à une profondeur de 50 mètres à Leiduin (près de Haarlem) a fait trouver une couche de véritable argile à cailloux d'une épaisseur de quatre décimètres, ce qui semble prouver que la glace de terres scandinavienne a atteint ce point dans la période diluvienne. Ce point est le point le plus sud-ouest trouvé jusqu'à présent. Te D P. H. ScHOUTE. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 15° ANNÉE N° 12 30 JUIN 1904 Revue générale SC LÉTiC pures et appliquées DirecTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Aüresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Pa publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, ris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Mathématiques Le genre des fonetions entières. — Nous avons précédemment annoncé comment, dans le seul cas resté douteux, celui de l’ordre entier, la question du genre de la somme de deux fonctions entières avait été résolue par MM. Lindelôf et Boutroux dans un sens opposé à celui que faisait prévoir l'étude du cas général; la conclusion obtenue était que le théorème de la conservation du genre cesse, dans certains cas, de s'appliquer. Les résultats de MM. Lindelôf et Boutroux ne per- mettaient pas de répondre à une question toute sem- blable à la précédente et posée, comme elle, par M. H. Poincaré dans son Mémoire de 1883, celle du genre de la dérivée d’une fonction entière. Cette dernière vient, à son tour, d'être élucidée, également dans le sens négatif, par un travail de M. Wiman sur /e cas d'ex- ception des fonctions entières (Arkiv für Matematik, Astronomi ochÆysik, t. 1, p. 327-345, Stockholm, 1904). Des raisonnements de M. Wiman ressort, en effet, l'existence de fonctions entières dont les genres diffé- rent d’une unité, bien qu'elles-mèmes ne différent que par une constante et aient, par conséquent, même dérivée. D'après l'auteur, la dérivation, lorsqu'elle change le genre, a généralement pour effet de le dimi- nuer d'une unité. La méthode de M. Wiman repose sur un fait très remarquable en lui-même : Lorsqu'une fonction entière est « exceptionnelle », c’est-à-dire que son ordre de grandeur n'est pas lié à la distribution de ses zéros par la loi qui convient au cas de l’ordre non entier, cet ordre de grandeur résulte d’un seul facteur expo- nentiel, de sorte qu'on peut trouver très simplement des valeurs approximatives du maximum et du mini- mum de la fonction sur un cercle quelconque, et même délimiter les régions du cerele où ce maximum et ce minimum sont atteints. $ 2. — Astronomie L'Heure française et l’'Heure mondiale. — L'heure légale en France et en Algérie est l'heure temps moyen de Paris (Loi du 15 mars 1891). REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. Qu'est-ce qu'une « heure temps moyen »? "C'est l'heure marquée par une pendule marchant d'un pe égal pendant toute l’année, tandis que le Soleil met tantôt un peu plus, tantôt un peu moins de vingt-quatre heures à revenir au méridien. L'écart entre le temps moyen et le temps solaire ne dépa jamais seize mi- nutes. Cependant, que de préjugés n'a-t-il pas fallu vaincre avant de renoncer à la lulte entre la pendule et le Soleil. C’est la ville de Genève qui, la première, adopta le temps moyen en 1780; Londres a suivi en 1792, Berlin en 1810, Paris en 1816. Et encore, à cette époque, le préfet de la Seine — on croit rêver! — redoutait à ce point un mouvement insurrectionnel dans la population ouvrière, qu’il ne signa l’ordon- nance qu'après avoir été rassuré par le Bureau des Longitudes. Le but de la loi précitée de 1891 était de faire dispa- raitre la multitude des heures locales, que les chemins de fer et le télégraphe avaient rendues insupportables. A la ville de Nice, elle imposait un retard de vingt mi- nutes sur son heure locale, à la ville de Brest une avance de vingt-sept minutes; mais la pratique a démontré qu'il n'en résultait aucun inconvénient sen - sible pour la vie civile. L'Etranger avait, d’ailleurs, en grande partie, devancé la France dans cette unification intérieure ou nationale de l'heure : l'Angleterre en 1848, la Suède en 1879. Peu à peu, il en résulla une gêne nouvelle et sen- sible dans les relations internationales. Entre Paris et Constantinople, par exemple, le voyageur en chemin de fer ne rencontrait pas moins de onze heures diffé- rentes. Mais c’est dans l'Amérique du Nord que la confusion atteignit sa plus grande intensité, et, comme il arrive fréquemment, c'est l'excès du mal qui y fit chercher et trouver le remède. Les Américains en étaient arrivés à avoir sur leurs chemins de fer soixante-quatorze heures régulatrices différentes, capricieusement enche- vêtrées les unes * ins les autres. Aussi, les directeurs des chemins de fer finirent par convenir qu'à dater du 18 novembre 1883, il ne serait plus fait usage que d'heures normales différant entre elles de soixante minutes exactement. Cela réduisait le nombre de leurs heures régulatrices de soixante-quatorze à cinq, ces 12 574 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE dernières correspondant, d'ailleurs, aux longitudes de 60, 75, 90, 105 et 120 degrés. Etendu au monde entier, ce système conduisit à diviser le globe en vingt-quatre fuseaux de 15° de largeur, ayant chacun son heure normale différant d'une heure juste des heures des fuseaux contigus. Pour la délimitation des fuseaux entre eux, il va sans dire qu'au lieu de suivre servilement les méridiens, on suit de préférence les limites politiques. Ce système de vingt-quatre fuseaux horaires est un ingénieux compromis, une transaction heureuse entre l'heure universelle unique, rêvée par quelques savants, et la multiplicité infinie des heures locales. Aussi fut-il accueilli dans le monde entier avec une faveur extra- ordinaire. Le Japon, toujours à l'affût du progrès, se l'appropria dès 1886. L'Europe se trouve partagée en trois fuseaux : occi- dental, central et oriental. Par suite de circonstances dans lesquelles il est inu- tile d'entrer ici, la nouvelle heure mondiale régna, dès 1891, dans le fuseau de l'Europe orientale, Quant à l'Europe centrale, la Suède-Norvège avait, par suite d’une inspiration quasi-surnaturelle, adopté la nouvelle heure dès 1879. L’Autriche-Hongrie suivit en 1891, l'Allemagne et l'Italie en 1893, le Danemark et la Suisse en 1894. De leur côté, la Hollande et la Belgique s'étaient, dès 1892, approprié l'heure de l'Europe occidentale, qui n’est autre que l'antique heure anglaise. Dès lors, le triomphe final et complet du système des vingt-quatre fuseaux horaires ne pouvait plus faire de doute. Aussi, M. Boudenoot, alors député du Pas-de- Calais, considérant que déjà, sur toute la frontière du Nord et de l'Est, la France était cernée par les heures mondiales, déposa-t-il une proposition de loi ainsi Conçue : « L'heure légale en France et en Algérie est l'heure temps moyen de Paris retardée de 9 minutes 21 secon- des. » Cette proposition fut votée par la Chambre le 24 fé- vrier 1898 et renvoyée au Sénat, qui nomma aussitôt une Commission, présidée par M. de Freycinet. Cinq années se sont écoulées depuis sans que cette Commis- sion donnât signe de vie. On avait cru que l'Espagne, pour prendre son parti dans la question, attendrait la résolution de la France. Mais, évidemment, elle perdit patience, car, depuis le {er janvier 1901, l'Espagne, elle aussi, se sert de l'heure de l’Europe occidentale, de l'heure de la Hollande et de la Belgique, de l'heure... anglaise. Oui, de l'heure anglaise! On affirme que c'est ce nom qui jusqu'ici aurait retenu la Commission sénato- riale; mais l'objection n’a-t-elle pas perdu sa dernière ombre de valeur depuis que, de son côté, le Parlement anglais poursuit l'emploi obligatoire du système mé- trique francais, et depuis la récente signature d’un traité d'amitié et d'arbitrage anglo-français ? Voudrait-on, par hasard, attendre encore que le Portugal et la République de Saint-Marin soient à leur tour entrés dans le système des vingt-quatre fuseaux horaires, et faudra-t-il que notre chère France, que le monde est habitué à voir marcher à la tète du progrès, soit la toute dernière à reconnaître le bienfait de l'heure mondiale ? $ 3. — Physique Conférence sur le Radium.— Notre éminent collaborateur, M. Ch.-Ed. Guillaume, a fait récemment, devant la Société Astronomique de France, une confé- rence sur le radium. Bien que M. Debierne ait consacré récemment, ici même,un article très complet au corps découvert par M. et Mae Curie, nous avons trouvé dans cette conférence quelques aperçus nouveaux que nos lecteurs nous saurons gré de leur signaler : «Nous savons que, lorsqu'une perturbation se produit dans l'air, elle se propage avec une vitesse uniforme de 330 mètres par seconde environ. Si donc un plan se déplace dans l'air perpendiculairement à sa direction avec une vitesse inférieure à celle qui vient d'être indiquée, le choc qu'il produit constamment contre l'air se dissipera à la manière d’une onde sonore, et la pression en avant du plan restera faible. Mais, si le plan prend une vitesse supérieure à celle de la dissipation, l'air se condensera contre le plan, et la pression croîtra au delà de toute limite. Telle est, du moins, la consé- quence inévitable d'une théorie élémentaire, fondée sur l’idée que la vitesse du son dans l'air est indépen- dante de la pression. Mais une théorie plus avancée nous enseigne qu'il n’en est pas ainsi. « Le regretté capitaine Hugoniot, développant une théorie de Riemann, a montré que la vitesse de dissipa- tion croit en même temps que la densité du gaz, de telle sorte que, quelle que soit la vitesse du plan, la dissipation se produit toujours, et l'air ne peut passe condenser indéfiniment. Les formules d'Hugoniot ont été vérifiées expérimentalement par M. Paul Vieille, le cé- lèbre ingénieur des Poudres et Salpêtres, à qui l’on doit l'invention de la poudre sans fumée. L « Une théorie analogue, concernant le déplacement d'une masse électrique dans l’éther, a conduit à penser que le milieu universel agit sur le déplacement, et qu'il faut tenir compte de cette action dans l'expression de l'énergie de mouvement des particules électrisées tra- versant l’espace avec une grande vitesse. « Les théories mécaniques nous disent que l’énergie de mouvement d'un Corps est donnée par l'expression In v? 2 expression n'est qu'approximative, et qu'elle est prati- quement exacte seulement pour les mobiles qu'il nous a été donné jusqu'ici d'observer, doués d’une vitesse négligeable par rapport à celle de la lumière. Lorsque les vitesses sont plus grandes, l'expression de l'énergie se complique, et prend une forme telle que l'énergie devient infinie lorsque la vitesse est égale à celle de la lumière. Nous retrouvons ici le principe indiqué tout à l'heure pour un corps se déplaçant dans l'air, avec cette différence que, l’éther pouvant être considéré comme parfaitement élastique, la théorie nouvelle, développée par M. Max Abraham, semble exacte jusque dans ses lointaines conséquences. « De telles théories sont d’une extrème importance pour l'astronome, car elles permettent de concevoir l'existence d'un point fixe de l’espace, ce point tant cherché et dont le génie de Ptolémée, de Copernic, de Galilée avait définitivement dépouillé notre Terre et même l'astre resplendissant autour duquel elle gravite. « Les peuples primitifs considéraient la Terre comme immobile ; le sol représentait pour eux le système fon- damental de coordonnées de l’espace. Puis, la rotation de la Terre sur elle-même et son mouvement autour du Soleil étant reconnus, on a pu penser que notre astre central était l'un des éléments d'un système fixe de coordonnées du monde. Maisles progrès de l’Astronomie de précision nous ont enseigné que notre système so- laire se déplace avec une grande vitesse par rapport à la position moyenne des étoiles considérée comme invariable. Or, il n'y a plus de raison pour envisager cette position comme fixe, car nous savons très bien : aujourd'hui que les étoiles se déplacent les unes par rapport aux autres. Nous verrions donc une fois de plus le point fixe de l'espace se dérober, et nous serions conduits à affirmer qu'il n'existe dans le monde que … des mouvements relatifs. La théorie qui fait intervenir. les réactions de l’éther nous rend notre système fixe, qui est celui du milieu universel. « Voici comment on peut établir, par la pensée, un système absolu de coordonnées de l’espace : : « Considérons une charge électrique se déplaçant M dans une direction déterminée, et exigeant pour se M mouvoir une énergie infinie; nous saurons qu'un plan ; perpendiculaire à la direction de ce mouvement, et dont la particule considérée s’écarte avec une vitesse à | 3 Ë | | ; mais la théorie nouvelle nous enseigne que cette Re. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 575 de 300.000 kilomètres par seconde, est un plan fixe dans l'espace. Répétons l'expérience dans trois directions rectangulaires, et nous aurons établi un système de coordonnées invariables et indépendantes de la ma- tière. « Cette question du mouvement absolu ou relatif a troublé beaucoup de chercheurs. Les uns, l'abordant avec un esprit scolastique et S'appuyant sur la Cinéma- tique seule, affirment qu'il ne peut pas exister de mou- vement absolu. Au point de vue cinématique, la ques- tion n’a aucun sens, puisque l’on crée une abstraction sans relation avec la réalité. Mais en est-il de mème au point de vue mécanique ? Est-il indifférent, lorsqu'on envisage des réalités et non des abstractions, d'admettre que la Terre tourne, ou que le monde entier tourne autour d'elle? Les observations les plus élémentaires nous enseignent qu'il n'en est rien, et l'on aurait pu croire la question définitivement résolue pour les peuples sortis de l’état sauvage, si l'on n'avait vu récem- ment, non sans quelque surprise, il faut je dire, une portion heureusement minime et très spéciale de la presse quotidienne, travestissant une phrase d’un des maitres de l’Astronomie, émettre des doutes sur la doc- trine de la rotation de la Terre. « De tels reculs de la pensée, s'ils se généralisaient, donneraient promptement raison à l'idée contenue dans cette expression devenue rapidement populaire : la faillite de la science. Au seuil de certains esprits, la science, il est vrai, fait faillite; d'autres esprits heu- reusement enrichissent chaque jour son domaine. « Voyons maintenant quelles peuvent être les hypo- thèses susceptibles d'expliquer l'existence du radium. Il s'agit ici de phénomènes tellement différents de tous ceux que l'on connaissait que les hypothèses pourront être hardies; si même elles sont absurdes, ce ne sera pas une raison suffisante pour se refuser à les exa- miner. Dans un article très remarquable publié en 1899 dans cette lievue, Mme Curie énoncait déjà une série d'hypothèses possibles, parmi lesquelles nous allons tächer de choisir. « Il y à une cinquantaine d'années, l'embarras eût été moindre. Alors, le principe de la conservation de énergie était encore chancelant, et rien n'eût empêché les physiciens d'admettre que le radium fût susCep- tible de créer indéfiniment de l'énergie. Mais ce prin- cipe s'est montré si fécond, il a été vérifié de tant de manières diverses, que ce n'est pas sans une nécessité absolue que l’on consentirait aujourd'hui à admettre que quelque phénomène ne lui füt pas soumis. « C'est donc dans le domaine intangible de la con- servalion de l'énergie que l’on cherchera des explica- tions susceptibles d'être développées avec succès. « Parmi les hypothèses émises par Mme Curie, il en est deux qui ont surtout fixé l'attention. « La première consiste à admettre que l'espace est Sillonné en tous sens par des radiations d’une nature encore inconnue, traversant sans absorption sensible ous les corps connus jusqu'à ces derniers temps, par conséquent échappant à nos investigations. Mais, si ces radiations sont absorbées par le radium. elles sont transformées par lui en une autre forme d'énergie, et c'est cette forme nouvelle dont nous observerons les mystérieux effets. « A première vue, cette hypothèse présente un degré assez élevé de probabilité, et les physiciens lui ont con- sacré toute leur attention. Comme hypothèse acces- soire, on peut admettre que les radiations inconnues nous viennent du Soleil. S'il en est ainsi, on devra S'attendre à ce que le radium en reçoive un peu moins la nuit que le jour; mais il est difficilement admissible que la radiation puisse traverser 13.000 kilomètres de roches, même très transparentes, sans éprouver au moins un peu d'affaiblissement, . « L'égalité parfaite du rayonnement du radium, le Jour ou la nuit, à la surface de la Terre ou dans les mines profondes, a enlevé un peu de probabilité à cette première hypothèse. Il en est une seconde, qui parut moins probable au début, mais qui, peu à peu, a gagné en vraisemblance à mesure que se précisaient des réflexions dont je vais donner un aperçu et que l’on faisait des observations dont je parlerai dans un instant. C’est l'hypothèse de la tansmutation du radium en un autre élément chi- mique. « Reprenons la question de plus haut. «_ Ge fut certes un très grand progrès que réalisa l’es- prit humain lorsque, dégageant la Chimie de la vieille Alchimie, il concut l'existence d'éléments primordiaux el non susceptibles d’être transformés les uns dans les autres. Ainsi étaient brisées à jamais, semblait-il, les grandes espérances que l’on placait dans la découverte de la pierre philosophale; ainsi était rendu désormais inutile le travail que bien des hommes continuaient à lui consacrer. « Cependant, à mesure que l’on avanca dans l'étude des éléments, l'idée se fit de plusen plus nette qu'ils ne sont pas aussi indépendants les uns des autres qu'on l'avait pensé au début, qu'au contraire i?s forment un ensemble tel qu'ils apparaissent comme des dérivés les uns des autres ou comme les composés d’une même substance primordiale. On à pu (Chancourtois, New- lands, Mendeleef, Lothar Mayer) ranger les éléments sur une spirale qui, recoupée par des rayons, donne à chaque point d'intersection la masse atomique et toute une série de propriétés d'un élément déterminé. Sur le même rayon se trouvent les éléments, généralement au nombre de 5, d'un mème groupe chimique : mé- taux alcalins, métaux alcalino-terreux, halogènes, gaz inertes, etc. « D'autre part, tous les éléments possèdent une pro- priété qui leur est commune : c'est la valeur numérique de la constante de la gravitation. Dès lors, le passage d'un élément à un autre ne serait-il pas possible, et ne devrait-on pas le chercher par l'intermédiaire des corpuscules 2.000 fois plus petits que l'atome dont j'ai parlé il y à un instant? Cette idée avait été émise par M. J.-J. Thomson, à propos des rayons cathodiques:; elle se présente avec plus de force pour le radium. « Les transformations progressives du radium, obser- vées par M. et Mme Curie, doivent à cette hypothèse un haut degré de vraisemblance ; mais cette vraisemblance confine presque à la certitude à la suite d’une expé- rience exécutée pour la première fois par Sir William Ramsay et M. Soddy. « Ayant enfermé de l’'émanation dans un tube et l'ayant étudiée au spectroscope, ils virent peu à peu apparaitre et croître graduellement le spectre du Corps resté longtemps hypothétique et mystérieux, l'hélium. « M. Ramsay ne méritait pas moins que l'honneur de cette découverte, lui qui, pour la première fois, trouva sur la Terre l'hélium entrevu jusqu'alors par les astro- nomes dans les astres lumineux, et dont beaucoup de chimistes contestaient l'existence. « Voilà donc le cycle qui s'achève: voilà bien, semble- Lil, la transmutation de la matière surprise dans sa réalité, et non pas conclue comme vague probabilité des faits contingents. « Ces faits élant bien admis, la théorie que nous exa- minions s'achève aisément. On n'a pas pu, jusqu'ici, pro- duire la transmutation : qu'est-ce à dire? sinon qu'elle exige des procédés infiniment plus énergiques que ceux que nous possédons, ou que, quand elle se produit d'elle-même, elle est susceptible de dégager une énergie immensément plus grande que celle de toutes les trans- formations chimiques telles qu'on les à considérées jusqu'ici. Le radium nous en donne la mesure: elle est prodigieuse; mais, l'hypothèse qui précède une fois admise, cette quantité d'énergie n’est pas faite pour nous surprendre. « Je ne m'arrêterai point ainsi aux phénomènes ter- restres, mais j'essaierai de montrer quelles peuvent être les lointaines conséquences des faits qui viennent. d'être rapportés, pour l'évolution du Monde, pour le passé et pour l'avenir de l'Univers, 576 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE « Un physicien anglais, M. Wilson, a fait un calcul très simple montrant que, si le Soleil contenait 2 ou 3 grammes de radium par tonne, ce radium suffirait à expliquer l'énergie qu'émet notre astre central. On pourra faire bon marché de l'objection résultant du fait qu'on n’observe pas dans le spectre solaire les raies du radium, car, à la dilution supposée par M. Wilson, ces raies seraient invisibles. Mais on remarquera que cette hypothèse de M. Wil- son est purement gratuite, et que, s'il est vrai que le radium étudié dans les laboratoires a toujours émis, depuis qu'on l'observe, l'énergie dont j'ai donné plus haut la valeur, rien ne nous autorise à penser que son émission restera toujours la même; nous aimons même à croire qu'il n’en sera pas ainsi. « Considérons la question sous une autre forme : la transmutation du radium avec grand dégagement d'énergie, l'existence du polonium, qui se transforme encore plus rapidement, et de l'actinium, trop rare pour qu'on ail pu encore en étudier les effets, la radio- activité du thorium et de l'uranium, dont la dégrada- tion est plus lente ou plus limitée, nous donnent à penser que d’autres corps peuvent éprouver les mêmes changements, et dégager des quantités d'énergie con- sidérables. « La température doit évidemment exercer une ac- tion importante sur de telles transformations, et 1] est fort naturel de penser qu'à la température de 6.000°, que l'on attribue au Soleil, un grand nombre de matières peuvent se trouver dans l'état de transformation où nous observons aujourd'hui le radium sur la Terre. « Si cette hypothèse est exacte, nous voyons immé- diatement la provision d'énergie du Monde croitre dans une énorme proportion; nous voyons se prolonger très loin en arrière la formation des soleils, et nous voyons leur période de refroidissement presque indéfiniment accrue. Partant de là, les astronomes peuvent sans dif- ficulté accorder aux géologues les longues périodes dont ils ont besoin pour expliquer la transformation des ètres etdes choses. Mais, surtout, les physiciens peuvent faire espérer, pour l'avenir, une mort plus lente du Monde que nous habitons, un refroidissement plus prolongé de cette Terre qui nous porte et de ce Soleil dont les rayons nous donnent et nous conservent la vie. Ceux qui s’attristent à la pensée de la fin prochaine de notre race se réjouiront, en peusant à la radio-activité décou- verte par M. Becquerel, que cette fin est pour long- temps différée. Ceux qui croient et espèrent en l'avenir de l'humanité remercieront M. et Mu Curie de nous avoir donné, par la découverte et Fétude du radium, la lueur d'une espérance nouvelle. » Le photomètre à secintillation Simmance et Abady.— Le photomètre à scintillation, dont linven- teur est probablement Ogden Nicholas Rood, mort récemment après avoir longtemps professé la Physique à Columbia College, de New-York, utilise ce fait que l'alternance régulière et suffisamment rapide de deux impressions diversement colorées donne naissance à une sensation de papillotement ‘angl. ficker, allem. littern, {limmern), qui disparait pour des valeurs con- venables des intensités des deux lumières. Dans l'appa- reil actuel, une pièce comme celle que représente la ligure 1, et dont les parties utiles appartiennent à deux cônes de révolution égaux dont les axes sont parallèles, tourne autour d’une parallèle S, S, à ces axes, con- tenue dans leur plan, à égale distance des deux. Les traits pointillés figurent les parties non utilisées des cones. Les deux sources à comparer sont situées sur cette troisième droite, perpendiculairement à laquelle on observe. Les deux surfaces coniques, qui recoivent respectivement les rayons des deux sources, occupent alternativement le champ de vision. On déplace le pho- lomètre entre les sources jusqu'à ce que le papillote- ment disparaisse. D'après les auteurs, les résultats sont entièrement indépendants de l'observateur ; c'est ainsi qu'eux- mêmes, qui ont une grande habitude des mesures pho= tométriques, mais une vue médiocre, ont fait les mêmes lectures qu’un patient dont la pupille avait été dilatée par l'atropine et qu'un sujet atteint de daltonisme complet. Contrairement à ce que l’on observe, sous le nom de phénomène de Purkinje, dans les expériences sta tiques, les rapports mesurés par le nouveau photo- mètre ne dépendraient pas non plus des valeurs abso= lues de l'éclat des deux portions de surface ; ils seraient déterminés uniquement par le quotient des distances Fig. 1. — Vue perpendiculaire au plan des axes des deux surfaces coniques. — On observe normalement au plan de la figure. des sources au photomètre. Enfin, en comparant deux sources à une troisième, on obtiendrait bien le même rapport que par la comparaison directe. Cette dernière affirmation s'appuie sur les nombres du tableau ci-dessous. Pour les déterminer, on a placé aux deux extrémités du banc photométrique deux sources blanches égales, et l'on a mis successivementun verre de couleur devant chacune d'elles et mesuré l'in tensité par comparaison avec la source restée décou- verte; c'est ainsi qu'ont été obtenus les couples de nombres de la première colonne. La deuxième colonne contient les rapports calculés de ces nombres et la troisième donne les rapports des intensités, déter- minés expérimentalement. La perfection de l'accord conférerait au photomètre Simmance et Abady une incontestable supériorité sur tous les appareils sta- tiques: il serait d'autant plus désirable de voir ces résultats confirmés que le principe même de la méthode peut paraître discutable, comme la indiqué Fig. 2. — Vue parallèle au plan des axes. — L'observateur est placé dans la direction de la flèche inférieure. M. Broca à la séance du 15 avril de la Société francaise de Physique, où M. Lauriol a présenté l'appareil (voir la Revue, p. 4681. COULEUR INTENSITÉ FEAPPORT RAPPORT des verres en bougies calculé observé Vert des signaux . . 21,8 DUR AI Rouge des signaux . 15.6 \ 1,5 1,39 Jaune. 9,15 É EE Bleu 2 0SS #,67 4,75 Naune: 1 UPErTAIERE 10,01 ? : JE Rouge M2 1,45 \ 6,9 6,56 N'ES EL Dr 2,16 l : Bleu 20.108 1,08 Pourpre UE 2,0 l : 5 Rouge. ROOMS 1,27 POURDIe ENTRE 3,91 de = à AE Ù Vert des signaux . . 2.0 1,95 1,9 tee « CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 57 $ 4. — Chimie biologique ‘acide sulfhydrique dans les fermenta- tions alcooliques. — On sait que, parmi les dias- tases, se trouvent deux groupes, les oxydases et les réductases, les premières ayant pour action d'oxyder les corps comme le feraient l'ozone, les composés oxy- génés du chlore ou tout autre oxydant inorganique, tandis que les secondes les réduisent. Sous l'action de ces réductases, le soufre et, en général, tous les métalloïdes de la deuxième famille, ainsi que le phosphore et larsenic, sont réduits, et le soufre, qui nous intéresse plus particulièrement ici, donne de l'hydrogène sulfuré. Le fait est connu depuis longtemps, car certaines eaux-de-vie du Midi devien- nent imbuvables par la présence du soufre à l’état de thiol; on dit alors qu'elles sont pourries, et la produc- tion du composé sulfuré est due à l’action de la dias- tase soit sur les sulfates répandus sur les grappes par l'emploi des bouillies, soit sur le soufre provenant du traitement de l’oidium. Mais, ce qu'il importait de pré- ciser, C'était les conditions dans lesquelles prend naissance et surtout agit la diastase : c'est ce que vient de déterminer M. Pozzi-Escot'. Pour cela, il a préparé une liqueur contenant 100 grammes de levure, 1 gramme d'acide tartrique, des traces de phosphate de magnésium et de phosphate d’ammonium, le tout dans 1 litre d’eau contenant 10 °/, de saccharose. Il porta une première portion de ce liquide à 25 > et dosa à des époques successives la proportion d'acide sulf- hydrique produit. Rien ne se manifesta jusqu'à ce que la quantité de saccharose eût baissé au 1/10 du poids primitif; à partir de ce moment, la production de l'hydrogène sulfuré crut rapidement à mesure que la quantité de sucre diminuait. M. Pozzi-Escot étudia alors, sur la deuxième partie du liquide, la vitesse de diffusion, et il put constater que, tandis que la sucrase diffusait au commencement, la diastase réductrice ne diffusait qu'à la fin. De ces faits, il ressort donc nettement que la réductase n’agit pas pendant toute la vie active de la zymase alcoolique; mais qu'au moment où cette dernière diastase com- mence à souffrir, au moment où sa production se ralentit sensiblement, alors le ferment réducteur entre en pleine activité et donne naissance à d'autant plus d'acide sulfhydrique que la sucrase cesse plus rapide- ment de se produire. $ 5. — Botanique Formation de l’épiplasme chez les Asco- mycètes. — La production des fleurs, la formation et le développement des fruits exigent de la plante une certaine dépense d'énergie. Aussi se prépare-t-elle, par l'accumulation de réserves, à fournir, dans le court espace de temps nécessaire, les matières qu'il lui serait impossible d'élaborer au moment mème. L'homme a su utiliser de maintes facons ces réserves : depuis la betterave, qu'il récolte après un an, lorsque tout le sucre amassé va servir à pousser une inflorescence d’un mètre environ, jusqu'au Fourcroya ou aux Agaves, dont les réserves, accumulées pendant cent et même deux cents ans dans les immenses réservoirs naturels formés par les feuilles, donneront au Mexicain attentif, qui vient couper à son origine le bourgeon floral, quelques hectolitres de ce vin bien connu sous le nom de Pulké. Mais ce n'est pas seulement dans ces circonstances facilement visibles qu'a lieu la production des réserves; pour les plus humbles plantes, pour les formations florales les plus minimes, il y a des accu- mulations de produits, plus ou moins faibles il est vrai, mais que d'actives recherches et les puissantes mé- thodes modernes font mieux connaître chaque jour. Une excellente contribution à cette partie de la Bota- ! Bulletin de l'Association des Chimistes, avril 1904. nique vient d'être apportée par M. Guilliermond® dans son étude sur les corpuscules métachromatiques que l’on rencontre dans l'épiplasme de la plupart des Asco- mycètes. Il a étudié un certain nombre de ces cham- pignons, entre autres : l'Aleuria cerea, l'Ascobolus marginatus, | Aleuria olivea, pour citer les principaux, et a constaté l'existence des corpuscules métachroma- tiques dès l’origine, au moment où l’asque se forme par la bipartition des deux noyaux de la cellule-mère; toutelois, ces corpuscules manquent chez la Leotia lubrica et chez quelques autres. Par contre, le glyco- gène est toujours présent, et l'on rencontre aussi, plus particulièrement accompagnant les corpuscules méta- chromatiques, de petits globules d'huile. Quel est le rôle de ces divers produits, dont une technique très sure à permis à M. Guilliermond d'observer l'existence dans ses détails? Ce savant n'hésite pas à leur attribuer un rôle important dans la formation des spores. Nés aux dépens du cytoplasme, soumis sans doute à l’in- fluence indirecte du noyau dans le voisinage duquel ils se trouvent toujours, ces corpuseules métachromatiques contribuent au développement des spores, mais en temps que matières de réserve analogues au glycogène et aux globules d'huile et non pas, comme on avait d'abord voulu le voir, comine germes zymogènes secrétant des diastases. On ne peut non plus admettre qu'ils servent à hydrolyser le glycogène ou à rendre l'huile assimilable, car alors on ne saurait s'expliquer les cas, rares il est vrai, mais qui n'en existent pas moins, où les deux principes ne coexistent pas. Voici done un nouveau cas de réserve en vue de la reproduction végétale; il est certain que cette impor- tante question des transformations et de Passimilabilité des réserves nous donnera d'iei peu les résultats les plus intéressants, grâce aux nombreuses études dont elle est actuellement l'objet. Le noyau des Bactéries et sa division. — Vejdovsky? étudie une grande bactérie, qui vit en sym- biose dans le sang des Gammarus du lac Garschina (Bacterium Gammari), et une bactérie filamenteuse rencontrée dans l'intestin d’un Oligochète, le Bryodri- lus Eblersi. Ces deux formes possèdent un cytoplasme alvéolaire et des noyaux bien typiques avec chromatine, membrane et sue nucléaire. Dans les bactéries à articles séparés, il occupe généralementle centre des bâtonnets. Ces noyaux se divisent par un procédé qui se rapproche certainement des mitoses de Protozoaires; on distingue très nettement un fuseau biconique avec couronne équatoriale de chromatine, mais sans asters polaires; un autre stade présente deux plaques polaires chroma- tiques réunies par un faisceau de filaments. Les bacté- ries, ou du moins celles-là, ne sont donc point des cellules dont le noyau est représenté par des chromidies éparses dansle cytoplasme, comme lepensaitR. Hertwig. Mais est-il absolument certain que les formes étudiées par Vejdoysky sont bien des bactéries? $ 6. — Psychologie Les rudiments psychiques de Fhomme. — Sous ce titre, M. Metchnikoff, de l'Institut Pasteur, vient de faire une conférence à l’{nstitut général psycholo- gique. Après avoir exposé que l'on trouve chez l'homme des organes atrophiés qui peuvent exceptionnellement reparaître chez certains individus, le conférencier à fait remarquer que beaucoup d'aptitudes et d'habitudes, qui semblent abolies, peuvent, de mème, exceptionnel lement reparaître, et cela sous l'influence d'émotions violentes, comme la peur, ou d'états anormaux, comme ceux du somnambulisme naturel. A l'appui de sa thèse, M. Metchnikoff cite certains traits physiologiques et ?evue générale de Botanique, février 190%. Ueber den Kern der Bakterien und seine Teilung (Cen- tralb. für Bakteriologie, Bd. XI, p. 1904, 481. 1 578 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ———__—_ aa aaEgEgE = le psychologiques des gorilles et des chimpanzés, qui sont doués d’une force musculaire, d’une agilité et d'une sûreté de mouvements extraordinaires. Puis il signale, d'autre part, des cas de somnambulisme où l’on à vu des hommes marcher sur les toits et faire des ascen- sions périlleuses avec une assurance et une adresse qui étonnent ceux qui ont pu être témoins de ces scènes émouvantes.Il semble que, dans cet état second, l'homme manifeste une mémoire et des habitudes d'états anté- rieurs préhumains, presque abolis à l’état de veille, mais qui renaissent alors dans toute leur force. Peut- ètre les cas de sensibilité extrême de l'olfaction, de l’ouie et de la vue, et même certains faits de lucidité ne sont-ils que la réapparition de facultés sensorielles encore en activité dans quelques espèces animales, mais disparues dans la descendance au cours des âges. Il y a évidemment là une idée féconde, riche en aperçus nouveaux. 7. — Sciences médicales A La greffe thyroïdienne chez lhomme.— M. le D: H. Cristiani, professeur à la Faculté de Médecine de Genève , essaie de réhabiliter cette opération, dans le traitement du myxæœdème et de l'insuffisance thyroïi- dienne. Il poursuit le double but d’éviter la transplan- tation corps à corps, qui présente de nombreux incon- vénients, et de rendre l'implantation plus facile, en lui enlevant.les caractères d'une véritable opération. Il à done étudié les moyens de conserver le tissu thyroïdien dans différents liquides et il a vu que, pour le corps thyroïde du rat et du lapin, çette conservation est possible dans le sérum artificiel et dans le sérum san- guin de quelques animaux. Pour simplifier l'implanta- tion, il fait pénétrer, dans l'organisme récepteur, les parcelles thyroïdiennes, réduites en très petits fragments et, pour ainsi dire, émulsionnées dans le liquide con- servateur, au moyen d’un trocart ou d'une grosse aiguille creuse montée sur une seringue. Ce procédé rend l'opération de la greffe à peu près aussi facile qu'une injection de sérum; peut-être pourra-t-il rendre de nombreux services ou, dans tous les cas, donner des succès à ceux qui l'utiliseront. On sait, en effet, que, jusqu'ici, cette opération n’a pas donné de résultats favorables. Lannelongue, Bet- tencourt et Serrano, Walther et Merklen, Wülfler, Robin, Macpherson, Gibson, Von Gerner, ont essayé la transplantation de la glande thyroïde du mouton à l’homme; l'amélioration n'a jamais excédé deux mois. Dès 1883, Kocher avait fait des greffes de sub- stance thyroïdienne humaine et il a été suivi par d'autres chirurgiens, tels que Bircher, Von Eiselsberg, Gottstein: dans tous ces cas, la substance employée pour les greffes provenait de goîtres extirpés. Les ré- sultats de ces essais furent moins que favorables, de telle sorte que la plupart des auteurs avaient relégué, parmi les rêves thérapeutiques irréalisables, cette mé- thode des greffes que vient d'essayer de réhabiliter M. le Dr Cristiani. Monstre hétéradelphe vivant. — M le D' Lu- geol vient de présenter, à la Société de Médecine et de Chirurgie de Bordeaux, un monstre qui, d'après la classification de Geoffroy Saint-Hilaire, doit être dénommé monstre parasitaire de la famille des Hété- rotypiens, genre hétéradelphe. Ce genre est carac- térisé, comme on le sait, par la présence d'un parasite suspendu à la partie antérieure du corps du sujet prin- cipal. Il est exceptionnel de voir un monstre de cette sorte arriver à l’âge adulte. Le sujet actuel à dix-huit ans; il est issu d'une famille italienne habitant Buenos- Ayres; son père était un forain, montreur d'animaux, mort jeune; on ignore la cause de sa mort; la mère est vivante et bien portante; il est le cinquième de treize enfants, dont six sont vivants et assez bien constitués; 4 Semaine médicale, 1904, p. SI. avant lui, il y a eu un monstre sternopage qui aurait vécu jusqu'à dix ans; après lui, il y à eu un autre monstre, sternopage aussi, expulsé avant terme el macéré. Le parasite, implanté sur la partie antérieure du thorax, est constitué par les deux membres supé- rieurs, un rudiment de thorax, le bassin et les membres inférieurs; le tout est très incomplètement développé: les organes génitaux sont, au contraire, très bien déve- loppés; la fonction urinaire existe, mais l'anus est im=— perforé; quant à la température du parasite, elle est inférieure de quelques degrés à celle du sujet; il n'y à aucune trace de tête, ni de cou. Le jeune homme ne présente pas d'autres malformations; sa santé est assez bonne, quoique délicate. $ 8. — Géographie et Colonisation La Mission Auguste Chevalier à la Sor- bonne. — La Société de Géographie de Paris à tenu récemment, dans le grand amphithéâtre de la Sor- bonne, une séance solennelle en l'honneur de M. Au- guste Chevalier, chef de la Mission scientifique du Chari-Lac Tchad et directeur du Laboratoire colonial du Muséum de Paris. M. Grandidier, membre de lIns- titut, présidait, entouré des collaborateurs de M. Che- valier : MM. Courtet, officier d'administration, Decorse, médecin militaire, et Martret, chef de station agrono= mique au Soudan. De l’éloquent récit, fait avec une grande simplicité par M. Chevalier, nous voudrions retenir les principaux points, en insistant sur les résultats scientifiques de ce beau voyage de l'Oubangui au lac Tchad à travers le bassin du Chari. Cette exploration, accomplie de 1902 à 1903, peut ètre considérée comme la continuation de l'œuvre concue par le général de Trentinian. On sait, en effet, qu'après la période de conquête, cet éminent colonial avait entrepris d'établir l'inventaire des productions naturelles de ce pays. M. Chevalier, séduit par un pre- mier voyage en Afrique tropicale, qui déjà lui avait donné de précieux résultats, s'était promis de pénétrer plus avant dans le continent noir, jusque dans le bassin du Tchad, que les expéditions de Gentil, de Foureau et Lamy, de Joalland et Meynier, venaient de placer sous, la domination française. Son programme était vaste : étudier les productions agricoles et forestières de l'Afrique centrale; y recueillir des collections pour nos musées: inventorier la faune, la flore et les richesses minérales; créer un jardin d’acclimatation pour intro duire en Afrique centrale les plantes utiles qui y man- quent; étudier l'état social des indigènes, etc. C’est le 3 août 1902 que la Mission Chevalier quittait Brazzaville, sur le vapeur du Service administratif qui l’'emmenait jusqu'à Bangui. La montée du Congo est des plus intéressantes pour un naturaliste. Ce sont d'abord les coteaux des pays Batékés, couverts de hautes herbes, de grandes fougères, de quelques ar- bustes chétifs, parmi lesquels deux espèces de Landol- phia fournissent par leurs racines ce qu'on à appelé le caoutchouc des herbes. À propos de ces plantes, M. Chevalier signale un fait biologique intéressant : pendant la saison sèche, les : incendies de brousse consument toutes les parties aériennes des plantes. L'action répétée de ces incendies a dû faire disparaitre les végétaux qui n'étaient pas en état de résister, tandis que les autres plantes ont dù s'adapter à ces conditions biologiques particulières, soit en couvrant leur tronc d’une carapace de liège qui protège l'arbre contre le feu, soit en s’enterrant pro= fondément et en réduisant leur partie aérienne, qui réussit alors à fleurir et à fructifier pendant les quel- ques mois où il n'y a pas d'incendies. Ainsi, les grandes. lianes qui grimpent jusqu'au sommet des arbres de la forêt, et qui fournissent le caoutchouc par leur tronc, sont devenues de petites tiges annuelles de la grosseur d'une paille, et atteignant à peine la hauteur des herbes au milieu desquelles elles croissent. Chaque année, ces ) fs CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 579 tiges brülent, mais les rhizomes et les racines conti- nuent à croitre et s'allongent démesurément. Il en ré- sulte que le caoutchouc, au lieu de se trouver dans l'écorce des tiges, comme c'est le cas dans les grandes lianes, se rencontre exclusivement dans les parties souterraines. Ces deux Landolphia sont extrêmement abondantes, et elles constituent pour notre Congo fran- çais une richesse dont l'exploitation vient seulement de commencer. Puis, remontant le fleuve, on s'enfonce dans la forêt équatoriale, ef l’on passe, sans s'en apercevoir, du Congo dans le Bas-Oubangui, où la flore est exubérante. De nombreuses espèces utiles y croissent sous le couvert imposant de la forèt : lianes à caoutchouc, colatiers, caféiers, vanilliers, poivriers. Une espèce de copalier, dont le tronc ressemble à nos hêtres, forme le fond de la végétation, et la gomme copal qui en découle s’ac- cumule dans le sol de la forèt. Le Xichxia elastica, l'unique arbre à bon caoutchouc indigène, est commun dans les forèts du Congo et de l'Oubangui, et en beau- coup d’endroits il n’est pas exploité. Malgré ses richesses naturelles, cette région est peu prospère. C'est que les Bondijos, qui habitent le nord de la forêt de l’'Oubangui, constituent l'une des races humaines les plus dégradées par l’anthropophagie, et l'une des plus réfractaires à la civilisation. Il n’est pas rare de rencontrer autour des cases des trophées de crânes humains bouillis dans la marmite ou rôtis sur la braise les jours de fête. « Les indigènes les plus dis- tingués se parent encore d’élégants colliers de dents humaines pour venir nous saluer », dit M. Chevalier. Quelle est la cause de cette anthropophagie ? Est-ce, comme le pensait Stanley, le besoin de manger de la viande dans un pays où l'élevage du bétail est inconnu et où les produits de la chasse sont rares? Ou bien, est-ce, comme chez les Bandas, une sorte de fétichisme qui pousse les vainqueurs à dévorer les vaincus dans lespoir de s'assimiler leur force ? M. Chevalier penche pour cette dernière hypothèse, car les indigènes morts naturellement ne sont ordinairement pas mangés, mais jetés dans l'Oubangui qui charrie leurs cadavres. Le Haut-Oubangui. — Le 31 août, la Mission arrivait à la Kémo, ef, dès le 10 septembre, elle faisait choix, pour la création d'un jardin d'essai, d'un beau coin de brousse, ayant environ un kilomètre de longueur et situé sur le bord de la Tomi. M. Martret y ensemenca de nombreuses graines, et l'on y vit germer les citronniers, les mandariniers, les orangers, et d’autres plantes ap- portées du Muséum de Paris ou du Jardin colonial de Nogent. Puis M. Chevalier prit contact avec les principales peuplades de Ja race Banda, qui sont aussi anthropo- phages, mais moins passionnément que les Bondjos. Après les combats, les guerriers découpent les corps de leurs ennemis tués et les font rôtir. « Cela nous donne de la force pour nous battre ensuite », disait un vieux Banda à M. Chevalier. Le 11 novembre, M. Chevalier se mettait en marche pour les Etats du sultan Snoussi, et suivait un sentier qui traverse un pays aujourd'hui désert, mais où exis- aient, il y a quelques années, de nombreux villages. Le pays des Snoussi. — Fort-Crampel est le poste le plus rapproché de la capitale du sultan Snoussi, la ville de Ndellé. Après douze jours de marche, M. Chevalier arriva auprès du sultan, qui lui fit un accueil extrème- ment cordial. Il lui présenta les productions de son Pays : noix de palmier à huile, fibres du raphia, poivre d'Ethiopie, cerises de café sauvage, etc. Il donna mème, en l'honneur de la Mission française, une revue où il fit défiler 1.500 soldats avec les bannières déployées. En échange, la Mission lui fit connaître le caoutchouc des herbes qu'il n’exploitait pas; or, tandis que les grandes lianes, seules exploitées, ne peuvent fournir que 30 tonnes de caoutchouc au maximum, le caout- Chouc des herbes pourrait en procurer 1.000 tonnes. A propos du sultan Snoussi, M. Chevalier dégage en quelques mots les causes de l'assassinat de l’infortuné 4 Crampel : celui-ci s'était fié, comme guide, à un mu- sulman fanatique qui avait joué un rôle actif dans le massacre de la Mission Flatters, et qui conseilla au sultan de faire ou de laisser assassiner l'explorateur. Selon M. Chevalier, le sultan est aujourd'hui rallié aux intérêts français : de marchand d'esclaves, il est devenu marchand de caoutchouc. A la limite des trois bassins : Oubangui, Chari, Nil, M. Chevalier rencontra une nouvelle espèce de caféier sauvage, le Coflea excelsa, arbre atteignant 20 mètres de haut et dont le café est d'un arome exquis. Ce café est, d’ailleurs, connu des Arabes, et chaque année il en part une petite quantité au Ouadaï. Les marais du Mamoum et des régions avoisinantes sont très giboyeux : plusieurs espèces d’Antilopes vivant en troupeaux, Girafes, Buffles, Rhinocéros, quel- ques troupeaux d'Eléphants, Lions, Panthères, Hyènes. Dans les rivières profondes abondent les Hippopotames, les Crocodiles et les grands Siluridés. Un fait curieux à signaler est que la mouche Tsé-Tsé y est fort abondante et que, cependant, la maladie du sommeil y est presque inconnue. Le moyen Chari. — M. Chevalier quitte Ndellé le 2 mai 1903 et atteint Fort-Archambault, sur le Chari, une vingtaine de jours après. Là se trouve un groupe- ment humain des plus intéressants, bien étudié par le D' Decorse et qui fut observé pour la première fois par Maistre. Les hommes atteignant une taille de deux mètres n'y sont pas rares et la force de quelques-uns est herculéenne. Ils portent comme vêtement une peau de chèvre dans le bas du dos. On peut fonder des espé- rances sur ce peuple de colosses doux et pacifiques, car ils sont de laborieux cultivateurs, ignorent l’anthro- pophagie et sont assez disciplinés. Ce pays est fertile. On se croirait, dit M. Chevalier, dans la boucle du Niger avec tous les arbres caracté- ristiques du Soudan occidental, à l'exception du Baobab, qui fait défaut au Tchad. Malheureusement, ce pays manque de ressources forestières capables de créer un courant commercial. Sur les bords du lac Iro se trouvent des tribus vivant au milieu des marécages et curieuses par les types humains qu'elles présentent : leur corps est fluet, mais leurs jambes démesurément allongées en font de véritables échassiers, circulant avec la plus grande facilité à travers les étangs et les boues molles. D'autre part, il n’est peut-être pas de race au monde où le beau sexe arrive à se déformer le visage d'une facon aussi extravagante : chaque oreille est garnie de 5 à 8 anneaux en cuivre : les ailes du nez sont percées et garnies de pailles ou de billettes de bois; les lèvres sont trouées pour supporter des rondelles de bois dont la largeur atteint parfois celle d'une soucoupe. Le Baguirmi. — M. Chevalier montre combien est variable chaque année la hauteur des crues des rivières du Tchad et combien est aléatoire l'emploi de ces cours d’eau pour la navigation régulière. Cette région se des- sèche progressivement, et les transports par eau y deviendront de plus en plus difficiles. Actuellement, le Baguirmi paraît bien pauvre, si l’on songe à son ancienne splendeur. Son sultan Gaourang reçut la Mission Chevalier avec cordialité, D'ailleurs, l'explorateur Gentil a laissé sur ce sultan, comme sur tous les chefs de l'Afrique centrale, une impression profonde : « J'était perdu, dit-il, quand Allah m'a envoyé un jour Gentil et les Français ». Aussi est-il un allié sûr pour la France. De la capitale du Baguirmi, la célèbre ville de Mas- senia, décrite avec tant de soin par Barth, en 1853, il ne reste plus que des ruines envahies par la végétation. Dans cette région, le rôle de la France, pendant long- temps encore, ne pourra être que philanthropique; mais, après avoir supprimé l’'oppresseur Rabah, notre devoir est d'aider ce pays à se relever de ses ruines. Le Tchad. — La flore spontanée est presque exclusi- vement composée d'arbustes épineux et d'herbes annuelles. L'Acacia Verek et l'Acacia arabica sont’ 580 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE les deux seules plantes qui aient quelque valeur. L'Autruche y vit par troupeaux de quatre ou cinq indi- vidus : elle est domestiquée dans la plupart des villages de la région. Les Aigrettes et les Marabouts vivent par bandes nombreuses vers le bas Chari. Au sud du Tchad, on trouve le Phacochère, le Lièvre d'Egypte et de nom- breux oiseaux de rivage. Dans le lac, on trouve des Cro- codiles, des Hippopotames et des Lamantins. Notons que les Eléphants n’ont pas encore complètement dis- paru des maigres steppes avoisinant le Sahara. Selon M. Chevalier, 1l est probable qu'à l'époque pré- historique le Chari se prolongeait jusqu'au cœur du Sahara, traversait le désert libyque et s'en allait tom- ber, comme le Nil, dans la Méditerranée. Partout on trouve des preuves de l’assèchement progressif de ces contrées et de l'envahissement de la zone soudanaise par le climat saharien. Le 4 octobre, M. Chevalier quittait les îles du Tchad et, le 25 décembre, il arrivait à vingt-deux jours de France par la voie belge, sans avoir rien perdu de ses précieuses collections. La précision de la méthode de cet explorateur aussi bien que la solidité de ses connaissances scientifiques donnent une grande valeur aux conclusions qu'il à posées et que nous allons maintenant indiquer. Conclusions. — Les pays parcourus par la Mission et ceux que M. Chevalier avait visités dans ses précédents voyages forment une immense bande de terrains légèrement inclinés vers le nord, couverts de futaies clairsemées et de grandes savanes. Cette bande souda- naise s'étend depuis la grande forêt équatoriale jusqu’au désert saharien. D'autre part, elle va des côtes de l'Atlantique au massif abyssin et, par le sud du pays des Somalis, elle s'étend jusqu'à l'Océan indien. De toutes les nations, la France possède dans cette bande le plus vaste empire, car sa domination s'étend sur la Sénégambie et la Guinée française, sur une grande partie du bassin du Niger, et sur la presque totalité du bassin du Chari. Ce pays a pour notre ave- nir colonial une valeur incontestable, d'autant plus que les peuples du Soudan sont supérieurs aux autres Noirs. Presque tous sont attachés au sol qu'ils ont conquis sur la forêt et qu'ils ont cultivé quand le gibier et les fruits de la brousse ne leur ont plus suffi. Sans doute, pendant des siècles, la traite des Noirs accumula dans tout le Soudan des ruines effroyables; mais, avec la pénétration française, une ère nouvelle de prospérité a commencé. L'éxploration scientilique du Soudan est assez avancée pour laisser entrevoir les principales ressources naturelles, dont notre commerce pourra tirer prolit. Au sud, dans la zone qui s'étend vers la forèt vierge, se trouvent des lianes à caoutchouc de grande taille, ainsi que les herbes à caoutchouc dont nous avons parlé. On peut y cultiver des arbres fournissant la cola, si recherchée des Noirs, ainsi que des caféiers qui y poussent déjà à l'état sauvage. La zone moyenne est la plus peuplée. C'est le pays des grandes cultures. C’est de là que nous pourrons peut-être tirer le coton nécessaire à notre industrie. Et l’on sait que cette question, à l'étude de laquelle M. Chevalier s'était particulièrement attaché lors d'un premier voyage au Soudan’, a sollicité l’attention des planteurs et des tisseurs français. 1 À. CHEVALIER : L'avenir de la culture du cotonnier au Soudan français. Bulletin de la Soc. d'Acclimat., août 1901. Enfin, les steppes du nord, où vivent les Autruches et où se rencontrent les acacias donnant la gomme ara- bique, sont des pays de pâturages et de peuples pas- teurs. Dans chacune de ces trois zones, les ressources natu- relles sont identiques, des rives de l'Atlantique aux confins du bassin du Nil. La partie du Soudan étudiée, par la Mission Chevalier est celle dont l’évolution est la moins avancée, et c'est aussi celle où la traite des. esclaves et les guerres incessantes ont accumulé le plus. de ruines. Une longue période d'administration pré- voyante est donc nécessaire avant que nous puissions tirer profit de cette région. Mais les territoires de l'Afrique occidentale française, aujourd’hui unifiés, offrent un débouché qui peut suffire à notre activité jusqu'au jour où le bassin du Tchad, à son tour, se pré- sentera dans des conditions plus favorables à la colo- nisaltion. « La France, a dit M. Chevalier en terminant, est le pays des grandes et généreuses entreprises; elle est, en outre, assez riche pour attendre l’époque encore loin- laine où elle trouvera en Afrique centrale la récompense de ses efforts. » E. Caustier. $ 9. — Enseignement Les Écoles pratiques d'Agriculture. — Un décret du Ministre de l'Agriculture vient de régler sur de nouvelles bases l'organisation et le fonctionnement des Ecoles pratiques d'Agriculture. Ces écoles, qui avaient été créées en 1875, sont intermédiaires entre les fermes-écoles, destinées à former de bons ouvriers et contremaîtres agricoles, et les Æcoles nationales d'Agriculture, formant des agronomes, des agriculteurs et des professeurs. Leur but est de donner l’enseigne- ment professionnel agricole aux fils de cultivateurs, propriétaires et fermiers, et en général aux jeunes gens qui se destinent à la carrière agricole. Une expérience de près de trente années a démontré que le fonctionnement de ces établissements laissait à désirer et qu'ils ne rendaient pas les services qu'on était en droit d'en attendre. Les causes de cet insuccès, d’après le Rapport minis- tériel, sont de deux sortes : originelles et profession nelles. Parmi les premières, nous citerons un mauvais choix pour l'emplacement de l’école, une installation insuffisante, le régime adopté pour l'exploitation de la ferme annexée à l’école, etc. Parmi les causes professionnelles, il faut citer l’insuf- fisance des aptitudes de certains directeurs et d'un cer- tain nombre de professeurs, dont la valeur n'avait pu être suffisamment appréciée au moment de leur nomi- nation, l'inexpérience pédagogique d'une partie du corps enseignant, et enfin l'application défectueuse des programmes, des cours théoriques et des travaux pra= tiques. Afin de remédier à ces inconvénients, le Ministre à décidé que l'Ecole devrait être placée dans un milieu tures bien dirigées; que les bâtiments scolaires de= vraient être à portée de ceux de la ferme, pour que pro= fesseurs et élèves soient constamment mélés à la vie de l'exploitation; enfin que, pour assurer le choix de bons directeurs, il faudrait soumettre les candidats à un concours sur titres. = mit vraiment agricole, où professeurs et élèves puissent avoir constamment sous les yeux des exemples de cul= SIR WILLIAM RAMSAY — L'ÉMANATION DU RADIUM 581 L'ÉMANATION DU RADIUM SES PROPRIÉTÉS ET SES CHANGEMENTS Pour caractériser une matière quelconque, on * recherche quelles sont ses propriétés particulières, quelle est l'action de la pesanteur sur cette subs- tance, quelle place elle occupe dans l'espace, enfin si elle change d'état. Si cette substance est ga- zeuse, on la liquéfie par refroidissement; si elle est liquide ou solide, on la vaporise en l’'échauffant. De plus, on cherche à la caractériser par son spectre. Les dénominations d'effluve et d’émanaltion, ap- pliquées aux phénomènes de la radio-activilé, pos- sèdent, il faut le reconnaître, quelque chose d'in- tangible et de mystérieux. Autrefois, on attribuait à l'air atmosphérique des effluves; on a parlé aussi d’émanalions terrestres, magnétiques ou stellaires, termes qui s'appliquaient à des phé- nomènes incompris, qui paraissaient immatériels. Les expériences que nous avons poursuivies avec M. Soddy et avec M. Collie nous ont convaincu que l'émanation qui s'échappe du radium pos- sède les propriétés d'un gaz vérilable qui suit la loi de Boyle-Mariotte, d'un corps pesant que l'on peut condenser à très basse température, et qui possède une tension de vapeur, même à la tempé- rature d’ébullition de l'air atmosphérique. Nous avons pu mesurer la quantité d'émanalion qui s'échappe du bromure de radium dans un temps connu et nous avons pu déterminer la posi- tion de ses raies spectrales les plus lumineuses. Nous présentons aujourd'hui le résultat de ces pre- mières expériences. I En collaboration avec M. Soddy, nous avons fait une solution de 70 milligrammes de bromure de radium dans l'eau distillée, que nous avons placée dans trois petiles ampoules de verre soudées au tube d’une pompe à mercure. Le bromure de ra- dium décompose lentement l’eau de telle sorte que, chaque semaine, nous obtenions, en faisant le vide, environ 8 à 10 centimètres cubes d'un mélange d'oxygène et d'hydrogène formant un mélange tonnant, qui renfermait loujours, cepen- dant, un excès d'hydrogène. Cette circonstance est encore ‘inexpliquée pour nous, mais elle pose une question à laquelle nous espérons répondre plus tard. Une certaine quantité d'émanation se trouvait, en même temps, mélangée à ce gaz tonnant. Nous avons lout d'abord cherché à en mesurer le volume. Au moyen d’un siphon renversé, nous avons introduit le mélange gazeux dans un eudiomètre auquel était scellé un petit tube vertical à anhydride phosphorique. Ce Lubese divisait en deux branches : l'une était fermée par un robinet et communiquait avec une pompe à mereure ; l'autre se prolongeait verlicalement et était terminée par un tube capillaire jaugé. Entre cette jauge et le tube qui renfermail l'anhydride phosphorique se trouvait une ampoule que l'on pouvait refroidir à volonté au moyen d'air liquide. Pour réussir celte expérience, il est indispen- sable d'éviter, dans l'appareil de verre dont les différentes pièces sont soudées les unes aux autres, la plus petite quantité d'azote et d'acide carbo- nique. Avant d'introduire le gaz lonnant dans le tube eudiométrique, nous avons lavé les appareils avec de l'oxygène pur, el nous avons fait jaillir l'étincelle entre les électrodes de platine pendant plusieurs minutes afin de brüler les poussières que l'appareil pouvait renfermer. Pour absorber les dernières traces d'acide carbonique, nous avons placé une petite quantité de potasse fondue sur la paroi intérieure de l’eudiomètre. Puis, tout l'ap- pareil a été légèrement chauflé avec un bec Bun- sen, enfin vidé de gaz au moyen de la pompe à mercure. Lorsque toutes ces précautions ont été prises, nous avons fait arriver le gaz tonnant dans l'eudiomètre et, après avoir fermé le robinet, nous l'avons fait détoner. La petile ampoule à été ensuite refroidie au moyen d'air liquide, et, en fermant le robinet de communication avec la pompe, nous avons introduit le mélange d'hydro- gène et d'émanation dans l'ampoule refroidie. Les différents tubes de notre appareil sont capillaires, de telle sorte que la capacité de l’ampoule était bien supérieure à celle des tubes, y compris celui qui renfermait l'anhydride phosphorique. L'émanation s'est de suite condensée dans l’am- poule, qui, dès lors, a émis une lumière qui permet- tait de voir l'heure à une montre. En ouvrant le robinet qui mettait l’ampoule en communication avec la pompe à mercure, on à enleve l'hydrogène jusqu'au moment où le chapelel gazeux descendant de la trompe devenait à peine visible, sauf dans l'obscurité. Il faut bien se garder de prolonger celte évaporation, car l'émanalion, condensée dans l'air liquide, possède encore une tension de va- peur notable, et l'on pourrait, en faisant le vide pendant un temps très long, n'en laisser que très D82 SIR WILLIAM RAMSAY — L’ÉMANATION DU RADIUM peu dans l’ampoule. Lorsque le vide est fait, on ferme le robinet de la pompe, et, en élevant le réservoir, on laisse entrer, par le bas de l'appareil, du mercure qui traverse l’anhydride phosphorique et qui emprisonne l’émanalion. On enlève ensuite l'air liquide, l'appareil s'échauffe et l'émanation prend l’état gazeux. On continue à élever le réser- voir afin de comprimer l'émanation dans le tube capillaire; il est facile ensuite de mesurer les volumes à des pressions diverses. Voici les chiffres obtenus : LONGUEUR DU TUBE VOLUME PRESSION eu en en VOLUME millimètres millimètres cubes millimètres X PRESSION 0,95 0,022$ 765,8 45159 0,028$ 644,8 18,6 0,0372 518,1 19,3 0,0562 333,4 48,4 0,0612 309,2 18,9 0,163 182,4 21,6 0,372 55,3 20,6 Le volume à la pression normale, déduit de la moyenne de ces chiffres, était de 0° 0254. D'après cette expérience, l'émanation paraît se comporter comme un gaz ordinaire. Nous avons répété deux fois cette expérience. La première fois, nous avons remarqué que, de jour en Jour, le gaz diminuait de volume. Nous voyions nettement que, à un moment donné, la longueur du tube rempli d'émanation, à une pression cons- tante, ne lardait pas à diminuer avec régularité en conservant sa luminosité. Après trois semaines, il ne restait finalement qu'un dixième de millimètre qui émeltait autant de lumière qu'au début de l'expérience. A cette époque la colonne de gaz n'était qu'un point lumineux ; lorsque l'expérience dure un mois, toute la lumière a disparu. En abais- sant ensuite le mercure, afin de faire le vide dans l'appareil eten l’'échauffant légèrement, nous avons obtenu une quantité de gaz qui représentait, à peu près, quatre fois le volume originel de l'émanation et qui donnait le spectre de l’hélium. IT L'émanation ressemble aux gaz de la famille de l'argon ; elle résiste à tous les agents chimiques. Il est vraisemblable que sa molécule est mono-ato- mique et que, en conséquence, son poids atomique est le double de sa densité (H—1). Nous ne con- naissons pas sa densité exactement; mais des expé- riences poursuivies de divers côtés indiquent une valeur voisine de 80 : ce qui correspond à un poids atomique voisin de 160. Le poids atomique du radium étant de 225, d'après les recherches de M°° Curie, on peut en déduire que chaque atome du radium ne peut produire plus d’un atome d'éma- ! nation. Pour déterminer le rapport entre la quan- tité du radium et la quantité d'émanation qu'il produit, il est nécessaire de connaitre le volume occupé par le radium, en le regardant comme un gaz Mmono-atomique. Pour 1 gramme de radium, le chiffre est : (2X 11,2) = — 0,1 litre = 105 millimètres cubes. 225 9 PRES POMPES UE. NT IL TR SR Nous avons trouvé que chaque gramme de ra- dium donne 3 X 10% millimètres cubes par seconde. Et, si un atome de radium ne fournit qu'un atome d'émanalion, à, la proportion du radium qui se transforme par seconde, est 3 X 1071. La propor- tion qui se transformerait en une année est donc 9,5 X 107", c’est-à-dire un peu moins que la mil- lième partie de son poids. La vie moyenne de : : : 1 l'atome de radium est, en conséquence, ra 3,9 X 10!° secondes, soit 1.050 années. Une seconde expérience nous a donné le chiffre de 1.150 années. On peut aussi déduire des mesures de M. et M®° Curie et de celles de Rutherford que la chaleur qui est émise par 1 centimètre cube d'émanation est 3.600.000 fois plus grande que celle qui est fournie par l'explosion d'un égal volume de gaz tonnant. En collaboration avec M. Collie, nous avons mesuré les longueurs d’onde des lignes du spectre de l'émanation. Les voici : LONGUEURS D'ONDE 6.350 REMARQUES A peine visible. Faible, disparait rapidement. » » » » » » Faible. » Forte, persiste. Assez forte, persiste. Très forte, persiste. Faible. » » Très forte, persiste. » » Forte, disparait après quelque temps. Faible, disparait rapidement. Faible (ces lignes ont été enregistrées dans une seule expérience). Nous avons rencontré, en même temps, les lignes du mercure et de l'hydrogène; nous les donnons ci-dessous : e LONGUEUR MESURÉE LONGUEUR D'ONDE { 2 E é HE: GE 6.567 6.563 1 Bg . te: 5.190 5.790 { HSE 5.168 1.169 2 Fe FR URISEGS 5.461 JÉRORAEMS Sro on 4.861 : Hg ces 2 SbD 4.359 Ê Nous ferons remarquer que l'erreur ne dépasse à SIR WILLIAM RAMSAY - L'ÉMANATION DU RADIUM 583 par deux fois le spectre de l'émanation. Il ne dure pas très longtemps, car, à cause de l'humidité qui se trouve dans le tube, le spectre de l'hydrogène ne tarde pas à s'accentuer et à masquer le spectre de l'émanation. Nous ferons remarquer que, pour obtenir ce spectre, il faut prendre de grandes pré- cautions, que l'expérience est très délicate et que nous n'avons pu la réussir qu'après six mois de vaines tentatives. Mais, dès le début de l'expérience, ce spectre est très beau, ses lignes sont nettes el il rappelle les spectres des gaz de la série de l’argon. …_ Ainsi, l'émanation est un gaz sans activité chi- | mique; il possède un spectre semblable à ceux des paz inertes de l'air; il est visible, grâce à sa lumi- * nosité, et, comme les autres gaz, il suit la loi de - Boyle-Mariotte. Nous nous proposons de le nommer - exradio. À III t quatre unités Angstrom. Nous avons observé Û La production de l'hélium au moyen de ce gaz a été observée, non seulement par nous, mais encore par M. Deslandres et par Hendrieson. Or, lorsqu'un composé, par exemple l'azotate d'argent, fournit “de l'argent par électrolyse, on dit que ce composé contient de l'argent. Peut-on dire que le radium “contient de l'émanation, c'est-à-dire le gaz exradio, et que l’exradio contient de l'hélium? Je pense que non. Dans le premier cas, en dissolvant de l'argent dans l'acide azotique, on peut reproduire l’azotate d'argent; mais on n’a pas réussi à reproduire Île radium en partant de l'exradio, ni l’exradio en partant de l'hélium. Mais on peut objecter que nous ne possédons pas tous les constituants de “l'exradio. Ne serait-il pas possible qu'en ajoutant à l'hélium la substance qui se dépose comme en- duit sur les parois de nos tubes, il se ferait une combinaison qui donnerait l’exradio? Cependant, il y a un constituant qu'il ne faut pas oublier, qui ést l'énergie. Pour obtenir la combinaison des constituants de l’'exradio, il faudrait remplacer l'énorme quantité d'énergie que l'exradio a perdue en se décompo- sant. En outre, il faut aussi pouvoir remplacer les électrons qui se sont échappés pendant la décom- “position. Si l'on pouvait constater qu'après la perte des électrons, qui forment, d’après J.-J. Thomson et d'autres, l'électricité négative, le résidu ne possède pas une électrisation positive, on ne pourrait pas soutenir que, en perdant des électrons, la substance ne soit devenue neutre, c'est-à-dire qu’elle ne contienne un excès, soit d’électricilé positive, soit d'électricité négative. Si une charge d'électricité positive de cette matière n'indique que la perte des électrons, on peut comprendre qu’en se transformant, les nouvelles matières contiennent une quantité plus faible d'électrons, mais encore suffisante pour les rendre électriquement neutres. Quoique les analogies tirées de la Chimie ordi- naire ne suffisent pas pour représenter complète- ment ces phénomènes nouveaux, elles peuvent néanmoins nous servir à préciser nos idées. Il est possible d’enlever le chlore du chlorure d'ammo- nium: dans ce cas, on devrait obtenirle groupement Az H'; mais ce groupement est peu stable, même en combinaison avec le mercure. Il ne tarde pas à se décomposer en ammoniac et hydrogène. Pour reconstituer le composé AzH‘Cl, il est nécessaire de suivre un chemin beaucoup plus long. Il faut d’abord combiner le chlore avec l'hydrogène, puis faire réagir l'acide chlorhydrique sur l’ammoniac. Nous pouvons opérer ces transformations, mais jusqu'ici nous ne pouvons opérer des changements semblables avec le radium et ses produits de dé- composition. Je pense, cependant, que nous ne devons pas abandonner ces tentatives sans essayer de faire pénétrer les électrons qui s'échappent de l’exradio dans d’autres corps. Les essais que nous avons poursuivis jusqu'ici dans cette voie ne nous ont pas donné de résultats; je n'ose pas assurer qu'ils réussiront : mais la difficulté de ces expériences est encore augmentée par la petite quantité de matière transformée. J'estime, cependant, que nous devons suivre cette voie pour obtenir quelques résultats dans cette question difficile. Dans tous les cas, nous ne devons pas oublier la citation faite par M. Moissan, dans son Traité de Chimie, de cette phrase déjà ancienne, écrite par Lavoisier : « Si nous attachons au nom d'éléments ou de principes des corps l'idée du dernier terme auquel parvient l'analyse, toutes les substances que nous n'avons pu encore décomposer par aucun moyen sont pour nous des éléments; non pas que nous puissions assurer que ces corps, que nous regardons comme simples, ne soient pas eux- mêmes composés de deux ou même d'un plus grand nombre de principes; mais, puisque ces prin- cipes ne se séparent jamais, ou plutôt puisque nous n'avons aucun moyen de les séparer, ils agissent à notre égard à la manière des corps simples et nous ne devons les supposer composés qu'au moment où l'expérience et l'observation nous en auront fourni la preuve” ». Sir William Ramsay, Membre de la Société Royale de Londres, Correspondant de l'Institut Professeur à University College (Londres). ! Communication présentée à l'Académie des Sciences CR EACXXNMINT p: 1388). D84 GEORGES MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE PREMIÈRE PARTIE : PRINCIPES GÉNÉRAUX Tous ceux qui s'intéressent aux sciences physico- chimiques sont au courant de l'espèce de malen- tendu qui existe entre les chimistes et les physi- ciens, ou, plus exactement, entre les thermochi- mises et les thermodynamistes. Les uns, continuant à penser que le sens des transformalions est donné dans le domaine chi- mique par le principe du travail maximum tel qu'il a été énoncé par M. Berthelot, y apportent, avec l'éminent chimiste, les restrictions nécessaires pour le faire cadrer avec l'expérience, au risque d'en diminuer par ces restrictions l’ulililé pratique; les autres, remarquant qu'il n'est point d'accord avec les principes de la Thermodynamique, for- mulent une règle plus générale, moins impérative il est vrai, mais susceptible de s'appliquer à loutes les transformations, qu'elles soient d'ordre phy- sique ou chimique. Les premiers objectent alors que la nouvelle quantilé introduite par les {hermodynamistes est | malaisée à connaitre et même à définir, qu'elle se prête mal aux déterminations expérimentales, et qu'elle exige enfin la considération d’une nouvelle fonction, Jextropie, en parlant d'une notion obscure, la réversibilité, phénomène difficile lui- même à concevoir. Peut-on songer à introduire dans l’enseignement une règle aussi compliquée, basée « sur un concept si prodigieusement abs- trait! »? C'est ce que j'ai essayé de faire dans cette élude. Je crois qu'on peut ainsi, lout en emplovant un langage assez simple au point de vue des calculs pour qu'il puisse êlre tenu dans un enseignement élémentaire, introduire des nolions exactes et pré- eiser les approximations que l’on est amené à faire dans la pratique. J'imagine que ceux des chimistes qui ont été rebutés par des calculs trop longs ou des notations trop compliquées trouveront là une indication qui ne leur sera pas inutile, et qui pourra tout au moins leur servir de point de départ pour l'explo- ration du domaine qui leur est commun avec les physiciens. ÏJ. — CONSERVATION DE L'ÉNERGIE. L'expérience nous montre que les manifestations d'ordre calorifique, cinélique, lumineux, élec- ! Porxcaré : Congrès international de Physique de 1900. | trique, etc., sont susceptibles de se transformer les unes dans les autres. Ainsi, nous assistons, dans cerlaing cas, à uné disparition de chaleur; mais, alors, une autre ma-" nifestation apparaît : du travail mécanique, par exemple ; c'est ce qui se produit dans les machines à vapeur. Dans d’autres circonstances, le travail mécanique, le mouvement, semblent se détruire: mais on assiste, soit à un développement calori- fique (dans l'expérience classique du frottement), soit à une production électrique (s’il s'agit d'une machine dynamo que l'on fait tourner). Bref, l'ex- périence nous montre que ces manifestalions sont « susceptibles de se substituer les unes aux autres en se transformant, ce qui nous amène à penser qu'elles sont les différentes formes d’une cause commune à laquelle nous donnerons le nom d'énergie où mieux d'énergie sensible ou externe. Mais, s'il en est ainsi, on concoit qu'on puisse mesurer chacune de ces manifestations, afin de connaître les grandeurs de chacun de ces modes d'action qui sont susceptibles de se substituer les uns aux aulres, de se remplacer, lorsqu'un - de ces modes vient à disparaitre, en un mot de présenter entre eux une équivalence caractérisée par un rapport constant. Cette constatation à élé faite tout d’abord en ce qui concerne les modes mécanique et calorifique, et l’on a reconnu par l'expérience que la condition pré- cédente est salisfaite lorsque l'action mécanique est évaluée en travail! (par exemple en kilogram- mètres ou en ergs) et l’action calorifique en quantités de chaleur (par exemple en calories) : on à trouvé, … en effet, que une calorie est équivalente à 495 kilo: grammètres, c'est-à-dire que les transformalions se font suivant ce rapport et que la disparition de 1 calorie est accompagnée d’une production de 425 kilogrammètres, ou que l'apparition de 1 calorie est concomitante de la perte de 425 kilogram-. uètres ; en ce sens, ces quanlilés sont équivalentes. De telle sorte que si, dans une transformalion, il se produit seulement des manifestations calori- fiques et mécaniques mesurées par un certain nombre de calories dégagées @ et par un certain nombre de kilogrammètres 6 (travail effectué ! Au travail proprement dit, on joint, pour évaluer ce que nous appelons l'action mécanique, l'accroissement de la ; l - : force vive Ë mv?), si cette grandeur a subi elle-même une variation. GEORGES MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE 589 contre les forces extérieures), il sera inutile, au point de vue de l'énergie mise en jeu, d'envisager séparément ces deux nombres; on pourra les réu- nirenremplaçant les kilogrammètres par le nombre de calories qui est équivalent, c'est-à-dire qui résulterait de la transformation, si, par un dispositif convenable, on la réalisait intégralement; la mani- festation énergétique aura donc été de : calories ou de : G + 495 Q kilogramimètres. De même, pour évaluer une certaine richesse, il sera inutile d'indiquer séparément la valeur de l'or et de l'argent; on pourra se borner à connaitre la valeur totale, dans les conditions où le change serait efeclué intégralement, ou d’après l’équiva- lence de l'or et de l'argent. ; Ce mode de raisonnement à été étendu aux autres genres d'actions énumérés plus haut et il constilue l'application du principe de l’équivalence, que l’on à énoncé d’abord pour une transformation particulière et que l’on a graduellement généralisé. En considérant ainsi ces manifestations lumineuses, calorifiques, cinétiques, électriques... comme les différentes formes d’une même cause commune qui se conserve sous ces multiples apparences, nous appliquons déjà le principe de la conservation de l'énergie. Mais ce terme peut êlre employé aussi dans un autre sens, qu'il est bon de préciser de peur d'ap- porter quelque confusion dans la question. Il arrive, dans de multiples circonstances, que nous assistons à des transformations, telles que le changement d’élat d’un corps, une modification de structure, une déformalion, un écrouissage, une action chimique de plusieurs corps en présence, etc., transformations qui sont accompagnées extérieure- ment d’une production de travail, d’une varialion de force vive, d'un dégagement de chaleur, d’électri- cité, bref, d’une produclion d'énergie extérieure que nous savons mesurer. Le corps ou le système de corps s'est modifié, mais nous ignorons la nature intime de ces modifications : nous ne savons pas mesurer les travaux internes effectués (si toutefois ce terme a un sens précis) et, d'une manière générale, la quantité d'énergie qui correspond à cette transformalion; nous sommes donc dans l'impossibilité de vérifier le principe énoncé plus haut; nous pouvons néanmoins le gé- néraliser, comme Clausius l'a montré par l'inter- prétation des expériences relatives à l'équivaleuce, et dire que, si de l'énergie extérieure a pris nais- sance, c'est qu'il y à intérieurement quelque chose qui diminue d’une quantité égale, et ce quelque chose, c’est ce que nous appellerons l'énergie interne, sans attacher à ce mot d'énergie inlerne d'autre sens que celui qui résulte de la définition, à savoir que c'est une grandeur qui varie en sens inverse de l'énergie extérieure développée et d’une quantité précisément égale; elle reprend, d’ailleurs, la même valeur lorsque le corps ou, d’une manière générale, le système revient à son état initial; elle a done, pour chaque état, une grandeur parfaitement déterminée, ainsi qu'il résulte du raisonnement de Clausius, qui n'a fait que traduire analytiquement, en les généralisant, les résultats de l'expérience. Si alors nous appelons énergie totale mise en jeu” la somme de l'énergie extérieure produite et de l'énergie interne, on voit que, par définition, cette somme est constante, et, en ce sens encore, nous pouvons dire que l'énergie se conserve; mais il faut voir surtout là, avec l'extension de ce que nous avons dit plus haut, le choix d’une notation propre à simplifier les énoncés et d’une définition que l'expérience rendait légitime. Le terme énergie prêle souvent à des confusions, car il est considéré par bien des personnes comme impliquant une production toujours possible de travail mécanique en quantilé équivalente; c’est là une idée inexacte, car les différentes formes de l'énergie ne sont pas également transformables en travail ; cette transformation est soumise à certaines conditions, à certaines restrictions qui dérivent d'un autre principe (principe de Carnot), el il faut abandonner l'idée de la transformation intégrale. Lorsqu'un corps ou un système de corps se modifie par des voies différentes, et qu'en même temps une certaine quantité d'énergie apparail sous diverses formes (travail, chaleur, ete.), cette énergie externe, dans sa tolalité, n’est pas, par un mode spécial de transformation, intégralement trans- formable en travail; cette propriété n'est dévolue qu'à une partie de celle énergie seulement et dans un cas que nous préciserons; dans le chapitre sui- vant, nous envisagerons spécialement celle frac- tion, qui peut d'ailleurs devenir supérieure à l'unité. Au surplus, la confusion que nous signalons vient du sens dans lequel on emploie ordinairement ce mot énergie dans le langage courant, et nous n'avons rien dit plus haut qui puisse juslilier ce sens particulier; pour nous en assurer, nous n'avons qu'à résumer les définitions employées : nous avons appelé énergie exlérieure la somme 1 Cette expression d'énergie totale mise en Jeu dans une modilication ne doit pas être confondue avec l'énergie totale d'un système, expression par laquelle on désigne la somme de l'énergie interne et de la force vive de ce système, en faisant abstraction de ce qui lui est extérieur (chaleur dé- gagée et travail produit); cette énergie totale reste cons- tante si le système est isolé, c'est-à-dire s'il n'y à ni déga- gement de chaleur, ni production de, travail à l’extérieur. 586 GEORGES MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE | des différents modes d'énergie qui prennent nais- sance et que nous savons évaluer directement; nous avons calculé cette somme en ramenant chacun des termes à une unité équivalente; mais nous n'avons rien dil qui impliquàt une transfor- mation réelle dans les circonstances où nous nous trouvions (pas plus qu'en évaluant la richesse dont il a élé parlé, nous ne faisions intervenir la conver- sion réelle en une seule des matières monnayées). Nous avons enfin appelé énergie interne, ou plutôt variation de l'énergie interne, une quantité égale et de signe contraire à l'énergie externe ap- parue, el, pour écarter toute hypothèse, nous n'avons rien dit de plus sur cette énergie interne; nous savons seulement qu’en raison de sa définition (que l'expérience rendait possible) elle a une valeur déterminée pour chaque état du corps et qu’elle fournit avec l'énergie externe un total constant; nous avons ainsi généralisé l'idée d'équivalence dans le principe de la conservation de l'énergie. II. — SENS DES TRANSFORMATIONS ISOTHERMIQUES. Si nous imaginors un système que je désigrerai par &, constitué par des corps À, B, C, primitivement en équilibre, mais dans lequel on a opéré des chan- gements de condition pouvant modifier cet équi- libre, on peut, en général, concevoir des actions chimiques ou physiques, c’est-à-dire soit des com- binaisons de ces corps entre eux ou des décomposi- tions, soit des changements d'état, d'une manière générale des modifications qui conduisent à d’autres systèmes que j'appellerai «,, «,, «,, ..; ils sont ou non des états d'équilibre; mais nous supposerons qu'ils sont susceptibles, dans tous les cas, de le devenir, moyennant une modification convenable des actions extérieures. Nous pouvons nous demander quel est, parmi tous ces systèmes, celui qui se réalisera et par quelle modification il sera réalisé : l’état actuel de la science ne nous permet absolument pas de répondre à cette double question. Il nous faut donc restreindre l'étendue du pro- blème posé. Nous pouvons, par exemple, nous de- mander si, parmi ces systèmes, il y en a qui ne se réaliseront certainement pas, tandis que Jes autres seront possibles. Ce problème, moins général, a néanmoins quelque intérêt, et, à la question ainsi posée, la Thermody- namique permet de répondre; voici comment elle parvient à ce résultat : Lorsque deux systèmes M et N, soumis aux conditions indiquées plus haut, peuvent être consi- dérés comme susceptibles de dériver l’un de l’autre par une certaine modification, la Thermo- dynamique nous permet de dire si, étant donné l'état M, la modification en question ao l'état N est impossible, et, s'ilen est ainsi, l’appli-« cation de la même règle ou du même critérium nous indique alors, comme conséquence de la pré-* cédente impossibililé, que la transformation de l'état N en l’état M dans les mêmes conditions n’est pas impossible, de telle sorte qu'étant donnés les deux états M et N ainsi reliés, il y a toujours un sens dans lequel la transformation n’est pas impos- sible, ou du moins n'est pas incompatible avec cette règle, ce qui permet de les ranger dans l'ordre suivant lequel ces deux états sont seulement suscep- tibles de se succéder’. En appliquant alors ce critérium, nous pourrons diviser les états &,,%,, 4,, «,, … en deux groupes, tels que la réalisation des états du premier groupe à la suite de l'état « soit incompatible avec la règle formulée; ce seront, par exemple, &;, æ.u dr; les autres, «,, &,,4,, .…., &x, pourront $e réali- ser à la suite de l'état «, mais ne sont pas suscep- tibles, au contraire, de le précéder; nous ne pouvons pas, d’ailleurs, dans l’état actuel de nos connais- sances, dire lequel de ces états sera réalisé, ni même si aucun d'eux se réalisera, la règle nous donnant une condition de possibilité et non de nécessité. Toutefois, nous pouvons diminuer une partie de cette sorte d'indétermination en indiquant une cer- taine tendance par les considérations suivantes : Imaginons que, parmi ces systèmes, l’un d'eux, 4x, Soit réalisé, et, s'il s’agit d'un état d'équilibre, qu'on vienne à modifier les actions extérieures de facon à changer à nouveau cet état d'équilibre; supposons, en outre, ce qui est une hypothèse, que les états x,, 4, .…., soient encore des états dont on puisse sans absurdité imaginer la production après “x Soit dans ces nouvelles conditions”, soit dans les conditions initiales, si «x n'est pas un état d'équilibre : l'application du même critérium nous ‘ Remarquons, dès maintenant, que nous parlons seule- ment de possibilités, car la condition nécessaire peut ne pas être suffisante; on verra plus loin l'importance de cette remarque. * Cette circonstance pourra se présenter en particulier dans des réactions chimiques où le nombre des combinai- sons possibles est assez limité et où les mêmes états sont souvent compatibles avec différentes conditions extérieures. Un exemple, tiré du domaine chimique, nous montrera que, dans certains cas, un état dont la réalisation ne présenterait M aucune contradiction dans les conditions initiales, ne pour- rait sans absurdité être envisagé après une première trans- formation : ainsi, supposons qu'une réaction puisse donner : lieu, soit (état »,) à la formation d'un sous-chlorure avec production d'un excès de chlore, soit (état &,) à la formation « d'un perchlorure; la réalisation de « ou de «, peut être « envisagée initialement sans absurdité; mais, si &æ se réalise d'abord et si le chlore se dégage dans les conditions de l'expérience ou s'il ne demeure pas au contact du sous-\ chlorure, l'état &, ne peut plus être parmi ceux dont on étudiera la possibilité après &; il n’en serait pas de même è si le gaz chlore continuait à surmonter le sous-chlorure précédemment formé. GEORGES MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE 587 permettra d'indiquer, parmi les états de ce même groupe, quels sont ceux qui peuvent être réalisés après æ», quels sont ceux qui ne peuvent, dans aucun cas, lui succéder, et qui alors (en verlu des hypothèses) sont susceptibles de le précéder; de telle sorte qu’en continuant à raisonner de la même manière, on classera' tous ces états dans l’ordre où ils peuvent se manifester : a œ CA CA …. dan. 2 Nous formulerons alors la réponse suivante, qui, quelque incomplète qu'elle soit, rendra encore des services : À la suite de l’état «, il peut seulement se manifester un des états inscrits à la droite de «, élat qui pourra seulement donner lieu ensuite à un des autres systèmes inscrits à sa propre droite, et ainsi de suite sans qu'il y ait nécessité pour l’un quelconque d’entre eux de se réaliser. Il y aurait donc là une tendance dans un sens déterminé” et nous pourrions, jusqu'à un certain point, dire que l'état « tend vers l’état «,, pourvu que nous nous rendions bien compte de ce que cette expression contient d'arbitraire, car il se peut que les états intermédiaires soient réalisés et maintenus pendant un temps quelconque*. Après avoir précisé les restrictions qu'il faut ap- porter au sujet de la prévision des transformations, il nous reste à formuler maintenant le critérium dont nous avons parlé, et à donner la règle qui nous permettra de connaître le sens des changements possibles; pour simplifier, nous nous bornerons, d’ailleurs, au cas d’une modification isothermique, c'est-à-dire au cours de laquelle la température ne 1 Si à ax peuvent succéder des états d'équilibre autres que ceux qu'on avait envisagés à partir de «, on les inter- calera aussi dans la suite, à la droite de ay. ? Nous avons supposé, pour former cette suite, que les différents états pouvaient être reliés entre eux par des modifications réalisables, autrement dit, nous avons sup- posé l'existence d'un chemin propre à effectuer ces trans- formations : c'est là une hypothèse arbitraire; s'il n'en est pas ainsi, on arrivera à constituer, non pas une suite unique, mais une série de suites formant un ensemble analogue au tableau ci-joint, sur lequel apparait, sans qu'il soit néces- saire d'insister davantage, une tendance vers un nombre fini d'états, qui sont ici x, et aie. Xe Lio da %6 Cr 5 On peut, d’ailleurs, faire un raisonnement analogue en fixant son attention, non pas-sur un état d'équilibre ap, Mais sur un état intermédiaire quelconque (pourvu qu'il soit sus- ceptible d'être transformé en état d'équilibre par un chan- gement de condition extérieure), et l’on mettra ainsi en évi- dence, au cours de la modification, une pareille tendance. varie pas; cette règle, qui dérive de l'inégalité Car- not-Clausius, est la suivante : Pour deux états, M et N, soumis aux conditions indiquées plus haut, el qui pourraient dériver lun de l'autre par une modilication réelle, la transfor- mation n'est possible que dans le sens où elle don- nera naissance à un travail externe” inférieur à une certaine limite”, qui est calculable suivant les états extrêmes M et N et qui représente, s'il existe un mode réversible isotherme de transformation per- mettant de réaliser le même changement, le travail externe que l'on obtiendrait au cours de cette mo- dilication réversible isotherme. Ou encore, ce qui revient au même, comme nous le démontrerons : La transformation west possible que dans le sens où elle donnera lieu à un dégagement de chaleur supérieur à une cerlaine limile, qui représente la chaleur dégagée par ce même changement, si on le réalisait par un mode réversible isothermique. Quant au mode réversible que nous introduisons à ce propos, c'est celui qui est constitué par une suite d'états d'équilibre où, à chaque instant, le système peut se maintenir, ce qui fait qu'une telle modification ne se réalisera jamais spontanément; c'est une conception limite, dont certains phé- nomènes physiques ou chimiques, tels que la vapo- risation, ou la dissociation, nous donnent seulement une idée, et c'est l’ensemble de cette suite d'états d'équilibre que nous désignons par ce nom de mo- dification réversible. Il peut exister de multiples voies réversibles pour réaliser un changement donné; si, parmi elles, il y en a une qui soit isotherme, alors l'expression limite dont nous avons donné la valeur prend une signification particulière; c’est le travail externe ou l'effet utile que l’on obtiendrait par voie réversible et à la température constante T; nous désignerons donc, pour simplifier, ce terme par 6,, et nous l'in- troduirons d’une manière générale dans les énon- cés; mais nous ne lui donnerons sa signification ? Nous supposons, en outre, pour simplifier l'énoncé, qu'il n'y a pas de changement de vitesse ou de variation de force vive, au cours de la modification; cette hypothèse n'ap- porte, d’ailleurs, aucune restriction à la règle indiquée, car, s'il y avait une varialion de force vive, le terme corres- pondant se joindrait au travail externe pour constituer l'effet utile, qui, dans ce cas, comprendrait le travail pro- prement dit et l'accroissement de la demi-force vive. ? Cette valeur limite, que ne peut atteindre le travail externe, s'obtient en soustrayant de la variation de l'énergie interne le produit de la température absolue par la varia- tion de l’entropie de ce même système. Quant à la variation d’entropie entre deux états, c'est la quantité que l’on obtient en divisant à chaque instant la chaleur fournie par la tem- pérature réalisée à ce moment, au cours d’une modification réversible, permettant de passer de l'un à l’autre de ces états; on obtiendrait, d'ailleurs, le même résultat, quel que soit le mode réversible (isotherme ou non) que l’on imagine pour passer d'un de ces états à l’autre (principe de Carnot). 588 GEORGES MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE particulière que s’il existe une voie réversible iso- therme. Pour mieux comprendre la signification de la règle énoncée au paragraphe précédent, précisons de la facon suivante ce qui est relatif aux transfor- malions, que nous supposerons isothermiques: comme il a élé dit. Soit le passage de l'état M à l'état N : on peut imaginer qu'il soit réalisé d'une foule de facons, suivant les conditions que nous imposons à cer- taines variables (par exemple la pression) pendant la modificalion. Prenons d'abord un premier mode, au cours du- quel il se produit un travail extérieur 6, et un dé- gagement de chaleur Q,. Imaginons maintenant un second mode, pendant lequel, à cause des conditions extérieures diffé- rentes, il se produit un travail extérieur 6, et un dégagement de chaleur @,.. L'énergie externe mise en jeu à, d’ailleurs, la même valeur dans les deux cas, en raison du prin- cipe de la conservation de l'énergie, et l’on a : u + di — = + De même, nous pouvons imaginer une autre voie de transformation qui donnerait &, en travail externe et @, en chaleur dégagée, la somme LE 7os + ©, ayant encore la même valeur que les 495 : sommes semblables. Puisque cette somme est constante, si Le terme 6, diminue, @. augmente; et même, si 6, devient né- gatif, c'est-à-dire si nous fournissons du travail, la quantité de chaleur dégagée pourra augmenter in- définiment; si, au contraire, 6, augmente, @, di- minue, et il semble que nous puissions faire croître autant que nous le voudrons le travail exté- rieur produit, à condition de diminuer la chaleur dégagée et même de prendre des voies qui corres- pondraient à des absorptions croissantes de cha- leur. Il n'enestrien; il y a une limile que l’on ne peut dépasser, elle travail externe produit est toujours inférieur à une certaine valeur que nous avons dé- signée par 6, et qui est un maximum; pareille- ment, le dégagement de chaleur ne peut jamais descendre au delà d’une certaine limite, que nous appellerons de même @,,, qui est un minimum. La condition de possibilité d'une transformation est donc que 6 — 6 ou que Q — @;, soient posi- tifs. Quant à @,, nous ne savons rien au sujet de son signe. Ainsi, dans les exemples précédents, les quan- tités de chaleur dégagées Q,, Q,, @, étaient suscep- tibles de varier et de donner naissance, par leurs variations, à du travail extérieur ; elles élaient, en plus ou moins grande proportion, transformables en travail externe suivant les conditions de la mo- dificalion, mais elles n'étaient pas intégralement transformables; et nous pouvons dire, si @r est positif (ce qui est le cas habituel dans les actions. chimiques), qu'elles contenaient une partie Qw, qui n’était pas susceptible, quel que fût le mode employé, de se résoudre en travail externe et de donner autre chose que de la chaleur; c’est de la chaleur intransformable au cours du changement en question et quel que soit le mode employé. Il pourrait arriver aussi que @xr fût négatif; dans ce cas, cette grandeur désigne la quantité. maximum de chaleur qu'il faut fournir sous forme. de calories au cours de la modification; on peut. alors recueillir un travail externe correspondant à la diminution de l'énergie interne et à la chaleur fournie ; l'énergie utile est, cette fois, plus grande que la diminution de l'énergie interne, grâce à l'ap- i port de chaleur provenant en somme du milieu ambiant, et se transformant en travail par le mé- canisme même de l’action réalisée; les réactions ETAT ét chimiques, dont certaines piles sont le siège, nous * en fournissent des exemples. Comine cas intermé diaire, il peut arriver que @,, soit nul, et alors” la transformalion pourra s'opérer à température constante, sans qu'il y ait de chaleur dégagée ou absorbée, et le travail externe, qui représentera, celte fois l'énergie externe, sera exactement égal à, la diminulion de l'énergie interne. Mais, dans le cas général, l'énergie extérieure développée : n'est pas Lotalement lransformable en travail ; cette propriété n'appartient qu'à une partie de cette énergie qui à recu, pour cette raison, le no d'énergie utilisable. Nous pouvons dire encore qu'une modification n'est possible que si elle peut donner naissance de l'énergie utile (travail, mouvement) en quantité inférieure à l'énergie utilisable ainsi définie; elle pourra, d'ailleurs, donner des quantilés très va riables, suivant le mode de transformalion © suivant les conditions imposées. Il y a même une circonstance (et c'est celle où Se placent habituellement les chimistes, sinon pour i éludier la production des réactions, du moin ‘ Nous ne rien non plus, en général, sur le sisne de &rr: toutefois, s'il s'agit d’une modification réali- sable sans production de travail externe, on à 6 —0, et la Savons condition de possibilité signifie que, dans ce cas, le travail qui serait recueilli, si on réalisait la même trensformalio par voie réversible, serait forcément positif. ge GEORGES MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE 589 pour mesurer leur énergie) où la transformation se produit au sein de la bombe calorimétrique!, dans des conditions où il n'y a ni production de travail extérieur, ni apparition d'une autre forme d'énergie telle que : électricité, lumière, elc.; alors Loutes ces énergies disponibles se transforment en chaleur, et le dégagement calorifique correspond à la somme de deux termes, l'un qui provient de la transformation de 6, et l'autre qui représente Qu; c'est la limite vers laquelle tend le second terme de l'expression de l'énergie extérieure : Ga CA ë, ë, 70e + 795 + 355 + 755 + @) à rs lorsque 6, diminue et devient nul, la somme de ces deux termes ayant une valeur constante égale à : Grr Ce = + nr 425 Ê si alors le travail &, est égal à zéro, la chaleur dé- gagée Q, sera donnée par : ou par : 3 Jo + Arr, en désignant par q, la chaleur transformable, qui, par la condition énoncée, est essentiellement posi- live. Nous pouvons, de même, faire, dans chacune des quantités @,, @.. Q,, la séparation des deux termes dont il est question, puisque chacune de ces gran- deurs est constituée par la chaleur Qu, à laquelle s'est ajoutée celle qui équivaut à la portion de tra- vail externe qui n’apparail pas sous cette forme ulile; en désignant par g,, 4. q, cette dernière parlie, on a: 3 — Ga + Qnr, @: — Je + @ = 41 + Qnr, @o = Yo + Arr. Arr , De sorte que, pour chacun des modes de trans- formation dont nous avons parlé, la production d'énergie externe sera : Sous forme de chaleur Sous forme de travail Lan. 2 Ja + Qrr Ge + er di + Qnr Jo + Arr La condition de possibilité de chacune de ces transformalions réside dans le signe des quantités as er is G et l’une de ces modifications ne sera ‘ Il en est de même dans le calorimètre ordinaire, s'il ny a pas de variation de volume appréciable. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1904. réalisable que si la quantité 4 correspondante est positive. Elle peut être, d’ailleurs, plus ou moins grande suivant le travail externe qui aura été produit; ainsi, pour la moditication réversible elle-même. en supposant qu'elle puisse avoir lieu d'une façon isothermique, toute l'énergie utilisable apparaîtrait sous forme d'énergie utile et le terme g serait nul; il est vrai qu'il s'agit là d’une modification en quelque sorte idéale, qui ne saurait se produire d'elle-même, car elle correspond par définition à une suile d'états d'équilibre, et le système placé dans un de ces états n'aurait aucune tendance à passer de lui-même dans l’état d'équilibre voisin pour accomplir ainsi une telle modificalion, qui est, à proprement parler, spontanément irréalisable; la valeur nulle de qg caractérise donc une telle trans- formation. S'il s'agit d'une modification réalisable (iso- therme) assez voisine de la précédente, alors gq, au lieu d’être nul, aura, par raison de continuité, une valeur faible, et la transformation pourra se produire ; elle aura, d’ailleurs, un caractère modéré puisqu'on se trouvera à chaque instant dans des conditions peu différentes de l'équilibre, circons- lance qui est donc liée à la faible valeur de g. Entin, si les conditions sont éloignées des pre- mières, on peut dire à la fois que q sera d'autant plus grand et que l’action sera d’autant plus vive que les états de la modification s'écarteront des états d'équilibre. On peut considérer, en somme, que le signe de q donnera la possibilité de l'action et que sa gran- deur fournira une indication sur la vivacité de celte action (en particulier, au voisinage des états d'équilibre, q tendra vers zéro). Et comme q ne représente qu'un des termes de la chaleur dégagée, il faut, en raison de l'importance de ceterme, faire le départ entre la chaleur transformable et celle qui ne l’est pas dans le dégagement calorifique qui accompagne les transformations. En se bornant à l'emploi du calorimètre, dans les circonstances où le travail externe est nul, on se place systématiquement dans les conditions où les deux termes, loin d’être distingués, sont englobés dans une même mesure. Leur séparation s'impose si l’on veut appliquer le caractère de possibilité des actions, soit que l'on exprime que l'effet utile est inférieur à l'énergie utilisable, soit que l’on exprime que la chaleur dégagée est stBérieure à celle qui le serait au cours d’une modification isothermique réver- sible. Toutes ces formes sont, d’ailleurs, équivalentes: elles expriment toutes l'obligation où l'on se trouve, dans les transformations réalisables, de recueillir 42% 590 une partie au moins de l'énergie utilisable sous forme de chaleur : c’est un déchet inévitable, c’est en quelque sorte la rançon de l’action produite. En exprimant cette orientation générale des actions possibles, nous pourrons donc, comme il a été dit plus haut, ranger les étals &,, «,, «,, … dans l'ordre qui correspond aux dégagements positifs de chaleur transformable, en passant d'un terme à celui que nous mettrons à sa droite, et nous pour- rons, avec les restrictions indiquées, dire que l'état final tend vers celui qui correspond au maximum de chaleur transformable dégagée, en remarquant bien entendu qu'il s'agit d'une possibilité et non d’une nécessité. III. —— CAS DES TRANSFORMATIONS NON ISOTHERMIQUES. Nous nous sommes borné, pour simplifier, au cas d’une transformation isothermique ; lorsqu'on ne s'impose pas cette restriction, la marche géné- rale est la même, mais la condition trouvée revêt une forme plus complexe; pour montrer, cepen- dant, que la forme seule est modifiée, nous donne- rons ici l'énoncé du critérium employé : Pour savoir si une modification de M à N est pos- sible, on fait le quotient des quantités de chaleurs dégagées à chaque instant de la modification par la température absolue à laquelle se fait ce dégage- ment, on additionne tous ces quotients et on consi- dère l'excès de ce terme sur le terme calculé de la même façon pour le mode réversible qui relie les états M et N : cet excès doit être positif. S'ilest négatif, la modification n’est possible que dans le sens inverse, c'est à dire celui de N à M. On reconnait de suite, dans le second terme cal- eulé, la valeur changée de signe de la variation de l'entropie, et l’on voit aisément comment cette règle se transforme pour donner celle que nous avons énoncée dans le cas d'une modification isother- mique dont on veut prévoir la possibilité. Nous indiquerons plus loin quelques consé- quences de cette règle générale; bornons-nous dès maintenant à remarquer que dans son énoncé, aussi bien que dans celui donné plus haut, figure l'hy- pothèse de l'existence d’un chemin réel pour passer de M à N ou inversement, c'est-à-dire d’une série de transformations au cours desquelles la condition de possibilité sera satisfaite à tout ins- tant. . Ainsi, nous ne disons pas : M pourra se changer en \ sitelle inégalité est satisfaite; mais nous nous exprimons ainsi : Telle modification particulière que nous envisaqeons dans la succession des états qui la constituent, et qui changerait M en N, pourra se réaliser, si telle grandeur est supérieure à telle autre. GEORGES MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE En signalant cette différence, ce n’est pas une restriction que nous apportons, car nous ne disons rien de plus ni de moins que ce qui est contenu dans le principe énoncé; c'est seulement une pré- cision qu'il est bon de faire et dont nous tirerons quelques conséquences. IV.— COMPARAISON AVEC LE PRINCIPE DU TRAVAIL MAXIMUM. CAS DES TRANSFORMATIONS ISOTHERMIQUES. En nous bornant au cas des actions isothermi- ques, nous avons formulé des énoncés qui présen- tent de telles analogies avec la règle donnée par M. Berthelot sous le nom de principe du travail maximum, qu'il est bon d'insister sur les diffé- rences. M. Berthelot disait d'une manière générale : La réaction qui tend à se produire est celle qui dégage le plus de chaleur. La Thermodynamique moderne dit que la cha- leur qu'il faut envisager (dans les actions isother- miques) est, non pas la chaleur lotale dégagée, mais celle qui correspond à la chaleur transformable; et elle ajoute aussi : 1° Cette quantité doit être positive pour que l’action soit possible ; 29 L'action n'est pas nécessaire ; 3° Les transformalions successives étant sou- mises à la mème condition, l'état final vers lequel on tend est celui qui correspond au maximum pour la chaleur dégagée transformable. Nous introduisons, bien entendu, ces termes tend vers, afin de bien indiquer le caractère de simple possibilité, en même temps que l'existence d'états intermédiairesréalisables: les mêmestermes, introduits dans l'énoncé de M. Berthelot, peuvent ètre considérés comme apportant les mêmes res- trictions et comme enlevant aussi, avec le caractère de nécessité, une partie de l'utilité de la règle em- ployée. Ainsi, la différence entre les deux théories réside dans la quantité dont le signe détermine le sens du phénomène. Pour M. Berthelot, c'était la quantité totale de chaleur dégagée dans le cas où aucun travail externe n'était effectué; c'était, d'une manière générale, la quantité totale de chaleur, modifiée par un terme de correction, s’il y avait une produclion concomitante, de travail ”. 1 M. Berthelot a, d'ailleurs, été conduit à retrancher de la chaleur totale les quantités de chaleur qui correspondent aux changements d'états, aux transformations physiques, etc:s mais, outre qu'une telle distinction ne peut guère être main tenue, comme nous le dirons plus loin, le terme restant, terme auquel M. Berthelot a donné le nom de chaleu chimique, n2 se confond pas non plus avec Ja chaleu transformable; tout au plus peut-on montrer, en intro GEORGES MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE 591 Pour les thermodynamistes, c'est, dans lous les cas, la quantité de chaleur dégagée, corrigée il est vrai par un terme supplémentaire, qui ne repré- sente pas, d’ailleurs, le travail externe, et dont, en outre, le signe est variable. Pour le premier, l'énergie extérieure, et par conséquent le dégagement calorifique qui en est la mesure, allait toujours en augmentant, si bien que la quantité que nous avons appelée énergie interne devait aller toujours en diminuant, et c’est peut-être le caractère satisfaisant de cel énoncé qui, groupant un nombre considérable de faits, s'est imposé au grand chimiste, qui a formulé alors le principe du travail maximum. Pour les autres, ce qui va en augmentant, ce n’est pas l'énergie extérieure, mais, du moins dans les actions iso- thermes, l'énergie calorifique correspondant au déficit du travail externe résultant de la modilti- cation réalisée; ce qui va en diminuant, ce n’est pas l'énergie interne, mais une autre fonction qui représente la somme du travail externe recueilli et de l'énergie utilisable, et, s'il n'y a pas de travail externe produit, ce qui va en décroissant, c’est l'énergie utilisable, dont la théorie fournit l'ex- pression et qui ne diffère de l'énergie interne que par un terme complémentaire mesurant l'écart des deux règles formulées. Considérons donc la différence numérique des deux termes, qui sont : Pour les thermodynamistes, 4, et pour les ther- mochimistes, la quantité totale de chaleur dégagée, Q, c’est-à-dire : q + Qu. Une action est possible, d'après les uns, si l'on a 4>0; d’après les aulres, si l’on a : q+ Qu > 0. D'une part, ces deux règles coïncideraient si Q était nul ou négligeable à côté de q. D'autre part, si l’on venait à constater que ces deux énoncés sont généralement d'accord (car @;+ est susceptible d'être mesuré) et qu'ils donnent dans un grand nombre de cas des indications identiques, ou si la règle des thermochimistes, qui s'écarte de celle qui dérive de l'ineyalité Carnot-Clausius, donnait (ce qui est généralement vrai dans les actions chi- miques) des résultats vérifiés par l'expérience, on pourrait légitimement en conclure que, dans le plus grand nombre des circonstances, ce terme complé- mentaire est nul ou négligeable par rapport à 4, et par conséquent par rapport à @, termes qui pour- raient alors être confondus entre eux. On peut même penser qu'on aura plus de chance duisant quelques hypothèses, que, dans certains cas, la correction à effectuer sur la chaleur chimique (qui repré- sente la chaleur dégagée au zéro absolu), pour obtenir la chaleur dégagée aux températures ordinaires, est du mème ordre de grandeur que celle qu'il faut effectuer sur cette el réellement dégagée pour avoir la chaleur transfor- mable, de se trouver dans ce cas, si l'on s'arrange de ma- nière que g soit {rès grand, de façon à diminuer à côté l'importance du terme complémentaire; or, l'expérience nous indique qu'aux températures élevées, les conditions réalisées sont souvent voi- sines de certains états d'équilibre, ce qui donne aux actions qui se produisent alors un caractère voisin de la réversibilité; la modification s'opère par des voies peu éloignées des états d'équilibre, elle a un caractère modéré, et, comme la réversibi- lité est caractérisée par ce fait que g est nul, ce dernier terme aura alors une valeur faible; aux basses températures, où les conditions seront plus éloignées de celles qui réalisent l'équilibre, les actions seront plus vives, g sera plus grand puis- qu'il s'annule pour le mode réversible, et alors le principe pourra s'appliquer sous la forme que lui ont donnée les thermochimistes. Ce n'est là, d'ailleurs, qu'un caractère de proba- bilité, car nous ignorons à priori comment varie le terme @,, sous l'influence de la température; de plus, on ne connaît guère les chaleurs dégagées aux différentes températures, et les nombres four- nis par les tables pour les chaleurs dégagées dans les réactions se rapportent généralement aux actions réalisées à la température ordinaire ; pour connaitre les chaleurs dégagées aux autres tempé- ratures, d'autres données sont nécessaires. Nous pouvons dire, toutefois, avec plus de certi- tude, qu'aux températures élevées et, d'une manière générale, au voisinage des élats d'équilibre, le principe thermochimique ne s'appliquera généra- lement pas, à cause de la faiblesse de get de l’exis- tence du terme complémentaire dont le signe est incertain ; plus exactement, on peut penser a priori qu'il s’appliquera à la moitié des cas, s’il n’y a pas une prédominance systématique dans le signe du terme complémentaire”. Laissant de côté la prévision des phénomènes, occupons-nous enfin du dégagement de chaleur qui accompagne toute action physique ou chimique réalisée ; ce dégagement sera : q cn Arr. Il se compose de deux termes, dont un seule- ment est forcément positif; il ne le sera donc pas 1 La détermination numérique de ce terme peut être ten- tée dans chaque cas particulier; on peut indiquer des dis- positifs expérimentaux qui permettent de le mesurer; par exemple, pour certaines de ces actions, on déterminera la force électromotrice de la pile dont cette réaction est le siège, et on la comparera à la force électromotrice que l'on peut calculer d'après la chaleur totale dégagée; ôn ne fait ainsi que mesurer la chaleur transformable et la comparer à la chaleur totale: les cas les plus nombreux jusqu’à pré- sent sont ceux où le terme complémentaire est positif, et où, par conséquent, la chaleur totale est elle-même positive, comme l'indique la Thermochimie. 92 GEORGES MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE nécessairement lui-même; mais, comme précédem- ment, lorsqu'on sera éloigné des conditions d'équi- libre, le terme q pourra être tellement grand à côté de @,, qu'il donnera son signe au dégagement de chaleur, qui sera alors positif : c'est le caractère habituel des réactions (et particulièrement des réaclions violentes), caractère conforme à la règle de Thermochimie; au contraire, au voisinage des conditions d'équilibre, et spécialement aux tempé- ratures élevées où se produisent des réactions in- complètes, des actions limitées, le terme q devient négligeable et le signe du dégagement de chaleur est incertain comme celui de @,,; l'action qui se manifeste peut alors se produire avec absorption de chaleur, et la Chimie aussi bien que la Physique nous offrent de nombreux exemples de telles trans- formations. V. — CAS DES TRANSFORMATIONS NON ISOTHERMIQUES. DÉPLACEMENT DE L'ÉQUILIBRE. Le principe du travail maximum avait l'avantage incontestable de fournir, non seulement une règle simple, mais une règle identique, quelle que soit la variation de la température au cours de l'action réalisée. Le principe général qui doit le remplacer est plus complexe lorsqu'on suppose la température variable ; aussi nous nous sommes placé dans le cas d'une modification isothermique pour com- parer, à la règle de M. Berthelot, celle que nous avons obtenue en particularisant la règle générale. Si l'on ne fait pas une telle restriction, les deux théories ne sont plus aussi aisées à comparer, puisque la règle thermodynamique fait intervenir non plus seulement des quantités de chaleur (cha- leur transformable équivalente au travail extérieur non réalisé), mais des grandeurs plus complexes (la somme des quolients des quantités de chaleur par les températures absolues). Toutefois, la com- paraison peut encore être poursuivie dans quelques cas que nous signalerons. Supposons qu'on mette en présence les uns des autres des corps qui forment un système non en équilibre, mais qui, à une température différente, pourraient donner lieu à un état d'équilibre dans les mêmes conditions (système univariant), ou encore supposons qu'on ait affaire à un système présentant une courbe de transformalion, et en particulier ayant pour chaque pression une tem- pérature d'équilibre dite température de transfor- mation. L'application de la règle générale montre qu'au dessous du point de transformation (à des tempé- ratures inférieures à la température de transforma- Lion), la seule action possible est celle qui pro- duira un dégagement de chaleur. Au-dessus de la température de transformation, au contraire, la seule action qui pourra se produire est celle qui absorbera de la chaleur‘; ce résultat est une con- séquence du théorème énoncé dès 1877 par J. Moutier. Le principe fondamental de la Thermochimie sera donc vérifié loules les fois que, par suite des conditions iniliales, on se trouvera au-dessous du point de transformation, c'est-à-dire à gauche de l1 courbe connue; et si, dans un grand nombre de cas, cette règle est vérifiée, cela tient sans doute à ce que, dans les circonstances ordinaires où nous opérons, el pour ces cas, du moins, les tempé- ralures sont inférieures aux températures de trans- formation, qui, en effet, dépassent généralement les températures moyennes où l’on se contentait autrefois de faire l'étude des réactions. Si, au contraire, nous élions toujours au-dessus des points de transformalion, ce serait l'inverse qui serait vrai, et les modifications se produiraient toujours avec absorplion de chaleur; c’est ce qui a lieu pour cerlaines transformations dont les con- dilions initiales correspondent à des états d'équi- libre à basse température. Il faudrait descendre à très basse lempérature, au voisinage du zéro absolu, pour se trouver dans les condilions où le principe de Thermochimie serait (toujours vérifié. Le principe général de la Thermodynamique per- mel encore de formuler une règle pour le cas où l’on met un tel système (univariant) dans des con- ditions de pression ou de volume pour lesquelles l'équilibre n’est pas réalisé; on peut prévoir le genre d'action qui est susceptible de se produire, mais alors ce ne sont pas des quantités de chaleur qui entrent en jeu, et la règle se présente sous une forme qui n'a rien de commun avec celle de M. Berthelot; elle introduit, par exemple, des considérations de volume (loi de G. Robin), etelle pourrail conduire, suivant la facon donton se trou- verail placé par rapport à la courbe de transforma- tion (au-dessus ou au-dessous et non plus cette fois à droite ou à gauche), à formuler une loi facile à imaginer et qui pourrait porter, suivant les cas, le nom de loi du volume maximum ou de loi du vo- lume minimum. On voit, d'ailleurs, que ces deux lois (loi de J. Moutier, loi de G. Robin) répondent à deux questions qu'on peutse poser à propos d'une même transformation; elles ne constituent l’une et l’autre 1 Sous certaines restrictions d'ordre analytique; d’ailleurs, la forme que l’on obtient d'abord diffère un peu de celle-là; on démontre, par exemple, que la seule action possible est celle qui dégagerait de la chaleur, si elle se produisait dans telle condition déterminée; on arrive ensuite à préciser en introduisant des restrictions dont on apercoit le sens général. oi. A D”, ee GEORGES MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE 593 qu'une des formes de la réponse générale fournie par la Thermodynamique : leur dépendance réei- proque est manifestée par la formule de Clapeyron. Enfin, pour poursuivre la comparaison, nous indiquerons le résultat obtenu par la théorie ther- modynamique au sujet du déplacement de l'équi- libre par la variation de température dans un sys- tème plurivariant; cette règle répond à la question suivante : lorsqu'un état d'équilibre est réalisé, et qu'on vient, laissant invariables loutes les autres conditions, à produire une petite variation de tem- pérature, quel est le genre d'action qui se pro- duira pour alteindre un nouvel état d'équilibre ? Un système chimique est en équilibre stable sous une pression donnée el à une température donnée T; sans changer la pression, on donne à la {empé- rature une valeur T' un peu supérieure à T ; l'équi- libre est rompu; pour atteindre le nouvel état d'équilibre relatif à la pression donnée et à la tem- pérature T', le système doit éprouver un certain changement d'état; si ce changement d'état se pro- duisait sous la pression constante donnée et à la température invariable d'une absorption de chaleur. Si T'est inférieur à T, le mot absorption doit être remplacé par le mot dégagement. Ce théorème ne s'applique pas aux systèmes univarian{s, parce que sa démonstration exige cer- 4 Nous pouvons compléter ces indications en donnant aussi la loi qui régit le déplacement de l'équilibre par va- riation de pression, énoncé que nous copions textuellement, comme le précédent, dans l'ouvrage de M. Duhem (Thermo- dynamique et Chimie) : Prenons un système en équilibre stable, à une température donnée et sous pression donnée; sans changer la température, faisons croïtre la pression d'une petite quantité; en général, l'équilibre sera rompu : le système sera 16 siège d'une petite réaction qui lamènera à un nouvel état d'équilibre; si l’on supposait la même réac- tion produite à partir de l'état d'équilibre primitif, sans changement de température ni de pression, elle serait ac- TABLEAU ÏL. — Lois et Théorèmes T', il serait accompagné taines conditions relatives à la stabilité ; ces condi- tions ne sont pas remplies dans ces systèmes, où, à pression constante, on a un équilibre indifférent, car les masses peuvent varier sans que l'équilibre soit rompu; d'ailleurs, en verlu de son énoncé même, on voit que les systèmes univariants sont exclus, puisqu'on a supposé qu'on modifiait la température sans changer la pression. Pour de tels systèmes, cette loi, devenue inapplicable, est d’ail- leurs suppléée par la loi de Moutier. On pourrait aussi énoncer, pour les systèmes de variance quelconque (saufles cas exceptionnels), une loi semblable à la précédente, mais dans la- quelle le volume serait supposé invariable ; il suf- firait de remplacer les mots pression constante par les mots volume constant; or, les systèmes dont on a parlé et qui offrent un équilibre indifférent sous pression constante se présentent en équilibre stable sous volume constant. Cette seconde loi fournirait aussi un énoncé cor- rélatif de celui de J. Moutier*. Dans un prochain article, nous montrerons, par l'étude d'une série de cas particuliers, comment les règles qui viennent d'être indiquées peuvent être utilisées pour prévoir le sens des transfor- mations. Georges Meslin, Professeur à l'Université de Montpellier. compagnée d'une diminution de volume du système. S'il s'agissait d'une diminution de pression, la réaction serait accompagnée d'une augmentation de volume. Ce théorème ne s'applique pas non plus aux systèmes univariants pour les mêmes raisons que plus haut; il est suppléé pour de tels systèmes par la loi de G. Robin. On pourrait enfin énoncer pour tous les systèmes une loi corrélative de la précédente, dans laquelle il y aurait per- mutation entre les mots pression et volume; cette loi four- uirait également un énoncé analogue à celui de G. Robin. On peut d'ailleurs grouper toutes ces lois ou théorèmes dans le tableau suivant : sur le déplacement de l'équilibre. LOIS DU DÉPLACEMENT DE L'ÉQUILIBRE 19 Par variation de température! Dégagement ou absorption! Inapplicable aux sys- sous pression constante. de chaleur. 20 Par variation de tempér: iture) Dégagement ou absorption sous volume constant . .{ de chaleur. 30 Par varialion de pression température constante. . Variation de volume, 40 Par variation de volume à) température constante. . .\ | Variation de pression . ‘) tèmes THÉORÈMES relatifs aux actions produites en dehors de l'équilibre Théorème de J. Moutier les systèmes univariants. Théorème corrélalif du théo- pour Ve rème de J. Moutier. \ t { { [ 2 témes univariants. { Inapplicable aux sys- univariants. Théorème de G. Robin pour les systèmes univariants. Théorème rème de corrélatif du théo- G. Robin. M. CAULLERY er F. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE L'année écoulée depuis la dernière Revue de Zoologie publiée ici n'a guère apporté dans cette science de découverte sensationnelle, ni créé de chapitre nouveau dans nos connaissances, et cepen- dant l'embarras est grand de faire tenir dans le cadre, nécessairement réduit, de cet article les faits ou suggestions qui nous paraissent utiles à signaler par les progrès qu'ils marquent ou qu'ils annoncent. I. — ZOooLOGIE GÉNÉRALE. $ 1. — Hérédité. Variation. Nous ne reviendrons donc que brièvement sur deux sujets dont nous avons parlé l'an dernier et qui contiguent à être à l'ordre du jour : la pro- duction des espèces par mulalions et les lois de : Mendel. Signalons la publication par de Vries d’une deuxième partie de ses recherches". L'hérédité mendélienne a toujours les honneurs de l'actualité. La notion de la disjonction des caractères des gamètes dans l’amphimixie se montre féconde ; peut-être, cependant, a-l-on parfois une tendance à exagérer la généralité de cette explication. Coutagne, que ses recherches à la fois variées, mélhodiques et prolongées sur les vers à soie ont mis en possession d'abondantes statistiques prêtes à êlre mises à l'épreuve, fait remarquer, par exemple ?, que certains caractères se transmettent suivant des lois numériques différentes de ce que prévoit la loi de Mendel. Au reste, la Æevue a publié récemment sur ce sujet un article de Cué- not * où la question est mise à jour, et les recherches personnelles de l’auteur en garantissent l’autorilé et la documentation. Nous ne pouvons mieux faire | que d'y renvoyer. L'une des difficultés principales, dans ces pro- 1 Die Mutations Theorie, t. II. Elementarbastardlehre. ACCRA CSC LCR XX MIT D 298 * Rev. gén. des Sciences, 1904, p.305.— On peut interpréter peut-être comme des faits exprimant eytologiquement la loi de disjonction des caractères, des anomalies de mitose constatées par Guyer dans la spermatogénèse des pigeons hybrides. Cet auteur à vu, en effet, beaucoup de cellules germinales, en se divisant, donner deux fuseaux côte à côte, comme s'il y avait en elles deux chromatines ne pou- vant se mélanger et provenant respectivement des deux races unies, qui se sépareraient alors définitivement pour donner des éléments sexuels de race pure. Ce travail a été fait avant que l'attention füt appelée sur les lois de Mendel, et l'auteur était arrivé de lui-même à tirer, des phénomènes de réversion dans la descendance des hybrides, des formules correspondant aux lois mendéliennes. (Spermatogenesis of normal and of hybrid pigeons. — Dissert. Chicago, 1900. — Signalé par Davenport dans Amer. Natur., t. XXXNIII, p. 227 . ZA). blèmes d’hérédité, est de décomposer l’ensemble si complexe des facteurs entrant en jeu, en quelques notions simples forcément subjectives, des carae- tères, pour qui on crée un langage artificiel, sur lequel on raisonne ensuite et qui fait perdre de vue la réalité. Une remarque ingénieuse de Cou- tagne ‘, appuyée sur des faits précis, met en évi- dence une semblable erreur de raisonnement. Elle est relative à la sélection des petites différences que présentent les caractères à varialions conti- nues. On est porté à nier que la sélection puisse avoir prise sur ces différences. Tout le monde con- naît l'objection de Nägeli à l'allongement par sélection du cou de la girafe; des différences minimes entre individus ne constituent pas pour les uns un avantage sur les autres. Coutagne fait observer que cette objeclion serait fondée si, à un moment donné, toutes les girafes avaient la même longueur de cou. En réalité, il y a, pour chaque caractère de cette nature, dans l’ensemble de l’es- pèce, des variations étendues à chaque instant, et la sélection s'opère sur l’ensemble des individus où le caractère est supérieur à la moyenne, qui, ainsi, est peu à peu majorée. En s'appliquant à sélectionner chez le ver à soie le caractère : grosseur des glandes séricigènes, Coutagne, en dix ans, a pu ainsi élever sa moyenne de 40°/,, sans diminuer la variabilité individuelle. On peut se demander néanmoins si, dans la Nature, la sélection a prise sur des caractères de cet ordre, avant qu'ils n'aient atteint, sous d’autres influences, un certain degré de perfection. Après Bateson, Samter et Heymons * ont repris le contrôle des retentissantes observations de Schmankevitch sur les variations d'Artemia salina. Schmankevitch avait annoncé que l’abaissement de la salinité de l’eau transforme régulièrement les Artemia en des formes à caractères de Branchipus et que l'augmentation de la salinité transforme l'Artemia salina en Artemia milhauseni. Ces résul- tats furent considérés longtemps, par beaucoup, comme des plus importants. Bateson a déjà, en » essayant de les vérifier, nié leur exactitude, et de nouveau Samter et Heymons montrent qu'ils ne sont pas fondés. Dans les lacs ou élangs limi- trophes de la mer Caspienne, ils ont vu, en effet, que les variations de la salinité amènent des varia- tions de l'Arfemia, mais dans des sens très divers et non pas vers un type déterminé. D'autres fac- 1 GR: Ac. Sc., t.1CXXXVIIL, p-5# 2 Anh. z. d. Abhandl. Kôn. Ak. Wiss. Berlin, 1902, p: 1-62: PP a I NS TT EP VE &4 rh à ÿ RE gt TE D Far "tre M. CAULLERY Er F. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 595 teurs, tels que la ségrégation, entrent en jeu dans | ces phénomènes el ont une influence peut-être plus décisive que la salinité. Les phénomènes de mutation, sur lesquels de Vries a appelé l'attention, et qu'il continue à étu- dier, jouent sans nul doute un grand rôle dans le règne animal, et c’est à eux probablement qu'il faut rapporter la formation d'espèces telles que la Pla- naire polypharyngée signalée cette année par Chi- koff ‘ en Bulgarie et par Mrazek * au Monténégro. Elle a tous les caractères du PJ. alpina, qui vit dans les mêmes habitats, mais, au lieu d'un pha- rynx, en présente plusieurs. Un fait analogue élait déjà connu pour une espèce américaine. Bouvier‘interprètedemêmelesrelationsentre cer- tains Crustacés Décapodes d’eau douce de la famille des Atyidés,quel'onrange dansles genres Ortmannia et Atya et qui, identiques par tous les autres carac- tères, diffèrent seulement par un seul, la conforma- tion de certaines pattes; d’après les matériaux dont il dispose, ces mutations entre les deux genres se produiraient en divers points du globe, indépen- dants les uns des autres : aux iles Sandwich (Ortm. Henshawi et Atya bisulcata), à Madagascar (Orim. Alluaudi et À. serrata), à l'ile Maurice, ete. Il est évident que nous avons beaucoup à apprendre dans cette direction, où est probablement l'explication du polymorphisme chez les Hyménoptères sociaux, ainsi que le suggère Bouvier. $ 2. — Colorations, Pigments, etc. La coloration des animaux est un des chapitres les plus importants de la Biologie générale. Quelle est la nature et l’origine des diverses coloraltions ? Comment s'associent-elles pour former le dessin? Quel estleur rôle, soit physique, soit physiologique, soit biologique (mimétisme)? Autant de problèmes auxquels on travaille de plus en plus et où les diverses directions par lesquelles on les a abordés semblent près de se raccorder. Mandoul * nous fournit un exposé général de cette question et précise nos idées sur la nature des diverses colorations, qu'il étudie dans leur substra- tum physique ou chimique. On est conduit à dis- tinguer les couleurs propres, ou couleurs d’absorp- tion, et les couleurs de structure, dues, soit à des phénomènes de réflexion et d’interférence, soit à des phénomènes de diffraction en milieux troubles que Mandoul est le premier à reconnaitre: ilanalyse aussi les divers mécanismes des changements de coloration et arrive, quant à l’origine des corps colorants des animaux, à la conclusion d'ensemble Arch.Zool. Expér., (4), t. I, p. 401. Sitzber. K. Bühm. ellsch. d. Wiss., 1903. CG: R: Ac. Sc., t. CXXXVIII, p. 446: Ann. Sc. Natur., Zool., (8), t. XVIII, et thèse Paris. > © w » que ce sont des produits d’'excrétion et, en général, des matériaux provenant de l'alimentation. Dans l’évolution des colorations, la sélection, d’après lui, n'intervient que secondairement. À côté de cette étude générale, nous aurions à citer nombre de travaux particuliers. Nous nous bornons à quelques-uns. Keeble et Gamble * ont expérimenté sur divers Crustacés(Wysis, Hippolyte, larves Zoæa et Megalopa) pour voir l'influence de la lumière sur le système des chromatophores, en particulier l'influence de la couleur du fond. Ils ont confirmé à cet égard, en les précisant, les résul- tats obtenus autrefois par Pouchet; d'autre part, il y a analogie entre leurs constatations et celles de Poulton sur la formation du pigment dans les larves et pupes de Lépidoptères. L'origine alimentaire des principes colorants des animaux est soumise par divers auteurs à une étude approfondie. Conte et Levrat *, par exemple, l'ont établie pour les pigments qui colorent la soie de certains Bombyciens : les cocons jaunes de cer- taines races de Bombyx mori, la soie brune de l’Attacus pernyisauvage, etc. Les expériences anté- rieures à ee sujet ne donnaient pas de conclusion nette. En nourrissant les chenilles de feuilles badi- geonnées de matières colorantes (bleu Bx, rouge neutre, etc.), ou en injeclant ces substances dans la cavité générale, ils ont vu ces couleurs teinter le cocon. Les résultals varient avec les couleurs et les espèces expérimentées. Cela tient à l’inégale facilité de l’osmose dans les divers cas. Il n’en est pas moins acquis, en principe, que des substances alimentaires peuvent teindre la soie. Les auteurs en concluent que ses colorations naturelles doivent provenir de la chlorophylle absorbée et vérifient cette conclusion en constatant les ressemblances spectroscopiques des matières colorantes dans les feuilles de murier ou de troène, dans le sang des chenilles et enfin dans la soie. Les recherches les plus étendues dans cette direction sont dues à M'° von Linden, qui les a entreprises depuis de longues années et d'abord sous la direction d'Eimer. Dans un Mémoire publié en 1902 ?, elle avait vérifié les idées d'Eimer sur la phylogénie des colorations des ailes chez les papil- lons et leur développement orthogénétique [c’est-à- dire suivant un petit nombre de directions à partir d'un prototype (bandes longiludinales)|. Elle avait trouvé dans l’ontogénie l'expression de ces idées. Le dessin des ailes apparaît effectivement sous forme de bandes longitudinales, qui ensuite se fusionnent ou se réduisent à des taches, elc. Une 1 Philos. Transact., sér. B., t. CXCVI, p. 295. 2 Publie. du Labor. d'études de la soie, Lyon, et C. R. Ac. Sc., t. CXXXV, 1902. 3 Ann. Sc. Nat., Zool., (8), t. XIV. 596 M. CAULLERY er F. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE aile incolore ou teintée uniformément est une difré- renciation ultime. Cette uniformité dans l’évolution de la coloration des ailes chez les Lépidoptères (et même chez tous les Insectes) doit tenir à une cause générale. M! von Linden la rattache à l’ap- parition des pigments aux dépens des cellules périvasculaires. Or, la disposition primilive du sys- tème circulaloire dans l'aile des Insectes et, en particulier, dans la nymphe du papillon est un réseau. Les colorations apparaissent surtout sui- vant les lignes longitudinales de ce réseau. Les modifications à la disposition primitive du dessin doivent tenir à des changements dans la disposi- tion du système vasculaire [fusion de lacunes parallèles ou disparition de certaines d’entre elles ; renforcement des pigments aux points de croisement des lacunes (taches), etc... |, et c'est effectivement ce qui a lieu. Mais alors, si le pigment est ainsi sous la dépendance de la circulation, il est indiqué d'en chercher l'origine vraie dans la source du sang, c'est-à-dire dans l'alimentation. C'est ce que M'° von Linden indiquait à la fin de son Mémoire et ce qu'elle vient d'étudier d'une façon approfondie ! pour les pigments rouges et jaunes des Vanesses. Des éludes microchimiques minutieuses l'ont conduite successivement à conclure que ces pig- ments résultent de la combinaison d'une substance albuminoïde et d’une substance pigmentaire pro- prement dite, que celle-ci est susceptible d'oxyda- tions et de réductions aisées (c/. l'hémoglobine) accompagnées de changements de ton, que les divers pigments se transforment ainsi les uns dans les autres, et qu'ils ont enfin leur origine dans lintestin de la chenille, où leur matière première est la chlorophylle résorbée à l’état de chlorophyl- lane (conclusion d'accord avec les recherches de Gonte et Levratet avec les expériences de Poulton). Ces pigments jouent, par leurs combinaisons ins- tables avec l'oxygène, un rôle physiologique impor- tant dans la respiration des tissus de l'Insecte. Si beaucoup de fails connus permettaient de considérer a priori les résultats obtenus par M!'° von Linden comme très probables dans leur ensemble, il n'y a | pas moins de mérite ni d'intérêt à en avoir donné une démonstration précise, et il y a là, en outre, une base précieuse pour l'étude de beaucoup de problèmes de coloration, dans leurs rapports avec des théories générales, telles que celles du mimé- tisme. M'° von Linden continue, après son maitre Eimer,le combat en faveur des idées lamarckiennes, et c'est aussi, au moins en grande partie, ce qui se dégage des travaux de E. Fischer * sur l'hérédité des modifications acquises chez les Papillons. ‘ Arch. {ur ges. Physiol., t. XCVIII, 1903; résumé dans Verhdl. Deutsch. Zool. Gesellsch., 1903. * Allg. Zeitsch. f. Entomol., t. VI, 1901; t. VII, 4902, etc. Ces expériences, analogues à celles de Standfuss, ont consisté notamment à soumettre des pupes de papillon soit à des températures élevées, soit au froid, et à étudier les variations de coloration qui en résultent, ainsi que leur transmission héréditaire. Fischer a constaté d'abord cette transmission chez une notable proportion des individus. La discussion de loutes ces expériences etobservations montreque l'action des facteurs physiques extérieurs (tempé- rature, lumière, humidité) influe profondément et héréditairement sur la couleur et aussi sur la forme des ailes. Comme l'avait indiqué Eimer, c'est à des facteurs physico-chimiques externes que l'on doit rapporter, en dernière analyse, la production de ces catégories de colorations si surprenantes offertes par le mimétisme sous ses divers aspects, en parti- culier celles des papillons-feuilles (Xa/lima). On ne peut concevoir que la sélection ait fixé le début de ces dispositions, utiles seulement quand elles avaient acquis une cerlaine perfection imifative. Toutes ces recherches, outre leur intérêt intrin- sèque, restiluent donc au Lamarckisme sa valeur de facteur primaire. $ 3. — Cytologie. — Cellules sexuelles et sexualité. Parthénogénèse. — Atrophies. Les questions de Cytologie proprement dite tien tent toujours une large place dans les préoccupa- tions des biologistes. Il ne saurait entrer dans l'esprit de nos revues de Zoologie d'examiner par le détail les faits et les vues qui se font jour dans cette direction. Nous n’en devons pas moins indi- quer les tendances générales. L'orientation d'un grand nombre de travaux dérive, explicitement ou implicitement, des vues émises par R. Hertwig dans une série de Mémoires publiés depuis deux ans. Deux idées directrices. s'en dégagent. Hertwig' appelle chromidies les granules de sub- stance chromalique et d'origine nucléaire pré- sents dans le protoplasme, en dehors du noyau; et il oppose le chromidium ou système chromidial au noyau proprement dit, montrant que, dans un grand nombre de cas (reproduction, sécrétion, nu- trition), il joue dans la direction de la cellule un rôle égal à celui du noyau, et complémentaire. Plus tard”, Hertwig a émis l’idée de la nécessité d'un rapport constant, pour une espèce déterminée, entre le volume du noyau et celui de la cellule qui le contient. Or, dans l’activité fonctionnelle de la cellule, il y a antagonisme entre le protoplasme et le noyau. Celui-ci tend toujours à se développer aux dépens | de celui-là. Une nutrition intense et prolongée a 1 Arch. f. Protistenk., t. I, 1902. ? Biolog. Centralbl., t. XXII, 1905. dant à * M. CAULLERY er F. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOUIE pour résullat l'accroissement de laille de la cellule et surtout du noyau (cf. l'ovule, ete.), qui tend à l'emporter; si, l'équilibre étant rompu, aucun mécanisme ne vient le rétablir, il en résulte la dégénérescence et la mort de la cellule. C'est l'existence de processus régulateurs, assurant un remaniement de la cellule (enkystement, conju- » gaison, elc.), qui empêche la mort régulière, phy- siologique en quelque sorte, chez les Protozoaires ; chez les Mélazoaires, la fécondation de l'ovule à une signification analogue. Les deux idées sont, d’ailleurs, connexes. Ainsi, l'un des processus par lesquels l'équilibre se rétablit consiste dans la sorlie d'une certaine quantité de chromidies hors du noyau. La théorie des chromidies d'Hertwig, basée sur- tout sur des faits relatifs aux Prolozoaires, a trouvé un large écho, principalement en Allemagne. Schau- dinn!,un des premiers, s'yestrallié et l'a appuyée de faits relatifs aux Rhizopodes. II a montré que sou- vent le chromidium n'était pas autre chose que le noyau sexuel se dégageant du noyau végétalif. Les Prolozoaires constituent, d'ailleurs, comme l’a bien compris Hertwig, la meilleure pierre de touche pour toutes ces théories cylologiques. Au point de vue chromidial, on y observe tous les cas”, qui peuvent se grouper en deux catégories : 1° Le noyau existe à côté du système chromidial; 2° Le système chromidial existe seul; c'est le cas du noyau diffus des Oscillariées et des Bactéries, dont Schaudinn a donné des exemples si nels. Si l'on admet cette conceplion du noyau diffus, on revient sous une autre forme à la fameuse Monère de Hæckel. Mais peut-être le noyau ne nous parait-il diffus que parce que. chez de petites cellules, nos moyens d'analyse ne nous permettent pas de recon- naître les limites nucléaires. Chez les cellules de plus grande taille, par exemple certains Infusoires, on constate, en effet, que le noyau, d'apparence diffuse, a, en réalité, conservé son individualité, et qu'il est simplement très amiboïde. Peut-être en est-il de même chez les Bactéries. En tout cas, chez ces Bactéries, on revient à un noyau morphologiquement défini au moment de la Sporulation. L'inverse se produit chez un certain nombre de Protozoaires de la première catégorie, comme ceux étudiés par Schaudinn, où c'est au moment de la multiplication que le système chro- midial se met en mouvement et qu'on a de la chro- matine diffuse par toute la cellule. Ce mode de multiplication est ce que Schaudinn a appelé, en 1895, en allirant l'attention sur lui : « multiple- kerntheilung » (production simultanée de plusieurs ? Arb. a. d. Kaiser]. Gesundheïtsamte, t. XIX, 1903. ? Voir à ce sujet la substantielle revue de Cazxins, Arch. f. Protistenk., t. 11, 1903. 97 noyaux aux dépens d’un seul). On en connait, à l'heure actuelle, un grand nombre d'exemples. Hertwig y voit le mode de division le plus simple, sinon le plus primitif. Des Protozoaires, la notion des chromidies de- vait s'étendre (et, en fait, elle s’est étendue) aux Métazoaires. Déjà, il y a deux ans, Hertwig indi- quait l'existence de chromidies chez les œufs d'Astéries et les cellules rénales de Mammifères. Goldschmidt', en en signalant chez diverses cel- lules d'Ascaris, indique qu'il convient de ranger dans les chromidies : les milochondries de Benda, les pseudochromosomes de van der Strisht, le trophospongium (p. p.) de Holmgren, le noyau vitellin, le Nebenkern, l'appareil réticulaire, etc. En un mot, l’activité fonctionnelle des tissus serait sous la dépendance des chromidies. Il ne faut pas se dissimuler, croyons-nous, qu'il y a là, jusqu’à un certain point, queslion de mots et affaire de mode. L'archoplasme de Boveri, le kinoplasme de Stras- burger, le protoplasme supérieur de Prenant, font, jusqu'à un certain point, place au chromidium d'Hertwiz. Mais il faut bien remarquer que cette dernière notion implique l’origine nucléaire, et il faut avouer qu'elle n’est pas encore établie dans tous les cas visés. Néanmoins, la tendance actuelle est mani- festement dans cette direction. Sans vouloir remonter à plus d’une année, nous trouvons dans la thèse si documentée de Launoy” des faits parfaitement nets et précis à cet égard. Il montre que, dans les cellules à venin, comme dans les cellules à enzyme en activité, la substance active s'élabore d'abord dans le noyau; et cette élabora- tion se traduit par des variations de volume et de position du noyau, des variations de chromaticité, desphénomènes depyrénolyse intranucléaires; puis, il y a sortie de substance nucléaire dans le proto- plasme, soit sous forme de granules chromatiques, soit à l’état de dissolution. Et ces substances d’ori- gine nucléaire deviennent, par élaboration dans le cytoplasme, le venin ou la proenzyme. Dans l'élaboration intranucléaire, le nucléole, toujours si développé etsinet dansles cellules glan- dulaires, paraît jouer un rôle important; il est, èn particulier, le siège des phénomènes de pyrénolyse. Le rôle du nucléole continue à faire l’objet d'un grand nombre de travaux, sans qu'il s'en dégage rien de très général. Notons, cependant, une ten- dance nouvelle à faire dériver, suivant les idées de Carnoy et de son école, les chromosomes (ou les pseudo-chromosomes) ovulaires du nucléole (par exemple : Goldschmidt pour l'œuf de Polystomunm ; 1 Biolog. Centralbl.,t. XXIV, 1904, p. 2#1. * Ann. Sc. Nat., Zool., (8), t. XVIII, 1903, et Thèse Paris. 598 M. CAULLERY ET F. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE Hartmann pour l'œuf d'Asferias glacialis; Lubosch pour les œufs de Triton). Nous ne voulons pas quitter la cellule sans signa- ler des faits qui traduisent, sous une forme figurée, le rôle prépondérant du noyau dans sa nutrition. Siedlecki! a vu, chez des Coccidies qui se déve- loppent dans les spermatogonies d'une Annélide, une sorte de canal allant du noyau de la Coccidie à celui de la cellule-hôte. Le même fait a élé con- staté par Bergmann* : il a vu une trainée de pro- toplasme à grains fins, dépourvu de vitellus, s'étendant de la vésicule germinative de l’ovule d'une Annélide (Onuphis tubicola) vers les cellules nourricières. Ce sont de nouveaux faits à ajouter à ceux, déjà anciens, de Korscheltchezles Insectes, etc. Le nucléole lui-même jouerait un rôle : Hoffmann, chez le Nassa, a vu le nucléole émettre des pseu- dopodes dirigés vers le vilellus; Stauffacher, chez le Cyclas, a reconnu une disposition générale de la cellule centrée vers le nucléole. La notion de l'individualité et de la perma- nence du centrosome, au sens de Boveri, continue à être battue en brèche. On distingue, dans le cen- trosome, des cellules en division, le ou les cen- trioles, qui eux seraient des éléments constants” Dans les cellules au repos, les diplosomes bien connus sont des centrioles et non des centrosomes. Dans leur beau Mémoire sur les transformations du cytoplasme pendant la fécondation et la seg- mentation de l'œuf de Æhynchelmis, Vejdovsky et Mrazek* mettent en évidence le rôle directeur du centriole ; ils étudient avec les plus grands détails le centroplasme (centrosome de Boveri), avec sa structure alvéolaire, et montrent qu'il se régénère toujours de façon endogène dans celui de la géné- ration précédente. La question de la conceplion centrosomique de tous les corpuscules basaux des cils ne semble pas comporter une réponse générale. Il est probable que les corpuscules basaux des flagelles des sper- matocytes ou des spermatozoïdes, animaux et végé- taux, et des Flagellés, ont, conformément à lathéorie von Lenhossek-Henneguy, la valeur centrosomique. Mais, pour un grand nombre de cellules ciliées de Métazoaires, pour les Infusoires ciliés (Maier*), il n’en est pas de même. Nous avons longuement relaté l'an dernier les résultats nouveaux el inattendus obtenus sur le dimorphisme des spermatozoïdes. Chez les Mol- lusques Prosobranches, DEC a retrouvé des Cracovie, 1902. wiss. Zool., t. LXXIITI, 1902. BR. Soc. Biologie, 1903) confirme à cet égard 1 Bull. Acad. Sc. 2 Zeitschr. f. 3 P. Bou (C. MEVES. 4 Arch. 5 Arch. SIC f. mikr. Anat., t. LXII, 1903. f. Protistenk., t. II, 1903. Biol., 1903. Soc. résultats analogues à ceux de Meves, chez un certain nombre de lypes. On n’a toujours aucun rensei- gnement sur le rôle physiologique. des sperma- tozoïdes oligopyrènes ou apyrènes. Chez les Gréga- … rines Stylorhynchides (v. infra), Léger a mis en évidence, à côté des spermatozoïdes fertiles, l’exis- tence d'une deuxième calégorie d'éléments mâles, à noyau riche en chromatine (ayant subi une l division en moins), et possédant deux filaments axiles au lieu d’un. Mais il ne les a jamais vu fécon- der un élément femelle, quoi qu'ils soient les pre- miers mûrs, et il tend à les considérer comme servant seulement à une excitation mécanique des M ovules. Chez certains Crabes (Haïa), Labbé ! déerit £ aussi un dimorphisme des spermatozoïdes, l’une | des formes étant apyrène. Les recherches de ce dernier auteur sur les sper- matozoïdes des Crustacés l’ont amené surtout à d'autres conslatations très curieuses. On sait que ces spermatozoïdes diffèrent beaucoup de ceux des autres animaux, qu'ils ont une forme compliquée et variée, des prolongements radiaires, peu de mobilité, ete. D'après Labbé, ce ne serait pas là la forme définitive, mais un stade transitoire de la spermalide, et le spermatozoïde proprement dit ne s'en dégagerait que bien plus tard, au moment où il va féconder un ovule; il est emprisonné dans une gaine chitineuse, d'où il sort par des processus compliqués, et alors il est très mobile. Nous ne pouvons ici donner une idée précise de ces trans- formations. Il se trouve que des recherches sur le même sujet ont été effectuées d’une manière indépendante par Koltzoff* et ont abouti à des résultats ana= logues. Koltzoff, étudiant minutieusement toutes les transformations de la spermatide; a pu établir L un parallèle précis entre les spermatozoïdes des Crustacés et ceux des autres animaux, y retrouver les centrosomes, etc... (les résultats des deux tra- vaux sur ces points d'histogenèse sont difficiles à bien raccorder). La vésicule chitineuse, qui cons- titue souvent la portion la plus volumineuse du spermatozoïde, représente pour Kollzoff sa régions caudale ; il n’a pas vu le spermatozoïde s’en dégager lentement, comme le décrit Labbé; mais, sous l'ac-. tion de certains réactifs, il a été témoin d’une véri- table explosion de cette vésicule, et des observations,s encore incomplètes, sur un Crabe lui font supposer que cette explosion se produit au moment de la fé- condation et enfonce la partie nucléaire de l’élémen mâle dans l'ovule. Nous renvoyons aux Notes origi= nales pour les détails de ces curieux phénomènes, qui seront évidemment mieux connus avant peu. 1 Arch. Zool. : xpér:, (4), t IL N:'et R:, pl. À * Anat. Anz.,t. XXIV, p.83, et Biol. DA L. DUT p. 680. è F M. CAULLERY er F. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 599 L'homologie des divisions maturatives de l'œuf avec les deux divisions conduisant du spermatocyte de premier ordre aux spermatides est admise par tout le monde. Mais on ne connaissait jusqu'ici, en spermatogénèse, rien d'analogue à l'inégalité de - volume qui oppose les globules polaires à l’ovule. Meves! signale chez les Hyménoptères (Abeille et Bourdon) des faits de cet ordre. La première divi- sion porte sur le spermalocyte de premier ordre; il y a préparation du noyau à une karyokinèse qui ne se termine pas, et il s’isole seulement un bourgeon purement protoplasmique, le premier globule polaire. La deuxième division de maturation est une biparlilion karyokinétique lypique; l'un des noyaux s'entoure seulement d’une petite quantité de protoplasme et le deuxième globule polaire est ainsi conslitué. Le premier meurt assez vite; le second se transforme en spermalozoïde comme la grosse cellule sœur; mais ce globule polaire- spermatozoïde finit vraisemblablement par dégé- nérer. Des faits analogues existent pour une Guêpe (Vespa germanica) : le premier globule est encore uniquement cytoplasmique; mais il y a ensuite division égale et les deux cellules restantes se trans- forment toutes deux en spermatozoïdes. Les travaux sur la parthénogénèse expérimen- tale continuent sans apporter de faits nouveaux bien saillants”. Delage* a poursuivi l'élevage de ses larves d’Astéries au CO? (voir la Æevue de l'an dernier); en aérant l'eau, en les nourrissant avec du jaune d'œuf et surtout avec des cultures de chlorelles, il a vu pousser les bras de la Bipinnaria, puis les papilles de la Prachiolaria, et les aconduites tout près de la métamorphose. C’est le meilleur résultat auquel on soit parvenu. Le même savant‘ a réussi à obtenir le dévelop- pement parthénogénétique, au moyen de CO’, d'œufs d'Oursin, qui, comme on le sait, expulsent leurs globules polaires avant de quilter l'ovaire; mais il faut les secouer préalablement. Il a atteint des stades à 32 blastomères. Bataillon a obtenu la segmentation parthéno- génétique des œufs de Petromyzon planeri en les plongeant et les maintenant dans des solutions de saccharose à 5 ou 6 °/, ou dans des solutions isoto- niques de NaC]; il obtient ainsi régulièrement de très belles morulas. Giard a été, avec Balaillon, un des premiers défenseurs de la théorie de la déshydratation pour expliquer le développement parthénogénétique ex- Anat. Anz., t. XXIV. Voir à ce sujet Boux : Rev. gén. Se., 1904. Archiv. Zool. Experim. (4), t. 11, 1904. lbid. C. R. Acad. Sciences, t. CXXXVII. œ æ © 1% æ périmental. Il vient de donner ‘ une preuve directe du bien fondé de sa manière de voir : il déshy- drate des œufs d’Astéries simplement en les séchant avec du papier buvard. Les œufs remis ensuite dans l’eau de mer donnent 15 °/, de développe- ments. Hunter obtient des résultats satisfaisants avec des œufs d’Arhacia en les plaçant dans de l'eau de mer concentrée (500 centimètres cubes réduits à 375). J. Loeb‘, qui a été le promoteur de tout cet important mouvement expérimental sur la parthé- nogénèse, vient de parvenir à d’autres résultats non moins intéressants. Il a réussi des hybrida- tions d'Oursin et d'Etoile de mer, d'Oursin et d'Holothurie. Ce problème de l’hybridation entre espèces très éloignées, réputé jusqu'ici chimérique, a été résolu d'une facon extrêmement simple. Il suffit d'alcaliniser très légèrement l’eau de mer normale ou la solution de Vant'Hoff neutre (eau distillée où l’on a fait dissoudre les divers sels constituants de l'eau de mer, à la concentration moléculaire constante qu'ils ont, d’après Vant’Hoff, dans la mer; le Ca, dont la concentration est très variable, est employé à raison de 2 CaCl pour 100 NaCl); l'adjonction de 0,0003 à 0,0004 d'une solution de soude normale suffit pour empêcher l'œuf d'Oursin d’être fécondé par son propre sperme, et en revanche pour le rendre apte à l'être par celui d'Astérie. Loeb a même vu l’eau prise en certains points de l'Océan, par exemple dans une région riche en algues, être favorable à ces hybridations. Les hybrides se développent aussi bien que les indi- vidus normaux; ils donnent des larves nageuses. On ne sait pas encore si leurs caractères sont intermédiaires entre ceux des deux progéniteurs. Les recherches dans cette direction ne sauraient manquer d'avoir le plus grand intérêt; c'est, d’ail- leurs, dans cet esprit qu’elles ont été instituées par Loeb. On a signalé depuis un an un certain nombre de cas nouveaux de polyembryonte, ou de blastotomie. On appelle ainsi la production, par division de l'œuf fécondé, à un stade plus ou moins avancé de sa segmentation, d’un certain nombre d’embryons : Robertson ‘ l’a reconnu chez un Bryozoaire Cyclos- tome, le Crisia occidentalis; Perkins chez un Cœlentéré, le Gonionema murbachii ; Marchal® chez 1 C. R. Soc. Biologie, 1904. ? Amer, Journ. of Physiol., t. VI, 1901; Biolog. Bull. t. V., 1903. $ Pflüger's Archiv., t. IC, et Univ.California Publie., Phy- siology, t. I. 4 Univ. of California Publ., Zool.,{. 1, n° 3. 5 Proc. Acad. Nat. Sc. Philadelphia, {. LIV, 1903. 5 Bull. Soc. Entom. France, 1903; C. R. Soc. Biologie, 190%. 600 un Hyménoptère,le Polygnotus nianutus;en somme, dans trois groupes où on en connaissait déjà des exemples. Marchal a cherché à préciser le déterminisme du phénomène. Dans le cas du Polygnotus, il cons- tale que l'œuf, qui se trouve dans l'estomac de la Cécidomye du blé, est soumis à deux causes qu'il regarde comme susceptibles l’une et l’autre de déterminer la blastotomie : secouage violent et changement rapide des conditions osmotiques (quand, la Cécidomye commençant à se nourrir, la sève du blé parvient dans son estomac). Dans le cas de l’Æneyrtus fuscicollis, précédemment étudié par Marchal, le développement de l'œuf et la blasto- tomie sont concomilants d'une hydratation brusque de l'hôte, qui a passé l'hiver dans un état d'anhydro- biose. En somme, la blastotomie et la parthénogénèse expérimentale paraissent relever des mêmes déter- minismes. A ce propos, il nous sera permis de faire re- marquer que Duclaux, dans ses fines el ingénieuses expériences sur les conditions du développement des « graines » de ver à soie, en particulier sur l'action indispensable du froid, avait montré qu'on obtient un développement précoce en frottant les œufs, en les électrisant, en les plongeant dans l'acide sulfurique; Giard, il y a déjà plusieurs années, à fait ressortir que cette dernière expé- rience rentre, comme interprétation, dans ce qu'il a appelé l’anhydrobiose. Il nous plait de rap- peler aujourd'hui. au lendemain de la disparition de l’'éminent savant, le rôle de précurseur qu'il a joué dans ces questions si captivantes de Biologie générale. La question de l'origine des jumeaux vrais, c'est-à-dire monochoriaux, qui a déjà suscité lant de travaux, semble devoir ètre tranchée dans le sens d'une polyembryonie. Trois hypothèses ont été émises pour expliquer l'origine de ces jumeaux : ils proviennent ou bien d'un ovule avec deux vési- cules germinatives fécondées par deux spermalo- zoïdes, ou bien de deux ovules contenus dans un même follicule de Graaf, ou enfin d’un œuf fécondé unique qui se blastolomise à un certain moment de son développement. Les Tatous ont normalement des jumeaux mono- choriaux. Rosner, en 1901, ayant trouvé des folli- cules de Graaf renfermant quatre l'ovaire d’un ovules dans Dasypus 9-cinctus, à altribué la gémellarité chez les Uasypus à la structure pluri- ovulaire des vésicules de Graaf. Cuénot! a repris cette étude des ovaires de Tatous et a constaté que les follicules pluriovulaires sont tellement rares que ‘ C. R. Soc. Biologie, 1903. M. CAULLERY Er F. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE l'hypothèse de Rosner est insoutenable; de plus, il n'a pas vu un seul ovule à deux noyaux; il se rat- tache donc à l'hypothèse de la polyembryonie. Les jumeaux monochoriaux sont toujours de méme sexe; il en est de même de tous les individus issus d’un même œuf chez les Insectes dans les observations de Marchal, qui voit là un argument " en faveur de la déterminalion du sexe avant toute segmentation de l'œuf. La question des caractères sexuels secondaires s'est enrichie d'observations intéressantes de Re-. gaud et Policard sur le dimorphisme sexuel des reins d'Ophidiens et de Sauriens ". Dans le rein du male, un volumineux segment du tube urinifère ecquiert un développement considérable et une structure remarquable, en rapportavec une fonction sécréloire intense (abondants granules probable- ment calcaires). D'après Guitel*, certaines espèces de Lepadogaster présentent également une varia- tion sexuelle dans les pelotons mésonéphrétiques. Sous quelle dépendance sont ces caractères sexuels secondaires? L'année qui vient de s’écouler nous apporte un certain nombre de fails nouveaux, non absolument décisifs d'ailleurs, en faveur du rôle de la sécrétion interne des cellules intersti- lielles; les caractères en question subsistent, en effet, dans le cas de testicules ectopiques ou après la ligature des canaux déférents (or, il y a régres- sion des éléments séminaux, mais non des cellules. interslitielles), alors que la castration les sup- prime (Ancel et Bouin‘, Shattock el Seligmann ‘). Mais, Giard fait remarquer que l'influence humo- rale n'explique pas tous les faits connus. L'étude des phénomènes d'atrophie a surtout porté depuis un an sur les cellules sexuelles. C'est ainsi que Ch. Pérez* et Dubuisson © ont fait con- naître de nouveaux faits mettant en lumière le rôle phagocytaire des cellules folliculaires el secondai- rement des leucocytes dans l’atrophie des ovules et des spermatozoïdes de Balraciens en captivité. Regaud et Tournade ont montré que l'interruption oblitérative du canal déférent, chez le Rat, fait dis= paraitre presque toutes les cellules séminales, qui sont phagocytées par le syneylium des tubes testi- culaires. Mais, dans tous ces cas, on n'est pas dans les, conditions naturelles. Regaud, en 1901, a montré que la propriété phagocytaire du syneylium s'exerce à l’état normal pour les cellules mal formées 1 Arch. Arat. micr.,t. VI, 4903. 4 2 Arch. Zool. expér. (4), t. II, N.et R. 5 C. R. Soc. Biologie, 1903 et 1904. Arch. Zool. exper. (4) Ale 1 i Proc. Roy. Soc., 11 févr. 190%. à 5 C. R. Soc. Biologie, 2 juin 1903, et Ann. Instit. Pasteur t XVII. ] 6 C. R. Acad. Sciences, 29 juin 1903, p. 1690. M. CAULLERY et FK. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 601 et aussi pour des spermalozoïdes d'apparence normale, mais retardalaires.P. Bouin‘ constate que les spermalocytes en dégénérescence, chez divers Myriapodes, sont phagocvytés par les spermatocytes voisins qui les utilisent pour leur nutrilion. Caul- lery et Siedlecki, étudiant les changements qu'éprouvent les glandes génitales d'Oursin (Æehi- nocardium cordatum), en dehors de la période de reproduction, montrent que le fait dominant est la phagocytose totale des éléments sexuels diffé- renciés, restant dans les glandes génitales. IL convient de donner une place à part au travail de Siedlecki* sur le rôle phagocytaire des amæbo- cyles d’une Annélide (Polymnia nebulosa); ils englobent une assez grande quantité d'éléments mâles, spermatides et spermatozoïdes mûrs (c'est un fait que nous pouvons confirmer pour d’autres _ Annélides), sans doute les moins vigoureux. Les spermatozoïdes qui restent dans le cœlome de l'Annélide, après l'évacuation générale des produits mâles, subissent le même sort. Les amæbocytes englobent aussi les énormes masses plasmiques ou cytophores, qui subsistent comme reliquat de la formation des spermatozoïdes. Le rôle phagocytaire des amæbocytes apparait donc ici comme essentiellement économique, puis- qu'il permet la rentrée, dans le cycle des échanges nutritifs de l'Annélide, de tous les matériaux de rebut ou en excès dans la spermalogénèse. II. — Z00L0GIE SPÉCIALE. $ 14. — Protozoaires. Signalons d’abord le nouveau fascicule du Traité de Zoologie, publié sous la direction de E. Ray- Lankester; il est tout entier consacré aux Pro- tozoaires. J.-J. Lister, très connu cherches sur le dimorphisme des Æoraminifères, y expose, d'une facon particulièrement originale et suggestive, l'histoire de cette classe; il met bien en relief les lacunes encore considérables de nos connaissances relativement au cycle évolutif de ces Protozoaires. — E.-A. Minchin traite en deux cents pages environ des Sporozoaires; son exposé constitue le traité le plus complet et surtout le plus exactement documenté que nous possédions ‘sur ces parasites. — Enfin, S.-J. Hickson donne un chapitre intéressant, malheureusement trop court (60 p. seulement), sur les Infusoires Ciliés. Léger‘ vient de publier une étude d'ensemble Sur l’évolution sexuée des Grégarines Stylorhyn- chides des Coléoptères Ténébrionides. Des deux in- par ses re- C. R. Soc. Biologie, 1903, p. 765. ? C. R. Acad. Sciences, 28 sept. 1903, p. 496. $ Ann. Inst. Pasteur, t. XVII, 1903. * Arch. f. Protistenk., t. AI, 1904. dividus qui s'unissent dans un kyste, l’un donne des produits mâles, l’autre des produits femelles. Fait extrèmement curieux, l'élément mâle, qui res- semble fout à fait à un Infusoire flagellé, renferme plus de malières de réserve, et il est plus volumineux que le produit femelle; son noyau est vésiculeux comme celui de l'élément femelle; on dirait celui d'un spermatozoïde qui dépasse à peine le slade de spermaltide. C’est l'élément mâle qui va à la ren- contre de l'élément femelle; par l'union complète des deux éléments et de toutes leurs parties consti- tuantes, se forme une copula qui devient le spo- rocyste (ou spore) bien connu des Grégarines. Chez d'autres Grégarines (Pterocephalus des Myriapodes), étudiées par Léger et Duboseq', la sexualité des deux individus qui s'accolent sous un même kyste est apparente de très bonne heure, et ici le spermatozoïde, nettement plus petl que l'ovule, est presque complètement constitué par de la chromaline, en masse compacte ; il ressemble beaucoup aux microgamètes des Coccidies. Si l’on considère l’ensemble Grégarines-Gocci- dies (Sporozoaires ectosporés ou Télosporidies), on a donc toutes les étapes entre l'isogamie en appa- rence parfaite (cas des Monocystis de Siedleeki et Cuénot) et l’anisogamie extrême. D'autres contributions au cycle évolutif des Protozoaires ont un intérêt spécial en ce que ces cycles se compliquent d’une alternance d'hôtes, et, parce la même, elles touchent aux questions les plus importantes sur la transmission de cerlains para- sites pathogènes. Voilà sept ans que l’on connait le cycle évolutif des Hématozoaires endoglobulaires, dont le parasite du paludisme est le type. On sait depuis plus long- temps encore que les piroplasmoses, autres mala- dies à parasites endoglobulaires, sont transmises par les Tiques, et que ce sont les Tiques, filles de celles qui ont sucé du sang infecté, qui inoculent la maladie aux animaux (Bœufs) sains. En revanche, on ne savait rien de précis sur le eyele évolutif des Hémogrégarines, que l’on rencontre si fréquem- ment dans les globules rouges des Vertébrés à sang froid. Les recherches de Siegel* ont montré que, pour l'Hémogrégarine de la Tortue d'eau, l'agent de transmission est une Sangsue ectopara- site. Toute une partie du eyele évolutif de l'Hémogré- garine se passe dans le corps de la Sangsue, qui est apte à inoculer de nouveaux germes, contenus dans ses diverlicules pharyngiens, à une autre Tortue. Schaudinn à trouvé un cycle évolutif analogue pour une Hémogrégarine du Lézard; mais, ici, le second hôte est un Ixode. ‘ Arch. Zool. expérim., (4), t. 1, 1903, N.et R. 2 Arch. f. Protislenk., t. 11, 1903. 602 M. CAULLERY Er F. Il est probable que toutes les Hémogrégarines ont un second hôte, Acarien ou Hirudinée, suivant que J'hôte Vertébré mène une vie aérienne ou aquatique. Ce n’est pas diminuer l'intérêt de ces faits nou- veaux en disant qu’ils avaient été prévus. Ceux que Schaudinn‘ vient d'annoncer sont tellement impré- vus que, malgré la légitime autorité que ce savant s'est acquise en peu d'années par la suite de ses travaux remarquables, ses conclusions seront diffi- cilement admises sans discussion ni contrôle. On peut les résumer simplement ainsi : certains Hématozoaires endoglobulaires d'Oiseaux ont, dans leur cycle évolutif, de véritables Trypanosomes ou de véritables Spirochètes (qui eux-mêmes ne sont que des Trvpanosomes extrèmement ténus). Les recherches de Schaudinn ont porté sur deux espèces d'Hématozoaires endoglobulaires de la Chevêche (Athene noctua), qui évoluent chez le Moustique commun (Culex pipiens). Ce sont les ookinètes, — vermicules mobiles, résultant de la fécondation, dans l'estomac du Moustique, des ma- crogamètes par des microgamètes, — qui vont se transformer en Trypanosomes. Pour une des es- pèces, les Trypanosomes sont assez volumineux et trapus. Mais, pour l’autre, ils se forment en grand nombre à la surface de l’ookinète; ils continuent à se diviser, s'étirent, s'unissent par deux par leurs extrémités postérieures, et deviennent, dit Schau- dinn, des Spirochètes, indistinguables des Spiro- chètes typiques, de la fièvre récurrente par exemple. Trypanosomes ou Spirochèles représenteraient essentiellement la phase de multiplication asexuée, chez le Moustique comme chez l’Oiseau, des Héma- tozoaires endoglobulaires auxquels ils sont liés. Ce sont eux qui sont inoculés par la trompe du Mous- tique. A un moment donné, dans le sang de l'Oiseau, des formes flagellées, différenciées dans les sens mäle et femelle, deviennent endoglobulaires et, après de nouvelles péripéties dans le détail des- quelles nous ne pouvons entrer, donnent les ga- mètes, qui ont été notre point de départ et dont l'évolution ne peut se compléter que chez le Mous- tique. C'est donc une véritable révolution que Schau- dinn tend à introduire en Protistologie, en établis- sant des liens ontogénétiques entre organismes que l’on était habitué à placer dans deux classes ou même dans deux règnes différents. Fort des faits qu'il considère comme établis d’une façon définitive pour les parasites de l'Afhene, Schaudinn nous fait prévoir que la révolution s'étendra à d’autres Hémocytozoaires : d'ores et MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE déjà, il annonce que l'Hématozoaire du paludisme présente des Trypanosomes dans son cycle évolutif, qu'il y a des raisons pour supposer qu'il en est de même pour les Piroplasmes, qu'enfin le microbe de la fièvre jaune, qui, comme les travaux de ces der-" nières années l'ont montré, traverse des bougies relativement peu perméables, pourrait bien être” quelque Spirochète ullra-microscopique, visible seulement à l’état d'agglutinats en rosaces. Cette idée que le parasite de la fièvre jaune est un Protozoaire ressort, d’ailleurs, nettement du parallélisme entre son évolution chez le Moustique et celle de l'Hématozoaire de Laveran ; dans un cas comme dans l’autre, le Moustique qui a sucé du sang parasité ne peut réinoculer la maladie qu’ après une douzaine de jours environ. Les diverses recherches sur les cycles évolutifs de Protozoaires dont nous avons parlé ont encore mis en évidence d’autres faits d'intérêt général que” nous devons indiquer. La plupart des parasites qui ont des Invertébrés, soit comme hôle unique (ex. :M les Herpetomonas, que vient de réétudier Pro wazek), soit comme second hôte, sont capables d'aller, sous une de leurs nombreuses formes évo- lutives, parasiter les ovules. Si l'infection est in- tense, il y a castration parasitaire; si elle reste modérée, l’ovule est encore capable de donner un nouvel individu, qui sera parasité héréditai-e rement. £ ÿ Le cas a été observé : par Siegel pour les Sangsues qui ont sucé-du sang à Hémogrégarines (on re- à trouve, en effet, les parasites dans les glandes æsophagiennes de leurs embryons, encore au stade de nutrition vitelline); par Schaudinn chez les Ixodes des Lézards, chez les Culex pipiens ayant sucé du sang parasité d'Afhene noctua, et unes seule fois chez un Anophèle renfermant l'Hé- matozoaire du Paludisme. Prowazek' a vu des Herpetomonas aller contaminer les ovules des Mouches parasitées. Tous ces faits s'ajoutent à l'exemple classiquen de la pébrine des Vers à soie. La le T héréditaire des infections à Protozoaires chez les. invertébrés n’est donc pas rare; elle s'explique pa la mobilité amiboïde des Protozoaires, qui peuvent. ainsi pénétrer à l'intérieur des cellules, ce qui est impossible aux Baclériacées par exemple. | Au point de vue de l'étiologie des maladies Protozoaires, le fait est important à considérer Généralement, on ne tient compte que du eyele : Vertébré — Invertébré adulte — Vertébré, ete. Le fait de l'infection héréditaire multiplie le jalons entre deux infections du Vertébré. 1 Arb. a. d. Kaïserl. Gesundheitsamte, {. XX, 1904. 1 Arb. a. d. Kais. Gesundheïtsamte, t. XX, 1904. 4 M. CAULLERY Er F. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 603 On a, en effet, entre deux Vertébrés : Invertébré adulte — œuf, puis larve, puis nouvel adulte de l'Invertébré — Et il n'est pas illogique de supposer que le para- site peut se propager ainsi, par voie héréditaire, d'Invertébré à Invertébré, sans repasser par le Vertébré. L'œuf, avec ses membranes, constitue, pour le parasite, l'équivalent physiologique des enveloppes du sporocyste ou du kyste de résistance. On conçoit ainsi qu'une maladie de Mammifères, par exemple, se perpétue dans une région, même en l'absence de tout Mammifère propre à l'infection naturelle. C'est là une notion qui ressort nettement des recherches récentes, et que ne devront pas perdre de vue les hygiénistes. D’après Schaudinn lui-même, le fait n'aurait aucune importance pra- tique dans le cas du paludisme. Il n’en est pas de même pour les piroplasmoses ; si, dans ce cas, on n'a pas suivi les parasites chez les Tiques, il n'en résulte pas moins, d’une part des expériences d'in- fection par les Tiques-filles (Smith et Kilborne), et d’autre part de l’analogie avec ce qui se passe pour les Hémogrégarines, que l'infection hérédi- taire est la règle. Le rôle des mouches dans l’évolution des mala- dies à Trypanosomes est à reprendre avec cette conception nouvelle. Malgré les belles recherches de Bruce, on est probablement loin d'avoir épuisé tout ce qui concerne le rôle des Tsétsé dans la pro- pagation des trypanosomiases humainesetanimales. Dans beaucoup de ces cycles évolutifs avec alter- nances de génération, c'est l'hôte-Invertébré qui est zoologiquement le plus important à considérer, peut-être même le seul indispensable. Pour cer- taines infections au moins, on ne les aura réelle- ment extirpées d'une région que quand l'hôte-Inver- tébré aura disparu. Le nombre de ces infections à Hématozoaires va en augmentant de jour en jour. On découvre par- tout de nouvelles trypanosomiases animales ; on a démontré l'existence, en Afrique, d'une trypano- somiase humaine, dont une étape finale n'est autre que la maladie du sommeil. Les maladies à Piroplasmes ne sont plus l'apa- nage des animaux. Chez l'homme, la « spotted fever », localisée à une petite région des Montagnes Rocheuses, — une splénomégalie de l'Inde, de l’As- Sam el sans doute de bien d’autres régions (puis- qu'on vient de la signaler en Tunisie et dans le Bahr-el-Gazal), — entin le bouton d'Alep, — relè- vent de ces parasites ou de formes voisines. L'importante contribution de Schaudinn à l’étio- logie de la dysenterie est basée uniquement sur Re ? Arb. a. d, Kais. Gesundheïitsamte, t. XIX, 1903. des considérations de Zoologie pure : il a établi qu'on confondait sous le nom d'Amoeba coli deux espèces dont l’une seulement est pathogène. Ajoutons, enfin, que l’on commence à savoir cul- liver in vitro et purement certains de ces parasites, comme par exemple le 7rypanosoma Lewisi du sang des Rats’. Certaines formes de culture sont tellement pelites qu'elles traverseraient les bou- gies Berkefeld! Les travaux relatifs au cycle évolutif des Pro- tistes ont également mis en évidence la généralité des phénomènes que l’on désigne souvent sous le nom d’aulogamie, el qui ne sont pas sans ressem- blance avec certains cas bien connus de parthéno- génèse chez les Métazoaires. Le Protiste, qui se prépare à l’autogamie, après s'être ou non enkysté, avoir dégagé ou non la partie sexuelle de son noyau, se divise en deux; il ya, en particulier, division du noyau sexuel. Chacun de ces deux noyaux s’épure, généralement par deux bipartitions, qui rappellent tout à fait la formation des globules polaires dans l’ovogénèse des Méta- zoaires. Puis les deux individus se recombinent avec fusion de leurs noyaux épurés. L'exemple classique d'autogamie est celui de l'Ac- tinosphærium, et tous les biologistes connaissent les remarquables observations de R. Hertwig à ce sujet. Depuis deux ans, un grand nombre de cas nouveaux en ont été fournis : d'abord, et simulta- nément, chez les Schizosaccharomyces (Guillier- mond et Barker) et les Bactériacées (Schaudinn), puis chez des Champignons inférieurs, les Zasidio- bolus (Læœwenthal), chez l’'Entamæba coli (Schau- dinn), le Bodo lacertæ et le Trichomastix lacertæ (Prowazek). Certains ookinètes à caractère femelle des Hématozoaires étudiés par Schaudinn {v. supra) peuvent, après leur transformalion en Trypano- somes, présenter des phénomènes analogues. Faut-il voir, dans ces cas de sexualité rudimen- taire, un phénomène primitif, ou un phénomène résiduel ? Il serait bien téméraire de répondre. On explique souvent l’utililé de la conjugaison par l’'amphimixie; il ne saurait en être question ici, où tout se borne généralement à une auto-réjuvé- nescence nucléaire. D'ailleurs, pour R. Hertwig, l'essence des phénomèmes sexuels chez les Pro- tozoaires et peut-être même chez les Mélazoaires consiste dans une « régulalion » des rapports du protoplasme et du noyau. (V. supra.) Au point de vue du cycle évolutif et de la sexua- lité, on voit donc que, en l’état actuel de nos con- naissances, les Protozoaires n'ont rien à envier aux Métlazoaires; au contraire! 1 Novy et Mc Near : Contrib. to med. Research, juin 1903, Journ. of infect. Dis., t. 1, 1904. 604 M. CAULLERY er F. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE Les recherches récentes les montrent aussi plus différenciés histologiquement qu'on ne l’avait sup- posé jusqu'ici. C’est ainsi que Neresheimer’ vient de décrire, chez le Stentor cæruleus, des éléments longitudinaux fibrillaires, extérieurs aux myonèmes et qu'il con- sidère comme des éléments nerveux (neurophanes) agissant sur les myonèmes : les Infusoires qui en sont pourvus sont, à l'exclusion des autres Infu- soires, sensibles à l’action des poisons du système nerveux des animaux supérieurs. Une autre complication dans l'organisation des Protozoaires consiste en ce que certains présen- tent, à un moment donné de leur évolution, une partie somalique distincte de la partie génitale; c’est le cas pour les Grégarines étudiées par Léger (/. e.). Chez les Stylorhynchides, le soma, pourvu de noyaux d’un type particulier, ne survit pas à la différenciation des gamètes; mais, chez les Grega- rina, les parties somatiques y survivent; par leurs mouvements amiboïdes, elles serveat au brassage des gamèles, et, plus lard, elles se transforment en sac contractile muni de sporoductes. On observe une complication de même degré chez les Actinomyxidies, sortes de Myxosporidies supérieures parasites des Oligochètes, sur les- quelles nous avons récemment appelé l'attention* : lrès tôt dans l'évolution de ces organismes, il y a séparation des éléments purement somaltiques et des futurs éléments germinaux. Les Aclinomyxidies offrent encore une autre particularité digne d'in- térêt. Les spores ont une enveloppe plurinucléée (à laquelle se rattachent les trois capsules polaires) et un contenu plasmodial avec très nombreux noyaux. Ce contenu se développe en dehors de l’en- veloppe et n'y pénètre que très lardivement. £ 9 S =. — Métazoaires. 1. Mésozoaires. Spongiaires. Cœlentérés. — Ainsi chaque année nous apporte de la structure, de la reproduction sexuée, du cycle évolutif des Protozoaires, une image plus complexe. Ils ont subi une différenciation aussi profonde que les Métazoaires:; et il n'y a presque que de l'invrai- semblance à supposer, parmi les types élevés de Protozoaires que révèle la faune actuelle, les représentants des formes simples par lesquelles ont dû débuter les Métazoaires. Ce ne sont pas des Mésozoaires et ce n'en sont pas davantage, au sens propre du mot, les formes simplifiées que l'on a appelées ainsi, les Dicyémides et les Orthonectides, à côté desquels viennent se ranger un certain nombre d'autres types récemment découverts. Leur nombre s’est augmenté, cette année; d'abord 1 Archiv {. Protistenkunde, t. II, 1903. ? C. R. Soc. Biologie, t. LVI, 5 mars 1904. d'un curieux parasite, trouvé par Neresheimer”, à Villefranche, dans des Appendiculaires (Æritillaria) et appelé par lui Lohmanella. On y peut distinguer. une paroi extérieure rudimentaire, terminée anté- rieurement par un bouquet de pseudopodes fixant le parasile à son hôte, et un sac interne formé d'un épithélium cylindrique; ce sac se décompose en vésicules sphériques, sortes de Dlastula assurant la propagation de l'espèce. L'auteur propose de faire de cet organisme le type d'un groupe nouveau, qu'il appelle les Plastuloidea et auquel appartient peut-être un être décrit comme Protozoaire, l'Amæbhophrya.De notre côté,nous avonsrencontré, dans une Annélide de la famille des Térébelliens, un parasite ( Pelmatosphæra) rappelant les Ortho-" nectides, mais s’en distinguant en ce que les indi- vidus nés dans les productions correspondant aux plasmodes sont asexués. C'est un type voisin, dont le cycle évolutif doit être assez notablement dif- férent. La connaissance du cycle évolutif des Dicyé- mides vient de faire de notables progrès par les recherches de Hartmann”. Il a définitivement éta- bli que, chez les Céphalopodes jeunes, ces parasites ne présentent que des individus nématogènes, el qu'à une phase ultérieure (Céphalopodes de taille M moyenne) ils deviennent rhombogènes ; enfin, chez les Céphalopodes âgés, c’est-à-dire à une phase très ancienne de l'infection, ils redeviennent probablement uématogènes (nématogènes secon- daires). Mais, surtout, il a montré que les germes des rhombogènes, d'où proviennent les mâles, sont de véritables ovules, qui sont fécondés et qui expulsent des globules polaires, tandis que, dans la première phase de l'infection (nématogènes pri- maires), il n’y a ni fécondation, ni phénomènes de maturation des cellules-germes. Il incline à penser, sans l'avoir pu démontrer rigoureusement, que les nématogènes secondaires donnent aussi des germes . fécondables et fécondés, et que les femelles qui en résultent sont capables de supporter le contact de l'eau de mer et de propager ainsi l'infection d’un hôte à un autre. Hæckel avait désigné autrefois sous le nom de Physemaria, et placé à la base des Métazoaires sous le nom général de Gastréades, des êlres très simples, à feuillet interne composé de cellules fla- gellées à collerettes comme celles des Éponges. On avait élevé parfois des doutes sur l'exactitude des observations de Haeckel; il est donc intéressant de. constater que l’une des formes en litige vient d’être retrouvée par Leon*, près de Bergen, et dé- décrite par lui sous le nom de Prophysema hæc- { Zeitschr. für wiss. Zool., t. LXXVI, p. 137. 2 Biol. Centralbl., t. XXIV, janv. 1904. 3 Zool. Anz., t. XXNI, p. #18. M. CAULLERY er F. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 605 keli. Ge sont probablement des Éponges très simples. Les Spongiaires ont donné lieu à une étude géné- rale de leur physiologie due à Cotte”; la Revue l'a récemment analysée, et nous nous bornerons, par suite, à en signaler l'intérêt et la précision, en en indiquant quelques grandes lignes. C’est surtout la nutrilion que Cotte a étudiée ; il a reconnu que la digestion de ces animaux, comme celle des Cæœlen- térés, est intracellulaire ; ila recherchéles diverses diastases que renferment ces organismes; ses observations sur leurs pigments ont porté sur- tout sur les lipochromes, dont il a confirmé, suivant les idées de Krukenberg, la parenté avec la cholestérine; ce travail d'ensemble, dans un do- maine antérieurement très peu exploré, et très obscur, est une addition très importante à ce que nous savions sur les Éponges et, d'une manière générale, sur la physiologie des types inférieurs. Parmi les travaux relatifs aux Cœlentérés, nous mentionnerons deux types nouveaux qui méritent d'attirer l'attention : d'abord le Pelagohydra mira- bilis, trouvé par Dendy* à la Nouvelle-Zélande et qui offre l'exemple rare d’un polype adapté à la vie pélagique; puis l'Æydroctena Salenskii, rencontré par C. Dawydoff® aux Moluques. Cette dernière espèce a la forme générale d'une Méduse, en pos- sède l'ombrelle, le velum, le manubrium. Mais, d'autre part, elle a l'organe sensoriel aboral et les tentacules d'un Cténophore et, jusqu'à un certain point aussi, les canaux gastrovasculaires de cette classe; elle n’en possède pas les palettes ciliées. C'est done une forme qui participe à la fois des Méduses et des Clénophores. Selon Maas, l’exis- tence de l'organe aboral suffit pour la raltacher nettement aux Cténophores; elle n’en constitue pas moins un type remarquable, de même que les Ctenoplana et Cæloplana. Ce dernier vient d'être retrouvé au Japon. 2. Plathelminthes. — Bresslau* publie un tra- vail sur les Turbellariés, qui renferme des données très intéressantes au point de vue de la Biologie générale. Il a étudié, dans une série d'espèces, d'une façon comparée, les œufs d'hiver et les œufs d’été. Les premiers possèdent une coque épaisse el une beaucoup plus grande richesse en cellules vitellogènes annexées à l'œuf proprement dit; l'étude en est, d’ailleurs, très difficile; les seconds ont une coque mince et moins de cellules vitello- gènes; de plus, leur développement s'accomplit, en ! Bull. Scientif. France et Belgique, t. XXXVIII, p. 420. — V. Anal. Rev. Gén. Sc., 1904, p. 360. 2 Quart. Journ. Micr. Sc., t. XLVI, p. 1. 5 Zool. Anz., t. XX VII, p. 223. % Zeitschr. fur wiss. Zool.,t. LXXVI. BEVIE GÉNÉRALE LES SCIENCES, 1904, - partie au moins, dans l’utérus maternel. Toutes les espèces n'ont pas ce dimorphisme des œufs; Bress- lau montre que l'œuf d'été doit être considéré comme une addition secondaire, plus ou moins complètement réalisée suivant les types, et corres- pondant à une reproduction de plus en plus hâtive dans la vie du parent. Mais, surtout, il met en évidence des modifications adaplatives curieuses des cellules vitellogènes dans ces cas ; chez le Hesos- tomum Ehrenbergi, par exemple, où les œufs d'été sont bien différenciés, ces cellules, au lieu d'être des masses inertes de substances de réserve, sont devenues des éléments vacuolaires qui jouent un rôle actif d'intermédiaires dans les échanges osmo- tiques entre le parent et l'embryon. Nous trouvons, cette année, une constatation de fait qui paraît trancher une question longtemps controversée : quelle est la signification morpholo- gique des générations d’embryons intercalées dans le cycle évolutif des Trématodes digéniques? Les Rédies et les Cercaires dérivent-ils d'ovules par- thénogénétiques et en même temps progénétiques, ou bien proviennent-ils de groupes de cellules ayant la valeur de bourgeons? On penchait, à vrai dire, nettement pour la première alternative. Reuss!, étudiant les sporocystes de Distomum duplicatum, parasites dans l’Anodonte, a vu chaque Rédie dériver d’une cellule unique, qui, avant de subir la segmentation proprement dite, émet deux cellules petites et interprélables, semble-t-il, comme des globules polaires; la Rédie provient donc bien, d’après cela, d’un ovule. Nous mentionnerons encore, relativement aux Plathelminthes, un Mémoire où von Graff” a réuni tout ce que l'on sait sur les Turbellariés parasites, dont l'étude est intéressante pour déterminer l’ori- gine de groupes tels que les Trématodes; le terme le plus modifié de cette série est le genre Fecampia, découvert par Giard chez divers Crustacés, et que nous avons nous-mêmes réétudié en détail. Signalons un Cestode, parasite d'une Grèbe, le Dioicocestus acotylas, étudié par Furhmann”; ce genre, par une exception unique, est unisexué ; on le trouve par couples de deux individus, l'un mâle, l’autre femelle. La question de savoir comment les parasites intestinaux résistent aux ferments digestifs vient d'être réétudiée par Weinland et par Dastre et Stassano‘, à la lumière des résultats acquis pen- dant ces dernières années dans le domaine des ferments. Ces auteurs ont montré que des macéra- 4 Zeitschr. fur wiss. Zool, t. LXXIV. ? Jresischr. Univ. Gratz. 3 Zool. Anz.. t. XXVII, p. 327. 4 Zeitschr. f. Biol., t. XLIV, 1902, et C. R. Soc. Biol., 1903. 12** 606 M. CAULLERY Er F. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE tions de Z:ænia renferment des anliferments neu- tralisant l'action des ferments de l'hôte, et plus spécialement une antikinase. Ce mode de résis- tance expliquera sans doute la spécificité des hôtes de beaucoup de parasites, ceux-ci étant adaptés aux ferments digestifs d'une espèce animale déter- minée. 3. Trochozoaires en général. — Un très long Mémoire de Lang‘ constitue un examen critique de l'ensemble des faits et spéculations publiés, depuis vingt-cinq ans, sur les animaux dont la larve Tro- chophore est le lien commun, et aussi sur d’autres groupes d'Invertébrés plus ou moins éloignés. Ce Mémoire serait même curieux à éludier pour juger les méthodes morphologiques et embryologiques et en mesurer la portée. Abstraction faite des con- clusions personnelles de l’auteur, il rassemble de nombreux documents. Expliquons-en seulement quelques grandes lignes. Fidèle à ses anciennes idées, Lang ne considère pas la Trochophore comme un ancêtre véritable; il lui accorde toutefois une grande valeur phylogé- nique en admettant qu'elle était un stade du déve- loppement des formes ancestrales d’où sont sortis les Trochozoaires. Mais il continue à faire dériver les Annélides, par exemple, de formes déjà très allon- gées, telles que les Némertiens, où la métamérie a apparu ensuite, et non d'une Trochophore, dont le corps se serait progressivement allongé et métamérisé à mesure. La cavité générale des Annélides résulte de l'extension des glandes géni- tales d'animaux tels que les Némertiens : c’est un gonocèle régularisé. Il fait valoir, entre autres, à l'appui de ces idées, les résultats acquis par Good- rich * relativement aux organes excréteurs de tous ces groupes. En montrant que le type fondamental de ces organes, chez les divers Trochozoaires, est formé de tubes aveugles vers le cæœlome, terminés par ces cellules tubuleuses, à long flagellum interne, qu'il a appelées solénocytes, et que les pavillons ciliés cæœlomiques marquent l’union secondaire de l'appareil excréteur proprement dit et de l'appareil évacuateur des produits génitaux, Goodrich a évi- demment rapproché beaucoup les Trochozoaires des Plathelminthes et augmenté la force du sys- tème de Lang. Si l'on considère la larve Trochophore elle-même, la facon dont l’envisage Lang s'accorde avec l'inter- prétation qui prévaut aussi aujourd'hui pour une autre forme larvairenon moins importante, le Nau- plius, et rien ne s'oppose à adopter ces vues, tout en conservant à la Trochophore une haute valeur 1 Jenaïsche Zeïtschr. f. Naturwiss., t. XXX VIII, p. 1-376. 3 Voir Quart. Journ. Micr. Sc., t. XXX VII, XXXIX, XL, XLI, XLII, XLIITI, XLVII. phylogénique, comme en témoignent les divers travaux d’embryogénie morphologique exécutés depuis dix à quinze ans sur les divers Trocho- zoaires. L'un des derniers parus est la thèse de Robert sur le développement des Troques‘, où l'auteur a suivi avec une minulieuse précision la généalogie des cellules qui composent l'embryon jusqu'à un stade avancé. Depuis l'étude analogue, faite d’une façon magistrale par E. B. Wilson, en 1892, sur une Annélide du genre Aereis, une série de Mémoires non moins précis a été publiée, sur- tout en Amérique, sur plusieurs Annélides, sur des représentants des diverses classes de Mol- lusques, sur des Hirudinées, des Géphyriens, ete. ; ils ont montré une uniformité étonnante du plan de la segmentation, de l’origine des feuillets et des divers organes de la Trochophore : on peut dire que, dans cet ensemble si vaste, les organes ecto- dermiques (organe apical et ganglion nerveux, velum, stomodæum), les diverses régions de la larve, le mésoderme, l’endoderme proviennent rigoureusement des mêmes cellules au cours de la segmentation. Le développement de tous ces types a vraiment le caractère d’une mosaïque qui se répète partout la même. Il s'en dégage donc une confirmalion éclatante de la haute valeur phylogé- nique de la Trochophore, et ces homologies s'éten- dent peut-être plus loin jusqu'aux Turbellariés Polyclades. Il y a là un des ensembles les plus cohérents de l’embryogénie des Invertébrés. A cette même série de résultats, se rattachent, parmi les travaux parus depuis un an, une étude de Sukatschoff”, sur le développement du Nephelis, une Note de Torrey* sur l’origine du mésoblaste d'un Géphyrien armé (7'halassema), et une autre de Gerould* sur le développement d'un Géphyrien inerme (Phascolosoma vulgare), qui éclaireit d’ail- leurs, en outre, la signification des particularités qu'offre celui du Siponele. 4. Mollusques. — Ceux de ces travaux relalifs aux Mollusques ont beaucoup précisé l'organo- génèse de ces animaux; l’un des plus soignés et des plus récents est celui de Meisenheimer * sur le Lamellibranche Dreissenia polymorpha. Robert, dans son Mémoire sur les Troques, n'a étudié que rapidement les dernières phases du développement. Nous n'en signalerons que l'appui qu'il apporte à la théorie émise anté- rieurement par Pelseneer relativement à la tor- sion des Gastéropodes; elle attribue ce phéno- Arch. Zool. Exp.,(3), t. X. Zeitschr. für wiss. Zool., t. LXXIII. Anat. Anz., t. XXI, p. 2#1. Arch. Zool. Expér., (4), t. IL, N.et R. Zeitsch. für wiss. Zool., t. LXIX. a + © + » M. CAULLERY er F. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE mène à l'antagonisme du pied et de la cavité pal- léale. Les observations de Robert sur les Troques, comme celles de Boutan sur divers types, en four- nissent une vérification très nette. Le sens de cette torsion est d'ailleurs fixé, comme l'a constaté d’abord Crampton, dès la première division de l'œuf, où il est indiqué par l'orientation du fuseau de la division karyokinélique. Les anomalies que le développement des Cépha- lopodes offrait, par rapport à la théorie des feuil- lets, disparaissent successivement. Des recherches récentes de Teichmann*‘ sur le développement du Calmar (Loligo) permettent de ramener à une ébauche endodermique l’origine du mésenteron, qui paraissait dériver paradoxalement du mésoderme. Un nouveau Mollusque, parasite interne des Holothuries, s'ajoute à la liste des formes déjà connues. C'est l'Zntosiphon deimalis, trouvé par Kœbhler et Vaney”, et il forme un très heureux intermédiaire entre les parasites externes (S{ylifer) et les formes tout à fait modifiées, seules connues jusqu'ici (Æntoconcha, etc.….). IL offre ainsi une vérification complète des hypothèses que Schie- menz avait faites pour expliquer ces dernières. Grosvenor * vient de trancher une curieuse ques- tion relative aux némalocysles que présentent les Æolidiens à l'extrémité de leurs sacs hépatiques. On les considère généralement comme appartenant en propre à ces Mollusques, quoique déjà, en 1858, Wright ait émis l'opinion qu'ils provenaient, en réa- lité, des Cœlentérés dont se nourrissent les Æoli- diens. C'est ce que viennent de vérifier, d’une manière indépendante, Glaser* et Grosvenor. C dernier a varié les observations et les expériences, notant l'absence des nématocystes chez les Æoli- diens qui ne vivent pas sur des Cælentérés et éla- blissant une corrélation intime entre les diverses formes des nématocystes chez les Æolidiens et les espèces de Cœlentérés dont ils se nourrissent, Il est curieux de voir des cellules de la proie utilisées ensuite par l'animal comme armes de défense. Enfin, nous devons sigualer les nombreux tra- vaux auxquels donne lieu actuellement la produc- tion des perles. Il en résulte d'abord, comme l'avait indiqué autrefois de Filippi, que la cause la plus fréquente de ces précieuses concrétions est la présence de parasites dans le Mollusque, soit des Cercaires de Trématodes enkystés, soit des larves de Cestodes. C’est ce qu'ont vérifié Lyster Jameson, R. Dubois, Seurat, Herdman, Me Intosh sur des points variés. Les observations de Boutan* préci- Verhandl. Deutsch. Zool. (Gresellsch., 1903, p. 42. Rev. Suiss. Zool., t. XI, 1903. Proc. Roy. Soc. London, t. LXXIT, p. 462. John. Hopk. Univ. Circul., vol. XXII. Arch. Zool. Experim., (4), t. II, 1904. & > © w » 607 sent le mécanisme de la formation des perles fines ; elles proviennent de Cercaires qui, parvenus dans l’espace compris entre le manteau et la coquille, sont enveloppés ensuite par ce manteau, qui se referme sur eux en une vésicule elose ; celle-ci est tapissée ainsi par l’épithélium palléal, qui est l'organe producteur de la nacre et qui continue à sécréter cette substance. Il reste, cependant, à ana- lyser avec plus de précision ces rapports entre l'hôte et le parasite. Le problème de la margarose artilicielle, suivant l'expression de Giard, c’est-à- dire de la production volontaire des perles, sem- bierait donc pouvoir être résolu si l’on arrivait à faire pulluler dans les Mollusques perliers le para- site perligène. R. Dubois dit avoir -obtenu des résultats caractérisés dans ce sens, sur des huîtres perlières descôtes de Tunisie, transportéesà Tamaris et placées dans des conditions qu'il n'indique pas en toute précision. Le problème est certainement très complexe, car, pour multiplier le parasite, il faut lui fournir la possibilité de réaliser lout son cycle évolutif, c'est-à-dire les hôtes où il commence et où il achève son développement, hôtes aujour- d’hui encore très mal connus ; en outre, comme le remarque Seurat, ce n'est que dans des conditions exceptionnelles, mal définies, que les perles pro- duites deviennent grosses. Les difficultés sont done encore très nombreuses, mais pourront peut-être être surmontées. 5. Arthropodes.— Nous nous bornerons à quel- ques remarques sur les Abeilles. Von Ihering' vient de publier un important Mémoire sur les Mélipones et les Trigones, Abeilles sociales des lropiques, moins différenciées que nos Apides d'Europe et sur lesquelles, pour la première fois, sont effectuées des recherches suivies dans des conditions favorables. Nous n’entrerons pas dans le détail des nombreux faits que contient ce Mémoire ; nous n’en retiendrons que l'adhésion formelle de l’auteur à la théorie classique de Dzierzon sur le déterminisme du sexe des Abeilles (v. Revue, 1903) et une remarque générale très -judicieuse pour l'étude des mœurs des Hyménoplères sociaux. lhering fait observer que ces animaux sont essen- tiellement des habitants de la zone chaude, que c’est là qu'ils se sont différenciés, et que, dans les régions tempérées et froides, ils se sont modifiés par des adaptations secondaires au froid; c'est done dans les régions tropicales qu'il faut chercher à reconstituer leur histoire. Déjà, au cours de ses longues observations faites au Brésil, il a découvert des particularités qui justifient cette opinion; ainsi, les colonies de certaines formes, telles que ! Zool. dahrb., Syst., t. XIX, p. 179. Fe 608 M. CAULLERY er F. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE les Polyhia ou les Bourdons, dans l’état de Sao- Paulo, en raison de la douceur de l'hiver, ne disparaissent pas en automne, et la vie sociale y est beaucoup plus complète que chez les Bourdons de nos pays; par contre, en Norvège, les Bour- dons sont retournés à peu près complètement à la vie solitaire. Les recherches de von Ihering, commencées depuis plus de vingt ans, et auxquelles s'associe maintenant son fils R. von Ihering, peu- vent donc nous faire présager, dans ces intéres- santes questions, beaucoup de progrès nouveaux. L'état actuel de nos connaissances sur la phylo- génie de la vie sociale des Abeilles vient, d’ailleurs, d'être résumé dans son ensemble avec beaucoup de clarté par von Buttell Reepen!. Sur le détermi- nisme du sexe chez les Apides, cèt auteur maintient aussi l'exactitude de la loi de Dzierzon. 6. Tuniciers. — Le mouvement des recherches sur ce groupe s'est notablement ralenti pendant ces dernières années; une série récente d’études de Salensky* sur les Appendiculaires met en évidence chez eux des variations anatomiques importantes. Nous nous bornerons à signaler ici les résultats très intéressants obtenus sur le cœur et ses annexes, épicarde ou procarde. Van Beneden et Julin ont montré l'importance capitale de ces formations chez les Tuniciers bourgeonnants. On les a retrouvées au cours de ces dernières années chez les Ascidies simples. On ne les connaissait pas chez les Appendiculaires. Salensky vient de combler cette lacune, mais en constatant qu'elles sont plus ou moins réduites. Ainsi, tandis que les deux procardes sont encore bien développés chez l'Oikopleura van- hôlteni, où le cœur est formé par le procarde gauche, ce dernier seul existe chez la Fritillaria pellucida etil se réduit à la portion cardiaque chez la F#. borealis. Il y a là un intéressant chapitre d'Anatomie com- parée, qu'il reste à compléter par l’'embryogénie. Or, celle-ci, abstraction faite de quelques obser- valions isolées de Fol et de Kovalevsky, était com- plètement inconnue. Goldschmidt” vient enfin de l'observer; les premières communications qu'il fait à cet égard indiquent une grande analogie avec celle des Ascidies. Netons enfin la réapparition, dans le Plankton de Naples, de la Dolchinia, cette forme qui n'avait été vue jusqu'ici qu'une seule fois. Korotneff, qui en a continué l'étude sur ces nouveaux matériaux, a reconnu que son polymorphisme était plus grand qu'il ne l'avait constaté d’abord; il a retrouvé cette 1 Verhdl. Deutsch. Zool. Leipzig, 1903, 132 p. 3 Mém. Ac. Sc. St-Pétersb., (8), t. n° 1. 3 Biol. Centralbl., t. XXIL. Gesellseh., 1903 et, à part, XIII, n°7; et it. XV ; fois des individus analogues pour la forme aux gastrozoïdes de Doliolum. L'oozoïde reste toujours inconnu. L'hypothèse que la Dolchinie est un habitant pélagique des couches profondes, venant seulement accidentellement à la surface, est confir- mée par le fait que Lo Bianco l’a rencontrée dans ses pêches bathypélagiques. 7. Vertébrés. — Limités par l’espace, nous nous appesantirons peu sur les Vertébrés ; beaucoup des travaux sur ce. groupe rentrent dans le cadre habituel des autres Revues de Biologie publiées ie. Schreiner‘ vient de soumettre à un nouvel exa- menu l’'hermaphrodisme protandrique de la Myxine, décrit par Nansen et par Cunningham. Ses con- clusions diffèrent de celles de ses prédécesseurs et sont étayées sur l'étude de près de 2.000 individus; elles s'accordent, dit-il, avec celles, encore inédites, de Bashford Dean. Il a constaté presque toujours dans les glandes génitales la coexistence d'éléments mâles et femelles; mais, d'après lui, il n’y aurait qu'un sexe fonctionnel, et ce serait le même pendant toute la vie d’un individu : fonctionnellement donc, la Myxine a les sexes séparés, mais dérive proba- blement de formes hermaphrodites. Il s'élève aussi contre l'opinion qu’elle serait un véritable parasite des Gadides; d'après lui, elle ne pénétrerait que dans des individus morts, pour s’en nourrir. Plusieurs travaux, dont les conclusions sont d’ailleurs contradictoires, ont porté cette année sur la vieille question de l’homologie morphologique de la vessie natatoire et des poumons des Vertébrés. Spengel?, examinant tous les arguments pour et contre, admet finalement l’homologie. La principale objection qu'on y oppose est la différence de position des deux organes par rapport à l'æso- phage. Mais les cas bien connus (Dipneustes, Cros soptérygiens, etc.) où la vessie natatoire est ven- trale lui semblent atténuer beaucoup cet argument. Dans le même volume des Zoologische Jahrbhücher, Wiedersheim soutient l'opinion opposée. D'autre part, Fanny Moser * a étudié cette question embr yo- logiquement, malheureusement sur un nombre encore très restreint d'espèces de Poissons. La constatation la plus intéressante de son Mémoire. est que, au cours du développement, il se produit une rotation de l’æsophage autour de son axe, que, par suite, les rapports de la vessie natatoire et de l'æsophage varient et ont dû varier phylogénéti- quement. Spengel émet une hypothèse qui, si elle pouvait être vérifiée, résoudrait les difficultés; il imagine qu'à la suite des poches endodermiques, qui sont devenues les branchies, il en a existé une 1 Biol. Centralbl., t. XXIV. ? Zool. Jdabrb., Suppl. VI, p. 721. # Archiv. für mikr. Anat.,t. LXII, p. 532. î : \ { k 44 à > : | M. CAULLERY er F. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 609 paire jouant le rôle de sacs à air, rôle hydrostatique chez les Poissons, respiratoire ensuite chez les Vertébrés aériens, les deux chez quelques Dip- neustes. La position iniliale de ces sacs ayant été latérale, il est possible d'admettre que tantôt ils auraient élé reportés dorsalement et tantôt ventra- lement. Enfin, nous signalerons, sans y insister, l’en- semble des travaux récents sur les capsules surré- nales et les organes qui s’y rattachent. Ils ont abouti à reconnaitre chez tous les Vertébrés une catégorie de cellules ayant une électivité spéciale pour les sels de chrome et que l’on a appelées pour cette raison cellules chromaflines. Ces éléments, qui forment le tissu médullaire des capsules sur- rénales des Mammifères, les organes suprarénaux des Sélaciens et qu'on retrouve dans toutes les classes de Vertébrés, montrent dans leur distri- bution des connexions souvent très intimes avec les ganglions sympathiques. Kohn', qui a beaucoup contribué à les faire connaître, vient de résumer ce qu'on saitsur eux. D'autre part, Grynfellt*a faitune étude très soignée des organes suprarénaux et inter- rénal des Sélaciens ; i la montré, notamment, dans ce groupe les connexions fondamentales du tissu chro- maffine avec le système vasculaire et son indépen- dance relative du système sympathique, et il insiste sur la dissemblance complète entre ces éléments et des cellules nerveuses. L'ensemble de ces résultats explique bien, nous semble-t-il, que les cellules chromaffines aient un rôle sécrétoire et déversent dans le système circulatoire une substance à action vaso-constrictive énergique. III. — FAuNES ET GÉOGRAPHIE ZOOLOGIQUE. Il a paru cette année, comme les précédentes, une série de livraisons des publications des grandes Expéditions, telles que celles de la Valdivia, de la Belgica, du Siboqa, de la Princesse Alice, etc. Nous signalerons, comme une nouveauté fau- nique intéressante, la rencontre, en plusieurs points, du curieux Cephalodiscus, trouvé jusqu'ici une seule fois, par le Challenger, dans le détroit de Magellan. L'Expédition suédoise Nordenskiold l’a dragué en plusieurs points des mêmes parages, entre 80 et 235 mètres de profondeur, et Arwidson ? dit que l’on en a pu observer des larves au stade planula; d'autre part, la si fructueuse Expédition du Siboga en a, d'après Harmer *, rapporté deux espèces, dont une littorale, des mers de la Malai- Sie; enfin, le Musée de Copenhague en possède une 1 Ergebn. der Anat. u. Entw.,t. XII, p. 253. = Bull. Scient. Franceet Belgique,t. XXX VIN, et thèse Paris. # Zool. Anz., t. XXVI, p. 368. # Zool. Anz., t. XXI, p. 593. quatrième espèce, provenant du détroit qui sépare le Japon de la Corée. Les publications récentes sur la faune abyssale renferment beaucoup de faits intéressants sur les adaptations spéciales des animaux dans ce milieu. Chun ‘ a fait cette année, à la réunion de la Société Zoologique allemande, une intéressante conférence sur les organes lumineux et sur les yeux des Cé- phalopodes abyssaux. Les organes lumineux, sur lesquels les premières observations ont été faites, en 1834, à Nice, par Vérany, sur l’Histioteuthis, et qui, en France, ont été bien étudiés par Joubin, sont, d'après l'examen des formes de la Valdivia, plus variés encore qu’on ne le supposait. On en connaissait sur le tégument et sur le pourtour des yeux. Chun en décrit maintenant sur les tentacules et dans la cavité palléale (au voisinage de l'anus et des branchies). Un Céphalopode de la Va/divia, le Thaumatolampas, possède des organes lumineux de dix types distinets. Quelquefois, plusieurs de ces organes se combinent en un ensemble complexe. On a pu constater, sur le vivant, que les radiations émises par les divers organes d’un même animal sont de natures différentes. Il y a là des adapta- tions multiples. L'œil n'est pas moins modifié. La position du pigment rétinien au-dessous des bâton- nels indique l'adaptation au milieu obscur, mais n'existe pas chez les individus très jeunes, qui pro- bablement vivent beaucoup plus près de la surface. Souvent aussi, par une modification qui a été constatée également chez les Poissons, le globe de l'œil s’allonge (œil télescopique), la rétine se loca- lise sur le fond du tube et acquiert en certains points, qui, sans doute, possèdent un maximum d'intensité visuelle, une épaisseur beaucoup plus grande. Tout aussi significatives sont les transformations des Crustacés abyssaux, chez lesquels tantôt l'œil s'atrophie, tantôt au contraire s'hypertrophie. Le premier cas est celui d'animaux étroitement liés au fond (benthoniques); le second est celui de types temporairement ou uniformément bathypé- lagiques. Doflein”, étudiant spécialement les Crabes à cet égard, est arrivé à des constatations très inté- ressantes. La régression de l'œil se manifeste, comme on le sait déjà, à des degrés divers et par des modifications très variées (diminution de la taille, diminution du nombre des facettes, épais- sissement des cornées, variations dans la position et disparition du pigment, atrophie du ganglion, perte de la mobilité du pédoncule oculaire, etc...) et très instructives; il peut, enfin, être remplacé par une simple tige épineuse tactile. Doflein met en évidence un fait particulièrement suggestif. 1 Verhdl. Deutsch. Zool. Gesellsch., 1903, p. 61. ? Biolog. Centralb!., t. XXII, p. 570. 610 C’est que, chez une espèce donnée, la régression de l'œil peut se rencontrer à des degrés très divers, suivant la profondeur d'où proviennent les spéci- mens; ces atrophies sont en train de s’accomplir et de se diversifier, par la ségrégation des individus des divers niveaux et des divers lieux. Des faits typiques de cet ordre ont été relevés, en comparant des Cyclodorippe uncinifera de deux niveaux très différents des mers du Japon et aussi un exemplaire de grande profondeur recueilli ailleurs par la Valdi- via ; Doflein en a obtenu également en comparant un Cymonomus granulatus, appartenant au Muséum de Paris et provenant de 400 mètres de profondeur, à un exemplaire tout à fait abyssal. Il ajoute à ces faits une remarque très judicieuse. Les Crabes sont tous des animaux benthoniques, et cependant, à côté de formes abyssales à yeux plus ou moins atrophiés, il y en a où l'organe visuel s'est intégra- lement conservé en se différenciant. Or, il a noté que tous les types à œil atrophié ont des œufs peu nombreux, riches en vitellus, et dont tout le déve- loppement s'accomplit sous l'abdomen maternel: au contraire, les types à œil bien conservé ont des œufs petits, nombreux, éclosant à l'état de Zoæa et dont les larves pélagiques remontent, très pro- bablement, temporairement près de la surface. Jamais, dans le Plankton, on ne trouve les larves des premiers. Cette différence d’éthologie embryon- naire explique d'une manière fort plausible la conservation de l’organe dans un cas, son atrophie dans l’autre, et résout l'anomalie apparente de la coexistence de deux types physiologiquement opposés, dans le même milieu. Lo Bianco rend compte ‘ de la dernière campagne de pêches abyssales planktoniques et benthoniques, exécutées dans la Méditerranée, à bord du Puritan, entre Naples et la côte provencale, sous les auspices d'A. Krupp. Ces opérations ont encore enrichi la liste des espèces méditerranéennes. Lo Bianco s'élève contre l'idée, souvent exprimée, que la Mé- diterranée n'a pas de faune pélagique propre, mais serait continuellement réapprovisionnée par Gi- braltar de formes océaniques qui ne pourraient y subsister. La faune abyssale est l'apanage à peu près exclusifdela mer; cependant, un lac en possède une: c'est le Baïkal, où la sonde atteint 1.700 mètres; d’autre part, il renferme des formes marines comme un Phoque, quelques Annélides Polychètes, un Mollusque nudibranche (Ancylodoris);ila done, au point de vue faunique, un intérêt exceptionnel. Korotneff ? a organisé, en 1900 et 1901, une Expédi- von zoologique importante au Baïkaiï et il en expose * Mitth. Zool. Stat. Neapel, t. XNI. ? Arch. Zool. Exper., (4), t. II. M. CAULLERY er F. MESNIL — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE aujourd'hui les résultats généraux. Il a exploré leS régions littorales avec des scaphandres, dragué dans les abysses et étudié le plankton. L'Expédi- tion n’a pas rapporté moins de trois cents espèces de Gammarides et de cent nouvelles Planaires. Les types abyssaux offrent des caractères adaptatifs pa- rallèles à ceux des abysses océaniques. Mais toute … cette faune estessentiellementlacustre.Les quelques formes marines qu'on y rencontre sont, non pas les restes, les relicta d'un ancien bassin océanique, mais des immigrants venus par les fleuves. Après la mer et les lacs, les fleuves sont étudiés à leur lour, comme réservoirs et sources de vie. Kofoïd a élevé ainsi un monument considérable à la biologie du fleuve Illinois’. Il a consacré six années d'observations méthodiques au Plankton, analysant tous les facteurs qui peuvent influer sur lui. Il y a là un document précieux et encore unique, dont l'importance n’échappera pas à qui- conque l’aura consulté. Des recherches analogues sont en cours d'exécution sur l’Elbe à Hambourg. Terminons en mentionnant deux Mémoires d'ordre général sur la biologie des milieux aquati- ques. Le premier, de Reinke”, cherche à déterminer les sources ultimes de l'azote servant à l'édification des tissus des animaux marins et conclut que les principales sont dans la fixation directe de l'azote atmosphérique, par des Bactéries, qui jouent dans la mer un rôle analogue au Bacille nitrifiant du sol. L'une des principales serait l’Azofobacter chroococcum, que Reinke a trouvé en grandes quantités à Kiel dans le mucus qui recouvre les Algues telles que les Laminaires et les Fucus. L'autre Mémoire est dû à W. Ostwald* et édifie une théorie des mouvements généraux du Plankton. L'auteur montre qu'ils sont déterminés principa- lement par des facteurs extra-vilaux : le poids spé- cifique des organismes, la résistance que la forme de chaque être oppose à sa chute vers le fond, et la viscosité du milieu. De ces trois facteurs, d’après Ostwald, le dernier, qui est le plus variable, est le plus important pour les déplacements du Plankton. La viscosité de l’eau est fonction de la température, et varie en sens inverse; aussi toute élévation de température a-t-elle pour conséquence de provo- quer l’enfoncement du Plankton; sa montée à la: surface ne peut, par contre, être réalisée que par des courants ou des migrations actives. La théo- rie permet de prévoir les mouvements généraux diurnes et annuels, ainsi que d'expliquer beaucoup de faits particuliers. M. Caullery, Maitre de Conférences à l'Université de Paris, F. Mesnil, Chef de laboratoire . à l'Institut Pasteur, Paris. ‘ Bull. Illin. State Lab. of Nat. History, t. VI, p. 95-629. ? Berichte Deutsch. Bot. Gesellsch., {. XXI, p. 371. 3 Zool. Jarhrb., Syst., t. XVIII. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 611 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 4° Braunmühl (A. von), Professeur de Mathématiques à l'Ecole Polytechnique de Munich. — Vorlesungen über Geschichte der Trigonometrie. Zweiter Teil. — 1 vol. in-8 de VII-264 pages. (Prix : 9 marks.) B.-G. Teubner, éditeur, Leipzig. Sciences mathématiques Nous avons analysé, ici même, la première partie de cet ouvrage, que ce second fascicule, digne en tout point de son devancier, vient heureusement terminer. Le présent opuscule débute par l'étude du Logarith- morum canonis descriptio (1614), dans lequel Néper décrit sa célèbre découverte des /ogarithmes. Le pro- cédé du savant écossais n'indique pas, d’ailleurs, une connaissance des Mathématiques aussi profonde qu'on le croirait. Néper n'avait certes pas entrevu, comme plusieurs historiens se sont plu à le répéter, les ana- logies entre ses logarithmes et les aires de l’hyperbole équilatère comprises entre cette courbe et ses asymp- totes. Il formait sa progression géométrique de la façon suivante : Chaque terme égalait le précédent diminué de sa n° partie, et une soustraction des plus simples permettait de le trouver. Donc, à mesure que le nombre devenait plus grand, son logarithme décrois- sait. Du reste, ce livre ayant pour principal objectif de venir en aide aux calculateurs qui résolvaient des triangles, on n’y rencontre que les logarithmes des sinus, de minute en minute, de 0 à 90 degrés, et, comme le sinus du quart de cercle forme souvent le premier terme des proportions auxquelles conduisent la résolu- tion des triangles, Néper égale à zéro le logarithme du sinus total. En outre, pour établir sa table, il se basait sur ce théorème : log sin A estcompris entre (1-sin A) et (coséc A-1). Pour calculer cette valeur, illui suffisait de prendre la moyenne géométrique entre ces deux limites. De son côté, le grand astronome Képler, le mathé- maticien Benjamin Ursinus et son gendre Bartsch firent beaucoup pour la propagation en Allemagne de la doctrine népérienne. Puis Henri Briggs, professeur au Gresham's College d'Oxford, ne tarda pas à se rendre compte de tout le parti qu'on pouvait tirer de cette invention; il fit même un voyage pour conférer avec Néper à ce sujet et probablement lui suggéra le choix de 10 comme base. Tandis que Cavalieri revélait à l'Italie ces principes, le français Henrion publiait un excellent Traité des logarithmes (1626), et le géomètre hollandais Adrien Vlacq comblait les lacunes des tables de Briggs. Dès lors, les astronomes et les algébristes de tous les pays s’'empressèrent d'adopter les logarithmes pour abréger leurs calculs. Délaissons les travaux de Pierre Herigone, de Wallis, d'Oughtred et autres mathématiciens de la fin du xvu° et du commencement du xvur siècle, pour nous appe- santir quelque peu sur Abraham de Moivre (1667-1754), qui contribua à édilier la Trigonométrie des quantités imaginaires. On lui doit, entre autres, la formule don- nant sin mx el cos mx en fonction de sin x et de COS x. : Pr LA — . (cos x + VTT sin x)" — cos mx + V—T sin mx, et le théorème relatif aux facteurs binomes de x?2m — 2 pxm LA. { Revue générale des Sciences, 1904, t. XIL, p. 236. ET INDEX Arrivons maintenant au grand nom de cette période, à Léonard Euler (1707-83). C'est cet illustre savant qui introduisit dans les formules trigonométriques les abré- viations dont nous nous servons aujourd'hui, en dési- gnant les angles d’un triangle par A, B, C et les côtés opposés par les lettres minuscules correspondantes a, b, e. En découvrant l'identification des fonctions cir- culaires directes et inverses avec les fonctions expo- nentielles et logarithmiques, il put exposer de facon originale la véritable théorie des fonctions trigonomé- triques et leur développement en séries. Aussi M. von Braunmühl consacre, avec juste raison, un chapitre entier à l’œuvre d'Euler. Effectivement, depuis cette époque, on ne considéra plus les principes de la Trigo- nométrie élémentaire que comme des cas particuliers d’une science plus générale ressortissant de l'Analyse infinitésimale. On envisagea les fonctions circulaires comme des fonctions composées de la fonction expo- nentielle, en faisant abstraction de la représentation si simple à laquelle elles devaient leur nom. La notion des lignes trigonométriques se vit remplacer par des théories purement analytiques, d'où se déduisirent ra- tionnellement une multitude de propriétés fondamen- tales absolument étrangères aux éléments. La théorie des angles imaginaires, que Lambert for- mula vers le même temps, est plus curieuse qu'utile, tandis que les recherches de Lagrange améliorèrent considérablement les méthodes d Euler. Peu après, Legendre immortalisa son nom en condensant les résultats de quarante années de labeur dans sa Théorie des 1onctions elliptiques (1825-26). Pourtant ce livre ne mentionne pas la propriété caractéris- tique que possèdent ces fonctions d'être doublement périodiques. Il était réservé à Gauss d’apercevoir cette féconde lumière, à Abel de la définir nettement, et surtout à Ch. Hermite (1822-1901) d'en illuminer les sources de ses plus géniales découvertes. Jacques Boyer. 2° Sciences physiques Abraham (Henri), maître de Conférences à l'Ecole Normale Supérieure. — Recueil d'Expériences élé- mentaires de Physique (1'° partie). — 1 vol. in-8° avec nombreuses figures. (Prix : 3 {r. 15.) Gauthier- Villars, éditeur, Paris, 1904. Dans les réformes récemment introduites dans l’en- seignement secondaire, on fait une part beaucoup plus large qu'’autrefois aux sciences expérimentales. On demande aux membres du corps enseignant de faire en sorte que leurs élèves ne tombent pas dans cette erreur, trop répandue encore aujourd'hui, que les phénomènes physiques et chimiques sont choses, en quelque sorte, mystérieuses et étrangères au monde réel, exigeant, pour se produire, la mise en œuvre de moyens compliqués et n'apparaissant que dans des circonstances exceptionnelles. Le professeur doit montrer, au contraire, que ces phénomènes ne sont que des manifestations des pro- priétés de la matière, que nous avons l'occasion de voir se produire tous les jours autour de nous et auxquelles nous ne prêtons pas toujours toute l'attention qu'elles méritent. C'est pourquoi les nouveaux programmes recom- mandent aux professeurs « d'éviter le plus possible l'emploi d'appareils spéciaux, et de chercher à réaliser les expériences avec les moyens les plus simples », en ne perdant pas de vue que le but de l’enseignement des sciences physiques, dans les lycées, n’est pas de faire 612 des physiciens de profession, mais « de mettre les élèves à même de se rendre compte de ce qui se passe autour d'eux ». Pour faciliter la réforme de l’enseignement dans cet ordre d'idées, on a introduit, dans les programmes des trois dernières années d’études, des Zxercices pratiques de Physique et de Chimie, qui doivent être réalisés au laboratoire par les élèves eux-mêmes, comme com- plément à l'enseignement expérimental déjà donné dans les cours par les professeurs. Ces exercices pratiques doivent, naturellement, être faits par les procédés les plus simples, et avec des appareils assez rudimentaires pour pouvoir être cons- truits par les élèves eux-mêmes. Il ne s'ensuit pas que l'organisation d'une série un peu nombreuse de ces exercices ne soit chose assez difficile, puisque c’est banalité de répéter que « c’est aux choses les plus simples qué l’on ne songe généralement pas ». La publication d'un recueil d'expériences élémen- taires de Physique, concu dans l’ordre d'idées qui vient d'être indiqué, ne pouvait donc, dans ces conditions, qu'être de la plus grande utilité aux professeurs de Physique. C'est cette tâche difficile que vient d’en- treprendre et de mener à bien, sous les auspices de la Société française de Physique, M. Henri Abraham, secrétaire général de la Société. L'ouvrage doit comprendre deux fascicules, dont le premier a paru récemment. Il débute par un chapitre très détaillé sur le travail “des métaux, du bois, du verre, — à l'atelier. Viennent ensuite une série de recettes et de tours de main, dont la connaissance est indispensable, au même titre que celle du travail à l’atelier, pour celui qui veut faire réellement, au laboratoire, un travail fructueux, sans avoir à recourir constamment au constructeur. La seconde partie du volume décrit succinctement, mais néanmoins d’une facon très suffisante, une foule d'expériences de Mécanique, d'Hydrostatique, d'Hydro- dynamique et de Chaleur. Toutes ces expériences sont susceptibles d'être réalisées avec des objets usuels : les organes de montage des divers appareils sont très rudi- mentaires, tout en étant très variés, et la réalisation de la plupart d’entre eux se trouve à la portée du labo- ratoire le plus modeste. De nombreuses figures, dessinées d'après nature, et au laboratoire mème, éclaircissent, d’ailleurs, le texte à chaque instant et dispensent d'une longue description. Chaque fois que l’occasion s’en présente, l'attention du lecteur est attirée « sur le degré de précision des mesures, sur l’ordre de grandeur des choses, sur la nécessité ou l'inutilité d’une correction, et sur la repré- sentation graphique des phénomènes ». Enfin, une série de tableaux des constantes physiques les plus importantes et de données numériques des- tinées à faciliter le calcul des expériences, complète le volume. Le nombre considérable d'expériences et de mani- pulations accumulées dans ce fascicule permet au lec- teur de se rendre compte que leur réunion et leur coordination n’a pas dû être chose facile. En assumant cette tâche, et en mettant à la dispo- sition de tous cet abondant recueil, où l'on n'aura qu'à puiser quand on se trouvera embarrassé, M. Henri Abraham a singulièrement facilité la tâche des pro- fesseurs de Physique dans l’enseignement nouveau, etil a droit à toute leur reconnaissance. E. COLARDEAU. Professeur de Physique au Collège Rollin. Wittebolle (R.), Zngénieur-électricien. — Les Ca- nalisations électriques. — 1 vol. in-12 de 140 pages avec 158 figures. (Prix : 2 fr. 50). H. Desforges, éditeur. Paris, 1904. Ce petit volume renferme toutes les indications pra- tiques relatives à l'installation d'une canalisation élec- rique : traitement des extrémités des conducteurs, jonction, branchement, montage. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Schnabel (C.). Conseiller supérieur des Mines à Berlin. — Traité de Métallurgie générale ({ra- duit d'après la deuxième édition allemande par le D' L. GAUTIER). — 1 vol. in-8° de 755 pages avec 768 figures. (Prix 30 fr.) Ch. Béranger, éditeur. Paris, 1904. d M. Schnabel est bien connu des métallurgistes par ses excellents traités — devenus classiques — sur la préparation des métaux. M. Gautier, à qui nous devons la traduction de ces ouvrages, vient de traduire un nou- veau livre du même auteur, où la Métallurgie est traitée, non plus au point de vue de tel métal en parti- culier, mais au point de vue des méthodes générales de préparation des métaux et des propriétés générales des minerais et de leurs dérivés. L'éloge du traducteur n’est plus à faire. Il a rendu aux ingénieurs français les plus signalés services en traduisant un grand nombre d'ouvrages techniques allemands avec précision, avec netteté et en y faisant d'utiles additions. On ne saurait contester au nouvel ouvrage de M. Schnabel d'être complet. L'auteur y étudie tous les états de combinaison que peuvent présenter en métal- lurgie les métaux et les scories, avec les propriétés de ces combinaisons; les divers réactifs utilisés et les dif- férentes réactions produites; la mesure des chaleurs et des températures de combustion ; la composition, la préparation et les propriétés des combustibles; la forme et l'usage des fours les plus variés, les traitements électriques et électrolytiques, etc. Malheureusement, il ne suffit pas, pour qu'un traité de Métallurgie générale soit bien fait, qu'il contienne tout ce qui touche à cette science. Il doit donner, à celui qui débute dans la Métallurgie, des vues d’en- semble qui lui permettront de saisir d'emblée le pro- cessus des opérations qu'il verra à l'usine. Il faut l'avouer, l'ouvrage de M. Schnabel ne répond pas tout à fait à ce desideratum. L'auteur à été trop préoccupé de ne rien omiettre des nombreux problèmes qui surgissent en Métallurgie. Quelques-uns de ces problèmes ne se présentent que pour des cas tout à fait particuliers, pour des traitements spéciaux. Il en résulte que les procédés généraux de préparation et les réactions générales apparaissent avec moins de netteté que s'ils étaient seuls. « L'étude de la Métallurgie, dit M. Schnabel dans son Introduction, suppose non seulement une connaissance approfondie de la Chimie, de la Physique et de l'Art de l’'essayeur, mais encore celle de la Mécanique, de la Minéralogie, de l'Electrotechnique et de l'Architecture. » Pourquoi donc, puisque ces connaissances sont sup- posées connues, M. Schnabel se croit-il obligé de donner, pour servir d'introduction aux applications de l’élec- tricité à la Métallurgie, un chapitre où l'on trouve les définitions les plus élémentaires de lElectricité, des généralités relatives à la production du courant et à l'électrolyse, le tout en 26 pages! C’est beaucoup trop si l’on suppose le métallurgiste déjà versé dans ces con- naissances tout élémentaires; c'est beaucoup trop peu si l’auteur à eu l'intention de révéler l'électricité à son lecteur. Mieux vaudrait pour celui-ci quelques bonnes années d'école. Une dernière imperfection à signaler, c'est le dévelop- pement très inégal des diverses parties de l'ouvrage. Ainsi, la description des fours avec les dispositifs qui en dépendent occupe à elle seule presque la moitié du volume, tandis que le chapitre relatif aux scories n'y tient qu'une place restreinte, étant donné leur rôle capital en Métallurgie. L'exposé relatif à la production et à la mesure de la chaleur est des plus intéressants et rendra les plus grands services. On y trouve une description détaillée des mé- thodes et appareils destinés à la mesure des chaleurs de combustion et des températures, ainsi qu'une étude très complète sur les propriétés physiques et chimiques des combustibles les plus variés. — On lira également à avec grand intérêt ce qui se rapporte aux souffleries, ‘au chauffage de l'airet aux dispositifs utilisés pour recueillir les poussières, les vapeurs et les gaz des usines. En somme, ce livre, dont nous n'avons pu énumérer toutes les parties, pourra rendre de grands services aux métallurgistes, surtout s'il est consulté comme un dictionnaire plutôt que lu comme un traité didac- tique. AUGUSTE HOLLARD, Chef du Laboratoire central de la Compagnie française des métaux. 3° Sciences naturelles Beck (D' Richard), Professeur de Géologie à l'Aca- démie Royale des Mines de Freiberg. — Traité des gisements métallifères. Traduction de M. 0. Caen. — 1 vol. grand. in-8° de 808 pages. Béranger, édi- teur. Paris, 1904. M. Beck, si je ne me (rompe, professe dans la même petite salle de Freiberg où, voici un peu plus d'un siècle, le patriarche Werner créa l’enseignement de la -Métallogénie. Son livre représente dignement et fidèle- “ment une antique tradition; il renferme un exposé très “complet ét très documenté des travaux relatifs aux “gites métallifères. Suivant le précepte de Werner, la “part faite à la théorie y est restreinte et la description des particularités géométriques que peuvent présenter . les filons est, au contraire, très développée. La traduction de M. Chemin aidera à répandre cet ouvrage en France. 11 faut souhaiter qu'elle contribue à créer un mou- vement en faveur d'une science, qui fut un moment très glorieusement française avec les Elie de Beau- -mont, les Sénarmont, les Daubrée, et qui risquerait de passer à l'Etranger, comme la Chimie Industrielle, par “suite du dédain trop général des esprits latins pour tout ce qui, en restant scientifique, présente un intérêt pratique. L. DE Launay, Ingénieur en chef des Mines, Professeur à l'Ecole des Mines. Bruntz (L.), chargé de cours à l'Ecole supérieure de Pharmacie de Nancy. — Contribution à l'étude de l'Excrétion chez les Arthropodes (7Lèse pour le doc- torat Ôs sciences naturelles Soutenue à la Faculté des Sciences de Nancy). — 1 vol. in-8 de 205 pages, 3 plañches doubles (Archives de Biologie, £. XX). Vail- lant-Carmanne, imprimeur, Liége, 1903. M. Bruntz s'est proposé l'étude des organes excréteurs dans toute la série des Arthropodes, en utilisant surtout “la méthode des injections physiologiques. Jusqu'ici, pouces groupes seulement avaient été l’objet de recherches approfondies, et il restait bien des lacunes “à combler; aussi M. Bruntz a-t-il recueilli une ample “mnoisson de faits nouveaux. Encore une fois, la méthode “des injections physiologiques, malgré les critiques, injustifiées à mon sens, dont elle a été l'objet, a mis en évidence des organes ou des cellules inconnus jus- qu'alors, dont la signification excrétrice n’est pas douteuse. à Les Arthropodes possèdent plusieurs catégories d'or- ganes excréteurs : 1° Des reins proprement dits, débouchant à l'exté- rieur, constitués par un saccule et un labyrinthe; le “premier élimine constamment le carminate d'ammo- niaque des injections physiologiques, tandis que le labyrinthe élimine le plus souvent le carmin d'indigo:; les orifices de ces reins ont une position variable, d'où leur catégorisation en reins antennaires et maxillaires (Grustacés), labiaux (Diplopodes, Thysanoures), pédieux (Onychophores), coxaux (Arachnides, Xiphosures).Chez les Daphnies et les Artémies, en outre des reins maxil- laires bien développés (glandes du test), il existe encore des reins antennaires rudimentaires, réduits au sac- eule, qui sont des organes clos; il ne paraît pas yavoir de rein ouvert chez les Chondracanthus, alors que les Copépodes non parasites possèdent certainement des reins maxillaires; de même, parmi les Aranéides, il BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 613 semble que ce soient les seuls Tétrapneumones (Aty- pus) qui aient des reins coxaux; ces organes manquent également chez les Pseudo-Scorpionides et les Aca- riens. La découverte la plus intéressante est certainement celle des reins labiaux, considérés jusqu'ici comme des glandes salivaires, dont M. Bruntza reconnu l'existence dans deux groupes de Trachéates, les Diplopodes et les Thysanoures; ils sont formés d'un saccule et d'un labyrinthe, comme d'ordinaire, et leurs orifices excré- teurs sont perforés sur la lèvre inférieure ; leur présence chez les Thysanoures, formes primitives, permet de penser que les glandes salivaires des Insectes et leurs adaptations diverses ne sont que des reins modifiés ; 2° Des diverticules du tube digestif, pouvant fonce- tionner comme organes éliminateurs; c'est le cas des tubes de Malpighi des Trachéates, des cæcums de l’intes- tin moyen (Amphipodes, Pseudo-Scorpionides, Trombi- dion), de certaines cellules du foie (Isopodes, Amphi- podes, Schizopodes, Nebalia, Cirripèdes); 3° Des organes clos, reins d’accumulation, comme les cellules à urate de soude du corps adipeux des Diplopodes, ou de transformation, comme les néphro- cytes à carminate, existant chez tous les Arthropodes, sauf les Cladocères et la Sacculine. M. Bruntz s’est sur- tout attaché à étudier la disposition de ces néphro- cytes, dont l’arrangement varie beaucoup suivant les groupes; ce sont de grandes cellules, qui éliminent électivement le carminate des injections physiologiques, et qui sont tantôt groupées en amas plus ou moins définis, tantôt isolées dans le conjonctif, mais toujours sur le trajet de courants sanguins. Chez les Amphi- podes, certains néphrocytes, qui revètent les surfaces interne et externe du cœur, possèdent la double pro- priété, assez rare, d'éliminer le carminate dissous et de phagocyter les grains solides d'encre de Chine. La Sacculine est le seul Arthropode dépourvu tota- lement de cellules excrétrices; les injections physiolo- giques montrent que l'élimination des produits de déchet (méthylamine) s'effectue par osmose, dans le corps du Crabe, à travers la surface entière des racines. Critique. — Comme on le voit, M. Bruntz a fait por- ter ses recherches sur presque tous les groupes d'Ar- thropodes; mais il a peut-être perdu en précision ce qu'il gagnait en généralité, et je crois qu'il reste encore à glaner après lui, mais à glaner seulement. Il est à espérer qu'il comblera lui-même les quelques lacunes de son travail, notamment en ce qui concerne les reins labiaux des Trachéates primitifs, dont l'étude promet d’être des plus intéressantes, les organes phagocytaires signalés en passant chez plusieurs Arthropodes, le foie des Arachnides, dont l'histologie est traitée un peu suc- cinctement, et surtout l'analyse chimique des produits d'excrétion. Il est regrettable que cet excellent travail, qui com- plète si heureusement nos connaissances sur les organes d'élimination, ait été écrit ou corrigé hâtivement; il renferme vraiment par trop de fautes d'orthographe, notamment dans les noms d'auteurs ou d'espèces; il y a aussi quelque part un certain nom d'auteur qui me paraît être plutôt celui d’un lac; l'ordre alphabétique de l'index bibliographique est brouillé; le français est souvent douteux, pour employer un mot indulgent. Ce sont, sans doute, des fautes de pure forme, mais qui ont le grave inconvénient de faire mal préjuger du fond, injustement dans le cas présent, et qu'il eût été bien facile d'éviter. M. Bruntz à fait preuve d'une réelle habileté manuelle : injecter sans les tuer des animaux aussi petits que les Daphnies, les Chelifer, les Nymplhon, n’est assurémentpas chose commode. Ilest bien au cou- rant des techniques histo-physiologiques et possède une solide instruction chimique, très enviable pour un zoologiste, qui lui permettrait de prendre en France la place toujours vacante d'un Krukenberg ou d'un von Fürth. L. CuÉvor, Professeur à l'Université de Nancy. 614 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 4° Sciences médicales Bezançon (F.) et Labbé (Marcel). — Traité d'Héma- tologie. — 1 fort vol. avec 125 fig. et 9 pl. Steinheïl, éditeur. Paris, 1504. L'étude du sang a bénéficié des progrès faits en ces dernières années dans les méthodes d'investigation scientifique. La Bactériologie et la Parasitologie ont contribué, pour une grande part, à renouveler l'Hémato- logie. Il faut remarquer que les recherches qu'ont suscitées pour leur seul compte les Hématozoaires ont donné aux procédés techniques de coloration un grand essor. Les applications de la Physique et de la Ghimie ont ouvert également à la physiologie du sang de nou- velles voies. La sérothérapie et toutes les questions qui en dérivent ont pris un développement exceptionnel : elles constituent presque une science spéciale, visant les phénomènes biologiques les plus importants et les moins connus. En outre, l'apport précieux que l’exa- men du sang, à divers points de vue, donne au dia- gnostic est un progrès clinique de haute valeur. Le moment était propice pour fixer toutes ces acqui- sitions dans un ouvrage mis au point. C'est l'œuvre qu'ont réalisée MM. Bezançon et Labbé, dans un livre très complet, que leurs nombreux travaux personnels sur les organes hématopoïétiques et la lymphe leur permettaient d'écrire, et qui a nécessité un dévelop- pement considérable, puisque mille pages d'in-8° ont à peine suffi pour contenir ce qui a été fait jusqu'ici. La technique joue dans ces questions un rôle de plus en plus grand. Aussi trouve-t-on dans le livre de MM. Bezancon et Labbé un grand souci de l'exposition détaillée des procédés de recherche. Tout d'abord, c'est la récolte du sang. On le prélève soit par saignée, ou mieux par ponction d'une veine, soit par application de ventouses scarifiées ou simple piqüre du doigt. Chez les animaux, dans un but d'étude, on peut ponctionner une artère ou le cœur mème (sou- vent sans danger). On procède ensuite à l'examen. Les auteurs traitent des qualités physiques du sang, de sa masse totale, de sa densité; puis ils font l'examen critique des méthodes servant à déterminer son alcali- nité, décrivent ses cristaux, étudient les phénomènes de la coagulation, puis les gaz du sang. Ils insistent sur l'importance de l'analyse bactériologique. Outre les procédés de technique générale, ils font une étude particulière pour chacune des principales septicémies : fièvre spirillaire, paludisme et ses différentes formes, piroplasma des bœufs, trypanosome, filariose, bacille typhique, vibrion septique, streptocoque, peste, tuber- culose, pneumococcose et bacilles divers. L'analyse chimique du sang, les modifications qu'elle révèle dans divers états pathologiques : anémie, hydro- pisie, leucémie, cancer, goutte, diabète, maladies infectieuses, cardiopathies, néphropathies, sont étu- diées ensuite. Signalons à ce propos les intéressants rapports qui existent entre le sang et l'urme d'une part, et d'autre part entre le sang et l’ædème. La deuxième partie du Traité d'Hématologie est con- sacrée aux éléments figurés du sang. Les divers genres d'examen y sont exposés avec soin ; numération des globules rouges et blancs; préparations sèches et colo- rées; mensuration des globules. C’est un important chapitre de technique. La troisième partie traite du globule rouge. Les auteurs décrivent ses propriétés physiques, son rôle physiologique, ses origines, sa destruction. Les altéra- tions pathologiques des hémalies sont exposées, ainsi que les conditions dans lesquelles elles se produisent : mobilité, déformations diverses, réactions colorées anormales (basophilie). Puis viennent la description des globules rouges à noyau, les discussions sur leur signi- fication pronostique, l'étude de l'hémoglobine et de ses dérivés. Les chapitres relatifs à l'hémolyse, à l'hémo- globinurie, à la résistance globulaire sont des meilleurs par leur clarté. Les variations physiologiques et patho- logiques du nombre des globules rouges sont exposées très complètement. Enfin, MM. Bezançon et Labbé. donnent à cette importante partie une sorte de conclu- sion en consacrant leur dernier chapitre à une concep- tion générale des anémies. Ils fondent cette conception sur une critique très juste de l’idée qu'on s'était peu à peu habitué à se former de l’anémie en tant qu'insufli- sance du globule rouge. Ils font entrer en ligne de compte tous les éléments du sang, figurés ou fluides. Cette conception est fort intéressante en ce qu'elle considère l'harmonie générale de la composition du sang, bien plus que le défaut ou l'excès de l’un de ses constituants. Cependant, pour arriver à une classification claire, ils ont dù reprendre une à une les diverses insuffisances hématiques portant soit sur la masse glo= bulaire, soit sur la valeur des globules, soit sur les variations leucocytaires ou sur les hématoblastes, soit sur la constitution même du plasma. La quatrième partie est consacrée au globule blanc. MM. Bezançon et Labbé étudient l'anatomie des leuco= cytes, leurs propriétés, leur physiologie générale, la phagocytose normale et pathologique, les produits de sécrétion des globules blancs. Toute l'histoire des leu cocytes, leurs diverses formes, leur état, les diverses variétés, leur origine, leurs dégénérescences, leurs réactions colorées, leurs variations dans les maladies infectieuses, parasitaires ou toxiques, leur valeur, î diagnostique, etc., sont traités en détail. Avant de parler du sérum, les auteurs ont fait une revue des corps figurés, dont la nature, l’origine et la valeur sont encore très discutées, tels que les hémato- blastes, plaquettes, globulins et hémoconies. Puis vient le sérum avec ses propriétés physiques et chi- miques, densité, réaction, viscosité, couleur. Les diverses variations physiologiques et pathologiques den la coloration du sérum, et en particulier les sérums contenant des pigments biliaires normaux ou modiliés, $ l'aspect laqué, l’opalescence, la concentration molécu- … laire du sérum, sa mesure, etc., sont très bien exposés. Enfin, une série de chapitres intéressants sur la toxicité et les propriétés bactéricides, cytolytiques, agglutim nantes, précipitantes du sérum. MM. Bezançon et Labbé insistent sur les applications cliniques et bactériolo-m giques qui en découlent, telles que le séro-diagnostic de Widal (fièvre typhoïde) et les divers séro-diagnostics essayés dans les maladies les plus diverses et en partis culier dans la tuberculose. Des notions sur les ferments et les anticorps du sérum précédent l'étude terminale consacrée aux organes hématopoïétiques et au cytodias gnostic. Tel est le sommaire de cet important ouvrages Le Traité d'Hématologie de MM. Bezançon et Labh contient donc tout ce qu'il est intéressant de connaître sur la matière. Les auteurs ont eu un grand souci des la clarté : ils ont divisé et subdivisé l'ouvrage avec um soin évident; les recherches sont ainsi facilitées. Ils ont, en outre, témoigné d'une érudition très étendue, eb n’ont ménagé ni leur temps ni leur peine pour ras= sembler et classer une multitude de matériaux, où ses mélent leurs travaux personnels nombreux. Signalons en terminant, une très belle série de planches coloriées; dont M. Labbé a fait les aquarelles originales. D' A. LÉTIENNE. 5° Sciences diverses Carnegie (Andrew). — The Empire of Business. — Harper and Brothers, éditeurs, 45 Albermale Street. London. i Andrew Carnegie vient de réunir en un volume une | série d'articles parus dans divers périodiques améri cains. Dans ce livre, le lecteur trouvera, traitées d’une | facon très claire, une foule de questions concernant le commerce et l'industrie, les intérêts communs du tras vail et du capital, les trusts, les relations commer ciales anglo-américaines, les manufactures d'acier aux Etats-Unis, les chemins de fer dans le passé et dans l@ présent, etc. dé 4 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX IL est impossible d'analyser tous les chapitres, mais il peut être utile de mettre en lumière ce qui forme une partie importante de l'ouvrage et ce qui est dis- persé un peu dans toutes les pages : nous voulons dire les idées d'Andrew Carnegie sur l'éducation des jeunes gens. Andrew Carnegie, on le sait, est un Ecossais né de parents pauvres, qui arrive jeune aux Etats-Unis, débute dans la vie en gagnant six francs par semaine, s'élève progressivement à force de labeur, fonde des usines prospères, donne journellement du travail à 15.000 ouvriers, acquiertdes milliards, bâtit des biblio- thèques, enrichit des Universités, dépense jusqu'à ce jour en œuvres de bienfaisance plus de 470 millions. Connaitre les idées d'un tel ouvrier est, croyons- nous, intéressant pour tous les hommes de science qui savent que le plus grand des problèmes scientifiques est le perfectionnement de l’esprit humain et que le progrès de l'humanité dépend surtout du développe- ment des personnalités humaines. Le livre d’Andrew Carnegie s'adresse aux jeunes gens; il a pour but d'instruire les garcons désireux ‘ètre plus tard non pas uniquement des salariés, des employés, mais des hommes libres, maîtres de leurs destinées. A ces jeunes gens, Carnegie souhaite de naître pauvres; les fils d'hommes riches, dit-il, sont d'ordinaire incapables de résister aux tentatives aux- quelles la richesse expose; ils s'abaissent trop souvent à une vie indigne; tout ce qui est grand et bon est sorti et sortira toujours des rangs des pauvres; la pau- vreté est le terrain où germent les hautes vertus. L'enfant né dans l’indigence, mais né fort, n'a pas à craindre dans la vie la concurrence des enfants riches. Ni le capital, ni les relations de famille, ni l'instruc- tion recue au collège ne peuvent balancer dans les affaires l'énergie, l'indomptable volonté que donne la pauvreté. En Amérique, les travailleurs nés pauvres sont les triompkateurs : dans l'industrie, c'est l’ouvrier expérimenté qui fonde les maisons importantes, dirige les gigantesques usines; dans le commerce et dans la finance, c’est le garçon de bureau qui se révèle le prince déguisé. Les Pullmann, les Remington, les Singer, les Gould, les Rockefeller, les Westinghouse, les Edison, etc., tous naquirent pauvres. Carnegie passe en revue les maitres de l’industrie américaine, tous les chefs de la finance, tous les capi- taines des grands établissements, et parmi ces « têtes » il ne trouve que des hommes qui se sont faits eux- mêmes; il n’aperçoit pas un seul diplômé de collège. Ces diplômés ne se rencontrent que dans les positions subalternes. Aussi, l'instruction universitaire lui paraît être, pour un homme d'affaires, un désavantage positif, une cause d’infériorité réelle. En effet, tandis que l'étudiant de collège s'occupe à apprendre par cœur quelques détails sur les luttes mesquines des peuplades de la Grèce, cherche à rete- nir quelques mots des langues mortes, le futur chef d'industrie, l’ouvrier de génie fait œuvre de ses mains et travaille avec ardeur à l’école de l'expérience pour acquérir la véritable science, la science pratique nécessaire à ses futurs succès. Ce n’est pas que Carnegie dédaigne l’enseignement de collège : « Une éducation libérale, nous dit-il, donne à un homme qui se l’assimile réellement des goûts et des desseins plus élevés que l'acquisition de la richesse, et la jouissance d'un monde dans lequel le simple mil- lionnaire ne peut pénétrer ». Mais cette éducation ne saurait être que l'apanage d’un petit nombre qui se destinent aux professions libérales ou qui sont nés dans l’aisance. La véritable éducation, l'éducation des hommes forts, l'éducation des hommes qui doivent gagner leur 615 vie, sera obtenue hors des écoles universitaires, loin du passé mort, Les « diplômés de collège » sont élevés comme s'ils étaient destinés à vivre sur une autre planète que la Terre. Ce qu'ils ont appris a servi à les rendre imbus d'idées fausses, à leur donner le dégoût de la vie pra- tique, à détruire leur ardeur et leur énergie; leur prin- cipale préoccupation est de chercher comment mener une vie oisive au lieu d’une vie utile. Que peut le jeune homme qui connaît le grec, en présence de celui qui connaît la sténographie, la télé- graphie, par exemple, ou la tenue des livres, la Chimie, la Mécanique. « Dans la lutte économique, le diplômé de collège n'oppose à la carabine à répétition de ses con- currents que le bouclier des héros d'Homère ». Au point de vue affaires, l'éducation la meilleure a été jusqu'ici l'éducation que l’ouvrier de génie se don- nait à lui-même. Actuellement, un nouveau mode d'instruction parait devoir jouer un rôle important dans l'éducation des enfants. Depuis quelques années, se sont fondées des écoles industrielles et scientifiques qui donnent, au point de vue pratique, d'excellents résultats. Carnegie cite, comme exemples, que trois des plus importantes aciéries du monde sont sous la direction d'hommes tout jeunes élevés dans des écoles de ce genre : Walker, de « l'Illinois Steel Company » à Chi- cago; Schwab, qui fut chef des usines Edgar Thomson; Potter, des « Homestead Steel Works » à Pittsburg. Les jeunes gens instruits de la sorte ont, sur l’ou- vrier qui n'a été qu'apprenti, l'avantage de la direction scientifique de l'esprit. L'enfant élevé scientifiquement est accessible aux idées nouvelles ; il n’a pas de préjugés, il accepte de suite les plus récentes inventions ou les plus modernes méthodes, il adopte le plan « qui battra le record », ne se fait aucun scrupule d'abandonner ses propres inventions s'il en voit de meilleures. L'ouvrier intel- ligent, mais moins instruit, est plus routinier et aban- donne plus difficilement ses idées. Que ces jeunes hommes instruits scientifiquement ne croient pas qu'il ne soit plus possible désormais à un homme sans capitaux de s'élever très haut. Les maisons importantes partagent de plus en plus leurs profits, non plus entre des centaines d'actionnaires absents, de capitalistes fainéants, mais avec leurs employés dont lhabileté et les efforts assurent, en grande partie, leur succès. Les jours du travailleur actif et utile arrivent. Les grands établissements de commerce, les grandes usines ont de plus en plus besoin d'hommes pratiques ayant des capacités réelles. La plus précieuse acquisition qu'un patron puisse faire pour sa maison est un jeune homme doué d'une intelligence exceptionnelle; tout patron est à la recherche de l'habileté commerciale, rien de plus demandé sur le marché que les cerveaux. Si un homme reste un subalterne, la faute n’en est pas à son étoile, mais à lui-même. Carnegie est un enthousiaste de l'instruction; ses fondations de bibliothèques, ses dons aux Universités le prouvent. Mais il veut que l'instruction soit appro- priée au but poursuivi : instruction universitaire pour ceux qui se destinent au clergé, à l’enseignement, à certaines professions libérales, éducation scientifique et professsionnelle pour le plus grand nombre. Les idées de Carnegie ont été déjà soutenues maintes fois dans les publications françaises; mais, à voir la foule de jeunes gens qui suivent l’enseignement grec ou latin, qui se pressent à l'entrée des écoles prépa- rant aux Carrières dites libérales, à regarder l’exten- sion croissante en France du fonctionnarisme stérili- sant, on sent la nécessité de répandre de plus en plus les idées qui ont permis l’éclatant triomphe d’un Gelte au labeur tenace et à l'initiative hardie. P. Desrosses. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 30 Mar 190% 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. N. Nielsen expose les fondements d’une théorie systématique des fonc- tions sphériques. — M. A. Laussedat montre qu'en employant des images stéréoscopiques au lieu d'images simples, on peut substituer une nouvelle méthode, celle des parallaxes, à la méthode des intersections dans la construction des plans topographiques. — M. Laporte indique les résultats de {rois campagnes hydrographiques qu'il a dirigées de 4901 à 1903 et au cours desquelles il a refait entièrement la triangulation des côtes de Bretagne, de Brest à la Loire. — M. P. Duhem étudie les effets des petites oscillations des conditions extérieures sur un système dépendant de deux variables. — M. L. Lecornu montre que le ren- dement du joint universel peut être exprimé par la 4 Ar Sin 9, rh rillons, R leur distance au centre du joint, A l'angle aigu des deux arbres, et e l'angle de frottement. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Bichat a observé que l'émission secondaire de rayons N d’une lame de cuivre exposée préalablement à l’action d’une source de ces rayons augmente beaucoup sous l'influence de la chaleur, mais disparait totalement après quelques instants. Les radiations secondaires sont de longueurs d'onde plus grandes que les radiations primaires. — M. J. Becquerel montre que les rayons issus de la com- pression d’un corps (rayons N) jouissent de la propriété d'augmenter la sensibilité de la vision et produisent, sur une surface susceptible de les emmagasiner, le mème effet, au point de vue du rayonnement, qu'une com pression normale à cette surface. Les rayons issus de l’étirement d'un corps (rayons N,) jouissent des pro- priétés inverses. — M. J. Meyer à trouvé que, comme les sources de rayons N, les sources de rayons N, cessent d'émettre ces rayons quand on les soumet à l’action de vapeurs d’anesthésiques. — Le P, Colin communique les observations magnétiques qu'il a faites à Tananarive de mai 1903 à avril 1904. La déclinaison a diminué de 9', l'inclinaison de 22", toutes deux avec un maximum et deux minima. — M. Krouchkoll présente un nouveau régulateur du vide des ampoules de Crookes. — MM. Aug. et L. Lumière ont obtenu des photographies en couleurs par l'emploi de particules colorées déposées en couche unique sur une lame de verre, puis recouvertes d’un vernis con- venable et enfin d'une couche d’émulsion sensible. On expose par le dos la plaque ainsi préparée, on déve- loppe et l’on inverse l’image, qui présente alors, par transparence, les couleurs de l'original photographié. — M. M. Berthelot a reconnu que l'inaltérabilité de l'or et du platine par HCI cesse lorsqu'on opère en présence de la lumière et à la température ordinaire, surtout en ajoutant dans les liqueurs une trace d’un sel peroxydable à l'air, tel que Mn CE. — MM. H. Moissan et J. Siemens ont constaté que le silicium est beau- coup plus soluble dans l'argent que dans le plomb et dans le zinc. Mais le Si cristallisé qui se rencontre dans le métal solidifié renferme une certaine quantité d'une variété allotropique de Si soluble dans HF. — M. A. Ditte montre que la formation des minerais vanadifères a pu avoir lieu par l’action des eaux naturelles, qui ont emprunté le vanadium aux roches profondes, puis, chargées d'acide vanadique, ont formule p—1 — , où r est le rayon des tou- formé, au contact des divers minerais de plomb, du vanadate de plomb, qui constitue le principal minerai de vanadium. — MM. P. Sabatier et A. Mailhe, en faisant réagir la cyclohexanone sur les dérivés organo- magnésiens et décomposant le produit par l'eau glacée, ont obtenu les alcools tertiaires C‘H®(OH)R, R étant un radical gras ou aromatique. — MM. Ch. Moureu et R. Delange, en faisant réagir les composés organo- magnésiens, puis l’éther orthoformique, sur les hydro- carbures acétyléniques, ont obtenu les acétals acéty- léniques R. C=C. CH (OCH°}. L'action de lhydroxy- lamine sur les aldéhydes acétyléniques fournit des isoxazols. — M. M. Nicloux montre que l'agent lipo- lytique du cytoplasma de la graine de ricin n'est pas un ferment soluble dans l'eau. L'eau enlève à l'agent saponifiant, et cela instantanément, son pouvoir hydrolysant dès que celui-ci n'est plus protégé par l'huile. — M. J. Galimard à extrait des œufs de gre- nouille une albumine nouvelle, faiblement acide, voisine de la clupéovine, qu'il nomme ranovine. — M. E. Roux a constaté que l’amidon du pain ne rétrograde que d'une façon insensible. Il n’est donc pas probable que la matière amylacée du pain rassis possède une valeur alimentaire différente de celle da pain frais — MM. H. Labbé el Morchoisne ont observé que le besoin d'albumine dans le régime ali- mentaire humain peut s’abaisser notablement au- dessous de la limite de 45 grammes par vingt-quatre heures sans détruire l'équilibre azoté. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. À. Moutier montre que la d'arsonvalisation constitue un traitement très effi- cace de l'hypertension artérielle et aussi un traitement prophylactique contre lhémorragie cérébrale. — MM. G. Patein et Ch. Michel ont constaté que la ma- tière albuminoïde qui a reçu le nom d’albumose de Bence-Jones n’est pas une albumose et doit être rangée parmi les albumines ; dans un cas qu'il relate, elle était constituée par de la globuline, mais elle peut l'être éga- lement par de la sérine. — MM. L. Launoy et F. Billon ont étudié la toxicité du chlorhydrate d’amyléine (sto- vaine), qui est employé comme anesthésique local. Elle est plus de moitié moindre que celle du chlorhydrate de cocaïne. — MM. D. Courtade et J. F. Guyon mon- tent que, contrairement à l'opinion admise jusqu'ici, le pneumogastrique envoie des filets moteurs à la vési- cule biliaire. — M. Aug. Charpentier a reconnu que l'émission de rayons N par le système nerveux peut, dans certaines conditions, persister pendant quelque temps après la mort. — M. I. Borcea décrit les diffé- rences de structure histologique et de sécrétion entre le rein antérieur et le rein postérieur chez les Elasmo- branches mâles. — M. F. Marceau montre que, chez l'huître et la plupart des bivalves, la fermeture rapide des valves est due uniquement à la contraction du muscle vitreux et que le muscle nacré a seulement pour fonction d'équilibrer en grande partie, par son élasticité et sa tonicité, la force élastique du ligament. — M. Wiesner à déterminé pour diverses plantes la photolepsie, e’est-à-dire le rapport de l'intensité de la lumière qui tombe sur la plante à l'intensité de la lumière du jour tout entière. Les minima de photo- lepsie sont différents et caractéristiques pour les plantes. — M. P. Becquerel montre que le tégument desséché des graines est une barrière infranchissable aux gaz secs. — M. P. Vuillemin a observé que les changements de couleur des conidies du Sterigmato= eystis versicolor se produisent et se maintiennent dans des conditions qui ne sont pas sous la dépendance im- médiate du milieu. Î À ; ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 617 Séance du 6 Juin 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. Wiernsberger présente ses recherches sur les expressions formées de radicaux superposés. — M. J. Andrade démontre que tout mouvement y, de solides aux trajectoires sphé- riques, où quelque joint privilégié décrit une trajec- toire circulaire dont le centre est à distance finie, est du type banal. — M. L. Lecornu montre que la dis- position ordinaire du joint universel est préférable, au point de vue de la perte de travail due au frotte- ment, à la disposition simplifiée adoptée par quelques constructeurs d'automobiles. — M. Ch. Renard étudie la vitesse critique au-dessus de laquelle le coefficient de stabilité des ballons dirigeables s'annule et devient négatif. Cette vitesse croît comme la racine carrée du diamètre. — M. Bouquet de la Grye indique le résul- tat des mesures des clichés pris pendant le passage de Vénus sur le Soleil en 1882. La correction qu'on en déduit pour la parallaxe solaire est loin d'avoir l'approximation de la méthode des contacts. Toutefois, ces mesures ont permis d'affirmer que Vénus à un aplatissement analogue à celui de la Terre et une surélévation extraordinaire au pôle sud. — M. H. Des- landres expose les progrès récents et les méthodes à employer dans la photographie des diverses couches qui composent l'atmosphère solaire. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. R. Blondlot montre que l'observation des changements de luminosité dus à l'action des rayons N met en jeu, dans le cas de l’étin- celle, l'aptitude de l'œil à saisir de faibles variations d'intensité lumineuse ; dans le cas de substances phos- phorescentes, c’est, de plus, la propriété que possède l'œil de devenir plus sensible quand il reçoit des rayons N qui entre en jeu. — M. E. Bichat à obtenu une source de rayons N en reliant au sol une plaque ou une tige métallique au moyen d'un fil de cuivre. Les rayons émis dans ces conditions viennent du sol; l'émission est normale à la surface du métal. — Le même auteur à constaté que le quartz cristallisé émet des rayons N dans la direction de son axe et des rayons N, dans la direction perpendiculaire. — M. P. Villard met en évidence l'existence, dans les ampoules à gaz raréfié placées dans un champ magnétique in- tense, de rayons magnéto-cathodiques, dont les pro- priétés sont inverses de celles des rayons de Hittorf. — M. Iliovici décrit une nouvelle méthode propre à mesurer les coefficients de self-induction. — M. F.-P. Le Roux à reconnu, dans des cas déterminés, que la contemplation d’une surface douée d'une illumination sensiblement constante peut la faire apparaître comme douée d’une illumination variable, sans que l’on puisse invoquer d'autre cause de cette apparence que le fone- üonnement même de l'organe et de ses annexes. — M. J. Becquerel à observé que l'aluminium et le cuivre perdent leur transparence pour les rayons N quand la surface qui reçoit le rayonnement ou quand la surface de sortie des rayons est soumise à l’action d’un anes- thésique; le quartz jouit de la mème propriété, mais non le verre et le bois. — M. Ch. Nordmann décrit une méthode pour l'enregistrement continu de l’état d'ionisation des gaz. Elle consiste à faire passer le gaz ionisé entre les armatures d’un condensateur, l'une portée au potentiel qui produit le courant de satura- tion, l’autre reliée à un électromètre, et à enregistrer les variations de l’électromètre. — MM. A. Brochet et J. Petit montrent que, dans l'électrolyse par courant alternatif, la fréquence n'a qu'une action faible, sur- tout dans le cas des réactions particulières au courant alternatif. — M. Alb. Colson a reconnu, par l'étude des rayons N émis, qu'il y a deux ordres de phéno- mènes chimiques suivant que la baryte agit sur les sul- fates métalliques ou selon que les sulfates agissent sur la baryte, en solution aqueuse et à la température ordinaire. — Sir W. Ramsay : L'émanation du radium (VOIr p. 581). — M. P. Freundler montre que la réduc- tion de l'alcool o-nitrobenzylique s'effectue normale- ment, mais qu'elle est compliquée par l'oxydation du groupe alcool, puis par l'instabilité des azoïques à fonction alcool, qui se transforment en indazols. — M. F. Bodroux prépare commodément les anilides par réaction des éthers-sels des acides monobasiques sur les dérivés organomagnésiens des anilines. — MM. E. Bourquelot et L. Marchadier ont observé que la réac- tion provoquée par un ferment oxydant indirect (anaé- roxydase) et l’eau oxygénée sur la vanilline est la même que celle qui est provoquée, en présence de l'air, par une oxydase proprement dite. — M. J. Dumont montre que les engrais humiques complets, à base de tourbe, riches en humates alcalins et en composés phospho-humiques, ont les qualités essentielles du bon fumier de ferme. 39 SCIENCES NATURELLES. — MM. Ch. Bouchard, P. Curie et V. Balthazard ont placé des souris et des cobayes dans une atmosphère chargée d'émanation du radium. La mort survient en une dizaine d'heures, avec congestion pulmonaire intense. Les tissus de leur organisme deviennent radio-actifs. — MM. Ed. Tou- louse et C1. Vurpas ont constaté que l'intensité des réflexes est en rapport inverse avec la complexité fonc- tionnelle du système nerveux. D'autre part, lorsque le système nerveux de l'adulte est gravement altéré dans son fonctionnement, les réflexes tendent à prendre les caractères et les modalités physiologiques de ceux du nouveau-né. — M. J. Tissot à reconnu que les combustions intra-organiques, mesurées par la quan- üté d'oxygène absorbée, ne sont pas influencées par des variations considérables dans la proportion d'oxygène de l'air inspiré. — M. Ch. Porcher montre que l’action de la phloridzine sur la sécrétion mammaire de la vache n'est que très indirecte ; elle est la conséquence immédiate d’un trouble rénal, qui provoque à son tour hypoglycémie et diurèse. — M. C. Phisalix attribue l'immunité naturelle des vipères et des couleuvres à la présence dans le sang d'une antitoxine libre qui neutralise le venin à mesure qu'il pénètre dans la circulation. — Mme Girard- Mangin et M. V. Henri ont observé l'agglutination des globules rouges par l'hydrate ferrique colloïdal, Na CI et différents sérums. — M. L. Fage à constaté que la cellule néphridiale de Sangsue en activité est le siège de formations ayant tous les caractères de l'ergasto- plasme et localisées à la partie basale de la cellule. — Le Prince Albert de Monaco indique les résultats de la 5° campagne scientifique de la Princesse Alice IL. — M. J. de Loverdo a obtenu l’étouffage des cocons aussi surement par l’action du froid (1 mois entre 0° et —$8°) que par celle de la chaleur. L'étouffage à froid ne demande aucune manutention et évite complètement les déchets causés par l’autre méthode. —M. J. Richard décrit un filet à grande ouverture et à maille étroite destiné à la récolte du plankton; deux essais ont été très encourageants. — M. G. Bonnier a observé qu'une blessure peut provoquer, dans la structure de certaines racines de Monocotylédones, un début de formations secondaires s’organisant comme chez une racine de Dicotylédone. — M. de Wildeman estime que les variations si considérables dans la forme des acaro- domaties des caféiers africains sont dues à l'hybridité. — M. Guédras à trouvé différents gîtes de sulfate de baryte dans la Lozère. — M. E. de Martonne a observé, dans les Alpes de Transylvanie, une sorte de plate-forme ondulée voisine de 2.000 mètres qui représente une surface d’abrasion. — M.F. de Mon- tessus de Ballore attribue un rôle séismogénique, en Algérie, aux dislocations résultant de la surrection de l'Atlas tellien et peut-être aussi à quelques-uns de ses plissements. — M. Houdas à trouvé dans un manus- crit arabe la description détaillée d'une éruption volca- nique qui à eu lieu près de Médine le 30 juin 1256. — M. A.-G. Nathorst a étudié la flore jurassique recueillie sur la terre Louis-Philippe par l'Expédition Nordensk- Jéld; elle se rattache à celle de l'Europe et à celle du Gondwana supérieur de l'Inde. 618 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 24 Mai 190%. M. le Président annonce le décès de M. J.-E. Marey, membre de l'Academie. M. Terrier présente une Note de M. G. Contre- moulins sur une méthode exacte de localisation et de recherche des corps étrangers dans l'organisme par la radioscopie. — M. Huchard fait un Rapport sur un Mémoire de M. Bouloumié, relatif à la sphygmoto- nométrie clinique. L'auteur a réuni en un seul appa- reil le sphygmomanomètre de Potain et le tonomètre de Gaertner, et il mesure simultanément la tension artérielle et la tension artério-capillaire. Les rapports de ces tensions ont une grande importance ; ils varient avec le sexe et avec l’âge. — M. P. Budin signale l'ini- tiative prise par deux industriels d'Elbeuf, MM. Blin, pour encourager l'allaitementmaternel chezles ouvrières de leurs usines, en accordant à celles-ci toutes les faci- lités nécessaires et des récompenses. Il serait à sou- haiter que pareille mesure se généralisät, car lallaite- ment maternel est le moyen le plus efficace pour combattre la mortalité infantile. — M. le D' Laussedat donne lecture d’un Mémoire sur l'action hypertensive ou hypotensive des bains carbo-gazeux suivant leur mode d'emploi. r Séance du 31 Mai 1904. M. le Président annonce le décès de M. Demange, correspondant national. M. Ch. Périer présente un Rapport sur un Mémoire du Dr Foucault : Etude statistique sur la mortalité cancéreuse. L'auteur a constaté que, dans la période comprise entre 1861 et 1901, la mortalité cancéreuse à Fontainebleau a été le 7 °/, de la mortalité totale, pro- portion qui ne s’écarte pas beaucoup de celle de Paris. On ne peut donc pas dire que le voisinage des forêts et l'humidité du sol aient une influence sur la répartition et la genèse du cancer. — M. Porak lit une « Instruction sommaire sur l'hygiène de l'alimentation des enfants du premier âge », préparée par la Commission de l'Hygiène de l'enfance à la demande du Ministère de l'Intérieur. le Dr SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 14 Mai 1904. M. Ch. Dopter montre, par des essais d'agglutination de streptocoques de scarlatineux, que le rôle joué par ce bacille dans la scarlatine n'est que celui d'un agent d'association secondaire. — M. G. Bohn a constaté chez les tétards que si, au cours de son développement, l'organisme à subi une variation d’éclairement dans un sens, dans la suite il tend à se placer dans les con- ditions où il peut subir la variation inverse. L'ombre, en ralentissant les phénomènes nutritifs, permet au tétard de résister longtemps contre l'inanition et à une partie du corps de se nourrir aux dépens d’une autre. — MM. Vaquez et Aubertin montrent que l'anémie splénique à forme myéloïde est une maladie spéciale, du mème ordre que la leucémie myélogène, mais ne se transformant jamais dans celle-ci. — MM. A. Rodet, Lagriffoul et A. Wahby ont reconnu que le bacille d'Eberth sécrète une toxine soluble, qu'ils sont par- venus à isoler. — M. E. Maurel montre que l'adulte doit pouvoir se suffire avec 0,025-0,03 gramme de soufre par kilog; cette quantité est normalement con- tenue dans l'ensemble de nos aliments habituels. — M. A. Clere a trouvé chez les Echinodermes les divers ferments digesti s suivants : sucrase, amylase, diastase protéolytique, présure, oxydase, lipase. — M. Lesage a constaté que le cœur du chat anesthésié présente très rapidement, pour les doses faibles comme pour les doses fortes, une accoutumance très remarquable à l'adrénaline. — M. François-Frank présente deux appareils pour les études ‘phrénographiques et pneu- mographiques différentielles. — M. A. Frouin montre que les sues intestinaux du chien et des Bovidés ont la mème activité kinasique sur un même suc pancréa- tique. — M. J. Lefèvre donne une forme nouvelle à la formule de la dépense de M. Chauveau. — M. et M*° Bourguignon ont observé un mode particulier de reproduction du muguet dans lequel la cellule semble se diviser en deux parties, une centrale qui reste inac- tive, et une périphérique qui se divise en donnant nais- sance, soit à des bâtonnets, soit à des formes à ren- flement. — MM. Ch. Achard et L. Gaïllard ont étudié la transsudation de chlorures provoquée par l'injection d'autres substances dans les séreuses et dans les muqueuses. — MM. Ch. Achard et A. Clerc ont cons- taté que l’activité lipasique du sérum, détruite à peu près entièrement par le chauffage, peut se régénérer partiellement par l'addition de sérum frais. — M. J. Carvallo présente une table d'expérience pour le chien, le chat et le lapin. Séance du 21 Mai 1904. M. le Vice-président annonce la mort de M. E--J. Marey, président de la Société. RÉUNION BIOLOGIQUE DE BORDEAUX Séance du 3 Mai 1904. M. Ch. Pérez a étudié par la méthode des frottis les sphères de granules dans la métamorphose des Mus- cides. — Le même auteur a observé, chez des Tritons capturés au moment de la maturité sexuelle, des phéno- mènes de résorption phagocytaire des spermatozoïdes. — M. C. Sigalas a constaté qu'à température constante la gélitication de la gélatine, la coagulation du plasma sanguin et celle du lait ne s'accompagnent d'aucune variation de volume appréciable. RÉUNION BIOLOGIQUE DE NANCY Séance du 10 Mai 1904. M. Le Monnier présente une branche offrant tous les caractères de l’aubépine, qui pousse sur un pied de néflier de Bronvaux, forme intermédiaire entre l’aubé- pine et le néflier. — M. R. Maire à étudié les divisions nucléaires dans l’asque de la morille et de quelques autres Ascomycètes. — M. L. Mercier signale Ja pré- sence, dans le rein de grenouille : 4° de grains petits, disposés régulièrement, colorables par le rouge neutre; 20 de granulations colorables par le rouge neutre; 3° de granulations colorables par l'acide osmique en jaune brunâtre. — M. Aug. Charpentier a confirmé, par l'emploi des rayons N, l'existence des oscillations ner- veuses se propageant longitudinalement. Il présente, d'autre part, des écrans testiculaires ayant pour base l'extrait de glande interstitielle. — MM. Th. Guilloz et L. Spillmann ont soumis à l’action des rayons X une malade atteinte de leucémie splénique. Il y a eu dimi-» nution des éléments globulaires, mais surtout des leu- cocytes. — M. L. Sencert a reconnu que les chiens ne résistent pas au pneumothorax consécutif à l'ouverture large de la cage thoracique. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 20 Mai 1904. M. H. Dufet expose à la Société les résultats expéri- mentaux obtenus jusqu'à présent sur l'existence de la polarisation rotatoire dans les cristaux biaxes', et ses mesures personnelles sur ce sujet. Il retrouve, pour le sucre, les résultats de M. Pocklington; pour le sel de Seignette potassique, un nombre un peu plus fort : 135. Dans le système orthorhombique, le sel de Seignette ammoniacal droit en dissolution donne, sui- i Voir à ce sujet l'article publié dans la Revue du 30 oc tobre 1903, p. 1018, et relatant les expériences de Poc- klington. F] À fant les axes, une rotation gauche de — 15°5 par cen- timètre; le d.-méthyl-a-glucoside, qui est dextrogyre n dissolution, donne une rotation droite de + 440. ans le même système, des cristaux hémièdres, mais e nature Inorganique, offrent un pouvoir rotatoire qui ne peut plus être attribué à la dissymétrie de la molécule, mais seulement à la structure cristalline est le sulfate de magnésie ordinaire (SO'Mg + 7H°0) et le phosphate monosodique à 2 mol. d'eau (PO#H?Na 2 H?0); le premier donne une rotation gauche de 26° par centimètre, le second une rotation droite de +445. Dand le système clinorhombique, M. Dufet à bservé l'acide tartrique et le rhamnose. Le premier résente la dispersion horizontale et, par conséquent, e même pouvoir suivant les deux axes ; la rotation est auche et vaut —114° par centimètre pour la lumière u sodium. En observant la rotation pour d'autres raies, Li et Tl, on trouve une dispersion tout à fait nor- ale. Le rhamnose présente la dispersion inclinée, comme le sucre, et comme lui des rotations différentes pour les deux axes; la rotation est gauche et vaut = 129° pour un axe et — 5% pour l'autre. Ce Corps étant peu biréfringent, l'observation du pouvoir rota- toire est très facile : l'hyperbole noire disparaît com- lètement au centre des anneaux, et la spirale obtenue avec un analyseur circulaire est régulière sur plus de dix tours. — M. Ch. Ed. Guillaume présente quelques considérations sur la théorie des aciers au nickel, pour lesquelles nous renvoyons à l’article qu'il a publié ici- même *. — M. Tariel présente un nouveau microphone dont la nouveauté réside dans une nouvelle fragmen- “talion des agglomérés de charbon, ou corps similaires. On emploie des lames de charbon de 1,5 à 2 dixièmes “de millimètre d'épaisseur, parfaitement planes et “lisses; on les brise à la main, et on les passe dans un “crible, dont les mailles laissent tomber les particules “inférieures à 1 millimètre. Le reste de l'appareil micro- “phonique est disposé de la facon suivante : 1° Une élec- “rode mobile, constituée par une lame de charbon de la “inème épaisseur que les pellicules et où vient aboutir un des fils de la ligne téléphonique ; 2 une électrode fixe, “omposée d'un bloc de charbon ajouré dans lequel iennent se placer les pellicules. Cette électrode repose Dr une lame mince de charbon, où vient aboutir l'autre | fil de la ligne téléphonique. La distance qui sépare les ' { { Each “deux électrodes est, exactement de 10 de millimètre. Le tout est solidement fixé dans une cuvette en ébo- nite. Cette combinaison permet de réaliser les avan- “tages suivants : 4) Grande sensibilité de l'appareil, à cause de la présence de surfaces planes, légères, présen- ant de nombreux points de contact; b) diminution de “la surface vibrante et Suppression des corps isolants “entre les deux électrodes (feutres, laine, papier, gutta- ercha, etc.), corps qui alourdissent les vibrations: Suppression de la polarisation, entre les corpuscules e charbon, si fréquente dans les appareils micropho- Hiques à grenaille; d) l'appareil ne peut se bloquer, “Suivant l'expression consacrée, à cause de la dimen-_ Sion des pellicules, dimension supérieure à l'intervalle “qui sépare les deux électrodes: e) diminution des ares oltaiques. En résumé, avec ce Système, on peut cons- uire un microphone plus petit, plus léger, et dont la Sensibilité est égale, sinon supérieure, à celle des autres. Æn combinant avec ce microphone un petit récepteur, dont l'extrémité S'introduit dans le conduit auditif, on a un appareil microtéléphonique complet du poids de 27 grammes, se fixant à l'oreille au moyen d'un léger Zessort, et susceptible de rendre de nombreux services. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 1 Mar 1904. M. A. Wahl expose les recherches entreprises en collaboration avec M. L. Bouveault sur la préparation Séance du 2 2 Voyez la Revue des 15 et 30 juillet 1903. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 619 des éthers nitrosoacétiques. On obtient ces éthers en nitrosant les éthers acétylacétiques par le sulfate de nitrosyle en milieu sulfurique. Le nitrosoacétate déthyle, formé d'après la réaction : CHS.CO.ÎCH®.COOCH + Az00H $ = CHA, CO'H + HOAz : CH.CO2C2H, est un liquide incolore, bouillant à 110-115%° sous 15 millimètres et cristallisant aussitôt; après purifica- tion, il fond à 35°. Le nitrosoacétate de méthyle fond à 55°, le nitrosoacétate d'isobutyle bout à 117-118° sous 10 millimètres. Ces éthers permettent de préparer les éthers glyoxyliques encore inconnus jusqu'ici, en saponitiant le groupement oxime par l'acide nitreux. Leglyoxylate d'isobutyle estun liquide jaune, Eb.75-80°, à odeur forte d'aldéhyde, réduisant la liqueur d'argent et se combinant à l’eau en se décolorant. — M. P. Freundler expose les divers processus qui permettent de passer des azoïques et des hydrazoïques ortho-subs- titués aux dérivés indazyliques. Dans le cas des alcools azoiques notamment, la (transformation s'effectue avec la plus grande facilité : A7 :Az.R AZ con —H°0 + CCHS/ | az. CH2OH Nc” Les éthers-oxydes et les acétates correspondants subissent une décomposition analogue (élimination d'alcool ou d'acide acétique); toutefois, la réaction s'effectue à une température beaucoup plus élevée. Les aldéhydes hydrazoïques fournissent aussi des indazols par un mécanisme inverse du précédent : AZH — AzH—R Az = CH | AZR + HO. SCOH Ncx/ Cette tendance à la formation du noyau indazylique laisse supposer que ce dernier pourrait exister dans la molécule de certains produits naturels. M. Freundler propose de doser et de caractériser l’anthranilate de méthyle (après entrainement en solution carbonatée) en le chauffant à 100° avec de l'isosulfocyanate de phényle en excès. On obtient dans ces conditions de la cétothiotétrahydrophénylquinazoline, déjà décrite par M. Coy. Celle-ci est suffisamment insoluble dans l'al- cool froid pour servir au dosage de l’anthranilate. Cette méthode à permis à l’auteur de contrôler les expériences de M. Schmidt ayant trait à la formation de l’anthranilate par chauffage de l'acide isatoïque avec de l'alcool méthylique à 150°. — MM. A. Kling et M. Viard proposent un procédé de différenciation des alcools primaires, secondaires et tertiaires basé sur leur inégale résistance vis-à-vis de la chaleur. La détermination de leur densité de vapeur permettra donc de faire cette diagnose. — M. Locquin expose les procédés de réduction qui lui ont permis d'obtenir des dérivés ‘&-aminés (éthers ou acides) en partant des dérivés a&-isonitrosés correspondants. La réduction peut être effectuée à l’aide de l'amalgame de sodium ou, mieux, de l’amalgame d'aluminium. L'auteur a fait porter principalement ses essais sur la-isonitrosoiso- caproate d'ethyle (CH°)?:CH.CH?.C(:AzOH).CO?C°H°, dé- rivant de l’action des cristaux des chambres de plomb sur l'isobutylacétylacétate d'éthyle. L'hydrogénation de cette oxime de constitution nettement définie lui a fourni directement — outre une petite quantité (environ 6 °/) d’a-oxyisocaproate d'éthyle bouillant à 82° sous 10 millimètres — l’éther éthylique de l'acide «-aminoisocaproïque et ce dernier acide lui-même. L'a-amino-isocaproate d'éthyle se forme avec un ren- dement de 22 °/, et bout à 9% sous 16 millimètres, Son urée fond à 92-930. Il se condense spontanément à froid pour donner la di-isobutyl-3:6-diaci-2 : 5-pipé- razine, qui fond à 265°. Quant à l’acide a-amino-isoca- proïque, on l’obtient rigoureusement pur par la réduc- tion du dérivé nitrosé correspondant, Il fond vers 290° 620 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES en se décomposant. Ses dérivés benzoylé et benzène- sulfoné fondent avec la plus grande netteté, le premier à 439-1400 et le second à 145-146°. — M. Ch. Lauth adresse à la Société un Mémoire intitulé : Colorants du triphény méthane solides aux alcalis. — M. Em. Cam- pagne envoie un Mémoire sur le dosage volumétrique du vanadium et du chrome coexistant en solution. — M. Georges Baugé adresse un Mémoire sur un tartrate chromeux cristallisé. — MM. A. Haller et A. Guyot adressent un Mémoire intitulé : Synthèses dans la série anthracénique. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 17 Mars 1904. M. W. A. Tilden communique les résultats de ses recherches sur les chaleurs spécifiques des métaux et la relation de la chaleur spécifique au poids atomique. Le but de ses expériences était de déterminer si les chaleurs atomiques des éléments entrant en combinai- son sont conservées dans le composé à toutes les températures, des résultats obtenus précédemment par l'auteur et par d'autres savants ayant montré que les chaleurs spécifiques des métaux à faible poids ato- mique, tels que l'aluminium, augmentent très rapide- ment avec une élévation de température. Comme il n'est pas possible de déterminer la chaleur spécifique du soufre sur une longue échelle de température, on a choisi le tellure pour faire l'expérience. On a préparé des composés d'étain, d'argent et de nickel avec le tellure, et deux alliages d'argent et d'aluminium. Les chaleurs spécifiques moyennes de tous ces éléments, excepté l'étain qui fond à 232° C., ont été déterminées du point d'ébullition de l'oxygène liquide jusqu'à 5000 C., pour les éléments les moins fusibles, ce qui donne un intervalle total d'environ 6800 C. D’après ces chaleurs spécifiques moyennes, on a calculé les vraies chaleurs spécifiques à des intervalles de 100° G. de température absolue, et l'on a déduit des chaleurs spécifiques les chaleurs atomiques. On à aussi déter- miné les chaleurs spécifiques moyennes des composés formés par leur union, et avec ces chiffres les chaleurs moléculaires des composés ont été calculées. En compa- rant le total des chaleurs atomiques des éléments pré- sents avec la chaleur moléculaire du composé à des températures successives, on trouve qu'il existe entre elles une étroite concordance. L'ordre des différences est montré par l'exemple suivant : Tellurure de Nickel, NiTe. TEMPÉRATURE SOMME DE CHALEUR CHALEUR MOLÉCULAIRE absolue atomique de NiTe de NiTe 1000. 9,20 8,38 PA ULUPESS 11,08 11,35 SUD 12,22 42,41 EU PTE 13,00 12,92 A Re c'es 13.49 13,15 6000. 13,85 13,28 7000, 14,14 13,35 Les résultats de ces expériences montrent que la loi de Neumann est à peu près exacte, non seulement à des températures variant de 0° à 100° C., mais à toutes les températures. Ils indiquent aussi que la chaleur spécifique d’un solide est déterminée par la nature des atomes composant les molécules physiques et n'est pas une mesure du travail produit dans l'expansion thermique. Le Mémoire se termine par une discussion sur les relations de la chaleur spécifique au poids ato- mique dans des conditions physiques différentes, c'est- à-dire à l’état solide, liquide et gazeux. — M. James Dewar : Constantes physiques aux basses tempéra- tures. I. Densités de l'oxygène, de l'azote et de l'hy- drogène solides. Les densités observées de l'oxygène et de l'azote solides, prises au point d'ébullition de l'hydrogène, sont 1,425 et 1,026 respectivement. De même, on à trouvé que la densité de l'hydrogène solide ‘à l'adrénaline ; elle agit par ses propriétés physico entre 13° et 14° absolus est de 0,076. Des observations données dans le Mémoire, on a déduit dans chaque cas la «ligne diamétrale de Mathias », et de celle-ci décous lent la densité critique et le volume moléculaire à las température de 0°. Le volume moléculaire de l'oxygène à 0° est 21,2, de l'azote 25,5 et de l'hydrogène 24,2. De ces données il s'ensuit que, si l’eau solide pouvait résulter d'une combinaison d'hydrogène et d'oxygène solides ayant lieu à la température de 0°, la réaction entraîne rait une contraction de volume de #45 °/,. Le Mémoire se termine par une discussion sur les constantes cri tiques de l'hydrogène. — M. F. E. Smith décrit le mode de construction de quelques étalons de résistance au mercure et la détermination du coefficient the nique de résistance du mercure. Ces étalons ont été construils pour le Laboratoire national de Physique anglais. Une comparaison entre l’'ohm international réalisé par ces étalons et l'unité de résistance dérivée des bobines appartenant à la British Association montre une différence de 0,00008 ohm entre le premier et la seconde. Il y a, d'autre part, une différence de 0,00002 ohm entre l'ohm international du Physika lische Reichsanstalt et celui de l'auteur. Le coefficient thermique de résistance du mercure en verre 46" de léna entre 0° et 22 C. est Rr —=R, [1+0,000.880.18 T+-0,000.001.057.93 T°]; du mercure en verre dur & Rr — R, [1 + 0,000.880.35 T — 0,000.001.056.4 T°}; T étant la température sur l'échelle à hydrogène. MM. A. Gray et A. Wood : Effet d'un champ magné= tique sur le degré d'amortissement des oscillations des torsion dans des fils de fer et de nickel; variations pro duites par létirage et le recuit. L'effet du champ magnétique sur la viscosité interne d'un fil de nickel dépend beaucoup de la dureté du métal. L'étirage et le recuit répétés produisent une sensibilité plus grande à l'action du champ magnétique. — M. K. Pearson montre que la variabilité du rang du descendant dû à un groupe de parents de caractère défini peut être employée avec avantage comme critérium entre les diverses théories de l'hérédité. En particulier, si la variabilité du rang est représentée graphiquement en fonction du carats ère du parent, on doit trouver comme courbe résul: tante : {v dans l'hypothèse de la loi ancestrale, un@ ligne droite horizontale; 2° dans la théorie mendé lienne généralisée, une parabole avec axe horizontal 30 dans la théorie généralisée de l’hérédité alternative (qui divise les descendants en deux groupes plus où moins associés avec l’un ou l’autre parent), une hype bole avec axe vertical réel. Or, les mesures de lau teur sur la taille, la longueur de la main, de l'avant bras, et l'indice céphalique chez l'homme montren que, dans la limite des erreurs probables, la courbe de variation est une ligne droite horizontale, résult en faveur de la loi ancestrale. ( Séance du 24 Mars 1904. MM. W. M. Bayliss et E. H.Starling : La réqulam sation chimique des processus sécrétoires (Croonta Lecture). Les auteurs, après avoir rappelé les trava récents sur le mécanisme des processus sécrétoire dans le tube digestif, étudient de plus près le mode dl sécrétion du suc pancréatique sous l'influence de sécrétine. Ce corps se produit par l’action des acid des savons ou de l’eau bouillante sur la membrane mi queuse de l'intestin ; il y a tout lieu de croire qu'il ré sulte de la dissociation hydrolytique d’une substan£ renfermée dans les cellules et appelée pro-sécréliné mais il a été jusqu'à présent impossible d'isoler cetl dernière. La sécrétine n'est ni un protéide coagulabl ni un ferment, ni un alcaloïde, ni un acide diaminé elle est légèrement diffusible à travers les membra animales et passe à travers un filtre Chamberland gé tiné. C'est donc un corps à poids moléculaire relat ment faible et non un colloide. Elle peut ètre compa chimiques, et non à la facon des toxines par la produ tion d'un anti-corps. Elle est très oxydable; elle ns] LL ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 621 pas spécifique pour un individu ou une espèce. Elle agit non seulement sur le pancréas, mais aussi sur le foie, en provoquant une sécrétion biliaire simultanée. Elle n’a pas d'action sur d'autres glandes : la sécrétion salivaire glaireuse qui accompagne quelquefois l'injec- tion de sécrétine est simplement le résultat de l’abais- sement de la pression sanguine, La sécrétine paraît agir sur le pancréas : d’une part, en forçant les cellules à rejeter les granules qu'elles ont élaborés pendant le repos, d'autre part en excitant le protoplasma à la for- mation de nouveaux granules de sécrétion. La forma- tion de la sécrétine dépend de la présence du chyme acide dans le duodénum; celui-ci arrive de l'estomac à intervalles variables après l'absorption de nourriture. Dès son arrivée dans l'intestin, la sécrétine se forme, asse dans le sang, arrive au pancréas, et elle continue à se former jusqu'à ce que le suc pancréatique sécrété neutralise exactement l'acide du contenu intestinal, La présence d’un excès d'acide dans le duodénum est empêchée par un mécanisme réflexe du pylore, qui reste fermé tant que le contenu du duodénum est acide. Un caractère frappant du pancréas, c’est le pou- voir d'adapter sa sécrétion à la nature de l'aliment ingéré. Pawlow a déja signalé, mais sans preuve abso- lument convaincante, que, suivant que la nourriture renferme surtout des protéides, des hydrates de car- bone ou des graisses, on trouve dans le sue pancréa- tique une prépondérance du ferment respectif. Wein- land et Bainbridge ont donné une meilleure preuve de cette adaptation : l'extrait ou le suc pancréatique des chiens en régime normal ne contient pas de lactase, tandis que l'ingestion de lactose par ces animaux pro- voque l'apparition du ferment. Les auteurs ont repris l'étude de cette question. Par des expériencestrès déli- cates, ils montrent que l'adaptation du pancréas au lactose se fait par l'intermédiaire de la muqueuse intes- tinale ; à la suite du contact du lactose avec cette der- nière, elle secrète une substance x qui, entrainée par le sang au pancréas, y provoque la formation de lactase qui s'écoule avec le suc pancréatique. En effet, si l’on fait macérer la muqueuse intestinale d'un chien ali- menté exclusivement avec du lait, puis qu’on injecte ce liquide dans les veines d'un chien nourri exclusive- ment au biscuit, et enfin qu'on recueille Ja sécrétion pancréatique de ce dernier excitée par l'entrée de chyme acide dans l'intestin, on y trouve de la lactase, qui n'y existait pas antérieurement. La nature de la substance x n'a pu être encore déterminée. Les auteurs ont seulement constaté jusqu'à présent qu'elle est dé- truite à la température d'ébullition de l’eau. Séance du 28 Avril 1904. Sir W. Ramsay et M. F. Soddy ont poursuivi leurs recherches sur la production de l'hélium aux dépens du radium. En admettant que l’émanation résulte de la désintégration d'une fraction définie du radium par seconde, cette fraction peut être calculée d'après le volume de l’'émanation et le temps d’accumulation. L'émanation s'accumule, en effet, Jusqu'à ce que la vitesse de production soit équilibrée par la vitesse de disparition, la quantité restant alors constante. Les auteurs déduisent de ces expérieuces que cêtte quan- tité d'équilibre est égale à 4,3 mm. c. pour 1 gramme de radium; cette même quantité de radium produit 2,85 >< 106 mm. c. d’'émanation par seconde: la frac- tion constante du nombre des particules qui se désin- tègre par seconde est 2,85><10—11 et Ja vie moyenne d’une particule de radium est de 1,150 ans. L'émana- tion ressemble, par son inertie chimique, aux gaz de la famille de l'argon et sa molécule est probablement monoatomique. Son poids atomique est done le double de sa densité rapportée à l'hydrogène; celle-ci n’est pas exactement connue, mais des expériences de diffu- Sion ont donné une valeur voisine de 80. Le poids ato- mique étant donc voisin de 460, un atome de radium ne peut pas produire plus d’un atome d'émanation. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. Des mesures de Curie, les auteurs déduisent qu'un ce. d'émanation émet 7,4 X 10° calories pendant sa trans- formation complète; {4 gramme de radium émet de même 10° calories. Enfin, les expériences de Ruther- ford montrent que la plus grande partie de l'énergie de désintégration apparaît sous forme d'énergie ciné- tique de radiation «, une seule particule & étant pro- Jetée de l'atome de radium à chaque désintégration. — M. F. Horton à étudié les ellets des changements de température sur le module de rigidité de torsion des fils métalliques. Les expériences ont été entreprises au Laboratoire Cavendish, dans le but de déterminer la façon dont varie le module de rigidité torsionnelle avee la température. Les métaux expérimentés sont le cuivre, le fer, le platine, l'or, l'argent, l'aluminium, l'étain, le plomb, le cadmium, tous chimiquement purs, ainsi que des échantillons de cuivre commercial, et des fils d'acier pour piano. On a employé une méthode dynamique d'expérimentation, les oscillations de {or- sion du fil à l'épreuve étant observées au moyen d'une méthode de coïncidence capable de donner une grande exactitude. Voici le résumé des principaux résultats : 1° Pour toutes les substances examinées, à l'exception du cuivre pur et de l'acier, le module de rigidité, à une température donnée, n'est pas constant, mais aug- mente avec le temps; 2° la diminution du module de rigidité par degré d'élévation de température entre 10° C. et 100° C. est constante pour le cuivre pur et pour l'acier, mais elle ne l’est pas pour aucune autre substance examinée; 3° en genéral, l'effet du chauffage à haute température est d'accroître la valeur du module de rigidité à des températures plus basses: 40 la visco- sité interne de tous les métaux examinés, à l'excep- tion du fer doux et de l'acier, s'accroit avec la tempé- rature. La viscosité interne du fer doux décroît rapi- dement avec l'élévation de température et atteint une valeur minimum à environ 400 C. Il y à aussi une faible diminution avec l'acier; 5° un chauffage répété etune oscillation continue à de faibles amplitudes font décroître le frottement interne; 6° le frottement interne et la période de vibration torsionelle s'accroissent à la fois avec l'amplitude de l’oscillation; 7 une vibration à grande amplitude altère considérablement à la fois le décrément logarithmique et Ja période d’oscillation à de plus faibles amplitudes; 8° la viscosité interne d’un fil bien recuit, suspendu et abandonné à lui-même, décroit graduellement. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 27 Mai 1904. M. C. Chree étudie la loi de l’action entre les aimants et ses conséquences quant à la détermination de la composante horizontale du champ magnétique terrestre à l’aide de magnétomètres unililaires. Il montre com- ment on doit combiner les observations quand on veut prendre en considération les termes supérieurs, géné- ralement négligés dans les réductions des magné(o- mètres. — M. J. Larmor présente quelques considé- rations sur l'absence d'effets de mouvement à travers l’éther et ses rapports avec la constitution de la matière dans l’hypothèse de Fitzgerald-Lorentz. Cette absence d'effet pour le premier ordre a été démontrée par Lorentz; pour le second ordre, elle a été établie expé- rimentalement par Michelson, Trouton, Lord Rayleigh et Brace. 11 y a donc une correspondance complète dans le détail entre le système matériel relié au mou- vement de la Terre et le même système en repos dans l’éther, de sorte que leurs relations internes ne peuvent être distinguées. — MM. P. E. Shaw et C. A. B. Gar- rett montrent que le phénomène de la cohérence ne peut guère être expliqué autrement que par la théorie originale de la fusion de Lodge. La recohérence peut être expliquée soit par la fusion, soit par des chan- gements moléculaires ou intramoléculaires, provoqués durant la cohérence par les chocs locaux violents au contact. 1 SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 18 Mai 1904. M. W. A. Tilden, en faisant agir le chlorure de nitro- syle sur un mélange en quantités égales de d-et /-pinène, a obtenu le nitrosochlorure avec un rendement de 55°/0. Son point de fusion est 115°. La méthylaniline est pré- férable à l'aniline pour la régénération du pinène. — MM. EH. J. S. Sand et J. E. Hackford recommandent l'emploi d'électrodes de plomb pour la détermination électrolytique de faibles quantités d’arsenic. Les erreurs provenant de la présence de métaux étrangers peuvent être rectifiées par l’addition d’acétate de plomb ou de sulfate de zinc à l'électrolyte. — MM. J. T. Mackenzie et A. F. Joseph ont trouvé que le benzhydrol est formé accessoirement dans l’action des alkyloxydes de Na sur le chlorure de benzophénone. L'anhydride du phényldi- B-hydroxynaphtylméthane à été obtenu par l'action du chlorure de benzylidène sur le f-naphtol. — MM. J.T. Hewitt, J. Kenner et H. Silk ont étudié la bromura- tion des phénols. Une molécule de Br agissant sur le phénol en présence d’un acide minéral fort donne sur- tout du p-bromophénol. Un excès de Br, en présence d'acide sulfurique à 73 °/, et d'acide acétique glacial, fournit presque quantitativement le 2:4-dibromophé- nol.— M. Ch. Ed. Fawsitt montre que la décomposition par les acides des alkylurées n’est pas une hydrolyse directe, mais une décomposition secondaire, suivant une transformation isomérique en cyanates d’alkyl- ammoniums. — M. H. M. Dawson et Ml: E. E. Good- son ont étudié la formation des periodures alcalins et alcalino-terreux dans les Solutions de nitrobenzène con- tenant I et KI. Il se forme principalement des ennéa- iodures M'E où M'I, qui paraissent être les composés limites supérieurs. — MM. W. A. Bone et J. Drugman ont oblenu de l'alcool éthylique comme produit pri- maire de l'action de l’ozone sur l’éthane à 100»; il se forme secondairement de l’acétaldéhyde et des traces de formaldéhyde. — M. A. E. Dixon, en faisant réagir le chlorure de caproyle sur le thiocyanate d’ammonium dans le benzène, a obtenu la caproylthiocarbimide C*H°*,. CO.AZCS, Eb. 108 sous 23 millimètres; elle est hydro- lysée par l’eau bouillante en acides caproïque et thio- cyanique. Elle réagit sur les amines primaires etsecon- daires pour donner des thiocarbamides; la caproyl- phénylthiocarbamide CSH''.CO.AzH.CS.AzHCSH® fond à 112-189: SOCIÉTÉ ANGLAISE DES INDUSTRIES CHIMIQUES SECTION DE LONDRES Séance du 41 Avril 1904. M. W. Thomason a constaté que, lorsque l'on fait cuire des poteries vernissées avec des pâtes exemptes de plomb dans des fours où l’on cuit simultanément des poteries vernissées au plomb, l'oxyde de plomb qui se volatilise des secondes pendant la cuisson est absorbé par le vernis des premières, qui peut en ren- fermer à la fin jusqu'à 0,67 °/,. — Le même auteur communique ses recherches sur la préparation de couvertes de plomb de faible solubilité. Le bisilicate de plomb, dont la préparation est très simple, parait être le meilleur composé de plomb, étant donnée sa faible solubilité dans ies acides. — M. W. Smith a étudié Paction de certaines solutions sur l'aluminium el le zinc. L'aluminium pur offre une grande résistance à l'acide nitrique au-dessous de 50°. Des récipients en bois recouverts de feuilles d'aluminium conviendraient parfaitement à la conservation de cet acide. L'alumi- nium est également préférable au zinc pour la cons- truction des citernes destinées à la conservation de l'eau. 11 faut apporter un grand discernement dans l'emploi de l'aluminium pour les ustensiles de cuisine; il est attaqué dans certains cas et résiste dans d’autres. ACADÉÈMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES SECTION DE MANCHESTER Séance du 4 Mars 1904. M. A. Hopwood a étudié la facon dont se comportent les diverses argiles cuites en présence des divers gaz de la combustion qui peuvent passer dans les fours. Toutes les argiles s'assombrissent quand on les chauffe dans des milieux réducteurs, mais la teinte sombre n’est appréciable que lorsqu'elles renferment des quan tités considérables de fer ou de matière organique. Les colorations bleues ou noires changent rapidement par oxydation; dans les fours faisant des briques bleues, il ne faut pas laisser entrer d'air au dernier stade de l'opération. SECTION DE NEW-YORK Séance du 25 Mars 190%. M. A. G. Stillwell décrit une méthode pour la déter- mination de l'acide acétique dans l’acétate de chaux par distillation avec de l'acide phosphorique et récep- tion du distillatum dans une solution titrée de soude. — M. R. W. Moore décrit une méthode pour le dosage de la résine de jalap dans les racines de cette plante, — M. W. J. Sharwood donne le résultat de ses essais sur la coupellation d’alliages de platine contenant de l'argent ou de l'or et de l'argent. Dans tous les cas, du plomb est retenu ; mais le plomb retenu diminue quand le rapport de l'argent au platine augmente. Cette rétention du plomb provient de la diminution de fusi- bilité du bouton. Séance du 22 Avril 190%. M. W.G- Berry indique une méthode d'identification de la gutta-percha et des gommes de mème nature, basée sur l'isolement de leurs résines. — M. W. M. Grosvenor jr. étudie les diverses méthodes d'analyse de l'acétate de chaux commercial. La meilleure est la méthode par distillation ; il faut opérer sur des échan- tillons bien choisis et bien desséchés. L'auteur propose quelques modifications pour éviter les causes d'erreur, qui sont : l'entrainement d'acide phosphorique, la pré- sence de CO? et d'HCI dans l’acétate, la distillation in- complète. — M. D. D. Jackson décrit un appareil pour la détermination directe du poids spécifique du ciment. On prend un poids fixe de ciment et l'on mesure la quantité de kerosène qu'il déplace. SECTION DE NOTTINGHAM Séance du 30 Mars 1904. M. T. F. Harvey montre que l'indice diode de l'huile de térébenthine varie d'une façon appréciable suivant lexcès de solution de Wijs employé et le temps de contact. Pour obtenir des résultats exacts, il faut opérer dans des conditions bien déterminées. Séance du 27 Avril 1904. M. O. F. Hudson a reconnu que le glacage de cer- taines sortes de fers siliceux est causé principalement par une augmentation du pourcentage de soufre. La différence d'aspect des fractures est due à la faible dimension des plaques de graphite dans le fer glacé. SECTION DU YORKSHIRE Séance du 25 Janvier 190%. MM. W. M. Gardner et A. Dufton présentent leur lampe dalite pour l'égalisation des couleurs. On sait que les teintes apparentes des objets varient suivant qu'ils sont éclairés par des lumières de sources diverses. La lampe dalite consiste en une lampe à are électrique entourée d'un verre préparé spécialement pour absor- | ber les rayons que la lampe émet en excès sur ceux présents dans la lumière normale du jour. Séance du 18 Avril 1904. MM. W. M. Gardner et B. North montrent que, soit | à l’état solide, soit en solutions, le permanganate de à % ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 623 potasse pur conserve sa force s'il est conservé dans des bouteilles bien bouchées, même à la lumière. L'oxalate d’ammonium en solution garde sa force pendant envi- ron une semaine; puis elle diminue d'environ 1 °/, par 45 jours. L'oxalate solide se conserve sans altération pendant un an au moins. SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE Séance du 29 Avril 1904. M. E. Gehrcke présente une méthode simple pour déterminer les courbes de courant des courants alter- natifs à haute tension. Comme l'a fait voir M. H. A. Wilson, l’effluve négatif sur la cathode d'un tube de Geissler recouvre une surface proportionnelle à l’inten- sité du courant, aussi longtemps que la cathode n’est pas couverte tout entière. C’est en se basant sur ce fait que l’auteur construit son appareil. Deux fils de nickel, d’une longueur d'à peu près 20 centimètres, sont scellés à quelques centimètres de distance dans un tube d’un diamètre d'environ 6 centimètres. Si ce dernier, à une raréfaction appropriée, est traversé par un Courant continu à haute ténsion, l’une des élec- trodes se recouvre d'une enveloppe lumineuse, qui n'est autre que l’effluve négatif, et qui, d'après ce qu'on vient de dire, occupe une longueur du fil catho- dique proportionnelle à l'intensité de courant, alors que, sur l’anode, on observe une faible luminosité limitée à la pointe. Lorsqu'au contraire on fait passer par le tube un courant alternatif, les deux électrodes s’enveloppent d'un effluve, alors que les pointes des fils présentent la luminescence anodique. Or, en observant ce phénomène dans un miroir tournant dont l'axe de rotation est parallèle aux électrodes, les phases successives du courant se voient juxtaposées dans l’es- pace. Si la position du tube est telle que les images des électrodes données dans un miroir tournant coïncident sur la même ligne droite, le contour des images lumineuses de l’effluve indique immédiatement la courbe caractéristique du courant alternatif. Ce dis- positif s'emploie avec avantage dans bien des cas au lieu du tube de Braun. — M. J. Schubert présente un Mémoire sur l'échange de chaleur dans le sol, les eaux et l'atmosphère. Ce travail se base sur les recherches théoriques de M. W. von Bezold, lequel désigne l’inté- grale t fe C(t— to) dh Lo sous le nom de {eneur calorifique du sol (A est la hau- teur de la colonne considérée au-dessous du niveau du sol, hauteur telle que les oscillations de température deviennent inappréciables; C est la capacité thermique par unité de volume, # la température initiale et { la température actuelle). La différence entre les teneurs calorifiques maxima et minima de lannée donne l'échange de chaleur annuel. Voici les valeurs en calo- ries-gramme par centimètre carré que trouve l’auteur pour l'échange de chaleur annuelle : Sable (Eberswalde, près Berlin) . 1. CAES0D Atmosphère, exempte de vapeur (Berlin). . 2.620 Atmosphère, y compris la chaleur de la , vapeur (Berlin) NET 0 3.600 Mer du Nord et Baltique (stations danoises). 44.000 Comme le font voir des expériences spéciales, l'échange de chaleur diurne est également bien plus considérable dans l'eau que dans le sol. ACADEMIE ROYALE DES LINCEI Séances d'Avril 1904. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Bianchi a trouvé qu'il existe un théorème de permutabilité pour les transformations générales de Darboux des surfaces isothermes, et il donne les formules relatives à ce théo- rème. — M. C. Somigliana rappelle une démonstra- tion qu'il a donnée d'un théorème équivalent au prin- cipe des images de Lord Kelvin, en relation avec les équations de lélasticité dans le cas de corps limités par des plans. M. Somigliana montre les applications générales de son théorème, et s'occupe des problèmes nouveaux de Statique élastique dont ce théorème per- met la solution. — M. Enriques établit le théorème sui- vant : Le groupe de monodromie d’une fonction algé- brique x({) appartenant à une surface donnée de Riemann (c'est-à-dire le groupe d'une g'it(xy)= const. sur une courbe /(x, y)—0) est toujours le groupe total, si la fonction x{(£) (et la série g'1) n’est pas composée, et si elle à quelque point d'embranchement simple, — M. T. Levi-Civita soumet au calcul une question d'Electrostatique qui se rattache à la construction des câbles télégraphiques; il examine le maximum de résistance que présente le revêtement isolant à la per- foration par la décharge disruptive, lorsqu'il se produit une chute de potentiel dans les conducteurs. — M. G. Picciati étudie par le calcul le flux d'énergie et la radiation dans un champ électromagnétique engendré par la convection électrique. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. R. Nasini entretient l’Académie des recherches poursuivies par M. Pellini sur la radio-activité des boues d'Abano, qui donnent un chlorure barytique dont il est possible d'augmenter les propriétés actives. D'autre part, M. Anderlini à reconnu que toutes les émanations des « soffioni » de Larda- rello sont fortement radio-actives, et que cette radio- activité s'affaiblit avec le temps; mais la diminution semble marcher d'accord avec celle que l’on observe dans l’'émanation du radium. Ces recherches seront continuées sur les lieux mêmes et avec des grandes quantités de matériel. Dans une deuxième Note, M. Na- sini annonce qu'il a examiné, à l’aide de la méthode Bunsen, plusieurs produits volcaniques pour y recher- cher l'existence de l'hélium ; les résultats ont été néga- tifs, ce qui prouve que les spectres caractéristiques des gaz ne peuvent se montrer, dans les conditions ordi- naires, dans les flammes. — M. E. Oddone, en vue du prochain fonctionnement de l'Observatoire sur le som- met du Mont Rose, a étudié les variations de la tempé- rature de l'air sur ce sommet. Le minimum se pré- sente au mois de janvier; la moyenne annuelle serait — 13%; la variation annuelle atteindrait 136. Les tem- pératures extrêmes, allant de + 100 à — 40° environ, permettent de ne pas recourir aux thermomètres à alcool qui exigent de nombreuses corrections. — M. M. Padoa a repris les expériences de Pickardt sur la vitesse de cristallisation des mélanges isomorphes, vitesse qui atteint son maximum (k.G.) lorsque le corps est pur. Ces recherches montrent qu'en ajoutant à un corps des substances qui forment avec ce corps des solutions solides, Æ.G. ne diminue pas ou diminue très peu; et que, comme l’a reconnu M. Tammann, l'addi- tion de substances étrangères favorise quelquefois et empêche d’autres fois la formation de germes cristallins, tandis que l'addition de substances isomorphes ne manifeste aucune action caractéristique. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Tacconi, en visitant les mines de cuivre de Boccheggiano, à recueilli plu, sieurs échantillons de minéraux dont il donne la des- criplion. Parmi ces minéraux (chalcopyrite, pyrite- marcassite, galène, etc.) se trouve la tetraèdrite, ana- lysée par M. Tacconi, qui en donne la formule suivante : (3 (Cu, Ag)}S.Sb,S;] + 1/,[6(Zn, Fe)S.Sb,S,]. Un minéral nouveau pour l'Italie, trouvé à Boccheg- giano, est la bismuthine, qui forme de petits prismes semblables à des aiguilles, d’un noir luisant.— M. Borzi à observé que la Visnea Mocanera, qui fleurit tous les ans dans le Jardin Botanique de Palerme, a ses fleurs blanches très peu visibles et tournés vers la terre; en échange, ces fleurs possèdent une odeur pénétrante et désagréable, qui rappelle celle de la chair pourrie. C'est cette odeur qui attire en grand nombre les in- 62 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES sectes, et en particulier les mouches. Or, M. Borzi a cherché à établir si le liquide odorant élaboré par les fleurs est analogue aux produits indoliques qui se for- ment par la putréfaction des substances albuminoïdes. En effet, plusieurs réactions ont montré que l'odeur de la Visnea Mocanera dépend d’une substance apparte- nant au groupe des indols, et il n'est pas improbable qu'elle soit identique au scatol. — M. R. Fusari s'oc- cupe des phases retardées de développement de la muqueuse intestinale de l’homme. En examinant au microscope le tube gastro-intestinal de deux fœtus, M. Fusari a observé des particularités qui prouvent que la muqueuse de l'intestin, avant la fin de la vie endo-utérine, subit des modifications importantes; elle perd sa couche superficielle ou au moins les premières villosités qui se sont formées, en développe de nou- velles, et prend ainsi l'apparence que l’on retrouve encore chez l'adulte. — M. C. Foù a fait des recherches sur les nucléoprotéides et leurs produits de scission, étudiant en outre la nature chimique de l'histone et des substances protéides que l’on extrait de l'histone. — Pendant la quatrième expédition de M. A. Mosso sur le Mont Rose, M. A. Aggazzotti a repris les re- cherches sur les échanges respiratoires des cobayes à la pression normale et sur la montagne. Pour l'unité de temps et de poids, sous l’action de l'air raréfié, on observe un léger accroissement d'acide carbonique expiré par les cobayes, et le séjour dans cet air pro- duit chez les animaux une augmentation de poids. Dans ces expériences, on rencontre de fortes diffé- rences individuelles. — M. B. Gosio a observé que les micro-organismes sont capables de décomposer les sels de tellure, et de donner naissance à des colorations brunes et noires caractéristiques. Ces réactions per- mettent de relever l'existence des microorganismes en plusieurs circonstances délicates, comme dans le con- trôle des sérums thérapeutiques. Ernesto Mancini. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 21 Avril 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. K. Zahradnik : la théorie des strophoïdales. — M. L. Weïinek : Preuve graphique de la méthode de détermination des trajec- toires des comètes d'Olbers, du théorème de la vitesse constante des surfaces et du calcul des éphémérides. 20 SciENCES PHYSIQUES. — M. J. Hann communique ses recherches sur la diminution de la température avec la hauteur jusqu'à 10 kilomètres d'après les résul- tats des ascensions internationales de ballons-sondes. Il confirme en général les résultats de Teisserenc de Bort. La diminution de la température avec la hauteur, dans les couches inférieures de l'atmosphère, est plus lente dans les anticyclones que dans les cyclones; pour les couches supérieures, c’est le contraire qui se produit. Les températures les plus basses, à grande hau- teur, se trouvent dans les anticyclones. — M. O. Tum- lirz : Le rayonnement calorifique de la flamme de l'hy- drogène. — M. M. Grôger : Sur les chromates de zinc et de cadmium. — M. R. Ofner montre que la benzyl- phénylhydrazine du commerce contient toujours, à l'état d'impureté, de la benzylidènebenzylphénylhy- drazone, F.110°-111°. La quantité de celle-ci peut atteindre 10 à 20 °/,. — M. R. Fritsch : Sur le diben- zylanthracène et ses dérivés. — M. E. Murmann : Es- sais quantitatifs sur la préparation de l’e-phénylquino- line. — M. E. Sittig : Sur un hydrate de carbone azoté du foie. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. R. Sturany a déter- miné un certain nombre de Gastropodes nouveaux, provenant des Balkans et de l'Asie mineure. — M. G. Para adresse quelques renseignements sur le tremble- ment de terre ressenti à Uskub le 4 avril dernier; iln'a causé aucun dommage dans la ville, mais plusieurs vil- lages du vilayet ont sérieusement souffert des secousses. — M. R. Hoernes envoie de Salonique d’autres détails sur le même séisme. 11 semble que plusieurs des lignes tectoniques qui traversent la masse brisée du Rhodope sont entrées en activité ce jour-là. — M. E. Hussak : Sur l'existence du platine et du palladium au Brésil. — M. F. Becke poursuit ses études géologiques sur la ga- lerie Nord du tunnel du Tauern. ; Séance du 28 Avril 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. M. Allé : Sur les trans- formations infinitésimales. — M. ©. Biermann : Sur le reste des séries trigonométriques. — M. J. Lôschardt « suppose que la surface de Vénus n'est pas uniforme, mais se compose de continents et de mers, les uns ré- fléchissant, les autres absorbant surtout le rayonne- ment solaire et produisant des maxima et des minima de rayonnement calorifique. L'auteur va essayer de déterminer les époques de ces maxima et minima au moyen du bolomètre, et par là la durée de rotation de Vénus. — M. F. Hasenôhrl montre que la Thermody- namique exige la réciprocité de la marche du rayonne- ment entre les corps en mouvement. Pour que cette loi se vérifie dans la réfraction, il faut que l’éther, à l'in- térieur d'une matière en mouvement transparente, ait une certaine vilesse. Cette déduction conduit à une va- leur du coefficient de propagation de Fresnel. — M. ©. Tumlirz : Le travail interne dans la dilatation iso- therme de la vapeur d’eau saturée sèche. 20 SCIENCES PHYSIQUES. —— M. E. G. Bausenwein a déterminé la variation de l'effet Peltier avec la tempé- rature sur les combinaisons cuivre-fer et argent-fer. Les résultats confirment, en général, la théorie, avec quelques anomalies intéressantes. — M. J. Billitzer, poursuivant ses recherches sur l'électricité de contact, montre que les différences de potentiel qui se pro- duisent au contact de deux phases ont leur principale origine dans l’action des pressions de solution; les phé- nomènes de diffusion et la répartition différente des anions et des cathions entre les deux phases n’ont qu'un rôle très secondaire. — MM. St. Meyer et E. R. von Schweidler ont constaté que, lorsqu'on sou- met les substances radio-actives (uranium et ses sels, solides ou en solution, pechblende, polonium, oxyde de thorium, radium) à des élévations de température al- lant de 20° à 2000, le courant de décharge est diminué. Par refroidissement progressif, la vitesse de décharge reprend sa valeur normale et la dépasse mème quel quefois. — M. J. Knett a étudié les cristaux de sulfate de baryte que déposent les eaux de Karlsbad et reconnu qu'ils sont radio-actifs. Les faces du macrodome ont un rayonnement plus intense que celles du brachy- pinacoïde. — MM.J. Herzig et R. Tscherne ont étudié un certain nombre de dérivés de la galloflavine, dont l'analyse les conduit à admettre pour ce corps la for- mule C#H*0', au lieu de C“H°0" (Bohn et Graebe). Les matières colorantes (résoflavines) obtenues par action | fée COEPT IE CONS NU des persulfates sur les oxyacides aromatiques pré- sentent de grandes analogies de réactions avec la gallo- flavine. — M.F. von Hemmelmayer poursuit ses re- cherches sur l’ononine et ses dérivés. La détermination du poids moléculaire de l’ononétine confirme la for- mule C#H2:04! pour ce corps. L'oxydation de la formo- nonétine par le caméléon en solution alcaline fournit de l'acide anisique; l'oxydation par l'acide nitrique un trinitrodioxybenzène. — M. Zd. H. Skraup a isolé des produits d'hydrolyse de la caséine par l'acide chlorhy= drique les substances suivantes à l’état cristallisé : les acides diaminoglutanique et diaminoadipique (tous deux diaminodicarboniques), les acides aminooxysuc- cinique et dioxydiaminosébacique, l'acide caséanique C'H:5A7207 (oxydiaminotricarbonique), et l'acide caséi- nique C#H#05A7? (oxydiaminodicarbonique), ce dernier sous deux formes, l'une dextrogyre, l’autre racémique.. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. K. Byloff : Etudes sun les trypanosomes du rat. : Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. * 15° ANNÉE N° 13 15 JUILLET 1904 Revue générale Sciences pures et appliquées DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Aûdresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Election à l'Académie des Sciences de Paris. — Dans sa séance du 27 juin, l'Académie des Sciences de Paris a procédé à l'élection d'un membre dans la Section d'Economie rurale, en remplacement du regretté Emile Duclaux. La Section avait présenté la liste suivante de candidats : en première ligne : M. L. Mäquenne ; en seconde ligne, MM. G. André, G. Bertrand, Kunckel d'Herculais, L. Lindet et P. Viala. Au premier tour de scrutin, le nombre des votants étant de 52 : M. Maquenne a obtenu . 07 46 suffrages. ME NORME EE RER ANT -— MÉSKunckelIdiHerculais eu A - Il y a eu un bulletin blanc. En conséquence, M. Maquenne a été déclaré élu. Les travaux du nouvel académicien sont bien con- nus. La plupart ont eu pour objet l'étude des phéno- mènes physico-chimiques qui s'accomplissent au cours de la végétation ; ils sont relatifs soit aux fonctions essentielles de la vie des plantes, soit à l'extraction et à la détermination des principes élaborés. Citons, dans le premier ordre d'idées, les recherches sur l'évaporation de l’eau par les plantes, sur l’absorp- tion de l'acide carbonique par les feuilles, sur les rela- tions qui existent entre l'intensité de la fonction chlo- rophyllienne et lacomposition spectrale des radiations incidentes, sur la pression osmotique des graines et des végétaux, sur le rapport entre l'humidité des graines et la destruction de leur pouvoir germinatif. Parmi les travaux de Chimie végétale, ceux qui ont été consacrés aux sucres sont de première importance : détermination de la constitution de l’inosite, du dam- bose, de la pinite, de la perséite, synthèse de l’érythrite gauche etracémique, etc. Des recherches sur la nature de la ricinine et sur les transformations de l’amidon sont venues s’y ajouter tout récemment. Ces belles études, dont beaucoup sont de nature à éclairer le vaste problème de la synthèse naturelle des principes immédiats dans la cellule vivante, ne pou- vaient manquer d'attirer l'attention de l'Académie ; la REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. Revue, en les rappelant, est heureuse de féliciter son éminent collaborateur M. Maquenne de la flatteuse dis- tinction qu'elles lui ont valu. Hommage à un savant français. — Pour encourager la recherche des comètes, un généreux amateur d'astronomie, M. Donohve, a fait à la Société Astronomique du Pacifique un legs destiné à la fon- dation de médailles à décerner à ceux qui découvrent ces astres curieux. MM. Campbell, Burckhalter et Pierson, membres du Comité, en ont accordé une à M. Borrelly, astro- nome à l'Observatoire de Marseille, pour la découverte d'une nouvelle comète dans la nuit du 21 au 22 juin 1903. Notre habile compatriote compte à son actif une vingtaine de petites planètes situées entre Mars et Jupiter, ainsi que plusieurs comètes trouvées anté- rieurement. $ 2. — Nécrologie Émile Duclaux. — Émile Duclaux est mort le 3 mai dernier, à peine âgé de soixante-quatre ans, dans toute la possession de sa belle intelligence. Erudit extraordinaire, professeur remarquable, pas- sionné à la fois pour les questions scientifiques et les grands problèmes sociaux, il avait donné plus que ses forces, comme un apôtre, pour la défense de la vérité, le triomphe de la justice et l'amélioration du sort de ses semblables. Sa mort est plus qu'une affliction pour sa famille, ses disciples et ses nombreux amis: c'est une perte pour la science et pour l'humanité. Duclaux est né à Aurillac, le 26 juin 1840, dans une petite maison qu'on voit encore dans la rue Neuve, au coin de la rue Victor-Hugo. Son père était huissier. On s’en souvient comme d’un excellent homme, dont la bonté adoucit plus d’une fois les rigueurs imposées par l'exercice de sa charge. En ession d’une modeste aisance, il fit suivre à son fils l'enseignement du collège d’Aurillac, puis l’envoya continuer ses études à Paris, à lInstitution Barbet. Le jeune Duclaux prépara dans cette maison, très connue à l'époque, ses deux examens d'entrée à l'Ecole Polytechnique et à l'Ecole Normale. Reçu à l’un et à 13 626 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE l’autre, il opta pour l'établissement de la rue d'Ulm, dont il est aujourd'hui l’une des gloires. Pasteur l'y distingua bientôt et en fit son préparateur, jusqu'au moment où, en 4865, Duclaux fut envoyé comme pro- fesseur au Lycée de Tours. Une année après, Duclaux alla à Clermont enseigner la Chimie à la Faculté des Sciences. Ses rapports avec Aubergier, qu'il suppléait, furent assez tendus. Il s’en plaignit plus d’une fois à Pasteur, qui, enfin, en 1873, obtint pour Duclaux la nomination de professeur de Physique à la Faculté des Sciences de Lyon. Duclaux resta cinq années dans cette ville, puis revint à Paris enseigner la Physique et la Météorologie à l'Institut Agronomique. La même année, il fut nommé maitre de conférences, puis, un peu plus tard, profes- seur de Chimie biologique à la Faculté des Sciences. En 1887, quand l'Institut Pasteur fut construit, Duclaux y transporta son cours, en venant s'installer aux côtés du Maître. Et, lorsque celui-ci mourut, en 4895, ce fut Duclaux qui, d’un commun accord, fut désigné pour lui succéder. Sa direction fut heureuse, car Duclaux vit, pendant ce temps, se réaliser à l’Ins- titut Pasteur de belles découvertes scientifiques et humanitaires, et il réussit à donner à cet établisse- ment, unique au monde, un essor que Pasteur lui-même n'eùt pas osé espérer. Les recherches scientifiques de Duclaux ont été entreprises dans les directions les plus variées. Se montrant, au point de vue de la technique, à la fois chimiste, bactériologiste et surtout physicien, Duclaux s’est appliqué à résoudre une foule de questions appar- tenant aux domaines de la Physiologie, de l’Agricul- ture, de la Météorologie, de l'Hygiène, etc. Sa thèse de doctorat, soutenue en 1862, avait pour objet l'absorption de l'ammoniaque et la production d'acides gras volatils pendant la fermentation. Elle a été le point de départ de tout un ensemble de recher- ches concernant la vinification, la fabrication de l'al- cool et la distillation. C'est au cours de ces recherches que Duclaux a étudié la méthode du compte-gouttes pour la détermination de la tension superficielle des liquides. En l'appliquant à la recherche et au dosage des alcools supérieurs et des acides volatils, il a fait ressortir l'influence des cultures pures sur la qualité des produits de la fermentation. Plus tard, ses études sur la pression élastique des vapeurs émises par les mélanges liquides ont apporté un guide précieux aux méthodes de rectification industrielle des alcools. Les recherches de Duclaux sur la digestion ont permis de discerner deux séries de phénomènes bien distincts dans la dissolution intestinale des aliments : les phénomènes qui résultent uniquement de l'activité glandulaire et ceux qui dépendent de l'existence des microbes. La reproduction artificielle des premiers, in vitro, aseptiquement, lui a fait reconnaître le rôle spécial de chacune des parties du tube digestif; l'étude des seconds l’a conduit à considérer la digestion mi- crobienne comme un complément utile de la digestion diastasique. ; Le concours utile des microbes n’a pas lieu seule- ment dans les phénomènes de la digestion. Duclaux a montré qu'il intervient aussi dans la transformation des déchets organiques qui retournent au sol et qui, sans cela, finiraient par devenir encombrants. Grâce aux microbes, ces déchets sont décomposés en gaz et en produits solubles, assimilables par les végétaux. Dans le cycle évolutif de la matière minérale à travers les êtres organisés, les microbes ont donc une place aussi importante que les animaux et les plantes. À un point de vue moins grandiose, mais très important pour l'industrie agricole, Duclaux à étudié encore le rôle des microbes dans la coagulation du lait, la fabri- cation et les maladies du fromage. A ces études se rat- tachent de nombreuses recherches sur la composition et l'analyse du lait et du beurre, la stabilité des émul- sions, le barattage, etc. L'état de la caséine et du phosphate de calcium dans le lait a conduit Duclaux à s'occuper des propriétés des corps colloïdaux, du mécanisme de précipitation de ces corps, puis des phénomènes capillaires et de la filtration. Les idées qu'il a émises sur la nature exclu- sivement physique de la coagulation du lait et du sang, des premières phases de la dissolution des matières albuminoïdes et de l'amidon, ont leur origine dans ces recherches. Ces idées, opposées à celles de beaucoup de chimistes et de physiologistes, sont très impor- tantes à prendre en considération, car elles s’appli- quent à de nombreuses diastases qui, si la théorie physique de Duclaux est confirmée par les découvertes futures, forment un groupe absolument à part. Les recherches de Duclaux sur la caséase, la sucrase et les ferments solubles sont bien connues, et l’on se rappelle que la nomenclature encore en usage, pour désigner tous ces réactifs de la cellule vivante, a été proposée par lui. Beaucoup d’autres recherches, par exemple sur la maturation des graines de vers à soie, sur l’activité chimique et sur les propriétés bactéricides de la lumière, sur les levures qui font fermenter le lactose, etc., devraient encore être examinées pour présenter un tableau complet des découvertes scien- tiliques de Duclaux; mais il n’est pas mème possible, dans un article nécrologique, de les signaler toutes au lecteur. Si Duclaux fut, comme on vient de le voir, un cher- cheur original et heureux, il fut beaucoup plus encore un professeur de talent. C’est au point que la généra- tion actuelle, à force d'admirer l’orateur et l'écrivain, a presque oublié l'homme de laboratoire. Duclaux aimait à professer. Non seulement il avait pour cela de brillantes qualités naturelles, mais il joi- gnait à la parole facile, à la promptitude à trouver le plan logique et l'expression juste, une érudition extra- ordinaire et un sens critique remarquable. Tous ceux qui l'ont connu savent qu'on pouvait traiter avec lui de n'importe quel sujet; il en causait toujours avec aisance, il avait sur toutes choses des idées nettes et justes. On pouvait lui exposer des ques- tions personnelles; il en comprenait la portée souvent mieux que les auteurs; et, si une expérience ou une démonstration présentait quelque défaut, presque tou- jours il le découvrait et le signalait très franchement. Pourvu de ces rares qualités, Duclaux faisait des lecons où tout le monde trouvait à apprendre et dont beaucoup étaient de véritables chefs-d'œuvre. Il excel- lait particulièrement lorsqu'il exposait des questions délicates et controversées, et, bien des fois, je l'ai en- tendu ajouter, à la critique savante des théories en présence, des suggestions inédites et personnelles, bien faites pour susciter les recherches de ses auditeurs attentifs. Duclaux ne craignait pas la polémique ; quelquefois même, il la cherchait, comme un moyen utile de mettre la vérité en évidence. Il discutait alors avec ardeur, mais sans violence et sans arrière-pensée. C'était un noble adversaire, fort et loyal, et ceux qu'il à combattus reconnaitront sans peine que, même aux heures les plus passionnées, il ne cherchait pas autre chose que la défense du vrai et du juste. Duclaux a mis dans ses nombreux écrits la même érudition, le même talent, le même amour de la vérité que dans ses leçons. Qu'on lise ses petits ouvrages sur Le Lait, les Principes de Laiterie, sur les Ferments et Maladies, ou bien son Traité de Microbiologie, — œuvre remarquable, dont la nouvelle édition, complè- tement refondue, reste malheureusement inachevée, — ou bien encore son monument à la gloire du Maître, je veux dire Pasteur, Histoire d'un esprit, où même son dernier livre sur l'Hygiène sociale, on retrouve tou- jours ces qualités extraordinaires qu’on avait tant admirées chez le professeur. Bien plus, on y voit appa- raitre, tantôt le vulgarisateur, qui réussit à rendre accessibles à tous les problèmes les plus délicats de la science, tantôt l'homme de génie, qui sait deviner les découvertes des chercheurs et prévoir longtemps à y Sp dé en es CN 7 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 627 l'avance la marche du progrès. En décrivant l'état de la science d'aujourd'hui, Duclaux a, plus d’une fois, décrit l’état de la science de demain; et ceux qui savent le lire, comme ceux qui savaient l'écouter, trouvent là encore des indicalions précieuses pour orienter leurs (travaux. Duclaux avait une grande influence dans le monde savant. Aussi put-il se permettre, en créant les Annales de l'Institut Pasteur, d’inaugurer ces tevues critiques qui eurent tant de succès et où, presque chaque mois, on trouvait une mise au point magistrale de quelque grande question actuelle de Chimie biologique, de Microbiologie ou d'Hygiène. Ces Revues ont fait mieux apprécier quelquefois certaines découvertes ou cer- taines théories que ne l’auraient pu faire de longues discussions. C'était toujours très utile pour un chercheur d’avoir l'avis de Duclaux sur la façon de conduire une expé- rience ou d'interpréter un résultat ; c'était non moins précieux d’avoir ses conseils et son soutien aux heures de crise professionnelle et aux moments difficiles de la vie. Duclaux n'était pas seulement un savant désinté- ressé, c'était aussi un grand cœur. Et, comme si les devoirs de professeur à la Sorbonne, la publication, chaque année, d’un nouveau volume de son Traité de Microbiologie, la lourde charge de Direc- teur de l'Institut Pasteur et les Commissions dont il faisait partie ne suflisaient ni à sa puissance de travail, ni à sa volonté d'être utile, ilse rendait encore, le soir, au milieu des jeunes gens et des ouvriers, heureux d'apporter dans ces intelligences neuves les premières lueurs de la science. Ce généreux surmenage fut fatal au savant. Un soir, au moment de commencer une conférence, Duclaux fut atteint par une hémorragie cérébrale, privé de la parole et à demi paralysé. Des soins affectueux, un séjour prolongé au pays natal, et, peu à peu, il revint à la santé. On put le croire guéri. Il reprit un instant son cours, se remit au travail et venait de terminer la publication de ses Etudes d'Hydrologie souterraine lorsqu'il fut définitivement frappé. Avec la reconnaissance d’un grand nombre et l'admi- ration de tous, les honneurs étaient venus à Duclaux par surcroît. Membre de l’Académie des Sciences dans la Section d'Economie rurale, membre de l'Académie de Médecine et de la Société nationale d'Agriculture, il était, en outre, commandeur de Ja Légion d'honneur. Mais, simple dans la mort, comme il avait été simple dans la vie, Duclaux s’en est allé insouciant de tous ces titres. I1 laisse comme héritage : un grand nom et un bel exemple. Gabriel Bertrand, Chef du Service de Chimie biologique à l'Institut Pasteur. . $ 3. — Génie civil La stabilité longitudinale des ballons au- “tomobiles. — Dès les premiers essais de direction es ballons, on eut à se préoccuper d'assurer l'hori- “ontalité permanente de l'axe du fuseau à toutes les allures du moteur, à la fois par la permanence de la forme de l'enveloppe, et par l'application automatique d'un couple stabilisateur s'opposant aux actions sus- ceptibles de produire un mouvement de tangage ou même un redressement de la carène. Faute d'avoir su prendre ces précautions, Giffard faillit terminer sa pre- mière ascension par une catastrophe. Le ballon des frères Tissandier avait déja une stabilité sensiblement meilleure; mais c'est seulement dans les mémorables ascensions en boucles fermées du ballon La France, exécutées en 1884 par les capitaines Renard et Krebs, et renouvelées l'année suivante dans des conditions plus parfaites par les frères Renard, que toutes les conditions de stabilité aux allures déjà vives du ballon se trouvèrent parfaitement réalisées. Ces ascensions, on l'a trop oublié aujourd'hui, avaient Si bien marqué toutes les conditions imposées aux ballons automobiles que les essais tentés depuis lors avec une réussite plus ou moins complète, n'ont pu ajouter qu'un seul élément de succès à ceux qui avaient été réunis par les éminents ingénieurs de Chalais : l'allégement à outrance du moteur, dû en majeure partie aux progrès de l'automobilisme. Mais alors, le léger accroissement de vitesse obtenu dans ces condi- tions nouvelles a rendu la stabilisation plus difficile, et c'est là qu'il faut chercher avant tout les raisons des insuccès partiels de quelques-unes des expériences de ces dernières années. Le grand ballon Lebaudy, connu pendant quelque temps sous le nom de Le Jaune, tan- guait peu, il est vrai, grâce à une étude très minu- tieuse de sa stabilité ; mais les divers ballons de M. San- tos-Dumont exécutaient des oscillations de grande amplitude, qui furent la cause principale des chutes, heureusement sans suites graves, qui ont marqué la plupart de ses ascensions. Tous ceux qui ont étudié de près ou de loin la direc- tion des ballons avaient le sentiment plus ou moins conscient du fait que la principale difficulté à vaincre, lorsqu'on aurait assuré la puissance motrice suscep- tible de donner des vitesses rendant les ballons auto- mobiles réellement dirigeables par brises fraiches, serait dans le défaut de stabilité, et que, plus la vitesse aug- menterait, plus l’horizontabilité de la carène serait difficile à réaliser. Le colonel Renard, auquel la question de la direction des ballons doit sans contredit ses plus grands progrès, vient, dans une Note très importante présentée à l'Aca- démie des Sciences, de donner à ce vague sentiment une forme précise, et de révéler en même temps un fait que personne ne semblait avoir soupçonné jusqu'ici : c'est que, pour toute espèce de ballon, il existe une vitesse critique au-dessus de laquelle l'instabilité est complète, l'aéronat tendant toujours à se placer de telle sorte que son axe longitudinal soit perpendiculaire à la direc- tion de son mouvement. Cette conclusion, qui rend dès maintenant inutile l'augmentation de la puissance des propulseurs sans une transformation correspondante de tout l'aménage- ment du ballon, a été déduite, par le colonel Renard, d'une longue série d'expériences faites à l'aide d’un petit ballon artificiel, autrement dit d'un fuseau de bois reproduisant la forme du ballon-cigare, et dont on étudiait la stabilité dans un courant d'air dirigé dans un tunnel au centre duquel était placé le fuseau. Un fléau de balance, placé à l'extérieur du tun- nel et relié d’une facon rigide au fuseau, permettait d'appliquer un couple stabilisateur au ballon en minia- ture, de manière à réaliser des conditions aussi sem- blables que possible à celles de la pratique. Les expériences ont pu être condensées dans quelques formules simples, desquelles il résulte, en particulier, que le couple perturbateur est proportionnel au cube des dimensions du ballon et au carré de sa vitesse, tandis que le couple stabilisateur est indépendant de la vitesse et proportionnel à la quatrième puissance des dimensions du ballon. Pour une vitesse nulle, le couple stabilisateur existe seul, et le ballon reste horizontal : mais, à mesure que la vitesse augmente, le couple per- turbateur prend une importance croissante, jusqu'à égaler le couple stabilisateur. À ce moment, le ballon est complètement désemparé, et tend à se tourner en travers de sa route. Cette vitesse critique, sensiblement au-dessous de laquelle le ballon est déjà ingouvernable, est proportionnelle à la racine carrée des dimensions de l'aéronat, la forme et l'aménagement étant supposés les mêmes. La vitesse critique du ballon La France était, d’après le colonel Renard, de 10,00 mètres par seconde ; celle du Santos-Dumont n° 6, de 8,50, et celle du Lebaudy, de 10,8 mètres par seconde. Il résulte de ces chiffres que, si La France avait encore une marge assez large de stabilité, le Santos-Dumont était déjà très près de sa limite, ce qui ne surprendra aucun de ceux qui l'ont vu évoluer. j 628 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE La Note du colonel Renard serait en quelque mesure décourageante, s'il n'apportait lui-même un correctif à ses conclusions, puisque, pour augmenter la vitesse critique jusqu'à la valeur nécessaire d'une quinzaine de mètres par seconde, on n'aurait d'autre ressource que de construire des ballons énormes. Mais les for- mules qu'il établit ne s'appliquent qu'aux ballons auto- mobiles tels qu'ils ont été construits jusqu'ici; or, on peut les fonder sur des principes nouveaux, etrciest dans cette voie que l'éminent aérostier nous promet une prochaine solution; tous ceux qui ont suivi avec passion les essais de navigation aérienne tentés dans ces dernières années, l'attendront avec une vive impa- tience. $ 4. — Météorologie Le tracé des courbes en Climatologie. — À maintes reprises, ici même, nous avons insisté sur le danger des moyennes en Météorologie, et leur repré- sentation par des courbes : c'est là, évidemment, un procédé commode, souvent précieux ; mais il ne faut jamais oublier d’être sceptique devant une courbe con- tinue et, à côté de sa vraie signification, savoir se rappeler que l'on à pu perdre dans la moyenne une discontinuité, une singularité essentielle à l'explication des phénomènes. Or, précisément, le Professeur W. von Bezold‘ vient de montrer que le tracé ordinaire des isothermes, isobares, etc... sur des cartes, en fonction de la latitude géographique des points considérés, est absolument défectueux, car les espaces compris sous un angle égal de latitude varient de surface suivant qu'il s'agit de hautes ou de basses latitudes : ainsi, la zone comprise entre l'équateur et le 10° parallèle n'occupe pas plus de place que la région entre les 80° et 90° parallèles, avec le système de tracé actuellement en usage, bien que la superficie de la première vaille onze fois celle de la seconde, donnant ainsi une image absolument fausse de la distribution des éléments représentés. M. W. von Bezold, pour remédier à cet inconvénient, propose d'introduire comme argument, ou abscisse, le sinus de la latitude géographique; en opérant ainsi, les mêmes différences d’argument, ou mêmes longueurs sur l'axe coordonné, correspondront à des zones de même grandeur, et les différentes valeurs à représenter apparaîtront avec leur importance réelle. Ce serait là une bonne transformation à effectuer ; mais on tardera sans doute, à cause. de la routine. $ 5. — Physique La couleur des laes. — On sait qu'il a été donné deux explicationsde la couleur des grandes masses d’eau. D'après Tyndall, Soret, Hagenbach et quelques autres, la couleur serait due à la diffraction et à la diffusion de la lumière par des particules extrêmement petites en suspension dans l’eau; d'après Bunsen, Wittstein, la couleur serait liée à la composition seule ; enfin, W. Spring a montré que l’eau optiquement vide? a une couleur propre bleue, mais il attribue les colorations diverses des eaux naturelles à la diffraction par des substances étrangères. La question paraît définitivement t-anchée, en faveur du deuxième point de vue, par une remarquable série de recherches due au baron d’Aufsess, recherches faites sur une quinzaine de lacs bavarois, et complétées par des expériences de laboratoire*. : La couleur ne peut être scientifiquement définie que par la connaissance de l'absorption exercée par l'eau; les échelles colorimétriques qui ont été proposées pour 1 Bulletin de l'Académie des Sciences de Berlin, 1904. 2 Pour débarrasser l’eau des particules ultramicroscopiques auxquelles Soret attribue sa coloration bleue, on peut l'additionner d’une petite quantité d'un électrolyte DIE tel que le chlorure de zine, ou encore la filtrer sur du noir animal. 3 Orro FREIHERR VON UND ZU AUFSESS : Ann. der Physik, t. XIII, p. 619, 1904. une classification rapide : mélanges de chromate de potassium et de sulfate de cuivre ammoniacal (Forel), mélanges de chromate, de dichromate de potassium et de bleu de méthylène (Ule), ne peuvent rien donner d'exact, car on peut produire la même coloration résul- tante par des combinations différentes; un examen direct a montré, en outre, que le spectre d'absorption de ces mélanges est entièrement différent de celui des eaux naturelles; ils laissent tous passer trop de rouge. Sur les lacs, M. von Aufsess a mesuré la transpa- rence en évaluant la profondeur maxima à laquelle on peut encore apercevoir un disque métallique hori- zontal de 4 mètre de diamètre, peint en blanc, soutenu en son centre par une corde et que l'on immerge len- tement et progressivement; il a aussi mesuré l’absorp- tion en comparant au spectrophotomètre, dans toute l'étendue du spectre visible, la lumière émise par l'eau à la lumière du ciel; il a encore déterminé la tempéra- ture à différentes profondeurs, et l’état de polarisation de Ja lumière. Au laboratoire, il a étudié l'absorption de l’eau opti- quement vide, et de cette eau mélangée à des subs- {ances étrangères, chaux et matières humiques, ou troublée artificiellement par addition d'une petite quan- tité d’une solution alcoolique de mastic. L'eau deux fois distillée sur du permanganate de potassium et de la potasse s'est montrée identique, au point de vue de l'absorption, à l’eau optiquement vide ; l'influence des particules ultramicroscopiques sur sa couleur est donc inappréciable. L'eau tenant en solu- tion de la chaux a, en gros, le même spectre d’absorp= tion que les eaux naturelles bleues ou vertes, qui absorbent très peu le bleu; l'eau qui a filtré sur du ter- reau à un spectre d'absorption semblable à celui des eaux jaunâtres ou brunes, qui absorbent fortement le bleu. L'eau troublée par du mastic absorbe beaucoup plus le bleu que le rouge, et laisse passer, en particu- lier, beaucoup plus de rouge que les eaux naturelles M qui absorbent le bleu. La couleur de l'eau du Aochelsee, … [ac trouble, n'avait pas subi de modifications après un e repos d’un mois au contact du chlorure de zinc. Enfin, la polarisation de la lumière émise par les eaux troubles est souvent toute différente de celle que pré- voit la théorie de Rayleigh. | La couleur de l’eau ne peut donc ètre attribuée en aucune façon au trouble du milieu; elle est uniquement déterminée par la nature des substances chimiques qu'elle tient en dissolution; l'analyse chimique con- firme ce résultat, montrant toujours dans les eaux naturelles jaunes ou brunesune proportion de matières organiques beaucoup plus grande que dans les eaux bleues ou vertes : CHAUX MATIÈRE ORGANIQUE Walchensee (Bavière), vert. 50,5 14,55 (mg. par litre). Kochelsee (Bavière), vert jaunàtre . CRE S0,# 22,18 Würmsee, jaunatre. 49,8 23,86 Lac de Genève . . . . 58,95 13,80 L'auteur a constaté, dans ses expériences sur les lacs, que la transparence est sensiblement indépendante des conditions d'éclairage, de sorte que les précautions, recommandées d'ordinaire, choix de la saison, d'une incidence déterminée pour les rayons solaires, sonb parfaitement inutiles. L'eau commence à se troubler au printemps; sa transparence est minima au momeny de l'activité la plus grande de la végétation; elle augs mente graduellement à partir de l'automne, et prend sa plus grande valeur à la fin de l'hiver. ! La température paraît n'avoir aucune influence su la transparence. On sait que la température décro assez lentement d’abord à partir de la surface, puis, à une profondeur variable, subit une diminution extré mement rapide dans un espace de quelques mètre (Sprungschicht), pour tendre ensuite lentement vers 4° ou une valeur peu supérieure. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 629 Dans les lacs troubles étudiés par M. von Aufsess, cette couche à grande variation commence au delà de la profondeur de visibilité; mais, dans les lacs limpides, elle est tout entière comprise dans la région de visibi- lité, et cependant aucune modification brusque dans l'apparence du disque n'indique qu'il la traverse, au moins en été, quand l’eau est tranquille et quand les couches à température différente reposent les unes au- dessus des autres sans se mélanger, Il n’en est plus de même pendant le refroidissement du lac: les courants de convection dus à la chute de l'eau refroidie dimi- nuent alors la transparence, surtout si le lac est limpide, et, dans ces conditions, l’on à pu observer une fois (le 29 septembre 1902) une diminution subite d'éclat du disque, à la hauteur de la couche à variation rapide. C'est bien plutôt la couleur et la transparence qui agissent sur la distribution de la température, à cause de l'absorption sélective de l'eau, qui s'exerce surtout sur les rayons rouges. La faune et la flore doivent subir une influence correspondante. Les conclusions tirées de l'étude expérimentale sont remarquablement étayées par l'examen de la situation des lacs. Les lacs d'un vert profond proviennent sur- tout de fonds de calcaire pur; on a, d’ailleurs, depuis longlemps constaté qu'une eau noire se décolore très vite en passant sur un sol riche en calcaire. Les lacs d’un vert jaunâtre, comme le Xochelsee, le Würmsee, contiennent souvent des particules visibles à l'œil nu ; ils sont encore dans la région calcaire, mais en grande partie à la limite d’une région marécageuse, ou ont des affluents qui proviennent de cette dernière. La couleur de chaque lac est donc une couleur propre, qui tire son origine de la couleur de l’eau pure, modi- fiée par les substances chimiques qu'il contient, et dont la nature dépend des conditions géologiques des envi- rons immédiats ou mème plus lointains. La végétation prochaine doit aussi exercer une influence. M. von Aufsess propose une nouvelle classification des lacs, d'après leur couleur. I. Le bleu n'est pas absorbé : Couleur bleue, type Achensee. I. Le bleu est faiblement absorbé : Couleur verte, type Walchensee. IT. Le bleu est fortement absorbé : Couleur vert jaunâtre, type Kochelsee. IV. Le bleu est complètement absorbé : Couleur jaune ou brune, type Stalfelsee. On peut faire la distinction avec la plus grande facilité et une sûreté absolue en regardant l'eau bien éclairée avec un spectroscope de poche ordinaire; la seule précaution à prendre est d'observer toujours avec la même largeur de fente, ce que l’on réalisera facile- ment en marquantun repère sur la bonnette de réglage. Il y aurait, sans doute, un grand intérêt à compléter par des observations de ce genre les études entreprises depuis quelque temps à un tout autre point de vue sur un grand nombre de lacs, en particulier ceux de la région du Mont-Dore. Sur un nouveau phénomène de radiation. — M. J. J. Taudin Chabot! vient de rechercher si le sélénium, sous sa modification conductricé, sensible à la lumière, peut donner lieu à des phénomènes de radiation. A cet effet, il s’est servi d’une pile à sélénium du type Shelford Bidwell, dont la masse active était uniformément distribuée sur la surface d'un fil de pla- tine. Après avoir séjourné dans l'obscurité pendant plusieurs semaines, la surface sélénium-platine a été, Sous un éclairage rouge, recouverte d'une feuille de gélatino-bromure d'argentadditionné d'un sensibilisa- teur absorbant les rayons jaunes et verts: on a inter- posé, entre le sélénium et la gélatine, un ruban d’alu- minium recourbé à l'angle droit. Après avoir conservé le tout dans l'obscurité pendant quarante-huit heures ‘ Phys. Zeïtschr., t. V, n° 5, p. 102, 404. 1904. consécutives, l’auteur à répété cette même expérience en se servant d'une feuille nouvelle de gélatino-bro- mure d'argent pendant que le sélénium était traversé par un courant d'environ 110 microampères. Or, la feuille de gélatine, ayant été développée, a donné les résultats suivants : Dans le premier cas, on a observé sur un fond sombre des endroits clairs correspondant apparemmentau con- tour de l'angle d'aluminium alors que, dans le second cas, une silhouette sombre de l'angle tout entier sans détails s'est montrée sur un fond clair, en même temps qu'on à observé des raies transversales étroites et plus claires que le fond. Ces raies ont été produites de la manière la plus efficace dans le cas de plusieurs inso- lations répétées, ce dont il résulterait qu'elles sont dues soit au fil parallèle de platine, soit au sélénium intermédiaire entre chaque deux fils, soit enfin au point de contact entre le platine et le sélénium, où, en raison de l'effet Peltier, il fallait s'attendre à une production de chaleur positive ou négative pendant le passage du courant. En continuant ses expériences, M. Chabot a établi le fait que l'envers de la plaque supportant le fil de pla- tine-sélénium est également capable d'affecter le géla- tino-bromure d'argent en produisant des silhouettes sombres sur un fond clair. Quant à la question de sa- voir si ces phénomènes démontrent l'existence d’une nouvelle radiation, d'une émanation émise par la sur- face des conducteurs, l’auteur attend des expériences ultérieures, qu'il pense publier prochainement, avant de tirer des conclusions définies. Expériences sur l'émanation du bromure de radium. — Dans des expériences faites pour mon- trer la dispersion de l'émanation du bromure de ra- dium, M. Th. Indricson‘ s'est servi d'un long tube dont la surface intérieure était recouverte d’une couche de blende de Sidot (sulfure de zinc). Après l'avoir mis en communication avec une éprouvette contenant une solution de bromure de radium (10 mm. par 10 cc.), on voit une luminescence apparaître et se propager lelong du tube. En répétant les expériences de Ramsay, l'au- teur constate que la raie jaune de l’hélium ne corres- pond pas exactement aux deux raies jaunes du spectre de l'émanation; en effet, elle se place entre ces der- nières. Après avoir plongé dans l'air liquide le serpentin communiquant avec le tube d'essai, l'auteur remarque dans le spectre de l'émanation un renforcement des raies correspondant aux raies de l'hélium, et entre les deux raies jaunes précitées, apparaît une troisième, correspondant exactement à la raie jaune de l'hélium. Les raies de l’hélium n'existent pas dans le spectre de l'émanation d’un tube récemment préparé et n'y appa- raissent que dans la suite. En examinant les gaz libérés pendant la dissolution du bromure de radium, l’auteur constate que les raies de l'hélium n'existent pas aussi longtemps que le tube reste phosphorescent dans l’ob- securité. Lorsque, après quatre jours, cette phosphores- cence à disparu, les raies de l'hélium se présentent dans le spectre. $ 6. — Electricité industrielle Un appareil pour transmettre l'écriture et les tableaux par voie télégraphique. — Le professeur Cerebotani, de Munich, vient de faire une conférence à l'Urania, de Berlin, sur un intéressant appareil télégraphique de son invention. Après avoir apporté à celui-ci des perfectionnements incessants, M. Cerebotani vient de le mettre à l'essai avec un suc- cès parfait sur les lignes télégraphiques reliant Munich et Augsburg, Milan et Rome, Milan et Turin, et enfin Munich et Berlin. L'inventeur a même l'intention d'ap- ‘_Journ. de la Soc. phys.-chim. russe, t. XXXVI, n° 4 b, p. 1-13. 630 pliquer son système à la {ransmission ‘sans fil des ta- bleaux, etc., ce qui serait tout spécialement facile en raison des intensités de courant excessivement faibles (environ 2 milli-ampères) suffisant à actionner l'appareil de réception. La disposition électromagnétique com- prend quatre bobines, de deux enroulements chacune, et qui s'entrecroisent sur une petite planche. Selon que les courants lancés dans ces bobines sont plus ou moins intenses et d’un sens soitidentique, soit opposé, on peut engendrer une quantité énorme de courants variables et des deux sens, produisant des effets élec- tromagnétiques correspondants. La variété et le nombre à peu près illimité de ces impulsions de courant est le point le plus important qu'il convient de mentionner, l'appareil récepteur présentant une disposition tout analogue. Dans le cas où cet appareil est employé comme télégraphe imprimeur, les caractères métal- liques, disposés au sein d'une substance isolante, jouent évidemment dans la transmission le rôle le plus impor- tant. Dans ce cas, cet appareil ne semble cependant pas présenter d'avantages spéciaux, en comparaison de l'appareil Hughes, abstraction faite de la possibilité d'être actionné sans fil. L'appareil Cerebotani semble, d'un autre côté, appelé à prendre une importance bien plus considérable comme télégraphe fac-similé ; le dis- positif de transmission comprend une plume entraînée sur le papier au moyen d’un système de coordonnées auquel correspond, dans l'appareil de réception, un dis- positif tout analogue, susceptible d’être agrandi ou ra- petissé. Le système de coordonnées est constitué par deux barres s'entrecroisant à angle droit et qui sont munies chacune d'une coulisse où glisse l’autre. C'est au moyen de ce dispositif guidant que la plume peut évidemment être amenée à un point quelconque du papier, donnant en chaque point naissance à l'impul- sion de courant correspondante, laquelle oblige la plume disposée dans l'appareil de réception à enregistrer ce point à l'endroit correspondant du récepteur. Il est vrai qu'une certaine pratique est nécessaire pour ma- nier cet appareil. Une vitesse de centlettres parminute est, paraît-il, réalisée sans difficulté; l'appareil peut être employé partout où l'on se sert d'un télégraphe Morse, et même être relié à un téléphone pour être employé concurremment avec ce dernier. Les distances franchissables semblent être pratiquement illimitées ; dans le cas où l’on se heurterait à des difficultés, on n'aurait qu à recourir à l'emploi de relais. $ 7. — Botanique L'Oidium et les perithèces d'Uncinula spi- ralis. — L'oidium n'est guère connu que sous la forme de plaques apparentes dues à la production d’un grand nombre de conidies. MM. Guillon et Gouirand, dans un intéressant article de la Revue de Viticulture", font remarquer que les ravages causés par le mycelium du champignon sont souvent très grands avant l’appa- rition de l'appareil conidien; mais ils attirent surtout l'attention sur la relation très étroite qui existe entre la présence des périthèces d'Uncinula spiralis et le développement rapide de l’oidium. D'expériences pro- bantes il semble nettement résulter que ces péri- thèces hâtent l'apparition de la maladie. Le mycelium se développe sous forme de toiles d'arraignée décolo- rant la feuille; puis, peu à peu, naissent de larges plaques brunätres, et, au moment de la fructification, l'appareil sporifère forme une large trame sur le sar- ment ainsi que sur le pétiole et le limbe des feuilles, le développement venant des points où avait été cons- tatée l'existence des périthèces à l'automne précédent. I] va sans dire que, si cette manière de voir se confirme, ce qu'il y a tout lieu de supposer, il faudra moditier dans ce sens la méthode employée actuellement pour lutter contre le redoutable fléau. a — ? Revue de Viticulture, 19 mai 1904. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 8. — Zoologie L’ovulase et le développement des œufs vierges. — Au mois d'août 1897, pendant mon séjour au Laboratoire de Roscoff, j'ai obtenu la segmentation d'ovules vierges en les mettant en présence d’un liquide contenant de l'extrait de spermatozoïdes. Ce liquide actif rentre dans la catégorie des diastases ou ferments solubles, et je l'ai appelé ovulase. Les expériences de Loeb, Lewis, Morgan, Giard, Bataillon, Winckler, Delage, ete., sur le développement d'ovules vierges, donnent de l'actualité aux miennes, qui présenteront peut-être quelque intérêt pour les lec- teurs de cette Aevue. En voici le résumé # : Préparation de lovulase. — L'ovulase a été pbtenue en agitant les spermatozoïdes d'Echinodermes frais et en bonne santé (Strongylocentrotus lividus, Echinus esculentus), pendant un quart d'heure, dans un flacon de verre : 1° Dans l'eau de mer (A); 20 Dans l’eau distillée (B). Le liquide a été filtré; le filtre en papier a laissé passer des spermatozoïdes, mais ceux-ci élaient sans queue, immobiles, c'est-à-dire morts, autant qu'on à pu le constater au microscope. Expériences. — Ce liquide a été employé soit immé- diatement, soit quatre et même dix heures après sa préparation, à la température de 199 C. I. L'ovulase a été mise en contact, sur des lamelles creuses de verre, avec des ovules frais, bien lavés à l'eau de mer et pris dans les ovaires en pleine maturité ; la segmentation s’est toujours produite, et elle a été observée jusqu'au stade morula, même avec l’ovulase vieille de dix heures. Au microscope on à constaté les faits suivants : 4° Aucune pénétration de spermatozoïdes ; 2 La disparition de la vésicule germinative, quand celle-ci existait encore; 3° La segmentation lente et nette jusqu'au stade morula ; 4° L'ovulase B a agi plus lentement que l’ovulase 4, et a donné quelques segmentations seulement. II. Les ovules placés et observés dans les mêmes con- dilions : 1° Dans l’eau de mer pure, n'ont rien donné; 20 Dans l’eau distillée, sont devenus clairs, puis ont éclaté. II. Pour s'assurer de la maturité des éléments sexuels, non seulement on les observait au micros- cope, mais on déterminait des fécondations normales, en faisant agir des éléments normaux, pendant que, dans une deuxième série d'expériences, on procédait à l'immersion des ovules de même äge dans l'ovulase. Dans ces expériences de contrôle, la plupart des ovules ontété fécondés, ce qui établissait leur maturité. Conclusions. — L'ovulase, retirée des spermatozoïdes par simple agitation dans l’eau, est un ferment soluble qui a la propriété de déterminer la segmentation des ovules. Cette conclusion sera féconde en conséquences biologiques et philosophiques. Les résultats précédents, sans renverser complète- ment la notion courante de fécondation, font avancer la question et la montrent sous un Jour nouveau. En dehors des théories que l’on peut édifier là-dessus, on entrevoit déjà des conséquences importantes qui se dégagent des faits signalés : io L'ovulase est un liquide organique dont la com- position peut être déterminée par l'analyse; 20 On pourra done le remplacer par un liquide ana= logue, de même composition, obtenu de toutes pièces, par synthèse; 3° Ce deuxième liquide pourra être remplacé par un 1 Ces recherches ont été publiées dans les Archives de Zoologie expérimentale. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 631 autre de même fonction, de même énergie, c'est-à-dire déterminant les mêmes phénomènes évolutifs sur l'ovule. C'est ainsi que Loeb a obtenu les segmenta- tions en placant des ovules dans des solutions de MgCl, NaCI, KCI, KCA7; Delage a obtenu le développement de ces ovules jusqu'au stade avancé d'auricularia, avec de l'eau de Seltz fabriquée avec de l’eau de mer. Du reste, ne sait-on pas, depuis longtemps, que l’'amidon, la dextrine, le glycogène, le sucre de canne, sous l'in- fluence des acides, donnent du glucose de la même manière qu'avec les diastases? 4° Le rôle des éléments figurés (centrosomes, chro- mosomes, etc.), diminue; 5° L'action chimique s'affirme et la fécondation devient un cas particulier de ce phénomène général, dont le mécanisme intime est encore peu connu, l'ac- tion des ferments solubles; 6° Mais le phénomène chimique n’est ni absolu, ni exclusif; peut-être le même effet sera-t-il obtenu par un phénomène physique, mécanique, etc. {action de la lumière, de l'électricité, de la chaleur, du choc, du mouvement vibratoire). Delage a obtenu le développe- ment par immersion brusque des ovules dans l’eau de mer entre 30 et 35° C. N'y a-t-il pas équivalence entre le travail et les réactions chimiques? 1° L'élément mäle semble diminuer d'importance, pendant que l'élément femelle en gagne; 8° Dans tous les cas, un élément vivant, l’ovule, est toujours nécessaire à la formation de l'embryon; l’ac- tion physiologique, ou plutôt vitale, tout en étant sim- plifiée, existe toujours: l’ovule vivant est indispensable, et la vie provient de la vie. Nous n’en sommes pas encore à la génération spon- tanée. J.-B. Piéri, Docteur ès sciences, Professeur au Lycée de Rochefort. La Station aquicole de Boulogne. — Le Ministre de la Marine vient d'accorder une subvention de 16.000 francs à la Chambre de Commerce de Bou- logne-sur-Mer. Cette subvention est destinée à l'acqui- sition et à l'amortissement par annuités d’un vapeur mixte, qui sera armé, entretenu et employé par la Station aquicole de Boulogne, que dirige M. le D' Canu. Ce bateau sera utilisé comme école de pêche et de nawvi- gation pour les patrons pêcheurs, marins et mousses et pour les élèves-mécaniciens de la marine de Boulogne. $ 9. — Sciences médicales L’immunité acquise contre les poisons est- elle transmissible des générateurs à leur descendance? — Ce problème vient d'inspirer des recherches nouvelles à M. A. Lustig‘. Il à opéré sur des poules et voici le procédé qu'il a employé : Les poules succombent lorsqu'on leur injecte, dans la cavité péri- tonéale, 4 milligrammes d’abrine pour 4 kilog de leur poids. L'abrine est dissoute dans une solution saline (0,75 °/,), dans la proportion de 1/10.000. Cette solution doit être utilisée sans retard, car, au bout de quelques jours, elle a perdu beaucoup de son action. On procède à l'immunisation en injectant, sous la peau ou dans le péritoine, 0 gr. 000.006.6 de substance active, à inter- valles plus ou moins rapprochés, et l'on augmente les doses jusqu'à 6 milligrammes par kilogramme d'ani- mal. Au bout de soixante-dix jours environ, les poules sont immunisées. Or l'immunité acquise par les générateurs ne se transmet nullement aux produits, Ceux-ci sont chétifs ou cachectiques, et résistent moins que les animaux Sains à l’action du poison. Les œufs n’éclosent qu'en nombre restreint, contiennent des embryons déformés, et ceux qui arrivent à maturité présentent des phéno- mènes tératologiques. A. Lustig se rattache donc à l'idée de Weissmann, qui n’admet pas la transmission À. LusnG : La Clinica moderna, 11 février 1904. de l’immunité acquise; O0. Hertwig, au contraire, affirme la possibilité de cette transmission et rappelle le fait que l’immunité vis-à-vis de quelques maladies infectieuses et toxiques peut passer des générateurs à leur descendance; de même, Ehrlich a établi la trans- mission de cette immunité chez la souris; mais les résultats obtenus par cet auteur s'expliqueraient, d’après Lustig, par le passage des substances immuni- santes de la mère au fœtus, à travers le placenta. Dans les expériences nouvelles, les résultats sont plus dé- monstratifs, puisque ce trait d'union entre la mère et le fœtus n’existe pas. La déchloruration chez les Arabes. — Il est curieux de constater que la méthode de déchloruration proposée par le Professeur Richet et le D' Toulouse!, il y à cinq ans, et étudiée récemment par les D's Widal, Achard, Merklen, Vaquez, était déjà appliquée empiri- quement chez les Arabes. Le D° Legrain avait signalé * que, chez les Kabyles et les Israélites de la région de Bougie, on traite depuis longtemps les maladies chro- niques et surtout les enflures par une cure de quarante jours à la tisane de salsepareille, avec diète de sel; voici maintenant que le D° Romary raconte® qu'il a observé un procédé identique chez les indigènes du Djebel-Amour (Sud-Oranais). Parmi les Arabes, le trai- tement ioduré de la syphilis est en grand honneur, Or, ceux qui prennent de l’iodure s'abstiennent avec soin de tout aliment salé pendant quarante jours, même si le médicament n’est pas administré pendant toute cette période; ils s’'abstiennent en même temps d'épices, de lait fermenté et de viande de chèvre : un tel régime est qualifié de régime fade (messous). L'auteur a pu cons- tater, dans plusieurs cas, l'efficacité de cette méthode. $ 10. — Géographie et Colonisation Le canal des Deux Mers. — On à distribué récemment à la Chambre des Députés le nouveau rap- port de M. Honoré Leygue, qui conclut à une enquête immédiate du projet de canal dit Canal des Deux Mers. L'idée en est ancienne; il suffit, en effet, de jeter les yeux sur une carte du sud de l'Europe pour être frappé des avantages stratégiques el commerciaux qui en résulteraient, et la comparaison vient à l'esprit du pro- jet en question avec le canal actuel de Kiel, qui permet aux navires allemands de passer de la Baltique dans la mer du Nord, ou vice versa, sans avoir à franchir les détroits danois. Seulement, tandis que le Danemark sera sans doute neutralisé un jour prochain, nous ne saurions compter sur la même éventualité vis-à-vis de Gibraltar. De plus, l’abréviation des distances — donnant lieu à une économie de temps et de numéraire — est bien plus considérable dans le projet francais, puisqu’en prenant pour points de comparaison Malte et Ouessant, le trajet serait raccourci de 1.750 kilomètres. Ce chiffre est éloquent pour donner une idée de l'importance du gain qui en résultera pour les navires par rapport à la dépense en combustible, à la régularité et à la sécurité de la traversée, — en évitant, par exemple, les mauvais temps du détroit de Gibraltar, — à la diminution du prix de l'assurance, etc. Cette voie sera avantageuse- ment suivie non seulement par tous les navires à destination de Suez, mais encore par ceux qui desser- vent la Méditerranée centrale et orientale, la mer Noire et, vice versa, par les navires des pays méditerranéens se dirigeant vers le nord de l'Europe, les Etats-Unis ou le Canada. On peut ainsi compter que plus de la moitié des 50 millions de tonnes de marchandises qui transitent actuellement à travers le détroit de Gibraltar auraient le plus grand intérêt à prendre la voie du (€. . Académie des Sciences, 15999, p. 850. ? Caducée, 1903, p. 208. $ Caducée, 1904, p. 80. * Ocrave Jusrice : Le Canal des Deux Mers, in La Science au xx° siècle, 15 avril 1904. 632 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE futur canal. Des avantages considérables en résulte- raient pour notre pays, par l'augmentation du trafic des réseaux ferrés desservantle Sud-Ouest, par la création d'industries riveraines bénéficiant de l'apport des matières premières et de la facilité des exportations, facilité dont profiteront, d'ailleurs, tous les produits de la région, enfin par le développement qui en résultera pour notre marine marchande et nos ports intéressés. Le projet actuel aurait 453 kilomètres de mer à mer, entre la Nouvelle et Arcachon. Ces deux points ont été choisis comme donnant au canal la longueur minima, comme permettant aux plus grands navires d'entrer et de sortir, de jour et de nuit, par tous les temps et par toutes les mers, et comme offrant au point de vue stratégique le plus de garantie. Le canal serait à double voie et à écluses, afin de racheter la différence de 206 mètres entre la cote d'altitude de Naurouze et le niveau des mers; 43 biefs suffiront, le passage d'un échelon à l'autre se faisant au moyen d'ascenseurs de navires. La largeur au plan d’eau serait de 70 mètres, avantages qu'en retireraient le pays tout entier et la : région méridionale, en particulier. P. Clerget, Professeur à l'Ecole de Commerce du Locle (Suisse). La culture du coton dans l'Afrique ocei- dentale anglaise. — La culture du coton dans le protectorat de Lagos prend une grande extension. Le gouverneur de cette dépendance anglaise annonce que, pour suffire aux demandes des indigènes, il faudrait 450 tonnes de graines pour la campagne de 1904. « Le rendement du coton, dit-il, sera énorme. Les experts ne sont pas seulement optimistes, ils se déclarent sûrs du succès. Les noirs Egba, à eux seuls, se proposent d'ensemencer 3.000 acres ». A cause des essais tentés en ce moment dans l'Afrique occidentale francaise, il est intéressant de donner un apercu de la méthode employée au Lagos. L'Association cotonnière anglaise envoya d’abord le Professeur Koffman pour étudier le terrain. Cet agro— por deg" Garonne BORDEAUX Arcachon ———— Canal des Deur-Mers Carcassonne TOULOUSE lei *Zlefranche- de A LYQLS 2 A Foix Crave par F Borremans. Fig. 4. — Projet de tracé du canal des Deux-Mers] la largeur au plafond de 40 mètres, la profondeur de 9®,50, portée à 10 mètres dans les écluses, la section mouillée dépassant 600 mètres. Ces dimensions sont justifiées par l'expérience acquise dans les canaux de Suez et de Kiel. Mais alors se pose le problème de l'alimentation d’une pareille tranchée. Etant donné que la Garonne aux basses eaux ne pourrait y suffire, la construction de barrages et de lacs artificiels s'impose, et, du même coup, on atténuerait l'effet désastreux des inondations, tandis que l'excédent de l'eau emmagasinée serait mis à la disposition de l’agriculture pour ses irrigations et ses submersions, ou bien fournirait la force motrice nécessaire aux industries. Dans les conditions du projet actuel, on estime qu'en ouvrant tous les chantiers simultanément et en y occu- pant de 25 à 30.000 ouvriers, le canal pourrait être achevé en cinq ans. Le coût total approcherait du mil- liard (950 millions); certes, le chiffre est énorme, mais en supposant un trafic de 25 millions de tonneaux et des recettes brutes de 105 millions, il resterait, après déduction des frais d'entretien et d'administration, un bénéfice net de 90 à 95 millions de francs pour la rému- nération du capital. L'opération serait ainsi financiè- rement avantageuse, saus compter les immenses nome avait déjà rendu de notables services au Gouverne- mentaméricain dans certaines provinces du Sud. Passant au Lagos, en qualité de chef du Département de l'Agricul- ture, il s'établit à Abéokuta, centre commercial et agri- cole du pays des Egba. Il se chargea alors de donner l'instruction technique aux fermiers indigènes, et sut conquérir la confiance des grands chefs de la région. Il fit une série de voyages dans le pays, et les premiers essais qu'il guida furent heureux. Le cultivateur indi- gène, là comme partout en Afrique, se montre éner- gique, enthousiaste même, à la condition qu'on lui donne un marché pour l'écoulement de ses produits. Aussi l'Association fit installer à Abéokuta des machines d'égrenage et de pression, et elle offrit aux produc- teurs un penny par livre de coton non égrené et livré à la factorerie indigène. Dès 1903, plusieurs centaines de balles furent expédiées à Liverpool. Ajoutons que la British Cotton Growing Association Lot te _—— grd me L } + RÉ CETET Tr vient de solliciter l'octroi d’une charte royale, qui lui sera certainement accordée. Elle s'engage à ne recher= cher aucun bénéfice pendant sept ans. Les bénéfices, durant cette période, seront employés uniquement à la création, dans toutes les possessions anglaises où cela sera possible, d'une industrie cotonnière. SVANTE ARRHÉNIUS — LA PHYSICO-CHIMIE DES TOXINES ET ANTI-TOXINES 633 LA PHYSICO-CHIMIE DES TOXINES ET ANTI-TOXINES Messieurs, Parmi les poisons étudiés jusqu'ici, il est une classe de produits nocifs, appelés toxines, produits d’excrétion cellulaire que nous sommes surtout habitués à voir formés par les microbes pathogènes. Par la production des toxines, ces microbes exer- cent une influence funesle sur les êtres vivants, et, pour celte raison, l'étude des toxines est d'un très grand intérêt. La propriété la plus remarquable des toxines réside dans le fait que leur toxicité est diminuée ou paralysée par des corps spécifiques appelés antitoxines. On prépare ces corps en injec- tant, par doses croissantes, la toxine en question dans les veines d’un animal, qui est le plus souvent un cheval ou une chèvre. On centrifuge le sang de cet animal; au bout d’un certain temps, le liquide séparé contient de l’antitoxine, généralement en grande quantité. Cette antitoxine est employée comme remède contre les maladies provoquées par l’action de la toxine; l'exemple le plus connu est celui de la diphtérie. L'effet observé de l’antitoxine a porté à croire qu'elle neutralise la toxine à peu près de la même manière qu'un acide neutralise une base. Pourtant, cette hypothèse se heurte à une diffi- culté d'ordre expérimental. Si l'on mélange des doses égales et successives d’une solution acide forte à une solution alcaline forte, chaque dose neutralise autant d’alcalinité que toute autre dose, jusqu'à ce que la neutralisation soit complète, après quoi il n’y a plus d’alcalinilé à faire dispa- raître. Si, au contraire, l'acide et la base sont très faibles, cas, il est vrai, peu étudié, on observe que chaque dose produit un effet neutralisant qui surpasse celui de la dose suivante. Dans la neutralisation d’une toxine par son anti- toxine, on fait une observation semblable : en général, l'effet des doses successives de l’anli- toxine n'est pas de la même grandeur. Ce phéno- mène a été observé par M. Ebrlich, qui, pour l’ex- pliquer, a admis l'hypothèse que les toxines sont composées d’un grand nombre de poisons qui pos- sèdent une virulence différente pour des quantités équivalentes à la même dose d’antiloxine. Une explication bien plus simple consiste à supposer que la toxine ne contient qu'une seule sorte de poison, mais que la réaction de ce corps sur l’antitoxine n'est pas parfaite, comme cela arrive très souvent pour les réactions de la Chimie organique. Il existerait donc un équilibre chimique entre les deux corps réagissants et leurs produits de réaction, à peu près de la même manière que dans l'équilibre chimique classique, étudié par Berthelot : —— Acide organique + alcool! 2 éther + eau. Si celte supposition est exacte, on pourra cal- culer la grandeur de la réaction après l'addition de doses définies d’antitoxine. M. Madsen a fait un certain nombre de mesures très exactes sur la neu- tralisation, par son antlitoxine, de la létanolysine, produit vénéneux du Bacillus tetani. Voici quelle est la marche suivie dans ces recherches. La tétanolysine appartient, comme son nom l'indique, à une classe de poisons, les hémolysines, qui fonctionnent de la manière suivante : le poison entre dans les globules rouges du sang et agit sur ceux-ci en leur faisant perdre leur matière colo- rante, qui se dissout dans le liquide ambiant, lequel devient par cela coloré plus ou moins inlen- sivement en pourpre. Les hémolysines ne sont pas d'une grande importance dans la pratique; mais la dite propriété les rend très accessibles à des me- sures quantitatives et, par là, elles jouent un grand rôle dans les recherches que nous avons poursuivies. La détermination de la toxicité se fait de la ma- nière suivante : On mélange à une émulsion de globules du sang dans une solution physiologique de chlorure de sodium (0,8 ‘/,) une certaine quan- tité de poison pur et dilué, par exemple 0 c.c. 23 à 10 centimètres cubes de l’émulsion. Ensuite, on y ajoute 1 c.c. 77 de solution physiologique, de sorte que le volume total, contenu dans l'éprou- velte, est de 12 centimètres cubes. L'émulsion em- ployée contient 2,5 °/, de globules sanguins, cen- trifugés du sang d'un cheval et lavés avec de la solution physiologique. Le mélange de poison et d'émulsion est placé pendant une heure dans un bain-marie à 37 el ensuite porté dans une glacière pendant vingt-quatre heures. Au bout de ce temps, les globules sont tombés au fond de l’éprouvette, et l’on peut déterminer la coloration du liquide par comparaison avec une série de tubes de solu- tions de sang préparés avant l'expérience. La toxi- cité est, en ce cas, posée égale 4,15(—1 : 0,23). Simultanément, on prépare une solution qui contient une cerlaine quantité d’antitoxine (par exemple 0 c.c. 3) et la même quantité de poison pur que la solution employée ci-dessus. On fait 634 SVANTE ARRHÉNIUS — LA PHYSICO-CHIMIE DES TOXINES ET ANTI-TOXINES divers mélanges de cette solution avec 10 centi- mètres cubes de l’émulsion de globules sanguins et autant de solution physiologique, et l'on amène le volume total à 12 centimètres cubes. Ces mélanges sont traités de la manière que nous avons décrite. On trouve à l'examen, après vingt-cinq heures, que l’éprouvette qui montre la même coloration que le mélange avec de la toxine pure contient 4 c.c. 03 de la solution de toxine et d’antitoxine. Donc la toxicité est diminuée par l'addition de l’antitoxine à la valeur 0,97 (—1 : 1,03). On suppose que cette solution contient la même quantité de toxine libre que le premier mélange, parce que l’action hémo- lytique est la même. Le reste de la toxine est fixé par de l’antitoxine. L'expérience montre que les nombres observés se laissent très bien calculer d’après la loi de Guld- berg et Waage selon la formule : (tétanolysine) (antitoxine) — const. (produit)?. L'accord entre le calcul et les données de M. Madsen se manifeste dans le tableau suivant, où n est la quantité d’antitoxine ajoutée à une dose constante de tétanolysine, 7 obs. est la toxicité du mélange et T'calc. le nombre correspondant calculé. ñ T ogs 'cArc. n T os. T caLc. 0,0 4,45 0,5 0,45 0,46 0,05 3,67 0,7 0,27 0,28 0,1 2,95 1,0 0,18 0,18 0,15 2,29 453 0,12 0,12 0,2 1,76 1,6 0,09 0,11 0,3 1703000020 0,08 0,09 0,4 0,62 | L'accord entre les nombres calculés et observés est très satisfaisant. Pour donner une plus grande évidence encore au fait qu'il n’est pas nécessaire que la toxine soit composée de plusieurs poisons différents, M. Madsen et moi nous avons recherché un poison hémolytique (c'est-à-dire un poison qui fasse sortir la matière colorante des globules rouges du sang) qui fût sans contredit simple; nous avons choisi l’'ammoniaque. Contre ce poison, on peut employer l'acide borique comme anlitoxine. Des recherches antérieures nous avaient montré que le sel formé exerce une action perturbatrice; mais les lois de cette action sont assez simples, de sorte que l’on peut sans difficulté introduire la correction nécessaire dans le caleul. Voici le tableau correspondant à ce poison : ñ T oss. TcaLc. | ñ T os. T cALc. 0,0 6,0 60 NU 4.0 1,51 1,62 0,07 5,1 4,1 1,333 1,21 1,10 0,333 4,1 3,8 1,667 0,77 0,79 0,667 2,6 I) 2,0 0,60 0,60 La toxicité d’un mélange d’ammoniaque et d'acide est déterminée de la même manière que celle d’un mélange de télanolysine et de son antitoxine. L'accord entre les nombres observés et calculés est très satisfaisant, de sorte qu'il semblaitattrayant de poursuivre le développement de celte idée par … l'examen d’autres poisons. IT Parmi ceux-ci, le poison diphtérique est de la plus grande importance dans la pratique, et il se comporte à la neutralisation d’une manière assez semblable à celle de la tétanolysine. Pourtant, les divers auteurs qui ont examiné le poison diphté- rique indiquent que, dans plusieurs cas, on trouve que les premières doses de sérum antidiphtérique qui sont ajoutées à une solution de ce poison n'amoindrissent pas sa loxicité. À cause de cela, M. Ehrlich a adopté l'hypothèse que ce poison con- tient aussi un corps atoxique, qui s’empare de Ja première dose de l'antitoxine ajoutée. Ce corps atoxique fut appelé prolotoxoïde. Quelques remar- ques de M. Ehrlich me faisaient pourtant soup- conner que, seule, la difficulté des mesures quan- titatives causait, dans ce cas, les irrégularités expliquées par l'hypothèse nouvelle. Par bonheur, M. Madsen a fait un grand nombre de recherches dont les résultats n'avaient pas été calculés d’une manière aussi précise que dans les sciences exactes. M. Madsen et moi nous avons donc fait un nouvel examen de ses déterminations, que je soumis au calcul. Le résultat fut que trois des poisons qui avaient été, auparavant, décrits comme contenant des prototoxoïdes, n’en manifestaient pas trace. La différence essentielle entre les deux méthodes de calcul consiste en ce que je me suis servi de toutes les délerminalions au lieu d’en choisir un petit nombre (environ un dixième), savoir celles qui se laissaient calculer le plus simplement. La toxicité du poison diphtérique est déterminée d'une manière analogue à celle qu'on emploie pour les hémolysines. Seulement, au lieu d'observer la dissolution de l'hémoglobine, on opère sur des cobayes vivants. On dit que le mélange toxique injecté au cobaye contient une dose mortelle si " 40 sh) l'animal meurt en trois jours. On peut aussi faire . des déterminations de la toxicité du mélange par des pesées de l’animal.Le poids de celui-ci décroît d’au- tant plus rapidement que le poison est plus violent. Je donne ici les dates pour le poison diphté- rique, le mieux étudié : des deux échantillons, l'un datait de cinq mois, l'autre avait deux années de conservation à 2°. T oBSERVÉ RE à n Février 1902 Septembre 1903 T CALGULÉ 0,0 100,0 100,0 100,0 0,05 76,2 » S7,5 see, SVANTE ARRHÉNIUS — LA PHYSICO-CHIMIE DES TOXINES ET ANTI-TOXINES T oBsERvÉ ñ Février 1902 Septembre 1903 T caLcuLÉé 0,1 74,1 84,0 74,9 0,15 57,1 69,1 62,# 0,2 51,5 48,4 50,6 0,25 36,3 48,4 38,6 0,3 29,2 27,8 27,2 0,35 18,0 20,8 17,5 0,4 11,5 10,2 9,9 0,45 5,6 5,9 6,0 0,5 452 3,4 4,1 0,6 » 2,0 2,3 La différence entre les nombres observés et cal- culés montre combien grandes sont ici les erreurs d'observation, spécialement pour les petites doses d'antitoxine. C'est dans le poison le plus ancien que l’on devait s'attendre à trouver le prototoxoïde. Mais nous cons- tatons que, pour celui-ci, la toxicité s'abaisse très régulièrement quand on augmente la dose d’anti- toxine, Comme toutes les déterminations anté- rieures, en particulier celles de M. Ehrlich, sem- blent être calculées d’après la méthode la moins exacte, il est à présumer que l'existence des proto- toxoïdes, dans les cas où ils sont supposés, ne dé- pend que du nombre insuffisant des mesures sur lesquelles se fondent les calculs. Très évident est, au contraire, un autre fait, observé aussi par M. Ehrlich : savoir que le poison diphtérique perd progressivement sa toxicilé, bien que la quantité d'antitoxine nécessaire pour la ré- duire à un dixième reste à peu près constante. Ce trait est très bien marqué pour le poison étudié ; sa toxicité était, en dix-sept mois, tombée à la moitié au moins. Pour expliquer ce fait, M. Ebhrlich admet la formation d'un « syn- toxoïde », c'est-à-dire d'un corps atoxique qui est neutralisé en même temps et au même degré que le poison proprement dit. En effet, l'analyse montre que l'hypothèse la plus simple pour expliquer les faits observés de la neutralisation simultanée de ce toxoïde et de la toxine est la suivante : La toxine et l’antitoxine donnent deux produits différents, que nous avons, M. Madsen et moi, appelés 1oxinan et tiloxine. Tout se passe donc comme dans la forma- tion des éthers, où, d'une molécule d'acide et d'une molécule d'alcool, naissent une molécule d'éther et une molécule d'eau. De même que la production d'eau est caractéristique pour toutes les réactions où se forment des éthers, la titoxine est produite aussi bien dans la neutralisation du toxoïde que dans celle de la toxine. Il est probable que la réaction de la tétanolysine avec son anti- toxine estanalogue; tout au moins, on peut déduire des formules que, pour chaque molécule d'anti- toxine détruite, il se produit deux molécules nou- velles. 635 III Les loxines simples semblent se comporter, en général, comme les poisons trailés ci-dessus. Le poison des serpents est neutralisé par l’anti-venin, et, d'après les recherches de Myers, la neutralisation présente les mêmes caractères que celle de la téta- nolysine. M. Madsen a examiné la présure et son anti- corps. La présure est une précipitine, qui coagule la caséine du lait. Son anticorps peut être produit artificiellement, à la manière ordinaire, par injec- tion de la présure dans les veines d’un animal, par exemple d’un lapin. Mais cet anticorps se trouve normalement dans le sérum du cheval en assez grande quantité, de sorte que ce sérum arrête l’action de la présure. Cet arrêt obéit à la même loi que la tétanolysine. De la même manière se com- portent aussi la ricine, toxine contenue dans les graines du ticinus communis, et l’antiricine. Dans ces nouveaux cas, on a souvent aussi observé des effets pour lesquels on a soulevé l'hy- pothèse des prototoxoïdes. Dans quelques cas, comme, par exemple, pour la télanolysine et pour le poison des serpents, les erreurs d'observation sont assez grandes pour que la conclusion de l'exis- tence d’un prototoxoïde soit douteuse. En d’autres cas, d'après M. Madsen, comme, par exemple, pour la ricine et la présure, l'apparition du phénomène en question est si irrégulière et si capricieuse que l’on ne peut l'attribuer à la pré- sence réelle d’un corps comme le prototoxoïde. MM. Madsen et Walbum ont étudié un certain nombre d’autres poisons, comme la s{aphylolysine, la sfapholysine, la vibriolysine et la tétanospasmine, poisons qui sont produits par divers microbes ; toujours ils ont retrouvé les mêmes lois simples. Or, si les vues exposées ci-dessus sont vraies, dans toute solution contenant de la toxine et de l'antitoxine, il doit y avoir une certaine quantité de toxine et d’antitoxine libres. Ces deux corps ont des vitesses de diffusion très différentes ; donc, on pourra les séparer partiellement par une disposition appropriée. Celte méthode de séparation est, dans son principe, la même que celle qui fut employée pour prouver que les sels ammonijiacaux sont en partie dissociés en acide et ammoniac à haute tem- pérature. MM. Madsen et Walbum ont, en effet, réa- lisé cette expérience. Ils versent une solution de gélatine (10 °/,) dans une petite éprouvette. La gélatine se solidifie et forme, par exemple, une colonne de 10 centimètres de hauteur. Sur cette colonne, on verse 2 centi- mètres de toxine diphtérique, à laquelle on ajoute une quantité d’antitoxine telle que le mélange soit inoffensif pour des cobayes. L'éprouvette est placée 636 pendant soixante-six jours dans une caisse main- nue à la température de 2. Au bout de ce temps, on enlève le mélange liquide supérieur, et l’on casse l'éprouvette, de laquelle on retire la colonne gélatineuse, qui est lavée et divisée en divers mor- ceaux sur lesquels on procède à la recherche de la toxicité pour les cobayes. La toxine possède une vitesse de diffusion beau- coup plus grande que celle de l’antitoxine. Par suite, les couches inférieures de la colonne gélati- neuse contiendront seulement de la toxine, l’anti- toxine ne s'élant pas diffusée si loin de la solution surnageante. Au contraire, la parlie supérieure de la colonne contiendra un surplus d’antitoxine. MM. Madsen et Walbum ont, en effet, montré que ces prédictions sont réalisées et que la partie infé- -rieure contenait environ deux doses mortelles pour des cobayes. Il est donc démontré, par cette expérience, que la réaction entre la Loxine diphtérique et son anti- toxine est limitée, de sorle qu'il existe toujours dans un mélange de ces deux corps une partie de toxine et d’antitoxine libre. C'est précisément pour le poison diphtérique que M. Ehxlich nie l'existence d'un tel équilibre chimique; il s'ensuit que les idées de M. Ehrlich ne peuvent plus être admises. A l’aide de la Chimie moderne, on peut done caractériser les réactions des toxines et des anli- toxines, quoiqu'il soit impossible d'isoler ces substances et de les analyser. On peut, de même, déterminer la quantité de chaleur développée dans ces réactions : elle est d'environ 6.600 caiories pour la neutralisation de la tétanolysine. Nous n'avons pas de raison d'espérer qu'il sera possible, dans un avenir prochain, d'isoler ces corps; donc la façon dont j'ai exposé le problème pourra rendre de grands services à la science sérothé- rapique. Ces services ne seront pas amoindris par le fait que les conceptions sur l'influence de l’anli- toxine et de la toxine auxquelles nous sommes con- duits sont d'une simplicité remarquable, la réaction entre ces deux corps étant, comme je l'ai déjà dit, du même ordre que la réaction entre un alcool et un acide, qui forment un éther et de l’eau. Ainsi, pour les agglutinines, on possède des données quantitatives. Ces corps sont produits par l'injection de bactéries dans les veines des animaux; par exemple, après une injection de bacilles du typhus dans le sang d’un cheval, ce sang contient divers anticorps contre ces bacilles, que les bacté- riologistes ont nommé des bactério-agglutinines. Ces corps produisent, même en solution très atténuée, une agglutination rapide du Bacillus typhi. On lrouve qu'une grande quantité de l'agglu- linine se condense dans les bacilles, de sorte que seulement une petile partie est laissée libre dans SVANTE ARRHÉNIUS — LA PHYSICO-CHIMIE DES TOXINES ET ANTI-TOXINES la solution. MM. Tisenberq et Volk ont déterminé les quantités libres (B) et absorbées (C) de l’agglu- tinine. Entre ces deux grandeurs, il existe une rela- tion très simple, qui semble indiquer que les molé- cules de l’agglutinine dans la solution sont 1,5 fois plus grandes que les molécules dans les microbes. Voici un tableau où j'ai comparé les valeurs observées avec les valeurs calculées d'après cette relation pour l'agglutinine du choléra : B+C G B OBSERVÉ B cALCULÉ 2 2 0 0 20 20 0 1 40 38 2 3 67 60 7 6 200 120 80 (?) 21 2.000 1.300 TU0 620 11.000 6.500 3.500 5.260 20.000 10.000 10.000 10.750 La détermination dela quantilé d'agglutinine dans un liquide donné s'effectue de la manière suivante : Si la proportion d'agglutinine est très grande, l'agglutination des bactéries se fait très vite (si l'on ajoute, par exemple, 1 centimètre cube du liquide à 4 centimètre cube d'émulsion de bactéries). En diluant le liquide avec de la solution physiologique, on trouve qu'à une certaine dilution l’agglutination devient moins prononcée. A de plus grandes dilu- tions, on ne voit que des traces d’agglutination, et à de plus grandes encore la propriété agglutinante devient insensible, Si, à une dilution de 1 centi- mètre cube de liquide dans 999 centimètres cuhes de solution physiologique, l’agglutination est en- core nettement prononcée, et si à de plus grandes dilutions on n'observe que des traces d’agglutina- lion, on dit que la concentration de l'agglutinine dans le liquide examiné est de 1.000 unités. De la même manière que les agglutinines, se comportent les corps ambocepleurs qui sont en. grande partie absorbés par les globules du sang. On obtient ces corps d'une manière analogue à celle qui à servi à la préparation des agglutinines. On injecte dans le sang d’un animal des globules sanguins d'un autre animal. Celui-là sécrète dans son sérum une hémolysine qui détruit les globules rouges du second animal. Si l'on chauffe cettem hémolysine à 60°, elle perd ses propriétés hémoly-" tiques; mais elle les recouvre après l'addition d'un corps inoffensif, appelé complément. M. Éhilich à adopté l'hypothèse que l'hémolysine est produite par la combinaison chimique de ces deux Corps au contraire, M. Bordet suppose que c'est le com= plément qui attaque les globules rouges, sensibi= lisés, pour ainsi dire, par l'ambocepteur, qui, pour cette raison, est aussi appelé substance sensibilisa= lrice. Mes recherches sur cette réaction conduisent à la corroboration de la première manière de voir: D'après la loi de Guldberg et Waage, on peut cal= “ À RL SVANTE ARRHÉNIUS — LA PHYSICO-CHIMIE DES TOXINES ET ANTI-TOXINES 637 euler la quantité de l'hémolysine formée dans les divers cas. Voici un exemple se rapportant au sérum d'une chèvre traitée avec des globules de sang de bœuf. À ce sérum comme ambocepteur, on ajoutait du sérum de cobayes comme complé- ment. L'émulsion de sang contenait 2 °/, de glo- bules rouges de bœuf : Ambocepteur a 10 30 100 300 900 Complément b 60 40 (46) » ) » » &0 37(45) » » » » 25 38(42) » 5 ÿ 15 39 (37) » ) ; » 10 38(33) 71(84) 98(100) 100 (100) » 6 922(21) 59 (60) 85 (98) 98 (100) » 4 20(20) 45(44) 75(65) 82 (13) > 2,5 » 24(29) 51(43) 41(41) » 1,5 » 15(18) 25(25) 22(28) 94 (29) 1 » » A45(17) 15(19) 18 (20) 0,6 » » 114(10) 13(11) 43 (49 Les nombres calculés sont écrits entre paren- thèses. Ils s'accordent très bien avec les nombres observés ci-dessus. S'il se faisait une quantité d'hémolysine telle que tous les globules sanguins perdissent leur matière colorante, c'est-à-dire dans le cas d’hémolyse totale, on posait cette quantité égale à 100. Les autres nombres sont calculés à l’aide de l’observa- tion de la coloration, d’après une règle qui s'accorde assez bien avec l'expérience, savoir : que la colo- ration est proportionnelle à peu près au carré de la concentration de l'hémolysine. Pour des colora- tions surpassant les 25 °/, de la coloration corres- pondant à l’hémolyse totale (c'est-à-dire si la quantité d'hémolysine surpasse 50), les mesures sont assez difficiles. Dans ces cas, dont j'ai étudié un assez grand nombre, on voit distinctement qu'une partie no- table des deux composants disparait à la production de l’'hémolysine. IV Un autre cas présente beaucoup de ressem- blance avec celui de la formation des hémolysines : c'est la production d'un poison hémolytique par l'addition de lécithine au poison de serpent. J'ai fait des expériences sur l’action du poison de cobra sur les globules rouges du sang de bœuf. L'expé- rience montre qu'une faible dose de lécithine, toujours la même pour le même sang, est sans action. Probablement, cette quantité est fixée par quelque substance des globules du sang. Mais, si l’on ajoute plus de lécithine, elle agit sur le poison de cobra, de sorte qu'il se forme une hémolysine, et l’action suit la loi de Guldberg et Waage. La lécithine semble jouer le rôle de l'am- bocepteur.Mais, dans ce cas, les quantités d'hémo- lysine sont assez petites, comparées à celles des substances réagissantes, de sorte que le calcul n'indique pas une sensible diminution de celles-ci. Dans ce cas, on pourrait done accepter peut-être l'idée de M. Bordet ; mais nous préférons lamanière de voir adoptée pour le cas des hémolysines, parce que, d’après elle, on peut calculer des données quantilatives qui sont en très bon accord avec l'expérience, tandis que l’idée de M. Bordet n'a pas permis un tel développement. Enfin, j'ai étudié le mode d'action des corps appelés anticompléments par M. Ehrlich. On pré- pare ces corps par l'injection d’un complément, c'est-à-dire d'un sérum normal, dans les veines d'un animal. Le sérum de cet animal possède alors une action affaiblissante sur différentes hémoly- sines. M. Ehrlich suppose que le nouveau sérum s'empare d'un cerlain nombre des molécules de l'ambocepteur, de sorte que la formation de l’hé- molysine est diminuée. L'étude détaillée de ces corps montre qu'en divers cas il faut remplacer l'idée de M. Ehrlich par la supposition que les anticompléments contiennent aussi des antihémo- lysines, c'est-à-dire des corps qui neutralisent les hémolysines, tout comme pour les tétanolysines lei, comme dans tous les autres cas étudiés, la loi de l’action de la masse chimique gouverne les phénomènes, qui s'accordent parfaitement avec les phénomènes ordinaires de la Chimie. Seulement, la variété est plus grande que dans ce cas-ci. Les vitesses de réaction semblent aussi jouer un rôle important dans quelques-uns des phénomènes sérothérapiques. En général, cette vitesse s'accroît notablement avec la température, dans une propor- tion du même ordre de grandeur que les vitesses des autres réactions chimiques étudiées. Les acides et les bases exercent une influence destructive sur la plupart des toxines. Dans ces cas, il semble que les ions H et OH sont les éléments actifs, tout comme dans les cas de catalyse ordinaire. Je suis très heureux de présenter ces résultats dans une ville où l’immortel fondateur de la nou- velle science bactériologique a fait ses œuvres fondamentales, et où un autre grand maitre de la Chimie, Sainte-Claire-Deville, a concu ses idées sur la dissociation, sur lesquelles est basé le déve- loppement récent de la Physico-Chimie. Je remercie la Société chimique pour le grand honneur qu'elle m'a fait en me permettant d’expo- ser ces recherches devant un auditoire aussi illustre, où se trouvent réunis mes éminents col- lègues français, qui ont su si admirablement main- tenir, après l’avoir créée, la position dominante que possède depuis des siècles la science fran- çaise ‘. Svante Arrhénius, Professeur à l'Université de Stockholm. 4 Conférence faite devant la Société chimique de Paris le 20 mai 1904. 638 D: AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE ESSAI SUR LA PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L’AFRIQUE TROPICALE PREMIÈRE PARTIE : SENSIBILITÉ ET AFFECTIVITÉ LE. — ConNDITIONS ET PROCÉDÉS D'OBSERVATION. Des nègres on a dit trop de bien ou trop de mal. — En ont dit trop de bien surtout ceux qui ne les ont point vus chez eux et n'ont point vécu avec eux. — En ont dit trop de mal surtout ceux qui les ont vus chez eux et ont vécu avec eux, mais qu'in- disposent l'intérêt, la passion, les taquineries d’un coudoiement journalier et d’une communauté forcée. — Chacun, dans la question, n'aperçoit que ce qui répond à ses préoccupations ordinaires. Une fois de plus, la vérité est entre les extrêmes, ou, pour mieux dire, elle est à côté. $S 1. — Difficulté de l'étude. Juger les autres hommes, voilà une présomption devant laquelle n'hésite pas le commun des hommes, et qui est pourtant pleine de périls. D'éminents philosophes en ont analysé les causes d'erreur. Je ne crois pas pouvoir mieux les résumer qu'en recourant à une image banale et usée, mais toujours bonne. L'importance de ce point de criti- que mérite que je me l'approprie à mon tour, car elle peindra peut-être de manière plus intuitive la véritable nalure des divergences qui séparent les négrophiles des négrophobes, sans que j'aie la pré- tention illusoire de convaincre l’un et l’autre parti, ni de les rapprocher. Tout homme, au-devant de son jugement, a comme un verre coloré, qui représente une somme de concepts héréditaires ou acquis, de préjugés» d'intérêts, d'appétits et de sentiments, provenant de traditions, d'idiosyncrasies physiologiques ou morbides, d'influences ambiantes. Ainsi notre observateur voit toutes choses sous une teinte exclusive et personnelle, qui lui parait seule vraie, seule rationnelle, parce qu'elle manque de terme de comparaison et que tout sujet de référence, qui lui est présenté, se trouve noyé dans la tonalité générale. Cette sorte de cécité, soit dit en passant, justifie une restriction faite plus haut, quant à l'in- transigeance des opinions opposées : car elle dimi- nue les chances de persuasion. Donc l’uniformité d'orientation et le caractère essentiellement subjectif de notre connaissance nous interdisent de juger sainement les actes d'au- trui, actes dirigés sur une orientation différente de la nôtre. Telle ligne de conduite, tel trait de mœurs, vu à travers notre optique particulière, peul paraitre absurde, extravagant, immoral. Ce- pendant, il est toujours logique au regard des mo- üfs qui ont conduit son auteur, mais qui échappent à notre mode spécial de vision. Quoi de mieux en- chaïné que le raisonnement d’un aliéné? L'unique et profonde différence qui le sépare de l'homme sain est que la perception initiale sous forme d'hallucination ou l'interprétation d’un fait exté- . rieur sont manifestement conlraires au sens com- mun. Développant notre comparaison, nous pourrions admettre que la teinte de l'écran trompeur diffère d'autant moins de la nôtre chez les autres hommes que ceux-ci se rapprochent davantage de notre race, de notre nation, de notre province, de notre famille. Chez les peuples de l’Europe occidentale, les nuances sont seulement plus claires ou plus foncées. L’'éloignement y introduit des couleurs étrangères. Les tons sont tout à fait intervertis chez les Orientaux; ils sont disparates et criards chez les primitifs. s Les facilités de la vie matérielle, la douceur du climat, l'invariable monotonie des occupations journalières ont maintenu les nègres africains dans une sphère psychologique très étroite, qui contraste avec la mentalité compliquée des civilisés. Faut-il leur en tenir rigueur? Non point. Car les raisons de leur barbarie ne sont pas en eux, dans un entêtement, une réaction contre notre évidente supériorité. Elles sont hors d'eux à la fois et en eux : car elles sont dictées par l'adaptation au milieu, ainsi que par le double instinct de conser- vation de l'individu et de la race. Ne cherchons donc point à jauger ces âmes primitives à la mesure de nos facultés inextricables. Ne pesons pas leurs idées enfantines, leur cerveau borné avec la masse de nos concepts héréditaires, de nos subtilités morales, de nos spéculations scientifiques. L’ana- lyse de leur psychologie expose à un perpétuel quiproquo. Une dissection trop minutieuse; le désir instinctif de trouver quand même quelque chose là où il n'y a rien ; une disposition naturelle à introduire des catégories dans ce qui, justement, est vague par essence et manque de précision : voilà déjà des illusions qui ont souvent égaré l'homme de cabinet. Il s’y ajoute un autre facteur d'erreur : ses études se basent sur les rapports des voyageurs. D'° AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE 639 Or, dans ces récits, l'homme de cabinet fait-il la part des multiples circonstances lendant à fausser - le véritable aspect des choses : fatigue, maladie, préoccupations matérielles de chaque jour, choc - d'intérêts avec les indigènes, recherche de la gloire, vanité si humaine d'avoir découvert ce que per- sonne n'avait encore su voir, observation super- ficielle de gens entrevus au passage et quelquefois fréquentés à coups de fusil? On m'objectera que les récits des voyageurs peuvent présenter une ne disent rien, c'est qu'ils n’ont rien à dire. Leur sourire vient tout simplement de ce qu'ils trouvent plaisant qu'on puisse se préoccuper à ce point de choses qui ne se mangent pas. $ 2. — Méthodes. Mieux vaut les laisser agir spontanément, les observer en liberté, délivrés de toute contrainte. Suivons de près leur vie journalière ; écoutons leurs conversalions; intéressons-nous à leurs palabres ; similitude frappante. À quoi je répondrai que nous … avons aflaire à des observateurs pris parmi des civilisés de mentalité analogue, soumis aux mêmes $ faiblesses, sujets à des erreurs, sinon égales, au moins « de même signe », comme dirait un mathé- …maticien, sous l'influence de causes constantes. — Le jugement porté sur les exotiques dépend donc … de trois interprétations : celle du voyageur, celle du philosophe, celle du lecteur. C’est trop d’une au moins pour la sûreté du résultat. Pour apprécier “sainement une race psychologiquement très dis- “tante de la nôtre, il faudrait parvenir à s'identifier “complètement avec l'indigène : vivre sa vie, vivre “son idiome, vivre sa pensée, vivre ses appétits et étudions le petit manège des citoyens d'un village. Là se révélera leur état mental, ou au moins la nature de leurs préoccupations familières. Mais, pour descendre plus profondément dans l'intimité du sujet, le meilleur guide, c’est la pra- tique des langues. Le vocabulaire parlé est le miroir le plus fidèle des idées d'une race : car il en est le produit immédiat. 11 y a identité et superpo- sition parfaite entre l’idiome et l'esprit qui l’a créé. La seule difficulté qui s'y rencontre est dans l'in- lerprétation, qui risque fort de subir au passage l'empreinte du traducteur. Je n'en veux d'autre preuve que l'impossibilité où nous sommes, même possédant parfaitement le vocabulaire et la gram- “ses passions. Il faudrait devenir lui sans cesser “d'être soi-même, le compénétrer de manière que son étude psychologique se réduisit à une sorte “d'examen de conscience. Et l'on n'atteindrait point “encore l’absolue satisfaction. Moi-même, qui ai vécu de longues années au contact des peuplades africaines, qui entends plusieurs de leurs langages, qui ai tâché de m'assimiler l'intime de leurs pensées, non seulement je n’ai recueilli, au degré de profondeur où j'ai pu descendre, que des notions vagues et flottantes, mais encore si, du peu que je Sais, j'essayais de donner une idée adéquate à mes observations ou à mes impressions, la terminologie me trahirait, le mot juste me ferait défaut : je devrais, semble-t-il, pour m'exprimer, employer les langues indigènes mêmes, dont les ressources limitées et la propriété spéciale des termes seraient mieux adaptées à leur psychologie rudimentaire. Autre difficulté, qui révèle déjà un trait de la psychologie des races de l'Afrique équatoriale. Es- sayez de vous renseigner auprès des nègres mêmes, par des questions élémen laires, sur leur manière de sentir, de connaître, sur leurs préjugés et leurs éroyances : vous n’en pourrez tirer grand'chose. Si ous les poussez, ils se dérobent et se mettent à rire. Quelques personnes pensent que la raison de cette abstention est dans une sorte de conjuration du silence des Noirs vis-à-vis des Européens, une convention tacite pour ne point divulguer certains secrets défendus. C'est faire trop d'honneur à leur discrétion. La vraie raison est dans leur indigence de réflexion et d'esprit d'analyse. Au surplus, s'ils maire, de nous exprimer tout à fait comme eux. Il y a les idiotismes, qu'on arriverait toujours à s'as- similer avec beaucoup de pratique. Mais ce qui est absolument inimitable, parce que c'est étranger à notre nature, c'est la mimique bien spéciale, la facon de parler, le discours entrecoupé d’exclama- tions, d'onomatopées, de petits cris, de répétitions et de redoublements de mots; ce sont des tour- nures de phrase, toute une comédie trop étrangère à notre génie pour que nous en puissions épouser tous les caprices, reproduire tous les aspects. Si imparfait que soit le degré de connaissance de ces langues où il nous est permis d'arriver, encore faut-il apporter à leur étude un certain esprit cri- tique et prendre les mots juste pour leur valeur. Quelque respect que j'aie pour les missionnaires de toutes confessions, qu'une idée d'abnégation exile en ces lointains pays, je ne puis m'em- pêcher de trouver plaisant qu'ils aient découvert dans ces idiomes des équivalents aux mots : glo- rilier, discipline, componction, collège, intimider, consubstantiel, rougeole (cette maladie complè- tement inconnue en Afrique), et qu'ils aient tenté de traduire en kitéké l'évangile de Saint-Jean, dont le sens mystique est déjà passablement malaisé à saisir pour des esprits cultivés. Ici une question se pose : la psychologie des nègres africains est-elle parlout assez uniforme pour prêter à la monographie ? Oui, dans les limites où j'entends circonscrire le sujet, celles où s'est appliquée mon observation personnelle. J’englobe ainsi un certain nombre de peuples bantou, aux- 640 D" AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE quels se joindront, pour leurs affinités ou leurs divergences (celles-ci très petites), les peuples non bantou de l'Oubanghi et du Mbomou jusqu’au Bahr- el-Ghazal. Dans leurs grandes lignes, ils sont presque identiques; ils constituent une espèce psy- chologique homogène et représentent un échelon bien marqué de l'échelle humaine. À vrai dire, ces éléments divers présentent dans les détails de légers écarts. Mais ces écarts ne servent qu'à mettre en évidence la manière de réagir du carac- (ère commun dans des conditions spéciales de milieu. Les divergences individuelles sont aussi complè- tement négligeables. Les nègres jouissent de la quasi-égalité intellectuelle et morale. Le chef n'est pas sensiblement supérieur à l'esclave : le hasard des événements a presque seul décidé leur inégalité sociale. Les civilisés sont lancés dans une course échevelée vers la vie et le progrès, où les plus habiles, les plus énergiques prennent rapidement les devants, semant sur la route les incapables et les faibles; les diverses couches, ainsi échelonnées, vont s'éparpillant sans cesse davantage suivant l'ordre de leurs talents et de leurs aptitudes. Chez nos primitifs, au contraire, tous naissent avec des aptitudes très peu différentes. Au rebours de ce qui se passe un peu artificiellement en Europe, les moins aptes sont délaissés ou repoussés par la communauté, plus soucieuse de l'intérêt général que des individualités; ils disparaissent vite. Les survivants demeurent dans une égalité parfaite ou avec les différenciations juste nécessaires au fonc- tionnement et à la défense d'un corps social rudi- mentaire. Rien ne tend à les faire sortir de cet état : ni le manque d'air dans une population trop compacte, puisque la densité kilométrique est à peine de 4 à 2 dixièmes; ni la préoccupation anxieuse des nécessités alimentaires, puisque la complaisante Nature pourvoit à leurs besoins contre un minimum d'efforts; ni la recherche d’une com- pagne pour fonder une famille, puisque la promis- cuité leur assure même cette satisfaction. Le type psychologique moyen est donc assez nettement défini. II. — SENS ET APPÉTITS. Au point de vue sensibilité, le Noir est plutôt inférieur à l'Européen. Celle assertion, je le sais bien, est en apparence purement gratuite. Elle aurait besoin d’être confirmée par des observations physiologiques précises. Malheureusement, l'expé- rimentation ne me parait guère praticable, au moins pour rester à l'abri de toute critique. La plupart des procédés de mesure exigent que le patient s'y prête intelligemment et se rende compte de ce qu'on attend de lui. Ce n’est point le cas. J'ai, éprouvé souvent par moi-même combien l'examen 4 clinique des indigènes malades rencontre de diffi- [1 cultés. Qu'on essaye de le faire respirer, compter, tousser, de lui faire prendre certaines postures, de M Je faire se tenir souple, il apporte à tout cela une maladresse quiréduit l'observation aux seuls signes j objectifs, comme sur les enfants ou les animaux. | En outre (et cette remarque parait exclusive de toute autre), le matériel instrumental a générale- ment fait défaut au voyageur jusqu'à présent. Nous devrons done nous contenter de l'observation superficielle, d’ailleurs suffisante pour notre objet. Le loucher paraît moins subtil que chez l’Euro- péen : affaire de peau et d'éducation. L'habilude des travaux grossiers, la nudité du corps, l’ardeur du soleil, le frôlement des arbustes et des herbes de la route, les érosions causées par les épines et les chaumes à demi-brûlés ne laissent point au tégument externe une sensibilité bien raffinée. Pourtant, l’épaisse semelle cornée, que la marche nu-pieds entretient à la face plantaire, n'empêche nullement la sensation de chatouillement. Quelque habitude que le Noir ait de marcher sur un sol brûlant, il en est quelquefois très incom- modé, les jours de grande chaleur‘. Toutefois, on le voit fréquemment prendre dans le feu des char- bons ardents avec la main, pour allumer sa pipe. — Tout cela n’a rien de particulier à la race noire. Sans courage contre les maladies internes, le Noir gémit et se lamente pour les indispositions les plus bénignes; ila peur de cette chose inconnu $ et mystérieuse qui se passe dans ses viscères. En revanche, il est stoïque contre les traumatismes les plus graves. Sa vigoureuse et saine nature répare promptement l'œuvre du couteau et de la sagaie.. Chez quelques tribus du bas Oubanghi, les nom= breuses cicatrices, dont sont balafrés la plupar des indigènes, marquent une indifférence aux COUPS et une brutalité de mœurs, que ne dément pas le physionomie bestiale. Les incisions et mutilations, que la plupart des. races pratiquent sur elles-mêmes, comme signe distinctif de la tribu et pour réaliser leur idéal des beauté, dénotent une singulière obtusion de la sensi- bilité, telle que les criminalistes l'ont signalée chez le dégénéré. Non seulement elles sont une causes de souffrance au moment même de l'opération mais encore elles sont susceplibles de leur occa mauvais couteau de fer, grossier et sans fil, avec un, morceau de poterie, on pratique sur soi-même, OÙ avec le secours d'un camarade, des rangées d’ine 1 Le thermomètre posé à terre sous une mince couche de sable marque 50° environ. D' AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE 6 #1 sions régulières autour du nombril, des deux côtés de la ligne médiane du ventre‘, sur la poitrine, sur la face, plus rarement sur les membres. Beaucoup de Noirs sont sujets à la formalion des kéloïdes et la favorisent par l'introduction dans la plaie de corps irritants. Le dessin se trouve ainsi marqué en relief sur la peau. Les Bangala opèrent sur le front, depuis la base du nez jusqu’au vertex, une rangée d'incisions transversales très profondes, plus longues au milieu de la rangée, se raccour- cissant aux deux extrémités: la peau est soulevée comme une lèvre el maintenue en place au moyen d'étoupe ou de petits morceaux de bois. Après cica- trisation, notre élégant possède sur le front une crête épaisse et saillante, haute de deux à lrois centimètres. Cet ornement lui donne une physionomie b.deuse et sau- vage, dont il se montre très fier (fig. 1). — Les populations du baut Oubanghi procédent de facon analo- gue, quoique en diminutif : ils se conten- tentdese sculp- ter sur le front trois ou quatre larmes de chair (fig.2).— D'au- tres, sur le haut Congo, se ponctuent la face entière d'innombrables petites incisions, gracieusement alignées en rangées autour des yeux, de la bouche, du nez. — Les Bobanghi se dessinent une torsade sur le front, une feuille de trèfle sur chaque tempe et des arcs de cercle sur l'abdomen. — Et ainsi des autres. La liste en serait interminable. Presque chaque tribu a son tatouage distinctif. D'autres genres d’ornements seraient un supplice à notre sensibilité raffinée. Telle la coutume de per- cer le lobule de l'oreille, de le dilater progressive- ment, d'arriver à y introduire des disques de bois ou d'ivoire qui atteignent 6 à 8 centimètres. Sur le haut Oubanghi, la même opération se pratique sur les lèvres, à travers lesquelles on passe des ba- ! D'après quelques-uns, les cicatrices saillantes (kéloïdes). qui succèdent aux incisions pratiquées sur l'abdomen, auraient pour but d'accroître le plaisir pendant le rappro- chement sexuel. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1904. Fig. 1. — Types Bangala et Oupotos. gueltes de bois, des cristaux de quartz, ou les grands disques dont je viens de parler. Dans ce dernier cas, la bouche prend la forme d’une sorte de bec de canard horriblement génant pour man- ger. Certaines populalions des sullanats Zandés (Gabous, Bongos, ele.) mettent leur coquetterie à franger le bord libre de chaque lèvre et du pavillon de l'oreille d'une vingtaine de petits anneaux de cuivre. Les Batéké (Atyo) du Congo (fig. 3) tirent leurs cheveux sur un gabarit circulaire en bois, de manière à faire saillir le cuir chevelu en forme de couronne où de bourrelet d'enfant. Enfin, on voit un peu partout des femmes parées de colliers de cuivre massif pesant de 6 à 8 kilogs. Ce collier est refermé sur le cou même de la patiente, en le martelantentre deux pierres. Je n'ai connu que très peu de cas de mulila- tions des orga- nes génitaux dans les sulla- nats Zandés,un ou deux cas de castration pro- noncés par des chefs trop ja- loux contre des gens de peu, qui avaient em- piété sur leurs prérogatives conjugales L’essorillement estune autre peine du même délit. Ce sont là des vestiges de l’ancienne occupation turque. La cir- concision est assez rare et ne semble nulle part faire l’objet d'une pratique régulière, encore moins d'un rite religieux. Ces exemples, qu'il eût été fastidieux de multi- plier, suffisent à montrer que les races africaines craignent moins que nous la douleur physique, ou plutôtpeut-être moins quenousnela Craignonsmain- tenant. Car il semble bien, aux siècles passés, avant que des mœurs raffinées aient communiqué à notre système nerveux une impressionnabilité subtile et une sensitivité aiguë, que la vie encore rude, des usages encore grossiers et barbares, un état de suerre presque continu, une pénalité impitoyable et cruelle ne pussent s'allier qu'avec un sentiment de la douleur relativement émoussé. L'état actuel de nos Africains serait donc, à cet égard, comme une image de notre histoire passée. 15 642 D: AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE Du goût et de l'odorat, peu de choses à dire. Tout au plus pourrais-je signaler l'inconcevable appétit du Noir pour d'abominables cuisines, les charognes, les viscères pourris d'hippopotame et d'éléphant. Le seul souvenir soulève le cœur. La vue et l'ouie ne possèdent aucune des mer- veilleuses facultés dont les voyageurs et les roman- Fig. 2. — Type Yakoma (d'après une photographie ©” de M. Liotard, gouverneur des colonies). ciers ont doté les sauvages. Le nègre ne voit ni n'entend mieux que nous, même dans la brousse. Il est seulement plus habitué aux aspects et aux bruits de son pays. C'est l'éducation de ses sens, et non leur acuité, qui lui fait découvrir le gibier dans ‘épaisseur du feuillage ou discerner le lointain appel du tambour de guerre. Nous ne lui cédons en rien sous ce rapport; nous reprenons même notre supériorité dès que nous avons adapté notre œil et notre oreille à ces conditions toutes nouvelles. En règle générale, les indigènes de l'Afrique ñ équatoriale trouvent à peu près partout une nour- riture suffisante. Les grandes famines sont incon- nues. Les plantes alimentaires, manioc, bananier, maïs, mil, arachide, varient suivant les régions, 1] mais poussent presque spontanément ou n'exi- gent qu'une culture insignifiante. La chasse est hasardeuse dans les fourrés inextricables de la forêt comme dans les plaines d'herbes hautes, rudes et serrées. Les rivières offrent avec plus de libéralité d'excellents poissons, que l’on fume et qui sont l'objet d'un commerce important. L'oc- cupation européenne a changé cet état de choses et créé la disette dans ces pays, où l'indigène n'a jamais eu d'autre souci que de se procurer le strict nécessaire. D'ailleurs, son régime ordinaire est assez sobre et frugal. Il a l'estomac accommodant. 1l jouit de l'abondance avec bonheur. Volontiers, il risquera l'indigestion, les jours de grande liesse. Dans les temps de misère, il supporte la privation avec phi- losophie. La nature toujours complaisante l’a gâté. A peu de frais, elle lui offre ses fruits, que müris- sent pour lui un sol toujours fécond, un climat tou- jours propice. Elle lui a si bien donné l'habitude d'assurer ses repas quotidiens qu'elle lui a laissé ignorer la vertu de prévoyance. Tant il en a, tant il en mange. Demain, on avisera. Dans les contrées plus ingrates, où l’allernative de saisons plus tran- chées provoque une périodicité dans la végétation et où la culture ne produit qu'une récolte annuelle, M l'homme montre déjà plus de prévoyance : il a in- venté le grenier. { L'anthropophagie est couramment pratiquée dans M l'Afrique centrale‘, même dans les contrées les M plus riches en ressources alimentaires de toutes, sortes, végétales et animales. Elle n’est donc point | conseillée à l'homme par la privation, par le besoin impérieux et bestial de salisfaire la faim. C'est sim- plement affaire de goût, prédilection pour un gibier d de choix. Chez quelques peuplades, cet usage a dégénéré et s'est transformé en une sorte de repré: sailles. L'anthropophage n'est pas nécessairement, comme on le croit trop souvent, un homme féroce, un tigre altéré de sang, un monomane du meurtre. Je ne voudrais pas avoir l'air de réhabiliter unes coulume exécrable. Mais, quoi qu'on en ait dit, il | n'y a rien de commun entre le nègre mangeur d'hommes et notre dégénéré criminel. L'uomo delini=, quente est un anormal, un être hors nature, un désé\ | quilibré, incapable de peser les conséquences dus crime qu'il commet, ni de balancer les profits de LA . Me Voir aussi sur le même sujet Dr Cureau : Notes SUN l'Afrique équatoriale (Rev. gén. des Se., 12° année, p. 559). M D' AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE l'acte avec le prix terrible dont il les paiera. Il y a là une aberration tellement évidente qu'on se de- mande si la société, en écrasant ce monstre, ne fait pas une œuvre d'épuration plutôt qu'un exemple, qui n’a jamais enrayé l'épidémie homicide. On craint pour sa vie dans les quartiers fréquentés par cette classe de dégénérés; on est en sûreté chez la plu- part des anthropophages'. Il n’y a aucun rappro- chement à faire entre ces deux types, placés l’un à la naissance, l’autre à la décadence des sociétés. Le à un paisible bourgeois du xvr° siècle, un autodafé d'héréliques, et c'est beaucoup moins cruel, car notre anthropophage ne fait pas souffrir sa vic- time. Il n'y à pas de sa part méchanceté et perversité : c’est l'indifférence, le mépris pour l'étranger; c’est la guerre considérée au point de vue alimentaire, une extension de la chasse. Cette manière de voir est plus excusable et plus logique (Toussenel l'a déjà dit) que celle qui poussait le croisé à massu- Fig. 3. — Indigènes Batéké de Kimpila, près Brazzaville. premier relève de la pathologie sociale; le second est un produit sain et normal. L'anthropophagie n’est done point un instinct; c’estune coutume; elle dépend, sans mauvaise plai- santerie, d'une conception particulière, barbare et sauvage à coup sûr, des rapports avec l'étranger et l'esclave. Celui qui la pratique n’en est pas moins pour cela un homme doux, gai, enjoué, de relations agréables, au moins pour ses amis. Volontiers, il entreprend la guerre contre la tribu voisine pour y faire des prisonniers; faute de casus belli, il achète des esclaves. Puis il leur coupe la tête et les mange. Cela lui semble aussi naturel que pouvait le paraitre, * IL faut excepter la tribu des Boudjos, sur le moyen Oubanghi. Encore sait-on à qui incombe la responsabilité des premières hostilités? crer le Sarrazin et les conquistadores à faire manger les Mexicains par leurs chiens. Hätons-nous de reconnaître que le cannibalisme est appelé à une prompte disparition. Au contact des autres tribus plus civilisées, l’anthropophage arrive très vite à en avoir une sorte de honte: il n'ose plus convenir qu'il se pratique dans sa tribu. Les progrès de notre occupation en amèneront peu à peu l'extinction. En dehors de ces goûts spéciaux, localisés d'ail- leurs à une partie de l'Afrique, les Noirs préfèrent leur cuisine à la nôtre. Nos domestiques nous volent parfois notre graisse et nos conserves de viande, mais pour les arranger à leur manière. Je ne sache pas que ceux mêmes qui préparent nos repas, qui mangent les restes de notre table, se G4% D: AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE soient jamais approprié nos formules culinaires; ils préfèrent leurs mets traditionnels, le manioc, le poisson fumé, l'huile de palme, avec force condi- ments. Le repas terminé, on boit quelques gorgées d'eau; puis on se rince la bouche et l'on se frotte les dents avec l'index. Le nègre raffole des boissons spiritueuses, moins pour le goût que pour l'ivresse qu'elles procurent. Partout où le commerce européen a pu introduire les liqueurs distillées, l'alcoolisme fait des ravages rapides. Ce sont des alcools de grains, le plus sou- vent de provenance allemande, où la rapacité des débitants ajoute les résidus les plus hétérogènes. J'en ai connu qui allaient jusqu'à verser dans la barrique des restes de lampe à pétrole. Sur toute la côte et déjà un peu dans l'intérieur, le poison, sous les noms variés de talia, gin, alougou, makou, meyokh, malafou, se distribue en paiement et en gratification. Des populations entières sont tombées au dernier degré de l’abrutissement, de la déchéance physique et morale. Maints villages n’ont plus pour habitants que des dégénérés émaciés, stupides, hébétés, sans énergie, sans virilité, spéculant sur la prostitution des quelques femmes qui leur restent pour se procurer encore et toujours le poison qui les tue. Ils en arrivent à se priver de nourriture et à échanger leur ration contre l’inévitable tord- boyaux. L'usage du tabac est universellement répandu, La pipe circule de bouche en bouche, le soir, autour du feu. Chacun aspire une longue bouffée et la passe à son voisin. Point d'abus de ce côté. Ce qui est pire, c'est l'usage, heureusement assez restreint, du Ziamba où Cannabis indica, dont la fumée, prise en inhalations, donne aux habitués de véritables accès de frénésie. Ils deviennent dangereux; leurs camarades sont quelquefois obligés de les ligotter pour les empêcher de nuire. III. — INSTINCT SEXUEL ET VICES. L'instinct sexuel n'est, pour nos Africains, l'objet d'aucun mystère; ils s’abandonnent sans arrière- pensée aux penchants physiques que la Nature leur a donnés, n'ayant aucune raison sociale ou reli- vieuse de les refréner. Le garcon, comme la fille, a le sens génital très précoce, peut-être à cause du climat, sûrement aussi à cause de la promiscuité des cases. Le Noir cache ses amours, mais il ne comprend pas la pudeur de la même manière que nous. Ilest libre dans son langage, sans que cette liberté puisse être qualifiée logiquement de gros- sièreté ou d'obscénité, attendu que personne ne songe à s'en formaliser. Ne peut-on parler sans détour de choses naturelles, que tout le monde sait et voit, lorsqu'on n'en peut craindre aucune conséquence fâcheuse? La nudité est de règle partout pour les enfants jusqu'à six ou huit ans. Dans plusieurs contrées, l'abstention de tout cos- tume est poursuivie au delà de cet âge pour l'un ou l’autre sexe, rarement, je crois même jamais, pour les deux sexes à la fois. Aussi le Noir ignore- t-il la pudibonderie, sentiment qui, s’il est dicté par des considérations d'ordre social fort respec- tables, n'en est pas moins purement artificiel. Il ignore de même cette passion de toucher, delutiner, cet attrait des charmes cachés, dont raffolent tant de civilisés. Presque partout, dans cette parlie de l'Afrique, le mariage n'est point une cérémonie. L'acte essen- tiel et physique paraît si naturel qu'il ne semble pas exiger de consécration sociale ou religieuse. La nature parle; on lui obéit. Quand un homme prend femme pour fonder une famille, c'est moins une épouse qu'il amène dans sa case qu'une ménagère, ou plutôt une servante pourfaire sacuisine, charrier le bois, cultiver les plantations, nourrir les enfants. La femme, de son côté, a conscience de l’infériorité de sa condition. Elle sait que la maternité est sa fonction principale; elle ne songe point à s'y dé- rober: elle croit même y aider en se serrant la poitrine avec un lien, de manière à faire tomber les seins. L'invasion de la race blanche a modifié cet état de choses. Tout y a contribué; la convoitise, l'appàt d'un gain facile, l'attrait d'une vie plus douce, un milieu social déjà plus raffiné, et cette sorte de tendance, sur laquelle je reviendrai plus d'une fois, à ne nous emprunter que nos vices ou à dénalurer nos principes de la plus saine morale. En acquérant les dehors d'une pudibonderie ridi- cule, l'homme est tombé dans le proxénétisme el M la femme dans la prostitution. IL est sans doute M aussi permis de penser que, sur la côte, le raffine- H] ment trop vite atteint des conditions de l'existence, : l'alcoolisme, une éducation relativement trop intel- lectuelle chez des sujets non préparés, Ont pro-M voqué une sorte de nervosisme maladif et, comme conséquence, les vices solitaires auxquels s'adon- … nent quelques individus des deux sexes. Je n’ai [1 jamais entendu dire que ces pratiques soient aussi = suivies dans l'intérieur, partout où un nombre à peu près égal de garçons et de filles assure an chacun la satisfaction de ses passions naturelles. Dans certaines contrées pourtant, et en diverses ] circonstances spéciales, les femmes font défaut: Tel est le cas pour les pays Zandés; là les sultansw de tout grade accaparent la presque totalité de lai} population féminine, dont ils se composent des vastes harems, sous la protection de peines sé 4 vères:; les vassaux, les soldats et là canaille n’ont que le superflu des puissants. Ces mœurs sont des <} D' AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE 645 vestiges de l'occupation lurque, de même que la substitution à l'élément féminin de jeunes éphèbes, qu'un voyageur a, par un décent euphémisme, appelés servants d'armes. Ces jeunes garçons, les cheveux partagés avec art, les bras et le cou sur- chargés d’ornements, un pagne drapé aulour des reins, le corps frotté d'huile, d'aspect gracile, se voient en grand nombre dans les zèribas. Les soldats ou ba- zingers en ont aussi de moins bien parés qui lessuivent dans leurs expédi- tions (fig. 4). Ces ndongo- tchi-la portent le fusil du mai- ire, sa natte,un petit sac conte- nant la pipe, les baguettes à faire le feu‘et quelques poi- gnées de farine de mil. Au cam- pement, ils font la cuisine, pré- parent le petit ménage du bi- vouac et rem- plissent, en un mot tous les de- voirs et loutes les fonctions de l'épouse ab- sente. Cesmœæurs se retrouvent en divers endroits quoique d'une facon moins constante et, si je puis dire, moins régulièrement organisée, dans les pays où les exigences de nos transports maintiennent les hommes de caravane et les pagayeurs éloignés de leurs villages pendant de longs mois, ce qui, soit dit en passant, n'est pas une des moindres causes de dépeuplement. ‘ Dans toute l'Afrique centrale, le feu s'obtient couram- ment par le frottement de deux baguettes d'un bois spécial, de la manière suivante : L'opérateur accroupi maintient sous son pied une des baguettes posée sur une lame de couteau. Cette baguette est creusée près de cette extrémité d’une petite cavité dans laquelle on fait reposer verticalement l'extrémité, d'avance légèrement carbonisée, de l’autre ba- IV. — MOBILITÉ DU CARACIÈRE. Un trait caractéristique domine toute la psycho- logie du nègre : c’est la mobilité, l'état superficiel d'impressions et de sentiments, qui effleurent seu- lement la conscience, sans y laisser d'empreinte profonde; c'est un défaut de permanence ou de mémoire intellectuelle et morale. J'aurai souvent occasion d'y revenir; mais il importait de le signaler dès le début de cette étude. Le nègre n'a ni le venir du bien- fait, qui dicte la reconnais- sance, nilesou- venir du mal, qui souffle la haine ; il n’a ni le souvenir du danger, qui en- gendre la pru- dence;nile sou- venir de l’obs- tacle, qui fait sou- l’obstination : ni le souvenir de ‘la qui conseille là prévoyance; ni le souvenir des faits, qui per- disette, pétue les tra- ditions; ni le souvenir du bonheur, qui suggère l'espé- rance ; nile sou- venir des dou- ceurs du foyer, quiestle germe du patriotisme et, dans la captivité, exalte l'amour de l'indépendance. Il vit sous l'impression du mo- guette. Celle-ci est serrée vers son extrémité supérieure entre les faces palmaires des deux mains. On lui imprime un rapide mouvement de rotation en la faisant rouler vigoureusement et l'appuyant fortement contre la cavité de l’autre baguette. Au bout d'un instant, il se détache une poussière de bois incandescente, qui tombe sur la lame de couteau. Cette cendre en ignition sert à enflammer une sorte d'étoupe très sèche, tirée de la bourre qui revêt le rachis des feuilles de palmiers. Il suffit de souffler pour faire jaillir la flamme. Par ce procédé, les indigènes parviennent à obtenir du feu presque aussi vite que nous avec nos allu- mettes; car ils y montrent une grande habileté. 646 D' AD. C(UREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE ment, indifférent à l’enseignement d'un passé déjà oublié, sans souci de l'avenir. L’élat présent, bon ou mauvais, efface toutes les joies et les peines de l'instant qui vient de finir. Si le présent est agréa- ble, on s'en repait au delà de la satiété; s'il est contraire , on le supporte avec résignation et sans réaclion. On se laisse rouler par les événements comme par une force aveugle contre laquelle toute résistance est impossible. Ce fatalisme, cette fasei- nation de l'état présent atteignent un degré vrai- ment extraordinaire. En voici un exemple caracté- ristique : Sur le bas Oubanghi vivent des populations adonnées à l’anthropophagie la plus invétérée. Comme les guerres y sont rares, pour satisfaire leur goût, elles achètent à d'autres tribus des pri- sonniers, que l’on conserve avec beaucoup d'égards dans les villages jusqu'au moment de la consom- mation. Ce gibier humain ne manque, pendant ces ‘ours d'expectative, d'aucune des douceurs qui peuvent embellir l'existence d'un Noir : point de travail, bon souper, bon gite el le reste. Le patron d'un de nos vapeurs, s'élant arrêté dans un de ces villages pour y acheter des vivres indigènes, re- connut dans la foule qui couvrait la rive un homme étranger à ce pays, naguère engagé parmi l'équi- page de son bateau, où il avait rendu d'excellents services. Interrogé, cet homme répondit qu'il était prisonnier dans ce village et destiné un jour ou l’autre à la marmite de ses maitres. On lui proposa de l'enlever ; un bond à faire de terre sur le vapeur, le village tenu en respect avec les fusils du bord : rien de plus simple. Il refusa, parce qu'il avait pour le moment toules les jouissances de la vie. L'attente du couteau ne put l'ébranler. Le vapeur partit sans lui. V. — HOMMES DES FORÉTS, HOMMES DES PAYS DÉCOUVERTS. Avant de poursuivre, il est nécessaire d'établir une distinction entre les races sur lesquelles porte cette étude. En le faisant, je ne. redoute point le reproche, dont je parlais au début, de viser à une classification arbitraire. Les deux catégories — hommes de la forêt et hommes des pays décou- verts — sont des plus naturelles; elles marquent deux espèces géographiques comme deux espèces psychologiques. Nulle part peut-être n'apparais- sent avec plus de nettelé et plus d'évidence les rapports étroits entre l’homme moral etle milieu qui l'enveloppe. J'ai essayé de décrire dans un autre travail! la forêtet le caractère d'un de ses principaux 4 Dr An. CUREAU : francaise de délimitation uiale, janvier-février, 1903.) Rapport sur les travaux de la Mission Congo-Cameroun. (Revue colo- habitants, le Pahouin : « Partout c’est l'épaisse forêt vierge, uniforme, silencieuse et monotone. Ici la broussaille abonde; ce sont de grandes plantes herbacées, des sortes d'amomes de trois à qua- tre mètres de haut, qui s'enchevêtrent dans le sen- lier et contre lesquelles il vous faut lutter pour vous frayer un passage. Plus loin le sous-bois s'éclaircit; vous circulez entre des fûts énormes et d'une prodigieuse hauteur. La marche n'en est pas plus aisée; il vous faut escalader leurs racines saillantes sur le sol, franchir les troncs couchés des géants qui ont succombé au temps; le pied glisse sur les feuilles entassées, s'enfonce dans un lit de bois pourri, trébuche dans des amoncelle- | ments de branches cassées. Pas un bruit, pas un mouvement. À part quelques toucans et touracos qui croassent avec fracas au-dessus de la voûte de feuillage, il semblerait que cette forêt n’est qu'un désert sans vie. Mais laissez passer vos hommes; restez seul et asseyez-vous immobile sur une grosse racine. Au bout de peu de temps, lorsque sera revenu le calme un moment troublé par le passage de l’escorte, vous aurez la sensation pro- fonde d'une vie intense, mais en quelque sorte latente. Vous entendrez des bruits discrets, quel- ques pépiements limides de petits oiseaux, des chuchottements, des pas furtifs sur les feuilles sèches, des craquements de branches mortes, la stridulalion des cigales, un grand froissement de feuillage dû aux ébats d’une bande de singes, le gloussement de leurs sentinelles, et, au-dessous de tout ce concert, comme la basse continue de cette harmonie en sourdine, le formidable grignot- tement de tout ce que la création a pu produire d'insectes de toute espèce et de toute grandeur. Mais ce monde animal semble participer au senti- ment que vous éprouvez vous-même, le besoin instinctif de parler bas, comme dans la nef d'une cathédrale gothique. Les hautes voûtes du feuillage vous écrasent, l'humidité froide vous pénètre. La couleur sombre et l’énormité des fûts; les lichens, les cicatrices, les lèpres qui couvrent leur écorce et attestent leur âge séculaire; la demi-nuit éter- nelle qui règne sous ces bois découragent la gaité et engendrent mélancolie et tristesse. « La nature y est cruelle à l’homme. Elle ne lui offre pas la nourriture : car les fruits y sont pour laplupart coriaces et inaccessibles; la chasse est très hasardeuse. Elle lui refuse le soleil, source de vie et de joie. Pas d'herbe, pas même de mousse. « Tout à coup, à deux pasde vous, un indigène apparait sans que vous l’ayez entendu venir. On sait déjà aux alentours le passage de votre troupe, Le Pahouin, qui vous aborde, s’est approché avec précaution et n'a révélé sa présence que lorsqu'il s’est assuré de vos intentions pacifiques. Lui aussi D: AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE ( il subit dans sa race la profonde impression men- tale de la forêt. L'habitalion continue de longues séries de générations sous ces voûtes sombres, parmi ces broussailles propices aux embüches, l'existence sans cesse disputée à la forêt, cette sorte de captivité dans une prison végélale qui enserre l'esprit et entrave la liberté du mouve- ment, ont donné au Pahouin la circonspection, la méfiance, les instincts barbares, le courage et un idiome qui, dans ses accentualions à la fois nasales = 5 un tronc d'arbre, une toufle de fougères, ou en rampant à plat ventre sous un épais buisson. L'existence inquiète du Pahouin l’a rendu sournois, menteur, circonspect, renfermé, de mauvaise foi. Sa conduite obéit à je ne sais quels intérêts obs- curs, à quelles considérations tortueuses ». L'homme de la forêt, sorti de ses taillis, mélangé aux autres hommes, ressemble à la chauve-souris que la lumière éblouit et aveugle. Il est inquiet et ombrageux; son esprit ténébreux clignote dans la Fig5.- et gutturales, reflèle tous les instincts du rude homme des bois. IL n'est pas foncièrement mé- chant, certes, ni cruel. Il est anthropophage à l'oc- casion, mais seulement par représailles de guerre. Il se défie de tout; sa vie est une alerte nuelle. « La police de la forêt est très bien faite. Il y a les espions qui étudient les mouvements de tout être insolite, animal ou humain. Il y a les intelli- gences entretenues parmi les tribus voisines et dans les postes européens. Il y a les tambours de guerre avec batteries conventionnelles. Il y a des sentiers cachés, dans lesquels, partant de sentiers frayés, on ne s'engage qu'en sautant par dessus conti- La Sanga a Ouesso. vie libre et franche comme une paupière au grand jour. Il a hâte de retourner se giter dans l'ombre de son humide patrie. Tout autre est l'homme des plaines et des grands fleuves. Ici la sublimité mystique des forêts fait place aux vastes espaces brûlés du soleil, aux larges horizons noyés dans des brumes dorées (fig. 5). Vous quittez les ténèbres, le silence, le recueillement, les buées lourdes et étouffantes. Voici devant vous l'étendue infinie, miroitant de tous les reflets d'une lumière éblouissante, où dominent à des tons su- raigus le vert, le jaune et le rouge. La végétation a dépouillé sa majesté comme pour se rendre plus accueillante à l'homme et s'abaisser jusqu'à lui. 648 D' AD. CUREAU — PSYCTIOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE Elle tend ses ses fleurs et ses fruits presque à la portée de la main. Ce n'est plus le géant qui domine et écrase: c'est un hôle qui sou- rit. L'air circule. Les poumons se développent. On a l'esprit soulagé, le cœur joyeux. La chaleur est intense, mais sèche et saine. Le soleil convie à la gaité. L'atmosphère illimitée rauime les forces et l'expansion de la vie. La gent animale se montre sous son plus aimable des bandes de rameaux, aspect le perroquets la- pageurs pas- sent à tire d’ai- les; des nuées d'oiseaux nuscules et multicolores sautillentd'her- be en herbe; des antilopes bondissent en sifflant. L'homme su- bit aussi l’in- fluence mi- géné- rale : il est gai, exubérant ; il aime le bruit et les chants. Sa drôlerie, son enjouement lui fontsouvent pardonner ses vices. Volon- tiers il est naïf, confiant, hospi- talier;, un peu plus, il serait honnête en af- faires: il ne manque point de générosité ; il est enclin à la farce; il saisit avec un rare lalent de malice el d'observation le côté comique des gens et des choses. Il semble- rait que, se sentant libre sous la voûte du ciel, il ait le geste plus large et l'allure plus dégagée que son congénère de la forêt. Il n'est pas mé- faut, tant qu'il n’a pas été trop souvent trompé. Il est relativement loyal et tient ses engage- ments aussi longtemps qu'il ne les a pas oubliés. Son langage est sonore; la multiplicalion des voyelles et des labiales lui communique un carac- # Fig. 6. — Le Ngoko, affluent de la Sanga. tère enfanlin, qui correspond bien au reste du personnage. Après avoir marqué les deux types généraux les plus tranchés des races que nous étudions, essayons maintenant d'esquisser les traits com- muns de leur psychologie, en signalant au besoin les déformalions qu'ils subissent chez l'un et l’autre type. EC Rn" TRS we LR” VI. — ÉGoïismE ET ALTRUISME. Les senti- ments affectifs sont quelque- fois vifs, quui- que générale- ment peu du- rables. Un cer- lain nombre de langues expri- ment par un même vocable les mots aimer et vouloir, dé- sirer ; Ce qui tend à indiquer la complète ab- sence d'idéal dans l'amour. C’est presque toujours vrai. Pourtant, si l'amour pur exige une abs- traction et un idéalisme in- compatibles avec l'essence éminemment concrèle de nos primitifs, si l’a- mour platoni- que est incon- cevable pour eux, l'affection réelle et profonde ne leur est pas non plus étrangère. J'en ai vu plus d'un exemple. J'ai connu chez les Pahouins des histoires de vendettas, issues de l’enlèvement d’une femme par son amoureux,en vue de la soustraire à la lyran- nie d’un père et à la recherche d’un prétendant abhorré. Dernièrement, sur le Ngoko, j'ai assisté au tableau touchant de deux amants assis sur la place du village, se tenant embrassés dans la pose la plus abandonnée, et chez lesquels les re- gards, l'attitude, le geste, le silence même parais- sion. D' AD. CUREAU -—— PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE 649 saient dénoter déjà quelque chose de plus que l'instinet purement charnel. L'amour maternel est, comme partout, chez les - animaux et les hommes, composé de soins, d’atten- lions et d’abnégation ; le dévouement de la mère pour son enfant est entier et de tous les instants, Le père montre beaucoup moins de tendresse. Par- fois, il.se laisse aller à prendre son rejeton dans ses bras, à le faire mar- cher ou jouer. Il le cajole et le dorlote volon- tiers à ses heu- res. Mais il ne s'attarde ja- mais très long- lemps à ces scè- nes d’expan- L'enfant reste attaché à son village et à ses parents, surtout à sa mère,tantqu'il est en bas-äge et que sa fai- blesse lui con- seille d’y re- chercherun ap- pui. Dans la suite, il se dé- tache peu à peu de sa famille. C’est, ilest vrai, l'histoire de l'humanité tout entière. Dans les races plus élevées, l’a- dulte garde au foyerune douce reconnaissance de la protection et des soins que son enfance y a goûtés. Chez le Noir, c’est presque l'oubli de la bêle. J'ai entendu des femmes le conslater avec mélancolie : « Vois comme mon enfant est genlil avec moi maintenant; plus tard, il ne connaitra même plus sa maman ». Là comme partout, chez les anthropophages comme chez les tribus les plus douces, la femme montre une lendance marquée à la sentimentalité, au caprice, à la jalousie. Elle cherche à plaire à sa manière; elle aime la parure (fig. 7); les éloges sur Fig. 1. — Types de femmes pahouines. sa beauté la flaltent; la plus affreuse mégère n'y est pas insensible. Elle affectionne les petites choses : petits chiens, pelils oiseaux. Elle minaude en les caressant. Ce sont les équivalents de ce qui se dit chez nous en pareille circonstance : « Qu'il est mignon, ma chère! » Qu’une mère passe dans un village avec son marmot : chacune à son tour veut prendre l'enfant, le te- nir dans ses bras, le pou- ponner, le faire Voilà un tableau qui ne change pas avec les latitu- des. Une canni- bale, qui vient de déguster un morceau hu- main, est tout aussi ca- pable que la plus sensible nos civili- sées. Entre fem- mes d’un même village, surgis- sent, tout com- me chez nous, les rivalités, comméra — ges. Ces dames sont très canca- nières. La ma- lice s'en mêle. Lespropossont grossis et rap- portés par les bonnes âmes. Les épithètes ‘ sauter ’. en de les les plus mal- sonnantes, équivalant à mauvaise femme et à chipie, s’'échangent. Sitôt pro- noncées ces apostrophes fatales, quelles colères se déchainent! Quels cris de fureur, quelles invec- lives entre les deux camps! Nos commères en vien- nent aux mains, pour laver l'injure dans une mai- tresse raclée. Les époux se montrent enfin et mettent les partis d'accord en sévissant magistrale- ment chacun de son côté. Les senliments affectifs sont superficiels et ! Les nègres ignorent complètement le baiser. 650 D' AD. CUREAU -- PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE empreints de la mobilité du caractère noir. Les regrets ne survivent pas longtemps à la perte d’un parent. Autant les manifestations en sont bruyantes, autant elles sont éphémères. Le premier soin de la femme qui a perdu son mari est de parcourir les villages d’un pas précipité, en poussant des lamen- tations, des hurlements piloyables, et chantant sur une sorte de rhapsodie funèbre l'évènement fatal et l'éloge du mort. Les cérémonies varient avec les tribus; je n'ai point à en parler ici. Mais un trait commun à toutes les races est la facilité avec laquelle les femmes les plus étrangères au défunt trouvent des larmes pour le pleurer. Et l’on verse de vraies larmes. Qu'un farceur vienne à jeter un mot plaisant dans l'assemblée, tout le monde éclate de rire. L'hilarité passée, chacun se ressaisit, se souvient pourquoi il est là, et reprend ses chants plaintifs et ses torrents de larmes. Cette excessive mobilité dans un sujet qui nous paraît si grave pro- duit sur nous la plus bizarre impression. — L'homme pleure peu ou pas. Amilié, haine, deux sentiments superficiels comme le reste. À ce degré d'inconsistance, la haine, perdant son caractère essentiel de ténacité, n'est plus que l'effet d'une crainte plus ou moins passagère, d’une défense d'intérêts essentiels à la vie. De même, l'amitié ne dépasse pas sensiblement la simple camaraderie. Les mots 2dégo, ndéku; duo, ndiku, tous dérivés de la même racine ban- tou, paraissent se rapporter plutôt à l'acception de « camarade » qu'à celle d’ « ami ». Les événements rapprochent deux hommes: il s'établit une liaison momentanée d'intérêt et de protection. Ils sont tout entiers l’un à l’autre; c’est l'entente la plus étroite. La disparition du danger, un revirement dans l'état de leurs affaires les désunit, les rend bien vite étrangers l'un à l’autre. Si l'on vient à se revoir, ce seront des cris de joie, des démonstra- tions bruyantes. Les facons de saluer varient suivant les endroits. La poignée de mains est pratiquée presque par- tout, mais dans une étreinte molle ; elle est accom- pagnée souvent de diverses simagrées. Il existe également des formules verbales pour saluer et ré- pondre à la politesse. Cependant, le Pahouin n’en possède pas; en revanche, il assied son ami sur ses genoux et le tient embrassé. La plus grande poli- tesse est de convier l'ami à partager le repas : cela est fort important dans un pays où la préoccupation alimentaire domine toutes les autres. L'usage en est resté chez nous, bien que la raison première, com- mune à tous les primitifs, ait disparu au milieu de notre aisance. Quoi qu'il en soit de toutes ces manifestations affectives, le mobile primordial, qui les dicte chez | tous les humains, apparaît ici dans ce qu'il a de naïf et de rudimentaire. L'amitié est à peine dé- gagée du sentiment égoïste, qui pousse à recher- cher ou à aimer quelqu'un pour soi-même, pour le plaisir qu’il vous fait éprouver, pour le service qu'il peut vous rendre. D’autres fois, il se borne à un souvenir vague de relations agréables et d'obliga- tions réciproques. Pourrait-on dire que le fonde- ment de laffection se soit épuré à un même degré dans toutes les catégories de nos sociétés policées, que le personnalisme ne joue pas encore un rôle prépondérant dans les relations de la plupart des hommes et que le plus grand progrès réalisé, pro- grès sérieux du reste, parce qu'il tend à suggérer lentement un sentiment plus idéal, ne consiste pas surtout à prendre les apparences d'un dé- sintéressement de convention? Dans la hiérar- chie des races, les instincts altruistes s'épurent avec le rang qu'elles occupent. Chez le primitif, amitié, gratitude, pitié, cèdent à de faibles considé- rations personnelles. Parmi les civilisés, on trouve tous les degrés : la plupart ne sont capables de sa- crilier à autrui que des jouissances ou des intérêts sans portée pour leur propre existence. Quelques privilégiés atteignent l’abnégation et subordonnent leurs propres intérêts aux considérations d'huma- nité. Done, placé à l’un des échelons inférieurs de la série humaine, notre Africain professe l’égoïsme avec candeur et naïveté. Bien sévère ou bien léger qui le lui reprocherait. Elément presque isolé de sociétés diffuses sur d'immenses territoires, il n'est retenu à ses plus proches concitoyens que par des liens assez làches, par la seule dose de soli- darité nécessaire pour triompher des forces natu- relles, s'armer contre les intempéries, vaincre l’in- fécondité du sol, enrayer l'envahissement de la végétation, repousser les attaques terribles des plus petits êtres de la gent animale. Ainsi, livré presque complètement à ses seules forces, l’homme a dù apprendre à n'espérer qu'en lui-même; et, d’ailleurs, le groupement dont il fait partie est si exigu qu'il ne semble qu'une extension très étroite de ses parties composantes. Chacun apprend dès le plus jeune âge à agir pour son propre compte, à ne rien ù attendre d’autrui, et conséquemment à ne pas lui offrir ses services. Le danger commun, lorsque le j village est menacé, réveille un peu le sentiment de solidarité. Ainsi l'altruisme apparaïîtrait comme une sorte d’extériorisation de la personnalité d'abord, puis comme un développement de la solidarité, dont le mobile primitif, avec le progrès moral al l'humanité, devient de plus en plus éloigné el indistinct. î Chez nos sauvages, la communaulé veut être payée de l'aide qu'elle donne à chacun de ses D. D' AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE membres. Les incapables, à quelque litre que ce soit, en sont impitoyablement rejetés. On n'y con- nait point encore, comme dans nos civilisations plus soucieuses de sentimentalité que de préserva- tion sociale, l’art chimérique de faire vivre, en dépit de la Nature et en dépit d'eux-mêmes, tous les sujets dont les tares physiques ou morales cor- rompent la santé publique, compromettent la con- science générale et entravent l'évolution normale des idées. Ici la loi de sélection s'exerce avec la | rigueur de l’inexorable Nature. L'homme sans fa- mille, faible, vieux, inhabile à jouer son rôle dans la communauté et à s’y imposer, l'étranger malade n'a droit à aucune pitié. Il est abandonné dans un coin comme un chien galeux; il est bafoué, honni: il vit dans la pourriture, sordide, couvert de plaies repoussantes, fréquenté des seules mouches et de la vermine, vivant d'immondices, de terre broyée, des restes des autres, cuisinés salement dans des fragments de poteries cassées. Avec le fatalisme propre à sa race, il est résigné; il a conscience de son inutilité et de son abjection: il ne cherche point à s'en tirer et subit passivement le mépris général. Un jour, on le trouve mort sur son fumier. Il y a des revirements et des inconséquences dans l'esprit de l'homme, même noir. Je suis ar- rivé quelques rares fois, violentant le préjugé naturel, à éveiller un éphémère sentiment de pitié pour «un misérable de ce genre, qui avait déjà essuyé une bordée de risées et de lazzi. « Si tu devenais un jour vieux et malade comme cet homme, tu serais heureux qu'on te donnät un peu à manger ». Sans trop de résistance, on convenait que le Blanc n'avait peut-être pas tort et l’on aban- donnait quelques victuailles au malheureux. Le Noir n'a pas un instinct bien profond de la bonté. Cela fait qu'il n’en pénètre pas davantage le mobile chez nous. S'il était capable de réflexion et d'analyse, nous lui paraitrions une fois de plus sur ce point tout à fait extraordinaires. Comment peut- on rendre à autrui un service non justifié par une raison de réciprocité immédiate ? La bonté même que nous pouvons lui témoigner, soit par un sen- liment de naturelle bienveillance, soit par le désir de nous assurer sa reconnaissance, il la comprend si peu qu'il n’en est même pas surpris. Il l'accepte telle qu’elle se présente, après avoir constaté admi- rativement que « le blanc est bon ». Bien plus, il parait croire parfois que c’est nous qu'il oblige en acceptant nos services; que, en raison de notre su- périorité comme intelligence et moyens d'action, il peut tout altendre de nous. C'est un peu, si l'on veut, comme le dévot qui ne craint pas de lasser l'inépuisable générosité de son dieu. Bien des xoyageurs ont joué leur rôle dans la petite anec- dote suivante : donner des soins à un malade ; 651 puis, la chose faite, le voir attendre : — « Que veux-tu encore? » — Sur quoi cette réponse incon- cevable : — « Tu ne me donnes pas un cadeau ? » — Dans le même ordre d'idées, un marchand vous demandera sans vergogne un cadeau pour le récompenser de vous avoir vendu quelque chose. Les rudiments altruistes du nègre s'adressent d'abord à son entourage immédiat, aux êtres qui lui tiennent de plus près, auxquels il est intime- ment lié par des intérêts de sécurité et d'alimenta- tion. En thèse générale, il se montre assez dur pour autrui, surlout pour qui n'appartient pas à sa famille, à son village, à sa tribu. Il n'est pas pru- dent de s'écarter du cercle le plus étroit des siens, lorsqu'on n'est pas en troupe suffisamment nom- breuse ou que l’on n'est pas protégé par une sorte de pacte d'intérêts supérieurs. On y court le risque de perdre la liberté dans l'esclavage, ou de tomber victime de quelque vieille vendetta. Il y à pourtant des peuples voyageurs. La plu- part sont voisins des rivières et grands naviga- teurs. Le trafic ou la pêche les entraînent parfois à des distances considérables de leurs villages. Comme ils sont producteurs ou commissionnaires d'articles n'existant pas chez les peuplades qu'ils visitent, la sauvegarde relative de leur personne et de leurs biens repose sur l'intérêt que leurs clients ont de ménager leurs fournisseurs attitrés. Un abus de confiance, une querelle risque de compromettre des relations profitables aux deux parties. C’est la sanction la plus élémentaire de l'honnêteté en affaires. Que deviendraient les Batéké et les Ba- kongo, si les Bafourou, grands commis-voyageurs du moyen Congo, ne leur apportaient poisson fumé, cabris, ivoire, esclaves ? Que deviendraient les gens de l’intérieur, si les mêmes intermédiaires ne reve- naient du Slanley-Pool avec les cauris, les perles, le laiton, le sel, les étoffes? Dans ces conditions, les grandes pirogues des Bafourou, leurs équipages et leurs chargements ne sont-ils pas choses sacrées pour tous ‘? À part ces rares tribus voyageuses, les autres sont sédentaires par nécessité géographique, et casanières par crainte de leurs voisines. La circu- lation est malaisée pour le Noir en Afrique. 1] faut voir avec quelle äpreté le Pahouin défend les routes terrestres ou fluviales qui relient la côte à l'inté- rieur ! Nul seigneur féodal ne préleva si exactement les droits, dimes et péages. IL achète tout au pas- sage pour se réserver le droit de revendre plus ! La pénétration du commerce européen dans l'Afrique centrale a déjà modifié cet état de choses en rendant inutile l'intermédiaire des peuples commercants. Il sera curieux d'étudier ce que ceux-ci seront devenus dans quelques années, et comment leur fonction traditionnelle se sera modifiée. 652 G. MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE loin à un prix plus élevé. Qu'on ose tenter d’échap- per à son intermédiaire et de ne pas payer le tribut à ses exigences ! Le nègre est cependant curieux du langage, du costume et des mœurs des autres peuplades, mais avec une nuance marquée de supériorité et de mépris. Le nouveau lui parait presque toujours absurde. De son égoïsme naïf, de l’étroitesse et de la mesquinerie de ses préoccupations journalières, de l'infantilisme de son caractère, naissent la va- nité, la prétention, la sottise, la despotivité. Per- sonne n'a tant de mépris et aussi peu de pitié pour un nègre qu'un autre nègre, qui se suppose quelque supériorité sur son frère en couleur. Un veston brodé, un chapeau galonné, un simple et unique soulier percé marque déjà la différence. Jugez un peu son importance, lorsqu'il est investi de fonctions officielles, agent de police, écrivain d’une administration ou même simple domestique dans une bonne maison. Il toise avec condescen- dance ses camarades moins favorisés; ceux-ci le lui rendent en admiration. Mon boy se largue de sa position privilégiée vis- à-vis des gens de ma caravane et de mon escorte; il promet d'employer son influence et la fait, au : besoin, payer. Un vieux képi pose tout de suite un homme aux yeux du village entier. C’est quelque chose comme l’auréole de considération qui rayonne autour d'un vieux bureaucrate décoré des palmes après trente ans de services. L'amour si humain des distinctions honorifiques sévit là-bas comme ici. Quelques peuplades ont même des insignes caractéristiques de la dignité des chefs. Chez les Batéké, où il existe une hiérarchie bien établie, les grades se distinguent par de larges colliers en cuivre de formes variées (fig.8) et par des bracelets formés de deux ou trois métaux entrelacés. Chez les M Fig. 8. — Collier de chef batéké. Bakongo, les signes de l'autorité suprême sont un hamac porté par deux hommes et un parapluie rouge. Dans un deuxième article, nous étudierons les manifestations de l’intellectualité chez les Noirs. D: Ad. Cureau, Administrateur en chef des Colonies: CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE DEUXIÈME PARTIE : APPLICATIONS ET ANALOGIE MÉCANIQUE Dans un précédent article", nous avons énoncé les règles générales qui permeltent de prévoir le sens des transformations conformément aux prin- cipes de la Thermodynamique. On peut montrer par des exemples simples comment on appliquera quelques-unes des règles précédentes. I. — APPLICATIONS. Premier exemple : Variation de volume. — Dans un vase ayant À mèlre cube de capacité, on intro- duit une ampoule contenant 1 centimètre cube d’éther liquide; le tout étant maintenu à la tempé- { Voyez la Revue du 30 juin, t, XV, p. 584 et suiv. ralure constante de 15°, on brise l’ampoule : on demande ce qui se produira. L'expérience nous indique que l'éther se xapo= rise, et cette action, loin de dégager de la chaleur, produit une absorption de calorique, car, pour maintenir la température constante, il faut fournir. de la chaleur; elle se réalise néanmoins. On voit d'abord qu'elle est conforme à la loi cor= rélative de la loi de G. Robin : le volume est supe= rieur à celui qui correspond à l'équilibre, la modi fication doit être de la même nature que celle qui produit une augmentation de pression; c'est un vaporisation. Montrons maintenant qu'elle est conforme à 1 loi générale en envisageant, soit les quantités d | chaleur, soit le travail produit; servons-nous ici du 4 G. MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE 653 travail; il faut, en général, que le travail produit soit inférieur à celui qui serait produit par la voie réversible isothermique qui réaliserait le même changement ; or, ici le travail produit a été nul, la transformation s'opérant dans le volume inva- riable de 4 mètre cube; il suffit done de montrer que le travail produit par la voie réversible iso- thermique est positif. Or une telle voie existe qui permet de faire cette constatation : On considère d'abord l’éther liquide (1 centimètre cube) au fond d'un cylindre, comprimé par un pis- ton sur lequel s'exerce la force nécessaire pour qu'il soit liquide dans l’état même où il se trouvait initialement dans l'ampoule (fig. 1). Diminuons graduellement le poids; l'éther décom- primé se dilate d’abord, jusqu'au moment où, la pression aiteiguant la force élastique maximum à 15°, la vaporisation commence ; à ce moment, en imaginant que la transformation se poursuit à tem- Fig. 1. Fig. 2. pérature constante, le poids (qui demeure inva- riable) continue à être soulevé (phase des équilibres iadifférents) ; à partir du moment où le liquide est entièrement vaporisé, diminuons à nouveau le poids : le volume continue à croitre (loi de Ma- riotte), et nous arriverons finalement à donner au cylindre un volume de 1 mètre cube : c'est l’état final (fig. 2); au cours de cette opération, un poids, qui va d’ailleurs en décroissant constamment, a constamment été soulevé, et du travail positif extérieur a été produit au cours de cette lransfor- malion réversible, dont la possibilité par voie irré- versible nous est ainsi expliquée. 2° exemple : Variation de pression (diminution). — Considérons un cylindre contenant, comme dans l'exemple précédent, 1 centimètre cube d'éther liquide, comprimé par un piston soutenant comme tout à l'heure le poids P; on diminue brusquement ce poids pour le remplacer par le poids p, qui, pour simplifier, sera le même que celui que l’on consi- dérait à l’état final de l'exemple antérieur; la tem- pérature étant supposée constante, on veut voir comment le sens de la modification, aisée à pré- ciser par le théorème de Robin, est d'accord avec la règle thermodynamique. Il suffit de montrer que le travail externe re- cueilli au cours de cette modification est inférieur à celui que l’on recueillerait par la voie réversible isothermique. Le travail produit provient de l’as- cension du poids p entre sa position iniliale et sa position finale ; quant à l’autre terme, c’est préci- sément celui que nous avons calculé; dans la trans- formation réversible isothermique, le travail pro- vient de l'ascension entre les mêmes limites d'un poids qui diminue de P à p, mais qui est constam- ment supérieur à p; donc le premier travail est nécessairement plus petit, ou encore la quantité de chaleur dégagée sera plus grande dans le premier mode que dans le second, puisque la somme du travail produit et de la chaleur dégagée doivent former un total constant qui correspond à la varia- lion de l'énergie interne; comme, en réalité, on doit fournir de la chaleur, on en fournira moins par le premier mode irréversible qui se réalise. 3° exemple : Variation de pression (augmenta- tion). — Considérons comme état initial l’état finai réalisé dans le deuxième exemple; le piston est surmonté par le poids p, que l'on remplace brus- quement par le poids P : le phénomène réalisé est encore prévu par la loi de Robin; il est aussi d’ac- cord avec la règle générale, car le travail accompli provient de la descente du poids P; mais ce n’est pas un travail accompli contre les forces exlé- rieures ; il est ici négatif ; d'autre part, au cours de la modification réversible isothermique, qui est précisément celle qui a été décrite, mais qui doit être prise en sens inverse, le travail accompli ainsi par les forces extérieures (et qui est aussi négatif), provient de la descente entre les mêmes limites d'un poids qui va en croissant de p à P, mais qui est toujours inférieur à P ; il est donc plus petit en valeur absolue que l’autre travail; mais, en tenant compte du signe, c’est le travail exécuté au cours de la transformation irréversible qui sera le plus petit, et la chaleur dégagée pendant cette même modification sera plus grande que celle qu'on recueille effectivement (car il y a bien ici dégage- ment de chaleur) au cours de la transformation réversible”. 1 Les exemples que nous avons cités jusque-là sont em- pruntés à des modifications physiques simples, afin d'indi- quer simplement ce qui est relatif à la transformation réversible; il est vrai qu'on introduit d'habitude dans l'énoncé du principe du travail maximum une restriction qui ne le rendrait applicable qu'aux transformations chi- miques; mais c'est là une distinction artificielle qu'il n'y à pas lieu de, maintenir. Tous les travaux modernes ont mon- tré que le domaine physique et le domaine chimique ne sont pas distincts, qu'ils se pénétrent l'un l'autre au point qu’on est souvent embarrassé pour définir une trans- formation et lui appliquer le qualificatif de physique ou de chimique. Peut-on croire que les principes valables pour un changement d'état comme la fusion ou la vaporisation ne seront plus applicables à une transformation allotropique ou à une dissociation ? Nous aurions pu, d'ailleurs, dans les 654 G. MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE 4° exemple : Déplacement de léquilibre par varialion de pression. — Si l’on imagine de la vapeur d’eau partiellement dissociée en hydrogène et en oxygène à haute température, et que, main- tenant cette température constante, on fasse aug- menter légèrement la pression, le sens de la varia- tion produite dans le système nous est donné par la loi générale; la modification qui se produit tend à diminuer le volume, c'est-à-dire à favoriser la combinaison de l'hydrogène et de l'oxygène pour donner de la vapeur d’eau; la dissociation sera moins accentuée. De même, si l’on met en présence du chlore, de l'hydrogène et de l'oxygène, qui donnent lieu à un état d'équilibre avec production limitée d'acide chlorhydrique et d'eau, l'augmentation de pres- sion favorisera l’action de l’oxygène sur l'acide chlorhydrique pour donner du chlore et de la vapeur d'eau dont la proportion augmentera : 2HC1 + O — H°0 + 20CI TS IL mt à 5 vol. k vol. 5° exemple : Variation de température sous volume constant (diminution). — Dans un vase on a de la vapeur d’éther à la tension maximum à 20°; sans changer le volume du vase, on l'amène brusquement à 10° : l’action qui se produit et qui est une condensation est conforme au théorème de M. Moutier ou au théorème corrélatif; la modifi- cation produite est celle qui dégagerait de la cha- leur si elle s’accomplissait dans les conditions d'équilibre; c'est une condensation, et d’ailleurs elle dégage effectivement de la chaleur, l’expres- sion de la chaleur dégagée conservant ici un signe constant malgré les variations des conditions réa- lisées. 6° exemple Variation de température sous volume constant (augmentation). — Dans un vase clos, on a du carbonate de chaux partiellement dissocié à haute température en présence de ses éléments; on élève la température de 100° sans changer le volume. En vertu des mêmes théo- rèmes, il doit se produire une nouvelle décompo- sition du carbonate de chaux, si la chaleur de for- mation du corps continue à être positive dans ces nouvelles conditions ; la dissociation s’accentue. S'il s'agissait d’un corps formé avec absorption de chaleur et dont la chaleur de formation garde- rait un signe constant dans l'intervalle considéré, l'élévation de température favoriserait sa forma- tion ; elle diminuerait la dissociation. exemples précédents, parler non pas de la vaporisation de l'éther, mais envisager une action chimique telle que la décomposition du carbonate de chaux donnant de l'acide carbonique et de la chaux : les raisonnements et les conclu- sions seraient identiques. Nous devons penser, en somme, que les mêmes lois doivent régir toutes ces actions. Les derniers systèmes que l’on vient d'envisager élaient univariants : c'est pourquoi nous considé- rions des variations de température sous volume constant; nous aurions pu aussi bien envisager des systèmes plurivariants, et dans ce cas on peut ima- giner que la pression reste invariable, comme dans le dernier cas que nous examinerons. 1° exemple : Variation de température sous pression constante. — On considère de la vapeur d’eau partiellement dissociée, en équilibre à haute température ; sans faire varier la pression, on élève la température. La loi du déplacement de l’équi- libre nous indique que la modification absorberait de la chaleur; si donc la chaleur de formation de we Lo a A. tu l’eau garde son signe, une nouvelle quantité de vapeur d'eau se dissociera. Au contraire, un composé formé avec absorption de chaleur présentera dans ces conditions une diminution dans sa dissociation. - En résumé, nous pouvons dire que la production d'un phénomène n’est pas liée au signe de la cha- leur mise en jeu, puisque nous assistons tantôt à des dégagements, tantôt à des absorplions de cha- leur, pour des actions réelles dont la possibilité nous est indiquée par un principe plus général. II. — ANALOGIE MÉCANIQUE. On peut aussi, pour faciliter l'intelligence de cette théorie, faire une comparaison avec le cas d'un corps pesant abandonné à lui-même sur une pente irrégulière, par exemple sur le versant d’une colline présentant une série de dépressions dont les minimas sont en des points «,, «,, 4, Silués en des plans différents. Le corps, placé en un point « quelconque, ne serait en équilibre que si l’on exerçait une cer- taine action extérieure; en l'absence de cette con- dition, il ne sera pas en équilibre, tandis qu’il y serait s'il occupait une des positions &,, «,...; aban- donné à lui-même, il ne pourra jamais parvenir en sh î certains de ces points «,, «,, «, dont le niveau esb 1 supérieur au sien; i] pourra, au contraire (si toute- À fois il existe des lignes de communications), arriver de lui-même en &,, ou en «,..., dont la cote est infé- : rieure à celle du départ. Pour traduire cette possibilité, nous dirons qu’une certaine grandeur, la différence des alti- tudes initiales et finales, doit être positive. On" peut done employer une pareille représentation ‘ graphique pour mettre en évidence la chaleur transformable, qui, elle aussi, doit être positive; dans ce cas, le point figuratif devra toujours aller en descendant. Mais si, en même temps, on a en vue le cas d’un | corps pesant, cette comparaison un peu trop simples 7 e. G. MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE Do présente un inconvénient que nous devons immé- diatement signaler : la grandeur qui doit être ici positive, et qui représente la chaleur transformable, n'est autre que la différence des cotes ; or, dans le phénomène mécanique, le signe de cette différence entraîne le signe d'une autre quantité qui lui est liée, le travail produit ; cette conséquence, qui pro- vient au fond de ce que, dans l’image choisie, les forces (pesanteur) dépendent d'un potentiel, et qu'en fixant alors le point de départ et le point d'arrivée on détermine ainsi le travail, pourrait laisser croire que le travail externe doit toujours ètre positif; ce serait, dans le cas des phénomènes physiques ou chimiques, une interprétation erronée introduite par la double signification que revêt, dans le phénomène mécanique, une grandeur dont nous ne devons envisager qu'un aspect. D'ailleurs, la chaleur transformable mise en jeu au cours du changement n'est pas déterminée seulement par la connaissance des états extrêmes; elle dépend aussi des intermédiaires, c’est-à-dire de toute la série des états qui constituent la modification. Aussi, pour serrer de plus près la comparaison, nous allons compliquer un peu notre hypothèse. Imaginons que, parmi tous les chemins qui mènent en général d'un point à un autre, de M en N, il y en ait un qui soit constitué par une série d'états d'équilibre; il suffira, pour cela, de supposer que, par cette voie, il y a constamment équilibre entre la force qui tend à faire descendre le corps et d’autres forces antagonistes qui le soutiennent, par exemple, la tension d’un ressort ou encore un poids identique soutenant le premier corps par l’inter- médiaire d'un fil ou d'une poulie; par une telle voie, le corps n'aura aucune tendance à passer de lui-même ; si on l'y conduit néanmoins, il y circu- lera d'une facon aussi lente que l’on voudra, en produisant à chaque instant un travail extérieur qu'on utilisera pour tendre les ressorts ou pour sou- lever le contre-poids. Dans ces conditions, le corps atteindra le point d'arrivée sans vitesse acquise et en ayant fourni un certain travail externe. Cette voie représentera le mode réversible, qui est en quelque sorte idéal, c'est-à-dire qui n’a jamais tendance à se réaliser de lui-même. Mais, en dehors de cette voie, il y aura, en général, une foule d’autres chemins permettant d'aller de M en N; ce seront, pour poursuivre la comparaison, les sentiers plus ou moins escarpés qui sillonnent le flanc de la colline; par ces voies irréversibles, le corps pourra s'engager directe- ment, entrainé par la pente sur laquelle il se trouve, et, au cours de sa descente, s’il n’accomplit pas de travail externe, il acquerra une certaine force vive : mais si, pour conserver les analogies avec le domaine chimique (hors le cas des explo- sions), il n'y a pas de force vive, c'est-à-dire de variations de vitesse, par suile d'un phénomène analogue à l’adhérence ou au frottement, le corps restituera cette portion de l'énergie sous forme de chaleur; au cours de son trajet, d’ailleurs, il pourra rencontrer des mécanismes (roues, tur- bines..…) qui l’amèneront à produire du travail externe en quantité plus ou moins considérable, suivant leur degré de perfection, et cela diminuera d'autant la chaleur qu'il donnera finalement; mais, en somme, pour qu'il puisse se rendre en N, il faudra qu'il n’y ait pas équilibre entre les forces qui entrainent le corps et les forces antagonistes: il prendrait donc, sous l'impulsion de la résultante de ces aclions, une certaine vitesse, c'est-à-dire acquerrait une force vive transformée en chaleur, qui diminuera d'autant le travail externe qu'il aurait pu produire par sa descente équilibrée sans vitesse sensible. Il aura donc, en résumé, produit un travail externe inférieur au travail corrélatif à la modifi- cation par voie réversible, et la transformation de ce déficit de travail aura donné un dégagement po- sitif de chaleur ‘. En compliquant ainsi notre hypothèse, nous avons introduit une nouvelle quantité dont le signe détermine le phénomène et qui doit remplacer la considération des altitudes ; dans cette facon de voir, ce n’est plus la différence des cotes qui entraine la possibilité du changement, et en parti- culier la descente de M en N ne se produirait pas d’elie-même si la voie réversible était la seule par laquelle elle puisse s'effectuer, bien que la cote de N soit inférieure à celle de M; ce qui rend pos- sible ce déplacement, c’est l'existence d'un chemin par lequel le travail externe produit est inférieur à celui qui serait obtenu par une autre voie, ce qui entraine un dégagement posilif de chaleur par le premier chemin. Bien plus, on doit considérer alors qu'une ascension serait possible s’il existait une voie par laquelle cette ascension exigerait moins de travail que par la voie reversible et par laquelle alors la chaleur fournie serait moindre; un tel chemin n'existe pas dans notre image mécanique ; nous en avons, au contraire, rencontré des exemples ! Nous ne mettons pas ainsi en évidence le travail pro- duit, grandeur qui dépend du chemin choisi pour effectuer la modification. D'ailleurs, en construisant ainsi de toutes pièces une représentation mécanique des phénomènes phy- siques ou chimiques, on ne peut, quelles que soient les complications introduites, obtenir une image adéquate à l'objet. D'une manière générale, le domaine mécanique el le domaine physico-chimique semblent irréductibles l'un à l'autre, parce que, sans doute, ces modifications de la ma- tière entrainent autre chose que des déplacements de masses dans l’espace et dans le temps; en particulier, l'élément « chaleur » y intervient et introduit une grandeur qui obéit à ses lois propres : la Nature n’est pas un pur mécanisme. 656 G. MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE en Physique (1 et 2° exemple); pour trouver des cas analogues dans notre comparaison, il aurait fallu imaginer qu'au cours d'une ascension, le corps rencontre des mécanismes susceptibles de l'élever et de diminuer d'autant l'énergie que l'opé- rateur doit fournir sous forme de travail ou de chaleur absorbée; or, nous n'avons introduit que les seules actions d'adhérence et de frottement comme concomitantes des mouvements du corps, et de telles forces entraînent un travail dont le signe est constant et qui correspond à un dégagement de chaleur: dans les modifications physiques, il y avait d’autres aclions simultanées (telles que des variations de volume), qui entrainent un travail dont le signe peut varier comme celui de la quan- tité de chaleur qui lui est liée. Nous pouvons enfin supposer, pour trouver une nouvelle analogie, qu'en changeant d'altitude, le corps est le siège d'une modification interne conco- mitante, susceptible de dégager ou d'absorber de la chaleur en quantité précisément liée à la seule différence d'altitude‘; il en résulte alors que le dégagement calorifique total sera la somme de deux termes, l'un qui correspond à tout ou partie du travail externe transformé, terme qui est toujours positif et qui a tendance à augmenter, el l’autre terme dont le signe est incertain. On commettrait donc une erreur en disant que le dégagement tolal est loujours positif et tend constamment à croître. En tenant compte de ces complications, on pourra tracer, sur la surface que nous avons adoptée, des lignes représentant les chemins possibles, par exemple une ligne allant de M à N, figurant les- états intermédiaires, et pourvue d'une flèche indi- quant le sens dans lequel la transformation s'opère : puisque, d'ailleurs, comme nous l'avons vu, la cote n'intervient plus pour fixer le sens du phéno- mène, nous pourrons tracer ces lignes sur un plan horizontal sur lequel on projettera la surface, ou encore on supposera qu'un observateur placé à une grande hauteur au-dessus de la surface examine ces lignes, sans tenir compte, par conséquent, du relief du terrain; il distinguera ainsi les chemins qui correspondent à des transformations possibles. Mais, pour qu'une telle transformation puisse se réaliser effectivement, il ne suffit pas qu'une cer- taine condition soit satisfaite pour le chemin total pris dans son ensemble; il faut, en outre, que la série des transformations intermédiaires soit éga- lement possible, ou que la condilion de possibilité soit constamment remplie au cours de la moditi- cation. Cela nous amène donc à examiner chaque segment de la ligne et à reconnaitre le signe de la 1 C'est ce qui représente le produit de la température &b- solue par la variation d'entropie entre l'état initial et l'état final. « quantité déterminante » pour chacun de ces élé- ments. Cette quantité a, d’ailleurs, le même genre d'expression que pour la transformation totale, si l'on admet, du moins, que chaque état intermédiaire puisse être maintenu moyennant une modification convenable des actions extérieures; cette restric- tion, légitime si on laisse de côté les phénomènes explosifs, est nécessaire pour que chaque état puisse faire partie d'une modification réversible, et qu'on puisse définir l'entropie qui lui correspond. Nous sommes alors conduit à exprimer, en chaque point, la condition de possibilité pour voir si, à chaque instant, la modificalion est possible, et nous serons forcé, dans certains cas, d'écarter comme irréalisable, pour celte raison, une trans-. formation qui nous avait paru possible, en envisa- geant seulement la condition appliquée au chemin total ; au contraire, si cette condition générale nous a fait conclure à une impossibilité, cela tient néces- sairement à ce que certains éléments de la somme sont négatifs, puisque la somme l'est elle-même, et le chemin est, pour cette raison, impraticable. Les résultats de cette étude seront alors repré- sentés de la facon suivante, du moins si les va- riables, ne dépassant pas deux, peuvent être figu- rées sur le plan horizontal. ? En chaque point, on tracera un vecteur dirigé $ dans le sens où la transformation est possible, c'est-à-dire dans le sens où la « quantité détermi- ] nante » est positive, et l'on portera sur cette droite une longueur proportionnelle à celte quantité, en terminant le vecteur par une flèche : on indiquera par un trait non pourvu de flèche la modification réversible qui correspond à un vecteur nul; par raison de continuité, les vecteurs positifs seront tous d'un même côté du lrait relatif au changement rés= versible, et l'on aura une représentation analogue à celle de la figure 3, sur laquelle on peut prévoir une position d'équilibre stable, au voisinage de H.. Une modification ne sera réalisable que si, en chaque point, sa ligne figurative se dirige dans le sens des vecteurs positifs. On pourra aussi réunir par un trait les extré- mités de chacun des vecteurs relatifs à un point; DL TS 4 à 1 G. MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE 657 on aura ainsi de petites courbes fermées tangentes à la direction de reversibilité, et l’on peut dire encore : Une modification ne sera réalisable que si, en chaque point, la ligne figurative pénètre dans la courbe en question (fig. 4). Une transformation réversible entre deux élats sera représentée par la ligne tangente en chaque point à la courbe élémentaire considérée. Nous pourrons donc dire, d'une manière géné- rale, que les transformations se produisent de façon à rendre positif l'accroissement d'une cer- taine quantité, qui tend ainsi vers la valeur maxi- mum qu'elle est susceptible de prendre. D'un autre côté, si, à partir d’un point A, diffé- rentes voies peuvent êlre suivies qui satisfont à cet énoncé, l'indétermination sera levée par la connais- sance des conditions initiales, el la solution devrait être entièrement connue, sans ambiguité. Il en serait ainsi, en effet, s’il s'agissait du do- maine mécanique, et nous pourrions dire avec cer- titude que le corps parlant d'un point « arrivera sans aucun doute en un point x. Mais, dans le domaine physique ou chimique, nous sommes moins affirmatifs et nous annonçons seulement la possibilité d'un certain nombre de phénomènes susceptibles de succéder au premier. Nous pouvons nous demander à quoi lient cette différence et si l'espoir nous est interdit de pou- voir mieux préciser un jour la nature du phéno- mène qui doit se produire. On pourrait en trouver la cause, comme nous l'avons dit, dans l’impossibi- lité de certains passages intermédiaires ou dans l'inexistence de certaines phases transitoires, et c'est peut-être là la raison qui fait que, dans cer- taines réactions chimiques, des transformations ne se réalisent pas, qui apparaissent cependant comme possibles, lorsqu'on les envisage dans leur en- semble. Mais elle provient, d'une facon essentielle, du Caractère de possibilité du principe de Thermody- namique qui nous à servi de point de départ; et, Pour savoir si l’on pourra le modifier lui-même et le transformer ultérieurement en un principe de né- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. cessité, il faut connaître la nature de l'obstacle qui s'y oppose dans l'état actuel de nos connaissances. Nous nous tenons évidemment là sur un terrain dont la solidité n’est pas absolue, et nous sommes un peu réduit à des hypothèses. Mais toutes sortes de raisons font penser que l'obstacle provient de l'existence de phénomènes analogues au frottement, à la viscosité; ces phénomènes, dont la nature in- time nous est inconnue, dont l'expression se soumet alors malaisément au calcul, introduisent dans les équations des termes complémentaires; d'autre part, les frottements interviennent pour créer de faux équilibres. Toutes ces notions de viscosité, de frottements, de faux équilibres, introduites par M. Duhem, se sont montrées des plus fécondes; en particulier, on peut les rattacher étroitement à l'inégalité de Clausius, dont elles précisent la signification. D'ailleurs, l'exemple mécanique que nous avons utilisé nous permet de poursuivre utilement la comparaison ; nous avons fait d’abord abstraction du frottement, et c’est ce qui nous a permis de dire avec cerlitude que le corps, en tombant, devait alteindre telle ou telle position ; mais, s'il intervient une adhérence susceptible d'arrêter le corps sur la pente, ou d'absorber une partie de la force vive (et de la transformer, d’ailleurs, en chaleur), nous ne pourrons plus parler avec la même assurance; si nous ignorons les lois du frottement et les condi- tions qu'il entraine, nous dirons seulement que le mouvement sera possible, car nous réserverons le cas où le froltement serait trop grand, et ce n'est qu'après avoir étudié les lois de ce frottement que nous pourrons dire, d'une part : « Le mouvement se produira dès que la force agissante dépassera telle valeur numérique », et d’autre part : « En raison des résistances passives, le corps s'arrêtera en tel point, différent de celui que la théorie précédente nous permettait de déterminer ». En somme, la considératien du frottement dans les questions d'équilibre transforme les égalités de la Statique en des inégalilés; elle introduit dans les équations de la Dynamique des termes complémentaires, et, si l’on se borne à être rensei- gné sur le signe de ces termes, l'égalité se trans- forme encore en une inégalité. L'état de nos connaissances croissantes nous fait donc passer par deux phases successives, et le ca- ractère de nos prévisions acquiert graduellement un plus grand degré de certitude : à la déclaration de possibilité succède celle de nécessité dans le do- maine mécanique. Il y a lieu de penser qu'il en sera un jour de même dans le domaine physico-chimique, pour lequel nous nous trouvons actuellement dans la première phase. Aa 658 G. MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE Remarquons, en effet, que, pour établir les lois relatives au déplacement de l'équilibre el pour exprimer les conditions de cet équilibre, on a eu recours à l'inégalité de Carnot-Clausius en écrivant, conformément aux principes de la Mécanique con- venablement généralisés, que toutes les modifica- tions qu'on pouvait imaginer à partir d'un tel état élaient irréalisables; c'est donc le seul caractère de possibilité de ce principe qui est intervenu. On peut se demander alors si les règles relatives au déplacement de l'équilibre ont, à leur tour, un caractère de nécessité, et il y a eu sur ce point des divergences de vues qu'il est bon de signaler. Les uns ont émis l'idée que la règle n’avait rien de nécessaire et que la transformation prévue pouvait ne pas se produire sans que la théorie fût en échec. D’autres, s'appuyant sur le caractère de l'analyse qui permet de formuler la règle, ont d'abord été disposés à croire qu'elle exprime une condition suffisante et que la transformation pré- vue doit se produire. Ces deux opinions peuvent se concilier dans une troisième, qui consiste à penser que, dans le do- maine de la Mécanique et de la Thermodynamique classique dénuée de frottement, là où interviennent des équilibres vrais, le principe auquel conduit l'analyse énonce une condition nécessaire et suf- fisante ; l'équilibre exige alors que, pour toutes les modifications virtuelles, les travaux soient nuls conformément au principe de Lagrange; d'ailleurs, pour de telles transformations, l'inégalité se trans- forme en une égalité, et le double signe = doit être introduit et maintenu pour prévoir ce cas. Au contraire, dans le domaine de la Thermodyna- mique où interviennent les frottements, là où il ne s'agit plus d'équilibres vrais constamment modifiés par les changements extérieurs, celte indétermination même introduit dans le raisonne- ment des restrictions qui ne permettent plus de considérer la condition comme suffisante; le sys- tème peut alors se maintenir sans altération, bien que certaines modifications virtuelles entrainent un travail différent de zéro. Il ÿ a, cependant, toute une catégorie de phé: nomènes dans lesquels la modification déclarée possible ne se réalise pas, et pour lesquels le désaccord provient d’une toute autre cause : ce sont des transformations qui ne se produisent pas tant qu’il n'y a pas déjà au contact des éléments une partie de la matière déjà transformée (retard d'ébullition, de solidification, de cristallisation, de condensation, etc….). Ce désaccord s'explique en remarquant qu’on a supposé dans le calcul la transformation s'opérant au contact de masses notables, de manière à pouvoir négliger certains termes complémentaires qui traduisent l'action des surfaces (actions molé- culaires, forces capillaires, etc...) et qui peuvent disparaître devant l'action des masses elles-mêmes ; mais, si ces masses deviennent assez petites pour que l’action des surfaces devienne prépondérante, en négligeant ces termes on fausse le résultat des calculs, et il ne faut plus s'étonner s'ils ne sont plus d'accord avec l'expérience; en les introduisant d’une facon correcte, on reconnaît alors que la transformation ne doit pas se produire tant qu'il n'y a pas préalablement une quantité de matière transformée supérieure à une certaine limite, et l'expérience confirme entièrement ces déductions; c'est ce que M. Duhem appelle les faux équilibres apparents pour les distinguer des faux équilibres réels; ceux-ci résultent du frottement, et il s’agit là, suivant le même auteur, d'une propriété essen- tielle, en quelque sorte primordiale de la matière, dont le frottement que l’on envisage en Mécanique nous donne seulement une idée grossière. Ce frot- tement (mécanique), qui provient des aspérités, et qu'on peut atténuer dans une large mesure en diminuant les rugosités, se caractérise par ce fait qu'il introduit une résistance passive de nature à s'opposer aux transformations, et à donner nais- sance à un travail dont le signe est toujours le même; c'est cette propriété fondamentale, et en quelque sorte irréductible, que l’on invoque tout spécialement lorsqu'on fait intervenir le frottement dans la Thermodynamique. Cette opposition entre la Mécanique classique et la Thermodynamique est assez importante pour que nous insistions encore sur ce point. Dans les questions de Mécanique rationnelle, on aboutit, en combinant les équations fondamentales de la Dynamique, à une égalité, dite équation des forces vives, qui établit une relation entre les vitesses. les masses et les travaux effectués par les forces qui agissent sur le système; on peut l'écrire symboliquement de la façon suivante : Travail — variation de la demi-force vive = 0. Cette égalité est utilisée pour connaître à chaque instant les conditions de la déformation. pour toute transformation réalisable ; elle signifie Dans le domaine de la Thermodynamique, on | aboutit celte fois à une inégalité, qui est satisfaite qu'une certaine grandeur (qu'on peut appeler, dans A le cas d'une modification isothermique, chaleur non compensée, chaleur transformable, travail non compensé) est assurément positive. | On peut se demander à quoi tient cette diffé rence, et pourquoi nous aboutissons, suivant le genre de problème, à une égalité ou à une inégaz lité, et enfin l'on peut chercher ce qu'il faudrait ajouter pour supprimer cette distinction: | | is G. MESLIN — CONSERVATION ET UTILISATION DE L'ÉNERGIE 659 M. Duhem a montré, comme il a été dit plus haut, qu'on peut la faire disparaître en introdui- sant dans le domaine thermodynamique la consi- dération de forces supplémentaires qu'il appelle forces de frottement et forces de viscosité: elles ont la propriété d'agir d'une facon passive, à la manière d'obstacles ou de résistances, et de donner naissance à un travail qui est toujours de même signe; en tenant compte alors de ces forces et en suivant un raisonnement analogue à celui que l’on suit en Mécanique, on aboutit à une égalité qui peut être considérée comme une généralisation de l'équation des forces vives : le premier membre est constitué d’une facon analogue; mais le second membre, au lieu d'être égal à zéro, renferme les termes qui expriment le travail des forces de frot- tement et de viscosité; on peut l'écrire schémali- quement de la facon suivante : Travail de frottement membre de l'équation : à RS q 1- Travail de viscosité. Généralisation du 4er des forces vives. En un sens, on a ainsi complété l'analogie entre les deux domaines, et, si nous connaissions l’ex- pression complète des forces de frottement et de viscosité, nous pourrions utiliser cette équation pour étudier les conditions de la transformation. Mais, dans l'ignorance où nous sommes de la forme de ces termes, cette équation ne peut nous être d’un grand secours; néanmoins, comme nous Savons que ces termes ont un signe constant, nous pouvons écrire que le premier membre garde ce signe et nous transformerons ainsi notre égalité en une inégalité susceptible de nous fournir alors des renseignements moins précis. D'ailleurs, ce premier membre n'est autre, à un coefficient numérique près, que l'expression trans- formée du terme qui, pour les modifications iso- thermiques, représentait la chaleur transformable : nous retrouvons donc ainsi la condition initiale de possibilité, en même temps que nous précisons le sens du terme considéré : il représente le travail des forces de frottement et de viscosité, dont le signe est constant; il est nul lorsque ces forces n'interviennent pas, c'est-à-dire pour toutes les transformations de la Mécanique rationnelle clas- Sique, ainsi que dans le domaine thermodyna- mique lorsqu'il s'agit de modifications reversibles. En introduisant donc le travail des forces de frot- tement et de viscosité, on transforme les inégalités en des égalités, et en faisant abstraction de ces termes, dont le signe est constant, on retrouve l'inégalité de Clausius, dont le sens est ainsi res- pecté ; mais la solution qui se présente alors comme première approxitation n'a plus qu'un ca- ractère de simple possibilité, en raison de l'exis- ténce des faux équilibres. On peut s'inspirer même de ces notions pour mo- difier notre comparaison et en tirer d'utiles analo- gies. Puisque, même sur la pente, là où elle n’est pas trop rapide, l'équilibre peut avoir lieu en raison des frottements, on peut substituer aux points d'équilibre vrais, c'est-à-dire aux différents minimas, des paliers horizontaux sur lesquels le corps peut demeurer tant que des efforts inférieurs à une certaine limite ne les lui feront point aban- donner; cette limite dépendra, d’ailleurs, de la nature du frottement et de l'étendue du palier (zone des faux équilibres). Si l’on arrivait à délruire ou seulement à dimi- nuer ces adhérences, ces frottements, la marche du phénomène serait alors plus aisée à prévoir et le chemin suivi pourrait être précisé, en connaissant les conditions initiales et les liaisons imposées. Or, on peut penser que l'élévation de tempéra- ture atténue ces phénomènes perturbateurs et tend à donner aux molécules une mobilité plus grande, comme si elle supprimait l’adhérence en question. S'il en est ainsi, on pourra affirmer qu'au-dessusg d'une température déterminée, un certain phéno- mène se produira. Cette température n'est autre que ce qu'on appelle le point de réaction, et la né- cessité, reconnue par tous, de se placer au-dessus du point de réaction pour annoncer avec certitude la production du phénomène est d'accord avec les no- lions que nous venons de résumer. L'élévation de température peut intervenir, en outre, en modifiant les positions d'équilibre, c'est- à-dire la situation des points «,, «,, et en faisant en sorte que, l'état initial étant moins éloigné de l'état d'équilibre (par exemple le cas des corps non combinés par rapport aux combinaisons incom- plètes), le système gagnera son état final dans des conditions qui s'écartent moins des états d'équi- libre, et, par conséquent, d'une façon moins vive ou en dégageant moins de chaleur. Ce ne sont là que des analogies, qui donnent seu- lement une idée des efforts qu’il y a lieu de faire encore pour perfectionner la Physico-Chimie, ainsi fondée sur des bases rationnelles. Nul n’y a travaillé avec plus d’ardeur et de succès que M. Duhem, qui a d'abord rendu à la science française le plus signalé des services en je- tant un cri d'alarme, qui, dans une longue série de remarquables travaux, a tracé les voies nouvelles vers lesquelles doivent se diriger les sciences phy- siques et chimiques, s'y est engagé résolument et y entraîne avec lui lous ceux qui sont à la re- cherche des lois fondamentales suivant lesquelles évolue la Nature. G. Meslin, Professeur de Physique à l'Université de Montpellier. 660 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Dassen (Claro-Cornelio), Professeur à l'Université de PBuenos-Ayres. — Etude sur les Quantites mathématiques. Grandeurs dirigées. Quaternions. — 41 vol. in-8° de 133 pages (Prix : 5 fr.). Hermann, éditeur, Paris, 1904. Ouvrage de vulgarisation, à lecture agréable et inté- ressante. On y trouvera avec plaisir des explications substantielles sur le développement successif, histo- rique et logique, de la notion de nombre : nombres entiers, fractionnaires, négatifs, imaginaires, qua- ternions, etc. LÉON AUTONNE, Maître de conférences à la Faculté des Sciences de Lyon. Baumgartner (F.), Zngénieur-constructeur. — Ma- nuel du Constructeur de Moulins et du Meunier. Tome 1 : Les Machines de Meunerie. (Traduit de l'allemand par M. Pauc Scaoren). — 1 vol. in-8° de 612 pages avec 482 fig. (Prix : 20 fr.). Ch. Béranger, éditeur, Paris, 1903. Un des ingénieurs les plus distingués de l'Allemagne, M. Baumgartner, qui, depuis de longues années, s'occupe spécialement de la construction des moulins, a réuni, dans un ouvrage qui ne doit pas comporter moins de cinq volumes, les nombreux documents qu'il possède sur cette question. M. Paul Schoren, ingénieur des Arts et Manufactures, a entrepris la traduction de cet ouvrage. A en juger par le premier volume (les Machines de Meunerie), qui vient de paraître, l'ouvrage est bourré de descriptions détaillées, de calculs bien établis, de chiffres précis, qui constituent pour le meunier, el Sur- tout pour le constructeur de moulins, autant de rensei- gnements précieux; tout y est bien ordonnancé, écrit d'un style clair, et dénote, de la part de l’auteur, autant d’érudition que de méthode. L'auteur décrit dans les moindres détails, et avec tout le développe- ment qu'ils comportent, les appareils de nettoyage, puis les appareils de mouture, meules et cylindres, et enfin les bluteries: les appareils accessoires : balances, collecteurs à poussière, mélangeuses, ensacheuses,etc….; les engins de transport y sont également étudiés en détail. Le seul reproche que l’on puisse faire à M. Baumgartner, et qu'il partage avec un trop grand nombre d'auteurs allemands, c'est qu'il n'a d'yeux et d'oreilles que pour les hommes de science et les cons- tructeurs de son pays, et qu'il néglige trop de regarder et d'écouter ceux qui ont fait quelque chose dans les pays voisins, et spécialement dans le nôtre. Aussi doit-on excuser le traducteur, quand, dans sa préface, il nous dit que c'est à peine si notre industrie meunière peut se dire légale de sa sœur allemande, tant au point de vue de la fabrication rationnelle qu'à celui de l'outillage, que. les moulins les mieux montés de France le Sont encore aujourd'hui par des alle- mands, à la plus grande honte de l'industrie française, que. Ja France est tributaire de l'Allemagne. Si M. Schoren avait suivi le mouvement qui s'est produit en France depuis 1878, il tiendrait compte des remar- quables travaux scientifiques d'Aimé Girard, de Grand- voinnet, etc.; il tiendrait compte de la valeur de nos constructeurs, les Brault, Teisset et Gillet, les Rose frères, Chaudel-Page, etc., qui le disputent parfaite- ment bien aux constructeurs allemands; il tiendrait compte des inventeurs de la meunerie, Josse, Demaux, Outrequin, Maurel, etc. Ce n'est pas d'Allemagne qu'est venu le grand mouvement industriel qui, en ET INDEX quelques années, a bouleversé la meunerie universelle: c'est d'Autriche, avec André Mechwart, ingénieur de la maison Ganz, avec Hagenmacher; c’est de Suisse, avec Wegmann, Davério, etc. Quant à nos moulins, quelques- uns ont pu être garnis des appareils allemands par Seck ou Luther de Darmstadt, par Seck frères de Dresde, par Amme Giesecke et Künegen de Brunswick, mais beaucoup renferment les appareils de Bubler, d'Uzwill (Suisse), ou de Millot et de Davério, de Zurich, et même de nos constructeurs français que j'ai cités plus haut, et je puis affirmer que ces derniers n'y sont pas déplacés. Pour excuser de semblables oublis de la part de M. Baumgartner, le traducteur présente son livre comme susceptible d'apprendre aux meuniers leur métier en leur enseignant ce qui se passe en Allemagne; il faudrait les persuader d'abord que l'Allemagne est le seul pays où il se passe quelque chose. ILest, en outre, malheureux que M. Schoren n'ait pas conservé aux termes techniques la terminologie fran- caise; nos meuniers se trouveront dépaysés quand on leur parlera de soufflets, de tournants à volante Supé- rieure, de machines de moulage où de mouturage; il eut été si simple de dire ventilateurs, moulins à meule supérieure tournante, et mouture. è Fai tenu à faire ces réserves, car on accepte trop aveuglement les lecons qui nous viennent d'Allemagne. Quelque puissante que soit aujourd'hui l'industrie allemande, elle n'a pas tout fait; nous avons certaine- ment à apprendre d'elle, mais nous ne sommes pas des écoliers et des débutants. Il n’y a guère d'industrie en France qui ait, précisément comme la Meunerie, su profiter autant de ce qui se faisait autour d'elle, etqui, en quelques années, ait transformé son outillage et ses procédés. Nos meuniers ne doivent pas s'endormir dans » la quiétude de l'œuvre accomplie: ils ont le désir de … s’instruire encore et, sans faire table rase de ce qu'ils savent déjà, ils puiseront volontiers dans le livre de M. Baumgartner ce que sa science et sa longue expé- rience lui ont permis d'exposer. M. Schoren, en tradui- sant cet ouvrage, leur aura rendu un véritable service. L. LiNper, . Docteur ès sciences, Professeur à l'Institut National Agronomique: 2° Sciences physiques __ Utilisation des chutes | Lévy-Salvador (Paul). d'eau pour la production de l'Energie électrique. Application aux usages agricoles. — 1 vol, in-8° de 122 pages avec figures. (Prix :5 fr.) Ch. Béran- ger, éditeur. Paris, 190#. Le titre de ce petit livre en indique nettement l'objet. L'auteur a traité son sujet sans considérations transcen=" dantes, ni développements inutiles. Il a donné, sur les installations hydrauliques etsur leurs applications élec- triques, les indications strictement néces aires à ceux qui ne sont pas au courant de la théorie des machines, et qui désirent seulement les connaitre en vue de leur application à l’agriculture. Il considère le rôle social que pourraient jouer les installations de ce genre, si on parvenait à les multiplier et à en rendre l'industrie florissante. Elles enrayeraient, en effet, l'émigration des popula tions ouvrières rurales vers les villes, en facilitant l& distribution de force motrice à domicile. « Le cultivateur verrait sa ferme se transformer en une sorte d'usine, dont il aurait la direction et à la marche de laquelle il s'intéresserait : il lui serait loi BIBLIOGRAPHIE -—— ANALYSES ET INDEX 661 sible de distribuer à profusion l'éclairage, tant dans sa maison d'habitation que dans ses dépendances, et d'occuper aisément les longues soirées d'hiver. Dans ce milieu propre, clair et gai, son intelligence se déve- lopperait, son éducation s'assouplirait; la vie maté- rielle des ouvriers devenant meilleure, leur attache- ment au sol natal el au foyer familial augmenterait, et peut-être songeraien(- ils moins à déserter les champs pour aller grossir le nombre trop considérable de ceux que les grandes villes attirent. L’ électricité, qui à déjà fait tant de merveilles, et 5 en fera plus encore, aurait produit là une trans- formation de la vie rurale, dont les conséauences seraient des plus remarquables. En attendant que cette évolution se dessine, il est du devoir de tous ceux qui s'intéressent à la prospérité économique du pays de chercher à engager les populations laborieuses dans la voie de l'utihsation rationnelle de la force motrice hydraulique, source inutilisée de richesses qu'il leur serait relativement facile de mettre en valeur, si elles en connaissaient l'existence. » Nous n'avons pu résister au désir de citer cette intéressante appréciation, qui nous parait justifiée, et nous sommes tout à fait de l'avis de l’auteur quand il examine ensuite le rôle que pourraient jouer, dans le développement rationnel de ces applications, l'Etat, l'individu isolé ou l'association d'hommes ayant le même intérêt à utiliser tant d'énergie perdue, examen que l’auteur termine en donnant la préférence à l’uti- lisation par association. Enfin, l’auteur n'a pas méconnu les dangers de l'ignorance e en matière d'électricité. Son livre consti- tue déjà un enseignement utile : il en a encore étendu la valeur en joignant à son livre la reproduction des prescriptions officielles des Postes et des Télégraphes et de l’Académie de Médecine en vue de la sécurité dans les installations électriques. P. LETHEULE. Astrue (A.), chargé des fonctions d'agrége à l'Ecole supérieure de Pharmacie de Montpellier. — Recher- ches sur l'Acidité végétale. (T'hèse présentée à la Faculté des Sciences de Paris.)—1 fase. de 108 pages ; Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1903. Une ère de rapide progrès s'ouvre toujours pour une science lorsque.son état d'évolution devient tel qu'elle puisse emprunter à une science plus exacte des mé- thodes de travail plus précises, des formes de raison- nement plus rigoureuses. Aussi, secondée par le calcul mathématique, la Physique a-t-elle pu aborder la géné- ralisation de ses problè mes: et la Chimie, fécondée per les admirables théories modernes, s'oriente-t-elle ver les questions biologiques, à la solution desquelles Ge paraît devoir apporter la contribution à la fois la plus puissante et la plus indispensable. Les innombrables métamorphoses chimiques que subit la matière au sein de ja cellule se rattachent étroitement à l’accomplisse- ment de toutes les fonctions de l'organisme animal ou végétal; leur étude permettra donc, grâce à la précision des méthodes d’ investigation dont on dispose aujour- d'hui, de reculer l'horizon qui limite la pensée dans l'obscur domaine de la vie. Aussi y a-t-il lieu d'accueillir avec le plus grand intérêt les résultats fournis par les recherches effectuées dans cette voie. Parmi les problèmes que soulève l'étude des phéno- mènes chimiques de la vie végétale, il en est un qui mérite d'attirer l'attention des chercheurs : nous vou- lons parler de la question relative à l’origine et à la des- tination des acides organiques, si abondants chez la plante, question à la solution de laquelle M. Astruc vient d'apporter une appréciable contribution. Après une introduction dans laquelle sont idiquées et critiquées les recherches antérieures sur le sujet, M. Astruc étudie l'acidité chez quelques plantes ordi- näires et montre, par des observations nombreuses, que les acides végétaux se forment notamment dans les parties les plus jeunes d’un organe, sièges d'une grande activité cellulaire. Mais l'étude de l'acidité végétale est surtout intéres- sante chez les plantes grasses; aussi M. Astruc con- sacre-t-il à cette question le chapitre le plus important de son Mémoire. Un fait se dégage tout d'abord de ses expériences : chez une Crassulacée, l'acidité ne varie pas seulement avec le développement du végétal, mais encore diffère-t-elle suivant qu'on effectue les déter- minations le matin ou le soir, suivant l’éclairement fourni à la plante, suivant l'âge de l'organe examiné. Faisant alors varier systématiquement les divers fac- teurs susceptibles d'influencer l'acidité, l'auteur arrive aux conclusions que voici: 4° La désacidification diurne n’est pas due à la saturation des acides par les bases; 2 Les relations annoncées par certains auteurs entre la valeur de la transpiration et celle de l'acidité n'existent réellement qu'entre la valeur de la transpiration et la proportion des acides organiques complètement sa- turés; 3° Une haute température entrave la formation nocturne des acides organiques; #49 Il paraît exister des relations étroites entre l’acidification et l'assimilation du carbone; 5° La formation des acides, ainsi que le montre une ingénieuse étude sur l'influence des anes- thésiques, dépend aussi de l'activité cellulaire ; 6 Chez C les feuilles sectionnées, le quotient _ est plus élevé et la teneur en acide malique est plus faible que chez les feuilles entières; 7° La composition de l’atmos- phère qui environne la plante exerce une influence sur l'acidité. M. Astruc à apporté autant de soin dans l'exécution de ses expériences que d'originalité dans l'orientation de ses recherches. Les relations qu'il a établies entre quelques-unes des manifestations chimiques de la vie végétale et l'accomplissement des fonctions physiolo- giques de la plante présentent, en dehors de leur intérèt propre, celui de soulever des problèmes nou- VEUX. EUGÈNE CHARABOT, Docteur ès Sciences, Inspecteur de l'Enseignement technique. 3° Sciences naturelles Jacot-Guillarmod (D' J.). — Six mois dans l'Hi- malaya, le Karakorum et l'Hindu-Kush. Voyages et explorations aux plus hautes montagnes du Monde. — 1 vol. in-8° de 363 pages, avec 269 gra- vures, 10 planches hors texte en phototypie, À pano- rama, 3 cartes, 1 graphique. (Prix : 20 fr.). Neuchä- tel, W. Sandoz, éditeur ; Paris, librairie Fischhacher, 1904. Nous avons précédemment relaté ici (15 août 1903), la hardie tentative d’ascension du pic K? entreprise en 1902 par six alpinistes, trois Anglais, deux Autrichiens et un Suisse ; le volume que vient de publier ce der- nier, le D' Jacot Guillarmod, permet de mieux appré- cier Pimportance des résultats géographiques el scien- tiliques dus à cette Expédition et que nous n'avions pu que brièvement esquisser. Si le D' Jacot Guillarmod et ses compagnons n'ont pas pu dépasser la plus haute altitude atteinte jusque- là, le sommet de l'Aconcagua (7.300 mètres), par contre ils sont restés soixante-sept jours sur l'immense gla- cier de Baltoro, et jamais des hommes n'étaient par- ve nus à vivre aussi longtemps à de pareilles hauteurs, 5.006 à 6.000 mètres. Un essai de campement fut fait à 6.400 mètres et, un jour, le D Jacot Guillarmod et M. Wessely purent s'élever, sur l’arète Nord-Est du pic, jusqu'à 6.700 mètres. Ce long séjour sur le glacier de Baltoro à permis aux explorateurs de compléter et de préciser la carte qu'en avait dressée Conway, et de faire un gone nombre d'observations scientifiques de tout genre, bien que ce ne fût pas là le but particulièrement poursuivi par l'Expédition. En dehors des remarques du plus haut intérêt que l'on rencontre dans de nombreux passages du volume, un Appendice a été spécialement consacré à enregistrer les résultats scientifiques de cette cam- 662 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX oops pagne. On y trouve des notes se rapportant à l'état atmosphérique, à la température, à la Botanique, à la Zoologie, à la Géologie, aux glaciers, et d’intéressantes observations physiologiques. Une florule de dix espèces de Phanérogames a été récoltée à 5.200 mètres. De puissantes assises de marbre ont été découvertes sur les flancs mêmes du Chogori. Une observation à noter aussi est que tous les glaciers de la région sont en crue manifeste. L'auteur ne s’est pas borné à raconter la campagne sur le glacier, bien qu’elle occupe la plus grande partie du volume. Mais, prenant le voyage à son début, il a donné au récit des développements d'autant plus amples qu'il pénétrait dans des régions moins fréquen- tées et plus difficilement abordables, comme ces parties reculées de l'Inde qui sont situées au delà de Rawal- Pindi, la station terminus du chemin de fer : la vallée du Jehlum, Srinagar, la vallée de l’Indus et Skardu, la vallée de Shigar, Askoley enfin, où s’organisa la cara- vane. Les nombreuses reproductions photographiques, d’une remarquable exécution, qui accompagnent le volume, n’ajoutent pas seulement un charme de plus à un récit très attachant; ce sont des documents géogra- phiques et scientifiques de premier ordre, pour l'étude orographique et glaciaire d’une des régions les plus grandioses du Monde et les moins connues. G. REGELSPERGER. Olivieri (F. Em.). — A Treatise on Cacao (7T'heo- broma Cacao). — 1 vol. in-12 de 102 pages avec nombreuses illustrations. (Prix : 6 fr. 25). Mole frères, éditeurs. Port of Spain (Trinité), 1904. Le Traité sur le Cacao de M. F. E. Olivieri est l'exposé des résultats de vingt années d'expériences sur la culture de cette plante dans les régions tropicales ; à ce titre, il a une grande valeur pour les praticiens. Il n'en à pas moins au point de vue théorique, l’auteur paraissant être au courant de la plupart des recherches scientifiques auxquelles a donné lieu le cacaoyer et les ayant résumées d’une facon claire et concise à l'usage de ses lecteurs. L'ouvrage envisage d’abord la place du cacaoyer dans le règne végétal, son habitat, la morphologie et la phy- siologie de la plante, puis l'influence du climat, de la température et des vents sur sa croissance. L'auteur étudie ensuite l'importante question de la composition des sols de culture, et des engrais destinés à les amé- liorer ; l'emploi de l’Immortelle comme arbre destiné à ombrager les plants de cacaoyer assure en même temps un renouvellement abondant et gratuit de l’azote du sol. La culture proprement dite, la taille, le brossage des troncs pour les débarrasser des végétations parasites qui entravent le développement des boutons floraux, forment l’objet des chapitres suivants. L'auteur traite avec une grande compétence la question des maladies du cacaoyer causées par des insectes ou des champi- gnons et les moyens de les combattre. Le livre se ter- mine par la récolte des graines, leur séchage et leur préparation. L'ouvrage est illustré de nombreux dessins, très inté- ressants, et de plusieurs reproductions photographi- ques, malheureusement moins réussies. L°1B: Goeldi (D' Emilio A.), Directeur du Musée de Para (Brésil). — Album de Aves amazonicas. 1° el 2e fascicules. — Librairie classique de Alvas et Cie, Rio-de-Janeiro, 1904. L'album de M. Goeldi est un supplément illustré de son ouvrage « Les Oiseaux du Brésil», paru en 1894- 1900, qui donne une récension complète de la faune ornithologique si riche et si variée de cette région; cet atlas sera complet en trois fascicules. Dans les deux fascicules parus, se trouvent notamment les Oiseaux aquatiques (Martins-pêcheurs, Hérons, Räles, Ibis, Spa- tules, Canards, etc.), qui tiennent une place considé- rable dans l’avifaune des rivages amazoniens, puis les Toucans, éminemment caractéristiques des forêts bré- siennes, les Perroquets, Pics, Tinamous, Emeus, etc. Les Oiseaux, classés à peu près suivant leurs affinités zoologiques, sont groupés dans des attitudes pleines de vie et de naturel, au milieu de paysages qui représen- tent la splendide végétation tropicale des forêts et des plages amazoniennes; le nom vulgaire indigène ou portugais est indiqué en même temps que le nom scientifique. Je ne doute pas qu'au point de vue de la détermina- tion des espèces, ces planches ne puissent rendre des services aux voyageurs et naturalistes, malgré la petite dimension des figures, qui ne représentent que les for- mes adultes; mais les dessins sont remarquables par l'exactitude de la pose et du coloris; les aquarelles très artistiques d'Ernest Lohse ont étémagnifiquement repro- duites par l'Institut polygraphique de Zurich, et quel- ques-unes sont vraiment charmantes, entre autres la planche 10, qui représente, d’après une photographie instantanée, une colonie d’/bis rubra, au milieu d'une végétation exubérante. L. Cuénor, Professeur à l'Université de Nancy, 4° Sciences médicales Camus (Jean) et Pagniez (Philippe), Anciens inter- nes de la Salpétrière. — Isolement et Psychothé- rapie. — Traitement de l’Hystérie et de la Neu- rasthénie. — Pratique de la rééducation morale et physique. — 1 vo/. in-8° de 407 pages, avec pré- face de M. le Professeur DrJERINE (Prix : 9 fr.). Félix Alcan, éditeur. Paris, 1904. « Le traitement des psycho-névroses, dit le Profes- seur Déjerine dans la préface de cet ouvrage, subit actuellement une transformation complète, et le mé- decin, s’éloignant chaque jour davantage des pratiques plus ou moins mystérieuses employées dans ce do- maine, cherche aujourd'hui à agir sur le moral de ses malades en s'adressant à leur raison et à leur volonté ». Telle est, en effet, la tendance thérapeutique qui se manifeste depuis quelques années et dont les heu- reux effets ont été déjà maintes fois signalés; ils pa- raissent chaque jour plus appréciables. Ce n’est pas avec une mise en scène impressionnante, ni par des commandements impératifs que l’on obtient la guérison, une guérison durable, des grandes névro- pathies; c'est surtout en protégeant les malades contre l'indulgence mal entendue de l'entourage familial et contre toute cause d'irritation venue du dehors, en leur imposant le repos, en réparant leurs forces, en réta- blissant leur énergie volontaire, en affermissant leur personnalité psychique. L'isolement, avec le repos au lit etla suralimentation, semble aux auteurs le prélude nécessaire de la psycho- thérapie. On prend ainsi plus aisément la direction de l'esprit des malades, et, sans effort apparent, sans ébranlement psychique, on les aide à vouloir guérir, et on les guérit. Telle est la méthode préconisée par M. Déjerine. Il affirme que l'isolement peut être pratiqué dans la salle commune d'un hôpital, aussi bien que dans une maison de santé : une grande salle bien claire; des lits à rideaux blancs tout fermés, et dont pas un pli ne bouge; le silence le plus complet. Là, les malades, mème les grandes hystériques, sont calmes, tout simplement parce qu'elles sont isolées du monde extérieur ; elles ne recoivent ni lettres ni jour- naux, elles ne voient que le médecin, l’interne et la surveillante. A l'heure de la visite, les rideaux des lits sont ouverts, un à un; le médecin s'arrête, s'assied auprès de la malade, lui parle avec douceur et fermeté. Il lui explique pourquoi elle est souffrante, comment elle guérira. L'entretien se termine par quelques paroles réconfortantes; les rideaux retombent, et la mème scène se reproduit au lit suivant, sans bruit, avec la même absence d’apparat. … BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 663 _————_——]— —— — — — —————”—"— ”——’”—’"”—"—"—"—”…"”…”—"—"—"—"—"—"—"—"———"———"—"…"—"…"—"—"…"…"—"…"—"—"———">—"”>—"— Cette méthode simple, rationnelle, donné d'excellents résultats. La psychothérapie a renoncé aux pratiques de l'hyp- notisme ; ses procédés sont différents; elle n’impose au malade aucune contrainte, elle lui demande seulement sa collaboration, un peu de volonté, bien employée, chaque jour. La psychothérapie fait appel à tous les procédés de rééducation. Et il n'y a pas de rééducation physique sans rééducation psychique simultanée; l'une est impossible sans l'autre. Pour obtenir l'exécution d'actes corrects ou la correction d'actes intempestifs, il faut constamment faire appel au contrôle des centres supérieurs. Inversement, l'exécution des actes nor- maux provoque un retentissement favorable sur les centres supérieurs lorsque ceux-ci sont momentané- ment troublés. Tous ceux qui ont eu à faire appel à la psychothé- rapie se sont rendu compte de la nécessité de cette double action concomitante. Ce n’est, en somme, que la mise en œuvre d'une notion aussi vieille que le monde : l'influence du physique sur le moral et réci- proquement. Les auteurs de ce livre ont donc eu raison de faire connaître la valeur des pratiques psychothérapiques applicables à la plupart des affections nerveuses. Dans un travail de laborieuse compilation, ils se sont efforcés de coordonner tous les enseignements de ce genre, de facon à rendre leur emploi pratique. Leur étude est d'ailleurs étayée sur cinquante-deux observations per- sonnelles, très consciencieusement recueillies. Enfin, ils envisagent la question de la prophylaxie du nervosisme. Après l'influence héréditaire, après celle de l'éducation, le surmenage est la cause principale des névroses. L'histoire des névrosées soignées à l'hôpital nous montre le plus souvent des ouvrières placées entre ces deux alternatives : le surmenage ou la misère. C'est un devoir pour le médecin que de signaler ce péril social, et de faire appel, au nom de l'Hygiène, à la justice et à l'humanité contre un dangereux facteur de la dégénérescence de la race, D' Henri MEIGE. inoffensive, a Le Damany (P.), Professeur à l'Ecole de Médecine de Rennes.— Les Epanchements pleuraux liquides. — À vol. de l'Encyclopédie scientifique des Aïde- mémoire. (Prix 2? fr. 50.) Masson et Cie, éditeurs, Paris, 1904. L'originalité du livre de M. P. Le Damany réside dans l'interprétation anatomo-pathologique et patho- énique qu'il donne des épanchements pleuraux. $ l'on veut arriver, dit-il, à comprendre clairement comment se forment les épanchements pleuraux, si l'on veut se faire une idée nette des raisons pour lesquelles tel microbe donne tantôt un épanchement séreux et tantôt un épanchement purulent, si l'on veut enfin savoir pourquoi tantôt le microbe pathogène existe dans l’épanchement et tantôt y manque, mème s’il est purulent, pourquoi il y a des épanchements pleuraux d’origine microbienne et d’autres dus à une lésion aseptique, on sera conduit à séparer en deux classes l'ensemble des épanchements pleuraux d'apparence inflammatoire : les uns sont pleurétiques, c'est-à-dire produits par un microbe pullulant et agissant dans la cavité pleurale; les autres sont pseudo-pleurétiques, et se forment par le mème mécanisme que les hydro- thorax, c'est-à-dire qu'ils sont la conséquence de l’ædème qui prend naissance autour d’un foyer con- gestif d'origine microbienne parfois, parfois au con- traire aseptique. Le microbe pathogène, quand l’affec- tion causale est microbienne, n’est plus dans la cavité pleurale, mais sous la plèvre, par exemple dans le poumon, dans le foie ou dans le péritoine. La conception de M. Le Damany paraît justifiée par les résultats que donne le cytodiagnostic : la pleu- résie sérofibrineuse (pleuro-tubereulose), maladie pleu- rale, se différencie nettement, par la prédominance des mononucléaires, des pleurésies brightiques, pneumo- niques, typhoïdiques, etc., maladies pseudo-pleurales caractérisées par les placards endothéliaux. Dans le dernier cas, la stérilité de l’'épanchement, même lorsqu'il est purulent, est également en opposition avec la virulence observée dans le liquide de la pleurésie vraie. L'allure clinique est tout autre, elle aussi. Il apparaît done bien que la division établie par le pro- fesseur de Rennes n'est pas artificielle et qu'au con- traire elle répond à la réalité des faits. Elle éclaire d'un jour très particulier l'histoire des épanchements pleuraux, que l'intéressante monographie de M. Le Damany nous permet d'étudier à la clarté des mé- thodes modernes et des documents cliniques et ana- tomo-pathologiques les plus récents. D' GABRIEL MAURANGE. 5° Sciences diverses The Jewisch Encyclopedia (A DESCRIPTIVE RECORD OF THE HistTORY, RELIGION, LITTERATURE AND CUSTOMS OF THE JEwisca PEopLe). Tomes 1 et II. — 2 vol. gr. in-8° de 685 pages chacun, avec nombreuses illustrations en noir et en couleurs. Funk and Wagnalls Company, éditeurs. New-York et Londres, 1904. Par suite de leur longue histoire et de leur grande dispersion, les Juifs ont joué un rôle dans la plupart des mouvements importants de l'histoire de la race humaine. La part qu'ils ont prise au développement de la pensée humaine et du progrès social méritait d’être présentée d'une facon systématique, à la lumière des découvertes de la science moderne. C’est le but que se propose l'Encyclopédie juive, dont les deux premiers volumes viennent de paraître. Les sujets traités dans cet ouvrage se rapportent à l’histoire, à la biographie, à la sociologie, à la littérature, à la philosophie et à la théologie hébraïques. La réalisation d’un aussi vaste programme ne pouvait être l’œuvre d’un seul : à la tête de l’œuvre se trouve donc un Comité d'édition améri- cain, composé de treize membres, parmi lesquels M. J. Singer, le promoteur de l’entreprise, MM. Cyrus Adler, bibliothécaire de la Smithsonian Institution, à Washing- ton, P. Gottheil, professeur à la Columbia University, à New-York, M. Jastrow, professeur à l’Université de Philadelphie, C. H. Toy, professeur à l'Université Har- vard, à Cambridge, etc. Ce Comité est assisté dans sa tâche par un Conseil consultatif étranger, d'une tren- taine de membres, où MM. Anatole Leroy-Beaulieu, J. Lévi et Z. Kahn représentent la France. Enfin, l'En- cyclopédie s'est assuré le concours de plusieurs cen- taines de collaborateurs, professeurs, historiens, voya- geurs, etc., dans le monde entier. On voit par là quelles garanties de sérieuse critique présente l'ouvrage, et quel esprit vraiment scientifique a présidé à son élabo- ration. Dans les deux volumes parus, nous signalerons,comme intéressant plus particulièrement nos lecteurs, des ar- ticles sur : la coutume des ablutions, au point de vue historique et hygiénique ; les académies de Babylone et de Palestine; les accents dans la langue hébraïque : l'agriculture en Palestine, autrefois et aujourd’hui, et les essais encourageants de colonisation agricole juive en Russie, en Palestine, aux Etats-Unis, au Canada et dans la République Argentine; l'a/chimie juive; Alexan- drie ancienne et moderne et ses écoles philosophiques; l'Alliance israëlite universelle; l'alphabet ; l'anthro- pologie juive; les aguedues en Palestine ; l'archéologie hébraïque; l'astrologie et l'astronomie chez les Juifs; la ville de Babylone, d'après les plus récentes décou- vertes assyriennes, etc. L'exéeution typographique, confiée à la maison Funk et Wagnall, est très remarquable, étant données sur- tout les nombreuses difficultés que présentaient les citations en hébreu, arabe et autres langues orientales. De nombreuses illustrations et quelques belles planches en couleurs viennent encore rehausser la valeur de l'Æ£n- cyclopédie juive. 664 ACADÉMIES ET SOCIÈTES SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Seance du 13 Juin 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. —-M. P.Boutroux présente ses recherches sur une classe d'équations différentielles à intégrales multiformes. — M. Eug. Lebert montre que si, en général, il n'y a aucune relation simple entre l'énergie mise en jeu dans les actions statiques et ces actions, il peut se présenter aussi des cas où l'effort est exactement proportionnel à l'énergie (cas réalisés par M. Chauveau). — M. P. Duhem démontre que des oscillations petites et fréquentes de la température et des actions extérieures n’exercent presque aucune influence sur un système défini par deux variables à hystérésis. — M. Millochau à photographié à diverses reprises le spectre de Jupiter. Les épreuves obtenues montrent nettement cinq bandes d'absorption spéciales à l'atmosphère de Jupiter. 90 SCIENCES PHYSIQUES. — M. R. Blondlot commu- nique de nombreuses expériences, qui prouvent, d'après lui, que la plupart des corps projettent spontanément et continuellement une émission pesante.— M. J. Bec- querel à constaté que l’échauffement d'un corps ame- nant une dilatation est accompagné d'une émission de rayons N,, et le refroidissement produisant une con- traction donne naissance à des rayons N. Les vapeurs d'alcool possèdent les mêmes propriétés que les anes- thésiques vis-à-vis de ces rayons. — M. C. Chéneveau a étudié les indices de réfraction des solutions. L'in- fluence du corps dissous sur la marche des rayons lu- minenx semble être une propriété atomique additive; elle est indépendante de l'état d'ionisation du corps dissous et de la formation possible d'hydrates. —- MM. André Broca et Turchini montrent que la nature des phénomènes de décharge dans l'air peut être extrè- mement variable et apporter des perturbations pro- fondes dans les propriétés électriques des circuits de haute fréquence. — M. J. Meyer à observé que l'eau pure soumise à l'action d'une source de rayons N devient elle-même une source de rayons N,. — M. Eug. Bloch décrit une méthode de zéro pour la mesure de la mobilité des ions dans les gaz. — MM. Ph. A. Guye et S. Bogdan ont déterminé le poids ato- mique de l'azote par pesée d’un oxyde d'azote, décompo- sition de celui-ci par un fil de fer incandescent qui se combine à l'oxygène et pesée de l’oxyde de fer formé. La moyenne des expériences préliminaires à donné Az — 14,007 pour 0 — 16. — M. P. Lebeau à reconnu que la décomposition, sous l'action de la chaleur et du vide, de mélanges de carbonate de calcium avec les car- bonates de Cs, Rb, K et Na peut être obtenue, d’une facon complète, à des températures voisines de 1.000°. —— M. A. Joannis, en dissolvant un sel d’ammonium dans du gaz ammoniac liquéfié et faisant réagir cette dissolution sur du sous-oxyde rouge de cuivre, à obtenu le formiate cuivreux (HCOO Cu*.4AzH%. 1/2 HO, et le benzoate cuivreux (C°H%.C00)Cu*.5A2H°. — M. E. Berger, en dissolvant dans un excès d'acide phospho- reux le sesquioxyde de fer hydraté récemment préci- pité, précipilant par l’eau en excès et lavant longtemps à l'eau froide, a obtenu comme résidu un phosphite ferrique basique (PO*H)‘Fe*.Fe(OH)*.5H°0. — M. Hector Pécheux à préparé un certain nombre d'alliages Bi-Al et Mg-Al. Ils sont inoxydables à l'air et attaqués vive- ment par les acides et la potasse caustique concentrée à froid. — M. P. Brenans décrit divers composés iodés obtenus avec la métanitraniline : nitraniline monoiodée -1:6:3, F. 160°, 5; nitraniline diiodée - 1:2:4:3, F. 1259, — M. L.-J. Simon a observé que l'éther oxala- cétique subit spontanément une altération qui le rend colorable en violet par les alcalis; elle est vraisembla- blement due à la formation d'un dérivé dioxyquino- nique. — M. J. Schmidlin a préparé les sels polyacides des rosanilines; ils se dissolvent dans l’eau et dans l'alcool avec la même couleur que les sels monoacides. — M. G. André à étudié les variations de composition de quelques graines pendant leur maturation. — MM. Eug. Charabot et G. Laloue ont constaté que les pétales renferment la majeure partie de l'huile essen- tielle de la fleur d'oranger. Cette huile est un peu plus riche en anthranilate de méthyle que celle qui provient des autres organes floraux. — M. P. Mazé montre que la zymase est très répandue dans les cellules vivantes, mais elle s'accumule de préférence en l'absence d’oxy- gène. D’après lui, elle serait formée par la réunion de deux diastases, l'une qui transforme le sucre en aside lactique, l’autre qui dédouble ce dernier en alcool et CO. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau commu- nique de nouvelles expériences montrant le parallé- lisme de la dépense énergétique inhérente au travail de soutien des muscles et des charges équilibrées sou- tenues par ces muscles. — M. Aug. Charpentier si- gnale un nouvel exemple d'influence exercée directe- ment par un excitant naturel (vibration sonore) sur le centre cérébral correspondant, en dehors de toute per- ception. — MM. P. L. Mercanton et C. Radzikowski ont constaté que les rayons N n'ont pas d'action sur les troncs nerveux isolés. — MM. C.-J. Salomonsen et G. Dreyer ont étudié l'action physiologique des rayons du radium sur la Nassula et diverses Amibes. Il y a mo- difications pathologiques ou mort suivant la durée de l'exposition. — M. J. Tissot a reconnu que les com- bustions intraorganiques, évaluées d’après les échanges respiratoires, sont indépendantes de la proportion d'oxygène contenue dansle sang artériel. — M. E.Gley a constaté que le sang de la Torpille (Torpedo marmo- rata) contient une substance très toxique pour divers Mammifères : chien, lapin, cobaye. — M. A. Polack à étudié les modifications apportées à la vision des cou- leurs complexes par les divers états dioptriques de l'œil. — M. P. Vigier a observé, dans le cœur de plu- sieurs Mollusques de classes différentes, des fibres musculaires présentant tantôt une simple apparence striée, tantôt une véritable striation. — M. Mader montre que la structure striée des fibres musculaires du cœur chez la Nasse n'est qu'une apparence, due à des superpositions de plans. — M. Eug. Pittard a trouvé, dans une série de crânes valaisans de la vallée du Rhône datant du xui® au xix siècle, plusieurs crânes à faciès négroide nettement caractérisé. — M. L. Vaillant décrit quelques-uns des caractères du Mitsukurina Owstoni Jordan, Squale des grandes pro- fondeurs, dont un exemplaire à été récemment envoyé du Japon en Europe. Ce type se rattache à la famille = 4 EL Lamnideæ. — M. Arm. Krempf montre que certaines productions décrites chez la Wadrepora s'effectuent aux dépens du disque oral et de l'appareil tentaculaire, pars fusion de ses éléments deux à deux. — M. G. Cou- tagne signale quelques cas de polytaxie chez les Mol- lusques terrestres européens. — M. M. Hartog, en SOU= mettant au champ magnétique une suspension den limaille de fer dans un milieu visqueux, a obtenu un spectre magnétique qui représente les phénomènes qui se produisent dans une cellule en division mitotique. — M. P. Ledoux, en enlevant, avant le semis, le point végétatif de la radicule de quelques graines, n'a pas" à dé | ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 665 obtenu la régénération de l'organe lésé. Celui-ci est remplacé par des radicelles à structure spéciale. M. F. Garrigou préconise l'emploi du sulfure de cal- cium légèrement humecté pour la destruction de la euscute et d'autres parasites nuisibles à l'agriculture. — M. F. Foureau à trouvé dans le Djoua, à l’est de Timassânine, divers gîtes fossilifères : dents de Cera- todus, vertèbres de Sélaciens. — M. Em. Haug à étudié les fossiles trouvés par M. Foureau; il paraissent appartenir à l’époque crétacée. — M. C. Noël à cons- taté que les galets du grès vosgien renferment des quartzites du Dévonien et du Silurie n, et des lydiennes appartenant toutes au Silurien supérieur. Séance du 20 Juin 1904. M. Eug. Tisserand est élu Correspondant dans la Section d'Economie rurale, et M. E. Metchnikof Cor- respondant dans la Section d'Anatomie et Zoologie. — La Section d'Economie rurale présente la liste suivante de candidats pour la place laissée vacante par le décès de M. Duclaux : 1° M. L. Maquenne; 2° MM. G. André, G. Bertrand, Kunckel d'Herculais, L. Lindet et ‘P. Viala. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. W. Stekloff pré- sente ses recherches sur la théorie générale des fonc- tions fondamentales. — M. N. Nielsen, en prenant deux équations fonctionnelles comme définition des fonctions sphériques, en déduit une théorie nouvelle de ces dernières. — M. G. Remoundos démontre le théorème suivant : F (7) étant une fonction entière d'ordre p et à croissance régulière, si on la multiplie par une autre fonction entière G (z) quele onque d'ordre au plus égal à p, le produit, lorsque son ordre est égal à p, est toujours à croissance régulière. — M. P. Pain- levé signale un exemple simple où une position régu- lière d'équilibre est stable, bien que la fonction de forces prenne dans le voisinage de cette position des valeurs de signes contraires. — M. Ch. Renard déter- mine les valeurs d'empennage strict des carènes des ballons dirigeables. 2 Sciences PHYSIQUES. — M. C. Chéneveau a constaté que la différence des pouvoirs réfringents équivalents de deux sels de bases avec un même acide est un nombre indépendant de la nature de l'acide; il en est de mème de deux sels d'acides avec une même base. — M. Ch. Fabry à observé que la lumière émise par le fluorure de calcium dans l'arc électrique présente, outre le spectre du métal, un très brillant spectre de bandes, dû probablement aux vapeurs de fluorure non décomposé. MM. A. Cotton ct H. Mouton ont étudié le déplacement des particules en suspension des colloides soumis à l'influence du courant. Tandis que les particules centrales du liquide remontent le courant, celles des parties superticielles le descendent. — M. M. Berthelot signale la difficulté de l'étude des émanations et la possibilité d'expliquer quelques effets qu'on leur attribue par des traces des substances vola- üles multiples contenues dans l'atmosphère et conden- sables à la surface des corps. — M. J. Becquerel à constaté que l’action des rayons N ou N, sur le sulfure de calcium ne se produit plus lorsque le faisceau tra- verse un champ magnétique dans la direction normale aux lignes de force; au contraire, l'action se transmet parallèlement au champ. — M. E. Rothé décrit une méthode photographique pour étudier l’action des rayons N sur la phosphorescence; ceux-ci paraissent, sinon augmenter l'éclat du sulfure, du moins diminuer la vitesse avec laquelle la phosphorescence décroit. — M. C. Gutton a observé que la sensibilité des subs- tances phosphorescentes aux rayons N est très variable avec leur couleur; celles à phosphorescence : violette, sont le plus sensibles ; verte, le sont moins; orange, ne le sont pas du tout. — M. H. Pellat montre que les rayons magnétocathodiques n'ont rien de commun avec les phénomènes de magnétofriction. — M. Ch. Fortin fait voir que les rayons magnétocathodiques se comportent vis-à-vis du champ électrostatique comme le feraient des rayons cathodiques ordinaires enroulés autour des lignes de force magnétique en hélice de rayon très petit. — M. Ch. Nordmann décrit un pro- cédé qui permet d'enregistrer d'une manière continue la déperdition d'un électroscope chargé sous l'influence d'un gaz ionisé, ou de la connaître à chaque instant par une simple lecture et sans aucune intervention opératoire, — M. Eug. Bloch a observé que les ions qui donnent leur conductibilité aux gaz récemment préparés ressemblent, par toutes leurs propriétés, à ceux de l’émanation du phosphore et à ceux des gaz de l’électrolyse. — M. L. Guillet a constaté que l'azote contenu dans la boite de cémentation, et qui intervient dans l'utilisation de certains céments en formant un cyanure, ne s'épuise pas. Les éléments dissous dans le fer retardent la cémentation; ceux qui paraissent ètre à l’état de carbure double l’avancent. — MM. H. Moissan et K. Hoffmann, en chauffant au four élec- trique un mélange de fonte de molybdène, de C et d'Al en excès, ont obtenu un carbure de molybdène MoC. C'est un corps dur, difficilement attaquable par les acides et par la vapeur d'eau au-dessous de 600°. — M. P. Lebeau, par la fusion d'un mélange de CaCO* et de LiCO* dans un courant de CO?, à obtenu un liquide limpide, qui se solidifie en une masse blanche cris- talline. Elle se dissocie sous l'action de la chaleur et du vide en donnant des mélanges isomorphes, cris- tallisés en octaèdres réguliers, de chaux et de lithine. — MM. A. Hollard et Bertiaux séparent électrolyti- quement le nickel du zinc en faisant passer ce dernier à l’état de nitrite de zine et d'ammoniaque, qui ne s'électrolyse pas. — M. H. Pécheux a obtenu, par fusion directe des constituants, quatre alliages bien définis d'aluminium et d’antimoine SbA AIS SbAl®, SpA et SbAl®, Ils se dilatent en se solidifiant. M. G. Denigès a obtenu comme produit intermédiaire, dans l'hydrogénation de l’acétone, le diméthylisopro- pylcarbinol (C*H7)(CH*}2C.OH. Cette réaction paraît être générale. — M. J. Hamonet, en faisant réagir la bro- moamyline méthylénique sur le dérivé magnésien de la bromoamyline tétraméthylénique, a obtenu la dia- myline pentaméthylénique, C'HO(CH2)"OC"H'"!, à partir de laquelle il a préparé le dibromo et le diiodopentane, F.— 34 et F. +90. — M. Ch. Mayer a préparé divers sa de condensation des phénols et des amines aromatiques avec la benzylidène-aniline. Mgr Schmidlin à constaté que les sels normaux triacides des rosanilines peuvent absorber quatre molécules d'HCI pour former des heptachlorhydrates incolores, qu'il considère comme des trichlorhydrates de tétra- chlorocyclohexane - rosanilines. M. M.-E. Pozzi- Escot a préparé divers colorants azoïques dérivés du 2 :2-dinaphtol; ils n’ont pas d'intérêt pratique. — M. A. Trillat montre que, dans toute combustion, même celle des hydrocarbures, il peut se former de la for- maldéhyde, qui se dégage avec les fumées. — M. J.-E. Abelous à reconnu la présence de la diastase oxydo- réductrice chez la pomme de terre. — Mt Z. Gatin- Gruzewska a constaté que le poids moléculaire du glycogène (1620) donné par Sabanejew est faux. Ou bien ce corps est très peu soluble dans l'eau, et son poids moléculaire est infiniment grand; ou bien il est insoluble, et son poids moléculaire reste indéterminé. — Mie Ch. Philoche à observé que la maltase conserve son activité initiale pendant trente-huit heures en pré- sence des produits de la réaction. — MM. H. Labbé et Morchoisne ont reconnu que le métabolisme, des matières azotées végétales dans l'organisme humain fournit normalement une proportion moindre d'urée que celui des matières azotées d'origine animale environ 1/3 en moins). —- MM. L. Lindet, L. Ammann et Houdet ont étudié les phénomènes chimiques qui caractérisent la maturation des fromages. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau démontre que, dans l’action des muscles fléchisseurs et exten- seurs de l’avant-bras pour le soutien d'une charge, il s'ajoute, à la dépense fondamentale provoquée par le 666 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES travail propre d'équilibration des charges, celle qui est nécessaire à la mise en train de l'activité des muscles alternants. — MM. H. Bierry et André Mayer, par l'étude des troubles physiologiques comme des lésions histologiques des chiens ayant reçu des injections de sang hépatotoxique, sont amenés à affir- mer la spécificité de son action. — M. L. Roule montre que les Antipathaires représentent, dans la Nature actuelle, les formes archaïques des Anthozoaires, apparentées de près aux Scyphoméduses. — M. J. Kunckel d'Heroulais signale, dans les relations des Lépidoptères Limacodides avec leurs Diptères para- sites, Bombylides du genre Systropus, une adaptation parallèle de l'hôte et du parasite aux mêmes conditions d'existence. —- M. C. L. Gatin montre que les trois modes de germination des Palmiers distingués par M. Micheels ne présentent entre eux que des différences superficielles, dues à la forme de leurs plantnles et surtout à un développement plus ou moins rapide. — MM. J. Almera et J. Bergeron ont constaté l'existence de nappes de recouvrement dans le massif montagneux du Tibidabo au nord de Barcelone. — M. Ed. Bureau a déterminé deux plantes fossiles envoyées des envi- rons de Béchar par le lieutenant Poirmeur. Elles éta- blissent l'existence des dépôts houillers d'eau douce dans le Sud-Oranais et l’ouest du Maroc. — M. J. Thoulet a dressé, d'après les données recueillies par le prince de Monaco, la carte bathymétrique des environs des Acores et plusieurs cartes accessoires. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 7 Juin 1904. M. le Président annonce le décès de M. Louis Vin- cent, Correspondant national. M. R. Blanchard présente un Rapport sur un travail du Dr E. Brumpt relatif à la transmission de la maladie du sommeil par les mouches tsé-tsé. Il est probable que le Trypanosome n'est pas seulement transmis par la Glossina palpalis, mais aussi par la Gl. fusca. De même, le nagana, quoique disséminé surtout par la Gl. morsitans, l’est aussi par les Taons. Il y aurait lieu d'étudier le rôle exact de toutes les mouches piqueuses et leur distribution géographique. — M. le D' Témoin donne lecture d’un travail sur la conservation du chlo- roforme pur et inaltérable. — M. le D' Lagrangelitun Mémoire sur le traitement de la myopie par l'extraction du cristallin transparent. Séance du 1% Juin 1904. M. Yvon présente, au nom de la Commission des médicaments héroïques, un Rapport proposant au Gouvernement francais d’adhérer aux décisions de la Conférence internationale de Bruxelles. — M. François- Franck communique le Rapport sur le concours pour le Prix Pourat. — M. Chauvel présente un Rapportsur le Mémoire du D' Lagrange (voir ci-dessus). L'auteur a pratiqué l’ablation du cristallin dans vingt cas de forte myopie; dans plusieurs cas, l'opération a dù être répétée plusieurs fois. Les malades en ont générale- ment retiré bénéfice. — MM. Tuffier et A. Mauté com- muniquent un travail sur la séparation endo-vésicale des urines et sa valeur au point de vue du diagnostic de l’état anatomique et fonctionnel du rein. — M. le D' Marchais donne lecture d'une étude sur le traite- ment des varices par la marche. — M. le D' Glover lit un Mémoire sur le traitement local direct intensif en thérapeutique interne par la rachi-injection directe aseptique de caféine, de pilocarpine, d'atropine, de morphine, d'ergotine. — M. Triboulet donne lecture d'un travail intitulé : A propos de thérapeutique et de prophylaxie anti-cancéreuses dans les campagnes. — MM. Lemoine et Doumer : Notes sur le traitement des tumeurs de l’estomac par les rayons X. — M. Clément : ue de l'acide formique sur le système muscu- aire. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 28 Mai 1904. M. le Président annonce le décès de M. J. Michon, membre de la Société. M. P. Delbet a obtenu par l'emploi du sérum de Raymond Petit la guérison d’une infection puerpérale qui avait résisté au curettage et aux moyens ordinaires. — M. M. Nicloux a constaté, par l'étude de l’action de latempérature, des produits de la réaction, de la vitesse de saponification, un parallélisme complet entre le cytoplasma de la graine de ricin et les diastases. — MM. Ed. Meyer et M. Lambert ont observé la produc- tion de rayons N pendant la coagulation du sang. — M. L. Léger montre que le Spheractinomyxon et le Triactinomyxon ont un mode de développement à peu près semblable, malgré les différences importantes dans la forme de leurs spores et dans leur habitat. — M. J. Battelli a reconnu que les globules sanguins étrangers injectés dans les vaisseaux d’un animal normal d'espèce différente subissent une hémolyse extrèmement rapide si le sérum de cet animal possède une action hémolytique contre ces globules. — M. F. Ladreyt a constaté que le pigment du Sipunculus nudus est une substance (acide urique) excrétée par les chloragogènes ou s'accumulant du canal œsopha- gien dorsal pour être transportée par les excrétophores dans l'organisme tout entier. — M. J. Lesage montre que les naphtols présentent une grande toxicité vis-à- vis du chat, presque égale pour les naphtols + et 6. Le lapin est vingt-cinq fois moins sensible. — MM. Doyon, N. Kareff et Billet ont confirmé, par l'examen histo- logique, la diminution de la teneur du foie en glyco- gène sous l'influence de l'injection de pilocarpine. — M'e H. Richardson répond à certaines critiques adressées par M. Giard à son travail sur les Bopyrides,. — MM. Em. Bourquelot et L. Marchadier : Etude des anaéroxydases (voir p.617). — M. Em. Bourquelot attri- bue l’histoire des fèves sanglantes de Pythagore au déve- loppement de microbes chromogènes sur ces dernières. — M. L. Lapicque ramène à une adaptation darwi- nienne la sensibilité au contact chez la sensitive. — MM. V. Henri et A. Mayer montrent que la précipi- tation d'un colloïde négatif (Ag colloïdal) par un col- loïde positif (hydrate ferrique) est un phénomène réversible, La stabilisation d'un colloïde instable par l'addition d'un co!loïde stable de même signe n'est pas réversible. — M" Girard-Mangin et M. V. Henri ont trouvé que l'addition d’un colloide stable empêche quelquefois, mais le plus souvent retarde nettement la précipitation d'un colloïde négatif par un colloïde posi- tif. — M. M. Nicloux a constaté que l’action lipoly- tique du cytoplasma de la graine de ricin n’est pas due à un ferment soluble ; l’eau enlève à l'agent saponifiant son pouvoir hydrolysant. — MM. Ménétrier et Auber- tin montrent que la notion classique de la décoloration des muscles dans les états anémiques est en contra- diction avec les faits et qu'il y a indépendance entre l'hémoglobinie musculaire et l'hémoglobinie sanguine. — MM. A. Gilbert et P. Lereboullet ont reconnu que » le xanthelasma est toujours lié à l’ictère, mais l’ictère peut être cholurique ou acholurique. — MM. D. Cour- tade et F. Guyon ont observé qu'il existe un circuit nerveux ininterrompu entre les rameaux gastriques du vague et les filets nerveux de la vésicule biliaire. — M. J. Tissot a constaté que la respiration dans une atmosphère dont l'oxygène est considérablement raréfié n'est accompagnée d'aucune modification des combus- tions intraorganiques. — MM. P. Nobécourt et G. Vi- try ont étudié les modifications des solutions de NaCl à 7et 20 ,/% dans l'intestin grèle du lapin au bout d’un temps variable. — M. Levaditi a reconnu que les glo- bules blancs sont les principaux producteurs d’anti- corps chez les organismes immunisés. — M. et Mme Al. Werner ont observé que l'oxygène est nécessaire à la pullulation des bacilles typhiques; mais, d'autre part, s ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 667 il détruit la toxine sécrétée par eux. — M. G. Loisel confirme la présence de poisons en grande quantité dans les glandes génitales et la très grande prépondé- rance de la virulence de l'ovaire comparée à celle du testicule. — M. E. Maurel montre que, d'une manière énérale, certains vêtements font diminuer le poids es cobayes pourvus de leurs poils. — MM. G. Patein et Ch. Michel L’albumosurie de Bence-Jones (voir p. 616). — M. Wlaeff signale certains faits'de trans- mission héréditaire de l’immunité contre les blasto- mycètes pathogènes. — MM. Ch. Achard et G. Pais- seau ont étudié l'élimination comparée de l'urée et du bleu de méthylène chez divers sujets normaux ou pathologiques. — M. G. Humbert à constaté que la tuberculose diminue d'une facon très notable la résis- tance des hématies chez l'animal. Séance du 4 Juin 1904. MM. E. Gérard et Ricquiet ont réalisé à la fois l'oxydation de la morphine en oxymorphine et la ré- duction de l’oxymorphine pure en morphine par l'ex- trait aqueux de rein de cheval. — M. Aug. Pettit a constaté que l'injection intra-veineuse de quantités minimes de sérum d’Anguille détermine, chez la Poule et le Pigeon, la pyknose d’un grand nombre de noyaux des cellules du lobe glandulaire de l'hypophyse. — M. Ch. Mourre a observé que, chez le Cobaye, l'aspect des corpuscules de Nissl varie dans de larges limites dans les conditions normales. — Le même auteur a reconnu qu'il n'existe pas de corrélation entre le genre des symptômes provoqués par divers empoisonnements et la nature des lésions cellulaires. — M. J. Rouget a constaté que le liquide céphalo-rachidien des génisses vaccinifères présente une lymphocytose très nette au cinquième jour de l'évolution vaccinale. — M. Ch. Nicolle a trouvé chez le Lacerta ocellata une nouvelle Hémogrégarine, qu'il nomme /. biretorta. — MM. Edm. et Et. Sergent ont inoculé à divers animaux la try- panosomiase des Dromadaires d'Algérie. La virulence est restée la même pour le lapin et le cobaye; elle s’est accrue chez les rats blancs et les souris blanches. — M. J. Renaut à découvert dans le tissu conjonctif une espèce nouvelle de cellules fixes, les cellules con- nectives rhagiocrines, distinctes des cellules connec- tives ordinaires. — M. Marcel Cordier a constaté que la chlorophylle aqueuse comme la chlorophylle alcoo- lique empêche la coagulation du sang. — M. G. Rosen- thal signale un procédé de culture des anaérobies gazogènes en tubes cachetés étranglés. — MM. G. Ro- senthal et P. Chazarain ont étudié les effets cachec- tisants des toxines de l’entérocoque; les principes cachectisants ne sont détruits ni par l’ébullition, ni à 410°. — M. H. Vincent a observé une influence favo- risante du chlorure de sodium sur certaines infec- tions. — MM. A. Gilbert et P. Carnot montrent que la rétention des chlorures dans la pneumonie semble être un phénomène de défense de l'organisme, NaCI dimi- nuant la végétabilité du pneumocoque et augmentant, à petites doses, la résistance de l'organisme. — M. J. Laurent a constaté que la culture en solutions concen- trées de glycérine provoque chez certains végétaux des réactions de même ordre que l’action de certains parasites. — M. Vasilescu indique un procédé simple pour obtenir des cultures homogènes de bacille de Koch. — Mme Girard-Mangin et M. V. Henri ont poursuivi leurs recherches sur l’agglutination des glo- bules sanguins. En lavant les globules rouges d'un animal par une solution isotonique de saccharose, on les rend sensibles à leur propre sérum, qui les agglu- tine à faible dose. Le phénomène d’agglutination par les sérums diffère en plusieurs points de l’agglutination par l’hydrate ferrique colloïdal. — M. J. Lesage a observé que le suc pancréatique du chien, injecté dans les veines du même animal, détermine une chute re- marquable de la pression sanguine, une accélération notable du pouls et un ralentissement des mouvements respiratoires avec augmentation de leur amplitude. — Le même auteur a constaté que le poids de l'extrait sec de 100 grammes de sue pancréatique de sécrétine peut varier de 2 à 9,33 grammes. — M. J. Tissot montre que les combustions intraorganiques, évaluées d'après les échanges respiratoires, sont indépendantes de la proportion d'oxygène contenue dans le sang arté- riel. — MM. H. Claude et M. Villaret ont observé que, chez des animaux en état de jeûne absolu ou relatif, l'injection de NaCI détermine une augmentation notable de l’amaigrissement et des éliminations, — MM. P. E. Weil et A. Clerc étudient la splénomégalie avec anémie et myélémie chez le nourrisson et l'adulte. — M. J. Lefèvre montre que, pour les moteurs animés comme pour les moteurs vivants, les expériences de M. Chauveau permettent de dissocier l'énergie totale en quatre termes : 1° le travail moteur; 2 l’énergie consacrée à la force de soutien des charges ; 3° l’éner- gie employée à la création de la vitesse à vide; 4° l'énergie tonique qui met le muscle vivant au seuil du fonctionnement. RÉUNION BIOLOGIQUE DE MARSEILLE Séance du 17 Mai 1904. M. Rietsch a reconnu que les cultures en présence de caféine ne permettent guère de déceler le bacille d'Eberth en présence du colibacille. — M. A. Briot a étudié la sécrétion rouge des Aplysies. En solution, elle présente un spectre avec deux bandes d'absorption, l’une entre Det E, l’autre entre b et F. — MM. Oddoet Olmer n'ont pas trouvé de lésions histologiques suffi- santes pour expliquer la mort dans l’intoxication phos- phorée expérimentale, SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 3 Juin 1904. M. P. Villard communique ses recherches sur les rayons cathodiques. La Æevue publiera prochainement une Note détaillée sur ce sujet. — M. Langevin présente les recherches de M. E. Rothé sur la polarisation des électrodes. On sait que, pour les forces électromotrices inférieures à celles qui produisent l’électrolyse, le sys- tème des électrodes et de l'électrolyte se comporte en apparence comme l’ensemble de deux condensateurs couplés en cascade, correspondant chacun à l’une des électrodes et dont les armatures, séparées par un intervalle extrèmement petit, seraient les deux faces d'une couche double séparant le métal du liquide. M. Bouty, puis M. Berthelot ont été conduits à consi- dérer comme insuffisante la notion du condensateur électrolytique, auquel on devrait d’ailleurs attribuer une capacité variable avec la force électromotrice, et à supposer que la polarisation implique une modification en volume des électrodes, analogue à celle des plaques d'un accumulateur. Cette notion est, d’ailleurs, en com- plet accord avec les idées de M. Nernst sur l'origine de la couche double, où un rôle fondamental est joué par une conception nouvelle, celle de la pression de disso- lation. De même qu'un corps dissous doit, pour l'équi- libre, se répartir entre deux milieux non miscibles de manière que le rapport de ses concentrations ou de ses pressions osmotiques dans les deux milieux soit constant et égal au coefficient de répartition de la substance entre les milieux, M. Nernst admet, pour les ions chargés présents dans l’électrolyte, une propriété semblable, Leur pression osmotique ne peut avoir une valeur finie P dans l’électrolyte au voisinage immédiat de l’électrode sans qu'ils soient présents en même temps dans la masse de celle-ci en quantité proportion- nelle à P. Mais, en raison de la charge électrique portée par les ions, cette pression de dissolution P peut être différente de la pression osmotique p de ces mêmes ions dans la masse de l’électrolyte, si une diffé- RCE è : P ; rence de potentiel V, proportionnelle à log ci existe entre l’électrode et la solution, due aux ions chargés 668 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES présents au voisinage de la surface, et ayant DObE effet de s'opposer à la diffusion qui tend à égaliser la pression osmotique des ions entre les différentes régions du liquide. La valeur finie de la différence de potentiel V, due à la couche d'ions, implique une valeur finie de leur pression osmotique P au voisinage immédiat du métal et, par suite, dans la masse mème de celui-ci, dans un rapport déterminé par le coefficient de répartition de la matière correspondante entre le métal et l’électrolyte. S'il s'agit d'hydrogène, par exemple, pour le métal employé comme cathode, la production de la couche double cathodique, au moment de la pola- risation, implique dissolution d'hydrogène dans le métal en proportion variable avec sa nature et avec la force électromotrice employée; cette dissolution d'hydrogène correspond au passage d'un courant qui sera le courant de polarisation, l'hydrogène gazeux commencant à se dégager du métal pour produire l'électrolyse franche lorsque la concentration de cet hydrogène dissous dépassera celle qui peut être en équilibre avec de l'hydrogène gazeux sous la pression totale que supporte le voltamètre. L'étude oscillogra- phique, faite par M. Rothé, du courant de polarisation confirme l'existence d'une modification en volume de l'électrode. En employant deux électrodes de surfaces très différentes, de manière qu'une seule d'entre elles soit appréciablement polarisée, il constate d'abord une dissymétrie très grande entre les variations du courant suivant que la petite électrode est anode ou cathode. Dans le cas de la polarisation cathodique du mercure, où les phénomènes sont particulièrement nets à cause de la grande vitesse avec laque lle l'hydrogène dissous se diffuse dans la masse de l’électrode, l'osc illographe donne un courant d'abord intense, qui dure un temps très court, un premier palier dont la forme dépend uniquement de la surface de l’électrode, puis l'intensité diminue pour rester constante pendant un temps généralement plus long, donnant le palier principal de la courbe, dont la longueur augmente avec le volume de l’électrode à surface égale. Enfin, le régime perma- nent établi, le courant tombe à-une valeur très faible. Le premier palier paraît correspondre à une modifica- tion superticielle due à l’arrivée des ions hydrogène provenant du liquide; puis, pour l'équilibre, cette modification superficielle doit s'étendre à la profondeur par dissolution et diffusion progressive de l'hydrogène dans la masse, à le courant correspondant fournit le palier principal. Les variations de l'allure des courbes avec la force électromotrice employée, la concentration des dissolutions, la nature du métal confirment entiè- rement celle manière de voir. C'est également dans l'effet de volume qu'on trouve l'explication des résidus qui ne disparaissent qu'avec une extrême lenteur quand le voltamètre est mis en court-circuit; à cause de ces résidus, la capacité de polarisation d'un volta- mètre dépend de l'état antérieur des électrodes et du temps pendant lequel elles ont été mises en court- circuit. La mesure du courant permanent qui traverse l'électrolyte, pour des forces électromotrices variables, a également prouvé la continuité qui existe entre la polarisation et l’électrolyse. La force électromotrice minima pour laquelle se produit le dégagement de bulles gazeuses visibles peut, conformément aux idées précédentes, varier avec la disposition expérimentale, en particulier avec le rapport des surfaces des deux électrodes. Si l'une d'elles est de dimensions considé- rables par rapport à l’autre, la polarisation pourra être complète sur cette dernière, c'est-à-dire que le déga- gement de bulles pourra s'y produire avant que l’autre électrode soit sensiblement modifiée; on pourra ainsi avoir dégagement gazeux sur une seule électrode pour une force électromotrice égale ou supérieure à la force contre-électromotrice de polarisation de cette “lectrode seule, c'est-à-dire inférieure à la force électromotrice qui produit le dégagement simultané- ment sur les deux électrodes et qui doit les polariser toutes deux. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 10 Juin 1904, M. G. Blanc donne une méthode générale de prépa- ration des lactones de la forme : J \l ve — COX DUR”; R/” | O et R No. CH? — CH? — CH? — CH Il suffit de réduire les anhydrides des acides bibasiques par le sodium et l'alcool absolu. Les rendements sont généralement très satisfaisants. Comme application de cette réaction, M. Blanc a fait la synthèse de l'acide 8-6-diméthyladipique en partant de la lactone corres- pondant à l'anhydride 5-B-diméthylglutarique. Cet acide est identique à l'acide provenant de l'oxydation de læionone ; il fond à 87-88°. La lactone d’où il dérive bout à 234-235° et fond vers 34°, — MM. L. Maquenne et Goodwin signalent quelques propriétés nouvelles du cellose; ce corps donne deux octoacétines isomériques qui fondent respectivement à 228° et 196°, et un acide monobasique particulier, l'acide cellobionique . CH#0"%, qui est isomère des acides maltobionique et lactobionique. — M. L.-J. Simon fait part à la Société de ses recherches sur léther oxalacétique. M. A. Wahl, au nom de M. L. Bouveault et au sien, décrit la préparation du dicétobutyrate d'éthyle C H'CO.CO. CO.OCH;, premier terme de la série encore inconnue des éthers «-B-dicétoniques. Il s'obtient facilement avec des rendements de 60 °/, en traitant l’éther acétylacé- tique par Az°0* en présence d’anhydride acétique. C’est un liquide jaune mobile, Eb. 80-82° sous 20 millimètres, se combinant à l'eau en s’échauffant et en se décolo- rant; il se forme l’Aydrate CSHSO#H£4/,H°0 cristallisé, F. vers 1200. Le dicetobutyrate de méthyle bout à 709 sous 18 millimètres et donne un Lydrate avec 41H20, F. 79°. Ces éthers donnent avec la semicarbazide des disemicarbazones et avec la phénylhydrazine à froid des monophénylhydrazones. À chaud, il se forme la phénylhydrazopyrazolone, KF. 155-457, absolument identique à celle obtenue par Japp et Klingemann, Knorr et Bulow, en combinant le benzène-azoacétyla- cétate d'éthyle avec une molécule de phénylhydrazine. Ce fait constitue un argument sérieux en faveur de la formule hydrazonique du benzène-azoacétylacétate d'éthyle, actuellement très discutée. Les monophényl- hydrazones des dicétobutyrates, chauffées en solution acétique, donnent de l'acide rubazonique, qui est un dérivé du pyrazol; la phénylhydrazine s'est donc fixée sur le carboxyle £. Une autre preuve en est fournie par ce fait qu'en les © ombinant à une molécule de p- nitro= à phénylhydrazine, on obtient la p-nitrophénylhydrazo- pyrazolone, identique à celle obtenue en traitant le p-nitrobenzène-azoacétylacétate d'éthyle par 1 mol. de phénylhydrazine. — M. Verneuil présente une Note de M. Baïlhache sur le dosage volumétrique de l'azote nitrique par le protosulfate de fer. — M. Le Bel rend compte d'une recherche de M. Hatt qui s'est proposé de créer une méthode de dosage dans le tabac des bases lement découvertes par MM. Pictet ets Rotschy. Ces auteurs ont indiqué que la nicotéine et son € eo diete sont tous deux lévogyres, alors que la nicotine, lévogyre à l'état libre, devient dex{rOgYre à l'état de chlorhydrate. On a pu baser sur cette propriété, | pour comparer la richesse des tabacs en nicotéine, la méthode approximative suivante : 1° Epuiser une quantité donnée de tabac par une quantité donnée d'eau; 2 Distiller le jus ainsi obtenu, après addi À tion de soude, et en remplacant l'eau au fur et à mesure, jusqu'à ce qu'on ait obtenu en distillat envi-=" ron vingt fois le poids des feuilles mises en œuvre; 3° Continuer la distillation, recueillir à part une quan= 1 tité déterminée de distillat et la saturer par liqueur titrée chlorhydrique. On à un mélange de c chlorhydrates lévogyres, où, par conséquent, la nicotéine domine: L 1 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 669 4° Prendre le pouvoir rotatoire de ce mélange; puis ajouter de la soude : on obtient au polarimètre un deuxième chiffre qui permettrait avec le premier de calculer la nicotine et la nicotéine si ces deux bases existaient seules. L'auteur se réserve d'appliquer ce procédé à l'étude comparative de tabacs d'origines diverses; il à pu déjà se rendre compte que le tabac du Kentucky renferme moins de nicotéine que le tabac du Pas-de-Calais. L'auteur a aussi étudié les alcalis fixes restant après ces distillations, et qu'il extrayait en traitant par le benzène le résidu évaporé sur la chaux vive. Il a observé dans ces corps des propriétés toxiques très redoutables, soit par injections hypoder- miques (l'expérience a été faite sur de$ cobayes), soit pour le fumeur quand on les incorpore dans le tabac: mais ces corps n'existent qu'en quantités très faibles, variables, du reste, d'un tabac à l'autre. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 28 Avril 1904 (suite). Sir N. Lockyer et M. W. J. S. Lockyer : Les va- riations de pression atmosphérique à courte période à la surface de la Terre. Les auteurs ont déjà reconnu antérieurement que les variations de pression atmosphé- rique à courte période sont exactement inverses les unes des autres aux Indes et à Cordoba. Désignant par (+) le premier type etpar(—)le second, ils en ont étudié la répartition à la surface de la Terre. Les régions qui offrent seulementune prédominance de l’un ou de l'autre type ont été désignées par (H ?) et (—?). Enfin, ils ont appelé (+?) les régions qui présentent un mélange à peu près égal des deux types. Au type (+) appartien- nent les Indes, l'Arabie, la Perse, l'Indo-Chine, les îles de la Sonde, l'Australie; au type (—), l'Amérique du Sud, le Mexique, les îles Hawaï; au type (4-?), l'Afrique australe et orientale, l'Egypte, la Turquie, l'Islande ; au type (— ?), le Sénégal, les Acores, les Antilles, le centre des Etats-Unis, la Sibérie, le nord de la Russie et de la Suède ; au type (+?), l'Europe occidentale, l'Angleterre et l'est des États-Unis et du Canada. Au moyen d'une ligne approximativement neutre, on peut diviser la Terre en deux régions offrant une prédominance de l’un ou l’autre type principal. — M. P. E. Shaw : Sur la dis- tance explosive entre les surfaces chargées électri- quement. Des recherches ont été entreprises sur ce sujet en 1901 par R. F. Earhart, qui a employé des voltages compris entre 1.000 et 38 volts, les distances correspondantes étant comprises entre 100 microns et 1/4 de micron. Dans ce Mémoire, les voltages s'éten- dent de 150 à 1/5, et les distances de décharge de 1 micron à 1/500 de micron. L'instrument qui à servi à mesurer ces faibles distances est le micromètre élec- tique, qui agit d'après le principe de la touche élec- tique, et qui convient par conséquent tout spéciale- ment aux mesures de ce genre. On a trouvé que le rapport entre le voltage et la distance explosive est li- néaire, et part de l'origine; pour cette raison, il est évident qu'il n’y a aucun changement de la force dié- lectrique dans une ou plusieurs pellicules existant sur les surfaces des corps solides employés aux points de décharge. Puisque la tension de 1 volt ou environ est Si fréquemment employée dansles circuits électriques, il est particulièrement intéressant de connaître la distance explosive pour ce voltage; elle est d'environ 1/100 de micron, el, à moins qu'une pression suffisante ne soil exercée pour éliminer la poussière ou les pellicules, Jusqu'à ce que les surfaces des métaux s'approchent à celte distance, aucun courant ne peut passer. Les deux Surfaces employées pour la décharge sont un corps rond et un plan, généralement en platine iridié poli. La pression utilisée est la pression atmosphérique. ln travaillant avec des distances si petites, on doit prendre grand soin d'exelure les vibrations étrangères, et de repolir les surfaces après chaque décharge, excepté lorsque les voltages sont moindres que 10. Dans chaque vas, la décharge est observée par un téléphone conve- nablement shunté. — M. Sh. Bidwell : Sur les varia- tions de force thermo-électrique produites par la ma- gnétisation et leur relation avec les tensions maqgné- tiques. L'auteur a déjà montré antérieurement qu'il y a une correspondance apparente entre les effets de la magnétisation sur le pouvoir thermo-électrique eteur Les dimensions. Un barreau de fer magnétisé est soumis à une déformation compressive, purement mécanique, dont la résultante est une contraction exprimée, en fraction de la longueur originale, par le rapport de la force de traction au module de Young. Le calcul montre que cette contraction est représenté en dix-millio- nièmes par l'expression (271 + H1)/200 g. On à tracé des courbes donnant la variation de force thermo-élec- tique et la variation de longueur par rapport à I, et, en corrigeant ces dernières pour la tension mécanique et choisissant une échelle d’ordonnées convenable, on observe que les deux courbes coïncident presque. La variation de pouvoir thermo-électrique due à la magné- tisation est donc proportionnelle à l’élongation cor- rigée; mais le facteur de proportionnalité diffère pour les divers spécimens et pour les diverses conditions physiques du même spécimen. Pour le nickel, les courbes de variation de longueur et de variation de force électromotrice, lorsque l'une des deux est inversée, coincident presque exactement sans qu'il soit besoin d'y apporter de correction pour la déformation mécanique. Cela tient à ce que la correction est exces- sivement faible pour le nickel, tandis qu'elle est très forte pour le fer. — MM. E. F. Armstrong el R. J. Caldwell présentent la suite de leurs recherches sur les enzymes sucroclastiques et l’action sucroclastique des acides comparée à celle des enzymes. — M. H. E. Armstrong, se basant sur les résultats de ces re- cherches, montre la difficulté d'expliquer l’action des enzymes comme agents d’hydrolyse par l'hypothèse de la dissociation ionique. Il pense, au contraire, que les enzymes portent l'eau surles hydrates de carbone en se combinant avec les deux ; l'hydrolyse dépendrait donc d’un phénomène d'association. Séance du 5 Mai 190%. La Société procède à l'élection annuelle de 15 nou- veaux membres. Sont élus : MM. Th. G. Brodie, S. G. Burrard, A. C. Dixon, J.-J. Dobbie, Th. H. Holland, C.-J. Jolly, H. Marshall, Ed. Meyrick, Al. Muirhead, G.-H.-F. Nuttall, A. E. Shipley, M.-W. Travers, H. Wager, G.-T. Walker et W.-W. Watts. M. le lieutenant-colonel Al. Cunningham a comparé les tables de W. Shanks sur « le nombre de figures dans la réciproque d’un nombre premier » avec celles de Kessler et de Hertzer et y a relevé un certain nombre d'erreurs ; il donne sous forme de tableau les corrections à introduire dans ces tables. — MM. Ben- jamin Moore et Herbert E. Roaf : Sur cerlaines pr'o- priétés physiques et chimiques de solutions de chloro- forme dans l'eau, les solutions salines, le sérum et lhe- moglobine. Contribution à la chimie de l'anesthésie. 1° Les expériences rapportées dans ce Mémoire sem- blent justifier la conclusion que le chloroforme forme un composé chimique instable ou un assemblage phy- sique avec les protéides qui ont servi à l'expérience et qu'il circule avec le sang dans cet état de combinaison. Puisque les protéides constituent le protoplasma des cellules vivantes, il semble probable que le chlorolforme et les autres anesthésiques doivent former des combi- naisons semblables avec le protoplasma, et que l’anes- thésie est due à la formation de tels composés, qui limi- tent l'activité chimique du protoplasma. Les composés sont instables et ne restent formés qu'aussi longtemps que la pression de l’anesthésique dans la solution est maintenue. De tels composés ne sont pas formés seule- ment par l'hémoglobine, mais par les protéides du sérum, et, pour cette raison, la position prise par l’anes- thésique dans l'hémoglobine n'est pas celle de l'oxy- gène respiratoire. Ceci est de plus prouvé par le fait que le pouvoir de porteur d'oxygène de l’hémoglobine 670 ACADÉMIES ET SOCIÊTÉS SAVANTES n’est pas annihilé en présenee du chloroforme, Les faits sur lesquels les auteurs se basent pour prouver la formation d'un composé ou d'un assemblage entre le chloroforme et les protéides du sérum ou l'hémoglo- bine peuvent se résumer comme suit : a) Le chloro- forme a une beaucoup plus grande solubilité dans le sérum ou les solutions d'hémoglobine que dans les solutions salines ou l’eau; b) Même dans les solutions diluées à la même pression, la quantité de chloroforme dissoute dans le sérum ou dans une solution d’hémo- globine est considérablement plus élevée que dans une solution saline ou dans l’eau; c) La courbe des pres- sions et des concentrations pour l’eau et les solutions salines est une ligne droite, tandis que, pour le sérum et les solutions d'hémoglobine, c'est une courbe, indi- quant l'existence d'une association aux plus hautes pressions ; d) Dans le sérum, le chloroforme cause une opalescence marquée et aussi une faible précipitation à la température de la chambre (15°C.), et à la tempé- rature du corps (40°C.) une précipitation rapide, quoique incomplète. Avec l'hémoglobine, 1,5 à 2 °/, de chloro- forme produit un changement de couleur et un com- mencement de précipitation à la température de la chambre, qui devient presque complète dans le ther- mostat à 40°C.; tandis que 5 °/, et plus produit une complète précipitation même à 0°C. 2 Les auteurs ont étudié, sur une grande étendue, les rapports entre la pression et la concentration du chloroforme dans les solutions, depuis les valeurs inférieures aux doses anesthésiantes (8 à 10 milligrammes) jusqu’à la satura- tion pour l’eau, les solutions salines et le sérum. Les auteurs attirent l'attention sur le fait très important qu'avec le mème pourcentage de chloroforme dans l'air respiré, le sérum ou l’hémoglobine et, par conséquent, le sang absorberont beaucoup plus de chloroforme que ne le feraient l’eau oulessolutionssalines danslesmèmes conditions. Ainsi, à la pression anesthésiante et à 40°C., le coefficient de distribution pour l’eau et les solutions salines est approximativement de 4,6, tandis que celui du sérum est de 7,3; à la température de la chambre (45°C.), ces coefficients deviennent 8,8 et 17,3 respective- ment. — MM. E. M. Corner et J. E. H. Sawyer Recherches sur la régulation thermique du corps par l'étude des températures au moment de la mort. Les auteurs ont constaté que, lorsque la mort approche, il y à tendance à une élévation subite de la température du corps. Sur 2.500 cas médicaux et chirurgicaux environ, on à observé une élévation de température de plus de 1°,5 dans 26 °/, des cas, tandis que 8 °/, seule- ment ont présenté un abaissement de température. L'élévation a lieu beaucoup plus souvent dans les cas chirurgicaux que dans les cas médicaux. De ces recherches, les auteurs déduisent que la pyrexie est due à deux facteurs : à une augmentation de la production de chaleur, due à ce que l’activité des centres thermo- génétiques de la corde spinale n’est plus parfaitement contrôlée par le centre supérieur du cerveau, et à une diminution de la perte de chaleur, due à l’affaiblisse- ment des fonctions du centre thermolytique, le pouvoir des deux centres supérieurs étant diminué ou paralysé par les produits morbides ou les toxines de l'affection dont souffre l'organisme. En d’autres termes, la tempé- rature normale est assurée par une action réciproque de ces centres : thermogénétique et thermolytique. — M. Alan B. Green : Action du radium sur les mi- cro-organismes. La quantité de sel de radium em- ployée dans les expériences était de 4 centigramme de bromure de radium pratiquement pur, contenu dans une capsule d’ébonite et de cuivre recouverte d'une mince lame de talc. Les émanations que l’on a fait agir sur les micro-organismes ont été les rayons & et y. Dans la première série d'expériences, on a étudié l’action germicide de ces rayons sur diverses espèces de bactéries. On a placé une certaine quantité de bac- téries en une couche mince dans le fond creux d’un tube en verre et l’on a mis la capsule contenant le radium sur les bactéries, de telle sorte que le radium n'était distant d'elles que de 1 à 2 millimètres. Les expériences et les contrôles ont été faits à la tempéra- ture de la chambre. L'auteur a trouvé que le germe. spécifique de la vaccine est tué après avoir été exposé à l’action du radium durant vingt-deux heures ou moins. Les bactéries non sporulées sont généralement tuées après avoir été exposées à l’action du radium de deux à quatorze heures, tandis que les spores ne sont pas tuées avant deux ou trois jours. De plus, Pauteur a trouvé que : a) à mesure que l’on augmente la dis- tance entre le radium et les bactéries, l’action germi- cide devient moins évidente et cesse finalement ; b) à mesure que l'on augmente l'épaisseur du plomb entre le radium et les bactéries, par exemple lorsqu'on sup- prime les rayons $, l’action germicide devient de moins en moins évidente. Il a établi que, lorsque les micro-organismes ont été exposés à l’action du radium de vingt-quatre à cent-vingt heures à une distance de { à 2 millimètres, ils deviennent eux-mêmes radio- actifs. Il n'a pas encore été prouvé que des micro-orga- nismes vivants puissent posséder une radio-activité induite, mais des micro-organismes tués par les éma- nations du radium présentent cette activité. On n’a pas trouvé de radio-activité dans les bactéries qui n'avaient pas été exposées auparavant à l’action du radium. L'auteur a prouvé la radio-activité induite des bacté- ries par le pouvoir que possède une certaine quantité de bactéries, après avoir subi l’action du radium, de se photographier elle-même lorsqu'elle est mise en appo- sition avec la pellicule d’une plaque photographique sensible. Les meilleures photographies ont été obtenues avec des cultures sporulées. Des organismes radio-actifs ont émis des émanations photo-actiniques pendant un espace de trois mois depuis leur exposition aux rayons du radium. On a obtenu des photographies de bactéries ainsi activées à travers une double couche de feuille de plomb ; mais, quand les rayons 6 sont supprimés par l'interposition d’une plus grande épaisseur de plomb, le passage des rayons photo-actiniques à la pellicule sensible n'a plus lieu. — M. Alan B. Green : Nouvelles recherches sur le vaccin de génisse chloroforme. 4° La température à laquelle l'émulsion aqueuse de vaccin est soumise au procédé de chloroformisation détermine principalement la plus ou moins grande élimination des bactéries étrangères de cette émulsion. La tempé- rature à laquelle les bactéries étrangères sont tuées le plus rapidement, tandis que le germe spécifique est laissé en pleine activité, est comprise entre 18°et 23° cen- tigrades; 2° On a trouvé que plusieurs espèces addition- nelles de bactéries sont rapidement éliminées du vaccin au moyeu du procédé chloroformique : B. proteus vulz garis, B. prodigiosus, B. pyocyaneus, B. fluorescens liquefacieus B. coli communis, B. typhosus, B. diph- theriae, B. mallei, B. pestis, B. tuberculosis et S. cho- lerae Asiaticae. Ces bactéries ont été ajoutées artifi= ciellement au vaccin recueilli seulement en vue de l'expérience; 3° L'auteur a étudié les propriétés con- servatrices du vaccin chloroformé. 11 a conservé des vaccins préparés par le procédé chloroformique pen- dant le même espace de temps que celui qui s'écoule dans les laboratoires entre la prise du vaccin de génisse et l'emploi des lymphes préparées par glycérination, soit généralement six semaines. L'emploi de ces lymphes chloroformées conservées a été suivi de résul tats absolument satisfaisants. Ainsi l'emploi répété d'une grande quantité de vaccins chloroformés con- firme les conclusions formulées dans un Mémoire pré- cédent, et le point important qui a été acquis, c'est que le vaccin chloroformé, s’il est originellement d'une efficacité suffisamment grande, lorsqu'il sera préparé et conservé dans des conditions convenables, conser- vera sa puissance à un degré élevé pendant un temps considérable. — MM. E. D. W. Greig et A. C. H. Gray: Les glandes lymphatiques dans la maladie du sommeil: Les auteurs ont examiné le contenu des glandes lymphatiques durant la vie de quinze patients atteints de la maladie du sommeil. Dans tous les cas, ils ont sk st £ ” 7 à ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 671 rapidement découvert des trypanosomes très mobiles, dans des préparations microscopiques provenant des glandes cervicales. Il y en avait aussi dans d’autres glandes, telles que les glandes fémorales, mais ils étaient en bien moins grande quantité. Les auteurs considèrent que leurs observations jettent une nouvelle lumière sur les hypertrophies glandulaires qui ont été si souvent remarquées pendant la maladie du sommeil, et que la maladie est essentiellement une polyadénite causée par la présence des trypanosomes dans les glandes, où une grande quantité sont détruits, mais ‘où quelques-uns passent de temps en temps dans les vaisseaux sanguins et occasionnent ainsi l'augmenta- tion qui à été observée dans la circulation périphé- rique. Les auteurs considèrent leurs observations sur la présence d’un certain nombre de trypanosomes dans les glandes lymphatiques, à la fois dans les cas de try- panosomiase au début et dans les cas de maladie du sommeil avancée, comme apportant une confirmation importante de l'unité de ces maladies et une nouvelle preuve que les trypanosomes sont la cause essentielle de la maladie du sommeil. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Seance du 10 Juin 1904. M. H. L. Callendar projette les diagrammes d'indi- cateur d’un moteur à pétrole en marche. Le moteur employé est un moteur Clément-Garrard, pour auto- mobiles; l'indicateur est un manographe Hospitalier- Carpentier. Ses indications sont transmises à un petit miroir dont le mouvement est observé ou enregistré à l'aide d’un rayon lumineux réfléchi sur un écran ou une plaque photographique. Les caractéristiques du diagramme dépendent principalement du point de la course où les gaz font explosion. Les fuites peuvent être facilement décelées par l'examen des diagrammes. — M. J. A. Fleming présente un modèle mécanique illustrant la propagation d'un courant alternatif le long d'un cäble téléphonique, ainsi qu'une théorie sim- plifiée de cette propagation. Le modèle consiste en un axe d'acier sur lequel sont clavetés un certain nombre de disques de bois munis d'une gorge. Ils sont montés excentriquement et l’excentricité des disques diminue en progression géométrique. Chaque excentrique est décalée en phase par rapport à la précédente d'un angle égal. Chaque roue excentrique porte dans sa rai- nure une corde, aux extrémités de laquelle sont atta- chées des masses métalliques qui peuvent glisser le long d’un fil d'acier; toutes les cordes sont de mème lon- gueur. Quand l’axe tourne, chaque masse monte ou descend, en imitant le mouvement de propagation d'une onde de courant alternatif ou de potentiel le long d'un càble; l'ensemble de ces masses est disposé suivant une courbe périodique d'amplitude décrois- sante. — M. E. J. Gheury présente un collimateur gyroscopique. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du ? Juin 190%, M. G. D. Lander décrit un certain nombre d'imino- éthers et de composés voisins correspondant aux éthers oxamiques substitués. — M. H. R. Le Sueur à pour- suivi l'étude de l’action de la chaleur sur les acides aæ-hydroxycarboxyliques. En chauffant l'acide +-hydro- xystéarique, on obtient l'aldéhyde margarique, C'*H°5. CHO, F. 36°, donnant par vxydation avec KMn0O! l'acide margarique, F. 60-610. — M. J. W. Walker estime que toutes les réactions chimiques n’ont pas lieu entre des ions préexistants. Dans beaucoup de cas, la combinai- son a lieu par la mise en action de valences supérieures et elle précède l’ionisation. — MM. J. W. Walker, D. Mc Intosh et E. H. Archibald ont constaté qu'un Hand nombre de substances organiques se dissolvent ans les acides halogénhydriques liquéfiés en donnant des solutions qui sont bonnes conductrices du courant. — MM. J. W. Walker et A. Spencer ont préparé un certain nombre de combinaisons du chlorure d’alumi- nium avec des composés organiques oxygénés : éther, anisol, acide acétique, oxalate, malonate, benzoate d'éthyle, etc. — MM. F. B. Power et F. H. Gornall ont déterminé la composition des graines qui donnent l'huile de chaulmoogra (graines du Taraktogenos Kur- zii). Par expression, elles donnent 30,9 % d’une huile grasse. Celle-ci fournit par hydrolyse du glycérol, un peu de phytostérol et un mélange d'acides gras, dont l'un, isolé à l'état pur, de formule C'#H®0°, FE. 680, [«], — 56°, a été désigné sous le nom d'acide chaulmoo- grique; on trouve aussi de l'acide palmitique. Les graines pressées renferment les acides formique et acétique, et une substance huileuse neutre isomère avec l'acide chaulmoogrique. — Les mêmes auteurs ont cherché à déterminer la constitution de l'acide chaulmoogrique. Il donne un éther méthylique F. 22; il absorbe 2 atomes de Br. Par réduction avec Na en solution alcoolique, on obtient de l'alcool chaulmoo- grylique C#H%OH, F. 36°, et du chaulmoograte de chaulmoogryle, F. 42°. Réduit par HI et P, il fournit de l'acide dihydrochaulmoogrique C{*H#COH, EF. 710- 729, et du chaulmoogrène C'Hf*. Oxydé par KMnO: à froid, il donne l'acide dihydroxydihydrochaulmoogri- que, CH (OH}.CO’H, F. 1029. — Enfin les mêmes au- teurs ont isolé, des graines de Gynocardia odorata, un nouveau glucoside cyanogénétique, la gynocardine, F. 161-162°, [&]» —+37°1. — M. M. O. Forster à pré- paré le dérivé benzoylé jaune, F. 105°-106°, de l'iso- nitrosocamphre instable, F. 1149, et le dérivé benzoylé incolore, F, 136°, de l'isonitrosocamphre stable, F. 1520. — MM. E. H. Archibald et D. Mc Intosh ont préparé un certain nombre de composés de l’acétone, de l’éther et de l'alcool éthylique avec HCI, HBr et HI, dans les- quels il y à lieu d'admettre que l'oxygène a une valence supérieure à 2. — M. C. Bergtheil montre que la fer- mentation de l’indigo est due principalement à une enzyme spécilique existant dans les cellules de la plante. La température optimum pour l’action de cette enzyme est 50°; elle est détruite à 74°. Les antisep- tiques empêchent son action. — M. J. W. Mellor a constaté que le chlore humide est plus actif chimique- ment vis-à-vis de l'hydrogène quand il a été soumis‘à une exposition préliminaire à la lumière ou à une dé- charge électrique silencieuse. — MM. O. Silberrad e‘ Th. H. Easterfeld ont converti le sodio-carboxygluta- rate d’éthyle en dérivé halogéné par l'action d’un halo- gène. Si l’on fait réagir ensuite le dérivé sodé et le dérivé halogéné du carboxyglutarate d’éthyle, on ob- tient un «-carboxy-A%6-glutaconate d’éthyle, qui est saponifié en un nouvel acide carboxyglutaconique, se dédoublant rapidement en acide glutaconique et CO?, — M. A. Marshall à déterminé les tensions de vapeur de mélanges liquides de faible solubilité réciproque (eau et éther, eau et éthylméthylcétone). Ces mélanges liquides, à moins de contenir une trop forte proportion de l’un ou l’autre constituant, donnent un distillatum ayant une composition presque identique à celle pour laquelle la tension de vapeur est maximum. — M. Th. S. Patterson a déterminé la rotation des tartrates et alkyltartrates de Na et de K en solution aqueuse à di- verses concentrations entre 10° et 1000. — MM. P. Hart- ley et J. B. Cohen ont préparé les produits de nitra- tion des dichlorobenzènes isomères. L'o-dichloroben- zène donne un composé orthodinitré; le dérivé méta, un dérivé métadinitré, et le dérivé para, environ six fois autant de dérivé métadinitré que de dérivé para- dinitré. SOCIÉTÉ ANGLAISE DES INDUSTRIES CHIMIQUES SECTION DE LONDRES Séance du 2 Mai 1904. M. T. C. Cloud décrit un procédé pour la détermi- nation de faibles quantités de bismuth dans le cuivre 672 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ou ses minerais. À la solution nitrique du cuivre bis- muthifère on ajoute du nitrate de plomb et juste assez d'iodure de potassium pour que tout le Pb se précipite. On ajoute un peu d'HCI pour dissoudre le précipité à l'ébullition; par refroidissement, l'iodure de plomb cristallise en grandes écailles, jaunes d’or en l'absence de Bi, oranges ou rouges en présence de ce dernier. Cet essai permet de déterminer 0,000.01 gr. de Br. — Le même auteur a constaté que, pour déterminer de faibles quantités d’As par la méthode de Marsh dans les minerais de cuivre ou les produits métallurgiques, il faut conserver dans la solution une petite quantité de Cu (0,05-0,08 gr.), surtout en présence de fer, sinon les résultats sont beaucoup trop faibles. — MM. E. J. Mills et Arch. Gray décrivent une méthode physique d'essai des colloïdes, qui, sans avoir encore donné d'aussi bons srésullats qu'on pourrait désirer, peut fournir des renseignements d'une valeur pratique,.en particulier dans la comparaison d'un colloïde avec un autre. Elle consiste à recouvrir un fil de coton type d'un colloïide donné, à le sécher et à déterminer le module d’élasticité de l'enduit. La valeur de ce module donne une mesure directe du pouvoir de raidissement du col- loide. — M. Th. Tyrer présente quelques lampes à incandescence à l'alcool. — M. O. Guttmann signale l'existence, à la Bibliothèque de Christchurch, à Oxford, d’un manuscrit datant de 1326 et qui constitue le plus ancien document, actuellement connu, où il soit fait mention de l'emploi de la poudre à canon. SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE Séance du 13 Mai 1904. M. N. Omow, de Moscou, adresse une lettre sur un écran de projection de sa construction, dépassant par son intensité lumineuse tous ceux qu'on connait actuel- lement. Les spectres et les phénomènes d’interférence les plus faibles (tels que ceux produits par le biprisme) recoivent un éclat métallique extraordinaire. L'écran est fait avec un miroir ordinaire, aussi mince que pos- sible, dont la surface nue est usée à l'émeri. On peut également argenter sur un côté une plaque de verre dépoli. Il faut tourner cet écran de quelques degrés de différents côtés pour bien faire observer les phéno- mènes, L'écran éclairé a un aspect brillant et res- semble à une plaque d'argent dépoli. — M. E. Gold- stein, qui, dans la séance du 15 avril, avait signalé le fait que certains corps organiques solides du groupe dit aromatique donnent, sous l’action des rayons ca- thodiques, des spectres d'émission discontinus, pré- sente la suite de ses recherches. Il avait fait voir que la présence d’un « anneau » double ou triple donne à la molécule la tendance à produire un spectre pareil, Dans sa communication présente, il distingue trois groupes de corps différant nettement quant à leur spectre, sans pour cela coïncider avec des groupes chimiques. Alors que le premier groupe ne donne que des spectres continus, le deuxième donne successive- ment des spectres soit continus, soit discontinus. Ce phénomène est dû au fait que de nombreuses sub- stances, après avoir été exposées à l'action des rayons cathodiques, montrent une luminescence résiduelle qui, daus certains cas, donne un spectre discontinu, tandis que celui donné par la luminescence « pri- maire » est continu. L’acide benzoïque, le phénol, l'acide téréphtalique, etc., se comportent de cette ma- nière. Les couleurs des deux luminescences diffèrent presque toujours. Quelques substances se comportent d'une facon inverse, les deux luminescences changeant de rôle. I y a, enfin, un troisième groupe contenant les substances à spectre exclusivement discontinu, telles. que, par exemple, certains hydrocarbures aromatiques. et certains phénols. Il est possible que la diversité de coloration des deux émissions du second groupe tienne à des impuretés en quantités minimes: il est également possible que les rayons cathodiques produisent des modifications allotropiques. ALFRED (GRADENWITZ. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 5 Mai 1904. SCIENCES PHYSIQUES. — M. C. Doelter à examiné au … microscope une série de mélanges de silicates fondus … et leur cristallisation. Pour les mélanges labradorite- augite, il se sépare, de chaque côté du point eutec- tique, qui correspond aux proportions 5 : 4, d’abord de l’augite, puis les deux sortes de cristaux alternative- ment. Pour les mélanges olivine-augite, il se sépare toujours de l’olivine d'abord, puis plus tard les deux minéraux alternativement; avec la leucite-augite, il se sépare d’abord de l'augite, de mème qu'avec l’éléolithe- augite. Par amorcage avec un cristal d'un des consti- tuants, on peut quelquefois renverser l'ordre de cristal=M lisation. — M. W. Kropatschek : Sur la détermination quantitative du méthoxyle. Séance du 13 Mai 1904. : 1° ScreNCEs PHYSIQUES. — M. R. Bôrnstein a étudié la marche diurne de la pression atmosphérique à Berlin, d’après des observations faites de 1884 à 1903. On con- | state deux variations diurnes de valeur différente, dont … les maxima moyens sont à 10 heures du matin et. 11 heures du soir et les minima à 5 heures du soir et. 4 heures du matin. la variation diurne totale concorden plus ou moins avec la marche diurne de la température locale, tandis que la variation semi-diurne est indépen- dante des conditions locales. — MM. L. Haitinger et. K. Peters ont isolé du sable monazitique de petites. quantités de BaCE, donnant par cristallisation des frac- tions de radio-activité croissante, où l’on a constaté, spectroscopiquement la présence du radium. — M. R. Andreasch, en faisant réagir la phtalimide potassique sur l’éther éthylique de l'acide «-bromopropionique, an obtenu l'éther de l'acide phtalylaminopropionique; de la même facon, on prépare la phtalylalanine. Tous deux donnent par hydrolyse l'acide phtaloylaminopropio=n nique.— M. H. Wolfbauer, en oxydant par KCIO* et HCIN le p-tolylimino-p-tolylcarbaminothioéthylène, a obtenus l’'anhydride de l'acide ditolyltaurocarbamique, qui four nit par hydrolyse barytique CO*, de la p-toluidine et des la p-tolyltaurine. 4 2 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Exner a déterminé l'activité biologique des rayons du radium déviables et. non déviables par l'aimant; elle est à peu près la même dans les deux cas. — M. L. Unger décrit les particula rités morphologiques du cerveau du Gecko et en partis culier les trajets des fibres dans le cerveau antérieurs — M. H. Hofer signale la présence accessoire de cris= taux de gypse dans un calcaire dolomitique de Wietze Hanovre). — M. F. Berwerth montre que les fers: météoriques denses et granuleux doivent être consis dérés comme des dérivés du fer octaédrique, dont il proviennent par un fort échauffement survenu à dehors de notre atmosphère. L'auteur propose le nom de métabolites pour ce genre de fers météoriques. E————_—_————— —…—…—…"…"…"”"…"…"._.—"…" —"—"_———— Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. N° 14 30 JUILLET 1904 EE ——.—]—.— D 15° ANNÉE Revue générale RUCS Sciences L pures el appliquées Direcreur : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE vapeurs ascendantes, [Il y a donc ainsi une circulation |! verticale d'une activité et d'une violence extraordi- naires, dont l’effet doit être la production d'une pres- sion excessive dans la masse nucléaire, comme celle de l'enveloppe d'une bulle de savon sur l'air renfermé dans son intérieur. Il y a toutefois une différence mar- quée : l'enveloppe nuageuse photosphérique n'est pas continue, mais poreuse en quelque sorte, et sillonnée par des courants à travers lesquels circulent les vapeurs et les gaz qui se précipitent dans Ja région supérieure. « Quant à l'épaisseur de la photosphère, on ne peut la mesurer avec précision : elle doit être probablement de plusieurs milliers de kilomètres. «Je sais que la théorie des nuages de la photosphère | nest pas sans objections, et qu'on parle beaucoup de | l'hypothèse proposée par Schmidt, de Stuttgard, suivant laquelle la photosphère est simplement un phénomène optique dû à la réfraction dans l'intérieur et dans l'enveloppe d'un globe complètement gazeux. Mais il me semble plutôt qu'en raison des lois bien connues de la Physique, une masse gazeuse libre dans l’espace et formée d'une grande quantité de vapeurs métal- liques doit se recouvrir indubitablement d'une enve- loppe de nuages. « La couche renversante (Reversing layer) et la chro- mosphère me semblent des vapeurs non condensées et des gaz qui forment l'atmosphère dans laquelle flottent les nuages de Ja photosphère, el au-dessus de laquelle ils évoluent. Ce n’est pas à dire, cependant, que le mot atmosphère indique une enveloppe gazeuse identique, au point de vue mécanique, à celle qui entoure notre globe terrestre. Cela ne peut être ni un équilibre statique sous l’action de la gravitation solaire, ni un équilibre thermique, mais bien plutôtune nappe de feu (a prairie on fire), suivant l'expression imagée du Professeur Langley. « La couche renversante est le mince stratum situé à la base de cette nappe de feu, renfermant toutes les vapeurs qui forment les nuages photosphériques. C'est là surtout, et aussi dans les dépressions situées entre $S 1. — Astronomie È La constitution du Soleil. — Le savant astro- … nome américain C, A. Young vient de donner à la …— Popular Astronomy (avril 1904) le résumé de ses vues actuelles sur la constitution du Soleil. Nous en avons … extrait les passages suivants, qui présentent un intérêt tout particulier : « En raison de la faible densité moyenne du Soleil et de l'énorme force d'attraction de cet astre, il semble que, dans sa région centrale et dans sa couronne, les éléments constitutifs doivent être à l’état purement gazeux, à cause de la température régnante extré- mement élevée, bien supérieure au point critique de | loutes les vapeurs connues. Mais, si tous les éléments chimiques sont nécessairement à l’état de dissociation, Comme nous lavons supposé précédemment, il ne semble pas qu'on puisse y rencontrer des composés | tels que les carbures, par exemple, qui prennent nais- Sance aux plus hautes températures de nos fours électriques. …. « Sous la pression excessive qui règne dans la masse | “solaire, les gaz intérieurs sont beaucoup plus denses | “que l'eau (la densité moyenne du Soleil est 1,25) et - probablement assez visqueux pour que le noyau res- semble, en quelque sorte, à un globe de poix pâteuse en cerlaines régions : la tendance des taches solaires et d'autres perturbations à se reproduire aux mêmes points du disque tend à Justilier cette hypothèse. « La photosphère ou surface visible du Soleil consiste en une enveloppe de nuages formés par la condensa- lion et par la combinaison de ces vapeurs solaires, | Suffisamment refroidies par leur radiation dans l’es- pace. Cette enveloppe forme une sorte de manteau (Welshach mantle) d'un pouvoir onnant considé- dérable et fournit le spectre solaire comme une plage Continue. Les nuages photosphériques sont natu- rellement suspendus dans les gaz situés autour du noyau et dans les vapeurs gazeuses, de la même facon que nos nuages flottent dans l'atmosphère terrestre. « À partir de la surface inférieure de cette enveloppe Nuageuse, si elle existe réellement, il se forme une Précipitation continuelle dans le noyau gazeux infé- tieur, landis qu'il se produit, au contraire, une série de REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. les nuages, que se forment les lignes sombres de Fraunhofer ; au commencement et à la fin des éclipses solaires, le spectre de cette région apparait pendant quelques secondes comme une ligne extrêmement 1% 67% ÿ CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE brillante ({ash spectrum), observée pour la première fois par l'auteur en 1870, et largement visible dans les photographies des dernières éclipses depuis 1896. « La chromosphère est la région située au-dessus de la couche renversante ; elle se compose de vapeurs et de gaz non liquéfiables dans les circonstances où ils se trouvent. Ce sont principalement l'hydrogène, lhélium et cette forme de vapeur de calcium qui donne les lignes H et K du spectre. Il y a probablement aussi d'autres gaz non encore reconnus. « Les proéminences sont simplement des masses de gaz chromosphériques transportées au-dessus du niveau général par des vents et des courants ascen- dants à travers la photosphère, et flottant pour ainsi dire dans les régions inférieures de l'atmosphère coro- nale qui repose sur la chromosphère. Parfois, des va- peurs métalliques de magnésium, sodium, silicium, fer. sont projetées à des hauteurs considérables, particulièrement dans les régions qui entourent des taches actives et étendues, mais non dans leur inté- rieur; et alors les proéminences montrent habituelle- ment des changements rapides dans leurs formes et dans leurs dimensions, avec distorsion et déplacement dans les lignes de leur spectre. « Jusqu'à ces derniers temps, on expliquait ces phé- nomènes spectraux par des explosions et des mouve- ments gazeux extrêmement violents dans la direction du rayon visuel. Les récentes études de Julius et de quelques autres astronomes tendent, cependant, à mon- trer que certaines de ces apparences sont simplement des phénomènes optiques, et tiennent à des réfractions irrégulières de vapeurs métalliques très denses. « L'existence de la couronne est encore problématique jusqu'à un certain point. Indiscutablement, c'est en partie une enveloppe formée d'un gaz extrêmement rare et non encore reconnu!, nommé Coronium. « Son spectre est principalement caractérisé par une belle raie brillante, que l'on a longtemps supposée un renversement de la ligne 4474 de la carte de Kirchhot (A = 5316), mais qui à été récemment reconnue comme un peu plus réfrangible et possédant une longueur d'onde égale à 5304. La couronne renferme aussi plu- sieurs autres lignes révélées par les photographies prises pendant les éclipses, situées dans le violet et l'ultra-violet, et qui sont probablement dues à ce mème coronium. « Quant aux banderoles qui semblent lumineuses par la lumière solaire qu'elles réfléchissent, et aussi par leur incandescence propre, il ne semble pas qu'elles soient gazeuses d'après leur spectre; elles paraissent plutôt formées de petits corpuscules chassés du Soleil par une force répulsive d’origine électrique, peut-être aussi par la force répulsive de la radiation, comme nous l'avons reconnu tout récemment dans nos labora- toires. « Leur disposition par rapport à la surface solaire est évidemment déterminée par des forces dont l'effet, sinon l'origine, est analogue à celui qui produit les banderoles aurorales dans notre atmosphère; cepen- dant, ces dernières semblent ètre purement gazeuses. « En ce qui concerne les taches solaires, on ne peut plus aftirmer qu'elles sont toujours des dépressions dans la photosphère depuis qu'il parait bien acquis, d’après les obserbations faites à Potsdam et en d'autres lieux, que parfois, près du bord du Soleil, leur force de radiation surpasse celle des régions voisines. Ce fait pourrait être expliqué en supposant que l'absorption de l'atmosphère solaire pour les radiations lumineuses des nuages photosphériques est beaucoup plus forte que pour les autres radiations non lumineuses et à grande longueur d'onde émises par les taches; mais il semble plutôt que, dans ces cas exceptionnels, les taches se tiennent à une hauteur considérable, comme 1 Les dernières conquêtes de la science tendent, cepen- dant, à le montrer en quantité infinitésimale dans les gaz de notre atmosphère (N. D. L. R.). pour échapper à l'absorption atmosphérique. La cou leur sombre des taches est presque certainement due à l'absorption, et, dans une certaine limite du moins, cette absorption s'exerce sur les gaz, et non simplement sur les parties nébuleuses; ce fait est bien indiqué par le renforcement remarquable des lignes sombres du vanadium et de quelques autres substances, aussi bien que par la résolution de la partie verte des spectres des taches en un groupe de lignes sombres enchevè= trées les unes dans les autres. : « Quant à l’origine des taches, je ne trouve entière- ment satisfaisante aucune des théories proposées jus- qu'ici. Leur distribution sur le disque solaire montre clairement qu'elles obéissent à une loi spéciale qui. règle la rotation de ce globe, et ce phénomène s'ac- corde avec la théorie de Faye; mais les manifestations cycloniques exigées par la théorie ne sont pas faciles àx constater et à expliquer. Une relation étroite semble exister aussi entre la position d’une tache sur la sur- face solaire et la manière d’être du noyau gazeux, mais visqueux, qui repose sur la photosphère. Cette relation est indiquée par la tendance fréquemment observée des taches à se reproduire plusieurs fois dans les mêmes régions du disque solaire, ou en des parties très voisines. « Bien certainement, ilarrive souvent, etc'est peut-être le cas général, qu'un jet puissant de gaz chromosphé- riques s’élance autour d'une tache; mais il traverse rarement l'ombre elle-même, si toutefois le fait se produit. Certains astronomes pensent qu'une tache est produite par une matière venant des régions supé= … rieures; d'autres croient que c'est une cavité de la photosphère due au relief causé par des pressions exercées en dessous, et c'est mon opinion; d'autres, enfin, supposent qu'elle provient de quelque autre cause profondément différente; pour ma part, je le répète, je ne connais actuellement aucune hypothèse plausible. « Je ne suis pas encore fixé sur les raisons de la pério- dicité des taches solaires, ni sur la nature de la rela- tion indiscutable qui existe entre l’activité solaire et les perturbations magnétiques terrestres. J'ineline à croire que la périodicité prend son origine dans le Soleil: on ne peut certainement l’attribuer à l'influence des planètes, bien que les actions extérieures à notre système ne puissent être empêchées en aucune facon. « Les travaux effectués pendant les vingt-cinq années qui viennent de s'écouler paraissent avoir déterminé la température du Soleil, qui est fort voisine de 6.000°C.; mais la valeur de la constante solaire semble encore incertaine. Le chiffre de Langley (3,0 petites calories par centimètre carré et par minute) est peut-être très voisin de la vérité; toutefois, les observations faites à la Smithsonian Institution en 4902 et en 1903 semblent exiger une réduction de 25 °/,, l'abaissant ainsi à 2,25. « La question de la constance de la radiation solaire, l'une des plus importantes de l’Astronomie physique, n'est pas encore résolue. Nous pouvons, cependant, espérer que les recherches qui se préparent, ainsi quêé celles qui sont déjà commencées, fixeront bientôt no idées à ce sujet. La difficulté tient principalement, ses relations avec les caprices désolants de la Météoræ logie terrestre. « Quant à la persistance de la radiation solaire, il n} a aucun doute sur l'exactitude de la théorie de contraction due à Helmholtz, au moins dans certaine limites: mais nous devons cependant avouer quelq incertitude en raison des découvertes récentes radium et de ses congénères : ces substances n€ montrent que de nouvelles et puissantes souref d'énergie peuvent s'ajouter aux forces antérieuremen indiquées pour maintenir la chaleur du Soleil. « L'accélération de la région solaire équatoriale mt semble avoir trouvé sa raison d'être dans les concls sions formulées à la suite des recherches de Salmom£ de Wilsing : ces savants la considèrent comme persistance, très lente à disparaitre, des conditions CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 675 ont présidé avec une très grande énergie, mais pendant un temps très court, à la formation du système solaire. Je sais que, tout récemment, d'autres astronomes, parmi lesquels je citerai Emden, ont essayé de prouver que c’est, au point de vue mathématique, une consé- quence nécessaire de la constitution du Soleil : mais je n'en suis pas bien convaincu, à cause de l'incertitude de certaines hypothèses fondamentales. « Telles sont, en résumé, les idées qui me semblent les plus voisines de la vérité. « L'avenir éclaircira plusieurs questions encore obs- cures aujourd'hui; et, dans les recherches subsé- quentes pour la découverte des causes véritables des phénomènes solaires, il mettra probablement nos suc- cesseurs en présence de nouveaux problèmes, peut- être plus troublants que ceux qui sollicitent nos efforts actuels, » $S 2. — Physique du Globe Les taches du Soleil et le Magnétisme, — Quelle liaison nette existe entre l'apparition des taches solaires et les perturbations magnétiques? C’est là une question fort complexe à élucider, car, si cette liaison paraît très probable, elle est, en revanche, plus com- pliquée qu'une relation de cause à effet: de grandes perturbations sont consécutives à de petites taches, tandis que de grosses taches, parfois, ne sont pas suivies de perturbations magnétiques. Ce problème vient donc d'ètre discuté de nouveau devant Ja Société Astronomique de Londres!, et le P. Sidgreaves à résumé le travail qu'il a basé sur les observations recueillies à Stonyhurst et à Greenwich de 1881 à 1898; peut-être, selon lui, un milieu de corpuseules interposés serait-il capable de produire des obscurcissements dans l'atmos- phère solaire en même temps que d'agir sur l'aiguille aimantée. Sur ce point, le Professeur Schuster a des idées égale- ment personnelles : En ce qui concerne la variation diurne de l'aiguille aimantée, il la rapporte directe- ment à des courants électriques circulant dans les hautes régions de l'atmosphère ; quant aux différences de variation, entre le maximum et le minimum des taches, on pourrait admettre que les régions supé- rieures de l'atmosphère conduisent mieux l'électricité à l’époque du maximum des taches qu'à celle du minimum. Pure hypothèse, il est vrai, mais s'adaptant assez bien aux faits, et notamment à la périodicité de l'aurore polaire; d’ailleurs, d’une différence de conduc- tibilité à l'interposition d'un milieu, il n'y à qu'un pas. Quant à la liaison entre le Soleil et la Terre, le Profes- seur Schuster regarde comme établi par les calculs de lord Kelvin que le Soleil ne peut émettre au loin d'ondes électromagnétiques capables de produire les orages magnétiques terrestres. Cette périodicité des taches solaires est donc blante et son action est bien difficile à élucider sur différents phénomènes terrestres : une période de onze ans, el une deuxième, mal connue, six fois plus longue environ. Halm? ne s'est-il pas efforcé de démon- trer que ces périodes se rencontrent dans les varia- tions séculaires des éléments de la Terre; des périodes analogues paraissent exister dans les variations de lobliquité de l'écliptique, dans celles des latitudes ter- restres, comme pour d’autres éléments. Au point de vue astronomique, ce serait là l'indica- tion de l'existence d’une force perturbatrice de nature encore bien mystérieuse, trou- $ 3. — Physique Dilatation et transformation magnétique du nickel. — Aucune des séries de mesures faites JuSqu'ici ne renseignait suffisamment sur les variations ! V. Ciel el Terre, t. XXIV, p- 285. » HALM : Astronomische Nachrichten, n° 3649. de volume que subit le nickel dans le passage de l’état magnétique à létat non-magnétique. Les recherches que j'ai consacrées à cette question, comme les déter- minations ultérieures de M. Tutton, étaient limitées à desstempératures trop basses pour donner aucune indication dans ce sens, tandis que les déterminations de MM. Holborn et Day S'appuyaient sur des points trop espacés pour qu'il füt possible de suivre en détail la courbe de variation. Cette lacune vient d'être com- blée par une recherche de M. E. P. Harrison, exécutée au Cavendish Laboratory, et qui à consisté dans la mesure, à un très grand nombre de températures, d’un fil de nickel tendu, et chaufré par un courant élec- tique. Le fait le plus intéressant résultant de ces mesures consiste dans la découverte, vers 3709, d’une dilatation subite, dont l'amplitude est de 3/10.000 environ de la longueur initiale du fil, Bien que quelques objections puissent être faites aux conclusions de M. Harrison au sujet de la valeur exacte des dilatations trouvées, l'ordre de grandeur du brusque changement est suffisant pour que son existence ne semble pas douteuse. Ce changement n’est que le dixième, à peu près, de celui qu'éprouve le fer dans le passage de l’état & à l'état B, et son existence, qui était encore inconnue lorsque j'exposai dans la Zevue! la théorie des aciers au nickel, ne modifie en rien les conclusions auxquelles J'étais parvenu. Mais il est intéressant de rapprocher cette constatation de M. Harrison de quelques faits connus depuis long- temps, concernant les variations magnétiques du fer et du nickel soumis à des efforts mécaniques. En 1879, Lord Kelvin découvrit que le fer, sous l’action d’une traction longitudinale, éprouve une augmentation notable de sa susceptibilité magnétique, tandis que MM. Ewing et Mc Cowan trouvèrent un phénomène inverse pour le nickel. On peut donc dire que le nickel perd son magnétisme au moment où il éprouve une dilatation d'un certain ordre, que cette dilatation soit due à une traction ou à une élévation de la tempéra- ture, alors que le double phénomène inverse existe dans le cas du fer, On n'a point encore, il est vrai, mis nettement en évidence une contraction du fer dans son passage de l'état G à l’état «, c'est-à-dire au moment de la forte chute de ses propriétés magnétiques. Mais on peut échapper de diverses facons à cette petite difficulté. D'abord, dans une recherche récente très complète sur les propriétés du fer, M.Benedicks, d'Upsal, a cru pou- voir conclure d’un ensemble de faits que cette contrac- ion existe réellement; d'autre part, s'il est vrai que, en passant à l’état 6, le fer perd la plus grande partie de son magnétisme, il ne se trouve pas, alors, à l’état faible- ment magnétique dans le sens des lois de Curie; il est nettement ferro-magnétique, bien qu'avec peu d'inten- sité. Enfin, on sait que la transformation supérieure du fer peut entraîner la transformation inférieure, lorsqu'elle arrive à Ja rejoindre. Les phénomènes de magnétostriction sont inverses pour le fer et pour le nickel, au moins dans les champs peu intenses. Au début, le fer S'allonge, tandis que le nickel se raccourcit; or j'ai pu indiquer comme très probable le fait de la tendance à l'augmentation de l'état magnétique des Corps ferro-magnétiques sous l'action du champ, phénomène qui devrait, effecti- vement, provoquer un allongement du fer et une con- traction du nickel dans la région de la transformation. Tous ces phénomènes présentent ainsi une évidente connexité, à laquelle le calcul pourra être appliqué lorsque les valeurs numériques de chacun des chan- gements, pris isolément, seront mieux connues. Une sérieuse difficulté, qui s'oppose à la recherche des relations numériques exactes, réside dans le fait que les moindres impuretés des corps magnétiques modi- lient sensiblement leurs propriétés: mais le sens des —— * Revue des 15 et 30 juillet 1903. 676 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE phénomènes ne semble pas douteux, el ces relations, bien qu'encore qualitatives, offrent déjà un intérêt suffisant pour mériter qu'on en poursuive l'étude expé- rimentale ou théorique. Ch.-Ed. Guillaume. . Capacité électrostatique des tubes remplis de gaz raréfñiés. — Voici les résultats que MM. A. Afanassieft et E. Lopouchine viennent de déduire de leurs expériences sur un tube rempli d'air raréfié et relié par une de ses électrodes à l'une des électrodes d'une bobine Rhumkorff : 1° La capacité électrostatique du tube, après avoir d'abord augmenté pour des tensions décroissantes du gaz qu'il renferme, atteint un maximum correspondant à la tension de 4 millimètre de mercure, après quoi elle se remet à diminuer pour des tensions inférieures; 20 Ces modifications de la capacité s'accompagnent de variations du volume de la portion luminescente du tube, aussi bien que du caractère des phénomènes lumineux : 3° La capacité du tube s'accroit avec le potentiel électrique communiqué à son électrode ; 4 Cette capacité s'accroît égalementavec des interruptions du circuit primaire ; 50 Pour les tensions inférieures à mercure, un champ la fréquence | millimètre de magnétique dont le à « flux est parallèle au 2 = tube abaisse la ca- & D pacité de ce der- : EE à nier ; FE & Æ 6e Les champs + AE magnéliques dont () A les lignes de force sont perpendiculai- res à la longueur du tube accroissent la capacité de ce der- nier pour les ten- sions intermédiai- res entre 25 et 1 mil- limètre ; pour Ja tension de 0,5 mil- limètre, ce champ estabsolumentsans effet, tandis que, pour les tensions inférieures, on observe une diminution de la capacité, et, pour celles qui restent au-dessous de 0,03 millimètre, un accrois- sement ultérieur de la capacité. NOR Cneiss dAntigorto-- L S 4. — Géologie Les Résultats scientifiques du percement du Simplon. — M. le D' Hans Schardt, géologue officiel de l'Entreprise du tunnel du Simplon, vient récemment de communiquer les premiers résultats scientitiques de ce percement £olossal ?. Le massif traversé appartient à la chaine des Alpes et au groupe du Monte Leone, dont le sommet s'élève à 3.558 mè- tres. Les premières études géologiques qui S'y rappor- tent sont celles de BernardStuder, publiées en 1846, dans les Mémoires de la Société géologique de France, etcelles de H. Gerlach, à qui l’on doit la carte géologique de la région. Le profil ci-joint (fig. 1) de M. H. Schardt, dont les prévisions ont été confirmées par les récents travaux de percement et qui fait le plus grand honneur à son auteur, indique que les alternances remarquables de 1 Voir le Journal de la Société Physico-Chimique Russe, t. XXXV, n° 8 2 Cf. I. Scnaror : Note sur le profil géologique et la tec- tonique du massif du Simplon comparés aux travaux anté- rieurs, in Eclogæ geologicæ Helvetiæ, vol. VII, n° 2, p.118. -- Rapport sur les venues d'eau rencontrées dans le tunnel du Simplon du côté d'Iselle. Lausanne, 1902, in-49, 271 p. et pl.— Dictionnaire géographique de la Suisse, article «Monte Leone ». Schistes cristallin, arphibotites WA Entrebs du éumeezl—- Fig. 1.— Profil géologique du Simplon, d'après M. Hans Schardt {avril 1902 terrains calcaréo-schisteux et de gneiss, schistes cris- tallins, elc., ne constituent pas une série continue de formations, mais sont dues à des replis d'une série de terrains ayant eu primitivement la superposition sui- vante : Schistes lustrés argileux ou calcarifères (Juras- sique d'après des bélemnites); — Dolomite, marbre cipolin, gypse {anhydrite), quartzites et schistes chlo- riteux (Trias); — Schistes cristallins, micaschistes gra- natifères, schistes amphiboliques (Trias et Paléozoï- que ?); — Gneiss du Monte Leone (schisteux et fibreux), gneiss d'Antigorio massif. (Terrain primitif). Suivant les lignes de profil que l'on choisit, on peut compter jusqu'à six intercalations calcaréo-schisteuses dans la masse gneissique, correspondant à autant de replisdontil reste à déterminer la direction du point de rebrousse- ment. Dès 4893, M. I. Schardt, de mème que M. Marcel Bertrand, en 1884, avait eu l'idée de nappes de recou- vrement poussées du Sud vers le Nord'. Le percement du Simplon est venu confirmer cette manière de voir, traduite dans le profil ci-contre. Les plis entassés sont poussés du Sud vers le Nord. Les charnières anticli- nales semblent être enfoncées du côté Nord, et la tota- lité des masses gneissiques doit reposer sur des schistes lustrés ou leur équivalent, les schistes métamorphiques calcarifères. Les intercalations de terrains calcaréo- schisteux seraient alors des syncli- 2 naux culbutés en » ; 2 ee a forme de faux an- TE 3 pe ticlinaux, allant se 2 5 _ = souder dans la pro= a : fondeur avec les M schistes de même soubasse- âge du NS S N NIKE ment normal non er ent 07 = disloqué. ce sont M 7 les termes mêmes Schistes lustres de M. H. Schardit, VÉTR SEE e qui conclut ainsi : Les révélations tectoniquesdumas- sifduSimplonpour- … ront, j'en suis sûr, s'appliquer aussi à d'autres parties des Alpes et notamment aux zones annexes, les Alpes tes- sinoises et grisonnes, d'une part, et les Alpes valai- sannes entre le Simplon et le Combin, d'autre part. La supposition exprimée par M. Lugeon, que le pli en dôme du Mont-Rose « sera un jour considéré comme la carapace d'un grand pli couché, dont la charnière frontale est enfouie », est pour moi une certitude. IL en est de même des plis situés plus au Nord et que séparent des zones de schistes lustrés; tel le pli de gneiss qu'entament le val d'Anniviers et le val d'Hé- rens ». Hydrologie. — Le groupe du Monte Leone est à cheval sur la ligne de partage des eaux entre le Rhône et le Pô. Le versant Nord reçoit moitié moins de pluie que le versant Sud. Aussi ce dernier versant est-il sillonné de vallées profondes et ramiliées, parcourues par de nombreux torrents, alimentés dans leur cours supérieur par l’eau de fusion des glaciers et des névés, et, plus bas, par des sources jaillissant des intercas lations calcaires. Ces renseignements géographiques, « suivant l'axe du grand tunnel, à juillet 1903). Le we Bnte té 1 On sait que M. Maurice Lugeon, s'appuyant d'ailleurs sur ses recherches personnelles dans les Préalpes du Chas blais et les Préalpes romandes, à réuni synthétiquements les idées de ses devanciers dans son Mémoire sur les grandes nappes de recouvrement des Alpes du Chablais et de Ia Suisse, in Bullet. de la Soc. géolog. de France, t.1, juin 19022 Un résumé complet en a été donné par M. J. REvIL : Le grandes nappes de recouvrement des Alpes francaises, 1 Revue générale des Sciences, t. XIII, 1902, p- 1007 à 1018. Cf. également Enire Hauc : Les grands charriages l'Embrunais et de l'Ubaye, in Revue générale des Sciences 1903, p. 1241. S , CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 677 étaient nécessaires pour expliquer les venues d’eau du tunnel, beaucoup plus abondantes du côté Sud que du côté Nord, et dont nous avons déjà signalé l’origine dans une Note précédente f. Ces sources, tantôt froides, tantôt chaudes, de débit très variable, — la plus forte donna jusqu'à 1.100 litres par seconde, — ont donné lieu à d’intéressantes observations, qui ne sont, d'ail- leurs, pas encore terminées. Nous mentionnons plus loin l'action réfrigérante de quelques-unes sur les roches qu'elles traversent; mais un autre fait remar- quable, c'est la teneur en gypse des eaux provenant des schistes lustrés, alors que les eaux issues des schistes cristallins sont alcalines, sodiques el potassiques. Chaque litre des premières renferme environ { gramme de sul- fate de calcium, ce qui représente environ 30.000 tonnes, soit 10.000 mètres cubes que l’eau enlève chaque année à la montagne. On comprend alors comment cet élé- ment peut creuser souterrainement de vastes cavités. Le calcaire étant moins soluble, la corrosion souter- raine y progresse de quatre à six fois moins vite. En étudiant attentivement les variations du débit, de la température et de la teneur en gypse (dureté), il à été possible de constater que le débit de l'ensemble de ces sources ne subit qu'une seule période de variation annuelle, au lieu d'obéir aux influences de la pluie et de la neige, comme le font la plupart des sources superficielles. 11 y a une forte crue de mai à fin juillet, puis, graduellement, le débit décroit, presque régu- lièrement, jusqu'à la fin d'avril. Pendant la période de crue, la dureté décroit pour toutes, de même que la température, tandis que ces valeurs augmentent pendant la période de baisse. Il faut en conclure que, pendant | les trois mois de crue, une forte quantité d’eau froide très pure (fonte de la neige) s’introduit dans la mon- tagne et remplit les vastes cavités souterraines; elle dilue donc l’eau gypseuse et produit, par l'augmentation de la pression, le plus fort débit des sources. Le long séjour de l'eau dans les cavités creusées dans le gypse fait que, pendant les neuf mois qui suivent, l'eau se sature de nouveau de cette substance et devient de plus en plus gypseuse. Géothermie. — Dans la région Nord, où les couches s'enfoncent dans le sol, les terrains sont très secs, la chaleur se conserve à l'intérieur, et l’on peut constater, par exemple, que la température réelle au sommet de la montagne est supérieure à la température normale, calculée, en partant du tunnel, à raison d’une dimi- nulion de 1° par 200 mètres d'altitude. C’est, du reste, dans la galerie Nord que l’on à constaté les tempéra- tures les plus élevées (maximum 54). Le fait inverse a été observé du côté Sud. Entre le kilomètre 2 et le kilomètre 3, la température du rocher, qui avait atteint 339,5, s'abaissa brusquement, et, à partir de ce moment, la température des sources rencontrées descendail Jusqu'à 90,8. On ne saurait mettre en doute que le refroidissement du rocher n'ait pas eu pour cause celui des sources. Ainsi, tandis qu'en terrain sec la tempé- rature de la roche peut s'élever au-dessus de la nor- male, en terrain humide, on constate le cas inverse. Get accident corrobore ce que M. E.-A. Martel avait précédemment déduit de l'étude des sources froides des Alpes francaises sur l’action réfrigérante que les infiltrations des hautes altitudes exercent sur les roches calcaires jusqu'aux résurgences des vallées basses, au point d'annuler totalement l'influence de la géother- mique. Et cela montre aussi l'importance qu'il y à à bien consulter la température des résurgences pour la recherche de l’origine des sources. M. NH. Schardt poursuit, d’ailleurs, l'étude de ces inté- ressants problèmes de Géothermie et d'Hydrologie. Nous nous réservons d’y revenir avec lui, quand ses obser- yations seront terminées et qu'aura paru la publication définitive de la Monographie du tunnel du Simplon. P. Clerget, Professeur à l'Ecole de Commerce du Locle, ‘ Cf. Revue générale des Sciences du 29 février 1904, PAude $ 5. — Physiologie Les « Archives internationales de Physio- logie ». — Les Professeurs Léon Fredericq, de Liége, et Paul Héger, de Bruxelles, viennent de commencer la publication d'un nouveau journal de Physiologie en langue française : les Archives internationales de Physiologie. Il existe déjà un important périodique de Physiolo- gie rédigé en français: le Journal de Physiologie et de Pathologie générale, de Chauveau et Bouchard, dont les colonnes sont largement ouvertes aux savants français et étrangers. Mais ce journal, comme le fait remarquer la direction des Archives internationales de Physio- logie, doit mesurer la place qu'il accorde à la Physiolo- gie pure, et pourtant le nombre des travaux de labora- toire qui attendent leur publication augmente de jour en jour. Les deux journaux ne sont donc pas destinés à se faire concurrence, mais bien plutôt à se compléter et à se soulager l’un l'autre. Le Journal de Physiologie et de Pathologie générale accueillera probablement : plutôt les travaux des savants français; les Archives in- ternationales plutôt les travaux des savants belges, hollandais, hongrois, russes, suisses, etc., dont un grand nombre ont coutume de rédiger leurs Mémoires en langue française. Mais cette distinction n’a rien de né- cessaire et d’absolu, car le premier fascicule paru con- tient déjà un travail publié par un laboratoire français, et les directeurs de la nouvelle publication se sont assuré la collaboration de plusieurs physiologistes français : MM. Arthus, Dastre, Delezenne, Hédon, Jolyet, Morat et Wertheimer,. S'inspirant des traditions qui font le succès du Journal de Physiologie et de Pathologie générale, la direction des Archives internationales de Physiologie recommande aux auteurs de choisir un titre qui donne une idée précise du contenu de leur travail, de conden- ser leur rédaction de facon à ne pas dépasser généra- ralement 32 pages, d'adjoindre à leur travail un court résumé, rédigé de façon objective, de manière à pou- voir être utilisé directement comme référat ou analyse par les directeurs des Jahresberichte et des Revues annuelles de Physiologie. Les articles de cette publication portent l'indice nu- mérique de la classification décimale {élaborée par la Société de Biologie de Paris et adoptée par l'Institut bibliographique international de Bruxelles), concurrem- ment avec celui de l’/nternational Catalogue, publié par la Royal Society de Londres. Ainsi dirigées et ainsi conçues, les Archives interna- tionales de Physiologie ne tarderont pas à rendre de grands services et à prendre rang parmi les plus importants journaux périodiques de Physiologie. $ 6. — Sciences médicales La transmission de la diphtérie par l’eau. — La plupart des auteurs nient ce mode de transmis- sion de la diphtérie. Ce n'est pas l'avis de MM. EF. Seiler et W. de Stoutzt. Ils ont fait des expériences très inté- ressantes qui ont consisté à ensemencer une culture pure de bacilles de Læffler dans une certaine quantité d'eau ordinaire (3 à 15 litres), à opérer, par l'agitation, une distribution plus ou moins uniforme des bacilles, et à garder l’eau ensemencée pendant vingt-quatre heures à une température de 18°. Le lendemain et les jours suivants, on prélevait une goutte de cette eau et on l’ensemençait sur du sérum. Le résultat de ces ex- périences a été de montrer que, pendant au moins six jours, le bacille de Læffler reste vivant dans l’eau et qu'au débutilsemble même s'y multiplier. L'eau potable peut donc être le véhicule de ce microbe, et la propaga- tion de la diphtérie par l’eau de boisson n'est pas im- possible. { Dr RomME : Presse médicale, Paris, 1904, n° 27. 673 $ 7. — Géographie et Colonisation Les résultats scientifiques de lExpédition antaretique écossaise Bruce. — De mème que les autres Missions qui ont récemment parcouru les régions antarctiques, l’'Expédition écossaise de la Scotia, placée sous le commandement de M. William S. Bruce, a rapporté des renseignements géographiques nouveaux ainsi que de nombreuses observations scientiliques, sur- tout océanographiques, dont nous donnerons un aperçu. Le navire Scotia, parti de la Clyde le 2 novembre 1902, arriva à Port-Stanley, dans les îles Malouines ou Fal- kland, dans les premiers jours de janvier 1903, et se dirigea de là vers la mer de Weddell, le 26 du même mois. Au cours d'une croisière qui dura cinquante et un jours, la Mission accrut considérablement nos con- naissances sur les mers qui s'étendent au sud des Orcades méridionales (South Orkneys) et des îles Sandwich, Cette route offrait un intérèt particulier pour les Écossais, car le seul voyageur qui avait visité jusqu'alors cette zone des mers antarctiques était le capitaine écossais James Weddell, qui, parti de Leith en 4823, avait atteint une latitude plus méridionale qu'aucun de ses devanciers : 74015). Le Scotia longea d'abord vers l'Est, des Orcades aux Sandwich, le rebord de la banquise avant de trouver une ouverture, puis il fit une pointe hardie vers le Sud, aux abords du 23° méridien 0. Gr. Le plan adopté par M. Bruce était de pousser vers le Sud aussi loin qu'il lui paraîtrait prudent de le faire; mais, en aucune hypothèse, il n'avait l'intention de laisser le navire se prendre dans les glaces de cette zone méridionale. C'est en naviguant en mer libre qu'il atteignit, le 22 fé- vrier, 70°24!$., par 47° O. Gr., non loin d'un point de l'océan Polaire où était arrivé Ross, en 1843, dans la mer de Weddell. Arrèté alors par la banquise, le navire revint au Nord par une route plus occidentale et, le 21 mars, rallia les Orcades. L'Expédition hiverna de mars à novembre dans l’une d'elles, l'ile Laurie. Tout cet itinéraire nautique s'étendait sur 5.000 milles. Les sondages entrepris par M. Bruce dans les régions méridionales qu'il avait atteintes lui firent reconnaître l'existence d'une mer profonde de plus de 4.500 mètres en-moyenne. Ainsi se trouvait confirmée l’observation précédemment faite par Ross, d'après un sondage qu'il avait opéré plus à l'Est et dont les résultats avaient été très contestés. Au point extrême que M. Bruce atteignit au Sud, il trouva 4.650 mètres. Durant cette croisière vers le Sud, on releva, bien qu'en été, de très basses températures de l'air, avec un minimum de —14° C. M. Bruce observa le même phénomène dans les Orcades méridionales. Quoique la station d'hivernage fût située entre 60° et 61° de lati- tude sud seulement, le Scotia resta emprisonné par des glaces solides pendant huit mois; M. Bruce pense qu'une couche continue de glace avait dù, pendant l'hiver, relier les Orcades à la terre de Graham, et donner à ces îles, nettement océaniques, un régime continental passager. L'Expédition du D' Nordenskjüld avait observé aussi à son hivernage de Snow-Hill, près de la terre de Graham, une température moyenne de — 120 C., qui élait basse relativement à la latitude. Il existe donc là un centre de froid, dont les causes seraient à rechercher. D'aussi basses températures ne se rencontrent, à cette latitude, que dans la Sibérie orientale et dans les parages de la baie d'Hudson, c'est-à-dire dans des régions à climat continental. Dans le groupe des Orcades, qui n'avait pas été abordé depuis Weddell, l'Expédition visita ou leva les îles Saddle, Laurie, Coronation. L'archipel des Orcades se compose d'iles très mon- lagneuses, au relief découpé, couvertes de neige et de glaciers. Les travaux topographiques furent malheureu- sement contrariés par l’état brumeux de l'atmosphère et par de très grandes variations dans la température. Les Orcades semblent entièrement formées d'an- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ciennes roches sédimentaires, principalement de grau- wackes et de conglomérats. Près du cap Dundas, on à trouvé un spécimen de graptolite, le seul fossile des iles. La plus grande partie de leur surface est couverte de glace, sauf les endroits trop à pic pour la maintenir, ainsi que quelques petites îles ou presqu'iles. Les glaciers se sont formés souvent sur les parties les moins inclinées et y ont constitué de courts champs de glace qui se brisent là où le sol devient plus escarpé. Les plus vastes de ces glaciers atteignent une longueur de deux milles ou plus, mais la plupart sont beaucoup plus courts. A la face terminale, la structure rayée de la glace apparaît, comme des lignes de stratification. Il y à ordinairement des moraines terminales, entiè- rement composées de fragments anguleux de rochers, recouverts d'un peu de terre et de sable; elles paraïis- sent avoir une assez grande étendue, par rapport à la longueur du glacier. Les cailloux striés y sont rares et encore plus les cailloux arrondis. Les collections zoologiques ramenées par le Scotia sont considérables et ne peuvent manquer d'apporter une très notable contribution à la connaissance de la faune des régions antarctiques. Non seulement de nom- breux spécimens des diverses espèces ont été recueillis, mais encore des notes ont été prises sur chacun des animaux et des dessins en ont été faits par M. W. A. Cuthbertson, l'artiste .de l'Expédition, afin de conserver un témoignage, pris sur le vif, de leurs formes et de leurs couleurs. De nombreux dragages ont été entrepris, dont six à des profondeurs d'environ 2.500 toises, entre les 60° et 70° de lat. S.; de ce nombre, quatre ont été faits au sud du Cercle polaire antarctique. Ces recherches ont fait découvrir au moins 70 espèces à des latitudes plus méridionales et à de plus grandes profondeurs que dans les précédentes expéditions ; la plupart seront sans doute nouvelles pour la science. Pendant le temps de l’hivernage, on ne prit pas moins de 2.000 poissons, principalement d'une espèce de Notothenia; mais quatre ou cinq autres formes furent également capturées. On fit aussi des collections considérables d'Invertébrés; les Mollusques, Crustacés et Echinodermes y sont largement représentés, ainsi d’ailleurs que les Vers, les Cœlentérés et les Eponges. Durant le trajet des Orcades aux Falkland, un dragage fit récolter une soixantaine d'espèces. Comme Mammifères, on rencontra, principalement au nord du 61° S., la baleine bleue, qui est un Balæ- noptera, peut-être l’espèce australis. Quelques-uns des Cétacés observés pouvaient être des Mégaptères ; mais on ne rencontra ni baleine franche ni physeter, espèces précédemment signalées par sir James Ross. Les quatre espèces de phoques déjà connues dans ces régions furent capturées. Un très grand nombre d'oiseaux furent recueillis. On fut à même d'étudier les pingouins de diverses sortes qui fréquentent les Orcades. Parmi les autres espèces, il faut principalement citer les albatros, les pétrels, les soëlands. Une espèce de cormoran (Phalacrocorax atri= ceps) fut trouvée pour la première fois dans les régions antarctiques. La flore des Orcades, la seule qui put être étudiée, ne fut trouvée ni riche ni variée : {rois mousses, unë hépatique, six espèces de lichen. On récolta plusieurs algues marines, dont une laminaire. Une espèce de Protococeus donnait à la neige une coloration rouges L'étude du plankton fit découvrir un nombre énorme de diatomées, et relativement peu de crustacés. L'Expédition établit dans l’île Laurie un observas toire météorologique et magnétique, fort solidemen construit, qui commença à fonctionner pendant l'hiv austral de 1903. Cinq hommes de l'Expédition y on été laissés avec M. R. €. Mossman, pour continuer } travaux scientifiques. Le Gouvernement argentin le a adjoint une équipe de quatre hommes. A la fin Fété austral, le Scotia, ravitaillé à la Plata, doit all rejoindre ce personnel. Gustave Regelsperger. . Ve date D° AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE 679 ESSAI SUR LA PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L’AFRIQUE TROPICALE DEUXIÈME PARTIE : INTELLECTUALITÉ Dans un premier article‘, nous avons essayé de grouper les principaux faits qui se rapportent à la sensibilité et à l’affectivité chez les Noirs; nous allons maintenant envisager les manifestalions de leur intellectualité. I. — CONCEPTION DU VRAI. L'expression de la vérité dépend d'une série d'opérations physiologiques ou mentales, impar- faites dans leurs moyens, incertaines dans leurs résultats. Elle dépend de l'affinement des sens, de l’état physique et moral du sujet, de son degré de culture, de ses passions, de ses préjugés. Elle souffre d'autant moins de ces multiples contacts que l'individu est d’une intellectualilé et d'une moralité plus élevées, fruit de l'éducation, de la conception abstraite du point d'honneur, peut-être de l’hérédité. Comme on l'a vu, le lémoignage des sens ne paraît pas plus trompeur chez le nègre que chez nous-mêmes. Mais l'interprétation est nécessaire- ment beaucoup plus faulive. Les divers lraits de son caractère, l'égoïsme, la légèrelé, la mobilité, l'inattention y provoquent mille déformalions. Qu'on ajoule encore la crainte, la nécessité du moment, la superstition, certaines idées obscures pour lui comme pour nous, qui le déterminent à contrefaire la vérité, sans recevoir le contrepoids d'aucune sanction morale, théologique ou légale. L'intérêt, le caprice et un grossier mysticisme sont les seules mesures auxquelles il rapporte l’expres- sion des faits. Et, chose tout d’abord inconcevable, celte tournure d'esprit le porte parfois à parler contre lui-même. Ainsi, lorsque les sortilèges invoqués par le sorcier ont convaincu un homme d’un crime, on voit souvent cet homme, quoique innocent, douter de lui-même; devant la décision des fétiches et l'accusation publique, il hésite s'il n’a pas été réellement la cause occulte du méfait. N'aurait-il pas nuitamment el à son insu, par quelque mystérieux phénomène de magie, été sucer le sang du défunt? N'aurait-il pas, sans le Savoir, proféré quelque parole, esquissé quelque geste néfaste, attenlatoire à la santé d'autrui? C’est là une étrange aberration, mais qui n'aurait lieu de : Voir la Revue du 15 juillet 1904, €. IV, p. 638. nous surprendre que si notre propre hisloire n’en renfermail pas de nombreux exemples. La démono- logie abonde en aveux de sorcières confessant les faits de possession et de maléfices. On comprend quelle minime confiance il est permis d'accorder aux assertions les plus formelles d'un nègre, surtout lorsque se trouvent en jeu son enfantine vanité, le sentiment de son importance, la gloriole d'émerveiller l'entourage. Il faut entendre les conversations du soir, en petits groupes, autour du feu. C'est le moment des récits et des discus- sions. — « Tu mens! » — « La vérité, ma parole! » Telles sont les exclamations qui s’entrecroisent à chaque moment, sans que l’épithète de menteur offense personne : tout le monde y a droit. La vérité pour le nègre n'est pas un être unique, objectif, indépendant de l’interprélation du sujet; elle est éminemment multiple et subjective. Son esprit mobile et tout à l'impression du moment la transforme inconsciemment suivant les besoins: il a vite fait d'accepter la nouvelle version et de croire à la réalité de ses propres fictions. La conclusion logique de ce qui précède est que le lémoignage du nègre en justice n'offre absolument aucune garantie. Ce fait rend illusoire l'application de notre système de procédure dans nos colonies de l'Afrique tropicale. II. — LOYAUTÉ ET JUSTICE. L'empreinte d'idées embryonnaires de mysti- cisme et de superstilions, considérées comme sanc- tion morale, apparaît dans la loyauté relative des engagements, contrats ou traités, la fidélité des dépositaires, l'honnêteté négociations. Le respect de la foi jurée, médiocre dansles conditions ordinaires, est mieux observé quand il est con- sacré par un rite ou lorsqu'une des parties contrac- tantes a droit à la considération de l'autre partie. Ainsi l'alliance pratiquée par l'échange du sang, avec les cérémonies et simulacres d'usage, est un acte solennel, dont les clauses sont strictement observées pendant un temps assez long. De même, aux premiers temps de la pénétration européenne, avant qu'une fréquentation plus intime et l'emploi d'agents subalternes plus grossiers eussent flétri le prestige de la race blanche, avant que l'abus de procédés sommaires et d'actes trop souvent déloyaux des 680 D: AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE nous eût aliéné la confiance, tout ce qui touchait à l'Européen était scrupuleusement respecté. On ne compte pas les exemples de marchandises confiées à des chefs, oubliées dans des villages pendant plusieurs années, et qui, ensuite, nous étaient rendues non seulement dans leur intégralité, mais encore en parfait état de conservation. Les choses ont bien changé depuis. Je conviens que la peur dé représailles, le respect de la force sont pour quelque chose dans cette hon- nêtelé. Néanmoins il y a, je crois, un peu mieux que la seule peur du gendarme, peut-être quelque chose du sentiment mystique que j'ai déjà signalé et qui s'efface dans certaines circonstances. Ainsi, d'indigène à indigène, dans les conditions ordi- naires, c’est-à-dire quand il n'est point intervenu de rite spécial, on se trompe et on se vole sans vergogne. De même, l'Européen conserve le respect; tant qu'il a su garder son auréole de demi-dieu. Dès qu'il est reconnu comme un simple être humain, avec ses faiblesses et ses vices, on le trompe et on le vole avec la même aisance. C'est pour cela peut- être (outre la dépravation du nègre demi-civilisé) qu'il est moins difficile de trouver des domestiques honnêtes chez les sauvages de l'intérieur, peu familiarisés avec les blancs, que parmi les popula- tions de la côte. Pour la même raison, toutes choses égales d’ailleurs, on à d'autant moins de chances d'être friponné qu'on sait mieux garder sa dignité vis-à-vis de son entourage et imposer le respect, ce qui n'entraine pas nécessairement la rigueur et les peines corporelles. Pendant longtemps, les boys loangos parurent mettre un point d'honneur à res- pecter les biens de leurs maîtres; ils préféraient exercer leurs rapines chez le voisin. On devait se méfier d'eux dès le moment qu'ils cherchaient à vous quitter; dès lors, ils se considéraient en quelque sorte comme déliés de tout engagement et de tout scrupule. D'ailleurs, le nègre est voleur sans fourberie et stupide dans sa malhonnèteté. Il trompe avec une insigne bêlise et manque d'habilelé là comme en tout. Il n'est pas roué; il manque d'imagination. Il est fripon avec lourdeur et voleur sans génie. Le nègre a le sentiment inné de la justice. Non pas qu'il ait assez de désinléressement pour l'ap- pliquer aux autres même contre son propre intérêt. C'est là une vertu rare, même chez les hommes les plus cultivés. Mais, douce ou sévère, il la conçoit à l'égard de lui-même. Je ne parle pas de la récom- pense, qui, bien entendu, est toujours acceptée avec plaisir, méritée ou imméritée. Une punition sévère infligée à propos ne provoque pas le ressen- timent. Bien plus, notre indigène en admet très volontiers le principe, conforme à ses idées en matière de justice et d'autorité. Le blanc bon et généreux, mais qui sait sévir à l'occasion, mérite son estime et sollicite son admiration. Mais il est nécessaire que le châtiment suive de près la faute bien reconnue et qu'il lui soit proportionné. Il vaut mieux aussi ne pas être soi-même l’exécuteur de ses propres arrêts, au moins dans les cas graves. Moyennant ces conditions, l'effet de la peine corpo- relle est excellent et goûté par ceux mêmes qui en sont l'objet. C'est le seul frein que le Noir com- prenne et qui, moyennant qu'on ny apporte ni excès ni brutalilé, satisfasse à la fois le bon ordre et l'humanité. La prison ne cause que très peu de privation à un être aussi fataliste. Il a tant d'inertie qu'il est à peu près impossible de le forcer au travail par nos moyens habituels de coercition. L'expérience de chaque jour le démontre surabon- damment dans tous nos grands postes. Il est une faute dont il faut bien se garder et dont beaucoup d’'Européens abusent malheureuse- ment : c'est d’injurier les indigènes. Les Noirs apprécient parfaitement le sens des expressions triviales et des manières grossières. Ce travers déconsidère l'Européen et diminue son prestige. Mieux vaut encore frapper dans un mouvement de colère. Le vocabulaire injurieux de nos Africains esttrès restreint. Il contient des termes anodins équivalents à nigaud, sot, imbécile, et aussi quelques expres- sions ordurières, qui, dans tous les idiomes, visent uniformément les parties intimes soit de l'interlo- cuteur, soit de ses père et mère. Le plus souvent même, ces expressions n'ont pas un caractère à proprement parler injurieux ni outrageant; c'est plutôt une sorte de raillerie ou de persiflage obscène, des gaillardises destinées à éveiller l'hila- rité aux dépens de quelqu'un. III. — ACTIVITÉ LABORIEUSE. On répète sans cesse que le nègre est paresseux. J'estime, pour moi, sans craindre le paradoxe, que c'est pure calomnie. Il n'est point paresseux. Il est seulement inoccupé et n'a aucun motif détermi- nant pour travailler davantage. Il n'appartient pas, comme le civilisé, à des groupements compacts de populations, où la terre estdistribuée à l'hommeavec parcimonie, où le même sol, épuisé par des siècles de culture, est sans cesse contraint de repaître des foules affamées, où les intempéries sont rudes el livrent à la santé des assauts cruels. Dans nos sociétés, l'individu ne surnage que par le jeu inces- sant d'une activité considérable. Là, le paresseux est celui qui n'a point l'énergie de pourvoir à ses pro= pres besoins, qui ne prend pas sa part du labeur commun et qui reste à la charge de ses concitoyens: Chez les primitifs, il en va tout autrement. La à D' AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE 681 population y est à l'élat d'extrème dissémination. Il n'est pas nécessaire de se disputer le terrain pour y vivre. La fécondité du sol, le peu de travail qu'exigent la culture, la chasse et la pêche, la sobriété coutumière aux habitants des pays chauds, la clémence du milieu climatirique!, tout cela réduit au minimum la somme d'efforts nécessaires à pourvoir à la nourriture, au vêtement et à l'habitation. Quelques bana- nes, quelques morceaux de manioc OÙ poi- gnées de riz, un peu de vian- de ou de pois- son fumé suffi- sent à la ration journalière. Le corps est huilé contre les ar- deurs du soleil; un morceau d'étoffe, une peau de bête, quelques her- bes complètent la toilette. Des perches, des herbes et du leuillage cons- tituent les prin- imputable à lui-même, mais à la Nature, qui l'a trop gàté. C'est simplement l'application de la loi du moindre effort. Cette corrélation est encore mieux mise en lumière, quand, au lieu de consi- dérer l'ensemble des races de l'Afrique équato- riale, on examine leurs caractères particuliers. On saisit alors parfaitement combien une existence plus dure ou certaines né- cessités locales sont aptes à suggérer l'in- géniosité et à développer l'ac- tivilé laborieu- se. Ainsi, par exemple, gràce à sa lutte cessante contre une nalure in- grate, au milieu des forêts, le Pahouin est, si- non plus tra- vailleur, au plus adroit et plus opiniâtre que ses voisins des pays décou- verts. C’est là, sans doute, le secret de sa ra- pide extension in- moins cipaux élé- et de ses inces- ments de l’ar- sants empiéte- chitecture. La ments. Sur les plus grande limites du vaste partie de l’exis- domaine qu'il tence se passe “4 occupe déjà, “ plein air : : : F4 Lu HP 4 Foe AUEADIe nutile donc $ Re ESS SR ENS PRESS MASSE et patiente té- que les cases soient très spa- cieuses ; elles se réduisent au rôle d'asile pour la nuit et d’abri contre les pluies. Les bois morts ramassés dans la forêt voisine servent de combustible pour la cuisine et pour lutter contre l'humidité nocturne. Lorsque les besoins essentiels de l'existence sont si facilement satisfaits, pourquoi se donner une peine superflue? Pourquoi travailler à acquérir des biens inutiles? L’oisiveté de l’indigène n’est pas Fig. ! Bien entendu, il ne s’agit ici que de l'indigène. L'Euro- péen non acclimaté se trouve dans des conditions physio- logiques notablement différentes. — l'orgerons Zandés. nacitétriom- phe lentement etsans violence de populations amollies sous un ciel plus clément et dans un milieu plus civilisé. Déjà l'avant-garde de ce grand mouvement subit la même influence délé- tère : arrivés sur la côte, après avoir submergé les vieilles populations qui l'habitaient, les premiers flots de l'invasion viennent mourir dans les der- nières ondulations de l'Océan. La configuration géographique, quelques particu- larités géologiques, la présence d’essences végé- lales spéciales ont introduit une sorte de division du travail parmi les populations : il y a des culti- 682 valeurs de manioc, de tabac, des boucaneurs de poisson fumé, des fabricants d'huile de palme, des chasseurs d'ivoire, des fondeurs et forgerons en fer ou en cuivre (fig. À à 3), des potiers, etc. Ainsi l'inactivité du Noir, son indolence, sa non- chalance, et aussi son fatalisme sont des traits de caractère qui se comprennent et s'enchainent logi- quement. Ils amènent peu à peu à concevoir le carac- tère tout entier comme lié au milieu el aux condi- tions d'existence où les peuples de l'Afrique équa- toriale ont de tous temps vécu. Quand le Noir a as- suré l'existence du moment ou qu'il a acquis l'objet désiré, il rentre au village et se laisse aller avec bonheur au doux farniente. 1] mange à son appétit, fait sa sieste, prend part aux palabres. Demain ne le trouble pas; la quiétude du présent caplive seuleson esprit. Devant sa case, étendu sur une natte à l'om- bre, le dos confortablement appuyé sur une sorte de trépied emprunté à une branche fourchue, chassant les mouches avec un petit balai d'herbes fines, les yeux mi-elos, il semble le chat se reposant douillet- tement d'un bon repas. Comment comprendrail-il l'agitation des Européens? Pourquoi l'Européen, qui est riche, qui a tous les biens possibles dans sa pa- trie, ne s'y tient-il pas lran- quille? Pourquoi tout ce mouvement? Pourquoi tou- jours en voyage sans rai- son apparente ou simple- ment pour voir des pays qui sont comme tous les autres avec des arbres, des rivières, des villages el des hommes? Bien plus, pour- quoi deux Européens, qui causent ensemble, ont-ils l'inconcevable manie d'al- ler et venir, de faire les cent pas, au lieu de deviser paisiblement, assis auprès du feu? Un petit domes- tique, que j'avais en pays Zandé et qui était fort en- nuyé de suivre dans mes pérégrinations, résu- mait très bien les idées de frères me — Couteau bafourou. Fic. 2. notre égard, en disant que les ses noirs à blancs sont comme ces gnama kètèkètè, les saute- relles, qui voyagent sans trève ni repos. Le rai- sonnement est déjà ancien, même chez nous : on le trouve dans Horace. Et c'est ainsi que le Noir et l’Européen échan- gent les qualificatifs d'« agilé » et de « pares- seux », faute de se rendre un compte exact des D' AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE SR RTE CR — conditions si différentes dans lesquelles ils vivent. De ces faits découle une autre conséquence cu= rieuse et inconciliable avec nos idées économiques. Puisque le travail n'existe presque pas pour le Noir, que ses besoins sont limités et, d'ailleurs, aisément satisfaits, il en résulte que c’est la rareté, l'utilité, la convoitise, beaucoup plus que l'effort qu'il a fallu Fig. 3. — Couteau de jet (troumbache) du Haut-Oubanghi ; et des Sultanats. pour produire un objet, qui crée sa valeur, Comme le trafic se fait par échange, les deux parties se contentent d'apprécier l'équivalence des satisfac- tions que peuvent procurer les deux marchandises en présence. Mais qu’un article soit cédé sur place ou porté sur un marché à huit jours de distance du lieu de production, c'est un facteur qui n'entre pas dans le décompte de la valeur. En effet, peu importe à l'homme, qui le colporte, de vivre ici ou là. Il ne sait évaluer l'objet que comme matière brute. Il ignore les côtés abstraits de l'estimation du prix, comme le travail de fabrication, le transport, le temps dépensé, le chômage, les intérêls que son absence pourrait avoir laissés en souffrance. Pour le Noir, les biens les plus précieux sont ceux qui intéressent directement sa vie el sa sécurité : tels les outils de pêche et de chasse, les pirogues, les armes. Et encore c'est à peine si le sentiment de la propriété se nuance d'un léger instinct de pré- voyance. C’est surtout une affaire d'amour-propre et de vanité. Amasser un trésor, épargner pour l'avenir, à quoi bon? La Nature ne subviendra-t-elle pas aux besoins demain comme aujourd'hui? Le suprême bonheur, c'est d'éblouir l'entourage par l'étalage de ses richesses. Une pièce d'étofle vient. d'être gagnée après un long service dans un COmp= 5 D' AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE toir européen, vite on va s'en revêtir, se pavaner dans le village; on ne quittera pas son beau pagne même pour les occupations les plus grossières, Quelques heures après, le pagne est souillé, lacéré. On n'y regarde guère; le gaspillage n'est rien auprès de la vanité satisfaite. Notre nègre est facilement prodigue, quand il est dans l'abondance. Il trouve un plaisir enfantin à inonder de largesses tous ses amis d'occasion. J'ai connu un nommé Mouloulou, autrefois esclave des Bobanghi, qui s'était racheté, était devenu un personnage parmi ses anciens maitres et avait amassé une véritable forlune grâce à son talent du commerce. Il avait tout gaspillé, tout distribué, tout perdu au jeu et s'était remis aux affaires. Quelques tribus ont le génie du négoce. Dans la partie de l'Afrique que nous étudions en ce moment, les plus grands tra- ficants sont les Pa- houins,les Bakongo et les Bafourou. Le Pahouin, hom- me de la forêt, est àpre au gain et chi- caneur ; il ergote, il marchande; il dé- fend ses intérêts avec àpreté; il a ap- profondi l’art de la fraude et de la fal- sificalion : il sait introduire des pier- res dans les boules de caoutchouc pour en augmenter le poids. La durée de ses négocialions est interminable: il revient vingt fois à l'assaut par différents détours pour avoir un meilleur prix. Il va promener sa pointe d'ivoire ou quelques boules de caoutchouc de factorerie en factorerie. Il attend un peu, puis reparaît el recommence sa tournée. À la longue, il se décide; il accepte enfin un prix, qu'ilse fait allouer en une marchandise quelconque, en vérifiant avec méfiance si le compte y est bien. Tout n'est pas fini. La marchandise qu’il vient de recevoir nest, à ses yeux, que la valeur représen- tative de son ivoire, mais ce n'est pas ce qu'il dési- rait. Le voici accroché au comptoir. Il va tâcher maintenant d'échanger ce qu'il tient pour ce qu'il convoite, aux meilleures condilions possibles. I] Fig. 4. — Monnaie bondjo. © Ce nom de Bafourou ou, comme prononcent les Batéké, Abfourou, est donné par les gens du bas Congo à plusieurs tribus de même race qui habitent le delta intérieur du moyen Congo, de l'Oubanghi à l'Alima. Ils leur donnent aussi le nom de Bayandzi, qui comporte un peu de la nuance de mépris que les Européens donnent aux termes «sauvage », « bushman ». - 683 recommence à choisir, débattre les prix, se raviser, revenir, refuser, reprendre encore : c'est à lasser la patience la plus angélique. Les autres tribus sont moins rapaces. L'enjoue- ment et l'exubérance propres aux gens des pays découverts donnent à leurs transactions commer- ciales plus de bonhomie et d'animation. Elles tien- nent des marchés publics à jours fixes. Ces jours, dans certaines régions, servent même à marquer une courte période de temps analogue à la semaine. On dit : « J'irai te voir le jour de tel marché ». Sur ces places de réunion, où convergent les produits les plus divers, comestibles et esclaves, pièces d'étoffe et pointes d'ivoire, la foule est gaie et bruyante sous l'ardent soleil. Des farceurs échan- gent de grasses plaisanteries; une caravane de porteurs s'arrête, couverte de sueur et de boue; une marchande défend son poisson fumé et sa viande séchée contre les entreprises d'un chien et les assauts des milans effrontés qui fondent du haut des airs; des joueurs risquent leurs marchan- dises sur les jetons qu'ils lancent en l’air avec des cris aigus et des claquements de doigts; des groupes de femmes potinent; des gamins se roulent dans la poussière; des affamés font cuire à la hâte dans une marmite crasseuse des morceaux de charogne faisandée; un étranger essaie de se faire entendre d'un marchand indigène avec force gestes et bar- barismes. C'est un tumulte discordant, un brouhaha de toutes sortes de langues et d’onomatopées. L'odorat a sa part du tableau pour la perception du plus hétéroclite mélange d'odeurs répugnantes : sueur, fumée, cuisine, vivres pourris, chairs gâtées, huiles rances dont les élégants s'enduisent la peau, le tout concoctionné et sublimé par la chaleur tor- ride de midi. Je vois encore un de mes porteurs débatlant le prix de quelques pains de manioc contre un morceau d’étoffe. Ce morceau paraissait trop exigu au marchand. D'autre part, le client, qui tenait à son déjeuner, essayait de fléchir le mar- chand. À bout d'arguments, il lui tint à peu près ce discours : « Avec mon pagne, {u seras beau, tu te promèneras fièrement dans lon village; il te durera de longs jours. Que deviendra ton manioc ? Je vais le manger; il descendra vite, vite; puis je m'écarterai dans la brousse et prrtt! il s'en ira... » Je ne me souviens plus si le marchand s'est laissé attendrir; mais sûrement l'orateur méritait le meil- leur succès pour le haut comique du ton, du geste et la justesse des onomatopées destinées à peindre vivement la durée éphémère et l'issue fatale du manioc, comparées aux avantages durables du mor- | ceau d'étoffe. Cette petite anecdote montre aussi, | par parenthèse, un exemple de l’estimalion de la valeur des objets d'échange, basée, comme je l'ai dit plus haut, sur la seule utilité immédiate. G8t D" AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE ———— ————_—…—…—…—…—…—…—…—…——————…——————……—"…—— …——…—.—.————— IV. — GATTÉ. Je n'ai jamais trouvé que le nègre fût ni très gai, ni très drôle. Il est plutôt mélancolique. L'homme des forêts a l'humeur triste et morose; il rit peu; ses danses sont sauvages et d'un rythme endiablé. L'homme des plaines est plus plaisant. Mais il n’a pas souvent la gaîlé communicative et la joie exu- bérante. Ses jeux mêmes et ses danses sont em- preints de calme, voire même d'une certaine tris- tesse. Le contraste est frappant entre le mouvement désordonné, les gestes lascifs de ces danses et le sérieux des visages. Ces gens-là n'ont vraiment pas l'air de danser pour s'amuser. Ce qu’ils cher- chent, c'est plutôt l'étourdissement de mouvements rythmés indéfiniment et de chants répétés à satiété. Ils y trouvent une sorte d'ivresse, de surexeitation nerveuse, qui n'a rien de la gaité, mais tient un peu de l'exaltation du fakir ou de l’Aïssaoua. Par une sorte de dileltantisme, ils aiment s'essayer à l'exécution élégante d'un pas où d'une contorsion difficile. Parfois, on rencontre dans le sentier un indigène, homme ou femme, qui, se croyant seul, pose à terre son fardeau, esquisse, en fredonnant, quelques mouvements cadencés du tronc et des bras, puis reprend sa charge et repart. Leurs distractions révèlent quelquefois une sorte de nervosité maladive. Des femmes se réunissent en petit groupe; elles chantonnent une mélopée plaintive et bientôt se mettent à pleurer à chaudes larmes. Demandez-leur la cause de leur chagrin; elles répondent qu'elles n'ont rien, qu'elles font cela pour s'amuser. Je ne connais guère que les populations rive- raines du haut Oubanghi! et une petite tribu de la haute Sanga” qui aient un caractère enjoué et amusant. Ils chantent à journée entière, abondent en farces, calembours, quolibets, niches et espiè- gleries. Ils connaissent les petits jeux de société; tel le suivant. Celui qui, à la tombée de la nuit, aperçoit la première étoile dans le ciel crie : « ma- polo! » Son camarade lui doit un gage. Ils prati- quent volontiers les « scies ». Un jeune Bouraka, qui faisait partie de ma maison, avait imaginé de pousser vingt fois le jour sur un ton suraigu le cri kè-kou! auquel il faisait succéder d’un ton plus grave un Æé-kou-kè sonore. Cela ne signifiait rien, mais il était heureux de ce « bateau » de rapin ou de Gavroche à l'endroit de ses compagnons. Sa joie devint délirante une fois que, à son Xëé-kou suraigu, je donnai moi-même la réponse ke-kou-ke. Les jeux d’adresse ou de hasard sont connus partout et trop nombreux pour que j'essaie d'en 1 Banziris, Bourakas, Sangos, Yakomas. ? Pandés, peut-être proches parents des précédents. donner même un aperçu. Le plus répandu est une sorte de jeu de dés. Une poignée de cauris, de cail- loux plats, de fragments de faïence, est lancée en l'air. Le coup est bon ou mauvais selon le nombre des jetons qui tombent sur une face ou sur l’autre. Les Noirs apportent à ce jeu autant de passion que nos joueurs de baccarat ou de poker. Ils oublient tout pour lui, négligent tout, y risquent et y per- dent leurs marchandises d'échange, le pagne qui les couvre, les aliments de leur futur repas. V. — INTELLIGENCE. $ 1. — Évolution intellectuelle. Il y a deux stades bien distincts dans la vie intel- lectuelle du nègre. Eafant, il est aimable, gentil, gracieux comme tous les petits dans les races animales et humaines. Le jeune Noir a l'esprit vif et docile. Il se montre | ___\ Européens {Plusieurs degrés) | Négr € [Un seur degre] AGE: l0ans 20 30 2240 2050 «600 427 57 À Fig. 5. — Courbes représentant le développement intellec- tuel chez le Nègre et chez les Européens. très précoce, plus précoce à coup sûr que la grande majorité des bambins européens. Il comprend et s'assimile sans peine tout ce qu'on lui montre. De bonne heure, il prend part à la vie de la famille. IL n’a pas d'éloignement pour le travail; ses ainés abusent même de ses bonnes dispositions pour se décharger sur lui de leur besogne. A la puberté, tout change; il se produit un brusque arrêt de développement et même une sorle de régression. À ce point de vue, la comparaison de l’évolution intellectuelle chez le Noir et chez l'Européen est très intéressante. On pourrait la figurer (fig. 5) par deux courbes rapportées à un même système d’axes coordonnés, où les années de la vie sont portées en abscisses et où les ordon- nées sont des longueurs représentatives du déve- loppement intellectuel, comme s'il était possible d'assigner à celui-ci des valeurs numériques. L'évolution du nègre, rapide durant les douze pre- mières années, s'infléchit ensuite, devient station- naire et même légèrement décroissante pendant une quinzaine d'années environ; enfin survient une décrépilude rapide. La vie est courte dans D' AD. CUREAU —- PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE l'Afrique équaloriale', Le Noir ignore son âge; mais, aulant qu'on en peut juger sur des sujets où notre œil n’est pas accoutumé à discerner les pro- grès du temps, les individus de cinquante ans sont déjà très rares. L'Européen, au contraire, subit dars le début de sa vie des transformations plus lentes et mieux graduées; la courbe de son activité psychique, quoique variable avec les prédispositions intellec- tuelles des individus, acquiert une amplitude plus large et plus étendue, précisément à partir du moment où celle du Noir marque l’élat station- naire, pour ne décroitre qu'après un laps de temps moitié plus long au moins que celui de son frère inférieur. Ainsi, à partir de l’âge de douze à quinze ans, les facultés, d'abord assez ouvertes, de notre indigène deviennent alourdies et obtuses. Sa compréhension s'arrête. Il se confine, il se fige dans sa mentalité d'homme primitif. Désormais, il ne dépassera plus le degré où l’a conduit le pro- grès rapide de ses jeunes années. Celui même qui a reçu l'éducation européenne en emporte seule- ment le vernis, une sorte de décor extérieur, qui recouvre sans l'entamer la structure inlime de son àme rudimentaire. Ce costume emprunté n’est que la mascarade des instincts hérités d’une longue lignée de sauvages et ridiculement déguisés sous des haïllons disparates et mal ajustés. $ 2. — Effets de l’éducation. Cetle particularité psychologique a fait dire avec juste raison que le nègre est assimilateur, mais non créateur. [limite en quelque sorte comme un acteur, qui, même au feu de l’action, sail donner l'illusion des sentiments, sans les avoir lui-même ressentis. Des divers élages que la Psychologie contemporaine a découverts chez l'homme, c'est la conscience supérieure seule qui parait atteinte chez le nègre par les impressions antérieures et par l'éducation. L'ébranlement ne pénètre pas jus- qu'à la subconscience. On dirait qu'une éducalion insuffisante de la race, au cours des siècles, ne lui a pas héréditairement créé cetle subconscience. Cela nous donnerait la clé de cette mobilité d'im- 1 Quelles sont les causes de cette brièveté de la vie? Il est difficile de le savoir. Ces causes ne pourraient étre démè- lées avec quelque certitude qu'au moyen de statistiques de mortalité qu'il est impossible d'établir. L'usure et la décré- pitude paraissent plus rapides que dans la race blanche. Les morts accidentelles sont fréquentes; la protection de la vie n'est point organisée comme chez nous. Pourtant la nosographie des races noires est beaucoup moins riche que la nôtre; elle se borne presque exclusivement (outre les accidents justiciables de la chirurgie) à quelques ma- ladies parasitaires et épidémiques. Celles-ci (notamment la maladie du sommeil, une sorte de pneumonie infectieuse et la variole) font de nombreuses victimes, 683 pressions, de cet élat superficiel d'idées, d'autant plus faciles à bouleverser et à effacer qu'elles ont poussé des racines moins profondes dans le sous- sol de l’âme et qu'elles ont trouvé dans le subli- minal un lerrain moins bien préparé, moins fertile et, en quelque sorte, moins tenace. Vous ferez d'un nègre un bon menuisier, un bon mécanicien, un bon copiste même; j'en ai connu auxquels (à aber- ration!) on avait inculqué des éléments de latin, d'Algèbre et de Géométrie. De tout cela, il ne’prend que la routine. Toutes ces nolions plus ou moins facilement acquises restent stériles, faute de trouver, au-dessous de cette mémoire fugace et de cette intelligence superficielle, les éléments inconscients, mais fécondants, qui constituent le génie, le talent ou la simple, mais véritable intelligence. Le Noir reconnait sincèrement la supériorité de la race blanche. Il ambitionnerait d’y atteindre; la vanité l'y pousse et aussi, sans doute, cette impul- sion secrète vers le mieux qui sollicite tous les êtres. Mais, n'en apercevant par les ressorts réels, il s'imagine qu'il lui suffit, pour y parvenir, de sin- ger notre costume, nos manières, nos facons de parler. Beaucoup d'Européens aussi se laissent prendre à ces apparences, pour n'être pas assez convaincus que l'éducation de l'individu n’est rien sans l'éducation de la race et que, s’il est vrai que celle-ci ne puisse arriver que par celle-là, au moins y faut-il admettre une très longue période de temps. D'autres concluent à l’imperfectibililé de la race noire. Exagération contraire, mais non moins irra- tionnelle. Comme je viens de le dire, un individu considéré isolément ne saurail dépasser le niveau moyen de la mentalité de sa race à un moment donné : il en subit la loi; il en est une fonction. Néanmoins, on peut avec quelque apparence de raison présumer que, comme l'individu, la race subit une évolution progressive, si le milieu, où elle est placée, fait de ce progrès une condition nécessaire de sa conservation. Cela ne saurait arri- ver que par des moyens naturels et avec une grande lenteur : il faut vingt ans pour faire l'éducation d’un homme ; il faut vingt siècles pour faire l'édu- cation d’une race. Les moyens de coercition, en jetant le trouble et l'incohérence dans le jeu nor- mal des facultés, ne peuvent avoir d'autres résultats que d'en retarder l’épanouissement, d'y porter la corruption ou d'amener la mort de la race. Il faut, en outre, remarquer que le progrès engendre le progrès, que la vitesse du perfectionnement croît avec le temps et que, de la sorte, le développement intellectuel obéit à une sorte de progression géo- métrique. Nous constatons déjà à notre époque l'effet dé- sastreux des procédés trop rapides par l’inadapla- 686 D' AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE tion du Noir actuel à nos idées, par là perversion de ces idées en passant chez lui, parfois par le dé- traquemen! de son cerveau. Nos idées, de même que nos coutames et nos lois, ont été conçues sous d’autres climats, dans des conditions sociales toutes différentes. Pour le nègre, ces importations non seulement sont étran- gères, mais encore lui paraissent étranges. Il n’en saisit que l’incompatibilité avec son milieu et sa nature. Tout cela lui parait aussi inconcevable que si lui-même prétendait nous faire adopter son cos- tume au mois de janvier, sous prétexte que la nu- dité est de mise au Congo. Les enfants élevés dans les missions ÿ Ap- prennent la lec- ture, l'écriture (fig. 6) et les premières no- tions d’Arith- métique. Quel- ques-uns atlei- gnent un degré d'instruction primaire assez avancé. On ar- rive à en faire des scribes, des copistes. Mais l'instruction ne leur est jamais autrementutile pour leur pro- À Nhrcnur QRadt eux U V> ue Fe da ao € TT QU pue, (Ge ) | hasard à travers le discours! Témoin une pétition adressée à l'administrateur de Brazzaville, et qui débutait par ces mots : « Nous venons vous de- mander un moment de laconisme verbal. » Et la leltre suivante, dont je ne puis, vu sa longueur, transcrire que quelques extraits; elle est adressée à une jeune mariée, qui faisait à la fois le bonheur de la population étrangère et de son époux, auquel elle rapportait des pelits profits. Je respecte l'or- thographe et la ponctuation : Ma chère Elise Izourè, j'étais très peiné de vous‘ quitter. Une fois que le paquebot eut quittélarade pour prendre le large, j'avais le cœur bien gros en pensant à toi, en pensant sur- ) tout à ton amour pour moi, toutes ces pensée réu- nis, et plus en- core celle de ton mal de ventre, firent couler des larmes de mes yeux qui n'ont Jamais versé de larmes depuis la mort de mon père,et je priais Dieu de te guérir au plus tôt...Le lendemain soir nous partons avec l'Eclaireur pour monter à l'Ogoouè. La nuit, seul à l'ar- rière, assis sur une chaise, je pensais au pays Cas ro 11e F4 { ù re ap S : pre culture; ils Van Pr Adun You Corrigse paternel et à ma n'y gagnentau- 4 : Ü chère Izourè et ss ioinali je lui chantais cune ori$inali- Fig. 6. — Spécimens d'écritures de Gabonais et de Loangos.— Les lettres placées cette chanson : té, aucun profit intellectuel. Ils ne lisent plus et ne cherchent point à compléter leur instruction. Depuis quelques années, les gens de la côte sont possédés d'une vraie rage de correspondance : tou- jours imitation de l'Européen. Les adresses affi- chent des qualificatifs pompeux; on y échange des titres sonores. Et le libellé de ces lettres! Quel plaisant recueil d'expressions ampoulées, de ter- mes ronflants employés hors de propos ou à contre- sens, de mots bizarres’, de locutions emprun- tées à leur éducation première et jetées comme au ! En thèse générale, même chez nous, l'homme à l'esprit fruste el peu cultivé ne sait pas s'exprimer simplement; il emploie volontiers les termes amphigouriques et l'ortho- graphe compliquée. La précision et la simplicité sont in- compatibles avec l'esprit commun. en regard des exemples correspondent à des auteurs différents. Obambo Pern- lambuco, Obam- à : bo Pernambuco, awè ya riguinli myè z'orèma…. nkombé kenda go Mpongwè (bis)... Rutin mbia yi Mpongwè, yi tondo ndè n'orèma. ete. etc. etc. ete... Enfin je suis arrivé main- tenant bien portant, ta chaleur à failli me passer, mais ca ne m'a rien fait... N'as-tu pas vu par bonheur la bague que tu m'avais donnée sur la table le matin? Si tu la vu, mets la dans la lettre que tu m'écriras, et envoie la moi. Sois bien porlante et soigne toi surtout bien, car tu as l'habitude cacher tes maladies, je le dis parce que moi qui étais toujours près de toi je ne savais pas que tu étais et si par un soupcon Je ne l'avais pas demandé si tu étais malade, tu l'aurais pas dit de toi-même... tu n'aurais pas déclaré ta maladie à Iloguë qui quoique malgré son caractère de colère ou plus tôt son air toujours furieux a au fond très bon cœur surtout pour moi... (Signature.) 1 Les langues indigènes n'admettent qu'une forme de pronom pour adresser la parole à quelqu'un. Le vous, em- ployé ici, est emprunté à la politesse anglaise qui réprouve le tu. dd. ts de dt | D à R7 À D' AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE Ce que je plains iei c’est la chaleur, Nota Bené : Ce n’est pas toi seule, ma chérie, qui à pleuré à mon départ pour Lambaréné, un Anamite même qui est mon ami a pleuré parce que disait-il qu'il maimait beaucoup et que s'il savait que j'étais sans emploi, il m'aurait fait un médicament pour en trouver. Ce dernier paragraphe, pompeusement précédé des mots Nota bene, est intéressant à deux points de vue : d'abord à cause de la trop naïve confiance de ce sauvage à peine dégrossi dans le sycophante de race jaune’; en second lieu, à cause du contraste que présentent, d'une part l'éducation religieuse in- culquée à l’auteur de la lettre et affirmée par plu- sieurs locutions dévotes, d'autre part ce mot « mé- dicament », en gabonais ngango, dont la traduction vraie est « sortilège » et qui révèle, mieux encore que le reste de la citation, combien l'empreinte chrétienne est restée superficielle et combien sub- siste encore avec lénacilé l'âme fétichiste. J'y re- viendrai plus loin. Mis en possession des moyens, des commo- dités, des ressources que lui apportait notre civi- lisation, le Noir a été naturellement conduit à les mettre au service deses défauts innés. De plus, trans- planté dans une société policée et spiritualiste, il a perdu ses notions naïves de sanctions basées soit surla force, soit sur des conceptions superstitieuses etoccultes. Nos moqueries lui ont fait honte de ses croyances; son ébauche de conversion à un autre culte, si elle n’en a point détruit le fondement essentiel, en a du moins brisé le frein. Dans son nouvel état, il n'a pas encore eu le temps d'acqué- rir les notions, trop élevées et trop abstraites pour son intellect, de sanclions morales plus pures. De là, dans ce cerveau dévoyé, une rupture d'équilibre, le manque de contre-poids, qui souvent relèguent les Noirs trop hâlivement civilisés à un niveau moral inférieur au sauvage de l'Afrique centrale. Nos élèves ajoutent nos vices aux leurs: ils cor- rompent et détournent de leur sens nos meilleurs principes, nos plus saines règles de conduite. Les exemples sont de chaque jour. La littérature colo- niale en rapporte des cas typiques. Les mission- naires catholiques et protestants confessent la vérité du fait. Qu'on ne croie pas que, en surenchérissant en- core dans cetle voie, on atteigne un résultat meil- leur. N'a-t-on pas vu un des notables indigènes de notre Congo, envoyé dans un lycée de Paris aux frais de la colonie, pourvu de l’enseignement moderne complet, placé ensuite dans son pays comme employé d'une des grandes administra- tions du chef-lieu, enfin chassé de cette adminis- * Ces Annamites sont des déportés pour crimes de droit commun, 687 tralion, où il avait utilisé ses talents à des abus de confiance et des faux en écritures? Et cet autre, après des études de latin dans une mission de la côte, revêlu de la soutane, en expeclalive d'ordi- nalion mineure, par conséquent considéré comme un sujet d'élite, puis chassé de la mission, admis comme écrivain dans l'administration de la colonie, et enfin condamné à la prison pour vol nocturne dans les magasins du service local. On me dira que ces cas se présentent aussi chez nous. Mais, chez nous, c'est l'exception infime : là-bas, c’est le plus grand nombre, et les exemples portent précisément sur les plus instruits, sur ceux qui devraient constituer l'élite de la population. L'en- seignement de la classe et des livres, l'instruction mal digérée n'ont jamais changé le moral d'un peuple. Qui ne sait (des religieuses mêmes m'en ont fait l’aveu) que les filles élevées dans les mis- sions sont beaucoup plus dévergondées que les autres? Les principes enseignés, non moins que la méthode d'enseignement, sont parfaitement inno- cents de ce résultat inattendu. La cause en est à la rencontre dans ces âmes, dissemblables des nôtres, de deux principes incompalibles d'une part, masse de concepts simplistes, hérités et faconnés dans un milieu primilif et barbare: d'autre part, invasion d'idées complexes, issue d'une société vieillie et raffinée. Tels ces médicaments qui, sé- parés, sont inoffensifs et qui, combinés, forment un poison dangereux. S 3. — Nature des conceptions. Bien des gens novices en matière de psychologie exolique ont cru séduire les nègres par l'étalage des produits de notre industrie, et se sont trouvés tout déçus de n'avoir rencontré que froideur ou puérile curiosité. Ils avaient bien vite fait de taxer de stupidité leurs sujets d'expérience. En réalité, l'esprit humain perçoit et apprécie seulement ce qui est dans un rapport très voisin de l'unité avec la masse des concepts antérieurement acquis. Cela (par parenthèse et pour établir une relation avec un point précédemment admis), cela explique pour- quoi les acquisitions et les changements sont d'une extrème lenteur, puisque tout contact avec un objet nouveau n'ajoute au bagage déjà possédé qu'une fraction pour ainsi dire infiniment petite de sa propre valeur. Il est vrai aussi, d'après cela, comme je l'ai marqué précédemment, que le pro- grès se réalise avec une intensité d'autant plus grande que l'acquis antérieur est plusconsidérable. Or, notre indigène, avec sa mince pacotille d'idées primitives, n'est frappé que par le côté tangible des choses, dont l'essence lui échappe. Il est subju- gué par la force; il jouit de la commodité d’un objet nouveau. La détonation d'une arme à feu lui 688 D' AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE inspire la crainte; la pénétration du projeclile lui fait concevoir une puissance redoutable. La ma- chine à vapeur lui paraît vraiment offrir une supé- riorité évidente sur les moyens de travail habituels. Mais l'ingéniosilé qu'a exigée la création de ces agents lui échappe complètement, ou bien il adopte des explicalions en harmonie avec son milieu et ses besoins journaliers. Ainsi, pour quelques peu- plades de l'intérieur, la chaudière des bateaux à vapeur est la marmite où mijole la cuisine des Européens; et ces braves gens n'ont pas d'expres- sions assez admiratives pour qualifier notre appétit digne d'envie, dont la satisfaction exige que plu- sieurs hommes soient sans cesse occupés à jeter du bois dans le foyer. Dès que l'utilité immédiate, positive, matérielle n'élale plus sa grossière évi- dence à l'esprit simpliste du Noir, il renonce à comprendre : « Ça, c'est affaire pour blanc. » Plus sage que beaucoup d’entre nous peut-être, il admet par réciproque que nous méconnaissons cerlaines particularités de ses mœurs et de ses croyances. Il y a là une source de malentendus dont les consé- quences sont souvent fâcheuses dans la pratique. L'indigène, avec son esprit borné, est impuissant à dissiper l'erreur. Mais il manifeste toujours une grande joie à se sentir compris. $ 4. — Mysticisme et superstitions. Cette forme subjective se retrouve dans toutes les explications des phénomènes naturels. Jamais, sans doute, ces questions ne se sont posées : Où coulent lés eaux des fleuves? Qu'est le vent, force puissante, quoique invisible? Que sont le ciel, le Soleil, la Lune? Tout cela est-il venu spontané- ment? Quelques-uns, comme les Zandés ou Nyam- Nyams, paraissent ne concevoir aucune espèce de divinité. Les autres imaginent une sorte d’être sur- humain, quoique anthropomorphique, mais vague, sans attributions bien définies. Je ne crois pas que cette diffuse Providence intervienne d'une façon permanente et efficace dans les événements de ce monde. Où réside-t-il? Est-il bon? Est-il mauvais? Est-il juge de nos actions avec le droit de récom- penser et de punir? Il vit quelque part d'une vie tranquille et douce, telle que peut la rêver le nègre, avec la satisfaction de tous les besoins, sans maladie et sans mort. Un jour, j'entendis parler de la femme de Dieu. « Comment, dis-je, Dieu est marié? » — Tout le monde se réeria : « Eh! voudrais-tu douce qu'il n'eût point de femme! » J'étais vraiment bien naïf et j'aurais dû m'en douter. Le nègre concoit-il l'homme sans la femme? Ce Dieu ne le préoccupe pas beaucoup. Il semble seulement que ce soit comme le principe du bien. Je n’oserais pas dire que beaucoup de ces idées pseudo-religieuses n'ont pas été traversées d'élé- ments étrangers. On sait, en effet, que, dès le xvire siècle, des missionnnaires jésuites avaient pénétré sur le moyen Congo. M. de Brazza trouva, dans ses premières explorations, chez le Mokoko de Mbè, une clochetle d'aulel portant une date très ancienne. Une fois, dans une conversalion qui roulait sur des croyances et coutumes du pays, quelqu'un me demanda d'un ton insidieux : « Voici le bon et le mauvais chemin : lequel prendras-tu? » Surpris d’abord, je flairai le piége et je répondis : « Le mauvais ». Réponse qui remplit d’aise l’audi- toire. Cette question sent trop la morale chrétienne pour qu'on n'y puisse peut-êlre voir une empreinte de l'enseignement d'anciennes missions. Il faut admettre, chez nos Africains, la croyance à une vie future, puisque leur imagination peuple la nuit de revenants qui errent dans les ténèbres et sur- prennent les humains non encore désincarnés pour leur faire des niches ma- cabres. Ces ressuscités sont des êtres malintentionnés, des génies néfastes dort on à grand peur. Dans beaucoup de pays, les hom- mes hésitent à circuler la nuit à l'écart du commerce de leurs semblables. On se raconte à mi-voix, les têtes penchées autour du foyer, les mésaventures de gens qui ont été battus et mis à mal par ces mystérieux loups-garous ; d'autres se sont sentis Lirés par les pieds pendant leur som- meil. Et plus d'un serute les ténèbres et croit réellement y voir flotter les formes indécises et falotes des fantômes. Mais notre pauvre humanité est en butte à bien des ennemis. Ne sait-on pas aussi que tel et telle, parmi les gens du village, sont des jeteurs de sorts, des vampires qui courent la nuit et, par leurs ma- léfices, ont causé le mal de tête de l’un, la colique de l'autre. Il y a beaucoup d'espèces d’incantations pour conjurer leur influence. Un Mobanghi pré- voyant ne manque jamais, au moment de sortir de sa case, le matin, de prendre au bout de son doigt de la cendre ou diverses poudres colorées et de s’en tracer solennellement de longues lignes sur les bras, la face, la poitrine, en accompagnant cette cérémonie de cerlaines simagrées rituelles. Les pratiques destinées à conjurer le mauvais œil et les maléfices varient considérablement avec les tribus et, d’ailleurs, n’offrent pas grand intérêt dans leurs Fig. 71. — Fétiche batéké. ss is ol tre D' AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE 689 L détails ; elles consistent principalement en fétiches - (fig. 7) eten amaulettes. Ce qu'il faut surtout retenir de tout cela, c'est que les calamités de l'existence sont dues, non à des causes naturelles, mais à la malveillance d'êtres humains vivants ou morts. Unemaladie qui a résisté au traitement du « nqan- ga des médicaments » ou qui à entrainé la mort, est causée par les maléfices d'un jeteur de sorts. Un autre 2ganga est chargé de découvrir le coupable. C'est un malin, d'avance au courant de l'affaire, habile à exploiter la crédulité de la foule et sachant fort bien subordonner les arrèts de sa magie à la Ein des prévenus. L'individu soupconné est invilé à boire une drogue ou « poison d’épreuve », dont l’innocuité ou la toxicité, convenablement do- sées par le 2ganga, selon les besoins de la cause, décident de l'innocence ou de la culpabilité. Dans … ce dernier cas, le misérable est mis en pièces sur - place par la population. On croirait une scène du - Moyen-Age. | $ 5. — Etendue du vocabulaire. Ces conceplions mystiques résument à peu près tout ce qu'il y a de purement spéculalif dans l’es- prit du Noir. En dehors de cela, le cercle des idées - est très restreint et presque entièrement limité au . monde concret. On en peut évaluer l'étendue en supputant le nombre de mots contenus dans les vocabulaires des langues de la côte *. On notera que ce sont les idiomes les plus riches en compa- - raison des langues de l'intérieur. Il faut prendre * garde seulement que les considérations de Linguis- tique pure ont été la moindre préoccupation des “ auteurs de ces ouvrages, qui manquent trop sou- - vent d'esprit scientifique. Dans un but de vulgari- À salion, on a surtout cherché à interpréler nos idées … dans ces langues; le contraire eût élé mieux adapté à une étude rationnelle. Il est résullé de là qu'on + à prèlé aux idiomes africains beaucoup de mots, * $ 1 Le mot nganga est, sauf quelques très légères modifi- calions (ngang, mganga), commun à toutes les langues …hantou, d'un côté à l'autre de l'Afrique. 11 désigne l'homme habile, le savant. C'est presque toujours un charlatan, un “mystificateur, qui retire bons profits et considération de si prétendue science. Dans quelques pays, ils forment une sorte de congrégation ou société secrète, à laquelle l'initia- Lion des adeptes se fait à l'écart, selon certains rites déter- minés. Le métier de nganga comprend des spécialités : on m6st nganga des médicaments, du poison d'épreuve, pour l'orage, etc. , Je me suis servi pour cetle évaluation des ouvrages : —_— du P. Le Berre sur la langue mpongwé; — du P. Le- jeune sur le Fang ou Pahouin; — de Mgr Carrie sur la langue du Loango:; — du Rév.Bentley (Dictionary and Gram- mar of the Konco language); — du Dr A. Sims (Xïteke wocabulary); — du D: G. Schweinfurth {Linguistische Ergebnisse einer lieise nach Central-Afrika. Exlrait de Zeitschrift für Ethnologie, 1872), — auxquels j'ai joint quelques recueils personnels sur les langues précédentes, plus le Mobanghi, le Mbwandjiri (Banziri), le Yakoma et le Zandé. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1904. V à de termes, d'expressions, traductions souvent maladroiles d'idées qui leur sont complèlement étrangères. Les vocabulaires les plus complets comprennent environ 5.000 mots, qu'il ne faut pas prendre comme représentant un nombre égal d'idées dis- tinctes. En effet, autour d'une même idée centrale évolue, par des moyens grammalicaux, toute une pléiade de dérivés, qui ne présentent avec le terme primitif que la différence d'un verbe à un substan- tif, à un adjectif, à un adverbe. De cette manière, on se trouve amené à réduire à 2,500 ou 3.000 idées au maximum le bagage intellectuel des nègres les plus avancés de l'Afrique équatoriale. Pour les langues de l’intérieur, il faudrait considérablement diminuer ce nombre. $ 6. — Abstraction et généralisation. L'immense majorilé de ces mots expriment des idées concrètes : objets, actes, mouvements, sen- sations. Ici, point de difficulté : chaque perception a son équivalent sous forme d'un vocable distinet. Lorsqu'une idée est suggérée par une impression extérieure, la nécessité de l’exprimer au moyen d'un son spécial ne se fait sentir que si notre indi- gène éprouve un intérèt personnel à en faire part à son semblable. Dans le degré très infime de cul- ture où il se trouve, cet intérêt ne sort guère des limiles des préoccupations matérielles. La pensée commence à s'élever et à exiger la création de mots nouveaux lorsque les conditions sociales et une industrie plus développée ont diminué les exi- gences de ces préoccupations matérielles; la curio- sité s’éveille alors à des sujets plus spéculatifs. C'est à peine si le Noir a franchi cette limite et s'il tente des ébauches de généralisalion et d’abstrac- tion. Il sait, à la vérité, distinguer les êtres animés dans leurs règnes, leurs familles ou leurs genres de chaque espèce isolée : c'est une opération élé- mentaire que l'animal lui-même sait faire. Faut-il voir là vraiment un travail de généralisation ? Ou n'est-ce pas simplement l’élablissement de caté- gories à un point de vue purement subjectif, attendu, par exemple, que tout arbre, quelle que soit son espèce, offre des avantages ou des incon- vénients analogues, tels que la construction des cases, l'entretien du feu, l'obstacle à la marche ou aux cultures ; attendu aussi, comme autre exemple, que tout animal est pour l'homme un chasseur ou une proie? Ainsi l'esprit humain, considérant la Nature par rapport à l'homme lui-même, ne dis- tingue d'abord ce qui l'entoure qu'en Lant qu'objets utiles ou nuisibles. Par la suite, il aperçoit des différences et des degrés dans ces catégories ; il voit que ces êtres, qu'il avait d'abord considérés comme simples, sont complexes, en ce sens qu'ils 14" 690 D' AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÊGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE lui procurent des sensalions de diverses sortes. Quelques similitudes de termes tendraient à con- firmer celte manière de voir, comme figurant un reflet pàli de l'âge extrêmement lointain où l'es- prit de nos indigènes était encore dans cet état en quelque sorte fœtlal. Ainsi, dans beaucoup de lan- gues, un même mot représente «arbre », « bâton », « perche », « poteau », etc.; un même mot désigne « animal » et « viande ». En revanche, et pour la même raison de subjectivilé, on distingue souvent l’homme pris dans sa généralité, les gens, la foule, mensch où weib, de l'individu en particulier, comme être noble ou comme sexe, mann où frau. Autre détail tendant à confirmer l'origine utilitaire des mots, dans leur génération psychologique : c'est l'attribution d’appellations différentes à la chaleur d’un foyer ou d'un corps à haute tempé- rature et à celle du Soleil, à la lumière du Soleil et à celle de la Lune. Mais une particularité qui nous parait une sin- gulière anomalie est l'insuffisance des mots pour caractériser les couleurs. Presque tous les idiomes ne possèdent que les mots hlanc, noir et rouge. Bien plus, on dirait quelquefois que l’indigène ne voit pas les couleurs comme nous. Car si, au lieu de lui demander la couleur d’un objet, on le prie de la rapprocher de celle d’un autre objet, il le fait conformément à la même nomenclature; il assi- mile un feuillage vert sombre, une étoffe de guinée à un vêtement de drap noir; une fleur jaune clair à un vêtement blanc. Ce n’est sûrement pas là une particularité physiologique; par une interroga- lion habile, on arrive à se persuader que, même pour lui, il n’y a pas identité dans ce rapproche- ment, mais que, pareil à ces gens qui, dans un son musical, confondent le timbre d'un son avec sa hauteur, il range toutes les couleurs, sauf le rouge, en deux catégories, les claires et les sombres. Or, dans la Nature tropicale, l’ardent soleil engendre les contrastes violents de lumière éblouissante et d'ombre crue; le vert, répandu à profusion, et qui pour cela même sollicite peu l'attention, participe de ces nuances extrêmes. Le jaune et surtout le bleu sont rares. Les fleurs blanches et les rouges abondent, au contraire. Dans le même ordre d'idées encore, le nègre éprouve une grande difficulté à séparer de son impression personnelle certaines propriétés de la malière, telles que dureté, poids, résistance, etc. Beaucoup d'indigènes, surtout dans l'intérieur, les confondent avec l'effort qu'il leur faut déployer pour les surmonter. Ils disent que cet objet est « fort », et ils le disent parfois même quand leur langue (tribus voisines de la côte) leur fournit le moyen de s'exprimer d’une manière plus précise. Au reste, jamais sans doute ces propriétés, même correctement exprimées, ne sont séparées de l'ob- jet où elles se manifestent, ou plutôt du sujet qui les perçoit; jamais personne n’a eu l’idée de consi- dérer la pesanteur en soi, ou la couleur, ou l'élas- ticité. Il faudrait un degré de culture et d'abstrac- tion où nous savons que n'est point encore parvenu notre primilif Africain, encore enlisé en pleine sauvagerie. À plus forte raison, l'espace et le temps, ces deux abstractions inaccessibles, sont-ils subis sans être presque sentis ni perçus. Il n'existe pas d'unités précises pour les mesurer. Les marchan- dises s'évaluent grossièrement, quelquefois mal- honnêtement, à la brasse; les distances itinéraires se représentent par le nombre de jours nécessaire . à les parcourir. De la sorte, on se trompe facile- … ment du simple au triple : c’est un médiocre incon- vénient, vu le peu de profit qu'on retirerait d'une plus grande précision. On compte le lemps en jours et en lunaisons. On indique l'heure en mon- … trant le point du ciel où se trouvera le Soleil à ce moment-là. Mais les Noirs ne peuvent compter ainsi au delà de quelques unilés. Plus loin, le nombre leur paraît tout de suite trop grand et ils renoncent à compter. Le terme de « journée » ne leur parait même pas très clair, faute, sans doute, de savoir à quel moment faire commencer la durée du jour. Pour indiquer une époque future, on spé- cifie généralement le nombre de nuits qui sépare de l’époque considérée : « Tu coucheras* lrois nuits; puis tu viendras me voir ». Pourtant la notion des nombres et leur expres- sion ont alteint un certain degré de perfeclion. Les peuplades les plus avancées, particulièrement les plus adonnées au négoce, savent compter jusqu'à 1.000 et même 10.000. Dans presque toutes les langues, les noms de nombre sont trop longs ; pour cetle raison, leur emploi est assez laborieux et incommode. La numéralion décimale est usitée partout. Je ne connais qu'une seule tribu, non bantou, les Zandés ou Nyam-nyams, où la première décade de la suite des nombres, partagée en deux séries symétriques, garde la trace de l'usage pri-. mitif de compter à l’aide des doigts des deux mains. Ils disent en effet : 3 4 5 gbhyata gbyama biswé 10 ba-wé = 9 sa wé 6 fl 8 9 boti-sa boti-wé boti-ghbyata boti-chyama déclinaison, s'y écarte relativement peu du premier vertical et n'éprouve pas de grandes différences de hauteur à s® culmination, dans les limites, bien entendu, des besoins journaliers. > Mot presque toujours pris pour « dormir ». ! Au voisinage de l'équateur, il est facile d'apprecier l'heure en toute saison par la hauteur du Soleil sans erreur sensible, parce que cet astre, malgré son mouvement env < î | ë F D' AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE 691 Le Noir marque très peu d'aptitude au caleul. Vous achetez 15 pains de manioc à 5 barreltes chaque. Le marchand est incapable de concevoir, même après réflexion, qu'il lui revient 75 barrettes du tout. Pour le convaincre qu'il a son compte, il vous faudra ranger en ligne les 15 pains de manioc et mettre en regard de chacun les 5 barrettes qui | sont le prix de l'unité. On ignore également l'usage des bâtons cochés, des bouliers et même des eail- . Joux pour représenter les nombres et effectuer les Malculs. Dans les écoles, les enfants apprennent . avec beaucoup de peine les opérations arithméti- ques les plus simples. L’addition ne va guère au- delà de trois chiffres. La soustraction est plus - pénible encore. La multiplication et la division sont à peu près ignorées. L'usage du boulier ou des cailloux simplifierait peut-être cette branche de l'enseignement. $ 7. — Comparaison, jugement, logique. Je n’ai pas l'intention de donner une idée, même très sommaire, des lois du langage chez les peuples de l'Afrique équatoriale, ni de la manière dont les noms se transforment et se juxtaposent dans le . discours, d'après des règles assez simples pour les . langues de l’intérieur, souvent très compliquées - pour celles de la côte. Il me suffira de rappeler : — la formation du pluriel des substantifs par l'ad- dition ou la modification du préfixe ; — l'absence de genre grammatical; — l'adoption uniforme, pour établir la relation des divers éléments de la phrase, d'un petit mot, le relatif, lequel : tantôt, à l'état libre, marque la possession d'un substantif par un autre ou tient lieu du pronom conjonctif qui, que; lantôt, à l’état de combinaison, entre dans la formation des adjectifs et pronoms possessifs et démonstratifs, ainsi que d'une sorte de redouble- ment du pronom personnel; — l'accord par con- sonnance entre le substantif et tous les mots qui S'y rapportent; — la permutation de certaines lettres suivant des règles phonétiques fixes. Toutefois, je crois devoir insister sur une parti- “ularité qui intéresse directement la psychologie de nos Africains : c'est l'absence de degré de com- paraison dans les adjectifs, ou du moins l'imper- fection des moyens pour exprimer les caractères de Supériorité et d'infériorité. Pour dire que « Pierre est plus fort que Paul», on est contraint de prendre une des formes suivantes : — « Pierre et Paul, Pierre est fort »; ou bien : — « Pierre est fort: Paul n'est pas fort ». — Quelquefois aussi, à la côte, on dit : — « Force, Pierre surpasse Paul ». Il parait rationnel de penser que, si les ressources du langage sont si restreintes en matière de com- paraison, c’est que l'esprit qui a créé ces formes rudimentaires est lui-mème mal plié à cette sorte d'opération et se contente d'approximations gros- sières dans les rapports des choses entre elles. L'inhabileté dans la comparaison entraine le manque de jugement et de saine appréciation. Conséquem- ment la droite raison fait défaut à ces têtes mo- biles, étourdies, versatiles, toutes à l'impression du moment et que préoccupent seules les nécessités immédiates de l'existence. Le caractère commun à loutes nos langues nègres est l'insuffisance de précision. La cause en est dans les acceptions variées et parfois très-dissemblables d'un même vocable, dans les liens trop lâches de la syntaxe, enfin et surtout dans la confusion et Ja demi-obscurité intellectuelles qui règnent à la fois chez les deux interlocuteurs. Aussi ces gens-là n'ont jamais l'air de se comprendre. Ce sont d'inter- minables malentendus, de perpétuels quiproquos. L'étourderie de ces cervelles légères achève de tout embrouiller. Le génie des langues varie suivant les peuples : enfantin ici, lrainard autre part, ou enjoué, ou sauvage. Là se relrouve encore l'influence de la forêt ou des grands espaces. Enfin, l'étude compa- ralive des idiomes de l'Afrique tropicale révèle une progression ascendante de la culture intellectuelle de l'intérieur vers la côle : les relations des éléments de la phrase entre eux deviennent plus serrées et plus empreintes de logique; le discours acquiert un peu plus de précision et de clarté; il s'y révèle un réel souci de l'élégance et de l'euphonie. Ce sont comme les premières lueurs d'une civilisation à l’état naissant. En effet, la complication et la subtilité des règles, l’art du langage pour le langage, résument la science par excellence des premières civilisations. Plus tard, lorsque l'esprit a acquis de la maturité, lorsqu'est né le culte du fait et de l'idée, le langage n'est plus considéré comme un bul, mais comme un moyen, dont la qualité prin- cipale doit être la simplicité, Nos tribus nègres ont à peine effleuré le premier stade. NI. — ESTHÉTIQUE. Il y a très peu de choses à dire du sentiment esthétique chez les races noires de l'Afrique tropi- cale. L'examen des diverses manifestations du beau sera très vite fait. Car notre indigène manque précisément, comme nous l'avons vu, des deux fondements principaux de l’art, l'imagination et l'idéal, que lui refuse encore sa nature insuffi- samment dégagée des soucis grossiers de la vie sauvage. Les quelques essais artistiques qu'il à tentés n’ont encore d'autre but que le plaisir et souvent le plaisir sensuel. Pas de liltérature écrite, puisque l'écriture est inconnue. Les lettrés de la côte n’ont même pas 692 eu l'initialive d'appliquer nos caractères à des productions rédigées dans leur langue. Notre ortho- graphe est un outil dont ils se servent assez mal pour la transcription de leurs mots, comme le prouve le passage presque incompréhensible de lan- gue mpongwé, intercalé dans la leltre citée plus haut. Pas davantage de littérature parlée; pas de tradilions qui se transmet- tent de bouche en bouche à travers les générations; pas de contes, pas de ré- cits. Les longs discours des Pahouins dans la case des palabres ne peuvent même pas être pris pour des mor- ceaux de littérature, mal- gré la forme oratoire vrai- ment curieuse el intéres- sante qu'ils savent leur donner. Le dessin est à peu près ignoré. Nulle part je n'ai vu d'essai de reproduclion au trait d'hommes, d’ani- maux ou d'objets. Toute- fois, j'ai observé chez les Zandés quelques informes silhouettes, dont le goût pourrait fort bien pro- venir de l'occupation turque. La peinture est limi- tée à des barbouillages blancs, noirs, rouges sur des instruments de musique, des poteaux de cases, Fig.S.— Pointe d'ivoire sculptée du Loango. Fig. des tabourets et des lits; encore les échantillons en sont-ils rares. Les motifs d'ornementation affectent presque exclusivement des formes géo- métriques, carrés et triangles; peu ou pas de courbes. La sculpture est moins délaissée. Elle est exé- cutée sur bois, cuivre, fer, ivoire, dont on fait des féliches (fig. 7), des sièges, des manches de cou- teaux, des bracelets, des colliers, des épingles de Les Loangos savent orner des pointes d'éléphants, où ils cisellent des scènes variées de la vie indigène, sur une ligne spirale chevelure, etc. D' AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE (fig. 8); cet art est vraisemblablement d'importa- tion étrangère. L'architecture n’a pas dépassé le but utilitaire, qui est de mettre l'homme des tropiques à l'abri des pluies et de la fraicheur de la nuit. Les ha- bitations sont de sim- ples huttes où l'on en- tre courbé. La vie se passe tellementau dehors, l'existence au plein air des pays chauds est si agréable que le domicile est transitoire et n'exige pas grand luxe. Nulle part il n'existe de mo- numents construils en malé- riaux assez résistants pour constiluer un souvenir du- rable. C'est en musique que le nègre montre le plus de dis- positions. Dans sa réalisation rudimentaire et barbare, il satisfait le sentiment inné du rythme, l'amour du bruit, l'excitation sensuelle, l'ivresse Fig. 9. — Instrument à cordes pahouin. 10. — Instrument à cordes pahouin. du mouvement cadencé et indéliniment répété. L'art musical se réduit à bien peu de chose. Le mélomane, aux moments de farniente et de pris, ee à TE ne Fig. 11. — FlJüte nzakara. rêverie, lambourine des heures durant sur une peau tendue ou sur une simple caisse d'emballage: Des gens tombent dans l'extase et la mélancolie en grattant sans relàche avec deux éclats de bois M'A 4 y Ü D' AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE 693 sur une sorte de coche de boulanger appuyée d'un | sont insignifiantes et tout à fait dénuées de poésie‘: bout sur la poitrine et de l’autre sur une caisse vide. | elles sont entremêlées d'une quantité de ritour- Moins primilifs sont les instruments à cordes pin- | nelles semblables à nos {urlututu, el à nos mironton cées, de formes lrès-variées (fig. 9 et 10) et qui sont | mirontaine. L'intonation se rapproche assez de la | accordés sur une gamme arbitraire, au gré de | nôtre. Mais la notalion musicale, si scrupuleuse Alleëro 2-100 solo chœur solo chœur = : gs _—. = D 2 = (LES ISERE O-=es OSSI OL (op 020 OZ Où OO Prier Cher o- Ze_mio ta Ba ya _mêwa, Zé_ mio ta Ba ya_mêwa_a ngin-_do ta san _du' ta Bi_l'o © Fig. 12. — Air de danse Zandë ou Nyam-Nyanm. l'arliste. On trouve des flûtes de roseau chez les | qu'elle soit, ne la représente pas exactement. Lors- Nzakaras (fig. 11), des trompes d'ivoire et de corne | que nous nous essayons à chanter les airs, tout en un peu partout. les reproduisant d'une facon très reconnaissable et Tous ces instruments, à part les tambours, se | méritant l'approbation des indigènes eux-mêmes, Ale Récitauf, presque parlé J108 ps Jaime de atf pe nine crrtiiin NN IA [ke re ke te Nôan ÿa bukè Mundele Ntan êu Ya mu.solo min êr. “Hun! Yombé. sakirik tom bo. Fig. 13. — Chanson de pagaycurs Bangala. jouent en solo ou très rarement en duo. Presque | nous ne pouvons éviter une légère adaptation à Jamais ils n’accompagnent la voix; jamais ils ne | notre méthode de chant et à nos tonalités. Nos voix règlent la danse. Le rôle des instruments à cordes | de poitrine, surtout le baryton et la basse, pro- et des flûtes se borne à l'exécution d’un petit motif | voquent l'hilarité et les moqueries. Le nègre, qui de cinq ou six chante seul, af- notes indéfini- Allegro d-n6 fectionne la voix ment répété. ë P er jrs a ° F = de tête suraiguë. L'artisten'ensait x à fie = Cat SE RATES Dans les chœurs, qu'un à la fois et Ban _ga titi Para byani,Ban éatiti Para byan. e- le -yè redescend >—. D c'est en tàilon- = fie ==. mn = ton plus normal. : tæ à La 5 = £ ë nant qu'il en É enr = A 4 | = 6 4 Les Loangos, si trouve un autre -yo! è_lelè_ yo! yo! ë-lèlè-y6l yo! &-lèlè_ yo! prisés, partout où aussi simple que Fig. 14. — Chanson de pagayeurs Banziri. ils vont, pour le premier. leurs chants et Les chants sont très souventagréables à entendre, | leurs danses, nous sont insupportables par leur à la première reprise. Mais ils ne se composent que | ton trainant et nasillard et par leurs poses effé- | | d'une phrase généralement très courte (fig. 12à 16) | minées. AN 104 ANT _100 ÉCRÉERGNOREA Re | = Fig. 15. — Air Balulu. | Fig. 16. — Air de danse Mpongwe. dont l'incessante répétition provoque très vite chez nous la fatigue et l'exaspération. Le même motif se ! Les chansons, que je donne ci-joint en exemple, signifient pos FRE ORNE k ce qui suit, moins les ritournelles : — Air Zande : «Zémio dit répêle sans discontinuité, avec accompagnement de | à Bayamgwa de donner des caisses à porter aux Biris ». — Arr tambour et de claquements de mains, cent ou deux | banziri : « Le rivage des Francais est bon ». — Aïr bangala : « Le docteur et l'européen-soleil-(surnom d'un commercant cents foi end Ê C res consécu- À 1 . 5 pendant une ou deux heures consécu hollandais) ont beaucoup de marchandises ». — J'en con- tives. Puis on passe à un autre morceau. Les paroles | nais d'autres qui ont pour traduction : «On se moque du 694 D: AD. CUREAU — PSYCHOLOGIE DES RACES NÈGRES DE L'AFRIQUE TROPICALE VII. — ConcLusiox. Arrivé au terme de celte étude, trop longue sans doute pour le lecteur, trop courte pour l'ampleur du sujet, on serait en droit de n'y voir qu'un vain exercice de spéculation psychologique, si l’on n'en pouvait espérer quelque enseignement pratique. Il y a d'abord ceci que je puis avoir mal observé et mal rendu. J'aurai au moins l’excuse de l'impartia- lité. Je n'ai lenté un plaidoyer ni pour ni contre le nègre. J'ai essayé de le laisser scrupuleusement dans son milieu, Lel que peuvent le voir les yeux d'un Européen, en garde contre tout parti pris et examinant un point d'histoire naturelle sur une variélé du genre Æomo. - Nous nous donnons vis-à-vis de la race noire un brevet de supériorité. Il serait intéressant tout d’abord d'examiner ce qui conslilue essentiellement la supériorilé de nos races civilisées sur ces races primitives. Ces dénominations de civilisés et de pri- mitifs constatent seulement un état acluel. Nous ne reconstituons les primitifs d'autrefois que par l'effort d'une induction peut-être trompeuse. Nous aussi nous avons été primitifs avant de devenir civilisés. Au cours de ce lravail, on a pu recon- naître que plus d’un trail intellectuel ou moral n'est pas spécial aux Noirs d'Afrique et que bon nombre de civilisés pourraient aussi bien le revendiquer pour eux-mêmes. Il semble qu'il n'existe pas de caractéristique unique des différences psychologi- ques entre les deux races. Tout ce qu'il y a chez nous d’essentiel se retrouve en puissance au moins chez le nègre, mais dans des proportions et avec des arrangements différents. J'ai déjà précisé ce point, sur lequel on ne saurait trop insister : c’est que l'âme nègre est une dans toute la race, tandis que l'âme blanche est essentiellement diverse. Un Noir diffère très peu psychologiquement d'un autre Noir; l'ensemble est modéré dans la vertu comme dans le vice. Le civilisé embrasse toute la gamme, du sublime à l'abjection. Il y a chez nous des gens beaucoup plus bêtes et vicieux qu'aucun indigène africain. Le sauvage est amoral avec la candeur de la primitive nature; le civilisé a inventé la cor- ruption, la débauche et le crime. Mais le civilisé entrevoit dans les domaines intellectuel et moral un idéal escarpé, que le sauvage ne soupconne même pas. C'est du civilisé seul que Pascal a pu dire qu'il'est à la fois « la gloire et le rebut de nez de Kokonembo ». — «Le commandant n'est pas géné- reux », ete. Pour la transcription de ces chansons, j'ai dû employer une orthographe conventionnelle, où g est loujours dur, s toujours sifflant, u = ou français. J'ai seulement transcrit en francais le cri : « Hun! » du chant Bangala, qui eùt exigé un caractère typographique spécial. l'Univers ». Une comparaison tirée de la Mécanique marquerait celte différence de façon plus intuitive. L'évolution de l'humanité tout entière semble se faire suivant des directions parallèles à une trajec- . toire unique. Toutes les parties composantes du groupe nègre se meuventen une masse compacle, sans déplacement relatif appréciable à l’intérieur de l’ensemble. Dans le groupe civilisé, au contraire, existent des forces internes qui impriment aux. divers éléments des mouvements extrèmement divergents; mais le centre de gravité du système n'est pas pour cela dérangé de sa course. C’est dans ce sens aussi qu'un philosophe contemporain, le D° G. Lebon, a pu dire que les races ne se doivent point comparer d'après les moyennes, sensiblement uniformes pour toules, mais par le pourcentage, caractéristique des différences extrèmes. Au fait, la comparaison précédente n'est peut-être pas seu- lement une figure. Elle deviendra une réalité, si l’on parvient à rattacher un jour à la notion géné- rale de force l'ensemble des phénomènes psycho- logiques. La question de notre supériorité peut se poser de plusieurs autres manières, à savoir : — si nos races européennes ont passé jadis par le même état psy- chologique où nous voyons actuellement les races nègres; — sont restées si fort en arrière de nous; — enfin, si elles sont susceptibles de nous rattraper un jour. Théoriquement, au point de vue de la doctrine évolutionniste, il faut admettre que tout être vivant tend d'une façon permanente à mettre son hérédité psychologique en équilibre avec les modifications de sa structure organique et avec les conditions du milieu. Anatomiquement parlant, sauf quelques particularités ne paraissant pas jouer un rôle effectif dans la question, le nègre ne diffère pas sensiblement de nous. Il est seulement plus près de la Nature, et ses fonctions n'ont point encore été, comme les nôtres, allérées par le surmenage et l'encombrement humain. Ainsi, actuellement, sa complexion psychologique résulle de trois causes : l'hérédité, les conditions naturelles ambiantes, les conditions sociales. De telle sorte qu'il correspond à peu près identiquement au milieu où il vit et au milieu qu'il s'est lui-même créé el qui ne diffère encore qu'extrèmement peu de la Nature. Nous avons vu précédemment que la forme et la vitesse de l’évolution tiennent pour la plus grande, peut-être pour l'unique part, aux nécessités, aux exigences, aux social. Le Noir vit dans la mollesse d'une vie sans grands besoins. Le civilisé est sans cesse cinglé par les coups de fouet des saisons rigoureuses eb de la lutte pour l'existence sur une terre encoma= brée d'hommes. stimulations du milieu naturel et" FAURE, “er LANG DES Poe à LS PE ou encore pourquoi ces races nègres 2 Re SVT L. J. SIMON — LA CHIMIE DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE 695 Dans l'avenir, puisque la Nature tropicale est immuable, ce n’est pas de ce côté que pourra venir Pimpulsion modificatrice de l'âme nègre. Elle vien- dra, elle vient déjà des changements dansle milieu social et particulièrement des conditions nouvelles créées par l'occupation européenne. Mais, tandis que chez nous l’évolution relève de deux causes, l’une naturelle provenant du milieu ambiant, l’autre sociale, réflexion en quelque sorte sur nous-mêmes de notre propre développement, n'est-il pas à craindre que, par la suite, l’évolution de la race nègre, unilatérale en quelque sorte et provoquée par un agent étranger, mal adaptée _ à l'hérédité et aux conditions du milieu, n’amène des conséquences inattendues, suite de la violation des lois naturelles, peut-être le détraquement céré- bral, peut-être la mort de ces races? De Quatrefages avait déjà fait remarquer l'influence, pour ainsi dire délétère, exercée par la juxtaposition de l'élément européen sur les éléments exotiques. Cette question devrait préoccuper non seule- mentles hommes guidés par un sentiment d'huma- nité, mais aussi les hommes soucieux de l'avenir de nos possessions d'outre-mer. La disparition des nègres dans ces pays, où notre énergie échoue devant un elimat débilitant, amènerait fatalement la ruine de nos comptoirs et rendrait stériles tous les efforts passés. La collaboration des indi- gènes nous est indispensable. Donc, il faut veiller avec un soin jaloux à leur conservation, dans leur intérêt et surtout dans le nôtre : car, après tout, charité bien ordonnée commence par soi-même. Deux méthodes sont en présence : la méthode rapide et la méthode lente. Tout dépend du but cherché. Veut-on un résultat immédiat, rapide, brillant, mais sans durée? Les procédés de violence y par- viendront. Et, par procédés de violence, j'entends non seulement la violence matérielle et brutale, mais la coercition sous loutes ses formes physiques et morales, l'éducation trop rapide, qui fait fran- chir à un cerveau médiocrement organisé soixante ou quatre-vingts siècles d'un seul bond, sans tran- sition. Notre indigène se cabre contre la violence; son esprit, façonné par une longue hérédilé, reste rebelle à un enseignement trop disparale. C'est comme si l'on avait voulu déplacer un gros rocher au moyen d'un explosif. La soudaineté de l'agent contre l'inertie de la masse n'aura d'autre effet que de briser celle-ei. Mieux vaut appliquer un eric au bloc de pierre. Mieux vaut aussi prendre l'indigène tel qu'il est et l’'amener en douceur où nous voulons le conduire. Ce procédé n’exige pas moins de fermelé, mais aussi une grande continuité et une extrême patience. Il faut créer autour du Noir ce milieu social, d'où dépend uniquement son progrès moral, l’entortiller dans les mille replis de notre activité, l'enserrer dans des liens économiques qui, sans violenter son hérédité, la mettent dans l'obligation de s'accom- moder de conditions nouvelles, en attendant qu’elle évolue à son tour et s'adaple au milieu nouveau. Par la méthode rapide et violente, vous vous pré- sentez en ennemis; vous sollicitez la réaction. Par la méthode d'enveloppement lent et continu, vous laissez l'indigène aux prises avec l’instinct de con- servation; vous le mettez dans lobligalion de vivre; vous le contraignez par une sorte de sug- gestion à vous reconnaître comme suzerain et comme père. En principe, le nègre n'est point imperfectible dans sa race. Mais il est nécessaire que son dressage se fasse avec une grande lenteur et passe par les phases où nous avons passé nous- mêmes. Vouloir en faire d'emblée un savant, un raffiné, c'est prendre le problème par la fin. Il ne lui est point nécessaire d'être de longlemps un lettré. Cela lui est mème plutôt pernicieux. Il doit d'abord faire un travailleur, un ouvrier. L'instruc- tion de sa race doit commencer par l'étude et la pratique des travaux manuels. Qu'il devienne bon menuisier, forgeron ou charpentier : c'est pour lui la santé physique et morale; c’est l'adapter à sa nouvelle atmosphère sociale et lui donner les moyens d'y vivre. Le nègre de l'Afrique tropicale est un enfant, un mineur; notre éducation doit s'inspirer des trois principes de fermeté, douceur et patience. L'éman- cipation viendra en son temps. D' Ad. Cureau, Administrateur en chef des Colonies. LA CHIMIE DANS L'ENSEIGNEMENT Personne ne contestera aujourd'hui qu'entre toutes les sciences expérimentales, la Chimie est celle dont le développement a été le plus rapide dans le siècle dernier; nous assistons à son épa- nouissement : elle pénètre la vie dans tous les SECONDAIRE règnes et dans loutes les phases; la maladie et la mort sont également de son domaine; la paix comme la guerre se prêtent à l'extension de son activité. C’est assez dire que l'importance de son rôle n'a rien d’artificiel, qu'il n'est dû ni à l’auto- 696 rilé personnelle de ses prolagonistes, ni au caprice d’une mode passagère. Au surplus, l'appui de cette force aveugle, mais souveraine en bien des circons- tances, ne lui manquerait même pas à l'occasion : il suffit, pour s’en assurer, de voir avec quelle curio- sité fébrile, mêlée d’une sorte de crainte supersti- tieuse, sont accueillies les découvertes qui sortent du laboratoire, et prennent par l’élendue de leur publicité une allure sensationnelle. Les efforts des chimistes ont toujours élé accueillis avec sympa- thie par le grand public dès que l'écho lui en est parvenu. Pourquoi donc les plaintes s'élèvent-elles de différents côtés au sujet de l'enseignement élé- mentaire de celte branche de la connaissance? Les programmes, quoique modifiés, n'ont suivi que de loin les progrès de la science; leur rajeunissement n'a revêtu qu'une forme très Limide dans les limites où l’on en a étroitement renfermé la matière; et de cela les chimistes ne sont pas responsables. Il semble que la sollicitude dont est l’objet l'enseigne- ment scientilique en général ne soit pas pour la Chimie aussi vive que l'accroissement de son im- portence permettrait de le supposer. S'il en était vraiment ainsi, il y aurait là un réel danger, dont la gravité n'a pas échappé à des savants fort auto- risés et qui pourrait bien avoir une répercussion considérable sur les intérêts vilaux de notre pays. Sur le corps enseignant pèse à ce sujet une gêne dont il souffre, sans que personne se préoccupe d'en déméêler les symptômes, d'en pré- ciser les causes. J'ai lenté de le faire, encore que je n'y aie d’autres titres que mon profond amour pour la Chimie, l'attrait qu'a pour moi son ensei- gnement et la diffusion de son influence. Loin de prétendre à rien dire d'original, mon unique désir est d'interprèter les sentiments de tous. Si mes col- lègues retrouvent dans cet exposé un reflet fidèle de leur pensée, j'aurai lout lieu d'être satisfait; j'ai l'espoir de ne me trouver avec aucun d'eux en contradiction sur quelque point essentiel. vague I Je me propose d'examiner les difficultés particu- lières que comporte l’enseignement de la Chimie, en envisageant d'abord celles qui sont inhérentes à la nature même de la science, et aussi celles qui tiennent à l'instruction nécessairement insuffisante du professeur. Comme il arrive pour toute science expérimen- tale, l'intérêt résulte tout d'abord de l'observation directe des faits : il est purement descriptif. Plus tard, il est accompagné de celui qui résulle de l'in- terprétation et de la classification des phénomènes, et il doit mème s'effacer devant ce dernier. Tant qu'on reste sur le terrain descriptif, il est facile de rendre altrayante l'étude des phénomènes chi- L. J. SIMON — LA CHIMIE DANS L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE miques : ils sont, en effet, souvent brillants ou curieux. Les professeurs sont tous en élat de les bien choisir et de les bien exécuter, de facon à frapper l'imagination de l’auditeur ; tout professeur est propre à faire devant des écoliers d'excellentes lecons de choses, devant des adultes des confé- rences applaudies. La difficulté de l’enseignement en Chimie ne se montre donc pas dans les débuts immédiats : elle apparait en même temps que la nécessité de classer les phénomènes, c'est-à-dire de les examiner à un point de vue particulier : c’est qu'à ce moment s’in- troduit le symbolisme et la logique spéciale à cette science. Il ne serait ni juste ni exact de faire remonter la cause de la difficullé à des circons- lances accidentelles, comme, par exemple, l'insuffi- sance de l'instruction mathématique ou des con- naissances physiques des élèves : elle est dans l'essence même de la science. Un enseignement logique à la manière de la Géométrie élémentaire est ici impraticable, et, pour un esprit pénétré de cette méthode, tout y apparait comme cercle vicieux, surtout les notions th6o- riques qu'on à coutume de donner au début de l'enseignement: telles, par exemple, que la disline- tion entre un mélange et une combinaison, entre un corps simple et un corps composé. Comment peut-on donner de l'espèce chimique définie une notion satisfaisante sans faire appel à l'analyse élé- menlaire, qui suppose l'existence de la loi des proportions définies, et celle-ci, d'après son énoncé, ne s’applique-t-elle pas aux seules espèces définies? Est-il possible de donner de la fonction chimique la plus importante — la fonclion acide — une défi- nition logique, qui n'apparaisse pas au chimiste comme une pauvre associalion de mots sans porlée réelle et ne résistant pas à l'examen des faits? Une notion des plus fécondes — la nolion de valence — ne peut être présentée aux élèves sous une forme rigoureuse, sans perdre du même coup les carac- tères particuliers auxquels elle a dû ses plus écla- tants succès. C'est qu'il n’est pas possible, en effet, de pro- céder du connu à l'inconnu; s'il est naturel qu'un élève se refuse à apprendre un théorème de Géo- métrie sans l'avoir compris, il faut cependant obtenir de lui celte concession ou ce sacrifice à propos de la Chimie; car il n'est pas toujours en élat de comprendre au momentoùil doitapprendre, et il lui faut apprendre beaucoup pour pouvoir comprendre plus tard. Il n'y à pas, d'ailleurs, à s'étonner outre mesure de cette pétition de prin- cipes toute apparente. Il nous a bien fallu apprendre à lire ou à compter; on peut bien obtenir d’un enfant qu'il fasse une multiplication sans qu'il en Lod : connaisse la théorie, sans même qu'il en saisisse M 4 L. J. SIMON — LA CHIMIE DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE l'utilité. Il n’est aucune science pour laquelle on ne soit, au même degré, obligé de procéder par retouches successives, chacune d'elles modifiant la précédente sans qu'à aucun moment rien ne soit définitif. On ne peut pas dire sans exagérer que tout y est provisoire, mais on ne peut pas affirmer non plus que rien y soit immuablement acquis. La logique ordinaire, la logique linéaire, si je puis ainsi m'exprimer, que développe chez l'élève l’ins- truction mathématique, n'est donc pas satisfaite dans les premiers pas qu'il fait dans l’enseigne- ment de la Chimie. S'il est intelligent, les objec- tions doivent lui venir facilement, que le professeur est impuissant à dissiper. Il est donc de toute nécessité que l’écolier fasse crédit à son professeur tant qu'il n’est pas en possession de l’ensemble des faits qu'il lui est indispensable de connaitre. C’est ce qu'on à coutume de traduire en disant chez les élèves : La Chimie Ss'apprend par cœur, et chez certains professeurs: {7/7 y a pas, en Chimie, d'idées générales. Ces boutades trahissent, au demeurant, le même symptôme : l'ignorance, plus excusable en somme chez les premiers que chez les seconds. La connaissance des faits, en Chimie, est à la fois un moyen et un but. L'enseignement doit donc aboulir à la connaissance d’un assez grand nombre de faits, pour permettre d'avoir à leur sujet une série d'idées générales : celles-ci permettront alors d'incorporer plus aisément d’autres documents; et, comme la facilité d'assimilation dépend du total assimilé, on peul presque dire qu'elle croit suivant un mode exponentiel. Mais il est incontestable qu'au début la tâche est assez pénible pour le pro- fesseur. IT Examinons les divers moyens didactiques dont dispose le professeur pour piquer la curiosité ou aiguillonner la mémoire de ses élèves. Ils sont de deux ordres : les uns sollicitent particulièrement les organes des sens : collections, expériences de cours, manipulations, visites d'usines; les autres mettent en mouvementles facultés de l'intelligence : lecons, interrogations, compositions et problèmes. L'utilité des collections est évidente à la condi- tion qu'elles soient disposées comme une sorte de musée largement accessible aux élèves et que, par le classement, la sélection et la quantité relative des produits, leur mode de conservation, la sûreté de leur désignation, il se fasse chez l'élève un tra- vail d'autant plus utile que l'effort en sera moins sensible, qui lui permettra par la suite de prèter une forme plus concrète à l'exposé magistral. Les ressources limitées comme local et comme budget enlèvent à ce moyen toule efficacité. Le professeur est préparé à faire appel aux 697 expériences de cours et il songe bientôt à les multi- plier. Quoi qu’en pensent certains esprits chagrins, nous imaginons volontiers qu'il ne se laisse arrêter ni par la peine qu'il doit prendre pour combiner les expériences et pour les monter, ni par l'absence d'un auxiliaire adroit et dévoué, ni même par l'in- suffisance des moyens matériels. D'autres obstacles ne tardent pas à se présenter, qui limiteront sin- gulièrement sinon son ardeur elle-même, du moins son but. C'est le choix d’une expérience aisée à suivre dans ses différentes phases par un auditoire assez nombreux, dont l'interprétation ne soit ni douteuse, ni ambiguë ; c'est la durée de l'expérience, qui doit se concilier avec celle de la leçon; c’est surtout le temps employé à la faire et à la com- menter, qui ne doit pas usurper sur celui qui est nécessaire pour parcourir le programme; c’est enfin la proscription de toute expérience dangereuse pour l'opérateur ou pour ses élèves. Cette responsabilité morale et même légale qui surgit à propos des expériences faites au cours devient tout à fait décisive pour les manipulations d'élèves. Certes, il serait à désirer, comme le pen- sent certains bons esprits, que cet exercice püt se substituer entièrement à la leçon : l'élève répétant à sa place l'expérience faite par le professeur en suivant pas à pas les apparences signalées par son guide. Mais ceci paraît chimérique ailleurs que dans l'Enseignement supérieur. C'est déjà une question très délicate que d'arriver à faire mani- puler sans danger sérieux, avec une surveillance nécessairement insuffisante, un nombre trop grand d'écoliers turbulents ou maladroits, inconscients des conséquences que peuvent avoir leurs étour- deries ou leurs farces. En outre, il y à dans l’or- ganisation matérielle d’une série de manipula- lions des difficultés pécuniaires dont il ne faut pas exagérer l'importance, mais qu'il convient de résoudre autrement que par des expédients. Lorsque l'élève a acquis une notion claire de l'expérience, il est utile de lui faire voir la transfor- malion qu'elle subit lorsqu'elle passe du laboratoire à l'usine, en particulier les modifications que re- coivent les appareils dans leur forme, leurs dimen- sions et leur nature, l'économie des énergies méca- nique, électrique ou calorifique, l'utilisation des sous-produits qui groupe dans un même local des substances étudiées à des endroits différents du cours. Malheureusement, l'inerlie des industriels ou leur réelle impuissance privent habituellement le professeur de leur fructueuse coopération. Maintenant que nous avons passé en revue les divers auxiliaires expérimentaux du professeur, que nous avons indiqué les causes qui atténuent jusqu'à l'annuler le secours précieux qu'ils de- vraient lui apporter, nous allons envisager l'autre 698 L. J. SIMON — LA CHIMIE DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE série de moyens didactiques qui doivent le con- duire au but qu'il poursuit. Emmagasiner dans la mémoire un assez grand nombre de faits bien choisis et bien décrits est l'objectif le plus pressant. La chose est difficile; cela n’est pas douteux, si l'on ne veut pas rebutler l'élève en lui imposant un effort trop considérable qui ne comporte pas pour lui de satisfaction immé- diate. Le talent consiste donc à le dissimuler; mais, pour y parvenir, il n’est pas suffisant, comme dans d’autres sciences, de donner à la lecon une char- pente solide et de n'utiliser que des matériaux éprouvés. Le plan net et précis, l'équilibre des différentes parties, le relief exact des faits, le rappel fréquent des corrélations et des conflits, le bonheur dans les transitions et la vigueur des conclusions sont certes, comme partout, des conditions indispensables au succès. Mais, pour aboutir à une prompte assimilation du minimum considérable de faits d'où pourront se dégager les idées générales, il faut encore faire appel à chaque instant à des éléments d'intérêt un peu exorbilés, ou encore à un ordre de spéculations plus pratique que théorique, appartenant à telle catégorie d'applications propre à frapper l'imagi- nation de l'auditoire. Précisons ce point de vue par quelques exemples : Lorsqu'une réaction nouvelle se présente, il ne faut pas l’abandonner sans l'avoir envisagée sous Loutes ses faces. Soit, entre autres, la décomposition d'un oxyde par la chaleur : 3MnO? = Mn°0* + 20. La production d'oxygène est, sans doute, un fait intéressant; mais il est certain qu'à ce seul titre elle ne mériterait plus d'être mentionnée. Il n'en est plus de même si, à ce propos, dans une digres- sion rapide, on signale l'allure générale de la dé- composilion des oxydes sous l'action de la chaleur et inversement l’action de l'oxygène sur les métaux et leurs oxydes, si l'on y joint l'indication des cas pour lesquels les &eux réactions inverses peuvent se produire et se limiter, ele., et si de celte paren- thèse résulte un certain groupement général des éléments métalliques. Considérons une réaction d'un autre type : celle qui fournit le chlore dans le laboratoire et sur laquelle le professeur est amené à s'étendre assez longuement par suite de son importance industrielle passee 2 MnO® + 4 HCI = MnCEË + 2CI + 2H°0. Il n'est pas superflu d'examiner ce qu'il advient lorsqu'on substitue à Mn0* un autre peroxyde, à HCT un autre acide du même type ou d'un type différent. Il y a là une gymnastique toujours profi- table pour l'élève quand bien même elle ferait inter- venir, même fugitivement, des connaissances qu’il n'a pas encore. La préparation du peroxyde d'azote par la calci- nation du nitrate de plomb peut être l'occasion d'un apercu d'ensemble sur l’action de la chaleur sur les nitrates, tant au point de vue de la destinée de leur azote que de celle de l'élément métallique, en dépit de la barrière élevée par la traditionnelle routine entre l'histoire des métalloïdes et celle des métaux. : Il est habituel d'indiquer, soit à propos de l'iode, soit à propos de l'hyposulfite de sodium, la réaction classique qui fournit le tétrathionate et qui sert de pivot à une méthode d'analyse volumétrique. Et alors n'est-il pas instructif d'indiquer ce qu'elle devient, si l’hyposulfite de sodium est remplacé par un autre oxyacide de soufre ou par son sel, si l'iode est remplacé par un autre halogène, etc. L'histoire des métaux est, on peut le dire, faite de telles remarques; chaque propriété, chaque réaction d'un métal ou d’une de ses combinaisons ne vaut que par la comparaison qu'on en fait avec une autre du même métal ou d'un métal différent. C'est de là que jaillissent les classifications, e’est-à- dire les idées générales. La Chimie organique est un exemple merveilleux de ce procédé; les fonctions, d’une part, etles séries homologues, d'autre part, constituent un tableau à double entrée, dont la régularité soulage la mé- moire el favorise les suggestions. Et ce que le mé- canisme aurait de trop automatique et de trop défi- nitivement acquis est heureusement atténué par les modifications régulières ou inattendues qu'y apportent l'accumulation des fonctions, des atomes, la nature des substitutions. A un autre point de vue, sans donner à l'ensemble du cours une orientation vers l'applicalion qui ne lui convient pas, il y a cependant un bon parti à tirer, chemin faisant, d'une indication technique ou industrielle, d'un aperçu physiologique, d'une donnée relative à la thérapeutique ou à l'hygiène, voire même d'une incursion sur le terrain écono- mique ou sur la répartition géographique des ma- tières premières. Est-il raisonnable de parler des nitrites sans signaler la réaction des diazoïques et la production industrielle qui en résulte? Et, si le professeur indi- que en passant le rôle du plomb et explique du même coup la produelion par une même usine du nitrite et du minium, qui donc pourra lui reprocher d'avoir franchi les limites d'un programme? La nature même de l'application cilée n’est pas indifférente; ne peut-on pas imaginer que l'élève retiendra plus aisément l'action nitrante de l'acide azotique s’il sait que c'est par son aide quon «Ps # L. J. SIMON — LA CHIMIE DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE obtient l'acide picrique de nos obus, le muse arti- ficiel des parfums de mauvaise qualité, la fuchsine employée en teinture. La naphlaline prendra une plus grande importance si l'élève entend que c'est le point de départ d’une des synthèses de l'indigo, et on l'intéressera certainement en le mettant au courant de la lutte entre cet indigo de laboraloire et le produit naturel. On peut en dire autant de la bataille que se livrent sur le terrain fiscal le pétrole étranger et l'alcool national. Enfin, il n’est pas jusqu'aux théories les plus élevées de l'énergétique et de la constitution de la matière qui ne puissent à l'occasion servir à sou- ligner un fait ou un groupe de faits, faire surgir une interprétation ingénieuse ou rendre un rap- prochement plus saisissant. Mais c’est surtout dans cette intervention qu'il est indispensable de mon- trer de la mesure, car il ne faut pas oublier que la Chimie proprement dite n’a jamais tiré qu'une aide médiocre de l'abus tyrannique des systématiques d'origine physique, tandis qu'elle a été admira- blement fécondée par un empirisme génial et tolé- rant (quadrivalence et asymétrie du carbone, cryoscopie, analyse spectrale, elc.) Pour éviter tout malentendu, il est nécessaire de répéter qu'il ne s’agit, dans tout ce qui vient d'être dit, que de parenthèses rapidement ouvertes et closes, de commentaires hors texte. L'élève n'est point obligé d'en prendre note et d'en garder un souvenir précis. Pourvu qu'il soit attentif, il lui res- tera loujours ce sentiment que les faits qu’on lui demande de retenir ne sont pas isolés et se ratla- chent entre eux ou à d’autres par des liens multi- ples qui se préciseront plus tard, et ce sera pour lui un encouragement et pour son professeur un levier permanent. Il est bien clair que les mêmes remarques s'ap- pliquent avec plus de force à l’interrogalion; c'est surtout dans cet exercice si salutaire, auquel par- ticipe chacun, que le professeur doit, sans hésita- tion ni incertitude, faire surgir les comparaisons, suggérer les généralisations, promener son audi- toire avec autorité dans le domaine entier qui lui appartient, sans craindre de franchir accidentelle- ment les bornes qui lui sont as-ignées par un pro- gramme en lequel il doit voir un guide et non un géôlier. Il n’est pas jusqu à la composition qui ne puisse prendre de cette manière de procéder une impor- tance beaucoup plus réelle : les sujets choisis dans cet esprit exigent un effort de réflexion person- nelle, et mettent une entrave plus sérieuse aux traditions invétérées de collaboration ou de biblio- graphie clandestines. Telles sont les ressources dont dispose le pro- fesseur de Chimie pour résoudre la tâche délicate 699 qui lui est imposée. J'ai la conviction profonde qu'en y faisant un appel réfléchi et résolu, il est en élat non seulement d'instruire, ce qui est bien, mais aussi d'éveiller la curiosité, de donner de la Chimie une impression déjà assez nelte et d’en inspirer le goût, ce qui est mieux. Mais pour réussir, le simple désir, la meilleure bonne vo- lonté ne peuvent suppléer à l'étendue des connais sances. Le professeur doit se trouver très vile en pleine possession des différentes parties de son programme, et dans une certaine mesure de ce qui le complète. IL doit connaitre de la Chimie pure beaucoup plus qu'il n'aura à enseigner, et doit avoir sur la Chimie appliquée : analytique, industrielle, physiologique, une vue d'ensemble où les détails ne masquent pas les grandes lignes, où les plans se succèdent dans un recul satisfaisant sans compro- mettre la mise au point indispensable. Ces conditions sont généralement remplies dans les autres ordres de sciences. Le professeur de Chimie est-il préparé par ses éludes antérieures à de telles exigences? Lui a-t-on demandé à un mo- ment quelconque la preuve qu'il possède une telle érudition, et a-t-on développé chez lui le criticisme qui lui est indispensable pour la conserver et la parfaire? C'est ce qu’il nous faut maintenant exa- miner. III Le futur professeur a commencé par êlre élève, et nous pouvons imaginer qu'il a été très frappé, au début, par les expériences brillantes ou cu- rieuses de combustion, de précipitation, de eristal- lisalion, de changement de coloralion qu'on lui à montrées. Par la suite, la difficulté d'associer et de retenir un amas de faits en apparence incohérents l’a désabusé peu à peu, et il sort du lycée sinon rebuté, ayant au moins laissé aux ronces du sen- tier l'enthousiasme qu'avaient excité tout d'abord la vue et le parfum des fleurs. Il se rend alors à l'Université et conquiert ses certificals après avoir fait preuve d'honnèêtes con- naissances, dont la nature, la quantité et même la qualilé dépendent d'un assez grand nombre de facteurs. Ce qu'on peut toujours affirmer, c'est que le certificat que lui a accordé la Faculté des Sciences, quelle qu’elle soit, suppose qu'il possède un bagage chimique, raisonnable, sans doute, mais à coup sûr insuffisant pour lui permettre d’ensei- gner à son tour. Il a une certaine teinture de Chi- mie générale, mais il est exceplionnel qu'il ait eu l’occasion de se pénétrer des rapports qu'ont entre eux les différents chapitres. Parmi les enseigne- ments de la Chimie appliquée (industrielle, agri- cole, physiologique, biologique, analytique), c'est à peine s'il a pu accidentellement suivre l'un ou l'autre. Son instruction pralique n’est qu'ébauchée: 700 il n'a de la recherche qu une idée fort imparfaite. L'importance relative des individuschimiques qu'on lui a présentés et des réactions qu'il a vues se suc- céder lui échappent. Loin d'avoir le sentiment exact de l'état de la science, du terrain gagné et des découvertes imminentes, il n'a pas la moindre idée de ce qui lui reste à apprendre pour y par- venir. Aussi est-il tenu, avant de voir s'ouvrir devant lui les portes de l'Enseignement, de sortir victo- rieux du concours d'Agrégalion. C'est dans la préparation de ce terrible concours qu'il va être en situalion de combler ces lacunes. Pour mettre les choses au mieux, supposons qu'il s'agisse d'un étudiant parisien. Ici, les cours spéciaux ne manqueront pas pour compléter son instruction, el l’on me dispensera d'énumérer les établissements d'enseignement supérieur ouverts à sa curiosité, les laboratoires où il pourra se fami- liariser avec la technique et prendre contact avec la recherche. Il ne lui manque, pour devenir un chimiste averli et un manipulateur exercé, que de le vouloir. Mais il n'en fera rien, et le pis est qu'il n'en fera rien même s'il en a le goût. I ne le fera pas — et peut-on le lui reprocher? — parce que l'Agrégalion professionnelle, l’Agréga- tion des sciences physiques, est surlout organisée en vue de juger de l'étendue des connaissances du candidat dans le domaine de la Physique pure et de son aptitude à l'enseignement de cette science, si différente de la Chimie dans son esprit et dans ses méthodes. La composition du jury, le nombre des épreuves réservées à la Physique, les coeffi- cients qui leur sont attribués, tout contribue à orienter le candidat clairvoyant vers un complé- ment de ses études de Physique pure, en s'en fiant pour la Chimie à ses connaissances passées et à un heureux hasard pour le choix de nouvelles. La préparation au concours professionnel, si féconde pour la maturation de son intelligence, et pour le développement d'une aile de son instruc- tion, n'a done pas un caractère suffisamment bila- téral et ne comble donc pas, même approximaltive- ment, les lacunes de l'instruction chimique du futur professeur. Encore une fois, il n'a que des documents épars, mal appris et mal digérés; il n’a pas rapproché par un travail personnel les faits qu'il a rencontrés; il n'a pas l'habilude de con- trôler, en se reportant aux sources, les renseigne- ments puisés rapidement au hasard des lrailés ou des dictionnaires; il n'a pas d’ailleurs un appren- lissage technique qui puisse lui permettre de com- menter les expériences d'autrui. Bref, c'est un physicien bien informé, tout prèt à devenir un excellent professeur de Physique et même un cher- cheur sagace; il est également prêt à être un déplo- L. J. SIMON — LA CHIMIE DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE rable professeur de Chimie, roulinier ou paradoxal, ignorant même de son ignorance et presque hors d'état d'y remédier, si, d'aventure, il s'en aper- cevail. Le voici maintenant professeur dans un lycée de province : les premières années sont employées à préparer simultanément ses différents cours de Physique et de Chimie. Il vit pour cela sur ses don- nées antérieures, complétées ici ou là dans les ma- nuels. 11 lui est bien difficile de les fortifier à ce moment par la lecture des Mémoires originaux ou des ouvrages spéciaux. La rapidité avec laquelle se succèdent les lecons ne lui permet pas de faire immédiatement œuvre utile et durable : il lui faut tout d’abord acquérir une première base d’opéra- tions. Dès que ce résultat est atteint, il lui est plus loi- sible de chercher à se meltre au courant et de com- pléler son instruction, s'il n’en a pas élé peu à peu éloigné par la pratique quotidienne d'une profes- sion fatigante. Mais, pour cela, il lui faut le secours de livres, de revues et surtout des encouragements. Or, l’un et l’autre lui manquent. Ilne peut, sans guide, se mouvoir en sécurité dans le maquis des compilations et la brousse des dic- tionnaires ; les traités spéciaux, quand ils ne sont pas franchement défectueux, sont souvent inabor- dables; les traités élémentaires sont parfois l’œuvre de certains collègues aussi ignorants, mais p:us présomplueux, qui n'ont de la Chimie qu'une idée erronée el qui se bornent à transcrire en les défi- gurant les faits puisés dans d'autres ouvrages, eux- mêmes plus ou moins désuets; et c'est ainsi que se perpétuent dans les classes les erreurs séculaires et les légendes ancestrales. Les ouvrages qui échap- pent à ces critiques, et dont le petit nombre aug- mente la valeur, s'adressent plutôt à l'élève qu’au maitre et les éloges qu'on doit en faire n'ont pas le pouvoir d'en accroitre le format. Les revues, pour lesquelles il est un lecteur infidèle, se soucient fort peu de lui rendre service ; les auteurs, géné- ralement chimistes de carrière, l'ignorent. Loin de débuter dans leurs articles par un exposé didactique, ils mettent une cerlaine coquetterie à croire le lecteur en état de les suivre immédia- tement dans leurs propres recherches. Au surplus, l’agrégé des sciences physiques, chez lequel le métier n'a pas étouffé la curiosité, devant l'immense développement de la Physique et de la Chimie, en face des maigres loisirs que lui laisse la tàche journalière, ne tarde pas à circonserire son effort. IL est promptement orienté dans la direction à suivre par son passé d'étudiant et parle désir bien naturel de faire concourir son zèle à une amélioration de sa situation. Et ce n’est certes pas du côté de la Chimie que s'incline la balance. Les gt, L. J. SIMON — LA CHIMIE DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE 101 inspecteurs généraux qui doivent apprécier ses mérites ont élé de tout temps des savants de talent, très averlis des progrès de la Physique, très préoc- eupés de ses méthodes didactiques, mais qui, comme leurs subordonnés, quoiqu'à un degré dif- férent, ont eté obligés de limiter le champ de leur sollicitude; et la Chimie s'est trouvée toujours la victime sacriliée. Une autre cause d’émulalion pour le professeur, une autre base d’apprécialion pour le juger est le succès que remportent ses élèves dans les concours d'admission aux grandes écoles. Sur ce point comme sur l’autre, l'examen comparatif n’est pas à l'avan- age de la Ghimie et n’ébranle pas le résullat de ses réflexions. Au demeurant, le succès a couronné ses mérites et son zèle : le voici parvenu de bonne heure dans un lycée de Faculté ou même de Paris. La question semble avoir changé de face : plusieurs des motifs qui le dirigeaient ne sont plus aussi impérieux. La faveur est venue etse maintiendra grâce à la vitesse acquise ; les laboratoires sont là, les documents abondent,le milieuscientifique présente une activité contagieuse. Rien de lout cela n’y fait, au contraire. Physicien il est, physicien il restera : il a l'em- preinte. Bien plus, les avantages de la siluation nouvelle se retournent encore contre la Chimie; le professeur de Physique et Chimie s'intéresse davan- lage aux progrès de la Physique et cherche à y participer; c'est un hôle assidu des séances de la Société de Physique. La Chimie a cessé depuis trop longtemps de l'intéresser; il en rétrécit l’évolution aux modifications insensibles des programmes, et les feuilles d'examen sont pour lui le plus rigoureux des diaphragmes. Ilignore les séances de la Société Chimique, il ne feuillette pas son Zulletin, dont la lecture lui est devenue presque impossible. Les lycées ont d'impeccables professeurs de Physique, ils manquent de professeurs de Chimie. Doit-il continuer à en être ainsi? LV Une question préliminaire se pose : L'enseigne- ment de la Chimie est-il nécessaire dans nos éla- blissements d'enseignement secondaire? W ne s’agit pas ici, bien entendu, de l’enseignement tout à fait primordial, affectant la forme de leçon de choses; il s'agit de l'enseignement plus élevé dont nous avons signalé les difficultés, et pour lequelil semble que nos agrégés soient incomplèlement préparés. Si l’on convenait d'apprécier la valeur didactique d’une branche de la science par l'importance qu'elle prend dans la vie matérielle, il ue pourrait y avoir aucune espèce de doute ; dès que l’on envisage l'in-- fluence qu'elle peut avoir sur la formation générale de lesprit, on est obligé de reconnaitre qu'elle procède par une logique spéciale, différente de la logique géométrique, puisque le travail de la mé- moire précède souvent de loin celui de l'intelligence au lieu de l'accompagner ou de le suivre; mais combien cette logique est plus humaine, plus plas- tique, et, si sa formule n'a pas la sécheresse du syllogisme, comme elle se rapproche davantage de la vie réelle. Et c'est une raison peut-être plus puissante encore que la première pour en estimer les services. Il serait donc injuste de supprimer la Chimie de nos programmes, éncore que cela vaudrait peut-être mieux que de laisser les choses en l'état. 11 nous faut un enseignement chimique, et, s'il nous parait aujourd'hui défectueux, il faut l'améliorer. Ce n’est certes pas à un moment comme celui où se produit dans notre pays un renouveau chimique précurseur des grandes découvertes, où de tous les côtés surgissent les bonnes volontés, où s’affirment envers nos savants le respect ou la considération des savants étrangers, où l’évolution économique nous montre le rôle prépondérant assigné dans le présent et dans l'avenir à l’industrie sous toutes ses formes, ce n'est pas à une telle époque qu'il faut piétiner sur place ou revenir en arrière. Cest, au contraire, sans hésiter qu'il faut faire, en avant, un pas décisif. Sans reprendre point par point l'exposition qui précède, il faut en retenir l'urgence d'apporter des amélioralions dans le personnel et dans le matériel. De ce qui est relatif au matériel, c'est-à-dire des difficullés budgétaires, je ne m'occuperai point, car, suivant les circonstances, ces difficultés s'éva- nouissent par enchantement ou apparaissent comme insurmontables. Quant à la question du corps ensei- gnant, le remède découle de la localisation du mal; celui-ci provient, sans aucun doute, de la dissymé- trie que nous avons signalée entre la Physique et la Chimie; c'est cette dissymétrie qu'il y a lieu de supprimer. Pour y réussir, On peut concevoir au moins deux solutions. Dans la première, il suffirait de donner au Concours d’'agrégation des Sciences physiques la symétrie qui lui manque ; mais Faccumulalion des matières pourrait bien rendre le perfectionnement illusoire. Dans une seconde, on instiluerait, à côté de l'Agrégation actuelle, une Agrégation de Chimie” qui en serait la symétrique, c’est-à-dire en y conservant une certaine place à la Physique, tout 1 ]] est bien entendu qu'il ne s'agil pas de spécialiser, au moins d'une facon générale, l'enseignement de la Chimie : il y aurait à cela un danger pédagogique el des difficultés d'ordre administratif. 11 n'est question que d'un double recrutement des professeurs de Physique el Chimie,destiné à s'assurer des éducateurs dont quelques-uns s'intéresse- ront davantage à l'une des sciences, sans que l’autre en soit à tout jamais victime. 702 en attribuant à la Chimie la part prépondérante. Telle est la modification qui s'impose : toute aulre, moins radicale, peut bien apporter un mieux momentané, mais ne peut être considérée que comme un moyen dilatoire capable de retarder, mais non d'éviter l'intervention chirurgicale né- essaire. R. CHUDEAU — L'EXPOSITION MINIÈRE DE ARR PLEMET PLIS QUE fin de CONSTANTINE En revanche, une fois cette modification faile, on verra disparaitre peu à peu et sans à-coup tout ce que nous avons relevé de fâcheux, sans craindre de réaction en sens inverse. Le fléau de la balance reprendra son horizontalité. L.-J. Simon, Docteur ès Sciences. L'EXPOSITION MINIÈRE DE CONSTANTINE A l’occasion du Concours départemental agricole, une Exposition minière assez importante a eu lieu | à Constantine dans la seconde semaine d'avril. Un grand nombre de documents relatifs aux gites ; tine est probablement-beaucoup plus grande que donne plus qu'une idée insuffisante de ce qui est connu. La richesse minérale de la province de Constan- Zn FE Cu 2 2 — EE — , Zn Fe 10 Seuif Biskra” Roches eruptives tertaures Ÿ+ Terrains crustallens.… M D} Ouenza Echelle 00 Km Hp | =. Ligrutes Reguns metalliferes ET Cravé par F Borremans. 5.rue Hautefeuille _ Paris Fig. 1. — Exploital:ons minières de la province de C métlallifères de la province ont été rassemblés pour quelques jours, et peut-être n'est-il pas inutile de chercher à conserver une trace des renseignements que l’on y pouvait puiser. Les recherches ont élé poursuivies depuis quelques années avec une telle activité que l’ou- vrage, tout récent cependant, de M. de Launay‘ ne ‘ Les richesses minérales de l'Afrique. Paris, 1903. — Cf aussi Revue générale des Scicnces, 30 novembre 1902. Constantine. ne l'indique l'ouvrage du savant professeur de |; l'École des Mines!, I On sait que la division classique de l'Algérie en. trois zones parallèles au liltoral (Atlas Tellien, Hauts-Plateaux et Atlas Saharien), fort nette dans ‘ Les minerais extraits en 1902 représentent (fer non compris) une valeur de 1.600.000 fr. Les mines ont occupé un millier d'ouvriers en 1902 et en 1903. 4 R. CHUDEAU — L'EXPOSITION MINIÈRE DE CONSTANTINE 703 la province d'Oran, devient moins précise vers l'Est : les deux chaines atlantiques se rapprochent et vont se réunir en Tunisie, de sorte que, dans la province de Constantine, la zone des Hauts-Pla- teaux perd beaucoup de son individualité et de son importance’. Cependant, entre les innombrables chaïnons qui couvrent son prolongement, il existe des régions aplanies quirendent la circulation et les transports assez faciles. Au point de vue géologique, il y a lieu de rap- peler que la Cordilière Bétique, Atlas et l’'Apennin font partie d'un même ensemble; ils sont, en quelque sorte, les préalpes d’une chaine dont la partie principale s’est effrondrée récemmentsousles eaux de la Méditerranée. Le long de l’importante fracture qui a limité cet effrondrement et qui forme le rivage actuel de l'Algérie, les roches éruptives tertiaires de types variés (granite, granulite, lrachy-andésile, liparite, ete.) ne sont pas rares; en même temps qu'il ouvrait un chemin à des érup- tions, cet accident tectonique a ramené au voisi- nage de la surface quelques noyaux de terrains cristallins, accompagnés de roches granitiques, que l'érosion a mis au jour en plusieurs points. Dans tout le reste de la province de Constantine, on ne trouve que des terrains secondaires et tertiaires, parmi lesquels il convient de signaler, au point de vue qui nous occupe, le Trias, le Lias, l'Infra- crétacé et l'Éocène inférieur. Le Trias, représenté surtout par des argiles ba- riolées, accompagnées de gypse, de sel gemme et souvent de roches ophiliques, occupe toujours une position anormale au-dessus de terrains plus récents. Ses affleurements jalonnent des lignes tectoniques importantes. Le Lias et le Crétacé inférieur sont d'ordinaire constitués par des calcaires compacts qui forment les principaux sommets de la province et qui, par leur nature chimique, ont joué un rôle important dans la constitution des amas de calamine et de cérusite. Les phophates ne se rencontrent que dans l’Eocène inférieur. Les plissements qui ont donné à l'Algérie sa structure actuelle ont une histoire compliquée et encore mal connue. Il en est d'anciens; mais les plus importants sont certainement tertiaires et se ratla- chent au mouvement alpin. Quelques gites miné- raux se rencontrent dans les massifs cristallins et sont liés aux roches primaires (oxydes de fer de Mokta-el-Hadid par exemple); mais la plupart des autres gites, en relation avec les plissements ter- tiaires, sont constitués par des filons de sullures complexes (fer, zinc, cuivre, plomb, mercure, antimoine), profondément altérés aux affleurements où dominent les minerais oxydés. Le modelé de 2 Berxaro et Ficaeur : Les régions naturelles de l'Alsérie 2 cartes, 1 planche profils. Annales de Géographie, 1902. l'Algérie est encore peu avancé par suite de la jeu- nesse des derniers plissements et aussi de l'insuf- fisance de l'érosion; le niveau hydrostatique est d'ordinaire assez loin de la surface, et la zone de céinentation est, en général, la seule qui soit connue d'une facon un peu précise : la plupart des permis de recherches sont aux mains d'Algériens disposant de capitaux limités et qui hésitent devant les dépenses nécessaires, mais assez fortes, qu'en- traine l'étude d'un gisement en profondeur. Les procédés de sondage, qui cependant ont donné dans le Sud d'excellents résultats pour le forage des puits arlésiens, sont à peine employés aux études minières, faute sans doute d'un matériel approprié à ces recherches spéciales. Il est vraiment regret- table que ce matériel n'ait été exposé par aucune maison. IT Le Service des Mines avait établi une carte por- tant l'indication de toutes les concessions et de tous les permis de la province de Constantine. Des couleurs conventionnelles indiquaient, pour chacun d'eux, la nature du métal. Il est impossible, sur une carte à pelite échelle, de reproduire toutes ces indications, au nombre de près de quatre cents’. J'ai cependant cherché, dans le schéma qui accom- pagne cel article (fig. 21), à donner un résumé de cet important document. Les filons sont naturellement groupés dans cerlains districts privilégiés; j'ai réuni tous les giles voisins dans une même tache, à côté de laquelle un chiffre indique le nombre des concessions et des permis de recherches, et les sym- boles chimiques les principaux métaux qui y ont élé signalés. Le fer se rencontre surtout dans la zone littorale; il y a probablement deux raisons à ce fait : de nombreux amas d'oxydes sont en relation avec les terrains cristallins, et le peu de valeur de ce métal en fait négliger la recherche dans les régions éloi- gnées des ports de mer. Le Djebel Ouenza, à la frontière tunisienne, est la principale exception; elle s'explique par l'importance extraordinaire du gisement : cent millions de tonnes d'hématite dans les calcaires du Crélacé inférieur. Le manganèse est signalé en petites quantités dans un certain nombre de mines de fer. Depuis deux ans, un beau gisement de pyrolusite a été découvert à un kilomètre de la station d’Aïn Yagout. IL est douteux quil faille le rattacher aux sulfures complexes qui dominent dans la région; il est plu- tôt en relalion avec les ophites du Trias voisin, qui contiennent un peu de manganèse. Le cuivre forme un certain nombre de gites assez ! Quarante-cinq concessions, dont 2% exploitées, et 235 permis en vigueur. Les autres indications se rapportent à des permis qui n'ont pas été renouvelés. 704 R. CHUDEAU — L'EXPOSITION MINIÈRE DE CONSTANTINE disséminés dans la petite Kabylie. La région qui semble la plus riche est au nord de Batna : la chal- cosine, les cuivres gris, la malachite et l’azurite se voient aux affleurements; les filons, à gangues de quartz et de baryte, peuvent être suivis sur de grandes longueurs (plusieurs kilomètres). Dans les parties riches, la teneur dépasse souvent 30 °/, de cuivre. Il y a quelques années à peine que celte région est éludiée, et il y a tout lieu de croire que quelques-uns au moins de ces gites ont une réelle valeur’. Quelques mines anciennement exploitées ont alteint en profondeur la chalcopyrite ; mais, en somme, pour ce métal, la province de Constantine en est encore à la période d’études. Le plomb, rare dans la zone littorale, devient plus abondant vers le sud. En 1900, l'Algérie tout enlière avait fourni 222 tonnes de plomb; en 1902, la province de Constantine a exporté 3.200 tonnes de cérusite et 1.600 de galène. Le métal le plus important de la province de l'Est est certainement le zinc. La calamine est le prin- cipal minerai. Les chiffres suivants (en milliers de tonnes) montrent quels progrès ont été réalisés depuis quelques années : 1891. 1,8 à 43 fr 91 AOL NT PEN: Er 10 » LODEL ME 22e d7(G 1 1903. 21, 8 » Les deux mines les plus importantes sont Hamma N'bails [14,4 en 1903] et le Djebel Soubella (ou Bou- Thaleb) [4,12]. Des couches de cinabre sont souvent associées aux minerais de zinc et de plomb; mais ce n'est qu'à l’est du méridien de Constantine que le mer- cure prend de l'importance. La concession de Ta- ghit, reprise récemment après quelques années d'abandon, a produit, en 1903, 38 tonnes de mer- cure. Les fours de l'usine, chauffés au charbon de bois provenant des forêts de l’Aurès, permettent de traiter 25 tonnes de minerai par jour. Le gypse alimente de nombreuses plätrières. Son abondance rendait probable la découverte de gise- ments de soufre : deux se trouvent dans la région de Souk-Arrhas en relalion avec le Trias. Un autre, dont l'importance industrielle est dès maintenant bien élablie, est situé à Héliopolis, près de Guelma : il provient de la réduction de gypses miocènes et contient de magnifiques cristaux de soufre ?. L'exploitation des phosphates devient chaque année plus importante; les principaux centres sont toujours Tebessa et Tocqueville. Les teneurs varient de 58 à 70 °/,. La Tunisie, surtout, est en grand pro- ‘ Les 60 gites portés sur la carte se répartissent de la facon suivante : Cuivre, 30; Zinc, 22. Les 8 autres sont des | giles de fer, de manganèse ou de sulfures complexes. * Quelques gisements de pyrite sont connus en Kabylie. | grès, et ce fait est, paraît-il, imputable à une meil- leure organisalion des chemins de fer de la Ré- gence. Cet engrais est, d’ailleurs, largement utilisé en Algérie, où l’on commence, s’il faut en croire les exposants, à renoncer à la superstition des super- phosphates et à employer les phosphates naturels, souvent mélangés de plâtre. Exportation des phosphates en milliers de tonnes. ANNÉES BONE BOUGIE GAFSA 18940. 49,6 » » 18956 104.6 ) » 1896 . 142.3 0.18 L 1597 . 207,7 20 : 198 RS 223,4 46 » 1899... 233.1 53 65,2 1900. .. 235.8 12 171,3 1ODAS ER ENT 43 178 1902 . 248,2 1 | 266 1903. 215,2 22 360 La rareté des combustibles indigènes est toujours une grande gêne pour l'Algérie. Les lignites mio- cènes de Smendou (ligne de Philippeville à Cons- tantine), concédés depuis longtemps, n’ont jamais donné de bons résultats. Plus récemment, au S.-0. de Rouached, on a signalé dans l'Oligocène, et non pas dans l’Helvétien, un nouveau gisement qui à donné quelques espérances. Les recherches effec- tuées depuis ne permettent pas encore de formuler une opinion sur la valeur de ce combustible. III Deux obstacles se sont opposés jusqu'à ce jour à un plus grand développement des industries mi- nières dans la province de Constantine. Le charbon fait défaut, les forces hydrauliques sont rares; on ne peut songer à établir d'usines im- porlantes que sur le littoral. Il n’y a guère de re- mèdes à ce fait; cependant, pour le traitement mécanique des minerais, leur triage, qui n’exigent pas de puissance très considérable, il est permis de penser que l'emploi du pétrole ou de l'alcool, le développement des aéromoteurs qui commencent à être connus en Algérie, rendront bientôt possible l'enrichissement des minerais et diminueront d'autant les frais de transport. Le réseau des chemins de fer est à mailles beau- coup trop larges, les tarifs sont incommodes; mais ce n'est là qu'une affaire de temps et d'un temps probablement assez court; de récents débats par- lementaires ont assez montré que les pouvoirs publics se préoccupent sérieusement de la question. Quelques mines sont assez bien placées pour que l'on puisse songer à en aborder l'exploitation ; pour les autres, le moment parait venu d'en pour- ‘suivre sérieusement l’étude. R. Chudeau, Docteur ès sciences, Professeur au Lycée de Constantine: BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 705 ANALYSES 1° Sciences mathématiques Robin (Gustave), Chargé de cours à la Faculté des Sciences de Paris. — Théorie nouvelle des Fonc- tions (Collection des Œuvres scientifiques de Robin, réunies et publiées par L. RarrY, prolesseur-adjoint a la Sorbonne). — 4 vol. in-8 de 211 pages (Prix : 7 fr.). Gauthier-Villars, Paris, 1904. Le but de ce livre est d'établir les fondements de l'Analyse infinitésimale sur la seule notion de nombre entier, à l'exclusion de toute autre notion d'origine plus où moins éxpérimentale. Cette idée s’imposa dès que les progrès du Calcul intégral eurent rendu néces- saire une critique approfondie des notions fondamen- tales de continuité et de limite; elle domine mainte- nant l’enseignement de l'Analyse. Il suflira, comme preuve, de citer le traité de M. Méray : Leçons nou- velles d'Analyse infinitésimale, ou le beau livre, devenu classique, de M. Tannery : /ntroduction à la Théorie des Fonctions d'une variable. M. Robin se distingue des auteurs actuels par l'ex- clusion systématique de ce que nous appelons le 2ombre irrationnel où incommensurable : il introduit, à peu près comme à l'ordinaire et en évitant les considéra- tions relatives à la mesure des grandeurs, les nombres entiers ou fractionnaires positifs et négatifs, qui seront dits rationnels; il s'agit de constituer l'Analyse avec ces seuls éléments, en excluant toute idée de continuité ou de limite provenant de la mesure des grandeurs. On peut y arriver par la considération des suites indélinies de nombres rationnels, qui possèdent la propriété de la convergence : une telle suite u,, u,,.…, un. est dite convergente lorsque, à partir d'une valeur suffi- samment grande du rang », la valeur absolue de la différence u,+, — uw, demeure moindre qu'un nombre positif e donné d'avance aussi petit qu’on voudra (et cela, quel que soit l’entier p). Dès le début des Mathé- matiques, les calculs approchés conduisent à de pa- reilles suites, qui se séparent immédiatement en deux catégories : les unes, dans lesquelles le terme général u, tend vers une limite rationnelle quand n croit indé- finiment, telles, par exemple, les suites de valeurs décimales approchées par défaut d'une fraction ordi- naire qui n’est pas exactement réductible à une frac- tion décimale; les autres, dans lesquelles une telle limite de u, n'existe pas: telle, par exemple, la suite des racines carrées, approchées par défaut à moins de il 1 [l 10° 10°’ … 10% pas le carré d’un autre nombre rationnel; ce sont les suites de la dernière catégorie qui conduisent commu- nément à l'introduction du nombre irrationnel. Pour ceux qui admettent cette introduction, la connaissance d'un nombre irrationnel n'est autre chose que celle d’une pareille suite ; dès lors, on définit les opérations élémentaires de l'Arithmétique sur les nombres irra- tionnels par des opérations correspondantes pratiquées sur les termes rationnels des suites qui définissent ces nombres; et, sans entrer ici dans les détails de la mé- thode, on conçoit la possibilité d'étendre aux nouÿeaux nombres le langage et l'écriture algébriques constitués d'abord pour les seuls nombres rationnels; on forme ainsi une doctrine cohérente qui permet l'étude des fonctions, sans distinction de la nature rationnelle ou irrationnelle des valeurs numériques attribuées aux variables et aux fonctions. C’est cette méthode que Robin repousse absolument, comme faisant, selon lui, inconsciemment appel à la théorie de la mesure des .… près, d'un nombre rationnel qui n’est REVIIE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. BIBLIOGRAPHIE ET INDEX grandeurs, sous peine de ne plus consister qu'en un for: malisme purement verbal; sans discuter ce jugement, qui nous paraît excessif, nous allons essayer de mon- trer brièvement comment l’auteur expose les fonde- ments de l'Analyse, et nous chercherons à mettre en évidence les différences avec les théories ordinairement enseignées qui résultent de ce mode d'exposition. Après un premier chapitre consacré aux propriétés fondamentales des suites convergentes et des séries numériques, Robin définit ainsi une fonction explicite f(x) d'une variable x dans un intervalle donné (a, b) : à chaque valeur, nécessairement rationnelle, de x qui appartient à l'intervalle, on fait correspondre, soit un nombre rationnel f(x), soit le plus généralement une suite convergente dont on désignera par f(x) un terme de rang suffisamment élevé. Cette définition présente une différence capitale avec la définition ordinaire : pour établir l'accord entre les deux définitions, il serait nécessaire de faire correspondre une suite conver- gente f(x), non pas seulement à toute valeur ration- nelle de x, mais aussi à toute suite convergente x,, x,, … x, … tirée de l'intervalle considéré, et n'ayant pas né- cessairement une limite rationnelle; cette différence entraine, par la suite, certaines contradictions avec les propositions ordinairement enseignées. Une délini- tion analogue est donnée pour la fonction implicite f(x) déterminée par une équation : F[x, f(x)]=0; trouver, pour chaque valeur x de l'intervalle, une suite convergente f(x), f(x). telle que les opérations dont F est le symbole, étant effectuées sur les divers termes de cette suite en même temps que sur x, aient pour résultat une suite de nombres tendant vers 0. Ces définitions montrent bien l'esprit de la méthode et font prévoir les complications qui en résultent. Les définitions relatives aux fonctions sont suivies de celles deslimites supérieure et inférieure, quand il y en a, d’une fonction finie dans un intervalle ; là encore se manifeste une contradiction avec lesthéories ordinaires: par exemple, au point de vue de l’auteur, le polynôme 1—(x2—2)° n'atteint jamais sa limite supérieure 1. La considération de l’oscillation moyenne de la fonction dans un intervalle conduit à la recherche des fonctions intégrables, qui sont caractérisées par une oscillation moyenne nulle (Riemann); parmi les fonctions inté- grables, sont distinguées et définies les fonctions conti- nues et celles qui sont dites à oscillation totale limitee : lorsque ces dernières sont en même temps continues, elles deviennent les fonctions rectifiables, au sens géométrique. Le problème des fonctions inverses est ensuite traité comme conséquence du problème de la résolution d'une équation f(x) = A : trouver une suite convergente [x] telle que la suite correspondante [{(x) | converge vers A; ce problème permet la définition précise de la fonction inverse d’une fonction qui est continue dans un intervalle (a, b) et qui varie toujours dans le même sens entre a et b; le chapitre se termine par l'étude de la fonction exponentielle, déduite de l'équation fonctionnelle : f(x+y)= f(x){(y), et par celle de la fonction logarithmique, comme inverse de l’exponentielle. | L'auteur introduit maintenant la notion fondamen- tale de la dérivée : soit d’abord une fonction de x ayant une valeur numérique déterminée pour chaque valeur de x: je donne à x une suite indéfinie 4 accrois- sements À, h, h'... qui tendent vers 0: soit k, 4, 47... les accroissements correspondants de la fonction 1(x); il y aura une dérivée de f(x) pour la valeur x consi- A4** 706 A1 ; é MT qu dérée, si la suite TT valente à toute autre suite construite de même, et dont on désignera par f(x) un terme assez éloigné; la définition est analogue dans le cas général d'une fonc- tion /(x) quelconque. Après avoir établi la relation entre le signe de la dérivée et le sens de la variation de Ja fonction, l’auteur insiste sur les réciproques : en particulier, si la dérivée est constamment nulle dans un intervalle, la fonction n'y est pas nécessai- rement constante, même si elle y est continue; pour retrouver la plupart des propriétés enseignées d’or- dinaire, il faut considérer les fonctions uniformément différentiables dans un intervalle donné, qui sont telles que, dans tout l'intervalle, on ait : FIX!) — 1(x) l— x est convergente et reste équi- = —['(x) teur. — Etude biochimique de la Bactérie du sor- bose. Thèse de la Faculté des Sciences de Paris. — \ 1 brochure in-8° de 112 pages. Gauthier- Villars, édi- teur. Paris, 1904. On sait depuis longtemps que, chez les organismes point que parfois il n’en reste plus qu'une qui soit net- (| inférieurs, les fonctions tendent à se spécialiser, à ce É tement visible : c'est le cas du Mycoderma aceti, de la levure de bière et d’une foule d’autres espèces. De semblables effets rappellent les meilleures réactions de la Chimie organique, et il n’est pas douteux que, pour les produire, la cellule vivante met en jeu quelque réactif spécial, équivalent à ceux que nous employons au laboratoire. En fait, ce réactif est une diastase, et la démonstra- tion qu'en a fournie Buchner n'a fait qu'accentuer davantage la tendance qu'ont tous les biologistes mo- dernes à considérer la vie comme une suite de phéno- mènes obéissant aux lois de la Physique et de la Chi- mie générales. Mais, alors que les transformations iu vitro de la matière organique s'étendent généralement à tous les termes d’une même famille naturelle, pour- quoi cette spécialisation de la cellule, si étroite qu'on est tenté de croire que le Mycoderme de Pasteur n'est bon qu'à faire et à détruire de l'acide acétique ? Est-elle réelle ou seulement apparente ? Et quelle est, d'autre part, la relation, pressentie par Fischer, qui doit exister entre le ferment et le corps fermentescible, pour que celui-ci fermente ? M. Bertrand répond dans sa thèse à ces questions fondamentales, et l'on peut dire que son étude de la bac- térie du sorbose, par l'ampleur et la diversité des en= seignements qu'elle nous offre, marque l'une des étapes les plus importantes que la Biochimie ait pu franchir depuis son origine. La bactérie du sorbose n'est pas une espèce nou= velle: c'est l'ancien Bacterium xylinum de Brown, l'un des organismes qui figurent le plus fréquemment dans # BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX la mère du vinaigre; elle appartient donc au groupe des ferments acéliques, mais elle n’est pas seulement capable d'oxyder l'alcool ordinaire ; elle s'attaque aussi aux sucres, et alors se révèlent à la fois la multiplicité de ses effets et les causes qui limitent son activité. M. Bertrand nous la montre d'abord oxydant les polyalcools de tous ordres, depuis la glycérine jusqu'à la perséite et la volémite, homologues supérieurs de la mannite ordinaire; puis il remarque que l’action n’est possible que si les deux premiers ou les deux derniers oxhydryles secondaires de leur chaine sont voisins, comme dans l’érythrite ou la sorbite naturelles. Alors il se forme une «&-cétone, et c'est ainsi que les deux corps précédents donnent le d-érythrulose et le d-sor- bose, dont les deux premiers chainons sont identiques à ceux que l'on rencontre dans le lévulose ordinaire. Lorsque cette condition n'est pas réalisée, l’action est nulle : le milieu de culture cesse d'être favorable et la bactérie ne se développe pas. Ainsi s'explique l'apparition du sorbose dans le vin de sorbes, que l’on croyait autrefois n'être qu'un jeu du hasard, tandis qu'on la provoque à coup sûr par un ensemencement régulier; ainsi arrive-t-on à sépa- rer deux polyalcools stéréo-isomères, tels que la sor- bite et l'idite, dont l’un est attaqué et l'autre résiste. Il y a là évidemment quelque analogie avec les pré- férences que manifestent les êtres inférieurs, lorsqu'on les alimente avec des substances douées de propriétés optiques inverses; c'est par une méthode de ce genre qu'autrefois Pasteur et, après lui, beaucoup d’autres ont pu dédoubler les racémiques et les différencier des inactifs par nature; mais ces actions sont toujours plus ou moins Ccapricieuses, tandis que celle de la bactérie du sorbose apparaît avec toute la netteté des schémas qui, pour nous, représentent l'architecture des sucres. Nous savons maintenant quand ceux-ci seront atta- qués ou, au contraire, respectés par la bactérie du sor- bose, et, réciproquement, cet organisme nous fournira d’utiles renseignements sur la forme géométrique d’un polyalcool encore indéterminé, en sorte qu'il devient un auxiliaire du chimiste, d'autant plus précieux que ses indications sont plus délicates. La fonction oxydante du Bacterium xylinum ne s'ar- rète d’ailleurs pas là; elle est également capable, comme celle du brome aqueux, de transformer les aldoses en acides monobasiques. Si, enfin, on prolonge l'attaque, il arrive parfois que ceux-ci s’oxydent à leur tour et don- nent des acides cétoniques, tel l'acide oxygluconique de Boutroux, que Bertrand a pu reproduire en cultivant la bactérie dans une solution de gluconate de calcium. L'application de cette méthode à conduit l’auteur à un mode avantageux de préparation de la dioxyacétone et à la découverte de l’érythrite droite; elle lui a permis d'obtenir régulièrement, à partir du d-sorbose, un al- cool hexatomique, isomère de la d-sorbite, qui, d’après son origine, ne peut être que la d-idite de Fischer; enfin, elle a fourni des indications sur la structure mo- léculaire de l'acide oxygluconique, qui ont été plus tard vérifiées par voie chimique, et, par conséquent, doivent être considérées comme définitives. En résumé, le travail de M. Bertrand se distingue de toutes les monographies microbiennes qui ont été pu- bliées jusqu'à ce jour, parce que, en même temps qu'il nous renseigne sur les produits de la fermentation, il nous fait pénétrer au cœur même de la molécule fer- mentescible et nous montre, suivant l'heureuse expres- sion de Fischer, la forme des serrures que la clef du Bacterium xylinum peut ouvrir. L'importance d'un pareil résultat n’échappera à per- sonne : c’est le début d’une évolution de la Chimie biologique, à laquelle nous applaudissons sans réserve parce qu'elle ouvre une voie féconde aux chercheurs et nous laisse entrevoir de nouvelles conquètes dans le domaine encore si mystérieux du chimisme vital. L. MAQUENNE, Professeur au Muséum d'Histoire naturelle, Membre de l'Institut. 3° Sciences naturelles Sterns-Fadelle (F.). — Dominica, a fertile island. — 4 vol. in-8° de 30 pages. (Prix : 4 fr. 25). A. T. Righton, éditeur. Roseau (Dominique), 1904. Le petit opuscule de M. Sterns-Fadelle nous intéresse par le fait que la Dominique est celle des Antilles anglaises qui se trouve située entre nos deux vieilles colonies de la Guadeloupe et de la Martinique. Elle fut même quelque temps française, pendant la première moitié du xvm® siècle, et c’est à l'initiative et à l'énergie de nos colons qu'elle dut le premier développement de son agriculture. Le café y fut l'une des premières plantes introduites, et, en 1790, la production y atteignait #4 à 5 millions de livres. Puis cette culture déclina pour faire place à celle de la canne à sucre, alors plus rémunérative. Mais quand, à partir de 1858, le prix du sucre vint à baisser sérieusement, la Dominique connut tous les inconvé- nients de la monoculture et passa par une crise très grave. Elle s’en relève depuis lors peu à peu, et le but de l’auteur est de montrer qu'elle est appelée à reprendre une place prépondérante dans les Indes occidentales, grâce à la richesse de son sol et à la salubrité de son climat. Au centre de l’île se trouvent une série de plateaux, appelés Layou Flats, dont le sol, couvert d’une épaisse couche d’'humus et d’une extraordinaire fertilité, con- viendrait à une foule de cultures. Le cacaoyer et le citronnier, importés dans l’île au moment du déclin de la canne, donnent déjà une production importante ; les arbres à épices et les arbres fruitiers seraient suscep- tibles d'un grand développement. Les suggestions de M. Sterns-Fadelle, dont plusieurs pourraient être mises à profit par nos colonies voisines, donnent à son inté- ressant exposé une grande valeur pour nous. L. B. Zolla (D.), Professeur à l'Ecole nationale d'Agrieul- ture de Grignon. — Dictionnaire manuel illustré d'Agriculture. — 1 vol. in-18 jésus à deux colonnes, de 710 pages avec 1900 gravures. (Prix : 6 fr.) Li- brairie Armand Colin, Paris, 1904. Avec la collaboration de MM. Tribondeau, Charvet, Julien et Carré, M. Zolla vient de publier un excellent petit manuel d'Agriculture. Comme la Médecine, l'Agriculture comprend des applications variées de la science et de l'empirisme. Ce caractère encyclopédique de l'Agriculture se prête par- ticulièrement à un exposé sous forme de dictionnaire, et les dictionnaires d'Agriculture sont nombreux. Mais les auteurs de l'ouvrage qui nous occupe ont eu le grand mérite de condenser en un mémento facile à consulter un grand nombre d'indications utiles con- tenues dans les agendas, les dictionnaires volumineux ou les traités spéciaux. Certains articles : comptabilité, drainage, champignons, froment, pè her, vigne, etc., ont été l'objet de développements assez étendus et fort intéressants. Le livre est bon et la critique ne peut porter que sur de légers détails. Ainsi, dans le remplissage des tran- chées de drainage, on se garde de pilonner la terre, celle-ci perdant assez vite sa perméabilité; en outre, on place souvent la terre arable, meuble et filtrante, au fond de la tranchée. Le cubage au cinquième déduit peut être présenté sous une forme plus simple et tout aussi exacte : prendre le cinquième du tour moyen, le multiplier par lui-même et multiplier le résultat par la hauteur. Le texte est illustré de très nombreuses gravures souvent réunies en tableaux instructifs. Ces gravures sont excellentes, à l'exception peut-être de celles qui représentent le port de certains arbres. . Ces légères réserves étant faites, nous sommes à l'aise pour insister sur les grandes qualités de l'ouvrage: clarté des notices, subdivisions dans les sujets de quel- que étendue, précision des détails et sûreté de la docu- 708 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX mentation. Ce livre, les praticiens le garderont constam- ment sur leur table de travail; ils y trouveront des renseignements exacts sur les principaux sujets d’Agri- culture, d'Horticulture, de Zootechnie, d'Hygiène, de législation, etc. Bref, le dictionnaire de M. Zolla constitue un vade mecum que nous recommandons vivement à toutes les personnes qui s'occupent d’Agri- culture. E. RABATÉ, Ingénieur agronome, Professeur spécial d'Agriculture. Le Double (D' A.-F.), Professeur d'Anatomie à l Ecole de Médecine de Tours.— Traité des Variations des Os du crâne de l'Homme et de leur signification au point de vue de l'Anthropologie. Préface de A1. le Professeur Eomonn PERRIER. — 1 vol. gr. in-8° e 400 pages avec 118 dessins dans le texte par M. Louis Danry Cocas. (Prix : 20 fr.). Vigot frères, éditeurs. Paris, 1904. Les lecteurs de la Revue connaissent le Traité des variations du Système musculaire de M. Le Double, dont il a été rendu compte ici même et qui a été si utile aux anatomistes‘en rassemblant et synthétisant une foule de documents épars sur les anomalies des muscles. L'auteur, continuant son œuvre, dont il s'est fait une sorte de spécialité, nous donne aujourd’hui un Traité des variations des os du cräne, qui sera d’ail- leurs suivi d’un volume semblable pour les os de la face. Plus de 360 pages sont consacrées à la description des anomalies des six os du cràne,et 114 dessins repro- duisent les principaux cas, soit des observateurs cités, soit de la collection de l'auteur lui-même. Ces chiffres suffisent à montrer l'importance de l'ouvrage. Il est tels paragraphes, comme ceux de la fossette occipitale moyenne, de la suture métopique, qui sont à eux seuls de véritables monographies. Une bibliographie très soignée accompagne constamment le texte, et témoigne d’une érudition qui semblait être, il y a quelques an- nées, le monopole des publications allemandes. Dans un dernier chapitre de synthèse et de critique, l'auteur propose une classification provisoire des va- riations osseuses, au point de vue de leur cause : va- riations par atavisme, dont on a beaucoup exagéré l'importance et la fréquence ; — par impression vascu- laire nerveuse, tendineuse ou glandulaire: — par intercalation d'os supplémentaires, suppléant à une insuffisance dans l'ossification normale; — par action mécanique, comme dans le métopisme dû à la pous- sée des lobes olfactifs ou des lobes frontaux; — par monstruosités produisant des agénésies ou des hyper- génésies encore inexplicables. Conformément aux tendances modernes de la science embryologique, qui a créé la branche nouvelle et déjà singulièrement florissante de la Mécanique du déve- loppement, M. Le Double s'efforce d'expliquer un grand nombre de formes cräniennes par des actions phy- siques individuelles, normales où pathologiques: il re- vient notamment, et avec raison, comme je l'ai soutenu moi-même dans l’Anatomie des centres nerveux, à l'opinion ancienne, obscurcie par les anthropologistes et surtout par Virchow, que c'est le cerveau qui mo- dèle le crâne et non celui-ci qui faconne la masse nerveuse. D' A. Cxarpy, Professeur d'Anatomie à la Faculté de Médecine de Toulouse. 4 Sciences médicales Manson (Patrick). — Maladies des Pays chauds. Traduit de l'anglais par M. Guisaup et J. BRENGUES. — 1 vol. in-8° de 776 pages, avec 114 figures et 2 planches en couleur. C. Naud, éditeur, Paris, 1904. L'importance considérable que présentent aujour- d'hui les questions coloniales et la nécessité, pour les peuples civilisés, de chercher hors de leurs limites continentales de nouveaux débouchés au dévelop- pement de leur activité et de leur industrie, ont déjà eu pour résultat la création, à Paris, à Bordeaux, à Marseille, à Lyon, à Alger, d'Instituts coloniaux où l'enseignement de la Pathologie exotique a pris une grande place. Comment en serait-il autrement, puisque l'explorateur, le trafiquant, le colon, le médecir, le soldat se trouvent, dès leur arrivée dans les pays chauds, aux prises avec des maladies nouvelles, ou face à face avec des affections cosmopolites, mais dont la physionomie propre est défigurée par les influences climatériques? L'utilité d'un ouvrage tel que celui de Patrick Manson sur les Maladies des pays chauds n’a donc pas besoin d'être défendue. D'autre part, les recherches originales que l'on doit à ce médecin sur la filariose, le palu- disme, etc., lui assignent une compétence particulière dans l'étude des maladies exotiques. Les grandes questions : malaria, lèpre, dysenterie, peste, filariose, y sont exposées avec un développement suffisant pour en bien faire connaître la séméiologie, l'étiologie, le diagnostic, le traitement et la prophylaxie. Il ne faut pas oublier — l’auteur le dit, lui-même, dans sa pré- face — que cet ouvrage n'est qu'un manuel : on ne saurait donc lui reprocher sa concision voulue. C'est surtout dans les climats tropicaux et pré-tro- picaux que nombre de maladies infectieuses sont com- munes à l'homme et à certaines espèces animales. Dès lors, le médecin qui veut devenir un praticien doit se doubler d’un naturaliste, avant de chercher à pénétrer l'étiologie de ces affections. Or, ces notions si néces- saires de Parasitologie, Manson les fournit avec une admirable précision. L'évolution de la coccidie mala- rique, son cycle extrahumain, ses caractères morpho- logiques dans le sang de l’homme, sont successivement exposés. Manson parait admettre la classification de l'hématozoaire de Laveran en parasites de la tierce, de la quarte et des fièvres malignes, classification qui à été proposée par Golgi et les médecins italiens. Mais il fait remarquer que cette classification ne peut être con- sidérée comme définitive. Je relève une autre remarque intéressante, relative à l'étiologie du paludisme. D'après Manson, il est fort possible qu'il existe, pour l'hématozoaire, une phase extrahumaine autre que la phase anophélienne. Ce savant fait remarquer que, si l'homme est nécessaire pour l'accomplissement du cycle évolutif complet du parasite, il devient difficile d’expli- quer l'abondance excessive de ce dernier dans les pays vierges et inhabités par l'homme. Sans doute, ce para site est capable de vivre dans plusieurs variétés de Vertébrés, à l'exemple de l'Halteridium et du Proteo- soma des oiseaux, ou bien de passer de moustique à moustique, sans autre intermédiaire. Voilà une réserve qui méritait d'être signalée en ce moment où la théorie de l'infection palustre par les moustiques est à peu près la seule admise et où, suivant Grassi, le moustique lui-même ne peut s'infecter qu'en ingérant du sang de paludéen. Tous les chapitres de ce remarquable ouvrage sont, du reste, étudiés avec la même hauteur de jugement, et, si l’on s'apercoit que Manson a, plus d'une fois, laissé de côté les travaux étrangers, principalement ceux qui viennent de chez nous, on ne peut, cependant, reprocher à cet auteur d'avoir marqué son livre d'une empreinte trop personnelle, à une époque où les publi- cations témoignent assez souvent d’un défaut opposé. C’est sur l'édition de 1900 que MM. Guibaud et Bren- gues ont traduit en francais l'ouvrage de M. Manson. C'est dire que l'exposé de certaines questions, telles que celles des trypanosomiases, des piroplasmoses humaines, de la dysenterie bacillaire, n'est pas au courant des découvertes parues depuis quatre ans. Il est donc désirable qu'une édition nouvelle vienne men- tionner les notions apportées à l'étiologie de certaines maladies des pays chauds, pendant ces dernières années. Dr H. VINCENT, Professeur à l'Ecole d'application du Val-de-Grâce: à lus DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 27 Juin 1904. M. L. Maquenne est élu membre de la Section d'Eco- nomie rurale, en remplacement de M. Duclaux, décédé. — M. Waldeyer est élu Correspondant de la Section d'Anatomie et Zoologie. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Raffy démontre la proposition suivante : Si l’on considère toutes les sphères qui passent par un point fixe et qu'on prenne leurs inverses par rapport à un point fixe situé à dis- tance nulle du premier, toutes ces sphères inverses ont leurs centres sur un plan isotrope qui ne contient pas le pôle d'inversion. — M. J. Clairin présente ses recherches sur une classe d'équations aux dérivées par- tielles du second ordre. — M. E. Jouguet montre que, dans les gaz, l'onde du choc doit se propager en s’alté- rant, c’est-à-dire avec une vitesse variable, résultat conforme aux expériences de M. Vieille, — MM. H. Hervé et H. de La Vaulx ont construit une nouvelle hélice aérienne, formée de quatre ailes en aluminium poli à bords tranchants, réunies en deux paires au moyen d’entretoises ; ils ont obtenu de bons résultats. — M. G. Bigourdan à fail des essais de transmission de l'heure à distance au moyen de la télégraphie élec- trique sans fil, et a obtenu de bons résultats prélimi- naires dans un rayon de 2 kilomètres, 29 SCIENCES PHYSIQUES.— M. R. Blondlot décrit quelques perfectionnements apportés au procédé photographi- que pour enregistrer l’action des rayons N sur une petite étincelle électrique : concentration des rayons avec une lentille d'aluminium, développement en bain lent, etc. — Le même auteur, par l’action des forces magnétique et électrique sur l'émission pesante, à reconnu qu'elle est composée de trois sortes de parti- cules : 4° non électrisées; 2° électrisées positivement; 3° électrisées négativement. — M.E. Bouty à constaté que la cohésion diélectrique de là vapeur de mercure est remarquablement petite (les 0,85 de celle de Pair). — MM. A. Cotton et H. Mouton montrent que les phé- nomènes de transport dans le courant des particules ultra-microscopiques s'expliquent par la superposition du déplacement des particules dans le liquide et du mouvement du liquide lui-même au voisinage des parois solides (osmose électrique). — M. R.-W. Wood décrit un nouveau procédé de photographie trichrome. — M. L. Teisserenc de Bort signale les principaux résultats des observations de la Station franco-scandi- nave de sondages aériens à Hald (Danemark). — MM. H. Moissan et O Farrelley ont reconnu que les lois qui président au fractionnement de deux liquides par dis- tillation s'appliquent à l'ébullition d'un mélange de métaux à très haute température. — M. M. Berthelot montre, par de nombreuses expériences, l'extrême aptitude du cyanogène à former des produits polymé- risés et condensés, dont la progression est indélinie, et qui résultent de son association avec les corps répu- tés propres à le dissoudre, tels que l’eau, l'alcool, le cyanure de potassium. — M. D. Gernez a éludié les deux variétés rouge et jaune d'iodure thalleux; la tem- pérature de transformation est voisine de 168°. Mais les deux variétés peuvent présenter des retards à la trans- formation. — M. V. Thomas, en décomposant le nitrate thalleux vers 450, a obtenu de l’anhydride azoteux et du sesquioxyde cristallisé, sans trace de nitrite. Le nitrite se décompose de mème en anhydride azoteux et protoxyde de thallium. — M. V. Auger, en réduisant le méthylarsinate de sodium par l'hypophosphite et l'acide sulfurique, à obtenu le méthylarsenie (CH*As}t, huile jaune päle très dense, très soluble dans le ben- zène. L'iodure de méthyle s'y combine en donnant CH*ASE et (CH*)#AsT. — M. C. Marie a obtenu toute une série nouvelle d'acides phosphorés en faisant réa- gir soit les aldéhydes sur les acides monocétoniques RC(OH) R'PO*H?, soit inversement les acétones sur les acides monoaldéhydes R.CH(OH).PO*H?; ce sont des acides dialdéhydiques mixtes R.CH (0H).R'CH (0H) PO?H. — M. M. Descudé, en faisant réagir l’oxyde de méthyle bichloré sur léthylate de sodium, à obtenu léther CHSO.CIP.0.CH%.0CH5, liquide incolore bouillant à 1409. — MM. A. Haller et F. March ont préparé les éthers allyliques du bornéol, du menthol, du f-méthyl- cyclohexanol et du linalool. Ils possèdent tous un pou- voir rotaloire plus élevé que celui des alcools actifs mis en expérience,.— MM. L. Bouveault et Gour- mand ont réalisé la synthèse totale du rhodinol. L'acide géranique synthétique est réduit par Na et l'alcool et donne l'acide rhodinique, dont l’éther éthylique, réduit à nouveau par Na et l'alcool, fournit le rhodinol racé- mique., — M. R. Delange a préparé deux homologues de la pyrocathéchine : léthylpyrocatéchine, Eb. 1570- 160° sous 19 millimètres, et l’isopropylpyrocatéchine, Eb. 2709-2720, — M. J. Schmidlin a obtenu à basse tem- pérature des composés des sels normaux triacides des rosanilinesavec # mol. d'AZH®, qu'ilconsidère comme des chlorhydrates de tétramino-cyclohexanerosanilines, — M.G.. André poursuit l'étude de la variation des matières minérales pendant la maturation des graines.—MM.Eug. Charabot et Al. Hébert ont constaté que le mélange des acides organiques des diverses parties de la plante est d'autant plus riche en produits à faibles poids molé- culaires que l’organe considéré fixe plus énergique- ment l'oxygène dans ses tissus. — M. P. Petit montre que le pouvoir diastasique d’un malt peut être augmenté en amenant l'acidité de l’infusion au point qui répond à la coagulation par la chaleur, ce qui peut être obtenu le plus souvent par une addition de soude. — MM. Ch. Porcher et Ch. Hervieux ont étudié le chromogène urinaire dû aux injections sous-cutanées de scatol; il parait identique aux matières colorantes connues sous le nom d'uroroséine, de purpurine, d'urohématine, etc. — M. N. C. Paulesco à constaté que les doses limites minima des sels des métaux alcalins qui, agissant sur une même quantité de levure de bière, produisent un mème effet (empêchement de la production de CO?) sont proportionnelles aux poids moléculaires. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau montre que l’accroissement de la dépense consacrée au travail intérieur des muscles suit très sensiblement laccrois- sement de la charge. — M. Ch. Henry pense qu'il n'est pas possible de tirer actuellement des recherches de M. Chauveau aucune relation entre le travail statique du musele et l'énergie mise en jeu. — M. Aug. Char- pentier décrit une méthode de résonance pour la déter- mination de la fréquence des oscillations nerveuses. Surles nerfssains, ila trouvé deschiffres variantentre 800 et 860. — MM. L. Jammes et H. Mandoul montrent que les troubles, d'ailleurs exceptionnels, produits par les Vers intestinaux vulgaires ne proviennent pas de pro- priétés toxiques de ces derniers, mais plutôt d'actions mécaniques (irritationl. — M. C. Viguier signale de nouveaux exemples de développements anormaux sans fécondation qui semblent indépendants des conditions du milieu. — M. L’Eost, commandant de la Décidée, a observé dans la baie d’Along un animal qui répond à la description du serpent de mer. —M. P. Becquerel montre qu'on peut extraire la totalité de l’eau et des 710 ACADÉMIES ET SOCIÈTES SAVANTES gaz de la graine de pois à travers le cotylédon et le tégument. Séance du 4 Juillet 1904. M. Fliche est élu Correspondant dans la Section d'Economie rurale. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Em. Picard présente ses recherches sur certaines équations fonctionnelles et sur une classe de surfaces algébriques qui s’y ratta- chent. — M. H. Lebesgue démontre que toute fonc- tion définie analytiquement est représentable analyti- quement. — M. Em. Martin montre que, si les plans tangents à quatre réseaux conjugués à une congruence se coupent constamment suivant une même droite, le rapport anharmonique des points qui décrivent ces ré- seaux reste constant. — M. W. Stekloff signale une égalité générale commune à toutes les fonctions fonda- mentales. — M. H. Hervé indique les essais qu'il a tentés en vue d'assurer la stabilisation de route des ballons dirigeables. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. R. Blondlot à constaté qu'un grand nombre de métaux qui projettent une émission pesante à l’état ordinaire deviennent inactifs lorsqu'ils sont bien nettoyés. Tous les liquides sont ac- tifs. — M. J. Becquerel a observé une analogie frap- pante entre les actions produites sur une surface phos- phorescente par les rayons N etles rayons £, ainsi que par les rayons N, et les rayons &. — M. E. Solvay montre la possibilité de la coexistence de deux tempé- ratures voisines très différentes que nos instruments de mesure ne peuvent différencier. — M. H. Arc- towski déduit de ses observations que la moyenne an- nuelle de la variabilité interdiurne de la température, dans la région d'hivernage de la Belgica, a été de 393, chiffre remarquablement élevé. — M. L. de Saint- Martin propose une méthode de détermination de pe- tites quantités de CO dans l'air par agitation de cet air avec du sang de chien très frais et examen spectropho- tométrique de ce dernier. — MM. A. Jaquerod et S. Bogdan ont déterminé le poids atomique de l'azote par décomposition du protoxyde d'azote au moyen d'un fil de fer incandescent et mesure du volume d'azote formé, La valeur moyenne des résultats est 14,019 (0—16). — MM. Guinchant et Chrétien ont obtenu, par refroidissement brusque des vapeurs de tri- sulfure d’antimoine, une modification allotropique lilas qui est la forme stable à haute température; sa chaleur de formation est plus faible que celle du sul- fure noir, forme stable à basse température. — M. C. Hugot, en faisant réagir à basse température AzH° sec sur les trihalogénures d’arsenic, a obtenu de l’'amidure darsenie As (AzH?}. Celui-ci fournit par décomposition à chaud limidure As? (AzH}' et l'azolure d'arsenic AsA7. — M. E. Jungfleisch a dédoublé l'acide lactique inactif de fermentation en ses composants actifs par cristallisation fractionnée de ses sels de quinine., — M. J. L. Hamonet à préparé le glycol pentaméthylé- nique OH(CH?)"OH, Eb. 238-2399, à partir du dibromo- pentane par l'intermédiaire de la diacétine ; par l’action de KCAz sur le diiodopentane, il a obtenu, d'autre part, le nitrile pimélique AzC(CH?}CAz, Eb. 175-176 sous 14 millimètres. — M. C. Béis pense que les produits de l’action des dérivés organo-magnésiens sur la phta- limide ne sont pas des iso-indolones, mais des phtali- midines. — M. P. Brenans : Composés iodés obtenus avec la métanitraniline (voir p.713). — M. G. Blane : Nouvelle synthèse de l'acide ax-diméthyladipique (voir p. 668). — M. H. Henriet est amené à supposer que la formaldéhyde de l'air atmosphérique existe en partie sous forme d'une combinaison qui serait peut-être le méthylal. — MM. A. Haller et A. Guyot ont obtenu le dibydrure d’anthracène triphénylé par action du bro- mure de phénylmagnésium sur l'acide triphénylmé- thane-0-carbonique. Le dérivé y#hydroxylé du précé- dent se prépare par action du même bromure sur la diphénylanthrone. — M. F. Garros à préparé une por- celaine d'amiante poreuse qui se prête à diverses ap- plications. — MM. G-.Rivière et G. Bailhache ont cons- taté la présence de l’hydroquinone dans les bourgeons de poirier. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau montre que, si l'étendue des contractions dynamiques et l’am- plitude des mouvements qu'elles déterminent ne subis- sent aucun amoindrissement, la multiplication des mises en train du travail intérieur du muscle est une condition très avantageuse parce qu'elle tend à porter à son maximum utile la longueur du parcours effectué par les charges dans l'unité de temps. — M. A. Lave- ran à constaté que le trypanroth, employé dans les trypanosomiases, est moins actif que l'acide arsénieux ; néanmoins, il pourra rendre des services, associé à ce dernier. — M. F. Marceau a constaté que les fibres à fibrilles spiralées sont plus aptes que les fibres à fibrilles parallèles à produire soit des mouvements ra- pides, soit des mouvements étendus. — M. A. Gruvel élucide quelques points de l'anatomie des Cirrhipèdes. — M. Alph. Labbé à reconnu que le spermatozoïde, soustrait au pouvoir phagocytaire du cytoplasme ovu- laire non mür, au karyotactisme dans le cytoplasme ovulaire mûr, est susceptible de pouvoir subir sur léci- thine sa transformation en noyau spermatique. — M. G. Coutagne signale quelques exemples de poly- chromie polylaxique florale des végétaux spontanés. — M. Aug. Chevalier montre la possibilité de cultiver en grand le coton au Sénégal et au Soudan, dans les zones saharienne et soudanienne, à condition de créer une race de coton bien adaptée au pays. — M. H. Jacob de Cordemoy montre que, chezles Poivriers, comme pour le Vanillier, les racines aériennes sont associées en symbiose avec des mycorhizes, qui en favorisent la végétation. — M. J. Eriksson a observé, dans la rouille jaune du blé et de l'orge, une phase protomycélium, dérivant du mycoplasma et précédant la forme mycé- lienne parfaite. — MM. P. Viala el P. Pacottet onl isolé le champignon qui produit l'anthracnose de la Vigne, le Sphaceloma ampelinum, et l'ont cultivé sur divers milieux; ils en décrivent le développement. — M. Grand Eury expose les raisons qui le portent à ad- mettre que les Al/ethopteris, Nevropteris, Odontopte- ris, Linopteris, ete., ont müri des graines et sant des Cycadinées primitives à frondes de fougères. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 21 Juin 19084. L'Académie procède à l'élection de deux correspon- dants dans la Division de Médecine. MM. Morat (de Lyon) et Tourneux (de Toulouse) sont élus. M. F. Raymond présente un Rapport sur un travail du D' Darier relatif à l’action analgésiante et névrosthé- nique du radium à doses infinitésimales etinoffensives. Le radium, à faible dose, montre surtout une action anesthésiante sur les douleurs liées à des névralgies rebelles, — M. Sevestre présente un Rapport sur un tra- vail de Mn° de Kachpérov-Macaigne : Application de l'hygiène à l'enseignement. — M. Huchard communique un Rapport sur un travail de M. Laussedat relatif à l'action hypertensive où hypotensive des bains carbo= gazeux suivant leurs modes d'emploi. On obtient de l'hypertension en donnant d'emblée ces bains très gazeux et très courts; de l'hypotension en les don- nant toujours à la température de la peau, privés de gaz au débutet progressivement gazeux ensuite. L'action du bain est toujours antitoxique et éliminatrice. — M. Grancher à examiné les enfants des écoles de gar- cons et de filles de la rue de lAmiral-Roussin, à Paris. Sur 438 garcons, 62 (soit 14 °/,) ont été reconnus atteints, à des degrés divers, de lésions tuberculeuses.. ou fortement suspectes ; sur 458 fillettes, 79 (soit 17°/4) ont été reconnues malades. Au moyen d'une subven- tion de la Caisse des Ecoles, les garcons atteints ont recu, à l'école, un repas de suralimentation. Il y aurait lieu de généraliser cette mesure et d'envoyer la plupart des enfants atteints à la campagne. — M. le D' H. Vin- $ Sent v Legs re 1 à ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES cent lit un Mémoire intitulé : Contribution à l'étude du tétanos dit médical ou spontané; influence de la cha- leur. Séance du 28 Juin 1904. M. le Président annonce le décès de M. Mordret, Cor- respondant national. M. Ch. Périer présente un Rapport sur un Mémoire du D' Triboulet, qui désirerait voir établir dans chaque chef-lieu de canton l'outillage nécessaire à la produc- tion des rayons X, afin de faire bénéficier de ce traite- ment les cancéreux indigents du canton. — M. Delorme présente le Rapport sur le concours pour le Prix Larrey. — M. Hallopeau communique un Rapport sur un travail de M. Bissérié relatif à deux cas d'épithélioma de la langue, traités par la radiothérapie el qui paraissent définitivement guéris.— M.Lancereaux signale quatre cas de diabète pancréatique qui, malgré leur diversité, sont tous caractérisés par le fait que les follicules où ilots de Langerhans sont, ou totalement détruits, ou gravement lésés. Il semble y avoir une relation détinie entre ces lésions et la maladie. — M. Vidal à dressé la statistique des enfants tuberculeux hospitalisés au sana- torium Renée Sabran, à Hyères, et a constaté une pro- portion beaucoup plus forte de fillettes que de garcons tuberculeux. — M. Guglielminetti lit une Note sur l'hygiène de la voirie. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 11 Juin 1904. M. J.-E. Abelous montre que les troubles consécu- tifs à la destruction des glandes surrénales sont d’ori- gine musculaire. Les grenouilles dont on a enlevé les glandes surrénales prennent une teinte plus foncée qu'à l’état normal. — M. P. Salmon à provoqué expéri- mentalement chez le singe l'infection syphilitique de la cornée, prouvée par le temps d'incubation et l'examen histologique. I à obtenu également un chancre induré typique de la conjonctive avec adénopathie sous-maxil- laire du même côté. — Ml° A. Drzewina a constaté la non-spécificité des cellules granuleuses du rein de l'Acipenser stur10. — MM. M. Doyonet N. Kareff ont étudié l’action comparée des injections d’atropine, de pilocarpine et d'hyosciamine chez l'animal. — M. Ch.- A. François-Franck a appliqué à l'étude de l'innerva- tion motrice du larynx sa méthode de photographie instantanée associée à l'exploration graphique. Il pré- cise l'effet que les crico-thyroiïdiens exercent sur le car- tilage cricoide. — MM. Le Play et Corpechot montrent que le grand épiploon constitue, pour la cavité abdo- minale, une sorte de balai, une véritable défense motrice. — MM. A. Gilbert et P. Lereboullet ont reconnu que les hémorroïdes sont d'origine hépatique. — M. A. Dobrovici a observé qu'il existe chez les vieillards une proportion plus grande de leucocytes à noyau polymorphe que chez l'adulte. — M. J. Lesage étudie les phénomènes toxiques provoqués par l’inges- tion du naphto! : salivation abondante, larmoiement, éternuements, difficulté de la respiration, etc. — Me Girard-Mangin et M. V. Henri étudient l'aggluti- nation des globules rouges par laricine. —M.C. Phisa- lix montre que l’immunité des vipères et des couleu- vres pour leur propre venin doit être attribuée à la présence, dans le sang, d’une antitoxine libre qui neu- tralise le venin injecté à mesure qu'il pénètre dans la circulation. — M. £. Maurel a reconnu que la diminu- tion du poids du cobaye, sous l'influence du vêtement, ne doit pas être attribuée au tassement de sa toison. — Le même auteur à observé que, depuis la naissance jusqu'à l’âge adulte, nous avons toujours de 5 à # cen- timètres carrés de section thoracique pour { décimètre carré de surface cutanée; la première s'adapte à la seconde. — MM. Aubertin et Beaujard ont constaté que la radiothérapie de la région splénique provoque, dans la leucémie myélogène, une diminution du nom- bre des leucocytes. — MM. Ambard et Beaujard mon- TAL trent que certains lymphagogues ont une action con- centratrice du sang ou hydrémiante des tissus, souvent très intense. — MM. C. Delezenne et E. Pozerski ont reconnu que la sécrétine préexiste sous sa forme défi- nitive dans la muqueuse intestinale et qu'il est néces- saire, pour l'obtenir en solution, d’avoir recours aux agents capables de détruire ou de paralyser la substance empêchante qui passe avec elle dans les liquides de macération, Séance du 18 Juin 1904. M. Al. Werner décrit un nouveau procédé pour exalter la virulence du bacille typhique. — M. J.-E. Abelous à constaté que le suc de pomme de terre ren- ferme une diastase oxydo-réductrice, mais n’agissant que dans certaines conditions. — MM. A. Rodet, La- griffoul et Aly Wahby communiquent de nouvelles recherches confirmant l'existence d'une toxine typhique diffusible. — M. Ed. Retterer montre que les conditions de nutrition locales ou générales suffisent pour changer l'évolution d’une seule et même cellule épithéliale ; sui- vant les circonstances, le revêtement épithélial prend des caractères indifférents, ou bien les cellules évo- luent en éléments cornés où muqueux, ou encore dé- génèrent en masses multi-leucocytaires. — M: Ch. Philoche apporte une nouvelle preuve de la constance de la maltase, et, avec M. V. Henri, montre que l’action retardatrice du glucose est très faible pour la maltase de même que pour l'invertine. — M. P. Lesne est amené à pressentir l'existence d’une seconde génération annuelle de la mouche de l’asperge. — M. P. Abric estime que seule une action chimique du nématoblaste semble pouvoir expliquer le fonctionnement du néma- tocyste chez les Cœlentérés. — M. M. Lœper considère la cellule choroïdienne comme une cellule glandulaire ; son aspect granuleux, les corps muriformes qu'elle contient, la rapprochent même de certaines cellules de l'hypophyse. — M. G. Mioni à étudié les modifications de la pression artérielle chez le lapin à la suite de lin- jection des globules sanguins de différentes espèces animales. — M. J. Lefèvre : Quelques conséquences de l'application de la formule de Chauveau aux êtres vivants. — MM. H. Bierry et A.Mayer, par l'étude des troubles physiologiques comme des lésions histologiques que présentent les chiens ayant recu des injections de sang hépatotoxique, sont amenés à affirmer la spé- cificité de son action. — M. E. Maurel a constaté que le vêtement porté par le cobaye un jour sur deux trouble les phénomènes chimiques de la digestion et augmente la quantité des matières fécales le jour où l'animal est couvert. — MM. Le Play et Corpechot ont préparé un sérum ophtalmotoxique par injections, au lapin ou au cobaye, de macérations d'yeux de cobayes ou de lapins. — M. Malloizel a observé que lingestion de grandes quantités de substances quelconques pro- voque, chez le chien à nerfs gustatifs coupés, une sa- livation relativement abondante et visqueuse, débu- tant avec la mastication, mais surtout intense pendant la déglutition. — M. J. Lesage a reconnu qu'après ingestion de naphtol on retrouve ce corps dans l'urine ; dans les jours qui suivent, il y a grand excès d'urobiline dans l'urine. Le noir animal constitue un excellent contre-poison du naphtol donné par ingestion. — M. P. Thaon à constaté qu'il n'y a pas parallélisme entre les modifications du liquide céphalo-rachidien et les troubles nerveux dans la variole. — M. A. Marie signale quelques propriétés du sérum anti-rabique. — MM. M. Garnier el G. Sabareanu ont observé que, dans la pneumonie, le poids du malade se maintient pendant la fièvre, diminue au moment de la déferves- cence et remonte pendant la convalescence. Ces varia- tions sont en relation avec la rétention de l'eau et des sels. — M. J. Villard a reconnu que la matière colo- rante de la soie verte n'est pas du tout identique à la chlorophylle. — MM. CI. Gautier et J. Villard ont trouvé dans les téguments des Aplysies un pigment vert-jaune se rapprochant de la chlorophylle par cer- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES taines propriétés, mais s’en séparant nettement par l'absence des bandes d'absorption caractéristiques de cette dernière. — M. Bardel à constaté que la pression osmotique animale égale la pression barométrique et varie comme elle. La température d’un animal est celle qu'il faut donner à sa concentration moléculaire pour que sa pression osmotique égale la pression baromé- trique. — M. F. Battelli a observé que le contenu des globules de chien, de chat, de bœuf, de lapin, injecté dans les veines du lapin, n’est pas toxique pour cet animal. Ces globules ne sont pas hémolysés par le sérum de lapin. Le contenu des globules de porc, de mouton, de rat est toxique ; ces globules sont hémolysés par le sérum de lapin. Séance du 25 Juin 1904. M. A. Giard montre que les migrations de Harengs du sud de la Mer du Nord dans le Pas-de-Calais ont pour conséquence un mélange périodique de la race de la Mer du Nord avec celle du Pas-de-Calais, empêchant une différenciation plus grande de ces deux races. — Le même auteur poursuit l'étude de la faunule caracté- ristique des sables à diatomées d'Ambleteuse. Il décrit trois Gastrotriches nouveaux : le Chaetonotus marrnus, le Zelinkia plana et le Philosyrtis monotoides. — MM. Ch. Achard et G. Paisseau ont observé que la rétention de l'urée dans les tissus de l'organisme peut entraîner une rétention secondaire des chlorures. — M. J. Renaut à reconnu que les cellules fixes des tendons de la queue du jeune Rat sont toutes des cel- lules conjonctives rhagiocrines. — M. A. Laveran à examiné les Culicides recueillis dans les régions du Tehad et du Chari par le Dr Decorse. Les Anopheles abondent; toutefois, au Fort Archambaut, l'espèce pré- dominante est une Mansonia. — Le même auteur a déterminé également des lots de Culicides provenant du Haut-Tonkin. Les Anopheles (A. sinensis et A. Vin- centi) ÿ sont très fréquents. — MM. V. Henri et L. Mal- loizel ont constaté que l'agglutination des bacilles typhiques par l'hydrate ferrique colloïdal se comporte d’une façon très analogue à l'agglutination des globules rouges. — MM. J. Nicolas et Dumoulin ont observé que la splénectomie provoque, chez le chien, une aug- mentation du nombre des globules blancs persistant assez longtemps après l'opération. Il y a diminution prolongée des lymphocytes. — M. Ed. Retterer a reconnu qu'un seul décollement sous-cutané du tégu- ment externe détermine une infiltration sanguine et la régression des éléments conjonctifs avoisinant la solu- tion de continuité. — M. P. Carnot a constaté que l'épithélium vésical est susceptible de se greffer. Ces greffes déterminent, probablement par suite de l’impos- sibilité de l'épithélium muqueux de s'accoler à lui- même, la formation de cavités kystiques, entièrement tapissées d'épithélium vésical. — MM. P. Carnot et P. Amet montrent que l'action de la pilocarpine sur les échanges salins intestinaux est l'inverse de celle des anesthésiques, ceux-ci diminuant la rapidité de l'absorp- tion aqueuse et saline, alors que la pilocarpine aug- mente la vitesse d'absorption aqueuse. — M. Aug. Pettit signale un cas de leucoplasie vaginale chez une guenon mone. — MM. Aug. Pettit et F. Geay ont étudié la glande à musc du Caïman; c’est une invagi- nation de l’ectoderme dont les caractères essentiels persistent encore; sa sécrétion consiste en l’'accumula- üon de cellules ayant subi une métamorphose grais- seuse spéciale. — M. A. Trillat : Présence de la for- maldéhyde dans l'air. — M. P. Marchal a reconnu que l'intestin moyen se forme, chez les Platygasters, par une grande invagination dorsale prenant naissance au niveau du hile. — M. G. Froin a observé dans les épanchements sanguins des séreuses : une coloration jaune clair due à la lutéine ou sérochrome, une colo- ration rosée due à l’hémoglobine et une coloration Jaune foncé due aux pigments biliaires. Ces trois réac- tions pigmentaires se superposent assez étroitement à l’afflux de trois sortes d'éléments leucocytaires : lym- phocytes, neutrophiles et éosinophiles. — MM. A. Chassevant et M. Garnier ont constaté que la toxicité des crésols est supérieure à celle du toluène et des xylènes. L’o-crésol est moins toxique que le phénol; le m- et le p-crésol sont plus toxiques. M. M. Nicloux est élu membre titulaire de la Société. RÉUNION BIOLOGIQUE DE BORDEAUX Séance du T Juin 19084. M. J. Chaine estime qu'il existe une étroite parenté entre les muscles cératoglosse et hyoglosse droits chez les Giseaux. — M. Ch. Pérez met en évidence la diges- tion intra-cellulaire des sarcolytes dans l'hystolyse nymphale des Muscides. RÉUNION BIOLOGIQUE DE MARSEILLE Séance du 13 Juin 1904. M. Aug. Charpentier signale la persistance d’émis- sion des rayons N après la mort chez la grenouille des- séchée. — Le même auteur à constaté que les sensa- tions de chaud ou de froid sont augmentées par l’ap- proche d'une source de rayons N et diminuées par son éloignement. Les sources de rayons N, donnent lieu à des phénomènes contraires. — M. L. Cuénot cherche à expliquer le fait paradoxal que le croisement des sou- ris albinos ordinaires avec des souris valseuses, toutes deux à yeux rouges, donne toujours des souris à yeux noirs. — M. L. Mercier a reconnu, chez le jeune chat, que la présence de taches blanches dans la fourrure est en rapport avec un grand développement du tissu adipeux. — M. Th. Guilloz à obtenu le relief stéréos- copique par la vision consécutive d'images monocu- laires. — Le même auteur signale une réaction élec- trique des nerfs et des muscles restés longtemps inac- üifs, caractérisée par ce fait qu'il faut un courant très notablement plus fort pour provoquer la première con- traction que les consécutives. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 17 Juin 1904. M. Fortin présente ses recherches sur la déviation électrostatique des rayons magnétocathodiques. Quand on place un tube de Crookes en activité dans un champ magnétique progressivement croissant, on voit d’abord les rayons cathodiques s'enrouler en hélice autour du champ magnétique, suivant les lois connues; puis, brusquement, pour une certaine valeur du champ, on voit apparaître des rayons qui dessinent le tube de force magnétique issu de la cathode. M. Villard à montré que ces rayons, auxquels il a donné le nom de rayons magnétocathodiques, ne paraissent pas trans- porter de charges électriques, et que, dans un champ électrostatique perpendiculaire à leur direction, ils sont déviés perpendiculairement à ce champ élec- trique. L'interprétation de ces faits est difficile; mais, quelle que soit la nature vraie des rayons magnétoca- thodiques, on peut montrer qu'ils se comportent vis-à- vis du champ électrostatique comme le feraient des rayons cathodiques ordinaires enroulés autour des lignes de force magnétique en hélice de rayon très petit. La formule à laquelle arrive l’auteur montre que la rotation est proportionnelle au champ électrosta- tique, en raison inverse du champ magnétique, et qu'elle change de sens en même temps que chacun d'eux. Tout cela est d'accord avec les observations de M. Villard sur les rayons magnétocathodiques. Le sens de la déviation est aussi conforme à la règle trouvée expérimentalement. Enfin, la concordance subsiste éga- lement pour l'ordre de grandeur des phénomènes. Il faut remarquer que, dans cet ordre d'idées, il n’y aurait pas identité complète entre la déviation magné- tique d’un rayon cathodique ordinaire et la déviation électrostatique d'un rayon magnétocathodique. En effet, un rayon cathodique rectiligne, placé dans un ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 713 champ magnétique uniforme perpendiculaire à sa direc- tion, se recourbe en arc de cercle. Au contraire, un rayon cathodique spiral, placé dans un champ électro- statique perpendiculaire à sa direction, ne subirait qu'une espèce de réfraction à son entrée dans le champ électrique, accompagnée d'une petite translation paral- lèle au champ, et il continuerait ensuite à Sy pro- pager en ligne droite. Des considérations analogues peuvent être développées relativement à la formation mème des rayons magnétocathodiques. M. P. Villard reconnait que cette théorie aurait le grand avantage d'expliquer sans hypothèse nouvelle la déviation élec- trique des rayons magnétocathodiques et leur grande analogie avec les rayons cathodiques. — M. Berlemont présente, au nom de M. A. Turpain, un nouveau (is- positif d'appareil pour nettoyer le mercure. L'appareil est construit de telle facon que le mercure traverse en gouttelettes fines un premier récipient contenant de l'acide azotique dilué et de l’azotate de mercure, où il se trouve purgé de ses impuretés; ensuite, il passe dans un second récipient qui contient de l'acide sulfu- rique pur, où il est déshydraté, puis enfin dans un troisième récipient qui contient de la potasse pour neutraliser l'acide. Le mercure, tombant ensuite dans un flacon inférieur, est rappelé au sommet de l’appa- reil au moyen d’un remontage automatique, fonction- nant au moyen de la trompe à eau, et repasse à nou- veau dans les trois récipients. Au bout d'un certain temps de cette manœuvre automatique, le mercure est suffisamment propre el sec pour pouvoir être em- ployé à différents usages en Physique. L'appareil est facilement démontable pour que le nettoyage puisse se faire aisément. — M. Cotton présente, au nom de M. Ch. Maurain, les résultats d'expériences sur l'étude et la comparaison des procédés de réduction de l'hysté- résis magnétique. Les courbes d’aimantation obtenues à champ magnétisant croissant ou décroissant sont différentes et forment la boucle d'hystérésis bien connue. En superposant à l’action du champ magnéti- sant une action auxiliaire, on peut réduire et même supprimer complètement l'hystérésis, c'est-à-dire obte- nir une courbe d’aimantation réversible, la même à champ croissant ou décroissant. M. Maurain s’est pro- posé de chercher si plusieurs procédés de réduction de l'hystérésis, appliqués au mème noyau magnétique dans les mêmes conditions, donnent la mème courbe d'aimantation; si l'expérience avait répondu affirma- tivement, on aurait obtenu ainsi une courbe normale d’aimantation définissant l'intensité d'aimantation comme fonction du champ magnétisant. 11 a commencé par étudier les conditions où réussit l'application des différents procédés suivants : 1° Procédés où l’action auxiliaire est électromagnétique : À, Champ alternatif de même direction que le champ magnétisant, et de fréquence ordinaire (70 à 80); B, Courant alternatif parcourant le fil étudié, c’est-à-dire champ magnétique transversal, de fréquence ordinaire; C, champ oscillant, de fréquence 10% à 107; D, courant oscillatoire, du même ordre de fréquence, parcourant le fil. Toutes ces actions électromagnétiques doivent être mises en jeu à intensité décroissante après chaque variation du champ magnétisant; on doit d'abord leur donner une amplitude dépendant de la nature du noyau magné- tique, puis faire décroitre cette amplitude jusqu’à 0, pour que la seule action qui s'exerce à la fin soit celle du champ magnétisant actuel. A et B peuvent s'appli- quer à des échantillons de fer ou d'acier (non trempé) assez épais, la localisation superficielle du champ ou du courant alternatif étant peu prononcée à cette fré- quence; Cet D sont plus énergiques et réussissent mème avec l'acier trempé, mais ne peuvent s’appli- quer qu'à des échantillons très minces, à cause de la localisation superficielle, intense à ces fréquences. 2 Actions mécaniques. On n'a pu obtenir la réduction à peu près complète de l'hystérésis, par des chocs, que pour deux tiges de fer doux assez épaisses. En appliquant alors successivement ces divers procédés un aux mêmes échantillons, on obtient des courbes réver- sibles qui ont la même allure, c'est-à-dire qui montent rapidement à partir de l'origine et ne présentent pas de point d'inflexion, mais qui sont nettement différentes; elles se placent dans le même ordre pour tous les échantillons étudiés : CG donne la courbe la plus élevée; puis D, un peu au-dessous de GC; puis B et enfin A. Quant aux courbes correspondant aux actions méca- niques, elles n’ont pu être comparées qu'aux courbes A etB, les procédés C et D ne s'appliquant pas aux tiges correspondantes à cause de leur épaisseur; elles sont, pour les deux tiges étudiées, confondues maté- riellement avec les courbes A, les courbes B étant d'ail- leurs plus élevées. Le fait que les courbes d’aimantation réversible obtenues par divers procédés sont diffé- rentes enlève l'espoir de définir ainsi expérimentale- ment une courbe normale d'aimantation et montre la complexité des phénomènes rassemblés sous le nom de phénomènes d'hystérésis magnétique.—Au sujet des tra- vaux récents faits sur la mesure des longueurs d'ondes, M. A. Pérot indique combien la notion de longueur d'onde devient complexe lorsqu'il s'agit de raies à com posantes, étant donné que ces composantes semblent varier, tout au moins d'intensité, lorsqu'on modifie la source qui émet les radiations. Il semble, actuellement, que la composante principale conserve une longueur d'onde déterminée, et dès lors que, toutes les fois que l'on devra indiquer des longueurs d'onde avec un nombre de chiffres significatifs un peu élevé, il faille s'adresser à des appareils spectroscopiques capables de séparer ces composantes, ou tout au moins à des appa- reils qui, par le mécanisme interférentiel qu'ils com- prennent, ne permettent la mesure de la longueur d'onde que lorsque les composantes les plus fortes sont réunies à la raie principale. Se basant sur les derniers résultats obtenus par M. Hamy, comparés à ceux que M. Kabry et lui-même avaient obtenus autrefois à Mar- seille, il croit pouvoir dire que la longueur d'onde de la raie du cadmium, donnée il y a quelques années par MM. Michelson et Benoit, retrouvée depuis par M. Chapuis, est une quantité parfaitement déterminée, et qu'il en est de même des raies complexes : que, s’il est vrai que leur constitution est peut-être liée à la source, l'opérateur est maître de les reproduire à son gré, toujours identiques à elles-mèmes, en se replaçant dans des conditions expérimentales identiques. Il con- clut en insistant sur ce dernier point, et en montrant que, si celte condition estobservée, on peut constituer, avec la longueur des radiations lumineuses, des éta- lons métrologiques fixes. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 24 Juin 1904. M. P. Brenans, en faisant réagir le chlorure d'iode sur la métanitraniline, à obtenu à la fois une witra- nilinemonoiodée — 1:6:3,F.160°,5,et deux nitranilines diiodées isomères. Une des nitranilines diiodées Az. CSH?P.Az0?-1:2:4:3 cristallise en tables clinorhom- biques, F. 1250 {corr.). En substituant dans cette base l'H au groupement AzH?, l’auteur à obtenu un »itro- benzène AzO®.CHSE-1:2:6, corps nouveau cristallisant en prismes quadratriques, F. 1142 (corr.). Ce dernier à donné par réduction une auiline diiodée nouvelle AzH?. CHE, cristallisant en aiguilles incolores, F. 1229 {corr.), qui a été transformée en pheénol dirodé 1:2:6 connu. La seconde nitraniline diiodée, déjà obtenue par MM. Michaël et Norton, cristallise en aiguilles Jaunes, F. 449° (corr.). Elle constitue, comme l'avaient pensé ces savants, l’isomère AzZH°.C°H°[.4A70° 1:2:6:3. Cette base a été transformée en i/robenzène diiodé AzO®.C°HS12-1 :2:4, paillettes jaunes, F. 101°; ce dernier a été changé en aniline diiodée 1:2 :4 4 déjà connue. — MM. A. Hollard et Bertiaux ont fait usage des sels complexes pour les séparations électrolytiques de quel- ques métaux, les métaux qui doivent rester dans le bain étant engagés dans des ions complexes. Ils ont ainsi effectué la séparation du cuivre et de l’arsenic, ce dernier étant maintenu à l’état d'ions AsO$, Ils ont également effectué la séparation du nickel et du zinc, ce dernier étant à l’état d'ions complexes (Az0®)“Zn. — M. A. Hollard rappelle que l'addition de cyanure de potassium à la solution dans le sulfhydrate de sodium de Sb, Sn et Cu à été indiquée par lui, bien avant la Note de M: Arthur Fischer, pour la séparation de Sb. Dans cette séparation, Cu et Sn sont à l'état de sels complexes. — M. M. Nicloux com- munique une Note de MM. Urbain, Saugon et Flixe sur la saponification de l'huile de coprah industrielle par le cytoplasma. — M. V. Auger à obtenu, par réduc- tion de l'acide méthylarsénique au moyen de l'acide hypophosphoreux, une huile jaune, insoluble dans l'eau, le méthylarsenic (CH*As). Ce composé, traité par HCI gazeux ou en solution, fournit une poudre brun noir de méthylarsenic polymérisé. La réduction de l'acide éthylarsenique fournit de même l’éthylarsenic. — M. Hanriot communique une Note de M. Effront sur l'influence activante de certains acides amidés sur l'amylase. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 5 Mai 1904 (suite). Sir Lauder Brunton, Sir J. Fayrer et M. L. Rogers ont cherché à réaliser une méthode pratique pour pré- venir la mort par morsure de serpents. Un procédé de ce genre doit être à la fois d’une application aisée, mème par des personnes ignorantes, et très peu dis- pendieux, car il sera surtout utilisé par des gens très pauvres, comme les habitants de l'Inde. L’instrument proposé consiste en un petit bistouri d'environ un demi-pouce de longueur, fixé sur un manche en bois creux contenant des cristaux de permanganate de potasse. Toute personne mordue par un serpent prend une bande de toile qu’elle enroule en serrant fortement au-dessus de la blessure. Puis, au moyen du bistouri, on fait une incision sur la morsure de facon à trans- former la piqûre faite par la dent du serpent en une petite plaie, Dans celle-ci, on introduit les cristaux de permanganate de potasse, mouillés de salive si c'est nécessaire. C’est Fayrer qui, en 1869, a le premier pro- posé le permanganate comme antidote du venin des serpents. W. Blyth, puis Brunton ont montré que c'est un antidote chimique complet du venin de cobra 2n vitro. Rogers, en appliquant le procédé ci-dessus au lapin et au chat, a trouvé que cinq animaux sur six survivent à l'injection de venin de cobra ou de Daboïa, Les résultats obtenus cinq minutes après l'injection du poison sont aussi satisfaisants que ceux qu'on obtient une demi-minute après. L'application de ce procédé va être tentée sur une grande échelle aux Indes. Séance du 19 Mai 190%. M. W. H. Young: Sur la théorie générale de l’inté- gration. — M. E. Rutherford : La succession des chan- gements dans les corps radio-actifs (Bakerian Lec- ture). L'auteur donne les courbes de décroissance de l’activité induite par le radium et le thorium, à la fois pour des expositions courtes et longues aux émana- tions, et il montre que la loi de variation de l’activité avec le temps peut être complètement expliquée en supposant que l’émanation X du thorium et du radium est complexe et subit une série de changements succes- sifs. L'auteur donne la théorie mathématique de ces changements successifs et compare les courbes théo- riques et expérimentales obtenues pour la variation de l'activité induite en fonction du temps. Dans le cas du thorium, deux changements se produisent dans l'éma- nation X. Le premier a lieu sans rayonnement, c'est-à- dire que la transformation n'est pas accompagnée d'une apparition de rayons «, $ ou y; le second donne naissance à ces trois sortes de rayons. La diminution d'activité de l’émanation X du radium dépend beau- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES coup de la sorte de rayons employée aux mesures. Les courbes obtenues avec les rayons 6 sont presque iden- tiques à celles que donnent les rayons y, ce qui montre que ces deux sortes de rayons apparaissent toujours ensemble et dans la même proportion. Les courbes compliquées de décroissance obtenues avec les divers types de rayons et pour diverses durées d'exposition s'expliquent complètement par l'hypothèse qu'il y à trois changements successifs rapides dans la matière déposée par l'émanation : 1° un changement rapide donnant seulement naissance à des rayons «&, dans lequel la moitié de la matière est transformée en trois minutes environ; 2 un changement « sans rayonne- ment », dans lequel la moitié de la matière est trans- formée en vingt et une minutes; 3° un changement donnant naissance à des rayons &, 6 et y à la fois, et dans lequel la moitié de la matière est transformée en vingt-huit minutes. Après que ces trois changements ont eu lieu dans l’'émanation X, il reste une substance qui ne perd son activité que très lentement. Cette matière active, dissoute dans un acide, émet des rayons & et $, ces derniers en beaucoup plus grande quantité; elle est complexe, car la partie qui émet les rayons à peut être précipitée en plaçant une plaque de bismuth dans la solution; la matière déposée sur le bismuth ressemble beaucoup au constituant actif du radio-tellure de Marckwald. — Sir W. Ramsay et M.J.-N. Collie : Le spectre de l’émanation du radium *, — MM. D. Mac Intosh, E.-H. Archibald et B.-D. Steele ont étudié les proprietés des hydrures de phosphore, de soutre et d'halogènes liquéfiés comme solvants con- ducteurs. Voici quelques résultats des mesures des auteurs : HCI liquide, Eb.—82°,9; HBr, F. — 86°; Eb. — 680,7; HI, F. —50°,8; Eb. — 350,7; H?S, Eb. —602;1; H°P, Eb. —86°,2. Densités au point d’ébullition : HCI, 1,195; HBr, 2,157; HI, 2,799; H°S, 0,964; HSP, 0,744. Les auteurs ont également déterminé l'énergie super- ficielle moléculaire, la viscosité et son coefficient de température. Les sels organiques d'ammonium sont très solubles dans ces hydrures liquides et forment des solutions conductrices. HCI et HBr se dissolvent dans H°S liquide, mais ces solutions ne sont pas conduc- trices. Dans aucun cas, on n'a vu de sels métalliques se dissoudre dans les hydrures liquides. Beaucoup de substances organiques sont solubles : sels d’amines, alcaloïdes, alcools, éthers, cétones, phénols. La con- ductivité moléculaire augmente énormément avec la concentration; dans la majorité des cas, elle augmente aussi avec la température.— M. le Comte de Berkeley : Sur les solutions saturées. l’objet des recherches en- treprises par l’auteur est la détermination expérimen- tale des constantes physiques des solutions concen- trées, qui sont nécessaires pour la tentative d'application des équations de la loi des gaz. On a choisi des solu- tions saturées parce que probablement leur dissocia- tion est relativement minimum. Cette partie du travail traite des densités et des solubilités des chlorures, des sulfates et nitrates de sodium, de potassium, de rubi- dium, de cæsium et de thallium, et aussi de leurs aluns respectifs, excepté celui du sodium. Les densités ont été déterminées au moyen d'un petit pyknomètre en forme de pipette, d'environ 5 cc. de capacité. On remplit l'instrument avec la solution saturée, on la pèse, et, d’après la capacité connue du pyknomètre et le poids de la solution qu'il contient, on calcule la den- sité. On à obtenu la solubilité en lavant le contenu du pyknomètre et en le faisant évaporer jusqu'à siccité, le poids du sel restant donnant la solubilité. Les densités et les solubilités ont été déterminées de deux façons. Dans l'une, la solution saturée, qui était en contact avec un excès de sel et continuellement remuée, a été refroidie jusqu'à la température d'observation, puis la densité et la solubilité ont été déterminées. Dans 1. Voir à ce sujet l'article de Sir W. Ramsay dans la Revue du 30 juin 1904. DOTE 7 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1. = Sn = l'autre, on a élevé à la température d'observation une solution non saturée continuellement remuée et en contact avec un excès de sel (dans les deux cas, la solution est conservée à la température d'observation au moyen d'un thermostat), et la densité à été déter- minée à des intervalles de douze heures environ Jus- qu'à ce qu'elle restât constante. L'auteur a comparé cette densité constante et la solubilité qui en dérive avec la densité et la solubilité obtenues par la première méthode, et il a considéré les moyennes comme étant les vraies densité et solubilité de la solution saturée. Les observations ont été faites de cette facon à des intervalles de 15° entre 0° C. et 90° C. L'auteur à aussi déterminé les constantes, au point d'ébullition des solutions saturées, dans un appareil dans lequel on faisait bouillonner vigoureusement la vapeur à travers la solution, avec excès de sel, jusqu'à ce que la tempé- rature devint constante, cette température constante étant supposée être le point d’ébullition. On n’a point déterminé d'une facon précise le point d'ébullition même, ayant trouvé qu'aucune correction pour la colonne émergente ne peut être appliquée d'une ma- nière satisfaisante; on a cependant enregistré les pres- sions sous lesquelles bouillent les solutions saturées. Les résultats sont donnés sous forme de tables à la fin du Mémoire. Séance du 2 Juin 19084. M. Harold A. Wilson : Sur l'eflet électrique de ro- tation d'un diélectrique dans un champ magnétique. Voici ce que l’on peut conclure des expériences entre- prises par l’auteur : 4° Un déplacement électrique ra- dial est produit dans un diélectrique, tel que l’ébonite, lorsqu'il est mis en rotation dans un champ électrique parallèle à l'axe de révolution; 2% la direction du dé- placement est la même que celle produite dans un conducteur; 3° le déplacement est proportionnel au champ magnétique et à la vitesse de révolution; 4° la valeur du déplacement s'accorde avec celle calculée d'après la supposition que la f. e. m. induite dans le diélectrique est égale à celle qui est induite dans un conducteur multiphiée par 1 — K—". Les résultats obte- nus s'accordent done complètement avec les théories de Lorentz et Larmor, et ils peuvent être considérés comme une confirmation de ces théories. — M. Maxwell Garnett : Couleurs dans les verres métalliques et les pellicules métalliques. La première partie du Mé- moire est consacrée aux verres colorés. Le phénomène que l’auteur essaie d'expliquer a été observé par Sie- dentopf et Zsigmondy. Il prouve que tout milieu formé de sphères métalliques englobées dans une substance non absorbante, de telle sorte que la distance moyenne entre deux sphères adjacentes soit moindre qu'une longueur d'onde lumineuse, a une couleur parfaite- ment définie, dépendant seulement des constantes op- tiques du métal qui compose les sphères, de l'indice de réfraction de la substance dans laquelle elles sont en- globées, et de la quantité de métal présent, mais non de la dimension des sphères ou de la distance qui les sépare. L'auteur montre que les particules observées par Siedentopf et Zsigmondy dans les verres d’or sont Sphériques lorsque leurs dimensions sont moindres que 10 centimètres cubes. La présence des sphères métalliques explique la couleur rouge des verres rubis d'or et de cuivre et la couleur jaune des verres d'ar- gent ; elles donneraient une couleur bleue violette au verre de potassium-sodium (le potassium-sodium étant un amalgame dont les constantes optiques ont été dé- terminées par Drude). L'auteur décrit des expériences qui prouvent que ces couleurs caractéristiques peuvent être produites dans un verre métallique incolore con- tenant le métal en solution ou en combinaison (l'état de la fabrication des verres rubis d’or ou de cuivre avant la seconde chauffe), par la radiation 6 du radium. Les propriétés calculées du milieu contenant beaucoup de sphères métalliques pour une certaine longueur d'onde lumineuse expliquent les changements de cou- leur, l'augmentation initiale dans l'absorption et la transformation finale aboutissant à une transparence presque complète observée par M. G.T. Beilby pendant le recuit des pellicules d'or et d'argent. L'auteur explique les changements de couleur lors de la chauffe observés par le Professeur R. W. Wood, sur les pelli- cules de potassium et de sodium à l’intérieur de tubes de verre dans lesquels on a fait le vide. Les argents allotropiques obtenus par Carey Lea sont d’autres exemples de ce type de milieu. — Le Comte de Berke- ley et M. E. G. J. Hartley : Méthode pour mesurer directement les hautes pressions osmotiques. Voici la méthode des auteurs pour déterminer les hautes pressions osmotiques : Ils prennent un cylindre de por- celaine poreuse, verni seulement aux extrémités, et re- couvert sur sa face extérieure par une membrane de ferrocyanure de cuivre. La solution entoure le cylindre, et l'intérieur, qui est réuni à un tube de verre capil- laire gradué, est rempli d’eau. On obtient la pression sur la solution au moyen d’un plongeur qui agit dans un cylindre d'acier et qui est mis en action au moyen d'un levier et de poids. Aussi longtemps que cette pression est inférieure à la pression osmotique de la solution, l’eau de l'intérieur du cylindre passe à travers la membrane dans la solution, et par conséquent le ni- veau de l'eau dans le tube capillaire s'abaisse. Lors- qu'on augmente graduellement la pression sur la solu- tion, la hauteur dont le niveau s’abaisse diminue gra- duellement, et il en est ainsi jusqu'à ce que la pression osmotique de la solution soit atteinte; alors le niveau dans le tube capillaire est stationnaire. Une nouvelle augmentation de pression sur la solution produira une élévation du niveau. La variation du niveau dans le tube capillaire est une fonction de la différence entre la pression osmotique et la pression sur la solution, de sorte qu'en observant les changements de niveau pro- venant des changements correspondants dans la pres- sion, on peut déduire le point auquel cette dernière est égale à la pression osmotique. Les anteurs donnent dans le Mémoire les résultats de quelques expériences faites avec du sucre de canne dissous jusqu'à une solu- tion ayant une pression osmotique de #5 atmosphères. Les membranes semi-perméables sont préparées en partie d’après la méthode de Pfeffer et en partie d'après une modification de la méthode électroly- tique de Morse. Par ce moyen, on à obtenu une mem- brane qui peut résister à une pression de 120 atmo- sphères. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 2% Juin 1904. MM. A. E. Garrett et R. S. Willows étudient les rapports de la dissociation chimique et de la conduc- tibilité électrique. Beattie a montré qu'un mélange de sel et d’iode, placé sur une plaque de zinc et chauffé, devient conducteur, quoique les deux corps séparément ne le soient pas. Les auteurs montrent que le phéno- mène est dû à la formation d'iodure de zinc. Ils étu- dient la conductibilité produite par le chauffage de divers sels, dans des conditions variables de température et de champ électrique; dans presque chaque cas, on trouve un grand excès d'électricité positive. — M. W. M. Thornton étudie la magnétisation du fer en grande masse. Après avoir donné une méthode de mesure des crandes quantités de magnétisme au moyen d'une bobine exploratrice, l'auteur examine les courbes d’'élé- vation des courants magnétisants pour un noyau solide ou lamellé et l'influence de la réaction des courants du noyau ou du changement de perméabilité pendant la magnétisation. Au moyen de deux de ces courbes, dans l’une desquelles le courant est renversé, on trouve des expressions indiquant l'induction totale dans le noyau et son rapport au magnétisme résiduel. Enfin, l'auteur explique ta soudaine inclinaison de la courbe qu'on observe seulement avec les gros noyaux. 716 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES LA Ce SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Seance du 15 Juin 1904. M. A.-D. Hall communique le résultat de ses ana- lyses mécaniques de sols ayant subi un traitement pré- liminaire à l'acide dilué, puis à l’'ammoniaque. Les sols bruts donnent rarement autant de la fraction la plus fine (fraction argileuse) que les mêmes sols lavés préa- lablement à l'acide. D'autre part, les sols qui ont recu pendant longtemps du nitrate de soude comme engrais renferment moins de particules fines à la surface. — M. Al. Scott a étudié la décomposition de divers oxa- lates par la chaleur; elle parait être représentée par les équations suivantes : CaC?0{ = CaCO* + CO ; TNa°C?0 —7TNa?CO0* + 3C0 + 2C0*+ 2C; 8BaC°0'— 8BaCO* + 6C0 —+ CO? + C; MgC*0 — Mg0O + CO + CO. — Le même auteur, en chauffant le soufre à 180° avec l’iodure de méthyle, a obtenu le di-iodure d'rodure de triméthyl- sultine S(CHFLE, F. 38°. Le sélénium donne un com- posé analogue. Le tellure donne un di-iodure de dimé- thyltellure Te{CH°}F, qui, traité à nouveau par CH'I en présence d'hyposultite et de carbonate de soude, four- nit le corps Te(CH°)1; celui-ci peut absorber 2 atomes d'iode en formant un di-iodure fondant à 769,5. — MM. E. C. C. Baly et C. H. Desch ont reconnu que, dans les solutions d’acétylacétone, d'acétoacétate d'éthyle et de leurs sels métalliques, il existe un état d'isomérisme dynamique. La présence d'une bande dans leurs spectres d'absorption est due à cet isomé- risme, ef sa persistance est une mesure du nombre de molécules en état de vibration. — M. J. N. Collie, en faisant réagir le chlorure d’acétyle dissous dans le chloroforme sur le sel de sodium de la diacétylacétone, a obtenu, suivant les conditions, trois substances iso- mères : 4° la diacétyldiméthylpyrone, F. 124; 20 le diacétylorcinol, F. 95°; 3° une substance, F. 75°, que les alcalis transforment en diméthylorcinol, tandis que HCI la transforme en diacétyldiméthylpyrone. — M. W. P. Bloxam présente ses recherches sur la déter- mination de l'indigotine dans l'indigo. — M. A. W. Crossley, en traitant par la quinoline le dibromotétra- hydrobenzène de Baeyer, à obtenu le A!:3-dihydro- benzène, Eb. 81°,5-820. — M. W. N. Hartley a étudié le spectre d'absorption de la p-nitrosodiméthylaniline ; il s'étend d’une part jusque dans l'infra-rouge, de l'autre très loin dans l’ultra-violet; les rayons transmis se ré- duisent à une bande de jaune et de vert. Il y a, d’après les spectres, une différence de constitution marquée entre l’oxime du p-nitrosophénol et la p-nitrosodimé- thylaniline., — M. Th. S. Patterson a comparé les vo- lumes de solution et les rotations de divers dialkyl et potassium-alkyl-tartrates. Une contraction de 4 centi- mètre cube par molécule-gramme produit le plus grand changement de rotation dans l'éther méthylique et le plus faible dans l’éther -propylique. — MM. J. Dobbie et Ch. K. Tinkler ont constaté que le spectre d'ab- sorption des solutions d'hydrastinine dans l’éther ou le chloroforme est presque identique à celui de l'hydro- hydrastinine, qu'on représente généralement par la formule (1). L'hydrastinine, sous sa forme carbino- lique, aurait donc la formule (I) : ,CH°.Az.CHS C’H:02/ C’H02/ | CH. CH® NC (Gr (1) (IT CH (OH).Az.CH° Les solutions aqueuses ou alcooliques d'hydrasti- nine ont, d'autre part, un spectre analogue à celui des sels de la base; sous l'influence de ces solvants- l'hydrastinine prendrait donc la forme de base ammo, nium par migration de OH du C à l'Az, avec forma- tion du complexe — Az(CH*)0H. — MM. J. Wade et H. Finnemore ont observé que le chlorure d'éthyle, qui se trouve souvent dans le chloroforme, en abaisse le point d’ébullition. L'alcool et l'eau forment avec le chloroforme des mélanges binaires à points d’ébullition caractéristiques. SOCIÉTÉ ANGLAISE DES INDUSTRIES CHIMIQUES SECTION DE LIVERPOOL Séance du 21 Avril 1904. MM. R.-P. Carpenter et S.-E. Linder poursuivent leurs recherches sur les réactions qui se passent dans le four de Claus pour la récupération du soufre contenu dans l'hydrogène sulfuré. La réaction fondamentale HES+Æ0 = H°O0S paraït être accompagnée des réactions accessoires : 3 S4-2H°0 —2H?SES0*; 3H2S<+30 — 2H?S SO: H°0, qui provoquent une certaine perte de sou- fre. Toutefois, la réaction inverse 2H?S-ES0*— 3$-L2H°0 tend, à son tour, à diminuer ces pertes. rs SECTION DE NEWCASTLE Ë Séance du 20 Mai 1904. À M. M.-F. Schaak propose une nouvelle méthode 4 pour la détermination rapide de l'acide borique. La ë substance est chauffée au condenseur à reflux avec un me défini et l’on filtre. 100 centimètres cubes du filtrat sont neutralisés au méthylorange avec un alcali; on ajoute du carbonate de baryum, chauffe, refroidit et filtre. La solution, ainsi débarrassée des substances qui pourraient empêcher le dosage, est alors titrée avec un acide au méthylorange. excès d'HCI; après refroidissement, on porte à un volu- à * à SECTION DE NOTTINGHAM Séance du 30 Mars 1904. MM. H.-S. Garry et H.-J. Watson présentent leurs recherches sur les produits de la distillation du pétrole brut connus dans le commerce sous les noms d’éther de pétrole, de gasoline, de benzine, de ligroïne et de pétrole léger. Ils en donnent les points d’ébullition et la composition. SECTION D'ÉCOSSE Séance du 1 Décembre 1903. MM. Th. Gray et J.-G. Robertson ont cherché à déterminer le degré d’exactitude des pouvoirs calori- fiques des charbons obtenus par les calorimètres de Lewis Thompson et de W. Thomson par comparaison avec les résultats obtenus par combustion dans l’oxy- gène comprimé. Les valeurs données par le calorimètre de Lewis Thompson sont toujours trop faibles, même en tenant compte du carbone non brûlé, et il paraît impossible d'arriver à des valeurs exactes avec n'im- porte quelque correction constante. Les nombres four- nis par le calorimètre de W. Thomson sont beaucoup plus exacts, à condition de régler avec soin l’arrivée du courant d'oxygène. | : | 4 À £ È * Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, {, rue Cassette. 45° ANNÉE N° 15 15 AOÛT 1904 Revue générale des Science pures el appliquées DirECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris In Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Astronomie Nutation diurne de la Terre. — La nutation diurne de la Terre n'est possible que si le mouvement de lécorce solide est plus ou moins indépendant de celui du noyau fluide qu'elle recouvre. Or, la nutation diurne est prouvée par les meilleures observations : cette indépendance existe donc. Pourquoi, dès lors, l'écorce n’obéirait-elle pas, dans son mouvement de rotation autour de son axe, aux attractions luni- solaires, de même que leur obéit l'océan dans ses marées dont les oscillations présentent la plus grande analogie avec celles de cette écorce ? S'il en est ainsi, la majestueuse horloge du ciel, sur la régularité absolue de laquelle les astronomes de tous les temps ont cru pouvoir étayer leurs observa- tions, est sujette elle-même à des fluctuations pério- diques, dans le court intervalle de quelques heures; et l'homme pourrait parvenir à réaliser des appareils doués d’un mouvement plus uniforme que celui qui anime l'écorce solide du Globe autour de son axe . instantané de rotation. Dès 1884, ces idées étaient défendues par M. F. Folie (Théorie des mouvements diurne, annuel et séculaire de l'axe du Monde); mais il restait à démontrer expé- rimentalement l'indépendance entre le noyau et l’é- corce terrestre dans les mouvements à courte période, ou l'irrégularité du mouvement de l'écorce, qui, sans le concours d'aucune observation astronomique, entrai- nerait à elle seule l'existence d'une nutation diurne. Et, dans sa Revision des constantes de l'Astronomie stellaire, le mème auteur donnait une élégante expres- sion des variations de vitesse de l'écorce terrestre; or les variations ont une période semi-diurne et ne se présenteraient donc pas en sens contraire, à six mois de distance, comme celles de la latitude. L'un des effets de la nutation diurne serait de pro- duire des inégalités périodiques dans le mouvement de la Terre autour de son axe d'inertie Z, tandis que les nutations eulérienne et chandlérienne n'ont d'autre effet que d'animer l'écorce terrestre de vitesses très faibles autour des axes X et Y, perpendiculaires au Premier : constater physiquement les irrégularités était BEVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. établir l'existence de la nutation diurne, qui a le même coefficient qu'elles. Nourrissant de pareilles idées depuis si longtemps, M. Folie devait naturellement penser à recourir à un instrument bâti sur les seules actions de la pesanteur et de l’inertie : il se demanda donc si un pendule au repos ne pourrait pas, en raison de son inertie et des irrégularités de vitesse dont est animé le point de sus- pension, se déplacer vers l’est ou l'ouest d'une manière sensible. Un de ses élèves, le Dr Ronkar, crut pouvoir affirmer, par le calcul, que le déplacement correspon- dant serait sensible et appréciable. Reprenant entièrement le calcul, M. Folie conclut qu'un pendule de 3 m.7 environ de longueur pourrait, en vertu de son inertie, dévier de 0 mm. # de sa posi- tion normale sans l'intervention d'aucune force exté- rieure autre que la gravité. Aidé de l'ingénieur Rouma, il put réaliser l'appareil qui vient‘ de confirmer sensi- blement le résultat théorique : il est inutile ici de décrire le dispositif expérimental, qui consiste simple- ment en un grand pendule mobile autour d'un axe dirigé dans le sens du méridien. Ainsi se trouve établie, physiquement, l'existence de la nutation diurne, l'irrégularité du mouvement de l'écorce terrestre et, par suite, l'indépendance entre celle-ci et le noyau dans les mouvements à courte période, comme l'auteur l'avait déjà établi (Theorie du mouvement de l'écorce solide du Globe, 1898). Les conséquences d'un tel fait sont capitales pour l’Astronomie : tout d'abord l’existence de la nutation diurne et de deux nutations initiales, l’eulérienne proprement dite (305 jours) et celle de Chandler (430 jours), y compris son terme annuel (Monthly Notices, 1903); puis, et cela surtout, la variation des latitudes ne saura être résolue tant que l'on ne tiendra pas un compte exact de ces deux mouvements diurne et eulérien. Et, cependant, depuis vingt ans, combien d'efforts et de sacrifices inutiles, combien de Mémoires légers ou discordants sur la variation des latitudes! Pour élucider plus complètement l'importante ques- tion rajeunie par M. Folie, — puisque nombre d’astro- nomes ne sont pas encore convaincus des variations ‘ Bull. de l'Ac. Roy. de Belgique, n° 4, 190%, 15 718 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE périodiques de la verticale et de la nutation diurne, — il serait très important de faire des observations simul- tanées en divers lieux. Et, ainsi, utilisant un pendule suspendu à un axe orienté dans le plan vertical, on aurait des oscillations qui s'effectueraient dans le méridien et seraient indépendantes des variations de vitesse de l'écorce terrestre, pour accuser seulement les déviations périodiques de la verticale. Ces deux genres d'observations simultanées, que nous souhaitons de voir réalisés, apporteront sans doute une contribution capitale pour l'Astronomie et pour la Géophysique. $ 2. — Physique Corps biréfringents artificiels à compo- sants isotropes. — Le phénomène connu sous le nom de double réfraction a, comme on le sait, été expliqué par Fresnel au moyen de l'hypothèse que le rayon lumineux, en entrant dans le cristal, est décom- posé en deux rayons polarisés à angle droit et qui se meuvent dans le nouveau milieu à des vitesses diffé- rentes, l’élasticité du cristal étant différente par rap- port à lun et à l'autre. D'après la théorie électromagnétique de la lumière, la vitesse de propagation serait fonction de la cons- tante diélectrique du milieu, et cette vue, confirmée par les expériences de Curie et de Boltzmann, a été illustrée par l'hypothèse que tout milieu diélectrique biréfringent se compose de petites particules conduc- trices de forme ellipsoïdale, englobées dans un milieu isolant. Une explication plus simple, et qui, au surplus, se prète à une vérification expérimentale facile, vient d'être proposée par le Professeur F. Braun, de Stras- bourg ; nous trouvons l'exposé de ses théories dans un récent travail de M. H. J. Reiff‘. Les corps biréfrin- “ents seraient constitués par un corps diélectrique isotrope, dans lequel un autre corps pareil se trouve inclus et distribué uniformément sous la forme, par exemple, de particules parallélipipédiques. Or, si un corps semblable se comporte d'une façon homogène par rapport aux ondes dont on se sert, il faut que la combinaison des deux corps donne lieu à une double réfraction. Afin de confirmer cette supposition, M. Braun, ayant préparé un modèle de briques, vient de cons- tater, au moyen d'ondes électriques, qu'une double réfraction se produit en effet. D'autre part, le savant allemand a fait des expériences sur un « réseau » de briques, disposé entre deux miroirs concaves. Les ondes électriques engendrées dans le premier miroir, après avoir traversé la construction de briques, ont été examinées au point de vue de leur polarisation dans le miroir récepteur. Or, toute onde polarisée pénétrant le réseau à été décomposée en deux composantes, vibrant dans les directions horizontale et verticale respecti- vement, interférant dans le second miroir avec une certaine différence de marche et présentant une pola- risation linéaire, circulaire ou elliptique. Ces expériences montrent l'existence d’une double réfraction d’une grandeur étonnante. Alors qu'en effet, dans le cas du carbonate de calcium, la différence des indices de réfraction des rayons ordinaire et extraordi- naire est de 0,17, la différence observée dans le réseau de briques à été trouvée égale à 0,22. Les différences des constantes diélectriques suivant la direction doivent, par conséquent, être extrèmement considérables. D'autre part, M. Braun a donné à ses théories une haute probabilité au point de vue optique en se servant de réseaux métalliques obtenus par projection et dont la structure était si fine qu'ils présentaient, par rapport à la lumière, les mêmes phénomènes qu’on observe avec la construction en briques dans le cas des ondes électriques; après avoir rendu le réseau transparent 1 Voir Der Mechaniker, n° 12. par un processus chimique, on à également constaté une double réfraction. Ces expériences donneront peut-être le moyen d'ex- pliquer certains phénomènes de double réfraction restés énigmatiques jusqu'à ce jour. L'action du radium sur les métaux. — Après avoir, en avril 1903, recouvert d'une plaque d’'alumi- nium de Oum ,{ d'épaisseur une capsule en ébonite ren- fermant 0 gr. 03 de bromure de radium, M. N. Orloff! a remarqué, en ouvrant celte capsule, à la surface de l'aluminium tournée vers le radium, des protubérances semblables à de petites gouttes de métal fondu, mais dont l'aspect ne différait guère de celui de la surface voisine de l'aluminium. Ces protubérances sont radio- actives et produisent une image photographique à tra- vers le papier noir par un contact de quelques mi- nutes; il paraît qu'elles émettent des invisibles pendant six mois sans affaiblissement sen- sible. L'auteur présume qu'il y a, dans ce cas, formation d'un alliage stable, dû à l'accumulation des particules provenant des systèmes atomiques du radium autour des noyaux légers d'aluminium. $ 3. — Chimie physique Modifications physiques et chimiques des solides soumis à de très fortes pres-ions. — M. W. Spring, à qui l’on doit déjà un grand nombre d'observations du plus haut intérêt sur l’état de la matière soumise à des pressions très élevées, vient encore de mettre au jour, dans cette direction, quelques faits nouveaux qu'il convient de signaler. Il y a quelques années, M. G. Kahlbaum avait indiqué ce fait, en apparence paradoxal, que certains corps métalliques, soumis à de fortes pressions, manifestent, lorsqu'ils sont ramenés aux conditions ordinaires, une diminution permanente sensible de leur densité. L'étude de ce singulier phénomène, reprise par M. Spring, lui a permis de formuler l'ébauche d’une loi qui consacre une relation nouvelle entre diverses propriétés des solides. Les recherches de M. Spring ont porté sur le plomb, l'étain, le cadmium, l'argent et le bismuth, alors que M. Kahlbaum avait déjà soumis le cuivre, le plomb, le cadmium, le zinc, l'antimoine, l'or et l'argent à des essais fructueux. Pour tous les métaux examinés, à l'exception du bismuth, les fortes pressions, accompa- gnées de déformations, ont produit une diminution de la densité qui, pour certains d'entre eux, à atteint 20/,,.0r, on remarquera cette curieuse coïncidence que, parmi les métaux soumis à l'étude, le bismuth seul éprouve, aumoment de sa fusion, une diminulion de son volume, alors que tous les autres se dilatent. S'il était permis de généraliser cette remarque, nous pourrions donc affirmer que les métaux, soumis à de très fortes . pressions susceptibles de déformer les échantillons, éprouvent des variations de volume spécifique ou de densité de même sens que celles qu'ils manifestent lorsqu'ils passent à l'état liquide, par une élévation suf- fisante de la température sous la pression ordinaire. L'écoulement d'un solide sous pression étant, en quel- que sorte, une manifestation d'un état liquide, on pourrait donc dire que, toutes les fois qu'un métal arrive, par l’action d'une force extérieure, aux condi- tions qui lui permettent de couler, il tend vers le même état. M. Spring estime que « l'état solide vrai est dû à une formation ou une structure moléculaire incompatible avec des déformation sensibles ou avec un déplacement latéral notable des molécules... « Si un effort mécanique extérieur s'exerce sur ce solide vrai, et s’il dépasse la résistance qu'il rencontre, ——————_—_—_— 1 Jour». de la Société phys.-chim. russe, ({. n° 2 b, p. 41-46. radiations XXXVI, DR 2 7 T8 | RU. Y CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 7119 la déformation forcée semble subordonnée à un chan- gement de structure moléculaire ou particulaire. Con- .trainte de fluer ou de se briser, la matière prend l’état répondant à la mobilité qui est momentanément exigée. » Cette explication, très plausible, peut revêtir une forme un peu plus précise, si l’on s’aide des diagrammes de M. Tammann. D'après le savant professeur de Güt- {ingue, la matière peut exister essentiellement à deux états : amorphe ou cristallin ; le premier est indiffé- remment solide ou liquide, le second est l’état solide parfait. Celui-ci est généralement l’état le plus dense aux faibles pressions; mais, comme il estaussi le moins compressible, il peut, sous de très fortes pressions, posséder une densité moindre que l’état amorphe. Un Corps cristallin soumis à une forte pression aa donc, en général, une tendance à passer à l'état amorphe, qu il pourra conserver si la pression est rapidement supprimée. Telle serait alors la cause des faits obser- vés par M. Kahlbaum et par M. Spring. Dans un travail plus récent, M. Spring a étudié les modifications chimiques auxquelles sont sujets cer- tains composés soumis à de très fortes pressions. Par- tant des faits qui viennent d'être rapportés, M. Spring pensa que, lorsqu'un corps est composé de deux cons- tituants dont l’un est solide et l’autre liquide, on peut, par une (rituration qui oblige le premier à s'écouler, le séparer en partie du second, et produire une véritable décomposition du sel. Les investigations de M. Spring ont porté sur les sulfates acides des métaux alcalins, depuis le sulfate de lithium jusqu'au sulfate de césium. Les résultats ont été très nets : les deux premiers sels de la série ont laissé éc happer de l'acide sulfurique tandis que, comme compensation, une partie du sel passait à l'état de sulfate neutre. Le sulfate acide de sodium n'a com- imencé à se décompenser que vers 80°; quant aux sul- fates des éléments supérieurs, ils ont conservé leur constitution sous les plus fortes pressions auxquelles on les à soumis, même à la température de 100. L'ordre des stabilités mécaniques est donc le même que celui des stabilités chimiques. La conclusion du travail de M. Spring est à citer en entier « Cette décomposition des corps solides par voie de laminage ou d'écoulement, à la température ordinaire, peut nous éclairer sur certains phénomènes de méta- morphisme fréquemment observés en Géologie, pour l'explication desquels on à été obligé de recourir à l'hypothèse, souvent peu probable, d'une élévation locale de la température. Il arrive parfois, on le sait, que la composition des roches n’est pas la même dans les parties qui portent les marques d'un flux ou d’un écoulement. On trouve là des minéraux microscopiques dont l’origine n'est pas claire. Il est permis de se demander si leur formation ne rentre pas dans l'ordre des faits qui viennent d'être touchés, et si l'écorce ter- restre n'a pas été le siège d'un vaste travail mécanico- chimique qui a éliminé ou transformé les corps qu'elle renfermait à l’origine, de telle sorte qu'il ne subsiste plus aujourd'hui que ceux dont la stabilité chimique à pu triompher des efforts de destruction auxquels ils se lrouvaient soumis. » Sur une conception chimique de l’éther. — Estimant que le moment est venu pour les physiciens et les chimistes d'essayer de définir la nature de l’éther, le P' Mendeléeff lui attribue par hypothèse la constitu- tion gazeuse et, dès lors, lui assigne une position fixe dans sa célèbre Table pér iodique, où viennent de trouver place les gaz nouvellement découverts dans l’atmo- sphère t. On ne peut vérifier expérimentalement l'hypothèse de l’éther considéré comme un gaz atmosphérique ! Le travail original a été publié en russe, en octobre 1902, et une version anglaise en à élé donné en février dernier. extrémement raréfié. Les mesures entreprises par l'auteur et M. Kirpitchnikoff (1874), sur les gaz à de très faibles pressions, n’offrent plus aucun degré d’exac- titude pour des pressions de quelques dixièmes de millimètres de mercure environ. Quant à la conception de l’éther comme un état limite d'expansion des vapeurs ou des gaz, elle est incompatible avec les idées qui, précisément, ont conduit à admettre l'existence de l'éther, puisque, par définition, il est censé pénétrer tous les corps; de plus, les gaz ordinaires sont tous doués d’affinité chimique, tandis que l’éther, par défini- tion, en est totalement dépourvu. On à pensé aussi que léther pourrait se transformer en élément, ou inverse- ment, de mème qu'on à cru aussi à la transmutation d'un élément en un autre. Toute idée de division des atomes physiques va à l'encontre du système actuel de la science, et tous les phénomènes dans le squels on à cru que lquefois reconnaitre cette division s'expliquent mieux par la sé Eure ou l’émission de l’éther, fluide pénétrant tout et partout. La découverte des cinq nouveaux gaz de l'atmosphère, tous dénués de propriétés chimiques, permet de con- sidérer l’éther comme un gaz de leur série ayant un poids atomique bien inférieur. On se rappellera que ces nouveaux gaz peuvent se dissoudre (la disso- lution étant considérée comme une combinaison lâche), que ces gaz sont absorbables par les métaux et que la faculté de l'éther de pénétrer tout peut être considérée comme la seu idéale dont s'approche l'hydrogène (occlusion, etc.). Les cinq nouveaux gaz de l'atmosphère peuvent entrer dans la Table pér iodique, mais dans une série spéciale, à cause de leur inertie chimique. On remarquera que leur poids atomique est intermé- diaire entre ceux des halogènes et des métaux alcalins. Il est possible de déterminer, tout au moins d'une façon approchée, le poids atomique de l'élément y. Considérons la progression du rapport entre le poids atomique de deux éléments du mème groupe, dans Le rapport . our ii et à 4,98 pour RÉ On à aussi BP environ et: our . a «a SL envir ROR Ra Gr A PEROU SC) Her ve He : et probablement en 10, ce qui 0,4, avec la den- deux séries voisines. — 1,86 passe à 2,45 donnerait pour poids atomique de y environ sité —0,2. On pourrait identifier le gaz y avec le Coronium (?). Par un calcul analogue entre les poids atomiques du groupe 0, on aurait, pour poids atomique de Péther, x —0,17, valeur beaucoup trop grande. Cette valeur pourra être tirée de la théorie cinétique des gaz, dans l'expression : où {, température moyenne de l’espace intersidéral, SERRE ; 0 : 4.800.000 peut être estimé égal à —80°. On en tire x— RENE Cette valeur de v, ou vitesse atomique de l’éther, suf- fisante pour échapper à l'attraction des masses célestes, doit excéder la racine carrée du double de la masse du corps exercant l'attraction, divisée par la distance du centre de gravité de la masse au corps en question, l’éther, soit le rayon du corps céleste. Conséquem- ment 0,038 représente le poids atomique maximum d'un gaz pour quil puisse échapper à l'attraction de la Terre; tous les gaz de poids atomique supérieur, l'hy- drogène, le gaz y restent dans l'atmosphère sie Par un calcul analogue, et par rapport au Soleil, la valeur de x n’est plus que de 0,000013; mais, comme il est des étoiles äont la masse est beaucoup plus grande que celle du Soleil, telle que Y Vrrginis qui l’est 33 fois plus, en se basant sur une masse à peu près 50 fois plus considérable que la masse solaire, l’auteur obtient, comme caractéristiques du gaz éther x capable de pénétrer tout et partout dans l'Univers, un poids CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE atomique d'environ un millionième de celui de l'hy- drogène et une vitesse atomique d'environ 2.250 kilo- mètres par seconde. Au sujet des récentes découvertes sur la radio-acti- vité, la conception chimique de léther apporte une explication acceptable. On sait que, par analogie avec le fer et le cobalt pour le magnétisme, ce sont prin- cipalement l'Uranium, le Thorium, le Radium qui possèdent la radio-aclivité, sans que ce soit d'une facon exclusive. Parmi les éléments, ils semblent jouer le rôle de soleils possédant à un haut degré ce pouvoir individuel d'attraction, intermédiaire entre la gravi- tation et l’affinité chimique, qui se manifeste dans l'absorption des gaz, les dissolutions, etc. Le gaz x ou éther, le plus léger de tous, peut, tout en étant d'une est capable d’accumuler l’éther en quantités beaucoup plus grandes que les planètes, etc. Avant de conclure dans le sens des idées précédentes, M. Mendéléeff rappelle une expérience de M. Dewar, dans laquelle la phosphorescence de plusieurs corps, entre autres la. paraffine, devient plus intense à la température de l'air liquide (—190° environ). La paraf- live pourrait posséder alors la propriété de condenser les atomes de l’éther ou de les dissoudre davantage. D'ailleurs, comme précédemment, la phosphorescence peut provenir de la tension particulière des atomes de ce corps ou du mouvement vibratoire qui se produit entre l’éther condensé et l’éther environnant. Ainsi les idées quasi-mystiques sur léther, son existence présumée sous la forme d’une sorte de qua- Tagceau LL — Table périodique des éléments de Mendéléef. SÉRIES GROUPE Ù GROUPE I GROUPE II GROUPE VII GROUPE VIII | RER PRE | | 0 x » » » » | 1 | IL — 1,00$ £ » à » | | 2 Fe Li—01:08 3eryllium FH LUQRS » | 3 RS Na — 23,05 Magnésium | Pa DE CO Oo LA CU AE ) | 4 En N=5391 Calcium | MAnEGRESE » | j » Cu = 63,6 Zinc | SN ET es ” | | | 6 De Rb = 85,4 Strontium ë » » 1 » Ao— 107,9 Cadmium I Faes » 8 cn CSs—132;9 Baryum » » facon absolue privé d'affinité chimique à la façon de l’'argon ou de l’hélium, être dissous par ces éléments à haut poids atomique ou être accumulé autour de ces derniers, agissant à la facon de centres d'attraction comme le Soleil pour les planètes. Les phénomènes optique et photoradiant indiquent une émanation ma- térielle d'un corps sans poids appréciable, par exemple dans l'expérience de M. et Me Curie où deux récipients sont réunis par un tube à ouverture facultative, l'un contenant la solution radio-active, l'autre un précipité gélatineux de sulfure de zinc, ce dernier devenant fluorescent quand la communication est établie. Le phé- nomène de la lumière, c'est-à-dire une certaine vibra- tion transversale de l'éther, peut être provoqué non seulement par un certain mouvement moléculaire des autres corps, par exemple quand ils sont chauftés, mais aussi en détruisant le mouvement normal intra- atomique de l’éther, par exemple, dans le cas des corps radio-actifs, par les atomes massifs de l'uranium, du radium, de même que, dans la pensée de l’auteur, la luminosité du Soleil parait due à sa grande masse qui trième état de la matière, échappant à toute perception, disparaîtraient pour faire place à une conception plus scientifique, sinon définitive, tout au moins digne d'at- tirer l'attention. $ 4. — Biologie La sensibilité de la sensitive au contact considérée comme adaptation darwinienne. - — Chacun connaît les mouvements des feuilles de la M sensitive à la suite d'un contact léger. On n'a pas encore signalé, par contre, les mouvements d’effacement M présentés par cette plante, poussant à l'état naturel, à M la suite de l'arrachement d’une feuille ou d'un rameau. M. Lapicque nous fournit sur ce sujet, dans une Note- publiée dans les Comptes rendus de la Société de Bio- logie du 28 mai 1904, les renseignements intéressants qui suivent : . « J'ai eu l’occasion, dit-il, d'observer dans Fnde la Q sensitive, formant de véritables tapis. En un grand nombre de points de la région montagneuse, au bord | » dt CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 724 des bois, sous les taillis pas trop épais, le long des routes peu fréquentées, la terre est couverte d’une nappe de verdure fraiche et compacte comme un gazon dru, piquée de petites fleurs roses. L'attention du moins observateur des hommes est attirée sur ce tapis d'herbe par le fait suivant : la piste de tout passant, piéton ou cavalier, s’'accuse immédiatement derrière lui par une {rainée large de plus d’un mètre, dont l'aspect tranche fortement sur la surface environnante : on dirait que non pas un homme, mais une troupe d'hommes sur plusieurs files a piétiné la végétation: le passage d'une Compagnie en colonne laisse dans nos prés une trace analogue. » Ce tapis de verdure est formé par une petite mimo- sée, sensitive dont M. Lapicque n'a pas déterminé l'espèce. « Regardé de près, ajoute-t-il, ce phénomène appa- raîit comme une éclipse de la plante. Des attouche- ments ménagés, des pincements, même énergiques, d’une foliole ou d’un pétiole ne le reproduisent pas; s'il n'y à pas eu ébranlement généralisé, on observe le phénomène classique de reploiement des folioles et d'abaissement du pétiole dans la feuille touchée et dans les feuilles voisines, suivant une propagation pas trop rapide et plus ou moins étendue, suivant l'intensité de l'excitation. Mais, si l’on arrache une feuille ou un petit rameau, presque instantanément, en une fraction de seconde, on voit la verdure disparaitre; au lieu de la nappe fraiche qu'on avait sous les yeux, on ne voit plus que le sol, des cailloux, des feuilles mortes et des brindilles qui paraissent nues et comme sèches. Chaque pied de sensitive, en effet, se compose d’un certain nombre de branches rampantes irradiées autour de la racine et donnant naissance aux rameaux dressés qui portent les feuilles. Un pied s'étend sur un diamètre de 1 mètre à 12,50. L'ébranlement mécanique produit par l'arrachement d'une partie de la plante se transmet instantanément à l’ensemble, et chaque renflement moteur est au même moment excité directement par cet ébranlement : la chute de la feuille et le reploie- ment des folioles sont, dans ces conditions, aussi ra- pides et aussi complets que possible. » De ce remarquable phénomène, M. Lapicque indique da signification biologique. L’arrachement d’une feuille ou d'un rameau se pro- duit quand un animal vient brouter dans le tapis des Sensitives : aussitôt la plante se flétrit el son aspect “lesséché fait un contraste frappant avec la belle ver- dure des pieds voisins; l'animal abandonne la sensitive qu'il a blessée pour s'attaquer aux pieds voisins; la sensitive est ainsi sauvée « La sensibilité au contact chez la sensitive, conclut M. Lapicque, peut être ainsi ramenée à une adaptation darwinienne. » $ 5. — Sciences médicales La tuberculose dans les Écoles pari- siennes. Prophylaxie et traitement. — M. le Professeur Grancher' s’est occupé spécialement de cette grave question. Il à examiné systématiquement les 458 élèves de l'Ecole de garcons de Ja rue de l’Ami- ral-Roussin et les 458 élèves de l'Ecole des filles de la même rue. Sur les 438 garcons, 62 (soit 14 °/,) ont été reconnus atteints de lésions suspectes:; sur les 458 fillettes, 79 (17 2/4) ont été trouvées malades. Et ces chiffres ne sont qu'un minimum. Il n’est pas douteux qu'il y a lieu de s'inquiéter d'une pareille extension de 1 Académie de Médecine, 2 juin 1904. la tuberculose, qui, selon la forte expression du Profes- seur Grancher, est une maladie sociale constitution- nelle. Mais quels remèdes apporter? Une série d'écoles à la Campagne pour recevoir les 20 ou 25 000 enfants bacillifères. des écoles de Paris? La solution serait un peu coûteuse, mais là ne serait pas la difficulté la plus grande de son application. Il serait, en effet, surtout dif- ficile de persuader aux parents de se séparer de leurs enfants, alors qu'aucun signe manifeste ne démontre leur état de maladie, car il s'agit ici de lésions locali- sées, fermées, peu apparentes. Cependant, certains pa- rents accepteraient que leurs enfants soient élevés dans de bonnes conditions d'hygiène physique et morale, aux frais de la Ville et de l'Etat, et c'est pour ceux-là que la création de telles écoles serait profitable. Pour les autres, on peut obtenir de bons résultats par l’ap- plication plus stricte des conditions générales d’hy- giène. C’est à ce procédé qu'a eu recours M. Grancher, en laissant les enfants continuer à fréquenter l’école, mais en leur donnant un traitement préventif de poudre de viande ou d'huile de foie de morue. Le massage du cœur mis à nu. — Plusieurs chirurgiens, parmi lesquels il faut citer MM. Tuffier, Poirier, Maaclaire (de Paris), Le Fort (de Lille), Gallet, Depage (de Bruxelles), Prus (de Vienne), ont essayé, dans ces derniers temps, de pratiquer le massage du cœur mis à nu dans des cas de mort par syncope, en particulier sous le chloroforme, pour essayer de rappe- ler les patients à la vie. Leur tentative, pourtant hardie, a été vaine. Seul, Starling ! à réussi à sauver un de ses opérés par s cette méthode. Sans cet heureux cas, le pro- cès du massage du cœur aurait pu paraitre définitive- ment jugé, d'autant plus que certains chirurgiens (Gallet, Vidal) se sont livrés à des recherches expéri- mentales et ont prétendu, contrairement à Tuffier, que ce massage était inutile. M. d'Halluin revient sur ce sujet, dans La Presse Meédieale?. I rappelle que, phy- siologiquement, la résurrection du cœur par le mas- sage est DOI: Dès 187%, Schiff avait, par ce moyen, rappelé à la vie des chiens tués par le chloroforme. Après le sien, nous trouvons les noms de Hoch, de Mikwicz, de Sorgenfrey, de Dorpat, de Boehm; il faut noter surtout les belles expériences de Prus, de Bat- telli et de Tuflier : aussi l’auteur, qui a fait également des expériences très intéressantes, considère comme démontré que, sous l'influence du massage, le cœur peut reprendre toute son activité et que la résurrec- tion de cet organe essentiel est capable d’entrainer la réviviscence des autres organes, en état de mort appa- rente, quand il n’y à point de lésions matérielles in- compatibles avec la vie. Mais les causes d’insucc sont vraiment nombreuses : il faut compter avec “È pneumo-thorax, l'insuffisance de la respiration artiti- cielle, les altérations des centres nerveux, des voies respiratoires, du sang, et aussi avec les trémulations fibr illaires du cœur, qu'il est parfois impossible de faire cesser. Aussi l’auteur recommande-t-il d'associer l'in- A pulmonaire au massage du cœur, « car, dit- il, le massage d'un cœur, mème à l'état de trémulations, réalise une véritable circulation artilicielle, puisqu'il ranime et entretient l'activité bulbaire ». Quoi qu'il en soit, cette méthode si inconstante parait pouvoir être efficace dans certains cas, et il est à peu près sûr que certains chirurgiens hardis n'hésiteront pas à l'appli- quer à l'occasion, surtout dans les cas de mort chloro- formique foudroy ante. 1 Centralbl. f. Chir., Berlin, 1903, n° 39, p. 173-174 ? La Presse Médicale, 1°r juin 1904, p. 345. 122% LES Sous le titre C‘omposés acétyléniques, nous com- prenons tous les corps qui, comme l'acétylène HC—CH, possèdent dans leur molécule une triple liaison entre deux atomes de carbone (—C—=C—), qu'on appelle liaison acétylénique. Leur fonction commune est caractérisée par un cerlain nombre de réactions, telles que la fixation directe de quatre atomes d'hydrogène ou d’élément halogène, et la fixation d’eau, par voie directe ou détournée, avec formation de composés à fonc- tion célonique (—CO— CH —), grâce à l'ouverture de la triple liaison. Ces substances paraissent être fort rares dans la Nature, et presque tous les corps acétyléniques actuellement connus sont purement artiliciels. Le domaine de nos connaissances concernant ces composés s'est notablement étendu dans ces der- nières années. Un grand nombre de corps nou- veaux el, ce qui est mieux, loute une série de réactions nouvelles, à caractère général, ont vu le jour. Aussi notre intention est-elle, conformé- ment au titre de cette étude, de laisser entiè- rement de côté les travaux relativement anciens sur la question, travaux qui ont déjà pris leur place définitive dans les livres classiques, et dont la clef de voûte est loujours la mémorable synthèse de l'acétylène par M. Berthelot. Sous cette réserve, voici, sommairement exposées, les grandes lignes des résultats récemment acquis, à l'élaboration desquels l’auteur du présent article a eu la bonne fortune d'apporter une large contribution. Les composés acétyléniques se divisent naturel- lement en deux familles, suivant que l’un des-deux atomes de carbone intéressés porte ou ne porte pas un atome d'hydrogène, lequel est toujours, _le cas échéant, remplacable par des métaux (hydro- gène typique). Les premiers, dérivés monosubsti- tués de l’acétylène, répondent à la formule géné- rale R.C—CH ; on les désigne habituellement sous le nom de composés acé{yléniques vrais. Lesseconds sont des dérivés bisubslituës, qu'on représente par le schéma R.C—C.R'*. Par leurs dérivés mélalliques, auxquels j'appli- querai le terme générique de composés acé{yléno- métalliques, les acétyléniques vrais R.G=CH pré- sentent, sous le rapport de la synthèse, un intérêt primordial. Leur extrême activité chimique, en effet, les rend aptes aux réactions les plus variées, comme on le verra dans la suite. ‘ Conférence faite au laboratoire de M. A. Haller, à la Sorbonne. * Ret R' désignent des résidus monovelents. RÉCENTS TRAVAUX SUR LES COMPOSÉS ACÉTYLÉNIQUES CH. MOUREU — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES COMPOSÉS ACÉTYLÉNIQUES D'autre part, on observe souvent, chez les com- posés acétyléniques, des dédoublements très nets sous l'action de certains réaclifs, avec scission dela molécule à l'endroit même ou à côté de la triple liaison. Ces considérations préalables vont servir de base à la division de notre sujet en trois chapitres : 1° J'étudierai d'abord les réactions où la fonc- tion acétylénique est respectée, sans dédoublement de la molécule; . | 2 Je passerai ensuite en revue celles où la fonc- M tion acétylénique est attaquée, sans dédoublement de la molécule; 3° Le troisième chapitre sera consacré à l'exposé des réactions de dédoublement, avec ou sans per- sistance de la fonction acétylénique. PT D OC NE [. —— RÉACTIONS Où LA FONCTION ACÉTYLÉNIQUE EST RESPECTÉE, SANS DÉDOUBLEMENT DE LA MOLÉCULE. C'est l'histoire entière et presque exclusive des. composés acétyléno-métalliques qui est embrassée par ces réactions. $ 1. — Composés acétyléno-halogéno-magnésiens et acétyléno-halogéno-zinciques. Les métaux alcalins sont les seuls qui soient capables de chasser directement, en se substituant î à lui, l'hydrogène typique des carbures acétylé- niques vrais R—C=—CH, et c’est par voie indi- recte que l'on prépare les auires composés acéty- léno-métalliques. Parmi ces derniers, deux groupes. extrèmement curieux ont été découverts tout ré- cemment par le chimiste russe lotsitch : les composés acétyléno-haloyéno-magnésiens et les composés acétyléno-halogéno-zinciques. a) Soit le phénylacétylène C'H°.C—CH. Traitons ce carbure par une solution éthérée de bromure d'éthyl-magnésium, etchauffonsle mélange au bain- marie; un dégagement régulier de gaz éthane com- mence aussitôt, el il y a formation du dérivé bromo- magnésien du phénylacétylène, suivant l'équation : *HiMgBr — CHS + C'H5.C—CMgsBr: Bromure Ethane. d'éthylmagnés. Phénylacéty- lène. Phénylacétylène- brom. de magnésium. On voit que le résidu monovalent MgBr a simplement pris la place de l'hydrogène acétylé= nique, comme il se substitue à celui de l'oxhydryle de l’eau, des alcools ou des phénols (R.OMgBr), des acides carboxyliques: 0 R.CŸ | NOMgeBr CH. MOUREU — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES COMPOSÉS ACÉTYLÉNIQUES (Grignard), à l'hydrogène de l'acide cyanhydrique : (ci ) , NSMgBr à l'hydrogène acide du malonate d’éthyle : (CO?CFF5 .CHMgBr.CO?CH*) (Louis Meunier), ete. Le fait est général : tous les dérivés monosubstitués de l’acélylène donnent la même réaction quand on les traite par un bromure ou un iodure d'alcoylmagnésium. Avec l'acétylène HC—CH, la réaction est double, les deux atomes d'hydrogène de ce carbure fonda- mental étant substituables; exemple : . iure d'éthylmagnésium. — 2CH$ + BrMeC=CMgBr. Ethane, Acétylène-dibro- mure de magnésium. Ces réactions constituent l’une des applications les plus intéressantes qui aient encore été faites des composés organo-magnésiens de M. Gri- gnard. La même méthode a fourni au savant russe les dérivés zinciques, tels le corps C°H°.C—=CZnBr, et le composé double BrZnC=—CZnBr. D) Tous ces composés sont très actifs, au même titre et au même degré que les dérivés alcalins. C'estainsi, nolamment, que, comme ces derniers, ils sont immédiatement allaqués par l’eau, les alcools ou phénols, et les acides, avec régénération du car- bure correspondant; exemple : Br CH .C= H = CH$.C=CH + Mg OH Phénylacétylène- Phénylacétylène. bromure de magnésium. « Hi HC— CH: Acétylène- dibromure de zinc. Acétylène. Nous allons maintenant passer en revue une série de réactions nouvelles, qui sont propres aux com- posés acétyléno-métalliques. $ 2. — Nitriles acétyléniques. L'action du cyanogène sur le phénylacétylure de sodium conduit à la synthèse directe du nitrile phé- nylpropiolique (Ch. Moureu et R. Delange) : CfHS.C—= Phénylacétylure de sodium. Az — NaCAz + CSHS.C—C.CAz. Cyanogène. Nitrile phénylpro- piolique. Il n’est pas douteux que cette réaction, qui n’a pas encore été étendue à d’autres cas, ne soit suscep- tible de généralisation. 123 $ 3. — Condensation des carbures acétyléniques avec les chlorures d’acides,lesanhydrides d'acides et les éthers chlorocarboniques. Acétones acéty- léniques. Les chlorures d'acides R.COCI réagissent éner- giquement sur les dérivés sodés des carbures acé- tyléniques R'.C=CNa; il y a formation d’acétones à fonclion acétylénique R'G=C.CO.R (Nef; Ch. Mou- reu et R. Delange). L'opération se pratique de la facon suivante: La bouillie de carbure sodé, préparée par l’action du sodium sur l'hydrocarbure en dissolution dans l’éther absolu, est ajoutée peu à peu au chlorure d'acide également étendu d'éther. Le carbure sodé disparaît d’abord, sans séparation de chlorure de sodium, et le sel alcalin ne se précipite qu'après un certain temps, lequel est variable avec les différents cas. Suivant l'énergie de la réaction, qui dépend de la nature du carbure et de celle du chlorure d'acide, le mélange est chauffé modérément, ou au contraire refroidi : on verse finalement le tout avec précau- tion dans un excès d’eau, et, de la couche éthérée, on retire l’acétone acétylénique par distillation. Le mécanisme et la théorie de la réaction, comme le fait remarquer M. Nef, découlent immédiatement de ce fait que le carbure sodé se dissout, tout au moins momentanément, dans la solution éthérée du chlorure d'acide, sans élimination de chlorure de sodium : il y a union intégrale des deux corps en présence, et le composé qui en résulle est so- luble dans l'éther; il y a ensuite, spontanément ou sous l’action de l’eau, mise en liberté de chlorure alcalin et d'acétone acétylénique. Dans ce processus, c'est la double liaison entre l'oxygène et le carbone du carbonyle qui entre en jeu : elle s'ouvre dans la première phase, et se referme dans la seconde. Le phénomène s’observe avec une netteté particulière dans le cas du chlorure d'acétyle et du phényl- acétylène : a) CSH°.C—CNa + O0: C.CH* = C'HS.C= C.C.CH*; Phénylacétylure de Na. * Chlorure Dérivé sodé complexe d'acétyle. soluble dans l'éther. N y b) C$H°.C—C.C.CH® — NaCI + CH.C=C Dérivé sodé complexe Acétylphénylacétylène. soluble dans l'éther. Les anhydrides d'acides se comportent comme les chlorures d'acides; ils donnent naissance, par un mécanisme semblable, aux mêmes acétones acétyléniques (Nef; Ch. Moureu et R. Delange). On peut rapprocher de ces réactions la synthèse directe des éthers-sels d'acides acétyléniques, que donnent les éthers chlorocarboniques par leur action sur les carbures acétyléniques sodés (Nef; Ch. Mou- reu et R. Delange) : CI NA a CH!t.C=CNa + O0:C.OCH° — C“H!‘.C—C:C-OC'H; : Chloroformiate d'éthyle. Œnanthylidène Dérivé sodé complexe. sodé. ONa CI b) CHi.C— C.C.OCH5 — NaCl + C'H“.C—C.CO.O0C:H. Dérivé sodé complexe. Amylpropiolate d'éthyle. $ 4. — Condensation des carbures acétyléniques avec les aldéhydes. Alcools primaires et secon- daires à fonction acétylénique. Les carbures sodés R.C=—= CNa attaquent violem- ment les aldéhydes R'.CHO; si l’on traite ensuile par l’eau le produit de la réaction, on obtient des alcools à fonction acétylénique R.C= C.CHOH.R', qui résultent de l'union intégrale de l'hydrocarbure et de l’aldéhyde (Ch. Moureu et H. Desmots). L'opération s'effectue au sein de l’éther absolu, etil est le plus souvent nécessaire de refroidir éner- giquement. Le carbure sodé disparait rapidement tout entier, et l'on obtient une liqueur limpide. On termine en versant le mélange dans deux ou trois volumes d’eau; l'alcool acétylénique, qui se trouve tout entier dans la solution éthérée, est isolé par rectification. Le fait que le carbure se dissout dans la solution éthérée de l’aldéhyde prouve qu'il y a formation d'un dérivé sodé complexe soluble dans l’éther ; l’action de l’eau met ensuite en liberté de la soude caustique et l'alcool acétylénique. Ici encore, c'est la double liaison entre le carbone et l'oxygène du carbonyle qui entre en jeu; exemple : ONa a) CH.C—CNa + O:CH.C'H°0 — CH.C—C.CH.C'H0: Œnanthylidène sodé. Furfurol. Dérivé sodé de l'alcool acéty- lénique (soluble dans l'éther). ONa | b) CSH“.C=C.CH.C*HO + H°O Dérivé sodé de l'aleool acttylenique. — CH“,C=C.CH(OH).CH°0 L NaOH. Furfurol-ænanthylidène, Cescondensations s’effectuenttantavecl'aldéhyde formique qu'avec les autres aldéhydes. Les alcools acélyléniques obtenus sont primaires, et ont pour formule générale R.C=— C.CH°OH, dans le premier cas; ils sont secondaires et représentés par le schéma général R.C—=C.CHOH.R', dans tous les autres cas. Comme source d'aldéhyde formique CH°0, on emploie, soigneusement desséché au préa- lable, le polymère (CH*0}" connu sous le nom de trioxyméthylène, lequel agit spontanément sur le carbure sodé en se dépolymérisant”. ‘ C'est la première fois, à ma connaissance, que le trioxy- methylène était mis en œuvre, d'une manière simple et mé- thodique, dans la synthèse chimique.M. Blaise et MM. Gri- M. lotsitch a montré que, pour condenser les car- bures acétyléniques avec les aldéhydes, on pouvait remplacer, et souvent avec avantage, les dérivés sodés des hydrocarbures par leurs dérivés halo- géno-organo-magnésiens; les produits ainsi obtenus se trouvent naturellement identiques à ceux que fournit notre méthode; exemple : OMgBr À | a) . CH°.C—=CMgBr + 0:CH.CCI — CH. C—C-CH-CCS OMgBr much. ls élan. Sas :- © | b) CSH.C—C CH.CCF + H°0 Br. — C5.C—C.CH(OH).CCE + Mg 0." SOH Chloral-phénylacétylène. : $ 5. $ — Condensation des carbures acétyléniques avec les acétones. Alcools tertiaires à fonction acétylénique. Le phénylacétylène, par sa condensation avec l’acétone ordinaire et l’acétophénone, a donné à M. Nef des alcools tertiaires à fonction acétylénique ; exemple : H° “: CH /€ a) C'H*.C=CNa + O:C — C‘H.C—C/C(ONa) à NH CSS Phénylacétylène Acétophénone. Alcool tertiaire acétylénique sodé. sodé. ; : 7 CH b) CSHS.C=C.C(ONa) + H°0 N GES CH — CfH°.C=C.COH + NaOH. NGsHs Alcool tertiaire acétylénique. La réaction n'a pu être, jusqu'ici, étendue à d'autres carbures acétyléniques. Au contraire, il résulte des expériences de M. Totsitch que la con- densation des divers carbures acélyléniques avec les acélones s'effeclue facilement si l'on met en œuvre leurs dérivés halogéno-magnésiens. L'acé- tylène, que nous prenons comme exemple afin de mieux faire ressortir le caractère général de la « gnard et Tissier l'ont employé avec succès, depuis, pour la préparation d'alcools primaires en partant des dérivés organo-halogéno-magnésiens R.MgX. Comme le faisait si judicieusement observer M. Bou- veault au cours d'un remarquable article paru récemment dans cette Revue (février 1904), l'action des aldéhydes sur les carbures acétyléniques sodés ôffre une frappante analo- gie avec les réactions que donnent ces mêmes aldéhydes avec les composés organo-zinciques ou organo-halogéno- magnésiens ordinaires (non acétyléniques); on sait, par exemple, que le zinc-éthyle conduit, avec les aldéhydes, à des alcools : OZnC°H5 R.CHO > R.CHC — R.CHOH. CH. C°H° Cette condensation est aussi, selon la remarque du mème auteur, en étroite parenté avec la méthode de synthèse des alcools nitrés, découverte il y a quelques années par M. Louis Henry, qui consiste à condenser les aldéhydes avec le nitro-méthane : R.CHO —+ R.CHONa.CH*AzO® —+ R.CHOH.CH?Az0*. CH. MOUREU — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES COMPOSÉS ACÉTY LÉNIQUES réaction, conduit ainsi à des dialcools tertiaires à fonction acélylénique : CH _CH* a C:0 + BrMeC=CMgeBr + O:C< D ou ï CH CH, CHs un SC(OMgBr).C— C.C(OMgBr)C : CIE 5 CI CHE, CH b) SC(OMeBr).C—C.C(OMgBr)< + 2H°0 CH CIE CIE CHS Br = INC (0H) C—C.C(0H)L 2Me{ CIE” SCIE SoH MM. Favorsky et Skosarevsky réalisent la con- densation du phénylacétylène avec les acétones par le seul emploi de la polasse caustique agissant sur le mélange des deux corps. Il est probable que, dans cette réaction, le carbonyle fixe d'abord, par ouverture de la double liaison, les éléments de la potasse, et que l’alcali s'élimine ensuite entre ce composé potassique et l'hydrogène acétylénique du carbure; exemple : 2CHE 2) "CH5.C—CH + O0: C< + KOH NCHS KO, CHS CSH°. C—=CH + BR à | HO SCIE a sl KO ,CHS b) CH.C=CH + idCL a Nr CH* = CSHS.C—=C,C(0H) A EU KOH. NCH3 $ 6. — Condensation des carbures acétyléniques avec l’anhydride carbonique. Acides acétyléniques. Une des propriétés les plus intéressantes des hydrocarbures acétyléniques sodés R.C—C Na est de fixer directement, comme l'a montré Glaser il y a déjà longtemps, les éléments de l'anhydride carbonique, avec formation de sels de sodium d'acides à fonction acétylénique : 0 RC CCC SONa La réaction s'effectue également, selon M. lolsitch, avec les composés halogénomagnésiens : l’acéty- lène, par exemple, fournit ainsi le sel dibromoma- gnésien de l'acide acétylène-dicarbonique, d’où il est facile de libérer l'acide organique au moyen de l'acide sulfurique étendu : 70 0, Oo BrMeC— CMgBr + 2C{ — Nc.c=c. cé NO BrMg0/ NOMgBr 1 1 De mme que l'anhydride carbonique, l'anhyüride sul- fureux SO? est énergiquement absorbé par les carbures acétyléniques sodés, sans doute avec formation d'acides sulfiniques acétyléniques R.C— C.SO'H (C. Moureu, expeé- riences en cours). $ T. — Condensation des carbures acétyléniques avec les éthers-sels. Aldéhydes acétyléniques, acétones acétyléniques, éthers f-cétoniques. Les carbures acétyléniques sodés réagissent, el souvent avec une grande énergie, sur les éthers- sels. Nous distinguerons deux cas : A. Avec les éthers formiques : on obtient des aldéhydes à fonction acétylénique : H R.C=C.C{ No (Ch. Moureu et R. Delange). Le formiate d'éthyle et l'œnanthylidène sodé, par exemple, fournissent ainsi l'aldélyde amylpropiolique : CH!!.C— Formiate d'éthyle. Œnanthylidène sodé. M — CŒH!1:C—=C:C + CFONa. No Aldéhyde amylpropiolique. Pour pratiquer l'opération, on traite, au voisi- nage de 0°, le carbure sodé, en suspension dans l'éther, par l'éther formique ; le mélange s'éclaircit rapidement et devient bientôt sensiblement lim- pide, par suile de la dissolution totale du dérivé sodé. On verse ensuite le tout dans un excès d'eau glacée (MM. Charon et Dugoujon conseillent d'addi- tionner au préalable le mélange d'acide acétique, ce qui, dans quelques cas, améliore notablement les rendements), et l'on retire l'aldéhyde de la liqueur éthérée par distillation. Il est maintenant facile, d'après ces données, d'expliquer le mécanisme de la réaction. L'action du carbure sodé sur l’éther formique, en présence d'éther absolu, fournissant une liqueur limpide, et sachant que l'éthylale de sodium n'est pas soluble dans l’éther, l’éthylate de sodium ne s’éli- mine pas directement; il se forme d'abord un dérivé sodé complexe soluble dans l’éther, et l'ac- tion ultérieure de l’eau le décompose avec mise en liberté d'alcool et de soude caustique (d’acétate alcalin si l'on a fait le traitement préalable à l'acide acétique ! : Il PH a) C'H!2.C—CNa + 0: — C'H!.C—C.C=ONa ; NOC?IF SOCH5 Dérivé sodé complexe soluble dans l'éther. 1 Depuis la publication de notre travail, MM. L. Gatter- mann et F. Maffezzoli ont fait connaitre une méthode géné- rale de synthèse des aldéhydes (non acétyléniques), qui consiste à faire réagir le formiate d'éthyle sur les dérivés halogéno-magnésiens R.MeBr, et qui est par conséquent analogue à celle que nous avons découverte. 726 b) CŒHU.C=C.C— Dérivé sodé comple e soluble dans l'éther. H — CHi.C—C.C£ + CH°OH + NaOH. ER + B. Les autres éthers-sels R. CO *R' se comportent, suivant les cas, de deux manières totalement différentes. 1° Tantôt il y a formation d'une acétone acéty- lénique (— G=—= C.CO —), par un processus en tout semblable à celui de la synthèse des aldéhydes acé- tyléniques qui vient d’être décrite (Ch. Moureu et R. Delange). Le butyrate d'amyle et le phénylacé- tylène sodé, par exemple, fournissent ainsi le butyrylphénylacétylène : (®) a) (CH°.CH2.CH°.C + NaC=C.C'H5 DOCSHE ,ONa —= CH*.CH®.CH?.C£ OCŒH! DOSCAURE Dérivé sodé complexe soluble par” dans l’éther. OÏNa : D) NCHCH CH C0 CCC Dérivé sodé complexe soluble dans l'éther. — CHS.CH°.CH°.CO.C=C.CSHS + NaOH + CH!OH. Butyrylphénylacétylène. 2 Tantôt, chose curieuse, le carbure sodé agit sur l’éther-sel comme agent de condensation, et l'on obtient l’éther B-cétonique correspondant, lequel pourra être, d’ailleurs, substitué ou titué ; exemple : non subs- CH*,COOCH' LE TICHE.CO2CH Acétate d'amyle (2 mol,). —CH° CO: CH=:COC'H2 2 CŒHUOH: Acétylacétate d'amyle. DC. CO.CH2.CHS /C0.CH°.CHS CO CHS.CH< \C( )2C2H° Méthyl-propionyl-acétate d'éthyle (propiony!propio- nate d'éthyle). CH*.CH + CHSON. Propionate d'éthyle > mol.}. (= Pour saisir le mécanisme de la réaction, il con- vient de dire tout d'abord que, comme précé- demment, l’action du carbure sodé sur l’éther-sel dilué dans l'éther absolu fournit finalement une liqueur sensiblement limpide, tout en étant d’ail- leurs plus ou moins colorée, et que, par consé- quent, il y a formation d'un dérivé sodé complexe, soluble dans l'éther. Dans le de l'acétate d'amyle et du phénylacétylène sodé, par exemple, ce dérivé complexe sera représenté par la formule : Cas ONa CH.CL CC. CH o OCH'1 CH. MOUREU — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES COMPOSÉS ACÉTYLÉNIQUES En second lieu, il est évident que la formation de l'éther B-cétonique exige le concours de deux molécules de ce composé, entre lesquelles il s'éli- minera une molécule d'alcool amylique, de la facon suivante : ONa use Aa à CHS.C— C CH N : ONa cc =c.cr Nocsrti / ONa — CHM.OH + CHS.C< NG—C. CHE ONa CHE. CZ C—C. CH OCH" Dérivé sodé double soluble. Entin, l'action de l’eau ,en décomposant ce dérivé sodé double, mettra en liberté l’éther $-cétonique et de la soude caustique, avec régénération du carbure acétylénique : + 2H°0 — CH°.CO.CH?.COCH!H Æ 2CH5.C=CH + 2Na0H: Acétylacétate d'amyle. Phénylacétylène. Si cette théorie est juste, il est clair que les éthers-sels où le carbone voisin du carboxyle ne porte pas d'hydrogène ne sauraient donner des éthers f£-cétoniques. L'expérience vérifie cette prévision. Je dois ajouter, enfin, que l’action des carbures acétyléniques sodés sur les éthers-sels parait assez capricieuse. C’est ainsi, notamment, que le buty- rate d'amyle CH°.CH°.CH°. CO°C°'H" fournit, avec l'œnanthylidène, un éther B-célonique, l’éthyl- butyryl-acétate d’amyle {butyryl-butyrate d'amyle) : 7/00 -CH2. CH. CH° CH*.CH?.CH NCO2CH!! | tandis que le même éther, quand on met en œuvre le phénylacétylène, conduit, comme on l’a vu, à une acélone acétylénique, le butyrylphénylacétylène C’H°.C= G.CO.CH*.CH°.CH'. L'aclion condensante qu'exercent les carbures acélyléniques sur les éthers-sels, avec formation d'éthers B- cétoniques, ne saurait avoir, pour le moment du moins, aucune application pratique, à cause de la difficulté d'obtention des carbures eux- mêmes, encore que ceux-ci soient régénérés à l'état. libre par le traitement à l'eau et qu'ils puissent être récupérés en majeure partie par rectification. direcle ou en les précipitant à l’élat de composés. 1 Ch mire dise) Cri vf CH. MOUREU — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES COMPOSÉS ACÉTYLÉNIQUES 1 19 —1 cupriques. Mais la réaction, qui était absolument inattendue, est encore sans analogue dans la litté- rature chimique; elle présente un intérêt théorique incontestable. “{ S. — Condensation des carbures acétyléniques avec l'éther orthoformique. Synthèse d'acétals d'aldéhydes acétyléniques. L'éther orthoformique réagit nettement sur les * dérivés halogénomagnésiens des carbures acétylé- niques en donnant des acétals d'aldéhydes acéty- léniques, d'après l'équation suivante (Ch. Moureu et R. Delange) : 00 H CH .C—CMMeBr + OCT |.CH rt a LOC Œnanthylidène-bro- Ether orthoformique. mure de magnésium. /0C°H° — CH°OMgBr + CH'1.C—=C.CH< : OC2H Acétal de l'aldéhyde amylpropiolique. Alcool bromo- masnésien. Il est ensuite facile, en hydrolysant ïes acétals, d'obtenir les aldéhydes”. Il. — RÉACTIONS OÙ LA FONCTION ACÉTYLÉNIQUE EST ATTAQUÉE, SANS DÉDOUBLEMENT DE LA MOLÉCULE. La liaison acétylénique (— C=C—) peut s'ou- vrir sous l’action de différents réaclifs, avec forma- tion de composés éthyléniques (> C—C<) ou saturés (> G.G<). S 1. — Hydrogénation d'acides acétyléniques. Syn- thèses d'acides gras saturés. L'hydrogénation des acides acétyléniques R.C = C.CO'H appartenant à la série grasse a été pra- tiquée avec succès par MM. Ch. Moureu et R. De- lange; ils ont réalisé ainsi, notamment, la synthèse des acides caprylique C'H!!.CH°.CH°.CO'H et pélar- gonique C'H°°.CH°.CH°.CO‘H. S 2. — Hydratation d'acétones acétyléniques et d'acides acétyléniques. Méthodes de synthèse de 6-dicétones et d'acides et éthers S-cétoniques. Relativement à la saturalion de la liaison acéty- lénique par hydratation (—C=C—->—CO.CH—), je rappellerai : 1° l'emploi de l'acide sulfurique con- centré, avec traitement ultérieur par l'eau (Friedelet Balson, Béhal); 2° l’emploi des solutions aqueuses de sels mercuriques (Koutcheroff,; 3 la fixation à chaud des acides organiques, avec action subsé- quente de l’eau (Béhal et Desgrez); 4l'hydratation directe par l’action de l’eau seule à haute tempéra- 1 Je rappellerai, à ce sujet, que M. Bodroux, d'une part, et M. Tschitschibabin, de l'autre, ont indiqué une méthode de synthèse des acétals ordinaires (non acétyléniques) qui consiste à faire réagir l'éther orthoformique sur les dérivés halogéno-organo-magnésiens RMeX. ture (Desgrez). Ces réactions sont, depuis un certain temps déjà, dans le domaine classique. A. La méthode à l'acide sulfurique, appliquée aux acétones acétyléniques, a permis leur transfor- mation régulière en &-dicétones (Nef; Moureu et Delange); ex. : C'H2.C—=C.CO.CH® + H°01—= C'HL:CO.CH2-CO: CHE: Acctylænanthylidène. Acétyl-caproyl-méthane. B. En employant le même réaclif, il y a déjà longlemps que M. Baeyer a obtenu l'éther benzoyl- acétique, en parlant de l’éther phénylpropiolique (CHÈC—=C COCHE CHE COCHE CO:CEHL) Au contraire, d'après les expériences de MM. Ch. Moureu et R. Delange, le procédé n’est pas appli- cable aux acides de la série grasse. Ces auteurs, en revanche, ont trouvé dans l'emploi de la potasse alcoolique à chaud un moyen pratique de réaliser l'hydratation ; exemple : C'H2C—C-CO2H EUH£0'— C'HU/CO-.CH°.CO2H- Acide amylpropiolique. Acide caproylacétique. Les acides &-cétoniques peuvent ensuite être éthérifiés à froid, en présence d’acide sulfurique, et fournir ainsi les éthers B-cétoniques (Ch. Moureu etR. Delange). Quant au mécanisme même de l'hydratation des acides acétyléniques, on peut supposer qu'il y à fixation de potasse sur la liaison acétylénique, avec formation d'un dérivé alcalin énolique (R.C = C CO°K —+ R.C OK) : CH.CO*K), d'où il est facile ensuite de mettre en liberté l'acide B-cétonique R.CO.CH°.CO*H au moyen de l'acide sulfurique ou chlorhydrique. Nous avons rencontré un acide qu'il nous à été impossible d'hydrater, l'acide triméthyltétrolique (CH*)C.C—= C.CO'H, lequel résulte de la fixation de l’anhydride carbonique sur le triméthylallylène (CH°)G.C = CH. Si la théorie de l'hydralalion que je viens de proposer est plausible, cette exception ne doit pas nous surprendre. L'addilion d'aleali, en effet, à la liaison acétylénique ne peut, faute de place dans l’espace, qu'être gènée par le voisinage des atomes d'hydrogène des groupements méthyle, comme on peut s’en rendre compte en examinant les schémas suivants : H H H un H nn no dc c. cor ic — G : C.COK; 1 H.C.H H” H.C.H k i ou bien, si cette addition a lieu, la proximité immé- diate du résidu OK et de l'hydrogène des groupes méthyle doit provoquer immédiatement l'élimina- 1 19 tion de la potasse fixée lout d'abord”. L'hydratation ne doit donc pas se produire, ou tout au moins elle ne peut être que très difficile à réaliser. $ 3. — Condensation des éthers acétyléniques avec les alcools. Synthèses d'éthers 5-acétaliques et d'éthers éthyléniques £-oxyalcoylés. La potasse alcoolique.comme on vient de le voir, hydrale régulièrement les acides acétyléniques R.C=— C.CO'H et les convertit ainsi en acides £-cé- toniques R.CO.CH°.CO'. Je montrerai, d'autre part, dans ja troisième partie de cet article, que les so- lutions aqueuses bouillantes d’alcalis, en agissant sur les mêmes acides, scindent la molécule en don- nant des acétones R.CO.CH”. Ce sont ces considéra- tions qui m'ont lout naturellement amené à étudier l'action des alcools sodés, en l'absence de toute trace d’eau, sur les acides acétyléniques, ou plutôl sur leurs éthers. Quand on mélange un éther acétylénique R.C — C.CO'R" avec la solution d’un alcool sodé dans l'alcool correspondant R'OH, une vive réaction se déclare presque aussilôt : la liqueur s’échaulfe en se colorant très légèrement, et arrive parfois à bouillir spontanément. Deux produits prennent ainsi naissance simultanément : l’éther £-acétalique R.C(OR'}".CH*.CO'R', d'une part, et l’éther éthylé- nique B-oxyalcoylé R.C(OR’) : CH.CO'R', de l'autre. L'un et l'autre se forment par ouverture de la liai- son acélylénique sous l'influence de l'alcool sodé:; le second résulte de la fixation d'une molécule, et le premier de la fixation de deux molécules d'alcool, aucune trace d’éther acétylénique n’échappant d'ail- leurs à l’action du réactif (Ch. Moureu) ; exemple : A) CE H:C—=C:CO!CHE + CHFOH Amylpropiolate a’éthyle. — CH!1.C(OC°H°): CH :CO?C1I5; B-amyl-B-éthoxyacrylate d'éthyle. b) CH".C=C.CO?CH° + 2 C'H°OH Amylpropiolate d'éthyle. — CH COCHE) CHE COCHE Diéthylacétal du caproylacétate d'éthyle. En opérant dans des condilions favorables de température et de concentralion, il a été possible, dans quelques cas, de produire exclusivement de l’éther B-acétalique. Quoi qu'il en soit, on obtient toujours l'éther éthylénique B-oxvalcoylé pur R.C(OR’) : CH.CO'R' quand on soumet à l’action de la chaleur (vers 175°) soit l'éther B-acélalique R.C(OR’).CH°.CO'R', soit son mélange avec l'éther éthylénique B-oxyalcoylé, constituant le produit * Dans celte hypothèse, l'hydrogène de KOH, qui s'était momentanément fixé sur le carbone voisin du carboxyle, ira prendre la place de celui qui, emprunté à un groupe mé- thyle, a formé de la potasse avec le résidu OK. 8 CH. MOUREU — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES COMPOSÉS ACÉTYLÉNIQUES brut de l'action de l'alcool sodé R'OH sur l’éther acétylénique R.G= G.CO*R'; exemple : CSH5.C(OCH*?.CH?.COCH* Diméthylacétate du benzoylacé- tate de méthyle. — CfH5.C(OCH): CH.CO?CH* + CHSOH:“ 8-phényl-6-méthoxyacrylate de méthyle. Éthers fG-acétaliques et éthers éthyléniques 8- oxyalcoylés sont hydrolvsables par l'acide sulfu- rique dilué, avec éliminalion d’une ou deux molécules d'alcool R'OH, et formation d'éthers &- cétoniques R.CO.CH°.CO'R’. L'hydrolyse poussée à fond conduit toujours à l’acétone correspondante R.CO-CH°: Les acides résultant de la saponification de ces divers éthers sont tous régulièrement décompo- sables par la chaleur avec perte d'anhydride carbo- nique. Les acides B-acétaliques R.C(OR'’)?.CH°.CO?H donnent ainsi des acétals d’acélones R.C(OR'}.CH, et les acides éthyléniques B-oxyalcoylés R.C(OR') :CH.CO'H fournissent des carbures éthyléniques B-oxyalcoylés R.C(OR'): CH° (Ch. Moureu). Eu ce qui concerne le mécanisme de la fixation des alcools R'OH sur les éthers acétyléniques R.C—C.CO?R' au moyen des alcools sodés R'ONa, on peut admeltre que la réaclion donne d’abord naissance aux dérivés sodés R.C(OR') : CNa.CO?R et R.C(OR'}.CNa*.CO?R', et qu'ensuile l’action de l'eau met en liberté, en même temps que de la soude caustique, les éthers acétaliques R.C(OR'}. CH°.CO*R’, et les éthers éthyléniques 6-oxyalcoylés R.C(OR) : CH.CO’R. Avant de quitter ce sujet particulier, je dois rap- peler que MM. Haller et Blanc ont obtenu, en faisant réagir les iodures alcoliques R'I sur les dérivés argentiques des éthers acyleyanacétiques : CAZz R.C(OAg):C< 4 NCO?C#HE des éthers éthyléniques B-oxyalcoylés à fonction aitrile : CAZ R.C(OR'):C4 NGO?caH° A la fonction nitrile près, ces composés, quoique formés dans des réactions entièrement différentes, sont semblables à ceux que j'ai préparés en partant des éthers acétyléniques. $ 4. — Condensation des éthers acétyléniques avec les phénols et les thiophénols. Synthèse d'éthers éthyléniques 5-oxyphénolés et 5-thiophénolés. Dé- rivés pyroniques. Les phénols, comme l'a montré M. Siegfried Ruhemann (seul ou en collaboration avec M. Bed- dow ou M. Slapleton), se condensent de même Ré dt the dde 2 3 Lséaletaiti dite er" re CH. MOUREU — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES COMPOSÉS ACÉTYLÉNIQUES 129 avec les éthers acétyléniques. Le phénol et le phé- nylpropiolate d'éthyle, par exemple, fournissent le « phénoxycinnamate d’éthyle » CH°.C(OC°H°) : CH.CO*CŒ®H". Les corps ainsi formés ont des pro- priélés analogues aux dérivés oxyalcoyÿlés cor- respondants. Les auteurs, dans une réaction aussi simple qu'élégante, ont, en outre, pu les transformer en dérivés de la benzo-7-pyrone, par simple déshy- dratation; exemple : COIT.C : CH. COH CO. C : CH O.CSH° dem Les thiophénols se comportent commeles phénols eux-mêmes vis-à-vis des éthers acétyléniques. Ils donnent des dérivés monosulfurés, comme le «thio- phénylcinnamate d'éthyle » C'H°.C(S.C°H°) : CH CO” C?H°, et même disulfurés (B-thioacétaliques), tel le «dithiophénylsuccinate d'éthyle » CO*CH".C(SC'H).. CH°.CO?C*H° (Ruhemann et Stapleton). $ 5. — Condensation des acétones acétyléniques avec les alcools et les phénols. Synthèse d’acé- tones acétyléniques f-oxyalcoylées et f6-oxy- phénolées. De même que les éthers acétyléniques, les acé- tones acétyléniques R.C=—C.CO.R'réagissent plus ou moins énergiquement sur les dérivés sodés des alcools et des phéuols. Le produit de la réaction, traité par l'eau, fournit des acétones f6-oxyalcoy- lées ou fB-oxyphénolées à fonction éthylénique R.C(OR'): CH.CO.R', résultant de l'addition pure et simple d’une molécule d’alcool ou de phénol R'OH à l'acétone acétylénique mise en œuvre (Ch. Moureu et M. Brachin); exemple : GSH5.C—C CO.C'H7 + C°H5.ON Butyrylphénylacétylène. Ale, éthylique. 2 1 .C(OC?H5) : CH: CO.C'H7. Cons 2-éthoxy-1-butyryl-styrolène. /9CEF (") CSHS.C=C.CO.C?H5 + GES OH (?) Propionylphénylacétylène. Gaïacol. 2 1 — CH. C(OCSH*. OCH:) : CH. CO.C?H. 2-Gaïacoxy-1-butyryl-styrolène. Les acétones éthyléniques oxyalcoylées ou oxy- phénolées ainsi obtenues sont des composés éno- liques; les acides dilués les hydrolysent facilement, les transformant ainsi en f-dicétones; exemple : 2 1 G°H5.C(OCSHS):CH.CO.CH7 + HE0 2-Phénoxy-1-butyryl-styrolène. 10H Butyrylbenzoylméthane. .CO.CH°.CO.CH7 + CSH°.OH. Phénol. L'hydroxylamine engendre, en agissant sur ces acétones énoliques, des isoxazols, grâce à la perte immédiate d'une molécule d'alcool ou de phénol, avec fermeture de chaîne qu'éprouve l'oxime pri- mitivement formée (Ch. Moureu et M. Brachin); exemple : CéH5.0 OCH°):ÊH.CO. CH 2-éthoxy-1-butyryl-styrolène. RD OU : CH.C.C'H° CH :(OC2H jé G. CAT T3 AZ [], 2| VA | — CH. C OH Oxime. 3-propy Res Parallèlement, on obtient avec l’hydrazine, non des hydrazones, mais des pyrazols. $ 6. — Condensation des carbures acétyléniques avec les alcools. Synthèse de carbures éthylé- niques -oxyalcoylés. On à vu plus haut que la décomposition par la chaleur des acides éthyléniques 8-oxyalcoylés constitue une méthode régulière d'obtention des carbures élhyléniques oxyalcoylés possédant la constitution générale RC(OR') : CH?. En vue de préparer les isomères de la forme RCH : CH(OR'), J'ai songé à faire agir directement, sur les carbures acélyléniques vrais R.C—CH, les alcools sodés, qui, ainsi que nous l'avons montré, opèrent faci- lement la condensation des alcools avec les éthers acétyléniques. L'œnanthylidène C°H".C=—CH, car- bure de la série grasse, a, dans ces conditions, simplement subi l’isomérisation en carbure acé- tylénique bisubstitué C*H°".C—C.CH*, comme il le faitsous l’action de la potasse alcoolique (Favorsky). Au contraire, l2 phénylacétylène C5H°.C—CH, car- bure cyclique, fixe, sous l’action des alcools sodés en solution concentrée, à chaud, 1 mol. d'alcool, en donnant les carbures oxyalcoylés CSHS.CH — CH(OR). Ces carbures s’hydrolysent par l'acide sulfurique dilué avec formation d'aldéhyde phé- nylacélique, ce qui établit leur constitution; ex. : CSH°.CH:CH(OC'H°) + H°0 — CSH°.CH?.CHO + C‘H°.0H. 2-phényl-1-isobutoxy- Ald. phénylacé- Alcool iso- éthylène. tique. butylique. En opposition avec ces résultats, il convient de rappeler qu'en chauffant l'allylène CH°.C=CH avec de la potasse alcoolique, Favorsky fixa le résidu oxyalcoylé non en posilion 1, mais en position 2, et obtint ainsi le 2-méthyl-2-éthoxyéthylène (CH) C(OCH°) : CH?. Au contraire, l'action du même réactif fournit à Nef le même produit que l'éthylate de sodium, c’est-à-dire le 2-phényl-1-éthoxyéthy- lène C’H°.CH :, CH(OC?H). Un fait depuis longtemps classique est l'isomé- ration que subissent les carbures acétyléniques de la forme R.CH?.C—CH sous l’action de la potasse alcoolique à chaud : ils sont convertis ainsi en carbures bisubstitués, par simple déplacement de la triple liaison R.C—C(CH") (Favorsky). Le 730 CH. MOUREU — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES COMPOSÉS ACÉTYLÉNIQUES savant chimiste russe a montré, de plus, que les carbures bisubstitués sont susceptibles deretourner au type carbure acélylénique vrai quand on les chaufle avec du sodium. Ces deux transformations, réciproques l’une de l’autre, sont curieuses au premier chef”. Si la seconde réaction est encore une énigme, on peut, par contre, pour expliquer le mécanisme de la première, supposer que la liaison acétylénique s'ouvre d'abord par addition de deux molécules de polasse, pour se reformer ensuite en position 2-3, avec séparation de l'alcali transitoirement fixé : H KO Fr] ANSE CE C ( On peut admettre aussi — et l’isomérisation que nous avons observée en mettant en œuvre les alcools sodés légitimerait plutôt cette supposition — que la potasse alcoolique agit par l'alcool potassé C'H'OK qu'elle renferme, de la facon suivante : deux molécules d'alcool potassé se fixent d'abord sur la liaison acétylénique, et l'action ultérieure de l’eau met en liberté de l'alcool et de la potasse caustique, en créant la triple liaison en position 2-3 : H 31|00es 1 R.G.C—=CI H'=>"R.C—C CHR: | Y H R.C—=C. CH: $ 7. — Condensation des éthers acétyléniques avec les amines secondaires. Synthèse d'éthers éthy- léniques aminés. La liaison éthylénique, que nous avons vue s’ou- vrir successivement pour fixer de l'hydrogène, des halogènes, de l’eau, des alcools, des phénols, etc., peut être également attaquée par certains composés azotés. C'est ainsi que MM. Ruhemann et Cun- nington ont pu condenser les amines secondaires avec les éthers acélyléniques. Avec le phénylpro- piolate d’éthyle et la diéthylamine, ils ont obtenu l'éther 6-diéthylaminocinnanique : OSHFC: CH 00 CAS À (cn et, avec l’éther acétylène-dicarbonique, l'éther dié- thylamino-fumarique : CO?C2H5"C: CH. CO2C2H° Az(CH ? Remarquons, à ce propos, que l'isomérie des carbures acélyléniques vrais et des carbures bisubstitués n'est pas sans analogie avec celle, si curieuse, des nitriles et des car- bylamines de M. Armand Gautier : R.CH?.C=CH —> R.C=C.CH* RSC—=AZ = R A7—C: $ 8. — Synthèse de composés divers à chaîne fermée. Les corps à fonction acétylénique, grâce à la faei- lité, démontrée par ce qui précède, avec laquelle la triple liaison est susceptible de s'ouvrir pour se convertir en liaison éthylénique, peuvent conduire, par condensation avec des substances de nature diverse, à des composés hétérocycliques d’une grande variété. Citons quelques exemples, choisis parmi les plus simples : 1° Buchner et Lehmann, en traitant le phényl- acétylène par l’éther diazoacétique, ont obtenu le phénylpyrazolcarbonate d'éthyle : CH — 6. COCA pee | \z A NCA Az Phénylpyrazolcarbonate déthyle. C'HS.C=CH + CHAz.COCH5 — Phénylacétylène. Ether diazoacétique. 2° L'hydroxylamine, en agissant sur les acé- tones acélyléniques, fournit directement des isoxa- zols, par isomérisation, avec fermeture de chaîne, des oximes à fonction acétylénique initialement formées (Ch. Moureu et M. Brachin); exemple : CH C—=CICO:CEHS \célylphénylacétylène. CSI5.C—=C.C.CIE CH c.cH Il H 3 me F 7. car.cb az on 0 Oxüre à fonction 3-méthy1-5-phényl- acétylénique. isoxazol. L'aldéhyde propiolique CH=C.CHO fournit de même directement l'isoxazol le plus simple C'H°AzO (L. Claisen. Selon le même auteur, loxime de l’aldé- hyde phénylpropiolique C'H”.C=C.CH : AzOH est un corps relativement stable, qui ne se transforme en phénylisoxazol qu'au contact de l'éthylate de sodium. L'action de l'hydroxylamine sur plusieurs aldéhydes acé!lyléniques nous a fourni directement, au contraire, les isoxazols correspondants. 3° Les acélones acétyléniques réagissent sur les hydrazines, par un mécanisme semblable, en donnant des pyrazols (Ch. Moureu et M. Brachin); exemple : CH .C=C.CO.C‘SH: Benzoylphénylacttylène. GI C © CSYI5 C'F.C=C.C.CH CH C.C'HS | & 3 Œe AZ Er 2 CSI) C 15 2} A | ù ] AZ (CH) AzH (CSHS) Az Phénylhydrazone à fonction 1-3-5-triphénylpyrazol. acétylénique. On observe une réaction analogue avec l'aldéhyde propiolique, qui, en agissant sur l'hydrazine et sur la phénylhydrazine, fournit le pyrazol le plus simple C'H°Az.AzH, et le phénylpyrazol C'H'Az.AzC'H° (L. Claisen). 4 Mentionnons enfin, comme exemple parti- | $ L À $ | L 4 } . CH. MOUREU — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES COMPOSÉS ACÉTYLÉNIQUES culièrement intéressant, l'action de l'urée sur le phénylpropiolate d'éthyle, qui conduit à la forma- tion de benzylidène-hydantoïne (Ruhemann el Sta- pleton) : CSH5.C—=C.CO!0 Co AzH Te nl 2A | AZI H,AzH Phénylpropiolate d'éthyle + Urée. Benzylidène-hydantoine. III. — RÉACTIONS DE DÉDOUBLEMENT, AVEC OÙ SANS PERSISTANCE DE LA FONCTION ACÉTYLÉNIQUE. Lorsque deux fonctions coexistent dans le même composé, on sait qu'elles s'influencent toujours réciproquement, dans une mesure qui varie avec la nature des deux fonclions et leurs positions rela- tives dans la molécule. Le fait s'observe avec netteté lorsque, dans une molécule, une fonction acétylé- nique esl immédiatement contiguë à une autre fonction. Les réaclions suivantes, qui ont trait à l’action de la chaleur ou des alcalis sur divers composés acélyléniques, sont, à cet égard, particu- lièrement intéressantes à signaler. $ 1. — Dédoublements sous l’action de la chaleur. 4° Quand on cherche à distiller les acides acétyléniques R.G=—CG.CO*H sous la pression almo- sphérique, on observe, ainsi que Glaser l’a montré le premier il y a déjà longtemps, un dégagement d'anhydride carbonique, et le produit qui passe à la distillation n'est autre que le carbure acétylé- nique correspondant R.C=—CH; exemple : CSH°.C—=C.COH — CO? + CSH°.C—=CH. Acide phénylpropiolique. Phénylacétylène. Ce dédoublement, qui constitue peut-être le plus sûr moyen de préparer un carbure acétylénique à l'état rigoureusement pur (on sait combien l'ob- tention des carbures acétyléniques parfaitement purs est difficile), n’est, en réalité, qu'un cas parli- culier d'une réaction générale, et tous les acides carboxylés R.CO’H sont susceptibles de se dédou- bler d'une manière analogue sous l’action de la chaleur, Mais, s'il est vrai que l'acide acétique CH”. CO'H, par exemple, peut fournir ainsi du méthane CH”, la réaction n'a lieu qu'au rouge sombre, et elle est, d'ailleurs, accompagnée de plusieurs réac- tions secondaires. L'acide cinnamique C°H°.CH : CH CO’H et la plupart des acides acryliques substi- tués subissent beaucoup plus facilement et avec régularité cette décomposition avee perte de gaz car- bonique, grâce au voisinage immédiat de la fonc- tion acide et de la liaison éthylénique. Mais la faci- lité de dédoublement, toutes choses égales d'ailleurs, 731 est maxima dans le cas des acides acétyléniques B.C—C.CO'H, où le voisinage de la triple liaison augmente à un haut degré la mobilité et l’insta- bilité du carboxyle. Sous ce rapport, les acides acétyléniques sont comparables aux acides 6-céto- niques R.CO.CH°.CO'H, dontils différent simplement par les éléments de l’eau, et avec lesquels ils ont les liens les plus étroits de parenté. 2° Un dédoublement analogue à élé observé par L. Claisen pour l'aldéhyde phénylpropiolique: Ce composé fournit, sous l'action de la chaleur, un dégagement régulier d'oxyde de carbone : C‘H°.C—=C.CHO Aldéhyde phénylpropiolique. CO + C'HS.C=CH. Phénylacétylène. Ici, également, nous sommes en présence d'un cas particulier d’une réaction générale, et l’on sait, par exemple, que, lorsque des vapeurs d'acétaldé- hyde CH'.CHO passent dans un tube de porcelaine chauffé au rouge, on trouve, parmi les produits de décomposition, du méthane et de l'oxyde de car- bone. Mais la régularité du dédoublement observé par L. Claisen contraste singulièrement avec la complexité de la réaction dans le cas de l’acétaldé- hyde, et elle a pour cause, sans aucun doute, la présence d'une fonction acétylénique immédiale- ment à côté du carbonyle. 9, — Dédoublements sous l'action des alcalis 11: 1. Alcools acétyléniques. — MM. Favorsky et Skosarevsky ont constaté que les alcools tertiaires à fonction acétylénique : R' R.C=C.COH< NR" sont dédoublés par les solutions aqueuses de potasse, avec régénération du carbure acétylénique et de l’acétone qui ont donné naissance à ces alcools par leur condensalion; exemple : CSH5.C—=C.COH (CH? — CHS.C—CH + CO(CH*). Phénylacétylène. Acélone ordin. On peut observer une décomposition analogue, quoique beaucoup moins nette, avec les alcools acétyléniques secondaires el même primaires (Ch. Moureu, expériences inédites). 9, Aldéhydes et acétones acélyléniques. — à) L'aldéhyde propiolique, sous l’action des alcalis, est immédiatement décomposé, avec mise en liberté d'acide formique et dégagement d'acétylène (L. Claisen) : W/H ROHAN SO CH + H.CO5K. Aldéhyde propiolique. Acélylène. Formiate de K. Les divers aldéhydes acélyléniques subissent, plus ou moins nettement, un dédoublement ana- 732 logue (L. Claisen; Ch. Moureu et R. Delange); exemple : CSH11.C= Aldéhyde amylpropiolique. C.CHO + KOH = CŒH!.C—CH + H.CO%K. Œnanthylidène. Formiate de K. Il en est de même de certaines acélones acétylé- niques : L'acétylphénylacétylène est dédoublé ainsi, quan- titativement, en phénylacétylène et acide acétique (Ch. Moureu et R. Delange) : ).CH° + KOH — C‘H°.C—=CH + COK.CH:. Acétate de K: CH°,C—C:| Acétyl-phénylacétylène. Phénylacétylène. Ces dédoublements sont à rapprocher de l’action des alcalis sur le chloral, lequel est, dans les mêmes conditions, décomposé en chloroforme et acide formique : ; LA l SÉRERS + KOH — H.CC + H.CO**K. Chloral. Chloroforme. Formiate de K. b) Le plus souvent, le mode de dédoublement des acétones et même des aldéhydes acétyléniques par les alealis est moins simple. Il y a d’abord fixation d'eau sur la liaison acétylénique, avec formation transitoire d'une f-dicétone (celle-ci n’a pu être isolée, mais il n'est pas douteux qu'elle prend naissance dans une première phase); la $-dicétone se dédouble ersuite, à la facon habituelle, en un acide et une acétone à fonction simple (Ch. Moureu et R. Delange); exemple : C'H5.CO.CH2.CO.C‘HS Dibenzoylméthane. — . C‘H5.CO.CHS + CO’H.C‘H:. Ac. benzoïque. — CHHF:C—C:CO0 CH: Benzoylphénylacétylène. Acétophénone. Si l’acétone acétylénique traitée n’est pas symé- trique, deux acides et deux acélones prennent naissance simultanément: exemple : C5H!.C=C.CO.CH* Acétylænanthylidène. y CH'.COH + CH° CO.CHS CSH.CO.CH2.C0.CH* Fer caproïque. Acétone ordinaire. À GH".CO.CIF + COH.CHS Méthylamylacétone. Acide acétique. Acctyl-caproyl-méthane. 3. Acides acétyléniques. — La potasse, en solu- tion aqueuse concentrée, atlaque rapidement les acides acétyléniques R.C = C.CO'H à chaud : ils sont dédoublés ainsi, gràce à la formation passa- gère d'acides $-cétoniques R.CO.CH°.CO?H, en une acétone et anhydride carbonique (qui reste à l’état de carbonate alcalin) (Ch. Moureu et R. Delange) ; exemple : — C°H“,C0.CH°.CO°H Acide caproylacétique. CH1,CO.CHS + CO?, Méthyl-amylcétone. CH'!.C=C.CO’H Acide amylpropiolique. eZ CH. MOUREU — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR LES COMPOSÉS ACÉTYLÉNIQUES On ne retrouve, parmi les produits de la réaction, « que des traces de l'acide B-célonique qui s'est momentanément produit. Rappelons-nous, au con- traire (voir la deuxième partie de cet article), que l'action de la potasse alcoolique sur les acides acé- tyléniques donne régulièrement naissance aux acides f6-cétoniques R CO.CH*.CO?H. Nous devons ajouter, d'ailleurs, que, même avec la potasse alcoolique, une partie de l'acide acétylénique subit toujours le dédoublement en acélone et anhydride carbonique”. IV. — Concrusrons. On voit par ce qui précède à quelle multitude de réactions variées — réactions de condensation et réactions de dédoublement — se prêtent les composés possédant la fonelion acétylénique, et quel intérêt il y avait à reprendre leur étude géné- rale et méthodique. Les carbures acétyléniques, matières premières de loutes ces recherches, sont de précieux agents de synthèse. Leur mise en æuvre présente, à la vérité, de réelles difficultés pratiques, et je ne dissimulerai pas qu'eile réserve aux débutants quelques déboires. Toutefois, bon nombre de réactions sont d'une grande nettelé et s'effectuent avec d'excellents rendements ; en outre, dans la plupart des cas, il est possible de récupérer en majeure partie le carbure reslé intact. Quant à la préparation des carbures, si elle est encore pénible et onéreuse pour beaucoup d'entre eux, on ne doit point considérer comme un obstacle l'obtention de l'hepline, qui dérive de l’'œnanthol par déshydratation, et surtout celle du phényla- cétylène, qu'on peut préparer avantageusement en partant de l'éthylbenzène, sans parler, au surplus, de l’acétylène lui-même, que l'industrie, depuis les beaux travaux de M. Moissan, livre à un prix minime, tant à l'état libre que sous forme de car- bure de calcium. Un progrès décisif, à cet égard, sera réalise le jour, prochain peut-être, où l'on saura préparer commodément au moyen de l’acétylène les divers carbures acétyléniques. Dès ce jour, la Synthèse organique, déjà si riche, aura dans son domaine une voie féconde de plus. Charles Moureu, Professeur agrégé à l'École Supérieure de Pharmacie de l'Université de Paris. 4 L'acide sulfurique fumant attaque également, et avec une grande énergie, les acides acétyléniques. L'acide amyl- propiolique C*H#.C=C.CO®H fournit ainsi, entre autres, produits (parmi lesquels un acide sulfoné), de l'acide ca= proique CSH'#.COH (Ch. Moureu et R. Delange). Dans le même ordre de faits, M. G. Schrætter a montré, depuis un certain temps déjà, que l'acide sulfurique fumant réagit sur l’acétylène, avec formation d'acide acétaldéhyde-. disulfonique CHO.CH(SO“H}, lequel se dédouble quantita- tivement, sous l'action des alcalis, en acide formique et acide méthionique CH?(SO*H}°. , P. AYNÉ — MÉTHODES GRAPHIQUES POUR L'ÉTUDE DES OPÉRATIONS FINANCIÈRES 133 NOUVELLES APPLICATIONS DES MÉTHODES GRAPHIQUES A L'ÉTUDE DES La plupart des trailés consacrés aux opérations financières donnent, à l'appui des combinaisons qu'ils conseillent, des exemples numériques qui ne représentent forcément que des cas particuliers, ne permettant pas à l'intéressé d'embrasser d'un seul coup d’œil toutes les phases de l'opération qu'il aborde. Les méthodes graphiques, dont les applications sont aujourd’hui si répandues, remédient à cet in- convénient. Elles mettent en évidence, d'une façon générale : les limites au delà desquelles l'opéra- tion cesse d'être avantageuse, les conditions les plus favorables pour l’entreprendre, le maximum de gain qu'on peut espérer, l'étendue des risques auxquels on s'expose. Elles renseignent, en outre, exactement le financier sur sa position à chaque variation de cours et sur les opérations qui lui restent à faire pour se liquider. Nous nous sommes borné au tracé détaillé des combinaisons binaires ; mais, afin de montrer que cette méthode peut s'appliquer aux opérations les plus complexes, nous lui avons consacré un cha- pilre spécial pour les échelles de primes. I. — GRAPHIQUE DES QUATRE ‘OPÉRATIONS FONDAMEN- TALES. CHOIX D'UNE UNITÉ. MULTIPLES ET SOUS- MULTIPLES. Les opérations sur les valeurs mobilières se divisent en deux classes bien distinctes : 1° les marchés au comptant; % les marchés à terme. Pour la première classe, un tracé graphique ne serait d'aucune utilité. Il s'agit simplement d'achats ou de ventes de valeurs, dont on prend ou dont on fournit livraison contre espèces, immédiatement ou dans des délais très courts fixés par les règle- ments du marché officiel. La comparaison des cours auxquels les opérations ont été faites, en tenant compte des droits de courtage, de timbre et ! Les méthodes graphiques, qui permettent d'embrasser d'un seul coup d'œil le résultat d'une série d'opérations isolées, viennent de recevoir une nouvelle application assez ingénieuse dans un ouvrage, en cours de publication, trai- lant des opérations financières, dont nous donnons les quelques extraits qui suivent. Ces fragments suffiront à nos lecteurs pour se rendre compté de l'avantage de cette méthode et de la clarté qu'elle répand sur des questions dont l’arithmétique seule ne peut traiter que des cas parti- culiers. Elle peut également rendre de grands services aux financiers dans la EC Hon des échelles de primes, sur les- quelles les méthodes numériques ne donnent pas d'indica- Lions générales. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1904. S OPÉRATIONS FINANCIÈRES d'impôt, suffit pour calculer facilement l'impor- tance du bénéfice ou de la perte. La deuxième classe comprend des engagements dont l'exécution n'a lieu qu'à un jour déterminé pris pour terme el qu'on appelle liquidation. Cette liquidation, suivant la nature des valeurs, se fait, soit par quinzaine, soit à la fin de chaque mois. Les marchés à terme se subdivisent eux-mêmes en : marché à Lerme ferme el marché à prime. Les premiers comportent des engagements définitifs. Ils ne diffèrent des marchés au comptant que par leur échéance à un jour déterminé. Les seconds comportent des engagements auxquels l'acheteur seul peut se soustraire, moyennant l'abandon d'une indemnité convenue d'avance, qu'on appelle prime. $ 1. — Graphique des quatre opérations fondamentales. Les quatre opérations fondamentales auxquelles ces derniers marchés donnent lieu sont : Achat ferme . . ( Vente ferme . Tee. Me teuet met ll ACHAT IA NPrINIE AE. EUR Ne ASE VENTE PT ELEMENT MENT. Ce sont ces opérations dont nous étudierons le tracé graphique en premier lieu. Conventions. — Toute représentation graphique repose nécessairement sur quelques conventions. Dans le cas qui nous occupe, ces conventions sont des plus simples : Ligne des cours. — Nous appellerons ligne des cours une le BH (fig. 1) sur laquelle nous B 0 a b 4 H <<; L L + ñ l 1 l fi Fig. 1. porterons, de B en H, à une échelle déterminée, une série de divisions #, b, c, d, correspondant aux variations du cours de la valeur considérée. Ordonnée de gain ou de perte. — Si, à un cours donné 7», nous gain, nous pouvons le 45* avons un 13% P. AYNÉ — MÉTHODES GRAPHIQUES POUR L'ÉTUDE DES OPÉRATIONS FINANCIÈRES représenter par une perpendiculaire »n à la ligne des cours, perpendiculaire dont la longueur sera égale à l'importance du gain. Cette ordonnée sera tracée au-dessus de la ligne des cours. Récipro- quement, les pertes seront figurées, par des ordon- nées telles que op, au-dessous de laligne des cours. Achat ferme. — Supposons qu’on ait acheté, fin courant, au cours M (fig. 2), une action quel- 12 Fig. conque. S'il survient une MN, nous pourrons représenter le gain obtenu par l’or- donnée NG— MN. Pour une hausse MN’, on aurait de même le gain N'G' — MN’, et ainsi de suite. S'il s'agit de baisses, telles que Mo, Mo', les pertes en résultant pourront être figurées par les ordonnées 0p — Mo et 0'p' = Mo'. La ligne joi- gnant les points p', p, M, G, G' sera une ligne droite, inclinée à 45° sur la ligne des cours, et représen- tera l'achat ferme d'une unité. Cette ligne une fois tracée, il suffira, pour avoir le gain ou la perte, à un cours quelconque, de mar- quer sur la ligne BH le point correspondant à ce hausse égale à Fig. 3. cours, et d'y élever une perpendiculaire allant jus- qu'à la ligne représentant l’achat ferme. La lon- gueur de cette ordonnée indiquera l'importance du gain ou de la perte. En dégageant des lignes de construction la figure 2, nous aurons, pour le graphique de l'achat ferme, le tracé donné par la figure 3. L Vente ferme. — Pour la vente ferme, la hausse. donnant une perte et la baisse un gain, son tracé Fig. dt est l'inverse du précédent. La figure 4 donne ce tracé. Achat à prime. — L'achat à prime ne diffère de l'achat ferme que par la: limile de la perte en baisse. Quelle que soit l'étendue de la baisse, l'acheteur ne peut perdre que le montant P de sa | prime qu'il abandonne. Si donc, en dessous de la ligne des cours et à une distance P (fig. 5), noustracons une parallèle à cette. ligne, elle indiquera la limite de perte en baisse. A. partir du point À où cette parallèle rencontre la ligne de l'achat ferme, le tracé 2e sera le même. que pour cet achat. L'achat à prime d'une unité au cours A», dégagé de toute ligne de construction, sera donc représenté, comme l'indique la figure 6, par la ligne brisée abc. L'ordonnée DK se nomme ordonnée d'abandon de la prime et le point K pied de la prime. Vente à prime. — La vente à prime ne diffère de la vente ferme que par la limite de hénélice en baisse. Si la baisse atteint ou dépasse le montant P de la prime convenue, le vendeur voit son marché résilié par l'acheteur, qui lui abandonne la prime P- P. AYNÉ — MÉTHODES GRAPHIQUES POUR L'ÉTUDE DES OPÉRATIONS FINANCIÈRES 735 à titre d’indemnité. Son bénéfice ne peut donc jamais dépasser cette somme P. On tracera facilement la vente à prime par ana- logie avec ce qui a été fait pour l'achat à prime. La figure 7 donne ce tracé. Fig. 7. S 2. — Unité. Multiples et sous-multiples. Dans tous les exemples suivants, nous prendrons pour unilé soit une action, si nous opérons sur Fig. 8, des valeurs, soit le capital correspondant à 3 francs de rente, si l’on opère sur de la rente à 3 CM LES —————— gain ou la perle étant, dans ce cas, égaux à l’ac- croissement ou à la diminution même du cours, l'inclinaison à 45° sur la ligne BH sera /a caracté- ristique des opéralions unitaires. Pour les mulliples 2, 3, 4 de la quantité prise pour unité, le tracé s’obtiendra en menant la dia- gonale d’un rectangle ayant une hauteur égale à 2,3, 4 fois la base. Ainsi la ligne MP de la figure 8, dans laquelle OP = 30M, représente l'achat ferme de trois unités. De même, pour les sous-mulliples > _ 7 on tracera la diagonale d'un rectangle dont la hauteur 1 1 il sera la =» le zou le 3 de la base. 4 La figure 9, dans laquelle OP — 5 OM, donne le tracé de la vente ferme d'une demi-unité au cours M. 2 CA B Fig. 9. Réciproquement, pour savoir quel multiple ou quelle fraction de l'unité représente une ligne d’in- clinaison quelconque telle que A'B' (figure 10), on tracera un rectangle MODE dont cette ligne sera la Fig. 10. diagonale, et le rapport de la hauteur CD à la base MC indiquera à quelle quantité ce tracé s'applique. Lorsque les opéralions comprennent un nombre quelconque de valeurs ou de rente, l’une d'elles peut loujours être ramenée à l'unité sans altérer 736 P. AYNÉ — MÉTHODES GRAPHIQUES POUR L'ÉTUDE DES OPÉRATIONS FINANCIÈRES pour cela les rapports qui existent entre les quan- tités sur lesquelles porte chaque opération isolée. Ainsi, s’il s'agit d'un achat ferme de 50 actions Lyon contre vente à prime de 100, en divisant le tout par 50, l'opération sera ramenée à l'achat ferme de une action Lyon contre vente à prime de 2. On tracera la résultante de cette opération simplifiée, et il suffira ensuite de multiplier les longueurs des ordonnées de perte ou de gain par 50 pour avoir les pertes ou les gains effectifs de l’opéralion réelle. II. — COMBINAISONS BINAIRES. ACHAT ET VENTE. Toute opération binaire se résume par un achat et une vente. Ces achats ou ces ventes pouvant êlre soit fermes, soit à primes, les principales combinaisons qu'on peut former sont les sui- vantes : Numéros des opérations égale : I Achat ferme contre vente de primes \ supérieure. 5 5 L DAQTOMNUES Cole het san/] inférieure . , , : égale . Vente ferme contre achat de primes \ supérieure. ÿ entquantité "1" S'OMEMININE U inférieure . 6 Achat de grosses primes contre À te 8 vente de petites en quantité. . { inférieure . 9 : | : t \ égale . . . 10 Vente de grosses primes contre supérieure. 11 achat de petites en quantité . / inférieure . 12 Nous avons étudié successivement ces douze opé- rations, en donnant pour chacune d'elles le tracé des opérations simples entrant dans leur composi- tion, le tracé de la résultante, l’exanien des condi- tions les plus favorables pour les entreprendre, les opérations nécessaires pour se liquider. Nous donnons également quelques exemples numériques à l'appui de ces tracés. Nous nous bornerons à reproduire ce qui con- cerne l'opération 1, achat ferme contre vente de primes en quantité égale. 1. Trace des deux opérations primaires. — Les deux opérations simples : achat ferme d’une unité, vente à prime P d'une unité, se tracent comme vous l'avons indiqué au chapitre I‘. Nous‘marquons, pour l'achat ferme, sur la ligne des cours, le point À; correspondant au cours au- quel cet achat a été fait; la ligne ah passant par ce point et inclinée à 45° sur BH représentera l'achat ferme (fig. 41). De même, la vente à prime d'une unité sera re- présentée par la ligne brisée cde. La partie cd est parallèle à BH et à une distance P (montant de la prime) de cette ligne. Le point d est sur l’'ordonnée K d'abandon de la prime, et la partie de, inclinée à 45°, coupe BH au point V, correspondant au cours de la vente à prime. Ce cours V, est nécessairement plus élevé que le cours A;: l'acheteur limitant sa perte paiera naturellement plus cher que s’il s’agis- sait d'un marché ferme. Cette différence entre les liauide Acheteur ferme d'une unite Fig. 11. cours du ferme et ceux des primes a reçu le nom d'écart. Nous représenterons par E cet écart dans tous les tracés étudiés. Pour le cas qui nous occupe, l'écart est égal à la longueur A, , et nous le sup- poserons plus grand que P. 2. Tracé de la résultante par points. — Les deux opérations préliminaires engagées étant tracées, cherchons la ligne qui représentera le résultat de celte combinaison, ligne que nous nommerons ré- sullante. Prenons un cours quelconque m» sur la ligne BH. A ce cours », l'achat ferme donne une perte représentée par l'ordonnée 22 et la vente à prime un gain égal à 22h. Si donc nous relranchons de mh à partir du point À une longueur Lr — mn, la partie restante mr représentera le gain final et le point r apparliendra à la résultante. Prenons un aulre cours quelconque m7. A ce cours, les deux ordonnées des opérations primitives m'}! et mn! sont toutes deux des ordonnées de gain. On on 0 re Mn Loc pe cg M en A Éd dd SAR dd Pre Le les ajoutera en portant à partir de 2! une longueur » a" = m'}', et le point r' appartiendra à la résul- tante. Eu un mot, pour avoir le point de la résultante correspondant à un cours donné, il faudra faire la somme algébrique des ordonnées appartenant aux opérations primitives en ce même point, les ordonnées au-dessus de la ligne des cours repré- sentant les gains et étant considérées comme posi- tives, et celles au-dessous représentant les pertes eb élant considérées comme négatives. 3. Points particuliers. — Quelques points parti culiers de la résultante s’obliennent très simple- 4 | | | : ; Ë ; ra fi LS 4 1 Lu À $ P. AYNÉ — MÉTHODES GRAPHIQUES POUR L'ÉTUDE DES OPÉRATIONS FINANCIÈRES 737 ment. Au cours À,, l'achat ferme ne donne ni gain, ni perte; il n'y à donc à considérer que l'ordonnée A; provenant de la vente à prime el égale au mon- lant de cette prime. Le point 4 siluëé sur cd appar- tient donc à la résultante. Au cours V,, la vente à Acheteur ferme d'une unite Liquide |a M’ Pda raie <° ‘ [ : Al & 72 3 ? | S x LA ra | SL. EA T Be, M ar FN RU an APM | AU Lt y à | È RES - NE à Sa D es SlS 74 È IS > | = S Fis. 12. prime ne donne ni gain, ni perte: l'ordonnée V,c' seule, appartenant à l'achat ferme, détermine le point c' de la résultante située sur ab. 4. Forme de celle résullante. — Pour tous les cours partant d'un point B aussi bas que l’on vou- dra jusqu'au cours K de l'abandon de la prime, on remarque que les points correspondants de la résul- lante s'obtiennent en ajoutant une ordonnée posi- tive constamment égale à P, aux ordonnées varia- bles de l'achat ferme. La partie NMo de la résultante est donc parallèle à 4 et, par suite, inclinée à 45°sur la ligne des cours. A partir du point o, les lignes 2"} de l'achat ferme et de de la vente à primes étant toutes deux inclinées à 45° et en sens inverse, l'accroissement des ordonnées de gain de l'achat ferme se trouve constamment annihilé par la décroissance des ordonnées de la vente à primes; la partie oM' de la résultante reste done à une distance constante de . BH : elle est parallèle à cette ligne. . La résultante étant complètement déterminée, on remarquera qu'on à A;M —A;7— P et V,C — VA, — E, ce qui, en langage ordinaire, veut dire que le point M où commence la perte en baisse est au cours À; diminué du montant de la prime, et que le gain à partir du cours K est constamment égal à l'écart. >. Discussion. — Si nous dégageons la figure 11 de toutes les lignes de construction, nous aurons la figure 12, sur laquelle nous pourrons suivre aisé- ment toutes les phases de l'opération. Tant que le cours c du ferme n'a pas atteint le point M (limite de perte en baisse), on est en perte, et cette perte est donnée par la longueur de l'or- donnée négative allant du point où se trouve le cours « sur la ligne BH à la résultante. Au point M, ni perte ni gain. Au delà, le bénéfice commence et va en croissant. Il atteint P au cours de l'achat ferme A; et E au cours d'abandon de la prime. Au delà de K, il est constamment égal à E. 6. Risque illimité. Bénélice limité. Conditions à réunir pour entreprendre cette opération. — Cette opération est donc à risque i//imité en baisse et à bénéfice limité en hausse. Le bénéfice constant étant égal à l'écart, on se trouve naturellement porté à vendre la prime avec le plus grand écart possible. Les petites primes sont celles qui comportent cet écart maximum; mais On remarquera qu'à mesure que P diminue le point M se rapproche de À; On est alors très peu couvert en baisse. On se trouve donc, comme dans la plupart de toutes ces opérations binaires, enfermé dans un cercle vicieux. Si l’on vise, pour accroître son gain, un gros écart, on augmente son risque en baisse. Si, au contraire, on veut se couvrir contre une baisse un peu forte, on est obligé de vendre une grosse prime, et, par suite, on diminue l'écart qui représente le bénéfice possible. 1. Opéralion nécessaire pour se liquider. — La résultante montrant nettement la situation d'ache- teur ou de vendeur de telle quantité, il est bien simple d'en déduire les opérations à effectuer pour se liquider. Tant que le cours de la réponse des primes tombe entre B et K, la vente est annulée par la prime P que l’acheteur abandonne, et l'on reste acheteur ferme d’une unité au coeurs M (cours de l’achat ferme diminué du montant de la prime P). Il faut donc, en liquidation, ou vendre ferme cette unité ou se faire reporter. En K et au delà, votre acheteur de prime lève sa prime ; cette vente devient ferme et les deux opérés, achat ferme et vente ferme de la même quantité, se liquident, ce qu'indique la direction horizontale de la résultante. L'examen d’un tracé graphique, en général, donne ces renseignements très simplement. Tant que le cours de la réponse correspond à une partie inclinée de la résultante, on à une opération complémentaire à faire pour se liquider. Si, au contraire, le cours de la réponse corres- pond à une partie Lorizontale de la résultante, on est liquidé sans aucun opéré complémentaire. 738 P. AYNÉ — MÉTHODES GRAPHIQUES POUR L'ÉTUDE DES OPÉRATIONS FINANCIÈRES III. — TABLEAUX SYNOPTIQUES GROUPANT PAR ANA- LOGIE DE FORME LE TRACÉ DES OPÉRATIONS BINAIRES, Après avoir étudié les quatre opérations simples (A, B,C, D), etles douze opérations binaires(n® 1 à 12) qui en résultent, nous les avons groupées dans six tableaux synoptiques, par analogie de forme de la résultante, afin de faciliter les recherches pour les résultats qu'on veut obtenir, résultats qui se lisent sur ces figures. Les cotes, par rapport à l'or- donnée d'abandon des primes, ont été rappelées, afin de permettre la construction rapide de la résul- tante lorsqu'on donne l’écart entre les deux opéra- tions, achat et vente, et le rapport entre les quan- tités de primes achetées et vendues. La figure 13 renferme les deux opérations les Op. À Op. B. Achat ferme SE ùN: Vente ferme 4 ie 2e Ne M/ NM : DS PA Ne 74 FRS 4 NS Fig. 13. plus simples : l'achat ferme (A) et la vente ferme (B). Ces deux opérations pourraient, à la rigueur, servir uniquement au spéculateur bien renseigné, ou heureux dans ses prévisions, puisque l'achat Up 1_Achat FE contre Op D V Pen meme quantité Vente à prime Fo 7 E B} ÈS É _ + Ÿ i— BAL RAAEN / | E FI NS | | KT | PR LEE 74 k—— KE —— ; Ni ue net. % N, E | 1e 74 Op 4 _ Vente F contre Op ( Achat P en même quantité Achat à prime Fig. 14. ferme est une opération à la hausse et la vente ferme une opération à la baisse; mais l'incon- vénient des marchés fermes, c'est qu'à côté de bénéfices illimités sont également des pertes illi- mitées. Des oscillations violentes des cours peuvent entrainer des écarts considérables; aussi a-t-on recherché un autre genre d'opérations qui, tout en conservant des bénéfices illimités, ne laisse aux pertes qu'une marge plus restreinte. Les deux opérations (fig. 14) : C, achat à prime, 4, vente ferme contre achat à prime en même quan- tité, remplissent ce but. L'opération € limite la perte en baisse qui rendail l'achat ferme dangereux, tout en laissant le béné- fice illimité en hausse. L'opération 4 limite la perte en hausse, qui rendait la vente ferme dangereuse, tout en laissant le bénéfice illimité en baisse. Ces deux opérations, jointes aux deux du tableau pré- céden t, pourraient former tout le bagage du spécu- lateur. La figure 14 renferme les deux contre-parties : Op. D : Vente à prime ; Op. 1 : Achat ferme contre vente de primes en même quanlité. Ces deux opé- rations restreignent, au contraire, le bénéfice, tout- en laissant la perte illimitée; elles sont done, si on les engageait isolément, contraires à toute logique. Op 7- Achat P contre Vente p en quantité égale Op.10 Vente P contre Achat p en quantité égale Fig. 15. Nous retrouvons dans la figure 15 les opé- rations précédentes 4 et D à bénéfice limité, mais avec cette différence que la perte aussi est limitée. Cette limite imposée à la perte est égale à la différence des primes pour l'opération 7 et à l'écart pour l'opération 40. Ces opérations, où tout est limité, ne donnent que de faibles bénéfices, encore diminués par les frais de loute nature qui grévent les opérations de bourse. Il faut donc en réussir un grand nombre pour réaliser un bénéfice appréciable. En tête de la figure 16 nous voyons l'opéra- tion2, qui offre un double danger si les cours sor- tent du calme qu'on leur supposait devoir garder. Puis l'opération 5, dite à cheval, qui, au contraire, sein age P. AYNÉ — MÉTHODES GRAPHIQUES POUR L'ÉTUDE DES OPÉRATIONS FINANCIÈRES 739 ‘présente un double avantage avecpertelimitée. Mais, pour que cette perte soit évitée, il faut, au lieu du calme nécessaire aux opérations 2, des fluctuations -de grande amplitude. r € 4 lé F cc e Op 26 Ac hat E Ce. Ven F. en quantite 2ble Vente n los P 2N À ARE AIN AE 6 ATEN D ee Nr M k \m Op 5- Vente F contre Op. 5 Vente F contre Achat n lois P ñ ; Achat P en quantité double {a cheval) Fig. 16. La figure 17 contient les opérations 8 et 11 de primes contre primes. La forme de la résultante présente de grandes analogies avec celle de la résultante des opérations 2 et 5 renfermées dans Je tableau précédent. Up. 8_ Achat P vontre Vente P en quantité double À. 1e Up 8_ Achat P contr: Vente de n lois P Op. 11- Vente de ? contre Achat de n Op. 1] - Vente de P contre Achat p en quantité double. fois p. Fig. 17. Nous remarquerons seulement qu'au risque illi- mité en baisse de l'opération 2, l'opération 8 à l'avantage de substituer un risque limité, qui peut devenir nul quand »p— P et se transformer même en bénéfice si on a 2p > P. Remarque inverse pour l'opération 11 comparée à l'opération 5. Au gain illimité en baisse que donne l'opération 5, elle substitue un gain limité, qui peut devenir nul quand np— P et se transformer en perte si on a np > P. Enfin, la figure 18 renferme les tracés où la quantité de primes faisant l’objet de la deuxième opération va tellement en diminuant que son influence sur la première est de moins en moins sensible. C'est ainsi que l'opération 3 ne diffère de l'achat p. 3 Achat F contre Op. 3 Achat P rontre Vante P en guartite Vente p er quantité n fois Inomdre a lus moindre = Déc Lis BR AE #? /a ZA NÉ AE a M C ‘ 1 #: 1e ui] K = K DZ K 720 p — | sa | En) & E D-1)p | SE . | u-1] P | tn- \ RE IE re) | NS RUN * —————- i y «| M AK = K| M. K' NP) N su Ne "NZ 1e 77 Lu 2h Tee >= Op. 6- Vente F contre Op. 12_ Vente P contre Ichat P en quantité Achat p en quantité n Îois moindre. a fois moindre Fig. 18, ferme simple que par une réduction qui n’est com- pensée que par une très faible couverture en É Ds ; baisse Ê. Si p reste constant, cette couverture di- minue à mesure que 2 croit. L'opération 6 ne diffère de la vente ferme simple que par une diminulion dela perte en hausse et un à : ) recul en baisse, égal à P, du cours auquel commence le bénéfice. L'opération 9 se rapproche de plus en plus de l'achat à prime ec à mesure que 2 devient plus petit; elle diminue le bénéfice en hausse, mais elle atténue la perte en baisse, qui, au lieu d'être P, n'est le plus que P — = Quant à l'opération 12, elle correspond à la vente à prime (D). La seule différence, c’est qu’elle atté- nue légèrement la perte en hausse; mais, par contre, elle réduit le gain en baisse, qui, au lieu P d’être P, devient P — ee D: L. D'ANFREVILLE — LA COLONISATION ET L'APPRENTISSAGE COLONIAL 140 | — Perte maximaau cours d'abandon de la prime IV. — EXEMPLE NUMÉRIQUE. | Nous donnerons un exemple numérique pour montrer l'emploi de nos tableaux : 1° On a vendu ferme 25 Rio à 744 et acheté en mème temps à prime, dont 5,50 Rio à 751 fr. C'est l'opération 5 (fig. 16) dite à cheval. Toutes les données du tracé sont cotées par rapport à l'or- dounée K d'abandon de la prime. Ce point K une fois connu, tous les autres en découlent. Dans l'exemple ci-dessus : cours K = 757 — à = 58); — Point M, commencement du gain en baisse au cours 752— (P+E)— 752 — (5 +13) —734 — Point M' commencement du gain en hausse au cours 752LP+LE—752+5+13—770. P+LE—5+13—18,soit, pour 5 actions, 18 X 25 —4)0I fr: La distance MM'est 7710—734—36 fr. On voit quelle amplitude il faut que les oscillations de cours alteignent pour qu'on réalise un bénéfice. De plus, ilne faut pas oublier qu'en pratique les. frais de courtage, de timbre et d'impôt reeculent encore ces limites. Aussi, une opération engagée dans de telles conditions serait-elle, la plupart du temps, désastreuse, si elle était exécutée isolément, bien que les mots qui la qualifient : perte limitée et bénéfices illimités en hausse et en baisse, la ren- dent séduisante au premier abord”. P. Ayné, Ingénieur des Arts et Manufactures- LA COLONISATION ET L'APPRENTISSAGE COLONIAL [. — COLONS INDUSTRIELS OU COMMERÇANTS. Il n’y a pas si longtemps, nous nous sommes avisés d'une grande vérité: les colonies ne sont pas de naturels Eldorados; rien n'y vient sans effort ; tout s'y paie par le travail, plus cher peut-être que dans la vieille Europe. Puis, nous avons reconnu que les colonies ne doivent pas être seulement un champ clos pour les luttes commerciales. On s'a- pereut, enfin, qu'il faut, pour y réussir, un mini- mum de ressources pécuniaires; peut-être même a-t-on été trop loin dans cette voie, en ne parlant pas assez des qualités morales comme de l'instruc- tion technique nécessaires au colon et qui peuvent, dans une large mesure, plus grande que dans la mère-patrie, suppléer à la modicité de ses capitaux. Le commerce fut d’abord l'unique raison d'être de notre empire colonial. Si nos plus anciennes possessions ne présentent guère, sur ce point par- ticulier, de différences avec la Métropole, il n'en est pas de même de nos plus récentes conquêtes. D'une manière générale, sauf dans un nombre restreint de villes ou de fortes agglomérations, nos nationaux ne peuvent se livrer au commerce de dé- tail. Le gros négoce leur est seul permis; mais ils ont partout à lutter contre la concurrence redouta- ble de maisons étrangères etmême decertainsnatifs. Nos compalriotes n'aiment pas sortir de leurs ha- bitudes. La palience que déploient leurs rivaux leur manque parfois, et ils savent moins bien que ces derniers se plier aux désirs d'une clientèle qu'ils n'étudient pas toujours suffisamment. Telles sont les principales raisons des échecs qu'ils subissent. Que conclure de cela ? C'est qu'il ne faut pas seulement, pour réussir aux colonies sur le terrain commercial, entrer dans la lulte avec des capitaux importants et des con- naissances techniques acquises dans la Métropole. S'il ignore tout du pays et de ses habitants, s'il n'a pas étudié les uns comme l’autre, sa connaissance des affaires ne servira en rien au futur traitant; elle ne lui épargnera pas les plus ruineuses expériences. Ne rien ignorer, non seulement de son métier, mais aussi de la région où l'on veut l'exercer, est, de même, absolument indispensable quand il s’agit de créer ou de diriger dans les colonies une in- dustrie quelconque. + On ne parlait guère jadis d'industrie coloniale et l'on en parle aujourd'hui chaque jour davantage; mais là, encore, l'ignorance des conditions particu- lières où l'on se trouve peul causer les pires dé- sastres. . L'histoire ancienne de nos chemins de fer colo- niaux est, comme l'on sait, fertile en incidents, etles ingénieurs qui les construisirent ont pu se pénétrer de cette idée si juste, mais inaltendue, que la solu- tion du mème problème diffère beaucoup selon la latitude. Ne voulut-on pas, l'an passé, faire travail- ler des Européens aux lerrassements du chemin de fer malgache, et ce simple exemple ne suffit-il pas pour démontrer combien nous devons encore ! L'ouvrage en cours de composition, dont nous venons de donner des extraits, se termine par un chapitre consatrén aux Æchelles de primes. où il est démontré, par des exemples, que cette méthode graphique s'applique à toutes les opérations complexes, quel que soit le nombre des opé= rations élémentaires entrant dans leur composition. L'éten= due que nous avons donné à cet extrait ne nous permet pas de le reproduire ici, malgré l'intérêt qu'il peut offrir: 1 ” Us | : D' L. D'ANFREVILLE — LA COLONISATION ET L'APPRENTISSAGE COLONIAL 7 apprendre des questions coloniales les plus simples et les plus connues! Le nombre des entreprises industrielles rémuné- ralrices qui pourraient être créées aux colonies est considérable. On y traiterait l'immense quantité el . la diversilé des produits que doit fournir notre do- maine exotique, pour le plus grand profit du pays, de nos compatriotes el des colons eux-mêmes. Mais, pour atteindre plus vite ce résultat désirable pour tous, nos jeunes gens riches, nos ingénieurs, comme aussi les nouveaux diplomés de ces écoles où l’on enseigne la théorie du commerce, devraient bien reprendre pour leur compte l’ancienne habi- tude qu'avaient jadis nos ouvriers de faire ce que ceux-ci appelaient le tour de France, afin de se per- fectionner dans leur métier. Nos jeunes gens riches vont déjà en Allemagne ou en Anglelerre passer quelques mois. Certains d'entre eux se hasardent à visiter Hanoï, en temps d'exposition. Ces déplacements ne sont pas inutiles, d'autres seraient plus profitables. Leurs études terminées, ou même après quelques années d'exercice de leur profession, lorsque l'am- bilion légitime, mais souvent impossible à réaliser chez nous, les gagnerait de se créer une situation indépendante, ces ingénieurs où ces commercants prendraient le paquebot : ils iraient faire, sur place, une enquête. Vacances peut-êlre pour un grand nombre, voyages d'études pour beaucoup, ces ex- cursions serviraient à tous. Nos colonies surtout y gagneraient. On les con- nailrait mieux. Les hommes et les capilaux s'y transporteraient plus facilement. Personne, par contre, n'y perdrait. II. — COoLONS AGRICULTEURS. C'est l'agriculture qui doit attirer et fixer le plus , d'émigrants dans nos colonies. Quel que puisse être le degré de prospérité auquel elles atteindront - plus tard, celles-ci retiendront seulement un nombre toujours limité de commercants et même d’indus- triels. Les planteurs, eux, pourront s'y multiplier sans crainte; la place ne sera jamais insuffisante pour toutes les bonnes volontés. Chaque année, selon les auteurs les mieux ren- seignés, plusieurs milliers d'émigrants quittent notre pays; mais combien, dans ce nombre, se fHixent sur notre domaine colonial ? L'Algérie et la Tunisie mises à part, l'immense majorité de nos colonies se trouve située dans la zone tropicale. Leur climat, sauf en diverses ré- gions très limitées, s'oppose au travail de l'Euro- pévu et à son acclimaltement, et nos ouvriers ni nos paysans n'y pourraient vivre. Ce qui suit ne peut, bien entendu, s'appliquer à ES un | | l'Afrique du Nord tout entière. Ce vaste terriloire est largement ouvert à l'émigration française. La somme des connaissances nécessaires aux nou- veaux venus y est moins considérable et plus facile à acquérir que dans les colonies proprement dites. Celles-ci accessibles « bourgeois ». On l'a dit, il faut le répéter. On doit toutefois apporter des tempéraments à cette règle générale et les voici, formulés en peu de phrases. Les colonies sont ouvertes à ceux qui, possédant des capitaux, les feront fructifier d'une facon ou d'une autre; mais elles peuvent, mieux que la Mé- tropole ou l'Europe, faciliter aux gens d'élite pau- vres, surtout s'ils s'occupent d'agriculture, le moyen de monter d'une classe et de s'enrichir. Ces ambitieux doivent suppléer, par des qualités plus nombreuses, à leurs ressources lrop minces. Ils doivent surtout, sous peine d’inévitable échec, ne rien ignorer de leur vie nouvelle. Et c'est là ce qu'oublient trop de dire ceux qui ont d'abord convié tout le monde à l'assaut des terres vierges et de la fortune. Après de trop reten- tissants échecs, dont ils sont bien quelque peu res- ponsables, ils proclament aujourd'hui la nécessité d'être déjà riche pour pouvoir s'enrichir encore par l'exploitation de notre domaine exotique. Un fonctionnaire fixait récemment, comme limite minima des capilaux nécessaires pour faire de l'agriculture à Madagascar, 100.000 à 200.000 francs, selon que le colon connaitrait ou non la culture. Ce fonctionnaire se trompe dans les deux cas. On peut échouer avec des capitaux plus importants, et combien d'exemples sont à ciler! On peut, par contre, réussir à meilleur comple. Deux de nos compalriotes sont établis, depuis dix ans, dans l’une des Comores. Ils entraient en jeu avec une somme qui ne s'éloignait guère de 100.000 francs ; mais leur domaine, très vaste, com- portait une usine à sucre en pleine décadence. Leurs bénéfices annuels, réalisés surtout dans la culture de la vanille, se chiffrent par centaines de mille franes. Cet exemple ne paraîl pas infirmer la théorie précédemment citée. Patience cependant! On peut descendre de degrés cette échelle des capitaux nécessaires. Certaines exploitations lonkinoises, commen- cées avec quelques dizaines de mille francs, don- nent, depuis longtemps, d'excellents résultats. On a souvent cité le domaine de la Croix-Cuve- lier, où la culture du riz en mélayage assurait 6.000 francs de revenu net pour un capilal de 20.000 franes. On peut même prétendre au succès avec de moin- dres ressources, si l'on a l'âme fortement trempée etune connaissance suffisante du métier. Un colon de Moheli, après avoir subi en France sont seulement à des nombreux 1 re D: L. D'ANFREVILLE — LA COLONISATION ET L'APPRENTISSAGE COLONIAL des revers de fortune, travaille trois ans comme agent de compagnie coloniale, aux appointements mensuels de 250 francs. [1 crée bientôt, avec ses maigres économies, une petite vanillerie. Celte propriété lui rapporte, en trois années, le capital engagé et lui permet de trouver un associé pour étendre sa plantation. Cet exemple ne suffit pas? En voici d’autres, où l'influence de la miraculeuse vanille, cette culture riche par excellence, ne peut être invoquée. Un des plus vieux et des plus riches proprié- taires de l'Oranie, maire d’une ville importante de la province, s'était engagé, en qualité de garcon de ferme, sur le domaine qu'il possède aujour- d'hui. Les débuts d’un autre colon du même dépar- tement sont plus modestes, s’il est possible. Il porta lui-même, longtemps, ses légumes aux marchés voisins, et le jour où il put s'acheter un âne lui a laissé un profond souvenir. Sa fortune dépasse cinq cent mille francs. Mais voici d’autres cas, pris dans d’autres colonies. Un gendarme, installé sur la route de Maavatanana à Tananarive, obtient une concession gratuite de 100 hectares. Il n'a, pour l’exploiter, qu'une somme très minime et l'appui de l'autorité. La vente du riz et du manioc aux bourjanes, le commerce des bœufs, lui fournissent, en peu de temps, plusieurs milliers de francs de recettes annuelles. Un très vieux colon de Nossi-bé, malheureuse- ment mort l'an passé, avait racheté une petite con- cession de 50 hectares dont l’un de ses amis vou- lait se défaire. Le nouveau propriétaire fit planter par cinq noirs, de mai à décembre 1901, 6.000 lia- nes de vanille, 4 hectares de maïs et manioc et un petit jardin potager dont il écoulait les produits sur Helville. Il commenca peu après la construc- tion d'une porcherie. Il comptait qu'il aurait pu tirer, dès la fin de la première année, assez de bé- néfices de sa concession pour assurer sa propre existence. A côté de ces gens-là, combien, en échange, pourrait-on signaler que leurs ressources pécu- niaires ne sauvèrent pas d'un échec complet, parce qu'ils entraient dans la lutte armés seulement de leurs capitaux! L'argent donc ne peut suffire au futur colon. I lui est cependant indispensable dans certaines proportions, bien difficiles à préciser, et l'État n’a pas tort de dire : « Un colon doit posséder 30.000 francs pour faire de la culture au Tonkin. 11 lui en faut 5.000 s'il est lui-même cultivateur et qu'il veuille tenter le sort en Nouvelle-Calédonie. » Mais il devrait ajou- ter : « Un homme qui ignore tout des colonies doit les apprendre. Quand il aura terminé son appren- tissage, telle somme lui sera généralement néces- saire ici et lelle autre là. Ces règles ne s'appliquent cependant pas à tous les cas. On peut réussir à moins: mais il faut alors connaitre parfaitement la région où l'on s'installe et ce qu'on veut y faire. » Mais ce n'est pas encore tout. On trouve facilement chez les colons anglais une certaine tournure d'esprit, bien rare parmi nos compatriotes, et qui, d'avance, constitue, pour les premiers, un sérieux élément de succès dont l'im- portance nous échappe trop. Nos émigrants, dès leur départ, songent au retour; ils le désirent très rapproché. Les colons anglais s'installent, au con- traire, définitivement ou pour une période qu'ils ne craignent pas de prévoir très longue. Afin de faciliter leur succès aux colons de l’ave- nir, on devrait s’altacher à leur faire connaitre d'avance, sans exagéralion dans un sens ou dans l’autre, notre domaine d'outre-mer et la vie qui leur y est réservée. On devrait s’ingénier à leur faire apprendre d'avance, avec le moins de risques possibles, leur nouveau métier. Une École d'Agriculture coloniale est ouverte à Tunis depuis quatre ans; elle rend des services, mais ne peut évidemment suffire. Que faire alors? Une circulaire du Gouvernement général, datée du 28 octobre 1901, proposait de dresser, pour Madagascar, la liste des colons d'une parfaite ho- norabilité et d'une compétence reconnue, qui ac- cepteraient chez eux des jeunes gens désireux de faire l'apprentissage du métier. Il n'est guère de colonies où l’on ne pourrait déjà établir une liste semblable. Un système de subventions, payées, soit par le Gouvernement, soit par les intéressés, rendrait bientôt prospère, à peu de frais, cette nouvelle institution. Tout grand colon qui le voudrait, deviendrait, en quelque sorte, professeur libre. Les colons moyens et petits, eux-mêmes, acceptant chez eux, « au pair », suivantl'expression employée dans le com- merce, ne füt-ce qu'un seul agent, les cadres de cette catégorie d’émigrants de°choix suffiraient pour alimenter, au profit des colonies’ un courant d'émigration, non seulement important par l'in- contestable qualité, mais aussi par la quantité, bientôt considérable, de ses éléments. Qu'on n'aille pas croire qu'aucun colon ne vou- dra jouer, pour ainsi dire, au maître d'école. Tous comprendront bientôt que leur propre intérêt est en jeu. Un des principaux propriétaires de Bou- farik (Algérie) vient, dès maintenant, de donner l'exemple. L'importance des services que rendrait une insti- tution de ce genre peut se mesurer facilement. Les petits colons de nos diverses colonies réussissent, proportionnellement, mieux que les autres, parce qu'ils se donnent en entier à leur œuvre. Le plus grand nombre, sinon la lotalité de ces colons, com- $ $ À D' L. D'ANFREVILLE — LA COLONISATION ET L'APPRENTISSAGE COLONIAL mencçèrent par travailler au comple d'autrui. Ils apprirent, de cette facon, leur métier mieux que personne. Le colon de Nossi-bé, celui de Mohéli, l’ancien gendarme, avec eux le fils d’un général qui fit son apprentissage dans une compagnie de la côte et prit ensuite une concession, ous ont été, avant la lettre, pour ainsi dire, élèves de ces écoles libres dont la création ne devrait plus tarder. Ils ont ap- pris, chez les autres, ce qu'ils ont ensuite pratiqué pour eux-mêmes. Les jeunes Anglais désireux de se fixer en Austra- lie s'engagent d'abord, en qualité de bergers, sur un domaine du pays. Ils apprennent ensuite la tonte etle commerce. Puis, suffisamment préparés, ils deviennent maitres à leur tour. C’est ce principe qu'il faut généraliser chez nous. Sous l’ancien régime, une habitude semblable, dont on retrouve encore des traces dans ces iles, * se perpétua longtemps aux Antilles. Les habilants prenaient chez eux des engagés, venus de leur piein gré, mais qu'on menail rude- ment. Libérés, ces hommes s’établissaient d'ordi- naire, à leur tour, auprès de leurs anciens patrons. L'idée, actuellement reprise au Tonkin et à Ma- dagascar, de fixer, dans la colonie, des soldats de la garnison, procède d'un principe très rapproché du précédent. Nos pères l'ont aussi réalisée, sur- tout dans le Canada. Les colons agricoles sont, le plus souvent, des isolés. C’est ce qui rend leur vie pénible et leur réussite difficile. Si cet isolement leur est d'ordi- naire imposé par les circonstances, il est aussi, en partie du moins, quelquefois imputable aux inté- ressés eux-mêmes. Les émigrants d’autres peuples ne comprennent pas l'existence de celle façon. Eloignés de la patrie, faibles contre la nature adverse, ils pensent se for- tifier en unissant leurs faiblesses : ils créent des associations, des syndicats pour la défense de leurs intérêts, etles résultats obtenus par eux démontrent qu'ils ont raison. On cite cet exemple typique des colons anglais de Ceylan, ruinés par la perte de leurs cafééries. Ne pouvant lutter contre l'Hemyleia vastalrix qui détruisait leurs plantations, ils arrachèrent les cafés malades et plantèrent du thé sur des milliers d'hectares. Puis, leur syndicat s'occupa de placer les produits récoltés, dont l'Angleterre consomme aujourd'hui une forte part. L'Exposition de 1900 fut, pour eux, l'occasion de commencer une vaste cam- pagne en vue d’accaparer aussi le marché francais. Nos compagnies congolaises, nos colons de Co- chinchine, ceux de la Nouvelle-Calédonie et des Nouvelles-Hébrides ont créé des associations ana- logues, qui songent même (les deux dernières) à 1 ES Ce faciliter l'établissement de nouveaux venus. Voilà une juste et saine façon d'apprécier la question de l’'émigration. Nos colons agricoles ne doivent, en effet, pas craindre de se faire concurrence. Si leur nombre s’accroit, leur force s'augmentera d'autant. Ceux d’entre nos compatriotes, installés à Madagascar, qui brülent leurs lianes de vanille plutôt que de les vendre à des voisins, ceux des Comores qui veulent éviter, par-dessus tout, dans leur archipel, l'instal- lation de nouveaux concurrents, sont donc, du même coup, maladroits et coupables; leur con- duile est, en effet, contraire à leurs véritables in- térèts. La multiplication du nombre des colons pourrait se faire, on l’a pensé du moins, par auto-recrute- ment, les premiers installés appelant autour d'eux des parents ou des amis, décidés par leur exemple. L'idée est fort juste, et cette propagande privée naturelle constitue, malgré sa lenteur, la meilleure publicité dont puisse profiter une colonie. Elle est assurément préférable à d'autres réclames plus criardes. Des pages précédentes doivent se dégager les grands principes suivants : Il faut d'abord développer, parmi les colons, l'esprit de solidarité qui leur fait trop souvent défaut. Groupés en associations, ils auront des chances accrues de résoudre ces problèmes, vitaux pour eux : l'étude des cultures nouvelles ou leur extension, le recrutement de la main-d'œuvre, l'écoulement des produits récoltés. Ils verront aussi, bien mieux, l'intérêt qu'ils ont de multiplier leur nombre. Mais l'œuvre de ces véritables écoles libres et pratiques dont il a été précédemment parlé sera des plus fécondes pour atteindre ce dernier résultat. Grâce à elles, surtout, les hommes et les capitaux viendront vivifier nos colonies. Ces capi- laux ne seront pas risqués aveuglément. Ces hommes ne seront pas la foule, vouée d'avance aux pires désastres, qu'on appelait encore récemment. Ils ne seront pas non plus les colons exceptionnels dont rèvent quelques théoriciens, déjà riches, mais faisant, d'un cœur léger, le sacri- fice de la vie facile et du confort habituel, contre le risque d’accroitre leur fortune. Nous ne marcherons pas, grâce à ces seuls moyens, d'une très rapide allure vers la réalisation de l'œuvre de longue haleine constituée par la mise en valeur de notre empire colonial. Nous irons cependant plus vile qu'on ne pourrait croire, très sûrement en tous cas, sans risquer jamais d'aboutir à des crises comme celle dont souffre aujourd'hui le Congo, pour ne citer qu'un exemple connu de tous. 144 D' L. D'ANFREVILLE — LA COLONISATION ET L'APPRENTISSAGE COLONIAL | III. — LES SALARIÉS COLONIAUX. Une importante partie de la question du recru- tement des colons reste encore à étudier. Les plan- teurs, les commerçants et les industriels, mais sur- tout les nombreuses Compagnies, quel que soit leur objet, existant dans nos diverses possessions, ont, chaque jour davantage, besoin d'employés intel- ligents et probes. Le recrutement actuel de ces agents laisse peut- étre plus à désirer que celui des colons libres, et le manque de sélection habituel, dans cette catégorie déjà nombreuse d'émigrants, peut même être con- sidéré comme une cause fréquente des récents insuccès coloniaux. On ne peut dire grand'chose des salariés retenus par leurs fonctions dans les villes et sous l'immé- diate surveillance de leurs patrons. La situation de cette catégorie d'agents demeure, ou peus'en faut, semblable à celle qui les attendait en Europe. Leurs devoirs, équivalents, ne leur confèrent pas de droits supérieurs. La seule rareté de là main-d'œuvre peut rendre leurs services plus appréciables ‘el les faire justement rémunérer davantage. Mais ceux d'entre les employés coloniaux, quelles que soient leurs spécialités, qui doivent vivre, soit par pelits groupes, soil isolés, séparés par de longues distances, non seulement de leurs chefs et de toute surveillance effective, mais aussi de toute aide et même du moindre secours en cas de danger, ces hommes-là ne paraissent-ils pas, à priori, dignes d'une attention spéciale et même, disons le mot, d'égards particuliers ? La solitude dont ils sont entourés les oblige à posséder des qualités qui ne leur étaient pas indis- pensables dans la Métropole. Ils doivent pouvoir se passer d’uneinfinité d'aides dont la civilisation nous assure, pour ainsi dire, automatiquement les ser- vices. [l va leur falloir, en effet, s'installer, pourvoir eux-mêmes à leur nourriture, se soigner en cas de maladie. Leurs devoirs sont infiniment plus nom- breux et plus graves que ceux dontils seraient char- gés dans des régions moins barbares; ilestdonce juste que, parallèlement, leurs droils s'élèvent aussi. La situation des agents employés par des parti- culiers est généralement meilleure que celle de leurs camarades au service des Compagnies. Ces derniers ont souvent maille à partir avec leurs employeurs. Les Compagnies coloniales ne vont généralement pas sans élals-majors consi- dérables; les pelits agents doivent être nombreux pour légitimer l’existence de ces états-majors, mais ils reviendraient alors aussi bien cher, si l'on payait chacun d’eux convenablement. Cela revient à dire qu'ils sont souvent mal rému- nérés, et leur recrulement devient, de ce fait, très | difficile. Certaines Compagnies, pour ce motif, ne | sont pas très exigeantes sur la qualité. Elles acceptent les candidats qui se présentent, mais elles les trompent par des promesses irréalisables. Telle compagnie de Madagascar offrait en tout 200 et mème 150 francs aux petils agents qu'elle | recrutait sur le pavé des grandes villes. Le nom- breux étal-major chargé de les diriger louchaït, par | contre, des sommes plus importantes. k La région qu'ils allaient habiter, au dire des bureaux de Paris, élait saine, agréable, la vie à très ! bon marché. Des maisons confortables attendaient les émigrants. Ils élaient vingt environ qui trou- | vèrent, en arrivant, qualre peliles cases, cons- truites selon la mode indigène, au milieu d’une plage étroite, semée de marécages. La nourriture, parfois insuffisante, coûlait, de plus, fort cher. La Société, en moins de deux ans, transporta sur sa concession quarante-deux Européens, qu'elle dut ensuite rapatrier, sauf quelques morts. Chaque employé restait en moyenne six mois, et cet exemple, pour si extraordinaire qu'il paraisse, n'est pas unique en son genre. Les grandes Compagnies congolaises, créées d’un seul coup. en 1898, au nombre d'environ une tren- taine, devaient s'occuper d'abord de troquer le caoutchouc et l'ivoire africains contre des mar- chandises européennes. Leurs simples agents partent encore avec un contrat leur assurant une mensualité de 150 francs, dont un dixième, retenu, sert de cautionnement. Le logement, la nourriture, le voyage, les soins médi- caux sont, de plus, à la charge de l’employeur. Quelques sociétés font miroiler aux yeux du candi- dat les bénéfices résultant pour lui de commis- sions sur son chiffre d'affaires. L'agent part, se figurant devoir gagner 400 à 500 francs par mois, tous frais payés. À peine arrivé, les déceplions commencent : ses bénéfices sont nuls, il ne recoit pas ses vivres, sa santé s'al- tère, car le nécessaire lui manque souvent; il nan pas de médecin, pas d'ami, pas de distraction d'au- cune sorte. Enfin, découragé, il quitte le Congo. 3 Nous n'avons pas inventé cetle façon de pro-w céder. Elle nous vient directement de = | ! Nos voisins donnent de très maigres appointements à leurs agents congolais; ils leur promettent aussi des commissions et insèrent cette promesse dans les contrats, mais avec des restrictions qui laissent: aux Compagnies la faculté de se dérober : « Le soussigné reconnait n'avoir droit qu'à son trailement, les commissions énoncées plus haut ne lui étant dues que sur la proposition de la Direction À et pour autant que celle-ci juge, à l'expiralion den son terme de service, que celui-ci s'est acquitté de D' L. D'ANFREVILLE — LA COLONISATION ET L'APPRENTISSAGE COLONIAL tous ses devoirs envers elle. » On doit le proclamer bien haut : en France comme en Belgique, ces pro- cédés coupables ne sont pas d'usage courant; ilest toutefois regrettable qu'ils existent. Les Belges apportent, en échange, beaucoup d’at- tention aux questions de nourriture et d’installa- - ion, trop négligées par nous. Ils prennent aussi grand soin, et nous aurions profit à les imiter, de faciliter aux nouveaux venus leur instruction tech- nique, par le contact des anciens. C'est après une initialion acquise à la suite d'un séjour dans les postes plus importants, où ils sont en sous-ordre, qu'on lâche dans la brousse les hommes enfin « dégourdis ». Nos agents coloniaux, peu payés, mal recrutés, sont souvent fort mal dirigés. Le mal est done sérieux; il est cependant loin d'être incurable. Les intéressés eux-mêmes, avec quelque attention, trouveront le remède. Puisqu'on doit, nécessairement, exiger beaucoup du salarié colonial, quelles que soient son importance et sa fonction, il faut lui donner beaucoup en échange. Lbès son arrivée aux colonies et d'un seul coup, l'employé européen s'élève dans l'échelle sociale. Il devient, il doit tout au moins devenir un privilégié. Sa qualité de membre de la race conquérante lui donne rang dans une aristocratie, et cela doit se traduire par des faits matériels, par des droits comme par des devoirs nouveaux. De ce principe découlent les conséquences suivantes : L'existence de l’employé européen doit être aussi confortable que possible. Une bonne instal- lation, jointe à une nourriture suffisante, sont les meilleurs facteurs de santé physique et morale. Un homme bien logé et bien nourri se porte mieux, il se décourage moins et travaille davantage. Si l'on Joint, aux précédents avantages, des appointe- ments convenables, la siluation d'agent colonial devient désirable et c’est l'élite qui s'y porte. Les employeurs, à leur tour, trouveraient de grands bénéfices dans ce nouvel état de choses. Payant mieux, ils auraient droit d'exiger davan- tage. L'extension du système des primes, de la par- ticipation aux bénéfices, est aussi très désirable. Presque insoluble en Europe, cette question l'est beaucoup moins dans les colonies, justement parce qu'elle s'appliquerait seulement à un petit nombre d'hommes devant constituer une élite. IV. — DIRECTION DES ENTREPRISES COLONIALES. La question qui se pose ensuite est celle de la direction des entreprises coloniales. Rien ne serait plus vain que de vouloir, en quelque sorte, codifier des règles, variables selon chaque cas particulier. On peut, tout au plus, poser en principe que le directeur d'une entreprise coloniale doit, non seu- lement connaitre son mélier, mais encore le pays où il! doit l'exercer. Ce point acquis, il est utile, sinon nécessaire, qu'un directeur soit directement intéressé au succès de son entreprise. Un directeur dontle contrat serait rédigé d’après ce principe sentirait sa fortune liée à celle de sa Compagnie: il ne négligerait rien pour assurer les deux en même temps. Si, par malheur, l'avenir de l'affaire lui parais- sait devoir être médiocre, il n'aurait pas d'intérêt à leurrer son conseil d'administration par des rap- ports mensongers. L'importance de ses appointe- ments, seulement convenables pour attendre des bénéfices qu'il verrait irréalisables, ne l’inciterait pas à gagner du temps, afin d'émarger plus lon- guement. Les sociétés coloniales allemandes nomment aux fonctions de directeur des hommes rompus à la marche des affaires et qui, pour la plupart, ont acquis peu à peu leurs grades sur place. Les plus sérieuses Compagnies belges du Congo procèdent de la facon suivante, très ingénieuse et qui donne les meilleurs résultats. Elles ont deux directeurs pour l'Afrique, dont l’un prend son congé pendant que l’autre le remplace. Les deux direc- teurs se contrôlent mutuellement pour le plus grand profit des actionnaires. Les Compagnies pourraient, du reste, si elles le voulaient, et moyennant un sacrifice en somme restreint, se renseigner sur l'état exact de leurs affaires mieux qu'elles ne l'ont fait jusqu'ici, pour la plupart. Ce serait gràce à l'envoi systématique d'inspecteurs, choisis de préférence parmi les gens pourvus d’une expérience coloniale. Si les salariés ont quelquefois lieu de se plaindre de leurs employeurs, la réciproque, il faut le dire, se produit pour le moins aussi souvent. Un choix plus sévère du personnel, rendu pos- sible par l’amélioralion de sa situation matérielle, diminuerait dans de fortes proportions la quantité de mauvais éléments, toujours comprise dans une collectivité quelconque. Si le grand principe de l'association s’imposait enfin parmi les coloniaux auxquels il est particu- lièrement nécessaire, les Compagnies et les colons libres, loin de se les disputer, comme il arrive par- fois, trouveraient, sans nul doute, un moyen de se garder contre les mauvais serviteurs. A cause de leurs plus grandes ressources, les Compagnies sont souvent, mieux que des particu- liers, susceptibles d'exploiter les multiplesrichesses de nos diverses possessions. Leur nombre peut et doit s'élever encore. Il était donc utile d’effleurer au moins la question si complexe des employés colo- niaux, dont l’étude achève celle du recrutement des colons. D' L. d'Anfreville. 746 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ET INDEX ANALYSES 1° Sciences mathématiques Stoffaes (Abbé), Professeur-adjoint à la Faculté catholique des Sciences, directeur de l'Institut catholique des Arts et Métiers de Lille. — Cours de Mathématiques supérieures. — 1 vol. 1n-8° de 536 pages, avec 191 figures; 2 édition, entièrement retondue. Gauthiers- Villars, éditeur. Paris, 1904. Il y a douze ans environ que la première édition de cet excellent livre a paru. Le but de l’auteur était de fournir aux élèvesse préparant aux études de Physique — spécialement à ceux qui visaient à la licence — la partie essentielle des Mathématiques supérieures qui leur était nécessaire, et de la leur présenter en un tout homo- uène, suffisamment complet et pourtant d'une éten- due peu considérable, simple surtout et clair, de façon, enfin, que les étudiants ne fussent plus obligés d'aller chercher dans les longs et savants Traités spéciaux les théories utiles ou nécessaires. Il était évident que, pour cela, il fallait sacrifier mainte belle théorie, s'abs- tenir de maint développement intéressant, mais ne présentant pas d'utilité réelle pour ceux à qui l'ouvrage Ss’adressait. Il fallait, au contraire, s'astreimdre à choisir et viser à ce qu'on püût arriver, sans se rebuter, à l'intelligence complète des principales méthodes mathé- matiques et des meilleurs procédés de calcul, pour qu'on pût poursuivre rapidement les études physiques ou mécaniques auxquelles on désirait se vouer. L'idée était juste, l'ouvrage bien concu, et l'auteur a mis à profit l'expérience acquise et les observations qui lui ont été faites. La deuxième édition vient de paraitre refondue et augmentée. Elle s'ouvre par un complément d'Algèbre élémen- taire, comprenant sous une forme rigoureuse, quoique simple, ce qui est essentiel dans la théorie des Détermi- nants, celle de l'Analyse combinatoire, des séries, etc. Le livre II commence l'étude des dérivées, par la considé- ration immédiate des infiniment petits. Aux livres sui- vants, nous trouvons les premières notions de Géo- métrie analytique plane et dans l’espace; les coor- données polaires sont heureusement employées paral- lèlementaux rectilignes. Une petite critique en passant. Pourquoi intercaler ces deux livres entre la Théorie des Dérivées et celle des ? Pendant Différentielles? 90 pages, le lecteur n'entend plus parler des premières, qu'il à étudiées longuement, et il en reprend l'étude, au livre V, en abordant les Différentielles. Il eût été, semble-t-1l, plus logique de placer les notions de Géo- métrie analytique dès les compléments d'Algèbre. — Le livre V étudie donc la théorie des Différentielles, en pratique les principales applications, puis présente les principaux cas d'intégration, avec une courte étude sur le développement des fonctions en séries et la variation des fonctions. Avecles précieux modes d'inves- tigation dont dispose alors l'étudiant, il aborde l'étude plus approfondie des courbes et des surfaces. Cette partie est évidemment la plus développée; elle se ter- mine par deux excellents chapitres : la construction et la détermination des courbes, où l'auteur fait preuve d'un véritable souci de rester simple et pratique. Les applications géométriques du calcul intégral et les élé- ments de l'étude des équations différentielles ter- minent ce volume, vraiment bien compris et qui peut être très utile, non seulement aux étudiants de Phy- sique, mais à toute personne qui voudrait rapidement s'initier aux Mathématiques supérieures. E. Demos, Maitre à l'Ecole professionnelle de Genève. Coupan (G.), i2génieur-agronome, répétiteur-prépa- nous sur de fortes bases l’enseignement supérieur agri= cole. « Extraire de cet enseignement la partie immé- diatement utilisable par l'exploitant du domaine rural ' et faire connaitre du même coup à celui-ei les données scientifiques définitivement acquises sur lesquelles lan pratique actuelle est basée », tel est, parfaitement défini par M. Regnard, le but de l'Encyclopédie agri= cole, dont fait partie l'ouvrage de M. Coupan. Et celui-. ci remplit exactement ce but, car il n'est pas un simple manuel, mais un véritable petit traité des moteurs agricoles. blement inspiré par l'enseig dont M. Coupan à été l'élève et le préparateur, fait de l'ouvrage un outil de haute vulgarisation. L'emploi M discret qui a été fait des formules mathématiques en rend la lecture accessible et profitable au grand Ganot et Maneuvrier. — Traité élémentaire de M. G. Maneuvrier, directeur-adjoint du Laboratoire de” recherches physiques à la Sorbonne, est bien connu de nos lecteurs : ila déjà servi de guide dans l'étude de la Physique à de nombreuses générations de lycéens. une place aux découvertes qui ont révolutionné en ces dernières années le champ de l'Electricité et de l'Op=M tique, en particulier à celles de Rüntgen, de Becquerel etde M. et Mnt Curie. ê rateur à l'Institut National Agronomique. — Les Moteurs agricoles.— 1 vol. in-18 de l'Encyclopédie agricole, de 484 pages, avec une introduction du D' P. Resnaro, directeur de l'Institut ‘Agronomique, et 269 figures (Prix : 5 fr.). Librairie J. B. Baillière et fils. Paris, 1904. La création de l'Institut Agronomique a établi chez Il débute par une revue des principes généraux de la Mécanique et un tableau des mécanismes, c'est-à- dire des dispositifs simples qu'on peut rencontrer dans les machines. Il étudie ensuite, dans cinq chapitres successifs, les les moteurs à explosion (d'une application plus récente en agriculture, mais qui s'y développent beaucoup et que l'utilisation de l'alcool va probablement populariser bien davantage encore), les moteurs Aydrauliques et les moteurs éoliens. s moteurs animés, les moteurs à vapeur, Dans chacun de ces chapitres, l'étude des moteurs est suivie de la description de leurs applications agri- coles. L'auteur donne, en terminant, l'exemple encore récent, mais qui sera probablement bientôt suivi, de quelques applications électriques. Naturellement le cadre de l'ouvrage ne lui à pas permis de décrire, même succinctement, les divers spécimens de machines d’un mème type; il a dû se borner à des considérations générales pouvant s’appli- quer à tous ces modèles, et ne s’est écarté de la règle que pour signaler certains dispositifs particulièrement M recommandables. Mais son exposé fort méthodique et fort clair, visi- ignement de M. Ringelmann, publie agricole. Î GÉRARD LAVERGNE, { Ingénieur civil des Mines. £ 2° Sciences physiques : Physique (22° édition). — 1 vol in-12° de 1031 pages avec 882 gravures. Hachette et C*, éditeurs. Paris, 190%. Le Traité de Physique de Ganot, mis à jour par Dans la 22° édition, qui vient de paraître, on a fait mt sans dés 1 C2 Ce noue à d BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1 = 1 Marehis (L.), Professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaux. — Leçons sur les Méthodes de mesures industrielles des courants continus. — 4 vol. in-8 de 567 pages (Prix 16 fr.). Veuve Dunod, éditeur, #2, quai des Grands-Augustins, Paris, 1904. Les lecons professées par M. Marchis à la Faculté des Sciences de Bordeaux pendant l’année 1901-1902 sont intéressantes à plus d'un titre : car si, d'une part, elles constituent un ouvrage didactique, clair et précis, sur les méthodes de mesures électriques, elles sont aussi un essai curieux de conciliation des théories exactes et complexes de la Physique mathématique, telle qu'elle est enseignée en France, avec les théories simples, mais parfois inexactes où incomplètes, exposées dans les ouvrages de vulgarisation. Les critiques formulées contre différentes lois géné- ralement admises en pratique sonttrès instructives; mais elles le seraient bien davantage si l'auteur avait eu le soin de préciser quels sont les phénomènes expé- rimentaux quil considère comme absolument déli- - nis et qu'il prend comme base de ses théories. Dans les chapitres FE, IE, HTet V, M. Marchis, s'inspi- rant des idées de M. Duhem, léminent professeur de l'Université de Bordeaux, étudie les lois fondamentales du Magnétisme et de l'Electrodynamique, avec le désir inavoué de combattre les méthodes analogiques et pour ainsi dire illustratives des physiciens anglais. C'est ainsi que les lois du circuit magnétique sont condamnées et rejetées comme inexactes, même en ce quiconcerne la combinaison des réductances. Il semble, pourtant, qu'en tenant compte de la dispersion, les lois d'Hopkinson ne sont que la traduction de la conserva- tion du magnétisme, de même que les lois d'Ohm ne sont que la conséquence de la conservation de l'élec- tricité. Il semble aussi que ces lois pourraient se déduire simplement de certaines théories, par exemple celles de M. Heaviside ou de M. Larmor. Les critiques formulées contre la méthode ordinaire de détermination des forces magnétomotrices semblent entièrement fondées, mais les termes complémentaires que M. Marchis voudrait ajouter pour tenir compte de . l'électrogénéité des circuits sont assez mal délinis, et - conduite, son existence eflective est démontrée d'une facon un peu sommaire. D'ailleurs, au point de vue pratique, toutes les corrections qu'on pourrait apporter de ce chef seraient illusoires, étant donnée lindétermination des coefficients de dispersion. Dans les chapitres VI et VIT, l'étude des mesures de la perméabilité et de l'hystérésis est très heureusement et l’auteur s'attache avec raison à montrer que les méthodes employées en pratique ne peuvent pas se justifier théoriquement et qu'elles ne donnent qu'une indication qualitative sur les échantillons étudiés. L'ouvrage se termine par une description sommaire - des dynamos à courant continu et l'exposé d'une élé- gante méthode d'étude des enroulements, due à M. Chi- part, ingénieur des mines à Bordeaux. P. LETHEULE. Babu (L.), Professeur à l'Ecole nationale des Mines. — Traité théorique et pratique de Métallurgie générale. Tome premier. —1 vol. 1n-8 de 558 pages avec 148 figures. Béranger, éditeur, Paris, 1904. Ils sont très rares les livres scientifiques écrits dans un esprit nouveau, où l’auteur sort résolument d'une routine surannée qui ne cadre plus avec les découvertes et les idées modernes. C’est ce que M. Babu a admira- blement compris en présentant la Métallurgie, non plus exclusivementecommeunart professionnel, mais comme une véritable science où les opérations métallurgiques Sont groupées autour de lois physiques et chimiques dont elles ne sont que les applications. Et il n'y a rien là d'artificiel ni de forcé, car la plupart de ces lois ont été les conséquences ou plutôt les généralisations de résultats empiriques. Le livre de M. Babu — qui est un chef-d'œuvre de pédagogie — est bien fait pour inculquer au métallur- giste débutant un bon esprit de méthode: celui-ci saura désormais interpréter plus facilement ses obser- vations et faire des recherches plus fructueuses. Le traité de M. Babu comprend /es éléments et pro- duits des opérations métallurgiques. Un second volume lraitera des combustibles, des opérations métallurgiques et des appareils nécessaires à leur réalisation. L'études des principaux éléments qui interviennent dans les opérations métallurgiques comprend : Le minerais (classement, échantillonnage, manu- tention et mise en stock); Le capital (bilans, trusts, syndicats de vente, ete...); Le travail (organisation d'une Société et d’une usine métallurgiques, choix du personnel, rémunération du travail, etc...); L'énergie (lois de transformation de l'énergie et applications des énergies élastique, cinétique, élec- trique, chimique, mécanique, thermique); La production de la chaleur et son utilisation, ete. L'étude des produits métallurgiques comprend les métaux etles alliages, les scories et les laitiers. Les métaux et les alliages sont étudiés au point de vue de leur fusibilité et de leur transformation molé- culaire. Un grand nombre de courbes et de photogra- phies micrographiques illustrent cesintéressants déve- loppements, puisés aux travaux les plus récents de Sir Roberts Austen, Osmond, Le Chatelier, Howe, Charpy, etc. Les laitiers et les scories sont étudiés au point de vue de leurs propriétés générales et de leur fusibilité ; cette étude est accompagnée de courbes et de tableaux très suggestifs, en particulier sur les températures et sur les chaleurs totales de fusion. L'auteur à mis en évi- dence les résultats des travaux de Akerman et de Hofmann. Lesscoriesetleslaitierssontégalementétudiés au point de vue de la purification qu'ils exercent sur les métaux. On le voit, le plan de ce livre est excellent et présente un très grand intérêt au point de vue scientifique et au point de vue pratique. Nous devons cependant, pour être complet, signaler quelques erreurs, que nous n'avons relevées, d'ailleurs, que dans le chapitre relatif à l’électrolyse : M. Babu cite la vieille loi de Thomson, d’après laquelle la tension électrique nécessaire à lélectrolyse d'un sel serait proportionnelle à la chaleur de forma- tion de ce sel. On sait, cependant, depuisles travaux de Helmholtz, que cette proportionnalité n'existe pas. La formule de Thomson est, en effet, la traduction incom- plète du principe de la conservation de l'énergie Energie électrique — chaleur de formation de l'élec- trolyte E energie thermique. Thomson n'avait pas tenu compte du facteur énergie thermique. L'exemple que lon citait pour appuyer la formule de Thomson (et M. Babu s'en sert aussi) était celui de la pile de Daniell, exemple détestable parce qu'il constitue une des rares exceplions où l'énergie thermique soit pratiquement nulle. L'affinage électrolytique du cuivre avec anode en cuivre est décrit par M. Babu comme s'il devait se produire avec dégagement d'hydrogène à la cathode et avec dégagement, si Le bain est trop acide, d'oxygène à l'anode. C’estlà un fait qui est contredit aussi bien par la théorie que par la pratique. Toujours dans le même chapitre, et à propos de l'affinage électrolytique des métaux : «Il faut — dit M. Babu — que la force électro-motrice du courant et son intensité soient calculées de telle sorte que le métal affiné se dépose seul à la cathode ». Or la force électromotrice (e-ri)ne joue un rôle que lorsque l'élec- trolyse se fait avec une anode insoluble, et alors seule- ment les métaux mique, mais l'acide droit éprouve cette transformation beaucoup moins rapidement que l'acide gauche. — M. P. Lemoult a préparé l’anilide o-phosphorique e{ses homologues, composés très stables et très résistants à la saponification. Ilsse décomposent au-dessus de leurs points de fusion en donnant une amine et des corps insolubles. — MM. Ch. Moureu et M. Brachin ont condensé facilement les alcools et les phénols, par lin- termédiaire de leurs dérivés sodés, avec les acétones acétyléniques; les acétones éthyléniques f-oxyalcoylées et G-oxyphénylées qui se forment sont des composés énoliques, qui s’hydrolysent facilement par les acides étendus avec formation de $-dicétones. — MM. L.-J. Simon et A. Conduché, en chauffant ensemble l’éther oxalacétique, l'aldéhyde benzylique et laniline, ont obtenu un dérivé de la cétopyrrolidone. — MM. A. Astruc et E. Baud communiquent quelques données thermochimiques et acidimétriques sur l'acide mono- méthylarsinique. La formation du sel monosodique dé- gage 46,37 cal., celle du sel disodique 43,04 cal. en plus. — MM. J. Alix et I. Bay montrent que la décomposition du carbonate de chaux qui se trouve fréquemment dans les houilles est une cause d'erreur dans la détermina- tion du carbone par combustion. — M. V. Bordas à dé- terminé la quantité d'arsenic contenue dans certains produits employés couramment pour l'alimentation des enfants et des malades. — M. G. Friedel considère la loi des troncatures rationnelles, définissant un réseau unique et bien déterminé, comme la simple expression d’un fait d'observation. 3° SGIENGES NATURELLES. — M. A. Laveran à observé que les Cynocéphales jouissent de limmunité naturelle pour les Trypanosoma qambiense, dimorphon, Brucer, Evansi, Equinum. Leur sérum à une action microbi- cide manifeste sur ces organismes. — M. G. Loisel montre que l'emploi des glandes génitales en opothé- rapie est justifié et que l'extrait des glandes génitales agit sur l'organisme par l'intermédiaire du système nerveux. — MM. A. Charrin el Vitry ont constaté que, sous l'influence de la lactation, la résistance de lécono- mie aux poisons et à l'infection fléchit. — M. Ch. Ré- pin décrit un nouveau procédé de lavage mécanique du sang, permettant de remplacer le plasma, avec tout ce qui s'y trouve dissous, par du sérum artificiel sans por- ter atteinte aux hématies. — M. A. Moutier à reconnu que, dans le traitement de l'hypertension artérielle, il n'y a pas lieu de prolonger au delà de 5 minutes Îles séances de d’Arsonvalisation. — M. G. Gruvel étudie la formation de la muraille et la structure de Pappa- reil musculaire ches les Cirrhipèdes. — M. Ed. de Janc- zewski a reconnu l'existence de plantes antiméri- diennes, dont toutes les feuilles tournent leur face vers le nord et leur dos vers le midi. —M.C. Gerber montre que l’étamine carpellisée de la Giroflée diffère de l’éta- mine ordinaire par l'adjonction, au système libéroli- eneux de cette dernière, du système libéroligneux renversé fertile caractéristique du gynécée des Cruci- fères. — M. J. Gosselet présente trois cartes hypsomé- triques des assises crélaciques dans le nord de la France (région de Douai). Elles montrent que la grande érosion qui à nivelé la craie est antérieure à l’âge tertiaire; la surface crayeuse estune pénéplaine ou plaine d’érosion aérienne comme la surface primaire. — MM. L. Dupare et Th. Hornung attribuent le phénomène de l'ourali- tisation à une épigénie magmatique profonde. — M.E. de Martonne, par l'étude des terrasses des rivières kar- pathiques en Roumanie, à reconnu que, à une époque très récente, les deux compartiments qui forment actuellement les chaines karpathiques et la plaine roumaine ont été l'objet d'un déplacement relatif d’am- plitude variable. — M.J. Thoulet montre que la fosse de l'Hirondelle, dans l'archipel des Acores, dont il à dre la carte bathymétrique, est un cratère adventif du cratère des Acores. — MM. P. Miquel et H. Mou- chet ont reconnu que les filtres à sable fin non sub- mergé présentent, sur les divers procédés d'épuration bactérienne des eaux de source et de rivière, une supé- riorité incontestable. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 5 Juillet 1904. M. P. Reclus a employé la slovaïne comme anesthé- sique local avec d'excellents résultats; elle lui paraît moins toxique que la cocaïne et ne produisant pas de vaso-constriction. — MM. A. Chauffard et Champetier de Ribes présentent les Rapports sur les concours pour les Prix Louis et Tarnier. — M. Lancereaux à reconnu que la méthode des injections gélatinées appliquée au traitement des anévrismes de l'aorte n'est nullement dangereuse si l’on a soin de se servir de solutions de gélatine de bonne qualité et bien stérilisées. Ces injec- tions ont la propriété de favoriser la coagulation du sang dans le sac anévrismal et, de cette facon, elles contribuent à la cure des anévrismes si redoutables des gros vaisseaux. — M. J. Lucas-Championnière estime que l’'appendieite n’est pas une maladie rendue obliga- toire par la constitution anatomique. Elle s'est déve- loppée à une époque récente; elle paraît avoir trouvé son origine première dans la grippe. Le régime alimen- taire carné joue un rôle considérable dans son dévelop- pement, et la modification de ce régime est avant tout indiquée pour la prophylaxie du mal, dont pourraient se garantir ainsi même ceux qui ont été atteints de la grippe. Enfin, la purgation est le grand remède pré- ventif contre le développement et la propagation de ACADÉMIES ET SOCIËTÉS SAVANTES toutes les infections alimentaires. — MM. Ch. Monod et Du Bouchet présentent une malade atteinte d'épi- thélioma cutané de la région temporo-frontale, guéri par application des rayons X. Séance du 12 Juillet 1904. M. le Président annonce le décès de M. Jouon, Cor- respondant national. M.E. Gley a été amené à conclure de ses expériences sur les animaux que l’action coagulante de la gélatine dans le traitement des anévrismes est due! aux petites quantités de chlorure de calcium qu'elle contient. — M. Kermorgant présente un Rapport sur le fonction- nement de l'assistance médicale et de l'hygiène pu- blique indigènes à Madagascar en 1903. Les résultats obtenus sont remarquables : disparition à peu près complète de la variole, diminution considérable des plaies produites par les chiques. — MM. E. Gley, F. Raymond, Sevestre et Fernet présentent respecti- vement les Rapports sur les concours pour les Prix Bourceret, Civrieux, Godard et Barbier. — MM. G.. Pou- chet et Chevalier concluent d'une étude pharmacody- namique sur la stovaine : La stovaine peut être classée dans le groupe des anesthésiques locaux; elle possède en outre, à faible dose, des propriétés antithermiques manifestes. Elle possède une action analogue à celle de la cocaïne et agit comme poison du système nerveux central. Sa toxicité beaucoup plus faible que celle de la cocaïne, son action tonique sur le cœur, son pouvoir analgésique considérable, ses propriétés antiseptiques en font un médicament de grande valeur. — M. E. Vidal étudie les établissements d'assistance situés sur les rives francaises de la Méditerranée pour la cure fermée de la tuberculose pulmonaire et de la scrofulose. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 2 Juillet 4904. M. L. Malassez à constaté que les différences qui existent entre les objectifs portent uniquement : 1° sur le degré d’écartement de la caractéristique par rapport à l’axe, qui est d'autant plus considérable que l'objec- tif est plus fort; 2 sur le siège du foyer postérieur, qui est d'autant plus éloigné que l'objectif est plus faible. — M. P. Abric décrit quelques variations expérimen- tales de coloration obtenues chez les Nudibranches.— Le même auteur donne les raisons qui lui font considérer les nématocystes des Eolidiens comme non fonction- nels. — M. Ch. A. François-Frank à appliqué la mé- thode grapho-photographique à l'étude des réflexes tendineux chez l'homme et les animaux. Le graphique indique un retard total du maximum de la secousse sur l'instant de l'excitation presque deux fois plus con- sidérable que la chronophotographie. — M. B. Dean montre que les caractères adaptatifs de la capsule de l'œuf de Chimaera collier paraissent être un exemple d'évolution orthogénétique. — MM. Edm. Lesné, d. Noé et Ch. Richet fils ont constaté que la toxicité du séléniate de soude chez le chien est de { gr. 633 par kilogramme, et que celle du sélénite de soude est de 0 gr. 0M par kilogramme, — M. F. Battelli à reconnu que, chez les lapins immunisés, les globules ou les stromas du sang contre lesquels l'animal est immunisé s'agglutinent avec une extrème rapidité après leur in- jection dans les veines. — M. Emm. Fauré décrit la structure du pédoncule du Carchesium aselli. — MM. P.-E. Weil et A. Clere signalent deux cas de lym- phadénie lymphatique chez le chien. — Les mêmes auteurs n'ont pu reproduire la leucémie chez les ani- maux avec les méthodes actuelles. — MM. A. Gilbert, P. Lereboullet et Albert Weil ont constaté clinique- ment l'existence d'une hyper-excitabilité neuro-muscu- laire chez les cholémiques, qui peut être reproduite expérimentalement par l'injection des éléments de la bile. — M. A.-M. Bloch présente un sphygmomètre unguéal pour la production et la mesure du pouls sous unguéal, et un nouveau modèle de sphygmomètre ordi- naire. — MM. V. Henri et A. Mayer ont reconnu que les colloïdes positifs sont précipitables par les radia- tions $ du radium; les colloïdes négatifs restent intacts. — Mme Girard-Mangin et M. V. Henri supposent que, lorsqu'on ajoute à une émulsion d'hématies un col- loïde instable, ce colloïde viendra se précipiter autour des globules rouges; il se formera donc autour de ces globules des gaines de colloïde précipité qui en provo= queront l'agglutination. Cette hypothèse se vérifie assez bien par l'expérience. — MM. H. Cristiani et A. Ous- pensky ont observé que la cocaïnisation locale des emplacements destinés à recevoir les greffes thyroï- diennes à une influence sur l'évolution de celles-ci : l'action nuisible ne se manifeste qu'avec emploi de solutions fortes de cocaïne et n'existe pas avec les solu- tions faibles. De même, les solutions fortes exercent une action nuisible sur le tissu thyroïdien vivant. — M. E. Detot ne pense pas qu'on puisse actuellement obtenir une application du sérodiagnostic aux infec=, tions streptococciques. — M. E Maurel a constaté que, dans les pleurésies avec rétraction costale, pour main tenir le rapport constant entre la section thoracique el, la surface cutanée qui existe chez l'adulte, le côté sain s'agrandit jusqu'à ce que la section thoracique totale donne le mème rapport. — M. F.-J. Bose a étudié las structure et l’évolution du chancre syphilitique. — M. H. Grenet à constaté, dans tous les cas d’angine et de stomatite ulcéreuse, la présence de spirilles et de bacilles fusiformes, purs ou associés à d’autres mi- crobes. RÉUNION BIOLOGIQUE DE MARSEILLE Séance du 2 Juin 190#, M. P. Stephan a étudié le tissu conjonctif de l'Aplysia panclata et y a trouvé des fibrilles analogues à celles que Zachariadès a décrites chez les Vertébrés. __ M. L. Bordas décrit le tube digestif des larves d’Are- tiides (Spilosoma fuliginosa); il est remarquable par le grand développement de l'ampoule rectale et le mode d'embouchure des tubes de Malpighi. — Le même auteur à étudié également la structure du tube digestif de l’Hydrophilus pieeus et de l'Hydrous caraboides. — MM. Rietsch et Gavard ont traité en grand de l’eau chargée de microbes pathogènes par l'air ozonisé ; dans aueun cas, il ne s’est développé de bacilles typhiques dans l’eau traitée. — M. Rietsch a étudié la vitalilé du colibacille et du bacille typhique dans l’eau; il a aussi cherché à séparer les deux bacilles par la bougie Chamberland (procédé Cambier), mais il à enregistré de nombreux insuccès. — M. E. Huon signale un cas de tuberculose humaine transmis à une vache. — M.C: Gerber montre que, dans le type silicule ordinaire des Crucifères, la cloison est formée par deux feuilles car= pellaires, en voie de régression, il est vrai, mais repré- sentées néanmoins. D'autre part, la mortitication des tissus des cloisons des siliques normales est attribuable à l'orientation inverse du faisceau, grâce à laquelle la nutrition des cellules de la région centrale de ces cloisons ne peut plus se faire normalement. — M. A. Briot a constaté que l'action kinasique du venin de la Vive, quoique réelle, n'est pas assez puissante pour influencer la marche d'une digestion tryptique. __ M. J. Cotte indique une modification au procédé de dosage des solutions diluées d'alcool à l’aide du bichromate de potasse. — M. Ch. Livon à obtenu des résultats très variables dans l'étude de l’action du peroxyde d'azote sur la respiration et la circulation; il y a probablement une sorte de sensibilité individuelle de l'appareil cardio-vasculaire à cet agent. — Le mème auteur à reconnu que la destruction de l'adrénaline par l'organisme se fait surtout dans le muscle, non seulement vivant, mais réunissant toutes les condis tions biologiques normales. — M. Boy-Teissier à COnss taté que la sérosité d'œædème à un pouvoir toxique des plus réduits. < ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 1° Juillet 1904, M. E. Bouty présente ses recherches sur la cohésion diélectrique de la vapeur de mercure, de l'argon et de leurs mélanges. L'argon pur possèle une cohésion dié- lectrique exceptionnellement faible. La moindre trace d'impureté relève beaucoup cette :cohésion. En même temps, la lueur d’effluve passe d'un blanc bleuté très vif à une nuance indécise, d'aspect sale. La mesure de la cohésion diélectrique est un réactif de la pureté de largon, de sensibilité comparable à celle de l'analyse spectrale. L'échantillon d'argon le plus pur dont M. Bouly ait pu disposer avait une cohésion diélectri- que près de sept fois plus faible que celle de lhydro- gène. Pour étudier la vapeur de mercure, monoato- mique comme l’argon, il était nécessaire de pouvoir opérer au-dessus de 2009. L'auteur à eu recours à un ballon de silice de la maison Heraeus. Les expériences n'ont soulevé aucune difficulté exceptionnelle. Elles ont fixé la cohésion diélectrique de la vapeur de mer- cure à une valeur égale aux 0,85 de celle de l'air. Eu égard à la densité considérable de la vapeur de mercure, cette cohésion peut passer pour remarquablement pelite, ce qui rapproche la vapeur de mercure de largon. Les effluves, dans la vapeur de mercure, sont éblouissantes. L'addition de petites quantités l'un gaz étranger diminue beaucoup leur éclat, et la cohésion diélectrique du mélange est supérieure à celle que l’on calculerait par la loi des moyennes, comme dans le cas de l'argon ; mais les écarts sont incomparablement plus faibles. Il était particulièrement curieux de savoir si les mélanges d'argon et de vapeur de mercure se compor- teraient autrement que les mélanges d'argon et d’un gaz polyatomique quelconque. Il n’en est rien. L'argon est aussi sensible à la présence de la vapeur de mercure qu'à celle de toute autre impureté, Le principal intérêt de ces expériences réside dans le lien qu'elles parais- sent élablir entre la cohésion diélectrique et la nature du spectre. Quand un gaz impose ses raies, il impose aussi sa cohésion diélectrique, c'est-à-dire que la cohésion s'écarte de Ja valeur prévue par la loi des moyennes en se rapprochant davantage de la cohésion propre au gaz dont le spectre domine. — M. G. Sagnac : Sur la propagation de la phase des vibrations et sur les interférences au voisinage d'une lique focale. 4. Nouveau mode d'observation et photographie du phénomène de M. Gouy. On éclaire par une source linéaire une lentille cylindrique de spath d'Islande, dont une face est plane et parallèle à l'axe du cristal; la len- tille est placée entre deux nicols. Quand la ligne lumi- neuse source est bien parallèle aux génératrices de la lentille, on observe des franges d'interférence rectili- gnes, parallèles à ces génératrices et non localisées. Si la frange centrale est noire à la sortie de l’analyseur, elle est grise entre la ligne focale ordinaire et la ligne focale extraordinaire, images de la fente données par la lentille biréfringente. La frange centrale est de nou- veau noire au delà de la ligne focale extraordinaire. La lentille est associée à une lame de spath d'Islande parallèle à l'axe du cristal et de section principale croisée avec celle de la lentille, ce qui permet, en parti- . Culier, d'annuler la biréfringence sur la frange centrale et d'observer en lumière blanche une frange centrale noire si les nicols sont croisés. Le long d'un écran fixe presque parallèle à l'axe du faisceau, on peut observer le resserrement de ce faisceau à une ligne focale et la différence d'aspect du centre d'interférence de part et d'autre du point de resserrement du faisceau. En lumière verte, en plaçant ainsi une plaque photogra- phique inclinée de 4° sur l'axe du faisceau, M. Sagnac obtient une photographie du phénomène de M. Gouy. 2. Etude de la propagation de la phase des vibrations lumineuses jusqu'à une ligne focale. En réduisant le diamètre apparent transversal de la ligne lumineuse, vue de la lentille, et la largeur de la lentille de spath, 753 comptée perpendiculairement aux génératrices de la lentille, M. Sagnac rend les franges observables, sans interruption, à toute distance; aux lignes focales elles- mêmes, il observe encore les franges, soit directement à la loupe, soit sur les clichés photographiques âgran- dis. La transformation du centre d'interférence à la traversée de la ligne focale se montre alors; elle est progressive et se fait sur une étendue extrêmement grande par rapport à la longueur d'onde (plusieurs centimètres par exemple). La théorie de la diffraction sur l'axe du système s'accorde avec les résultats numé- riques obtenus en opérant avec une lumière suffisam- ment monochromatique {verre vert). 3. M. Sagnac indique comment, en excilant des rides liquides à l’aide d'une pointe vibrante placée en un foyer d’un contour elliptique complet qui réfléchit les rides, on peut étu- dier la propagation de ces ondes linéaires complètes au voisinage du second foyer de l'ellipse. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 2 Juin 1904 (Suite). M.S. Arrhénius présente de nouvelles considérations sur l'équilibre électrique du Soleil. On admet généra- lement que les fines gouttelettes qui se forment par condensation dans l'atmosphère solaire sont en grande majorité négativement chargées. Repoussées par la pression de la radiation, elles vont charger d'électricité négative l'atmosphère des autres corps célestes. Si le Soleil n'émettait que des particules négativement char- gées de tous les côtés, il prendrait rapidement une charge positive énorme, Mais, en raison de cette charge même, il influe sur la trajectoire des particules négatives qu'il émet, et finit par en capter un grand nombre; il attire de la même facon les particules cos- miques émises par d’autres mondes. Il y a donc balance de gains et de pertes et réalisation d'un équilibre élec- trique. — M. W. N. Shaw : Sur Ja circulation géné- rale de l'atmosphère dans les latitudes moyennes et élevées. L'auteur conclut de l'étude des cartes synop- tiques que les aires anti-cycloniques de l'Atlantique prennent une part beaucoup moindre comme sources d'air pour les tempêtes voyageantes qu'on ne l'avait cru; d'autre part, le mouvement de l'air dans les lati- tudes moyennes revêt plutôt la nature d'un passage autour du pôle dans une direction Est générale, tantôt du Nord-Ouest, tantôt du Sud-Ouest. — M. A. Mallock communique une méthode directe pour la mesure du coefficient d'élasticité de volume des métaux. Quand un long cylindre circulaire est soumis à la pression d'un fluide intérieur, si les parois sont très minces comparativement au diamètre du cylindre, on démon- tre que la variation de longueur du cylindre dépend seulement du coeflicient délasticité de volume. On ar- rive ainsi à l'équation K — Pr,/6 te, où K est le coefti- cient d'élasticité de volume, P la pression du fluide sur une face du cylindre, r le rayon et { l'épaisseur de la paroi. L'auteur à employé cette méthode avec l'acier, le cuivre et le laiton ; pour ces corps, K est respective- ment égal à 18,41 X 101, 16,84 X 10! el 10,5 X 1011. — M. Shelford Bidwell : Sur les changements magné- tiques de longueur dans les tiges recuites de cobalt et de nickel. L'auteur a décrit en 1894 les changements magnétiques de longueur dans le fer recuit (/roc. Roy. Soe., vol. LV, p. 228). Lorsqu'on soumet un fil de fer ordinaire à un champ longitudinal augmentant gra- duellement à partir d'une faible valeur, il s'étend tout d'abord, puis il reprend sa longueur originelle, et fina- lement devient plus court que lorsqu'il était non ma- snétisé. Dans le fer non recuit, l'extension maximum diminue et la contraction commence dans un champ plus faible; la courbe du changement de longueur s'abaisse. Lorsqu'il s'agit d’un spécimen tout à fait bien recuit, la contraction commence dans un champ très faible, sans aucune extension préliminaire. Des expé- riences semblables ont été faites avec le cobalt et le 754 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES nickel. Le cobalt, dans les conditions ordinaires, se | jaune orange, nommée hutéine, CH#%05, F. 2130-2450, comporte contrairement au fer, se contractant dans les champs faibles et s’allongeant dans les champs forts. L'auteur à trouvé qu'une tige de cobalt fondu, bien re- cuite, se contracte uniformément dans des champs al- lant jusqu'à 1.360 unités (le plus élevé que l’on ait atteint), la courbe de rétraction étant une ligne droite. Ceci confirme les observations publiées l’année der- nière au Japon par Honda et Shimizu. Cependant, avec un spécimen de cobalt laminé, la courbe du change- ment de longueur garde sa forme générale, mais est considérablement abaissée; dans un champ de 1.750 unités, la partie ascendante est toujours au-dessous de l'axe de H et lui est presque parallèle; cependant, il est probable qu'il n'y aura jamais aucun allongement quelle que soit la force du champ. L'effet le plus re- marquable de la recuite sur la courbe de rétraction pour le nickel est une augmentation dans la rapidité de sa descente, qui est peut-être due simplement à une plus grande susceptibilité magnétique. Ainsi il est one é que des spécimens de fer, de cobalt et de nickel bien recuits subissent tous une contraction lorsqu'ils sont magnétisés longitudinalement. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 15 Juin 190% (suite.) \ MM. W. A. Tilden et F. P. Leach, en faisant digérer le B-nitrosochlorure de limonène avec le cyanure de potassium, ont obtenu un nitrosocyanure C!H!%A70.CA7, F. 900-910, [an = + 165°. — M. Ch. H. Burgess et et D. L. Chapman ont constaté que du chlore actif est formé par l’action de la lumière ou de la chaleur sur le chlore inactif. Le chlore humide, chauffé à 100 et re- froidi à la température ordinaire, est rendu presque aussi actif que par l’action de la lumière. — MM. J. J. Sudborough, H. Hibbert el S. H. Beard ont obtenu un composé d'addition du bromure de magnésium et du -succinate d'éthyle (CH?.CO*C*H°}:.MgBr*. C'est un corps cristallin, très hygroscopique. De nombreux pro- duits oxygénés ou azolés organiques paraissent capables de donner des composés analogues. — MM. J. J. Sud- borough et H. Hibbert montrent que les amines pri- maires réagissent à froid sur MgCH'T en solution dans l'éther amylique en dégageant une molécule de mé- thane, d'après l'équation : RAZH? + CH'Mgl — RAzH.Mel — CH'; à chaud, une seconde molécule de méthane est mise en liberté RAZH. Mel + CH‘Mgl — —"RA7| Mgl Fe + CH. Avec les amines secondaires, il ne se dégage qu'une molécule de CH', même à chaud. Enfin, avec les amines tertiaires, il n'y a pas de dégagement, — M.J.J. Sudborough à constaté que l'acide allocinnamique et ses dérivés bromés, par l'action de la lumière ou de la chaleur, sont transformés en grande partie dans leurs dérivés plus stables. Au contraire, l'exposition prolon- gée aux rayons du radium n'a pas d'effet sur eux. — M. G. Th. Morgan présente quelques notes de chimie analytique relatives à la séparation de l’arsenic par distillation dans un courant de HCI et à la détermi- nation du carbone par oxydation avec l'acide chro- mique. — M. F. D. Chattaway, en dissolvant les sul- fonamides dans une solution de chlorure de chaux et ajoutant de l'acide acétique, a obtenu des dichlorami- nosulfonamides RSO*.AzCE, corps stables et bien cris- tallisés. Par laction de lhypochlorite de soude sur les sulfonamides en l'absence d'agents catalytiques, lau- teur à également obtenu dessulfonephénylchlorimides — MM. E. F. Armstrong et P.S. Arup ont constaté que les groupes acétyle des penta-acétates de glucose et de galac tose et de l’octo-acétate de sucrose sont hy- drolysés avec des vitesses différentes, tandis que ceux des tétra-acétates de méthylglucosides ou galactosides le sont avec la même vitesse. — M. A. G. Perkin à isolé du Butea frondosa deux substances : l’une inco- lore, nommée butine, CH#0ÿ, /,H? 0: Fr. 2240-9960, donnant un dérivé triacétylé, F: 4230-1250: l'autre, donnant un dérivé tétracétylé, F. 1290-1310. Digérée avec H?S0# alcoolique dilué, la née est transformée en partie en butine. La butéine est une tétrahydroxy- benzylidène- -acétophé none, et la butine en dérive par fermeture d’un noyau. — Le même auteur a étudié la cyanomaclurine C#H#06, extraite de l'Artocarpus inte- grilolia. Elle donne un dérivé penta-acétylé, F. 14360- 1389; fondue avec KOH, elle fournit de l'acide £-résor- cylique et du pbloroglucinol. — Le mème auteur pro- pose de déterminer comme suit les groupes acétyle : la substance dissoute dans l'alcool est distillée avec HSO'; le distillatum est recu dans la potasse alcoo= lique, puis on fait bouillir pour saponifier l’acétate d'éthyle présent: enfin on titre avec l'acide sulfurique. — Le même auteur a trouvé que la catéchine de l'aca- cia donne un dérivé acétylé F. 458-160, et un éther tétra-méthylique F. 152°-153. Les dérivés correspon-, dants de la catéchine du gambier fondent à 1299-130° et \ à 4420-4430. — Enfin, M. A. G. Perkin montre que la matière colorante jaune extraite par Rawson de l'in- digo de Java est identique au camphérol. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 21 Avril 1904. M. M. Planck étudie l'extinction de la lumière dans un milieu optiquement homogène à dispersion normale. Le phénomène désigné sous le nom d’extinc= tion de la lumière, à savoir l’affaiblissement graduel que subit l'intensité d’un rayon lumineux dans son passage à travers un milieu, peut se rattacher, au point de vue de la théorie électromagnétique, à deux causes absolument indépendantes : La première est la capacité que possèdent les milieux traversés par un rayonnement de conduire des courants galvaniques M stationnaires. L'influence de la conductivité galvanique sur l'extinction de la lumière n’est autre que la produc- tion de chaleur par le courant électrique. En effet, tout rayon lumineux excite dans le milieu con- ducteur un courant périodiquement alternant, et c’est la chaleur de Joule produite par ce courant qui se déduit de l'énergie du rayonnement qui se propage. Cette déduction de la théorie de Maxwell vient d'être confirmée par les récentes expériences de Hagen et Rubens relatives à la réflexion et à l'émission des rayons à grande longueur d'onde par de nombreux métaux et alliages. Quant à ce qui regarde en second lieu la cause de la production de chaleur parle courant galvanique, les théories exposées par R. Riecke et P. Drude, d'après lesquelles les courants galvaniques au sein des métaux seraient dus aux mouvements des électrons libres, ont donné un commencement de solu- tion; la chaleur de Joule serait, en effet, l'énergie transformée de mouvements ordonnés en mouvements désordonnés des électrons. La première cause de lex- tinction de la lumière, cause qui se fait sentir surtout dans la région des grandes longueurs d'ondes, est loin d’être la seule où même la plus importante. Les cas où l'extinction de la lumière est tout à fait étran- gère à la conductivité galvanique du milieu sont, en effet, bien plus fréquents en Optique, et la théorie de ces phénomènes, nécessitant la discussion des phéno- mènes moléculaires, est bien plus compliquée. Dansles milieux non conducteurs de l’é ‘lectricité, l'homogénéité est surtout importante. Il convient de désigner comme. physiquement homogène tout milieu dont les différences de constitution ne se manifestent que lorsqu'on remonte aux dimensions de l'ordre de grandeur des molécules. Or, comme les phénomènes optiques se passent dans les dimensions des longueurs d'onde, grandes en com paraison des dimensions des molécules, un milieu sera dit optiquement homogène si toutes les portions dont les dimensions sont de l'ordre de grandeur d’une lon- gueur d'onde optique exercent des effets identiques. Les milieux troubles seront, par conséquent, au point e vue 1 2 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES optique, tout aussi homogènes qu'une substance phy- siquement et chimiquement homogène quelconque, pourvu que les particules englobées et leurs distances mutuelles soient petites en comparaison des longueurs d'onde en question. C'est la présence de particules areilles qui peut donner lieu à une extinction de la umière, el les résultats théoriques trouvés par l'auteur concordent très bien avec ceux obtenus par Lord Ray- leich, déjà en 1881, au moyen d’une théorie différente. Séance du 28 Avril 4904. M. Kohlrausch, de concert avec M. Grüneisen, à fait des recherches sur la conductivité des solutions aqueuses des sels à ions bivalents, recherches qui laämènent à étudier quelques particularités de l’oxalate de magnésium. Ce corps présente une allure anormale de la conductivité en solution, en même temps qu'une inertie excessive de solution et de dégagement. Ces propriétés se rattachent à la formation de molécules complexes. 190%. M. vant Hoff présente une communication de MM. R. Luther et F. Weigert sur la conversion de l'anthracène en dianthracène sous linfluence de la lumière. Les auteurs trouvent que la conversion poly- mère de l’anthracène constitue une réaction réversible. Etudiant cette dernière dans uu dissolvant approprié, MM. Luther et Weigert constatent qu'à l'état d'équilibre la quantité de dianthracène est proportionnelle à la quantité de lumière absorbée par unité de temps. — M. K. Haussmann à fait des mesures magnétiques dans les montagnes du Ries, mesures qui mettent en évidence des relations remarquables entre les condi- tions magnétiques et la structure géognostique. SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE Séance du 3 Juin 190%. M. N. Bôrnstein, en se servant des enregistrements de la pression atmosphérique faits pendant vingt ans à lPAcadémie d'Agriculture de Berlin, vient de trouver la période diurne moyenne, en heures, pour chacun des douze mois aussi bien que pour l’année entière. Il a retrouvé les deux oscillations déjà connues; dans la moyenne annuelle, les maxima se présentent à 10 heu- res du matin et11 heures du soir, les minima à 5 heures du soir et # heures du matin respectivement, lés chiffres cités en premier lieu correspondant aux extrêmes les lus marqués. Au commencement de la saison chaude, be extrèmes s'éloignent de midi pour s'en rapprocher des deux côtés pendant la saison froide. Le troisième maximum découvert par M. Rykatschew se manifeste dans les premières heures de la matinée pendant les mois de novembre à février. Ces résultats expérimen- taux permettent d'exprimer la période diurne du baro- mètre par une série harmonique de la forme bien connue. C'est ce qui a conduit M. Hann à reconnaitre que l’oscillation de pression diurne est intimement liée à la période diurne de la température et aux particu- larités locales de cette dernière, alors que l’oscillation semi-diurne serait indépendante des influences locales. On à, par conséquent, essayé d'attribuer les deux termes premiers de la série à des influences physiques différentes, le second terme étant étranger aux phé- nomènes terrestres. Alors que M. Lamont admet une influence électrique du Soleil, M. Hann attribue le terme en question (à savoir la double oscillation diurne) à l’'échauffement des couches atmosphériques supérieures. Or, M. Margules, en développant une idée sugsérée par Lord Kelvin, vient de montrer que l’at- mosphère terrestre, considérée comme un ensemble bien défini, est susceptible d'oscillations libres, dont lune se produit dans des périodes d'environ douze heures, de telle facon que ce serait à des inter- valles de douze heures qu'une perturbation périodique provoque des vibrations de cette mème période, per- Séance du 5 Mai l turbation d'une intensité plus grande que celles qui se présentent dans d'autres intervalles, tels que ceux de 24 heures. Les essais et calculs faits par l’auteur suggèrent lidée que loscillation diurne est encore intimement reliée à la période de la température, ce qui permettrait de regarder la série harmonique en question comme l'expression mathématique d’une seule relation physique, à savoir celle entre la pression at- mosphérique et la température locale. ACADÉMIE DES SCIENCES D’'AMSTERDAM Séance du 28 Mari 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — D. J. Korteweg : Notice nécrologique sur N. Th. Michaelis, 1824-1904. — M. Kor- tewes présente au nom de M. Fr. Schuh : Sur une expression de la classe d'une courbe plane algébrique à sinqularités supérieures. Cette communication com- plète la précédente (fev. gén. des Se.,t. XV, p. 471). 29 SGrENCES PHYSIQUES. — M. J, P. van der Stok : Une période de vingt-six jours dans les moyennes journa- lières du baromètre. s'agit des résultats déduits d’une série d'observations faites à Batavia pendant trente-six ans. — M. W. H. Julius : Sur des bandes de disper- sion dans les spectres d'absorption. Plusieurs circon- stances influent sur la forme des raies d'absorption. Dans le cas de l'absorption par des gaz et des vapeurs, il faut envisager la température, la densité, la pres- sion des substances, leur vitesse de mouvement, et l'intensité et la direction du champ magnétique qui les environne. Ici l’auteur fait voir que la dispersion anomale dans le gaz absorbant influe encore considé- rablement sur le caractère des raies obscures. Si la lumière traverse une masse dont la densité n'a pas partout complètement la même valeur, en général les rayons sont infléchis. La déviation est maximum pour les espèces de rayons dont l'indice de réfraction dans le milieu diffère autant que possible de l'unité, c'est- à-dire les rayons situés dans le spectre de part et d'autre et à la proximité des raies d'absorption. Donc, cette lumière se propage généralement dans plusieurs direc- tions et le spectroscope en accusera une plus faible partie que de la lumière dont l'indice de réfraction égale sensiblement l'unité. Le spectre d'absorption doit donc présenter en des points déterminés un manque de lumière, causé par la dispersion dans la vapeur absor- bante, cette vapeur n'étant jamais parfaitement homo- gène; ces lieux obscurs seront désignés par le nom de bandes de dispersion. Naturellement, ces bandes coïn- cident en partie avec le domaine de l'absorption, et plu- sieurs fois elles ont été interprétées à tort comme des raies d'absorption élargies. L'auteur se propose d'étudier les propriétés par lesquelles les bandes de dispersion se distinguent des bandes d'absorption. La déviation qu'éprouve un rayon de lumière d'une longueur d'onde donnée en un point déterminé d'un milieu hétérogène ne dépend pas seulement de la variation de la densité optique en ce point, mais tout aussi bien de l'angle entre le rayon et les surfaces de niveau de la densité; elle est d'autant plus grande que cet angle est petit. Ainsi, on fait naître des déviations considérables des rayons lumineux par la dispersion anomale : 1° en se servant de masses de vapeur présentant dans un espace très petit des variations de densité énormes ; 2° en fai- sant parcourir à la lumière des chemins considérables à travers des masses de vapeur à variations de densité limitées sous des angles minima avec les niveaux de densité. L'auteur se sert de la seconde méthode, surtout en vue de l'application des phénomènes à l'explication de plusieurs particularités des spectres des corps cé- lestes, Le milieu absorbant consistait en une flamme de Bunsen de forme particulière, avec addition d’un sel de sodium en quantités facilement déterminables. La lorme particulière du bec est représentée par la coupe transversale (fig. 1); on y remarque un bassin de cuivre A à couvercle B, avec une ouverture rectangulaire de ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 75 centimètres de longueur sur 2 centimètres de largeur, deux réglettes C et C' en cuivre de 75 centimètres de longueur, formant en 0 l'ouverture longitudinale du bec, d'une largeur de 4 centimètre. Le récipient est rempli partiellement par une solution saturée de carbonate de soude; l’espace restant contient un mélange de gaz d'éclairage et d'air admis par deux tuyaux omis sur la figure, le tout étant enfermé hermétiquement. Si le bec longitudinal fonctionne, l'ouverture en forme de fente O se ferme tout de suite à cause de l’'échauffement uni- latéral des réglettes. En plaçant le bassin dans un appa- reil contenant de l’eau courante, l’auteur obtint une flamme assez constante. Deux millimètres au-dessous du niveau de la solution saline, un fil de platine P tra- verse l'appareil dans la direction longitudinale, se ter- minant aux deux bouts par des fils de cuivre isolés liés au pôle négatif d’une pile d’accumulateurs de 20 volts, tandis que le pôle positif de cette pile se termine aux deux bouts d'une bande de platine P' posée sur une plaque en verre au fond du bassin A. En fermant le courant, on engendre une cascade de gouttes micros- copiques dans l’espace R, de manière que la flamme distribue une lumière de sodium égale, dont on peut régler l'intensité à l’aide de résistances régulatrices et d'un ampèremètre. La figure 2 représente la marche Fig. 1. — Appareil pour la production d'une flamme de Sodium allongée. — A, bassin; B, couvercle; C, C!, ré- glettes; O, bec: P, P', électrodes; R, gaz combustible. des rayons à travers celte flamme allongée de sodium dans deux cas très différents. L est le cratère d'une lampe à are de 20 ampères; la lentille A en projette une. image sur la fente S, de 1 à 2 millimètres de largeur, et à son tour cette image est projetée par la lentille B sur la fente S, d’un spectroscope à grille. L'écran P inter- cepte presque la moitié du faisceau conique de lumière passant par À, et la partie transmise par S, se projette presque totalement sur l'écran Q, placé assez près de l'axe optique des deux lentilles pour que seule une bande très étroite de lumière passant par le milieu de B parvienne en S,. Le grand bec de gaz se trouve sur un traîneau et une table tournante et peut être amené en chaque position par des vis régulatrices. Si l'axe de la flamme, c’est-à-dire le point le plus lumineux de la vapeur de sodium, se trouve dans l'axe optique du sys- tème de lentilles, les deux raies D s'élargissent dans le spectroscope; dans le cas contraire, on y parvient à l'aide de déplacements infinitésimaux des écrans Pet Q. L'image 4 de la figure 3 correspond au cas où la flamme N (fig. 2) est éteinte; les raies d'absorption très minces proviennent de petites traces de sodium à proxi- mité des charbons. Si la flamme est allumée, un cou- rant très faible fait naître l'image 2; les images 3, 4,5 correspondent à des intensités de 1,3,6 ampères. Con- sidérons maintenant le cas représenté par la figure 2 a, où le diamètre de la flamme a été déplacé de 3 milli- mètres à droite. Le faisceau de lumière lrès étroit qui parvienten S, ne traverse que cette partie de la flamme où la densité de la vapeur de sodium augmente de gauche à droite. Les rayons pour lesquels l'indice de réfraction de la vapeur est grand se courbent comme S, G; ils ont accès à la fenteS,, l'écran Q ne les inter- ceptant pas. Là ils se présentent en plus grande quan- tité grâce à la présence de la vapeur de sodium; car de rayons provenant de la moitié découverte de A, qu seraient interceptés par Q dans leur propagation recti ligne, pénétrent la lentille B après s'être infléchis. Au. contraire, les rayons pour lesquels la vapeur de sodium a une densité inférieure à l'unité se recourbent vers la gauche et ne figurent pas dans le spectre à cause de, l'interception par Q. Les images 6, 8, 10 ont trait à ce S2 Fig. 2. Fig. 3. Fig. 2.— Marche des rayons à travers une flamme de soude allongée. — L, lampe à arc; A, B, lentilles; S;, Ss, fentes; P, O, écrans: N, flamme de sodium. Fig. 3. — Images des raies D du sodium pour différentes conditions de la flamme. « À cas; on y aperçoit à gauche les longueurs d'onde petites, à droite les longueurs d'onde grandes. Ainsi la disper=, sion anomale a fortifié la lumière située du côté du, rouge et affaibli celle située du côté du violet. Au con traire, dans les images 7, 9, 11, correspondant à la dis=, position de la figure 2 b, la lumière rouge est affaiblie et la lumière violette fortifiée. Et 12 montre encore les raies D, minces après l'extinction de la flamme. P. H. SCHOUTE. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. ° ANNÉE N° 30 AOÛT 1904 Revue générale SC IbNUCS pures el appliquées DirEcTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Aûresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y Compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Astronomie Comètes hyperboliques. — La question de la forme elliptique où hyperbolique des orbites des comè- tes, abordée à l'origine par des considérations de probabilités, mérite aujourd'hui d'être reprise directe- ment par le calcul des éléments des orbites de cer- taines comètes, que les puissants instruments moder- nes ont permis d'observer pendant un assez long intervalle de temps. Mais une circonstance peut causer une illusion sur la véritable forme primitive de l'orbite d'une comète : c'est que, lorsque l’astre se trouve très loin du Soleil, la valeur du grand axe ou de l’excentri- cité doit être calculée, non seulement en rapportant le mouvement au centre de gravité du système planétaire, comme l’a montré Elis Strômgren dans ses savants tra- vaux sur la comète 1890 IT, mais encore en prenant pour la constante de l'attraction la valeur qui corres- pond à la somme des masses du Soleil et des planètes. Bien interprétés, les calculs de Strômgren établissent que cette comète doit être affectée d'une orbite légère- rement elleptique; mais il restait encore à savoir si, avant 1884, les perturbations planétaires étaient restées sans effet sur cette orbite. C'est ce travail long et délicat qu'a entrepris M. Louis Fabry : travail couronné de succès, puisqu'il permet d'établir définitivement que cette comète célèbre avait une orbite légèrement ellip- tique. Les comètes hyperboliques sont presque toutes fort douteuses, et le fait est du plus haut intérèt pour leur origine dans les système solaire, de sorte qu'il faut sou- haiter voir suivre l'habile et heureuse initiative de M: L. Fabry. Les Léonides en 1903. — L'étude systématique des Léonides a été entreprise, l’année dernière, à l'Obser- vatoire de Chevreuse, par MM. M. Farman, E. Touchet et H. Chrétien; la seconde station choisie était à 30 kilo- mètres, distance suffisante pour que les erreurs d’obser- vation soient petites relativement aux déplacements parallactiques, et ez faible, cependant, pour per- mettre une identification certaine des météores obser- vés en double. Suivant les indications du temps, on REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. peut se rendrerapidement en automobile à la deuxième station. Sur 83 météores enregistrés, on a 44 sporadiques et #radiants, dont le plus important est celui des Léonides, avec 28 météores, par R—137 et D —+ 230. Parmi les coincidences, celles qui présentent des garanties suflisantes permettent d'établir, en moyenne : 10% kilomètres pour la hauteur d'apparition, 76 kilomè- tres pour la disparition, avec des trajectoires de 35 kilo- métres. Ce sont là d’intéressants documents qui viennent enrichir l'histoire des essaims, et, comme nous l'avons déjà dit, il faut savoir gré aux membres de la Société Astronomique de France de se dévouer pour ces observa- tions utiles, mais fatigantes et trop peu considérées. $ 2. — Météorologie Observations météorologiques de la Mis- sion Foureau-Lamy.— Partie du sud de l'Algérie, le 23 octobre 1898, la Mission Foureau rentrait en France le 1° septembre 1900, après avoir traversé l'Afrique, d'Alger au Congo, par le Tchad. Pendant toute la durée du voyage, des observations mété ‘orologiques régulières ont été effectuées trois fois par jour : c'est dire l'impor- tant apport scientifique de toutes ces données, qui viennent d'être publiées et dont nous extrayons! le fait essentiel concernant la température. Dans tout le cours du voyage, la température la plus basse a été observée à l'Oued Affattakha, à l'altitude de 1140 mètres et à la latitude de 25°; elle a atteint — 109,2, nombre que l’on ne retrouve nulle part pendant le même mois dans tout l'extrême sud algérien, mème dans des stations plus élevées et à plus de 9° au Nord. C’est là une nouvelle preuve, ajoutée à celles qu'avait déjà données Duveyrier, du caractère extrême de la région des Touareg. Dans l'Aïr, en mai, le thermomètre est monté jusqu'à 46°,5, nombre tout à fait comparable au maximum (4608) de Tombouctou dans la même période, mais à une altitude moindre. Ce chiffre a été dépassé une fois, et M. Foureau a noté jusqu'à 489,3, en mars 1900, mais beaucoup plus au sud, à Koussri. Ciel et Terre, t. XXV, p. 115. 16 1 (SE (2 Bien qu'ayant séjourné dans l’Aïr pendant la saison la plus chaude de l’année, M. Foureau n’a jamais me- suré, au thermomètre-fronde, 50°. Il est permis de douter que les deux ou trois observations que l'on cite, et où la température aurait dépassé 50°, aient été faites dans de bonnes conditions, et, jusqu’à nouvel ordre, on peut considérer cette valeur de 50° comme la limite supérieure extrême des températures que l’homme est appelé à supporter. $ 3. — Électricité industrielle Nouveaux fréquence-mètres pour ceou- rantis ondulatoires. — On s'est beaucoup attaché, depuis quelque temps, à obtenir la constance de la 9#. 95 36 9# 95 936 Fig. 1. — Evaluation des fractions d'alternance d'après o GE . . « . CMS l'amplitude relative des vibrations des anches voisines. fréquence normale dans les stations centrales à cou- rants alternatifs, notamment triphasés: non seulement parce que le nombre des inversions de pôles exerce une influence sur l'efficacité des transformateurs, ainsi que sur les indications de tous les instruments de mesure basés sur l’'aimantation des fers doux, mais aussi en vue d'arriver à une exploitation plus ration- nelle, en évitant l'élévation inutile de la tension des machines par une trop grande fréquence. Dans les laboratoires, bureaux d'épreuve, d’étalon- FA #hasbogoesuas UN er | CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Le fonctionnement de ces appareils repose sur le principe de la résonance électro-acoustique. Suivant l'usage auquel ils sont destinés, les fréquence-mètres Hartmann et Braun contiennent un nombre plus ou moins grand d’anches ou languettes, accordées chacune sur un nombre déterminé de vibrations et disposées en une suite tonique. Sous l’action d’un couple d'aimants, qui peuvent être excités par un courant alternatif ou par un courant continu intermittent, dont il s'agit de déterminer la fréquence, l’anche dont le nombre de vibrations cor- respond le mieux à la fréquence du courant excitateur entre seule en résonance; celle-ci est distinctement perceptible à l'œil et à l'oreille. L'amplitude maximum de vibration n'est atteinte que par une seule anche, celle qui correspond exacte- ment à la fréquence du courant; si la fréquence tombe dans un intervalle, il y a deux anches qui vibrent à demi-amplitude, tandis que les autres restent au repos. Une graduation permet de lire le nombre d’alternances sur l'anche même, de sorte qu'on n’a pas besoin de beaucoup de pratique, ni d’être musicien pour se servir de ces instruments. Le schéma de la figure 4 montre qu'il est possible de déterminer jusqu'à des fractions d'alternances. Voici, plus exactement, comment fonctionne le fré- quence-mètre : Prenons, par exemple (fig. 1), trois languettes dont les périodes de vibrations sont respec- tivement de 94, 95, 96. Si la fréquence du courant est 94 1/2, les languettes 94 et 95 vibreront avec une am- plitude égale; si la fréquence est 95, la languette 95 vibrera beaucoup plus fortement que 94 et 96, dont les amplitudes de vibration seront égales ; enfin, si la fré- quence est 95 1/4, la languette 95 vibrera plus fort que 96, et 96 plus fort que 94. Les fréquence-mètres à résonance se divisent en deux espèces d'appareils : 4° appareils à résonance électro-optique; 2° appareils à résonance électro- acoustique. MM. Hartmann et Braun ont combiné ces deux espèces d'instruments. Les fréquence-mètres électro-optiques sont ceux au DRE + m2 À ro e BR AO CRANKEURT À ba RARES à Nr Fig. 2. — Tonomètre électro-acoustique (Fréquence-mètre pour démonstrations). nage, elc., un fréquence-mètre (que l'on peut inter- caler dans un circuit, n'importe où, comme une simple lampe à incandescence, et qui peut, par conséquent, servir d'indicateur à distance) présente certainement, au point de vue de la facilité de son emploi et de la la sureté de ses indications, de notables avantages sur les tachimètres. Les fréquence-mètres ont également une importance particulière par leur emploi comme indicateurs à distance de tours et de vitesse. Pour répondre à ce besoin, la Société anonyme Hartmann et Braun, à Francfort sur le Main, bien connue pour la fabrication de ses instruments de phy- sique, vient de créer de nouveaux fréquence-mètres {rès sensibles, moyen desquels on découvre le point de ‘résonance uniquement par la vue des fortes vibrations des lan- guettes, qui apparaissent dans une petite fenêtre. Les fréquence-mètres électro-acoustiques sont ceux qui décélent le point de résonance par l'émission d'un son aiqu, produit par les vibrations de languettes entourées par un encadrement fixe, comme c'est le cas dans un harmonium. La forme la plus simple de ces appareils est le /on0- mètre électro-acoustique (fig. 2). Cet instrument (dont on se sert surtout pour les démonstrations) est cons- titué par trente-six languettes sonores (anches) dispo- sées en clavier sur un socle. Devant cette rangée d'anches, on fait circuler un couple d’aimants fixés trust CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 759 sur un chariot, jusqu'au moment où le son produit par les vibrations atteint son maximum d'amplitude. Les chiffres qui figurent au-dessus des anches indi- quent la fréquence du courant. Pour les besoins de la pratique, MM. Hartmann et Braun ont construit un fré- quence-mètre plus maniable (fig. 3), au- quel ils ont donné le nom de fréquence- mètre optique et acoustique. Dans cet instrument, les an- “ches sont disposées en cercle sur une boîte de résonance. Un bouton permet de faire tourner la série d’anches de fa- con à la faire pas- ser devant les pôles d'un couple d'ai- mants feuiletés, qui peuvent être écartés de manière à com- prendre entre eux trois ou cinq an- ches. L'anche dont la période corres- pond à la fréquence du courant passant par les aimants en- tre vivement en vi- bration en produi- sant un son aigu, et l'index de l'instru- ment montre le chiffre de la fréquence. En outre, les languettes (anches) sont pourvues d'un petit pa- villon qui facilite les constatations optiques. Pour le contrôle de dynamos ou d’interrup- teurs qui doivent mar- cheravecune fréquence normale déterminée, on se sert d’un fréquence- mètre simplifié. Celui- ci ne comporte que douze languettes, dont six sont accordées au- -dessous, et six autres au-dessus de la fré- quence normale. L'ac- * cord peut être réglé en demi-alternances ou en alternances complètes. L'appareil n’a pas de languette correspon - dant à la fréquence nor- male, qu'il s'agit de maintenir constante ; mais on reconnait que ce nombre est atteint lorsque les deux anches voisines ont la même amplitude de vibration ; les variations de fré- quence se manifestent par la résonance d'une anche plus grave ou plus aiguë. . Sur le même principe, les constructeurs ont aussi imaginé un contrôleur de fréquence avec avertisseur (tig. 4). Cet instrument comporte douze languettes, dont quatre seulement sont visibles dans les fenêtres du +, 9 Fig. 3. — fréquence-mètre électro-acoustique. Zütief HARTMANH & BRAUN À G FRANKEURTY/M — Appareil de contrôle de fréquence avec avertisseur. cadran. Dans la fenêtre supérieure vibrent les deux languettes dont la tonalité est plus haute, dans la fenêtre inférieure, les deux languettes dont la tonalité est plus basse que la fréquence normale. On voit donc im- médiatement si la fréquence normale est où non mainte- nue. Les huit autres languettes ont pour but d'actionner, en cas de fluctuations dépassant 1 °/,,deux leviers qui soutien- nent des disques-si- gnaux. Lorsque la fréquence est nor- male, les fenêtres triangulaires sont complètement blan- ches. Si elle s'élève, le levier intéressé fait apparaître dans la fenètre supérieure un disque rouge et établit un contact qui peut, s'il le faut, mettre en circuit un signal d'alarme in- dépendant. Dès que la fréquence nor- male est rétablie, soit d'elle-même, soit par suite d'un ré- glage, le levier re- prend sa position première, l'annon- ciateur s’efface, ‘la fenêtre redevient blanche, et le signal d'alarme est retiré du circuit. La même chose se passe pour la fenêtre inférieure, où apparaît un disque vert dans le cas où la fréquence s'abaisse. L’avertisseur peut ètre constitué par des sonneriesélectriques de timbres différents, soit par une sonnerie et deux lampes à incan- descence de couleurs différentes, avec inter- calation éventuelle d’un relais. L. Ramakers. $S 4. — Chimie physique L'effet chimique des rayons catho- diques. — Dans un travail récemment pu- blié dans la Physikalis- che Zeitschrift (n°12), M. E. Bose étudie le cas le plus simple de l'effet chimique des rayons cathodiques, en vue d'établir si la conver- sion due à ces rayons est bien un effet pure- ment électro-chimique, suivant la loi de Faraday. Dans un appareil approprié, permettant d'exposer dans le vide une grande surface d’électrolyte (environ 200 centimètres carrés) à un rayonnement intense sans se servir d’électrodes in- 760 ternes, l’auteur a soumis à l’action des rayons catho- diques une solution de potasse caustique saturée à l'état chaud: une réduction ayant lieu, il s’est produit un dégagement d'hydrogène. L'auteur mesure la quan- tité d'électricité absorbée par l'électrolyte au moyen d'un voltamètre à hydrogène. Or, si l'effet en question se passait suivant la loi de Faraday, la quantité d'hydrogène retirée du vide serait identique à celle que dégage le voltamètre. Comme, toutefois, la première se montre de dix à trente fois supérieure à la quantité d'hydrogène du voltamètre, il faut bien qu'en dehors de l'effet électrochimique, dont l'existence est mise hors de doute, il y ait une autre action éhimique due aux rayons cathodiques. Les calculs de l’auteur font voir que cet autre effet des rayons peut très bien être dû à l'énergie cinétique des particules les constituant; en effet, cette énergie peut exercer des effets jusqu'à seize cents fois plus grands que l'énergie correspondant au dégagement de la quantité d'hydrogène électrochimique, bien que, dans la plupart des cas, la plus grande partie de cette énergie doive se tranformer en chaleur. Il paraît probable que les effets chimiques des rayons de Becquerel présenteront des phénomènes analogues, bien que, dans ce cas, l'effet dynamique doive jouer un rôle prépondérant, en raison de la plus grande force vive. D'autre part, en passant à des rayons cathodiques de plus en plus lents, tels qu'on vient de les réaliser, on verra l'effet dynamique chi- mique prendre un rôle de’ plus en plus secondaire, jusqu'à ce qu'il ne reste que l’action électrochimique. $ 5. — Physiologie Les parathyroïdes de la tortue. — Après avoir totalement négligé les glandules thyroïdes, après les avoir considérées comme des thyroïdes supplémen- taires destinées à suppléer les thyroïdes altérées ou en- levées, les physiologistes ont fait de ces organes des éléments physiologiques distincts et autonomes. Ils ont établi, chez des Mammifères et chez des Oiseaux, que les accidents tétaniques aigus qui suivent l'ablation globale des corps thyroïdes (thyroïdes et parathyroïdes), ou, pour parler exactement, la thyro-parathyroïdecto- mie, résultent de l’ablation des seules parathyroïdes. MM. Doyon et Kareff, étendant ces recherches aux tortues, sont arrivés à un résultat analogue. Chez la tortue, il existe une paire de parathyroïdes, petites masses jaunâtres, arrondies, ayant au plus 1 millimètre de diamètre, situées de chaque côté de la base du cou, très près et au-dessous du thymus, contre la crosse de l'aorte, au point où le vaisseau s’infléchit en arrière. On peut sans peine détruire ces parathyroïdes sans léser les thyroïdes : il suffit de les cautériser avec une pince à mors très effilés. La destruction d’une seule parathyroïde est sans effet appréciable; la destruction des deux parathyroïdes provoque des paralysies et la mort du troisième au huitième jour pour les animaux conservés à une tqn- pérature de 12 à 180. L'ablation du corps thyroïde, par contre, ne produit pas d'accident, au moins chez les tortues adultes, les seules sur lesquelles MM. Doyon et Kareff aient expérimenté. : Ainsi, chaque jour, des faits nouveaux viennent con- firmer cette conclusion qui est aujourd'hui classique : les accidents aigus consécutifs à l’ablation globale des thyroïdes et des parathyroïdes doivent être rapportés à la suppression fonctionnelle des seules parathyroïdes. Les thyroïdes jouent un rôle très différent des parathy- roïdes : en tous cas, leur ablation n'a jamais déterminé que des accidents trophiques, surtout manifestes chez l'animal en voie de développement. — MM. Doyon et Kareff n’ont pas encore publié le résultat des re- cherches qu'ils poursuivent sur la thyroïdectomie pure pratiquée chez la tortue en voie de développement. Ces résultats seront certainement intéressants et nous les enregistrerons le moment venu. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE EE —_—_—_—_—_—_— ] —— —.—.——]— $ 6. — Sciences médicales Dangers de l’eau de source. — M. le Pro- fesseur Courmont, de Lyon, vient d'attirer l'attention sur ce sujet ‘. Pour lui, l'eau de source est dangereuse et ne donne qu'une fausse sécurité. Les expériences de \ Pasteur constituent une vérité d'exception. Peu de sources sont bonnes et ce sont uniquement des petites sources. Quand il s’agit d'alimenter une ville, on appelle source un véritable cours d’eau capté à son origine apparente. Or,une source assez considérable pour suffire à une ville, même peu importante, n'est en réalité qu'une réunion de ruisseaux, plus ou moins souterrains, communiquant, en tout cas, presque toujours lar- gement avec la surface du sol avant d’être canalisés et protégés. Leur contamination est, en général, facile sur M un assez long trajet, correspondant à une étendue con- sidérable de terrain habituellement cultivé, donc souillé. Lorsque la canalisation est contaminée, le mal est sans remède immédiat; il faut attendre que l'épidémie s'éteigne d'elle-même. En d'autres termes, d’après l'auteur, on fait boire dans les villes, sous le nom d'eaux de source, les eaux de lavage d’une surface de terrain plus ou moins grande, et les dépenses occa- sionnées par l'achat, la captation, l'amenée et la sur- veillance de la source n'ont d'autre résultat que de faire absorber aux-contribuables d'une commune des bacilles typhiques étrangers. Et cela est surtout vrai pour Paris. On croyait s'être débarrassé définitivement de la fièvre typhoïde en captant l'Avre, la Vanne, la Dhuys, le Loing et lé Lunain. La diminution a été sen- sible, mais insuffisante. D'ailleurs, les analyses décèlent en permanence dans ces eaux le Bacterium Coli, preuve évidente de la contamination par les matières fécales, et, de temps en temps, des recrudescences inquiétantes viennent démontrer 1e pouvoir typho- gène de ces sources. Pour obvier à ces inconvénients, on a institué une Commission de surveillance des sources. Les résultats qu'a donnés la surveillance sont incomplets, donc inefficaces. C’est pourquoi l'auteur propose, au lieu de préserver au départ des sources, de stériliser l'eau à l’arrivée. A Paris, notamment, il ne faut pas s'occuper de la captation de l'Avre, de la Dhuys et des autres sources; mais il faudrait stériliser ces eaux à l’arrivée dans les réservoirs, comme on sté- rilise, à Saint-Maur ou à Ivry, les eaux de la Seine ou de la Marne. Il semble que M. Courmont à raison puis- qu'il propose de substituer, à un système aléatoire, une méthode plus scientifique et plus sûre. Infantilisme et pancréas. — M. Byrom Bram- well vient de décrire? un cas d’infantilisme causé par l'insuffisance fonctionnelle du pancréas. Cette obser- vation concerne un jeune homme de dix-huit ans, qui avait l'aspect d'un garcon de dix ans et qui souffrait, depuis plusieurs années, d’une diarrhée graisseuse, absolument incoërcible. Attribuant cette diarrhée de si longue durée à une insuffisance fonctionnelle du pan- créas, l’auteur soumit son malade à l'usage méthodique de l'extrait pancréatique glycériné. Le succès de cette « médication, qui a duré trois ans, a confirmé les espé- rances de M. Byrom Bramwell, car la diarrhée a presque complètement disparu, le poids du corps s’est accru de 10 kilogs, la taille a augmenté de 1# centimètres, la voix est devenue mâle, et les organes génitaux ont acquis un parfait caractère de virilité. Il semble donc que l’on soit bien ici en présence d’un cas d'infanti= lisme d'origine pancréatique, et il paraît résulter des cette observation qu'une insuffisance fonctionnelle de, cette glande est susceptible d'amener des accidents semblables à ceux que l’on observe dans les cas d'in" suffisance thyroïdienne; dans les deux cas, le traite ment le plus rationnel semble être l'opothérapie. 1 Presse médicale, 15 juin 1904. 2 Scottish med. Journal et Morgagni, 25 juin 1904. HENRI PADÉ — BARRÉ DE SAINT-VENANT ET LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE 761 BARRÉ DE SAINT-VENANT ET LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE A en juger seulement par le nombre et l'impor- tance des publications relatives aux principes de la Mécanique rationnelle, faites depuis une dizaine d'années, par les discussions approfondies dont elles ont été l'occasion, par les recherches hislo- riques qu'elies ont suscitées, par la diversité des points de vue qui y ont élé proposés, par l'autorité, enfin, de leurs auteurs, on peut reconnaitre que ces principes n'ont pas encore acquis toute la clarté et toute la solidité convenables, et que l’élude de la question a encore son prix et ses difficultés. Il ne semble done pas inopporlun de rappeler la méthode suivie dans son enseignement, il y à maintenant plus d'un demi-siècle, par Barré de Saint- Venant : les'idées de l'illustre géomètre atti- reront, sans doute, aujourd'hui, une attention que l'on peut s'étonner qu'elles n'aient pas obtenue à l'époque où elles ont été émises. Dans la première partie de cet article, j'expose, en les résumant aussi fidèlement que possible, les points principaux de cette méthode. Les parties placées entre guillemets sont le texte même de Saint-Venant. La seconde partie est consacrée à une très brève étude des principales sources historiques : il m'a paru qu'il y avait justice à rappeler, à cette occa- sion, le nom de d’Alembert, et celui, surtout, de Lazare Carnot. C'est, d'ailleurs, à peine l'ébauche d'une étude qu'il serait, au plus haut degré, inté- ressant d'approfondir, comme le serait celle, à laquelle elle se rattacherait naturellement, de l'évo- lution des notions de force et de masse dans le cours des trois derniers siècles. Je termine par la comparaison, qui s'imposait, des idées de Saint- Venant avec celles de M. Boltzmann et de M. Mach. I Les corps sont formés de points, iré{endus comme le point géométrique, séparés par des in- tervalles très pelits, et doués de certaines pro- priétés en raison desquelles on leur donne le nom de points matériels. Les seuls mouvements que nous apercevions sont des mouvements relatifs. L'observalion à montré que les lois suivant lesquelles se succèdent ces mouvements acquièrent leur plus grande sim- plicité quand le système de repères auquel ils se rapportent est pris sur la voûte céleste; c’est de ces mouvements seuls qu'il s'agit ici. La première propriété que nous leur reconnais- sions est celle d'avoir lieu suivant la /oi de conti- nuilé : un point matériel en mouvement a, à chaque instant, une accélération déterminée. Si l'on considère un système de 2 points maté- riels en mouvement, on appelle déplacement moyen ; 1 de ce système le produit par = de la somme géomé- trique des déplacements simultanés des » points; la vitesse moyenne et l'accélération moyenne sont, ; 1 de même, les produits par a des sommes géomé- triques des vitesses et des accélérations des n points à un même instant. Imaginons maintenant que les mouvements des points du système soient tels que la condition sui- vante soit constamment remplie : l'accélération de l'un quelconque des points est la somme géomé- trique de n-1 accélérations partielles dirigées res- pectivement suivant les n-1 droites de jonction de ce point avec les 7-1 autres points, l’accélération partielle d’un point À vers un autre B étant tou- jours de sens opposé et de même grandeur que l'accélération partielle du second point B vers le premier A. Nous disons d'un tel système qu'il est à accélérations partielles réciproques. L'accélération moyenne d’un tel système est nulle, et sa vitesse moyenne est constante. Concevons maintenant qu'un système à accélé- rations partielles réciproques (S,) soit partagé en deux autres (S,) et(S,), comprenant respectivement p et qg points. Nous dirons des accéléralions par- tielles réciproques entre deux points appartenant à un même système, (S,) par exemple, qu'elles sont intérieures à ce système; de deux accélérations partielles réciproques entre un point de (S,) et un point de (S,), nous dirons, au contraire, qu'elles sont extérieures à l’un et à l'autre systèmes. Si l’on désigne alors par R la grandeur de la somme géométrique des accélérations partielles de (S,) qui sont extérieures à ce système, l'accélé- : : R ration moyenne de (S,) aura pour grandeur —, celle P° à R ee de (S,) aura pour grandeur nr et ces deux accéléra- tions moyennes auront même direction et des sens opposés. Considérons le point géométrique défini par cette condition que la somme géométrique des vecteurs allant de ce point aux » points matériels 762 HENRI PADÉ — BARRÉ DE SAINT-VENANT ET LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE d'un syslème quelconque soit nulle. Ce point, mobile en même temps que les points du système, aura, à chaque instant, pour déplacement, vitesse et accélération, le déplacement moyen, la vitesse moyenne et l'accélération moyenne du système. C'est le centre de gravité du système. Si le système est à accélérations partielles réci- proques, comme le système {S,), le centre de gra- vité a un mouvement rectiligne et uniforme. Pour deux systèmes, tels que (S,) el (S,), dont l'ensemble forme un système ($,) à accélérations partielles réciproques, les deux centres de gravité ont, à chaque instant, des accélérations de même direc- tion, de sens opposés, et dont les grandeurs sont en raison inverse des nombres p et q des points qui forment ces deux systèmes. Le centre de gravité d'un système de » points matériels ne change pas, quand on remplace p quelconques de ses points par un point matériel fictif, placé en leur centre de gravité, et regardé comme comptant seul pour p points matériels. Tout ce qui précède se rapporte aux lois géomé- triques du mouvement associées à la nolion du temps. Nous avons à étudier maintenant ses lois physiques, c'est-à-dire les circonstances matérielles dans lesquelles tel ou tel mouvement s'engendre ou se modifie : nous passons du domaine de la Cinématique à celui de la Dynamique. L'observation seule peut fournir l'idée première de ces lois, qui en sont ainsi tirées par la méthode inductive. Elle nous a déjà donné la Loi de continuité. Elle nous apprend aussi qu'un corps en repos n'acquiert une accélération et, par suile, une vitesse, que quand d’autres corps changent, soit d'état physique, soit de situation relative par rap- port à lui; et que la même accéléralion naitra encore quand, le corps ayant un mouvement recti- ligne et uniforme, les mêmes changements d'état physique des autres corps, les mêmes changements de leurs situations relatives par rapport à lui se reproduiront. Si deux corps heurtent, leurs vitesses moyennes, par les vitesses de leurs centres de gravité, sont simultanément modifiées : les gains géométriques de ces vitesses ont toujours la même direction et des sens toujours opposés; ils ont la même grandeur, si les deux corps sont de même matière et ont le même volume; ces grandeurs sont en raison inverse des volumes si, la matière des deux corps demeurant la même, les volumes sont inégaux ; pour deux corps enlière- ment quelconques, elles sont toujours dans le même rapport, quelles que soient les vitesses res- peclives des deux corps avant le choc. Si l’on fait heurter successivement, deux à deux, des corps se estimées A, A', A"... les gains géométriques des vitesses moyennes, dans chaque ‘choc, sont entre eux comme des nombres fixes affectés à chacun des corps. Et tous ces faits, qui s'observent dans le choc des corps, s’observent également toutes les fois que des corps, sont mis en relalion, de manière que leurs vitesses se modifient mutuellement. Toutes ces lois physiques particulières sont des conséquences, faciles à apercevoir, de cette loi phy- sique générale : « Les corps se meuvent comme des systèmes de points ayant à chaque instant, dans l'espace, des accélérations dont les composantes géométriques, dirigées suivant leurs lignes de jonction deux à deux, et variables avec les grandeurs de ces lignes, mais non avec les vitesses des points, sont constam- ment égales et opposées pour les deux points dont chaque ligne mesure la distance. » La grandeur des accélérations partielles réci- proques entre deux points ne change qu'avec la distance des deux points ou avec leur état phy- sique. . Par exemple, pour ce qui concerne les gains des vilesses moyennes dans le choc des corps, cette loi, rapprochée de ce que nous avons dit relative- ment à l'accélération moyenne des systèmes de points à accélérations partielles réciproques, fait connaître que les nombres constants affectés à chacun des corps sont proporlionnels aux inverses des nombres de leurs points matériels. Pour des corps de même matière, ces nombres sont eux-… mêmes, pratiquement, proportionnels aux vo- lumes des corps. Cetie unique loi est le fondement de toute la Mécanique. Pour énoncer commodément ses conséquences, on fait généralement usage de certaines locutions, dont il! faut maintenant faire connaitre le sens. « On donne le nom de J/asses à des nombres pro- portionnels à ceux des points élémentaires qu'il faut supposer dans les corps, comparativement les uns aux autres, pour expliquer leurs divers mou- vements par cette loi, conformément à son énoncé. « On donne le nom de Forces altractives ou répulsives des corps, considérés deux à deux, à des lignes proportionnelles aux résullantes des accé- lérations réciproques de leurs points élémentaires les uns vers les autres d'après la même loi. Et l'on suppose généralement, pour simplifier, que le rap- port conslantet arbitraire des forces avec ces résul- tantes est le même que le rapport constant des masses avec les nombres de points ». On a ainsi ces deux définitions : « Masses. La masse d'un corps est 1e rapport de deux nombres exprimant combien de fois ce corps HENRI PADÉ — BARRÉ DE SAINT-VENANT ET LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE 763 et un autre corps, choisi arbitrairement et cons- tunmment le même, contiennent de parties qui, étant séparées et heurtées deux à deux l'une contre lautre, se communiquent, par le choc, des vitesses opposées égales. » « Forces. La force ou Taction attractive ou répulsive d'un corps sur un autre est une ligne ayant pour grandeur le produit de la masse de celui-ci par l'accélération moyenne de ses points vers ceux du premier et pour direction celle de cette accélération. » « La dénomination de force ou d'action vient du sentiment de l'effort que nous exercons lorsque nous voulons imprimer une accélération à un corps, et de ce que, dans le langage commun, l'on attribue métaphoriquement une activité analogue à celle de l'homme aux autres êtres, même ina- nimés, dans la direction desquels l’on voit des corps prendre un mouvement. » L'emploi de ces mots de force et de masse ne peut donner lieu à aucune obseurité, si l’on prend soin d'en venir toujours aux définitions précé- dentes. Ainsi, par exemple, on peut dire que l’on applique « une force F à un corps A dans une cer- taine direction : cela signifiera que nous plaçons un ou plusieurs autres corps, animés ou inanimés, dans des situations ou dans un état physique tels que les accélérations des points de A vers leurs points aient une moyenne qui, multipliée par la masse de À, donne F. » De ces définitions, il résulte qu’entre la force F qui sollicite un corps, sa masse m» et son accélé- ration moyenne /, on a la relation : Em}. Cette équation s'applique à un seul point matériel : la masse d'un tel point est l'inverse du nombre des points matériels du corps dont la masse est choisie pour unité. « D'ailleurs, on considère aussi, en Mécanique, des points matériels qui ne sont que des corps extrêmement petits, pouvant avoir des masses inégales, et dont chacun peut être regardé comme comprenant plusieurs des points élémen- taires dont il est question dans la loi générale. » D’après cette loi, l'action d'un corps B sur un corps À et celle du corps À sur le corps B ont tou- jours la même direction, des sens opposés et la même grandeur; chacune d'elles est dite la réac- tion du premier corps sur le second. Cette égalité et cette opposition constante de l’action et de la réaction correspondent ainsi à la réciprocité des accélérations moyennes des corps A et B l'un vers l'autre, aux nombres de leurs points ou à leurs masses. On voit aussi immédiatement que, « lorsque plu- sieurs forces agissent ensemble sur un même corps, l'accélération moyenne de ses points (ou l'accélération de son centre de gravité) est résul- tante géométrique de celles que produirait isolé- ment chaque force, ou est la même que si elles élaient remplacées par une force unique qui fût leur résultante géométrique ». Ce théorème comprend ceux qui sont connus sous les noms de composition des forces concourantes, mouvement du centre de gravité, etc. IT J'ai suivi, pour exposer les idées de Saint-Ve- nant, l'ordre qu'il a lui-même adopté dans celui de ses ouvrages où il les a le plus longuement et le plus systématiquement développées : les Principes de Mécanique fondés sur la Cinématique (in-#, lithographié de 178 pages, Paris, 1851). Mais il convient de citer encore, comme permettant de pénétrer davantage sa pensée, les écrits suivants : Mémoire sur là question de savoir s'il existe des masses continues, et sur la nature probable des dernières particules des corps. Société philo- matique de Paris, séance du 20 janvier 18%, p. 3-15; Mémoire sur les sommes et les différences géo- métriques, et sur leur usage pour simplifier la Mécanique. Comptes rendus des séances de l’Aca- démie des Sciences, t. XXI, 1845; p. 620-695; Notice sur Louis-Joseph, comte du Buat. Mé- moires de la Société des Sciences de Lille, 1865, p. 675-677; et enfin de nombreux passages. des Notes et Appendices aux leçons de Navier sur la résistance des solides (Paris, 1864). Atomiste convaincu, de Saint-Venant adopte complètement les idées du P. Boscowich sur la constitution de la matière, sauf, toutefois, la loi compliquée que celui-ci suppose aux répulsions et attractions réciproques de deux points matériels voisins l'un de l’autre. Le Mémoire de 1844 est un plaidoyer vigoureux en faveur de ces idées C'est dans le Mémoire lu, l’année suivante, devant l’Académie des Sciences, — et dont la valeur historique, au point de vue du calcul géo- métrique qui ne peut nous arrêter ici, mériterait d'être davantage reconnue, — que Saint-Venant émet l'idée de changer le mode d'exposition elas- sique de la Mécanique, « en ne faisant entrer, dans le raisonnement et les calculs, que ce que d'Alembert, Carnot et d'autres géomètres voyaient uniquement dans cette science, savoir, des combi- naisons d’espace et de temps, sans parler aucune- ment de forces, ces causes efficientes du mouve- ment, sur lesquelles on à tant disputé, et dont un certain nombre d'esprits positifs désapprouvent l'intervention dans une science toute de faits ». D'Alembert et Carnot, tels sont, en effet, les pré- 7164 HENRI PADÉ — BARRÉ DE SAINT-VENANT ET LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE curseurs directs, en cette matière, de Barré de Saint-Venant; et,s’il faut attendre jusqu'aux Prin- cipes de Mécanique de 4851 pour avoir une réali- sation vraiment satisfaisante de la réforme désirée, il est juste de reconnaître qu'elle a été indiquée aussi clairement que possible, et tentée, cent ans auparavant, dans son Zraité de Dynamique, par d'Alembert, soixante-dix ans plus tôt, dans son Essai sur les machines en général, puis dans ses Principes fondamentaux de l'équilibre et du mou- rement, par Lazare Carnot. « En général, dit d'Alembert, dans le discours préliminaire de son Traité de Dynamique, on à été plus occupé jusqu'à présent à augmenter l'édifice qu'à en éclairer l'entrée ; et on a pensé principale- ment à l'élever, sans donner à ses fondements toute la solidité convenable. » Et cette obscurité, ce défaut de solidité ont leur origine dans la no- tion de force. « Tout ce que nous voyons bien dis- linctement dans le mouvement d'un corps, c'est qu'il parcourt un certain espace, et qu'il emploie un certain temps à le parcourir. C’est done de cette seule idée qu'on doit lirer tous les principes de la Mécanique, quand on veut la démontrer d'une manière nette et précise; ainsi on ne sera point surpris qu'en conséquence de cette réflexion j'aie, pour ainsi dire, détourné la vue de dessus les causes motrices, pour n'envisager uniquement que le mouvement qu'elles produisent; que j'aie entièrement proserit les forces inhérentes aux corps en mouvement, êtres obscurs et métaphy- siques, qui ne sont capables que de répandre les ténèbres sur une science claire par elle-même. » Mais s’il proscrit l'idée de force en tant que cause motrice, d'Alembert ne rejette cependant pas le mot de force lui-même : « Je dois avertir que, pour éviter les circonlocutions, je me suis souvent servi du terme obscur de force, et de quelques autres qu'on emploie communément, quand on traite du mouvement des corps ; mais je n'ai jamais prétendu attacher à ces termes d'autres idées que celles qui résultent des principes que j'ai établis soit dans ce discours, soit dans la première partie de ce Trailé. » Qui ne reconnaitrait, dans ces lignes, le plan même, bien vague encore, sans doute, adopté et réalisé par Saint-Venant ? IL faut, en effet, avouer que le reste de l'ouvrage de d’Alembert ne laisse pas, après lecture, la conviction qu'il ait pleine- ment réussi, comme il se le proposait, à éclairer l'entrée de l'édifice et à donner à ses fondements toute la solidité convenable. L'œuvre de Carnot marque déjà, à ce point de vue, un incontestable progrès. C'est avec une admirable netteté que Carnot oppose d'abord l'un à l’autre les deux points de vue où l’on peut se placer pour établir les fonde- ments de la Mécanique. «Il y a deux manières d'envisager la Mécanique dans ses principes. La première est de la considérer comme la théorie des forces, c'est-à-dire des causes qui impriment les mouvements. La seconde est de la considérer comme la théorie des mouvements eux-mêmes. Dans le premier cas, donc, on établit le raisonne- ment sur les causes, quelles qu'elles soient, qui impriment ou tendent à imprimer du mouvement aux corps, auxquels on les suppose appliquées. Dans le second, on regarde le mouvement comme déjà imprimé, acquis et résidant dans les corps ; et l'on cherche seulement quelles sont les lois suivant lesquelles ces mouvements acquis se propagent, se modifient ou se détruisent dans chaque circons- tance. » Il faudrait citer toute la suite de ce beau passage où Carnot poursuit le parallèle entre les deux méthodes. Pas plus que d'Alembert, Carnot n'exclut du langage le mot de force, mais, beaucoup plus précis, il définit nettement la force motrice comme le pro- duit de la force accélératrice ou retardatrice par la masse. La masse est, d’ailleurs, l’espace effectif occupé par le corps, opposé à l'espace apparent, qui est le volume. Carnot est donc également atomiste, mais, opinion à laquelle s'oppose fortement de Saint-Venant, il concoit les dernières particules de la malière comme de petits corps, que « l’on pense être durs » et qui ont un certain volume. Il reste assurément quelque obseurité en ce point; car, qu'est-ce que l'accélération d’un corps, mème réduit à un seul point matériel, si l'on suppose une étendue à ce point matériel? Et puis, comment apprécier l’espace effectif occupé par un corps? Quoiqu'il en soit, la force ainsi définie n'a plus rien qui la rattache au principe de causalité : « La Méca- nique ne remonte pas jusqu'aux causes premières qui produisent le mouvement; elle n'examine pas comment la volonté de l'homme ou de l'animal fait sortir ses membres du repos, ou les y ramène spon- tanément : elle ne voit que le fait qui en résulte, ne considère que le mouvement déjà produit, et son objet est uniquement de rechercher comment ce mouvement, une fois imprimé, se conserve, se propage ou se modifie, abstraction faite de toute nouvelle influence étrangère. » L'œuvre de Saint-Venant a été de réaliser pleine- ment les idées de ses deux illustres devanciers, en faisant disparaitre les dernières traces d’obscurité qui s'y trouvaient encore eten montrant, par le fait même, qu'elles étaient propres à donner aux fon- dements de la Mécanique la solidité désirable. C’est pour cet objet spécial qu'il a écrit ses Principes de Mécanique, dont j'ai essayé de résumer les points principaux dans la première partie de ce PSP E HENRI PADÉ — BARRÉ DE SAINT-VENANT ET LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE 765 travail, et où, malgré le caractère absolument élé- mentaire de l'exposition, sontintroduites, en maint endroit, les idées les plus neuves et les plus har- dies. Vingt ans après le Mémoire sur les sommes et les différences géométriques, l'illustre géomètre, resté fidèle à sa manière de voir, reviendra, dans sa Notice sur Louis Joseph du Buat, sur ces mêmes idées, en des termes dont la vigueur ne laisse rien à souhaiter : « Dans le fait, quel que soit un pro- blème de Mécanique terrestre ou céleste proposé, les forces n'entrent jamais ni dans ses données, qui sont loujours des choses sensibles, ni dans le résul- “tat cherché de la solution. On les fait intervenir - pour résoudre, et on les élimine ensuite afin de n'avoir finalement que des temps et des distances . on des vitesses comme en commençant. On conçoit très bien qu'un jour, à la place de ces sortes d’in- termédiaires d'une nature occulte et métaphysique, on puisse n'introduire et n'invoquer, pour la solu- tion des divers problèmes de l'ordre physique, que les lois avérées des vitesses et de leurs changements suivant les circonstances, lois dont on ferait l'appli- cation, comme un juge, à l'espèce, c'est-à-dire aux données de chaque problème, et dont on calcule- rait pour chaque cas l'accomplissement. Ce ne sera pas bouleverser la science, ce sera ne faire presque qu'en modifier le langage. « Ampère lui-même a montré, par sa lumineuse décomposition de la Mécanique comme de chacune des autres branches des connaissances humaines (Essai sur la Philosophie des Sciences), et plus, peut-être, par la création du mot cinématique”, dési- gnant la science du mouvement considéré indé- pendamment des forces auxquelles on l'attribue, que l'exposition de la Mécanique pouvait être sen- siblement modifiée. La séparation effectuée sur son indication a même eu plus de portée qu'il n'avait prévu; car ce ne sont pas seulement des espaces, des vitesses et des transformations géométriques de mouvement par des mécanismes que l’on consi- dère aujourd'hui en Cinémalique : on y range aussi 4 Dans le discours préliminaire de son Traité de Dyna- mique, d'Alembert s'exprime ainsi : « Il est done évident que, par l'application seule de la Géométrie et du Calcul, on peut, sans le secours d'aucun autre principe, trouver les propriétés généraies du mouvement, varié suivant une loi quelconque. Mais comment arrive-t-il que le mouvement d'un corps suive telle ou telle loi particulière ? C'estsur quoi la Géométrie seule ne peut rien nous apprendre, et c'est aussi ce qu'on peut regarder comme le premier problème qui äppartienne immédiatement à la Mécanique ». On ne peut méconnaitre, par ce passage, que d'Alembert n'ait eu la no- tion de la Cinématique, et l'on admettra sans peine qu'elle ne devait pas être non plus étrangère aux Euler, aux La- grange et à leurs successeurs. Ampère, dont la gloire n'a d'ailleurs pas besoin de cet appoint, n'en conserve pas moins l'honneur d'avoir mis, avec plus de force, en relief les caractères précis de cette branche de la Mécanique et d'en avoir été le parrain. l'étude de ce qu’on nommait les forces accéléra- trices, qui ne sont plus appelées aujourd'hui que des accélérations. On étend même la définition de celles-ci, dans un sens géométrique, à des change- ments opérés à la fois aux grandeurs et aux directions des vilesses, comme faisait d'Alembert quand il appelait gains et pertes de vitesse celles qu'il faut composer polygonalement avec des vi- tesses antérieures pour avoir les vitesses subsé- quentes. « Il est done possible que les forces, ces sortes d'êtres problématiques, ou plutôt d’adjectifs subs- lantisés, qui ne sont ni matière, ni esprit, êtres aveugles et inconscients et qu'il faut douer cepen- dant de la merveilleuse faculté d'apprécier les dis- tances et d'y proportionner ponctuellement leur intensité, soient de plus en plus expulsées et écar- tées des sciences mathématiques. Elles feraient place aux lois non seulement géométriques, mais aussi physiques, qui règlent les circonstances, les durées etles grandeurs des changements de vitesse et de siluation; et cela, quel qu'en soit l'agent exéeuteur, unique ou multiple, ayant ou n'ayant pas grandeur et direction variables comme les changements produits. Le temps n'est peut-êlre pas bien loin où, sans nier aucunement le principe de causalité, qui appartient à une sphère d'idées plus élevée, mais en laissant la cause ou les causes à leur vraie place, qui n'est point la Physique, on renoncera à la prétention d'en faire un sujet de calcul. Aujourd'hui, certaines locutions ou alliances de mots, telles que forces d'inertie, TRAVAIL DE L'INERTIE ! etc., servent utilement sans doute à éta- blir l'homogénéité en remplaçant, dans le langage, les faits par des causes, ou le visible par l’occulte, de manière à n'avoir que des équations entre causes. Mais on trouvera, sans doute, le moyen de remplacer ces locutions par d’autres, n'offrant pas comme celles-ci quelque chose de contradictoire, et opérant, dans le même but, une substitution inverse: ou, pour mieux dire, de n'exprimer plus, en Mécanique, que les faits réels de temps et d’es- pace, en énonçant et appliquant les lois de leur succession! ». 1 De Saint-Venant, dans la même Notice, rappelle qu'Am- père lui aurait dit, en 1834, que les Mémoires de du Buat fournissaient la preuve « qu'il serait à jamais impossible de faire une Mécanique sans forces envisagées et calculées comme telles »; et c'est de celte opinion que se prévaut l'abbé Moigno pour diriger l'une des critiques qu'il adresse à la méthode de Saint-Venant, dans la préface de sa Sta- tique. On peut être surpris qu'invoquant cette opinion d'Ampère, il ait cru devoir justement supprimer, de la cita- tion qu'il fait du passage que nous avons reproduit, toute la partie que de Saint-Venant consacre, avec une intention évidente, à la notion de la Cinématique et à la création du nom de cinématique due à Ampère lui-même. Au reste, la faiblesse mème des arguments opposés par l'abbé Moigno 766 HENRI PADÉ — BARRÉ DE SAINT-VENANT ET LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE Les géomètres qui ont suivi les tentalives faites depuis quelques années pour fonder, sur des bases nouvelles, la Mécanique rationnelle, auront certai- nement remarqué, dans l'exposition que j'ai faite plus haut de la méthode de Saint-Venant, sa simi- litude avec celle de M. Boltzmann'. L'identité des deux méthodes, au fond, est complète : elles re- viennent, l’une et l’autre, à prendre pour basel’hy- pothèse des forces, ou, pour mieux dire, des accé- lérations centrales. Mais, au point de vue dela forme, M. Boltzmann adopte le mode d'exposition indiqué d’abord par de Saint-Venant dans son Mémoire de 1845 sur les sommes et les différences géométriques, en attribuant des masses inégales aux points élé- mentaires; et iln'indique que par quelques lignes * la méthode préférée ensuite par de Saint-Venant, et développée par lui dans ses Principes de Méca- nique de 1851, où les masses des points matériels sont supposées toutes égales. Peut-être est-il plus simple, en effet, puisque les points matériels, con- sidérés isolément, échappent complètement à nos moyens d'observation, de les supposer tous de même masse, et de regarder l'hétérogénéilé des corps comme résultant de l'inégalité du nombre de ces points élémentaires répandus dans des volumes égaux du corps, idée due, d’ailleurs, à Poncelet. D'un autre côté, de Saint-Venant ne donne pas à son exposition un caractère aussi à priori, aussi déductif que M. Boltzmann. Il ne s’écarte pas du « point de vue de réalité physique, où l’on sent la nécessité d'asseoir la science pour la rendre plus pratique », et il n'énonce sa loi générale qu'après avoir montré, avec le plus grand soin, comment elle résulte, par induction, des faits expérimentaux les plus simples, et peut être regardée comme la synthèse de tous les phénomènes observés. Enfin, l’une des conceptions les plus remar- quables de l'ouvrage de Saint-Venant, et qui ne me parait pas avoir donné ses dernières conséquences, ne semble appartenir à aucun auteur antérieur, et ne se relrouve pas non plus, que je sache, dans au- cun des ouvrages de Mécanique publiés depuis 1851. Je veux parler des notions de vitesse et d’accéléra- tion moyennes et du rôle attribué, dès la Cinéma- tique même, au centre de gravité d'un système quelconque de points matériels en mouvement. Défini par sa propriété géométrique la plus simple, le centre de gravité est un point géomé- ne fait que rendre plus sensible la force de ceux de Saint- Venant. 1 Vorlesungen ueber die Principe der Mechanik, Leipzig, 1897. ? Loc. cit., p. 22 et 23. 5 Je dois citer, cependant, le cours de Mécanique géné- rale de M. Flamant (Paris, 188$), concu entièrement d'après les vues de Saint-Venant. et que je n'ai connu qu'après avoir rédigé cet article. trique dont la vitesse et l'accélération sont, à chaque instant, la vitesse moyenne et l'accélération moyenne du système de points matériels considéré. IL appa- rait ainsi, immédiatement, dans son véritable rôle, qui n'est pas d'être le point d'application de la résultante d’un système de forces parallèles, son grand rôle historique, sans doute, mais d'être le point qui réalise, en quelque sorte, l'unité dyna- mique du système, le moi, dirai-je presque, du corps auquel il appartient : c'est sur lui que viennent … retentir, comme en une sorte de centre nerveux, toutes les impressions exférieures ressenties par les diverses parties du corps, et qui se traduisent par la modification des accélérations partielles pos- sédées par chacune de ces parties. Dès lors, l'idée des observations à faire ou des expériences à instiluer pour préparer par induction ou pour justitier a posteriori la loi physique fonda- mentale qui règle les mouvements des corps, prend une précision singulière : on sait exacte- ment ce qu'il faut entendre par la vitesse, le gain de vitesse d'un corps, puisqu'il s’agit alors de la vitesse, du gain de vitesse du centre de gravité de ce corps, point facile à déterminer pour les corps formés de matière homogène et ayant une figure géométrique simple; et l'on conçoit nettement comment l'on pourra mesurer effectivement les va- rialions de vitesse de ce point, quelle que soit la complication des mouvements, autour de lui, des points matériels qui forment le système. Cette conception de la cinématique des systèmes, du centre de gravité et de son rôle fondamental, a encore pour conséquence de donner de suite à la dynamique du point matériel son véritable sens : elle devient l'étude, qui s'offre d'elle-même, de la vi- tesse et de l'accélération moyennes des systèmes de points matériels, qui se confond avec celle du mou- vement de leurs centres de gravité, dont on fait des points matériels fictifs en y supposant réunis tous les points matériels des systèmes. Pourquoi les idées de Saint-Venant n'ont-elles pas été accueillies avec plus de faveur à l’époque où elles ont été émises? Les Principes de Méca- nique ont paru au moment même où la réforme, due surtout à l'initiative de Poncelet, de l’ensei- | gnement de la Mécanique soulevait des contro- verses qui n'étaient pas toujours sans vivacité. Le livre de Saint-Venant est concu entièrement selon les idées nouvelles, d'après lesquelles la Mécanique élait divisée en Cinématique et Dynamique, et où la Statique ne conservait que la valeur d'un cas particulier important, celui où les mouvements dus aux forces se détruisent. Pour ce qui concerne le Mémoire lu, en 1845, de- vani l'Académie des Sciences, on peut penser que les quelques lignes consacrées à la Mécanique ont PP * J. MACHAT — LA STRUCTURE GÉOLOGIQUE DE LA GUINÉE FRANÇAISE pu passer inaperçues, d'autant que, par le titre même du Mémoire, de Saint-Venant semble n'avoir en vue qu'une simplilication de la Mécanique. D'un autre côté, les Principes de Mécanique sont rédigés avec une extrême simplicité de moyens analytiques, ce qu'il faut attribuer, sans doute, à ce qu'ils ne sont, au moins partiellement, que la reproduction des lecons faites par de Saint-Venant à l'Institut National Agronomique, devant un audi- toire dont les connaissances mathématiques étaient des plus modestes ; et l’on conçoit aisément que les géomètres, malgré l'autorité du nom de l’auteur, ne se soient pas arrêlés à approfondir un livre qui semblait s'adresser lout à fait à des débu- tants. Il est, sans doute, assez piquant de voir cette méthode, que de Saint-Venant a su mettre à la portée d’auditeurs auxquels les formules élémen- taires de la Trigonométrie rectiligne n'étaient même pas familières, devenue aujourd'hui, gräce aux livres de M. Boltzmann et de M. Mach !, l'objet de l'attention des géomètres les plus éminents, et mise au rang des tentatives les plus sérieuses faites actuellement pour jeter quelque clarté sur les obscurs principes de la Mécanique. Enfin, le livre de Saint-Venant, comme toute la réforme tentée à cette époque, a dû avoir contre lui les partisans de la méthode soi-disant histo- rique, qui affirment que l'ordre dans lequel nos connaissances ont élé successivement acquises est celui-là même dans lequel elles devront toujours demeurer classées dans notre entendement; que, parce qu'Archimède est venu avant Galilée, la logique veut qu’éternellement la Statique soit ensei- gnée avant la Dynamique. Aujourd'hui, l'on pour- rait dire que la méthode de Saint-Venant a l’avan- tage de s’écarter moins des méthodes classiques que les tentatives faites parallèlement pour le même objet, telles que celles de Helmholtz et de 767 Hertz ; et l'on pourrait ajouter qu'elle ne s'écarte guère plus de la vérité historique que ces mêmes méthodes classiques, puisque nous savons main- tenant, à n'en pas douter, que ni Archimède, ni Galilée n'ont eu notre notion moderne de force; que le second a énoncé le célèbre principe qu'on lui attribue en ne parlant que d'espaces et de vitesses, et nullement de forces ; que ce principe et celui de l'inertie ne sont point séparément l’œuvre de Galilée et de Képler, mais ont leur ori- gine commune dans la nécessité de défendre la doctrine de Copernic et ont été communs à tous les Coperniciens ‘, etc. De Saint-Venant n'a pas méconnu l'échec de sa tentative. C'est ce dont témoignent les lignes sui- vantes, par lesquelles se termine une note de son étude sur Louis-Joseph du Buat, et qui montrent, en même temps, de quelles hautes préoccupations philosophiques lillustre géomètre était accom- pagné dans ses réflexions sur ces matières, qui touchent aux principes mêmes de notre connais- sance de la Nature. Après avoir parlé de son ou- vrage de 1851 et de l'unique loi physique sur la- quelle il fait tout reposer, il ajoute : « J'avais déjà exposé, en 1845, mais en énonçant deux lois au lieu d'une seule qui suffit, cette doctrine, qui, je le sens, pour être bien appréciée, aurait besoin de développements ne pouvant être donnés ici. Qu'il me suffise de dire que son adoption, qui se réduit à ne raisonner que sur des choses avérées el con- nues, n'exige nullement qu'on rejette, avec Male- branche, l'existence de causes secondes qu'il peut avoir plu au Créateur de déléguer d’une manière quelconque pour l'exécution de ses lois, tout en n'ayant pas besoin de leur aide. » Henri Padé, Professeur à l'Université de Bordeaux. LA STRUCTURE GÉOLOGIQUE DE LA GUINÉE FRANÇAISE Mon but, en écrivant cette étude sommaire, est de fixer l’élat général des connaissances sur une partie de la géographie physique de notre colonie de Guinée. Tant de récits de voyage, livres, bro- chures ou simples articles de revue, tant de cartes aussi ont été publiés sur la région, depuis l'époque de la première exploration véritable, au xv° siècle, jusqu'à cette année même, qu'il est devenu très malaisé de démèêler les résultats véritablement 1 La Mécanique. Etude historique et critique de son déve- loppement, avec une introduction de M. Emile Picard, Paris, 1904. acquis, et d'arriver à quelques vues d'ensemble neltes. Nous allons essayer de résumer les résultats de ces travaux. Le croquis, tout schématique, qu'on trouvera joint à ces pages, montrera comment la Guinée française lient aux contrées voisines du Soudan occidental, et par quels caractères elle s'en dis- tingue. Quant au texte, il n’est que le fruit de 1 P. Taxnery : Galilée et les principes de la Dynamique, Revue générale des Sciences, 12e année, 1901, p. 330-338. 168 J. MACHAT — LA STRUCTURE GÉOLOGIQUE DE LA GUINÉE FRANÇAISE longues lectures, qui furent parfois des plus atla- chantes ! I. — LES TERRAINS PRIMITIFS. Contrairement à ce qui a lieu dans les pays voi- sins du golfe de Guinée, dans la côte d'Ivoire, par exemple, les roches primitives ne se montrent vrai- ment qu'en une seule région de la colonie, celle dentale de Sierra-Leone'. Le Fouta-Djalon tout entier et les pays des Rivières du Sud sont occupés par des terrains de recouvrement, éruptifs anciens, et sédimentaires. II. — LES TERRAINS DE RECOUVREMENT. $ 4. — Les roches granitoïdes. La grande question est donc de déterminer com- Légende ve Aockes graritoides, avec = | Sekistes ten partie métamonph./ affleurements créstallines. 1 | souvent recouperts par des a | (divers) avec’point “de roch grE Grès {prènaires et triasiques } Æoches granitoides au miiew de | schistes et gres mélamor phases. recouvre presqu entierement des sch*®® | Point Son Sans les ftipières du Sud Alluvions ane"% e£ récentes. ee JSchistes Len partie el ), avec lambeaux de grès anciens ° FE métarnonphises Î / 550 a AZ CP 7 € 7) LE Bissago® à MT KAKOULIMA o Crapé par F Porremans, 5 rue. Hautefeuile — Furis Fig. 1. — Carte schématique de la répartition des terrains dans la Guinée française. des bras supérieurs des Scarcies (Tamisso). Là, des micaschistes et des gneiss, vus par la Mission Plat, et plus récemment par M. le capitaine Salesses, continuent les formations que Gordon-Laing et Thomson avaient découvertes dans la partie occi- 4 V. la note bibliographique. ment ces lerrains se partagent la contrée. Par leur répartition, s’expliquera la variété des formes du relief, en même temps qu'apparaitra l'idée som- maire de la valeur du sol dans les différentes ré- gions. 1 V. notamment : SALESSES : Ov. Cit., p. LA ACEr, no ANR el. J. MACHAT — LA STRUCTURE GÉOLOGIQUE DE LA GUINÉE FRANÇAISE 169 C'estun fail connu par de nombreux témoignages que les roches graniloïdes composent, à l'Est des Scarcies, presque toute la colenie de Sierra-Leone, s'étendant sous les alluvions jusque dans les vallées - et les basses plaines littorales”. Dans le Tamisso, et plus à l'Est, tout le long de la frontière sud de la Guinée française, les mêmes roches, des granits ordinaires ou à hypersthène, des syéniles, se dressent en collines, en énormes blocs, portés par les terrains primitifs”. Dans toute l'étendue du Fouta-Djalon, même en dehors des centres de dis- persion des eaux, d’où descendent le Bafing et la Gambie, les granits existent aussi, tantôt en affleu- rement(s isolés au milieu des formations sédimen- taires, tantôt par masses assez étendues : ce sont les & aiguilles » décrites par Olivier de Sanderval, les « dûmes étagés » dont la disposition avait déjà frappé Hecquard, les barrages de dalles glissantes signalés dans le lit du Bafing et du Tinkisso par René Caillié, par Plat, et semblables à ceux qu'ont vus sur le haut Niger MM. Hourst et Salesses. Mais, dans les autres parties de la Guinée fran- çaise, les granits sont beaucoup plus rares, ou même absents. A l’ouest des Scarcies, ils disparaissent presque sous les sédiments; ils ne forment plus là, au milieu des plateaux gréseux ou des alluvions liltorales des Rivières du Sud, que des accidents isolés, larges dos de pays, dômes, « soulèvements coniques »”, que l’on a quelquefois pris pour des volcans. Le principal de ces soulèvements, le mont Kakou- lima, gravi par M. Salesses, est constitué « de granites et de diorites qui émergent en lrois séries d’escarpements du milieu des plateaux de grès f ». Pour les régions à l’ouest et au nord du Fouta- Djalon, ce ne sont, de même, pas les roches grani- toïdes qui dominent. Comme granits en place, les explorateurs donnent évidemment de gros blocs de transport, ou des terrains « d'aspect granitique », schistes micacés, grès quartzeux, parfois redressés en falaises, et colorés par l’action de l'atmosphère et des eaux. C'est, par exemple, l'impression que l'on garde de la lecture des pages de René Caillié, de Hecquard et du D' Bayol concernant le Cogon supérieur et la haute Fatallah*. Quelques données sûres permettent loutefois de déterminer jusqu'où les pointements granitiques se rencontrent de ces côtés. Pour le bassin du Rio-Grande, les granits 1 Cela ressort, entre autres, des relations de Gordon- Laing, Zweifel et Moustier, Garett, Alldridge, Vohsen. D'après M. Salesses, l'arête de la péninsule de Freetown est grani- tique. ? Macraun, dans Rev. Col., 1899, p. 440. — TROTTER : cit., pass. % DREVON : ouv. cit., I, p. 340. * Sauesses, dans Ann. du Club Alp. Fr., 1897, p. 497. 5 R: CaïLié : ouv. cit., L, 262, 281. — Hecquarp : ouv. cit., P: 245. — BayoL : ouv. cit., p. 70. ouv. rouges vus par Olivier de Sanderval et par Hec- quard, au Sud et près de Kadé, ont été identifiés sur échantillons; ils se trouvent, d'autre part, accom- pagnés de roches mélamorphiques, schistes mi- cacés ou autres, qui indiquent qu'ils sont en place*. Pour la Gambie, le voisinage de Badon, pour la Falémé, les parages des Sansanding et de Farabara montrent les gisements extrêmes de ces roches, des granits roses et gris de fer, des amphi- boles, des diorites, des syénites ?. — Tels sont les points vers lesquels la bande archéo-granitique, représentée, comme l’on sait, sur tout le pourtour du golfe de Guinée, s'émiette et disparait sur les sédiments, après s'être coudée pour former l'ossa- ture du Fouta-Djalon. $ 2. — Les terrains sédimentaires. On ne saurait trop insister sur l'importance des terrains sédimentaires, qui, tout autour du Fouta (sauf au sud), et souvent dans ce pays même, mas- quent les roches anciennes sous leurs épaisses couches. Ce sont ces terrains, des grès et des schistes, qui donnent à la colonie ses aspects phy- siques les plus frappants, et qui règlent en grande partie ses condilions économiques. Au sud du Tamisso tout d’abord, la région allongée que M. Salesses appelle « dépression des Scarcies » marque, de la manière la plus nette, la limite occidentale des formations granitiques de Sierra-Leone. Elle est occupée par des terrains primaires, qu'ont étudiés le missionnaire Thomson, le major Trotter, chef de la Commission anglaise de délimitation, et, plus récemment, M. Salesses : marnes noires, schistes lustrés ou ardoisiers, asso- ciés à des grès psammites et à des dolomites*. De la grande Scarcies jusqu'au delà du Rio- Nunez, les grès couvrent tout le pays entre le Fouta et la mer. Ce sont des grès à nappes intercalées de conglomérats quartzeux. Ils répondent surtout au type des grès du Sahara et des grès vosgiens, à bancs allernés de poudingues. Ils en reproduisent en tous cas les formes ruiniques bien connues; et ces formes sont absolument inséparables de l’im- pression qu'ont ressentie du pays tous les explora- teurs des Rivières-du-Sud. Depuis la Mellacorée jusqu'au Rio-Nunez, à travers les bassins du Kou- kouré et de la Fatallah, ces formations couvrent toute la contrée de leurs énormes dalles disloquées 4 HECQUARD : ouv. cit., p. 222, 224, p. 401. ? Rançow : Dans la Haute-Gambie, p. ouv. cit., p.,6, 1, 28. 3 TROTTER : ouv. cit., p. 134. — SALESSES : dans Bull. Com. Afrique Fr., 1896, p. 319; et ouv. cit., p. 43, Ce der- nier auteur admet la correspondance de la dépression des Scarcies avec un ancien glacier, dont les moraines seraient visibles jusqu'à Freetown. 237, et appendice, 535. — RAFFENEL : 770 et de leurs assises tabulaires, laissant rarement affleurer les schistes ardoisiers à oxyde de fer et à pyrites, etles schistes micacés qui les supportent”. Parfois ces grès se dressent en falaises sur les plaines d’aliuvions littorales, comme à Boké. Ils sont toujours recouverts d'une croûte rougeàtre et caillouteuse, que les voyageurs, tous frappés de son aspect, appellent « pierre ferrugineuse » (Watt et Winterbottom), « roche siliceuse et ferrugi- neuse » (les rédacteurs des Instructions Nautiques), « terre rouge et quartzeuse » (R. Caillié), « quartz ferrugineux » (Olivier de Sanderval). Cette croûte simule souvent la lave volcanique, au point d’avoir fait supposer des éruplions récentes; étendue en vastes surfaces infertiles, elle donne lieu à la fois à l'une des formes de terrain et à l'un des aspects économiques les plus spéciaux du pays des Rivières- du-Sud et du Fouta-Djalon, le « baowal ». Sur le pourtour occidental, septentrional et oriental du Fouta-Djalon, ce sont encore des grès que l'on rencontre surtout. Mais ils sont de nature plus variée que dans le Sud, et laissent souvent affleurer les schistes, qui se présentent même en couches redressées, contribuant beaucoup à la topographie. De plus, les granits qui trouent çà et là l'écorce ont amené ici d'importants phénomènes de métamorphisme. Comme premier et très net exemple de ces formations, il faut signaler celles du Tominé et du Rio-Gomba (Rio-Grande); ces cours d’eau ont leur vallée entaillée dans des schistes, au-dessus desquels se dressent des falaises verticales de grès grisàtres appartenant, d'après M. Maclaud, à l'étage triasique des grès bigarrés ”. Dans la haute Gambie, et jusque dans la partie nord du Fouta-Djalon (massif de Tamgué), les schistes, visibles sur les berges des cours d'eau, sur les rampes inférieures des montagnes, portent aussi des grès quartzeux, psammites, à conglomé- rats, et des grès triasiques'. On est enfin assez parfaitement fixé par plusieurs itinéraires, pour pouvoir indiquer que les mêmes conditions se trouvent réalisées à travers le bassin de la Falémé et celui du moyen Bafing, jusqu'au Tinkisso *. 1 Hecquarp : ouv. cit., p. 245, 250. — PLar : ouv. cit., p. 286. — Drevox : ouv. cit., p. 334, 340, 245. — PAROISSE : dans Bull. Soc. Géogr. de Paris, 1893, p. 518, 520, 523. — OLIVIER DE SANDERVAL : La conquête du Fouta-Djalon, pp- 9, 11. — SALESSES : Ouv. cit, p. 28. — Maccaun : dans tev. Col., 1899, p. 439. 2 MacLauD : "dans: Rev. Col., 1899, p. 450, 451. -— LawBerT : ouv. Cit., p. 17. — OLIVIER DE SANDERVAL : De FAtlantique au Niger, p. 116, 129, 130. 3 Ranxçox : Dans la Haute-Gambie, p. 313, 420, 437, 439, 480, 484. — Mozuren : ouv. Cit., Il, p. 12, 14, 46. — LEvas- SEUR : Ouv. Cit., p. 125. “ LAMARTINY : Ouv. Cit., p. 39, 40, 67. — PascaL : dans Tour du Monde, 1861, 1, p. 40, 46. — Fras : ouv. cit., p. 167. — PLar : ouv. cit., p. 202, 211 J. MACHAT — LA STRUCTURE GÉOLOGIQUE DE LA GUINÉE FRANÇAISE $ 3. — Latérite et conglomérats de surface. Parmi les roches sédimenltaires dont il vient d'être parlé, les schistes fournissent par décompo- sition superficielle surtout des argiles, qui tapis- sent avec les alluvions le fond des vallées, surtout au Nord, et qui contribuent à y maintenir en toute saison humidité et fertilité. Mais une question se pose en ce qui concerne les terrains « d’enveloppe » des grès et des granits. A ce sujet, les deux formations de surface le plus souvent mentionnées dans les relations de voyages sont la « latérite » et la « pierre ou roche ferrugineuse ». Ces dénominations, employées souvent au hasard par les auteurs, s'appliquent évidemment à des sols différents, quoique de même ordre. La « latérite » est d'ordinaire décrite comme une croûle argileuse dure, brune, riche en fer, contenant des débris de roches (quartz prin- cipalement), et parfois des poches d'arène, ou d'une substance lehmique blanchâtre, analogue au kao- lin. La «pierre ferrugineuse », de couleur rougeûtre ou noire, apparaît, lantôt comme une couche com- pacte de cailloux quartzeux roulés, agglutinés dans un ciment silico-argileux (un conglomérat non dissocié), tantôt comme une jonchée de débris anguleux ou arrondis, reposant sur du sable ou sur le roc. L'une et l’autre formation sont très répandues, à toute altitude et à foute exposilion, jusque sur le littoral et jusque dans les iles des Rivières-du-Sud; elles jouent donc un rôle essen- tiel, moins dans le dessin des formes topogra- phiques qu’au point de vue de l’utilisation des divers pays, c'est-à-dire au véritable point de vue géographique. Des descriptions précédentes, je concluerais que la « latérile » des explorateurs de la Guinée fran- çaise correspond surtout aux roches primitives el granitoïdes, la « pierre ferrugineuse » aux grès. La correspondance paraît établie entre la « latérile » et les granits pour la partie de la colonie limitrophe de Sierra Leone au Nord’, de même entre la « pierre ferrugineuse » etles grès, pour larégion des Rivières- du-Sud?. Les récits de voyage laissent à la vérité subsister des doutes pour le Fouta central, et pour . la contrée située au nord du Fouta*; mais ces incertitudes n'existent probablement ni dans l'esprit. des auteurs, ni dans la réalité. Elles proviennent des difficultés que comporte la description de pays où les roches sont, comme on l’a vu, très mêélées. 1 V. notamment : TROTTER : Ouv. Cit., p. 134. — SALESSES : ouv. cit., Rev. Col., 1899, p. 204. # « Le sol est couvert d'un conglomérat de silice, d’alu- mine et de sesquioxyde de fer, qui effrité, noirci et durei à l'air, produit les « baowals ». DREevon : ouv. cit., 1, p. 350. 3 V. par exemple : RANCON Dans la Haute-Gambie, p. 313, 420, 437, 439, 480. 481. .J. MACHAT — LA STRUCTURE GÉOLOGIQUE DE LA GUINÉE FRANÇAISE 771 Ma facon de voir se trouve, d'ailleurs, d'accord avec les faits récemment établis par les explorateurs de la Côte d'Ivoire, du Dahomey, du Congo francais, et, dans cette Æevue même, par M. le D° Cureau pour la région de lOubanghi ‘. Si l’on songe que la latérite, de nature variable d'ailleurs, peut n'être point infertile, quand elle se trouve arrosée, tandis que la pierre ferrugineuse, le « baowal », ne porte presque pas d'arbres, et ne fournit qu'une herbe . maigre, quelques arbustes et des lianes rampantes, on comprendra quel intérêt offrirait une carte détaillée et sûre de ces formations de surface. L'une et l'autre sont riches en fer. Les hémalites, les magnétiles, les oxydes variés qu'elles ren- ferment ont été identifiés, mais, s'ils ont pu ali- menter longtemps une industrie indigène assez vivante, il ne semble pas jusqu'ici qu'on puisse en attendre des ressources suffisantes pour la grande exploitation. ALL. — LA QUESTION DES ROCLES VOLCANIQUES RÉCENTES. Quelques voyageurs donnent comme certaine l'existence de roches volcaniques récentes dans la Guinée française. Mais leurs assertions ne doivent être admises qu'avec une extrême réserve, car, sous ce climat, les agents extérieurs peuvent tellement modifier l'aspect des roches qu'elles deviennent méconnaissables ?. Depuis longtemps, des basaltes, des trachytes et des laves ont été signalés par de Beaufort et par Raffenel dans la région aurifère de la Falémé et dans le Bambouk méridional, par Hecquard, près du Tominé, par le même encore et par René Caillié en plein Fouta-Djalon, dans le haut Kou- kouré, et jusque vers Fougoumba*. Ces auteurs élablissent même une correspondance entre ces roches et les formations du Cap-Vert, de Gorée, de la Casamance (Sedhiou). On serait autorisé à penser qu'ils ont bien vu, par analogie avec ce que l’on observe dans le Massif Central français, dans les : Vosges méridionales, en Afrique même, dans le Sahara et sur le pourtour du golfe de Guinée (Ca- meroun). Mais les ilinéraires récents ne sont pas xenus confirmer leurs assertions. Il faut, d'autre part, écarter toutes les données D M en tr à ! V. aussi les résultats auxquels sont arrivés M. Dyé, pour les pa du Bahr-El-Ghazal, et E.-F. Gautier, pour Madagascar : Ann. de Géogr., 1902, p. 323 et 461. * Les grès et les schistes, redressés et ravinés, peuvent ressembler à des basalles, les couches effritées de conglo- mérats à des débris {de laves ou de scories volcaniques; GALLIÉNI : Voyage au Soudan Français, p. 184 ; Fras : ouv. CL, p. 174. * De Beaufort, dans WALCKENÆR LNI, p. 368, 369. — RarreneL : dans Rez. Col. 1841, P- 1, 7, S; HecquarD OUV- ACL. pe 08 2402237, 0219: R: Carvrié : ouv. cit., t. I, p. 275. : Hist. des Voyages, sur le volcanisme dans la région littorale. Les prétendues « laves scorifiées » et « vitrées », in- diquées par d'assez nombreuses publications comme existant sur la côte et jusque dans les îles de Los, sont des latérites ou de la pierre ferrugineuse due à la décomposilion du grès. Légendes encore les falaises basaltiques du Rio-Pongo et de la Mella- corée, ainsi que les fumées d'éruption vues par certiuns au sommet du Kakoulima ‘. M. Salesses a pu, ascension faite, établir la nature de cette mon- tagne * : « C'est, dit-il, un entassement cratériforme de granits et de grès. » IV. — LES GRANDES ZONES D'ALLUVIONS. Deux zones d’alluvions, composées de pays presque absolument plats, délimitent, au Nord et au Sud, la région littorale des Rivières-du-Sud. Celle du Nord commence au Rio-Nunez, qui lui appartient par son estuaire, englobe le bassin inférieur du Rio-Componi (Cogon) et la plus grande partie de la Guinée portugaise : les sables, les graviers, les limons charriés par les eaux anciennes, y recouvrent toutes les roches, sauf quelques poin- tements isolés; ils y ont accru le continent, allongé les cours d’eau, et transformé les anciens récifs des Bissagos en grandes îles basses et en bancs sous- marins. Vers le Sud, quand on a longé la côte des Rivières, montueuse, découpée, frangée d'ilots, d’autres plaines s'ouvrent, à partir de la péninsule de Freetown, beaucoup moins continues et moins étendues vers l’intérieur, mais occupant tout le bas des vallées, et accompagnées d'’iles et de presqu'iles de sable. Seuls, des sondages pareils à ceux qui ont été faits au Sénégal ou dans les terrains auri- fères de la Falémé permettraient de déterminer l'épaisseur et la nature de ces dépôts *. V. — VUE D'ENSEMBLE ET COMPARAISONS. En résumé, ce qui frappe le plus dans la struc- ture géologique de la Guinée française, c’est que les divers terrains ne se succèdent pas en bandes plus ou moins régulières en partant de la côte, comme pour les pays situés plus à l'Est. Il parait y exister, au contraire, trois grandes régions géolo- giques, qui se rejoignent dans le Fouta-Djalon. La dépression des Scarcies, frontière naturelle autant que politique, marque la limite orientale de la ré- gion des Rivières-du-Sud, dans laquelle les tables de grès, élagées en gradins inégaux, ne laissent plus apparaître les granits qu'en pointements ou en { Ruxrox : dans Proceedings, 1865, 1866, p. 617. ? SALESSES : dans Ann du Club Alp. Fr., 1891, p. 497, 498. # I] faut rattacher à ces phénomènes d'alluvionnement le dépôt des sables aurifères de la Falémé,. 102 J. MACHAT — LA STRUCTURE GÉOLOGIQUE DE LA GUINÉE FRANÇAISE masses isolées, surtout près de la côte. Les bassins supérieurs du Rio-Cogon, du Rio-Grande, de la Gambie, de la Falémé et probablement aussi du Bafing sont occupés par des terrains plus mélangés ; es assises gréseuses du Dévonien, du Permien, du Trias, découpées en falaises, creusées de vallées- canons, y sont interrompues par des affleurements de schistes, de granits, et vraisemblablement de roches primitives, qui donnent lieu à des formes plus variées. Enfin, dans la partie centrale et méri- dionale du Fouta-Djalon, les granits dominent, ral- tachés à ceux de Sierra Leone, sans solution de continuité‘; bouleversés et redressés par de nom- breuses cassures, ils se relèvent en un double centre hydrographique, qui est le prolongement des hautes collines du Tembi-Ko; ils sont, d’ailleurs, accompagnés, dans le point le plus septentrional de dispersion des eaux (massif de Tamgué), par des grès et des schistes qui compliquent extrèmement leurs formes. Sauf, peut-être, quelques lambeaux de dolomies”, toute cetle contrée ancienne ne comporte, comme dépôts de calcaire, queles formations actuelles accu- mulées dans les vallées inférieures des cours d'eau par les mollusques, qui vivent en colonies au milieu des racines des palétuviers. Cette idée générale de la géologie de la Guinée francaise est assez différente de celle qui ressort de la carle dressée par Oscar Lenz en 1882. L'auteur y indique la succession uniforme, depuis la côte, au nord comme au sud des Scarcies, de bandes de terrain formées par des alluvions, de la latérite et des gneiss, puis par des schistes et des quartzites”. Mais Lenz a contre lui de nombreuses autorités, savants et explorateurs, dont les conceptions sont d'accord dans leur ensemble avec la précédente‘. Je me contenterai ici des deux citations suivantes. Voici d'abord la vue systématique de la question donnée par M. Le Chatelier, dans un récent livre, auquel tout le monde reconnait la valeur d’un docu- ment de premier ordre. D’après lui, la charpente du pays est granitique : « À l'Ouest, les assises inférieu- res sont recouvertes de dépôts à travers lesquels percent des granits, des grès jaspés, des porphyres 1 La ligne de faite qui a servi à établir la frontière est des plus incertaines. ? SaLesses : cité par C. Guy, dans Bull. du Com. Afrique Fr., 1899, supp., p. 3. : Lee ! dans Peterm. Mitth., A882, carte I. N. aussi, du mème, une étude sur la géologie de l'Afrique occiden- tale, dans Verhandl. der k.k. geol. Reichsanst., 1881. # Guricu : Beiträge zur Geologie von Westafrika, dans Zeitschr. der deutschen geol. Gesellsch., ASS7, p. 96. — DoELTER : Ouv. Cit., p. 218, 219. — Suess : Antlitz..., trad. franc., t. IL., p. 216. — Pzrar : ouv. cit., p. 301, 302. — MacLaup : dans Bull. Soc. Géogr. Bordeaux, 1899, p. 505- 514. — C. Gux : Bull: Com. Atrique Fr., 1899, Supp. — P, Raugaup : Géologie. de la Sénégambie, dans une Mis- sion au Sénégal, in-89, Paris, 1900, p. 325 el suiv. amphiboliques ; ces dépôts sont des grès micacés, des grès plus récents, des arkoses, des schistes argileux et micacés, et, superficiellement, une calotte de grès ferrugineux... étendue cà et là jus qu'au bord de l'Océan. A l'Est, sont des plateaux tabulaires de grès silicieux et de schistes, avec, sum de plus grandes épaisseurs, le même dépôt super= ficiel d'hydrate de fer siliceux et d’alumine”, » D'autre part, M. Salesses a établi que l’arête séparative des bassins côtiers et du Niger est for- mée par des granits recouverts de latérile : « Aul Sud-Ouest s'appuient sur les granits les schistes lustrés et les grès psammites des Scarcies, puis des grès blancs ou rouges, probablement triasi= ques, donnant lieu à des formes analogues aux am= bas d'Abyssinie ou à nos falaises dolomitiques* »: Les relations générales de la Guinée française avec les régions voisines du Soudan peuvent maintenant être indiquées en quelques mots. A l'Est, la transition se fait insensiblement avec les territoires du haut Niger, où dominent, à l'ex clusion des granits, des argiles dans les bas- fonds, et d'immenses strates de grès à croûte ferrugineuse,, qui composent loutes les formes topographiques” M. Liotard, membre des Missions Galliéni, a défini ainsi qu'il suit le contenu géologique de ces pays: « Unsupport deschistes cristallins, parfois ardoisés; et demicaschistes à apparence de granit ; au-dessus, des grès et des roches éruptives (?), portant un croûte ferrugineuse, dont la couleur de lave est due à l’oxyde de fer * ». Au contraire, le sol de Liberia contraste, comme celui de Sierra Leone, avec les Rivières-du-Sud. Lan région littorale, qui appartient tout entière à la ceinture granito-cristalline du golfe de Guinée, y à fourni uniquement des échantillons de gneiss, d schistes cristallins, d’amphiboles et de quartzites * Enfin, si l’on poursuit l'examen du Soudan jusqu: dans les pays de la boucle du Niger, la mêm succession de roches s'observe, de la mer ver l'intérieur, que dans le Libéria. M. Binger a si gnalé, dans la haute Comoé, « les grès slratifiés. et les schistes marneux » qui surmontent le sous= sol granitique; tandis que les diverses missions de la Côte d'Ivoire, qui se sont adressées récemment à la Sassandra, à la Bandama, aux pays littoraux entre Sassandra et Comoé, n'ont rapporié que Occidentale L'Islam 1 LE CHATELIER : p-22;:25, 26. 2 SALESSES : dans Bull. Soc. Géogr. de Paris, 1899. 3 GALLIENI : Voyage au Soudan Francais, p. 184. # Liotard, dans Gazcrent : Deux campagnes au Soudan Français, pp. 315, 316. V. pour la contrée limitrophe de Sierra-Leone au nord : DELAFORGE : Bull. Soc. Géogr. den Paris, 1895, p. 238; et quelques données éparses dans les récits des expéditions Millot, Maritz, de Lartigue (Bull. du Com. Afrique Fr.). 5 Burrikorer : Reisebilder aus Liberia, p. 46, 49, dans l'Afrique J. MACHAT — LA STRUCTURE GÉOLOGIQUE DE LA GUINÉE FRANÇAISE 173 des échantillons de roches primitives et grani- toïdes *. VI. — ConcLusIoN *. J'ai dû m'abstenir, dans les pages qui précèdent, de toucher à la question de l’orogénie de la Guinée - française. On ne pourra la traiter qu'après l'étude sur place des lignes de cassures et des formes de détail du terrain. Mais le lecteur a pu se convaincre que bien d'autres desiderata importants subsistent dans notre connaissance géologique de cette colo- nie. 1] faudrait tout au moins résoudre par l’obser- vation les points suivants : la délimitation septen- trionale des lambeaux granitiques et primitifs; l'identification locale des grès, qui appartiennent évidemment, selon les lieux, aux formations pri- maires ou triasiques; l'existence, tout à fait pro- blémalique, de roches volcaniques récentes; la présence, affirmée par M. Salesses, de traces des anciens glaciers; la répartition et la nature des gites (s'il en existe), ou des formations super- ficielles de minerais de fer et d'or. Toutefois, le Fouta-Djalon et les contrées qui en dépendent naturellement, Rivières-du-Sud, parties occidentale et septentrionale de Sierra-Leone, bas- sins du Tinkisso, du moyen Bafing, apparaissent, dans l’élat actuel des connaissances, comme for- mant un ensemble dont les conditions ne sont pas celles de la Sénégambie, ni du reste du Soudan. J. Machat, Agrégé d'Histoire et de Géographie, Professeur au Lycée de Bourges. ? PoBeGuIN : dans Rev Col., 1895, p. 284, et dans Bull. Soc. Géogr. de Paris, 1898, P. 346. — Eysenic : Rapport sur une Mission à la Côte d'Ivoire, P: 50,51. — Tuomasser : (de la Mission Houdaille), dans Ann. de Géogr., 1900, p. 166. * Jen'indique, dans cettenote, que les ouvrages mentionnés au texte (ordre chronologique des voyages). Elle ne cons- titue donc pas une bibliographie de la Guinée francaise. 119%. WintergotTTom (Th.) : An account of the native Afri- cans in the neighourhood of Sierra-Leone, 2 vol. in-$0, Londres, 1803. 1818. MoLcieN (G.) : Voyage dans l'intérieur de l'Afrique, aux sources du Sénégal et de la Gambie, 2 vol. in-$0, Paris, 1820. 1817-1519. Roussix : Mémoire sur la navigation aux côtes occidentales d'Afrique, au sud du cap Bojador, 2 vol. in-$o, Paris (dépôt de la marine), 4819, 1821. 1822. Gorpon-LainG : Travels in the Timannu, Kouranko and Soolima countries, in-$°, Londres, 1825. 1824-1828. CaiLzié (R.) : Journal d'un voyage à Tombouc- ton et à Djenné, 3 vol. in-S0, Paris, 1830. 1842, Cooper-Taowson : Journey from Sierra Leone to Timbo, Futa-Jallo, dans Journ. of the R. Géogr. Soc., 1846, Pp.106..., 138... 1843-1844. RAFFENEL : in-$°, Paris, 1846. Bouer-ViLLAUMEz : Description nautique des côtes de l'Afrique occidentale, id. 1850-1851. HecouarD : Voyage sur la côte et dans l'inté- œieur de l'Afrique occidentale, in-40, Paris, 1833. 1860. Lamgerr : Voyage dans la Fouta-Djalon, dans er. Mar. et Col., 1861, pp. 2. 1872. BLYDEN : Report on the expedition to Falaba, dans Proceed. of Lhe R. Géogr. Soc., 1873, PDA. 1879. ZwerreL et Mousrier : Voyage aux sources du Niger, in-$°, Marseille, 1880. 1879-1880. DE SanpenvaL (A. Olivier) : De l'Atlantique au Niger par le Fouta-Djalon, in-8°, Paris, 1883. 1881. Bavor : Voyage en Sénégambie…, in-80, Paris, 188$. 1881. Norror : A travers le Fouta-Djalon et le Bambouk, ân-$°, Paris, 1885. £ 1882. Vousen, Hart et KELLER : Voyage dans l’Afrique occidentale…, Voyage au pays Timene REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES,1904 . | dans Bull. Soc. Géogr. Marseille, 1884, pp. 1. LauartiNY : Le Bondou et le Bambouk, in-80, Paris, 188%. DoELtEer : Ueber die Capwerden nach den Rio-Grande und Futah-Djallon, in-80, Leipzig, 1884. 1887-1888. PLar : Campagne de 1887-1888 dans le Soudan ; Mission du Fouta-Djalon, dans Bull. Soc. Géogr. Com. Bordeaux, 1890. 1887-1888. Fras : Les résultats scientifiques de la Mission du Fouta-Djalon, ibid., 1891. 1888. OLIVIER DE SANDERVAL : in-80, Paris, 1893. Paroisse : De Konakry au Fouta-Djalon, dans : Bull. Soe. Géogr. Comm. Paris, 1893, pp. 517... C.R. Soc. Géogr. Paris, 1893, nos 19, 43: Bull. Soc. Géogr. Bord., 2e sér., t. AIT, pp. 23...; la Géographie, t. X (1896) pp. 28, 459; Tour du M., 1896, pp. 361... 1891, AzLpr0GEe : Wanderings in the hinterland of Sierra Leone, dans Géogr. Journ., 1894 (II), p. 123. 1891-1892. Rançon : Dans la haute Gambie, in-80, Paris, 1895. In. : Le Bondou, in-80, Bordeaux, 1894. Devon : Le pays Soussou, dans Arch. de Méd. Nav. et Col., 189%, mai-août. DELAroRGe : Le Soudan du Sud-Ouest, avoisinant Sierra- Leone, dans Bull. Soc. Géogr. Comm. Paris, 1895, pp. 236. 1896. Trorter : The Niger sources and the borders of Sierra Leone, in-16, Londres, 1898. Depuis 1896. Saesses : De la Guinée française vers le Niger. Étude d'une nouvelke voie de communication, in-Se, Paris, 1897. Et les articles cités au texte. Depuis 1898. Maccaun : Articles dans : Bull. Soc. Géogr. Comm. Paris, 1899, p. 501; Rev. Col., 1899 (Et. V); Bull. du Com. Afrique Fr., 1899; Quest. Diplom. et Col., L. II (4898), PP. 465... DE SanpervaL : De l'Atlantique au Fouta-Djalon; les rives du Konkouré, in-80, Paris, 1900. MM. les Capitaines Millot et Payn, chargés, avant la mis- sion dernièrement confiée à M. le Dr Maclaud, des travaux de délimitation de la Guinée francaise avec Sierra-Leone et avec la Guinée Portugaise, n'ont pas, à ma connaissance, publié les résultats scientifiques de leurs voyages. Le Minis- tère des Colonies garde à ce sujet une entière discrétion. Le Soudan francais, Kahel.…., 16* 114 D' ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE PREMIÈRE PARTIE Lorsqu'on parle de fatigue, il se présente immé- diatement à notre pensée un ensemble de phéno- mènes très compliqué, dont les caractères essentiels sont connus de tout le monde, quelles que soient les connaissances scientifiques acquises à ce sujet; mais les symptômes particuliers varient grande - ment et donnent une physionomie caractéristique tout à fait spéciale à chacun des cas de fatigue qu'on peut considérer. Il y a, en effet, différentes formes de fatigue : 1° La fatigue généralement connue sous ce nom, c'est-à-dire l’élat de fatigue dû à un surmenage des muscles, à leur fonctionnement prolongé el porté au delà des limites de temps et d'intensilé d'effort que comporte leur développement; 90 La fatigue des organes des sens, qui s'affai- blissent lorsqu'ils viennent de subir des excitations trop intenses et prolongées ; 3° La fatigue intellectuelle, conséquence d'une application trop prolongée de notre cerveau à un sujet difficile et uniforme; 4 Je dirai même qu'il y a encore une fatigue d'un ordre psychique plus élevé, dont la consé- querce est d’affaiblir la réaction à une catégorie particulière d'impressions affectives, à la douleur morale, lorsqu'elle fait retentir trop longtemps sur nous une série de ses coups violents et inexo- rables. Ces différentes formes de fatigue intéressent directement les charges des diverses fonctions; elles semblent, au premier abord, absolument séparées; mais, pourtant, il est bien difficile de pouvoir les observer tout à fait isolées sous leur aspect typique. Dans la fatigue musculaire intense, nous voyons bien souvent exister, en même temps que les phénomènes exclusivement musculaires, d'autres phénomènes qui trahissent lantôt une exaltation, tantôt une dépression des facultés sensitives, intellectuelles et émotives; et, d'autre part, il arrive quelquefois qu'une faligue prolongée de l'intellect ou une émotion intense et durable produisent une participation plus ou moins visible du système neuro-musculaire, comme s'il venait de supporter une fatigue exceptionnelle. Dans tous les cas, nous jugeons instinctivement que notre sensation de fatigue résulle de la ma- nière insuffisante par laquelle nos forces sont réparées, et nous nous sentons entrainés à accorder à nos organes la trève nécessaire pour obtenir un LA FATIGUE MUSCULAIRE IL est possible et, même, bien probable que la répercussion de la fatigue spéciale d'un organe ou tissu sur l'ensemble de notre organisme soit due au fait que, pendant le travail plus ou moins localisé, non seulement l'organe qui est le siège du travail exécuté subit une dépression, mais, en même temps, qu'il se forme des substances pro- duisant, par leur présence dans la circulation, une dépression générale de toutes nos fonctions. Dans le cas spécial du travail musculaire sur- tout, il est certain que la production des sub- stances dites ponogènes estnotablement augmentée du fait de l’exagération de l'échange nutritif nor- mal du tissu; l’action physiologique de quelques- unes de ces substances étant clairement établie, on peut bien conclure que leurs effets spécifiques s'ajoutent aux effets directs de l'épuisement de l'énergie dans le tissu qui travaille, pouvant ainsi produire des phénomènes de dépression générale en dehors des phénomènes locaux, tels que la dou- leur et la rigidité musculaire. Comme soulien de cette hypothèse, je ne connais jusqu'à présent qu'une expérience directement démonstrative, bien que sommaire et extrèmement compliquée dans son interprétation. A. Mosso observa, en 1887, que, lorsqu'on injecle le sang d’un animal fatigué à un autre animal, il se produit chez ce dernier des phénomènes carac- téristiques de la fatigue. On ne peut donc mécon- naître l'importance de l'auto-intoxication de l’orga- nisme, comme un des facteurs possibles de la phé- noménologie générale de la fatigue. Mais il faut se garder de lui attribuer une valeur trop grande et trop générale, surtout lorsque nous considérons le travail d'organes à échange nutritif limité et lent, tel que le tissu nerveux parait l’être, ou le travail de régions limitées de notre système neuro-muscu- laire. Nos connaissances sur la fatigue des fonctions psychiques sont encore trop incertaines et limitées pour qu'on puisse, même par approximalion, en= trevoir une liaison entre l'état de nutrition des organes qui les règlent et la production de la fatigue dans ces organes el, encore moins, la répercussion de celle-ci sur tout l'organisme ;" d'autre part, ce sujet dépasserait les bornes de la tâche que je me suis proposée. Mais la condition des choses n’est pas beaucoup plus claire, même si nous considérons les lois de la fatigue musculaire, c'est-à-dire de la fatigue de. x rétablissement suffisant. | és D' ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE 175 . l'organe dont la fonction est précisément l'explica- tion du travail mécanique et dont nous pouvons évaluer avec une plus grande approximation la production de travail. Le fait le plus remarquable, confirmé aussi bien par l'expérience quotidienne que par les recher- ches les plus récentes, exécutées sur la courbe de fatigue des muscles agissant par excitation de la vo- lonté, est que homme est doué, dans ses appareils neuro-musculaires avec les systèmes de leviers qui y sont annexés, d'un mécanisme qui résiste très longtemps soit à l'épuisement direct, soit à l'action des substances ponogènes, de sorte que la production de travail extérieur, par un groupe musculaire déterminé, peut continuer, intense et inaltérée, pendant très longtemps, dissimulant même la survenance graduelle de la falique, qui, pourtant, se manifeste par d'autres symptômes. Le lecteur qui n’a pas suivi de près le dévelop- pement de ce chapitre de la Physiologie humaine qu'on connait sous le nom d'Ergographie, et qui n'a pas encore eu l’occasion de voir des tracés ergo- graphiques, s'étonnera probablement que j'insiste si particulièrement sur cette affirmation, qui, d'ail- leurs, s'accorde avec un des faits les plus ordi- naires, tel que la résistance à toute épreuve de cer- tains alpinistes, cyclistes, etc., ou celle des oiseaux migrateurs, dans leurs immenses traversées. Ce- pendant, pour bien comprendre les raisons et l’im- portance de la proposition exposée ci-dessus, il ne sera pas hors de propos de retracer brièvement l'his- toire de ces études ergographiques, depuis Kronec- ker, qui, en 1870 environ, en jeta les premières bases rigoureusement expérimentales, jusqu'à nos jours. Kronecker étudia le côté le plus simple de la question, le facteur fondamental. IL expérimenta Sur un muscle de grenouille, détaché de l’orga- nisme, mais maintenu à l’état de vie pendant une période de temps considérable grâce à la cireula- ton artificielle; et il étudia les lois selon lesquelles il se fatigue. Le muscle ainsi préparé se contractait à inter- valles réguliers sous l'excitation d’un courant induit, instantané et constant dans son intensité. Une plume attachée au muscle indiquait, sur une Surface enfumée qui tournait d'une facon cons- tante, le raccourcissement que le muscle subissait à chaque excitation. Kronecker vit, dans ses expériences, que les con- traclions rythmiques successives du muscle dimi- nuent de hauteur régulièrement. IL donna le nom de « courbe de la fatigue » à la ligne marquée par les sommets des contractions; cette ligne est com- posée d'une portion initiale rectiligne, plus ou moins inclinée selon le rythme, et d’une seconde portion dans laquelle les contractions tendent à rejoindre une hauteur minime constante, déter- minée. Les observations de Kronecker ont été répétées par plusieurs auteurs sur des muscles de gre- nouille ou d'animaux à sang chaud, avec ou sans circulation du sang. On reconnut que la courbe de la fatigue n'est pas toujours une ligne droite; mais plutôt, si la circulation est normale et surtout chez les animaux à sang chaud, elle est concave vers le haut, et elle s'approche d'abord rapidement, ensuite plus lente- ment, de l’axe des abscisses. Tous les observateurs, et spécialement Rossbach et Harteneck, insistèrent sur ce point après une première période (descente rectiligne de Kronecker), une deuxième suit, dans laquelle les contractions, devenues notablement plus faibles qu'auparavant, conser- vent pendant longtemps un niveau constant, de sorte que la ligne qui unit le sommet des contrac- tions s'approche d'une manière extraordinairement lente de l'axe des abscisses. Mes observations se relient directement à celles de Rossbach et Harteneck, quoique j'aie suivi une méthode tout à fait différente. Le principe fonda- mental qui m'a guidé consiste en ce que, dans les expériences d'ergographie, l'observateur doit don- ner plus d'importance à la quantité de travail exécuté pendant chaque contraction qu'à la hau- teur de la contraction même. Si l’on veut oblenir la reproduclion fidèle du phénomène qui doit vraiment nous intéresser plus que tout autre, savoir : la courbe de la production du travail rythmique, il faut tâcher de mettre expérimen- talement le muscle en de telles conditions qu'il puisse fournir à chaque contraction le maximum de travail possible. Le muscle (gastrocnémien de lapin) était excité, dans mes expériences, ou bien directement, ou bien par le nerfsciatique, à intervalles réguliers (courant induit d'ouverture, une excitation par seconde), et il était conservé dans ses conditions normales de cireu- lation et d'insertion; le poids, au moyen du curseur- enregistreur de l'ergographe de A. Mosso, n'était pas attaché au tendon d'Achille, mais à la patte, etil ten- dait le muscle continuellement, dans les limites données par la structure de l’articulation. De cette façon, on respectait, autant que possible, les con- ditions mécaniques dans lesquelles le muscle tra- vaille sous l’action de la volonté. Avant d'enregistrer l’ergogramme, on détermi- nait le poids qui, avec le maximum de l'excitation (savoir celui qui produit la plus grande hauteur de la contraction), permettait au muscle une contrac- 716 D: ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE tion dont la hauteur multipliée par le poids don- | correspond à la phase hyperbolique de Kronecker, nait un produit maximum de travail extérieur (poids | ausecondstadede fatigue de Rossbach et Harteneck. maximal). Avec cetle charge et avec l'excitation | Une fois que le muscle, à la suite d'une série maximale, on 5 d'excitations exécutait la maximales, est réduit à la phase de travail cons- tant, il ny a qu'un moyen pour en obte- nir une au- tre portion ou MOINS Fig. 1.— Ergogramme du muscle gastrocnémien d'un lapin chargé de 1.150 grammes de travail en grande de (poids maximal), obtenu par ca on ere du nerf sciatique à 2 secondeS Courbe des- contractions , "MS cendante : le parmi lesquelles un premier groupe marque une | repos. Selon qu'on fait reposer le muscle plus ou augmentalion progressive de hauteur '; un second | moins longtemps, la valeur du poids maximal groupe est stalionnaire; un troisième descend | s'approche plus ou moins de la valeur initiale, série des con- tractionsryth- miques. J'ai obtenu ainsi un ergo- gramme con- stitué par une quantité plus d'abord rapidement, ensuite plus doucement vers | et le muscle redevient capable de fournir une nou- l'abscisse, velle quan- quelquefois tité de tra- en la rejoi- vail, sous forme de courbe des- cendante (AgM9) AS pourtant, la rt l avec ten- 1 j pl l A oc 5 première dance à ne ll ul : portion, gnant, quel- quefois en conservant une hauteur très limitée, plus dimi- £00 Re c'est-à-dire nuer (fig. 1 la portion Si, pour- Fig. 2, — Recherche du poids maximal dans la phase de travail constant descendante tant, àce mo- avec le même muscle que dans la figure 1. de l’ergo- ment on di- gramme, minue la charge d'une quantité suffisante, on trouve | vient d'être exéculée avec une excitation submaxi- que le muscle est encore capable d'exécuterà chaque | male, il est possible de la faire suivre d'une autre, contraction une quantité remarquable de travail, et | en augmentant l'intensité de l'excitation. qu'il fournit, remarquons-le bien, non plus une | Done, tandis qu'en employant Pexcitation maxi- série de contractions male les conditions mé- descendantes comme caniques de travail la première obtenue, sous-maximal (poids mais une série de con- Sous-MaxiMmaux) 16 SEr- tractions à hauteur con- vent pas à produire stante, qui se prolonge Su | 1 M] ve épargne de l'éner-: ou ser celle-ci en réglant soit nécessaire de di- minuer ultérieurement l'intensité de lexcita- TT = La , Fig. 3 — Tracé ergographique du même muscle après : Le poids. Il en résult 10 minutes de repos intercalées dans la portion constante de tion. donc que la phase de l'ergogramme. La phase constante travail constant est démontre qu'un mus- une portionessentielle de Tergogramme (fig. 2). | cle peut produire pendant longtemps du travail J'ai démontré äilleurs que cette phase est celle qui | sans se fatiguer lorsqu'il est physiologiquement : Cette augmentation peut atteindre, même surpasser, le | d'après lequel les processus cataboliques provoquent une tiers de la production initiale de travail. C'est un phéno- | réaction anabolique consécutive assez intense pour que, mène d'entrainement aigu, qui confirme le principe général, | pendant une série d'excitations rythmiques, la substance D' ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE 1 1 1 alimenté de sang normal. La portion descendante de la courbe correspond probablement à la période dans laquelle il transforme l'énergie accumulée pendant le repos, tandis que, dans la phase cons- tante, le muscle reçoit par le sang autant de maté- riaux qu'il en consomme. Même en prolongeant autant que possible la phase de travail constant, il n'arrive ja- mais un mo- ment où .le muscle soit incapable de fournir un tra- vail mécani- A 1l Fig. 4. que externe. Si cela se vérifie, c'est à cause de | tale (fig. 5) l'envahissement graduel de la rigidité musculaire, Sans qu'on puisse établir une variation correspon- dante dans la valeur de l'excitation ou du poids maximal (fig. 4). Dans l'ergogramme de la figure 1, la courbe exé- cutée par le muscle avec le poids maximal initial descend plusou moins A — Tracé ergographique du méme muscle (phase de travail constant), travail musculaire ainsi obtenue, c'est-à-dire com- posée de soulèvements rythmiques successifs provo- qués par des excilations artificielles et, autant que possible, exécutée constamment dans des condi- tions de travail maximal, est représentée par un morceau de branche d'hvperbole à axe vertical, avec la concavité vers le bas, qui, par inflexion, se prolonge dans une au- tre partie d'hyperbole, dont une asymplote est une horizon- ; cela rappelle done la courbe d’une contraction isolée, avec une période d'énergie croissante et une seconde période d'énergie des- cendante plus ou moins prolongées selon que le muscle est plus où moins fatigué par le travail précédent. Vis-à-vis de ces résullats, nous devons attacher peu d'importance à la après 2 heures d'excilations rythmiques (envahissement gradue]l de La rigidité musculaire). 730 TE rapidement à zéro ou 725 forme de la courbe à une valeur infime, de la fatigue (ligne 720 car, après un certain nombre de contrac- 715 710 des sommets des con- tractions) par un tions, le poids de- 705 poids constant; celle- ci est tout à fait ca- suelle, grandement variable selon le ryth- me, ie poids ou la fa- vient submaximal : . seulement, à ce point _ de vue, on peut l'ap- 85 peler courbe d'épui- 80 sement, avec À. Broca 75 70 ligue précédente. et Ch. Richet. Mais, si Généralement, la 65 l’on fait varier le 60 poids graduellement, courbe de la fatigue, 55 pour les muscles à en sorte que, de sa 50 sang chaud, dans les valeur maximale ini- 2 conditions normales û 5 ; 20 0 à : liale, il arrive, dans de circulation, a la l'espace de lemps % 3 forme décrite par pendant lequel dure 25 Rossbach et Harte- la courbe descen- © 20 neck; mais la rapi- dante, à la valeur du Fig. 5. — Courbe de travail (A) ef courbe de fatique (B) cor- dité avec laquelle la À : ï respondante du. gastroenémien poids maximal cor- du maximal initial respondant à la phase de travail constant, l'intervalle auquel correspondait un travail nul ou presque nul va disparaître de l'ergogramme, et l’on observe, à sa place, une descente graduelle continue du travail jusqu’à la phase constante. Cest un progrès remarquable vers l'intégration de la courbe du travail musculaire. La courbe du vivante non seulement se tienne en équilibre, mais subisse une modification progressive qui se manifeste dans l'aug- mentation de sa potentialité. 100 gr.) au maximal terminal (300 gr.), à raison de 7 gr. 5 pour chaque contraction. L'unité de travail en A est le décagrammètre. L'unité de la hauteur des soulève- ments en B est le millimètre. de. lapin. — Poids décroissant ligne s'approche de l’abscisse et le niveau auquel elle descend vers l'abscisse même peuvent varier d’une facon considérable. La descente de la courbe de la fatigue exécutée avec un cerlain poids est d'autant plus rapide et accentuée que le poids est plus lourd par rapport au poids maximal terminal, et son am- pleur est d'autant plus grande que la différence de valeur entre le poids maximal inilial et le poids maximal terminal esl plus petite. Dans les cas extrêmes, la courbe de la fatigue peut aussi prendre l'aspect d'une ligne droite. 718 D' ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE IT Ilétait naturel que je cherchasse à transporter dans l'étude du travail volontaire les conditions expérimentales qui, dans l'étude précédente, m'avaient fourni des résultats si inattendus et si persuasifs.Je me servis d’un appareil assez simple, sur lequel j'exerçai l’action des muscles fléchis- seurs de l'avant-bras et qui me parut pouvoir suffi- sammentréaliserlesexigences de latechnique(fig.6). Les courbes du travail volontaire de l'homme ont un cours analogue à cel- les obtenues chez le lapin par les excita- tions électri- ques. Elles aus- sicomprennent deux parties : l’une iniliale descendante, l'autre cons- tante. Cependant, entre le cas Ces différences dérivent du fait que, dans la con-. traction volontaire, l'excitation n'est pas inva- riable, indépendante du poids qu’on doit soulever, comme dans la contraction par excitation élec- trique ; mais son intensité se gradue selon la résis- tance, et, puisque le poids maximum que le muscle peut soulever est en même lemps son poids maxi- mal, il en résulte que, dans le travail volontaire exécuté dans des conditions maximales, l’excita- tion est graduée selon le poids maximal. En travaillant, la valeur du poids maximal di- minue; il s’en suit que, si l’on . ne change pas. de poids, la. hauteur des. soulèvements diminue bien- tôt; et il en ré- sulte une dé- pense de force. avec perte de travail utile, tandis que, si l'on diminue la charge dans dans lequel le une mesure muscle tra- vaille par l’ex- citation électri- que et celui dans lequel le muscle se con- tracte gräce à l'excitation vo- lontaire, ilexis- te deux diffé- rences essen- tielles : Fig. 6. — Appareil pour l'étude de l'action des muscles fléchisseurs de l'avant- 1° Pour le bras. — AB, planchette servant à fixer l'avant-bras: DEF, manivelle de l'appa- le ue reil ergographique, fixée au poignet en G; C, roue sur laquelle s'enroule la - muscle excité corde portant la charge. électriquement il existe un poids d'une certaine valeur au-dessus et au-dessous duquel il y a une perte de travail; tandis que, lorsqu'on travaille volontairement, le poids pratiquement maximal estle poids maximum qui puisse être soulevé; 2° À la suite de l'excitation électrique, une fois la première portion descendante de la courbe exé- cutée, on n'obtient plus que la phase constante, quel que soit le poids qu'on fasse soulever; dans le travail volontaire, au contraire, si nous exécu- tons des ergogrammes successifs avec des charges qui vont en diminuant, nous obtiendrons une courbe descendante pour chaque poids supérieur au poids qui sera maximal dans la phase constante. convenable, le. muscle se re- trouve capable de fournir de grandes quan- tités de travail, et l'individu qui travaille a, malgré cela, le sentiment d’en- voyer au mus- cle une excita- lion moins in= tense. L'inten-" sité de l'excita-s tion ne croit pas en raison de la quantité de travail qu'on a déjà exécutée, mais elle croit parce que less conditions mécaniques deviennent défavorables. Nous pouvons ainsi avoir un maximum d'excita- tion avec un minimum de production de travail exté-= rieur, et ceci est l'effort; au contraire, nous pou= vons avoir une grande production de travail ave un minimum d’excitalion, en graduant le poids à propos. Le muscle continuant à travailler dans de bonnes conditions mécaniques, il arrive un moments où il ne devient plus nécessaire de diminuer le poids, ear les contractions conservent leur hauteur“ indéfiniment; alors, on a une production de travail maximum et constante à chaque contraction, avec | Fu À D' ZACHARIE TREVES — IDÉES ù NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE 779 de minimum d’excitation nerveuse nécessaire pour | atteindre le but. Le principe du poids maximal acquiert ainsi, dans le travail volontaire, une 1m- portance bien plus grande que dans le travail pro- voqué par l'excitation électrique. Il ne représente pas seulement une des conditions mécaniques dans lesquelles le muscle doit être placé afin qu'il puisse donner le maximum de rendement en travail, mais il constitue encore le régulateur automatique de l'excitation qui assure, durant le travail, lemaximum de rendement avec la moindre dépense d'énergie. Un mécanisme de ce genre est très important, car c'est de l'intensité de l'excitation que dépendent intimement les réactions chimiques qui accompa- gnent la contraction musculaire. Mais les courbes dont nous avons parlé jusqu'à présent, et dont je donne un exemple (fig. 7), ne représentent pas encore dans leur ensemble une courbe ininterrompue de travail rythmique maxi- mal, mais plutôt un ensemble de courbes exécu- tées des poids décrois- sants, avec choisis k il Hu fl ll tial AP; P restant constant, la hauteur du soulève- à A à peu jusqu'à A'— À — q (où (4 q représente un diviseur quelconque de A), et le ment diminuera peu : A EE produit au travail descendra à (a — :) P. La dimi- (4 nution que nous supposons survenue dans la hau- teur du soulèvement doit être limitée de telle sorte que P puisse encore être consi- déré comme poids maximal (l'extension des con- lractions s'abaisse très rapidement quand le poids commence à devenir supérieur au maximal, sur- tout s'il s'agit de poids élevés). À ce moment, en substituant au poids initial P un autre poids P' (le maximum qui permette à la hauteur de la con- traction de revenir à la valeur iniliale A) et en admettant que, entre deux contractions successives, considérée la première contraction exécutée avec le poids P' donnera un pro- duit de travail AP'— (a = je d'où l'on obtient , jusqu’à ce point, la différence de travail puisse être comme nulle, | | Ù Se : d'une manière pie He P arbilraire. Ces QUE Dee : courbes nous | et P pt? amènent seule- Fig. 7. — Ergogrammes exécutés successivement sans intervalle de repos, { = . par les muscles fléchisseurs de l'avant-bras, avec des poids décroissants ET ment à la con- (25 kilogs, 20 kilogs, 15 kilogs, 10 kilogs). — Le tracé a été fortement Par un raisonne- clusion que, réduit par la reproduction. ment analogue dans le travail on déduit que, musculaire volontaire, en diminuant les poids, on | lorsque, le travail procédant avec le poids P', , obtient une série de courbes qui descendent d’au- | la hauteur de la contraction sera diminuée de tant moins et plus lentement que le poids se rap- | ; À 2 ê b : L P | nouveau de la fraction -» le poids maximal P" proche davantage du poids maximal final. | q 1l est clair que, dans l'ensemble de cette courbe | LS ; P PRESS 2 ! . È à 5 M NSera PM) OP PI ;Ndou lon de travail musculaire, tous les soulèvements qui, q GNU exécutés avec un poids donné, travail moindre que celui que représente le pre- mier soulèvement exécuté avec le poids suivant, constiluent des portions dans lesquelles une partie du travail est perdue; ces pertes seraient évitées, et l’on aurait une courbe continue et régulière, s'il était possible de réaliser dans l'expérience la con- dition d'un poids qui, changeät de valeur dans la même proportion que la force du muscle. Nous possédons des données suffisantes pour atteindre, sinon l'intégration absolue de la courbe du travail musculaire, au fort d'approximation. Le raisonnement qui nous y conduit est très simple. Soit une courbe de travail rythmique vo- lontaire, commencant avec le poids maximal P,sou- levé à la hauteur A, avec un produit de travail ini- | représentent un à chaque soulèvement, moins un degré peut prévoir que les valeurs des poids qui doivent être peu à peu soustraits de P, poids maximal ini- lial, afin qu'il en résulte une courbe ergographique constamment maximale, en fonc- tion de P, par les termes consécutifs de la série : sont exprimées, » > \ à 1 \2 » 1 \3 P : 1h) ñn El (2) (5): 20 Ile T: 2 GK q q q CA q g\ q J'ai construit, sur ces principes, un appareil ergographique digital, dont je donnerai plus loin la description. Le tracé ergographique du travail volontaire maximal obtenu par cette méthode se présente toutes d'une hauleur à peu près égale, et il ne montre aucune caractéristique saillante lorsqu'on change d'individu ou de conditions d'expérience. Le véri- table ergogramme est indiqué par la ligne suivant done comme une série de lignes verticales, 780 laquelle diminue la valeur du poids maximal (fig. 8). Je vais résumer en quelques propositions les résultats les plus importants auxquels m'a conduit l'analyse de ces ergogrammes : 1° Si, dès le commencement, on travaille avec des poids submaximaux, une certaine quantité de tra- vail est perdue; et la partie de travail volontaire D' ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE du travail dont un muscle est capable est com- posée de différentes portions, dont chacune ne peut se manifester qu'avec un poids déterminé. Ce fait conduirait à l'hypothèse que les phéno- mènes chimiques, qui constiluent le fondement de la contraction musculaire, ne varient pas seulement de quantité, mais aussi de qualité suivant la varia- Fig. 8. — Type de courbe ergographique (sommets des soulèvements) exécutée dans la condition de travail maximal par les muscles fléchisseurs de l'avant-bras; g —1; rythme — 13 soulèvements par seconde. — Série des poids soulevés : A kg. 32; soulèvements 1; B kg. 21,430, soulèvements 114; C kg. 23.5, soulèvements 342; D kg. 20,450, nombre des soulèvements infini. (Réduction à 1/10 de la grandeur naturelle.) qui ne s’accomplit pas, lorsqu'on soulève des poids inférieurs au poids maximal, n'est compensée ni par une persistance plus grande à travailler dans ces conditions, ni par une production plus élevée de travail dans la phase constante ; 2 Néanmoins, le travail avec des charges sub- maximales permet au muscle qui travaille sous le stimulus de la volonté d'économiser les malériaux dont il dispose et d’en | accumuler de nouveaux. En effet, si 4936 |A 1300, tion des conditions mécaniques dans lesquelles le muscle, par excitation de la volonté, doit travailler: 4° La hauteur des soulèvements aussi bien que la valeur du poids maximal initial et du poids maximal correspondant à la phase constante, à pa- rilé de conditions, varient très peu dans les diverses expériences; ÿ° Le nombre des soulèvements exécutés avec chacun des poids décroissants en séries croît avec tendance à l'infini, indépendamment de la mesure Ay55g le poids maximal d'un muscle est, | dans laquelle décroissent les poids et d’une ma- ya par suite d’une fatigue précédente, | nière très inconstante d'une expérience à l’autre; descendu au-dessous de sa valeur 6° Le rythme des soulèvements dans les condi- 2 || initiale, il peut acquérir de nouveau | tions normales de nutrition a peu d'influence sur la valeur du poids maximal dans ra ei HR la phase constante. Une telle ing Ha rer LEGO Gad) fluence devient, au contraire, très 900 remarquable, si, grâce à l’entrai- nement (voir fig. 9), le poids K8 te maximal de la phase constante à ARE augmenté de valeur. La descente 700 \ LAON 47 600 NN : 19.16 _ Le) Âg. 15.5 (6 Mars) 300 Hg13. © {pMes) 400 : : -— AE - = (7Aars) Fig. 9. — Augmentation de la valeur du poids maximal dans la phase constante. par effet de l'exercice. — Rythme: 13 soulèvements à la seconde. Chaque subdivision de l’abseisse correspond à 40 soulèvements. Les nombres {sur l'ordonnée indiquent le travail exécuté à chaque soulèvement en kilogrammètres. sa valeur primitive, mêmefsans se reposer, pourvu qu'on fasse travailler le muscle avec des charges légères; 3° Quelle que soit la quantité de travail précé- demment exécutée en soulevant des poids infé- rieurs au maximal initial, le muscle reste toujours capable de produire, avec les poids avec lesquels il n'a pas encore travaillé, lamême quantité de travail que celle qu'il aurait fournie avec ceux-là dès le commencement. Par conséquent, la somme totale de la courbe de travail est d'autant plus lente que le rythme du travail est plus lent aussi; 1° L'état de nutrition générale (jeûne de trente- six heures) ne modifie pas sensiblement la valeur du poids maximal initial, ni la hauteur du soulève- ment; mais il fait diminuer l'énergie de la contrac- lion, accélère la descente de la production du tra- vail et fait diminuer la valeur du poids maximal dans la phase constante; és ‘Œif + 8° L'état de nutrition locale (exercice intensif) D: ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE 781 rend le muscle capable d'exécuter une quantité de travail beaucoup plus grande que la normale, par un mécanisme tout particulier. Il ne fait pas augmenter notablement la valeur du poids maxi- mal initial; il ne ralentit que de peu la descente de la courbe; mais il provoque une augmentation très remarquable du poids maximal dans la phase cons- tante. Malgré cela, entre la production initiale de travail et celle de la phase constante, il existe tou- jours une cerlaine différence (fig. 9). III La constance de la valeur du poids maximal ini- lial et du poids maximal terminal, l'inconstance, d'autre part, de l'énergie des contractions et la dis- proportion dans laquelle croit le nombre des sou- lèvements avec les poids successifs d'une série, sont des particularités dont. on ne réussit pas à trouver une explication suffisante par le simple examen de la courbe du travail maximal volontaire. Mais, à ce point, nous devons remarquer que la production de travail en série de soulèvements rythmiques est un mode tout particulier de travail, qui ne correspond pas, en réalité, à ce qui se passe dans la Nature dans le plus grand nombre des cas ; outre le déplacement du poids, on exige du muscle, en général, un létanos volontaire plus ou moins prolongé, qui soutient la charge dans la nouvelle position; et, en réalité, un simple soulèvement produit déjà un tétanos volontaire de plus ou moins courte durée; par conséquent, pour avoir un tableau complet des lois qui règlent le travail volontaire, il faut soumettre aussi le tétanos volon- taire à une étude méthodique. Si l’on fait soulever par un individu un certain poids à la plus grande hauteur physiologiquementpossibleavecles muscles fléchisseurs de l’avant-bras, et si on le lui fait sou- tenir le plus longtemps qu'il peut (l'action élanttou- jours limitée aux mêmes muscles), on remarque que les muscles peu à peu se ralentissent, d'abord douce- ment, plus rapidement ensuite, et l’on parvient ainsi à la distension complète de l’avant-bras avant que l'individu perde la possibilité d’exciter volontaire- ment le groupe de muscles intéressé ; on peul ainsi soulever le poids et Le soutenir plusieurs fois consé- cutives ; les télanos successifs ont loujoursune durée plus courte, jusqu'au moment où l’on ne peut plus en aucune manière soulever le poids. On peut con- sidérer lasomme destempsdes diverstélanos comme égale au temps total T pendant lequel se prolongerait un tétanos unique volontaire exécuté par le poids P. Chez le sujet qui a servi à ces recherches, j'ai trouvé que le produit PT du poids soulevé P par le temps T pendant lequel le télanos volontaire à duré est sensiblement constant, et que ses deux facteurs, entre certaines limites, peuvent varier inversement entre eux'. La courbe du tétanos volontaire n'est pas l'expression de la fatigue du muscle; en effet, on peut intercaler un létanos volontaire dans une série de soulèvements ryth- miques sans que la production de travail diminue aucunement. Puisque, d'autre part, l'intensité des excilations qui arrivent des centres spinaux au muscle est proportionnée au poids qu'on à à soulever, la valeur du poids P peut servir comme indication de la mesure dans laquelle, pendant le travail, se consume l'énergie accumulée dans les centres nerveux. On en déduit que Ze produit PT peut être considéré comme une indication de la quantité d'énergie dont disposent les cel- lules nerveuses motrices à un moment donné, énergie qui s'épuise dans un espace de lemps plus ou moins long selon l'intensité avec laquelle on la consume. Si, parallèlement à une courbe de travail ryth- mique, on dispose la courbe selon laquelle le pro- duit PT diminue de valeur, on met en évidence diverses caractéristiques de celte dernière et les rapports qui existent entre celle-ci et la production du travail extérieur. Ce produit n'offre, dans ses variations, aucun rapport direct avec la production du travail, et il est indépendant des conditions de nutrition locale du muscle ; mais il est en étroite dépendance du poids et du rythme, et il se comporte de la même façon que d’autres éléments que nous avons déjà étudiés dans la courbe de travail rythmique, c'est-à- dire l'énergie des contractions et le nombre des soulèvements correspondant aux poids successifs d'une série. Le produit aussi bien que ces derniers doivent être considérés comme l'expression de la quantité d'énergie accumulée et de la mesuresuivant laquelle cette énergie s'épuise non pas dans le muscle, mais dansles centres(spinaux, bien entendu, non psychiques) qui envoient au muscle l'excitation ! Dans un travail paru dans la Skandinavisches Archiv {ur Physiologie, le D' Stupin cite quelques re- cherches faites à ce propos sur lui-même et sur d'autres individus; l'auteur ne réussit pas à obtenir dans la valeur de la cantraction statique cette constance qui m'a permis d'arriver aux conclusions exposées ci-dessus. La question de la signification qu'on doit attribuer à la résistance dans le tétanos volontaire est trop importante pour qu'elle n'ait pas à être soulevée de nouveau. Après la longue expérience faite sur moi-même et sur divers autres sujets, je dois recon- naître que, moi aussi, j'eus, de la plupart des sujets, des don- nées trés inconstantes, et je dois attribuer à l'habitude et à l'entraîuement spécial de mon premier sujet la régularité des résultats. Quand même on a la chance de trouver des sujets qui exécutent de toute leur volonté et avec conscience un exercice fort peu agréable, l'on doit toujours se rappeler que, pour obtenir des résultats satisfaisants, il ne faut pas se coutenter de la première ou des deux premières con- tractions statiques, mais continuer jusqu'à ce que le sujet se trouve dans l'impossibilité presque absolue de soutenir le poids, même pendant un temps très court. 782 D' ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE nécessaire à la contraction. À la valeur initiale de PT, c'est-à-dire à la quantité d'énergie accumulée dans les centres à l'élat de repos, correspond, pour ainsi dire, une valeur plus élevée du potentiel sous lequel cette énergie peut être dépensée; elle équivaut à l'excitation maximum qui peut partir des centres, et correspond pratiquement au poids maximal initial; au fur et à mesure que va se con- sumer l'énergie accumulée dans les mêmes centres, le potentiel, c'est-à-dire le maximum d'intensité d'excitalion, va diminuer aussi. À une quantité mi- nime d'énergie (valeurminimeàlaquelle descend PT) correspond uneintensité minime d'excitation, repré- sentée en pratique par le poids maximal minimum. Au point de vue de la production du travail mus- culaire volontaire, il est intéressant de remarquer que la dépense de la force accumulée dans les centres (correspondant dans son cours à d courbe de descente du poids maximal) diminue d'intensité par suile du travail prolongé dans des limites beaucoup plus restreintes que celles dans lesquelles diminue Ja quantité totale de la force disponible. JTAYL Telles sont les données expérimentales d'après lesquelles on peut affirmer que le système neuro- musculaire est très résistant au travail, et que la courbe de production du travail externe n'est pas l'indication fidèle du degré de fatigue, qui en est la conséquence. Il s’agit maintenant de voir jusqu'à quel point celte proposition — qui trouve, comme nous l'avons déjà dit, son contrôle le plus efficace dans la pralique quotidienne — s'accorde avec les résul- tats des premières expériences ergographiques, et peut légitimer les doctrines édifiées sur les résul- tats des recherches originales de A. Mosso et des recherches faites successivement pendant l'espace de dix ans environ. L'idée fondamentale des études de Mosso est que la courbe ergographique résulte des effets mêlés d'une fatigue des centres nerveux et d’une fatigue périphérique des muscles, laquelle est toujours dominante. Les phénomènes caractéristiques, dit-il, ont leur siège à la périphérie, car le muscle fournit aussi sa courbe habituelle de fatigue lorsqu'il est excité artificiellement. Mème à la suite d’un travail intensif du cerveau, ce n’est pas la volonté, ce ne sont pas les nerfs, c’est le musele qui se trouve fati- gué. Mais, toutefois, on attribuait à la faligue des centres nerveux une certaine participation dans la détermination de la courbe ‘ergographique à poids constant, considérée comme l'équivalent de la courbe de la fatigue de Kronecker. Cependant, lorsqu'on parlait de centres nerveux, si nous faisons abstraction de l'usage répété et générique du terme volonté, on ne disait jamais . directement de quels centres nerveux il s'agissait: était-ce des centres spinaux ou bien des centres psycho-moteurs. D'après les dernières recherches, il se confirme, en effet, qu'à la fatigue musculaire est associée la fatigue nerveuse, laquelle, cepen- . dant, pour ce quiest en rapport avec la fonction musculaire, intéresserait plutôt les centres spinaux que les centres psycho-moleurs, et elle ne trouve pas ni toujours ni nécessairement son expression dans la courbe de la production du travail méca- nique externe. Les courbes ergographiques exécutées avec un poids constant et arbitrairement choisi ne repré- sentent, en réalité, qu'un fragment minime de la. quantité totale de travail dont le muscle est capable, et elles expriment, plus qu'autre chose, la rapidité avec laquelle les conditions mécaniques deviennent défavorables à la produclion du travail externe. D'autre part, la physionomie du tracé se com- plique évidemment par l'intervention d’une foule de facteurs insaisissables : tels la résistance de l'in- dividu à la douleur provoquée par l'effort inutile, les tentatives qu'il fait pour suppléer avec d'autres groupes de muscles à ceux dont il ne peut plus se servir pour atteindre son but, la lénacilé de l'indi- vidu, son zèle et sa suggeslibilité. Au point de vue mécanique, il me semble qu'une courbe ergogra- phique exécutée dans les conditions expérimentales sus-indiquées à la même signification, quoique d'une facon moins évidente, que peut avoir l'inca- pacité apparente d'un individu qui essaie de toutes ses forces de remuer un poids exagéré, un gros rocher, par exemple. Personne ne songera à juger du travail dont cet individu est capable par la quantité de travail externe qu'il a réellement exé- cutée dans de telles conditions; personne ne son- gera qu'on puisse juger, d’après cet effort inutile, de la fatigue produite dans les muscles ou dans les centres nerveux médullaires correspondants, ni encore moins dans les centres psycho-moteurs. Avec ces considérations, je crois avoir exprimé la plus substantielle des objections qu'on puisse élever contre la théorie proposée par l'École de Kraepelin. Cet auteur cherche, dans une longue. série de travaux exécutés avec la collaboration de nombreux élèves, à renforcer les bases de l'hy- pothèse vaguement exposée par Mosso; il arrive méme à affirmer que, dans l'inlerprélalion de la courbe ergographique à poids constant, on peut séparer en elle le côté qui appartient à la fatigue nan as gnie-pdon hd mnt musculaire de celui qui appartient à la fatigue des centres psycho-moteurs:; de la première dépendrait spécialement la hauteur des contractions, de la * 3 D' ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE seconde leur nombre; et l'on interpréta la descente rapide de l'ergogramme comme l'expression d'une épuisabilité exceptionnelle des centres moteurs volontaires, telle qu'on ne l’observe dans aucun autre domaine de la vie psychique. Il est vrai que, dans le plus récent de ses tra- vaux, en collaboration avec A. Oseretzkowsky, Kraepelin admet que la détermination du nombre des soulèvements et de la hauteur totale des ergo- grammes est, nécessairement, plus qu'imparfaite, et que les deux valeurs varient en général dans le mêmesens,etsontenétroite dépendance entreelles. M'e I. lotevko suivit la doctrine de Kraepelin et la développa ultérieurement; elle introduisit la notion d'un quotient de travail et indiqua, comme un nouveau facteur du rapide épuisement de la courbe à poids constant, une espèce de paralysie musculaire périphérique, localisée dans les plaques motrices. Ce n'est pas ici le lieu de répéter en détail les arguments par lesquels j'ai réfuté ailleurs la vraisemblance de ces théo- ries. II me semble que les données expérimen- tales de la méthode du travail maximal sont, par elles-mêmes, suffisamment démonstratives pour que l’on puisse affirmer que de telles hypothèses sont tout à fait superflues, car la fatigabilité pré- sumée, qu'elle soit centrale et psychomotrice, ou périphérique et d’origine toxique ou non, ne subsiste pas. Si, à un certain moment, la charge devient exces- sive et, par conséquent, que la production de tra- vail diminue, cela ne regarde pas la volonté; sinous conservons la charge, aulant que possible, proche de sa valeur maximale, il en résulte que le muscle obéit à la volonté, et que la volonté, sur laquelle la conscience seule nous permet de faire une appré- ciation, persiste, après des heures de travail, vaillante comme au commencement de l’expé- rience; dans l'ergogramme, il n'y a rien qui puisse se référer à la fatigue de la volonté. Il est intéressant de savoir qu'en réalité les ergo- grammes à poids constant laissent souvent aussi entrevoir la phase constante de travail. Déjà Mosso l'avait fait remarquer, et P. W. Lom- bard avait mis en évidence le phénomène dit des « oscillations périodiques », qui consiste en ceci : si le sujet, une fois l’ergogramme achevé, continue les tractions rythmiques, il se montre capable d'une quantité indélerminée de reprises, constituées par des groupes de soulèvements dont la hauteur peut rejoindre encore la hauteurinitiale. Le phénomène de Lombard s'observe seulement dans l’ergo- gramme volontaire, et non pas dans celui que l’homme oblient avec l’excitation électrique. C'est pour cela que Lombard à cru qu'il caractérisait l'activité volontaire, sans, d’autre part, en indi- 183 auer le siège dans les centres psycho-moteurs plutôt que dans les centres spinaux. J'ai eu la chance d'observer, chez le lapin, que la phase constante de l'ergogramme peut être plus ou moins allérée, et quelquefois même tout à fait dissimulée, selon le degré de tension qu'on donne au muscle. S'il y a peu de tension, nousaurons cessalion prématurée de l'ergogramme; si la tension est forte, pourvu que la charge ne soit pas excessive, la phase constante apparaît dans son aspect normal; si la lension est moyenne, les oscillations périodiques paraissent. On doit reconnaitre qu'entre ce dernier fait et le phénomène de Lombard il existe une grande ana- logie, surtout si l'on considère que, dans la tech- nique ergographique suivie par Lombard, le doigt n'élait jamaisen complète extension, mais toujours un peu plié, afin d'empêcher le glissement de l'anneau de cuir d'où part la petite corde qui soulient le poids. Il y avait, par conséquent, dans la technique même, une première cause probable des oscillations, c’est-à-dire la variabilité de la ten- sion initiale du musele à chaque soulèvement; car, comme Mosso l'a signalé, l'extensibilité du muscle qui travaille varie presque toujours notablement, quelquefois en diminuant, plus souvent en aug- mentant. Puisque la vis de soutien du chariot enregis- treur n'était pas déplacée pendant l'expérience, il était naturel que, le muscle devenant plus exten- sible par la fatigue, une partie de sa contraction tombät à vide, sans effet externe, et que, par consé- quent, il se trouvât placé dans la condition de repos relatif, ce qui permettait les reprises périodiques successives. Ces mêmes considérations expliquent aussi pourquoi, chez les individus faibles, enfants, vieillards, diabétiques, convalescents, dont les muscles s'étendent d'une façon exagérée par une courte fatigue, la courbe ergographique à poids constant se compose de peu de soulè- vements, ou, si on lui donne une tension initiale convenable, elle procède à l'infini, pendant que la hauteur des soulèvements diminue d’une manière très limitée, sans que le phénomène de Lombard paraisse. Quoique j'aie multiplié les observations sur des sujets normaux ou malades avec l'ergographe modifié, je n'ai jamais rien rencontré qui pût me rappeler les oscillations périodiques. Je possède beaucoup de tracés ergographiques obtenus avec le nouvel ergographe par des indi- vidus affectés de maladies nerveuses de différentes natures : névrites périphériques d'origine toxique variée, formes d'ataxie locomotrice intéressant ou non le groupe musculaire qui travaille à l’ergo- graphe, paralysies agitantes, formes d'hémiplégie 784 1 D' ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE et formes aneurismatiques diffondues à l'écorce cérébrale. Il me semble que l'étude de celles-ci et d'autres affections typiques, où l'un ou l’autre engrenage est soustrait au fonctionnement harmo- nique de l'appareil neuromuseulaire, devrait donner des éléments nouveaux pour une con- naissance plus intime du travail musculaire volon- taire. En effet, j'ai déjà eu l’occasion de remarquer cerlaines altérations caractéristiques de la fonc- tion, et j'espère les publier prochainement. Mais, jusqu'à présent, l'ergogramme s’est présenté à moi toujours avec son type fondamental, c'est-à-dire celui de l'inépuisabilité pratique du muscle en tra- vail volontaire. Et il ne faut pas oublier que l'iné- puisabililé du musele à la réaction ergographique a été aussi relevée par les cliniciens, précisément ment celle-ci et en donnant à tout le membre un mouvement énergique, par lequel l’avant-bras, jeté en haut et en arrière, se plie grâce à son propre poids. Tout degré de flexion active de l’avant-bras sur le bras est interdit; on ne peut porter la cuillère à la bouche, tenir le bras dans la position de très légère flexion qui est nécessaire habituellement pour serrer la main à autrui, ou pour boutonner une manchette au bras opposé; et, en écrivant, la gène est extrême; on ne parvient à faire cet acte qu'à condition que le coude appuie entièrement et solidement sur la table et glisse sur celle-ci pour suivre la ligne. Une com- paraison entre l'écriture d’un même individu, avant et après l'expérience, peut être intéressante; j'en donne un exemple (fig. 10). ee LES SRE PR Re CNT metfeggèr p fear frs mA pif = server Pnrdle Aadinnrg, Fig. 10. — À, écriture normale; B, écriture après un long travail des muscles fléchisseurs de l'avant-bras. dans la maladie nommée myasthenia gravis pseu- doparalitica, de nature inconnue jusqu'à présent, mais clairement caractérisée par une extrême faiblesse musculaire. Dans aucun cas, je n'ai observé d'indication qu'on pût interpréter comme un affaiblissement de la facullé psychique de con- tracter volontairement le muscle. Cependant, même chez l'homme normal, après le travail très prolongé de l'avant-bras, si l’on évite au moyen d'un prompt massage ou d'un bain tiède qu'il survienne de la rigidité musculaire ‘, on observe souvent des altéralions fonctionnelles très intéressantes, qu'on pourrait considérer comme de vrais phénomènes de paralysie. On ne parvient pas à contracter le biceps et l’on n'arrive à porter l'avant-bras derrière la tête qu’en inclinant forte- ‘ Ces précautions pe sont pourtant pas nécessaires chez les individus très entrainés; chez ceux-ci, les inconvénients dus à la rigidité musculaire sont très atténués, et quelquefois ils ne paraissent point. Cette forme d'impuissance fonctionnelle est abso- lument exempte de toute trace de douleur; elle peut durer jusqu’à cinq et six heures. Puisque le travail n'a pas cessé par impossibilité du muscle à conti- nuer, mais qu il a élé interrompu volontairement, et que, de plus, le travail peut être repris dans les mêmes conditions où il a été laissé, il faut conclure que les troubles dans le mouvement s'observent seulement quand on est obligé de vaincre de très légères résistances; et nous devrons en chercher la raison dans le principe que les centres qui règlent Ja contraclion musculaire impriment au muscle des excitations motrices d'intensité pro- porlionnée aux excilations centripètes que le sens des résistances leur a envoyées. De même que le tissu musculaire, le lissu nerveux central se fati- gue; on sail que les réflexes d’une grenouille em- poisonnée avec de la strychnine sont constitués par des secousses létaniques d'abord, puiscloniques, et que, lorsque celte réaction réflexe a cessé, on ne e D' ZACHARIE TREVES - IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE = ca Qe peut en obtenir d'autre si l'on ne laisse s'écouler un certain temps, durant lequel les centres se re- mettent de la fatigue supportée ; une autre manifes- tation de fatigue dans les centres, c'est que le réflexe ne peut provoqué, sinon par des excitations notablement plus intenses que celles qui étaient d'abord suffisantes; et nous aurions précisément un fait de cette nalure dans l’incapa- cité des centres musculaires à répondre d'une ma- nière adéquate à des sensations de résistance mi- nime, comme celles qu'on éprouve à soulever les membres sans aucun poids, à écrire. C’est là, selon moi, parmi les conséquences d’un travail maximal prolongé, l'unique phénomène nettement constaté qu'on puisse, suivant toute probabilité, rapporter exclusivement à la fatigue des centres nerveux. Mais la participation des centres spinaux à la régularisation de la fonction motrice ne se mani- fesle pas seulement de cette facon. En effet, la sensation de la résistance assure encore l'économie du travail volontaire parce qu'elle influe sur la fréquence que le sujet donne spontanément au rythme des contractions, plus encore que l'état même de fatigue dans lequel le sujet se trouve. J’ai fait des recherches sur les con- dilions qui déterminent le rythme spontané dans le travail ergographique volontaire; les résultats expérimentaux les plus importants que j'ai obte- nus sont les suivants : 1° Dans le travail ergographique volontaire, il s'élablit spontanément un rythme ; 2 La fréquence de ce rythme dépend du poids; mais, à parité du poids, il est sensiblement constant; 3° Lerythme spontané est plus lent que le rythme commandé, à peine suffisant pour permettre une production constante de travail. Il permet une pro- duction constante de travail même avec des poids très lourds ; 4° Si, au commencement de l'expérience, on invite le sujet à suivre un rythme donné et qu'on cesse ensuite d'indiquer ce rythme, le sujet ne le main- tient pas, mais il tend à prendre son rythme spon- tané habituel, alors même que celui-ci est plus fré- quent que le rythme inilial ; 5° L’entrainement n'exerce pas une influence sensible sur le rythme spontané. Avec ces lois s'accorde d'une manière très satis- faisante l'observation faite par M. Oliaro, à pro- pos de la marche. Ayant repris les expériences de Weber et de Marey sur les conditions qui déter- minent le rythme de la marche, il vit que, dans la marche à rythme commandé, à une fréquence donnée correspond une longueur maximum du pas, et il trouva que cette fréquence et cette lon- gueur correspondent avec celles que le sujet prend spontanément dans sa marche habituelle. ètre V Jusqu'à présent, nous avons considéré comment la production de travail externe volontaire procède par un rythme commandé ou spontané, avec une charge constante ou avec un poids variable, de manière à permettre à chaque contraction la plus grande quantilé de travail. — Mais on peut étendre les recherches en adoptant des poids différents qui permettent une ample graduation dans la fréquence du rythme, sans se préoccuper si le mouvement, à cause du rythme trop fréquent, ne peut pas atleindre toute son ampleur. Ces conditions d'expérience furent celles choisies par MM. À. Broca et Ch. Richet, afin d'étudier com- ment la puissance du muscle peut varier, savoir la quantité de travail qu'un muscle peut exécuter en régime permanent par seconde avec des poids divers (de 200 à 1.200 grammes, loujours de facon à exiger un petit effort) et avec des rythmes divers (de 100 à 200 contractions par minute). Le développement de la plus grande puissance possible en travail permanent a correspondu au poids de 1.200 grammes, à la fréquence de 250 par minule, avec une production de travail de 144 kilogrammètres à l'heure. Avec la méthode ergographique originale à poids constants et avec le rythme commandé de 2”, M. Maggiora obtenait avec 6 kilogs une production de travail qui corres- pondait à 34 kilogrammètres par heure. En tra- vaillant à l’ergographe modifié avec le poids de 3 kilogs, j'assumais spontanément le rythme de 28 contractions par minute, qui me permettait la continuation infinie du travail; la hauteur des soulèvements étant d'environ 40 millimètres, le travail exécuté par moi était de presque 201,6 kilo- grammètres par heure. Avec le poids de 5 kilogs, le travail résultant était de 270 kilogrammètres par heure; avec le poids de 6 kilogs, j’eus comme résultat presque 243 kilogrammètres par heure. Donc la puissance musculaire en régime per- manent, considérée dans l'espace d’une minute ou d'une heure, dans le travail rythmique spontané, avec des poids qui pourtant exigent une intensité d’excilation assez remarquable, peut être aussi et même plus élevée qu'avec les petits poids et les grandes fréquences adoptées par A. Broca et Ch. Richet. Il serait utile, pour compléter ces con- clusions, d'étudier quel cours suit la fatigue ner- veuse dans l’ergogramme obtenu avec la méthode de ces auteurs, où le facteur essentiel devrait être, non pas la valeur de la résistance, mais la fré- quence du rythme. Dans un deuxième arlicle, j'exposerai mes re- cherches sur la faligue nerveuse. D' Zacharie Treves, Privat-docent à l'Université de Turin. 786 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Charbonnier (Commandant P.), Chef d'escadron d'Artillerie coloniale. — Traité de Balistique exté- rieure, 2° éd. — À vol. in-8° de 592 p. (Prix :95 fr.) Librairie polytechnique Ch. Béranger, 15, rue des Saints-Pères. Paris, 1904. S'il est une chose qui paraisse surprenante à ceux qui commencent à étudier la Balistique extérieure, c'est sans doute de voir combien peu les nombreuses recherches, faites sur ce problème depuis plus d’un siècle, ont eu de conséquences pratiques. Cela tient peut-être à ce que la plupart des auteurs, préoccupés surtout d'un des côtés du problème ou d’un procédé particulier, ont peu cherché à résumer, pour eux- mèmes el pour leurs lecteurs, l’état de la question, à mettre en évidence ce qui est exigé pour les applica- tions, et à faire ressortir, avec les rapports qui existent entre les méthodes proposées, les limites du domaine de chacune d'elles. À ce point de vue, l'ouvrage du commandant Charbonnier présente un caractère tout spécial et permet d'espérer des résultats nouveaux. A la Balistique extérieure se rattachent, on le sait, deux études bien distinctes. La première, ayant pour objet les recherches théoriques relatives aux lois mèmes de la résistance de l'air, touche aux difficultés les plus importantes de la mécanique des fluides : elle est encore trop peu avancée pour servir de base aux travaux des praticiens. La seconde, empruntant à l'expérience des principes vériliés sous certaines conditions et dans des inter- valles connus, supplée ainsi à l'insuffisance de la théorie et s'efforce d'obtenir ensuite, soit en toute rigueur, soit, dans tous les cas, avec une approxi- mation suffisante, les données nécessaires aux applica- tions. On concoit que la nature expérimentale et, en quelque sorte, provisoire des principes employés im- pose, pour leur mise en œuvre correcte, des obligations dont il est essentiel de tenir compte. Ainsi, pour calculer le mouvement du centre de gra- vité d’un projectile, la résistance de l'air est assimilée, d'après l’ensemble des expériences, au produit de deux facteurs : le premier, sans relation avec la vitesse, et donnant seul l'influence de la forme, tant que celle-ci, du moins, varie assez peu; l’autre, au contraire, lié à la vitesse et à peu près indépendant de la forme, mais sans représentation analytique précise. Sur ces bases sont établies les équations différen- tielles du mouvement, et l'une delles, qui contient toutes les difficultés d'analyse proprement dite, est du premier ordre : c'est l'équation de l'hodographe. Il est aisé de la réduire à un type, intéressant à plusieurs égards, et qui, depuis Abel, à donné lieu à de nom- breuses recherches : c'est, au point de vue formel, le plus simple qu'on puisse rencontrer après l'équation de Riccati. Mais, si l’on sait intégrer ces équations dans un grand nombre de cas,on est bien loin d’en posséder une théorie générale, c'est-à-dire de connaitre les ca- ractères communs aux solutions des équations de cette espèce. C'est en cela que la nature expérimentale des lois de la résistance de l'air joue un rôle essentiel; elle oblige, en effet, à regarder la fonction de résistance comme étant de forme analytique indéterminée, en sorte que les seules méthodes d'intégration qui pour- raient être utiles au praticien, en restant d’une rigueur absolue, sont celles qui utiliseraient uniquement les propriétés du type d’équation dont il s'agit, et non celles d’une équation particulière appartenant à ce type. ET INDEX En l'absence de pareilles méthodes, il ne peut être fait usage que d'approximations numériques, et la point est seulement de les choisir dans chaque cas de le facon la plus judicieuse. Cela explique comment l’auteur est conduit à diviser en plusieurs autres un sujet en apparence très homo- gène. Ces divisions sont naturelles, étant justifiées par la nature des difficultés à résoudre et des méthodes pratiquement applicables. Dans un premier livre, l’auteur établit les équations du problème, en ce qu'il a de plus important, et, laissant à la loi de la résistance de l'air l'indétermi- nation qui convient, il en déduit quelques propriétés générales des trajectoires et du mouvement. _ Le livre suivant est consacré à une partie en quelque sorte historique du sujet. Il s'agit des hypothèses simples que l’on peut faire sur l'expression de la résis- tance, pour être en mesure d'intégrer l'équation de l'hodographe, et, par suite, de réduire tout le problème à des quadratures. Quelques-unes de ces hypothèses sont connues depuis Euler et Bernoulli; un grand nombre d'autres pourraient être indiquées aujourd'hui. En traitant les plus usuelles, l’auteur ne s’écarte pas des principes auxquels il s’est attaché. Son but n'est pas, en effet, de calculer des trajectoires entières, en remplacant la résistance de l'air par une fonction de la vitesse qui se prète à l'intégration; mais il s'agit de donner des moyens commodes d'effectuer les calculs par arcs successifs, le long desquels les lois de résis- tance admises sont de mème espèce et de coeffi- cients différents. La loi du cube, étudiée d’abord par Greenbill, est, semble-t-il, celle qu'il serait le plus inté- ressant d'appliquer pour ces approximations, et les fonctions elliptiques, auxquelles elle conduit, sont de- venues assez maniables pour tenter peut-être les pra- ticiens. Toutefois, les véritables ressources dont on dispose consistent surtout dans la séparation des divers cas et la définition précise de leurs caractères : c'est l’objet des livres IIL et IV. Le premier cas, et le plus utile, est celui du tir de plein fouet, dans lequel les tangentes à la trajectoire font, avec une direction fixe, des angles dont les variations sont assez faibles. Une méthode proposée par l’auteur conduit alors avec rapidité à des résultats précis : elle consiste à développer les lignes trigonométriques qui contiennent l'inclinaison de la tangente sur l'horizon, selon les puissances de l'incli- naison elle-mème, sans faire d’ailleurs aucune hypo- thèse particulière sur la résistance de l'air. Les deux premiers termes des séries assureraient presque tou- Jours une approximation bien suffisante; mais le calcul exige, pour convenir à la pratique, des tables dont quelques-unes ne sont pas encore achevées. L'auteur rapproche ses résultats, sur ce point, de ceux qui sont dus à Siacci et qui ont ouvert la voie aujourd’hui suivie par la Balistique extérieure. Ces derniers impliquent un mode de calcul dont l'approximation est plus diffi- cile à contrôler et à augmenter; ils sont liés d’ailleurs, dans l'exposé de Siacci, à une hypothèse qui n’est, au fond, pas nécessaire, en sorte que le progrès réalisé depuis lors est manifeste. Comme une trajectoire quelconque est toujours de plein fouet entre deux de ses points dont la distance n’est pas trop grande, on conçoit comment la méthode précédente s'applique toujours, pourvu qu'on décom- pose en plusieurs ares l'amplitude complète de la tra- jJectoire. Dans l'étude du tir de plein fouet, la première ap- proximation était donnée par un mouvement simple; SE PR BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 78 ne de même, dans les autres cas intéressants pour la pra- tique, la première approximation est donnée par le cas d'intégration immédiate le plus voisin, et, par exemple, pour le tir courbe à faible vitesse, par le mouvement dans le vide. ; Tous ces résultats exigent encore certaines correc- tions pour ètre utilisés. 11 existe, en effet, des phéno- mènes secondaires, variations de la densité de l'air et de la gravité avec l'altitude, rotation de la Terre, con- vergence des verticales, etc., que la théorie néglige d'abord, pour les traiter ensuite comme des perturba- tions. Après avoir examiné chacune d'elles, l'auteur aborde enfin l’étude du mouvement du projectile au- tour de son centre de gravité et celle de la dérivation qui en dépend. Sur ce point, M. le commandant Char- bonnier s'est borné à présenter, avec briéeveté, les ré- sultats déjà connus. Cette partie du problème, si inté- ressante au point de vue géométrique et mécanique, a, en effet, pour la pratique, une importance plus res- treinte, d'après laquelle il est naturel de mesurer la place qui lui est accordée. Un dernier chapitre est consacré aux phénomènes sonores qui accompagnent le coup de canon. On com- prend que ceux-ci, produits surtout par le déplacement du projectile, sont liés à la résistance de Pair, en sorte qu'une étude mécanique ne peut logiquement séparer les deux questions: mais le but visé par l’auteur est différent. La théorie qu'il donne est purement cinéma- tique et ne tend qu'à mettre le lecteur en possession des éléments nécessaires à une fort ingénieuse appli- cation des phénomènes sonores dont il s'agit, je veux parler de la mesure des vitesses des projectiles par les interrupteurs électro-acoustiques du colonel Gossot. En résumé, l'ouvrage du commandant Charbonnier est un exposé très méthodique et simple de l’état ac- tuel de la Balistique extérieure. Le choix des méthodes, selon les circonstances et les limites de leur emploi, est indiqué avec un soin particulier; quelques-unes de celles-ci sont nouvelles, soit dans leurs principes, soit dans la manière de les présenter; le souci de con- duire le lecteur jusqu'aux applications numériques apparait pour ainsi dire à chaque page. Ce livre sera, croyons-nous, un guide précieux et clair pour tous ceux qui, par curiosité ou par devoir professionnel, s'intéressent aux choses de la Balistique extérieure. KR. LIouviLLE, Ingénieur en chef des Poudres et Salpêtres. 2° Sciences physiques Boy de la Tour. — Traité pratique des installa- tions d'Eclairage électrique. — Adaptation fran- çaise de l'ouvrage de MM. HercoG et FELDMANN Handbuch der elecktrischen Beleuchtung. — 1 vol. in-8° de 548 pages et 432 fiqures. (Prix : 25 fr.). Ch. Béranger, éditeur. Paris, 1904. L'ouvrage que M. Boy de la Tour nous rend le service de présenter au public francais est d'une catégorie un peu particulière, qu'il y aurait grand intérêt à voir se développer : ce n’est ni une traduction exacte, ni une œuvre entièrement personnelle ; c'est, ainsi que l’au- teur nous l'indique, une adaptation. Non seulement le lecteur francais a certaines habitudes de forme, de langage ou de notation qu'il est heureux de retrouver dans l'étude d'un ouvrage étranger, mais encore, lors- qu'il s’agit non pas de science pure, mais, comme ici, d'applications très pratiques et très courantes, on doit désirer trouver dans un livre un guide utile pour la connaissance et l'emploi du matériel que l’on a sous la main et non d'un matériel étranger. C’est donc une très heureuse idée qu'a eue M. Boy de la Tour de conci- lier toute la haute valeur du travail de MM. Hergog et Feldmann avec ce qu'a pu lui suggérer de plus intéres- sant son expérience personnelle. . Un premier chapitre, de plus de cent pages sur les cinq cents de l'ouvrage, est consacré à l'étude, théo- rique et pratique, des sources de lumière électrique : incandescence et arc. Au point de vue théorique, la photométrie des lampes est le point le plus important : nous regrettons que l'auteur ait conservé le rapport 9,08 de la Carcel à l'Hefner, rapport qui a été fixé dé- finitivement à 10,9 par les mesures très concordantes de M. F. Laporte, exécutées au Laboratoire central d'Electricité; quant au point de vue pratique, il est largement représenté par l'étude approfondie de la fabrication, de l'entretien, du mode de fonctionnement et l'utilisation pour les différents éclairages des lampes, soit à arc, soit à incandescence. Les chapitres suivants dépassent de beaucoup le champ l'étude limité aux questions d'éclairage : ils constituent un traité complet, quoique nécessairement très résumé sur certains points, de la génération et de la distribution de l'énergie électrique. La dynamo elle- mème est étudiée, mais au point de vue de l'exploitant et non du constructeur. Deux chapitres sont consacrés à la construction des canalisations et aux systèmes de distributions ; le premier a surtout en vue les grandes canalisations, et nous aurions aimé trouver de plus longs développement sur la question si importante des installations à l’intérieur des maisons ou appartements, auxquelles une quinzaine de pages seulement sont con- sacrées; quant au second, on y trouvera non un exposé complet des systèmes de distribution, mais un résumé très utile de ces systèmes ; signalons une étude som- maire des canalisations affectées de réactance et de ca- pacité. Un chapitre est consacré à l’appareillage et aux instruments de mesure, un autre à l'isolement des ca- nalisations au repos et en marche. Enfin, l'ouvrage se termine par deux chapitres fort importants, où l’on trouvera de nombreuses données numériques, en parti- culier au point de vue du prix des appareils ou des machines, et une étude descriptive de quelques instal- lations existantes. Tel est l'ouvrage, fort sérieux et fort bien documenté, que M. Boy de la Tour recommande aux jeunes élec- triciens, élèves de nos écoles techniques, aux ingénieurs mécaniciens, et plus généralement à tous les indus- triels qui font usage de dynamos ou d'éclairage élec- tique ; bref, à tous ceux qui ont soit à étudier, soit à exploiter un réseau : nous ne saurions mieux faire que de joindre notre recommandation à la sienne. PAUL JANET, Professeur à l'Université de Paris, Directeur du Laboratoire central et de l'Ecole Supérieure d'Electricité. Lezé (R.), Professeur à l'Ecole Nationale d'Agricul- ture de Grignon. — Les Industries du Lait. — 2 édition revue et augmentée. À vol. de la Biblio- thèque de l'Enseignement agricole. (Prix : 6 fr.) Firmin-Didot et Cie, éditeurs, Paris, 1904. Le volume dont M. Lezé vient de publier une seconde édition est déjà très connu et très apprécié des chimistes et des industriels, ce qui est dû, évidemment, à la grande compétence de ce savant distingué dans toutes les questions qui intéressent l'industrie laitière. Nous n'insisterons donc, d'une manière spéciale, que sur ies parties de son travail où l’auteur à modifié sa première édition. Constatons, auparavant, que, si l'industrie laitière a fait de grands progrès en France et si notre pays reste un des plus favorisés par son climat et sa situation géographique pour se livrer à cette industrie, nous avons vu, depuis quelques années, de graves symptômes économiques se manifester, et nos exportations ont baissé par suite de la concurrence que font à notre industrie le Danemark, la Suède, la Norvège, la Hol- lande, etc. Autrefois, nous trouvions un débouché con- sidérable de nos beurres en Angleterre et en Amé- rique. Actuellement, ces marchés avantageux nous sont chaudement disputés, non seulement par les autres pays producteurs européens, mais aussi par l'Australie, la Nouvelle Zélande, etc., qui, grâce aux progrès réa- 788 lisés dans les transports frigorifiques, peuvent expédier au loin leur production. Au point de vue économique, il est intéressant aussi de constater que, si l'industrie laitière a fait la fortune du Danemark, cela tient en grande partie à ce que les producteurs ont su s'y grouper, ce qui, au point de vue des progrès industriels, du contrôle scientifique, de l'organisation commerciale, leur a procuré les plus grands avantages. Examinons maintenant les modifications que l'auteur a fait subir à sa première édition. Dans le chapitre consacré aux altérations du lait, M. Lezé a ajouté une étude très intéressante et originale sur l'acidification du lait. Il a suivi la marche de l’aci- dification et cherché à se rendre compte des modifica- tions que subit le lait au fur et à mesure que l'acidité s'accroit. Il a constaté ce fait curieux que, si on coagule le lait par l'addition de sel marin, l'acidité totale produite se partage toujours en deux parts égales l'une dans le sérum et l’autre dans le coagulum. M. Lezé présente diverses explications ingénieuses de ce curieux phénomène. Ce qui paraît le plus nettement établi, c'est que la caséine se modilie au fur et à mesure que l'acidité croit. M. Lezé a dû apporter des modifications à la partie de l'ouvrage traitant de la pasteurisation et de la sté- rilisation du lait, car les appareils permettant d'effectuer ces opérations se sont accrus ou ont été modifiés. Un des appareils nouveaux les plus ingénieux est l'appareil imaginé par M. Hignette pour la stérilisation en bou- teilles. Dans cet appareil, le lait est complètement isolé du contact de l'air par l'interposition d’un bouchon fusible constitué par de la paraffine. Rien de particulier à relever dans les chapitres traitant de la fabrication du beurre et du fromage, si ce n’est qu'à la suite de ces chapitres M. Lezé montre que l'industrie fromagère, si longtemps abandonnée à la routine, devient l’objet d'intéressantes études scien- tifiques. Celles-ci ont porté principalement sur les micro-organismes qui produisent les transformations du caillé. Il est certain que la connaissance plus com- plète des diverses moisissures et bactéries qui donnent à chaque fromage son goût spécial et qui en déter- minent la maturation, permettra de perfectionner la fabrication, de la régulariser et d'éviter les fermenta- tions défectueuses en procédant à des ensemencements avec des cultures pures. Mais M. Lezé pense que l'étude chimique des phénomènes qui produisent la maturation peut être non moins fructueuse que leur étude bacté- riologique et que le concours du chimiste pourrait permettre au fromager de produire avec rapidité et sûreté certaines transformations de la caséine qui caractérisent les diverses variétés de fromages. Enfin, M. Lezé a terminé son ouvrage en donnant quelques indications sur l'industrie de la caséine. Le principe azoté du lait est devenu le point de départ d'industries nouvelles fort intéressantes. Les unes utilisent la caséine comme matière première pour la préparation de produits alimentaires très nutritifs; les autres transforment la caséine en une substance ana- logue à la corne et susceptible de nombreuses applica- tions industrielles. Nous avons résumé rapidement les points qui nous ont paru les plus nouveaux et les plus instructifs de ‘ouvrage de M. Lezé, dont la lecture est à recommander à tous ceux qui souhaitent de voir progresser l'industrie laitière en France. X. ROCQUES, Ingénieur chimiste, Ancien chimiste principal du Laboratoire municipal de Paris. Bouant (Emile), Professeur au Lycée Charlemagne. — Cours de Chimie. 3° fascicule : Chimie générale, Analyse chimique, Compléments de Chimie orga- nique. — 4 vol. iu-16. (Prix : 3 fr.). Félix Alcan, éditeur, Paris, 1904. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 3° Sciences naturelles Las Plagas dela Agricultura (LES PLAIES DE L'AGRICUL- TURE), publié par la Commission de Parasitologien agricole mexicaine. —1 vol. gr. in-$° de 705 pages ave@ 16 planches. Secretaria de Fomento, Mexico, 1904. L'agriculture et l'exploitation des mines forment les. deux principales sources de richesses du Mexique. Mais. là, comme en beaucoup d’autres pays, le développe- ment normal de la première a plus d’une fois risqué . d'être entravé par l'invasion de ces terribles maladies parasitaires, animales ou végétales, contre lesquelles les planteurs sont trop souvent désarmés. Justement préoccupé de cet état de choses, le Gouvernement a institué en 4900 une Commission de Parasitologie agri- cole, à la tête de laquelle se trouve M. A. L. Herrera, professeur à l'Ecole Normale de Mexico, et qui s’est, depuis lors, efforcée de combattre par tous les moyens les plaies qui désolent les exploitations agricoles. La Commission a d'abord jugé utile de faire connaître. aux agriculteurs les principales maladies qui sont susceptibles de se développer sur leurs plantations et de leur indiquer en mème temps les procédés les plus efficaces pour en détruire les agents de propagation. C’est le but du livre que nous analysons : nous y trou- … vons en effet, réunies, par ordre alphabétique, les des- criptions d'un grand nombre d’ennemis, végétaux ou animaux, des diverses cultures, de leur mode de déve- loppement et des moyens les plus sûrs de s’en débar- M rasser, le tout illustré de fort belles planches qui com- M plètent heureusement le texte. L'ouvrage est destiné à M ètre répandu gratuitement parmi les agriculteurs mexi- M cains, il se complète dès aujourd’hui périodiquement M par la publication d'un Bulletin de Parasitologie agri- ë cole, renfermant toutes les nouveautés sur la question, et distribué de même sur une échelle étendue. Nous avons pensé qu'il y avait lieu de signaler cette M intelligente initiative et de féliciter le Professeur : Herrera et ses collaborateurs de l'œuvre scientifique et M pratique à laquelle ils se sont dévoués. L. B: Macoun (John). — Catalogue of Canadian Birds. Parts I et Il. (Prix : 5 francs), Dawson, éditeur. Ottawa, 1904. Dans ce catalogue, l'auteur a rassemblé tous les renseignements qu'il a pu recueillir concernant la pré- sence, les mœurs et la nidification des Oiseaux de Ja partie nord du continent américain, c’est-à-dire le Canada, Terre-Neuve, le Groenland et l'Alaska, soit qu'ils y résident d’une facon continue, soit qu'ils S'y rencontrent seulement comme émigrants où qu'ils la traversent dans leurs voyages. Le premier fascicule renferme les ordres des Pygopodes, Longipennes, Tubi- nares, Stéganopodes, Anseres, Herodiones, Paludicoles, Limicoles, Gallinés et Columbides; le second fascicule, les ordres des Raptores, Coccyges, Pics, Macrochires, et une partie des Passereaux, soit en tout plus de 500 espèces ; l'ouvrage sera complété par un troisième fascicule, qui contiendra l'index genéral. La classification adoptée n’est pas absolument scien- tifique, semble-t-il; ainsi les Nocturnes de proie (Stri- gidés et Bubonidés) sont placés à la suite des Rapaces diurnes (Vautours et Falconides), alors que les orni- thologistes s'accordent pour éloigner beaucoup ces deux groupes. L'auteur a évidemment voulu grouper ses espèces d’une façon pratique, d'après leurs mœurs ou leur habitat, en laissant au second plan les affinités possibles des groupes. Chaque article est très complet, très documenté, et comprend le détail de la distribu- tion géographique dans les régions précitées, ainsi que des notes sur le régime et l'époque de la ponte; le nom vulgaire est indiqué pour chaque Oiseau en mème temps que le nom latin, mais sans synonymie. E 4 L. CuÉNOT, Professeur à l'Université de Naney- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Travaux de la Station de recherches relatives à la Pêche maritime à Ostende. fase. 1. — Jules de Meester, Roulers et Bruxelles, 1904. On aurait pu s'attendre à trouver dans ce recueil des renseignements sur la biologie des poissons; mais la Belgique a adhéré à l’organisation internationale pour J'étude biologique de la mer du Nord, et la création d’une station maritime isolée, à Ostende, livrée à ses seules modestes ressources, eût fait double emploi pour elle. Son but à été différent et plus directement pratique. D'après le premier fascicule de ses travaux, la Station d'Ostende est surtout destinée à étudier les moyens d'utilisation des produits de la pêche; et ce sont les premiers résultats qui paraissent. Ce sont des études sur l'insaponifiable des huiles et des graisses, sur - l'emploi de la sciure de bois dans l’industrie des huiles et du guano de poisson, sur les conserves de poissons, sur les huiles d’esprot et de foie de morue, sur Île noircissement de la vase de mer. On voit par cetle énumération les tendances à la fois utilitaires et théo- riques de la Station d'Ostende, et les services qu'elle peut rendre et aux producteurs et aux consommateurs dans l’industrie de la pêche maritime. A. BRior, Docteur ès sciences, Chef des Travaux pratiques de Zoologie à la Faculté des Sciences de Marseille. 4° Sciences médicales Sabouraud (D'R). Chef du laboratoire de la Ville de Paris à l'Hopital Saint-Louis. — Les Maladies du cuir chevelu. Tome 11 : Pityriasis et Alopécies pelliculaires. — 4 vol. gr. in-8° de T15 pages avec 122 figures. (Prix : 22 fr.). Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1904. Après avoir minutieusement étudié la séborrhée et les maladies séborrhéiques, dans le premier volume de son /raite des maladies du cuir chevelu, M. Sabouraud aborde aujourd'hui l'étude des maladies desquamatives, c'est-à-dire du pityriasis, des états pelliculaires du cuir chevelu et des alopécies qu'ils entrainent. M. Sabouraud est cerlainement un des esprits les plus curieux de l'Ecole dermatologique française actuelle. A une époque où la méthode scientifique allemande semble s être généralisée partout, où le souci de la documentation, l’'amas de matériaux, plus ou moins bien digérés, la bi- bliographie trop complète, viennent alourdir la plupart des publications médicales et les transformer souvent en simples compilations, M. Sabouraud s'est soucié avant tout d'être original, d'être vraiment lui-même. 11 s’est toujours efforcé de se faire une conception per- sonnelle des choses, fondée sur ses propres expériences, qu'il a toujours poursuivies avec une parfaite méthode de travail, avec un soin et une minutie scrupuleux et avec la plus grande probité scientifique. Toutes ces qualités d'originalité, de méthode et de clarté se retrou- vent dans son nouvel ouvrage, qui vient modifier com- plétement bien des idées régnantes à l'heure actuelle sur la conception du pityriasis, des séborrhéides et du psoriasis. Pour répondre à certains esprits chagrins, qui lui reprochaient de négliger trop systématiquement la bibliographie, pour montrer que les techniciens de laboratoire n'ignorent pas ce qui a été écrit avant eux sur les sujets dont ils traitent, par coquetterie intellec- tuelle peut être, pour montrer aussi ce que peutêtre la bibliographie lorsqu'il veut bien en faire, M Sabouraud a placé en tète de son ouvrage un historique du pity- riasis en près de 300 pages, dont le plus grand éloge qu'on en puisse faire est de dire que non seulement on le lit, ce qui est déjà rare pour un historique, mais qu'on le lit avec un intérêt et avec un profit indé- niables. Par l'ampleur qu'il a su donner à l'exposé et à la critique raisonnée des théories successivement émises à propos du pityriasis, et des rapports qui l'unis- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. 189 sent à trois grands autres types dermatologiques : psoriasis, séborrhée et eczéma, l’auteur a écrit en quelque sorte une grosse partie de l’histoire dermato- logique générale, mais une histoire vivante et qui ne se propose que de rendre plus intéressante et plus com- préhensible la dermatologie descriptive, telle qu'on l'a écrite jusqu'à nos jours. Avec une philosophie quelque peu étonnée, M. Sabouraud constate que, depuis deux mille ans que Celse commença à parler du pityriasis, tant d'études, tant de traités, tant de volumes ou de monographies consacrés à cette dermatose n'abou- tissent qu'à six opinions dissemblables, qu'on voit revenir périodiquement, par une sorte de jeu de bascule, sans qu'aucune d'elles ait jamais réussi à s’im- poser définitivement. Il est impossible, même en cher- chant bien, de trouver une septième théorie défendable. Disons tout de suite que M. Sabouraud se rattache franchement à l’une d’entre elles : celle qui fait du pityriasis une maladie à évolution spécifique, particu- lière, et qu'il la renouvelle entièrement en l’appuyant à la fois par la clinique, la bactériologie et l'anatomie, « mais en donnant à l'anatomie et à la bactériologie seules, c’est-à-dire à lexpérimentation, le droit de conclure ». Pour M. Sabouraud, le pityriasis constitue une entité morbide bien définie; il se présente, sous sa forme ordi- naire, comme une maladie localisée presque absolu- ment aux régions pilaires et surtout au cuir chevelu et à la région médiane du thorax. Il est caractérisé par la présence de squames sèches, peu adhérentes, superti- cielles, sans réaction inflammatoire sous-jacente d’au- cune sorte, sans rougeur ni exsudation. Bactériologi- quement, il doit être considéré comme une mycose, due à un épidermophyte particulier, jusqu'ici incultivable : la spore de Malassez, ou bacille-bouteille de Unna. Ce parasite, que l'on trouve toujours dans la squame du pityriasis, est, en effet, un parasite cryptogamique et qui, à l'heure actuelle, ne se cultive pas hors de l’épiderme corné de l’homme. A côté de ce type habituel, normal, de pityriasis à squame sèche, il existe un type clinique différent c'est le pityriasis gras, que M. Sabouraud appelle : « pi- tyriasis stéatoide ». Il est caractérisé par des squames graisseuses, adhérentes, qui ne se détachent que difli- lement; la squame sèche de tout à l'heure à subi une infiltration séreuse, qui est due à une infection de sur- face par des staphylocoques, surajoutée à l'infection pityriasique première. Ce type correspond à l’eczéma séborrhéique de Unna et au groupe des séborrhéides et plus particulièrement des séborrhéides psoriasiformes de l'école dermatologique française. Mais, pour M. Sabou- raud, il doit bien être rattaché au pilyriasis, et l’auteur est amené, pour étayer son opinion, à faire une étude clinique et histologique du psoriasis et de l’eczéma, et à montrer les différences qui existent entre ces der- matoses et son pityriasis stéaloide. Au point de vue clinique, il est intéressant de signaler que ce pityriasis stéatoïde entraine l'existence d'alopécies pelliculaires, surtout chez la femme. Vers vingt-cinq ans, la femme qui en est atteinte voit s'établir une alopécie qui va évoluer lentement, d'une facon chronique et progres- sive, et gagner le sommet de la tète, les tempes et la région rétro-auriculaire. La dernière partie de l'ouvrage comprend l'exposé de la thérapeutique des pityriasis ; l'auteur y étudie minu- tieusement le traitement de chacune des formes de cette dermatose; d'une facon générale, le traitement par les goudrons s'applique aux squames sèches, tan- dis que le traitement soufré est celui qui convient aux squames grasses. On retrouve dans cette partie théra- peutique le sens clinique et le résultat de la grande expérience personnelle de M. Sabouraud. Nous n'avons pu, au cours de cette rapide analyse, que donner un aperçu très succinct de cet ouvrage remarquable, qui résume plusieurs années de travail ; il sera lu avec fruit par tous ceux qui s'occupent de questions médicales et par tous ceux aussi qui ont 16** 790 quelque raison personnelle pour prendre un intérêt spécial à la thérapeutique des alopécies et des affec- tions du cuir chevelu. D° L.-M. PAUTRIER. 5° Sciences diverses Raffalovich (Arthur), Correspondant de l'Institut. — Trusts, Cartells et Syndicats. Deuxième édition, revue et augmentée. — 4 vol. in-16 de 523 pages. (Prix : 5 fr.). Guillaumin et Cie, éditeurs. Paris, 1904. L'application de la vapeur à l'industrie a produit, au cours du xix° siècle, un phénomène général de con- centration : l'atelier s’est transformé en usine, le travail collectif a remplacé le travail individuel, les ouvriers réunis ont pris conscience de leur force et se sont syn- diqués dès que la législation de leur pays a reconnu le droit d'association. Les patrons, isolés d’abord, ont attendu que la concurrence les forcât à leur tour de s'unir pour la défense de leurs intérêts. A mesure que de nouveaux Etats développaient leur outillage indus- triel et commercial, la difficulté des débouchés et les frais que nécessite leur recherche augmentaient, les craintes de la surproduction, qui fait baisser les prix, se faisaient jour; un seul remède s’offrait : l'association, qui agit dans le même sens que le machinisme. L'asso- ciation, en effet, permet la réduction du personnel, la suppression plus ou moins complète des intermédiaires, la simplification, l'accélération de la production, et, comme conséquence, la réduction des prix. De là sont nés les trusts, les cartells, et, d’une manière générale, tous les syndicats de producteurs qui font l'objet du présent livre. M. Raffalovich a rassemblé les documents les plus variés et les plus complets, et il en a dressé une des contributions les plus étendues que nous possédions sur cette importante question. Cet ouvrage vient heu- reusement enrichir notre littérature de langue fran- çaise, insuffisante à l'heure qu'il est, malgré les tra- vaux excellents, bien que d'inégale valeur, de MM. P. de Rousiers, Brouilhet, Fr. Laur, Pic, Et, Martin, Saint- Léon et Souchon. L'auteur a largement utilisé les en- quêtes officielles qui ont eu lieu aux Etats-Unis, en 1898, et en Allemagne, récemment, ainsi que les nom- breux ouvrages qui ont été publiés dans ces pays. Le livre a d’ailleurs les défauts de ses qualités, en ce sens que l’on désirerait plus d'ordre dans la classification des documents, et plus de détails sur la genèse des ins- titutions actuelles et les organismes incomplets qui les ont précédées et qui ont disparu aujourd'hui : les pools, par exemple. M. Raffalovich, qui publie chaque année d'excellentes études sur le A/arché financier, a naturel- lement beaucoup développé ce point de vue dans son livre ; il ne l’a pas fait d’ailleurs sans raison car, l’un des abus des trusts, la surcapitalisation (watering), intéresse vivement les opérations de bourse. L'exposé, aussi objectif que possible, ne laisse percer que de loin en loin les préférences de l’auteur, qui vont aux solutions libre-échangistes, tout en reconnaissant fran- chement les difficultés du problème. Si les trusts ont provoqué dans la production des améliorations notables, ils n’ont pas été, comme tous les progrès, sans causer de graves préjudices. C'est d'abord la surcapitalisation, c'est-à-dire l'acte par lequel les créateurs du trust enflent d'ordinaire son capital pour s'assurer un grand nombre d'actions et réaliser des bénéfices considérables sans que le fait attire l'attention. C'est ensuite le bou- leversement du marché du travail, l'établissement arbi- traire et imposé du prix d'achat de la matière première, du prix de vente au consommateur et même du prix de transport. C’est, enfin, — et ceci intéresse tout par- ticulièrement les pays, comme le nôtre, où les trusts sont inconnus et les cartells fort rares, — la désorga- nisation du marché international par l'établissement BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX d’un double prix : l'un, supérieur, destiné à la consom- mation intérieure, l’autre, moins élevé, pour l’expor- tation. A cet égard, le tableau que M. Raffalovich a dressé aux pages 220-221, est de la plus haute élo- quence. C'est, en partie, grâce à la protection doua- uière que la chose est possible; aussi bien, le premier remède aux abus signalés consiste-t-il dans l’abaisse- ment des tarifs américains, ou encore, comme on l'a proposé, dans l'établissement d’un Zollverein européen qui frapperait d'un droit compensateur les produits primés par le fait du mécanisme d’un trust. M. Raffa- lovich est partisan du premier mode de faire, comme aussi de celui qui consisterait à obliger les trustsànaître au grand jour, à travailler en pleine lumière, grâce à la publicité de leurs statuts. D'ailleurs, le phénomène de concentration industrielle qui a provoqué la for- mation de ces organismes rencontre des limites sem- blables, dans une certaine mesure, à celles que marque, en agriculture, la loi du rendement moins que propor- tionnel. Le trust s'arrète quand il ne produit plus d'économie de frais, quand il rend indispensable une organisation développée de surveillance et de contrôle, quand il subordonne la direction administrative et industrielle au pouvoir des actionnaires et des capita- listes, quand, enfin, il oppose une unification factice aux conditions variées de la production. Après les trusts américains, auxquels sont consacrés la moitié de l'ouvrage, M. Raffalovich étudie, dans le mème esprit, les cartells allemands. Le cartell est une forme moins avancée que le trust: tandis que le pre- mier est un groupement, une fédération d'entreprises conservant chacune leur autonomie, mais limitant par un acte volontaire et librement consenti leur produc- tion et leur vente, le second est le résultat d’une fusion, d’une amalgamation d'entreprises similaires, qui perdent ainsi tout caractère individuel. Malgré ces différences fondamentales, les deux genres de groupe- ment ont même origine et exercent la même influence fâcheuse sur le commerce international. M. Raffalovich résume encore l’état de la question en Angleterre, où se retrouve la forme trust, et en Autriche, où s’est déve- loppée la forme cartell. Il est regrettable que les syn- dicats de producteurs francais, en particulier le Comp- toir mélallurgique de Longwy, aient été oubliés, et que l'auteur ne leur ait pas consacré un chapitre spécial, où il eût été également intéressant d'exposer les essais de monopolisation, plus ou moins couronnés de succès, qu'ont tentés chez nous les raffineurs de sucre et de pétrole, les fabricants de papier, la compagnie des gla- ceries de Saint-Gobain et les producteurs de différentes substances chimiques, comme la soude, l’iode et le borax. L'ouvrage se termine par quatre appendices consacrés à des documents officiels concernant l’Alle- magne, l'Angleterre et la Russie, ainsi qu'à des rensei- gnements complémentaires sur le trust de l'acier aux Etats-Unis. P. CLERGET, Professeur à l'École de Commerce du Locle (Suisse). Delaunay (H.), Zugénieur des Arts et Manufactures. — Annuaire international des Sociétés savantes (Avec une introduction par M. C. M. GaRiEL). — 4 vol. in-8° de 783 pages. (Prix : 10 fr.) À. Lahure, éditeur, Paris, 1904. Le but de cet ouvrage est de présenter au lecteur un tableau d'ensemble, aussi complet que possible, de toutes les Sociétés savantes qui existent dans les cinq parties du monde. Ces sociétés ont été groupées par villes et par pays, dans l’ordre alphabétique rigoureux. # Pour chacune d'elles, l'auteur donne, pour autant qu'il à pu se les procurer, les renseignements suivants : date de la fondation, objet, siège social, noms des pré- sident et secrétaire, nombre de membres, cotisation, périodicité des séances, publications. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1 © = ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 25 Juillet 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Emile Picard com- munique ses recherches sur une équation fonction- nelle. — M. P. Boutroux étudie les singularités de léquation y = A, + A,y— A.y° + A,y°. — M. A. An- got a reconnu que tous les minima de taches solaires caractérisés par un nombre relatif élevé sont suivis par un maximum également élevé, et inversement. 2° SCIENGES PHYSIQUES. — M. E. Bichat montre que les apparences que l'on observe avec un écran phos- phorescent peuvent être modifiées selon l'état dans lequel se trouvent la source et l'observateur; il est « donc nécessaire de se placer toujours dans des condi- tions définies pour observer l’action des rayons N. — M: J. Becquerel a observé que les sources de rayons N et N, émettent, comme les corps radio-actifs, trois sortes de radiations : des rayons «, des rayons $ et un rayonnement non déviable par le champ magnétique. C'est cette dernière partie qui se réfracte dans un prisme d'aluminium en entraînant, par des effets se- condaires, des rayons & et 8. — M. F.-P. Le Roux étudie les conditions de la contemplation à la chambre noire de surfaces faiblement éclairées par certaines lumières spéciales. — M. R. Jouaust montre que le phénomène de la viscosité magnétique, qui est très in- tense dans les aciers doux industriels, constitue une cause d'erreur dans les méthodes de mesure de l’hys- térésis et de l'induction. — M. E. Mathias a exploré au point de vue magnétique le gouffre de Padirac et a constaté, en passant de la surface du sol au fond du gouffre (100 mètres environ), une augmentation des composantes horizontale et verticale d'environ 1 p. 1.000 de leur valeur. — M. E. Marchand à enregistré le tremblement de terre du 13 juillet dans les Pyrénées centrales. Le séismographe à cône à donné des indi- cations aussi nettes que le séismographe à pendules. — M. A.-B. Chauveau à mesuré la déperdition élec- trique dans l'air, au sommet de la tour Eiffel, pendant Vorage du 24 juillet. Au plus fort de la tourmente, la déperdition positive a été trois fois plus élevée que la négative. — MM. F. Osmond et G. Cartaud montrent que l’incrustation du corps à polir dans le polissage, qui se présente comme un accident, peut fournir une méthode d'investigation. Dans un alliage métallique à plusieurs phases, on peut arriver à polir l’une, tandis que l’autre est incrustée. — M. G. Friedel montre comment l'hypothèse de la structure réticulaire se rattache à la loi d'Haüuy-Bravais. — Sir J. Dewar a constaté que l'emploi des basses températures, com- biné avec la propriété absorbante du charbon de bois, fournit un procédé nouveau pour obtenir des vides d'une grande perfection. On peut aussi, par ce moyen, extraire rapidement l'oxygène de l'air atmosphérique. —M. D. é que l'iodure thalleux sortant de dis- Gernez a observ Solution prend toujours la forme de l'iodure rouge. — M. A. Debierne arrive à la conclusion qu'il n'existe dans la pechblende qu'une seule substance radio-active précipitant par HS en solution acide, et qu'on ne doit pas faire de distinction entre le plomb radio-actif, le radio-tellure et le polonium. — M. L.-A. Hallopeau à constaté que le zinc réduit une partie de l’anhydride tungstique du tungstate acide de sodium en donnant du tungstate tungsto-sodique jaune d'or. L'oxyde de zinc et le tungstate neutre de sodium qui ont pris nais sance réagissent ensuite pour former du tungslate neutre de zinc. — M. J. Cavalier à obtenu un pyro- phosphate acide d'argent en dissolvant à chaud le py- rophosphate neutre dans l'acide phosphorique et pré- cipitant à froid par l’alcool-éther. — M. G. Viard a obtenu au moyen des acides formique, propionique et butyrique, en liqueur suffisamment acide, des verts analogues au vert de Schweinfurt et de constitution A?Cu + 3(As0°}Cu. — MM. Guinchant et Chrétien indiquent les méthodes qu'ils ont employées dans la mesure des chaleurs de formation des sulfures d’anti- moine. — MM. E.-E. Blaise el A. Courtot montrent que l'acide qui se forme dans la décomposition par la chaleur de l'acide 2 : 2-diméthylglutaconique est l'acide pyrotérébique et non l'acide vinyldiméthylacétique. — MM. Ch. Moureu et M. Brachin ont observé que les acétones éthyléniques £-oxyalcoylées et 6-oxyphéno- lées, en réagissant sur l'hydroxylamine et l'hydrazine, fournissent directement non des oximes et des hydra- zones, mais des isoxazols et des pyrazols. — MM. L.- J. Simon et A. Conduché, en faisant réagir l’éther oxalacétique sur les aldéhydes aromatiques en présence de la G-naphtylamine, ont obtenu un produit d’addi- tion équimoléculaire des deux premiers. — M. V. Au- ger a constaté qu'à 200-2502 tous les chlorures d'acides agissent sur les bases tertiaires du type Ar. Az: R,R, en fournissant quantitativement un dérivé acylé d'après: Ar.Az: R,R, + RCOCI= Ar.Az.R,COR + R,CI. — MM. P. Mazé el A. Perrier ont reconnu que la com- bustion respiratoire s'exerce sur la substance vivante elle-même; le CG et l'H ne se détachent de la matière vivante qu'à l’état de CO? ou d'H°0, exceptionnellement à l'état d'acide citrique, oxalique, etc. 3 SCIENCES NATURELLES. — M. J. Meyer a constaté que cerlaines portions du corps humain possèdent la propriété d'émettre continuellement une émission pe- sante. — MM. J. Dogiel et K. Arkhanguelsky mon- trent que l’action du cœur dépend : 1° du nerf pneu- mogastrique; 2° des nerfs du système sympathique ; 3° peut-être aussi du centre vaso-moteur du cerveau; 4° de la différente distribution de la quantité de sang et de sa composition. — M.G. Loisel a extrait des œufs de Tortue et de Poule des substances toxiques analo- gues à celles qu'il a retirées de l'ovaire. — M. C. Phi- salix a reconnu que le venin d'Abeille contient trois principes actifs : une substance phlogogène détruite à 100 ; un poison convulsivant qui ne résiste pas à l’'ébul- lition prolongée ; un poison stupéliant qui n’est com- plètement détruit qu'à 150°. — MM. L. Jammes el H. Mandoul montrent que les sucs de Taenias sont doués de propriétés bactéricides, tandis que ceux d’'As- caris en sont dépourvus. — MM. Vallée et Carré ont constaté que l’anémie du cheval est une maladie con- tagieuse, inoculable, due à un agent du groupe des mi- crobes dits invisibles. — M. G. Quintaret a étudié la disposition générale du système nerveux chez la /?1s- soa elala Var. oblongata. — M. C. Gerber montre qu'on passe insensiblement, en allant de la base au sommet d'un même gynécée à quatre ailes de Lepidium Vil- larsii, du Lype ovaire tétraloculaire au type deux ovaires emboîités, l'ovaire intérieur ayant ses parois formées par les quatre cloisons de l'ovaire létralocu- laire primitif. — M. W. Tichomirow a observé, dans les cellules-sacs géantes de la datte, du kaki, du jujube, de l’anone et du chalef, des inclusions cellulaires déno- tant la présence de tannates, d’un glucoside, de sub- stances albuminoïdes, huileuses et résineuses. — MM. M. Dubard et R. Viguier ont reconnu que la structure définitive du tissu spongieux des tubercules d’'£uphor bia Intisy a pour origine une turgescence du tissu axial et peuts’expliquer par l'intervention de forces centrifuges, 792 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES puis irrégulières. — MM. Bouygues et Perreau ont étudié les moyens de combattre la nielle des feuilles de tabac et recommandent l'emploi de plants sélec- tionnés. — M. M. Guédras à observé une minéralisa- tion en plomb peu intense au pied du filon de barytine de la Chandelette, près Villefort. — M. E. de Martonne a étudié l’évolution de la zone des dépressions subkar- pathiques en Roumanie.— M.de Montessus de Ballore a constaté qu'une chaîne, un continent, un territoire sont très généralement d'autant plus stables, sismique- ment parlant, qu'ils sont plus anciens. — MM. G. et P. Lemoine ont étudié les diverses sources du nord de Madagascar; elles présentent une grande prédominance en soude. Séance du 1 Aout 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. Boutroux présente ses recherches sur les zéros des fonctions entières d'ordre entier. — M. H. Deslandres communique un projet d'organisation générale des recherches solaires et d'enregistrement continu des éléments variables du Soleil. — M. J. Guillaume adresse ses observations du Soleil faites à l'Observatoire de Lyon pendant le pre- mier trimestre de 1904. L'aire totale des taches à diminué de plus de moitié; le nombre et l'étendue des facules sont en augmentation. — M. P. Renard indique une méthode pour la mesure indirecte de la vitesse propre des navires aériens. — M. Edg. Taffoureau montre qu'à l'heure actuelle, quel que soit le poids du moteur par cheval et quel que soit le chiffre représen- tant la qualité de l'hélice considérée par le C!' Renard, sa résistance ne permet pas de soutenir, au moyen d’un hélicoptère, des poids aussi considérables que la seule considération du poids du cheval-vapeur ferait espérer. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Mathias a constaté qu'aux valeurs élevées du coefficient a des diamètres rectilignes (voisines de 1) correspondent des corps dont les températures critiques peuvent différer de plusieurs centaines de degrés. Les très basses valeurs de à ne peuvent être données que par des corps à point critique très bas. — M. C. Chéneveau estime que les résultats dif- férents des siens obtenus par M. van Aubel dans l'étude de l'indice de réfraction des solutions proviennent de ce qu'il n'a pas tenu compte de la densité du dissolvant. — — M.C Camichel présente une forme pratique de l’am- père-mètre thermique à mercure.— M. A. Joannis, en faisant réagir l'ammoniac sec sur le bromure de bore vers — 109, a obtenu de l'imidure de bore Bo?(AzH}s et du bromure d'ammonium. Avec le chlorure phosphoreux, il se forme probablement à — 78° le corps AzH : P.AzH?, qui se décompose plus haut en AzH° et P?(AzH}. — MM. A. Hollard et L. Bertiaux décrivent un procédé de dosage du bismuth par électrolyse. — MM. P. Saba- tier et A. Marlhe, en faisant réagir diverses aldéhydes et cétones sur le chlorure de cyclohexylmagnésium, et décomposant ensuite par l’eau, ont obtenu des alcools CSH'C(OH).RR'. — MM. H. Bierry et Gmo-Salazar ont reconnu que la lactase est un ferment soluble qui existe chez le fœtus bien avant la naissance et qui paraît loca- lisé, chez le chien tout au moins, dans les cellules de la muqueuse intestinale. — M. G. Friedel présente ses conceptions sur Ja structure du milieu cristallin. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. L. Bruntz a constaté l'existence de trois sortes de cellules phagocytaires chez les Amphipodes normaux : 1° les néphrocytes phagocy- taires péricardiaux ; 2° les cellules du réseau capillaire artériel hépatique; 3° les jeunes globules sanguins. — M. F. Ladreyt montre que les urnes du Srpunculus nudus sont des organites détachés du corps de l’animal. Ce ne sont ni des phagocytes, ni des parasites. — M. H. Soulié a trouvé, chez le Psansmodromus algirus, une Hémogrégarine nouvelle, qu'il nomme AH. psam- modromi. — MM. Ch. Eug. Bertrand et F. Cornaille étudient les caractéristiques des traces foliaires tubi- caules ou anachoroptéridiennes. — MM. L. Gentil et P, Lemoine ont constaté que le Callovien existe à la frontière marocaine septentrionale avec deux faciès distincts : l’un, représenté par des schistes à Posidonies, et parallèle au faciès dauphinois; l’autre, représenté par un calcaire à Céphalopodes. — M. H. Hubert a déterminé les roches éruptives rapportées par la Mis- sion Niger Bénoué-Tchad; parmi elles se trouve une rhyolite à aegyrine. — M. Ph. Negris conclut de ses recherches dans les îles grecques que nous assistons aujourd'hui à une trangression de la Méditerranée; la mer s'est élevée de 3 mètres environ depuis l’époque romaine. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 19 Juillet 1904. M. le Président annonce le décès de M. Trasbot, membre dans la Section de Médecine vétérinaire. L'Académie procède à l'élection de deux Correspon- dants étrangers dans la Division de Médecine. MM. R. Ross (de Liverpool)et Weir Mitchell (de Philadelphie) sont élus. M. Hutinel présente un Rapport sur deux Mémoires de M. Bascoul relatifs à l'emploi du brome dans le traitement des angines et de la diphtérie. Ce corps en potion dans l’eau sucrée et en gargarismes lui aurait donné des résultats encourageants. -- MM. A. et L.Im- bert communiquent un cas de carcinose prostato- pelvienne diffuse, à marche aiguë, guérie par la radio- thérapie. Séance du 26 Juillet 1904. M. le Président annonce le décès de M. Gayet, Cor- respondant national. — M. Thomas (de Moulin) est élu Correspondant national. M. J. Lucas-Championnière présente un Rapport sur un Mémoire du D° Marchais relatif au traitement des varices par la marche. Le traitement consiste en un massage préalable, de quinze à trente jours de suite, puis en exercices de marche rapide. Le repos n’est bon 4 Ne CS "= qu'en position horizontale; le repos debout ou la marche … lente sont toujours préjudiciables. L'auteur a obtenu des résultats très favorables. — M. Kelsch communi- que quelques considérations sur la stomatite ulcéro- membraneuse épidémique, envisagée au point de vue de la pathogénie et de la pathologie générale. — MM. F.Raymond et Zimmern ont expérimenté l’action thérapeutique du radium sur plusieurs malades. Ils ont obtenu le retour de la sensibilité chez un hystéro- traumatique avec hémi-anesthésie gauche totale et la disparition complète des phénomènes douloureux chez plusieurs tabétiques. — M. Pierre Janet lit un travail intitulé : La dissociation des souvenirs par l'émotion chez les hystériques. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 9 Juillet 1904. MM. A. Gautier et P. Clausmann : Origines alimen- taires de l’arsenic normal chez l’homme (voir p. 750). — MM. A. Charrin et Le Play ont observé des pseudo- tumeurs et des lésions du squelette chez des animaux à la suite de l'injection d’un champignon parasite de la vigne. — Les mêmes auteurs ont étudié le mécanisme des insuffisances de développement expérimentales. — MM. Ch.-A. François Frank et Hallion décrivent une M expérience qui montre l'unilatéralité des effets moteurs laryngés de chaque récurrent malgré l'apparence d'effet bilatéral à la vue. — M. G. Marinesco a observé dans la moelle des cobayes morts de tétanos des lésions des neuro-fibrilles pouvant atteindre des degrés très avan= cés, lésions dues, tout au moins en grande partie, à l'action du poison tétanique. — M. J. Rehns, par injec- tions de cerveaux de lapin à des chiens sous la peau, a obtenu un immunsérum atoxique. — M° Girard- Mangin et M. V. Henri montrent qu'en chargeant les globules rouges avec des sels précipitant les colloïdes, on augmente l’agglutination des globules par les col- loïes.— M.M.d’Halluina constaté quelessels de chaux ORNE ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES sont absolument nécessaires au bon fonctionnement du cœur isolé. — MM. J.-E. Abelous et H. Ribaut ont reconnu que le sang peut absorber son oxygène alors que ses éléments figurés sont tués par le fluorure. — M. U. Lombroso montre qu'après l’ablation du pancréas chez le chien, il peut se produire une sécrétion de graisse par le tube intestinal, qui se révèle soit parce que la quantité de graisse éliminée est plus forte que la quantité introduite, soit parce que la qualité de la graisse éliminée est différente de celle de la graisse in- troduite. L'ablation du pancréas a donc une action sur les graisses de l'organisme. — M. P. Remlinger à constaté une éosinophilie considérable chez un Arabe porteur de filaire de Médine. — M. G. Loisel a trouvé, dans les glandes génitales d'animaux très divers, des substances toxiques appartenant aux groupes des globu- lines et des alcaloïdes; elles sont plus toxiques dans l'ovaire que dans le testicule. Elles ne sont pas dé- truites par un traitement prolongé à l'alcool et l’éther chauds ou par une chaleur sèche de 55° à 60°, — M. M. Nicloux : Mécanisme d'action du cytoplasma dans la graine en germination (voir p. 750). — M. L. Camus présente un nouvel appareil pour l'étude du cœur isolé. — Le même auteur a constaté que l'œuf qui a cuit dans l’eau change de poids. Il perd de poids si on le retire de l’eau bouillante; il en gagne si on le laisse refroidir dans l’eau. De même, l’œuf plongé quelques instants dans une solution colorée bouillante ne se co- lore qu'extérieurement; la matière colorante traverse la coquille si on le laisse refroidir dans la solution. — MM. M. Doyon et Chenu : Localisation de l’iode chez la tortue d'Afrique (voir p. 750). —M. F. Ramond a ob- servé que l'absorption des graisses par les leucocytes se fait presque uniquement par le macrophage. — M. Ed. Morchoisne indique les précautions indispensables à prendre pour déterminer le rapport azoturique. — MM. Ed. Lesné, J. Noé et Ch. Richet fils montrent que l’hypersulfatation, pas plus que l’hyposulfatation, n'ont d'influence sur la toxicité du séléniate de soude pour l'organisme. — M. F.-J. Bose considère le chancre syphilitique comme une pustule d'inoculation caractérisée par une prolifération de type néoplasique, à la fois épithéliale et conjonctivo-vasculaire, avec mononucléose du sang. — M. F. Terrier rapporte une observation de c\sticerque sous-conjoncetival chez une jeune fille de quinze ans. — MM.J. Nicolas et Dumou- lin ont constaté qu'après la splénectomie, chez le chien, le nombre des hématies diminue fortement pour remonter peu à peu. Le pouvoir colorimétrique du sang et la quantité de fer diminuent aussi rapidement et remontent plus lentement. Séance du 16 Juiliet 1904. M. M. d'Halluin est parvenu à empêcher les trému- lations fibrillaires, qui sont la cause des insuccès dans le massage du cœur, par l'injection intraveineuse de chlorure de potassium en faible quantité. — M.F.Bat- telli n'a pas réussi à reproduire régulièrement chez le lapin la coagulation intravasculaire par injection de sang de lapin laqué. — MM. J. Camus et P. Pagniez montrent que la richesse du muscle en hémoglobine dépend avant tout de l'intégrité du neurone moteur périphérique. — M. Emm. Fauré a étudié la structure du protoplasma chez les Infusoires ciliés. — M. A. Javal montre que, pour avoir des chiffres d’albumi- nurie comparables entre eux au cours du mal de Bright, il faut tenir compte de la diurèse. — MM. F. Widal et A. Javal ont reconnu qu'il n'y a pas lieu d'empêcher les brightiques de manger de la viande, pourvu qu'on en règle la quantité suivant les indica- tions et qu'on surveille la chloruration du régime. — M. P. Portier n'a pu arriver à constater l'action gly- colytique des sucs d'organes pressés, indiquée par Stoklasa. 11 pense que es résultats de cet auteur tiennent à l'envahissement de ses liquides par des bactéries. — MM. J. Courmont et Ch. André décrivent une technique permettant de déceler sur les coupes 193 les substances du groupe de la purine, notamment l'acide urique. A l'aide de cette technique, ils ont constaté, chez la grenouille, que ces corps s'éliminent par les tubes contournés du rein. — M. G. Loisel : Substances toxiques des œufs de Tortue et de Poule (voir p. 791). — M. H. Vaquez a reconnu que, dans la polyglobulie avec cyanose et splénomégalie, le dia- mètre globulaire ne subit aucun accroissement. — M. F. Devé, en inoculant du sable échinococcique dans la trachée du lapin, à obtenu la formation de kystes échinococciques du poumon. — M. L. Malassez poursuit ses recherches sur la notation des objectifs microscopiques. — MM. A. Charrin et Vitry décrivent des faits qui justifient en quelque mesure certaines pratiques consistant à énerver la région où se trouve la porte d'entrée du tétanos. RÉUNION BIOLOGIQUE DE BORDEAUX Séance du 5 Juillet 1904. M. J. Chaïne a reconnu que la gaine de la langue des Pics n'est pas un simple repli de la muqueuse buccale, mais un organe musculaire protractile et rétractile. — Le même auteur signale de nouveaux faits à l'appui de l’origine commune du cératoglosse et de l'hyoglosse droit chez les Oiseaux. — MM. G.. Ferré et C. Sigalas ont constaté, contrairement à M. Gaube, que la moyenne des rotations des sérums normaux est inférieure à celle des rotations observées pour les sérums antidiphtériques. Mais il y aurait lieu de tenir compte des concentrations des sérums. — MM. Ch. Pérez et E. Gendre ont étudié la structure des fibres musculaires du Branchellion. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 9 Juin 1904. MM. F. Darwin et D. F. M. Pertz poursuivent leurs recherches sur la théorie statolithique du géotropisme. Ils montrent que, lorsque la racine primaire d’une plante est enlevée et qu'une racine secondaire prend sa place, les racines tertiaires prennent le caractère de racines secondaires normales. I1se peut donc que l’exis- tence de statolithes dans les racines tertiaires nor- males soit une provision les rendant capables d'assumer une croissance diagéotropique en cas de lésion de la racine primaire. Mais cette conclusion, quoique très probable, ne doit pas impliquer une action adaptative différente en principe de l'adoption bien connue des caractères de la racine primaire par les racines secon- daires. — Mie D. M. Bate décrit un certain nombre de cavernes avec dépôts osseux dont elle à fait l’explora- tion dans l’île de Chypre, au Cap Pyla et aux environs de Kerynia. La faune en est relativement minime; à côté des restes d’éléphant et d’hippopotame nains, on n’a trouvé qu'une forme nouvelle, le Genetta plesic- toides. — Le même auteur a poursuivi ses recherches sur les restes de l’£/ephas cypriotes, trouvés dans les cavernes de Chypre. Il existe une forte ressemblance entre ses dents et celles des formes pygmées maltaise etsicilienne ; mais la compression latérale marquée des défenses chez l’'£Z. cypriotes suffit à le distinguer des autres espèces de la région méditerranéenne, L’£. ey- priotes ne montre aucune affinité avec les espèces afri- caines, mais se rapproche plutôt de l'Z. antiquus et de l'E. meridionalis. — M. E. A. N. Arber a étudié la flore fossile du Gulm du N. O. du Devonshire, et il arrive à la conclusion que ce terrain, considéré par plusieurs zoologistes comme appartenant au Carboni- fère inférieur, est en réalité en grande partie d'âge car- bonifère supérieur. Aussi le terme de «culm» ou « kulm », généralement apppliqué à des dépôts d’Alle- magne, d'Autriche et d'ailleurs appartenant incontes- tablement au Carbonifère inférieur, est-il particuliè- rement malheureux, car ces formations ne sont pas du même àâge que la majorité du Culm du Devonshire. — M. W. K. Spencer étudie la structure et les affinités 7194 ACADÉMIES ET SOCIÈTES SAVANTES du Paleodiseus et de l'Agelacrinus. 1] montre que les Asteroïdea sont les Eleutherozoa les plus primitifs, et que leur structure est beaucoup trop simple pour être dérivée directement d'un Pelmatozoa quelconque. — M. A. D. Waller, dans des recherches sur la relation physique entre le chloroforme et le sang, est arrivé à une conclusion identique à celle de MM. Moore et Roaf, c'est-à-dire que l'absorption de la vapeur de chloroforme est plus forte par le sang que par les solutions salines, et que le sang agit comme un porteur de chloroforme aux tissus, (out comme il est un porteur d'oxygène. Toutefois, l’auteur admet que la combinaison qui a lieu entre le chloroforme et le sang peut s'expliquer par la théorie lipoide. — MM. Robert Muir et Carl H. Brow- ning : Sur les propriétés de combinaison des complc- ments du sérum et sur les complémentoïdes. Les résul- tats obtenus d’après les expériences décrites dans ce Mémoire s'appliquent seulement aux cas expérimentés, c'est-à-dire au corps immunisant pour les corpuscules du bœuf, obtenu avec le lapin et employé avec les com- pléments et les complémentoïdes du lapin et du cochon d'Inde. De nouvelles recherches seront nécessaires afin de déterminer si ces résultats ont une portée générale. 1° On peut démontrer l'existence de complémentoides dans du sérum chauffé par le fait qu'ils empêchent : (a) l'union du complément avec l’anti-complément; (b) l'union du complément avec les molécules G+ C. I. (glo- bule rouge + corps immunisant) après hémolyse ; 20 La quantité “de complémentoïdes dérivés des compléments varie. Chez le lapin, elle est approximativement égale à la quantité originelle des compléments; chezle cochon d'Inde, elle est considérablement moindre que cette quantité ; 3° L'affinité de combinaison des complémen- toides, à la fois pour l’anti-complément et pour les molécules GC. I. après hémolyse, n’est pas très infé- rieure à celle du complément; 4° D'un autre côté, le complémentoïde a une faible affinité pour les molécules GC. TI. avant hémolyse, par exemple, pour les corpus- cules rouges intacts traités par le corps immunisant ; du complémentoïde ajouté, une faible quantité seule- mententre en combinaison; par conséquent, le complé- mentoide n'empêche pas l hémolyse par le complément; 5° Lorsque des corpuscules rouges unis avec des doses multiples de corps immunisant sont hémolysés par une simple dose de complément, le surplus des molécules G+C.I. peut être saturé par un excès de complé- mentoide, de sorte qu'une très faible quantité de com- plément peut être recueillie ultérieurement. Ge résultat est aussi obtenu avec le complémentoïde du lapin et le complément du cochon d'Inde, et avec le complémen- toide du cochon d'Inde et le complément du lapin. — Sir Thomas R. Fraser et M. R. H. Elliot : Contribu- tion à l'étude de Paction des venins des serpents de mer. Les venins employés dans ces recherches ont été ceux de lEnbydrina Valakadien et de l'Enhydris Curtus. Les auteurs ont trouvé que les doses mortelles du venin de lEnbydrina Valakadien sont: pour les rats de 0,000.09 gr. par kilog, pour les lapins de 0,000.06 gr. par kilog, pour les chats de 0,000.2 gr. par kilog de poids du corps. La faiblesse de ces doses indique que le venin du serpent de mer est la plus mortelle de toutes les substances dont le pouvoir léthal a été déterminé. En général, les symptômes de lempoisonnement des änimaux par le serpent de mer ressemblent à ceux produits par le cobra, mais la dyspnée est plus rapide. Voici les résultats géné- raux de ces recherches : 4° Le venin de l'Enhydrina n’a pas d'action directe sur les parois des artérioles, ou du moins n'a aucune action à la dose qui peut être présente dans le sang d’un homme mordu par un serpent de mer; 2 Le venin de l'Enhydrina agit direc- tement sur le ventricule isolé de la grenouille, produi- sant un effet tonique et stimulant; mais cette action n'est produite qu'avec de très fortes solutions (1 : 5.000). Les battements du cœur sont accélérés, et le résultat est, par conséquent, semblable à celui produit par de très faibles solutions du venin du cobra (1 : 1.000.000 ou plus faible) ; 3° En faisant l'expérience avec le cœur d'un mammifère exposé 11 situ, les auteurs ont montré que le venin de l'£Enbydrina n'a pas d'action directe sur le centre vague cardio-inhibitoire. Ceci offre un contraste frappant avec l’action observée dans l’'empoisonnement par le cobra; la complète absence de cardio-inhibition laisse la faible action tonique sur le cœur libre de se manifester ; 4° Le venin de l’Enhydrina n'a apparem- ment aucune action directe sur le centre vaso-moteur : 5° La courbe de la pression sanguine, dans l'empoison_ nement par l’Enhydrina, est remarquablement régu- lière, à condition que l’on donne des doses modérées de . venin et que l’on prenne soin d'éviter linjection de grands volumes de liquide dans les vaisseaux sanguins ; 6° Le mécanisme respiratoire est celui qui est principa- lement affecté par le venin de l'Enhydrina. Si Von emploie de fortes doses mortelles, la respiration baisse rapidement, et une élévation considérable de la pression sanguine, d'origine asphyxique, peut précéder la mort. Les battements du cœur diminuent alors rapidement, et la pression sanguine tombe avec une rapidité corres- pondante. Evidemment, ce sont simplement les phéno- mènes d'une rapide asphyxie. Si, cependant, on emploie de plus faibles doses mortelles, aucune élévation sen- sible dans la pression du sang ne se produit. Le niveau ordinaire est maintenu presque jusqu'au moment de la mort; alors les battements faiblissent et la pression sanguine tombe. C’est l'expression d’une faiblesse car- diaque graduelle, produite par une asphyxie lentement progressive. L? absence, dans l’empoisonnement lent par l'Enhydrina, des fortes élévations asphyxiques de la pression, qui sont si caractéristiques dans la période finale de l'empoisonnement par le Cobra, est facilement expliquée par le fait que le venin de l Enbydr ina n'a pas une action constrictive directe sur les parois des arté= rioles, comme le venin du cobra. Quant à la partie du mécanisme respiratoire qui est affectée par le venin du serpent de mer, la rapidité avec laquelle la respiration est affectée, à la fois lorsque le venin est injecté dans une veine et aussi lorsqu'il est appliqué directement à la moelle allongée, ne laisse aucune raison pour douter que le centre respiratoire est directement attaqué par le venin. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 19 Mar 1904. M. E. Warburg rend compte, d'après les expériences de M. H. Greinacher, des causes de l'effet de Volta. Deux plaques métalliques séparées par du verre, et dont. l’une est recouverte de radio-tellure de Marckwald, se comportent comme les pôles d’une pile galvanique. En les chauffant à 180° dans une enceinte close en présence du pentoxyde de phosphore, on fait à peu près dispa- raitre la force électro-motrice du zinc et du magnésium par rapport au cuivre-radio-tellure, la valeur primitive se rétablissant sensiblement à l'air humide. Il s'ensuit, d'accord avec les expériences de M. J. Brown, que l'effet de Volta est dû aux couches d’eau condensées. — M. F. Regener vient de faire des expériences sur les effets chimiques des rayonnements à petites lon- gueurs d'onde des corps gazeux. Voici les réactions produites par les décharges silencieuses et qu'on excile également au moyen d'un rayonnement ultraviolet pareil : désozonisation à grande teneur d'ozone, dé- doublement de l’ammoniac et du monoxyde d'azote avec augmentation de volume, et de l’oxyde d'azote avec. diminution de volume. Séance du 9 Juin 1904. M. Helmert présente une déduction de la formule de Gauss, exprimant les erreurs d'observation moyen- nes. | Séance du 7 Juillet 1908. M. Branco présente un Mémoire sur le vol des Oiseaux ; il discute les différentes voies par lesquelles les animaux auraient acquis la faculté du vol, émettant sy v'Otste # \ | | ; ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ‘ l'opinion que les oiseaux devraient leur origine non pas seulement aux animaux-parachutes terrestres, mais encore à des variétés aquatiques. ALFRED GRADENWITZ. SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE Séance du 1% Juillet 1904. M. H. Kreusler rend compte d'une inversion de la ligne D, observée dans le spectre solaire. M. Young, dès le 22 septembre 1870, a remarqué une inversion [ » - faible, mais indubitable, de la ligne D,, inversion qui s'est présentée dans la pénombre d’une tache comme ombre grise. Or, c'est le 12 juin de cette année que M. Kreusler, entre midi et deux heures, observant … Je Soleil sur un réflecteur à l’aide d’un spectroscope d'une dispersion équivalente à celle de 9 prismes de 60° au sulfure de carbone et dont la lunette avait un agrandissement octuple, à remarqué la ligne D, comme bande d’un gris mat aux environs des taches solaires examinées. Cel intéressant phénomène a con- tinué jusqu'au lendemain. — M. E. Martiny étudie l'effet des forces magnétiques transversales sur un arc rectiligne à courant continu. Ces expériences ont été suggérées par les déformations qu'on observe dans Parc parlant. Les résultats sont représentés graphi- quement par une série de courbes. ALFRED GRADENWITZ. ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM Séance du 18 Mai 1904 (sure). 20 SCIENCES PHYSIQUES. M. C. A. Lobry de Bruyn présente en son nom et au nom de M. S. Tymstra Le mécanisme de la synthèse de Pacide salieylique. IX° communication sur les dépla- cements intramoléculaires. Il s'agit de la synthèse au moyen de CO* et du phénolate de soude, décou- verte en 1859 par H. Kolbe, qui, plusieurs fois, a été l'objet d'une étude scientifique. Les hypothèses de E. Baumann (1878) et de B. Schmidt (1885). La nouvelle théorie des auteurs. Ensuite M. Lobry de Bruyn présente au nom de M J. J. Blanksma : L'oxydation intramoléculaire d'un groupe SH Jié au benzène par un groupe AzO® en position ortho. Les au- teurs concluent ainsi : Il est possible d’oxyder dans le noyau du benzène un groupe SH en un groupe SO'H avec la collaboration d’une molécule de H?0, le groupe A20° se réduisant en mème temps en AzH®. Cette réaction semble être favorisée par la présence de groupes CH et par la lumière, — Enfin, M. Lobry de Bruyn présente au nom de M. J. M. Dormaar : La trans{ormation de la carvone et de l'eucarvone en carvacrol el sa vitesse. Les trois substances dont il s’agit admettentles formules de constitution et les points d'ébullition : CHF C— CH* C— CH? | Re LIN 0 Û HC CO HC COH NS | (D | | (M) | HE CO HEC CH? —> HC CHA | (HD) | NZ NZ HC CH° CH C ANR | | H3CC——CH HC — C — CH? H°C — C— CH* K H CH° = 2980 + 2360 + 2150 Carvone Carvacrol Eucarvone —M.A.P.N.Franchimont présente au nom deM.F.M. Jaeger : Le benzylphtalimide et le benzylphtal-iso- imide. Le benzylphtalimide C,H,.(CO),.Az{CH..C,H,) se présente en deux modifications : une modification Stable fondant à 115°,5 et à symétrie triclinique pina- koïdale, et une modification instable (obtenue pendant une froide nuit d'hiver) fondant à 115° et à symétrie monoclinique prismatique. Le benzylphtal-iso-imide 795 C,H,.(C0).0.C : Az(CH..C,H,) admet le point de fusion 820,5 et la symétrie monoclinique prismatique. D'après MM. Hoogewerff et van Dorp, l’isomérie de l'imide et l'iso-imide se base sur une différence dans la liaison de l'atome Az et de l'atome O, comme l'indiquent les formules : Co C—A7.CH2:C'HS GR DAz.CIEE, CH el Ce >0 Co Co Benzylphtalimide. Benzylphtal-iso-imide. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. L. Bolk présente au nom de M. A. J. P. van den Broek : Les conduits génitaux de « Phalangista vulpina ». L'auteur trouva chez un individu femelle assez jeune une disposition caractéristique, probablement en rapport avec les phé- nomènes de l'appareil génital propres aux Marsupialia. — M.J. M. van Bemmelen présente au nom de M. Eug. Dubois : La direction et le point de départ du mouve- ment de la glace diluviale aux Pays-Bas. — M. F. A. F. CG. Went présente au nom de M. H. P. Kuyper : Le développement du périthece du « Monascus purpureus Went » et du « Monascus Barkeri Dang ». — M. Th. Place présente au nom de M. J. W. Langelaan : La lorme du myotome du torse. Première communication. La structure segmentaire du torse des Vertébrés à mené à la notion du myotome. La forme en a été déterminée au moyen de deux méthodes principales. La première se base sur l'hypothèse d’une connexion primaire entre muscle et nerf, la seconde se sert de la dissection immédiate. L'auteur à étudié, en suivant la seconde méthode, la construction du myoltome chez le Petromyzon fluviatilis et V'Acanthias vulgaris. Le premier myotome forme un entier; le second paraît être interrompu deux fois. — M. C. A. J. A. Oudemans présente le « Catalogue raisonné des Champignons des Pays-Bas ». — M. H.-J. Hamburger présente « Osmo- ischer Druck und Ionenlehre in den medinischen senschaften » (La pression osmotique et la théorie des ions dans les sciences médicales), tome IT. P. H. Scxoure. ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Séances de Mai et Juin 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. MM. E. Millosevich et E. Bianchi donnent les résultats de leurs observations sur la nouvelle comète Brooks 1904 3. — M. E. Cesaro transmet deux Notes sur les fondements de la Géométrie intrinsèque non euclidienne, et sur la même géomé- trie des espaces à courbure constante. M. A. Capelli s'occupe, dans une note complémentaire, des relations algébriques qui existent entre les fonc- tions téta d’une variable, et du théorème d'addition., — M. S. Pincherle montre, d'une facon élémentaire, le lien étroit qui existe entre la conception de série som- mable de Borel etcelle de développement asymptotique due à Poincaré. — M. M. de Franchis s'est proposé d'établir quels sont les plans doubles doués de deux ou de plusieurs intégrales de différentielles totales de première espèce. — M. L. Berzolari s'occupe d'établir en combien de manières deux pyramides (de 14 1{som- mets), appartenant à un espace S’ à n dimensions, peuvent être homologiques; il démontre que, sin >3, deux de ces pyramides qui n'ont ni sommets ni arêtes en commun peuvent être homologiques d’une manière seulement. — M. H. Barbieri s'occupe de rechercher s’il existe des surfaces représentables sur d’autres sur- faces d’une manière conforme-conjuguée. — M. E. Bortolotti expose quelques théorèmes de calcul infini- taire. — M. V. Reina ajoute, à ses précédents travaux sur la nivellation le long du méridien de Rome, les déterminations astronomiques de latitude exécutées à Venise, à Donada et à Comacchio, en 1903. — M. L. de Marchi étudie la théorie mathématique de la circula- tion atmosphérique, et donne la solution analytique du 796 problème pour chaque région de l'atmosphère, pour la couche d'air touchant la Terre. 2 ScEnces Paysiques. — Les deux hypothèses données pour expliquer la production d'énergie par les corpsradio-actifs, par une transformation de l'atome ou par l’utilisation d'une énergie qui se propage partout, donnent l'occasion à M. Bonacini de décrire quelques expériences sur l’existence d'une énergie radiante inconnue. — Depuis quelque temps, M. L. Magri à entrepris une étude sur la réfraction des gaz en relation avec leur densité, et il décrit les résultats obtenus en opérant avec l'air. Ces résultats montrent que l'indice de réfraction de l'air sous pression s'accroît plus rapi- dement qu'il résulterait de la formule empirique = — const, tandis que la formule de Lorentz (6 er : paraît plus exacte. — M. C. Chistoni a eu B+i d l'occasion d'examiner les traces de radio-activité par induction produites par un coup de foudre. — MM. A. Pochettino et A. Sella ont fait des recherches sur la conductibilité de lair contenu dans des récipients fermés. Ces expériences montrent que la dispersion augmente au commencement, arrive à Un maximum au bout d'un ou deux jours, et reprend ensuite sa valeur normale ; ce que l’on pourrait expliquer en supposant que l'air apporte avec soi une émanation radio-active qui agit sur les parois du récipient. — A l’aide d'appareils qu'il a construits, M. D. Pacini a exécuté de nombreuses recherches sur l'électrisation qui se manifeste dans l'eau, à laquelle on ajoute diverses substances colo- rantes, lorsque l’on fait barboter de l'air dans cette eau. _—_ M. E. Salvioni communique les conclusions aux- quelles il est parvenu en étudiant, avec beaucoup de constance et peu de fortune, les rayons AN de Blondlot. Les recherches, exécutées avec un soin scrupuleux et de différentes manières, ont donné des résultats incer- tains ; M. Salvioni croit que ces observations exigentdes conditions particulières de sensibilité, qui non seule- ment diffèrent pour chaque individu, mais se montrent très variables chez une même personne.—- MM. A. Bat- telli et F. Maccarone ont imaginé une disposition pour établir si les émanations radio-actives sont élec- trisées; mais ils ont reconnu de différentes manières que ces émanations ne présentent aucune trace de charge électrique. — M. F. Eredia trace des normes pour la prévision des innondations de fleuves en Sicile, à l’aide des observations pluviométriques. — MM.R. Nasini et F. Anderlini ont cherché à vérilier s'il était possible d'obtenir la combinaison directe de l'oxygène avec l'azote, à l’aide de la chaleur seulement ; les expé- riences, exécutées au four électrique, ont donné des résultats négatifs; en outre, la température du four ne peut produire l'absorption de l'argon parle magnésium que dans une très faible mesure. — MM. G. Bruniel A. Callegari s'occupent de la congélation des solutions dans les solvants dimorphes, et des particularités que présente la marche du phénomène. — MM. Bruni el Callegari étudient encore les solutions solides entre nitro et nitrosodérivés, et s'occupent, en outre, de la configuration des stéréoisomères maleiques et fumari- ques, et des composés acétyléniques correspondants. — MM. G. Plancher et O. Carrasco décrivent l’action du chloroforme sur l'a-B-diméthylindol et sur la trans- formation du pyrrol en pyridine. — M. M. Padoa : Sur les équilibres entre le camphre et le bromocamphre.— M. E. Mameli décrit la préparation et les propriétés de l'éther méthylpipéronique qu'il a réussi à préparer. — M. G. Gallo indique une méthode qui permet de déter- miner le tellure par voie électrolytique, en obtenant un dépôt adhérent résistant au lavage, et qui ne s'altère pas. 30 SCIENCES NATUREI LES. — M. G. Capellini à examiné et étudié les restes fossiles d’une Balaenoptera de Bor- bolya en Hongrie, et il communique le résumé de ses observations. — M. E. Clerici décrit un appareil très ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES simple qu'il a imaginé et qui permet d'exécuter la sé= paration mécanique des minéraux avec une faible quantité de liquides pesants. — M. S. di Franco à trouvé, dans le» cavités des prismes basaltiques de Aci- Castello (Acireale), de très beaux cristaux de gmelinite, dont il donne la description et les dessins. — M. A. Mosso, poursuivant la description des expériences exécutées par lui sur le Mont-Rose, montre qu'à une grande altitude l'organisme devient moins sensible à l'anhydride carbonique inspiré, et donne des détails sur les changements qui se produisent dans la respira= lion à cause de la raréfaction de l'air, comme l'arrêt de la respiration, les effets sur cette dernière de l’oxy= gène pur et des mélanges d'oxygène et d'anhydride car- bonique, les effets de la forte dépression barométrique qui ne peuvent s'expliquer par la tension affaiblie de l'oxygène. — MM. B. Grassi et L. Munaron, conti- nuant leurs recherches sur la cause du goitre et d crétinisme, n'ont réussi à obtenir aucun effet en don nant aux animaux de l’eau que l’on pouvait croire ca= pable de faire développer le goitre; la contagion trans- mise par les ordures, par le fumier, etc., paraïliait plus probable. On à observé, en outre, que pour le chien, comme on le sait déjà pour l’homme, il y a un étroit rap- port entre le goitre et le crétinisme. — M. A. Aggaz- zotti a emporté des cobayes à la cabane Margherita, sur le sommet du Mont-Rose, à 4.560 mètres d'altitude, pour étudier les échanges respiratoires des animaux; il a reconnu qu'il se produit une légère augmentation, par l'effet de l'air raréfié, dans l'élimination de l'acide carbonique, tandis que l'oxygène absorbé reste le même. Dans ces phénomènes, on observe de fortes dif- férences individuelles, et l'on remarque que le séjour dans l'air raréfié fait augmenter en poids les animaux. M. Aggazzotti a encore tâché de connaître les change=. mens qui se produisent, par suite de la diminution de la pression barométrique, dans la composition de l'air de réserve qui reste dans les alvéoles pulmonaires. —n M.S. Baglioni, ayant étudié l’action de l'oxygène sur u la moelle isolée, décrit de nombreuses expériences qui permettent d'établir, avec toute certitude, que les son SRE At tres nerveux de la moelle allongée, non seulement sont capables d'utiliser, pour prolonger leur vie et leurs fonctions, l'oxygène gazeux moléculaire à haute pres sion, mais aussi l'oxygène donné par des moyens chi- miques oxydants, comme celui de l’eau oxygénée. — M. F. Soprana décrit la dégénérescence graisseuse des fibres musculaires du cœur, lorsque l'on pratique la section bilatérale des nerfs vagues, et insiste sur l’im= portance, au point de vue physiologique et pathologi= que, de cette dégénérescence. — M. B. Gosio à continué des recherches faites déjà par lui sur l'action des mi- cro-organismes sur les sels de tellure, examinant cette: action pour les sels de sélénium; et il a reconnu que cette action est bien définie, de manière que la bio= réaction du sélénium peut être considérée comme « 1% indice de la vie bactérienne » qui se révèle par des colorations bien marquées. — M. C. Acqua a trouvé que le Srreptococcus du Bombyx n'a aucune action directe sur la production de la flaccidité des vers à soie; et que, probablement, il ne s’agit pas dans cett maladie d'une espèce autonome, mais d'un cas d'adap= tation du coccus commun de l’urée qui se modifie dans l'intestin du ver. — Le blé attaqué par le Peronocpor (Sclerospora macrospora Sacc.) a été se de ï dé : ‘ Vient à se Cuboni, qui rapporte ses observations, el la maladie peut se répandre lorsque le bl: trouver, même pour très peu de temps, en contact avec l’eau. À Dans ses dernières élections, l'Académie a nomm associés étrangers MM. P. Appel et M. Læœwy, de l'Ins= tilut de France. ERNES1O Mancini. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 45° ANNÉE N° 17 15 SEPTEMBRE 1904 Revue générale S -SCICHCeS pures el appliquées DIRECTEUR : 29 Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE S 1. — Physique du Globe Les Saints de glace. — Existe-t-il réellement des saints de glace les 11, 42 et 13 mai? Et, le cas échéant, faut-il en reporter l’origine à ce fait astro- nomique que la Terre rencontre un essaim de corpus- cules qui viennent d'être refroidis dans les espaces lointains avant de s'approcher de leur périhélie? La bibliographie de celte question serait assez longue et il faudrait recourir aux travaux du D° Müttrich, de MM. von Bezold, V. Kremser, Plantamour, Gautier, Duai- me‘, etc. pour les études locales. Si, en divers lieux, on peut trouver assez souvent, même pendant plusieurs années consécutives, des abaissements anormaux de la température à cette époque, il se trouve d’autres périodes, au contraire, qui se signalent par une éléva- tion tout aussi anormale de la température; et, en plus et en moins, sur une cinquantaine d'années, ces écarts se compensent presque complètement, de sorte que Pépoque où l’on place les saints de glace ne paraît pas être confirmée. Dans cette forme, cependant, les résultats ne sont pas concluants, car le fait d'envisager des températures muyennes ne permet pas de bien mettre en relief le rôle attribué par l'opinion publique aux saints de glace ; parfois, en effet, les retours du froid se manifestent bien par un abaissement général de la température. Mais, d'autre part, l'effet nuisible sur la végétation nest souvent produit que par des gelées tardives. Or, la gelée du matin n'arrive guère que par un temps clair, et celui-ci peut amener ensuite une température assez élevée au milieu du jour suivant, de sorte que la température moyenne de ce jour atteindra un chiffre assez élevé : la température moyenne pourra done ne pas signifier grand’ chose, et mieux vaut, en ce qui | concerne les saints de glace, envisager la question à un tout autre point de vue, en prenant pour base les témpéraltures minima, soit des jours présumés cri- Jours qui les précèdent ou les suivent PE Ë (tiques, soit des {immédiatement. Déjà l'origine astronomique des saints de glace ne à Voir notamment Archives des Sciences Physiques et Naturelles, tomes XIX et XV. REVUEG ÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. correspond plus si bien à ce nouveau point de vue, qu a servi à diriger les plus récentes étudesde la question. Dans cette voie, les abaissements du minima de mai paraissent encore très irréguliers, pas plus souvent aux saints de glace qu'aux autres jours, et le minimum moyen semble bien croître régulièrement du commen- cement à la fin de mai. : Sans être extrèmement étendues, les observations commencent cependant à être assez comparables pour pouvoir conclure. Encore des saints qui s'en vont? à moins que l'anneau des corpuscules, lui-mème, ne se dissémine ? L'insolation en Allemagne. — L'intérèt que présentent les relevés journaliers des heures de soleil a été maintes fois mis en évidence, notamment au point de vue des questions d'hygiène et de certaines études agronomiques, et, cependant, on ne possède jusqu'ici que des données fort éparses, alors que toute station agronomique importante devrait être munie d'un hélio- graphe, que l'élément de l'insolation devrait préoc- cuper hautement les organisateurs d'établissements anti-tuberculeux, etc. Si les données y sont encore incomplètes, le pays le plus favorisé actuellement est l'Allemagne, qui possède, disséminées sur tout l'empire (sauf en Bavière), trente- neuf stations munies d'un héliographe Campbell. Ce fait a donné au D' Aug. Eichhorn l'idée de grouper toutes les observations pour esquisser des cartes d'isohéliest, Bien entendu, l'intensité de l'insolation est fortement influencée par les causes locales et par la situation topo- graphique de la station ?; mais on observe qu'elle décroit généralement quand la latitude augmente, tandis qu'elle croît de l'ouest à l'est: le long des côtes, plus d'heures de soleil que dans l’intérieur du continent: en hiver, à cause des brouillards bas, plus grande fréquence sur les sommets des montagnes : pénurie de soleil pour les centres industriels, les fumées et parti- cules charbonneuses répandues dans l'air facilitant l'extinction des rayons, etc. ‘ Entwurf einer Sonnenscheindauer-Karte für Deuts- chland : Petermanns Mitteilungen, 1903. ? V. A. Lancaster : An». de l'Obsverv. de Belgique, 1899, 17 198 En somme, le travail du D" Eichhorn n'est qu'un essai : mais cette première tentative est digne d'éloges et mérite surtout d'être développée et généralisée. $ 2. — Art de l'Ingénieur L'isochronisme des chronomètres. — On se figurerait à tort qu'un spiral théorique, c'est-à-dire à développement concentrique, réalise l’isochronisme pratique. Tout d’abord la pratique des fabriques, qui se borne d'ordinaire, pour les spiraux plats, à une courbe extérieure théorique, ne le réalise que très imparfaite- ment. Suivant la position du point mobile par rap- port au point fixe, on se trouve en présence de 10 à 15 secondes d’anisochronisme dans l’un ou l’autre sens, suivant l'avance ou le retard des petits arcs, et là est une cause grave d’anisochronisme. Il y a ensuite l’'échappement : Ed. Philipps, E. Cas- pari ont démontré que, soit au spiral théorique, soit au spiral non théorique, et dans ce dernier type il faut ranger le spiral plat sans courbe, le frottement constant n'affecte pas l’isochronisme. Mais il faut l'entendre d’un spiral et d’un balancier considérés comme couple, et abstraction faite de tout échappement, ce qui permet de dire à priori que le développement concentrique ne réalise pas plus l’isochronisme pratique que le réglage des positions verticales. Il est résulté de cette confusion une défaveur pour les courbes Philipps, rigoureusement théoriques cependant; comme autre part, l'exception ici prouve la règle, et c'est déjà beaucoup de savoir con- struire une courbe théorique, de savoir quand on à affaire ou non à un spiral théorique. A vrai dire, le frottement n'affecte pas directement l'isochronisme, mais il l’affecte indirectement par la perte d'amplitude et l'augmentation de l'effort de déga- gement : c’est ce que l’on ne doit jamais perdre de vue en réglage pratique. Une cause importante d'immobilisation du réglage — c'est encore de l'isochronisme pratique — réside dans l'emploi de spiraux à courbe extérieure sans courbe intérieure théorique. Ici la position du point d’encas- trement mobile, le point d'attache en virole, règne en souverain, et, circonstance fâcheuse, plus d’un régleur ignore les effets sur l'isochronisme du point d'attache en virole, effets ficheux qui nese limitent point à l'iso- chronisme : alors, on tàtonne. En réalité, si la théorie de la courbe intérieure théo- rique n’est point encore faite, celle-ci est cependant indispensable, et il n’est point de réglage complet pos- sible avec la méthode du point d'attache : aussi E. An- toine, de Besançon, termine-t-il une intéressante étude * sur l'isochronisme pratique par les deux conclusions suivantes : Les constructeurs d’échappements devront redoubler de zèle pour ne donner que des échappements en puis- sance de réglage ; Les régleurs devront aborder résolument la courbe théorique intérieure. $ 3. — Physique Sur les cohéreurs à oxyde chaud. — Il ya deux ans, M. M. Hornemann signalait le fait qu'une couche d'oxyde interposée entre les parties d'un con- tact métallique se touchant donne à ce dernier une sensibilité remarquable, non pas seulement aux ondes de courant qui le traversent, mais également aux oscillations électriques agissant de loin sur le contact, qui se met à exécuter des oscillations mécaniques, susceptibles d'être entendues au moyen du téléphone. Ces recherches, publiées dans le tome VIT des Anna- len der Physik, viennent d'être reprises, et c'est dans le tome XIV de cette même publicalion que nous trouvons le compte rendu de quelques récentes expé- 1 Bulletin chronométrique de Besançon, t. XV, 2° partie Mémoires), 1904. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE riences se rapportant à l'effet de contact aux tempéra= tures élevées. Alors que les couches d'oxyde chauffées n’exercent pas d'effet beaucoup plus intense dans le cas où les parties en contact sont d'un même métal, l'on constate un effet notablement plus intense lorsqu'on : emploie des métaux différents. L'auteur obtient des résultats intéressants en étu- diant, au moyen d'un galvanomètre, l'action des radia- tions électriques sur un cohéreur plomb-cuivre (à couche d'oxyde interposée). Ce cohéreur, tout en se comportant en général comme un anti-cohéreur, ana- logue à une plaque de Schäfer (qui se décohère sponta- nément), a fonctionné dans certaines conditions comme un tube de Branly, ne se décohérant qu'en étant frappé. Dans le cas où l’on se sert d’un téléphone au lieu d'un galvanomètre, l'intensité acoustique aug- mente rapidement et fortement lorsqu'on chauffe ie contact. Ces phénomènes ne s'expliquent guère au moyen de l'hypothèse d'une modification de la résistance; il pa- rait, au contraire, qu'il faut tenir compte aussi d'une variation de la force électromotrice du courant thermique. $S 4. — Electricité industrielle L'accumulateur Edison. — À la récente réu- nion de la Société d'Electricité de New-York, tenue le 27 avril, M. R. E. Fliess' a donné une conférence sur l’accumulateur Edison. L'auteur a été lui-même pen- dant longtemps le collaborateur de l'expérimentateur américain. Comme il le fait ressortir, il a fallu le labeur assidu de bien des années pour assurer les qualités remarquables que présente l'accumulateur Edison dans son état actuel ; des expériences spéciales ont été nécessaires pour étudier, par exemple, la forme et la composition de la matière isolante séparant les pla- ques, la forme et la position des électrodes, et bien d’autres détails de construction. Quant à la composition de la matièreactive, et à la disposition des poches conte- nant cette dernière, M. Edison a dû faire un nombre presque infini d'expériences individuelles. Les perfec- tionnements graduels apportés à la fabrication de l'ac- cumulateur sont illustrés par une série de courbes projetées sur un écran; en effet, dans chacune des périodes successives, la capacité, la différence de poten- tiel et la durée des piles secondaires ont été accrues. Les courbes montrant l’action dans la décharge ont été fort remarquées : il en résulte que la pile secon- daire Edison peut se décharger à différentes reprises sans qu'il se produise une perte appréciable de lan capacité en ampère-heures. Il en ressort également qu'on peut se servir d'un courant de charge fort intense sans nuire aux plaques. Des secausses répé- tées ainsi qu'un traitement maladroit permanent se sont également montrées sans effet. $ 5. L'existence du Jurassique supérieur et de l'Infracrétacé en Grèce. — Au cours de deux campagnes qu'il a faitesen Orient avec M. Ardaillon, M. L. Cayeux a rapporté de très intéressantes observations sur la géologie des environs de Nauplie, lesquelles lui ont permis de mettre en évidence une série de fait nouveaux d’une grande importance. Voici, d'ailleurs les conclusions du Mémoire qu'ila récemment présenté, à ce sujet, à la Société géologique de France* : . 1° Malgré l'extrême rareté des fossiles dans les for=. mations antétertiaires de la Grèce continentale, om peut distinguer aux environs de Nauplie les éléments des trois faunes différentes : — Géologie # 1 Electrical Review (N. Y.), n° 20, 14 mai 1904. 3 Bull. de la Soc. gcol. de France, 4 sér., t. (1904). IV, p. 81 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 799 Une faune kimméridienne découverte par Boblaye, … attribuée par Deshayes au Rauracien : Une faune hauterivienne à Céphalopodes (niveau J); —. Une faune probablement barrémienne, à facies urgo- … nien (niveau B). m Le Crétacé inférieur existe donc aux environs de — Nauplie et il embrasse une série de dépôts dont l'épais- — seur totale est de 800 à 1.000 mètres, bien que la for- mation soit vraisemblablement incomplète, aussi bien à “la base qu'au sommet. Les couches à Céphalopodes … u'occupent qu'une petite place dans ce terrain, qui est æssentiellement formé de calcaires compacts, les uns “d'origine pélagique, les autres construits à Rudistes et à Nérinées (Barrémien). L'existence de forma- tions coralligènes dans l’'Infracrétacé de l’Argolide est attestée par des calcaires bréchoïdes à Polypiers du “niveau I. Quant aux sédiments franchement détri- tiques, ils attirent l'attention plus qu'il ne convient parce qu'ils déterminent une grande coupure dans la grande masse calcaire ; ils ne représentent, en somme, “qu un épisode très court dans l’histoire de ce terrain : 2° La succession des faunes observées se fait suivant un ordre renversé, avec le Kimméridien au -sommet de la série, et l'Urgonien à la base. Il est pro- bable que toute la série étudiée fait partie d'un syn- elinal renversé vers l’ouest. L'anticlinal supposé par Boblaye entre les citadelles de Palamede et d’Itschkaleh, et figuré avec doute par M. Philippson, n'existe pas; la série des terrains est continue, sans la répétition symétrique des mêmes horizons que Boblaye a indiquée, sur son prolil, et que M. Philippson à admise implicitement en dessinant un anticlinal renversé ; 3° La coupe de Nauplie fournit également d’intéres- sants documents sur les phénomènes éruptifs de la région. Elle met en évidence l'existence de plusieurs venues de serpentine, ou plutôt de roches ayant fourni de la serpentine par altération : l'une, qui est proba- blement jurassique, est représentée par les galets de serpentine du conglomérat à Nérinées et à Diceras, et peut-être par les grains de serpentine des niveaux D, et C,, compris entre les faunes hauterivienne et urgo- nienne; l'autre par le filon serpentineux qui entame les calcaires urgoniens de Nauplie, et dont on peut dire seulement qu'elle est au moins infracrétacée. Quant aux débris de porphyrite du conglomérat D,, on ne peut leur assigner qu'une seule limite d'âge ; il est clair que la roche éruptive dont ils dérivent appartient tout au plus au Crétacé inférieur. Ce groupe infracrétacé, considéré en bloc et au point de vue lithologique, présente des caractères qui lui créent une place à part dans l’Argolide et qui en font un système à physionomie particulière, reconnaissable à première vue. On ne saurait trop admirer la sagacité de Boblaye qui, en 1833, a reconnu ce groupe sans le secours de fossiles et l’a isolé de tous les autres terrains de l’Ar- golide, sous le nom de Série des calcaires Lithogra- pliques. Ce système, qui n'avait, pour Boblaye, qu'une valeur purement lithologique, correspond rigoureuse- ment à l'Infracrétacé des environs de Nauplie. Le Crétacé inférieur des environs de Nauplie était le Seul connu de toute la Méditerranée orientale au mo- ment où M. Cayeux l'a signalé’. On sait, depuis les recherches de M. Deprat, qu'il est représenté par le Barrémien en Eubée®, Il serait prématuré de recher- cher dès maintenant les analogies ou différences qu'il peut présenter avec celui d’autres régions. Pourtant M. Cayeux note l'analogie extrêmement frappante que présente une partie de l’Infracrétacé de l’Argolide avec celui du Tyrol méridional, dont M. Haug à publié une “excellente étude en 1887. ! L. Cayeux : Existence du Crétacé inférieur en Argolide (Grèce). C. R. Ac. Sc., vol. CXXXVI (1903), pp. 165-166. 2 J. Derrar : Note préliminaire sur la géologie de l'ile d'Eubée. Bull. Soc. G. F. (4e), LIT, 1903, p. 237. | er $ 6. — Sciences médicales Un moyen médical de combattre la tuber- culose. — M. le Professeur Grancher, dont on sait la haute compétence en matière de tuberculose, vient d'attirer de nouveau l'attention du corps médical sur l'importance du diagnostic précoce de la tuberculose pulmonaire ‘. Après avoir montré les bons résultats des mesures hygiéniques appliquées en Angleterre, qui ont fait baisser de 40 0/, le taux de cette maladie, il à déclaré que l’on devait faire mieux, et il a montré qu'en effet, contrairement à l'opinion de Laënnec, acceptée encore par la majorité des médecins, on peut diagnostiquer les tubercules isolés, c’est-à-dire dépister la tuberculose quand elle est encore curable. A ce moment, l'examen des crachats est le plus sou- vent négatif, la radiographie est insuffisante, le séro- diagnostic est douteux et la tuberculine est dange- reuse. Mais l’auscultation suffit. 11 faut toutefois, pour découvrir les lésions, même minimes, des poumons, aus- culter attentivement, et dans le silence le plus complet possible, les inspirations seules qui sont « fonctions des lobules pulmonaires ». Si l'on trouve que, d'un côté, l'inspiration est diminuée, qu'elle est rude ou faible, c'est suffisant; l’on a affaire à un sujet douteux. Il faut aussitôt instituer le traitement, car la tubercu- lose est alors encore curable par le repos, l’aération et la suralimentation. On comprend les conséquences pratiques de ces conseils du maître, car un grand pas sera fait le jour où l’on ne se contentera plus de soi- gner les tuberculeux, mais où l'on s'appliquera systé- matiquement à dépister la tuberculose autour d'eux : et ce sera un moyen plus efficace que la déclaration obligatoire et l'isolement, qui seront d'ailleurs diflici- lement obtenus dans notre pays. L’anémie des mineurs. — Dans une séance récente de l’Académie de Médecine, M. le D' Fabre, de Commentry, avait fait une longue communication ten- tant à prouver que l'ankylostome duodénal était Ja seule cause de l'anémie des mineurs. Dans une des séances suivantes, M. Manouvriez, de Valen- ciennes, s'est attaché à démontrer que, si ce parasite constitue bien la cause réelle de la maladie connue sous ce nom, il n’est peut-être pas toujours seul res- ponsable des accidents observés. D'après l’auteur, | An- guillula intestinalis et le Pseudo-rhabditis stercoralis s'associeraient souvent à lui, car on retrouve leurs œufs etleurs larves dans les selles de la plupart des malades : le premier de ces Nématodes semblerait même pouvoir exercer une action pathogène spéciale, se manifestant par une forme diarrhéique de la maladie, qui rap- pelle la diarrhée de Cochinchine. Dans un cas même, M. Manouvriez n'a pu constater dans les selles que des larves de Pseudo-rhabditis, en l'absence de tout anky- lostome. L'auteur profite de l’occasion pour rappeler que le mode normal d'accès de la larve dans le corps de l'homme est représenté par la voie digestive : cependant, la pénétration peut, d'après lui, se faire aussi par la voie cutanée, soit à la faveur des orifices pileux, soit par véritable effraction à travers l'épiderme, les larves d’ankylostomes étant parfois enkystées dans une sorte de fuseau siliceux à pointes aiguës. C’est üne notion pathogénique nouvelle, qui pourrait peut-être expli- quer, dans une certaine mesure, l'absence momentanée de larves dans les selles de malades pourtant profondé- ment atteints. $ 7. — Enseignement La réforme des agrégations de l'Enseigne- ment secondaire. — Le Ministre de l'Instruction publique vient de publier l'arrêté modifiant les con- 4 Sociélé de l’Internat des Hôp., 23 juin 1904. 800 cours des agrégations de l'Enseignement secondaire. Tout candidat au titre d'agrégé devra faire un stage dans un lycée et subir les épreuves du concours dans les conditions fixées de la facon suivante pour chaque ordre d’agrégation : AGRÉGATION DE MATHÉMATIQUES. — Conditions préa- lables : 4° Trois certificats de licence : Calcul diffé- rentiel et intégral, Mécanique rationnelle, Physique générale ; 20 Diplôme d'études supérieures de Mathématiques. Epreuves préparatoires : Deux compositions (pro- blèmes), l'une sur le Calcul différentiel et intégral, l'autre sur la Mécanique. — Durée de chaque compo- silion : sept heures. Deux compositions (problèmes) sur les matières du programme des lycées, l'une sur les Mathématiques spéciales, l’autre sur les Mathématiques élémentaires. L'une de ces compositions au moins comporte une application numérique. — Durée de chacune : sept heures. Epreuves définitives : descriptive ; b) Un calcul numérique. La durée de chacune de ces épreuves est fixée par le Jury; c) Une lecon de Mathématiques spéciales après quatre heures de préparation surveillée; d) Une lecon sur un sujet liré des programmes des classes de seconde, de première (sections C et D) et de mathématiques, après quatre heures de préparation surveillée. Les parties des programmes d'où sera tiré le sujet de cette leçon sont indiquées un an à l'avance. a) Une épreuve de Géométrie AGRÉGATION DES SCIENCES PHYSIQUES. — Conditions préalables : 1° Trois certificats de licence : Physique générale, Chimie générale, Mécanique rationnelle ou Mathématiques générales; 2 Diplème d'études supérieures de Sciences phy- siques. Epreuves préparatoires : Une composition de Phy- sique avec applications; Une composition de Chimie; Une composition de Physique sur le programme des lycées. Durée de chaque composition : 7 heures. Epreuves définitives : a) Dresser le programme des opérations à effectuer pour une leçon de lycée indi- quée par le jury et les effectuer; b; Faire une manipulation de Chimie comportant l'analyse d’un mélange de sels et un exercice pratique sur le montage d'un appareil ; e) Une lecon de Physique (avec expériences); d) Une lecon de Chimie (avec expériences), chacune d'après le programme des lycées, et après quatre heures de préparation surveillée dans un labo- ratoire; les livres et documents demandés par le can- didat seront, autant que possible, mis à sa disposition. Un préparateur sera mis à la disposition du candidat. AGRÉGATION DES SCIENCES NATURELLES. — Conditions préalables : 4° Trois certificats de licence : Zoologie ou Physiologie générale, Botanique, Géologie; 2 Certificat de Physique générale ou de Chimie gé- nérale, ou, à défaut, certificat constatant que le candi- dat a subi avec succès les épreuves de Physique et de Chimie comprises dans le programme du certiticat d'études physiques, chimiques et naturelles; 3° Diplôme d’études supérieures de Sciences natu- relles. Epreuves préparatoires : Une composition sur un programme déterminé un an à l'avance et se rappor- tant à des questions de Physiologie générale, d’Anato- nie comparée, de Paléontologie, elc.; Deux compositions d'après le programme des lycées; Les sujets de ces trois compositions seront choisis de manière que chacune des divisions des sciences CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE naturelles : Zoologie ou Physiologie, Botanique, Géolo— gie, y soient représentées. ; Durée de chaque composition : 7 heures. Epreuves délinitives : a) Choisir, disposer ou prépa- rer les objets destinés à l'illustration d’une lecon de, lycée indiquée par le jury; b) Préparer et déterminer un certain nombre d’échan- tillons propres à entrer dans une collection d’enseigne= ment de lycée; ec) Une lecon sur un sujet tiré du programme des lycées (1° cycle); | d) Une lecon sur un sujet tiré du programme des lycées (2° cycle). 4 Chaque lecon sera faite après quatre heures de pré- paration surveillée dans un laboratoire; les livres et documents demandés par le candidat, seront, autant que possible, mis à sa disposition. 4 Un aide sera mis à la disposition du candidat. Les différents programmes prévus dans cet arrêté seront fixés par le ministre, sur la proposition des jurys d'agrégation et après avis de la section permanente du Conseil supérieur de l’Instruction publique. Les candidats à l'agrégation, pourvus du grade de docteur ès sciences correspondant à l'agrégation à laquelle ils se présentent, sont dispensés du diplômes d'études supérieures. (A Ces dispositions ne seront applicables qu'à partir des l’année 1907. + Personnel universitaire. — M. Mangin, docteur. ès sciences, professeur agrégé des Sciences naturelles\ au lycée Louis-le-Grand, est nommé Professeur de la” chaire de Botanique (Classification et familles naturelles, des Cryptogames) au Muséum d'Histoire naturelle des, Paris. # M. Roger, agrégé des Facultés de Médecine, est nommé professeur de Pathologie expérimentale eb comparée à la Faculté de Médecine de Paris. É M. Curie, docteur ès sciences, chargé d'un course complémentaire de Physique à la Faculté des Sciences de Paris, est nommé professeur de Physique à la dite Faculté. | M. Tannery, docteur ès sciences, est nommé pro= fesseur de Calcul différentiel et intégral à la Facultés des Sciences de Paris. M. Houssay, docteur ès sciences, est nommé pro fesseur de Zoologie à la Faculté des Sciences de Paris: M. Rally, docteur ès sciences, est nommé professeure d'application de l'Analyse à la Géométrie à la même Faculté. M. Duboscq, docteur ès sciences, maitre de Confé rences de Zoologie à la Faculté des Sciences de Caen, est nommé professeur de Zoologie et Anatomie com parée à la Faculté des Sciences de Montpellier. M. Fabre, agrégé des Facultés de Médecine, est nommé professeur de Clinique obstétricale à la Faculté de Médecine de Lyon. M. Parisot, agrégé des Facultés de Médecine, est nommé professeur de Médecine légale à la Faculté dem Médecine de Nancy. M. Pérez, docteur ès sciences, est nommé professeur de Zoologie et Physiologie animale à la Faculté des Sciences de Bordeaux. 1 M. Chevastelon, docteur ès sciences, est nomm professeur de Chimie à la Faculté des Sciences di Clermont. : M. Cotton, docteurès sciences, est nommé professeuk de Mécanique rationnelle et appliquée à la Faculté des Sciences de Grenoble. M. Cartan, docteur ès sciences. est nommé professeul de Calcul différentiel et intégral à la Faculté des Sciens ces de Nancy. M. Drach, docteur ès sciences, est nommé professe de Mécanique rationnelle et appliquée à la Faculté d Sciences de Poiliers. WILHELM WILL — LES PROGRÈS DE LA TECHNIQUE DES MATIÈRES EXPLOSIVES 80L LES PROGRÈS DE LA TECHNIQUE DES MATIÈRES EXPLOSIVES DEPUIS LE DÉVELOPPEMENT DE LA CHIMIE ORGANIQUE En entreprenant de donner ici un apercu du dé- veloppement de la technique des expiosifs, je dois d'abord tenir compte du fait qu'avec l'édification de la Chimie organique le nombre des substances qu'on peut aujourd'hui qualifier d’explosives s'est accru d’une facon considérable. Depuis le x1v° siècle, — sil'on fail abstraction des époques antérieures pour passer au moment incer- tain où le feu grégois devint explosif par l'addition de salpêlre, — il n'existe qu'une seule sorte de matière explosive, la vieille poudre noire, qui n'ait, au point de vue chimique, subi pendant cinq siècles presque aucune modification et aucune concurrence ‘. Mais, aujourd'hui, il n'y a guère de chimiste, parmi ceux qui travaillent dans la série organique, qui n'ait eu entre les mains une nou- velle matière délonante, et le nombre est légion des combinaisons qui ont été proposées comme explo- -sifs au point de vue pralique. D'autre part, avec l'amélioration des moyens d'allumage, on a reconnu de nos jours, dans une série de substances chi- miques très anciennement connues, des matières explosives puissantes. Ainsi j'ai fort souvent reçu, d'industries très pacifiques, des produits, manufac- turés pendant des années sans précautions, qui, tout d'un coup soupçonnés — malheureusement non sans raison souvent — de posséder une nature explosive cachée, ne peuvent plus être préparés qu'en observant des règles de précaution sévères. Dans des matières colorantes autrefois fabriquées par milliers de kilogrammes, on a découvert des explosifs dangereux, et l'on a mème trouvé des tendances à l'explosion dans une substance aussi innocente que le nitrate d'ammonium. En cet état de choses, il est compréhensible que le domaine dans lequel je me propose d'introduire le lecteur soit devenu très varié et très étendu; je n'insisterai donc, vu le peu de place dont je dispose, que sur les points essentiels, qui constituent les bornes de Ja technique. I L'omnipotence de la poudre noire ne commença à être compromise que vers la fin du xvr° siècle. Berthollet * venait de préparer le chlorate de potasse et s'efforçait d'utiliser sa force extraordinaire d'oxydation à la préparation de nouvelles matières détonantes. Ses résuilats, d'abord pleins de pro- Voir Romockr : Explosivstoffe, t. [, p. 207. 1786 (muriates oxygénés). Cf. FERLING buch der Chemie, t. Il, p. 663. Handwürter- messes, ne conduisirent, en réalité, à aucun succès effectif par suite des explosions violentes qui se produisirent dans les essais de fabrication. Les premières recherches relatives à l’action de l'acide nitrique concentré sur certaines combinai- sons organiques, comme l’amidon, le bois et même le coton, effectuées dans les trente premières an- nées du siècle dernier par Braconnot', puis par Pelouze* et par Dumas, restèrent également sans influence sur la technique des explosifs. On ob- serva, il est vrai, la formation de substances facile- ment inflammables, prenant feu, en partie, vers 180°, et brûlant sans résidu; mais il ne fut pas queslion de leur application aux explosifs. C'est vers le milieu de la quatrième décade du xIX° siècle que se placent les recherches qui abou- tirent à une complète révolution de la technique des matières détonantes : en particulier, la prépa- ration de la nitrocellulose par Christian-Frédérie Schünbein *, l’'éminent chimiste allemand, et celle de la nitroglycérine par Ascanio Sobrero ‘, à Turin. Schônbein découvrit, au commencement de l'an- née 1846, dans ses essais sur l’action oxydante des acides sulfurique et nitrique, que, si l'on plonge du coton dans un mélange de ces acides, une réaction remarquable s'accomplit. Quant à l'aspect exté- rieur, le coton n'a subi aucune modification : il pré- sente la même apparence, la même structure qu'avant son immersion dans le mélange acide. Par contre,ses propriétés chimiques sont complètement transformées : la substance auparavant si inoffen- sive est devenue une combinaison éminemment explosive. Schünbein supposa d’abord qu'une oxy- dation avait eu lieu. Mais il montra bientôt que le produit d'oxydation supposé est formé aux dépens de la cellulose par élimination d’eau et introdue- tion d’un radical acide nitrique dans la molécule cellulosique. Schônbein reconnut immédiatement la portée de cette découverte : il était convaincu d'avoir trouvé dans le coton nitré un succédané d'une extrême importance de la vieille poudre à canon. Comme, à cette époque, la protection du succès matériel de l’activité intellectuelle sous la forme moderne du brevet d'invention faisait encore dé- faut, il différa la publication de la méthode de pré- 4 Ann, Chim. Phys., mars 1833. Ann. der Chem., t. VUI, p. 245. ? Ann. der Chem., t. XXIX, p. 38 (1838); cf. Ann. der Chem., t. LXIV, p. 391. 3 Phil. Mag., t. II, (31), p. 7. # L'Institut, t. XV, p. 59; Ann. der Chem., t. LXIW, p.393. 802 WILHELM WILL — LES PROGRÈS DE LA TECHNIQUE DES MATIÈRES EXPLOSIVES } 1 | paration, ce qui n’empêcha pas, une fois le produit et ses propriétés connus, l'importance révolution- naire de la découverte d'éclater aux yeux de chacun et un zèle ardent pour limitation de s’éveil- ler. Quelques mois plus tard seulement, le procédé est mis en œuvre de divers côtés : d'abord par le Professeur Bôticher ‘, à Francfort, avec lequel Schünbein s’associa pour procéder à des applica- tions communes: puis par le Professeur Otto’, à Brunswick, dont la première publication sur un procédé pour la fabrication du coton-poudre est datée du 5 octobre 1846. J'emprunte à une recette de Schünbein même * les indications suivantes sur la préparation et les propriétés du nouveau produit; elles nous montre- ront combien son invention avait été étudiée à fond et comme l'auteur en prévoyait les lointaines conséquences : « Dans un mélange de trois parties en volume de vitriol ordinaire avec 1 partie d'acide nitrique le plus concentré possible, refroidi à 10° au moins, on introduit du coton brut de telle façon que la sub- stance soit rapidement imbibée du liquide acide. Le coton doit être pur et ne contenir aucune cap- sule de graine; la température ne doit pas dépasser 13 à 14°. Après que l'imbibition est complète, on presse le coton mouillé pour éloigner l'acide en exeès, qui servira ensuite au traitement d’une nou- velle quantité de coton. Le récipient rempli de coton pressé est d’abord placé pendant quelque temps dans l’eau froide, puis porté pour douze heures dans un endroit froid. Ensuile, le coton nitré est arrosé avec de l’eau dans une large cap- sule jusqu'à ce qu'il en soit complètement recou- vert, laissé dix minules en agilant fréquemment, puis pressé à nouveau; celte opération est répétée quatre ou cinq fois. L'eau acidulée est de nouveau employée au lavage du coton imbibé d'acide. Enfin, le coton est complètement purifié avec de l'eau fraiche, pressé, effilé et séché au soleil. » Parmi les propriétés du produit ainsi oblenu, Schünbein relève les suivantes : «La grande inflammabilité, la stabilité aux hautes températures jusqu'à environ 200°, l’ab- sence de fumées dans la détonation, le fait que l'âme des armes à feu n'esl pas attaquée d'une facon appréciable par les produits de l'explosion, l’inaltérabilité de la matière par l’eau et la récupé- ration complète de la force explosive par la des- siccation, enfin, et avant lout, la plus grande capa- cité d'énergie, sous un même poids, comparati- vement à la poudre noire, capacité qui, suivant Les ! Juillet 1846. Cf. G. W. A. Kauzeaum : Monographieen aus der Geschichte der Chemie, n° 6, p. 131. * Jlannoversche Zeitung, à octobre 1846. % CT. KanLBaun : loc. cit., p. 131. conditions d'emploi, peut aller du double au qua-. druple. A cela s'ajoute la simplicité et la rapidité du procédé de fabrication et la sécurité des mani- pulations nécessaires. » J A ces avantages, il était impossible d'opposer quelque chose d’équivalent dans les milieux mili- taires des différents pays. Aussi voyons-nous bien- FI tôt Schünbein et Büttcher se lancer dans des négo- ciations multiples pour la mise en valeur de l'invention. Celles-ci conduisirent, entre autres, à l'essai du ceton-poudre en Angleterre, à l'arsenal de Woolwich, et à l'admission de la fabrication à grande échelle par la maison John Hall et fils, à Faversham; puis à des essais par une Commission particulière de la Confédération allemande, à la- quelle appartenait, entre autres, le lieutenant au- trichien von Lenk, et qui compta Liebig comme conseiller scientifique. Si le coton-poudre s'était montré un concurrent avantageux de la vieille poudre, les inventeurs auraient eu en perspective: une récompense nationale. Malheureusement, le succès ne répondit en au- cune facon aux espérances qu'on avait d'abord. conçues. L'entreprise anglaise finit par l'explosion, survenue en 1847, de la fabrique, non encore ler- minée, de Faversham. L'année suivante, des ex- plosions formidables eurent également lieu en France, au Bouchet et à Vincennes. Avertissements terribles de ne pas mépriser les dangers qui sont liés à la fabrication du nouvel explosif! Les expé- riences allemandes stagnèrent par suite des com" plications politiques de l'année 1848 et conduisi=M rent enfin à une décision négalive de la part de lan Confédération en 1851 : on argua que le coton-« poudre était altérable, qu'il variait beaucoup danse son action, que les frais étaient trop élevés, ete. H Toutefois, le résultat des essais ne parait pas avoir été entièrement négalif, car, dans les années" qui suivirent, un arrangement intervint avec le Gouvernement autrichien, d’après lequel le pro= cédé fut acheté aux inventeurs et les essais conti nués à Hirtenberg, près de Wiener Neustadt, sou la direction de von Lenk. d Les expériences de von Lenk ont amélioré à plusieurs points de vue la fabrication du coton= poudre. Il a d'abord dégraissé complètement, pars ébullition avec une solution de potasse, le coton, mouliné pour en faciliter la manipulation; puis il a introduit un javage de plusieurs semaines du produit nilré dans l’eau courante, un traitements avec une solution chaude de savon et enfin unes immersion dans une solution de verre soluble. Gen dernier traitement devait assurer une augmentas Lion de la stabilité par le carbonate alcalin qui sen forme à l'air, ainsi qu'un dépôt d'acide siliciquen incombustible dans les pores et, par là, la produe= Fa WILHELM WILL — LES PROGRÈS DE LA TECHNIQUE DES MATIÈRES EXPLOSIVES 803 tion d’une nitrocellulose plus dense, brûlant plus lentement. Le coton-poudre de von Lenk jouit pendant un temps de la réputation d'une matière éminemment stable, de sorte que, vers 1860, rien ne paraissait, à ce point de vue, s'opposer à la généralisation de l'emploi du coton-poudre. Mais le triomphe sur d’autres difficultés, en particulier au point de vue balistique, se montra plus difficile qu'on ne l'eût jamais supposé. Le coton-poudre délone si vio- lemment dans le canon des fusils que les armes volent en éclat ou sont, au moins, endommagées. Malgré une préparation compliquée par l’entrela- cement des fils nilrés en tresses ou en cordelettes, on ne parvint pas à régler la combustion de la ma- nière nécessaire, et lorsque, en 1862, survint l'ex- plosion d’un dépôt de coton-poudre sur la lande de Siemering, puis, trois ans plus lard, celle d’un deuxième magasin sur la lande de Steinfeld, près de Wiener Neustadt, toutes deux attribuées à une auto-décomposition du coton-poudre, la fabrication de cet explosif fut également suspendue en Au- triche. Dans l'intervalle, des essais se continuaient aussi activement en Angleterre, sous la direction de Frederik Abel. Celui-ci élait arrivé à la conviction que les raisons qui avaient amené la suspension des travaux sur le continent étaient exagérées et que le jugement défavorable porté sur la stabililé du coton-poudre de von Lenk, auquel des savants français comme Pelouze et Maurey‘ avaient égale- ment souscrit, n'élait pas justifié. Abel entreprit de très nombreuses recherches avec la nitrocellulose préparée et purifiée d'après le procédé de von Lenk et la trouva satisfaisante à toutes les condi- tions exigibles au point de vue de la stabilité. Par contre, il estima que les indications de von Lenk pour la régularisation de la vitesse de détonation étaient susceptibles d'amélioration. Par trituration dans des moulins à cylindres, comme ceux qu'on emploie pour la préparation de la päle dans la fabrication du papier, il réduisit la cellulose nitrée à l'état de division le plus fin, puis il transforma par une forte pression la nitrocellulose pâteuse en une masse compacte, à laquelle on pouvait donner, Suivant la forme de la presse, la grandeur et la configuration voulues. Abel connaissait aussi la granulation d’une masse pâteuse additionnée d'un peu de liant par agitation dans un vase doué d'un mouvement oscillant, et il fit breveter, en novem- bre 1865, l'emploi de mélanges de nilrocelluloses solubles et insolubles avec addition de solvants tels que l'éther-alcool comme ciment pour la production de masses solides ou gélatinisées. Mais je ne sache ! Pecouze et Maurex : Dingler's polyt. Journal, t. CLXXIV, D. 209 (1864). pas que ce procédé ait été jusqu’à présent rendu pratique. Le procédé de trituration de la nitrocellulose dans les moulins à cylindres et sa compression en masses compactes ont constitué un progrès impor- tant dans son emploi, mais non toutefois dans le sens prévu en premier lieu par Abel : celui de la régularisation de la vitesse de combustion dans les applications balistiques. Le coton-poudre comprimé d’Abel s'est montré beaucoup trop brisant dans le tir. Mais, par la transformation du coton-poudre en bouillie, on a obtenu une meilleure garantie de lavage à fond, et la substance comprimée préparée au moyen d'une pâte aussi bien travaillée présentait, sur celle de von Lenk, des avantages considérables au point de vue de l’uniformité et de la régularité. Sous celte forme solide comprimée, le coton-poudre est particulièrement approprié comme explosif brisant. Toutefois, son emploi se rallache encore à une découverte beaucoup plus importante. L'allumage simple, avec une mèche, comme il se pratique avec la poudre noire déposée dans un trou de mine pour en provoquer sûrement l'explosion avec toute son énergie, ne suffit pas pour le coton-poudre. Dans ce cas, il brûle en général très rapidement sans détonation, à condition qu'il ne soit pas trop bien renfermé. Il était donc nécessaire d'apprendre d'abord à développer d’une facon simple l'énergie totale de l’explosif jusqu'à sa plus haute mesure. Nous allons trouver la solution de ce problème en étudiant le second des deux corps nitrés qui offrent, à notre point de vue, le plus grand intérêt : la nitroglycérine. II Sobrero fut le premier à apercevoir l'application aux usages explosifs de la nitroglycérine, qui se prépare si simplement au moyen de la glycérine, obtenue à prix modique et en très grande quantité dans la fabrication des savons. Dès la découverte du corps, il avait remarqué l’action détonante ter- rible au choc ou par le chauffage. Mais la nitroglycé- rine se montre encore plus indifférente que le coton-poudre vis-à-vis de l'allumage simple, auquel la poudre noire réagit si puissamment,. Il en résulta que l’explosif fut connu pendant près de vingt ans sans trouver d'autre emploi qu'une application médicale. C'est seulement vers 1860 qu’Alfred Nobel commenca ses essais en vue d'utiliser l'énergie de la nitroglycérine à l'art des explosifs. Je vais essayer d'en retracer les princi- pales phases. Très au courant du travail des explo- sifs de toute sorte par le concours qu'il avait prêté à son père dans des expériences de cette nature, il parait avoir reconnu de bonne heure les mérites exceptionnels qui devaient assurer à la nitrog'ycé- 804 rine le premier rang parmi les matières explo- sives. A côté des avantages d'énergie puissante et de grande vitesse d’explosion, Nobel comprit l'impor- tance du poids relalivement élevé de la nitroglycé- rine comparé à son volume, poids qui dépasse de moitié celui des cotons-poudres comprimés, pour la production de l'énergie explosive. Cette propriété permettait la concentration de l'énergie dans un petitespace, et, par conséquent, une grande épargne dans le percement des trous de mines. Ce faitestde la | plus grande importance, car les frais de percement | dépassent de beaucoup, dans les opérations d’ex- plosion, le prix de la poudre même. Il en résulte une économie de temps, la possibilité de faire sau- ter des corps durs (comme des blocs d'acier, des masses de fer, etc.), ce qu'on ne peut obtenir avec la poudre. Sur tout cela, Nobel fonda sa conviction de la supériorité de cet explosif sur tous les autres, et c'est le mobile qui le poussa à ne pas se relàächer un instant jusqu'à ce qu'il eût dompté cette énergie de géants pour le service de l’humanité : travail digne d'admiration, si l'on se rappelle com- ment, malgré la peine et le danger, malgré les re- vers de toute sorte qui frappèrent si durement Nobel, les difficultés en apparence insurmontables furent résolues pas à pas, avec une énergie tou- jours renaissante. C'est Nobel qui fit connaître le premier le prin- cipe par lequel on peut déclancher avec sûreté la force détonante des combinaisons nitrées. En 1864, il essaya d'abord‘ d'augmenter l’action des mèches d'allumage ordinaires par une petite ad- dition, une charge initiale de poudre noire à combustion rapide. Les résultats furent meilleurs, mais la méthode n'était pas encore satisfaisante. Il continua ses recherches, pour trouver bientôt la solution définitive. L'étude de l'état de la question nous montrera que les éléments de cette solution étaient connus. En 1800 déjà ?, Howard avait préparé les premiers fulminates, qui présentent pour tous les chimistes, même ceux qui ne s'occupent pas des substances explosives, un intérêt de premier ordre. Les pro- priélés merveilleuses de ces substances subju- guèrent, entre autres, comme l'on sail, le jeune Liebig, à tel point qu'étant encore aide-pharma- cien, — puis de nouveau plus tard, — il entreprit leur étude. Ces recherches eurent une importance prépondérante sur le cours de sa vie. Une explo- sion de ses préparations de fulminate l’éloigna de la pharmacie, et la renommée de ses travaux, d'abord personnels sur le fulminate d'argent, puis ! Brevet anglais, n° 1813, du 20 juillet 1864. = Cf. Gurruanx : Industrie der Sprengstolfe, 457 (1895). WILHELM WILL — LES PROGRÈS DE LA TECHNIQUE DES MATIÈRES EXPLOSIVES en collaboration avec Gay-Lussac à partir de 1824, le porta, à l’âge de vingt-six ans, dans la chaire de Chimie de Giessen*. Le fulminate de mercure détone violemment, aussi bien par le choc ou la percussion que par l'allumage simple. On reconnut de bonne heure que, par suite de cette propriété, il se prête à l'allumage de la poudre par percussion; déjà, en 1815, il fut employé, par un armurier anglais du nom de Joseph Egg, pour les capsules dans les armes à main. h En 186%°, Nobel alluma sa charge initiale de poudre noire pour nitroglycérine avec des capsules de ce genre. Enfin, en 18673, il abandonnait la poudre noire et introduisait les capsules au fulminate de mer- cure, encore aujourd bui en usage, pour la déto- nation de la nitroglycérine. Il a donc montré le premier qu'au moyen de ces substances fulminantes on peut non seulement allumer, mais aussi faire détoner facilement et sûrement les corps qui ne font pas explosion par l'allumage simple. Edwin O. Brown, collaborateur d’Abel et second chimiste du Ministère de la Guerre anglais, montra bientôt après * que les cotons-poudres d'Abel peuvent être; de la même manière, portés à la détonation. C'est celte découverte — consistant en ce que, à l’aide de fulminate de mercure comme charge initiale, la force explosive du coton-poudre ainsi que de la nitro-glycérine, et, ajouterons-nous, d'une grande quantité d'autres corps détonants, est mise en mouvement à volonté — qui peut êlre caractérisée comme le plus grand progrès accompli dans la technique des matières explosives depuis l'invention de la poudre noire. Elle permit seule l'emploi généralisé des combinaisons précilées aux usages explosifs. Par elle seule, il a été pos- sible de reconnaitre et d'utiliser la nature détonante d'un grand nombre d'autres explosifs importants. On s’est, depuis lors, plus d'une fois efforcé de trouver un succédané approprié des fulminates, à cause des divers dangers que présente leur fabrication, mais jusqu'ici sans succès. Les capsules au fulminate étaient autrefois allu- mées au moyen d'une mèche ordinaire ; aujourd'hui, elles le sont généralement par l'électricité. Avant l'année 1863, la nitroglycérine était em- ployée directement sous sa forme liquide aux usages explosifs, ainsi qu'on le fait encore aujourd'hui dans les districts pétrolifères américains, par exemple pour frayer un chemin aux jets de pétrole *. 1 Vocnaro : Ann. der Chem., t. CCCXX VIII, 1-40. 2: Brevet anglais, n° 1813, du 20 juillet 1864. 3 Brevet anglais, n° 1345, du 7 mai 1867. +F A. Agez : Contributions to the history of explosive agents. Phil. Trans., 1869; Journ. Chem. Soc., 1870, p. 52. 5 Wrrr : Die chemische Industrie auf der Weltausstellung ii nr à WILHELM WILL — LES PROGRÈS DE LA TECHNIQUE DES MATIÈRES EXPLOSIVES 805 —————_——————. —— —"—" "(À Il est facile de deviner que cette méthode com- porte toutes sortes de dangers dans les exploitations minières. Le transport de la nitroglycérine liquide n'offre pas seulement de grosses difficultés, mais encore le fait que l’explosif liquide pénètre dans les fentes etles interslices dela pierreetsesoustraitainsi à l'allumage rend le travail de déblaiement après l'explosion extrèmement dangereux. Il en résulte aussi que l'emploi de la nitroglycérine liquide offre des difficultés importantes pour les trous de mines dirigés non vers le bas, mais latéralement ou vers le haut. Dès 1863, Nobel s'efforca, à l'aide de corps solides, poreux, comme la poudre noire, le charbon, la pâte de papier, elc., d'amener la nitroglycérine sous une forme où elle pût être mise en cartouches maniables sans danger. On raconte — mais je ne puis me porter garant de la véracité de ce récit — que Nobel fut conduit par une observation fortuile à la découverte du mélange connu aujourd'hui sous-le nom de dyna- mite Il expédiait alors la nitroglycérine dans des récipients en fer blane qui étaient emballés dans une enveloppe de kïeselquhr' destinée à les protéger des chocs etdes coups. Un de cesrécipients coula et la nitroglycérine pénétra le kieselquhr. A cetle occasion, Nobel constata le pouvoir d'absorp- tion extraordinaire de cette terre d'infusoires pour la nilroglycérine. Il trouva que, avec une teneur d'environ 75 °/, en nitroglycérine, on obtient une substance pétrissable, à peu près de la consistance du mastic des vitriers, qui est beaucoup moins sensible au choc et à la percussion que la nitro- glycérine et qui, en vertu de ses qualités plas- tiques, se prête remarquablement à la confection de cartouches pouvant être commodément intro- duites dans les trous de mines. La forme était ainsi donnée sous laquelle la nilroglycérine pouvait être employée d'une façon générale comme explosif, et, en effet, une fabrication intensive prit alors naissance. C'est en 1861 que Nobel commenca la fabrication en grand de la nitroglycérine aux environs de Stockholm. En 1865, il fondait la célèbre fabrique continentale de Krummel-sur-l'Elbe, encore aujourd'hui la plus importante, et, bientôt après la découverte de la dynamite, nous trouvons rapidement des fabriques de nitroglycérine en marche dans la plupart des pays *. zu Chicago und in den Vereinigten Staaten von Nord-Ame- rika im Jahre 1893. ! Terre siliceuse, formée par des auicroscopiques, dont il existe de Allemagne. ® Cf. H. pe Mosexreaz : The 19th Century, n° 260, p. 567 (Soc. Chem. Ind., mai 1899) ; puis « Das Dynamit und seine culturhistorische Bedeutung », édité par la Société par actions de la Dynamite Nobel, à l'occasion de l'Exposition du Millénaire hongrois. Vienne, 1896. carapaces d'infusoires grands gisements en À côté de la dynamite, l'emploi du coton-poudre comprimé s’élait considérablement développé pour certains usages particuliers, surtout après que Brown eut trouvé qu'on peut aussi le faire détoner violemment à l'élat humide au moyen d'une charge d'allumage d'un peu de coton-poudre sec. Ces colons-poudres humides‘ offraient une matière très insensible au choc, à la percussion et au bom- bardement, et présentaient, par conséquent, de grands avantages sur la dynamite, surtout pour les applications militaires. Bientôt, la plupart des puissances militaires utilisèrent le coton-poudre humide * (ou rendu moins dangereux par la paraf- fine) pour les cartouches explosives des troupes du génie et dans les armes creuses de toute nature. Pour les explosions de mines, les cotons-poudres ne purent concurrencer la dynamite, à cause de leur prix, de leur densité minime, de leur manque de plasticité, et surtout des gaz dégagés, si riches en oxyde de carbone et, par conséquent, si dan- gereux pour les travailleurs. A leur avantage, il faut toutefois relever le fait que la dynamite, dans les trous de mines humides, laisse facilement s'écouler de la nitroglycérine, car l'eau déplace cette dernière du kieselguhr; mais, à cet incon- vénient de la dynamite, Nobel trouva aussi un remède. Déjà en 1847 on avait remarqué que certaines nitrocelluloses, en particulier celles qui sont les plus pauvres en azote, possèdent la propriété de former des gélatines avec divers solvants. Schünbein trouva aussitôt une application extrêmement impor- tante de cette remarquable propriété. Il utilisa la solution de nitrocellulose dans l’alcool-éther comme préservatif pour les blessures; cette substance, connue sous le nom de collodion, est encore aujour- d’hui d’une grande importance. On trouve, d'autre part, des indications très nombreuses sur ce sujet dans la littérature. Il suffit de rappeler les projets de Hartig* datant de l’année 1847, les communications d’Abel * concernant la densification de la cellulose comprimée par le mélange éther-alcool, le celluloïd des frères Hyatt* de l’année 1849, ete. Ces nombreux essais de gélatinisation de la nitrocellulose, dans des buts techniques variés, préparèrent la décou- * Des explosifs au coton-poudre humide furent fabriqués pour la première fois en Allemagne par la Fabrique de coton-poudre pour l'Armée et la Marine à Krappamüble (1873), puis par Wolff et Cie, à Walsrode ; ef. M. Vox Fôürs- TER : Ueber die comprimirte Schiesswolle fur militarische Zwecke, 1886. ? Brevet allemand n° 23.808 de Wolff et Cie, à Walsrode, et brevet allemand n° 26.014 de F. Forster, à Berlin. * HarriG : Untersuchungen uber den Bestand und die Wirkung der explosiven Baumwolle, Brunswick, 1847: cf. aussi Romocxr : Geschichte der Explosivstoffe, t. Il, p. 167. * ABEL : Chem. News, t. XXIV, p. 18 (1866); t XXV, p. 203 (1867). * Romockr : loc. cit., p. 265. 806 WILHELM WILL — LES PROGRÈS DE LA TECHNIQUE DES MATIÈRES EXPLOSIVES verte de la dynamite gélatinée par Nobel en l'année 1878. Depuis longtemps, outre l'inconvénient du départ de la nitroglycérine par l'arrivée d’eau, le fait que les 25 °/, de la dynamite étaient constitués par une matière inerte le contrariait. Il chercha à con- denser la nitroglycérine en une masse plastique par l'addition de substances solubles, ainsi que cela se pratique pour le celluloïd avec le camphre, el il utilisa dans ce but le coton-poudre dès 1867, sans arriver au résultat désiré. En 1875, un hasard lui montra que le collodion possède l'action voulue sur l'huile détonante, et il incorpora à la nitrogly- cérine le coton collodionné, d'abord à l’aide de solvants appropriés, puis ensuite Sans leur secours, par le seul emploi du malaxage à haute tempé- rature. On obtient ainsi la gélatine explosive, matière analogue au caoutchouc, relativement stable vis-à-vis de l'eau, d’une manipulation plus sûre et d'une énergie détonante plus élevée. Depuis lors, des matières explosives à la nitro- glycérine gélalinée — mélangées avec de la sciure de bois, du salpêtre ou d’autres sels, et avec une teneur moindre en nitroglycérine — ont été fabriquées en grand pour provoquer diverses sortes d'explosions. Ces classes de corps détonants — gélaline explosive, dynamite gélatinée — ont formé jusqu'à ce jour le principal contingent des explosifs à la nitroglycérine *. Les nombreux accidents qui s'étaient produits dans le transport comme dans l'emploi de la nitro- glycérine liquide avaient provoqué vers 1866 une telle crainte que la préparation et l’utilisation en furent de divers côtés — ainsi en Belgique, en Suède, au Danemark, en Angleterre — légalement interdites. La preuve de la sécurité relative de la dynamite fit lever ces interdictions. Depuis cette époque, l'importance de la fabrication de la dyna- mile s’est accrue dans des proportions colossales. Elle était en 1867 d'environ 11 tonnes, en 1874 d'environ 3.000 tonnes; aujourd'hui, on emploie annuellement des millions de kilogs de dynamite ?. Les frais d'extraction dans le travail des mines ont été réduits d'au moins 30 °/, à la suile du rempla- cement de la poudre noire par la dynamite. Pour ne ciler qu'un exemple, relatif aux exploitations minières de Prusse, on a, en 189%, c'est-à-dire pour une seule année, réalisé une économie d'environ 34 millions de francs, attribuable à ce changement des substances explosives'. On ne : Sur les essais pour l'utilisation de la gélatine explosive aux besoins militaires, voyez les travaux de Hess, Roth, Siersch, etc. ? Guttmann (Chem. Zeitschr., {€ 1, p. 92 [1901-02)) donne pour 1S99 une fabrication totale de dynamite de 62.150 tonnes, pour l'Allemagne seulement de 10.300 tonnes. % La dynamile.…., loc. cil., p, 48. sônge plus maintenant à se priver des services de ce géant des explosifs. Si, ‘aujourd'hui, sur la lerre, iln’y a plus aucun empêchement aux travaux d’ex- traction et si les trésors du sol sont partout devenus facilement accessibles, c’est à la dynamite que l'hu- manité le doit. III Reportons maintenant de nouveau notre alten- tion sur le problème de l'emploi des combinaisons nitrées aux usages balistiques. La confiance acquise par les expériences d'Abel dans la stabilité de la nitro-cellulose a agi puis- samment dans cette voie. Mais, malgré des efforts multiples, les substances nitrées ne parvinrent pas, jusqu'au milieu de la huitième décade du siècle dernier, à constituer un remplaçant satisfaisant, au moins pour la poudre de guerre. Je laisse ici de côté la poudre de chasse; les conditions qu'on lui demande sont remplies par la poudre noire; mais là aussi l’utilisation des combinaisons nilrées ren- contre des difficultés relativement moindres. Les améliorations importantes apportées vers 1870 aux armes de tir exigèrent des poudres de guerre des conditions impérieuses que la poudre noire ne pouvait plus remplir : avant tout, à côlé d'une énergie élevée, une combustion plus lente dans l'âme, même aux hautes pressions. La décom- posilion de la poudre, pour donner le plus grand travail possible, doit se poursuivre de telle sorte qu'une pression progressive se développe, en allant en croissant, sur le projectile déjà en mouvement. Ensuite, il est absolument indispensable, pour les nouvelles armes à tir rapide, que la poudre brûle sans résidu, pour éviter une perturbation du mécanisme de tir, et qu'elle brûle sans fumée, pour que, par un tir rapide, le champ de tir reste clair. Enfin, les pelits calibres exigent un moyen de pro- pulsion de plus grande énergie. Mais on constala de plus en plus que la poudre noire, dans les nouvelles armes, malgré une pré- paration compliquée au point de vue de la forme et de la pression, brûlait encore beaucoup trop rapidement, au moins dans les armes à main; pou- dres nitrées, si extraordinairement brisantes? Les faits chimiques connus à cette époque nous paraissent, si nous jetons aujourd'hui un regard en arrière, avoir élé entièrement suffisants pour mon- trer à quiconque la voie au bout de laquelle se trou- vaitle succès. Siune condensation appropriée était le chemin conduisant au but, alors des procédés pour la gélalinisation de la nitro-cellulose étaient déjà connus el utilisés techniquement. Mais, à l'inverse de ce que nous voyons dans la découverte de la | combinaisons organiques nitrées jusqu'à la poudre F vait-on alors espérer utiliser avec succès les pou-. poudre noire, le progrès dans le développement des \ ne LD Pac É ce WILHELM WILL — LES PROGRÈS DE LA TECHNIQUE DES MATIÈRES EXPLOSIVES 807 actuelle n'est pas le résultat d'un empirisme inces- sant, trouvant par hasard le joint heureux; il se rattache, au contraire, à une série d'expériences systématiques et scientifiquement conduites. Les essais de tir avec le coton-poudre avaient appris que celle combinaison sous forme libre possède, à un beaucoup plus haut degré que la poudre noire, la tendance à une varialion subite de la vitesse de combustion lorsque la pression s'é- lève dans l'arme, et par là la tendance’ aussi à donner naissance à de hautes pressions, soudaines et dangereuses. L’observalion de telles différences conduisit à reconnaître l'importance d'une étude approfondie du mode de combustion de la poudre dans le tube pour le développement ultérieur de la question des poudres de tir. La solution d'un tel problème exige des méthodes de mesures exactes des vitesses des projectiles et des pressions qui se développent dans l'arme au moment du tir. C'est au capitaine anglais Noble, qui poursuit encore aujourd hui sa tâche avec une fructueuse activité sous le nom de Sir Andrew Noble, que nous devons la méthode qui forme maintenant Ja base de nos mesures de pression. Il inventa en 1860 son appareil à écrasement (manomètre crusher), au moyen duquel on détermine la pres- sion d'après le degré de compression d’un cylindre de cuivre sur lequel appuie un poincon d'acier mis en mouvement par les gaz de la poudre. Ce simple disposilif, avec les perfectionnements appropriés !, s'est montré un auxiliaire précieux dans le domaine de la Balistique intérieure. En 1870, pendant le siège de Paris, Berthelot montra comment l'on peut déduire la force déto- nante d’une substance explosive de sa chaleur de formation et de celles de ses produits de combus- tion ; ses recherches bien connues, qu'ilaexécutées, en partie, en collaboration avec Sarrau et Vieille, ont fourniles malériaux expérimentaux nécessaires pour ces déduclions. A celles-ci viennent s'ajouter les travaux des mêmes savants sur la vitesse des phénomènes d’'explosion, le mode de propagation de l’action explosive, etc. Malheureusement le peu d'espace dont je dispose m'oblige à résister au désir d'exposer en détail ces belles recherches. Elles -jetèrent une lumière nouvelle sur les différences déjà observées dans l'action de la poudre noire et des combinaisons organiques nilrées et sur les -avantages exceplionnels de ces dernières. Les recherches de Vieille «sur les différents modes de combustion des substances explosives d’après leur agglomération », commencées en 1884 ? Sarrac et Vieilce : Etude sur l'emploi des manomètres à l'écrasement. Mem. des Poudres et Salpétres, €. 1, p. 357 (1882) ; t. LI, p:126: et publiées en cctobre 1893, sont d'une importance particulière pour la solution du problème de la transformation du coton-poudre sous une forme utilisable pour la poudre de guerre. Ces travaux méritent de retenir pendant quelques instants notre attention. Piobert avait essayé, en 1839, de ramener l’action de la poudre dans les armes à feu à.une grandeur facilement déterminable expérimentalement : la vitesse de combustion de la poudre à l'air libre. Il trouva que, dans ce dernier cas, les poudres noires fabriquées normalement brûlent suivant des couches parallèles et concentriques, et il admit que, dans les armes à feu, par conséquent aux hautes pressions également, le mode de combus- tion est le même. Mais on reconnut bientôt ensuite‘ que la pres- sion exerce une influence notable sur la vitesse de combustion, et Sarrau trouva que la seconde hypothèse de Piobert, d'après laquelle la poudre noire doit aussi brûler sous pression d’après des surfaces parallèles et concentriques, ne se vérifie pas, car la proportionnalilé de la durée de com- bust'on et de l'épaisseur de la couche brûlée des grains de poudre, qui devrait être la suite néces- saire d'une telle supposition, n'existe pas en réalité. Les expériences que Vieille” exécuta en 1884 et 1885 montrèrent que la combustion des poudres suivant des surfaces parallèles n'est qu’un cas exceptionnel, qui, en réalité, ne se présente jamais avec les poudres noires fabriquées à cette époque. Il trouva que même les poudres prismatiques bru- nes, considérées alors comme un progrès si impor- tantet dont on expliquait précisément la supériorité par le fait que leur déflagration est régulièrement progressive grâce à leur combustion en couches concentriques, ne brûlent pas, en réalité, suivant cette loi pendant le tir. Il ressortait de cela que l'hypothèse d’après la- quelle on possédait, pour la poudre noire, par l'em- ploi de grains de poudre comprimés et d'une forme donnée, un moyen assuré de régulariser la durée de combustion, n'était pas exacte. Toutes ces formes de poudre se décomposent, bientôt après l'allumage, en grains élémentaires plus petits et différents sui- vaut les conditions de la fabrication, de telle sorte qu'il n'ya plus aucun rapport entre la vitesse de com- bustion et la forme originale du grain de poudre. | 1 Voyez les travaux de Frankland et Saint-Roberts, Rovel, Castan, Sébert et Hugoniot, Moisson, Sarrau, Roux, et ensuite W. Wozrr : Uber die Verbrennungsweise des Pul- vers, Kriegstechn. Zeitschr., &. 1 (1903). |? Etudesur le mode de combustion des matières explosives. Mém. des Pouires et Salp., & NI, p. 256. Note publiée par ordre du ministre de la Guerre sur les nouvelles poudres de guerre (poudres sans fumée). A/ém. des Poudres et Salp. t. III, p. 9 (1890). 808 WILHELM WILL — LES PROGRÈS DE LA TECHNIQUE DES MATIÈRES EXPLOSIVES Tous les mélanges de substances explosives comprimées, composées essentiellement de consti- tuants cristallins, se comportent de la même façon. Il est possible, il est vrai, de fabriquer à l’aide de tels mélanges des poudres présentant le mode de combustion régulier désiré, mais seulement lors- ‘ qu'on utilise des pressions telles que la densité des poudres obtenues dépasse 1,85 *. Mais ces poudres noires fortement comprimées brülent alors si len- tement qu'elles ne peuvent être employées, pour les usages balistiques, que sous forme de très grandes surfaces, et de plaques ou de fils extrème- ment minces. Or, l'application d'éléments pulvéru- lents si minces est impossible en pratique pour des mélanges cristallins tels que la poudre noire, parce que ceux-ci sont trop durs et trop cassants. Mais Vieille trouva alors que la nitrocellulose gélatinée et la plupart des corps nitrés gélatinés possèdent toujours la propriété de brûler en cou- ches parallèles, de sorte que, dans des temps égaux, des couches de même épaisseur sont gazéifiées. On possède ainsi le moyen de régula- riser la durée de combustion de la poudre : on la- mine régulièrement la masse gélatinisée en plaques minces, et on la coupe ensuite en feuilles ou en bandes. Les formes de poudres se laissent préparer en couches suffisamment minces, car, dans cet élat, ces masses colloïdales sont päteuses et capables de résister à la rupture. On a ainsi la possibilité de s'adapter à toutes les exigences balistiques des armes actuelles dans des limites très étendues, par un choix approprié de la forme d'une part, de la vitesse spécifique de combustion, d'autre part. La durée de combustion est proportionnelle à l’épais- seur pour des éléments de poudre géométrique- ment semblables ou en couche mince superficielle; on peut régler la vitesse de combustion à l'inté- rieur de l'élément de poudre par la composition chimique, par exemple par la valeur de la teneur en azote de la nitrocellulose. Je dois ajouter ici que, déjà vers 1880, on fabriquait des poudres gélatinées ? au moins en partie, comme la poudre préparée au moyen de cellulose de bois du capitaine d'artillerie prussien Ed. Schultze, gélatinée d'abord superficiellement pour diminuer l'hygroscopicilé, puis ensuite, lors- qu'on remarqua l'influence de la gélatinisation, gélatinée plus à fond par traitement des grains de poudre avec l’éther acétique. La poudre RCP, fabri- quée d’abord par Max von Duttenhofer à Rottweil, élait aussi une poudre gélatinée à action balistique appréciable. Mais il manquait à toutes ces pre- La densité maximum des variélés courantes de poudres était de 1,18. ? A citer aussi la poudre RC de Reïd et Johnson, et la poudre JB de Judson et Borland. mières poudres à la nitrocellulose la forme régu- lière et la gélatinisation égale et complète de la matière bien cylindrée, c'est-à-dire les éléments capables d'assurer une utilisation rationnelle. Les progrès dans la construction des canons pouvaient encore se poursuivre avec l'emploi des poudres prismatiques brunes, qui — au moins tant que les pressions à l'allumage ne dépassèrent pas uue cer- taine limite — brûlaient relativement lentement et régulièrement. Mais, pour des progrès nouveaux dans le domaine des armes à main, des moyens de propulsion fabriqués suivant des principes analo- gues ne pouvaient suffire, et l'on peut dire que la découverte de Vieille vint juste à son heure, au moment où les propriétés de la poudre noire ne pouvaient plus suivre le perfectionnement des armes. Après que l’on eût ainsi obtenu, comme élément de la poudre, une substance dont la vitesse de combustion peut être fixée à volonté, et que la surface de la poudre eût ainsi gagné une toul autre importance pour la réalisation de travaux balis- tiques déterminés, un grand nombre de formes de poudres différentes firent rapidement leur appari- tion : à côté des feuilles originales, des bandes, des fils, des tubes, etc... Ces différentes conforma- tions doivent être choisies avec discernement pour les armes ou les trous de charge auxquels elles sont destinées, afin d'obtenir l'allumage initial voulu. Comme moyen de gélatinisation des nitro-cellu- loses, on emploie, comme nGus l'avons dit, un mélange d’éther et d'alcool, de l’éther acétique ou de l’acétone, liquides volatils qui, après la mise en forme, doivent être séparés de la poudre aussi complètement que possible. L'éloignement de ces parlies volatiles de la masse gélatinée n’est pas toujours facile sans dommage pour la poudre. Mais, en 1888, Alfred Nobel‘ fit savoir qu'on peut préparer un type de poudre d'une grande valeur pour cerlains usages en remplaçant, dans la gélatinisalion de la nitrocellulose, les solvants volatils inertes par de la nitroglycérine, qui reste alors comme constiluant actif dans la poudre ter- minée. Les poudres de cette nature, qu'on désigne sous le nom de poudres à la nitroglycérine, apparais- sent, en ce qui concerne l'énergie chimique, comme les plus parfaites. Elles possèdent une plus grande vitesse de combustion que la nitrocellulose géla- tinée. Au point de vue de Ja stabilité du poids, également, elles se comportent favorablement, car, le moyen de gélatinisation n'étant pas volatil, sa présence ne donne pas lieu à des pertes de poids. ! Brevet allemand n° 51.471 (1889). WILHELM WILL — LES PROGRÈS DE LA TECHNIQUE DES MATIÈRES EXPLOSIVES par évaporalion pendant.la conservation normale. Les hautes températures de combustion des poudres riches en nitroglycérine présentent, il est vrai, des difficultés, par suile de la détérioration consi- dérable des armes qui er résulte. Ces Lypes de poudres sont représentés par la balistite de Nobel; la cordite anglaise en est une imilation. IN A notre époque, où les jeunes gens de tous les pays sont exercés de bonne heure au manie- ment des armes à feu, les progrès qui ont été la conséquence des perfectionnements successifs de la poudre de tir sont connus de chacun. Il n'entre pas dans le cadre de cetle élude d'y insister en détail. On peut dire toutefois que les espérances fondées par Schônbein sur son nouvel explosif au point de vue balistique ont été largement dépas- sées. La possession de la nouvelle poudre de guerre assure une telle supériorité sur des adver- saires munis seulement de la poudre noire qu'elle est décisive pour la question de l'existence d'un État. Les nouveaux armements utilisant cet ex- plosif se sont succédé avec une telle rapidité chez toutes les nations civilisées qu'il n’y a pas lieu de s'élonner si, au cours de celle fabricalion en grand, une série de difficultés s'est présentée, qui n'a pas eu pour conséquence l'interdiction de l'emploi des nouvelles poudres, — les avantages qu'elles présentent sont trop évidents, — mais qui a causé de grands efforts et de grandes peines. Les fabricants de poudres sans fumée n'ont pas toujours couché sur des lits de roses, et, aujour- d'hui encore, il y a beaucoup à apprendre jusqu'à ce que ceux qui sont engagés dans cette voie soient débarrassés de tout souci. Au cours des lignes qui précédent, nous avons vu plusieurs fois que, dans la recherche de lutili- salion des combinaisons nitrées aux usages balis- Uiques, deux grandes questions surgissent l'une à côté de l’autre : d’une part, le moyen d'obtenir une stabilité, une indécomposabilité et une sûreté suffi- santes de la substance pour la manipulalion; d'autre part, le moyen de mettre en action, d’une facon régulière et appropriée, l’action délonante, en apparence si difficile à dompter. L'emploi des celluloses nitrées gélatinées et mises sous une forme convenable a donné la solution générale du second de ces problèmes. Mais, tout en permettant l'essor rapide de la fabrication des nilrocelluloses, cette solution a ramené au premier plan la première question. Plusieurs explosions violentes, qui se sont pro- duites encore récemment’, ont montré qu'il y à ? Par exemple celle de Toulon, en 1899. 809 toujours des lacunes au point de vue dela sûreté de la fabrication de la nitrocellulose, et plusieurs défauts dans la qualité explosive des substances fabriquées ont obligé à reconnaître qu'une élude encore plus approfondie de la nature du corps détonant s'imposail pour pouvoir garantir avec certitude l’uniformilé et la capacité de travail du produit fabriqué. C'est pourquoi beaucoup de zèle et de temps ont été dépensés jusqu'à nos jours pour apprendre à connaïîlre plus intimement les propriélés chimiques et physiques des nitrocellu- loses dans leurs rapports avec les conditions de la fabrication. J'extrairai des nombreuses recherches qui ont élé publiées sur la façon dont les celluloses nitrées se comportent au point de vue chimique les résul- tats qui sont essentiels pour l'emploi de ces com- binaisons aux besoins de la Balistique. On sait déjà, depuis 1847, qu'on peut obtenir, par la nilration de la cellulose, des combinaisons à teneur variable en azote suivant la concentration des acides employés; on sait aussi que certains produits pauvres en azote sont solubles dans le mélange éther-alcool. Dans la littérature, on trouve encore très répan- due cette indication qu'une modification progres- sive des condilions de nitration produit une varia- tion par sauts de la teneur en azote, ce qui autorise à distinguer des di-, tri-, lélra-nitrocelluloses ", et l'on a plusieurs fois cherché à isoler ces stades définis de nitralion hypothétiques. Toutefois, la mulliplication des matériaux d'expériences a mon- tré qu'il n'existe pas de discontinuité dans la marche du processus de nitration au point de vue de la teneur en azote. Les recherches de Bruley ?, en 1895, l'ont établi sans laisser aucun doute. Mais, depuis lors, on a encore complété les essais néces- saires pour fixer les rapports qui existent entre les conditions de nitration, d'une part, et les pro- priétés du produit, de l’autre *, On a soigneusement étudié l'influence d'une variation de la teneur en eau de l'acide nitrant ou d'une modification du rapport des acides sulfurique et nitrique sur toutes les propriétés de la nitrocellulose qui interviennent dans la fabrication de la poudre : teneur en azote, solubilité dans le mélange éther-alcool, viscosité des solutions, capacilé de formation de mélanges stables avec la nitroglycérine. On sait que la teneur en eau de l'acide nitrant est d’une importance pré- pondérante : lorsqu'elle augmente, la teneur en azote décroit régulièrement, mais non suivant une loi de proportionnalité simple. La solubilité dimi- 1 Ever : Ber. der d. ch. Gesell., t. XIII, p. 169 (4880); VieiLce : Mem. des Poudres et Salp., t. XI, p. 212. ? Mer. des Poudres et Salp., €. VI, p. 131. 3 Voir aussi Gurruann : Chem. Zeits:, À. 1, p. 124. + M + 10 810 WILHELM WILL — LES PROGRÈS DE LA TECHNIQUE DES MATIÈRES EXPLOSIVES nue également d’une façon régulière, mais aussi suivant une fonction spéciale qui n’est pas la même que celle de la teneur en azote, avec la leneur en eau de l'acide. On connaît des produits de même teneur en azote et de solubilités très différentes, et inversement. J'ai emprunté à un travail de Lunge 1.H:S0,:HAzO3= 1: IDR … 3:1 Teneur de la nitrocellulose en azote en NIET ET TN CU CET ENT Teneur en.eau du mélange mtrant en % Fig. 1. — Rapports entre la teneur en eau des mélanges nitrants et la teneur en azote des nitrocelluloses. et Bebie‘ les figures 1 et 2; elles donnent un exemple des résultats obtenus. Elles indiquent en abscisses la teneur en eau, en ordonnées la teneur en azote pour la figure 1, la solubilité dans le mélange éther-alcool pour la figure 2. Des rapports analogues se déduisent des autres travaux publiés” et, d'une facon encore plus complète, des maté- —- HzS0,:HAz03=H| 1 — Salubilité de la nitrocellulose en MEN TENUE à LOT Teneur en eau du melange nitrant en % Fig. 2. — Rapport entre la teneur en eau d'un mélange ni- trant et la solubilité de la nitrocellulose dans le mélange alcool-éther. riaux rassemblés dans les laboratoires industriels. A l'inverse des nombreuses indications que l’on trouve encore aujourd'hui dans la littérature, il est établi que l'acide sulfurique n’agit pas seulement 4 W. Wicz : Mittheilungen der Centralstelle fur wissen- schaftlich-technische Untersuchungen, n°5 2 et 3; voyez aussi Zeitschr. fur anorg. Chem.,1901, n°S 30 et 31; G. LuNGE et J. Bee : Zeitschr. fur angew. Chem., 1901, p. 483. 2 Bruzey : Sur la fabrication des cotons nitrés. Mém. des Poudres et Salp., t. VII, p. 111. Luxce et BEBIE : loc. cit. Kisnemsky : Art. Journ., 1897, n° 8 (en russe); Mém. des Poudres et Salp., t. X, p.64. comme déshydratant dans le sens d'une élévation de la teneur en azote, mais encore qu'il influe aussi sur la conslitution des nitrates de cellulose, au point de vue de la solubilité et de la viscosité, d'une manière qui dépend de la variation de la teneur en acide sulfurique, mais qui n’est pas parallèle à la variation de la teneur en azote. Or a mieux reconnu jusqu'à quel point le rapport du mélange acide à la cellulose employée influe sur le phénomène depuis que l'on considère que ce n'est pas la concentralion de l'acide dont on part, mais la concentralion qui s'établit pendant la nitration par absorption d'eau qui détermine la nature du produit nitré, pourvu que l’on prolonge la nitralion, comme il est nécessaire pour obtenir un produit homogène, jusqu'à l'établissement de l'équilibre chimique. Toutes ces connaissances sont d'une grande imporlance pratique, car l'emploi de la nitrocellu- lose ne se règle pas seulement sur la teneur en azote, qui, naturellement, doit être la plus élevée possible quand on veut oblenir une substance d’une très grande énergie. Pour pouvoir servir à la fabrication de la poudre, la nitrocellulose doit posséder une certaine solubilité dans le mélange éther-alcool pour la production d’une gélaline, puis une certaine viscosilé de la solution pour que la gélatine soit transformable en feuilles minces élastiques ou en tubes consistants. Mais, à côté de ces exigences, qui pourraient encore être complétées dans diverses directions, surtout si l’on considère la question si importante de l’économie du travail, il subsiste au tout pre- mier plan le problème de la stabilité des corps nitrés vis-à-vis de la possibilité d’une décompo- sition spontanée ou aussi d'une modification de leur nature pendant leur conservation dans des condi- tions normales. Dans ce domaine également, les re- cherches récentes ont réalisé d'importants progrès. Les méthodes de purification de Lenk et d’Abel se bornaient à débarrasser par un lavage à fond la nitrocellulose de l'acide resté adhérent, puis à neutraliser, par traitement avec un agent à réaction alcaliné, les traces d'acide qui pouvaient subsister ou se former ultérieurement. Nous savons aujour- d'hui que de-tels moyens ne suffisent pas, au moins pour toutes les variétés de nitrocellulose. On avait déjà constaté, en 1846, que l'on peut faire bouillir pendant longtemps le coton-poudre avec de l'eau, le laver et le purifier complètement de cette manière, sans lui faire perdre ses propriétés explosives.On parail toutefois avoir douté pendant longtemps, dans la fabricalion du coton-poudre, qu'une ébullition prolongée fût avantageuse pour la préparation d’un produit stable. Avec le perfec- tionnement des méthodes d'essais, on s'est cepen- o F Fe $ WILHELM WILL — LES PROGRÈS DE LA TECHNIQUE DES MATIÈRES EXPLOSIVES 811 dant rendu compte, depuis un certain nombre d'années, que, par un simple traitement à l’eau froide, il n'est pas possible d'atteindre une stabi- lité suffisante pour la plupart des nitrocelluloses, et qu'un travail de purification profonde par ébulli- tion prolongée ne peut être évité. Dans ce travail, les parties les moins stables des nitrocelluloses | paraissent être transformées progressivement en combinaisons solubles dans l’eau et ainsi éliminées. Les nouvelles recherches, en particulier celles qui ont été exécutées à la Centralstelle {ur wissen- schaftlich-technische Untersuchungen, ont montré’ que les nitrocelluloses nécessitent, pour atteindre le plus haut degré possible de stabililé, un travail de purification très différent suivant la composi- tion du mélange nitrant qui a servi à leur fabrica- tion, par exemple des durées d’ébullition très di- verses. Ce travail de purification est dans un rap- port très étroit avec la concentration de l'acide ni- trant. Ces recherches ont également conduit à la découverte de critères sûrs pour juger du degré de stabilité des nitrocelluloses. On avait jusqu'alors jugé de la stabilité par le temps qui s'écoule, dans des conditions déterminées, — chauffage à une température élevée fixe, — jusqu'à ce qu'on ob- serve les premières traces d'une décomposition de la substance, ou bien par la perte de poids que su- bissent les cotons-poudres après une certaine durée de chauffage; on observait la marche de la décom- position pendant un intervalle de temps assez long, ou le progrès de la décomposition dans l'unité de temps dans des conditions de travail bien détermi- nées. On trouva ainsi que la régularité de la dé- composition est la caractéristique d'une nitrocellu- lose bien stable. On reconnut ensuite que, pour toute nitrocellulose pure, correspondant à une concentration déterminée de l'acide nitrant, ïl existe une constante de dédoublement fixe, c’est- à-dire qu'elle dégage, dans l’unilé de temps, dans des conditions bien définies, toujours la même quantité d'azote, qui est caractéristique du plus grand degré possible de stabilité de ce produit nitré. Des cotons-poudres, purifiés de telle facon qu'ils présentent une constante de dédoublement corres- pondant au plus grand degré de pureté, peuvent être chauffés plusieurs fois à des températures atteignant 135°, jusqu'à ce qu'ils aient perdu le liers de leur poids, sans jamais montrer une ten- dance à la décomposition spontanée. Ils ont été conservés pendant plusieurs années dans des con- ditions défavorables, sans que leur constante de dédoublement ait été réduite. Les cotons-poudres préparés autrefois ne présentent jamais une pareille stabilité et une telle uniformité. 4 Voir Lune, loc. cit. J'ai obtenu, grâce à l'obligeance de la 2 ynamit Aktien-Gesellschalt, anciennement Alfred Nobel et Ci°, une nitrocellulose de Lenk, provenant d'une vieille fabricalion, probablement des environs de 1860. IT était à supposer qu'une telle nitrocellulose, préparée par l'emploi répété d’un même bain nitrant, avec la soi-disant seconde nitration, sans renouvellement de l'acide et sans connaissance de la purification nécessaire, devail contenir côte à côte des parties de stabilités très différentes. L'ex- périence a montré, en effet, que, dans la même masse, on trouve mélangées des portions de la meilleure constilulion et d'une stabilité qui ne z0 & S Azote degage en milligrammes œ Temps en minutes Fig. 3. — Essais de stabilité de trois échantillons de coton- poudre de Lenk. laisse rien à désirer, et d’autres qui ne répondent pas aux critères d’un produit de stabilité sûre. Les courbes de la figure 3 résument les résultats de ces essais. Les abscisses représentent les temps de chauffe, les ordonnées les quantités d'azote dé- gagé en milligrammes. On constate combien sont différents les dégagements de trois échantillons de coton-poudre de Lenk pris dans le même flacon. J'ai aussi pu étudier du coton-poudre fabriqué à Faversham en 1846, qui avait été enfoui en terre pendant plus de quarante ans à la suite de l’explo- sion de la première fabrique de coton-poudre; j’en dois un pelit échantillon à l’obligeance de Sir Fre- deric Abel. Il est encore complètement explosible et remarquablement stable. Au Bernouillanum de Bâle, on montre encore du coton-poudre de Schônbein, conservé dans une 812 grosse boite en carton; il doit être aussi entière- ment stable. Mais, comme je l'ai entendu dire, l'azote qu'il renferme s'est abaissé jusqu’à celui de la ouate de pansement de Bruns; la quantité de ce coton ne diminue pas non plus, quoique maint ad- miralteur de Schünbein en ait déjà emporté un échantillon en guise de souvenir. En cela, il se comporte absélument comme la célèbre tache d'encre de la Wartburg. De tout ce qui précède, il résulte que, depuis Lenk et Abel, on a fait de grands progrès dans la fabrication des nitrocelluloses stables, et qu’au- jourd'hui on peut garantir suffisamment l'obtention d'un coton-poudre stable à la conservation dans des conditions normales. En ce qui concerne Ja stabilisation de la nitroglycérine, on n'a pas ren- contré jusqu'à présent de difficultés. La question se présente alors naturellement de savoir si l’on peut, sans autres soins, préparer avec ces matériaux des poudres de tir suffisamment stables. Les règles pour la transformation de la pâte de nitrocellulose en poudre gélalinée sont si simples qu'au premier abord la question parait devoir être résolue par laffirmative. La nitrocellulose est d'abord mélangée avec l’agent gélatinisant, c'est-à- dire avec un liquide neutre. On peut aujourd'hui praliquer cette opération sans séchage préalable, depuis que l'on a appris à déplacer l'eau par l’al- cool ou, dans le cas de la gélatinisation de la nilro- glycérine, à soumettre le mélange en suspension aqueuse à l'excellent procédé de Lundholm et Sayers!. On procède à un mélange intime par pé- trissage, puis on concentre la masse dans des cylindres pour la débiter ou pour la mettre en forme à l’aide de presses hydrauliques et de ma- lrices appropriées. Enfin, on sèche à une lempéra- ture qui n’altère pas la nilrocellulose pure. Malgré tout, on a observé des cas dans lesquels des nitrocelluloses très des poudres qui ne l’étaient pas autant. Une étude plus approfondie a fait trouver une série de causes qui n'ont pas d'influence nuisible sur la nitrocellu- lose seule, mais qui agissent très défavorablement sur la stabilité des poudres gélatinées. Si, par exemple, il se produit une faible décom- position au sein de la masse gélalinée, par suite de la présence d'une impureté quelconque, — comme dans le cas cité par M. Simon Thomas au dernier Congrès inlernational de Chimie appliquée, et où la présence d’un clou en fer dans une poudre à la uilroglycérine produisit un commencement de dé- composition, — alors la chaleur dégagée dans la réaction el les produils de décomposilion ne peu- vent s'échapper de la gélatine et la réaction peut stables ont fourni WILHELM WILL — LES PROGRÈS DE LA TECHNIQUE DES MATIÈRES EXPLOSIVES | continuer à se propager. bans le coton-poudre, une accumulation locale de celte nature, agent d’une décomposition plus avancée, ne peut pas se pro- duire au même degré. Il n'est pas impossible aussi que certains produits de décomposition des liquides gélalinisants, se formant sous l'influence de l'air, de la lumière et de l'humidité, comme les super- oxydes d'éther ou d'acétone ou d'autres, agissent d'une façon défavorable. Il y a là un champ pour de nouvelles recherches chimiques, dont la réunion expliquera les observations isolées de stabilité insuffisante des poudres gélalinées et fournira les moyens d'y remédier. Au point de vue de l'absence de dangers dans la fabrication et la manipulation, les poudres à la nitrocellulose présentent sur la poudre noire des avantages inconteslables. 4 Le coton-poudre et la nitroglycérine, à cause de leur importance dans la technique explosive, ont pris la plus grande partie de la place qui était mise ici à ma disposition. Je dois done me borner dans l'examen des autres substances explosives. Quelque grand que soit le nombre des substances capables de déloner qui aient été trouvées dans le domaine de la Chimie organique, la plupart n'ont aucune valeur pour la technique explosive. Avant. tout, les superoxydes organiques, les corps azoï- | ques, les combinaisons acétyléniques sont, soit trop sensibles, soil trop chers pour être pris en CORRECTE considération. Les espérances qu'on avait fondées … sur l'emploi des combinaisons azothydriques ne se sont nullement réalisées jusqu'à présent. De même, les mélanges d'air liquide et de corps combustibles désignés sous le nom d'oxyliquite n'ont pas encore dépassé le stade des essais préli- minaires. Les explosifs aux chlorates et aux per- chlorates, qui n'ont jamais élé entièrement perdus de vue depuis Berthollet, attirent aujourd'hui de nouveau l'attention, depuis que le chlorale de po- tassium est fabriqué à si bon marché par voie élec-. trolytique. On attend encore de voir comment les explosifs dils à l'aluminium — explosifs dont l’ac- tion et l'inflammabilité doivent être accrues par l'addition d'aluminium finement pulvérisé — se comporteront. Une plus grande importance a été acquise par une série de corps nilrés, — en soi relativement très insensibles, — et dont la force détonante n'a élé reconnue et mise en valeur qu'à l'aide de la méthode de l'allumage initial avec les fulminates d'Alfred Nobel. La voie a été ouverte dans cette direction par les travaux d'Hermann Sprengel. Il & montré‘, en 1873, qu'un très grand nombre de mé- 4 Brevet allemand n° 53.296 (12 sept. 1889). 1 On a new class of explosives, which are not explosive ul ‘ WILHELM WILL — LES PROGRÈS DE LA TECHNIQUE DES MATIÈRES EXPLOSIVES 813 langes de combinaisons riches en oxygène avec dés corps combustibles peuvent déloner violem- ment à l'aide d'une capsule de fulminate. À ce genre appartiennent les mélanges de substances organiques de toute nature, hydrocarbures, leurs produits de nitration, nitrophénols, etc., avec l'acide nitrique, ou, si l’on veut obtenir des explo- sifs solides, les gâteaux de chlorate de potassium imbibés de liquides organiques, nitrobenzène, sul- fure de carbone, pétrole, etc., enfin les mélanges de salpêtre ammoniacal avec la poudre. Dans ce travail, l'auteur à aussi indiqué pour la première fois que l’acide picrique, sous l'influence de l’allu- mage inilial du fulminate de mercure, est un explosif puissant. La poursuite des recherches inaugurées par Sprengel a porté des fruits dans deux directions. D'une part, l'acide picrique, fabriqué jusqu'alors uniquement pour la teinture, a acquis une grande importance comme explosif‘. La simplicité de sa fabrication à l'état pur, sa grande insensibilité au choc, à la percussion, ainsi qu'à l'allumage ordi- naire, l'énergie puissante qu'il met en liberté à l'aide d’une capsule détonante, toutes ces proprié- tés le désignaient comme particulièrement appro- prié aux desseins de la technique militaire. Il est aujourd'hui fabriqué en grand par centaines de . milliers de kilogrammes, et, dans ce domaine, il s’est plusieurs fois substitué au coton-poudre humide. Pour sa préparation *, on utilise encore la nitration de l'acide phénolsulfonique, quoique d'autres mé- thodes, — comme celle qui, partant du chloroben- zène, procède à la nitration, au remplacement du chlore par l'hydroxyle*, puis à une nouvelle nitra- lion, — se soient montrées très praticables. À côté de l'acide picrique, les combinaisons nitrées voisines, comme le trinitrotoluène et les crésols trinitrés, ont acquis une importance technique. Mais la continuation des travaux de Sprengel a conduit à des résullats encore plus importants dans le domaine des substances désignées sous le nom d'explosifs de sûreté. Sprengel a fait valoir, pour ses mélanges explosifs, qu'ils offrent une très grande sûreté de manipulation, car la formation de l’explosif s'effectue d’une façon simple, au lieu même où il doit être utilisé, en faisant absorber le Corps organique liquide par des cubes de chlorale. Le principe de la préparalion des explosifs sur place ne s’est pas généralisé, malgré la méthode si simple en apparence de Sprengel, et quoiqu'il ait élé avantageusement employé dans certains cas, during their manufacture, storage Chem. Soc., t. XXV, p:.196 (186). : Turrix : Brevet allemand n° 38.134, du 12 janvier 1886. = Hauser“aNY : Sprengstoffe und Zündwaaren, 1894, p. 36. * Communication du Prof. Lepsius de la Chemische Fabrik de Griesheim-a-M. und transport. Joura. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. comme lorsqu'on fit sauter les rochers d'Hellgate dans le port de New-York. Beaucoup de mélanges explosifs préparés d'après les indications de Sprengel, tels que les mé- langes contenant du salpêtre ammoniacal, se sont montrés, tant au point de vue de leur faible inflam- mabilité par le choc ou la percussion qu'à d’autres égards, d’une grande sécurité dans les explosions de mines. Le travail des houillières, avec l'augmentation de la consommation et le percement des galeries à des profondeurs plus grandes, a coûté des sacri- fices de plus en plus nombreux de vies humaines, par suile des coups de grisou ou des explosions de poussière de charbon, dont la plus grande partie ont élé allumés par les substances explosives”. Or, Jusqu'à présent, il à été tout à fait impossible de renoncer à l'usage des explosifs dans l'exploitation de ces mines. On a été ainsi conduit à essayer s’il ne serait pas possible d’écarter, ou tout au moins de diminuer les dangers par l'emploi d’explosifs ne provoquant pas l'allumage du grisou. Celte importante question, après avoir été plusieurs fois abordée, soit d’une facon privée, soit officiellement, a élé étudiée d'une facon approfondie, à partir de 1877, par une série de Commissions gouverne- mentales. Une solution favorable de la question parut au premier abord peu probable. Les gaz grisouteux ont une température d'allumage de 600° à 700», tandis que les explosifs produisent des gaz d'une température d’explosion d'au moins 4.400°. Mais une élude pratique plus avancée à cependant conduit enfin à des succès très remarquables. S'appuyant sur les travaux de Mallard et Le Cha- telier, la Commission francaise d'essais? a fait res- sortir l'importance de la température de détonation d'un explosif pour la détermination de son inflam- mabilité pour le grisou et l'influence du fait qu'il faut un certain temps pour l'allumage du grisou par l'explosif détonant, et elle a recommandé l'ac- tion d'une addition de salpêtre ammoniacal aux dynamites de toute nature pour diminuer le danger * Pendant la période 1880-1889, le nombre des victimes attribuables à l'allumage du grisou par l'emploi de matières explosives est de 90 °/, des accidents dus aux explosions de mines. * Commission francaise, iistituée par la loi du 26 mars 1877. — anglaise, — —— 12 FEV. 1879. — belge, — _- 28 juin 41879. == saxonne, — = 11 janv.1880. — prussienne, — — 18 oct. 1880, — 20 avril 4S81. autrichienne 15 juill..1885. Haupbericht der preussischen Schlagiwettercom- mission de Haslacher, 1887. Annales des Mines, 1888 el 1889, p. 209, par G. CHESNEAU. ITATON DE LA GOUPILLIÈNE : Rapport de la Commission francaise du grisou. Annales des Mines, 1880. Fr. Aëez.: Journ. 6[ the Soc. of Arts, 20 no- vembre 1885. Le Caarecier : Le Grisou. Voyez ts 514 des coups de grisou. La poudre noire et spéciale- ment les explosifs à forte chaleur de combustion et durée de combustion pas trop courte sont par- ticulièrement dangereux. Winklaus' a déterminé expérimentalement la méthode d'appréciation de la sûreté au point de vue des coups de grisou d'après la grandeur de la charge, c’est-à-dire d'après le poids minimum de l’explosif qui doit être pré- sent pour que l'inflammation se produise. On doit aux communications de Heise*, suivies des beaux travaux de Watteyne?, d'importantes contributions aux problèmes de l'influence de la brisance des explosifs, de l’action de la compression des gaz grisouteux, ete. sur la sécurité contre les explo- sions dans les houillères. On doit également signaler les essais fails pour diminuer la température d’ex- plosion des explosifs par des cartouches à eau’, des garnitures de mousse humide ou autres, les cartouches aqueuses de Settle, la grisoutite, la dynamite à grisou d'Emil Muller‘, contenant des additions de sels cristallisés hydralés, étudiées également par le conseiller des mines Lohmann”. Dans tous ces explosifs, l'idée fondamentale est d'abaisser la chaleur de détonation par une absorption de calorique qui est destinée à réduire de l’eau en vapeur pendant l'explosion, que celle- ci soit présente sous forme liquide ou sous forme de combinaisons solides, riches en eau d'hydrala- tion. En réalité, il est possible de faire exploser ces substances dans l'air chargé de grisou sans provoquer l'inflammation dans certaines limites. On obtient encore plus de succès avec les explo- sifs de sûreté au salpêtre ammoniacal, mélanges de nitrate d'ammonium avec des combinaisons nitrées ou des hydrocarbures aromatiques, el, à côlé d'eux, avec les mélanges nitroglycérinés sans salpêtre ammoniacal, d’une sécurité remarquable contre les explosions de grisou, comme la houille- carbonite. Des explosifs de cette nature sont dans le com- merce depuis 1887 environ, et leur production s'est puissamment développée depuis 1889, depuis que l'emploi de la poudre noire avant tout, et en partie des dynamites riches en nitroglycérine, est défendu par les divers Gouvernements dans les houillères. On n’a pas supprimé les catastrophes par ces explosifs de sureté, mais on à considéra- 1 Gluckauf, 1895 et 1896. 2 Glüuckauf, 1898, 1899. 3 Emploi des explosifs dans les mines de houille de Bel- gique, 1896-1903, in Annales des Mines de Belgique, t. IV, V, VII, etc., Bulletin de l'Industrie minérale, 1901. 5 Macwag : Conférence à la Société géologique de Man- chester, novembre 1880. 5 Muzzer ; Brevet belge, n° 78.865 ; tembre 1887, le Brevet anglais, n° 12.424. ° Berg-, Hütten und Salinen-Wesen, 1887 el 1888; voir aussi les travaux du conseiller des mines Meyer. voir aussi du 13 sep- & 7 WILHELM WILL — LES PROGRÈS DE LA TECHNIQUE DES MATIÈRES EXPLOSIVES blement diminué les dangers du travail des mines, comme le montre sans ambigüité une statistique scrupuleuse ‘. Ainsi, le nombre des travailleurs. tués en Belgique par les coups de grisou dus à l'emploi des explosifs pendant la période 1890-1899" n'est que les 23 °/, du nombre des victimes de la période antérieure 1880-1889, malgré l'accroisse- ment considérable de la production minière. J'ai reconnu, d'autre part, d’après un relevé sta- tistique du nombre des explosions de grisou en Prusse, que, quoique la production se soit élevée de 52,8 millions de tonnes en 1885 à 72,6 millions. de tonnes en 1895, — période pendant laquelle ont été introduits les explosifs de sûreté, — le nombre: des explosions est tombé de 100 à 72,2, et l'on ne compte plus qu'un cas de mort pour une extraction de 1.100.000 tonnes au lieu d'une mort par 539.600 tonnes. Les nombres pour 1900 et 1904 sont relativement encore plus favorables ?. De tels succès éveillent l'espoir de nouveaux. progrès. La question de l'amélioration de la sécu- rité contre le grisou est un domaine où l’on tra- vaille toujours avec beaucoup de zèle”. Il reste: encore à signaler les recherches de Siersch sur la photographie des flammes, les beaux travaux du général Hess, surtout, sur l’action de foulement des gaz d’explosion, et les essais de H. Bickel sur les vitesses d'explosion, les durées de flamme, ete., des substances détonantes. Des résultats heureux suivront certainement ces efforts, si l’on ne tient pas seulement compte de la nature de l’explosif, mais qu'on surveille soigneusement aussi l’allu- mage initial. Par un allumage incertain, qui résulte quelquefois de l'emploi d'explosifs trop insensibles, la sécurité vis-à-vis des coups de grisou peut être: remise en question, et alors certaines conditions, comme le mode de garniture du trou de mine, la possibilité de la formation d’une étincelle pendant l'allumage, etc., deviennent d'une importance pré- pondérante. I1 m'est impossible d'insister davantage sur cette question: mais il y a tout lieu d'escompter de nouveaux progrès dans la sécurilé du travail pénible auquel nous devons la mise au jour de l'énergie. rassemblée sous forme de charbon dans les entrailles de la Terre #. Wilhelm Will, Professeur extraordinaire j à l'Ecole Technique supérieure de Berlin.- n ! Emploi des explosifs dans les mines de houille de Bel gique, statistique comparative, par V. Warrexxe et L: DexoeL, 1899 et 1900. 2 Communication privée du Professeur Heise. 8 Voir HEss : Glückauf, n° 13, 1900. Brekez : Untersuchungsmethoden fur” Sprengstoffen, Zeitschrift fur Berg-, Hutten und Salinen- Wesen, 1902. Photographie im Dienste der Sprengtechnik, Oester. Zeitsch für.Bergund Hutten-wesen, t. XLIV, p.#,1896: # Conférence prononcée devant la Société chimique alle=» mande(Berichte de cette Société, t. XXX VII, n°2, p.267 et s.): 4 Mittheilungen des techn. Militär-Comités, M J. DE BOISSOUDY — LES HYPOTHÈSES CINÉTIQUES ET LA LOI DE L'ÉVOLUTION 815 LES HYPOTHÈSES CINÉTIQUES ET LA LOI DE L'ÉVOLUTION [. — LES HYPOTHÈSES. Le théorème des états correspondants, dégagé des hypothèses qui lui ont donné naissance, et posé en loirigoureuse, n'influe pas directement, comme on sait, sur la forme de l'équation caractéristique des fluides ; il exige seulement que tous les coeffi- cients de cette équation puissent ètre exprimés en fonction de trois paramètres. Dans la formule de Van der Waals: les trois paramètres sont mis en évidence; ils peuvent être confondus avec les trois constantes R, a et D. Ils ont donc, comme ces constantes, leur signilicalion propre; chacun d'eux répond à une idée ou à une hypothèse particulière : il suffit de les définir pour retracer en quelques mots l’his- toire de la théorie cinélique. R, c'est l'hypothèse cinétique fondamentale, l'idée première de Bernouilli, légèrement modifiée par Clausius : un gaz considéré comme un assem- blage de petites sphères parfaitement élastiques, se mouvant dans le vide, en tous sens; chaque sphère possédant dans ce mouvement progressif une force vive moyenne proportionnelle à sa tempé- rature absolue. De cette hypothèse résulte une pre- mière approximation : une équalion à un seul para- mètre, qui est l'équation des gaz parfaits. Comme celle-ci ne peut être satisfaite, à chaque température, que pour des valeurs particulières de la pression et du volume, il faut admettre, si l’on maintient l'hypothèse précédente, qu'aux forces exlérieures, réduites à la pression hydrostatique, s'ajoutent des forces intérieures, provenant d’une action à petite distance entre molécules. Laplace avait imaginé des actions semblables : deux molé- cules, prises à l'intérieur d’un fluide, étaient supposées s'attirer avec une force o(r), dirigée suivant la droite joignant leurs centres, fonction de leur distance, et insensible au delà d'un certain rayon. Il définissait par là une pression intérieure : c'est la poussée normale et uniforme exercée sur le fluide par sa couche superticielle. Van der Waals a 4 la représente par 3; à est un second paramètre, qui traduit dans l'équation cette seconde hypo- thèse. Mais la formule obtenue est encore incomplète ; elle ne peut être vérifiée aux fortes pressions que si l'on introduit dans le second membre un terme négatif, croissant avec la pression. Pour expliquer ce nouveau terme, il semble naturel de recourir à une nouvelle hypothèse dynamique, modifiant celle de Laplace. C'est ainsi que procèdent Maxwell, Clausius, Lorentz; ils supposent que l'attraction se change en répulsion au-dessous d'une certaine distance. Van der Waals fait intervenir simplement le volume des molécules : ce volume, dit-il, n’est pas négligeable devant les distances intermolécu- laires, la trajectoire moyenne d'une molécule doit être diminuée de son épaisseur ; le nombre des chocs est donc plus petit, la pression est plus faible dans un gaz réel que dans le cas théorique; pour tenir compte des dimensions des molécules, il suffit de remplacer le volume apparent par un volume plus petit y— b. Le nombre D, appelé covolume, repré- sente sensiblement le quadruple du volume molé- culaire. Ainsi complétée, l'équation reçoit sa forme défi- nitive. IT. — LE Covorumr. L'idée du volume occupé par les molécules est assurément fort ingénieuse, mais elle ne paraît pas de nature à justifier l'introduction d’un nouveau paramètre. Tant que l’on envisage exclusivement ce qui se passe à l’intérieur d’une masse fluide, on peut sans doute, en raison de la complexité des mouve- ments moléculaires, distinguer une pression vraie et une pression apparente; mais celle distinction ne saurait s'étendre à la pression du dehors, à la pression réagissante. Celle-ci est bien déterminée dans chaque cas particulier. Or, M. Van der Waals, après avoir montré, en Lenant compte du volume moléculaire, que la pression réelle du gaz est à la pression (p+1), somme de la pression extérieure et de la pression interne, dans un rapport donné, ajoute incidemment, comme une vérité évidente : « Alors, la pression réagissante doit être prise plus grande dans les mêmes proportions"; » et il lui attribue en conséquence cette valeur fictive. Comme c’est là le point essentiel de son raisonne- ment, il est permis d'émettre quelques doutes. Pourquoi, en effet, la pression réagissante sera-t- elle prise plus grande qu'elle n’est en réalité? Nous ne voyons pas que les dimensions des molécules et la longueur du trajet moléculaire puissent avoir une influence quelconque sur la valeur d'une force qui, par définilion, fait équilibre à la force élas- tique du fluide. Peu nous importe la pression vraie ‘ La continuité des états gazeux et liquide, traduction Dommer et Pomey. G. Carré, p. 64, 816 à l’intérieur de la masse gazeuse. Les molécules exercent toujours exlérieurement sur chaque unité de surface un effort égal et directement opposé à p; pest la pression qu'on mesure, la pression sup- portée par le gaz, la seule qui soit en cause dans l'expression du viriel. La même remarque s'applique évidemment à la pression moléculaire; celle-ci peut être assimilée à une pression hydrostatique égale à .. Son viriel J D ° est indépendant des dimensions et du trajet des molécules. Bref, le terme À ne paraît pas avoir la significa- tion physique que lui attribue Van des Waals. Il semble qu'une véritable hypothèse eût été néces- saire pour définir ce troisième paramètre, qui tire actuellement toute sa valeur de l'expérience. III. — LA PRESSION MOLÉCULAIRE. La notion de pression moléculaire touche de plus près à la constitution intime des corps. Elle se pré- sente comme une conséquence immédiale de l'hy- pothèse de Laplace : si les molécules s’atlirent, si elles s'attirent partout de la même façon, il est clair que les molécules éloignées de la surface sont également sollicitées en tous sens, el que tout se passe comme si elles n'élaient soumises à aucune force; au contraire, celles qui font partie d’une couche superficielle ayant une épaisseur égale au rayon d'activité, sont aitirées vers l'intérieur; la couche superficielle, par l'effet de celte attraction, pèse sur le corps et produit une pression constante par unité de surface ‘. Nous sommes conduits dès lors à cette idée, au moins étrange, que les molécules emploient leur énergie, non seulement à résister à la pression exlérieure, c'est-à-dire à se défendre et à lutter, pour ainsi dire, contre des molécules étrangères, lutter contre elles-mêmes, et à vaincre une force développée uniquement par leurs attractions mutuelles. Elles s’attirent, mais c’esl pour se repousser plus énergiquement. Par sa seule présence, la couche superficielle tient une masse pondérable de volume quelconque dans un état normal de contrainte; elle joue vis-à-vis du système qu'elle circonscrit un rôle analogue à celui, par exemple, d'une frette extrèmement mince, posée à forcement sur un lube de métal, qui, avec uue épaisseur donnée, produirait toujours la même compression par unité de surface, quel que fût le diamètre du tube. | Ici, les deux régions en présence sont les deux mais encore à ! Rigoureusement constante si la surface est supposée plane ou sphérique. Cette pression À est donnée alors par la relation : 32v—Xri(r). J. DE BOISSOUDY — LES HYPOTHÈSES CINÉTIQUES ET LA LOI DE L'ÉVOLUTION parties d'un même corps : la couche superficielle d'une part, la masse interne de l’autre; elles sont composées de molécules de même nature; mais, tandis que l’une peut avoir un volume aussi grand que l’on voudra, l’autre a une épaisseur égale à une fraction infime de millimètre !. Et c’est cetle couche imperceplible, dont le volume est toujours négli- geable par rapport au volume total, qui, en vertu d'une attraction exercée sur ses molécules, produit sur le corps un serrage continu! La masse interne supporte ce serrage sans réagir, et ses molécules y opposent chacune la même force vive, quel que soit leur nombre! Nous voyons pourtant la matière, : chaque fois qu'elle est soumise à une contrainte, résister d'abord, puis chercher à s'y soustraire : par la réaction du métal comprimé, la frette s'ouvre et se desserre lentement; toute pièce battue ou : travaillée à froid perd peu à peu son écrouissage; cerlains effets de la trempe s'alténuent avec le temps. Dans tous les cas de contrainte artificielle, la contrainte disparait à la longue; toute énergie potentielle emmagasinée tend à s'éliminer d'elle- même. Comment pouvons-nous admettre alors qu'une masse fluide reste soumise à une contrainte per- manente? Entre les deux régions si bien délimitées s’élablira nécessairement une sorte de compromis; la couche superficielle subira le contre-coup de sa propre action, el, en raison de son extrème peti- tesse, elle se déformera, comme une gaine trop étroite, jusqu'à ce que celle action soit devenue | insensible *. L'attraction n'a donc pas la même valeur à l'in- térieur du corps et au voisinage de la surface libre. Cetle hypothèse, moins absolue peut-être que celle de l'attraction uniforme, outre qu'elle parait plus naturelle, présente l'intérêt de faire res- sortir une première analogie entre les formes inor- ganiques el les êtres vivants. Un gaz, en effel, un solide, un corps homogène quelconque, peut être considéré à la fois comme une colonie et comme un individu. De même qu'une . colonie animale, détachée d'une colonie-mère, acquiert, par le fait de son isolement, un commen- cement de personnalité, de même le corps, en se séparant des autres corps de même espèce, devient dans une cerlaine mesure un assemblage indivi- . dualisé. Or, la première loi, la loi la plus essentielle, pour un individu comme pour une société, c'est la loi de conservation. Toute société, toute colonie, tout individu, s'efforcent de maintenir le plus possible leur intégrité et leur autonomie. Le corps 1 25 puy environ, d'après M. G. Vincent. (Annales de Ch. et Phys., Te série, t. XIX.) ? Elle se réduit, comme on le verra plus loin, à la pres- sion capillaire. J. DE BOISSOUDY — LES HYPOTHÈSES CINÉTIQUES ET LA LOI DE L'ÉVOLUTION 817 doit done se mettre en état de défense; entouré d'ennemis de tout genre, il doit chercher à se préserver contre les actions du dehors; à cel effet, il doil tenir en réserve, sous forme poten- tielle, une certaine quantité d'énergie, qui lui serait inulile si, par impossible, il avait des dimensions indéfinies. Mais cette énergie ne sera pas unifor- mément répartie dans loute sa masse; c'est dans la région la plus menacée qu'elle s’accumulera de préférence, c'est-à-dire près de la surface libre. Ainsi, pour assurer sa prolection, le corps s'en- veloppera d’une couche plus ou moins épaisse de molécules différenciées. Celles-ci joueront le rôle d'organes de défense; elles auront la garde de la colonie, et seront susceptibles, au moment du besoin, de transformer en énergie cinélique leur énergie potentielle. Nous retrouvons ici sous un aulre aspect l'hypo- thèse d’une déformation superficielle ; le point de vue seui à changé, l’idée reste la même. Cette déforma- tion se présente encore comme une conséquence di- recte de l'attraction, car c’est précisément l'attraction moléculaire qui fait d'un gaz ou d'un solide une colo- nie, d'une masse gazeuse ou d'un cristal un indi- vidu, et non pas une simple collection de molécules. Mais, dans une pareille société, les actions attrac- tives et répulsives s'équilibrent de proche en pro- che; la contrainte se réduit au minimum; sous forme d'énergie potentielle, elle se porte àla surface du corps, à peu près de la même facon que l'élec- trieité se porte à la surface d’une conducteur. Les molécules superticielles sont dans un état de pola- risation! comparable à celui que prennent, sous l’action d'un champ, les molécules d'un diélectrique; elles forment comme autant de petils ressorts ban- dés qui pourront se détendre à l'occasion et mettre en liberté l'énergie qu'ils détiennent. Cette hypothèse écarte donc toute idée de pres- sion moléculaire, en tant que pression constante et É : ; À a Je uniforme (pression représentée par TE dans l'é- quation de Van der Waals), mais elle conduit natu- rellement à l'idée d'une tension superficielle et d'une pression capillaire. Si le corps est entouré d'un milieu homogène, la couche de passage emmagasinera, par le fait de sa différenciation, une quantité d'énergie AS,S dési- gnant la surface du corps, et A un coefficient spéci- fique, qui représente l'énergie contenue dans 1 Cet état de polarisation superficielle modifie l'état élec- trique de la surface. On peut y voir la cause (car le potentiel électrique parait lié à l'énergie potentielle des molécules), non seulement de l'influence exercée par l'état de la surface d'un métal sur la différence apparente de potentiel qu'il présente avec un autre métal, mais aussi de l'écart très considérable, et, en somme, inexpliqué, qui s'observe entre les forces électro-motrices de contact apparente et vraie. — chaque unilé de surface. Si la surface augmente de dS, l'énergie totale augmentera donc de 4T—A4S. Cette relation connue montre que, la surface, tendant à se rétracter, en vertu du principe de moindre action, la couche de passage peut être assimilée à une membrane élastique constamment tendue, qui contiendrait par unilé de surface une quantité d'énergie constante, el qui ne pourrait perdre toute cette énergie qu'en devenant, par impossible, infini- ment petite ou nulle. À l'effort exercé par une telle membrane, le fluide emprisonné oppose une réaction égale. Si, par exemple, la masse fluide a la forme d’une goutte sphérique de rayon R, la couche superficielle contient une quantité d'énergie potentielle égale à ArR’A, et produit une compression uniforme /. La masse interne, pour réagir, c'est-à-dire pour entretenir la tension de celte membrane, qui joue le rôle d'un ressort idéal, doit mettre en jeu une quantité d'énergie cinétique équivalente. Celle- ci donnera lieu, en tous les points de la surface, à une pression égale et directement opposée à /, et le viriel 5 /v sera précisément égal à 4rR°A : 4 3 EATREAS 3 TRI 3 I ou Cette pression capillaire représente la seule action qu'exerce la couche superticielle sur le fluide. C'est le minimum indispensable au-dessous duquel cette action ne saurait descendre. L'hypothèse de Laplace donne, au contraire, pour l'une valeur maxima, qui diffère de la précédente par l'addition d'un ierme constant, représentant la pression interne. Pour expliquer les effets capillaires, les deux formules sont équivalentes; elles aboutissent aux mêmes lois, car on peut raisonner comme si le terme constant n'existait pas. Pourtant, même à ce point de vue spécial, la première semble conserver l'avantage. Certains faits, signalés notamment par M. Van der Mensbrugghe, lendraient à prouver que les liquides contiennent effectivement dans leur couche de passage une énergie particulière, et que la pression moléculaire doil être considérée comme une simple conséquence de la Lension superficielle. IV. — CoLoNIES GAZEUSES ET COLONIES ANIMALES. Ces conclusions donnent plus de force à l'opi- nion que nous exprimions plus haut. Un gaz, disions-nous, est une colonie ou une société de molécules. C'est une société, et non pas une simple collection, car, suivant la définition de 818 Spencer‘, à la juxtaposition des individus s'ajoute ici la coopération et un commencement de solida- rité. Les molécules s’attirent; elles ne sont pas . entièrement libres et indépendantes les unes des autres; elles tendent à se rapprocher, à s'unir. Cette attraction se manifeste dans tous les gaz, même au voisinage de l’état parfait (état idéal, qui répond bien à l'idée de somme ou de collection d'individus); - mais elle s’observe principalement lorsque la tem- pérature s'abaisse,etque la matière, en s'inlégrant, acquiert plus de cohésion. Alors les groupements se resserrent, se perfectionnent; il est clair qu'une masse liquide ou un cristal répondent mieux encore qu'un gaz à l’idée que nous avons d’une société. Or, quel est le premier soin d'une société, ou, si l’on préfère, d’une colonie animale, qui, en s’isolant, est devenue un être individuel ? C'est évidemment de s'organiser pour vivre avec ses seules forces ; car, englobée dans une colonie ou dans une société plus vaste, elle était moins exposée et avait une existence plus facile. Comme elle doit désormais se suffire à elle-même, il faudra d’abord qu'elle cicatrise ses blessures”, puis qu’elle mette à l'abri ses parlies les plus vulnérables sous une couche continue de tégumentset d'organes défensifs. Cette enveloppe une fois constituée, la vie du nouvel or- ganisme serait encore précaire, si les divers indi- vidus qui le composent, même les plus éloignés de l'enveloppe, ne se dépensaient davantage pour la subsistance commune; chacun d’eux doit produire un surcroit d'effort, celui-ci d'autant plus grand que la société est plus restreinte, et que, pour un nombre d'individus déterminé, elle a une plus grande surface ou des frontières plus étendues. Tel est le cas, par exemple, d'une colonie d'Hy- dractinies”. La colonie est une espèce de ville forti- fiée. Sur les bords-se forment de véritables organes de défense; les polypes primitifs remplacent leurs bras par un collier de tentacules remplis de néma- tocystes. En revanche, ces individus, tout entiers à leurs fonctions, privés de bouche, vivent en para- sites; ils ne recherchent plus eux-mêmes leur nour- riture; ils sont à la charge de la colonie. On voit ici la différenciation : tandis que les individus péri- phériques ont en quelque sorte emmagasiné de l'énergie potentielle en se différenciant, ceux de l'intérieur produisent un léger surcroit de travail pour assurer la nutrition des premiers. Ce que nous venons de dire d’une colonie ani- male peut se répéter d'un assemblage inorganique. he vue +, M à QU ‘ Principes de Sociologie, t. I, p. 331. ? Expériences de Pasteur et de M. Levalle sur la cicatri- sation des cristaux. 3 Voir En. Perrier : Les Colonies animales ct la forma- tion des organismes. Paris, Masson, p. 232. J. DE BOISSOUDY — LES HYPOTHÈSES CINÉTIQUES ET LA LOI DE L'ÉVOLUTION Lorsque, d’une masse pondérable, supposée homo- gène et indéfinie, nous détachons un fragment, les molécules qui occupent la surface de ce fragment, brusquement séparées de leurs voisines, avec les- quelles elles avaient certaines liaisons, se différen- cient aussitôt, de manière que les molécules in- ternes se ressentent, pour ainsi dire, le moins possible de la rupture qui s’est produite. La couche superficielle emmagasine de ce fait une quantité d'énergie potentielle proportionnelle à sa surface. Elle prend la fonction d'un exoderme !, d’un revé- tement protecteur ou d’une ligne de défense. Mais les molécules intérieures ne restent pas in- demnes ; elles doivent acquérir elles-mêmes un léger surcroît d'énergie cinétique. Comme aupara- vant, elles ont, en effet, à résister à la pression exté- rieure, mais il leur faut de plus entretenir la ten- sion de la couche superficielle, et, par suite, vaincre une pression qui devient d'autant plus grande que celte couche se resserre davantage. Le surcroît de force vive qui leur est nécessaire, d’ailleurs négli- geable?, dans le cas d'un fluide, devant la force vive totale, est précisément égal, pour l’ensemble de ce fluide, à l'énergie potentielle que contient l'enveloppe. Pour chaque molécule, il augmente à mesure que la surface augmente, ou, à surface égale, à mesure que le volume, c’est-à-dire le nombre total de molécules, diminue. V. — PROPORTIONNALITÉ DE LA FORCE VIVE MOYENNE A LA TEMPÉRATURE ABSOLUE. Nous arrivons à l'hypothèse fondamentale : la force vive moyenne des molécules dans leur mouve- mentstationnaire, — comme le nomme Clausius, — est la mesure de leur température absolue; aulre- ment dit : « Dans un corps à température uniforme, la force vive moyenne des masses moléculaires concentrées aux centres de gravité est NST, N dé- signant le nombre des molécules, T la température absolue d’une molécule, et s une constante indé- pendante de la nature de cette molécule »*. Telle est l’idée essentielle sur laquelle repose la théorie cinétique des fluides; on l'étend générale- ment aux divers états de la matière. 4 Chez les Cœlentérés, dont le corps ne comprend le plus souvent qu'un exoderme et un endoderme, le revêtement exodermique est toujours fortement différencié et muni d'organes défensifs. L'endoderme est, au contraire, de cons- titution presque uniforme. La fameuse expérience de Trembley, du retournement de l'hydre, prouve d'ailleurs l'identité primitive des deux tissus : l'exoderme devient endoderme, et réciproquement (Voir PERRIER, Op. cit. p. 175). 2 GERRIT BAKKER Théorie des liquides à simples. Journal Phys., 3e série, t. VI, p. 582. 8 E. Sarkau : Zntroduction à la théorie des explosifs, Gauthier-Villars, p. 76. molécules AV An at ane 9 de J. DE BOISSOUDY — LES HYPOTHÈSES CINÉTIQUES ET LA LOI DE L'ÉVOLUTION 819 En raison de sa simplicité, de son caractère ab- “solu, cette hypothèse se prêle aisément au calcul; mais elle vise avant tout à exprimer une loi natu- relle ; elle s'applique à un groupement particulier: à une unité qui n'a rien d'abstrait ni de mathéma- tique. Ce caractère absolu suffit à la rendre sus- pecte. Supposer, en effet, que la molécule, de préférence à l'atome, de préférence à tout autre assemblage, obéit à une loi rigoureuse, et cela quel que soit l'état du corps dont elle fait partie, c'est évidem- ment lui attribuer dans les transformations physi- ques un rôle prépondérant, c'est admettre implicite- ment que cette molécule reste, à tous les états, une individualité constante, absolue, rigide, tou- jours parfailement définie, toujours une et indivi- sible. Nous la concevons telle, sans doute, approxi- mativement, aux températures élevées etaux faibles pressions, lorsque le corps est à l’état gazeux, et à un état gazeux voisin de l’état parfait. Les molé- cules sont alors lrès espacées, très indépendantes les unes des autres ; elles tiennent leurs atomes étroitement enchaînés ; elles occupent des portions de volume à peu près équivalentes ; il ne s'exerce entre elles aucune attraction sensible; bref, elles sont nettement individualisées, à la fois libres et égales, en ce sens qu'ayant peu d’affinité réci- proque, restant comme indifférentes les unes aux autres, elles onttoutes la même force vive moyenne et le même champ d'action. Mais il n’en est plus ainsi dès que la matière se condense. Quand le corps devient liquide, puis solide, la molécule, — supposée formée de plu- sieurs atomes, — se dissocie peu à peu en tant qu'individualité définie. Cette dissociation n'est jamais complète; il est clair que les atomes ne vont pas jusqu'à se séparer entièrement les uns des autres, qu'ils s'enchaiînent toujours dans un ordre ‘conslant : « On ne comprendrail pas autrement l'existence de corps isomères, c'est-à-dire formés des mêmes ‘éléments groupés de manières diffé- rentes, conservant leurs propriétés respectives à travers tous les changements d'état »’. Mais l'unité du groupement tend à s'effacer de plus en plus. Dans les liquides constitués par des sels fondus, dans les solulions salines, il s'est brisé en deux fragments. Ce n'est plus la molécule, ce sont les ions qui jouent le premier rôle; l'ion se comporte à son Lour comme un système autonome. Sans doute, ‘on peut lui appliquer la loi de proportionnalité, on peut traiter l'ion comme une molécule ; mais la loi perd par là même toute sa valeur: rien n’aulorise une pareille assimilation. Avec sa charge posilive ! Lornan Mexyer : Les théories modernes de la Chimie, draduction Alb. Bloch, t. 1, p. 347. ou négalive, l'ion électrolylique est une indivi- dualité d'un ordre tout particulier; il ne définit pas la substance dont il fait partie, il n’en est pas l’élé- ment chimique, mais une sous-unilé, une fraction physique. Etendre à cette unité nouvelle l'hypo- thèse énoncée pour la molécule, c’est la détourner de son véritable sens. Commencée dans certains liquides d’une ma- nière apparente, la dissociation se poursuit à l'état solide. Lorsque la molécule fait partie d'un cristal, elle n’est plus isolée et libre au milieu de molécules semblables ; elle appartient à une société, elle est entrée comme élément dans une série de groupements de complexité croissante : particule fondamentale, particule complexe, cristaux simples et accolés'. Ces divers assemblages ne s’individua- lisent qu'à ses dépens; l'individualité s’éparpille, et perd en intensité ce qu’elle gagne en étendue. Un corps solide est une société, mais une so- ciélé relativement avancée, une colonie compa- rable aux colonies animales les plus complexes. Dans une colonie de Coralliaires, par exemple, se superposent une série d'individualités d'ordre croissant, plastides, mérides, zoïdes, dème, dont la plus élevée correspond à l’ensemble du polypier. Toutes, sauf la cellule, ont une unité mal définie, et la colonie, — le zoanthodème, — peut être re- gardée comme un « organisme, Composé, non pas de polypes eux-mêmes composés, mais de cellules simples, d'éléments histologiques, directement agrégés en une masse continue »°. De même, un corps solide comprend une série de groupements définis, dont le plus petit est la molécule, et dont le plus grand embrasse le corps tout entier ; ils se sont fondus les uns dans les au- tres, ils se sont soudés, eux aussi, en une masse unique ; aucun ne dépasse un certain degré de per- sonnalité. Seul l'atome parait conserver son unité fondamentale, — comme la cellule dans le zoan- thaire; — plus fortement constitué que tous ces groupements accidentels, et que la molécule elle- même, l'atome redevient à l’état solide l’individua- lité prépondérante, — ou, pour mieux dire, il devient l'individu en face de la collectivité. 1 Bravais n'admettait explicitement dans un cristal qu'une seule unité : la molécule chimique. Mallard, en distinguant le réseau des centres de gravité moléculaires du réseau cristallographique, afférent aux molécules de même orien- tation, suppose déjà deux ordres d'unités : la molécule et la molécule complexe. M. Wallerant en reconnait trois : la molécule, la particule fondamentale et la particule com- plexe, dont l'autonomie relative est mise en évidence par les phénomènes du polymorphisme et des groupements cristallins. Encore n'est-ce là qu'un minimum : « La symé- trie d'un corps cristallisé devient ainsi le résultat d'une série d'étapes successives. » (Les groupements cristallins, Ed. Scieutia, p. S0). 2 A. Esrixas : Des Sociétés animales. Germer-Baillière, = p. 247. 820 J. DE BOISSOUDY — LES HYPOTHÈSES Ne savons-nous pas, en effet, que, dans un corps solide, tous les atomes sont théoriquement égaux ? Ils sont égaux en ce sens qu'ils disposent tous à la même température de quantités égales d'énergie. Ils absorbent tous la même quantité de chaleur pour s'élever d’une température à une autre : c'est la loi de Dulong et Petit. Chacun d’eux conserve sa capacité calorifique dans les diverses combinaisons solides où il se trouve engagé : c'est la loi de Her- mann Kopp. Énoncées comme lois limites, et seulement pour l'état solide, ces deux lois fondamentales semblent définir un état solide idéal, un véritable état par- . fait, dont les corps se rapprochent plus ou moins entre certaines limites de température, et qui cor- respond effectivement à leur forme sociale la plus parfaite, au terme le plus élevé de leur évolution". Au contraire, les lois de Gay Lussac et d'Avogadro, qui définissent, elles aussi, un état limite, nous reportent à une structure de la matière essentielle- . ment primitive. Cet état gazeux, que l’on appelle improprement état gazeux parfait, où, par bypo- thèse, les molécules n'ont entre elles aucune liai- son, où elles restent absolument étrangères les unes aux autres, est, de toutes les formes que puisse revêlir une substance, la plus simple et de beaucoup la plus imparfaite. Nous ne remontons pas au delà, et nous ne pouvons envisager cet état purement théorique que comme l’origine indéfini- ment reculée de toute évolution. Or ces deux catégories de lois, qui définissent deux états si différents, ne s'adressent pas à des unités de même ordre. Les premières n'envisagent que l'atome, les secondes mènent à la conception de la molécule; les unes ont permis de fixer les poids atomiques, les autres ont déterminé les poids moléculaires. L’atome est donc dans un corps solide l'indivi- dualité principale. La matière à l’état solide est une colonie hétérogène ou, pour mieux dire, une véritable démocratie, dont les atomes sont les indi- vidus. A la fois presque égaux, et presoue libres, ils y sont, de plus, étroitement solidaires. Quant à la molécule, elle existe encore, sans doute, mais elle ne joue plus qu'un rôle secondaire. Semblable à ces organismes coloniaux, dont la personnalité peut être développée momentanément par la vie errante, la molécule s’est fortement indi- vidualisée tant qu'elle a été libre de se mouvoir, c’est-à-dire à l'état gazeux. Mais, dans un corps solide, elle est liée aux autres molécules, elle est 1 C'est à l'état cristallin que chaque substance atteint le terme de son évolution progressive; si la température continue à s'abaisser, l'état cristallin est remplacé par un état vitreux (Tammann); l’évolution devient régressive, la désagrégation se poursuit jusqu'au zéro absolu. CINÉTIQUES ET LA LOI DE L'ÉVOLUTION englobée dans une colonie, elle s’est en quelque sorte fixée au sol; elle n'a plus qu'une existence effacée en lant qu'individu. VI. — LA LOI D'ÉVOLUTION. + te. De Il semble donc tout à fait illusoire d'étendre aux états liquide et solide une hypothèse suggérée par les lois des gaz parfaits, qui, 4 priori, ne doit être estimée ni plus vraie, ni plus nécessaire que ces lois elles-mêmes, et qui n’a d'ailleurs de raison d'être qu'autant que la molécule reste un assem- blage fortement constitué : seule une individualité absolue comporte une loi absolue. Mais, à supposer même qu'on la restreigne au seul état fluide, — et que celte réserve soit per- mise —, l'hypothèse de la proportionnalité soulève encore de graves objections. Elle est contraire à toute idée de continuité. L'expérience nous apprend, en effet, que cerlaines espèces chimiques sont représentées à l'état gazeux. par des molécules de complexité différente. Tel est le soufre. Au dessous de 1500°, la densité de vapeur du soufre augmente constamment de 2,11 à une valeur environ quatre fois plus grande (qu'elle atteindrait, suivant MM. Bleier et Kohn, à une tem- pérature suffisamment basse #, sous pression convenable). Le soufre S°se transforme donc insen- siblement en soufre $; et, si l'on pose en principe la proportionnalité de la force vive moléculaire à la température absolue, il faut admettre qu'à chaque instant la vapeur est un mélange en proportions _ déterminées des deux espèces de molécules. Les premières disparaissent et se transforment peu à peu, jusqu'à ce que les secondes occupent, à elles» seules, tout le volume disponible. La transition est donc progressive et continue, si l'on envisage la masse entière; mais elle est discontinue, si l'on considère les molécules elles- | mêmes. Entre une molécule $ et une molécule SM il n'existe aucun intermédiaire. Le passage de l'une à l’autre est brusque, instantané. Ce n’est pas une évolution, c’est une substitution. L'individualitéx s'élève d'un seul bond de la molécule simple à la molécule composée, mettant en défaut le vieil j adage tant de fois répété des scolastiques. 1 Un tel processus est peu conforme aux lois nalurelles. Il est sans doute parfaitement logique: que les espèces chimiques soient représentées au cours de leur évolution, tout comme les espèces vivantés, par des unités de plus en plus complexes et d'ordre de plus en plus élevé : atome, molécules diatomique ou polyatomique, agrégat de molé-n cules, etc., mais il n'est pas admissible que cel- les-ci apparaissent tout d’un coup; c'est par une série continue de transformations que doit naître J. DE BOISSOUDY — LES HYPOTHÈSES CINÉTIQUES ET LA LOI DE L'ÉVOLUTION 821 .et se développer chaque individualilé nouvelle. Lorsque, dans les espèces animales, la person- palité s'est déplacée de la cellule au groupe de cellules, l'organisme pluricellulaire s’est constitué progressivement. Les cellules, d'abord isolées, ont . formé de petites agglomérations instables et irrégu- lières, nées par division ou par sporulalion d'une . cellule primitive. Puis ces aggloméralions se sont . circonscriles, ont affecté une structure uniforme, ont acquis des caractères spéciaux, et sont devenues . définitivement des individus, en fixant à la fois le . nombre et la disposition de leurs éléments. La classe si intéressante des Infusoires Flagellés , nous permet de suivre presque à la trace celte évolution du groupement cellulaire. « Parmi les Flagellés, écrit M. Le Dantec', on trouve, pour _ainsi dire, toutes les étapes de l'individualisation progressive des colonies. On commence par des . espèces coloniales dont les cellules sont réunies en groupes absolument quelconques, on voit ensuite _ des agglomérations qui, sans être tout à fait fixes . dans leur structure el leurcomposition, ont déjà cer- tains caractères définis, en tant qu'agglomérations ; puis, le nombre de ces caractères définis augmen- tant, on arrive aux espèces telles que les Volvox et les Magosphæra”, dans lesquelles les aggloméra- tions sont définitivement des individus ». Ce mécanisme esl général; il s’est reproduit toutes les fois que l’individualité s’est portée d’un type d'organisation au lype supérieur. Or, comme nous l'avons observé, l’individualité s'élève aussi dans les substances inertes d'un sys- .tème relativement simple, l'atome, à des systèmes de complexilé croissante. On peut se demander si ce passage d'un type au suivant n'est pas une transformalion analogue, si, par exemple, lorsque la vapeur de soufre évolue de la forme diatomique à la forme octoatomique, l’individualité ne passe pas insensiblement de chaque molécule $° à une -molécuk $, à peu près de la même façon que, dans certaines classes du règne animal, nous la voyons aller progressivement de la cellule au groupe des cellules. Ces deux transformations sont d'ordre diffé- rent. Il semble permis, néanmoins, de les mettre sen parallèle, et de voir dans ce rapprochement, non pas une simple mélaphore, mais l'image exacte de la réalité. Il est, en effet, un principe de haute portée que nous pouvons invoquer, bien qu'il n'ait pas reçu sa forme définitive, et qu'il demeure aux * La définition de l'Individu. Revue philosophique, 1901, I, p. 33. ? La Stephanosphæra, par exemple, parmi les Volvo- cinées, se compose normalement de huit cellules associées sous une enveloppe commune; la Magosphæra de trente- deux cellules identiques, soudées par leur pointe. confins de la métaphysique. Ce principe, entrevu pour la première fois par Herbert Spencer, est le principe mème de l'évolulion. L'auteur des Pre- miers Principes ne l'a peut-être pas énoncé avec toute la précision désirable, mais il en a du moins marqué le sens lorsqu'il a dit — et il est revenu avec insistance sur cette vérité — que les trans- formations de tout genre, si différentes qu'elles nous paraissent, « s'expriment par une même for- mule abstraite et présentent, non par accident, mais par nécessité, des caractères communs‘ ». Une formule si générale n’est, sans doute, pas absolument rigoureuse. Toutes les transformations naturelles ne s'opèrent pas nécessairement suivant un processus invariable. Mais on peut dire, avec plus de vraisemblance, que deux séries de phéno- .mènes sont comparables toutes les fois que, dans l’évolution d'un être, d'une espèce, elles corres- pondent respeclivement à des phases équivalentes, toutes les fois, notamment, que l’on envisage soit la formation, soit la dissolution de deux individualités définies, quelles qu'elles soient, physiques ou ani- males, plaslide ou atome, méride ou molécule. Or, la Zoologie et l’Anatomie comparée nous apprennent que chaque type d'organisation se relie au suivant par une série continue de formes coloniales. Si nous reconnaissons quelque valeur à la loi d'évolution, nous devons admettre que les espèces inorganiques évoluent sous nos yeux et ont évolué dans la Nature comme les espèces vivantes, que les divers lypes de constitution qui s'appellent alome, moléeule, particule cristalline, etc., au lieu d'apparaitre brusquement, s'enchainent deux à deux, qu'entre les types définis existent une infinité de types intermédiaires, que toute transformation est une transformation continue, enfin, pour en revenir au cas particulier de la vapeur de soufre, que la phase Set la phase S° se lient l’une à l’autre par une suite ininterrompue de phases à molécule indéfinie. Dans ces conditions, les états successifs de la masse fluide peuvent être concus de la manière suivante : À haute température et à faible pression, la vapeur suit sensiblement les lois de Gay-Lussac et de Joule. Les molécules dialomiques, fortement individualisées, libres, presque indépendantes les unes des autres, possèdent chacune une quantité de force vive moyenne à peu près égale à celle que posséderait, dans les mêmes conditions, une molé- cule de gaz parfait. Quand la température s'abaisse, à pression constante, les molécules se rapprochent les unes des autres ; chacune d'elles attire ses voi- ‘ Le principe de l’'Evolution. Réponse à lord Salisbury, Paris, Guillaumin, p. 24. 822 sines ; la sphère d'activité représente précisément la petite portion de volume où s'exerce cette attrac- tion. Les molécules contiguës forment ainsi des groupements rudimentaires; le fluide affecte une structure en quelque sorte coloniale. Mais peu à peu, dans cette colonie homogène, des aggloméra- tions s’ébauchent; les molécules $°, d'abord « ho- mologues et homodynames », — comme étaient les premières cellules, — forment des amas varia- bles et peu cohérents; puis elles se réunissent par quatre. Chaque agglomération se resserre, s'orga- nise el se sépare des agglomérations les plus proches; l'attraction diminue entre ces groupes voisins, tandis qu’elle augmente entre les atomes d'un même groupe. Bref, à la température #,, la molécule octoatomique se trouve définitivement constituée et a tous les caractères d’un individu. Sa force vive moyenne est peu différente de la force vive sT, que posséderait une molécule par- faite. VII. — ASSOCIATION ET DISSOCIATION. Il est clair que, si l’on accepte celte manière de voir (contraire, je le sais, à une foule d'idées recues, contraire, en particulier, à la loi des proportions définies, qui n'admet que des molécules définies), l'énergie cinétique des molécules ne peut être con- sidérée comme toujours proportionnelle à la tem- péralure absolue ; autrement dit, le rapport ç de cette énergie cinétique à la température absolue T ne peut êlre une constante toujours égale à s. Pour que cette condition fût rigoureusement remplie, il faudrait, en effet, que toute molécule fût une sorte d'unité mathématique, un individu, au sens le plus absolu du mot; il faudrait que les fluides fussent des gaz parfaits, car telle est la définition de l’état parfait, où l’on suppose l'attrac- moléculaire et le travail intérieur s'annuler simullanément. En réalité, ce rapport 6, pour une molécule donnée, est généralement différent de s; il est plus petit que s la molécule, en s'associant avec d'autres molécules, tend fondre dans une colonie où dans une individualité d'ordre supé- rieur; il est plus grand que s si, la molécule étant, ton si à se au contraire, partiellement dissociée, ses éléments ont repris vis-à-vis les uns des autres une certaine autonomie ; il se rapproche enfin de sa valeur théorique s dans les limites où la molécule est le plus fortement individualisée, c’est-à-dire où elle se rapproche elle-même des conditions de l'état parfait. Le rapport ç est, en quelque sorte, pour chaque groupement déterminé, la mesure de son individualité. Cette hypothèse, appliquée aux fluides, suffit à J. DE BOISSOUDY — LES HYPOTHÈSES CINÉTIQUES ET LA LOI DE L'ÉVOLUTION l PURE © : rendre compte de l'allure générale de leur fonction caractéristique. Mettons l'équation de Van der Waals sous la forme : a a pr RTE" "D (p+ Se than, | Le premier membre représente, à un facteur près, l'énergie cinétique des molécules, puisque la pression extérieure est la seule force agissant sur le système (nous sommes arrivé plus haut à celte M conclusion que la pression interne n'existe pas en tant que pression constante). : L'équation exprime donc simplement qu'au lieu d'être proportionnelle à la température absolue, et égale à RT, comme on le suppose, la force vive moyenne des mouvements moléculaires est, en réalité, plus grande ou plus petite que RT, suivant que l’un ou l’autre des deux termes correctifs de sens contraire l'emporte en valeur absolue, Aux faibles pressions, le fluide est généralement plus compressible que ne l'indique la loi de Mariotte pv Ar ne ee ol yat ge er me on Se ÿe CRUEL 2e 6e 5 Lg ! Celte tendance à la polymérisation, commune à tous les fluides, est surtout marquée dans certaines substances, en général dans les combinaisons qui contiennent l'oxydryle, les acides formique et acélique notamment, l'eau, les alcools, ete. ? Celte idée a été particulièrement mise en lumière par MM. J. Demoor, J. Massart, E. Vandervelde, dans J'ÆEvolu- tion régressive en Biologie et en Sociologie (Alcan, 1897.) J. DE BOISSOUDY — LES HYPOTHÈSES CINÉTIQUES ET LA LOI DE L'ÉVOLUTION Ainsi, à chaque température, l’évolution de la masse fluide est d'abord progressive ; les molécules _se forment en colonie, adoptent une existence sociale. Celle-ci, bien que rudimentaire, a pour effet de diminuer leur force vive, et de réduire le _ travail de chaque individu. Puis, à partir d'une certaine pression, qui correspond au minimum du produit pv, l'évolution devient régressive; la dis- sociation l'emporte sur l'association; la molécule se désagrège ; il semble que la matière se pulvérise et se rapproche aux très hautes pressions de l’état d'extrême confusion et de complète anarchie qui caractérise le zéro absolu. VIIT. — ConcLusIoN. Grèce à l’idée d'évolution, les transformations physiques se révèlent donc sous un jour nouveau. Tout corps peut être envisagé comme un être collectif, comme une colonie qui évolue. Sous ses formes successives, gaz, liquide, cristal, c'est une société qui nait, qui progresse, qui se civilise. Remontons, en effet, à l'origine de cette société : aux températures les plus hautes, la matière se conçoit comme une simple collection d'individus; Jes atomes sont tous libres, tous égaux; tous occu- _pent d'égales portions de volume, tous possèdent la même force vive. Bien loin de se rechercher les uns les autres, ils se repoussent, ils se heurtent, ils sont dans un état d'agitation et de guerre inces- Sante, qui fait penser à cet état de nature dont parle Hobbes : Status naturalis bellum omnium in omnes”'. - Mais, peu à peu, les atomes se sont groupés en molécules; les molécules se sont isolées d'abord, puis associées en colonies, et finalement, après une série de révolutions, — de changements d'état, — dont le but est toujours l'affranchissement de Dindividu el le développement de la société, nous Les trouvons agrégées dans un cristal. Or, ce cristal, 4 « … Quin status hominum naturalis, antequam in Societatem coirelur, bellum fuerit, neque hoc simpliciter, Sed bellum omnium in omnes. » (De Cive, Edit. Elzévirs, 1657, p. 15.) L'état de nature, avant que les hommes vécussent en société, fut la guerre, non pas la guerre telle qu'on Nimagine, mais la guerre de chacun contre tous. « Sunt igitur omnes homines natura inter se œquales.… OEquales Sunt qui œqualia contra se invicem possunt. » (p. 9.) Et ailleurs : « Libertas, ut eam definiamus, nihil aliud est quam absentia unpedimentorum motus:…. atque hic quoque, quo quis pluribus viis movere se potest, eo majorem habet dibertatem (p. 153.) 823 aui représente assurément la structure la plus parfaite que puisse revêtir une substance, figure aussi la plus « évoluée » de toutes les formes sociales. C'est une espèce de société communiste, organisée non seulement pour lutter et pour se défendre, c'est-à-dire pour subsister isolément, (la cohésion et la stabilité chimique augmen- tent, en effet, avec la symétrie)!, mais encore pour entrer en relation avec d’autres sociétés du même ordre. La malière à l’état solide est une im- mense collectivité : les atomes y jouent de nouveau le rôle d'individus; ils y ont partiellement recon- quis l'égalité et l'indépendance; ils se sont rappro- chés par là de leur état de nature ; mais, leur énergie étant devenue plus faible, « comme ils ne pouvaient engendrer de nouvelles forces, ils n'ont plus eu d'autre moyen pour se conserver que d’unir et de diriger celles qui existaient? ». Une sorte de néces- sité, j'allais dire d'instinct, les a rendus solidaires : cette solidarité est le fruit de leur longue évolution. Etudier les états successifs d’une substance, c'est donc étudier l’histoire d’une société : société mo- bile et perfectible, que nous pouvons saisir presque à sa naissance, et que nous observons d'autre part en son plein développement. Entre ces deux extrêmes, les espèces ont évolué plus ou moins vite. Quelques-unes touchent déjà au terme de leurs progrès; d’autres, plus lentes, ont à peine quitté leurs formes primitives. Toutes n’ont pas marché du même pas, mais toutes, — au moins à l'état fluide, — semblent avoir marché parallèle- ment. Nous n'’essaierons pas de les suivre. En opposant la loi de l’évolution à la théorie cinétique, nous avons simplement voulu montrer qu'à côté des théories mathématiques les plus fécondes, il y à place, peut-être, pour une théorie purement natu- relle, qui verrait dans les entilés physiques, non plus de simples abstractions, mais des êtres véri- tables, des êtres concrets et réels, à la fois indi- vidus et sociétés, animés d'une sorte de vie inté- rieure, sujets, comme les êtres organisés, à l'évolu- tion et à la dissolution, toujours à la recherche du progrès et du moindre eflort, condamnés au travail, à la lutte, soumis en un mot à la loi uni- verselle. J. de Boissoudy. ! MarranD : Cristallographie. Æneyclopédie chimique de Frémy, N 28 vol., p- 699. % Le Contrat Social, Liv. 1, ch: VI. IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE LA FATIGUE NERVEUSE DEUXIÈME PARTIE Comment peut-on étudier la fatigue nerveuse par la méthode ergographique? D’après ce que nous venons d'exposer ‘ sur la signification phy- siologique du tétanos volontaire, le dynamomètre pourrait nous donner quelques renseignements à ce sujet, en calculant le produit de la force moyenne exercée sur le dynamomètre par la durée de la contraction tétanique. Un essai dynamo- métrique comparatif entre les différents moments du travail pour- rait peut-être nous révéler des symptômesde fa- D' ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE rent chaque fois un degré différent de viless elles parcourent, par conséquent, un espace ( varie chaque fois; ce sont des oscillations, parf remarquables, autour d'une production moyen de travail pratiquement constante. Le sujet du D' Stupin travaillait à l'appar décrit par le Professeur Johansson avec différe poids et il les soulevait toujours, à chaque € L tigue que l'ob- servalion super- nergie avec quelle le. ficielle ne peut découvrir autre- touchait le met de la cou ment. Mais nous et l'énergie à possédons ac- tuellement d'au - tres méthodes plus salisfaisan - tes. Le D: Stupin à éludié d'une fa- laquelle il y tombait. L'abaisseme de la premié de ces courbes l'élévation de con spéciale un des éléments du travail volon- taire que j'ai, Rio: 1 Ares — Appareil ergographique pour l'étude de la fatique faligue se me festait chez | dans mon pre- mier arlicle, ap- pelé énergie de nerveuse. — L, barre de fer servant à graduer les poids et dont l'extrémité recourbée e vient toucher l'interrupteur électrique J pendant les soulèvements; P, poulie; R, roue de laiton; R', roue de bois; n, taquet; Q, plaquette; N, numérateur. permanente la contraction et qui m'avait paru un élément intéressant à notre point de vue, puisqu'il n’a aucun rapport avec la courbe de production de travail extérieur ni avec les conditions d'entrainement du muscle, mais qu'il dépend intimement du poids et du rythme. Si nous examinons le tracé d'une longue série de mouvements musculaires exécutés avec un rythme el un poids qui permettent de travailler en régime permanent, nous verrons que, même lorsque l'in- dividu surveille continuellement son propre travail et qu'il essaie de faire chaque fois tout son possible, il arrive rarement qu'il exécute un groupe de mouvements dont l'ampleur soit exactement la même; c'est l'énergie de la contraction qui varie d'une telle façon que les masses déplacées acquiè- A 0 OR ® Voir la première partie dans la Revue du 30 Août 1904, t. XV, p. 774 et suiv. travail. Le DIS pin a remarqué, lui aussi, que l'énergie de lat traction est indépendante de la courbe de Jap duction de travail; mais elle varie essenliellem selon le poids, et j'ajouterai aussi selon le rythn J'ai cru pouvoir perfectionner cette méth ingénieuse, et je l'ai appliquée au groupe. fléchisseurs du doigt médius, à l’aide de l'appañ ergographique reproduit dans la figure 1. Je me suis proposé surtout : * 414 De rendre l'appareil facilement applicable a recherches soit du physiologiste, soit du cliniciel De le faire servir à volonté à l'étude du tram mécanique ou de l'énergie de la contractions 1° Le doigt fonctionne sur un levier placé au | parallèlement que possible à l'os et qui tou ’ D° ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE 825 pi ément le doigt, de façon à ne pas imprimer au Hoids une force vive par laquelle il acquière une tesse à lui, indépendante de celle de la phalange. phe (fig. 1) m # a barre de fer L fixée sous la table de l'ergo- | menlateur si le soulèvement a été complet et qui le renseigne sur la nécessité ou non de diminuer le poids. La ficelle destinée à soulever les poids passe dans la gorge de la poulie P et y est attachée (fig. 2). À cette poulie, dont l'axe de rotalion coïncide avec celui du doigt, j'ai appliqué un loquet à levier S; ce loquet fait fonctionner le numéra- teur N loutes les fois ravail maxi- que le doigt par- vient à un de- gré détermi- né de flexion. Afin que le lo- œum, sans li- quelSrre- iter l’am- prenne sa po- _ pleur des silion initiale mouvements etpuisse ainsi successifs. fonctionner, Celle-ci étant, } Hess Détails de l'appareil ergographique. — F, frein; il faut que le dansune cour SR OL PR be de ce gen- re, pratiquement constante, il n'est plus néces- Saire de l'enregistrer; il suffit de connaitre Île mombre des soulèvements exécutés avec les poids successifs, et de savoir de combien de centimètres on a soulevé chaque fois le poids; si nous con- naissons aussi le temps, nous aurons tous les élé- | ments nécessaires pour établir la quantité de tra- _vail extérieur accompli et la puissance du muscle. J'ai done suppri- mé l'appareil graphique, el j'airéduittout L'ergographe à une seule | table de 35 | Sur 65 centi- | mètres, un peu plus large au bas (40 sur Fig. 710 centimè- tres), afin d’en augmenter la solidité et la résis- | tance aux chocs inévitables que cause la chute du | poids. La longueur totale de la barre L est de 55 centimètres: la hauteur de la table (1 mètre environ) permet au sujet de travailler debout ou bien assis, selon les cas. é On peut placer à différentes hauteurs, sur le parcours vertical de l'extrémité e de la barre L, un simple interrupteur électrique i qui avertit l'expéri- 3. — Détails de l'appareil ergographique vu de derrière. de complète- ment le doigt en position de repos. J'ai placé à l'extérieur de la poulie P une roue de laiton R (fig. 2 et 3), finement dentelée à sa péri- phérie, annexée à une roue de bois R, du même diamètre, et folle sur le même axe que celui de la poulie P ; la roue de bois supporte un ruban sans fin gradué en centimètres (longueur, 90 centimètres). La poulie P porte un ta- quet de déten- te n (fig. 3), qui saisit la roue R à la périphérie et l'entraine dans le mou- vement de ro- tation impri- mé par la flexion à la poulie. Le dé- veloppement , durubannous apprend l'extension du soulèvement en cen- timètres. J'ai dû cependant ajouter une courte plaquette en laiton, convenablement recourbée, de la largeur de 1 centimètre environ, qui éloigne le taquet » de la roue R sur le parcours de 0,07 envi- ron, afin d'éviter que la roue même rebondisse par la chute du poids. Cette plaquette occuperait dans | la figure 3 la place de la plaquette plus longue Q,, dont Je parlerai tout à l'heure. 826 D' ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE ————————————————…—…—…— —….——— ——…"—.—. —.—.—.—.—.—.—… ———..—.—.—"—...——————————_————_________————— — —" —— U— On devra donc ajouter à la hauteur totale des soulèvements autant de fois 0",07 que le nombre des soulèvements exécutés. En outre, la roue R assume elle-même une vitesse qui varie sensiblement d'une contraction à l’autre, et, en ces circonstances, le parcours du ruban ne serait plus l'expression fidèle du sou- lèvement que le poids a réellement subi. Le frein à ressort F à pour fonction d'éliminer cette cause d'erreur (fig. 3). 2° Lorsqu'au lieu du travail exécuté on veut connaitre la marche de l'énergie de contraction pendant un travail rythmique prolongé, on fait fonctionner l'appareil d’une facon quelque peu différente. Au lieu de la courte plaquette en laiton, on en applique une autre plus longue Q (fig. 3), re- courbée de façon à ne pas empêcher la rotation de P, et de longueur telle que le taquet n ne sai- sisse la roue R qu’à la fin de l’excursion ; la pla- quetle dont je me suis servi mesurait 8 centi- mètres de longueur, de sorte que la roue R n'était saisie qu'à 1 centimètre environ avant le som- met de l’excursion et, si la flexion se faisait iente- ment, le taquet parvenait à peine à la toucher. De cette facon, le choc qüe la roue R recoit à un moment donné des flexions successives nous indique l'énergie de la contraction, et ce choc imprime à la roue une énergie plus ou moins grande, que nous apprenons en lisant le nombre de centimètres dont le ruban s’est déplacé. Pour étudier la courbe de l'énergie de la con- traclion pendant le travail rythmique, il faut lire à chaque soulèvement le chiffre du ruban au niveau de l'extrémité de la plaquetle; ces chiffres nous servent ensuile à déduire, par des soustraclions très simples, le parcours de la roue R à chaque soulèvement. Pour mesurer la valeur moyenne de l'énergie pendant une série plus ou moins longue de con- tractions, il suffit, au contraire, de compter à partir de Ja division 0, au niveau de l’extrémité supé- rieure de la plaquette, les tours complets et la fraction de tour en centimètres faits par le ruban. Le nombre total des centimètres, partagé par le nombre des soulèvements exécutés, donre Ja valeur moyenne de l'énergie de contraction. Cet appareil nous permettra donc d'étudier la courbe de diminution de l'énergie de contraction, c'est-à-dire les lois suivant lesquelles diminuent les réserves d'énergie nerveuse que nous épuisons pratiquement dans la mesure que les conditions extérieures du travail nous imposent, dans le but d'obtenir l'effet extérieur de la façon la plus écono- mique. Cet appareil nous permettra aussi de répondre aisément au problème : une production de travail extérieur pratiquement constant n'occasionne- t- elle aucune sorte de fatigue ? C'est bien dans ces termes qu'il faut formuler le problème, puisque la pp des expérimentateurs qui ont étudié jusqu'ici la fatigue à l’aide de la méthode ergographique n'ont considéré commé unique manifestation de la fatigue, musculaire et nerveuse à la fois, que la dépression graduelle de l’ergogramme et la diminution du travail extérieur On en arrivait à conclure que, si la production du travail ergographique ne diminue pas et si la courbe) de fatigue ne tombe pas, c'est parce qu'il n'y & a point de fatigue. La solution de ce problème a unes importance bien pratique aussi, puisque le travail de l’ouvrier, et surtout de l’ouvrier employé aux. machines, s'accomplit le plus souvent dans des cir* constances de rythme et d'intensité uniformes, touts en continuant pendant des heures en régime per- manent; et l'ergographie ne peut manquer à sa! tâche de donner quelques notions pratiques sur la! meilleure manière d'organiser le travail. Les résule tats que j'ai résumés dans les paragraphes précé= dents ont déjà un certain intérêt à ce point de vues Voici ce que m'ont appris mes dernières re= cherches, au sujet de l'influence du poids et dus rythme sur l'énergie de contraction et sur la fa tigue nerveuse durant le travail en régime pratis. quement régulier. Ps II Comme l'homme subordonne ses mouvements ä" un but déterminé, il tâche de distribuer la tension. entre les muscles qu'il lui faut employer de rs à en éprouver le moins possible un sentiment, d'effort. Ce sentiment d'effort se trahit par un ma= laise indéfini, que le sujet peut même prendre pou de la fatigue; mais, à part la fatigue réelle du muscle, il est occasionné par les résistances qui s'opposent au sujet dans l'exécution du mouves ment. «1 Il faudra dire, dans ce cas, que les résistances. sont inadéquates; et ce fait peut se vérifier aussi bien pour des charges trop petites que pour des poids trop lourds. J'ai réuni dans mes cahiers bon nombre d'expériences où j'exécutai, à des rythmes divers (dix-sept, vingt-quatre et trente-quatre sou= lèvements par minute) et avec des poids qui vas riaient entre 1 et {9 kilogs, de très longues séries de soulèvements, qui alternaient avec des intervalles. de repos plus, aussi ou moins longs que les périodes de travail. Chaque série se prolongeait pendant cinq, dix et quinze minutes, quelquefois même trente et quarante-cinq minutes, et elle ne contes naitjamais moins de 250 à 300 contractions; chaque contraction d'une série représentait la même quan= Fr” D' ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE 827 ——_— tité de travail extérieur; mais cette quantité variait dans les différentes séries, et d'une expérience à Vautre en raison du poids soulevé. J'enregistrais le nombre de centimètres que parcourait la roue à chaque contraction et j'apprenais par là l'énergie moyenne de contraction. J'obtins comme résultat que : lorsque l'individu Les poids forts font baisser la valeur de l'énergie moyenne. Si cette valeur surpasse, dès le commen- cement, un certain degré, elle peut se maintenir, sauf les oscillations ordinaires, pendant toute la durée du travail; au contraire, si elle descend, depuis le commencement ou peu après, dans une | certaine mesure 10 dans nos dia- grammes), la courbe diminue alors d'une facon graduelle, mais sensiblement. Voilà, évidemment, les con- ditions les plus mau- vaises pour accomplir un travail en régime constant, conditions qui touchent à l'effort et qui sont les plus pé- nibles pour le sujet (fig. 7,8, 9). La charge qui repré- sente loptimum pour (environ à Pig. 4 — Expérience du 20 mars 1903. — Energie moyenne de contraction avec diffé- rents poids. Rythune, vingt-quatre par minute: travail, sept minutes: intervalles de repos, sept minutes. Le travail à lieu dans l'ordre suivant: 2, 4, 6et 8 kilogs (série A); 3, 5,7 el 9 kilogs (série B): 2, 4, 6 et 8 kilogs (série C). On apercoit en C une légère trace de fatigue, surtout pendant le travail avec les poids légers. Les nombres sur l'abseisse indiquent le poids. Les ordonnées indiquent la valeur moyenne de l'énergie de contraction. l'énergiede contraction est d'autant plus petite que les conditions d'ex- périence se prétent travaille au soulèvement d'une masse en des cir- constances qui lui permettent d'utiliser toute la force vive qu'il lui imprime, l'énergie moyenne de contraction atteint le maximum de valeur avec un poids déterminé qui provoque, par conséquent, un sentiment minimum d'ellort (fig. 4). Il faudra donc appeler ce poids Ze poids 0p- timum par rapport à la fatigue dans le travail volontaire, et ce poids est bien autre chose que le poids maximal. Il variait, dans mes expé- riences, entre 4 et 6 kilogs. L'énergie moyenne n'atteint pas toute sa valeur avec les poids trop petits parce que, quoiqu'on essaie d'imprimer au mouvement toute l’énergie, c'est-à-dire toute la vitesse dont on est capable, la force de la contrac- tion dépend néanmoins essentiellement de la charge, et, au surplus, si celle-ci est légère, le sujet a une certaine difficulté à bien se pénétrer des conditions dans lesquelles il tra- vaille (fig. 5). 11 s'ensuit que l'énergie de con- traction est faible dès le commencement et que | le sujet s'apercoit qu'il n’est pas à son aise pour travailler. Le maximum d'énergie moyenne corres- pond au poids par lequel on arrive le plus rapide- ment aux valeurs maximales, qu'on ne quitte plus, sauf les oscillations que nous avons déjà mentionnées (fig. 6). moins à utiliser la force vive de la masse qu'on déplace, par exemple lors- que le poids est représenté par des anneaux de caoutchouc qui ne gênent aucunement, par leur distension, l'ampleur du mouvement. Lorsque le travail se fait dans des circonstances Fig. 5. — Expérience du 20 mars 1903. — Courbe de l'énergie moyenne de contraction pour chaque groupe de cinq contrac- tions ; le sujet travaille avec 3 kilogs. Il faut longtemps avant que le sujet se pénètre bien des conditions mécaniques dans lesquelles il travaille. Chaque division de l’abscisse représente un groupe de cinq contractions. Les valeurs des ordonnées représentent l'énergie moyenne de contraction. mécaniques convenables, poids optimum et rythme qui ne soit pas trop fréquent (dans nos expériences, le plus favorable a été celui de vingt-quatre soulè- vements par minute), l'énergie de contraction varie 828 autour d'une moyenne qui reste constante; ces oscillations empêchent, par leur ampleur et leur durée, que la moyenne descende au delà d'une valeur déterminée. Mais, lorsqu'on doit travailler avec des poids supérieurs à l'optimum, quoique la production du travail extérieur demeure pratique- ment constante, la fatique ne tarde pas à se révéler par une diminution de l'énergie moyenne de con- HARRIS [1 Pz Fig.{6. — ÆExpériencetdu 20 mars 1903 (voir fig. 4). Marche de l'énergie moyenne de cinq en einq contrac- tions: le sujet travaille avec 4 kilogs {série A) (optimum). traction, tandis que les oscillations se réduisent fortement (fig. 7, 8, 9). 11 faut donc éviter, alin que la production de tra- vail rythmique puisse se prolonger en régime per- manent, que l'énergie de la contraction descende au delà d’une certaine mesure; si l'on se réduit à travailler en conditions d'eflort, c'est la courbe même du travail extérieur qui décroït alors rapi- dement, comme dans les tracés qu'on obtient par D' ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE Pour que le travail puisse procéder en régime permanent, il faut que le rythme ne surpasse pas une certaine fréquence, qui se trouve être en rap- port avec l'intensité du travail, c'est-à-dire avec les masses à soulever. Broca et Richet nous ont renseignés sur les con- ditions les plus avantageuses pour la production maximale de travail en régime permanent avec un poids léger; des recherches expérimentales faites Fig. 8. — Expérience du 16 mars 1903. — Marche de l'énergie moyenne de cinq en cinq contractions, avec 9 kilogs. Rythme, qualorze par minute. sur eux-mêmes ont démontré qu'on oblient l'op- limum de puissance musculaire en régime constant lorsqu'on travaille avec un poids relativement fort, avec une grande fréquence et en alternant les périodes de travail avec des intervalles de repos de la même durée (deux secondes). Ces auteurs in- sistent sur le fait qu'avec ces fréquentes intermit- tences ils ont pu atteindre le double de puissance - que par le travail continu, avec un effort bien moindre et presque point de souffrance. Daws le travail industriel, on trouve assez sou- ” 20 l'énergie moyenne de cinq en cinq contractions, 8 kilogs (série A). Fig. 7. 1903. — Marche de avec — Expérience du mars la méthode ergographique du Professeur A. Mosso. L’ergogramme qu'il a étudié doit donc être consi- déré comme représentant la courbe du travail exé- cuté en conditions d'effort, c'est-à-dire une courbe très complexe de la fatigue, où l’élément nerveux, cependant, joue le rôle le plus important. L'étude de l'énergie moyenne de contraction nous prouve, elle aussi, que le rythme constitue une cause essentielle de fatigue, qu'il soit déter- miné par un métronome ou laissé au choix du sujet. Fig. 9. — Æxpérience du 18 mars 1903. — Marche de l'énergie moyenne de cinq en cinq contractions, avec 8 kilogs, au rythme de trente-quatre par minute. Poids 4 à 5 kilogs. optimum, 4 vent réalisées des circonstances analogues à celles étudiées par A. Broca et Ch. Richet, c'est-à-dire que l'individu exerce sa force contre des résis- tances faibles, mais avec un rythme fréquent. Mais l'ouvrier ignore en quelle mesure il doit alterner le travail et le repos; en‘face, par exemple, d'une machine qui marche sans arrêt et à laquelle il doit fournir, par un mouvement rythmique très fré- quent, le matériel de travail, cel ouvrier se trouve donc exactement en des circonstances très favo= D' ZACHARIE TREVES — IDÉES NOUVELLES EN ERGOGRAPHIE 829 rables à la fatigue, sans que, toutefois, elle appa- raisse d'une facon considérable dans la courbe de la production de travail. La nécessité, reconnue par ces auteurs, d'insérer des périodes de repos aussi longues que les périodes de travail, témoigne par elle-même qu'un rythme de travail trop fréquent entraine des symptômes de fatigue qui rendent le repos néces- saire, et qu'on doit probablement attribuer au facteur nerveux de la contraction musculaire. Mes expériences m'ont démontré que : 1° Pour un même poids, l'énergie moyenne qu'on peut atteindre dans le travail rythmique est d’au- tant plus grande que le rythme est plus lent ; 2° Pendant le travail à rythme spontané, quel que soit le poids, et bien qu'il permette un régime de travail permanent, il intervient toujours dans l'énergie de contraction un degré plus ou moins sensible de fatigue, malgré les oscillations amples et continues de l'énergie de contraction, qui cons- tituent évidemment un moyen de défense ; 3° Dans le travail à rythme spontané, bien que celui-ci se ralentisse au fur et à mesure qu'on aug- mente le poids, l'optimum se trouve être toujours le poids le plus léger. Ce qui prouve, à mon avis, que notre organisme assume en général, dans le travail, un rythme trop fréquent, plus favorable donc à produire un travail extérieur qu'à conser- ver à une certaine hauteur le niveau de l'énergie de contraction ; 4° L'énergie que nous pouvons imprimer à la contraction volontaire change considérablement d'un jour à l'autre, tandis que la puissance muscu- laire ne change apparemment pas. Ce manque d'énergie apparaît plus évident surtout dans le tra- vail à rythme spontané, probablement parce qu'on assume toujours un rythme trop fréquent ; 5° Lorsque le poids augmente, la fréquence du rythme spontané diminue de telle facon que la production de travail reste cependant constante; mais elle diminue en proportion moindre que l'aug- Mentation du poids. Cela doit avoir lieu aux dépens de l'énergie de contraction, puisque, d’après les re- cherches de À. Maggiora, lorsqu'on travaille en condition d'effort, c'est-à-dire dans des conditions où l'énergie de contraction joue certainement le rôle principal, il faut, pour éviter la décroissance de la Courbe, ralentir le rythme en proportion beaucoup plus grande qu’on n'augmente le poids; 6° La valeur des résistances a donc une influence défavorable autant sur la fréquence du rythme Spontané que sur l'énergie de contraction, mais la possibilité de graduer le rythme ne suffit pas à pla- cer l'organisme à l'abri d'une dépense trop grande d'énergie nerveuse. Ce moyen devient plus insufli- sant encore lorsque l'individu est en état de fatigue REVIIE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. ou sous l'influence de certaines substances (par exemple le café) ; 1° Nous pouvons nous représenter la quantité d'énergie qu'on emploie durant le travail en rythme spontané par le produit des trois facteurs : poids, fréquence du rythme et énergie moyenne de con- traction. J'ai observé que ce produit a justement les valeurs moindres lorsque la fréquence du rythme est excessive. Donc, tandis que la marche de la production de travail ne laisse rien transparaître, on peut décou- vrir des traces de fatigue grâce à l'étude de l'énergie de contraction ; ce sont les traces de cette fatigue indéfinissable que l’on éprouve à la fin d'une journée de travail, mais qu'il est très difficile d'apprécier; c'est la fatigue dont on doit probable- ment rechercher le siège dans les centres nerveux et contre laquelle nous ne possédons qu'une arme très imparfaite : la faculté de ralentir le rythme du travail dès que nous nous apercevons d'une résis- tance plus grande. Mais, l'intelligence et la volonté nous poussant à un travail intensif afin d'atteindre le maximum d'effet utile en un minimum de temps, et nos muscles pratiquement inépuisables y aidant, il s'établit un état de choses qui nous entraine à un redoutable surmenage des parties du système ner- veux qui fonctionnent en régulateurs immédiats de 20s énergies. On voit aisément que ces conclusions, qui coïncident pourtant avec l'observation des faits ordinaires de la vie, ne s'accordent pas très bien avec l'opinion, très répandue parmi les physiolo- gistes, que la fatigue exerce une fonction protectrice vis-à-vis de l'organisme, soit que l’on croie que le système nerveux protège le muscle à ses dépens, soit que l’on suppose que le muscle préserve de l'épuisement la fonction psycho-motrice, grâce à une paralysie périphérique. Il faut conclure aussi, d’après mes expériences, que l'énergie moyenne de contraction n'augmente pas, par l'effet de l'exercice, d'une facon appré- ciable; i] ne paraït donc pas exister un véritable entrainement chez la fonction motrice nerveuse. Dans quelques expériences seulement, faites dans des conditions très particulières detravail, j'ai pu ob- server un entrainement immédiat. On le reconnais- sait à la circonstance que, à parilé de poids, vers la fin de l'expérience, le rythme spontané parais- sait diminuer de fréquence, et l'énergie de contrac- tion devenir plus grande qu'elle ne l'était dans les premières phases de l'expérience !. D' Zacharie Treves, Privat-docent à l'Université de Turin. * Nos recherches sur la fatigue nerveuse ont été exposées plus en détail dans l'Archivio di Fisiologia, dirigé par le Prof. J. Fano (Janvier 1904). 17" 830 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Fi BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 5 : : conduction n’est traité qu'en dernier lieu. En défini- 1° Sciences mathématiques tive, la méthode ordinaire d'exposition est complète Swinburne (James. — Entropy; or Thermody- ment renversée. C'est bien, comme le dit l’auteur, le rotee Son cn Engineer’s standpoint and the | Caractère essentiel de son œuvre, très propre, pense-t-il, | reversibility of Thermodynamics. (L'ENTROPIE, OULA | À écarter l'obscurité et les erreurs qui règnent en THERMODYNAMIQUE AU POINT DE VUE DE L'INGÉNIEUR ET Thermodynamique et à rendre cette science plus aisé- è LA RÉVERSIBILITÉ EN THERMODYNAMIQUE.) — À vol. in-8° de 437 pages et A figures (Prix :5 fr. 65). Archibald Constable, éditeur. Londres, 1904. Le but de l’auteur est d'éclaircir la notion de l’en- tropie, en la dégageant de tout appareil mathématique inutile et en recourant uniquement aux faits réels, à l'exclusion des phénomènes fictifs tels que les phéno- mènes réversibles. L'auteur examine successivement la notion de l’entropie, le diagramme de la température et de l’entropie dans le cas des gaz parfaits et de la vapeur d’eau, et la conduction de la chaleur. 11 termine par un appendice intitulé : la réversibilité dans la Thermo- dynamique. Cet appendice constitue, en réalité, la partie essentielle de l'ouvrage, qu'il résume et dont il fait connaître le but et la méthode. L'auteur fait remarquer qu'aucune branche de la science n'est plus mal comprise que la Thermodyna- mique, non seulement des étudiants, mais aussi d'hommes de science de grande réputation et spé- cialistes en Thermodynamique. Le mal vient, dit-il, du développement historique de la Thermodynamique, ses auteurs s'étant absorbés, avec des idées fausses, dans la considération des cycles réversibles. La « chaleur » n’est pas convenablement définie; il règne à ce sujet une confusion complète. Le fait que l'expres- = est une différentielle exacte a entrainé un abus des formules algébriques, et la Thermodynamique a dégénéré en une suite d'exercices sur les équations différentielles. Enfin, et surtout, l'intérêt qui s'est attaché à la considération du cycle de Carnot à détourné l'attention de la considération des cycles irréversibles, qui sont les seuls observés dans la Nature, et ainsi la Thermodynamique est devenue la science de phénomènes imaginaires, plutôt qu'une science de la réalité. Au lieu d'être basée sur la réversibilité, la Thermodynamique aurait dû l'être sur le principe d'augmentation de l’entropie. On n’a, d’ailleurs, jamais défini l'entropie que comme étant un facteur de la chaleur, ce qui est évidemment (sic) un non sens; de là un tissu d'erreurs et de malentendus qui a recouvert toute la Thermodynamique, devenue un simple véhi- cule à l'usage des mathématiciens aveugles. La Thermodynamique est à refaire, et c’est l'œuvre que M. James Swinburne a entreprise dans une série d'articles publiés dans l'Engineering en 1903, et qui constituent la partie principale de l'ouvrage analysé ici. Le point de départ du nouvel exposé est le principe de dissipation de l'énergie. L'auteur ne définit pas l'énergie, qui, d'après lui, est une notion évidente, et il explique le principe de dissipation avant d'expliquer la réversibilité et le cycle de Carnot. L'entropie est définie d’abord sans référence à la quantité de chaleur qui passe dans le corps; l’accrois- sement de l'entropie est considéré comme le phéno- mène normal, êt le changement réversible comme une exception purement idéale. La seconde loi de la Ther- modynamique est fondue dans le principe de l'impossi- bilité du mouvement perpétuel; il est parlé de l’entropie de l'Univers, et d'un système isolé avant la considéra- tion de l’entropie du corps qui se transforme; enfin, l'accroissement de l’entropie pendant le phénomène de sion ment accessible, notamment aux ingénieurs. D'après M. James Swinburne, l'énergie se présente M sous deux formes : travail et chaleur, qui peuvent se transformer l’une dans l’autre, avec cette particularité que la chaleur ne peut être transformée en travail que M si une partie de la chaleur du corps chaud subit une dégradation en passant à une température plus basse. La chaleur ainsi considérée comme l'une des deux formes de l'énergie comprend la chaleur sensible, et la partie de la chaleur latente qui n’est pas affectée aux changements de volume, ou autres travaux extérieurs : telle est, notamment, l'énergie chimique. Il y a trois classes de mouvement perpétuel : La pre- mière comprend les mouvements d'un système qui peut abandonner constamment de l'énergie, sans que son énergie décroisse, la seconde se rapporte aux Sys- tèmes isolés qui seraient en mouvement perpétuel malgré un frottement, et la troisième comprend les mouvements d’un système qui ne comporterait pas de frottement. L'impossibilité de ces mouvements ren- ferme les trois lois de la Thermodynamique. On en déduit les principes suivants : Le principe de la dissipation de l'énergie consiste en ce qu’une partie de la chaleur empruntée à une source ne peut être transformée en travail et passe nécessaire= ment dans un corps à température plus basse. Aucun phénomène ne se produit dans la Nature sans dissipa= tion d'énergie. L'entropie d’un système isolé est le rapport entre l'énergie dissipée et la plus ‘basse tempé- rature utilisable (available). L'entropie de l'Univers tend àfaugmenter. L'énergie dissipée augmente plus rapidement que l'entropie, M parce que la plus basse température utilisable s'élève W toujours. De même que la chaleur, l’entropie se meut d'un corps à un autre. L'augmentation d’entropie d'un système isolé est l'idée fondamentale. On passe de là à l'idée des variations d’entropie des parties du système. Un changement réversible est un changement idéal qui pourrait se faire, toutes choses égales d’ailleurs, dans la direction opposée. L'entropie d’un système isolé ne varie pas quand ce système subit un changement réver- sible. L'entropie d’un corps peut diminuer sans que le corps abandonne de la chaleur, mais seulement dans un circuit thermo-électrique. Dans tous les autres cas, il faut qu'il y ait dégagement de chaleur. L’entropie d’un corps est une quantité infinie ! (p. 105). M. James Swinburne définit ensuite le potentiel thermodyna= mique, tout en protestant contre l'usage immodéré et impropre du mot potentiel, puis l'entropie et le travail non compensés et l'énergie libre. A part l'ordre suivi, on voit que l'exposé de l’auteur ne diffère pas essentiellement des exposés classiques; et, à ce point de vue, la forme seule de l'ouvrage peut paraître originale. Toutefois, M. Swinburne à des idées qui lui sont propres, outre l'idée de dériver la notion d’entropie de la dissipation d'énergie. C’est ainsi qu'il se représente l'énergie intérieure d'un corps ou d'un système de corps comme étant formée de trois sorte de chaleurs distinctes : chaleur sensible, chaleu ——_—_—_—_—_—_____—_—_—_—_——— 1 Cette conclusion estbasée sur une erreur de calcul, égale 0 (t ment commise par M. Berthelot, au sujet de l'expression 5° jé A BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 831 latente, chaleur chimique ; etil semble que l'énergie inté- rieure ainsi considérée par lui est celle du corps sup- posé maintenu à volume constant. De mème, il admet que l’entropie est une quantité complexe, c'est-à-dire une somme de quantités simples d'espèces différentes, qui peuvent varier indépendamment, mais qu’elle n'est pas un facteur de la chaleur; du reste, les fac- teurs de l'Energie sont ses bêtes noires. Jl explique que cette décomposition de l’entropie permet de lui attribuer une signification physique, en prenant pour base la théorie moléculaire. M. Swinburne admet aussi que, dans un corps qui est le siège d'un flux permanent de chaleur, l’entropie augmente des points de haute température aux points de “basse température, en se basant sur l'idée du mou- vement de l’entropie. Il propose pour l'unité de mesure de lentropie le nom de Claus, le Claus correspondant à une dissipa- tion d'énergie de 1 Joule à la température de 4°, Le petit livre de M.James Swinburne, qui contient un certain nombre de répétitions, estécrit avec humour et sincérité ; on le lira avec fruit, L'auteur nous initie avec candeur aux perplexités de son esprit. Mais ses idées ne nous ont pas paru toujours justes; ses explica- tions manquent de précision, il saute parfois à pieds joints sur les difficultés, ce qui lui permet par exemple de renverser l’ordre logique et de définir l’entropie en fonction de l'énergie. Il ne sait pas séparer la science de la Chaleur de la science de “tenpre ou de la Thermodynamique, qui est une science plus abstraite (au sens d'Herbert Spencer), et il HeNOUnEe que, n'y eût-il pas dégradation d'énergie, mais au contraire exaltalion d'énergie, l'en- tropie n’en existerait pas moins, et que sa définition ne doit pas être, par conséquent, rattachée au principe de la dissipation de l'énergie. Enfin, il ne semble pas qu'il ait acquis d'idées suffisamment nettes et précises sur l'Energie, ses facteurs et ses transformations. Mais ce que nous lui reprocherons principalement, c’est le manque d'esprit philosophique de son livre. Les critiques qu'il adresse aux exposés classiques de la Thermodynamique sont fondées (lauteur gagnerait cependant à se mettre au courant de la littérature francaise‘); ses remarques au sujet de l'abus des for- mules mathématiques et de leur impuissance à alimenter des idées réelles sont spirituelles et tout à fait justes (p. 92, 93, 101, 112, 120, etc.). Cependant, sa tentative de réforme ne sera peut-être pas couronnée de succès, et nous craignons qu'il n'ait obscurci plutôt qu'éclairci, pour certains des lecteurs de son ouvrage, qui ne peu- vent être, d'ailleurs, que des gens déjà très au courant de la Thermodynamique, les idées que ceux-ci se sont déjà faites ou qu'on leur a données. Quand on cherche à réformer l'exposé d'une branche de la Science, il faudrait se rendre compte qu'on entreprend une tâche plus philosophique que scien- tilique. Elle intéressera peu le savant de laboratoire, qui, d'ordinaire, est engagé dans une voie très spéciale ; elle n'intéressera guère le mathématicien, qui n'aime pas trop ce qui sort des combinaisons de lettres. Mais elle attirera surtout l'attention du philosophe, dont l'esprit est curieux d'analyse. Il faut donc, en une telle recherche, avoir une base philosophique, savoir qu'il ya à distinguer le simple du composé, et connaitre les caractères du simple. C’est à quoi il semble aisé d'atteindre dans la patrie du chancelier Bacon et de l'ingénieur Herbert Spencer. Nous ne doutons pas que pour l'avenir, M. Swinburne ne se débarrasse, avec quelques erreurs, d’une certaine « looseness » dans ses exposés et n'apporte plus de logique dans l’enchaine- ment des notions et des principes de la Thermodyna- mique. Dans tous les cas, son œuvre actuelle peut ètre * Thermodynamique de Lippmann, d'Ariès, articles sur l'entropie publiés en 1895, dans cette Revuë même, etc. En citant les auteurs du principe du travail maximum, M. Swin- burne ne mentionne pas M. Berthelot (p. 42 considérée comme une très utile et très intéressante contribution à la Thermodynamique, et nous engageons les lecteurs français, qu'intéresse le mouvement scien- tifique contemporain, à en prendre connaissance. G. MourET, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées. Marcolongo (Roberto), Professeur à l'Université de Messine. — Teoria matematica dell'equilibrio dei corpi elastici. — 1 vol. i1n-16 de 366 pages. (Prix : 3 fr.) U. Hoepli, éditeur. Milan, 1904. Dans ce volume, M. Marcolongo a développé une série de leçons faites par lui à l'Université de Messine; mais, en les publiant, il a tâché d’être encore utile aux élèves des Ecoles des Ponts et Chaussées qui éprouvent le besoin d'approfondir, à l’aide de l'Analyse, les ques- tions relatives à la Théorie de l’élasticité. Dans ce but, l’auteur à introduit, au commencement de son ouvrage, trois chapitres, dont le premier qe. des lemmes usuels de Gauss, de Green, etc., et du problème de Dirichlet, qui est résolu pour les cas plus simples de la sphère et du plan infini, etc. Cependant, M. Marcolongo ne s'arrête pas au cas des fonctions harmoniques; mais il considère les fonctions polyharmoniques qui ont été très étudiées par les mathématiciens italiens. Dans le deuxième chapitre, il est question des fonc- tions potentielles newtoniennes d'espace, dont l’auteur donne les propriétés les plus remarquables et les plus récemment considérées. Le troisième chapitre contient un résumé des principales connaissances de la Méca- nique des corps continus, limité à la Cinématique et à la Statique; et M. Marcolongo a réussi, en peu de pages, à traiter, dans ce chapitre, une quantité de questions, avec une grande clarté. Après cette introduction assez longue, mais très utile, M. Marcolongo, dans les chapitres suivants, expose les théories récentes de Voigt sur les constantes élastiques et sur la théorie des actions immédiates, avec de nombreux résultats numériques. L'auteur donne, d'une façon détaillée, la méthode d'intégration, avec les perfectionnements de M. Cerruti, pour les équations des corps isotropes; puis suivent les remar- quables formules de Somigliana, et une notice sur les dernières recherches de Lauricella, de Cosserat, et les travaux de Fredholm et de Gebbia sur les corps élas- tiques quelconques. Dans ce recueil de méthodes générales, M. Marcolongo ne se borne pas à une simple exposition; il a dû résumer les questions, mais en entrant dans des détails et recourant à des simplifica- tions qui sont son œuvre personnelle. Les trois der- niers chapitres sont consacrés aux problèmes de Saint- Venant sur les déformations des tiges cylindriques, au problème complémentaire et à l'exposition des prin- cipes d'où découlent les méthodes de Voigt pour la détermination des coefficients d’élasticité des cristaux. Le traité de M. Marcolongo est très riche en données numériques et en notes historiques et bibliographiques. En un mot, il s’agit d'un ouvrage fait avec un soin scrupuleux et une grande compétence, el qui, résu- mant d’une façon claire, précise, élégante, les travaux les plus importants de Mécanique, forme une excel- lente introduction aux recherches supérieures, et sert de guide très utile à ceux qui se proposent d'étudier la théorie de l’élasticité. ERNEsro MANcGINi, Secrétaire de l'Académie Royale de Lincei. 2° Sciences physiques Dillaye (Frédéric). — Le tirage des épreuves en Photographie, ouvrage adopté par le Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. — 1 vol. 1n-80 de 428 p. avec fig. (Prix : # fr.) J. Tallandier, éditeur, Paris, 1904. M. Frédéric Dillaye, un amateur dont tous les fidèles de la chambre noire connaissent les beaux travaux, vient de publier un nouveau livre Le tirage des épreuves en {photographie », appelé au même succès 832 que les précédents. Il nous suffira d'en donner les grandes divisions pour en montrer tout l'intérêt Les différents procédés de photocopie (papiers salés, albuminés, émulsionnés, virage, fixage, lavage); Les images latentes développables (papiers au géla- tino-bromure et gélatino-chlorure); Images semi-visibles développables (papiers au pla- tine et au chlorure d'argent, platinotypie artistique); Images latentes dépouillables (papiers au charbon et photo-teinte). Ce qui distingue avant tout ce livre, c'est son caractère pratique et la clarté qu'a apportée l’auteur dans toutes ses explications. Au surplus, la compétence et l’auto- rité de M. Frédéric Dillaye en matière photographique sont suffisamment reconnues pour que son nom soil la meilleure garantie de la valeur du nouvel ouvrage. Petit (P.), Professeur à l'Université de Nancy, direc- teur de l'Ecole de Brasserie. — Brasserie et Mal- terie. — 1 vol. gr. in-8° de 359 pages et 89 figures. (Prix : 12 fr.) Gauthicr-Villars et Cie, éditeurs. Paris, 1904. La brasserie et la malterie sont au nombre des industries agricoles qui ont largement profité des progrès de la science. Les travaux de Pasteur ont été le point de départ des plus importants de ces progrès: ceux qui ont trait à la fermentation. L'industrie alle- mande a su en tirer largement parti, et c'est plus tard seulement que notre industrie est entrée dans la bonne voie. L'Ecole de Brasserie de Nancy, qui a été fondée il y à une dizaine d'années, a contribué à cette évolution de la brasserie française; et son directeur, M. Petit, est l'un des savants les plus autorisés dans ces questions. Aussi le livre qu'il a écrit est-il plein de documents du plus grand intérèt pour les techniciens et les industriels. La fabrication du malt est l'objet d’une étude très détaillée, dans laquelle M. Petit décrit les phénomènes physiques, mécaniques, chimiques et biologiques qui se produisent pendant les opérations successives du trempage, de la germination et du touraillage. C’est la connaissance de ces faits d'ordre scientifique qui per- met à l’auteur d'établir dans quelles conditions il faut se placer pour réaliser pratiquement un bon mallage. M. Petit procède de mème pour l'étude des phases principales de la fabrication de la bière, c’est-à-dire le brassage, le houblonnage et la fermentation ; il montre dans chacune de ces opérations les transformations qui se produisent et les conditions que l’on doit réaliser pratiquement pour obtenir les résultats les plus favorables. Il à voulu avant tout faire œuvre pratique; il met la science au service de l’industrie mais on voit qu'il est convaincu que c’est par la science seule que l’industrie peut progresser. L'auteur a terminé son ouvrage par d'intéressantes considérations sur la valeur hygiénique de la bière; il s’y élève, notamment, contre les exagéralions de presse relatives aux falsifications. X. Rocques. Ingénieur-chimiste, Ancien chimiste principal du Laboratoire municipal de la Ville de Paris. 3° Sciences naturelles Hedin (D' Sven). — L'Asie inconnue. I. Dans les sa- bles de l’Asie. 1 vol. in-8° de 396 pages avec figures et cartes. (Prix : 10 fr.). — IT. Vers la Ville inter- dite. 1 vol. in-8° de 404 pages, avec figures et cartes. (Prix :10 fr.) — Traduit du Suédois par M. Cu. RaBoT. Félix Juven, éditeur, rue Réaumur. Paris, 1904. Nos lecteurs connaissentles principales péripéties du deuxième grand voyage accompli par le D' Sven Hedin à travers l'Asie centrale de 1899 à 1902; elles ont été exposées ici-même par M. G. Regelsperger. Les deux volumes que M. Ch. Rabot vient de mettre à la portée du public français constituent la relation détaillée, illustrée de magnifiques photogravures, de la marche du célèbre explorateur suédois à travers les solitudes BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 4 du Turkestan chinois et du Thibet et de ses tentatives hardies, mais hélasinfructuenses, pour atteindre Lhassa, la ville sainte. Les difficultés terribles avec lesquelles le voyageur et sa caravane se sont trouvés aux prises dans des régions dont l'altitude moyenne dépasse celle du Mont-Blanc n'ont pu être surmontées qu'à force d'énergie et de persévérance. Aussi la Société de Géo- graphie vient-elle de décerner au Dr Sven Hedin la plus haute récompense dont elle dispose sa grande médaille d'or. Cette flatteuse distinction, d’une part, les tentatives présentes des Anglais pour s'imposer au Thibet, d'autre part, donnent au livre que nous signa= lons un puissant intérêt d'actualité. Couturier (A.), Zagénieur Agronome, Directeur du Bureau d'études sur les Engrais. — Les Engrais potassiques ; leur application rationnelle en Agri- culture. — 1 brochure de 94 pages (Prix : 0 fr. 75.) F. de Rudeval, éditeur. Paris, 1904. Sous l'impulsion de la Société des mines de Stass- furt, on a pu voir éclore, dans ces dernières années, un certain nombre de petites brochures destinées à signa- ler au grand public les engrais de potasse et à diffuser leur emploi dans les milieux agricoles. Ceci dit, empressons-nous d'ajouter que les publi- cations que nous avons eues entre les mains procé- daient d'un esprit très large et très scientifique, et ne revêtaientaucunement l'allure d'un document commer- cial. C'est également le cas du petit ouvrage que vient. de faire paraitre M. A. Couturier, el dans lequel on trouvera des renseignements très intéressants sur les engrais potassiques et leur application. Sans en faire une panacée universelle, l'auteur signale très juste- ment le peu d'attention que les cultivateurs semblent accorder d'ordinaire aux sels de potasse et montre, par une série d'exemples, tirés de diverses cultures et illus- trés par la reproduction de photographies, qu'en asso- ciant ces sels d’une facon raisonnée et rationnelle aux engrais azotés et phosphatés, on obtientles plus heureux » résultats, au point de vue des rendements culturaux. = Ce petit opuscule, édité avec soin, — on pourrait pres- que dire avee luxe —et fort bien présenté, renfermant un assez grand nombre de documents numériques et statistiques, tirés des meilleurs auteurs, contenant dans sa première partie la description des gisements de Stassfurt et de la fabrication des sels potassiques, « est des plus démonstratifs au sujet de l'efficacité de ces M derniers et mérite d'être signalé à toutes les personnes s'intéressant de près ou de loin à l'Agriculture. A. HÉBERT. Henseval (D'), Directeur de la Station laitière de Gembloux. — Les Microbes du Lait et deses dérivés. — 4 broch. de 126 pages, J. Van In, éditeur, Lierre, 1903. è Le D' Henseval vient de publier, sous ce titre, un petit livre dans lequel se trouvent exposées et discutées, avee une vaste connaissance du sujet, toutes les recherches et toutes les découvertes récentes sur les microbes du lait. Cet excellent ouvrage vient à son heure, maintenant que l’on sait que toutes les questions de Laiterie sont des questions de ferments et de fer mentations. Nous recommandons aux industriels soucieux d'une bonne fabrication la lecture et l'étude des chapitres relatifs à la fermentation lactique et à la maturation de la crème, les notions si bien exposées sur les ferments de la caséine et leur rôle physiologique. L'industrie de la Laiterie est restée trop longtemps routinière et arriérée; le D' Henseval aura contribué à démontrer que l’on à affaire à une industrie des plus intéressantes, liée au développement des études scien= tifiques, et que c'est par la science surtout que l'on arrivera au succès et aux bénéfices qui en sont la con séquence dans le traitement industriel des produits du lait. R. LEZÉ, Professeur à l'Ecole d'Agriculture de Grignons BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 833 4° Sciences médicales Figard (L.), Docteur ès lettres. — Un Médecin philo- sophe au XVI: siècle. Etude sur la Psychologie de Jean Fernel. — 1! vol. in-8°. (Prix : 7 fr. 50). Félix Alcan, éditeur. Paris, 1904. Dans le livre de M. Figard, la forme et le fond sont à louer. Le style est simple, clair, exempt de prétention: aussi la lecture de ces pages serait-elle salutaire à tel auteur du monde médical qui, en se complaisant dans labus des néologismes d'une correction douteuse ou dans l'emploi d'inversions forcées, défigure la langue francaise et lui donne un aspect hirsute. — Quant à l'histoire mème de Fernel, elle est pleine de suggestifs enseignements. La culture à la fois scientifique et littéraire de ce curieux de l'esprit était considérable; en dehors des - Mathématiques, qui surtout à ses débuts lui furent particulièrement chères et clémentes, les diverses branches de nos connaissances, pour la plupart, lui étaient familières. Cette solide préparation aux recher- ches lui permit d'aborder une foule de problèmes, de tenter une classification des sciences, de préciser la place que, dans cette hiérarchie, la Médecine doit occu- per. Comme, à d’autres égards, il n’ignorait rien de la grammaire et de la rhétorique, sa phrase était aisée et son goût des plus sûrs. Pour les médecins affairés de notre époque, quelle lecon se dégage de cette histoire! A une période où la spécialisation hâtive, à outrance, constitue l’une des maladies intellectuelles les plus épidémiques, n'est-il pas utile de mettre en évidence les avantages d'un esprit apte à rayonner dans une série de directions? L'enchainement des principales données du savoir humain est tel que, renouvelée de Démocrite ou de Lucrèce, mais se présentant à cette heure avec l'élo- quence des faits et l'autorité des chiffres, une évolution ou, mieux, une véritable révolution tente de réunir en une seule synthèse la Physique et la Chimie, synthèse dépendant elle-même de quelques lois de la Méca- nique. De son côté, que plus jamais la Biologie apparaît tributaire de cette Physico-Chimie qui, en particulier grâce aux notions concernant les pressions osmotiques, est capable d'éclairer les rapports des cellules et des milieux environnants, les opérations intra-protoplas- matiques, autrement dit une foule de questions et des plus importantes! Comment, si d'emblée et volontaire- ment on s’enferme dans un cercle étroit, posséder les vues d'ensemble que réclament ces notions générales! Qu'on n'argue pas des nécessités de la clientèle : soit à la ville, soit à la cour, Fernel connût les plus grands succès ! Toutefois, il sut se modérer ou plutôt borner ses ambitions! D'ailleurs, il serait injuste de médire sans me- sure de cette spécialisation ; le nombre, la rapidité des découvertes ont d'impérieuses exigences et, pour péné- trer dans les complets détails de telle ou telle branche de nos acquisitions, on est contraint de se cantonner. Mais qui veut agir avec profit, avant de se limiter, doit se livrer sérieusement à une culture étendue et variée! M. Figard nous montre son héros se révélant, spécia- lement dans l'étude des opinions des anciens tels qu'Aristote, Platon, Galien, ete., plus conciliateur que novateur, usant de la méthode déductive et manifestant des tendances les unes théoriques, les autres positives. D'autre part, la lecture des pages philosophiques consa- crées aux éléments, à leur simplicité, à leur équilibre est fort attrayante! Mais les idées de Fernel relatives aux tempéraments, par-dessus tout à la forme, principe d'unité et d'activité en corrélation avec la matiere, sont peut-être encore plus curieuses. À plusieurs siècles de distance n'est-il pas, en effet, remarquable de constater avec quelle ténacité cette donnée de la forme retient les préoccupations des chercheurs. Actuellement, on saisit à quel degré les éléments constitutifs des êtres vivants actionnent cette forme. Dans une espèce uni-cellulaire, dans un amibe ductile, malléable, faconnable, des aliments, par exemple les matières minérales, principalement en vertu des lois de l’osmose, du rôle des densités, modifient les cou- rants osmotiques. Suivant leurs directions dans le sens horizontal, vertical, antéro-postérieur, ou suivant leur rayonnement régulier autour d'un centre, etc., ces courants répartissent ces matériaux, soit d’une façon irrégulière, dans un ou plusieurs de ces sens, soit d'une manière régulière autour de ce centre : dans la première hypothèse, la dimension en longueur, en Jar- geur, etc., l'emportera; dans la dernière, le corps sera sphérique. Or, ces variétés de configuration entraînent des différences dans l'étendue de la surface, et chacun sait que, dans les conditions usuelles, sur les 2.800 calo- ries émises en 24 heures par un homme, au minimum 1.500 sont attribuables au rayonnement cutané. Pour une part les dépenses, et par conséquent les aliments destinés à les combler, sont done proportionnelles à cette surface. On. est, par suite, en droit de soutenir que la forme est un principe d'activité en corrélation avec la malière; cette matière agit sur cette forme et, en retour, cette forme influence l’entrée de cette matière dans l'organisme. Il y a plus. — En distribuant à leur gré les granula- tions protoplasmiques, ces courants osmotiques tien- nent sous leur dépendance l'architecture interne de la cellule, Comme nous l’apprennent, en Chimie, les diffé- rences de propriétés des isomères, l'aspect général extérieur peut ne pas changer, et cependant, cette architecture interne variant, les attributs sont suscep- tibles d'être modifiés. Dans les épithéliums des tubuli, quand le phénomène de la diurèse est produit par un sel de soude, les grains se placent avec régularité sur des lignes verticales; lorsqu'au contraire cette diurèse dépend de lä caféine, ilssont répartis sans aucun ordre. De telles conceptions ouvrent de nouveaux horizons ; on comprend comment il est possible de rattacher à cette explication des désordres considérés jusqu'à ce jour comme ne correspondant à aucune lésion : l'aspect extérieur de la cellule n'a subi aucun changement, mais les rapports réciproques de ses plus fins éléments constitutifs ont varié. Les chapitres qui traitent des perceptions des sens, des facultés, de la volonté, de l'âme sensible ou intel- ligente, de l'unité ou de l’immortalité de cette âme, etc., révèlent par quelles approximations successives et aussi par quelles erreurs, avant d'apercevoir la fuyante vérité, passe l'esprit de l’homme. Peu favorable aux disputes scolastiques, la philosophie de Fernel, qui n'est pourtant pas libérée de la métaphysique, tente de s'appuyer sur les grands systèmes de l'Antiquité, d'adapter ces systèmes aux observations qui, à ce moment, étaient nouvelles. Malheureusement, plus que les élaborations de Paracelse, la découverte de la circu- lation du sang devait à tout jamais vieillir de sembla- bles conceptions et frapper de caducité tant et de si louables efforts. Un enseignement tout particulier se déduit également à la lecture de ces intéressantes pages. A cette époque, les chercheurs abordaient des problèmes insolubles; ils ne s'étaient pas encore rendu compte que, si, au delà des notions acquises chaque jour plus nombreuses, le champ cultivé se continue par des terres incultes iné- luctablement destinées à être défrichées par la pensée humaine, plus loin, très loin, dans la région des brumes et des nébuleuses, s'étend l'inconnaissable! C'est là le domaine exclusif de l'imagination, qui l'a d’ailleurs peu- plé de divinités farouches ou bienfaisantes ! C’est un domaine respectable et même, à certains égards, ne fut- ce qu'en raison des chefs d'œuvre d'art, de poésie, etc., que sa conception à suscités, digne d'admiration! Toutefois, différents de leurs ainés, les biologistes du temps présent savent que la vraie science, celle qui explique, prévoit, mesure les phénomènes, ne doit éprouver ni le désir ni le besoin de l’explorer. D' A. CHARRIN, Professeur au Collège de France. 834 ACADÉMIES ET SOCIËTES SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 8 Août 190%. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. A. Demoulin montre le parti qu'on peut tirer, en Géométrie cayleyenne, de l'emploi, comme figure de référence mobile, d'un tétraèdre aulopolaire par rapport à la quadrique fon- damentale. — M. A. Potron détermine les groupes d'ordre p” (p premier) dont tous les sous-groupes d'ordre p"—? sont abéliens. — M. Rémoundos signale une extension intéressante du théorème de M. Borel dans la théorie des fonctions entières. — M. J. Bous- sinesq établit les équations générales du mouvement des nappes d’eau infiltrées dans le sol. — M. A. Laus- sedat présente la carte d’une partie du Tyrol, complè- tement dressée par le Service autrichien à l’aide-seu- lement de mesures métrophotographiques. — M. G. Bigourdan montre que les changements de courbure que subissent certains niveaux à bulle d'air sous l’in- fluence des variations de température sont attribuables à la réaction de la monture métallique sur la fiole. Dans les niveaux de précision, il faut rejeter ce genre de monture. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A.-B. Chauveau à observé au sommet de la Tour Eiffel, pendant l'orage du # août, une déperdition extrêmement rapide de l'électricité positive, suivie d’une déperdition négative à peu près normale et très faible. — M. E. Ariès énonce la loi suivante : Toute substance dissoute en quantité suffisamment petite dans un dissolvant dont la tempé- rature T et le volume V demeurent invariables fait croître la pression p du dissolvant de la pression À p qui serait exercée par le corps dissous s'il était seul à occuper, à l’état de gaz parfait, le volume V de la solution. — MM. F. Osmond et G. Cartaud étudient les causes de la permanence des formes cristallitiques dans l'attaque des alliages formés de grains cristallins. — M. L. Guillet a reconnu que les aciers au vanadium perlitiques, recuits à 900 et refroidis lentement, n'offrent pas plus de fragilité que les aciers ordinaires à mème dose de carbone, et qu'à même résistance ils sont très sensiblement moins fragiles. — M. P.Lemoult, en faisant réagir les divers alcoolates de Na sur les composés PCI (AzHR)t, a obtenu des corps R'.0. P (AzHR®), cristallisant avec une molécule d'alcool R'OH de cristallisation. — M. E. Baud, en chauffant à 130°-140°, dans un courant d'H sec, l'acide monomé- thylarsinique anhydre, à obtenu l'acide diméthylpy- roarsinique (CH*)OH)AsO.0.0As(OH){(CH*); ce dernier se décompose par élévation de température en CH*(OH\ et As°0*. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. L. Gentil a étudié les roches éruptives rapportées du Centre africain par MM. Foureau et Lacoin. Ce sont des roches riches en alcalis : phonolites et rhyolites. Séance du 16 Août 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Boussinesg indique une équation de deuxième approximation pour l'écoulement des nappes d'eau infiltrées dans le sol et à faibles pentes. 20 SGIENCES PHYSIQUES. — M. J. Dewar a constaté que le charbon de bois est un bon absorbant de l’hélium à 20° et l’est encore davantage à 15° absolus. Le point d'ébullition de He paraît être voisin de 6° absolus. — M. P. Lemoult, en ajoutant à une liqueur de thiosul- fate de plomb de l’acétate de plomb et de l'acide acé- tique, puis faisant cristalliser, a obtenu un sel double 2S*O*Pb. (CH#CO®) Pb. — M. O. Boudouard a préparé divers alliages de zinc et de magnésium et a isolé : du culot 80 Zn-20 Mg, la combinaison définie Zn°Mg; du culot 70 Mg-30 Zn la combinaison définie ZnMg*. — M. L. Guillet divise les aciers au chrome en quatre classes suivant leurs propriétés micrographiques et mécaniques. Lés aciers à carbure double sont trop fragiles, les aciers martensitiques trop durs. Les aciers perlitiques trempés sont bons pour la confection des outils. — M. G. Cartaud étudie l’évolution de la struc- ture dans les métaux, depuis la structure cellulaire, embryonnaire, jusqu'à la structure cristalline, adulte. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. P. Abric étudie les pre= miers stades du développement de la Sacculine. — M. P. Wintrebert a reconnu que la régénération de la queue, chez les larves d’Anoures, dépend de la régéné- ration de ses appareils de soutien. — M. E.-A. Martel a étudié l'Oucane (lapiaz) de Chabrières (Hautes- Alpes) et remet en discussion plusieurs des conclusions formulées récemment sur l'origine des lapiaz. Séance du 22 Août 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Boussinesq étudie les petites dénivellations d’une masse aqueuse infiltrée dans le sol, de profondeurs quelconques, avec ou sans écoulement au dehors. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. de Metz, par ses études sur l'inversion thermoélectrique et le point neutre, montre de nouveau la constance de la tempé- rature du point neutre et la variation de la température de l'inversion lorsque la température d’un contact s’abaisse. — M. E. Pozzi-Escot à préparé une série de thio-uréides cycliques par l’action des amines cycliques sur CS° en présence d'un désulfurant. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. J. Chatin a observé un cartilage à cellules étoilées dans le larynx du blaireau. — MM. Guiraud et Lasserre ont reconnu que tous les laits d'origine pathologique, notamment les laits d'ani- maux tuberculeux, présentent un point de congélation sensiblement inférieur à celui des laits normaux. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 23 Juillet 190%. M. A. Laveran à constaté la présence d'un Trypa= nosome nouveau dans du sang de grenouille envoyé du Transvaal; il le nomme Tr. nelspruitense. — M. A. Billet à trouvé dans les hématies de la Tarente d'Algérie des corpuscules paranucléaires analogues à ceux des Chéloniens; ils ne sont pas de nature parasi= taire. — Le même auteur à étudié le Tr. inopinatun de la grenouille verte d'Algérie; il paraît présenter des relations avec les Drepanidium. — M. E. Brumpt» poursuit l'étude de l’évolution des Hémogrégarines ets des Trypanosomes. — MM. F. Mesnil, M. Nicolle ets P. Remlinger ont reconnu que le protozoaire de Wright est bien l’agent causal du bouton d'Alep; il ressemble au Piroplasma donovani jusqu'à se con“ fondre avec lui. — M. V. Henri et Ml: Ch. Philoche ont constaté que la présence de glucose et de lévulose ralentit l’action de la maltase sur le maltose. La vitessë de cette action est plus rapide que ne l'indique la loi logarithmique des acides. — M. V. Henri critique la théorie de l’action des diastases présentée par Herzogÿs il n'en conserve qu'un seul point : l'idée que les réac= tions diastasiques se produisent en milieu hétérogène — MM. V. Henri et M. Nicloux éludient l'influence des proportions d'huile et d'acide sur la vitesse de sapos nilication par le cytoplasme de la graine de ricin. =" ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 835 MM. V. Henri et G. Stodel ont entrepris l'examen de da sécrétion urinaire par la méthode des circulations “artificielles. Le débit est réglé par la pression osmotique “des liquides de circulation. — MM. H. Bierry el A. Meyer ont constaté que les chiens ayant reçu des injections de sang hépatotoxique à qui on fait ingérer du lactose éliminent dans l'urine un poids de sucre égal au tiers ou au quart du poids absorbé; c'est le “lus souvent du lactose ou du galactose. Si on leur fait “ingérer du saccharose, on trouve dans leurs urines des “nélanges de glucose et de lévulose, ou de glucose et de “saccharose, et quelquefois des trois sucres. — MM. H. “Bierry et Gmo Salazar : Recherches sur la lactase “inimale (voir p. 792). — M. Ch. Féré signale un cas de périodicité sexuelle chez l'homme. — Le même auteur 1 observé que la distraction influe sur le travail mono- “one en le diminuant; quand elle a cessé, le travail remonte, mais à une valeur moitié moindre. — M, L. “Lapicque rend compte de deux ascensions en ballon, xécutées avec le concours de MM. A. Meyer, V. Henri et J. Jolly pour vérifier si le nombre des globules aug- nente au cours des ascensions; la question a été résolue ar la négative. — M. L. Lapieque à conslaté une iminution de la teneur en hémoglobine du sang Central dans une ascension; il a observé également une vaso-dilatation céphalique. — M. L.-G. de Saint- Martin a reconnu que la proportion de CO? contenue dans le sang paraît peu influencée par un changement brusque d'altitude. Par contre, les chiffres de l'oxygène et de l'azote s’abaissent régulièrement à mesure que l'on s'élève. — M. Em. Bourquelot a déterminé la Composition de deux sucres bruts vendus sur les marchés de l'Inde ; ils renferment une forte proportion de saccharose et un peu de sucre réducteur. — M. C. Phisalix : Recherchessur le venin d’abeilles (voir p.791). — MM. M. Garnier et G. Sabaréanu ont constalé que Ja toxine tétanique dans laquelle on cultive la bacté- ridie charbonneuse se trouve très affaiblie au bout “lune douzaine de jours. — M. P. Portier a reconnu l'absence d'invertine et de lactase dans les sucs de presse des différents organes des Mammifères. — M. J. Rehns a étudié l’action du radium sur la peau saine et Sur la sensibilité. — M. A. Guilliermond décrit la for- mation des asques et la karyokinèse chez divers Asco- mycètes. — M. Ch. Dhéré a constaté la présence de cuivre et de fer dans l'œuf de la seiche. — M. R. Mou- linier a observé que des Indo-Chinois, transportés dans un climat froid, ont senti le besoin impérieux d'une alimentation albuminoïde. — MM. Mosny et Malloisel ont trouvé dans le saturnisme une lymphocytose rachi- dienne plus où moins intense suivant le degré d'intoxi- cation. — M. Ch. Pérez décrit une microsporidie (7he- Johania moenadis) parasite des Crabes. — M. J. Renaut signale quelques caractères distinctifs des clasmato- cytes vrais et des cellules connectives rhagiocrines. — MM. F. Heim et L.-M. Pautrier ont constaté que la chrysalide du ver à soie du mèrier, desséchée, en appa- rence saine, renferme un principe irritant, dont l'appli- cation sur la peau humaine reproduit, la macération aidant, la dermatose dite mal de bassine. — MM. H. Lamy et A. Mayer ont reconnu qu'on ne saurait établir de rapport constant entre la polyurie qui suit les injec- tions intra-veineuses de sucre et l'élévation de la pres- sion artérielle ou la vaso-dilatation du rein, d'une part, l'augmentation de vitesse circulatoire, d'autre part, la concentration moléculaire du sang et de l'urine, enfin. = Les mêmes auteurs ont observé que les sucres sont d'autant plus diurétiques qu'ils sont éliminés en plus grande quantité par les reins, ou que leur pouvoir diurétique est en raison inverse de leur alibilité. — M. J.-P. Langlois étudie l'influence de l’anesthésie sur le lavage du sang. — M. P. Abric estime que les gra- nules pigmentaires sont des granules protoplasmiques à propriétés optiques telles qu'ils sont sensibles à nos regards, mais ils ne sont pas le produit d'une différen- ciation spéciale. — Le même auteur montre que l'héré- dité est discontinue chez les Métazoaires. — Enfin, M. P. Abric décrit un nouveau Doridien de Wimereux, qu'il nomme Doris Giardi. — M.J. Effront à constaté que les acides amidés favorisent à un haut degré l'hydratation de Pamidon par l'amylase. — M. J. Tur à étudié les malformations embryonnaires obtenues par l'action du radium sur les œufs de la poule. — MM. Ed. Lesné, J. Noé et Ch. Richet fils ont observé que l'addition de NaCl a pour effet d'augmenter environ de moitié la toxicité du séléniate de soude et légèrement celle du sélénite. £ RÉUNION BIOLOGIQUE DE NANCY Séance du 12 Juillet 1904. M. Limon à observé, chez les ovaires transplantés, un parallélisme parfait entre les modifications de l'appareil circulatoire et les caractères des formations interstitielles. — M. L. Bruntz : Existence de trois sortes de cellules phagocytaires chez les Amphipodes normaux (voir p. 792). — M. Th. Guilloz signale une manœuvre utile dans la pratique de la respiration arti- ficielle : elle consiste à agir sur les mouvements du diaphragme par refoulement de toute la masse abdo- minale. — M. Aug. Charpentier à trouvé, par une méthode directe, des chiffres compris entre 800 et 860 pour la fréquence des oscillations nerveuses. — Le même auteur présente de nouveaux écrans plus sen- sibles pour l'observation des rayons N et des phéno- mènes analogues. — M. M. Perrin'a observé chez certains cirrhotiques une anémie plus ou moins pro- noncée, justiciable de l'opothérapie hépatique. — M. Th. Guilloz indique un moyen pour déterminer quantitativement lexcitabilité électrique de muscles altérés restés longtemps inactifs. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 9 Juin 1904 (suite). MM. R. H. Elliot, W. C. Sillar et G. S. Carmi- chael : Sur l'action du venin du Bungarus cœruleus (serpent rayé). 1° Les auteurs ont déterminé la dose mortelle minimum du venin desséché pour les gre- nouilles et les petits mammifères ; ils ont choisi seule- ment les rats et les lapins, leur provision de venin étant très limitée. La dose mortelle minimum pour la gre- nouille est d'environ 0,0005 gr. par kilog, pour le rat de 0,001 gr. par kilog, et pour le lapin de 0,0008 gr. par kilog (dose remarquablement faible); 2° Le sérum anti-venimeux de Calmette, en quantité suffisante pour protéger les rats contre dix doses mortelles minima du venin du Cobra, est tout à fait impuissant en même quantité pour protéger ces animaux contre des doses semblables du venin du Bungarus; 3° Les auteurs ont étudié l’état des diverses terminaisons nerveuses, à la fois chez les animaux qui meurent après ètre empoi- sonnés par le venin de Bungarus, et dans les prépara- tions des muscles nerveux de la grenouille, et ils ont trouvé que l'intégrité des extrémités de ces nerfs est invariablement lésée, à une période relativement précoce, par le poison; 4° Le sang a été examiné avec soin, et l’on n’a découvert aucune preuve de coagulation avant la mort ou d’hémolyse intravasculaire; 5° Les auteurs ont examiné l'action du venin de Bungarus lorsque sa solution est transmise dans les vaisseaux isolés et dans le cœur de la grenouille. Ils ont trouvé que, quoique l’action de ce venin ressemble à celle du venin du cobra, elle diffère grandement dans le degré de constriction des vaisseaux et dans l'augmentation de la contraction ventriculaire produite. Le venin du cobra exerce dans ce sens une action plusieurs fois plus forte que celle du venin de Bungarus; 6° En étudiant la facon dont les fonctions vitales des Mammifères (lapin, chat, chien) sont influencées lorsqu'on les expose à l’action de ce venin, lesauteurs ont montré, au moyen de tracés kymographiques et pléthysmographiques, que le centre vaso-moteur est fortement affecté, une suspension de l'activité de ce centre, prouvée par la grande dilatation * 836 splanchnique, suivant rapidement sa stimulation pas- sagère. Il y a aussi quelques indications d’une faible action cardio-inhibitoire. Les expériences et les tracés qui les illustrent montrent aussi que la mort est pro- duite par la destruction de l'activité du centre respira- toire; 7° D'après ces résultats, on peut conclure que, quoique les symptômes produits par l'empoisonnement du venin de Bungarus soient semblables à ceux du cobra, ils différent assez pour rendre leur identité douteuse. Séance du 16 Juin 1904. Sir Norman Lockyer : Sur la relalion entre les spectres des taches solaires et des étoiles. Dans un Mémoire précédent sur la classification chimique des étoiles, l’auteur suggéra que les genres qu'il avait trouvés pourraient ultérieurement se diviser en espèces. Au cours de recherches plus récentes, il à mis à l'épreuve la classification thermique en comparant les intensités relatives des extrémités rouges et ultra- violettes des spectres d'étoiles situées sur divers horizons de la courbe de température, y compris Capella et Arcturus, lesquelles, d'après la classification générale originelle, appartiennent au même type « Arcturien ». Il a trouvé que le spectre de Capella s'étend en moyenne d'environ 10 dixièmes de mètre plus loin dans lultra-violet que celui d'Arecturus, tandis que la portion rouge du spectre est certainement plus étendue chez cette dernière. Cela revient à dire que la tempé- rature générale d'Arcturus est probablement de beau- coup inférieure à celle de Capella. Ensuite, l'auteur recherche si un changement chimique accompagne cette réduction de température, et, dans l'affirmative, si ce changement a quelque relation avec le pas- sage du spectre de la photosphère à celui des taches solaires. En comparant, à cet effet, les spectres pris avec une chambre prismatique Henry de 6 pouces, on a remarqué que certaines lignes sont relativement intensifiées en passant du spectre de Capella à celui d'Arcturus. Des comparaisons semblables entre le spectre de Fraunhofer et les spectres de Capella et d'Arcturus respectivement ont conduit aux conclusions suivantes : 4° Les absorptions de lignes de Capella et du Soleil sont pratiquement identiques; 2° Quoique, en général, les mèmes lignes se trouvent dans les spectres du Soleil et d'Arcturus, dans le dernier, cependant, un grand nombre de lignes sont relativement plus intenses que dans le premier. De plus, pour la grande majorité de ces cas, les lignes ainsi intensifiées sont proba- blement dues au vanadium et au titane. Une analyse des lignes élargies observées dans les taches solaires, depuis l'année 1894, a montré que les éléments qui sont le plus affectés sont aussi le vanadium et le titane. Ainsi, on reconnaît que, tandis que la classifica- tion thermique place certainement Arcturus à un niveau de température inférieur à celui de Capella et, par conséquent, du Soleil, l'étude des absorptions de lignes d’Arcturus et des taches solaires indique très clairement que la température de l'atmosphère absor- bante des étoiles arcturiennes est à peu près la même que celle du noyau de la tache solaire pendant la période mentionnée ci-dessus. Cette conclusion justifie les idées formulées par De la Rue, Stewart et Lœwy que les taches sont produites par la descente d'une matière plus froide. On peut aussi se reporter à l'hypo- thèse de Hale, d’après laquelle, puisque les lignes qui sont élargies dans les taches solaires paraissent comme des lignes fortes sombres dans les étoiles Pisciennes, l'effet peut ètre produit parce que les taches solaires sont plus nombreuses dans de telles étoiles. De ce qui précède, il semble beaucoup plus probable que ces lignes sont intensifiées dans les taches solaires et ren- forcées dans les étoiles qui ont été placées à des niveaux de température inférieurs à celui du Soleil, parce que les conditions générales de la température sont identiques. Cela revient à dire que la chute de la température éprouvée par les vapeurs métalliques en passant de la photosphère au noyau de la tache est du ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES mème ordre que celle à laquelle est soumise une atmo= sphère absorbante en passant des conditions de tempé= rature de Capella ou du Soleil à celles d’Arcturus où des étoiles à température inférieure. — M. Charles de Watteville : Sur les spectres de flammes. Pour obtenir le spectre d'une substance quelconque, on à sénéralement considéré comme suffisant d'introduir une petite quantité de celle-ci dans une flamme déj formée. Au cours de recherches photométriques su des flammes qui avaient été colorées en projetant des gouttelettes de solutions salines dans le gaz à brüler« M. Gouy à découvert dans les spectres de flammes plusieurs nouvelles lignes appartenant au métal con= tenu dans la solution. Au lieu d'apparaître à travers: toute la flamme, comme le font les lignes connues antérieurement, ces nouvelles lignes sont seulement émises dans le voisinage du cone bleu intérieur, l’oris gine du spectre Swan. L'auteur a employé la méthode de M. Gouy. Les lignes des spectres obtenues dans les conditions de ses expériences sont beaucoup plus nom breuses que lorsque toutes les parties de la flamme ne participent pas à la production du phénomène. De plus; les spectres de flammes s'étendent suffisamment loin dans lultra-violet pour permettre d'observer la ligne 2.194 de l'étain. Les lignes qui sont découvertes dans… le spectre de flamme sont les plus fortes lignes du spectre de l’are. Dans certains cas, quelques-unes de lignes d'arc les plus intenses font défaut, tandis que l’on trouve les lignes d'arc moins intenses dans le spectre de flamme. D'un autre côté, on ne voit jamais: aucune des lignes caractéristiques du spectre d'étin= celle dans le spectre de flamme. Il y a une ressem= blance frappante entre les spectres de flamme du fers du nickel et du cobalt et le spectre de l’étincelle oscils latoire des mêmes métaux dans la région comprise. entre 4.300 et 2.700 unités Angstrôm environ. Dans, l'ultra-violet, le spectre de flamme semble s’effacern un peu plus rapidement que celui de l’étincelle oscil= latoire, mais il est probable que cette différence serait diminuée en prolongeant la durée de l'exposition,. puisque ce sont naturellement les radiations de la longueur d'onde la plus courte qui sont les plus absorbées par les différents milieux. Il est très probable que cette similarité entre ces deux spectres est un question de température. D'un côté, l'augmentation du nombre des lignes du spectre de flamme obtenue» par l'emploi d'un vaporisateur peut être attribuée aw fait que les régions les plus chaudes de la flamme par ticipent à la production du phénomène, et, d’un autre côté, la diminution du nombre des lignes du spectre d'étincelle lorsque l'étincelle devient oscillatoire esb probablement due à une diminution de sa température: SOCIÉTÉ ANGLAISE DES INDUSTRIES CHIMIQUES SECTION DE LONDRES Séance du 6 Juin 1904. M. J. K. H. Inglis a déterminé par une nouvelle méthode les pertes en azote dans le procédé des cham= bres de plomb. Les gaz des cheminées ne contiennent qu'une faible quantité d'oxyde nitreux (0,002 °/,); p contre, il y a une plus forte proportion d'oxyde nitrique (0,04 °/,); enfin, on trouve jusqu'à 0,03 °/, de peroxyde d'azote. La perte totale d'azote ne dépasse donc pas 0,1 0, — M. A. Marshall décrit les méthodes d préparation et de purification de l'acétone. — MM. J. G Parker et E. E. M. Payne présentent une nouvelle méthode pour l'analyse du tannin et des substances tannantes et pour la recherche des additions dans les! extraits et liquides de tannage. Elle repose sur le faits que l'acide digallique anhydre forme avec l'hydrate de calcium un composé basique insoluble. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, {, rue Cassette. 15° ANNÉE N° 18 30 SEPTEMBRE 1904 ——————— eoue générale Des Sciences pures ef appliquées Direcreur : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $S 1. — Astronomie Spectre de la comète C 1903'. — Dans les nuits du {3 et du 15 juillet 1903, M. Curtis, de l'Obser- vatoire Lick, trouva que le spectre visuel de cette comète était intense et continu, avec les trois bandes caractéristiques des spectres cométaires; celle qui a pour longueur d'onde 477 était de beaucoup la plus bril- lante. Il essaya de photographier ce spectre avec le téles- cope de 90 centimètres d'ouverture, en donnant six heures de pose. Mais il n'obtint aucun résultat, en raison de l'éclat intrinsèque trop faible de la comète, En ajustant un petit télescope à fente au télescope Crossley, M. Perrine obtint la photographie de ce Spectre après une exposition de quatre heures : ce Spectre contenait les cinq bandes fournies à Campbell par les comètes b 1893 et b 1894, et qui ont pour lon- gueur d'onde 388, 409, 421, 436 et 473. L'éclat de ces bandes est le même que celui des bandes photographiées précédemment, à l'exception de celle qui a pour longueur d'onde 420, l'une des plus brillantes dans les comètes antérieures, mais qui était très faible dans la comète c 1903. $S 2. — Météorologie Conditions atmosphériques des brouil- lards. — Le D' Elias, de l'Institut aéronautique de Berlin, a publié, dans un numéro récent de la revue Das Wetter ?, un article du plus haut intérêt consacré ä l'étude de la distribution des éléments météorolo- giques dans les brouillards. Nos connaissances, bien incomplètes sur ce point, se bornaient Jusqu'à ce jour à ce qu'avaient appris quelques rares observations. Elias cite, à ce propos, celles du colonel Ward, faites Mers 1879 au cours d'une ascension en ballon, et celles de Scott, effectuées une année plus tard au sommet de là pagode du Jardin botanique de Kew. On peut y ajouter celles du D' Lamp #, faites à la fin de 1884 sur ! D'après Ciel et Terre, t. XXN, p. 120. - Der Zustand der Atmosphäre an Nebeltagen par Ciel et Terre, t. XXIV, p. 590. * Meteor. Zeïtschr., Décembre 1884. : analysé REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. la tour de l'anémomètre de l'Observatoire de Kiel (Home Ces recherches, en général assez défectueuses au point de vue de la méthode, avaient conduit à des résullats contradictoires : Scott et Lamp constatèrent dans le brouillard une température croissante avec l'altitude; Ward trouvait une décroissance : puis, malgré tout, l'examen ne portait que sur des couches tout à fait inférieures du brouillard, — qui dépasse souvent de beaucoup le sommet de la tour Eiffel, Il faut donc recourir une fois de plus aux enregis- treurs avec cerfs-volants, ou mieux aux ballons-sondes, à cause du vent faible qui accompagne le plus souvent le phénomène. On constate alors, en règle générale, une décroissance thermique, l'augmentation de tempéra- ture avec la hauteur étant exceptionnelle — résultat opposé à celui de Kew. Enfin, le brouillard est loin d’être homogène : ses couches sont très dissemblables, et les éléments varient suivant les conditions et les instants de formation et de destruction. La vitesse du vent s'accélère en général quand on s'élève dans le brouil- lard et la disparition peut provenir soit de l’échaufte- ment inférieur (par la Terre), soit de celui du sommet par le Soleil), soit des deux causes composées. L'air est, en général, saturé de vapeur d'eau, mais on ren- contre des cas où l'humidité est relativement faible. Il y a là d’utiles investigations, des résultats expéri- mentaux bien élablis, et la base d'une recherche fruc- tueuse qui font grand honneur à un établissement comme l'institut aéronautique de Berlin. $ 3. — Génie civil La stabilité longitudinale des ballons auto- mobiles. Solution du problème de la naviga- tion aérienne. — Nous avons rendu compte récem- ment d’un important travail du colonel Ch. Renard, décevant s'il n'avait promis un correctif prochain à ses résultats, dans lequel l'éminent ingénieur militaire démontrait, par une théorie solidement appuyée de nombreuses expériences, que tout ballon automobile, de la forme adoptée jusqu'ici, possède une vitesse cri- tique, bien inférieure aux vitesses qu'il est désirable d'obtenir pratiquement, au-dessus de laquelle l'aéronat perd toute stabilité, et se tourne en travers de sa route. 18 838 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE — Le correctif promis vient de nous ètre apporté par le colonel Renard, qui, dans trois Notes présentées succes- sivement à l'Académie des Sciences, indique d'une facon très précise la voie dans laquelle on trouvera la solution si longtemps cherchée, et décrit les moyens pratiques sans l'emploi desquels tout nouveau progrès dans la direction des ballons deviendrait impossible. Rappelant ses derniers résultats, qui montraient que les couples stabilisateurs extérieurs à la carène sont insuffisants, le colonel Renard pose d'abord ce prin- cipe : e Il faut renoncer aux ballons dirigeables ou construire des carènes stables ». C'est donc à la carène elle-même qu'il faut appliquer le couple stabilisateur, qui devient ainsi automatique, et non point auxiliaire par l’action de la nacelle : « Le type d'une carène stable est la flèche empennée. Les surfaces d'empennage (plans passant par l'axe lon- gitudinal), placées très en arrière du centre de gravité, donnent à la flèche la propriété de marcher constam- ment suivant la tangente à sa trajectoire... « Ici, le couple perturbateur est remplacé par un couple redresseur proportionnel à sin « et à V°. Ce couple est proportionnel, en outre, au moment super- ficiel des pennes par rapport au centre de gravité. C'est à ce moment superficiel que nous proposons de donner le nom d’empennage. » Le projet du colonel Renard revient done à donner au ballon automobile les propriétés de marche d'une flèche, sur la queue de laquelle le vent agit plus forte- ment que sur la tête, de manière à la coucher cons- tamment sur sa trajectoire. Mais la tête du ballon est proportionnellement beau- coup plus large et plus dressée sur la route que la pointe d'une flèche. Comme c'est l'action oblique sur cette tête qu'il s’agit de combattre, on concoit que l'empennage d'un ballon doive être abondant. Il est, d'ailleurs, tout indiqué de le placer sur la carène même et non sur la nacelle, où il se trouverait protégé par la carène lorsque le ballon dirigerait sa pointe vers le bas, et où son action deviendrait, par instants, très précaire. Dans l'expression du couple perturbateur et du couple stabilisateur par l'empennage, le même facteur V2 sin æ se retrouve, multipliant une fonction indé- pendante de la vitesse et de l'inclinaison, et dont la valeur numérique est propre aux conditions de cons- truction de la carène et de la penne. Désignant par A! et A ces facteurs numériques, on aura un couple perturbateur C—(A'— A!) sin a.V°. Ce couple sera réellement perturbateur si A" A, c'est-à-dire si l'empennage est insuffisant ; cependant, les conditions de stabilité seront améliorées, et la vitesse critique sera augmentée dans le rapport Pour A'— À", le couple perturbateur disparait el le ballon est aussi stable à toute allure qu’au repos. On à réalisé alors ce que l'auteur appelle l'empennage strict; au delà de cet empennage, la stabilité augmente en même temps que la vitesse; c’est le cas de l'empennage surabondant. ; L'expression de l'empennage étant le produit de sa surface par sa distance moyenne au centre de gravité de la carène, on l'exprimera pratiquement en mètres cubes. Pour un dirigeable du type France, l'expression numérique de l'empennage strict est 1,066 ds. Si le ballon a un diamètre de 10 mètres, l'empennage est de 1.066 mètres cubes; il sera obtenu, par exemple, par une surface de 38 mètres carrés, placée en moyenne à 28 mètres en arrière du centre de gravité du ballon. L'expérience, faite par le colonel Renard, par la méthode du tunnel, vérifie ce résultat d'une manière re- marquable. Les deux ballons représentés ci-après (fig. 1 | et 2) ont été expérimentés dans le tunnel; le premier se. comporte exactement comme l'indique la formule. L second, dans lequel les pennes sont légèrement mass quées par la carène, exigerait un empennage un pe supérieur à celui que fait prévoir le calcul. ; Les dispositifs étudiés par le colonel Renard suffi- raient à assurer la stabilité des aéronats; mais on remarquera que l'empennage nécessaire à ce but devrait être considérable, et qu'il en résulterait, pour la carèm une surcharge assez importante, susceptible de co n - promettre sa solidité, si l'on s'en tenait, comme l'ont toujours voulu les aérostiers expérimentés, à une carè Cas a Fig. 1 et 2. — Deux dispositifs d'empennage strict. Ballon type France raccourci (vues en plan). — Les essais dan le tunnel ont été faits sur un modèle au 1/200€. tenant sa rigidité de son gonflement seul. Cette remarque prend plus d'importance encore si l'on considère qu'un empennage strict, tout en empêchant le ballon de se tourner en travers, n’annulerait en aucune facon le tangage, et que, pour se trouver dans de bonnes cons ditions, il est nécessaire de doubler au moins l'empen- nage strict. Le colonel Renard propose alors de recourir à un moyen auxiliaire, qui, sil'on veut, n'est pas aut chose qu'une forme particulière d'empennage, ma utilise des moyens différents et plus pratiques que l'em- ploi des plans en forme de voiles ou de gouvernail. Le Fig. 3. — Forme de ballon ayant servi à la mesure des couples perlurbateurs. nouveau procédé consiste à déplacer vers l'avant du ballon-le centre de poussée de l'hydrogène, par l'emploi d'un ballonnet de poupe, et à combiner ce ballonnel avec des pennes souples en recourant au système des ballonnets cloisonnés. Pour comprendre le rèle de ce ballonnet de poup@ supposons un ballon, de la forme indiquée dans L figure 3, fixé successivement par les points 0, 1, 10 di son axe. Représentons, d'autre part, le couple pertur bateur auquel un courant d'air attaquant le ballon originairement par la pointe l'exposera. Si nous po tons en abscisses les inclinaisons que prend de 1 même le ballon sur la direction du courant d'air, nous aurons, pour les couples agissant sur la carène, la séri@ des courbes de la figure #, dans lesquelles les ordo, nées négatives correspondent à des couples stabilis CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 839 sateurs. On voit, par exemple, que, pour la fixation par le centre de gravité, le couple perturbateur est maximum lorsque laxe du ballon est incliné de 50 grades sur la direction du courant d'air, et ne de- vient nul que pour un angle voisin de 100 grades. La - position d'équilibre stable, qui correspond à l'inter- section de la courbe avec l'axe des «, est donc à angle droit du courant. Mais, à mesure que le point d'attache 3 ! CAN “HEoones : Frs (Q) 10 20 30 #0 50 Fic. 4. — Couples perturbateurs en grammètres autour des £ P'ES p ‘ 2 points de l’axe indiqués sur la fiqure 3. — Expériences dans le tunnel avec un modèle au 1/200°. s'avance vers la pointe du ballon, le point d'intersection avec l'axe des « recule vers de plus petits angles, et le ballon tend à prendre une position inclinée sur le courant d'air, vers laquelle il est ramené par un couple perturbateur si l'inclinaison est moindre, par un couple stabilisateur si elle est plus forte; les positions d’équi- libre stable sont données par l'intersection de chacune des courbes avec l'axe des abscisses; toutes les courbes qui se trouvent en entier au-dessous de l'axe indiquent une stabilisation complète, c'est-à-dire la tendance de la carène à se placer d'elle-même exactement dans le capitale sur les rapports des valves : de même qu'il y a chez les Gastropodes des formes dextres et des formes senestres, il existe chez les Acéphales des types dont tous les éléments de la charnière sont disposés symétriquement par rapport à ceux de la valve correspondante d'autres formes présentant la même organisation générale. Munier connaissait les Gastropodes aussi bien que les meilleurs spécialistes, mais iln’arien publié d'imporlant sur ce groupe. En revanche, ses Notes sur les Céphalopodes fossiles sont d'une très grande portée, malgré leur concision. Sa découverte du pro- siphon dans la loge initiale du genre vivant Spirula el dans celle des Ammonites démontre, d'une ma- nière péremploire, que les Ammonites se rap- prochent davantage des Dibranchiaux que des Té- trabranchiaux. Ses travaux sur les Béloptéridés excluent d'une manière définitive les Bélemnites des terrains tertiaires. Son hypothèse si ingénieuse, si plausible, du dimorphisme sexuel des Ammo- niles jette un jour tout nouveau sur les formes à dernier tour réfracté. Si j'ajoute que c’est mon éminent prédécesseur qui, le premier, dès 1878, aflirma que les Bilobites sont, non des Algues, comme on le pensait alors, mais bien des empreintes mécaniques, tracées sur le fond des mers siluriennes par des Crustacés ou des Annélides en marche, j'aurai épuisé l'énumé- ralion de ses principaux travaux paléontologiques, car il n’a jamais rien publié sur les Vertébrés fos- siles, quoiqu'il se passionnât souvent pour leur étude. Mais il n’en a pas moins fait quelques décou- vertes d'un puissant intérêt dans quelques gise- ments du bassin de Paris qu'il explorait avec une rare patience. Tous ces travaux que je viens d'énumérer ont placé Munier-Chalmas parmi les premiers paléon- tologistes de notre époque; ses recherches strati- graphiques sont également de premier ordre et en font le digne continuateur d'Hébert. Il poussa la méthode analytique de son maitre à son maxi- mum de perfection, en y apporlant d'heureuses modifications, tenant davantage compte de la na- ture minéralogique des dépôts et des conditions de vie révélées par la composition de la faune. Il fit faire un pas considérable à la connaissance des faciès d’eau saumälre et d’eau douce. Munier-Chalmas avait une connaissance appro- fondie, basée sur des observations personnelles, de toute la série sédimentaire. Il n’est pas un terrain dont il n’ait visité les gisements classiques de l'Europe occidentale et dont il n'ait recueilli sur place de belles séries paléontologiques, enrichissant ainsi sans cesse le noyau de collections constitué par Hébert. Les résultats généraux de cette étude sont en partie consignés dans un Mémoire publié L ) Fi " / 1 4 en collaboration avec M. de Lapparent, intitulé : « Note sur la nomencelalure des lerrains sédimen= laires », travail dans lequel les auteurs ont mis là classification des terrains en harmonie avec le progrès de la Stratigraphie et de la Paléontologie Munier-Chalmas a fait porter ses recherches per: sonnelles principalement sur les terrains secon daires et tertiaires. En ce qui concerne le Trias, il a montré que les grès qui s'étendent en transgressivité sur les bor du Massif Central appartiennent, non au Gr Bigarré, c'est-à-dire au Trias inférieur, comme on l'avait cru, mais à la partie supérieure du Triass moyen. La découverte qu'il y a faile d'une faune caractérisée par la présence du JM yophoria Goldfussi montre qu'ils représentent un équivalent de la Let tenkohle de l'Allemagne méridionale. L'étude du Jurassique a absorbé Munier pendant plusieurs années. Il a consacré de longues semain à disséquer dans le détail les gisements si fossili fères du Lias et du Jurassique moyen de Nor mandie, complétant sur plusieurs points essentiels les travaux classiques d'Eugène Deslongchamps®* On lui doit, en particulier, la découverte, dans le environs de May, de plusieurs niveaux loarciens el bajociens nouveaux. Il a également étudié le Cal= lovien et l'Oxfordien des falaises de Dives et fixé" d’une manière précise l’inlercalation de banes coraË avait commencé dans le bassin de Paris plus tôt qu'on ne l'avait pensé. | En 1898 et 1899, ce sont les couches les plus élevées du Jurassique du Boulonnais qui font de sa part l'objet de recherches en collaboralion avec son vieil ami M. Edmond Pellat, aboutissant à L publication d’une coupe très détaillée des falaises de Wimereux et de Boulogne. | Les faits nouveaux que ce travail met en lumière sont surtout relatifs à l'existence d'anciennes plages et d'estuaires, dont les dépôts s'intercalent ae milieu de couches essentiellement marines. Il y à là une synthèse tout à fait remarquable, basée sun la plus minutieuse analyse. Les assises terminales du Crétacé avaient déjà fait l'objet des recherches d'Hébert; Munier les étudie à son tour et découvre à Meudon, au-dessus des calcaires à Lithothamnium, que l'on avait à tort qualifiés de « pisolithiques », une faune richeen espèces, les unes marines, les autres d’estuaireÿ identiques à celles du calcaire de Mons, en Belgique Dès sa prime jeunesse, Munier-Chalmas s'était L ÉMILE HAUG — LA CHAIRE DE GÉOLOGIE À LA SORBONNE 819 prédilection particulière pour ces lerrains, qu'il a étudiés également dans les Alpes Vénitiennes, en Hongrie, dans les Pyrénées et dans le Massif Central. O'est aux terrains crétacés el tertiaires du Vicentin qu'est consacrée sa Lhèse de doctorat. Le lecteur y trouve un certain nombre de faits nouveaux, en- cadrés dans la discussion des observations de ses prédécesseurs. La répartition des Nummulites, des Alvéolines, des Orbitoïdes dans la série éocène et oligocène y est étudiée avec soin, en même temps que l’auteur définit d’une manière précise la posi- tion qu'occupent, dans cette série, les intercalations de couches ligniteuses et de tufs basaltiques. ILestmalheureux que Munier n'ait jamais exposé dans un volume, comme il l'avait fait pour le Nicentin, les résultats de ses longues et patientes recherches sur les terrains tertiaires du bassin de Paris: du moins les a-t-il résumés dans la Notice qu'il a distribuée à l’occasion de sa candidature à PAcadémie des Sciences. Ce résumé est une syn- thèse remarquable de ses travaux; mais le détail de ses observations n’a jamais vu le jour, de sorte “que plus d'une de ses conclusions, n'étant pas étayée par l'appareil de preuves indispensables en l'espèce, sera accueillie avec scepticisme. Mainte observation de Munier a cependant depuis longtemps été reconnue exacte par la plupart des géologues parisiens. Je ne puis, sans entrer dans des détails que ne comporte pas le cadre de cette lecon, vous retracer aujourd'hui les grandes lignes de l’histoire du bassin tertiaire parisien. Qu'il me suffise de vous rappeler que Munier a pu montrer l'action continue des mouvements orogéniques pendant tout l'Éocène et l'Oligocène et qu'il a mis en évidence la relation existant entre la répartition des faciès et ce qu'il a appelé la ride périphérique du bassin. Vous savez qu'il distinguait plusieurs zones concentriques, dans lesquelles les conditions de sédimentation et de salure des eaux n'étaient pas les mêmes, en même temps que la composition des faunes variait de l'une à l’autre. Les dépôts pléistocènes des environs de Paris ont souvent retenu l'attention de Munier; il à con- sacré de longs mois à l'exploration d'un petit nombre de gisements et, là encore, beaucoup de ses observations sont à jamais perdues. En dehors de la Paléontologie et de la Strati- graphie, Munier-Chalmas a peu publié; mais bien peu de domaines de la Géologie lui étaient étran- gers. Il ne suivait cependant que de très loin les travaux de ses contemporains sur les dislocations du sol, sur les phénomènes volcaniques, sur les glaciers, sur la géomorphogénie. Il connaissait tout de même mieux que personne certains phénomènes actuels et il étudiait, par exemple, avec passion l'action des vagues sur les rivages; son cours élait plein d'observations originales relatives à cel ordre de faits. Il a apporté aussi mainte contribu- tion intéressante à l'étude des phénomènes de sédimentation et à celle des modifications ulté- rieures que subissent les roches sur leurs lignes d'affleurement. Les recherches qu'il fit, en collabo- ralion avec M. Michel-Lévy, sur la fluorine et cer- taines formes de la silice qui prennent naissance dans ces conditions, sont célèbres à juste titre. Enfin, Munier a publié quelques travaux de Pétro- graphie, ayant trait aux roches volcaniques du Vicentin, aux actions métamorphiques exercées par le granite en Bretagne. Il en était plus fier que de ses plus belles recherches paléontologiques et stratigraphiques. Si varié que fût son bagage scientifique, Munier ne trailait guère dans son cours que la Strati- graphie et les roches sédimentaires. C'est à peine ei, de loin en loin, il se permettait une digression de quelques instants dans le domaine de la Paléon- tologie, et presque toujours pour relater une obser- vation personnelle ; mais ses leçons de Stratigraphie étaient des plus substantielles, surtout lorsqu'il parlait de régions qu'il avait visitées lui-même. Ce qu'était cet enseignement, la plupart d'entre vous le savent d’ailleurs. Ceux qui ont suivi les cours de Munier-Chalmas avant que la maladie n'eût paralysé son entrain se souviennent à quel point il pouvait intéresser ses auditeurs par l'exposé d'idées nouvelles et par des aperçus originaux sur des questions à l'ordre du jour. Qui ne l'a vu conduire une excursion d'élèves ignore toutefois la face la plus attrayante de son enseignement. Là il était vraiment lui-même, il se donnait tout entier et communiquait à ceux qui l'accompagnaient son ardeur et son inlassable patience. En dirigeant des excursions géologiques dans le bassin de Paris ou dans les régions voisines, Munier suivait une ancienne tradition, qui remon- tait à Constant Prévost; son successeur se gardera de la laisser tomber. Le passage de Munier-Chalmas à la chaire de Géologie de la Faculté des Sciences fut marqué par le transfert, en 1894, du Laboratoire dans la nou- velle Sorbonne. J'ai dit déjà que les collections se sont trouvées désorganisées par le déménagement; ce sera ma tâche et celle de mes dévoués collabo- rateurs de les reconstituer sans retard. Mais d’autres rouages du Laboratoire sont aujourd'hui en plein fonctionnement. La superbe bibliothèque, résultant des donations de Fontannes et d'Hébert, que Munier-Chalmas enrichissait sans cesse en y versant les ouvrages qu'il recevait personnellement, est devenue peu à peu un instrument de travail incomparable. 850 ERNEST FOURNEAU — LES ANESTHÉSIQUES LOCAUX 4 Plusieurs appareils ont été construils sur des plans conçus par mon prédécesseur : vous avez vu les résultats que donne l'appareil de projection pour plaques minces de roches en lumière simple, parallèle ou convergente; une scie et des polissoirs perfectionnés, mus par un moteur à gaz, nous rendent depuis trois mois les plus grands services pour l'étude des fossiles et des roches; Munier n'eut pas la satisfaction, avant sa mort, de les voir fonctionner. Le Laboratoire de Géologie de la Facullé des Sciences sera bientôt l’un des mieux outillés qui soient en Europe; il est dès à pré- sent organisé pour recevoir de nombreux tra- vailleurs. Il est, hélas, privé aujourd'hui de celui qui en fut pendant de longues années le sous-directeur, puis le chef. Maïs les élèves d'Hébert ont été tous, sauf les plus anciens, également ceux de Munier; ses méthodes de travail dans le Laboratoire ne dis- paraitront donc pas, pas plus que ne sauraient dis- paraître les méthodes stratigraphiques d'Hébert. Le nouveau titulaire de la chaire de Géologie de l'Université de Paris, qui se fait gloire d’être l'élève de ces deux maitres, s'efforcera de conserver leurs bonnes traditions. La Stratigraphie conti- __—nuera à lenir une place privilégiée dans l'ensei- gnement, mais la Paléontologie et la Géologie dynamique ne seront pas pour cela négligées, et Ja Pétrographie est, comme vous le savez, en d'excel lentes mains. logie en France entrât davantage dans une voie que lui à tracée le plus grand géologue de notre temps l'illustre professeur Suess de Vienne, dans la voie les problèmes les plus passionnants de la Géologi moderne : la formation des chaines de montagnes | les lois des transgressions et des régressions ma rines, l'histoire géologique des continents. Je ne perdrai pas de vue ces trois questions en traitant devant vous, Messieurs, dans mon cours de ce semestre d'été, la série complète des périodes géa logiques et plus particulièrement l'ère secondaire de l'histoire de notre Planète. Emile Haug, Professeur à la Faculté des Sciences de l'Université de Paris. WALZ 0° Ho = D a ArRYIZæ et © MAS + / ; ne ; : 7 Des_sfècles d'empirisme et d'observation ont é ce premier résultat que, parmi le nombre infini de substances créées par l'organisme animal et l'organisme végétal, certaines ont été appliquées par l’homme au soulagement des malades ou à la guérison des maladies. De ces substances elles-mêmes les chimistes ont reliré, dès la deuxième moitié du siècle dernier, plusieurs principes actifs cristallisés, nettement définis, concentrant en eux l’action spécifique de la plante ou de la matière qui les avait fournis. Ces principes actifs jouant un rôle physiologique dans les plantes qui les contiennent, et la Nature ne les ayant pas formés pour être utiles à l'humanité, il est naturel de penser qu'au point de vuede l’action thérapeutique ils ne représentent pas la perfec- tion ; en réalité, à côté des avantages nombreux qu'ils offrent sur les drogues dont on les retire, nous constatons des inconvénients graves qui en limitent souvent l'emploi. Cependant, jusqu'ici, malgré les efforts tentés, on n'a jamais réussi à modifier, à ce point, un alcaloïde donné que, tout en lui conservant son action LES ANESTHÉSIQUES LOCAUX | ples, on saurait à quel groupement fonctionnel ils iypique, on supprimät complètement ses défauts. Les premiers alcaloïdes isolés : la quinine, l'atropine, la morphine, la cocaïne, etc., règnent encore en maitres incontestés, malgré les substi tutions et les bouleversements variés qu'on leur a fait subir. \ Il faut dire aussi que, le plus souvent, on marche à làton, surtout et forcément lorsqu'il s’agit d’un produit dont on ne connait pas bien la consti- tution. Si l'on était exactement fixé sur la charpente des alcaloïdes, si l’on pouvait les désarticule progressivement par le moyen de réactions sim= doivent leur action, et il serait rationnel d'essayer de fixer ces groupements sur une molécule très simple, un support lui-même inactif, de façon à concentrer sous un petil volume toute l’activité physiologique de la molécule primitive. De tous les alcaloïdes connus, la cocaïne parais= sait devoir se prêter le mieux à une élude de ce genre, pour cette double raison que son action physiologique est parfaitement déterminée et que sa constitution est aujourd'hui bien connue. 1° Une fonction aminée tertiaire ; 2° Une fonction alcoolique éthérifiée par l'acide benzoïque ; 3° Une fonction acide éthérifiée par l'alcool mé- thylique. Si l’on chauffe la cocaïne avec de l'alcool mé- thylique saturé d'acide chlorhydrique gazeux, on sépare intégralement de sa molécule l'acide ben- zoïque qui en faisait partie. L'acide chlorhydrique en solution aqueuse con- centrée sépare non seulement l'acide benzoïque, mais encore l'alcool méthylique, avec formation d'ecgonine. Cette ecgonine est un acide-alcool, qui peut se combiner à l'acide benzoïque, puis à l'alcool mé- thylique pour régénérer la cocaïne. Mais ce n’est pas tout. Quoiqu'il soit très difficile de passer directement de la cocaïne à la {ropine, on sait cependant que la tropine est l’amino- alcool correspondant à l'ecgonine. C’est l’ecgonine privée de carboxyle. Enfin, l'oxydation de la tropine, pratiquée dans des conditions particulières, a conduit à la »or- tropine, qui ne possède plus de groupe méthylé à l'azote, et sert de noyau à une »or-ecqonine et à une nor-Cocaine. C'est done une véritable dissection que l’on a pratiquée sur la cocaïne, dont on a enlevé succes- sivement tous les groupes latéraux pour ne laisser subsister que son squelette : la nortropine. ERNEST FOURNEAU — LES ANESTHÉSIQUES LOCAUX 851 CHOCO. CH CHO.CO.C9H® I. — Cocaïne. XX PAS CH2 "CH — CO:.CHS CI? CH.CO°CHS ; : es La cocaïne est, on le sait, après la quinine et la CH CH CH CH morphine, l'alcaloïde le plus employé. [SZ (1) Da an) Isolée en 1860 par Niemann, elle a surtout été dE | étudiée, en Allemagne, par Lossen, Einhorn, La- F denburg, Merling. Mais c'est aux remarquables CH°— CH CH*—CH* à + Cocaïne. Nor-cocaïne. recherches du jeune savant R. Willstaetter que 08 “a constitution doit d'êlre actuellement établie NU; al CS “avec la plus entière certitude. Willstaetter a CH? CH.COH CH? CH.COH démontré que la molécule de la cocaïne dérive le Le 1 Le d'un double noyau : le noyau pipéridinique et le NA {) Fe (iv) … noyau pyrollidinique, et il a confirmé la justesse de ‘1h | “ses vues théoriques en réalisant de toutes pièces cs CHE la synthèse de la cocaïne, dont la formule doit être CH—CH CH2— CIE représentée par le schéma suivant : BenroneH£epnine Ecgonine. CHOH CHOH CHO.CO0.C'H* LIN } ANS k ci? CH? CH? CH? CH? CH — CO’CIH | | | CH CH CHAAICH CH CH à / NU . N ( 4 si AZ | | | CH° H CH | | | CP—CH° CH°—CH° CIF — CH? Tropine. Nor-tropine. La cocaïne possède donc : Il devenait dès lors extrêmement intéressant pour le physiologiste d'étudier séparément cha- cune de ces assises de la cocaïne, de noter à quel moment précis se manifeste le caractère anesthé- sique local et comment, lorsqu'il est apparu, varie son intensité avec les modifications chimiques que l'on fait subir à la molécule. Sans entrer dans le détail des expériences faites, qu'il suffise de savoir que, de tous les produits de régression de la cocaïne, un seul, la nor-cocaine, possède des propriétés anesthésiques locales nettes. On peut donc tirer des quelques données précé- dentes les conclusions suivantes : 1° I] faut que la fonction acide soit éthérifiée ; 2° Il faut que la fonction alcoolique soit éthé- rifiée ; 3° La fonction aminée peut être secondaire ou tertiaire. Le choix de l'acide éthérifiant a une grande in- fluence sur les propriétés physiologiques. Le rem- placement de l'acide benzoïque par un acide gras a pour effet la suppression complète de la propriété anesthésique. Parmi les acides aromatiques, la plupart sont inférieurs à l'acide benzoïque; quelques-uns, comme l'acide isatropique, donnent des éthers très toxiques, mais non anesthé- siques. Le choix de l'alcool éthérifiant, au contraire, n’a aucune importance. La coca-éthyline, la coca-iso- butyline ont été préparées. Elles sont anesthé- siques, mais ne possèdent aucun avantage sur la 852 ERNEST FOURNEAU — LES ANESTHÉSIQUES LOCAUX cocaïne. Les alcools aromatiques n'ont pas élé los essayés. î Re L'éthérification de la benzoylecgonine ne parait pas avoir d'autre but, en somme, que de neutrali- ser, de supprimer le caractère acide. Ne serait-il pas ke simple de benzoyler la tropine qui, elle, ne possède pas de carboxyle? Or, la benzoyllropine est très faiblement anesthésique. Le groupe CO?R semble donc nécessaire. Nous allons voir que cette nécessité est plus apparente que réelle, car un iso- mère géométrique de la benzoyltropine, la {ropa- cocaine, est pourvue de propriétés analgésiques intenses. En dehors des conditions de l’analgésie que nous avons énumérées, doit donc se placer l’in- fluence de l'isomérie, facteur dont nous n'avions pas tenu compte jusqu'ici et dont l'importance est si capitale dans l’histoire des analgésiques locaux du genre cocaïne que nous l’étudierons en détail. II. — TROPACOCAÏNE. En 1891, Giesel avait rencontré dans les feuilles d'un cocalier de Java de faibles quantités d'un alcaloïde qu'il appela {ropacocaine. Liebermann, qui l’a étudié avec soin, a reconnu que sa formule brute était identique à celle de la benzoyltropine et qu'il donnait par hydrolyse de l'acide benzoïque et une base isomérique de la tropine tropine. C'est encore à Willstaetter que nous devons des connaissances précises sur le caractère de l’isomé- rie qui différencie entre elles la pseudo-tropine et la tropine. Ces deux alcaloïdes ne sont que les formes cis et trans d’un même alcool. Si l’on oxyde la tropine, on obtient la cétone cor- respondante ou é{ropinone. Cette tropinone, hydro- génée, ne retourne pas à la tropine, mais fournit la pseudotropine ; cela montre bien que, dans les deux isomères, l’oxydrile est lié au même carbone, et qu'ils diffèrent seulement par la position de cel oxydrile dans l’espace. Willstaelter ayant indi- qué, en outre, que l’on pouvait passer de la tropine à la pseudotropine en la chauffant avec de l’amylate de sodium, a prouvé que, des deux isomères, /a pseudo-tropine est le plus stable. Le dérivé benzoylé de la pseudotropine est la tropacocaine, absolument identique au produit na- turel et possédant, comme celui-ci, des propriétés anesthésiques locales très intenses, qui, nous l'avons vu, font complètement défaut à la benzoyltropine. L'isomérie des deux groupes de corps n'a pas seulement pour effet de faire apparaitre dans l'un d'eux le caractère anesthésique local, mais elle fait disparaitre en même temps l'action mydrialique. Contrairement à la benzoyltropine, la lropa- cocaine n'agil pas sur la pupille. la pseudo. Les conséquences d'une isomérie semblable sem retrouvent plus éclatantes dans le groupe des à Eucaïnes, groupe si voisin de la cocaïne que son étude a marché de front avec celle de cet alcaloïde el a apporté une contribution sérieuse à l'établisse= ment de sa constitution et des rapports qui existent entre cette constitution et la propriété anesthésique locale. Beaucoup de chimistes éminents ont collaboré à l'étude des eucaïnes, et cela rend nécessairement assez difficile le clair exposé de leurs travaux, d'autant plus que nous devons considérer ces der niers seulement au point de vue de leur appoint a la Aa ee des anesthésiques locaux. à D'abord isolées, les recherches sur la tropine, les" eucaïnes, la cocaïne, n'ont pas tardé à s'enchevé-M trer tellement qu'il nous semble impossible de les“ séparer. Nous suivrons donc l’ordre chronologique des faits, sans nous préoccuper au début de leur en- chainement, et nous noterons les étapes successives qu'il est nécessaire de connaitre si l'on veut savoir ce que les eucaïnes doivent au hasard et ce qu'elles doivent aux spéculations théoriques. En faisant agir l’ammoniaque sur l’acétone, Heintz obtint une base, la /riacétonamine, dont" il eut ensuite le mérite de reconnaitre le caractère cétonique et la nature pipéridinique. Un peu plus tard, en 1863, Kraut et Lossen, en hydrolysant l’atropine par l’eau de baryte à 60°, décomposèrent cette base presque quanlitativement en acide tropique et en tropine. La nelteté de l'hydrolyse incita aux recherches dans la voie de la synthèse partielle de l’atropine. Ladenburg la réalisa en 1879 en évaporant à plu- sieurs reprises une solution de tropate de tropine additionnée chaque fois de quelques gouttes d'acide chlorhydrique. En généralisant cette méthode, il obtint toute une série d'éthers de la tropine, éthers qu’il dési- gna sous le nom de fropeines, et dont l’un, l’homa- tropine, éther phénylglycolique, est un mydria- tique puissant. Jusque-là, ies relations entre la tropine et la triacétonamine sont demeurées M ignorées. | En 1883, Émile Fischer indiqua le premier les relations frappantes entre la base de Kraut et Lossen et la triacétonalcamine, amino-alcool pro- venant de la base de Heintz. Comme la tropine, par exemple, la triacétonal- camine perd de l’eau lorsqu'on la traite par l'acide sulfurique, pour donner une base non saturée, l'acétonine, comparable à la tropidine. | Les relations physiologiques sont encore plus nettes, métlhylée à l’azote et éthériliée | eh 2 puisque, ERNEST FOURNEAU — LES ANESTHÉSIQUES LOCAUX 85e par l'acide phénylglycolique, la triacétonalcamine donne un éther possédant, comme l'homatropine, des propriétés mydrialiques très nettes. A peu près vers la même époque, Merling publia les premiers résullats de ses recherches sur la constilution de la tropine, recherches dont ce n’est pas ici le lieu d'exposer la genèse et qui aboutirent à la conception de deux formules de la tropine, différant entre elles seulement par la position des oxydriles : CHOH CHE / ANS CH CIF CN CHOTN N CH? CU? Ne \ CH | CH N CH° CH CH? CI NS va / Az AZ | | CIE CH° Tropine d'après Merling. Ces deux formules répondaient également bien aux faits alors connus, et, si Merling choisit la pre- mière, c'est parce qu'elle concordait avec les tra- vaux de Fischer sur la triacétonalcamine et se rap- prochait le plus de la formule de ce dernier corps, dont Fischer avait démontré que l'oxydrile se trouvait en para : CHOH 4 CH°CH° + GERS | [BF CH >) CG C< : CHE CHA AZ H Triacétonaleamine . Les relations entre la triacétonalcamine el la tro- pine paraissaient donc démontrées ; ilne restait plus qu'un pas à faire : la transformation de la tropine en acétone correspondant à la triacélonamine. Cette célone, découverte par Willstaetler, et ap- pelée par lui tropinone, ne devait d’abord servir, dans son esprit, qu'à consolider la constitution de là tropine. Elle a surtout contribué à la détruire, tout en établissant un lien de plus entre la tropine et la triacétonalcamine. On à vu, d'autre part, que la tropinone avait per- mis à Willstaetter de démontrer la nature géomé- Un fait qui venait confirmer Merling dans son opinion est le suivant : On à vu que Giesel avait isolé d'un cocalier de Java la tropacocaine, laquelle, hydrolysée, donne la pseu- dotropine. Cette dernière base, éthérifiée par l'acide phényl- glycolique, fournit la pseudohomatropine, qui, elle, ne pos- Sède pas la moindre action mydriatique. Comme on ne connaissait pas encore les relations d'iso- mérie géométrique entre la pseudotropine et la tropine, Liebermann pensait que ces deux bases différaient entre elles par la position de l’oxydrile, non dans l'espace, mais dans la molécule, comme diffèrent entre elles les deux formules tropiniques de Merling, BEVIE GÉNÉRALE LES SCIENCES, 1904. trique de l’isomérie existant entre la tropine et la pseudotropine. Pour que l’analogie entre la tropine et la triacélonalcamine fût complète, il fallait, après avoir trouvé l'équivalent de l'acétonamine, trouver celui de la pseudotropine. Or, quel que fût son mode d'obtention, la triacétonalcamine était toujours identique à elle-même, et il suffit d'exa- miner sa formule pour se convaincre qu'il ne pou- vait en être autrement. Il s'agissait donc de trouver dans le groupe de la triacétonalcamine un alcool dont la forme stable répondrait à la pseudotropine, et dont la forme instable répondrait à la tropine. Cette partie du problème a été résolue par Harries qui s’adressa, non plus à la triacétonamine, mais à la rinyldiacétonamine. Ce corps avait élé découvert par Heintz, qui l'ob- tenait en chauffant la diacétonamine avec l'acétal- déhyde. J1 donne une oxime qui, hydrogénée, fournit l’amine correspondante. L'acide azoteux transforme la fonction aminée en oxydrile, et l'on a finalement la vinyldiacétonalcamine (Harries) : CHOH CHENE CHY | | ,CH* C C . H 7. NCH: XH différant essentiellement de la triacétonalcamine par le remplacement d'un groupe méthyle par de l'hydrogène, ce qui donne à la molécule un carac-- tère d'asymétrie manifeste, dont on va voir les conséquences. L'amino-alcool ainsi obtenu par Harries fondait un peu plus haut que celui qu'avait découvert Fis- cher en réduisant directement la vinyldiacétona- mine. La différence entre les points de fusion élait très faible, mais elle suffit néanmoins à éveiller l'attention d’un chimiste aussi habile que Harries. Reprenant les travaux de Fischer et les complétant, il reconnut que, suivant la température à laquelle on opérait et le réducteur employé, on pouvait pré- parer deux amino-alcools isomériques différents : l’un fondant à 160-161°, l'autre entre 120 et 1230. En traitant par l’amyiate de sodium chacune de ces deux amines, c'est-à-dire en leur appliquant le procédé qui avait servi à Willstaelter pour passer de la tropine à la pseudotropine, Harries oblint un seul et même corps foudant à 138°, qu'il considèra comme la forme stable de la vinyldiacétonalea- mine. La base fondant à 120-123°, regardée jus- que-là comme un corps défini, était constituée par un mélange des bases 160° et 138°, sur la nature duquel je ne m'étendrai pas, mais qui est assez curieuse, puisque les cristallisations successives ne modifient pas leg point de fusion. Bref, si l’on considère, non plus la triacétonal- 15* 854 camine, mais la vinyldiacétonalcamine, l'analogie devient complète avec la tropine. D'une part, la base 137-138°, forme stable de la vinyldiacétonalcamine, correspond à la pseudotro- pine; d'autre part, la base 160° correspond à la tropine et est la forme instable. OH | OH CH | AN CH CH? CH LAN je CH? CH° HC CH CH, | IPC NZ À C C< AZ H Sr NC AzH CH* Forme instable de la vinyldiacé- CH? — CH tonalcamine fondant à 160°, Tropine. CH AIN CH CH? OH CH? PA | CH? OH CH? HC CH 3 CHE CH \ L il pau NZ 0 UN t H NOR 7 CH* | AzH CHS Forme stable de la vinyldiacéto- CH2— "CH? nalcamine fondant à 137, Pseudotropine. Physiologiquement, les ressemblances sont plus nettes encore. Méthylée à l'azote, puis éthérifiée par l'acide phénylglycolique, la forme instable de la vinyldia- cétonalcamine donne l’euphtalmine, mydriatique puissant, en lout point comparable à l'homa- tropine. Méthylée à l'azote, puis éthérifiée par l'acide phénylglycolique, la forme stable donne un éther parfaitement comparable à la pseudohomatropine, en ce sens que l’action sur la pupille lui fait com- plètement défaut. Enfin, traitée par le chlorure de benzoyle, la vinyldiacétonalcamine stable donne un éther pos- sédant, comme la tropacocaïne qui lui correspond, des propriétés anesthésiques très netles. Le chlorhydrate de cet éther est l'eucaine $ ou chlorhydrate de benzoylvinyldiacétonalcamine, ou mieux méthyl-«-diméthyl-4'-benzoylpipéridinol : À CIE 0.C0.C;H: {en ù. H NS, NU AZ H L'eucaïne B, à laquelle nous aboutissons logi- quement, ne fut cependant pas la première en date. Dès que l’on fut certain des anatogies existant entre la lriacétonalcamine et la tropine, et entre la ERNEST FOURNEAU — LES ANESTHÉSIQUES LOCAUX et, UNE tropine et la cocaïne, on s’efforça de réaliser la synthèse d'une cocaïne acétonamique. 4 Comme toutes les acétones, l'Az-méthyltriacéto= namine fixe l'acide cvanhydrique. En saponifiant le nitrile de l’acide-alcool provenant de cette fixa: tion, puis en éthérifiant les fonctions acide et alcool respectivement par l'alcool méthylique et l'acide benzoïque, on obtient l'eucaine « ou benzoyl méthyltétraméthyl-2-oxy-pipéridine-carbonate de méthyle, dont on utilise le sel chlorhydrique : OH CAz OH CO°’H HCAz SA H°0 NA co — C — C ARS TON AN CH? (CH° mn 3 | NH3 CERTES Ÿ CH°OH ca” N/ CH AZ C;H,CO? CO?CH* OH CO?CH I NZ CHSCO®H, X7 CHS C <— CG Az-méthyltriacétona- é ANS = NX mine. CH? CH: Rs TS CH N | | / GC cu” 7 cr AZ | CH Eucaïne ©. L'eucaïne x possède, comme on le voit, toutes les fonctions de la cocaïne et aussi, malgré less asserlions de Gaelano Vinci, tous ses inconvénients, en particulier la toxicité. En outre, elle a d’autres inconvénients : action destruclive sur l’épithéliu cornéen, douleur après l'injection, ete., — qui lui ont fait rapidement céder la place à l’eucaïne f; celle-ci à son tour a dû s'incliner devant son ainée,m la cocaïne, vis-à-vis de laquelle elle n'avait vrais ment aucun avantage sérieux. IV. — ASYMÉTRIE ET ISOMÉRIES. utile d'appeler l'attention. Les prévisions de Fischer touchant les relation de la tropine et de la triacétonalcamine se trouven formule de la tropine : CHOH CHOH PAS CH° "CH CH= CH? | | | | CH CH CH — C C— CHS KA NS AZ AzH | CA“ CH CH CH? — CH? Triacétonalcamine. Tropine. Ces deux formules diffèrent surtout par un point essentiel. La tropine possède deux carbones as ymés triques, mais la formule entière esl aussi symétrique ERNEST FOURNEAU — LES ANESTHÉSIQUES LOCAUX 855 que celle de ja triacélonalcamine; on conçoil donc | formes isomériques, et, si elle est inactive, c'est que la tropine ne possède pas le pouvoir rolatoire. Les deux carbones asymétriques suffisent néan- moins à expliquer que (contrairement à la triacéto- nalcamine) la tropine puisse exister sous deux formes isomériques cis et trans, l’oxydrile pouvant occuper deux positions différentes par rapport au plan passant par les deux carbones asymétriques et la chaine. CH°.CH°. Ce plan peut, en effet, pivoter autour des carbones asymétriques et se trouver à un moment donné au maximum d'éloignement de loxydrile et, à un autre moment, au minimum d'éloignement. Il suffit de jeter les yeux sur la formule schéma- tique de la triacétonalcamine pour se rendre compte que ce corps ne peut avoir d'isomères : Triacétonalcamine. Pseudotropine. Tropine. Il serait intéressant d'étudier au point de vue des isomères possibles la divinylacétonamine : HCOH CH cu CH5 CH° qui posséderait, comme la tropine, deux carbones asymétriques, mais il ne semble pas que ce corps soit connu. Un autre point assez bizarre est le suivant. Wills- laetter à préparé la cocaïne & en partant de la tro- - pinone. Cetle cocaïne correspond exactement à l'eucaïne « et s'obtient par une méthode identique, c'est-à-dire par l’action de l'acide cyanhydrique, puis de l'alcool méthylique, enfin de l'acide ben- zoïque sur la tropinone : CO°CH® O.0C.C,H, CHE — CHE Cocaïne &. Or, elle ne possède par la moindre action anesthé- sique locale; elle doit pouvoir exister sous deux qu'elle dérive peut-être de la tropine et non de la pseudotropine. Enfin, un dernier point. Tandis que l’isomère géométrique paraît jouer un si grand rôle dans les propriétés physiologiques des eucaïnes et des tro- péines, l’isomérie optique, au contraire, ne semble avoir aucune influence. La cocaïne ordinaire est gauche. En chauffant l'ecgonine gauche avec les alcalis, on obtient une ecgonine droite, de laquelle on peut passer à une cocaïne droite!, La cocaïne synthétique est racé- mique, Or, il y a entre ces cocaïnes des différences très peu appréciables, tant au point de vue des propriétés physiques que des propriétés physiolo- giques. V. — AUTRES ANESTHÉSIQUES LOCAUX. Les autres anesthésiques locaux n’offrent pas, à beaucoup près, le même intérêt théorique que les cocaïnes et les eucaïnes. Mais ils montrent que la propriété anesthésique locale appartientà beaucoup de corps, et, à ce point de vue, il est bon de les connaitre, L'holocaine est le chlorhydrate de paradiéthoxy- éthényldiphénylamine : Az.C,H,.0C,H, CH°— CC x NAZH.C,H;.0.C,H,.HCI On avait maintes fois remarqué que les antipyré- tiques dérivés de l’aniline possédent une faible action anesthésique. L'union de deux bases de ce groupe renforce cette action. On obtient l'holocaïne en faisant réagir le tri- chlorure de phosphore sur un mélange de phénéti- dine et de phénacétine, ou bien en condensant l'acétonitrile avec la paraphénétidine. Le chlorhydrate est peu soluble dans l’eau; il est caustique et plus toxique que la cocaïne. Les acoïnes sont des dérivés de l'oxyphénylgua- nidine. On les obtient en désulfurant par l’oxyde de plomb les thiocarbamates provenant de l'action du sulfure de carbone sur les bases aromatiques dérivées d’éthers phénoliques. Cette désulfuration s'accomplil en présence d'une molécule de base libre, qui entre alors en combinaison : /AzH.CH,0CH* CS? + 2A7H°CH!.OCH — CS< + HS SAZHC,H,.OCH* PbO Az — CH,.OCH, > =» (C4 C,H:0.C;H,.AzH° AzHC;H4.OCHS AzH.C;H,0CHS (HCI) Acoïne. ? La cocaïne droite n'est pas l'isomère optique de la cocaïne gauche, 856 ERNEST FOURNEAU — LES ANESTHÉSIQUES LOCAUX Les orthoformes sont des analgésiques locaux d'une espèce particulière, dont l’action s'exerce seulement si on les met en contact direct avec les fibres nerveuses sensitives. Ils n’agissent pas sur la muqueuse saine; il faut donc, pour qu'ils déve- loppent tout leur effet, qu'ils soient appliqués sur le derme mis à nu. Ils sont en même temps très antiseptiques. Leur formule même indique comment on les prépare; ce sont des éthers des acides amino- oxybenzoïques. L'orthoforme ancien : C00. CH° est le paraaminométaoxyhenzoate de méthyle; son prix élevé lui fit substituer l'orthoforme nouveau ou méta-aminoparaoxybenzoale de méthyle. L'orthoforme est très peu soluble dans l’eau; son chlorhydrate est très acide et tout à fait inutilisable, quoique, en injections hypodermiques, il amène rapidement l'anesthésie locale. Les Allemands, qui sont passés maitres dans un genre d'exercice auquel ils sont admirablement préparés par leurs recherches sur les malières colo- rantes, ont essayé de solubiliser l'orthoforme de facon à le rendre applicable dans tous les cas où l'on emploie la cocaïne. C'est à Einhorn que sont dus les plus intéressants résullats dans cette voie. En faisant agir sur les éthers des acides aminés ou des acides oxyaminés l'acide chloracétique en présence de pyridine et de POCF, on obtient un produit de condensation qu'il suffit de trailer par la diéthylamine pour avoir le glycocolle corres- pondan! : OH OH CIE AzH, “+ COCICH? — CfH*—AzH.C0.CH*°CI | : Ÿ CO2CHS CI CO2CH® CH HAZ< on HS NC2H5 7 ‘ 74 == CSH° — AzH.CO.CH*.Az .HCI © CO?CH* CH Ce corps est la mirvanine où chlorhydrate de diéthylglycocolle-para-amino-orthooxybhenzoate de méthyle. Noici ce qu'en dit Fränkel (de Vienne) : Facilement soluble; est un peu moins (oxique que l'orthoforme. Elle ne produit pas une analgésie profonde. Elle n'est pas utilisable en ophtalmologie, elle irrilte violemment les yeux. Elle agit beaucoup moins que la cocaïne; l'injection est douloureuse et produit des œdèmes, souvent de car longue durée. Les derniers en date des anesthésiques locaux sont ceux de Ritsert, dérivés de l'acide aminoben- zoïque, très voisins, par conséquent, de l'ortho- forme. L'anesthésine est l'éther éthylique de l'acide aminobenzoïque. Son phénolsulfonate est la sub= cutine, soluble dans l’eau, dont on spécialise l'em- ploi à l’art dentaire. Il ne reste plus qu'à citer la yohimbine de Spiegel, d'abord préconisée comme aphrodisiaque, et l'ibogaïne, découverte par M. Haller, sur les- quelles les expériences cliniques ne sont pas encore, assez nombreuses pour qu'on puisse se faire unes opinion à leur endroit. VI. — STOVAÏNE. On voit done que la propriété anesthésique locale appartient à un grand nombre de corps qui, cependant, malgré les inconvénients de la cocaïne, n'ont pas réussi à la supplanter. Une remarque d'un autre ordre qui s'impose aux lecleurs français, c'est que tous les travaux chimiques sur les anes-. thésiques locaux ont été faits en Allemagne. Depuis plusieurs années, et pour des raisons SUP lesquelles on a souvent insisté, l'industrie alle=. mande a monopolisé la fabricalion des produits à Ru È ù q F pharmaceutiques. Après avoir exposé si imparfaitement les remar=s quables recherches de Heintz, de Einhorn, de Mer-. 4 ling, d'Emile Fischer, de Harries et de Willstaetter, j'oserais à peine parler des miennes si elles ne. constituaient pas justement un essai de réaction" contre la concurrence allemande et si, en défini-« tive, les résultats pratiques qu'elles ont donnés ne 1 dépassaient notablement leur portée théorique. L'idée qui m'a guidé est très simple. Les deux anesthésiques types, la cocaïne et lan tropacocaïne, diffèrent l'un de l’autre par la pré= sence, dans la première, d'un groupe carboxylé éthérifié par l'alcool méthylique. La première dérive d'un amino-acide-alcool à fonction aminée tertiaire, la deuxième d’un amino-alcool. J'ai pensé qu’on pouvait essayer de fixer ces divers groupements fonctionnels sur des noyaux plus simples que le noyau pipéridinique, qui imprime toujours à la molécule qu'il supporte un caractère nettement toxique et dont l'influence comme anesthésiophore ne parait pas prépondérante, puisque plusieurs, anesthésiques locaux ne le possèdent pas. Mes recherches ont donc porté sur les amino acides-alcools et sur les amino-alcools à fonction aminée tertiaire. Le plus simple des premiers est l'acide diméth y aminolactique : (CH*)Az.CH°.CHOH.CO'H. Les difficultés que j'ai éprouvées dans la prépä ration de notables quantités de ce corps me l'ont ERNEST FOURNEAU — LES ANESTHÉSIQUES LOCAUX 837 fait rapidement abandonner, et je me suis adressé à l'acide phénylchlorolactique, facile à obtenir en grandes quantités. L'éther méthylique de cet acide réagit avec faci- lité sur la diméthylamine pour donner la dimeé- thylaminophényllactate de méthyle : C'H°.CHOH.CH (Az(CH“)?]. CO*.CH°. Cet éther, qui est basique, est très bien cristallisé et fond à 1489. Il n’a pas de propriétés physiologiques bien nettes. Son dérivé benzoylé s'obtient avec la plus grande facilité, et presque quantitalivement, lorsqu'on fait réagir sur l’éther le chlorure de benzoyle en solu- tion dans la pyridine. Son chlorhydrate (F. 200°) N{ ‘H° 74 CH; .CH — CH .HCL NcocH* 0.00.CSH5 possède toutes les fonctions du chlorhydrate de cocaïne, mais, malheureusement, il est dépourvu de la moindre action anesthésique. En même temps, j'étudiais les amino-alcools et, dans cette voie, les résultats furent tout de suite si encourageants que j'abandonnais provisoire- ment les amino-alcools-acides. Les amino-alcools étaient des corps très peu étudiés. On n'en connais- sait qu'un petit nombre dans la série grasse et encore moins dans la série aromatique. La rarelé de ces corps était due à la difficulté de leur préparation et à ce qu'on ne soupconnait pas leur grand intérêt physiologique. Enfin, dès que l'on dépassait un cerlain niveau de la série grasse, on ne pouvail être sûr de leur constitution. La réaction de Grignard a mis entre mes mains un cerlain nombre de chlorhydrines. Les unes répondent au type CH°.C(OH)(CH°C) (CH°); la fonction alcoolique y est tertiaire. Elles ont été préparées par M. Tiffeneau en faisant réagir l’acétone chlorée sur les bromures organo-magné- siens R.MgBr. Les autres dérivent de l’épichlorydrine et répon- dent au type : C°H°.CH*.CHOH.CH°CI ou C°'H°.CHOH. CH°.CH°CI, peut-être même à un autre type. Elles ont été préparées par Kling; mais, bien avant qu'il n'ait publié le résultat de ses recherches, j'avais pris un brevet pour en garantir la fabrication. Enfin, j'ai repris l'étude de certaines chlorhy- drines de la série grasse, entre autres des chlorhy- drines de la glycérine, du glycol, ete., pour voir à quel moment apparait la propriété anesthésique. Les chlorhydrines donnent avec la plus grande facilité les amines correspondantes. Au point de vue opératoire, je n'ai rien à signaler. Tous les amino-alcools que j'ai obtenus bouillent sans décomposition. Les premiers termes sont très solubles dans l'eau et dans tous les dissolvants organiques, et leur solubilité dans l’eau est plus grande à froid qu'à chaud. Les dérivés benzoylés s'obtiennent par tous les procédés connus : ils sont liquides et distillables sous pression réduite. Leurs chlorhydrates sont très bien cristallisés, très solubles dans l’eau. Leur étude physiologique a été entreprise par M. Billon. Voici ce qui a été observé, en ce qui concerne l'action anesthésique : Diméthylamino-benzoyléthanol : CH? — CH°0.0C.C‘H* non anesthésique ; Diméthylamino-dibenzoylpropanediol : CH? — CH — CH20.0C.CSHS 1 CIE loc C5 //C 0.00.C AZ NCH? .HCI, nettement anesthésique ; Tétraméthyldiamino-benzoylpropanol : /CH° CH? — CH — CH?A7< je ZSCHANO OC: CEE Âz 2 HCI, Nc non anesthésique. Les suivants, dérivés de l'épichlorhydrine, sont très anesthésiques : Phényldiméthylamino-benzoylpropanol : /CH° PCIe CH CHE ICHE CHATS CH | O0C.C;H,; Benzyldiméthylamino-benzoylpropanol; Anisyldiméthylamino-benzoylpropanol. Enfin, les derniers, dérivant des chlorhydrines de M. Tiffeneau, ont un pouvoir anesthésique égal, sinon supérieur à celui de la cocaïne. Il serait fastidieux de les énumérer tous, d'autant plus que, à peu de choses près, ils possèdent les mêmes propriétés physiologiques, dont M. Billon poursuit en ce moment l'étude approfondie. Ils sont construits d’après le schéma : CU CH?.A7 CH RECO OC ICT, (ee où R— méthyl, éthyl, propyl, isobutyl, isoamyl, phényl, benzyl. Parmices nombreux dérivés, j'ai choisi, pour des raisons économiques et pour la simplicité dela 258 ERNEST FOURNEAU — LES ANESTHÉSIQUES LOCAUX molécule, le diméthylamino-benzoyldiméthyléthyl- carbinol : ,/CH5 CH°.Az: 7 NCEH CH°CHE.C0.00.C,H, , CH dont le chlorhydrate a reçu le nom de s{ovaine. La slovaïne se présente sous la forme de pail- lettes blanches, ressemblant beaucoup au chlorhy- drate de cocaïne. Elle est extrêmement soluble dans l’eau, dans l'alcool méthylique et l’éther acé- tique. L'alcool absoïu en dissout le cinquième de son poids. L'acétone la dissout peu. Elle est très légèrement acide au tournesol et neutre à l’hélian- thine. Enfin, ses solutions aqueuses sont stérili- sables par la chaleur et supportent une ébullition prolongée, ainsi qu'une température de 105° à l’autoclave pendant au moins vingt minutes. Elle fond à 175°. Des expériences de MM. Launoy et Billon' sur les lapins et les cobayes, il résulte que le lableau de l'intoxication slovaïnique (chez les animaux injectés d'emblée de doses mortelles ou fortement toxiques) se rapproche à certains égards (crises toniques et cloniques) de celui de l'intoxication cocaïnique. Il s'en différencie par d'autres côlés : vaso-dilatalion périphérique au moment de l'in jection, abaissement thermique central. D'autre part, les délerminations comparatives autorisent à dire que, si l'on représente par 1 la dose lélhale du chlorhydrate de cocaïne pour le cobaye, la dose léthbale de stovaine sera représentée par 2 De même, si l'on représente par 1 la dose minimum de chlorhydrate de cocaïne produisant des symp- tômes d'intoxication, celle-ci sera représentée par 3 pour la slovaine. Ces observations ont été con- firmées par M. le Professeur Pouchet et M. Cheval- lier, qui ont fait sur la stovaïne une très intéres- sante communication à l'Académie de Médecine, au mois de juillet. Au point de vue de l’analgésie locale, les essais de MM. les Professeurs Reclus, Huchard, de Lapersonne, de MM. les D Chaput, Sauvez, etc., permettent d'affirmer qu'elle est sen- siblement égale à celle de la cocaïne. On se trouve donc là en présence d’un anesthé- sique local de constitution très simple, faiblement toxique et doué d'un pouvoir analgésique intense. Ces propriétés réunies le distinguent nettement des autres anesthésiques connus. VII. — CoxcLusioxs. Est-il possible actuellement d'établir une théorie des anesthésiques locaux? Certes non, mais on 4 Comptes rendus, 1904, mai. peut, dès à présent, faire quelques remarques inléressantes ! Le noyau pipéridinique n'est pas nécessaire. On pouvait en douter, quoi que l’on connaisse tant d'anesthésiques locaux ne le possédant point. On en pouvait douter parce qu'aucun de ces produits n'approchail des eucaïnes et des cocaïnes comme action anesthésique. Jusqu'à preuve du contraire, on pouvait attribuer au noyau pipéridinique, sinon une influence nécessaire, du moins une influence très utile. Cette preuve contraire paraît être faite. Le groupement acidylé joue un rôle prépondé- rant. On le retrouve, en eflet, sous une forme quel- conque dans tous les succédanés de la cocaïne. La position respective des groupements joue également un grand rôle. Le maximum d'intensité analgésiante parait être alteint (pour les amino- alcools) avec ceux d’entre eux dont l’oxydrile est fixé sur un carbone tertiaire. La fonction aminée semble n'avoir d'autre but que celui, extrêmement important, de rendre la molécule basique, de neutraliser, par conséquent, l'acidité du groupe benzoylé et de permettre l’ob- tention de sels benzoylés solubles et sensiblement neutres. Voilà, à peu près, l’état de la question des anes- thésiques locaux. J'espère avoir ouvert à leur industrie une voie nouvelle, et je serais heureux si mes premières recherches pouvaient créer un mou- vement en faveur de l'induslrie française des pro- duits pharmaceutiques *. ; Ernest Fourneau, Chef des Laboratoires de Chimie organique aux Établissements Poulenc frères. 1 Conférence faite au Laboratoire de Chimie organique de M. le Professeur Haller à la Sorbonne. BIBLIOGRAPHIE. Généralités et constitution de la tropine et de la cocaïne. — Prcerer : Alcaloïdes. Edilion allemande ou anglaise, revue et corrigée par Wolfenstein. — BrünL : AJcaloïdes. Eucaïnes. — Harris : Berichte der deutsch. Ch. Gesells- chaft, 16, p. 2237; 17, p. 1791; 29, p. 2132; et Annales de Liebig : 294, p. 336; AS9, p. 214; 191, p. 124 (Harries donne toute la bibliographie des travaux qui ont précédé les siens); Lip : Annales de Liebig, 29%, p. 135; EickMANN : Berichte, 25, p. 3069, et 26, p. 1400. Généralités sur l'action physiologique des anesthésiques locaux (Holocaïne, Orthoforme, Eucaïnes, etc). — FRAENKEL : Die Arznei Mittel Synthèse (Berlin); Reccus : L’añalgésie w localisée par la cocaïne (dernière édition); GAETANO Vinci : Eucaïnes. Deutsche mediz. Zeitung, 1896, n° 3+; Pouceer : Soc. thérapeutique, janvier et mars 1897. Stovaïne. — Fourxeau : C. R. Ac. des Sc. de Paris, fé- vrier 1904; Bizcox : Ac. de méd. de Paris, 29 mars 1904; Lauxoy et Biicox : C. R. Ac. des Sc. de Paris, 30 mai 1904; Gagriez Poucner et CmEvALLIER : Ac. de Méd. de Paris, 5 juillet 1904: Gagriez Poucner et CuevaLuier : Ac. de Méd. de Paris, 12 juillet 1904; Pauz Reczus : Ac. de Méd. de Paris, 5 juillet 1904; H. Hocuaro : Ac. de Méd. de Paris, 42 juillet | 1904; Cuarur : C. R. de la Soc. de Biol., T mai 1904; F. DEN LAPERSONNE : Presse méd., 13 avril 1904; Sauvez : L'Odonto- logie, 30 avril 1904; NoGvé : Arch. de Stomatologie, avril et mai 1904; A. Poxr : Lyon médical, 15 mai 1904. F. PÉCHOUTRE — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 859 REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE comparables aux stades mitotiques. Plus tard, I. — LE NOYAU DES ORGANISMES VÉGÉTAUX INFÉRIEURS. De nombreux chercheurs ont récemment dirigé leurs travaux sur la question de l'existence et de Ja structure du noyau chez les organismes végétaux inférieurs et spécialement chez les Schizophycées et les Levures. En ce qui concerne les Pactéries, l'on se trouve toujours en présence des deux opinions contraires, l'une favorable, l'autre défavorable à la nature nucléaire des granulations contenues dans le cyto- plasma de ces organismes. Meyer! se prononce - pour la nature nucléaire de ces granulations, tan- dis que Migula”, Alfred Fischer‘, Macallum, Hinze* et Massart° leur refusent cette signification ou, du moins, contestent la présence d’un noyau chez les Bactéries. On connait, d'ailleurs, la manière de voir de Bütschli, qui attribue aux Bactéries un noyau figuré, homologue du noyau des plantes supérieures et occupant la presque totalité du corps cellulaire, Les opinions sont aussi divergentes sur le noyau des Cyanophycées. Lorsqu'on examine à un fort grossissement une cellule vivante de Cyanophycée, on constate que son contenu est différencié en deux parties : une partie périphérique colorée et une partie centrale incolore, nommée le corps central. C'est ce corps central qui, dans ces der- niers temps, a exercé la sagacité des histologistes, les uns le considérant comme l'équivalent du noyau des plantes supérieures, les autres n'y voyant qu'une portion incolore ou peu différen- ciée du cytoplasma. Schmitz, en 1879, annonça la découverte, dans la cellule de certaines espèces de Gleocapsa, d'une masse centrale, fortement co- lorable, qu'il prit, non pour un vrai noyau, mais pour un granule chromatique. Scott et Zacharias, en 1887, dans des recherches indépendantes, arri- vèrent à la même conclusion : que le corps central est un vrai noyau, qu'il présente une structure réliculaire et qu'il contient de la nucléine; Scott décrivit même, pendant sa division, des stades 4 Meyer (A.) : Flora, 1899, et Praktikum d. bot. Bakte- rienkunde, 1903. 3 MiGccA : Flora, 1898, et System d. Bakterien, 1897. % Fiscaer (Alfr.) : Vorlesungen über Bakterien, 2° éd., 1903. # MacazLu (A.-B.) : Trans. of the Can. Instilute, 1S89. 5 Hinze (G.) : Ber. d. deutsch. Bot. Ges., 1901 et 1903; et Vorlaulige Mitth. zu der in Inden Wiss. Meersuntersuch., 1902, 5 Massarr (J.) : Sur le protoplasma des Schizophytes. Recueil de l'Institut Botanique, Bruxelles, 1902. cependant, Zacharias revint sur ses premières affirmations et conclut que, malgré la présence de la nucléine, le corps central ne saurait être consi- déré comme un vrai noyau. La même année, en 1887, Bülschli émit, sur le noyau des Cyanophycées, une opinion semblable à celle qu'il avait déjà for- mulée sur le noyau des Bactéries, opinion qu'il a renouvelée tout récemment‘. Fischer, en 1891, con- testa les observations de Bütschli etaffirma, en 1897, que la cellule des Cyanophycées est dépourvue de noyau, tandis que les recherches de Zukal (1892), de Hieronymus (1892) et de Nadson (1893) étaient plutôt favorables à l'hypothèse. Si nous arrivons aux travaux récents, nous nous trouvons en présence des mêmes résultats contradictoires. Macallum? ne nie pas la présence de la chromatine dans le corps central, mais prétend qu'il n'ya rien dans la cel- lule des Cyanophycées qui ressemble à un noyau. Telle n’est pas l'opinion d'Hegler* : il existe un noyau et un seul noyau dans chaque cellule. Ce noyau est formé d'une masse fondamentale et de petits corpuscules qui se comportent vis-à-vis des colorants comme la chromatine et qu'il nomme corpuscules chromatiques. Ce noyau ne diffère de celui des plantes supérieures que par l'absence de nucléoles et d’une membrane nucléaire. Au moment de la division, qui est semblable aux mitoses ordi- naires, les corpuscules chromatiques se réunissent pour former les chromosomes. Les observations faites par Massart*, après coloration, intra vilam, avec le bleu de méthylène, aboutissent à des con- clusions bien différentes. Le corps central, mal délimité vis-à-vis de la couche périphérique, se colore fortement par le bleu de méthylène et est formé, comme l'avait vu Hegler, d’une substance fondamentale moyennement colorée et de granu- lations qui absorbent le bleu avec une grande énergie. Ce sont là les grains rouges de Bütschli, la chromatine de Nadson, les corpuscules chroma- tiques d'Hegler. L'auteur ne se prononce pas sur la nature de ces granulalions ; comme il n’a jamais vu, pendant la division cellulaire, de disposition particulière rappelant une figure caryocinétique, il s'oppose à toute assimilation du corps central à un noyau; les caractères chimiques des granula- tions seraient inconslants et insuffisamment éta- blis, et les figures caryocinétiques données auraient 4 Burscurr : Archiv für Protistenkunde, 1902, 2 MacazLum : Loc. cit. # HeGLer (R.) : Jabhrb. f. 3 Massarr : Loc. cit. wiss. Bot., 1901. 860 F. PÉCHOUTRE — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE été obtenues dans des conditions défectueuses de préparalion et de reproduction photographique. En outre, l'absence de limites nettes, la vacuolisa- lion du corps central, l'augmentation de son volume, au moment où la cellule passe à l’état de vie ralentie, sont, d’après Massart, autant d'argu- ments qui doivent faire considérer la cellule des Cyanophycées comme une cellule sans noyau et, par conséquent, comme une cellule profondément différente de celles des autres organismesinférieurs. C'est là une conclusion grave, peu en harmonie avec les données actuelles de la science et que ne confirment point les travaux plus récents de Kohl et de Wager. Pour Kohl', le corps central, Loujours unique, est un organe indépendant du cytoplasma ; il occupe toujours le centre de la cellule et consiste en une masse peu colorable contenant une subs- tance chromatique plus colorable. Ce corps central ne diffère donc des vrais noyaux que par l'absence d'une membrane et de nucléoles et par sa taille plus considérable. Au moment de la division, la quan- tité de chromatine augmente, les filaments du réseau s'épaississent et un filament nucléaire de- vient manifeste. Celui-ci se segmente en un nombre déterminé de chromosomes, qui, comme dans les mitoses ordinaires, se répartissent entre les deux pôles. Le corps central s'étrangle ensuite en son milieu, de sorte que, sous un certain rapport, cette division se rapproche de la division amito- tique. Il est donc bien difficile d'échapper à la con- clusion que le corps central représente un vrai noyau. Les résultats obtenus par Wager” diffèrent sur certains points des résultats oblenus par Kobhl, et ses conclusions, quoique concordantes, sont moins catégoriques. Le corps central est nettement limité du cytoplasme environnant, et, dans certains cas, on trouve à sa périphérie une délicate couche vacuo- laire jouant le rôle de membrane. Sa substance consiste en un réseau granuleux plus ou moins ré- gulier. Les granules sont pelits et uniformes, sauf un où plusieurs de taille plus grande. La substance fondamentale du réseau se colore très fortement avec les colorants nucléaires et parait correspondre à la linine des autres noyaux: les granules eux- mêmes se colorent faiblement dans presque tous les colorants nucléaires. La division est directe; mais, par cerlains caractères (stade diaster et indi- cation du fuseau), elle se rapproche de la division indirecte. Les caractères suivants rapprochent ce corps central du noyau des plantes supérieures : la présence d'un réseau, sa facile coloration, sa ma- ‘ Kouz (F.) : Uber die Organisation und Physiologie der Cyanophyceen, 1903. ? Wacer (IL.) : The Cellstructure of the Cyanophyceae. Proc. Roy. Soc., 1903. nière d'être vis-à-vis du suc gastrique, la présence du phosphore, la division amitotique, qui ressemble à certains égards à la division des Euglènes, et lam présence de granules de chromatine sur le réseau de linine. Par d'autres caractères, le corps central se distingue du noyau des plantes supérieures, eb notamment par l'absence d’une vraie mitose, sans parler de la membrane nucléaire et des nucléoles absents. Ce corps central, qui possède certains des caractères des noyaux des plantes supérieures, mais non tous, doit être regardé comme un noyau de structure rudimentaire. Les résultats obtenus par Guilliermond* dans un travail de même nature sur les Zevures et quelques Moisissures inférieures parlent aussi en faveur de l'existence d’un noyau dans ces groupes. L'on saib que, malgré de très nombreuses observations pu= bliées depuis une vingtaine d'années, la question de la structure des levures et particulièrement den leur noyau est restée très obscure. Pour Wager, $ qui, à un moment, parut avoir résolu ce problème ; si complexe, le noyau des levures serait réduit à l'état d'une simple vacuole, remplie de granules chromaliques, accompagnée d’un nucléole périphé= rique. Pour Guilliermond, le noyau existe indubi- tablement : il correspond au nucléole de Wager et" est tout à fait indépendant de la vacuole contenant, les granulations dites chromatiques. Ce noyau est toujours unique par cellule et sa structure présente. une membrane très nette, un nucléohyaloplasmes incolore et tantôt quelques éléments chromatiques disséminés, tantôt un seul chromoblaste. Guillier=. mond est ensuite amené à discuter la nature des granulations colorées que l’on trouve à côté du vrai. noyau et qui ont été décrites par certains auteurs comme des granulations chromatiques. Guillier- mond, les assimilant aux grains rouges de Büts= chli, leur attribue le nom de corpuscules métæ chromatiques, déjà employé par Babès. Après un long historique des opinions émises à leur sujet, l'auteur est amené, par l'emploi de réactifs colo- rants et chimiques, à leur refuser toute significa= tion nucléaire; il les considère comme des subs= tances de réserve de nature inconnue. IT. — COMMUNICATIONS PROTOPLASMIQUES. Strasburger * publie un important Mémoire sur les communicalions protoplasmiques chez les végé 1 taux, communications qu'il désigne sous le nom d plasmodesmes, pour signifier que le corps toub ! GUILLIERMOND (A.) : Hecherches eytologiques sur les levures et quelques moisissures à formes levures. Lyon 1902. 2 SrrasecrGEn (E.) : Ueber Plasmaverbindungen pflanzlis cher Zellen. Jahrb. wiss. Bot., &. XXXVI, 2 pl. F. PÉCHOUTRE — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 864 entier des végétaux, même les plus élevés, s'élève, grâce à elles, à une haute unité morphologique. Il S'attache d'abord à démontrer,comme l'avait élabli Kienitz-Gerloff, qu'on ne saurait voir dans ces unions protoplasmiques des restes de filiments fusoriaux; il en trouve la preuve dans ce fait que “ces unions s'observent entre lissus d'origine diffé- rente et pour lesquels on ne saurait invoquer l'in- tervention de la division cellulaire; il en est ainsi dans le cône végélalif des Phanérogames, où des communications existent entre les cellules de l'épi- dermne et les cellules de l'assise corticale sous-ja- cente. Il en est de même dans le Gui, où l'on observe autant d'unions plasmiques entre les cel- lules épidermiques elles-mêmes qu'entre ces der- nières et les cellules de la plante hospitalière. Les communications protoplasmiques ne sont pas pri- mitives ; elles s'établissent au moment de l'épaissis- sement secondaire dela membrane, etleur nombre s'explique par la rencontre des prolongements nombreux des protoplastes, rencontre qui n'est pas plus surprenante que la concordance des pores d'une ponctuation. Pour Strasburger, les filaments des communications sont uniquement formés par la couche périphérique du proloplasma. Après avoir démontré l'existence de plasmodesmes dans la plupart des groupes végélaux, après avoir établi que les cils des organismes unicellulaires et des zoospores doivent être considérés comme des com- munications protoplasmiques, l'auteur arrive à la question encore discutée des tubes criblés. Il par- tage l'opinion de Tangl et de Kienitz-Gerloff, qui considèrent que les tubes criblés sont un cas par- ticulier des unions protoplasmiques avec plasmo- -desmes gros et facilement visibles. Quant aux fonc- tions des plasmodesmes, s’il est généralement admis (Pfeffer, Haberlandt, Olivier, Gardiner, Hill) qu'ils -servent à transmettre les excitalions, Strasburger pense que, dans bien des cas, ils servent au transport et à l'élaboration des aliments. En étudiant la ger- mination du Zamus, l'auteur a vu la dissolution des cellules de l’albumen commencer au contact des plasmodesmes, les canaux de ces communications S'élargir et l'action s'étendre vers la cavité cellu- laire; il pense que les plasmodesmes servent au transport des enzymes. Il ne partage pas l'opinion de Kienitz-Gerloff, qui croit que les communications servent à « déménager » le protoplasma de cellule à cellule ou, d'après Miehe et Hotter, le noyau. Strasburger, étudiant les effets de la plasmolyse sur les communications protoplasmiques, a constaté qu'elle les rompt et qu'elles ne se régénèrent pas, même si le protoplasma revient au contact de la membrane. Comment se fait l'union des plasmo- .desmes de deux cellules voisines? par continuité ou par contiguité? L'observalion microscopique n'apprend rien; mais des raisons fondées sur l’ob- servation des lissus du greffon et du sujet donnent à penser à l’auteur qu'il y a simple contact et que les protoplasmes conservent leur individualité. Kienitz-Gerloff® démontre l'existence de commu- nications proloplasmiques chez les plantes infé- rieures, Mousses, Hépatiques, Champignons, Li- chens, et, avec des réserves, chez les Algues, A l'encontre de Strasburger, il pense que ces plasmo- desmes ne sont pas seulement constitués par la couche plasmique superficielle, mais que leur inté- rieur peut bien être du trophoplasma. Quant à leurs fonctions, les plasmodesmes servent à la propaga- tion des irritations et aussi au transport des substances. Meyer? combat plusieurs des conclusions de Strasburger. Il ne tient pas pour démontré que les prolongements protoplasmiques soient simplement en conliguité sans êlre en continuité, et qu'ils ne soient que des dépendances de la couche périphé- rique; ils représentent plutôt de fins prolonge- ments d'un protoplasme en voie de migration et mérilent d'être rapprochés des pseudopodes. Il a été confirmé dans cetle manière de voir par ses études sur les Champignons, où les communications protoplasmiques résultent non de la perforation d'une membrane close, mais de la persistance de l'ouverture originelle. C'est par ces ouverlures que se font les migrations protoplasmiques déjà signa- lées chez les Champignons par Bernhardt et Char- lotte Ternetz. On se demande si c'est par des fusions proto- plasmiques compliquées de fusions nucléaires qu'il faut expliquer la singulière découverte faite par Farmer, Moore et Digby*. Chez les Fougères apo- games, dans les régions où se forment les excrois- sances apogamiques, on trouve des cellules binu- cléées formées par la migration du noyau d'une cellule adjacente. Les auteurs prétendent avoir observé tousles stades de cette migration etla fusion des deux noyaux amenés au contact, Dans la mitose qui suit cette fusion nucléaire, le nombre des chro- mosomes est supérieur à celui des cellules généra- trices. C'est accidentellement que cette division est suivie de la formation d'un prothalle. L’apogamie serait ainsi une sorte de fécondation irrégulière. III. — LA DOUBLE FÉCONDATION CUEZ LES ANGIOSPERMES. Les recherches relatives à la double fécondation 1 Krenrrz-GerLorr : Neue Studien uber Plasmodesmen. Ber. d. deutsch. Bot. Ges., 1902. ? Meyer (A.) : Die Plasmaverbindungen und die Fusionen der Pilze der Florideenreihe. Bot. Zt, 1902. # Farmer, Moore et Dicey : On the cytology of apogamy and apospory. Proc. Roy. Soc., 1902. 362 F. PÉCHOUTRE — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE chez les Angiospermes s'étendent chaque jour à un nombre de plus en plus grand de familles. On peut, dans l'état actuel de nos connaissances, dres- ser le tableau suivant des familles où elle a été ob- Monocotylédones (Liliacées, Amaryllidées, Orchidées, Graminées, Naïadées, Hydrocharidées) ; Dicotylédones apétales (Juglandées, Casuarinées) ; Dicotylédones dialypétales (Renonculacées, Cruci- fères, Papavéracées, Résédacées, Malvacées et Cé- raltophyllées): Dicotylédones qamopétales (Mono- tropées, Asclépiadées, Genlianées, Solanées et Composées). Les travaux les plus récents sont ceux de Guignard sur les Solanées et les Gentia- nées, les Crucifères et l'Æypecoum; de Shibata, sur le Monotropa uniflora; de Frye,sur les Asclépiadées et le Casuarina stricta; d'Ikeda, sur le Tricyrtis hirla; de Ernst sur le Zrillium grandiflorum et le Paris quadrifolia, et de Wylie sur l'Ælodea Canadensis. Guignard', tout en constatant que, chez les Solanées, la double fécondation s'accom- plit dans les mêmes conditions essentielles que chez les autres plantes où elle a été observée, signale, dans les deux genres qu'il a étuaiés, Mco- tiana et Datura, des différences assez importantes. Chez le Nicotiana, les noyaux polaires ne sont pas fusionnés avant la fécondalion en un noyau se- condaire, et les antipodes, qui présentent un développement très marqué, persistent assez long- temps. Chez le Dalura, au contraire, la fusion des noyaux polaires est complète au moment de la fécondation et les antipodes ont disparu. Dans l'un et l'autre de ces genres, les gamètes, au lieu d'être allongés, vermiformes et souvent fortement contournés, comme chez les Composées, sont rela- tivement courts et faiblement incurvés. La divi- sion du noyau secondaire, qui précède la division de l'œuf, est immédiatement suivie du cloisonne- ment du sac. servée : Chez les Crucifères?, la fusion des neyaux po- laires, quoique tardive, a lieu avant la fécondation; les gamètes mäles ont la forme de petits corps ovoïdes ou très faiblement allongés, paraissant constitués presque enlièrement par de la substance nucléaire; c'est à peine si l’on arrive à distinguer, à la périphérie, une mince auréole très peu colorable de eytoplasme propre. La fusion des gamètes mâles avec les noyaux femelles est si rapide qu'il n'est pas possible de les rencontrer à l'état libre. C'est après la formation des quatre premiers noyaux de l'albumen que se produit la division de l'œuf. Chez l’'Hypecoum”, Guignard n’a pas eu l’occasion d'ob- 1 Guicxanp (L.) : Sur la double fécondation chez les' So- lances et les Gentianées (C. R., 1904), et La double féconda- tion chez les Solanées (Journ. de Morot, 1902). ? GUIGNARD ): La double fécondation chez les Cruci- cifères. Journ. de Botanique, XVI, 1902. ® Guicxaro (L.) : La formation et le développement de server les noyaux mâles avant qu'ils ne fussent arrivés au contact du noyau de l’oosphère ou du noyau secondaire. Ilest vrai que l’auteur avait sur- à tout pour préoccupation d’élucider une anomalie singulière, signalée, depuis longtemps, chez ces” plantes par Hegelmaier. L'embryon, en effet, es suspendu à deux cellules volumineuses, qu'Hegels maier appelle cellules-supports et qu'il considère comme les synergides persistantes. Guignard dé montre que les synergides se détruisent ici comm chez les autres plantes et que les deux cellules: supports représentent un suspenseur, qui n'offr d'anormal que son volume énorme, exagéré par l petitesse de l'embryon. Ici, comme dans d’autres plantes, ce suspenseur ne concourt en rien à 1 formation des tissus de la radicule embryonnaire. Shibata! à essayé ‘d'observer sur le vivant k double fécondalion dans les ovules du Monotropan uniflora, ainsi que l'avait déjà fait Strasburger * ne les ovules du HMonotropa Hypopitys. C'est le seul moyen de savoir si, dans leur transfert jusqu'aux noyaux femelles, les éléments mâles, malgré l'ab= sence de cils, sont doués de mouvements propres Les recherches de Strasburger semblent démontrer que, pour le noyau mâle qui se fusionne avec les noyau secondaire, le transport se fait par la lrainées protoplasmique qui relie ce noyau secondaire à l'appareil sexuel. Shibala ne peut se prononcer sur l'existence de ces mouvements, bien qu'il ait pu suivre quelques phases du phénomène sur le vis" vant:; il n'a noté, en particulier, aucune circulations protoplasmique dans le cordon reliant l'appareil, sexuel au noyau secondaire. Mais la plupart de ses. résultats ont été obtenus par des coupes après fi fixa-. tion. Les plantes cultivées au laboratoire furent pol=M linisées artificiellement, les unes en mai, les autres en juin. De singulières différences se sont montrées entre les ovules fécondés en mai et les ovules fécon=« dés en juin. Les seconds montraient les signes de las fécondation trois jours plus tôt que les premiers; 4 aussi, dans les ovules fécondés en mai, les noyaux: polaires étaient-ils fusionnés avant leur contact avec le gamèle mâle, tandis que, dans les conti andes en juin, ils étaient séparés. Le ce gamète mâle s'unissait d'abord au noyau polaire supérieur, le noyau polaire inférieur ne venant les. rejoindre que plus tard. L'auteur pense qu'il faub voir dans ces différences une influence de la cha leur. L'œuf ne se segmente qu'après la toraioll de quatre noyaux d'albumen. n l'embryon chez l « Hypecoum ». Journ. de Morot., &. XNIIS 1903. 1 SuisaTa (K.) : Die Doppelbefruchtung bei uniflora. Flora, 1902. 2 SrraseurGer (E.) : Einige Bemerkungen zur Frage der «doppelten Befruchtung » bei den Angiospermen. Bot. “Zeit. 1900. Monotro F. PÉCHOUTRE — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 863 Frye ‘a également observé la double fécondation chez certaines Asclépiadées. Le plus souvent, les novaux polaires ne sont pas fusionnés au moment de la fécondation. L'un des gamètes mäles s'unit Avec le noyau antipodial et l'autre avec loosphère; dans un seul cas, l’auteur a pu voir les noyaux polaires fusionnés au moment de la fécondation. Les gamèles sont en forme de croissant. Frye a pu constater qu'après la fécondalion l'oosphère reste quelque temps au repos et ne commence à se diviser qu'après le noyau secondaire, qui à déjà donné seize cellules d'albumen. Chez le Casuarina stricla, le même auteur? a ©6bservé. la double fécondation, fécondation de lœuf et fécondation de l’albumen; de sorte que, si es observations sont contrôlées, on ne pourra plus admettre, avec Treub, l'hypothèse relative à la for- mation, chez ces plantes, d'un albumen antérieu- rement à la fécondation. Chez le Tricyrtis hirta, Ikeda* note, en même temps que la double fécondation, une fusion pré- coce des noyaux polaires et met en évidence le rôle des antipodes comme centre d'absorption, d'élabo- ration et de transmission des matériaux nutritifs dans le développement du sac embryonnaire. Ernst’, tout en signalant la double fécondation Chez le Trillium grandiflorum et le Paris quadri- lolia, revient sur les questions relalives à la réduc- tion chromatique et au développement du sac em- bryonnaire. Il confirme la succession régulière des divisions hétérotypique et homotypique dans l'évo- lution du sac et nie l'existence d’une réduction qualitative au sens de Weismann. Il prétend avoir observé dans les noyaux des antipodes et dans le noyau polaire inférieur un nombre réduit de chro- mosomes; mais ce fait est en désaccord avec les résultats obtenus par Guignard chez les Zilium, Æritillaria et Tulipa. Enfin, il note la réalité d'un slade synapsis dans la prophase de la division hé- térotypique. Cet état parliculier, durant lequel le filament est resserré autour du nucléole et appli- qué contre la membrane nucléaire, avait été con- sidéré d'abord comme un artifice de préparalion ; des recherches récentes tendent à montrer qu'iliest la traduction d'un stade du développement. D'après Farmer et Moore’, c'est durant le repos synaptique que se produit la réduction du nombre des chro- mosomes. 1 FRYE (T.-C.) A morphological study of certain Ascle- piadaceae. Bot. Gaz., t. NXXIV, 1902, p. 389, #13, 3 pl. 2 Frxe (T.-C.) : The embryo sac of Casuarina stricta. Bot. Gaz., 1903. $ Ikea : Studies in the physiological fonctions of antipo- dals and related phenomena of fertilization in Liliaceae. I. Tricyrtis hirta. Bull. of. Coll, Agr. Tokyo, p. 41-72, 1902, 4 pl. * A. Ernsr : Flora, 1902. J.-B. Farmer et J.-E.-S. Moore : Proc. Roy. Soc., 1903. Chez l'Ælodea canadensis, d'après Wylie', la double fécondation se fait suivant le mode ordi- paire; mais la division du noyau secondaire ne commence que lorsque l'embryon est déjà bicellu- laire. Quant aux questions d'ordre général qui se rat- tachent à la double fécondalion, plusieurs solli- cilent encore l'attention des botanistes. Comment le second gamète mâle est-il transporté jusqu'aux noyaux polaires ? Les gamètes mâles sont-ils assi- milables à des anthérozoïdes et sont-ils doués de mouvements propres ? D'après Strasburgér ét Sar- gant, les gamètes mâles des Angiospermes ne sau- raient être comparés à des anthérozoïdes, parce que ce sont de simples noyaux, sans participation du protoplasma, qui joue un rôle si caractéristique dans les organes reproducteurs des Ptéridophytes. Pourtant, Guignard ? a décrit, autour des gamètes mâles du Lepidium, une mince auréole de proto- plasma, et tout récemment Wylie* a considéré les gamèles mâles d'£lodea comme de véritables cel- lules, pourvues d’un cytoplasma abondant et limité par une membrane. La présence d'un eytoplasma plaiderait en faveur de l'assimilation de ces gamètes aux anthérozoïdes. Aucune observation ne plaide en faveur des mouvements propres des gamètes mäles; Strasburger, qui a examiné la double fécondation sur le vivant, a constaté que le transport du second gamète mâle est effectué par les courants protoplasmiques du sac embryonnaire. En ce qui concerne la signification physiologique de la fécondation de l’albumen, les auteurs qui ont émis une opinion restent sur leurs positions. Pour Nawaschin, c'est une véritable fécondation; pour Guignard, c’est une fausse fécondation, c'est-à-dire une fusion de masses inégales de chromatine, qui n'a pas pour but une transmission de caractères héréditaires, mais une accélération de la division du noyau secondaire par association d'énergies; pour Strasburger, c’est une fécondation végétative, c'est-à-dire un stimulus au développement et, dans le cas actuel, une excitation à la reprise de la formation du prothalle, momentanément inter- rompue. La fécondation génératrice est, au con- traire, la transmission des caractères parentaux fusionnés. Une telle transmission n'existe pas dans la copulation des noyaux polaires avec le noyau male, et si, dans les xénies, l'albumen montre les caractères paternels, ce n’est qu'une conséquence de la vertu propre du noyau généraleur, un argu- ment de plus en faveur de ce fait bien connu, à 1 WyLIE (R.-B.) : Bot. Gaz., 190% 2 L. Guicnarp : La double fécondation chez les Cruci- fères. Journ. de Morot, 1902. 3 WyLié (R.-B.) : The morphology of Ælodea Canadense. Bot. Gaz., 1904. 864 F. PÉCHOUTRE — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE savoir que le noyau est le support des caractères héréditaires. IV. — LA PARTHÉNOGÉNÈSE. La Biologie végétale s'enrichit chaque jour de nouveaux Cas de parthénogénèse, el ce phénomène, considéré jusqu'ici comme exceptionnel, si, du moins, on le limite au développement de l'oosphère non fécondée, a élé démontré grâce à de récents {ravaux dans presque tous les groupes végélaux. Ce sont d’abord les belles recherches de Sauvageau’, qui confirment, chez un groupe d’Algues brunes, les C'utlériacées, l'existence de la parthénogénèse dans des condilions inattendues et différentes de celles où elle avait été signalée pour la première fois par Thuret. Ce dernier avait observé autrefois, à Saint-Vaast, que le Cutleria mullifida présente cent individus femelles pour un individu mâle et que la germination des oosphères est toujours parthénogénétique. Au contraire, Falkenberg observa à Naples que les individus mâles sont plus nombreux que les femelles, et que les oosphères ne germent jamais qu'après avoir élé fécondées. On aurait pu croire, d'après ces observations, que la rareté des individus mâles était la seule cause de la parthénogénèse. Mais Sauvageau a trouvé à Guéthary plus d'individus mäles que d'individus femelles de Cutleria adspersa, et, cependant, dans des cultures nombreuses et variées, il n'a jamais obtenu que des germinalions parthénogénétiques. Le facteur relatif à la présence des anthérozoïdes en nombre suffisant se trouvant ainsi éliminé, il est difficile d'échapper à la conclusion que la condition qui provoque la parthénogénèse est une condition externe, climatérique sans doute. Ces conclusions sont, d'ailleurs, bien en harmonie avec les vues actuelles sur la double influence exercée par la fécondation. En réalité, les recherches de Sauvageau sont dirigées vers un autre but et démontrent qu'entre les Cutleria, forme sexuée el dioïque, et les Aglao- zonia, forme asexuée de la même plante, d'aspect bien différent, il n'existe pas une alternance de générations, régulière et nécessaire, telle que l'avait établie Falkenberg. Les oosphères de Cut- leria peuvent donner, par leur germination, non seulement un Aglaozonia (c'était la règle d'après Falkenberg), mais aussi un Cutleria, et dans des conditions impossibles à préciser pour le moment. De plus, le jeune Aglaozonia ne tire jamais directe- ment son origine d'une oosphère de Cutleria, par- thénogénélique ou non; cette oosphère aäonne 1 SauvaGEau (C.) : Les Cutlériacées et leur alternance de générations. Ann. Sc. Nat. Bot., 1899 d’abord une plantule dressée ou colonnelte, qui. pousse à sa base un Aglaozonia et quelquefois à. son sommet un Cutleria. Mais jamais une colon netle ne pousse ni sur un Cutleria, ni sur un Ag ozonia; il y a opposilion complète entre ces deux formes, opposition confirmée par le mode de mul= liplication végétative. Un Cutleria ne donne jamais" par proliféralion qu'un aulre Cutleria, etun Aglao: zonia, un nouvel Aglaozonia. Pour Sauvageau, un Cutleria complet est la synthèse de trois genres : les Cutleria, ou gamétophyte, l'Aglaozonia, ou sporo: phyte, et la colonnelte, organe intermédiaire, de genre et de signification inconnus, mais sans doute d'importance phylogénétique considérable. +4 C'est un genre de Fougères aquatiques, le Mar silia, qui, au point de vue qui nous occupe, a été éludié par Nathanson', qui a pu montrer expéris mentalement l'influence de l'élévation de tempéra= ture sur la formalion d'embryons parthénogénés tiques. Les macrospores de Marsilia Drummondis germent dans les conditions normales, tandis que les microspores ne se développent pas. Les em=. bryons ainsi produits, dans la proportion de 9 100 °/,, sont réellement issus de l'œuf non fécondé et ne sont pas, comme le croyait Schaw, des em* bryons adventifs. Les spores de Marsilia vestitan semées dans les mêmes conditions, à la tempéra= ture de 17-18° C., ne produisent aucun embryon parthénogénétique. Les substances chimiques pa=\ raissent sans influence; par contre, l'élévation de température exerce une influence notable : ver 35° C., on obtient une proporlion d’embryons par thénogénétiques égale à 6-10 °/, du nombre des macrospores mises en germination. À côlé de ces différences spécifiques, on peut noter des diffé= rences individuelles marquées; ainsi, sur un lof de spores de Marsilia Drummondii, une moitié ne donna presque pas d'embryons parthénogéné tiques, tandis que l’autre en donna 7°/, à 18°C., el 29 °/, à 35°C. Dans cerlains sporocarpes, presque toutes les spores donnent un embryon parthénogé= nélique, quelle que soit la température de germis nation. La formation des embryons parthénogéné tiques est entravée chez le A7. Drummondii par un abaissement de température; vers 9 à 10°C., leur proportion est beaucoup plus faible que vers 17% 18° C. É Chez les Gymnospermes, la parthénogénèse vient d'être affirmée par Lotsy? dans le Gnetum Ulaw mais les observations paraissent avoir été faites dan des condilions défectueuses, l'auteur n'ayant eu à 4 NATHANSON (A. Ueber Parthenogenesis bei Marsilidm und ihre Abhängigkeit von Temperatur. Per. d. deutsch bot. Ges., 1900. k APOTSY (J.-P: 1903. Gnetum. Flora Parthenogenesis bei F. PÉCHOUTRE — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 865 sa disposilion qu'un seul exemplaire, atteint de maladie nucellaire. Chez les Angiospermes, aux deux cas bien con- nus de l'Antemaria et de l'A/chemilla, on doit ajouter ceux du Thalictrum, du Ficus et des Pis- senlits. Désireux d'appliquer aux Phanérogames la mé- thode expérimentale de Loeb, Overton ! a choisi une plante dioïque, le Thalictrum purpuraceum ; a isolé des pieds femelles dans la serre de son la- boraloire et les a arrosés avec des solutions Salines variées en s'opposant à toute pollinisation. D'autres pieds femelles étaient en observation dans le jardin et préservés aussi de la pollinisation. Moutes les plantes du jardin ou de la serre qui survécurent donnèrent des graines. S'agissait-il de graines formées par apogamie ou par parthéno- génèse? L'étude morphologique à montré qu'il s'agissait bien d'une véritable parthénogénèse, tant au point de vue de l'embryon qu'à celui de l'albumen. Overton donne du phénomène lexpli- cation suivante: l'oosphère est entourée d'une gaine dense de cyloplasma, et des réactions entre l'oosphère et le cytoplasma qui l'entoure sont ren- dues évidentes par les changements que l'on observe dans la couche protoplasmique immédiate- ment en contact avec l'oosphère. Ces changements sont le signe de variations dans la pression osmo- tique à l'intérieur de l'ovule, variations qui peuvent provoquer la division nucléaire. Ces variations ne paraissent pas résulter de l'emploi de sels minéraux dans la nutrition des plantes élevées en serre, puisque la même parthénogénèse a été observée dans les plantes élevées au jardin; ce mode de reproduction doit être assez fréquent chez les Tha- lictrum. Il semble bien que Treub ?, dans ses études sur lembryogénèse du Ficus hirta, se soit trouvé en présence d'une véritable parthénogénèse. Depuis longtemps, on soupconnait la parthénogénèse dans le genre Æ'icus, malgré le rôle attribué aux PJasto- phaga comme agents de la pollinisation. Cunnin- gham, notamment, en étudiant le Ficus Roxhurqhii, était arrivé à cette conclusion qu'il n'est pas pos- sible que les dix à douze milliers d'embryons qui se développent dans une inflorescence femelle soient fécondés par les quelques grains de pollen que peuvent apporter deux insectes el parfois un seul. D'ailleurs, en règle, il ne se développe dans cette espèce ni synergides, ni oosphère, ni antipodes, bien que la formation des embryons ait lieu. C'est pour élucider cette question que Treub a entrepris 1 OverTON (J.-B.) : Parthenogenesis in Thalictrum purpu- raceum. Bot. (Graz., 1903. + ? Treug (M.) : L'organe femelle et l'embryogénèse dans le Ficus hirla Wahl. Ann. Jard. bot. Buitenzorg, 1903. l'étude du Æicus hirta. Le développement du sac embryonnaire est normal, mais les divisions cellu- laires qui lui donnent naissance sont si rapides que l’auteur n’a pu constater s'il y a ou non réduction chromatique; l'appareil sexuel et les antipodes se développent suivant la règle, mais l'oosphère est peu distincie des synergides; les noyaux polaires se fusionnent de bonne heure. C’est à ce moment que les femelles de Z/astophaga pénètrent dans l’inflorescence, chargées de pollen. Ces grains de pollen, en nombre suffisant pour féconder toutes les fleurs femelles de l’inflorescence, germent sur les stigmates et forment de courts tubes polli- niques. Bien que Treub ait examiné plus de 2.750 coupes, faites sur 412 ovules, il n'a pu obtenir la preuve d'une pénétration du tube pollinique jusqu'au sac embryonnaire. Néanmoins, la formation de Falbumen et de l'embryon se poursuit normale- ment. La seule anomalie observée par l'auteur consiste en ce que, dans la multiplicalion des noyaux d'albumen, on n’observe jamais de mitoses, ou du moins on n’en observe que des indications, qu'il désigne sous le nom de mitoses réduites ou raccourcies. Treub croit pouvoir conclure de ces faits qu'il y a parthénogénèse, el il résumefainsi son opinion : « Dans notre Ficus, il y a trois argu- ments, de valeur fort inégale, plaidant en faveur de la parthénogénèse. Avant tout, le fait que l’on ne voit pas de tubes polliniques pénétrer dans l'ovule à l’époque où ils devraient s'y trouver; en second lieu, la réduclion dans la karyokinèse chez les noyaux d'albumen; et enfin le caractère peu développé de l'appareil sexuel en général et notam- ment des synergides ». Malgré ces fortes présomp- lions, freub n'ose affirmer nettement la parthéno- génèse parce qu'il n'a pu observer l'absence de réduction chromatique. La parthénogénèse semble être chez les Ficus une acquisition récente; la nécessité de la fécondation pour la formation des fruits se serait perdue, sans doute parce que l'adaptation réciproque des figues et des Blasto- phages est trop compliquée. « En vue de pa- reilles éventualités, dit Treub, il y aurait eu un avantage incontestable pour les Æieus à aller répondre par un développement parthénogéné- tique aux piqûres qui, au début, ne faisaient que précéder et annoncer la fécondation par le pollen amené par les insectes. » Disons, enfin, qu'en faisant l'étude systémalique du genre Taraxacum, Raunkiaer! fut amené à constater l'existence, chez le Pissenlit, d'une véri- table parthénogénèse. Ostenfeld avait découvert, ! RAUNKIAER (C.) : Parthénogénèse dans le Pissenlit (en danois). Kobenhavn. Bot. Tidsskrifft, 1903, 2 Cr [er] F. PÉCHOUTRE — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE en 1898, des pieds femelles de araxacum vulgare au milieu de pieds hermaphrodites, et montré quele T. paludosum, ne possédant que des pieds femelles, doit être apogamique. Raunkiaer a croisé des pieds femelles de 7. vulgare avec le T, Gelertii dans le but d'obtenir une forme intermédiaire. Le résultat fut une abondante fructification; mais toutes les graines donnèrent des pieds femelles semblables à la mère, sans trace de 7. Gelertu. Des pieds de ZT. vulgare, placés dans des conditions qui empêchaient toute fécondalion étrangère, don- pèrent néanmoins des fruits remplis de graines, qui produisirent une nouvelle génération de pieds femelles. Les mêmes résultats furent obtenus avec le T. paludosum. Pour écarter toute cause d'erreur, Raunkiaer eut l'idée de couper avec un rasoir la moitié supérieure des capitules encore en bouton; ainsi la plus grande partie des corolles, les anthères et les stigmates étaient enlevés; il ne restait au- dessus des ovaires que les parties inférieures des corolles, les filaments du pappus et les styles. L'opération réussit et les ovaires se développèrent en akènes, remplis de graines. Il est donc pro- bable qu'il y a parthénogénèse ; malheureusement, ces conclusions ne s'appuient sur aucune observa- tion cytologique. Si des faits précédents on rapproche les faux hybrides de Millardet, qui méritent peut-être d'être interprétés comme des plantes parthénogénéliques, on voit que la parthénogénèse est assez répandue dans le règne végélal et se présente dans des con- ditions qui apportent une contribution importante aux vues actuelles sur la fécondation. V. — TuÉGRIE STATOLITIQUE DU GÉOTROPISME. C’est avec Frank, Sachs et Ch. Darwin qu'est entrée dans la Physiologie végétale cette notion, aujourd'hui généralement acceptée, que la pesan- teur n'agit pas directement sur la plante, comme elle agit sur le fil à plomb tenu vertical par le poids qu'il supporte, mais indirectement à la facon d'un excitant, d’un signal que la plante interprète à son gré ou peut négliger complètement. En ce qui con- cerne, en particulier, la courbure géotropique des racines, Ch. Darwin n'hésitait pas à avancer, dès 1875, que le sommet de la racine accomplit une fonction semblable à celle du cerveau chez les ani- maux inférieurs; c'élail dire, avec Czapeck, que le mouvement de courbure était comparable, dans une certaine mesure, à un mouvement réflexe, et que l’on devait pouvoir y distinguer un organe de réceplion de l'excitation due à la gravitation, ou région sensible, un organe d'exécution du mouve- ment corrélatif, ou région motrice, ne coïnecidant pas nécessairement avec la région sensible, et enfin un organe de lransmission de l'excitation, de la région sensible à la région motrice, lorsque n 5 a pis PORRAORSES Et, en effet, dharies Darwin une € racines ; le résultat vérifia l'hypothèse : les racines ététées avaient perdu la sensibilité à la pesanteur et élaient devenues incapables de s’incurver. O pouvait penser que ces racines n’obéissaient plus à la gravitation, parce que leurs organes sensibles avaient été enlevés, ce qui était réel; mais on pou" vait objecter également que l'opération avaik endommagé les tissus délicats de la pointe de l& racine et que les racines refusaient de s’incurver, parce qu'elles souffraient du traumatisme. Aussi. l'hypothèse de Darwin souleva-t-elle des polémis ques sans nombre, les unes favorables, les autres! défavorables, jusqu'au jour où Pfeffer et Czapeck eurent démontré, par des expériences ingénieuses (1894-1895), que Darwin avait raison, que le sommes de la racine est seul sensible aux excitants externes; et que l'excitation est transmise à cette partie de la racine où se montre la courbure et à une dis tance qui peut être supérieure à 1 centimètre. Ce expériences de Pfeffer et de Czapeck, qui démon trent en même temps que la région motrice n’est pas sensible, ont été exposées dans cette revue pa Mangin !. Ces premiers résultats acquis, on a voulu péné trer plus profondément dans la question, détermi ner l'élément sensible à la gravitation, préciser le mécanisme intime de l'excitation géotropique. San entrer dans les discussions, encore à l'état aigu, que ce sujet a soulevées entre Noll et Czapeck, nous nous contenterons d'exposer l'hypothèse Nemec- Haberlandt, connue sous le nom de théorie statoli= tique du géotropisme. Dans des recherches indé- pendantes, ces deux auteurs ont donné simultané ment du mode d'action de la pesanteur une expli= cation concordante, en ce sens qu'ils considèrent que la perception de la pesanteur s'exerce, chez les plantes comme chez les animaux, par de organes sensoriels comparables aux olocystes des animaux inférieurs. Les travaux de nombreux zoologistes ont montré, en effet, que beaucoup, d'organes, décrits comme appareils auditifs chez les animaux inférieurs, ne sont que des organes d’équilibration, d'orientation locomotrice, des ap= pareils. de perception géotropique. C'est en 1888 que Verworn, pour consacrer cette nouvelle ma=n nière de voir, proposa de substituer les termes dem statocysle et de statolite aux termes incorrecls d'otocyste et d’ololite. Revue annuelle de Botanique. Rev. gén 44% el suiv. 4 ManGi (L.) : des Se. du 15 mai 1896, p. F. PÉCHOUTRE — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 807 Noll avait déjà émis l'opinion que l'organe de perceplion géotropique réside dans la couche péri- phérique du protoplasma des cellules sensibles et se présente sous forme d'une centrosphère avec un centrosome de poids spécifique différent, représenté par le suc cellulaire, conformation concordante avec celle des otocystes. Nemec et Haberlandt apportent une conception différente ; l'organe per- cepteur de la gravilation est un véritable stato- eyste, c'est-à-dire une cellule dont les grains d'ami- don, obéissant passivement à la pesanteur, repré- sentent des statolites qui viennent exciler par leur poids certaines portions du protoplasma périphé- rique, lorsque les organes considérés ont été dé- rangés de leur position d'équilibre géotropique. Chaque organe géotropique possède de nombreux statocystes, qui forment dans les tiges etles pélioles la gaine amylacée (Haberlandt) et dans les racines la columelle de la coiffe (Nemec). Dans beaucoup de plantes, l'organe de percep- tion géotropique est très différencié et acquiert la valeur d’un véritable organe des sens; ailleurs, les cellules excitables ne se distinguent pas nettement de leurs voisines, et, tout en étant douées d'une aulre fonction principale, servent à la perceplion de la pesanteur, pourvu qu'elles contiennent des grains d'amidon ou des corpuscules plus ou moins lourds. Nemec a surtout étudié le géotropisme des racines et Haberlandt celui des tiges. Nemec’ attribue le géotropisme des racines à l'action de la pesanteur sur divers corps figurés, leucites, cristaux, noyaux, grains d’amidon, elc..., contenus en plus ou moins grande abondance dans le suc cellulaire et le plasma de certaines cellules. Ces corps occupent dans les cellules des positions déterminées par leur poids spécifique; en faisant varier la direclion de l'organe qui les renferme, ils prennent assez rapidement la position d'équilibre correspondante. Dans les cent cinquante espèces étudiées par Nemec, les organes géotropiques possèdent tous des cellules à corpuscules sen- sibles, cellules qui font défaut dans les organes jeunes, encore dépourvus de sensibilité géotro- pique. L'organe de perception de la pesanteur est situé dans la coiffe et représenté par une colonne axile de cellules riches en amidon, ou columelle, Les racines dont la coiffe est coupée perdent leur sensibilité géotropique, qui réapparait à la régéné- ration des tissus sectionnés. Les racines anormales ou malades, chez lesquelles le géotropisme ne se manifeste pas, sont dépourvues de corpuscules 1 Neuec : Ber. d. deutsch. Bot. Ges., 1902 et 1903; Jahrb. f. wiss. Bot., 1902. — Voir aussi : HABERLANDT : Ber. d. deutsch. Bot. Ges., 1900 et 1902; Jahrb. f. wiss. Bot., 1903. Sinnesorgane in Pflanzenreich, 1901. — Nozz : Uber hete- rogene Induction, 1892. Jahrb. f. wiss. Bot., vol. 21; Ber. d. deutsch. Bot. Ges., 1902. sensibles. La sensibilité géotropique disparait éga- lement d’une racine normale lorsqu'on parvient à éliminer des cellules sensibles les corps figurés à poids spécifique élevé, Haberlandt”, qui a étudié plus spécialement les liges, c'est-à-dire les organes négativement géo- tropiques, localise dans la gaine amylacée l'organe de perceplion de la pesanteur. En faveur de son hypothèse, l’auteur constate que cetle gaine amy- lacée ne possède son plein développement que dans les portions de tige nettement soumises au géotropisme et en voie d'allongement vertical ; il réfute par là même les résullats de Fischer, qui n'aurait trouvé cette gaine amylacée que chez douze genres sur les cent qu'il a étudiés, pris dans les familles les plus différentes. Fischer n'avait étudié que des tiges ayant achevé leur croissance. Haber- landt n’admet pas, d’ailleurs, l'opinion de Heine, qui considère celle gaine comme un tissu de réserve absorbé par le liber avoisinant, parce qu'il n'y a pas proportionnalité entre ces deux tissus. IL y à cependant des tiges dépourvues de gaine amyla- cée (Urtica droïca, Euphorbia palustris, Ranoncu- lusacer, Papaver orientale, elc.); dans ce cas, il existe des cellules amylacées de situation variable, qui, grâce à la présence de grains d'amidon gros et très mobiles, peuvent remplacer la gaine absente et fonctionner comme organes de perception. Ger- taines plantes à tiges articulées (Rubiacées, Caryo- phyllées, Polygonacées, elc.), chez lesquelles Fis- cher conteste la présence d’une gaine amylacée, présentent cependant des mouvements géolro- piques au niveau de leurs nœuds d’arliculation. Haberlandt explique, en effet, qu'en dehors des nœuds, c’est-à-dire dans les parties de la tige qui ne sont plus capables de se courber, le péricycle est plus pauvre en amidon et quelquefois en est dépourvu. L'étude de ces dernières plantes est très intéressante, car elle montre bien la spécificité d'action des grains d’amidon du péricycle. Lors- qu'on examine une coupe transversale d'un nœud maintenu depuis quelques heures dans une posi- tion horizontale, on constate dans la position des grains d’amidon de l’écorce et de la moelle, d'une part, et de ceux de la gaine amylacée, d’autre part, une différence frappante. Ces derniers sont tous réunis contre la paroi cellulaire tournée vers la terre, landis que les premiers restent indifférents vis-à-vis de la pesanteur et irrégulièrement répar- tis. Quelles raisons peut-on donner de cette extrême mobilité des grains d’amidon dans la couche con- sidérée ? On ne peut guère invoquer que leur gros- seur, leur poids spécifique augmenté par une forte proportion de matières incluses, la grande fluidité 1 HABERLANDT : Loc. cit. 868 7 F. PÉCHOUTRE — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE du suc cellulaire dans lequel ils sont inclus etleur indépendance vis-à-vis du noyau cellulaire retenu dans une mince couche de protoplasme pariétal. L'appareil de sensibilité géotropique peut subir une régression, et cette régression explique l'ab- sence de séotropisme dans certaines tiges et dans certaines racines. En ce qui concerne les tiges, il faut faire une place à part aux rameaux des arbres pleureurs, où l'absence du géotropisme est due au poids du feuillage et des fleurs et au peu de déve- loppement du bois et de l'appareil mécanique; ailleurs (Viseum album), il n'existe pas de gaine amylacée avec grains d’amidon mobiles. Les radi- celles de second ordre sont bien connues pour leur faible géotropisme; à cet état correspond une réduction très marquée de l'appareil percepteur. Les radicelles de troisième ordre et les racines crampons ne sont plus géotropiques; aussi les grains d'amidon, ou du moins les grains d'amidon mobiles, font-ils chez elles complètement défaut. Le seul élément excitable par les grains d’ami- don est le plasma périphérique des cellules consi- dérées, ou mieux certaines portions de ce plasma, à l'exclusion des autres. Comme ce plasma revêt les parois de la cellule, on peut ÿ distinguer, comme dans la cellule même, six faces ou parois : deux transversales, distinguées en inférieure ou basiscope el supérieure ou acroscope, deux tangen- tielles, interne et externe, et deux radiales. A l'état d'équilibre géotropique, dans les tiges ortho- tropes, les grains d’amidon sont accumulés sur la face transversale basiscope, et, comme leur pré- sence ne provoque aucune réaction, on peut en conclure que celle paroi n'est pas excilable; de nombreuses expériences rendent (rès vraisem- blable que la paroi lransversale acroscope n'est pas sensible. Lorsqu'une tige ortholrope est placée horizontalement, les grains d'amidon tombent de la paroi transversale inférieure sur la paroi tan- gentielle située au-dessous, c'est-à-dire intérieure pour la région supérieure de la tige et extérieure pour sa région inférieure; dans le plan médian parallèle au sol, les grains d’amidon tombent sur les parois radiales. Comme une tige orthotrope, couchée horizontalement, présente sur sa face inférieure une accélération et sur sa face supé- rieure un retard de croissance, on peut admettre d'abord que l'accélération est produite par la pres- sion des grains d'amidon sur les parois tangen- tielles extérieures et le retard par la même pres- sion sur les parois tangentielles intérieures. Mais il est plus probable que les parois tangentielles extérieures sont seules sensibles et que le retard de croissance du côté supérieur n’est que la consé- quence de l’accélération du côté opposé. C'est ce que semblent montrer les expériences réalisées par l'auteur sur les nœuds de Graminées. Quant aux parois radiales, elles ne sont probablement pas. sensibles. ‘4 Le même raisonnement, si l’on en renverse les termes, s'applique rigoureusement aux racines js les parois plasmiques transversales et radiales des cellules de la columelie sont dépourvues de sensi-« bilité; des parois tangentielles, seules les parois internes sont sensibles. V4 L'excitation ainsi produite sur les couches plasw miques est transmise, dans la plupart des cas, aus tissus dont la croissance est influencée par le géo- tropisme, c'est-à-dire au parenchyme cortical, et, dans certains cas, à la moelle; c'est par les ponc= ltuations des parois tangenlielles que cette trans mission doit s'effectuer, car le plasma cellulaire e est particulièrement adhérent de part et d'autre de la cloison, qui est traversée par des communications . protoplasmiques. è D'autres procédés expérimentaux justifient le rôle de la gaine amylacée dans les organes négali-" vement géotropiques ; si, par exemple, on fait dis-" paraître par un traitement approprié l'amidon dun péricycle, la sensibilité géotropique disparait pour, ne reparaitre qu'avec la régénération de celte sub-" stance. Pour obtenir ce résultat, Haberlandt a sou- N mis destiges à une basse température persistante. qui fait disparaitre l’amidon. Si l’on élève ensuiten la température, la sensibilité géotropique ne se. montre qu'au moment de la réapparition des grains d'amidon. Toutes ces expériences démon- trent done bien que l'excitation géotropique est produite par la pression statique de corpuscules A solides. L Ainsi les recherches d'Haberlandt confirment les ‘ | vues théoriques de Noll et l'hypothèse de Nemee, et À c'est déjà, pour cette hypothèse, une singulière force. Si l’on était surpris de la disproportion qui. semble exister entre la force des organes qui sem. courbent et le faible excédent du poids spécifique des grains d’amidon sur celui du contenu cellulaire, il ne faudrait pas oublier que cet excédent n'est que le signal et non la cause même du phénomène. Plus récemment, Czapeck! a critiqué comme trop étroite la localisation de la région sensible des ra= 1 cines, telle que l’a élablie Nemec. Czapeck avait ‘| déjà découvert, en 1897, dans les pointes des ra- cines excilées géotropiquement, une substance, douée d'un fort pouvoir réducteur sur le nitrate d'argent et contenue en bien plus faible En dans les racines non excitées. Il assimile mainte- nant celte substance à un produit d'oxydation de la tyrosine, l'acide homogentisinique de Wolkow et | | " Al U p. . . 1 Czapeck (F.) : Stoffwechsel-processe in der geotropis=\ chen gereizten Wurzelspitze und in pholotropisch sensi= | blen Organen. Ber. d. deutsch. Bot. Ges., 1902. | —n. fes PRE 1 F. PÉCHOUTRE — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 809 Baumann. La quantité d'acide atleint le maximum de 15 °/, au moment où la courbure commence à se produire, puis diminue après. On le trouve au dessus de la zone sensible jusqu'à la zone du maxi- mum de croissance. En montrant que l’augmen- tation d'acide homogentisinique se produit aussi dans une racine placée horizontalement et dont la pointe à été coupée sur la longueur d'un milli- mètre, Gzapeck croit prouver que la columelle ne Saurait être considérée comme le seul organe de perception de la pesanteur. L'accumulation de cet acide dans les racines excitées semble due à un empêchement temporaire des oxydases, contrariées sans doute par des anti-oxydases. VI. — LA CHLOROPHYLLE ET SES FONCTIONS. $ 1. — Chimie de la chlorophylle. Peu de questions ont été l'objet d'eiforts si per- Sévérants et si multipliés que la chimie de la chlo- rophylle. Et le dernier mot est loin d'être dit; tou- tefois, des expériences sans nombre réalisées, des discussions interminables et souvent fort obscures soulevées, quelques résultats clairs et posilifs com- mencent à se dégager, el, parmi ces résultats, la parenté chimique du pigment vert des végélaux et du pigment rouge du sang est certainement l'un des plus instruetifs au point de vue de la Biologie générale. Il est bien démontré aujourd'hui que, si la chlo- rophylle est le pigment dominant du chloroleucite, elle n’en est pas le seul ; on trouve loujours à côté de la chlorophylle une quantité notable d’un pig- ment jaune, cristallisant bien, la carotine, une quantité plus faible d'un autre pigment jaune, amorphe, différant de la caroline, la xanthophylle, el sans doute aussi, d'après Schunek et Mar- chlewski!, des traces d'un second pigment vert, dont les relations avec la chlorophylle sont insuf- fisamment connues. Les premiers physiologistes qui ont étudié la chlorophylle se sont préoccupés avant tout d'ob- tenir une chlorophylle pure, cristallisée, et qui fut identique à la chlorophylle naturelle. Un tel résullat non seulement n'a pas été atteint, mais il semble bien qu'il ne puisse être obtenu, tant Ja chlorophylle est facilement altérable. Les sub- stances préparées par Gaultier et Hoppe-Seyler, chlorophylle cristallisée et chlorophylane, et, d'une facon générale, tous les composés donnés comme conformes au pigment originel, ne sont que des produits d'une altération plus ou moins avancée. Toutefois, les tentatives de préparalion de la chlo- rophylle pure ont amené Hoppe-Seyler à émettre ! Senuxcr et MarcuLewski : Bull. int. Acad. Cracoy ie, 1900, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904, sur la nature de ce pigment une opinion que les travaux récents tendent à confirmer. L'analyse des cendres de Ja chlorophyllane ayant montré à Hoppe-Seyler une abondance imprévue de phos- phore et de magnésium, il crut d’abord à une impurelé provenant d'un mélange du corps avec une lécithine. Dans ce cas, l’eau-mère séparée des cristaux de chlorophyllane aurait dû être riche en lécithine; l'examen ne justifia pas une lelle hypo- thèse, landis que l'étude des produits de dédouble- ment de la chlorophyllane, choline, glycérine, acide phosphorique, chlorophyllanique, l’amenail à considérer la chlorophylle comme une lécithine particulière. Sans parler de la chloroléei- thine de Stoklasa ‘, les recherches de Schunck, de Marchlewski et de Nencki donnent beaucoup de vraisemblance à l'hypothèse que la chlorophylle serait une lécilhine où le principe colorant (acide chlorophyllanique de Hoppe-Seyler) aurait rem- placé les deux radicaux gras des lécithines ordi- paires. La représentation la plus simple d'une telle lécithine serait la suivante : acide CH — 0 — C0 — radical de l'acide chlorophyllanique. Un — O0 — CO —radical de l'acide chlorophyllanique. (H:=—0-PO(OH) 0 CH sa des a@ ‘4 OH. On ne sait pas encore quelle place revient au magnésium dans cel édifice. En réalité, les progrès de nos connaissances sur la nature chimique de la chlorophylle sont dus à un changement radical de méthode; les savants acluels, au lieu de s’obstiner dans la recherche de la chlorophyile pure, se livrent à une étude métho- dique des produits de sa décomposition. D'un côlé, par une dislocation aussi faible que possible de la molécule pigmentaire, ils tentent d'isoler le groupe chromophore et la lécithine qui, par leur union, formeraient la matière colorante ; de l’autre, par une destruction beaucoup plus avancée, ils montrent la ressemblance des produits de décom- position de l’hémoglobine et de ceux de la chloro- phylle, et ils essaient d'éclairer, par analogie, la constitution de cette dernière. C'est Frémy qui, le premier, a montré que la chlo- rophylle cristallisée est dédoublée par les acides en deux principes colorants, l’un vert, la phyllocya- nine, et l’autre jaune, la phylloxanthine. Mais ces corps n'ont élé obtenus à l’état de pureté que par Schunck et Marchlewski?. Ces deux savants pen- sent que la phyllocyanine, composé stable, bien cristallisé, à caractère basique faible, représente le ! SrokLasA {J. * SCHUNCK el 1895. : Sitz. Ber. Wiener Akad., 1896. Marcazewskt : Lichig's Anualen, 1894 et 18** 870 F. PÉCHOUTRE — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE groupe chromophore, tandis que la phylloxanthine contiendrait la lécithine plus ou moins intacte. Si l'on traite la chlorophylle par les alcalis, on isole plus facilement le groupe chromophore sous forme d'une substance verte, cristallisée, appelée a/ka- chlorophylle", ne contenant ni choline, ni gly- cérine, ni acide phosphorique, ni magnésie. Par une décomposition plus avancée, la phyllocyanine aussi bien, d’ailleurs, que l'alkachlorophylle don- nent un produit bien étudié, la phyllotaonine C#H#A705, dans laquelle le groupe chromophore subsiste encore intact, el, qui, d’après Nencki et Marchlewski, doit être considérée comme un dérivé du pyrrol. Enfin, par la décomposition de la phyl- lotaonine, sous l'influence des alealis à haute tem- pérature, Schunck et Marchlewski ont obtenu une substance rouge cristallisable, la phylloporphyrine, à laquelle on peut attribuer la formule empirique C!°H%Az°0. Nencki avait déjà, en 1896, appelé l’at- tention sur la ressemblance des formules de phylloporphyrine et d'un produit dérivé de la matière colorante du sang, l'hémaltoporphyrine, C!H'*AZ20%. On sait que le fer, indispensable au verdissement du chloroleucite, n’entre pas du tout dans la constitution de la molécule pigmentaire; l'hématine, ou malière coJorante de l'hémoglobine, manifeste la même aftinité pour le fer, mais, à l’op- posé de la chlorophylle, ce métal fait partie inté- grante de l'hématine. Si, par un traitement appro- prié, on extrait le fer de l'hématine, on obtient l'hématoporphyrine, qui présente la similitude la plus frappante avec la phylloporphyrine. Les deux substances sont à peu près identiques dans leur composition, l'hématoporphyrine contenant cepen- dant un peu plus d'oxygène. Leurs solutions dans l'alcool et dans l’éther donnent la même couleur et la même fluorescence. Leurs spectres d'absorption présentent une ressemblance frappante : pour toutes deux, la solulion éthérée montre neuf bandes de largeur et de profondeur identiques, celles de l'hématoporphyrine étant seulement un peu plus vers l'extrémité rouge du spectre. Nencki et Marchlewski® ont retiré de la phylloporphine l’'hémopyrrol, comme Nencki et Zaleski” avaient pu l'obtenir par réduction de l'hémine et de l'hémato- porphyrine. Enfin, comme Küster, en partant de l'hémine, Marchlewski”, par oxydation et en par- tant de la phylloporphyrine, a pu obtenir l'acide hématinique et l’urobiline. On ne saurait donc mettre en doute la parenté des deux pigments, 1 Hansen : Die Farbstoffe des Chlorophylis, ASS89. — Scauncr : Proc. Roy. Soc., L. — Scaunck et MARCHLEWSKI : Loc. cit. — Marcazeswxi : Chemie des chlorophylls, 1895. 2 Nexcxr et MarcaLewsKkI : Ber. Chem. Ges., p. 1687, 1901. * Nexckr et MarcHLewsk1 : Ber. Chem. Ges., p. 997, 1901. 4 MarcaLewsKki : Acad. Sc. Cracovie, 1902. parenté que Sieber-Schumoff' met en évidence” dans le tableau suivant : L Hémoglobine PEN EE Chlorophylle. Héroaine RM CC CE Phyllocyanine. HéMane EEE CE Phyllotaonine. Hématoporphyrine : C'SH'$Az*0*. Men CH AZ. HOT C#°H1°07A7*: Hémopyrrol. Urobiline . . La ressemblance chimique de ces deux sub= stances, de fonctionnement pourtant si différents fait penser ou bien qu'elles prennent naissance sous l'influence des mêmes forces, ou bien qu'elles s'édifient l'une et l’autre aux dépens d’une forme déterminée de la molécule albuminoïde. Des re cherches ultérieures montreront peut-être que la chlorophylle est susceptible d'entrer en combinai son avec l'acide carbonique, comme l'hématine les fait avec l'oxygène. Le second pigment, toujours présent à côté de la chlorophylle, est la caroline, identique au principe colorant de la carotte. La chimie de la carotine a été surtout étudiée par Arnaud°. Tschirch*, Mon lisch *, Tammes”, ont indiqué diverses réactions qui permettent de la mettre en évidence; tou D récemment, Kohl° a publié une grosse monogra- phie de la carotine. Arnaud avait montré que lan carotine pure est un carbure d'hydrogène coloré,s non saturé, répondant à la formule C*#H°$, Elle est très facilement oxydable et perd à la lumière sa couleur rouge orangé; celle oxydation donne sans doute naissance à des produits voisins de la cho lestérine, car les relations de la carotine avec la | cholestérine sont très vraisemblables. Kohl prétend que la carotine se rencontre dans le chloroleucite à côté d'éthers d'acides gras de la cholestérine, mais il s'élève contre l'opinion que les cristaux de caro-x tine ne seraient que des cristaux de cholestérinem teintés par l'absorption d'un pigment. Le spectre de la carotine, qui ne diffère pas de la chryso- phylle de Hartsen et de Schunck, ressemble beau- coup à celui de la xanthophylle et est caractérisé par trois bandes d'absorption situées entre les raies F et H. L’étioline parait être identique à la carotine. D'après Kohl, le jaunissement automnal des organes verts n'est pas dû, comme on l'a dit souvent, à la carotine, qui, à ce moment, diminue: en même temps que la chlorophylle; il doit être. attribué à un autre pigment jaune, différent de lan carotine, et qui paraît correspondre à la xantho= 1 SrEBER-SCHUMOrE : Jlunch. med. Wochschr., 1902. 2: ArnauD : Comptes rendus, vol. CIL et CIV. # Tscaircx : Untersuchungen über das Chlorophyll, 1884 ‘ Mouscu : Ber, d. deutsch. bot. Ges., 1894. 4 5 Tames : Flora, 1900. 5 Konz : Untersuchungen über das Carotin und seine phya siologische Bedeutung in der Pflanze. Leipzig, 1902. LA E:3 “x F. PÉCHOUTRE — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 871 phylle. Kohl pense qu'il n'existe aucune connexion chimique ou génélique entre la chlorophylle et la carotine. C'est aussi l'opinion de Schunck', qui croit cependant que la caroline se forme dans les mêmes conditions que la chlorophylle, et qui se demande si elle s'élabore indépendamment, ou bien aux dépens d’une des xanthophylles de la feuille. D'après Kohl, la carotine prendrait nais- sance par déshydratation et réduction de la choles- lérine : C#H40 + 30 = CH +3 H?0 + O, etjouerait auprès de la chlorophylle le rôle d’un écran protecteur contre une lumière trop vive. C'est Tschirch * qui, le premier, en 1896, a dé- montré la présence dans le chloroleucite d'un second pigment jaune, qu'il a appelé xanfhophylle, et qui a élé étudié par Schunck” en 1899. La composition chimique de ce pigment est d'ailleurs fort obscure, et on ne peut l'obtenir, comme la carotine, à l’état cristallisé. Schunck * revient aujourd'hui sur cette question de la xanthophylle, ou plutôt des xantho- phylles, car ces pigments sont mulliples et forment un groupe de matières colorantes jaunes, présentes dans les fleurs, les feuilles, les fruits, etc., et essen- tiellement caractérisées par leur insolubilité dans Peau et leur solubilité dans le sulfure de carbone. Ces pigments transmettent les rayons ultra-violets et donnent, dans la partie la moins réfrangible du spectre, des bandes d'absorption déterminées, qui permettent de les distinguer les unes des autres. Schunck a pu spécifier ainsi trois xanthophylles, qu'il désigne provisoirement par les lettres L, B et Y. Les spectres de ces trois xanthophylles con- sistent chacun en trois bandes situées entre F et H; si l'on compare ces spectres les uns aux autres et à celui de la chrysophylle ou de la carotine, on observe que ces bandes présentent un déplacement graduel vers le violet, les bandes de la chrysophylle étant le moins, et celles de la xanthophylle Y éiant le plus réfrangibles; c'est certainement là l'indice d'une parenté. Les trois xanthophylles peuvent être surtout distinguées par les changements que subis- sent leurs spectres sous l'influence des acides. On trouve dans les feuilles la xanthophylle L, la xan- thophylle B et un dérivé acide de la xanthophylle B. Nous ne savons que peu de chose sur le second pigment vert qui, d'après Marchlewski et Schunek”, accompagne la chlorophylle et qui a été appelé allochlorophylle. Cette allochlorophylle, qui n’a pas ? Senuxcxk : Group of Yellow Colouring Malters. Proc. Roy. Soc., 1903. = Tscicu : Ber. d. deutsch. Bot. Ges., 1896. Scaunck : Proc. Roy. Soc., 1899. * Scuxcx : Group of Yellow colouring matters. Proc. Rov. Soc., 1903. ® MaRCHLEWSKI el 1900. ScHuncKk : Bull. int. Acad. Cracovie, élé trouvée dans certaines plantes, se distingue de la chlorophylle proprement dite en ce qu'elle ne présente dans le rouge qu'une seule bande d’ab- sorption, dont la situation correspond à peu près à celle de la première bande de la chlorophylle. Peut-être cette observation de Schunck et de Marchlewski vient-elle corroborer l'opinion émise par Etard sur la pluralité des chlorophylles. Enfin, Kohl!' à trouvé dans les feuilles jaunes, complètement dépourvues de chlorophylle, du Sambucus nigra foliis luteis un nouveau pigment jaune brunäâtre, soluble dans l’eau, la phyllofus- cine, dont l'étude n’a pas encore été faite. $ 2. — Physiologie de la chlorophylle. Si l’on excepte une méthode nouvelie imaginée par Timiriazeff pour mesurer la décomposition du gaz carbonique dans la moitié bleue du spectre et une étude plus approfondie de l'efficacité de la feuille comme transformateur d'énergie et des re- lations qui existent entre l'intensité lumineuse et les processus photo-chimiques de l'assimilation, on peut dire que les travaux récents sur le rôle de la chlorophylle ont surtout mis au premier rang deux faits d'une haute signification physiologique, la facile destructibilité du pigment vert par la lu- mière et la fluorescence de ses solutions. L'on savait, surtout depuis les travaux d'Engel- mann et les recherches plus récentes de Koh}, qu'il se produit, dans la partie la plus réfrangible du spectre, une décomposition du gaz carbonique et que cette décomposition est faible; mais la méthode des bactéries, si ingénieuse qu'elle soit, ne donne que des résullats capricieux, et il suffit de rappeler qu'Engelmann a décrit au niveau des rayons bleus un maximum qui n'a pas été retrouvé par Pfeffer. Quart à la méthode de Kobhl, fondée sur la numé- ration des bulles gazeuses dégagées par de petites plantes aquatiques, elle est d'une difficile applica- tion et donne des résullats peu précis. Timiriazeff?, dont les recherches n'avaient porté jusque là que sur la moitié rouge, indique aujourd'hui une mé- thode qui permet de déterminer les effets relatifs des deux moitiés du spectre. Ne pouvant se servir du spectre fourni par le prisme à cause de l'erreur due aux différences de dispersion, ni avoir recours au spectre de diffraction dans lequel l'intensité lu- mineuse est trop faible pour provoquer la réduc- tion du gaz carbonique, Timiriazeff a eu l'idée d'ap- pliquer la méthode de recomposition du spectre, familière aux physiciens. On combine ainsi l'inten- sité du spectre prismatique et les avantages du spectre de diffraction, et les résultats gazométriques 1‘ Kogz : Ueber das Carotine..…., 1902. >? TimiriazErr (C.) : The cosmical function of the green plant. Proc. Roy. Soc., p. 424, 1903. 872 F. PÉCHOUTRE — + REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE sont directementcomparables. Unrayon de lumière, réfléchi par un large héliostat de Foucault et con- densé sur la fente par une lentille de 25 centimètres de diamètre, était décomposé par un prisme à vision directe et recomposé en deux bandes complémen- taires de jaune et de bleu. Les analyses gazométri- ques faites dans ces deux bandes ont montré à Ti- mniriazeff que, si l’on représente par 100 la quantité d'acide carbonique réduit dans la moitié jaune, l'effet de la moitié bleue est égal à 54. Le résultat le plus important de ces recherches est que l'effet des rayons bleus et violets à été jusqu'ici estimé trop bas. La même démonstration peut être faite en recevant sur une feuille les deux bandes colo- rées et en faisant ensuite l'épreuve de l’iode. L'effet des rayons bleus et violets, à peine sensible avec le spectre prismatique, est ici très prononcé. Ce sont Edmond Becquerel d'abord et ensuite Timiriazef qui, les premiers, ont appelé l'attention sur la fluorescence des solutions de chlorophylle et en ont fait la base des vues actuelles sur le rôle de la chlorophylle comme sensibilisateur. Dans ses recherches sur les relations qui existent entre les effets chimiques produits par la chlorophylle et son absorption par la lumière, le savant russe était resté persuadé qu'il y avait un vice de raisonne- ment, un anneau manquant entre les prémisses et la conclusion, dans l'opinion exprimée par Jamin, Edmond Becquerel, Lommel et d’autres que la loi d'Herschel s'applique à la feuille verte. La loi d'Herschel dit, en effet, que les effets chimiques limités à ces seuls rayons qui sont ab- sorbés par la substance qui subit un changement chimique, et Herschel montra en effet que la chlo- rophylle subit une décoloration précisément dans ces rayons du spectre qui correspondent aux bandes d'absorption. Dans la réduction de l'acide carbonique, le cas était bien différent : la substance décomposée est un gaz incolore, et la lumière est absorbée par une autre substance, la chlorophylle ; il élait impossible de voir dans ces phénomènes une application directe de la loi d'Herschel. C'est à ce moment que la belle découverte de Vogel sur les sensibilisaleurs optiques vint fournir le lien lo- gique, en l'absence duquel on ne pouvait faire à la chlorophylle une application de la loi précédente, et, dès 1875, Timiriazeff avançait pour la première fois que la chlorophylle joue dans l'organisme vivant le rôle d’un sensibilisateur oplique. Lors- qu'on fait tomber sur une solution de chlorophylle un faisceau de lumière solaire, sont la plus grande par- lie des rayons se transforme en lumière rouge fluo- rescente de longueur d'onde BC. Si l’on rapproche ce fait de cet autre, savoir que les rayons BC sont les plus efficaces dans la réduction du gaz carbonique, il est naturel d'admettre que la indiseuté, à chlorophylle (ransforme les rayons de longueur d'onde plus courte en rayons de longueur d'onde plus grande. En d’autres termes, la chlorophylle sensibilise le chromatophore pour les rayons de courte longueur d'onde, comme une solution d'éry= throsine sensibilise une plaque au bromure d’ar= gent pour les rayons de grande longueur d'onde: On ne saurait trouver un argument contre cette hy= pothèsé dans le peu d'efficacité de la lumière bleu@ au point de vue de la réduction du gaz carbonique” D'abord, ainsi que l’a montré Timiriazeff, cette ac= tion est plus efficace qu'on ne l'avait cru jusqu'icis et, en second lieu, il est bien certain que la plant@ n'a intérêt à transformer en rayons BG que des rayons éclairants el chargés d'énergie. D'ailleurs, l'influence sensibilisatrice de la chlorophylle a été, tout récemment, appliquée avec grand succès à la photographie des couleurs *. L'analogie entre la chlorophylle et les sensibili= sateurs peut être poussée plus loin, et l’on peut admettre que la chlorophylle est un sensibilisateur non seulement au sens de Vogel, mais encore au” sens d'Abney, d’après lequel un sensibilisateur est un pigment fugitif se détruisant rapidement à là lumière. Que la chlorophylle soit rapidement dé= truite par la lumière en dehors de l'organisme, les recherches d'Herschel l'ont prouvé depuis long temps, et une expérience très simple, indiquée par Timiriazefl*, le prouve facilement : Une plaque re= couverte d'une pellicule de collodion teintée avee de la chlorophylle est exposée à la lumière solairew derrière une feuille de fougère ; les parties pros tégées par la feuilie conservent seules leur couleurs, toul le reste est décoloré, et l’on peut fixer l'em= preinte de la feuille par le sulfate de cuivre. En soumettant de telles plaques aux diverses radias. tions du spectre, on peut se convaincre que la dé= coloration est due aux rayons mêmes qui produis sent la réduction du gaz carbonique. Quant à 1 destruction de la chlorophylle à l'intérieur des or ganes, il est probable que les décolorations obsers vées dans les feuilles vertes et atiribuées à la mis gration des chloroleucites ou à des changements survenus dans leur volume sont dues à l’action de la lumière. Les sensibilisateurs sont de deux ordres, chimis ques et optiques. Les premiers absorbent un où plusieurs des produits de la réaction ; les seconds absorbent en même temps la radiation. Les sensi= bilisateurs chimiques étaient connus bien avant les sensibilisateurs optiques, et, en 1871, Timiriazefl avait émis l'opinion que la chlorophylle est un sens sibilisateur chimique et que, la rapidité de la diss — —_———— 1 Neunauss : Photograph. Rundschau, 1902. 2 Timsnrazerr (C.) : Loc. cit. à F. PÉCHOUTRE — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 873 sociation de l'acide carbonique dépendant de l'éloignement des produits de la dissociation, la plante agit comme un absorbant, troublant inces- samment l'équilibre entre l'acide carbonique et les produits de sa réduction, Il avancçail, en outre, qu'il doit exister dans la plante deux modifications de la chlorophylle, correspondant en quelque sorte à Phémoglobine et à l'oxyhémoglobine du sang. Cest cette dernière hypothèse que Timiriazeff essaie aujourd'hui de vérifier. En trailant une so- lution de chlorophylle par l'hydrogène naissant, Pimiriazeff à oblenu une substance presque inco- lore, mais de belle couleur pourpre à l'état de con- centration élevée, qu'il appeile protophylline et qu'il considère comme un produit de réduction de la chlorophylle; le simple contact de l'oxygène transforme instantanément la protophylline en chlorophylle. Timiriazeff a trouvé cette protophyl- line, qui ne donne jamais au spectre la bande I, dans les cotylédons de germinations faites dans une obseurilé parfaite, et il croit que les décolorations de feuilles sont dues à la substitution de la proto- phylline à la chlorophylle. Cette hypothèse, qui cadre assez bien avec les idées nouvelles intro- duiles par les travaux récents sur la chimie de la chlorophylle, n’a malheureusement recu aucune confirmation directe de ces travaux eux-mêmes. Ayant ainsi montré que la chlorophylle doit être considérée comme un sensibilisateur dans les deux acceptions du mot, Timiriazeff ajoute que c’est un sensibilisateur exceptionnellement adapté à sa fonction, parce qu'il y a coïncidence entre le maxi- mum d'énergie des radiations et le maximum de leur absorption par la chlorophylle. Pour les in- nombrables sensibilisateurs connus, et sans qu'on en sache fa cause, il n’y a pas coïncidence absolue entre le maximum d'absorption de la lumière et le maximum d'effet photographique produit sur une plaque sensible, et ce dernier est déplacé vers le rouge. Acworth prétend que la chlorophylle ne fait pas exception à la règle générale. Mais Timi- riazeff, discutant les résultats obtenus par Acworth même, montre qu'un tel défaut de coïncidence ne saurait être admis pour la chlorophylle. Abordant ensuite l'étude des relations qui exis- lent entre l'énergie totale de la radiation et l'éner- gie absorbée par la feuille, Timiriazeff confirme les beaux résultats oblenus par Brown et Escombe, à savoir que la quantité d'énergie emmagasinée dans les produits de l'assimilalion porte sur une faible proportion de la quantité totale qui a alteint la feuille ; en d’autres termes, la feuille, considérée au point de vue thermodynamique, est une machine à coefficient économique très bas. On sait que les deux principales formes de travail accompli par la feuille sont la vaporisalion de l’eau transpirée et la réduction de l'acide carbonique et de Peau. Dans les expériences de Brown et d'Escombe, une feuille d'AHelianthus annuus, exposée au soleil d'une belle journée d'août, absorbe et convertit en travail in- terne 28 °/, de l'énergie incidente, 27,5 °/, élant employés pour la vaporisalion de l'eau et seule- ment 0,5 pour le travail d’assimilation; à la lu- mière diffuse, les résultats sont tout à fait diffé- rents ; la feuille a utilisé 95 °/, de l'énergie inei- dente, dont 2,7 °/, ont été employés à l'assimila- tion. La singularité de ces résultats à conduit Timi- riazeff à étudier, après d'autres, l'influence de l'in- tensité lumineuse sur la dissociation de l'acide carbonique. Les diverses méthodes qu'il à em- ployées lui ont donné des résultats nouveaux et lui ont montré qu'il n'y à pas proportionnalité entre l'accroissement de l'intensité lumineuse et l’accrois- sement de l'effet chimique. Le maximum d'effet est obtenu avec « un demi-soleil ». Jusqu'à un certain degré d'intensité, l'effet chimique peut être consi- déré comme proportionnel à celte intensité; mais, passé ce degré, la réduction d'acide carbonique n'augmente plus. Avant d'interpréter ces faits, Timiriazeff cherche à montrer qu'il n'y à rien de paradoxal dans le pouvoir que possède la feuille de réaliser à la tem- pérature ordinaire une dissocialion qui ne peut être réalisée dans les laboratoires qu'à de très hautes températures. Il insiste sur le rôle joué par la très faible épaisseur de la couche de chlorophylle qui revêt lechloroleuciteetqu'ilévalue à 1/10 de micron. Il rappelle que l'on a calculé qu'une feuille de pla- line de 1/500 de millimètre d'épaisseur pourrait être fondue par la simple exposition à la lumière du soleil, si lon supprimait le rayonnement, ei que l'on augmente la sensibilité des appareils thermo- scopiques actuels en diminuant l'épaisseur des par- ties métalliques absorbantes. S'appuyant, d'un côté, sur les données fournies par la Physique et rela- tives à la mesure de l'énergie totale de la radiation et de la fraction de cette énergie correspondant au spectre d'absorption d'un ehloroleucite unique, et, de l’autre, sur l'épaisseur de la couche de chloro- phylle qui revèt ce chloroleucite, Timiriazeff n'hé- site pas à évaluer ax chiffre énorme de 6.000° l'équi- valent thermométrique de l'énergie calorifique accumulée par minute dans la pellicule de chloro- phylle, s'il n'y à pas de rayonnement. Bien entendu, il ne saurait êlre question, dans la feuille, de ces hautes températures, et ce n’est là qu'une image bien faite pour donner l'idée de l'énergie calori- fique accumulée en si peu de temps dans un organe si menu et pour montrer l'analogie du travail de la feuille et de la dissocialion de l'acide carbonique, Timiriazeff croit réalisée dans les laboratoires. 874 F. PÉCHOUTRE — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE plutôt (mais celte opinion n'est pas admise par tous les physiologistes) que l'énergie lumineuse se transforme directement en énergie chimique, sans passer par le stade intermédiaire de chaleur. En l'absence d'acide carbonique, l'énergie radiante, ne pouvant plus être transformée en travail chi- mique, est employée sous forme de chaleur par la chlorovaporisation. Peut-on expliquer maintenant pourquoi il n'y a pas proportionnalité entre l'accroissement de l'in- tensité lumineuse et l'accroissement de l'assimila- ion par la feuille? Timiriazeff, s'appuyant sur la ressemblance des courbes de réduction de l'acide carbonique par la feuille et des courbes de disso- cialion de l’acide carbonique, telles qu'elles ont été établies par Le Chatelier, avance que celte simili- tude provient de la même cause : au moment où la réduction de l'acide carbonique cesse de s’accroitre, malgré l'accroissement de l'intensité lumineuse, la tempéralure dans la pellicule de chlorophylle, ou, pour parler plus correctement, l'énergie aceumulée dans le chloroleucite est si élevée que la dissocia- tion de l'acide carbonique est complète. À partir de ce moment, un accroissement d'intensité est sans profit et la courbe reste parallèle aux abscisses. L'énergie non employée dans la réduction du gaz carbonique est utilisée par la chlorovaporisation, que l’on sait être complémentaire de l'assimilation. Ces considérations amènent Timiriazeff à discuter la valeur des tentatives faites pour obtenir la réduc- tion de l'acide carbonique par des solutions de chlorophylle, en dehors de l'organisme vivant. Récemment, en effet, Friedel ‘ a annoncé la possi- bililé d’une réduction, post mortem, de l'acide car- bonique. Cet auteur prépare d’un côté un extrait glycériné de feuilles vivantes, de l’autre une poudre verte de feuilles séchées et broyées, additionnée d'eau glycérinée. À la lumière, ces liquides ne donnent lieu séparément à aucune réduction ; mais, dès qu'on les mélange, on constate nettement un dégagement d'oxygène. Friedel en conclut que la réduction de l'acide carbonique est accomplie, sans intervention de la matière vivante, par une diastase qui ulilise l'énergie des rayons solaires, la chloro- phylle fonctionnant comme sensibilisateur. Mac- chiati® confirme absolument les vues de Friedel. Mais de nouvelles expériences, faites en automne, 1 FHIEDEL : ? Maccurar: : 1903. C. R., t. CXXXII, p. 1438-1141, 1902. Bull. Soc. Bot. Ital., 1901 et C. R., t. CXXXV, ne donnèrent aucun résultat précis à Friedel ‘, q attribua son insuccès à l'influence de la saison su l'affaiblissement des processus chlorophyllien Harroy” et Herzog”, qui ont répété les expériences, de Friede], n’ont obtenu aucune réduêtion de l’ acide carbonique. Ces résultats sont si contradictoires qu'il est impossible de formuler une conclusion sur celle question importante, puisque toute une ée de botanistes proclame la nécessité de l'interven: ion du stroma proloplasmique du chloroleucite dans l'assimilation chlorophyllienne. Si Friede alténue la gravité de ses conclusions en fais intervenir une enzyme sécrétée par l'organist vivant, il faudrait commencer par asseoir sur de bases plus solides la réalité de cette enzyme. Timiriazeff ne croit pas que ces expériences puis sent donner la solution cherchée, parce qu'elles sont faites dans des conditions trop diflérentes dé celles qui sont réalisées dans le chloroleucite. La chlorophylle, dans la mince couche qui envelopp le leucite, est à un degré de concentration si élevé qu'elle est pratiquement noire. Si l'on prend pour unité la concentration d'une solution d'un centi- mètre d'épaisseur présentant la couleur vert éme” raude et donnant le spectre caractéristique d'ab- sorption, on arrive à ce résultat inattendu que 1 concentration à l'état naturel est quatre mille fois plus grande; la chlorophylle est presque à à l'état solide. Les expérimentateurs se placent donc dans les conditions d'un physicien qui, pour mesurer l'absorption de la lumière par le noir de fumée, emploierait un mélange contenant une partie de noir de fumée et 4.000 parties d'oxyde de zinc. Dans les solutions employées jusqu'à ce jour, la quantité d'énergie concentrée dans la pellicule si menue du chloroplaste est distribuée dans une masse liquide des milliers de fois plus épaisse. Timiriazeff ne pense pas qu'une expérience faite avec une solution de chlorophylle à un très haut degré de concentration puisse donner un résultat positif; mais la chose est possible. Si la chlorophylle agit comme sensibilisateur sur le chlorure et le bromure d'argent, pourquoi perdrait-elle son pou- voir lorsqu'il s’agit de l'acide carbonique? Les dif- férences sont quantitatives, mais non qualitatives. F. Péchoutre, Professeur au Lycée Louis-le-Grand. 1 FRrepeL : C. R., L. CXXXIII, p. 840-841, 1902. SHARROVE LCR. tiCXXXIITS p. 890-891, 1902. * HerzoG : Zeitsch. f. physiol. Chemie, 1902. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX ANALYSES 4° Sciences mathématiques _Laussedat (Colonel A.), Membre de l'Institut, Direc- 3 4 teur honoraire du Conservatoire national des Arts et Métiers. — Recherches sur les Instruments, les Méthodes et le Dessin topographiques. Zome 11, Seconde partie : Développement et progrès de la Métrophotographie. — 1 vol. in-8° de 287 pages, avec 111 figures et 18 planches (Prix : 13 fr.) Gau- thier- Villars, éditeur. Paris, 1904. La Zevue à analysé, au moment de leur apparition, le tome I et la première partie du tome Il de cet important ouvrage ‘, que le présent fascicule vient heu- reusement terminer. Aujourd'hui, nous allons passer en revue les progrès de la Métrophotographie depuis 1871 jusqu à nos Jours, et nous constaterons mélanco- liquement, avec son savant promoteur, que cette mé- thode, née en France, s'emploie surtout à l'Etranger. En particulier, un architecte allemand, le D' Meyden- bauer, répéta, de 1866 à 1870, les expériences du colonel Laussedat, et la photogrammétrie (nom par lequel les auteurs d'outre-Rhin désignèrent le nou- veau procédé) joua un certain rôle aux sièges de Strasbourg et de Paris. Dès 1863, le major Porro atti- rait l'attention des topographes italiens sur le secours que la photographie pouvait apporter à la Géodésie ; mais ce fut seulement en 1875 qu'un jeune officier d'état-major, M. Manzi Michele, en se servant d'une chambre noire ordinaire, entreprit le premier, en Italie, de faire des levers topographiques. Puis, le général Ferrero s intéressa à la question, et, grâce à l'initiative persévérante de l'ingénieur Paganini Pio, qui ne cesse, depuis plus de vingt ans, d'améliorer la construction et l'emploi des instruments, la méthode phototopographique se maintient honorablement de l'autre côté des Alpes. Les premières reconnaissances de terrains effectuées en Autriche-Hongrie, au moyen de la photographie, ne datent que de 18X7; mais, après les travaux décisifs exécutés dans la région de l'Arlberg (Tyrol), par les chemins de fer de l'Etat, sous la direc- tion de Vincenz Pollack, les Professeurs Steiner et Franz Schiffner, le colonel baron Hübl et bolezal perfection- nèrent beaucoup les instruments ou proposèrent d'élé- gantes solutions de divers problèmes de photogram- métrie. Aux Etats-Unis, le lieutenant Henry-A. Reed répandait les principes de la méthode parmi les élèves de l'Ecole Militaire de West-Point et publiait même un intéressant ouvrage : Photography applied to Surveyiny (4888), tandis qu'au Canada, l'arpenteur général, M. le capitaine E. Deville, popularisait la métrophotographie en l’introduisant dans son service et en imaginant des procédés d'exécution qui en accroissaient notablement la rapidité et l'exactitude. En Suisse, cependant, malgré les efforts de l'ingé- nieur S. Simon, qui, grâce à la prise de deux mille photographies, put exécuter un magnilique relief du massif de la Jungfrau (1889), le Bureau topographique fédéral, après expériences comparatives de lever d'un même terrain, en se servant successivement de la plan- chette et de la chambre noire, conelut en faveur du premier appareil. Espérons que ce jugement ne sera pas sans appel! En Russie, au contraire, le Gouverne- ment chargea M. Thilé d'entreprendre, par la méthode photogrammétrique, des levers d'une grande étendue pour les études de chemins de fer dans la Transbaiï- 1 Revue générale des Sciences, &. X (1899), p. 6317-38; t. XII (1901), p. 811. 875 BIBLIOGRAPHIE ET INDEX kalie, la Transcaucasie et jusqu'en Perse. En Angle- terre, bien que le lieutenant-colonel J. Baïllie ait pré- conisé, dès 1869, l'emploi de la photographie dans les reconnaissances militaires, les applications de la chambre noire à des levers réguliers de plans sem- blent jusqu ici peu importantes. En Espagne, on s'intére à la phototopographie depuis longtemps, puisqu'en 1862 l'Académie des Sciences de Madrid mettait au concours cette ques- tion : « Quel est le meilleur procédé à employer pour appliquer la photographie au lever des plans », et qu'on décernait le prix au Mémoire envoyé par M. Laussedat. Puis, le lieutenant-colonel don Pedro de Zea, l'ingé- nieur des mines don Juan Pié y Allué, et surtout MM. Ciriaco de Iriarte et Leandro Navarro, par leur remarquable Topogratia fotoyralica (1899), montrèrent à leurs compatriotes les fréquentes occasions qu'ils auraient d'utiliser avantageusement ces méthodes dans un pays accidenté comme l'Espagne. Pendant qu'à l'Etranger s'accomplissait cet utile labeur, la France restait presque indifférente sous ce rapport. loutefois, le D' Gustave Le Bon, chargé d'une exploration archéologique des monuments de l'Inde. fit preuve d'initiative au milieu de l’apathie générale. Dans ses Levers photographiques (1889), il décrivit une série de procédés ingénieux permettant aux voyageurs d'obtenir des photographies de monuments, susceptibles de mensurations identiques à celles qu'on effectuerait sur les monuments eux-mêmes. Quelques années plus tard, le commandant V.Legros publiait ses £lements de Photogrammétrie. De leur côté, Joseph et Henri Vallot dressaient la carte du Mont-Blanc, en se servant d’abord de la planchette pour la zone située au-dessous de 2,000 mètres; mais ils durent recourir à des vues pano- ramiques pour « rétablir sur le plan la continuité de la nature ». En dépit de ces succès, la Métrophotogra- phie n'a pas encore obtenu en France ses lettres de grande naturalisation, car « elle exige, comme le cons- tate justement E. Deville, non seulement lexpérience, mais encore l’ensemble des qualités qui font un topo- graphe accompli; elle ne lui met rien devant les yeux qui lui montre les progrès du lever et les lacunes qui peuvent exister. Il n’a d’autres documents que ses pla- ques non révélées; chaque fois qu'il en expose une, il doit se rendre compte de ce qu'elle peut fournir, des données qu'il y puisera, des constructions qu'il emploiera, des autres vues qui sont nécessaires et de la manière dont elles se combineront ensemble. Tousles topographes n'ont pas ces talents, et cependant ils sont indispensables ». Le colonel Laussedat examine ensuite les méthodes et les instruments de dessin, en signalant surtout les innovations proposées, telles que la /rrrègle de Nichol- son, qui facilite les constructions graphiques, les pers- pectographes de Hauck, de Hermann Ritter, et le pers- pecteur de Ch. von Ziegler, destinés à la transformation des figures. Enfin, l'érudit académicien traite des recon- naissances téléphotographiques, c'est-à-dire faites de stations plus ou moins éloignées, et termine par quelques notes additionnelles sur la photographie en ballon ou par cerf-volant et sur l'application de la stéréoscopie à la construction des plans. Tel est l’ensemble des matières traitées de main de maître par le colonel Laussedat dans ces dernières pages. En reprenant « au déclin de sa vie » une étude « qui avait été l’une des plus attrayantes de sa jeunesse », il a pu constater, une fois de plus, la justesse du pro- verbe : Nul n’est prophète en son pays! D'ailleurs, les succès que ses inventions remportent en dehors des 876 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX petites chapelles de sa patrie ne suffisent-ils pas à con- soler le savant géodésien de ses déboires ? JacouEs BOYER. 2° Sciences physiques Dallmeyer (Thomas R.), Président de la Royal Pho- tographie Sociery. — Le Téléobjectif et la Télé- photographie. Traduction française augmentée d'un appendice bibliographique par L.-P. Cuerc. — 1 vol. in-8° de x1-110 pages avec 5 fig. et A1 pl. (Prix : 6 fr.). Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1904. Ce petit traité nous semble bien fait. La manière dont la théorie, les exemples numériques et les photo- craphies se complètent pour faire ressortir les cas dans lesquels le téléobjectif est plus avantageux que l'objectif ordinaire est tout à fait heureuse. Deux pages seulement sont consacrées au téléoh- jectif à amplificateur convergent, cet instrument étant peu utilisé à cause de sa longueur considérable. Le téléobjectif à amplificateur divergent est, par contre, très complètement étudié. Le premier chapitre donne les formules nécessaires pour calculer les constantes de l'instrument, notamment son foyer et son tirage. A foyer égal, le téléobjectif jouit d'un tirage beaucoup plus court. C’est là, comme on sait, son avantage principal. Dans le second chapitre, la clarté sur l'axe, sa dimi- nution vers les bords, la diffraction, la surface cou- verte, la distorsion, la perspective et la profondeur du champs sont examinées. Le troisième et dernier chapitre s'occupe des appli- cations du téléobjectif. Parmi les illustrations instruc- tives qui ornent ce chapitre, nous ne citerons que les deux photographies d’un canard sauvage prises à une distance de vingt mètres, l'une avec un objectif ordi- naire, l’autre avec un téléobjectif. Un appendice biblio- graphique, donnant un résumé des principaux ouvrages sur la matière, termine la brochure. Le traducteur nous apprend qu'il n’a pas reproduit la théorie des lentilles qui servait d'introduction à l'ouvrage anglais. À notre avis, il a eu raison; mais il aurait peut être dû fournir quelques explications supplé- mentaires sur certaines parties de l'Optique peu con- nues en France, notamment sur la théorie de la pers- pective. Pour cette théorie, M Dallmeyer s'est appuyé sur les publications récentes de M. von Rohr; mais son exposition est peut-être moins claire dans ce chapitre que dans les autres, et nous craignons que le lecteur peu familiarisé avec la théorie du savant allemand m'arrive pas à s'en former une idée bien nette en lisant l'ouvrage de M. Dallmeyer. P. Curuann. Marquis (R.), Préparateur à la Faculté des Sciences. — Recherches dans la série du Furfurane (Thèse présentée à la Faculté des Sciences de l'Université de Paris), — 1 vol. in-8° de 80 pages. Gauthier-Vil- lars et Cie, éditeurs. Paris, 1904. Le travail de M. Marquis est un des plus intéressants parmi tous ceux qui ont trait à l'histoire de la série du furfurane ; c'est, pour ainsi dire, un chapitre classique qu'il va falloir ajouter à l'étude de ce groupe de corps. Et le travail est d'autant plus méritoire que M. Marquis a obtenu non seulement une nouvelle série de corps, mais que sa thèse comporte des conclusions théoriques, fait que les thèses en général ne montrent jamais; car les corps en eux-mêmes n'ont rien d'intéressant; les idées seules qui font avancer la science le sont. L'idée directrice du travail de M. Marquis était de préparer l'amino-furfurane pour comparer ce corps aux amines grasses et aromatiques. Félicitons M. Marquis de n'avoir point atteint ce but, car nous n'aurions eu très probablement que lénumération banale d'une quantité de dérivés plus ou moins cristallisés à ajouter à la longue et inutile liste des corps nouveaux. Ayant donc manqué le but, M. Marquis à obtenu, au lieu et place de ce qu'il voulait, quelque chose de bien plus» intéressant. La nitration du furfurane provoque une réaction dont on connaît des analogues, d’ailleurs : celle de la rupture du noyau, et l’on obtient le corps : AzO®.C = CH — OH | C = CH — 0.C0.CH*, L'action de la pyridine amène le départ d'acide acé- tique avec fermeture de la chaine et production de nitrofurfurane. Le composé primitif, traité dans des conditions parti=. culières par l’eau, l'hydroxylamine, la phénylhydrazine, se transforme en dialdéhyde maléique ou en dérivés de cette dialdéhyde. C'est un nouvel exemple du passage” d'un noyau furfuranique à la chaîne longue. Bien plus, si l’on traite la dialdéhyde maléique (ou, plus exacte= ment, la nitroacétine correspondante) par l'hydrazine, on obtient une base bien connue, l’o-diazine : CHO CH CARONS CI AzII? CH A7 1. + 1 = Iran ar; CH AH? CHAT Na CHO CH Celle-ci, hydrogénée par le sodium et l'alcool, se transforme en tétraméthylène-diamine, ce qui fournit un moyen de passage du noyau furfuranique à la série. succinique. La réduction du nitrofurfurane ne donne pas trace du dérivé aminé cherché. Par contre, le nitropyromu- cate d'éthyle, qui s'obtient exactement comme le nitro- furfurane, est susceptible de se transformer en amino- pyromucate : et celui-ci en acétylfurfuranamide : - CH — C — AzH.CO.CHS. La base libre n'a pu être obtenue dans aucun cas, vu son instabilité. M. Marquis déduit fort justement des remarques précédentes que le noyau furfuranique est d'autant plus stable qu'il est plus substitué par des ra- dicaux électro-négatifs. G. BLawc, Docteur ès sciences. 3° Sciences naturelles Van den Broeck (Ern.), Secrétaire général de la Société belge de Géologie. — L'étude des Eaux courantes souterraines par l'emploi des matières colorantes (fluorescéine). — 1 vol. (Prix : 5 fr.). Société belge de Géologie, Bruxelles, 1904. Depuis 1878, environ, l’on se sert de la fluorescéine pour étudier les communications qui existent entre les eaux superlicielles et les sources. Avant cette époque, on employait principalement le sel marin ou les sels de fer, qu'il était très facile de déceler à l'analyse. La fluo- rescéine possède cet avantage d'avoir un très grand pouvoir colorant et d'être facilement reconnue dans un tube en cristal d'un mètre, fermé à sa base par un bouchon noirci : le fluorescope de M. Trillat. Dans sa séance du 6 avril 1903, l'Académie des Sciences recut une Note de MM. E. Fournier et Magnin: « Sur la vitesse d'écoulement des eaux souterraines », dans laquelle se trouvait l'énoncé de faits nouveaux. Quelques-uns, à première vue, parurent contestables : de ce nombre étaient ceux qui ont donné lieu, devant BIBLIOGRAPAIE — ANALYSES ET INDEX 877 _ — la Société belge de Géologie, de Paléontologie et d'Hy- drologie, à la longue discussion que nous analysons. D'après ces auteurs, la fluorescéine serait, de toutes les Substances employées pour déterminer la vitesse des éaux souterraines, celle qui s'achemine le moins vite. Le sel marin, l’'amidon, les matières en suspension, auraient, dans la nappe souterraine, des vitesses deux à trois fois plus grandes que la matière colorante pré- éédemment citée. Ces faits se trouvaient en désaccord avec les lois de l'Iydraulique, car une substance s0- luble, comme la fluorescéine, doit faire partie inté- grante de l’eau et ressortir aux sources avec la même vitesse que celle-ci. Sur l'initiative de son savant secrétaire général, M. Van den Broeck, la Société belge de Géologie ouvrit immédiatement une importante discussion sur cette Note et sur l'emploi des substances colorantes dans les études d'Hydrologie souterraine. Le petit fascicule qui vient de paraitre renferme les Notes de tous les spécia- listes, même étrangers à la Société, qui se sont em- pressés de répondre à l'appel de M. Van den Broeck. Comme ces débats furent très confus, la Société nomma à la fin un Comité chargé de faire un résumé synthé- tique de cette question, résumé qui termine le fas- cicule. La lecture de celui-ci est fort intéressante. On y trouve toutes les précautions qu'on doit prendre dans ces expériences délicates, et le lecteur pourra se rendre compte de la prudence nécessaire quand il s'agit de conclure. Quelques hydrologues se sont mis à revérilier certaines lois de la propagation de l’eau dans les tuyaux ouverts, au moyen de la fluorescéine, et, de leurs résul- tats, on déduit que, jusqu'à présent, il n’est pas établi que la fluorescéine s'écoule moins vite que l'eau à la- quelle on l’incorpore. Puis chacun chercha à expliquer les conclusions de MM. Fournier et Magnin. Ici la discussion est bien dif- fuse ; il résulte toutefois des expériences que l’on peut expliquer les retards constatés par MM. Fournier et Magnin de deux facons distinctes : 4° Les expériences ont été faites avec différentes substances, mais à des époques différentes, et l'on sait expérimentalement maintenant, en dehors de toute hypothèse, que le régime hydrologique souterrain est très variable. Une expérience positive peut être néga- tive, si on la répète quinze jours après. Or, MM. Ma- gnin et Fournier n'ayant pas fait, au même endroit et simultanément, des expériences avec différentes subs- tances, leurs conclusions, à ce sujet, sont caduques; 20 Pour des causes très diverses, qui sont exposées dans plusieurs Notes publiées dans ce fascicule, les moyens dont nous disposons pour déceler les réactifs sont encore bien imparfaits. Si les premières portions arrivent trop diluées à la source, elles peuvent passer inaperçues, d'où retard de vision, mais non d'appari- tion. Toute cette discussion n'est pas close; elle demande à être approfondie en utilisant tous les moyens dont l'hydrologue dispose pour ces’études. Îl eût été désirable que la Société belge de Géologie, au lieu d'entamer immédiatement une discussion aussi étendue, posàt la question d'une facon nette pour pro- voquer des recherches qui auraient été discutées dans un ou deux ans. Souvenons-nous que cette méthode à déjà donné des résultats. Pasteur réalisa ses magni- fiques découvertes en cherchant à se faire une idée exacte de ce qu'on entendait par génération spontanée, à la suite d'une question posée par FAcadémie des Sciences, qui se trouvait en présence de faits contra- dictoires. La question, ici, apparait moins vaste; mais l'intérêt hygiénique en est très grand et mérite latten- tion de tous. Tel qu'il est, le fascicule de M. Van den Broeck est extrèmement utile et doit être dans les mains de tous ceux appelés à employer la fluorescéine : il leur ser- vira de vade mecum unique en son genre. Ils trouve- ront dans ce petit livre un grand nombre de faits iné- dits qu'ils chercheraient vainement autre part; aussi nous n'hésitons pas à le leur recommander très vive- ment. F. DIENERT, Chef du Service local de surveillance des sources de la Ville de Paris pour les régions de l'Avre, du Loing et du Lunain. Palacios (G. Delgado), Professeur à l'Université de Caracas. — Contribucion al estudio del Cafe en Venezuela (CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DU CAFÉ AU VENE- zuELA). — 4 vol, in-8° de 96 pages. Imprimerie El Cojo, Caracas. Le café constitue la principale source de richesses du Vénézuéla; il forme, de beaucoup, la partie la plus im- portante de ses exportations. L'amélioration de la culture du caféier est donc, pour ce pays, une question essentielle, et c’est ce qui a engagé un éminent profes- seur de l'Université de Caracas, M. G. D. Palacios, formé d'ailleurs à l'Ecole scientifique francaise, à pour- suivre depuis de nombreuses années l'étude du déve- loppement de cet arbuste. Un fait domine la culture de la plante : les Jeunes pousses de caféier, cultivées au Vénézuéla à l'ombre de grands arbres de la famille des Légumineuses, voient bientôt leur racine primaire profonde s’atrophier, pour être remplacée dans ses fonctions par un réseau de ra- cines latérales superficielles. L'existence de ce phéno- mène, d'abord contesté, a été définitivement établie par l’auteur. L'ombrage a une grande importance pour la culture du caféier : il augmente l'humidité relative de Pair, di- minue sa température, retarde le dessèchement du terrain, en un mot transforme favorablement les con- ditions climatériques ambiantes. Mais il à un autre avantage. Les arbres ombrageants, constitués presque uniquement par des Légumineuses, fixent une partie de l'azote atmosphérique et accumulent, principalement dans leurs feuilles, une grande quantité de matières fertilisantes. Les feuilles forment en tombant d'épaisses couches qui, en se décomposant, enrichissent la partie superficielle du terrain et contribuent puissamment à la nutrition du café par ses racines superficielles. L’au- teur à reconnu, par de nombreuses analyses, que la quantité de principes fertilisants ainsi ramenés au sol est de six à douze fois supérieure à celle que le caféier lui enlève pour la production de ses graines. Il ÿ a lieu toutefois, pour faciliter la décomposition intégrale des feuilles, d’ajéuter au sol une certaine proportion de calcaire. L'ouvrage se termine par des considérations écono- miques et le calcul des frais de culture, de cueillette et de préparation du café. Le livre a plus qu’une portée locale : c’est une très importante contribution générale àl'étude du café, dont les agriculteurs d'autres pays pourront tirer parti. L. B. Lowenthal (N.). — Professeur d'Histologie à lUni- versité de Lausanne. — Atlas zur vergleichenden Histologie der Wirbeltieren nebst erlaüterndem Texte. — 1 vol. in-4° avec 51 planches renfermant 318 figures (Prix : 45 fr.). S. Karger, éditeur, Ber- lin, 1904. Cet atlas a été composé d'après les préparations per- sonnelles de l’auteur, qui en a dessiné les tigures. Les légendes très détaillées annexées aux planches sont plus qu'une simple explication de figures et forment un véritable texte explicatif. L'atlas se rapporte prin- cipalement à l’histologie générale des tissus, et il y est peu question de l'histologie spéciale des organes. Les figures sont dessinées avec le plus grandsoin et ont un air de sincérité histologique très remarquable; elles auraient gagné à être plus accentuées au tirage. L'atlas de M. Lüwenthal rendra certainement de très grands services et sera consulté avec prolit. A. PRENANT, Professeur à l'Université de Nancy. 878 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 4 Sciences médicales Laveran (A.), Membre de l'Institut, membre de l'Aca- démie de Médecine. — Prophylaxie du Paludisme. — 1 vol. 1n-16 de 210 pages de l'Encyclopédie seien- tifique des Aide- -mémoire (Prix : broché, 2 fr. 50: cartonné, 3 {r.). Masson et Cie, éditeurs, Paris, 1904. Un livre de M. Laveran sur le paludisme n'a nul besoin d’être présenté et encore moins d'être recom- mandé. Celui qu'il publie aujourd'hui renferme, sous un petit volume, un résumé extrêmement clair et pré- cis de nos connaissances sur la prophylaxie du ter- rible fléau de la zone tropicale. Une première partie traite des bases scientifiques de cette prophylaxie. Elles sont, à l'heure actuelle, soli- dement et, on peut dire, définitivement assises : l’hé- matozoaire de Laveran a pour second hôte un mous- tique du groupe Anopheles; les Anophèles sont les agents de la propagation de la maladie, et il est très probable que la propagation se fait toujours par cette vole. Une deuxième partie traite en détail des mesures, nombreuses et variées, efficaces pour se défendre contre le paludisme. On peut les résumer ainsi : « Détruire les moustiques quand cela est possible, se protéger en fous cas contre leurs piqüres, employer largement la quinine pour prévenir l'infection où pour la guérir quand elle existe. Suivant les circonstances, suivant les conditions particulières aux localités et aux individus qu'il s'agira de protéger, conditions qui devront toujours être étudiées avec beaucoup de soin, telle ou telle des mesures prendra plus ou moins d'importance ». Nulle lecture ne peut être d'une plus grande utilité à celui qui va en pays palustre, et principalement dans une contrée tropicale. Il y puisera les règles de son hygiène individuelle et, s’il a charge d’âmes, il saura en faire profiter tous ceux sur qui s'étend son action, et en particulier les indigènes. À cet égard, le livre de Laveran peut et doit rendre les plus grands services dans toutes nos colonies. On ne peut que s Cine devant les faits scientifiques, surtout exposés avec une aussi haute autorité; on serait coupable de se refuser à en appliquer les conséquences pratiques. Ce livre doit être aussi recommandé pour celles de nos colonies insulaires que le paludisme épargne, mais qui sont décimées par la filariose. On pourra encore y puiser les règles de la prophylaxie contre la fièvre jaune. En un mot, il sera un guide indispensable par- tout où : Guerre aux moustiques ! doit être le premier article du code d'hygiène générale. Cette guerre a donné à Cuba et donne en ce moment même à Rio-de- Janeiro de trop brillants résultats contre la fièvre jaune; elle a fourni en maints pays des résultats anti- palustres trop encourageants pour qu'elle ne se géné- ralise pas partout où sévissent les maladies propagées par les moustiques. La Prophylaxie du Paludisme con- tribuera puissamment à vaincre les résistances et à avoir raison de l’apathie, si compréhensible, mais aussi si pernicieuse en pays tropical. F. MEsxiz. Chef de Laboratoire à l'Institut Pasteur. Morache (G.), Professeur de Médecine légale à la Faculté de Médecine de Bordeaux. — Naissance et Mort. Etudes de Socio-biologie et de Médecine lé- gale. — 1 vol. in-16 (Prix : 4 fr.). F. Alcan, édi- teur. Paris, 1904. En analysant, il y a deux ans, le livre de M. Morache sur le Mariage, nous avons indiqué la manière très per- sonnelle et éminemment instructive dont le savant professeur de Bordeaux expose les sujets qu'il a à traiter. Nous pouvons en dire autant du livre qu'il vient de publier sur la Naissance et la Mort. Dans ce livre, il a tenté de rapprocher la naissance de la mort, d'en faire comme les deux pôles de notre existence, Pour remplir ce programme, il a été obligé de rompre avec les facons classiques et d'éclairer son sujet par des faits tirés de l'Histoire, de l'Anthropolo- gie et de la Sociologie. Cela étant, son livre, tout en s'adressant plus particulièrement aux médecins, peut certainement intéresser et instruire le grand public. C'est ainsi que, dansle premier € chapitre, consacré au nouveau-né, M. Morache étudie successivement l’ata- visme ef l'hérédité, l'instinct maternel, l'éducation dans la famille. Et si, redevenant professeur de Médecine légale, M. Morache nous expose les signes de viabilité, le cri initial, l’état de la peau et des le sociologue reparaît aussitôt dans les chapitres con= sacrés à l’adultère et au désaveu, à la psychicité des bätards, à la recherche de la paternité, etc. Je ne puis mn ’empècher de signaler ici d’une facon très particulière l'étude de M. Morache sur origine des noms propres. La partie du livre consacrée à l'étude de la mort est tout autant instructive et non moins intéressante, puisque M. Morache nous documente très solidement sur la crainte de la mort, sur l’état mental des agoni- sants, sur la disparition de l'individualité biologique, etc. L'esprit de ce livre est fort curieux et Lémoigne d’une très grande largeur d'esprit chez l'auteur. « Nous avons cherché, écrit-il, à toujours rapprocher les ques- tions biologiques des questions d'ordre social et philoso- phique. C’est ainsi que, à propos de Naissance el Mort, phénomènes biologiques, corrélatifs et presque simi- laires, nous avons pu entrevoir ce but, prochain peut- être : la Science et la Foi, enfin réconciliées de leur apparentes divergences, marchant d'accord, dans de communes conceptions, vers un idéal également pour- suivi, la vérité, l'Immanente Vérité. » Dr R. Roue. Préparateur à la Facullé de Médecine de Paris. 5° Sciences diverses Lubac (Em.), professeur agrégé de Philosophie au Lycée de Constantine. — Esquisse d’un système de Psychologie rationnelle (/’réface de M. H. BERGSON, membre de l'Institut, prolesseur au Collège de France). 1 vol. in-8° de xvi-248 pages. (Prix : 3 fr. T5). F. Alcan, éditeur, Paris, 1904. Il serait injuste de se montrer trop sévère pour ces lecons d'un jeune professeur qui, vivement épris des idées de M. Bergson, semble avoir voulu les adapter à l'esprit de ses élèves. Mais il faut bien reconnaitre que son livre n’ajoute rien à la doctrine exposée dans l’£s- sai sur les données inmmediates de la conscience et dans Matière et Mémoire. C'est le résumé d’un cours inté- ressant et suggestif, mais ce n’est pas une œuvre qui permette de juger son auteur. On ne peut pas même dire que cet ouvrage démontre la fécondité de la mé- thode « intuitive » et rationnelle que l’auteur, ainsi que son maître, oppose à la méthode expérimentale : l’es- pace restreint dont il disposait pour traiter toutes les questions psychologiques ne lui à pas permis de déve- lopper toutes ses idées. Pour la même raison, et aussi pour une raison d'ordre pédagogique dont la valeur est très contestable, M. Lubac à réduit, sinon supprimé, la discussion des thèses contraires à la sienne. Il nous semble que cette discussion est indispensable si lon veut développer l'esprit critique, c’est-à-dire l'esprit philosophique des élèves. M. Lubac voudrait-il donc prècher comme un dogme l'orthodoxie bergsonienne ? Assurément non. Lui-mème n'adopte pas toutes les thèses de son maître : par exemple, il refuse d'admettre avec lui l'existence de phénomènes psychologiques in- conscients, au risque de rendre fort difficile lexpli- cation de la mémoire. Mais le cas est exceptionnel: très modestement, il se borne, en général, à classer, selon ne rubriques du programme scolaire, les idées de I. Bergson; il est le Wolf de ce nouveau Leibnitz. PauL LAPIE, Chargé de cours à la Facullé des Lettres de Bordeaux. | viscères, etc. Cm nt a #4 à * “sr ” ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 879 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 29 Août 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F. Riesz commu- nique ses recherches sur la résolution approchée de certaines congruences. — M. H. Perrotin a observé les chutes de Perséides, du 9 au 14 août, à lObserva- toire du mont Mounier. Elles ont été particulièrement “nombreuses, avec un maximum dans la nuit du 41 au 12, entre 1 h. et 3 h. du matin. 90 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Ariès démontre, en partant de la théorie des solutions diluées, la loi de la constance de l’abaissement moléculaire du point de congélation, énoncée d'abord par Raoult comme résultat empirique de ses recherches expérimentales. — M. Roche a observé un coup de foudre globulaire à “Autun le 16 juillet; il semble que le paratonnerre soit Sans action sur celle-ci. — M. G. Friedel expose une théorie des macles qui découle de l'explication donnée par Mallard des macles par mériédrie. — M. Balland a constaté que les altérations des farines sont enrayées par le froid et que ces denrées pourraient être parfar- “tement conservées dans des frigoriliques aménagés de “facon à éviter leur hydratation. 30 SciENCES NATURELLES. — M. H. Ricome a reconnu que le passage de la racine à la tige chez l’Auricule est un raccord établi secondairement, raccord qui s’effec- tue de facon différente suivant les circonstances. La tige s'édilie manifestement par la concrescence des feuilles. — MM. P. Mazé et A. Perrier ont constaté que les plantes vertes sont capables d’assimiler les sucres, comme les champignons et les microbes. 0 Séance du 5 Septembre 1904. 19 SCIENCES PHYSIQUES. — M. K. R. Johnson présente un interrupteur à vapeur agissant par l'effet de l'échauf- fement Joule. — M. G. Friedel poursuit l'exposé de sa théorie des macles. — M. P. Lemoult à constaté que l'iodure mercurique dissous dans l’eau en présence de KI constitue un réactif très sensible pour déceler la présence des trois gaz PH*, AsH*, SbH*, qui le rédui- Sent. Il se forme de suite un précipité cristallin très caractéristique, jaune orangé, brun clair ou brun noir. — M. À. Valeur a reconnu que le corps obtenu par MM. Dilthey et Last dans l'action de l'oxalate de mé- thyle sur le bromure de phényl-magnésium est la ben z0pinacone, et non pas la f-benzopinacoline. — M. M. Tiffeneau a réalisé la synthèse de l’estragol en faisant agir le bromure d'allyle sur le bromure de p-anisyl- magnésium. 20 SCIENCES NATURELLES. — M. J. Dauphin à observé, chez le Mortirella polycephala, que le glucose, le Iévu- lose et le galactose favorisent l'apparition des spo- ranges et provoquent la formation des œufs; le lactose et le saccharose donnent seulement des sporanges el des chlamydospores; la maltose et la mannite donnent uniquement des chlamydospores. — M. N. Vaschide à constaté qu'il existe un rapport extrèmement étroit entre la sensibilité tactile et la circulation sanguine. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 28 Juillet 1904. M. Em. Fischer présente une communication sur la synthèse des polypeptides. Après avoir décrit les nou- velles méthodes ayant conduit à la synthèse de ces matières, l’auteur fait remarquer leurs grandes analo- gies avec les peptones naturelles, au point de vue des réactions chimiques aussi bien que pour les phéno- mènes qu'ils présentent vis-à-vis des ferments. — M. H. Warburg rend compte des expériences que M. Lilien- feld vient de faire, dans son laboratoire, sur l'analyse spectrale de l’argon. C’est un fait bien connu que la sensibilité au point de vue de l'analyse spectrale n’est point diminuée par la présence de substances étrangères dans le cas des métaux légers, tandis que l'azote, l'hydrogène, l’argon, l’hélium, etc., présentent des phénomènes nettement différents sous ce rapport; ainsi la vapeur de mercure, même dans des propor- tions peu considérables, suffit à diminuer dans une mesure notable l'éclat des spectres de l'azote et de l'hydrogène, et même à les faire disparaître. Or, d'après les recherches de M. Lilienfeld, la sensibilité de mélanges pareils, par rapport à l'analyse spectrale, peut être accrue dans une grande mesure en employant, au lieu des effluves, d’autres formes de décharge élec- trique. C’est ainsi qu'un circuit oscillatoire ordinaire, comprenant une capacité et une self-induction d'une grandeur convenable, a pu être employé, un tube de Salet sans électrode, avec une portion capillaire, étant inséré en parallèle à la self-induction. L'émission de lumière de la portion capillaire du tube a été observée en excitant le circuit vibratoire au moyen d’une bobine d'induction : c’est alors qu'on a observé un accroissement notable de la sensibilité de la réaction spectrale. L'argon contenu dans l'air atmosphérique, à raison de 4 °/,, a, par exemple, été facilement mis en évidence. Les spectres de l'air et de l’argon ayant ensuite été photographiés concurremment, le spectre de l'air s’est trouvé renfermer soit le spectre de lignes de l'azote, soit celui de l’argon. A. GRADENWITZ. SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE Séance du 1° Juillet 1904 (suite). M. E. Warburg présente quelques remarques rela- tives aux décharges par pointes. En examinant sous le microscope l’aigrette bleuâtre au voisinage d’une pointe par laquelle de lélectricité négative se décharge à travers l'air libre vers une plaque mise à la Terre, on observe que la pointe se recouvre d’une enveloppe lu- mineuse bleuâtre a, à laquelle se rattache d’abord un espace obscur b, puis un faisceau lumineux rougeûtre € s'élargissant vers la prise de terre. Ce phénomène correspond parfaitement à celui que M. J. Stark a observé pour une pression réduite, à cette différence près que, dans le cas présent, l’électrode mise à la terre reste obscure. L'auteur constate que la portion du fil pointu recouverte de l'enveloppe lumineuse a s'accroît à intensité croissante du courant. Ilest convaincu que les trois portions », b, c, décrites ci-dessus, corres- pondent aux trois parties de l’effluve, à savoir : à, à l’ef- fluve négatif; b, à l'espace obscur de Faraday; et €, à l'aigrette positive, les phénomènes électriques étant identiques dans les deux cas. La seule différence avec l'effluve serait que l’aigrette positive dans ce dernier s'étend jusqu'à l’anode, lalors que, dans la décharge par pointe, elle va se terminer en l'air à 0,1 millimètre de la pointe. Dans le cas où la pointe est positive, l'on n'observe, pour des courants de faible intensité, qu'une enveloppe lumineuse mince recouvrant la pointe, alors que, pour 26.106 ampères, il apparaît un fais- ceau mince, se prolongeant à mesure que croit l’inten- sité du courant et atteignant la plaque mise à la terre pour 43.10—6 ampères. — M. L. Austin a fait des observations sur les variations magnétiques de lon- gueur des alliages manganèse-aluminium-cuivre étudiés par M. Heusler. Ce sont les propriétés magnétiques 880 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES remarquables de ces alliages qui ont engagé l’auteur à rechercher si ces matières à l’état aimanté présente- raient des variations de dimensionssemblables à celles qu'on connait dans le cas du fer, du nickel et du cobalt. Les expériences de M. Austin font voir l'existence d’une élongation due aux champs magnétiques, élongation sensiblement proportionnelle à l'aimantation dans les deux échantillons examinés. La courbe d'élongation, tout en présentant une forme analogue aux courbes d’aimantation, est caractérisée par une pente moins rapide. L'élongation la plus grande observée était de 11.407 de la longueur dans un champ de 400 unités, ce qui correspond à 1/3 environ de l’élongation maxima du fer dur. Dans les champs intenses, l'on observe une contraction graduelle et qui semble être proportion- nelle au carré de l'intensité du courant. ALFRED (GRADENWITZ. ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Communications parvenues à l'Académie pendant les mois de Juillet et d'Août. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. C. Somigliana pour- suit ses études sur les déformations auxiliaires dans les problèmes allernés d'équilibre élastique. — M. E. Al- mansi étudie les conducteurs creux, et montre qu'il est possible d'obtenir des formules plus générales que celles trouvées par M. Robin dans son Mémoire sur la distribution de l'électricité à la surface des conducteurs fermés et des conducteurs ouverts. Dans une autre Note, M. Almansi s'occupe des problèmes de l'équilibre élec- trique et de l'induction magnétique. — M. U. Barbiéri : Sur la représentation d’une manière uniforme conju- suée de deux surfaces de rotation, l’une sur l'autre. — M. G. Fubini : Sur les groupes de projectivité. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Sella expose les résul- tats de ses recherches expérimentales et théoriques sur l'existence d’un phénomène réciproque de celui de la biréfrmgence magnétique, que l’on observe bien marqué dans quelques solutions d’hydrate ferrique colloïidal. — M. Q. Majorana donne la description de ses recherches et de ses expériences de téléphonie électrique sans fil; il a réussi à obtenir au détecteur la reproduction de la parole, à l’aide des pulsations élec- triques de l’antemne, à travers l’édilice de l'Institut physique de Rome. A l'air libre, la transmission aurait pu atteindre quelques kilomètres. -- M. U. Piva s’oc- cupe de l'influence que manifeste la pression du gaz dans l’électrisation produite en faisant barboter de l'air dans l’eau pure et dans des solutions acides de bisul- fate et chlorure de quinine, M. Piva a observé un curieux phénomène; il y a des degrés de concentration des solu- tions pour lesquels l’électrisation positive par le gaz diminue, etmème change de signe.— MM. G. Martinelli et A. Sella entretiennent l'Académie de leursrecherches surlaradio-activité des pouzolanes quise trouvent près de Rome. — M. C. Carpini étudie les variations de résis- tance du bismuth placé dans un champ magnétique faible. — M. M. La Rosa à étudié le phénomène Peltier, à proximité du point neutre, en suivant la méthode Budde convenablement modifiée pour éli- miner les causes d'incertitude. — MM. R. Nasini et F. Anderlini, en faisant des observations spectrosco- piques à des températures très hautes, ontreconnu que l'iode à température élevée laisse entrevoir un spectre d'émission, un spectre lumineux, et ont vu paraître le spectre de Pazote. — MM. L. Balbiano et L. Angeloni décrivent leurs observations sur le 4 : 3-diméthyleyclo- hexane dérivant de l'acide camphorique. — MM. G. Bruni et C. Fornara donnent des détails sur la prépa- ration des sels de cuivre et de nickel de quelques amino-acides, et ajoutent les résultats de leurs recher- ches sur les propriétés et sur la constitution probable de ces sels. — MM. G. Bruni et A. Trovanelli. ont fait d'autres recherches sur les solutions solides. — MM. G. Bruni et E. Tornani s'occupent des picrates de composés non saturés, — M. B. Oddo décrit ses recher- 4 ches sur l'action de l’acétylène sur le bromure de phényl= magnésium.— MM. A. Angeli et F. Angelico décrivent” desnouvelles réactions du nitroxyle (bioxyammoniaque)s — M. 0. Gasperini expose une méthode nouvelle de des= truction des substances organiques pour servir aux ana= lyses toxicologiques.—MM. M. PadoaetD.Galeati pour- suivent leurs recherches sur les diminutions dans la vitesse de cristallisation produites par des substances: étrangères. — M. L. Vanzetti a soumis à l’électrolys l'acide glutarique, et il signale les produits qu'il a obte= nus. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Pelloux transme à l’Académie une étude détaillée de plusieurs miné= raux de la Sardaigne : alacamite, valentinite, leadhil lite, calédonite, linarite et d’autres minéraux de l’Ar= gentiera de la Nurra à Porto-Torres. — M. D. Lovi sato s'occupe de quelques minéraux rares : vanadinite, descloizite, mimétite et stolgite des mines cuprifères de Bena de Padru, près d'Oziéri, en Sardaigne. MM. A. Mosso et G. Galeotti ont étudié l’action phy-= siologique de l'alcool sur le sommet du Mont-Rose, en déterminant les variations de la température, de la circulation, de la respiration à la suite de l'ingestion de 40 centimètres cubes d'alcool pur. Les expériences faites sur M. Galeotti ont montré que cette quantité d'alcool ne manifeste, à de grandes altitudes, aucuns eflel, pas mème un commencement d'ivresse. — M. A Herlitzka a taché d'établir si la pepsine peut en pars tie se digérer elle-même ; il résulte de ses expériences qu'une partie de la pepsine agit sur l’autre en la peptonisant, c’est-à-dire qu'il y a une vraie autodiges- tion dela pepsine. Cela confirme que la pepsine est unes vraie substance protéique. — M. S. Baglioni décrit plusieurs expériences qui prouvent que la moell allongée et le nerf sciatique, placés dans des subs- tances chimiques indifférentes (glycose, saccharose, gly= cérine, etc.) qui ne contiennent aucune trace de sodium perdent en peu de temps leur excitabilité. En plaçant alors la moelle et les nerfs dans une solution de chlo=n rure de sodium, lexcitabilité reparaît. Les solutions dé sels de métaux voisins du sodium, potassium, lithium, ne se montrent pas capables de faire revivre la moelle el le nerf. — M. F. Ghilarducci à reconnu expérimenta= lement qu'en supprimant pour une demi-heure la cir- culation dans l'aorte abdominale, et en injectant dans les veines des cultures virulentes de streptocoques, on produit chez les animaux une polyomyélite antérieure aiguë ou une myélite aiguë diffuse. Les cellules pré- sentent des altérations très graves, dues à une actio locale des microorganismes ; tout cela fait ressortir 1 grande importance des troubles de la circulation dans la production des myélites infectieuses. — M.G. Rossi a entrepris une série de recherches sur la mécaniqu de l'organe digestif des oiseaux; il s'occupe des mou= vements qui se produisent dans le jabot, de l'irrita= bilité de ce dernier, de la manière de se déposer des substances alimentaires, et des conséquences de la sec= tion des nerfs vagues. — M. A. Aggazzotti a fait di longues recherches sur les altérations qui se produisent; lorsque l'organisme est soumis à de fortes dépressions barométriques, dans l'air contenu dans les alvéoles pulmonaires. M. Aggazzotti a reconnu que l'éliminatio de CO,, après l’action de l'air raréfié, est moindre, & la diminution dépend des quantités d'anhydride car bonique qui s'accumulent dans le sang pour y forme des composés riches en CO,. C’est à la diminution d CO, et de son action stimulante que l'on doit le ralentissement de la fréquence et de la profondeur des mouvements respiratoires, lorsque de l'air rarétié lo revient à la pression barométrique normale. ERNEsTO Mancint. | Le Directeur-Gérant : Louis OLivir. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, {, rue Cassette. 15° ANNÉE No0 15 OCTOBRE 1904 Revue générale des Sciences pures ef appliquées DiRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Astronomie Un appareil pour mesurer la vitesse de rotation de la Terre. — L'expérience classique du pendule de Foucault à fait voir que la loi d'inertie, dans tous les phénomènes de mouvement terrestre, est satisfaite pour un espace exempt de rotation par rapport au ciel des étoiles fixes. Or, comme cette expérience était affectée par des sources d'erreurs sérieuses, il paraissait désirable que des expériences ultérieures vinssent confirmer ce ré- Sultat. Il est vrai que Foucault lui-même a essayé de confirmer son expérience au moyen d'un appareil gyroscopique; mais, en raison de leur précision limitée, ces expériences sont loin de donner la solu- tion définitive du problème. Aussi, M. A. Fôppl, pro- fesseur à l'Ecole Technique supérieure de Munich, à la suite de l'étude théorique qu'il vient de faire d'un appareil gyroscopique construit par M. O. Schlick, en vue de diminuer le mouvement de roulis des vaisseaux, vient-il de se servir d’un appareil analogue pour des recherches dans cette voie. ; La déviation qu'éprouve l'axe d’une toupie tournante permet, comme on le sait, de déterminer la vitesse de rotation de la Terre. Toute divergence qu'on observe- rait entre la valeur ainsi trouvée et la vitesse de rota- tion astronomique viendrait contredire le résultat de l'expérience de Foucault. D'autre part, la possibilité se présente de découvrir, à propos de cette expé- rience gyroscopique, quelque influence spéciale de la rotation de la Terre, influence qui serait compensée dans le mouvement oscillatoire d’un pendule. La figure 1 ci-contre représente l'appareil construit . par M. Füppl. Comme on le voit, c'est une toupie comprenant deux volants en fer, d'un diamètre exté- rieur de 50 centimètres et d’un poids de 30 kilogs chacun, rivés l’un à l'autre. Les deux volants sont montés sur les deux bouts de l'arbre d’un petit électro- moteur tournant à des vitesses qui vont jusqu'à 2.400 tours par minute. L’électromoteur est, au moyen de trois fils en acier, suspendu au plafond de la salle. Le système entier n’est, par conséquent, susceptible que d’une rotation autour d’un axe vertical, pendant laquelle il faut vaincre le couple dû à la suspension REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. trifilaire. L’électromoteur est muni de deux plaques entre-croisées, plongeant dans un vase à huile placé en Fig. 1. — Appareil de M. Füppl pour la mesure de la vitesse de rotation de la Terre. dessous et servant à amortir les oscillations. En haut 19 882 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE de l'électromoteur, on apercoit deux aiguilles parcou- rant des échelles divisées. Pour déterminer la vitesse de rotation de la toupie à un moment donné, on détache les fils menant à l'induit des conducteurs externes, pour les mettre en court-circuit à travers un voltmètre ; l’électromoteur fonctionnant pendant un bref intervalle comme dynamo, on trouvera la vitesse angulaire de l'induit par la lec- ture du voltmètre. Voici, du reste, comment les expé- riences ont été faites : Après avoir démarré le moteur, on lui faisait prendre la vitesse voulue, vitesse qu'on maintenail constante pendant un quart d'heure ou une demi- heure. Comme la toupie, au commencement de cette période, possédait toujours une certaine vitesse de précession, due à la période de démarrage, elle exécu- tait des oscillations amorties très lentes (d'à peu près 3 à 4 minutes) autour de la position d'équilibre actuelle. Afin de vérifier s'il n’y avait pas de perturbations exté- rieures, on lisait à chaque minute la déviation des aiguilles de chaque côté, inscrivant la moyenne comme ordonnée, par rapport à un axe d’abscisses représen- tant le temps. De cette courbe, montrant la forme bien connue des ondes amorties, on déduisait la posi- tion d'équilibre autour de laquelle se faisait l'oscilla- tion, et cela à un dixième de degré près. Le courant d'air dû à la rotation rapide des volants produisait d'abord quelque perturbation des phéno- mènes d’oscillation. On y a obvié en entourant les parties tournantes d'une enveloppe, après quoi la toupie s’est mise à exécuter des oscillations de pré- cession tout à fait régulières, sans montrer de diver- gence entre la vitesse de rotation astronomique et la vitesse donnée par les phénomènes de mouvement ter- restres. La vitesse de rotation minima utilisable dans ces expériences a été trouvée égale à 1.500 tours par minute, tant que les oscillations du fil de suspension, des parois de l'enveloppe, etc., ne deviennent pas autant de facteurs perturbateurs. La théorie de cette expérience, telle que l'a donnée M. Fôppl', est fort simple, si l'on fait abstraction, pour commencer, des oscillations de précession. Soit 0 le moment d'inertie des masses tournantes, w leur vitesse angulaire constante, et u la vitesse de rotation de la Terre {en supposant que cette dernière concorde avec la rotation astronomique de la Terre). Désignons de plus par ® la latitude géographique du point d'obser- vation, par Ÿ l'angle formé par la position d'équilibre de la toupie tournante avec la direction est-ouest, w étant le moment du couple dù à la suspension du cadre de la toupie dans un plan horizontal. M doit être équivalent à la composante verticale de la vitesse de variation de l'impulsion que reçoit la toupie du chef de la rotation de la Terre; cette vitesse de variation sera égale au produit de l’impulsion elle-même par la vitesse angulaire de la rotation de la Terre, cette der- nière étant considérée comme vecteur. Voici l'équation que l’on déduit : M=— Gwu cos g cos ÿ. Le moment d'inertie 0 a été évalué à 26,7 cm. kg. sec.?; la latitude géographique est de 48° 820", alors que M est sensiblement proportionnel à la torsion du système suspendu par rapport à la position de zéro, la toupie étant au repos, équivalent par conséquent à cy, où 7 est l'angle de torsion et c égal à 2,12 cm. kg. | L’expérimentateur s’est borné à observer la déviation de la toupie due à la rotation de la Terre dans les deux cas où la position de zéro de la toupie est soit dans le méridien, soit dans une direction perpendiculaire à ce dernier. Dans le premier cas, la rotation ne cause aucune déviation de l’axe de la toupie, pourvu que la rotation astronomique de la Terre gouverne également les phénomènes de mouvement terrestres. Or, voilà ce que les expériences viennent confirmer. Dans le cas où l'axe de la toupie au repos est per- pendiculaire au méridien, l'angle de torsion 7, auquel est proportionnel le moment M, coïncidera avec l'angle Ycité ci-dessus. L'équation théorique prend alors la forme : cy = fwu cos @ cos ÿ. Comme l'expérimentateur trouve un accord à 2 2}, près entre la vitesse angulaire de la Terre déduite de ces phénomènes de mouvement terrestres et la rotation astronomique, tout porte à croire que cet accord est parfait. M. Fôppl a, cependant, l'intention de perfec- tionner son appareil et de vérifier si certaines indica- tions d’un désaccord entre la théorie et l'expérience sont dues aux erreurs d'observation. $ 2. — Météorologie Les cristaux de neige. — M. Bentley, de Jéricho (Vermont, Etats-Unis), a consacré vingt années à l'étude des cristaux de neige, en s’attachant principalement à la détermination des relations qui peuvent exister entre la forme de ces cristaux et les conditions atmos- phériques au moment de leur chute; ses travaux inté- ressants ont déjà été signalés à l'attention ‘, et ils vien-, nent de nouveau de faire l'objet de deux importants articles dans la Monthly Weather Review, avec de su- perbes reproductions photomicrographiques de cristaux de neige. Nous ne pouvons entrer ici dans le détail des condi= tions atmosphériques, état électrique, gaz et vapeurs étrangers, hauteur et température des nuages, condi- tions météorologiques, mouvements à la surface et dans les diverses couches nuageuses, évolution de la forme cristalline d’instant en instant, toutes choses que l'auteur étudie avec le soin minutieux qui con- vient; nous reproduirons seulement les principaux faits généraux qu'il croit pouvoir tirer de sa longue expérience : : 4° Le plus grand nombre des formes tabulaires les plus parfaites et les plus belles se rencontrent le plus souvent dans les parties Ouest et Nord-Ouest des gran- des bourrasques ; ces formes sont à peu près exclusive- ment cantonnées dans ces régions; 20 J1 semble y avoir une loi de distribution générale des différentes formes, les formes à colonnes d’une part, les formes tabulaires où granulaires d'autre part, avec beaucoup de variétés associées dans les autres portions des grandes dépressions ; À 30 Cette distribution est, à part peu d’exceptions, constante, c’est-à-dire qu'elle est la même pour presque tous les grands troubles atmosphériques. Pourtant, les | renseignements recueillis ne suffisent pas encore pour démontrer que cette loi s'applique à toutes les formes de cristaux et à toutes les dépressions. Radio-activité atmosphérique.— Dans un tra- vail récemment publié dans la Physikalische Zeit- schritt (n° 16), M.H.-A. Bumstead fait voir que la radio- activité qu'acquiert un fil négativement chargé et exposé à l'air libre est essentiellement, sinon entière- ment, due à l'activité excitée par le radium et le tho= rium. Dans le cas d’une pose de trois heures, une” partie (3 à 5 °/.) de l'effet initial total est produite par l'activité du thorium, et cette proportion dépend évi= demment de la facilité plus ou moins grande avee laquelle l'émanation s'échappe du sol. Dans le cas où la pose dure douze heures, l'activité du thorium s'élève quelquefois à 15 °/, de la valeur totale, et, dans le cas d'un long fil, sa déperdition peut être observée pen- dant plusieurs jours. Il semble qu'il y ait encore en petite quantité une activité à déperdilion plus rapide, bien que les expériences jusqu'ici faites soient loin de trancher définitivement cette question. La radio-activité de la pluie et de la neige est proba= 4 Physik. Zeitschr., L. N, no 14, p. 419, 1904. 1 Ciel et Terre, t. XIX, p. 543; t. XXIV, p. 336. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 883 blement due à la radio-activité excitée par le radium ; l'absence d'un effet du thorium pourrait s'expliquer par l'hypothèse que la déperdition rapide de l'émanation du thorium empècherait cette dernière de parvenir en quantité appréciable aux hauteurs où se forment les gouttes de pluie, $ 3. — Électricité industrielle La téléphonie sans fil au moyen des ondes hertziennes. — Un ingénieur espagnol, M. G. J. de Guillen Garcia, vient de trouver une intéressante solu- tion du problème de la téléphonie sans fil. A l'inverse du système de téléphonie optique développé en Alle- magne par M. Ruhmer, et dont nous avons autrefois en- tretenu nos lecteurs, dans cette nouvelle méthode, ce sont les ondes électriques elles-mèmes qui se chargent de la transmission des dépêches à travers l’espace. Il y à quelque temps, le fils de M. Garcia, s'occupant d'expériences de télégraphie sans fil, avait l’occasion d'observer que, dans le téléphone d'un cohéreur Tom- LL ——— > \/ S 0 NS RQ B R N Fu ,. pP t Fig. 1. — Schéma du dispositif de téléphonie sans fil. — S, S', supports; A, A!, antennes transmettrice et récep- . ice; P, p, piles; B, bobine de Ruhmkortf: m, MmiCro- phone; 0, oscillateur; 1!, cohéreur: t, téléphone; T, terre. masina placé à la station réceptrice, il se produisait une différence de son suivant la distance explosive de l'éclateur de la bobine Rhumkorff. Ce fait lui suggéra l'idée qu'un dispositif analogue pourrait servir à trans- mettre au loin la voix humaine par l'entremise de fils conducteurs. Des expériences dans cette voie, après avoir dû être différées pendant longtemps faute d'appa- reils appropriés, viennent d'être rendues possibles par le concours du Professeur Marcel, du séminaire de Barcelone, La figure 1 représente la disposition des appa- reils. Set S’ sont des supports en bois, portant, au moyen d’un palier et d'isolateurs, les antennes A et A’. Les appareils de la station transmettrice comprennent : la pile P, le microphone m, la bobine de Rhumkortf B, l'oscillateur 0, qui, d'une part, communique avec l'an- tenne A, et, de l’autre, avec la prise de terre T. Les ap- pareils de la station réceptrice se composent d’une antenne A’, d’un tube cohéreur /! (se décohérant spon- tanément), d'une pile p, d'un téléphone { et d’une prise de terre T. Le microphone m, qui est à pointe métal- lique, avec plaque vibrante de mica, comprend une croix de cuivre isolée. Toutes les fois que la membrane vibrante vient toucher la pointe, le courant électrique produit par les piles P peut traverser le circuit. En chantant ou en parlant dans le microphone, on en fait vibrer la membrane: ses vibrations corres- pondent, par leur nombre, leur amplitude, etc., au son qui leur à donné naissance. Avec chaque vibration, le courant, étant fermé, peut passer dans la bobine, qui à son tour engendre un autre courant induit: les étin- celles de l'oscillateur correspondront, par leur nombre, amplitude et intensité, aux vibrations constituant la voix humaine, L'antenne A communique ces trains d'ondes à l'an- tenne A’, de façon que toute série d'ondes hertziennes fait passer le courant de la pile p par le cohéreur Uet, par là, produit une vibration dans le téléphone { de la station réceptrice. Comme les vibrations en { sont égales en nombre à celles des sons frappant le micro- phone, le son qui s'entend en t doit être identique à celui qu'on transmet au microphone. Les résultats jusqu'ici obtenus dans la reproduction du chant paraissent être très satisfaisants, alors que les reproductions du langage sont bien moins parfaites. C’est qu'il est difficile de trouver un microphone sufli- samment puissant; mais ces difficultés d'ordre pure- ment technique seront sans doute surmontées avant longtemps, et l'importance de ces expériences, qui re- présentent le premier système de téléphonie sans fil par ondes hertziennes, ne saurait être méconnue. $ 4. — Photographie Une nouvelle méthode d’obtention de la photographie des couleurs. — MM. Auguste et Louis Lumière, poursuivant de patientes et laborieuses recherches sur la grosse question de la photographie des couleurs, viennent de faire connaître une nouvelle solution du problème, sur laquelle nous attirons l'at- tention de nos lecteurs. La méthode qu'ils ont expéri- mentée est basée sur les considérations théoriques suivantes : Si l’on dispose à la surface d’une plaque de verre et sous forme d'une couche unique, mince, un ensemble d'éléments microscopiques, transparents et colorés en rouge-orangé, vert et violet, on peut constater, si les rapports d'intensité de coloration de ces éléments et de leur nombre sont convenablement établis, que la couche ainsi obtenue, examinée par transparence, ne semble pas colorée, cette couche absorbant seulement une fraction de la lumière transmise. Les rayons lumineux traversant les écrans élémen- taires orangés, verts et violets reconstitueront, en effet, la lumière blanche, si la somme des surfaces élémen- taires pour chaque couleur et l'intensité de la colora- tion des éléments constitutifs se trouvent établies dans des proportions relatives bien déterminées. Cette couche mince trichrome, étant réalisée, est en- suite recouverte d’une émulsion sensible panchroma- tique. Si l’on soumet alors la plaque préparée de la sorte à l’action d'une image colorée, en prenant la précau- tion de l’exposer par le dos, les rayons lumineux tra- versent les écrans élémentaires et subissent, suivant leur couleur et suivant les écrans qu'ils rencontrent, une absorption variable. On à ainsi réalisé une sélec- tion qui porte sur des éléments microscopiques et qui permet d'obtenir, après développement et fixage, des images colorées dont les tonalités sont complémen- taires de celles de l'original. Si nous prenons, en effet, une région de l'image co- lorée en rouge, les rayons lumineux rouges seront ab- sorbés par les éléments verts de la couche, tandis que les éléments orangés et violets laisseront traverser ces radiations. La couche de gélatino-bromure panchromatique sera donc impressionnée sous les écrans violets ou orangés, tandis qu’elle restera inaltérée sous les écrans élémen_ taires verts. Le développement réduira le bromure d'argent de la couche et viendra masquer les éléments orangés et violets, tandis que les éléments verts appa- raîtront ensuite après fixage, l’émulsion qui les re- 85 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE couvre n'ayant pas été réduite. On à donc, dans ce cas, un résidu coloré vert, complémentaire des rayons rouges considérés. Les mêmes phénomènes se pro- duiront pour les autres couleurs ; c’est ainsi que, sous la lumière verte, les éléments verts seront masqués et que la couche apparaîtra colorée en rouge. Dans la lumière jaune, l'image sera violette, etc. On concoit qu'un négatif de couleur complémentaire ainsi obtenu puisse, par contact, donner, avec des plaques préparées de même manière, des épreuves positives qui seront complémentaires des négatifs, c'est-à-dire qui reproduiront les couleurs de lori- ginal. On peut aussi, après développement de l'image négative, ne pas fixer et inverser cette image pour obtenir, par le procédé connu, un positif direct qui présentera alors la coloration de l'objet photographié. Les difficultés rencontrées par MM. A. et L. Lumière dans l'application de cette méthode ont été nom- breuses, considérables même ; mais les résultats ob- tenus montrent cependant que ces difficultés ne sont pas insurmontables. Voici les dispositions pratiques auxquelles les auteurs du procédé se sont arrètés pour le moment: On sépare d’abord, dans la fécule de pomme de terre, et à l’aide d'appareils construits dans ce but, les grains ayant de 15 à 20 millièmes de millimètre de diamètre. Ces grains sont divisés en trois lots, qui sont colorés respectivement en rouge-orangé, vert et violet, à l'aide de matières colorantes spéciales et de procédés dont la description nous entraînerait trop loin. Les poudres colorées ainsi obtenues sont mélangées, après dessicca- tion complète, en proportions telles que le mélange ne présente pas de teinte dominante. La poudre résultant est étalée au blaireau sur une lame de verre recouverte d’un enduit poisseux. Avec des précautions convenables, on arrive à avoir une seule couche de grains se tou- chant tous, sans aucune superposition. On obture ensuite, par le même procédé de saupoudrage, les interstices qui peuvent exister entre les grains et qui laisseraient passer de la lumière blanche. Cette obtu- ration s'effectue à l’aide d’une poudre noire très fine, du charbon de bois pulvérisé par exemple. On a ainsi constitué un écran dans lequel chaque millimètre carré de surface représente deux ou trois mille petits écrans élémentaires orangés, verts et violets. La surface ainsi préparée est isolée par un vernis possédant un indice de réfraction voisin de celui de la fécule, vernis aussi imperméable que possible, sur lequel on coule enfin une couche mince d'émulsion sensible panchromatique au gélatinobromure d'argent. L'exposition s'effectue à la manière ordinaire, dans un appareil photographique, en prenant toutefois la précaution de retourner la plaque, de façon que la lumière venant de l'objectif traverse les particules colorées avant d'atteindre la couche sensible. La né- cessité d'employer des émulsions à grain très fin, par conséquent peu sensibles, et celle d'interposer la couche formée par le système d'écrans microscopiques, sont les causes pour lesquelles le temps d'exposition est nota- blement plus long que pour la photographie ordinaire. Le développement s'effectue comme sil s'agissait d’un phototype ordinaire ; mais, si l'on se contente de fixer l’image à l'hyposulfite de soude, on obtient, comme il a été dit, un négatif présentant par transpa- rence les couleurs complémentaires de l'objet photo- graphié. Si l'on veut rétablir l’ordre des couleurs, il faut, après le développement, mais sans fixer tout d'abord l'image, procéder à l'inversion en dissolvant l'argent réduit; puis, dans un deuxième développe- ment, réduire l'argent qui n’a pas été primitivement influencé par la lumière. On voit done que, par des manipulations simples et peu différentes, en somme, de celles qui sont couram- ment en usage dans la photographie ordinaire, il est possible d'obtenir, avec des plaques spéciales, pré- parées comme ci-dessus, la reproduction en une seule opération des objets avec leurs couleurs. $ 5. — Chimie L’absorption des gaz par le charbon aux très basses températures. — On sait depuis longtemps que le charbon de bois poreux condense à sa surface la plupart des gaz connus en quantités d’au- tant plus considérables que la température est plus basse; toutefois, les recherches semblent avoir été limitées jusqu'ici aux températures supérieures à 09, et on était resté ignorant de la facon dont varie le pouvoir absorbant du charbon aux températures très basses qu'on réalise par l’ébullition de l'air liquide. Le Professeur Dewar vient de combler celte lacune en montrant, dans une belle recherche expérimentale, que les quantités de gaz absorbées dans ces conditions sont extraordinairement grandes. Il a déterminé, en mème temps, la chaleur d'absorption par un procédé déjà employé à diverses reprises dans ces dernières années, et consistant à mesurer la quantité d'air liquide évaporé par au phénomène étudié. Une calorie provoquant l'ébul- lition de 14, 6 em°environ d'air liquide, le procédé pos- sède une assez grande sensibilité. Le tableau suivant résume les résultats obtenus par … M. Dewar : VOLUME VOLUME CHALEUR absorbé absorbé dégagée à 0° à-185° en cal.-gr. Hydrogène . . . . . #cm 135 cm° 9,3 cal. A20te me EAN erlo 155 25,5: Oxygène . 18 230 34 Argon 12 175 25 HÉUNEMAEPE NE RNRRZ 15 2 Gaz électrolytique de eat 2 150 17 Oxyde de carbone et oxycéneL 0 195 34,5 Oxyde de carbone. . 21 190 21,5 Les nombres ci-dessus montrent de notables diffé- rences entre les gaz étudiés; l'hélium est très faible- ment absorbé, alors que l'oxygène accuse, pour le charbon, une affinité très forte. Le retour aux tempé= ratures ordinaires a ramené à l’état initial, ce qui exclut l'idée d’une combinaison avec le charbon, ou des gaz mélangés entre eux. La quantité de chaleur dépasse, en général, celle qui se dégage pendant la liquéfaction des gaz tels que l'hydrogène, l'azote et l'oxygène. Comparée à la quantité de gaz absorbée à la tempé- rature de l'air liquide, celle qui est fixée aux tempéra= tures ordinaires apparaît comme négligeable, à tel point qu'un bon procédé pour séparer les gaz consis- terait à faire absorber leur mélange à la température de l'air liquide, et à opérer un dégagement aux tempé- ratures ordinaires. M. Dewar cite une expérience, faite avec 50 grammes de charbon de noix de coco, au cours de laquelle 5 à 6 litres de gaz furent extraits de l'air en dix minutes: L'air passait par un tube rempli de charbon, et les pre- mières parties qui le traversèrent contenaient 98 °/o d'azote. En réchauffant le tube à la température du laboratoire, on obtint 5 lit. 7 de gaz contenant 57 °/0 d'oxygène. , Le dégagement fractionné permet une concentration encore plus énergique de l'oxygène; ainsi, les litres successifs qui se dégagent en contiennent les propors tions suivantes : jer litre. 18,5 9/0 DONNE. OUR NT CRE TG CONS ER LU er ÉEUT FN 72,0 RON, ARENA 0 NU RL ec) Des expériences spéciales ont été faites pour enri=. chir l'air progressivement, en absorbant et dégageant, successivement le gaz; la concentration se produit ainsi très rapidement. le développement de chaleur dû . CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Ce pouvoir absorbant du charbon à été utilisé par M. Dewar pour produire rapidement un vide très par- fait; il suffit, pour cela, d'évacuer jusqu'à qurlques centimètres de pression un vase dont une branche laté- rale contient un peu de charbon que l’on refroidit. Au bout d’un instant très court, la décharge d'une bobine puissante ne traverse plus l’espace ainsi évacué. Mais l'une des plus intéressantes parmi les applica- tions du nouveau procédé étudié par M. Dewar consiste dans la séparation, par fractionnement, des gaz les plus volatils de l'air, lhélium et le néon, en profitant de la faiblesse de leur affinité pour le charbon. Après la traversée de deux condensateurs successifs, qui opè- rent un fractionnement, on recueille, dans des tubes, un mélange gazeux qui ne donne plus guère que les spectres du néon et de l'hélium. | Telle qu'elle a été élaborée par M. Dewar, la méthode nouvelle est d’une simplicité qui la fera bien accueillir des physiciens et des chimistes; elle promet d'être féconde en résultats, dont M. Dewar lui-même fait entrevoir une suite qui ne peut manquer d'un grand intérêt. $ 6. — Géologie Le Lac bouil- lant de la Domi- nique. — Les ré- centes éruptions de la Martinique et de Saint-Vincent ont ra- mené l'attention sur les phénomènes d’ori- gine volcanique dans les Antilles. L'une desplusintéressantes de ces manifestations de l’activité interne du Globe est certai- nement le Lac bouil- lant de l'ile de la Do- minique, sur lequel 885 change de densité suivant le degré d’ébullition et les conditions atmosphériques : tantôt, dans la belle sai- son, il s'atténue jusqu'à une brume légère; tantôt, dans la saison des pluies, il se condense en formant un voile impénétrable. Au premier abord, le Lac bouilant pourrait être con- sidéré comme un geyser; il se rattache certainement à cette catégorie de manifestations; mais il diffère du geyser ordinaire par des caractères bien tranchés. D'abord, ses grandes dimensions ne se retrouvent chez aucun des geysers connus. Ensuite, le lac ne jaillit pas; la grande force explosive du geyser ordinaire lui fait défaut. Sa surface mobile est alternativement pla- cide et turbulente : tantôt ses eaux sont dormantes et sans une ride, tantôt elles bouillonnent et sifflent en tournoyant et couvrant ses bords de vagues. Un autre point de distinction, c'est la durée d'activité; tandis que les geysers ordinaires ne jaillisent que pendant un intervalle qui peut aller de quelques minutes à trois quarts d'heure au plus, le Lac bouillant est plus durable dans son action; il peut rester parfois en pleine ébullition pen- dant des jours.Enfin, alors que les geysers se vident immédiate- ment après une ex- plosion de courte du- rée, le Lac bouillant conserve Ses eaux dormantes pendant de longues périodes après l'ébullition. En résumé, l'absence d'un jet élevé et im- pétueux, l’ébullition prolongée, la longue persistance de la forme lacustre,bouil- lante ou tranquille, et les grandes dimen= sions du bassin sont les caractères qui dis- M. F. Sterns-Fadelle tinguent le phéno- vient de nous donner mène de la Domi- le résultat de ses tra- nique des autres vaux'. Nous en ex- Fig: 1° — Le Lac bouillant de la Dominique, à ser. — On voit au geysers. La manifes- trayons les rensei- milieu l'orifice d'arrivée de l'eau, au fond la brèche par laquelle tation qui lui res- gnements qui sui- s'écoule le trop-plein du lac. (Photographie de M. Agar.) semblerait le plus est vent : le lac de laves, ob- Le Lac bouillant est situé sur le côté oriental de la chaine de montagnes longitudinale de l’île, à une alti- tude d'environ 800 mètres, au fond d'une profonde dépression qui se trouve au milieu d'une vaste surface couverte de roches et d’autres débris volcaniques : c’est la région de la Grande Soufrière, le foyer de l'action volcanique dans l'ile. Le Lac (fig. 1) est de forme ellip- tique ; plein d’eau, il a environ 65 mètres de longueur et 35 mètres de largeur moyenne. Il est entouré de falaises verticales de terre ferrugineuse, parsemée de fragments de roches, s’élevant à des hauteurs variant de 30 à 35 mètres. À travers une brèche de la paroi qui l'entoure, le trop-plein du lac, quand il est rempli, se déverse dans une gorge profonde, en formant une cascade chaude dont les eaux rejoignent ensuite la rivière de Pointe Mulâtre. Le sol, sur.les bords du lac, est formé surtout d'une argile ductile et onctueuse, qui se solidifie à certains endroits en formant des croûtes fragiles. Le lac estalimenté d’eau bouillante, d'origine interne ; des observations thermométriques ont indiqué une température de 83°. Son niveau varie considérablement; à certains moments, il se vide même complètement et l'on peut apercevoir au centre le trou béant par lequel l’eau arrive. Le nuage de vapeur qui le surmonte 1 The Boiling Lake of Dominica, Roseau, 1904. servé par Dana sur le Mauna Loa, près du Kilauea, dans l’île d'Hawaï. 1 M. Sterns-Fadelle est alors amené à considérer le Lac bouillant comme l'une des dernières traces d'un volcan expirant lentement. Ce serait une manifestation prenoncée des opérations chimiques continuellement à l’œuvre dans les couches souterraines, et son action volcanique proviendrait de la décomposition par l'eau des pyrites de fer sous l’action de la chaleur interne. Le Lac jouerait le rôle d’une soupape de sûreté : par l'émission constante de grandes quantités d'eau bouil- lante, il dissipe perpétuellement les énergies volca- niques de la Grande Soufrière, en les empêchant de se manifester sous la forme plus terrible d'éruptions de laves et de scories. L'hypothèse précédente est appuyée par le fait que le Lac bouillant, au mo- ment de ses éruptions, dégage de grandes quan- tités d'hydrogène sulfuré; c'est même la présence de ce gaz qui rend l'approche du lac difficile à certaines périodes et qui à causé parmi ses explo- rateurs plusieurs accidents, dont quelques-uns mor- tels. Il est à souhaiter que, malgré ces difficultés, l'étude du Lac bouillant puisse être poussée plus à fond; d’après ce que nous apporte déjà M. Sterns-Fadelle, on peut penser qu'elle complétera utilement nos connais- sances sur les manifestations d'origine volcanique. 880 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ T. — Sciences médicales Le XIV: Congrès des Médecins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue française (Pau, 1°1-7 août 1904) — Ce Congrès annuel a été ouvert le lundi 1° août à Pau, dans la Salle des fètes du Palais d'hiver. Le discours inaugural a été prononcé par M. Brissaud, professeur à la Faculté de Médecine de Paris, prési- dent du Congrès; il a ressuscité l'œuvre, tombée dans l'oubli, d’un savant béarnais, Théophile de Bordeu, qui, dès 1742, prévoyait les localisations cérébrales, rendues évidentes cent ans plus tard par les travaux de Broca, Hitzig, Ferrier, Charcot, Pitres, etc. Bordeu parlait déjà d'« ondulations » et d’« oscillations » dans la trans- mission nerveuse, et aujourd'hui la théorie des vibra- tions nerveuses est d'actualité. Il reconnut surtout le rôle trophique des nerfs dans la vie des glandes, se montrant ainsi le précurseur de Claude Bernard et Ludwig. Cependant, l'œuvre de Bordeu était tombée dans l'anonymat; le Professeur Brissaud à voulu resti- tuer, en Béarn, « une demi-heure d'immortalité à la mémoire du savant béarnais ». Parmi les Rapports proposés l'an dernier au Congrès de Bruxelles, M. Deny (de Paris) était chargé de la question des démences vésaniques. Sous le nom de « démence », on désigne en général les états d'affaiblissement permanent des facultés intellec- tuelles, morales et affectives, consécutifs aux différentes psychoses. Suivant la période de la vie à laquelle appa- rait cette déchéance mentale, on distingue la démence vésanique précoce, celle de la puberté, de la jeunesse, et la démence vésanique tardive, celle de l’âge mur et de la vieillesse. Mais la démence précoce n'est pas secondaire; l'affaiblissement des facultés est primitif, global dès le début. Il semble donc qu'on ait affaire à une maladie primitive. On distingue, d’ailleurs, trois variétés de démence précoce : hébéphrénie, démence catatonique, démence paranoïde. Pour M. Deny, pour M. Roy, qui adoptent la conception du Professeur Kræpelin, de Munich, la démence précoce est une individualité bien déterminée en nosographie psychiatrique; elle a son étiologie propre, sa symptomatologie définie, son anatomie pathologique. Les idées vaillamment défendues par M. Deny ont été vivement attaquées, et son Rapport à été suivi d'une discussion très nourrie, à laquelle ont pris part MM. Régis, Ballet, Dupré, Parant, Wallon, Colin, Pactet, etc. De ce débat il semble résulter que la démence pré- coce tend de plus en plus à s'imposer comme indivi- dualité clinique; une série de projections de M. Deny a été très édifiante à cet égard. Mais la question com- porte encore bien des inconnues, en particulier les causes et les lésions de la maladie. M. Sano (d'Anvers) est l’auteur du deuxième Rapport : Des localisations des fonctions motrices de la moelle épinière. Le problème est de date ancienne (Vulpian), mais la méthode des investigations précises est toute récente (Nissl). Quand on coupe un nerf, quand on enlève un muscle, quand on ampute un segment de membre, des groupes de cellules réagissent dans la moelle, et l’'histologie devrait pouvoir déterminer la topographie de ces groupes cellulaires. Or, jusqu'ici, les observateurs (expérimentation chez des animaux diversement mutilés, études histologiques de moelles humaines d’amputés ou de sujets atteints de paralysie infantile) sont arrivés à des résultats en apparence contradictoires. Il existerait un noyau mé- dullaire, correspondant pour les uns à un segment de membre {Van Gehuüchten, Brissaud), pour d’autres à un nerf (Marinesco), à une fonction musculaire (Parhon), à un muscle. Par un examen approfondi des textes, M. Sano montre qu'aucune de ces théories n'exclut les autres. On con- coit qu'il puisse exister des groupes d'éléments mo- teurs de la moelle, susceptibles de se combiner diver- sement entre eux pour constituer des groupements tantôt anatomiques, tantôt physiologiques. D'ailleurs, comme l’a dit M. Brissaud, sur cette ques- tion des localisations des centres moteurs dans la moelle, on reste esclave des mots et l’on se représente volontiers des noyaux arrondis, bien limités, tandis que ces « noyaux » peuvent affecter les formes les plus variées. Le Rapport de M. Sano fait entrevoir la possibilité d'arriver prochainement à une conception des localisa- tions médullaires, quand les expériences auront été multipliées. D'intéressantes communications de MM. Grasset, Brissaud et Bauer, Parhon, Marinesco, Laignel-Lavas- tine ont complété le travail de claire érudition du rap- porteur. Une question d'assistance des aliénés, dont M. Ké- raval (de Ville-Evrard) était le rapporteur, a particuliè- rement intéressé les médecins aliénistes. Il s'agissait de définir les mesures à prendre à l'égard des aliénés criminels. L'aliéné criminel est un individu qui, préalablement considéré comme aliéné, commet un crime ou un délit qu'on peut mettre sur le compte deson état mental défec- tueux, et qui, pour ce motif, est considéré comme irres- ponsable. Le criminel aliéné est un individu qui devient aliéné après avoir commis un crime ou délit; il est pri= mitivement un criminel. L’aliéné dangereux, difficile, vicieux, dépravé, est un aliéné dont l'état mental ferait courir des risques redoutables aux aliénés avec lesquels il est en contact dans l'asile. A chacun de ces individus on tend à appliquer une juridiction et des dispositions médico-administratives spéciales. Mais le criminel aliéné existe-t-il réellement? Serait-il équitable de prendre des mesures de rigueur contre un aliéné indiscipliné par le fait mème de son aliénation ? Ce sont là questions à réserver. Pour les aliénés criminels, on peut en diminuer le nombre en prévenant le mieux possible les crimes et les délits commis par des aliénés avant leur interne- ment ou après une sortie prématurée de l'asile. Il suffit de simplifier les formalités du placement volon- taire. Quant aux aliénés criminels qui sont dans les asiles, leur envoi dans un asile spécial infligerait aux malades et à leurs familles un déshonneur inmérité. Mieux vaudrait une sélection préalable. La discussion de ce Rapport a été longue et laborieuse; deux grands courants d'idées se sont manifestés. Les uns se rallient aux conclusions de M. Kéraval; ils signalent les inconvénients des mesures spéciales. Les autres veulent qu'on écarte toute sentimentalité de la discussion; il ne faut envisager que les crimes commis ou ceux qui peuvent l'être par la suite; la société a le droit et le devoir de se défendre contre des aliénés qui se comportent autrement que le commun des aliénés ; il faut les interner dans un Asile spécial, celui de Gaillon, à titre d'essai. La majorité demande la surveillance par l'autorité judiciaire des aliénés dits criminels; ceux-ci seraient placés, maintenus et libérés par les soins de la magistrature. Mais tous les aliénistes sont d'accord pour réclamer une réforme de l'outillage hospitalier des asiles. Outre ces trois importantes questions, le Congrès a consacré plusieurs séances à des communications rela- tives à la neurologie et à la psychiatrie. La question des ties, qui avait fait l'objet, en 1902, d'un important Rapport de M. Noguès, au Congrès de Grenoble, a été remise sur le tapis par M. Cruchet, qui, avec M. Pitres, englobe, sous le même nom de ic, des phénomènes convulsifs, d'origine organique, mentale, profession nelle. MM. Brissaud, Henry Meige, E. Feindel s'efforcent de limiter le domaine pour mieux le préciser. Les troubles moteurs purement réflexes, causés par une lésion orga: nique, par un corps étranger irritant ou douloureux, ne sont pas des ties; ce sont des spasmes. Le tic et le mn: de Bu CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 887 spasme n'ont rien de commun entre eux, sauf qu'ils sont l’un et l’autre ce qu'on appelle communément des « mouvements nerveux »; mais ils différent par leur étiologie, leur pathogénie, leur pronostie, leur thérapeutique; ils diffèrent aussi par leur symptoma- tologie, car ils peuvent être objectivement distingués les uns des autres. En s'appuyant sur la seule clinique, on ne peut pas ne pas distinguer les tics des spasmes. M. Pierre Bonnier a attiré l'attention sur le rôle des centres bulbaires dans les différentes fonctions de individu. Le bulbe est un lieu de réunion d'offices fonctionnels, sujets à des variations positives ou néga- tives, d’où résultent des états organiques de bien-être ou de mal-être. M. Claparède fait connaitre un procédé d'apprécia- tion du sens musculaire; M. Crocq, un moyen de réfréner les accès épileptiques. M. Cabannes étudie la sensibilité de la cornée et de la conjonctive; M. Lamy, le rôle des muscles spinaux dans la marche. M. Cullerre signale la fréquence des rétractions musculaires dans certaines psychoses. M. Crocq et M. Régis parlent des phénomènes morbides d'habitude, sur lesquels M. Bris- saud à attiré l'attention au Congrès de Bruxelles. Une étude de MM. F. Rudler et Chomel montre que les stigmates de dégénérescence existent aussi bien chez les animaux que chez l'homme. Ils décrivent chez le cheval des stigmates anatomiques, physiolo- giques et même psychiques, comparables à ceux qui ont été signalés chez les dégénérés humains. M. Ernest Dupré met en évidence le caractère patho- logique de l’euphorie des phtisiques; c'est une sorte d'état démentiel, 11] communique aussi un exemple de puérilisme sénile, régression de la mentalité au stade de l'enfance. L'origine de la paralysie générale est lon- uement discutée par MM. Coulonjou, Régis, Brissaud. e rôle de la syphilis semble incontestable; cepen- dant, la paralysie générale est inconnue chez certains peuples cruellement frappés par cette maladie (Arabes, Chinois). Le rôle de l'alcoolisme est douteux, celui du surmenage intellectuel est plus probable. D’autres communications intéressantes ont été faites par MM. Lannois, Oberthur, Sicard, Doutrebente, Mabille, Schnyder, Léri, etc. … Les congressistes ont recu des autorités locales un accueil très bienveillant. Ils ont pris part à plusieurs excursions à Lourdes, au pic du Ger, à Eaux-Bonnes, à Argelès. D' Henry Meige. Appendicite et syphilis. — M. le Professeur Gaucher ‘ a été frappé de la fréquence des antécédents syphilitiques chez les sujets atteints d'appendicite. Il a donc fait une enquête, qui a porté sur 32 cas, compre- nant neuf sujets au-dessus de trente ans, et vingt-trois au-dessous de cet âge. Parmi les neuf malades de plus de trente ans, il y avait des hommes ayant tous des antécédents de syphilis acquise, et cinq femmes dont une avait une syphilis acquise et dont trois étaient unies à des hommes ayant eu la syphilis. Chez les sujets de moins de trente ans, il a noté vingt et une fois sur 23 cas l’'hérédité syphilitique paternelle. Il est donc conduit par les faits à admettre un rapport entre la Syphilis et l’appendicite et à considérer cette dernière comme une affection parasyphilitique. De même, M. Edmond Fournier ? a relevé, sur 12 cas éludiés, que tous les sujets atteints descendaient de parents syphi- litiques. Enfin, M. Wassilieff a cité * trois cas d'appen- dicite nettement syphilitique. Ces faits semblent, en effet, montrer des relations étroites entre ces deux affections ; mais on pourrait penser aussi que les syphi- litiques ou leurs descendants ont un coefficient de résistance inférieur contre les maladies infectieuses, ce qui expliquerait le développement fréquent de cette infection sur un terrain pour ainsi dire prédisposé. Société de Dermat. de Paris, 11 avril 1904. Soc. de Dermat., 11 avril 1904. Société de l'Internat des Hôp. de Paris, 23 juin 1904. te to » La prophylaxie dans les salles d’école par l'emploi d’huile adhésive sur les planchers. — MM. Kütigen et Steinhaus! viennent de faire des recherches sur ce sujet, dans le but surtout d'éviter la fermeture prolongée des écoles à la suite des cas de scarlatine et de diphtérie. Ces recherches ont porté uniquement sur le nombre des bactéries et non sur leur qualité. Pour des salles d'école de 50 mètres carrés, ils ont utilisé 4 à 5 kilogs d'huile adhésive et ils ontfait la numération des bactéries par la méthode des plaques, dans trois salles’à peu près identiques, les deux premières étant huilées et la troisième servant de témoin : même au bout de douze semaines, la chambre de contrôle donnait encore deux fois plus de colonies que les deux pièces huilées, et ceci bien que les classes n'aient cessé d’être occupées par les élèves. En combinant un nettoyage complet avec cet huilage, les bactéries ont été même diminuées de quatre cin- quièmes. Ces résultats sont très intéressants, car ils permettent d'obtenir une hygiène presque parfaite des salles d'école : il convient done de continuer à expéri- menter ce procédé, qui a été proposé pour la première fois par Lode en 1899, $ 8. — Géographie et Colonisation L’Expédilion antaretique anglaise de la « Discovery ». — Parmi les diverses expéditions qui se sont portées, au cours de ces dernières an- nées, vers les régions antarctiques, l'Expédition anglaise de la Discovery, commandée par M. Scott, est de celles qui ont donné les résultats géographiques et scienti- liques les plus considérables. Les relations qui ont récemment paru permettent, en attendant des travaux savants plus complets, d'ajouter déjà quelques détails plus précis aux indications précédemment données ici?. Les explorations faites ont profondément modifié les données que l’on avait sur la configuration de toute une région des terres antarctiques. C’est par 67° de lat. que la Discovery est entrée dans la banquise antarc- tique, en janvier 4902. Après être passée au cap Adare, dans la Terre Victoria, puis à Wood Bay, elle gagna le cap Crozier ; elle longea alors dans la direction de l'Est la barrière de glace. Celle-ci, à partir de 1659, remonte peu à peu vers le Nord. Entre159° et1580 ellese dirige droit au Nord, et là, par-dessus le rebord de la barrière, s'élèvent des coteaux neigeux, en arrière desquels s'étend une terre recouverte de glace et hérissée de pics escarpés et nus. Le capitaine Scott proposa d'appeler cette terre inconnue Terre du roi Edouard VII. L'Expédition en suivit la côte jusqu'à 76° de latitude sud et 1320 20! de longitude. C'est dans une région voisine des monts Erebus et Terror, par 77 50! de latitude sud et 166° 42! de lon- gitude est, que l'on établit les quartiers d'hiver. En faisant des reconnaissances pour le choix de cet em- placement, on avait fait encore une fort intéressante découverte. Le capitaine Scott reconnut que les deux monts Erebus et Terror ne se trouvent pas sur le continent, comme le croyait Ross, mais qu'ils forment une ile; un détroit, situé là où l'on plaçait la baie de Mac Murdo, isole cette île de la Terre Victoria, qui est à l'Ouest. La Discovery se plaça au sud-sud-ouest de cette Île, près d'un cap qui fut dénommé Cap Armitage. Quant à la Terre Victoria, elle se prolonge au loin vers le Sud; elle est très montagneuse et l’on y voit s'élever des hauteurs de près de 20.000 pieds, comme celle qui reçut le nom de mont Discovery. Au sud de la station d'hivernage, trois îles étaient empâtées dans l'immense glacier que l'on appelle la Barrière de Glace ou muraille de Ross, et qui s'étend fort loin à l'Est et au Sud. Le navire fut emprisonné dans les glaces le 24 mars. Le froid fut très vif. D'après les observations ‘ Centralbl. f. allgem. Gesundh., 1904, t. XXIII, p. 117. * Rev. gén. des Se., t. XIV, p. 534. 888 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 1 faites par, M. Charles Royds, le météorologiste de l’'Expédition, à bord de la Discovery, au lieu de son hivernage, à 21 milles du volcan Erebus, la plus basse température notée en 1902-1903 fut —45°,8, la plus haute —+3°,9; la température moyenne avait été —170,8. On a noté souvent, dans les régions arcti- ques, des températures moyennes plus basses ; mais, si l'on tient compte que la Discovery n'était qu'à 77° de latitude pour faire son hivernage, on est amené à penser que le pôlede froid antarctique doitêtre beaucoup plus froid que le ou les pôles de froid des régions arctiques. Le maximum barométrique observé a été 7642m,2, le minimum 71322%,6. Ce minimum est très bas et montre que les centres des dépressions s'avancent vers le pôle, puisqu'elles vont jusque dans la région des monts Erebus et Terror. Le vent, en hiver, tourne de l'Est vers le Sud et s'arrête au Sud-Ouest, d’où il souffle avec le plus de violence; puis il retourne doucement vers l'Est. Le vent du nord ne souffle que pendant les mois d'été. La station de la Discovery, abritée de divers côtés, était mal située pour renseigner exactement sur le régime du vent normal; mais les fumées du volcan Erebus, dont l'altitude est de 3.800 mètres d’après Ross, indi- quaient nettement que la direction prédominante des vents supérieurs était généralement du Sud-Ouest à l'Ouest. A partir de septembre 1902, plusieurs expéditions partielles furent entreprises. La plus remarquable et la plus pénible fut celle qui fut poussée au Sud par le capitaine Scott et deux autres membres de l'Expédition jusqu'à 82°17! de latitude sud, par 163° de longitude est Gr.; on avait ainsi dépassé de 384 kilomètres le point extrème précédemment atteint dans les régions antarctiques. Les explorateurs virent de hautes mon- tagnes s'étendant encore au loin vers le Sud. L'excur- sion avait duré trois mois; le détachement rejoignit la Discovery le 3 février 1903. En automne 1902, les Sociétés anglaises qui avaient organisé l'Expédition envoyèrent un navire de secours, le Morning, qui trouva, au mois de janvier 1903, la Discovery bloquée par les glaces. Le navire n'ayant pu se dégager au cours de cet été austral, le Wornmg regagna la Nouvelle-Zélande, après avoir ravitaillé l'Expédition. L'hivernage de 1903 fut moins pénible que le pré- cédent, par suite du calme plus grand de l'atmosphère, bien que le thermomètre descendit plus bas, jusqu'à —55° centigrades. La Discovery avait, les deux années, hiverné à 640 kilomètres plus au Sud qu'aucun navire ne l'avait fait jusqu'ici. En ce point, voisin du 78° sud, la nuit polaire est déjà de fort longue durée; l'Expé- dition antarctique allemande du Gauss, qui avait hiverné par 66° seulement, n'avait pas eu à en subir les effets, De nouvelles explorations furent entreprises durant l'été austral suivant et leurs résultats scientifiques ne furent pas moins importants. Dès le début du printemps, par des froids intenses de — 459 à — 50°, des dépôts furent installés pour jalonner la route prochaine des explorateurs. Pendant l’une de ces pénibles excursions préliminaires, on releva un minimum de —56° C. (— 68 K.). L'exploration la plus lointaine fut celle que dirigea, depuis le 42 octobre 1903, le capitaine Scott dans la di- rection de l'Ouest. Après des tentatives réitérées et de. très grandes difficultés, il parvint à escalader le rebord montagneux et atteignit 8.900 pieds; c’est alors qu'il put s'avancer vers l'Ouest. Il poussa de ce côté jusqu'à un point situé par 78° sud et 146930! est, à 434 kilomètres du navire, et put reconnaitre ainsi que l'intérieur de la Terre Victoria est constitué par un vaste plateau ré-= gulier de 2.700 mètres d'altitude, entièrement glacé, que bordent sur la côte d’importantes chaînes de mon= tagnes. Au cours de cette excursion, le géologue Ferrar découvrit dans une vallée glaciaire, voisine de la côte, des grès contenant des plantes fossiles, des dicotylé= dones, paraissant appartenir à l’âge miocène. D'un côté opposé, une excursion très fructueuse fut faite par MM. Royds et Bernacchi. Ils s’avancèrent sur la surface de la barrière de glace, dans la direction du Sud-Est, jusqu'à 260 kilomètres du navire, sans rencon= trer ni apercevoir aucune terre et sans rien trouver qui parût devoir mettre obstacle à une marche prolongée sur la glace. Cette vaste plaine glacée paraît être flot= tante. Enfin, les lieutenants Barne et Mulock se portèrent vers le Sud et s’avancèrent avec quatre hommes jusqu'à. 809, afin d'examiner une large ouverture qui se trouve à la hauteur de ce parallèle, dans la Terre Victoria. Ils reconnurent que cette échancerure est remplie par un puissant glacier, émissaire de l'inlandsis Ils étudièrent aussi la facon dont s'opère la jonction entre le conti- nent et la barrière de glace et constatèrent que cette dernière flotte à la surface de la mer et subit d’impor- tants déplacements. Les doutes que l'on avait sur la possibilité de dégager, la Liscovery durant l'été austral 1903-1904 firent décider l'envoi de deux navires de secours, le Wor- ninq et le T'erra Nova. De plus, comme la date du re= tour de l'Expédition était arrêtée pour cette époque et que, d'après un ordre formel de l’'Amirauté, la Disco= very devait être abandonnée si l'on ne pavenait pas à la dégager, il importait que les précieuses collections faites au cours des deux dernières années de campagne pussent être rapportées. | Le Morning aborda la banquise le 26 décembre 1903 et, la glace étant clairsemée, sa marche fut exception- nellement facile jusqu'à la baie de Mac Murdo. L'air était seulement agité par une brise légère et le ciel était presque sans nuages. Mais la situation changea quand on fut en présence du champ de glace qui emprison- nait la Discovery. Arrivé le 5 janvier 4904 à 29 kilo- mètres de ce navire, le Morning ne put entrer en com- munication avec lui que six semaines plus tard, le 14 février, tant les glaces qui enserraient le navire étaient résistantes. Ce n’est qu'à force de patience et d'opiniâtreté que le capitaine Scott parvint, au moyen d’explosifs, à dégager son navire. Le voyage de retour de la Discovery amena encore, l'Expédilion à faire une intéressante constatation. Elle visita sur son parcours les baies Wood et Robertson et, poussant une pointe à l’ouest de la Terre Victoria, à travers le groupe des iles Balleny, elle s'avança jusqu’au 156° méridien, près de la Terre Adélie. C’est alors qu'elle reconnut qu'il n'existe aucune ligne de côte à l'est de cette terre, comme l'indiquent les cartes. ]l ne reste rien de cette imaginaire Terre de Wilkes, trop facilement dessinée par le voyageur américain. Gustave Regelsperger. W. MATHESIUS — LA FORMATION DES SCORIES DANS LA MÉTALLURGIE 889 LA FORMATION DES SCORIES DANS LES OPERATIONS MÉTALLURGIQUES, LEUR CONSTITUTION ET LEUR EMPLOI INDUSTRIEL ua ON ET ROLE NES SCORE du haut-fourneau dans laquelle l'air nécessaire pour brûler les combustibles est insufflé. Les Les scories se forment comme produils acces- soires dans les processus de préparation ou de raffinage des métaux qui utilisent des tempé- ratures auxquelles les substances réagissantes deviennent liquides par la fusion. La scorie peut alors prendre naissance pour deux causes diffé- rentes : 1° quand les produits de réaclion ac- compagnant le métal ou se formant à ses dépens ne sont pas de nature gazeuse; 2° quand les mine- rais ou les combustibles employés renferment des constituants accessoires qui se liquétient au cours des opérations. Comme exemple de scories formées d'après le premier mode, on peut ciler, dans la fabricalion du fer : les scories de puddlage, les scories Bessemer, les scories Thomas et celles des fours Martin; ensuite, les scories qui se forment dans la préparation des métaux par des corps réducteurs, dont les combinaisons oxygénées ou sulfurées ne sont pas gazeuses : fer, aluminium, silicium. À ce groupe appartiennent les précipita- tions dans la métallurgie du plomb, résultant du déplacement du plomb de sa combinaison sulfurée par le fer; puis l’ensemble des procédés alumino- thermiques de M. H. Goldschmidt, dans lesquels les différents métaux sont déplacés, en général de leurs combinaisons oxygénées, par l'aluminium, avec formation d'alumine liquide comme scorie. Comme exemple du deuxième mode de production des scories, on peut signaler la fusion des fondants dans la production des métaux (fer, cuivre, plomb, etc.) par le procédé du haut-fourneau. Les scories du premier genre consistent surtout en oxydes, sulfures et phosphates métalliques; celles de la seconde espèce principalement en silicates, ne renfermant plus de métal susceptible d'extraction. Toutes les scories ont un rôle délerminé dans les opérations métallurgiques; ce sont : 1° des corps de rassemblement, pour tous les produits accessoires non gazeux; 2 des aides pour l'ac- complissement régulier des réactions chimiques. Voici quelques exemples de cetle dernière fonc- tion : Quand des métaux sont fondus dans un haut- fourneau, la réduclior des oxydes métalliques et la fusion du mélange a lieu au-dessus de la zone masses fondues tombent à travers la zone de com- bustion dans le creuset du haut-fourneau; les gouttes métalliques isolées traversent donc une région caractérisée à la fois par une très haute température et une atmosphère oxydante. Elles se recouvrent donc nécessairement d'une couche d'oxyde métallique qui, si elle était conservée, influerait désavantageusement sur la qualité du métal. Toutefois, les gouttes métalliques ne tombent pas directement dans le bain de métal en fusion rassemblé à la base du haut-fourneau; elles sont reçues par la scorie liquide qui, à cause de son poids $pécifique plus faible, s'est séparée à la sur- face du bain métallique; elles sont alors lavées par leur passage à travers ce bain de scorie, c'esl- à-dire débarrassées de leur pellicule d’oxydule, comme une main plongée dans l’eau est nettoyée d'une couche de savon. Les oxydes métalliques caplés par le bain de scorie sont, en général, réduits de nouveau en métaux par le carbone flottant dans la masse ou faiblement dissous par elle. Dans un autre sens, les scories servent d’ad- juvants pour l'accomplissement des processus du haut-lourneau en ce qu'elles agissent comme ré- gulateurs de température. C'est essentiellement la position du point de fusion des scories qui déter- mine la tempéralure qui se maintient dans le haul-fourneau; de la hauteur de cette température dépend principalement le fait que, par exemple, dans la fusion du plomb, il se séparera seulement du plomb ou aussi du fer, ou bien, dans un haut- fourneau ordinaire, il se produira de la fonte blanche ou grise. Les scories servent enfin comme intermédiaires des réactions, en fonclionnant comme solvants des substances réagissantes. Je citerai comme exemple la déphosphoration du fer dans le procédé Besse- ner basique, où la déphosphoration ne devient active que lorsqu'une quantité suffisante de scories est formée; celles-ci peuvent alors servir de solvant pour la chaux introduite dans le convertisseur avant le commencement de l'opération, chaux qui a pour but de lier l'acide phosphorique qui se forme et de le protéger contre une réduction pos- térieure. Le rôle que joue ici la scorie comme 890 LA 4 W. MATHESIUS — LA FORMATION DES SCORIES DANS LA MÉTALLURGIE solvant s'éclaire du fait qu'on obtient une accélé- ration importante du processus quand on introduit dans le convertisseur, avant le commencement de l'opéralion, une combinaison à haute teneur en chaux facilement fusible, comme le spath calcaire. II. — ConNSTITUTION DES SCORIES. On trouve dans les scories : 1° des sulfures; 2° des spinelles (aluminates, ferrates); 3° des sili- cates; 4 des phosphates. La constitution des sul- fures est bien connue. Celle des spinelles ne l’est, au contraire, pas suffisamment pour me permettre d'entrer dans de grands développements; nous savons, en général, qu'ils se forment quand la basicité de la scorie dépasse le stade du singulo ou ortho-silicate. L'alumine et l'oxyde de fer se présentent dans ces circonstances avec le caractère acide et se réunissent avec les autres oxydes ou oxydules métalliques en combinaisons auxquelles on a donné le nom général de spinelles. $ 1. — Silicates. La constitution des silicates est beaucoup mieux TABLEAU I. de fusion, d'identifier cristallographiquement un sesqui-silicate qu'avec un seul minéral artificiel," inconnu dans la Nature, l’akermanite. Vogt re-« marque dans son travail : « Les solutions fondues de silicates », à propos de ce minéral de formulen Ca'Si0", qu'il considérait autrefois comme un sel de l'acide pyrosilicique hypothétique H*SF0”, F* qu'aujourd'hui il est porté à l’envisager comme la forme cristallographique d’un sel double, composé d'une molécule d'ortho-silicate Ca’Si0' et de deux molécules de méta-silicate CaSiO®. Vogt considère également les trisilicates hypothétiques, qu'il n'est pas parvenu à individualiser cristallographique=s ment, comme des solutions d'acide silicique dans les méta-silicates, et les sous-silicates comme des solutions de bases dans les ortho-silicates. La série extraordinairement riche de combi- naisons de l'acide silicique avec les bases se réduirait donc, d'après Vogt, aux deux combi- naisons : orthosilicate 2RO.Si0? et méta-silicale RO.SiO?,. En faveur des vues d'Akerman-Vogt, on peut également citer le groupement simple des atomes dans les formules de constitution, naturellement — Composition des silicates. RAPPORTS DÉSIGNATIONS MÉTALLURGIQUES de l'oxygène Acide : Base anciennes 0,66 : DOUS-S1lICate 0000 » RS Singulo-silicate. . 1,50 : Sesqui-silicate . . PAS Bi-silicate . . PA. Méta-silicate 3 Trisilicate. - . . . . » en — "#2 EC nouvelles Ortho-silicate FORMULE RAPPORTS moléculaire de combinaison 3RO. Si0? 2RO. SiO? 4 RO.3 Si0° RO. SiO® 2 RO.3 SiO? connue, grâce en particulier aux belles recherches d'Akerman et de J. H. L. Vogt, de Christiania. On trouvera, dans la première colonne du tableau I, le rapport des molécules d'oxygène combinées respectivement dans les molécules d'acide et de base, la molécule d'oxygène de la base étant toujours considérée comme égale à 1. Correspon- dant aux chiffres d'acide ainsi obtenus, j'ai indiqué, dans la colonne suivante, l'ancienne nomenclature, qui faisait usage des préfixes : sous-, singulo-, ses- qui-, bi- et tri-. Akerman et Vogt s’en sont écartés | et ont choisi pour les singulo-silicates le nom d'ortho-silicates et pour les bi-silicates celui de | méta-silicates (3° colonne). Je crois qu'on fait bien de s'inspirer pour ces désignations des lermes correspondants usités pour les phosphates; on évitera ainsi bien des malentendus. Akerman et Vogt se sont bornés à l'usage des deux termes ortho- et méta-silicate, parce qu'il ne leur a été possible, malgré des centaines d'essais hypothétiques, de l'acide silicique, des méta- et orthosilicates données ci-après : | Acide silicique : OSa20 O0 RTE 29e UE NE Roemiles ) Métasilicate : RQ DSi : 0 de constitution. | 70 70 ‘tho-silicate : Si R Ortho-silicate RQ? Ka \ Si l'on essaie d'établir des formules de constitution analogues pour les sous-, sesqui- et lrisilicales, onw arrive à des combinaisons tout à fait arbitraires. Le Tableau 11 représente, dans un autre ordre d'idées, les résultats tirés par Vogt de plusieurs centaines d'essais de fusion et d'analyses : Il y a disposé, dans deux directions (en ordonnées sui-m | vant le degré de silicatation, en abscisses d'après : | le rapport des différentes bases entre elles), les minéraux que, par des observations microgra- phiques, il a montré s'être individualisés cristallo-M graphiquement dans les liquides de fusion après W. MATHESIUS — LA FORMATION DES SCORIES DANS LA MÉTALLURGIE 891 un intervalle de solidification d'environ une heure. Il résulte de ces recherches qu'au stade de silica- tation du tri-silicate, ilne se présente jamais d’indi- vidualisation cristallographique de cristaux, mais qu'on obtient exclusivement du verre amorphe; que, dans les mélanges silicatés caractérisés par le rapport O’acide : O‘base — 2,5, il se sépare des méta-silicates et du verre; que les bi-méta- silicates donnent les minéraux indiqués sur le tableau; qu'au stade de sesqui-silicate, il s'indivi- dualise uniquement de l'akermanite, el qu'enfin au stade de singulo ou ortho-silicate on retrouve les minéraux nommés sur le tableau. Les minéraux Magceau II. — Tableau des silicates, d’après Vogt. Verre 8,00 Sil. nl 3 Verre et un peu ; de métasilicate A Excès de métasilicate Ë et un peu de verre ( H Ë 2,50 Sil. ; Métasilicate | de Ca Augiite hexagonal É Enstatite 2,00 Sil. ai Hypersthène wollastonite 1,50 Sil. : Akermanite À lili è i Mélilite Olivine 1,00 Sil. = Gehlinite 0,50 Sil. Li CRE OSCAR luc ere 0,0 Ca D'OMBRE EEE (CEA TEE 2 HE EEE 1,0 Ms,Fc ainsi obtenus par Akerman et Vogt dans leurs essais de fusion, à l'exception d'un méta-silicate de chaux hexagonal qui n'a pas recu de nom et de l'akermanite, ont tous été trouvés dans les scories de haut-fourneau, de sorte que la constitution de ces scories, pour autant que leur composition reste dans ces limites, paraît s'expliquer ainsi : ce sont, à l'état fondu, des solutions vitreuses des différents silicates d’où, par refroidissement, crislallisent d'abord et en excès les minéraux dont la formation peut être prévue d’après la. composition chimique. Si l’on refroidit subitement de telles scories, en les projetant en jets minces dans un courant rapide d'eau glacée, on obtient toujours, sans exception, des verres amorphes, sans individualisation cris- tallographique. $ 2. — Phosphates. Les scories phosphatées possèdent, dans la mé- tallurgie courante, un représentant des plus impor- tants dans les scories Thomas. C'est à Gustave Hilgenstock‘ que revient le mérite d’avoir montré que l'acide phosphorique est contenu, dans les scories Thomas, sous forme de combinaison jus- qu'alors inconnue, le phosphale tétrabasique de chaux, et que cette combinaison peut être isolée cristallographiquement de la scorie. Après lui, d'autres chercheurs ont encore individualisé dans la scorie Thomas deux combinaisons doubles de phosphate de chaux tétrabasique avec l'ortho- silicate de chaux, et l'on a prétenda que, chez l'une d'elles, l'acide phosphorique existait à l’état de phosphate tribasique de chaux. Mais il est facile de montrer que cetle hypothèse s'appuie sur des fautes de calcul, et aujourd’hui tous les savants admettent que, dans ce cas aussi, l'acide phospho- rique se trouve sous forme de phosphate tétraba- sique. J'ai montré moi-même * comment on peut expliquer la constitution de celte combinaison tétrabasique el des corps dont elle dérive : Phosphate tétrabasique : R‘P20° = 4 RO. P£OS. ON Acide phosphorique : H#PO‘— 0 : P — ON. No He (n O0 Anhydride } NZ lea phosphorique | + | 0 * 0 (®) 0 Acide métaphosphorique HPO*= P — OH HO — P Il | 0 R R 4 } ATEN Ô 0 0 0 Phosphate tribasique Ÿ A 0 N p R'P20° VA N y NS 0 0 0 0 SR & R R On voit, par ces formules, comment, de l'acide orlhophosphorique avec trois hydroxyles, dérive l'anhydride phosphorique par élimination de trois molécules d'eau. La formation de l'acide méta- phosphorique monobasique, qu'on obtient en ver- sant l'anhydride phosphorique dans l'eau, s'ex- plique très bien au moyen de la formule précé- dente : une molécule d’eau ouvre la liaison de l'atome d'oxygène du milieu et il se forme deux groupes hydroxyles. De la même facon, on peut se représenter qu'aux haules températures où s’ac- complit le procédé Thomas, les doubles liaisons des quatre atomes d'oxygène extérieurs de l’an- hydride phosphorique s'ouvrent pour laisser entrer 1 Stahl und Eïisen, 1884. ? Stahl und Eïisen, 1886. 892 W. MATHESIUS — LA FORMATION DES SCORIES DANS LA MÉTALLURGIE chacune une molécule d'oxyde de calcium. J'ai déjà indiqué en 1886 que, par analogie avec ces repré- sentalions, il ne doit pas pouvoir exister de com- binaisons de l'acide phosphorique létrabasique solubles dans l’eau; à ma connaissance, on n’en a, en effet, pas trouvé jusqu'à présent. A côté des combinaisons tétrabasiques de l'acide phosphorique et des ortho-silicates, les scories Thomas renferment encore des quantités plus ou moins élevées de spinelles, suivant que, dans l’exé- cution des opérations, on a plus ou moins soufflé et scorifié le métal. La scorie contient, en outre, des sulfures correspondant à une partie du soufre de la fonte destinée au soufflage. III. — EMPLOI DES SCORIES. Les scories formées d'oxydes et de sulfures métalliques, à l'exception de celles qui prennent naissance dans les processus aluminothermiques, retournent aux opéralions métallurgiques, et il n'y a pas lieu de nous en occuper ici. L'alumine fondue obtenue par voie aluminothermique, matière ana- logue au corindon naturel, mais le dépassant en pureté et en dureté, trouve un emploi comme sub- stance à polir ou comme matière pour la prépara- lion de produits céramiques présentant une rési- stance extraordinaire aux acides et une grande conductibilité thermique. Ces modes d'emploi sont encore en voie de développement. Les scories sili- catées et phosphatées ont déjà trouvé, par contre, une utilisation beaucoup plus étendue. A propos des scories silicatées, je me bornerai à parler des plus importantes d'entre elles, celles qui résultent de la métallurgie du fer dans les hauts-fourneaux. $ 1. — Silicates. L'importance économique de cette ulilisalion apparait auss'tôt si l'on considère que certaines grandes usines produisent par jour jusqu'à 3 mil- lions de kilogs de scories. Il y a une quarantaine d'années, on employait encore surtout le charbon de bois comme combustible dans les hauts-four- neaux ; les scories alors obtenues renfermaient tel- lement d'acide silicique que leur composition cor- respondait à celle des bi- ou tri-silicates. Ces scories sont très résistantes aux influences désagrégeantes des agents atmosphériques; elles peuvent être moulées directement à l’élat fondu et employées comme pierres de construction. On voit encore aujourd'hui, dans les régions où des hauts-four- neaux à charbon de bois ont élé en activité, des bâtiments, des murs de clôture, ele., en matériaux de cette sorte, qui se sont bien conservés. Aujour- d'hui, aussi, en Silésie supérieure, par exemple, cet emploi s’est conservé dans les exploitations à hauts-fourneaux à coke, qui fournissent, par suites de certaines circonstances spéciales, des scories si acides qu'elles résistent à la dégradation atmon sphérique. Par contre, en général, les hautls-four neaux à coke, par suite de la teneur en soufre di coke, travaillent avec des scories dont le degré de ou des voies de chemins de fer. Dans certaines usines, celte partie forme le dixième de la quantité tolale des scories ; dans d'autres, on ne peut mê pas songer à ce genre d'utilisation. Les énormes quantités qui restaient étaient encore lout récem: ment transportées sur les champs voisins, et l'or voyait en peu d'années s'élever, aulour des usinesss de grandes montagnes arlificielles. On a commencé depuis quelque temps, après que ces montagnes ont subi un certain processus de désagrégalion, à les fouiller et à en extraire les meilleurs fragmentsé au moyen de concasseurs et de tamis, on a préparés des morceaux de grosseur déterminée, qu'on a répandus sur les routes et les voies de chemins de fer, avec de bons résultats. 4 Mais. étant donnée l'importance de la production des usines modernes, ce n'est qu'exceplionnel ; ment que le mode d'emploi précédent contrebaïance 4 l'accroissement des collines de scories. On a done cherché depuis longtemps à utiliser celles-ci d'uné autre façon. Déjà, en 1859, MM. Lürmann, Meyer et Wilting, d'Osnabruck, firent connaître un pro cédé pour préparer des pierres de construcliom artificielles au moyen de scories de haut-fourneaus On pulvérisait la scorie refroidie lentement, mélan geait la poudre avec de la chaux éteinte, mettait la masse dans des formes et laissait les pierres sé durcir à l'air. Le durcissement se produisait comme dans le mortier à chaux ordinaire, par le formation de carbonate de chaux résultant de l'ac lion de l'acide carbonique de l'air atmosphérique La solidité de la pierre correspondait donc, suivant la qualité et la quantité de la chaux employée, dm celle du mortier à chaux. Le procédé se montra bea coup trop onéreux, parce que la pulvérisation des scories dures est très coûleuse, et qu’une addition relativement élevée de chaux est nécessaire pou obtenir des pierres de solidité suffisante. En 1870, ce procédé reçût un nouvel esso FE. W. Lurmann trouva le moyen d'obtenir ut écoulement continu de la scorie du haut-fournea en recevant celle-ci à l’état liquide dans un couranl d’eau froide, elle se granule sous forme de sable à grains fins, ce qui épargne une pulvérisation sub SL C Lan PO het W. MATHESIUS — LA FORMATION DES SCORIES DANS LA MÉTALLURGIE 593 séjuente. Mais, là encore, pour obtenir des pierres d'une rigidité suffisante, une addition de 15 à 20°/, ‘le chaux était nécessaire, ainsi qu'un durcissement d'un mois à l'air. Pour préparer de grandes quan- lilés de ces pierres, il fallait une étendue de terrain assez considérable, et le procédé donnait une pro- portion non négligeable de pierres défectueuses, par suite de la pluie et du gel. Pendant l'hiver, naturellement, la fabrication était complètement _ suspendue. Sur ces entrefaites, on observa que la scorie granulée dans l'eau présente dans certaines cir- constances des propriétés hydrauliques. On utilisa alors cette scorie à la formation de mortier, en l'employant pour la préparation du ciment de pouzzolane. Dans ce but, on faisait moudre environ deux liers de scorie de haut-fourneau granulée avec un Liers d'hydrale de chaux. Ce ciment a fait pendant quelque temps une concurrence impor- lante au ciment Portland. Toutefois, aujourd'hui, il n'est plus guère préparé que par quelques fabriques, parce que le ciment de pouzzolane pos- sède des qualités inférieures à celles du ciment Portland et qu'il ne revient pas beaucoup moins cher. Le ciment de pouzzolane a un poids spéc:- fique moindre; la densité et la solidité des murs ou du béton préparés avec ce corps ne sont pas si grandes qu'avec le ciment Portland, car la chaux additionnée ne forme qu’en partie des hydro-sili- cates avec l'acide silicique de la scorie, la majeure portion de celte chaux élant transformée en carbo- nate de chaux par l'acide carbonique de l'air atmo- sphérique. Les frais de fabrication ne sont pas minimes, car la calcination et l'hydratation de la chaux, la granulalion par l’eau et le séchage des scories, et la mouture très difficile du mélange, demandent une dépense de travail presque aussi grande que la préparation du ciment Portland ordinaire. Mais on constata alors qu'une addition au ciment Portland de scorie de haut fourneau granulée à l’eau et finement moulue, loin de le détériorer, l’amé- liore, au contraire, d'une façon appréciable. Aussi, depuis un certain nombre d'années, quelques fa- briques de ciment, qui peuvent se procurer à bon compte des scories de haut fourneau, préparent- elles un ciment Portland obtenu en incorporant au ciment ordinaire 30 °/, de scorie granulée finement moulue; les résuitats ont été en parlie bons, en partie défavorables. On mit, en effet, de longues années à reconnaitre que toutes les scories de haut- fourneau ne sont pas bonnes pour de telles addi- lions. Les mécomples résultant de l'emploi de scories non appropriées ont un peu discrédité l'uti- lisation de celles-ci dans l'industrie des ciments; celle-ci s'est séparée en deux camps : l’un compre- nant les fabriques de ciment Portland pur, l’autre les usines qui préparent le ciment de scories, au- quel elles ont donné le nom de ciment Portland fer- rugineux. Ces dernières ont réalisé récemment d'assez grands progrès; abandonnant les vieilles méthodes de préparation du ciment Portland, elles fabriquent aujourd'hui, par calcination du sable de scories et de la chaux dans des fours et mouture de ce produit avec 30 °/, de sable de scorie, un ciment qui présente entièrement les propriétés de solidité et de durcissement du ciment Portland. De nouvelles études dans ce domaine ont enfin conduit récemment à d’autres simplifications et améliorations. M. H. Passow, de Hambourg, en con- duisant d'une façon spéciale les phénomènes de solidificalion des scories, est parvenu à obtenir des modifications qui, mélangées en proporlions conve- nables et moulues sans addition de chaux, four- nissent un ciment remarquable, connu sous le nom de ciment Hansa. Un rapide examen des phéno- mènes physico-chimiques qui se produisent dars la liaison et le durcissement du ciment fera com- prendre les raisons de cet important résultat. Divers savants ont signalé, dans le ciment Port- land, la présence d’une série de minéraux diffé- rents. Türnebohm les a désignés sous le nom de lit À, lit D, lit C, lit F, et, à côlé de ces consti- tuants identifiables cristallographiquement et se distinguant très nettement, il a encore établi l’exis- tence de quantités plus ou moins considérables de verre silicalé amorphe. D'après les recherches de Passow, lorsqu'on délaie le ciment avec de l'eau, le lit A et le verre sont capables de réaction, tandis que les lit B, lit Cet lit F paraissent être indifré- rents el ne pas participer à la réaction. Cette réac- tion s’accomplit de telle facon qu’au contact de l’eau, le /if A met en liberté des quantités considé- rables de chaux, et que celte chaux libérée agit de son côté comme révélateur sur le verre du ciment Portland et l'amène à réagir. La production de chaux par le it À est si considérable qu'on peut distinguer encore des quantilés appréciables de chaux libre dans le ciment Portland délié et durei. Le ciment Portland ferrugineux, préparé avec 10 parties de ciment Portland pur et 30 parties de verre de scorie de haut-fourneau moulue, présente le même processus de durcissement, car la quantité de chaux libérée par le lit A est bien suffisante pour agir sur la quantité plus forte de verre silicaté amorphe. La teneur moindre en chaux libre du ci- ment Portland ferrugineux durcei, comparativement au ciment Portland pur, provoque naturellement, d'un autre côté, une augmentation relative de la teneur en hydrosilicates, c’est-à-dire précisément les combinaisons qui donnent au ciment une plus grande solidité qu'au mortier. C'est ici qu'il faut 894 chercher l’explicalion de l'influence favorable de l'addition de scories, opérée d'une façon appro- priée. Les nouvelles usines de ciment Portland ajoutent au verre de scorie, dans la préparalion du Æliuker au moyen de scorie et de chaux, la quantité de chaux qui est nécessaire pour agir sur le verre de scorie dans le délayage du ciment. Les mêmes phé- nomènes se répètent pour le ciment Hansa, pré- paré uniquement avec des scories, parce que M. Passow est parvenu, par un procédé particulier de granulation des scories, à traiter une partie de la scorie de telle façon qu'elle met en liberté des combinaisons calciques analogues au if À et capables de réaction. Enfin, un nouveau procédé d'ulilisation des sco- ries, au développement duquel j'ai personnellement contribué, repose sur l'observation que le cimentet des silicates de chaux réagissables se gonflent lors- qu'on les humecte d'eau. Le procédé utilise cette particularité en soumetlant à une action intense de l'eau, par traitement à la vapeur sous pression, des scories de haut-fourneau d’une basicité suffisante, granulées à l’eau. Les scories se gonflent dans toule la masse et se décomposent, si l'opération est bien conduite, en une poudre amorphe, sèche et tendre, de la plus grande finesse, qui, mouillée avec de l’eau, se délaie et durcit comme le ciment. Ce procédé fournit un ciment d'une finesse non en- core atteinte et à un prix relativement faible, car les frais de mouture et de calcination sont suppri- més et remplacés seulement par un traitement simple à la vapeur d'eau, suivi éventuellement d'une séparation des corps étrangers par un cou- rant d'air. $ 2. — Phosphates. Les scories Thomas furent, à l’origine, jetées sur les champs, ou, lorsqu'on manquait de matières phosphatées, ramenées à la fusion dans le haut- fourneau. De 1882 à 1884, diverses Sociétés es- sayèrent de décomposer par voie chimique cette scorie, qui renferme de 16 à 20 ‘/, d'acide phos- phorique, de retirer cet acide sous forme de phos- phate bibasique par précipitation avec de la chaux, et de l'utiliser comme engrais en agricullure. Plu- sieurs grandes fabriques furent érigées pour mettre en œuvre ce procédé; elles travaillaient depuis une année à peine lorsqu'on démontra, d'autre part, que la scorie Thomas, à l’état où elle est livrée par les aciéries, peut être transformée, par une simple mouture, en un excellent engrais. Ce procédé était beaucoup moins coûteux que le traitement par voie chimique, et il est aujourd'hui partout em- ployé. La pulvérisation de la scorie Thomas est une opération très difficile. Autrefois, on commençait W. MATHESIUS — LA FORMATION DES SCORIES DANS LA METALLURGIE par un concassage grossier, suivi d'une mouture fine par des meules analogues à celles des mino= teries. Mais cette pulvérisalion était accompagnée. d'un tel dégagement de poussière que, malgré uné énergique ventilation, il était à peine possible | ouvriers de travailler dans les locaux; celte po sière présentait, d’ailleurs, une action extrèmement pernicieuse sur les poumons. La maison Slumm de Neunkirchen, introduisit en 1886, à la suite d'un concours, une amélioration essentielle dans | procédé par l'emploi de moulins coniques fermés, qui ont beaucoup diminué la production des pous= sières et sont aujourd’hui partout en usage. Néan moins, le travail dans les moulins Thomas est encore un des plus malsains qui existent. L'emploi des scories Thomas moulues comm engrais s'est heurté cependant à quelques diffi cullés. Quoique la scorie soit réduite à un état de grande finesse, chaque granule apparait encore sous le microscope comme un élément minéral isolé, qui doit subir un processus de désagrégation avant que son acide phosphorique ne soit assimi= lable par la plante. L'agriculteur est donc obligé. de répandre la scorie Thomas sur ses champs en automne ou assez tôt au printemps pour que less agents atmosphériques et l'acide humique du sol aient le temps de mettre l'acide phosphorique en liberté avant que les plantes ne soient arrivées à l'état de développement où elles sont capables de consommer l'acide phosphorique. La fumure de plantes vivantes avec des scories Thomas serait sans utilité; elle serait même souvent nuisible, car les scories renferment fréquemment de la chaux vive non combinée et toujours du sulfure de cal= cium ainsi que du fer métallique finement divisé en quantité appréciable. Ces corps entravent lex développement des plantes, comme l'ont expéri=« menté tous ceux qui ont essayé une fois dem répandre la scorie sur leurs champs au printemps. La scorie Thomas moulue se conglomère quand elle est humide; elle doit donc être répandue à l'état sec, et alors elle est facilement entrainée par le@« vent. Elle ne peut pas être jetée en mélange avec des engrais humides, comme les sels de potassium, et elle augmente ainsi la durée du travail. k J'espère, loutefois, qu'ici mon procédé de pulvé-s risation des scories par l’action de la vapeur d'eaux comprimée trouvera un emploi étendu. Les sens Thomas, par l'application appropriée de cette mé thode, se décomposent aussi dans toute leur massen en une poudre amorphe extraordinairement fine, dans laquelle la chaux vive est complètement 1 éteinte et le sulfure de calcium oxydé par l'action ; simultanée de l'oxygène de l’air. Le fer renfermé dans la scorie reste entier et peut être ensuite faci-M lement séparé. La farine est donc débarrassée des } M. CAULLERY Er F. MESNIL — LE 6° CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE trois substances reconnues nuisibles pour les plantes; elle peut être humectée sans s'agglomérer, donc être mélangée avec les autres engrais miné- raux. Comme cette farine est désagrégée jusque dans ses plus petites particules, l'acide phospho- rique qu’elle contient est plus facilement accessible aux agents dissolvants du sol; elle peut donc, comme de nombreux essais l'ont prouvé, être employée avec avantage au printemps pour la fumure des plantes vivantes. 895 Entin, le nouveau procédé présente encore l'avan- lage inappréciable d'éviter pratiquement tout déga- gement de poussière et de faire disparaître le plus grand danger pour la santé des ouvriers. J'espère avoir montré, par les lignes qui pré- cèdent, la haute importance de l'emploi des scories qui se forment dans nos hauts-fourneaux. W. Mathesius, Professeur de Métallurgie à l'Ecole Technique supérieure S HER er ee Ç LE 6 CONGRES INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE | 70" BERNE, 14-19 AOÛT 1904 Ep mass Q | R 4 « 7 Après avoir siégé à Paris (1889), Moscou (1892), Leyde (1895), Cambridge (1898), Berlin (1901), le Congrès International de Zoologie vientde seréunir, pour la sixième fois, à Berne, du 14 au 19 août 1904, sous la présidence du Professeur Studer. Le nombre des participants (plus de 400), celui des pays représentés (2% Allemagne, Argentine, Australie, Autriche-Hongrie, Belgique, Brésil, Chili, Danemark, Egypte, Espagne, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Luxembourg, Me- xique, Monaco, Pays-Bas, Portugal, Russie, Suède et Norvège, Suisse, Uruguay) suffisent à montrer la vitalité de l'institution et son caractère hautement internalional. À tous ces hôtes, les zoologistes suisses ont fait un accueil cordial, empreint de la _ simplicité démocratique et de la sincérité qui mar- quent, chez nos voisins, toutes les manifestations de la vie publique. Pour ses travaux, le Congrès a tenu, comme les précédents, deux catégories de séances, des assem- blées générales et des séances de sections spécia- lisées. I Les assemblées générales ont eu lieu dans la salle des séances du Parlement Fédéral ou dans l'Aula de l'Université de Berne, et la dernière au | Kursaal d’Interlaken. Il y a été fait des conférences sur des sujets généraux. M. R. Blanchard (Paris) a exposé les rapports entre la Zoologie et la Méde- cine, de plus en plus étroits, à la suite des décou- vertes presque quotidiennes dans la parasitologie el l’étiologie des maladies tropicales. M. Lang (Zürich) a fait revivre l’œuvre d’un précurseur suisse de Darwin, Moritzi. M. Salensky (Saint- Pétersbourg) a résumé les résultats acquis par l'étude d’un cadavre de mammouth, découvert il y a trois ans en Sibérie et qui put être très complè- tement utilisé pour la science, grâce à une expédi- tion envoyée spécialement par l’Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg ; l'anatomie, l'histo- logie même de l'animal, ses conditions de vie, sa nourriture et, par voie de déduction, les conditions physiques de la Sibérie à ce moment en sont beau- coup précisées ; il en résulte que le mammouth était un habitant de pays froids et à végétalion surtout herbacée, dont ilse nourrissait ; le cadavre a montré en même temps la fidélité des dessins préhisto- riques, retrouvés ces dernières années en France par M. Capitan dans les grottes du Périgord. M. Osborn (New-York) a fait une revue, illustrée de nombreuses projections, des faunes mammalogiques tertiaires de l'Amérique du Nord et plus spécialement des Ongulés. M. Chun (Leipzig), qui a dirigé la ré- cente expédition de la Valdivia, a exposé les lois principales de la répartition du plankton océa- nique; il s'en dégage surlout que, si ce plankton est plus riche au voisinage de la surface, il existe cependant à toutes les profondeurs ; l'étude de sa composition et de ses caractères adaptatifs est des plus fructueuses. M. F. Sarazin (Bâle), à qui l’on doit de si belles explorations zoologiques à Ceylan et à Célèbes, faites en compagnie de son cousin, P. Sarazin, a retracé dans une conférence les prin- cipales données que l’on possède actuellement sur Célèbes, au point de vue de la Biologie en général, de la Géographie zoologique et de l’Anthropologie. M. Emery (Bologne) a montré, avec beaucoup de sagacité, l'appui que devaient se prêter les diverses parties des sciences biologiques, les dan- gers d’une méthode morphologique trop exclusive etla fécondité des observations éthologiques, même pour trancher certains problèmes de phylogénie, qui semblent tout d'abord relever exclusivement de la morphologie. Enfin M. Hoek, directeur du Bureau Océanographique International institué à 896 M. CAULLERY er F. MESNIL — LE 6° CONGRES INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE Copenhague, a résumé la genèse de cette inslitution, son programme et l'œuvre accomplie jusqu'ici par elle. Ces diverses conférences seront reproduites in extenso dans le volume du Congrès, ainsi que celle que M. Giard (Paris) devait faire sur «la castration parasitaire et son influence sur les caractères sexuels secondaires ». Comme on le voit, si certains de ces sujets sont, dans une large mesure, au moins, indépendants de l'actualité, la plupart portent le reflet de grandes entreprises biologiques récemment effectuées. IT Les Sections spéciales organisées étaient au nombre de sept : Zoologie générale, Vertébrés (Systématique), Verlébrés (Anatomie, Embr yolo- gie et Histologie), Invertébrés (moins les Arthro- podes), Arthropodes, Zoologie appliquée, Zongéo- graphie. On peut remarquer, d'un Congrès à l’autre, la tendance à l'augmentation du nombre de ces sections, reflet d’une spécialisation croissante dans le champ biologique de plus en plus vaste; s'il y a une nécessité indéniable à ces subdivisions, il ne faut cependant les créer qu'avec beaucoup de pru- dence, car elles rendent difficile aux assistants de suivre vraiment l'ensemble du Congrès et de profi- ter ainsi de la circonslance momentanée qui sup- prime l'isolement habituel du spécialiste. Peut-être eussent-elles pu être réduites à six ou même à cinq. Il n'y avait pas moins de quatre-vingt-onze communications inscriles à ces diverses sections, et ce nombre s’est encore accru au dernier moment de quelques unités. Nous ne pouvons naturellement ici les passer toutes en revue; d’une manière géné- rale, il n’a été apporté au Congrès aucune révéla- tion de fait sensationnelle, mais la plupart des nouveautés intéressantes des deux ou trois der- nières années y ont élé représentées par des com- munications accompagnées de démonstrations de pièces ou préparations. Ainsi la physionomie et l'intérêt propre de ces Congrès se caractérisent, de plus en plus, par l’action bienfaisante du contact momentané entre des hommes généralement rap- prochés par les sujets d’études, mais éloignés par les distances, — et par le profit considérable retiré de la vision directe des choses, infiniment plus dé- cisive que la lecture des textes. A la Section de Zoologie générale, appartenaient naturellement les communications sur les varia- tions, les mutations, la mécanique du développe- ment, la régénération, qu'il est impossible de résu- mer ici. Citons toutefois celle de Godlevski (Cracovie) sur la régénération expérimentale de la queue chez les Tritons, où l'auteur met en évidence le rôle capital et assez complexe de la moelle épinière. Parmi les démonstralions qui y furent faites, signalons celles de Maas (Munich) sur le rôle du cal= caire dans le développement des Eponges; des pré paralions de larves, élevées dans une eau privée de carbonate de calcium, montrent avec une extrême nelteté l'avortement plus ou moins complet du sys® lème spiculaire. Vejdovski (Prague) exposait des préparations d'un organisme parasite dans le sang d'un Crustacé (Gammarus Zschokkei) du lac dé Garschina, et que l’auteur considère comme une Bactérie (Pacterium gammari); or, on y trouve uni noyau admirablement net, et l'on sait que, jus: qu'ici, il avait été impossible de mettre en évidence un noyau bien individualisé chez les Bactériacéess le fait apporté par Vejdovski aurait donc un grand intérêl, si l'organisme en question élait une véri= table Bactérie; mais ce dernier point ne va pas sans quelque doute, et Schaudinn, notamment, émis l'opinion qu'il pourrait bien être un Schizon saccharomycèle, où des noyaux analogues sont bien connus par divers travaux, notamment ceux de Guilliermond. d A la mème section, Looss exposait, avec nom” breuses préparations à l'appui, la théorie qu'il soutient depuis quelques années sur les migrations des Ankylostomes, Nématodes parasites de l'in testin et causes de redoutables maladies, chez. l'homme en particulier (anémie des mineurs). On a reconnu tout d’abord que la contamination se fai= sait par ingestion des larves dans la bouche et de là dans le tube digestif. Looss soutient (et ses prépa rations, provenant d'infections expérimentales réa= lisées surtout chez de jeunes chiens, ont paru ab= solument démonstratives) que les larves d'Ankylos= tomes peuvent pénétrer aussi par voie cutanées déposées sur la peau normale, elles entrent dans les follicules pileux, s'’enfoncent dans le derme, passent dans les vaisseaux lymphatiques et san: guins, arrivent ainsi au cœur, puis au poumon, de là gagnent les voies respiraloires, le larynx, l'œæso= portée pratique indéniable, car la prophylaxie basée jusqu'ici sur l'hypothèse d'une contamination uniquement par voie buccale, semble être insuffi tendu, entre autres, d'intéressantes communica= tions des paléontologistes américains, notamment. 1 Schaudinn (Deutsche medic. Wochensch., 8 sept. 190# p. 133$) vient aussi de réaliser, dans des expériences très précises, l'infection intestinale par voie cutanée, chez deu jeunes singes (Inuus sinicus). M. CAULLERY er F. MESNIL — LE 6° CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE d'Osborn sur la phylogénie du cheval. L'American Museum of natural History a recueilli, dans ces trois dernières années, des documents considé- rables à cet égard, et, de leur étude, Osborn croit pouvoir conclure à une origine polyphylétique des chevaux. Dans la Section des Vertébrés (Anatomie), men- tionnons la communication de Yung (Genève), où cet auteur exposait les résultats d'expériences sur influence de l’alimentalion et de l'inanition sur la longueur de l'intestin chez des tétards de ÆRana yiridis; mentionnons aussi les intéressantes re- cherches de Bashford Dean {New-York) sur l'œuf et le développement du Chimæra colliei; ses résultats indiquent que ce type est plus spécialisé que les Squales proprement dits. Kerbert (Amsterdam) apportait des préparations et des photographies relutives à l’embryogénie de la grande Sala- mandre du Japon, dont la ponte et le développe- ment viennent d'être obtenus pour la première fois en aquarium. Van Wijhe (Groningue) présen- tait de magnifiques préparations d'embryons de Sélaciens, mesurant jusqu'à 10 centimètres de lon- gueur, conservés, colorés et éclaircis dans le baume de Canada, in Lolo, et qui montraient le développe- ment du squelette cartilagineux {crâne primor- dial, squelette viscéral, axe verlébral) avec une ad- mirable neltelé, grâce à une coloration élective de ce tissu par le bleu de méthylène. Citons, en der- nier lieu, comme une intéressante rareté, un fœtus d'Eléphant d'Afrique, apporté par Lünnberg (Stock- holn), et dont le placenta révèle, d’après l’auteur, des traces probables d’un état primilivement diffus. La Section des Invertébrés (moins les Arthropodes) avait l’ordre du jour le plus chargé, d'où nous n’ex- trairons que quelques indications. Fuhrmann (Neuchàtei) exposait des préparations parfaitement convaincantes du lioicocestus, Gestode à sexes séparés qu'il a décrit récemment (V. Rev. ann. de Zoologie, p.605). Bugnion (Lausanne) et Popoffont décrit minulieusement la spermatogénèse du Lom- bric. Monticelli (Naples) à reconstitué le cycle évolutif d’un Nématode marin, l’Zchthyonema glo- biceps, parasile à l’état adulte dans un poisson du fond (U/ranoscopus scaber) et dont la larve, parasite des Sagitla, est absorbée avec son hôte par la larve pélagique de l'Uranoscope. Pelseneer a attiré l'attention sur les particularités de la nutrilion des embryons chez beaucoup de Mollusques Proso- branches et leurs rapports avec les circonstances et les conditions de milieu. Chez les Purpura, chaque coque ovigère renferme des centaines d'œufs, mais il n'en sort que quelques larves; l’au- teur a vu que la plupart des œufs, après segmenta- tion irrégulière, se fusionnent en une masse de réserves unique, aux dépens de laquelle se neur- REVIE GÉNÉRALE LES SCIENCES, 1904. 897 rissent les. quelques embryons destinés à devenir des larves. Enfin, les faits si surprenants annoncés naguère par Schaudinn (V.Æev. ann. Zool., p. 602), et d'après lesquels les Trypanosomes et les Héma- tozoaires endoglobulaires (certains tout au moins) seraient, non des types indépendants, mais des états variés d’un même cycle, ontreçu une première confirmation, d’après des expériences faites en Algérie sur la Chevêche ({Athene noctua) et le moustique (Culex pipiens) par Ed. et Et. Sergent, de l’Institut Pasteur de Paris. Dans la Section des Arthropodes, Heymons (Ha- novre) a communiqué ses recherches sur le déve- loppement des Sohfuges (Galeodes), qui, d’après lui, ne montre aucun rapprochement avec celui des Insecles, mais a bien le type Arachnide, plus primitif, d'ailleurs, que chez les autres Arachnides; ainsi l'embryon a des appendices temporaires sur tous les segments abdominaux, sauf le premier. M'® von Linden (Bonn) signale que les pupes de Papillons (Vanessa urticæ et V. io), placées pendant vingt-quatre heures dans des atmosphères de CO” ou de Az, donnent les mêmes aberrations que celles soumises au froid ou à la chaleur; toutes les cir- constances diminuant les combustions organiques augmenteraient les pigments noirs et diminue- raient, au contraire, les pigments rouges (V. Rev. ann.Zool., p.596). Mais la caractéristique véritable de la Section des Arthropodes étail la présence d’une brillante série de myrmécologues, tels que A. Forel, Ch. Janet, Emery, Wasmann, etc.; il y a done eu sur les Fourmis, sur les Termites et sur les Insectes sociaux, en général, des communications nom- breuses, suivies souvent de remarquables discus- sions. La Section de Zoologie Appliquée, dont l’ordre du jour a été épuisé en une séance, a fourni plusieurs communicationsintéressantes sur l'organisation des musées ou sur la technique. On peut y rattacher l’exposilion, faite par divers constructeurs, de mi- croscopes ou d'appareils variés et de collections présentées d'une façon favorable à l'enseigne- ment, etc. Enfin, la Section de Zoogéographie avait réuni d'assez nombreux auteurs; les sujets traités, malgré leur intérêt souvent considérable, ne peuvent guère être résumés ici. Parmi les démonstrations faites au Congrès, nous devons réserver une place spéciale à celle de Pizon (Paris) sur Je développement des Botrylles, parce qu'elle a eu un légitime succès et qu'elle marque le début d'une nouvelle application du cinémato- graphe. Pizon a eu l’idée de photographier à inter- valles réguliers (toutes les 20 ou toutes les 10 mi- nutes) une même colonie de Botrylles vivants, fixée sur uné lame de verre et placée dans un petit 19% 898 D’ J. BRAULT — LES MALADIES CUTANÉES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE — aquarium disposé en face d'un appareil micro-pho- tographique. Les photographies successives étaient prises sur une bande cinématographique et repro- duisaient les changements survenus pendant une période de huit jours, par exemple, période pen- dant laquelle s'accomplit l'existence et la dégéné- rescence d'une génération d'ascidiozoïdes et son remplacement par les bourgeons qu'ils ont pro- duits. En faisant passer celte bande sous les yeux des auditeurs, dans un cinématographe ordinaire, on assiste en une minute à toutes les transforma- tions qui se sont accomplies en huit jours; la durée de ces transformations est donc fortement abrégée, mais, par là même, certaines d’entre elles devien- nent bien plus frappantes. C'est une application inverse de celles que l'on a demandées jusqu'ici à la chronopholographie. Marey l'avait utilisée sur- tout, en effet, pour analyser les mouvements trop rapides. L'exemple choisi par Pizon se prêtait très bien à cette méthode, qui est une ingénieuse inno- vation et qui peut conquérir une place importante dans les conférences ou cours publics. IT Le Congrès, enfin, a émis divers vœux ou résolu- tions; nous signalerons celui proposé par le baron de Berlepsch, et présenté en son absence par Klein- schmidt, d'introduire dans les diverses législations des dispositions protégeant les espèces animales non nuisibles et que l’évolution de la civilisation tend à faire disparaitre. M. Ed. Perrier a exprimé le désir qu'à la prochaine session, on s’occupät de coordonner davantage l'activité scientifique en Bio- | LES MALADIES CUTANÉES ET VÉNÉRIENNES logie,defaçon à mieux utiliserleseffortsindividuels: Enfin, l'assemblée a décidé d'accepter linvi= tation faite par les zoologistes américains pour lan prochaine session, qui aura lieu en conséquence en 1907 à Boston, sous la présidence d'Alex. Agassizs Nos collègues américains se préoccupent dès main tenant de faciliter le voyage aux savants d'Europe pour cette première session transatlantique. Pour compléter la physionomie du Congrès, à ne faut pas négliger le cadre dans lequel il s’es accompli. La ville de Berne, avec sa physionomi caractéristique, sa belle situation, son magnifiqu horizon que le temps favorable nous permit d’ad mirer, avec les distractions que nos hôtes suren! nous fournir chaque soir, laisse à tous un agréabl souvenir. Le 19 août, un train spécial, puis u baleau nous conduisirent à Interlaken, où eut lie la dernière assemblée générale, et où les autorité locales offrirent un déjeuner aux membres du Cons grès. Le Congrès officiellement clos, nous n’avion pas épuisé l'hospitalité de la Suisse; Genève, patrie naturelle ou adoptive d'une illustre pléiade de bio= logistes, Trembley, Bonnet, de Saussure, de Can dolle, Pictet, Claparède, C. Vogt, Fol, etc., tenait à, recevoir à son tour les congressistes; ils y furent. done le samedi 20 août; après un déjeuner au foyer | du théâtre, eut lieu une visite du Musée et de l'Ins= titut Zoologique. M. H. de Saussure avait invité les membres du Congrès à un lunch dans sa propriétés de Genthod; enfin, le soir, une fête de nuit magui= fique sur la rade terminait cette dernière journée Maurice Caullery, Félix Mesnil, Maître de Conférences Chef de Laboratoire É à l'Université de Paris. à l'Institut Pasteur, Paris» pe nf Va CHEZ LES INDIGÈNES MUSULMANS D’ALGÉRIE PREMIÈRE PARTIE : AFFECTIONS DE LA PEAU La pathologie des indigènes algériens possède des caractéristiques assez nombreuses. On sait, en effet, que, sujets aux coups de la variole, aux affections des yeux et du poumon, aux infestations vermineuses et à certaines intoxications alimen- taires, ils présentent, au contraire, une immunilé considérable vis-à-vis de la fièvre typhoïde et aussi de certains cancers. Mais les caractéristiques de leur morbidité ne s'arrêtent pas là, et nous relevons encore des particularités curieuses, du côté des affections cutanées et vénériennes. Dans un pays comme l'Algérie, on peut même dire qu'en dehors de la malaria et de la dysenterie, maladies surtout estivales, le reste de l’année, x | couleur locale nous vient en général de la patholo M gie cutanée, plus particulière : éléphantiasis 14 Arabes, lèpre, miliaires, mycoses, pied de Maduram clou de Biskra, et aussi des diverses modalités des aïfeclions vénériennes si répandues (syphilis kabyle,« phagédénisme des indigènes). . Ce sont ces dernières choses que nous tenons à faire ressortir au cours de celte étude. Sans doute, les affections proprement dites du tégument externe ne sont pas aussi graves che D' J. BRAULT — LES MALADIES CUTANÉES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE 599 nos indigènes que pourraient le faire supposer, a priori, leur incurie et leur malpropreté; il y a longtemps déjà qu'on a fait celte observalion pour les Kabyles, qui ignorent le plus les soins corporels et s'enveloppent dans des vêtements sordides (Vincent, 1862). Mais, au lieu de se borner à marquer son étonne- ment, il faut essayer d'expliquer celte constatation. Tout d’abord, on doit se souvenir qu'en raison même de leur misère et de leur manque d'hygiène, une sélection sévère s'établit parmi les indigènes dès la première enfance, que seuls les forts résistent et que tous ceux qui présentent des lares un peu marquées disparaissent. Ensuile, il faut remarquer que, chez les indigènes fatalistes, les réactions ner- veuses sont très faibles, que leurs téguments, Toutefois, la gamme des affections cutanées est encore quelque peu variée, et certaines affections | se présentent chez nos indigènes avec une prédilec- tion particulière. Ils sont surtout en but aux affeclions parasi- taires, ce qui n’a rien d'étonnant pour des indivi- dus malpropres, dont beaucoup ne se déshabillent même pas pour se coucher. Le Tableau I nous indique tout d’abord les principales maladies cutanées qui ont été soignées chez des indigènes à la Clinique dermatologique d'Alger (1894-1903). En outre des affections qui s’y trouvent signalées, nous relevons encore un cas de séborrhée et un cas des maladies suivantes : folliculite, dermatite, | érythème papuleux, érythème pellagroïde, chéloïde, TagLEau 1. — Statistique des principales maladies cutanées chez les indigènes musulmans ‘ soignés à la Clinique d'Alger de 1894 à 1903. (Cancers cutanés et lupus exceptés.) AN- PSO- IMPE- PHTI- ECZÉMA ANNÉES THRAX RIASIS T1G0 RIASE ER =Oobrk LE PIED DE MaA- DURA ECTHY-|FURON- PEM- LICHEN PHIGUS SYCOSIS|TOTAUX MA CULOSE IR Se CI Ce CE DO SDS & 10 © Le = D D D exposés aux contacts grossiers, aux intempéries, dès l'enfance, présentent une indifférence ou, du moins, une résistance marquée vis-à-vis des attaques extérieures. Certainement, ils mangent des mets grossiers et parfois fort épicés : du couscouss arrosé de merga, des dattes échauffantes, qui constiluent à peu près toute la nourriture dans les Ksour du grand Sud; mais leur vie au grand air, leur régime végétarien? leur existence sans soucis moraux, leur abstinence d'alcool, de charcuterie, suffisent à expliquer, du moins en partie, chez eux, le peu d’éruptions d'ori- gine interne. ‘ Un certain nombre d'observations citées dans cet ar- ticle ne sont pas comprises dans ce tableau, qui s'arrête à la fin de 1903; ces cas sont plus récents et n'ont été observés qu’en 1904; d'autres observations ont été prises par moi en dehors de la Clinique; toutes les photographies appar- tiennent à des malades que nous avons soignés nous- même. * L'alimentation végétale pousse moins à la peau; même chez les Ksouriens, qui se nourrissent surtout de dattes qui les constipent, les affections de la peau ne sont pas particu- lièrement nombreuses. xéroderma, pigmentosum, sclérodermie, purpura, prurigo, ce qui nous fait 236 cas; mais il faut nous empresser de faire remarquer que ce chiffre ne comprend ni les cancers cutanés (7 cas), ni les lupus (40 cas) observés chez les indigènes; nous avons fait aussi abstraction de quelques autres quantités négligeables (ulcérations diverses) !. L'énumération même que nous venons de faire montre bien que nous avions raison de dire que l'échelle des maladies de la peau est encore assez variée; toutefois, déjà de ce simple tableau, qui n'est qu'un modeste apercu de la pathologie cuta- née indigène, on peut déduire que certaines affec- tions se rencontrent dans des proportions assez faibles. La gale (74 cas), l'eczéma (37 cas), l'ecthyma (30 cas), le favus (27 cas), le psoriasis (14 cas), se montrent seuls avec des chiffres déjà respec- | tables. | 4 Jene dis rien non plus du phagédénisme des plaies; j'y reviendrai, dans un second article, à propos des maladies vénériennes. 900 I. — PARASITES ANIMAUX. La gale (Djereb), qui semble plutôt rare chez les ruraux de la Kabylie, atteint le chiffre le plus élevé dans notre tableau; en effet, les indigènes des villes sont beaucoup plus touchés. De temps à autre, en raison de la saleté et de l'incurie des por- teurs, nous voyons même chez nos sujets des formes à développement inusité; ces jours derniers, nous avions en- core dans Île Ser- vice un nêgre qui en présentait un assez bel exemple. Autrefois, ces for- mes de la maladie, isolées ou combi- nées avec la sy- philis et la tuber- culosecutanée,ont pu donner lieu à des erreurs d'in- terprélation (lèpre kabyle). Les punaises pullulent dans les grandes villes du Tell, mais les pu- ces y semblent moins répandues qu'en France ; très génantes en cer- taines régions, la Kabylie notam- ment, elles n'exis- tent pas du tout dans l'extrême Sud. En revanche, les poux de têle et de corps se ren- conlrent en nom- bre chez nos indi- gènes d'un bout à l'autre du pays; seuls les poux du pubis sont un peu plus rares, en raison de la pratique assez répandue du rasement, voire même de l'épilation de la région pubienne et des aisselles. Parmi les animaux butinants, signalons les mouches, les moustiques. Les mouches infestent très souvent les plaies des Kabyles. Lors du rapatriement de Madagascar, en 1895, presque tous nos malades de la Ville de Metz avaient leurs plaies infestées par les mouches, et de nombreux vers grouillaient dans les ulcères et les foyers plus ou moins anfractueux des plaies. Après le débarquement, avant qu'on eût pu les D: J. BRAULT — LES MALADIES CUTANÉES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE Fig. 1. — Herpès circiné à cercles très multipliés, chez un indigène. panser, la principale occupation de tous ces hommes était de jeter ces hôles infects hors des leurs plaies, en les soulevant avec précaution àm l’aide d'une petite paille ou d’une pelite baguette. Depuis, j'ai rencontré la même infestation dans de nombreuses plaies, au moment de l'entrée dans» le Service. Pour ce qui est des mousliques, nous n'insiste= rons pas sur les Anophèles, qui piquent la nuit eb donnent la fièvre danslacampagne; les {'ulex, plus ré= pandus, sont plus agressifs au point de vue des tégu- ments ;: leurpiqûre détermine une cuisson plus gran- de et est parfoi suivie de compli- cations septiques. Au début, ‘ef mon Service à l'Hôpital de Mus-", lapha, les malades. étaient couverts de piqûres de ces insectes durant les mois d'été et d’au-« tomne; j'ai fait as 4 sainir les cours et, détruire les femel-. les dans les boise- ries pendant l'hi- ver; depuis, la si- tualion s’est fran- chement amélio- rée. En dehors des animaux veni- meux, je dois si- gnaler quelques espèces qui OoCCa- sionnent des piqûres assez douloureuses, dont les effets se limitent aux léguments : araignées dis verses, galéodes, scolopendres. Les chenilles processionnaires, assez communes: en Algérie, peuvent, en oulre, occasionner des érup= tions impétigineuses, lorsqu'elles viennent à être en contact avec les téguments". IT. — TEIGNES. La teigne faveuse (Feurtsa) est surtout répandue; à chaque instant, chez nos malades indigènes, nous ‘ Les parasites cuticoles habituellement rencontrés dans D' J. BRAULT — LES MALADIES CUTANÉES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE 901 voyons des cicatrices indélébiles, parsemées de quelques poils clairsemés et lanugineux, traces | et 2)", caractéristiques de l'affection. Les enfants sont, en effet, très souvent porteurs de cette maladie, aussi bien dans nos régions que dans les oasis du grand Sud; de temps à autre, nous obser- vons la maladie en pleine évolution chez les adultes, et nous avions l'an dernier un malade qui pré- sentait un favus gé- néralisé sur tout le corps. Je n’insiste pas sur les traitements étranges qui sont en faveur chez les Arabes, vis-à-vis de cette affection. Fig. 2. — Plaque de tricophytie du cuir chevelu chez le même individu, âgé de 25 ans (fig. 1). Les teignes de l'enfance sont moins fréquem- | el chez les Israélites. ment observées; je n'ai pas eu l’occasion de voir Jusqu'à pré- sent la tondante de Gruby-Sabouraud chez les jeunes indi- gènes; j'ai, au Con- lraire, observé la tri- cophytie à grosses spores. Nous avons encore actuellement, dans notre Service,un indigène de vingt- cinq ans, qui exerce la profession de co- cher et qui nous a présenté à la fois une quantité de cereles d'herpès cireiné sur la peau glabre, ce qui n'a rien d'étrange, et une tricophytie du cuir chevelu, ce qui est tout à fait anor- mal, étant donné l'âge du sujet. En raison de l'intérêt de cette observation, Fig. 3. — Un cas d’'alopécie séborrhéique chez un talch atteint en même temps de lésions tertiaires du nez. nous avons fail pholographier cet homme {lig.1 IT. — Peranr, SÉBORRIHÉE. De lavis absolu- ment unanime de ceux qui ont exercé un certain temps en Algérie, la pelade n'existe pas chez l'A- rabe ; en tout cas, si elle se rencontre, cela doit être d’une facon tout à fait ex- ceptionnelle, car, de- puis douze ans que nous sommes dans Ce pays, nous n’en avons pas encore ob- servé un seul cas, alors que nous en avons soigné, au contraire, de nombreux cas chez les Européens La séborrhée est très rare chez les in- digènes ; on ne la ren- contre que chez les «intellectuels », chez lessavants:la figure 3 montre une alopécie séborrhéique chez un taleb porteur d’une syphilis tertiaire ayant intéressé le lo- bule du nez et la sous-cloison. IV. — EczEmA, LICHEN. L'eczéma (Hazaza elli iokhedj menhou elma : la dartre dont il sort de l’eau) se rencontre de temps en temps chez les in- digènes, soit à l'état aigu, soit à l'état chronique; je n’insis- terai pas sur les pom- | mades à la moelle de bœuf et sur les divers et plus les colonies plus chaudes ne se voient que chez des rapa- triés : dragonneau. 1 L'érythrasma, sans ètre aussi fréquent que dans cer- taines contrées plus chaudes, se voit néanmoins. Berthe- rand a signalé un cas de plique chez un indigène de Guelma. 102 D' J. BRAULT — LES MALADIES CUTANÉES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE Ou moins baroques linimentsappliqués en pareil cas. Le prurigo, le lichen, se rencontrent aussi par- fois (statistique : 6 cas) ‘. V. — Psorrasis. Les psoriasis vrais qu'il m'a été donné de voir avaient débulé dans l'enfance, comme c’est la cou- tume, et avaient déjà présenté maintes récidives; la topographie de l’éruption était typique, il s'agis- sait de cas plutôt discrets; un malade, entré plu- sieurs fois dans notre salle Hardy, a présenté des arthralgies as- sez violentes *. Er Are VI. — PEMPuIGUS. Le pemphigus, comme on le voil, est représenté dans notre statistique ; l'an dernier, une femme indigène nous à présenté une forme de pemphi- gus à forme chro- nique, maladie très grave qui se ter- mine habituelle- ment par la mort : notre malade n'a pas fait exception à la règle el a suc- combé, après avoir présenté une sé- rie d'éruptions bul- leuses générali- sées. VIT. — LEuco ET MÉLANODERMIES. Le vililigo, l'albinisme total ou partiel se voient chez les indigènes et chez les nègres; ces affections se rencontrent un peu plus dans le Sud, le Sahara ct la région du Sonf. On à décrit dans l'Afrique septentrionale, mais ceci, sachons-le bien, sans aucun examen micros- copique positif, une affection semblable au Pinto. En somme, ici, et j'en ai vu plusieurs exemples, on voit assez souven! des fausses leuco-mélanoder- ‘ Les kératodermies des extrémités se voient de temps à autre. * J'ai actuellement dans le Service un indigène atteint d'un psoriaris très discret, qui ne porte que sur les lèvres el la verge; à première vue, sur cette dernière, on pourrait penser à du lichen; mais, quand on regarde de plus près, on voil que le diagnostic de psoriasis est indéniable. Fig. 4. — Indigène atteint d'asphyxie locale des extrémités; sphacèle du lobule du nez et d'une petite portion de l'hélix du côté gauche. 1 mies consécutives à diverses efflorescences cuta= nées. Au moment du rapatriement de Madagascar, 7 sur la Ville de Metz, un des malheureux con voyeurs de cette trop sinistre cargaison étail abso= lument « pie »; cet homme, qui échoua dans mon Service, au Lazaret de Malifou, avait été surnommé « le caméléon » par les gens du bord. Dans les larges aires dépigmentées, distribuées d'ailleurs très irrégulièrement et légèrement excoriées en. quelques points, la peau blanche, ou plutôt d'une teinte rosée, paraissait amincie. Combien de fois n’ai-je pas vu de choses identiques chez mes sy- philitiques. La plupart des jeunes convoyeurs kabyles que j'ai soi- gnés au retour d Madagascar avaient le visage constellé de taches blanches, vestiges d'éruptions variées. Dans un nombre considérable de cas de dyschromie, en raclant les taches et leur pourtour, je n'ai pu, malgré des recherches persé- vérantes, déceler le moindre champi- gnon; je me garde- rai dire qu'il y a ici, soit des Caralës, soit du Pinto ou l’une quelconque de ses variétés. Les fausses leu- co-mélanodermies se rencontrent non seulement à la suite d'éruplions 4 calore, mais encore dans la syphilis, la lèpre et même les suiles des poussées éléphantiasiques; j'en ai par devers moi plusieurs observations. J'ai actuellement dans le Service un indigène qui porte une mélanodermie phtiriasique généralisée : . la face, les muqueuses sont prises; les lèvres, les gencives, les joues, les piliers, le voile du palais, sont marbrés de trainées d’un noir bleu, analogue à la teinte rencontrée sur les téguments; cette obser- vation peut prendre place à côté de celles de Bes- nier, Thibierge, Danlos, ete. Le malade ne présente aucun des signes cardi- naux de la maladie d'Addison; il a eu nettement de la phtiriase à maintes reprises; d’ailleurs, la colo- ralion anormale n'est pas en napre, mais bien D A LC donc bien de « 903 plutôt constituée par un piquelé ardoisé très serré et même confluent par places, surtout à la base du cou et à la ceinture. Chose curieuse, notre sujet était porteur de tatouages, et l'on peut constater que le « tatouage des poux » a effacé en partie le « tatouage des hommes ». _ Pour ce qui est des leuco-mélanodermies vraies, c'est-à-dire primitives, e/les sont très rares. : r $ VIIT. — GANGRÈNES CUTANÉES. Elles peuvent être sous la dépendance d’infec- . tions diverses, de la _ sénilité, du diabète, du froid, d’une mau- _ aise alimentation (ergolisme, pommes de terre avariées), etc... : les bechnas charbonneux (sor- ghos indigènes) don- . nent en Kabylie des ‘accidents très sem- _ blables à l’ergotisme … (Legrain). A côté de ces faits, . signalons cette obser- vation qui sort de l'ordinaire et se rap- porte à un cas de maladie de Maurice Raynaud (fig. 4). M: B. ÀA..., âgé de cinquante ans, origi- naire de Port-Guey- don, est entré dans notre salle Hardy (lig.3) etdétermina la gangrène d'une grande partie de la joue (désinfection, cautérisalions profondes). Dans le Service même, une récidive eut lieu à gauche; mais il y eut seulement séquestration des rebords alvéolaires et quatre dents furent eueillies avec leurs alvéoles. La malade est sortie cicatrisée; toutefois, avec l'insouciance de ses congénères, elle n'a pas voulu atlendre une autoplastie que nous lui avions proposée, La maladie ne présentait pas de traces neltes de syphilis héréditaire ou acquise; elle a guéri sans traitement spécifique *. IX. — ECTHYMA, IM- PÉTIGO, ÉLÉPHANTIA- SIS DES ARABES. Les indigènes, fré- quemment en contact avec les animaux et les objets malpro- pres, sont tout indi- qués pour servir de terrain propice à l'ec- thyma, qui prend par- foischezeux un grand développement, grà- ce à leur défaut de soins, à la sordidite de leurs vêtements et aux auto-inocula- tions de grattage. Nous avons vu des cas particulièrement sérieux chez les dé- bardeurs et les char- bonniers du portd’Al- . avecde l’asphyxie lo- cale des extrémités. Le sujet en question, qui n'a aucune autre cause de gangrène, du moins d'après nos minu- tieuses recherches, qui n'a ni sucre, ni albumine dans ses urines, nous à présenté, au moment de son entrée dans le Service, de l'asphyxie blanche des orteils, deux escarres au-dessus des régions lalonnières, enfin une escarre du lobule du nez; durant son séjour, nous avons vu survenir, SOUS nos yeux, deux nouvelles escarres, une au milieu de l'hélix de l'oreille gauche et une sur le deuxième orteil du pied droit. Enfin, bien que l'observation suivante sorte un peu à proprement parler de ce cadre, nous la rap- porterons cependant en raison de sa rareté; il s’agit d’un noma chez une indigène d'une trentaine d'an- nées, mariée deux fois. La maladie débuta à droite Fig. 5. — Noma de la joue droite chez une femme indigène d'une trentaine d'années. ger. L'impétigo, égale- ment dû au streplo- coque, se voit de { temps à autre, soit à la face, soit au cuir che- velu: nous en avions tout dernièrement encore des spécimens chez des adultes. L'éléphantiasis streptococcique, dit des Arabes et dénommé par eux Djedam, se rencontre surtout aux membres inférieurs (fig. 6) et aux bourses: Les Arabes et les Kabyles marchent pieds nus et, par conséquent, sont très sujets aux traumatismes et aux infections surales et podaliques. Enfin les irrilations, les infections répétées des bourses(gale chronique, érythème, prurigo, eczéma, érylhrasma), lessudationsexagérées,lamalpropreté, 1 La malade, avant son entrée dans le Service, n'avait suivi aucune médication. 904 D'J. BRAULT — LES MALADIES CUTANÉES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE expliquent les localisations du côté des organes gé- nitaux ; indépendamment de l’éléphantiasis, je vois là uue raison de la fréquence plus grande de l'hy- HOME Éléphantiasis du membre inférieur droit. D drocèle simple et de l'hydrocèle suppurée dans les pays chauds. Cependant, j'ai observé aussi l'œdème éléphan- liaque du membre supérieur, notamment chez un individu qui présentait à la fois un éléphantiasis des bourses, qui a été opéré dans le Service, et un ædème énorme du bras droit, qui a été amélioré par an traitement non sanglant. En dehors de l’éléphantiasis streptococcique, on peut observer de temps à autre des formes plus rares dues à la syphilis, ou encore consécutives à des adénopathies volumineuses en évolution, ou trailées par l'exlirpation. On ne pourrait rencontrer l'éléphantliasis filarien que dans l'Extrême Sud, ou chez des rapatriés d’autres colonies. On à dit que l'éléphantiasis des Arabes était devenu rare depuis quelque temps; il se trouve encore assez fréquemment : nous en voyons quatre cas signalés chez des indigènes dans la statistique du Service dermatologique; quelques mois avant de prendre ce dernier Service, nous en avions eu deux autres cas, loujours chez des indigènes, dans notre Clinique annexe des pays chauds. D'ailleurs, ces chiffres ne représentent pas, à beaucoup près, la totalité des cas; d’autres individus, entrés dans le Service pour d’autres affections, avaient des élé- phanliasis au début qui n'ont pas été retenus. Dans ces derniers temps, j'ai opéré trois serotums volu mineux! et un éléphanliasis de la vulve (grande el petites lèvres) chez une Mauresque. Toutelois, il faut le reconnaitre, on voit moins souvent qu'autrefois des hypertrophies démesurées, parce que les gens viennent plutôt demander des SOIns. X. — FURONCULOSE. La furonculose est toujours assez développée dans les pays chauds; elle se rencontre assez fréquem- ment chez nos indigènes. L'anthrax s'observe éga- lement. XI. — BoTRYOMYCOSE. Les champignons d'origine infectieuse banale, qu'on à voulu naguère élever au rang d'entité mor- bide sous le nom de bolryomycose, s’observent en raison du peu de soins que les indigènes prennent de leurs plaies. Au point de vue du traitement de ces dernières, on rencontre encore les préjugés les \ Fig. 7. — Clou de Biskra (poignet). plus étranges, et l’on sait combien les déjections humaines ou animales jouent encore un grand 1 La verge était également hypertrophique. D' J. BRAULT — LES MALADIES CUTANÉES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE 905 rôle en thérapeutique, dans de semblables milieux. XIIL. — Piro DE MADURA, FARGINOSE, ACTINOMYCOSE. La figure 8 montre le pied d'un vieil indi- gène alleint d'un de ces champignons volumineux (96 grammes), où nous avons trouvé des amas mû- riformes et des microbes vulgaires, entr’autres du Staphylocoque blanc; sa tumeur présentait nelte- ment un chapeau et un pédicule. Le chapeau, d'un brun noirätre, montrait par-ci par-là quelques rares trainées blanchätres, surtout sur son pourlour; cétaient des vestiges de la couche dermo-épider- mique éclatée. Au-dessous du chapeau se trouvait une rigole abritant quelques larves de Ausca vomi- loria, et au centre le pédicule circulaire, d'un dia- mètre de 3 à 4 cen- timètres, sensible- ment égal à la moi- tié de la portion ren- flée du champignon. La coupe histologi- que du chapeau sem- blait être celle d'un sarcome à cellules fu- siformes; néanmoins, le malade a guéri par la simple abrasion du pédicule au thermo- cautère; ce pédicule était d'ailleurs entiè- rement fibreux ettrès peu vasculaire; il n'y a pas eu la moindre velléité de récidive. XII. — Bouron DES PAYS CHAUDS. Le bouton des pays chauds, qu'on appelle Encore impropre. ment le clou de Bis- kra, et que les indi- gènes dénomment Bess el lemeur ou plus simple- nent hhabb, existe non seulement dans cette ré- gion, mais encore à Laghouat, Tuggurth, dans la zone des Zibans, du Djerid, de l'Oued-R'hir et bien ailleurs. Les indigènes sont moins atteints que les Européens; je n'ai jamais eu l’occasion de constater le clou chez eux. La figure 7 représente un bou- ton observé sur le poignet d’un Européen". On a donné au bouton le nom de chancre du Sahara ; de ce côté, la délimitation de sa zone géo- graphique est assez imprécise. Fig. 8. 1 Cet homme avait, en outre, un clou sur la face, et sur ie membre atteint on constatait de très nombreuses nodosités le long des lymphatiques. — Champignon botryomycosique volumineux. Depuis l'observation de Gémy et Vincent, on a signalé une douzaine d'observations de mycétome chez des indigènes Kabyles; comme on le sait, on n'a observé que la variété grise en Algérie. La farcinose cutanée, l'actinomycose, peuvent être également observées; mais elles ne sont pas plus particulièrement fréquentes. XIV. — ÉRUFTIONS SUDORALES. Durant les mois d'été, en raison des sueurs pro- fuses, incessantes, en raison de la poussière soulevée, principale- ment par le vent du sud (siroco), les irri- lations et les infec- tions des téguments externes se montrent avec fréquence chez les Européens : éry- thèmes, intertrigo, miliaires. Aux bour- bouilles, viennent s’adjoindre les furon- culoses et les ulcéra- tions cutanées mul- tiples, surtout chez les jeunes enfants”. Sans doute, les éry- thèmes, l'intertrigo, les miliaires, ne sont pas inconnus des in- digènes, mais ces affections se voient, en général, un peu moins fréquemment chez eux *. XV. — Lèpre, Baras, BEURST‘. Alors que, dans les ports du Tell, nous voyons surtout des lépreux d'origine espagnole* et mal- taise, on peut, au contraire, observer dans l'inté- rieur quelques spécimens de lèpre chez les in- digènes. Brassac, il y à déjà longtemps, indique que certains villages indigènes arabes et kabyles 4 J'ai dû ouvrir ainsi jusqu'à vingt-six abcès à une jeune Israélite. ? Toutefois on rencontre même l'érythème solaire. 3 Il faut se méfier de ces dénominations vagues, qui englobent presque toutes les dermatoses, comme le craw- craw chez les nègres. * Depuis que j'ai ce Service, j'en ai trouvé trois cas nou- veaux, dont un qui nous avait été envoyé pour syphilis. 906 D' J. BRAULT — LES MALADIES CUTANÉES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE sont atteints : vallées de l'Atlas, région de Biskra. Il est bien certain que les premières informations données par les médecins militaires au début de la conquête sont un peu floues et manquent peut-être de toute la précision scientifique désirable (Ber- therand, Guyon, Arnould, etc.); il est bien pro- bable, cependant, que, parmi les cas cités, il y avait quelques lèpres authentiques. Quoi qu'il en soit, la syphilis et la tuberculose ont dû être mélangées avec la maladie en question. Le premier médecin qui parait avoir reconnu la lèpre d'une façon posi- tive en Algérie est le médecin principal de l'armée Léonard. Voici ce que dil textuelle- ment M. Gémy, mon prédécesseur, dans sa lecon d'ouverture de l’année 1898-1899" : « C'était en 1864 ou 1865; j'avais dans le Service de Chirurgie un indigène présentant un facies spécial, avec des tumeurs et des ul- cérations sur tout le corps, dont la nature m'était inconnue. Je fis appel à la science du D' Léonard : il n’hé- sita pas à porter le dia- gnostic de lèpre tuber- culeuse et m'affirma avoir observé plu- sieurs cas semblables, parmi les indigènes, dans sa de médecin militaire en Algérie. « À cette époque, la lèpre était pour nous un véritable mythe, et jamais, ni dans l'enseignement des facultés, ni dans les livres classiques, nous n’en avions entendu parler. C'était une maladie dont le souvenir se perdait bien loin dans le passé. « Ce n'est que beaucoup plus tard, en 1885, après une fréquentation assidue de plusieurs mois à l'hôpital Saint-Louis, où se trouvaient une dou- zaine de lépreux, que je pus, par un diagnostic rétrospectif, confirmer celui que le D' Léonard avait porté sur mon malade. » Bien entendu, toutes ces choses ont été précisées par Gémy, qui s'est occupé le premier de la ques- carrière Brochure de l'imprimerie Jourdan, 1898. Aluer. Fig. 9. — Jeune Kabyle. Lupus érythémateux en lorgnette. tion d’une façon complète. Dans le relevé de la Cli= nique dermatologique de 1894 à 1903, nous trou- vons trois cas chez des indigènes mâles et un cas chez une femme (Gémy). Divers auteurs, dans ces dernières années, ont également relevé des cas de lèpre chez les indi: gènes (Vincent, Rouget, Leroy, Legrain, etc.)". XVI. — Lupus, TUBERCULOSE CUTANÉE. La syphilis terliaire, qui est la dominante, a un peu trop effacé, à notre avis, le lupus, qui est lui-même relativement assez répandu dans no tre. population indi= gène; les deux male dies coïncident d'ail leurs parfois sur le même sujet. Toutes les formes de lupus sont représentées : lupus tuberculeux, tubercu lo-érythémateux, ulcé reux, Scléreux, etc. A côté de ces va riétés d’origine nette ment bacillaire, signa: lons également le Jupus érythémateuxque nous avons observé plu sieurs fois; la figure 9 se rapporte à une petile Kabyle atteinte de Zu pus érythémateux en lorgnette. Nous avons vu des lupus sur les régions les plus variées (fig.10) nous avons même ob servé la localisation au cuir chevelu chez une femme indigène d'une qua rantaine d'années. La statistique des affections lupiques recueillie pendant vingt ans à la Clinique, et que nous repro- duisons ici (Tableau II), montre que les indigènes porteurs de ce diagnostic ont été sensiblement deux lois plus nombreux que les Européens. Les gommes tuberculeuses de la peau ne sont pas rares. XVII. — TUMEURS CUTANÉES. Les loupes, les nævi, les molluscums, les lipomes 1 Le pian vrai n'existe pas en Algérie; il y a eu confusion avec les syphilides frambæsiformes. D' J. BRAULT — LES MALADIES CUTANÉES CHEZ LES MUSULMANS D’ALGÉRIE 907 | sous-cutanés, etc., sont d'observation courante chez | les Arabes comme chez les Européens. La fausse chéloïde, pour être moins fréquente que chez les nègres, existe cependant avec une certaine fréquence; nous en relevons dans nos notes un cas Tasceau Il — Statistique des affections lupiques traitées à la Clinique dermatologique (1883-1903). ANNÉES INDIGÈNES EUROPÉENS TOTAUX l 1 0û 0 0 2 Il 1 2 1 0 1 3 4 l SNS © 19 19 1S = assez particulier. Il s'agit d’une observation rare d'éruplion des lésions spécifiques, étaient surtout constellés de productions chéloïdiennes; le dos et Fig. 10. — Lupus tuberculo-ulcéreux de la face. | la poitrine de notre sujet ressemblaient à de véri- tables cartes en relief (fig. 14). Tagczeau ll. — Statistique des cancers chez les indigènes musulmans soignés à la Clinique des maladies syphilitiques et cutanées de 1894 à 1908. ÉPITHÉLIOMA : AUTRES CANCERS ANNEES 3 x SARCOME TOTAUX : : SENE HOME sans désignation nelte Langue Face Verge |gnements sur la localisation 1895 il » » » » » 1 1896 » » 1 » » » { 1897 | » |1 lèvre inférieure. | » : : A 1898 » 1 joue droite. 1 » » d A É 2 1899 » 1 nez. » » » » | ! lèvre supérieure. 1900 » 41 joue gauche. » 2 ” 5 1 face. 1901 » 1 joue. » » » 1 f (1 du crâne et de la jambe/ 1902 : à » ) } ARDA I D » I { gauche sur le même sujet.f 1903 » » » » » Totaux. il Fi 2) 2 1 1 14 de fausses chéloïdes conséculives à des syphi- lides tuberculo-ulcéreuses; notre homme comptait 36 tumeurs sur la région antérieure du tronc et 43 sur la région postérieure, soit 79 chéloïdes. La poi- trine, le dos, ainsi que la racine des membres, lieux XVIII. — CANCERS CUTANÉS. Il est de notion courante que les indigènes sont réfraclaires aux néoplasmes malins. Il faut cependant distinguer. Tout d’abord, ils 908 sont assez fréquemment atteints de sarcome; j'ai même opéré jadis un tirailleur qui avait un sar- come primitif de l'intestin grêle, et voici (fig. 12) la photographie, prise dans notre Service, d'un autre indigène porteur d’un volumineux sarcome globo- cellulaire du crâne. Réfractaires au carcinome, les indigènes sont déjà plus sujets aux épithéliomas cutanés ou cutanéo-muqueux, ainsi que l'indique le tableau II, où l’on peut rele- ver de 1895 à 1903: 7 épithéliomas de la face, 2 épithé- liomas de la verge et 2 autres épithé- liomas sans dési- gnation de ré- gion’. XIX. — Cosméri- QUES, TATOUAGES. Les femmes in- digènes se tei- gnentetse fardent de diverses ma- nières. Quelques- uns de ces cosmé- tiquescontiennent de l’arsenicet sont dangereux; d’'au- tres, au contraire, tirés du règne vé- gétal, sont inof- fensifs. Les sourcils sont teints à l’aide de la noix de galle, et sont réunis à la base du front(Ker- kous); le cartha- me,lecarmin,sont souvent mis à contribulion pour farder les joues: enfin, toutes les femmes, même au Figuig, se ser- vent du koheul (sulfure d'antimoine) et du henné*. Ce dernier, qui n’est pas autre chose que la feuille de troëne pulvérisée, sert à enduire les mains, les pieds et la chevelure. Chez l'Arabe et le Kabyle, le tatouage (ouchem) reconnait quatre genres principaux; on trouve le tatouage superslilieux ou religieux, le tatouage ! Ces jours derniers, j'ai eu un nouveau cas d'épithélioma de la face chez un indigène: la biopsie a confirmé le diag- nostic clinique. ? Ces préparations sont délayées dans de l’eau ou dans un Corps gras. D' J. BRAULT — LES MALADIES CUTANÉES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE Fig. 11. — Chéloïdes à la suite de syphilides tuberculo-ulcéreuses. ornemental, le tatouage distinctif et le tatouage. thérapeutique. Les tatouages qui ornent le front de l’homme, les joues, le menton et parfois même la gorge et les bras des femmes (Beni-Douala, grande Kabylie); sont parfois pratiqués par superslition, pour con jurer les mauvais sorts, les génies (Djinns), le mauvais œil. Le latouage ornemental est un des plus répandus dans les popula: tions à civilisations inférieure; j'ai vu dans mon Service un indigène tei gneux, à intellect: très obtus, qui se faisait des tatoua= ges enfantins dans le but de s’embel=n lir. | Les Mauresques se tatouent sou- vent par coquette= rie, en se dessi- nant, par les pro cédés ordinaires, des bracelets, des colliers, des fleu= reltes, des étoiles,s sur le front, le nez, les joues, les bras. lei, les filles publi ques indigènes sem font fréquemment des brûlures de ci garetles, se déter= minant ainsi de vérilables tatoua= ges sur les avant bras. C'est dans tés qu'elles se marquent ainsi. La chose se rencontre également chez certains sujets mâles (prisonniers). Les tatouages dislinctifs, pour se reconnaitre entre tribus, sont également très répandus. Enfin, il est un mobile plus singulier, lathérapeu tique. Ici, en effet, les toubibs, les matrones indigènes, talouent les enfants pour les préserve des maladies. Il n'y a pas longtemps, nous en avons eu encore deux exemples dans notre Service. U jeune Kabyle de Tablat, porteur d'arthropathies syphililiques des deux genoux, nous à présenté des tatouages instiltués dans le but de guérir son affection; ces tatouages, faits à l'aide de noir de fumée (suie de marmite) et d'un couteau, consis- D' J. BRAULT — LES MALADIES CUTANÉES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE 909 laient en cinq fleurettes placées au centre et aux | d'ajouter qu'habillée à la française, elle avait quatre coins de l'articulation (fig. 43). Un peu plus tard, une jeune in- digène de Coléah, portant un goitre et atteinte de sy- philistertiaire, nous a également montrédes tatoua- ges thérapeuti- ques un peu ana- logues. Depuis le Tell jusqu'aux oasis du Gourara, du Touat et du Tidikelt, les tatouages sont en honneur surtout danslesexe faible ; toutefois, il y a une certaine irré- gularité dans la distribution de celle coutume c'estainsi, par exemple, que les habitants du Fi- guigne se tatouent pas. Fig. 12. — Sarcome globo-cellulaire du cräne. depuis longtemps été recueillie par des Français !. Il ne faut pas confondre avec les tatouages les tra- ces de feu arabe; ce dernier est ap- pliqué à l’aide d'un couteau rougi. Les fines estafilades qui zèbrent le tronc, l'abdomen ou les jointures de nos indigènes in- triguent ceux qui neconnaissent pas cette particularité: des marques pig- mentéesindiquent parfois longtemps la place de ces « thermo-coupu- res ». Les indigènes qui sont alleints d'affections chro- niquesrestentsou- vent accroupis dans leur gourbi et placent un petit Comme partout, les procédés employés sont | fourneau entre leurs jambes; on voit alors chez eux fort nombreux (piqü- res, incisions, brü- lures), et il m'est im- possible d'entrer, au cours de cette étude d'ensemble, dans les détails de l'instru- mentalion. Les sub- stances les plus em- ployées sont : le bleu de Prusse, la brique pilée, le charbon, le noir de fumée, la pou- dre à canon, l'oxyde d’antimoine, l'encre de Chine, etc. Rarement les indi- gènes cherchent à se défaire de leurs ta- touages ; j'ai cepen- dant détatoué un jeune indigène instruit dans nos écoles et une femme arabe de la province d'Oran; il est juste Fig . 13. — Talouages thérapeutiques des deux genoux. les mêmes marbrures pigmentées qu'on ob- serve chez les vieilles femmes qui fontusage de la chaufferette. Dans un deuxième article, nous étudie- rons les affections vé- périenpes des indi- gèñes algériens. D' J. Brault, Professeur de Clinique des Maladies des pays chauds et des Maladies syphilitiques et cuta- nées à l'Ecole de Mé- decine d'Alger. 1 Une autre femme de mon Service m'a deman- dé à être détatouée. Pour les dessins moyennement étendus, nous nous ser- vons du repiquageau chlo- | rure de zinc. Pour les latouages volumineux, nous avons recours au vésicatoire et au nitrate d'argent, mais sans ré- sultats très satisfaisants. 910 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques AlexandrofF (lwan), Professeur au Gymnase impérial de Tambow. — Aufgaben aus der niederen Geo- metrie.—1 vol. de 123 pages,avec 100 fig. B. G. Teub- ner, éditeur. Leipzig et Berlin, 1904. Le but de cet intéressant ouvrage est plutôt de fournir, aux personnes qui enseignent la Géométrie élémentaire et aux autodidactes, un recueil aussi com- plet et méthodique que possible d'exercices et de pro- blèmes, que de former un manuel à l’usage des élèves. En effet, les mille énoncés qui le composent y sont groupés par ordre des méthodes de solutions et ne sont pas gradués suivant la disposition classique des « Elé- ments ». Ils supposent donc acquise une connaissance générale de ceux-ci; en outre, ils ne présentent guère d'applications numériques; enfin, les figures qui les accompagnent ne sont pas d'une assez rigoureuse exac- titude pour des élèves qui n'ont déjà que trop de pro- pension à « se servir de figures fausses pour raisonner Juste ». Ce petit volume s'adresse donc particulièrement aux maitres de l’enseignement secondaire, qui ne pourront qu'applaudir au travail patient et rigoureux qu'il a fallu pour classer et graduer tant d'exercices. L'auteur y présente l'une après l’autre les sept méthodes impor- tantes qui peuvent conduire aux solutions les plus communes : celle des lieux géométriques (la plus déve- loppée, étant de beaucoup la plus féconde), celles dite de similitude, de symétrie, de déplacement parallèle (indiquée par Petersen), de rotation, d'inversion, Cha- cune est accompagnée de brèves explications et de so- lutions raisonnées. L'extrême diversité des exercices géométriques, l'absence de toute méthode générale suffisamment pra- tique font désirer que tout professeur et même tout étu- diant sérieux possède parfaitement ce complément de Géométrie que forment les huit ou dix méthodes parti- culières que nous possédons pour arriver à la solution d'une question nouvelle. Voilà pourquoi ce petit recueil est recommandable ; il vient, du reste, d'être traduit par M. Schuster du russe en allemand, comme l'a déjà fait, en français, M. Aitoff, il y a quelques années. Evo. Denorrs, Maitre à l'Ecole professionnelle de Genève, Stroobant (P.). — Astronome-adjoint à l'Obser va- toire royal de Belgique, Professeur à l'Université de Bruxelles. — La Mesure de l'Ascension droite des astres et l'usage des Mires méridiennes. — 4 brochure in-8 de 92 pages, avec 42 fiqures (Ex- trait de l'Annuaire astronomique pour 1904). Hayez, éditeur, Bruxelles, 1904. Ce travail constitue un des épisodes du transfert de l'Observatoire royal de Belgique à Uccle, dans le voisi- nage de Bruxelles. Il résume les recherches faites par l’auteur en vue de la nouvelle installation du cercle méridien et plus spécialement en ce qui concerne la construction et l'usage des mires, auxiliaires indispen- sables de tout instrument méridien. La mesure de l’as- cension droite des astres, qui occupe la première partie de cette Notice, est là pour servir d'introduction et pour montrer toute l'importance des mires dans la détermination des constantes instrumentales d’une lunette méridienne, de la déviation polaire tout parti- culièrement. L'auteur passe ensuite en revue les installations ana- logues des Observatoires de Paris, Pulkowa, Nice, ET INDEX Strasbourg et Leyde, mais seulement d'après des des criptions générales et des Rapports officiels. C’est] peut-être un point qui peut prêter à la critique. Il eù mieux valu que M. Stroobant vit sur place et prit de renseignements détaillés sur les qualités et les défaut de telle ou telle combinaison. Les Rapports et descri tions officiels, sans leur enlever aucun mérite, n’on certainement pas la valeur des documents recueilli sur place auprès des personnes qui font de l'usage d ces installations leur occupation habituelle. Au surplus, le projet de mires, résultat des études d M. Stroobant, est fort bien établi et le problème semble avoir été résolu sous toutes ses faces dans la mesur du possible. 11 ne reste qu'à souhaiter que les mouve- ments du sol qui supporte toute l'installation lunettes, mires et collimateurs, ne viennent pas sour- noisement déranger par intermittence la position rela tive de ces instruments. Jusrin Pipoux, Astronome-adjoint à l'Observatoir de Genève. Marchis (L.), Professeur adjoint de Physique à 14 Faculté des Sciences de Bordeaux. — Les Moteurs à essence pour Automobiles. — 1 vo/. gr. in-8% de 4710 pages, avec 231 figures. (Prix : 15 fr.) Veuv Dunod, éditeur, Paris, 1904. N Nous avons analysé ici même‘les Lecons sur le moteurs d'automobiles et les applications industrielle de lalcool au chauffage, à l'éclairage et à la force motrice, professées par M. Marchis en 1902-1903. Le leçons de 1903-1904, qui forment l'ouvrage dont nou: avons à rendre compte aujourd'hui, n'ont traité que du moteur à essence. Aussi, tout en rééditant ce qu'il avait dit l'hiver précédent sur ce moteur, le savant, professeur a-t-il pu faire à son sujet d'utiles additions. C'est ainsi qu'après le manographe Hospitalier et Carpentier, permettant d'apprécier, pour un cycle déterminé, la compression et la puissance d’une explo- sion et de suivre les phénomènes de détente, d’échap- pement et d'aspiration, le nouvel ouvrage décrit l'enregistreur d'explosions de M. Mathot, qui donne le moyen de comparer entre elles les explosions se suc- cédant dans le moteur. Pour la puissance effective de ce dernier, le colonel Ch. Renard a récemment fait connaître une méthode nouvelle, celle du moulinet dynamométrique. M. Marchis la décrit avec soin. Le chapitre du refroidissement du moteur s'est enrichi de plusieurs emprunts faits au Mémoire que M. Butin a présenté au Congrès des applications de l'alcool dénaturé, en décembre 1902, sur les pompes chargées d'assurer la circulation de l’eau. Dans le chapitre des carburateurs ont pris place les intéressants appareils de MM. Chenard et Walcker et de M. Moisson (carburateur Sthenos). Enfin, celui de l'allumage électrique s'est accru de la description du procédé Bardon, qui utilise l'étincelle d'induction et la bougie, mais en demandant le cou- rant, non plus à une pile ou à un accumulateur, ni. même à une dynamo, mais à une magnéto, dont les. courants sont envoyés, sans avoir été redressés, à une bobine de Ruhmkorff. Le Salon de 1903 nous a montré plusieurs exemples de cet emploi de la magnéto : qu'on prenne la peine de transformer ses courants alternatifs en courants continus, ou qu'on s’en affran- chisse, comme M. Bardon, il nous semble plus simple et préférable de combiner l'emploi de la magnéto avec celui de l'étincelle de rupture. NO e 12 { Revue Gén. des Sc., 15e année, p. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX LL Pour être complet, M. Marchis aurait dû traiter limportante question du graissage du moteur : elle fera l'objet d'une publication spéciale prochaine. Comme nous l'avons dit à propos de la première publication de M. Marchis, son œuvre, très complète et très savante dans ses parties théoriques, réservées aux ingénieurs, est très claire et très instructive pour tous, dans ses développements pratiques. G. LAVERGNE, 1 Ingénieur civil des Mines. 2° Sciences physiques Glazebrook (R.T.), 7. A. S., Director of the National Physical Laboratory.— Electricity and Magnetism. An elementary textbook, theoretical and practical. — 4 vol. in-8° de 440 p. avec 269 fig. (Prix: 9 fr. 50). Cambridge University Press, Cambridge, 1904. Ce n’est point comme directeur du National physical Laboratory que M. Glazebrook a écrit ce petit traité, mais bien dans ses anciennes fonctions de professeur à Drinity College; ou plutôt, c'est après son départ de Cambridge, et pour laisser à son successeur et à ses élèves un guide dans leurs travaux futurs, qu'il à im- primé ses notes de cours et décrit l'enseignement de son laboratoire. L'ouvrage a gardé une trace profonde de cette origine: il est primesautier, spontané et inégal; il reste souvent à fleur de l'expérience élémentaire, et s'élève parfois à des conceptions d'une grande généralité; excep- tionnellement, cependant, car tel n'est point son but, qui est bien plutôt de mettre l'étudiant en contact constant avec le phénomène, et de lui en donner comme Ja sensation, par larépétition d'un grand nombre d'expé- riences démonstratives. Nous aurions de nombreux reproches à faire à l’ou- vrage de M. Glazebrook, si l'auteur l'avait présenté comme un éraité d'Electricité et de Magnétisme. La belle ordonnance d'un livre de didactique supérieure, la logique des déductions, le soin de ne procéder que pas à pas et de ne s'appuyer que sur un terrain tou- jours solide lui font également défaut; mais tel n’est pas le but de l'auteur : il donne ses notes de cours pour ce qu'elles sont, et c'est ainsi que nous devons aussi les envisager. En tant que notes, l'ouvrage est excellent, car il abonde en détails intéressants et en démonstrations pour les- quelles l'auteur n'avait qu'à puiser dans le riche trésor laissé par les grands physiciens anglais. Beaucoup de soin est apporté dans les définitions de lElectrostatique et notamment dans celle des capacités et de l'influence : les diagrammes représentant la dis- tribution des lignes de force dans des champs très divers sont nombreux et parfaitement clairs; les expériences sont simples et d'une exécution facile; et, particularité intéressante, bien que destinées à être exécutées par les élèves, un grand nombre n’ont pas pour but la déter- mination approximative d'une valeur numérique, mais simplement la démonstration d'un principe. Pour toutes ces raisons, et malgré les quelques réserves qui pré- cèdent, l'ouvrage sera lu avec grand intérêt par tous ceux qui s'intéressent au mode d'enseignement de la Physique dans l’un des plus célèbres laboratoires anglais. Comme nous l'avons dit, l’auteur quitte parfois d'un bond les théories élémentaires pour s'élever très haut : c'est qu'ilavait d'admirables exemples sous les yeux; le Professeur Ewing, le Professeur J.-J. Thomson, ses col- lègues, ont été des créateurs chacun dans une direction particulière, et un reflet de leurs travaux était presque nécessaire dans un ouvrage issu du Cavendish Labora- tory. Mais la stabilité des systèmes magnétiques ou la théorie de la matière basée sur la considération des électrons sont encore des hors-d’œuvre dans l'Enseigne- ment classique. Il n’était pas moins intéressant de mon- trer que celui-ci peut parfois être empreint du plus extrème modernisme. CH.-Eb. GUILLAUME, Directeur adjoint du Bureau international des Poids et Mesures. Maillard (L. C.), Chef des travaux du Laboratoire de Chimie biologique à la Faculté de Médecrne de Paris. — L'Indoxyle urinaire et les couleurs qui en dérivent. — 1 vol. in-8° de 118 pages. (Prix: 6 fr.). Scheider frères et Cie, éditeurs. Paris, 1904. Voici un travail qui marque un progrès considérable dans l'étude des matières colorantes de l'urine, non seulement parce qu'il apporte des faits nouveaux d’un indiscutable intérêt, mais encore parce quil explique, classe ou élimine définitivement un nombre énorme d'observations antérieures. Qu'un tel travail de critique et d'élimination était nécessaire, c’est ce que montre assez ce seul fait que les travaux publiés au sujet des matières colorantes de l'urine s'élèvent au chiffre fan- tastique de plusieurs milliers de Notes ou Mémoires, parmi lesquels un très petit nombre seulement méri- tent d'être retenus. M. Maillard à étudié méthodiquement et dans tous ses détails un groupe nettement délimité de couleurs urinaires, qu'il appelle les couleurs chloroformiques. On sait que l'urine, additionnée de son volume d'acide chlorhydrique et d’un oxydant, abandonne au chloro- forme des matières colorantes du groupe de l’indigo. Mais cette solution bleue, qui est d’un aspect si plai- sant à l'œil, est très impure. Lorsqu'on l'agite un grand nombre de fois avec de l’eau, jusqu'à départ complet de l'acide entraîné par le chloroforme, puis avec de la soude étendue, et puis encore avec de l’eau, on enlève des produits jaunâtres et on aboutit finalement à un extrait chloroformique représentant quelque chose de défini. Cet extrait contient uniquement : 1° une ma- tière colorante bleue, l'indigotine; 2° une matière rouge, l'indirubine; 3° une matière brune, qui est sans doute un produit d’altération assez profonde des deux autres, mais dont on arrive à éviter complètement la formation quand on opère avec rapidité et en ména- geant l'emploi des réactifs. L’extrait chloroformique ne renferme donc finalement que deux matières colorantes, l'indigotine et l'indirubine, provenant toutes deux de l'indoxyle urinaire; c’est-à-dire que le groupe empirique des «couleurs chloroformiques » se trouve correspondre exactement au groupe chimique des « couleurs indoxy- liques ». Comme l'indoxyle urinaire est contenu dans l'urine sous la forme d'acide indoxylsulfurique et indoxylgly- curonique, et qu'il existe peut-être encore d'autres chromogènes indoxyliques, on ne peut pas désigner d’un nom unique les matériaux urinaires générateurs d'indigo. Le vocable 1ndican urinaire, appliqué parfois à l'indoxylsulfate de potassium de l'urine par une ana- logie boîteuse avec l'indican des /ndigofera (qui est un glucoside), constitue donc une appellation à la fois fautive et incomplète. II vaut mieux finalement, comme le propose M. Maillard, rayer le nom d’indican du vo- cabulaire urologique, et ne plus parler que de lin- doxyle urinaire, comme on parle du chlore ou de l'azote, bien que ces matériaux ne soient pas contenus dans l'urine à l’état de liberté. Etudiant ensuite le mécanisme de la formation des couleurs indoxyliques, M. Maillard montre que, si la solution chloroformique bleue obtenue par le traite- ment de l'urine est abandonnée à elle-même, encore acide, l'indigotine que contient cette solution se trans- forme en indirubine, et que, si l’on lave, au contraire, avec un liquide alcalin, toute transformation en indiru- bine est arrêtée, et l'extrait chloroformique, au lieu de devenir rouge, reste bleu. Mais est-ce l’indigotine ordinaire qui se transforme ainsi en indirubine? M. Maillard démontre nettement que non. La matière bleue que contient l'extrait chloroformique de l'urine est une substance spéciale, l'hémi-indigotine, plus soluble dans ce véhicule que lindigotine, et qui se transforme au contact des acides en indirubine, et au contact des alcalis en indigotine, ordinaires. Par des purifications et des comparaisons extrèmement labo- rieuses, M. Maillard a montré l'identité de l’indigotine 912 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX et de l'indirubine ainsi obtenues avec l'indigotine et l'in- | immédiat d'actualité. M. Weulersse déclare, dans dirubine de synthèse, et cette série de démonstrations constitue la partie la plus originale de son travail. A ces faits, l’auteur a superposé une hypothèse, qui assurément aurait besoin d’être appuyée sur d'autres démonstrations, mais qui, à l'heure actuelle, est l'expression la plus simple et la plus logique de ces faits. Il suppose que l’indigotine et l'indirubine ordi- naires ne contiennent pas C''H'°A7°0°,comme on l’admet d'ordinaire, mais C**4*A70", et que la matière colorante bleue spéciale qui prend naissance par l'oxydation de l'indoxyle urinaire est une hémi-indigotine C:°H:°4720?, pouvant donner, par deux modes de polymérisation différents, l'indigotine et l'indirubine. Pour les formules développées proposées ici par M. Maillard et pour les raisons qui justifient provisoirement ces formules, d'ailleurs très ingénieuses et {très séduisantes, nous ren- voyons le lecteur au Mémoire original. S'appuyant sur ces résultats, l'auteur précise ensuite les conditions dans lesquelles on doit faire la recherche et le dosage de l’indoxyle urinaire. Bornons-nous à noter ici que l'addition d'un oxydont à l'urine chlorhy- drique est inutile et même dangereuse, et que l’agita- tion à l'air suffit pour assurer l'oxydation de l'indoxyle. Puis M. Maillard fait la revue critique d'un grand nombre de matières colorantes bleues et rouges qui ont été signalées dans l'urine, — cyano-urine, urocya- nine, bleu urinaire, uroglaucine, urocyanose, indi- gose, etc., et urrhodine, urrosacine, acide uro-éry- thrique, couleur scatoxylique, urorubine, rouge bour- goyne, urorubine, etc., —- et il montre ces corps se confondant respectivement avecl'indigotine et l'indiru- bine. Bref, l'étude de l'hémi-indigotine avec ses deux polymères probables, l'indigotine et l'indirubine, cons- titue à elle seule l'histoire des couleurs chloroformiques rouges et bleues. Ajoutons qu'il est nécessaire de bien distinguer l'indirubine, soluble dans le chloroforme, et que ce dissolvant ne cède à aucun lavage aqueux, quelle que soit la réaction de celui-ci, d'une sérje de couleurs rouges « aqueuses », c'est-à-dire solubles dans l'eau, et ne passant pas dans l'extrait chloroformique. Ces cou- leurs, uro-érytärine, uro-hématine, uro-mélanine, uro- roséine, uro-rubrohématine, ont sans doute une autre origine. Souhaitons qu'une étude et une comparaison minutieuses de ces pigments conduisent bientôt M. Mail- lard de ce côté à des simplifications analogues à celles qu'a si heureusement fournies l'étude des couleurs chloroformiques. Pour terminer, M. Maillard fait justice de la « légende du scatoxyle et de l'acide scatoxylsulfurique ». Les cou- leurs rouges, dites scatoxyliques, qui apparaissent par l'action de l'acide chlorhydrique concentré sur l'urine, ne sont pas autre chose que de l’indirubine. Au sur- plus, en discutant la constitution possible du scatoxyle et de l'acide scatoxylsulfurique, à partir de celle du scatol ou $-méthylindol, l'auteur montre que l'idée même du scatoxyle et de son dérivé éthéro-sulfurique est un non-sens chimique, à moins que l’on ne renverse toutes les notions acquises sur la structure des com- posés du groupe de l’indol. E. LamBLinc, Professeur à la Faculté de Médecine de l'Université de Lille. 3° Sciences naturelles Weulersse (G.). — Le Japon d'aujourd'hui. Etudes sociales. — 1 vo]. in-12 de IX-364 pages. (Prix : 4 fr.). Librairie Armand Colin. Paris, 1904. L'auteur à rapporté les principaux éléments de ce volume d'un voyage autour du monde, exécuté comme boursier de l'Université de Paris; la /tevue a déjà rendu compte d'un précédent ouvrage de lui (La Chine ancienne et nouvelle), publié dans les mêmes condi- tions. Ce second livre ne le cède pas au premier, comme conscience dans l'information, comme person- nalité des jugements, et comme valeur de la forme; et la guerre russo-japonaise lui donne un intérêt plus préface, qu'il n'a pas visité le Japon, et qu'il n'a pas tracé le tableau de sa situation présente, sans un vil sentiment de sympathie pour l'effort de civilisation dont ce pays donne le spectacle ; au moins a-t-il su, ei général, ne pas dissimuler le caractère souvent hâti des entreprises, ni les desiderata de tout ordre aux quels donnent souvent lieu les résultats acquis. Of appréciera, d'autre part, le sens artistique et la couleui qui signalent ces pages. On remarquera, enfin, l'auteur mêle sans cesse, à ses observations ou concelit sions, ses propres idées en sociologie et en morale, & cela sous une forme que l’on trouvera sans doute parfois quelque peu tranchante. Les trois premiers chapitres présentent, en quelque sorte, le cadre dans lequel il convient de placer le développements suivants. C'est d’abord la de cription du pays japonais, avec la complication de ses formes et de ses couleurs, la fantaisie de son relief l'éclat et l'humidité à la fois de sa lumière, la physio nomie de ses arbres, la place qu'y tient l'homme partout. Puis viennent des « croquis de villes » Tokyo, et ses contrastes de civilisation; Kyoto, plus « Japon », et d'un vieux plus uniforme, mais en méme temps plus morte; Osaka, avec sa façade européenne @l ses grandes industries. Les pages suivantes, enfin, tra duisent l'impression qu'éprouve sans cesse l'Occidentaln de séjour au Japon, en présence des oppositions sociales expliquées par l'invasion à peu près générale du mode nisme, à la vue des adaptations rapides et souvent improvisées à d'autres mœurs; on lira utilement même après l'ouvrage de M. Dumollard, ce que dit l'auteur du Parlement et de la presse. Au point de vue du développement économique le Japon est intéressant, en ce qu'il a passé très vite « du mode féodal de production au mode capis taliste et au socialisme ». M. Weulersse indique heureu sement le sens actuel de l'essor agricole et industriels il propose aussi parfois ses solutions. ; D'après lui, le surcroît de population du Nippon aurait un déversoir tout indiqué dans Hokkaïdo; en quo l'auteur n’est pas d'accord avec certains des spécialistes! des choses du Japon, qui sont frappés par les différences de climat, et trouvent la Corée méridionale beaucou plus propre à satisfaire les besoins d'expansion. Ce qui domine actuellement dans les campagnes japonaises, côté des tendances à spécialiser la production (murier), à côté du développement, on pourrait dire des premiers progrès de l'élevage (cheval, porc), c'est la persistancé des [procédés primitifs, même pour les cultures qui comme celle du thé, peuvent passer pour intensives et « industrielles ». Presque tout repose, en somme, sur le travail à la main; et il y a, sinon pénurie, du moins rareté d'ouvriers agricoles. L'obstacle principal au recrutement de la main-d'œuvre pour les entreprises rationnelles est la petite propriété. Et M. Weulersse né pense pas que la formation des grands domaines (par suite de l'endettement) soit de nature à amener des changements appréciables; car les propriétaires dépos sédés demeurent fermiers de leurs parcelles, et le gran domaine se compose ainsi, en général, de morceaux épars. Il faudrait, dit-il en socialiste, la « recomposi= tion des grandes propriétés » par l'Etat, et d'autre part la direction par lui du mouvement syndical agricoles l'exercice de la tutelle des ouvriers ruraux contre les employeurs, par des mesures analogues à celle qui, depuis 1897, impose l’affiliation aux syndicats (quand: ceux-ci réunissent un pour cent donné des salariés d'uné région). Pour l'industrie, M. Weulersse a été témoin de l& décadence générale de la petite fabrication, sauf en cé qui regarde les produits de caractère artistique. H indique comme types d'industries demeurées à l'état de petits groupements ouvriers, ou de division en ateliers peu nombreux, la manufacture des célèbres porcelaines Awata, à Kyoto, le quartier des tisseurs de soie, à Kyoto encore. En dehors de ces cas particuliers, le BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 913 ——— Japon estcomplètement entré dans la voie de la grande roduction usinière, du machinisme et du capitalisme. Il existe sans doute de nombreuses lacunes (les Japo- nais, par exemple, ne savent encore pas fabriquer les verres plans, ou certains produits métallurgiques). 1 y à survivance des vieilles méthodes de travail, demi-progrès, demi-adaptation, jusque dans certaines randes usines. Mais l'étape a été rapidement franchie, ets'achève; car le Japon, pays de main-d'œuvre abon- dante, « sera pays de grande industrie et de grand Commerce, ou ne sera pas ». C'est à Tokio, à Osaka Surtout, et à Nagasaki, que se concentrentles manufac- tures de tissage et de métallurgie; et les descriptions qu'en donne M. Weulersse se recommandent par leur grande sincérité, qu'il s'agisse d'usines dans lesquelles l'adaptation aux méthodes occidentales est imparfaite, ou bien des ateliers Hiraoka, modernes jusque dans leur aspect de propreté et de confort. — Enfin, les pages sur le commerce donnent une idée de la survivance des anciennes mœurs et de l’an- cien esprit féodal (la « Daïtsiou »), à côté d'efforts méritoires, et parfois heureux, pour se rapprocher des tonditions de l'Occident (écoles et musées de com- -merce, compagnies de navigation, etc.). — On souhaiterait que M. Weulersse eût fait une place “assez large, dans cette partie de son étude, à la question financière, qui est le point vital pour le Japon. Le Manque de capitaux, le déficit, ne sont-ils pas des faits “essentiels, qui, indépendamment de toute autre consi- dération, doivent faire regarder la guerre dans laquelle on vient de se lancer comme une aventure pleine de périls pour l'avenir ? … L'auteur à bien raison de ne pas croire au danger “d'une concurrence économique des Japonais aux blancs. “Les importations s'accroissent sans cesse et dépassent déjà légèrement les exportations de filés de coton, de soies et soieries; le Japon est tributaire de l'Europe et de l'Amérique pour une grande partie de la machinerie, et aussi pour certaines spécialités, comme les mousselines de laine, que vend la France. Doit-on s'alarmer pour plus tard, en constatant le bas-prix de la main-d'œuvre industrielle, les conditions toutes spéciales d’un travail fourni (sous limite d'heures) par un personnel docile, dans lequel figurent tant de femmes et d'enfants? Bien des causes primordiales d'infériorité viennent compenser ces avantages appa- vents : manque de capitaux, machinerie souvent impar- faite et mal entretenue, heures mal employées, gaspil- “age du travail humain, inhabileté et indifférence de ouvrier; hausse graduelle des salaires, d’ailleurs, bien que les forces socialistes ne soient pas organisées. En définitive, le bon marché de la production n'est qu'une illusion; et, comme les Japonais n’ont ni initiative ni probité en affaires commerciales, il ne semble pas qu'ils obtiennent jamais d'autre résultat que celui de restreindre dans une certaine mesure les débouchés européens en Asie. L'étude faite par M. Weulersse de l’enseignement au Japon est fort attachante, par la valeur des observa- tions personnelles et des documents utilisés. L'enseignement primaire, organisé par le rescrit de 1872, est payant, et obligatoire de six à quatorze ans. Mais l'obligation n’est que théorique, beaucoup d'enfants quittant l’école pour l'usine, à onze ans, et les commu- nes n'étant tenues d'avoir que les écoles « ordinaires » (de six à dix ans) : la proportion des illettrés est très forte, quoique inférieure à celle de certains états d'Eu- rope. Le personnel enseignant est trop rare, mal rétri- bué, et au-dessous de sa tâche. Les deux écueils pour une bonne formation intellectuelle sont l'écriture idéo- graphique, dont on ne réussit point à se passer, et la surcharge des programmes. La gymnastique tient une plus grande place qu'en Occident. La durée de l’enseignement secondaire est exception- nelle et exagérée. Il garde les élèves, dans les écoles « moyennes », puis «supérieures », jusqu'à vingt-deux ans, et impose l’internat. La population scolaire est BEVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904, entassée dans les locaux, indisciplinée, soumise à un véritable gavage intellectuel pour l'acquisition des con- naissances occidentales, confiée à des maitres inférieurs, depuis que l'on élimine systématiquement le personnel étranger. Le problème, ici, est l'étude des langues européennes, faite actuellement dans des conditions tout à fait défectueuses. Les Universités impériales, pépnières de fonction- naires, et dont celle de Tokio est seule vraiment orga- nisée,ontune population assez nombreuse (4.000 élèves), recrutée parmi les diplômés des écoles supérieures. L'enseignement, non gratuit, dure de trois à cinq ans, selon les facultés, et chaque année d'étude est termi- née par un examen de passage éliminatoire. Les études d'ordre pratique, Agronomie, Génie civil, sont faites non dans les écoles spéciales, mais à l'Université. Les pro- grammes, ici encore trop chargés, sont développés de plus en plus par des maitres Japonais, en général très insuffisants et très satisfaits d'eux-mêmes. Les sports continuent jusqu'à la fin de l’enseignement supérieur à constituer une partie importante de la vie de l’étu- diant japonais. Les Universités sont prolongées par le Collège des gradutés, et doublées par l'Ecole spéciale Semnon (sorte d'Ecole des Sciences politiques), l'Ecole secondaire et supérieure Keio-Guidjikou (moderne et pratique), l'Ecole des langues, l’École des nobles. L'auteur fait un grand éloge des Ecoles militaires, programmes, méthodes et résultats. Mais il ne cache point la triste impression éprouvée par lui à voir l’état d'esprit des étudiants ordinaires : appétit maladroit de connaissances quelconques; passivité intellectuelle ; scepticisme souvent à l'égard de la culture scientifique, dont ils acceptent trop facilement là-peu-près, ou qu'ils ne subissent que parce qu'elle donne accès aux carrières; suffisance enfin, qui explique, dans la plus grande partie de la classe cultivée du pays, le sot mépris et la haine de cet Occident que l'on copie sou- vent si mal. Le chapitre suivant concerne la femme et l'enfant, les deux souffre-douleurs de la société japonaise. L'enfant n’est choyé et soigné que s’il est mâle, et que dans ses premières années. Quant à la femme, elle passe de l'autorité absolue du père sous celle du mari, quand on ne la livre pas à la prostitution. Perpétuelle mineure, peu ou mal instruite, elle remplit dans le peuple des villes ou des campagnes la fonction d’un outil de tra- vail: les industries la recherchent pour sa docilité, son habileté manuelle, son bon marché. Dans la dernière partie de son livre, M. Weulersse étudie les intérêts économiques et moraux de la France au Japon. Il constate, une fois de plus, le manque d'or- ganisation de notre commerce, tel que, si nous sommes le deuxième pays exportateur (soie), nos ventes viennent après celles mêmes de notre Indo-Chine. Il détermine la place que tiennent, et que pourraient occuper au Japon la civilisation française, langue, institutions militaires, droits, art, « idéal social ». De cet ouvrage vraiment neuf et attachant, on ne saurait accepter sans discussion certains jugements et certaines conclusions, parce que, en dehors de toute doctrine ou opinion personnelle, les faits semblent les démentir. Je me permettrai, en terminant ce compte- rendu, et sans sortir du terrain scientifique, de donner à ce sujet quelques indications, desquelles se dégagera plus complètement la physionomie de l'ouvrage. M. Weulersse, qui admire avec sincérité, et à juste titre sans doute, l'essor économique rapide du Japon, n’a pas suffisamment mesuré ses termes en écrivant (p. 138) que l'expansion commerciale japonaise rappelle — toutes proportions gardées — celle de l'Angleterre. Ce n’est point ici affaire de proportions; mais il s’agit de deux commerces très différents de nature. L’expor- tation de la houille peut encore progresser quelque peu, mais elle ne paraît pas jouer actuellement, ni surtout devoir jouer à l’avenir, le même rôle que pour le déve- loppement du trafie anglais : quand le Japon sera mieux doté encore d'industries, l'Angleterre de l'Extrême- 19** 914 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Orient, à ce point de vue, ce sera sans doute la Chine. D'autre part, on voit bien que le Japon exporte, comme l'Angleterre, le coton à demi ouvré (filés); mais il vend surtout, ce qui n'est point le cas pour la Grande- Bretagne, des matières premières presque brutes (soie grège) et des denrées alimentaires (thé); il n’est pas entrepôl, comme l'Angleterre; il n’est pas grande métropole coloniale. M. Weulersse, « humanitariste » en même temps que socialiste d'état, croit que, dans l'avenir, « les nations deviendront des collaboratrices, des coopéra- trices autant et plus que des concurrentes » (p. 181). C'est entrevoir un idéal très élevé sans doute, comme est celui de l’état socialiste, mais aussi bien lointain et bien hypothétique, pour qui considère la condition pré- sente et le sens actuel du commerce international. Sans doute, penser que la concurrence doit ètre pour un peuple le seul facteur du trafic, est une conception «étroite et fausse », un dogme commercial impossible la plupart du temps à appliquer. Mais qui persuadera aux grandes puissances de se cantonner chacune dans les spécialités que lui impose la nature des choses ? Pour beaucoup, leurs spécialités sont en quelque sorte artifi- cielles, comme la fabrication des cotonnades pour l’An- gleterre; et ce sont justement les nations les plus civili- sées, celles dont la fortune est la mieux assise, celles dont les moyens de défense sont le plus perfectionnés, et les efforts nécessairement le plus tenaces, qui se trouvent dans ce cas. La Grande-Bretagne laissera-t-elle, par logique, les Etats-Unis d'Amérique, qui produisent le coton, se réserver le monopole de la fourniture des cotonnades dans tout ou partie du monde, dans le con- tinent américain même? Qu'elle abandonne encore, sans se défendre, à l'Allemagne, à la Belgique, aux Etats-Unis eux-mêmes, une part du domaine dans lequel elle place ses machines; qu'elle ouvre ses colonies toutes grandes au commerce étranger : que va-t-il bientôt lui rester par ces abdications successives; et ne risquera-t-elle point son existence dans la guerre sous toutes ses formes, plutôt que de se résigner à ce sui- cide progressif ? — Puis, quelles sont au juste les spé- cialités d'un pays? La France ne produit que peu de laine et de soie; pourtant elle est spécialiste de certains articles de laine et des soieries, comme des vins: et si elle s’en tient aux vins et aux industries dérivées de son agriculture, quel terrain au juste va-t-elle, pour le placement de ces produits, abandonner à l'Espagne, à l'Italie, et à quelles conditions? Pour croire à un par- tage économique du monde selon la raison, ou même pour penser que les nations se décideront un jour, par amour de la paix et des bons rapports, à subir sans résistance la force des choses, il faudrait supposer que la raison peut beaucoup contre les intérêts ou les appé- tits humains, ce qui reste à démontrer. Nous croyons donc à l'existence, pour bien longtemps encore, des concurrences, des rivalités et des guerres économiques ; ce ne sont point les prophéties d'âge d’or qui empèche- ront les modèles ou les parvenus de la civilisation mo- derne, comme l'Angleterre où comme le Japon lui- même, de tendre des pièges à une Russie, par exemple, qui les gêne et ne se défie pas assez d'eux. M. Weulersse lui-même ne mesure-t-il pas ailleurs (p. 304) la vitalité d'un pays, comme par un « dynamo- mètre », à la manière dont il sait défendre et accroître ses positions sur les terrains où la concurrence est la plus vive? Et quel est donc le principe réel, scienti- lique, démontré, qui conciliera des affirmations aussi contradictoires ? Presque dans le même ordre d'idées, n'est-ce pas avoir des Japonais une opinion trop haute, de dire que le « nationalisme » étroit, qui est le fondement de leur morale toute laïque, et le militarisme, dont la disci- pline est la seule qu'ils acceptent, s'acheminent actuel- lement «vers lhumanitarisme, qu'ils commencent à entrevoir comme nous » (p. 375)? C’est là prendre des désirs pour des réalités. Et il ne semble pas qu'il y ait beaucoup plus de parenté entre l'idéal international des Japonais d'aujourd'hui et celui des humanitaire raisonnables, ou même des patriotes non chauvins di France, qu'entre leur «semi-démocratie » ou leur soc lisme et les nôtres : j'aime à croire que nos affinité historiques et «révolutionnaires » avec eux sont faibles, que nous sommes quelque peu mieux dégrossis @ moins barbares, que la crise morale actuelle est autre» ment aiguë et autrement consciente chez nous, que ses caractères attestent un niveau très supérieur, mieux une nature toute différente, et un idéal presque opposé de civilisation. M. Weulersse va jusqu à justifier par la faillite ou Ja « décadence certaine » de la morale chrétienne ex Occident, et par l'éloignement des Japonais pour religion, la nécessité qu'il y aurait pour nous de rem placer les œuvres de nos missions dans ce pays par un collège francais laïque (p. 333). Mais coûterait-il dom meilleur marché, et amènerait-il des résultats plus sérieux pour notre influence politique et commerciale# Je dirai enfin que, si nous avons des lecons à pren dre au Japon, lecons négatives d’ailleurs, nous pouvons les y recevoir en ce qui concerne l’enseignement, l'en seignement secondaire surtout. Cette catégorie des études est organisée là-bas, avec exagération, précisés ment de la facon qu'il ne faudrait point qu'elle fùt chez nous. M. Weulersse reproche avec raison aux école secondaires du Japon « de servir à tout et de ne suffir à rien » (p. 220), de présenter aux enfants un ensemble de connaissances trop confus, trop incohérent, trop considérable. S'il tenait mieux compte de ce qui sé passe en France, il dirait que nos lycéens, eux aussi, onf parfois plus de 26 heures de classe par semaine, qu'ils ne gardent presque point de temps pour le travail pers sonnel, et que, pour beaucoup d’entre eux, la spontä néité et la curiosité d’esprit,'le Jugement, sont tués pa la masse énorme de notions rapides que l’on fait «défiler» sous leurs yeux. Au Japon, le problème se complique; non pas tant de la morale, que de la double question des langues et de l'écriture; mais, au fond, la difficulté est la même, et les Japonais nous présentent, heureu sement accentués, les difformités et les périls qui résu tent d'une culture générale trop rapide et trop encyelo pédique. Que choisir et que sacrifier au juste parmi les connaissances humaines chaque jour plus vastes? Quelle place, quels soins relatifs donner à tel ou tel ordre du savoir, pour que l'enfant d'Occident, moins neuf encorë et peut-être moins avide que l'écolier nippon, soit, sans! trop de mal pour lui, mis à même d'accomplir un jour sa partie dans la tâche des siècles? C'est tout le pro blème de l’enseignement secondaire, et l'on en cherche encore la solution, chez nous comme partout. J. MACHAT, Professeur au Lycée de Bourges | Industrial Trinidad, ouvrage publié par le Victoria Institute of Trinidad and Tobago. — 1 vul. in-8° dé 116 pages. Government Printing Office, Port à Spain, 1904. Cet ouvrage est la réunion d’une série de conférences prononcées au Victoria Institute sur les industries et les cultures de l'île de la Trinité, complétées par quel ques notices sur les divers sujets qui n'ont pas été abordés dans ces conférences. Les principaux produits agricoles sont : le cacao (exportations : 23 millions de francs en 1902-1903), le sucre et les matières accessoires (10.500.000 francs), le noix de coco (450.000 francs), le café, les bois exotiques; la vanille etle jus de citron. Le riz, le tabac et les épices pourraient être obtenus en grande quantité, le sol et le climat de l'île se prêtant bien à ces cultures. Quant aux produits minéraux, le principal est l'asphalte (exportations : 4.500.000 francs en 1902-1903); mais la colonie renferme également des dépôts de pé- trole, de lignite et de charbon bitumineux susceptibles: d'être exploités avec profit. La lecture de cet opuscule intéressera d’une part ceux qui s'occupent de cultures. coloniales, de l'autre les BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 915 commerçants en leur indiquant les principaux articles du commerce d'importation et d'exportation de la Trinité. IE: De Wildeman (Emile), Conservateur au Jardin Bota- nique de Bruxelles. — Notes sur quelques Apocy- nées laticifères de la flore du Congo. (Publication de l'Etat Indépendant du Congo.) Spineux et Ci, éditeurs, Bruxelles, 1904. - Ce n'est là qu'un des nombreux Mémoires que M. de Wildeman a consacrés, en ces dernières années, à la flore de l'Etat Indépendant du Congo, Doué d'une grande activité scientifique, l'érudit botaniste belge est, Sans conteste, un de ceux qui contribuent le plus, à l'heure actuelle, à étendre nos connaissances sur les richesses végétales de cette région du continent afri- tain ; et ses travaux sont d'autant mieux accueillis par tous que toujours des renseignements pratiques accom- pagnent, quand il s’agit de plantes exploitables, les descriptions scientifiques. C'est encore le cas dans celte étude, où sont passées en revue diverses Apocynées à latex, dont quelques- unes, telles que le Malouetia Heudelotii, le Baissea congolensis, l'Alafia major, n'ont qu'un intérêt bota- nique, tandis que d'autres, telles que le Clitandra Arnoldiana, le Clitandra Ndzunde, le Landolphia Klainei, fournissent du caoutchouc. L'importance du Landolphia Klainei sur la côte occidentale d'Afrique est, du reste, connue depuis plusieurs années déjà. Mais sont, par contre, des espèces nouvelles les deux Clitandra que nous venons de citer, et qui donnent un caoutchouc noir, Parmi les plantes dont le produit est encore ignoré ou de valeur douteuse, M. de Wildeman mentionne et étudie le Motandra Lujei, le Clitandra trentilir, le Diplorhynehus angolensis, le Landolphia Laurentrr. Enfin, le mème Mémoire contient diverses données sur le caoutchouc des herbes et sur le Funtumia elas- dica. A propos du caoutchouc des herbes, l'auteur rappelle que, définitivement, le Carpodinus lanceolata ne doit plus être considéré comme une des plantes productrices de cette sorte; les rhizomes exploités sont ceux du Lan- dolphia Thotlonii, du Carpodinus gracilis, du Lan- dolphia humilis, du Carpodinus chylorrhiza, ete. Au sujet du Æuntumia elastica, dont la dispersion en Afrique serait plus étendue qu'on ne le croyait jusqu'alors, s'il est vrai qu'on retrouve l'arbre jusqu'au voisinage de la région du Nil, Pavis de M. de Wildeman est que cette espèce est la principale plante à caout- chouc à recommander pour la culture dans les colonies africaines. En raison de l'indigénat, il est facile d'obtenir des graines; et, pour le mème motif, il y a des chances pour que, en de nombreux points, le climat et le sol conviennent. Et l'expérience à déjà élabli que, ces conditions satisfaites, la germination est rapide, la transplantation facile, et que, dès la septième année, on peut commencer à récolter, soit que le Fur- tumia elastica ait été planté seul, soit qu'on Pait employé accessoirement, comme arbre d'ombrage du cacaoyer ou comme arbre-tuteur de la vanille. Pour des renseignements plus complets, nous ren- voyons au Mémoire même, que nous voulions seu- lement, ici, signaler. Henri JUMELLE, Professeur à la Faculté des Sciences de Marseille. Herrera (A. L.), Professeur à l'Ecole Normale de Mexico. — Nociones de Biologia. — 1 vol. in-8° de 250 pages avec figures. Secretaria de Fomento. Mexico, 1904. Ce livre a été écrit par l’auteur pour ses élèves de l'Ecole Normale de professeurs de Mexico. Il pose comme principe fondamental que «tous les phénomènes maté- riels de l'organisme, dans le passé et dans le présent, ont eu ou ont pour cause les forces physico-chimiques connues » et définit la Biologie comme «la science de ces. phénomènes ». Pour démontrer sa proposition, l'auteur s'appuie sur trois ordres de faits, dont l'exposé constitue à peu près tout le volume : 4° faits d'unité fondamentale (unité des forces de la Nature); 2° faits de la vie cellulaire ou élémentaire (propriétés du pro- toplasma); 3 faits de l’évolution des êtres organisés. Si quelques idées particulières à l’auteur peuvent fournir matière à critique, il y a cependant lieu de le féliciter d’avoir exposé d'une facon très claire les grandes théories de la Biologie, depuis celle de Lamarck jusqu'à celle, toute récente, d'Yves Delage, et de cher- cher à initier ainsi les esprits dont il à la charge aux problèmes les plus importants et les plus délicats de la science biologique moderne. L, B, 4° Sciences médicales Pittaluga (D' Gustavo), de l'Institut d'Anatomie com- parée de Rome.— Etudeset recherches sur lePalu- disme en Espagne (1901-1903), publiées à l'occasion du XIVe Congrès international de Médecine, avec la collaboration des D'S D. F. Hugrras BARRERO, D. ANTO- Nio MENDOZA, D. ANDRÉS MARTINEZ VARGAs, D. ENRIQUE VARELA, D. B. Pigoan, D. J. TARRUELLA, D. A. PRESTA, D. F. Proupasra, etc. — 1 vol. in-8&. Serra Herreros y Russell, éditeurs. Barcelona, 1904. A l'occasion du Congrès de Médecine qui s’est tenu à Madrid au printemps de 1903, un grand nombre de médecins espagnols, sous l'impulsion du Dr Pittaluga, de l’Institut d'Anatomie comparée de Rome, ont re- cueilli des données sur le paludisme dans un certain nombre de provinces d'Espagne. Le livre que nous analysons contient les divers Mé- moires qui consignent les résultats de ces recherches : le paludisme et sa prophylaxie dans la province de Caceres; le paludisme sur le réseau de voies ferrées de la Cie de Madrid à Saragosse et à Alicante; le paludisme en Catalogne; le paludisme à Barcelone: relation d’une expérience de prophylaxie médicamenteuse (par lésa- nophèle) contre l'infection palustre. Ces Mémoires sont précédés d'un Rapport de Barrero et Pittaluga sur l'étio- logie et la prophylaxie du paludisme, avec considéra- tions spéciales à l'Espagne. Ils sont suivis de trois Mé- moires de Pittaluga intitulés : Brèves observations sur la présence du genre Anopheles et sur la forme de l'infection palustre dans quelques régions d'Espagne; — Démographie; — Essai d'une bibliographie histo- rique du paludisme en Espagne. De tout cet ensemble, ilrésulte surtoutdesnotions très nettes sur la répartition du paludisme en Espagne; il sévit principalement dans les provinces sud-ouest, sur les bords de la Méditerranée, d'Alicante à Alméria, et aux Baléares ; les provinces nord-ouest sont peu éprouvées. Il convient d'applaudir à ce louable effort des savants espagnols; eux-mêmes el leurs confrères y trouveront la base d'une prophylaxie rationnelle du paludisme, variable naturellement suivant les régions. Il n'est que juste de noter que l'exemple leur a été donné dès 1899 par Le D' Macdonald, médecin aux mines de Rio-Tinto, qui, dans sa sphère d'action, a déterminé le rôle des Anopheles et cherché à lutter contre eux. F. MEs\i, Chef de laboratoire à l'Institut Pasteur. — Précis d'Anatomie deñtaire. — de Ru- Choquet (J.). 1 vol. in-12 de 400 pages. (Prix :8 {r.). F. deval, éditeur. Paris, 1904. Le Précis d'Anatomie dentaire de M. Choquet a suscité dès son apparition des critiques violentes en même temps que des louanges nombreuses. Ces appréciations contradictoires indiquent, par ce fait mème, que l’ou- vrage n'est pas de ceux qui passent inaperçus. En effet, M. Choquet, par l'illustration qu'il a donnée à son livre, a posé encore une fois le problème de lap- plication de la photographie à l'étude de l'Anatomie. Des photogravures à profusion animent exclusivement 916 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX cet ouvrage, et l'on est obligé de s’incliner devant le labeur considérable qu'a dû accomplir l’auteur pour une pareille illustration. Mais on est forcé de cons- tater que l'emploi exclusif de la photographie enlève à son livre bien des qualités didactiques. Le schéma est d'un usage courant en Anatomie, son emploi rend des services Journaliers; sans doute, l'usage exclusif du schéma peut donner des idées fausses et des concep- tions anatomiques par trop simplistes, mais ne peut- on corriger le schéma en plaçant auprès de lui la pho- tographie ? L'une ou l'autre méthode est mauvaise lorsqu'on l'em- ploie exclusivement; l’une et l'autre deviennent excel- lentes lorsqu'on les réunit dans le même ouvrage. Le schéma et la photographie se complètent et s'expliquent mutuellement. La tentative intéressante de M. Choquet en est une preuve, et bien certainement une deuxième édition de son livre gagnerait à laisser des schémas se glisser parmi ses photogravures. Cette question d'illustration mise de côté, on trouve dans cet ouvrage des idées nouvelles et personnelles des plus remarquables. Il faut citer surtout l'étude sur les rapports entre l'émail et le cément, qui peuvent tour à tour se recouvrir, ou bien encore se juxtaposer bout à bout, ou bien enfin ne pas entrer en contact et laisser la dentine à découvert. Le rôle de ces détails anatomiques est des plus importants. Est-il besoin de montrer leur intérêt comme cause occasionnelle de la carie au collet? Etudiant l'articulation inter-dentaire, M. Choquet montre l’extrème rareté de l'articulation droite (un crâne sur 10.000 observés au Muséum), contrairement à l'opinion des classiques (Tomes), L'articulation est toujours sinueuse, la convexité en bas de l’arcade supérieure s'emboîtant dans la conca- vilé que lui offre l’arcade inférieure. Des remarques intéressantes sont formulées au sujet des rapports constants qui existent entre le mode d'ar- ticulation inter-dentaire et les modifications de l’arti- culation temporo-maxiliaire. Mais ce fait demande encore de plus amples études avant d'en tirer des conclusions certaines. Il en est de mème des réserves formulées par M, Cho- quet à propos du corps fongueux et de son rôle dans la chute des dents temporaires. Elles nous permettent d'espérer d'intéressants travaux d'anatomie comparée au sujet de la chute des dents du lamentin, animal monophyodonte. En résumé, si dans ce livre on peut critiquer cer- taines obscurités d'exposition et quelques défauts de coordination et de plan dans la description, on est forcé d'admirer l'énorme travail que s’est imposé l’au- teur pour réunir les nombreux documents photogra- phiques qui l'illustrent, et de tenir compte des idées nouvelles d'anatomie dentaire qui en sont tirées. Dr Sauvez. 5° Sciences diverses Binet (Alfred), directeur du Laboratorre de Psycholo- gie physiologique de la Sorbonne (Hautes Etudes). — L'Année psychologique (10° année). — 1 vol. in-8° de vu-680 pages. (Prix : 15 francs). Masson et Ci, éditeurs. Paris, 1904. Vieille de dix ans, l'Année psychologique se rajeunit. Elle conserve son plan primitif : mémoires originaux, revues générales, analyses bibliographiques, table bi- bliographique. Mais dans ce cadre ancien figure un contenu nouveau. Les anal; sont moins copieuses : 150 pages dans ce volume, 250 dans le précédent. Au contraire, les Mémoires et les revues générales prennent plus de place (400 p. au lieu de 250); c’est qu'ils ne sont plus seulement consacrés à la Psycholo- gie, mais à toutes les sciences qui, de près ou de loin, touchent à la Psychologie : Anthropologie, Pathologie mentale, Pédagogie, Morale et Philosophie; même on nous promet pour l'an prochain une Revue générale de Sociologie. L'Année psychologique tend à devenir une Année philosophique. En outre, à côté des mémoires austères, bourrés de chiffres et de faits bruts, nous trouvons maintenant dans f'Année des études plus alertes : le portrait de M. Paul Hervieu, par M. Binet la Graphologie et ses révélations, par le même; une Chronique psychologique, de M. H. de Varigny. A vrai dire, toutes ces modifications ne paraissent pas impos sées par un besoin scientifique d'une extrème urgences s'il n'existait en France ni revues philosophiques mi revues sociologiques, on comprendrait mieux la ré forme introduite dans l'Année.Mais, puisque ces recueils existent, ne vaudrait-il pas mieux appliquer la règle de la division du travail? Néanmoins, si cette réforme fournit à la direction de l'Année le moyen de dévelop per son entreprise, on ne peut que l'approuver, can cette publication rend trop de services à la Psychologie pour qu'on ne lui souhaite pas de prospérer. Nous ne pouvons entrer dans l'examen détaillé des Mémoires. Du travail si curieux sur la Création litté raire que M. Binet à consacré à Paul Hervieu, on ne pourra tirer de conclusion, soit au point de vue de l& psychologie de l'imagination, soit au point de vue de psychologie individuelle, que le jour où l’on compa rera un grand nombre de portraits analogues (ceux qué M. Binet a tracés il y a dix ans, ceux qu'il nous promet pour l'an prochain, et beaucoup d’autres). De son Mé= moire sur la graphologie (/e Sexe de l'écriture), nous. critiquerions volontiers les conclusions. M. Binet, ayant présenté à de nombreux sujets 180 enveloppes écrites soit par des hommes, soit par des femmes, montre que les individus les moins compétents en graphologie dis tinguent en général le sexe du scripteur, en commet= tant toutefois un nombre d'erreurs qui peut atteindre 30 °/,, tandis que les graphologues peuvent réduire cette proportion d'erreurs à 10 °/4. Il en conclut que « l'existence de caractères sexuels dans l'écriture » est « certaine, démontrée de la facon la plus satisfais sante ». Etil considère comme une question subsidiaire la question suivante : ces différences tiennent-elles à des causes psycho-physiologiques profondes où à des causes plus superficielles (différences de mode, d'édu= cation) ? 4 Il nous semble : 1° que cette question est non pas subsidiaire, mais primordiale, et qu'on ne peut parler de l'existence des caractères « sexuels » sans sa voir s'ils ont une cause physiologique; 2° que les causes sociologiques sont aussi « profondes » (s'il y à des degrés dans la « profondeur » des causes) que» les causes psycho-physiologiques. Certains exemples d'écriture douteuse, ou, comme dit l'auteur, « herma= phrodite », révèlent l’action des causes sociales : une femme qui recoit l'éducation d’un homme et mène la vie d’un homme prend l'écriture d'un homme (p. 199, fig. 9); la sobriété, la netteté, les qualités attribuées aux hommes par les graphologues ne sont pas des qua lités de male, mais celles de tout être (mâle ou femelle) à qui la société ne laisse pas le loisir de faire des fiori= tures. Si l'introduction d'une revue de sociologie dans l'Année psychologique oriente les recherches des obser- vateurs vers les causes sociales des faits psycholo- giques, cette innovation ne sera pas stérile. Signalons encore, dans ce volume, les expériences très intéressantes de M. Lécaillon sur la psychologie (et particulièrement sur l'amour maternel) d'une arai- gnée : histoire touchante d'une araignée qui se laisse mourir de faim sur les ruines de son nid détruit; — l'article de M. Pitres sur la psychasthénie; la Revue gén nérale de Morale, par M. Malapert; la Revue annuelle, par M. Binet, des erreurs de psychologie (ou plutôt des erreurs de méthode en Psychologie). Il faudrait tout citer : du moins en avons-nous dit assez pour montrer l'intérêt de l'Année psychologique réformée. PauL LaPiE, Chargé de cours à la Faculté des Lettres de Bordeaux. ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 917 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES. DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 12 Septembre 1904. SCIENCES NATURELLES. — M. J. Chatin à constaté que la cellule cartilagineuse peut revètir différents aspects (sphéroïdal, cylindrique, claviforme, multilobé, rameux, étoilé, etc.), qui se rattachent les uns aux autres par des formes intercalaires. — M. M. Baudouin a observé, Sur un squelette trouvé en place dans un mégalithe de Vendée, une luxation traumatique simple de l’atlas sur Paxis. M. Lannelongue fait remarquer que ce cas se rencontre {rès rarement aujourd'hui et est presque toujours mortel. — M. G. Curtel a étudié l'influence de la greffe sur la composition du raisin. Le jus, plus abondant, plus acide et plus sucré, est moins riche en rincipes fixes, plus chargé de matières azotées et une couleur moins stable, Séance du 19 Septembre 190%. SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. Thovert propose de prendre, pour base de calcul de la profondeur de champ et de foyer des objectifs photographiques, une limite de définition angulaire de l’image. M. J. Schmidlin propose de substituer la nomenclature mo- difiée de M. Baeyer dans la désignation des rosanilines. Il arrive, d'autre part, à la conclusion que la molé- eule des sels des rosanilines renferme quatre doubles liaisons aliphatiques. — M.G.. Bertrand à constaté que ladrénaline extraite des glandes surrénales de cheval est bien une substance unique, répondant à la formule d'Aldrich, C‘H‘*Az0*. Le poids moléculaire trouvé par la eryoscopie de l’adrénaline en solution acétique (474,3) correspond bien à cette formule. — MM. R. Lépine et Boulud ont observé, chez le chien phlorid- ziné, deux cas où le sang de la veine rénale présentait un excès de sucre immédiat par rapport au sang arté- riel. — M, W. Biltz et Mv° Z. Gatin-Gruzewska ont constaté qu'une solution aqueuse de glycogène pré- sente, à l'examen ultra-microscopique, des corpus- Qules de différentes grandeurs. [ls se précipitent pro- ressivement sous l'influence de quantités croissantes e quelques précipitants. Séance du 26 Septembre 1904. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Bigourdan montre que l'on doit rejeter l'emploi de la fonte de fer “comme support de l'argent dans les cercles divisés et Jui préférer le laiton ou le bronze, dont la dilatation est à peine inférieure à celle de l'argent. Mais il vau- drait mieux encore faire les cercles en un seul métal. — M. L. Libert a observé les Perséides au Havre, du 11 au 20 Août; il a aperçu 339 météores et enregistré 93 trajectoires. Le radiant de Persée prédomine; celui de Pégase est très important; il y a aussi deux radiants nets dans le Dragon et dans la Girafe. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. Ch. Eug. Guye et A. Schidlof ont mesuré l'énergie dissipée dans le fer par hystérésis aux fréquences élevées. L'énergie con- sommée par cycle est indépendante de la vitesse avec laquelle le cycle d'aimantation est parcouru. — M. L. Guillet a reconnu que les aciers au tungstène se divi- sent en 2 groupes : 4° les aciers perlitiques, qui ont des propriétés analogues à celles des aciers au carbone, mais avec une charge de rupture d'autant plus élevée qu'ils renferment plus de Tu; 2 les aciers à carbure double, très fragiles. — M. J. Schmidlin a constaté que les fuchsines! forment, dans un excès d'acide minéral, des solutions incolores en fixant 4 molécules d'eau, le noyau quinonique se transformant en noyau de l'hexa- hydrobenzène. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 16 Juin 190% (suite). M. D. Al. Smith, baron Strathconna, est élu membre de la Société. Sir N. Lockyer et M. W.-J.-S. Lockyer arrivent aux conclusions suivantes dans l'étude des causes de la variation annuelle des tempêtes magnétiques et des aurores : 1° La variation saisonnière dans la fréquence des tempêtes magnétiques et des aurores dépend des positions de l'axe du Soleil par rapport à la Terre; 2 Les époques de plus grande inclinaison de l'axe solaire sur la Terre, en d’ autres termes de la plus grande exposition des régions polaires solaires N. ou S. vis-à- vis de la Terre pendant l'année, correspondent à celles de plus grande fréquence magnétique et aurorale; 3° Les époques (groupes d'années) où les régions polaires solaires sont le plus troublées coïncident avec celles où l'excès de la fréquence équinoxiale des tem- pêtes magnétiques sur la fréquence solsticiale est maximum. — Sir W. Crookes a constaté que les éma- nations du radium ont une double action sur le diamant. Les rayons 8 (électrons) produisent un noircissement superficiel, convertissant la surface en graphite d’une manière analogue, mais moins intense, aux électrons du courant cathodique. Il se produit, d'autre part, un changement de coloration de la pierre entière (du Jaune au bleu- vert pâle), qui est difficile à expliquer puisqu'on se trouve en présence d’émanations qui sont arrètées par la plus mince couche de matière solide. L'auteur pense qu'on se trouve en face d’un effet secondaire en présence du radium, le diamant est extrèmement phosphorescent; cet état constant de vibration, dans lequel le diamant reste pendant plusieurs semaines, peut causer une modification interne qui se révèle par un changement de couleur. — M. W.-J. Russell à observé qu'un grand nombre de bois sont capables d'agir sur une plaque photographique à l'obscurité en donnant une bonne image de leur surface. Ils doivent, pour cela, être placés en contact ou très près de la plaque, pendant une durée variant d'une demi-heure à dix-huit heures. Le bois des Conifères est généralement très actif; la plaque montre généralement tous les anneaux du bois, ainsi que les nœuds; il est probable que les corps résineux du bois jouent un rôle dans l'impression photographique. Parmi les autres bois, le chène et le hêtre sont très actifs, ainsi que l’acacia. Un phénomène intéressant est la grande augmentation d'activité sur la plaque que présente le bois qui à été exposé à une très forte lumière. La lumière artificielle produit le phénomène aussi bien que la lumière solaire ; l'expérience montre que ce sont les rayons bleus seuls qui produisent cet accroissement d'activité du bois. — M. H. Knapman : Expérience illustrant lexis- tence des harmoniques inférieures. Si l'on appuie un diapason en vibration contre un objet léger, tel qu'un morceau de papier ou une ficelle tendue, cet objet peut suivre les vibrations du diapason, le contact étant continu. Dans l'expérience décrite, on a touché avec un diapason un morceau de papier équilibré légère- ment; avec une faible pression, on peut interrompre le contact pendant une partie de chaque vibration, et le papier donne une note ressemblant à celle d'une corde de violon dans laquelle les harmoniques supé- rieures sont fortes. Avec une pression moindre, on peut établir le contact seulement avec une vibration du dia- 918 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES pason sur deux; alors le papier donne une note située un octave au-dessous de celle du diapason.De mème, le contact pour une vibration du diapason sur trois donne la douzième note inférieure et ainsi de suite. On a ainsi les séries des harmoniques inférieures, et avec un diapason c” on peut facilement en rendre perceptibles dix ou plus. L'auteur décrit aussi une méthode optique pour examiner les vibrations. On fait toucher une petite carte par un grand diapason, on observe le bord de la carte au moyen d’une lentille sur un fonds sombre, et il parait être élargi en une bande conti- nuellement assombrie, dans laquelle on peut voir des positions stationnaires. On à aperçu rapidement les caractéristiques des divers états de la vibration. — MM. E. P. Perman et G. A. S. Atkinson : La décom- position de l'ammoniac par la chaleur. On chauffe du gaz ammoniac dans un ballon de porcelaine placé dans un fourneau à moufle, et on lit à intervalles égaux la pression totale de l'ammoniac et des produits de dé- composition au moyen d'un manomètre à mercure, le volume étant conservé constant. On mesure la tempé- rature à l'aide d’un pyromètre de Callendar-Griffiths et on la maintient constante à 1° ou 2° près; dans les diverses expériences, elle a varié de 6770 à 4.1140. A la fin de chaque expérience, on élève la température jus- qu'à environ 1.100°, et on la maintient à ce point Jus- qu'à ce que la décomposition de l'ammoniac soit com- plète ; on lit à nouveau la pression, et d’après cette pression on calcule la pression initiale de l’'ammoniac dans le ballon. Si p, représente la pression de l’ammo- niac à un instant quelconque de la décomposition, p', celle de l'azote, p', celle de l'hydrogène, P la pression totale au même instant, p, la pression initiale de l'am- moniac, alors p, Hp, y, =P, j!,=39p!, et p', +, —=2(p, — p,); de ces équations, il s'ensuit par substitu- üon que p, —2p, —P, c'est-à-dire que la pression de l'ammoniac à un instant quelconque est double de la pression initiale, moins la pression totale à l'instant de l'observation. Les résultats expérimentaux fournissent les valeurs de P et 2p,, et l'on a calculé et disposé en tables les valeurs de 2p,—P; de cette dernière a été calculé AP/At; mais AP/At— dP/dt approximative- ment, et dP/dt = 14dp,/dt, de sorte que l’on connaît la vitesse du changement de pression de lammoniac à des pressions variées. On à dessiné deux séries de courbes montrant la variation de la vitesse avec la pression. Les traits les plus remarquables des courbes sont : 1° aux températures élevées, elles deviennent des lignes droites; 2° elles se dirigent toutes vers l’origine; 3° elles deviennent plus abruptes lorsque certains mé- taux (mercure, fer ou platine) sont présents dans le ballon. Voici les principales déductions que l’on peut tirer : 4° la décomposition est mono-moléculaire; 2° et (pratiquement sinon complètement) irréversible; 3° le degré de décomposition est grandement accru par la présence de certains métaux. Les auteurs ont fait aussi quelques expériences pour voir l'effet d’un chan- sement soudain de pression sur le degré de décompo- sition; les résultats ont conlirmé la conclusion que la réaction est mono-moléculaire. L'irréversibilité de la réaction est confirmée en faisant passer de l'azote et de l'hydrogène à travers un tube de verre chauffé au rouge, contenant de la porcelaine; aucune quantité d'ammoniac n’a été produite. — M. H.-E. Armstrong expose ses idées sur le retard de combustion par loxygène. Dixon a montré que, dans des mélanges variés d'oxygène et d'hydrogène, la vitesse de com- bustion diminue lorsque la proportion d'oxygène augmente. L'explication de ce phénomène, en appa- rence paradoxal, doit être recherchée dans le fait que l’action de l'eau (qui, d’après d'autres recherches, est le catalysateur effectif dans cette réaction) est en grande partie annihilée, en présence d'un excès d'oxygène, par suite de la formation de peroxyde d'hydrogène qui n'agit pas comme oxydant, étant stable aux hautes températures: Au contraire, quand l'hydrogène est en excès, il provoque la dissociation du peroxyde, en rendant l’eau à son rôle de catalysateur, — Sir J. Dewar : L'absorption et l'évolution thermique des gaz occlus dans le charbon aux basses tempéra= tures; séparation des gaz les plus volatils de l'air sans. liquéfaction (voir p. 884).— M. J. O. Wakelin Barratt La concentration mortelle des acides et des bases pou le Paramæcium aurelia. L'auteur a trouvé que les acide minéraux forts, chlorhydrique, nitrique et sulfurique, à une concentration de 0,0001 N. tuent les Paramæcies une plus grande rapidité (acides formique, lat” tique et oxalique) et quelquefois avec moins de rapidité (acides citrique et acétique). Des acides excessivement faibles, tels que les acides carbo= nique, carbolique, borique, cyanhydrique, nécessitenfs une plus forte concentration pour tuer les Paramæcies dans le temps mentionné ci-dessus. Les hydrates de potassium, de sodium, de lithium, de calcium, de strontium et de baryum, à une concentration de 0,002 N, sont fatals en cinq à soixante minutes. L’hy= drate d'ammoniaque est plus mortel, et la base extrèmement faible qu'est l’aniline l’est encore bien davantage. Le caractère mortel des alcalis se présente dans un ordre correspondant à leur groupement pério= dique. Les expériences faites indiquent que l'action des acides et des alcalis sur le protoplasma vivant des Parameæcies est de la nature d'une réaction chimique et n'est pas d'un caractère purement hydrolytique. Communications reçues pendant les vacançes. M. Charles Bolton : Sur la production d'un Sérum gastrotoxique spécifique. Voici les conclusions aux quelles l’auteur est arrivé : 1° Après une injection intrapéritonéale ou sous-cutanée des cellules de l’es= tomac (ou d’un extrait frais de celles-ci) du cochon d'Inde au lapin, le sérum sanguin de ce dernier devient fortement toxique pour les cochons d'Inde 20 Le sérum occasionne la mort après une injection au cochon d'Inde et cause la nécrose de la membrane muqueuse de l'estomac, amenant de l'ulcération et de l'hémorragie. 3° La toxine contenue dans le sérum est constituée d'au moins deux facteurs : (4) une gastro= lysine spécifique qui produit la nécrose; (b) une hémo lysine qui aide à produire l'hémorragie. On peut enle= ver le facteur hémolytique, laissant le gastrolytiquem qui occasionne encore des lésions stomacales. 4° La gastrolysine est une cytotoxine spécifique et est formée d'un corps immunisant et d'un complément. 5° La gas- trolysine n'affecte pas visiblement les cellules 12 vitro: 6° La gastrolysine ne produit pas de nécrose dans l’es= tomac d'un animal qui l’a produite; cela est peut-êtrem dù à la formation concomitante d'un corps anti-immue nisant. 7° En injectant des cellules de l'estomac du lapin au lapin, il se forme une gastrolysine qui cause la nécrose dans l'estomac du cochon d'Inde; par con- séquent, elle possède au moins deux affinités cytophi= liques. 8° En injectant des cellules de l'estomac du cochon d'Inde au cochon d'Inde, il se forme une gas= trolysine qui occasionne une nécrose dans l'estomat du lapin; cette gastrolysine est probablement de mème nature que la précédente. 9° L'importance des conclu sions ci-dessus pour la pathologie de lulcère gas- trique humain se trouve dans le fait qu'un animal peut produire dans son sang, par l'absorption des cel= lules d'un animal semblable et par conséquent des siennes, probablement, un poison qui causerait la nécrose de la membrane muqueuse de son propre estomac, s'il n'y avait pas quelque influence inhibitrice; probablement la formation concomitante d’un Corps anti-immunisant. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 28 Juillet (fin). M.L. Grunmach à fait une détermination expérimen= tale de la tension superficielle et du poids moléculaire de ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 919 Panhydride nitreux liquéfié. Par la méthode des ondes capillaires, il trouve la tension superficielle à la tempé- rature d'ébullition égale à 26,323 dyn./em. Le poids moléculaire déduit de cette valeur est de 43,52, ce qui concorde très bien avec la valeur théorique de 44,08. — M. Mübius présente une communication de M. G. To- nier sur l'origine et la signification des dessins colorés que présentent les serpents et les lézards. Il en ressort ue la forme du corps ne présente pas de rapports ireets avec l’origine de ces dessins; comme le font voir les dessins pathologiquement déformés et surtout les observations sur les animaux vivants où morts au sein de l'alcool, ce sont les mouvements du corps de Panimal qui les produisent. Les dessins en plis semblent être caractéristiques des animaux fortement mobiles, et les dessins en stries de ceux qui sont dépourvus d'une mobilité intensive. C’est dire que le caractère du dessin coloré permet des conclusions relativement aux mouvements du corps de l’animal. ALFRED GRADENWITZ. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 25 Juin 1904. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J.-C. Kluyver pré- sente au nom de M. Ed. Landau (Berlin) : #emarques sur le Mémoire de M. Kluyver : « Séries déduites de la série Vu) ——— )) V7 | 11) {en allemand). Dans sa dernière communication (/tev- “qén. des Se., t. XV, p. 50), M. Kluyver s’est occupé de la série \ umb+h) FD rio) ET m= 0 où b et À représentent deux nombres entiers positifs et où l'on peut supposer 4 centimètres en verre de couvre-objet de micros- cope. Ensuite, on détermine le rapport de l'inten- sité du rayonnement du corps noir à celle de la plaque de verre, en utilisant le petit diaphragme C, à circulation d'eau (de 14 millimètres de dia- Tagceau I. — Conductibilité électrique et coefficient d'absorption (déduits des pouvoirs émissifs) de divers métaux et alliages. MÉTAUX ET ALLIAGES COMPOSITION Argent Cuivre Or : Aluminium . Zinc : Cadmium . Platine . Nickel Etain . Palladium. Acier . Mercure . . Bismuth. . Métaux purs. Argent au S00/1000° Laiton ee Or à $ carats . Cuivre rouge Magnalium . . . . Nickel breveté P . Argent platiné. . . Nickel breveté M . Manganine Constantan . RE A PE OR Alliage 01 de Brandes et Sch. . Etain-Nickel S0 Ag + 20 Cu 35 Zn + 65 Cu 33,3 Au + 9 Ag + 57,7 Cu 85,6 Cu + 7,4 Zn + 6,3 Sn 68 AI + 32 Mo 80 Cu + 20 Ni 33 1/3 Pt + 66 2/3 Ag 75 Cu + 25 Ni 84 Cu + 4 Ni +12Mn 60 Cu + 40 Ni 66 Cu + 32 Sn + 2 Ag 48 Ni + 52 Sn Alliage 98 de Brandes et Sch. ; 32 Cu + 34 Sn + 29 Ni +5 Fe (100 — R) = C25,5 = (100 — R)V %r a = O2 & Ur SRE — æ 0 = N NN NO CO 2 > =) O0 19 © 1 CORRE AT) LOU OWUAIU DCS SC. OO OS & 17 N O©OCCO > > NO 19 DO IS O9 CE de I CC CE 19 INCLUDE CURTIS db À 0 NO 10 GO © © C2 O0 = CO D DS © = OS © D © EE ON © I Alliage de Rose fondu. Alliage de Wood fondu . Bismuth fondu . . RE 1 Sn + 1 Ph sn + 2 Pb + 1 Cd » < 2 Acier au nickel . ET DOCS ES Re UGee Dior Acier au nickel après refroidis- sement dans l'air liquide . .} surfaces métalliques avec celui du corps noir est impossible à cause des grandeurs différentes des surfaces d'émission. Le procédé suivant a donc été employé : on place dans l'une des ouvertures de la H. Rüsexs : Zeitschrift für Instrumentenkunde, t. XVII, p. 65 (1898). * La longueur d'onde 25,5 w correspond à la position du « centre de gravité » du complexe des rayons restants, après une triple réflexion sur des surfaces de fluorine. La position du maximum (1= 24 y) est un peu différente, parce que la courbe d'énergie s'abaisse plus rapidement vers les ondes les plus courtes que vers les ondes les plus longues. mètre). La valeur trouvée fut de 1,29. Dans les essais suivants, l'on compare l'intensité de rayon- nement des différentes surfaces métalliques avec celle de la plaque de verre, en employant le grand diaphragme circulaire C, (de 32 millimètres de dia- mètre). Il suffit ensuite de diviser par 1,29 les rap- ports ainsi oblenus pour obtenir directement la comparaison avec le corps noir absolu. C'est de celte facon qu'ont été obtenus les nombres qui figurent dans le Tableau IL. Le contenu du Tableau IT fait apparaitre très H. RUBENS — L'OPTIQUE DES MÉTAUX POUR LES ONDES DE GRANDE LONGUEUR 933 nettement la concordance de nos observations avec les exigences de la théorie de Maxwell. Sur les 37 métaux purs el alliages examinés, 36 présentent avec une bonne approximation le pouvoir émissif calculé d’après leur conductibilité suivant la théo- rie de Maxwell (voir la 7° colonne). Le bismuth solide seul fait une exception caractéristique à la règle; en outre, l'aluminium, le magnalium et le bismuth fondu présentent des écarts remarquables. Cependant, ces différences entre les valeurs obser- vées et calculées s'expliquent très clairement pour l'aluminium par le polissage défectueux, pour le magnalium par la conductibilité déterminée seule- ment d’une façon approximative”, el pour le bis- muth fondu par la pellicule d'oxyde inévitable et très visible qui le recouvre. Le bismuth solide doit sans doute la place exceptionnelle qu'il occupe par rapport aux autres métaux à sa structure cristalline, à laquelle sont aussi liées ses autres propriétés singulières, comme la grandeur de l'effet Hall et les fortes variations de résistance qu'il présente dans le champ magnétique. Parmi les métaux examinés, se trouvent un grand nombre d'aciers au nickel. C'est le résultat d’une aimable sollicitalion de M. Ch.-Ed. Guillaume, directeur-adjoint du Bureau international des Poids et Mesures, à Sèvres. D'après ses mesures, les aciers au nickel de différentes teneurs en nic- kel présentent des conductibilités très différentes. Si l'on trace, à l’aide des résultats qui ont élé mis à notre disposilion par M. Guillaume, une courbe qui représente la conductibilité spécifique x des alliages en fonction de la teneur en nickel, on obtient, pour environ 30 ‘°/, de Ni, un minimum très accusé (xnm. — environ 1,17), tandis que, de chaque côté, la courbe se relève rapidement jus- qu'aux conductibililés de l'acier pur et du nickel pur. Par l'entremise bienveillante de M. Guillaume, la Société de Commentry-Fourchambault et Deca- zeville, à Imphy, a mis très libéralement à notre disposition un grand nombre d’alliages acier-nic- kel, chacun d'eux sous forme de feuilles et de fils, et avec une analyse exacte. Nous profitons de cette occasion pour exprimer nos meilleurs remercie- ments, tant à M. Guillaume pour son invitation, qu'à la Société de Commentry-Fourchambault pour l'envoi gracieux du matériel qui a servi à nos expériences. Les aciers au nickel se prêtent très bien à la vé- rification de la loi de l'émission, à cause du beau poli qu'ils peuvent prendre, d’une part, et de leur faible conductibilité, très variable avec la composi- 4 La plaque de magnalium à l’aide de laquelle le pouvoir émissif a été déterminé a fourni à l'analyse une autre com- position (68 Al + 32 Mg) que le cylindre de magnalium qui avait servi à la mesure de la conductibilité (74 Al + 26 Mg). tion, d'autre part. Quelques-uns de ces alliages possèdent, en outre, une propriété particulièrement appropriée au but que nous poursuivons : c'est celle d'exister sous deux modifications entièrement distinctes et parfaitement stables entre des limites de température étendues, l’une magnétique et l’autre non magnétique, dont la conductibilité esl extraordinairement différente et dont le pouvoir émissif pour les ondes calorifiques de grande lon- gueur doit subir aussi, au point de transformation, une variation correspondante. La transformation a lieu très simplement par refroidissement dans l'air liquide ou par échauffement à environ 550° C. La loi d'émission trouvée par nous se vérifie toujours pour ces alliages, comme il ressort de l'examen du tableau II. Si l’on néglige les valeurs trouvées pour l’alumi- nium, le magnalium et le bismuth, la moyenne de tous les produits (100 —R)V x est égale à 7,27; l'écart moyen entre les divers produits el cette va- leur est ici moindre de 4 °/,. La théorie de Maxwell donne pour la constante GC, la valeur : Les valeurs observées sont donc aussi en com- plet accord avec la valeur absolue. Des chiffres du tableau I, il résulte avec une cer- titude suflisante que la grandeur (100 — R) possède la dépendance de la température exigée par le coef- ficient électrique de température des métaux. S'il n’en était pas ainsi, la valeur moyenne du produit (100 — R) V x devrait se trouver, pour les métaux purs, plus petite d'environ 25 °/, que pour les alliages à coeflicients de température évanescenls et que la valeur théorique calculée : 7,23. Par des essais ultérieurs avec une bande de platine incan- descent, nous avons pu établir que, dans le do- maine des hautes températures, le pouvoir émissif croît aussi à très peu près comme la racine carrée de la résistance électrique. Si l'on pose que la résis- tance w, de la feuille de platine utilisée par nous à la température t est égale à w, (1 + at + Bi), nos observations d'émission sont exactement représen- tées par les constantes w, — 0,154; &« —0,0024; — 0. 000.003.3. Les valeurs pour w, et « sont di- rectement empruntées à nos mesures électriques sur la bande de platine; 8 seul est choisi arbitrai- rement. Il résulte de ces essais que l'émission tolale du platine incandescent dépend aussi essentiellement des conditions de la résistance, c’est-à-dire en pre- mière ligne de la pureté de la substance employée. Certaines différences qui se sont montrées dans ce domaine entre divers observateurs trouvent proba- blement là leur explication. 934 J. BRAULT — LES MALADIES VÉNÉRIENNES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE Il est assez difficile de montrer dans une expé- rience de cours les propriétés de l'émission des di- vers mélaux pour les rayons restants du spath fluor, et cela à cause des conditions extraordinaires de sensibilité que doivent remplir les instruments de mesure employés dans ce cas. Cependant, l'émission totale des métaux, pour une température de rayonnement suffisamment basse, obéit, au moins qualitativement, à la loi que nous avons ob- servée. L'émission d'ur cube de Leslie porté à 80°, et dont les quatre faces consistent en argent, cons- tantan, bismuth poli et verre, présente nettement les différences prévues. En résumé, le résultat essentiel des expériences qui précèdent est bien de montrer que la théorie de Maxwell explique entièrement l'optique des métaux dans le domaine des ondes de grande longueur. IV De la valeur observée du produit (100 — R), on déduit, avec une grande approximation, les autres constantes optiques des métaux. Pour l'indice de réfraction y et le coefficient d'extinction y, on a l'équation : 200 de RUES JV — 5,48 Vu, = On en déduit qu’en aucun endroit du spectre ultra-rouge, du domaine visible jusqu'aux ondes hertziennes d'un mètre de longueur, le rayonne- ment ne peut pénétrer d’une facon appréciable dans une couche métallique d'un centième de millimètre d'épaisseur. De la règle observée par nous résulte encore le fait intéressant qu’on est actuellement en état, au moyen de mesures optiques pures, — et les ob- servations de rayonnement rentrent dans cette ca= tégorie, — de déterminer les résistances électriques absolues. La conductibilité x est égale à x (100 — RE" La grandeur C, ne renferme, à part les facteurs numériques, que la vitesse de la lumière y et la longueur d'onde À, qui, toutes deux, ainsi que le minées par des mesures de rayonnement. Ainsi nous est fournie la possibilité d'une détermination optique de l'ohm. | pouvoir d'émission (100 — R), peuvent être déter-" En excluant les valeurs trouvées pour l'alumi- nium, le magnalium et le bismuth, on déduit des chiffres du tableau II la valeur moyenne C, — 7,27 pour À — 25,5 y. Il en résulte la définition suivante de l'ohm optique : c'est la résistance d’une colonne de mercure de 1 millimètre carré de section et de 1,051 de longueur; celle-ci concorde bien avec les délerminations électriques connues (1 millimètre carré X 1,063 de mercure). La vérification de la théorie électro-magnétique de la lumière de Maxwell doit aujourd’hui être considérée comme close pour les corps bons con- ducteurs. H. Rubens, Professeur de Physique à l'Ecole Technique supérieure de Berlin. LES MALADIES CUTANÉES ET VÉNÉRIENNES CHEZ LES INDIGÈNES MUSULMANS D’ALGÉRIE : DEUXIÈME PARTIE : LES MALADIES VÉNÉRIENNES Les affections vénériennes sont assez répandues en Algérie, soit chez les Européens *, soit surtout chez les indigènes. Si l'on consulte les statistiques de l'armée, voici ce que l’on y constate : De 1876 à 1901, la blennorrhagie oscille entre 13,9 et 37,7 °/,, le Chancre mou varie de 25,7 à en- viron 12°/,, et enfin la syphilis atteint les chiffres de 7,4 à 15,3 pour 1.000 hommes d'effectif. * Voir la première partie : Affections de la peau, dans la Revue du 15 octobre 1904. * Il ne faut, cependant, pas trop exagérer, comme cer- tains ont de la tendance à le faire. Pendant le même temps, dans l'armée de l'inté- rieur (France), on relevait les chiffres suivants : Blennorrhagie Chancre mou Syphilis 39,6 à 17,5 °/00 11,5 à 2,8 10,8 à 5,5 Les chiffres que nous venons de donner sont les maxima et les minima pour chaque affection. Si l'on | venait à comparer les courbes avec plus de détails, la différence serait encore plus saisissante. En outre, quand on examine la courbe de l'ar- mée de France, on observe immédiatement que les trois maladies vont en diminuant, abstraction faite de quelques soubresauts ; la chose est surtout mar- J. BRAULT — LES MALADIES VÉNÉRIENNES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE 935 quée pour la blennorrhagie, puis le chancre mou. Pour l'armée algérienne, la blennorrhagie faiblit nettement depuis plusieurs années, mais le chancre mou et la syphilis restent à peu près stationnaires”. Mais laissons ces chiffres généraux el revenons aux indigènes ; toujours dans la statistique de l’ar- mée, pour la dernière année publiée (1901), nous trouvons les chiffres suivants : TIRAILLEURS INDIGÈNES SPAHIS Blennorrhagie. . . . . . . 60,6 °/00 49,5 0/60 Chancre mou. 3 . 22,8 175 SOIT SMS SN ENONCE 13/5 Cela donne 103 vénériens pour 1.000 hommes chez les tirailleurs et 80,5 °/,, chez les spahis, alors que la statistique entière de l'Algérie donne 71,3 vé- nériens °/., et que la statistique de l’intérieur n'in- dique plus que 27,1 vénériens °/6o J'ai cité volontiers la statistique de l’armée paree | qu'il est difficile d'établir un pourcentage aussi rigoureux pour la population civile. Mais il faut re- connaître que les chiffres recueillis dans ce milieu * sélectionné, et jusqu'à un certain point surveillé, ne peuvent pas donner l'image exacte de ce qui se passe dans la grande masse du public et surtout dans la tourbe indigène. En raison de la circoncision, la statistique pour les affections non vénériennes des organes génitaux est beaucoup moins chargée chez les indigènes. En effet, dans cette statistique, on doit faire une large place aux hospitalisations pour phimosis, ou para- phimosis, qui n'existent plus qu'à l'état tout à fait exceptionnel chez l'Arabe, circoncis, en général, à la fin de la deuxième enfance *. Je dois dire toutefois que quelques sujets échappent à cette opération rituelle; c'est ainsi que nous avions, il y à quelque temps, dans notre Ser- vice, un jeune homme indigène qui n'avait pas subi cette intervention. On sait que les Musulmans ne sont astreints à la circoncision qu'à l'âge de la puberté; la péritomie faite entre deux disques, ou entre deux ligatures, par leurs barbiers, est très défectueuse. Une cir- concision bien menée comporte l'excision d'une collerette de peau juste suffisante et l'ablation de la plus grande partie de la muqueuse *.Les opérateurs indigènes vont à l'encontre de ce principe; aussi obtiennent-ils des résultats très médiocres. Le gland est, en général, complètement découvert. De temps à autre, Je montre aussi à mes élèves des 1 D'une facon toute générale, les provinces d'Alger et de Constantine sont un peu plus touchées, par les maladies vénériennes, que la province d'Oran. ? Au Figuig, la circoncision se fait plus tôt, à deux ou trois mois ; on attend parfois jusqu'à are ou cinq ans. 3 J. Braur : Bulletin médical de l'Algérie, 1897, religions devant l'hygiène : Annales d'Hygiène, 1908. et Les glands qui ont élé fortement ébarbés au cours de l'opération. Le Musulman ne considère pasla péritomiecomme une mesure d'hygiène, mais bien comme un acte de purification. Sans doute, à la suite de l'opération, le gland et la rainure balano-préputiale sont peut- êlre un peu plus réfractaires aux inoculations ; mais c'est là une préservation assez restreinte, car les chancres et les chancrelles de ces régions se voient très souvent chez les indigènes qui entrent dans notre Service. I. — BLENNORRHAGIE. Dans la trilogie vénérienne, nous laisserons un peu de côté la blennorrhagie, qui ne prête pas à des considérations bien particulières. Chez les ruraux, elle est moins fréquente que chez les citadins ; mais, dans ces dernières, elle est aussi répandue dans l'élément indigène que dans la population européenne. Dans notre Clinique, nous la rencontrons chez les indigènes avec toutes ses complications habituelles folliculite, cavernite, cowpérile, prostalile, orchi-épidydimite, eystite; les arthrites blennorrhagiques elles-mêmes ne sont pas rares. L’ophtalmie purulente vient aussi donner la main aux granulations et à la variole pour déterminer la cécité chez ceux qui négligent les soins de pro- preté; mais l'affection est, bien entendu, surtout répandue chez l'enfant; dans le Sud, les mouches peuvent servir à la propagation; en effet, pendant la saison chaude, les jeunes indigènes, dans le plus grand état de malpropreté, en ont les yeux littéra- lement couverts. Les chiffres que nous avons cités au début de cet article montrent bien la fréquence de la blennor- rhagie dans les troupes indigènes ; les médecins militaires qui ont vécu dans le milieu indigène considèrent tous aussi que la blennorrhagie est fréquente chez les Arabes des douars ‘. D'autre part, pour Rey, l’uréthrite blennorrha- gique est observée à peu près dans la même pro- portion chez les prostituées européennes et chez les indigènes, 126 contre 115. La vaginite serait plus rare, 88 contre 54; ilen serait de même de la métrite et de la bartholinite*. Chez les indigènes, la blennorrhagie est souvent abandonnée à elle-même, ou alors attaquée par des médications anodines : tisanes, purgatifs, etc. En raison de cette insouciance et de ce manque 1 En Kabylie, elle serait moins répandue. 2 Chez les indigènes des deux sexes, on observe de temps à autre la blennorrhagie anale; la sodomie et la pédérastie sont plus rares chez les Kabyles que chez les Arabes et sur- tout les Mozabites. La bestialité existe également. 936 L J. BRAULT — LES MALADIES VÉNÉRIENNES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE de soins, nous observons encore assez souvent des rétrécissements très serrés dans l’âge mûr. Enfin, dans certains cas très anciens (car les ma- lades ne viennent le plus souvent qu'à la dernière Tasceau 1. — Statistique des blennorrhagies et or- chites chez les Européens et les indigènes musul- mans, observées pendant l’année 1903. BLENNORRHAGIES BLENNORRHAGIES et ORCHITES an. 2e a OBSERVATIONS Euro- Indi- péens | gènes Re Re Euro- Indi- péens gènes Onne peut pas arguer grand chose de ce tableau parce que les blennorrha- gies ne vien- nent qu'en petitnombre dans notre Service. Janvier . Février . . Mars Avril Mai. Juin. . Juillet. . Août Septembre. Octobre . Novembre. Décembre. 4 4 L 6 0 à] DID COTES 00 DeNSOoRNEe= © GR SE + M où = œ TOTAUX .-. extrémité), nous avons trouvé des abcès urineux multiples, des fistules nombreuses et une infiltra- tion cicatricielle étendue du périnée et des parties avoisinantes. Dans ces conditions, il nous a fallu plusieurs fois combiner les deux uréthrotomies interne et externe et pratiquer la libération du canal, en enlevant fistules et masses indurées. II. — CHANCRELLE. Le chanere mou ou chancrelle est tout à fait ré- pandu chez les indigènes, comme chez les Euro- péens, d'ailleurs, en Algérie. À maintes reprises, soit au Dey, soit dans ma clinique de Mustapha, j'ai constaté cette fréquence; il y a de temps à autre des demi-éclipses, mais à certains moments j'ai compté dans le Service aulant de chancres mous que d'accidents primitifs et secondaires de la vérole réunis. Les statistiques de l'armée montrent que c'est l’Algérie qui paie le plus fort tribu au chancre mou, et tout particulièrement la province d'Alger. Le tableau II montre bien la fréquence de la chancrelle chez les indigènes. Au point de vue du siège, nous noterons simple- ment la fréquence du chancre du fourreau de la verge‘. Certains prétendent que cela tient à ce que les Mau- resques se rasent les poils des organes génitaux. Nous ren- controns aussi de temps à autre, dans les deux sexes, les chancrelles de l'anus et aussi des membres. Pour ce qui est du nombre, signalons que, pour. des raisons faciles à comprendre, les auto-inocula- tions sont multiples; nous avons compté jusqu'à près de 80 chancrelles sur le même individu. 4 A diverses reprises, pas très fréquemment cepeu dant, j'ai vu chez les indigènes de la lymphite e de la lymphangite chancrelleuses, avec abcà lymphangitiques gapides et pus immédiatement inoculable. En raison de la circoncision presque toujours trop largement comprise, il est rare de voir IE phimosis acquis et aussi les accidents de gangrène. rapide sous phimosis, accidents que nous obser= vons, au contraire, de temps à autre chez 1e Européens. Par contre, les malades se présentent souvent à la clinique avec des bubons, parfois même doubles. Quand il viennent assez tôt, ils guérissent rapide- ment (une dizaine de jours), et sans cicatrices apparentes, gräce à la ponclion suivie d'expression et d'injection au nitrate d'argent. Souvent, ils nous arrivent un peu tard, soit avec des bubons chancrelleux, soit même phagédéni-" ques et plus ou moins recouverts, d’ailleurs comme les chancres eux-mêmes, de pansements invrai- semblables. Il est une complication bien connue de la chan-" crelle, c'estle phagédénisme ; il est effrayant parfois eo vers sur les indigènes, qui semblent prêter lrès facile-" ment le flanc à cette terrible complication. Ici, à TagLEAU Il. — État numérique des chancres simples et de la syphilis aux diverses périodes, y compris la syphilis héréditaire, chez les indigènes musul- mans hospitalisés à la Clinique de Mustapha. SYPHILIS CHANCRES TOTAUX héré- ss RS ANNÉES TOTAUX secon-| ter- pri- maire | daire | tiaire |ditaire 1894. 48952. 1896. . 1897. 1898. . 1899. 1900. . AUS 6 1902 1903. . ToTaux. plusieurs reprises, soit dans mon Service au Dey, soit dans le Service de la clinique à Mustapha, j'ai « ‘ Nous avons eu toutefois dans notre Service un indigène qui portait une circoncision rituelle qui aurait pu subir la comparaison avec les meilleures circoncisions chirurgicales, mais c'est le seul cas. J. BRAULT — LES MALADIES VÉNÉRIENNES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE LE eu à traiter des individus qui en étaient atteints; j'en ai aussi constaté quelques cas sur des Maures- ques’. Il y a quelques années, j'ai dû faire une autoplastie du pénis à un cavalier indigène (spahi), qui n'avait plus qu'un moignon de 2 centimètres 122, complètement ulcéré à! la suite de phagédé- nisme. Tous mes camarades de l'armée qui ont observé dans les diverses provinces m'ont rapporté des faits qui corroborent cetle facon de voir. Ce ne sont, d’ailleurs, pas simplement les chancrelles qui se creusent ou s'étendent, ou bien encore leurs bubons; les plaies ordinaires, les solutions de con- tinuité quelconques, dans certaines conditions, sont sujettes à la même complication; bien moins fréquent que sous les tropiques, le phagédénisme est déjà moins rare que dans la zone tempérée?. Je Lai déjà dit hautement : le phagédénisme est un et Ton ne doit pas faire de différence entre un ulcère Phagédénique des pays chauds et une plaie véné- Tienne également phagédénique*. Et, en disant cela, je ne tombe pas du tout dans l’exagération et je ne confonds certes avec le pha- gédénisme : ni les plaies atones, ni les divers ul- cères lrophiques qu'on observe au cours d’une foule de maladies (lèpre, névrites périphériques, etc.), ni surtout les ulcères variqueux, où es lésions artério-veineuses et nerveuses sont primordiales. Du fait du phagédénisme chancrelleux, nous voyons souvent des glands fortement endommagés, des hypospadias acquis et de vastes cicatrices péniennes et inguino-scrotales avec des dyschro- mies variées. Avant de clore ce qui a trait aux chancrelles, deux mots du diagnostic spécial. On sait qu’en Afrique le bouton des pays chauds ne s'attaque pas toujours aux parties découvertes : ce bouton peut même siéger exceptionnellement sur la verge; il ne faudrait pas, dans des cas sem- blables, confondre le chancre du Sahara avec la chancrelle. En dehors de l’évolution si particulière du clou des pays chauds, nous avons par devers nous une foule de signes : les bords du bouton sont bien taillés à pic et le fond est jaune, mais l’ulcère siège au milieu d'un massif, d’un placard rouge, épais et dur; au pourtour existent des satellites lui formant une auréole irrégulière, grenue, tomen- teuse, tout à fait spéciale; on est en plein pays mon- lagneux. 1 Nos indigènes sont des phagédéniques au premier chef, en raison de leur incurie, de leur famélisme surtout. — J. Brauzr : Janus, 1898, p. 268. ? Dans la zone tempérée, en temps normal, le phagédé- nisme ne prospère que dans les régions chaudes et humides de notre individu; il faut la misère des guerres pour le faire s'étendre à toutes les plaies. # Traité des maladies des pays chauds, p. 233, etc. Je me suis expliqué sur les raisons qui me font parler ainsi; jen y reviens pas au cours de cet exposé. REVIE GÉNÉRALE LES SCIENCES, 1904. La fréquence du phagédénisme, compliquant non seulement la chancrelle, mais encore les autres plaies vénériennes, n'est pas sans embarrasser quelquefois le elinicien; une ulcération devenue phagédénique, au bout de quelque temps, a perdu tous ses caractères primordiaux, et l’on peut parfois se demander si l’on est en présence d’un chancre mou phagédénique, ou au contraire devant un accident primitif ou tertiaire de la vérole ayant subi la même modificalion; ce n’est que par les renseignements et les autres signes recueillis en dehors de la plaie que l'on peut le plus souvent porter un diagnostic ferme; ce diagnostic est d’une extrême importance au point de vue de la conduite à tenir comme thérapeutique. LIT. — CnANCRE MIXTE. Entre la chancrelle et la syphilis, je dois placer quelques mots à propos du chancre mixte, qui a ici TagLeAu III. — Statistique du chancre mou chez les indigènes musulmans traités à la Clinique (annee 1903). BUBONS CHANCRES COnSéCUtIES CHANCRES || MOIS simples aux chancres mixtes simples Janvier . . 3 2 0 Février . l 1 0 | Mars 4 L 0 | Avril 0 0 0 Mai. 3 2 0 Juin ee 6 l 0 Juulet 3 0 Août n) il 0 Septembre. . . 2 0 0 Octobre . . ; 2 0 Novembre . 3 2 0 Décembre . 1 1 | | Toraux. 35 16 1 une fréquence insolite, mais qui est cependantplus souvent observé chez les Européens que chez les indigènes. IV. —- SypuiLIs. Je ne veux pas descendre dans tous les détails de la syphilis à propos des indigènes; je veux encore ici, simplement, marquer les caractéris- tiques de cette maladie chez eux. Tous les observateurs, en Algérie, sont d'accoril pour dire que la syphilis est très répandue dans notre milieu indigène, surtout chez les Kabyles: certains auteurs vont jusqu'à donner une propor- tion de 90 °/, pour ces derniers‘; c’est la grande 1 Chez les Arabes, cetle proportion est déjà très forte: dernièrement M. Coste parle d'un sixième de la population 20* 938 maladie (Weurdh-el-Kebir) ; il est donc inutile d’insister à nouveau là-dessus. Certainement, avec la variole, les affections oculaires et le palu- disme, la vérole constitue le fond de la pathologie indigène. On sait que cette fréquence est surtout com- mandée par les raisons suivantes, principalement en Kabylie : absence d'hygiène (usage des mêmes ustensiles de ménage, promiscuité très grande), relächement des mœurs, polygamie, insouciance, incurie, pudibonderie des hommes, pratiques di- verses (circoncision, variolisation, tatouage), etc. D'une facon générale, voici les principaux carac- tères de la syphilis des indigènes, caraclères qui la rapprochent, avec une note un peu affaiblie, de la syphilis des contrées plus chaudes : 1° Du côté de l'accident primitif : la multipli- cité, le gigantlisme, le phagédénisme et aussi l'ex- tra-génitalité ; 2 Courte durée, bénignité relative de la période secondaire ; 3° Rapidité du développement des accidents ter- tiaires, leur systématisation très marquée sur la peau et sur les os. Phagédénisme tertiaire; appa- rition, de temps à autre, de syphilides frambæsi- formes. Rareté des accidents nerveux et viscéraux. Absence à peu près totale d'accidents parasyphili- tiques. Guérison relativement rapide à la suite d'un traitement approprié; 4° Fréquence de la syphilis héréditaire *. $ 1. — Syphilis primaire *. Souvent, chez les indigènes, l'accident primitif de la syphilis acquise nous échappe. Il y a pour cela de multiples raisons; je me bornerai à citer les principales : la pudeur tout à fait spéciale des indi- gènes mâles, la claustration des femmes, soumises à leur seigneur et maitre, le peu de douleur et de suppuration qu'occasionne en général le chancre dur, toutes conditions qui ne poussent pas l'indi- gène fataliste à venir consulter. Il faut également citer la fréquence des chancres extra-génitaux, qui sont pris par les porteurs pour des plaies ordinaires. La fréquence relative de la multiplicité des chancres durs nous a frappé à diverses reprises; toutefois, nous avons plus souvent observé l'accident primitif unique ; mais ce dernier, plus fréquemment dans une monographie sur le cercle de Géryville. Il faut faire une différence bien nette pour les indigènes depuis longtemps dans les villes, dont la syphilis se rapproche un peu de celle des Européens. 1 Vincent, Leclerc (1862-1863). ? D'après certains auteurs, les avortements dus à l'affec- lion seraient moins nombreux chez les femmes indigènes? * Toutes les photographies de cet article ont été prises sur des malades en traitement dans notre Service. J. BRAULT — LES MALADIES VÉNÉRIENNES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE que chez l'Européen, s'est montré avec des dimen= sions exagérées, soit sur le gland, soit encore sur le fourreau ; presque toujours, il s’agit de cachec tiques, ou encore de faméliques, dans ces observa tions d'accident primitif à dimensions démesurées: En dehors du gigantisme, nous avons observé également le phagédénisme; mais cette complica tion est beaucoup plus fréquente, soit dans ] chancrelle, soit dans le terliarisme syphililique ! $ 2. — Syphilis secondaire. La période secondaire, comme nous l'avons dit, nous échappe un peu chez l'indigène, lout d’'abor en raison de son insouciance vis-à-vis de lésion qui sont souvent discrètes et ne démangent pas, er raison aussi du peu de durée de cette période, dan beaucoup de cas. Au point de vue de la chrono= logie de l’évolution des accidents primitifs et secon- daires, nous n’avons, jusqu'à présent, rien remar qué d'important à signaler. Ë On observe rarement les syphilides bénignes,s pour les raisons que nous avons données ci-dessus: toutefois, nous avons pu observer chez l'indigèneh comme chez l'Européen des roséoles de retour, aus cours de la période secondaire. \ Toutes les formes de syphilides peuvent être notées : maculeuse, vésiculeuse, pustuleuse, tuber- culeuse, tuberculo-ulcéreuse, rupioïde”, etc. Nous avons également noté, comme chez les Eu-" ropéens, l'épididymite secondaire de Dron. ï Les accidents du côté des muqueuses, en raison peut-être de la gène qu'ils occasionnert, incitent davantage l’Arabe à venir se montrer. Les plaques muqueuses de la bouche, les plaques hypertro-n phiques de l'anus, de la vulve, des bourses, ete. s'observent surtout dans les cliniques des villes. Les papules de la conjonclive, du conduit auditif, des fosses nasales, se voient aussi de temps à autre*. À Les syphilides pigmentaires vraies, c'est-à-dire primitives, sont très rares; alors que nous avons" constaté plusieurs fois des syphilides pigmentaires" du cou, même sur des Européens males, nouss n'avons encore observé qu'une fois la chose chez les indigènes. H $ 3. — Période secondo-tertiaire. L'iritis syphilitique, le chancre de retour sonb rares, nous avons cependant pu en montrer des exemples à nos élèves ; le sarcocèle syphilitique se voit plus communément. 1 11 peut se voir également sur les lésions secondaires. ? Nous avions même, il n'y a pas longtemps, une femme indigène avec une syphilide séborrhéiforme d'une grand netteté. * Nous avons aussi observé les diverses formes d'onyxis J. BRAULT — LES MALADIES VÉNÉRIENNES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGERIE 939 $ 4. — Syphilis tertiaire. C'est surtout dans le tertiarisme que se carac- Fig. 4. — Syphilis déformante et mutilante chez une femme indigène, térise la vérole indigène : c'est là sans conteste qu'on trouve sa signature véritable ; c'est donc le moment de parler un peu de la gravité de ce dernier. L'unanimité qu’on rencontre au su- jet de la constatation de la fré- quence de la vérole ne se retrouve plus du tout, quand il s’agit d'appré- eier, au contraire, sa sévérité. Les uns, Vincent, Lagarde, Ber- gaud, Bernard, ete., la jugent grave ; les autres, Rebatel, Tirant, Blane, Dumont, Aucaigne, etc., la consi- dèrent, au contraire, comme relative- ment bénigne. Il me semble qu'il y a là un simple malentendu : les uns s'appuyant sur la rareté des syphilis nerveuses et viscérales, sur la remarquable effi- cacité du traitement; les autres ar- guant de la sévérité des accidents du côté des cutané”, accidents aggravés, d’ailleurs, par l'insou- systèmes osseux et ciance, l'incurie, la misère, le famélisme et la malpropreté. Sans doute, le pronostic quod vilam, et même au point de vue de l'espèce, chez une race aussi pro- lifique, n’est peut-être pas très grave; toutefois, on ne peut pas non plus appeler bénignes ces véroles, qui, pour une raison ou pour une autre, arrivent si souvent et si rapidement au tertiarisme, el se caractérisent par des lésions sévères de la peau et des muqueuses, des os et des articles, entraînant des infirmilés et des déformations multiples (ig. 1). Du côté de la peau, nous voyons /rès fréquemment les syphilides gommeuses serpigi- neuses en nappe dont nous avons pu recueillir bien des exemples typiques (fig. 2). A signaler également le phagédénisme térébrant tertiaire, qui vient si souvent accentuer les lésions destructives des diverses infilirations gommeuses (fig. 3, 4 et 6); actuellement, nous avons un indi- gène dont le pénis a été ainsi détruit presque complètement. Parfois, les lésions prennent un caractère végé- tant tout à fait spécial, rappelant un peu certaines tuberculoses verruqueuses ou même, plus exacle- ment, les syphilides frambæsiformes rencontrées sous les tropiques ‘; nous avons observé trois cas de cette nature, ces temps derniers (fig. 5). On a beaucoup insisté sur la fréquence des lé- sions bucco-pharyngées et des lésions nasales. En effet, une des choses qui frappent ici tout d’abord l'étranger dans les rues, c'est la quantité de défor- mations nasales rencontrées chez les indigènes Fig, 2. — Syphilides gommeuses serpigineuses en nappe chez un indigène. (fig. 7). Les nécroses des cartilages, du vomer et ! Le paludisme, également, jaggrave dans une certaine mesure la syphilis indigène. 1 Certains auteurs ont prétendu que les maladies de la peau et la syphilis culanée étaient rares, en raison de 940 J. BRAULT — LES MALADIES VÉNÉRIENNES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE des os propres sont, en effet, assez fréquentes, et l'on peut observer toutes les diverses déformations du nez syphililique : nez ensellé, nez pincé, nez en füio/93: — Phayédénisme térébrant tertiaire (gommes des lèvres et de la joue) chez un indigène. trompe, nez en lorgnette, nez en pied de mar- mite, etc. Les observateurs insistent tout particulièrement! sur les lésions tertiaires de la bouche et du pha- rynx; il faut toutefois se souvenir que les perfora- lions palatines se font de haut en bas et débutent par le plancher des fosses nasales. Quoi qu'il en soit, en dehors des perforations classiques, nous voyons fréquemment les vastes destructions en ogive du voile palatin, soit encore les ulcérations pharyngiennes étendues, ou enfin les symphyses palato-pharyngées * à tous les degrés ; certaines ne permettent plus que l'introduction d'une sonde cannelée ou d’un stylet. l'usage journalier des bains chauds (bains maures) et des ablutions fréquentes; les syphilides secondaires sont rare- ment observées pour les raisons que nous avons données au chapitre de la syphilis secondaire; pour les lésions ter- liaires, elles sont légion. D'ailleurs, il faut savoir que la plupart des Arabes simplifient beaucoup les prescriptions du Coran : sière), quelquefois le teiemmoum (aspersion de pous- ou l'application des mains sur le galet sale de la mosquée, font tous les frais de la toilette religieuse. ! J'ai opéré ici une symphyse palato-pharyngée complète, luais c'était sur un Européen. Cependant, chez les indigènes, la syphilis osseuse est loin de se borner à porter ses coups sur le sque- lette naso-palatin, et nombreux sont les cas o nous avons pu noter des lésions tertiaires de la cla vicule et des os des membres, en particulier d tibia. À l'Hôpital du Dey, j'ai dû trépaner un Arabe qui présentait une ostéite syphililique du frontal aveë de nombreuses fistules et des portions séquestrées. Les os ne sont pas les seuls alteints; les articles se mellent aussi de la partie, et nous observons de temps à autre des arthropathies syphililiques iso= lées où multiples ; la figure 8 représente deux jeunes Kabyles qui en sont porteurs *. Les lésions du nerf optique, des membranes pro- fondes de l'œil sont rares; les paralysies oculaires sont exceptionnelles. Ici, comme d'ailleurs dans loutes nos autres pos- Fig. 4. — Le malade de la figure 3, deux mois plus tard, après traitement intensif et autoplastie faite dans le Service. sessions coloniales, on a constaté depuis longtemps la rareté des lésions nerveuses et viscérales”* de la 1 Voir Arch. provinciales de Chirurgie, 1898. 2 Pour les lésions des os, chez les sujets jeunes, l'ostéo- genèse est un appel. 3 Nous avons observé, mais cela rarement, les gommes du testicule. Dans les autopsies des jeunes indigènes, j'ai trouvé à plusieurs reprises des gommes viscérales, de la rate notamment, mais c'est exceptionnel. J. BRAULT — LES MALADIES VÉNÉRIENNES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE 941 Syphilis; nos indigènes, comme les jaunes et les | prenant 633 aliénés arabes, à noté une proportion noirs, sont réfrac- taires de ce côté. Il faut toutefois reconnaitre que cetteimmunilén'est que relative et n'a pas un caractère ab- solu; nous avons des exemples qui le prouvent. J'ai, notamment, observé un cas de myélite syphilitique chez un Arabe et, ces jours derniers, nous avions à la Cli- nique un indigène porteur d’une hé- miplégie spécifique. Ce qui est vrai pour les accidents nerveux, l'est aussi pour la parasyphilis (tabès, Fig. 6. — Femme indigène avec le même phagédénisme ler- tiaire de la lèvre inférieure et du menton. paralysie générale, etc.). M. Battarel, dans une sla- üstique porlant sur quaranle-deux années et com- 5. — Indigène présentant des syphilides frambæsiformes des deux coudes. de 3,92 °/, pour la paralysie générale, alors que le pour- centage était de 20 °/, pour les alié- nés ayant une autre origine ethnique. Néanmoins, la pa- ralysie générale chezlindigène sem- ble subir une très légère ascension‘: cela ne tient nul- lement à la sy- philis, mais bien aux progrès de l’al- coolisme. On a émis des h1- pothèses pour ex- pliquer la prédomi- nance des manifes- talions de la vérole sur certains systèmes et leur rareté sur d'autres : malpropreté, promiscuilé, im- Fig, 7. La malade est, en outre, porteur d’une perforation palatine). — Destruction du nez chez une jeune fille indigène. g porlation récente, fatalisme, absence de soucis 1 J'en ai observé | Montpellier, 1902. un seul cas; voir thèse de Battarel, 942 J. BRAULT — LES MALADIES VÉNÉRIENNES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE moraux, etc. ; mais lout cela ne nous parait pas donner complèlement la clef du problème. L'ab- sence d'intoxications prédisposantes chez la grande Fig. S.— Deux jeunes indigènes présentant des arthropathies et des déformations des épiphyses dues à la syphilis. — Le premier sujet présente, en outre, une rétraction bicipi- tale à droite. masse, l'abstinence d'alcool surtout, expliquent déjà ce que nous observons d'une facon générale’. Ea outre, pour nous, dans celte question, il faut tenir un peu compte de la fréquence relative de la syphilis héréditaire chez nos indigènes; on sait que cette dernière, bien qu’elle touche parfoisle sys- tème nerveux de diverses manières, est beaucoup moins méchante pour lui que la syphilis acquise. D'autre part, la syphilis héréditaire, surtout la syphilis héréditaire tardive, aime la peau et les os, et tout particulièrement la face, les lèvres, le voile du palais et le pharynx: en somme, ce que nous voyons le plus et le mieux chez nos indigènes. ! L'usage du tabac est assez fréquent, mais l'abus du kilf et de l'alcool chez les indigènes peut encore passer pour exceptionnel. Enfin, chez les individus qui contractent des sy philis acquises, peut-être faut-il tenir compte d’une syphilisation plus ou moins latente, qui serait pou eux, en quelque sorte, préservatrice vis-à-vis d syphilides profondes. ‘à Pour ce qui est des accidents parasyphilitiques on sait combien il faut êlre prudent encore & point de vue des interprétations; ici encore, question de l'alcool prime tout le reste. $ 5. — Syphilis quaternaire. Parmi les indigènes cachectiques que nous obs vons de temps à autre, à côlé du famélisme autres facteurs, il faut certainement faire une part à la syphilis quaternaire ; ment, nous n'avons pas encore eu le temps pousser assez à fond nosinvesti- gations de ce I côté. $ 6. — Syphilis | héréditaire. Lasyphilishé- | rédilaire préco- | ce, grave, nous échappeengran- de partie, nous venonsdeledire: | nous voyons seu- lement ses épa- | ves, ceux qui ont | été primitive- | ment peu tou- chés et qui pré- sentent des acci- dents lardifs, ou même ceux qui sont porteurs d'accidents très retardés et n'ont rien présenté de net dans la pre- mière enfance. Chez ces indi- vidus, nous avons rarement trouvé la triade d'Hutchinson au complet. Les Fig. 9. — JIndigène de vingt-trois dénteal hié ans. Syphilis héréditaire type EMSAUROpAICES, puchoide. Ostéome syphilitique les dents de pou- du tibia droit. pée se rencon- trent surtout; la kératite parenchymateuse et less troubles auditifs s'observent infiniment moins | Les déformations nettes du crâne nous viennent J. BRAULT — LES MALADIES VÉNÉRIENNES CHEZ LES MUSULMANS D'ALGÉRIE 943 de temps à autre; mais ce que nous rencontrons surtout, ce sont les déformations habituelles du nez et des Libias. La fréquence de la syphilis héréditaire chez les indigènes est une banalité connue de tous. Mais, à notre avis, on n'a pas encore assez étudié celte question, et je crois qu'en dehors des cas mani- festes, qui sautent de suite aux yeux, il y à place pour beaucoup d’autres, qui demandent une étude plus attentive pour être dépistés. Quand il Fig. 10. — Indigène. Syphilis héréditaire, type du chimpanzé, fausse leuco-mélarcodermie. s'agit d'indigènes, il y a d'abord des difficultés énor- mes pour l'anamnèse, ce qui gène beaucoup pour le classement des observations”. En terminant ce qui a trait à la syphilis hérédi- laire, nous donnons la photographie de deux cas typiques (fig. 9 et 10). Lapremière photographie représente un indigène 1 Dans une communication récente, M. le Professeur Gaucher indique que l'appendicite pourrait être considérée comme une manifestation quaternaire ou une affection parasyphilitique dépendant plutôt de la syphilis hérédi- taire; nous devons faire remarquer que la syphilis héré- ditaire est relativement fréquente chez les indigènes et que l'appendicite est très rare. d'une vingtaine d'années, au corps et au visage gla- bres ; les organes génitaux sont peu développés, les membres inférieurs sont démesurés ; il s'agit d'un {ype eunuchoïde bien dessiné. L'individu est, en outre, porteur d'un volumineux ostéome syphi- litique du tibia droit. Avant notre arrivée dans le Service, cet ostéome avait été attaqué vigoureu- sement en chirurgie et avait récidivé; nous avons dû, pour arriver à la guérison, soumettre l'individu à un traitement intensif prolongé et à des greffes culanées. Le deuxième cas se rapporte à un individu qui présente de multiples attributs de la syphilis héré- ditaire : nez ensellé, lésions oculaires, tibias en four- reaux de sabre, d'un développement absolument inusité: c'est le {ype du chimpanzé, que nous retrouvons de temps à autre chez nos indigènes. Principalement sur les membres inférieurs de notre sujet, on remarque de vastes nappes blan- ches; ce sont de fausses leuco-mélanodermies consécutives à des infiltrations gommeusés du tégument externe. $7. — Traitement. Chacun le sait, l'Arabe non alcoolisé obéit mer- veilleusement au traitement; nous aurions donc mauvaise grâce à insister. Certains ont prétendu que l'iodure surtout blanchissait rapidement la vérole des indigènes; tel n’est pas notre avis. Dans les accidents tertiaires, nous avons trouvé parfois en lui un auxiliaire précieux ; mais toutes les fois que le mercure en injections a pu être supporté, nous avons eu des succès beaucoup plus marqués et beaucoup plus rapides. La médicalion mercurielle intensive, la plus active dans les diverses phases de la vérole, n'est pas toujours bien supportée par les indigènes cachectiques et porteurs de dentitions défec- tueuses. Comme topiques externes, nous nous sommes servi souvent avec succès de badigeonnages à la glycérine iodée et au nitrate d'argent, et cela en dehors des pansements avec les divers emplâtres mercuriels, ou encore des pansements simple- ment aseptiques. Le traitement de la vérole dans la médecine indigène consiste dans l'absorption de tisane de salsepareille (acheba) et aussi dans un régime spécial aussi compliqué qu'enfantin ; je passe sous silence les tatouages thérapeutiques et autres sortilèges. Bien entendu, cette thérapeutique sim- pliste est absolument inefficace et contribue seule- ment à relarder la recherche de soins plus sérieux. D' J. Brault. Professeur à l'École de Médecine d'Alger. 944 HENRI DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE REVUE ANNUELLE I. - LA TOPONYMIE DES ErATs-Unis. Les noms géographiques tiennent dans notre langage courant une place considérable; il ne se passe pas de jour où nous n'en prononcions el n'en lisions des dizaines et même des centaines; aussi est-il intéressant de rechercher l’origine de termes aussi fréquemment employés. Les études de loponymie médiévale et antique sont assez cul- tivées ; en France, notamment, MM. Auguste Lon- gaon et Victor Bérard en ont, à plus d’une reprise, fait le sujet des cours de Géographie historique qu'ils professent respectivement au Collège de France et à la Section des Sciences historiques el philologiques de l'École des Hautes-Études. Au contraire, les études de toponymie moderne sont plus négligées, bien qu'elles ne procurent pas à ceux qui s'y adonnent de moindre satisfaction intellectuelle. C'est pourquoi nous signalons avec empressement un important Mémoire de M. Henry Gannelt, un géographe américain qui n'en est pas à son premier travail de valeur, sur Z Origine de certains noms de lieux aux Etats-Unis'. Ses recherches bibliographiques ‘et les renseignements qu'il a obtenus de correspondants répandus dans les divers États de l'Union lui ont permis de découvrir l'origine de près de dix mille noms géographiques. Toutefois, nous sommes surpris qu'ayant fait l'effort nécessaire à l'établissement d'une liste analytique aussi complète, il n'ait pas songé à tirer la philosophie de son travail, c'est-à- dire classer par catégories les sources dont la toponymie des États-Unis est sortie. Tentons-le à son défaut. Certains noms ont pour origine le carac- tère physique de l'objet désigné : Æau claire, ri- vière du Michigan, Clearwaler, rivière de l'Idaho ; d’autres, la couleur : Yellowstone, rivière du Mon- ana; White, rivière du Minnesota; d'autres, la dimension : Grandcotcau, ville de la Louisiane: Highland, comtés de l'Ohio et de la Virginie, et ville du Kansas; d'autres encore une forme irrégu- lière : Xlbow (coude), lac du Maine. Les trois règnes de la Nature ont aussi apporté leur contingent de termes à la nomenclature géo- graphique. Le port du Michigan, Copper, la ville de PIllinois, Galena, la ville de l'Arkansas, Cala- mine, la rivière du Colorado, Plata, désignent des lieux où l'on a découvert respectivement du euivre, * The origin of certain place names in the United States. Bulletin of the United States geological Survey, n° 197, 1 vol. in-80. Washington, Government printing office, 1902. DE GÉOGRAPHIE du minerai de plomb, du minerai de zinc et d l'argent. À Citra, ville de la Floride, il pousse de orangers, et à Laurel, ville du Mississipi, des lau riers. Dix-huit points des États-Unis ont recu ] nom de Fern, et ving-neuf celui de Æ/m, à cause des fougères et des ormes qu'on y voit. A/catra (Californie) est la ville du pélican, Goose (Maine) la rivière de l’oie, Oso (Colorado), la montagne d l'ours. Le nom d’ÆJk (élan) a été donné seul ou e composition à soixante-trois lieux différents. II faut encore placer dans la même catégorie les nomsquiontune origine météorologique : Electric | pic du Yellowstone Park, et Æainy (pluvieux), lan du Minnesota. 1 Tout un groupe de termes a été créé par imila” | tion. Sans se mettre en frais d'invention, les habi= tants du Nouveau-Monde ont trouvé tout simple dé puiser dans la nomenclalure géographique de l'Ancien. j Les souvenirs de la Grèce antique ont donnés naissance, par exemple, aux mots Aftica, Athens Corinth, Macedonia. Lecteurs assidus de la Bible et de l'Évangile, les Puritains, qui émigrèrent aus xvir° siècle dans la nouvelle Angleterre, et leurs descendants ne pouvaient manquer de s'inspirer, par esprit d'imilation, de la toponymie de ces vieux livres. Aussi relève-t-on sur la carte des États-Unis" un certain nombre de noms de la Palestine : £non,« village de l'Ohio (allusion au lieu où, selon la, légende, Jean aurait élé baptisé), Gilboa, ville de l'État de New-York. Les termes Lebanon (en fran-. cais Liban), Jebron, désignent l’un trente-trois, l'autre vingt-cinq lieux du territoire de l'Union. Bien plus nombreux encore sont les noms iden- tiques à ceux actuellement en usage dans l'Ancien Monde. Il y a aux États-Unis : neuf Ædinburg trente-sept Perlin, quantité de London, plusieurs Rome. Paris, Genoa (Gènes), Florence, ces (Genève), Hamburg, Hague (La Haye) ont chacune« un ou plusieurs homonymes. | Mais ce sont cerlainement les termes calqués sur un nom patronymique qui dominent dans la nomenclature géographique des États-Unis. Il faut, dans ce vaste groupe, distinguer les subdivi- sions suivantes : 4) noms de personnages de l'Anli- quité : Aurelius, ville de l'État de New-York: Æuclid, ville de l'Ohio; Fabius, rivière du Missouri: Tully (Marcus Tullius Cicero), ville de l'État de New-York; D) noms de personnages historiques d'Europe : Zwingle, village de l'Iowa: Louisiana élat; Bismarck, ville du Missouri et nombreux vil lages; Xossuth, comté de l'Iowa ; «) noms de PEr=. ke. HENRI DEHÉRAIN —— REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 945 sonnages historiques de la Grande-Bretagne : ÆJi- Zabeth, cap du Maine; North et South Carolina, États rappelant la mémoire de Charles I* et de Charles IL; Georgia, État rappelant la mémoire de Georges Il; (/adstone, ville du Michigan ; d) noms de personnages célèbres dans l'histoire des États- Unis : Washington, État et nombreuses villes; Fayette ou La Fayelle, nombreuses villes; Zin- coin, deflerson, Monroe, Garlield, Mac Kinley sont, en même temps que les noms des présidents de la République, ceux de comtés et de villes; e)nomsde simples particuliers, colons, industriels et capila- listes; cette dernière catégorie est innombrable ; f)noms de savants célèbres : Æumboldt, Stanley, Darwin, Tyndall, d'Anville. Enfin, d’autres noms ont encore été formés, soit d'après des souvenirs mythologiques : Æsculapia; soit d'après des personnages fictifs: À {ala (héroïne de Châteaubriand), Ævangeline (héroïne de Long- fellow); soit d’après un mot abstrait de bon au- gure : Economy, ville de Pennsylvanie, Æspérance, ville de l'État de New-York, Harmony, bourg de Pennsylvanie, Liberty, nombreux villages. Variée par le sens des noms qui l'ont formée, celte nomenclature ne l’est pas moins par la diver- sité des langues dont ils ont été Lirés; on y voit juxtaposés des mots du langage des populations autochtones, que nous appelons « Indiens » ou « Peaux-rouges », des mots hollandais datant de la courte période pendant laquelle les Etats géné- raux des Provinces-Unies ont possédé la côle de l'Atlantique, des mots espagnols, surtout dans le sud, des mots français rappelant le grand rôle que nous avons joué dans l'Amérique du Nord aux xvr1° et xvin° siècles, enfin et surtout des mots anglais. Souvent les lraces toponymiques laissées par une population sur un territoire persistent, alors que les monuments élevés par elle ont depuis longtemps disparu. La nomenclature géographique des États-Unis apporte une preuve de plus à celte observation générale. II. — L'EXPLORATION ANTARCTIQUE. Les terres antarctiques restent actuellement l’une des deux régions les moins connues du Globe ; la seconde est l'Asie centrale. Sillonnée en tous sens depuis un demi-siècle, l'Afrique est mainte- nant, en effet, connue en son ensemble et ne laisse plus aux voyageurs que l'espoir de découvertes de détail. Aussi l'exploration antarctique a-t-elle, depuis une dizaine d'années, particulièrement re- tenu l'attention des géographes. Les problèmes qu'elle suscite furent notamment l'objet d'une étude approfondie au Congrès international, qui se tint à Londres en 1895. Des expéditions antarc- tiques s'organisèrent dans plusieurs pays, et une entente s'établit pour que chacune d'elles attaquàt l'inconnu austral en un point parliculier. A l'Expé- dilion anglaise fut réservée l'exploration des Terres situées au sud de la Nouvelle-Zélande, et décou- vertes par James Clark Ross en 1841-42, à l'Expé- dition suédoise celle de l'archipel qui s'étend au sud du Cap Horn, à l'Expédition allemande celle de la contrée située au sud de l'ile Kerguelen, à l'Expé- dition écossaise enfin, celle de la mer de Weddell. La National Antarctie Expedition a été orga- nisée sous les auspices de la Royal Society et de la Poyal Geographical Society *. Elle disposait d'une somme de 90.000 £€ (2.272.500 francs), fournie, moitié par le Gouvernement de la Grande-Bretagne, et moitié par des souscriplions privées, parmi les- quelles la Æoyal Geographical Society figurait pour 8.000 £ (202.000 francs). Un bâtiment, la Discovery (que j'ai eu l'occasion de visiter en juillet 1901, à Londres, dans les Æast India Docks), a été spécialement construit et aménagé en vue de celte campagne polaire. Le commandement a élé exercé par le capitaine Robert F. Scott, de la Marine britannique. La Discovery quilta New Chalmers (Nouvelle- Zélande) le 24 décembre 1901, se dirigea droit vers le sud, et le 9 janvier 1902 arriva au cap Adare. Le capitaine Scottcommenca par reconnaitre les terres découvertes par James Ross, South Victoria Land, monts Erebus et Terror, puis suivit vers l'est, jus- qu'au 31 janvier, le front de la banquise et décou- vrit une terre, qu'il a nommée « King Edward VII Land », et dont il a estimé l'altitude à 700 ou 1.000 mètres. Le 8 février 1902, la Discovery était revenue à la terre Erebus et Terror, au sud de la- quelle un point propice à l'hivernage fut choisi. Pendant les deux ans que le navire resta bloqué, de fréquents voyages furent entrepris sur la glace, vers l’est, le sud et l’ouest. Le plus lointain a été accompli, du 2 novembre 1902 au 3 février 1903, par le capitaine Scott en personne et deux officiers, MM. Wilson et Shackleton. Le 29 décembre 1902, ils alteignirent la latitude australe de 82°17', point extrême auquel jusqu à présent l’homme s'est avancé vers le pôle sud. Pendant tout ce voyage, ils longèrent, du nord au sud, une ligne continue de hautes terres et aperçcurent, avant de reprendre la direction du nord, « vers l’ouest-sud-ouest, une chaine de belles mon- tagnes et une autre chaine fort élevée dans le sud ». 1 Sir CLEMENTS R. MarkaAu : The first years work of the National antarctic Expedition. The Geographical Journal, juillet 1903, p.. 13. — National antarctic Expedition; report of the Commander, ibidem, p. 20. — Commander Rogert F. Scorr : The National antarctic Expedition, ibidem, juil- let 190%, p. 47. — GrorGe F. A. MoLoca : Map showing the work of the National antarctie Expedition, bidem, août 1904. 946 HENRI DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE Cependant, en Angleterre, on se préoccupait beaucoup du sort de la Discovery; le Morning, envoyé, en 1902, à son secours, l’aperçut le 23 jan- vier 1903 ; il en approcha aussi près que possible, sans réussir toutefois à l'aborder; mais, par un sys- tème de transport établi sur la glace, on fit passer tériel et de provisions et vingt tonnes de charbon. L'année suivante, une nouvelle expédition de secours fut organisée. Le 5 janvier 190%, la vigie de la Discovery signala le Morning qui revenait, accompagné d'un second navire, la Terra Nova. Les instructions | avait été convenu. Mais elle le tenta vainement @ de l'un dans l’autre navire quatorze tonnes de ma- | gnons, dont trois savants et deux matelots, dans l'île Snow Hill. Elle reprit ensuite la direction du nord, se ravilailla dans l'Amérique méridionale puis, en novembre 1902, quitta la Terre de Feu pour venir rechercher M. Nordenskiüld, ainsi quil disparut dans une catastrophe. Au sud de l'ile Joinville, à une distance d’en* viron 450 kilomètres de l'ile Snow Hill, l'A n{arctic fut entouré par les glaces. Les blocs s'amoncellent, pèsent sur le navire, brisent la quille, courbeni l'arbre de l'hélice, et, finalement, en crevant l’ar= rière, ouvrent un@ 50 du Comité de la a | voie d’eau. lational Antarc- / pee & Après de vains : AU 7 | SN \ “0 tic Expedilion 60 MARS efforts pour répas n P re ON NS / d 7e, PRossession \ 4 prescrivaient au ‘Géorgie. 7 | A INOS 1 rer Son navire, ) à du Süd © capitaine Scolt d'abandonner son navire si l’état de la glace ne lui per- mettait pas de le dégager. Déjà les ù iFatkiand capitaine Larsen A A \ serésigna àl'aban: LA Lkerguelen 3 : donner, en fit reti= rer instruments matériel et vivres etabaissa le pavi 8 | l.Heard | Terre -akuillaumellg, & LR lon suédois.«Puis instruments,les collections, les | PE | — c'était le 42 journaux de bord, \ A VX 80 #R / vrier 4903 — tou les livres avaient FX LE _ + , en silence regars été transportés de \ E CN SC PA dèrentle brave na la Discovery sur | Ne vire, qui avait sup: le Morning,quand, | ee porté lant d’'as à la fin de janvier, \ DS sauts des glaces @ la banquise com- | des vagues dans menca à se désa- ? les mers polaire gréger. Larupture NN E- : boréales et aus de la glace fut acti- : rm ns Ex ausraatts trales, s'enfonce véeau moyen d'ex- L QE < | lentement et græ plosifs etrentin ile eee vement dans sa 19 février 1904, Fig. 1. — Les régions antarctiques. tombe océani- après plus de deux ans d'emprisonnement, la Discovery reprenait la direction du nord. L'Expédition suédoise, commandée par M. Otto | Nordenskiôld et montée à bord de l'Anfarctic, quitta Gothenburg le 16 octobre 1901 et Port- Stanley (îles Falkland) le 1% janvier 1902°. Elle atteignit l'ile King George, dans le groupe des Shetland du sud, le 10 janvier. Après un mois de navigation autour de la terre Louis-Philippe et de l'île Joinville, jadis découverte par Dumont d'Urville, l'Antarctie déposa, le 14 jan- vier 1902, M. Otto Nordenskiüld avec cinq compa- ! The Swedish antarctic Expedition. Geographical Jour- nal, février 190%, p. 207. — Lieut. Juzrax Irizar : Rescue of the Swedish antarctie Expedition, tbidem, mai 1904, p. 50. — Orro Norpexskiôun : The Swedish antarctic Expedition, ibidem, juillet 1904, p. 30. que. » Le capitaine Larsen résolut de gagner par la banquise la terre la plus proche, l'ile Paulet, au sud de l'ile Joinville: Il l’atteignit avec ses hommes le 28 février 1903; après seize jours de marche excessivement pénible; etse hâta, pour passer la mauvaise saison qui aps prochait, de construire une hutte en pierres cou verte de toiles à voile et de peaux de phoque. Pendant ce temps, M. Nordenskiëld et ses coms pagnons, ignorant nécessairement les événements dramatiques qui se succédaient si près d'eux, cons tinuaient leurs observations scientifiques, abrités dans la maison démontable en bois qu'ils avaient apportée de Stockholm. L'hiver antarctique de 1902 passa, puis celui de | 1903. Au printemps, M. Nordenskiüld commençait à être fort surpris du retard inexplicable de FAms tarctie, quand un jour, le 8 novembre 1903, of HENRI DEHÉRAIN -- REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 947 aperçut de Snow Hill deux hommes sur la glace. C'était le capitaine Irizar, commandant du navire argentin l'Uruguay, avec un compagnon. Dans le monde civilisé tout entier, on s'élait ému, en effet, de l'Expédition suédoise, et le Gouverne- ment argentin, passant des considérations spéculs- lives aux actes, avait armé un navire de secours, qui avait réussi à approcher de Snow Hill. Par une coïncidence extraordinaire, ce même jour, 8 novembre 1903, M. Nordenskiüld, encore tout ému d’avoir appris qu'on élait sans nouvelles de l'Antarclic, éprouva une autre surprise : le soir, les chiens se mirent tout à coup à aboyer furieuse- ment et quel ne fut pas son étonnement en voyant arriver à pied le commandant de l'Antarcetie, le capitaine Larsen en personne, qui, avec cinq com- pagnons, avait, de son hivernage de l'ile Paulet, atteint Snow Hill. Tous s’embarquèrent sur l’Uruguay, le 10 no- vembre 1903, passèrent à l'ile Paulet pour prendre le reste des naufragés de l'Antarctic et, le 23 no- vembre, arrivaient à Santa-Cruz, en Patagonie. Au point de vue topographique, cette Expédition aura eu pour résultat de préciser les notions rap- portées par les explorations antérieures de Dumont d'Urville, de James Ross, et, plus récemment, de la Belgica. Au sud des îles Shetland du sud s'étend, du nord-est vers le sud-ouest, une grande terre, nommée Terre Graham, et dont les côtes ont reçu les noms de Terre Louis-Philippe, Terre Danco et Terre du Roi Oscar IT. Elle est bordée par des îles : au nord, îles Liége, Brabant, Gand, Anvers; à l’est, iles Joinville, Ross, Seymour, Snow Hill; au sud, île Robertson. D'intéressantes observalions météorologiques ont été faites. M. Nordenskiüld s'attendait à cons- tater des températures basses (Snow Hill étant située par une latitude de 64°30° seulement, ce qui correspond dans l'hémisphère boréal à celle de Namsos en Norvège), mais non des températures aussi basses que celles qu'il a éprouvées. La moyenne de mars 1902 à février 1903 à été de —12° centigrades, celle du mois le plus froid, juillet 1902, de —2#, et celle du mois le plus chaud, jan- vier 14903, de —1°. Un second phénomène météoro- logique remarquable est la violence des tempêtes du sud-ouest : « Le temps parait calme et beau, dit M. Nordenskiôld, mais le baromètre baisse rapide- ment, puis s'arrête; à l'horizon, vers le sud-ouest, un peu de brume, quelques coups de vent survien- nent; puis, tout à coup, sans transition, la tempête se déchaîne. L'atmosphère est si assombrie par les nuages de neige fine, qu'on ne peut pas voir devant soi à plus de quelques pas. Point de fente, ni d'interstice dans lesquels la neige ne pénètre. » Telle était la force du vent pendant ces ouragans, qu'il était impossible de rester debout et que des objets souvent très lourds, déposés près de la maison, étaient transportés à une grande distance. Embarquée sur le Gauss, l'Expédition antarc- tique allemande, dirigée par M. von Drygalski, quitta le cap de Bonne-Espérance, le 7 décem- bre 1901 !. Elle toucha à l'ile Possession, de l’archi- pel Crozet, à l'ile Kerguelen, puis à l'ile Heard, de l'archipel Macdonald. Balayées constamment par des vents d'ouest, battues par des tempêtes de neige et de pluie, ces îles sont aussi inhospita- lières que possible et inhabitées. M. von Drygalski remarqua que les icebergs qui se détachent de la banquise sont entraînés par des courants du sud vers le nord et se suivent, pour ainsi dire, en procession. Ces files d'icebergs lais- sent entre elles des avenues vides, et, s’il est fort malaisé de naviguer de l'ouest vers l'est, parce qu'il faut couper ces voies, il est relativement facile, en s'engageant dans l'une d'elles, de se diri- ger vers le sud. C'est ce que fit M. von Drygalski sur celte mer libre. Il s'enfoncait avec allégresse dans le sud, tout à l'espoir de s'approcher plus près du pôle qu'aucun de ses prédécesseurs, quand, le 19 février 1902, la sonde, qui accusait jusqu'alors des fonds de 3.000 mètres, en décela tout à coup un de 240 seulement : le surlendemain, 21 fé- vrier 1902, le Gauss se trouva en face d'une terre inconnue. Dès le lendemain, il fut entouré par les glaces, et en resta captif pendant près d'un an, jusqu'au 8 février 1903. Cette Expédition a eu pour résultat principal d'avoir révélé qu'entre les lerres Kemp et Wilkes, il existe une terre que M. von Dry- galski a nommée : « Terre de l'Empereur Guil- laume Il ». L'Expédition antarctique écossaise, dont les frais ont élé supportés entièrement par des particuliers, a été dirigée par M. William S. Bruce, océanographe expérimenté. La Scotia (c'était le nom de son navire) quitia l'Ecosse le 2 novembre 1902, et après une escale prolongée à Port Stanley, dans les iles Falkland, arriva, le 3 février 1903, en vue des iles Orkney du sud. Elle débarqua un groupe de cinq naturalistes dans l’île Saddle, qui n'avait jus qu'à présent été visitée qu'une seule fois, en 1825, par le capitaine James Weddell. Après des observa- tions océanographiques faites au sud des Orkney, la Scotia y revint dans la seconde moitié de mars 1903. Dans la baie choisie comme lieu d’hi- vernage, le navire resta enfermé huit mois : cette persistance de la glace pendant une si longue durée, à une distance relativement si éloignée du pôle sud. puisque les Orkneys sont situées par 60° lat. austr., 1 Eric von Drycazski : The German antarctic Expedition. The Geographical Journal, août 190%, p. 129. 948 HENRI DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE n'est pas l’une des observations les moins remar- quabies faites au cours des récentes expéditions antarctiques. L'hiver fut employé par M. Bruce à relever en détail la topographie des Orkney. Le 25 novembre 1903, la Scotia partait pour suenos-Ayres, s’y ravilaillait, et le 22 février 1904 élait de relour aux Orkney, où elle débarqua une mission de trois savants argentins, qui remplacè- rent à l'observatoire scientifique les savants écos- sais qui y avaient passé l'été. Avant de regagner l'Europe, la Scotia fit une croisière dans l'Océan antarctique et longea pen- dant 200 kilomètres une côte inconnue. Ces diverses expéditions ont rapporté tout un ensemble d'observations océanographiques, méléo- rologiques, et d'histoire naturelle, que des spécia- listes étudient en ce moment. Sous le rapport de la configuration du Globe, elles n’ont pas été non plus sans résultat. À une distance plus ou moins éloi- gnée du pôle, les navires ont rencontré des terres : terre du roi Édouard VII, terre de Graham, terre Guillaume II. Reste à savoir si ces terres sont sim- plement des iles disséminées dans l'Océan antarc- tique ou bien si elles représentent la côte et comme la façade d'un continent inconnu, le continent du pôle sud. IIT. — EXPLORATION DE L'AFRIQUE TROPICALE. $ 1. — Chari et Tchad. Axec ses trois compagnons, MM. Courtet, Decorse et Martret, M. Auguste Chevalier a parcouru en 1902 et 1903 les régions traversées par le Chari, et bien qu'il se soit principalement enquis des ressources économiques de ces régions, et notamment des plantes à caoutchouc, il a rapporté des renseigne- ments géographiques qui méritent un bref exposé‘. L'hydrographie présente des caractères très par- üculiers. La plupart des rivières subissent chaque année une interruption prolongée; elles ne sont des cours d’eau, au sens véritable du mot, que pen- dant quelques semaines. Le sol étant imperméable et presque horizontal, les rivières se transforment, à la saison sèche, en un chapelet de mares dans lesquelles se réfugie la faune aquatique et amphi- bie. L'un des plus étendus de ces étangs est le lac Iro. Le voyageur allemand Nachtigal en avait déjà signalé l’existence, mais c'est à M. Auguste Cheva- lier que revient l'honneur d'avoir découvert, à tra- vers l'eau, la vase et les prairies aqualiques, une voie qui lui a permis de faire en quatre jours le tour du lac /r0. Ii a encore découvert une autre de ces dépressions fangeuses, le Mamoun, « immense AUG. CHEVALIER : De l'Oubangui au lac Tchad, à travers le bassin du Chari. La Géographie, 15 mai 1904, p. 343. plaine marécageuse, longue de 150 kilomètres, o convergent cinq grandes rivières ». Il a constal que toute la contrée se dessèche progressivement : le lac Baro à disparu, le lac Fittri est en voi d'extinction, le Tchad lui-même diminue progres sivement de superficie, nonobstant le retour irré gulier et intermittent de grandes inondations; d'anciennes surfaces couvertes d'eau sont main tenant occupées par une végétation de papyrus @ de roseaux. Au point de vue ethnographique et politique, M. Auguste Chevalier est entré en relations ave deux dominations musulmanes relativement orga- nisées : celle du sultan Snoussi, qui, dans sa ville Lac Tchad | Ancien Lac Baro & Echelle —— — — o ‘00 200 300 Kilom Grace per Fhorrenrs Fig. 2. — Régions du Chari et du Tchad. de Ndelé, fit défiler devant lui 1.500 soldats, et celle du sultan du Baguirmi, Gaourang. Il a constaté l'état d'épuisement du Baguirmi : « Ses villes sont effacées, ses habitants dispersés, ses troupeaux . disparus ». Gaourang, ayant jugé impossible de défendre contre Rabah la vieille capitale baguir- mienne de Massénia, l’a incendiée, et occupe main-. tenant, sur les bords d’un bras du Chari, le Ba-. Mbassa, une nouvelle bourgade, Tjecna, « dont les cases d'aspect misérable semblent des campements provisoires ». Entre la domination de Snoussi, qui confine au Darfour, et celle de Gaourang, qui touche au Tchad, M. Chevalier a rencontré des groupes de popula- tions intéressants. Il a revu les Saras, jadis signa- lés par M. C. Maistre, peuple de colosses doux et pacifiques, d'une magnifique vigueur, d’une fécon- dité surprenante, « laborieux cultivateurs qui igno- rent l’anthropophagie, et forment une société assez 7 | 7 HENRI DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 949 bien policée ». Près du lac Iro, il a découvert les Koulfés, les Goullas, les Bouas, les Sokoros, les Noubas ou Fagnias. Ces derniers sont de véritables troglodytes, qui, à la moindre alerte, se réfugient sur des rochers, dans des cavernes invisibles, où il est impossible de les découvrir. Sous le rapport économique, M. À. Chevalier a eu une impression médiocrement favorable des régions qu'il à parcourues, et il est douteux que leur possession nous soit bien avantageuse. $S 2. — Ouganda septentrional. Le major Powell-Cotton a exploré en 1902 la région qui s'étend entre le lac Victoria, le lac Rodolphe et le Nil Blanc. D'autres explorateurs s'élaient avancés, les uns du Nil Blanc vers l'est, les autres du lac Victoria vers le nord; mais aucun ilinéraire n'avait encore été tracé du Victoria au Nil, en passant si près du lac Rodolphe. Toutefois, il faut avouer que le récit, d’ailleurs très succinct, de son voyage‘ a un peu déçu notre curiosité, et nous espérions davantage. Voici cependant les remar- ques qu'il a faites. Le pays est très accidenté et couvert soit de massifs isolés, soit de montagnes à forme allongée; du sud vers le nord-ouest, il a relevé les monts suivants : Elgon (4.700 mètres), déjà bien connu antérieurement, Debasien (3.200 mètres), Kizima Nopak (2.500 mètres), Kama- linga (2.700 mètres), Moroto (3.300 mètres), Zunut, Locorina, Marengole (2.000 mètres), Egadang (2.900 mètres). A l’époque de son passage, le pays était très sec; ni dans les vallées orientées vers l’est et qui abou- tissent au Turkwell, principal tributaire du lac Rodolphe, ni dans les vallées qui se dirigent vers le Nil Blanc, l’eau n'était courante ; elle se concentre dans des étangs. En fait de population, M. Powell Colton a revu, après Joseph Thomson et sir Harry Johnston, les Wongabuney, troglodytes qui habitent dans des caves percées sur les flancs orientaux du Mont Elgon. L'intérieur de ces grottes est très irrégulier, les habitants qui les ont creusées n'ayant enlevé que les terres meubles, et ayant laissé intacles les roches dures. Les coins saillants auxquels on se heurte rendent l'habitation de ces demeures sou- terraines très inconfortable. M. Powell Cotton ne doute pas qu'elles aient été creusées par la main de l'homme, mais il considère les occupants actuels comme trop peu industrieux pour les avoir faites, et il attribue ces travaux à des populations actuelle- ment disparues. Sur les sommets du Debasien et du Moroto, les deux sommets les plus élevés de la région après ? Major P. H. G. Powezz Cortox : A journey through Nor- l’'Elgon, habitent des tribus de montagnards appe- lés Tepeths, qui inspirent aux habitants de la plaine une terreur superslitieuse, laquelle les pro- tège, bien qu'ils soient peu nombreux, contre toute agression. Enfin, à l’est de l'Elgon, près du Mont Sirgoi, M. Powell-Cotlon a remarqué des ruines en pierre, une rareté dans l’Afrique tropicale. Ce sont des enceintes circulaires de 27 à 45 mètres de diamètre, construites en grosses pierres frustes et siluées, soit sur la pente, soit sur le sommet des collines. L'intérieur contient d’autres murailles circulaires Ÿ Fachoda \ / Zuai ) orteils L.Langano | L.Chala A 2e) \ L Aouasa ss _ \ lrba S L Abayas PP Ca rdulat oda ea Ltéphanie +Arero EN L$ugota D Msirgoi Baringo Nakuro Grave par F Borremars Fig. 3. — L'Ouganda et l'Ethiopie méridionale. de moindre diamètre, qui marquaient probable- ment l'emplacement d'anciennes huttes. $ 3. — Éthiopie méridionale. Entre l'empire d'Éthiopie et le Protectorat bri- tannique de l'Afrique orientale, il n'existe pas encore de frontière. Le pays par lequel elle doit passer, c’est-à-dire la contrée située entre le lac Rodolphe et la rivière Juba, était jusqu'à présent trop peu connu pour qu'on püt la tracer. Aucun des explorateurs qui s'étaient aventurés dans ces parages, Bottego en 1896-1897, Wellby en 1899, Donaldson Smith en 1894-1895, puis en 1899, ne l'avait traversé. L'expédition conduite, de novembre 1902 à juillet 1903, par MM. Butter et le capitaine Philippe thern Uganda. The Geographical Journal, juillet 1904, p. 56. | Maud, au sud de l'Éthiopie, avait principalement 950 HENRI DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE pour objet de mettre à la disposition de Sir John Harrington, consul général britannique auprès de l'empereur Ménélik II, les éléments géographiques du tracé de cette frontière. Ce voyage, qui paraît avoir été entièrement défrayé par la libéralilé de M. Butter, a consisté à tracer un itinéraire entre le point terminus de la voie ferrée Djibouti-Harrar et la station de Nakuro sur la ligne de Mombasa au lac Victoria. Toutefois, avant d'entreprendre leur expédition, MM. Butter et Maud allèrent rendre visite dans sa résidence d’Adis Alam à Ménélik, qui, non seulement approuva leurs pro- jets, mais les fit accompagner de trois assistants. Ce voyage à eu quelques résultats géographiques intéressants ‘. La question, toujours controversée, des lacs subéthiopiens a été partiellement éclaircie. Du nord au sud, ces lacs semblent décidément s’échelonner dans l’ordre suivant : Zuai, Horadaka, Langano, Chala, Aouasa, Abaya. Les quatre pre- miers communiquent entre eux; le lac Abaya com- munique peut-être avec le lac Stéphanie. Enfin, l'existence du lac Sugota, au sud du lac Rodolphe, est confirmée, En quittant le lac Aousa, et en se dirigeant vers le sud-est, MM. Butter et Maud ont traversé une contrée encore très mal connue, le Sidamo, qui est très élevée d'altitude, boisée, sillon- née de nombreux cours d'eau et peu peuplée. Mais le résultat capital de leur voyage consiste, à notre avis, dans les renseignements qu'ils ont rapportés sur une peuplade dont on ne connais- sait jusqu'à présent que le nom, les Borans. Ces Borans habitent entre le haut cours de la rivière Juba ou Ganale Doria à l’est, et le lac Stéphanie à l'ouest. Ils occupent : les uns la contrée appelée Liban, pentes méridionales du massif du Sidamo, les autres le plateau de Dirri, séparé de la plaine qui s'élend jusqu’au lac Rodolphe par un escarpe- ment abrupt, la falaise Goro, longue de 200 kilo- mètres environ entre ses deux points extrêmes, le Fanan-Guba à l’ouest et le Kuddaduma à lest. Adonnés uniquement à la vie pastorale, les Borans élèvent des bêtes à cornes principalement, des moutons, des chèvres, des chameaux en pelit nombre, et ceux de l’ouest des poneys et des ânes. Dans chaque village habitent de dix à quatre-vingts familles. Les huttes et les parcs à bétail sont entourés d’une haie épineuse. Leur pays étant peu arrosé, c'est autour des points d’eau qu'ils ont été forcés de se grouper. En dehors de l'élevage, ils ne savent rien faire; ils sont fort paresseux et d’une intelligence très peu développée. Les hommes portent des étoffes américaines de colon qui leur arrivent après un long trajet des ports de l'Océan # Captain Paicir Maup : Exploration in the southern bor- derland of Abyssinia. The Geographical Journal, mai 1904, D. 502. indien, notamment de Kismayou; les femmes ne. sont vêtues que d'un tablier de cuir. Tout Boran qui possède une richesse suffisante en troupeaux s'offre le luxe de plusieurs femmes. Entre les Abyssins chrétiens du nord et les Comalis musulmans de l’est, les Borans sont restés païens. Ils adorent un concept divin, qu'ils nom ment Ouak, et lui offrent des sacrifices propitia toires de bétail et peut-être même d'enfants. Ils se partagent en deux groupes : les Gonas, qui habitent le Liban, et les Soubbous, qui habiten le Dirri; chacun de ces groupes a un chef. MM. Butter et Maud ont encore constaté un autre point intéressant pour la géographie politique ® l'extension du pouvoir de Ménélik vers le sud: Malheureusement, retenus sans doute par quelque raison diplomatique, ils y font seulement allusions Ils nous apprennent cependant que les Éthiopiens occupent un poste fortifié dans le Sidamo, à Irbam Moda, un second, défendu par une « importanten garnison », à Gardula, entre les lacs Abaya et Stéphanie, et enfin un troisième à Arero. De ce poste d'Arero, le représentant de Ménélik surveille tout le pays Boran. C’est vers 1897 que cette domi= nation paraît s'être établie. IV. —— LE DOMAINE GÉOGRAPHIQUE DE L'OLIVIER. e M. Theobald Fischer, à qui l'on devait déjà unem monographie justement célèbre du palmier-dattier,s, vient de publier une étude sur l'olivier, dans laquelle il a résumé quantité de lectures et d'observations personnelles’. Il expose l'histoire de l'olivier, less conditions dans lesquelles il vit, le commerce ques provoquent l'huile et l'olive comestible; mais l'in=s térêt de son étude provient surtout de ce qu'il” établit, avec une précision qui n’avait pas EnCOren été atteinte, les limites de son domaine géogra=" phique. Tracons-les rapidement à sa suite. L'oliviere est essentiellement un arbre méditerranéen, et le« souvenir de son feuillage grisätre ne manque pas d'évoquer dans notre esprit celui de ces a) enchanteurs, que nous ne nous lassons pas des visiter et vers lesquels maintes fois déjà la Revue générale des Sciences à dirigé ses Croisières. Encore tous les pays que baigne la Méditerranée n'en produisent-ils pas également. L'Egypte en est presque entièrement dépourvue, et ils apparaissent seulement au Fayoum et dans les oasis du déserts libyque, Bahrieh, Farafrah, Dakhel, Chargeh, Sioua. L'Asie Mineure ne saurait non plus être comptée parmi les pays à olivettes étendues, puis- qu'on n’en rencontre que dans les vallées qui l 1 Tusogaco Fiscuer : Der OElbaum. Seine geographischek Verbreitung, seine wirtschaftliche und ER Bedeutung. Petermann's Geographische Mitteilungen, Er gänzungsheft n° 147, 4 broch. in-#°, Gotha, 190%. \ x HENRI DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE 951 débouchent sur la mer de l’Archipel, et dans les golfes d'Adalia et d’Alexandrette. La Syrie, Barka ou l'ancienne Cyrénaïque, l’Attique, l'Eubée et la côte occidentale du Péloponèse, les iles de Crète et de Chypre, voilà le domaine de l'olivier dans le bassin oriental de la Méditerranée. Il couvre une superficie bien plus étendue dans les pays qui entourent le bassin occidental, et, du détroit de Gibraltar au détroit de Messine, il n’est pas un point de la côte où il fasse défaut. Il pros- père dans tout le Royaume de Portugal, l'extrême nord excepté; et, des quarante-huit provinces du Royaume d'Espagne, quinze seulement en sont dépourvues. Sa limite septentrionale louche Je Douro, passe au pied des Sierras de Gredos et de Guadarrama, s'infléchit pour passer au sud des montagnes de l’ancien royaume de Valence, mais remonte le long de la côte et pénètre profondément dans le bassin de l’Ebre. En France, son domaine s'étend sur les anciennes provinces du Roussillon, Languedoc et Provence; il s'avance le long de la rive gauche du Rhône jusqu'à Viviers, et le long de la rive droite à 13 kilo- mètres plus au nord, jusqu'à Rochemaure et Beau- chastel, à 16 kilomètres de Valence. De même que la côte de Provence, celle des deux rivières de Gênes est frangée d’un liséré d'oliviers, et les personnes qui ont eu l'heureuse fortune de séjourner à San Remo savent quel charme parti- culier ils donnent à la Ligurie. Des autres pro- vinces de l'Italie, une seule, le Piémont, en est complètement privée. Ils sont particulièrement nombreux en Toscane, en Ombrie et en Apulie. Protégés contre le froid, ils forment même une bande étroite au pied des Alpes, depuis le lac Ma- jeur jusqu'au lac de Garde. L'Afrique du Nord tout entière est un pays à oliviers ; mais, tandis qu'on le rencontre partout en Tunisie, sauf dans les régions montagneuses de l'intérieur, tandis qu'il couvre une partie notable de la province de Constantine, il n’occupe dans les provinces d'Alger et d'Oran qu'une bande de ter- rain relativement élroite entre la mer et l’Allas. Au Maroc, la vallée de la Moulouya et le versant occidental du haut Atlas paraissent lui convenir particulièrement. Les iles méditerranéennes, Ba- léares, Corse, Sardaigne, Sicile, ne se prêtent pas moins à sa culture que les rivages qui les entou- rent. En dehors des régions qui viennent d'être énumérées, il n'y en a qu'une sur le globe, la Cali- fornie, où l'olivier joue encore un rôle économique. V. — BIBLIOGRAPHIE GÉOGRAPHIQUE. Les instruments de travail des géographes: « Lileratur-Bericht » des Petermann's geogra- phische Mitteilungen, « Geographical literature of the month » du Geographical Journal, « Biblio- graphie géographique annuelle » des Annales de Géographie, « Bibliotheca geographica » dressé par Otto Baschin, sous le patronage de la Société de Geographie de Berlin, viennent de s'enrichir de deux publications nouvelles. Une place a été réservée à la Géographie dans l'International Cataloque of scientilie Literature, que publie la Société Royale de Londres. D'après son titre’, cette bibliographie ne comprendrait que les travaux de Géographie mathématique et phv- sique, mais ces deux épithètes ont élé entendues par la rédaction dans un sens très large. Ce cata- logue a pour bul de présenter une liste complète des travaux géographiques parus dans l’année. Il est divisé en deux parties : 1° liste des travaux par noms d'auteurs, 2° liste des travaux par ordre de pays. Il se termine par une liste des revues géo- graphiques. : Le second recueil bibliographique nouvellement publié est intitulé Geographen-Kalender; il est dirigé par M. Hermann Haack. C'est la restaura- tion, avec quelques modifications de plan, d'une publication excellente qui parut en France de 1861 à 1878, et qu'il y aurait grande injustice à oublier : L'Année géographique de Vivien de Saint-Martin. Les deux volumes que M. Haack à déjà donnés ? sont ainsi divisés : 1° Tableaux de renseignements (calendrier, positions astronomiques des princi- paux lieux du Globe, échelles des cartes, concor- dances entre les hauteurs des divers thermomè- tres); 2 principaux événements de géographie politique et économique de l’année, tels que, par exemple : «le nouveau traité entre la France et le Siam », «la chute des républiques boers », « les projets de canaux dans l'Amérique centrale » (E. I), « l'achèvement de la voie ferrée de l'Ofoten », « le soulèvement en Macédoine et l'Ethnogra- phie », «le chemin de fer franco-éthiopien » (t. Il); 3 principales explorations de l’année; 4° biblio- graphie géographique annuelle ; 5° nécrologie géographique; 6° listes d'adresses des géographes, Sociétés et périodiques géographiques du monde entier. Nous avons relevé dans ce manuel un nombre assez considérable d'erreurs, mais il s’améliorera par des retouches successives et rendra service. Henri Dehérain, Docteur ès lettres, Sous-Bibliothécaire de l’Institut. ! Geography, mathematical and physical, published for the International Council by the Royal Society of London. First issue, in-8°, Londres, Harrisson and sons, 1903. 2 Geographen Kalender, herausgeseben von Hermann Haack. Erster Jahrgang, 1903-1904; Zweiter Jahrgang, 1904- 1905, in-16, Gotha, Justus Perthes. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Lebesgue (Henri), Maître de conférences à la Faculté des Sciences de Rennes. — Leçons sur l'intégration et la recherche des Fonctions primitives, pr'ofes- sées au Collège de France. — 1 vol. grand in-8 de vu-438 pages. (Prix : 3 fr. 50.) Gauthier-Villars, éditeur, Paris, 1904. A l'origine du Calcul intégral, on fit reposer sur la notion d’aire, admise à priori, l'existence, pour une fonction donnée f(x) d'une variable x, d'une fonction primitive, admettant f(x) pour dérivée; cela conduisit aussitôt à des fonctions primitives qui n'étaient pas toujours exprimées à l'aide des opérations algébriques, trigonométriques et logarithmiques élémentaires ; d'autre part, on signala bientôt l'existence de fonctions composées avec ces opérations élémentaires, et cepen- dant non continues, au sens adopté alors (continuité eulérienne) : telle, par exemple, la fonction +V x°, ré- ductible à 4-x pour x positif, et à — x pour x négatif (représentation graphique formée de deux demi-droites rectangulaires issues de l’origine); la série de Fourier en fournit d’autres exemples. Ces faits amenèrent Cau- chy à introduire les définitions aujourd’hui classiques de fonction, de continuité et d’intégrale définie consi- dérée comme limite de somme et conduisant à l’inté- grale indéfinie et à la fonction primitive : après l'avoir brièvement rappelé, M. Lebesgue expose les générali- sations successives qui sont nées de ce point de départ, et qui se rapportent à l'intégration d'une fonction f(x) possédant des discontinuités entre les limites de l'inté- gration; ce ne sont pas là des recherches de pure spé- culation, car des problèmes simples en apparence, ren- contrés notamment en Physique mathématique, y con- duisirent naturellement. Après avoir traité tout d'abord, d’après Cauchy, le cas d’une fonction f(x) qui à un nombre limité de discontinuités dans le champ de l'in- tégration, l'auteur termine le premier chapitre par l'étude, d’après Lejeune-Dirichlet et Lipschitz, du cas où les discontinuités sont en nombre illimité, mais forment un ensemble non deuse. (Voir Borel, Théorie des fonctions.) On aborde alors le cas où les points de disconti- nuité, en nombre infini, forment un ensemble dense : Riemann a donné de ce cas l'exemple classique de la fonction n=® 4 (2x) — n=1 (a entier), (ux) désignant la différence entre »x et l’entier le plus voisin; on en sait former beaucoup d’autres exemples. Riemann a étendu à de telles fonctions une définition de l'intégrale définie, tout à fait analogue à celle que Cauchy avait donnée pour les fonctions continues; M. Lebesgue, après avoir établi les propriétés essen- tielles des fonctions en question, notamment celles qui se rapportent à l’oscillation de la fonction, montre que, pour appliquer la définition de Riemann, il est néces- saire et suffisant que l'oscillation moyenne de la fonc- tion intégrée soit nulle; il transforme cette condition de diverses manières, de facon à y mettre en évidence le rôle des discontinuités, à l’aide des notions de groupe intégrable et d'ensemble de mesure nulle; puis il étudie les propriétés de l'intégrale obtenue. Puis, l'auteur ramène la définition de Riemann à une forme géométrique analogue à celle qui fut em- ployée au début du Caleul intégral; pour cela, il attache ET INDEX aux ensembles numériques des nombres analogue aux longueurs, aires, volumes attachés aux segments, aux domaines plans et aux domaines de l’espace : ük introduit les notions d'ensemble mesurable (suivant M. Jordan), de domaine quarrable, et donne une défi= nition géométrique de l'intégrale, entièrement équiva lente à la définition analytique de Riemann. Le chapitre suivant traite des fonctions dites à varia= tion bornée (M. Jordan) : elles sont intégrables au sens de Riemann; M. Lebesgue étudie leurs propriétés, montre que l’ensemble de leurs points de discontinuité est dénombrable, et applique ces fonctions aux courbes: dites rectifiables; 11 donne la démonstration du fait établi par M. Jordan que, pour qu'une courbe soit rec= tifiable, il faut et il suffit que les coordonnées x, y, Z du point mobile sur la courbe soient des fonctions à variation bornée d'un paramètre {; une courbe recti- fiable est quarrable. L'intégration riemanienne d’une fonction f(x) donne une intégrale indéfinie qui, si f(x) n’est pas continue pour x=—«, n'a pas forcément f(x) pour dérivée en ce point; on peut former ainsi des fonctions admettant un ensemble dense de points sans dérivée. L'intégra- tion s'applique à des fonctions qui ne sont pas forcé- ment des fonctions dérivées d’autres fonctions : telle, par exemple, une fonction toujours nulle, sauf pour x= 0, et dont la primitive, si elle existait, devrait être continue et constante, par suite à dérivée nulle, même pour x—0. Par conséquent, les deux problèmes de la recherche de l'intégrale indéfinie et de la fonction pri- mitive, considérés longtemps comme tout à fait iden tiques, ne le sont pas absolument. : Dans le chapitre sur la recherche des fonctions pri=\ mitives, M. Lebesgue étudie diverses généralisations du problème des fonctions primitives et l'application à ces. problèmes de l'intégrale indéfinie; il introduit pour. cela les nombres dérivés (Dubois-Reymond), et il éta=. blit la condition pour qu'une fonction intégrable soit. une fonction dérivée. Ù Après avoir remarqué qu'en pratique c'est presque toujours l'intégrale définie que l’on déduit de la fone- tion primitive obtenue tout d'abord, M. Lebesgue fait connaître certaines propriétés des séries uniformé-" ment convergentes de fonctions dérivées, qui per- mettent d'obtenir des primitives dans des cas étendus; il indique quelques caractères permettant de recon- naître qu'une fonction donnée n'est pas une fonction dérivée, et enfin il définit l'intégrale à l’aide des fonc- tions primitives, suivant Duhamel et Serret : cette défi- nition n’est pas équivalente à celle de Riemann, car, de mème qu'il existe des fonctions intégrables qui ne sont. pas des fonctions dérivées, il existe aussi des fonctions dérivées (c'est-à-dire ayant une primitive) non inté- grables au sens de Riemann; M. Lebesgue compare les intégrales de Duhamel et de Riemann. Enfin, dans le dernier chapitre: Les Fonctions som- mables, l'auteur propose de définir l'intégrale b ji f(x) dx par l’ensemble de six propriétés caractéristiques com=— munes ‘aux diverses définitions précédemment étudiées de l'intégrale. L'ensemble de ces propriétés forme une définition descriptive de l'intégrale, d'où M. Lebesgue déduit une définition constructive équivalente : pour cela, il ramène le problème à l'intégration de certaines fonctions qui ne prennent que les valeurs 0 et 1, ce» qui l'amène à la mesure des ensembles; il introduit la BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 953 notion de fonction mesuräble et appelle fonction som- mable toute fonction à laquelle s'applique la délinition constructive de l'intégrale qu'il à obtenue : cette déti- niion est l’analogue de la définition riemanienne ; M Lebesgue, poursuivant l'analogie, recherche une définition géométrique équivalente, puis il étudie, pour les fonctions qu'il considère, le problème des fonctions primitives et celui des courbes rectifiables. el est le résumé, très superficiel, de cet important ouvrage, dont l'analyse détaillée dépasserait le cadre dela Revue; dans sa préface, M. Lebesgue recom- mande au lecteur l'étude préalable des livres de MM: Tannery et Borel sur la Théorie des fonctions, et de la seconde édition du traité classique de M. Jordan : nous y joindrions volontiers la thèse si remarquée dans laquelle M. Lebesgue apporta une importante contri- bution à l'étude de ces questions difficiles et délicates: leslivre dont nous avons essayé de rendre compte éclaire ces problèmes d'un jour nouveau, et ne peut manquer de les mettre tout à fait en lumière. M. LELIEUVRE, Le Professeur au Lycée et à l'Ecole des Sciences de Rouen. Schæller (A.), Zagénieur des Arts et Manufactures, “chet-adjoint des Services commerciaux des Chemins de fer du Nord. — La Locomotive compound. — 1 brochure in-4° de 20 pages avec une planche coloriée à feuillets découpés et superposés. Schleicher frères, éditeurs. Paris, 1904. Cette grande- plaquette est la description concise, mais claire, d’une machine locomotive compound à grande vitesse, réunissant les plus récents perfection- nements : système de construction à quatres cylindres conjugués, emploi d’un dispositif de démarrage permet- ant l'arrivée simultanée de la vapeur aux quatre cylin- dres, accouplement des essieux moteurs, report du Second essieu moteur à l'arrière du foyer et addition, à l'avant de la locomotive, d'un boggie mobile à deux essieux. Cette description est accompagnée d’une planche coloriée à feuillets découpés et superposés. Ce mode de représentation al’inconvénient, déjà signalé, de ne pas toujours donner une bonne idée de l’enchevêtrement des parties; il aidera cependant, pensons-nous, mieux que des coupes détachées, à donner au lecteur une idée du mécanisme si complexe de la locomotive moderne. 2° Sciences physiques Vasilesco Karpen (M. N.), /ngénieur des Ponts et Chaussées de l'Etat Roumain. — Recherches sur l'effet magnétique des corps électrisés en mou- vement. Thèse de la Faculté des Sciences de Paris. — Gauthier-Villars, éditeur, Paris, 1904. M. Vasilesco Karpen à entrepris ses recherches au moment où les physiciens étaient émus du résultat des expériences de M. Crémieu, résultat qui semblait inconciliable avec l’une des conséquences des théories électriques actuelles, l'effet magnétique des corps élec- trisés en mouvement. Aussi a-t-il plutôt cherché à mettre hors de doute l'existence de cet effet, par des expériences où cet effet fût grand, qu'à le mesurer avec précision; ses expériences quantitatives sont Cependant assez précises pour montrer que l'effet magnétique, non seulement existe, mais est tout à fait de l’ordre de grandeur prévu par la théorie. Jusqu'en 1900, tous les expérimentateurs qui avaient cherché à vérifier l'effet magnétique des courants de convection avaient utilisé l’action directe sur un équi- page magnétique. M. Crémieu s'était adressé, sur les conseils de M. Lippmann, aux effets d'induction des Courants de convection, produits ou supprimés brus- quement. Un interrupteur permettait d'envoyer dans un galvanomètre sensible les courants induits de même sens : or, les déviations n'avaient été que de l’ordre du dixième des déviations prévues, leur sens même REVUR GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. ne coincidant pas d'une manière systématique avec le sens prévu. Dans des expériences du même genre, M. Pender avait obtenu, au laboratoire de Rowland, des résultats positifs. Les deux physiciens, travaillant ensemble, vérifièrent leurs résultats respectifs, el pensèrent avoir trouvé la cause de leur divergence dans ce fait que les conducteurs chargés de M. Pender étaient nus, tandis que ceux de M. Crémieu étaient recouverts de couches minces de caoutchouc. Jai rappelé ces expériences parce qu'elles sont intimement liées à celles de M. Karpen. Ce physicien a utilisé aussi des effets d'induction, mais en employant, au lieu de courants de convection interrompus, des courants de convection alternatifs, la charge étant effectuée par courant alternatif; les phé- nomènes d'induclion sont ainsi réguliers et facilement caleulables ; de plus, on peut accorder le système induit avec le courant inducteur et obtenir, par résonance, des effets aussi intenses que possible. La source de courant alternatif est le secondaire d’un transfor- mateur, dont le primaire est alimenté par le courant alternatif du secteur. Le courant induit produit est redressé par un commutateur redresseur, qui est évidemment le point délicat du dispositif; ce courant redressé est mesuré par un galvanomètre à cadre mo- bile. Le conducteur chargé était, soit un disque de papier d’étain sur ébonite faisant jusqu'à 850 tours par minute, soit des disques d'aluminium faisant jusqu'à 1.400 tours. Les expériences peuvent être divisées en trois caté- gories : expériences qualitatives, vérification de la proportionnalité du courant de convection au courant induit, et expériences quantitatives. C'est aux deux premières que l’auteur semble avoir donné tous ses soins; aussi est-ce seulement pour mémoire que j'in- dique les résultats de ses trois séries d'expériences quantitatives, qui donneraient comme valeurs de y: 2,7. 101°— 3,5. 1010 2,9. 104. Quant aux résultats des deux premières séries d'expériences, ils sont tout à fait favorables à l'assimilation des courants de con- vection aux courants ordinaires. Le résultat des expériences de M. Crémieu à natu- rellement conduit M. Karpen à reprendre ses propres expériences en recouvrant son disque d'une couche d’un diélectrique (caoutchouc, gomme-laque); or il à retrouvé alors le même résultat qu'avec le disque nu; il pense donc que les résullats négatifs constatés par MM. Crémieu et Pender dans celles de leurs expé- riences où le disque en mouvement était recouvert de caoutchouc proviennent non pas directement, comme ces physiciens le croient, du rôle du diélectrique, mais sans doute de ce que l’effluve se produit, aux potentiels employés, entre les faces en regard des diélectriques qui couvrent le disque etles armatures qui l'entourent; cet effluve aurait pour résultat de charger ces faces de couches d'électricité vraie égales à celles du disque et des armatures, et de signes contraires; la charge totale du disque serait alors nulle et l'effet magnétique par suite nul. Le rôle général des diélectriques, encore mal connu, est étudié, à cette occasion, dans le travail de M. Karpen. Ce travail est intéressant tant par le principe des expériences que par la façon dont ont été surmontées de grandes difficultés expérimentales. Ces difficultés étaient augmentées par les conditions mécaniques et magnétiques de la Sorbonne, située en plein Paris, au milieu de voies fréquentées et de canalisations élec- triques ; les mêmes conditions défectueuses se retrou- vent, souvent plus défavorables, dans la plupart des Facultés de province, et rendent bien difficiles, pour ne pas dire impossibles, certaines recherches de pré- cision ; il est à désirer que les laboratoires de Physique qu'on construira soient établis dans des endroits bien choisis, quitte à les séparer — malgré les inconvénients — des autres services scientifiques. CH. MAURAIN, Professeur-adjoint à la Faculté des Sciences de Rennes. 20°" il Marie (C.), Préparateur à la Faculté des Sciences. — Contribution à l'étude des Acides phosphorés dé- rivés des acétones et des aldéhydes (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). Gauthier-Villars et Cie, éditeur. Paris, 1904. On sait, d'après les recherches de Ville, que les aldé- hydes se condensent avec l'acide hypophosphoreux pour donner des combinaisons du type : R 2 ÿcH —_ PHOH et ( ju) POOH. oH M. Marie à effectué la même condensation avec les cétones; il a obtenu les acides de la forme : ë N& oO RAT UE H.POOH donnant par oxydation les acides : PO(OH): dont il a préparé un très grand nombre de dérivés : sels, éthers, dérivés acétylés et benzoylés. Les acides du type (1) ne s'obtiennent que dans un RON 70H R/ NN LAN | SP.00H SP.00H NPA IN R/ “on R/ N\OH (1) (1) seul cas, celui de la propanone; par contre, les acides mixtes (IL) s'obtiennent aisément. M. Marie termine en nous donnant deux bonnes méthodes de dosage du phosphore dans les composés organiques. 5 En résumé, ce travail complète très heureusement celui de Ville, et il éclaircit complètement la question; si, au point de vue théorique, on peut lui reprocher de manquer d'envergure, du moins doit-on rendre à lau- teur le mérite d’avoir résolu bon nombre de grosses difficultés expérimentales. G. BLanc, Docteur ès sciences. 3° Sciences naturelles Fraser (Malcolm A. C.). — Western Australian Year-book, for 1900-01 (en 2 volumes). — Tome I, 1 vol. in-8° de 490 pages. Alf. Watson, editor. Perth, 190%. Comme la Colombie britannique, l'Australie occi- dentale publie un Annuaire méthodique, qui présente l'exposé de toutes les questions touchant la géographie physique, l'histoire, l'administration, la mise en valeur de la colonie. Cet ouvrage, sans cesse augmenté et mis à jour (l'édition pour 1900-01 est la douzième), a fini par constituer une sorte de monographie du pays, d’un intérêt et d’une utilité véritables. Il se recommande aux géographes par le fait que les chapitres consacrés aux sciences naturelles ont été rédigés par des spécia- listes, à la fois d’après leurs propres travaux et d'après les observations précédentes les plus marquantes: l’'en- semble peut être ainsi considéré comme donnant l’état des connaissances pour toute la moitié occidentale du continent australien. La carte-frontispice porte des indications qui sont à retenir. Le tracé des itinéraires d’explorateurs à Finté- rieur du pays montre que les principales lacunes dans la découverte sont celles qui existent encore au S.-E., dans la région traversée par E. Giles en 1875, et à l'E., dans la partie du désert située au N. du tropique, que D. W. Carnegie a parcourue en 4896-97. Le figuré du BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX U relief, quoique insuffisammentaccentué, serecommand par le fait qu'on en a soigneusement banni les hypd thèses. On voit enfin ressortir sur cette carte l’étendu considérable des champs d’or (principalement dans centre S.-0. de l'Etat), la place exiguë, au contraire occupée par la zone agricole, et l’état d'avancement di railway qui rattache Perth à la région de Coolgardie( avait été poussé, en 1901, de Kalgoorlie, par Menzi jusqu’à une distance de plus de 200 milles au N.-E,, Laverton). La première partie de l'Annuaire est historique. EI expose d'abord, d’une manière commode, la découvert et l'histoire proprement dite de la colonie, depuis Pa rivée des Portugais, en 1511-1529, jusqu'à l’établissé ment des premiers conyicts et colons anglais, en 4 el 1829. Elle décrit les conditions de cet établissement Elle passe en revue les événements historiques, depui 1825 jusqu'à la découverte des gisements aurifères dl Coolgardie (août 1892), et l'exposition de Perth, qu révéla, en mars 1899, la nature, plus variée qu’on nel supposait, des ressources de l'Australie occidentale. Le deux chapitres les plus utiles pour le géographe, dan cette partie du livre, sont l'histoire des explorations € celle des découvertes minérales. Les premières de découvertes eurent lieu en 4842 (cuivre et plomb), puis on trouva du charbon en 4846, de l’or en 1852, en 487 en 4884-1885 (district de Kimberley). Ce fut le «rushn commencé en 1886, qui amena la reconnaissance pro gressive des champs d’or de l’intérieur. La seconde partie est consacrée à la géographie phys sique, et c’est celle qui nous retiendra le plus. Les deux chapitres de tête intitulés « Conditions physiques » € « Géographie » ne sont qu'une insipide nomenclature que la carte-frontispice aurait dû permettre d'éviter Mais le chapitre IH («Traits essentiels de la Géologie » offre un grand intérêt. Il est dù à M. Gibb Maitland géologue du Gouvernement, et présente, sous uné forme très scientifique, l’état actuel des connaissances sur ce sujet. J'en ai retenu : la description des roches anciennes du S.-0. : argiles, grès, quartzites (à on granites et gneiss, plissées N.-S.; celle des terrains carbonifères de Kimberley, riches en hématite; celle des grottes de la région $S.-0., creusées dans l'argile schisteuse. Les dépôts jurassiques et crétacés de l'in térieur paraissent avoir une grande puissance (jusqu'à 1.100 pieds pour les derniers). Les roches volcaniques du district de Kimberley sont d'âge indéterminé. L'étude du climat est également très complète, € accompagnée de tableaux et d’une carte intéressante Le maximum des pluies est au Sud-Ouest (97,5 cm sur la côte) et dans la zone littorale de Kimberley. Les pluies, à Perth et dans la région du Sud, ont leu maximum en hiver (début : fin avril, mai), et ce régime « méditerranéen » s'oppose à celui des pluies tropicales d'été, qui règnent au Nord (de fin novembre à fin mars On est étonné de trouver intercalée à cette place la liste des villes et principaux centres de population, d’après les résultats du recensement de 1901. C'est un des accidents de composition qui montrent que la méthode du livre pourrait être plus rigoureuse. Après Perth (27.555 hab.), la principale ville est le port de Frees mantle (14.710), et l'on remarque que Kalgoorlie (6.650 a maintenant dépassé Coolgardie (4.230) et Albany (3.600). Le chapitre suivant, peu à sa place lui aussi expose les différentes hypothèses sur l’origine ethniqi des indigènes australiens (descendance noire, par cr sement'avec des Malais negritos, etce.), et étudie leurs caractéristiques. Nous trouvons ensuite le cataoeel des espèces animales et végétales de la colonie; il ressortir le caractère en grande partie endémique de ces espèces, et insiste d’une manière intéressante sui les raisons géographiques qui expliquent la forte pra portion de végélaux épineux dans l'Australie occiden tale. Les ressources forestières sont étudiés séparé ment, et les arbres utiles décrits et localisés; ce sont en grande majorité des eucalyptus, le «jarrah » (Zuca Ivptus warginata), des forèts du Sud-Ouest; le « karri» BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 955 Bucalyptus diversicolor), l'arbre géant du pays, qui eut alleindre jusqu'à 200 pieds de haut; plusieurs iriétés d'eucalyptus fournissant de la gomme, Enfin, “in intéressant apercu des conditions de la pèche côtière (perles, etc.) Les deux dernières parties, le « Gouvernement », les “Travaux Publics et Institutions », exposent comment “Australie Occidentale est entrée dans le Com- “nonwealth australien, fondé en janvier 4901 (le “ pool » a donné une majorité de plus de 24.000 voix pour), et dans quel esprit sont conduites les opéra- “ions de mise en valeur. La constitution coloniale, “ixée en 1889, a favorisé dans une large mesure l'or- “ganisation locale du « self-governement », l'améliora- {ion des ports (Freemantle surtout), et les travaux de forage ou d'adduction, pour fournir d'eau les régions “aurifères. Développement des relations extérieures, et efforts pour rendre la vie supportable dans les pays rides du centre : telles sont bien les deux conditions Loù dépendent avenir de la colonie. J. Macaar, Professeur au Lycée de Bourges. 4 j “Gard (M.). — Etudes anatomiques sur les Vignes ct leurs Hybrides artificiels. (Thèse de Doctorat “de l'Université de Bordeaux). — 1 broch. in-8 de 135 pages avec 30 fig. dans le texte. Imp. d. Du- … rand, Bordeaux, 190%. Il est souvent question d'hybrides en Botanique, Certains floristes trouvent-ils dans la Nature des plantes phanérogames ou cryptogames vasculaires ne répon- dant pas complètement à la description de ce qu'ils considèrent comme le type de l'espèce, tout de suite ils “Songent à une origine bâtarde et voient un métis ou un hybride dans la forme intermédiaire qui s'offre à eux. On sait positivement, d’ailleurs, que la fécondation peut être réalisée entre certaines espèces congénères et qu'il en résulte des formes nouvelles, le plus souvent stériles, incapables, par conséquent, de se perpétuer par semis. Suivant E.-G. Camus, des hybrides ont été “ignalés dans 354 genres sûr un peu plus de 1.200 que “comprend la flore européenhe. Il convient de recon- “haître que la plupart de ces prétendus hybrides sont hypothétiques, que leur origine n’a pas été démontrée par l’expérience et que la science ne peut tenir un compte sérieux des suppositions formulées à leur sujet. Il est possible que, dans des groupes mal définis, mal “fixés, en voie d'évolution, comme on en connait par- “mi les Phanérogames, on prenne pour hybrides des “formes intermédiaires reliant deux espèces plus ou moins fixées. M. Bornet a produitexpérimentalement des hybrides de Cistes; il a réalisé, sur les espèces de ce genre el sur leurs proches voisins, les Hélianthèmes, plus de 3.000 fécondations artificielles, qui ont abouti à 234 combinaisons différentes; elles ont présenté des phéno- mènes assez imprévus pour qu'on en déduise la néces- sité d'interpréter avec beaucoup de prudence les faits soupconnés dans la Nature. Les problèmes de l’origine de l'évolution et de la descendance possible des hybrides sont, en somme, beaucoup moins faciles à résoudre qu'on ne semble le croire parfois. Les hybrides si communément réalisés par les horti- culteurs, et dont la production a révolutionné la flori- culture, ne nous fournissent-ils pas les éléments de la solution de ces problèmes? Non. Lorsqu'il est question d'hybrides en horticulture, on entend sous ce nom le produit, fertile ou non, de la fécondation croisée entre plantes de variétés, de races, d'espèces où de genres différents ; c’est un sens large que la science exacte ne saurait admettre. Pour l’adopter, l'horticulture à une raison valable : c’est qu'il est impossible, le plus sou- vent, d'établir la paternité d'une plante issue d’une fécondation croisée, ayant äcquis, par suite de cette origine, des caractères particuliers. Il suffit à l'horti- culteur que ces caractères nouvedux rendent recom- mandable la forme obtenue. En fait, c’est le plus souvent de métis qu'il s'agit. Il faudrait, pour tirer prolit des efforts réalisés par d’éminents horticulleurs, que des biologistes connaissant très bien les espèces, rompus en même temps aux méthodes délicates de la technique, pussent suivre de très près les opérations réalisées par les plus habiles praticiens. Certains grands établisse- ments d'Hyères, de Lyon, de Nancy, des environs de Paris sont les laboratoires où les savants pourraient songer à poser et à résoudre peut-être les multiples problèmes que soulève l'histoire et l'évolution des hy- brides, L'Université de Bordeaux présente, à cet égard, des avantages exceptionnels, gräce aux longs efforts de Millardet. Sollicité par les besoins de la viticulture, ce savant à consacré vingt années à produire des hybrides de vigne et à les étudier. {la réussi à croiser 15 espèces du genre Vitis; fait très important, ces vrais hybrides sont féconds; les vignes se comportent de la même manière dans la Nature. Millardet à poursuivi cette étude avec une grande rigueur; il à distingué les hybrides de première génération etclassé méthodique- ment les produits du croisement de ces hybrides entre eux. Grâce aux nombreux matériaux, d’une authenti- cité absolue, conservés au Jardin botanique de Bordeaux et dans les champs d'expériences où ils ont été produits, M. Gard à pu chercher à déterminer la part des influ- ences paternelle et maternelle dans les hybrides de vigne et serrer le problème de plus près qu'on avait pu le faire jusque là. Il y a lieu de se demander si les caractères, spéci- fiques ou non, se transmettent sans modifications ou s'ils sont plus ou moins modiliés par le croisement, si les parents ont ou n'ont pas la même influence dans l'édification des tissus de la plante hybride et si tous les tissus se comportent d’une manière identique à cet égard. Tousles caractères sont-ils héréditaires au même degré? Y a-t-il à ce sujet des variations dépendant du rôle sexuel? Des caractères nouveaux ne peuvent-ils pas résulter dans l'hybride du conflit de deux proto- plasmes et de deux noyaux différents? Enfin est-il possible, étant donné un hybride, de déterminer, par l'analyse seule des caractères anatomiques, le rôle sexuel qu'ont eu les parents dans sa formation ? On s’est beaucoup préoccupé depuis quelques années de rechercher comment et dans quelle mesure les caractères des parents se transmettent aux produits du croisement. On a remis en lumière les conclusions for- mulées en 1866 par G. Mendel, conclusions très pré- ises, dans lesquelles on voit volontiers une Loi réglant l'hérédité chez les hybrides. Il serait prématuré d'afliviner que la /o1 de Mendel est justifiée : mais un certain nombre de faits semblent lui donner raison. Les hybrides de vignes offrent pour cette étude un grand avantage; c'est que, grâce à leur fécondité si remarquable, ils peuvent donner lieu à des combi- naisons de plus en plus complexes, à des hybrides dits à (rois quarts de sang, à des hybrides ternaires, qua- ternaires, etc. Rechercher quelle part revient à chaque espèce dans la structure de ces hybrides d'hybrides, voir s'il est possible de déceler l'intervention de celles qui n'y entrent que pour üun quart, un huitième, ce sont là des questions qui n'avaient pu encore être envi- sagées et que M. Gard s’est efforcé de résoudre. C'est à la tige surtout qu'il demande la solution, après avoir reconnu quels caractères de la structure intime peuvent être utilement comparés. Dans sa monographie des Ampélidées, J. E. Planchon a divisé le genre Vigne en 7 séries d’une manièré con- ventionnelle ét arbitraire, tant il lui parut impossible de grouper ces plantes d’après les caractères extérieurs de la fleur et de l'appareil végétatif. C'est dans ce cas précisément qu'il faut avoir recours à là structure intime. M. d'Arbaumont l’a fait; M. Gard propose, à son tour, urie diagnose anatomique des espèces qui l'inté- ressent, de celles qui ont été l’objet essentiel des tra- vaux de Millardet. Il résulte de cette double tentative qu'une espèce païläitement caractérisée dans son 956 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 4 aspect extérieur peut l’ètre moins dans sa structure intime ; c'est le cas du Vitis rupestris, si bien délimité par l'aspect de ses feuilles, leur taille, le port de la plante, etc. L'inverse a lieu : le Vitis Labrusea n'est pas sans analogie avec le V, vinifera; mais les parti- cularités de structure de la feuille éloignent ces deux espèces. L'étude des hybrides binaires (de première généra- tion) conduit l'auteur aux résultats suivants : Les hybrides inverses AXB et BX A ne sont pas iden- tiques si l'on considère la constitution de leurs tissus ; ils sont inverses, c’est-à-dire que, si l’on intervertit le rôle sexuel des espèces, celle qui élait prépondérante dans une certaine catégorie de tissus ou de régions anatomiques dans un cas, l’est dans une catégorie diffé- rente dans l’autre, et réciproquement. L'oosphère et la cellule mâle d'une même espèce, non seulement ne produisent pas des effets identiques, mais produisent des effets généralement opposés dans la production des hybrides. Dans la majorité des cas, les éléments sexuels agissent chacun dans un sens déterminé et influencent chacun certains tissus, certaines régions. Dans l’ensemble, l'action du père est plus considérable, plus importante que celle de la mère. Ces résultats concordent avec ceux que fournit la morphologie externe. D'après Millardet, l'influence prépondérante du père est presque toujours manifeste dans l’ensemble des caractères extérieurs et des propriétés de la plante hybride. Les caractères sont transmis sans modifica- tions ; il est très rare qu'on observe chez les hybrides binaires des caractères intermédiaires entre ceux des parents; les caractères transmis sont juxtaposés et ne sont pas fusionnés. Les hybrides à trois quarts de sang soulèvent des problèmes dont la solution n'est possible que par l'étude de tous les produits obtenus par l'hybridation. Or, les hybrides de vignes ont été soumis à une sélection rigoureuse; beaucoup ont été rejetés dès qu'il a été constaté qu'ils n’offraient pas les qualités requises par la viticulture. 11 semble, d'après un petit nombre d'ob- servations, que la détermination de la plante qui entre pour un quart dans un de ces hydrides à trois quarts de sang, soit subordonnée au nombre et à l'importance de ses caractères spécifiques. Dans les hybrides ternaires, l'espèce qui entre pour la moitié a, naturellement, une influence beaucoup plus grande que celles qui y figurent pour un quart; cette Influence est à peu près la même, que ce compo- sant joue le rôle de mère ou celui de père dans la deuxième fécondation. Quant aux hybrides quaternaires, l'analyse micros- copique ne suffit pas, en général, pour en déterminer tous les composants; peut-être pourrait-on y arriver en analysant tous les caractères. Lorsque l’un des com- posants entre pour la moitié dans la constitution d’un hybride quaternaire, il est de beaucoup prépondérant, comme on peut le prévoir à priori, etilest difficile, peut-être souvent impossible de déceler la présence des composants qui n'y participent que pour un hui- tième. On donne le nom de faux hybrides aux plantes qui, provenant d’un croisement effectué normalement, ressemblent parfaitement à l'un ou à l’autre des deux parents, sans offrir jamais une réunion des caractères de deux espèces croisées. On ne connaît que de faux hybrides dans le genre Fraisier; Millardet en a obtenu deux au moins au cours de ses expériences. Ces faux hybrides confirment les faits observés chez les hy- brides inverses; mais les observations ne sauraient être généralisées sur un aussi petit nombre de faits. Certaines vignes spontanées, d'origine américaine, ont été déterminées comme hybrides par Millardet. 1] a cherché à établir quels en sont les composants, d'après les caractères extérieurs de la fleur et de la feuille. 11 n'était pas sans intérêt de voir si l’ana- lyse microscopique de la tige donne les mêmes résul- tats et si elle est suffisante pour déterminer les compo- sants de ces hybrides; elle l’est dans la majorité des cas, mais peut-être pas toujours, à cause de Ja faiblé caractérisation de quelques espèces. | Ajoutons que les caractères spécifiques sont, en gé# néral, plus importants dans la feuille que dans la tige“ il y a donc lieu de l’étudier avec soin lorsqu'on re= cherche l'origine des hybrides. 1 En somme, grâce à la disjonction des caractères an tomiques, il est possible de déterminer comme tel un hybride de vigne, de spécifier ses composants, sa restrictions faites pour les hybrides complexes. L'anas tomie peut venir en aide à Ja morphologie externe & lever l'incertitude où peut laisser l'observation des caractères externes sur la vraie nature d'une plante Le rôle prépondérant du père a des conséquences pratiques intéressantes. Ce rôle prépondérant se mani: feste surtout dans les tissus les plus vivants, les plus actifs de la tige à la fin de la végétation, dans ceux qui produisent des racines adventives au bouturage, qui déterminent l'union des tissus d'individus différents at greffage. Cela explique aussi que, lorsque, dans ur“ croisement entre la vigne européenne et une vigne américaine résistante au phylloxéra, cette dernières joue le rôle de père, la résistance est plus certaine ef beaucoup plus marquée que dans le cas inverse. | On le voit, M. Gard à réuni, avec une critique atten tive, de nombreuses observations sur un sujet particu lièrement délicat. Les hybrides dont il à la collections sous la main n'ont pas révélé tous leurs secrets. Puisses t-il à la fois poursuivre l'œuvre du regretté Millardet e la faire de plus en plus sienne, en étendant se recherches à de nouvelles séries de plantes! Ce sont là d'excellents sujets de recherches, auxquels les jeunes" peuvent se consacrer avec confiance, car ils ont l’ave nir devant eux ; M. Gard y réussira, pour peu qu'aux qualités dant il fait preuve, il joigne la patience qu'exi= gent des expériences à longue échéance. Ê C. FLAHAULT, Professeur à l'Université de Montpellier Larguier des Bancels (J.). — De l’Influence de la: température extérieure sur l'Alimentation. Re- cherches expérimentales sur le Pigeon. — 1 vol. de 455 pages. Masson et C', éditeurs, Paris, 1904. Dans ce travail, l'auteur s’est proposé d'étudier l'in- fluence de la température extérieure sur les besoins de l'organisme. Un chapitre d'introduction, concis, mais substantiel, y est consacré à l'examen critique des méthodes auxquelles on à demandé la solution du pro- blème, et des résultats souvent contradictoires qu'ont: fournis les divers procédés de calorimétrie : c’est à la calorimétrie indirecte qu'il faut, en l’état actuel, donner la préférence. Les recherches personnelles de M. Larguier des Bancels ont porté sur deux points principaux : 40 sur. le besoin total d'énergie; 2° sur le besoin d'albumine.. Elles montrent d'abord que le pigeon, libre de régler son alimentation, est capable de maintenir à un niveau remarquablement fixe le poids de son corps, quelle que soit la température du milieu où il est placé. Mais le taux de la ration spontanément adoptée par l'oiseau varie avec la température. La consommation journa-. lière est d'autant plus forte que la température est plus basse. Nous voyons, par exemple, qu'elle pré- sente un minimum à 27°,1 et un maximum à 8°,8. Les! valeurs du minimum sont de 45 gr. 86 de blé chez un pigeon, de 41 gr. 57 chez un autre : les valeurs du maximum de 23 gr. OS chez le premier et de 21 gr. 33 chez le second. Des différences inférieures à 4° exercent déjà une influence manifeste. Toutefois, si la consom- mation varie avec la température moyenne, elle paraît indépendante des écarts entre les températures ex- trèmes de la journée. En outre, l'adaptation au milieu thermique exige un certain temps; placé dans des con- ditions nouvelles, l'oiseau tend à conserver pendant les premiers jours le régime qu'il avait adopté dans la période précédente. , | BIBLIOGRAPHIE — A ALYSES ET INDEX 957 _—_— ———"—…—…—…—…—…—…"—"_…—"—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…"—"…"—…"—…"—…—"—"—…—"—"—"—…"—"—…—"—…—…—"…"—…—"—"—"—…"—"—"—"…"—"—"—"…"—"—"—…"—"—…"—"—"—"—"———— » Comme le poids de l'animal reste sensiblement cons- fant, les apports représentent donc la ration d'équi- libre, c'est-à-dire qu'ils couvrent exactement les besoins e l'organisme. Ils peuvent, par conséquent, être consi- érés comme équivalents aux dépenses, et, pour me- Surer celles-ci, il suffit de déterminer exactement la valeur calorifique de la ration et de la rapporter à lunité de surface du corps de l'animal. Ce calcul montre que les dépenses, c’est-à-dire, puisque Fanimal est au repos, les pertes de chaleur, sont d'autant plus consi- dérables que l'excès de la température propre du corps Sur la température ambiante est plus grand. À Dans une autre partie de son travail, l'auteur envi- sage la grandeur du besoin d'alhumine et se demande Sielle varie aussi avec la température. Des recherches instituées à cet effet, il résulte que le pigeon qui s’ali- mente librement ne réussit à conserver le poids initial dé son corps, même pendant un temps très court, que Sil trouve dans sa ration un certain minimum d’'albu- mine. Mais ce minimum est variable. Un apport d'azote déterminé, qui permet à l'oiseau de réaliser l’état d’en- {retien quand la température est basse, devient insuf- fisant quand la température est élevée; dans ce dernier cas, l'animal maigrit rapidement, bien que l'apport brut dé calories couvre largement les dépenses. La perte de poids ne saurait, d'autre part, être attribuée à une des- “truction de l’albumine du corps, puisqu'il n'y a pas plus d'azote éliminé qu'il n'en est ingéré; ce qui prouve en même temps que l'équilibre azoté n’est pas nécessaire- ment le signe de l'équilibre total. Si le besoin d'’albu- mine n'est pas identique à toute température, il ne faudrait pas en chercher l'explication dans une utilisa- tion plus ou moins parfaite de ce principe alimentaire, ‘Car, si l’on isole dans les excréments de l'oiseau le résidu échappé à la digestion, on trouve que la résorp- lion de l'albumine parait indépendante de la tempéra- ture extérieure. Ce n'est pas seulement la température, mais aussi la nature de l'alimentation qui influe sur le besoin d’albu- mine : celui-ci est moindre dans un régime à base d'hydrocarbonés que dans un régime à base de grain. Il y aurait peut-être lieu de substituer à la notion d’un minimum azoté unique, tant discuté, celle de minima multiples, variables avec les conditions dans lesquelles l'organisme se trouve placé. L'auteur touche enfin incidemment à la doctrine de lMisodynamie : à l'appui de l'opinion soutenue par Rubner, il note le fait que le pigeon est capable de subvenir à une dépense donnée de chaleur en prélevant sponta- nément sur des aliments de nature très diflérente Fo que le blé et le colza, dont l'un est riche en iydrates de carbone et l’autre en graisse) des rations sensiblement isodynames. : Les documents recueillis par M. Larguier des Bancels, d'après des expériences soignées et bien conduites, apportent, comme l’on voit, une contribution impor- tante à l'étude d'une question d’un haut intérêt, celle de la grandeur des échanges nutritifs en fonction de la température extérieure, chez l'animal homéotherme. E. WERTHEIMER, Professeur de Physiologie à la Faculté de Médecine de Lille. 4 Sciences médicales Bernheïim (Dr), Professeur à la Faculté de Médecine de Nancy. — Conception du mot « hystérie ». Cri- tique des doctrines actuelles. — 1 brochure 1n-8° de 48 pages. Extrait de la « Revue Médicale de l'Est ». (Prix : À fr. 50.) Doin, éditeur. Paris, 1904. L’hystérie, qui, jusque vers le milieu du siècle der- nier, avait été considérée comme un mal indéfinis- sable, acquit, à la suite des travaux de Charcot et de PEcole de la Salpêtrière, une place capitale et nettement délimitée parmi les maladies nerveuses. Depuis quelques années cependant, la conception nosographique de Charcot semble sujette à révision. Une extension fâcheuse a fait attribuer à l'hystérie tous les troubles nerveux dont la cause organique nous échappe. Par là s'est tellement étendu le domaine de la grande névrose que ceux-là mêmes qui ont le plus contribué à la faire connaitre ont senti le besoin de restreindre les applications du mot « hystérie ». C'est ainsi que M. Babinski a demandé, il y à trois ans, à la Société de Neurologie de Paris, de nommer une Commission chargée de définir l’hystérie. M. Babinski a proposé lui-même une définition, au sujet de laquelle la discussion est encore pendante. Le travail de M. Bern- heim est donc tout à fait d'actualité. Désireux, lui aussi, de voir se préciser la signifi- cation du mot « hystérie », il propose de le réserver uniquement aux phénomènes convulsifs de la névrose. Il signale, à juste titre, l'abus qu’on a fait de ce mot, et constate qu'aujourd'hui l’'hystérie est devenue le « pro- tée » qu'on lui reprochait d'être avant les travaux de la Salpêtrière. L'hystérie, en effet, est censée pouvoir simuler toutes les maladies. Après Lasègue, nombre d'auteurs, M. Grasset entre autres, ont déclaré qu'il fallait renoncer à donner une définition de l'hystérie. M. Bernheim déclare catégori- quement que « l'hystérie n’est pas une maladie ». Selon lui, on faitrentrer dans la description classique de lhystérie, d'une part les crises convulsives, d'autre part les manifestations qui s'y associent ou les rem- placent. Or, les crises ne sont que l’exagération d'un phénomène habituel d'ordre psycho-physiologique.Cha- cun, par exemple, réagit à sa facon sous l'influence de la colère, de la frayeur, etc. Tel suffoque, tel autre tremble: crises hystériques en miniatures. Celui-ci demeure inter- dit : esquisse de la stupeur hystérique. Celui-là est figé par l'émotion : ébauche de catalepsie hystérique. Un dernier enfin divague, vocifère : ébauche de délire hys- térique. La crise hystérique ne serait, en somme, qu'un mode de réaction hors de proportion avec la cause génératrice. L'hystérie ne serait pas une névrose primitive, mais un réflexe émotif, — rien de plus, — survenant chez un sujet apte à exagérer certaines réactions psychophysiologiques. On a décrit, dans l'hystérie, des troubles de la sen- sibilité auxquels on à attribué la valeur de stigmates pathognomoniques. Pour M. Bernheim, les anesthésies, les hyperesthésies, les douleurs dites hystériques sont, ou bien créées de toutes pièces par les malades, ou bien reliées à des lésions insignifiantes; mais ces stigmates ne sont pas propres aux seuls hystériques. Et il interprète de même les stigmates moteurs (para- lysies, tremblements, contractures, etc.), ainsi que les stigmates mentaux (amnésie, aboulie, perturbations du caractère), et les troubles viscéraux, solitaires ou asso- ciés, appelés « hystéries viscérales ». Les phénomènes connus sous le nom de « toux hystérique, aphasie hys- térique, dyspnée hystérique, vomissements hystériques, hoquet hystérique, anorexie hysterique », etc., se ren- contrent chez des sujets qui présentent une impres- sionnabilité spéciale de certains organes; ils peuvent s'accompagner ou non de crises d'hystérie. Ce sont des phénomènes d’auto-suggestion ou de suggestion, des phénomènes psychiques; maisils n’ont rien de commun avec la crise convulsive. Beaucoup d'hystérisables sont suggestibles; mais tous les phénomènes de suggestion ne sont pas hysté- riques, car l'immense majorité des suggestibles n’est pas hystérisable, En somme, conclut M. Bernheim, il faut réserver le nom d'hystérie à la seule crise convulsive. Cette formule : « l'hystérie n’est pas une maladie, c'est un réflexe » estséduisante par sa simplicité. L’au- teur à su la défendre avec talent, en puisant dans des observations innombrables des arguments de valeur. Il a eu grandement raison de signaler les abus qu'on a fait du mot «hystérie ». Mais, en réduisant son appli- cation aux seuls phénomènes convulsifs, n'est-il pas tombé dans l'excès contraire? Ainsi comprise, l'hys- térie n'est certainement qu'un réflexe ; mais ce réflexe 958 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX n'est-il pas un réflexe morbide? Et l'hystérie, même réduite à des manifestations convulsives, n'est-elle pas encore et quand mème üñe maladie? Simple ques- tion de mots, il est vrai. Mais c’est précisément là que git la difficulté de définir l'hystérie. Et il ne semble pas que cette difficulté soit enfin vaincue. Dr HENRI Meice. 5° Sciences diverses Snyder (Carl). — New Conceptions in Science. — 4 vol. in-8° de 361 pages. Harper and Brothers, édi- teurs, Londres et New-York, 1904. L'absence de tout titre accompagnant le nom de l’au- teur donne à penser qu'il n’est point attaché à quelque grand Etablissement universitaire ou à des fonctions publiques du ressort de la science ; au surplus, la lec- ture de son ouvrage confirme cette première déduction, en montrant qu'il n’est pas spécialiste, qu'il n'a pas cantonné son esprit dans un domaine particulier de la recherche scientifique. M. Snyder est fort probable- ment un publiciste ayant beaucoup lu, beaucoup voyagé, vu nettement une foule d’aspects divers, établi maintes comparaisons, et traduisant le fruit de son expérience avec une liberté d’allures, une énergie d'expression, une indépendance de jugement, en même temps qu'avec un coloris bien faits pour charmer le lecteur. Les impressions qu'il ressent sont vives, et il les expose de même ; il distribue l'éloge avec enthousiasme et la critique avec conviction; et, pour rendre son livre plus vivant, il l'orne d'excellents portraits des hommes dont il analyse l’œuvre ou dans la pensée desquels il nous fait pénétrer. Les sujets abordés par l’auteur sont des plus divers, sans lien bien apparent entre eux, sinon qu'ils répon- dent à des préoccupations actuelles, et qu'ils sont choisis de manière à laisser une marge très large à l'imagination. Ils forment cependant une sorte de pro- gression, commençant par un avant-propos sur les /?e- lations de la Science et du Progrès, et se terminant par un réquisitoire sous le titre : La position inférieure de l'Amérique dans le monde scientifique. Entre deux, de très suggestives éludes, telles que : Le Monde au delà de nos sens, Ce qui constitue notre Monde, Recherche de la matière primitive, Le développement de la Chimie synthétique et son fondateur, Comment le corps hu- main combat la maladie, pour ne citer que les articles les plus saillants. Dans l’Introduction, l’auteur trace une image très saisissante de la culture égyptienne et de la science grecque, et montre combien, dans ces temps reculés, la méthode scientifique était déjà avancée, et combien l’humanité Etait préparée à un rapide progrès. Puis vient la sombre nuit du Moyen-âge, durant laquelle la science étouffe sous l'esprit théologique : « Cet esprit est toujours avec nous, dit l'auteur; au point de vue du nombre, il est plus fort qu'à aucune époque ; mais il existe maintenant une force qui lui fait équi- libre; jadis, l’éclipse de la Science était due au fait que ses adhérents étaient trop peu nombreux; ils étaient perdus dans la foule. Considérons pour un moment le fait que la pensée grecque a régné pendant huit à dix siècles. La période qui s'étend de Thalès à Ptolémée et Gallien surpasse de moitié celle qui s'écoule de la dé- couverte de l'Amérique jusqu'à nos jours. Voyons la mäigre liste d'hommes de science, et la rareté de leurs résultats, comparée à la longue théorie qui commence à Roger Bacon et qui ne finit pas à Darwin. » C’est dans le nombre très grand des hommes de science à notre époque que l'auteur trouve là raison pour laquelle «nous ne brûlons plus les Giordano Bruno et que nous ne torturons plus les Galilée ». Gette opinion, venant di la jeune Amérique, méritait d'être citée. Le Monde au-delà de nos sens rappelle, en plus d'u point, les merveilleuses conférences de Mach. Trar portant notre pensée dans ce monde particulier d'H lène Keller, cette jeune fille complètement sourde aveugle, qui a su concevoir l’univers matériel et m par un seul sens éducateur, le toucher, l’auteur im gine, par contraste, un être dont les sens soient tel ment nombreux, puissants et étendus, qu'il puisse, sañ le secours d'aucun instrument, distinguer les lamië de toutes longueurs d'onde, saisir les lignes de fore magnétiques, apercevoir les molécules dans le ra id mouvement que leur attribue la théorie cinétique del matière; cet être, on le concoit aisément, nous sert su périeur autant que nous surpassons Hélène Keller. sujet ainsi posé admet un développement facile, dot M. Snyder s’acquitte avec habileté. ; L'article consacré à la synthèse chimique est ti enthousiaste hommage rendu à M. Berthelot, dont lan teur a fréquenté les cours au Collège de France et dof il semble bien connaître l’œuvre prodigieuse. Comment le corps se défend : Ici, c'est l'œuvre fom damentale et féconde de M. Metchnikoff dont pal M. Snyder, qui s’en est pénétré en visitant l'Institu Pasteur. ; Il est banal et désespérant à la fois de répéter l'Amérique hous est supérieure en toutes chose: L'auteur n'est point de cet avis, et il est piquant de voir sous la plume d'un citoyen des Etats-Unis, un parallel qui nest point à l'avantage de son pays. L'article dé bute par ces mots: « On ne peut pas diré que l’'Amériqui n'ait pas produit de grands hommes de science ». Puis après une brillante énumération, vient cette proposi tion : «Cependant, la situation de l'Amérique est infl rieure ». Comparant ensuite les ressources dont dis posent les hommes de science en Amérique avec celles que l’on met à la disposition des savants européens, constate que PAmérique est admirablement outilléesà pose alors la question : « Pourquoi les Etats-Unis ontsilé une part si faible dans le merveilleux progrès scienll fique du siècle écoulé? » La réponse mérite d’être citée, « Nous sommes un peuple habile, sans aucun doute! nosorateurs el nos journaux ne manquent pasune occd sion de nous le dire. Nous avons fait de grosses (sie) choses; et c’est peut-être pour cette raison, et préci 5 ment à cause du prix élevé du travail, que nous ne tro L- vons pas parmi nous un Faraday où un Claude Be nard ». La vraie raison pour laquelle de grandes décoû vertes sont possibles en Europe, alors qu’elles son difficiles en Amérique, est qu'il existe des institutions permettant à des hommes de premier ordre de travaille en se laissant aller à leur génie, sans avoir à rendre compte à personne de la nature de leurs préoccupation et de la direction donnée à leurs travaux. Au prem rang de ces institutions, l'auteur place le Collège France, l'nstitution royale de Londres et lInstita Pasteur. ; « Nous manquons en Amérique de quelque chose qu ressemble à ces institutions, comme nous manquons de quelque chose qui ressemble au système universi taire allemand, ce système qui donne aux professeurs germaniques une si grande liberté pour des travaux dé recherches originales. C’est là, sans doute, une d causes de notre infériorité. » 1 Cette opinion est bonne à retenir, au moment oùi semblerait, au dire de bien des gens, que nous n'euss sions plus, pour progresser encore, qu'à tourner nos regards vers l'Occident, d'où nous viendrait dès maine tenant toute lumière. Cu.-Ep. GUILLAUME, Directeur-adjoint du Bureau international des Poids et Mesures. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 95 DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER Ê ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES x tF —_ ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS # Séance du 3 Octobre 1904. | Sciences PHYSIQUES. — M. A.-B. Chauveau à 0b- érvé que la déperdition de l'électricité dans l'air, au fbisinage d'une source thermale, est environ trois fois us forte que la déperdition à l'air libre. — M. L. Pi- eon signale un eflet de vide produit par une trombe aux mvirons de Dijon. La toiture d’un bâtiment à été sou- vée et transportée au loin tout entière. — MM. C.-J. alomonsen et G. Dreyer,en soumettant à l’action ù radium des cristaux de quartz, ont observé des “iflérences de coloration qui mettent en évidence l'hé- térogénéité des couches d’accroissement de ces cris- iux. — M. A. Debierne a reconnu que les substances mmées Zmanationskôrper et ÆEmanium par M. Gie- l sont identiques à l’actinium. Par la méthode de actionnement de M. Urbain, l'auteur est parvenu à bbtenir ce corps à un assez grand état de concentra- “tion. — M. L. Guillet montre que le molybdène agit ‘Sur les propriétés des aciers de la même façon que le Un stène, mais qu'il faut quatre fois plus de Mo que Me Yu pour arriver aux mêmes résultats. — M. J. “Schmidlin confirme, par ses mesures thermochi- miques, l'existence de la faculté de cumuler les pro- “priétés basiques dans un seul groupe favorisé chez les rosaniline-carbinols. —…. 20 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau a con- Staté que le travail extérieur effectué par les muscles fléchisseurs de l’avant-bras est moins onéreux que “Celui des extenseurs. Cette différence semble être due éxclusivement aux conditions moins favorables du fonctionnement des extenseurs. — M. A. Guépin à “observé que le suc prostatique, examiné systématique- “ment dans les divers états morbides de la prostate, Mournit de très utiles données séméiotiques. — M. Ch. “Gravier signale l'existence d’un organe nucal chez un Chétoptérien de Djibouti, du genre Telepsavus. — M. P. Pelseneer montre que le Thécosome décrit par P. Fischer sous le nom d’Æmbolus triacanthus est en réalité un Peraclis. Cette forme constitue le plus ar- Chaïque des Thécosomes actuels. — M. F. Marceau communique ses observations sur la structure des muscles adducteurs chez l'Anomia ephippium. —M. E. de Wildeman a reconnu que l’acarophytisme existe chez les Monocotylédones et que les acarodomaties se présentent sous une forme assez peu répandue chez Plusieurs espèces de Dioscorea. — MM. E. Bréal ct ÆE. Giustiniani ont constaté que les graines mouillées avec une solution étendue de sulfate de cuivre, non Seulement ne perdent rien de leur faculté germinative, Mais encore donnent des plantés beaucoup plus déve- pées. Séance du 10 Octobre 1904. 4° SciENGES MATHÉMATIQUES. — M. L. Maillard a répété Lexpérience de Pérot avec des résutats positifs. La théorie du mouvement d'une molécule d'eau conduit à la formule déjà indiquée par Braschmann. 20 SGENCES PHYSIQUES. — M. E. Rothé a obtenu, avec des poses prolongées, des photographies en couleur, d’après la méthode de Lippmann, par ré- flexion de la lumière sur la surface gélatine-air Seulement, sans miroir de mercure. Toutes les teintes sont reproduites, quoique avec un éclat un peu moins vif. — MM. G. Charpy et L. Grenet ont étudié les températures de transformation des aciers par diver- ses méthodes. Les résultats donnés par les méthodes thermo-électrique et dilatométrique ne présentent pas de corrélation bien nette, sauf pour l'acier le plus doux; les résultats fournis par les méthodes de la résistance électrique et dilatométrique concordent très sensiblement. — MM. L. Vignon et Simonet, en faisant réagir les dérivés diazoïques de certaines anilines substituées sur la diphénylamine, ont obenu une série de dérivés substitués du phényldiazoaminobenzène; ils sont, en général, peu stables. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau montre à nouveau que le travail mécanique des muscles est plus onéreux quand ce travail tire sa valeur de celle de la charge et moins onéreux si c'est de la longueur du parcours effectué par la charge dans l'unité de temps. — M. Eug. Pittard a reconnu que-la castration aug- mente la taille absolue du groupe humain qui la subit; cette augmentation provient du développement exagéré du membre inférieur plus que de celui du buste. — M. A. Billet a obserbé que la forme en Trypanosoma inopinatum, très rare dans le sang de la Grenouille verte d'Algérie, se développe, au contraire, très faci- lement dans le tube digestif des Hélobdelles ectopara- sites des Grenouilles à Vrepanidium. — M. C. Lebailly a constaté la coexistence générale d’un Trypanosome el d'une Hémogrégarine chez les Téléostéens marins. — M. P. Termier démontre la structure en paquet de nappes de tout le Tyrol septentrional, au nord de Sterzing. ÿ ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 4 Octobre 1904. M. Paul Reynier, à propos de la communication de M. Lucas-Championnière sur le traitement des phlébites par le mouvement méthodique et le massage, signale plusieurs cas d'embolies survenues chez des phlébitiques après un mouvement. — M. A. Laveran à étudié les Culicides de Madagascar, principalement au point de vue de la fréquence et de la nature des Anopheles. En général, on peut dire que l'abondance de ces derniers est bien en rapport avec la fréquence et la gravité du paludisme dans la région considérée. Les conditions mauvaises dans lesquelles se fait la culture du riz sont la cause principale de l’aggravation de l'endémie palustre. : M. le Président annonce le décès de M. Dureau, bibliothécaire de l’Académie. Séance du 11 Octobre 4904. M. H. Benjamin présente le Rapport sur le concours pour le Prix Monbinne. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS SECTION DE NANCY Séance du 11 Juillet 4904. MM. A. Haller et A. Guyot, poursuivant leurs re- cherches sur les dérivés 7-phénylés du dihydrure d’an- thracène, décrivent les composés suivants : 1° Le dihy- drure d'anthracène y-triphénylé +-hydroxylé, F. 2009 : CSI BU CH CH Det AS HO C°H° CH obtenu par condensation du bromure de phénylma- gnésium avec la diphénylanthrone; 2° Les dihydrures d'anthracène +-triphénylé y-méthoxylé (F. 218-219°), et y-éthoxylé (F. vers 250°), obtenus par éthérification di- 960 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES recte du produit précédent au sein des alcools corres- pondants en présence d’une trace d'HCI; 3° Le dihy- drure d’anthracène +-triphénylé (F. 2202), préparé soit par réduction des trois composés précédents par le zinc et l'acide acétique, soit encore par l’action du bromure de phénylmagnésium sur le triphénylmé- thane-orthocarbonate de méthyle et condensation in- terne du produit intermédiaire ainsi formé; 4 Les produits de condensation du dihydrure d’anthracène y-triphénylé +-hydroxylé avec le phénol (F. vers 308), l'aniline (F. vers 320°) et la diméthylaniline (F. vers 285°). Ces produits, qui répondent à la formule géné- rale : CHS CH5 F2 0 CH DCE CH5 C'H—R (où R— OH, AzH° et Az(CH®}, sont les premiers repré- sentants du dihydrure d'anthracène tétraphénylé. Les auteurs se proposent de poursuivre ces recherches. — MM. E.-E. Blaise et A. Luttringer : Sur la migration de la liaison éthylénique des acides à-alcoylacryliques. En condensant les éthers «-bromés de formule R.CHBr. COOCH° avec le trioxyméthylène en présence de Zn et décomposant le produit par l’eau, on obtient les éthers «-alcoylhydracryliques, qui, déshydratés, donnent des éthers a-alcoylacryliques : R R | — H°0 + | CH?OH.CH.COOC?H5 CH? — C.C00 CH» Les auteurs ont étudié l’action de l'acide sulfurique sur les acides &-alcoylacryliques. Suivant la valeur du radical R, on obtient des produits différents. L'acide «-éthylacrylique à donné de l'acide tiglique isomère et de Ja 2-butanone. Avec l'acide &-butylacrylique, il y a formation de 2-hexanone et de «y-méthyléthylbutyro- lactone : CH° — CH — CH? — CH — CH° — CHe Her 2 b identique à celle qui a été préparée par réduction de l'acide cétonique résultant de la saponification de l'a-méthyl-4'-propionylsuccinate d’éthyle. Le mécanisme dé la transposition de la liaison éthylénique sous l'in- fluence de l'acide sulfurique, inverse de celle qui se produit par l’action des alcalis, a lieu vraisemblable- ment par hydratations et déshydratations successives, les célones qui prennent naissance dans la réaction résultant sans aucun doute de la décomposition de l’'x-oxyacide intermédiaire. L'action de l'acide sulfu- rique ne permet donc pas de différencier avec certitude les acides non saturés fy des acides non saturés af, puisque ces derniers peuvent donner également des y-lactones par isomérisation sous l'influence de l'acide sulfurique. — MM. Guntz el Roederer communiquent le résultat de leurs recherches sur la centrifugation, et notamment les résultats obtenus avec les amalgames métalliques. Les amalgames stables, comme ceux de sodium et de baryum, etc., perdent du mercure et donnent à la limite les composés Hg'Na, HgttBa. L'amalgame de fer semble perdre son mercure, sans donner naissance à un composé défini, même avec des vitesses de 4.000 tours à la minute de la centrifugeuse. — MM. P.-Th. Muller et Ed. Bauer ont déduit des expé- riences de Zawidski{ que l'acide cacodylique, considéré comme une base, doit donner avec une quantité équi- valente d'acide chlorhydrique une absorption de chaleur de 0,7 cal. Les calculs portent: sur les coefficients d'affinité de la base cacodylique à 0° et à 259, et sur le degré d’hydrolyse de son chlorhydrate. L'expérience thermsochimique directe à effectivement donné une RE ! Berichte, t. XXXVII, p. 2293. absorption de chaleur de 0,55 cal., moyenne de deux expériences concordantes, — M. G. Arth, en étudia des houilles à gaz de la Bavière Rhénane, a consta que ces combustibles sont en dehors des limites de J& courbe établie par M. Goutal pour le calcul du pouvoir calorifique. En prolongeant le dernier élément de cette courbe vers les quantités croissantes de matière volatile on n'obtient que des résultats peu satisfaisants. Les houilles dont il s'agit étant de très belle qualité, le fait a paru digne d'être signalé. — MM. E.-E. Blaise ct A. Courtot : Sur la constitution de l'acide diméthyl vinyl-acétique. Cet acide a été obtenu en petite quan tité par M. Bouveault, qui le dénomma acide diméthyl isocrotonique. Plus tard, M. E.-E. Blaise obtint ce même produit en quantité notable. D'autre part M. W.-H. Perkin annonça avoir préparé l'acide dimé thyl-vinyl-acétique par une méthode toute différentes Une notable différence des points d'ébullition amenä les auteurs à penser que ces produits n'étaient pas identiques et à en rechercher la constitution. Pour cela, ils ont préparé l'acide de M. Blaise (Eb. 1859 et également celui de M. Perkin par distillation sèche de l'acide diméthyl-glutaconique (Eb. 2070). L'action de l'acide sulfurique sur ces deux acides est différentes il hydrate le premier en donnant l'acide triméthyl hydracrylique et donne avec le second une lactoné (Eb. 194, F. 6°). Ces deux acides sont donc différents et les auteurs pensèrent que l'acide de M. Perkin pouvait être l'acide pyrotérébique et la lactone qui em dérive l’isocaprolactone. Pour vérifier cette hypothèse ils ont préparé de l'acide pyrotérébique et en ont fait le sel de Ca, la phénylhydrazide et l'anilide, qu'ils ont comparés aux dérivés correspondants de l'acide de M. Perkin. Le sel de Ca des deux acides cristallise avec trois molécules d’eau, dont deux s'éliminent à 100°, la troisième à 120°. Les deux phényl-hydrazides et leun mélange fondent à 105-106°. Les deux anilides et leur mélange fondent à 106°. Cette anilide avait été préparée par M. Giacomo Corcelli en partant de l'acide téré bique; le point de fusion indiqué est 153-1540. répétant l’expérience, on a obtenu un mélange de dif: férents corps : acide térébique, anilide térébique € anilide pyrotérébique identique à celle obtenue direcs tement, corps que cet auteur semble n'avoir point séparés. Ayant ainsi montré la constitution de l'acide de M. Perkin, MM. Blaise et Courtot ont établi celle de l'acide de M. Blaise. Elle résulte de ce fait que, pa oxydation avec KMnO“ (5 0/4), à la température ordi naire, on obtient, avec un rendement presque théo rique, de l'acide diméthyl-malonique. Elle résulte éga: lement de ce que cet acide fixe molécule à molécule HI, l'atome dT se fixant en $ par rapport au carboxyle d'autre part, l'acide triméthylhydracrylique, par action: d'HI, donne un acide jiodé identique au précédent (F. 44°). L'acide de M. Perkin est donc l'acide pyroté rébique, celui de M. Blaise l'acide diméthyl-vinyl-acé tique. — MM. E.-E. Blaise et H. Gault : Recherches. dans la série du pyrane. L'éther oxalacétique, eon= densé avec les aldéhydes, donne naissance, par sapa nification ultérieure, à des acides bibasiques 1 : 7-dicé= toniques-2 : 6. Les auteurs ont, en particulier, étudié l'acide dioxopimélique : GOOH.CO.(CH®)*.C0.COOH, pro= venant de la condensation de deux molécules d'éther oxalacétique avec une molécule d’aldéhyde formique: Cet acide donne, par élimination d’une molécule d'eau, un acide bibasique dérivant immédiatement du pyrane et possédant la formule suivante : CH? 1[) e HOOC CoOoH V 00 Em CH Le Directeur-Gérant : Louis Oxivier. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 15° ANNÉE N°21 15 NOVEMBRE 1904 kRevue générale des Sciences pures el appliquées Direcreur : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des trayaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Mathématiques Le troisième Congres international des Mathématieiens. — Le troisième Congrès interna- tional des Mathématiciens a eu lieu du 8 au 15 août dernier, à Heidelberg. Le nombre des adhérents a été de 314; jusqu'ici, par conséquent, le Congrès va en augmentant régulièrement (207 au premier, celui de Zurich ; 262 à celui de Paris). Il est impossible de donner ici une idée des travaux, d'ordre extrêmement divers, présentés dans les séances de sections. Un d'entre eux, cependant, offre une im- portance toute particulière et doit être mis à part. Il est relatif à la théorie des ensembles. Dans la confé- rence qu'il a prononcée au Congrès de Paris, en 1900, et dont la Æevue a publié un résumé, M. Hilbert a rappelé l'importance fondamentale que présente, au point de vue de la marche générale de la science, cette question : Le continu peut-il être rangé en un ensemble bien ordonné? au sens de Cantor? Nous ne pouvons exposer ici les raisons qui signalaient depuis longtemps celte question à l'attention des géomètres; une foule de recherches appartenant, non seulement à la théorie des ensembles, mais à beaucoup d’autres branches de PAnalyse, dépendent de celle-là, surtout si l’on admet* que la puissance du continu est bien celle qui suit immédiatement la première. La question posée au Congrès de 1900 à trouvé sa réponse au Congrès de 1904, dans un travail de M. Kü- nig, de Budapest. Cette réponse est négative : l’arran- sement en question est imposibles, Les communications d'un caractère général, histo- rique, philosophique ou pédagogique sont souvent les plus intéressantes dans les réunions de cette nature, parce qu'elles sont propres aux Congrès et n’ont pas, 1 Problèmes mathématiques, dans la Revue du 28 février 1901, tome XII, p. 168-174. SA Loc, cit., p.170. 5 Jbid., p. 469. * Nous ne devons pas oublier, il est vrai, d'ajouter que, peu après cette communication de M. Kônig, M. Zermelo est parvenu à une conclusion toule contraire. Nous revien- drons sur ce point, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904, comme les travaux purement techniques, leur place marquée dans les périodiques courants. Tous les ma- thématiciens liront avec intérêt la belle conférence dans laquelle M. Painlevé à retracé les progrès de la théorie des équations différentielles. Un autre branche générale de la science, la Géométrie moderne, dans ses rapports avec l'Analyse, a fait, elle aussi, l'objet d’une attachante étude de M. Segre. Les conférences de M. Greenhill (sur la théorie de la toupie) et Wirtinger (les lecons de Riemann sur la série hypergéométrique) se sont, au contraire, placées au point de vue auquel les ouvrages de M. Klein nous ont habitués, et qui consiste à suivre une question particulière pour y rattacher au besoin les idées géné- rales qu'elle soulève. Les quatres conférences dont nous venons de parler ont eu lieu dans les séances générales. Les séances de sections, tout en ayant surtout pour objet les travaux spéciaux, ont été, elles aussi, occupées en partie par des communications du mème caractère; citons celles de M. Hilbert sur les fondements de l’Arithmétique, de M. Volterra sur la théorie des ondes, de M. Klein sur les problèmes des Mathématiques appliquées. Le Congrès de Heidelberg aura fait œuvre utile à un autre point de vue : on lui devra peut-être de voir paraitre à bref délai des œuvres mathématiques impor- lantes qu'on n'aurait pas publiées sans cela, ou qu'on eût publiées beaucoup plus tard; M. Morley, profes- seur à l'Université Johns Hopkins, a annoncé, en effet, que des démarches étaient faites auprès de la Carnegie lustitution pour la faire contribuer à l'impression des œuvres complètes d'Euler. M. Schlesinger a présenté le premier volume des œuvres de Fuchs. M. Müller a annoncé l'existence de travaux inédits laissés par Schrô- der, et son intention de les publier. Enfin M. Schwartz, répondant à une question qui lui était posée, a déclaré posséder des manuscrits de Weierstrass, relatifs au Calcul des Variations. On conçoit, sans qu'il soit nécessaire d'y insister, l'importance scientifique de documents de celte espèce. Mystérieuses pendant de longues années, les idées du grand géomètre allemand sont, encore aujourd'hui,.insuffisamment connues, surtout en ce qui concerne le Calcul des Variations, qui constitue une partie importante et, en quelque 21 962 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE sorte, centrale de son œuvre. Grâce à M. Schwartz, on peut espérer recueillir, sur ce point, de précieuses données. Dans un ordre d'idées analogue, MM. Klein et Molk ont présenté au Congrès, l’un le tome I°* de l'£n- cyclopédie des Sciences mathématiques, l'autre le premier fascicule de l'édition française de cette Ency- clopédie. Il a été décidé, sur la proposition de M. Volterra, que le prochain Congrès aurait lieu au printemps de 1908. Il sera organisé par l'Académie dei Lincei et le Circolo Matemaetico di Palermo, et sera l’occasion d'un prix décerné à un Mémoire sur la théorie des courbes gauches et dù à la générosité de M. Guccia. $ 2. L'étoile rouge des Pléïades. — M. H.E. Lau avait appelé l'attention des membres de la Société astronomique sur l'étoile 24°, 571 Argelander, du groupe des Pléiades, dont la couleur est d’un rouge jaunâtre très vif. Or, M. E. C. Gaultier, astronome à l'Observatoire d'Alger, a précisément refait un cata- logue des Pléiades, et nul ne pouvait être mieux placé pour donner des renseignements détaillés sur cette constellation. L'étoile en question, la seule rouge de ce groupe si nombreux, fut estimée de 7° grandeur en 1880 par Flammarion; Lau la trouve de gr. 5,8, tandis qu'elle était notée 7,0 par Argelander, 7,1 par Becker, et 8,9 comme grandeur photographique. De plus, elle paraît variable, puisque les grandeurs annuelles de Gaultier varient de 8,6 à 9,1. Ainsi la différence de trois grandeurs entre la gran- deur visuelle et la grandeur photographique doit cer- tainement être attribuée à la coloration rouge de cette étoile, qui la rend peu photogénique; l'on se trouve en présence d'un cas analogue à celui d'Aldébaran, étoile de 1"° grandeur visuelle, qui fut trouvée seule- ment de 4° grandeur sur le cliché qu'obtint M. Flam- marion à Juvisy en 1898. D'ailleurs, une étoile orangée, à l’ouest de l'amas des Pléiades, fut trouvée de 8° grandeur visuelle par C. Wolf, de 9° grandeur photométrique par Pickering, de 9° grandeur photographique par Charlier et Gaultier. De nombreuses étoiles orangées de ce groupe donne- raient, sans doute, lieu aussi à des remarques intéres- santes, et il est fort précieux que des astronomes aussi habiles que M. Gaultier se consacrent durant de longues années à l'observation systématique des mèmes objets. — Astronomie $ 3. — Météorologie Le climat de l'île de Chypre. — M. Bellamy vient de faire paraître un intéressant article sur l’île de Chypre (Journal de la Société météorologique de Lon- dres), traitant des conditions hydrologiques, écono- miques et climatériques de cette région. On peut dire qu'il n’y a à l'ile de Chypre que deux saisons, car, pendant huit mois, les chutes de pluie sont rares et incertaines : durant presque tout ce temps, les plaines sont arides, privées d’herbages et on n'y voit que des chardons et des asphodèles. Les premières pluies d'hiver, en octobre et novembre, modifient complète- ment les conditions : les céréales se développent avec rapidité et la terre se couvre de verdure. La moisson se faiten mai, après quoi le sol reprend rapidement toute son aridité ; mais il est hors de doute qu'une irrigation artificielle serait de bonne administration et procurerait au sol une fertilité constante. Pour préciser, l’auteur divise l'année en deux périodes de 6 mois, commencant le 1tr avril (été) et le 1° octo- bre ‘hiver), avec janvier pour mois le plus froid, juillet et aout étant les plus chauds; la température moyenne annuelle est de 19 à 20°, avec maxima dépassant 40° et velées assez rares; plus de 300 millimètres de pluie en hiver, six fois moins en été; vent dominant de NW, et sirocco de l'Est, brûlant et sec, au mois de mai. $ 4. — Génie civil Voitures à vapeur en service public. L'emploi des automobiles aux services publics de tra tion a déjà fait l'objet de nombreux essais; si résultats n'ont pas toujours été des plus encouragean c'est que l’on n'a pas envisagé suffisamment tous les éléments de la question. 4 Il y a, entre un véhicule destiné au service public@ une machine de course ou d'agrément, des différences essentielles. La seconde est légère avant tout, ave une grande puissance, malgré son poids restreint; importe assez peu, puisqu'elle ne doit pas fonctionné d'une facon continue, qu'un accident ait pour effet di la mettre, pendant quelque temps, hors de service. I n'en est pas ainsi pour la première, qui doit êtr d'une sécurité de marche aussi absolue que possible la solidité est pour elle une qualité indispensable. faut encore qu'elle soit d'un usage économique, ce qui amène généralement à en accroître assez considérable ment le poids. Or les voitures à vapeur paraissent répondre à ces desiderata mieux que les moteurs à pétrole; du moin c'est dans cette voie que s’est engagé depuis quelqu années un constructeur anglais, M. Clarkson, qui semble avoir donné une solution satisfaisante au p blème. D'après lui, l'économie que l’on réaliseren employant une machine à vapeur chauffée à la para fine, au lieu d’un moteur à pétrole, compense ampl ment l'infériorité de la première au point de vue du rendement. Grâce à la consommation plus faible de combustible, on peut sans inconvénient augmenter Ne poids de la machine, ce qui est de nature à assurer al service toute la régularité désirable. Voici, d'ailleurs, les résultats obtenus par M. Clarkson à l’aide d’une voiture munie d’un moteur à vapeul, d'un poids total de 140 kilogrammes environ. La di tance totale parcourue fut de 3.032 milles (4.800 kil mètres) pendant une période de neuf semaines; vitesse moyenne a été évaluée à 16-18 kilomètres l'heure; la voiture pouvait transporter quatorze voyas geurs. , Dépenses par mille parcouru. Salaires 0 fr. 26 Combustible 0 fr2045 Huile . : 0 fr. 02 Caoutchouc . 0 fr. 10 Entretien . RE DETTE Total . 0 fr. 57 Pendant les neuf semaines considérées, 20.061 courses à 20 centimes furent effectuées, donnant une recette totale qui correspondait à 46 fr. 50 environ par mille Voici quelques détails sur la construction de ce voiture (fig. 1) : La chaudière à laquelle M. Clarkson à cru devo après différents essais, donner la préférence est un£ ehaudière verticale, cylindrique, multitubulaire ; lens veloppe extérieure est formée de deux parties sent blables, ce qui assure la simplicité de construction avec une seule jonction, convenablement disposée, @ mise à l'abri de l'action du feu. Une ouverture est pr tiquée à la partie supérieure de la chaudière; sur cet ouverture est vissé un conduit dont les branch aboutissent au registre de vapeur et aux soupapes sûreté, ces dernières fonctionnant pour une pression 400 livres par pouce carré. La chaudière, montée sur une charpente circulairé qui est boulonnée elle-même sur le châssis, est chauffée par un foyer contenu dans un coffre d'acier; un revê tement d'amiante, avec soutiens de nickel destinés protéger le revêtement contre les trépidations, garmb intérieurement le foyer; celui-ci, qui est réglé pari pression de la vapeur, est alimenté au moyen de pa raffine. C'est grâce au prix peu élevé de ce combustible q CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 963 M. Clarkson à pu obtenir avec une machine à vapeur | «des résultats supérieurs, économiquement parlant, à ceux qu'avaient donnés les moteurs à pétrole. Le foyer de la machine est adapté sur la même char- pente circulaire que la chaudière, de telle façon que ces deux parties (foyer, chaudière) puissent s'enlever indé- pendamment l'une de l’autre. À l'intérieur du cadre circulaire de support est placée une bobine de sur- chauffe, qui permet d'élever la température de la vapeur jusqu'à 750° Fahrenheit (400° C.). La vapeur produite dans la chaudière est utilisée dans un moteur à vapeur du type le plus perfectionné, ‘avec appareil de condensation placé à l'avant de la | woilure. Ce condenseur diminue considérablement la Fig. 1. — Voiture à vapeur de consommation de l’eau; la quantité de liquide néces- saire est environ une douzaine de fois celle de l'huile combustible employée, ce qui n'est pas si exagéré quon ne puisse faire usage de l'eau distillée. Le moteur est placé horizontalement, les soupapes se trouvant à la partie inférieure. Les cylindres sont au nombre de deux; de même que les bagues des pistons et les soupapes, ils sont en fer à grain serré, dur, spécialement choisi. Les tiges des pistons sont forgées en acier massif; les tiges de connexion sont en acier fondu, renforcées de bronze phosphoreux; l'arbre de la manivelle est en acier fondu; il est formé de deux parties rivées “ensemble avec roule d'acier interposée. La boîte protectrice est en aluminium, avec pan- neaux mobiles; l’un d'eux est percé d'une ouverture pour permettre la visite. La fermeture est hermétique, mais doit pouvoir s'ouvrir avec rapidité. Le moteur agit directement sur un anneau de bronze ‘encerclant la boite du différentiel; les côtés de la boite sont en acier fondu. Les arbres différentiels sont en acier, forgés avec les roues, à l'extrémité interne; les extrémités extérieures sont à pas de vis et pourvues de trois clefs pour la fixation des hérissons des chaines. Chaque arbre est porté sur deux coussi- nets d'acier, avec de larges surfaces de suspension; les deux supports extérieurs sont pourvus d'un dispositif pour retenir l'huile. Chacun des arbres porte deux excentriques; ceux-ci sont fixés longitudinalement au moyen de tiges creuses el ils sont maintenus sur les axes à l’aide de clefs. Les différents organes du moteur sont réunis en un seul groupe et protégés par une enveloppe hermétique de métal. Outre qu'elle met le système à l'abri de la TORGUAY PUBLIC SERVICE STEAM CAR. A: CLARHSON LTD. CHELMSFORD M. Clarkson en service publie, poussière et également des rencontres avec les objets qui pourraient se trouver sur la route, cette disposition offre un précieux avantage au point de vue de l’huilage de la machine, en ce sens qu'il suffit d’un système de pompe pour envoyer l'huile à toutes les parties frot- tantes; on peut, de la sorte, lubréfier économiquement les supports des axes, ete. : l'excès d'huile s'écoule, grace à la forme appropriée de la chemise extérieure, dans un puits commun; le liquide est filtré et peut dès lors servir de nouveau. L'entretien du moteur se ré dut, dans ces conditions, à bien peu de chose : le nettoyage de temps à autre; l'addition, tous les mois ou toutes les semaines, d'une petite quantité d'huile; le rempla- cement des bagues des pompes; voilà à quoi se borne l'intervention du mécanicien. Deux réservoirs d'acier ou de fer galvanisé, d’une capacité de 25 gallons au moins, destinés l’un au com- bustible, l’autre à l’eau, et pourvus des accessoires habituels complètent le système. Le conducteur dirige la marche de la voiture au -96% moyen du gouvernail, à l'aide{duquel il règle la direc- tion, et d'une roue de contrôle, par laquelle il agit sur l'admission de la vapeur, et, partant, indirectement, sur l'intensité de la combustion dans le foyer. Enfin, le mécanicien dispose encore de deux leviers, l'un qu'il actionne avec le pied, l'autre à portée de la main, tous deux commandant des freins (quatre) qui s'appliquent énergiquement sur les roues motrices sans toutefois faire feu. La conduite d'une machine de ce genre est donc simplifiée au plus haut point, et c’est là, comme nous le disions au début, un avantage de grande importance. 5. — Physique Sur la charge électrique que prend un condueteur métallique isolé sous laction d'un cylindre métallique, — Dans le courant de ses recherches sur la radio-activité de certaines boues de provenance russe, M. J.-J. Borgmann vient d'observer un intéressant phénomène. L'expérimentateur russe se "servait d'une méthode analogue à celle qu'employaient MM. Meclennan et Burton dans leurs recherches sur la conductivité élec- trique de l'atmosphère. Son dispositif comprenait deux cylindres, l'un de laiton et l’autre de zinc, le premier étant muni d'un fond amovible alors que l’autre s’ou- vrait latéralement. Ces deux cylindres contenaient l'un et l’autre un fil de laiton disposé suivant l'axe et isolé du cylindre par un tube en ambre; ce dernier était entouré par un anneau de laiton relié à la terre. L'un et l’autre de ces deux fils pouvaient être mis en commu- nication avec l’une des paires de quadrants d’un mème électromètre de Dolezalek, dont l’autre paire de qua- drants était mise à la terre; l'aiguille était chargée au moyen d'une batterie d'accumulateurs au potentiel de 100 volts. Le dispositif était complété par des tubes pro- tecteurs reliés à la terre et entourant les portions de fil se projetant au delà des cylindres. Or, en étudiant l'ioni- sation de l'air produite dans l'un et l’autre de ces cylindres métalliques, l’auteur a observé le phénomène suivant : après avoir mis à la terre tant le cylindre mé- tallique que le fil qu'il renfermait, et après avoir subi- tement interrompu la prise de terre du fil, l'aiguille de l’électromètre a montré une déviation se continuant pendant quelque temps et prenant une valeur graduel- lement croissante. Ce phénomène, comme le constate l’auteur, ne pouvait être dû ni à une électrisation pos- sible de l'anneau d'ambre auquel était attaché le fil, ni à un effet thermo-électrique entre les différents fils. La déviation de l'aiguille électrométrique — chose remarquable — a lieu en sens opposé dans les deux cylindres. Alors qu’en effet, dans le cylindre de zine, le fil de laiton isolé prenait une charge positive graduel- lement croissante, la charge du cylindre de laiton (crois- sante également) présente le signe négatif. Cette charge que prend le fil isolé est done, on le voit, fonction de la nature du cylindre qui l'entoure. Comme les fils de connexion étaient également entourés par un métal, à savoir les tubes de laiton mis à la terre, on a pensé que ces fils à eux seuls montre- raient le même phénomène et cette supposition vient d'être confirmée par l'expérience. Il est évident que les effets du cylindre sur le fil qu'il renferme et celui qu'exercent les tubes protecteurs sur le fil de connexion se passant simultanément doivent se superposer dans l'expérience originale citée au début. Le phénomène en question dépend, pour un même cylindre, essentiellement du degré d'ionisation de Pair que renferme ce dernier et de l'état de sa surface. En tenant compte de l'influence des fils de connexion, on trouve que tous les métaux, à l'exception du laiton, produisent une électrisation positive du fil et par là de l'air, électrisation qui peut être due aux rayons a/pha qu'émettent les métaux. 1 Physikalische Zeitschriit, t. NV, n° 17, p. 542-546, 1904. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Un nouveau principe phonographique Le phonographe magnétique imaginé par M. Po a éveillé chez les savants un très vif intérêt, nonMp seulement en raison de la reproduction excessivemf pure du langage qu'il permet, mais surtout par ginalité du principe sur lequel il se base. Au lieu de servir, à l'égal de M. Edison, des déformations m niques de matières molles produites par les ondes nores pour enregistrer les sons corresponda M. Poulsen utilise les impressions magnétiques p duites dans une substance magnétiquement déforma (l'acier) sous l'action de courants microphoniques Or, il est évident que, d'une façon générale, # phénomène entraînant quelque modification perm nente proportionnelle à l'effet des ondes sonores pol rait être employé comme principe phonographiques par exemple, on se servait, à cet effet, de l'électrisat des isolateurs, on réaliserait l’analogue électrostat de l'appareil électromagnétique de M. Poulsen. Telles sont les considérations qui engagèrent, il quelque temps, M. Nernst, professeur à l'Univers de Gottingue, à construire un appareil électrochimi utilisant les modifications permanentes produites une électrode par des courants galvaniques, c’est-à-d la polarisation galvanique. Il se servait pour cel dispositif que voici : un ruban de platine sans fin, roulé sur deux rouleaux, et auquel on imprimai mouvement permanent au moyen d'un moteur, galvaniquement polarisé par des courants microp niques; comme la polarisation variable produite.pi les oscillations de courant doit nécessairement êtres parée Jocalement, le ruban de platine devait se dép cer avec une vitesse suffisante, et le contact entre ruban et l'électrolyte devait, d'autre part, être a étroit que possible. Cette dernière condition se trou satisfaite d’une facon approximative quand on empli comme électrolyte un coin de bois imprégné du liquide condueteur et disposé dans une auge en Vel remplie de la liqueur en question et munie d’une éle trode. L'expérience, comme l'a constaté M. Nemn réussit parfaitement; il est vrai que la netteté des” productions dépend de la nature de l’électrolyte doi on se sert. Les sons enregistrés peuvent être reprodui plusieurs fois avant qu'on note une diminution appr ciable de l'intensité sonore. Il faut cependant, ch remarquable, que, pendant la reproduction, le cin téléphonique soit parcouru par un courant dont l'int sité détermine l'intensité des reproductions. Il est évident que ce phénomène ne s’explique.p par l'hypothèse que les courants produisant, penda les reproductions, des vibrations sonores de téléphoni seraient simplement les courants de décharge dut électrode polarisée. En effet, une décharge parel devrait se produire indifféremment avec ou S courant, et, d'autre part, les courants constants devraient exercer aucun effet appréciable. L'expé mentateur pense que ce sont les oscillations des col rants microphoniques qui produisent une désacre superficielle de l'électrode métallique passantsur l'éle trolyte; pendant la reproduction, il se produirait,u raison de cette désagrégation, des oscillations de cel rant continu déterminant les vibrations du téléphon $ 6. — Chimie physique L'actinium et l’émanium.— Le travail de révisit des corps radio-actifs se poursuit avec succès dans | sens récemmentindiqué dans la Revue, à l'occasion l'identification, faite par M. Debierne, des constituant actifs du plomb et du tellure radio-actifs avec le pole nium, le premier des corps fortement radio-actil trouvés par M. et Me Curie. 1 M. Giesel, dont on connaît les beaux travaux SI diverses questions touchant à la radio-activité, pensäl avoir isolé un corps nouveau, qu'il avait désigné sou { Voir la Revue du 30 juin 1900, t. XI, p. 770. ————— le nom d'émauium, pour rappeler sa propriété la plus caractéristique, qui est de donner naissance à une émanation beaucoup plus active qu'il ne l’est lui-même. Or,-une propriété toute semblable à été signalée par M: Debierne pour l’actinium, dont on lui doit la décou- verte. Ce corps, extrémement actif, et qui suit les terres rares dans le fractionnement des résidus de la echblende, abandonne, contrairement à ce qui se passe pour le radium, son émanation lorsqu'il est lié à des corps solides, et non point lorsqu'il est en solution. La loi de la décroissance que présente l'activité de cette émanation est de moitié en quatre secondes, tandis que, pour la radio-activité induite, elle est de moitié en quarante minutes. Lémanation provoque la phosphorescence et la scintillation du sulfure de zinc. M. Giesel n’a pas indi- qué la constante du temps pour cette émanation; mais Miss Brooks, qui a étudié la constante de la radio- activité induite dans un produit préparé par M. Giesel, latrouve identique à celle que M. Debierne a donnée jour l’actinium. Enfin, tout récemment, M. Giesel, étant à Paris, a pu, avec M. et Mme Curie et M. Debierne, examiner les phé- lomènes phosphorescents provoqués par l’'émanium ._ 1 ils ont été trouvés identiques. Il y a donc tout lieu de croire que l’actinium et le nouveau corps dé M. Giesel sont une seule et même substance. Ce qui les distinguait surtout était le fait de la pré- cipitation de l’actinium, obtenue d’abord avec le tho- rium, alors que M. Giesel avail opéré une bonne concentration avec le cérium et le lanthane. Mais M. De- bierne avait déjà indiqué que le résidu après concen- tration par le thorium est très radio-actif; et il a pu, tout récemment, avec la collaboration de M. Urbain, obtenir une concentration presque complète de lacti- vité de l’actinium sur le néodyme et le samarium. Le procédé de concentration serait ainsi d'importance secondaire, ce qui ferait disparaitre la dernière diver- gence signalée par M. Giesel. Il n’est pas hors de propos d'insister sur la satisfac- tion que causera à tous les amis du progrès scientifique ce nouvel exemple d’une pratique excellente, et qui tend heureusement à se répandre; dans le cas d’un désaccord devenu évident par des publications faites en divers pays, rien ne peut en dégager rapidement la cause comme un travail fait en commun; on évite ainsi des discussions longues, souvent épineuses et presque toujours stériles, dontle moindre inconvénient est d'encombrer les périodiques et de lasser le lecteur en lui faisant perdre son temps. On réduirait peut-être de moitié le flot désespérément montant de la littéra- ture scientifique si les chercheurs arrivaient à élucider entre eux les causes de leurs désaccords, et n'appor- taient que des opinions déjà passées au crible de la discussion entre les premiers spécialistes. Cette fois, lexemple vient de haut; espérons qu'il trouvera de nombreux imitateurs. $ 7. — Sciences médicales Pénétration des larves d’Ankylostome à travers la peau. — L'agent pathogène de la mala- die des mineurs pénètre dans l'organisme, comme on le sait depuis les expériences de Leichtenstern, par lintermédiaire de la nourriture ou de la boisson: il parcourt l'æsophage et l'estomac pour s'arrêter au début de l'intestin grêle, où il se fixe et atteint sa maturité sexuelle. Mais il parait, de par les expériences précises de Looss et tout récemment de Schaudinn', que ce nest pas le seul mode d'infection possible; les larves Seraient capables de pénétrer à travers la peau, en passant par les follicules piléux; de là, elles gagnent les veines superficielles ou les lymphatiques, puis le CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 965 cœur droit et les capillaires pulmonaires, tombent dans les alvéoles et émigrent par les bronches, la trachée, l'arrière-bouche jusque dans l'æsophage, d'où elles gagnent le duodénum ; si incroyable que le fait paraisse, il est impossible de le révoquer en doute. Looss à montré au Congrès international de Berne (14-20 août) des préparations très démonstralives, ses expériences ayant porté sur le chien; Schaudinn, de son côté, a infecté par la peau deux jeunes singes (/nuus sinicus) ; la peau du dos entre les deux épaules (les poils étant coupés ras aux ciseaux) reçoit quelques gouttes d'une culture d'Ankylostome; le singe est immobilisé, jusqu'à ce que le liquide soit désséché, et la place d'infection est ensuite lavée à l'alcool absolu pour éviter toute pos- sibilité d'infection par voie buccale. Quelques heures après, on trouve des Ankylostomes dans les follicules pileux et l'épaisseur de la peau; si l’on attend vingt- quatre heures, les larves sont déjà dans le duodénum. 11 faudra donc compter, dans la défense des ouvriers contre l’ankylostomiase, avec les deux modes d’infec- tion possibles, celui par voie buccale, sans doute le plus fréquent, l'autre par la peau intacte. Les origines et la prophylaxie de FPap- pendieite. — M. le D' Lucas-Championnière, chi- rurgien de l'Hôtel-Dieu de Paris, vient de revenir sur ce sujet toujours d'actualité ‘. Contrairement au Pro- fesseur Lannelongue et à beaucoup d'autres auteurs, il pense que l'appendicite est bien une maladie nou- velle. Il fait remarquer que la typhlite et la colique du miserere, que l’on a voulu identifier à l'appendicite, étaient des maladies rares, tandis que celle-ci est extrèmement fréquente. Il constate qu'elle apparaît dans certaines régions et dans certaines familles, qu'elle suit la grippe, qu'elle coïncide avec une fré- quence très considérable des infections intestinales, et surtout il insiste sur ce point qu'elle se développe à peu près uniquement dans les pays où l'on use et où lon abuse de la viande; enfin, elle est toujours plus grave, d'après lui, chez les personnes qui en abusent. Sans doute, une opération seule est capable de débar- rasser de l’appendicite, mais il semble qu'on pourrait la prévenir par le régime semi-végétarien et par le retour à l'usage périodique de la purgation. Ce sont les conclusions qui ont été, en quelque sorte, dictées à M. Lucas-Championnière par une enquête qu'il a faite et qui lui a montré que, si la grippe semble avoir pré- cédé partout l'apparition de l’appendicite, celle-ci ne se montre à peu près exclusivement que chez les mangeurs de viandes (Américains, grandes villes de France et de l'Etranger); elle est, au contraire, l'excep- tion chez les végétariens (1 cas sur 22.000 malades en Roumanie), dans les prisons (Clairvaux, Roquette), dans les couvents, etc. Ces faits sont excessivement intéressants, car, si cette enquête est confirmée (ce qui apporterait un solide appui à la théorie de M. Metchni- koff, qui en fait une maladie parasitaire), il n°y aura qu'à ordonner une hygiène bien comprise, où les végétaux abonderont, pour voir diminuer, dans des proportions remarquables, la quantité, vraiment effrayante, des cas d’appendicite. La question de la puériculture au Congrès d'Arras. — La mortalité infantile menace l'avenir de la France. Comme l'espoir d'une recrudescence de la natalité doit être abandonné, il faut multiplier nos efforts en faveur des tout petits enfants et les empê- cher de mourir. C’est la thèse que M. Ausset (de Lille) a brillamment développée au Congrès d'Arras*. Or, la natalité est surtout florissante parmi les populations rurales, maritimes et ouvrières, qui sont justement les plus décimées par la mortalité infantile (gastro-entérite et broncho-pneumonie). C'est le lait qui est la cause ! Ueber die Einwanderung der Ankylostomum-larven von der Haut aus. Deutsche Medizinische Wochenschrift, 1904, n° 31. | 1 Académie de Médecine, 5 juillet 1904. ? Congrès de la Mutualité à Arras. Voir Presse médicale, 1904, n° 72. 966 principale de ce mal de misère. Le remède à tant de désastres est le lait de la mère ou, à défaut, le bon lait naturel de vaches saines, et c'est pourquoi l’auteur de- mande avec insistance l'extension des gouttes de lait el des consultations de nourrissons, dont nous avons déjà dit le noble effort et les bons résultats. Mais il faut aussi des mères, à fait remarquer M. Oui (de Lille), qui partage les idées de M. le Professeur Pinard, car la sauve- garde du nourrisson n’est pas suffisante : il faut cher- cher à préserver l'enfant pendant la vie intra-utérine, avant même sa procréation, en créant des refuges pour femmes enceintes et en instituant l'éducation mater- nelle des jeunes filles et même des fillettes. Enfin, M. Foubert est venu dire les bienfaits de la mutualité maternelle, qui assurerait à toutes les mères pauvres l'assistance à laquelle elles ont droit. Il serait à souhai- ter que les conclusions de cette discussion si intéres- sante ne restassent pas à l’état de vœux platoniques, car la mutualité, qui est actuellement une force, peut faire beaucoup à ce point de vue ; el ce serait un très beau résultat que de faire baisser de moitié seulement le taux de la mortalité infantile qui, dans certains centres comme Saint-Omer, atteint 50 °/, pendant la première année. $ 8. — Géographie et Colonisation La traversée du Pas-de-Calais. — Le détroit du Pas-de-Calais a environ une trentaine de kilomètres de largeur; sa profondeur maximum est de 50 mètres. Le terrain sous-marin ainsi que les falaises à pie qui bordent le détroit de part et d'autre appartiennent aux formations crétacées. Des sondages méthodiques et renouvelés ont appris qu'au-dessous d'une couche de craie blanche fissurée et pénétrable par les eaux, le seuil du détroit renferme une couche de craie grise qui est, au contraire, compacte, homogène, imperméa- ble, et «présentant la triple condition d’être assez tendre pour se laisser pénétrer avec facilité et rapidité, assez consistante pour écarter tout danger d'éboulement, suffisamment compacte, enfin, et dépourvue de fissures pour qu'on n'ait pas trop à craindre l'irruption des eaux de la mer‘». Et cette craie grise repose elle-même sur le Gault par l'intermédiaire d’une couche puissante de grès vert supérieur. De plus, grâce aux courants produits par le jeu des marées et qui traversent continuelle- ment le détroit, la roche forme «un plateau lisse et régulier, presque horizontal, qu'il est aussi bien pos- sible de perforer que d'utiliser pour en faire la base d'appui ou le socle de scellement de piles gigantesques devant supporter un ouvrage colossal établi au-dessus des eaux». Ajoutons encore que sur la ligne directe Douvre-Calais apparaissent deux bancs sous-marins (de Varnes et de Colbart), dont la profondeur n'excède pas dix mètres. Ainsi, au point de vue technique, le détroit se prête à des modes différents de traversée. L'idée première a été celle d’un souterrain : elle fut défendue par les ingénieurs Mathieu et Thomé de Gamond, et c’est probablement celle qui, aujourd'hui encore, à le plus de chance de réussite. En laissant de côté, d'une part la solution consistant à faire rouler sur un pont noyé, à 15 mètres au-dessous des plus basses eaux, un chariot émergeant au-dessus des plus hautes mers et pouvant porter à la fois quatre trains de chemin de fer, et, d'autre part, le projet d'organiser un navire spécial, sorte de ferry-boat ou de bac permettant de recevoir directement les trains de chemin de fer, qui passeraient ainsi, sans rompre charge, du territoire français sur le territoire anglais elinversement, il reste le projet de pont et celui de ! Cx. Lenraéric : La traversée du Pas-de-Calais. Bac, Pont ou Tunnel? in Revue des Deux-Mondes, 4°" juin 1904. — Cf. également : Pierre LeroY-BEAULiEU : Le tunnel sous la Manche, in Æconomiste français, 11 juin 1904. — F. ArNo- DIN : La traversée de la Manche. Pont ou tunnel? Rapport à la Chambre de Commerce d'Orléans. À br., Orléans, 4904. | n’améliorerait nullement la situation : « Si le nombre CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE tunnel. Nous avons vu que ces deux projets sont géol giquement possibles. Deux critiques importantes so adressées au premier: d'un côté, son coût élevé, éval à 800 millions de francs; d’un autre côté, les obstacll qu'entraîneraient pour la navigation les piles, qui cons: titueraient autant d'écueils artificiels. Et, dans ut détroit aussi sujet aux brumes, aux grains de ve aux bourrasques de neige, et aussi fréquenté par d navires de toutes catégories, la seconde objection e fort grave. Elle n’atteint pas le projet de tunnel, dont é solidité est garantie par la nature des couches géolos giques relevées et dont le coût serait quatre fois moins elevé que celui du pont, soit environ 200 millions. Oh si l'on évalue approximativement le rendement pos sible de cette entreprise, on voit que seul le tunnel se rait assuré d’une large rémunération. Il faut espérer que, pour le plus grand profit des de nations intéressées, l'Angleterre cessera l’oppositio qu'elle fit au projet vers 1882, et comprendra qu’en S qualité de «plus grande distributrice de marchandise du monde », elle a le plus d'intérêt au perfection ment des voies par lesquelles s'opère cette distribu ton. D'autre part, la suppression complète du trans bordement entre le continent et le grand archipel bris tannique serait de nature à maintenir en France une partie du transit de l'Angleterre avec l'Ouest et la plus grande partie de l'Europe. Nous pourrions ainsi ranf mer un peu le grand courant de Calais à Marseille, qui tend à s'affaiblir de plus en plus. P. Clerget, Professeur à l'Ecole de Commerce du Locles $ 9. — Enseignement L’examen d'entrée à l'Ecole Polytechnique — L'année 1904 aura vu une nouvelle et importante transformation dans les programmes d'entrée à l'Ecole Polytechnique et aux autres grandes écoles scienti fiques. Nous sommes, il est vrai, habitués de longue date à voir ces programmes varier d'année en année: Ces variations, qui étaient d'ailleurs sans inconvénients; n'ont longtemps, il faut bien le dire, manifesté aucune idée directrice bien nette. Si nous ne nous trompons elles ont quelquefois consisté à rétablir une année c& qu'on avait supprimé l’année précédente, ou inverse ment. Cette fois, il s’agit d’une réforme plus profonde, non seulement parce qu'elle a été préparée avec une certaine solennité, qu'elle a fait l'objet des travaux d'une Commission interministérielle recrutée parmi tout ce que les écoles scientifiques elles-mêmes; l'armée, le génie civil, l'Université, l'Institut pouvaient fournir d'hommes compétents; mais aussi parce que chez ces hommes, un mouvement d'idées important s'opère depuis quelques années, qu'ils commencent, prendre conscience du but à atteindre et de la voie dans laquelle il convient de se diriger. Nous disons « commencent »; car, ce que l’on peut craindre, pour la réforme actuelle, c’est que l'accord ne soit pas encorë fait sur les idées qui l'inspirent, qu'elle ne porte l& marque de divergences et d’hésitations nombreuses" qu'elle ne puisse pas, dès lors, être considérée comme complète et définitive. L'apparition de cette réforme n'a pas été, en touts cas, sans soulever un certain émoi parmi les professeurs de Mathématiques spéciales. Le nouveau programme a effrayé par sa longueur il se caractérise par beaucoup d'additions, peu dem retranchements. 11 faut, semble-t-il, laisser l'expé=« rience juger de l'opportunité de ce système. Il es clair qu'il rend singulièrement difficile la tâche, déjà si lourde, des professeurs. Accroîtra-t-il, comme on est tenté de le craindre au premier abord, le surmenage des candidats? Ce n’est pas bien sûr. Au moment où la question du surmenage intellectuel dans les lycées était le plus à la mode, il a paru, fort justement, qu'une dimi nution des programmes d'entrée à l'Ecole Polytechnique CHRONIQUE ET CORRRESPONDANCE 967 a —_—_]— — — — ———]—]——— ————————— —————————————Z_ ZE 2 M 46. des matières exigées pour l'entrée à l'Ecole venait à diminuer, a-t-on écrit, les candidats s'attacheraient à les posséder plus à fond. » L'inverse sera très proba- blément vrai, et c'est là peut-être, ainsi que le pensail Sarrau et que l'a admis la Commission, le grand avan- tage de la réforme. Les candidats continueront, au moins les bons, à avoir une connaissance solide du rogramme ; Mais, par la force des choses, ils seront obligés de ne plus s'assimiler les innombrables « colles » dont ils faisaient collection jusqu'à présent. Si cel espoir se réalise, on aura ainsi rendu le plus grand des services à la jeunesse et à la science françaises. L'enseignement des Ecoles à donc été déchargé — au profit des cours de Mathématiques spéciales des lycées, s'il est permis de s'exprimer ainsi — de quelques chapitres assez gros : quadratures portant Sur un radical du second degré, quadratures trigono- métriques, intégration des équations différentielles du premier ordre et des équations linéaires les plus simples, en un mot, de toutes les parties élémentaires et usuelles du Caleul intégral. À côté de ces additions au programme des lycées, auxquelles on ne peut rien reprocher sinon la place qu'elles tiennent, une autre entraine plus loin encore, en un sens, les élèves de nos lycées. Ils auront à apprendre la théorie de la courbure des surfaces. C’est pénétrer à fond dans le calcul différentiel, dont cette théorie est loin d'être une des parties les plus simples. On ne voit aucune espèce de raison, à ce compte, pour exclure du programme de Mathématiques spéciales les lignes de courbure, les lignes asymptotiques, les lignes géodésiques, en un mot toutes les applications géomé- triques du Calcul intinitésimal, D'autre part, la réforme actuelle n’a pas évité l'ac- cident auquel nous faisions allusion en commençant : elle annule, sur un point, l'œuvre d'une réforme pré- cédente. Le programme de 1903 rappelait, à juste Utre, « quels graves inconvénients présente, pour la forma tion des débutants, le développement prématuré et trop rigoureux des théories qui touchent aux prin- cipes. Il est dangereux — ajoutait-il — d'insister sur des subtilités que seules des intelligences déjà rompues aux abstractions peuvent nettement percevoir, el un tel enseignement, même compris, ne saurait que rebuter de jeunes esprits, en leur dérobant, sous un appareil compliqué, l'intime simplicité des Mathématiques ». Il excluait, en conséquence, d'une manière absolue la théorie des incommensurables. Le programme publié en 1904 rétablit cette théorie. Il paraît cependant dif- ficile de contester que le principe posé en 4903 ne fut la sagesse même. Le nouveau programme conseille, il est vrai, aux professeurs de ne pas s'étendre sur cette question et ajoute qu'ils pourront admettre l'exten- Sion aux nombres incommensurables des règles de calcul démontrées pour les nombres rationnels. Il est à craindre que cela ne suffise pas, en l'absence de défense formelle et précise, à empêcher ce sujet de prendre aux examens — et, par conséquent, dans l'enseignement — une importance qui sera toujours et forcément exagérée. Une autre innovation sera, par contre, bien accueillie par les mathématiciens, aux yeux desquels elle s'im- posait depuis longtemps. La légitimité des dévelop- pements en séries entières sera tirée de l'étude de leurs propriétés, c’est-à-dire de leur véritable origine : la classique démonstration de la série de Taylor cessera done de jouer, dans les classes de Mathématiques Spé- ciales, le rôle nécessaire qu'elle y avait usurpé, contrai- rement à la véritable nature des choses. Du coup, le « reste de Cauchy » aura vécu. Disparues avec lui, les pénibles et artificielles démonstrations par lesquelles on apprenait à développer L(1 + x), are tg x, ( + x)". Avec la règle de Duhamel, si heureusement supprimée déjà, cela épuise à peu près la liste des imutilités que les analystes de profession auraient, pour là plupart, été obligés de rapprendre s'ils avaient voulu se faire recevoir à l'Ecole Polytechnique. Là se bornent les retranchements dans le domaine de l’Algèbre et de l'Analyse. Ceux qui ont été opérés en Géométrie analytique se réduisent malheureu- sement à peu de chose, malgré les efforts de la Commission : un peu de théorie des courbes algébriques — on ne pouvait guère réduire ici plus qu'on ne l'a fait — et quelques propriétés des coniques. Sur ce dernier point, on aurail pu, semble-t-il, être plus radical et, non content d'écarter la construction des axes d’une conique dont on connaît deux diamètres conjugués, ou la recherche des diamètres conjugués égaux de l’ellip- soïde, laisser définitivement en repos les cendres d'Apollonius. Ses théorèmes, fort beaux lorsqu'ils ont été découverts, n'ont plus aujourd'hui que la valeur d'exercices, ni plus ni moins intéressants que vingt autres que personne ne songe à mettre en évidence. Pourquoi aussi attirer l'attention, par une mention spé- ciale, sur les normales aux quadriques? La suppression de ces matières aurait pu compenser l'introduction, véritablement nécessaire, du rapport anharmonique el de l'homographie. Mais la caractéristique du mouvement actuel est de rapprocher les sciences et leur enseignement de la réalité et de l'expérience. La Commission devait s’ins- pirer et s'est inspirée de cette tendance : on ne peut lui reprocher que de ne pas l'avoir fait assez résolu- ment. Elle s’est intéressée, en premier lieu, à l'épreuve du calcul numérique : elle entend que cette épreuve ne soit plus bornée à une résolution de triangles, mais puisse porter sur une quelconque des applications, si variées, que comportent les Mathématiques spé- ciales. D'autre part, le programme de Mécanique a été un peu augmenté la Cinématique du solide y a été adjointe, ainsi que la notion de champ de forces. Augmentation, aussi, sur le programme de Physique : on y ajoute l'Optique, une étude plus approfondie de la pesanteur, etc. En présence de la grande extension donnée aux autres parties de l'examen, peut-être aurait-il mieux valu, sans imposer ici de nouvelles connaissances, rendre plus sérieuses celles qu'on exigeait, leur assurer d'une manière certaine le carac- tère pratique et expérimental qu'on devait et qu'on voulait leur donner. C’est sur ce point que la réforme a été le plus timide. Il a été proposé à la Commission de faire passer les examens de Physique dans des laboratoires, en présence d'appareils dont les candidats auraient indiqué le fonctionnement et à l'aide desquels ils auraient exécuté des expériences. Elle n’a pas osé entrer dans cette voie, et s’est contentée d'autoriser les examinateurs à jeter un regard sur les cahiers de mani- pulations. Dans ces conditions, il est à craindre que le sage conseil, donné aux professeurs de Physique, de rendre leur enseignement aussi expérimental que pos- sible, ne reste stérile. Le labeur supplémentaire que la Commission im- pose aux futurs polytechniciens a, d'ailleurs, failli leur être évité pour cette année. Le Conseil de perfection- nement de l'Ecole polytechnique avait, en effet, usé assez largement de la faculté qui lui était laissée de considérer cette liste comme un maximum et d'en écarter certaines parties. Mais sa décision n'a pas été ratifiée, et le programme de la Commission est main- tenu dans son intégralité. Nous avons dit qu'il n'y à point à cela d'inconvénient réel. 968 JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT LES TISSUS DE REMPLACEMENT PREMIÈRE PARTIE : L'HISTOLYSE Tout organisme vivantse transforme et se renou- velle continuellement. À toutes les phases de son existence, — croissance, période dite d'état, sénes- cence, — nombre d'éléments cellulaires disparais- sent, et d’autres les remplacent. Bien que l'histogenèse prédomine dans la pre- mière phase, souvent on y constate déjà des phé- nomènes d'histolyse qui correspondent à des mé- tamorphoses plus ou moins considérables. A leur suite apparaissent des processus néoformateurs, une histogenèse nouvelle, donnant, par une sorte de régénération, des tissus de remplacement. Des faits de ce genre se retrouvent dans les groupes zoologiques les plus divers : le présent article a pour but de comparer et de classer, si possible, les résultats, parfois contradictoires en apparence, obtenus d’une manière indépendante par de très nombreux spécialistes. Nous serons amené à parler non seulement des métamorphoses proprement dites (et parliculièrement chez les Insectes), mais aussi des phénomènes de résorp- tion cellulaire et de sénescence, qui sont à la base des processus d'histolyse ; nous devrons parler également de la régénération et des processus néo- plasiques, qui, dans le domaine de la Pathologie, sont comme une transposition de phénomènes analogues. L'histolyse et l'histogenèse obéissent-elles à des lois générales; leurs processus sont-ils toujours identiques, ou, au moins, comparables ? Le problème de l'histolyse est le suivant : Dans quelle mesure un tissu dégénère-t-il par lui-même, dans quelle mesure et par quel mode subit-il l'ac- tion d'éléments étrangers; quels sont ceux-ci ? Le problème de la néo-histogenèse, d'autre part, consiste à trouver l'origine des tissus de rempla- cement. On sait quel fut l'élan donné aux recherches sur l'histolyse par la découverte du processus phagocy- taire, à tel point que la phagocytose passe encore, assez couramment, pour le mode fondamental et unique de toute histolyse. D'autre part, la notion de spécificité cellulaire et de spécificité des feuillets embryonnaires, vigou- reusement soutenue par nombre d'auteurs, est souvent présentée comme une sorte de dogme de l'Embryogénie, implicitement étendu à toutes les néoformations. En examinant les faits qui paraissent le mieux établis, nous chercherons à montrer les parts res- | peclives d’exagération et de vérité que contiennen ces doctrines. Si, en fin de compte, les phénomènes naturel perdent à nos yeux de leur simplicité et sortent de cadres que nous avions tendance à leur impose nous saisirons de plus près la réalité des faits leur harmonieux enchainement. C'est ainsi qu'à côté de la phagocytose propre ment dite, véritable digestion intra-cellulaire s'exerce également l'action humorale, autre mode extérieur celui-là, de l'activité cellulaire. C'est ainsi que la spécificité absolue des feuillet et des tissus est parfois mise en défaut : elle est tout au moins, limitée à la première embryogenèse, et laisse de côté les processus de néo-histogenèse, de bourgeonnement et de régénération, qui subis sent d’une manière plus spéciale des influences bio= mécaniques. I. — La PHAGOCYTOSE. $ 1. — La Phagocytose typique. Le point de départ des recherches modernes sur l'histolyse a été le célèbre Mémoire sur la digestion intra-cellulaire, où Metchnikoff® montra que cer- taines cellules du mésoderme, chez de nombreux Invertébrés, peuvent éliminer, par ingestion, des substances étrangères à l'organisme. Ainsi se trou- vait étendue à des éléments anatomiques de Méta- zoaires la facullé de l'Amibe, qui entoure de ses pseudopodes les petits corpuscules rencontrés au passage : la phagocytose consiste dans l’englobe- ment de particules solides par une cellule man- geuse, suivi de leur digestion intra-cellulaire. Les phagocytes mésodermiques, par une attaque directe des substances à éliminer, sont à la fois des défenseurs de l'organisme et des agents de transfor- malions. Les observations de Metchnikoff portèrent sur” des Echinodermes (Æchiurus, Auricularia, Bipin- maria), des Mollusques (Phillirrhoe), des Cléno- phores (Zero), des Tuniciers (Botryllus), des ® Mercaxikorr : Untersuchungen über mesodermalen Pha- gocyten einiger Wirbelthiere. Biol. Centralblatt, 1883. Mercuukorr : Untersuchungen über die intracelluläre Verdauung bei wirbellosen Thieren. Arbciten Zool. Inst. Wien., t. V, 1883 (paru en 1884). MercaxiKorr : Lecons sur la pathologie de l'inflamma- tion. Paris, 1€92. Mercanikorr : Etudes sur la résorption des cellules. Ann. Institut Pasteur, t. XIII, 1899. JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT Gastéropodes Opistobranches. Ses expériences con- sistèrent principalement à suivre l'ingestion de grains de carmin par les phagocyles, qui, dans ces cas, étaient des plastides amiboïdes du sang (fig. 1). Parfois même, les amibocytes se fusionnent en une cellule géante jouant le rôle d'un phago- cyte de grande taille. Les éléments mésodermiques ne sont pas les seuls à être capables de faire de la phagocylose : des cellules de l’ectoderme peuvent agir de même, comme Metchnikoff l'a montré chez le Plumularia et Faussek chez le Glochidium. Fig. 4. — I. Cellule amiboïde de Bipinnaria ayant englobé du carmin. — II. Amibocyte de Phillirrhoe ayant englobé des corpuscules sanguins de Discoglossus. — TI. J'orma- tion d'une cellule géante de Phillirrhoe absorbant du carmin. — IV. Œuf de Sphærechinus entouré par les leucocytes de Phyllirrhoe. (D'après Metchnikoff.) Quand les particules ingérées sont des cellules de l'organisme lui-même, on dit qu’il y a histolyse phagocytaire : c'est à ce processus que l’on assiste dans les métamorphoses des larves Auricularia des Synaples et Pipinnaria des Astéries. Mais, si, dans les Mémoires qui s'occupent de l'histolyse, le mot phagocytose est souvent employé, il est beau- coup plus rare que les figures — quand il y en a — représentent l'englobement, qui, d’après Metch- nikoff, caractérise ce phénomène de digestion intra- cellulaire. Cela tient, disons-le tout de suite, à ce que la phagocytose n'a pas élé observée aussi sou- 969 vent qu'on tend à le croire, et que ce processus, malgré son importance, n'a pas l’universalité qu'on lui altribue communément dans les processus de l'histolyse. Passons d'abord en revue les exemples où la phagocytose proprement dite a été bien observée et figurée d'une manière démonstrative. Hj. Théel' a suivi de près l’histolyse chez les Echinides : la métamorphose de la larve Pluteus est considérable, puisqu'elle nécessite la résorption non seulement de lissus mous, mais aussi de tiges calcaires qui formaient une charpenle interne; enfin, l'orientation et la symétrie sont complète- ment modifiées dans l'histogenèse consécutive. L'observateur suédois a pu voir, in vivo, par transparence, la résorplion et la destruction du squelette calcaire par le moyen de cellules ami- boïdes à grands pseudopodes, qui entourent les spicules et les dissolvent par une sorte d’aclion corrosive et par digestion inlra-cellulaire (fig. 2). Fig. 2. — Divers stades de la résorption d'un spicule cal- caire d'Echinoderme par un amibocyte. (Observé sur le vivant par Hj. Theel.) Ces cellules mésodermiques sont, d’ailleurs, diffé- rentes des calcoblastes, qui, à un stade moins avancé, avaient élaboré la substance inorganique. Agissant soitisolément, soit après fusion en cellules géantes, ces éléments se comportent comme de véritables phagocytes. L'histolyse phagocytaire a élé signalée dans de nombreux cas de métamorphoses; mais elle n’en est pas nécessairement le phénomène initial, comme l'a montré Calvet chez les Bryozoaires”. Au moment où les produits sexuels sont arrivés à maturité, le polypide s'immobilise, se détache de la paroi de sa loge, et se rétracte en une masse où se confondent plus ou moins les tentacules et le tube digestif. La partie antérieure (gaine tenlaculaire, œsophage) se désagrège, tandis que le reste du tube digestif (estomac, rectum) se condense en un corps brun d'où disparaît bientôt toute structure cellulaire (fig. 3). Mais le revètement péritonéal ne se désa- grège pas : les leucocytes de la cavité générale, 1 Hoazmaz Tuéer : Notes on the formation and absorption of the skeleton in the Echinoderms. Ofversigl af Kong]. Vetenskaps Akademiens forhandlingar, Stockholm: Comptes rendus de l'Ac. des Sc. de Stokholm, t. LI, 1894, p. 345. 2 Cazver:!Les Bryozoaires ectoproctes marins. Thèse de la Fac. des Sc. de Montpellier, 1900. 970 JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT dont le nombre s’est accru, attaquent la partie supérieure de ce qui était le tube digestif, qu'ils englobent par fragments (leur teinte jaunâtre les faitre connaître au milieu des autres éléments). Le rôle de la phagocytose est bien moindre dans l'histolyse du muscle rétracteur, dont les fibres dégénèrent et forment des sarcolvtes analogues à ceux que l’on retrouve chez certains Insectes. Ces sarcolytes sont mis en liberté dans la cavité géné- rale : on ignore leur évolution ultérieure. Quant au corps brun, iln'est pas pha- gocyté, mais il sera expulséen bloc, après être passé de la ca- vité générale dansun tube digestif de nou- velle formation. Chez les Phoroni- diens, Roule‘ a décrit une histolyse analo- gue au moment de la métamorphose de la larve Actinotroque en Phoronis : après s'être rétractés, les tentacules et le lobe préoral se détachent ; une sorte de poche interne, qui s'ouvre sur la face ventrale, se dévagine et consli- tue la nouvelle paroi du corps. Les fibres musculaires du lobe Les Tuniciers, par leur faculté de bourgeonne= ment et par leurs métamorphoses, peuvent être rap prochés des Bryozoaires au point de vue biologique On sait que, dans les colonies âgées d'Ascidies com- posées (Distaplia, Morchellium), on observe, d plice en place, des amas compacts, matériaux d dégénérescence représentant le corps d’individu histolysés. La régression de ces individus, ains que celle du post-abdomen des Polyclinidés, a ét bien décrite par Caullery”. Cet auteur, bien qui attache une impor tance prépondérant à la phagocytose dans l'histolyse, arrive aux conclusions suivan- tes : Chez les Dista plia, Vhistolyse con siste au début en un simple dissociatio des éléments cellu- laires (de l’estomac,. du ganglion nerveux du cœur et de l'ec- toderme) ; dans une deuxième phase d processus intervien nent des cellules ami- boïdes, qui jouent le rôle de phagocyte vis-à-vis des débri tissulaires (ovules fragmentés, cellules. musculaires en dégé- nérescence, etc.), et deviennent des sphè- res à contenu soit, L2 préoral sont détruites 2/8) À D par phagocytose. Les 787 LL S_ _ filamenteux, soil gra- phagocytes ont, ici, HI N nuleux, dont l'évolu- une double origine: … . : ; : es tion ultérieure est. MES Fig. 3. — Métamorphose d’un Bryozoaire (Bugula Sabatieri). — D = : les uns sont de véri- 1. Individu normal. — 1]. Groupe d'individus, celui de droit difficile à suivre. tables leucocytes: d’autres sont des élé- ments détachés de la étant en histolyse: chr., corps brun; , leucocytes: ms, cellules du mésenchyme; t, tentacules rétractés dans leur gaine : æ, æso- phage; e,estomac: ce, cœcumi: r, rectum; f, funicule; mr, museles rétracteurs ; p, muscles pariétaux ; 0, ovaire; sp, spermato- blastes. — III. Leucocytes. — IV. Sarcolytes, vus à un plus,fort Malgrél'absence d figure se rapportan à ce point particu- somatopleure et de- venus amiboïdes. Au reste, cette attaque des éléments musculaires par les phagocytes est précédée par une dégénéres- cence des fibres et de la paroi du corps. Le tube digestif échappe à cette régression en passant dans la poche dévaginée qui forme le corps définitif®. Rouze : Métamorphose de la larve Actinotroque. C. Rendus Soc. Biologie, 1900, p. 439 et 441. * Les nouveaux muscles dérivent de cellules de l'ancienne somalopleure : ces myoblastes « imaginaux » sont done grossissement. L lier, il semble bien que l’auteur ait ob- servé l'ingestion qui caractérise la digestion intra cellulaire; néanmoins, en d'autres passages de son travail (histolvse du post-abdomen des Poly- clinidés, nutrition du bourgeon), il formule des réserves qui trouveront mieux leur place dans un des paragraphes suivants. N] : Contribution à l'étude des Ascidies compos sées. Bull. Scientif. de la France et de la Belgique, t. XXVI 1895. frères des phagocytes de la deuxième catégorie mentionnés ci-dessus. 1 CAULLERY JULES ANGLAS — LES T I SSUS DE REMPLACEMENT 971 . — Organes phagocytaires et organes agglutinants. Dans certains interradius des Synaptes existent, comme l'a montré Cuénot', des sortes d’enton- noirs pédonculés, disposés par paquets alignés. Les cellules de la paroi interne sont ciliées : chaque éntonnoir contient de nombreux phagocytes capa- bles d’agglutiner et d'englober des corpuscules, par exemple d'encre de Chine (fig. 4). Les Sipunculiens possèdent des urnes analogues, ap000 Fig 4. — Organes agglutinants et cilio-phagocytaires. — Î. Urne libre d'un Sipunculien (Physconosoma granu- Jatum); v, cellule vibratile ; d, cellules en dégénérescence. (D'après Cuénot.) — II. te de Synapta digitata : f, pe- doncule (d'après (Céenot}: , encre de chine; pl, plasmode en dégénérescence. — I. "e oupe de Hemiclepsis margi- natla : ph, organe phagocytaire: sp., spermatozoïdes en- FE s, spermatophore implanté sur le tégument: , amas de spermatozoïdes; ce, cœlome où sont des sper- M rdides s; ov, coupe de l'ovaire avec un ovule et deux masses nutritives: {, testicule: mm!, muscles. D'après Brumpt.) — IV. Eléments phagocytaires d'Hirudinées plus grossis : 1,2, 3, cellules de l'organe phagocytaire; 4, phagoc yte testic ulaire : 5, 6, 1, phagocytes du cœlome. fixées à l'intestin, ou libres dans la cavité générale : elles présentent à l'avant une volumineuse cellule ciliée. Dans l'intérieur des urnes sont dissous les détritus cœlomiques, soit par l’action des phago- 1! Cuénor : Organes agglutinants et organes cilio-phago- cylaires. Arch. Zool. expérimentale, 3° série, {. X, 1902, p- 80. Cuénor : Arch. de Zool. expérimentale, 1892, no 2. (Notes et Revues, IL.) cytes, soit par une diastase sécrélée à l'intérieur de cet estomac minuscule : dans ce cas, il ne s'agi- rait plus de phagocytose proprement dite, mais d'action diastasique externe, assez comparable, en somme, à ce qui se produit dans le tube digestif des animaux. Cet exemple offre une transilion très naturelle avec ce que nous décrivons plus loin sous le nom de lyocytose. Certaines Hirudinées présentent également dans leur cœlome des organes ciliés phagocytaires en forme de bouteille, dont Brumpt a étudié la struc- ture et la fonction‘. Leur rôle est d'absorber et de détruire l'excès de spermatozoïdes qui à pénétré à la suite de la curieuse fécondation hypodermique observée chez ces Vers par le même auteur. Les pha- gocytes de ces organes ciliés sont les mêmes que ceux de la cavité générale : on les retrouve dans les organes génitaux, où ils font disparaitre, par diges- lion intracellulaire, les masses résiduelles de la spermatogenèse. Les organes agglutinants et cilio-phagocytaires des dre dérivent d'entonnoirs néphridiens modifiés : il en est de même chez les Polychètes”. Chez les vers Oligochètes, c'est l'épithélium néphri- dien qui se différencie en dessous de l’entonnoir et forme une sorte de filtre où sont phagocytées les substances injectées dans le cælome, bleu ou encre de Chine (Schneider) *. Depuis longtemps, Guénot a fait connaitre les organes phagocytaires de beaucoup d’autres Inver- tébrés, indépendants des phagocytes libres que l'on retrouve un peu partout : du sang frais et défibriné de Mammifères est injecté dans la cavité générale, el la résorption des hémalies peut être observée et facilement suivie par la coloration jaunâtre communiquée aux organes phagocytaires. Chez les Gastéropodes pulmonés (H/elix, Arion, Limax), ces organes sont représentés par de grandes cel- lules vésiculeuses du tissu conjonctif, dénommées cellules de Leydig. Dans le manteau de Lamelli- branches tels que l’'Anodonte, existent des éléments analogues, comme l'a montré Moynier de Ville- poix *. Enfin, chez l'Écrevisse, les organes phago- cylaires sont représentés par les glandes bran- chiales. Il n'existe pas d'appareils analogues chez les 4 E. Bruwpr : Reproduction des Hirudinées. Thèse de la Fac. Se. de Paris, janvier 1901. (Imprimerie Le Bigot, Lille.) ? Goopricu : On the uephridia of the Polycheta. Quart. Journ. microsc. Sc., t. XII, 1898, p. 439; 1893, t. XXXIV, p- 387; 1900, t. LXLITI, p. 899. # Scaxeiper : Ueber phagocytäre Organe und Chloragogen- zellen der Oligochäten. Zeitschrift f. wiss Zool., t. LXI, 1896, p. 363. Scaxeiber : Ueber Phagocytose und Excretion bei den Anneliden. Zeitsch. f. wiss Zool., t. LXVI, 1899, p. 497. #* Moynier DE ViLcepoix : Journ. de l'Anat. et de la Phy- siol., 1893, fasc. I. Insectes, dont les leucocytes eux-mêmes sont rela- tivement peu actifs et n’englobent pas les hématies inoculées dans leur cœlome. $ 3. — La Phagocytose chez les Insectes. Parmi les animaux terrestres, les Insectes ont fourni des exemples, devenus classiques, de la pha- gocylose leucocylaire. Sous l'influence des idées de Metchnikoff, Kowalewsky', puis van Rees*, reprirent l'étude des métamorphoses des Diptères, dont le consciencieux travail de Viallanes n'avait point donné d'interprétation satisfaisante. Les muscles des Muscides, dès le débutde la nyim- phose, présentent une évolution {ypique : accole- ment des leucocytes; expansion de pseudopodes JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT Fig. 5. — Phagocytose des muscles pendant la métamor- phose &es Muscides. (D'après Kowalewsky.) — A. Début de l’histolyse; n,n', noyaux musculaires; /, leucocytes. — B. Histolyse plus avancée; morcellement de la fibre musculaire. — K. Kürnchenkugeln plus grossis; s, frag- ments de muscle englobés. : pénétrant dans la masse contractile et la découpant en fragments de plus en plus petits (fig. 5); englo- bement de ces fragments par les cellules man- geuses, qui, dans ce cas, sont remises en liberté dans la cavité générale avant que la digestion intra-cellulaire soit achevée ; les phagocytes encore chargés d’inclusions ont élé nommés par ces auteurs Xôrnchenkugeln, ou boules à noyaux. La destruction des muscles, dans la métamor- de certains Diptères, avec phagocylose leucocytaire, avec formation de Kürnchenkugeln, phose * Kowazewsky : Beiträge zur nachembryonalen Entwick- lung der Musciden. Zcol. Auz., t. VIII, 1885, p. 98. KowaLzewsky : Beiträge zur Kenntniss der nachem- bryonalen Entwicklung der Musciden. Zeitschr. f. wiss. Zool:,t. XLI, 1887, p. 542. ? Van Ress : Beiträge zur Kenntnis der inneren Metamor- phose von Muska vomitoria. Zool. Jahrb. Spengel Anat., t. III, 1888. a été vérifiée depuis par Henneguy‘ (sur le Calli= phora vomitoria), par Kellog” (chez le Blepha= rocera capitata), par Vaney* (chez le Gastrophilus equi). Les Kürnchenkugeln ont été vus également par Korotneff', par Berlese*, par Supino’, mais. ils ont recu de la part de ces auteurs des inter= prétations douteuses où même inexactes. La phagocylose a encore élé décrite chez. d’autres Arthropodes, pour les muscles d'un Crus= tacé, l'Aemioniseus balani, dont elle cause la dégé= nérescence dans les cas de mélamorphose?. Kowalewsky décrivit pour d’autres tissus des phé- nomènes analogues; l'hypoderme, les glandes sali- vaires tardives sont également, dans l'espèce qu'il a étudiée, la proie des phagocytes. La première figure, de son Mémoire {pl. 26, fig. 1), représentant une section transversale du corps de la nymphe, où les phagocytes se détachent clairement en rouge, montre le rôle prépondérant de la phagocytose dans la métamorphose. L'auteur figure même des phagocytes jusque dans, l'intestin, où l’on sait actuellement qu'il n'y en à jamais. L'élan était donné, et, pendant près de quinze ans, on étendit implicitement à tous les tissus, à tous les Insectes, et à toutes les métamor- phoses, un processus particulier qui ne se rencontre que dans des cas relativement rares. Les recherches les plus récentes ont montré que cette phagocytose bien caractérisée et authentique ne se rencontre guère que chez certains Diptères cycloraphes (muscles, hypoderme, glandes sali- vaires du Gastrophilus, d’après Vaney; muscles et glandes salivaires du Blepharocera, d'après Kellog). Il n'est toutefois pas impossible de retrouver de la phagocytose chez d’autres Insectes, par exemple dans l’histolyse des glandes salivaires et des tubes de Malpighi de la Formica rufa (Pérez'). Dans 1 HexxeGuy : Le corps adipeux des Muscides pendant la métamorphose. C. R. Acad. Se., t. CXXXI, 1900. — Les In- sectes, Paris, Naud, 1904. 2 KecLoG : Phagocytosis in the postembryonic develop- ment of the Diptera. Amerie. Natur., t. XXXV, 1901. # Vaxey : Contribution à l'étude des larves et des méta- morphoses des Diptères. Ann. de l'Université de Lyon, nouvelle série, Sciences, fasc. 9, 1902 (avec bibliographie). 4 Konorxerr : Histolyse und Histogenese des Moskel gewebes. Biol. Centralblatt., t XII, 1892. 5 BerLese : Osservationi su fenomeni che avvengono du- rante la ninfosi. Rivista di Patologia vegetale, t. VII, 1899; ett. X et XI, 1900-1901 {avec bibliographie). 5 SUPINO Sviluppo postembryonale delle Calliphora erythrocephala. Boll. Soc. entomol. ital., t. XXXII, 1900, ).1192: 7 CauLzcerY et MEesxi : Du rôle des phagocytes dans la dé- générescence des muscles chez les Crustacés. C. Rend. Soc. Biologie, janvier 1900. Cauzery et Mesxiz : Recherches sur l'Hemioniseus ba- lani. Bull. Scientif. France et Bel., t. XXXIV, 1901: 8 Pérez : Contribution à l'étude des métamorphoses. Bull: £eient. France et Belgique, t. NXXNII, 1902 (avec biblio- graphie}. JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT 973 bien d'autres cas, on à pu déceler quelques inclu- sions dans des leucocytes, trahissant quelque phagocytose parcellaire et restreinte; celle-ci ne “joue alors qu'un rôle très accessoire dans le phé- _nomène métabolique. $ 4. — La Phagocytose chez les Vertébrés. Il était naturel que l'on recherchât si des faits analogues se passent chez les Verlébrés, qui pré- sentent des métamorphoses aussi évidentes que les Batraciens. La résorption de l’appendice caudal du tétard s'accompagne d'une histolyse musculaire qui a donné lieu à des interprétations diverses. La fibre cocytaire, et par Metchnikoff!' comme une auto- phagocytose musculaire; plus récemment, Nœtzel” arrive à une conclusion analogue. Nos préparations sur le même sujet nous ont amené à penser que les noyaux multiples des muscles en histolyse ont, en très grande ma- jorité, une origine musculaire : il n’est toutefois pas impossible qu'il ne s'y adjoigne pas quelques leucocytes et quelques cellules conjonctives. D'autre part, les prétendues figures de phagocytose auto- myoblastique ne sont que des aspects de la dégé- nérescence, laquelle porte aussi sur tous les sarco- lytes el sur certains noyaux; ceux-ci, déformés, Fig. 6. — Histolyse de la queue d'un antérieures; la longueur de l'organe voisine de la base de la queue; rh, Tétard de Grenouille (Rana agilis), le surlendemain de l'apparilion des pattes caudal a été réduite de 25 à 10 millimètres. — A. Portion d'une coupe transversale, chorde dorsale d'aspect normal; 6, épithélium de la chorde; v, membrane vitrée; ej, conjonctif périchordal; m, faisceau musculaire séparé de son sarcolemme s/; le myoplasme commence]jà se fragmenter; les noyaux deviennent polymorphes: SS', sarcolytes, disparaissant peu à peu dans le liquide cavitaire : les uns sont sans noyaux (S); d'autres contiennent des noyaux polymorphes et fragmentés (2); ceux-ci deviennent des caryolithes (4,, #), ayant ou non autour d'eux des restes de myoplasme.— B. Coupe extrémité. L'histolyse est beaucoup plus avancée; on retrouve de nombreux caryolithes (kX,, k,). Les l'organe a subi une grande diminution de volume. Les cellules de mais voisine de 1 travées de la chorde ch sont effondrées, froissées : l'épithélium chordal (e), serrées et nombreuses, sont en dégénérescence. La vitrée (v) transversale du même organe caudal, est très épaissie, sans limites nettes avec le conjonctif cj qui l'envahit. Le tube nerveux {N) subit une dégénérescence pigmentaire et ses cellules tendent à se dissocier. — (Préparation fixée!au Zenker;_ musculaire diminue de volume et se sépare du sar- colemme. Le sarcoplasme augmente d'épaisseur et contient de nombreux noyaux alignés le long de la substance contractile. Peu après, la fibre se mor- cèle en sarcolytes de tailles variées. Les uns — et ils sont nombreux — ne contiennent que de la substance contractile ; d’autres emportent avec eux des fragments nucléaires. Cet aspect a été inter- prété par Bataillon‘ comme une phagocytose leu- 4 Bararzcox : Métamorphoses des Batraciens anoures. Ann. Univers. Lyon, L. Il, fase. 1, 1891. coloration au glycohémalun et à l'éosine; objectif 1/12.) fragmentés, altérés, se résorbent à leur tour. Il convient toutefois d'ajouter que l'évolution ulté- rieure de tous ces fragments nucléaires, ou car yo- lytes, n'est pas identique : certains d’entre eux gardent une forme arrondie; accolés ou non à des sarcolytes, ils simulent plus où moins des leu- cocytes, et donnent lieu à des figures qui ont pu 1 Mercunirofr : Atrophie des muscles pendant la méta- morphose des Batraciens. Ann. Inst. Pasteur, 1892. 3 NoerzeL : Die Rückbildung in Gewebe und Schwang der Froschenlarve. Arch. für mikrosk. Anat., t. LXV, 1895, p. 415 à 512 (avec bibliographie). 974 : JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT être interprélées comme de la phagocytose. Ce qui | ne peut faire de doute, c'est que la grande masse des sarcolytes dégénère librement, indépendam- ment de tout noyau, et qu'on ne peut en aucune manière interpréter leur régression comme due à la phagocytose intracellulaire. Les métamorphoses des Batraciens et les dégéres- | cences qui les accompagnent n'ont montré à Nœtzel aucune de ces interventions leucocytaires, acceptées par Barfürth' et par Bataillon, données comme possible par Loos. Nœtzel décrit toutefois, dans la résorption de la chorde dorsale, la pénétration de cellules étoilées et anastomosées de la couche con- jonctive périphérique que les auteurs précités ont, sans doute, pris pour des leucocytes. Nous avons constaté cette invasion de l’épithélium chordal en dégénérescence, par les gros éléments conjonctifs voisins qui s'en nourrissent, sans qu'il soit possible de décrire d'amiboïsme étoilé ni de phagocytose typique (fig. 6). La régression de la peau, du système nerveux, de l'appareil circulatoire ne présente aucun phé- nomène de phagocytose, ni même d'affluence leu- cocytaire. Dans son important travail de 1891, Bataillon a bien mis en évidence le mode de régression des noyaux épithéliaux, qui s'accompagne de l'émission de balles et de hoyaux chromatiques, suivie de dége- nérescence piqmentaire : ce processus paraît très général, et l’on sait que le pigment est particuliè- rement abondant à la partie terminale de la queue, où l’histolyse est la plus avancée. Pérez, qui s'est particulièrement appliqué à mettre en relief les faits de phagocytose pour les opposer à la dissolulion humorale ou lyocytose, dont nous aurons bientôt à parler, a signalé des faits intéres- sants touchant la résorption des ovules chez les Tritons *; sous l'influence du jeûne, les ovules suf- fisamment évolués sont digérés par les cellules du follicule qui les entourent : celles-ci se bourrent de granules de vitellus, qui se transforment en gouttelettes de graisse; puis il se produit une invasion, mais modérée, de leucocytes qui contri- buent, pour une faible part, à l'englobement et à la digestion des restes ovulaires. Les vérilables phagocytés sont ici les cellules du follicule qui, normalement, nourrissent les ovules. Ces faits sont fort inléressants, mais ils apparais- sent avec un caractère plutôt exceptionnel. Des | observateurs tels que Slaviansky, Flemming, Pala- ! Banrorta : Die Rückbildung des Froschenlarvensch- wanges und die sogenannten Sarkoplasten. Arch. f. mikr. Anat.,t. NXIX, 1887. * Pérez : Sur la résorplion phagocytaire des ovules chez les Trilons. Aun. Instit. Pasteur, t. XVII, octobre 1903. p. 617. | dino, Henneguy ‘, après avoir étudié l’atrésie des follicules de Graaf chez les Mammifères et chez quelques autres Vertébrés, concluent à des dégéné- rescences chromatolytiques graisseuses et hya=n lines; aux derniers stades seulement de la régres-… sion, des leucocytes pénètrent parfois dans l’ovule; mais cela n'est pas constant et leur rôle phagocy=M taire est fort limité. Dans les œufs riches en vitellus nutritif (Oiseaux, M Reptiles, Batraciens), Henneguy a constaté, au con traire, que les leucocytes sont plus abondants et" jouent alors véritablement le rôle de phagocytes, l es. S 5. — Théorie de la Sénescence. s) Les phénomènes d’atrophie nous amènent à dire quelque mots de la sénescence et des dégénéres- cences pathologiques. C’est un fait bien certain que l'un des caractères de la vieillesse d'un tissu est« son envahissement par le conjonctif, corrélatifn. d'une résorption de l'élément noble fonctionnel (cellule glandulaire, fibre musculaire). Qu'il y ait là une sorte d'antagonisme entre l'élément diffé rencié et vieilli et l'élément indifférencié plus vi-n goureux, cela n'est pas douteux. Il semble que le” conjonctif subisse une sorte d'irritation lors de la sénescence de l'organisme et que, par sa proliféra-" tion et sa sclérose, il étouffe véritablement les élé- ments plus différenciés (Demange) : c'est ce qui se passe pour la rate (Pilliet), pour les ganglions. lymphatiques (Sacharov), les fibres élastiques (Boulatov); les cellules de la névroglie, plus abon- dantes chez le vieillard, sont peut-être une cause de dégénérescence des cellules nerveuses”. Mais ces actions rentrent-elles dans le cadre si précis de la phagocytose? C'est un point qui demanderait à être vérifié. Non seulement l'origine des éléments envahisseurs est encore le plus souvent douteuse, mais le mode d'attaque est décrit par les auteurs en termes vagues et imprécis, qui n'éveillent nulle- ment l'idée d'englobement et de digestion intra- cellulaire, mais bien plutôt d'une action qui s'exerce dans le voisinage, à quelque distance, ou tout au plus au contact. Dans son récent et curieux ouvrage, Metchnikoff figure des macrophages atlaquant un tube rénal ou une cellule nerveuse de vieillards, et ailleurs des chromophages opérant le blanchiment d’un cheveu. Faut-il voir là un pro- cessus général de la sénescence? Des observations * HexneGuy : Recherche sur l'atrésie des follicules de Graaf. Journ.de l'Anat. et de la Physiol., 1894. 2 Mercunirorr : Revue de quelques travaux nérescence sénile. Année Biologique pour 1897 graphie). Mercuxikore : Etudes biologiques sur la vieillesse. I Sur le blanchiment des cheveux et des poils. Ann. Inst, Pasteur, t. XV, 1901. MercaxiKorr : Etudes sur la nature humaine. Paris, Masson, 1903. sur la dégé- {avec biblio- JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT 975 contradictoires faites à ce sujet par Marinesco com- mandent plus de réserve. Si le processus phagocy- taire a élé positivement constalé dans certain cas, nombreux sont les exemples où la sénescence n'est accompagnée d'aucun phénomène semblable. Et puis, toute intervention leucocytaire aboutit-elle nécessairement à la phagocytose : cela est loin d'être prouvé. Les mêmes remarques sont applicables à la dé- générescence pathologique du muscle. Dans la | maladie de la trichinose, Soudakevitch a vu le sar- coplasme hypertrophié entourer et digérer la subs- tance contractile qui se résorbe peu à peu : ceci est de la phago- -cytose myoblas- tique analogue à celle dont nous avons parlé plus “haut. D'autre part, de Bück et van Haelst', dans un cas de kyste musculaire ayant entrainé la dé- générescence du muscle, ontcons- taté qu'il n'y avait aucune in- tervention pha- gocytaire et que le conjonctif lui- même ne jouait . qu'un rôle acces- soire. En résumé, Fig. 7. — I. Histolyse d'une glande salivaire au début, sans intervention leu- cocytaire. N, Ndg, noyaux en dégénérescence; X, histolyse: v, vacuoles du protoplasme dont les contours cellulaires ont dis- entre la phagocytose et la lyocylose, qui a été aussi nommée régression chimique ou digestion humo- rale'. Peu après que ces organes ont sécrélé le cocon soyeux dont la larve tapisse sa logette, une dégénérescence manifeste se produit dans les grosses cellules qui composent les tubes sécréteurs: vacuolisations du protoplasme, fragmentation et perte de structure du noyau, qui se vacuolise à son tour ; disparition des limites cellulaires et leur dif- fluence vers l'intérieur du tube; la membrane externe persiste toutefois plus onglemps. Bientôt, dans le voisinage de l'organe en dégénérescence apparaissent les leucocytes en nombre variable, mais toujours peu abondants dans l’exemple que nous avons choisi.Quelques- uns d'entre eux s'appliquentcon- tre la membrane externe, mais le plus grand nom- bre restent à quelque distan- ce, comme s'ils investissaient la place (fig. 7). La dégénérescence de la glande sa- livaire enestcon- sidérablement activée. La mem- brane externe inasses chromatiques en disparaît à son l'action phago- paru. — Il. Stade plus avancé de la même glande, avec concours de leucocytes tour : quelques : Ch 1, mais sans phagocytose proprement dite.— NI. Histolyse d'un tube de Malpi- SE cytaire, bien ghi. — Ces figures sont des portions agrandies de gld et TM' de la figure 8. leucocy tes s'in- prouvée et par- ticulièrement nette dans certains cas, nous apparait comme une modalité spéciale de l’action cellulaire, comme un terme limile, une forme violente, dont il nous reste à étudier d’autres processus qui ne lui cèdent en rien pour leur importance et leur fréquence. IL. — La Lyocyrose $ 1. — Avec immigration de leucocytes. L'histolyse des glandes salivaires larvaires de certains Hyménoptères, tels que la Guêpe ou l'Abeille, sera un excellent exemple de transition 1 De Buck et Vax Haecsr : Mémoire présenté par Rom- melaire. Bulletin Acad. Roy. de Médecine de Belgique, 4° série, t. XV, novembre 1901, p. 765. (D'après Anglas.) troduisent sur le territoire déjà fortement histolysé, et celui-ci achève rapidement de se dissoudre et de disparaitre. Quelle est l’action des leucocytes ? En comparant leur immigration aux cas où il y a phagocytose évidente( glandes salivaires des Fourmis, muscles de Muscides), il est certain qu'ils viennent jouer un rôle destructeur analogue. Toutefois, il ny a pas englobement de débris tissulaire ; tout au moins la présence d'inclusions dans ces leucocytes n'est-elle pas constante, et les particules ingérées sont de dimensions minimes. Il n’y a pas de ces Kürnchen- _ ÉRRESRE r M S 4 AnGzas : Nouvelles observations sur les métamorphoses internes. Arch. d'Anat, microscopique, {.V. fase. 1, avril 1902 avec bibliographie). — Les phénomènes des métamor- phoses internes, Paris, 1902 (Scientia, n° 17). 976 JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT kugeln, dont le volume correspond à peu près à ! la masse de l'organe phagocyté. Le rôle phagocy- taire, s'il existe, est fort restreint et hors de pro- portion avec la masse de l'organe qui disparait, comme avec la rapidité de cetle disparition. Mais, devant la présence des leucocytes ayant hâté le phénomène, il est vraisembla- ble de leur at- tribuer des sé- crélions. histo- lysantes qui dissolvent le tissu déjà dé- généré. La même chose se passe au niveau des tubes de Malpi- ghi(TM'; fig.8), mais avec une nouvelle atté- nuation de l'in- tervention leu- sieurs exemples où les auteurs ont prononcé le nom de phagocytose, alors qu'ils ont simplement constalé une affluence de leucocyles au voisinage des organes en histolyse. Caullery, après avoir étudié l'histolyse chez les Ascidies composées, con- clut dans ce sens lorsqu'il dit Aux difficultés d'observation qui peuvent fa- cilement con- duire à des er- reurs d'inter- prétation, se joint très pro- bablement une. réunit sous le. nom de phago- cytose. 22% Inter- vention d'élé- ments étran- i gers autres cocytaire : les ASE ; que les leu- éléments mi- Fig. 8. — Principaux stades du développement des Hyménoptères (Vespa germa- cocytes. rraleurs t uica). — I. Larve; IT. Jeune nymphe; II. Nymphe plus âgée. — I. b, bouche: graleurs son CE DE NPA ; £ » bou ; æ, œsophage: im, intestin moyen: R, rectum ; gl. S., glandes salivaires; : moins nom- T. M., tubes de Malpighi larvaires: tr, trachées ; m.d, muscles dorsaux: ad, tissu Le travail de =: adipeux. — Il.2, ébauche de l'aile antérieure ; gl. d., glandes salivaires en r n breux encore, dégénérescence; T.M', tubes de Malpighi en histolyse; m.2, muscles antérieurs; Gaulle y SRE et ils ue pénè- trent point sur le territoire de l'organe excré- leur, qu'ils se moins près. Les muscles de la région antérieure, qui subis- sent un remanie- ment considérable, sont aussi environ- nés de leucocytes, sans que l’on puisse déceler une phago- cytose notable; il ne peut être ques- contentent d'envahir de plus ou Fig. 9. — Histolyse des muscles tion que d'une ac- antérieurs de la Guépe (m.a.de L la figure 8, ID). — s,sarcoplasme; tion lyocytaire de m,myoplasme: e, fragmentation nucléaire (caryolites); 7, leuco- cytes. — Cet aspect a été parfois interprété comme une phagocy- tose myoblastique, ou autopha- gocytose. voisinage (fig. 9). De même dans l'histo- lyse de certains tis- sus trachéens lar- vaires. Tant que les leucocytes restent à l'extérieur de l'organe, alors même qu'ils s'y accoleraient, il ne peut être question de digestion intra-cellulaire, mais uniquement de lyocytose. Cest_dans ce cas que rentrent assurément plu- m. p., muscles postérieurs; w.th, muscles thoraciques. On voit le développe- ment des arbres trachéens tr et la transformation de l'intestin moyen im. — III. chr., ganglions cérébroiïdes; g, glandes génitales; {. M, tubes de Malpighi imaginaux. — Les autres lettres sont communes aux figures I et II. en fournit pré- cisément un premier exem- ple, dans la di- gestion effectuée par les cellules ectodermiques du manteau des Glochidium (Tuniciers). L'auteur dit ne pas avoir observé dans ce cas de phagocytose véritable; mais la présence de prolongements pseu- dopodiques des cellules ectodermiques, venant au contact de matériaux en histolyse, lui fait consi- dérer ce phénomène comme une phagocytose : ik semble bien que ce soit une lyocytose, assez com- parable à celle que nous allons retrouver chez plu- sieurs Insectes. Vaney' a montré qu'au cours de l’histolyse mus- culaire chez des Diptères Lels que les Chironomus, des cellules adipeuses, d'ailleurs peu différenciées, pénètrent dans les museles et se chargent de granu- lations graisseuses : ce seraient, non des phago- cytes, mais des trophocytes; elles semblent bien, d’ailléurs, contribuer à l'histolyse. Robert S. Breed*, étudiant l'histolyse des muscles d'un Coléoptère, le Thymalus margini- 1 VANEy : Loc. cit. ? R. S. Breep : The change in the muscles of a beetle. Bulletin of the Museum of compar: Zool. at Harvard Col- lege, t. XL, n° 7, octobre 1903, p. 317. certaine varié-. Lé dans les pro-. cessus qu'on … JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT 977 . colis, constate qu'au moment de la nymphose, de fins tubes trachéens s'insinuent dans les fibres larvaires, et que leurs cellules trachéales y proli- fèrent activement, donnant de nombreux noyaux secondaires, et contribuant à la dislocation de - l'ancien organe contractile (fig. 10). Des faits analogues sont reconnaissables chez des Hyménoptères (Vespa). Au début de la nymphose, il se produit une poussée trachéenne considérable, qui porte à la fois sur les gros troncs et sur la pro- lifération centripète de leurs branches! (fig. 8, IL, & 2). Des prolongements trachéens, quelquefois de gros troncs eux-mêmes, se meltent en contact avec les muscles larvaires (m. longitudinaux du corps, musculature intestinale); les cellules de leur paroi ou les cellules trachéales de leurs extrémités s'in- Fig. 10. — A, Muscle larvaire de Thymalus en coupe trans- versale; B, Muscle d’une nymphe ägée du même Coléop- tère. — n,noyau musculaire; sar, sarcoplasme; my, myo- plasme ; trl, tubes trachéolaires ; tr, trachées; ctr, cellules trachéales. (D'après R. S. Breed.) sinuent dans la couche de sarcoplasme qui entoure la fibre, et elles s'y multiplient rapidement. Le myoplasme est alors fendu longitudinalement, et découpé en fragments à la surface desquels glissent les éléments envahisseurs; ils sont extrêmement difficiles à distinguer des petils noyaux qui pro- viennent de la division active des noyaux muscu- laires larvaires ; ces deux sortes d'éléments con- - tribuent donc à l’histolyse du muscle (fig. 11). Les cellules trachéales inlra-musculaires de- viennent le plus souvent libres-(au moins pour la plupart) ; elles constituent, au milieu des muscles en histolyse où en métamorphose (tels les museles du vol, dans le thorax), des éléments énigmaliques souvent pris pour des leucocytes, voire des phago- cytes. Or, ces caryolytes n’englobent rien; ils ! AGLas: Du rôle des trachées dans la métamorphose des Insectes. C. Rend. Soc. Biol., t. LNI, janvier 1904: et C. R. Acad. Sc., février 1904. BEVIIE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. restent quelque temps au milieu des fibres hislo- lysées ou en voie de réintégration imaginale, et ils disparaissent à leur tour, sur place, qu'aucun phénomène morphologique accompagne cette sorte de dissolution. Quelques-uns sont pro- bablement remis en liberté dans la cavité géné- rale, où ils disparaissent à leur tour. Il apparait avec évidence que cette invasion lra- chéenne contribue à l'histolyse, au moins mécani- sans rep ne 2 << Fig. 11. — Zistolyse des muscles longitudinaux chez la Guepe (m.1.; figure 8, 1).— fm, fibre musculaire; N, noyau larvaire hypertrophié; Tr, trachée (avec tube interne chitineux);c.tr, cellules trachéales: 4. tr., tubes trachéens ; e, petits noyaux proliférant avec activité et envahissant le muscle larvaire. (D'après Anglas.) quement, et probablement aussi par une action digestive qui permet aux cellules trachéales de dissoudre et de découper la substance contractile. Le même phénomène de Iyocylose se passe dans l'intestin moyen de ces mêmes Insectes. Les grosses cellules larvaires sont attaquées par leur base par des éléments immigrés de l'extérieur. Longtemps inactives, les cellules de remplacement se mettent à proliférer activement au début de la nymphose ; elles envahissent la partie inférieure des éléments 21° 978 JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT larvaires, assimilent sa substance et l'utilisent pour la néoformation de l’épithélium définitif (fig. 12). Quant à la partie supérieure de la cellule larvaire, inutilisée ainsi que le gros noyau dégénéré qu'elle renferme, elle tombe dans la lumière du canal digestif et elle est simplement rejetée au dehors. Ce n’est pas là de la phacocytose, puisque l'élé- ment qui attaque et qui digère n’englobe rien; tout au contraire, c'est lui qui est inclus et qui assimile la substance située autour de lui. Ces exemples montrent le rôle que les cellules étrangères à un lissu peuvent avoir dans son histo- lyse lorsqu'elles l'envahissent et se développent à ses dépens. Dans les cas que nous venons de citer, les Iyocytes Fig. 12, — Histolyse de l'intestin moyen des I1yménoptères. A, dès le début de la nymphose: B, à un stade un peu plus avancé: a, cellules de remplacement: b, épithélium larvaire en dégénérescence: N, noyaux des muscles péri- intestinaux m: d, cellules larvaires dégénérées rejetées dans l'intestin: épi, épithélium imaginal en voie de for- mation, mais non achevé. étaient des cellules ectodermiques ; mais on pourrait en citer de toute origine, en rapprochant de ces cas tous ceux que fournit l’'anatomo-pathologie dans le développement des tumeurs. Qu'il s'agisse d’un épithéliome, d'un sarcome, d’un chondrome, d'un gliome, etc., on constate que la tumeur prend peu à peu la place des Lissus qu'elle détruit au fur et à mesure, sans qu'il s'agisse de phacocytose, mais seulement d'une résorption humorale de voisinage, d'une véritable lyocytose*. ‘ Sans qu'il soit nécessaire de multiplier ou de développer ces exemples, on remarque que la croissance d'une {umeur néoplasique est comparable à une métamorphose patholo- gique. Le phénomène d'histogenèse est souvent conco- milant d'un envahissement el d'un remplacement qui se font par des processus analogues à ceux dont nous venons de parler, Une concurrence intercellulaire de même nature s'exerce dans l'évolution des Trématodes entre l'œuf et les éléments vitellogènes inclus avec lui à l'intérieur de la capsule coquillère. L'œuf digère et. assimile ses provisions sans pourlant englober de porlions solides ; le jeune embryon utilise ses réserves par un véritable phénomène de digestion externe, de lyocytose. Le règne végélal n'est pas sans fournir des exemples analogues : dans les graines polyem= bryonnées des Conifères, un seul embryon arrive au terme de son développement, après avoir résorbé ses frères, nés du même œuf, mais moins vigou- reux, qui étaient pressés contre lui. De ces faits, il faut également rapprocher la digestion de l’albumen des Céréales par la face externe du cotylédon: celte action peut même s'exercer à distance, par un cotylédon qui ne s'accroît pas, sur un albumen remarquablement dur, comme c’est le cas du Phytelephas (noix de. Corozo). $ 3. — Lyocytose à l'intérieur même d'un tissu. Il n’est pas nécessaire qu'il y ait envahissement L] par des éléments étrangers pour que l'action diges- tive extra-cellulaire se manifeste. Elle peut se pro- duire dans un tissu par lui-même. C'est ce qui a lieu lors de la rénovation de l’hypoderme chez certains Insectes Hyménoptères, et des parties antérieure et postérieure du tube digestif. Au. moment de la métamorphose, les épithéliums de ces organes subissent une rénovation; certains groupes cellulaires sont repris d'une nouvelle acti-. vité carvocinétique et constituent sur place le tissu imaginal : celui-ci se substitue peu à peu au tissu larvaire plus mince, à cellules moins serrées, qui présente parfois des signes de dégénérescence (vacuolisation de la région basale, ete.); quoi qu'il en soil, cette résorption se fait de proche en proche et sans concours de phagocytes, — comme cela a lieu, au contraire, chez les Muscides — ; la substi- tution est progressive, et la zone de transition est presque insensible. L'élément jeune possède done vis-à-vis du tissu ancien une action digestive et assimilatrice qui nous semble être le processus de la rénovation des tissus. En effet, cet état de lutte constante entre éléments cellulaires voisins permet l'élimination sur place des cellules de moindre valeur organique, assure une sélection constante entre les éléments anato- miques, et une sorte de continuel rajeunissement. Il semble qu'on puisse rapprocher de ces exemples ce qui se passe chez les Vertébrés, lors de l'ossifi- cation du cartilage. On sait que le cartilage sérié est détruit à ce moment, que les cloisons cartilagi- neuses et les travées directrices se résorbent peu à e JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT 979 peu : quels sont, dans ce cas, les agents de des- truelion de ces portions solides du squelette? On à décrit des ostéoclastes, des cellules à myéloplaxes, que l'on comparait de loin à des phagocytes, mais sans en préciser le mode d'action. Les vaisseaux et, par suite, les globules sanguins ont été particulière ment mis en cause, et le fait est qu'ils apparaissent ‘dans la zone transformée, que l’on nomme souvent ligne d’érosion. La description que Retterer donne du phénomène permet de concevoir les choses autrement”: c'est par une transformalion de la cellule cartilagineuse elle-même (hyperplasie, hypertrophie, réticula- tion), que prennent naissance les globules et les vaisseaux sanguins ; c’est donc à la cellule cartila- gineuse qu'il faut reporter cetle action dissolvante el véritablement lyocytaire sur la substance fon- damentale du cartilage; dans aucun cas, il ne s'agirait de phagocytose. Les observations de Stephan? conduisent aux mêmes conclusions : la substance fondamentale disparaît par une sorte de fonte, et ce phénomène semble bien dû à l'activité propre des cellules du cartilage. Ce ne peut être qu'une digestion extra- cellulaire au contact. $ 4. — Dissolution humorale; digestion à distance. Mais cette action externe n'est pas limitée au simple contact : elle peut s'élendre à l'intérieur d'une cavité plus ou moins close. Les urnes des Sipuncles et des Hirudinées nous en ont donné un exemple. L'estomac lui-même et l'intestin des animaux sont le siège de phénomènes digestifs à distance, puisque les ferments digestifs qu'ils con- tiennent ont été émis par des cellules plus ou moins lointaines. Ce fait, à lui seul, suffirait à prouver que, si les ferments sont élaborés par les cellules, et à leur intérieur, ils ne perdent pas leurs vertus trans- formatrices après être sorlis du plastide qui les à sécrétés. On comprend alors aisément que la cavité géné- rale tout enlière puisse être comparée à une sorte d'estomac dont le contenu à un pouvoir dissolvant sur des éléments cellulaires moins résistants ou dégénérés. Certes, il devient extrêmement difficile, ou même impossible pour des êtres de petite taille, de préciser quels sont les éléments sécréteurs. En l'absence du concours évident d'éléments figurés dans l'histolyse, on peut attribuer le rôle lyocytaire aux leucocytes, à tel ou tel élément glandulaire ou 1 Revrerer : Evolution du cartilage transitoire. Journ. de l'Anat. et de la Physiol.,t. XXXVI, 1900, p. 457-563 (avec bibliographie). 2 Srepnan : Bull. Scientif. France et Belgique, t. XXXII, 1900. autre : la diversité des tissus que nous avons ren- contrés participant à l'histolyse autorise toutes ces suppositions. Quoi qu'il en soit, le résultat reste le même, et la dissolution humorale apparait alors comme un phénomène limile de l’histolyse avec concours de moins en moins abondant et immédiat d'éléments figurés. Le fait de cette régression sans intervention leucocytaire ou autre, longtemps contesié par ceux qui voulaient faire de la phago- cytose le processus unique de l'histolyse, est néan- moins bien établi, et nous en citerons quelques exemples bien démonstratifs. L'histolyse tubes de Malpighi Lasius niger (Hyménoptères) se fait, d'après Kara- waiew, par chromatolyse, dégénérescence, régres- sion chimique, sans intervention leucocylaire. Vaney a montré qu'il en estde même chez certains Diptères, pour les tubes de Malpighi (Æristalis) et pour les glandes salivaires elles-mêmes (Chiro- nomus, Simulia), alors que la phagocytose inter- vient pour le Gastrophilus. Le corps adipeux subsiste parfois de la larve à l'adulte chez les Diptères inférieurs (Culex, Chi- ronomus), et disparait de bonne heure chez les Muscides. Chez les Insectes où il dégénère et rentre en histolyse, le phénomène a été décrit par la plupart des auteurs (Berlese, Anglas, Koschev- nikov) comme ne s'accompagnant d'aucun phéno- mène leucocytaire notable, dans les cas qu'ils ont étudiés. Toutefois Vaney, dont les observations sont absolument affranchies de toute idée pré- conçue, décrit chez le Gastrophilus, qui se présente comme un type très évolué, une dégénérescence pri- mitive des cellules adipeuses, mais avec pénétration possible de leucocytes : ces éléments migrateurs n'ont plus, en général, l'aspect de Kürnchenkugeln. Les muscles larvaires des Insectes disparaissent souvent par simple dégénérescence, sans inter- vention phagocytaire chez les Hyménoptères (Ka- rawaiew, Terre, Anglas), et aussi chez les Diptères (Kellog, Berlese, Vaney). Dans le groupe des Trémaiodes endoparasites, Vaney et Conte ont décrit des phénomènes d'histo- lyse absolument comparables aux précédents !. Les sporocystes logés dans la cavité palléale d’Æelix nemoralis bourgeonnent sur leur paroi interne des amas cellulaires pleins et indifférenciés ; la plus grande partie de cette masse dégénère (chromato- lyse, dégénérescence granulo-graisseuse); quelques cellules subsistent et constituent une plaque ven- trale dont la prolifération formera le Cercaire, pourvu de son organe caudal locomoteur : à aucun des chez le 1 Vaxey et Conte : Sur des phénomènes d'histolyse et d'his- togenèse accompagnant le développement des Trématodes endoparasites. C. Rend. Ac. Sc.,t. CXXXII, avril 4901, p. 1062. 930 moment il n'y a intervention de phagocyles, et il en est de même lorsque la queue du Cercaire se résorbe, et que la larve devient Distome. Les choses se passent encore ainsi pour une espèce voisine de Trématodes, parasite d’Aelix aspersa. Chez les Vertébrés, nous avons déjà mentionné la résorption des sarcolytes et des caryolytes, dans l'histolyse de la queue des Batraciens Anoures; il convient d'en rapprocher ici la disparition du car- tilage des arcs branchiaux, chez les mêmes ani- maux, décrite par Bataillon comme une sorte de fonte, de dissolution progressive, sans le concours de leucocytes, que l’auteur avait signalés — à tort selon nous — dans le tissu musculaire. Chez les Vers, dont nous avons parlé plus haut, les organes agglutinants n’agissent pas uniquement par phagocytose, et Goodrich !, chez le Glycera, à décrit des cellules spéciales, non phagocytaires, capables de digérer par les diastases qu'elles sécrètent. Pour nous borner, nous rappellerons que la sar- colyse simple a été décrite par de Bück et van Haelst, dans un cas de kyste hydatique. Les diverses atrophies pathologiques des muscles, des cordons nerveux et des fibres nerveuses appa- raissent, d'après les descriptions des auteurs, comme de simples dégénérescences sans participa- tion leucocytaire. Les atrophies séniles, dans la majorité des cas, semblent devoir rentrer dans l'une des catégories que nous venons de passer en revue; le tissu noble est, en effet, résorbé, soit par le développement pathologique du conjonctif (muscles, glandes), de la névroglie (tissu nerveux), soit même par l’action plus générale du liquide humoral qui reprend son pouvoir dissolvant sur un tissu dégénéré. $ 5. — Concurrence cellulaire. On peut donc concevoir que les divers éléments cellulaires d’un organisme sont entre eux dans un perpétuel état de lutte. Ainsi se trouvent sans cesse éliminés les moins résistants et ceux auxquels une désadaptation, normale ou pathologique, crée un élat d'infériorité. L'attaque se fait par les ferments que sécrète constamment la cellule vivante ; la phagocytose est le terme ultime et brutal de cette action destructive. Comment un tissu résiste-t-il à l’action dissol- vante des tissus ambiants, et, plus généralement, à celle du liquide cavitaire lui-même? La notion ré- cente d'anli-ferments, dont l'existence a été mon- trée par Pawlow dans le tube digestif, permet de comprendre celte action inhibitrice vis-à-vis des ferments destructeurs et négativement chimio-tac- 1 Goopricu : Loc. cit. JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT tique vis-à-vis des leucocyles'. Cette propriété dé- fensive de la muqueuse digestive ou des parasites intestinaux, étendue à toutes les cellules de l’orga- nisme, permet d'expliquer pourquoi, lorsqu'elle vient à cesser ou à diminuer, — cas de métamor- phose, de régression pathologique, de sénescence,— des phénomènes d'histolyse viennent à se produire. Que l’action histolysante soit lyocytaire ou phago- cylaire, elle est {oujours précédée par une régres- sion préalable du tissu qui va être détruit. Tantôt cette régression est évidente (tubes salivaires ou excréteurs des Insectes); parfois, elle est difficile ou impossible à déceler morphologiquement (la stria- tion des fibres musculaires peut être conservée plus ou moins longtemps pendant l'histolyse). Il serait illogique de s'appuyer sur l'aspect du tissu pour en déduire que les sécrétions ne sont point modifiées; c'est le contraire qui est vrai. Le seul fait que l'organe a cessé d'être fonctionnel entraîne une modificalion chimique suffisante pour expliquer la perte de l'immunité vis-à-vis des humeurs ou des cellules capables de provoquer l'histolyse. III. — ConcLusIoN. Lequel de ces deux processus, lyocytose et phago- cylose, doit être considéré comme primitif? Chez les êtres inférieurs et moins différenciés (Amibes, Spongiaires, Cœlentèrés, Echinodermes), la phagocytose apparait comme le mode initial de réaction de l'organisme, vis-à-vis des corpuscules absorbés. Qu'il s'agisse de particules alimentaires, d'organes usés et comparables à des corps étran- ges, ou de micro-organismes parasites, la réaction est directe et phagocytaire,; elle se traduit par un véritable corps-à-corps cellulaire. Chez des êtres plus différenciés, possédant un liquide cavitaire bien distinct du milieu extérieur, où sont déversés de nombreux produits de sécrétion interne et des ferments variés, les phénomènes sont plus com- plexes. Les cellules, les tissus, l'organisme tout entier se solidarisent et créent, vis-à-vis des agents pathogènes, une immunité acquise, ou une immu- nité naturelle du sérum sanguin, qui est en défi- nitive un héritage de la précédente. Le liquide humoral bénéficie des propriétés cellulaires, soit pour la défense de l'organisme, soit pour la nutri- tion, soit pour larésorption des éléments histolysés. La bataille se livre à distance par le moyen des ferments el anti-ferments. Lalyocytose est doncun phénomène secondaire et plus complexe, mais dont l'importance peut devenir considérable chez les êtres qui possèdent un milieu intérieur différencié. 1 Voir Revue gén. des Sciences, Revue annuelle de Phy- siologie, par L. FRÉDÉRICO, t. x1V, 1903, p. 1269. SYDNEY YOUNG — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES PURS ET DES MÉLANGES 981 —————————………….…—..………—…….….…—….….….….…"…"….…"…….… ……………….… …"…"”"—…"”" —. .—.…"…"…"…" "— — _….… " … ….……………………………………"…"…"—"—"— — — —_——_—_—_— ——————_—_….…………………………—..—.——.——— Enfin, dans ces mêmes groupes, la phagocylose peut réapparaitre lorsqu'une réaction plus intense est nécessaire. Par un phénomène cœnogéné- tique, ce processus ancestral et primitif pourra réapparaitre et contribuer, dans une mesure plus ou moins grande, à l'immunité ou à l'hislolyse des tissus en voie de métamorphose, évolutive ou ré- gressive. Il s'agit toujours, en définilive, d'une action cel- lulaire : inlra-cellulaire dans le cas de phagocytose, extra-cellulaire dans l’action humorale ou lyocytose. La prépondérance de l'un ou de l'autre de ces pro- cessus ne peut être discutée avec sens et profit que pour chaque cas particulier. Dans un prochain article, nous examinerons l'origine des tissus de remplacement et les pro- cessus de ce qu’on peut appeler la néo-histogénèse. Jules Anglas, Docteur ès sciences, Préparateur de Zoologie à la Sorbonne. QUELQUES PROPRIÉTES PHYSIQUES DES LIQUIDES PURS ET DES MELANGES Depuis un demi-siècle, et spéciilement dans ces dernières années, les propriétés des liquides purs et de leurs mélanges ont été l’objet de nombreuses recherches, auxquelles j'ai pris moi-même une part active. Dans les lignes qui suivent, j'ai cherché à exposer quelques-uns des principaux résultats acquis dans celte étude. I. — PoinNTs D'ÉBULLITION DANS LES SÉRIES HOMOLOGUES. C'est en 1842 que Hermann Kopp crût cons- tater qu'une différence constante de composition chimique est accomgagnée d'une différence con- stante dans le point d'ébullilion. Deux ans plus tard, il concluait que l'addition de CH* à un membre quelcenque d’une série homologue élève le point d'ébullition de 19°. À la suite de ses propres travaux et de ceux d'autres savants, pour- suivis pendant vingt-trois ans, Kopp fut finalement amené à abandonner quelques-unes de ses con- elusions antérieures; il admit que les composés isomériques peuvent avoir des points d'ébulliltion différents, et que l'élévation due à une addition de CH° n'est pas invariablement de 19°; mais ül maintenait encore que, dans une série homologue quelconque, l'élévation est constante. Kopp fut un vrai pionnier de la science et se trouva aux prises avec de grandes difficultés lors- qu'il commenca ses recherches; les données étaient rares et loin d'être exactes, et les substances qui pouvaient être obtenues le plus facilement, et que l’on supposait complètement pures, élaient malheu- reusement celles qui, vraisemblablement, condui- saient le moins à des généralisations normales. L'eau, les alcools et les acides organiques con- tiennent tous un groupe hydroxyle, et l'on sait maintenant que les propriélés physiques de ces substances sont anormales à tous égards; ceia est dù probablement au fait que leurs molécules tendent à s'associer; de plus, les éthers-sels, qui sont formés par l’action des acides sur les alcools, ne se comportent pas tout à fait normalement, et il se produit probablement une association molé- culaire, quoique, cependant, à un degré moindre qu'avec les composés hydroxylés. I n'y a aucun doute que, si Kopp avait pu obtenir tout d'abord une quantité de substances pures agissant normalement, telles que les paraf- fines ou leurs dérivés halogénés, il ne serait pas arrivé aux conclusions erronées qu'il a défendues avec tant de vigueur durant de nombreuses an- nées. Si l’on prend les paraffines normales comme classe la plus simple des composés organiques, on constate ceci : au lieu que les points d'ébul- lition s'élèvent par intervalles égaux lorsque la série monte, l'élévation, qui est très importante pour les membres inférieurs, devient de plus en plus petite à mesure que le poids moléculaire augmente. Ge fait est maintenant bien élabli, et de nombreuses formules ont été suggérées pour représenter ces points d'ébullition. Ainsi, Walker a proposé la formule suivante : T — aM°, T repré- sentant le point d’ébullilion sur l'échelle de tem- pérature absolue, M le poids moléculaire, et à et h des constantes. Cette année, Ramage a montré que cette formule s'applique seulement aux chaînes ouvertes à CH?, et que l'influence des atomes d'hy- drogène terminaux, considérable lorsqu'il s’agit des membres inférieurs, diminue lorsque la chaîne s'allonge et devient éventuellement constante ou négligeable. Autrement dit, les membres inférieurs | de la série ne peuvent pas être considérés comme vraiment homologues, et c'est un point quil est 982 SYDNEY YOUNG — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES PURS ET DES MÉLANGES importent de ne pas oublier. Ramage a proposé une nouvelle formule T—a[M(A—2-—»}j1/?, dans laquelle a représente la constante de Walker (37,3775), el » le nombre d’atomes de carbone dans la molécule. Je crois qu'il est utile de considérer la valeur de À (l'élévation du point d'ébullition pour un TABLEAU |. — Points d'ébullition observés et calculés des parafïines normales. POINTS D'ÉBULLITION (TEMP. ABS.) TR Il PARAFFINES calculés (Young) calculés (Ramage) Différence observés Différence!| CH CHE cn C:H. CH. C'H'. CH. C'H'e, C°H®. C:°H°° CH: C2H°5 CH? C::H3° Ce C'SH* C17H:9 CH C22 H 40 2% gi 2 N © © % co 19 >\S CO CR accroissement de CH”) comme étant principalement une fonction de la température absolue, et je suggère la formule a 1886. ToousV7 dans laquelle A représente la différence entre le point d'ébulliltion T d'une paraffine quelconque et celui de son homologue voisin supérieur. Si l’on prend le point d'ébullition du méthane comme étant de 106°,75 absolus, les valeurs pour les membres plus élevés s'accordent mieux avec les températures observées que celles données par la formule de Ramage, comme on peut s'en rendre compte par le tableau I. Je ne veux pas cependant attacher trop d'impor- tance à la forme actuelle de l'équation, ou aux aleurs particulières des constantes; le point prin- cipal sur lequel je désire attirer l'attention est que A peut êlre considéré comme une fonction de la température. Supposons que l’on remplace un atome d'hydro- gène terminal dans chaque paraffine normale par du chlore, de façon à former la série homologue des chlorures d'alkyles primaires. Les points d'ébullition de ces chlorures sont bien plus élevés et les différences À sont beaucoup plus faibles que pour les paraffines correspondantes; mais la diminution graduelle des valeurs de A, lorsque la série progresse, ne peut être méconnue. Les mêmes remarques s'appliquent aux bromures et aux iodures, les points d’ébullition étant encore plus élevés et les valeurs de A plus faibles. Mais l’intérêt principal paraît reposer sue ce fait: Siles valeurs de A pour les dérivés halogénés sont portées en abscisses et les températures absolues en ordonnées, les points obtenus pour la plus grande partie tombent près de la courbe construite pour les paraffines et représentée par la formule __ 44,86 _ poousV/7" La première valeur de A est nettement basse dans chaque cas (déviation moyenne de la courbe 2°,7); les dernières sont plutôt élevées dans la plupart des cas (déviation moyenne 0°,86). Des résultats semblables sont généralement obtenus dans d'autres séries de composés homo- TagLeau II. — Différences moyennes entre les valeurs des points d’'ébullition observés et calculés pour les membres inférieurs et supérieurs des diverses séries homologues. MEMBRES SUPÉ- RIEURS MEMBRES INFÉ- RIEURS GROUPES Différence moyenne calculée- observée Nombre des valeurs de A Différence moyenne calculée- observée Nombre des valeurs de A Chlorures d'alkyle . Bromures : lodures Isoparaffines . Toluène, etc.. o-xylène, etc. m-xylène, etc. . p=xylÈnemeLCe Benzène méthyié et éthyIé el er Oléfines H?C: CHR . RHC: CHR". Polyméthylènes . Ethers Aldéhydes . Hydrosulfures . Amines Ethers-sels. LS © nue NSe [4 > Q0 10 2 CE QE ++ ++) Rene D rer SN 00 0 = Substances qui S'as- socient : Cyanures. . : Nitro-méthane, Cétones . Acides gras Alcools gras . ED=De logues, dans lesquelles l'association moléculaire n'est pas supposée se produire; mais, comme on le verra d'après le tableau Il, les déviations par À SYDNEY YOUNG — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES PURS ET DES MÉLANGES 983 rapport à la courbe des paraflines normales sont plus grandes pour les séries dans lesquelles, d'après Ramsay et Shields, les membres inférieurs sont caractérisés par l'association moléculaire: Dans la grande majorité des cas, les dévialions sont plus élevées pour les membres inférieurs d’une série, les valeurs calculées de A étant presque invariablement plus élevées que les valeurs obser- vées; ceci peut s'expliquer peut-être de la façon suggérée par Ramage. J'ai, par conséquent, divisé chäque série en deux groupes, le premier se termi- nant et le second commençant avec le membre inférieur de la série qui contient un groupe CH° enchainé à deux atomes de carbone. Ainsi, pour les chlorures d’alkyles, le premier groupe contient CH*CI, CH'CH?CI, et CH°CH°CH°CI, et le second groupe commence avec le chlorure de propyle, de sorte que tous ses membres contiennent un ou plusieurs groupes C.CH°.C. Lorsqu'il s'agit des éthers-oxydes, des éthers- sels et d’autres composés contenant deux radicaux alkylés, une série est considérée comme homologue lorsqu'un radical ne change pas, et que l'autre augmente par degrés de CH”. Le radical variable seul est considéré lorsqu'on divise la série dans les deux groupes mentionnés ci-dessus; ainsi, quoique l'acide propionique contienne un groupe C.CH°.C, il ne change pas dans les éthers propioniques, dont le premier groupe se compose des propionales de méthyle, éthyle et propyle, le second commençant avec le dernier éther-sel nommé. Sur les dix-septséries de substances non associées, il y en acinq seulement pour lesquelles la différence moyenne entre les valeurs calculées de A et les valeurs observées pour les membres supérieurs excède 1°, 5: 1° La série du m-xylène. Elle contient une seule vaieur qui est douteuse: 2° Les oléfines, H?C.CHR. Pour celles-ci, deux des trois différences individuelles sont moindres que 15: les températures sont toutes inférieures à 0° et sont quelquefois incertaines; 3° Les polyméthylènes. La différence pour le pentaméthylène et l’hexaméthylène diffère de moins de 1° de la valeur calculée. Le point d’ébullition de l'heptaméthylène semble être douteux; 4° Les amines. Les différences sont un peu erratiques: trois inférieures à 1°,5 et deux à 0°,5. L'octylamine et la nonylamine sont incorrectes et ne sont pas comprises; >° Les éthers-sels. Quoique Ramsay et Shields aient rangé ces substances parmi les non-associées, je pense qu'il y a lieu de supposer une légère association. On remarquera que les différences sont plus grandes pour les substances qui s'associent que pour celles qui ne s'associent pas; et aussi que, parmi les premières, elles sont plus grandes pour les alcools et moindres pour les acides, quoique, pour ces deux séries, le facteur d'association soit très élevé. Pour arriver à une explication de ces faits, il est nécessaire de considérer tout d’abord l'effet produit par le remplacement de l'hydrogène par le chlore. On ne connait pas encore exactement le point d’ébullition de l'acide chlorhydrique, mais il doit être d'environ — 80°. De sorte que, si l’on remplace un atome d'hydrogène dans la molécule d'hydro- gène par du chlore, on élève le point d’ébullition de 20° ,4 absolus à environ 193° absolus, soit d’en- viron173°. En remplaçant un atome d'hydrogène dans le méthane par du chlore, l'augmentation du point d'ébullition va de 108°,3 à 249,3, soit 141°. Si l'on s'élève dans la série des paraffines, l'élévation du point d’ébullition due au remplace- ment de l'hydrogène par le chlore diminue rapide- ment tout d'abord, ensuite plus lentement, n'étant que de 58°,5 pour l’octane. Ainsi l'influence de l'atome de chlore devient relativement plus faible à mesure que le poids du groupe alkyle augmente. Considérons maintenant l'effet du remplacement d'un atome d'hydrogène par un groupe hydroxyle. Dans la formation de l’eau au moyen du gaz hydro- gène, le point d’ébullilion ne s'élève pas moins de 352°,6 (de 20°,4 absolus à 373° absolus), ou dans le rapport de 1 à 18,3; pour le méthane, l'élévation est de 229°,4, (soit de 108°,3 à 337°,7), ou dans le rapport de 1 à 3,12; pour l’octane, l'élévation est de 65°,4 (de 398°,6 à 464°), et avec l'hexadécane elle est seulement de 56°,5 (soit de 560°,5 à 617), le rapport étant de 1 à 1,10. On remarquera que, pour l'hydrogène, l'influence de l’hydroxyle est infiniment plus grande et pour le méthane beaucoup plus grande que celle du chlore sur l'élévation du point d’ébullition, mais que, si l’on s'élève dans la série des paraffines jusqu'à l'octane, l'influence du groupe hydroxyle diminue jusqu'à ce qu'elle surpasse à peine celle de l'atome de chlore; il est même lout à fait probable qu'avec l’hexadécane elle serait légèrement infé- rieure. On peut facilement l'expliquer par le fait que les molécules d'eau et des alcools inférieurs sont fortement associées à l’état liquide, mais pas à l'état gazeux; par conséquent, pour faire évaporer les liquides, on doit vaincre cette attraction molé- culaire et l’on doit élever la température. Cependant, l'association moléculaire diminue quand on s'élève dans la série des alcools; elle est probablement faible dans le cas de l'alcool octylique. S'il en est ainsi, il semble que l'effet du groupe hydroxylé (à part celui de l'association), en L. 984 SYDNEY YOUNG — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES PURS ET DES MÉLANGES élevantle point d'ébullition, n’est pas très différent et est probablement moindre que celui de l'atome de chlore, et que la différence entre les points d'ébullilion des alcools inférieurs et des chlorures correspondants est entièrement due à l'association moléculaire à l'état liquide. Avec les acides, il y a association à l'état gazeux aussi bien qu'à l’état liquide, et puisque, d'après les tableaux donnés par Ramsay et Shields, le fac- teur d’associalion pour un acide gras liquide à son point d’ébullition est rarement plus grand (et dans beaucoup de cas est plus petit) que pour l'alcool liquide correspondant, l'attraction moléculaire à vaincre pour la vaporisation doit être considérable- ment moindre pour l'acide que pour l'alcool corres- pondant, et l'élévation du point d'ébullition au- dessus de la valeur normale qui en résulte doit êlre moindre. On trouve dans ce fait l'explication des très faibles valeurs de A pour les alcools et des valeurs modérément basses pour les acides. Le temps et l'espace me manquent pour donner en délail les points d'ébullition de tousles composés considérés, avec les valeurs observées et calculées de A; mais je pense qu’il peut être établi que la différence entre le point d'ébullition d’un composé organique quelconque ne s'associant pas et conte- nant au moins un groupe C.CH°?.C et celui de son homologue immédiatement supérieur (à un degré quelconque de température jusqu'à environ 300° C.) peut être calculée avec une erreur dépassant rare- ment 1°,5 et généralement inférieure à 1° au moyen de la formule : 144,86 ToouusV/r La formule semble aussi applicable à tout éther-sel contenant au moins cinq atomes de carbone dans le groupe variable alkylé ou acylé (l'erreur moyenne pour 40 valeurs de À est + 0°,93), et l'erreur est encore plus faible lorsque le nombre d'atomes de carbone est plus grand; elle est probablement aussi applicable aux membres supérieurs des séries des acides gras, cyanures, cétones et composés nitrés, el peut-être aux alcools d'un poids moléculaire très élevé. II, — COMPARAISON DES POINTS D'ÉBULLITION A UNE SÉRIE DE PRESSIONS ÉGALES‘. Les résultats de cette comparaison sont souvent | excessivement simples, si les deux substances com- parées ont une relation très étroite, et s'il ne se produit pas d'association moléculaire pour l’une ni pour l’autre. Si l’on prend, par exemple, le chloro- benzène et le bromobenzène, on trouve que le rap- 1 Ramsay et Youxc : Phil. Mag. (AS86), t. XXI, 33. port des points d'ébullition (sur l'échelle absolue de température), sous des pressions égales, est constant, quelle que soit la pression, c’est-à-dire que l’on a: De = qe — 10590. d On obtient un résullat semblable avec les autres « dérivés halogénés du benzène, avec le bromure d'éthyle et l'iodure d'éthyle, avec l'acétate d'éthyle et l’acétale de propyle, et avec quelques autres paires d'éthers-sels; mais, pour quelques cas d'étroile parenté, par exemple avec le formiate d'éthyle et l'acétate d'éthyle, le rapport n'est pas tout à fait constant et la formule devient : l Ta Ta Ts Tu + e(Ts—T), dans laquelle e a une très faible valeur (0,009.041.7 pour ces deux éthers-sels). Lorsqu'il n'y a pas une « étroite relalion, mais que les molécules ne sont pas associées, la valeur de € est généralement plus éle- vée, par exemple 0,000.118.5 pour le disulfure de carbone et le bromure d'éthyle. Enfin, lorsqu'il n'y a pas de parenté étroite, et. que les molécules de l'une ou des deux substances sont associées, la formule TA T'A = QU + c(Ts— T'5) n’est plus exacte; il faut y introduire un troisième terme, comme dans : Ta TA TS TE TT + c(Ts— TS) + d(Ts — T's; ou bien, dans lous les cas, la valeur de € devient beaucoup plus élevée, comme avec le benzène et l'alcool éthylique (c—0,000.803.0), ou avec le soufre et le disulfure de carbone (c — 0,000.684.5). III. — MANIÈRE DONT SE COMPORTENT LES MÉLANGES DE LIQUIDES‘. Il y a trois points à considérer lorsque deux liquides sont mis en présence : 1° leur miscibilité, infinie, partielle, ou inappréciable; 2° les volumes relatifs du mélange et des parties constituantes; 3° la chaleur développée ou absorbée. Les liquides qui sont classés comme non mis- cibles ont rarement, même ont, une parenté chimique étroite. Ainsi, l’eau est en réalité non miscible avec tous les hydrocarbures et avec leurs dérivés halogénés et beaucoup d'autres; de mème le mercure, autant qu'il me semble, n’est miscible avec aucun composé liquide, organique | où inorganique. Il est vrai que les alcools alipha- si ils en ‘ « Fractional Distillation », chapter II. Trans. Chem. | Soc., 1902, t. LXXXI, 768; 1903, t. LXXXIII, 45. SYDNEY YOUNG — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES PURS ET DES MÉLANGES 985 tiques supérieurs sont presque insolubles dans eau, quoique l'on puisse dire qu'il existe quelque relation chimique entre eux, autant qu'un alcool peut être considéré comme un dérivé alkylé de l'eau. Mais les alcools peuvent aussi être considé- rés comme des dérivés hydroxylés des hydrocar- bures, et plus le poids du groupe alkylé est élevé, plus grande est son influence, relativement à celle de l'hydroxyle, sur les propriétés de l'alcool. Ainsi, tandis que les alcools inférieurs montrent une ressemblance considérable avec l'eau, par exemple dans leur façon de se comporter avec les agents déshydralants, tels que le sodium, l’anhy- dride phosphorique ou la chaux, et dans leur pou- voir d'union avec les sels métalliques pour former des alcoolates crislallins correspondant aux hy- drates, cette ressemblance diminue lorsque l’on s'élève dans la série et ne s'observe généralement pas avec les membres supérieurs. D'un autre côté, plus le poids moléculaire de l'alcool est élevé, plus grande est sa ressemblance avec l’hydrocarbure dont il dérive. Ce fait, déjà mentionné, est bien prouvé par la diminution de différence entre les points d’ébullilion de l'alcool et de la paraffine, lorsqu'on progresse dans la série ; on peut aussi noter que le méthane a été longtemps classé comme gaz permanent, tandis que l'alcool méthylique est un liquide ; au lieu que l'hexadécane (C®H**)_ et l'alcool cétylique (C*H*OH) sont des solides, le premier se liquéfiant à 18° el le dernier à 50°. Je pense qu'il peut être établi que le rapport chi- - mique entre l'eau et l'alcool méthylique est assez étroit, tandis qu'entre l’eau et l'alcool cétylique, il est très reläthé. Ainsi deux membres adjacents d'une série homologue, tels que les alcools méthy- lique et éthylique, ont une relation plus étroile que deux membres de poids moléculaires très diffé- rents, tels que les alcools méthylique et cétylique. Si l’on adopte cette facon de voir, je crois qu'il est juste de dire que les liquides qui sont chimi- quement étroitement reliés l’un à l'autre sont inva- riablement miscibles dans toutes proportions. Pour ce qui a rapport aux volumes relatifs d'un mélange et de ses parties consliluantes à la même température, on sait que l'inégalité est la règle et l'égalité l'exception, et, de plus, que la contraction est plus fréquemment observée que l'expansion dans le mélange. Autant, cependant, que les données expérimentales le montrent, il semble que, lorsque les liquides sont très étroitement reliés l'un à l'autre, le changement de volume est excessive- ment faible. Exemple : l’acélate et le propio- nate d'éthyle en proportions équimoléculaires, + 0,015°/, ; le toluène et l'éthylbenzène, —0,034°/,; le n-hexane et le n-octane, — 0,053 °/,; les alcools ! méthylique et éthylique, + 0,004 °/,; le chloro- benzène et le bromobenzène, pas de changement. Lorsque la parenté est moins étroite, les chan- gements sont habituellement, mais non invariable- ment, plus grands et sont positifs dans quelques cas et négatifs dans d’autres; il est rarement pos- sible, avec les connaissances actuelles, de prédire, d'après la nature des substances, à moins que l'une soit une base et l'autre un acide, si l'on doit s'attendre à une contraction ou à une expansion. Ainsi, lorsqu'on mélange de l'alcool méthylique: avec de l'eau, il se produit une contraction impor- lante, quoique le rapport soit moins étroit qu'entre les alcools méthylique et éthylique, qui se dilatent faiblement en se mélangeant. Tout ce que nous pouvons dire pour les alcools, c'est que, plus le poids moléculaire est élevé, ou (si on y inclut les alcools isomériques) plus le point d'ébullition est élevé, en règle générale, plus la contraction est faible lorsqu'on les mélange à l’eau. Des remarques à peu près identiques s'appliquent aux variations calorifiques qui se produisent en mélangeant des liquides. Il semble que, lorsqu'il s'agit de substances ayant une relation très étroite, ces changements sont excessivement faibles ou négligeables, comme cela est indiqué par les chan- gements de température très faibles qui ont élé observés ; exemple : l'acétate d’éthyle et le propio- nate, —0°.,02; le toluène et l'éthylbenzène, Æ+0°,05; le z-hexane el le 2-octane, 0°,06; les alcools méthylique et éthylique, —0°,10; le chlorobenzène et le bromobenzène, 0°,00. On peut s'attendre à ce que, dans le cas de subs- tances moins voisines, la contraction soit accompa- gnée par une évolution de chaleur et l'expansion par une absorption de chaleur; mais ce n’est en aucune facon un fait invariable: par exemple, en mélan- geant 40 molécules-grammes d'alcool propylique avec 60 molécules-grammes d’eau, il y à une con- traction de 1,42 °/,; mais on observe un abaisse- ment de température de 1°,15. Prenant les alcools comme groupe, on trouve que, plus le point d'ébul- lition est élevé, plus faible est l'évolution de cha- leur ou plus grande l'absorption, en les mélan- geant avec l’eau. IV. — PROPRIÉTÉS THERMIQUES DES MÉLANGES. La façon de se comporter de deux liquides non miscibles chauffés ensemble est bien connue, et j'ai seulement besoin de rappeler le fait que la pression de la vapeur est égale à la somme des tensions de vapeur des constiluants purs à la même température ; que le point d’ébullition est la température à laquelle la somme des pressions de vapeur des parties consliluantes est égale à la Li 986 SYDNEY YOUNG — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES PURS ET DES MÉLANGES. pression sous laquelle le liquide distille, à condi- tion que l'évaporalion s'effectue librement et que la vapeur ne soit pas mélangée à l'air, et enfin que la composition de la vapeur est indépendante de celle du liquide (tant que les deux parties consti- tuantes sont présentes en quantité suffisante), et est exprimée par l'équation: xA PADA x2 ai Ps Du”? dans laquelle x4 et x? représentent les poids rela- tifs des deux constituants dans la vapeur, P* et P3 leurs pressions de vapeur au point d’ébullition observé, et D et DF leurs densilés de vapeur. La pression de la vapeur, le point d'ébullition et la composition de la vapeur peuvent alors être cal- culés pour les liquides non miscibles, et il a été établi que de tels liquides n’ont jamais aucune parenté chimique étroite, et n'ont habituellement aucun rapport entre eux. D'un autre côté, on sait que, lorsque la relation chimique est très étroite, les liquides sont invaria- blement miscibles en toutes proportions, et qu'il y a très peu de variation de volume ou de chaleur dans le mélange. Ainsi, la pression de vapeur et le point d’ébulli- tion d'un mélange formé de liquides étroitement reliés sont facilement déduits de ceux des compo- sants purs, et la composition de la vapeur est en relation simple avec celle du liquide. La pression de vapeur d'un mélange est donnée avec une très grande précision par l'équation : mPa + (100 — m»)Pr PE 100 ? dans laquelle P, P# et P? représentent les pres- sions de vapeur du mélange et des parties consli- tuantes À et B au point d’ébullition observé et m le pourcentage moléculaire de A”. Van der Waals concluait, d'après des considéra- tions théoriques, que cette relation doit être exacte lorsque les pressions critiques sont égales et que les attractions moléculaires s'accordent avec la formule proposée par Galitzine et par D. Berthelot, de = V à,.a,, dans laquelle 4, représente l’attrac- tion des molécules dissemblables et à, et a, les attractions respectives des molécules semblables. Cela est certainement le cas avec le chlorobenzène et le bromobenzène, lesquels, comme en l'a déjà mentionné, ne présentent aucune variation de cha- leur ou de volume lorsqu'ils sont mélangés, car la différence maximum entre les pressions observée et calculée dans trois expériences a élé moindre que 0,1 °/.. : Fractional Distillation, Chapitre IT; Trans. C'hem. Soc., Joc. cit. En tout cas, la relation est presque exacte pour des substances qui ont une étroite parenté, lorsque, les pressions critiques ne sont pas égales, car, dans le cas de l'alcool méthylique et de l'alcool éthylique, la différence entre les pressions obser-\ vée et calculée est dans les limites de l'erreur expérimentale, et, avec quatre autres paires den substances ayant une étroite relation, la plus grande différence moyenne (pour trois lectures était seulement de 0,6 °/,;. Cependant, comme Speyers l'a suggéré, elle n'est pas exacte pour. toutes les substances non associées, étroitement” reliées ou non; la parenté chimique semble être beaucoup plus importante que l’état de l'agréga-s tion moléculaire, car la relation est vraie pour les alcools méthylique et éthylique, landis qu'elle n’est pas du tout exacte pour le benzène et l’hexanen Le point d'ébullition d'un mélange de liquides" ayant une étroite parenté peut être établi d’après les pressions de vapeur des constituants, mais pas aussi simplement que dans le cas des liquides non miscibles, parce que le point d’ébullition dépend de la composition du liquide *. Pour calculer les points d’ébullition des mé- langes de deux liquides étroitement reliés, sous une pression normale, il est nécessaire de con-… naître la pression de vapeur de chaque substance à des températures situées entre leurs points d'ébullition respectifs sous cette pression. Ainsi, le chloroforme bout à 132°, et le bromcbenzène à 15601; l'on doit donc pouvoir établir la pression den vapeur de chaque substance entre 132° et 156°. Le composition moléculaire pour cent des mé- langes qui exercent une pression de vapeur de 760 millimètres doit ensuite être calculée à une série de températures, par exemple de deux en deux degrés, entre ces limites, au moyen de la formule ft m = 100 _— ô dans laquelle P, pour ce cas, — 760. Enfin, les pourcentages moléculaires de A ainsi calculés sont portés en abscisses, et les tempéra- tures en ordonnées, et la courbe dessinée par les points obtenus donnera la relation demandée entre le point d'ébullition et la composition moléculaire sous la pression normale. Dans le cas de six paires de liquides ayant une étroite parenté, la plus grande différence entre la température observée et la lecture de la courbe construite comme il à été décrit a été de 0°27. 11 a été démontré par F. D. Brown que la for- mule pour la composition de la vapeur d’un liquide PR TE TT D ES 2 M 4 Fractional Distillation. Chapitre IV; Trans.Chem. Soc. loc. cit. SYDNEY YOUNG — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES PURS ET DES MÉLANGES 987 mélangé‘, suggérée indépendamment par Berthelot et par Wanklyn : xA WAPADA x — WzP2D: {dans laquelle x* et x”, P# et P°, DS et DS ont la mème signification que dans l'équation pour les liquides non miscibles, WA et W? représentent les poids relatifs des deux parties constituantes dans le mélange liquide) est incorrecte, et il a proposé la formule plus simple : xA _ Wa x °Wwr? dans laquelle € est PA pas beaucoup de pr une constante qui ne diffère Ce sujet a été mathématique- ment éludié par Duhem et par Margules, et expéri- mentalement et mathématiquement par Lehfeldt et par Zawidski. Ces deux derniers savants ont déduit des formules applicables de l'équation fon- damentale de Duhem et Margules, et il est remar- quable que les formules de Lehfeldt et de Zawidski, dans leur forme la plus simple, soient identiques à celle de Brown. Cependant, celle de Zawidski revêt la forme suivante : Cette formule n'est certainement pas exacte, en règle générale, pour les mélanges de liquides qui n'ont pas une étroite parenté; mais, d'un autre côté, dans le très petit nombre de cas examinés, l'équation : xA Wa x Wa a semblé s'appliquer aux mélanges pour lesquels l'équation : p — 2P4 + (100 — m)Pr s4 100 est applicable, c’est-à-dire généralement pour les liquides étroitement reliés. > P: = ps reste ouverte; mais il est intéressant de remarquer que, si cette égalité existe, il sera possible, dans beaucoup d'occasions, de calculer la pression de vapeur à n'importe queile tempéralure, le point d'ébullition sous une pression quelconque, et la composition de la vapeur de n'importe quel mé- lange formé de deux liquides étroitement reliés, si l'on connaît le point d'ébullition d'un des deux à une pression quelconque et les pressions de vapeur de l’autre dans des limites de température suffisamment étendues. Car les points d’ébullition des deux liquides à la même pression sur l'échelle La question, cependant, de savoir si € 4 Fractional Distillation., chapitres V et IV. absolue sont en rapport constant l’un avec l’autre, soil : Ta TA. T5 = M de là, on peut calculer les pressions de vapeur ou les points d'ébullition d'une substance si celles ou ceux de l’autre sont connus. Au moyen des pres- sions de vapeur des substances pures, on peul encore calculer les pressions de vapeur et les points d’ébullition de tous les mélanges ; et, enfin, : P* si C— pr On peut employer la formule de Brown XA Wa x 9 W pour calculer la composition de la vapeur de tous les mélanges sans avoir besoin d'entreprendre des expériences spéciales pour trouver la valeur de €. Le point très intéressant est d'établir si « est PA réellement égal à ps ou non. De ce qui a été dit, on peut conclure que, pour élablir la facon normale dont se comportent les substances pures sous des conditions différentes, ou pour trouver les relations les plus simples entre les points d'ébullition, les volumes moléculaires ou d'autres constantes physiques d’une série de substances, ou encore pour élablir la façon de se comporter des substances mélangées et les pro- priélés des mélanges comparées avec celles des parties constituantes, il est sage, sans aucun doute, tout d'abord de concentrer notre attention sur les substances dont les molécules ne montrent aucun signe d'association, soit à l'état gazeux, soil à l'état liquide. Dans le cas des mélanges, il est préférable aussi de commencer avec les substances qui sont chimi- quement étroitement reliées l’une à l'autre. IL a été établi que, pour des mélanges semblables, la formule mPA + (100 — m)Ps 100 est exacte, autrement dit que le rapport entre la pression de vapeur et la composition moléculaire est exprimé par une ligne droite (fig. 1). Lorsque la relation chimique n'est pas aussi étroite, la formule ci-dessus ne peut s'appliquer et la ligne entre P* et PF est courbe, comme cela est montré par les lignes pointillées, les pressions actuelles étant plus fréquemment supérieures (quoique, dans quelques cas, plus basses) que celles données par la formule. : Il est clair que, lorsque la courbure est considé- rable, les pressions de vapeur des mélanges entre certaines limites peuvent être plus élevées (ou plus basses) que celle d'une quelconque des parties 988 SYDNEY YOUNG — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES PURS ET DES MÉLANGES L conslituantes pures, et qu'un mélange particulier peut avoir une pression de vapeur maximum (ou minimum). On remarquera aussi, d'après les dia- grammes, que, plus la différence entre les pressions PA et PE est faible, plus la courbure destinée à représenter un maximum ou un minimum de pression est petite. La courbure est comparativement légère pour les mélanges d'alcool méthylique et d'eau, et les pressions de vapeur de tous les mélanges possibles sont situées entre celles des constituants purs. Dans le cas de l'alcool éthylique et de l'eau, qui ont une parenté moins étroite que l'alcool méthy- lique et l'eau, la courbure est plus grande et la différence entre les pressions de vapeur des deux composants est moindre; à environ 78°, un mé- lange contenant 4,43 °/, d'eau possède une pres- 50 Pression de la vapeur 0Ô 100 0 Pourcentage molecularre de B 100 Fig. 1. — Pressions de vapeur des mélanges en fonction de la composition moléculaire. sion de vapeur légèrement supérieure à celle de l'alcool pur. Les pressions de vapeur de l'alcool propylique ne diffèrent pas beaucoup de celles de l'eau, et la courbure de la courbe pression-composition est beaucoup plus accentuée que pour l'alcool éthy- lique. Les pressions de vapeur des mélanges d'alcool propylique et d’eau, entre des limites étendues, sont plus élevées que celles de la partie consti- tuante la plus volatile, l'alcool propylique‘, et la pression maximum est très bien marquée. D'un autre côlé, une étude sur la facon de se comporter des mélanges d'alcool avec l'hexane normal ou avec le benzène* montre que, si l'on s'élève dans la série des alcools, la courbure des courbes pression-composition devient plus faible. Généralement, plus la relation chimique entre les parties constituantes est étroile, plus la courbure de la courbe pression-compesition est petite. Comme cela a déjà été prouvé, la relation entre le point d'ébullition et la composition moléculaire n'est pas aussisimple que la relation entre la pres= sion de vapeur el la composilion moléculaires Lorsque cette dernière relation est exprimée par une ligne droite, la première est représentée par une courbe régulière. Mais la courbure dépend principalement de la différence entre les points. d'ébullition des constituants, et elle est vraiment très faible lorsque celte différence est petite. Lan méthode pour calculer les points d’ébullilion au moyen des pressions de vapeur des parties consti= tuantes pures a déjà été mentionnée. La déviation maximum, mesurée comme température, entre la courbe normale et la ligne droite peut s'exprimer par l'équation suivante !: —0,000158A%4 \ CADRES : D— dans laquelle A représente la différence entre les* points d'ébullition des deux parties constituantes ;« __dt 11 1 —dp T° ur (504 0,188) ca + (50—0,184)e5 100 et (50 + 0,18 A)T4 + (50 — 0,18 A)Tn 100 : T' Lorsque les composants d'un mélange n'ont pas. une étroite parenté, puisque la relation entre lan pression de vapeur et la composition moléculaire n'est pas représentée par une ligne droite, la rela=n lion entre le point d'ébullilion et la composilion moléculaire n'est pas exprimée par la courbe nor- male. Habituellement, les températures sont infé- . . , L rieures; mais, pour les mélanges de quelques substances, elles sont plus élevées que celles que donne la courbe normale, et lorsque la déviation entre la courbe actuelle et la normale est considé-M rable (spécialement lorsque les points d’ébullition des parties constituantes pures diffèrent à peine), les points d'ébullilion des mélanges, entre certaines limites, peuvent être inférieurs (ou supérieurs), de même que les pressions de vapeur peuvent être supérieures (ou inférieures) à ceux ou celles d’un quelconque des constituants. Ainsi, il peut exister des mélanges à point d'ébul- lition minimum (ou maximum) correspondant aux Cr mélanges à lLension de vapeur maximum ou mini- # mum. Ce cas se présente beaucoup plus souvent” qu'on ne l'avait supposé jusqu'à maintenant, et cela a donné lieu à une grande confusion dans l'interprétation des résultats de la distillation frac- tionnée des mélanges complexes. On ne peut pas former de mélanges ayant un point d'ébullition constant lorsque les parties cons- | { Koxowazow : Wed Ann., 1884, t. XIV, 34; « Fractional Distillation », chapitre III. * Trans. Chem. Soc., 1902, t. LXXXI, :39; « Fractional Distillation », chapitre HI. YouxG LXXXIII, 6$; 1 Trans. Chem. Soc., Fractional Distillation, chapitre IV. ? Une liste de mélanges connus à point d'ébullition cons- tant est donné dans « Fractional Distillation », pp. 67-69. 1903, t. LE: ê SYDNEY YOUNG — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES PURS ET DES MÉLANGES 989 lituantes ont une parenté très étroite; on les ren- contre occasionnellement si aucun des composants ne présente d'association moléculaire à l'état liquide, s'il n'y a aucune relation chimique entre eux et si leurs points d’ébullition ne sont pas très distants (par exemple : benzène et hexane normal, disulfure de carbone el bromure d'éthyle); par contre, ils sont très fréquents lorsque les molécules de l’une ou des deux parties constituantes sont associées à l'état liquide. Il y à un certain nombre d'années, Schorlemmer a prouvé que le benzène doit se trouver dans le pétrole américain, parce qu'il se forme du di-nitro- benzène lorsqu'un distillat à point d'ébullilion modéré est traité par un mélange d'acide nitrique et sulfurique. Plus récemment, on a découvert que, lorsque l'on lraite du pétrole soigneusement frac- tionné par les acides mélangés, ce sont les fraclions qui passent entre 60° et 70° qui donnent la plus grande quantité de di-nitrobenzène, tandis que le liquide distillé à environ 80° {le point d'ébullition du benzène est 80°,2) en donne peu ou point. Deux explications de ces faits semblent possibles : 1° Ce n'est pas du benzène, mais quelqu'autre substance qui fournit du di-nilrobenzène; 2° le benzène distille à une température très inférieure à son point d'ébullition ordinaire. La première expli- cation a été adoptée au moins par un chimiste, mais la seconde est la vraie. Le benzène forme des mélanges à point d’ébullilion minimum avec les hexanes présents dans le pétrole américain, et, lorsqu'il est présent en quantité relalivement faible, le tout passe avec ces hexanes, particulièrement aux températures situées entre les points d'ébulli- tion de l'iso-hexane et de l'hexane normal. Les hydrocarbures aromatiques sont présents en quan- tité relativement beaucoup plus grande dans Île pétrole russe, et tout le benzène n’est pas entrainé avec les hexanes ; une partie reste et distille envi- ron à 80°. Enfin, le fait qu'il n’est pas possible d'obtenir de l'alcool absolu par la distillation de l'esprit de vin faible s'explique par la formation du mélange à pointd'ébullilion minimum contenant 4,43°/, d'eau. Dans le cas des mélanges qui contiennent trois composants, lorsque chacune des trois paires de liquides possibles est capable de former un mélange” à point d'ébullition minimum, il peut arriver qu’un mélange particulier des trois constituants distillera sans variation de composition à une température in- férieure à celle du point d'ébullition d'un quelconque des mélanges binaires ou des composants purs. 1 Le terme « mélange » est pris ici pour désigner non seulement les paires de liquides miscibles, mais aussi non miscibles ou partiellement miscibles, tels que le ben- zène et l'eau. L'alcool éthylique, l'eau et le benzène forment un mélange ternaire de cette nature à point d'ébul- lition minimum, et, dans le tableau IT, on trou- vera la composition des mélanges à point d'ébul- lilion minimum et les points d’ébullition des constiluants purs et des mélanges. Lorsqu'on distille un mélange des trois compo- sants, le mélange ternaire (A. E. B) bouillant à 64°,85 tend à passer le premier; mais, en somme, la distillation peut théoriquement avoir lieu de treize manières différentes, suivant la composition du mélange original : 1. Le mélange original a la composition du mé- lange ternaire à point d’ébullition minimum et distille sans changement ; 2-4. Le mélange ternaire est suivi par un des composants purs ; 5-7. Le mélange ternaire est suivi par un des TagLeau II. — Gomposition et points d’ébullition des mélanges à point d’ébullition minimum. I HOUBE F6 COMPOSITION POUR CENT à point d'ébullition d'ébulli- constant tion Alcool Eau Benzène 1. Alcool, eau et ben- zène (A. E. B.). 18,5 1,1% 14,1 2, Alcool et benzène M ME ooite 32,41 » 67,59 3. Eau etbenzène(E.B.). » 8.83 ga Ar 4. Alcool et eau (A.E.). 95,57 4,43 » SAAICOOMAN) RE 100,00 » » 6. Benzène (B.). L D » 100,00 1. Eau (E:). 100,0 » 100,00 » mélanges binaires à point d'ébullition constant; 8 à 13. Le mélange ternaire passe le premier, ensuite un des trois mélanges binaires, et enfin un des constituants purs. Le cas le plus intéressant et pratiquemment le plus important! est celui dans lequel un esprit de vin fort, contenant, par exemple, 94 ou 95° d'alcool, est distillé avec environ son propre poids de ben- zène. Les fractions dans lesquelles un tel mélange tendent à se séparer sont : POINT D'ÉBULLITION 6%0,85 10 À, B, E. DOMACUB: 680,25 SONPAE 780,3 Ainsi, toute l’eau tend à passer dans la première fraction, le restant du benzène dans la seconde, tandis que l'alcool, qui est le plus volatil des trois constituants originaux, reste comme résidu. Quoique les différences entre les points d’ébulli- tion des trois fractions soient si faibles que la ! Trans. Chem. 1902, t. Distillation », ch LXXXI, 707; « Fractional S06., VIT. 990 SYDNEY YOUNG — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES PURS ET DES MÉLANGES séparation est très difficile, cependant, avec un rectificateur‘ très efficace, celte méthode de dis- tillation avec le benzène constitue la meilleure méthode connue pour déshydrater l'alcool éthy- lique, et la même méthode peut être employée avec avantage pour enlever l’eau de lalcool nor- mal, ou iso-propylique, ou butylique tertiaire. Pourtant, l'alcool méthylique ne forme aucun mélange à point d'ébullition minimum avec l’eau, ni l'alcool iso-amylique avec le benzène; on n'ob- tient pas non plus un mélange ternaire à point d'ébullition minimum lorsqu'on distille avec de l’eau et du benzène, soit les alcools précédents, soit un alcool à point d'ébullition supérieur à celui de l'alcool iso-amylique. Dans le cas de l'alcool mé- thylique, la première fraction consiste en alcool et benzène, tandis qu'avec l'iso-amylique où quel- qu'autre alcool à point d’ébullition encore plus élevé, elle consiste en benzène et eau. Ainsi, le benzène ne peut pas être employé pour enlever l'eau de l'alcool méthylique: de même aucun agent déshydratant réagissant chimique- ment avec l'eau ne donne de résultats complè- tement satisfaisants; d’un autre côté, la séparation de l'alcool méthylique et de l'eau par distillation fractionnée avec un rectificateur efficace est facile, et c’est une erreur de supposer qu'il soit difficile d'obtenir un alcool méthylique anhydre. V. — DiSTILLATION FRACTIONNÉE COMME MÉTHODE D'ANALYSE QUANTITATIVE . Lorsqu'un mélange peut être séparé par la dis- tillation en deux constituants (soit deux substances à po d'ébullition cons- tant et une sublance pure), le poids du distilla- tum qui passe au-dessous du point moyen”, lors- qu'on distille le liquide lentement à travers un rectificateur efficace, esl presque exactement égal au poids du constiluant le plus volatil, même lorsque la séparation est loin d'être complète. Si le mélange original a une tendance à se séparer en plus de deux, disons en » composants, les poids de ces composants seront presque égaux respec- pures, soit un mélang Livement à : N°1, le point du distillatum en dessous du premier point moyen; 1 Trans. Chem.,Soc., 1899, &. LXXV, 679; « Fractional Distillation », ch. X à XII. 2 Trans. Chem. Soc., 4902, € LXXXI. 352. « Fractional Distillation », ch. XVI. ? Par point moyen, on doit entendre, dans tous les cas, la température moyenne entre les points d'ébullition des deux constituants (substances pures, ou mélanges à point d'ébullition constant) dans lequel le mélange original tend à se séparer; ou, dans le cas de mélanges plus complexes, la température moyenne entre les points d'ébullilions de deux fractions successives à point d'ébullition constant. N° 2 à n—1,les poids du distillatum entre les points moyens successifs; À N° », le poids au-dessus du dernier point moyen D. Il y a toujours une petite erreur due à la perte par évaporation, mais la correction peut être étab approximalivement. Exemple : Un mélange de 100 grammes d'acétate. de méthyle (Eb. 57°,1), 120 grammes d'acétaten d'éthyle (Eb. 77,15) et 100 grammes d'acétate propyle (Eb. 101°,55) [points moyens 67,1 et 899,33 a été distillé à raison d’une goutte par secondi travers un « rectificateur-évaporateur" » modifié à huit sections avec les résultats suivants : CORRIGÉE M Poids du distillatum : Au-dessous de 67,1 . 97 gr. 95 98 gr. 45 De 670,1 à 890,35. . . 120 gr. 10 120 gr. SUN Poids du résidu au-dessus de 89035 100 gr. 55 100 gr. 15 Perte totale. . 0 gr. Sû 0 gr. 00. 320 gr. 00 320 gr. 00 La perte totale a été de 0,8 gramme, dont il fa déduire 0 gr. 7 pour l'évaporalion. Sur la perte pat évaporation, on a supposé que 0 gr. 5 avaient étés perdus au-dessous de 67°,1. £ Un résultat encore plus satisfaisant a été obtenu en répétant la distillation, de nouveau en trois fractions. Si la séparation est difficile ou si la quantité du constituant le plus volatil est relativement faible, deux ou trois distillations fractionnées peuvent être nécessaires avant que les poids des fractions, (corrigés pour la perle) deviennent constants eb égaux aux poids des composants. Lorsque la sépa ration des constituants est trop difficile pour être effectuée par distillation fractionnée, la méthode: n'est pas applicable. VI. — COMPOSITION DES MÉLANGES A POINT . D'ÉBULLITION CONSTANT. Un mélange à point d'ébullition constant ses comporte comme une substance pure lorsqu'on le distille; par conséquent, si l’un des constituants dans lequel un liquide tend à se séparer constitue un mélange de celte nature, son poids peut être calculé si l'on connaît auparavant son point d’ébul lition et sa composilion. D'un autre côté, si l'on connaît le point d'ébullilion constant du mélange (par suile le point moyen) et la composition du mélange original, la composition du mélange à point d'ébullition minimum peut être calculée d'après le poids du distillatum qui passe au-dessou du point moyen *. ! Trans. Chem. 694. « Fractional Distilla=« tion », p. 161. ? Ou celle d'un mélange à point d'ébullition maximum: d'après le poids du distillatum au-dessus du point moyens Soc., 1899, p. 5 ; D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 991 La distillation, à lravers un «rectificateur évapo- rator » à cinq seclions, d'un mélange d'alcool pro- pylique normal et d'eau, cette dernière en excès, peut être prise comme exemple. Les points d'ébullition sont les suivants : mé- “ange à point d'ébullition constant 87,7; eau 400°; point moyen 93°,85. MaABLeau IV. — Composition d'un mélange à point d’'ébuïlition constant. COMPOSITION DU MÉLANGE s POIDS à point d'ébullition constant MÉLANGE au-dessous employé de gravité du point moyen : = spéciique D par distillation (0 Alcool. + Eau. - : 106,4 Alcool , 106,7| Eau 16,6[0bserveé. 50,0|Corrigé . 126,6 100,0! 100,00 On effectue le calcul comme suit : Poids de l'alcool propylique — 76,6 grammes. Poids du mélange à point d’ébullilion constant — poids corrigé du distillatum au-dessous du = pointmoyen — 106,7 grammes. Pourcentage d'alcool propylique dans le mélange à point d’ébullilion constant : EE LE Dans le cas d'un mélange qui tend à se séparer en : 1° un mélange lernaire à point d’ébullition constant; 2° un mélange binaire à point d'ébullilion constant; 3° une substance pure, — la composition du mélange ternaire peut être calculée si l’on connait celle du mélange binaire et du mélange original, pourvu que lestrois constituants (les deux mélan- ges à point d'ébullition constant et la substance pure) puissent être séparés par distillation frac- tionnée. On à établi que, lorsqu'on distille un mé- lange d'alcool éthylique, de benzène et d’eau, il peut passer sans changement dans sa composition, ou une séparation peut avoir lieu de douze manières différentes. Dans six d’entre elles, le mélange ter- naire, un mélange binaire et une substance pure seraient obtenus si la séparation pouvait s'effectuer, mais c'est presque impossible lorsque le mélange binaire est formé d'alcool et d’eau et la substance pure d'alcool, parce que la différence entre leurs points d’ébullition est trop petite (moins de 0°,2). Le résultat est aussi peu satisfaisant avec le même mélange binaire et de l’eau comme produit final, mais les quatre autres méthodes de séparation sont applicables et ont été employées pour la détermi- nalion de la composition du mélange ternaire. Les résultats moyens sont donnés ci-dessous, et l'on remarquera qu'ils s'accordent bien avec ceux qu'on obtient par l'estimation directe des consti- tuants dans le mélange lernaire fractionné avec soin. DÉTERMINATION RÉSULTAT MOYEN directe de la distillation AICOONE EM ER NRENR 18.5 18,7 Benzène TL 714,2 Eau 7,4 A 100,0 100,0 Afin d'obtenir des résultats satisfaisants par la méthode de distillation, il est nécessaire d'employer un rectificateur très efficace, préférablement de la forme « évaporator », et de conduire la distillation lentement, par exemple au taux d’une goutte de distillatum par seconde. Sydney Young, Professeur de Chimie à Trinity College (Dublin). Membre de la Société Royale de Londres. REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE I. — ScorBut. Le scorbut est une maladie que les progrès de l'Hygiène ont réussi à rendre rare. Nous ne l'ob- servons plus guère, dans nos pays, dans les milieux, camps, prisons, bas quartiers, ete., où elle sévis- sait autrefois. Le scorbut est même devenu presque exceptionnel au cours des croisières navales loin- taines ou des hivernages prolongés. L'idée de parler du scorbut dans cette revue m'a été suggérée par l'apparition récente d'un impor- tant ouvrage”, dû à l’un de nos très érudits con- 1 A. DÉVÉ : Ztude étiolacique à propos du scorbut. Paris, Vermot et Maloine, 1903. frères, le D' A. Dévé (de Beauvais). Cette œuvre, élaborée avec une patience infinie, témoigne d’un sens critique aiguisé, d'une grande modestie et d'une bonne foi scientifique parfaite. L'étude étiologique approfondie que M. Dévé à faite à propos du scorbut a pour but de présenter celte maladie comme « la manifestation d’une infection d'essence palustre ». Parmi les causes du scorbut, avant même la nourriture défectueuse, le confinement et le mau- vais air ont été incriminés. Avec la doctrine bacté- rienne, on voit apparaitre la possibilité d'action d’un germe pathogène spécial, puis sa description, sans toutefois que celle-ci ait reçu une sanction définitive. 992 D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE M. À. Dévé montre la corrélation entre l'exis- tence des foyers palustres et l'apparition du scor- but. Les historiens anciens avaient déjà fait cette remarque que le scorbut sévissait de préférence dans les contrées marécageuses, malariques ; que celui-ci coïncidait presque loujours avec la fièvre paludéenne ; que le scorbut de mer et le scorbut des pays de marais avaient la même essence; que le paludisme et le scorbut s'alliaient, s’associaient et donnaient lieu à des formes mixtes, à des com- binaisons complexes. Tout marais n’est pas forcé- ment un foyer de scorbut, pas plus que de palu- disme; mais il faut un marais pour produire le scorbut, qui ne se manifeste jamais dans les pays secs. En outre, le scorbut disparait des endroits où le sol est asséché. Il apparaît, au contraire, dans les contrées où, par suite de ruptures des digues, par exemple, le sol est redevenu marécageux. Les mêmes conditions favorables à sa production peu- vent être réalisées artificiellement par des défec- tuosités dans l'hygiène des habitations; celles-ci tiennent à des détails parfois si minimes qu'ils passent inaperçus. La formation d'un véritable petit «marais domestique » et, par suite, d'un foyer d'infection peut résuller de la présence d'une flaque d'eau stagnante, d'un tas de fumier, de matières organiques en décomposition abandon- nées sous un évier, d'une gouttière mal entretenue, de pots de fleurs cultivés en appartement, etc. Tout milieu propre au développement du palu- disme l’est également à celui du scorbut. Tel est le premier point démontré par M. Dévé. Il s'efforce ensuite d'établir un parallèle entre la marche et l'allure des deux affections. Il y a une grande ana- logie entre l’incubation des fièvres palustres et celle du scorbut. Comme les premières, celui-ci peut débuter soudainement, très peu de temps après la contamination. M. Dévé rapporte une belle observation de M. Georges Pouchet sur lui-même. Dans les deux cas, l'incubation se prolonge, plus ou moins longtemps, de quelques jours à plusieurs mois. On a souvent donné le scorbut comme une résul- tante de toules les misères qu'éprouve dans cer- taines conditions l'organisme humain. M. Dévé s'élève contre cette idée et la combat par des argu- ments tels que l'apparition brusque du scorbut parmi des individus robustes et sains d'apparence, et l’immunité de contraste que peuvent présenter des sujets chétifs et débilités. Il ressort des nom- breuses observations qu'il fournit que l’éliolement n’est pas indispensable à la production du scorbut et qu'en temps d’épidémie les plus robustes sont parlois le plus atteints. L'invasion du scorbut est analogue à celle du paludisme : c'est encore un trait commun aux deux maladies. Si l’on examine les symptômes cliniques par lesquels se manifeste le paludisme, on est frappé. de leur variabilité, etce polymorphisme se retrouve d'une facon nette dans le scorbut. L'aspect que donne à la peau la cachexie palustre est le même que celui du teint blafard, terreux et plombé du scorbutique. La mélanodermie s’observe dans less deux cas. L'anémie excessive, les œdèmes, less hydropisies leur sont communs. On connaît la ten dance hémorrhagique du scorbut : on la retrouv dans le paludisme. D'où une confusion cliniques embarrassante : « Lorsque l’une ou l’autre de ces« modalités morbides prend la forme hémorrha: gique, le diagnostic différentiel devient des plus délicats à formuler; souvent on n’y peut parvenir. » Au scorbut comme au paludisme appartiennent les complications pulmonaires et cardiaques, causes fréquentes de morts rapides ou subites. De même les névralgies et les pseudo-rhumatismes. L'in= flammation et l'ulcération des gencives sont une lésion connue du scorbut, si bien qu'on l’a donnée comme pathognomonique de celte affection. Or M. Dévé montre, par le récit d'observations de diverses sources, que, dans les pays où règne le paludisme chronique, il n'est pas rare que les paludéens soient affligés de stomatiles avec des gencives boursoufflées et saignantes. Scorbuliques et paludéens présentent également des ulcères phagédéniques, des plaies gangréneuses et même des gangrènes viscérales. L'héméralopie est une complication à la fois paludéenne et scorbutique : cela est de notion certaine. M. Dévé va plus loin; il tend à en faire non seulement une complication, mais un symptôme de ces affections. Celle identi-= fication peut même s'étendre à la pellagre, que l’on a attribuée, comme le scorbut, à des causes alimentaires. Il n'y aurait pas besoin d'incriminer le mauvais état du riz et l’altération du maïs : riz et maïs sont cultures de pays humides. Or, la pel- lagre ne s'observe guère que dans les pays à fièvres. Ce rapprochement est susceptible d’avoir bientôt sa justification. On sait, en effet, que l'Italie est un des pays les plus éprouvés par la pellagre et aussi par les fièvres. Les mesures prises contre le paludisme, qui ont déjà donné de si heureux résul= tats, auront peut-être cet effet de raréfier du même coup la pellagre. Le fait s'est, d’ailleurs, produiten France, dans les Landes, où les modifications des conditions hygiéniques et l'exploitation du sol ont amené la disparition simultanée de la pellagre et des fièvres. Une autre affection, presque inconnue sous nos climats, le beriberi, sévit sur les côtes et dans les archipels asiatiques et malais. On en à fait une maladie microbienne particulière, après l'avoir aussi attribuée à des conditions alimen- laires et almosphériques. Mais nombre d'auteurs à D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 993 l'ont déjà reliée au paludisme et ont remarqué l’effi- cacité de la quinine dans son traitement. Rien d'improbable à ce que le scorbut et le beriberi soient deux modalilés d’une même affection. Les “sympiômes de polynévrile particuliers au beriberi, les troubles sensitifs et moteurs qui lui donnent “son caractère clinique ne seraient que la localisa- “tion du germe morbide sur le système nerveux. Ce sera peut-être un des enseignements médicaux de la malheureuse guerre russo-japonaise que d'élucider complètement la question d'identité entre le beriberi et le paludisme. Le beriberi sévit “en effet, dit-on, sur les troupes japonaises, et les “médecins nippons sont parfaitement au courant de l'opportunité de ces queslions et des méthodes convenables pour les résoudre. — Dans sa marche, dans les modes de terminai- son du scorbut, on trouve encore des analogies - évidentes avec le paludisme. Ce travail de M. Dévé est d’une richesse extrême en documents, en pages historiques et en extraits choisis avec un sûr discernement. Il soutient cette thèse intéressante par des arguments textuels, rassemblés, comme il le dit, avec la foi médicale, avec « probité et piété », espérant que celui qui aura mieux à dire le fasse dans le même esprit. II. — TRYPANOSOMIASE. L'étude du sang, de ses parasites, des hématlo- zoaires, l'étude des maladies coloniales, hier encore indéterminées comme la maladie du sommeil, ont mis à l'ordre du jour toute une catégorie d'orga- nismes microscopiques jusqu'ici ignorés du public. Les Trvpanosomes sont du nombre. Il y a cepen- dant de longues années que ces êtres sont connus des naturalistes. Ce fut en 1841 qu'ils furent signalés pour la première fois par Valentin. Il les avait trouvés dans le sang de la Truite et avait vu qu'il s'agissait de pelits vermicules fusiformes. Gluge, l'année suivante, les remarqua chez la Gre- nouille. Gruby, en 1842, les appela Trypanosomes, à cause du mode de progression qui leur est parti- culier. Ils s'avancent par un mouvement de vrille (roüravoy, tarière; cux, corps). Les zoologistes font de ces êtres des Protozoaires et les classent parmi les Flagellés, dont ils ont les caractères morpho- logiques et le développement. La plupart d’entre eux sont parasites du sang des divers animaux. Tous les Vertébrés sont susceptibles de leur servir d'habitat. On les a trouvés chez les Poissons, les Batraciens, les Oiseaux et les Mammifères. Des caractères distinctifs existent entre les diverses variétés de Trypanosomes. Ils ont permis d'en faire une sorte de classification d'attente. Cest ainsi que les variétés trouvées chez les REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. Oiseaux diffèrent du Trypanosome des Poissons, et ce dernier de celui du Rat, par exemple. Mais, essen- tiellement, ces parasites ont la forme suivante. Ils ont, à l'état adulte, l'aspect d'un vermicule plus ou moins aplali, muni d'un flagellum à son extrémité antérieure : ils se meuvent du côté du flagelle. Ce flagelle se continue avec une membrane plus ou moins distincte, mais très visible dans quelques espèces et si développée qu'elle forme une mem- brane ondulante. Flagelle et membrane ondulante ont des mouvements synergiques qui assurent la progression de l'animalcule. Leur protoplasma contient un noyau bien visible, faisant une tache claire sur la masse grisâtre et grenue du corps. Les Trypanosomes, suivant leur variété, ont de 10 à 60 de longueur sur 1 à 12 y de largeur. Leur dévelop- pement à élé bien étudié par Danilewsky sur les Trypanosomes parasites des Oiseaux. Ils se mul- tiplient dans la moelle des os, qui est leur habitat de prédilection. Leur reproduction se fait par segmentation. Les diverses phases sont les sui- vanles : l’adulte se rétracte, ce qui fait disparaitre son flagelle et sa membrane ondulante ; il devient sphéroïde, ressemblant à un leucocyte. Puis la segmentation a lieu par division du noyau et divi- sion du corps, et groupement des divers segments en une sorte de grappe, qui se désagrège en don- nant la liberté à de jeunes parasites ellipsoïdes, qui deviennent piriformes, et bientôt se munissent d’un flagellum. Danilewsky a lrouvé ces parasites dans le sang de divers Oiseaux : chez la Chouette, le Rollier, etc. Les Poissons (Saumon, Brochet, Perche, etc.) sont souvent infestés de Trypanosomes. La Grenouille en héberge plusieurs variétés, que Chalachnikow a décrites. Ce sont les plus longs : ils occupent sou- vent le rein. Chez la Grenouille verte, Sergent en a trouvé une nouvelle espèce. Enfin, les Mammifères en présentent diverses espèces. On les a décrits d'abord chez des animaux de laboratoire ou pris au hasard des recherches. Lewis, à Calcutta, trouva ces flagellés dans le sang des rats, Mus decumanus ct Mus rufescens. À Bordeaux, Jolyet et de Nabias ont également rencontré des Trypanosomes dans le sang des lapins. Mais celte étude ne prit réelle- ment tout son intérêt que lorsqu'on vit que cer- taines maladies frappant le bétail et les animaux domestiques pouvaient être occasionnées par la présence de ces animalcules dans le sang. Ainsi aux Indes et en Malaisie, les chevaux, mulets, chameaux et éléphants, les chiens mêmes, ont une maladie appelée surra. Griffith Evans, en 1880, a vu que les animaux atleinis présentaient des hémalozoaires en forme de spirilles, qui, plus tard, furent identifiés avec les Trypanosomes. Le para- site du surra serail analogue à celui du rat de o1** D° A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE Lewis. En outre, Crockshank, sur le rat d'Europe, et Laveran, sur le rat de Paris, ont retrouvé ce même parasite. Dans le Zoulouland, au Soudan, les chevaux, bovidés et dromadaires succombent à une affection appelée le nagana ou maladie de la Mouche tsé-tsé (Glossina morsitans), parce que ce sont les piqûres de cet insecte qui l'inoculent. Bruce, en 1894, a démontré qu'elle est due à des Trypanosomes. Dans l'Amérique du Sud, au Brésil, les bestiaux ont une maladie analogue aux précé- dentes : on l'appelle le mal de caderas. On y trouve encore un Trypanosome. En Algérie et dans l'Eu- rope méridionale, la dourine sévit sur les chevaux. Le sang des animaux malades contient le Trypa- nosum equiperdum (Doflein) ou le 7r. rougeti (Laveran). Une maladie décrite l'an dernier par Theiler sur les Bovidés du Transvaal et appelée Galziekte aurait une même cause. Quand on eut mieux étudié et connu ces maladies des animaux, on en vint à penser que certains cas de pathologie humaine, jusque-là classés parmi les formes anomales du paludisme, pouvaient bien reconnaitre une origine analogue. Toutefois, la trypanosomiase humaine ne recut une irréfutable confirmation qu'après qu'Aldo Castellani eut, par l'examen du liquide céphalo-rachidien, démontré que les Trypanosomes étaient le véritable agent pathogène de la maladie du sommeil. En outre, cette singulière affection semblait jusqu'ici n’atteindre que des sujets de race nègre : on croyait le blanc réfractaire. Or, il n'en est rien. Patrick Manson et Dupont ont observé des cas de maladie du sommeil chez les blancs. D’autres maladies, telles que la fièvre Dum-Dum de l'Inde,le Kala-azar, sont causées par des Trypanosomes. Les travaux de Leishmann, de Donovan et de Rogers l'ont établi. Rogers put même cultiver le parasite en dehors de l'orga- nisme, Ainsi a été constituée en très peu de temps toule une classe nouvelle de maladies parasitaires : les Trypanosomiases. La répartition géographique de ces parasites est beaucoup plus étendue qu'on ne le pensait jadis. On a même songé aux mesures prophylactiques à prendre pour s'opposer à la transmission des affections de ce genre. Récem- ment, à l’Académie de Médecine, MM. Blanchard et Brumpt demandaient non seulement qu'on interdit aux individus sains les régions infestées, mais réciproquement les régions saines aux ma- lades. La Glossina fusca n'existe pas dans certaines contrées; mais d'autres Mouches, Tabanides ou autres, qui vivent en Europe, peuvent transmettre les Trypanosomes : d’où le vœu d'interdire nos contrées aux animaux importés des régions infestées. Sergent a vu que le Trypanosome du dromadaire d'Algérie, qui serait identique à celui du surra, du nagana, peut alteindre le ral, la souris (non 1 souris sauvage), le chien, le cobaye, la chèvre, Ie macaque. Ces derniers animaux sont, au contraire, réfractaires au Trypanosome de la dourine, ce qui différencie cette affection des précédentes. L'homme est réfractaire aux espèces de Trypano= somes du surra, du nagana et du mal de Caderas: S'appuyant sur ce fait, Laveran a pu en débarrasser le sang des souris, expérimentalement infestées de ces espèces, par l'injection du sérum humain. On peut donc espérer trouver le sérum d’un animal qui, réfractaire aux Trypanosomes qui peuvent vivre chez l'homme, le débarrasse du 7rypano soma Gambiense (Dutton), identique au parasite qu Castellani a trouvé si souvent dans la maladie du sommeil. C’est ce que Laveran a cherché. Il vit que certains singes, le Cynocephalus Sphinx (Babouin) entre autres, sont réfractaires aux Trypanosomes; Des rats infeslés par le 7r. Gambiense furent in jectés avec du sérum de cynocéphale. Le résulta fut négatif; mais, sur la souris, il obtint des effets positifs. Le sérum de cynocéphale est donc ici com-= parable au sérum humain. Laveran constala, en outre, quele 7r. Gambiense résiste moins au sérum que d’autres espèces, telles que les 7rypanosoma Evansi, Brucei et Equinum. Laveran et Mesnil ont appliqué cette méthode de l'influence comparée des. sérums à la différenciation des parasites. En Gambie, les chevaux sont atteints par le 7rypanosoma dimorphon. Celui-ci est distinct du Gambiense par ses caractères morphologiques et aussi parce que les animaux réfractaires au Gambiense sont sen- sibles au Zimorphon. Le sérum humain n’a pas d'action sur le Gambiense, et agit au contraire sur le Dimorphon. Eu altendant que ces études de sérothérapie soient plus avancées, Laveran a recherché les mé- dicaments actuellementutilisables. Il a observé que l'acide arsénieux à doses assez fortes et en injections hypodermiques est efficace chez les animaux in- festés. Cette thérapeutique est-elle applicable à. l'homme? On ne sait encore, car on ne peut icin raisonner par analogie, puisque le rat présente cette particularité de résister à des doses massives d’arsenic, alors qu'il meurt si on lui administre de faibles doses quotidiennes (Bordas). Brumpt et Würtz ont remarqué la même action parasiticide de l'acide arsénieux sur le Ouistiti, qui est très sensible à la maladie du sommeil. C'est done aux arsénicaux que, jusquà meilleur remède, il faudra recourir dans cette thérapeutique spéciale. Enfin, Ebrlich et Shiga ont associé avec succès à l'acide arsénieux, dans Le traitement des trypano- somiases expérimentales, un colorant de la série de la benzopurpurine, qu'ils ont appelé le érypanroth. gum. À, Ce composé, dans certains cas, est efficace, même quand on l'emploie isolément. Les résultats sont plus constants quand on l’associe à l'acide arsé- nieux. Malheureusement, isolé ou associé, ses effets jusqu'ici ont été nuls dans les expériences faites sur le Zrypanosoma Gambiense. a ge +0 cd III. — OpéÉsrré. Des diverses formes des maladies de la nutrition, l'obésité est restée l'une des plus obscures dans ses causes et son mécanisme. Et pourtant, de nom- breux Mémoires ont apparu depuis trente ans à - son sujet. On sait la contribution importante qu'en { ll ñ … France M. le Professeur Bouchard a apportée à cette étude par ses lecons sur le ralentissement de - lanutrition. Ailleurs, les auteurs allemands, anglais, américains, tant au point de vue chimique que clinique, ont fait sur les échanges nutritifs des travaux considérables. Récemment, M. G. Leven‘ a fait de l'obésité une étude qui l'amène à une conception un peu différente des notions courantes. Ses propositions sont dignes d'être retenues. Le poids du corps d’un adulte oscille dans de faibles limites. Cliniquement et considéré dans un laps de temps relativement étendu, il peut être tenu pour fixe. Cetle invariabilité du poids existe tant que l'homme est dans un état de santé parfaite. Si elle n'existe plus, c'est un signe de souffrance organique. Cette donnée, au premier abord, paraît trop absolue, car c'est une notion banale que l'in- dividu qui mange et boit beaucoup engraisse plus que celui qui est sobre. M. Leven, par des pesées précises et longtemps répétées, s’est assuré de l'exactitude du principe de la fixité du poids à l’état sain. Un homme bien portant peutse suralimenter, ne pas prendre d'exercice, et son poids n'augmente pas, la graisse ne s'accumule pas, parce qu'il a dans son système nerveux un régulateur du poids. Celui-ci ne se modifie qu'au moment où les condi- lions défectueuses de sa vie commencent à allérer sa santé. Réciproquement, le traitement médical ne peut faire engraisser ou maigrir que des malades ou des convalescents. La fonction morbide est si importante dans ces modifications du poids que, des maladies les unes font maigrir et les autres, contre l’idée généralement admise, font grossir. Des gens qui mangent très peu grossissent malgré leur abstinence. Tout le monde connait ces cas singuliers de personnes qui ont commencé à être obèses après la convalescence d'une grave maladie, fièvre typhoïde ou autre. M. G. Leven rapporte des cas curieux où des chagrins, des émotions vives et déprimantes ont délerminé l'obésité : tel cet officier 1 G. Levex : L'obésité et son trailement. Paris, Joanin, 1904. D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 993 anglais qui devint obèse après êlre sorti vivant d'un in-pace où il avait élé jeté pour y mourir de faim. De même, des traumatismes graves, qui ont déterminé des blessures physiques importantes et un grand ébranlement nerveux, sont parfois suivis d'obésité. Pour M. Leven, toutes les causes d’obésité ont une même action : elles « altèrent le mécanisme normal du système nerveux régulateur du poids du corps ». Il est clair que ce mécanisme nerveux ne peut se maintenir normal qu'à la condition que les autres organes le soient. Il y a, en effet, une connexion intime entre les fonctions des divers systèmes et « une solidarité parfaite entre tous les viscères ». Partant de ce fait, M. Leven s'ap- plique à chercher quel est le siège du désordre organique qui, par l'intermédiaire du plexus solaire, à retenti sur le centre régulateur du poids. Alors l'obésité n’est plus qu'un symptôme de maladies variables et très dissemblables, puis- que chez l’un c’est une gastropathie, chez l’autre une affection utérine, chez un autre une affection nerveuse qui aura déterminé l'engraissement. Aussi verrons-nous M. Leven, sur une déduction très logique, rejeter absolument de la thérapeu- tique la cure dite d’amaigrissement. Il importe de traiter la maladie causale, et non pas de priver l’obèse d'aliments ou de liquides, ni de lui imposer des travaux physiques souvent disproportionnés à ses forces. Des faits cliniques montrent l'influence du système nerveux sur l'engraissement. M. Leven en expose les diverses catégories : observations où la graisse s'est inégalement répartie, étant chez l’un localisée au tronc, chez l’autre absente de toute la moitié supérieure du corps; observations où l'obésité coïncide avec un cortège nombreux de troubles nerveux; cas de maladie de Dercum, où l'adipose douloureuse est accompagnée de lésions médullaires ou névritiques ou même céré- brales; cas de tumeurs graisseuses: symétriques, de lipomes consécutifs à des névrites, à des bles- sures des nerfs, etc. Les théories qui ont été inslituées pour expli- quer l'obésité ont subi de nombreuses variations. D'abord, un raisonnement simple rendit l'embon- point proportionnel à l'abondance des aliments et au défaut d'exercice ; les recettes excédaient les dépenses. Puis on fit entrer en ligne de compte l'équivalent calorique des aliments. Quels qu'ils fussent, amyloïdes, albaminoïdes :ou gras, les aliments élaient considérés comme renfermant un certain nombre de calories, qui, non utilisées, faisaient une épargne réalisée en graisse. Entre temps, on démontra que tous les aliments pou- 996 vaient être plus ou moins facilement transformés en graisse, ce qui affermit encore la théorie pré- cédente. La clinique, cependant, observait que D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE certains individus, avec un minimum de calories alimentaires à leur disposition, continuent à emmaganiser de la graisse. C'est à la suite de celle constatation que M. Leven, changeant les termes du problème, établit que l’engraissement est fonction, non de l'équivalent calorique de l'aliment, mais de sa digestibilité. Il ne sert dé- sormais à rien de diminuer la ration de calorique, c'est-à-dire la ration alimentaire de l’obèse, pour le faire maigrir, puisqu'à la fin de la cure, il aura maigri, il est vrai, mais au prix de l'épui- sement de ses propres réserves, tandis qu'il mai- grira sans dépens s'il digère bien les aliments qu'il consomme. D'où il suit que le meilleur trai- tement de l'obésité est la mise à un régime surtout qualitatif. M. Leven fait également le procès du régime sec. La suppression des liquides, si elle est excessive, devient dangereuse; et ce n’est pas elle qui fait maigrir, mais la suppression de la dyspepsie qu'occasionne l’excès des liquides. Le même rai- sonnement est applicable au vin, à l'alcool et même à l'exercice physique, qui, mal appliqué, devient surmenage. Le régime, quel qu'il soit, a des résultats nuls ou mauvais, si l'obèse continue à entretenir sa dyspepsie. L'étiologie de l'obésité semble très complexe, mais cette complexité, selon M. Leven, n'est qu'apparente. Elle est produite, en effet, par tous élats, très dissemblables, qui troublent la nutrition. Chez la femme, l'obésité peut survenir si les étapes de la vie génitale, puberté, grossesse, ménopause, ne sont pas régulièrement franchies. Ailleurs, ce sont des maladies infectieuses diverses qui en sont le point de départ. On à déjà vu que, pour M. Leven, la dyspepsie en est la cause la plus fréquente, au point que « jamais on ne trouve en défaut la notion : l'obèse est toujours un dys- peplique ». L'obésité est héréditaire. La maladie se transmet à l'enfant dont la nutrition est troublée. Ramenez la nutrition dans ses limites normales et l'hérilage ne sera pas transmis. Sur ce point, je ne puis tout à fait suivre les idées si encourageantes de M. Leven. Il me permettra une légère critique. Il me semble avoir une tendance trop nette à considérer l'obésité comme le symptôme d'une maladie définie. Il y a des cas, etils sont multiples, où l’obésité n’est que la traduction de la déchéance organique produite par l'hérédité morbide. Des infections diverses chez les générateurs peuvent ne plus se manifester directement dans leurs produits. Elles déterminent des changements hu- moraux qui retentissent sur la contexture des les tissus et qui ne sont plus des symptônes, mais. des états définitifs particuliers. La substance totale. de l'individu est changée, sa nature est modifiée, de telle sorte qu'une nouvelle race est fixée, si jen puis ainsi dire, bien qu'elle soit généralement destinée à une exlinction relalivement rapide. Alors la médecine est et sera toujours impuissanté à rétablir les caractères normaux. M. Leven attache, à juste raison, une grande importance au poids physiologique des individus L'engraissement pathologique se fait lrès rapi- dement. Pour se rendre un compte exact de l'adiposité d'un sujet, il faut recourir à l’évalua- tion pondérale de son segment anthropométrique» suivant les données de M. Bouchard. Elles per- mettent de déterminer la proportion de graisse qui est en excès et, par suite, le degré d'obésité. Les obèses ont une multitude de troubles. Un. des plus constants est l'essoufflement facile, la dyspnée. On l'explique en partie par la gêne mécanique due à la surcharge graisseuse, en partie par des désordres cardiaqués. M. Leven l'attribue pour une part à l'élat de l'estomac. C'est une nouvelle indication pour régulariser chez l’obèse l’état des fonctions digestives. M. Leven a, d’ailleurs, le mérite incontestable d’éloigner les obèses des traitements qui peuvent leur nuire où les amener à gaspiller leurs forces et à user leur résistance. Il cherche surtout à rétablir la régu= lation automatique de la nutrition, à voir quelle cause initiale à pu influer sur elle, et cette cause, nous l'avons vu, varie avec chaque malade. Aussi chez l'un, c'est l'estomac qu'il faudra soigner; chez l’autre, une bronchite; chez un autre, une entérite; chez une autre encore, un fibrome uté- rin, etc. Bref, c'est la maladie causale et non la graisse qu'il faut combattre; c'est le malade plutôt que l'obèse qu'il faut avant tout considérer. On voit que la conception de M. Leven est d'un intérêt pratique très réel el qu'elle est propre à mettre en sa vraie place une thérapeutique qui, trop souvent, ne côtoie que les marges de la voie médicale. IV. — TRAITEMENT CHIRURGICAL DES NÉPURITES. Les médecins ne suivent qu'avec peu d'entrai le courant qui porte vers la chirurgie la thérapeu= tique des affections des reins. Je ne parle pas des tumeurs, de la lithiase, des déplacements, des sup- purations du rein, etc., qui, depuis longtemps, sont du ressort de la chirurgie, mais des processus aigus où chroniques qui déterminent l'albuminurie: médicale. On fut, dès le principe, mis sur la voie de cette thérapeutique par la constatation des résultats D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE favorables qui suivirent certaines interventions pratiquées sur des malades qu'on croyait atteints d'affections rénales autres que celles qu'ils avaient réellement. M. Jaboulay (de Lyon) se montra, l’un des premiers, partisan de la cure du mal de Bright - par l’incision de la capsule du rein. Ce fut un chirurgien new-yorkais, G. Edebolhs, qui, en 1898, proposa la décapsulisation du rein comme moyen curatif des néphrites chroniques. Récemment, Cavaillon et Trillat, élèves de M. Jaboulay, ont appuyé les idées de leur maitre par la divulgation, en France, des travaux d'Ede- bolhs!. Au début, Edebolhs opérait des reins dépla- cés et malades; aussi joignait-il à la décapsulisa- tion du rein sa fixalion à sa place normale. Or, la capsule du rein étant enlevée, sur toute la surface de l'organe, il se fait des adhérences avec le tissu graisseux qui l'entoure. Ces adhérences sont par- courues par des vaisseaux de nouvelle formation, qui donnent au rein une circulation sanguine plus aclive. De là, « la résorption des produits inflam- maloires intrarénaux et une rénovation épithé- liale. Les fonctions de sécrétion redeviennent nor- males. Il y a, en un mot, une régéuéralion de l’or- gane ». Cavaillon et Trillat font l'analyse des 51 opérations pratiquées par Edeboïhs. Tous ces cas, selon l'auteur américain, concernaient des maux de Bright avérés, quelquefois même avec des complications graves, puisque certains malades étaient hydropiques, d’autres hémiplégiques; d’au- tres, enfin, avaient de la rélinite. Du reste, les inter- ventions permetlaient de vérifier l’état anatomique du rein, car on décapsulait l'organe et on pouvait constater l’adhérence de la capsule au parenchyme rénal, ce qui est un des caractères des néphrites scléreuses. En même temps, les chirurgiens remar- quèrent l’unilatéralité des lésions. C'est un point sur lequel on a beaucoup trop insisté, à mon sens. On s’est encore étonné, je ne sais pourquoi, de l'inégalité des lésions dans les néphrites chro- niques, car c'est là une particularité fort connue des histologistes. Quoi qu'il en soit, la décapsuli- sation du rein doit être faite en une seule séance et avec la plus grande rapidité possible, pour éviter les dangers de l’anesthésie. Edebolhs a opéré 51 malades : 7 sont morts peu après l'opération; 7 autres sont morts plus lard, présentant une survie moyenne de vingt mois; 9 ont obtenu une guérison définitive. On convient de considérer la guérison comme définitive quand l'opéré, pendant six mois, ne présente plus dans l'urine ni albumine, ni cylindres, et que l’excrétion d'urée est restée normale. Ces phénomènes heureux 1! CavarLLon et Trizcar : Du traitement du mal de Bright par la décapsuiisation rénale, d'après G. Edebolhs, in Presse médicale, 9 janvier 190%. se produisent, après l'opération, à une date variable suivant les malades. Des 28 cas restants, la plupart onl eu une amélioration notable; les autres ont été perdus de vue. Celte question du traitement chirurgical des né- phrites à été mise à l'ordre du jour du XXXIII° Con- grès allemand de Chirurgie. Rosenstein, en avril dernier, y rapporta six observations de décortica- tion rénale, pratiquée sur divers néphrétiques. On y trouve une mort rapide, une mort plus lente, deux cas où l'opération n'eut aucune influence, et deux cas où il y eut une certaine amélioration. Ces résultats s'éloignent de la statistique d'Edebohis, qui donnait 18 °/, de guérisons et 43 °/, d'amélio- ralions. Aussi Rosenstein présenta-t-il une objec- tion très valable en disant que les troubles rénaux dont souffraient les opérés étaient dus peut-être plus à la néphroptose qu'à la néphrite même. En résumé, il n'est guère partisan de l'intervention. Zondek, répétant l'opération d'Edebohls sur des lapins, vil qu’elle amenait des hémorragies et des lésions nécrotiques dans la couche corticale. Il avança, en outre, que la décortication supprimait une circulation périphérique du rein, suppression qui va à l'encontre du but proposé. Ces résultats furent confirmés par Stern, qui, dans trois cas, n'obtint aucun résultat. Riedel, Kümmell se mon- trent aussi sceptiques. D'un autre côté, Pasteau et Ertzbischoff prati- quèrent, il y a quatre mois environ, une décortica- tion des deux reins chez une femme de vingt et un ans, alteinte de néphrite double avec hématuries. Aussitôt après, les vomissements qu'elle présentait cessèrent, le sang disparut des urines, la diurèse de 30 grammes s’éleva à 800 grammes : bref, une amélioration surprenante se produisit, sans toule- fois que les signes caractéristiques de la néphritc aient disparu. On voit, d'après ces diverses tentatives, que ce procédé chirurgical de cure des néphrites chro- niques n'a pas encore conquis droit de cité dans la thérapeutique classique. Il est à l'essai. Nous devons toutefois faire remarquer, en terminant, que les chirurgiens tendent à considérer les néphrites sclé- reuses comme des affections à marche trop rapide- ment progressive. Leur progression est fatale, je n’en disconviens pas; mais il est heureusement fré- quent qu'elle se fasse par longues étapes. On observe des survies beaucoup plus longues que celles qui figurent dans les statistiques chirurgicales, alors même que le diagnostic de néphrite scléreuse est bien établi. Ajoutons encore que, sous toutes les plumes, la dénomination de « mal de Bright » est loin d'avoir la même valeur et que bien des auteurs, parmi ceux qui l’'emploient, en ont oublié les caractères cliniques et anatomo-pathologiques. 998 D‘ A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE À V. — RADIOTHÉRAPIE. Peu de temps après leur découverte, on a essayé d'appliquer les rayons de Rœntgen, non seulement au diagnostic des maladies, mais encore à leur traitement. On a expérimenté leur action sur les affections les plus diverses, sans autre prétention que de faire de la médecine empirique. Après bien des échecs et des tàtonnements, on commence à peine à régulariser l'application des rayons X. En mème temps, on cherche à comprendre, à expli- quer leur action. Ces derniers mois ont été riches en observations de ce genre; et l'on peut dès au- jourd'hui se rendre compte des services rendus par le nouvel agent thérapeutique. Faisons de ces essais une rapide revue : Les tumeurs, et principalement les tumeurs can- céreuses, ont été l'objet des premières tentatives. Les résultats, dans certains cas, furent très favo- rables. L'enthousiasme se manifesla, mais on vil bientôt qu'il ne fallait pas se hâter de généraliser, qu'il convenait de faire des distinctions entre les diverses sortes de tumeurs, et de classer celles qui pouvaient bénéficier de l'exposition aux rayons X. Les plus beaux succès furent obtenus dans les tumeurs intéressant la surface cutanée (peau, face, lèvres, orbite). Dans les cancers un peu plus pro- fonds, ceux de la langue, du sein, les améliora- tions ne se manifestèrent pas avec autant de cons- tance. I1 y eut même des cas où l'application des rayons X fut plus nuisible qu'ultile. M. Tuffier, dans une étude récente, a montré quelle erreur on commettrait si l’on identifiait les unes aux autres toutes les tumeurs que l’on appelle cancers. C'est ce qui explique l'inégalilé thérapeu- tique des rayons X dans les différents cas. Les can- cers profonds sont rebelles au traitement. Prenons comme exemple la statistique de MM. Lemoine et Doumer. Ces auteurs ont essayé la radiothérapie dans 19 cas de cancer de l'estomac : ils obtinrent 2 fois des effets satisfaisants, 17 fois un résultat négalif. M. Lemoine pense, à ce propos, que la radiothérapie serait plus exclusivement favorable aux cancers conséculifs à d'anciens ulcères. Les médecins américains ont publié des résul- tats très favorables obtenus dans des cancers de l'utérus, du vagin, du rectum, du rein, etc. Les tumeurs cancéreuses du sein guériraient de même; mais les observations publiées en Europe sur des cas similaires sont loin d’être aussi encourageantes. C'est ainsi que Perthes (de Leipzig) a eu des succès indiscutables dans les cancers de la peau, et des effets nuls sur ceux de la langue, de la bouche et du sein. Il a, en outre, constaté que les cellules can- céreuses se déforment, perdent leurs noyaux et forment une masse que ne tardent pas à péné- | ont constaté la diminution des leucocytes, celle du l trer les leucocytes. Cela amène une sorte de eloi- sonnement dans le tissu cancéreux, qui finit même par disparaitre. Ce qui prouve l'efficacité des rayons X, c'est que, dans certains cas, leur actio est malheureuse. M. Oudin a signalé des phén mènes généraux, tels que fièvre, oligurie, albumi= nurie, toux, vomissements, etc., à la suite d séances trop prolongées ou trop fréquentes de radiothérapie. On a même observé une généralisa= tion cancéreuse brusque. Dans les cancers superficiels, au contraire, et sur tout dans les cancers de la peau, les guérisons commencent à être fréquentes. Béclère, Monod, Leredde ont publié des guérisons d’épithélioma de la face. Béclère a pu guérir un sarcome du maxillaire supérieur, qui avait récidivé après deu opérations chirurgicales successives. Tuffier a guéri un épithélioma tubulé de l'aile du nez; Brocq a constaté l'amélioration surprenante d’un sarcome cutané, Bizard la guérison d'un lymphosarcome, malgré des phénomènes de toxémie qui nécess tèrent l’espacement des séances. Dans d'autres affections rebelles, telles que 1 mycosis fongoïde, on a noté des résultats encoura- geants. Brocq a observé de la diminution du prurit et un véritable affaissement des tumeurs. Jamieson: enregistre une guérison. Les tumeurs traitées rétrocèdent peu à peu et finissent par guérir ; mais, pendant le traitement, on vit se développer de nouvelles tumeurs en des endroits non exposés aux rayons X. Dans les affections parasitaires du cuir chevelu, comme la teigne, la radiothérapie est devenue le traitement de choix. Sabouraud la préconise désor- mais, à l'exclusion de toute autre, et la dépilation facile qu’elle produit simplifie même la technique du traitement. Dans le psoriasis, R. Bernhardt a obtenu de bons résultats. Les chéloïdes, soumises aux rayons de Rœntgen, disparaissent (Harsha et Ochsner). Or, jusqu'ici, l'opération de ces cicatrices, vicieuses s’accompagnait souvent de récidive. Passons maintenant à des maladies moins direc- tement abordables, de pathogénie obscure et qui semblent devoir bénéficier de la radiothérapie. Brauth a obtenu, daus l'épilepsie, des effets séda- tifs manifestes, tout en continuant le traitement. bromuré. La leucémie a été, dans des cas assez nombreux, heureusement influencée par la radiothérapie. Senn a obtenu une guérison. Brown, Steinwand, en Amérique, ont eu de bons résultats après l'expo- sition de la rate de leucémiques aux rayons catho- diques. Guillon et Spillmann ont observé, sur une jeune fille leucémique, des effets très probants par cette même application à la région splénique. Ils # volume de la rate, la disparition des hémorragies. per facon générale, les rayons X font diminuer le nombre des globules blancs. Pour Aubertin et _Beaujard, qui ont suivi spécialement la marche de la régression leucocytaire dans la leucémie, la “diminution se ferait par oscillations. Après l'appli- cation des rayons X, les leucocyltes augmentent rusquement et considérablement, puis ils dimi- D. et descendent au-dessous de leur nombre initial. L'augmentation est immédiate; puis, au fur “et à mesure que les séances se succèdent, elle ne se produit plus que très lard, si bien qu'elle passe _inaperçue et qu'on ne constate plus que la diminu- “tion qui parait fixe. Ces modifications sanguines … précédent toujours la régression du volume de la “rate. Les phénomènes généraux que nous avons vus “plus haut signalés par Oudin à propos des cancéreux se produisent aussi dans la leucémie. Steinwand a ‘observé, dès la seconde séance de radiothérapie, une élévation de température supérieure à 40° et un état général mauvais; mais cela dura peu. On a cherché également l’action des rayons de æntgen sur l'organisme normal. Citons à ce pro- LE. l'étude de H. Heineke sur l’action de ces rayons “sur la rate à l’état physiologique. Exposant des “animaux aux rayons X, il constala, quelques heures “après l'application, une destruction de corpuscules “ de Malpighi. On sait que ces corpuscules sont des follicules éparpillés dans le tissu de la rate. [ls -sont composés de cellules lymphatiques, de leuco- cytes surtout mononucléaires. C’est dans ces. folli- - cules que se forment les lymphocytes, qui se jettent ensuite dans les lacunes sanguines de la rate, puis … rejoignent la circulation générale. Or, les rayons X » déterminent la fragmentation des noyaux des lym- phocytes, qui disparaissent et, par suite, réduisent au minimum le corpuseule malpighien. Le même phénomène de destruction a lieu dans tous les autres organes lymphoïdes, dans les ganglions, dans les follicules clos de l'intestin, dans le thymus. On s'explique ainsi comment l’action thérapeutique des rayons de Ræntgen peut convenir aux affections des organes lymphatiques, telles que la leucémie. Sur des cellules d'un autre ordre, leur action est aussi réelle. Albers, Schünberg et Frieben ont essayé leur influence sur les cellules des testicules. L'exposition de lapins et de cobayes aux radiations calhodiques pendant quelques séances de quinze à vingt minutes suffit pour stériliser leur glande séminale. L'appétit génésique des mäles persiste- la copulation a lieu, mais la conception ne se pro- duit pas. On constate chez ces animaux une atrophie testiculaire considérable et la disparition des sper- matozoïdes. Les rayons de Rœntgen ont aussi une action sur les diastases de l'organisme. Ils favorisent, d'après D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 999 les expériences de Lépine et Boulud, la formation de l’amylase du pancréas. De même, ils augmentent la glycogénie hépatique el la glycolyse sanguine : mais, à la longue, ils peuvent abolir l'uneet l’autre, Outre ces diverses et importantes constatations, on s’est apercu, au cours des essais thérapeutiques, qu'il fallait appliquer les rayons X d’une façon très méthodique et que le succès dépend en grande partie de celte méthode. Après les travaux de Sträter, de Kienbôück, de Oudin, Béclère, qui depuis longtemps s’est attaché à l'étude de la radiologie médicale, a établi les principes du dosage en radio- thérapie. Il faut tenir compte de deux données prin- cipales : le degré d'activité, la faculté de pénétra- tion, bref de la qualité des radiations d’une part, et de leur quantité d’autre part. Pour en tenir compte, il faut savoir les mesurer. Or, la qualité se mesure au moyen d'un instrument imaginé par M. Louis Benoist et appelé le radiochromomètre. Un dispo- sitif simple permet de comparer la pénétrabilité de plaques d'aluminium dont l'épaisseur varie d'un à douze millimètres à la pénétrabilité d'un mince disque d'argent. La quantité des rayons émis se mesure avec un autre instrument, inventé par M. Holzknecht, appelé chromoradiomètre. Son principe repose sur la colorabililé de certains sels, tenus secrets, sous l'influence des rayons X. Ils sont incorporés dans une substance organique transpa- rente, qu'on place dans un petit godet et qu'on expose en même temps que le malade aux rayons cathodiques. Les sels prennent une coloration verte, dont il est facile d'évaluer la teinte en se rapportant à une échelle graduée spécialement pour cette appréciation. On sait que les ampoules qui sont la source des radiations ne restent pas invariables. La qualité des radiations varie avec le degré du vide de l'ampoule. Il a fallu chercher à rendre le plus égal possible le pouvoir radiogène des ampoules. On est parvenu à les rendre « réglables » au moyen de l'osmo-régulateur de Villard, auquel M. Béclère a adjoint un petit appareil très simple, le spintermètre, qui sert à apprécier approximati- vement le degré de vide ou plutôt indique leur degré de résistance électrique et aide à mesurer le pouvoir de pénétration des rayons. Pour les détails techniques, nous engageons nos lecteurs à se re- porter au Mémoire très clair de M. Béclère”. D'autres points secondaires commencent à être élucidés : durée et intervalles des séances, distance de l’am- poule à la région malade, réaction individuelle du sujet, etc. Tel est le chemin parcouru en une dizaine d'années par la radiothérapie: il valait la peine qu'on le remarquät. D' A. Létienne. ER 4 À. Béccère : Le dosage en radiothérapie, Paris, 1904, etin Presse Médicale, 3 février. 1000 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Kénig (Julius. — Einleitung in die allgemeine Theorie der algebraischen Grôszen.Aus dem Unga- rischen übertragen vom Verfasser. — À vol. in-8° de 56% p. B. G. Teubner, Leipzig, 190%. Il ne s’agit pas d'un manuel, mais d'un traité destiné à la fois aux étudiants et aux professeurs; il a pour objet l'étude des fondements de la Théorie des nombres algébriques. L’exposé est caractérisé par un enchaine- ment très simple des théorèmes fondamentaux, grâce à l'introduction, dans le domaine des nombres entiers et rationnels, des notions de domaines oloïdes et orthoïdes. Ces notions sont utilisées dans le chapitre consacré à la divisibilité pour démontrer, d'une ma- nière très élémentaire, le théorème fondamental de Kronecker. L'auteur applique ce théorème à l'étude des formes résolvantes, qu'il établit comme une exten- sion arithmétique de la notion de résultant. Il présente ensuite les notions essentielles relatives aux ombres algébriques, puis il donne une théorie tout à fait géné- rale de l’elimination, basée d'une part sur la consi- dération des formes résolvantes, d'autre part sur l'introduction, d'après Kronecker, d'une nouvelle indé- terminée. Vient ensuite la théorie générale des résul- tants et des discriminants. La résolution des équations linéaires fait l'objet d'une étude approfondie. Elle comprend les propriétés générales et la théorie algébrique de ces équations, puis leur théorie arithmétique. L'ouvrage se termine par un chapitre consacré au calcul des entiers algébriques. H. Feur, Protesse 1r à l'Université de Genève Wienecke (Ernst). — Der gsometrische Vorkursus in schulgemässer Darstellung. — 1 vol. de 97 payes, avec 59 fig. B.G. Teubner, éditeur. Leipzig et Berlin, 1904. On est à peu près d'accord, aujourd'hui, pour admettre que la Géométrie se fonde sur une base nettement expé- rimentale, que l’idée mère qui l'inspire est celle des rapports des choses stationnées dans l’espace, et que les corps de la Nature sont l’origine des concepts géomé- triques fondamentaux : volume, surface, ligne, point. Il s'ensuit qu'il faut faire reposer l’enseignement de la Géométrie élémentaire sur la méthode de l'intuition, de l'observation directe, procédant des corps matériels pour arriver, par des abstractions successives, par un éertain travail d'idéalisation, aux notions élémentaires. Un mode vieilli d'exposition procède, au contraire, du « point » conçu à priori, Comme le dernier terme, l'évanouissement d'un objet réel dont la grosseur a diminué sans cesse; ce point devient l'élément géné- rateur, le facteur de tout le reste. Cette dernière méthode semble définitivement condamnée, sous le rap- port logique et pédagogique, et, un peu partout, croyons- nous, on lui substitue la saine méthode intuitive. Le petit volume que nous présentons aujourd'hui y contribuera sans doute. Fruit d'une longue expérience, il s'attache à montrer combien il est nécessaire de créer une base faite presque uniquement d’acquisitions personnelles à l'élève, où les « définitions » sont le moins et les descriptions le plus nombreuses, où la précision remplace l’étendue, où, enfin, les facultés d'abstraction et de généralisation sont développées avec le plus de prudente rigueur possible. Pour y faciliter l'observation, l'auteur présente une série de modèles simples, mobiles, d’un grand secours, par exemple, dans ET INDEX l'étude des notions de variabilité, de constance, dé similitude. Vient ensuite le détail de toute une série dé lecons méthodiques, très substantielles, suivant l'ordre logique adopté. Tout ce qu'il y a d’essentiel dans ll « Eléments » se déroule normalement, simplement, sans le rigide et fastidieux appareil théorématique qui a rendu trop célèbre le livre de Legendre. 4 Sans doute, pour beaucoup de professeurs élémen= taires, ce petit ouvrage ne présentera pas grande nou= veauté :espérons-le du moins; il faut néanmoins être reconnaissant envers l’auteur d’avoir démontré, avec: conscience et précision, que l’on doit avant tout viser, dans les études mathématiques élémentaires, moins à une instruction proprement dite qu'à une rationnelle éducation scientifique. Eo. Dexours, Maître à l'Ecole professionnelle de Genève 2° Sciences physiques Guillaume (Ch.-Ed.', Directeur-adjoint du Bureau international des Poids et Mesures. — Les Applica tions des Aciers au nickel, avec un appendice sur Théorie des Aciers au nickel. — 1 vol. in-8° de vi 215 pares, avec 25 figures dans le texte.(Prix:3 fr. 50 Gautlier-Villars, éditeur. Paris, 1904. M. Ch.-Ed. Guillaume vient de réunir en un volu la description raisonnée des multiples applications de aciers au nickel. Personne, assurément, n'élait mieux désigné pour cette tâche que l’auteur de la découverte fondamentale d’où ces applications sont sorties tout, armées. Peu d'observations scientifiques ont eu plus rapide fortune, probablement parce que le mème savant qui avait fait celle-ci a su en tirer les consé- quences, soumettre ces conséquences à l’expérime tation la plus minutieuse, les transporter dans la pra= tique et les y suivre jusqu'à ce qu'elles fussent en état de continuer leur chemin. Il se trouve que le fer est sujet à des transformatia allotropiques accompagnées d'une variation du volum et d'une variation du module d'élasticité et que le signe de ces variations est contraire à celui des varia= tions normales que les changements de température font subir aux constantes physiques considérées. De, plus, les points de transformation, avec toutes les anomalies qui en dépendent, sont à la fois étalés eb abaissés, le long de l'échelle des températures, par l'ad=- dition de certains corps étrangers. Le nickel, notam= ment, quand sa teneur dans l’alliage monte de zéro à 25 °/, environ, en présence d'un peu de carbone et de. manganèse, abaisse progressivement les transforma- tions au-dessous du zéro centigrade; puis, la teneur en nickel continuant à croître, un mouvement inverse se. produit : les transformations se relèvent, progressi-, vement encore et en restant étalées, et elles deviennent réversibles. Il suit de là que certains aciers au nickel, de composition convenable, devront présenter, autour de la température ordinaire, un minimum de dilata- bilité et un minimum de variation du module d'élasti= cité. Mais ces derniers faits, qu'il eût été possible de. prévoir, n'avaient pas été prévus. C'est par l'expé rience que M. Guillaume a réussi à les trouver par expérience encore que M. Thury et M. P. Perretont fait de nouvelles constatations intéressantes au sujet du module. Enfin, une bonne chance a voulu que les variations normales et anormales pussent se compen: ser exactement, et au-delà. Dès lors, les applications se présentaient en nombre. 4° Etalons de longueur. — L’alliage de dilatation nulle (ou presque nulle), que l’on désigne sous le nom PU DIN, Ur r BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1001 . d'invar (abréviation d'invariable), semble particulière - — ment approprié à la confection des étalons de labora- toire. Gependant, les petites variations de longueur qu'il peut subir dans le cours du temps ne permet- iraient pas de l'appliquer aux étalons de premier ordre dont la stabilité absolue est la condition indispensable. Mais cet inconvénient disparait dans tous les cas où sn © une permanence de l’ordre du micron est suffisante. On peut employer aussi l’alliage à 43-450/,, qui associe à une stabilité complète une dilatabilité au plus égale à celle du platine. : Un étalon auxiliaire en iuvar simplifie beaucoup la détermination absolue d'une dilatation. Pour les déter- minations relatives, l'idéal est d'associer à la règle à étudier une barre de dilatation très voisine : cette con- dition peut ètre facilement remplie par une série graduée d'étalons de différentes teneurs en nickel. Mais c'est en Géodésie, pour la mesure des bases, que les nouveaux aciers rendent les services les plus évidents. Les simplifications qui résultent de leur emploi ont été étudiées par MM. Benoit el Guillaume et ont pu être immédiatement utilisées dans les grandes opérations géodésiques exécutées récemment, en vue d'une nouvelle détermination de la figure de la Terre, tunt au Spitzberg qu'à la République de l'Equateur!, - sous des climats particulièrement rudes, sans que les exigencesordinaires des meilleures mesures eussent été diminuées. Précisément, dans ces dernières années, un nouveau système de mesure des bases, remplaçant . Jes étalons rigides d'autrefois par des fils tendus sous un effort constant et auxquels on attribue toujours la mème longueur (sauf la correction de température), avait été imaginé par le Professeur Jäderin, de Stockholm. Ce système, qui a fait ses preuves et triomphé des objections qu'on lui avait opposées à priori, se contente d'un matériel peu encombrant et peu coûteux pour obtenir des mesures très rapides. Mais, sous sa forme primitive, il était bi-métallique, c'est-à-dire qu'il exigeait deux fils de métaux différents que l'on amenait successivement sur les portées. Le remplacement de ces deux fils par un fil unique en invar constituait un progrès considérable. MM. Benoit et Guillaume ont, d’ailleurs, vérifié que les déforma- lions permanentes pouvant résulter de la tension nor- male appliquée dans les mesures (et même de tensions très supérieures) sont négligeables, que l’enroulage pratiqué dans de bonnes conditions n'entraine pas non plus de déformations permanentes et que les modi- lications spontanées de longueur, notables dans un fil écroui par la filière, deviennent extrêmement faibles après un étuvage prolongé à 1000, Ils ont également perfectionné le mode de tension des fils en le rendant indépendant des aides, la forme du repère etle procédé de détermination des pentes. La précision des mesures p'ut ainsi atteindre le 1/500.000. 2° Applications chronométriques. — Les applications à la correction des instruments destinés à la mesure précise du temps sont de trois ordres distincts : les premières et les plus évidentes ont trait à la construc- tion du pendule des horloges; d'autres se rapportent au balancier des chronomètres, les dernières concernent le spiral. Par l'application des alliages peu dilatables à la construction des pendules compensés, on peut obte- nir, dans les horloges de premier ordre, des marches plus parfaites que par les systèmes usuels de compen- salion. Les dispositions particulières du nouveau pen- dule rendent ces horloges transportables sans qu'au- cune de leurs pièces en soit préalablement enlevée. Pour ces horloges, les faibles changements de l’invar dans le cours des temps sont sans importance, les marches étant vériliées à intervalles plus ou moins réguliers par des observations astronomiques. Dans ! CLR. Bouncrors : L'Étata:tuel de la Géodésie. Rev. gen. des sc., t. XV, p- 316. un autre domaine, la simplicité de la compensation et la très minime augmentation de prix qu'elle impose permettra de l'appliquer à toutes les horloges qu'il est intéressant, par le fait de leur marche déjà suflisante, de mettre à l'abri des variations de tempé- rature. Telles sont, en particulier, les horloges civiles électriques qui, en raison de leur remontage auto- malique, doivent conserver leur marche pendant un temps prolongé. L'anomalie d’élasticité des aciers au nickel apporte aussi au réglage des montres un élément nouveau et important. Grâce à la faible variation du module de ces alliages par un phénomène de compensation interne intimement lié aux transformations magnétiques, cer- tains aciers au nickel conservent une élasticité à peu près constante aux températures ordinaires. L'emploi de ces aciers dans la construction du spiral améliorera sensiblement la marche des montres susceptibles, par leur construction, de donner une régularité de marche comprise entre dix secondes et une minute par jour. L'horlogerie moyenne, comprenant les montres dont la marche se maintient à quelques secondes près par jour, ne semble pas devoir bénéficier beaucoup de l'emploi des aciers au nickel. Mais un grand progrès se retrouve dans le chronomètre de haute précision sus- ceptible de marcher avec une régularité de une à deux secondes par jour et où les systèmes ordinaires de compensation apportent des erreurs plus fortes. L'em- ploi, dans le balancier compensateur, d'un acier nickel dont la dilatation vraie va en diminuant à mesure de l'élévation de la température, a permis d'annuler l’er- reur secondaire de la compensation, c'est-à-dire le défaut de proportionnalité des marches aux tempéra- tures, tout en assurant une conservation remarquable des marches. Toutes les phases de l’anomalie due à la transforma- tion se trouvent ainsi utilisées pour le perfeclionne- ment des instruments destinés à la mesure du temps. 3° Applications diverses. — L'emploi de l'invar est tout indiqué pour les appareils de précision tels que comparateurs à microscopes mobiles, cathétomètres, lunettes astronomiques dont les diverses parties peu- vent subir des températures inégales et, par suite, des distorsions gênantes; il l’est aussi pour les transmis- sions indéréglables à distance. Une dilatation très faible n’est pas toujours un avan- tage. Beaucoup d'instruments, qui sont composés d’une pièce de verre enchässée dans du métal ou renfermant un élément métallique, sont défectueux, non parce qu'ils se dilatent, mais parce qu'ils associent des maté- riaux d'inégale dilatabilité. La série des aciers nickel fonrnit des alliages ayant même coefficient de dilata- tion que le verre et l'association hétérogène est mise ainsi à l'abri des dissensions intestines. Déjà le platine est remplacé par un acier au nickel dans la construc- tion des lampes à incandescence; on pourra donc restituer aux industries qui le réclament impérieuse- ment, et le payaient de plus en plus cher, tout le métal précieux, 1.000 kilogrammes environ, soit le sixième de la production totale, que ces lampes absorbaient chaque année sans en rien restituer. La fabrication du verre armé, dans lequel l’adhérence parfaite n’est pas de rigueur, est encore plus facile; les essais faits par M. Appert ont été couronnés d’un plein succès. M. Guillaume termine son livre par des considéra- tions scientifiques générales, dont les lecteurs de la Revue ont eu la primeur dans les numéros des 15 et 30 juillet 1903. L'adhésion donnée par l’auteur à ce qu'on a appelé la théorie allotropique de lacier a apporté à cette théorie, non seulement un supplément de force morale, mais encore des preuves expérimen- tales nouvelles et quantitatives". F. Osmonp. 1 Voir aussi L. Duuas : À propos de la théorie des aciers au nickel, dans la Revue du 15 août 1903, et F. Osmoxb : Contribution à la théorie des aciers au nickel, dans la Revue du 30 août 1903. 1002 3° Sciences naturelles Dehérain (Ienri). — Etudes sur l’Afrique. Soudan oriental, Ethiopie, Afrique équatoriale, Afrique du Sud. — 1 vol. 1n-16 de vi-301 pages et A1 cartes (Prix : 3 fr. 50). Hachette et Cie, éditeurs. Paris, 190%. Il n'est pas besoin de présenter aux lecteurs de cette revue M. Henri Dehérain; depuis de longues années, tous apprécient à leur entière valeur les qualités de fond et de forme qu'ils ont plaisir à retrouver dans chacun de ses articles : une science sûre et précise, une information abondante et soigneusement contrôlée jusque dans les moindres détails, une exposition claire et élégante, un style sobre et châtié. Que ces différents mérites constituent la caractéristique du talent de M. Henri Dehérain, c’est ce dont la récente publication de ses Etudes sur l'Afrique a fourni la preuve; de quelque discipline que procèdent les chapitres de ce livre, en effet, qu'ils aient trait à l'histoire de la géo- graphie, à l'histoire et à la géographie économiques, à l'histoire politique et coloniale, tous possèdent ces multiples qualités, à la valeur de chacune desquelles ajoute leur réunion dans un harmonieux ensemble. Les études diverses qui composent ce volume, et qui portent sur le Soudan oriental, l'Ethiopie, l'Afrique équatoriale et l'Afrique australe, sont toutes d’un très vif intérêt. Il en est toutefois quelques-unes, relatives surtout aux parties équatoriale et méridionale de l'Afrique (telles sont « le Soudan oriental sous la domi- nation mahdiste », « une tentative de conquête du Mozambique portugais par les Hollandais en 1662 », et la curieuse biographie d’ « un ancêtre des Boers, Hen- ning Husing »), que leur caractère exclusivement his- torique met trop en dehors des préoccupations habi- tuelles de la fevue générale des Sciences pures et appliquées pour que nous nous y arrêtions. D'autres morceaux, par contre, méritent de retenir notre atten- tion; ce sont certaines études de géographie écono- mique, qui font connaître l’une des principales agglo- mérations urbaines du Soudan central, la ville de Ngaoundéré en Adamaoua, le commerce de Siout avec le Darfour avant l'invasion mahdiste, ou encore en quoi consistaient, il y a une dizaine d'années, les opérations commerciales d'un traitant d'ivoire, tel que Charles- Henry Stokes, et quelles transformations avaient, dès 1894, accompli les Italiens dans leur colonie de l'Erythrée; ce sont surtout les chapitres qui ont trait à l'histoire de la Géographie. Parmi ces derniers, — les plus nombreux des £tudes sur l'Afrique, — les uns exposent les découvertes d'un explorateur éminent, tel qu'Antoine d'Abbadie, Oscar Baumann, Adolphe Dele- gorgue et le major Serpa Pinto; d’autres retracent en quelques pages concises, pleines de faits précis, les progrès de nos connaissances sur un point ou sur une région du continent africain : plaines sub-éthiopiennes, Afrique orientale allemande, lac Kivou et volcans du Mfoumbiro, mont Rouwenzori. Quelques cartes, d’une grande clarté, accompagnent ces excellents apercus et en facilitent la lecture attentive. Faisons enfin une place à part, dans cette série consacrée à l’histoire de la géographie de l'Afrique, à une très curieuse étude sur la toponymie de la colonie du Cap de Bonne-Espé- rance au xviu* siècle, étude qui nous fait souhaiter de voir M. Henri Dehérain poursuivre ses investigations dans cet ordre de recherches si intéressant et trop peu cultivé, — et classons hors série quelques pages d'un piquant imprévu sur les surnoms assez sagaces, parfois plaisants, jamais méchants ni cruels, des Eu- ropéens en Souaheli. Des différents morceaux que nous venons de signa- ler, un bon nombre ont paru à diverses époques {nos lecteurs se le rappellent certainement) dans la Revue générale des Sciences; ils ont été, aussi bien que ceux auxquels d'autres recueils périodiques avaient d’abord donné l'hospitalité, plus ou moins complètement retou- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX chés par l'auteur. Ainsi a été assurée l'homogénéité parfaite de ces Etudes sur l'Afrique. Sur deux d’entre elles, nous voulons insister tout particulièrement ici: dans l'une, insérée naguère dans le Journal des San vants, M. Henri Dehérain a mis en pleine lumière les découvertes géographiques de William Cotton Oswell, un inconnu, ou fout au moins un méconnu, qui & emmené Livingstone au lac Ngami en 1849, et qui aida cet illustre explorateur, en 1851, à gagner le Zambèze qu'il avait en vain tenté d'atteindre seul en 1850; l’autre est une biographie, presque complètement inédite, d’« Emin Pacha administrateur, voyageur et savant ». Cette importante biographie, absolument impartiale, la meilleure que nous connaissions du célèbre et sin gulier aventurier allemand, est accompagnée d’une bi= bliographie critique très soigneusement dressée, Ce n'est pas d’ailleurs le seul chapitre de son livre que M. Henri Dehérain ait pourvu de cet appareil scientifique; nombre d'autres morceaux des Ztudes. sur l'Afrique sont également suivis d’une bibliographie plus où moins étendue. Il en résulte que cette œuvre de haute et savante vulgarisation est en même temps. un véritable instrument de travail pour le lecteur dési- reux d'approfondir une question déterminée, et de pé- nétrer dans le détail des faits géographiques si curieux dont le livre de M. Henri Dehérain fournit un nervet et substantiel résumé. HEXRI-FROIDEVAUX. Bodin (E.), Professeur de Bactériologie à T Univer- sité de Rennes.— Biologie générale des Bactéries. — ! vol. de 184 pages de l'Encyclopédie scientifiques des Aïide-Mémoire. (Prix : 2 fr. 50). Masson et Cie éditeurs, Paris, 1904. Réunir en un bref volume l'ensemble des notions relatives à la biologie générale des bactéries, peut. paraître une œuvre difficile à réaliser. On ne peut nier, cependant, que M. E. Bodin n'y ait réussi. L'auteur. s’est proposé de résumer l’ensemble des lois et des faits” qui régissent la morphologie et la physiologie des microbes, leurs relations avec le milieu extérieur, leur rôle, principalement leurs fonctions pathogènes. « Appuyé sur les leçons et l’enseignement de MM. Du-. claux et Roux », libéré, aussi, de tout détail de tech- nique, ce petit volume est fort lucide. Il peut être lu … par un débutant; il sera profitable à l'étudiant, car il. peut servir de préface à l'étude de la Microbie et même de la Pathologie générale dans ses rapports avec les germes infectieux. D' H. Vincenr, Professeur au Val-de-Grâce. Deyrolle (Emile). — Oiseaux. Collection de lHis- toire naturelle de la France; nouvelle édition aug- mentée. — 1 vol. in-16 de 304 pages avec 146 fig. et 35 planches hors texte. (Prix : 5 fr. 50). Les fils d'Emile Deyrolle, éditeurs. Paris, 1904. Cette seconde édition ne diffère de la première que par l’adjonction de 8 planches hors texte (photogra- phies) et 12 planches dans le texte; comme l’auteur l'explique dans sa préface, c'est un ouvrage de déter- mination élémentaire, destiné aux débutants qui désirent mettre un nom à peu près exact sur les Oiseaux qu'ils ont recueillis; aussi M. Deyrolle ne s’est nullement préoccupé de grouper ses descriptions sui- vant la classification moderne, pas plus que de la synonymie ou des subdivisions génériques que l'on à prodiguées chez les Oiseaux comme ailleurs; par exemple : les Chouettes, Ducs et Hibous sont rangés. dans un genre unique Strix; les Rossignols, Fauvettes, Rouges-gorges dans le genre Sylvia, etc. La partie descriptive, abrégé du Degland et Gerbe, est suffisante pour les mâles, mais il n’en est pas tou= jours de même pour les femelles, plus difficiles à carac- tériser; il n'y a pas de descriptions des jeunes avant la mue, non plus que des poussins; les planches en couleur représentant les tètes d'Oiseaux sont tout à fait excellentes et exactes, et le plus souvent permet- 1003 tique. EN propos de la distribution géographique et des mœurs, brièvement indiquées pour chaque espèce, je “ferai remarquer que la présence dans les Vosges du rand Corbeau (Corvus corax) est bien douteuse, de ème que celle du Gypaëte barbu dans les Alpes françaises ; il n'y à guère lieu de maintenir la Cigogne oire dans la faune francaise, ou bien il faudrait y troduire des espèces comme le Buteo ferox, capturé deux fois dans ces dernières années. Le Merle n'est as d'un naturel si farouche que le veut la tradition, car il niche très bien au milieu des villes dans de petits jardins; ce n’est pas le petit Coucou qui pousse “hors du nid ses frères d'adoption, mais bien la mère “qui tue les œufs de l'hôte. — La correction typographique du texte laisse un peu à désirer; le plus souvent les noms propres d'Oiseaux, vulgaires ou latins, n’ont pas de majuscules; on peut “se demander pourquoi le Syrrhaptes est intercalé “entre deux espèces du genre T'etrao; mais ce sont là “des détails bien faciles à corriger dans une prochaine Hédition. que je souhaite, car, somme toute, ce petit livre, qui n'a pas de similaire en France, est commode “et remplit bien le but élémentaire qu'il se propose. % L. Cuénor, Professeur à l'Université de Nancy. ù 4 Sciences médicales -Tripier (R.), Professeur à la Faculté de Médecine de Lyon. — Traité d'Anatomie pathologique générale. — 4 vol. gr. iu-8° de A015-x11 pages avec 239 figures en noir et en couleurs. Masson et C°, éditeurs. Paris, 1904. Bien que la destination précise de cet ouvrage ne soit pas indiquée dans la préface, et qu'il s'adresse au public médical en général, il s’agit sans nul doute d'un traité didactique, dont la publication, aussi utile aux étu- diants qu'aux médecins, était d’ailleurs très désirable. Il est néanmoins souvent dangereux, pour le lecteur et parfois pour l’auteur lui-même, qu'un traité didac- tique présente, comme celui-ci, un caractère très per- sonnel, c’est-à-dire soit tout entier orienté autour d'un point de vue personnel et, par conséquent, discutable. Un tel ouvrage, ne rendant compte de l’état actuel d'une science qu'au travers de l'interprétation de l'au- teur, risque de donner au lecteur une idée imparfaite et même inexacte de la situation et de la valeur réelles des faits scientifiques. L'auteur, s'il court la chance de voir ses idées répandues à beaucoup plus d'exemplaires dans un traité que dans un simple mémoire, peut craindre aussi de donner à des conceptions inexactes un retentissement trop grand. Aussi croyons-nous que c’est, pour l’auteur d’un livre didactique, agir sage- ment que de restreindre les manifestations de sa per- sonnalité, en se permettant seulement le groupement 7 original des documents scientifiques, et en s'interdisant absolument de les faire servir à la défense d'une idée générale personnelle. Voici quel est le processus idéologique de l'auteur. Dès la préface, il annonce qu'il lui « a été impossible de constater la réalité de beaucoup de phénomènes considérés comme des plus essentiels, parce qu'ils servent de base aux idées qui ont généralement cours ». Parmi ces phénomènes, celui que l'auteur a surtout en vue, pour en contester l'existence légitime, c’est la division indirecte des cellules ou karyokinèse, qui fait l'objet du premier article du livre. Non pas que ce mode « nouveau » de division des cellules puisse être nié dans certaines conditions, car M. Tripier a pu le cons- tater sur des préparations de MM. Guignard, Vialleton, Caullery. Mais il s'agissait dans ces cas de tissus Jeunes, et jamais, dit-il, « rien de semblable re nous parait avoir été observé dans l'organisme animal ou végétal après son entier développement et notamment dans les productions pathologiques... En nous placant dans les meilleures conditions d'observation, nous n'avons jamais vu sur les tissus sains d'un animal ou de l’homme rien qui ressemble à ces phénomènes »; ce qui pourrait, croit-il, tenir à la rapidité avec laquelle ils doivent s'opérer. Tout ce qu'il a été donné à l'auteur de cons- tater, dans certaines tumeurs, ce sont des pseudo- karyokinèses, qui n'ont qu'une vague ressemblance extérieure avec les karyokinèses vraies. Il se peut, d'ailleurs, que l’auteur ait trop exigé des karyokinèses, car il dit quelque part: « En supposant que le phéno- mène de la division des cellules dans ces conditions passe inapercu, on devrait, au moins, trouver, à côté des cellules considérées comme cellules-mères, les cel- lules-filles provenant de leur division ». Et plus loin : «il est impossible de supposer que les cellules se divisent indéfiniment, parce qu'elles vivraient de même ». Chacun sait, cependant, que, dans les familles cellulaires, les cellules-mères disparaissent en produi- sant des cellules-filles. La négation de la karyokinèse dans les tissus nor- maux et pathologiques de lPanimal et de l’homme adultes conduit ensuite l’auteur à chercher ailleurs que dans la division ceilulaire l’origine des éléments qui constituent les productions inflammatoires et néopla- siques. Une série d'articles consacrés aux « phénomènes de nutrition et de rénovation des cellules dans lorga- nisme constitué », au « rôle des organes lymphoïdes », el à « quelques considérations sur le tissu conjonctif et le rôle qu'on peut lui attribuer » font pressentir à quelle source l’auteur ira prendre les éléments nouveaux qui entrent dans la constitution des produc- tions inflammatoires et des tumeurs. C’est dans le sang, c'est dans le tissu conjonctif qu'est l’origine de ces éléments néoformés. Déjà, à l’état normal, la régéné- ration de cellules spécialisées des tissus aux dépens des jeunes cellules conjonctives est prouvée par les travaux de Sabatier et de de Rouville. A l’état patholo- gique, les éléments diapédésés du sang et les cellules conjonctives entrent en scène pour produire les cellules inflammatoires et néoplasiques. Il est, d'ailleurs, diffi- cile de trouver ce ressouvenir des théories de Cohnheim exprimé dans ce livre, aux nombreux endroits où la théorie revient sous les yeux du lecteur, autrement que par des formules flottantes sur lesquelles l'esprit ne peut se reposer. On chercherait en vain, pour chacune des deux grandes catégories de lésions, pour les lésions inflam- matoires aussi bien que pour les tumeurs, une carac- téristique ferme. Les tumeurs, par exemple, sont carac- térisées en trois endroits de trois facons différentes ; il s’agit, du reste, de définitions pathogéniques, portant sur l’origine et non sur la nature des éléments des néoplasmes. On lit (p. 712): « On doit considérer les tumeurs de chaque tissu comme lui appartenant spécialement et comme formées par ses éléments dits conjonctifs, qui sont produits ordinairement en quantité excessive et qui ont subi une déviation plus ou moins prononcée dans leur développement ultérieur ». Voici (p. 741) une autre formule : « Il y a donc toutes probabilités pour que les divers éléments constituants des tumeurs, comme ceux des productions inflammatoires et des tissus normaux, proviennent du sang, qui, très ration- nellement, en fournissant aux tissus leurs matériaux de nutrition, leur procure également les éléments néces- saires à la rénovation des cellules, ete. ». Et ailleurs (p. 767): « Dans tous les tissus, les tumeurs prennent naissance, non par la multiplication des éléments propres plus ou moins perfectionnés, ni même par leur modification. Elles débutent toujours par des forma- tions anormales aux dépens des jeunes cellules qui étaient destinées aux formations normales el qui offrent des déviations en rapport avec l'intensité de leur production et le degré des modifications de structure du tissu ». M. Tripier condamne comme insuffisantes les diverses définitions que les auteurs ont données des tumeurs; mais la lecture des nom- 100% breuses pages qu'il consacre à ces productions ne suffit pas davantage à en donner une idée concrète. On est encore plus désorienté, si l’on cherhce à accorder. ce qu'on entrevoit de cette conception des tumeurs avec cette thèse plusieurs fois nettement expriméee, et d’ail- leurs très exacte, que l’état pathologique peut différer de l’état normal d'une manière à peine sensible; il semble, en effet, que l’arrivée d'éléments étrangers dans un point, qui devient par ce fait production patholo- gique, établit, au contraire, une différence radicale entre les deux conditions, normale et pathologique. En résumé, l'idée directrice de cet ouvrage s'est développée suivant ce schéma : La division cellulaire n'existe pas dans les tissus adultes sains et patholo- giques, puisque l’auteur n’a pas réussi à l'y constater. Donc les éléments des productions pathologiques ne proviennent pas des cellules des tissus. C’est par con- séquent dans les éléments du sang et du tissu conjonc- tif qu'il faut chercher la source des cellules néoformées dans les inflammations et les tumeurs. Ce raisonnement n’est pas pour satisfaire les histolo- gistes, qui,ne pouvant accepter la prémisse, se verront obligés de rejeter la suite et la fin. Ils préféreraient de beaucoup, demeurant sur le terrain des faits observés, se convaincre de l’origine sangui-conjonctive des élé- ments néoformés; mais ils en chercheraient vainement quelque part, dans les chapitres généraux de ce livre, la démonstration illustrée. Car, si l’auteur nie ce qu'il n’a pas réussi à voir, savoir la division cellulaire dans les éléments adultes, il avance ce qu’il ne peut mon- trer, c’est-à-dire la provenance sanguine et conjonc- tive des cellules inflammatoires et néoplasiques. Le moins grave des reproches d'ordre général qu'il faille adresser à l'auteur est le ton dont il rejette cer- taines vues spéculatives, depuis la pathologie cellulaire de Virchow jusqu'à la théorie biomécanique de Delage: explication, dit-il de celle-ci, semblable « à celle qui attribue à la propriété dormitive le pouvoir que pos- sède l’opium de faire dormir ». C’est bien là une de ces critiques un peu vives dont l’auteur s'excuse par avance dans sa préface, et la théorie de Delage valait mieux que cette réfutation. La théorie de Virchow sur inflammation par irritabilité cellulaire produisant l'hyperplasie des cellules, celle de Metchnikoff sur la phagocytose, et d’autres sont écartées rudement aussi. Si la forme extérieure du livre, abondamment et convenablement illustré, plait à l'œil, l'esprit se fatigue trop à la lecture de cet ouvrage, rendue très difficile par l’impropriété et l'imprécision fréquentes de l’ex- pression, par l’'enchevètrement des mots dans la phrase, et celui des phrases dans l’idée qu’elles expriment. L’insuffisance absolue de la documentation est déjà regrettable. Mais ce qu'il faut plus regretter encore, c'est l'ignorance ou la négation obstinée de nombreux faits, cependant classiquement reconnus. Les mitoses pathologiques existent, avec des caractères particuliers tixés par les auteurs, qui distinguent des mitoses asy- métriques, multipolaires, hyper- et hypochroma- tiques, etc. La division des cellules de la couche germinative dans l’épiderme, ici réduite à l'état d'hypothèse inadmissible, est, même pour l'étudiant, une réalité d'observation. L'imprécision du langage biologique fait supposer l'imprécision, beaucoup plus grave, des notions bio- logiques fondamentales. Celle-ci se traduit, à chaque pas, soit par des confusions de termes qui désignent des choses distinctes, soit par des distinctions vaines de choses qu’on doit confondre, ou encore par des expressions et des définitions très répréhensibles. Ainsi sont confondus : les tissus et les organes, la propriété et la fonction; sont, par contre, distingués : les cel- lules et les tissus, la pathologie cellulaire et la patho- logie tissulaire. Les tissus sont définis en plusieurs endroits comme formés de parties différentes; les BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX éléments spécialisés et les éléments conjonctifs, les liquides nutritifs, les vaisseaux sanguins et lympha= tiques sont ce qui contribue à constituer un tissu. On comprend, avec une semblable conception du tissu que la pathologie tissulaire paraisse tout autre chose que la”pathologie cellulaire; on comprend aussi que le tissu conjonctif ne puisse pas être le tissu accessoire qu'admet Bard, puisqu'il est ici considéré comme far sant essentiellement partie de tout tissu. Qu'est-ce, pourra-{-on aussi se demander, que la « pathologie biologique », sinon la pathologie elle-même; qu'est-e que l'association entre l'organe, la fonction et la nutris tion, « triade en combinaison intime à l'état dynas mique »; qu'est-ce que la surcharge adipeuse qui n’esb pas une surcharge graisseuse, etc. ? La forme du raisonnement lui-même n'est pas l'abri de toute critique, comme suffit à le montrer le cilation, entre autres passages, de celui qui est relat aux rhabdomyomes en général (p. 754): « Il y a incom testablement des tumeurs qui ont leur origine dans le muscles striés, c'est-à-dire qui sont de même nature, sans en avoir la structure. » Les auteurs ont admis, il est vrai, que ce sont là « des tumeurs du {issu conjone= üf, c'est-à-dire des fibromes, des myxomes, des sar- comes, développés aux dépens des éléments de la subs- tance intermédiaire aux faisceaux musculaires ». « Mais alors il n'y aurait plus de tumeurs de ces mus= cles, alors que cliniquement on en rencontre encore assez souvent. » Et alors l’anatomo-pathologiste dirait au clinicien : « Vous avez diagnostiqué dans un organe appelé muscle, dans le muscle biceps, une tumeur que j'attribue à un tissu, le tissu conjonctif, qui fait partie de la constitution de cet organe ; vos tumeurs ne sont pas les miennes, et nous parlons un langage différent.» M. Tripier ne s’est pas aperçu qu'il avait parlé tour à tour un autre langage. Enfin, voici le reproche capital qu'il faut adresser à ce livre considéré dans son ensemble. M. Tripier à voulu faire de l’Anatomie pathologique générale avec les ressources de l'Anatomie pathologique spéciale, macroscopique et faiblement microscopique, sans se douter que l'Anatomie pathologique générale devait être une science cellulaire et que, sous cette forme, elle avait déjà conquis droit de cité dans l’ensemble des connaissances humaines. Ces ressources étaient néces- sairement très grandes entre les mains d'un anatomo- pathologiste de carrière, ayant de l'anatomie patholo- gique une longue et solide expérience; et l’on se rend bien compte de cette opulence de faits personnels spéciaux, en parcourant les pages de cet ouvrage consacrées à l'étude des diverses lésions prises pour. exemples et les excellentes figures qui les illustrent: Mais la moindre karyokinèse, constatée dans les tissus normaux ou pathologiques de l'adulte, aurait bien mieux fait l'affaire; après cette constatation, plus aisée à faire qu'il ne le croit, l’auteur eût été moins sévère à l'égard de la Pathologie cellulaire, qu'il traite de théorique, ce qui est peu flatteur pour les légions de chercheurs qui ont cru s’en occuper pratiquement. D'ailleurs, si bonnes que soient les descriplions spé- ciales qu'on trouve dans ce livre, elles portent toutes, comme une tache originelle commune, la désobéissance à la loi générale de la division cellulaire. , En terminant, je dois à mon tour m'excuser des cri- tiques que j'ai dû faire, et qui pourront paraître sévères. Si le lecteur compétent les trouve justes, je ne regretterai pas ma sévérité; elle était un devoir. L'étudiant où médecin praticien, lecteur incompétent d'un ouvrage didactique tel que celui-ci, signé d'une personnalité universitaire en vue, aurait trop facile- ment suivi l'auteur dans la voie où celui-ci ne devait que s'engager personnellement. PNANE Professeur à la Faculté de Médecine de l'Université de Nancy. L — ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 17 Octobre 1904. m0 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Guillaume pré- “Sente ses observations du Soleil, faites à l'Observatoire “le Lyon pendant le deuxième trimestre de 1904. Le “ombre des groupes de taches et leur surface totale “Ont légèrement augmenté; le nombre des groupes de “ficules est le même, avec un léger accroissement de Surface. — M. G. Millochau présente un nouveau sys “ième de micromètre, basé sur les principes de l'hého- - mètre, et donnant deux images de l’astre observé, par “l'interposition, entre l'objectif et l'oculaire, de lames “de verre à faces parallèles. — 2 Scrences PHYSIQUES. — MM. H. Deslandres et “A. Kannapell ont étudié le troisième groupe de bandes “le l'air avec une forte dispersion. Il se compose de “quatre séries de raies doubles. — M. L. Bard émet l'hypothèse que les oscillations vibratoires des molé- “tules aériennes autour de leur position initiale d'équi- libre se font de telle sorte, dans chacune d'elles, que la demi-amplitude centrifuge, par rapport à la source Sonore, est légèrement supérieure à la demi-amplitude centripète qui la suit immédiatement. — M. C. Marie à déterminé la constante ébullioscopique d'un mélange de solvants volatils, l'eau et l'alcool, pour un corps, la résorcine, soluble dans les deux. Les résultats obtenus ne cadrent pas avec ceux qu'on tire de la formule proposée par Nernst. — MM. V. Auger et M. Billy ont fait réagir les solutions organomagnésiennes sur les dérivés halogénés du phosphore, de l'arsenic et de lantimoine. Il se forme de l'oxyde de triméthylphos- phine et les acides diméthyl et monométhyl-phosphi- niques. — MM. R. Fosse et P. Bertrand ont préparé un persulfate de dinaphtopyryle C1°H° Qu — Ÿ0.0.80°0H, cup” doué de propriétés oxydantes. — M. J. Scbmidlin poursuit ses recherches sur la constitution des sels des rosanilines et le mécanisme de leur formation. — M. M. Godchot à obtenu, par la méthode d'hydrogé- nation de MM. Sabatier et Senderens, un tétrahydrure d'anthracène, C4#H'#, F.89, et un octohydrure, C##H'*, E.710. — M. Ed. Urbain montre que la production de CO? par la graine en germination est attribuable à lhydrolyse profonde des matières albuminoïdes, qui précède l'action lipolytique. — MM. Eug. Charabot el A. Hébert ont constaté, chez les plantes à essences, que c’est la feuille qui renferme la plus forte propor- tion de matières solubles, tant organiques que miné- rales. Au contraire, la proportion de ces matières est minima dans la racine. 30 SGt£ENCES NATURELLES. — M. G. Bohn a vu se repro- duire au laboratoire pendant plusieurs mois les phé- nomènes de périodicité vitale qu'on observe chez les animaux soumis aux oscillations du niveau des hautes mers. — M. P. Abric a constaté que les nématocystes des Eolidiens subissent, dans les cellules agglutinantes des nématoblastes, des variations dans le temps. — MM. E. Brumpt et C. Lebailly ont trouvé. chez les Téléostéens marins, un certain nombre d'espèces nou- velles de Trypanosomes et d'Hémogrégarines parasites. — M. J. Pavillard signale l'existence d'auxospores chez deux Diatomées pélagiques des genres /#h1z0- selenia et Hemiaulus. — M. P. Termier montre que la région de l'Ortler est, en réalité, un paquet de plis ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1005 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER couchés superposés, formant une série isoclinale à plongement nord. — M. G. Friedel décrit un quatrième groupe de macles, les macles par pseudo-mériédrie réticulaire. Séance du ?4 Ociobre 1904. 49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Leau démontre le théorème suivant : Si une fonction f (z) de genre et d'ordre 9 non entier admet pour racines les termes d'une suite à croissance et orientation simples, on peut tracer, pour 2 assez grand, une infinité de cercles dont le centre soit à l’origine et qui comprennent les » premières, de manière qu'à l’intérieur de chacun d'eux le nombre des racines de f'{z) soitégal à n Æ x — 1. — M. S. Bernstein indique un cas où sa méthode de réduction du problème de Dirichlet à un simple pro- longement analytique s'applique à une équation aux dérivées partielles de second ordre. 20 Sciences raysiQues. — M. J. Violle signale un pro- cédé de photographie stéréoscopique sans stéréoscope dù à M. Ives. Il consiste à photographier dans une chambre noire à deux objectifs derrière un gril disposé convenablement et à regarder la photographie à tra- vers le même gril. — M..C. Tissot a déterminé la période d'antennes de différentes formes en excitant un résonnateur fermé et faisant varier les constantes de ce résonnateur de facon à le mettre en résonance avec le système étudié. — M. P. Lemoult a calculé, par ses formules, les chaleurs de combustion de 45 corps, déterminées expérimentalement par MM. Fischer et Wrede. Les résultats concordent bien. — M. H. Her- renschmidt décrit le mode d'extraction du vanadium du vanadate de plomb naturel, par fusion avec du car- bonate de soude et du charbon. Il à aussi préparé quelques alliages avec le fer et le nickel. — M. P. Carré, en déshydratant la dulcite par l'acide phosphorique, a obtenu un isomère du mannide, le dulcide; les éthers phosphoriques de ces deux composés ont sensiblement les mèmes propriétés. — M. V. Auger à préparé de nouveaux dérivés organiques du phosphore par action des iodures d’alkyle sur une solution de phosphore blanc dans la soude alcoolique froide. — MM. R. Lépine et Boulud ont étudié les modifications de la glycolyse dans les capillaires, causées par des variations de la température locale. — MM. Ed. Urbain, L. Perruchon et J. Lançon ont constaté que les produits de dédou- blement des matières albuminoïdes des graines ont une grande influence sur la saponification des huiles par le cytoplasma. — M. C. Gessard à trouvé la tyro- sinase à tous les stades du développement de la Mouche dorée: c’est à elle qu'est due la coloration des tégu- ments. 39 ScrENCES NATURELLES. — M. L. Brasil à découvert une Coccidie parasite nouvelle dans le corps cardiaque d'un Cirratulien, l'Audouinia tentaculala.—M. Gr. Bohn explique les oscillations des trajectoires des Littorines en faisant intervenir l’action variable de la lumière sur un protoplasma plus ou moins hydraté. — M. L. Lau- noy à reconnu qu'au point de vue de leur réceptivité au chlorhydrate d'amyléine 46 les animaux s se placent dans l’ordre décroissant suivant : chien, lapin, souris, cobaye, poulet, pigeon. /n vitro, ce corps possède un pouvoir globulicide pour les globules de lapin; ina pas d'action hémolytique in vivo. — M. P. Termier montre que l'existence de la fenêtre de la Basse-Enga- dine est une preuve de la structure en « paquets de nappes » du Tyrol septentrional. — M. J. Thoulet annonce que, dans la dernière croisière du Prince de Monaco, les bancs Henderson et Chaucer, au nord des 1006 Acores, n’ont pas été retrouvés. Sur leur emplacement présumé, on a trouvé des fonds de 2.180 à 2.750 mètres et l'auteur a analysé les échantillons de sols recueillis. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 18 Octobre 1904. M. R. Blanchard présente un Rapport sur un travail de M. J. Guiart relatif au rôle du Trichocéphale dans l'étiologie de la fièvre typhoïde. L'auteur a trouvé de nombreux Trichocéphales dans l'intestin des typhiques et, pour lui, ces vers, qui pénètrent profondément dans la muqueuse intestinale, peuvent servir d'agents d'inoculation du bacille. M. P. Reclus présente le Rapport sur le concours pour le prix Campbell-Dupierris. — MM. A. Poncet et R. Leriche signalent un certain nombre de cas d’ankyloses osseuses dont l’origine est de nature tuberculeuse ; il y a donc lieu d'admettre l'existence d'un rhumatisme tuberculeux ankylosant. — M. Villar lit une Note sur un cas de prolapsus de la muqueuse de la vessie à travers l’urètre chez une femme. Séance du 25 Octobre 1904. M. le Vice-président annonce le décès de M. Tillaux, président de l'Académie. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 22 Octobre 1904. M. Ch. Féré a constaté que l'orientation a une assez grande influence sur le travail et la fatigue. — MM. A. Laveran et F. Mesnil ont observé plusieurs cas d'in- fection naturelle des rats blancs par le 7rypanosoma Lewisi. — M. A. Laveran à reconnu que les Trypano- plasmes du rotengle et du vairon appartiennent à une seule et mème espèce; on trouve également, chez le vairon, un Trypanosome qui paraît identique à celui de la carpe. — M. L. Marchand a étudié, par la mé- thode de Ramon y Cajal, les lésions des neurofibrilles des cellules pyramidales dans quelques maladies men- tales. — M. Baylac confirme la non . toxicité des liquides d’œdème signalée par M. Boy-Teissier. — M. L. Uriarte a constaté que le bacille pesteux possède un fort pouvoir hémolytique; la séroagglutination est tar- dive et inconstante. Les puces que l’on trouve sur les rats pesteux ont l'intestin rempli de bacilles. — M. E. Maurel a reconnu que l'eau ajoutée à celle qui cor- respond à la ration normale d'entretien n'augmente pas le poids de l'animal; elle n’a donc, par elle-même, aucune valeur alimentaire. — M. J. Arrous, à propos des expériences de MM. Lamy et Mayer, rappelle ses conclusions antérieures : le pouvoir diurélique des sucres est en raison inverse de leur poids moléculaire. — M. F. Dévé montre que la prophylaxie échinococ- cique doit consister à empêcher les chiens et les chats de s’'infecter par l'ingestion de viscères échinococci- ques, en détruisant ceux-ci dans les abattoirs. — Le même auteur à constaté que le chat domestique peut éventuellement devenir l'hôte du tœnia échinococ- cique. — M. F. Battelli et Mlle E. Haliff ont observé que la richesse en catalase des différents tissus d'un animal est très variable chez toutes les espèces; mais elle est remarquablement constante pour un même tissu chez la même espèce. — M. P. Abric estime que les mouvements ciliaires sont continus, perpétuels, et à rapprocher des mouvements browniens. — Le même auteur expose ses idées sur la variation, la sexualité, le déterminisme du sexe et la fécondation. — M. Rem- linger a reconnu que la pilocarpine et la salivation ou la sudation qu'elle provoque n’exercent aucune action atténuante dans le traitement de la rage ou des mala- dies infectieuses. — M. P. Carnot a observé que les greffes de la muqueuse stomacale donnent naissance, comme les greffes vésicales, à des cavités kystiques ou polykystiques de volume variable, qui sont probable- ment dues au fait qu'un revêtement muqueux reste ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES toujours une surface libre, incapable d'adhérer aux parties voisines. — MM. A. Courcoux el L. Ribadeau Dumas montrent que l’anémie infantile pseudo-le cémique est provoquée par des causes diverses; € n'est qu'un des éléments du groupe de la splénomégali chronique avec myélémie. — M. L. Ribadeau-Dumas a observé, dans un cas d’anémie infantile pseudo-leus cémique compliquée de broncho-pneumonie, une mo» ditication de la formule hémoleucocytaire avec exa ration de la réaction myéloide du sang. — M. Tchitchkine à constaté que l'administration, paru bouche, de streptocoques aux lapins cause la mort di ces derniers avec les symptômes typiques de la septi cémie streptococcique. — MM. F. Widal et G. Froïr ont observé une grande augmentation de l’urée dans le liquide céphalo-rachidien de la plupart des brighti ques. — M. C. Gessard signale deux phénomènes de coloration dus à la tyrosinase : dans les peaux de gré nouilles et dans les larves de Lucilia Caesar. — M. Du buisson à étudié la résorption du vitellus dans le développement de l'œuf de vipère. — M. Bazy à constaté que les branches de l'artère rénale peuvent avoir le caractère terminal, au moins chez le chien. — M. H. Vaquez a observé, au moyen de tracés sphyg mographiques, que l'administration de nitrite d'amy provoque dès l’abord un abaissement de pression, ave accélération des pulsations. — M. Triolo décrit une nouvelle méthode d'examen microscopique du sang, basée sur l'emploi d'huile de vaseline pour sa conser- vation. — M. Ch. Bisanti a reconnu qu'il est possible de conférer l'immunité contre la pasteurellose aviaire à des animaux très sensibles au moyen des cultures in vivo en sacs de collodion, placés dans le péritoine plutôt que sous la peau. — M. Ch. Nicolle signale l'existence de la fièvre de Malte à Tunis; il l’a carac- térisée par isolement sur le vivant du 17. melitensis au moyen d'une ponction de la rate. — M: G. Bohn a étudié les mouvements de manège présentés par cer- tains organismes marins en rapport avec les mouve- ments de la marée. — M. J. Dagonet à constaté que les neuro-fibrilles persistent dans la paralysie générale et présentent les mêmes caractères qu'à l'état normal. MM. F. Widal et A. Javal ont remarqué qu'une même quantité d'albumine ingérée par un brightique, quelle qu'en soit la provenance, qu'elle provienne du lait ou. de la viande, détermine un degré de rétention uréique à peu près identique. l'accumulation de l'urée cesse à partir du moment où la pression du sang en urée est suffisante pour triompher de l'obstacle rénal. Les chlorures, au contraire, s'accumulent d'une facon con- tinue. e Séance du 29 Octobre 1904. M. Triolo à fait l'examen du sang in vitro par lan méthode à l'huile de vaseline. Il a toujours vu le glo- bule sous forme de corps arrondi, jamais sous forme de disque biconcave. — M. P. Remlinger à constaté que la salive recueillie chez les animaux enragés après injection de pilocarpine n'est pas virulente. D'autre part, le mélange de virus fixe el de sérum antirabique, à la dose de 60 centimètres cubes, est encore capable de préserver le mouton trois jours après l'injection intra-oculaire. — M. P. Salmon à reconnu que le pus syphilitique perd rapidement sa virulence et devient stérile au bout de six heures. — MM. Rehns et P. Sal- mon ont obtenu la guérison constante des tumeurs épithéliales bénignes par le rayonnement du radium. — M. G. Bohn explique les mouvements des Littorines par un inégal éclairement des deux yeux, par un effet tonique de la lumière asymétrique. — M. Manea à employé les sacs de cotlodion pour filtrer sous pression les bouillons de culture; les parois de ces sacs retien- nent énergiquement la toxine télanique; par contre, elles laissent passer la toxine diphtérique. — M. K. Ra- mond montre que le foie seul est capable de dédoubler les graisses injectées par la veine porte, mais que cette action est grandement favorisée par l'apport des sécré- “tions internes du pancréas, — M.0. Gessard à constaté que la coloration de la mouche dorée est due à l’associa- “ion d'une couleur de structure et d'une couleur pig- mentaire. — M. H. Dubuisson à étudié la résorption du vitellus dans le développement de l'œuf de poulet. — M. E. Maurel a reconnu que la privation d'eau, un jour sur deux, fait baisser le poids de l'animal d’une manière marquée; elle diminue la quantité d'aliments incérés. — MM. A. Gilbert el J. Jomier ont réussi à colorer par l'acide osmique les granulations graisseuses du sérum opalescent. — M. E. Laguesse à constaté que les lamelles du tissu conjonctif lâche sous-cutané chez le chat paraissent simplement dues à l'exten- Sion, au fusionnement et à la régularisation des larges expansions exoplasmiques différenciées par les cellules du mésenchyme primitif. — M. P. Nobécourt à observé que le sulfate de strychnine en solution dans l'eau distillée est environ sept fois moins toxique par la voie gastrique et trois fois moins toxique par la “voie intestinale que par la voie sous-cutanée chez le lapin. La strychnine ést encore moins toxique si elle est introduite en solution dans NaCI à 10 °/,. — MM. A. Desgrez et J. Ayrignac ont reconnu que l’adiposité s'accroit notablement chez les malades atteints de der- matoses. SOCIÉTÉ ANGLAISE DES INDUSTRIES CHIMIQUES SECTION DE SYDNEY Séance du 10 Août 190%. M. R. G. Smith poursuit ses recherches sur l’origine bactérienne des gommes végétales. 11 à d'abord recher- ché quel est le meilleur milieu de culture pour la pro- duction de la matière gommeuse au laboraloire au moyen des bactéries qu'il a isolées : PB. acaciæ et B. metarabinum. Ce milieu doit contenir : lévulose, 2; glycérine, 1; asparagine, 0,1; tanin, 0,1; citrate de po- lasse, 0,1; agar, 2; eau, 100. Des expériences d'infec- tion sur le pêcher avec le PB. acaciæ ont conduit à la formation de gomme, mais cette gomme élait de la métarabine; l'auteur a reconnu que la plante-hôte a le pouvoir de modifier le B. acaciæ et de le transformer en B. metarabinum. L'auteur a trouvé d’autres bacté- ries productrices de gomme, en particulier une dans les tissus de la canne à sucre, qui donne sur le milieu précité une gomme qui est un galactane. ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Communications par venues à l'Académie pendant les mois de Septembre et Octobre 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Bianchi : Sur les équations de Moutard avec groupes de solutions quadratiques. — M. E. Pascal expose de nouvelles considérations sur les équations différentielles qui sont satisfaites par les résultantes et les discriminants de formes binaires. — M. F. Severi s'occupe des surfaces algébriques qui possèdent des intégraux de la seconde espèce. — M. G. Fubini poursuit ses recherches sur quelques théorèmes généraux sur des groupes de pro- jectivité, qui renferment comme cas particuliers les théorèmes connus jusqu'ici. — M. C. A. Dell Agnola : Sur la distribution des racines de la dérivée d'une fonction rationnelle entière. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Righi donne la des- cription d'un électroscope très sensible, qui peut servir à comparer la radio-activité de diverses substances et à exécuter des mesures. Une feuille d'or accomplit des mouvements oscillatoires, dans un temps donné, qui dépendent de l'intensité de l'excitation; l’on peut con- sidérer cette intensité comme inversement propor- tionnelle à la durée de chaque oscillation. M. Righi ajoute quelques considérations sur les phénomènes étudiés à l’aide de son électroscope, et remarque qu'il — ACADÉMIES ET SOCIÉTES SAVANTES L 1007 n’est pas toujours admissible de ne pas tenir compte de la position des corps électrisés par rapport au sens et à la direction desrayons ionisants. — Les expériences de M. Maskelyne ont prouvé que la luminosité pro- duite dans l’émeraude, dans la calamine et dans le zircon par les rayons cathodiques se montre polarisée, c'est-à-dire qu'elle est excitée par la lumière dont les vibrations marchent parallèlement à l'axe du maximum d'élasticité optique d'un cristal. M. A. Pochettino a repris ces expériences avec un plus grand nombre de cristaux de divers systèmes, et il décrit les colora- tions présentées par ces cristaux, la persistance de ces colorations, les phénomènes de polarisation, et les effets qu'une anisotropie artilicielle, provoquée dans un corps amorphe, produit sur la polarisation de sa luminosité cathodique. — M.F. Eredia apporte une con- tribution nouvelle à l'étude des variations de la tem- pérature avec l'altitude. Il a mesuré ces variations entre Rocca di Papa (760 mètres) et Monte-Cavo (956 mètres), près de Rome; ces mesures montrent que la décroissance thermique, même pour de petites différences de hauteur à une grande élévation, corres- pond à 00,55 pour 100 mètres, nombre déjà donné par M. Lugli pour les versants central et méridional des Apennins. — M. G. Pellini annonce qu'il a perfec- tionné sa méthode d'analyse électrolytique du tellure, à l’aide de la cathode tournante et d'un bain spécial. En suivant les indications de M. Pellini, on parvient à obtenir une quantité de tellure supérieure à un gramme, qui se prête non seulement à l'analyse, mais encore à la purification du métal. — MM. G. Pellini el M. Vaccari entretiennent l'Académie de quelques recherches faites pour commencer une étude de com- paraison entre les actions chimiques produites par les rayons lumineux et par les autres espèces de rayons connus, et les actions dues aux radiations complexes émises par le radium. Les auteurs arrivent à la con- clusion que, en général, le radium donne lieu aux réactions qui sont provoquées fortement par les rayons ultra-violets et Rüntgen, comme il arrive pour les phé- nomènes de phosphorescence. Une propriété remar- quable du radium est celle de favoriser les oxydations, comme le prouve la coloration du verre, la formation du brome dans les bromures, etc. — MM. J. Bellucci et N. Parravano, après avoir étudié la constitution de l'acide chlorostannique en relation avec l'acide chloroplatinique, décrivent les expériences exécutées pour établir la constitution des stannates, dont celui de sodium est largement employé en teinturerie; ces expériences et les déductions que l’on peut en tirer conduisent à considérer les stannates selon la formule Sn(OH)5X?, au lieu de la formule SnOX?, 3H°0. — M. C. Ulpiani à continué ses travaux de synthèse des uitro-éthers ; il décrit la préparation de l'éther ænitro- butyrique, en partant de l'éther éthyl-malonique, recourant à la nitration directe, et enfin à la décarboxy- lisation avec l’alcoolate sodique. — MM. C. Ulpiani el L. Bernardini s'occupent des produits que l'on obtient par l’action de l'acide nitrique sur l'éther acétone- dicarbonique. — M. E. Mameli qui, dans des notes pré- cédentes, avait cherché à définir exactement l’action de l'iodure de magnésiométhyle sur le pipéronal, et à en préparer plusieurs composés, annonce qu'il à réussi à faire la synthèse de l'isosafrol et de l'alcool éthylpipéronylique, et donne la description de cette synthèse. 39 SciENCES NATURELLES. — M. B. Grassi et Mi A. Foà transmettent à l'Académie une note préliminaire sur la reproduction des Flagellés; ils ont suivi le processus de division du genre Joenia et des formes analogues: tandis que M. Grassi s’est occupé parti- culièrement de la figure achromatique, M° Foù à étudié la structure des formes définitives et la forme chromatique. La communication est accompagnée par de nombreuses figures. — M. G. Rossi continue la relation de ses recherches sur la mécanique de l’appa- reil digestif du poulet, et s'occupe des fonctions es 1008 motrices de l'estomac, dont il étudie l'anatomie, don- nant des détails sur les dispositions qu'il a adoptées pour ses observations. — M. G. Daïinelli à fait un examen détaillé d'une collection de fossiles recueillis par M. De Stefani et par lui en Dalmatie, dans la loca- lité nommée Ostrovica-bara; M. Dainelli donne la note des espèces observées, qui conduit à admettre que cette faune dalmatique a vécu dans la mer près d’une côte appartenant à la partie supérieure de l'Eocène moyen. ERNesro Maxcinr. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 6 Octobre 1904. M. Ed. Suess est réélu président de l'Académie pour trois ans. Sont élus : membre titulaire, M. L. Boltz- mann; Correspondants nationaux, MM. H. Chiari, ©. Tumlirz, Niessl von Meyendorf, F. von Hôhnelet Beck von Managetta; correspondants étrangers, MM.S. Newcomb, W. Pfeffer, H. Moissan, K. Rosen- busch, W. Ostwald et O. Bütschli. 49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. A. Schônfiess : Sur la stabilité et l'instabilité des fonctions d'une variable réelle. — M. L. Klug : Construction des con- tours perspectifs et des sections planes des surfaces de second ordre. — M. E. Waelsch : Sur les développe- ments en série des formes plusieurs fois binaires. 20 SCIENCES NATURELLES. — M. Q. Antipa a reconnu que les côtes roumaines de la Mer Noire et les bouches du Danube sont visitées régulièrement chaque année par six espèces de Harengs. Trois sont connues : Clu- pea pontica, CI. delicatula et Cl. cultriventris. Les trois autres sont nouvelles : A/osa Nordmanni, Cl. sulinæ et Sardina dobrogica. Séence du 13 Octobre 1904. 1° SctENCrs PHYSIQUES. — M. A. Lieben s'est demandé si les pinacones qui ne renferment pas un groupe méthyle, mais d’autres alkyles liés au groupe C.OH, sont capables de donner des pinacolines, c’est-à-dire si les alkyles supérieurs sont encore assez mobiles pour être échangés, comme H ou CH°, contre un hydroxyle lié au C voisin. Les essais ont montré que ces pinacones sont incapables de donner des pinacolines. — M. S. Kohn, en faisant agir H*SO* dilué sur la propiopina- coline, a obtenu un hydrocarbure C'‘H'$, qui peut addi- tionner 2 Br, et un oxyde C{‘H°0, donnant par oxyda- tion un acide C‘H0* et de l'acide diéthylacétique. 2° SCIENCES NATURELLES. — M. V. L. Neumayer a constaté que la Salamandra maculosa possède une résistance, naturelle contre les vibrions du choléra asiatique 50 à 60 fois plus grande que celle du cobaye. L'immunisation contre les vibrions ne se produit qu’à un faible degré. La phagocytose est très développée à la fois chez les animaux neufs et chez ceux qui ont subi un commencement d'immunisation. On n'a pas constaté de phagolyse au sens de Metchnikoff. — M. H. Molisch: Les bactéries lumineuses du port de Trieste. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 2x Septembre 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J.-C. Kluyver Evaluation de deux intégrales définies. Les intégrales ; * sin xt et eme fut 0 1m 27 ont une signification déterminée, pour x réel, pourvu que la partie réelle du paramètre m soit positive. L'auteur développe ces intégrales en des séries de puis- æ BAGOS ENT HN) / A Em ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES sances rapidement convergentes. — M. J. de Vries. Sur la congruence des coniques situées sur les surface cubiques d'un faisceau. La surface (P) de l’ordre 1 contenant les coniques passant par un point donné Ps, La surface À de l'ordre 288 contenant les coniques s'appuyant sur une droite donnée /. Le lieu des para» boles de la congruence est de l'ordre 354, les plans de ces paraboles enveloppent une surface de la classe 438 etc. — M. P.-H. Schoute présente au nom de M W.-A. Versluys : Sur la relation entre le rayon de courbure R d'une courbe gauche en un point P et rayon de courbure r en P de la section de la surface développable de cette courbe avec le plan osculateur au point P. L'auteur démontre, d'abord pour la cubique gauche et ensuite pour une courbe quelconque, qu'on a la relation R:r=3:4. — Ensuite M. Schoute prés sente la thèse de M. G -A. Schôrfeld : « De gewrongen Kromme van den vierden graad in de ruimte met viex afmetingen » (La courbe gauche du quatrième ordre dans l'espace à quatre dimensions); puis, au nom de M. A. Toxopens, le Mémoire intitulé : « De aantallem kwadratische hyperruimten in de ruimte van vyf afme tingen » (Les nombres des hyperespaces quadratiques dans l’espace à cinq dimensions). Sont nommés rap= porteurs MM. Schoute et J. Cardinaal. — MM. H.-G. eb E.-F. van de Sande Bakhuyzen présentent au nom de M. J. Weeder : Une nouvelle méthode d’interpolation avec compensation, appliquée à la réduction de la post tion et de la marche de l'horloge principale de l'Obser= vatoire de Leyde, la pendule Hohwü 17, à Paide des, observations avec l'instrument de passage en 1903. Ce mémoire fait suite à une communication antérieure (Rev. génér. des Se., t. XIX, p. 1211). 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H.-G. van de Sande Bakhuyzen : Notice nécrologique sur C.-A. Lobry de Bruyn (1857-1904), depuis 1896 professeur de Chimie à l'Université d'Amsterdam. — M. A. Holleman : Sur Ja nitralicn des benzènes disubstitués. L'auteur se pose la question suivante : « On connaît les quantités rela= tives des isomères des matières C,H,XZ et C,H,YZ engendrées par la substitution de Z dans C,H,X et dans C,H,Y; est-il possible d'en déduire la structure et less quantités relatives des isomères C,H,XYZ, engendrées par la substitution de Z dans C,H,XY? » — Ensuitem M. Holleman présente la thèse de M. J. Reïding : « Over de nitratie van 2» en 0- dichloorbenzol » (Sur la nitration des méta- et ortho-dichlorobenzènes). —= M. A.-P.-N. Franchimont, aussi au nom de M. H Friedman : La tétraméthylpipéridine aa!.Jl s'agit de la substance | C AN HEC ù | CH}C C(CH:P. 74 AZ H H2 à CH® Ensuite M. Franchimont présente au nom de M. P.-JA Montagne : Le déplacement d'atomes intramoleculaire chez les benzopinacones.— Enfin M. Franchimont pré= sente la thèse de M. 3. Moll van Charante : Het sullo= nisoboterznur en eenige zyner derivaten. — M. H.-W# Bakhuis Roozeboom présente la première partie du second volume de son traité : « Die heterogenen Gleich= gewichte vom Standpunkte der Phasenlehre » (Les équilibres hétérogènes d'après le point de vue de là théorie des phases). P.-H. ScnouTE. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, {, rue Cassette 15° ANNÉE 30 NOVEMBRE 19014 Revue générale PCIENC pures et appliquées DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés duns la Aevue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et 1 a Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Élection à l'Académie des Sciences de Paris. — Dans sa séance du 2{ novembre, l'Académie a procédé à l'élection d'un membre dans sa Section de Mécanique en remplacement de feu Sarrau. Au pre- mier tour de scrutin, M. P. Vieille a été élu par #4 voix sur 61 votants. Le nouvel élu, entré à l'Ecole Polytechnique en 1873, en est sorti dans les Poudres et Salpèêtres ; il a succes- sivement parcouru tous les échelons de la hiérarchie; devenu récemment inspecteur général, il est chargé, à ce titre, de la direction du Laboratoire central. Les travaux de M. Vieille l'ont fait nommer successivement répétiteur à l'Ecole Polytechnique, puis professeur de Physique lorsque la maladie obligea M. Potier à quitter sa chaire. Après une année de cours et un succès d’en- seignement très vif, il résigna ses fonctions pour se consacrer à ses recherches de laboratoire. Les Conseils de l'Ecole, appréciant la haute valeur de M. Vieille, le rappelèrent quelque temps après comme examinateur de sortie. Toute la carrière de M. Vieille à été consacrée à l'étude des explosifs et a été couronnée par la belle découverte de la poudre sans fumée. On sait que M. Vieille ne cherchait pas à faire disparaitre la fumée, mais simplement à changer la combustion de l’ancienne poudre, de facon à augmenter la pression et surtout la durée d'action de la pression sur le projectile, pour augmenter la portée ; il est ainsi arrivé par la théorie à trouver une poudre qui doublait la vitesse à la sortie de l’arme; le résultat était magnifique. Mais il s’est trouvé que cette poudre n'avait pas de fumée, et cela a changé la tactique de l'artillerie. Lesexpériences prolongéesetminutieuses de M. Vieille sur les crushers, c'est-à-dire sur ces petits cylindres de cuivre qui, par leur écrasement, indiquent la pression qu'ils ont subie, sont aujourd’hui devenues classiques. Grâce à ces appareils, il put étudier les pressions ondu- latoires qui se produisent dans les bouches à feu, et les surpressions locales qui, dans certaines circon- Stances, peuvent prendre naissance; il fut ainsi amené à donner la théorie complète du fonctionnement balis- tique des explosifs, puis à examiner leur détonation et REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904, | à prolonger expérimentalement les résultats indiqués | par Riemann et par Hugoniot. Les résultats qu'il a obtenus au sujet de l'onde explosive, ainsi que sur la naissance ou la propagation des discontinuités, sont de premier ordre. M. Vieille a donné, en outre, d'importants Mémoires sur les chaleurs spécifiques des gaz portés à de hautes températures, sur la résistance de l'air au mouvement des projectiles, sur les érosions que subissent les pièces d'artillerie; il a collaboré avec M. Berthelot dans de nombreuses recherches et, en particulier, dans des expériences prolongées sur l’acétylène. L'Académie ne pouvait faire mieux que de donner comme successeur à Sarrau ce savant qui fut son élève et qui estle con- tinuateur de son œuvre. $ 2. — Météorologie L'influence de la Lune sur les pluies. — La question de savoir si la position variable de la Lune exerce quelque influence sur la fréquence et la quan- tité des pluies vient d'être discutée de nouveau par M. G. Lamprecht®. L'auteur fait remarquer que cette question n'a pas encore été résolue, bien que toute station mé- téorologique ait à sa disposition les données nécessaires pour en trouver la solution. Voici les calculs que fait l'auteur : La Lune parcourt son orbite elliptique autour de la Terre en 27,55 jours, en moyenne; sa position sur l’ellipse est donnée par son angle avec le grand axe de l’ellipse, cet angle étant compté à partir de la direction correspondant au dernier périgée. Cette différence de direction s'appelle anomalie, et l'intervalle de 27,55 jours séparant deux périgées consécutifs est ce qu'on désigne sous le nom de mois anomalistique. Or, comme la Terre traverse, entre temps, avec la Lune un treizième environ de sa révolution autour du Soleil, le temps qui s'écoule entre deux nouvelles lunes consécutives, et qui s'appelle mors synodique, sera de 29,53 jours, c'est-à-dire presque exactement de deux jours plus long. L'angle du mois 1 Naturwissenschaftliche Wochenschrift, t. XIX, n° 50, p. 193-195, 1904. 19 ND 1010 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ynodique compté depuis la nouvelle lune est ce qu'on entend par phase. Le périgée du mois recule par conséquent dans le mois synodique : après avoir coïncidé à un moment donné avec la nouvelle lune, le périgée se déplace vers le dernier quartier, et puis vers la pleine lune. C’est ce qui est illustré par les chiffres suivants : PÉRIGÉE NOUVELLE LUNE DIFFÉRENCE 26 avril 190% 45 avril 1904 IL jours 22 mai 15 mai T — 17 juin 13 juin 4 — 25 juillet 43 juillet 2 — 12 août 11 août 1 jour 9 septembre 9 septembre 0 C'est dire que, le 22 mai 1904, le périgée coïncidait avec le premier quartier, et le 9 septembre avec la nou- velle lune. Or, si l'on étudie à part l'influence soit du mouvement synodique, soit du mouvement anomalistique de la Lune sur les temps, on trouve, pour une dizaine d'années, une influence nulle en moyenne, tandis que cette influence se montre excessivement puissante si l'on sépare les nouvelles lunes et les pleines lunes suivant qu'elles coïncident ou non avec le périgée. L'auteur exprime en centièmes les positions de la Lune dans chacun de ces cycles, calculant leur différence à partir du commencement du mois. Il dispose ensuite ses observations suivant les dixièmes de la différence entre l'anomalie et la phase moyenne. C’est ainsi que, pour la valeur zéro de cette période, le périgée coïncide avec la nouvelle lune, pour 0,25 avec le dernier quar- tier, pour 0,50 avec la pleine lune et pour 0,75 avec le premier quartier, la durée de cette double période étant de 411,79 jours. L'auteur se sert des données mensuelles relatives aux pluies enregistrées dans 40 stations météorolo- giques de l'Allemagne du Nord pendant trente-huit ans (de 1857 à 1894) et de celles d'environ 98 stations de Java et de Madère, pour l'intervalle de 1879 à 1902. Voici les résultats qu'il obtient : Dans l'Allemagne du Nord aussi bien qu'à Java, il faut s'attendre (abstraction faite d'autres facteurs) à de la sécheresse dans le cas où le périgée de la Lune est plus proche de la nouvelle lune que de la pleine lune et inversement. Cette règle paraît s'appliquer d'une façon générale à tous les pays où les quantités de pluie maxima coincident avec la position la plus haute du Soleil. Ces résultats sont confirmés d’une façon frappante par la sécheresse de l'été dernier; la différence entre l’anomalie moyenne et la phase moyenne était, en effet, égale à 0,84 au commencement de juillet 1904. Faisons remarquer que cette coïncidence avait été prédite par l’auteur. $ 3. — Physique L'état cristallin et le point critique. — L'idée de la continuité entre les états solide et liquide, sou- tenue par M Ostwald et M. Poynting, a été, comme on sait, définitivement abandonnée à la suite des travaux de M. Le Chatelier et de M. Tammann, qui établissent une distinction absolue entre l’état ordonné et l'état désordonné, c'est-à-dire entre le cristal et le corps amorphe. Si, à proprement parler, on passe d’une façon continue d’un état très visqueux à un état très faible- ment visqueux, c'est-à-dire de ce que l'on considère comme un solide à un liquide pris dans le sens vulgaire, il est certain, d'autre part, qu'un cristal, avec ses axes de symétrie élastique ou optique, diffère absolument d’un corps dans lequel toutes les directions sont indiffé- rentes. C'est dans ce sens que M.Tammann, notamment, a été conduit à établir le principe d’une discontinuité que rien ne semble jusqu'ici devoir adoucir. Le passage de l'état solide à proprement parler, c'est-à-dire cristallin, à l’état liquide, c'est-à-dire amorphe, s'effectue dans des conditions absolument précises de pression et de température pour les corps. purs. La diffusion de la liquéfaction sur un certain. intervalle de température pour une pression donnée, ou inversement, n'est attribuable qu'aux impuretés qu contient le corps, la surfusion étant naturellemen écartée. -4 Pour étudier de près le phénomène de la fusion M. Tammann a suivi, pour un grand nombre de corp la courbe reliant la température et la pression dans passage d’un état cristallin à un autre, ou du dernie état cristallin à l’état liquide, jusqu'à des pression généralement supérieures à 3.000 atmosphères, ajoutan ainsi un chapitre nouveau et d'une extrême importance: à la science des hautes pressions, si magistralemen inaugurée par les travaux de M. Amagat. Mais, tandi que les travaux de l'éminent physicien se sont borné presque entièrement à l'étude des fluides (la solid lication du chlorure de carbone sous pression faisa à peu près seule exception dans son œuvre), M. Ta mann n'a consacré relativement que peu de travail, l'investigation des propriétés des liquides. 4 Parmi les principes que M. Tammaun établit a priom l'un des plus remarquables est celui-ci : Le passage d'u corps de l'état cristallin à l’état liquide s’opérant avec augmentation de volume (l'eau et le bismuth sont les. deux seules exceptions connues à cette règle), la tem pérature de fusion doit s'élever avec la pressions, inais, comme la compressibilité des liquides est plus grande que celle des solides, le taux de l'augmentation va en diminuant à mesure que la pression monte, ef. passe par zéro en même temps que la différence des volumes spécifiques; au delà, la température de fusion diminue lorsque la pression s'élève; ainsi, {ous les. corps doivent posséder une température de fusion maxima, atteinte en général à une pression élevée. M Le sel de Glauber, pour lequel la différence des volumes spécifiques à la température ordinaire est très faible, est le seul pour lequel M. Tammann ait atteint le maximum; pour tous les autres corps étudiés, il se trouve en dehors des limites des expériences; la form de la courbe indique cependant invariablement l’exis= tence d'un maximum à des pressions plus fortes, gén ralement de l’ordre de dix mille atmosphères. fl Mais il est une conséquence plus curieuse encore des. expériences de M. Tammann, que nous allons exposer avec quelque détail. On sait, d'après les expériences de MM. Villard et Jarry, que l'acide carbonique, qui) passe directement de l’état solide à l'état gazeux sou la pression atmosphérique, fond à —56°,7 sous 5,11 atmosphères; jusqu'à — 7,5, la température de fusions s'élève graduellement avec la pression, cette dernières température étant atteinte sous 2.800 atmosphères. An partir de ce point, la fusion s'opère sur trois branches. distinctes, d'où il résulte que l'acide carbonique peut” exister, sous des pressions très fortes, en trois états cristallins différents. Or la courbe normale de fusion, qui fait suite à celle que l’on trouve aux basses pres sions, atteindrait son maximum sous 3.000 atmosphères, et à la température de 60°. Si cette courbe existe réelle= ment, et si le retour en arrière ne se produit pas pré= maturément, par le fait de quelque phénomène encore, inconnu, la température de fusion de l’acide carbo= nique est au-dessus de la température critique à parti de 6.000 atmosphères environ. On aurait ainsi, dans ces conditions, un corps qui ne peut plus exister à l'état liquide, mais pour lequel l'état solide est normal. Cette conséquence des premières expériences n’a pas été vérifiée par M. Tammann, qui a jugé l'essai trop dangereux pour être tenté. Mais il a soumis à l'examen, avec un plein succès, le chlorure de phosphonium, dont la température critique est de 50°, et dont l'état solide a pu être réalisé jusqu'à 99°, sous une pression de 2.790 atmosphères. | Voilà un fait absolument nouveau, et qui renverse” l'idée suivant laquelle on considérait comme évidente” l'impossibilité d'existence, à l’état solide, des corps dans. Lt à des conditions où l’état liquide est incompatible avec Jeur constitution. Ce principe nouveau, que l'on doit aux expériences de M. Tammann, est d'une extrème importance pour notre connaissance de la matière. Mais, en outre, il com- porte une application immédiate aux corps célestes, dans lesquels se trouvent sans doute souvent réalisées les “conditions suivant lesquelles un corps est à une tempé- rature supérieure à celle qui correspond à son état cri- tique, tandis que les conditions de sa cristallisation se trouvent remplies. [1 ne faut pas oublier toutefois que, à moins d'admettre un nouveau changement imprévu ans l'allure des phénomènes, l'écart entre la tempé- rature critique et la température maxima de la fusion ne peut pas être très considérable, en raison de l'exis- tence du maximum de la courbe de fusion. L'écart ne serait grand que si le passage de l’état cristallin à l’état liquide s’opérait avec une forte augmentation de vo lume, les deux états présentant, en outre, des Compressi- ilités peu différentes. Des recherches ultérieures nous “diront si de tels corps existent. Mais, quoi qu'il en soit de cette application des travaux de M. Tammann aux phénomènes cosmiques, le principe qu'il vient d'établir est l'un des plus imprévus et des plus importants qui “aient été découverts depuis longtemps dans la physique de la matière. Modèle dynamique d’un corps radio-actif. — Ue modèle vient d'être proposé par M. Nagaoka, qui Ja décrit dans notre confrère anglais Nature. Il con- siste essentiellement en une masse centrale chargée positivement, autour de laquelle se meut un anneau de masses négatives équidislantes. La charge centrale attire les masses périphériques, tandis que celles-ci se repoussent entre elles. Ce système possède, d'après M. Nagaoka, une grande stabilité pour de petites oscil- lations, dont la période est déterminée par sa consti- tution, et qui correspondent aux raies spectrales émises par le corps considéré. Si une perturbation de longue durée s'exerce sur l'ensemble, le système peut atteindre la limite de sa stabilité; l'anneau se rompt alors, et, la répulsion des masses périphériques, plus éloignées de la masse cen- trale, devenant prépondérante, celles-ci sont chassées avec une grande vitesse loin du centre du système. Les masses périphériques deviennent alors des rayons B, tandis que chacune des masses centrales constitue un rayon « élémentaire. Emanation radio-active contenue dans les eaux de source. — Les récentes expériences de MM. J.-J. Thompson et F. Himstedt ont démontré l'exis- tence, dans les eaux de source, d'une émanation radio- active susceptible d'en être retirée soit en les faisant bouillir, soit en y insufflant de l'air. D'autre part, MM. Elster et Geitel ont constaté dans l'atmosphère libre, etsurtout dans les espaces capillaires du sol, l'exis- tence d’une émanation qui, semble-t-il, est identique à l'émanation des eaux de source : c’est une substance radio-active présente soit dans l’air, soit dans l’eau, qui donnerait naissance à ces deux émanations. Or, comme vient de le faire voir M. H. Mache!, c’est par une étude Soignée des propriétés de ces substances actives qu'on pourra vérifier si l’émanation est vraiment un nouveau corps radio-actif ou bien n’est autre qu'une des matières actives déjà connues. Les expériences de l'auteur font penser que toutes les eaux de sources renferment de lémanation de radium. Ceci s'expliquerait en admet- tant que, dans les couches inférieures de l'écorce de la Terre, se trouvent emmagasinés des minéraux ren- fermant du radium et émettant de grandes quantités d'émanation qui, à leur tour, seraient entrainées en partie dans l'air souterrain et dans les eaux de source, Sans que cette dernière contienne des substances radio- actives en quantité considérable. ! Physikal. Zeïtschr., t. V, n°15, p. #41-%%# (1er août 1904). CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 1O1T $ 4. — Électricité industrielle Un ondomètre pour télégraphie sans fil. — En raison de la réglementation internationale de la télégraphie sans fil, qui est en préparation, l'obtention d'un dispositif approprié pour mesurer la longueur d'onde de l’appareil de transmission prend une impor- tance des plus grandes. Or, nous venons d'avoir l'occa- sion d'observer dans le laboratoire de M. Slaby, profes- seur à l'Ecole Polytechnique de Charlottenbourg, la « baguette multiplicatrice » que ce savant a imaginée pour répondre à ce desideratum, et nous nous propo- sons de la décrire brièvement. Le principe sur lequel se base l'appareil a été trouvé indépendamment par un médecin francais, le Dr Oudin, et d'autre part par Nicolas Tesla. Voici en quoi consiste le phénomène, vérifié d'ailleurs par M. Slaby, qui en a donné une explication : Dans un système vibratoire linéaire, engendrant des quarts de longueur d'onde d'un mètre, reçus par un récepteur rectangulaire à boucle (fig. 1), on observe les mêmes courbes de tension soit pour le trajet ABC, soit pour le trajet AED, comprenant des nœuds en B et E et des ventres en A d'une part, en C et D de l'autre; la tension dans ces derniers points et la phase sont absolument identi- ques. Or, on constate une différence de phase se =; 2P montant à 4809 (à tension s égale) entre D et C, en re- È liant D à un fil DF d'une e longueur de 2 mètres, de façon à y permettre la pro- duction d’une demi-onde : | alors la différence de ten- | | sion entre F et C s'élève à des valeurs à peu près cl doubles de celle aupara- AD vant observée en C et D. \ ) Des accroissements ulté- rieurs se sont manifestés lorsque M. Slaby, afin de donneraux fils supplémen- taires une forme plus con- venable, les a enroulés en bobine; toutes les fois qu'on attache au point de tension maxima d’un cireuit oscilla- toire un fil de la longueur d’une demi-onde, la tension terminale s'élève à des valeurs multiples si le fil complé- mentaire forme bobine. Ces bobines, accordées à la longueur d'onde du système, ont été appelées « multi- plicatrices de tension ». On trouve encore que l'ac- croissement «de tension s'accompagne d'une déforma- tion de l'onde qui, auparavant, était régulière, de facon que le commencement de la bobine ne forme plus ni nœuds de tension, ni nœuds de courant parfaits. M. Slaby donne une explication théorique assez simple de ce phénomène, en faisant voir que tout sys- tème de fil mis à la terre, recevant une impulsion élee- trique d'une certaine fréquence, se met à vibrer en résonnance toutes les fois que le produit CL de la capa- cité électrostatique par la self-induction (produit qu'il désigne sous le nom de « capacité de vibration ») est le même, de facon à satisfaire l'équation T —2 CL. Or, la capacité électrostatique peut être variée dans une certaine mesure, sans que l'équation ci-dessus cesse d'être satisfaite ; l'énergie du système oscillatoire, dépendant de la capacité électrostatique, s'en trouve cependant modifiée en proportion. On fait voir qu'un système de n fils parallèles, disposés à des distances mutuelles aussi grandes que possible, présente une self-induction aussi petite et une capacité électrosta- tique (et, par là, une énergie vibratoire) aussi grande que possible. Les systèmes oscillatoires pareils sont, par conséquent, plus appropriés pour transmettre l'énergie électromagnétique employée en télégraphie sans til: la tension superficielle au bout du fil ne saurait, en Fig. 1.— Schéma du dispo- sitif Slaby. 1012 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE effet, augmenter au delà des limites admissibles, de facon à produire un rayonnement de masses élec- triques (électrons), ce qui serait une perte d'énergie notable. Or, le contraire va se présenter dans le cas où lon demande une marque visible dans le circuit, pour indiquer si les dimensions de ce dernier corres- pondent bien au maximum d'énergie, c'est-à-dire si ce circuit est accordé pour la fréquence de l’oscillation qu'on lui transmet. Comme, dans ce dernier cas, il s'agit précisément de réaliser un rayonnement d'élec- trons aussi fort que possible, la capacité de vibration devra être choisie de facon à assurer une tension élec- trique superficielle aussi grande que possible, en com- binant une capacité électrostatique minima avec une capacité magnétique ou self-induction maxima; c'est ce qu'on obtient en donnant au conducteur vibratoire la forme d'une bobine. M.Slaby!fait voir, par de simples considérations théo- riques, que le rayonnement d'électrons des multiplica- teurs de ce genre dépend essentiellement du fil de la bobine. Des fils, d'un diamètre aussi petit que pos- sible, enduits d’une matière isolante aussi mince que possible, devront, par conséquent, être employés à cet effet. Des fils de cuivre d'une épaisseur de 0 mm. 1, comprenant un seul enroulement en soie où bien un enduit isolant d'acétate de celluloïd extrèmement mince, ont donné des résultats parfaitement satisfai- sants. Ces fils de cuivre ayant été enroulés sur des tubes de verre ou sur des baguettes en ébonite, ou en chaines de différents diamètres, la longueur de réso- nance de ces. baguettes à été déterminée pour une lon- sueur d'onde donnée dans le cas d'une prise de terre monopolaire. M. Slaby donne une relation approxima- tive entre la capacité, la self-induction et la vibration propre d'une bobine, relation qui permet de calculer la longueur d'onde à quelques millièmes près. Pour savoir si l'énergie de vibration émise par le cir- cuit étudié peut être transmise à la baguette multiphi- catrice, on à établi une prise de terre monopolaire dans le laboratoire (dont le plancher était recouvert entièrement de plaques de zinc, constituant une terre artificielle d’une capacité suffisante); la capacité du corps humain étant d'environ 100 cc. s'est montrée parfaitement suffisante pour donner au multiplicateur le potentiel zéro, en touchant son extrémité. Tenant de la main gauche une baguette multiplicatrice, pourvue d'un côté d'un anneau métallique touchant la main, et promenant le pouce et l'index de la main droite le long de la baguette, on a vu le bout libre de cette dernière émettre des étincelles aussitôt que l'index atteignait la position de résonance, surtout si l'extrémité était tournée vers le circuit oscillatoire. Un ajustement plus précis peut être réalisé en promenant sur la baguette multiplicatrice une courte tige métallique, mise à la terre au moyen d'un fil en relation avec une plaque métallique reposant sur le sol. Les meilleurs résultats s’obtiennent lorsqu'on fait agir les radiations violettes émises par les étincelles sur des corps fluorescents. C’est ainsi qu'en plaçant des cristaux de platino-cya- nure de baryum à l'extrémité de la baguette, l'expéri- mentateur a observé un effet lumineux d'une intensité extraordinaire, de façon à réaliser une tache vert-clair qu'on distinguait mème à la lumière solaire directe. Lorsqu'on mélange des feuilles d’or avec de petites feuilles recouvertes de ces cristaux, on observe une tache lumineuse d'un vert éclatant, marque visible de ce que la baguette multiplicatrice est accordée. Afin de vérifier le degré de précision que permet la baguette multiplicatrice sous cette forme définitive, l'inventeur à fait mesurer la même longueur d'onde par deux observateurs différents et à des temps diffé- rents; la différence dans le cas d’un seul ajustement ne s'est que rarement élevée à plus de 1 °/,, alors que, dans la plupart des cas, elle restait en dessous de 0,4 % ! Voir ÆJectrotechn. Zeitschrift, n° 50, 1903. à 0,7 %. Dans le cas d'un ajustement décuple, la valet moyenne de deux observateurs ne différait jamais plus de 2,5 2/60 j Lorsqu'on se rappelle que la détermination des Jon sueurs d'onde, d'après les méthodes anciennes, de mande toute une série d'observations occupant moins une demi-journée, la baguette multiplicatrie permettant de contrôler l'accord des stations de télé graphie sans fil, presque instantanément et d'une façon aussi précise que possible, peut être considérée comm un progrès des plus précieux, et dont prolitera grans dement la télégraphie sans fil. A.Gradenwitz. $S 5. — Chimie biologique La constitution physique du protoplasma: — Depuis plusieurs années, on sait qu'il existe une res: semblance marquée de structure physique entre le pros toplasma et cette classe de solutions connue comme solutions colloïdales (gélatine, albumine de l'œuf, etc} Une solution colloïdale est formée d'une matrice fluid! qui tient en suspension des granules solides ultra-m croscopiques (particules colloïdales), qui diffèrent d'un substance dissoute en solution cristalloïde en cé qu'ils sont des agrégats relativement importants de molécules de la matière colloïde. Ces particules n'affec tent pas la pression osmotique de la matrice fluide | tandis que, dans une solution cristalloïde, le corp dissous est dans une condition moléculaire ou ionique et donne à la solution une pression osmotique définie De la manière d’être des solutions colloïdales placées dans diverses conditions chimiques ou électriques Hardy a conclu que la phase dissoute est maintenu dans les conditions normales parce que les particules” colloïdales portent toutes une charge électrique den même signe, et alors se repoussent mutuellement, ce qui les fait rester en un état de fine suspension; mais quand on introduit, dans la solution colloïdale à charg négative, une charge électrique de signe opposé, so par un courant électrique, soit par l'addition d’électro: lytes à cations forts, c'est-à-dire à ions chargés positi= vement, la charge portée par les particules colloïdales est neutralisée, etla fusion des particules ou coagulatio s'ensuit. Une solution colloïdale à charge positive sera coagulée par l'addition d’électrolytes à anions forts {chargés négativement). Dans tous les cas, la rapidité de la coagulation varie directement avec la valence de l'anion ou du cation. L'état physique des colloïdes artificiels varie done suivant les conditions externes. Or, les particules protoplasmiques ont avec le suc cellulaire exactement la même relation que les particules colloïdales avec le matrice fluide, et tous les deux répondent aux change ments physiques et chimiques de la mème manière. Ib n'y a donc pas de structure morphologique fixe du protoplasme, réticulée où vacuolaire; il né peut y avoil que des structures qui varient avec les conditions externes : le fait est que le protoplasme vivant du Paramecium, des Grégarines, etc., est, Sans aucun doute, un liquide avec particules en suspension, San trace de structure fixe. Les structures fibrillaires où réticulées, qui peuvent être provoquées à velonté dans les cellules ou les colloïdes organiques par l’action des agents dits fixateurs, sont seulement un résultat inci- dent d'un processus de coagulation. Un cértain nombre de savants, Hardy, Loeb, Mathewsÿ R. S. Lillie, Greeley, ont étudié, d'après ces données, les réactions du protoplasme aux conditions extérieures; et ont obtenu des résultats extrémement intéressants qui accentuent encore le parallèle avec les solutions colloidales ; de plus, ils donnent une explication phy: sique, ou tout au moins un début d'explication, des phénomènes connus sous les noms de chimiotactismess galvanotactisme, thermotactisme, ete. D'après Greeley#, ‘ Experiments on the physical structure of the protoplas mn of Paramecium, etc. (Biol. Bulletin, VIN, 1904, p. 3): CHRONIQUE ET CORRRESPONDANCE 1013 le protoplasme d'une Paramécie provenant d'une cul- {ture alcaline renferme des particules chargées d'élec- jcité négative ; aussi est-il liquélié par les anions forts (par exemple ceux de NaO!T, NaCI, AzH*CI,NaAzO®, etc), ou à la cathode pendant le passage d’un courant cons- “ant: les Paramécies présentent un lactisme positif pour ces conditions physiques ou chimiques; au con- Mtraire, il est coagulé par les cations forts (par exemple “ceux de CI, HAz0*, ACI, MgCF, MgSO', etc.), ou à linode pendant le passage du courant; les Paramécies présentent alors un tactisme négatif. Si les Paramécies UE d'une culture acide, les effets des électro- yles sont inversés partiellement. Dans chaque cas, la réaction du laramecium à un stimulus externe tend à le faire rester dans les conditions qui liquéfient le protoplasma; cette liquéfaction est accompagnée d'at- traction, coagulation de répulsion. Ainsi une Para- “mécie présente un thermotactisme positif pour les températures entre 23° et 27°, et négatif pour toutes les autres; or, les premières seules tendent à liquéfier “je protoplasma et à diminuer la tension superticielle; “toutes les autres, à le coaguler. … I1est probable que le mécanisme de la réaction aux “électrolytes, au courant électrique ou au changement “de tempéralure, consiste principalement en un change- “ment de la tension superlicielle du protoplasme ou de certaines particules protoplasmiques. Ainsi, chez “l'Amibe, les cations (coagulants) produisent une con- traction du protoplasme, c'est-à-dire un accroissement de sa tension superticielle, d’où répulsion, tandis que les anions (liquéfiants) produisent une diminution de tension, d'où allongement des pseudopodes et attraction vers la cathode. Lillie! se demande si la différence chimique qui existe entre les colloïides nucléaires et cytoplasmiques n'est pas accompagnée par une différence électrique correspondante: les particules colloïdales de chroma- » tine, constituées principalement par de lacide nu- cléique, seraient chargées négativement, tandis que les particules cytoplasmiques, nettement basiques, seraient chargées positivement. Les expériences s'accordent assez bien avec cette hypothèse : divers tissus finement broyés sont mis en suspension dans une solution de sucre de canne où plongent deux électrodes de platine : dès que le courant passe, les têtes des spermatozoïdes, par exemple, se portent vers l’anode, comme les anions d'une solution électrolytique, tandis que les cellules de Sertoli, riches en cytoplasme, se portent lentement à la cathode, comme des cations. Les petits leucocytes, qui sont formés d'un noyau volumineux recouvert d’une mince couche de cytoplasme, se portent nettement à l’anode, tandis que les gros leucocytes vont invaria- blement à la cathode. Il est donc très vraisemblable d'admettre que la chromatine est formée de particules à charge électrique négative. Cette manière de voir donne un regain d'intérèt aux théories électriques de la mitose; en effet, les mouvements de la chromatine durant la mitose suggèrent tout à fait des phénomènes de transport électrique ou des actions répulsives mutuelles : la ressemblance si frappante qui existe entre la figure mitotique et les lignes de force élec- triques ou magnétiques confirme que le processus est de nature essentiellement électrique. $ 6. — Sciences médicales Chlorose et {tubereulose. — M. Marcel Labbé, professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris, vient de publier? une étude très documentée sur les rapports pathologiques étroits qui unissent la chlorose à la tuberculose. Pour lui, comme pour le Professeur Landouzy, la chlorose la plus vulgaire et la plus légi- .* On differences in the direction of the electrical convec- tion of certain free cells and nuclei (Amer. Journ. of Phy- siology, VIII, 1903, p. 273.) A ? Presse médicale, 190%, n° 70, p. 553. time, en apparence, n’est souvent qu'un masque revêtu par la tuberculose : c’est une des multiples formes par lesquelles se traduit cette infection lorsqu'elle envahit l'organisme; c'est l'aspect qu'elle prend si souvent dans le sexe féminin, à l'époque de la puberté, et c'est fré- quemment la première manifestation de la maladie. Les liens de parenté entre la chlorose et la tuberculose seraient même si étroits qu'on peut presque en arriver à considérer la chlorose comme un stigmate d'infec- tion bacillaire, et qu'en présence d’une jeune fille, par exemple, qui a été chlorotique, on doit songer avant tout à la tuberculose. Il ne faudrait cependant pas éta- blir une équation entre la chlorose et la tuberculose et croire quil n'y à pas de chlorose sans hacille de Koch. Ce serait méconnaitre toutes les anémies pro- duiles par Fulcère de l'estomac, par les hémorrha- gies, par la syphilis, ete. Mais, ce qu'il convient de relenir, c’est que souvent les chlorotiques sont des can- didates à la tuberculose, si déjà elles ne sont pas tuber- culeuses, et que toujours elles représentent le proto- type des malades à envoyer dans les sanatorià, où elles doivent rester jusqu'à complète réparation de leur sang; car, si, à cette période où le mal est à ses débuts, on traite convenablement ces pauvres malades, on peut certainement préserver un grand nombre d'entre elles de l'échéance fatale. Traitementmoderne de l’ophidisme au Bré- sil. — Les morsures de serpent sont fréquentes et très graves au Brésil. Aussi n’a-t-on pas manqué d'y essayer le sérum antivenimeux de Calmette, lequel n'a pas donné tout ce qu'on attendait, car la nature du venin varie avec chaque genre de serpents. En tenant compte de ce principe fondamental, M. Vital Brazil a pu obtenir, par limmunisation des chiens et des chèvres, deux sortes de sérums antivenimeux, l'un efficace pour les mor- sures du Crotalus, l'autre possédant les mêmes pro- priétés vis-à-vis du genre Bothrops. Malheureusement, ces préparations s'altèrent très vite et perdent leurs propriétés. Pour remédier à cet état de choses, M. von Bassewitz!, ayant constaté, par des essais sur les lapins, que l'immunité dont les serpents jouissent à l'égard de leur propre venin est due à l’action neutralisante el antitoxique de leur bile, conseille de procéder de la facon suivante : Comme, dans la plupart des cas, le serpent qui vient de mordre est tué sur-le-champ, rien n’est plus facile que d'utiliser son foie en vue d'une inoculation antivenimeuse ; on extirpe donc sa vésicule biliaire, on la triture dans une solution de sérum phy- siologique, on filtre et on injecte le filtrat sous la peau du dos ou du flanc. Cette facon d'opérer donne de très bons résultats. Mais il va sans dire que ce procédé, d'ailleurs compliqué, ne doit être employé que dans les cas où l’on n'a pas sous la main du sérum fraîchement préparé. Il est bon de savoir que l'injection d'extrait hépatique préconisée par l'auteur présente linconvé- nient de donner souvent lieu à des abcès au niveau de la piqûre. Mais, étant donnée la gravité des accidents, l'éventualité d’une suppuration locale ne peut empè- cher d'essayer ce moyen, qui parait appelé à rendre de réels services, même sous nos climats. $ 7. — Géographie et Colonisation Le desséchement de l'Asie. — Il résulte des observations faites par de nombreux voyageurs sur les parties les plus diverses du globe que, presque partout, les nappes d'eau qui couvrent les régions les plus plates de la Terre décroissent progressivement, depuis les temps historiques et aussi aux époques les plus récentes; quelques-unes de ces nappes, très bien connues autrefois, ont mème entièrement disparu. Le lac Chiroua, par exemple, au sud-est du Nyassa, dans l'Afrique centrale, dont tous les explorateurs signa- 1 Munch. Med. Wochenschrift, 10 mai 1904. 101% laient depuis vingt ans la décroissance, est maintenant asséché, Le Ngami, découvert par Livingstone, est aussi à rayer des cartes. Tous les voyageurs qui ont visité les abords du lac Tchad et, en dernier lieu, les Missions Lenfant et Chevalier, s'accordent à reconnaître qu'il existait au centre de l'Afrique un vaste bassin hydro- graphique, dont le lac Tchad n’est plus qu'un témoin. Ailleurs, au centre de l'Australie, le lac Eyre a subi, comme l'a signalé le Professeur Gregory, une diminu- tion considérable. Il y a donc là un fait pour ainsi dire universel, et l’on pourrait en multiplier les exemples. Sur beaucoup de points, les hommes y ont aussi con- iribué dans une certaine mesure par le déboisement inconsidéré des sommets ; mais il n'y a eu là forcément qu'une action restreinte, et il est impossible de ne pas voir dans cet asséchement progressif des plateaux et des bassins un phénomène se rattachant à des causes naturelles. Un savant explorateur de l'Asie, le prince Kropotkine, a spécialement étudié cette question pour l'Asie et l'Europe septentrionales et centrales, et les idées qu'il a émises à ce sujet méritent de fixer l'attention. Les explorations les plus récentes dans l'Asie centrale, ainsi que de nombreux phénomènes naturels, prouvent surabondamment, comme l'a fait voir le prince Kro- potkine, qu'une zone s'étendant du fond de l'Asie centrale jusqu'au sud-est et à l'est de la Russie est en train, depuis plusieurs siècles, de se dessécher gra- duellement. D’année en année, on voit les déserts s'étendre, et ce n’est plus guère que dans le voisinage des montagnes, au sommet desquelles les vapeurs se condensent, que, l'irrigation aidant, l’agriculture est praticable et la vie possible. Les traces de ce phénomène de desséchement abondent partout dans l'Asie centrale. Des observations faites dans le Turkestan oriental ont permis de conclure qu'il y a deux mille ans le climat de cette région était encore supportable. Non seulement, d'ailleurs, au pied des montagnes qui entourent le Turkestan, mais encore au cœur du désert de Takla-Makan, les explo- rateurs, et particulièrement Sven Hedin, ont décou- vert les ruines de cités prospères et de monastères, ainsi que les vestiges de champs irrigués, et cela au milieu de déserts arides, où la vie est actuellement impossible. A l’ouest, du côté d’Altyn-Artych, le voya- geur Toussaint put constater que le lac salé Chor-Kel ou Zembil-Koul est en voie de complet desséchement. Le Tarim, si bien étudié par Sven Hedin, était traversé jadis, dans sa partie centrale, par une route très fréquentée. Plus à l’est, la dépression du Lob-nor était, à une époque peu éloignée de la nôtre, occupée par un immense lac, qui s'est fractionné en plusieurs lacs moindres, dont le Kara-Kochoun-Koul n'est plus, comme l’a observé Sven Hedin, que le dernier sur- vivant. La région qui est au sud du Tien-Chan oriental a compté, ainsi que les plaines de la Dzoungarie, des cités et des villages populeux. Il en est de même du désert de Gobi, qui est le lit d'une ancienne mer salée intérieure, et de la plus grande portion de la terrasse inférieure du haut plateau de l'Asie orientale. Dans la partie occidentale de l'Asie centrale, le lac Aral et la mer Caspienne ne sont que des vestiges de limmense mer qui a dû jadis occuper l'emplacement actuel des déserts turcomans. Il paraît établi que la mer Caspienne s'étendait si loin vers l’est qu'elle se confondait avec ce qui constitue aujourd'hui le lac Aral, allant au nord jusqu'à Peroysk (6530! long. E), et recevant au sud l'Oxus ou Amou-Daria vers le 60° degré de longitude est. Le desséchement ne se limite pas, d’ailleurs, à l'Asie centrale proprement dite, c’est-à-dire à la région sans dégagement vers l'Océan. On observe le même phéno- mène pour un grand nombre de lacs de la Sibérie occi- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE dentale, tels que les lacs Tchany, Abyshkan, Sumy=\ Tchebakly, dont l'étendue à considérablement diminué si l'on se reporte à ce qu'elle était à la fin di xvi® siècle et même au cours du x1x°. | Les progrès du desséchement ne se trouvent pas davantage circonscrits à l'Asie. On à pu constater que dans la Russie d'Europe, d'immenses territoires, jadi couverts de lacs et de marais, sont aujourd'hui à secs C’est ainsi que, lors de l'invasion de la Russie par les Mongols, en 1238, ceux-ci ne purent atteindre Novgorodi avec leurs chevaux, à cause des marais qui rendaient inaccessibles les abords de la ville. Toute la Russie d nord et du centre comptait un beaucoup plus grand nombre de lacs et de marécages que de nos jours Certes, le déboisement, qui a été considérable en Russie, depuis deux cents ans, a pu avoir une certaine influence sur le desséchement de la contrée. Mais Kropotkine ne pense pas qu'il suflise à lui seul à l'expliquer. Se ralliant aux conclusions du savant Boguslavski au suje du Volga, qui roule une masse d’eau de moins en moins grande, Kropotkine déclare que ce travail de desséche ment est un phénomène purement géologique. Il est las résultante nécessaire de l’époque géologique qui a précédé la nôtre, la période glaciaire. Pendant l’âge glaciaire, des portions considérables de l'Europe et de l'Asie étaient recouvertes d'une puis- sante couche de glace. On a fixé approximativement la limite sud de cette couche, pour l'Europe, au 50° degré de latitude, avec des avancées le long des vallées du Dniepr et du Don. Le plateau central de France et less Vosges étaient sous une épaisse couche de glace; il en. était de même de Ja partie septentrionale de la chaîne des Ourals, des monts Tien-Chan et Altaï, de la région située au nord et au nord-est du lac Baïkal. Lorsqu'à la fin de la période glaciaire les glacons se retirèrent, toutes les parties de l'Europe et de l'Asie qui ont actuellement moins de 90 mètres d'altitude devinrent sous-marines. Le golfe de Finlande allait jusqu'au lac Ladoga et n'était séparé de l'Océan Arc- tique que par une étroite bande de terre. Dans la Sibérie occidentale, un large golfe de l'Océan Arctique pénétrait à peu près jusqu'à l'emplacement du Trans- sibérien. C'est alors que la mer Caspienne comprenait jusqu'au lac Aral et recouvrait une partie des steppes du Volga inférieur. Les immenses quantités d’eau qui durent s’écouler vers le sud, inondant tout sur leur passage, donnèrent naissance à des toundras d’abord, puis à des prairies et à des forêts marécageuses. Ce fut la période post- glaciaire dite « des grands lacs ». _ Ace moment, les lacs de Finlande ne formèrent sans doute qu'un seul vaste lac semé d'îles, et, dans le nord et le centre de la Russie, les petits lacs sans nombre qu'on trouve ne paraissent représenter, comme le montrent leurs rivages bas et marécageux, que les parties les plus profondes d'un immense lac de cette époque. Il en est de même dans beaucoup de parties de la Sibérie; dans l'Asie centrale également, les lacs du Tibet, les grands marais du Tsaidam, la dépression du Lob-nor, et d’autres bassins ne sont plus que les « vestiges de lacs considérables qui ont été se desséchant de siècle en siècle. La conclusion du prince Kropotkine est donc que nous traversons une époque géologique qui à pour caractéristique le desséchement, tout comme la période géologique antérieure avait été caractérisée par l'accu- mulation des glaces. Bien que ce phénomène soit indépendant de la volonté humaine, nous devons néanmoins nous hàler de prendre toutes les mesures qui, dans la limite du possible, sont de nature à pré venir les effets désastreux de ce desséchement crois- sant, et notamment reboiser largement toutes les ré=" sions menacées. Gustave Regelsperger. V. HENRI £r A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOIDES 1045 L'ÉTAT ACTUEL DE NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏIDES “PREMIÈRE PARTIE : PRÉPARATION ET PROPRIÉTÉS DES SOLUTIONS COLLOÏDALES; ÉNERGIE DE LIAISON ENTRE LE COLLOÏDE ET LE SOLVANT 4 I. — INTRODUCTION. Le nombre considérable des travaux qu'a suscités l'étude des colloïdes est justifié par l'intérêt très général, théorique aussi bien que pratique, que cette étude présente. Dans la bibliographie de cette question, on trouve des noms de physiciens, de chi- mistes, de biologistes. Ce sujet a attiré l'attention “des physiciens, parce qu'il leur donne le moyen Dd'étudier les conditions d'équilibre et de transfor- mation des systèmes formés par un milieu hétéro- — gène contenant des particules extrèmement petites”. Les problèmes qu'il pose aux chimistes sont d'ordre “ théorique et pratique : théorique, parce qu'il s'agit - pour eux de savoir si les colloïdes sont des corps + de composition chimique définie, analogues à ceux «sur lesquels portent leurs (ravaux habituels, ou si, au contraire, ils conslituent une classe de corps tout différents, —et encore parce qu'ils ne peuvent décider=a priori si les lois de la Mécanique chi- mique sont valables pour les colloïdes; — pratique, parce qu'il se forme des colloïdes au cours d'un grand nombre de réactions chimiques, et que toute une série de procédés industriels (teinture, photo- graphie, collage et clarification des liqueurs, fabri- cation des explosifs, etc.) sont basés sur l'emploi des colloïdes, et ne sont que l'application de telle ou telle de leurs propriétés. Quant aux biologistes, pour faire comprendre de quelle importance est pour eux la question, il nous suffira de rappeler que toute matière vivante est colloïdale. Les cellules dont sont formés les êtres vivants sont composées de colloïdes, et les liquides organiques dans lesquels elles baignent, chez les animaux élevés en organisation, sont des solutions colloïdales. Ce n’est pas que l’imporlance de cet état constitutif des êtres vivants, au point de vue du mécanisme des fonctions physiologiques, ait apparu tout d’abord. Bien au contraire, on a fait toute la chimie du sang et de la lymphe, on a dis- cuté le mécanisme de l'absorption, de la sécrétion, de la formation des liquides acides ou alcalins, en se bornant à appliquer les résultats obtenus dans l'étude physico-chimique des solutions vraies, et sans même se demander si la présence de colloïdes n'était pas de nature à modifier du tout au tout les ! Rappelons, par exemple, l'étude théorique de Gres : Etudes thermodynamiques, 3° partie. Théorie de la capilla- rité. Traduction allemande d'Ostwald, p. 258-350. éléments mêmes du problème. On a vu différents auteurs, lorsque les résultats trouvés au cours des recherches sur les processus physiologiques (surtout la sécrélion et l’absorplion) n’élaient point con- formes aux prévisions qu'ils pouvaient tirer de l'étude des solutions vraies, en conclure à la faillite de toute explication physico-chimique, et invoquer l'existence de forces vitales. Mais, dans ces der- nières années, la nécessité d'accroître nos connais- sances sur les solutions colloïdales a amené un grand nombre de biologistes à faire porter leurs recherches sur cette question *. 1. Signification du mot « colloïde ». — Le mot colloïde a été créé par Graham (1850), qui l’a opposé au mot cristalloide. Pour distinguer les deux classes de corps qu'il formait ainsi, il s’'appuyait, comme on sait, sur loute une série de propriétés que pré- sentent les solutions de ces corps. Il importe d'insister sur ce point et de remarquer, dès le début, que c’est de la comparaison des pro- priétés des solutions de cristalloïdes et de colloïdes que résultail la division créée entre ces corps. D'un autre côté, il est important de noter que les corps dont Graham se servait pour fonder sa distinction ne peuvent donner dans l’eau qu'une solution col- loïdale. Ainsi, par exemple, la gomme arabique, ou l'albumine, ou la dextrine, ou l’amidon, sont des corps qui ne peuvent pas donner de solution aqueuse autre qu'une solution colloïdale. Il en résultait, pour Graham, que l’on pouvait parler de « colloïdes » et de « cristalloïdes », comme si ces deux classes de corps pouvaient encore être dis- tinguées alors qu’ils n'étaient plus en solution. Les études ultérieures ont montré qu'à côté de ces corps qui, dans l’eau, ne peuvent donner que des solutions colloïdales, il en existe toule une série d’autres qui semblent pouvoir donner aussi bien des solutions vraies, identiques à celles des «cristalloïdes », que des solutions présentant toutes les propriétés des solutions de « colloïdes ». La nom- breuse classe des oxydes et sulfures (d'arsenie, de mercure, ete.) nous présente un bon exemple de ces faits. L'étude de ces corps a montré que la 1! Une bibliographie très complète et très bien disposée des études surles solutions colloïdales a été faite par Arraur Mcuzcern dans la Zeitsch. f. anorganische Chemie, t. XXXIX, (4904), parue aussi séparément chez Voss, Hambourg (1904). Cette bibliographie comprend 356 numéros. 1916 propriété de donner des solutions colloïdales n’ap- parlient pas en propre à certains corps, mais que leur apparilion sous forme colloïdale dépend d'un ensemble de condilions de formation. Il en est résulté une première complication du problème. Cependant, une division nette s'imposait encore. On avait, il est vrai, reconnu que, dans cet ordre d'études, il fallait toujours considérer les solutions des corps étudiés. Mais, la solution donnée, on pouvait, semblail-il, distinguer une solution col- loïdale d'une solution cristalloïdale. Or, en étudiant plus à fond les différentes propriétés des solutions colloïdales, les auteurs ont été amenés à constater que les mêmes propriétés appartiennent aux «émulsions » et aux « suspensions » de poudres lines. Dès lors, la précision de la division de Graham s'efface complètement. Il est facile de montrer que la classe des colloïdes n’a point de limites fixes, mais, au contraire, que plusieurs propriélés des solutions colloïdales les rattachent, par transition insensible, aux solulions vraies d’une part, et d'autre part aux systèmes hétérogènes. L'évolution historique de la question a donc amené les auteurs à étendre la signification du mot colloïde bien au delà des limites primitivement imposées par Gra- ham. On comprend qu'elle les ait conduits à donner toule une série de définilions différentes des solu- tions colloïdales. Les uns, se conformant au sens primilif, n'entendent par colloïdes que les corps dont la solution ne saurait être que colloïdale (amidon, albumine, etc.). D'autres raltachent à cette première classe les corps chimiques dont la solulion peut, dans certaines conditions, être col- loïdale (hydrate de fer, sulfures, etc.). Mentionnons tout de suite que ces auteurs supposent, en général, que le colloïde isolé, à l'état sec, a la même com- position chimique que celle qu'il possède dans la solution colloïdale, ce qui constitue une extension implicite à cette deuxième classe des propriétés de la première. Enfin, d’autres auteurs, physiciens et physico-chimistes, après avoir insisté sur ce fait qu'on n’a le droit de parler de colloïdes qu'en tant qu'ils se trouvent en solution, ne se contentent pas d'étudier uniquement les propriétés chimiques des corps en présence; envisageant d'une facon plus générale les propriétés des solutions colloïdales, ils y rattachent à la fois les suspensions et les émulsions; et, pour eux, une solulion colloïdale ne diffère d'une émulsion que par la visibilité au microscope des granulations qui constiluent cette dernière. Nous croyons qu'il y a inlérêt à ne pas restreindre la signification du mot colloïde. Nous verrons de quel secours est, pour l'étude des solutions col- loïdales, le rapprochement avec les émulsions et V. HENRI Er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES les suspensions. Aussi donnerons-nous au ter « colloïde » son sens le plus large. 2. Plan de l'étude des colloïdes. — Nous not8 proposons d'exposer l'état de nos connaissances sur certains points de la question des solutions colloï dales. Notre but est de systématiser les principaux faits qui peuvent servir à la discussion des lois de la statique physicochimique de ces solutions. Nous allons donc examiner successivement : conditions de formation, de préparation des S tions colloïdales; les propriétés physiques de ces solutions; puis les conditions dans lesquelles elles se détruisent sous l’action des agents physiques; ce qui nous donnera la mesure de l'énergie de liaison des parties qui les composent. Nous étus dierons ensuite leurs affinilés, puis la nature et less propriétés des précipités colloïdaux et des résidus secs. Nous aurons alors les éléments qui nous per mettront de discuter les lois générales de la sta= tique chimique des solutions colloïdales. | On voit que ce plan laisse de côté quelques-uns des problèmes que soulève la question des col= loïdes. Nolamment, on ne trouvera pas dans la suite l'étude des transformations irréversibles des, colloïdes (gélification, coagulation, formation des membranes et leurs modifications). Nous ne par lerons pas non plus de la cinélique des solutions colloïdales, nous réservant de revenir plus tard sur tous ces points. IT. — PRÉPARATIGN DES COLLOÏDES L'état physique d'un système colloïdal peut être solide, liquide ou gazeux. Ainsi, le bromure d'ar- gent dans la plaque photographique cosstitue, avec la gélatine qui ie contient, un système colloïda solide, une solution solide colloïdale. Il en est de même de certaines teintures, des verres colorés, de quelques alliages. Ces systèmes colloïdaux so= lides sont done beaucoup plus répandus qu'on ne le pense en général. On verra plus loin qu'on doit aussi ratlacher aux systèmes colloïdaux certaines suspensions extré= mement {fines dans les gaz, par exemple les fumées: D'ailleurs, l'étude de ces systèmes colloïdaux 50% lides ou gazeux n'a pas encore élé entreprise d’une façon systématique. Nous ne nous occuperons done que des systèmes liquides, des solutions colloïdales proprement dites. $ 1. — Solutions colloïdales obtenues sans préparation. Il est toule une série de colloïdes pour lesquels on ne peut proprement parler de « préparation »: Ce sont ces corps qu'avait les premiers signalés V. HENRI £r A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES 1017 Graham, et qui, mis dans un solvant, donnent im- médiatement une solution colloïdale. De ce genre sont, par exemple, les albuminoïdes, la gélaline, les gommes, les colles, l’amidon, le glycogène, “a dextrine, le lanin, la pectine, l'hémoglobine, la gélose. De même, le coton dissous dans l'éther (col- “lodion), les résines dans l'alcool, le caoutchouc dans Ja benzine, la cellulose dans le sulfate de cuivre “ammoniacal (liquide de Schweitzer). Les solutions colloïdales de ces corps peuvent “être obtenues avec une extrême facilité : pour les préparer, aucune précaution à prendre, ni en ce “qui concerne la quantité de substance à dissoudre par rapport au solvant, ni en ce qui concerne la vitesse d'addition. Une fois obtenues, elles sont remarquables par leur stabilité. Elles conservent pendant longtemps leur aspect homogène, sans qu'on ait besoin pour cela de les mettre à l'abri de la chule des poussières, d'électrolytes en faible quantité, etc. Ces propriétés les distinguent des solutions colloïdales dont nous nous Gceuperons plus loin. Lorsqu'on place l'un de ces corps dans le sol- vant, deux cas peuvent se présenter : 1° Ou bien la quankité du corps qui peut passer en solution colloïdale est limitée : par exemple, on arrive diflici- Jemenl à dissoudre plus de 5 grammes d'oxyhémo- globine, de 10 grammes de glycogène dans 400 cen- timèlres cubes d’eau. Disons tout de suite que ces limites n'ont pas la même précision que celles de dissolution des cristalloïdes dans l’eau, de sorte qu'on ne peut parler de la « solubilité » des col- loïdes comme on le fait de celle des cristal loïdes : le terme de solution colloïdale saturée ne se comprendrait pas. On sait, d’ailleurs, que les différents auteurs qui ont tenté de mesurer la solu- D bilité d'un colloïde, comme l'hémoglobine, sont arrivés à des résultats discordants; 2° Le second cas, qui est le plus fréquent, est celui où, en mé- langeant une quantité quelconque de solvant à un poids donné de colloïde, on oblient une masse d'ap- parence homogène, présentant une série d'états physiques intermédiaires entre l'état liquide et l'élat solide (solutions visqueuses, colles, pâtes et empois, gelées, ele.). Lorsqu'on évapore les solutions du type précé- dent jusqu’à siccité, la substance, en se desséchant, prend en général l'aspect vitreux ou corné, trans- parent ou opaque, étudié par Spring’; par addition du solvant, on peut de nouveau obtenir la solution colloïdale. 4 Spnixc : Sur la floculation des milieux troubles. Bull. Acad. Roy. de Belgique (1900). Recueil des Tr. Chim. Pays- Bas (1900), t. XIX. — Ip. : Les travaux récents de M. Quincke sur la floculation des milieux troubles, dans la Æevue gen. des Sciences du 30 juin 1902. $ 2, — Préparation des solutions colloïdales. L'étude des colloïdes précédents n'a élé que d'un faible secours quand on a voulu préciser ce qu'est l'état colloïdal, parce que tous ces colloïdes ont une constitution chimique extrêmement complexe, et qu'on ne peut en analyser le mode de formation. Déjà Graham avait étudié une série de solutions col- loïdales chimiquement plus simples, et dont la préparation nécessite des artifices particuliers, par exemple la silice, l'hydrate ferrique, l'hydrate d'alumine, le ferrocyanure de cuivre. La liste des colloïdes de cet ordre s’est, depuis, considérable- ment étendue. Leurs conditions de formalion, leurs méthodes de préparation sont soumises à un cer- tain nombre de règles générales. On peut dire que les réactions chimiques et les transformations physiques par lesquelles ils se forment sont tou- jours des processus qui se produisent dans un milieu homogène (c'est-à-dire dans un milieu dont la composition centésimale est identique en tous les points) et qui aboutissent à la formation d'un précipité ou d'une nouvelle phase liquide. Si, au prix de certaines précautions, l'on peut évi- ter l'agglomération des parties de la nouvelle phase, on obtient une solution colloïdale. Ainsi les solutions colloïdales apparaissent à la limite entre l'état homogène et l'élat hétérogène. Or nous savons que les systèmes qui se trouvent dans la zone de passage entre deux états différents pré- sentent (ous un caractère commun qui concerne leur stabilité : il est difficile de les maintenir en un point donné de cette zone intermédiaire; ils se déplacent, en général, facilement vers l'un ou l’autre des deux états. Ils sont sensibles aux moindres variations de la température ou de tout autre facteur d'action. C'est pourquoi Ostwald à désigné la zone intermédiaire entre deux états sous le nom de zone « mélaslable ». Ce sont ces deux caractères généraux : 1° appa- rition d'une solution colloïdale dans une zone in- termédiaire entre l'élat homogène et l’élat hétéro- gène d'un système donné; 2° instabilité de ce système lant qu'il se trouve dans celle zone inter- médiaire, qui déterminent tous les modes de pré- paration des solutions colloïdales. Nous allons passer en revue les principaux d’entre eux. A. Silicates. — Pour préparer les solulions col- loïdales de silice, d'hydrate ferrique, d'alumine, des hydroxydes, de ferrocyanure de cuivre, de fer, que Graham connaissait déjà, on se sert en géné- ral d'une réaction lente. Ainsi, à une solution de silicate de polassium (verre soluble) en contenant tout au plus 3 gram- mes pour 400 grammes d’eau, on ajoute une quan - 1018 V. HENRI £r A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOIÏIDES : tité exactement dosée d'HCI en solution aqueuse, de facon à neutraliser exactement. Après plusieurs heures, la solulion commence à présenter une teinte bleuâtre opalescente, qui s'accentue peu à peu. Au bout d’un temps plus ou moins long (12 à 2% heures) suivant la température, il se forme un précipité gélatineux très volumineux. Quelquefois mème, toute la liqueur se prend en gelée. Si l’on place cette solution dans un dialyseur, dont on renouvelle l’eau extérieure, on voit que le chlo- rure de potassium qu’elle contenait diffuse; dans le dialyseur reste un liquide qui contient toute la silice du silicate, qui ne contient presque plus de sel, qui, le plus souvent, présente une réaction acide. Ce liquide, opalescent, peut être concentré jusqu'à une certaine limite par évaporation. Lors - qu'on l'abandonne à lui-même, sa teinte opales - cente s'accentue. D'ailleurs, la gélification a lieu bien plus vite lorsque le liquide primitif n'a pas été placé dans un dialyseur, c'est-à-dire s’il con- tient encore du chlorure de potassium. En 1884, Grimaux a indiqué un procédé général de préparation des solutions colloïdales qui a l'avantage de donner des solutions plus pures et surtout plus stables, se coagulant moins vite. On saponifie une faible quantité (8 gr.) de silicate de méthyle par une grande quantité d'eau (200 c.c.). On évapore l'alcool méthylique et l’on obtient ainsi une solution colloïdale de silice, qui reste stable plusieurs semaines. 2. Hydrates de métaux. — Pour préparer l'hydrate ferrique colloïdal, Péan de Saint-Gilles, en 1853, faisait chauffer une solution d'acétate de fer; après un certain temps, la coloration de la solution de brune devient rouge, en même temps qu'apparaissent le gout et l’odeur de l'acide acé- Lique. On fait bouillir la solution en ayant soin d'ajouter de temps en temps de l’eau; l'acide acé - tique est chassé, et l’on obtient une solution col- loïdale d'hydrate de fer, de couleur rouge-brune très foncée. Il existe beaucoup d'autres procédés de prépara- tion de l'hydrate ferrique colloïdal. En particulier, une solution de perchlorure de fer en contenant moins de 1 °/,, exempte d'acide, est hydrolysé e. On laisse tomber goulte à goutte dans 1 litre d'eau une solution de perchlorure de fer : il se forme immédiatement une solution colloïdale rouge, qui peut être débarrassée de la majeure partie de HCI par dialyse. Cette solution est très stable. Le procédé de Grimaux s'applique également à la préparation de lhydrate ferrique. Une petite quan- lité d'éthylate ferrique est mise en contact avec un grand volume d’eau; l'on obtient aussi une solution brune très foncée qui ne dialyse pas. 3. Ferrocyanures. — Les ferrocyanures colloï= daux s’obtiennent aussi par réaction lente. On pré= 4 pare le ferrocyanure de cuivre en faisant tomber goutte à goutte une solution faible (au plus 1/100} d'un sel de Cu (nitrate plutôt que sulfate) dans une solution à 1/100 de ferrocyanure de K. On agite constamment ; on voit la liqueur prendre une teinte brun-rouge de plus en plus foncée. Il est important de s'arrêter après l'addition d'une cer- taine quantité de sel de Cu; au-delà de cette limite, quelques gouttes suffisent à amener une précipi- tation de ferrocyanure de cuivre. La solution brune peut être débarrassée de la presque totalité du sulfate de potassium par dialyse. 4. Sulfures. — La préparation des sulfures est extrèmement simple. Il suffit de faire arriver len-M tement, dans une solution diluée (au plus 1/100) d'un sel métallique, de petites bulles d'HFS. Il y a changement de coloration. Le sulfure ne précipite pas. On peut chasser l'excès de H?S par évapora-" tion. Par exemple, pour préparer le sulfure d'arse-" nic, qui a été l’objet de tant de travaux, il suffit de faire passer un courant d'H°S, ou mieux encore de verser goutte à goutte une solution aqueuse d'HS, dans une solution à 1/100 d’As‘O’. La liqueur prend une couleur jaune orangé intense. On la purifie d'HS par ébullition. cé fn 5. Métaux. — On peut obtenir des solutions colloï- dales de beaucoup de métaux par l'emploi de ré- ducteurs agissant lentement, tels que le phosphore (Faraday), l'aldéhyde formique (Zsigmondy, etc.), la résorcine et l'hydroquinone (Stæckl et Vanino), l'acide pyrogallique, les sels ferreux, l'hydrate d'hydrazine (Gutbier). Par exemple, pour préparer une solution colloï- dale d'argent, on verse, dans 200 centimètres cubes de nitrate d'argent à 10 °/,, 500 centimètres cubes d'une solution aqueuse contenant 60 grammes de sulfate de fer, 100 grammes de citrate de soude et 5 grammes de carbonale de soude. Il se forme un précipilé d'éclat métallique. On décante, on lave à l'eau distillée, on laisse déposer, on décante de nouveau. On purifie ensuite en faisant passer la solution à travers une bougie Chamberland. Le pré- cipité adhère à la paroi extérieure. On le dissout de nouveau dans l'eau distillée, et l’on recommence la purification plusieurs fois. On oblient ainsi un liquide rouge foncé, contenant de l'argent qui ne dialyse pas, et dent la conductibilité électrique est très faible. La solulion colloïdale d'or, dont nous aurons à - parler à propos des recherches de Zsigmondy, s'obtient en réduisant lentement une solution de clorure d’or par l’aldéhyde formique. On prend V. HENRI er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES 1019 9 ç. e. 5 d'une solution à 6°/, d'hydrochlorure d'or (Au CH, 3H°0). On ajoute à 120 centimètres cubes d'eau et l’on alcalinise faiblement par le carbonate de potassium. On porte à l'ébullition et l'on verse “de 3 à 5 centimètres cubes d’une solution d'aldéhyde formique à 1 °/,,. La réaction se produit au bout “June minute environ; le liquide devient rouge if. — Par des procédés de ce genre, on a pu préparer Jessolutions colloïdales des métalloïdes : S, Se, Te; “des métaux : Bi, Al, Zn, Cd, Hg, Cu, Ag, Au, Fe, Ni, “Co, PL, Rh, Ir, Pd, Wo, Zr; des oxydes et hydro- xydes de: Ag, Hg, Bi, Sn, Si, AI, Be, Cu, Fe, Mn, Cr, Mo, Wo, Ti, Zr, Th, La, Ce, Er, Di, Y; des com- “posés halogénés de: Ag, Pb: des sulfures de: Sn, “Te, As, Sb, Bi, Sn, Pb, Zn, Cd, In, Hg, Cu, Ag, Au, e, Ni, Co, Pd, Mo, Wo. É «… G. Réaction en milieu visqueux ou colloïdal. — Dans les cas où l'on n’a pas besoin d'avoir une “solution pure, on peut faciliter la formation de la “solution colloïdale et la rendre plus stable en aug- -mentant la viscosité de l'eau par l'addition de corps “tels que la-glycérine ou le sucre, ou bien en y “ajoutant de petites quantités de certains colloïdes “tels que la gélatine, la dextrine, les colles, les “gommes, l'amidon, appartenant au groupe des substances toujours colloïdales. En résumé, on voit que, pour obtenir des solutions “colloïdales, il faut ne pas dépasser certaines limites “de concentration, avoir recours à des réactions naturellement lentes ou artificiellement ralenties “par l'emploi de solutions très diluées, de réactifs peu énergiques, de milieux visqueux ou colloïdaux, par l’addition lente des corps réagissants. L'im- portance de cette règle générale résulte de l’état métastable des solutions colloïdales. $ 3. — Préparation et conditions de formation des troubles. Il nous sera souvent utile, dans la suite, de com- parer les solutions colloïdales à d'autres systèmes qui se trouvent aussi à l’état mélastable : les émul- sions etles «troubles ». Examinons rapidement dans quelles conditions ils se forment. Lorsque, dans une solution donnée, on fait appa- raître une émulsion, entre le moment où la solution est encore tout à fait claire et celui où apparaissent les gouttelelles, on voit apparaître une teinte bleuàtre, puis la solution devient opalescente. À ce moment, aucune gouttelette n’est encore visible, même à l'aide du microscope. Ce phénomène se rencontre dans un grand nombre de cas. On l’ob- tient facilement dans certains mélanges de deux ou de trois corps. Par exemple, à 34 grammes d'acide phénique on ajoute 66 grammes H°O, on agite le mélange: il se produit un «trouble » d'apparence laiteuse; le mé- lange se répartit au repos en deux phases, l'une riche, l’autre pauvre en eau. Si on élève peu à peu la température du liquide, on voit que son aspect ne change pas jusqu'au moment où l’on atteint 68°,7. À ce moment, le «trouble» disparait brusquement : c'est le point critique. À une température immé- diatement supérieure à celle du point critique, le liquide présente une teinte bleuâtre, opalescente. Si alors on maintient la température constante, l'opalescence subsiste et le liquide ne se répartit pas en deux phases, comme il le fait au-dessous de 68,7. Si on élève la température de plusieurs degrés au-dessus de la température critique, le liquide devient absolument clair. Cette opalescence au-dessus de la température critique, s’observe également dans les mélanges binaires d'acide isobutyrique et eau, sulfure de carbone et alcool méthylique (Güthrie), fur- furol et eau, acétylacélone et eau, etc. (un grand nombre de ces mélanges ont été étudiés par Rothmund). On obtient le même phénomène dans les mélanges formés de trois corps À, B, C, tels que A soit soluble en toute proportion dans B et C, B et C insolubles l'un dans l’autre; par exemple : L'eau, l'alcool et l'éther: le chloroforme ; le toluène: l'ac. thymique ; la colophane; la phtaléine du phénol. A ce groupe, il faut rattacher un grand nombre de matières colorantes que l’on rend solubles par addition d'alcool. Suivant les proportions des trois corps en présence, ces mélanges ternaires peuvent ètre monophasiques ou diphasiques. A la limite de passage entre l'état monophasique et l’état dipha- sique, on aperçoit nettement, avant la séparation des phases, que le mélange présente une teinte bleuâtre opalescente, persistante. Nous verrons par quelles propriétés ces « troubles » et ces systèmes à l'état métastable se rapprochent des solutions colloïdales. $ 4. — Procédé de Bredig. Nous verrons dans la suite que les solutions col- loïdales ont plus d'une propriété commune, non pas seulement avec les émulsions, mais encore avec les suspensions fines de poussières, de poudres métal- liques. C'est en étudiant cette analogie que Bredig* a découvert une nouvelle méthode de préparation de certaines solutions colloïdales. Celle méthode 1 G. BReniG : Anorganische Fermente. Leipzig, Engel- mann, 1901, p. 21. 1020 V. HENRI gr À. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES consiste à utiliser la pulvérisation des électrodes (généralement de la cathode) qui se produit lors- qu'on fait éclater un arc vollaïque entre deux tiges métalliques. Si l'on plonge les électrodes dans l’eau, il y a formation d'une solution colloï- dale. La pulvérisalion des électrodes est plus ou moins grande, suivant la nature du métal, et est en raison inverse de sa ductilité (Hittorf, Warburg, Crookes). Ainsi le magnésium, l'aluminium, le fer, l'indium, le nickel donnent difficilement des pou- dres. Cerlains autres métaux s'oxydent aussitôt pulvérisés. De sorte que la méthode de Bredig se restreint à un nombre limité de métaux. Il a étudié surtout le platine, l'or, l'argent, le cadmium, le palladium. Voici, par exemple, comment il prépare l'or colloïdal: Dans le circuit d'un courant de 110 volts, on installe : 4° une résistance (batterie de lampes ou résistance liquide) de façon à obtenir une intensilé de 4-12 ampères; 2° un ampèremètre; 3° entre la résistance et l'ampèrerètre, les électrodes. Elles sont formées d'un fil d'or de 1 millimètre d'épais- seur, de 6 à 8 centimètres de longueur, engainé à sa partie supérieure dans un tube de verre, pour qu'on puisse le tenir à la main. D'autre part, on a préparé une cuve de verre très propre, plongée dans la glace, et contenant 50 à 100 centimètres cubes d’eau très pure (conductivité 2-3.107 °). On plonge dans l'eau, jusqu'à une profon- deur d'environ 2? centimètres, les deux électrodes, puis on les rapproche et on fait éclater entre elles des étincelles de 4 à 2 millimètres, en ayant soin que l'intensité du courant varie de 10 à 12 am- pères seulement. On voit alors se former autour des électrodes un nuage d'un rouge foncé qui va s’assombrissant. On change de place les électrodes, jusqu'à obtenir la même teinte dans tout le li- quide. L'opération est pratiquement terminée quand on ne peut plus distinguer l’étincelle qui éclale à 2 centimètres sous la surface du liquide. Si l'on continue l'opération, l’or en poudre se dépose. La préparation est très facilitée par l’addi- tion à l’eau d'une trace d’alcali (0,001 N NaOH). Une solution colloïdale préparée par cette méthode avec tous les soins nécessaires peut subsisler des années. Les solutions préparées par cette méthode ont l'avantage d'être très pures. Elles ont surtout servi Jusqu'iei aux éludes sur les propriétés optiques, et sur la cinélique chimique des solutions colloïdales. III. — PROPRIÉTÉS DES SOLUTIONS COLLOÏDALES. Nous venons de voir comment on prépare les solutions colloïdales. Nous allons maintenant exa- miner rapidement quelles sont les propriétés des | solutions obtenues par les procédés que no venons de décrire. $ 1. — Propriétés optiques. 1. Diffusion. Polarisation. — Toutes les sol tions colloïdales ont deux propriétés optiques co munes : ; à travers la solution est visible pour un observas= teur placé latéralement. Ces solutions diffusent Ja fluorescence. En effet, en intercalant entre l'œil et la solution colloïdale éclairée des écrans colorés on voit que la trace lumineuse ne s'éleint pour aucune couleur ; { 2 La lumière qui a traversé une solulivn colloi dale est partiellement polarisée. Un rapprochement immédiat s'impose avec d'au- tres phénomènes étudiés depuis longtemps par les physiciens. Ce sont ceux que présentent les sus: pensions et les émulsions. Tyndall a montré qu'un faisceau de lumière passant à {travers un gaz pur n'est pas visible latéralement. Mais, si l'on met en suspension dans le gaz des poudres très ténues, la trace du faisceau devient visible, colorée en bleu et la lumière qu'elle émet est polarisée dans le plan contenant le faisceau et la ligne de visée. Pareille meut, dans les liquides, une suspension fine (encre de Chine, noir de fumée) présente le même phéno= mène. Spring a montré, par exemple, que toutes les eaux naturelles contiennent des suspensions dont il est extrêmement difficile de les débarrasser, et qu'on ne peut faire disparaître qu'en les «collant au moyen d'un colloïde dont on détermise la pré= cipitalion, et qui les entraine dans sa chute. O réalise alors un liquide « optiquement vide * ». L dissolution d’un sel dans une eau optiquement viden et la formation d'une solution vraie n'aboutissents pas toujours à la formation d’un nouveau milieu optiquement vide. Les solutions de sels alcalins els alcalino-terreux le sont seules. Les solutions des cuivre, de plomb, etc., contiennent loujours des: particules plus ou moins grosses. De mème encore les solutions solides, par exemple les verres con: tenant des métaux, produisent parfois la diffusion! et la polarisation de la lumière. Tandis que les verres ordinaires sont simplement fluorescents; Faraday (1857), Muller (1871), Ebell (1874) ont fait voir que les « verres à l'or » sont diffusants eb 1 W. SPRING : Formation des milieux optiquement vides Acad. Roy. Belgique (1899), t. XXXVIL, p. 174. — Rec. Tram Ch. Pays-Bas (1899), t. XVIII, p. 153. In. : Diffusion de la lumière par les solutions. Acad. Roy de Belgique (1899), t. XXXVII, p. 300. — R. Tr. Ch. Pays Bas (1899), t. XVIII, p. 233. V. HENRI Er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES 1021 polarisants. Spring a montré que les verres con- jenant de l'or, de l'argent, du cuivre « s’illu- minent » par le passage de faisceaux de lumière el qu'ils constituent de véritables solutions col- loïdales solides. D'un autre côté, les émulsions jouissent de la même propriété. Déjà Tyndall avait montré que les gouttelettes, la fumée dans l'air, les « nuages artificiels », ont une coloralion particulière d'un beau bleu à reflets blanes et parfois rougeàtres, « opalescente », et sont polarisants. Duclaux a fait observer que les émulsions présentent, elles aussi, ce « phénomène de Tyndall », qu'on retrouve toutes les fois qu'une solution va se précipiter sous forme de goultelelles, un peu avant que ne se produise la précipilation. Ainsi les solutions de liquides par- liellement miscibles entre eux, dont nous avons parlé dans le chapitre précédent, prennent la teinte opalescente et polarisent la lumière quand elles passent de l’état monophasique à l'état diphasique, quand elles se trouvent dans la zone métastable. Ainsi les deux propriétés, diffusion et polari- sation de la lumière, appartiennent à tous les sys- tèmes qui ne sont pas homogènes au sens strict du mot, c'est-à-dire dont la composition n'est pas la même en tous les points. Ces systèmes pré- sentent donc une « inhomogénéilé optique ». Les solutions colloïdales sont toules « optiquement inhomogènes », et l'on en a tiré la conséquence que toutes contiennent des particules en suspension. S'il en est ainsi, on conçoit que la nature même des particules doit influer sur la polarisation. Ehrenhaft', s'appuyant sur les considérations de J.-J. Thomson, basées sur la théorie électroma- gnétique de la lumière, montre que le maximum de polarisation doit être dans un plan différent suivant que les particules en suspension sont ou non conduclrices de l'électricité. La théorie prévoit que le maximum sera, pour les suspensions de particules non conductrices, sous un angle de 90°, pour les suspensions de particules conduelrices, sous un angle de 120° par rapport au rayon péné- trant. Les mesures donnent : pour l’acide silicique colloïdal 90°, pour le sulfure d’arsenic 817°30", et, au contraire, pour l'or colloïdal 118-120°, pour Ag coll. 110°, pour Cu coll. 120°, pour Pt coll. 115°. Ces derniers nombres ne sont, d’ailleurs, vrais que pour des solutions très pures. Dès qu'elles sont souillées par des poussières ou par de pelites quantités de colloïdes non conducteurs, l'angle diminue. On à cherché à utiliser ces mesures d'angle de polarisation pour essayer d'évaluer la grandeur des particules en suspension. Se basant sur les 4 Eurexuarr : Das optische Verhalten der Metallkolloide und deren Teilchengrüsse. Annalen der Physik (1903), t. XI, p. 489. considérations de Lord Rayleigh, Lobry de Bruyn fait remarquer que les particules qui polarisent la lumière réfléchie et font apparaître les teintes bleu-violet (opalescentes) doivent être 50 fois plus petites que la longueur d'onde de la lumière. Admeltant que celte longueur est 0,5 y, on trouve pour le diamètre des particules des nombres de 5 à 10 uu. Ehrenhaft, après avoir montré que les prévisions de la théorie électromagnélique se véri- fient pour les colloïdes, indique que l'ordre de grandeur des particules peut être calculé grâce à cette théorie. Par exemple, pour l'or colloïdal, les limites entre lesquelles elles doivent être com- prises sont 5,89.10 * centimètres et 3,3.10-7 centi- mètres. 2, Coloration. Spectre d'absorption. — Plu- sieurs colloïdes présentent une teinte opalescente (gélatine, albumine, silice, etc.). Un très grand nombre d’autres sont colorés. J. Duclaux fait remarquer qu'en général les solutions colloïdales sont de couleurs beaucoup plus foncées que les solutions cristalloïdes de sels analogues, où même tout à fait différentes. La couleur des solutions colloïdales varie d’ail- leurs dans diverses conditions. Ainsi, lorsqu'on les précipite par l'addition d'électrolytes, elles passent en général par toute une série de leintes. Les solutions bleuâtres deviennent de plus en plus opalescentes, jusqu'à présenter l'aspect laiteux. Les solutions d'or, d'argent présentent des varia- tions continues : par exemple, l'argent passe du rouge au brun, au gris. On peut rapprocher ces faits des colorations présentées par les nuages arlifi- ciels (du bleu le plus intense au blanc laiteux), les émulsions au voisinage du point critique, et aussi les solutions colloïdales solides (verres à l'or) (Faraday, Spring, Stockl et Vanino, Zsigmondy). Mais, pour ces derniers, Siedentopf el Zsigmond; * ont démontré que ces varialions ne correspondent pas à des variations de la grosseur des grains. Le spectre d'absorption des solutions colloïdales a élé étudié par Picton et Linder, Zsigmondy, Stockl et Vanino, Ehrenhaft. D'une manière géné- rale, elles ne présentent qu'une seule bande d'ab- sorption plus ou moins large. Ehrenbalt a étudié le spectre d’un certain nombre de colloïdes au spectrophotomètre ; il en a calculé les coefficients d'extinction et construit la courbe d’absorption. IL a trouvé que, pour l'or rouge, le maximum d’ab- sorplion correspond à la longueur d'onde À — 520 uy 1 Srepenroer et Zsicemoxoy : Uber Grossenbestimmung ultramikroskopicher Goldteilchen. Ann. der Physik (1903), Le ASIDEUE Corrox-et Mourox: Les objets ultra-microscopiques. Zicvue gén. des Se., Là décembre 1903. 1022 V. HENRI er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOIDES pour le plaline à }— 480 uy, pour l'argent colloïdal, dans l’ultra-violet, à À — 380 uy. Ajoutons qu'il a cherché à utiliser ces mesures pour déterminer la grandeur des particules colloï- dales, en considérant qu'elles vibrent dans un milieu diélectrique, que l'énergie des ondes lumi- neuses el, par conséquent, l'absorption doivent être maximales quand la période d'oscillation des par- ticules et celle du rayon pénétrant concordent de façon à produire une résonance optique. Il caleule que les particules colloïdales ont un diamètre égal pour l'or à 49-52.107 centimètres, pour l'argent à 38.10’ centimètres, pour le platine à 48.107 cen- ümètres. 3. Visibilité. — Lorsqu'on examine au micros- cope certaines solutions colloïdales, on peut aper- cevoir, aux forts grossissements, des particules suspendues dans la liqueur. Ainsi Picton et Linder ont préparé des sulfures d’arsenic qui présentaient des granules visibles. Mais la plupart des solutions colloïdales paraissent homogènes au microscope ordinaire. Par exemple, le sulfure d'arsenic de Picton et Linder ne présente pas de granules. Jusqu'à ces dernières années, on n'avait aucun moyen de discerner dans les solutions colloïdales les particules dont on soupconnait l'existence. MM. Cotton et Mouton ont exposé, en détail, dans cette Fevue même,comment les recherches de Sie- dentopf et Zsigmondy et leurs propres travaux nous ont dotés d’un moyen de reculer la limite de visibilité du microscope. Nous n'insisterons pas sur ce point. Rappelons seulement que la méthode consiste à douer la solution colloïdale et les parli- cules qu'elle contient d'une lumière propre. On y arrive en éclairant latéralement la solution par un faisceau qui ne pénètre pas dans le microscope avec lequel on l'observe. Les particules diffrac- tent cette lumière. Siedentopf et Zsigmondy pro- Jettent des rayons qui traversent la solution per- pendiculairement à l'axe du microscope. Cotton et Mouton placent celle-ci sur l’une des faces d'un prisme à réflexion totale. Le faisceau pénètre dans le prisme, se réfléchit, illumine la solulion et sort Sans avoir pénétré dans l’objeclif microsco- pique. Lorque, dans ces conditions, on examine un verre à l'or, toutes les particules apparaissent comme des points lumineux sur un fond sombre, donnant l'impression du « ciel étoilé ». Lorsqu'on examine une solution colloïdale liquide, toutes les particules illuminées sont agitées de mouvements browniens. Ce procédé d'examen à L « ultramicroscope » a permis de reconnaître la présence de particules dans toutes les solutions colloïdales connues. Siedentopf et Zsigmondy ont pu, par cette mé- thode, tenter de mesurer la grosseur des particules. contenues dans les verres à l'or. Cette grosseur. varie suivant les différents verres. Elle est de l'ordre du uy, soit environ 10 fois plus que la grosseur moléculaire moyenne et les auteurs ont pu déceler des particules de 5 ux (1/200.000° de millimètre). La plupart des solutions colloïdales contiennent, d'ailleurs, des granules de diverses grosseursih coexistant en même temps. [A Ainsi, les examens ullramicroscopiques ont dé\ montré directement l'existence, dans les solutions" colloïdales, des particules dont l'inhomogénéité op tique de ces solutions faisait pressentir l'existencen La grandeur de ces particules, calculée en s'appuyant sur les données fournies soit par la polarisation, soit par l'absorption, soit par la visibilité, est de l'ordre du de millimètre. ÿ 4. Réfraction. — L'étude de l'indice de réfraction { des solulions colloïdales faibles en colloïde ne donne pas de différence appréciable avec celui de l'eau pure; on ne peut done pas se servir de celte = mesure pour doser la leneur d’une solution en colloïde. A S 2. — Autres propriétés. 1. Conductivité électrique. — La conductivité électrique des solutions colloïdales est extrême- ment faible. Si l’on opère avec des solutions suffi- samment pures, dialysées pendant deux ou trois semaines, où bien préparées par la méthode de Bre- dig, on trouve une conductivité électrique voisine de celle de l’eau; la conductivité spécifique est done de l'ordre de 3.10%. On peut dire que toutes les fois qu'une solution colloïdale a une conductivité spécifique supérieure, cela est dû à Ja présence d'impuretés provenant de la préparation de la solu- tion colloïdale. La mesure de la conductivité élec- trique sera donc un imoyen commode permettant de s'assurer du degré de pureté d'une solution colloïdale donnée. 9 2. Viscosité. — La viscosité (frotlement interne) des solutions colloïdales est très différente suivant la solution observée. Tandis que certaines d'entre elles (or, argent, platine colloïdal) sont très peu visqueuses et que leur froltement interne est à peine supérieur à celui de l'eau pure, certaines autres, notamment les colloïdes organiques, le sont extrèmement. L'exposé succinct que nous venons de faire des propriétés physiques générales des solutions col- loïdales montre assez en quoi elles se différencient des solutions vraies. Inhomogénéité optique, pré- 1 100.000 4 PC et : à V. HENRI er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOIDES 1023 sence de particules ultramicroscop'ques, indice de réfraction et conductivité peu différents de ceux des solvants purs, toutes ces particularités les rapprochent beaucoup des suspensions fines et des émulsions. Nous allons voir qu'il en est de même des con- ditions de séparation ou de précipilation. IV. — ÉNERGIE DE LIAISON ENTRE LE COLLOÏDE ET LE SOLVANT. SÉPARATION PAR LES AGENTS MÉCANIQUES ET PHYSIQUES. Nous avons vu, dans les chapitres précédents, comment on prépare les solutions colloïdales et quelles sont leurs propriétés stochiométriques. Nous avons vu que, toutes les fois qu'on se trouve en présence de colloïdes, on a affaire à des systèmes formés de deux corps au moins. Dans la grande majorité des cas, l’un des corps est en quantité prédominante. Une solution d'Ag colloïdal contient beaucoup plus d’eau que d'argent. De là vient qu'on a pt parler de « solutions colloïdales », ce qui implique l'existence d’un solvant et d'un corps dissous. On doit donc se poser la question suivante Quelle est l'énergie de liaison entre le colloïde et le solvant, c’est-à-dire entre les granules et le liquide intergranulaire. Nous allons, pour y répondre, examiner succes- sivement tous les moyens employés pour produire celte séparation. Nous distinguerons tout de suite deux groupes principaux de procédés. Les pre- miers consistent dans l'emploi d'agents mécaniques ou physiques; les seconds, dans l’addilion d’un corps soluble étranger à la solution colloïdale. $ 1. — Séparation par les agents mécaniques. 1. Agilation. — Il est d'observation courante que, lorsqu'on agite fortement certaines solutions d'albuminoïdes, on voit apparailre des filaments souvent insolubles d’albumine. Le fait se produit même dans les solutions très diluées (solution d'ovalbumine à 1/100.000°). Ramsden!, qui a étu- dié ces faits systématiquement, a montré que des solutions d’ovalbumine, de sérum-albumine, de sérum-globuline et d’autres protéides peuvent être débarrassées complètement des colloïdes qu'elles contiennent par simple batlage, à condition de prolonger suffisamment l'agitation. L'agilation mécanique peut être produite par le mouvement d'un corps solide quelconque (battage), * Ramspen : Ueber die Abscheidung fester Stoffe an der ‘Oberfläche von Lôsugen und Suspensionen. Proc. Roy. Soc., t. LXXITI, 1903, p. 156. Zeitsch. f. physik. Chem., {. XLVII, 190%, p. 336. par le passage d'un gaz inerte (formalion de mousses), par la centrifugation. Cette facilité avec laquelle certaines solutions colloïdales se séparent par simple agitalion méca- nique ne leur est point particulière. Ramsden a montré qu'il s'agit là d'un phénomène général que ne présentent pas les seuls colloïdes, mais qu'on peut observer sur tous les corps en dissolution. Ce phénomène général, c’est la concentration de la solution à la surface libre. L'énergie capillaire de cette surface influence ia répartition du ou des corps en solulion entre le liquide intérieur et la couche superficielle. Des études théoriques de lord Kelvin, J.-J. Thomson, Gibbs, Ostwald, lord Rayleigh, etc., il résulle que la concentration doit être plus grande dans la couche superficielle. La grandeur de cette différence et la vitesse avec laquelle elle s'établit peuvent varier beaucoup : elles dépendent de la nature des corps en solution et surlout de la manière dont ils modifient la ten- sion superficielle du liquide. Les corps qui dimi- nuent le plus l'énergie capillaire sont ceux qui s'accumulent le plus à la surface, qui rendent la couche superficielle la plus visqueuse, qui forment les mousses les plus persistantes. 2. Mousses. — Des mesures quantitatives ont été faites au laboratoire d'Ostwald, par Zawidski”, qui produisait des mousses dans des solulions de saponine, les entraînait loin du liquide, et, quand elles étaient « tombées », comparait leur conducti- vité électrique à celle de la solution primitive. Voici quelques résultats Concentration de la solution primitive. 4,29 0/0 — deESÉMOUSSES EE 1,346 — de la solution restante 1,025 Rapport . RC IP Or, Plateau avait trouvé que la viscosité d’une solution de saponine à 1 °/, est bien plus grande à la surface qu’à l’intérieur. De même, la tension su- perficielle produite par des lamelles de saponine est égale à 5 milligr. 64 par millimètre, tandis que, pour l'eau, Plateau trouve 14 milligr. 6. L'ad- dition de saponine diminue donc considérable- ment la tension superficielle de l’eau. Clara Benson a trouvé des résultats analogues pour les mousses formées par les solutions d’alcool amylique dans l'eau. Il y a plus d'alcool dans les mousses que dans la solution. Comme la formation des mousses a pour effet d'augmenter beaucoup la surface libre du liquide, on conçoit qu'on puisse par agitation débarrasser peu à peu celui-ci de tout le corps en solution. 4 Zawinskr : Ueber Saponinschaum. Zeit. f. phys. Chem., t. XLII, 1903, p. 612. 102% V. HENRI Er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES 3. Colloides. — En ce qui concerne les solu- tions colloïdales, Ramesden à pu mettre directe- ment en évidence l'accumulation du colloïde à la surface : elle a, en effet, quelquefois pour résullat d'amener une transformation irréversible du col- loïde, par exemple sa coagulalion. Il en résulte l'apparition soit d’une pellicule solide (pellicule du lait, se formant à froid, même en évitant toute évaporalion), soit de grains aux nœuds du réseau des bulles. Ces pellicules peuvent être quelquefois extrêmement fines. Ramsden démontre leur exis- tence en posant une aiguille aimantée sur la sur- face d'une solution colloïdale contenue dans un vase qu'il fait flotter sur l'eau : le vase tourne tout entier à l'approche d'un aimant. Lorsque une solution contient deux corps diffé- rents, la mousse qu'on y produit contient une plus rande proportion de celui des deux corps qui diminue le plus l'énergie capillaire du solvant. Par exemple, on trouve : Saponine > Ovalbumine. Sels biliaires > Saponine. Ovalbumine > Carnine. Le même phénomène se produit à la surface de séparation de deux liquides différents non mis- cibles, tels que chloroforme et eau, éther et eau, etc., étudiés par Ramsden, et pour lesquels on trouve beaucoup d'exemples dans les travaux de Quincke *. Ce dernier a porté son attention sur- tout sur les formes extérieures que présentent les différents précipités qui se séparent à la surface de contact des deux liquides. Nous voyons donc, en résumé, que la sépara- tion des colloïdes et du solvant par les moyens mécaniques, bien que parfois plus facile que celle des cristalloïdes, se produit pourtant dans les mêmes conditions. Elle dépend, dans les deux cas, de L « accumulation à la surface libre ». 2, — Diffusion et osmose des solutions colloïdales. Pression osmotique des solutions colloïdales. 1. Diffusion. — Graham, nous l'avons vu, avait observé l'extrême lenteur avec laquelle diffusent certaines substances qu'il a appelées colloïdes. Lorsqu'on verse avec précaution de l’eau pure au- dessus d'une solution, et qu'on détermine le temps que met une même quantité de corps dis- sous à diffuser dans l'eau extérieure, on trouve des durées très inégales. Les valeurs relatives sont égales 74 Pour l'acide chlorhydrique . : . . à 1 — Je chlorure de sodium. . . . DE ï Te sucre. # QuixckE : Grand nombre de Mémoires dans les Annalen der lPhysik de 1898 à 1904. Pour le sulfate de magnésium. . . à 7 — l'albumine. . . . . RER Le US = le CATaMElt EEE NC RE Grabam a trouvé, de même, que le lanin, la gomme arabique diffusent très lentement, to a depuis, étendu cette observation à un grand nombres d’autres colloïdes. Mais les données qu'on a ainsi amassées ne sont que qualitatives. Il n'a pas été fait de mesures quantilalives de vitesses de diffus sion des colloïdes, malgré l'intérêt que présen terait le sujet, car il semble qu'il existe des diffé rences considérables d'un colloïde à l’autre. Par. exemple, Linder et Picton ont préparé quatre formes différentes de solution colloïdale de sul fure d’arsenic, dont une seule (x) présente de grains visibles au microscope. Des trois autres” formes, dont les grains ne sont pas visibles, même aux plus forts grossissements, $, comme «, ne diffuse absolument pas; y diffuse un peu, mais nt peut pas être filtré à travers une bougie poreuses enfin à diffuse plus vite et peut être filtré. On peut» donc élablir une gradation des colloïdes, en ce qui concerne leur vilesse de diffusion. Mais il ne fau drait pas vouloir en déduire une mesure de lan grandeur des complexes moléculaires dont sont formés les colloïdes. À 2. Dialyse. — C'est encore Graham qui a mon-\ tré le premier que les colloïdes ne peuvent pas. traverser les membranes animales (de parche- min, de vessie, de gélaline). Ces deux dernières sont formées de colloïdes, d'où ce résultat général déduit par Graham : les colloïdes ne peuvent pas traverser les membranes formées d'autres col- loïdes. Au contraire, ces mêmes membranes ne s'opposent pas au passage des cristalloïdes; c'est ce qu'ont montré Graham, Detlefsen, Chabry, Ver- schafelt, Galeotti, etc. É Cette proposition est pourtant trop absolue. Cer- tains colloïdes peuvent dialyser, bien qu'à la vérité très lentement. Le sulfure d’arsenic à de Linder et Picton dialyse; de même, Bruni et Padoa ont trouvé que, si la silice, l'hydrate de fer, l'hy- drate de chrome, le bleu de Prusse, l’ovalbumine, ne traversent pas les membranes, au contraire la dextrine et l'acide molybdique diffusent lentement. Rappelons enfin que certains ferments solubles, qui forment, comme l'on sait, des solutions colloïdales, « peuvent dialyser à travers les membranes de par- chemin, ainsi qu'Arthus* l'a montré pour l'in- vertine. D ÿ 3. Osmose. — Si la plupart des colloïdes ne { Linoer et Picrox : Chem. News, 1892, t. LXV. ? Bruni et PAnoa : Gaz. chim. ital., 1900, t. XXXI. 3 Axraus : Arch. de Physiologie, 1898. V. HENRI er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOIDES 1025 — traversent pas les membranes, quels effets osmo- tiques peuvent-ils exercer? Lorsqu'on verse une solution colloïdale dans un osmomètre, son niveau reste-t-il constant, ou change-t-il? Pfeffer!, qui a étudié la pression osmotique des Solutions de gomme arabique, a trouvé que cette pression est environ dix fois plus faible que celle d'une solution de saccharose de la même concentration. Par exemple (page 81), il donne “comme pression osmotique : Pour le-saccharose à 1 0/0 . - . . . 53,3 em. Hg _— à 6 — . DUT — Pour la gomme arabique à 1 0/0, . TA = — — à 6 —,.. 27,5 — = = als —. 120,0 — Il nous paraît indispensable de faire remarquer que des impuretés, représentées par un poids de “chlorure de sodium 100 fois plus faible que le poids de la gomme arabique, suffiraient pour faire naître une pression osmolique aussi forte que la ‘précédente. On sait, d'autre part, qu'il est très “difficile — sinon impossible — de débarrasser “complètement les colloïdes des sels qu'ils relien- nent par absorption, et l’on n’est pas renseigné sur “a liaison osmotique que les sels adsorbés conser- vent avec l'eau. De telle sorte qu'on ne peut faire servir les pressions osmotiques ainsi mesurées à la détermination des poids moléculaires des col- loïdes. Par exemple, Rodewald et Kattein”(p. 586) ont - mesuré avec un très grand soin la pression osmo- tique de l’iodure d’amidon purifié par précipitalion, redissolution et dialyse prolongée. La teneur en amidon des solutions employées par les auteurs était en moyenne de 3 grammes °/,. Elles conte- naient jusqu à 1 décigramme de chlorure de sodium pour 100 centimètres cubes. Pour éviter les effets osmotiques dus à ce chlorure de sodium, les auteurs écrivent (p. 187) qu'on doit employer des osmomètres munis d'une membrane perméable à NaCI. Ils utilisent des membranes de collodion desséché ou de parchemin. Des expériences préli- minaires leur ont montré qu'en plaçant dans l'os- momètre une solution de chlorure de sodium à d 0,1 °/,, et au dehors de l’eau distillée, le niveau du - liquide dans le tube de l'osmomètre s'élève de 70 à 100 millimètres quand on emploie des membranes - de collodion, et de 300 à 400 millimètres quand la membrane est de parchemin. Mais, après deux ou trois jours, le niveau baisse de plus en plus et revient au zéro après quatorze jours. En plaçant une solution d'iodure d’amidon dans l'osmomètre, les auteurs observent qu'après quatre mois un tiers d'expériences, le niveau reste bien constant. Ils trouvent le résultat que voici: MEMBRANE de collodion PARCHEMIN Concentration . 2,914 0/0 3,341 9/0 Hauteur du niveau. 160,4 d'eau. 217um,5 d'eau. Poids moléculaire calculé. 39,680 33.140 Ces valeurs du poids moléculaire ne peuvent être considérées comme ayant la mêmesignification que celles qu'on trouve par la même méthode pour les cristalloïdes. Les auteurs remarquent qu'on ne peut séparer complètement par dialyse le chlorure de sodium de l’amidon, et les membranes ne peuvent laisser passer ce chlorure de sodium adsorbé. Les nombres qu'on obtient en appliquant la méthode osmolique à la mesure des poids molé- culaires des colloïdes sont donc illusoires. On peut le montrer directement par l'étude des savons. On trouve pour eux, par cette méthode, des chiffres 60 fois plus grands que les chiffres théoriques. (Exp. de Krafft, Moore el Parker, etc.) $ 3. — Séparation du solvant sous forme de vapeur. Tension de vapeur des solutions colloïdales. Il nous faudra, dans ce chapitre, étudier séparé- ment les solutions colloïdales qui contiennent une grande quantité d’eau, qui sont liquides, et celles qui sont pauvres en eau, qui se présentent sous forme de gelées. 1. Solutions colloidales riches en eau. — La tension de vapeur de ces solutions est égale à celle de l’eau pure, et leur point d’ébullition est le même que celui du solvant. Les différences observées sont si petites qu'elles peuvent être dues, soit à la présence d'impuretés, soil à d'autres causes d’er- reur. ï Ainsi Tammann ‘a déterminé la tension de vapeur de solutions de gélatine et de gomme, au voisinage de 100°. Il trouve les abaissements suivants : ABAISSEMENT CONCENTRATION de la tension de vapeur F— +! 9,16 gélatine 5/0 4,0 millimn. 29,16 — 21 — 24,54 gomme arabique 2/0 Le 46,14 — 2,7 — Etant donné que la tension de vapeur de l'eau était égale à 750 millimètres, ces abaissements sont trop faibles pour qu'on puisse s'en servir pour des mesures de poids moléculaire. Küster a fait des mesures ébullioscopiques sur des solutions 4 Prerrer : Osmotische Untersuchungen, 1877. ? Ropgwazp et Karrenx : Zeïlsch. f. phys. Chem., 1898. REVIIE GÉNÉRALE LES SCIENCES, 1904, { G. Tammanw: Die Dampftensionen der Lüsungen. Mémoires de l'Acad. de Saint-Pétersbourg, 1887, n° 9, p. 140. 29* 1026 V. HENRI er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES d'amylodextrine extrêmement pures préparées par Arthur Meyer’. Une solution contenant 2 gr. 2065 pour 25 grammes d'eau ne donnait aucune éléva- tion appréciable du point d’ébullition. Et, de même, une solution contenant 6 gr. 487 d'amylo- dextrine pour 30 centimètres cubes avail un s : LU point d'ébullition égal à celui de l’eau à T000 de degré près …. Rodewald® a fait des mesures très précises de tensions de vapeur des solutions d’amidon; elles ont donné des résultats analogues. 2. Emulsions et mélanges de deux liquides. — Si nous cherchons quels systèmes nous devons rap- procher des solutions colloïdales riches en eau, comme n'abaissant pas plus qu'elles la tension de vapeur du dissolvant, nous trouvons, d'une part, les émulsions, et, d'autre part, les mélanges de deux liquides au voisinage de la zone critique. On sait que, pour séparer l'eau d'une émulsion ou d'une suspension fine, il faut dépenser la même quantité d'énergie que pour séparer la vapeur d’eau de l’eau pure. Ceci n’est vrai, bien entendu : 1° que lorsque le corps qui se trouve en émulsion est insoluble dans l’eau; 2° lorsque la quantité d'eau est très grande par rapport au corps émulsionné. D'autre part, Konovalow” a montré que, dans la zone critique, les mélanges de deux liquides ont une tension de vapeur constante. Or, nous avons vu que c'est aussi dans cette zone que ces mélanges présentent le phénomène Tyndall. Voici, avec quelques détails, les expériences faites par Kono- valow sur le mélange amylène + aniline : 1° Si, pendant l'expérience, on se maintient à la température de 14°,1, lorsqu'on additionne l'amy- lène de quantités croissantes d'aniline, on voit qu'à parlir d'une concentration égale à 40 mol. d'aniline pour 100 mol. du mélange, ce dernier se partage en deux phases liquides. Cette séparation en deux phases continue jusqu'à une teneur en aniline égale à 54 mol. À partir de ce moment, le mélange redevient monophasique. Au-dessous de 40 mol. et au-dessus de 54, il est opalescent. Les tensions de vapeur d'amylène de ces différents mélanges sont les suivantes : * Arraur Meyer : Untersuchungen uber die Stärkekürner. G. Fischer, Iena, 1895, p. 34. ? Lier et Duzc : Uber den Abbau der Stärke unter dem Einfluss der Diastasewirkung. Ber d. d. ch. Gesell, 1893, D: Joe RopewaLD : Thermodynamik der Quellung mit specieller Anwendung auf die Stärke und deren Moleculargewichts- bestimmung. Z. phys. Chem.,t. XXIV, p. 1897, p. 493- 218. * Koxovarow : Das kritische Gebiet der Lôsungen und die Erscheinung der Opalescenz. Annalen der Physik, 1903, t. X, p. 360-392; L. XII. CONCENTRATION D'ANILINE en mol. pour 100 mol. de la solution à 149,1 TENSION DE VAPEUR de l'amylène 00.0 Monophasique, 331,0 millim. = 315 000 me 308500 — 303,0 — — 303,2 — Diphasique. 301,8 — — 302,0 — — 302,6 — Monophasique. 303,1 — — 301,0 — _ 294,6 — — 273,0 — On voit que, depuis la concentration 25 jusquA la concentralion 65, la tension de vapeur rest constante. Le mélange présente, dans les concen: trations moyennes de celte zone, deux phases. Mai si l'on opère à 18°,1, on n'observe plus, dans cette zone, l'apparition de deux phases. Le liquide présente seulement des opalescences d'intensité variable suivant la concentration. Or, à cette tem pérature, la tension de vapeur d'amylène vari seulement de 354"%,9 à 351 millimètres, lorsque la teneur du mélange en aniline varie de 24 à 49. Ainsi, dans la zone critique, il faut très peu d'énergie pour séparer des mélanges opalescents une grande quantité d'amylène, sous forme d vapeur. Le rapprochement avec les solutions col- loïdales est évident. l ÿ 3. Solutions colloïdales pauvres en eau. — Ce sont des pâtes, des colles, des empois, des gelées, qui sont d'autant plus consistantes que la quantité d’eau y est plus faible. La tension de vapeur des solutions de ce genre a été étudiée avec beaucoup de soin par van Bemmelen. Il a opéré sur l’alumine, les acides stannique et mélastannique, les oxydes de fer, chrome, alumine, titane, étain, etc. Prenons comme exemple d'une de ces études celle qu'il a faite sur la silice. On prépare la silice colloïdale en versant une quantité déterminée d’'HCI dilué dans un volume donné d'une solution de silicate de potassium. La gelée formée est ensuite lavée jusqu’à disparition de la réaction du chlore. Ainsi lavée, réduite en grumeaux et égoutlée, elle contient de 50 à 100 mol. HO pour 1 mol. SiO*. On la place dans un exsiccateur contenant de l'acide sulfurique titré ;. on laisse s'établir l’équilibre à l'obscurité, à 15°, ce qui demande parfois un temps très long (plusieurs mois). On dose la quantité d’eau de la silice. Puis on la place dans un second exsiccateur contenant de l'acide sulfurique un peu plus concentré, done dans une atmosphère un peu moins riche en vapeur. d'eau, et, après que l'équilibre s'est établi, on cherche la teneur en eau de la silice en équilibre 1; V. HENRI er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOIDES 1027 à cette nouvelle tension de vapeur. En allant ainsi de proche en proche, van Bemmelen‘ arrive à “conslruire une courbe de tension de vapeur de la silice quand la teneur en eau va en décroissant. —…. L'examen des résultats montre ceci: 1° La tension de vapeur de la silice diminue d'une façon régu- lière et bien continue pendant la plus grande partie de l'expérience, lorsqu'on déshydrate depuis 50 mol. I°0O jusqu'à environ 3 mol. H°O pour “| mol. Si0?. Pendant tout ce temps, la silice con- serve son aspect primitif ; - 2° À partir de ce moment, la tension de vapeur demeure presque constante pour des teneurs en eau variant de 3 à 1,5 et 1 mol. H?0 pour 1 mol. SiO*. A cette partie horizontale de la courbe de tension “de vapeur correspond un changement très net de l'aspect de la silice. De transparente, elle devient “d'abord opalescente, puis blanche comme de la . craie; 3° Si l'on poursuit la déshydratation, on voit -que la silice redevient opalescente, puis vitreuse. Pendant ce temps, la tension de vapeur diminue rapidement. Mais la déshydratation n’est jamais totaie. À température ordinaire, le colloïde, placé dans une atmosphère sèche, conserve toujours de l’eau, même après six ans d’assèchement. Les limites numériques de ces différents chan- gements varient d'ailleurs beaucoup suivant l’âge, le mode de préparation, la vitesse de déshydrata- lion de la silice. On voit qu'à température fixe, et pour une silice donnée : 1° à toute tension de vapeur, aussi faible soit-elle, correspond un certain élat d'équilibre entre la vapeur et la solution colloïdale; 2° quelque petite que soit la tension de vapeur, le colloïde contient toujours une certaine quantité d’eau, qui ne s'annule pas, même quand la tension de vapeur est égale à zéro. 4. Comparaison avec les solutions vraies et les émulsions. — Comparons ces phénomènes avec ceux que présentent les solutions vraies, les corps susceptibles de former des hydrates définis, et enfin les émulsions. 1° Si l’on place une solution d'un corps défini, - qui ne donne pas d'hydrates, par exemple de chlo- rure de sodium, dans une atmosphère close conte- nant de la vapeur d’eau à une tension déterminée, il s'établit un équilibre. La solution s’évapore si sa tension de vapeur est plus forte que celle de l’at- mosphère; dans le cas contraire, de la vapeur d'eau se condense. La tension de vapeur de la solulion diminuera d’une manière régulière et 1 Van Bemmeex : Die Absorpsion..Zeitsch. f. Anorg. Chem., t XIII, 1896, p. 233-356; t. XVIII, 1898, p. 14-36 et 98-146; t. XX, 1899, p. 185-211. bien continue au fur et à mesure que la solution se concentre. En cela, la solution colloïdale se comporte comme une solution vraie. Mais exami- uons le moment où la solution de chlorure de sodium est salurée, et où elle contient des cristaux de sel à l’état solide. A la tempéralure de {°, elle a une tension de vapeur de a millimètres. Si on place, à même température, celte solution dans un vase clos contenant de l’air sec, une partie de la solution s'évaporera, une partie du sel se précipi- tera, el l'équilibre ne s’établira que lorsque la ten- sion de vapeur dans l'atmosphère de ïa cloche aura atteint la même valeur de à millimètres. Il en sera ainsi lant que la quantité d’eau de la solution sera suffisante pour remplir la cloche d'une vapeur ayant celte tension limite. Si elle n’est plus suffi- sante (soit qu'on agrandisse le volume du vase, soit qu'on renouvelle l'air, soit qu’on absorbe la vapeur par l'acide sulfurique), toute l’eau de la solution s'évaporera et une différence de À millimètre aura pour effet d'amener la formation du sel anhydre. Nous avons vu que ce fait ne se produit pas pour le colloïde, qui retient toujours de l’eau. 2° Examinons maintenant le cas des corps ca- pables de donner des hydrates, par exemple du sulfate de cuivre (v. Frowein ‘), qui peut donner les composés suivants SO'‘Cu.5H°0, SO‘Cu.3H°O, SO'Cu.H°0, SO'Cu. Lorsque, dans un vase clos, on place du sulfate de cuivre à l’état solide, on voit que la tension de vapeur dans ce vase sera, à une température donnée, égale soit à 47 millimètres, soit à 30 millimètres, soit à 4°%,4, soit à une valeur inférieure à 4,4. Au-dessus de 4 millimètres, elle ne pourra prendre que l’une de ces trois valeurs, et aucune autre. La valeur de 47 millimètres cor- respond à la tension de vapeur de l'hydrate à 5H°O, 30 millimètres à celui à 3H°0, 412,4 à SO‘Cu.H°0. Si l'on dessèche petit à petit le sulfate à 5H°O dans un vase clos, et qu'on note parallèlement les valeurs successives de la tension de vapeur d’une part, et la quantité d’eau contenue dans le sel d'autre part, on voit que la quantité d’eau diminue régulièrement; mais la tension de vapeur reste d'abord égale à 47 millimètres, puis elle change brusquement et tombe à 30 millimètres. Puis elle reste fixe pendant un certain temps et tombe, brusquement encore, à 4%%,4. Ces changements brusques coïncident avec l'apparition des hydrates définis à 3 et 1 mol. d'eau. Nous avons vu que, au cours de la déshydratation des solutions colioï- dales, il n’y a point de ces chutes brusques de la tension de vapeur. Considérons maintenant le cas du sel à À molécule d'eau. Si la tension de vapeur est inférieure à 4"%,4, il se forme du sel anhydre. 1 FROWwEIN : Zeitsch. f. physik. Chem., t. XIV. 1028 C'est ce qui ne se produit pas pour la solution col- loïdale. 3° Enfin, rappelons que, dans le cas des mé- langes de liquides non miscibles en toute proportion {aniline —- amylène), la tension de vapeur diminue d'abord graduellement, puis apparait une opales- cence, et la tension de vapeur reste fixe’ enfin, le milieu redevient transparent, et la tension de vapeur diminue à mesure que la proporlion de l'amylène diminue. En résumé, lorsqu'on sépare, sous forme de vapeur, le solvant de la solution colloïdale, celle-ci ne se comporte jamais comme un hydrate. Sa ten- sion de vapeur diminue graduellement comme celle d'une solution vraie, ou d'un mélange de deux liquides non miscibles en toute proportion. Dans le cas des solutions colloïdales pauvres en eau, lorsqu'on pousse le dessèchement assez loin, on observe à un moment donné, en même temps que l'aspect change, que la tension de vapeur demeure constante. C'est ce qu'on observe aussi pour les mélanges de liquides. Mais, si l'on pousse plus loin encore le dessèchement, on n'arrive jamais à séparer complètement le solvant. Ajoutons que le colloïde présente dans ce cas des modifi- cations irréversibles, bien étudiées par van Bem- melen, et que ne présentent point les autres sys- tèmes auxquels nous l'avons comparé. $S 4. — Séparation du solvant à l’état solide. Cryoscopie des solutions colloïdales. La tension de vapeur de l’eau ne change pas par l'addition d'un corps à l’élat colloïdal. De mème, la température à laquelle l’eau se congèle n'est point modifiée de façon appréciable. Un grand nombre d'auteurs ont pensé trouver dans la cryoscopie des solutions colloïdales une mesure du poids moléculaire des colloïdes. Or, les abaissements du point du congélation qu'on obtient en ajoutant à l'eau pure des colloïdes organiques ou inorganiques sont toujours extrèmement faibles, de l'ordre du —— de degré. Aussi, le même doute 1 100 subsiste-il, quant à la cause de ces abaissements, que celui que nous ont inspiré les mesures de tension osmotique des solutions colloïdales : il est impossible de débarrasser les colloïdes des impu- retés, et notamment des sels adsorbés; et l'on sait que 15 milligrammes de chlorure de sodium dans 100 centimètres cubes d’eau suffisent à déterminer - PR il un abaissement du point de congélalion de 100 de degré. Examinons de près quelques-uns des résultats des différents auteurs. Sabanejew et Alexandrow ’, 1 SaganeJEw et ALExANDROW : Sur le poids moléculaire de Ÿ. HENRI £r A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES par exemple, qui se sont beaucoup occupés de la" question, trouvent les valeurs suivantes pour l’al=" bumine d'œuf dialysée POIDS des cendres QUANTITÉ D'ALBUMINE pour 100 gr. d'eau ABAISSEMENTS observés 0020 14,5 grammes. 0,57 gramme. 15,6 — 00020 0,30 — 23,2 — 00028 0,66 — 26,1 — 00037 0,66 — 30.4 — 000%! 0,41 — 44,5 — 00060 0,66 — On voit que le poids des cendres, qui contenaient, du calcium et de l'acide phosphorique, est trop con- sidérable pour que l’on puisse tirer de ces chiffres une conclusion quelconque sur la cause des abaïis- sements. Il faut, en effet, se rappeler qu'une petite quantité de sel ne produit pas le même abaissement: de congélation si on le dissout dans l’eau ou dans une solution colloïdale très riche en colloïde. La présence de 0 gr. 57 4€ cendres dans une solution contenant 14 gr. 5 °/, d’albumine produit un abaissement moindre que la présence de Ja même quantité de cendres dans une solulion con- Lenant trois fois plus d’albumine (Fredericq). On peut adresser la même critique aux expé- riences de Brown et Morris, de Litner et de Paterno,. de Bruni, de Nasini, Rodewald,etc., qui ont cherché les abaissements cryoscopiques des solulions de gomme arabique, de tanin, de glycogène, d'ami. don, dextrine, inuline, silice, hydrate ferrique,. bleu de Prusse, gélatine, etc. On trouve, dans tous ces cas, que, si la tes contient peu de colloïde (environ 1 à 2°/,), l'abais-" sement du point de congélation est inappréciable. Il faut donc employer des solutions plus concen- trées. Mais alors l'influence des impuretés devient considérable, et il est impossible de déterminer par le calcul quel serait l’abaissement produit par les impuretés seules. Ajoutons qu'alors même que les nombres lrouvés dans les expériences précédentes ne donneraient lieu à aucune critique, il n’en resterait pas moins qu'on n'a pas le droit de les faire servir, comme le font la plupart des auteurs, à des calculs de poids moléculaire des colloïdes. C’est supposer, en effet, implicitement que les solutions colloïdales se com- portent comme des solutions vraies de cristalloïdes: Or c’est là une affirmation arbitraire, que contredi= sent la plupart de leurs propriétés. La base même du calcul est donc inexacle. Il nous parait donc superflu de chercher à mesurer les poids moléculaires des corps en solu= lion colloïdale par la méthode cryoscopique. De l'albumine. Journ. Soc. physie. chim. Russe, 1891, p. 7-19: — Sasaxriew : Étude cryoscopique de quelques colloïdes Journ. Soc. physic. chim. Russe, 1890, p. 102-107; 1889, p.515-595. 4 Co 4 Y. HENRI zr A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏIDES 1029 : ——— toutes les recherches sur le point de congélation des solutions colloïdales, nous n'avons à retenir que ce fait général: De même que dans le cas des “Suspensions et des émulsions, la séparation du « solvant » à l'élat solide se fait dans une solution colloïdale, à la même température que dans le solvant pur. $ 5. — Séparation des colloïdes et du solvant dans un champ électrique. 1. Transport électrique des solutions colloï- dales. — Picton et Linder ont remarqué, en 1892, que si l'on place une solution colloïdale dans un tube fermé à travers les extrémités duquel passent deux électrodes en platine qui plongent dans la solution, et si l'on élablit entre ces deux électrodes une différence de potentiel, il se produit autour de l'une d’elles une zone claire, qui s'agrandit de plus en plus; au contraire, autour de l’autre électrode, la coloration augmente, s'assombrit, et, à partir d'un cerlain moment, le colloïde se précipite sur elle. — Si l’on renverse le courant, le phénomène se produit daus le sens opposé. Ce « transport électrique » des co!loïdes a été observé par un grand nombre d'auteurs. Tous les colloïdes connus le présentent, avec une intensité plus ou moins forle. Pour l'observer pratiquement, il est commode de placer la solution colloïdale dans un tube en U, dans les branches duquel plongent de petites élec- trodes constituées par un fil de platine. Il n’est d'ailleurs pas nécessaire que les électrodes plon- gent dans la solution colloïdale elle-même; elles peuvent être placées dans un liquide moins dense, —_ dans de l'eau par exemple, — versé avec pré- caution au-dessus de la solution. Une différence de potentiel de 110 volts permet de voir, après 15 à 30 minutes, une zone claire s'étendant à 1 ou 2 centimètres au-dessous de l’une des électrodes. Pour observer nettement le phénomène, il faut employer des solutions colloïdales aussi pures que possible, contenant peu d'’électrolytes; sans cela, les produits de l'électrolyse ainsi que le dégage- ment des bulles introduisent des complications diverses. L'étude attentive a montré que : 1° La vitesse de transport dépend de la différence de potentiel entre les électrodes; elle est indépendante de l'intensité du courant ; 2° La quantité d'électricité transportée par le colloïde est inappréciable. Parmi les différents colloïdes, un certain nombre se transportent vers l’anode, les autres vers la cathode. Tout se passe comme si, dans l’eau, le colloïde possédait une certaine charge électrique positive ou négative. On peut donc convenir de distinguer les différents colloïdes en positifs ou négatifs suivant leur « sens de transport ». Colloiïdes positifs. Hydroxyde de zircon. Acide titanique coll. Oxyhémoglobine. Violet de méthyle. Bleu de méthyle. Rouge de Magdala. Hydrate ferrique. — de cadmium. — d'aluminium. — de chrome. — de cérium. — de thorium. Colloïdes négatifs. Or. Chlorures colloïdaux. Argent. lodures _ Piatine. Bromures — Ferrocyan. de Cu, Zn, Fe, Bleu d'aniline. Indigo. Vert de méthylamine. Fuchsine, Aureosine. Gélatine. Albumine, Amidon. Dextrine. Glycogène. Gommies, Palladium. Iridium. Cadmium. Sélénium. Tellure. Soufre. Acide silicique. — stannique. — molybdique. — tungstique. — vanadique. Sulfures colloïdaux. On voit que le nombre des colloïdes négatifs est bien plus considérable que celui des colloïdes positifs. Le transport électrique des coiloïdes a été étudié par Hardy. Cet auteur a recherché comment varie le sens du transport quand le colloïde change d'état, quand il se précipite. Il a observé que, lorsque l'hydrate ferrique colloïdal, qui est positif, est précipité par l'addition d'acide citrique à la concentration de normal, il donne des 1 flocons, qui, eux, sont négatifs. Lorsqu'on pré- cipile une solution colloïdale de mastic négalive 1 par l'addition de chlorure de baryum à &5G NAle précipité cesse de se déplacer dans un champ élec- trique. Il est, dit Hardy, isoélectrique avec l’eau. La silice gélifiée, bien lavée à l’eau distillée et sus- pendue dans l’eau, ne se déplace pas dans le champ. Si l'on ajoute une trace d’alcali, elle devient nette- ment électro-négative. L'albumine d'œuf coagulée par la chaleur, lavée et réduite en poudre dans un mortier d'agale, ne se transporte pas dans un champ de 100 volls. L'addition à l'eau d'une trace de soude rend les petites particules d'albumine électro- négatives; l'addition d'une trace d'acide acélique les rend positives. Hardy conclut de ces faits que le colloïde, au moment où il est précipité, passe par un point isoélectrique. En effet, les colloïdes positifs donnent un précipilé qui, lui, est négatif; le changement étant continu, le colloïde doit passer par un point isoélectrique. Mais il convient de faire remarquer que certaines observations de Hardy portent sur le colloïde à deux états différents d'abord en solution colloïdale, puis à l'état de pré- cipité; d'autres sur le colloïde seulement à l'état 1030 V. HENRI Er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES de particule, de précipité (albumine, silice). On ne peut donc savoir si la précipitation coïncide exac- tement avec le point isoélectrique. Il ne faudrait pas non plus conclure de ces expériences qu’on peut renverser le sens de transport du colloïde par l'addition d'électrolytes, puisque ce renver- sement n'a lieu qu'au prix de la précipitation de la solution colloïdale. 2. Transport électrique des poudres. Catapho- rèse. — Il semble qu'il faille plutôt rapprocher les phénomènes étudiés par Hardy de celui qu'a observé autrefois Porret, et auquel on a donné le nom d’osmose électrique, de cataphorèse. Lorsqu'on place entre deux électrodes un liquide contenant une poudre fine en suspension ou une émulsion, on observe souvent le transport de la poudre vers l’une des électrodes. Inversement, si l'on rend la poudre fixe, ou si on la remplace par un diaphragme de terre poreuse, c’est l'eau qui se transporte à travers le diaphragme d'une électrode vers l’autre. Le phénomène a été bien étudié par Quincke, Coehn, etc. Wiedemann a trouvé que la vitesse de transport dépend de la différence de potentiel entre les électrodes et non de l'intensité du courant. Perrin® a repris récemment l'étude systématique de la cataphorèse. Il a tout d'abord fait voir qu'elle n'a lieu que lorsque les poudres sont mises en suspension dans un liquide à grand pouvoir induc- teur spécifique, dans un liquide bon ionisant tel que l'eau, le nitrobenzène, ou moins bien les alcools méthylique, éthylique, amylique, l'acétate d’éthyle. Elle n'a pas lieu dans la benzine, la térébenthine, l’éther même saturé d'eau. Puis il a montré que, si l'on ajoute au liquide un électrolyte capable de se dissocier en ses ions, ces ions ont sur le sens du. transport une influence considérable. Ainsi les poudres de chlorure de chrome, d'oxyde de cobalt, d'oxyde de zine, de sulfure de zinc sont positives dans l'eau, plus fortement positives dans l'eau acidulée, négatives dans l'eau basique. La poudre d'oxyde de nickel est positive dans l'eau acide, négalive dans l’eau neutre, plus fortement négative dans l'eau basique. Les poudres d'oxyde de Cu et de carbonate de Zn sont neutres dans l’eau, posi- tives dans l’eau acide, négalives dans l’eau basique. I suffit, d'ailleurs, pour produire cet effet, d’une addition minime d'électrolyte (4 molécule-gramme pour 10 litres), et une concentralion beaucoup plus forte n'augmente pas beaucoup l'action. Ce ne sont pas seulement les ions HF et OH- des acides et des bases qui agissent. Les ions positifs Na, K, Li, AzH°, les ions négatifs Br, S, AzO', C0”; CH°CO*, CH°CI0*, etc., produisent les mêmes effets. — Les ions les plus actifs sont H+,Agt et OH. Enfin, il est 2 PERRIN : C. R.,.1903, p- 1380-1442. à remarquer que les ions bivalents agissent plus que les ions monovalents, les ions trivalents plus que les bivalents, sans que l'action soit d'ailleurs pro portionnelle à la valence. Ainsi nous voyons que, comme les colloïdes, les poudres se transportent d'une électrode à l'autre dans un champ électrique. Mais, tandis que l'add tion au solvant d'électrolytes dissociés en leurs ions à pour effet de changer le sens de transport des suspensions et des émulsions, ce phénomène ne peut jamais s’observer sur les solutions col= loïdales, que l'addition des mêmes électrolytes a d'abord pour effet de précipiter. $ 6. — Séparation des solutions colloïdales sous l’action de la lumière et des radiations. Quincke” à remarqué que certains colloïdes: ont une tendance à se précipiter dans des vases sur la paroi exposée à la lumière, d’autres sur la paroi qui est la moins éclairée; il existe donc. dans quelques cas une phototropie positive ou négative. Mais ce phénomène n’est pas encore étudié systématiquement. L'influence des radiations du radium sur les col- loïdes à élé étudiée par Hardy* et par nous°. M Lorsqu'on soumet des solutions colloïdales facile- ment précipitables à l'action des radiations 8 du radium, on remarque que les colloïdes positifs, tels que l'hydrate ferrique et le rouge de magdala, sont précipités ; au contraire, les colloïdes négatifs M restent irtacts. Nous venons de voir que : un travail mécanique faible permet de réaliser la séparation du colloïde et du solvant; la pression osmotique exercée par la solution est nulle; l'abaissement de la tension de vapeur et celui du point de congélation sont inap- préciables. Un courant électrique d'une intensité extrêmement faible et l'action des radiations 8 suffisent à assurer la séparation *. Nous pouvons donc résumer les résultats exposés dans ce chapitre par la proposition suivante L'énergie de liaison entre les particules colloï- dales et le solvant est très faible. Dans un deuxième article, nous étudierons les affinités des colloïdes et les propriétés des préci- pités colloïdaux. Victor Heuri, Docteur ès Sciences, Préparateur à la Sorbonne. André Mayer, Docteur en médecine Licencié ès Sciences. QuincKE : Chem. News, t. LXXXIV, 1901, p. 174. Haroy : Journ. of Physiology, 1903. V. Henri et A. Mayer : C.-R. Acad. d. Sciences, 1904. Il faut remarquer que la liaison entre les particules et l'eau dont il vient d'être question ne concerne pas l’eau qui est contenue dans les particules, mais seulement le liquide intergranulaire. 1 ° 3 “ + JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT 1031 ——— — — —— —————"—"——"—.——————]—"—"—"——— — LES TISSUS DE REMPLACEMENT 2m L'étude des processus de l'histogénèse est tou- jours des plus délicates : non seulement les ori- ines sont difficiles à saisir, mais elles sont, en “outre, le plus souvent, associées à des phénomènes d'histolyse. Seule, la clarté de l'exposition exige qu'on sépare l'histogénèse de l’histolyse ; aussi bien toute classification ne peut être qu'arbitraire, car, malgré la variété des faits observés, toutes les “transitions peuvent être rencontrées. Une division Commode consistera à examiner successivement ce “qui se passe dans les métamorphoses, dans le hour- … jeonnement et dans la régénération. Les mélamorphoses peuvent comprendre les - changements que subit un être sans qu'il cesse de constituer, au sens vulgaire du mot, un seul et même individu. Dans le bourgeonnement apparais- sent un ou plusieurs individus nouveaux (ou mé- rides fonctionnant comme tels), et cela par néofor- mation sur un individu parent. La régénération est une rédintégration après traumatisme. I. — MÉTAMORPHOSES. La rénovation constante dont la plupart des tissus sont le siège peut être considérée, en quelque mesure, comme une métamorphose permanente. Elle se produit, chez les Vertébrés notamment, pour le tissu sanguin, pour la couche profonde de l'épi- derme. Cette simple continuation des phénomènes de croissance est déjà accompagnée d’une histolyse appréciable, et réalisée par des moyens fort divers (desquammation de l'épiderme, destruction des vieilles hématies, résorption de cellules âgées par les tissus eux-mêmes). Si cette croissance et ce remplacement ne sont pas continus, le terme de métamorphose sera mieux applicable. Dans ce cas rentre la maturation sexuelle en général (apparition des caractères sexuels secondaires); comme exemples plus parli- culiers, on peut citer la formation des tubes de Malpighi chez certains Insecles holométaboles, ou encore l'accroissement définitif du système nerveux de l'imago”. Les tubes excréteurs naissent de la prolifération de l’épithélium rectal, lui-même en voie de rénovation; leur formation, par évaginalion de la paroi du tube digestif postérieur, est indépen- dante des organes larvaires correspondants qui 1 Voir la première partie dans la Revue générale des Sciences du 15 novembre 1904, t. XV, p. 968 à 981. 2 Voir l’article précédent, figure 8, p. 976. DEUXIÈME PARTIE | | . L'HISTOGÉNÈSE : rentrent en histolyse. Comme cela a lieu pour tous les tissus imaginaux, leur structure histologique est plus fine, les dimensions de leurs cellules sont beaucoup plus réduites que celles des éléments larvaires. Celle métamorphose comprend, dans ce cas, une histolyse lotale et une néomorphose indépendante, bien que rattachée au même tissu. Quant au système nerveux de ces Insectes, il est, chez la nymphe, le siège de l'activité caryocinétique des cellules qui s’accroissent en nombre et en volume, sans qu'il y ait aucunement histolyse. Les tissus secondaires, chez les Végétaux, pour- raient être rapprochés de ces néoformations par poussées successives ; il y a reprise de l'activité de prolifération d'éléments restés suffisamment em- bryonnaires; ces faits sont évidemment du même ordre que les métamorphoses cilées plus haut, mais ils sont sous la dépendance plus immédiate des influences extérieures (climats, saisons). On dira, plus exactement encore, qu'il y a mé- tamorphose lorsque le tissu de remplacement se forme à la place même du tissu disparu dans l’his- tolyse. : Nous prendrons des exemples chez les Insectes, puis chez les Vertébrés ; cela suffira à nous montrer que le tissu nouveau, suivant les cas, peut prove- nir de l’ancien, ou bien, au contraire, avoir une origine étrangère, parfois même assez lointaine. $ 1. — Exemples de métamorphoses chez les Insectes. 1. Histogénèse des trachées imaginales. L'appareil respiratoire des Insectes subit des modi- fications fort variables suivant les groupes considé- rés; parfois il passe presque identique de la larve à l'imago : c'est ce qui arrive chez les amétaboles ou métaboles inférieurs. Le plus souvent, les change- ments de toute l'organisation retentissent sur les branches trachéennes. Les gros troncs trachéens subsistent assez généralement, non sans avoir aug- menté de volume, par une recrudescence d'activité cinétique des cellules de leur paroi (Hyménoptères), et rejet de leur squelette chitineux spiralé devenu trop petit. Chez les Diptères très évolués (Gastrophi- lus equi), il existe des centres de régénération éche- lonnés sur les troncs longitudinaux larvaires ; de plus, les troncs stigmatiques qui relient les troncs longitudinaux aux orifices respiraloires subissent 1 Br. WauL : Zeitschrift f. wiss. Zool., L. LXX, p. 171, 1901. C. Vaxey : Annales de l'Université de Lyon, 1900. 1032 une histolyse analogue à celle qui a été décrite dans le précédent article pour les glandes sali- sans intervention leucocytaire (au moins précoce); l’ancien épithélium perd sa lumière centrale; il est rejeté par la prolifération d'éléments embryonnaires situés dans leur paroi, et qui pro- viennent des disques imaginaux hypodermiques voisins: il n'y a pas dérivation des cellules em- bryonnaires des anciennes cellules larvaires. Ainsi, dans les cas les plus complexes, lorsque l'histolyse est entremêlée à l'histogénèse, il peut arriver que le tissu de remplacement soitemprunté à un tissu fort différent; on peut, toutefois, remar- quer que le mésoderme des disques a, lui aussi, en définitive, une origine ectodermique comme les tra- chées elles-mêmes. Enfin, ce qui caractérise la métamorphose de l'appareil respiratoire, c’est, au début de la nym- phose, une poussée centripète considérable de toutes les ramifications de l'arbre trachéen, qui s'enrichit de très nombreux capillaires trachéens : ce sont de simples tubes chitineux, élaborés par des cellules à protoplasme sombre ou cellules trachéales. Le tube se forme à l'intérieur même de la cellule; souvent il s'y bifurque. Dans sa continuité, il est formé par plusieurs de ces cellules trachéales suc- cessives qui occupent par rapport à lui unesituation latérale ou terminale. Pour de plus grosses trachées, le tube chitineux se forme entre plusieurs cellules, qui en constiluent la matrice, et se trouvent en absolue continuité avec la membrane cellulaire des troncs trachéens. Quelle est l’origine de ces cellules trachéales ? Il semble bien, chez les Hyménoptères, qu'elles se rattachent directement à l'épithélium, c’est-à-dire à la matrice des troncs trachéens eux-mêmes. Pour- tant, chez les Diptères, Vaney les fait dériver des cellules mésenchymateuses des disques imaginaux : quoi qu'il en soit, leur origine ectodermique semble bien certaine. Ces éléments jouent un rôle considérable dans la métamorphose des muscles de l'intestin moyen. vaires, mais 2. Tissu adipeux imaginal. — Laissons de côté les cas où le tissu adipeux larvaire se maintient pendant toule la nymphose et persiste sans modifi- cation chez l'adulte (Tipulides, Culicides, ete.) !. Chez les Hyménoptères, il y a histolyse partielle et dégénérescence des cellules adipeuses; ce noyau subit des déformations variées, ei, dans cerlains cas (Frelon), se multiplie par une sorte de bourgeon- nement : les limites cellulaires disparaissent, sorte que le tissu adipeux de l’imago, très réduit, de ‘ HexxeGuy : C. R. Ac. Sc., 1900, p. 108. \ncras : Bull. Sc, de la France et de la Belgique, t. XXXIV, 1900. JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT a l'apparence d’une sorte de plasmode réticul petils noyaux épais. À un degré plus élevé de complication (D tères brachycères), le tissu larvaire disparaît € plètement et est remplacé par un ensemble d ments de nouvelle formation. Il y a dégénéresce: des cellules grasses larvaires, où pénètrent des leucocytes, mais sans englober de fragments tissulaires. Pendant ce temps, les Kürnchenku geln, c'est-à-dire les phagocytes qui ont con- tribué à l'histolyse musculaire, résorbent leurs inelusions et augmentent de volume; leur proto: plasme, de réticulé, devient vacuolaire (fig. 4); ils se groupent et forment alors un tissu gras “4 ginal!. Il y a véritablement substitution de lissus, car au moment de la métamorphose, tissu adipeux eb leucocytes sont profondément différenciés. L'évo Fig. 1. — Histogénèse du tissu adipeux imaginal chez le Gas= trophilus equi. — ca, cellules adipeuses larvaires en dégé- nérescence: /, leucoc ytes se transformant en tissu adipeux im aginal: h, hypoderme {d'après Vaney). lution du Kürnchenkugel est un phénomène très spécial qui aboutit à une vérilable métaplasie. Toutefois, il convient de se rappeler qu'à l’origine, dans l'embryon, tissu adipeux et leucocytes ont eu même provenance mésodermique et même appa- rence. Le remplacement est donc, dans ce cas, opéré aux dépens du même feuillet. 3. Histogénèse du tissu musculaire. — Comme pour le tissu adipeux, il est des cas où les éléments contractiles de la larve se conservent chez l'adulte, même sans changement nolable (Diptères infé- rieurs ). Le plus souvent, il y a histolyse et remaniement de la fibre larvaire. Si cette histolyse est partielle, ! Benese fait dériver ce tissu des cellules musculaires larvaires; mais cette interprétation, contestée par SurIna pour le Calliphora, est catégoriquement rejetée par VANEY pour le Gastrophilus : l'interprétation de ce dernier auteur est d’ailleurs conforme aux figures données par He dans son récent ouvrage sur les Insectes. 4 e tissu musculaire imaginal dérivera de l'élément arvaire correspondant; si elle est plus considé- able, la régénération a lieu aux dépens du mésen- hyme des disques imaginaux (Diptères). Dans l'histolyse, les gros noyaux musculaires “primitifs se fragmentent en caryolytes qui sont rejetés hors de la fibre ou qui restent alignés dans “le sarcoplasme périphérique. La fibre elle mème 1 (l EEE PAST IT 0 est réduite en volume; elle s’est fendue longitudi- nalement, ou même morcelée en tous sens. Robert S. Breed chez les Coléoptères ‘, et Anglas chez les -Hyménoptères *, ont reconnu que, dès le début de celte histolyse, les tubes trachéens et leurs cellules trachéales pénétrent dans la fibre, el contri- buent à sa dislocation. Les noyaux des cellules trachéales se multiplient activement; aussi l'aspect cir_ ) SD 7 A é N SN : CZ TE S' ee k 2 7 eve PP) & se CXS . _ we, & = D +. = D ns PE CR 7 LS" ne ÿ TS — ag EP = FDP Er SSD D ed Ë Fig. 2. — Histogénèse des muscles imaginaux du thorax chez les Hyménoptères. — 2. Î., noyaux imaginaux; €, Car yO- lytes (d'origine musculaire où d'origine trachéale), qui vont dégénérer sur place, diminuer en nombre et dispa- raitre à mesure que se constitue la fibre définitive: c. tr., cellule trachéale; /, leucocyte. (D'après Anglas.) de l’ancienne fibre larvaire est-il complexe et des plus difficiles à interpréter. Dans des noyaux nombreux et méconnaissables, on a souvent décrit des leucocytes : réalité, de noyaux de cellules trachéales et de restes de noyaux musculaires larvaires; leur distinction est. du reste, des plus difficiles et d'une interpréta- tion délicate. Quoi qu'il en soit, les fibres larvaires sont pro- fondément remaniées : tantôt elles gardent leur direction primitive (muscles longitudinaux de l'ab- domen.museles de l'intestin ; tanlôLelles s'orientent dans une direction toute différente et forment un organe véritablement nouveau (puissants muscles thoraciques du vol). Dans cet amas informe de débris de fibres et il s'agit, en EE —— _ — 1 R. S. Bneen : Bulletin of the Museum of compar. Zool. at. Harvard College. t. XL, n° 7, 1903. 2 J. Anccas : C. Rendus Soc. Biol.. t. LVI, janvier 1904. JULES ANGLAS :— LES TISSUS DE REMPLACEMENT 1033 de caryolytes, lorsque l'orientation définitive réap- parait, on distingue les pelils noyaux musculaires imaginaux (fig. 2). Il est vraisemblable qu'ils dé- rivent de cerlains noyaux larvaires; mais il serait difficile de prouver que les cellules trachéales, qui ont si intimement pénétré la fibre, ne jouent aucun rôle dans cette histogénèse. Cerlaines d'entre elles donnent les capillaires trachéens pour les muscles imaginaux ; d'autres, séparées de l'appareil respi- raloire, sont résorbées sur place comme les caryo- lytes dont on ne peut plus les distinguer; il n’est pas impossible que d’autres encore forment des noyaux musculaires imaginaux. (Cette description s'applique spécialement aux Hyménoptères.) Et, si celte suppléance de muscles par des élé- ments ectodermiques parait surprenante, il convient d'ajouter qu'elle ne fait pas de doute pour Vaney, qui, chez les Diptères, voit dériver les muscles thoraciques directement du mésenchyme des dis- ques imaginaux. Au surplus, pareille origine parait indiscutable pour les groupes de muscles de nouvelle formation, qui apparaissent dans la région ventrale du thorax el de l'abdomen chez les Hyménoptères. Ils sont constitués par des ébauches ectodermiques déta- chées de la face profonde de l'hypoderme tégumen- taire; ils correspondent donc au mésenchyme des disques imaginaux que l'on rencontre chez les Diptères, encore plus spécialisés. Au milieu d'une variété surprenante de processus dont nous cherchons seulement à donner une vue d'ensemble, il se dégage ce fait que le tissu nou- veau est parfois d'une origine différente de celui qu'il remplace. 4. Histogénèse de l'intestin moyen. — Cette por- tion du tube digestif subit une métamorphose beau- coup plus considérable que les deux régions extrêmes. Dès le commencement de la vie larvaire, peu après l’éclosion, mais à ce moment seulement, apparaissent, à la base du gros épithélium cubique de l'intestin moyen, de petites cellules qui s'inter- calent entre les éléments larvaires, ou qui s'enga- gent dans la base même des cellules : ce sont les futurs éléments de remplacement qui, longtemps à l'avance (puisque la larve est encore fort petile et éloignée du moment de la nymphose), viennent occuper la place (fig. 3). Cette invasion est presque simultanée, ou tout au moins se produit-elle dans un laps de temps très restreint. Après quelques divisions vite arrêtées, chaque cellule de remplacement devient un ilot de rempla- cement, encastré dans une sorte de crypte, où il reste au repos pendant toute la vie larvaire. Au début de la nymphose, au moment où se produisent la poussée trachéenne et l'histolyse 103% JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT museulaire dont nous avons parlé, les ilots sont pris d’une activité nouvelle : ils prolifèrent, fran- chissent la limite de la crypte, pénétrent sur le territoire de la base des cellules épithéliales lar- vaires. Par suite d'une croissance centripète, il y a rétrécissement de la large lumière intestinale pri- milive : les éléments envahisseurs se rejoignent latéralement en un cylindre imaginal (un anneau sur une coupe transversale). Les limites cellulaires sont alors indistinctes : tandis que la partie supé- rieure de la grosse cellule larvaire, ainsi que son noyau, sont rejetés dans l'intestin, l'anneau ima- ginal s'assimile le territoire qu'il a envahi et orga- nise un épithélium à petites cellules cylindriques régulières *. , Quelle est l'origine de ces éléments de rem- placement? Il est malériellement impossible qu'ils dérivent de l’ancien épithélium. Ils ap- paraissent à un mo- ment bien détermi- né, et leur invasion se fait de l'extérieur. Sont-ce des leucocy- tes? Mais ils sont très £. tes et a donné lieu peu nombreux à ce à des interprétations … stade. — Une obser- diverses. vation lrès attentive Pour les partisans . montre que ces cel- de la métaplasie pro- … lules de remplace- prement dite (Vir-. ment sont, au moins | chow, Baur), il y a à l'origine, en rap- Fig3. — Origine des cellules de remplacement de l'intestin moyen. simplement transfor- port avec de fins tu- bes trachéens, ce qui permet de les consi- dérer comme de véri- tables cellules trachéales modifiées. La localisation des futurs éléments de remplacement coincide donc avec une première poussée trachéenne lar- vaire. La métamorphose n'aura lieu qu'au moment de la dernière poussée trachéenne, au début de la nymphose. Ici encore, il semble probable que les cellules trachéennes, éléments ectodermiques, jouent un rôle essentiel dans l'histolyse et l’histogénèse, jusqu'à servir au remplacement d'une paroi diges- tive. ; En résumé, l’ectoderme, chez les Insectes, fourni- rait seul les Lissus de nouvelle formation au moment de la métamorphose : appendices, muscles (par le moyen des disques ou replis imaginaux, et de leur mésenchyme), rénovation de l'æsophage, du rec- tum, de l'intestin moyen, tubes de Malpighi défi- nitifs, etc. Voir la fig. 12 du précédent article, p- 978. —.E#, épithélium larvaire; ch, son revêtement chitineux interne: m, muscles; ctr, cellules trachéales: 4, tubes trachéens: er, cel. lules imaginales, ou de remplacement (D'après Anglas). L'évolu- tion ultérieure des cellules de remplacement est représentée par la figure 12 du précédent article, p.978. I D'autres éléments nommés œnocytes, d'origine ectodermique également, émigrent dans la cavité générale et se mélent aux tissus conjonctifs. ‘4 L'histogénèse de la métamorphose est, pour ainsi dire, toute ectodermique. ; Des faits analogues de néomorphose de l’inteslin au moyen de cryptes de régénération, ont été décrits: chez les Myriapodes etchez les Crustacés. Bien que l'origine n'en ait pas été élucidée, il est à présumer que, suivant les groupes, elle peut varier, ainsi que nous le verrons pour d’autres groupes, les Bryo= zoaires et les Tuniciers, à propos du bourgeonne= ment. S 2. — Exemple de métamorphose chez les Vertébrés. Evolution du cartilage transitoire. L'ossification qui se produit chez les Vertébrés aux dépens du tissu carlilagineux consti- tue une véritable mé- cité des embryologis- tilagineuse, après un retour à l’état em- bryonnaire et à l'indifférence cellulaire (H. Müller, « Brachet, Kôlliker, Van der Stricht). Pour d'autres, tamorphose, dont la. complexilé a long- temps exercé la saga-. mation de la cellule « osseuseen cellulecar- . la cellule cartilagineuse subit une dégénérescence préalable, et le tissu osseux est un véritable néo- plasme qui se substitue au tissu précédent. Com- ment se fait la destruction du cartilage : est-elle spontanée, est-elle due au conjonctif, provient- elle du périoste, et, dans ce cas, faut-il chercher les éléments deslructeurs dans les myéloplaxes de Robin ou ostéoclastes de Külliker, ou dans les vaisseaux sanguins qui pénétlreraient de proche en proche dans le cartilage sérié, et y produiraient une sorte d'action érosive ? D'où viennent, d'autre part, les ostéoblastes, ces cellules embryonnaires qui se rangent le long des parois directrices, simulant un épithélium ; sont-ce des sortes de cellules lymphatiques, sont-elles réellement amenées par les capillaires venant du périoste, où naitraient-elles des cellules cartilagi- neuses ? tes ation es mins antoréints JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT 1035 . L'opinion la plus classique est celle qui admet là pénétration des vaisseaux sanguins venant du périoste dans le cartilage, l'érosion de la zone dite ER la médullisation, et l'apport des ostéoblastes “Nenant de la couche ostéogène. Il y aurait, d'après Stéphan, pénétration intime du cartilage et de l'os, ais sans qu'il y ait transformalion de l’un dans autre. …joute autre est l'interprétation de Retterer, qui a donné de ces phénomènes une description détaillée et parliculièrement précise, que nous “croyons devoir reproduire ‘. “— On sait que la substance dite fondamentale ou “interstilielle du cartilage n'est autre chose que le résultat de la différenciation des zones proloplas- “niques périphériques des cellules du précartilage. éa capsule à double contour représente la dernière one protoplasmique transformée en substance ondamentale. La cellule cartilagineuse propre- ment dite n'est que la zone périnucléaire granu- Jeuse de plastides fusionnés par leur périphérie. La substance fondamentale est homogène, hyaline : “aucun vaisseau n'y pénètre : elle s'accroit comme toute subslance vivante par intussusception. “ Considérons ce qui se passe dans un os long, en “dessous de l'épiphyse (fig. 4). Les cellules proli- fèrent abondamment suivant une direction paral- “lèle au grand axe de l'os, et constituent le cartilage “sérié. Elles cessent alors d'élaborer la substance fondamentale, et leur protoplasme se modifie dans “toutes ses parties; les mailles du réticulum cylo- “plasmique s'élargissent et dessinent de grandes -vacuoles. Le noyau acquiert un nueléoplasme nou- “veau, landis que la chromatine se fragmente en sphérules refoulées contre la membrane nucléaire. Dans ce cartilage hypertrophié, des sels calcaires “se déposent par infiltration dans la substance fon- damentale des trabécules, d'où le nom de zone calcifée. C'est à ce niveau surtout que réside la difficulté d'interprétation; car, dans les cellules de cette zone calcifiée ou ostéoïde, apparaissent bientôt de véri- tables hématies. Bien que Prenant® considère que la question d'origine ne puisse être définitivement tranchée, la figure que cet auteur donne, dans son Traité, de l’ossification parle en faveur de l'expli- cation de Retlerer, que nous résumons ici. Enfin, un récent travail de À. da Costa Ferreira arrive aux mêmes conclusions *. Le noyau de la cellule hypertrophiée se divise et donne naissance à un tissu réticulé, tandis que 4 RevrERER : Journal de l'Anat. et Physiol., t. XXXNI, 4900 (avec bibliographie sur l’ossification). 2 Trailé d'Histologie, par PRENANT, Bouin et MaAiLLaR», p. 632 à 615. Paris, 1904, Schleicher, éditeur. 3 Mémoires de l'Institut de Coimbre, 1903. l'hyaloplasme de la cellule subit une transforma- tion hémoglobinique. Ainsi se constitue un tissu vasculaire réticulé, par métamorphose de la cellule cartilagineuse elle-même : ce tissu réticulé, en rapport avec les vaisseaux du périchondre, est capable d'élaborer le tissu osseux. IL y a 2yper- plasie du tissu ancien, et médullisation par suite de la résorption des trabécules (fig. 5). Cette résorplion de la substance fondamentale se fait done spontanément, progressivement; c'est une transformation du protoplasme périphérique primitif en relation avec celle de tout le corps cellulaire. Stéphan, d'après l’os- sification chez les Pois- sons, indique également une transformation pro- gressive de la substance fondamentale, quise dé- colore peu à peu, dispa- rait par une sorte de fonte qui ouvre les cap- sules cartiligineuses et produitlamédullisation. Le phénomène est dû à l'activité propre des cel- lules du cartilage. Cette résorption ne peut donc être interprélée que par une autodigestion de la partie périphérique du proloplasme par la zone périnucléaire. Les vais- seauxsanguinsne jouent aucun rôle destructeur Fig. 4. — Evolution du car- dans cette zone,nommée tilage transitoire. — c.s., cartilage sérié:; z. tr. à tort zone d'érosion. Quant aux myéloblaxes de Robin, ou ostéoclas- tes de Külliker, ce sont, dans celte zone hyper- plasiée, des noyaux transformés des cellules hypertrophiées en voie de division, et qui se différencient bientôt en tissu réticulé ou médullaire. En résumé, d'après Retterer, l’évolution du cartilage montre une véritable métamorphose cellulaire, une sorte de métaplasie portant une grave atteinte à la spécificité cellulaire. Sous l'in- fluence de changements nutritifs, le cartilage se transforme en un tissu réticulé et vasculaire, qui élabore lui-même le tissu osseux, formant le tissu zone hypertrophiée (ou cal- cifiée); z. hpl., zone hy- perplasiée (ou des pre- miers espaces médullai- res, ou zone d'érosion); z.oss.,zone d'ossification. (D'après Retterer). ————_—_—_—_—_—__—_—_—_—_—_—_—_—…—……—……—…—…—….…—…——………… 1 Srépyax : Bull. Scientif. France et Belgique, t. XXXVI, 1900. 1036 vasculaire et les ostéoblastes qui les entourent, auxquels l'opinion classique attribue une origine périchondrale; il n'y aurait pas pénétration du cartilage par des éléments venus de l'extérieur, mais métamorphose sur place, et cela sans qu'il v ait de vérilable retour à l'état embryonnaire, comme on l'admet généralement chaque fois que se différencie un tissu de néo-formalion. En tout cas, les ostéoblastes des bourgeons médullaires n'agissent pas comme phagocytes pour résorber les travées de substance fondamentale ; celles-ci disparaissent parce qu'elles participent à l'évolution de la cellule cartilagineuse, et la médul- lisalion de leur contenu est la conséquence de celteévolutionelle- même. Ces conclusions ne sont pas très dil- férentes, au fond, de celles de Schaf- fer, qui, sans ad- mettre la métapla- sie pure et simple au sens de Vir- chow, faisait déri- ver l'os des cellules carlilagineuses. Beaucoup plus simple est l'ossifi- caiion périostique et l’ossification des membranes déjà pénétrées par des vaisseaux san- he . Fig. 5. — Parties agrandies de la figure précédente. — I. Cartilage Hé: guins, el qui cons- hypertrophié, près de la zone de résorption (phalange de cobaye. — ainsi que celle de il: s or II. Côte de chat de vingt et un jours. — II. Côte de Japin à Ja naïs- - œ J " œ titue le plus grand sance. — IV. Côte de chat de vingt et un jours. — ht, cellules hyper- Lang. manque d nombre des os chez trophiées ; l'adulte. hypertrophiée; h. p., cellules hyperplasiées: e, Notons enfin eee que, chez les Té- Dre léostéens, la méta- morphose est double, car non seulement le carti- lage disparait, mais le tissu osseux enchondral subit aussi le même sort, au moins en grande partie : il est remplacé par le tissu osseux péri- chondral, qui s'avance sous forme de travées, et se substilue au précédent. II. — BOouRGEONNEMENT. Nous réserverons le nom de bourgeonnement au phénomène de néoformation d’un individu, qu'il y ait ou non histolyse concomitante. La limite sera parfois arbitraire entre le bour- geonnement el la métamorphose, comme nous allons le voir par ce qui suit. JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT a, cellules à noyau clair; b, cellules transformées, à noyau déformé, très chromatique; tr, trabécule limitant la dernière zone rique clair; », noyau à granules chromatiques nombreux; r, cellules e, un espace du tissu réticulé: g, globule sanguin; f, vais- seau sanguin; y, vacuoles. (D'après Retterer. | ie 2 $ 1. — Hydraires. Les Cœlentérés possèdent à un haut degré à puissance de bourgeonnement. Tandis que . cellules des éléments adultes, dont la croissan est terminée, acquièrent une assez grande dimen sion etune différenciation particulière, on remarque de place en place, des groupes de cellules nota ment plus petiles, d'aspect embryonnaire : ce sol elles qui, disséminées dans l'exoderme, produiron! lors du bourgeonnement (comme de la régénéra tion), les tissus de néoformation". Lang pense que l’exoderme seul fait, pour ains dire, Lous les frais de la néoformation (exodermere endoderme); mai on doit remarquel que l'abondancedi vilellus dans l'en: doderme y rend plus difficiles à couvrir les cellule embryonuaires qui s'y trouvent peut= être ;ellessemblent jusqu'à présent avoir échappé aux invesligalions. La plupartdes auteurs admettent que l’en- doderme régénère l'endoderme, com me l'exoderme ré génèrel’exoderme mais celle opinion, | confirmation direc= te, et la question resle en suspens: cytoplasme périphé- $2.— Phoronidiens Chez ces animaux, dont nous avons déjà parlé propos de l'histolyse, les phénomènes sont plus complexes. Nous avons vu que, dans la larve Acti notroque, le tube digestif seul échappe à l'histo- lyse. Il passe dans une poche endodermique déva ginée, qui forme la nouvelle paroi du corps : les museles de nouvelle formation dérivent de cellules provenant de l'ancienne somatopleure”. $ 3. — Trématodes endoparasites. Lorsque l'embryon cilié a pénétré dans la cavité palléale du Gastéropode qui lui sert d'hôte, sa paro 1 ScHArrFER : Arch. f. mikrosc. Anat., t. XXXII, 1888. ? Roue : C. Rendus Soc. Biol., 1900, p. 439. ‘ interne est le siège d’un bourgeonnementinterne, et ilse forme ainsi des amas cellulaires indifférenciés dont le plus grand nombre dégénèrent. Les quel- ques cellules restantes se localisent en une plaque Ventrale qui évolue en cercaire, larve pourvue d'un appendice caudal locomoteur. 11 se produit donc une multiplication endogène qui, par prolifération d'éléments embryonnaires, substitue à la larve primitive des êtres d'organisation toute différente‘. Plus simples, en général, sont les phénomènes qui se passent dans le groupe voisin des Cestodes, où une région déterminée, en arrière du scolex, bourgeonne les anneaux successifs du Tænia. Mais, chez les divers Plathelmintes, le bourgeon élant formé par des cellules qui n'ont jamais été différenciées, il n'y a guère lieu de poser la question des feuillets. $ 4. — Bryozoaires. Il n’en est pas de même dans ce groupe très spécialisé de Vers Monomérides, dont nous avons décrit la dégénérescence du polypide, aboutissant à la formation du corps brun. L'exoderme et le revê- tement périlonéal seuls ne se sont pas désagrégés. Le bourgeon qui reconstitue un nouveau polypide dérive uniquement de l'exoderme : de celte ébau- che, d'abord compacte et pleine, puis creuse, pro- viennent les leucocytes de néoformation, le mé- senchyme et les tissus nouveaux, à l'édification desquels contribuent, dans l'oozoïte, des éléments mésodermiques *. S 5 $ 5. — Tuniciers. Nul groupe n'a mieux montré que celui des Ascidies combien la théorie des feuillets est inappli- cable au bourgeonnement. Après les travaux de Kowalewsky, Della Valle, Seeliger, van Beneden, les observations plus récentes de Oka, Pizon, Sa- lensky*, Lefèvre‘, Caullery*, ont montré que les processus varient même suivant les groupes. Le bourgeon peut être imaginé comme formé d'un double tube, l’un emboité à l'intérieur de l’autre, dont un faible espace le sépare. Le lube externe vient de l’ectoderme ; le tube interne a une origine différente suivant les types considérés : il est endodermique chez les Perophora, Didemnunm, Clavellina, chez les Pyrosomes, les Salpes, les Doliolides, où il dérive de l'épicarde (Caullery) ; ectodermique et venant du manteau chez le Bo- tryllus. Cest du tube interne que dérive la cavité péripharyngienne du bourgeon. Le système nerveux, pour plusieurs auteurs, Vaxe» et Contre : C. R. Ac. Sc., t. CXXXII, 1901. Cazver : Thèse de la Fac. Se. de Montpellier, 1900. Przon : C. R. Ac. Sc., t. CXIV, 1892, et!t. CXX, 1895. SaLExskY : Mitth. Zool. Stat. Neapel, 1894-1895. CauLLerY : Bull. Scientifique de la France et de la Bel- gique, t. XXVIT, 1895 (avec bibliographie). 1 2 3 4 5 JULES ANGLAS — LES TI ce SO 7: 5 US DI REMPLACEMENT 1037 viendrait du tube interne, auquel on a reconnu, dans la plupart des cas, une originee ndodermique, comme au sac pharyngien lui-même. Et, lorsque le tube interne est ectodermique, le ganglion nerveux l'est également, en même temps que le sac pha- ryngien. Dans tous ces cas, l’activité de prolifération blas- togénique est corrélative d'un retour à l'état em- bryonnaire. Les cellules forment alors de nouveaux organes qui, dans le développement de l’oozoïte, appartenaient à des feuillets différents. III. — RÉGÉNÉRATION. Dans la régénération, la néomorphose est consé- cutive à un traumatisme accidentel (amputation, perte de substance), ou exceplionnellement physio- logique (autotomie). Elle comprend les faits qui vont de la simple cicatrisation jusqu'aux répara- tions de plus en plus étendues, qui aboutissent à la formalion de nouveaux individus. Mais, dans l’origine de l'organe reconstitué, comme dans sa spécialisation ultérieure, il peut, suivant les cas, se produire une homomorphose ou une hétéromorphose. Nous serons très brefs sur ce sujet, l’hétéromorphose de résultat ayant fait l'objet d'une intéressante étude dans cette Revue”. L'homomorphose d'origine, ou homogénèse, sans Ôtre une règle absolue, est cependant plus fré- quente que l'hétérogénèse, surtout si l'on étend le terme d'homogénèse à la régénération aux dépens du même feuillet embryonnaire, alors qu'elle ne se ferait pas dans le même tissu”. ÿ 1. — Homomorphose d'origine, ou homogénèse. Les Hydraires, déjà bien étudiés par Lœb° au point de vue de l'hétéromorphose de résultat, ont fait de la part de Stevens l'objet de nouvelles recherches histologiques ‘. Chez le Tubularia me- sembryanthemum, cet auteur a constaté l'active division des cellules ectodermiques et endoder- miques, sans participation spéciale des cellules interstilielles. Les granules pigmentaires rouges, déjà signalés dans les lroncons en régénéralion, ne sont que les masses de rebut et sont éliminés ultérieurement *. 15 u EE 1 À. Laggé : L'hétéromorphose en Zoologie. Jiev. gén. des Sciences, 30 juillet 1897, p. 589. 2 MonGax : Régénération. New-York, Macmillan et C, 1901 (avec bibliographie). DELAGE : Année Biologique pour 1901. Régénération, p. 172 avec bibliographie). Drrsscu : Arch. f. Entw. Mech., 1895 à 1901; voir le détail in MorGaw, loc. cit., p. 296. 8 Lors : Voir in Moncaw, p. 302, et Am. Journ. of Phy- siol., t. IV, 1900. 5 Srevens : Arch. {. Ent. Mech., &. XIII, 1901, p. 450. 5 Pour la régénération chez les Hydraires, voir également 1038 Les règles de l'embryogénie normale sont encore applicables à la régénération chez les Ophiures. D’après Dawidoff *, les nouveaux organes du bras régénéré sont des prolongements des anciens (appareil ambulacraire, cavité générale), ou tout au moins ils sont formés par les mêmes feuillets ger- minatifs : le système nerveux provient de la dé- lamination de l’ectoderme; les muscles du méso- derme épithélial de la cavité générale, etc. Chez les Arthropodes, Hirschler* a fait des expé- riences de régénération sur des nymphes de Lépi- doptères; comme on pouvait s’y attendre, l'hypo- derme joue un grand rôle dans les phénomènes de réparations: rectum et conduits génilaux sont normalement d'origine ectodermique et sont régé- nérés par le même hypoderme, auquel nous avons vu jouer un rôle prépondérant dans la métamor- phose. Le système nerveux est réparé en partie par l’ancien, en partie par des éléments hypodermiques complémentaires. Des études de Morgan et de Stevens sur les Tur- bellariés (Planaria lugubris), il résulte également que, dans la régénération après traumatisme, l’ec- toderme provient encore de l’ectoderme, et le nou- veau pharynx se forme aux dépens de l’ancien. Il faut noter, toutefois, une active multiplication des cellules parenchymatleuses et la production de cellules embryonnaires aux dépens desquelles se différencient les myoblastes et divers éléments, glandulaires ou nerveux. Mais il est très difficile d'affirmer qu'au milieu des migrations cellulaires qui se produisent, la constance et la spécificité des feuillets restent assurées. D'une manière générale, la même constance se retrouve chez les Vertébrés. Les Batraciens Urodèles et les Lézards, parmi les Reptiles, ont été l’objet des recherches de Towle *, de Fraisse‘, de Bar- fürth *, etc. Les muscles redonnent les muscles, la couche de Malpighi, la peau, l'épithélium épendymaire et le système nerveux. Bien que le périoste soit l'organe régénérateur essentiel du tissu osseux, le cartilage el l'os, d'après Wendelstadt”, se régénèrent égale- ment aux dépens de cellules osseuses et cartilagi- neuses préexistantes. Seule, la chorde dorsale semble faire exception. PSE | RRENN Lu BicLarD, Bull. Museum d'Hist. Nat., 1902, n° 5, p. 345, et Thèse de la Faculté des Sciences de Paris, juin 1904. ! Dawinorr : Zeitsch. f. wiss. Zool., t. XLIX, 1900. = HiRSCHLER Anatom. Anzeiger, t. XXIII, 45 bre 1903. # TowLe : Biol. Bull., t. II, 1901. * Fraïsse : Die Regeneration von Geweben. Kessel u. Berlin, 1885. * Barrurra : Ergebnisse Anat. u. Entwick., Merkel u. Bonnet, 1891-1900. 5 Wenvecsraot : Régération des os et des cartilage s. Arch. mikr. Anat., . LVII, 1901. octo- JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT L'ancienne notochorde ne reforme rien, et sa rêg nération elle-même varie d'après le deg ré de déve loppement des tissus. D’après Barfürth, tout tissu possède un certain pouvoir de régénération, ma variable suivant son degré d'évolution. | La régénération des glandes est une hyperplasie et non une néoformation. La cicatrisation etla régénération des muqueuses et de ia peau ont élé bien étudiées par Cornil épithélial qui, gagnant latéralement, grâce à mulliplication cellulaire, vient reconstituer l'épis derme détruit. Dans le cas d'une muqueuse, d'ur canal tel que l’uretère, les choses sont un peu pl complexes: Sur le caillot fibrineux cicatricie glissent d'abord les cellules de la muqueuse, puis traumatisé. Enfin, une abondante multiplication cellulaire complète le processus de régénération homomorphique. $ 2. — Hétéromorphose d'origine, ou hétérogénèse C'est dans le groupe des Vers qu'ont été rencon trées les principales exceptions à l'homogénèse des tissus de régénération. Il est vrai que chez l'A/lolo= Dbophora, d'après Kræber, le nouveau pharynx dem l'individu amputé vient de l'endoderme, et que“ Rievel ? a décrit, chez les Oligochætes, la régéné- ralion de l'intestin aux dépens de l'intestin lui- même. Néanmoins, les recherches de la plupart des auteurs, Semper, Hepke*, Michel‘, von Wagner”, Herscheler*, mettent en évidence le grand rôle joué par l’ectoderme dans la régénération. C'est lui qui constitue le bourgeon allant rejoindre l'in- testin, chez les Naïdes; il se creuse ensuite d'une lumière centrale et donne non seulement les or- ganes épidermiques et ectodermiques (ganglions nerveux), mais aussi les muscles et le conjonctif sous-culané. Les Vertébrés offrent le curieux exemple de la régénération du cristallin, chez les Urodèles, aux dépens du bord supérieur de l'iris. Le phénomène se produit à la lumière comme à l’obscurité, et commence toujours par le même point d'élection du bord pupillaire, alors même qu'on a réussi à maintenir les animaux sur le dos pendant fort long- temps : le facteur pesanteur n’a donc pas l’impor- lance qu'on serait lenté de lui accorder tout ! P. Carnor : Les régénérations d'organes, Paris, 1900. ? Rive : Zeitsch. für wiss. Zool., 189,6. * Herkx : Zool. Angeïiger, 1896. * Micuec : Bull. Sc. France et Belgique, t. XXXI, 1890. 5 Von WaGxer : Zool. Jahrbucher, t. XIII, 1900. ® HERSCHELER : Jenaische Zeitschrift, AS98. JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT 1039 d'abord. C'est ce qui résulte des expériences de Fischel et de Wolff sur la Salamandre et le Triton ‘. La lésion de l'iris n'est même pas néces- saire pour provoquer le processus régénérateur. Nous mentionnerons pour mémoire la théorie de M. de Rouville* par laquelle, dans les divers grou- pes zoologiques, les épithéliums seraient la forme limite des tissus conjonctifs, ce qui impliquerait une indifférence presque complète de certains élé- “inents mésodermiques et leur aptitude à une véri- table métaplasie. Prowazek * est arrivé à la même conclusion en étudiant la régénération de la queue des Urodèles : “es cellules conjonctives amiboïdes formeraient l'épithélium. Au reste, par suppléance fonclionnelle, une régé- “nération, ou mieux une réparation, peut se produire “aux dépens d'organes fort différents. C'est ainsi que “ Cornil et P. Carnot ont pu, après résection de la vessie chez des Mammifères, obtenir une répara- tion aux dépens du grand épiploon. Ces faits doivent être rapprochés de la formation des néarthroses, ou encore de la placentalion anor- male de l'œuf, qui peut se greffer sur une trompe ou même sur le péritoine. Il paraît bien établi que ces divers processus de régénération sont sous de multiples influences, bio-mécaniques, d'une part, ontogéniques et phy- logéniques d'autre part: mais il serait faux de penser que, d'une manière générale, tel ou tel de ces facteurs prédomine sur les autres. Pour Fraisse, qui a spécialement éludié la régénéralion chez les Sauriens, il y aurait répétition de l'ontogénie et non de la phylogénie. Au contraire, les expériences de Bordage ‘ sur les Phasmides et les Blattides montrent des régénérations hypotypiques : les ap- pendices, normalement pentamères, sont létra- mères après régénération, et Giard ”, qui à attiré l'attention sur ce point, y voit un rappel phylogé- nétique. La part des influences bio-mécaniques est évi- demment considérable et peut expliquer la diffé- rence des processus régénérateurs, par rapport au processus formateur primitif. Nous avons vu toutefois, dans la régénération de l'iris, une preuve qu'il n'était pas toujours possible de remonter directement à une cause mécanique immédiate, même lorsqu'elle paraissait presque évidente. 1 FISCHEL : Anat. Anz., 2 De ROUVILLE : pour 1900, p. 158). # Prowazek : Arb. Zool. Inst. # BorpaGE : C. R. Soc. Biol., Soc. Entomol. de France, 1901. 5 Grarp : Greffe et Régénération. C. R. Soc. Graro : Sur les régénérations hypotypiques. Biol., 1897. t. XIV, 1898. Thèse Fac. Sc. Paris (Année biologique Wien., t. II, 1897, 1898, 1899, 1901. et Bull. Biol.. 1896. C.R. Soc. Le système nerveux joue, d’ailleurs, un rôle con- sidérable dans ces phénomènes; chez les Oligo- chètes, si l’on détruit les anneaux antérieurs, et de plus la chaine nerveuse ventrale sur une cer- taine étendue du segment postérieur, la régéné- ration ne se produit en avant qu'à partir de la zone où le système nerveux est conservé (Morgan). Des résultats analogues ont été obtenus chez les Tur- bellariés et chez les Batraciens. $ 3. — Tumeurs. L'étude des tumeurs trouverait sa place dans le sujet si vaste des tissus de néoformalion.. Nous en dirons seulement quelques mots pour rappeler que Bard en a tiré un deses principaux arguments en faveur de la spécificité cellulaire absolue, dont il est un partisan convaincu !. Tous les tissus peu- vent, sous des influences excitatrices encore mal connues”, échapper à l'équilibre qui règne dans toule croissance normale, et donner lieu à un néo- plasme. Les éléments cellulaires acquièrent une puissance de prolifération pour ainsi dire indéfinie, avec désorientalion des plans de division, ainsi que l'a montré Fabre-Domergue, d’où leur extension sur place, et, dans certains cas, la prolifération à distance. Cette suractivité vitale est particulière- ment intense pour les cellules conjonctives restées embryonnaires (sarcomes), et pour des éléments d'origine épithéliale (épithéliomas, carcinomes, etc.); mais elle se retrouve aussi bien dans le con- jonctif adulte que dans les tissus musculaires, car- tilagineux, osseux, sanguins, etc. Elle peut et doit être considérée comme l'indice d'un retour à l'état embryonnaire : la grande majorité des ana- tomo-pathologistes sont d’accord sur ce point. Quand le néoplasme est particulièrement enva- hissant, il ne se borne pas à exercer sur les tissus voisins une compression mécanique : la capsule conjonctive adventice qui l'entourait se rompt, et, dès lors, la tumeur se propage par infillration, en particulier par la voie lymphatique. Le tissu néoplasique (sarcome, carcinome) se substitue au tissu envahi, lequel se trouve étouffé et finale- ment— au moins en partie — résorbé par une véri- table lyocytose; à sa faculté de prolifération, la tu- meur joint celle d’une active propriété digestive. Bard interprète de la manière suivante l’origine des tumeurs : une cellule jeune échappe à l'in- duction modératrice qui s'exerce sur elle par l’en- semble du tissu ambiant, par suite d’une malfor- mation initiale : il en résulte une prolifération sans frein, véritablement anarchique, une révolte contre ! Baro : noie ? Revue annuelle de Zoologie. Rev. gén. 1903, t. XIV, p. 615. Le spécificité cellulaire. Scientia, série biol., des Sc., 15 juin 1040 la collectivité. Mais en quoi consiste cette malfor- malion initiale, et quel sens précis cachent ces images ? Le fait des épithéliomas branchiaux du cou, des néoplasmes paraovariens aux dépens de l'or- gane de Rosenmüller, etc. ", semble montrer qu'il s'agit d'organes embryonnaires, non disparus en- tièrement et restés comme lels, constituant pour tout l'organisme une menace au milieu de tissus plus différenciés. Il se produirait pathologiquement une substitution rappelant ce qui se passe au cours des métamorphoses (intestin des Insectes, etc.); le tissu adulte peut être envahi et remplacé par un tissu d'origine absolument différente *. IV. — RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. Mais il faut nous borner, car l'étude de la réno- vation des tissus comprendrait bien d'autres ques- tions : la greffe, la mérogonie‘, et finalement toute la Biologie et la Pathologie cellulaire; or nous avons eu surtout en vue de donner quelques exemples de la variété des processus histologiques qui accompagnent les métamorphoses et les régé- nérations des tissus. Le groupe des Insectes nous a présenté un enchai- nement complet des divers modes de l'histolyse, depuisla simple régression chimique, l’action cellu- laire à distance, jusqu'à la digestion phagocytaire : l'histogénèse elle-même peut n'être qu'ure suite de l'accroissement, une rénovation ou une substi- tution plus ou moins complètes, même aux dépens d'éléments nouveaux, exogènes, et d'origine diffé- rente : ce dernier cas est, du reste, le plus rare. Même variété parmi les Vertébrés, pour lesquels, dans l'histolyse comme dans la défense de l'orga- | nisme, l’action humorale et l’action phagocytaire peuvent être prépondérantes l’une ou l’autre, sui- vant les cas. — L'ossification du cartilage peut être considérée comme une véritable métamor- phose, offrant l'exemple curieux d’une sorte de mélaplasie, de (transformation cellulaire d'un tissu déjà différencié. Variété dans les processus d'histolyse comme dans l’origine des tissus de remplacement, telle est encore la conclusion à tirer des métamorphoses ou du bourgeonnement chez les groupes les plus divers (Bryczoaires, Tuniciers, Vers, etc.). * Orr. Muzcer : Formation de tumeurs cartilagineuses aux dépens de restes isolés pendant l'ostéogenèse.Arch.Ent. Mech., t. VI, 394-452, 1898. # Braun : Critique de la théorie des feuillets. Biol. Cen- tralbl., t. XV, 1895. * Dececre. Arch. Zool. expérimentale, 1899. JULES ANGLAS — LES TISSUS DE REMPLACEMENT Quelques faits, cependant, se dégagent avec net- teté des observations nombreuses fournies par les métamorphoses, le bourgeonnement et la régéné= ration. Chez les animaux inférieurs (Echinodermes, Spongiaires, Cœlentérés, Mollusques marins), Il processus phagocytaire a la prépondérance. Ch des êtres à milieu intérieur plus différencié et s'é cartant davantage de la composition marine origi- nelle ‘, l'action humorale, qui n’est en somme qu'une action cellulaire à distance (lyocytose), prend à son tour plus d'importance. À Les tissus de néoformation ont le plus souvent leur origine dans le lissu ancien correspondant: mais cette règle est loin d’être absolue. L'exoderme a, dans presque tous les groupes, et notamment chez les Insectes et chez les Vers, un rôle régéné rateur prépondérant. Ë Tout tissu conserve pendant un temps plus ow moins long son pouvoir de régénération. Les cel- lules nerveuses le perdent de bonne heure, bien. qu'elles se divisent encore, chez les Insectes, pen- dant la période nymphale. La spécificité cellulaire ne saurait être érigée en. ux dogme absolu, car, s'il est vrai qu’elle est prali- quement la règle, elle lient sans doute à l'aptitude ancestrale de tout tissu à maintenir sa spéciali- sation. Mais l'être vivant possède une plus grande plasticité; et, sous l'influence de causes nutritives, bio-mécaniques, le résultat final peut êlre réalisé. par des moyens qui mettent en défaut une doctrine trop absolue. Au reste, les tissus de néoformation ont toujours un caractère embryonnaire de petitesse dans la structure cellulaire et d'indifférenciation, qui les fait reconnaitre. Enfin, sur des tissus en voie de développement, les causes extérieures agissent constamment et y produisent des modifications qui peuvent les écarter plus ou moins du type primitif. L'heure n'est pas encore venue — si elle doit venir — des formules très compréhensives et tout à fait générales. L’effort des naturalistes s'exerce d'une manière beaucoup plus fructueuse en ana- lysant les faits eux-mêmes, en les serrant de plus près, en se gardant, avant tout, de les considérer au travers d'une théorie qui, malgré la sincérité des observateurs, déforme les résultats, et les rend inutilisables ou moins fructueux pour la connais- sance de la vérité. Jules Anglas, Docteur ès sciences, Préparateur de Zoologie à la Sorbonne. I 4 Quirox : Revue des Idées, n° 3, 15 mars 1904. P. CHALEIL — L'UTILISATION DES VAPEURS D'ÉCHAPPEMENT 1041 Des publications techniques ont été consacrées déjà à l’utilisation des vapeurs d'échappement par le procédé imaginé par M. Rateau, au moyen de l'accumulateur-régénérateur et de la turbine à basse pression. L'auteur de ces lignes se propose de rappeler succinctement les caractéristiques principales de ce système, en insistant principa- lement sur l'opportunité de l'appliquer dans le cas d'une condensation centrale déjà existante, et sur la nature des services que peut rendre la turbine à basse pression malgré sa liaison, en apparence abso- lue, avec le moteur dont elle utilise la vapeur de décharge. Le principe du procédé con- siste à recueillir la vapeur telle qu'elle se présente à l'échap- pement des machines, avec ses irrégularités et ses intermit- tences, pour la transformer en un courant régulier, susceptible d'alimenter ensuite un moleur secondaire à basse pression. L'intérêt du problème, qui a élé L'UTILISATION DES VAPEURS D'ÉCHAPPEMENT de produire théoriquement 600 à 700 chevaux pour la mine en question, et près de 2.000 chevaux pour l'aciérie. Deux difficultés s'opposent à la récupération rationnelle de cette énergie perdue : d'une part, les intermittences dans l'échappement ; d'autre part, l'impossibilité de faire travailler la vapeur à la pression atmosphérique, dans une machine à pistons, avec un rendement pratique- ment admissible. M. Rateau a trouvé le moyen de résoudre la difficulté : 1° par son accumulateur, qui transforme en un flux con- tinu le courant de vapeur, mal- gré les défectuosilés et les ar- rêts complets qui se produi- sent dans l’échappement du moteur primaire ; 2° par la Lur- bine à basse pression, qui a la précieuse qualité de conserver un excellent rendement lors- qu'on l’alimente avec de la va- peur à une pression voisine de l'atmosphère. I. — ACCUMULATEUR. résolu sur ces bases par M. Ra- teau, est considérable. Il suffit, en effet, de regarder, même de loin, fonctionner une de nos nombreuses usines, mines ou aciéries, pour s'apercevoir de la quantité énorme de vapeur qu'elle rejette continuellement dans l'atmosphère. Malgré les progrès faits, en ces dernières E années, dans les applications 20 de la condensation, beaucoup Fig. 1. de nos grosses machines de mines ou d'aciéries (telles que celles qui servent à l'extraction, au laminage, à l’actionnement des presses et des pilons) sont encore à échappement libre, cela à cause de leur mode particulier de fonctionnement et des difficultés spéciales qu'on éprouve, par suite, à leur appliquer la condensalion. Une machine d'extraction du type ordinaire, échappant à air libre, consomme en moyenne de 5.000 à 6.000 kilogs de vapeur par heure, et il n'est pas rare de rencontrer des machines de lami- noirs qui dépensent jusqu'à 20.000 kilogs de vapeur par heure. Cette quantité de vapeur rejetée dans l'atmosphère serait encore capable (en lutilisant telle quelle jusqu'au vide d'un bon condenseur) D, arriv REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. — Accumulateur de vapeur à pla- teaux de fonte (coupe longitudinale). — ivée de la vapeur; F, canal cen- : E, sortie de la vapeur. | L'accumulaleur est fondé sur les échanges de chaleur qui se produisent entre la vapeur et les parois métalliques, et sur les propriétés spéciales des va- peurs et des liquides saturés. Sous une pression et à une température déterminées, ces deux fluides, composés des mêé- 15° mes molécules, se maintiennent dans un équilibre réciproque tel que toule variation de leur cha- leur totale, produile par une cause étrangère, cntraine la transformation de l’un dans l’autre, avec absorp- tion ou abandon de la chaleur latente corres- pondante. Suivant ce principe, lorsque la vapeur arrive en excès dans l’accumulateur, elle se condense en partie et se transforme en eau saturée. Lorsque, au contraire, l’arrivée de vapeur se ralentit ou cesse, l'abaissement de pression qui se produit dans l’accumulateur, à l'appel constant &e la tur- bine, amène la ruplure d'équilibre indispensable à la transformation de l'eau saturée en vapeur. Ces échanges sont, pour ainsi dire, instantanés, et les variations de pression nécessaires sont 92+* 1042 P. CHALEIL — L'UTILISATION DES VAPEURS D'ÉCHAPPEMENT praliquement très faiblest. Onest, d'ailleurs, maître ! de ces variations par le poids des malières ren- fermées dans l'accumulateur et par le réglage des soupapes d'échappement. L'eau, qui a une capacilé calorifique considé- rable, étant très mauvaise conductrice de la chaleur, il était de toute nécessité, pour que les échanges de température pussent se faire rapidement, que ce liquide fut étalé en nappes minces, ou bien qu'il eût, en présence de la vapeur, une très active circulation. C'est d’après ce premier principe qu'a été construit l’accumulateur à plateaux de fonte, et suivant le second qu'a été conçu l'accumulateur à eau seule. L'accumulateur à plateaux de fonte (fig. 1) con- Arrivée de vapeur : , ÉCern es 27 on J | À siste en une ou plusieurs cuves cylindriques en tôle horizontales ou verticales, renfermant un empilage de plateaux en fonte F remplis d'eau. La vapeur arrive par D et se distribue aux cuvettes par le canal central F. La disposition en chicane oblige la vapeur à passer par les interstices laissés entre les cuvettes. Le courant de vapeur régularisé s'échappe par E. Pour éviter les pertes par rayon- nement, les cuves sont entourées d'un calorifuge. L'appareil est complété par un purgeur auloma- tique, qui évacue l’eau condensée. et par un décan- teur d'huile. L'accumulateur à eau seule (fig. 2) est formé d'une chaudière cylindrique horizontale, en grande partie pleine d’eau, à l’intérieur de laquelle sont disposés plusieurs gros tuyaux horizontaux A de section elliptique, allant d'un bout à l’autre de la 4 Voir les courbes de décharge des accumulateurs fig. 3). — Accumulateur de vapeur à eau (coupes longitudinale et transversale dière; B, espaces intertubulaires : L, chaudière et laissant entre eux des espaces intertu= bulaires B. La vapeur pénètre dans les tubes À et s'échappe violemment dans les espaces B par u grand nombre de petils orifices percés dans Jeu: parois iatérales : le mouvement de l’eau se produit dans le sens des flèches; des tôles L, placées au- dessus des espaces intertubulaires B, brisent le courant liquide et empêchent les projections. flux de vapeur provoque une émulsion intense dt liquide et réalise ainsi la circulation énergique d l'eau, dont nous avons exposé la nécessité. Lorsque la machine primaire s'arrête, l’eau abandonne Ja chaleur latente qu’elle a absorbée, et la vapeur se dégage d'une façon régulière. k Les courbes (fig. 3 et 4) prises sur les appareils Valve déchappeme à l'almosphere ]} — A, tuyaux horizontaux de la chau tôles empêchant les projections. en marche montrent la façon dont s'effectuent, en TABLEAU I. — Consommation des turbines | à basse pression. PRESSION D'AMONT PRESSION service courant, la mise en charge et le décharge- ment de ces accumulateurs‘. —_—_—————— —— Voir « Utilisation des vapeurs d'échappement par l'emploi combiné d'accumulateurs de vapeur et de turbines à condensation », par A. Rareau (Bulletin de la Soeïété de l'Industrie minérale, 4e série, tome Il, 1re livraison, 1903; Génie Civil, tome XLIV, no 19, 1904). teur va alimenter la turbine à basse pression. Pour Putilisation des vapeurs d'échappement, une tur- convenir, mais M. Rateau a étudié un type plus Spécialement adap- P. CHALEIL — L'UTILISATION DES VAPEURS D'ÉCHAPPEMENT 1043 ine d'un système quelconque peut évidemment | ®'Le courant de vapeur régularisé par l’accumula- | voir : 6.000 kilogs pour une machine d'extraction de puissance moyenne et 20.000 kilogs pour un train de laminoir, il résulte qu'en déduisant de ees quan- tités 20 °/, pour la condensation dans les machines primaires (tuyauteries etaccumulateur), la puissance récupérable par la à ce cas. Malgré turbine serait de _Jaliaison très étroile qui existe entre l'ac- 310 à 320 chevaux électriques pour la cumulateuretla lur- mine et de 1.000 à “bine à basse pres- 1.200 chevaux élec- Sion, etl'intérêttrès triques pour l’acié- grand que présente, rie. F: particulier, la urbine Rateau pour IL. — CONDENSATION. notre étude, nous Les installations où la condensation centrale existe déjà tion, afin de rester sont spécialement dans le cadre res- favorables à l’appli- treint de cet article. cation du dispositif Nous nous propo- accumulateur - tur - sons, d'ailleurs, de bine. En effet, mal- revenir ultérieure- gré le bénéfice im- CA . mentsur celle ques- tion très impor- portant que la con- densation procure tante dansuneétude aux machines inter- sur les turbines à mittentes, certaines vapeur. particularités, inhé- Pour l'intérêt de rentes à leur mode notre sujet, nous de fonctionnement, donnous(page 104%) lesempêchentdere- un tableau qui ré- tirer de la conden- sume les consom- sation les mêmes malions qu'on peut aisément réaliser avec ces turbines à basse pression, d'a- Fig.3.— Diagramme des variations de pression dans un accumulateur eu service. FE Porremans Te avantages que les moteurs à marche continue. Les ma- chines d'extraction près la pression de la vapeur d'alimen- d£ tation el selon le ou de laminoirs, et } “ ke la, CAT NPC x : Ë afcuyny 2 Le TE 0727) aline A ayant à prod uire à certains moments degré de vide de la » (démarrages ou condensation. À commencement des Au point de vue passes) des efforts FPorremans Ye pralique, il y a lieu de retenir que les turbines alimentées par dé la vapeur à la pression atmosphérique, avec un vide couramment réalisé de 66 centimètres de mercure, et pour des puissances variant de 300 à 500 chevaux, produisent le cheval électrique avec une consommation de 15 à 16 kilogs de vapeur par heure. Si nous reprenons les quantités de va- peur que nous avons signalées, en tète de cel article, comme perdues dans l'atmosphère, à sa. Fig. 4. — Autre diagramme de pressions. considérables, ont nécessairement des cylindres de très grandes dimensions. Il en résulte que les con- densations dans les cylindres prennent, pour ces machines, une imporlance beaucoup plus grande que pour les machines ordinaires. Or, par la nature même de leur travail, à la fin de chaque cordée comme à la fin de chaque passe, ces sortes de moteurs marchent par vitesse acquise, ; sans vapeur. Le vide du condenseur se fait, par 104% P. CHALEIL — L'UTILISATION DES VAPEURS D'ÉCHAPPEMENT conséquent, sentir dans les cylindres mêmes, ce qui amène un abaissement rapide de leur tempé- rature. Si l'on ajoute à cela l'arrêt, qui est une cause supplémentaire de refroidissement, on comprend aisément que les cylindres soient le siège de condensations importantes lorsque la vapeur vive est introduite de nouveau dans la machine. L'application des enveloppes de vapeur n'obvie qu'imparfaitement à cet incon- vénient. De plus, il y a lieu d'ajouter que, dans nombre de cas, l'application de la condensation aux machines des trains de laminoirs, en particulier, a diminué leur docilité. Les obturateurs sont, en effet, très difficilement tenus étanches et l'on a souvent observé que, sous l'influence du vide, la machine continue parfois d'elle-même son mouve- Crois A troie. exactement dans la même situation que si € continuait à échapper à l'air libre. Elle ne perd, p conséquent, rien de sa docililé primilive. En out la turbine ayant un rendement excellent à bas pression, le bénéfice qu’elle peut procurer au poi de vue de la consommation totale de vapeur € très supérieur à celui que donne la condensatio seule. Quelques chiffres établiront, mieux que di raisonnements, la comparaison entre les deu genres d'installation. Supposons, par exemple, qu'une quantité 8.000 kilogs de vapeur, prise par heure aux cha dières, produise un certain travail dans un motea primaire quelconque. Si nous appliquons à ce m6 teur la condensation (en supposant un bénéfice € 16 °/,),le même travailn’exigera plusqu'une dépens " p ru Fi celte. ig. 5. — Installation d'accumulateur de vapeur sur condensation centrale déjà existante aux aciéries Poensgen à Dusseldorf. ment, ou se met en marche seule, ce qui enlève beaucoup de précision à la manœuvre des trains. On peut parer, il est vrai, en partie, à ce grave défaut, en amenant automatiquement la vapeur vive derrière les cylindres à la fin des passes, de facon à faire tomber le vide derrière les pistons de la machine. Il n’en est pas moins évident qu'il y a là un inconvénient sérieux, et en tout cas une perte notable de vapeur vive. Toute déduction faite des purges et des pertes quelconques qui se produisent dans la machine, l'expérience montre que le béné- fice de la condensation sur les machines intermit- tentes n’est guère supérieur à 15 °/,. Si, pour des ‘installations spécialement favorables, et avec des pompes à air très importantes, l'économie peut momentanément atteindre et dépasser même 20 °/,, il n'en est pas moins acquis que l'économie totale reste généralement inférieure à 45 °/,. Avec l’accumulateur et la turbine, une grande -parlie des inconvénients signalés ci-dessus ne sont plus à redouter, puisque la machine est laissée d'environ 6.700 kilogs de vapeur, laissant ainsi disponibles aux chaudières 1.300 kilogs de vapeur par heure. Pour donner à cette quantité de vapeur économisée son maximum d'effet utile, supposons. qu'on l'emploie dans un excellent moteur, pou produire, par exemple, de l'électricité. Ce moteur, dans de bonnes conditions de pression et de vide, fournira le cheval électrique avec une dépense d'environ 7 à 7,5 kilogs de vapeur par heure. Les 1.300 kilogs économisés aux chaudières, sans tenir compte des condensations qui se produiront: depuis les chaudières jusqu’au moteur en question, fourniront de 170 à 185 chevaux électriques. Appliquons maintenant le système accumulateur- turbine : le moteur primaire continuera à consom- mer 8.000 kilogs de vapeur par heure. Ces 8.000: kilogs. en défalquant 20 °/, pour les purges eb perles diverses par condensation, depuis les chau- dières jusqu à la turbine, fourniront à cette der- nière environ 6.400 kilogs de vapeur à la pression atmosphérique. Avec une dépense de 15 kilogs par P. CHALEIL — L'UTILISATION DES VAPEURS D'ÉCHAPPEMENT 1045 — cheval-électrique (consommation couramment réa- lisée en pratique), on récupérera à la turbine 495 chevaux électriques. On voit donc bien que Vaccumulateur et la turbine donneront un bénétice qui sera supérieur au double de celui que donne la condensation seule. Comme conséquence de cet avantage, on peut noter que la plupart des installations Rateau, en Construction actuellement, sont faites sur conden- sation centrale déjà existante. La figure 5 montre l'installation des aciéries Pœnsgen, à Dusseldorf, qui est exécutée dans ces conditions. En outre du bénéfice ci-dessus indiqué, il y a lieu de remarquer que le groupe de récupération fonctionnera naturellement sur le condenseur déjà existant, tandis que l'installation d’un groupe à vapeur vive exigera généralement l'établissement d’un condenseur spécial. De plus, par suite de la régularité que donne l’'accumulateur au courant général de vapeur, la qualité du vide au conden- seur se trouvera sensiblement augmentée, ce qui est encore un bénéfice appréciable pour la turbine. Enfin, il estinutile d'insister sur la difficulté très grande qu'on éprouve, avec la condensation seule, à maintenir étanches les longues canalisations qui réunissent les machines au condenseur central. Avec le système Raleau, c'est là une sujélion qui disparait totalement, puisque la vapeur circule dans les tuyauteries à une pression qui est voisine de celle de l'atmosphère et qui peut même, sans in- convénient pour le rendement total de l'installa- tion, être tenuelégèrement supérieure à la pression atmosphérique. III. — INDÉPENDANCE DE LA MACHINE PRIMAIRE ET DE LA TURBINE A BASSE PRESSION. Pour que la récupération puisse donner des ré- sultats industriels pratiques et véritablement éco- nomiques, il faut, de toute nécessité, réaliser l’in- dépendance absolue entre le moteur primaire et la turbine, de facon que chacune de ces machines puisse travailler séparément dans les conditions économiques les plus favorables, sans gène réCi- proque. Cette indépendance est assurée, d’une façon totale, par la valve d'échappement de l’accumula- teur et par l'alimentation automalique de la turbine en vapeur vive. 1° Valve d'échappement. — La valve d'échap- pement, représentée par la figure 6, est destinée à évacuer, à l'air libre ou au condenseur, la vapeur en excès, quand le moteur primaire fournit une quan- tité de vapeur supérieure à celle qui est nécessaire à l'alimentation de la turbine. La valve est réglable à la main au moyen d'un ressort, de telle sorte qu'on peut faire varier à volonté la pression dans l'accumulateur et, par suite, la pression de la va= peur qui alimente la turbine. Il en résulte que si, à un moment donné, la turbine ne doit fonctionner qu'à faible puissance, on déchargera la soupape au- tant qu'il sera nécessaire, de façon à établi dans l'accumulateur, et par suite dans toute la canalisa- lion où circule la vapeur, une faible pression. La turbine fonctionnera ainsi à la puissance qui lui est strictement demandée par les besoins de l'usine, et l'on fera en même temps bénéficier les ma- chines primaires d'un vide important, ce qui diminuera d'autant leur consommation de vapeur. En se reportant au lableau I, on se rend compte que,mèmeavec une pression d'alimentation égale à une de- mi-atmosphère absolue, il est encore possible de produire à la turbine le cheval électri- que avec une dépense d’en- viron 20 kilogs de vapeur à l'heure. 2* Alimenta- lion autcmali- que. — Il peut arriver que la demande en va- peur de la tur- bine soit supé- rieure à celle qui lui est fournie par les machines primaires. Un détendeur de vapeur réglable à la main laisse alors arriver automatiquement la va- peur vive des chaudières. Bien que la détente subie par la vapeur vive se traduise par une perte de travail, on remarquera que, dans bien des cas, cela n'aura pas d’inconvénient, Car ces appels de vapeur vive à la turbine correspondront à des moments où, par suite de l'arrêt momentané des machines pri- maires, les chaudières seront en surchage ou même échapperont à l'atmosphère. De plus, la détente communique une certaine surchauffe à la vapeur, ce qui diminue, dans une certaine mesure, la con- sommation totale de la turbine. Mais, si les arrêts en question sont importants, et si, comme cela se produit communément dans les mines, la turbine doit fonctionner, par exemple, toute la nuit, alors que la machine primaire est complètement arrêtée, cette marche par détendeur deviendrait onéreuse. On a recours alors au procédé suivant, dà à M. Rateau: la turbine à basse pression Fig. 6. — Valve d'échappement à l'atmosphère. 1046 est complétée par un corps de turbine à haute pression, destiné à recevoir la vapeur venant direc- tement des chaudières : cette vapeur se rend en- suite à la turbine à basse pression qui utilise ainsi indifféremment, soit la vapeur venant de l’accumu- lateur, soit l'échappement du premier corps. Ce groupe de deux turbines, qui, pour les faibles puis- sances, ne comporte qu'un seul corps, doit être con- sidéré comme une machine ordinaire à haute pres- sion, disposée pour recevoir à tout moment, et utiliser de la meilleure manière, la vapeur de dé- charge d'un moteur primaire. On comprend aisé- ment qu'une telle machine fonctionne continuelle- ment dans les conditions les plus avantageuses. Avec un vide ordinaire, ce : : — groupe ne consomme, en effet, que 8 kilogs en- viron de va- peur par che- val électri- que, en plei- ne charge, quand il est uniquement alimenté par de la vapeur à 6 kilogs ab- solus, par exemple, et 15 à 16 ki- logs, suivant les cas, s'il recoit seule- ment de la vapeur d'échappement à la pression atmosphérique. L'admission de la vapeur vive et de la vapeur d'échappement est obtenue automatiquement au moyen d'un dispositif, imaginé par M. Rateau et bréveté par lui, qui produit l'ouverture ou la fer- meture des obturateurs à haute et à basse pression d'après les besoins, tout en les maintenant cons- tamment sous l'influence du régulateur de la turbine. La figure 7, représente. une de ces turbines mixtes, actuellement en montage aux mines de la iéunion (Espagne). IV. — ECOoNoMIES À RÉALISER ET APPLICATIONS. Les économies à réaliser par l'application du Système Rateau sont de toule évidence et très im- portantes. D'abord, les frais de premier établisse- ment du groupe à basse pression, par rapport à un P. CHALEIL — L'UTILISATION DES VAPEURS D'ÉCHAPPEMENT Fig. 7. — Turbo-alleruateur mixte en montage aux mines de la Réunion. groupe de mème puissance à vapeur vive, seront moindres, puisque la turbine à basse pression n'exigera ni chaudière spéciale, ni, en général, l'ins tallation d’un nouveau condenseur. D'autre part, les frais d'exploitation seront considérablement réduits, puisque les dépenses de combustible du groupe à basse pression seront, pour ainsi dire, nulles. Dans chaque installation, on connaît avee précision le prix de revient, en combustible, dé l'énergie que l'on produit parles moyens habituels, et il est, par suite, facile de se rendre exactement compte de l'économie que peut apporter une ma chine qui atteint, comme nous l'avons montré de grandes puissances, et qui ne consomme pas de combusti- ble”. P. Chaleil, Ancien élève de l'École Polytechnique. ‘ Ces quel- ques considéra- tions nous ont permis, pen- sons-nous, d'at- tirer l'attention sur l'intérêt considérables qui s'attache à la récupération des vapeurs perdues pour la grande indus- trie. Pour ter- miner, nous pouvons citer, en dehors de l'installation de Bruay,qui fonc- tionne depuis deux ans et de- mi déjà, quel- ques applications du procédé Rateau dont la mise en ser- vice doit être prochaine. Ces quelques exemples montreront de plus la variété des applications dont sont susceptible les remarquables engins que sont les turbo-machines : APPLICATIONS EN CONSTRUCTION OU EN MONTAGE (octobre 190 4) 1% Mines de la Réunion (Espagne). Accumulateur à vieux rails. Deux turbo-alternateurs à haute et basse pression de 220 ki- lowatts chacun. Condensation par éjecto-condenseur Rateau. Mines de Béthune (Pas-de-Calais). Accumulateur à eau seule. Turbo-compresseur centrifuge à haute et basse pres- sion de 350 chevaux, aspirant 60 mètres cubes d'air par minute et les comprimant à la pression absolue de 6 kilogs par centimètre carré. Aciéries du Donetz (Russie). Accumulateur à plateaux de fonte en deux corps. Six turbo-dynamos à courant continu” de 350 chevaux chacune. Aciéries Poensgen, à Dusseldorf. Accumulateur à plateaux de fonte. Turbo-dynamo de 650 chevaux sur condensation centrale Balcke déjà existante, Mines de Firminy (Loire). Accumulateur à eau. Turbo- alternateur de 250 chevaux. Mines de Hibernia (Westphalie). Accumulateur à eau. Turbo-alternateur de 365 kilowatts. Aciéries de Rombach, à Rombach. Accumulateur à eau. Deux turbo-dynamos de 500 kilowatts sur condensation centrale Balcke déjà existante. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX a —— 1047 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET 4° Sciences mathématiques Humbert (G.), Membre de Tlnstitut, Professeur à l'Ecole Polytechnique. — Cours d'Analyse professé à l'Ecole Polytechnique, tome 11 : Compléments du - Calcul intégral, Fonctions analytiques et ellip- tiques, Equations différentielles. — 1 vol. gr. in-8° (Prix :16 fr.). Gauthier- Villars, éditeur, Paris, 1904. Le second volume de ce Cours d'Analyse contient es matières enseignées par M. Humbert aux élèves de seconde année de l'Ecole Polytechnique; dans une courte préface, l’auteur précise le caractère à la fois pratique et élevé qu'il a voulu donner à son enseigne- ment : il a pleinement atteint son but, en conduisant son auditoire jusqu'aux parties les plus élevées de l'Analyse par les méthodes les plus simples et le mieux appropriées aux applications; plus d’un ancien élève de nos grandes écoles scientifiques se plaira à la lec- ture de ce livre, dans lequel se trouvent traitées, d’une facon aisée et féconde en aperçus nouveaux, bien des questions dont l'étude, il n'y à pas encore longtemps, était laborieuse et souvent peu suggestive. L'ouvrage est divisé en trois parties. Dans la pre- mière, le Calcul intégral se complète par l'étude des intégrales multiples et de leurs principales applications. La définition de l'intégrale double, puis d’une intégrale multiple quelconque, est établie avec rigueur el sim- plicité; la pratique du calcul d'une intégrale multiple est accompagnée de nombreux exemples simples et usuels, volumes, centres de gravité, moments d'inertie, ete., etc. Le changement de variables, d’abord présenté de facon intuitive, est ensuite établi rigoureusement en changeant successivement chaque variable; puis vient l'étude de l'intégration multiple dans le cas d'un champ infini ou de discontinuités dans le champ de l'intégra- tion : l’auteur insiste avec soin sur la différence qui existe entre ce problème et son analogue dans le cas de l'intégration simple. Gette première partie se ter- mine par les généralités sur les intégrales de lignes et de surfaces, avec les importantes formules de Green, d'Ostrogradsky et de Stokes, et par Îles applications habituelles dé la théorie des intégrales multiples intégration sous le signe J, calcul de certaines inté- grales définies telles que : æ fl e—2 dx, a problème des tautochrones, intégrales eulériennes avec l'application qu'en a faite M. Hilbert à la démonstration de la transcendance du nombre e. La seconde partie est consacrée aux fonctions ana- lytiques; une fois posées les définitions préliminaires, le théorème fondamental de Cauchy sur l'intégration d'une fonction analytique d'une variable imaginaire est immédiatement déduit de la formule de Green, et il est suivi de ses conséquences ordinaires : dévelop- pements de Taylor, de Laurent, de Fourier; propriétés générales des fonctions holomorphes et méromorphes, théorème de Mittag-Leffler, d'où se déduit celui de Weierstrass sur la décomposition d'une fonction entière en facteurs primaires. Le théorème de Cauchy est ensuite appliqué au calcul des intégrales définies; la périodicité du sinus est mise en évidence par l'étude de l'intégrale : ÿ dz x VA —Z" INDEX et cette même étude, faite sur l'intégrale : dz “0 VTz — 04) (Z — C2) (Z — 3) : amène aux fonctions doublement périodiques. M. Humbert à rassemblé sous un très petit volume les éléments essentiels de la théorie des fonctions ellip- tiques ; on peut dire que rien n'y manque, car le lecteur trouvera là tout ce qui est nécessaire aux applications et au calcul numérique; la théorie est faite suivant l'usage maintenant établi, en partant des fonctions de Weierstrass {(u) et p{u), définies par des séries doubles ; elle est appliquée au calcul des intégrales elliptiques et aux questions habituelles de Géométrie et de Méca- nique : cubiques planes, polygones de Poncelet, pen- dule simple; toutes ces questions sont traitées avec autant d'élégance que de simplicité. La troisième partie traite des équations différen- tielles. Le premier chapitre est consacré à l'équation du premier ordre; après avoir défini l'intégrale géné- rale, l'intégale singulière, en avoir donné l'interpré- tation géométrique, et montré que l'intégrale singulière n'existe généralement pas, M. Humbert indique les cas usuels d'intégration : équations homogènes, linéaires, de Bernoulli, de Lagrange et Clairaut, propriétés des intégrales de l'équation de Riccati; il étudie le facteur intégrant, fait connaître quelques méthodes de trans- formation parfois avantageuses, el terminé par de nombreuses applications géométriques : problème des trajectoires, lignes de courbure des quadriques, asymp- totiques d’une surface réglée, systèmes conjugués, intégration algébrique de l'équation d'Euler. Les équations d'ordre supérieur au premier, qui sont immédiatement réductibles au premier ordre, donnent lieu à de nouvelles applications : courbe élastique, courbes de poursuite, lignes géodésiques d’une sur- face; à propos de ces dernières lignes, l'auteur insiste sur la forme réduite correspondante du ds de la surface considérée, et il s'en sert pour obtenir, par la transformation de Liouville, les lignes géodésiques de l'ellipsoïde préalablement rapporté à ses lignes de courbure: il en déduit aussi les propriétés les plus importantes des lignes géodésiques. Le chapitre suivant est consacré aux théorèmes généraux d'existence de l'intégrale d'un système simultané d'équations diffé- rentielles du premier ordre; après avoir établi à ce sujetle théorème général de Cauchy, l'auteur observe la mobilité habituelle des points critiques des intégrales; il précise ces points dans le cas spécial d’un système linéaire: puis il applique le théorème de Cauchy pour démontrer l'uniformité de la fonction inverse de l'inté- grale : ensuite, il étudie les propriétés classiques des équations et systèmes d'équations linéaires, ainsi que le cas usuel des coefficents constants et les cas qui S'y ramè- nent, et il termine par l'étude des intégrales d’une équation linéaire aux environs d'un point critique, en appliquant cette étude à la recherche des équations linéaires du second ordre dont l'intégrale cénérale est méromorphe dans tout le plan à distance finie, et en particulier est entière ou rationnelle : l'équation de Lamé lui fournit un exemple intéressant. Enfin, un dernier chapitre est consacré aux équations aux déri- vées partielles; après les généralités sur les éléments 1048 arbitraires de l'intégrale, l'intégration de l'équation linéaire du premier ordre est ramenée au système simultané connu d'équations différentielles ordinaires; la méthode, présentée analytiquement, est interprétée par la Géométrie en introduisant les courbes caracté- ristiques sur les surfaces intégrales; application en est faite aux exemples connus, et aussi à l'équation aux dif- férentielles totales. Ensuite vient l'étude de l'équation générale du premier ordre, faite à l’aide de l'intégrale complète; la détermination d’une telle intégrale est exposée suivant la méhode de Lagrange et Charpit; le chapitre se termine par quelques exemples simples d'équations d'ordre supérieur au premier. Desexercices intéressants et résolus, notamment sur les fonctions elliptiques, complètent cet excellent ouvrage. M. LELIEUVRE, Professeur au Lycée et à l'École des Sciences de Rouen. 2° Sciences physiques Reiss (R. A.), Docteur ès-sciences, Chef des travaux photographiques à l'Université de Lausanne. — La Photographie judiciaire. — 1 vol. 1n-8° raisin de 232 pages avec T1 reproductions et 6 planches hors texte (Prix : 16 fr.). Charles Mendel, éditeur. Paris, 1904. La plaque photographique est un témoin de premier ordre, qui voit et qui se souvient. Son témoignage, en- registré dans le dernier détail, est reproduit par elle à tel nombre d'exemplaires que l’on désire, dans un langage universel, plus fidèle que toutes les langues, le dessin. Ces axiomes fondamentaux, évidents dès le début de la photographie, ont fait reconnaître depuis longtemps l'immense intérêt que présentent de pareils témoi- gnages. Si ces principes avaient de l'importance dès le début de la photographie, au temps de Daguerre, puis au temps des procédés au collodion humide et au col- lodion sec, combien ils en ont davantage depuis que le gélatino-bromure d'argent a permis des poses in- comparablement plus courtes, et depuis que les appa- reils, légers et pratiques, sont devenus les merveilles que l’on connaît. Grâce à tous ces perfectionnements, on a pu subs- tituer aux longues poses des premières années les poses instantanées atteignant le dixième, puis le cen- üème, puis même le millième de seconde ; enfin, comme l’on sait, on a pu, par une série de vues ins- tantanées, prises à des intervalles très courts, resti- tuer dans le cinématographe le mouvement lui-même, dans des conditions de fidélité merveilleuses. La plaque peut donc reproduire tout ce qui se voit à l'œil nu; mais elle peut montrer bien davantage. Associée au microscope ou au télescope, elle reproduit les préparations les plus fines, comme aussi la position des astres, et la structure même de ceux qui ont un diamètre apparent. Il y a même plus encore : grâce à la sensibilité extrême des préparations et à Ja facullé que l’on a de prolonger la pose, des différences d'éclat ou de couleur inappréciables pour l'œil humain se trouvent reproduites par la plaque. L'invisible pour notre œil n'est donc plus, en beaucoup de cas, l'invi- sible pour elle. — On voit donc combien les uments graphiques, impersonnels, que donne l'objectif, ont d'intérêt toutes les fois qu'il s’agit de fournir des preuves. Toutefois, pour que l'on puisse obtenir des repro- ductions correctes ou mème excellentes, il s’en faut, et de beaucoup, qu'il suffise de déclancher un obtu- rateur. On ne peut devenir un opérateur de talent que lorsque l'on connait familièrement, par théorie et par pratique, les règles géométriques de la pers- pective, l'optique photographique, l’art d'éclairer con- venablement un sujet, soit à la lumière du jour, soit aux lumières artificielles, le temps de pose, le développement et les traitements complémentaires, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX enfin bon nombre de recettes et de tours de mains, constituant ce que l’on appelle le métier. Si toutes ces connaissances peuvent être acquises avec une facilité relative lorsqu'on veut pratiquer uni= quement une spécialité, portrait, paysage, monuments, intérieurs, instantanés rapides, reproduction de ta bleaux ou de dessins, machines, animaux, photogra phie microscopique, radiographie, il est incomparable= ment plus difficile d'acquérir à la fois sur tous ces. points une sérieuse compétence, et d'être prêt à prati- quer l’un après l’autre des métiers si divers, de facon: à donner aux documents que l’on réunit un caractèr de rigoureuse exactitude. Or, si le cliché photographique doit être étudié par détail et servir de preuve, on ne& saurait apporter trop de soins à tout ce qui concerne l'art de le préparer. L'instruction judiciaire des affaires civiles ou cri- minelles, qui est devenue progressivement une véri table science, à fait tout naturellement appel à la pho- tographie. Vu la diversité des affaires étudiées, le. photographe judiciaire, qu'il soit expert lui-même ou qu'il soit seulement auxiliaire d’une expertise, doit être prêt à pratiquer sans hésitation toutes les spé- cialités signalées plus haut. Depuis longtemps déjà, des savants de premier ordre ont obtenu de remarquables photographies, en France. et à l'Etranger, et leurs travaux sont justement estimés des magistrats comme des savants qui ont eu à les. étudier de près. Pour ce qui concerne la France, les fiches signalétiques de M. Bertillon sont célèbres, comme aussi les travaux du laboratoire dirigé par M. Ogier, en particulier la belle série faite, 1] y à quelques années, pour l'étude des attentats à la dyna- mite dont Paris à conservé la mémoire. Sur divers sujets spéciaux, il avait aussiété publié jusqu'ici des travaux particuliers, monographies im-. portantes et citées comme des modèles. On peut men- tionner comme tels les travaux de M. Bertillon sur la photographie signalétique, et ceux de MM. Dennstedt, Schüpf et Jesserich sur l'expertise photographique des documents écrits. Mais un traité écrit spécialement sur la photographie judiciaire faisait défaut jusqu'ici. Il vient de nous être fourni, à la librairie Mendel, par M. le docteur Reiss, chef des travaux photographiques à l'Université de Lausanne, rédacteur en chef de la Revue suisse de Photographie. Après avoir rappelé, au début de son livre, les études antérieures sur le même sujet, l’auteur aborde les divers ordres de travaux qui sont usuels en photo- graphie judiciaire. ! __ Les appareils sont examinés tout d’abord. Les petits formats et les chambres à main spéciales à la prise des instantanés ne peuvent être employés que dans quelques cas, tels qu'incendies, bagarres, manifestations. Les. critiques adressées, au début, à ces formats très petits n'ont plus de raison d'être, depuis que l'extrême précision est devenue courante pour les bons opticiens comme pour les bons constructeurs. — Des indications - pratiques sont ensuite données sur les chambres et objectifs de grand format, ainsi que sur le pied, organe. de première importance lorsqu'il s'agit d'amener l'ob-. jectif à viser dans une direction inclinée, ou même. dans la verticale, comme pour photographier un ca- davre étendu sur le sol, ou des empreintes de pas. La première et la plus usuelle des opérations du photographe judiciaire est la prise de vues du théâtre d'un crime, les unes générales, les autres particulières, donnant les taches de sang, les traces d’effraction, les empreintes digitales, enfin la situation même du ca- davre tel qu'il a été découvert. Un autre problème usuel est celui qui consiste à photographier un cadavre inconnu, aux fins de recon- naissance. Ce problème présente assez souvent de réelles difficultés, surtout lorsque le cadavre est ancien, ou lorsque le visage porte des blessures ou meurtris- sures importantes. L'auteur décrit les moyens employés par lui pour amener à se rouvrir.les yeux fermés par BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Ja mort, les faire briiler, et donner par ces moyens el quelques autres une apparence de vie qui permettra de reconnaitre mieux l'identité recherchée. Un chapitre fort important est relatif à l'examen des détails invisibles pour l'œil, mais visibles sur la plaque photographique. Dans ce chapitre, l'auteur fait large- ment usage des propriétés des diverses radiations du spectre, ainsi que de l'emploi des plaques orthochro- matiques et des écrans colorés. L'habile emploi des nes ou des autres permet de retrouver sur des linges des traces de sang, même après lavage. — La micro- photographie permet d'identifier les taches dont la photographie n'a donné que l'aspect. — La radiogra- phie rend aussi très couramment des services, soit our montrer des fractures ou un projectile logé dans 2 parties profondes, soit pour distinguer, comme l'on sait, les diamants vrais des diamants artificiels. L'examen photographique des documents écrits est ‘Aussi une importante question à laquelle l'auteur à Attaché tous ses soins. C'est là un des passages les plus curieux de ce livre. Diverses études spéciales, restées justement célèbres, ont établi les principes de cet exa- men scientifique, en vue de la reconnaissance des grat- lages ou falsifications. Aux méthodes antérieures employées pour recher- cher, par l'aspect du papier, les grattages, et, par l'étude des caractères écrits, les altérations ou additions frau- duleuses, les recherches modernes ont apporté d'utiles compléments. En 1897 et 1898, M. Bertillon a fait voir qu'indépendamment des caractères visibles que l'encre trace sur une feuille de papier, il existe aussi des ca- ractères, invisibles directement, et formant, dans les cas les plus favorables, d’une part, une image, inverse de la première, sur une feuille de papier blanc qui a séjourné contre elle, d'autre part, et en même temps, une image profonde, incolore, présente dans la feuille écrite, et pénétrant duns une certaine région, au- dessous de la surface, de sorte qu'un grattage Super- ficiel, qui enlève toutes les matières noires, ne la fait pas disparaître. Cette image inverse ou cette image profonde des Caractères ne sont visibles d'emblée ni pour l'œil, ni pour l'objectif; mais elles le deviennent par un traite- ment très simple, puisqu'un fer chaud, lorsqu'on re- passe la feuille, fait de ces traits blancs des traits jau- nâtres. À la suite de M. Bertillon, l’auteur du livre, äidé d’un de ses élèves, M. Gerster, a étudié ce phéno- mène, et attribué sa production à la présence dans l'encre des acides oxalique et sulfurique. L'ouvrage contient deux spécimens intéressants de ce mode de reproduction de l'écriture. La photographie signalétique fait l'objet d'un cha- itre spécial, où sont exposés par détail les procédés es meilleurs pour la préparation de ces documents importants qui sont les fiches anthropométriques. En même temps, se trouvent exposés le mode d’établisse- ment et le mode de classement des fiches anthropomé- triques, créés par M. Bertillon dans son service, et re- produits depuis lors dans les services Judiciaires de toutes les nations. Les explications données à ce sujet sont trop techniques pour qu'il soit possible de les re- produire ici. Ces règles scientifiques si précises ont été justement appréciées partout où l'on en à fait usage. Dans un dernier chapitre, très nouveau par son objet, l’auteur décrit un nouvel appareil de photogra- phie métrique appliquée aux constatations judiciaires, appareil inventé par M. Bertillon. Cet appareil doit résoudre un problème de géométrie perspective : On donne une vue photographique, telle que la vue d'une salle et des.objets qui s'y trouvent. — Trouver, en vraie grandeur, les dimentions de la salle et de tous ces objets, de manière à en construire, s’il est nécessaire, un modèle géométrique, à telle échelle que l'on voudra. Dans le cas général, et pour le cas d'un objet de forme quelconque, ce problème ne peut étre résolu par l'emploi, d'une seule perspective. Mais il devient possible de restituer, par l'emploi d'une perspective 109 | unique, une figure dont tous les points sont dans un même plan horizontal. D'ordinaire, la perspective esl dessinée sur un plan vertical, avec un objectif dont l'axe est horizontal. Connaissant la position du centre optique par rapport à la plaque, et connaissant aussi la hauteur de l'axe de l'objectif au-dessus du sol, on à tous les éléments de la restitution cherchée. — Pour réaliser simplement et sûrement les conditions géomé- triques du problème, M. Bertillon à fait construire une chambre noire rigide, fonctionnant avec des objectifs dont les foyers sont respectivement de 5,10,15, 20 et30 centimètres. La mise au point ne déplace l'objectif que de quantités fort petites. Il n'y à pas de décentre- ment. L'axe de l'objectif est, dans chaque cas, élevé, au- dessus du sol, de 50 centimètres, de 1 mètre ou de {= 0. Ces conventions permettent de résoudre le pro- blème dans des conditions particulièrement simples et rigoureuses. L'ouvrage de M. Reiss est un livre vécu, qui contient beaucoup de faits, présentés avec netteté et avec méthode. Il peut être lu utilement, non seulement par les photographes de métier, mais par tous ceux qui ont reconnu l'importance de ce merveilleux moyen de preuve el mode d'étude qu'est la photographie scienti- fique. Les planches nombreuses et remarquables qui illustrent cet ouvrage mettent sous les yeux mêmes du lecteur de beaux exemples des résultats obtenus par l'auteur. L. PIGEON, Professeur de Chimie à la Faculté des Sciences de Dijon. Teyssier (R.). — Manuel guide de la fabrication du Sucre. — 4 vol. in-8° de 428 pages et 198 figures (Prix: 9 fr.) Naud, feu éditeur. Paris, 1904. M. Teyssier a écrit ce volume pour les contre-maitres et les surveillants des fabriques de sucre. Le contre- maître a, dans la sucrerie, une tâche particulièrement difficile. Ce sont les connaissances techniques qu'il lui est nécessaire de posséder que M. Teyssier à exposées dans son manuel. Celui-ci, s'adressant à des hommes qui n'ont pas, en général, reçu une instruc- tion très avancée, devait être avant tout simple, élé- mentaire et pratique. Nous pouvons dire que l’auteur a pleinement satisfait à ce désidératum. Son livre est très clair et très facilement compréhensible. Les figures et les dessins schématiques qui accompagnent le texte ajoutent encore à sa clarté. M. Teyssier s’est efforcé de prévoir toutes les difficul- tés que le contre-maître devra surmonter, 1] lui trace sa tâche depuis la mise en route de la sucrerie jusqu'au démontage du matériel, décrivant la marche normale de la fabrique et signalant les diverses avaries qui peuvent survenir, les moyens à employer pourles éviter ou y remédier. A | L'auteur décrit aussi le rôle du contre-maitre au point de vue de l'administration de l'usine. Enfin, dans un appendice très documenté, sont accumulés une foule de renseignements néce ires au contre-maître (conduite des moteurs, renseigne- | ments mathématiques, législation, etc.). | En résumé, excellent travail, qui rendra sûrement service aux praticiens. X. RocQuEs, Ingénieur chimiste, Ancien chimiste principal du Laboratoire municipal de la Ville de Paris. Dugast (J.), Directeur de la Station agronomique d'Alger. — L’'Industrie oléicole. Fabrication de l'huile d'olive. { vol. de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix 2 fr. 50). Gauthier- | Villars et Cie, éditeurs, Paris, 1904. Les lecteurs de la Ztevue trouveront, dans ce guide excellent, le développement des articles que M. Dugast a publiés sur l'industrie oléicole dans la Revue du 30 Mai et du 15 Juin 190#. 1050 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 3° Sciences naturelles Wahl (Maurice), Znspecteur général honoraire de lIns- truction publique. — L'Algérie. 4m édition mise à Jour par M. AUGUSTIN BERNARD. — { vol.-in-8 de 450 pages (Prix : 5 fr.). Alcan, éditeur, Paris, 1904. L'éloge de ce livre, qui est devenu classique, n’est plus à faire. La bonne ordonnance des matières, la précision de la forme, la modération des opinions lui ontamené la faveur du public. Mais, dans ces dernières années, l’Algérie a marché vite et l’œuvre de Wahl avait un peu vieilli : la mettre à jour était une tâche plus considérable qu'on ne serait tenté de le croire et particulièrement délicate, mais nul n'était plus auto- risé à entreprendre cette tâche que M. Augustin Bernard, et il s’en est tiré à son grand honneur. Lui-mème, dans l'avertissement qu'il a mis en tête de cette quatrième édition, à indiqué en deux lignes les raisons qui ren- daient celte révision indispensable : la première édition fut, en effet, écrite à une époque où les idées d’assimi- lation de l'Algérie à la Métropole prévalaient encore dans le grand public. Depuis, au contraire, la thèse de décentralisation à pris de plus en plus de faveur et un certain nombre de mesures législatives et réglemen- taires sont venues la consacrer : même la série de ces mesures réorganisatrices n'est pas encore terminée. La politique de la France en Algérie a été toujours bal- lottée entre ces deux tendances qui correspondent à deux catégories d'esprits : ceux qui apercoivent surtout les ressemblances et ceux qui sont davantage frappés par les différences des choses; c'est la seconde qui do- mine aujourd'hui. Le motif qui rendait indispensable la mise à jour de l'ouvrage étant avant tout un motif actuel, on com- prend que rien n'ait été changé à la partie historique. Il n’en est pas de même dans le reste du livre : il y a en premier lieu les documents statistiques, qui ont dû être tous renouvelés, et, sous ce rapport, M. A. Bernard ne s’est épargné aucune peine, D’autres additions con- cernent différents faits qui appartiennent à l’histoire politique du pays: par exemple l'exposé de la triste campagne antisémite de 1898, à propos de laquelle M. A. Bernard parle un langage d'homme de cœur qu'approu- veront tous les Français. Il donne également la note Juste sur ce qu'on à appelé le « péril étranger », dù aux naluralisations hâtives que confère aux Espagnols et aux Italiens la loi de 1889. Les réorganisations administratives de l'Algérie depuis 1900, l'institution des Délégations financières algériennes, le budget spé- cial sont la matière de pages nombreuses et lucides. Les chapitres des questions indigènes sont de ceux où M: A. Bernard a le plus profondément modifié l'œuvre de Wabhl. Celui-ci avait déjà montré le danger des illu- sions assimilatrices, dans la quatrième édition : cette manière de voir est encore plus accentuée : elle se con- cilie, du reste, avec des tendances très sympathiques à l'élément indigène et à toutes les mesures qui ont pour objet d'augmenter son bien-être et de l’associer à notre œuvre civilisatrice. Le plan de la dernière partie du livre (Les forces productrices) à été amélioré: un cha- pitre sur l'élevage est presque entièrement nouveau. Au chapitre des forêts, il a été tenu compte des nom- breuses protestations qu'a soulevées depuis quelque quinze ans l'application trop stricte du code forestier : les mines font aussi l'objet de quelques pages entière- ment nouvelles et très substantielles. Enfin, les études Spéciales que M. A. Bernard a faites sur les chemins de fer algériens lui ont permis d'écrire à ce sujet un cha- pitre instructifetqui est en ce moment singulièrement actuel. Cette brève énumération suffit pour montrer le tra- vail considérable qu'a nécessité la mise à jour de l’œuvre de Maurice Wahl. Il eût été facile à M. Au- gustin Bernard d'écrire un nouveau livre sur l'Algérie, au lieu de se borner à améliorer celui d'un de ses prédécesseurs. Cependant, cette dernière œuvre, plus modèste, est plus profitable à la science. Si chaque ouvrier doit recommencer un nouvel édifice, le travai scientifique manquera de coordination : tous les travail leurs sont plus ou moins solidaires, et la bonne foi scientifique exige qu'ils affirment cette solidarité soit en citant les travaux de leurs devanciers dont ils ont toujours profité, soit en se vouant à la conservation de l'œuvre de leur prédécesseur. Les Allemands ont ain: quantité d'excellents Handbucher, remis suecessi ment à jour depuis de longues années par une séri de savants et portant toujours pieusement en tête | nom de l’auteur primitif. C'est là une excellente mode’ adopter, car elle témoigne des bonnes mœurs scienti: liques et de ce parfait désintéressement sans lequelil n'est pas de vraie science. Eoxonp Dourté, Chargé de cours à l'Ecole supérieuré des Lettres d'Alger. 4 Sciences médicales Laveran (A.) et Mesnil (F.). — Trypanosomes et Trypanosomiases. — 1 vol. in-8 de 418 page (Prix : 10 fr.). Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1904 La Pathologie et la Bactériologie se sont enrichies depuis moins de cinq ans de toute une série de con- naissances nouvelles sur ce groupe de Protozoaires, parasites du sang de nombreuses espèces animales et de l’homme, qui porte le nom de Trypanosomes. C'est à MM. Laveran et Mesnil que nous sommes redevables d'une grande partie de ces connaissances : personne" ne pouvait donc, mieux que ces deux savants, nous présenter une synthèse de leurs travaux et de ceux de leurs contemporains. Modestement, ils s’excusent de ne pas avoir attendu quelques années pour écrire ce livre, « parce que la riche moisson de découvertes concernant ces héma- tozoaires est loin d'être terminée ». Il faut, au con- traire, leur savoir gré de ce qu'ils ont pris la peine dem réunir en un volume, admirable de clarté et de préci- sion, toutes les monographies concernant les Trypano- somes que le travailleur isolé ne peut aller chercher dans les recueils scientifiques des divers pays. Ils rendent surtout aux médecins de nos colonies et aux bactériologistes de nos laboratoires exotiques un ser vice immense, et il faut espérer que tous sauront leur témoigner leur gratitude en contribuant à augmenter, par l'apport de nouveaux matériaux et de nouvelles observations, le trésor scientifique dont ils leur ont donné la clef. La découverte du premier Trypanosome date de 1841 : elle fut faite par Valentin (de Berne), dans le sang de w la truite (Salmo fario). Depuis cette époque, on a signalé 4 successivement l'existence de parasites appartenant au même groupe chez les Batraciens et les Poissons. Mais ce sont surtout les travaux de Lewis, de Crookshank, de Danilewsky et Chalachnikov sur le Trypanosome du rat (1878-1888), qui attirèrent l'attention des zoolo- gistes sur ces hématozoaires. Les bactériologistes ne soupconnèrent le rôle consi- dérable qu'ils jouent en Pathologie qu'à partir de la publication sensationnelle de Bruce, établissant que le Nagana du Zoulouland — cette maladie meurtrière du bétail que véhicule la mouche Tsé-Tsé — est due à un Trypanosome (1897). Dès lors, les découvertes et les travaux se succèdent en séries ininterrompues : c’est, en premier lieu, le mémoire de Rabinowitsch et Kempner, abordant l'étude cytologique du Trypanosome du rat (Trip. Lewisti); puis celui de Wasielewski et Senn, et enfin ceux, tout à fait importants de Laveran et Mesnil sur le même sujet. ê Le Trypanosome du rat, par la fréquence avec laquelle on le rencontre dans presque toutes les con- trées du globe, par son aptitude à servir pour l'expéri- mentation, était tout désigné pour constituer un type d'étude. Aussi Laveran et Mesnil en ont-ils tiré un BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX excellent parti. Ils ont précisé, grâce à lui, une foule “le faits encore mal connus sur la biologie et la cyto- -logie du parasite, sur la technique de sa coloration, ‘Sur les modes naturels d'infection et sur le mécanisme “le l'immunité active et passive. Leurs travaux ont été complétés tout récemment par Mac Neal et Novy, qui Ont réussi à en obtenir des cultures en séries sur des milieux artificiels. | Après deux excellents chapitres sur la technique our l'étude des Trypanosomes et sur la morphologie, a biologie et la cytologie de ces Flagellés, Laveran et Mesnil exposent successivement tout ce que l'on sail aujourd'hui des Trypanosomes parasites, ordinaire- ment non pathogènes, du rat, de la souris, du lapin, du cobaye, du hamster, du spermophile, des chauve- souris. Ils abordent ensuite la série déjà longue des Trypa- nosomes pathogènes et des maladies qu'ils provoquent. On désigne aujourd'hui celles-ci sous le nom de Try- panosomiases. Les unes frappent exclusivement cer- taines espèces animales, les autres l'homme. La première Trypanosomiase animale dont ils traitent est précisément la maladie étudiée par Bruce au Zou- Jouland, et par eux-mêmes, dans deux Mémoires publiés dans les Annales de l'Institut Pasteur, en 1902. Le Tryp. Brucei, qui la produit, est susceptible d’in- fecter presque tous les Mammifères, sauf l’homme. Les animaux les plus sensibles sont la souris, le rat, le chien et le singe. Viennent ensuite, par ordre de sen- sibilité, le lapin, le cobaye, les équidés, le porc, les bovidés, les caprins et les ovinés. Les symptômes qu'ils présentent sont caractérisés par une fièvre à type rémittent, des œdèmes et une anémie à marche ordi- nairement rapide. Cette affection est le plus souvent mortelle. Les explo- rateurs et les colons de l'Hinterland africain, surtout dans la région du Zambèze, en ont toujours eu beau- coup à souffrir pour leur bétail. Sa propagation est due à la trop fameuse mouche tsé-tsé ((rlossina morsitans). Bruce a montré que le sang des animaux sauvages du Zoulouland (bufiles, hyènes) contient souvent le Trypa- nosome sans qu'ils en soient autrement incommodés, et qu'ils constituent un réservoir de virus où vont puiser constamment les tsé-ts6. Celles-ci transportent alors la maladie aux animaux domestiques qu'on introduit dans ces régions. Laveran et Mesnil ont essayé l’action 1n vitro d'un grand nombre de substances chimiques sur le Trypa- nosome du Nagana. Ils considèrent l'acide arsénieux comme un bon agent microbicide pour ces parasites, mais ils n’ont pas réussi à guérir les animaux infectés. En revanche, ils ont obtenu de bons résultats en injec- tant à ceux-ci du sérum humain à doses répétées. Malheureusement, ce moyen thérapeutique ne présente qu'un intérêt purement théorique pour l'instant. On ne connaît donc pas de remède contre le Nagana. Mais il est probable qu'on pourrait, dans une certaine mesure, réaliser l'assainissement des pays infectés en y détruisant le gros gibier dans le sang duquel la tsé- tsé puise le virus. k Laveran et Mesnil décrivent ensuite les Trypano- somiases des chevaux : celle des chevaux de Gambie, signalée par Dutton et Todd (1903); celle du Surra, due au Tryp. E vansi, qui ressemble beaucoup au Nagana el frappe les chevaux, les chameaux, les bovidés dans l'Inde et à Maurice, ét peut-être les éléphants en Bir- manie; celle du Caderas, produite par le Tryp. equinum (Voges), découvert par Elmassian au Paragay; et celle connue sous le nom de Dourine (Tryp. equiperdum, Doftein), maladie bizarre dont certains symptômes rap- pellent la syphilis humaine et qui se transmet, comme celle-ci, mais exclusivement, par le coit. La Trypanosomiase humaine fait l'objet d'un cha- 1051 pitre d'une importance extrême pour les médecins appelés à exercer en Afrique occidentale. Elle a été l'objet d'un grand nombre de recherches depuis que Dution en a signalé l'existence dans la Gambie et à décrit son parasite sous le nom de Tryp. Gambiense (4902). Cette découverte fut bientôt confirmée par Manson, Bruce, Brumpt, Baker; mais on ne soupçon- naitpas ses rapports avecla maladie du sommeil, lorsque Castellani,examinant le liquide cérébro-spinal de nègres de l'Ouganda (1903) atteints de cette dernière affection, y découvrit des Trypanosomes qu'on identifia plus tard avec le Gambiense. On l'a retrouvé depuis à peu près constamment dans tous les cas de maladie du sommeil (Bruce, Brumpt, Dutton, etc.), affection toujours mor- telle, répandue dans les bassins du Sénégal, du Niger, du Congo et du Nil supérieur, mais qu'on n'a observée jusqu'à présent, ni dans l'Afrique du Sud, ni dans l'Afrique du Nord. Le Tryp. Gambiense s'est montré inoculable à plu- sieurs Mammifères : chien, chat, lapin, cobaye, rat, cheval, âne, mouton et certaines espèces de singes. Il est véhiculé et inoculé à l’homme par une mouche ana- logue à la tsé-tsé et qui est la Glossina palpalis. Cette mouche est particulièrement abondante au Rio Nunez (Sénégambie), où la maladie du sommeil règne en per- manence. Les chapitres qui terminent le livre traitent des Try- panosomes des oiseaux, des reptiles, des batraciens et des poissons, dont l'intérêt est surtout morphologique etzoologique. Enfin, un appendice résume la description, d’après Austen et Bruce, des différentes mouches tsé- tsé, qui jouent un si grand rôle dans la propagation des Trypanosomiases. On voit que ce très important ouvrage vient à point pour servir de guide non seulement aux bactériolo- gistes, mais aussi aux médecins qui tiennent à se tenir au courant de toute cette branche nouvelle de la Patho- logie. dont l'exploration, à peine commencée, nous réserve sans doute encore bien des surprises. Il s'en dégage, outre de magnifiques enseignements et de mul- tiples suggestions, ce fait que, plus que jamais, dans les pays chauds surtout,|on doit systématiquement pra- tiquer la recherche des Hématozoaires dans le sang de tous les animaux et de tous les malades. D' A. CALMETTE, Membre correspondant de l’Institut et de l'Académie de Médecine, Directeur de l'Institut Pasteur de Lille 5° Sciences diverses De Pietra-Santa (J.), Chef de la Section des Auto mobiles à la Préfecture de Police. — L’'Aide- mémoire de l'Automobile. (RÉGLEMENTATION, LÉGISLA- TION, JURISPRUDENCE, CONSEILS PRATIQUES, RENSEIGNEMENTS UTILES.) — 1 vol. n-12 de 110 pages (Prix : 2 fr. 50). Veuve Ch. Dunod, éditeur, Paris, 190%. L'Aide-mémoire de M. de Pietra-Santa présente, sous une forme alphabétique pratique, un résumé des cas envisagés par la réglementation compliquée à laquelle sont soumis les chauffeurs. Faire connaître à chacun ses droits et ses devoirs dans une circonstance déterminée, tel est le but, par- faitement rempli, de ce vade-mecum. Une critique cependant. L'auteur a cru devoir consacrer une page à la circulation des canots automobiles, bien qu'elle ne fasse actuellement l’objet d'aucune réglementation spé- ciale. Le chapitre eût gagné à recevoir quelques déve- loppements, sous forme d'indications utiles, étant donnée l'importance croissante que prend aujourd'hui cette forme du yachting. Cette réserve n'enlève d’ailleurs rien à la valeur de ce petit livre, bien concu, et qui peut rendre de réels services. 1052 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 31 Octobre 1904 ‘. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, P. Lowell a déter- miné de nouveau la rotation de Vénus par des mesures spectrographiques. Il trouve, pour la vitesse V d'un point de l'équateur de Vénus, la valeur — 0,005 + 0,008 ki- lomètre par seconde. — Les mêmes mesures, faites sur Mars, ont donné V— 0,228 + 0,036 kilomètre par seconde, soit une période de rotation de 25 h. 35 m. La véritable période est 24 h. 37 m. — M. G. Millochau fait l'historique de la question de l'emploi du micro- mètre à la mesure des petits diamètres et des étoiles doubles. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. L. Neu décrit un dispo- sitif de sûreté pour les canalisations électriques à haute tension, utilisant la différence élevée de potentiel qui se produit entre les points neutres des extrémités lors- qu'un conducteur se rompt. — M. Clos signale un cas d'assez longue phosphorescence émise par l’aubier d’un gros merisier. — MM. Ph.-A. Guye et Al. Pintza ont déterminé le poids moléculaire du protoxyde d'azote Az?0, lequel est de 44,026. On en déduit, pour le poids atomique de l'azote, la valeur 14,013. — M. Kohn- Abrest a déterminé le poids atomique de l'aluminium, soit en l'attaquant par HCI et dosant à l'état d’eau l'H dégagé, soit en déterminant la quantité d'alumine qu'il fournit par combustion. La première méthode a donné - Al= 27,05; la deuxième Al— 27,09. — MM. R. Duche- min et J. Dourlen ont constaté que les alcools mé- thylique et éthylique sont susceptibles de s'oxyder à leur température d’ébullition en présence de métaux, en donnant naissance à des quantités d'acides qui crois- sent avec la durée de la distillation. — M. V. Auger, en faisant réagir les dérivés halogénés du phosphore blanc sur les composés alcoylés halogénés, a obtenu des dérivés mono- et dialcoyl-phosphiniques. — M. H. Leroux à obtenu, par la méthode d'hydrogénation de MM. Sabatier et Senderens, le tétrahydrure de naphta- lène C'°H‘, Eb. 206°, et le décahydrure, C'°H'%, Eb. 187-1880. — M. R. Sauvage, par l'action de l'oxychlo- rure de phosphore sur les composés organo-magné- siens de la série aromatique, a obtenu des composés R#PO et R*POCI, ce dernier, après destruction par l’eau, donnant les composés R'PO(OH). — M. J. Schmidlin poursuit ses recherches sur les sels des rosanilines. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Æ. Laveran résume les notions actuellement acquises sur les trypanoso- miases de l'Ouest africain français et sur les mouches piquantes susceptibles de propager ces maladies. — M. J. Pellegrin montre que les différences de structure de l'appareil pharyngien chez les Poissons du genre Orestias sont dues à l'adaptation à un régime alimen- taire varié. — M. H. Dubuisson a étudié la résorption du vitellus pendant le développement embryonnaire de la vipère. — M. de Montessus de Ballore signale ure remarquable coïncidence entre les géosynclinaux anciens et récents et les grands cercles de sismicité maxima. — M. P. Termier montre la continuité des phénomènes tectoniques entre l'Ortler et les Hohe Tauern. — M. E.-A. Martel donne les résultats de l’ex- ploration du gouffre du Trou-de-Souci, à Francheville ‘ I résulte de la communication de M. Maillard sur l'expé- rience de Pérot, faite à la séance du 10 octobre, que la la théorie du mouvement d'une molécule d'eau a conduit l'auteur à une formule nouvelle, renfermant, comme cas particulier, celle déjà indiquée par Braschmann. (Côte-d'Or). Il a 57 mètres de profondeur, et est traversé par une rivière souterraine. Séance du 7 Novembre 1904. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Traynard commu- nique ses recherches sur une surface hyper-elliptique de degré 8. — M. P. Helbronner indique les triangula=M tions géodésiques complémentaires des hautes régions des Alpes françaises qu'il a exécutées en 1903 et 1904, — M. Ch. Renard décrit un nouveau mode de construc- tion des hélices aériennes, qui consiste à articuler les” bras à la cardan à une petite distance de l'axe de rota- tion, en les laissant ainsi libres de prendre la direction de la résultante des trois forces qui lui sont appliquées. — M. L. Lecornu à recherché les causes de l'explosion d'une locomotive à la gare Saint-Lazare. On peut l’attri- buer à une grande déchirure de la plaque tubulaire, ayant permis à l'eau chaude d'achever sa vaporisation au contact du charbon incandescent et de venir, en outre, frapper avec une grande vitesse tes faces internes des parois du foyer. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Bose rappelle que les phénomènes de diffusion rétrograde observés par M. Thovert avaient été prédits par M. Abegg et lui, comme conséquence de la théorie générale osmotique du couple galvanique de M. Nernst. — M. Th. Tommasina à reconnu que l'intensité et la durée du pouvoir radio- actif qu'acquièrent les corps par induction sont pro- portionnelles à l'état d'ionisation du milieu, lorsque cet état est provoqué par une émisssion de rayons X. - Le même auteur a constaté l'existence d’une radio-activité propre aux êtres vivants, animaux et végétaux. — M. J. Schmidlin a observé que les rosanilines en solu- tion alcoolique, plongées dans l'air liquide, offrent une diminution d'intensité de leur coloration rouge et acquièrent en même temps une belle fluorescence jJaune-vert., — Le même auteur a déterminé les cha- leurs de combustion du triphénylméthyle et du triphé- nylméthane.— M. H. Moissan à préparé le trifluorure de bore et le tétrafluorure de silicium par union directe des composants. Les corps obtenus sont absolument identiques aux composés préparés par d'autres réactions chimiques. — M. F. Meyer à obtenu l'iodure aureux amorphe par action de l'iode sur l’or au-dessus de 50°; à partir du point de fusion de l'iode, l'iodure aureux est cristallisé. L'iodure aureux est indécomposable par l'air sec à la température ordinaire, mais il l’est totale- ment par l'air humide. — M. G. Urbain a isolé par fractionnement des terres yttriques des terres colorées dont les solutions ne présentent à l'absorption que la bande Z5 (À 488) assez intense. — M. Lespieau, en faisant agir HBr, puis l’eau, sur le cyanure d'allyle, a obtenu l’amide CH*.CHBr.CGH?.COAzH?, qui donne par saponification l'acide £-bromobutyrique, F.17°-18°. En enlevant le brome par la potasse, on arrive à l'acide crotonique.— M. A. Kling a étudié l’action d’un grand nombre d'oxydants sur l’acétol. Les uns fournissent de l'acide lactique, les autres les acides formique, acétique et carbonique. — M. M. Berthelot a étudié la dessic- cation d'un certain nombre de plantes. À chaque instant, elle s'opère sensiblement avec une vitesse pro- portionnelle à la quantité d’eau restant dans la plante, et elle tend vers une limite approximative, où il se pro- duit un équilibre. En d'autres termes, les plantes coupées ne se dessèchent pas entièrement à l'air; elles retiennent à froid une certaine dose d’eau, éliminable à la température de 110°. Les plantes ainsi privées d'eau à cette température peuvent réabsorber la vapeur d’eau contenue dans l'air ordinaire. Le phénomène de la des- de mlamei -e DA sn tt ne. Pr. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1053 a réversible. M. A" Trillat, a reconnu que, dans la combustion des tabacs, il se forme des aldéhydes, notamment du formaldéhyde, qui se combine jinmédiatement avec les bases azotées entrainées par la fumée. 30 SciENGES NATURELLES. — MM. A. Desgrez etJ. Ayri- gnac ont observé une grande fréquence de l'adiposité chez les sujets atteints de dermatose. — MM. Charon el : Thiroux décrivent une maladie des Equidés, avec alté- rations du système osseux, qui sévit à Madagascar ; elle parait être de nature infectieuse. — M. Em. Yung à étudié l'influence du régime alimentaire sur la longueur de l'intestin chez les larves de ana eseulenta. Les larves végétariennes ont constamment l'intestin plus long que les carnivores. — M. I. Borcea à reconnu que Je rein des Elasmobranches à la même valeur que celui des Vertébrés supérieurs. — M. P. Becquerel montre que les protonémas d'Atrichum et d'Hypnum, au point de vue dela nutrition, se comportent comme des Algues vertes : dix éléments leur suffisent : Az, Fe, S, P, Mg, C, 0, H et Ca ou K. — M. Ed. Suess présente quelques remarques sur l'apparition des roches basiques dans les niveaux de charriage ou près d'eux. — M. P. Ter- mier explique la structure des Alpes du Tyrol, à l'ouest de la voie ferrée du Brenner, par le trainage du pays dinarique sur le pays alpin, et, après ce trainage, la poussée au vide, vers le sud, non seulement des Dina- rides, mais d'une partie du pays alpin. Séance du 44 Novembre 1904. La Section de Mécanique présente la liste suivante de candidats pour la place laissée vacante par le décès de M. Sarrau: 4° M. P. Vieille; 2° MM. G. Koenigs et L. Lecornu ; 3° MM. M. Brillouin, Colonel Renard et J. Résal. {e SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Jouguet montre qu'une discontinuité obéissant à la loi d'Hugoniot se propage moins vite que le son dans le milieu qui la suit, et plus vite dans le milieu qui la précède. — M. G. Lipp- mann décrit une méthode pour mesurer la vitesse de propagation des tremblements de terre. Pour avoir l'heure du commencement du phénomène en un point donné, il recommande l'emploi d'un chronomètre à ointage en relation avec un avertisseur électrique. ÆEnlin, pour l'enregistrement des mouvements sismiques, on peut se servir avec avantage d’une bande de papier sensible enfermée dans une boîte munie d’une fenêtre, qui s'ouvre dès que la secousse se fait sentir. 90 ScrEncEs PHYSIQUES. — MM. F.-L. Perrot et A. Ja- querod ont constaté qu'à une température élevée l'hélium diffuse rapidement à travers la silice, ce qui empèche de construire des thermomètres à hélium à réservoir de silice pour les hautes températures. — MM. V. Crémieu et L. Malcles ont étudié les charges réactives prises par les diélectriques sous certaines influences: — MM. P. Langevin et Eug. Bloch ont mesuré le rapport « du coefficient de recombinaison des ions au produit par # 7 de la somme des mobilités des ions des deux signes pour les gaz issus d'une flamme. Il est, en moyenne, de 0,7, soit inférieur à l'unité comme l'exige la théorie. — M. L. Quennessen a constaté que le rhodium, préparé de diverses facons, n'a aucun pouvoir d'absorption pour l'hydrogène; tout au plus, par sa présence, agit-il pour condenser l'hydro- gène et l'oxygène en donnant de l’eau. — M. G-. F. Jaubert, en dissolvant le peroxyde de sodium et l'acide borique, a obtenu deux produits nouveaux : Na?B‘0%.10H°0 (perborax) et NaBO°.#H°0 (perborate de soude). Ce dernier, par simple dissolution dans l’eau froide, donne une solution ayant toutes les propriétés de H20: libre. — M. H. Moissan a reconnu que la météorite de Cañon Diablo contient du carbone sous les trois formes: carbone amorphe, graphite et dia- mant. Le diamant se trouve entouré d'une gaine de carbone et il se rencontre autour des nodules que renferme le fer, nodules qui contiennent du silicium, du phosphore et surtout du soufre. — M. V. Auger à siccation est donc préparé l'acide thioformique par l'action du formiate de phényle sur le sulfhydrate de Na en solution dans l'alcool absolu : HCO?CH5 + NaSH —HCOSNa + C'H°OH, et décomposition du sel de soude par l'acide formique. __ M. G: Blanc, en réduisant l'anhydride 8B-méthyl- glutarique, a obtenu une lactone qui, chauffée avec KCAz, fournit ensuite l'acide 86-diméthyladipique, F. 88, identique à celui qui provient de l'oxydation de l'a-ionone. — M. G. Bertrand a extrait des baies de sorbier un nouveau sucre lévogyre, la sorbiérite, de formule GH0°; c'est donc un alcool hexavalent. — M. E. Millau indique une méthode pour distinguer l'huile de coton et l'huile de capoc employées comme adultérants de l'huile d'olive : les acides gras de l'huile de capoc réduisent fortement l’azotate d’Ag en solution alcoolique à froid, tandis que ceux de l'huile de coton ne le réduisent qu'à chaud. — M. M. Berthelot à con- staté qu'une plante arrachée dans la période de vitalité, puis remise dans l’eau ou la terre humide, peut reprendre vie lorsque ses pertes en eau n'ont pas été trop considérables ou ses racines {trop fortement lésées. Les plantes coupées et séchées à l'air, ou dans le vide, ou à 110, reprennent de l’eau lorsqu'elles sont placées dans une atmosphère humide. — M. G. André a étudié le développement de la matière organique chez les graines pendant leur maturation. L'azote augmente continuellement jusqu'à la fin de la maturation. M. Balland a constaté que le traitement des farines par l'électricité les blanchit en les vieillissant. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. G. Bohn expose ses idées sur les relations entre l'anhydrobiose et les tro- pismes. — MM. Ch. Henry et Louis Bustien ont étudié la croissance de l'homme et celle des êtres vivants et sont arrivés à les représenter par une série de branches d'hyperboles. — M. L. Beulaygue à déterminé les variations du poids et des matières organiques de là feuille pendant la nécrobiose à la lumière blanche. —- M. A. Krempf a reconnu que le groupe des Stichodac- tylines, rangé dans les Hexactinies, renferme, en réalité, deux séries de formes totalement différentes, les unes étant des Actinies typiques, les autres des Coraux très caractérisés. — MM. A. Desgrez et A. Zaky ont étudié l'influence de quelques combinaisons orga- niques du phosphore (lécithine, nucléine, acide nucléi- nique, protyline) sur la nutrition et le développement des animaux. Elles provoquent une augmentation rapide de poids, une meilleure utilisation des albumi- noïdes et une épargne des matières azotées TRES RS M. Mayet, ayant inoculé au rat blanc les principes solubles des néoplasmes, séparés de tout élément solide par filtration, a obtenu dans un petit nombre de cas des néoplasmes. — M. Grand'Eury poursuit ses recherches sur les graines des Névroptéridés. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 2 Novembre 1904. M. A. Gautier présente un appareil du D° Oswalt, le thermo-aérophore, destiné aux traitements par les bains d'air surchauffés. — MM. Yvon, Josias et Jof- froy présentent respectivement les Rapports sur les concours pour les prix Buignet, Saintour et Baillarger, M. Pavinsky donne lecture d'un Mémoire sur l'hy- posthénie cardio-vasculaire climatérique.— M. Laufer lit un travail sur l'utilisation des matières grasses dans la tuberculose. — M. Le Damany communique un Mémoire sur le traitement de la luxation congénitale de la hanche. — M. Matignon lit un travail sur la pathogénie du tour de rein. Séance du 8 Novembre 1903. M. Kelsch fait connaître les résultats de sa mission auprès des Instituts vaccinogènes de l'Etranger et l'état de la question de la transformation du Service de vac- cine de l'Académie en Institut vaccinogène supérieur. — M. Reynier présente le Rapport sur le concours ! pour le prix Alvarenga. —M, Ad. d'Espine signale les 1054 résultats obtenus depuis vingt ans dans la cure marine de la scrofule à l’Asile Dollfus, à Cannes. De nom- breuses guérisons ont été obtenues par un séjour prolongé. Elles paraissent ssicoune surtout de trois facteurs : 1° l'atmosphère marine ; 2° l'hydrothérapie salée par immersion dans la mer; 30 climat tempéré de Cannes, qui permet une aération continue. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 5 Novembre 1904. M. J. Jolly, à propos des communications récentes de M. Triolo, maintient que, dans le plasma normal, les globules rouges des Mammifères ont la forme de disques et non de sphères. — M. F. Ramond montre la présence dansle foie d'un ferment lipasique, dédou- blant les graisses. — M. L. Léger a rencontré dans le sang des Loches franches deux parasites nouveaux, qu'il désigne sous les noms de Trypanosoma barbatule et Trypanoplasma varium; le dernier est très voisin du Trypanoplasme des Vairons. — M. A. Cligny rap- pelle que les Harengs des bancs de Flandre sont les mêmes que les Harengs de Boulogne; mais ceux-ci ne semblent pas de mème race que les Harengs de Yar- mouth. expérimental de la rage avec des centres nerveux putréfiés, fait subir à ceux- &. une immersion préalable de quarante-huit heüures dans la glycérine stérilisée, après quoi il pratique l'inoculation au lapin. — M. G. Bohn montre que le signe de l’action tonique qu'exerce la lumière sur un organisme rampant, par l'intermédiaire de l'œil et du système nerveux, change aussi bien avec la position de l'animal dans l’espace qu'avec l'état d'hydratation des tissus. — M. Ch.-A. François-Frank à reconnu, contrairement à M. Vaquez, que, si le nitrite d'amyle agit comme vaso-dilatateur sur les vaisseaux périphériques, il agit de même sur le cœur pour y provoquer, par une action également péri- phérique, la tachycardie associée à d'autres modifica- tions fonctionnelles. — M. Ch. Répin conclut d'essais négatifs de culture de la vaccine dans la lymphe de cheval non coagulée que l'agent de la vaccine est un parasite intracellulaire, — M. L. Launoy a constaté, au cours de l’autolyse aseptique du foie, que ce sont les noyaux cellulaires qui présentent les premiers phé- nomènes de nécrose : fuchsinophilie intense, chromato- lyse, achromatose, caryolyse. — MM. L. Bernard et M. Salomon ont reproduit expérimentalement la tuber- culose de l’endocarde, sans traumatiser les valvules, soit par l'injection directe du bacille dans le cœur, soit par l'injection carotidienne après suppression fonc- tionnelle d'un rein. 42 Novembre 1904. M. E. Maurel a observé que le régime sec fait dimi- nuer la quantité des aliments ingérés et que cette diminution doit entrer pour une part dans la diminu- tion du poids du corps qui accompagne ce régime. — M. G. Bohn poursuit l'étude des relations entre l'anhydrobiose et les tropismes. — MM. A. Gilbert et P. Lereboullet ont reconnu que l'hépatalgie est un symptôme assez fréquent au cours du diabète, qui témoigne en faveur du rôle d’un trouble fonctionnel ou anatomique du foie dans. sa production. —- Les mêmes auteurs montrent que la majorilé des spléno- mégalies sont sous la dépendance d’une altération hépatique. — M. J. Moitessier à constaté qu'à l'in- verse de ce qui a lieu pour le pus, dans les réactions données par le sang avec le gaïac ou la benzidine en présence d'eau oxygénée, le rôle de la peroxydase des globules est nul ou tout à fait accessoire. — M. F. Bat- telli et M!!! L. Stern ont retiré du foie de cheval ou de bœuf une hépatocatalase, qu'ils ont puriliée par disso- lutions et précipitations répétées par l'alcool. — M. Ch. Fortineau à irouvé dans deux cas de gangrène pul- monaire un diplobacille en capsule; il est anaérobie facultatif et peut donner lieu à des fermentations Séance du ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES putrides. — M. M. Labbé à constaté que le humag des vapeurs sulfureuses augmente l’activité de rédue tion de l’oxyhémoglobine et aide à la réparation di l’anémie. — M. L. Lapicque critique de nouveau valeur de la méthode de Hénocque en tant que procéd de mesure de l’activité des échanges. — M. V. He commence l'exposé d'une théorie générale des ferment solubles, basée sur le fait que ceux-ci constituent di solutions colloïdales stables. — MM. Ch. Achard L. Gaillard ont reconnu que certaines lésions du né vraxe et certains anesthésiques agissant sur lui sont susceptibles de modifier les phénomènes de la régulation: des humeurs et d° apporter une gène au rétablissement de l'équilibre osmotique et salin. — M. J. Rehns à pu fixer sur place, sur le tissu conjonctif de l’oreillé du lapin, jusqu'à 2 1/2 doses mortelles de toxine eue sans nécrose _conséculive- — M. E. Fauré et Aly ne pré sentent re expériences préli: minaires sur l'influence comparée des composés orgas niques phosphorés sur la nutrition. RÉUNION BIOLOGIQUE DE BORDEAUX Séance du 8 Novembre 1904. M. L. Gentes a observé que les fibres du système cérébro-spinal destinées à la prostate suivent des trajets différents : les unes (fibres indirectes) emprun= tent la voie du plexus hypogastrique; les autres (Gbresp directes) gardent leur individualité jusqu'au bout. M. Ch. Mongour à constaté que le liquide céphaloM rachidien, dans les ictères à la fois choluriques et“ cholémiques, n’est pas toujours fluorescent. — M. A" Le Dantec a observé un cas d’hématurie bilharzienne” provenant du Natal. — MM. J. Bergonié et L. Tri-" bondeau ont reconnu que l'exposition des testicules du rat blanc aux rayons X n’a provoqué aucune lésion des téguments, mais à déterminé la substitution d'un liquide séreux au parenchyme périphérique. î SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES | Séance du 28 Octobre 1964. MM. J. Morrow et E.-L. Watkin décrivent un appareil à interférence pour calibrer des extenso- mètres ou instruments similaires par comparaison avec la longueur d'onde de la lumière du sodium. Il consiste essentiellement en deux cylindres métalliques d’égal diamètre, dont les axes sont sur une même ligne droite | et dont les extrêmités adjacentes sont séparées par un * faible intervalle. L'intervalle est augmenté ou diminué par le mouvement d’un levier agissant sur une vis, et la variation est mesurée par les anneaux d’interférence produits dans un système optique placé à l’intérieur de l'espace. L'extensomètre est attaché par ses pinces aux cylindres métalliques et mesure d'autre part leur dépla- cement. Les deux séries de lectures sont prises simul- tanément et comparées. — M. W.-M. Thornton pré- sente un Zygromètre trés sensible. 1 s'obtient en enfermant la surface refroidie d’un hygromètre de M Regnault dans un globe de verre, de sorte que seule la masse de vapeur contenue dans le globe puisse se con- M denser, — M. G.-E. Allan indique que, si l'on regarde les divisions d'une échelle à travers une lentille de longueur focale © onsidérable, etsi l'on déplace en même temps la lentille à travers le champ de vision, le mou- Tarn de la lentille est eneote plus grand! que celui le l'image, et la disparité des deux mouvements est d' autant "plus grande que la Done est plus près de l'image et qu'elle est plus plate. La longueur focale d'une lentille peut être exprimée par le produit de la « distance de l'échelle à la lentille et de l'agrandissement, « l'agrandissement étantle rapport entre le déplacement de la lentille et celui de l'image. On a ainsi une nou- velle méthode pour déterminer les longueurs focales des lentilles. en ban Rd 275 SOCIETE DE CHIMIE DE LONDRES — (jommunicalions reçues pendant les vacances. …\IM. G.-G. Henderson et Th. Gray, en traitant par Je chlorure de chromyle le stilbène, le styrène et le Mhénanthrène, ont obtenu des produits d'addition runs, décomposables par l'eau avec mise en liberté des produits d'oxydation des hydrocarbures. Le stil- bène donne du benzile, de la benzophénone et de mUjaldéhyde benzoïque; le styrène fournit l'aldéhyde “henzoïque et le phénanthrène la phénanthraquinone. — MM. Th. Purdie el J.-C. Irvine ont reconnu que Je pentaméthylglucose, F. 42°-43°, obtenu par méthyla- tion du tétraméthylglucose, est le tétraméthyl-5-méthyl- j glucoside. Le tétraméthylglucose, en solutions aqueuses ou benzéniques, présente le phénomène de la multiro- ation. — MM. J.-C. Irvine et A. Cameron, en alkylant Va-méthylgalactoside, ont obtenu le tétraméthyl-- “méthylgalactoside, Eb. 136°-137° sous 11 mm., [æ}n —+ 1430,4, présentant le phénomène de la multirota- “tion. — M. J.-N. Collie décrit une méthode pour l’ana- Jyse rapide de certains composés organiques; elle con- “iste à les brûler dans un volume connu d'oxygène, à noter le changement de volume du gaz et à absorber CO* produit — M. S.-F. Ashby communique une méthode pour comparer le pouvoir nitrifiant des dif- férents sols. — MM. S. Ruheman el E.-R. Watson ont “préparé et étudié les produits d'addition de la benzy- “lidène-acétylacétone avec la m1- et la }-toluidine, la m- et la p-chloraniline, la B-naphtylamine et la pipéridine. _ MM. A. Senier et P.-C. Austin, en (railant les acri- “dines par les halogènes, ont obtenu des composés cris- Miallisés bien définis, peu solubles dans les solvants “organiques, instables en présence de l'eau. Ce sont des composés d’addition et non de substitution. — M. A. —Lapworth est parvenu à dissoudre l’aldéhyde benzoïque Let la camphoquinone dans une solution aqueuse de KCAz; par évaporalion, il cristallise des produits “l'addition, qui se comportent comme des sels des “cyanohydrines correspondantes. L'oxyde de mésityle, “chauffé avec une solution alcoolique de KCAz, est trans- “formé d'abord en acide mésitonique, puis en acide “mésitylique. — M. G.-Th. Morgan et M! F.-M.-G. “ Micklethwait ont préparé le sel de diazonium de la “6-aminocoumarine, qui est une substance colorée. — M. Al. Mc Kenzie, en réduisant et en hydrolysant le “hbenzoylformiate de menthyle, a obtenu un léger excès “de /-mandélate de /-menthyle. Ce mème corps, traité “Dar MuCH'I, décomposé par l’eau, puis hydrolysé, “journit de l'acide phénylméthylglycolique actif. — “MM. J.-B. Cohen et H.-S. Raper ont étudié les rela- tions entre l'isomérisme de position et les rotations des “éthers menthyliques des dix acides chlorobromoben- zoiques isomériques. La plus grande diminution de la rotation est produite quand les halogènes sont en ortho par rapport au groupe éther, Ja moindre quand les deux halogènes sont en méta. — MM. J.-B. Cohen et “H.-D. Dakin ont préparé les tétrachlorotoluènes par chloruration des trichlorotoluènes en présence du couple Al-Hg. — M. A. Slator à étudié les réactions entre le thiosulfate de sodium et les halogénures de méthyle, d'éthyle et d’éthylène en solutions diluées, et à trouvé qu'elles sont dans la plupart des cas bimolé- culaires. — M. J.-N. Collie, en soumettant le fluorure de méthyle à l’action de l'étincelle électrique à la pression ordinaire, a obtenu sa décomposition d'après Réquation : 4CH°F—4C+4H°L2H°F. — M. E-R. Watson, en faisant réagir AzH® sur la bromobenzyli- dène-acétophénone, a obtenu un dérivé aminé C‘H5.C (AzH®) : CH.CO.CSHS. Avec. la pipéridine, il se forme de la dipipéridinobenzylacétophénone et de la pipéridino- benzylidène-acétophénone, — MM. H.-E. Burgess et Th.-H. Page ont trouvé dans l'essence de bergamotte de l'acide acétique, de l'octylène, du pinène, du cam- phène et du limène. — MM. W.-J. Pope et G. Clarke jun. ont résolu le dihydro-:-méthylindol par l'acide dextrobromocamphresulfonique. Le £dihydro-+-méthy- ACADÈMIES ET SOCIÈTES SAVANTES 1055 lindol, dont le sel est le moins soluble, est une huile, Eb. 228-2290, [«]n ——13°,61 ; la base dextrogyre n’a pu ètre isolée à l'état pur. — M. B.-C. Burt à déterminé par une méthode ébullioscopique les pressions de vapeur des solutions d'acide sulfurique de concentra- tion variée, Les valeurs anormales obtenues pour le poids moléculaire s'expliquent en supposant qu'une combinaison se produit entre le solvant et le corps dissous avec formation de molécules complexes, celle ei étant favorisée par une augmentation de concentration, mais non par une élévation de température. — MM. A.-C.-0. Hann et A. Lapworth, en ajoutant HCAZ à la benzylidène-acétophénone en présence d’une grande quantité de KCAz, ont obtenu le $-benzoyl-a- phényl-propionitrile CH5.CH(CAz).CH°.C0.CSH". L’acide correspondant peut être résolu par la quinine en ses deux isomères cptiques. — M. G. Dean, en traitant le cyanate d'Ag par Br en tube scellé, a obtenu un produit jaune AgCAz0Br. I perd Br quand on le chauffe au- dessus de 70°; à 300-4009, il se dégage aussi CAZBr. — M. E.-A. Werner montre que, suivant la température, une molécule de NaOH est capable de décomposer de une à quatre molécules d'hydrate de chloral avec for- mation de chloroforme, de formiate de sodium et d'acide formique libre. — M.H. Debus arrive à la conclusion que la formule C?H20* H°0 est plus en harmonie avec les propriétés de l'acide glyoxylique que la formule C°H*O%, Il a préparé quelques sels basiques de cet acide. — M. A.-G. Green à préparé des matières colorantes du groupe du stilbène : par condensation de l'acide p-nitrotoluènesulfonique avec les alcalis, par conden- sation de l'acide dinitrostilbènedisulfonique avec les amines aromatiques en présence d'alcalis. La formation de la matière colorante est précédée de celle d’un com- posé rouge intermédiaire, qui paraît être un nitroso- stilbène ou un acide stlbènenitrolique à structure quinonoïide en solution alcaline. — M. E.-A. Werner, en dissolvant l'hydrate de chrome dans divers acides organiques, à obtenu : un acide chromoxalique H°Cr* (C?0#}(0H).4H°0, un acide chromomalonique H°Cr* (C#H*0:)‘(0H).6H*0, etc., donnant des sels cristallisés. \ ACADEMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 20 Octobre 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Th. Schmid : La détermination du contour des surfaces du deuxième degré (théorème de Pohlke). — M. J. Holetschek pré- sente ses recherches sur les grandeurs et les clartés des comètes et de leurs queues. De ses observations sur les comètes de 1762 à 1799 résulte clairement le fait que deux ou plusieurs comètes ayant la même distance périhélique g, lorsqu'elles présentent la même clarté réduite H,, possèdent également la même puissance de développement de la queue. 20 Scrences PHYSIQUES. — M. W. von Pollak, en con- densant les trois acides amidobenzoïques avec l’éther malonique, a obtenu les trois acides isomères CH*(CO. AZH.C5H#.COOH . — M. R. Ehrenfeld : Préparation de nouveaux sels de benzidine. — M. J. Bilinski : Méthode simple et exacte de détermination du sucre dans l'urine. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. M. Lowit présente ses recherches expérimentales sur la bactériolyse imtrava- sale. Ses résultats semblent indiquer que dans le sang in vivole complément actif pour les bacilles de l'anthrax ne préexiste qu'en minime quantité comme constituant dissous du plasma, mais se trouve à divers degrés (probablement comme endocomplément) dans diffé- rents éléments cellulaires (cellules du sang et des organes), d'où il peut passer dans le liquide sanguin sous certaines circonstances. ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM Séance du 24 Septembre 1904 (suite). 20 Scrences PHYSIQUES. — M. W. Einthoven : Méthode nouvelle d'extinction des oscillations d'un jalvanomètre. 1056 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES La méthode d'extinction de l’auteur diffère entière- ment des méthodes ordinaires; elle s'appuie sur l'emploi d'un condensateur CG (fig. 1), lié conductive- ment aux extrémités du fil du galvanomètre G, tandis que E représente une source d'électricité faisant naîlre une différence de potentiel quelconque entre les points P et P,. Supposons que la masse de la partie mobile du galvanomètre soit zéro et que les causes de l’extinc- — Schéma du galvanomètre; C, condensateur; E, source d'électricité. Fig. 1. G dispositif de M. Eïinthoven. — tion du mouvement disparaissent. Si, dans ce cas, la capacité du condensateur est zéro, la création soudaine d'une différence de potentiel entre P et P, sera cause d’un déplacement soudain du galvanomètre vers la position correspondante d'équilibre ; au contraire, dans le cas d’une certaine capacité initiale, un certain temps s'écoule avant que l'aiguille acquière sa déviation. La manière dont se meut le fil de quartz du galvanomètre dépend entièrement de la manière dontle condensateur se charge ou se décharge. On trouve la relation t 1— 1e ee où a et À représentent la déviation au temps 4 et la déviation finale, e et w étant la capacité du conden- sateur et une certaine résistance. La quantité we—T est la constante de temps de la déviation. En enre- gistrant les déviations sur une plaque se mouvant avec une vitesse constante, on obtient une courbe corres- pondant à une fonction exponentielle. Les constantes de cette courbe dépendent de la vitesse du mouvement de translation de la plaque, de l'amplitude des oscilla- E—— G | E B R A1 |]! Il É (ll } f Fig. 2. — Méthode d'extinction des oscillations d'un galva- nomètre, — G, galvanomètre; GC, condensateur; E, pile; S, interrupteur; À, B,R, résistances. tions et de la valeur de T. En modifiant w et €, on augmente ou diminue la valeur de T ; en d’autres termes, on peut ralentir ou éteindre les oscillations du galva- nomètre autant qu'on veut. Ces considérations s’ac- cordent avec les résultats des observations faites par l'auteur et dont larrangement est indiqué par la figure 2, où E représente une pile, S un interrupteur, G le galvanomètre à corde, C le condensateur et A, B, R des résistances. Dans les diagrammes (fig. 3), chaque division du réseau correspond quant à l'abscisse à 100 onde, et à l'ordonnée à T0 ampère. La ferme- ture et l'interruption du courant se faisaient automati= quement à l’aide d’un appareil lié à la plaque mobiles Dans le premier diagramme, la capacité du condens sateur était zéro; la corde vibrante exécute des oscilläs tions d'une période de 1,3 millimètre; ces mouvemen: sont éteints en intercalant une certaine capacité dant le condensateur. Dans le second diagramme, la capaciti de 0,94 microfarad fait trouver T = 85; dans le troisième une capacité de 0,2 microfarad correspond à T=—1,6a où 5 — seconde, 1 1.000 3° SCIENCES NATURELLES. — M. C.-A.-J.-A. Oudemans” Leptostroma austriacunr Oud. et Hymenopsis Typhaë (Fuck.) Sace. La première des deux espèces est uné Leptostromacée vivant sur les aiguilles arides de Pinus austriaca; la seconde est une T'uberculariacée propré aux pétioles de T'ypha latifolia. — M. Oudemans pré- sente encore : Sclerotiopsis pityophila (Corda) Oud une Sphaeropsidée engendrée par les aiguilles de Pin silvestris. — M. K. Martin présente au nom de M. Eug DRE Fig. 3. — Diagrammes d'extinction d'un galvanomètre avec diverses capacités du condensateur. Dubois : Sur un équivalent du Cromer-Forest-Bed aux Pays-Bas. — Ensuite M. Martin présente la thèse de M. H.-G. Jonker : « Bijdrage tot de kennis der sedimentaire zwerfsteenen in Nederland » (Contribu- tion à la connaissance des pierres erratiques sédimen- taires aux Pays-Bas). — M. H.-J. Hamburger présente le tome III de son traité : « Osmotischer Druck und lonenlehre in den medicinischen Wissenschaften, # zugleich Lehrbuch physikalisch-chemischer Methoden » (La pression osmotique et la théorie des ions dans les sciences médicales, en mème temps Manuel des mé- thodes physico-chimiques). — M. A.-A.-W. Hubrecht présente au nom de M. Th. Ziehen : Beiträge zur Entwicklungsgeschichte des Gehirns von Tarsius spectrum (Contribution à l'embryologie du cerveau de. Tarsius spectrum). — M. C. Winkler présente au nom de M. L.-J.-J. Muskens : Sur les dégénérations dans le système nerveux après l'enlèvement du « floceulus cerebelli ». P.-H. SCHOUTE. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. TP RER RER OU RS DAT ER Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette 15° ANNÉE N°23 {5 DÉCEMBRE 1904 Revue générale S : NCILCRCOS pures el appliquées DirECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Aüresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. Élection à l’Académie des Sciences de Paris. — Dans sa séance du 28 novembre, l'Académie a procédé à l'élection d'un membre dans sa Section de Médecine et Chirurgie, en remplacement du regretté Marey. j M. Dastre, seul candidat présenté en première ligne, a été élu. — Distinctions scientifiques Les Médailles de la Société Royale de Londres.— Dans sa séance annuelle du 30 novembre, la Société Royale de Londres à procédé à la remise des Médailles qu'elle accorde chaque année aux savants anglais ou étrangers qui se sont distingués dans les divers ordres de sciences. La Médaille Copley a été attribuée à sir William Crookes, pour ses belles recherches expérimentales en Physique et en Chimie, poursuivies depuis plus de cinquante années. La Médaille Rumford a été décernée à M. E. Ruther- ford, pour ses travaux sur les propriétés des matières radioactives, en particulier pour sa découverte des émanations gazeuses actives émises par ces sub- stances. L'une des Médailles royales a été remise à M. W. Burn- side pour ses importantes recherches mathématiques, l’autre au colonel David Bruce, pour ses travaux bien connus sur les maladies parasitaires de l'homme et des animaux, en particulier pour sa découverte du trypa- Done agent du nagana. La Médaille Davy à été attribuée à M. W.H junior, pour ses nombreuses recherches de organique synthétique, camphre. La Médaille Darwin a été décernée à M. W. Bateson pour ses travaux sur l'hérédité et la variation. La Médaille Sylvester a été remise à M. G. Cantor, professeur à l’Université de Halle, qui a ouvert des voies nouvelles dans le domaine des Mathématiques. Enfin, la Médaille Hughes a été attribuée à Sir J. W. Swan pour son invention de la lampe électrique à incandescence et ses nombreuses recherches dans le domaine des applications pratiques de l'électricité. . Perkin Chimie spécialement dans la série du REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904, $ 2. — Nécrologie Bernard Renault. — La Paléontologie végétale a perdu le 146 octobre dernier, en la personne de M. Ber- nard Renault, assistant au Muséum d'Histoire naturelle de Paris, l’un des hommes qui l'ont servie avec le plus de dévouement et qui lui ont fait faire les plus grands progrès. Né à Autun le 4 mars 1836, Bernard Renault s'était tout d'abord dirigé vers la Physique et la Chimie, et avaitconquis, le 45 mai 1867, le grade de docteur ès sciences physiques à la Faculté de Paris. Il était chef des travaux chimiques à l'Ecole Normale de Cluny, lorsque son attention commenca à se fixer sur les végétaux silicifiés de l'Autunois, dont l'étude devait occuper la majeure partie de sa vie et lui fournir une si riche moisson de découvertes. Dès 1868, il publiait, dans les Annales des Sciences naturelles, ses premières observations sur des pétioles de Fougères du genre Anachor opleris, bientôt suivies d'études sur des tiges de ce même genre, ainsi que sur de nouvelles formes spécifiques de Zygopteris; puis venait l'importante découverte de la constitution, jusqu'alors tout à fait inconnue, des tiges de Sphenophyllum, dont les gise- ments d'Autun et de Saint-Etienne lui avaient fourni quelques échantillons; il faisait connaître en même temps la structure des tiges et des épis des Annulariïa, qui, jusqu ‘alors, n'avaient pu également être étudiés qu'à l'état d'empreintes, et dont, il confirmait l’attri- bution aux Equisétinées. Hautement appréciées par Adolphe Brongniart, ces premières recherches de Ber- nard Renault lui valaient l'honneur d’être appelé à Paris par l'illustre fondateur de la Paléontologie végé- tale, qui sollicitait son concours pour l'étude des graines silicifiées, si nombreuses et si variées, décou- vertes dans le bassin de la Loire par M. Grand’ Eury ; après plusieurs années d'une active collaboration, au cours de laquelle il retrouvait dans les ovules des Cyca- dées vivantes la chambre pollinique que Brongniart venait de découvrir chez les graines houillères, ce fut lui qui assura la publication du travail interrompu par la mort du maitre, et, dans la notice insérée en tête de l'ouvrage, J. B. Dumas lui rendait, pour la part qu'il y avait prise, l'hommage le plus mérité. 23 1058 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Il avait, au début de 1876, été nommé aide-natura- liste au Muséum, et il allait montrer, par les beaux travaux qu'il n’a cessé de faire durant près de vingt- neuf années, toujours avec ce même titre et dans des conditions d'installation singulièrement imparfaites, ce qu'il est possible de réaliser lorsqu'on a, comme il l'avait, l'amour passionné de la science. Qu'il soit, cependant, permis de regretter qu'il n'ait pu lui être fait une situation plus digne de sa haute valeur scien- tifique et du renom universel qu'il s'était acquis, et que l'intention manifestée en 1879 par Paul Bert, alors ministre de l'Instruction publique, de créer pour lui au Muséum une chaire de Paléontologie végétale, n'ait abouti qu'à le charger de leçons qui, malheureuse- ment, ne se sont poursuivies que pendant cinq années, et n’ont jamais été reprises. L'œuvre de Renault se divise assez naturellement, tant par la nature même de ses travaux que par leur ordre chronologique, en deux parties principales. La première comprend l'étude des végétaux supé- rieurs de la flore paléozoïque, portant surtout sur les échantillons silicifiés des gisements permo-houillers ou stéphaniens d’Autun et de Grand'Croix, ou, pour une moindre partie, sur ceux du Culm du Roannais et de lAutunois; la seconde, qui l'a plus particulièrement occupé dans ces dix dernières années, embrasse l'étude de la constitution intime des combustibles fossiles et celle des micro-organismes qu'ils renferment ou que l’on rencontre dans les végétaux supérieurs à structure conservée. Toutes les classes de végétaux houillers ont fait l'objet de ses investigations, et ont donné lieu de sa part à des observations nouvelles. 11 faut notamment rappeler, en ce qui regarde les Fougères, les nombreux types de fructifications qu'il a découverts, et la belle étude qu'il a consacrée au groupe nouveau des Botryopté- ridées, regardées par lui comme probablement hété- rosporées et comme formant un trait d'union entre les Fougères vraies et les Hydroptérides. Ses observa- tions sur la structure si intéressante des tiges de Spze- nophyllum ont été déjà mentionnées. Quant aux Equi- sétinées et aux Lycopodinées, les formes arborescentes qui les représentent dans la flore paléozoïque l'ont tout spécialement occupé, et il s’est d'autant + plus attaché à leur étude qu'il était en désaccord avec Wil- liamson sur l'attribution des Calamodendrées, ainsi que des Sigillariées, dont le bois secondaire à développe- ment centrifuge lui paraissait, comme à Brongniart, constituer un caractère phanérogamique. La science a été ainsi, du fait même de ce désaccord, enrichie par l'un ei par l’autre d’admirables travaux, et, si les faits ont paru confirmer plutôt l'interprétation de Wil- liamson, les découvertes récentes faites en Angleterre sur les Ptéridospermées sont venues montrer combien étaient fondées les prévisions de Renault relatives à l'existence de formes semblables, par leur aspect exté- rieur, à certains types de Cryptogames vasculaires, et cependant Gymnospermes par leurs fructifications; elles lui ont en même temps donné raison pour les Médullosées, qu'il n'avait jamais cessé de regarder comme affines aux Cycadinées. Nous lui devons la con- naissance des Poroxylées, étudiées par lui en collabo- ration avec M. C. E. Bertrand, et des Cycadoxylées, deux remarquables groupes de tiges qui semblent bien compléter la liaison entre les Cycadinées et les Cyca- dofilicinées. Enfin, il faut mentionner d’une facon spéciale ses travaux sur les Cordaïtées, dont il a étudié toutes les parties, tiges, feuilles, inflorescences et graines, chez lesquelles il à pu même saisir les grains de pollen encore engagés dans le micropyle de l’ovule; consta- tant sur ces grains de pollen, comme sur ceux qu'il avait rencontrés dans divers autres types de graines, des apparences de cloisonnement ainsi que des perfo- rations de la paroi, il annonçait que la éco tion avait dû se réaliser par l'émission directe d’anthéro- zoïdes, hypothèse hardie dont, peu d'années après, les découvertes de MM. Ikeno et Hirazé sur le Ginkgo @t les Cycas devaient établir la légi'imité. Renault à ainsi accompli une ‘uvre qui n'a de rivale que celle de Williamson, à laquelle elle n'a rien à: envier comme exactitude, et qu'elle dépasse peut-être sous le rapport de l'étendue comme de la diversité dé types étudiés; elle eût été, sans doute, plus vaste encore si son attention ne s'était peu à peu détachée des végé= taux supérieurs pour se porter sur les micro-orga nismes qu'il rencontrait dans ses préparations et qui lui offraient un champ d'études d'une autre nature, à peu près inexploré, Une des découvertes les plus intéres- santes qu'il y ait faites a porté sur les bogheads, qu'il 4 reconnu être entièrement formés par l'accumulation: d'Algues gélatineuses microscopiques appartenant à divers types génériques, pour l'étude détaillée desquels M. C. E. Bertrand lui a prêté sa collaboration, et dont les principaux paraissent appartenir à la famille des Cénobiées. Mais ses recherches ont surtout porté sur les Bactériacées, dont M. Van Tieghem avait, en 1879, signalé les premières traces dans des graines silicifiées de Saint-Etienne; il les a suivies dans tous les débris végétaux fossiles, el sous tous les modes de conserva- tion, en particulier dans les combustibles de tous les âges, depuis la houille jusqu'à la tourbe, s'efforcant des déterminer leur rôle dans la transformation chimiques de la matière végétale el de préciser les types spécin fiques auxquels paraît devoir être imputée la forma- tion des diverses sortes de combustibles, tels que $ houille, boghead ou lignite. | Malheureusement, de telles recherches, exigeant l'eme à ploi des plus forts grossissements avec éclairage inten-M sif, ne se poursuivent pas impunément, lorsqu'on S'y livre avec l'ardeur et la persistance qu'y mettait Re nault. Frappé d'une sorte de congestion de la rétine, il avait, depuis deux ans, dù cesser presque tout travail, M et l'épreuve fut d'autant plus cruelle qu'elle eut pour conséquence d'empêcher la création en sa faveur, à la suite de la mort du regretté M. Dehérain, de cette chaire de Paléobotanique qu'il ambitionnait si légili- mement, et dont la place semblait si naturellement indiquée au Muséum. Mais, si les honneurs lui ont manqué, il n'en à pas moins honoré et la science et le grand Etablissement dans lequel il continuait avec tant d'éclat l'œuvre et les traditions d'Adolphe Bron- gniart. R. Zeiller, ‘. Membre de l'Institut, : Inspecteur général des Mines. ve $ 3. — Astronomie Les observations spectroscopiques et la parallaxe solaire. — Sir David Gill, directeur de l'Observatoire du Cap de Bonne Espérance, à proposé récemment que, dans chaque observatoire, on choisit une étoile déterminée, qu'on y observerait continuel- lement pendant toute l'année, de facon à déterminer la vitesse moyenne de la Terre d'une façon indépen- dante, par des moyenss pectroscopiques, — en d’autres termes pour déterminer la parallaxe du Soleil par l'ana- lyse spectrale. Il est à souhaiter que cette proposition de Sir D. Gill soit acceptée, car il est probable qu'elle donnerait des résultats précieux. Dans plusieurs obser- vatoires, on possède des spectroscopes stellaires qui atteignent ou dépassent une précision correspondant à une erreur probable de 0 kilom. 5 pour une détermi- nation isolée de vitesse radiale, en sorte que deux cents observations, environ, seraient suffisantes pour réduire l'erreur probable de la parallaxe solaire ainsi déter- minée à 0", 01, — résultat très important. $ 4. — Météorologie Un nouveau journal météorolegique.— Sous le titre Le Temps qu'il fait, un groupe d'amateurs vient de fonder, à Mons, une revue mensuelle pour la vulgarisation de la Météorologie. La nouvelle revue CE I CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE fera de la vulgarisation élémentaire, mais sérieuse, car nous voyons, parmi ces amateurs, des correspondants météorologiques fort appréciés, et elle ne se départira pas des vrais principes scientifiques, qu'elle s’efforcera Seulement d'exposer en un langage clair et simple. Nous souhaitons longue vie et bon succès au nouvel organe météorologique, et nous espérons qu'il sera, pour le grand public, un agent utile de diffusion des Connaissances relatives à la science de l'atmosphère. Variation de l'aiguille aimantée.— Le Profes- Seur Agamennone apporte un nouveau fait pour l'his- loire des variations des déclinaisons : il s'agit d'une lettre à Francesco Redi, sous le titre D'una subita Declinatione della calamila, due au P. Eschinardi, de Académie physico-mathématique de Rome, et publiée avec divers autres petits écrits en 1681 (Lettera del padre Francesco Eschinardi, della Compaqgui di Gesu, al Signor Francesco Redi, nella quale si contengono alcuni Discorsi lisico-matematier). L'auteur s'exprime de cette curieuse manière : «… Je (rouvai qu'elle était — la déclinaison à Rome — d'un peu plus de 3° à l’ouest. Quelques jours après tes déterminations, je remarquai que la déclinaison “avait changé subitement et atteignait 5° à l'ouest. Des expériences répétées furent faites loin de [ous objets en fer, avec de très bonnes aiguilles, et je ne pus imaginer d'autres causes à ce phénomène, comme je le dis à plusieurs personnes, que quelque tremblement de terre “récent ; en effet, quelques jours après arriva la nouvelle “lu tremblement de terre de Malaga, en Espagne. La raison qui m'amena à celte hypothèse est basée sur le fait, admis par les meilleurs auteurs, que l'aiguille suit la direction du pouvoir magnétique répandu sur la Merre vers le pôle, et, comme l'a ingénieusement expliqué le P. Zucchi, les déclinaisons différentes de l'aiguille en divers lieux proviennent d'une attraction plus où moins grande d'un côté que de l'autre, de linégale répartition, par rapport à une localité, des terres el des mers. Dès lors, un changement subit dans la cause doit amener un changement subit dans l'effet: un tremblement de terre peut donc moditier subitement la vertu magnétique, qui, comme nous le savons, se modifie et se perd mème dans les pierres "d'aimant... J'ai, d'ailleurs, fait connaître la nouvelle du phénomène à Paris et autres lieux et j'apprends que, là aussi, on à constaté un notable changement...» Aucun document ne nous permet, quant à présent, de vérifier cette dernière assertion. $S 5. — Art de l’Ingénieur Le refroidissement de l'air destiné au souf- flage des hauts-fourneaux. — Les machines fri- gorifiques viennent de trouver une nouvelle applica- lion, en apparence paradoxale, que M. Gustave Richard a décrite à l'une des dernières séances de la Société ‘WEncouragement pour l'Industrie nationale : il s'agit «de dessécher l'air nécessaire au soufflage des hauts fourneaux avant son aspiration dans les cylindres des machines soufilantes. L'importance que peut présenter ce dessèchement ressort immédiatement du fait que le haut fourneau consomme, en poids, environ deux fois plus d'air que de charbon, de minerais et de fondants. Or, cet air renferme, suivant son état hygrométrique, des teneurs de vapeur d'eau extrèmement variables, non seule- ment d'après les saisons, mais aussi d’une heure à l'autre de la journée, de sorte qu'un haut fourneau qui consomme, par exemple, 1.000 mètres cubes d'air par minute, absorbe ainsi de 500 à 1.000 kilogrammes d'eau par heure, sous la forme de vapeur en suspeusion dans l'air. On conçoit que de pareilles variations aient une grande influence sur l'allure des hauts-fourneaux et que cette influence soit des plus gênantes ‘parfois, en raison de l’imprévu des variations de l’état hygromé- rique de l'air. Cette influence est bien connue, depuis 1059 longtemps, des praticiens qui, jusqu'à présent, se con- tentaient de la subir comme celles mêmes du temps. Tout récemment, aux Etats-Unis, on à entrepris de se débarrasser de cette influence versatile en dessé- chant systématiquement l'air destiné à l'alimentation des luyères des hauts-fourneaux, et l'on n'a guère trouvé, pour assurer ce dessèchement, mieux que de refroidir aux environs de 00 l’air en question. L'expérience a été faite sur un haut-fourneau de la Compagnie Carnegie, à Etna, Pensylvanie. Il s'agit d'un grand haut-fourneau de 28 mètres de hauteur. Le refroidissement de l'air s'effectue en le faisant passer, avant son aspiration par les machines soufflantes, sur des serpentins parcourus par une dissolution de chlo- rure de calcium refroidie par des machines frigori- fiques. Cette dissolution traverse une série de serpen- tins, en tubes de 50 millimètres de diamètre et d'un développement total de 27 kilomètres: ces serpentins sont disposés dans une sorte de tour, au bas de laquelle des ventilateurs électriques refoulent l'air à refroidir, pris directement dans l'atmosphère. Cet air sort de la tour refroidi à 0°, ou au-dessous, se rend de là à l’as- piration des machines soufflantes, qui le refoulent aux tuyères au travers des fours ordinaires à réchauffer le vent. Les machines soufflantes sont au nombre de trois, avec cylindres à vent de 2,13 X 1,50 de course; elles refoulent leur air à une pression de 18,2 environ. Les machines frigorifiques sont au nombre de deux, dont une de rechange, à cylindres de 560 X 915 de course. Le corps réfrigérant employé est l'ammoniaque ; la capacité de ces machines frigorifiques est d'environ 225 tonnes de glace par jour. On voit qu'il est, ici, question d’une très importante installation. Voici maintenant les résultats d’une expérience de trois mois, commencée dès le 41 août de cette année, et tels qu'ils sont donnés dans un très remarquable Mémoire, présenté par M. J. Gayley au meeting de l’/ron and Steel Institute, à New-York, le 25 octobre. L'emploi de l'air ainsi desséché a, tout d’abord, per- mis d'augmenter de 20 °/, environ le débit du haut- fourneau, et cela avec une économie considérable de coke; la production de fonte par jour est passée de 368 tonnes, en moyenne, à 447 tonnes, e! la dépense de coke, par tonne de fonte, de 960 à 780 kilogrammes (diminution 18 °/,). D'autre part, cet air desséché, aspiré froid et plus dense, à permis de réduire la vitesse de rotation des machines soufflantes de 114 à 96 tours par minute; de là une économie de force mo- trice d'environ 700 chevaux, puis une réduction de la perte par la dissipation en poussières d’une partie du minerai très fin employé dans ce haut-fourneau, perte qui est tombée de 5 à 1 °/.,. Enfin, l'allure du haut- fourneau, bien plus régulière qu'avec l'air non des- séché, donne, sans aucun accroc, des fontes à la fois moins siliceuses et moins sulfurées. 11 y à done là un progrès, selon toute apparence, des plus intéressants à signaler dans une industrie des plus importantes. L'industrie des chronoméètres. — Le savant directeur de FObservaloire de Genève, le Professeur Raoul Gautier, a présenté récemment, à la classe d'In- dustrie et de Commerce de la Société des Arts de Genève, un important Rapport sur le concours de réglage de chronomètres en 1903. Les dernières années du xix° siècle ont marqué dans les annales de l’horlo- gerie genevoise de précision par une activité considé- rable, qui a atteint son apogée en 1899 : cette année-là, on avait enregistré 633 dépôts à l'Observatoire, et, l'année suivante, le nombre de dépôts tombait déjà à 528. Les premières années du xx° siècle sont caracté- risées par une baisse encore plus accentuée dans le nombre des dépôts : 306 en 1901, 359 en 1902, et 266 en 1903; il faudrait retourner bien loin en arrière pour trouver à nouveau un chiffre aussi faible. Certainement, d'une part, l'industrie de l'horlogerie traverse actuellement une crise difficile dans tous les pays; certainement aussi, la renommée de Genève est 1060 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE égitime et il faut reconnaitre la qualité des produits suisses et les services qu'ils ont rendu pour les mesures de précision; mais, d'autre part, la diminution genevoise est due, en partie, au développement et au perfection- nement incessants de notre fabrication, comme en témoignent, notamment, les efforts et les importants résultats obtenus à Besancon. $ 6. — Physique L’eau salée, aceumulateur de la chaleur solaire. — Dans la partie N. E. de la Méditerranée, on a constaté en certains points l'existence, à une profon- deur de 1 à 5 mètres, d'une couche dont la température dépasse de 0,5 à 2° celle de la surface, et le fait a été attribué à des courants d'eau plus chaude. Pareille ano- malie existe dans les lacs chauds et salés de la Hongrie, où l’on trouve souvent une couche chaude de plusieurs mètres d'épaisseur entre deux couches plus froides. Dans une étude antérieure, M. von Kalecsinsky! est arrivé à conclure que cette couche ne peut recevoir que du Soleil l'excès de chaleur qu'elle conserve, et que l'eau salée, naturelle ou artüficielle, ne peut ainsi s'échauffer notablement que si elle estrecouverte d'une couche d’eau pure, ou d’eau moins salée. Il a pu, dans l'été de 1903, reproduire artificiellement ce phénomène, en l’exagérant *. Des récipients de bois de 200 litres de capacité à peu près, enterrés jusqu’au bord dans un Jardin, recevaient des solutions à 30 °/, environ de sels divers, que l’on recouvrait avec précaution d'un couche d'eau pure de 10 centimètres; cette eau était soigneu- sement renouvelée au fur et à mesure de l'évaporation. La température était prise à 1 heure de l'après-midi, à la surface et à des profondeurs de 15, 40, 75 centi- mètres. Voici quelques résultats, relatifs (A) à de l'eau pure, et (B) à une solution de sel ammoniac : SURFACE ‘A 15m À 40" AID ANNTONMEE CN 50 150 150 40 PEUT NN 25 24,8 21 20,5 B)MOPMaAE RE 171 19 16 INR 25 29 24 21,8 La variation de température, qui est graduelle avec des solutions dans lesquelles la diffusion s'exerce, devient très brusque et considérable si la diffusion ne peut avoir lieu; ainsi les nombres suivants se rappor- tent à un récipient plein d’eau ordinaire surmontée d'une couche de deux doigts d'huile d'olive : 28 MAL CR, CN MENT 0 239 200 170 DOMINER ETES 56 27 22 Cette sorte d’emmagasinement de la chaleur solaire par l’eau salée pourrait sans doute être observée par- tout où la salure de la mer est un peu moindre à la surface. On l’a d'ailleurs constaté sur des étangs salés de Roumanie, sur des lagunes chaudes voisines de la mer dans les environs de Bergen, et sur certains lacs sibériens. Sa cause est purement physique. La reproduction des reliefs par voie pho- tographique. — Un intéressant procédé pour repro- duire, par la photographie, les formes plastiques d’un modèle vient d’être imaginé par M. Carlo Baese, de Florence. Bien qu'on ait déjà fait de nombreuses (entatives dans cette voie, tous les procédés jusqu'ici inventés demandaient une grande adresse de la part de l'artiste, ne laissant qu'une part secondaire à la photographie elle-même. Dans le procédé Baese, on utilise le gonflement de la uélatine bichromatée. Cette substance, comme on le sait, perd plus ou moins de son pouvoir de gonflement * Ann, der Physik. t. VII, p. 408, 1902. ? Ibid, t. XIV, p. 843, 1904. suivant l'intensité de l'éclairage auquel elle est exposées de facon que les différentes nuances d'un négalif son! reproduites en relief sur une couche de cette substanct placée en contact avec ce dernier, comme dans procédés ordinaires de photocopie. 1 Or, le seul obstacle auquel se heurtait M. Baese & le fait que la transparence du négatif, loin d’être pros Fig. 1. — Schéma du dispositif de M. Baese. — S.S, mi roirs; M, modèle; P, lampe à projection; A, chambre obscure. portionnelle au relief du modèle, dépend de quan té d'autres facteurs. Abstraction faite des couleurs du modèle, qui jouent un rôle important, c’est la distri bution des lumières qui exerce une influence considé= rable. Cette difficulté, M. Baese l’a éliminée d'une facon fort ingénieuse. ; Le modèle M (fig. 1), étant éclairé au moyen d'une Fig. 2. — Exemple de photographie obtenue par le procédi de M. Baese. lampe de projection P, est frappé par les rayons lumi=" neux, après réflexion sur les miroirs S, perpendi-=" culairement à la direction dans laquelle la photogra= phie doit être prise. Au moyen d’un filtre lumineux,» on fait subir à la lumière du projecteur une graduation: telle que l'illumination du modèle décroit progressi=n CHRONIQUE ET CORRRESPONDANCE “ement en intensité de gauche à droite, le modèle Ætant éclairé de manière que les parties en saillie “soient frappées par l'éclairage le plus brillant, et celles “qui sont en creux par les rayons les moins forts. Cette “raduation de lumière se trouve toutefois tellement modifiée par linclinaison différente des surfaces sur “icsquelles elle se distribue, que c'est à peine si l'on “en retrouve une trace dans la chambre obscure A. Un négalif pris sous un éclairage semblable ne mon- “ircra, par conséquent, aucune distinction entre les “arties de relief différent; ce résultat ne serait pas, l'ailleurs, non plus réalisé si le modèle était uniformé- “inent éclairé à la lumière blanche, Les colorations du modèle exerceraient évidemment à leur tour leur “influence sur la plaque, de facon que les graduations Seraient toutes indépendantes de la profondeur des différents points. Or, si, après qu'on a insolé cette première plaque, le Mültre de g verti de facon que les portions les plus transparentes Soient remplacées par les plus opaques et inversement, l'intensité lumineuse de l'éclairage du modèle augmen- fera d'avant en arrière. Après avoir pris une seconde vue sous ce nouvel éclairage, on n'aura plus besoin du “modèle. La transposition de la plaque et des filtres Jumineux se fait automatiquement, en déplaçant une coulisse, de manière que les deux vues soient prises facilement dans l'intervalle d'une seconde. Après avoir révélé les plaques, on constate que la graduation lumi- “neuse des deux épreuves superposées se compense presque entièrement, alors que les colorations du mo- dèle sont visibles également sur l’une ou l'autre. Or, si l'on prépare au moyen de l’une des épreuves un dia- positif interverlissant les effets de coloration et qu'on le superpose sur l’autre négatif, on produira une image composée correspondant exactement aux conditions que nous venons d'indiquer : c'est qu'en effet les por- tions en saillie sur le modèle apparaitront comme les plus opaques, tandis-que les portions en creux corres- pondent aux points les plus transparents, quelle que soit la coloration de l'original. Un nouveau principe phonographique. — A propos de la Note parue sous ce titre dans notre numéro du 15 novembre, M. Paul Janet, professeur à la Faculté des Sciences de Paris, directeur de l'Ecole Supérieure d'Electricité, nous fait observer quil à indiqué le même principe, avec une expérience à “l'appui, dès 1894, à la séance de la Société francaise de Physique du 21 décembre. Sa communication ayant été analysée dans la /evue (tome VI, p. 83), nous engageons ceux de nos lecteurs que cette question intéresse à s'y reporter. $ 7. — Sciences médicales Les injections hypodermiques d'air atmos- phérique. MM. Mongour et Carles‘ (de Bordeaux) viennent de publier plusieurs observations de sciatique ou de névralgies intercostales rebelles, guéries défini- tivement par des injections sous-cutantes d'air atmo- sphérique. Certes, cette méthode n’est pas toute récente, car voici déjà deux ans que M. Cordier (de Lyon) l'a décrite : depuis, elle n'a été que peu employée, et il n'y a guère que MM. Mongour et Carles qui, jusqu'ici, laient utilisée d'une façon pour ainsi dire systématique. Le manuel opératoire est très simple : une seringue de Pravaz suffit; à cette seringue, on adapte une soufflerie qui peut être une poire à cautère ou une pompe à bicyclette. Quant à la quantité d'air à injecter, elle varie suivant la susceptibilité du sujet : en règle géné- rale, il faut cesser l'injection dès que le malade ne sent plus sa douleur. Cette méthode semble donner d’excel- lents résultats, et elle est, pour ainsi dire, exempte de danger. Une question se pose cependant : comment 1J. de Méd. de Bordeaux, août 1904. aduation de la lampe à projection est inter-, 1061 s'obtient l'analgésie dans ces conditions? On n'en sait trop rien; pourtant, MM. Mongour et Carles admettent, avec M. Cordier, que ces injections agiraient sur Jes névralgies en amenant une élongation des fines ramifi- cations nerveuses. Quoi qu'il en soit, c'est un moyen thérapeutique commode et, si bien pratiqué, inoffen- sif, qui, par conséquent, peut rendre de réels services. Traitement chirurgical de la goutte. — Le Professeur Riedel, d'Iéna, vient de publier, dans la Deutsche medicinische Wochenschritt*, deux obser- vations très intéressantes, par lesquelles il prouve que l'on peut intervenir chirurgicalement, et avec succès, dans les accès de goutte. Chez ses deux malades, il à ouvert délibérément l'articulation, l’a débarrassée de ses urates et extirpé la synoviale. La plaie s’est très bien cicatrisée dans les deux cas, et les malades sont morts, l'un, huit ans après, l'autre, quatorze ans après, sans avoir eu depuis le moindre accès de goutte. Il va de soi que M. Riedel se garde bien de soutenir que la goutte, à l'instar de plusieurs autres affections médicales, est destinée à passer dans le domaine de la chirurgie. Il dit seulement que l'articulation du gros orteil étant très accessible et fort résistante, il y a lieu de l’attaquer au bistouri, en cas de fluxion articulaire d'origine goutteuse, étant donné surtout que cette fluxion est essentiellement une arthrite aseptique. II pense même que l'ablation de la capsule, qu'il a pra- tiquée chez ses deux malades, doit mettre à l'abri de la récidive. Les événements semblent, d’ailleurs, lui avoir donné raison, etil est très possible que la chi- rurgie recueille désormais des succès réels dans le trai- tement de cette affection si douloureuse et si tenace. L'épidémie de peste de Fou-Tehéou.— M. le D: Roufliandis a pu observer une récente épidémie de peste à Fou-Tchéou, et il en donne le compte rendu dans les Annales d'Hygiène et de Médecine coloniales”. Cette épidémie a été très grave. Il y aurait eu plus de 25.000 morts en un an, et plus de 6.000 dans le seul mois de juillet 1902. La population européenne (qui ne compte que 150 personnes environ) y à échappé complètement; en revanche, il n’est pas étonnant que la population indigène ait payé à cette infection un tribut considé- rable. Fou-Tchéou a plus de 700.000 habitants, qui ignorent totalement l'hygiène la plus élémentaire : les rues sont très étroites et pleines d’une boue grasse et fétide:; tous les 50 mètres ,on trouve des jarres de terre ou des baquets de bois enfouis à moitié dans le sol; ces récipients sont destinés à recevoir les matières fécales qu'un maraicher vient chercher de temps à autre pour aller arroser ses cultures. Tout est à l'avenant : aussi l'épidémie s'est-elle propagée avec une rapidité excep- tionnelle. L'auteur à pu soigner 73 malades, qu'il à inoculés avec le sérum antipesteux de Yersin. Il à pu ainsi guérir 33 pestiférés, ce qui est un excellent ré- sultat. Il n'en est pas moins vrai que cette épidémie nous fournit la preuve éclatante de l'excellence d'une hygiène bien comprise; car il est absolument évident que c’est grâce à elle que la population européenne à pu échapper au fléau. $ 8. — Géographie et Colonisation Les lacs des hauts plateaux boliviens. — Les hauts plateaux situés dans la zone tropicale de l'Amérique du Sud, entre les 11° et 24° degrés de latitude sud, et qui s'étendent pour partie en territoire péruvien, mais pour la plus grande part en Bolivie, ont pour limite, à l’ouest, la Cordillère extérieure ou occiden- tale, à l’est, la Cordillère intérieure ou orientale. Cette région, d’une altitude moyenne de 4.000 mètres, n'offre aucun écoulement pour les eaux qui s'y accumulent. C'est la puna, qui se présente tantôt sous l'aspect d'im- 1 Voir Presse Médicale, 11 septembre 1904. ? Ann. d'Hyg. et de Méd. Col., Paris, 1904, VIF, p. 417. 1062 menses plaines salines, tantôt sous celui de vastes déserts dépourvus de toute végétation. Dans certaines parties, il y a de nombreux et grands marécages. On sait que, sur ce haut plateau, l'eau des pluies a déterminé la formation de deux lacs, l'un profond, entouré de hautes montagnes et contenant de l’eau douce, le Titicaca; l’autre, grande lagune sans pro- fondeur et contenant de l’eau salée, le Poopo. Un cours d'eau, le Desaguadero, réunit ces deux lacs, déversant les eaux du lac Titicaca dans le lac Poopo. Il est intéressant de constater que ces deux lacs se sont beaucoup retirés depuis les temps historiques et que le lac Poopo est même appelé à disparaître avant un temps éloigné. Cette baisse paraît se continuer d'une flacon constante depuis une époque déjà ancienne, et il est incontestable que jadis les deux lacs communi- quaient, formantune vaste mer intérieure quirecouvrait tout le haut plateau du 15° au 21° degré de latitude sud. Les eaux se déversaient alors dans la grande dépression où est aujourd'hui La Paz, et s'écoulaient par un large fleuve dans le bassin de l'Amazone. Le torrent qui passe à La Paz, ou rio de la Paz, n'a aujourd'hui aucune communication avec le lac Titicaca. On com- prend qu'il pouvait être intéressant d'étudier avec précision tout ce qui se rattache à l’état actuel de ces lacs et au régime de leurs eaux. Cette étude vient d'être faite avec un grand soin par une Mission française, dirigée par MM. de Créqui- Montfort el Sénéchal de la Grange, qui, en 1903, a parcouru diverses régions de la Bolivie, de la Répu- blique Argentine, du Chili, du Pérou, se livrant à des recherches détaillées dans les différents domaines de la Géologie, de la Minéralogie, de l'Anthropologie et de l'Ethnographie, de la Philologie, de la Zoologie et de la Physiologie. C'est le Dr Neveu-Lemaire, préparateur à la Faculté de Médecine de Paris, à qui étaient spéciale- ment dévolus la charge des travaux zoologiques et le soin des collections d'Histoire naturelle, qui entreprit l'exploration des deux lacs Titicaca et Poopo. Il fit de nombreux sondages, mesura la transparence de l'eau et prit sa température, fit des dragages à la drague et au filet, recueillit de la vase du fond ainsi que des échantillons d’eau pour les soumettre à l'analyse, exé- cutant ainsi une étude hydrographique complète. Le lac Titicaca, situé à 3.812 mètres au-dessus du niveau de la mer, est le lac le plus élevé de l'Amérique. Il mesure environ 160 kilomètres de longueur sur 60 dans sa plus grande largeur. Sa superficie peut être fixée à 5.100 kilomètres carrés. Le lac à des profondeurs qui dépassent 200 mètres. Il se prête, par conséquent, à la navigation. Jadis les relations entre les agglomérations riveraines ne s’effectuaient qu'à l'aide de pirogues conduites à la rame par des Indiens; mais, depuis peu de temps, deux vapeurs, le Coya et le Yavari, rem- placent ces bateaux primitifs. C'est sur le dernier, Jaugeant 161 tonneaux, que le Dr Neveu-Lemaire a fait une exploration du lac qui a duré dix jours. Le lac Titicaca est orienté nord-ouest-sud-est. Sa forme est assez irrégulière, et ses côtes présentent quelques golfes profonds. Les deux presqu'iles de Co- pacabana et de Achacache le resserrent vers le sud, à ce point qu'il forme deux parties bien distinctes, ne com- muniquant entre elles que par un étroit passage, le détroit de Tiquina. La partie située au nord-ouestestle Grand-Lac; celle qui est au sud-est est le Petit-Lac. Le Grand-Lac renferme plusieurs iles, dont les plus importantes sont les îles Amantani et Solo, vers le nord, l’île de Titicaca ou du Soleil, la plus grande de toutes, et l’île Coati ou de la Lune, plus au sud. Dans le Petit-Lac se trouve un véritable archipel. La partie méridionale du lac, plus resserrée, porte le nom de lac Huaqui, et c'est de la rive sud-ouest que part le Desaguadero, qui porte les eaux du Titicaca au Poopo. Au cours de sa croisière, le D° Neveu-Lemaire a pra- tiqué environ 120 sondages, en employant pour les profondeurs supérieures à 10 mètres le sondeur Bel- loc, modifié par M. Thoulet. Le Grand-Lac présente CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE des profondeurs de plus de 200 mètres, le maximun étant de 272 mètres. Au fond des golfes, la profondeut est beaucoup moindre. Ainsi, la profondeur du go de Puno, à l’ouest, qu'un détroit assez resserré sépa du Grand-Lac, varie de 5 à 30 mètres. Dans le lae Huaqui, on ne rencontre pas de fond dépassant 5 mèt La température du lac Titicaca à ses diverses p fondeurs, observée pendant le mois de juillet, c'es dire dans la première partie de l'hiver sur les platea du Pérou et de la Bolivie, paraît remarquable par so uniformité. La température moyenne de la surface es de 11°,6, et elle change peu d'un moment à l'autred la journée. Elle est plus basse dans le Petit-Lac qu dans le Grand-Lac. La température du fond a été pri à des profondeurs variant de 3,30 à 270 mètres, sa qu'il y ait un écart de plus de 2 degrés. La températur maxima (119,4) à été observée à 185 mètres, et la ten pérature minima (9°,4) a été observée à 3,30. L'eat ne gèle jamais, sinon tout à fait sur les bords. L'eau du lac Titicaca est très transparente. Au milie du lac, on distingue facilement un disque blanc jusqu 15 mètres; sur les bords, on voit nettement le fond Jusqu'à 5%,15. En même temps qu'elle est limpide cette eau est douce et agréable au goût. Le niveau du lac varie avec les saisons. En été, il pleut souvent et les orages sont fréquents et terrible Aussi le niveau s'élève-til à ce moment, tandis qu'il s’abaisse en hiver. Mais, en dehors de toute influence des saisons, le niveau baisse de plus en plus. Les poissons du lac Titicaca appartiennent à deux familles : les Siluridés et les Cyprinodontidés. Dr Neveu-Lemaire a recueilli des Batraciens et, parmi les Invertébrés, des Mollusques, des Crustacés, des Hi rudinées, des Palmaires, etc. De nombreux oiseaux d’eau fréquentent le lac. Parmi les plantes aquatiques se trouvent des Characées et deux Myriophyllum. Sorti du lac de Huaqui, le Desaguadero vient se jeter au nord du lac Poopo, après un parcours d'environ 320 kilomètres. Il recoit des affluents qui traversen des dépôts permiens de sel et il contribue ainsi à entretenir la salure des eaux du Poopo. 11 est navigable dans la première partie de son parcours et fréquenté par un vapeur à très faible tirant d’eau. Le lac Poopo est situé à 3.694 mètres au-dessus d niveau de la mer, à 118 mètres, par conséquent, au dessous du niveau du lac Titicaca. Sa longueur maximd est de 88 kilomètres, sa largeur maxima de 40 et sa largeur moyenne de 32. Sa surface est de 2.530 kilo: mètres. Sa forme est sensiblement celle d'un ovale irrégulier orienté nord-nord-ouest-sud-sud-est. Ce lat n'est qu'une grande lagune peu profonde, surtout à sa périphérie, et il faut trainer une embarcation pendant plusieurs kilomètres avant de la voir flotter. C'est suf une petite barque, mesurant à peine 3 mètres de lon: sueur, que le D' Neveu-Lemaire a exploré le lac pen: dant six Jours, avec deux autres membres de la Missio Le D' Neveu-Lemaire à fait dans le lac environ T0 sondages, tous par le procédé de la corde. La plus grande profondeur trouvée est de 2,95. A peu près au milieu du lac se trouve une île, l'ile Panza, pe élevée au-dessus du niveau de l’eau et habitée par uné quarantaine d'Indiens Aymaras. A l’ouest, une autre ile plus petite a recu le nom d'ile de Créqui-Montfort: La température de l’eau varie beaucoup d'un moment à l’autre de la journée: vers deux heures de l'après midi, en plein soleil, elle atteint 19,9, tandis que le matin, au lever du jour, elle se rapproche de 0 degrés l'eau gèle même sur les bords. Bien que trouble et bo euse, cette eau renferme de nombreux Crustacés et uné espèce de poisson, l'Orestias Agassizi. Les oiseaux d'eau sont nombreux, comme sur le lac Titicaca, et & sont à peu près les mêmes espèces. En certains points du lac, et surtout au voisinage de l'ile Panza, on vo flotter à la surface de nombreuses plantes aquatiques; qui génent beaucoup la navigation. Gustave Regelsperger. LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE lulLIBRARY) A PROPOS D'UN LIVRE DE M. Les principes de la Mécanique ont fait depuis trente ans l’objet de nombreuses études. Il avait semblé, pendant longtemps, qu'ils étaient au-des- sus de toute critique, et l'œuvre des fondateurs de la Science du mouvement formait un bloc que l’on croyait devoir défier à jamais le temps. Une analyse pénétrante a examiné à la loupe les fondations de l'édifice; en fait, là où nos prédécesseurs trouvaient ou paraissaient trouver toutes choses simples, nous rencontrons aujourd'hui de sérieuses difficultés. Beaucoup de ceux qui ont eu à enseigner les débuts de la Mécanique ont été troublés par l'incohérence de certaines expositions traditionnelles. Ils ont trouvé arbitraire cet alliage de démonstrations mathématiques et de principes expérimentaux, el ont aperçu nombre de cereles vicieux. Peut-être y a-t-il eu dans ces critiques quelques exagérations, car ce n’est pas un paradoxe de soutenir qu'il y a des cercles vicieux au débul de toute science, et que sans eux la science ne se serait pas développée. À parler frane, on peut se demander si une exposilion bien cohérente est possible dans un premier ensei- gnement de la Mécanique. En celle malière, les expositions didactiques et bien ordonnées, comme les aime trop quelquefois l'enseignement francais, valent seulement pour ceux qui savent déjà, et l'on commence à se convaincre que les difficultés signa- lées s'atténuent si l’on se place au point de vue historique. L'enseignement de la Mécanique gagnerail beaucoup à rester moins étranger au point de vue historique. On comprend mieux ce mélange de postulats et d'expériences plus ou moins précises, qui onl conduit aux principes généraux, quand on suit dans ses grandes lignes la marche historique de la science. Qu'on n’aille pas prétendre que cela est inutile: en Géométrie, dira-t-on, on ne com- mence pas par décrire les observations et les expé- riences faites par nos lointains ancêtres et par analyser le travail mental qui a été ensuite l'origine des postulats de la Géométrie. C’est que, dans la science de l'espace, probablement sous l'influence d'une longue hérédité, nos conceptions géomé- triques ont pris un caractère intuitif. Il n'en est pas de même en Mécanique, où, les choses étant autre- ment complexes, quelques principes généraux n'ont 4 E. Maca : La Mécanique : Exposé historique et critique de son développement. Ouvrage traduit sur la quatrième édition allemande, par EuiLe BErtTrAND. 1 vol. in-89, Paris, Hermann, 1904. ÉMILE PICARD — LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE —_ 106 7 a MACH : pu être dégagés qu'avec une extrême lenteur, et où le retard est énorme par rapport à la Géomé- trie. On ne peut donc douter qu'il y ait grand inté- rêt pour le débutant à suivre, dans ses grandes lignes et avec les simplifications nécessaires, le développement des idées des fondateurs de la Statique et de la Dynamique. C'est une erreur de croire qu'il faudrait beaucoup de temps pour un tel enseignement, dont le professeur pourrait tirer, en outre, des lecons d’une haute portée. Mais, pour enseigner ainsi l'histoire de la science, il faut la bien connailre et ne pas se contenter de quelques anecdotes plus ou moins incertaines. La lecture des œuvres des Galilée, des Huyghens et des Newton n'est pas facile, el ne peutêtre abordée avec profit par tous. On est donc heureux de trou- ver un ouvrage où la sûreté de la critique s’unit à une connaissance approfondie du sujet, tel que le livre, depuis longtemps classique en Allemagne, de M. Mach. Ce n'est pas, à proprement parler, un livre sur l'histoire de la Mécanique, l’auteur n'entrant pas dans des détails ou des discussions qui n'auraient d'intérêt que pour les érudits; c'est un exposé historique et critique du développement de la Mécanique. M. Émile Bertrand vient de faire une traduction de l'important ouvrage du savant professeur émérite de l'Université de Vienne, qui rencontrera en France le meilleur accueil. Le premier chapitre traite du développement des principes de la Statique. C’est, au point de vue des idées, un des plus importants de l'ouvrage. Quelques passages néanmoins laisseront, je crois, à plus d'un lecteur une impression confuse, tenant à une méfiance peut-être exagérée de certaines connaissances intuilives. En jetant une vue d'en- semble sur le développement de la Statique, M. Mach écrit: « Il vaut bien mieux, pour l'éco- nomie de la pensée et pour l'esthétique de la science, reconnaitre un principe, par exemple le principe des moments statiques, directement comme la clef de l'intelligence de tous les faits d'une même catégorie, et voir clairement qu'il les pénètre tous, que trouver nécessairement une démonstration préalable, boîteuse, rapiécée, el basée sur des propositions obscures, dans les- quelles se trouve déjà inclus le principe que l'on veut prouver, mais qui nous sont, par hasard 2% 106% ÉMILE PICARD — LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE antérieurement familières ». Et, un peu plus loin, il prend à partie ces connaissances instinclives, qui jouissent d'une confiance toute particulière, qu’elles ne méritent pas. Certes, la critique est ici néces- saire, mais je crois que certains biologistes verraient souvent dans ces connaissances instinc- tives un résumé d'expériences ancestrales. Ce sont elles qui, en Statique, où de très bonne heure l'homme a eu une jusle intuition des choses, ont permis de poser les premières bases de la science, et qui, convenablement interprétées, ont conduit à quelques principes généraux. Sans doute, en don- nant à l'exposition une forme rigide et scolastique, « on introduit, dans la science, une sorte de rigueur fausse et absurde, et l’on trouve souvent dans les Trailés des exemples de cette fausse rigueur ». [l faut, en effet, protester contre un ensei- gnement donné dans un tel esprit; mais rien de pareil n'est à craindre si l’on se place au point de vue plus souple de l'histoire. Ainsi, prenons le prin- cipe des vitesses virtuelles avec la démonstration de Lagrange, où les forces sont remplacées par des fils de mêmes directions passant sur des poulies et tendus par des poids. On utilise dans celte démons- tration une connaissance instinctive relative à l’abaissement du centre de gravité. C'est un sem- blant de preuve, mais combien lumineux. M. Mach n'en disconviendrait pas ; alors pourquoi montrer tant de sévérilés pour des cas analogues, qui ne sont pas plus dangereux, mais, au contraire, très instructifs quand on les entend bien. M. Mach reconnait, d’ailleurs, l'imporlance de ces connais- sances instinclives, quand il écrit : « Remarquons enfin que le principe des vitesses virtuelles, ainsi que tout principe général, apporte, par la concep- tion qu'il procure, à la fois de la désillusion et de la clarté : de la désillusion, en tant que nous ne reconnaissons en lui que des faits depuis longtemps et inslinctivement découverts; de la clarté, car il nous permet de retrouver partout ces mêmes faits simples, au travers des rapports les plus com- pliqués. » IT Le deuxième chapilre, relatif au développement des principes de la Dynamique, est à signaler tout particulièrement. La Dynamique est une science toute moderne. Toutes les spéculations mécaniques des Anciens, des Grecs en particulier, se rap- portent à la Statique. Galilée, Huyghens et New- ton sont les trois fondateurs de la science du mou- vement. Un historien aurait pu insister sur les prédécesseurs de Galilée, en particulier sur Léo- nard de Vinci; mais nous avons dit que M. Mach n'a pas voulu faire un livre d’érudition. Galilée fonde la mécanique du mouvement d'un point | comme étant la quantité de matière, il sent le pre- malériel dans un champ constant; M. Mach nou: raconte les hypothèses successives faites par | grand physicien avant d’arriver aux expériences sur le plan ineliné : « Galilée, dit-il, possède l'espri moderne : il ne se demande pas pourquoi les corps tombent, mais comment ils tombent, c'est-à-dir. d'après quelles lois se meut un corps tomban librement. Pour déterminer ces lois, il fait cer- taines hypothèses; mais, au contraire d’Aristote, il ne se borne pas à les poser, il cherche à en prouver l'existence par l'expérience ». Galilée ne s'occupe, d'ailleurs, que d’un seul point, et ne fait pas de distinction entre la masse et le poids. Il est intéres- sant de voir comment Galilée arrive incidemment. à la loi de l'inertie dans un cas très particulier; c'est, pour lui, un cas limite du mouvement d’un point lancé sur un plan incliné, quand celui-ci devient horizontal. La grande gloire de Galilée est d'avoir discerné, dans les phénomènes naturels, le fait que les circonstances déterminantes du mou- vement produisent des accélérations. Comme le remarque M. Mach, la loi de l'inertie en résulte, et il n'y a pas lieu d’en donner un énoncé spécial. Bien fécondes aussi furent, par leurs conséquences, les remarques de Galilée envisageant le mouvement d'un projectile comme un phénomène composé de deux mouvements indépendants l’un de l’autre. Le rôle de Huyghens est ainsi résumé par M. Mach : « Parmi les successeurs de Galilée, on doit considérer Huyghens comme son égal à tous égards. Peut-être avait-il l'esprit moins philoso- phique, mais il compensait cette infériorité par son génie de géomètre. Non seulement Huyghens poussa plus loin les recherches commencées par Galilée, mais il résolut l'un des premiers problèmes de /a dynamique de plusieurs masses, alors que Galilée s'était toujours limité à la dynamique d'un seul corps ». Avec Huyghens aussi, nous passons aux forces variables ; ses recherches sur la force centrifuge ont joué un rôle capital dans le déve- loppement de la Mécanique. La notion de masse, il faut le dire, est bien confuse pour lui; mais il n'en traile pas moins un problème alors extrêmement difficile, le problème du pendule composé, utili- saut un postulat ins/inctif, relatif au mouvement du centre de gravilé d’un système pesant, et qui revient au fond au théorème des forces vives. Nous u'avons pas à nous étendre ici sur le rôle de Huy- ghens en Physique, particulièrement comme créa- teur de la théorie vibratoire de la lumière, et nous ne chercherons pas querelle à M. Mach pour n'avoir cité qu'incidemment le nom de Descartes. Newton constitue définitivement la Dynamique. Il généralise le concept de force, et, quoiqu'il regarde d'une manière peu heureuse la masse 4 ÉMILE PICARD — LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE 1 Es 1065 mier avec nellelé qu'il y a dans chaque point ma- ériel une constante caractéristique du mouvement différente de son poids : c'est la masse. La discus- Sion de cette notion capitale tient une grande place dans la remarquable critique faite par M. Mach des idées de Newton, et il insiste sur la dépendance intime qui existe entre le principe de l'action égale la réaction et le concept de masse. « Ces deux nolions, dit-il, sont inséparables; elles renferment le point capital des contributions de Newton ». Pour M. Mach, la nolion de masse repose sur le - principe suivant posé à priori : « Deux corps, dont la dimension est négligeable par rapport à la dis- tance, se communiquent des accélérations respec- tives, toujours opposées l'une à l'autre, el dont le rapport est fixe, c'est-à-dire toujours le même pour les deux corps; le rapport des masses pour ceux-ci » est égal à la valeur absolue du rapport des accé- * Jérations ». Il faut, d’ailleurs, poser de plus en prin- cipe que, si les masses des deux corps sont éva- luées par rapport à un troisième, le rapport de ces masses concordera avec ce qu'aurait donné l'action des deux corps l'un sur l’autre. On doit ajouter ce second principe, car il n‘y à pas dans celte ques- tion physique de nécessité logique à ce que deux masses égales à une troisième soient égales entre elles. Quand on définit les masses comme il vient d'être dit, ilest elair qu'il est inutile de postuler à part le principe dit de l'égalité de l'action à la réaction : ce serait énoncer deux fois le même fait. Ce point de vue est irréprochable; mais il faut avouer que, par son apparence astronomique, il est déjà complexe pour le débutant. J'avoue, pour un premier enseignement, préférer un autre mode d'exposition qui se rapproche davantage de l’ordre historique, le concept de masse s'étant, semble-t-il, introduit pour la première fois quand on remar- qua que la pesanteur peut imprimer à un même corps des accélérations différentes, comme il fut reconnu par les observations du pendule de Richer. Il suffit de joindre à ce premier fait les expériences classiques de Newton, faites avec des pendules for- més de matières diverses. III M. Mach discute longuement les idées de New- ton sur l’espace et le temps. Newton admettait l'existence d'un temps absolu et d'un espace ab- solu. Cette intrusion métaphysique déplait gran- dement à M. Mach, personne ne pouvant rien dire de l’espace absolu et du mouvement absolu, qui sont des notions purement abstraites. « Considérer la loi de l'inertie, dit-il, comme une approxima- tion suffisante, la rapporter aux étoiles fixes dans l'espace et à la rotation de la Terre dans le temps, | et attendre qu'une expérience plus étendue per- melle de préciser nos connaissances sur ce point, est encore le point de vue le plus naturel pour le chercheur sincère et sans détours ». Tout cela est très bien pensé; mais cependant, pour ma part, je ne vois aucun inconvénient à postuler, au début de la Mécanique, l'existence d'un corps absolument fixe, que l'on appellera, si l'on veut, le corps x avec C. Neumann, et à faire appel à une horloge purement idéale; la science s'est développée avec ces intuilions plus ou moins conscientes. C'est seu- lement, à mon avis, après avoir posé les équalions de la Mécanique que l’on s'étendra sur le carac- tère approché des expériences de Galilée et de Newton, et que l'on précisera les systèmes de comparaison. Quant aux soi-disant cercles vicieux d'une telle exposition, nous nous sommes expliqué plus haut à leur sujet; ce sont simplement des approximalions successives. On voit assez, par ce qui précède, l'intérêt du chapitre de M. Mach sur le développement des principes de la Dynamique. De nombreuses cita- tions nous font entrer dans la pensée des inven- teurs, et des appareils de démonstralion expéri- mentale, décrits et figurés dans le texte, laissent au lecteur l'impression que, à ses débuts au moins, la Mécanique est une science physique. Après celte période d'induction, qui est l'âge héroïque de fa Dynamique, vient une période déductive, où l’on s'efforce de donner aux principes une forme défi- nitive. Le développement mathématique joue alors le rôle essentiel. C'est ici que les Mathématiques sont indispensables; elles permettent de réaliser cette moindre dépense intellectuelle qui donne à la science, d'après M. Mach, un caractère économique. J'irai à cet égard plus loin que M. Mach, en faisant quelques remarques, auxquelles il ne souscrirait peut-être pas. On répète souvent qu'il n'y a dans une équation que ce qu'on y à mis. Il est facile de répondre, d'abord, que la forme nouvelle sous laquelle on retrouve les choses constitue souvent à elle seule une importante découverte. Mais il y a quelquefois plus : l'Analyse, par le simple jeu des symboles, peut suggérer des généralisations dé- passant de beaucoup le cadre primitif. En un sens même, il n'est pas juste de dire que l'Analyse n’a rien créé, puisque ces conceptions plus générales sont son œuvre. IL suffira de rappeler le système des équations qui porte le nom de Lagrange; ici, des transformations de calcul ont donné le type des équations différentielles auxquelles on tend à ramener aujourd'hui la notion d'explication méca- nique. C'est un exemple remarquable de l'impor- tance de la forme d'une relation analytique, et de la puissance de généralisation dont elle peut être capable. 1066 V. HENRI er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES Quoique le but de M. Mach soit surtout d'étudier, dans son développement, la partie purement phy- sique de la science mécanique, il n'était pas pos- sible à l'auteur de laisser entièrement de côté le développement formel; en particulier, les ques- tions de maximum et de minimum, dont le prin- cipe de la moindre action est l'exemple le plus célèbre, conduisent à des remarques historiques du plus haut intérêt, et donnent à l’auteur l'occa- sion de discuter l'influence des conceptions théo- logiques dans l’histoire des notions qui sont à la base de la science actuelle. Dès la première édition, déjà ancienne, de son ouvrage, M. Mach se rangeait parmi ceux qui se contentent de la description des phénomènes par des équations différentielles, comme devait dire l'illustre physicien Hertz quelques années plus tard; c'est ce dont témoigne le dernier chapitre de son livre sur le rapport de la Mécanique avec mènes physiques est traitée de préjugé. Il semb que, pour le moment au moins, ce point de vue soit celui d’éminents physiciens. Toutefois, des recherches toutes modernes montrent que les res présentalions moléculaires et atomiques et ce taines idées que l’on regardait comme déjà vieillies n'ont pas épuisé leur fécondilé; nous assistons en ce moment à d'étranges résurrections. Il sera doné toujours indispensable de ne pas perdre de vuë l'histoire de la science; entendue à la manière dé M. Mach, elle n’est pas une étude de pure curiosité: ou un objet de dissertation philosophique, et les chercheurs mêmes peuvent y trouver l'occasion d'utiles et profondes réflexions. Émile Picard, de l'Académie des Sciences. Professeur à la Sorbonne. L'ÉTAT ACTUEL DE NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOIDES DEUXIÈME PARTIE : AFFINITÉS Dans la première partie de cet article‘, nous avons éludié quelles sont les conditions de prépa- ration et les propriétés des solutions colloïdales : nous avons déterminé quelle est l'énergie de la liaison entre les granules et le liquide intergranu- laire. Nous allons maintenant étudier les affinités des solutions colloïdales. Nous examinerons successivement l'action sur les solutions colloïdales des électrolytes, des non électrolytes, et des autres solutions colloïdales. Nous terminerons par l'étude des propriétés des composés résultant de cette action. [. ACTION DES ÉLECTROLYTES SUR LES SOLUTIONS COLLOÏDALES. Lorsqu'on additionne les solutions colloïdales de très petites quantités d'électrolytes, souvent rien ne vient montrer à l'observateur qu'il se passe une action quelconque. Aussi, les premiers stades de l'action des électrolytes sur les solutions colloïdales sont-ils fort peu connus. Mais, si l’on continue l'addition, il s'ensuit le plus souvent une précipitation. Ce phénomène a élé bien étudié. Les chimistes l'ont rapproché de la formation des composés insolubles; les physiciens, de la sépa- ration d'un syslème en plusieurs phases par © Voyez la Revue du 30 novembre 1904, €. XV, n° 22, p. 1015 et suivantes. DES SOLUTIONS COLLOÏDALES addition d'un corps soluble. Nous allons exposer les données expérimentales qu’ils ont recueillies. Ÿ 1. — Précipitation des solutions colloïdales par les électrolytes. Toutes les solutions colloïdales précipitent lors- qu'on les additionne d'une quantité suffisante d'un corps électrolyte. Pour étudier les conditions de celle précipitation, nous allons examiner : 1° Pour” une solution colloïdale donnée, quels sont les corps qui la précipitent, et dans quelle mesure ils la“ précipitent ; 2° Comment se comportent les diffé-« rentes solutions colloïdales vis-à-vis d’un même corps précipitant, quel rapport il existe entre leur précipitabilité et leurs autres propriétés. 1. Corps précipitants. Pouvoirs précipitants. — On sait depuis longtemps que les solutions col- loïdales précipitent par addition de sels, acides ou bases. On a méme introduit en allemand un terme parliculier : « Aussalzen » pour exprimer l'action de précipiter les albuminoïdes et les colloïdes de ce genre par les sels. Au début de ces recherches, on éludia surtout la précipitation des substances toujours colloïdales (albumine, etc.). On fit tout de « suite la distinction entre le pouvoir précipitant des sels neutres, celui des sels alcalins et alcalino-ter- reux et celui des sels des métaux lourds. Les physiologistes montrèrent, au milieu du siècle Y. HENRI er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES — dernier, que les métaux lourds précipitent les albuminoïdes bien plus facilemeut que ne le font les sels neutres. ; L'étude systématique de la précipitation des col- loïdes par différents électrolytes à été commencée il y a environ vingt ans par Schullze?, Prost”, puis reprise par Linder et Pieton”, Hardy *,Spring ”,elc”. Le premier fait qui résulte de toutes ces re- cherches, c'est que certaines solutions colloïdales “précipitent par addition de faibles quantités d'acides et ne précipitent pas par l'addition d'alcalis, tan- dis que d'autres précipitent, au contraire, par de faibles quantités d’alcalis, et ne précipitent pas par l'addition d'acides. Au premier groupe appar- tiennent : Ag col., or col., sulfure d'arsenic, fer- rocyanure de cuivre, etc.; au second, l'hydrate ferrique colloïdal, l'hydrate d'alumine, etc. En étudiant la précipitation des colloïdes du premier groupe par les sels, on voit que c'est du métal du sel que dépend la précipitation; pour les col- loïdes du second groupe, c'est l'acide du sel qui importe. En effet, si, avec Schultze et les auteurs qui l'ont suivi, on convient de mesurer le pouvoir précipi- tant d'un sel par l'inverse de la concentration moléculaire de ce sel nécessaire pour précipiter un colloïde donné, on observe que, pour les colloïdes du premier groupe, le pouvoir précipilant des sels est en rapport avec la valence du métal. 11 faut d'autant moins de sel pour précipiter le colloïde que celte valence est plus forte. Voici, par exemple, d'après Freundlich, les con- A 1 ee centrations, exprimées en og N, des différents sels qui précipitent une mème solution colloïdale de sulfure d'arsenic : LOIRE 0855 | 1.6 Li2S0*. à de 1713 NaCl NE 11,2 RAR OU KO" ; 69,1 Ca(AzO®)2. : : : 0,94 RER" 67.0 SIREN AD ESO RUATZ OS 69,8 ae 7: 0,96 K?S0* 91,5 BA (AZOS) 0,96 REPOS RUN 3870) ThNCIERSS en RUE AZHCIENC, 59,1 JNSOE 2 LI AAHÉAZOMS CN AC MO2(AzZ O2) ME NUIE9D HP 42,9 | HESOR NN 42.0 | INICIÉE MES 0,130 AT(AzO®);. . 0,137 HOUR ENRAENS 0,94 Ce?(S0*}. . 0,133 BESOINS 1,13 DONAZOS) CMOS — 1 ScauLrze : Z. für prakt. Ch. [1], t. XXV, 431 (1882). et [2], L. II, p. 320. Prosr : Bull. Acad. Roy. de Belgique, 1%, 312 (1887). Liver et Prcron : J. Chem. Soc., &. LAVII, 65 (1895). Haroy : Z. f. phys. Ch., t. XXXHII, 4 (1900), p. 385. SPrinG : Bull. Acad. Rov. Belgique (1900), p. #85. V. Henri, S. Lacou, AnoRé Mayen, G. Sropez : C. R. Société de Biologie, décembre 1903. — PosrenNaK : Anzales de l'Institut Pasteur, 1901. — Nreister et FRIEDEMANN Ausflockungserscheinupgen. Munchn. med. Wochen., n°19, 190%. — FReuNDLiIcH : Z. f. physk. Ch.,t. XLIV (1903), p. 129. œ ! p © + 1067 On voit que les sulfales précipitent à la même concentralion que les chlorures el les nitrates. Par contre, la valence du métal a une grande impor- lance. On trouve que les pouvoirs précipitants des métaux mono, bi et trivalents sont entre eux comme : 1:30 : 1650 d'après Schulze. 1:50 : 1000 d'après Linder et Picton. Mais il ne faut pas considérer ces rapports comme fixes. Ils varient suivant le colloïde et les conditions de précipitation. Pour les colloïdes du second groupe, la précipi- tation par les sels dépend de l'acide. Le pouvoir de précipitation de ceux-ci est alors indépendant de la valence du métal. Par exemple, Freundlich trouve que l'hydrate ferrique colloïdal est précipité par les concentralions suivantes exprimées en — NÉE Nacre 9,25 HCI . . >> 400,0 CIRE ENCET 9,02 HAZ0* . > 400,0 Balle 9,64 K?S0* 0,204 KE 12,5 TESO® . . 0,219 KI NE 16,2 MgsO® . . 0,217 KAzO® . 1129 RCE OT 0,19% Ba(AzO 14,0 ES ORNE EE KOLO ERA) Ba(O0H} "0/22 n examinant de plus près les conditions de pré- cipilation d’un colloïde donné, par différents seis de même atomicité, on a remarqué qu'il y à un parallélisme complet entre le pouvoir précipitant el le degré de dissociation électrolytique de ces sels. Ainsi, par exemple, Linder et Picton donnent le tableau suivant, qui permet de comparer le pouvoir précipitant et les dissociations électrolytiques de différents électrolvtes : POUVOIR précipitant DISSOCIATION électrolytique HOME A Le Ut 1,0 HAADS EN RCE TE 1,0 HS D QUE 0,66 ROLE Ce cuis EL O 1,0 RAZOPR NS 0. 00 0,99 RES OM SEA NTAENO SO 0,82 De même, Hardy, en précipitant la solution col- loïdale de mastic par différents acides, trouve les concentrations suivantes, qu'il compare aux con- ductivités spécifiques Æ de ces solutions : HOME 0,00% X LUL)5 HAzO%. . 0,00% 14,3 DESO* 0.00% 41352 CODH)E: 0,009 14,4 HSPO*. 0,015 13,9 CH:CO?H 0,700 12,6 On voit très nettement que c’est la concentration en ions hydrogène qui importe avant tout dans la précipitation de ces colloïdes. De même, pour les colloïdes du deuxième groupe, c’est la concentra- tion en ions OH ou en ions de radical acide qui détermine la précipitation. 1068 V. HENRI Er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOIDES Si, maintenant, l’on compare la liste des colloïdes qui sont précipilés par les acides, et celle des eol- loïdes chargés négativement, on voit qu'elles sont identiques. Il en estde même deslistes des colloïdes précipités par les bases et de ceux qui sont chargés posilivement. On peut donc énoncer les lois générales de la précipitation des colloïdes : 1° La précipitation des colloïdes négatifs dépend du cation; celle des colloides positifs dépend de l'anion des électrolytes précipitants; 2° Le pouvoir précipitant d'un électrolyte dépend du nombre des ions précipitants libres: 3° Il augmente considérablement avec la valence de lion précipitant. 2. Variabilité du pouvoir précipitant. — La comparaison des résultals obtenus par différents auteurs et celle des différentes séries d'expé- riences failes par le même auleur montrent que les nombres trouvés pour un même sel et pour un même colloïde varient dans des limites assez considérables. Il est, en effet, connu que la précipitabilité d'une solution coïloïdale par un élec- trolyte n'est pas une grandeur fixe que l’on retrouve toujours, quelles que soient les conditions de l'expé- rience, mais que la quantité d'électrolyte néces- saire pour précipiter un colloïde dépend beaucoup du mode opératoire. a. Znfluence du sens de l'addition. L'ordre dans lequel on mélange les solutions n'est pas indifférent. Ainsi on trouve un nombre souvent plus faible si l’on ajoute le colloïde à la solution de l'électrolyte que dans le cas contraire. b. Znfluence de la vitesse d'addition. La vitesse avec laquelle on ajoute l'électrolyte a une grande importance, ainsi que l'ont démontré Freundlich*, Hüber et Gordon*. Par exemple, Freundlich ajoute à 20 centimètres cubes, d'une solution colloïdale de sulfure d’arsenic, contenant 5,73 millimolé- cules As’ par litre, 2 centimètres cubes d'une solution de BaCË contenant 9,55 millimolécules par litre, et il observe une précipitation complète en 2 heures. En ajoutant goutte à goutte la même quantité de BaCF en 18 heures, ou en 27 jours, ou en 45 jours, il trouve que la solution ne précipite plus du lout. Pour la précipiler en 2 heures, il faut encore ajouter après 18 heures 1 c. c. 5, et après 45 jours 2 centimètres cubes de la solution de BaCF, Par conséquent, en ralentissant l'addition d'électrolyte, on maintient le sulfure d'arsenie à le “EN * Freonouicu : Ueber das Aussalzen kolloïdaler Lüsungen durch Elektrolyte. Zeit. f. phys. Ch., t. XLIV, 1903. p°429: > Hôser et Gorbox : Zur Frage der physiologischen Bedeu- tung der Kolloïde. Beitr. z. Chem. Physiol u. Pathol., t. V, 1904, p. 432. colloïde contre l’action du sel. Des résultats tout aussi nets ont été oblenus pour l'hydrate ferrique colloïdal, le platine colloïdal, l'albumine et la gélas tune. Cette influence de la vitesse d'addition a un intérêt théorique. Elle permet de rapprocher les phénomènes de précipitation des colloïdes des transformations très lentes, telles que la diffusion et la production des équilibres de répartition. Nous aurons plus lard à discuter ce rapprochement. t c. {nfluence de la durée de contact. La précipi= tation du colloïde est généralement lente: on voit peu à peu se former les précipités, et les granules! ou les flocons grossir. La lenteur du phénomène peut être lrès grande : il arrive souvent qu’en aban- donnant à elle-même une solution colloïdale à laquelle on à ajouté une certaine quantité d'élec- trolyte, on ne la trouve précipitée qu'après un ou même plusieurs jours. Plusieurs auteurs ont indiqué les quantités d'électrolytes nécessaires pour pré- cipiter une même solution colloïdale soit après quelques minutes, soit après 1 heure, soit après 24 heures. Le « pouvoir précipilant» d'un électro- lyte est donc une fonction directe de la durée de son action. d. /n{luence de l'addition de plusieurs électro- Iytes. L'addition de plusieurs électrolytes a-t-elle une action égale à la somme des actions de chacun des électrolytes? Le problème a été étudié par Linder et Picton, Pauli, Hôber et Gordon. Ils ont trouvé que, dans le cas d’électrolytes de même ato- micité, il y a additivilé. Par exemple, la précipitation par un mélange de KCI et AzH'CI est égale à la somme des deux actions; de même, la précipitation par un mélange de CaCF et SrCP. Mais, lorsqu'on mélange un sel d'un métal monovalent avec un sel d'un métal bivalent, il n'y à pas du tout addition des deux actions, et même quelquefois le sel du mélal monovalent semble préserver le colloïde de l'action du sel du métal bivalent. Par exemple, Linder et Picton trouvent que le sulfure d'arsenie colloïdal est précipité par les quantités suivantes des différents électrolytes : STCI SEUL. NET KCI. 0,90 "CENSTCI ER 5,50 KCI. 1,80 + SrCE. 5.90 KCI. 3,00 + SrCl. 5.30 Ces résultats ont été confirmés par Freundlich et Hôber et Gordon. Pauli a trouvé des résultats ana- logues pour un grand nombre de mélanges d’élec- trolytes dans le cas de la précipitation de l'albu- mine. Il y a lieu de rapprocher de ces faits les expériences bien connues de Loeb sur la toxicité des différents ions et de leur mélange. V. HENRI Er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOIDES 1069 3. Phénomènes qui précèdent la précipilation. — Avantle moment où l'on observe la précipitation du colloïde par les électrolytes, il a subi loute une série de modificalions d'élat. Nous avons pu mellre ces modifications en évidence par divers moyens. Les propriétés optiques changent. Ainsi, les albumines, la etc., deviennent bleuâtres et opalescentes, puis troubles et lai- teuses. Les colloïdes colorés manifestent des chan- gements de teinte très appréciables; par exemple, l'argent colloïdal, qui est rouge, devient d'abord rouge sombre, puis violacé, violet gris, gris ver- dâtre, enfin gris. La conductivité électrique dimi- nue. Enfin, la viscosité augmente d'une facon continue et progressive jusqu'au moment de la précipitation. gélatine, $ 2. — Comparaison des différentes solutions col- loïdales entre elles au point de vue de leur précipi- tabilité par les électrolytes. Colloïdes stables et instables. Toutes les solutions colloïdales ne sont pas pré- cipilées avec la même facilité par les électrolytes. Les exemples que nous avons pris jusqu ici se rap- portent à des colloides qui précipitent par des doses très faibles d'acides, de bases ou de sels. Il en est toute une classe d’autres qui précipitent, eux aussi, par les électrolyles, mais seulement lorsqu'on les ajoute en grandes quantités. On peut leur donner le nom de colloides stables, puisqu'ils constituent des solutions colloïdales beaucoup plus perma- nentes que ceux de l’autre classe (colloïdes ins- tables) que nous avons étudiés jusqu'ici. Ces colloïdes stables appartiennent tous à la caté- gorie des colloïdes organiques, des corps qui ne sont connus qu'à l’état colloïdal. Tels sont les albuminoïdes, la gélatine, les protéoses;les pep- tones, les nucléo-albumines, la caséine, l'hémoglo- bine, l’amidon, le glycogène, la dextrine, l'inu- line, les gommes, les colles, les mucilages, le tanin, etc. La quantité de sel nécessaire pour obtenir un précipité dans une solution de colloïde stable est toujours très grande, mais elle varie beaucoup avec la nature du sel. D'une manière générale, on trouve que les sels neutres ne provoquent de précipitation que lorsqu'on les ajoute à la dose de 15, 30, et méme 60 °/,. Au contraire, les sels de métaux lourds pro- voquent l'apparition d'un précipité, même lorqu'ils sont en concentration 40 ou 20 fois plus faible. Rappelons, par exemple, que le fibrinogène précipité par NaC! à 15 °/,, les autres globulines par NaCl à 30 °/,, l'albumine par le sulfate d'ammo- niaque à 30 °/,. les protéoses par le sulfate d'ammo- niaque à 60 °/,, ele. Ges limites de précipitation par les sels neutres ont donné lieu à un très grand est nombre de travaux systématiquement entrepris pur les physiologistes à la suite des recherches de Hof- meisler, Pauli, ete. On se sert en Physiologie, faute de caractères plus précis, de la plus ou moins grande précipitabilité des différents albuminoïdes pour les séparer et les caractériser. Les mêmes colloïdes sont précipités — nous l'avons dit — par les sels de métaux lourds, les acides et les alcalis, en quantité plus faible. Par exemple, les albuminoïdes sont pré- cipitables par les sels de Cu, Ag, Hg, Bi, Co, Zn,etc. Nous aurons l'occasion de revenir sur certaines par- ticularités de cetle précipitation. La distinction que nous venons d'établir entre les colloïdes stables et les colloïdes instables, en nous basant sur leur précipitabilité, semble confirmée par des différences que présentent leurs autres pro- priétés. Ainsi, tous les colloïdes stables connus ont la propriété de former des précipités extrêmement riches en eau. Desséchés et remis dans l'eau, ils s'imbibent avec une grande facilité et absorbent ainsi un poids d'eau qui peut être jusqu'à 10 fois plus grand que leur propre poids. Par contre, les colloïdes instables ne présentent pas une pareille affinité pour l'eau. Quelques-uns, par exemple Ag, Pt, Ir colloïdaux, donnent des précipités pul- vérulents, qui ne peuvent plus être ramenés à l'état de solution colloïdale, D'autres, tels que le sulfure d'arsenie, le ferrocyanure de cuivre, l'hydrate fer- rique, les couleurs d’aniline, la silice, l'alumine, etc., donnent des précipités contenant de l'eau, mais en quantité variable, et toujours beaucoup moindre que ceux que forment les colloïdes stables. Il ne faudrait pas en conclure que la précipilabilité des différents colloïdes stables peul servir à mesurer la force de leur liaison avec l'eau. A la vérité, la grande quantité de selnécessaire pour les précipiler indique leur grande affinité pour l'eau ; mais elle n'en donne pas la mesure. On ne peut, par exemple, affirmer que l'affinité du fibrinogène pour l'eau est moins grande que celle de l'atbumine. D'autres facteurs entrent en jeu, qui nous sont inconnus. Dailleurs, même lorsqu'il s'agit des corps non colloïdaux chi- miquement définis, la cause des différences de solu- bililé n'est pas du tout élucidée. $ 3. — Précipitation des suspensions fines et des émulsions par les électrolytes. Il est indispensable de dire ici quelques mots de la précipitation des suspensions et des émulsions. On va voir qu'elle se rapproche sur plus d'un point de celle des solutions colloïdales. Elle a été bien étudiée par Scheerer', Schulze”, Schlæsing”, Ad. RE 0 1 Scueerer : Pogg. Ann., t. LXXXII (1851), p. 419. 2 Scnuzz : Pogg. Ann., t. CXXIX (1866), p. 366. 3 ScnLorsine : C. R., t. LXX, (1870), p. 1345. 1070 V. HENRI er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES Mayer', Barus , Bodländer*, Spring‘, Quincke*, Bechhold”, etc. Toutes les suspensions fines (kaolin, argile, noir animal, encre de Chine, etc.), toutes les émulsions (mastice, colophane, ete.), dans l’eau distillée sub- sistent fort longtemps et ne se déposent qu'avec une extrême lenteur. Mais, si l'on ajoute à l’eau une quantité même très faible d’un électrolyte, il se forme des flocons qui Lombent rapidement au fond du vase. C'est ce phénomène qu'on a appelé flocu- lation ou agglutinalion. Les premières éludes quantitatives, sur ce sujet, sont celles de Bodländer : elles ont montré que la quantité de l'électrolyte nécessaire pour provoquer la floculation est toujours très petite par rapport à la masse de suspension précipitée : par exemple, une quantité donnée de sel, quand on l'ajoute à une sus- pension de kaolin, en peut précipiter mille fois son poids. Cette même suspension est précipitée par ICI à la concentration de1 gr. pour 1.500 litres.ete. La quantité de l'électrolyte qui amène la flocu- lation dépend de la nature de l'électrolyte. Les acides et les sels des métaux bivalents et trivalents possèdent le plus grand pouvoir agglutinant; puis vieunent les sels des métaux monovalents: enfin. les bases ne produisent de floculation qu'à une con- centration 1.000 fois plus grande que les acides. De plus, Bodländer à remarqué qu'il existe une relation directe entre le pouvoir précipilant des électrolytes et leur degré de dissociation électro- lytique. Par exemple, ce sont les acides les plus dissociés qui sont les plus actifs. Enfin. il y a lieu de rappeler que toutes ces suspensions (qui sont plus facilement précipitées par les acides que par les bases), placées dans un champ électrique, se transportent vers l’anode, et se comportent comme si elles étaient chargées négativement. Toutes ces analogies avec la précipitation des solutions colloïdales se poursuivent en ce qu'il ya lieu de distinguer parmi les suspensions celles qui précipitent facilement de celles qui ne peuvent flo- culer que par addition de quantités plus grandes de sel. Par exemple, une émulsion de mastic ou de colophane, préparée depuis plusieurs jours, est bien plus difficilement précipitable qu'une émulsion fraiche ou que l'encre de Chine. Le mode d'addition de l'électrolyte, la tempéra- ture, la durée de contact, ont une influence tout An. Mayer : Forschungen auf dem Gebiet d. Agricultur physik, t. I, Heft 3 (1819). ? Barus : Bull. of the U. S. Geological Survey, t. XXXVI 1886); Zeiteh. f. phyk. Ch. (189), t. NII. # BODLANDER Veues Jahrbuch für Mineralogie, Geo- logie, ete., t. II (1893), p. 147. * SPRING : Rec. Tr. Ch. Pays-Bas, t. 992 * QUINCKE : Drude'ss Ann., t. VII (1902), p- 57. * BecanoL» : Zeïts. f. physik. Ch., t. XLVIII, p. 385, 1904. XIX (1900), p. 204, aussi grande sur la précipitation des suspensions que sur celle des colloïdes. Les études nombreuses qu'on fait porter actuellement sur ces phénomènes … de floculation, à cause des rapports étroits qu'ils présentent avec l'agglutination de certains corps organisés (microbes, globules rouges) par les sels, ont encore étendu ces analogies. $ +. — Relations quantitatives entre la concentra- tion de l’électrolyte, celle de la solution colloïdale et la composition du précipité. Nous avons exposé dans les paragraphes précé= dents comment la précipitation des solutions cols loïdales par les électrolytes dépend de la nature de” la solution et de l’électrolyte précipitant. Nous allons voir dans quelle mesure elle dépend des quantités et des concentrations des corps en présence. 1° Tout d'abord, une solution cotloïdale étant donnée, si l’on y ajoute une quantité déterminée d'électrolyte, la précipitalion est-elle totale ou par- tielle? Sur ce point, il n'existe que peu de travaux ayant porté sur les colloïdes instables. On sait seulement que, si l'on ajoute des quantités croissantes d'un - électrolyte à un colloïde instable colcré, on observe d'abord une variation de teinte, puis un louche, puis une légère précipitation, après laquelle le liquide surnageant reste encore coloré. Ce n’est qu'en aug- mentant la quantité d'électrolyte qu'or obtient une précipitalion totale. Ces faits s'observent facilement, par exemple sur l'argent colloïdal, mais ils n’ont pas donné lieu à une étude Systématique. Pour les colloïdes stables, on sait depuis long- temps que la précipitation est d'abord partielle, et ne devient totale que dans des conditions très par- ticulières. Ces faits ont donné lieu à nn grand nombre de travaux, entrepris surtout par les phy- siologistes. Citons quelques exemples, pris dans un travail très soigné de Galeotti, sur les conditions de précipitation des albuminoïdes par les sels de cuivre et d'argent. En ajoutant à une solution d'albumine d'œuf nne certaine quantité de sulfate de cuivre ou de nitrate d'argent, on produit un précipité, mais il reste de l'albumine en solution; par exemple : ALBUMINE CuSO, EAU gr gr. gr. 100 gr. du mélange contiennent . 4,96 0,69 94,34 Le liquide au-dessus du précipité. 2,58 0,59 26,52 Le mélange total . : 200210 1.18 96,82 Le liquide surnageant. . . . . . 0,68 0,9% 98,38 Le mélange total . 6,80 5,73 81,43 Le liquide surnageant. 2,81 1,24 91,93 La quantité d'albumine qui reste en solution dépend de la teneur primitive de la solution colloï- dale en albumine et de la quantité d’électrolyte sur- ajouté. Mais nous ne savons pas suivant quelle loi. scenario enr-é de . di V. HENRI er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOIDES 1071 90 ZÆxiste-t-il une relation entre la concentration de la solution colloidale et la quantité d'électrolyte nécessaire pour la précipiter? Il n'existe que peu d'études quantitatives sur ce Sujet, mais celles que nous possédons suffisent à nous montrer que le problème est complexe et que différents facteurs doivent être en jeu. Lottermoser et Ed. von Mayer‘ ont trouvé que la Concentration de la solution colloïdale à une in- fluence directe sur la quantité d'électrolyle néces- saire pour la précipiter. [ls ont déterminé la quantité de différents acides nécessaire pour précipiter l'argent colloïdal plus ou moins dilué. Ils ont trouvé que, si l’on dilue de plus en plus par l'eau une solution contenant une quantité déterminée d'argent colloïdal, il faut, pour précipiter cette quantité d'argent, ajouter des doses croissantes d'acide. Par exemple, la même quantité d'argent colloïdal se trouvant dans 25, 50, 100 et 200 centimètres cubes, il faut ajouter à ces solutions, pour les précipiter, 2 c.c. 13,2 c.c. 95, il 5 nor- mal ou bien (pour les 3 premières) 0,e.c. 80,1c.c. 34, 9 &.c. 15 d'acide cyanacélique normal, ou encore 1 c.c. 20, 2 c.c. 26, 4 c. c. 10 d'acide oxalique nor- mal, ou enfin 2 e.c. 41, 3 c.c. 85 et 5 c.c. 75 d'acide malonique normal. Mais, il n'y a pas proportionnalité entre la con- centration de la solution colloïdale et la quantité d'électrolyte nécessaire à la précipitation. Par exemple, tandis que la concentration de la solution colloïdale passe de 4 à 4, la quantité d'acide qui précipite un même volume : ä c.c. 32 et 6 c.c. 80 d'acide sulfurique au Acide sulfurique, passe de . . Acide cyanacétique Acide oxalique Acide malonique DONNE 1 — = ARE 1 A si à 2,3 On voit, d'ailleurs, que les variations sont diffé- rentes suivant la nature de l'acide. D'un autre côté, Freundlich a opéré sur les solu- tions colloïdales de sulfure d’arsenic, d’hydrate ferrique et de platine, et il a trouvé des résultats très différents suivant le colloïde qu'il observait. Ainsi, la quantité de BaCl° nécessaire pour pré- cipiter un même volume d'une solution colloïdale ; : à [l de sulfure d'arsenic augmente à peine de + lorsque 0] la teneur en As’S°' augmente 5 fois.Au contraire, les quantités de chlorure de potassium nécessaires pour précipiter l'hydrate ferrique colloïdal sont propor- tionnelles à la teneur de la solution colloïdale en fer. 1 Lorrermoser et E. vON MEYER : 241 (1897). J. prakt. Chemie, t. LVI, Nous avons fait également un certain nombre d'expériences sur celte question, et nous avons montré que, pour un même colloïde, on peut ren- contrer lous les cas possibles. Ainsi, dans certains cas, il y à indépendance de la concentration du colloïde et de la quantité d'électrolyte précipitant; par exempie, si l’on ajoute du nitrate de sodium à l'hydrate ferrique colloïdal, on trouve que le pré- cipité se produit : CONCENTRATION de NaAzO Pour la solution pranitive A. . 0,61 normal. E diluéer=" 0,61% — 0,602 0,625 Dans d'autres cas, il faut ajouter d'autant plus de sel que le colloïde est plus concentré. C'est ce qui se produit avec Cu SO’ et l'hydrate ferrique col- loïdal. Il faut pour : A, atteindre la concentralion en CuSO! de 0,010 normal. A pe EE = DUT A = _ — — 0,004 — A Sn = = _— 0,00 — TT ,001 Enfin, dans d’autres cas encore, il faut d'autant plus de sel que la solution colloïdale est moins concentrée; par exemple, pour l'argent colloïdal : A la concentration A, il faut CusO, . 0,0002 normal. 0,000% er| > | — ee 0,0006 On voit qu'il s’agit là de phénomènes complexes, qui ne pourront être discutés que lorsque plus de documents auront été amassés. Nous verrons, d'ailleurs, qu'ils sont en rapport avec certains phénomènes de répartilion que nous éludierons plus loin. $ 5. — Caractères et propriétés du précipité formé par l’action des électrolytes sur les solutions colloïdales. Le précipité obtenu par l’action des électrolytes sur les solutions colloïdales est-il ou non redis- soluble? Autrement dit, /a précipitation est-elle réversible ? A cette question générale, on ne peut répondre qu'en distinguant entre les différentes solutions colloïdales. Certaines d’entre elles donnent des pré- cipités irréversibles. En général, on peut dire que ceux-là ont une forme pulvérulente, et emprison- 1072 V. HENRI £t A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES À nent de très pelites quantités d'eau. De plus, la nature de la paroi sur laquelle le colloïde est pré- cipité a une grande influence sur sa cäpacité de redissolution. Cerlains précipités colloïdaux (par exemple l'argent colloïdal), lorsqu'ils se forment sur une paroi lisse (verre ou porcelaine), sont insolubles ; au contraire, quandils se déposent zone, la solution parait homogène. La largeur Fr à sur de la porcelaine poreuse, ils régénèrent facile- | ment la solution primitive. 1. /edissolution dans un excès du solvant. — Beaucoup de précipités colloïdaux provenant de | tative complète de ces différents faits dans u | travail récent de Galeotli. solutions colloïdales instables sont redissolubles | dans un excès du solvant. Tous les colloïdes stables ! sont redissolubles dans leur solvant. 2. liedissolation dans un excès d'électrolyte. — Le précipité obtenu par l'addition d'un électrolyte subsiste-t-il lorsqu'on augmente la quantité de cet électrolyte? Cette question présente un intérêt à la fois pralique et théorique. Pratique, puisqu'on a souvent l’occasion de se demander si, pour obtenir la précipitation totale d'une solution colloïdale, il \ a intérêt à ajouter beaucoup d'électrolyte, ou si, au contraire, il ne faut pas dépasser certaines limites: théorique, puisque cette question est liée intime- | ‘ ment à celle de la reversibilité de la précipitation. La plupart des colloïdes instables, une fois précipités, restent indissolubles lorsqu'on ajoute encore de lPélectrolyte. Toutefois, il existe des exemples de redissolution du précipité dans un excès de l’électrolyte qui a servi à le former. Nous avons montré que c'est le cas du ferrocyanure de cuivre colloïdal, qui précipite par l'addition d’un sel de cuivre en faible quantité: le précipité formé se redissout quand on ajoule un grand excès de sel de Cu. Disons tout de suite que la solution nouvelle ne contient point de granules colloïdaux de même composition que ceux de la solution primitive. Nous aurons à revenir sur ce sujet. En ce qui concerne les colloïdes stables, il faut tout de suite distinguer les électrolytes qui ne précipitent qu'à doses massives de ceux qui agissent à faible dose. Les précipités obtenus par les pre- | d'arsenic colloïdal (négatif), précipité par les chlo- contient du potassium, du calcium, du stron- miers ne sont pas solubles dans un excès de ces | électrolytes. Au contraire, ceux qui se forment par addition des seconds sont presque toujours solubles dans un excès plus ou moins grand de ces électrolytes. Par exemple, les albuminoïdes précipités par addition d'acides, de sels de Cu, Ag et autres métaux lourds, se redissolvent lorsqu'on augmente la quantité d'acide ou de sel. Pour les colloïdes stables et les électrolytes de ce genre, il existe donc une zone à l'intérieur de laquelle il se produit un précipité. Pour des quanlilés d'électrolyte au-dessus ou au-dessous de cette la zone de précipitation est d'autant plus grandi que la solution colloïdale est plus concentrée. D sorle que, si l'on prend une solution colloïdale diluée en proportion convenable, il n'y aura d précipité que pour une seule concentration ; Quand la dilution devient plus grande, aucune quantit de l’électrolyte n'est capable de précipiter la solu: tion colloïdale. On trouvera une étude quanti- 3. Composition des précipités formés par l'ad dition d'électrolytes aux solutions colloïdales. Cette étude à été faite par Linder et Picton, Whitne et Ober, Bodländer, Spring, J. Duclaux, van Bem melen, elc. Les précipilés formés par addition d’électrolyte à une solution colloïdale contiennent toujours, en outre des granules colloïdaux, une partie de l'électrolyle précipitant. Cette partie n’est point la même pour un même électrolyte et pour diverses solulions colloïdales. Quand les granules. de la solution colloïdale précipitée sont négatifs, F la partie de l'électrolyte qu'on retrouve dans le précipité est le métal; quand ils sont positifs, c'est le radical acide. à Par exemple, d’après Whilney et Ober, le sulfure rs rures de potassium, calcium, strontium, baryum, MAC JE FEES lium, du baryum. Toute la quantilé du radical qu'on retrouve dans le précipité n'est pas liée aux granules colloïdaux de la même manière. Si, en LA effet, on lave à l’eau le précipité formé, et qu'on L répèle plusieurs fois le lavage, on voit qu'une partie du radical est entraînée par les eaux de Ë lavage. Mais une partie demeure irréversiblement À liée au précipité. h Par exemple, d'après Whitney et Ober’, en pré- : cipitant 200 centimèlres cubes d'une solution à. > °,, de sulfure d’arsenic colloïdal par l'addition de 25 centimètres cubes d'une solution de CaCE contenant O0 gr. 0724 de Ca, on relrouve dans le précipilé O0 gr. 0020 de Ca non enlevable par lavage, et dans la solution un excès de 0 gr. 0036 de CI sous forme d'acide. | De même, Galeolti a montré que, lorsqu'on pré-* cipite l'albumine (négative) par un électrolyte, on retrouve dans le précipité le métal, qui peut en partie être enlevé par lavage. Par exemple, la proportion d'argent qu'on re- trouve dans un précipité d'albumine est égale : + GaLEoTrI : Zeit. f. physiolog. Chem., 1904. à * Wanwey et Oger : Ueber die Ausfällung von Kolloïden durch Elektrolyte. Zeit. f. phys. Chem., t. XXXIX, 1902, L p. 630. 4 V. HENRI er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOIDES 1073 - immédiatement après la précipitation, à 21,52 °,;; après vingt-quatre heures, à 17,67 °/,; après qua- rante-huil heures, à 16,58; et après quatre jours, à 14,95. Fuchs à vu que le précipité d’albumine par une solution de sel de platine, contenant S “77 Pt, en retenait encore 0,8 après lavage prolongé. Si l’on précipite une même solution colloïdale par des solutions de même concentration moléculaire “des différents métaux, la proportion moléculaire “du métal liée irréversiblement au précipité est la mème. Par exemple, pour une même solution colloïdale “de sulfure d'arsenic, on lrouve dans le précipité : 0,0020 Ca; 0,076 Ba; 0,036 K. nombres qui sont entre eux comme les rapports : poids moléculaire 40 c 1: —= — LA, valence 2 31,4 or g Ba:-39K. Lorsqu'on lave le précipité par l’eau distillée, le métal irréversiblement lié n'est pas enlevable. Mais on peut le chasser du précipité si on lave celui-ci au moyen d'une solution d'un autre sel. Le métal du deuxième sel remplace le métal primiti- vement lié. La composition du précipité contenant le métal est variable. Dans le cas de la précipitation du sulfure d'arsenie, en doublant la concentralion de la solution, on augmente du double la quantité de Ca liée au précipité. Dans le cas de l'albumine, lorsque la quantité d’albumine reste constante, si l'on augmente la quantité de Cu, la proportion de Cu. qu'on retrouve dans le précipité augmente aussi, mais moins vite. Par exemple, la concentra- lion de Cu passant de 0,39 à 2,91, la concentration dans le précipité passe de 0,39 à 2,91, ou encore la concentration de Cu variant de 0,30 à 9,39, fa concentration dans le précipité varie de 3,57 à 95,47. Si nous considérons dans le précipilé colloïdal, non plus la partie non électrolyle non enlevable par lavage, mais la quantité totale des radicaux qu'on y trouve, on voit encore que la composition du précipité est variable. J. Duclaux a montré que la somme des valences électronégatives est, dans le précipité, égale à la valences électroposilives, et que, si l'on précipite une même solution colloïdale par des quantités de plus en plus grandes d’électrolyte, la proportion du métal augmente dans le précipité. Ainsi, en précipitant le ferrocyanure de cuivre col- loïdal (obtenu par action de CuSO' sur FeCy°K'), on obtient un précipité contenant du K et du Cu. Le nombre de valences de K et de Cu dans le précipité élant loujours égal à 4, le rapport de Cu à FeCy‘ augmente lorsqu'on augmente la quantité de FeCy°. somme des BEVTE GÉNÉRALE LES SCIENCES, 1904, Par exemple, ce rapport passe de 1,57 à 1,87 lorsque la quantité de Cu ajoutée passe de 1,53 à 3,06. La quantité de K diminue d'une manière conti- nue.On obtient un résultat analogue en précipitant la solution colloïdale par d’autres sels, ou en rem- placant K par Ba ou Al. Nous voyons donc que, dans la composition du précipité, entre toujours une partie de l'électrolyte précipitant, de signe contraire à celui des granules colloïdaux. Une certaine part de ces radicaux est liée aux granules irréversiblement, et ne peut qu'être remplacée, en quantité équivalente, par des radicaux de même signe. Une certaine part leur est liée d’une manière réversible. La comps- sition du précipité est variable et dépend de la concentration de la solution colloïdale et de l’élec- trolyte précipitant, $ 6. — Conclusions. Si, maintenant, nous comparons la précipitation des solutions colloïdales à celle des solutions vraies et des émulsions, nous voyons que : la possibilité d'obtenir des précipitations réversibles, partielles ou totales, constitue un caractère commun aux solu- tions vraies el aux solutions colloïdales, et rap- proche la précipitation des solutions colloïdales par les électrolytes des phénomènes purement physi- ques. Mais cette précipitation ne se fait qu'au prix de la formation d'un nouveau composé, provenant de l’action de l’électrolyte sur les granules colloïdaux. Le rapport entre le signe électrique des ions préci- pitants et celui de la solution colloïdale, le rôle considérable de la valence des ions précipitants, rapprochent celte précipitation des phénomènes chimiques. Mais la composition variable du préci- pité l'éloigne des combinaisons chimiques propre- ment dites. Nous aurons à discuter, dans la partie consacrée à la statique chimique des solutions colloïdales, la nature vraie de l'action que nous venons d'étudier, et à voir si elle suit les lois de l'équilibre chimique, la loi des masses et la règle des phases. II. — ACTION DES NON-ÉLECTROLYTES SUR LES SOLUTIONS COLLOÏDALES. $ 4. — Colloïdes instables. Graham avait déjà observé qu’en général les non-électrolytes, tels que le saccharose, le glucose, l'urée, l'acétone, l’alcool, la glycérine, ajoutés à des solutions colloïdales instables, n'y provoquent pas de précipitation. Le même fait à été observé maintes fois pour les émulsions et les suspensions fines. Ainsi, Bodländer montre que les suspensions fines de kaolin ne sont pas précipitées par les alcools méthylique, éthylique, isobutylique, l’éther, 29% 23 4074 V. HENRI er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES le sucre, l'aldéhyde acétique, la paraldéhyde, l’acé- tone, le glucose, le lactose, le phénol, le B-naphtol, et l’aniline. Bien plus, lorsqu'on ajoute certains non-électro- lytes en grande quantité, la solution colloïdale devient plus stable: c'est, du reste, un moyen employé pratiquement pour obtenir et conserver certaines solutions colloïdales. Les non-électrolytes employés sont la glycérine et le sucre. Toutefois, certains non-électrolytes précipitent quelques solutions colloïdales instables. Bien que les faits de ce genre aient élé jusqu'ici très peu étu- diés, on sait que l'alcool précipite l'argent, le pla- line colloïdal et le ferrocyanure de cuivre. Quelques expériences systématiques ont été failes par Spiro. Cet auteur à étudié la précipitation de l’'hydrate fer- rique colloïdal : les alcools méthylique et éthylique ne précipitent pas cette solution colloïdale. L'alcool propylique la précipite à la dose de 2 centimètres cubes par 1 centimètre cube de la solution colloï- dale. La dose précipitante est d'autant plus forte que la solution colloïdale est plus diluée. L'alcool amylique ne la précipite pas (il est d’ailleurs très peu soluble); mais, si l’on ajoute à la solution col- loïdale d'abord de l'alcool méthylique, puis de l'alcool amylique, on provoque un précipité, qui ne se redissout pas dans l'alcool méthylique. Spiro a également étudié comment agit un mé- lange d'électrolytes et de non-électrolytes sur la solution d'hydrate ferrique, et il a trouvé des résultats intéressants. Ainsi, en précipitant l'hy- drate ferrique colloïdal par le chlorure de cal- cium, on trouve qu'il faut d'autant plus de CaCl° que la solution colloïdale est plus diluée. Par exemple, la concentration de la solution d'hydrate ferrique variant comme les nombres 1, 2,3, 4, il faut, pour précipiter 10 centimètres cubes de cha- cune de ces solutions, des quantités de CaCF égales à 4,4, 3,9, 3,4 et 3,1. Mais si, au lieu de diluer une solution donnée d’hydrate de fer avec de l’eau, on la dilue avec de l'alcool méthylique, on trouve que la quantité de CaCl nécessaire pour précipiter un certain volume de la solution diluée est la même que celle qu'il faut employer pour précipiter le même volume de la solution concentrée. Il sem- blerait done que l'alcool méthylique rende le col- loïde plus sensible à l’action d’un électrolyte. Une étude systématique de ce fait est très désirable. 6 $ 2. — Colloïdes stables. L'addition des non-électrolytes provoque, en gé- néral, la précipitation des colloïdes stables. Par exemple, l'alcool précipite la plus grande partie des albuminoïdes, le glyvcogène, l'amidon, etc. Les pré- cipités obtenus sont, en général, redissolubles, au moins si l’on n'attend pas trop longtemps. De plus, la précipitation n'est pas totale ; la propor=. üon du colloïde précipité augmente avec la dosen d'alcool ajoutée; enfin, il faut d'autant moins d’al= cool pour provoquer une précipitation que la solu= tion colloïdale est plus concentrée. Il existe done un certain équilibre entre le colloïde précipité el la solution surnageante qui contient de l’eau, de l'alcool et une certaine quantité de colloïde; cek équilibre varie avec la température. Il serait inté= ressant d'étudier les équilibres de ce genre que présentent certaines solutions colloïdales bien défi= nies, comme l'amidon, la dextrine ou le glycogènes La précipitation des colloïdes stables par des mélanges d'électrolytes et de non-électrolytes a été fort étudiée, en particulier par Hofmeister, Pauli, Spiro; mais ces recherches n'ont encore conduit à aucune conclusion générale. III. — ACTION DES COLLOÏDES LES UNS SUR LES AUTRES. Si, à une solution colloïdale donnée, on ajoute une autre solution colloïdale, on observe le plus 6 souvent une série de phénomènes intéressants, qui" dépendent de deux facteurs principaux, à savoir : 1° le signe électrique des colloïdes en présence; 2° Jeur stabilité, c’est-à-dire leur plus ou moins grande précipitabililé par les électrolytes. $ 1. — Mélange de deux colloïdes de même signe : électrique. Supposons tout d’abord que nous mélangions… I deux colloïdes de mème signe électrique. On n'ob- serve jamais de précipitation. Placés dans un champ électrique, les colloïdes mélés se trans-" portentcomme avant le mélange. Mais, en étudiant l'action des électrolytes sur des mélanges de ce génre, on peut révéler des modifications de la précipitabilité qui prouvent que les deux colloïdes ne sont pas restés sans action l’un sur l’autre. Trois cas différents doivent être distingués : 1° Les deux colloïdes sont instables (par exemple le sulfure d’As et le ferrocyanure de fer, ete.). Ce cas n'a pas élé éludié jusqu'ici systématiquement; » 2 Les deux colloïdes sont stables (par exemple, gélatine et albumine, etc.). Ce cas n'a pas été non plus étudié systémaliquement; 3° Des deux colloïdes, l’un est stable, l’autre est instable. C'est le seul cas sur lequel nous ayons des données précises. Si, à un colloïde instable, par exemple de l'Ag colloïdal, on ajoute une certaine quantilé d'un colloïde stable (albumine, gélatine, amidon, glyco- gène, gomme, dextrine), de même signe électrique (négatif, dans ce cas), on voit que, pour obtenir un précipité, il faut ajouter à la nouvelle solution colloidale des quantités incomparablement plus V. HENRI rt A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOIÏDES 1075 fortes d’électrolytes qu'avant le mélange. Ces quantités se rapprochent de celles qu'il faut employer pour précipiler la solution du colloïde stable. Les expériences peuvent être conduites de deux .manières différentes : 1° Ou bien l’on recherche la quantité minima de colloïde stable qu'il faut ajouter à une quantité donnée de colloïde instable pour empêcher sa précipitation par une quantité donnée - d'électrolyte. C'est le procédé employé par Schulze et Zsigmondy. On prend 10 centimètres cubes d'une solution d'or colloïdal préparée par le procédé Zsig- mondy (réduction du chlorure d'or par le formol), contenant 0 gr. 005 °/, d’or. On ajoute d'abord une quantité variable de colloïde stable et l'on ajoute ensuite 1 centimètre cube d’une solution à 10°}, de NaCI. Ou bien il se produit, soit un précipité, soil un changement de teinte (du rouge, virage au violet, puis au bleu), ou bien la solution n'éprouve aucune varialion. Voici les quantités minima (exprimées en milli- grammes) de différents colloïdes stables qu'il suffit ainsi d'ajouter pour empêcher le changement de Leinte : Gélatine : 0,005 à 0,01; Albumine d'œuf : 0,1 à 0,2; Dextrine : 10 à 20 et mème 40 à SO. On voit donc que le poids du colloïde stable qui doit être ajouté varie suivant la nature de ce col- loïde. Remarquons pourtant que, dans ces expé- riences, les quantités des substances colloïdales qui interviennent peuvent être du mème ordre de grandeur. 2° Ou bien, l’on ajoute une quantité donnée de colloïide stable à un colloïde instable et l’on déter- mine, pour différents électrolytes, les quantilés limites qui provoquent la précipitation. Ainsi, par exemple‘, en prenant 2 centimètres cubes d’Ag colloïdal (préparé par réduction du citrate d'Ag par un sel de fer et lavages répétés) et en ajoutant des quantlilés de plus en plus grandes d’amidon, on trouve qu'il faut ajouter les quantités suivantes de Mg(Az0°) pour produire un précipité : AMIDON Mg(Az0'} à | p. 10.000 à © p. 1.000 2 ec. Ag coll + 3 g. sontprécipités par 3 gouttes. DACC. — + 10 g. — 6 ©. Ou bien : 2 ce. Ag coll. + 3 g. sontprécipités par 9 g. AC — + 5e. — 12 g. 2) ec. — 6 g. ne sont} pas précipités par un grand excès de Mg(Az0*)?. Ceci nous montre que la stabilité augmente au LAN. HENRI, S. LAzou, A. MAYER, G. STODEL : Loc. cit. fur età mesure qu'on ajoute du colloïde stable; à partir d'une certaine limite, il suffit de très petites quantilés pour produire de grandes différences de stabilité; puis, à un cerlain moment, la stabilité du mélange devient comparable à celle du coiloïde le plus stable. Si l'on fait varier la quantité de colloïde instable, on voit que la quantité de colloïde stable nécessaire pour le protéger contre l’action des électrolytes croît comme la quantité du colloïde instable. Par exemple : A 3 ce. d'une sol. À Ag coll., il faut ajouter 0 g. 01 amidon, g. 0015 — SZ NI2 g. 0005 — pour que l'on n'obtienne plus de différence de teinte par addition de NaAzO', même en grande quantité. $ 2. — Mélange de colloïdes de signes opposés. Lorsqu'à un colloïde positif on ajoute un col loïde négatif, ou réciproquement, on observe tou- jours une modification des propriétées des deux colloïdes. 1. Solutions concentrées. — $i les solutions colloïdales employées sont suffisamment concen- trées (par exemple, pour l’hydrate ferrique col- loïdal, solution à environ _. pour le sulfure d'ar- D 1] ; É senic, 200’ etc.), il se produit, pour des propor- tions déterminées des deux colloïdes, un préci- pité plus ou moins abondant, partiel ou total, comprenant les deux colloïdes mis en présence. Voici quelques exemples donnés par nous : Aucun changement apparent. — 3 — — . Précipité granuleux. Changemt de teinte, pas de précipité. Changemt de teinte, pas de précipité. 2 em Ag coll. + 1 goutte Hydrate ferr. et par Biltz : Fe?0° Or coll. Au Hyd. ferr. Aucune précipitation. formant très lentement. 2 . Précipitation totale. 4 formant très lentement, 10 em°=1,4 mer. +5cm=S mgr.… f . Flocons se — , Flocons se 1,6 . Flocons, la solution restant rouge. 0,8 . Léger trouble. 0,82 — Aucune précipitation. 1076 Sulf.As As°S? Hyd.ferr. Fe°0° 3 em°— 12 mer. + 10 cm°—16 mgr.. Flocons, solut. brune surnageante. = _ — 12,8 — Mème aspect. S ingr. Flocons, solut. jaune. _= = — 6.4 — Précipitation. 4,8 — Précipitation presque totale. _ — — 1.6 — Flocons très petits solution jaune. _ — — 0,48— . Homogène. Linder et Picton, qui ont les premiers observé la précipitation des colloïdes les uns par les autres, ont opéré surtout sur les couleurs d’aniline (bleu d’aniline, négatif + rouge de Magdala, positif; bleu d'aniline + violet de méthyle, etc.); nous avons étudié la précipitation de l'hydrate ferrique col- loïdal par l'argent colloïdal, le sulfure d'arsenie, le ferrocyanure de Cu, le mastic, l'amidon, la géla- tine, l’albumine. Biltz a étudié la précipitation des colloïdes néga- Lifs : or colloïdal et sulfure d’As par les colloïdes positifs suivants : hydrale ferrique, hydrates d'alu- mine, de chrome, de zircon, de cérium. Neisser et Friedmann ont étudié la précipitalion de l'hydrate ferrique colloïdal par le mastic et par le sulfure d’As, du neutral roth (positif) par le mastic, de l'éosine (négatif) par le brun Bis- marck, etc. Nous avons montré et l'on voit dans les exem- ples précédents qu'à mesure que l'on ajoute le colloïde négalif au colloïde positif, la précipita- tion est d’abord partielle : souvent, il n'y à au début qu'un louche plus ou moins intense; puis se forment des flocons, dont la quantité augmente ; pour une quantité donnée du colloïde ajouté, la précipitation est ou bien tolale, ou bien maxima. Si, alors, on continue à ajouter du colloïde, on voit le précipité se redissoudre peu à peu et disparaitre. La précipitation passe donc par un maximum, et des deux côtés de ce maximum, la précipitation n'est que partielle : on voit, en effet, pour les col- loïdes colorés, que la liqueur surnageante reste plus ou moins fortement teintée. Les proportions des deux colloïdes pour les- quelles la précipitation est maximale varient beau- coup suivant la nature du colloïde. Par exemple, Billz trouve qu'une solution contenant 16,4 d’or colloïdal est précipitée au maximum par les solu- tions colloïdales contenant : CeO? . # milligr. | ZrO? 6,5 milligr. FESSES —— Cr°O ne (à = TOM ER RE ATOS 2 — 1 28 6 de sulfüre d'As colloïdaksont précipités par : Fe°205 . 32 millier. Zr{ js x. 6,5 milligr. RRO PNR RREE COR 5 _ GONE CM — AFO EEE 2 — V. HENRI Er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES L: —_——— 2% milligrammes de sulfure d’As colloïdal sont précipilés au maximum par : FeO 13 milligr. | ZrO®? . . + 2 milliers MAO 3 — AO... RES COTON Cr05. 10 MUSÉE On voit que les proportions des colloïdes varient d'un colloïde à l’autre suivant une loi qui n’est pas simple. Ainsi, il faut moins d'hydrate ferrique que de cérium pour précipiter l'or colloïdal, tandis qu'il en faut plus pour précipiter les sulfures, ete. L'étude approfondie de cette question n’a pas encore été faile. La précipitation d'un colloïde par un autre, de signe opposé, est un phénomène réversible. Ainsi si, à 10 centimètres cubes d'Ag colloïdal, nous ajoutons d’abord 1 centimètre cube d’hydrate fer rique colloïdal, ce qui donne lieu à un précipité, et qu'ensuite nous ajoutons à centimètres cubes de: la solulion d'Ag colloïdal, le précipité se redissout partiellement ou totalement, et nous obtenons le même mélange que si nous avions ajoulé tout … d'abord, à 15 centimètres cubes d'argent, 1 centi-« mètre cube d'hydrate ferrique. Cette réversibilité sera discutée plus loin. 2. Solutions diluées. — Lorsqu'on mélange des solutions colloïdales de signe opposé diluées, on peut n'observer de précipilé pour aucune pro= portion des solutions mélangées. Pourtant, leurs propriétés ont subi une variation. Si l'on cherche à mesurer la stabilité du mélange vis-à-vis des électrolytes, c'est-à-dire à déterminer la quantité minima d'électrolyle nécessaire pour précipiter le mélange, on voit qu'au fur et à mesure. qu'on ajoute au colloïde le colloïde de signe op- posé, la stabilité du mélange diminue, passe par un minimum, et augmente ensuite. Exemple : NaAzO* à 100/4 AMIDON ec. Hydrate ferrique 0 1 — _— 30 g- 2 © D ND D = 10 2 sont impossibles à pré-, cipiter par NaAzO$,. 2 © ME + On obtient très facilement des séries identiques en mélangeant l'hydrate ferrique et l'argent, le sulfure d'As, ou le rouge de Magdala et le sulfure d'As, etc. La position de ce minimum correspond à celle qu'occupe, pour les solutions concentrées, le point de précipitation optimum. On peut s'en assurer en comparant des séries de mélanges des mêmes col= loïdes de plus en plus concentrés. \ 3, Propriétés des mélanges. — Linder et Picton ; 1 V. HENRI £r A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES 1077 ont vu que, si l'on mélange deux colloïdes de signe opposé, les propriétés électriques du mé- lange dépendent de la proportion des deux col- -loïdes. Le signe du mélange est celui du colloïde qui est en excès. Quand on fait une série de mélanges contenant une même quantité de colloïde négatif et des quantités de plus en plus grandes de colloïde posi- tif, ces mélanges présentent — nous l'avons vu — ou bien un optimum de précipitation, ou bien un minimum de stabilité. Nous avons étudié les propriétés de transport électrique et de précipitabililé des mélanges des deux côtés de ce point particulier. Nous avons vu que le mélange se comporte loujours comme un colloïde simple négatif ou positif. Du côté où le négatif est en excès, le mélange a les propriétés d'un colloïde négatif ; du côté opposé, le mélange a colles d’un colloïde positif. Par exemple, en mélangeant 2 centimètres cubes d'argent colloïdal à des quantités de plus en plus grandes d'hydrate ferrique, on voit que, au début, le mélange se transporte vers le pôle positif; il _ précipite par des quantités très faibles de nitrate de zine, par exemple 5 gouttes de Zn(Az0O*} à 2 °/,,, et par des quantités très grandes de sulfate de soude : il se comporte donc comme un colloïde négatif. Puis, après avoir dépassé l'optimum de précipitation (2 e. e. Ag. coll. +5 gouttes hydrate ferrique), la nouvelle solution colloïde se trans- porte au pôle négatif; elle n’est plus précipitable par le nitrate de zinc en grand excès ; au contraire, elle précipite du sulfate de soude : elle à donc tout le caractère d'un colloïde positif. 4. Sensibilisalion des colloides. — Il résulte immédiatement de ce qui précède qu'on peut aug- menter la sensibilité d'un colloïde à l’action d'un autre colloïde de signe opposé en ayant recours à tous les agents qui diminuent sa stabilité. Par exemple, l'addition d'électrolytes, l'action des ra- diations sur un colloïde positif augmenteront sa sensibilité vis-à-vis d'un colloïde négatif. Ce ré- sultat général trouve des applications nombreuses en Biologie, en particulier pour expliquer cer- tains phénomènes de sensibilisation observés, par exemple, dans l’action d'agglulinines et de loxines. On peutégalement diminuer et mème quelquefois empêcher la précipitation d'un colloïde par un autre en stabilisant le premier par addition d'un colloïde plus stable, du même signe que lui. Cette stabilisation par un colloïde stable d'un colloïde instable vis-à-vis d'un autre montre que beaucoup des propriétés des mélanges de plusieurs colloïdes nous sont encore inconnues. Lorsqu'il se produit un précipité dans le mélange de deux col- loïdes de signe opposé, ce précipilé comprend les deux colloïdes. On se demande d'abord si l'union ainsi formée entre les deux colloïdes est définitive, ou bien si on peut enlever l’un des colloïdes, par exemple en faisant agir sur le précipité une solu- tion d'un troisième colloïde, ou bien de différents électrolytes. Il s'agit ensuite de savoir si le préci- pité, par exemple Ag coll. + hydrate ferrique, est insoluble dans un troisième colloïde, positif ou négalif, et dans lequel. Nous ne savons pas non plus si, lorsqu'à des mélanges de deux colloïdes du même signe, de stabilité égale ou différente, on ajoute des quan- tités croissantes de colloïde de signe opposé, le précipité qui se forme entraine les deux colloïdes ou bien un seul d'entre eux? Toutes ces questions méritent une étude complète. 5. Action des suspensions les unes sur les autres. — Nous ne pouvons pas comparer ces actions des colloïdes de signes opposés les uns sur les autres à des actions analogues se produisant pour des émulsions ou pour des suspensions fines, la question n'ayant pas été éludiée jusqu'ici. Mais la stabilisation d'un colloïde par un colloïde stable que nous avons étudiée plus haut, trouve des ana- logues dans le cas des émulsions et des suspensions fines « stabilisées » par la présence d'un colloïde tel que la gélatine ou la gomme. Nous allons retrouver ces phénomènes en étudiant le rôle des colloïdes dans la formation de certains précipités. $ 3. — Rôle des colloïdes dans la formation de précipités. Depuis longtemps, la Chimie analytique avait montré que la présence de gélatine, gomme, dextrine dans un liquide empêche la séparation par précipitation de certains sels. Par exemple, dans une solution contenant même un millième de gélatine, le précipité de chlorure d'argent ne se dépose que très lentement. On obtient un louche persistant passant à travers les filtres. Il en est de même pour les sulfures, le chromate d'Ag, ete. La photographie et d'autres arts techniques (prépara- tion des couleurs, etc.) utilisent depuis longtemps cette propriété générale. C'est ainsi, par exemple, que l'on forme l’ « émulsion » photographique. On provoque chimiquement, par une réaction simple, la formation d’un chlorure, d'un bromure ou d'un iodure d'argent dans une solution de gélatine. Au début, la solution est opalescente, puis devient louche, et enfin laiteuse. Si l’on suit cette transfor- mation au microscope, on voil qu’elle correspond à un grossissement progressif des grains du sel d'argent. On sait, d’ailleurs, que la lumière n'a d'action sensible sur ces grains que s'ils atleignent 1978 une cerlaine grosseur (mürissement des plaques). Lobry de Bruyn a recherché quels sont les pré- cipités qui deviennent incapables des’agglomérer en présence de colloïdes stables tels que la gélatine : il a trouvé que l'or, l'argent, le mercure, les sul- fures, les hydroxydes, le chromate d'argent, le ferrocyanure de Cu et de Zn, le peroxyde de man- ganèse restent en suspension s'ils se forment en présence de gélatine. Ces mêmes corps donnent facilement dans ces condilions des solutions col- loïdales. Au contraire, certains corps, qui sont toujours cristailoïdes, s’agglomèrent en un préci- pité, même quand ils se forment en présence de gélatine. Tels sont l'oxalate de Ca, le sulfate de baryum et le phosphate ammoniaco-magnésien . Nous avons vu plus haut que la floculation des poudres et suspensions fines est fortement accé- lérée par l'addition d’électrolyte. L'addition de gélatine et des autres colloïdes stables préserve ces suspensions de l’action des électrolytes. L'étude de ces faits a été faite par A. Muller? pour diffé- rentes suspensions et émulsions, et également pour des suspensions de poudres fines; par exemple, si l'on agite une poudre fine de phosphore rouge dans de l’eau, la poudre se dépose très vite si l'on ajoute un peu de chlorure de sodium. Cette action du sodium est moins accusée si l'on ajoute de la géla- tine, de l’albumine, de la gomme adragante, etc. L' « action préservalrice » exercée par différents colloïdes varie suivant la substance à préserver et Ja nature du colloïde. L'augmentation de viscosité que l'addition du colloïde produit dans la liqueur ne peut suffire à expliquer ces faits, puisque des solutions, même très visqueuses, de sucre et de gly- cérine ont une action préservatrice beaucoup plus faible. On doit rapprocher des phénomènes précédents les phénomènes d'agglutination et de préservation des cellules agglutinables, qui ont été beaucoup étudiés par les biologistes au cours de ces dernières années. Nous nous contenterons d'indiquer ici cette question qui, par son étendue et sa difficulté, mérite une élude spéciale *. IV. — LES RÉSIDUS SECS ET LES PRÉCIPITÉS COLLOÏDAUX. LEURS PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES. COMBINAISONS D'ADSORPTION. Lorsque, grâce aux agents physiques, on enlève l'eau d'une solution colloïdale ; lorsque, par l’addi- lion d'un corps soluble ou d'un autre colloïde, on ‘ Logry DE BRUYN : 236-249. * A. Murrer : Berichte D. Ch. Gesell. (1904), p. 11-16. * Cette dernière sera faite prochainement dans cette Revue par l'un de nous. Rec. des Tr. Pays-Bas, t. XIX (1900), V. HENRI Er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES « précipite » une solution colloïdale, on obtient un résidu, un précipilé. Qu'est-ce que ce résidu? Qu'est-ce que ce précipité? Quelles sont leurs propriétés? C'est ce que nous allons examiner maintenant, et avec d'autant plus d'attention que l'une de ces propriétés, celle de former des com- binaisons d'adsorption, a, nous le verrons, une importance considérable. $ 1. — Aspect physique des résidus secs et des précipités colloïdaux. Nous avons vu qu'en évaporant les solutions colloïdales, on obtient un résidu qui passe par toute une série d’aspects variables. L'exemple que nous avons donné est celui de Ja silice, dont l'aspect — au cours de l’évaporation — est successivement laiteux, puis corné et transparent, puis crayeux. Cet aspect du résidu de l’évaporation n'est pas le même pour toutes les solutions colloïdales. Spring a essayé de systématiser ces différences, en distin- guant les résidus à cassure conchoïdale, terne et grenue, de ceux à cassure brillante, vitreuse et solide. Les premiers (sulfure de cuivre colloïdal, sulfure de mercure) ressemblent au kaolin, au carbone précipité. Les seconds (sulfures d’arsenie, d'antimoine, de cadmium, d’étain, hydrate ferrique, gommes, laques, mastic, benjoin) sont d'apparence gélatineuse. Ils sont, en général, plus difficilement précipitables que les premiers, et c'est à cette calé- gorie qu'apparliennent tous ceux qui se gonflent dans l'eau, et qui forment des membranes. Van Bemmelen à décrit toute une série d'états intermé- diaires entre le colloïde pulvérulent amorphe et le gel qui se rétracte petit à petit en formant quelque- fois des cavernes. Les précipités de colloïdes obtenus par addition de corps étrangers peuvent présenter {ous ces états intermédiaires. De plus, dans certains cas, ils prennent la forme de cristaux, de sphéro-cristaux, de globulites, de figure assez régulière, bien que non délerminée encore au point de vue cristallo- graphique. Il faut ajouter que l'aspect du colloïde ne dépend pas seulement du mode de précipitation ou de la vitesse et du degré de l'évaporalion, mais de la nature de la paroi sur laquelle il se forme. L'in- fluence de toutes ces conditions secondaires, les aspects macroscopiques et microscopiques qui en résultent, ont été étudiés avec le plus grand soin par Bütschli el par Quincke. Ce dernier auteur, en parti- culier, à minutieusement examiné les résidus formés sur une paroi liquide, telle que le mercure, qui permettent aux formes obtenues de se déve- lopper dans les trois dimensions. Jusqu'ici, de la masse des faits recueillis aucune loi générale n'a encore élé Lirée. LÀ V. HENRI er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES 1079 Les précipités et les résidus colloïdaux sont stables et permanents. Ils sont capables d'entrer dans de nouvelles réactions, et de former des com- binaisons plus complexes. On doit donc étudier successivement leurs propriétés, l'énergie de liaison des éléments qui les composent, la facon dont ils entrent dans de nouvelles réactions chimiques (statique et cinétique chimiques) et enfin leur com- posilion. S 2. — Propriétés des résidus et des précipités colloïdaux. Energie de liaison de leurs compo- sants. Les propriétés stochiométriques des précipilés et des résidus colloïdaux ont été fort peu étudiées, et jamais systématiquement. Nous n'avons que des données partielles et Lout à fait insuffisantes sur leur densité, leur « solubilité », la facon dont ils réfractent ou absorbent la lumière, leur condueli- vité électrique, et les variations de ces propriétés. Nous sommes plus renseignés sur l'énergie de liaison de leurs composants. Nous avons vu que. lorsqu'on sépare la silice de l'eau, une partie de l’eau reste toujours liée à la silice. L'énergie de celle liaison est variable. Van Bemmelen a montré que, dans une couche liquide eu contact avec la silice, elle est d'autant plus grande que le liquide est plus près de la paroi du colloïde. Lorsqu'on veut enlever couche liquide par pression, au fur et à mesure que la quantité de liquide diminue, la pression néces- saire pour l'enlever augmente, jusqu'à atteindre des centaines et des d'atmosphères. Lorsqu'on dessèche un gel ou un précipité colloïdal par évaporation, à la fin de la dessiccation, il y a absorption d'air par le précipilé. Cet air est à la pression moyenne de 4,2 atmosphères. La dessie- cation et le mouillage d'un gel ou d'un précipité colloïdal s'accompagnent d'une absorption où d'un dégagement de chaleur. Meissner à vu que, pour mouiller 1 gramme d'hydrogel desséché de SiO?, il y a dégagement de 38 calories. Gore‘ à constaté le même phénomène pour Si0*, AFO°, Sn0°, Fe°0”, Cr°0*, MnO* colloïdaux. Rodewald a étudié avec beaucoup de soin un phénomène analogue présenté par l’amidon. Il est tout indiqué de rapprocher ces phénomènes d'autres, lout à fait analogues, que présentent les poudres inertes et certaines malières organi- ques. Chappuis a trouvé expérimentalement que, lorsqu'on mouille par l'eau 1 gramme de charbon animal, il y a dégagement de 8 calories; Meissner, deAcalories; Berthelot, que l'absorption de SO*,AzH”° par le charbon dégage une quantité de chaleur plus cette milliers 1 Gore : Phil. Mag. (1894), €. XXXVIT, 306. grande que la chaleur de condensation de la solu- tion à la même température. Vignon a constaté les mêmes faits pour l'absorption des acides et des bases par la laine et la soie, et Koïner pour celle de l'acide tannique par la peau animale. Enfin Langergren a, par des calculs de Thermo- dynamique, trouvé que la force moyenne sous laquelle les couches de solution sont absorbées par la silice, le noir animal, le kaolin, la poudre de verre, est de quelques (7 à 10) milliers d’atmo- sphères. $ 3. — Combinaisons des précipités colloïdaux. Absorption ou adsorption. Lorsqu'on met un résidu sec ou un précipité colloïdal en présence d'eau ou d’une solution, une certaine partie de l'eau ou de la solution est retenue par le colloïde. Il est ensuite extrèmement difficile de l'en séparer. On a donné à ce phénomène dans le cas de l'eau le nom d'imbibition, dans le cas d'un autre corps le nom d’absorption'ou adsorpltion. Le composé ainsi formé a été nommé : composé d'adsorption. Lorsqu'on étudie de près ces composés, comme l'a fait van Bemmelen, on voit que leur formation dépend des conditions suivantes : 1. Facteurs des combinaisons d’adsorption. Cas des colloides. — 4° La combinaison dépend d'abord du colloïde absorbant : x) De sa structure : elle est différenté suivant que le colloïde est membraneux, réticulaire, spon- gieux ou formé de globulites; 8) Des modificalions qu'il a subies soit au cours de la préparation, soit du fait du temps, soit sous l'action de la chaleur ou des substances étrangères qu'il contient; y) De sa composition chimique. % La combinaison dépend de absorbée : x) De sa composition chimique ; B) De sa concentration. 3 La combinaison dépend de la température. La loi suivant laquelle la combinaison dépend de chacun de ces facteurs n'a pas encore été dégagée. On ne possède que des résultats globaux. De la nature du colloïde et de celle de la solution dépend, dans une certaine mesure, la quantité de substance absorbée. Par exemple, si l'on met un précipité ou un résidu colloïdal en présence d'une solution, deux cas peuvent se présenter : 1° Ou bien la substance en solution se partage entre le colloïde et la solution de telle manière que, lorsque l'équilibre est établi, elle se trouve en plus grande concentration dans le colloïde que dans la solution. la substance 1080 Par exemple, les hydrogels de Al0°, Sn0*, Mn0O*, etc., présentent ce phénomène lorsqu'on les met en présence d'acides, de bases, de sels. Voici les chiffres trouvés par van Bemmelen pour l'acide métastannique colloïdal et HCI : Etat initial. Acide métastannique millimol. 21,31 5:33 Dean Ntenllres 2 Eu Es cs Oo RTS) 554,9 HCI millimol. dans 1 g. mol. de la solution. 0,57 0,57 Elat final. HCI millimol dans 1 g. mol. de la solution. RS Sr TR 0,07 0.28 HCI millimol. dans 1 g. mol. d'eau du colloïde à 4,4/H°0-. . .….… 120 22,0 HCI millimol. dans 1 #. mol. d'eau du colloïde à 2,2 H°0 4,8 14,0 20 Ou bien la substance absorbée est, au moment de l'équilibre, à la même concentralion dans le colloïde et dans Ja solution. Par exemple, les solulions des sels acides ou alcalins en présence de l'hydrogel silicique. Il faut remarquer que, pour ce cas, il reste toujours une incertitude. On ne sait, en effet, pas dans quelle mesure l’eau contenue dans le colloïde est comparable à l'eau surnageante. On peut trouver des concentrations apparemment égales, sans qu'elles le soient en fait; par exemple, si les sels se contractent sous l'effet de la pression, il va dans le gel une pression forte (Langergren). L'influence de la concentration de la solution est considérable. Si l'on augmente la concentralion de la solution que l'on met en présence du colloïde précipité, l'absorption du corps en solution aug- mente, mais suivant une loi qui n'a pas encore élé formulée. Van Bemmelen l'a montré pour HCI et l'acide métastannique colloïdal. De même, Biltz trouve pour la benzopurpurine et AI(OH)* colloïdal : AIO —0,074% cr. Solution de benzopurpurine dans 500 cc). PARTIE PARTIE restée en solution adsorbée Matière colorante. 0.0021 0}, 0,0154 0) — 0,009% 0.0206 = 0,.0158 0,0242 _— 0.0329 0,027 — 0,0710 0,029 On voil que, la concentration augmentant dans la solution, elle augmente dans le colloïde, d'abord rapidement, puis de moins en moins vile. Ainsi les combinaisons d'adsorplion sont, nous le voyons, des combinaisons partielles; elles dé- pendent de la nalure du composé colloïdal et de la solution en présence, de leurs quantités, de leur concentration; le composé nouveau formé a une V. HENRI Er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES proportions des corps qui le forment sont indé= finies. 9 par différents auteurs, sous le nom d'absorption par les poudres et les matières organiques. a) Cette absorption dépend, elle aussi, d’un certain nombre de facteurs : et Mn0O° noir : PARTIE PARTIE. adsorbée adsorbée SOLUTION par MnO, par Mn03 rouge noir = mtlige mo, on (Etc 40 ce. d'eau et 10 mg. mol. H,S0, . 3,95 1,15 20 ce. d'eau et 20 mg. KOH . 29,6 1,68 0 ce. d'eau et 10 mg. mol. K,S0, . . »,4 1,65 2’ De la nature du solvant de la solution ab- sorbée. Walker et Appleyard ont vu que la soie absorbe plus d'acide picrique lorsque celui-ci est en solu- tion aqueuse que lorsqu'il est en solution alcoo- lique : i 3° De la nature de la substance dissoute dans ce solvant : Par exemple Mn0° rouge absorbe plus les bases alcalines que les sels; 4 De l'état de la molécule de la substance absorbée dans le solvant (molécule double, simple ou ionisée). Les ions semblent absorbés plus que \ les molécules. Par exemple, les acides très dis- sociés sont absorbés plus que les acides peu disso- . ciés ; 5 Enfin de la température. En général, le pouvoir absorbant décroit avec. la température (Langergren). Par exemple, d'une quantité donnée de solution d'acide oxalique et d'acide succinique, le noir animal extrait : 1 0,53 0.78 D) Quant à la concentration relative dans la poudre et dans la solution surnageante, trois cas peuvent se présenter : 1° Le corps additionnel est plus concentré dans la poudre que dans le liquide surnageant. C'est toujours le cas pour l'absorption par les poudres de charbon et de kaolin, quand elles ne contiennent pas d’eau au début de l'expérience; 2 Le corps additionel est également concentré dans la poudre et le liquide ; 3° Le corps additionnel est moins concentré V. HENRI sr A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOÏDES 1081 dans la poudre que dans le liquide (absorption mégative). C'est le cas du charbon et du kaolin en présence de la solution aqueuse de NaCl, Na°S0’, KCI, AzH'CI. «) La relation entre la concentration de la Solution contenant le corps qui doit être absorbé et la quantilé de ce corps absorbé par la poudre “ou la matière organique est du même ordre que “celle que nous avons étudiée dans le cas des col- oïdes. Par exemple, Biltz a étudié l’adsorption du bleu de molybdène par la soie : 1 gr. de soie, 4,5 gr. de molybdate d'ammoniaque. (1oU ec. de solution. PARTIE PARTIE restée en solution adsorbte à M:tière colorante . 0,057 0/0 0,243 0/0 $ — 0,12# 0,376 — 0,40 1,60 | = 0.65 2,3: | — 1,215 5 On voit que la courbe qu'on peut construire au moyen de ces chiffres a Lout à fait la même allure que celle qui exprime les concentrations d'HCI dans l'acide métastannique et dans la solution surna- geanle. d) Enfin, on a cherché à établir la vifesse d'ad- sorplion d'un sel par une poudre. D'après Langergren, cette vitesse est exprimée par l'équation : dx a — (y) dans laquelle 4 est l’état d'équilibre, et x l'adsorp- tion à chaque moment. Voici les nombres trouvés et calculés pour lad- sorplion de l'acide oxalique par le charbon : | Après Après Après Après | ., 5 min. 10 min. 30 min. 1 heure Trouvés, x... 46 90 151 198 | Calculés, x... 42 TG 163 215 V. — CONCLUSIONS. L'exposé qui précède nous montre que les rési- dus secs el les précipités colloïdaux donnent des composés particuliers, dont la propriété la plus saillante est la varialion continue. Celle variation continue peut être rapprochée des phénomènes de dissolution et de répartition entre deux solvants. Pourtant, une différence essentielle distingue les deux ordres de faits. Les phénomènes de disso- lution et de répartition sont entièrement réver- sibles, tandis que l'adsorplion du corps adsorbé est partiellement irréversible, puisqu'on ne peut enlever celte partie que par substitution d'une quanlité équivalente d'un autre radical. Il ne s’agit done pas ici d’une simple répartilion physique, bien que les deux phénomènes aient plus d'un point commun. D'un autre côté, il ne s'agit pas non plus d'une véritable combinaison chimique, au sens habituel du mot, puisque ce n’est pas une combinaison en proportion définie. Les colloïdes ont avec les autres corps des liaisons qui sont intermédiaires entre la dissolution et la combi- naison vraie. Pour désigner ce genre de liaison, van Bemmelen a proposé le nom de «combinaison d'adsorption », en rappelant que ce terme désigne des « combinaisons chimiques en proportion va- riable », comme celles qu'admettait Berthollet et que, même après l'établissement de la loi de Dal- ton, Gay-Lussac et Avogrado croyaient possibles. La connaissance de ces « combinaisons d’adsorp- lion » jette une vive lumière sur l'histoire tout entière des solutions colluidales. Nous verrons, dans la troisième partie, comment les combi- naisons des solutions colloïdales, quelles qu'elles soient, sont comparables à celles que nous venons de décrire, et comment elles aboutissent à la forma- tion de composés insolubles (précipitation des solu- lions colloiïdales par les électrolyles) ou de com- plexes restant en solution (transformations des granules colloïdaux). Victor Henri, Docteur ès Sciences, Préparateur à la Sorbonne. el André Mayer, Docteur en médecine, Licencié ès Sciences. 1082 REVUE ANNUELLE D’ANATOMIE I. — LA CELLULE. S 1. — Les différenciations du protoplasme : mitochondries, pseudochromosomes, chromidies. Dans une précédente revue (1899), nous avons déjà eu l’occasion de parler de certaines portions du protoplasme, qui semblent, fonctionnellement au moins, plus hautement différenciées que le reste, et que Prenant groupe sous la dénomination générale de protoplasme supérieur : archoplasme, kinoplasme, ergastoplasme. Dès cette époque, des différenciations analogues avaient déjà élé décrites sous d’autres noms; d’autres l'ont élé depuis; toutes attirent de plus en plus l'attention des his- tologistes, et nous devons en dire quelques mots. Tout d'abord ce sont les « grains de filaments (Fadenkürner) » ou « mitochondries » de Benda!. Par une méthode de coloration spéciale, à l'alizarine et au violet cristal, Benda est arrivé à teindre très vivement et d'une façon élective certaines granu- lations spéciales du protoplasme, contenues, dit-il, dans l'épaisseur même des filaments de sa trame. C'est d'abord dans les spermatozoïdes en voie d'achèvement qu'il les a trouvées (1898), et il a montré, plus nettement qu'on n'avait pu le faire Jusque là, que ce sont ces granulations qui, se lassant autour du filament axile du segment inter- médiaire, s'ordonnant en série linéaire et se fusion- nant, forment le filament spiral qui représente l'enveloppe de ce segment chez les Mammifères. Il en donne notamment une très belle figure en cou- leur dans les Æryebnisse de 1903, chez le Rat. Ces granules ne sont pas un produit des réactifs : ils ont une existence bien réelle, puisqu'on peut les voir sans réactif chez les spermatozoïdes (ou sper- mies) frais de certains Invertébrés (Paludine), puisque La Valette Saint-Georges et von Brünn les avaient depuis longtemps apercus dans leurs dissociations par le simple sérum. Von Brünn avait montré qu'ils ont la réaction des granules du pro- toplasme, puisqu'il se dissolvent par l'acide acé- tique. Benda à retrouvé ces granulations dansles autres cellules testiculaires : spermatides, spermatocytes, spermatogonies, et même cellules de Sertoli. Peu * Benoa : Entstehung der Spiralfaser des Verbindungs- stückes der Säugetierspermien. Verhandl. der Anat. Gesell. t. XII, Kiel, 1898. — Voyez aussi Verh. der Physiol. Gesell. zu Berlin., 11 août 1838, 4er février 1899, 10 décembre 1899: Verhandl. der An. Gesell, t. XV, Bonn, 1901: enfin, die Mitochondria, Ærgebnisse der Anatomie, de MERkEL et Boxer, t. XII, Wiesbaden, 1903: et Verhanld. der An. Gesell., t&. XVII, Heidelberg, 1903. E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE abondantes et disséminées dans les spermatô®” gonies, elles sont de plus en plus nombreuses dan les générations cellulaires suivantes. Dans les spers matocytes, elles ont tendance à s'aceumuler d préférence autour de la sphère attractive. Chez I Dombinator,enoutre, beaucoup d’entre elles se dis posent en chaïinettes de grains, qu'il appelle de chondromites. Enfin, ces granulations peuvent exister auss dans de nombreuses autres variétés cellulaires, épithéliales et musculaires notamment (bâlonnets de la cellule rénale), dans les premières cellules de segmentation de l'œuf ou blastomères, chez les Infusoires, etc. Pour Benda, c'est donc une variété" de cytomicrosomes, de granulations protoplas= miques, hautement différenciées, distinctes de toutes les autres par leur coloration spécitique. Ce sont de véritables organes individualisés de la cellule animale, qui persistent souvent pendant la caryocinèse, pour se distribuer aux deux cellules- filles. 11 les considère, vu leur présence dans les racines ciliaires, leur importance dans l'édification du muscle strié, etc., comme liées, le plus sou- vent au moins, à une fonction motrice, capables. aussi de jouer un rôle dans le transfert des pro- priétés héréditaires. D'autre part, M. Heidenhain' a donné en 1900 le nom de « pseudochromosomes » à des filaments plus gros, plus réguliers, mais se rapprochant des chondromites, filaments observés d’abord par Hermann sous le nom « d’anses archoplasma- tiques » dans les spermalocytes du Protée. Van der Stricht”, suivant l’évolution de l'ovule chez les chauve-souris (spécialement chez le Ves- perugo noctula),a vu, dans l'oocyte très jeune (em- bryon), se différencier autour du noyau une couche protoplasmique plus dense, qu'il appelle couche vitellogène, et qui serait essentiellement constituée d'une multitude de mitochondries. Plus tard, ces granulations se disposent surtout autour du corps vitellin de Balbiani; elles tendent à se juxtaposer pour former des filaments granuleux pelotonnés ou chondromites. Puis ces filaments deviennent plus gros, plus vivement colorables, rappellent bientôt les chromosomes nucléaires, dont ils sur- M. Hersenaax : Ueber die Centralkapseln und Pseudo- chromosomen.... Anat. Anzeiger, &. XVII, 1900, * Van DER Srricar : Les pseudochromosomes dans l'oo- cyte de chauve-souris. C. A. de l'Assoc. des Anat., t. IN, Montpellier, 1902. — La couche vitellogène et les mitochon- dries de l'œuf des Mammifères. Verhandl. der Anat. Gesell., Bd, XXV, léna, 1904. Voy. aussi C. À. de l'Assoc. des Anat., 1903 et 1904, et Archives de Biologie, 1904. passent encore l'électivité pour les colorants, d'où lé nom de pseudochromosomes qu'ils méritent, eux aussi, à partir de maintenant. Ils se condensent à un moment donné en un amas mal limité ou pseudo- noyau, d’où se dégage le corps vitellin. Peu à peu ils se répandent dans tout le vitellus (protoplasme OVulaire), en perdant de plus en plus leur élection colorée, et en s'épaississant considérablement. Ils sont alors devenus d'épais cordons pales, les amas ou hoyaux vitellogènes, formés par l’accumu- lation d’une infinité de milochondries. Enfin, ils disparaissent peu à peu, par désagrégation, à mesure qu'apparaissent les vésicules deutoplas- miques, à l'élaboration desquelles ils doivent être destinés. Chez les autres Mammifères, on trouve, soit une touche vitellogène formée par une accumulation de mitochondries, soit un ou plusieurs amas vitel- logènes plus ou moins nels. Pas plus chez ces ani- maux que chez les Aranéides, la couche vitellogène ne fait partie du corps vilellin, comme on l'a cru : elle l'entoure simplement. Le corps vitellin pro- prement dit n'est formé que par la vésicule ou Masse centrale, qui est le centrosome hypertrophié, : V. HENRI #1 A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOIDES 1139 $ 1. — Application de la règle des phases à la pré- cipitation des colloïdes par les électrolytes. La règle des phases nous permet tout d’abord de prévoir que le précipité formé sera de composition . variable. En effet, le nombre de composantes indé- pendantes est égal au moins à trois (granule, eau, radical de l’électrolyte) ; la température et la pres- sion étant fixées, il reste au moins une variance. Les études de J. Duclaux, de Galeotti, ete., ont montré que la composition du précipité est, en effet, variable, et que cette variation est continue. $ 2. — Variations de la composition du précipité. Représentation graphique. Lorsqu'on veut éludier complètement cette varia- tion, lors de la précipitation d'un colloïde par l'addition d'un corps quelconque, par exemple d'un sel, on cherche : 1° Quelles sont les quantités du sel qu'il faut ajouter à la solution colloïdale plus ou moins riche en colloïde pour obtenir un précipité; 2° Quelle est, dans tous ces cas, la com- position du précipité et du liquide surnageant:; 3° Un mélange de sel, colloïde et eau étant donné, que se passera-t-il lorsqu'on ajoutera une nouvelle quantité d'eau, de sel ou de colloide; 4° Comment changeront ces différentes proportions quand chan- gera la température. L'étude de ces questions est sys- tématisée par l'application de la règle des phases. 1° Une solution colloïdale à laquelle on ajoute un corps précipitant peut être considérée comme un système formé de trois composantes : l’eau, le col- loïde et le corps ajouté. On a donc affaire ici à des mélanges de trois corps, et l'on sait que l'étude des équilibres dans les systèmes à trois corps est très complexe et n'a pu être étudiée complètement que grâce à l'application de la règle des phases, ainsi que l'ont montré surtout les recherches de Schrei- nemakers. Il a rendu cette étude beaucoup plus facile en développant le mode de représentation graphique de Gibbs. On sait que cette représenta- tion consisle à porter, sur les trois côlés d'un triangle équilatéral, les proportions des trois corps en présence et à construire, à l’aide de ces coor- données triangulaires, le point à l'intérieur du triangle qui sera le point représentatif du mélange. Tous les mélanges possibles seront donc repré- sentés par lous les points de la surface du triangle. En déterminant les proportions du sel qui pré- cipilent une solution colloïdale à différentes con- cenlrations, on pourra construire, à l’intérieur du triangle, une courbe qui séparera la région corres- pondant à deux ou trois phases de celles qui cor- respondent à une phase. La surface du triangle sera ainsi partagée en plusieurs régions, à l'inté- rieur desquelles tous les points représenteront des mélanges monophasiques, diphasiques ou tripha- siques. Lorsqu'on représente ainsi géométrique- ment les données des expériences successives, le nombre d'expériences nécessaire pour construire la courbe complète est considérablement réduit; 2° Dans les systèmes diphasiques, lorsqu'on a déter- miné les compositions des deux phases en équilibre, les points représentatifs de ces compositions sont des points conjugués el tout point placé sur la ligne qui les joint représente des systèmes diphasiques dont les phases ont la même camposilion. Ceci évite de faire un grand nombre d'analyses. De plus, la disposition des points conjugués sur une courbe qui délimite deux régions permet de prévoir dans quels cas existeront des « points cri- tiques », c'est-à-dire des points au voisinage des- quels les deux phases ont presque la même compo- sition. L'existence de ces points critiques est particulièrement intéressante pour l'étude des pro- priétés des solutions colloïdales. C'est, en effet, au voisinage de ces points critiques que les mélanges de trois corps non miscibles (alcool, eau, éther) présentent le bleu Tyndall, et acquièrent une série de propriétés qu'ils ont en commun avec les solu- lions colloïdales. 3° Quand on aura délimité ainsi les « régions », on pourra déterminer d'avance, par l’examen du graphique, ce qui se produira dans le système lorsqu'on ajoutera une nouvelle quantité d'eau, de sel ou de colloïde, 11 suffira, en effet, de réunir pär une ligne un point représentatif au sommet du triangle correspondant à l'eau, au sel et au col- loïde. Celte ligne traversera un certain nombre de régions monophasiques, diphasiques ou tripha- siques. On verra ainsi immédiatement si l'addition du corps doit produire une précipitalion nouvelle ou une redissolution du précipité déjà formé. C’est ainsi, par exemple, que, si l’on construit des courbes représentant le système eau + albumine + acide, ou bien eau + albumine + sel de Cu ou d'Ag, ou encore eau + ferrocyanure de potassium +- azotate de Cu, on verra immédiatement que l'addition d'acide à une certaine solution d’albumine produira d'abord un précipité, puis une dissolution. De même, l'addition d’azotate de Cu précipitera d'abord l'albumine, puis la redissoudra, etc. Le point correspondant au moment de la forma- tion du précipité et celui qui correspond à sa redissolution sont plus ou moins éloignés l’un de l'autre sur la droite qui passe par le sommet du triangle représentantle corps ajouté. D'ailleurs, en étudiant comment varie la distance de ces points pour différentes teneurs de la solution en colloïde, on aura un moyen pratique, extrêmement rapide, de construire la courbe délimilant la région mono- phasique de La région diphasique. Exemple : on 1140 V. HENRI Er A. MAYER — NOS CONNAISSANCES SUR LES COLLOIÏIDES n re prend trois solutions d’albumine à 1 °/,;, 5), 10°/,, el, à des volumes égaux de cette solution, on ajoute petit à petit de l'acide chlorhydrique. On voit que pour la solution : gouttes 9 9/0 à 10/, après l'addition de 2 5 10 9/0 ïl il y a précipité, et à 10/, après l'addition de 4 gouttes 5 0/0 = 16e 10 9/0 = 2 — il y a redissolution du précipité. Ces trois déterminations suffisent pour montrer l'allure générale de la courbe qui sépare la région diphasique de la région monophasique du système (eau, albumine, acide). 4 L'étude des courbes délimitant deux régions permettra, dans cerlains cas, de déterminer com- ment variera le système quand on fera varier la température. Ainsi, la présence de points singu- liers indiquera toujours qu'en élevant la tempé- ralure, ces points, en se rapprochant, donneront lieu à des îlots isolés de régions diphasiques. On voit donc que les quatre questions posées au début peuvent être résolues très rapidement grâce à l'application de la règle des phases, et que le nombre d'expériences nécessaires pour y répondre se trouve considérablement diminué. $ 3. — Précipitation des colloïdes les uns par les autres. Il y a peu à ajouter à ce qui précède relativement à l'application de la règle des phases à l'étude de la précipitation des colloïdes les uns par les autres. Nous avons, là encore, affaire à des sys- tèmes à trois corps (eau, colloïde A, colloïle B). Dans les cas de précipitation d'un colloïde posilif par un colloïde négatif, les phénomènes sont réversibles ; il y aura, ici encore, avantage à repré- senter graphiquement l'ensemble de la précipi- tation. V. — ConcLUSIoNS. La discussion générale qui précède ne constitue qu'un premier essai, encore fort incomplet, de l'ap- plication des lois de l'équilibre aux solutions col- loïdales. Mais, déjà sous cette forme, nous croyons qu'il montre commentle problème doit être discuté et quels avantages peut offrir l'étude de la sta- tique chimique des solutions colloïdales. Le point de départ de celte étude est la distine- lion des transformations réversibles et irréver- C'est seulement aux transformations réversibles que l'on a le droit sibles dans ces solutions. d'appliquer les lois de l'équilibre. Les solutions | colloïdales peuvent être considérées comme des systèmes homogènes ou comme des syslèmes hété- rogènes, suivant les problèmes que l'on étudie. Pour étudier la composition et les transforma- tions des granules colloïdaux, on doit les consi- dérer comme des systèmes hétérogènes, et c’est: dans ce cas qu'on peut chercher à appliquer la loi de partage. Pour étudier la précipitation des solu- tions colloïdales, on doit les considérer comme formant des systèmes homogènes, et c'est ici surtout que l'application de ïa règle des phases rendra de grands services. Puis, à cette staliquew chimique des colloïdes doit faire suite l'étude de la cinétique chimique des colloïdes, c'est-à-dire, l'étude des vitesses des réactions dans lesquelles interviennent les colloïdes, réactions que les bio- logistes ont tant d'intérèl à connaître. L'étude des conditions de formation des solu- ions colloïdales nous a montré qu'elles naissenl toujours à la limite entre l’état homogène et l'état hétérogène, ce qui explique leur élat « métasta- ble ». Leurspropriétésstochiométriques lesséparent " des solutions vraies et les rapprochent des suspen-" sions : elles sont, en effet, formées de granulations fines, suspendues dans un milieu liquide. L'énergie. de liaison entre les granulalions et le solvant est très faible. Lorsqu'on ajoute au milieu liquide un élément étranger, électrolyle, non électrolyle ou colloïde, cet élément contracte avec les granules … colloïdaux une certaine combinaison: il se forme des composés qui, parfois, restent suspendus dans” le liquide, et parfois sont insolubles et précipitent. Dans tous les cas, ces composés se rapprochent des composés chimiques, parce qu'une partie des pro cessus qui aboutissent à leur formation est irré- versible; mais ils se rapprochent plus encore des simples solutions, parce qu'une partie du pro- cessus de formation est réversible. Pour étudier. cette dernière partie, ona grand intérêt à employer les méthodes de la Chimie physique, car elle suite les lois générales de l'équilibre physico-chimique.m Ainsi, les transformations dont les solutions colloï- dales sont le théâtre nous apparaissent placées à la limite entre les phénomènes physiques et les phé nomènes chimiques. Elles donnent lieu à la forma tion de composés en proportion variable, dont les lois sont celles de la « répartition entre solvants ».M Rapprochées des solutions, d'une part, des suspen= sions, des émulsions, d’autre part, elles particis pent des propriétés des unes et des autres. Leur élude, si complexe, ne peut que jeter une vive. lumière sur toute une série de phénomènes phy=« siques, chimiques, el surtout biologiques, jusqu'ici + > rh dou tout à fait obscurs. Victor Henri Docteur ès Sciences. Préparateur à la Sorbonne. et André Mayer. Dorteur en médecine, Licencié ès Sciences. A. GRADENWITZ — 75° CONGRÈS DES NATURALISTES ET MÉDECINS ALLEMANDS 1141 LE 75° CONGRÈS DES NATURALISTES ET MÉDECINS ALLEMANDS Les naturalistes et médecins allemands viennent de tenir à Breslau, du 18 au 24 septembre, leur 75° Congrès annuel. Parmi les questions qui y ont été traitées, quelques-unes nous ont paru plus par- ticulièrement dignes d'intérêt; nous les avons ‘exposées brièvement ci-après. I. — SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. M. K. Schreber, privat-docent à l'Université de Greifswald, à fait une conférence sur les notions de force, poids, masse, malière et substance. L'au- teur donne d'abord une définition exacte de ces notions, employées couramment avec une certaine confusion, non pas seulement par les gens du monde, mais encore par les corps législatifs. Il convient surtout de distinguer rigoureusement la notion de « substance », embrassant par exemple l'énergie de mouvement, de la notion de « matière », comportant exelusivement la capacité de décompo- sition chimique. Pour permettre à la technique de profiter des résullats des recherches scientifiques, il importerait d'élablir un système de mesures * physiques convenant à ses besoins aussi bien qu'à -ceux de la science. À cet effet, il faudrait établir la nolion fondamentale de force, notion familière aux hommes grâce à leur puissance musculaire, le poids étant le prototype de la force. Comme unité, M. Schreber recommande d'adopter la force néces- saire à vaincre l'attraction mutuelle de deux sphères d’eau d'un volume d'un centimètre cube ‘chacune. L'unité de masse serait la sphère d’eau de ce même volume. L'auteur fait voir qu'en adop- ‘tant ces unités, la technique aurait le moyen d’'em- ployer, comme par le passé, la notion familière de kilogramme, reliée à cette unité de force (appelée « is ») par l'équation 1 kilog. = 2,263.10° js, rela- tion analogue à celle qui existe entre les unités de courant et de force motrice. Cette formule, de con- cert avec la fonction de longitude et de latitude géographiques de l'endroit d'observation, permet- {trait à la technique de faire des calculs scienti- fiques. M. Schreber recommande enfin d'ajouter à la notation universelle de « kg » un y ou un m, suivant qu'on veut entendre le poids ou la masse. M. Archenhold présente une communication sur les relations des taches solaires et des protubé- rances avec les aurores boréales. Suivant la théorie de Wolf, jusqu'ici universellement adoptée, on admetlait une période de onze ans dans l'appari- tion des taches solaires. Ce nombre, dit « radial », ne tiendrait pas compte de la position des taches. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. Ces dernières, comme on le sait, sont des creux coniques dans le corps du Soleil, agissant sur notre Terre comme projecteurs et jouant, par con- séquent, un rôle fort différent suivant qu'elles se placent au milieu ou versles bords du disque solaire. Le conférencier propose, par conséquent, de rem- placer le nombre « radial » (R) par un nombre « situal » (S). Ce nombre n'a pas encore permis d'établir l'influence des taches solaires sur le temps, mais il met en évidence l'effet électrique énorme des taches du Soleil. Toutes les fois qu'une tache se trouve en regard de la Terre, son action est assez grande pour se faire sentir sur tout appareil électrique, comme pendant un orage. Faisons remarquer qu'au dedans de l'entonnoir constituant la tache solaire, il se passe des modificalions énor- mes, susceptibles d’être fixées par la photographie. Or, pendant qu'une tache solaire se trouvant en face de la Terre exerce son influence sur cette der- nière, on observe les aurores boréales les plus brillantes, coïncidence établie par l’auteur dans tous les cas où les rapports astronomiques ne font pas défaut. Les taches solaires s'accompagnent toujours de prolubérances (facules), lesquelles diminuent en intensité à mesure qu'elles se rap- prochent du milieu du disque solaire. L'auteur pense qu'un observatoire établi à proximité de l’équaleur et sur une montagne élevée permettrait des observations bien plus concluantes et moins sujettes aux influences atmosphériques. Le Gou- vernement allemand aurait l'intention de faire ériger, sur son conseil, des observatoires pareils sur la montagne de Kameroun etsur le Kilima-N'Djaro. M. E. Meyer, professeur à l'École Technique de Charloltenburg, discute l'importance des moteurs à explosion pour la production de la force motrice. Les perfectionnements à apporter aux moleurs ont toujours fixé l’attention des ingénieurs en raison de l'importance énorme qu'ils possèdent pour là civilisalion moderne. Pour illustrer les difficultés d'ordre lechnique s’opposant à l’utilisation des combustibles usuels, l’auteur rappelle que, dans les machines à vapeur ordinaires, les 13 à 15°/, combustible sont utilisés. Or, Ja turbine à vapeur et le moteur à explosion sont deux puissants rivaux récents de la machine à piston. Quant à la turbine à vapeur, le progrès qu'elle réalise porte plutôt sur la construction, bien que le combustible, dans ce genre de machine, soit à meilleur marché et sa consommation plus petite. L'auteur est d'avis que les tentalives faites actuel'ement pour développer loujours davantage seulement du 24°* 1142 A. GRADENWITZ — 75° CONGRÈS DES NATURALISTES ET MÉDECINS ALLEMANDS les turbines à vapeur conduiront à la supériorité définitive de ces dernières. Dans la construction des machines à explosion, on s'est surtout inspiré du principe que, le coefficient économique d'une machine croissant en même temps que la chute de température disponible, il convient d'accroître celte chute de température. On s’est encore donné la tâche d'utiliser la chaleur des gaz développée dans le cylindre du moteur. Le premier moteur à combustion est dû à M. Otlo. Le fonctionnement de ces moteurs est, comme on le sait, basé sur le pro- cédé à quatre temps, un temps élant le temps utile. Sans l’eauréfrigérante entourantlecylindre, les tem- péralures élevées quise produisent empêcheraient tout travail utile. Les chambres de compression ou de condensation sont un aulre organe impor- tant de ce moteur. Les moteurs à pélrole et à ben- zine sont analogues à cette machine, abstraction faite de l’état liquide où se trouvent leurs combus- tibles. En réduisant autant que possible le volume de la chambre de compression, on à réussi à aug- menter le degré de condensation (rapport du volume initial au volume de compression), facteur si impor- tant pour le coefficient économique. En raison des pressions énormes (1.500 atmosphères) ainsi réa- lisées, la machine a cependant, à cause de son poids énorme, perdu une partie de son caractère utile et pralique. Pour un degré de condensation de 10, les pressions maxima ne seraient que de 15 atmo- sphères. On réalise par là une utilisation plus par- faite de la chaleur disponible, allant jusqu'à 33 et mème jusqu’à 44 °/,. Bien que ces chiffres subissent une diminution, peu considérable, d’ailleurs, dans la pratique, l'avantage que possèdent les moteurs à explosion sur les machines à vapeur est évident. Le gaz traversant les moteurs en pure perte et la chaleur résorbée par l'eau réfrigérante réduisent le coefficient économique. Il faut encore tenir compte du travail fourni par le moteur pour aspirer le gaz et pour évacuer les résidus, aussi bien que d'une perte de 17 °/, due au frottement extérieur. Le coefficient économique restant est, par consé- quent, de 20 à 33 °/,, soit plus du double de celui des meilleures machines à vapeur. Dans le moteur Diesel, il a même été possible de dépasser dans une mesure notable les chiffres précités ; mais les com- bustibles employés dans ce moteur sont malheu- reusement de 7 à 10 fois plus chers. Néanmoins, les petites machines à vapeur sont d'ores et déjà pratiquement remplacées par les moleurs à gaz d'éclairage. Afin d'utiliser la supériorité thermo- dynamique des moteurs grandes unités, il faudrait surloul arriver à diminuer le coût du combustible. Ces tentatives ont conduit à la construction des installations fonctionnant par gaz aspirant, ins- lallations basées essentiellement sur la combustion du charbon en formant du monoxyde de carbone. Dans ces appareils, le coefficient économique total de la chaleur est de 25,3 °/,. Des unités allant jus- qu'à 500 chevaux sont employées avec profit et sont adoplées de plus en plus rapidement, surtout depuis que l'emploi du lignite pour la production des gaz moteurs est devenu possible. Le perfec- tionnement ullime de la machine à vapeur serait dans la construction d’une turbine à gaz vraiment efficace. M. Edm. Hoppe, de Hamburg, présente une com- munication sur la conslitution des aimants. Les expériences qu'il vient de faire font voir que les aimants ne possédant pas de charge statique, les vues d'Ampère, suivant lesquelles les aimants élé- menlaires peuvent être remplacés par des courants moléculaires, représentent parfaitement les phéno- mènes expérimentaux. Quant à la théorie des lignes de force, il conviendrait d'admettre que ces lignes, à l’intérieur des aimants, suivent la rotalion de ces derniers, tout en éprouvant à l'extérieur un relard déterminé par la viscosilé du milieu. M. A. Voller, de Hambourg, a fait des expériences sur la décroissance temporaire de la radio-activité et la durée de vie du radium. À cet effet, il a dis- posé du bromure de radium pur en couches extrê- mement minces de différentes épaisseurs, sur des plaques de verre dont le pouvoir ionisateur a été examiné au moyen d'un électroscope Elster-Geitel. L'auteur a déterminé de quinze en quinze minutes la vitesse de décharge de ce dernier dans des séries d'expériences étendues, et cela alternativementpour l'air normal et pour l'air renfermant la plaque en expérience, en ayant soin d'éliminer toule influence muluelle des plaques due aux émanations. Les plaques les moins concentrées ont perdu leur radio- aclivité après quinze jours, alors que la concentra- tion la plus forte s’est trouvée être radio-active même après cent jours, bien qu'à un degré moindre. On trouve par extrapolation qu'à partir de 10 —* milli- grammes de radium, la radio-activité ne disparai- trait qu'après des années, et, pour des couches plus épaisses, après des intervalles beaucoup plus con- sidérables, de façon que les durées de mille à deux mille ans admises par Curie, Ramsay, Soddy, ete., pour quelques milligrammes de radium paraissent très plausibles. M. H.-Th. Simon, professeur à l'Université de Goettingue, présente un phasemètre de sa construc- tion, et qui est propre à servir dans la transmission à distance des indications d'une boussole. Cet instrument est basé sur le fait, démontré en Op- tique, que deux champs vectoriels pelarisés cireu- lairement, et superposés avec des amplitudes égales A. GRADENWITZ — 75° CONGRÈS DES NATURALISTES ET MÉDECINS ALLE\WANDS 1143 et des sens de rotalion opposés, forment par leur composition un champ vectoriel (rolaloire) à pola- risalion rectiligne, dont l’azimut ne dépend que de lu différence de phase des champs vectoriels com- posants. Or, dans le cas où deux champs magné- tiques rotatoires sont superposés de la même ma- nière, on produit un champ magnétique alternant d'un azimul équivalent à la moitié de la différence de phase. Toutes les fois que la différence de phase varie de 27, l'azimut du champ alternatif résultant parcourt un angle de 7. II. — SCIENCES NATURELLES ET MÉDICALES. M. Haberlandt, professeur à l'Université de Graz, éludie le rôle des organes des sens dans le règne xégélal. La ligne de démarcalion établie par Aristote entre les règnes végétal et animal à été sans cesse accentuée plus profondément. Ce n’est que dans la secoude moitié du xIx° siècle qu'on s'est mis à dé- molir cette barrière, et actuellement on essaie plutôt de trouver des caractéristiques communes à ces deux règnes. La première impulsion donnée à cette tendance moderne est la découverte de la structure cellulaire des organisines; on ne tarda pas à recon-. naître que les cellules de tout organisme élémen- taire ont des propriétés identiques, tant il est vrai que toutes les énigmes de la vie végétale et ani- wale paraissent concentrées dans le protoplasma. F. Fechner a été le premier à émettre l'opinion que les facultés de sensation et les perceplions senso- rielles, loin d'être limitées au règne animal, gou- vernent également la vie des plantes, opinion qui a été ensuite vérifiée par les travaux récents sur la Physiologie végélale. Alors qu'il semble bien élabli que les animaux et les plantes sont égale- ment susceptibles de percevoir des stimulus de nalure diverse, il s'agit de constater si cette sen- sibilité, chez les plantes, est également localisée dans des organes spéciaux. On comprendra sans peine toute la portée de cette question. Il y a cent ans, on découvrit la sensibilité de cette plante qui englobe tout insecte qui vient à toucher la surface de ses feuilles, le tue et le digère, après quoi les feuilles se rouvrent pour se mettre à l’affat d'une proie nouvelle. Ce fait intéressant, regardé comme pure curiosilé d'abord, n'a pu êlre utilisé pour la Science qu'après que trois élapes importantes ont été franchies. Il s'agissait, en eflet, d’abord de modifier les anciennes notions de stimulus et de sensibilité : le stimulus, d’après les idées modernes, nest autre que la cause actionnant les forces latentes de l'organisme. Il fallait, de plus, établir la Séparation locale de la réception du stimulus et de la réaction qu'il produit, ce qui entraïinait la néces- Sité d’une conduction. Une découverte d'une portée immense fut celle des fibres plasmatiques, ana- logues aux fibres nerveuses animales. Malgré cette remarquable analogie, c'est seulement il y a quel- ques années que M. Haberlandl se posa la tâche d'élablir la localisation de la sensibilité. Il réussit d'abord à trouver l'endroit sensible dans le cas des Mimosées de Ceylan et de Java, qui se garantissent d'une façon remarquable contre les insectes qui grimpent sur elles. Ses recherches ont bien établi que, dans le cours du développement physiolo- gique, il se forme des organes sensoriels partout où le besoin s'en fait sentir, tant chez les plantes que chez les animaux. Si, dans la majorité des cas, il à été impossible d'en constater l'existence, les plantes n'en ont pas moins toutes la même capacité, bien que le besoin n'en existe pas toujours. Le développement d'un sens spécial serait dû au besoin de s'orienter dans l'espace, d'assigner aux diffé- rents organes une position convenable. Cet organe, M. Haberlandt a également réussi à en démontrer l'existence par voie expérimentale, et il a encore découvert l'organe sensible aux stimulus lumineux. Ce n’est pas «la tache oculaire rouge », mais un protoplasma décoloré juxtaposé à cette lache pig- mentaire qui rempliraitles fonctions visuelles, alors que, dans les plantes hautement développées, ce seraient surtout les feuilles qui serviraient d'or- ganes de la vision. Le fait que les feuilles peuvent se placer normalement à la lumière incidente a été vérifié par l'expérience dans bien des cas. L'auteur vient d'établir que c'est l’'épiderme supérieur de la feuille qui est sensible à la lumière; chaque cellule de cet épiderme est analogue à une lentille plan- convexe el ressemble beaucoup aux yeux rudimen- taires des animaux inférieurs. Quant à ce qui re- garde l'existence d'organes sensibles aux influences chimiques etaux effets (thermiques, on ne saitencore rivn de précis; mais il est bien établi qu'il n'y a de différence de principes entre l'animal et la plante ni au point de vue physiologique, ni au point de vue anatomique, dans le domaine de la perceplion sen- sorielle. On peut même dire que nulle part les ana- logies anatomique et histologique entre la plante et l'animal ne sont aussi grandes que dans les organes des sens. Comme les phénomènes énigma- tiques se passant au sein du plasma semblent être essentiellement identiques, l'idée se présente à l’'es- pritque la perception sensorielle doil s'accompagner de phénomènes psychiques aussi chez les plantes. M. Rhumbler, professeur à l'Universilé de Gættingue, présente ses recherches sur la Méca- nique et la vie cellulaires. Bien qu'on se soit aujourd'hui accoutumé à appliquerles lois physiques et chimiques aux organismes vivants, il n’est nulle- ment établi que ces lois soient le terme ultime du 114% mécanisme des êlres vivants. Au contraire, les qualités psychiques des organismes rendent très probable l'existence de formes d'énergie limitees à la seule matière vivante. Les succès réalisés par la mécanique des organes encouragent à établir une mécanique de la cellule. Les trois objections qu'on pourrait opposer à une tentative pareille sont faciles à réfuter. L'individualisation des cellules n'empêche pas, en effet, une uniformilé presque monotone de ce processus très important qu'est le dédoublement des cellules, uniformilé qui se constale dans les cellules les plus hétérogènes. Quant à la complexité de la matière vivante, qu'on pourrait encore invoquer, l’auteur en appelle à la théorie génétique du système planétaire de Laplace et Kant, démontrant que la simplicité d'un système mécanique ne limite en rien la capacité de lrans- formation et de multiplicité de ses composants. Une troisième objection faite contre la mécanique cellulaire est relative au domaine ultramicrosco- pique, qui détermineraitles actions de la substance vivante. D'après les récentes recherches d'ultrami- croscopie, ces dimensions minimes, ne renfermant qu'environ mille motécules albumineuses, ne laisseraient, en effet, plus de place aux mécanismes compliqués. Malgré la diversité des cellules, diver- silé due à une structure ou à une conslitution chi- mique différentes, on peut parfailement admettre une identité ou analogie très profonde dans les fonelions mécaniques des différentes cellules, pourvu que les substances cellulaires se trouvent à un état d'agrégation identique ou analogue. Aussi il s'agissait d’abord d'établir l'état physique de la substance vivante. M. Rhumbler a reconnu, pour un grand nombre de catégories de cellules, que le contenu vivant salisfait à tous les crité- riums des liquides. On peut dire qu: toutes les actions mécaniques jusqu'ici connues d'un grand nombre de cellules d'organismes élémentaires sont expliquées parfai- tement par la des liquides. Ceci s'applique au chromotropisme des cellules amoe- boïdes aussi bien qu'au thermotropisme (expliqué par les modifications lhermiques de la lension superficielle) et au galvanotropisme. Les applications des lois de capillarité au contact des cellules vivantes avec les corps solides jettent un jour très vif sur leur biologie. Voici, à ce propos, une loi déduite par l'auteur : «Toutes les fois qu'un corps étranger vient au contact de deux liquides non miscibles, il est entouré par le liquide pour lequel son adhésion est la plus grande. Si ce corps étranger est trap lourd pour être trans- porté par les forces d'adhésion, le liquide adhérent l'enveloppe de toutes parts, alors que, dans le cas contraire, il se rend spontanément dans le liquide mécanique A. GRADENWITZ — 75° CONGRÈS DES NATURALISTES ET MÉDECINS ALLEMANDS plus adhésif, dont la surface se referme sur lui sans que sa forme subisse de modification sensible. Ces deux actions vis-à-vis des corps étrangers se constatent dans la nutrition des amibes. L'auteur est cependant loin de maintenir que ces phéno- mènes mécaniques expliqueraient parfaitement et sans autre hypothèse la vie des cellules; à ce propos, il invoque l'exemple des gouttes liquides (d'huile, de chloroforme ou de mercure) employées pour les vérifications expérimentales et qui, mon- trant les mêmes phénomènes de capillarité que les cellules amoeboïdes, devraient, dans ce cas, être comptées parmi les cellules vivantes. Quant à ce qui regarde la constalation des facteurs psychiques, la mécanique cellulaire ne remplirait qu'un rôle préparatoire, écartant lout ce qui nesl pas psychique. L'auteur eroil que la tension superfi- cielle constitue l'un des facteurs principaux qui régissent le mouvement des matières vivantes. M. Aschkinas, professeur à l'École Technique de Charlotlenburg, fait une conférence sur les effets bactéricides des rayons de radium. On sait que le radium émet trois espèces différentes de rayons, appelés rayons «, $, y respectivement. Alors que les rayons + ne subissent aucune modification sous l'action des champs magnéliques, les rayons & et ÿ sont déviés de deux côlés opposés. Les rayons x sont fortement absorbés, alors que les rayons 7 ont une remarquable puissance de pénétration ; la troisième espèce de rayons est intermédiaire entre ces deux extrêmes. Or, lorsqu'on expose une colo- nie de bactéries au rayonnement du radium, les bactéries sont Luées après quelque temps. En insé- rant entre la colonie de bactéries et le radium une mince plaque d'aluminium absorbant les rayons « et une partie des B, on voit les bactéries se con- server. Il résulte de celte expérience que ce ne peuvent être que les rayons « ou la portion péné= trante des rayons 8, ou bien les deux, qui exercent un effet bactéricide. Or, l'auteur ayant dévié les rayons & au moyen d'un champ magnétique eb exposé la colonie de bactéries aux rayons résiduels de l'espèce à, il a oblenu la destruction des bac-M ; téries. On en conclut que seuls les rayons « possèdent des effets bactéricides, l'expérience précédente ayant fail voir que les rayons y n'en possèdent pas. M. Holzknecht, de Vienne, discute les systèmes de radiothérapie. La première énigme qui se pré= sente est la question de savoir comment des rayons d'une nature si différente que les rayons catho diques, les rayons X et les rayons de radium, la lumière du Soleil et d'autres radiations peuvent exercer des influences si analogues sur les tissus CPR LE TL SN RE Me rh Re en yT ke 4 vivants ou la plaque photographique. Pour expli=. A. GRADENWITZ — 75° CONGRÈS DES NATURALISTES ET MÉDECINS ALLEMANDS 1145 quer ce phénomène, l'auteur s'en tient à l'hypo- thèse de Goldstein, d'après laquelle tous ces rayons, en frappant des particules pondérables, se trans- forment en radiations ultraviolettes. La diversité de pénétration serait due à la différence de pro- fondeur où celte transformation a lieu. Un autre point important est la question des effets électifs. Alors que, suivant l'opinion à peu près générale- ment adoptée, certains tissus seraient allérés par un effet primaire des rayons, après quoi leur allé- ration entrainerait, par une action secondaire, celle des autres tissus, M. Holzknechtest d'avis que tous les tissus sont allérés par un effet direct des rayons, bien qu'à un degré différent, en raison d'une élection relalive des tissus. Voici une nou- velle application du radium à la thérapeutique des maladies cutanées. Alors qu'on appliquait jusqu'ici le radium dans des capsules, de façon à ne le faire agir que sur une région fort réduile de la peau, M. Holzkencht répartit le radium en couches minces sur une surface carrée. C'est ainsi qu'il réussit à exposer à un rayonnement des portions même étendues de la peau pendant un intervalle court, et à en produire la réaction. M. Rosenfeld, professeur à l'Université de Stras- bourg, étudie la question de savoir si les phéno- mènes psychiques sont susceplibles d'influer sur l'économie du corps. Comme il le fait remarquer, MM. Voit et Hermann auraient retiré de leurs recherches la conclusion que cette influence n'est que peu appréciable, conclusion mise en doute par les médecins. Les recherches ultérieures de M. Speck, bien que donnant un résultat également négalif, auraient établi que l'entrée du sang oxy- géné produit une oxydalion, et la production de chaleur dans le cerveau aussi bien que dans les autres tissus. En raison de ces résultats négatifs, les expérimentateurs ont lourné dès l’abord leur allention sur l'économie du corps des aliénés, afin d'établir l'influence de la décroissance d’activité mentale sur l'économie de ces personnes. Bien que M. Scherber ait trouvé dans un cas une difé- rence considérable d'élimination d'azote entre les personnes de mentalité normale et les idiots, celte observation isolée ne saurait être considérée comme concluante. D'autre part, il paraît probable que la remarquable oscillation du poids est bien due à la décroissance d'activité intellectuelle, alors que, sui- vant l'opinion autrefois admise, ce serait une per- lurbalion de résorption dans le canal stomaco-intes- tinal qui produirait la diminution du poids. Afin d'élucider cette question, l'auteur vient de faire lui-même des recherches sur quatre aliénés. Le bilan très exact de l'économie du corps pour une nourriture fixe, consistant en lait, sucre, albumine et sel, a donné le résultat bien certain qu'il n'y a point de perlurbation de résorption pareille. L'auleur incline à croire que les oscillations de poids en question sont dues à une différence de la teneur en eau, bien que d’autres facteurs puis- sent très bien entrer également en jeu. M. Grossmann, de Berlin, fait une conférence sur l'hypnose et son importance. Bien qu'on ait éludié la relation entre l'hypnose et le sommeil, on n'a pas encore donné de définition vraiment scientifique de ce que c’est que l'hypnose. A cet effet, il serait nécessaire de commencer non pas par l'homme, lerme ultime du développement animal, mais par les organismes les plus élémen- taires, à savoir les êtres monocellulaires. Les élé- ments psychiques, représentés, d'une part, par le corps cellulaire avec son noyau, el de l’autre par le centrosoma, pourraient, en effet, se retracer jusqu à ces organismes monocellulaires. Quant au centro- soma, les recherches récentes ont établi qu'il constitue le produit des stimulus extérieurs. Or, comme le protoplasma est doué de celte importante propriété qu'est l'élasticité, l'organisme monocel- lulaire, à légal de l'organisme le plus compliqué, pourrait subir une certaine excilation, transmise par l'élasticité du protoplasma aux éléments ner- veux. Si, cependant, une certaine limite d’excila- bilité était dépassée, l'excitation ne produirait plus d'effet. Toute excilation positive exercant une action mécanique, telle que, par exemple, la des- truction d'éléments constitutifs, les images mémo- ralives seraient produites par une excitation conslante. Or, après avoir agi sur les centres élas- tiques du cerveau, une suile d’excitations occasion- nerait leur détente et, par là, l'état dit « sommeil normal ». Ce sommeil normal, on le voit, régénère les tissus détruits par les excitations antérieures. En considérant que le sommeil est produit en première ligne par la détente des centres nerveux périphériques, détente suivie par celle des centres nerveux supérieurs, on comprendra qu'une détente des centres nerveux périphériques produite par voie artificielle pourra servir à la production d'un sommeil artificiel, soit l'hypnose. Or, on sait que l'hypnose est produite par des objets éblouissants, captivant l'attention du sujet, tels que les miroirs métalliques. Quant à l'utilisation pratique de l'hyp- nose dans la médecine, l’auteur est d'avis que l'École de Nancy prend une imporlance toujours croissante, car dans le traitement de l’hystérie, comme dans celui des inflammations d’articulations tuberculeuses, on a réalisé de remarquables succès, bien qu’on ne puisse admettre que l'hypnose pos- sède des vertus bactéricides. A. Gradenwitz, Docteur ès sciences, 1146 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Chomé (F.), Professeur à l'Ecole militaire de Bel- gique. — Cours de Géométrie descriptive, 3° édition. Première partie ur . Chrien0M Te) 1808; livre II, 1899 ( RURRSE Deuxième partie, 1904 (Prix 40 fr. Cantier Vlare éditeur. Paris, 1904. Le Cours de Géométrie descriptive de M. Chomé embrasse des matières qui se répartissent, en France, entre les programmes des classes de Mathématiques des lycées et ceux des Ecoles spéciales. La première partie, relative aux projections ortho- gonales sur deux plans perpendiculaires, se divise en quatre livres, dont les deux premiers seuls ont paru (le premier ayant même atteint déjà sa troisième édi- tion). Ils traitent des matières suivantes : livre I, le point, la droite et le plan; livre 11, plans tangents aux surfaces coniques, cylindriques et de révolution; livre III, sections planes des mêmes surfaces; livre IV, intersection de ces surfaces entre elles. La deuxième partie a trait aux plans cotés. L'impression d'ensemble qui se dégage de l'ouvrage de M. Chomé est celle d'un cours soigneusement muüri, dans un esprit vraiment pratique, el où aucun détail n’est négligé. L’exécution matérielle n’en laisse d'ail- En rien à désirer; le texte, imprimé en gros carac- tères, avec des divisions bien nettes, se lit facilement; les figures, groupées dans des atlas spéciaux, sont dessinées avec le plus grand soin. C'est un côté qui, pour un ouvrage de cet ordre, est loin d'être né- gligeable. Pénétré avant tout des exigences de la pratique, l'auteur se place dans les conditions qui se rencontrent dans les applications techniques. C'est ainsi que, pour lui, un plan résulte simplement — ainsi qu'il convient — de la rencontre de deux droites quelconques et non plutôt des deux droites, ses traces, suivant lesquelles ce plan rencontre les plans de projection. L'emploi abusif des traces inculque aux élèves de mauvaises habitudes qui leur deviennent une gène lorsqu'ils se trouvent en face des applications puisées dans la réalité. Ils en arrivent à croire que les traces jouissent de propriétés spéciales en vertu desquelles elles n’interviendraient pas dans les épures comme des droites ordinaires. Il suflit, d'ailleurs, d'avoir toujours soin, comme le fait M. Chomé, lorsqu'intervient une trace, de la désigner, comme toute autre droite, par ses deux projections (dont une confondue avec la ligne de terre), pour empècher les élèves de se faire une fausse conception du rôle joué par ces traces quand on y a recours. Eu outre, les notations de l’auteur, voisines de celles d'Olivier, et qui reposent sur l'emploi d'indices 2 et v attribués respectivement aux projections horizontales et verticales, sont particulièrement parlantes et pré- viennent toute confusion. La question délicate de la détermination des sections planes des polyèdres, réduites à leurs parties utiles, et, plus encore, des intersections des polyèdres, exige de la méthode; sans quoi, les tracés superflus, en se compé- nétrant, finissent par dissimuler le résultat qu'il s'agit 45 f': ee dégager. La manière dont elle est traitée par Chomé écarte absolument ce danger. En convient de louer de mème les méthodes suivies par l’auteur pour les rabattements, les rotations, sur- tout pour les changements de plans de projection, qui, grâce en particulier à son heureux choix de notations, offrent une parfaite facilité. ET INDEX Au point de vue descriplif, l'étude très complète développée par l’auteur au sujet du point simple d'une. courbe gauche mérite d'être remarquée. Nous en dirors autant de son étude très soignée du contour apparent d'une surface. Entlin, nous tenons à le louer de la façon dont il expose tout ce qui a trait aux développements des. cônes et des cylindres, et, en particulier, du souci qu'il a eu de donner des démonstrations rigoureuses des théorèmes qui s'y rapportent, n'hésitant pas, comme le faisait jadis J. de la Gournerie, à recourir pour cette fin à l'emploi de la méthode analytique. Celle-ci prend aux yeux des élèves une portée nouvelle lorsqu'elle s'applique ainsi à des objets que les méthodes descrip- tives leur permettent de saisir en quelque sorte sous forme concrète. Le même souci de rigueur, la même recherche de généralité et de bonne ordonnance dans les méthodes, la même heureuse union du procédé descripüf et du développement analytique se rencontrent dans la partie consacrée aux plans cotés, où la représentation des. surfaces lopographiques est notamment développée avec un soin qui mérite de retenir l'attention. Le volume se termine par quelques notions sur les | abaques à deux entrées du type le plus simple, c'est-à- dire du type cartésien, et sur leur anamorphose. Nous nous permettrons de regretter qu'à celte occasion l’au- teur ait omis de citer le nom de Lalanne. Le Cours de M. Chomé est, d’ailleurs, complété par un très grand nombre d° exercices empruntés en partie aux programmes de l'Ecole militaire. En parcourant cet excellent ouvrage, on s'explique facilement la vogue qu'il a si rapidement conquise dans son pays d'origine, où il a amené la transformation de l'enseignement dans plusieurs établissements destinés à la formation des ingénieurs. Mais il y aurait ailleurs encore grand profit à en tirer. M. D'OCAGNE, Professeur à l'Ecole des Ponts et Chaussées. M Auscher (Léon), Zngénieur des Arts et Manufactures. — Le Tourisme en automobile. — 1 vol. gr. in-8° (OM 463 pages et 140 figures, avec préface de BAUDRY LE SAUNIER. (Prix : 7 fr. 50.) VYe Ch. Dunod. Paris, 190%: « On acquiert le sens fouriste,comme on acquiert le sens artiste », dit fort justement M. Baudry de Saunier dans la préface de ce livre. Et nous souhaitons d'en faire la bienheureuse expérience à ces chauffeurs trop nombreux, qui ne prisent leur voiture que pour la rapidité avec laquelle elle les transporte d'un point à un autre, et qui traversent, sans les voir, les jolis paysages s bordant leur route. En tout cas, quiconque veut faire l'achat d'une auto- mobile, et se lancer avec elle à Ja découverte de notre belle Franc e, doit apprendre quels genres de châssis et de carrosserie conviennent au but qu'il se propose. Il ne fera son choix, dans la multiplicité de (ypes qui s'offrent à lui, que s'il a de ces types une idée générale suffisamment exacte. Sa voiture achetée, il devra apprendre à l’équiper pour la route avec les ‘rechanges” capables de parer aux divers incidents qu'il peut avoir à subir. C’est une véritable initiation, pour laquelle M. Aus- cher était tout indiqué par sa triple qualité d'ingénieur, de carrossier et de touriste. Il l’a faite avec une com=. pétence absolue, dans un style élégant et clair. Dans le corps de l'ouvrage, ou dans les documents qui en forment les annexes, on trouvera de précieux renseignements sur les routes et la facon de diminuer BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1147 leur poussière, les cartes, le transport des automo- biles, les moyens d'assurer ces dernières contre les di- vers risques, les formalités douanières, les lois et rè- glements sur la police du roulage et spécialement sur la circulation des automobiles. GÉéRrARD LAVERGNE. Ingénieur eivil des Mines. 2° Sciences physiques Swyngedauw (R.), Professeur à l'Université de Lille. — Phénomènes fondamentaux et principales applications du courant alternatif. — 1 vol. in-8°. Vve Dunod, éditeur, Paris, 1904. Dans les traités élémentaires d'Electrotechnique qui ont paru en ces derniers temps, on peut distinguer deux courants dans la facon dont le sujet est exposé. Certains auteurs, considérant plus particulièrement les résultats pratiques de l'électricité, insistent sur le côté application et s'en tiennent essentiellement à la description des appareils et des machines, ainsi qu'à leur mode d'emploi. Les autres, restant sur le terrain de la théorie, assu- meut la tâche difficile et délicate de donner, de la facon la plus simple possible, une idée exacte des principes qui sont la base du fonctionnement des appareils électro-mécaniques. L'ouvrage de M. Swyngedauw est écrit selon cette deuxième manière d'envisager la question. C'est la reproduction de cours faits à la Faculté des Sciences de Lille pour des auditeurs non spécialistes en Electro- technique. Après le rappel de quelques notions fondamentales de Mécanique et de Physique, l’auteur étudie succes- sivement : les propriétés générales des courants (cou- rant, tension, champ magnétique, induction); puis celles plus spécialement relatives au courant alternatif, (valeurs efficaces de l'intensité et de la force électro- motrice, self-induction, puissance des courants alter- natifs, mesure de celle-ci); la troisième partie est consacrée à la théorie des alternateurs et des moteurs synchrones et asynchrones, la quatrième, à celle des transformateurs et des convertisseurs. Le but même du volume ne prête naturellement pas à l'introduction d'expesés bien nouveaux. Nous cite- rons cependant le paragraphe se rapportant à la force électromotrice, dont la notion est déduite de celle de puissance, inversement à la méthode habituelle ; nous mentionnerons aussi les pages relatives à la puissance d'un courant alternatif avec décalage ; également celles où se trouve décrite la méthode du dynamomètre différentiel de M. Potier. Le dernier chapitre est consacré à l'étude des redresseurs électrolytiques de courant alternatif en courant ondulé ; on y trouvera la description du clapet Nodon et de la soupape Hewitt-Cooper. P. An. Mercier, Ingénieur à la Compagnie de l'Industrie électrique et mécanique à Genève. Ostwald (W.), Professeur à l'Université de Leipzig. _-- Die wissenschaftliche Grundlagen der analy- tischen Chemie (LES PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CHIMIE ANALYTIQUE), 4° édition.—1 vol. in-8° de 224 pages (Prix: 8 [r. 75.) W. Engelmann, éditeur. Leipzig, 190%. Les lecteurs de cette /tevue ont été tenus au courant de la publication de cet ouvrage, dès l'apparition de sa première édition en 1894. L'excellente traduction fran- çaise qu'en a faite M. Hollard en 1903 leur à été aussi signalée. 11 sera donc superflu de revenir sur le fond de l'ouvrage, à l’occasion de la publication de la 4° édition allemande. Si nous croyons néanmoins utile de la men- tionner ici, c'est moins pour marquer le succès crois- sant de ce petit livre, traduit en français, anglais, russe, italien, japonais et hongrois, que pour noter le mou- vement de pénétration des doctrines de la Chimie- physique dans le domaine de la Chimie, qui, par son empirisme et son but essentiellement pratique, avait semblé jusqu'à présent pouvoir se passer pour ainsi dire complètement des progrès de la théorie. PaiLiPre-A. GUYE, Professeur de Chimie à l'Universilé de Genève. Ledcbur (A.), Professeur de Métallurgie à lPEcole des Mines de Freiberg. — Manuel théorique et pratique de la Métallurgie du Fer. Zraduction française de. M. BarBary DE LANGLape. /ievu et annoté par M. VALton. — 2° édition française, ? vol. in-8° avec 40% fig. (Prix : 50 fr.) Ch. Béranger, éditeur, Paris, 190#. Le traité de Métallurgie du Professeur Ledebur est devenu rapidement classique en Allemagne et éga- lement en France, grâce à l'excellente traduction de MM. Barbary de Langlade et Valton. L'ouvrage du professeur de Freiberg est, en effet, de tous points remarquable ; il n'existe pas d'ouvrage où soient aussi heureusement dosés les données d'ordre scientifique et d'ordre pratique, ainsi que les renseignements qui, intervenant en Métallurgie, se rattachent à des sciences très différentes, telles que la Mécanique et la Chimie. L'étudiant y puise toutes les connaissances métallur- giques que l’on peut acquérir dans les livres; le pra- ticien y retrouve les idées générales sur lesquelles il doit revenir de temps en temps pour en suivre l'évolu- tion et s’abstraire un peu des trop menus détails de la pratique, et aussi bon nombre de détails et d'observa- tions judicieusement choisies et soumises à une cri- tique impartiale. La deuxième édition française, que viennent de publier MM. Barbary de Langlade et Valton, d'après la quatrième édition allemande, contient des moditica- tions assez importantes. Les progrès de la Métallurgie n’ont pas été négligeables dans ces dernières années, et le Professeur Ledebur, sans changer en rien le plan de son ouvrage primitif, l'a mis au courant des instal- lations et études nouvelles. Dans la première partie, intitulée « Introduction à la métallurgie du fer», signalons spécialement les addi- tions relatives aux fours à coke avec récupération des sous-produits, aux appareils d'enfournement et de dé- fournement mécanique; un court chapitre relatif aux combustibles liquides a été ajouté. Dans le chapitre relatif aux fours, sont signalés les nouveaux modèles de valves d’inversion et les fours oscillants du type Campbell. Les fours Wellmann, qui semblent s'être répandus davantage que les précédents, ne sont pour- tant pas décrits. Le chapitre qui a été le plus augmenté dans cette première partie est celui qui est relatif à « l'étude chimique du fer au point de vue métallur- gique ». Le Professeur Ledebur y examine la question des transformations du fer, y donne d'intéressantes considérations sur les alliages en général et examine en détail les rapports chimiques du fer avec les divers éléments, notamment avec le carbone, les divers états du carbone dans les fers carburés, et les déductions qu'on peut faire à ce sujet de l'étude des points cri- tiques et de l'examen microscopique du métal. Dans la deuxième partie, relative à « la fonte et sa fabrication », peu de modifications importantes. Un chapitre a été ajouté, relatif aux dispositifs mécaniques pour le transport et l'emmagasinage des matières premières. Dans le chapitre relatif à l’utilisation des produits accessoires des hauts-fourneaux, on est un peu surpris de ne pas voir indiquer l'emploi des gaz dans des moteurs, qui à fait l’objet de nombreuses appli- cations dans ces dernières années. La troisième partie, qui a pour sujet « le fer mal- léable et sa fabrication », débute par un intéressant et important chapitre dans lequel sont décrites les différentes propriétés des fers et aciers, ainsi que l'influence, sur ces propriétés, de la composition chi- mique et des traitements mécaniques et calorifiques subis par les métaux. Les nombreuses séries d'essais effectués à ce sujet, surtout dans ces dernières années, 1148 y sont résumées et discutées. Signalons aussi, dans celte troisième partie, le chapitre relatif à la fabri- cation de l'acier par fusion, dans lequel sont décrits les procédés Bessemer, Thomas et Martin, ainsi que les récentes modifications de ce dernier, procédé Ber- trand-Thiel, procédé Talbot, etc.; peut-être l'auteur ne fait-il pas assez ressortir l'importance du développe- ment pris par le procédé Thomas et la perfection à laquelle il a pu être amené récemment. Un point qui, dans le traité de Ledebur, frappe le lecteur un peu au courant de la littérature métallur- gique, est le peu d'importance accordé aux conceptions théoriques sur la constitution des produits ferreux qui, depuis quelques années, ont donné lieu à d'innom- brables publications. Les discussions sur ce sujet ont été assez vives pour provoquer la constitution de camps opposés, les carbonistes et les allorropistes, que M. Howe a vainement tenté de mettre d'accord en créant la secte des carbo-allotropistes. Le Professeur Ledebur, qui est certainement au courant de ces publications, puisqu'il analyse pour les lecteurs du Stahl und Eïisen les principaux travaux techniques relatifs à la Métal- lurgie, paraît traiter assez dédaigneusement toutes ces conceptions théoriques; il consacre quelques lignes à la transformation allotropique dite du fer « en fer $, et, dans une courte note, signale seulement que quelques observateurs admettent l'existence d’un fer y en ajou- tant : « Cette question n’a, d’ailleurs, que peu d’impor- tance au point de vue de la manière dont le fer se com- porte; il ne semble pas utile de la résoudre ». Sans aller aussi loin que le Professeur Ledebur, nous pen- sons qu'une opinion aussi catégorique, émanant d'une incontestable autorité, aura l'effet utile de ramener à leur importance réelle bien des conceptions théoriques auxquelles on peut au moins reprocher d'être préma- turées et de reposer sur des données expérimentales tout à fait insuffisantes. Mais, tout en reconnaissant avec le Professeur Ledebur que les théories émises jusqu'à présent sur la constitution des produits ferreux n'ont amené aucun résultat pratique, nous croyons que les études de ce genre pourront avoir dans l'avenir un effet utile et qu'il serait mauvais de les négliger com- plétement. G. CHarpy, Docteur ès sciences. 3° Sciences naturelles Giard (Alfred), Wembre de l'Institut. — Controverses transformistes. — 1 vo/. in-8° raisin de 180 pages, avec 23 fig. (Prix : 1 fr.) C. Naud, éditeur, Paris, 1904. Faire l'analyse des controverses transformistes de M. A. Giard serait exposer dans ses détails l’évolution des doctrines transformistes pendant ces vingt-cinq dernières années. Chaque naturaliste est au courant de ces travaux; aussi nous nous bornerons à mentionner l'ouvrage en question sans en analyser en détail les divers chapitres, qui constituent plutôt un recueil d’études antérieurement publiées, de 1874 à 1890, qu'une œuvre absolument neuve. L'ouvrage est divisé en sept chapitres, qui sont les suivants : I. Histoire du transformisme, publiée en 1888; deux phrases résumeront la première partie de ce chapitre : « A une époque où les documents embryogéniques n'étaient pas suffisants pour établir la doctrine de l'Evolution sur des bases inébranlables, un certain nombre de naturalistes ont été conduits à considérer les êtres organisés comme les manifestations de l'acti- vité d'un créateur sans cesse occupé à perfectionner son Œuvre. » Après avoir expliqué la théorie de l’évolution idéale et après Jui avoir opposé celle de l'évolution réelle, l’auteur consacre une large part aux travaux de Buffon, qui avail bien compris toute la valeur de l'influence des milie ux sur la transformation des êtres organisés, mais n'avait pas Fe d’° expliquer comment s'exerce cette influence et par quel mécanisme elle manifeste BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX son action. Ce fut Geoffroy Saint-Hilaire qui eut cet. honneur; Lamarck, contemporain de Geoflroy Saint- Hilaire, ajouta la notion plus précise des modifications. déterminées dans les organes par la nécessité de réagir continuellement contre ces milieux et, de plus, il cons- tata la transmission par hérédité des modifications äcquises. A l'influence des milieux sur la variabilité des espèces, Lamarck opposa, en quelque sorte, l'influence du régime; puis l’auteur en arrive à Darwin, à la lutte pour l'existence, à la sélection naturelle. L'auteur s'élève ensuite contre certains naturalistes qui pa- raissent supposer que tout est dit lorsqu'ils ont invoqué la grande loi de Serres et de F. Mueller, et il ajoute : « Telle ne doit pas être notre attitude, et nous ne devons pas nous payer de mots, alors même que ces. mots résument et synthétisent un vaste ensemble de phénomènes ». Il. L'embryogénie des Ascidies et l'origine des Ver- tébrés, publié en 1873. L'auteur y fait l'éloge des tra- vaux de Kowalewski et s'oppose aux théories de Baer, point par point, paragraphe par paragraphe ; il s'efforce de montrer que, quand un animal est fixé de façon à ne pouvoir librement changer de place, c'est toujours. par le dos que s'opère cette fixation. Nous nous per- mettrons de relever une phrase de ce chapitre, car elle nous montre sous son véritable jour l'œuvre de M. A. Giard : Les recherches de Kowalewski, de: Metchnikoff, de Bobretsky, de Haeckel nous ont : : 1 | ouvert depuis peu des voies nouvelles qu'il serait dan- gereux de dédaigner froidement en haussant les épaules, malgré les éloges décernés par L. Agassiz aux savants français qui out pris celle attitude ». Or, M. Giard a lutté toute sa vie contre ceux qui se bornent à hausser les épaules, et les brèches qu'il a faites dans. leurs rangs depuis 1874 nous semblent irréparables. III. Sous ce titre : Les faux principes biologiques et leurs conséquences en taxonomie (1876), M. Giard expose, attaque et ruine quatre systèmes de classifica- tion : les classifications purement anatomiques, suivant. la méthode de Cuvier; les classifications basées sur la morphologie de l'adulte, dont M. Lacaze-Duthiers nous a laissé des modèles; les classifications prétendues embryologiques de C. Semper: enfin les classifications. dites purement objectives que le Professeur Huxley à voulu faire admettre. M. A. Giard propose, à son tour, sa méthode, qu'il appelle la méthode de superposition embryogénique; ce procédé nous semble réunir, en effet, de grandes probabilités de certitude. L'auteur ajoute que le type Mollusque n'existe pas, ou plutôt n'est qu'une modification sans importance fondamen- tale du type Annélide, et que l'ancien groupe des Annelés constitue un ensemble des plus hétérogènes, un embranchement tout à fait artificiel. L'auteur fait figurer ensuite l'arbre généalogique qu'il donne dans ses cours depuis 1889. IV. Dans le chapitre suivant, publié en 1889, l’auteur expose d'une façon détaillée ses vues sur les facteurs de l’évolution; il les classe comme suit: Facteurs pri= maires directs : a) milieu cosmique ; exemple : climat, lumière, température, etc.; b) milieu biologique; exem- ples: alimentation, parasitisme etc. Facteurs primaires M indirects : a) réaction éthologique contre le milieu cos- mique ; exemple : adaptation, convergence ; b) réaction contre le milieu biologique; exemple : ressemblance protectrice, mimétisme, etc. Facteurs secondaires. Hérédité, concurrence vitale, concurrence sexuelle et sélection sexuelle, ségrégation, amixie, sélection phy= siologique, hybridité, etc. Le chapitre V, publié en 1898, traite du principe de Lamarck et de PHerédité des modifications somaliques. Il constitue une attaque contre l'école de Weismann, lequel nie l'hérédité des moditications somatiques. En niant cette hérédité, on est conduit à supposer que les ancêtres des êtres vivants actuels et même le plasma primordial possédaient eux-mêmes toutes les variations qui sont apparues depuis; nous serions ainsi ramenés BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX à l’idée des forces créatrices, réglées, il est vrai, par la sélection; la porte serait de nouveau ouverte aux agents directeurs immanents ou extérieurs à la matière; mais si, au contraire, nous admettons la transmission des caractères somatogènes, la transformation des êtres vivants deviendra bien plus rapide, elle sera détermi- née par l'action des facteurs primaires. VI. Lorsque M. A. Giard parle de la convergence de la vie pélagique (1875), il accumule des exemples nombreux et frappants à l'appui des caractères d'adaptation pro- pres à la vie pélagique: transparence des tissus, déve- loppement considérable de certains organes des sens, réduction du tube digestif, etc; et il termine en disant avec Haeckel : Il faut réserver le titre de naturaliste à l'homme qui s'efforce non seulement de voir les faits articuliers, mais encore d'en saisir le lien étiologique. VII. Dans le dernier chapitre (1877), l'auteur parle de la pleurostase et des animaux dysdipleures; à côté d’es- pèces qui se tiennent habituellement sur un certain côté, on en trouve d’autres qui se trouvent sur le côté opposé; les facteurs essentiels de la pleurostase des Poissons sont : 1° l’extrème minceur etla grande hau- teur des embryons; 2° la transparence parfaite de ces embryons; 30 l'asymétrie des organes des sens et surtout des yeux. Conclusion. Malgré la diversité des matières qui en sont l’objet,les Controverses transformistes ne donnent pas l'impression d’une suite d'articles, mais d’un tout plein d'unité. Néanmoins, on pourrait être surpris, lors- qu'on arrive à la fin du volume, de ne pas trouver une conclusion résumant dans un seul faisceau les sept articles précédents; mais tous ceux qui connaissent l'enseignement du Maitre éminent, qui savent quelle part considérable il a prise à l'introduction en France des doctrines transformistes, ont déjà compris qu'un travail de ce genre ne pouvait être sérieusement résumé en quelques lignes, chaque controverse résu- mant elle-même l'œuvre de lumière du savant profes- seur. Ses controverses tentent à débarrasser la Biologie des arguments finalistes qui l'encombrent et à mettre quelque clarté dans les conceptions embrouillées des partisans du transformisme. Il est trop rare qu'un savant, après s'être convaincu de la vérité de certaines doctrines scientifiques, soit capable d'en accepter toutes les conséquences. Or M. A. Giard, négligeant toute accommodation avec le ciel, à accepté et exposé pen- dant vingt-cinq années, sans réticence, d’une facon entière, ce qu'il croit être la vérité scientifique. Son œuvre est donc considérable et elle est connue comme elle, non seulement en France, mais aussi à l'Etranger. E. pe RIBAUGOURT, Docteur ès sciences, Préparateur à la Sorbonne. 4 Sciences médicales Bramwell (J. Milne), M. D. — Hypnotism (Its his- tory, practice and theory). — { vol. in-8°, de XIV- 478 pages. (Prix : 22 fr. 50.) Grant Richards, éditeur. Londres, 1904. Ce livre a été écrit dans le but d'attirer l'attention du monde médical sur la valeur thérapeutique de l'hypnotisme. Véritable traité, il condense l'opinion des nombreux auteurs qui se sont occupés de la ques- tion de l'hypnotisme, en même temps qu'il fournit les résultats de douze années de pratique et de recherches personnelles. Il serait à souhaiter pour le public médical français que cet ouvrage fût traduit; nous ne possé- dons sur le même sujet aucun traité récent qui lui soit comparable, à la fois par la documentation et la clarté d'exposition. De très nombreuses divisions et subdi- visions de chapitres, tout en donnant à ce travail une forme un peu trop didactique, facilitent singulièrement la lecture. Dans son historique, M. Bramwell s'étend principa- lement sur l'œuvre d'Elliotson (1791-1868) et de James Esdaile (1808-1857), disciples trop peu connus de Mesmer, en Angleterre; comme Liébault, ils furent vic- 1149 times de la nouveauté de leurs idées et restèrent incom- pris de leurs contemporains. Les diverses méthodes pour obtenir l'hypnose sont soigneusement exposées. Aux procédés mécaniques (passes, miroirs, etc.) l'auteur préfère, actuellement, la suggestion verbale faite dans de bonnes conditions, c'est-à-dire après avoir pris connaissance de l'état mental du patient et gagné sa confiance. Nous trou- vons là quelques lignes intéressantes sur l'emploi de divers médicaments (haschich, chloroforme, opium, etc...), pour faciliter l'hypnose, et sur l'auto-hypno- tisme signalé déjà par Forel. Contrairement à l'opinion du public, M. Bramwell démontre que la susceptibilité à l'hypnose est habi- tuelle chez les sujets sains d'esprit, tandis qu'au con- traire les hystériques, les déséquilibrés, les aliénés sont souvent réfractaires. Dans sa pratique, le pour- centage des individus hypnotisables à varié de 75 à 100 ,/° suivant des conditions difliciles à apprécier. Les modifications organiques et psychiques produites par l'hypnose sont longuement étudiées, en particulier les modifications de la mémoire et de lorientation dans le temps. Les précautions multiples que l'opéra- teur doit prendre pour éviter d’être dupe de son sujet et de lui-mème sont minutieusement exposées. Tous les états ou degrés successifs qui ont été décrits dans l'hypnose sont artificiels, les divers symptômes. donnés comme caractéristiques de chacun d'eux étant provoqués par la suggestion, consciente ou non, des opérateurs. L'auteur admet trois degrés : 1° Jéger hypnose : on peut obtenir des modifications dans l'état des muscles volontaires; 2° profond hypnose : on peut, de plus, produire des modifications dans les percep- tions sensorielles; 3° somnambulisme : en outre de nombreuses manifestations hypnotiques, aucun sou- venir ne persiste au réveil. Avant, ou plutôt à côté de ces trois degrés, M. Bramwell reconnait l'existence d'un état particulièrement intéressant pour le médecin, dans lequel, malgré l'absence des manifestations exté- rieures habituelles de l'hypnose, les suggestions théra- peutiques sont acceptées et ont une efficacité plus grande que dans la suggestion à l'état de veille. Ensuite sont résumées les applications de l'hypno- tisme à la pratique chirurgicale et médicale; de nom breuses observations personnelles ou étrangères sont adjointes. L'auteur reconnaît que l'hypnotisme n'a, en Chirurgie, qu’une importance toute théorique; en Médecine, il ne le considère pas comme un remède universel, mais comme un moyen thérapeutique qui doit être combiné à d'autres. Il a produit particuliè- rement de bons effets dans les névroses simples. L'hyp- notisme ayant pour but de développer le pouvoir de contrôle sur soi-même aura surtout des effets utiles dans ces maladies qui ne sont souvent que le résultat final d'une vie intellectuelle caractérisée par l'absence de discipline et de self-contrôle. Tout en déclarant, comme l’a prouvé l'expérience, que l'hypnotisme est exempt de dangers entre les mains des médecins avisés et des physiologistes, M. Bramwell donne des conseils très sages sur son emploi théra- peutique : il recommande de ne l'appliquer qu'aux malades capables d'en profiter, d'associer, s’il y a lieu, d'autres moyens médicaux, de ne faire que des sugges- tions utiles à la guérison et d'expliquer aw patient qu'il ne s’agit d'aucune action surnaturelle. - Dans un très long chapitre sont exposées les hypo- thèses nombreuses des auteurs sur la nature de l'hyp- notisme. M. Bramwell résume en quelques propositions chäcune des opinions et les discute, en montrant la part d'erreur et de vérité contenue dans chacune d'elles. Trop modestement, il finit ce chapitre en déclarant qu'il ne cherchera à substituer aucune théorie per- sonnelle à celles qu'il vient de discuter. Le livre se termine par une bibliographie indiquant les ouvrages principaux consultés par l’auteur. D' Rocer MiGnor, Médecin à l'asile de Ville-Évrard. 1150 ACADÉMIES ET SOCIÉTES SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 5 Décembre 190%. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Em. Picard pour- suit ses recherches sur la formule générale donnant le nombre des intégrales doubles de seconde espèce dans la théorie des surfaces algébriques. — M. V. Volterra applique la méthode de Riemann généralisée à l'étude des équations différentielles du type parabolique, — M. Potron à déterminé les groupes d'ordre }” (p pre- mier, 21>4) dont tous les diviseurs d'ordre }"—? sont abéliens. — MM. V. Fournier, A. Chaudot et G. Fournier ont observé les Perséides, en août dernier, dans la Côte-d'Or. Le radiant principal de Persée continue à se déplacer dans la direction de l'étoile 51 Girafe. La moyenne des hauteurs d'apparition a été de 168,5 kilomètres, celle des hauteurs de disparition de 53,3 kilomètres. — M le vice-amiral Fournier établit un nouveau Critérium caractérisant les bâtiments aptes aux grandes vitesses, c'est-à dire dont l'utilisation du travail moteur s'améliore aussi longtemps que leur translation s'accélère. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. P. Helbronner décrit un système de téléstéréoscopie, donnant le relief, tout en conservant le fort grossissement du téléobjectif, par l'obtention de deux épreuves de la même région éloi- gnée, la distance des deux stations de pose étant régie par certaines règles. — MM. V. Crémieux et L. Malclès établissent nettement le phénomène de la diminution de l'influence électrique, au travers des diélectriques solides, par l'apparition, au sein de ces diélectriques, de charges réactives. — M. H. Bordier communique des expériences permettant de déceler les rayons N par les variations instantanées de l'éclat du sulfure de cal- cium, enregistrées sur une plaque sensible par une pose prolongée. — MM. V. Henri et A. Mayer : Sur la composition des granules colloïdaux (voir p. 1137). — M. J. Lavaux, en faisant réagir le chlorure de méthy- lène sur le toluène, en présence d'AICF, à obtenu trois diméthylanthracènes, F. 2320, 240° et 87° respective- ment, et du $-monométhylanthracène. — M. P. Le- moult à constalé que certaines amines secondaires cycliques R.Az(R')H donnent, avec PCI et PCF, des oduits volatils parmi lesquels on trouve les corps R'CI; il y a donc rétrogradation de l’amine secondaire en aniline. — M. G. Bertrand a réalisé la synthèse de la d-idite, qui s'est montrée identique à la sorbiérite vaturelle. — M. G. Baudran, en traitant le chlorhy- drate ou le sulfate de strychnine par le permanganate de calcium à 5 °/, à 37%, a obtenu un produit qui, mélangé à la strychnine, annihile les effets de ce poison sur le cobaye, — MM. Schlagdenhauffen et Reeb ont reconnu que les extraits pétroléiques des céréales renferment de l'acide phosphorique libre, des phos- phates de sodium ou de potassium, de chaux, de fer et de manganèse, dont on peut déterminer la présence dans le produit de l’incinération. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. G. Variot a élevé avec du lait de vache stérilisé à 108° plus de 3.000 enfants de la classe ouvrière dans le quartier de Belleville: 3 à 4#°/, au plus se sont montrés incapables d'utiliser ce lait, On n'a observé aucun cas de scorbut infantile. — M.S. Leduc a réalisé, par la diffusion, des figures qui ont exactement toutes les propriétés physiques de celles de la karyokinèse. — M. R. Quinton a reconnu que le Sélacien, tout en possédant une concentration saline indépendante de celle du milieu extérieur, reste sous la dépendance osmotique de ce milieu. — M. M. Baudouin à étudié un Copépode qui vit en parasite sur la sardine en Vendée; c'est un Lernæenieus, très voisin du Z. sprattae. — M. Arm. Viré résume les principales données que lui a procurées l'étude de la faune des cavernes. — M. A. Guilliermond poursuit ses recherches sur la germination des spores chez les levures. L'existence de stades à un seul noyau, succé- dant à des stades à deux noyaux très rapprochés l'un de l’autre, a été observée de la manière la plus précise sur un nombre considérable de préparations : la fusion nucléaire ne peut faire aucun doute. — M. A. Dau- phiné a étudié les modifications anatomiques qui se produisent au cours de l'évolution de certains rhizomes. — M. A. Lacroix élablit l'existence, à Tahiti, d'une série pétrographique remarquable, comprenant, en fait de roches grenues, des syénites néphéliniques, des monzonites néphéliniques, des gabbros néphéliniques, des gabbros amphiboliques, et enfin des roches à grain très fin (camptonites, monchiquites, tinguaites). Séance du 12 Diecn bre 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Fatou poursuit ses recherches sur l'approximation des incommensurables et les séries trigonométriques. — M. Le Vavasseur à recherché tous les groupes continus de l’espace, finis: ou infinis, dont les transformations infinitésimales sont de la forme €(x, y, z) r, r —9//3z. — M. H. Padé pré- sente quelques remarques sur une méthode pour l'étude de la convergence de certaines fractions continues. — M. Jacob à étudié la détonation sous l'eau des sub- stances explosives. Il montre que la durée de décom- position de la substance doit être sensiblement pro- portionnelle à la puissance 1/3 du poids de la charge. M. Lo:wy indique les sésultats de la détermination. de la différence de longitude entre les méridiens de Paris et de Greenwich, exécutée par MM. Bigourdan et Lancelin. La valeur moyenne trouvée est de 9"20°,97#; elle concorde bien avec celle qu'ont obtenue les astro- nomes anglais (9220s,94). — M. J. Guillaume commu- nique ses observations du Soleil faites à l'Observatoire de Lyon pendant le troisième trimestre de 1904. L'aire totale tachée à augmenté régulièrement; les groupes de facules ont augmenté davantage en nombre qu'en surface. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. Mascart donne les détails de construction d’un pendule en acier-nickel entretenu électriquement, construit sur ses indications par la maison Henry-Lepeaute. — MM. G. Weiss et. L. Bull ont cherché à mettre en évidence, par l’enre- gistrement photographique, l'augmentation d'éclat que présente une surface faiblement éclairée, soumise à l'action des rayons N. Dans aucun cas, ils n'ont pu obtenir de résultat positif. — M. Ch. Frémont a reconnu que la fragilité à froid du fer et de l'acier doux, après déformation permanente vers le bleu, n'est pas une propriété absolue de ces métaux, mais un! défaut qui peut être évilé dans des conditions conve= nables. — M. M. Berthelot présente quelques remarques sur les règles thermochimiques relatives à la possibi= lité et à la prévision des réactions. — M. Lecoq de Boisbaudran revendique la découverte de l'élément Z@, concentré récemment par M. Urbain, et qu'il avai caractérisé antérieurement par sa bande d’absorptio À— 488. — M. L. Brunel, en faisant réagir sur le cyclohexène les anhydrides d'acides organiques en présence d'iode et d'HgO, a obtenu les éthers des gly- cols hydroaromatiques. — M. E. Pozzi-Escot, en fai sant réagir sur les thio-urées disubstituées ah un acid éthanoïque monohalogéné, a obtenu des thio-hydan: ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1151 toïnes disubstituées cycliques. — MM. A. Delage et H. Lagatu ont éludié la constitution de la terre arable, qui leur est apparue comme un simple produit de la désagrégation des roches. — M. L. Bordenave signale les résultats qu'il a obtenus dans la gazéitica- tion des combustibles végétaux (foins, pailles, roseaux, feuilles, sciure), et l'utilisation des produits obtenus dans les moteurs à gaz pauvre. 39 SGrENCEs NATURELLES. -- M. Ch. Henry éludie une méthode de décomposition des ensembles statistiques complexes en ensembles irréductibles en Biologie. — M. L. Bordas décrit la structure des glandes annexes de l'appareil séricigène des larves de Lépidoptères. — M. Arm. Billard a observé, chez les Campanulariidées et les Plumulariidées, que l'ébauche des tentacules, confluents à l’origine, forme le bord extérieur d’une gouttière annulaire qui entoure un mamelon représen- tant le futur hypostome. — M": Z. Gatin-Gruzewska a reconnu que certains champignons, desséchés pen- dant un temps plus ou moins long à l'air ou à l'étuve à 370, rehumidiliés, reprennent leur turgescence, leur couleur et leur odeur caractéristiques. — M. Laber- gerie a expérimenté la culture, en terrains humides, du Solanum commerson: Dunal et a obtenu d'excellents rendements. Cette pomme de terre parait devoir se prêter très bien à la cullure dans ces terrains. — M. F. Laur signale la découverte du terrain houiller dans deux sondages pratiqués en Lorraine française vers 700 mètres. Le combustible est du charbon flam- bant, — MM. Ch. Jacob et G. Flusin ont reconnu que, vers 1890, une augmentation de l'alimentation des glaciers, c’est à-dire de l’enneigement des hautes ré- gions, a dù affecter tout le massif du Pelvoux. Par contre, l'ablation n'a pas cessé d’exagérer ses effets. — M. E.-A. Martel a exploré la résurgence des sources de Wells (Angleterre), et rapporté une observation curieuse qui permet de déterminer la rapidité d'action de l'érosion souterraine. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 29 Novembre 1904. M. Delorme présentele Rapport sur le concours pour le Prix Laborie. Séance du 6 Décembre 1904. M. H. Huchard présente un Rapport sur un Mémoire du D° Pawinski concernant l'hyposthénie cardio-vas- culaire de la ménopause. Cette affection coexiste avec l'asthénie psychique ; elles semblent avoir pour cause l'insuffisance ovarienne. — M. R. Blanchard fait un Rapport sur un travail du D° F. Dévé relatif à la pro- phylaxie de la maladie hydatique. D'après l'auteur, la maladie hydatique, affection commune à l’homme et aux animaux, leur est transmise par le chien; à la rigueur, elle peut l'être également par le chat. Ces car- nivores domestiques se contaminent eux-mêmes en mangeant les viscères du bœuf, du porc et surtout du mouton, envahis par des échinocoques fertiles. La pro- phylaxie de la maladie hydatique doit viser avant tout à supprimer l'infestation du chien; des mesures sévères s'imposent avec urgence à cet égard, pour le moins dans les abattoirs urbains. — M. Alb. Robin à reconnu que les métaux divisés à l'extrême sont capables d'actions physiologiques considérables et hors de proportion avec la quantité de métal employée; ils sont destinés à prendre une place importante dans la thérapeutique fonctionnelle. — M. le D' Deshayes lit une étude sur la tuberculose en Normandie. Séance du 13 Décembre 1904. Séance anniversaire annuelle. M. le D' Motet lit le Rapport général sur les Prix décernés par l'Académie en 1904. — M. Léon Colin procède à la remise de ces prix. — M. Jaccoud, secrétaire perpétuel, prononce l'éloge de Villemin. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 3 Décembre 1904. M. H. Gros a observé la présence de croissants éosi- nophiles dans le sang d’une enfant de vingt-trois mois atteinte de paludisme. — MM. E. Barbier et J.Baylac ont constaté une action plus grande de l’üdrénaline sur la pression sanguine chez les animaux atropinisés. — M. C. Phisalix à reconnu que les venins de vipère et de cobra difièrent l’un de l’autre par tous leurs caractères physiologiques et que leurs principes actifs appartiennent à des espèces chimiques différentes. — MM. A. Gilbert et P.Lereboullet signalent un exemple très net de cancer primitif du foie, accompagné de cirrhose, chez un'sujet antérieurement atteint de cho- lémie familiale. — MM. A. Gilbert et J. Jomier ont observé une rétention de la graisse par les capillaires du foie; c'est une forme non encore décrite de la fonc- tion adipopexique de cet organe. Ils ont constaté, d'autre part, la persistance et, dans la plupart des cas, l'augmentation de la graisse hépatique pendant le jeûne de courte durée. — MM. A. Cade et A. Latarjet ont observé une jeune fille chez laquelle une hernie épi- gastrique de l’estomac avait réalisé, par le fait de son étranglement, la séquestration d’une portion de l’esto- mac, absolument analogue à celle que réalise expéri- mentalement le procédé de Pawlow. — M. J. Moitessier estime que la substance de Bence-Jones est une matière albuminoïde proprement dite, que c’est une espèce chimique el non de la sérum-globuline. — M. A. Lorand considère la sénilité comme un processus morbide dû à la dégénérescence des glandes vasculaires sanguines qui ont le rôle de maintenir les processus trophiques. — M. Dembinski montre que la production de sensi- bilisatrice pour les bacilles tubereuleux ne dépend pas de la plus ou moins grande résistance de l’animal vis- à-vis de ces bacilles, mais qu'elle est liée à la race des bacilles. — MM. Lœper et Ch. Esmonet ont étudié l'influence directe des poisons et des microbes sur la proportion de glycogène du foie. — M. Em. Fauré- Frémiet décrit la structure des pédoncules des Vorti- cellidées. — M. A. Lécaïllon à observé que, chez les Théridions (Araignées), la femelle veille à ce que son cocon ovigère soit maintenu dans les conditions favo- rables où elle l'a déposé au moment de la ponte; lors- qu'il en advient autrement, elle l’enlève et le transporte par des moyens ingénieux. — M. P. F. Armand-De- lille a obtenu, chez le cobaye, à l’aide d’injections rapprochées de petites quantités de substance cérébrale de chien, un sérum névrotoxique pour ce dernier animal, le tuant en quelques heures. — M. R. Quinton Concentration saline et tension osmotique chez le Sélacien (voir p. 1150). — M. P. Nobécourt a constaté que le séléniate de soude, introduit dans le duodénum, tue le lapin moins rapidement quand il est incorporé à une solution de SO'Na*, de glucose ou de NaCl que quand il est dissous dans l’eau distillée. — M. Et. La- baud à reconnu que la pseudencéphalie est le résultat d'une méningite fœtale. Séance du 10 Décembre 1904. M. J. Lefèvre montre que, chez les homéothermes, le rayonnement calorique s'accélère quand la tempé- rature extérieure s'abaisse. — M. G. Marinesco à observé que toutes les cellules qui présentent du pig- ment jaune peuvent, à un moment de leur vie, se dis- tinguer par épaississement de leurs fibrilles ou des travées du cytoplasma, là où se dépose le pigment. — M. F. Arloing a reconnu que la splénectomie favorise l'extension et la rapidité de l’évolution des lésions tuberculeuses vers la caséification dans les divers organes. — MM. L. Bernard et M. Salomon ont cons- taté que l'injection du bacille de Koch dans les voies artérielles produit dans le rein trois ordres de lésions : des follicules tuberculeux, des traînées de lymphocytes et des lésions épithéhales. — M. Et. Rabaud attribue ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES l'attitude des pseudencéphaliens à des contractions déterminées par la méningite fœtale. — M. P. Carnot et M': CI. Deflandre ont reconnu que la surcharge graisseuse du foie peut être considérée comme un pro- cessus antitoxique et comme une réaction défensive. — M. E. Maurel a observé l'apparition d'une affection cutanée chez le cobaye à la suite de l’exagération de l'alimentation azotée. — M. F. Battelli a constaté que l'application d'un courant alternatif produit, chez les cobayes épileptiques, après l'accès convulsif immédiat, des accès épileptiformes tardifs très violents et très IPB chez les chiens, on n'observe pas ces accès tardifs. M. P. Floresco à étudié les modifications sanguines et le rôle de la rate dans l’évolution des lésions expérimentales du foie et d'autres organes. — M. O. Josué à reconnu que les altérations du tissu élastique sont très profondes dans l’athérome; c’est précisément au niveau des lames élastiques que siège la lésion de l’athérome artériel. — Mr Girard-Mangin et M. V. Henri critiquent la théorie de M. Gengou sur l'agglutination des globules rouges par les colloides. — M. "A. Lécaillon décrit la manière dont se comportent les Théridions avec les cocons ovigères des autres individus de leur espèce, avec ceux d'espèces diffé- rentes et avec des cocons artificiels. — M. L. Malassez poursuit ses études sur la notation des objectifs micros- copiques — M. Laulanié a conslaté que la dépense d'exploitation des aliments (augmentation des com- bustions respiratoires pendant leur digestion) augmente avec la ration, mais d'une façon plus rapide que celle-ci. — M. E. Fauré-Frémiet décrit la formation et la structure de la coque des Vaginicolinae. M. P.-F. Armand-Delille a observé que le sérum névro- toxique provoque, dans les centres nerveux, des lésions très nettes, caractérisées par de la congestion des vais- seaux de la pie-mère et des tissus nerveux, une dia- pédèse leucocytaire intense et des altérations chroma- tolytiques des cellules nerveuses. — M. H. Dubuisson a étudié la dégénérescence des ovules chez le Dytique. — M. L. Blaringhem a constaté une multiplication des épis ou des panicules chez le Zea mays à la suite de traumatisme. MM. J. Voisin, R. Voisin et L. Krantz ont observé une série de rétentions et de décharges urinaires chez les épileptiques. SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 2? Décembre 1904. M. P. Villard a repris l'expérience d'Ed. Becquerel sur les rayons continuateurs et a reconnu : 1° Que le phénomène est assez intense pour donner un effet très marqué sur un papier sensible (au chlorure et azotate d'argent) ayant subi une exposition préalable d’un quart de seconde à la lumière du ciel, et qu'on peut ainsi développer un positif par la lumière jaune après une dizaine de secondes d'exposition sous un cliché (cette continuation doit être faite sous des verres Jaunes et verts en plein soleil); 2° Que l'effet conti- nuateur est absolument subordonné à la présence d'un composé soluble d'argent (azotate d'argent dans le cas des papiers sensibles pour positifs par noircissement direct). Ce qui se produit est un véritable développe- ment, comparable à l’ancien développement à l'acide patique et azotate d'argent. (Toutefois l’acide gallique peus de révéler une image après fixage, ce que ne fait pas la lumière jaune.) D'ailleurs, la lumière jaune accélère le développement à l'acide gallique et azotate d'argent, ou au chlorure d'or pur. Une plaque au chlorure ou bromure d'argent, impressionnée forte- ment, puis traitée par l'azotate d'ar gent et la lumière jaune, se développe aussi par effet continuateur, plus rapidement que les papiers, parce qu'on opère dans un liquide : mais l'image est peu intense et cette intensité paraît dépendre uniquement du grain de l'émulsion. Les meilleures plaques pour cette expérience sont les plaques presque transparentes, dites pour tons chauds. L'effet continuateur est très intense dans le vert et le jaune moyen; il cesse un peu au delà de D dans l’orangé. Dans le rouge apparait un autre phénomène plus général, celui de la destruction de l'image, des- truction entrevue par Ed. Becquerel (renversement de la raie A1. Il résulte de là que, pour avoir un bon déve- loppement de positif par continuation, il faut employer des verres jaunes el verts (le verre vert arrêle, outre le rouge, la bande de violet que laissent souvent passer les verres jaunes). Si l’on essaie de faire la continuation sous des verres jaune et rouge clair, les demi-teintes de l'épreuve sont en partie détruites. Si l’on traite par un révélateur les papiers sensibles soumis à la conti- nuation, on constate les effets suivants : 1° Avec des révélateurs physiques, tels que l'acide gallique et l’azo- tate d'argent, le révélateur à prise sur l’image de con- tinuation (il aurait prise sur une image fixée) et celle-ci prend une avance considérable sur une image témoin non conlinuée. Cependant, cette dernière finit par la rattraper, l'image qui se forme fournissant autant de points d'attraction pour l'argent en voie de réduction dans le bain; 2 Avec les révélateurs sans argent (hydroquinone, pyrocatéchine, etc.), l'image non con- tinuée se développe au moins aussi vite que l’autre, et cette dernière n'a d'autre avance que celle qui résulte de la présence d'une image inerte, autrement dit le révélateur n'a prise que sur l’image latente. Or, celle-ci a été en partie détruite par la lumière jaune ou orangée. On peut facilement obtenir que l’image con- tinuée soit, après développement, plus faible que l'autre; il suffit que la pose soit courte et la continua- tion, par suite, peu intense. Avec les plaques au gélati- nobromure où gélatinochlorure d'argent, l'effet des- tructeur subsiste seul, et l'analogie avec ce qui se passe pour les rayons X est complète. Pour le chlorure d'argent, la destruction commence vers D et se pro- longe bien au delà de A, Jusque vers À— 900. Après destruction, la plaque a recouvré presque intégralement sa sensibilité. Dans le cas du bromure d'argent, la destruction, d’ailleurs assez rapide, commence seule- ment vers À et se prolonge dans l’infra-rouge comme pour le chlorure. La limite infra-rouge paraît être la mème que pour les plaques traitées par les rayons X. Le phénomène de la destruction de l'image se produit aussi avec les papiers pour noircissement “direct (chlo- rure et azotate d'argent); il est assez intense pour faire disparaître une image visible; ses limites sont les mêmes que pour les plaques au gélatinochlorure ; mais, si l’on fait agir un mélange de rayons jaunes et orangés, on aura à la fois destruction de l'image latente el même disparition des demi-teintes d’une épreuve, et en même temps continuation des parties le plus impressionnées. La destruction de l’image latente peut alors se constater avec un révélateur alcalin. L'expres- sion de rayons chimiques ne devrait donc pas être réservée aux seuls rayons bleus et violets : tous les rayons du spectre sont chimiques, révélateurs ou des- tructeurs; les rayons bleus et violets sont, au contraire, à peu près seuls capables de produire l'excitation par- ticulière qui s'appelle l’image latente, celte dernière bien différente d'une image visible faible comme le montre l'action des divers révélateurs. M. A. Guébhard, tout en rendant hommage au très grand intérêt des faits observés par M. Villard, croit devoir s'élever contre l'appellation de rayons continuateurs ou destructeurs donnée à des rayons dont l’action, superposée à une autre tinuation et d'inversion qu'aurait produit, identique, la prolongation soit de l’action interrompue, soit de la leur propre. Toutesles radiations susceptibles d'impres- sionner une surface sensible, qu'il s'agisse de lumière quelconque (Vogel, 1878), ou de chaleur (Hunt, 1842), ou de rayons X (Villard, Sagnac, 1899), ou même d'émanations (Moser, 1842), agissent dans le même sens, et peuvent, à l'intensité près, se substituer les unes aux autres, dans un ordre quelconque, pour pousser au delà de son maximum, vers un minimum voisin de zéro, la courbe qui représente, en fonction ee et Ta 2 nié eh à ‘eme Se ii She 1 GO à nt antécé dente, aboutit au même effet fatal de con- N'a ei © Done sc tte te dette ame à: ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1153 du temps, pour chaque intensité d'action, la valeur de la réaction photographique, manifestée, sur les sels d'argent, par leur noircissement. M. Villard pense qu'il n'est pas indifférent de substituer de l'infra-rouge à du violet et que le terme destruction parait le seul indiqué pour désigner un phénomène dans lequel on ne constate jamais autre chose que l'effacement pro- gressif de l'impression produite par du violet : si l’on traite par le rouge extrème ou l’infra-rouge une plaque légèrement voilée par du violet ou des rayons X, on ne voit nullement l'impression atteindre son maximum pour décroitre ensuite, mais bien décroitre immédia- tement, et revenir à zéro d'autant plus vite qu'elle était plus faible. Il ne peut, d’ailleurs, y avoir inversion, l'infra-rouge n’agissant pas sur une plaque neuve, surtout au chlorure d'argent. En outre, la plaque ainsi traitée est restaurée et recouvre sa sensibilité, tandis que personne ne songerait à faire une photographie avec une plaque exposée à la lumière blanche jusqu’à solarisation complète. Enfin, avec les papiers sensibles pour noircissement direct, l'extréme rouge peut effacer une age visible, d'autant plus vite que cette image est plus faible. Si l'on faisait agir du violet, le papier noircirait sans inversion jusqu'à épuisement du sel sensible. — M. P. Langevin : Sur les ions de l'atmo- sphère. Les travaux d'Elster et Geitel, de G.-T.-n. Wilson ont montré que l'atmosphère possède de manière per- manente une conductibilité analogue à celle que pro- duisent les radiations, due à de petits ions que libèrent les substances radio-actives dont la présence constante dans l'atmosphère est aujourd'hui démontrée. Le phé- nomène anciennement connu de la déperdition de l'électricité est lié à cette présence d'ions dans l'atmo- sphère, d'où résulte, vers le corps chargé, un afflux d'ions de signe contraire au sien. L'étude de cette con- ductibilité permanente de l'atmosphère est importante, soit au point de vue de la présence de radio-activité, soit au point de vue des phénomènes météorologiques, puisque la présence d'ions dans l'air et leur rôle dans la formation des nuages ont permis, pour la première fois, de donner une explication cohérente des phé- nomènes d'électricité atmosphérique. On a employé jusqu'ici deux méthodes : Elster et Geitel ont proposé de suivre la déperdition d'un cylindre chargé surmon- tant un électroscope; mais il semble difficile de pré- ciser la signification de ces mesures, la déperdition devant varier beaucoup avec les circonstances, en par- ticulier avec la manière dont se fait le renouvellement de l'air. Ebert a proposé de mesurer la charge dispo- nible, le nombre d'ions contenu dans un volume connu d'air, en faisant passer celui-ci dans un tube portant, suivant son axe, une électrode chargée reliée à un électroscope. De la chute des feuilles d'or on peut déduire la charge disponible par centimètre cube d'air. M. Langevin poursuit, depuis le mois de mai dernier, des expériences de ce genre au sommet de la tour Eiffel; il en donnera ultérieurement les résultats, qui conduisent, en moyenne, au chiffre de 1.000 ions de chaque signe par centimètre cube, comme M. Ebert l'avait trouvé en Allemagne. 1] lui a paru nécessaire de s'assurer, par des expériences de laboratoire, de la signification des mesures ainsi faites, et il a été conduit à chercher comment se répartissent, dans l'atmosphère, les ions entre les diverses mobilités, alors que les mesures faites jusqu'ici dans l'air n’ont porté que sur les petits ions de grande mobilité. Si » est la densité en volume des charges, négatives par exemple, dispo- nibles dans l'air, la fraction de ces charges, portée par les ious de mobilités comprises entre 4 et À +-dk, sera dn=f{k)dk; le problème consiste à déterminer la fonction /{X). M. Langevin utilise, pour le résoudre, la méthode des courants gazeux, en faisant passer par seconde un volume U d'air dans un condensateur cylindrique de capacité G, chargé sous la différence de potentiel V. Les ions présents dans le gaz ne sont pas . tous recueillis dans le condensateur si le débit U est suffisamment grand pour en entrainer uue partie, et le | di SES Il du courant obtenu sur l’armature intérieure { au courant maximum dI que l’on obtiendrait si tous les ions de mobilité Æ étaient recueillis, est donné par rapport — KT kX. Quand il existe des ions de mobilités diverses, on obtient facilement le résultat suivant : Si l’on construit une courbe en portant en abscisses la quantité x et en ordonnées l'intensité z mesurée par un électromètre, on trouve qu'il existe des ions de mobilité k si la courbe tracée présente une courbure au point d'abscisse D — 7 Les mesures ont été faites avec des appareils 4 différents pour examiner les portions de la courbe qui correspondent aux grandes et aux petites mobilités. Toutes précautions prises, les résultats obtenus avec les divers appareils concordent absolument pour montrer sur la courbe deux régions de forte courbure, lune correspondant aux mobilités voisines de { centimètre par seconde (petits ions) et l'autre aux mobilités rois cree voisines dé 3.000 que la charge totale portée par l'ensemble de ces derniers peut être cinquante fois supérieure à celle portée par les petits et seule mesurée jusqu'ici. Il sera intéressant de poursuivre ces expériences au sommet de la tour Eiffel, par exemple, dans une atmosphère moins chargée de poussières que celle voisine du sol de Paris. M. Langevin attribue la production des gros ions observés à la présence de gouttelettes ou poussières électriquement neutres, ayant un diamètre voisin du centième de micron et pouvant résulter de l’évapora- tion de goultes d’eau; les ions produits par les radia- tions viennent par diffusion charger ces gouttelettes et donnent de gros ions. Il a pu établir la théorie de cette diffusion et prévoir différents résultats que l'expérience semble confirmer entièrement, SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 25 Novembre 1904. gros ions), avec ceci de remarquable M. Nicolardot expose une partie des recherches qu'il a effectuées sur les combinaisons du sesquioxyde de fer. Il a réussi à établir que cet oxyde se présente sous trois modifications différentes : brune, jaune et rouge, dues à des condensations diverses de la molé- cule. Rappelant simplement qu'il a pu préparer à l’état soluble les composés de la modification Jaune consi- dérés comme toujours insolubles et qu'il les a iden- tifiés avec les produits d'oxydation des composés ferreux, il indique les résultats obtenus dans l'étude de la modification brune. Cette modification existe dans les corps de M. Béchamp et dans les composés bruns qui se forment en chauffant du perchlorure de fer étendu. Dans les corps de M. Béchamp préparés à froid, loxyde se polymérise depuis [(Fe*0*)(H?0)°}° jusqu'à [(Fe*0*)(H20)!:°}"; le dernier oxyde condensé se trouve dans le corps de Graham, dernier terme de la série; ainsi est confirmée l'opinion de MM. Wyrouboff et Verneuil sur la nature du corps de Graham, qui, selon ces savants, n’est pas de l’oxyde soluble. Dans la série des corps bruns obtenus par l'ébullition du per- chlorure de fer étendu, l’oxyde condensé se polymérise depuis {(Fe?*0*)(H:0)15} jusqu'à [(Fe?0*)(H?0)'F, qui se retrouve dans un corps analogue au corps de Graham. Les composés de ces deux séries ont des propriétés identiques et il est possible de passer de l'une à l'autre. M. Nicolardot essaie d'établir la formule de constitution de ces combinaisons complexes, véritables éthers. Les poids moléculaires très élevés calculés à l'aide de ces formules concordent parfaitement avec les nombres trouvés par Sabanajew à l’aide de la cryoscopie et rejetés pourtant, par lui et par tous les partisans de la ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES fonction co/loïde, comme inadmissibles. — M. G. Ber- trand a repris l'étude du sucre amorphe signalé en 1898 par MM. Vincent et Meunier dans les eaux-mères de la sorbite. Il a obtenu ce sucre sous forme de cristaux clinorhombiques anhydres, fusibles à 74° et nettement lévogyres : ap = — 3265’. Il en a préparé l’éther hexa- cétique, les acétates dibenzoïque et (ribenzoïque, et en a vérifié le poids moléculaire par la méthode cryosco- pique. Des résultats obtenus il résulte que, loin d’être une octite, ce nouveau sucre, auquel M. Gabriel Ber- trand propose d'appliquer le nom provisoire de sorbié- rite, est un isomère de la mannite et de la sorbite, qu'il possède la formule brute C°H1#05. — MM. L. Ma- quenne et Philippe ont trouvé que l’action de l'acide iodhydrique sur la ricinine fournissait de la pyridine et que, dès lors, la ricinine dérivait, non d’une picoline, mais d'une pyridine méthylée à l'azote. — M. André Kling montre que l'oxydation de l’acétol donne de l'acide lactique ou des acides acétique et formique suivant la nature de loxydant employé. Il a remarqué que ceux d’entre eux qui donnent de l'acide lactique sont deshydrates au maximum ou des sels au maximum susceptibles de fournir des sels basiques Il déduit de ses expériences que la transformation de l'acétol en acide lactique’ se fait à la faveur d'une combinaison transi- toire entre l'acétol et la base, qu'il n'a pu qu'entrevoir, mais non isoler. Celte combinaison se détruirait par élévation de température pour donner un composé non saturé tel que CHS.C—COH, jean ON H qui, ainsi qu'on le sait depuis les expériences de Wagner, fournirait des produits d'oxydation variables suivant la nature de l’oxydant. — M. L. Lindet a cons- taté que le cuivre à l'état métallique ou à l'état d'hydrate active l'oxydation du fer en présence de l’eau, et que le zinc, le plomb, l’étain, etc... la ralentissent au contraire; l’arsenic et ses dérivés paralysent la for- mation de la rouille; les sels dissociables dans l’eau la provoquent; il en est de même de certaines substances organiques, benzène, phénol, résorcine, etc. M. Lindet termine sa communication en démontrant comment les impuretés de l'alcool dénaturé, la benzine et les éthers acétiques. déterminent rapidement l'oxydation des bidons de fer étamé ou galvanisé, dans lesquels on les expédie. SOCIETE DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 25 Novembre 1904. M. W. E. Sumpner décrit la méthode qu'il emploie pour la mesure de petites différences de phase entre les quantités de courant alternatif. C'est une méthode voltmétrique; les difficultés provenant de la mesure des très faibles voltages de courant alternatif sont surmontées par la rectification de ces voltages, qui permet l'emploi d'instruments à courant direct très sensibles. — M. C. V. Drysdale présente et décrit un appareil pour la détermination directe des courbures des petites lentilles, comme les objectifs des micros- copes. De la lumière parallèle provenant d'une source éloignée tombe sur un miroir plan non argenté incliné à 45°. Une partie de la lumière est réfléchie et con- centrée en un foyer par une lentille convexe ordinaire. La surface à étudier est placée en ce point, et les rayons réfléchis procèdent comme s'ils provenaient d'un point de cette surface. Ils traversent la plaque de verre et sont recueillis dans un télescope disposé pour rayons parallèles, dans lequel l'observateur voit une image de la source éloignée. Si la surface est convexe et qu'on la rapproche de la lentille, alors, quand elle atteindra une position telle que son centre de courbure sera au foyer des rayons émergeant de la lentille, la lumière reprendra son chemin primitif et l’on observera dans le télescope une image distincte de la source. Pour ; obtenir ces deux images, la surface a donc été déplacée ; d'une quantité égale à son rayon de courbure. Si la surface est concave, elle doit être éloignée de la lentille. — M. S. P. Thompson expose une série de cristaux présentant le phénomène des anneaux lumi- neux. Séance du 9 Décembre 1904 M. S. P. Thompson indique une méthode rapide d'analyse harmonique approchée. Pour l'étude des cou- rants électriques alternalifs, l'analyse harmonique peut être simplitiée par la considération que tous les termes | pairs sont absents dans le développement de Fourier. | Dans ce cas, la seconde demi-période est semblable à | la première, mais avec les ordonnées des angles cor- respondants changées de signe. Etant donnée une | courbe harmonique compliquée contenant des consti- tuants des ordres impairs seulement, la ligne du zéro peut toujours être tracée, de sorte que le terme cons- tant disparaît de la série de Fourier, l’'ordonnée moyenne élant nulle. Il est donc toujours possible de choisir comme origine un point pour lequel les ordon- nées à 0° et à 180° soient nulles. — M. W. Duddell décrit et fait fonctionner un alternateur à haute fré- quence, construit en vue d'expériences sur la résis- tance de l'arc électrique, et qui donne des fréquences allant jusqu'à 120.000 par seconde. — M. W. E. Ayrton exécute une expérience qui montre le retard des cou- rants de signaux sur les 3 500 milles du câble du Paci- lique entre Vancouver et l'ile Fanning. L'expérience est faite sur un câble électriquement équivalent à cette portion, le produit de la capacité (en microfarads) par la résistance (en ohms) étant de 9 millions. Enappliquant une f. 6. m.àune extrémité, il s'écoule 1/5 de seconde avaut que le courant ne soit perçu à l’autre extrémité. | SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 16 Novembre 1904. MM. R. Meldola et J.-H. Lane ont reconnu que, lorsqu'on réduit le 2:4-dinitroacéto-x-naphtalide par Sn et HCI, l'aminoamidine qui prend naissance possède la constitution (1), tandis que, si l'on emploie Fe et HCI pour la réduction, elle a la constitution (1). Az — C.CH° 7 / AzTT.C.CHS JS UN È / NN NU / | | \z | | l\zil NE 74 NO NEA AzH? AZI | (1) (1) Les éthényldiamincnaphtalènes correspondants ont des constitutions analogues. — M. P. C. Ray a constaté que le nitrite mercureux est le premier produit de l'action de l'acide nitrique dilué contenant un peu d'acide nitreux sur le mercure : 2Hg + HAz0° + HA70* — Hg*(Az0?}° + H'0. Puis le nitrite est transformé en nitrate par l'acide nitrique avec dégagement d'acide nitreux, qui sert à reformer du nitrite mercureux. — MM. G. D. Lander et H.E. Laws, en faisant passer HI sec dans une solution de chlorure de benzanilide- imide, ont obtenu un chloro-iodure d'amide, ayant probablement la constitution C'H*.CCIL.AZH.C'HF, F. 1060. — MM. D.T. Jones et G. Tattersall ont obtenu l'isoca- prolactone par l'action de l'iodure de méthylmagné- sium sur le lévulate d'éthyle. Cette lactone, traitée par PBr°, puis l'alcool, donne le ÿ-bromoisocaproate d'éthyle, qui peut perdre HBr en formant un éther de l'acide y-méthylallylacétique. — MM. J. B. Cohen et J. Miller ont étudié l'influence de la substitution dans le noyau sur la vitesse d'oxydation de la chaîne latérale. Chez les chlorobromo- et dibromotoluènes, les composés subs- titués en 2:4 et en 3 : 4 sont les plus rapidement oxy- dés. — MM. S. S. Pickles et Ch. Weizmann, en trai- tant l'acide hydroxynaphtoyl-c-benzoïque par PCP, | puis éliminant H°0 du produit formé par H*SO*concen nos ns — à J ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES tré, ont obtenu la chloronaphtacènequinone. — M. B. Prentice, en hydrolysant par Ba(OH} la 1-phényl-3 diméthyl-5- pyrazolidone, a obtenu l'acide $-phényl- azoisovalérique, F. 57°-580. Avec la 1- phényl- 3-méthyl- 5-pyrazolidone, il se forme l'acide s-6-phénylhydrazi- dobutyrique, F. 9609-97, — MM. F.R. Japp et J. Wood, en condensant la phénanthraquinone et l'acétophénone en présence d'anhydride acétique, ont obtenu le 3-acétoxy-2-phényl-4:5-diphénylènefurfurane, F. 2320. La phénanthraquinone el le benzoylacétate d'éthyle donnent le diphénylènedibenzoyImuconate d' Ne F. 223°. — M. À. Slator a constaté que l'iodure d'éthy- lène, en solution aqueuse alcoolique, se décompose quantitativement en présence d'iodure de potassium, en donnant de l’éthylène et de l’iode. La vitesse de la réaction est proportionnelle à la concentration de l'iodure d'éthylène et à celle de l'ion iode. — M. W. N. Hartley montre de nouveau que le spectre générale- ment attribué à la chlorophylle n’est pas le même que celui des tissus verts vivants. -- M. Ph. W. Robertson à étudié cryoscopiquement les acides aromatiques en solution phénolique. Ceux qui sont le plus difliciles à éthérifier sont ceux qui s'associent le moins; la substi- tution en ortho par rapport au groupe carboxylique diminue le degré d'association. — MM. F. D. Chatta- way et W. H. Lewis ont étudié la transformation iso- mérique de la dibenzoylaminobenzophénone en 1-ben- zoylamino-2 : 4-dibenzoylbenzène. Séance du 1** Décembre 1904. M. P. C. Ray a constaté que les solutions de nitrite de baryum et de calcium peuvent être évaporées à sic- cité à l’ébullition sans décomposition. Chaufté à 2250- 300° sous pression réduite, le nitrite de baryum se décompose suivant les deux équations : 1° 3Ba{Az0?? — — 2Ba0 + Ba(AzO!®}? + 4470; 2° 2Ba (AzO?} — Ba0 + Ba(Az0%}° + AzO + Az. A 300°-500, on a la réaction Ba(Az0%)°— BaO + 2470 0%, Les autres nitrites se comportent de même. —M O.Silberrad, par addition d'une solution de chlorure d'iode à une solution ammo- niacale d'argent, à obtenu le composé Azl*AzH°Ag, explosant facilement à l’état sec. Il se dissout facilement dans le cyanure de potassium, d'après l'équation : Azl°: AZ Ag + 4KCAz + 4H°0 = 3CAz1 + AgCAz + #KOH + 2AZ1%. L'addition d'argent ammoniacal régénère le com- posé primilif. = MM. A. W. Crossley et N. Renouf, en traitant le 5-chloro-3-céto-1 : 1-diméthyl-A-tétrahydro- benzène par le sodium, ont obtenu le 3-hydroxy-1 : 1-diméthylhexahydrobenzène, dont le dérivé bromé, chauffé avec la poudre de Zn, fournit le 4 : 1-diméthyl- hexahydrobenzène, Eb. 117 sous 743 millimètres, — MM. H. Baron, F. G. P. Remfry et J F. Thorpe, en condensant le cyanoacétate d'éthyle avec son dérivé sodé, ont obtenu l'xcyano-5-iminoglutarate d'éthyle CHSCO?.CIE.C( : AzH).CH(CAz).CO'C°H5. Ce dérivé et l'éther acide correspondant, chauffés au-dessus de leur point de fusion, sont convertis en dérivés de la glutazine, qui peuvent être transformés à leur tour en dérivés de la 2:4:6-trioxypyridine. — MM. R. C. Farmer et F.J. Warth ont déterminé les constantes d'affinité de l’aniline et de ses dérivés par la mesure de la dissociation hydrolytique de leurs sels. Les substi- tuants se disposent dans l'ordre suivant quant à leur influence sur la constante d’aflinité de l'aniline, le groupe nitré étant le plus électro-négatif : AzO*, CO®H, Az: Az.CSH5, Br, Cl, CH, OCH*'. — M. Ed. Sonstadt a mesuré la force attractive des cristaux pour des molé- cules semblables dans les solutions saturées. Deux séries de solutions saturées sont préparées; à l'une on ajoute des cristaux du sel dissous; l’autre sert de témoin On détermine ensuite la quantité de substance dissoute dans le liquide surnageant. — MM. P. F. Frankland et D. F. Twiss, en faisant réagir le bro- mure de phénylmagnésium sur le tartrate diméthy lique, ont obtenu l'axdè-tétraphénylérythrol, (CSH5)C(OH). CH(OH).CH(OH).(0H).C(CSI), F.148°, foHement des gyre; [«]? 2 18208. 8. — M. A. Lapworth à reconnu 1155 que les acides alkylidènecyanoacétiques réagissent très rapidement avec l'acide cyanhydrique en présence de bases où de cyanures métalliques; il se forme, dans certaines conditions, des composés du type CXH(CAz). CH(CAz). CO, donnant par hydrolyse acide des acides alkylsucciniques. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 29 Octobre 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. de Vries : Sur une congruence de coniques d'ordre et de classe deux. Soit Q? une quadrique quelconque et [R°] un réseau de qua- driques; supposons que les plans langents de Q* cor- respondent px ojec tivement aux quadriques de ce réseau [R?}. Alors les coniques d'intersection des plans tan- gents de 0: avec les quadriques correspondantes du réseau forment une congruence, jouissant de la pro- priété que, par un point donné, il passe un couple de coniques. Le lieu des coniques dont les plans passent par un point donné est une surface du sixième ordre, ete: Rapport de MM. P.-H. Schoute et J. Cardinaal sur Ie mémoire de M. A. Toxopens intitulé : Les nom bres des hyperespaces quadratiques dans l'espace à ciuq dimensions. Ce mémoire fait suite à la thèse de l'auteur, parue en 1900. Il fait connaitre, à l’aide des 58 symboles se rapportant aux espaces quadridimen- sionaux linéaires considérés dans sa thèse, les nombres des hyperespaces quadratiques satisfaisant à vingt con- ditions simples. Le nombre de ces nombres, dont quelques-uns surpassent trente millions, se monte à un demi-million. L'étude paraîtra dans les publications de l'Académie. 29 SGIENCES PHYSIQUES, — M. W.-H. Julius : Bandes de dispersion dans les spectres de «à Orionis » et ‘ Nova Persei ». Si de la lumière à spectre continu de: averse une masse non-homogène de gaz à absorption sélective, le spectre de la lumière émise montre des régions plus claires ou plus obscures que les parties envi- ronnantes, d'une origine toute différente de celle des raies d'émission et d'absorplion; ces régions ont été désignées sous le nom de « bandes de dispersion ». Ces bandes se montrent dans le voisinage des raies d'ab- sorption, qu'elles recouvrent d'une manière symétrique ou asymétrique; elles sont d’une largeur et d’une intensité différentes el d'une distribution de lumière irrégulière. Ainsi elles font l'impression d'être des déplacements, des dédoublements ou des renverse- ments complexes de raies d'absorption élargies. A volonté, on peut engendrer tous ces cas dans la vapeur de sodium. Dans le spectre des différentes parties du Soleil, les bandes de dispersion jouent un rôle considé- rable. On ne peut douter qu'il n’en soit de même pour les spectres des étoiles; en effet, la lumière des étoiles doit avoir subi, comme celle du Soleil, une dispersion anomale à travers des masses de gaz plus ou moins denses. Si l'on adopte l'hypothèse que la plupart des étoiles sont des masses de gaz en rotation, conte- nant des systèmes de surfaces de discontinuité et des tourbillons comparables à ceux qui expliquent les phé- nomènes solaires, il faut conclure que les étoiles font tourner avec elles des champs de rayonnement hétéro- gènes. Ainsi notre rayon visuel passera continuelle- ment par d'autres parties de la masse réfringente, de manière que la lumière qui nous atteint varie d'in- tensité et de composition. Voilà probablement la cause de la variabilité des étoiles. En plusieurs cas où le principe de Dôppler ne conduit pas à des conclusions satisfaisantes, les bandes de dispersion nous fournissent une explication suffisante. M. Julius en donne l'applica- tion aux deux exemples indiqués dans le titre de sa communication. — MM. H. Kamerlingh Onnes et C. Zakrzewski : La validité de la loi des états corres- pondants pour les mélanges de chlorure de méthyle et d'acide carbonique. Seconde partie, — M. 93. P. van der Stok présente, au nom de la direction de l'Institut 1156 < ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES royal méléorologique des Pays-Bas : « Observations océanographiques et météorologiques dans la région du courant de Guinée (1855-1900) », avec atlas. 30 SCIENCES NaTCRELLES.— M. J. W. Moll communique au nom de Me T. Tammes une étude, faite au Labora- toire botanique de Groningue : De l'influence de l'ali- mentation sur la variabilité fluctuante de quelques plantes. Pour déterminer l'influence de l'alimentation sur la variabilité fluctuante de quelques caractères, des plantes de six espèces différentes : /beris amara, Ranun- culus arvensis, Malva rotundifolia, Anethum qraveo- lens, Scandix Pecten-Veneris, Cardamine hirsuta ont été cultivées, partiellement en terre fertile, partielle- ment en terrain sablonneux, pour le reste sous des cir- constances égales. De ces deux cultures des parties de plantes ont été comptées ou mesurées; de cette manière, quinze caractères ont été examinés. De ces observa- tions découlent donc les valeurs moyennes M et les coef- 2 m'2e plus, une comparaison des A valeurs correspondantes obtenues dans les deux cas fait connaitre le degré d'influence de l'alimentation sur la valeur moyenne et sur le coefficient de varia- bilité ; ce degré est désigné sous le nom de coefficient de sensibilité. Les principaux résultats sont les sui- vants. Le coefficient de sensibilité de la valeur moyenne est : 1° très différent pour les différentes espèces; 2° très différent pour les différents caractères d’une même espèce; 3° positif pour quatorze des quinze caractères, et négatif pour un seul. De plus, Mlte Tammes arrive aux conclusions suivantes : 1° Dans le cas d’une alimenta- ficients de variabilité I-G tion suffisante, le coefficient de variabilité © est assez M constant par rapport aux différents caractères d’une mème espèce, mais il admet des valeurs très diver- gentes pour les différentes espèces; 2 avec une alimen- tation insuflisante, ce coefficient est en général très variable; 3° le coefficient de sensibilité de . est en. L général très variable avec l'espèce et avec le caractère; #° pour quelques caractères, le coefficient de sensi- M mentation fait accroitre la variabilité, tandis qu'au contraire, pour d’autres caractères de la même espèce, il est négatif. Les résultats des expériences ont été mis sous forme de diagrammes, pour les deux cultures à la fois assez symétriques; trois seulement de ces dia- grammes sont sensiblement asymétriques. Dans un des cas de culture en terrain sablonneux, on obtint le résultat assez curieux que le diagramme montre à peu près la moitié d'une courbe de possibilité, tandis que le diagramme correspondant pour la terre fertile est symétrique. Ensuite, M. Moll communique les résultats d’une recherche de M. B. Sypkens, faite dans le Laboratoire botanique de Groningue : Sur lacaryoki- nèse dans le sac embryonnaire de Fritillaria imperia- lis L. À l'aide de l'inclusion à la paraffine, M. Sypkens obtint avec le microtome des coupes d’une épaisseur de 2-4 , qu'il colorait de manière à éviter entière- ment une décoloration postérieure. Les résultats les plus importants de cette recherche sont les suivants. Les observations de MM. van Wisselingh, Grégoire, Wygaerts et Berghs sur la structure du noyau quies- cent sont confirmées. M. Sypkens, lui aussi, trouve un réseau chromatique à nœuds plus ou moins épais. bilité de = est positif, de manière qu'une bonne ali- L'opinion que ce réseau contiendrait encore une substance, différente de la chromatine, la linine, qui en formerait le substratum proprement dit, est rejetée : aussi par M. Sypkens. La formation du fuseau surtout - a été examinée de plus près; iciil se compose entière-. ment de cytoplasme, dans l’espace du noyau. Ce fuseau, | une fois formé, ne prend aucune part dans la forma- tion de la plaque cellulaire et de la cloison cellulaire nouvelle entre les deux noyaux-fils, comme on le croit ordinairement. Au contraire, le cytoplasme environ- nant avec ses vacuoles pénètre le fuseau, et remplit l'es- pace entre les deux noyaux-fils, tandis que les filaments du fuseau divergent, après qu'ils se sont séparés quel- que temps auparavant des noyaux-fils, pour se perdre ensuite dans le cyloplasme. Donc le fuseau n’est pas une organisation héréditaire. M. Sypkens ne s’est pas occupé de la division de la cellule; cependant, il trouve qu'il est probable qu'elle se fait comme celle de la cel- lule animale. Il termine par la remarque que la pré- sence de vacuoles dans la figure caryokinétique, qu'il vient de constater, s'accorde tout à fait avec l'opinion de MM. H. de Vries et F. A. F. C. Went que les vacuoles sont des organes héréditaires de la cellule. — M. J. M. van Bemmelen : Sur la composition du silicate de décomposition dans les terrains cultivables. — M. H. de Vries présente au nom de M. J. M. Janse : /techerches sur la polarité et la formation d'organe chez le Caulerpa prolifera. — M. F. A. F. CG Went présente la thèse de M. H. P. Kuyper : De peritheciumontwikkeling van Monaseus purpureus Went et Monascus Barker Dau- geard in verband met de phylogenie der Ascomyceten. - P. H. Scuoute. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 17 Novembre 1904. 1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Mache a étudié la radio-activité des thermes de Gastein. L'eau et le gaz renferment une grande quantité d’émanation radio- active, qui a la même constante de décroissance que celle du radium. La radio-activité des boues est également remarquable, et s'est conservée dans un échantillon recueilli depuis quarante-cinq ans. L'auteur admet que, dans les profondeurs d’où proviennent les eaux de Gastein, se trouvent de grandes quantités d’une roche radio-active, l'élément agissant étant ici le radium même. — M. H. Lang à éludié la condensation de la phénylacétone avec la phénanthrènequinone en pré- sence d'agents alcalins ou acides. Dans les deux cas,on obtient des produits où les deux groupes méthyle et méthylène sont simultanément entrés en action. 29 SCIENCES NATURELLES. — M. Niessl von Mayendorf a étudié la question de l’origine cosmique commune des météorites de Stannern, de Jonzac et de Juvenas,. qui sont presque identiques au point de vue minéralo- gique. Elles peuvent provenir soit d’un courant stel-, laire extérieur au système solaire et à section très importante, ou bien leurs trajectoires auraient été identiques à leur entrée dans le système solaire, et elles auraient été perturbées par une cause extérieure à la région des grandes planètes connues. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, {, rue Cassette RE ds ton ON de Ces tua d'actdimisents. TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE TOME XV DE LA REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES (DU 15 JANVIER AU 30 DÉCEMBRE 1904) I. — CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Astronomie et Géodésie Norpmaxx (Ch.). — Fondation d'un Observatoire astro- physique en Espagne . : A4 L'étoile variable de à Céphée . . Observation des taches du Soleil La figure des corps célestes. 5 Les atmosphères des planètes. . . . . . : L'heure francaise et l'heure mondiele ae La constitution du Soleil : Nutation diurne de la Terre. . . Comètes hyperboliques . . . Les Léonides en 1903. . . . . Spectre de la comète € CAS ee UN Un appareil pour mesurer la vitesse de rotation de Jen e Me PARA eue ee de La force répulsive du Soleil sur les Comètes. L'étoile rouge des Pléïades . . . . . Les observations spectroscopiques et la 1 parallaxe solaire . Maxima et minima d'activité solaire £ Botanique et Agronomie. La formation des œufs chez les Ascomycètes . ; La Fumagine de l'olivier et le Cycloconium olea- GT NT SUD ER ORE Influence du milieu sur la composition ‘de la betterave à sucre. . DMC DORE Le rat destructeur des récoltes . L'influence de l’éther sur le forcage ‘des’ plantes. Formation de l'épiplasme chez les Ascomycètes . Le noyau des bactéries et sa division . . . L'Oïdium et les périthèces d'Uncinula spiralis. La sensibilité de la sensitive au contact considérée comme adaptation darwinienue . PEER RE Le Boll Weevil du Cotonnier . L'emploi des scories de déphosphoration | ‘en Agri- CUITE Eee ee de ; HR ÉEONE Chimie. BLanc (G.). use totale de l'acide camphorique. GurcrauME (Ch.-Ed.). — Une revue nouvelle, le Jour- nal de Chimie physique Action de l'acide ninane sur l'éther diméthylacétyI- acétique . Recherches chimiques ‘sur la pathogénie des Sym ptômes de l'épilepsie . : Méthode électrolytique pour préparer les métalliques. : Présence de perchlorate ‘dans le nitrate de soude employé comme engrais L'ATE ESA dE Synthèses d'aldéhy: les : : Digestion des mannanes et ‘des galactanes par ‘la séminase . . : D - La constitution de l'épiné phrine ( {adrénaline). £ Modifications chimiques des sérums sanguins au Cours du chauffage et de l’immunisation ILE poudres s REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1904. 283 283 327 517 511 630 720 926 1112 L'influence de l'alimentation sur l’excrétion de l'acide urique à l'état normal et chez le goutteux. L ose sulfhydrique dans les fermentations alcoo- iques . . Modifications physiques et chimiques des’ soumis à de très fortes pressions . ! Sur une conception chimique de l'ether . L'effet chimique des rayons cathodiques. Le Polonium et la question du Radio-tellure. ; L'absorption des gaz par le charbon aux très basses tempéralures The Huet ; NA CNET ARE L'actinium et l’'émanium - La constitution physique du protoplasma . ‘solides Distinctions et Solennités scientifiques. Elections à l'Académie des Sciences de Paris. . 53, 195, 413, 625, 1009, Hommage à Mme Curie . Re RE PL Le Prix ‘de la Presse Osiris Hommage à un savant francais. Les médailles de la Société Royale de Londres. Électricité industrielle. GRADENWITZ (A.) — Un ondomètre pour sons sans fil : Ramakers (L.). — Nouveaux fréquence- -mètres pour courants ondulatoires. La téléphonie et la télégraphie optiques au noyen des project ‘urs électriques . £ La commande des métiers à tisser par l'électricité . La Four par le courant électrique et la soudure par BTOC AR La traction par courant alternatif simple, électropneumatique B.-J. Arnold. La statiun centrale télétypique de Berlin. Les CE de traction à courant alternatif l'simple ‘en [alle 2027 : - Le rendement de la lampe Nernst. Le télégraphe imprimeur rapide de Siemens et Halske La traction tangentielle SVRere Dulait . ae Les oscillographes « Duddell » Un appareil pour transmettre l écriture et les tableaux par voie télégraphique . . 0 A4 REA FE L'accumulateur Edison . . . La téléphonie sans fil au moyen des ondes hertziennes. Essais comparatifs sur les courants continus et alter- natifs à haute tension. : Nouvelle lampe à arc à l'Exposition de Saint-Louis . Rampes moyennes et fortes dans les chemins de fer électriques . Fe raite de PRE OM E système Enseignement, Universités et Sociétés. Broc\ (André). — Quelques observations sur l’Espe- LLOSE 75m AU eee TOR eee pe Cacsrier (E.). — Le Bureau municipal de renseigne- imeots scientifiques de l'Université de Paris . 528 511 718 719 159 8%0 884 96% 1013 1158 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Fruicrrer (Paul). — Quelques observations sur l'Es- péranto, . Aou CNE Ozrvier (Louis). — L'Agrégation de l'Enseigaement secondaire et le Doctorat Moxxory (Henri). — L'Ecole centrale et l'Enseigne- ment supérieur des Sciences. . . . . . . . . . . Raveau (C.).— Quelques observations sur l’Esperanto. RosELL (A.). — Les livres pour l'enseignement secon- daire et universitaire aux Etats-Unis . . . . . . TurPan (A.). — Les Mathématiques dans l'Enseigne- ment secondaire Conseil académique et Conseil de l'Université de Paris. Un laboratoire de Physiologie appliquée RC ET Le Une chaire de Physique générale à la Sorbonne . . Conférences de la Société des Amis de l'Université. Conseil de l'Université de Paris . . . . . . 058: La Revue scientifiques .. -- . 0 -. Personnel nniversitaire . . . . . . . 144,375, 534, Ecole pratique de Sylviculture des Barres. . . . . . Les « classiques » et les « modernes » en Angleterre. Université de jeunes filles en Russie. . . . . . . . . La caisse des recherches scientifiques. . . . . NT 28e Inauguration d'un nouveau aboratoire.s. "2-20 Muséum d'Histoire naturelle ASsotiation des ANatOMISLESE 0-1. L'Université de Paris en 1902-1903. . _ Aorégahon de Médecine. = 00e Agrégation defPharmacIe Re ET Ne La réorganisation de l'Ecole Normale Supérieure . La Société des amis de l'Université de Paris . . AMlaiSociélerde Géographie NE EN Le Congrès international de Zoologie de Berne. A l'Ecole Polytechnique. . . . . . . . . . . . Les Ecoles pratiques d'Agriculture . . . . . . . .. La Feorne des agrégations de l'Enseignement secon- BITES een ee Lola : £ Agrégation des Facultés de Médecine . Diplômes d'études supérieures . L'examen d'entrée à FEcole Polytechnique Génie civil, CuerGer (P.). — Les Musées et les Lahoratoires indus- triels de PAETEQNE GAS Ge og die 27e Romeu (A. de). — L' industrie du Corindon comme ma- tière ne VENT TER L'Aérodrome de la Tour itele a re Co Installation d'une force motrice à gaz de haut- four- peau aux usines métallurgiques d’Ilsede NES MAT) APE CN ee cl : La stabilité longitudinale des ballons automobiles . . L'isochronisme des CHTONOMELTES SN PR La stabilité longitudinale des ballons automobiles. Solution du problème de la navigation aérienne . Voitures à vapeur en service public EU OR ON à Le refroidissement de l'air destiné au soufflage des hauts-lourneaux. . . . . . Mur He NE L'industrie des chronomètres . Géographie et Colonisation. Causrier (E.). — La Mission Auguste Chevalier à la . Sorbonpe nee M ER OR Ne rire CLERGET (P.). — Le tunnel du Simplon et les voies d'acces TanCaIses OM A TEE ce — Le développement des Ports maritimes et les zones franches . . Ne La question dUtéoLon. Le 2e RUN Le canal des Deux-Mers. + . à: . GénesietMarsalle EEE ET CE ; Les chalands de mer etle commerce maritime . La traversée du Pas-de-Calais s La rénovation de l’Asie-Mineure et le commerce francais dans le Levant DErér 4IN (Henri). — Les Hereros . . . . . . . . REGELSPERGER (G.). — La délimitation de la Guinée francaise: Mission du Dr Maclaud . VAIMISSI0n Den tant MEME EN RE L'Expédition Peary au nord du Grônland (1898- 1002) SPL PE EUR ON EX PR ne —_ Les résultats sc ientifiques de l’Ex; édition antarc- tique du Dr Nordenskj6ld + 2. - - — Les résultits scientifiques de BÉDERSS antarc- tique écossaise Bruce. — L D'ESPS dition antarctique anglaise de la « Disco- eTYy » | LéoxanDox (H. | M. Duchesne-Fournet. . à . 1 ReGeLsreRGER (G.). — Les lacs des hauts plateaux boli- NA CV PR PO ET IE MONO CDR et ee © La Mission du capitaine Lenfant . . - . : . Une conférence coloniale à l Université de Leipzig. Une carte de l'Afrique occidentale francaise . . . . . Ha /Coréeet,sest habitants EME EE RRE La Mission scientifique du Maroc (Archives maro- caines). La culture du coton dans l'Afrique occidentale anglaise. Géologie et Paléontologie. CLerGer (P.). — Les résultats scientifiques du perce- ment du, SIMPlOn- NL NEC ER L'existence du Jurassique supérieur et de l'Infracrétacé en Grèce Mathématiques. Les problèmes aux limites relatifs aux équations aux dérivés partielles et aux équations différentielles dutsSecondNor ire EEE Le genre des-fonctions entières 17 RCE Le troisième Congrés international desMathématiciens. Météorologie et Physique du Globe. Influence de la Lune sur la pluie. . . . . 109 Le tracé des courbes en Climatologie . . . . Les taches du Soleil et le Magnétisme . . . . . . . . Observations météorologiques de la Mission Foureau- Lamy. = ETIENNE Les Saints de place NT Lansolation ent Allemagne SECRET Conditions atmosphériques des brouillards. . . . . . Pesicristauxdemerse RME CENTER Radio-activité atmosphérique Le Pôle de froid Le climat de l'île de Chypre. Un nouveau journal météorologique. Variation de l'aiguille aimantée . . . : Lavmesure de lairOSée ER SUCRE RE a Maximum thermométrique d'avril. . . . . . . e , 311, Nécrologie. 3ERTRAND (Gabriel). — Emile Duclaux. . . . . . . . DEHÉRAIN Henri). — Stanley et son œuvre africaine. Fear (H°) Charles Soret-M NME ENRREE GLanGEauD (Ph.). — M: Fouqué. . . nn Ju Octave GréarA NE TESTER ZEILLER (R.). — Bernard Renault. . : . : . . Karl von Zittel. D: . Callandreau H. Perrotin. ë : eue Emile Doclaux. 02 EAANarEv ne 0. er TASaTrANS A Te Physique. | Dune (P.). — A propos de la déformation des so- lides : it GuicLaumE (Ch. Ed.). — La propagation lointaine des ondes électriques SRE MR EM EN Dre ee le — Dilatation et transformation magnétique du nickel. — Le magnétisme des alliages du manganèse. Déviation vers l'Est des corps en chute libre. Transport d'airAliquide RE EC TRE Expériences sur les rayons X et le radium. . . . . Les expériences de télégraphie sans fil du Professeur SISDY: FEMME MEME ER R E CIEREE Electrisation négative des gouttes d'eau . . . . . . Sur la dispersion rotatoire magnétique anomale. Les thermomètres médicaux et le Laboratoire d'essais. L'influence des déformations sur l'électricité de frotte- ment. NM. PE PO NCNT RS CRE Relation entre la conductivité du sélénium et l'inten- sité de la lumière incidente. + . :., . … Variations de la vitesse de refroidissement des corps chauftés et électrisés sous l'influence du radium. 198 S85 «Bin fs TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES L'action du radium sur les tubes à vide soumis à une différence de potentiel. : Quelques observations relatives aux piles à sélénium. Nouvelles recherches sur [a phosphorescence. . . . . La loi de Dalton-Henry et l'absorption des émanations radio-actives . . . L'action du radium sur les verres, le quar tz et d'autres corps. J Conférence sur le radium. Le photomètre à scintillation Simmance et Abady- La couleur des lacs. . . . . ; Sur un nouveau phénomène de radiation. Expériences sur l'émanation du bromure du radium. Capacité électrostatique des tubes remplis de gaz raréfiés. . . Corps biréfringents artificiels à composants isotropes. L'action du radium sur les métaux. . . Modifications physiques et chimiques des solides sou- mis à de très fortes pressions. . . . . . . L'effet chimique des rayons cathodiques. Sur les cohéreurs à oxyde chaud. . . La fatigue photoélectrique et la photométrie. : Une nouvelle méthode d'obtention de la photographie des couleurs. . . . . Sur une radiation secondaire produite dans les métaux par les rayons cathodiques du radium. Sur se gaz radio-actif retiré du pétrole brut. Sur la ‘Charge électrique que prend un conducteur métallique isolé sous l'action d'un cuipre métali- lique . HP Ün nouveau principe phonogr aphique. L'état cristallin et le point critique. Modèle dynamique d'un corps radio- actif. . Ewanation radio-active contenue dans les eaux de source . . à L'eau salée, accumulateur de la chaleur solaire. La reproduction des reliefs par voie photographique. Détecteur électroly'ique des ondes hertziennes. L'influence des phénomènes psychiques et physiolo- giques sur la CONANGMUIE M VUS du GENRES MP DEN 2 - "064, Sciences médicales. Meice (Henri D'). — Le XIVe Congrès des Médecins aliénistes et neurologistes de France et des paye de langue francaise. . . Ê Nouvelle Convention sanitaire internationale . Le Lazaret du Frioul. tn mue contre la tuberculose. 7 La « Tuberculosis aid and education Association ». . A propos de la prophylaxie de la fièvre typhoïde dans MERCI La Commission permanente de la tuberculose du Minis- tère de l'Intérieur. SRE Re Etiologie de l'appendicite . L'Hémie raniose . Existence d'un centre distinct de l'écriture. Un nouveau sérum anticancéreux. . . - L'usage de l'alcool dans les climats tropicaux. ë L'œuvre de « La Femme tuberculeuse ». . . . La tuberculose en Allemagne. A propos du scorbut infantile. : Une « Ligue contre le paludisme » en Algé rie. . . Prophylaxte des maladies contagieuses dans les Ecoles d'Italie . : HE Hôpitaux francais d'enfants ‘tuberculeux. ee Traitement du cancer du sein pes la castration ova- rienne. Inoculation de la syphilis aux singes antbropoides. Une nouvelle application thérapeutique de la RopEIon lombaire . . . Coloration vitale des tissus pour augmenter la péné- tration et favoriser l'action curative des rayons chimiques. . . . Le Service de santé dans l'Armée japonaise Une fracture professionnelle Un nouveau moyen de diagnostic ‘de la fièvre typhoïde. Le bacille de la dysenterie . . . Ê Le sucre et le vin dans l'alimentation du soldat . . . Le paludisme à Madagascar. 1060 1110 1110 La myosite infectieuse au Japon. . . Traitement à ciel ouvert des plaies par ni exposition au soleil et par la dessiccation . . . . . . Ua nouveau procédé de traitement des affections de l'estomac MENT EN NE : L'inoculation aux rats du microbe du cancer. La contagion familiale de la lèore. - Une cause d'’infériorité du soldat japonais . Distribution géographique de la folie aux États-Unis. Myxœædèéme provoqué par l’ablation des mamwelles hypertrophiées . ne MONET AFPTOPOSITEDUETICUIUTE EN E ER RCEE Se Effets des rayons X sur l'appareil gé nito-urinaire . La greffe thyroïdienne chez l'homme. Monstre hétéradelphe vivant. L'immunité acquise contre les poisons est-elle trans- missible des générateurs à leur descendance. La déchloruration chez les Arabes . . La transmission de la diphtérie par l'eau. La tuberculose dans les écoles parisiennes laxie et traitement . cv E Le massage du cœur mis à nu. . . Dangers de l'eau de source . Infantilisme et pancréas. . . He Un moyen médical de combattre la tuberculose DE D'anémiedesiminNEUtTS RC ER = La question des consultations de nourrissons . La cure actuelle de l'alcoolisme . . ; Un nouveau microbe de la phtisie. Appendicite et syphilis . . La prophylaxie ‘dans les salles d'école par l'emploi d'huile adhésive sur les planchers . . Prophylaxie du paludisme dans l'isthme de Suez. Tuberculose et mutualité . PANNE D Nanisme expérimental. . . DÉVÉPEMEN Penétration des larves d” Anky' astome à travers la peau . . tr + Les origines et la prophylaxie de l'appendicite . La question de la puériculture au Congrès d'Arras. Chlorose/et{tuberculos PEN EE SE Traitement moderne de l'ophidisme au Brésil . Les injections hypodermiques d'air atmosphérique. Traitement chirurgical de la goutte. : L'épidémie de peste de Fou-Tchéou. Le cancer des souris. . L'épidémie cholérique de la Chine septentrionale. à Prophy- Zoologie, Anatomie et Physiologie. CLerGer (P.). — L'Océanographie et les Pêches mari- CM ES FR et NN OCR - CCD RER TT Préri (J.-B.). — L'ovulase et le développement des œufs vierges . ViGuiEr (C.). — Influence du milieu extérieur sur POUPEE De ire Les sens de l’ Escargot. La sapocrinine . . . Vivisection et antiviv isection . . Le sérum anlithyroïdien. 3 La glande interstitielle du testicule des Mammifères : Ablation des parathyroïdes chez l'oiseau. . . . . Combustions intra-organiques dans les glandes à l’ état de repos et d'activité . Rôle du contact du sang avec les corps étrangers dans la coagulation de ce liquide. TN ENUE La sensation du « déjà vu ». Sur la trypsinogénèse . . Sécrétion physiologique de la bile et du suc intestinal. Le sucre dans l'alimentation. . . NE Les rudiments psychiques de l homme. La Station aquicole de Boulogne ms Les « Archives internationales de Physiologie » be Les parathyroïdes de la tortue . - : Sciences diverses. Lego (E.). — Les sections de Philosophie et d'His- toire des sciences au deuxième Congrès interna- tional de Philosophie . ER el On D. 921 1160 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES IL. Astronomie, Météorologie. BourGgois (Ct R.). — L'état actuel de la Géodésie . Jurius (W. Il). — Les théories solaires et la ANAL SIuntanomale UE LUTTE ARE Botanique et Agronomie. Ducasr (J.). — L'industrie oléicole en Algérie. 17° par- DietiCOuTUrerdes LOVE CCR CR TEE — 2° partie : Fabrication et propriétés de l'huile. . . Pécnourre (F.). — Revue annuelle de Botauique. . . Chimie. ARRaËENIUS (Svante). — La physico-chimie des toxines ELTANCIDRINES SN Ce CE CRT EE EURE BouveauLr (L.). — Revue annuelle de Chimie orga DIU MMS eee Me LR TN ETS CuaRRON (E.). — Composés non saturés et radicaux MÉDAUIS NE MUR LUE VER M AT Pa DEMENGE (Emile). — Le gaz à l'eau et ses principales BDDCSHONS. EL Re NT Ducasr (J.). — L’ industrie oléicole en Algérie. 1re par- tie iCuwiuredellolivien er ETES Fe — 2° partie : Fabrication et propriétés de l’ huile . : Founeau (Ernest). — Les anesthésiques locaux . . . Henri (V.). — L'état actuel de nos connaissances sur les colloïdes. 1re partie : Préparation et proprié- tés des so'ulions colloïdales ; énergie de liaison entre le colloïde et le solvant do — 2° partie : Affinités des solutions colloïdales. : : — 3° partie : Statique chimique des solutions colloï- dales. Application des lois de l'équilibre aux sys- tèmes colloïdaux Marnésius (W.). — La formation des scories dans les opérations métallurgiques, leur constitution et leuremplotimadusSiN el EEE Mayer (A.). — L'état actuel de nos connaissances sur les colloïdes. 1r° partie : Préparation et proprié- tés des solutions colloïdales ; énergie de liaison entre le colloïde et le solvant . . — 2° partie : Affinités des solutions colloïdales. — 3° partie : Statique chimique des solutions colloi- dales. Ap'lication des lois de l'équilibre aux sys- tèmes colloïdaux. . . . . Moureu (Ch.). — Les récents travaux sur les compo- sés acétyléniques . . . Rauwsay (Sir William). — L'émanation du radium. Ses propriétés et ses changements. . . . . Roux (Eugène). — Les récents travaux sur les sucres . SaporTA (Antoine de). — Les analyses agricoles par vo- lumétrie gazeuse. . . Simox {L. J.) — La Chimie dans l'enseignement se- condaire . . . . . . Wie (Wilhelm). — Les progrès de la tec hnique des matières explosives depuis le développement de la Chimie organique. . . Youxc (Sydney). — Quelques propriétés physiques des liquides purs et des mélanges. 859 1015 1066 | Chirurgie, Médecine, Hygiène, Microbie médicale. 3RAULT (Dr J.) — Les maladies cutanées et véné- riennes chez les indigènes musulmans d'Aloérie. ire partie : Affections de la peau. . - : - : . . . — 2° partie : Les maladies vénériennes. . DEnéRAIN (F.). — La fréquence du pouls et l'élimina- tion urinaire. Oligurie et tachycardie Hanruans (Henri). — Revue annuelle de C birurgie . Le CuareLier (Alfred). — La lutte sociale contre la tu Bérculos BE SAN ee RENE SR As 2 1e LériEexne (A. Dr.). — Revue annuelle de Médecine . . Maice (Henry Dr. =: LES ÉICSIE NN SP EE AS Enseignement. AvrecL (P.).— L'enseignement supérieur des Sciences. AscoLr (M.). — Les Sciences mathématiques et phy- — ARTICLES ORIGINAUX siques dans l'enseignement secondaire, d'après les conférences du Musée pédagogique. . . . . . Bonez (Emile). — Les exercices pratiques de Mathé- matiques dans l'enseignement secoudaire. Contfé- rence faite le 3 mars 1904 au Musée pédagogique. Cozsox (C.). — La préparalion aux Ecoles techniques supérieures PAR DEEE Te Le > © à HauG (Emile). — La chaire de Géologie à la Sorbonne. Jougin (L.). — L'enseignement de la Malacologie au Muséum. Lecon d'ouverture du cours de Malaco- logie*. "2 me DT MERE TERRE Simon (L. J.). — La Chimie dans l'enseignement secon- CENT ENS ESE AS RTE NS NT M © à © à Géographie et Colonisation. ANFREvILLE (Dr L. d'). — La colonisation et l'appren- tissage colonial . . . CLerGEt (P.). — L'esprit scientifique dans l'expansion commerciale de l'Algérie CurEau (Ad. Dr). — Essai sur la psychologie des races nègres de l'Afrique tropicale. 4r° partie : Sensibi- lité et alectivité . 3 — 2° partie : Intellectualité DEnéRAN (Heuri). — Revue annuelle de Géographie . Focx (A. — La conquête économique de l'Afrique Panles Voies er rés MER CCE CEE Géologie, Minéralogie et Paléontologie. Cucogau (R.). — L'exposition minière de Constantine. HauG (Emile). — La chaire de Géologie à la Sorbonne. Lauxay (L. de). — La distribution ‘des éléments chi- miques dans l’écorce terrestre. Introduction à la Géologie chimique PEER ER Macnar (J. ). — La structure géologique de la Guinée ÉTANCAISE ER SE CT ICE SES Tuourer (J.). — L'Océanographie dans le voisinage immédiat durivase Me CR CERN Mathématiques. Ascor (M... — Les Sciences mathématiques et phy- siques dans l'enseignement secondaire, d’après les conférences du Musée pédagogique AvxÉ (P.). — Nouvelles applications des méthodes gra- phiques à l'étude des opérations financières . . . 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LeSiTAYOnSIN Ne CE CCE CRE Ne 431 299 842 174 695 226 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 1161 Ascour (Marcel). — Les Sciences mathémathiques et Bouvier (E. L.). — Les abeilles et les fleurs . . . . . 331 physiques dans l'enseignement secondaire, Maés CaULLERY (M.). — Revue annuelle de Zoologie . . . 594% les conférences du Musée pédagogique. . . 496 — Le 6° oies international de Zooloz ;ië (Berne, Borssouny (J. de). — Les F HPOLRESEE cinétiques et la 14-19 août ©1904). 895 loi de l'évolution . . . 815 | Guéxor (L.. — Les recherches expérimentales sur Brizcoux (Marcel). — La vie et l' œuvre de Sir George l'héréuité mendélienne . . 303 Gabriel Stokes . . . 22 | Jousin (L.) — L'enseisnement de la Malacologie au DEBIERNE (A. — Le radium et la radio-activité. Muséum. Lecon d'ouverture du cours de “Mala- Are partie : La ss du radium et son COOPER RENE NE MEN SN 174 rayonnement . . 11 | LaGuesse (E.). — Revue annuelle d'Anatomie. . 1082 — 2e partie: L ’émanation et les autres propriétés. Loisez (Gustave). — Revue aunuelle d Embryologie. Conséquences théoriques . . 60 | 1re Partie. Croissance et développement. Méta- Jurius (W. H.). — Les théories solaires et la disper- MONPHOSES TL EME NO 86 sion anomale . . 180 — 2e partie : Recherches sur l'œuf. Technique em- MEsuin (Georges). — ‘Conservation et utilisation de bryologique . . - . . : . : 14% l'énergie. 11° partie : Principes généraux . . . 58% | Marinesco (Georges). — Etudes histologiques sur le — 2° partie : Applications et analogie mécanique . 652 mécanisme de la sénilité . . EU ED de ATEUE HAusar (Sir William). — L' émanation du radium, ses MEsxiL (F.). — Revue annuelle de Zoologie. : 594 propriétés et ses changements . . . 581 — Le 6€ congrès international de Zoologie (Berne, Rugexs (H.). — L'optique des métaux pour les ondes 14-19 août °1904) Élte : 895 de grande longueur. 928 | Ricuer (Charles). — La génération spontanée. PE 40% YouxG (Sydney). — “Quelques propriétés physiques d des liquides purs et des mélanges. . 981 Revues annuelles. Sciences diverses. Bouveauzr (L.. — Revue annuelle de Chimie orge GRADENWITZ (A.). — Le 75° FORRIES des poruralistes et niqus. . OPUS LHÉUECNSTAIEMANTSE de TRUC CZ CAULLERY (M. __ Revue annuelle de Zoologie . He 594 DEuÉRaIN (Henri). — Revue annuelle de Géographie .ULQEE à £ Hartmann (lenri). — Revue annuelle de Ch'rurgie . 34 Zoologie et Anatomie. LAGUESSE (E.). — Revue aunuelle d'Anatomie. 1082 ENNE (Dr A.). Revue annuelle de Médecine 991 AxGLas (Jules). — Les tissus de remplacenente (Gustave). — Revue annuelle d'Embryologie. 1re partie : L'histolyse. SU : 968 parlie : Croissance et développement. M:ta- — 2° partie : L'histozénèse. . . 1031 morphoses 4 ro SG Bonn (Georges). — Influence dun milieu extérieur sur — 2e partie : Recherches sur l'œuf. Technique em- l'œuf. Parthénogénèse expérimentale et naturelle . 242 bryologique NEO 144 Borssoupy (J. de). — Les hyposnèses cisesiqes et la MEsniL (F.). — Revue annuelle de Zoologie. 59% loi de l'évolution . . . . hote IG) DE GEODTAE F.). — Revue annuelle de Botanique , 559 IT. — BIBLIOGRAPHIE Vivawti (G.). — Lecons élémentaires sur la Théorie des o É groupes de transformations . 1098 HISCIENCES MATHEMATIQUES Weger (H.). — Eucyclopredie der Elementar-Mathe- ; matik. foie [. Elemeutar-Algebra und Analy- Mathématiques. | SIS ut eV aie UN ON NN NE NE 60) Wezisreix (J.). — Encyclopaedie der Elementar-Ma- ALExANDROrr (Iwan). — Aufgaben aus der niederen | thematik. Tome I. Elementar-Alsgebra und Ana- ÉDITER EP EE CN DUION PAUSE 266 Bacnmann (P.). — Eléments de la Théorie des nombres. 315 WienxEeckE (Ernst). — © Der geowetrische Vorkursus in BauEr (G.). — Vorlesungen über Algebra . 39 | schulgemässer Darstellung . 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De ppenen et progrès de la Métro- PROtOSTAP RE ER EEE SC TC Marcus (L.). — Lecons sur les moteurs d'automo- biles et les applications industrielles de l'alcool au chauffage, à l'éclairage et à la force motrice . — Les moteurs à essence pour automobiles. . . . . — Thermodynamique. 1. Notions fondamentales . . MarcozonGo (Roberto). — Teoria matematica dell equilibrio dei corpi elastici . . . . . . . . . . . PrerrA- SanrA (J. de). — L'aide-mémoire de l'Automo- NES ER RS NO AOL SES 18) d ScHoLLER (A.). — La locomotive Compound . Scureeer (Dr K.). — Les machines motrices . . . . . SwiNBuRne (James). — L'Entropie, ou la Thermodyna- mique au point de vue de l'ingénieur et la réver- sibilité en Thermodynamique . . . . . . . . . . VennEaux (René). — L'industrie des Transports mari- times au xix* siècle et au commencement du SCT a oo ES el a MENU Re ee VoGez (Otto). — Annuaire de la Métallurgie du fer OU NE SES BTS ONE à ot dr ado 0 Weiss (F.-J.). — Traité ‘de la condensation . . . . . Wrrz (Aimé). — Traité théorique et pratique des mo- teursta raz ete DéUle EEE EN E CER — Traité théorique et pratique des moteurs à gaz et BADÉRTOIC EEE ER PC CPE ET 2° SCIENCES PHYSIQUES Physique. Agranau (Henri). — Recueil d'expériences élémen- Er eS PACA PT YSITUE PR ArsoNvaL (D'). — Traité de Physique biologique . . . Borpter (H.). — Précis de Physique biologique. . . Boy pe LA Tour. — Traité pratique des installations d'Eclairage électrique . . . . . CuassaGny (M.). Manuel HPLC ITICILÉ SE EN EEE Cauveau. — Traité de Physique biologique . ConGkès. — Comptes rendus du Congrès de la Houille Bian Che CPR EC CCE EE DazLueyer (Thomas R.). — Le Téléobjectif et la méléphotneraphie ANS co ER oc Dargy (J.-C.-H). Manuel élémentaire pratique ‘de mesures électriques sur les câbles sous-marins. Dvuquèe (Emile). — Pratique des essais de machines électriques à courant continu et alternatif. . . . 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ER er TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 1163 Jacot-GuizLArmon (Dr J.). — Six mois dans l'Himalaya, De Seiuac (Léon). — La pêche de la sardine. . . . . 157 le Karakorum et l'Hindu-Kush. . . . . . . . 661 VascnipE (N.). — Essai sur la Psycho-physiologie des LaurRENT (L.). — Les BAIE coloniaux d'origine Monstres) DUMAS CE CPE N'ES 41% minérale . . . .. +... « «+ 0 463 | Vurpas (Cl.). — Essai sur la Psycho- -physiologie des Rogix (Aug.). — Geologie “pittoresque . PR NE SORTE 1) monstres DOMAIN SE SE Re 414 SÉGONZAG (Marquis DE). — Voyages au Maroc . . . . . 464 | Weiss (G.). — Traité de Physique biologique Mode n Lit) — Itinéraires et profils . . . + 464 STERNS-FADELLE (K.). — Dominica, a fertile island. Dee mn AU TRANSVAAL CuANBER Or Mines. Thirteenth annual É Report for the year 1902 . KT Ë 99 4° SCIENCES MÉDICALES TRANSvVAAL MINES DEPARTMENT. — Yearly Report ‘of the : t C ; ; Government mining Engineer for the year ending Chirurgie, Gynécologie, Ophtalmologie. ne DIEM I O2 MEANS Re n 99 Vax DEN Boeck (Ern.). — L'étude des eaux courantes Cuoquer (J.). — Précis d'Anatomie dentaire . . 915 souterraines par l'emploi des matières colorantes RECLUS (Pau). — L'Anesthésie localisée par la co- (ATONESCÉINE)E MES Er ET MONO NE 5 QU CADET RARE MER aS CE aol Du oO 56% Vicronra INSTITUTE 06 TRINIDAD AxD TosA6o. — Indus- € 4 A AS D ne Algérie : MADAME D ne Médecine, Hygiène, Microbiologie médicale. VEU US ë | A : w AS e ME a d'aujourd'à hui. Etudes 912 | Berxarp (Léon). — Les méthodes d exploration de la De. LA perméabilité rénale . . . 516 BerNnEIm (Dr). — Conception du mot « hystérie ». Botanique et Agronomie. Critique des doctrines actuelles . ES 957 BEzancon (K.). — Traité d'Hématologie. 614 Bonn (E.). — Biologie générale des Bactéries . . . 1002 | BRAMWELL (J. 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Gutierrez). — Contribution à l'étude des serpents venimeux du Venezuela . do 149 Zoologie, Anatomie et Physiologie de l'Homme | Maxsox (Patrick). — Maladies des pays chauds. 108 et des Animaux. | Mesniz (F.). — Trypanosomes et Trypanosomiases. . 1050 MonraGarp (V.). — Les Leucocytes (technique) . . 43 AnGcas (J.). — Les animaux de Laboratoire: la Gre- MoracHe (G.). — Naissance et mort. Etudes de Socio- nouille. . . ; 318 biologie et de Médecine légale. . . . . . . . . . 818 ARSONVAL (D). —_ ‘Traité de Physique biologique. . : : 269 | Moss (A.). — Le diabète et l' alimentation aux pommes s Borpter (H.). — Précis de Physique biologique. . . . 42 de terre. y RTE He CHAUvEAU. — Traité de Physique biologique. de 269 | PAGNIEZ (Philippe). _— isolement et Psychothérapie. Corre (J.). — Contribution à l'étude de la nutrition Traitement de l'hystérie et de la neurasthénie. Va chez les Sponnanres ele Melon Me er SNS 6) Pratique de la rééducation morale et physique. 662 DevroLLe (Emile). — Oiseaux 1002 | PirTazuGa (Dr Gustavo). — Etudes et recherches sur le RARE) — Coléoptères EN RATER 0e 99 | Paludisme en Espagne (1901-1903) . . AE RE RER ‘au GariEz. — Traité de Physique biologique. 12222 969 | Raynaun (D' L.) — Documents sur le Nord-Ouest Graro (Alfred). — Controverses transformistes . . . . 1148 CH Etude sur l'hygiène et la médecine au 970 ù {Dr Fr Ee—= »e \ re 1 sus CROATIE OPTION pons ne TERRE Le He LE Rue 363 | RoGer (G.-H.). — Introduction à l'étude de la Médecine. , 361 GogLpt (kmilio A.). — Album de Aves amazonicas . . 662 Do DE pone GR cæ Nos Le RES CRRRE EE ce HerDmanx (W. A.). — Report to the Government of orascriLo (D' H. de). — Le lait à Copen GÉUC 0 egAe Ceylon on the Pearl-Oyster Fisheries of the Gulf — Traité d'hygiène et de pathologie u nourrisson et GR Mare à 2 1100 destenfants du PremMIEN ARE LME UN UNE 749 Herrera (A.-L.). — Nociones de Biologia. 212212 gs | Sasouraun (Dr R.). — Les maladies du cuir chevelu. Kirrer (J.-).). — Rene des Cynipides d'Europe Piyriasis et Alopécies peliculaires = nee et d' Algérie. se : à 9g | SmoLexsky (P.). — Traité d'Hygiène . . 318 LARGUIER DES BANCELS (QE de — De l'influence de la tem- DER EE EN EUURNE pathologique 8 ee 003 pérature extérieure sur l'alimentation. Recherches rale TA ge E 200 CARS DeNtAIEE sur le pigeon. . . 956 Le Douere (Dr A.-F.). — Traité des variations des os du | cräne de l'homme et de leur signification au point 5° SCIENCES DIVERSES de vue de l’Authropologie . . 108 LowentuaL (N.). — Atlas zur vergleichenden Histologie Bixer (Alfred). — L'Année psychologique . . 916 der Wirbeltieren nebst erläuterndem Texte . . . 811 AE es (L.). — Histoire de l'Habillement et de la Macoux (John). — Catalogue of Canadian Birds. . . . 7188 Parure . . tue 1101 Mgester (Jules DE) — Travaux de la Station de re- | CARNEGIE (Andrew). The Empire ‘of business . . : 61% cherches relatives à la pêche maritime à Ostende. 7189 | CasronNeT pes Fosses (Henri). — L'Inde francaise au Marey. — Traité de Physique biologique. . . 269 | xvuie siècle. . . 101 MuaLeerG (F.). — Zweck und Umfang des Unterrichts DELAUNAY (H.). — Annuaire international des Sociétés in der Naturgeschichte an hôheren Mittelschulen savantes . . AM co, MGUL mit besonderer Berücksichtigung der Gymnasien. 748 ENCYCLOPELIA. — The Jewisch Ency clopedia . 663 SCHOENICHEN (Dr Waither). — Die Abstammungslehre im Unterrichte der Schule. Lusac (Em.). — ose d'un Fi stème de > Psychologie rationnelle . . . É TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES MeErceRON-Vicar. — L. Vical; sa vie et ses travaux. . 463 Parcirpar (Ed.-V.). — Contribution à l'étude du Crédit agricoletentAlrérie MEET ER REINE 211 RarraLovicx (Arthur). — Tru:ts, Cartells et Syndicats. 790 Sxyoer (Carl). — New Conceptions in Science . . 958 Son (A.). — Les Cartells de l'Agriculture en Alle- MACNE RS ME LS E CN RUES ERT CNE t 43 Thèses pour le Doctorat présentées aux Univer- sités françaises (1903-1904), et analysées dans la Revue en 1904. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES DELAPORTE (L.-J.). — Essai philosophique sur les Géo- métries non euclidiennes. . . . . . . . . . .. 154 2° SCIENCES PHYSIQUES (Physique et Chimie.) AsTRuC (A.). — Recherches,sur l'acidité végétale. . . 661 BERTRAND (Gabriel). — Etude re HoeNEnIqUE de la bactérie AUSSOTDOSP AN AA TIENNE EN E NCE-DPENER 706 MaRiE (C.). — Contribution à l'étude des Acides phos- phorés dérivés des acétones et des aldéhydes . . Marquis (R.). — Recherches dans la série du Furfu- ÉREMOLDNOL OL Ste LR M à D € 0 VasiLesco KaRPEN (M.-N.). — Recherches sur l'effet magnétique des corps électrisés en mouvement . 3° SCIENCES NATURELLES Bauxrz (L.). — Contribution à l'étude de l'excrétion chez'les/Arfhropodese M ENCNESERICICRERE GarD (M.. — Etudes anatomiques sur les vignes et leurs pyprides artificiels Houarp (C.). — Recherches anatomiques sur les Galles de tiges ; PleurocéCities EME MERE RER ManpouL (AH. — Recherches sur les colorations tégumentaires CMP ET TRUC RNQR à à © 4° SCIENCES MÉDICALES Paris (A.). — Contribution à l'étnde des modifications sangumes chez l'enfant diphtérique traité par le Sérum antidiphiériQUeE ENTER RER IV. — ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER Académie des Sciences de Paris. Séances des EMTEC IEMOISENEERR EE 4% = 4 _ SRE EL 45 — ) — A Mens ls le 102 — ENPIADVIC CMOS ER TIR 103 — It — RARE NE CRE 10% = 18 — NA CAT E 158 — 25 = 45 es GIE A 158 — 1er février ed Re A OU lee 207 — 8 — ET NE et DRE no 207 — 15 — US DO PT 272 — 22 — M D TS 272 = 29 — SE RAS 319 — 7 mars RS ES 2 362 14 — CRETE no L 362 — 21 — Ter al 416 = 28 — NS EE 415 — 5 avril PE A METRE HAT — 11 — TR rucit ie 466 — 18 — ME eus 5e 466 — 25] TR = PETER EE 517 — 2 mai SE RE EE 517 9 — — 565 16 — —_ 565 - 24 — CN Et es rt. 566 30 — — 616 — 6 juin Ne HO UT COURS 647 5 13 = NE 664 — 20 — — 66% 27 ns — 709 — 4 juillet RE EN US AU 2 11 = TER ER «| .: 750 — LS = — HE AUD Poe AL — 25 es 010 020 191 — il août PP Ve Me le 192 — 8 — TS AN SE ANT PEER 834 — 16 — er UE M0 DONS PRET LI 834 — 22 — — À ADS CRU 834 — 29 — EE D 879 — JuiseplemDre MERE EE 819 — 12 — RASED LA 917 — 19 — UE LA A CP VS EE 917 — 26 — UNE ARS EU RL OUT -- JLNUOCIODT EE PP ER ONE 959 10 — Le ET Le Ur dent 959 = 17 — SN EC LCR TEE 1005 OCtObre IUT RERESS novembre — Séances des co ho Dies D IS — décembre — = 19 QE Académie de Médecine. Séances des 45% décembre 1903" r. 9 — — 29 = = 5 janvier 12 = — 19 _ = 26 — — 2 février — A A IA OMAN qi juin RUES CAES 14 = — 21 — — 28 — — 5 juillet = 12 ee — 19 — — & (oC'0Dre MEN AA AE I AMINOAIMII TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 1165 Séances des 25 octobre 1904... 1006} Séances des ASMNTANVIeR A AO0E). NES RE TC 0) = 2NOVEMETEN— MT 053 — DMOTÉNTIC Te - AL) = 8 = +, ON RE 21095 —— 49 — ES EN D 0 275 — 15 — RS OP À 1103 — 19 — AU LE EVENE 2 D — 22 — Sent à en er QAIDS = 4 mars SR ut rate CO UE — 29 — ns Me Ne re a LE À — 18 — Ras CNE 419 — EÉdéCcembre = NRA — 15 avril OS Msn er à * 1:12 0R4GS — 6 mai Pr he 567 — — ES PR 8 Société de Biologie. EE 2 juin SRE 7 6 Et 2 ; = 17 RSR LR M 712 Séances des 28 DOVEMDrEMIII NN 45 _— CARTE SE MEN Re DIE) — HNUÉCeMDre RE 00 SR Cr — ASNOVEMETE MN PTE 110% — 12 — ORNE A ME RAT — décembre rer 0. A9? a 19 — — 10% — 96 _ RU A Le Te ASE NE ; — janvier MODELE. : 0er 159 Société chimique de Paris. — 16 = a 160 — 23 — — 209 | Séances des décembre AIDANT LE 30 — — 209 — SÉPjanvien MODE EEE EE 106 — 6 février — 273 — 22 — — JM fun AU NAN — 13 — — 27% — 12 février nt te PAP 20) — 20 — — 320 — 26 — = 4 DATES LR RE — 27 — _ MONA de LE — 11 mars Un Pere 0420 — ci) mars SR EURE ..…. 418 — 22 avril LT MER VAR 1020 Æ 12 — — 418 — 13 mai NN PRO GS a 19 —= nn 418 — vA| — Tee 2 M RO LS — 26 — —- Ne Pr EC — 10 juin RARE AE ASE 668 — 16 avril Ne et PPS 518 — 2% — ar CAS TEARE 113 — 23 — MIRE LR ce ol — iPnovembre = Me CE . 1105 — 30 —— = EE O0 00 — 25 — RE EE à LEE) —= 14 mai TE ea ÉRe 618 Fr =. a un 618 SECTION DE NANCY = 28 — — 666 = 4 juin — 667 | Séances des AN NA CIE ES ETC 161 = 11 = = Al = HN TUE CRE DRAC Le 18 _— _ 711 æÆ 95 — — 712 PRE LE 2 juillet — 752 Société Royale de Londres. — 9 — — 192 — 16 — M. 1.593 Séances des 19%novembre 1903 Er 2 TE — 23 — RE PC RUE — 26 — TR EM CT EN e 22 octobre — Re cu rAID06 — 30 — = NE R — 29 — an A M AT Te 1006 — 3 décembre — . . . . . . . . 213 — 5 novembre — . 1054 = 10 - = À SATA EMEA lR — 12 — — . 1054 — DAWAjaNnvIenN OUI UNE RS = 19 — — + SUITE — 28 _— +, ne CET RE L2 — 26 _— = . 41104 — 4 SENTIER EE ES 00 _ SAUÉCEMPTE NN 51 — Al — PEER NE 366 — 10 — Ro A — il — on ND CNE 421 — it — SN RE TE . 468 RÉUNION BIOLOGIQUE DE BORDEAUX — 18 — = se — î — = « than ht 12 Séances des ex décembre AIDE EN EG ps 1 LE TE RS SITES OT — 5 janvier AI0Z SEEN 160 Æ° 3 mars = CERN ei OP ER TD F 19 Te UN cher CU — 3 = ET NE TRS 8) — 2 TÉVRIET EN RO MR RS LE un 10 ce LT LP SAR APRES CO) ee 2 mars Te nant alt) = 17 us Er} LS TERRE LE . 620 — 12 avril + MEME TL NC RO LU) nu 9% —s CANAL De. ENG — 3 mai Sn PÉTR DEt à -nu01S Es 28 avril LMP OPEN AR 621 — 1 juin ENCRES AR CAN Te L, 28 ee, M SL TL _— 5 juillet = AE NS Ge 109 — 5 mai NE RE EE 0 60) — SMnovembre— er ne l0SE ee 3 = = 714 : = 19 = ee 714 RÉUNION BIOLOGIQUE DE NANCY = 2 juin — T5 Séances des 1EMdÉCeMmpre MOIS EE A EN OU GO = À æ Æ ee — TAN NOT NN REMOTE KE à EE Ke 192 — DR TENTE ER RE ER 20 Eu 9 De PNA 8 835 — 14 mars RE MR Rares PAIE) Fa A 1 Le a Æ M ati e Fee AT CDS = 10 TS UN TO TRES — 10 mai = 618 Re 16 Er AO CO CU CDN 4c ÊRE SR PT FRA TES Communications recues pendant les vacances . . . . . 918 —= 12 juillet — 835 ; : RÉUNION BIOLOGIQUE DE MARSEILLE Société de Physique de Londres. Séances des 23 (ÉVITE MODE EE . 320 — 15 mars Eh, CNT RS Cancesides 11 Mdécempre AIDE EE TE = 19 avril RS ee TRS CE D EL — 22, MJANVIETENLIDE LE EN CENT 162 = 17 mai se MEN 6071 — ADM TÉTTIe LR EN ee DNA 0 = 13 juin RS Eau IL = 26 = Pr NN ER EU) — 21 — NAT 102 — al mars TES UE ER — 15 n0veMmhre EN RE 05 — 25 — NN rl co AA) | — 22 avril = he close. 0009 ue . | _ 6 mai RU 569 Société française de Physique. = 27 _ ee RME CS QT ODA | — 10 juin RE lc à 671 Séances des % décembre 4903 . . . : . . . 16 — 2% — NE ec ae — 18 — EE CR DORA EP EE (ILE _ JRUNOCIOPTÉ MI LE EN RTE 4054 REMOTE , 1166 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Séances des 41 (novembre 1904 . . . . . . MA06 É 95 _ AT EN AAA 1154 SECTION DE NOTTINGHAM k £ 2 154 FA SEEN RES 125 Séances des 25 novembre 19030... — 21m janvier AIDE MEME Société de Chimie de Londres. == 240 MÉVAEPE EN ONE 422, — 30 mars ME Le / z = 27 avril = VOUS Séances des Sdécempre 1903-70 47 É Bd éo os Le 16 NT D AS M 106 — 24 TOCIODTE LES EUR RENE — 20 janvier MIDI SE NET — 4) MévTien OL NE UT IE SECTION DE SYDNEY se = 39: À F2 1 RE Tr EPA EE: ee NN PEU 2 Séances des 16 écembre MIDI EEE TA 16 es 1 D OS ORNE O0 — 10 août 11904 %-N CCE — 23 — ss re A A) — 20 avril — VUE ESS AORE ENS 22 SECTION DU YORKSHIRE = 18 me TP SUN COR ES Séances des 44 décembre 1903 . .. "2 S SOL en ESC ST ST ON AO PÉERS 671 _ 25 MANIERE IDE EE È Juin CE NN es MÉRRRe = DD IEVTIET D NN RE ni ne Se LF ÉTÉ PRET OS qi — 21 mars =, 3 MINE — 4 == ON OO 0e. a] : Communications recues pendant les vacances. . 1055, 1106 | Sg ue LE © ? Séances des SUnovembre 1904207 1106 PR Re EE ONE © € © € — 16 — RE MEN ON 1154 = der décembre — 1. 55 Académie des Sciences de Berlin. Société anglaise des Industries chimiques. Séances des : Ses ns ENCRES — V Es au tar II RES Æ 21 == =; FERRER SECTION CANADIENNE | K2 | février OO Séances des 18 moyembre AUS T 48 me Fe nat 0 — AS lETrRIer MID IE RE 470 Fr 10 pe R'AECSSRS — 25 mars AE ES Cr dom oIR) CE 11 ERA ee © = 24 = | SECTION D'ÉCOSSE — 14 avril = MIT = 21 = NE Séances des 1er décembre 1903 . . . . . - . : 716 æ 38 E RS _ DATE VIEN MAQOE .. 361 DE NE © — 49 janvier — : 1... . . . . 422 EN 19 es — 23 février = ANSE RSI D22 a 9 juin FE ART | = TANGUIIEt MONA SECTION DE LIVERPOOL -- 28 — TRE LACROES Séances des 95 novembre 1903." CNRS = PEL 0 A CEE CN RL) Société allemande de Physique. — DLNIETUCT ET 2... (499 — 21 avril Er SU NME 116 | Séances des 21 novembre 1903 . . . . . . . . — 111 décembre — SECTION DE LONDRES — 1: janvier LIENS EEE Séances des décembre 1903 PER EE 162 — 5 février EE 00 nu: — LÉ ANvIeT NIUE ON RIT = 19 — TE - — Aer février LE Ten: de RU — 4 mars = ENURIS ED — 22 — — D. RUN bi — 18 — RE à D — 1 mars Eee he 0022 — 15 avril — — 11 avril ETES D MATE? — 29 = ri AL ENONCE — 2 mai NE CCR GT — 13 mai —" ‘en CNE — 6 juin AN — 3 juin — he LINE = TMOVEMDrNE PRE LENS 1401 — 1er juillet — £ me — 21 Septembre RP , SECTION DE MANCHESTER = . OCDE RE | Séances des 4 décembre 1903 . . . . . 7.162 nn 8 are 1904. . . . ... 217 Académie des Sciences de Vienne. == H] evrier CAL — 1 mars EX 2.6, 5 FOR OT 622 à É Séances des 19®novembre LIU RE : — 3 décembre —: MN SECTION DE NEWCASTLE 2 10 e: RM | Séance des . 3 décembre 1903 . . . . . . . . 4107 = ne janvier 190% NE RON — 5movembre #0. 063 2 14 Dr. RE PR | — ASIA MID EE EEE 2 TR) me 97 na a ENT OT OT — LT LTÉE Se een 61 JE PR RG Et 7 — 20 mai ARE Te Ph 746 | = Al fm: LUS FREE | = 18 — RS Es € SECTION DE NEW-YORK | == 3 mars ER Re - — 10 — — CON RCE Séances des 2Dnovembre AIS AN OT | — 17 — NE: 7 ÈS NETPEES — 12 N0YeMbreE ER EC EL — 21 avril PR nl — 2 — RE LOT oo OAI Æ — 28 — ET ASS TOUT ACER: = DO an vie LIU EU DT = 5 mai 04 8 COEUR —_ 19 février RM 0 CRTC 422 — 13 — — sr ec 00e CS — 25 mars PR TS TRS 622 _— 6. ‘octobre Le— 25 OS CNET — 22 avril IN SNS PNERT: (622 _ 15 = M CRU: < — 21 OCIONTE SEE . 1107 — 20 — = ponts NN CE TABLE ANALYSIQUE DES MATIÈRES Séances des 3 novembre 1904 . . . . , .!. . 1108 | Séances des 28 mai 10 10 — OO ST CU — 25 juin NU DORA — 17 — USE ob Ts) — 2ENSCPIEMDrE = NL RRRRENr — 2% = Se “een AUD 3 : = DIMM OCIODI ERP EN. Académie des Sciences d'Amsterdam. Seances des SAMMOCIOTE 1003 00 A3 SO Académie Royale des Lincei. — ABMNOVEMETE— - NN DS — 28 — NC Tr Ci RS éancestde nOVeEMbIC AIS EN NE _— 19Mdécemhre =": 40412 MNN6E — décembre MN NN — 19 — CS CE LD — JANVIER ENT Ac — SOMMANTIrE LOUE NE OT) _ SÉVIIEr = M SEL Me _—— 30 — — 32% — mars — — 27 FÉVR M RME PSE — avril Re — 19 mars Ce NE AE = ma etjuin = NME — 23 avril — 52% | Communications dejuillet et d'août — . . . . . . . . — 23 — - 571 | Communications de septembre et — 28 mai — 755 d'OCÉODrES = NE UE TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE TOME XV DE LA REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES A Aeeizces. — Les abeilles et les fleurs . . . . . . Agsonprion. — Sur des bandes de pen dans les spectres d'absorption . — L'absorption des gaz par le charbon aux très basses températures . A ta no Doit end. Jo ACADÉMIE. — Election à l'Académie des Sciences de PAS NEC TDR . 53, 495, 413,625, 1009: AccuyuLateur. — L'accumulateur Edison. : — L'eau salée, accuwulateur de la chaleur solaire ACÉTYLÉNIQUES. — Dérivés acélyléniques . . ; — Les recents travaux sur les cumposés acétylé- niques . ACIDE. — Synthèse totale de l'acide camphorique. — L'acide sulfhy dique dans les fermentations alcoo- liques = — Contribution à l'étu: le des acides phosihorés dérivés des acétanes et des aldéhydes . . . ACIDE URIQUE. — L'influence de l'alimentation sur ‘l'ex crétion de l'acide urique à l’état normal et chez le POULEUX EEE : Aciité. — Recherches sur lac idité véuétale : 2 Aciers. — Les applications des aciers an nickel. Théorie des aciers au nickel. . : DU E ACTINIUM. — L'actinium et l‘'émanium . . . . . . . ADRÉNALINE. — La couslitution de l'épinéphrine {adré- naline) Arouwes. — Recherches sur les Né matocytes des Aeo- HAS SE : AÉRODROME. — L ; Aérodrome ‘le la Tour Eilel Se AFRIQUE. — La conquêéle économique de l'Afrique BÈS les voies ferrées. : : — Une carte de l'Afrique ‘occidentale française : — La culture du coton dans l'Afrique occidentale anglaise : — Essai sur la psychologie des races ‘ègres ‘de l'Afrique opel 1'e partie : Sensibilité et affec- tivité. One SU RU CA — Deuxième pi artie : Intellectualité. — Exploration de l Afrique tropicale . . — Etudes sur l'Afrique. Soudan oriental, Afrique équatoriale, Afrique du Sud. AGRÉGATION. — L'Agrégalion de l'Enseignement se con- daire et le Doctorat. — Agrégation de Médecine. Agrégation de Pharmacie . — mie réforme des Agrégations de l'Enseigneme nt secondaire À pe TER — Agrégation des Facultés de Médecine AGRICULTURE. — Les écoles pratiques d' Agriculture | — Dictionnaire manuel illustré d'Agriculture . . — Les plaies de l'Agriculture. ; — Les engrais potassiques; leur application ratiou- nelle en Agriculture. . . ES ANT EE AIGUILLE. — Variation de l'aiguille aimantée . è Air. — Les injections HS ppeCnDIques d'air atmos- phérique . . STE AIR LIQUIDE. — Transport d'air ‘liquide : : ALcooz. — L'usage de l'alcool dans les climats” tro- P'Ci ALISON — Lecons sur les moteurs d'automobiles et les appli- Ethiopie. 1 Les chiffres gras reportent aux arlicles originaux. cations industrielles de l'alcool au chantage à l'éclairage et à la force motrice . . 202 AiDÉHYDES. — Synthèses d'aldéhydes . 219 ALGÈBRE. — Vorlesungen über Algebra. . 39 -— Encyclopædie der Elementar-Mathematik. Tome I : Elementar-Alg-bra und Analysis. 266 ALGÉRIE. — L'espr 1 scientifique dans l'expansion com- merciale de l'Algérie . . 132 — Contribution à l'etude du Crédit ‘agricole: en Algérie. 270 LATE EE 1050 AimenTATIox. — Le sucre et le vin dans l'alimentation CHÉQUE OT ENS ur à Ten Lo 313 — Le sucre dans l'alimentation. . : . . . . : . . | 427 — L'influence de l'alimentation sur l'excrétion de l'acide urique à l’état normal et chez le goulteux. 528 — De l'inflience de la température extérieure sur l'alimentation. Recherches expérimeutales sur le DISONS see ee NI NOIRE 956 — Analyse des matières alimentaires et recherche de leurs falsifications . NAS 1099 ALLEMAGNE. — Linsolation en Allemagne. : 197 ALLIAGES. — Certaines proprié és des séries d’ alliages d'arsentet de Cadmiutn "170 Que 366 — Le maynétisme des alliages du manganèse 924 Auorécies. — Les maladies du cuir chevelu. PIS RieuS et Alopécies pelliculaires . . . . . . . 189 AMMONIAQUE. — La décomposition de l° ammoniaque par la chaleur. PR EE El ES, © à à 918 ANALYSE CHIMIQUE. — Les analyses agricoles par volu- MÉHIe SAZEUS EL M ENT RE CCR 351 — Analyse des matières alimentaires et recherche de leursifalsifcations PMR ACER RERO 1099 ANALYSE MATHÉMATIQUE. — Cours d' Analyse de l'École Polytechnique RER ER ON CRE 202 — Encyclopæuie der Elementar-Mathematik. Tome 1: Elementar-\lgebra und Analysis. 266 — Cours d’ Analyse. Compléments du Calcul inté ‘gral. Fonctions analytiques et elHphquees Equations différentielles. . . ie 1047 Axaroute. — Précis d'Anatomie dentaire . 915 — Traité d’'Anatomie pathologique générale - 1003 — Revue annuelle d'Anatomie. ! -1083 ANEMIE. — L'anémie des mineurs . . 199 ANEsTuésIE. — L'Anesthésie localisée par la cocaïne . 564 — Sur certaines propriétés physiques et chimiques de solulions de chloroforme dans l'eau, les solu- tions salines, le sérum et l'hémoglobine. Contri- bution à la chimie de l’anesthésie . ù 669 — Les aneslhésiqnes locaux . . . . . . . . . . . . S50 AnGiosperes. — La double fécondation chez les Angiospermes. . . ITS ACMS CE ANKYLOSTOME, — Pénétration ‘des larves 4 ARR tome à travers la peau . - : HS tr ANTARGTIQUE. — L'Exploration antarelique EE 915 ANTI-TOXINES. — La DAC chimie des toxines et anti-toxines. : . 633 APOGYNÉES. — Notes sur que Iques Apucynées “Jatici- fères de la flore du Congo. . . 5 se 915 ArpexpicitE. — Etiologie de l'appendicite 58 — Appendicite et syphilis D ssT — Les origines et la prophylaxie de l'appendicite . 965 ARGeNT. — Une détermination de l'équivalent électro- chimique de l'argent 16% Année. — Le Service de Santé dans l'Armée japonaise. 321 ARtTHROPODES. — Contribution à l'étude de l’excrétion chezles ATIHrOpodes RER TE - ARS TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 1169 ASCENSION. — La mesure de l'ascension droite des CanreLzs. — Trusts, cartells et syndicats . . . . . . 790 astres et l'usage des mires méridiennes . . 910 | CanYOcINÈSE. — La Caryocinèse nn - . . «+ .1084 Ascomycères. — La formation des œufs chez les Asco- — Sur la caryocinèse dans le sac embryonnaire de mycètes . . : 7 Fritillaria imperialis L. . . ae 1156 — Formation de l'épiplasme chez les Ascomycè'es 2 517 | Casrnanion. — Traitement du cancer du sein ‘par la Asie. — l'Asie inconnue. I. Dans les sables de l'Asie. castration ovarienne . . SFr 222 IL. Vers la ville interdite 832 | Cararyse. — Photographie par catalyse . otre ë 47 — Le desséchement de l'Asie. . . . 1013 — Méthodes catalytiques de MM. Sabatier et Sen- Ase-Miveure. — La rénovation de l'Asie-Mineure et le derens"# AE. As commerce francais dans le Levant. . . . . . . . 4112 | CerLuce. — Revue annuelle d'Anatomie. La cellule. :4082 ASSOCIATION. — Association des Anatomistes. 374 | CENTRE. — Existence d'un centre distinct de l'écriture. 112 Armosphène. — Les atmosphères des planètes 217 | Cexrnioces. — Centrosome et centrioles, granulations — Sur les ions de l'atmosphère. . . . 1153 basilaires, plateaux . -1084 Aurores. — Causes de la variation annuelle des tem- CENTROSONE. — Centrosome et centrioles, “granulatiuns pêtes magnétiques et des aurores . Mer It basilaires, plateaux . . . . . .1081 AUSTRALIE, — Western Australia. : 934 | Cuame. — Une Chaire de Physique généraie à la Sor- AuromogiLEs. — Lecons sur les moteurs d'automobiles bonne .. 10 etles applications industrielles de l'alcool au chauf- CnaLanos. — Les chalands de mer et le commerce fage, à l'éclairage et à la force motrice. HO2UE maritime . . . 927 — Les moteurs à e Re 0 < Sexe. — Le sexe des souris : : Re SiLice. — Propriétés optiques de la silice vitreuse. SimpLonx. — Le tunnel du Simplon et les voies d'accès francaises. . . — Les résultats scientifiques ‘au percement du Sim- plon . . ne SINGES. — Inoculation de la Syphilis aux ‘singes an- thropoides. . . À PCR Soctéré. — A la Société de Géographie. No rc + — Annuaire international des Sociétés savantes do — Les médailles de la Société Royale de Londres. Soc. — L'Architecture du sol de la France. ; Soupar. — Une canse d'infériorité du soldat japonais. Soi. — Le problème solaire . . 5 — Les théories solaires et la dispersion anomale . . — La constitution du Soleil . : — Les taches du Soleil et le magnétisme. 2 — La force répulsive du Soleil sur les comêtes . . . — Maximum et minimum d'activité solaire. . . Soupes. — Modificatious physiques et chimiques des solides soumis à de très fortes pressions. ; Sorinrricatiox. — Les lignes de solidification du sys- tème soufre-chlore SocuriiTÉ. — Lignes anormal es de solubilité de mé- langes binaires, provenant de l'existence de com- poséstdans 14 solution EM TE Socurioxs. — Contribution à la connaissance de l'allure dela décroissance de la tension de vapeur dans les solutions aqueuses. . . . Me — Sur certaives propriétés physiques et chimiques de solutions de chloroforme dans l’eau, les solu- tions salines, le sérum et l'hémoglobine. Contri- bution à la chimie de l'anesthésie, . . . . - -* — Sur les solutions saturées . SOLVANTS. — Propriétés des hydrures de phosphore, de soufre et d'halogènes liquéfiés comme solvants conducteurs, : SorBonxE. — La chaire de Géologie à la Sorbonne. Sorgose. — Etude oc RUNAUE de la bactér'e du sor- bose . : Sounure. — La soudure par le ‘courant électrique ‘et la SOUTURE PAR ATC EE EE OC EEE MALE Souris. — Le sexe des souris . . . . . : + à + + … TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 1177 Souris. — Le cancer des souris. . . 1112 | Tesricuce. — La glande interstitielle du testicule des Srecrnes. — Sur la relation entre les spectres des Mammifères - 161 taches solaires et des étoiles. BE .... 836 | Taéome. — Théorie nouvelle des Fonctions . 705 — Sur les spectres de flanimes. S36 PHERMODYNAMIQU E. — L'Eatropie, ou la Thermody na- — Spectre de la comète c« 1905 . 1 8511 mique au point de vue de l'Ingénieur et la réver- — Bandes de dispersion dans les spectres de « 5 sibilité en Thermodynamique . : ASS 0) Orionis » et « Nova Persei ». . Heu d159 — Thermodynamique : I. Notions fondamentales. 1098 SPECTROSCOPIQUES — Les observations spectrosco- Taeruo-ÉLECrRICITÉ. — Sur les variations de force piques et la parallaxe solaire . 1058 thermo-électrique produites par la magnétisalion SroxGrames. — Contribution à l'étude des Spongiaires. 360 et leur relation avec les tensions magnétiques. 669 Sragicité. — La stabilité longitudinale des ballons Tusrmomèrre. — Les thermomètres médicaux et le automobiles 627 Laboratoire d'essais. 166 — La stabilité longitudinale des ballons automobiles. — Etalons de haute température du Laboratoire na- Solution du problè me de la navivation aérienne . 831 tional de Physique et comparaison des thermo- SrarTion. — La Station centrale télétypique de Berlin. 166 mètres de platine et des thermo-jonctions avec le — La Station acquicole de Bouloune . . 631 thermomètre à gaz . . 469 SumrimaTion. — Les courbes de sublimation de mé- THERMOMÉTRIE. — Sur la thermométrie à résistance langes binaires . 108 électrique à la température de Nhydrogene bouil- Suc. — Sécrélion physiologique de la bile et du suc lant BANC on UN ete intestinal . 372 — Maximum thermométrique d'avril. 1109 Sucre. — Le sucre et le vin dans l'alimentation du Tics. — Les tics. 419 soldat nE 373 | Tino. — Les distributions à changement ‘de marche — Le sucre dans l'alimentation : . 421 avec liroir unique. h 308 — Les récents travaux sur les sucres. 532 | Tissus. — Les tissus de remplacement. ire partie : £ — Manuel guide de la fabrication du sucre. . 4049 1j} Histolyse BU re VE 968 Surrace. — Contribution à la connaissance de la sur- — 2° partie : L' Histogénèse. PAC EURE 1031 face de van der Waals. . 72 | Topocrarnie. — Recherches sur les instruments, les "SYLVICULTURE. — Ecole pretique de ‘Sylviculture des méthodes et le dessin topographiques. Tome Il. Barres ; DAME CRE 173 Développement et progrès de la Métrophotogra- — Traité de Sylviculture DA : 268 DITES ECO Synoicats. — Trusts, cartells et syndicats 790 | ToronvuE. — La toponymie des Etats-Unis 914 Syrucis. — Inoculalion de la syphilis aux singes an- Torsion. — Effet d'un champ magnétique sur le degré thropoïdes. . . : 222 d'amortissement des oscillations de torsion dans — Appeadicite et sy philis 587 des fils de fer de nickel; variations REQANES Bot l'étirage et le recuit . 620 — Elfels des changements de température ‘sur Je T module de rigidité de torsion des fils métalliques 621 Tortue. — Les parathyroïdes de la tortue . 760 Toxines. — La physico-chimie des toxines et anti- Tres. — La nalure syphilitique et la curabilité du toxines . . . 633 tabes et de la paralysie générale. Se A 157 | Tracrron. — La traction par courant ‘alternatif simple, Tacues. — Observation des taches du Soleil. . . 54 système électropneumatique B.-J. Arnold . 110 — Sur la variation des taches solaires en latitude. 469 — Les essais de traction à courant alternatif simple — Sur la nature des relations entre la fréquence des en Jtalie DCE 218 taches solaires et le magnétisme terrestre . . . . 568 — La traction fangentielle système Dulait. SANT a) — Les taches du Scleil et le magnétisme . 635 — Les expériences de traction électrique rapide sur — Sur la relation eitre les spectres des taches la ligne de Marienfelde Zossen. . .. + 345 solaires et des étoiles . 836 | Traxsrorwsue. — Controverses transfor mistes. 1148 TacuycarDIE. — La fréquence du pouls ‘et l'élimina- Traxsrorrs. — L'industrie des transports maritimes tion urinaire. Oligurie et Tachycardie. 310 au xIxe siècle et au commencement du xx° siècle. 462 Tacr. — Sur les images retardataires du tact 215 | Transrosrriox. — La transposition de Beckmannu, la Touap. — Chari et Tchail 948 transformation de PACAOBEEnONQIne en acétani- TECHNIQUE. — Traités généraux. Technique embryulo- lide et sa vitesse . . 424 gique. . . . 452 | Traxsvaaz. — Transvaal Chamber of Mines 99 TECHNOLOGIE. — Traité de Technologie mécanique mé- — Transvaal Département of Mines. PEAR D 99 tallurgique . . . 40 | TricoxomÉtRtE. — Vorlesungen über Geschichte der — Technologie agricole (sucrerie, !meunerie, boulan- Trigonometrie È 611 gerie, féculerie, amidonnerie) . . . . . . . . . . D62 | Trinité. — Industrial Trinidad 914 TÉLEGRAPHIE. — La téléphonie et la télé raphie opti- Trus — Trusts, cartells et syn Feat 7190 ques au moyen des projecteurs électriques : 5 | Trypanosoues. — Trypanosounes et Tryp anosomiases. 1030 — Les expériences de LÉBREQMIE sans fil du ph TayYPANOSOMIASE. — Trypanosomiase. 393 fesseur Slaby . . 1} — Trypanosomes et Try panosomiases. 1050 — Le télégraphe imprimeur rapide de Siemens et TR YPSINOGÉNÈSE. — Sur la trypsinogénèse ; . . 284 Halske . 283 | Tuees À vie. — L'action du radium sur les tubes à — Un nouveau récepteur pour la télégraphie ‘sans vide soumis à une différence de potentiel 326 HEserotaue Sue 20 — Capacité électrostatique des tubes remplis de gaz — Un appareil pour ‘transmettre écriture et les MATOS AR ee CRT eee RU: 676 tableaux par voie télégraphique . 629 | Torercucose. — Lutte contre la tuberculose . 9 — Un ondomètre pour télégraphie sans fil : 1011 — La Tuberculosis aid and education Association. 9 Técéousecrire. — Le téléobjectif et la téléphotographie. 816 — Traitement des tuberculoses externes 34 TÉLÉPHONIE — La téléphonie et la télégraphie opti- — La Commission permanente de la tuberculose du ques au moyen des projecteurs électriques . 5 Ministère de l'Intérieur . 51 — La télé HQE, sans fil au moyen des ondes her- — Ja lutte sociale contre la lubereulose s3 {iennes S55 — l'OEuvre de la femme tuberculeuse 115 TéLéPnorograrmte. — Le téléobjectif et la téléphoto- — La tuberculose en Allemagne . . . 170 graphie. 856 — Hôpitaux francais d° enfants tuberculeux. 299 TEMPÉGATURE. — Décroissance de température suivant — La tuberculose duns les Ecoles PARISIENNE, Pro- la verticale. . . . 210 phylaxie et traitement . . il — La formation des solides aux basses tempér ra- — Un moyen médical de combattre la tuberculose . 199 tures . 469 — Tuberculose et mutualité 926 — De liufluence de la température “extérieure sur — Chlorose et tuberculose . 1013 l'alimentation. Recherches expérimeutales sur le Tumeurs. — Tumeurs du corpuscule rétro-carotidien. 33 pigean . . . 956 — Tumeurs cérébrales . 36 Teuvères. — Causes dela variation annuelle des tem- — Ressemblances quise présentent ‘entre les cellules pêtes magnétiques et des aurores . 917 des tumeurs malignes de l'homme et celles des Teure. — Nutation diurne de la Terre. . . 717 tissus reproducteurs normaux. : : 213 — Un appareil pour mesurer la vitesse de rotation Texxez — Le tunnel du SIpIER et les voies d'accès de la Terre . 881 francaises. AE SU RE EAN TA 1178 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES ——_——— U Université. — Conseil de l'Université de Paris. . . . 58 — Personnel universitaire. . . . . . . 414, 315,531. 800 — Université de jeunes filles en Russie. . . . . . . 173 — Le bureau municipal de renseignements scienti- fiques de l'Université de Paris. . . . . . . . . . 286 — L'Université de Paris en 1902-1903. . . . . . . . 314 — Conseil de l'Université de Paris. . . . . . . . . 375 — La Société des amis de l'Université de Paris . . 4179 V Vaccx. — Nouvelles recherches sur le vaccin de gé- NDIsSeCHIOLOIOTNE APE RE PRE 670 Vareurs. — L'utilisation des vapeurs d'échappement.4041 VaRIABILITÉ. — De l'influence de l'alimentation sur la variabilité fluctuante de quelques plantes. . . . 4156 VexEzuELA. — Contribution à l'étude des serpents veni- MENXSAUNVENEZUPIA M EN PEU PR NE 149 — Contribution à l'étude du café au Venezuela. . . . Vexixs. — Action physiologique et antidotes des ve- nins de la couleuvre et de la vipère . . . . . . 244 — L'action du venin du cobra indien sur l'organisme. 521 — Contribution à l'étude de l’action des venins des serpentsilefmer ee ee Cle 0 — Sur l'action du venin du Bungarus cœruleus (ser- PENTRAVÉ) RUES UC ER NENENRE 835 et d'autres corps. . Vennes. — Couleurs dans les verres métalliques et les pelliculestmétalliques WLM NE ViBkaTIONs. — Sur la propagation de la phase des vibrations et sur les interférences au voisinage d'une ligne focale. Nouveau mode d'observation et photographie du phénomène de M. Gouy. . . . . Vie. — Les problèmes de la Vie. 2e partie : L'Ontoge- nèseret Ses/problémes. PRE CREER Vicne: — La Phthiriose de la vigne..." "7 — Etndes anatomiques sur les vignes et leurs hybrides artificiels ts. Shore Me ee ON SE Vixs. — Les moûts et les vins en distillerie. . . . . — Le sucre et le vin dans l'alimentation du soldat. VirèRe. — Action physiologique et antidotes des ve- nins de la couleuvre et de la vipère . . . . . . . VivisECTION. — Vivisection et antivivisection. . . . . Vores FERRÉEs. — La conquête économique de l'Afrique panlesivoieslfercées EN EC RCE Voiture. — Voitures à vapeur en service public. . . VoLumÉrRie. — Les analyses agricoles par volumétrie BAZEUSE 12, UNS D AR CN RCE VEN Z Zoxes. — Le développement des ports maritimes et les zonesifranches "SNS NRC CRE Zoozocie — Revue annuelle de Zoologie. . . . . . . — Le 6e Congrès international de Zoologie (Berne, ALI Ta OUT AOOZ)PMENR LE NCUC PAE REE 211 8 251 962 351 TABLE A Abelous (J.-E.), 193. Abetti (A.), 368. Aboey (Sir W. de W.), Abraham (H.), 611. Abric (P.), 111, 152, 1006. Acéna (R Achard, 1054. Ackroyd, 570. Acqua (C.), 796. Adler (Aug.), 324. Adler (J.), 1103, 1104. Agassiz, 362. Aggazzotti (A.), 624, 796, 880. Agnola (C. A. Dell’), 1007. Agous, 208. Albert de Monaco (Le Priace), 617. Albini (S.), 219. Alcock (N.-H.), 211, 521. Alexandrotf (1wan), 910. Alezais, 320, 419, 520. Alix (J.), 731. 45. 208, 214, 665, 711, 834, 835, 1005, 1102. 567, 618, . de la), 105, 468, 667, 712, Allan (G.-E.), 1054 Allé (M.), 624. Alliot (H.), 466. Almansi (E.), 880. Almera (J.), 666. Aloy (J. ) 45, 208, 274, 519. Amar, 103. Amato (A.), 1103. - Ambart, 320, 519, 711, 1104. Amet (P.), 520, 112. Ammann (L.), 665. Ancel (P.), 103, 104, 158, 159, 160, 209, 2714, 320, 363. Anderlini, 623, 796, 880. Anderson (EH. k.) 366. Andouard (P.), 18, "519, 364. Andoyer, 466. Andrade (J.), 617. André (Ch.), 193. André (G.), 102, 362, 664, 665, 109, 1053. Andreasch (R.), 108, 612. Anfreville (Dr L. d'), 740 à 345. Angeli, 520, 523, 880. Angelico (F.), 523, 880. Angeloni (E.), 880. Anglas (J.), 207, 210, 515, 968 à 981, 1031 à 1040. Angot (A.), 191. Anthony on 207, Antipa, 1008. Appell (P.).5 566. , 287 à 299, 796. Appleyard (A |, ns 193. De Arber (E.-A.-N.), Archbutt (L.), 4 12 Archibald (E.-H Arctowski (H.), 7 Ardin-Delteil, 45 Arenberg (Prince d'), 363 1 Les noms imprimés en €earactères gras Sont ceux des auteurs des articles PHERAUS Les chiffres gras reportent à ces ar- ticles. Ariès (E.), 272 Ariès (L.), 102. Arkhangu: Isky (K.), 971. Arloing (F.), 46, 1103, 1151. Arloing (S.), 418. Armand-Delille (P.-F.), 1151, 1152. Armstrong (E.-F.), 669, 754. Armstro g (H.-E.), 669, 918. Arno (R.), 523. Arrhénius (Swante), jETE Arrous (J.), 1006. Ar-andaux (H.), Arsonval (A. d'), 160, Arth (G.), 41, 268, Arthus (M,), 320. Arup (P.-S.), 154. Aseoli (M. } 102, 505. Ashby (S.-F.), 1055. Aso (K.), 98. Astruc (A.), 661, 751. Aten (A.-H.-W.), 215, 280. Atkinson (G.-A. 58.) R'ÈPSE Attwell (H.-M.), 52 Aubel (Edm. van), 1, 750. Aubertin, 618, 666, 711. Auger (V.), 41, 213, 109, 1052, 4053, 1105. Auscher (Léon), 1146. Austin (L.), 819. Austin (P -C.), 1055. Autonne (L.), 49. 154, 565, 660, 1098. Ayné (P de 233 à 740. Ayrignac (J.), 1007, 1053, 1102, Ayrton (W.-E.}, 1154. Azoulay (L.), 160, #18. 151, 834, 879. 103, 158, 417. 208, 269. 215, 565 163, 959. 226 à 242, 196 à 714, 191, 1005, 1104. Babès (V.), 158. Babinski (J.), 45. Babu (L }, 741. Bachmann (P.), 315 Bagard (H.), 319, 362 Bagley (G ), 570. Baglioni (S.), 796, 880. Bailhache, 668, 710. Baker (J.-L.), 361. Bakhuis-Roozeboom 280, 1008. Balbiano (L.), 880. Ballanud, 879, 1053. Ballet (G.), 273. Balthazard (V.), 617. Baly (E.-C.-C.), 716. Bamber (M.-K.), 107. Bandl (E.), 163. Bar (P.), 209, Barbier (E) 115 Barbieri (H JE RS. Barbieri ({.), 880. Bard (L.). 45, 1005. Bardel, 712. Bardet (G ); 416. Barendregt (H.-P.), 572. Barger (G.), 213. Barjon (F.), 45. Barkla (C.-G.), 470. Baron (H.), 1155. Barral (Et.), 466, 467. (H.=W), 108, 215, 633 à 627, ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Barrier, 1103. Barré (Commandant), 156. Barrois, 103, 517, 565. Bartoli, 49. Barvik (H.), 165, Bascoul, 792. Bashford (E.-F.), 322, 366. Baskerville (Ch.), 214. Bastien (Louis), 1053. Bataillon (E.), 567. Bate (Mlie D.-M ), Battelli (A.), 196. Battelli (F.), 34, 46, 5617, 112, 152, 193, 1104, 1152. Battelli (J.), 666. Baubigny, 104, 276. Baud (E.), 151, 834. Baudouin (A.), 466, De Baudouin (M.), 461, Baudran (G.), 1150. Bauer (Ed.), 518, 959. Bauer (G.), 39. Baugé (G), 566, 620. Baumgartner (K,), 660. Bausenwein (E.-G.), 624. Bay (J.), 151. Bayeux (R.), 466, 519. Baylac, 1006, 1151. Bayliss (W.-M.), 620. Bazy, 006. Beard (S.-H.), 154. Beaujard, 320, TAA Beck (D' Richard). 613. Beck von Managetta, 1008. Becke (F.), 471, 624, 1108. Becquerel (H.), 159. 193. 214, 1006, 1054, Co 41150 Becquerel (J.), 565, 567, 616, 617, 665, 710, 791. Becquerel (P.) ), 565, 616, 109, 1053. Béhal (A.) 104, 106, 207, 241, 150: Béis (C.), 467, 110. Bellars (A.-E.), 366. Bellucci (J.), 279, 1007. Bemimelen (3 van), Bemmelen We Bendersky fe Benjamin, 2 Bennett ( k Rentals (R.), 209. Bérard (L.), 417. Bercut, 511. Berg (A.), 466. Berger (E.), 66 Bergeron FRE 408, Bergonié (J.), 207, Bergtheil (C.), 671. Berkeley (Comte de), Bernard (L.), 160, Bernard ,N.), 417. Bernardini (L.), 1007. Bernheim a )e) 957. Bernstein (| in (S 32% ; 208, 975, 419, 517, 666. 516, 714, TS. 546, 1054, 1151. PEER Berry (W. Ce ls 62 Berthelot (D.), 565. Berth-lot (M), 103, 106, 362, 565, 616, 665, 109, 150, 151, 1052, 1102, 1150. Berthier (A.), 1103. Bertiaux, 665, 713, 792. Bertrand (Ch.-Eug.), 416, 192 362, 418, 266, 1103, 664, 512, 1156. 1054. 566, 1053, 1150 Bertrand (G.), 102, 106. 275, 362, 663, 706, 917, 1053, 1150, 1454. Bertrand (P.), 1005. Berwerth (F.), 50. Berzolari (L.), 745. Bes (K.), 51: Beulavgue (L.\, 103, 363, 1055. Bevan (E.-J.), 522. Beyeriuck (M.-W.), 215 Bezaucon (F.), 614. Bianchi (E.), 49, 795. Bianchi (L.), 278, 368, 623, Bichat (E.), 208, 319, 566, 191. Bidwell (S.-H.), 669. Biermann (0O.), 624. Bierry (H.), 274, 666, Bigarl. 160. Bigourdan (G.), 466, 511, Bilinski (J.), 1055. Billard Es 1151. Billard (G.), 209, 274, 418, 419. Billet (A.), 418, 518, 567, 666, Billitzer (J. ), 163, 278, 471, 624. Bilon, 418, 616. Billy (M.), 47, 273, 1005, 1105. Biltz (W.), 917. Binet (Alfred), 916. Binet du Jassoneix, 102. Bisanti (Ch), 1006. Bissérié, 711. Blach, 470. Blaise (E.), 162, 207, 362, 363, 150, 191, 959 Blaizot, 1104. Blakesley (T.-H.), 276 Blanc (A.), 44 Blanc (G.), 55, 710, 876, 954, Blanchard (R.), Blanksma (J.-J.), 472, 627, 632. 1007. 616, 617, 144, 192,835: BITE 109, 834, 959; 420, 518, 102, 1053. 1006, 1151. 195: 158, 319, 363, 668, Blarioghem (L.), 1152. Blau (A.), 278. Bloch (A.-M.), 45, 209, 519, 752 Bloch (Eug.), 4%, 210, 664, 665, 1053. Blondlot (R.), 158, 272, 319, 362, 617, 66%, 109, 740, 750, 1102. Bloxam (W.-P.), 716. Boccardi (G.), 218. Bodin (E.), 1002. Bodroux (F.), 104, 363, 617. Boeckel (J.), 518. ” Bœdtker (E.), 565. Bog lan (S.), 664, 710. Bohn (G.), 103, 10%, 105, 159, 242 à 250, 273, 2174, 519, 566, 561, 618, 1005. 1006, 1053, 1054, 1102, 1103. Boidiu (A.), 44. Boinet, 320, 419. Bois (H. du), 277, 280. Boissoudy (J. de), SA5 à 823. Bolk (L.), 572. Bolton (Ch.), 918. Boltzmann, 1008, 1108. Bouacini, 796. Bone (W.-A.), 422, Bonne (I .-H.), 5 Bonnes (J.), 46. Bonnier &), 617. Bonniksen (B.), 322. Borcea (J.), 104%, 616, Bordas (F,), 417, 466, Bordas (L.); 152, 1104, Bordas (V.), 751. Bordenave (L.), 1151. Bordier (H.), 42, 751, Borel (E.), 10%, 207, Bôürnslein, 672, 755. 195. pote 622, 1106. 1053. 567. 1151. 1150. AS1 à 440. Boriolotti (E.), Borzi, 623. ose (K.-J.),46,195, 209, 363, 418, 159, 193. Bose (E.), 1052. 30ssert, #4. Bottomiey (J.-F.), 41. Bouant (Emile), 788. Bouasse (I1.), 145 à 13? Bouchard (Ch.), 617. Bouchet (Du), 752 152. Bouchonnet (A.), 44. (O.), 44, 208, 834. Boudouard Bougault (J. je 1102, Bouilhac, 103, 207. Bouin (P.), 274, 320, Boule (M), Boulouch (R.), Bouloumié, Boulud, 104, 362, 917, Bouman (L. Bouquet de Bourdeaux Bourgeois (Ct R.) non (M. et Mne), 618. 105, 104, 158, 303. 103, 104, 273, ? 208. GIS. }, 920. la Grye, 617. (L.), 1101. Bourion (F.), 362, 416. Bourquelot (Em.), 518, 835, 1102, 1103. Bousfield (W.-R.), 366. Boussinesq (J.), 103, 158, 272, 565, 834. Boutan ‘L.), Boutroux (P.), 417, 664, Bouty (E.), 518, 566, Bouvier (E.), Bouygues (Il.), Boy de la T 44, 1103. 46, 36, 709, 619, 668, 100, 103, 792. our, 781. Boyer (Jacques), 611, 876. Boy-Te:ssier, Brachin (M. 752. ), 131, 791. Bramwell (J. Milne), 1149 Branca (Alb.), 46, 274, 364, 19%. (R.), 520. Branco, Brandeis Brasil (L.), Brau, 419. Brault (D° 1005. J.), S98 à 909, 931 à | 913. Braun (F.), 323. Braunmühl (A. von), 611. Breal (E.), 959. Brenaus (P.), Breton (M.) Bricka, 320, 5 Briges, 46, Brillouin Brinkman (C.-H.), Briot (A.), 210, 657, 752, 189, 1101, 1104. Brissemoret, 1104. Broca (André), 44, 225, 468, 565, 566, 567. 664. Brochet (A.), 98, 159, 208, 272, 421, 518, 568, 617, 751, 1102. Brodie (Th.-G.), 669. Broeck (Ern. van den, 876. Broek (A.-J.-P. van den), 324, 195. Brôgver, 362. jrouardel {P. ), 45: brouwer (L.-E.-J.). 423, 524. Brown (H.-T.), 212, 470. Brownitig QE L H.), 194. Brumpt ( (E.) , 46, 468, 519, 567, 666, 834, 1005. AU: Brunel (L.), 102, 321, 1150. Brunet (Louis), 164. Brunhes (Bernard), 316, 515, 518. Brunhes (J.), 466. Bruni (G.), 215, 196, 880. Bruntz (L.), 160, 613. 792, 835. Buchanan (J.-Y.), 521, 751. >uchholz ( H. jp TA Buodin (P. 14, 618. Buisson ( (HL. \ kh. Bull (L.). 319, 416, 1150. Bullier {(L.-M.). 466. Burch (G.-J.), 569. Bireau (Ed.), 666, 1103. Burgatti (P.), 49. Burgess (C.-H.), 367, 422 Burgess (H.-E.), 122! 1055. Burggraf (G.), 278. Burke (Mile K.-B. ), 366. Burrard (S.-G.) 669. Burt (B.-C.), 1035. Busquet (H.), 209, 419. Bütschli (0. ), 624. Bylof (K %, 216, 664, ; 2? à 280. Marcel), ), 1008. 159, NE 1005. 519, 0. 419 160, 209, 161, 326 à 386. 617, 666, 1917 192 159 Bouveault (L.) \, 158, 193 à OA, 467, 709, 11È 213, 334 à 345. , 519. 710, 713. 29, 1053. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS C Cade (A.), 1151. Cadiot, 273. Cain (J.-C.). 106. Calcar (R. P.! Van), 424, 572 Caldecott (W.-A.), 1106. Caldwell (R.-J.) 669. Callandreau (0.) 212 Callegari, 796. Callendar (H.-L.), 276, 671. Calmet'e, 158, 518, 1051. Calvet (L.), 208. Cameron (A.), 1055. Camichel (C.), 192. Cohpasee (Em ), 620. Campbell (A -W.), 213. Camus (J.), 519, 567, 662, 193. Camus (L.), 269, 468, 793. Camus (M.), 46. Candlot (Es #1, Cannevel, Cantin | (8), “158. Cantonuet, 519. Capelli (A, 195. Capellini (G.), 396. CÉDHEN 160, Cari-Mantrand, Carmichael (G.-S ), 835. Carmichael (IL), 48. Carnegie (Andrew), 614. (PB), 520, 667, 1142; 463. 421. 1006, 1104, Carpenter (R.-P.), 716. Carpentier, 467. Carpini (C.), 880. Carracido (José R.), 562 Carrasco (0.), 796. Carré, 44, 47, 103, 208, 791, 1005. Cartauil (G.), 44, 791, 834 Carvallo (J.), 618. Castel (du). 209. Castex (E }), 516. Castonnet des Fosses (Henri), 101. Caullery (M.), 159, 209, 418, 594 à 610, S95 à S95. Caussade, 419. Caustier (E.), 286, Cavalié (M.), 160, Cavalier (J.), 416, 7 Cazalbou (L.), 518. Cazalis, 104. 580. Cesaro (E.), 523, 195. Chabrié (C.), 44, 207, 208, 319, 416. “Chaine (J.), 160, 419, 712, 793. Chaleil (P.), 1041 à 4046. Champetier de Ktibes, 751. | Chapeau (L.), 362, 365. Chapman (D.-L.), 367, 422, Chappuis (J.), 39. Chaput, 467, 561. Charabot (Eugène), 156, 208, 272, # 566, 661, 664, 709, 1005, 1103. Charazaïs (P.), 667. Charbonnier (Ct P.), Charlier (A.), 1103. Charon, 419 à 448, 1053. Charpentier (A.), 4%, 102, 103, 159, 207, 959, 273, 214, 3 320, 362, 363, 416, 417, 419, 466, : 5, 667, 616, 618, 664, 709, 712, 7 Charpy (D° A.),7 Charpy (G.), 1148. Charrin (A.), 272, 561, 150, 151, 192, Chassagny (M.), 203. T4. 186. 363, 193, 8, 833. 517, 520, Chasseloup- Laubat (de), 154. Chassevant (A.), 46, 319, 712. Chatin (J.), 834, 917. Chattaway (F.-D.), 214, 276, 323, 492, 154, 1107, 4155. Chaudot (A.), 1150. Chauffard (A.), 751. Chauveau, 269, 664, 665, 709, 710, 750, 191, 834, 959. Chauveaud (G.), 273, 416, 1102. Chauvel, 209, 666. Chéneveau 3, 664. 663, 792, Chenn (J.), 467, 519, 750, 195. Chesneau ((.), 461. Chevalier, 160, 310, 752. Chevrotier (J.), 362, Chiari (H.), 1008. Chavanne (G.), 104, 216. 4 Chikashige (M.), 276, Chistoui (C. ), 279, 196 Chofardet (P.), 517. Choffat (P.), 207. Chomé (F.), 1146 SROTRE | (d. he NS. Chree (C.), 216, 422, 568, 621. Chrétien ir, 517, 566, 710, 791, Christmas (J. de), 274. Chudeau (R.), 7202 à 204. Ciamician (G.), 219. Cingolani (M.), 279. Clairin (J.), 709. Clarke (G.), 1055. Claude (H.), 667. Clausmann (P.), 750, 792. Claverie (P.), 416. Clément (E.\, 416, 666. Clerc (A:), 459, 618, 6617, 152. Clerici (E.), 796. Clerget (P.), 43, 13% à 4 372, 430, 530. 632, 677, 966, 111%. Cligny (A.), 1054 Clos, 1052. Cloud (T.-C.). 671. Clowes (F.), 522. Cluzet, 158. Cobb (J.-W.), 214 Coblentz (V.), 214. Cohen (E.), 367. Cohen (J.-B.), 213, 367, 422, 671, 1106, 1154. Cohn (P.), 218. Colardeau (E.), 612. Colin (Léon), 1151. Colin (Le P. |. 518, 616. Collie (J.-N.), 715, 716, 1055. Co lin CESSE 45. Collins (S.-H.), 163. Colson (Alb.), 44, 321, 466, 518, 617, 151, 4102. Colson (Clément), Combes, 419. Co nmandeur, 417. Conduché (A.), 467, 520, 751, 791. Considère, 466. Contarini (M.-S.), 2178. Conte (A.), 158. Contremoulins (G.). 618. Cooper (W.-R ), 276. Copeman (S.-M.}, 522. Coradin (E.), 1 182 à 184. 299 à 305. Cordeinoy (H. Jacob de), 103, 208, Cordier (Marcel), 667, 1104. Cornaille (K.), 792. Corner (E.-M.), 670. Cornil (V.), 104, 209. Corpechot, 214, 711. Cotle (J.), 360, 752, 1104. Cotton (A.), 665, 709. . Couchet (Ch.), 208. Coudray (P.), 104. Coupan ((G.), 746. Coupin (C.), 518. Coupin (H.), 208. Courmont (J.), 43, 46, 793. Courmont (P.), 418. Couroux (A.), 1006. Courtade (D.), 320, 616, 666. Courtot (A.\, 791, 959. Coutagne (G.), 44, 103, 159, 201, 110. Couturier (A.), 832. Couvreur (E }, 1104. Coyne, 160, 520. Crémieu (V.), 319, 365, 466, 518 1150 Crendiropoulo (M), HS. - Cristiani (H.). 160, 274, 320, 752. …_ Crooker (J.-C.), 522. 43, 173, 371, 190, 841, TABLE ALPHABÉTIQUE DES Crommelin (C.- Croneau (A.), 154. Crooke S (sir W.), 9 Cross (C.-F.), 522. Grossley (A.- -W.), 276, 716, 1155. Cuboni (G.}, 50, 746. 662, 712, 148, 188, 1003. Culmann (P.), 876. Cumming (A.-C.), 48 Cunningham (Al), 669. Cureau (D! A), 638 à 65? 693. Curie (P.), 159, 212, 362, 466, 565, Curie (Mue Sù), 212. Curtel (G.), 917. Dagonet (J.), 1006. Dainelli (G.), 1008. Dakin (H.-D.\, 1055, 1106. Dale (H.-H.), 322. Dalfsen {B.-M. Van), 920. Dallmeyer (Thomas R.), 876. Damaye, 519. Dangeard, 159, 362, 566. 927 Daniel (L.), 273. Daniele (E.), 49 Daniels (C.-E:), 52. Danne (J.), 362, 416. Danysz (J.), 103. Darboux (G.), 45. Darby (J.-C.-H.), 267. Darier, 319, 710. Darwin “a 1192122708 Darwin (G. 34. JN2LS 1055, | Darzens (G.), 1102. Dassen (C -L.), 660. Dastre (A.), 1102, 1103. ,209, 519. 158, 819. 319, 1150. Daunay (R.) Dauphin (1. ). Dauphiné (A.), David (P.), 103. Davies (A.-M.), Davies (S.-H.), Davis (B.-F.), 48 Davis (0.-C.-M.), : 976, 1107. Dawson | IE En ), 367, 622. Dean (B. 7 Dean |G.), 10 ë 212, 191,959: Debourdeaux (L.), 10%, 158, 466. Debus (H.), 1055. Defacqz, 102, 159, Deflandre (Mile CI.), 1152. 1002. Delage (A.), oo Delamare A ) Delange (R.), 2 Delaporte, 154. Delaunay (H.\, 790. Delbet (P.), 666. Delcampana (D.), 50. Delden (A. vau), 218. Delebecque (A.,), 103, 1103. Delépine (M.), 102. Delezenne (C.), 10ë, Delorme, 711, 1151. Demainge (Dr), 618. Dembinski, 1151. Demenge |E.)., 34 à 83, 513. 240, 320, 711. Demoussy (E.), 207, 1102. Denier, 419. Denigès E ), 665. Dension, 23 ,; 1053, Dépéret (Ch.), 105. Derrien, 421, 519. Dervin (E.), 08. Desch (. “H.) ), 116: Deschamps (J.), 159. Cüénot (L.), 99,303 à 340, 516, 613, , 639 à Daublebsky von Sterneck, 163, 471. Debierne (André), 44 à 22,60 à 74, Dehérain (F.), 42, 310 à 314, 516. 110. | Dehérain (H.), 113, 526, 9.44 à 951, “373 , 520, 616, 709. Demolis (E.), 39, 266, 746, 910, 1000. 664, | Demoulin (A.), 138, 834. ‘ AUTEURS 1181 Descudé (M.), 518, 309. Desfontaines, 159. 363. Desfosses (P.), 101. 615, 749. Desgrez, 106, 1007, 1053, 1054, 1102, 110%. Deshayes (Dr), 1151. Deslandres, 44, 208, 617, 792, 1005. Desmots (H.), 319, 365. Detot (E.), 752. Devaux (E.), 418. Devaux (Henri), 36%. Devé (F.), 793, 1006, 1151. Dewar (J.), 159, 213, 569, 620, 791, 834, 918. Deyrolle (rie 1002. Dhéré (Ch.) Dibdin ( W. J à T0. Dick (W.-D.), 367. Diénert (F.), 317, 871. Dieulafé (L:), 209, 274, 418, 419. Dijk (G. van), 164. Dillaye (Frédéric), 831. Dillemann, 468. Dilthey, 215. Dinesmann, 1105. Ditisheim (P.), 517. Ditmar (R.), 324. Dito (J.-W.), 920. Ditte (A.), 616. Divers (E.), 106. Dixon (A.-C.), 669. Dixon (A.-E.), 323. 622. Dixon (H -B) , 410. Dobbie (J.), 106, 669, 716. Dobrovici (A), AS Doelter (C.), 163, 368, 672. Dogiel (J.), 791. Donau (J.), 107, 471, Donnan (K.-G.), 366. Dopter, 214, 618. Doran (R.-E.), 276. Dôrfler (J.), UE Dormaar (J.-M.), 795. Dorp (G. à .-A. va an 472. Douglas (S.-R.), 521. Doumer, VEe. Dourlen (J ), 1052. Doutté (Edmond), 270, 465, 1050. Douvillé, 103, 362, 517, 1103. Douxaimi (H.), 208. Doyen, 319. Doyon, 103,158, 160, 209, 273, 418, 467, 518, 519, 520, 666, 714, 750, 793. Drapezynski (V:);:278: Dreyer (G.), 66%, 959. Drugmen (J Drysilale (C.- (N Drzewina ), à Dubard (M.), +91. Duboc (E.), 462. Dubois (Ch.), 274, 364, 468. Dubois (E.), 108, 795, 1056. Dubois (R.), 207, 209, 274, 319, 363, 418, 419 1519: Dubreuil (L.), 4%, 1102: Dubuisson, 1006, 4007, 1059, 1104, 1152. Duchemin (R.), 1052. Duclaux (E.), 565, 567. Duclaux (J.), 158, 319. 417 Ducloux (L.), 468. Ducretet (E.), 275. . Duddell (W.), 569, 115%. Dufet (H.), 618. Dufour, 517, 518, 565, 567 Dufourt, 519. Dufton (A.), 622. Dugast (J , s05 à 512, 547 à 559, 1049. Duhem (P.), 44, 218, 319, 416, 417, 466. 517, 565, 616, 664. Dumolarii (H.), 209. Dumont (J.), 159, 617. Dumoulin, 119, 193. Dunstan (A.-E.) Dunstan {W.-R.). Dupare (L.), 363. 7 Dupouy (R.), 274. Duquêne (Emile), 706. 1182 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Durand (S.), 102. Dureau, 959. Duval (H.), 102. Dyé (L.), 467. Dyke (G.-B.), 1106. E Easterfield (Th.-H.), Easton (C.), 919. Eberhardt (Ph.), 517 Eder (J.-M.), 268. Edwards (R.-W.-K.), 522. Effront, 714, 835. Eginitis (B.), 566. Egorov EU pee Ehrenfeld (R ), 1 Ehrenhaîft (F.,, cn Einthoven (W. ) 172 Ekenstein (W. Elliott (R.-H.), Enriques, 623. Enriquez (Dr), Eredia (F.), Eriksson (J.), 710. Esmonet, 468, 1151. Espine ( Ad. d'), 1053. Everett (J.-D.), 276, 569. Ewan (Th.), 361. He (J.-A.). 468. Exner | A.), 324, 672. Exner (F. }, 50, 471. Byhian (E.-H.), 108. 570, 671. 1055. perda van), 215. 194, 835. ge ,® 19 F Fabre (L.-A.), 103. Fabre (Paul), 467. Fabry (Ch.), 102, 362, Æ1T, 665. Fabry (L.), 208. Fage (L.), 617. Fairmaire (L.), 99. Falciola (P.), 368. Farman (M.), 517. Farmer (J.-B.), 213. Farmer (R.-C.), 48, 1155. Farrelley (0.), 709. Faton, 208, 1102, 1150. Fauré (Em.), 467, 567, 752, 193. Fauré-Fremiet (E.), 1054, 1103, 1104, 1151214152: Favé, 461. Favrel (G.), 164. Fawsitt (Ch.-Ed.), 323, 622, 1106. Fayet (G.), 517. Fayrer (Sir J.), 714. Fehr (H.), 97, 426, 358, 1000. Kenestre 213. Féré (Ch. jh 467, 518, 835, 1006. Fernbach (A.), 103, 272, 417. Fernet, 752. Ferré (G.), 793. Ferret (P.), 273, 214, 320, 419, 567. Ferrus, 158. Féry {Ch.), 420, Figard (L.), 833. Findlay (Al.), 366. Finnemore (H.), 716. Fischer (C.), 470, 879. Fischer (F.), 413. Fisher (H-K.-C.), 267. Flahault (C.), 362, 956. Flandrin (F ), 210. Fléchet (M.), 1102. Fleming va N 470, Éleurent, AE ), 402. Fliche, ph ere ( Au 5. Flixe, 114. Florentin, 419. Floresco (P.), 1152, Flusin (G.\, 1151. Foà (C.), 50, 624. Fo (Mie A.), 368, 1007. Fock (A.), 254 à 265. Forchheimer (Ph.), 163. 110%. 671. -Gariel, 160, Forcrand (de), 158, 1103. Ford (J.-S.), 522, 570, Forel (F.-A.), 363. Fornara (C.), 880. Forster, 276, 410, 522, 671, 1107. Fortin, 665, 712. Fortineau (Ch.), 1054. Fortner (M.), 471. Fosse (R.), 207, 319, 517, Foucault (Dr), 618. Fouët (Ed.-A.), 91. Fouqué, 362. Foureau (F.), 665. Fourneau (E.), 416, 850 à S5$8. Fournier (vice-amiral), 1150, Fournier (G.), 1150. Fournier (V.), 1150. Foveau de Courmelle, 104. Fowler (A.), 569. Fox (J.-J.), 243. Fraichet (L.), 208. 750, 1005. Franchimont (A.-P.-N.), 1008. Franchis (M. de), 795 Francis (F.-E.), 276, 570, 1107. Franco (S. di), 196. Francois (M.), 44. Francois-Franck (Ch.-A.), 45, 210, 364, 567, 618, 666, 711, 1054. Frankland (P.-F.), 470, 110 Fraser (Malcolm A. -Cy 95 Fraser (sir Thomas R.), 79 Frémont (Ch.), 1150. Freundler (P.), 207, 275, 321, 619. Friedel (G.), 151, 191, 792, 879, 1005. Friedel (J.), 518. Friedman (H.), 1008. Friend (A.-N.), 422, 1106. Friswell (R.-J.), 323. Fritel (P.-H.), 515. Fritsch (R.), 624. Frobenius, 423. Froidevaux (H.), 4002. Froin (G.), 105, 712, 1006, 4103. Fromeut (J.), 46. Frouin (A.), 274, 320, 418, 468, 618. Fruictier (Paul). 224. Fubini (G.), 523, 880, 1007. Fusari (R. \ 624. 159, 160, 752, 192; TAUUIGEE 4. 4. 566, 617, Gagnière, 319. Gaitfe, 208, 275. Gaillard (G.), 417. Gaillard (LU), me Gain (Ed.), 4 Galeati (D. LS en Galeotti (G : 21 9, 368, 880. Galimara ü, , 616. Galland, 2) 320. Gallerand (R.), 518 Gallo (G.), 796. Ganot, 746, Gard (M.), 955. Gardner (W.-M.), 622. Garelli (F.), 368. 269. Garnier (Ch.) , 45, 46, 160, Garnier (L.), 274. Garnier (M.). 46, 519, Garrett (A.-E.), 715. Garrett (C.-A -B.), 621. Garrigou (F.), 517, 665. Garrigue (L.), 417. Garros (KF.), 710. Garry (H.-S.), 716. Gasnier (Paul), 102. Gasperini (0.), 880. Gateclifie (J.), 1106. Gatin (C.-L.), 319, 666. 1054, S 7111, 719, 835. Gatin-Gruzewska (Mme Z.), 665, 917, 1151. Gaudry (A.), 45, 103. Gault (H.), 750, 959. Gaultier (R.), 518. Gauthier (D de 362. Gauthier (J.-C.), 320. Gautier (A.), 108. 150, 792, 4053. Gautier (C1.), 46, 711, "110£. Gautier (L.), 113. S (J.), 418. Gavard, 752. Gay (Alfred), 267, 413, 1098. Gayet, 192. Geay (F.), 112. Gehrcke (E.), 623. Geikie (sir A.), 212 Geiser (C.-F.), 571. Gellé, 419. Gemmel (G.-H.), 422. Gendre (E.), 793. Gengou (0.), 466. Gentes (L.), 46, 1054. Gentil (L.), 192, 834. Genvresse (P.), 566. Gérard (E.), 667. Gerber (C.). 151, 752, Gernez (D), 109, 791. Gerrits (G.-C.), 920. Gessard (| Geuns (J.-W. von), Geyer (G.), 108. Gheury Quant 671. Ghilarducei (F.), 880. Giard (A.), 104, 159, 274, 3 712, 1148. Gibello, 421, 566. Giford (J.-W.), 521. Giglio-Tos (Dr Ermano), 563. 194. 245: Gilbert (A.), 46, 159, 209, 364, 418, 519, 152, 1007, 1054, 4103, 666, 667, 711, 1151. Gill (sir David), 212. Gimel (G.), 466. Girard (Ch.), 1099. Girard-Mangin (Mme), 617, 666, 667, 111, 152, 192; 1152: Girello, 158. Giustiniani, 103, 207, 959. Glangeaud (Ph.), 157, 360, 370. Glazebrook (R.-T.), 276, 569, 911. Gleichen (A.), 98. Gley (E.), 45, 465, 664, 152, 4109, 4103. Glogau (A.), 368. Glover (Dr), 670. Gimo-Salazar, 192, 835. Godchot (M.), 1005. Godefroy (L.), 103, 104, 467. Goeldi (D' Ewilio A.), 662. Goldstein (E.), 571, 612, 1108. Golesceano, 319. Gomont (M.), 159. Goodson (Miie E.-E.), 622. Goodwin, 362. 421, 668. Gorczyuski (L.), 207. Gordan, 511. Gornall (F.-H.), 671. Gorter (M.-A.), 424. Gosio (B.), 624, 796. Gosselet (J.), 751. Gouget, 105. Gouin (A.), 46, 364, Gouraud, 274. Gourmand, LE Goursat (E.), Gradenwitz (Alfred), 49, 107, 163, 245, 218, 324, 345 à 350, 367, 423, 4170, 471, 823, 511, 619, 194, 919, 1012, 4108, AA40 à 1445. 519. Graetz (L.), 1107. Gramont (A. de), 203, 151. Grancher, 710. Grand'Eury, 273, 362, 363, 416, 710: 1053. Granger (A.), 319, 751. Grassi, 219. 7493, 196, 1007. Grassot (E.), 4 120. Gravier (Ch.), 959. Gray (A.), 620, 670, 672. Gray (Th.), 716, 105. Green, 366, 412, 1055. Green (Alan B.), 670. Greenhill, 321. (Ge), 319, 16, 1005, 1006, 1007. 20, 18, 518, 795, 819, 880, TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Gregory (R.), 365. Gréhant (N.), 418. Greig (E.-D.-W.), 670. Greilach (P.-H.), 471. Grenet (H. ), 45, 716, 152: Grenet (L.), 959. Griffin (M. -L.), 367. Griffon (Ed.) 158. Grignard (M) 158" DAT: Grille, 103. Grimal (E.), 363, 1103. Grimbert (L.), 518. Grôger (M.), 624. Gros, 47, 160, 1151. Grossmann (J.), 162. Grosvenor (G.-H.), 212. Grosvenor (W.-M. junior), 622. Groth (Dr Rent bent 317. Gruet (Ch.), Crdbure LU). 978. Grüneisen, 755. Grunmach (L.), 918. Gruvel (A.), 710, 750. Gruvel (G.), 751 Gryns (G.), 52. Guébhard (A.), 272, 1152. Guédras (M.), 518, 617, 792. Guépin (A.), 959. Guglielminetti, 105, 711. Guglielmo (G.), 49, 279. Guiart (J.), 1006. Guichard, 207, 272, 416. Guilbert (C.-F.), 316. Guillaume (Ch.-Ed.), 47, 166, 528, 619, 676, 911, 925, 958, 1000. Guillaume (J.), 207, 411, 517, 792, 1150. Guilleman, 421. Guillemin (A.), 103, 416. Guillet (L.), 44, 208, 665, 834, 917, 959. Guilliermond (A.), 418, 833, 4150. Guilloz (Th.), 460, 567, 618, 112, 835. Guinchant, 566, 710, 791. Guiraud, 834. Guntz, 959. Guttmann (O.), 162, 672. Gutton (C.), 5 F, 208, 319, 467, 665. Guye (Ch.-Eug.), 155, 917. Guye (Ph.-A.), 517, 566, 664, 1052, 1147 Guyon (F.), 320, 616, 666. Guyot (A.)! 159,462, 208, 324, 710, 959. H Hackford (J.-E.), 622, 1107. Hadamard (J.), 39, 44, 315. Haga (T.), 106. Hagen (E.), 324. Haïtinger (L.), 672. Haliff (Mie E.), 1006. Hall (A.-D.), 716. Haller (A.), 102, 106, 1455, 208, 273, 321, 565, 566, 620, 709, 710, 750, 959. Hallion, 792. Hallopeau (L.-A.), 791. Halluin (M. d'), 792, 793. Hamburger (H.-J.), 791, 105. Hamonet, 106, 417, 467, 665, 710. Hamy (M), 466, 467, 565. Hann (A.-C.-0.), 106, 367, Hann (J.), 218, 624. Hannay (J.-B,), 422. Hanriot, 276. MT, 520. Hanson (E.- K. ), 216, 1106. Hardwick (W.-R.), 322. Harger (J.), os Harker (J. A .), 469. Hartley (E.-G.-J.), 715. Hartley (P.), Nec Hartley (W.-N.), 716, 1155. Hartmann (Henri), 34 à 38. Hartmann (J.), 423. Hartog (M.), 664. Harvey (T.-F.), 622. Hasenôhrl (F.), 367, 624. Hatt, 668. 1055. 204, 320, 1005, 566, 620. Haug (E.), 403, 517, 665, S42 à S50, 1103. Haussmann (K.), 755. Hawthorn (Ed.), 210. 106, 208, 317, 109, 832, 1005. Heckel (E.), 103, 272, 1103. Hedin Le Sven), 832. Heim (F.), 363, 835. Heinisch ({W.), te Helbronner (P.), Helmert, 794. Hemmelmeyer(F. von), 624. Hemptinne (Al. de), 416. Henderson (G.-G.), 1055. Henneguy (F.), 209. Henning (F.), 410. Henri (V.), 45, 46, 47, 105, 273, 214, 319, 363, #16, 419, 617, 666, 6617, 741, 712, 752,792, 834, 835, 1005 à 40530, 1054, 4066 à 4081, 1104, 41429 à 4440, 1150, 1152. Henrich (F.), 3 324, 1108. Henriet (H.), 159, 566, 710. Henry (Ch.), 102, 266, 709, Hébert, oo, 1052, 1150. 1053, 1102, AAA Henry | HOME 59, Benseval | Dr), 8 a Hepp (M.), 214 Hepperger (3. von), 107. Herdmann (W.-A.)., 1100. Hérissey (H.), 518, 519, 4102, 1403. Hérisson (A.), 44. Herlitzka (A.), 880. Herpin (A.), 519. Herrenschmidt (H.), 1005, 1102. Herrera (A.-L.), 915. Herscher (M.), 46, 519. Hertwig (O.), 570, Hervé (H.), 109, 710. Hervieux (Ch.), 519, 709. Hérying, 45, 209. Herz (N.), 368, 1108. Herzig (J.), 411, 624. Herzog (R.-0.), 51 Heurteau, 1102. Hewitt (J.-T.), 213, 622. Hibbert (H.), 106, 754. Hildebrandsson, 514. Hittorf (J.-W.), 212. Hnatek (Ad.), 471. Hocevar (F.), 416, 471. Hoek (P.-P.-C.), 920. Hœærnes (R.), 624. Hofer (H.), 471, 672. Hot (Van't), 571. Hoffmann (K.), 665. Hôhnel (F. von), 1008. Holbling (V.), 98. Holetschek (J.), 1055. Holland (Th.-H.), 669. Hollard (A.), 41, 47, 158, 713, 714, 141, 192. Holleman (A.-F.), 108, 215, 412, 920, 1008. Holmes (J.), 106. Holroyd (G.-W.-F.), 323. Honda (K.), 568. Hopwood (A.), 622. Horn (G.), 471. Hornung (Th.), 751. Horton (F.), 621. Houard (C.), 104, 317. Houdas, 617. Houdet, 665. 241,643, 665, 324, 494, Howard (B.-F.), 277 Howard (D.), 410. Hubert qi 102: Hubner (J.), 4170. Hubrecht (2 “ -W.), 572. Huchard (H.), 1151. Hudson 10 10622: Huggins (sir William), 212. Hugot (C.), 710. Hugounenq (L.), 51 Huuwubert (G.), 202, Huon, 320, 752. Hussak (E'), 624 17, 750. 667, 1047. 1183 Hutton (R.-S.), 277. Hyde re -$.) Hyle (T.-R.), 4106. I Iliovici, 617. Imbeaux (D' Ed.), 317. Imbert HA ) Imbert (L.), Ingle (H.), A Inglis (9 -H.) .), 836. Irvine | (J.-C.), 1055. Istvanfii (G. de), 319, 362 Ivert (Dr A.), 414. Ives, 1104. Jaccoud, 45, 1151. Jackson (D.-D.), 622. Jackson (F.-H.), 213. Jacob, 566, 1150, 1151. Jacobsohn (D.), 519. Jacot-Guillarmod (Dr J.), 661. Jacquet, 209. Jaeger (F.-M.), 108, Jaffé (A.), 423. Jäger (G.), 163, 367, Jagot (Albert), 110%. Jahnke (E.), 524. Jammes (L.), 109, 791. Janczewski (Ed. de), 151. Janet (Paul), 787. Janet (Pierre), 792. Janse (J.-M.), 1156. Janssen (J.), 207. Japp (F.-R.), 4107, 1155. Jaquerod (A.), 517, 710, Jarre, 104. Jaubert (G.-F.), Javal, 45, 105, 2 110%. Jeandelize (P.), 160. Jeannel, 411. Jeanselme (L.), Jégou (P.), 272. Joannès (A.), 664, 792. Jobin, 468$. Joffrin (H.), 417. Joffroy, 1053. Johnson (F.-M.-G.), 48. Johnson (K. RS 870 Jolly, ner 208, 835, 1054. Jolly (G.-J,), 669. Jomier (I), 418, 1007, 1103, A1SA. Jones (D.-T.), 1154. Jones (H.-0.), 2135. Jonker (H.-G.), 1056. Jordan (C.), 319, 416. Joseph (A.-F.). 622. Josias, 1053. Josué (0.), 1152. Joteyko (Mlle J.), Jouaust (R.), 791. Joubin (L.), 1734 à 482. Jouguet, 709, 750, 1053. Jouhaud (L.), 210. Jouon, 752 Jousset (P.), 1104. Jouty (A.), 103, 160. Jowett (H.-A.-D.), 214, 276. 1 Julias (W.-H.), 480 à 495, 755, 920, 1155. Jully (A.), 561. Jumelle (H.), 41, 915. Jungfleisch (E.), 710, 751. Jungius C.-L.), 412, 572. 195,920: 1108. 150, 1053. 1053. 59, 418, 419, 193, 1006, 1101. 102, 567. 1102. K Kaas (K.), 1108. Kachpérov Macaigne (Mme de), 710. L Kamerling Onnes, 408, 472, 920, 1455 118% TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Kannapell (A Kapteyo (J. Kapteyn (W. Kareff (N.), 158, 461, 518, 519, € 160, 520, 666, Karpen (N.-V.), 212, 420. 209, 273, , 214, 518, Keesom (W.-H.), 51, 108. Kelsch, 467, 792, 14053. Kempe (A.-B.), 212. Kenner (J.), 622. Kenzie (A.-L.-M.-C.), 323. Kermorgant, 45, 319, 467, 752. Kidston (R.), 213. Kietfer (J.-J.), 99. Kiesow (F.), 50, 368. Kipping (F.-S. ÿ 106, Kirechbaum (F. 163. Kirmisson, 18. Klein (C.), 874. Kling (A.), 467, 520, 565, 619, 1052, 1154. Klobb (T.), 416. Klug (L.), 100. Kluyver (J.-C.), 50, 1008. Knapman (H.), 917. Knett (J.), 624. Kœnig (D' E.), 209. Kænigs (G.), 1053. Kohlrausch, 410, 755. Kohn Abrest, 1052. Kobn (S.), 1008. Kohnstam (Ph.), 571. Kôüniz (Julius), 1000. Künigsberger, AU Korteweg (D.-J ), 755 Kossmat | (F.), 368. Kowalski (J. de), 1022272975: Krantz (L.), 110% 1132, Krauss (R.), 417. Krempf (A.), 664, 1053. Kreusler (H.), 795. Krogh (A.), 1102. Kronecker (H.), 102. Kropatschek (W.), 672. Krouchkoll, 616. Kuenen (J-P.), 51. Kunckel d'Herculais, 665, 666. Kunst (J.), 164. Kunstler (J.), 419. Kurlbaum (F.), 107. Kuyper (H.-P.), 395, 1156. 214, 323. L Laar (J.-J. Van), 51, 280, Labbé (Alph.), 10%, 710. Labbé (H.), 616, 665, 1103. Labbé (Marcel), 43, 100, 614, 1054. Labergerie, 1151. Laborde (A.), 565. Laborde (J.), 159. Laboulais (A.), 159, Lacombe (H.), 104, 362, 565. 920. Lacroix (A.), 103, 104, 41%, 1150. Ladreyt (F.), 666, 792. Lagarde (Dr), 320, 518. Lagatu (H.), 1151. Lagrange (Dr), 666. Lagriffoul, 104%, 618, 711. Laguesse (E.), 213, 1007, 4082 à 1097. Lalou (S.), 46, 105, 274 Laloue (G.), 566, 664. 1103. Lambert, 159, 361, 362, 363, 567, 666. Lambling (E.), 562, 912. Lamy, (IL), 45, 835. Lancereaux, 363, 711, Lancon (J.), 4005 Landau (Ed.), 919. Lander (G.-D.), 671, Lane (J.-H.), 1154. Lane (M.-J ), 1107. Lang (H.), 4156. LangeJaan (J.-W.), 79%. Langevin (P.), #7, 160, Langley (J.-N.), 366. Langlois (J.-P.), 45, "M8, 835. 151% 1154. 1953, 1153. Langstein (L.), 471. Lanuelongue, 273, 466, 917. Lapicque (Louis). 465. 519, 666, S35, 1054. . Lapie (Paul), 878, 916. 1 Laporte, 616. Lapworth, 106, 367, 1055, 1153. Larcher {0.), 105. Larguier des Bancels (J.,, 956. Larmor (J.), 212, 621. La Rosa (M.), SS0. Lasserre, Be Latarget (A.), 1151. Lauder (A 106. Lauder Brunton (Sir), 714 Laufer, 209, 274, 1053. Laulanié, 1152, Lannay (L. de), 99, 103, 386 à 404, 464, 5117, Launoïis (P.-E.), 46, 468. Launoy (L.), 159, 274, (l 159, 207, 363, 613. 168, 616, 750, Laurent ( Lauriol É y 168. Laussedat (A.), 616, Laussedat (Dr), 618. Lauth (Ch.), 620. Lauth (G.), 566. La Vaulx (H. de), 309. Lavaux (3! ), 4130. Laveran A, 459, 468, 518, 710, 712, 151, 1006, 1050, 1052. Lavergne (G.), 30 à 33,98, 155, 203, 514, 746. 9111 1147. Laws (H.-E.), 1154. Leach (F.-P.), 754 Leau (L.), 1005. Lebailly (C.), 959, Lebar ( (Léon), 1101. 110, 83%, STd. 273. 363, 834, 416, 878, 417, 959, 1005. | Debes (P.), 102, 664, 665. Le Bec, 363: Lebert (Eug.\, 664. Lebesgue (H.), 102, 710, 952. Lebon (E.), 923. Lecaillon (A.), 1151, 1152. Le Chatelier (Alfred), 83 à 86, 271 Le Chatelier (H.), 1103. Lecher (E.), 361. Leclerc du SUR 103. Leclère (A.), 158, 362. Lecoq de PA 1150. Lecornu (L.). 319, 561, 616, 617, 1053. Le Damany, 273, 663, 1053. Le Dantec (A.), 1054. Le Dantec (F.), 46. Ledebur (A.), 40, 1147. Le Dentu, 273. Le Double (Dr A.-F.), 708. Ledoux (P.), 664. 1052, Leduc (S.), 568, 1150. Lees (F.-H.), 522. Lefas, 1104. Lefèvre (de), 4 5, 459, GIS, 667, 711, 1151. Léger (L.), 666, 1055. Le ighton | Fe JE) 2 Lelreuvre (M.), 202, 706, 953, 1048. Lemoine, 207, 362, 365, 468, 668, 792. Le Monnier, 618. Lemoult (P.), 417, 466, 517, 566, 750, 151, 83%, 879, 4005, 1150. Léonardon (H.), 474. L'Eost, 709. Lépine (R.), 104, 209, 362, 917, 1005. e Play, 214, 363, 418, 711, 792. Le (M.). 466. Lereboullet (P.), 666, 711, 752, 1054, 1151. Leredde (L.-E.), 157, 418. Léri, 520. Leriche (R.), 1006. Le Roux (F.-P.), 617, Leroux (H.}, 1052. 191% Le Roux (J.), 102. Lesage, 519, 567, GIS, 666, 667, 714. Lesieur (Ch }, 4404. Lesné (Ed.) hs. T2, 793, 835. Lesné {P.), 7 Lespieau nn 272 2, 517, 568, 1052, 1105. Le Sueur (E.-A.), 410. Le Sueur (H.-R.), 214, 671, 1407. Letheule (P.), 316, 359, 661, 706, 741. Létienne(D'A.,361,614, 9914 à 999. Letulle GE : 21 4. Levaditi {C.). 45, 417, 666. Le ares 1150. Leven (G.), 419. Lévi Civita (T:),.523,1623. Lévy (Lucien), 317. SRE P.), 660. Lewis (W.-H:), 422, 1155. Lezé (R.), 210, 787, 832. Libert (L.), 917, 1403. Lieben (A), 1008. Liebschutz, 164. Liétard (A.), 319. Lilienfeld, 879. Limon, 835. Lioder (S.-E.), 7 Lindet (L.), 106, 1154. Ling (A.-R.), 48 Linossier (G.), 160. Linshauer (K.). 324. Liouville (R.), 787. Lippmann (A.), 159, 209, 364. Lippmaon (G.), 517, 1053. Livon (Ch.), 210, 419, 152, 1104. Lobry de Bruya {C ZA), 424, 512, 795. Lockyer (Sir N°), 269, 669, 836, 917. Lockyer | M1: 8. b 169, 669, 917. Locquin, 520, 566, 619. Lodge (O.), 329. Lodin (A.), 1103. Lœbl (E.), 278. Læper (M.). 210, 468, 519, 711, 1151. Lœwy (M.), 158, 796, 1150. Loir (Adrien), 415. Loisel (G.), S6 a 96,144à153,160, A14, 418, 419, 667, 131, 191, 793. Lombroso, 418, 793. Londe (Albert), 562. Lopez (B. Gutierrez), 749. Lorand {A.), 418, 468, 1151. Lorentz (H.-A.), 324. Lorié (J.), 324, 494, 519. Lortat-Jacob, 160, 110%. Lortet, 750. 913, 660, 665, 1103, Lôschardt (J.), 624. Louis (H.), 107. Louste (A. j, 210. Tderie (J. de), 617. Lovisato (D.), 279, 880. Lowe (F.-H.), 522. Lowell (P.), 1052. Lowenthal (N.), 871. Lowit (M.), 1055. Lowry (Th.-M.), 570 Lubac (Eu), 818. Lucas-Championnière (J.), 417, 751. Lugeon (M.). 1103. Lumière (A.), 362, 616. Lumiére (L.), 362, 616, Lumumer (O.), 48, 211, 523. Lustig (A.), 279. Luther (R.), 755, 1099. Luttringer (A.), 959. Maccarone (F.), 796. Macé de Léninay (J.), 44, 104, 416. Machart, Lee Machat (J.), 101, 206, 414, 967 à 323, 91%, gBS. Mache (H.), 471, 1156. Mackenzie G -T.), 622. Macnab (W.), 522. Macoun (John), 758. Mader, 664. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Magini (R. ), a 568. Magri (L he 523, 196. Mailhe (A. 907, 212, 616, 792. Maillard nas #5 0944959; Maillet (Edm.), 207, 272, 466, 517. 274%, 561, 618. Maire (R.), Maitland (W.), 1107. Majorana (Q.), 368, SS0. Malaquin (A.), mue Malassez (L.), 752, 193, 1152. Malelis (L.), 10 53, 1450. Malfitano (Gr), nn 160, 1103. D NEMNRS hi 51 Mallock (A 13, Malloizel, ii, 712 Malmgrem (SA M) SCD Mameli (E:), 196, 1007. Mancini (Ernesto), 50, 624, 196, 831, 880, 100$. Mandoul (H.), 709, 748, 791. Manea, 1006. Maneuvrier, 746. Mangin (L.), 204, 273. Manouvrier, 418, 419. Manouvriez (A.\, 518. Manson (Patrick), 708. é Maquenne (L.), 102, 103, 106, 159, 208, 213, 362, 421, 665, 668, 707, 109, 1102! 1154. Marage, 212, 567, Marboutin, 467. Marceau (F.), 565, 616, March (K.), 709, 750. Marchadier (L.) 0, 617, Marchais (Dr), 666, 792. Marchal (P.), 418, 712. Marchand (E.), 791. Marchand (L.), 1006. Marchi (L. de), 195. Marchis (L.), 202, 747, Marcolongo (R.), 831. Marey, 105, 269, 565, 567, Marie (A.), 468, 711. Marie (C.), 208, 363, 219, 368, 1102. 710, 150, 959 666. 910, 1098. 618. 566, 109, 954, 1005, 1099. Marignac (J.-C. Galissard de), 203. Marinesco (Dr G.), 363, #18, 518, 792, 1103, BAG à 4429, 1151. Marmorek (A.), 105, 160. Marquis (R.), 208, Fo 876. Marshall (A.), 277, 671, 836. Marshall (H sh 669. Marshall (J. } 422, Martel (E.- À.) 45, 213, 467, 834, 1052 M5 Martin | En Martin (K. ÿ Martinelli ( é Martiny Æ. js Martonne |E. de Marx (E.), 107. Mascart (J.), 1150. Mascart (L.), 1099. Massee (G.), 365. Mathesins (W.), 889 à S93. Mathias /E.), 791, 792. Mathieu (X.), 320, _ Matignon (C.), 44, 4 421, 1053. Matsumoto (IL.), 216. Matthey (Ed.), 169. Matthews (J.-M.), 367. Maunoury, 417. Maurain (Ch.), 416, 713, Maurange (Dr Gabriel), 1622 œ 17, 617, 151, 567. 104, 276, 362, 416, Maurel (E.), 45, 46, 519, 567, GLS, 667, 711, 352, 1006, 1007, 1054, 110%, 1152. Maurel (L.), 1103. Mauté (A.), 666. Mavrojannis, 46. Maxwell Garnett, 715. Mayer (A.), 45, 46, 105, 273, 274, 419, 666, 111, 752, 835, 1015 à Den: 1066 à 1081,1129 à 41140, 1150. Mayer (Ch.), 665. Mayet, 1053. Mazé (P.), 664, 791, Mazzuchelli (A.), 4 879. Mc. D. Hé (W.), 570. Me Gill (A.), 470, AU Me Intosh (D.), 674, Mc Kee (G.-W.), un El Mc Kenzie (AL), 1055. Me Lellan (B.-G.), 510. Megliola (G.), 50. Meyer (St.), 624. Mevyerhoffer, 571. Meyrick (Ed.), 669. Michel {Ch.), 616, 667. Michel-Lévy (H.), 272. Micheli (F. J. ), 1103. Michon (J.), 666. 1185 Meige (Dr Henry), 157, 205, 448 à AGA, 663, 887, 958. Meilink (B.), 920. Meillère (G.), 105. Meldola (R.), 470, 1154. Mellor (J.-W.), 367, 671, 1106. Ménétrier, 666. Mengel (0.), 103. Mercanton (P -L.), 664. Merceron-Vicat, 463. Mercier (L.), 618, 712. Mercier (P.-Ad.), 1141. Mérieux, 68. Merk (L.), 50. Meslin (G.), 467, 584 à 593, 652 659. Mesnager (M.-A.), 104. Mesnil (K.), 159, 209, 416, 418, 394 à à 640, 834, 878, 895 à S9$8, 915, 1006, 1050. Metchuikotf (E.), 665. Metz (G. de), 834. Meunier (J.), 363. Meunier (L.), 102, 160, 273. Meunier (SU), 103, 159. Meyer (A.), 416, 835. Meyer (Ed.) 104, 207, 273, 214, 320, AT, 5 Meyer (F Meÿer (H.), 324%, 471. Meyer (J.). 466, 616, 66%, 791. Micklethwait (Mie F.-M.-G.), 216, 570, 1055. Mignon (Maurice) Mignot (Dr Roger Millau (E.), 1053. Miller (G.-A.), 466. Miller (J.), 213, 1154. Millochau, 664, 1005, 1052. , 45. ), 1149. Millosevich, 49, 368, 523, 795. Mills (E.-J.), 672. Minguin , 44, 161, 319. Mioni (G.), 46, 105, 210, 18, Miquel (P. Mirande (M Mittag-Leffler (G.), 218, 466. Mœæhlenbruck, 566. Moissan (H.), 102, 207, 211, 417, 1053. Moitessier (J.), 1054, Molisch (H.), 1008. Moll (J.-W.), 1156. Moll van Charante (J.), 4008. Molliard (M.), ee 1108, 1103. Mond (R. L.), 272 Monfet | L.) ), 45. Monfrin, 45. 167, 1151. Mongour (Ch.), 46, 419, 105%. Monier, 320 Monnier {D.), 155 Monnory ( (H.) \, 430. Monod {Ch.), 519, 152. Mont (A.), 164. Montagnard !V.), 43. Montagne (P.-J.), 1005. Montana y Florez, 467. Montangerand (L.), 319. Montel (P.), 272. Montessus de Ballore, 104, £ 617, 192, 1052, 1102. Moore (Benjamin), 669. Moore (C.-W.), 48. Moore (J.-E.-S.), 213. 567, 363, HA 416, 566, 616, 665, 709, 1008, 1052, | 622 22; Moore (R.-W.), Morache (G.), 878. Morat, AA Morawetz (W.}, Morchoisne, 616, Mordret, 711. Moreau (G.) 566, 4103. Morel, 267, 273, 467, 519. Morel de Villiers, 417. Moreux (abbé Th.), 315. Morgan (G.-Th.), 570. 754, Morrell (R.-S.), 276, 366, 1 Morrow (..), 212, 1054. 1107. 1108. 665, 193 ; 1103. 1055. 106. Mosenthal (I. de), 522, Mosny, 835. Mossé (A.), 42. Mosso (A.), 219, 368, 523, 196, 880. Motais, 418. Motet, 45, 1151. Mouchet (Alb,), 468. Mouchet (H.), 566, 751. Moudy (G.-T.), 47 Mouillefert (P.), 268. Moulinier (R.), 835. Moulton (J.-K.), 1107. Mouneyrat (A), 46, 41. Moureaux (Th.), 103, 466. Mouret (G.), S31. 3.), 106, 22 à 332, D, Mourre (Ch.), 667, Moussu, #4, 46, 105, 158, Moutier (A.), 416, Mouton (H.), 665, 709. Mühlberg (K.\), 748. Muir (Robert), 191. Muirhead (Al.\, 669. Muller, 210, 518, 959. Mulon (P.), 209. Munaron (L.), 279, 796. Muratet (L.), 46, 160, 210. Murmann (E.), 624. Murray (J.-A.), 322, 366. Muskens (L.-J.-J.), 1056. 459, 791, 1 N Nabias (R. de), 419. Nagaoka (II.), 568. Nagel (O.), 107. Nageotte (J.), 105, 160. Nalepa (A.), 108, Nasini (R.), 523, 623, Nathorst (A.-G.), 617. Nattan-Larrier (J.), 209. Nattan-Larrier (L.), 46, Needham (E.-R.), 213. Negris (Ph.), 192. Nestler (A.), 1108. Netter, 518. Neu (L.), 1052 Neumayer (V.-L.) 1008. Neville (A.) 570. Newcomb (S.), 1008. 196, 207, 319, 567, 616, 4102: T51° 218, 1108. 580. 519. 520, 616 567. Nicloux (M.), 45, 159, 518, 519, 565, 566, 616, 666, 112, 150, 193, 834. Nicolardot (P.), 417, 421, 1153. Nicolas ( E) Le Nicolas (J.), 46, 418, 112/M108: Nicolle (Ch ne 363, 518, 667, 1006, 105%. Nicolle (M.), 834. Nielsen (N.), 215, 616, 665. Niessl von Meyendorf, Niewenhuis (A.-W.), Nittis (de), 104. Nobécourt (P.), 1151. Noc (F.), 418. Noë (G.) 50. Noé (J.), 152, Noël (C.), 665. Nordmann (Ch.), se Normand, 102, 208, North (B.) 622. Nuttall (G.-H.-F.), 669. 105. 519, 193, 833. 50. 666, 1 DATe 1007, 1008, 1156. 110%, 665. 1186 [o] Obermayer (A. von), 367. Ocagne (M. d’), 39, 104, Oddo, 320, 667, SS0. Oddone (E.), 279, 623. 1146. Olivier | ou 1 Olivieri (F. -M.), 66: Olmer, 667. Olmes, 320. Omow (W.-N.), 672. Onfray (Dr René), 270. Oppenteim (S.), 1108. Osmond Ne Fa 191, 834, 1001. Ostwald (W | #1, 1008, 1099, 1147. O’Sullivan (I), 132 Oswald (Dr), 105: Oudemans, 280, : Ouspensky (A + 795, 1056. Pacaut (M. , 266. Pacini (D), 49, 796. Pacottet (P.,, A58, 207, 710, 750. Padeé (Henri), 261 à 867%, 1150. Padoa (M.), 623, 796, 880. Page (Th.-H.), 422, 1055. Pagès (C.), 519. Pagniez (P.), 519, 567, 662, 193. Paillot (R.), 158. Painlevé (P.), 665. Pairault (E.-A.), 359. Paisseau (G.), 468, 567, 667, 112. Palacios (G. Delgado), 877. Panisset, 1102. Para (G.), 624. , Paris (A.), 205. Pariset, 520. Parker te -G.) 536. Parona (C.), 368. Parravano (N.), 1007. Parsons (F.-G.), 322. Pascal (E.), 49, 158, 1007. Pastrovitch (2), 278: Patein (G.), 616, 667 Paterno | (E a 279. Patterson (Th. SNASTOMETENTAG: Paul (R.-W.), 1106. Paulesco (N. Se ), 109, 750. Pauli (W. ), 4il. Pautrier (Dr L.-M.), 790, S35. Pavillard (J.), 1005. Pavinsky, 1053. Pawinski (Dr), 1151. Payne (E. Me M.). 836. Peachey SJ. ), 106. Pearce (F. à Pearson (Ke) 2 Pécheux (H , 518, 565, 664, 665. Péchoutre PE 205, 859 à S74. Pélabon (H.), 207. Pellat (H.), 212, 362, 365, 566, 750. Pellegrin (J.), 1052. Pellet (A.), 207. Peilini, 623, 1007. Pellonx (A.), 880. Pelseneer (P.), 959. Perdrix (L.}, 1104. Perez (Ch.), 275, 419, 618, 112, 793, 835. Périer (Ch.), 209. Perkin (A.-G.), 106, 276, 366, 754. Perkin (F.-M.), 276. Perkin (Jun. W.-H.), 213, 366, 522 Perman (E.-P.), 918. Pérot (A.), 44, 272, 362, 713. Perraud (J.), 467, 519. Perreau, 792. Perrier (A.), 191, 879. Perrin (Jean), 106, 420. Perrin (M.), 835. 568, 665, Perrot (Emile), 318. Perrot (F.-L.), 517, Perrotin, 362, 879. Perruchon (L.\, 1005. Periz (D.-F.-M.), 793. 1053. Petavel (J.-E.), 271. Peters (K.), 672. Petit (J.), 406, 208, 272, 421, 518, 568 617, 151, 1402. Petit (P.), 467, 566, de 832. Pettit (A.), 105, 274, 320, 468, 667, 712 Pfaundler (L. je 918. Pfelfer (W.). 1008. Philippar ‘Ed.-V.), Philippe, 273, H8, DE 1102, 1154. Phillips (C. -E.-S.) 569. Philoche (Me C h). 416, 419, 665, TI, 834. Phipps (E.), 106. Phisalix (C.), 44, 46, 105, 273, 214, 363, 617, 711, 191, 835. 1151. Picard (Al.), 1102. Picard (Em.), 159, 272, 110, 791, 1063 à 4066, 1102, 1150. Picciati (G.), 368, 623. Pickard (R.-H.), 570. Pickles (S.-S.), 1106, 1154. Pidoux (Justin), 910. Pieri (G.), 50. Piéri (J.-B.), 631. Pietra-Santa (J. de), Pigeon (L.), 413, 959, Pinard (A.), 209, 417. Pincherle (S.), 49, 795. Pintza (AL), 750, 1052. Pionchon (J.), 358. Piat-bey (J.-B.), 518. Pitres (A.), 27. Pittsluga (Dr Gustavo), Pittard (Eug.), 664, 959. Piva (U.), 880. Pizzetti (P.), 278. Plancher (G.), 219, 796. Planchon (P.), 104. Planck (M.), 754. Platania (G.), 417. Plessis de Grenédan (du), 414. Plimmer (R.-H.-A.), 106. 1051. 1049. M5. Pochettino (A.), 49, 279, 796, 1007, Poincaré (H.), 466, 517. Poincaré (Lucien), 40. Poirier, 209. Polack (A.), 664. Poilak (J.), 471. Pollak ( W. von) 105 15. Pollok (J.-H.) 1106. Pomeranz | C:), É fe Pompeiu (D.), 1103. Poncet | A as 1006. Ponsot (A.), 159, 208, 363, 417. Pope (W.-J.), 106, 470, 1055. Porak, 618. Porcher (Ch.), ), 160, 417, 466, 617, 109. Porter (T.-C.), 106, 212. Portheim LR. von), 1108. Portier (P.), 793, 835. Posternak (S.), 46, 519. Potier (F.), 105. Potron (A.), 83%, 1150. Pottevin (H.), 208. Pouchet (G.), 752. Pourcel QUES Power (F.-B.) Pozerski (E.) Pozzi-Escot, 1150. Precht (J.), 277, 423. Prenant (A. 419. 564, 871, Prentice (B.), | 4145 hs Price (Th.-Sl.), 1106. Price (W.-A.), 162. Pringsheim (E.), 523. Probst (M.), 163. Procter (H -R.), Przibram (K.), 3617, Puiseux (P.), 466. Pulhij, 163. Purdie (Th.), 1055. 98, 139, 213, 421, 665, 834, 100%. 214, 1107. 1108. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Q Quennessen (L.), 1053. Quiucke (G.), 367. Quintaret (G.), 191. Quinton (R.), ‘1103, 1104, 11450, 111, Rabaté (Edmond), 485 à 195, 108. Rabaud (Et.), 1151. Radzikowski (C.), 664. ER AE Arthur), 790. Raffy (L.), 709, 750. Ramakers (L.), 759. Rambaud, 565. Ramon y ‘Cajal (S.), 46, 364. Ramond (F.), 210, 364, 793, 1006, 1054, 1104. Ramsay (sir W.),217 611, 624,744. Ranse (F. de), 319. Raper (H.-S.), 367, 1055. Rappin, 1104. Ratz (FL), qe Ravaz (EL), Raveau | C. “6, 362, 364, 413. Ray (P.-C.), 422 He 1155. Raybaud (A), 320, 419, 520. Rayleigh (Lord), 1, 491. Raymond, 518, 752, 792. Raynaud (Dr L.), 210. Reclus (Dr Paul), 564, 751, 1006. Reeb, 1150. Regaud (CL), 45, 105. Reselsperger (G.), 223, 285,32 662, 618, 888, 1014, 1062. Regener | F:), 194. Rehnier (Paul, 950 Rehns (J.), 160, 363, 519, 792, 835, 1006, 1054. Reiding (J.), 1008. Reina (V.). 795. Reinganum (M.), 1107. Reiss (R.-A.), 1048. Remfry (F. GP: ) 1455 Remlinger (P.,, 160, 209, 363, 1006, 4103. Remoundos (G.!. Renan, 44, 565. Renard (Ch.), 665, 750. Renard {colonel}, Renard | (ie 192. . 10, 581 à 583, 193, 834, 208, 665, 834. 511,565: 102, 566, 617, 1052, 1053. Renault (B.), 566. Revaut cs 45, 10%, 273, 667, 712, 835. Rengade (E ), 362. Renouf (N.), 1158. Répia (Ch.), 751, 105%. Repossi (E.), 368. Résal (J.), 1053. Retterer (Ed.), 46, 104, 711, Reudler (Mi!e J.), 572. Reynès, 461. Reynier, 209, 1053. Rheden (J.), 278. Ribadeau-Dumas (L.), Ribaucourt (E. de), 749, Ribaut (H.), 795. Ribierre, 468. Richard (J.), 158, 617. Richardson (F.-W.), 423. Richardson (Mie H.), 666. Richarz (F.), 214, 423. Richer (P.), 105, 207. Richet (Ch.), 274, 319, 3 567. Richet Ch. (fils), 752, 7 Richon (L.), 160. Ricome (H.), 879. Ricquiet, 667. Riesz (F.), 879. Rietsch, 667, 732. Righi (A.), 1007. Rimini (E.), 49 LD 45, A8, 1006. 1149. 20, 404 à 411, TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1187 Rimatori (C.), 49, 523. Schaak (M.-F.), 716. Smith (W.), 622 Risler (E.), 1098. Schalfers (V.), 208. Smits (A.), 164, 920. Rist (E.), 45, 418. Schell (A.), 50. Smolensky (PB. : Rivière (G.), 710. Schenck ti ), 244, 493: Snyder (Carl.), 9: Rix (M.), 164. Scheuble (R.), 278. Sodeau (W.-H.), 107. Roaf (Herbert E.), 669. Schidlof (A.), 917. Soddy (F.), 621. Roberts (W.), 106. Schlagdenhauffen (F.), 272, 1150. Solvay (E.), 272, 566, 710. Robertson (J.-G.), 716. Schlesinger (L.), 466. Somigliana (C.), 623, S80. Robertson (Ph -W.), 1155. Schlæsing fils (Th.), 102. Sommelet, 10%. Robin (A.), 360, 413, 567, 1151. Schmid (Th.), 1055. Sonstadt (Ed.), 1175. Robin (Gustave), 705. Schmidlin ( 664, 665, 109, 917, 959, | Soprana (S.), 796. Robin (L.), 517. 1005, 4052, 1102. Sorel (E.), 462. Roche, 879. Schmidt (M. von) , 164. Souchon (A.\, 43. Roché (G.), 157. Schmitt, 211, 519. Souleyre (A.), 371. Rocherolles (J.), 272, 421. Schnabel (C:); 6142. Soulié, 792. Rocques (X.), 318, 360, 563, 788, 832, Schnarf (K.), 1108. Southerdeu (F.), 570. 1049, 1099. Schneider, 421. Sowter (R.-J.), 323. Rodet (A.), 104%, 105, 618, 711. Schæller (A.), 953. Spencer (A.), 671. Rœderer, 959. Schôünfeld (G.-A.), 1008. Spencer (J.-F.), 213. Roger, 206, 361. Schônfliess (A.), 1008. Spencer | W. Ep 193. Rogers (L. Fe 241, 714. Schônichen (D' Walther), 148. Sperling (E. ), 218 Rogovsky (E .), 402. Schotti, 423 Spiess (C.), 518, 519. Rogues de Fursac (J.), 205. Schoute (J.-C.), 52. Spilmaon, 618. Romburgh (P. van), 424. Schuute |P.-H.), 52, 108, 164, 215, 279, | Sprankling (Ch.-H.-G.), 422. Romeu (A. de), 1110. 280, 324, 424, 479, 524, 519, 155, 195, | Stæbhelin (R.), 322. Romme (D' R.), 8178. 920, 1008, 1056, 1156. Stachling, 159, 162. Rose (T.-K.), 366. Schreber (Dr K.), 266. Stark (J.), 2178. Rosell (A.), 1115. Schreier (A.), 164, 471. | Starke (H.), 163. Rosenberg (E.), 413. Schubert (J.), 623. Starling (E.-H.), 620. Rosenbusch (K.), 1008. Schuh (F.), 471, 755 Stassano (H.), 45. Rosenthal (G.), 45, 667. Schulten (A. de), 751. Steele (B.-D.), 48, 714. Ross (R.), 792. Schulze (G.), 107. Stefani (C. de), 523. Rossi (G ), 880, 1007. Schweidler (E. von), 107, 624. Stefanini (A.), 523. Rothé (E.), 665, 667, 959. Scott (Al.), 410, 522, 716. Stefanowska (Mile M.), 207, 1102. Rothschild (H. de). 210, 742. Scott (D.-H.), 322. Steklotf (W.), 665, 710: Rouget (J.), 561, 667. Ségonzac (marquis de), 464. Step (J.), 1108. Roule (L.), 103, 363, 666. Seguy (G.), 150. Stephan (P.), 210, 752. Rousse (J.), 102. Seilhac (Léon de), 157. Stern (A.-L.), 323. Rouvière (Ulysse), 106. | Sejourné, 511. Stern (Mlle L.),320, 466, 1054, 1103, 1104. Rouville (Et. de), 45. Seligman (C.-G.), 322. Sterns-Fadelle (F.), 707. Roux (E.), 273, 532 à 5414, 616, 1103. | Sella (A.), 796, 8S0. Stillwel (A.-G.), 622. Roux (J.-Ch.), 159. Sellier (J.), 275. Stockings (W.-E.), 569, 570. Rowland (H.-A.), 40. Sencert (L.), 618. Stocks (H.-B.), 422. Rubens (H.), 217, 324, 928 à 934. Senderens (J.-B.), 44, 273, 566. Stodel (G.), 46, 105, 27#, 835. Ruffer (M.-A.), 418 Senft (E.), 324. Stotfaes (abbé), 7 746. Ruhemann (S.), 366, 1055, 1107. Seuier (A.), 1055, Stoffel (A.), 164. Runge (C.), 423. Senter (Georges), 1105. Stok (J.-P. van der), 155, 1155. Russell (W.-J.), 947. Sergent (Ed.), 209, 6617, Strahl (H.), 52. Rutherford (E.), 714. Sergent (Et.), 209, 667. Strasburger, 423. Rutten (J.), 494. Seurat Es ), 320. Sträter (E.-A.-J.-M.), 215. Rynberk (G.-A. van), 51, 52, 164. Severi (F.), 1007. Stroobant (P.), 910. Sevestre, 752. Strutt (J.-J. 569. Seyewetz (A.), 158, 268, 421, 566. Sturany (R.), 624. S Sharwood (W.-J.), 622. Suarez de Mendoza, 417. Shattock (S.-G.), 322. Sudborough (J.-J.), 106, 422, 754. Sabareanu (G.), 711, 835, 1104. Shaw (P.-E.), 621, 669. Suess (Ed.), 212, 471, 1008, 1053. Sabatier (Armand), 103, 207. Shaw (W -N.), 1753. Sulzer (D.), 44. Sabatier (P.), 44, 207, 272, 273, 566, 616, Shelford-Bidwell, 353. Sumpner (W-E.), 1154. 792. Shenstone (W.-A.), 521. Supino (F.), 368. Sabouraud (Dr R.), 789. Shiple-y (A.-E.), 669. Suyver (F.-J.), 920. Sabouret, 319. Sicard, 364. Swinburne (J.), 2176, 830. Sabrazès (J.), 46, 160, 210. Siebenrock (F.), 367, 471. Swyngedauw (R.), 1147. Sachs, 4170. Siemens (F.), 363, 467. Sy, 565. Sadtler (S.-S.), 422. Siemens (J.), 616. Sypkens (B.), 1156. Sagnac (G. je 212, 362, 151, 753. Siertsema (L.-H.), 280. Sabhulka (J.), 163. Sigalas (C.), 618, 795. Saillard (E.), 562. Silber (P.), 279. T Saint-Martin (L. de), 710, 835. Silberrad (0.), Fe 510, 671, 1106, 1155. |. Salet, 517. Sillar (W.-C.), 835 Taboury (F.), 467. Salmon (E.-S. ja Silk (H.), 622. Tacconi, 623. Salmon (P.), 71! "006. Simmance, 106. Taffoureau (Ed.), 192. Salomon (M.), IÉ54, 1151. Simmonds (Ch.), 522. Tanimes (Mie T.), 1156. Salomon (P), 519. Simon (L.), 45, 204 Tariel, 619. Salomonsen (C.-J.), 664, 959. 664, 668, 693 : Tatlock (R. a ) 1222: Salvioni (E.), 196. Simonet, 318, 959. HENERRAE 106, 1154. Salway (A. f.), 323. Simpson (G:=C.),': ssig (C.), ee Sand (H.-J.-S.), 622. Sisson (G.), 367. ylor (Mlle M.), 570. Sande Bakhuyzen (E.-F. van de), 108, | Sittig (E. A 624. Tchitchkine (A.), 1006. ; 1008. Skinner | 162. Tedone (0.), 593: Sanders (C.), 50. Skraup à CH), 624 | Teisserenc de Bort (L.), 103, 210, 514, Saporta (A. de), 317, 354 à 35%. Slator (A.), 1055, 1155. ne ER) Sarasin (Ed), 1103. Sluiter (C. 2H.) ), 215, 424, Témoin (Dr), 666. Sarraun (.), 565: Slyper | H.-J.) : 020. Termier (P.), 103, 362, 517, 959, 1005, Sauerwein (Ch.), 104, Smith (Cl.) 510. 1052, 1053. Saugon (L.), 566, 714. Smith (D.-A.-L. baron Strathconna), 917. | Terrier (F.), 193. S o NA0D2: ! Smith, 322, 569, 620. Terroine (E.-F.), 11e 419. Sauvez (Dr), 916. Smith (Mi!: A.-E.), 213. Tessier (R. ), 1049 Sawyer (J.-E.-H.), 670. Smith (R.-G.), 214, 1007, Thaon (P.), 711. ul "e . 1185 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Thiercelin, 210. Vaquez, 468, GIS, 793, 1006. Weigert (F.), 755. Thiroux, 750, 1053. Varenne (E.) \, 102, 104, 467. Weil (Albert), 352. ‘Thomas (V.), 709, 192 Variot (G.), 1150. Weil (P.-E.), 667, 152: Thomason (W.), 6 Vaschide, 414, 879, 1102. Weinek (L.), 50, 368, 624. Thompson di. Le ) silesco Karpen, 364, 953. Weir Mitchell, 792. Thompson (S LM V'agilescu, 667. Weiss (F.-J.), 360 Thomson (R. Æ% Velardi (G. ), 523 Weiss (G.), 42, Des 98, 105, 269, 1150. Thornton (W.-M.), 315 SN | Verdun, 273. Weiss (P.), 103. Thorpe (J.-E.), 1155. Verneaux (René), 462. Weizmann ‘Ch.), 1106, 1154 Thorpe (T.-E.), 106, 213. | Vernet, 419, 520. Wellstein (J.), 26 Thoulet (J.), 104, 273, 542 à 547, | Verschafñelt (E.) Welsch (J. 666, 751, 1005. Verschaffelt (J.- W enckebach | (K. -F.), 52 Thovert (J.), 102, 272, 917. Versluys {W ue : Wenzel (F.), 164, 471. Tichomirow (W.), 191. Viala (P.), 158, 304 4, 7, 213, 665, 710, | Werner (A=L:), 1666, T1. Tifeneau, 102, 467, 730, ST. 750. Werner (Mme A.-L.), 666. Tilden (W.-A.), 470, 620, 622, 754. Viard, 565, 619, 791. Werner (E.-A.), 1055, 1106. Tillaux, 1006. Vidal, 105, 562, 711, 752. Wertheim-Salomonson (J.-K.-A.), 215 Tinkler (C.-K.), 106, 716. Vieille (P.), 4053, 1102. Wertheimer (E.), 214, 957. Tisserand (E.), 665. Vierhapper (F.), 108. Wery (G.), 1099. Tissot |C.), 160, 362, 1005. Vigier (P.), 416, 664. Wettstein (R. von); 108. Tissot (J.), 44, 46, 105, 158, 617, 664, | Vignon (L.), 518,566, 959. Weulersse (G.), 912. 666, 667. Vigouroux (E.), 565. Wheeler (R.-V.), 1106. LURANENS (A:.-W.), 213, 4106: Vi iguier (C. N 416, 518, 709. a or M.-A.), : Toldt (K.), 278. Viguier (R 191. Widal (F.\, 45, 405, 118. Wet 193, 1096... Tommasina (Th.), 565, 1052, 1103. Vilar, 1008” Wionecke (Ernest), 1000. Tonier {G.), 919. Villard (J.), 46, 711, 750. Wiernsberger (P.), 102, 617. Tonni-Bazza (N.), 218. Villard (P.), 568, 617, 661, 713, 1152. Wiesner, 616. Tornani (E.), SS0. Villaret, 667. Wilberforce (L.-R.), 106. Touchet (Em.), 517. Ville (J.), 421, 519. Wildeman (E. de), 466, 617, 915, 959. Toulouse (E.), 519, 617. Villemin, 209. Wildermann (M.), 272. Tournade (A.), 105. Vincent (H.), 160, 320, 567, 667, 708, | Will (W.), SO à S11. Tourseux, 710. 710, 1002. Willcock (Mile E.-G.), 1106. Toxopens (A.), 100$, 1155. Vincent (Louis), 666. Williamson, 565. Trasbot, 792. Viol!e (J.), 1005, 1104. Willons (R.-S.), 715. 4 Travers (M.-W.), 409, 669. Viré (Armand), 363, 417, 1150. Wilson (Harold A.), 715. Traynard, 207, 1052 Vitry. 519, 666, 751, 793. Wiman (A.), 158. ‘rèves (D° % 73 5 2 285, S24 à Vivanti (G. ), 1098. Wind (C.-H.), 51. 229. Voerman (G.-L.), 108, 324. 3 Winfield (H. B, ), 510. Tribondeau, 275, 105%. Vogel, 423, 513. Wiukler (C.), 51, 164. Triboulet, 666, 711. Voisin (J.), 1104, 1152. Wintrebert, 468, 520, S34. Trillat (A.), 104; 207, 363, 418, 421, 665, Voisin (R.), 1104, 1152. Wirth (A.), 324. 712, 1053, 1104, 1105. Volterra, 49. 362, 1150. Wirtiuger QUES 163. Triolo, 1006. Vournasos, #1. Wisser (A.-W.), 324. Tripier (R.), 1003. Vries (H. de. 280, 423. Wittebolle (R | 612. Troost, 102. | Vries (G. de). 219, 1008, 1155. Witz (Aimé), 154, 267, 358, 513, 1098. Trotman (S.-R.) , 4107. Vuillemin (P.), 159, 616. Wlaeff, 667. Trouessart (E. ET ‘nt k, 364. Vurpas (CL.). 414, 517, 617. Wolfbauer (H.), 672. Troussaint (D'), 320 Wolff (J.), 103, 417. Trovanelli (A.), Wolff (L.-K.), 424. Tschermak (A.), 323. W Wood (A.\, 620. Tscherne (R.), 624. . Wood (J.), 4107, 1153. Tuffier, 666. Waals (J.-D. van der), 51, 108, 920. Wood (R-W.), 162, 709. Tumlirz (0.), 163, 624, 1008. Wade (J.), 716. Worstall (R.-A.), 422. Tur (Jan), 209, 835. Wadmore (J.-M.), 214. Wrede (F.), 410. Turchet, 1105. Waelsch (E.), 163, 1008. Wright (A.-E.), 521. Turchini, 66%. Wager (H.), 211, 669. Wurtz, 46, 159, 468, 567. Turpain (A.), 275, 531, 713. Wauner (R.), #13. Wynne (W.-P.), 470. Tatin (F.), 406. Wahby (Aly). 618, 711. Wyrouboff (G.), 420. Twiss (D.-F.), 1155. Wabhl (A.). 566, 619, 668, 750. Fymstra (Bzo Sr) 2150 Wahl /Maurice), 1050. Tyrer (Th.), 367, 672 Wahlen (E.). 160, 210, 214, 363. Y ot Taleeis Arr AS Tzitzéica (G.), 319. VAR Ter (J.-0.), 918. ON UE Walker. 323, 469, 671. Young (Sydney). 9S1 à 991. U Walker (C.-E.), 213. Young (W-H), Te Walker (G.-T.), 669. A EU Ulpiani (C.), 1007. Wallenberg (G.), 44. von, 666, 1053. Unger (L.), 672. Waller (A.-D.), 211, 194. Urbain (G}), 104, 362, 565, 566, 714, Wallerant (F. ? 103, 517, 1103. Z 1005, 1852. Walter (L.-H. jh 468. Uriarte (L.), 1006. W arburg E.), 163, 194, 879. Zachariades (P.-A.), 209, 320. W arburg I.), 819. Zahradnik (K.), 624. Warming, 362. Zakrzewski (C.), 412, 920, 1155. V Warth (F.-G.), 1155. Zaky (A.), 1053, 1054, 1104. Wassilieft, 103. Zawmbonini (F.), cu Vaccari, 1007. Watkin (E.-L.), 1054. Zehenter (J.) ,. 10 Vaillant (L.), 66%. Watson (E.-R,), 366, 1055. Zeiller (R.), 45, 363, 515, 1058. Vaillant (P.), 518, 566. Watson (H.-G.), 48, 716. Zellner 1 ErTAE Vaillard, 419. Watson (W.), 216, 323. Ziehen (Th.), 1056. Valeur (A:), 879. Watteville (C. de), 208, 272, 836. Zimmern, 566, 192. Vallée, 791, 1102. Watts (W.-W.), 669. Zipser ( (A.), 408. Vallot (J.), 102. Weber (A.), 2 914, 320, 419, 561. Zittel (Karl von), 104. Vaney (C.), 158. Weber (H.), Zoëlss (P.-B.), 107. Yansteenberghe (P.),, 105. Weber PE } Zolla (D.), 268, 107, 1100. Vant'Hoff, 423, 470. Weeder (J.), 008. Zoretti, 362, 517. Vanzetti {L.), 219, 880. Man À.) 49 Zwaardemaker (H.), 920. — PARIS. — L. MARETHEUX, IMPRIMEUR, il RUE CASSETTE MES —< "4 Là v+ Q RATS ES fe se = De rar LT CE T7 sr ÈS = I, * ne LA CUT OMASS ANS NI KA LRQ K\ RASE RAS de | RASE va RE QI IN K KA Ki À AN = Z CRRTLÉ 7 FZ ER eZ PLTEELEL PÉE ARRET \ \ _ su - LL LAS, æ ZE 22 ÉTÉ À ARTE a ii ii . AA CHEN il 1 Ê LL ER LEZ AIN Ut ARS Hi nn ù qu 4 Lo \