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REVUE ÉGYPTOLOGIQUE
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE
M. EUGÈÎs^E REVILLOUT.
SEPTIÈME VOLUME.
215291
LABOREMUS!
PARIS
EENEST LEROUX, ÉDITEUR,
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASUTIQUE
DE L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, DE L'ÉCOLE DTJ LOUVRE. ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
1896.
VIENNE. — TYr. ADOLPHE HOLZHAUSEN.
IMPRIMEUR DE LA COUR I. & R. FT DE I/UNIVFRSITl^..
TABLE DES MATIÈEES.
Numéro I.
Une importante découverte. Papyrus contenant le célèbre discours inédit d'H3"péride contre Athéno-
géne (suite), (E. EEviLLorT) 1
Le poème de Pentaour (suite), (Vicomte J. de Rougé) -21
Planchettes bilingues (E. Revillout) 29
Papyrus grec inédit relatif à l'impôt des pécheurs 39
Numéro II.
Notice des pap3"rus archaïques (extrait), (E. Re\tlloi"t) 41
Avant-propos sur le code de Bocchoris 45
Introduction historique sur l'administration et l'organisation légale des terres dans l'ancienne Egypte.
— A. Époque précédant l'invasion des Hyksos G7
B. Époque qui suivit l'invasion des Hyksos 81
Numéro III.
t D'' Victor Re^illoct 105
Deux anciennes lois du pays d'Accad (Victor Re^llout) 106
Quelques documents historiques de Bocchoris à Psammétique I'"' (E. Revillout) 111
Règne de Bocchoris 111
Règne de Shabaku 116
Règne de Tahraku 124
Règne de Piankhi II 144
Des donations d'enfant à l'époque copte (suite), (Fr. de Villenoist) 146
Une prophétie messianique ass) rienne (Victor et EroÈsE Revillout) 149
Mission de la Revue égyptologique 152
Revue bibliographique loi
Numéro IV.
Une prophétie messianique assyrienne (suite), (Victoe et Eugène Revillout) 153
Textes égyptiens et chaldéens relatifs à l'intercession des vivants en faveur des morts (Victor et
Eugène Reitllout) 164
Le poème de Pentaour (suite), (Vicomte J. de Rougé) 182
Les deux préfaces du papyrus Prisse (E. Revillout) 188
Des donations d'enfant à l'époque copte (suite), (Fr. de Villenoisï) 199
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REVUE ÉGYPTOLOGIQUE
PUBLIÉE SOUS LA DIEECTIOX DE
M. EUGÈNE REVILLOUT.
ERNEST LEROUX, EDITEUR
LIEBAIEE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE, DE L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC. ETC. 28, EUE BOXAPAKTE, 23, A PARIS.
Vn« Volume. N° I. 1892.
La REVUE EGYPTOLOGIQUE paraU tous les trois mois par numéros de six feuilles au moins, avec
planches, fac-similé etc. — Aucun numéro ne se vend séparément.
Prix de l'abonnement annuel : Paris 30 fr. — départements 31 fr. — Etranger 32 fr.
Sommaire : Tne importante découverte. Papyrus contenant le célèbre discours inédit d'Hypéride contre Athénogène (fin), (EcGÈXE Eevilloct). — Le poème de Pentaour isnite), (Vicomte J. de F.ocgé). — Planchettes bilingues (suite), (E. E.). — ■ PapjTus grec inédit relatif à l'impôt sur les pécheurs (E. R.).
UNE IMPOETANTE DÉCOIRŒRTE.
PAPYRUS CONTENANT LE CÉLÈBRE DLSCOLTIS INÉDIT D'HYPÉRIDE CONTRE ATHÉNOGÉNE.
LECTUEE FAITE A L'ACADÉIHE DES ISSCEIPTIOSS ET BELLES LETTEES LE 18 JANMER 1889.
PAE
Eugène Revillout.
(Fin.)
Athénogène, comme il l'avait fait lors des reproches à lui ackessés en pleine agora, allait sans doute encore prétendre avoir agi de bonne foi, et n'avoir pas connu lui-même les dettes qu'il n'indiquait pas.
Mais est-ce admissible? Serait-ce possible? Comment un nouvel acheteur, étranger jusque-là aux choses du commerce, se serait trouvé en ti'ois mois ne rien ignorer du passif :
«Et lui, au contraire! dans le commerce de la parfumerie depuis trois générations, se » tenant journellement dans l'agora, ayant possédé jusqu'à trois boutiques de parfumeur, ayant »soin chaque mois d'en recevoir les comptes, il n'aurait pas connu les dettes? Mais d'abord "et dans tout le reste, il n'e.çt pas si simple que cela; puis, par rapport à son esclave, il » devenait, lui-même, garant. D'aiUeui-s, quelques-unes de ces dettes, il est clair qu'il les con- » naissait (celles qu'il indiquait dans les actes), tandis que d'autres, il prétend ne pas les savoir connues : en aussi grand nombre qu'il veut n'en avoir rien su. Un tel langage, ô » juges, n'est pas une justification : c'est incontestablement un aveul»
Ot-Tog ôè ô £X TQr/sviag o)v ^ivQOTtwlr^ç, y.a-^rjfisvoç ô' ev Tfj àyoQÙ n:âaai i]uloai, rqia fièv fivQonéha -/.sy.d-r^iiîvog l^ôr^, ).6yovg ôè y.uTà fu]va lauliâviùv, oiy. fjôsi rù y.qéu; 'A'/.'/J h> fxèv roîç Ul'/.oig oiy. îôiôjTr^g iariv. TtQog ôt xàv oi/.i%i]v avzog lyyvi]%f^g èyévtTO. Kai riva lùv tûtv '/iQéutv,
Eugène Revillout.
(&g Eor/.ev, jjôei ' ràâs (prjaïv oii% slôévaL, ocra jaî] (iovXaTai. ô âè toioîtoç airov Xôyoç, â Svâçeg ôiKaazaî, oiy. ànoloyia èaziv, àXX' ônol6yi]iia
En effet, nous voyons en quoi devait consister principalement la défense d'Athénogène. A l'entendre, le contrat, tel qu'il était écrit, avait été voulu par son adversaire, qu'en toute sincérité, autant qu'il le pouvait, • — sans lui donner le détail des dettes, parce que lui-même il ne l'avait pas, mais sans rien lui cacher par fraude, — il avait mis d'avance au courant de la situation et qui avait tenu à prendre pour soi toutes les chances bonnes et mauvaises. Le client d'Hypéride a beau jeu de montrer ce qu'une telle défense présente de contradic- toire, comme celle d'un homme acculé qui se coupe dans ses réponses. Dire n'avoir pas connu les dettes importantes, c'est avouer n'avoir pas d'avance dit réellement à l'acheteur ce qu'il aurait été nécessaire de lui dire pour qu'il pût agir à bon escient.
A l'emprunteur il incombait de payer ses emprunts. Pour qu'une convention particulière fît valablement exception à cette règle générale, il eût fallu que l'acheteur connût bien ce qu'étaient les dettes avant de les prendre pour soi. Or, loin d'éclairer sur ce point le client d'Hypéride, Athénogène l'avait trompé en lui faisant croire que l'actif représenté par les marchandises égalait pour le moins les dettes. Quand il disait cela, il savait certainement très bien le contraire, on ne pouvait pas en douter. Mais supposât-on qu'il l'ignorât, que l'erreur fût involontaire, elle n'en eût pas moins vicié les actes.
L'orateur le prouve, en raisonnant comme s'il renonçait pour le moment h conti'edire les assertions d'Athénogène et en entrant résolument dans son système, mais pour en monti-er l'inanité et renverser cet échafaudage. On peut reconnaître encore ti*ès bien, malgré les la- cunes, vers le bas de la colonne 9, une phrase citée par Harpocration «àXXà ô|ji6ff£ 3o6Xo[i.ai Tw Xô^o) TouTO) èaGsTv» ct sc faire une idée exacte, du moins quant au sens général, des acquiescements apparents par lesquels cette phrase était rattachée à celle que voici, presque intacte au haut de la colonne 10 :
« D'une part donc, toi, tu ne m'as pas indiqué tout le passif — « faute de le connaître » — ; » d'une autre part, moi, persuadé qu'il était seulement ce que tu me disais, j'ai accepté les » actes. Lequel en bonne justice doit payer, de nous deux? Est-ce moi : est-ce celui qui tout » dernièrement achetait la boutique? Ou est-ce toi : l'ancien possesseur, celui qui faisait les » emprunts? Pour moi, je pense que c'est toi.»
. . . . aîj fxèv, ôià là fii) siôévat, /.lij TtQosTrtaç ifiot nâvTa rà xqéa " èyù ôé, baa aov iJKOvaa, rama jxôvov ôi6j.ievog sivai, raîg avv&r^aig èOéfiïjV tvôtsqoç ôi/.ai6g èaiiv èxTEÎaai; ô Hareços nqià^iEvog; ij ô nâlai 7.sy.T7][j,évoç, dç èdavEit,ETO; èyù fièv yàç 0Ï0f.iai ge.
On ne pouvait d'ailleurs objecter que les emprunts avaient été personnellement con- tractés par Tesclave Midas, gérant la boutique, et non par son maître Athénogène, puisqu'une loi de Solon établissait la responsabilité du maître pour les t\iits et gestes de son esclave employé dans une boutique ou un atelier.
«Si d'ailleurs nous avons encore à discuter à ce sujet, ce qu'il nous faut prendre pour «arbitre, c'est la loi même : une loi que n'ont pas portée ceux qui convoitent ou qui visent »par leurs embûches les biens d'autrui, mais l'auteur des institutions les plus populaires, » mais, lui-même, Solon. Ce législateur, sachant que beaucoup de trafics se font dans la ville, »a établi une loi très juste, reconnue telle par tout le monde. Il a voulu que, quand on se
Une importante découverte.
«servait d'esclaves pour le commerce ou l'industrie, le maître qui les faisait travailler fût »tenu de solder les dépenses, les frais, les indemnités et les pertes se rattachant à leurs «métiers. Eien de plus équitable : car tout bénéfice quelconque, toute prospérité dans les » affaires qu'un esclave peut se procurer, revient à celui qui le possède. Cette loi, tu la mets »de côté, pour disserter sur des contrats entachés de dol! Et cependant qui donc pourrait » n'être pas d'avis qu'un décret écrit justement par Selon lui-même doit l'emporter sur des «contrats injustes, tels que ceux-là, qui n'ont rien de commun avec les lois et l'équité, base «des droits de tous?»
Ei ô' à'ça en léyoï-iEv TTeql zovrov, ôiaizrjTtjç fjf.nv yevéad-ca ô v6f.ioç, dv oVô' ol sqûvtes oVô' oi èni^ovXeioviEç xolç àXJ.OTqioiç ed-eaav, à)JJ ô âr]f.iOTiy.d)TaTa â^sig 26la)v. "Og, s'tôcos OTi noWal aval Tcoiovvtai, èv t[] jioXeî, ed-r^v-e v6f.iov ô'iY.aiov, mg naçà rcàvriov oi.ioloyEÎTai, zàç i^î]i.ilaç, Euv EQyâawvzm ol olyJvai, y.al %à UU.' àvcÛMfiuTa ôialvEiv tov ÔEajtâvrjv ttoq' é Sv ËQyâl^wvTai o\ ol-AÉxai . sl-MTOiç ' y.al yàq oaov av àyad-àv TTQCc^rj J) Eçyaaiav eiqooîaav ôovXog, TOv •/.ET/.Tiqi.iÉvov avcov yivExai. Tovrov tàv vô/^ov àtfEÎç, tteqI avv9rf/.iov
La loi ici invoquée, Hypéride y avait fait allusion déjà quand, discutant le point de savoir s'il était possible d'admettre qu'Athénogène ignorât le passif du fonds de commerce géré par Midas, il avait rappelé que le maîti-e, en cette qualité, se trouvait le répondant de son esclave : ^rpo; îà tiv o!x£T(;v «ùts; £YYUï)Tr;ç èvsveto. C'est-là une très grande différence entre le droit d'Athènes et le droit de Kome.
A Kome, le maîti-e pouvait s'enrichir par le commerce de ses esclaves sans encourir aucune espèce de responsabilité, soit morale, soit pécuniaire, quand les esclaves en question avaient reçu de lui à cet effet l'administration sans contrôle « liberam administrationem » de leurs pécules, constituant leurs fonds de commerce. Les textes de jurisconsultes disséminés dans le digeste sont pleins de détails nous montrant bien à quels scandaleux abus con- duisait alors ce système, sans doute emprunté quelque part, mais qui faisait contraste avec le droit d'Athènes établi par Solon.
Solon ne voulut pas admettre qu'un maître pût ainsi se désintéresser d'une faillite, abandonner à ses créanciers le seul pécule, et, après avoir avidement cherché des profits aléatoires en faisant entreprendi-e à son esclave les opérations les plus hasardées, se déclarer étranger aux pertes, alors que tous les bénéfices, en cas de succès, eussent été pour lui. Cette grande raison d'équité, sur laquelle l'oratem- insiste, était d'ailleurs tout-à-fait d'accord avec les principes d'une économie politique bien entendue. Voulant faire de la ville d'Athènes une ville riche par le commerce, le législateur devait y assurer la sécurité dans les affaires : c'est-à-dire pour cela supprimer l'arsenal des faux-fuyants, des exceptions, des théories, des distinctions dites juridiques, par lesquelles on sut toujours si bien éviter les réclamations des tiers dépouillés dans la ville de Rome.
C'est donc une des lois capitales de l'ancienne Athènes que nous fait connaître dans ce passage le discours contre Athénogène, enfin retrouvé. Jusqu'ici cette loi de Solon, si universellement, paraît-il, et si justement admirée pendant qu'elle était en vigueur, n'avait pas laissé de traces bien nettes. On pouvait croire que les esclaves de la ville de Minerve, aussi activement mis à profit pour le commerce, etc., que ceux de la viUe de Eomulus, n'en- gageaient pas plus que ces derniers la responsabilité du maître.
Eugène Revjllodt.
Au poiut de vue de l'argumentation d'Hypéride, ' rien ne montrait mieux quel était l'esprit de la législation de Solon dans son ensemble. Non! on ne pouvait pas soutenir que c'était pour laisser le champ libre au formalisme, à la chicane, à la mauvaise foi, à la fraude, au dol, qu'il avait sanctionné d'avance les conventions entre particuliers, les contrats privés. Personne n'avait eu plus que lui la préoccupation constante de la bonne foi, de l'hon- nêteté dans les affaires, des engagements réfléchis résultant d'un accord mutuel. Annuler un acte entaché de fraude, quelque régulièrement dressé qu'il pût être, c'était agir d'après ses principes.
Comme d'ordinaire, Hypéride est sobre de développements oratoires. Parlant devant des Athéniens, gens souverainement intelligents et blasés sur les lieux communs de rhé- torique, il écarte avec soin tout ce qui sent l'école, tout ce qu'on s'attendrait à voir recher- cher par un disciple d'Isocrate. Il est bref autant que possible. Il n'en arrive que mieux à convaincre.
• Voici comment nous résumions très brièvement cette argumentation dans l'article publié par la Hevue des études grecques :
«Hypéride fait lire les actes afin de prouver le dol par leur rédaction même.
«Puis il invoque, en les commentant, toute une série de lois athéniennes, pour montrer que la loi »de Solon, d'après laquelle les conventions étaient souveraines entre les parties — loi qu'invoquait son » adversaire — n'avait pas toute la portée que celui-ci lui attribuait et n'était vraiment applicable qu'en «l'absence de dol et de fraude.
«Cette exception du dol ou de la fraude, on la trouvait d'.abord indiquée, d'ime manière expresse, «par la loi relative aux ventes qui se faisaient sur le marché : loi qui ordonnait à'iEuoEÎv h ttj àyop?. Har- «pocration avait cité ce passage de notre discours contre Athénogéne; et il en avait rapproché judicieuse- j>ment les renseignements que nous donne Théophraste sur les agoranomes d'Athènes et sur les lois qu'ils «étaient chargés d'appliquer : tant relativement à la police du marché que relativement aux affaires qui »s'y concluaient.
«Hypéride, à ce propos, nous apprend qu'on avait dans Athènes, déjà, formulé les principes qu'ap- «pliquèrent plus tard les jurisconsultes romains pour les ventes d'esclaves ou d'animaux. Ces ventes étaient «déclarées nulles quand l'acheteur n'avait pas connu, au moment où il faisait l'acte, ce que nous appelle- « rions les vices rédhibitoires, tels que l'épilepsie par exemple.
«L'orateur fait ici remarquer avec raison que les conséquences de l'achat d'un esclave atteint d'é- » pilepsie, pour la fortune de l'acheteur, sont bien moins graves que les conséquences de l'acte conclu par « son client, auquel on cachait les vices de la chose, pour sa fortune personnelle et pour celle de ses amis «qui voulaient bien lui fournir des fonds.
« Les lois relatives au mariage, à la légitimité des enfants, aux testaments forment un groupe qu'Hy- «péride examine ensuite dans les colonnes 7 et 8. 11 montre que des actes importants entre tous -^ tels » que cette garantie du père ou du frère, mariant la femme, qui lui assurait à Athènes la situation d'épouse «légitime — restaient sans effet en cas de mensonge. H montre en même temps que d'autres actes qui « traduisaient la volonté de leurs auteurs, par exemple les testaments, devenaient nuls quand cette volonté «était viciée par quelque cause. Nous avons déjà indiqué plus haut comment la loi de Solon qui se trouve « citée ici pouvait être d'un grand usage pour un avocat qui, comme Hypéride, en savait tirer très bon «parti, dans les conditions indiquées par la narration du début.
«Le consentement de l'acheteur a été vicié : non seulement par cette influence d'une hétaire — à « laquelle les Athéniens attribuaient les mêmes résultats que les physiologistes les plus modernes attribuent «à la suggestion — mais par une erreur fondamentale sur l'objet même de la vente. Ce que l'acheteur «comptait acquérir, c'était un fonds de commerce à peu près sans passif — ou pour mieux dire avec un « passif plus qu'égalé par cet actif que représentait la valeur des marchandises actuellement en boutique.
«C'était à cela qu'il avait donné son consentement, et non pas à l'acte captieux rédigé par Athé- «nogène et invoqué par celui-ci
« Une loi fort importante de Solon, qui était restée jusqii'ici complètement inconnue et qui, réglant «les rapports du maître avec son esclave gérant et les tiers, rendait impossibles d.ans Athènes certains «abus du pécule servile, tient une large place dans les raisonnements, merveilleusement suivis au point »de vue juridique, concluant à l'annulation de l'acte frauduleux.»
Une importante découverte.
Après avoir cité la loi qui rend les dettes contractées par un esclave personnelles au maître, et qui oblige celui-ci à les payer, — loi formelle, loi équitable, loi de Solon, conçue dans le même esprit que les autres déjà citées, — a-t-il besoin de longues phrases pour montrer aux juges ce qu'ils doivent en conclure?
Lui dont la grande caractéristique est de savoir éveiller les idées d'équité, de justice, de respect du droit pour les autres comme pour soi-même, qui forment le fond de la con- science, il les laisse parler avec leur éloquence, plus qu'il n'y substitue la sienne.
Ce n'est pas le genre de Démosthène. Et cette invocation continuelle du droit, cette argumentation par des faits montrant qui viole la justice, par des textes dont les conclusions sont tirées presque abruptement ont fait reconnaître par Libanius la touche d'Hypéride dans le discours îcsp; tùv ::pb; 'AXe^àvîpoj Aiveov.iôv, attribué faussement à Démosthène. Il est, en effet, remarquable de voir à quel point les procédés oratoires sont semblables dans ce dis- cours et dans le plaidoyer contre Athénogène, un des chefs-d'œuvre d'Hypéride.
Il avait cette fois à faire condamner un homme habile, dont le système, calculé de longue date, était bien conçu. Nous avons vu déjà, en effet, qu' Athénogène, pour repousser l'imputation de fraude, avait prétendu n'être qu'en apparence l'auteur du contrat incriminé, contrat voulu, tel qu'il était, par le client d'Hypéride. Il paraît même qu'il aurait dit avoir désiré se charger de régler en personne, à titre gratuit, sans compensation pécuniaire, tout ce qui se trouvait dii par Midas; et en conséquence avoir conseillé à celui qui voulait acquérir la parfumerie de lui laisser Midas, excluant de la vente cet esclave et ce qu'il devait.
«Et c'est moi, dit le client d'Hypéride, c'est moi qui me serais refusé à cela, voulant »tout acheter : tous les esclaves et aussi les dettes!
«Il l'a prétendu; et l'on dit qu'il doit encore tenir devant vous ce langage dans le but » de se faire passer pour un homme équitable et juste, comme s'il avait à s'adresser à des î imbéciles, à des gens qui ne sentiraient point son impudence ! »
«Ce qui s'est passé, il faut vous en faii'e le récit. Prêtez y l'oreille : il y a là une «trame machinée qui vous paraîtra bien confonne à tout le reste de ces dois.»
èjxè ôè oi-K è&slEiv, àXXà (iovXsad-ai nâvrag Trçlaa-S-ai -/ort Tavra.
Kal TTQÔg l'i-iâg aî'iôv, (faaiv, j.iéllsi Xéysiv, ïva ôfj ôoy.oirj /.istqioç eivai ' ôansQ ttqoç ■^ï.id'lovç Tivàç ôtaXs^é^Evog, koI oix aia&ijGO[.i£vovç vr^v tovvov àvaiôslav.
Ta ôè ysvôfxst'ov ôeT vi.iâg àyiovaai ' cpavqastai yàç «xdZoï'Qo»' bV rf] Hlhj zovzcov Tû)v STri(iovXm'.
Malheureusement tous les bas des colonnes, depuis la sixième jusqu'à la onzième, ont tellement souffert qu'il reste à peine quelques letti-es de chacune de leurs dernières lignes. Si l'argumentation d'Hypéride était moins savamment, logiquement conduite, il serait devenu parfois impossible de la suivre, tant les lacunes sont considérables. Dans un récit, la diffi- culté est plus grande encore, car certaines circonstances se trouvaient précisées par des mots qui n'existent plus.
Dans ce qui reste de la colonne 1 1 ' nous croyons voir qu' Athénogène, sans doute pour
' Les lignes 25 et suivantes de la colonne 10 se trouvent réduites à fort peu de lettres chacune; et le trait par lequel un correcteur ancien a marqué comme fautive dans AITUTERAT ... la lettre Cl) compliquait encore la question. J'ai longtemps cherché quelle restitution il serait possible de trouver pour
Eugène Revillodt,
rendre plus probable l'apologie qu'il préméditait, aurait, en effet, soulevé des difficultés re- lativement à la livraison de l'esclave Midas : mais après le contrat conclu et le prix versé.
ce passage difficile; et si je finis par en risquer une, c'est parce que je me suis attaché à ne pas laisser de vide entre le commencement de la première colonne de ce qui nous reste et les dernières lignes de la onzième colonne, c'est-à-dire dans tout le morceau le plus étendu du papyrus. Je le répète ici, je me suis surtout efii'orcé de retrouver la suite du discours au point de vue de la pensée, plus que des mots, mais en tenant compte de toutes les lettres encore subsistantes.
Par quoi remplacer la lettre tj, que le correcteur ancien avait ainsi marquée d'un trait? Je suppose que c'est par un E suivi d'un I. Dans certains papyrus écrits en grec cursif, provenant d'Egypte, ces lettres, liées entre elles, ressemblent un peu à l'U; et le remplacement de la seconde personne du pluriel de l'im- pératif dans une phrase rappelant celle-ci (Démosth. Jtpô? Znouiim 19) : «npb; izstvo 8è xi à^ Xéyoïç; àxpiPwç yàp ÔTtwç TouTouoi otoâÇeiç- El Se [j-rj, TtâvTE; û^j-eTç àTcaixEÎx' aÙTo'v» par la première personne du présent de l'indi- catif suivie de l'enclitique te n'aurait rien de trop invraisemblable dans une copie faite, en belle écriture, d'après un modèle en cursive, par un scribe d'Egypte peu instruit dans la littérature athénienne.
Je propose donc — attendant encore de meilleures conjectures — de remplir provisoirement les lacunes de ce passage de la façon suivante :
'AXX' à'p, alTCti' en àrgixiCaç fia^tCv, ToTg Xyçoiç ov avv^Sti,, oiç cX,eyev; nû>ç ovx aïonoç Stfe ô kàyoç; 'éwri yàg è^ékiiv /nèv èS ctçxvi ^^ d(piiXàjU.eva Suiçéav rà tikqc( MCâov âiotxiTv ' tôv âè MlSav xtXiéciv fie iâv aiiTÛ), xaï fit] éi>tTaS-ai. êftè (fâ ovx l&iXiiv ■ àXXà l^ovXia&ai, nûVTaç 7iQi5a9ca xal zavra
Dans la colonne 11 les lacunes sont encore plus considérables que dans les colonnes précédentes; et si nous tentons hypothétiquement de les remplir jusqu'à la ligne 24, c'est sous les plus expresses ré- serves. Sous le bénéfice de ces réserves, voici en caractères épigraphiques, le texte, repris à partir de la ligne 19, où une phrase commence avec la ligne.
Col. 10, 1. 19 (TOYTON TON) NOMON A*EIC HEPI CYNe(HKCJN)
20 (EniBOYAEYiOMENlON AlAAErHI KAI O^MCOC TIC)
(OYN ANGPCOnOJN) O AIKAICOC ErPA<t>EN YH<J>(ICMA AY) (TOC O COAOJN OYKi OIETAI AEIN KYPI(J(TEPON El) (NAI H TOlAYTjAC AAIKOYC CYNGiNKAC AAAOTPI) (AC nANTOJN T)UN NOMCJN KAI niANTUN TCJN Al)KAI
25 (UN AAA AP) AIT(Er)T ER AT(PeKIAC MAGEIN TOIC A)H (POIC OY CYNiHlAEl OIC EAiEfEN HUC AN OYK ATO) (HOC OAE O AOrOC E<J>H TAP) EeEA(EIN MEN EZ APXHC) (TA OïDEIAOMENA) AOJPEA N TA RAPA MIAOY AIOI) Col. 11, 1. 1 KEfIN TO)N AE MIAAN KEAEYE(IN M)E E(A)N AYTCJI KAI MH tONEICGAI EME AE OYK EGEAEIN AAAA BOY "ÂËCGAI RANTAC HPIACGAI KAI TAYTA. KA(I)
nPOC YMAC AYTON OACIN ME(A)AEI AEfEIN INA 5 AH AOKOIH AAETPIOC EINAI lOCiHEjP OPOC HAIGI OYC TINAC AIAAE20MEN0C KAI OYK AICGHCO MENOYC THN TOYTOY ANAIA(IA)N TO AE TE "NÔMENON AEI YMAC A(K)OYC(AI <t>AN)HCETA(l) (FAP) AKOAOYGON ON THI AAAH(I) TUN EniB(OY)
10 (AUJN) TON MEN TAP HAIAA ONn(EP AP)TIUJC EinO(N) (EnE)MnE MOI AErONTA OTI OYK (EMOI AN) EIH l(NA) (AH H)rCJMAI AYTOY TON nA(TE)PA (EIN)AI TONiAE) (AYT)ON HAH A EMOY CJAAOA(OrHiKOTOC (TUN HAI) (AU)N KA)TAGHCEIN TPICON OM(OY OAO)N TO APfYPI
15 (ON nPO)CEAGCjJN O A(G)HNO(rE)NHC RPOC TOYC RCA (AOYC TtON) <t)|A(iON TU)N EMCJN (EnE)BOY(A)E(YE TOY) (APrYPIOY E)niKPATHC HPAfMATA EXEIN (KAI) (rAP EMOI AA)BONTI TON HAIAA (AnHNT)HCE (<DAC A+l)
Une importante découverte.
Il se serait habilement préparé pour l'avenir des témoignages à faire valoir et à in- voquer, au moins comme indices, — jusque de la part des amis de son adversaire, — en
(ENAI ME AEIN TAY)THN MEN CYKO<!)A(NTIAN AN) 20 (AICXYNTUC E)nOIEITO TCOI AE A(OinOJI HANTUN)
(TOYTOY TCJN A)AlKHMAT(x)N KAI (TUN YEYAOAOri)
(UN HAH En)ICTEYCA (Cx))C EI(nON AAA AY NYN)
(OYX YHEIIA TO)N MEN HAlAA Al(AONAI OY THN Tl)
(MHN EAEAUKEIN) OYK HGEAON
(EAHA)OYN TE T
(nEN)TE TAAA(NTA)
C'est ici que s'achève ce que nous nommerions volontiers la première partie de notre papyrus. En effet, je le répète, cette partie était déjà séparée du reste (aussitôt après la onzième colonne) quand, sous les Ptolémées, on écrivit sur la seconde les comptes démotiques dont nous parlons. Quant à cette seconde partie, devenue un agenda, elle fut d'abord pliée en deux, ainsi que le prouve l'usure à peu près paral- lèle des deux bords. Mais un héritier s'aperçut de cette profanation et roula cette partie, si maltraitée, avec la précédente, déjà alors sans doute isolée d'un troisième morceau renfermant l'esorde et dont les débris portent également de l'écriture démotique au revers.
Nous nous sommes surtout attaché à ne pas laisser de vide dans la première partie ici terminée et mise par nous à part sous verre. Nous en complétons la transcription en caractères modernes, « pour qu'on puisse mieux suivre l'ensemble, tel que nous l'avons restitué, sous toutes réserves, je le répète. La seconde, formée de morceaux rétablis par nous, à grand' peine, à l'aide de fragments, est encore dans un état telle- ment imparfait qu'une restitution complète serait impossible.
2vv\Hjxat. Ta fièv loCvvv niTTgay/Liévc'., S) Svâçiç SixaaTa(, xa9-' iv 'ixaajov àxyjxàctTi. 'Eqh Si ngàç ifiâg ainCxa (lAla lA-d^voy^vrjç (bç ô vôfiog X(yti ■ Haa ûv ïtiqoç h^Qia ànoXoyriaij xiQta ûvai. Ta yt SCxaia^ ta ji^XtiaTa' rà de |ti)), rovvavjiov ànayoçivit jui] xvgia tlvai ' êi avzmv Se oot, ràiv vôfiiov iyài (paveçuiTiçov nonjOta. Kttl yàç oiirto /ne Siaxé&uxaç xcd niQltpofiov^ ninoCr^xag, fir] ànôXia/xai vnb aov xal Trjg Stiv6Ti}Tog Tijg afjg, ôiffTï TO-ùç Te vàfiovg ^tiâCeiv xcd fiekiTàv vvxrct xal ■fifi^çav, nàQCçya t' aXla navra Tioirjaà/uêvov.
'O fj,ïv ToCvvv elg vôfiog xtlt-iu àxpevStlv iv rij àyoçâ. nqb nâvTiav, oî/uai, naçavo/niTg rrjv ]AvTiyovav naçayyilXaiv ■ av/uipevaâfisvog Se xal èv fiiari Trj àyoQÙ awri^ûg xaz' ê/uov èipivSov, inil iàv S>]lixiarjg,<: TiQoemwV èfioC, Tovg êçâvovg xal jovg xçvarag èv ratg aov avvS-rixaig, 8aovg nuQiTxH, ovx'^ àviSixofirjv. 'Eyé aot ciXX' ôfioXoyài, ai) alXo noiûg. noàg Si roiavTu 'iziçog vôfiog xiXivei, negl ùiv ôfioXoyovi'Teg àXXjjXoig avfifiàXXovatv, brav rig TtwXtj àvSgcÎTroSov, nooXiyitv Iciv t; £/ ij àrjôtoaTi]fia ■ tl Si fiij, ài'ayuiyfj tovtov karCi'. KaCrot, Hnov rà nagà tijg tvx>]Ç voai\aaTa, clv firjS' ilSùg ^ Tig tiwXwv oîxHtjV âvâyitv e^tari., nùig rci yi nagà aov àSixrf/xara avaxevaa^évra ovx àvuStxziov aoC ianv; àXXà fiijv rà /J.iv ànlXrjnrov àvSgànoSov ov ngoaanoX- Xvtt rov ngiafiivov rijv ovalav. à Si MCSag, 8v ai fioi ànéSov, xal rtjv rûiv (pCXoiv râiv àfiûtv ànoXwXexe.
Zxéijjtti, Se, J) 'AS-rjvôyiveg, fiî] fiôvov negl ràv olxéraiv, éXXà xal nigl rSiv àXiv&égwv aaifiârtov, dv rgônov ot vo/u-oi £xovai.v. ola&a yàg Srjnov, xal aii xal êXXoi nâvreç, 8rt ol àx rùtv èyyvrjrùiv yvvaixùiv TtaTSeg, olroi yvr\aiol tîaiv ' àXXà filjv ovx àji^/gijae TÔi vofio&érrj rà èyyvtjS-yjvac rijV yvvaTxa vnb rov nargàg ij rov dSeXcpov, dXX' 'éygaipe Sta(ig-^SrjV iv zçi vôfico ■ fiv clv iyyvijOri jtg inl Sixatoig Sâftaçrct, èx ravr-i]ç naîSaç yvijaiovg tîvai. xalf Srjg ovx ■ iciv rtg ipivaàfisvog riva nagà rà SCxaia àyyvïiaij. àXXà rare rovg rs naXSag vàSovg xal, Sg èyyvag ijyyérjaev, àxvçovg nàaag^ ravrag xaS-iarijaiv.
"Ert Si xal ô i negl rùiv Sia&ijxcav vô/nog naganXrjcnog rovrotg èarC ■ xeXe'éti yàgi ê^eîvai rà êavrov SiarCS^ta^ai ég ëv rig povXijrai, nXrjv fj yrigcag ivexev )) vôaov ^ fiaviSiv, ^j yvvaixl neiS-ôfievov, *| imà Seafiov ij vnô nvog àvâyxrjg xaraXrjcp^évxa. "Onov Si ovSi negl rùiv avrov îSCaiv al lyyijai, xal at SiaS-Tjxai xvgicU elaiv, nûig 'ASTjvoyévei ye xcd negl rmv ifiùv avv9ifiiv(a roiavra Set xvgiu eïvat; xal iàv fiév rtg eîg Siolxrjaiv rùiv avrov yvvaixï nsiS-ôfievog SiaS-rixag ygàcpri, àxvgot eaovrai • et S' lyù rrj A&rivoyivovg êraCgcc lne(aS-i]v, ngoaanoXtoXévaii fii^ SeT, dg exco fià &eovgl, rfjv ^oriS-etav rijV Iv ri^ vôfica yeygajUjnh'rjv, civayxaa9elg énà rovriav rama avvS-éa&ai;
Eha ai) ratg avvd-rjxaig la/vg^Cn ^^ iveSgevaavriç fie, ai) xal ^ kraCga ij aov, iaijfnjraa&e, xal vnb zrjg ifierigag ^ovXe'iaecog ■iifiâg olôfievog iniecxeîç ûvcu inl ro'iroig ngoaeSeSâfiijv lineg ij^^Afrf». xcd ovx îxavôv
(a) Le retard de tirage qu'a nécessité pour ce numéro de la Revue la remise en pages me permet d'y faire quelques changements, soit proposés par M. Diels ou M. Blass, soit à moi personnels : ce qui indiqueront les initiales (D ou B on R) — comme d'ailleurs la com- paraison avec le grec en caractères épigraphiques et le postscriptum publié dans le numéro précédent. — (b) D. — (c) D. — (d) R. — (e) D. — (f) D. — (g) R. — (h) D. — (i) B. — (j) D. — (k) R. Je ne crois plus entrevoir ici dans des traces peu distinctes ov, mais lié. — (1) R, après la lacune, je crois voir la trace d'un a. — (m) D.
Eugène Revillout.
disant à qui voulait l'entendre n'avoii- pas compris Midas dans la vente. Puis, quand le client d'Hypéride serait venu prendi-e possession de cet esclave, il s'y serait opposé, par un men- sono-e digne des sycophantes : probablement en soutenant que, d'après des conventions ver- bales, cet esclave devait être de suite mis en liberté par l'acheteur.
Celui-ci se serait rebitië devant une prétention pareille, le dépouillant après coup d'un de ces trois esclaves qu'on avait tenu à lui vendre et dont il avait versé le prix : il aurait invoqué les actes, ces mêmes actes en vertu desquels on comptait lui extorquer encore cinq talents. Or, c'était là précisément à quoi avait voulu le conduire Athénogène.
En effet, invoquer ces actes, c'était un peu se donner l'air d'en être l'auteur principal, particulièrement en ce qui touchait l'esclave Midas qu'Athéuogène disait n'avoir pas voulu vendre. Les souvenirs des témoins pouvaient facilement confondre une époque avec une autre : celle qui avait précédé la confection des actes avec celle qui l'avait suivie. Or, l'in- térêt de chacun était tout différent avant qu'après. Avant, si le client d'Hypéride eût obtenu
aoi iâoxet T«î TiTTccçâxovia fivâç iîXrjtpévai iiTièo jov fivQonuiXtCov,"- àlXà xcû nivn ràXavra ifiovXov avXrj- S^îjvaC fie tiiajtiQ vtio/bIqiôv Tiv'ti èv noâoaTQâ^it iniiXtj/u.uh'ov.'^
'AXX' ïaioç ègiT xcd nçbg vfiûç ihg ovx ijSvvuxo, Si' iniùXti, tôt' tiSévai, zà nigl MCSav àSriXmg avvrjvix- S^ivra i} ctvzû) SavtiaS-évza. 'AXX' 6>yt'l movâi] ovSifiCa eîg zà iv àyoQÛ, àzQifia <}!] iyù) iv zçialv firjalv Unavza zà XS^" ""^ ''°*f ègâvovg énvd-OfiTjv • ovzog iSè ô éx zQiyivCag iàv /j.vQonmXTjg, xaS-ijfievog â" iv zfj àyoçâ baat' fjfiéçai, zqCa fièv fivgoTtéXia xexzijfiévog, Xâyovg âè xazà (jL^va Xa/ujicivwv, ovx tjSti, zà XÇ^"! "^^' êv uiv zoTg iiXXoig ovx lâiwzjjg iaztv, ngàg âè zàv olx^zrjv aiizbg iyyvrjzijg èyévezo " xa( ztva /uèv zàv ;|fp^<«r, ùg eoixiv, îj<fft ■ zdâe (pr]a\v ovx tîSévca, Saa /nrj jSovXczat: '0 (fâ zoiovzog avzov Xàyog, ûi Svâçeg SixaazaC, oiix ânoXoyCa êaziv, dXX' ôfXoXôyrjfia, iSig ovâ' tiSôzog zt vyiîg àvriçelv. "Ozctv yàg (prj fii) tlâévai. tiz' èntbXit, zà àœttXôfisva, ovx 'éaziv avzcp Si]nov S/xaf tlntïv ég nçotîné /xoi nigl zwv /géiuv. '!Art€g ovx ijxovacc nagà zov TiaiXovvzog, zavzcc ov Sixaiogg tî/j.C SiaXiiiv.
"Ozi filv oîiv i^Siig, (à l:î&j]voyii'sg, 6(ftCXovza MCSav noXXà xcd fityàXa, olaat nùaiv ih'cti dijXàzazov SX Z£ zù>v HXXwv xal àx zov aiztïv zà XQ^"-^ 'éaea&a( fiov èyyvrj zcv ' intxtiv fitXXovzogJ Tigàg zà XQ^" 6vza txavàv fivgov. TCg ae oïtzai àXrj»ivâv; ov fièv âij êyio ■ àXXà àfiôde jiovXofiai zù> Xôyio ziâ aov zovzo} iX9nv. 'Hg o7'V ei^&yjg, xal ovx tïSévai zà noXXà zôiv xQ^<»v âvvcifiivog ■ xal zù zoiovzw uizha è\pivSàXoytg Tovzovl zàv zgonov ■ sazai zavza. ai) fth, âià zà firj tiS^vcu, fiij ngoûnag Ifiol nâvza zà x$^" ' iy"> '^^, ô'ctc! cov ijxovaa, zavza fxôvov olà/usvog iïvai, zaîg avv&i'jxaig êS-éfirjv. Hozigog Sîxaiàg iaztv ixztXaai; à vaztgog ngiâfiivog; i] ô naXai xixzri/j,évog, Sg iâciviCUio; 'Eyù fièv yàg oio/uai ai ■ tt tff àg' cirTiXéyofj,iv^ nigl zovzov, âuuzrjziîg ri/jÂv yeviad-ia ô v6,uog, Sv ovx °' igàvzig ovS' ol iniiiovXtvovztg zoîg âXXozgCoig e^iaav, àXX à ârifioztxdzazog ZôXwv, 8f, ilâùig Szi noXXal ifinoXall noiovvzai iv z^ noXû, 'é&rjxe vôfiov âîxaiov, ég nagà nàvztav ôfioXoyiTzat • zàg Çijuiag, Sg âv» igyâavovzai oî oixizai xal zà àvaXii/naza âcaXveiv zàv ^tariôzrjv, nag' (5 âv igyâawvzai ol oixézai. Elxotmg ' xal yàg xàv zt « àya&àv ngà^ij fj igyaaCav ivgàovaav SovXog, zov xixxr]fiivov aizàv yCyvtzai ■ av° yeP zàv vàfiov d(pelg negl avvS-rjxuiv inijiovXtvojxéviav âiaXéytj ■ xal Sfimg zlg oîv àvd-gtântav, 8 SixaCag 'îyga\ptv ^l'jcpiafia avzàg ô ZoXmv, ovx oïtzai Sttv xvgiùizegov tivai Jj zoiavzag àSCxovg avvS-i'jxag àXXozgCag ovaagi zSiV vôfiiav xal nâvzoïv z&v SixaCuiv;
'AXX' àg\ atzHz' in ùzgixtCag /xa^ûv, zoTg i.rjgoig ov avinjSet, olg 'éXiytv; màg ovx cizonog Sâe à Xoyog; ïtpri yàg iS-éXsiv /liv i^ àgxrjg zà ôcpiiXàficva âaigiàv zà nagà MCSov Sioixiïv ■ zàv ai MCdav xiXivuv /ue iàv aizSi, xal fii] obvtTa&ai, ■ ijuk Se ovx i^iXnv ■ àXXà fioiiXsa&ai n&vzag ng(aa&ai, xal zavza ■ xal ngàg ■bfiag ttvzàv, cpaaiv, fiéXXii Xéyuv, ïvd Srj SoyoCrj fiizgiog ûvai ■ wanig ngàg ijXi&iovg zivàg SiaXi^ô/xevog xal ovx aiaS^aofiévovg zijv zovrov àvaiSCav. Ta Si yivàfiavov Siî ifiâg ùxovaai ■ ipavrfltzai yàg àxôXov9ov Sv zrj àXXrj avzov'' zùiv inipovXSiv. Tàv fiiv yàg nalâa, bvmg xal' àgziwg ilnov, ïnifi\pé fioi Xiyovza bzi ovx wviogt âv tïri • ïva ïaing ijydfiai avzov zov naziga tJvai rdrcF' aiiiôv • Jj'tfjj cf f^oîi é/xoXoyijxozog zùiv naiS&v xaza9i]auv zgmv ôfiov SXov zà àgyvgtov, ngoatXd-ùv à 'A&r,voyivr]g ngàg zovg noXXovg zàv (pCXiav zùiv ifiibv, inijiovXivi zov àgyvgCov intxgâzrjg ngây/xaza êx^iv. Kal yàg ifiol Xa^ovzi zàv naïSa àn^vzTjOe, (fàç jLi àifiîvai. Toittvzijv" fiiv avxo(pavzCav àvaurxvvzwg inoitïzo • zm Si Xoin& îjSr]^ zovzov xal^ àâixr]- ftâziiiv xal yjivâoXoyiàiv ■icpâafiaziy inCazivaa, ég tlnov • àXX" av vvv oix vnti^a. zàv fièv naïSa di&ovat, ov zijv zifiTiv iSiSioxiiv, ovx ij^iXov.
(a) D. - (b) K. — (c) K. - (d) D. — (e) B. D. - (f) B. - (g) B. D. - (11) R. - (i) K. - (j) E. - (k) E. - (1) î - (m) B. - (n) D. - (0) B. D. - (p) K. - (q) D. - (r) E. - (s) E. - (t) E. - (u) E. - (v) E. - (x) E. - (y) D.
Une importante découverte.
qu'Athénogène gardât Midas, la question du transfert des dettes n'aurait pas même eu à être posée. Les dettes seraient restées au maître, soit qu'en enlevant à l'esclave qui les avait contractées son pécule, pour disposer de la boutique et des garçons au profit d'un tiers, il le conservât en propriété, — sauf à le louer comme gérant — , soit qu'il l'affranchît. Après, au contraire, la vente de Midas et de tout le reste, actif ou passif, à titre de pécule de Midas, l'acheteur qui avait accepté cet acte aurait eu beau déclarer libre, à la minute même, l'esclave auquel avait été rattaché le pécule, il ne se serait pas pour autant libéré de ses obligations. Dans un pays où les dettes de l'esclave n'étaient pas seulement dettes de son pécule, mais dettes de son maître, l'affranchissement, avec ou sans retrait de ce pécule, ne pouvait rien changer aux droits des créanciers. Il s'agissait même de savoir, nous l'avons vu précédem- ment, si, dans ces conditions, le transfert des dettes de l'esclave par sa vente avec son pécule, actif et passif, était licite.
Il est vrai que parmi les dettes, il y en avait d'une nature toute particulière : les con- tributions amicales, les è'pava. Quand telle ou telle somme avait été jugée nécessaire pour les besoins de son commerce, Midas se l'était fait avancer par des amis, des connaissances, des habitués de la maison, qui, en certain nombre, s'étaient entendus à cette occasion pour en verser chacun sa quote-part remboursable. Ces hommes avaient surtout en vue la prospérité du fonds de commerce en question, et l'actif en était pour aiusi dire leur gage, en quelque main que passât la boutique. Mais pour ce qui dépassait cet actif, leurs créances, aussi bien que les autres, se seraient trouvé vaines, si une loi de Solon n'avait pas établi que le maître était engagé pour le tout par les actes commerciaux de son esclave, non moins que s'il eût contracté en personne. Ce qu'Athénogène avait voulu transmettre dans cette vente, ce n'étaient donc pas simplement des dettes reposant sur le pécule : c'étaient des dettes à lui person- nelles, Hypéride l'a clairement montré. Et la cession des dettes personnelles était contrau-e au droit d'Athènes, comme à l'équité naturelle.
Mais quelle que fut la solution qu'on adoptât pour cette question de droit, il était clair que si l'acheteur se fût laissé forcer la main par Athénogène pour reconnaître la liberté de Midas une fois le marché conclu et le prix payé, il aurait perdu définitivement — puisqu'il Athènes l'affranchissement n'exigeait aucune formalité — ses droits de maîtrise sur cet homme, sans aucune espèce de compensation. C'est-là un point facile à saisu-, d'après les données de la cause, malgré toutes les mutilations qu'a subies le texte que nous suivons.
Reste à savoir quelles péripéties le plaideur avait à raconter relativement à cette nou- velle déloyauté de son adversaire.
La colonne 11 est la dernière du morceau le moins abîmé de notre papyrus. C'est au bout de cette colonne que, dans l'antiquité, un Égyptien a coupé ce papyrus, en détachant à peu près les deux tiers pour écrire par derrière ses comptes en démotique. Après cette section, la colonne 12 ' se trouvait donc à l'extrémité de ce carnet improvisé qu'il portait sur
' Voici tout ce qui reste de cette colonne 12 :
Cette bande ne porte que les dernières lettres des douze premières lignes :
Col. 12, 1. 1 (TEXNHN E
AUKEN
AE TOi^Y . . .)
10 Eugène Revillout.
Ini; et l'usure n'en a plus laissé que, vers le haut, une bande très étroite. Dans ce qui reste de la colonne 13, ' elle-même détruite en très grande partie, nous voyons qu'il s'agit encore des difficultés soulevées par Athénogène à propos de l'esclave Midas. L'histoire de cet inci- dent, toute cette nouvelle narration, si habilement isolée de la première, occupait donc à peu près trois colonnes. jMais on ne peut se faire à' son sujet que des conjectures très risquées. On sent d'instinct qu'un grand artiste, revêtant suivant la coutume la personnalité com- plète du plaideur, surmontait là des difficultés qui auraient pu arrêter tout autre et en arri- vait à fake regarder comme suite naturelle et voulue des manœuvi-es les plus pertides de son adversaire ce qui dans sa conduite eût pu d'abord jiaraître confirmer le mieux les asser-
nOTEPA
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' Cette colonue a perdu toutes les dernières lignes. Les seules qui restent, les premières, sont toutes interrompues vers le commencement par une lacune assez large et, pour la plupart en présentent une seconde, moindre, vers la fin. On voit encore avec certitude qu'il s'agit de l'incident soulevé à propos de l'esclave Midas par Athénogène. Mais en dehors de cela tout est douteux.
Le commencement de la phrase terminée à la seconde ligne se trouvait évidemment au bas de la colonne précédente. Le tlient d'Hypéride, à ce que j'imagine, y reprochait à Athénogène de prétendi-e lui foire endosser toutes les dettes, supporter toutes les charges de ce contrat qui avait été un piège, et de prétendre garder les fruits de sa fourberie. Les contradictions de la conduite de ce vendeur qui ne voulait pas reprendre ce qu'il disait avoir cédé avec tant de peine, qui avait raconté de la manière la plus diflfé- rente, suivant les époques, les circonstances et la portée de cette vente, qui avait voulu faire déclarer libre un esclave acheté à beau.\ deniers comptant, et dont il avait touché le prix, étaient relevées, à ce qu'il me semble, dans les lignes suivantes. Je m'arrête-h'i dans des conjectures et des tentatives de resti- tution que l'état de détérioration du papynis rend très hypothétiques.
iTA MEN 0<DEIAOMENA AHEP AYTOC ECCOPEYCEN)
Col. 13, 1. 1 ENEi APEYCAC H ANTA EMOI EINAI TA AE THC A
nAJiHG KEPAH A YTCJI KAI TON MEN MIAAN ON
~nÔÀ ?! 2AI ON AKUN OHCIN AROAYCA!
TOYiTONi lEIN TOYAE HAIA . . . TOTE
5 nPOIK(Ai AIAONAI NYN AYT .... (A)ABEIN
A . . . YP UN THC . . . lAC OYX tOClTE EMON
E THI YHOOJI EAEYGE
PON A<J) (ErurE ME NTOI OYK AZIUI
"TfOC MtOGENAI YH AGH
10 NOrEN OYC) .... AIAN MEN TAP) AEINO N CY MBAI
NOI AN 10 ANAPEC AIKAC TAI El M OC
lOYAE) N HMAPTO . . . . A . . .
. . . lA AE K OY
KHKEN E
15 (A)AIKHCA
(TilMHMATI A . . . .
TAI no A IT
NOC EPCJ OT
Une importante découverte.
11
lions de celui-ci, base de son système de défense. Le moment était venu de montrer ce qu'il fallait penser de cet homme; quelle foi on pouvait avoir en lui; ce qu'il était : dans la vie publique aussi bien que dans la vie privée.
Progressivement le ton devient plus aggressif contre Athénogèue. II n'est plus seulement attaqué comme contractant, mais comme Athénien ne respectant pas les lois d'Athènes et les devoirs du patriotisme, et bientôt comme homme politique ayant joué un rôle abominable à l'étranger.
Qu'avait-il fait durant la guerre qui avait mis la patrie à deux doigts de sa perte?
«Dans la guerre contre Philippe »i — s'écrie l'orateur, — «peu avant la bataille, il quitta » la ville : et ce n'était pas pour prendre les armes avec vous et pour marcher vers Chéronée : » non ! il émigrait à Trézène. 11 émigrait, méprisant la loi qui ordonne de mettre la main sur »tout homme émigraut au milieu d'une guerre, s'il revient jamais dans la ville ....
• Nous n'avons tenté la restitution que de quelques-unes des lignes de cette colonne. Pour les autres nous donnons en place les lettres restantes :
(01 nPOGY)
Col. u, 1. 1 (M)UTATOI TCJN METOIKCON AOiIKONTO ERI TO MA) (X)ECeAl''EN AE TUI nOAEMUl TUI nP(0)C (TON) <t>\
(Ai)nnoN MiKPON npo thc maxhc AnE(A)inE (t)hn
n(0)AIN KAI MEG YMUN MEN OY CYNECTPATEY 5 C(AT)0 EIC XAIPUNEIA(N) EZCOIKHCE AE EIC (TPOl) ZHNA RAPA TON NO(M)ON OC KEAEYEI ENA(EI2IN) EI(NA)I KAI AHArUrHiN) TOY EZOIKHCANTOC (EN) TUI iniOAEMGJI EAN HiA^AIN EAGHI KAI TA(YTA EHOI) El (TH)N MEN EKEINGJ(N) OOAIN CJC EOI(KE AOYAU)
10 GE(Ce)AI YnOAAMBiANCJiN THC AE HME(TEPAC AOEI) NA(I TH N KATArNU(CIN) KAI TAC GYfAiTHPAC EKEI) H(r)rYA» YMIN OYAE(N EIN)AI EKGPEYAd NOMIZCON) (AYTAC) E2EAUKiE)N A(AAO!CE HAAIN H(AGEN AEI) (T AYTA) EPrACOMEiNOC En)EI EIPHNH TE^rONEN)
15 T(AXICT)A TAP YMilN HOTE HlACIN 01 XPHC(IMOI AY) (TCÛI OjYTOI nO(AEMIOI ENi THI EIPHNHI HEnOI) (HNTAI ICT)E nOJC iHCAN) EN TOIG KINAiYNOIC 01) (TPOIZHNIOI YMIN OTEi MEN E|N) nAATAilAlC EMA) (XONTO OY TCÛN YMETEPWN AKHiAHCANTEC 0(TE A E)
20 (Tl EBOHTOYN AAA EHI THC AGH iNOr(HNOY)C HiOAl)
(TEIAG) XEIN ..... NU)
TO YQ . . .
(a) Dans ce premie Hypéride devait rappeler sa des patriotes contre le gou combattre côte à côte avec lui aussi, un métèque atbéi générations y possédait des
membre de phrase, pour faire contraste avec la conduite d'Athénogène durant la guerre contre Philippe, s doute les services de ces métèques qui, — comme autrefois l'orateur Lysias et tant d'autres dans la guerre ernement établi à Athènes par les Spartiates, — étaient venus demander et avaient obtenu l'honneur de is citoyens. Une question qui est restée encore douteuse pour moi est celle de savoir si Athénogène était, en de naissance, — né dans une famille établie à Athènes, sans avoir le droit de cité, et qui depuis trois parfumeries, — ou si c'était vraiment un Athénien de race, appartenant à la population autochthone. Du
temps de la seconde hégémonie les différences auraient été fondamentales. Elles étaient devenues moins importantes après la suite de décrets rendus lors de la guerre contre Philippe sous l'inspiration d'Hypéride et qui, — traitant comme Athéniens tous ceux qui étaient nés à Athènes, les appelant tous sous les armes contre un ennemi victoriens déjà, menaçant également de la peine des traîti'es tous ceux d'entre eux qui émigreraient pendant que la patrie était en danger, — avaient conféré le droit de cité à ceux qui ne l'avaient pas encore et qui remplissaient leur devoir envers la ville natale.
(b) D'après Hérodote {IX, 28) à la bataille de Platée, sur 38,700 grecs pesamment armés, il y avait huit mille Athéniens, mille Trézénois, etc.
2»
12 Eugène Reyillout.
'Ev âè TÔJ TToléf-lO) TÛI 7TQÔÇ OiXlTtTTOV, /.IfKQàv TTQO TTjÇ juâ/J^Ç, ànÉXiTte TrjV TTÔXlV x.al
usd-' vf.iwv f.ùv ov avvearqaTevaaTO eiç XatQÛvstav è^û-xr^ae ôè eig TqoiÇrjVtt, naqù rov voftov, 8g y(slevei svôsi^iv alvai y.ai ànayMyi]v tov è^or/.rjac'oTog èv tco TroXéiiO), èàv nâXiv l'Xd-jj.
La loi que cite ici Hypéride nous est bien connue. C'est un de ces décrets rendus par le peuple lors de la guerre contre Phili]ipe pour concentrer toutes les forces de la nation dans cette lutte héroïque et sublime. D'après cette loi de salut public, ceux qui abandon- naient la patrie en danger encouraient les peines de la trahison : le peuple les jugeait dignes du dernier supplice. ^
Durant la guerre, ces principes furent appliqués sans hésitation par raréopage,^ qui fit notamment mettre à mort, dans la journée même, un homme an-êté pendant qu'il tâchait de gagner en barque Samos. ^ Sept ans plus tard, ils furent encore la base du procès criminel intenté et plaidé par l'orateur Lycurgue contre Léocrate. Léocrate avait bien moins fait qu'Athénogène. Il avait eu peur après la défaite et, sous prétexte de commerce, il s'était réfugié à Rhodes. Et cependant, ayant émigré en pleine guerre, à son retour il était signalé et poursuivi comme traître. Le pati-iote Lycurgue, celui qui réorganisa la marine d'Athènes, un des orateurs, avec Hypéride, avec Démosthène, que les Athéniens refusèrent de livrer en tant qu'ennemis de la Macédoine à Alexandre victorieux, ce patriote, dis-je, demandait la tête de l'émigré.
Il s'en fallut d'un rien qu'il l'obtint. Les jurés, qui votaient au nombre de plusieurs centaines, se partagèrent de telle sorte que l'inculpé eut le bénéfice de ce partage. Eschine nous l'apprend dans son discours sur la couronne, ^ prononcé peu de temps après.
Hypéride, le patriote par excellence, sans défaillance et sans reproche, l'auteur de la loi qui, à la première nouvelle de la défaite de Chéronée, dans ces conditions désespérées organisant la résistance, utilisant jusques aux femmes pour la réparation des remparts, appelait aux armes indistinctement — à côté des vieux citoyens qui s'armaient oubliant leur âge — tout ce qui restait d'hommes valides, les étrangers domiciliés — les Métèques — parmi les esclaves ceux qui étaient nés dans la ville, et de ces défenseurs de la patrie faisait aussitôt des citoyens : Hypéride, qui sentait venir cette lutte suprême dans laquelle le culte de la patrie devait ti'ouver en lui un grand apôtre et un grand martyr, ne pouvait pas ne pas déplorer lexcessive bonhomie de ceux qui, endormis dans l'idée du paix, négligeaient alors de punir des déserteurs, traîtres ou lâches, sans excuse possible à ses yeux.
Mais son client actuel, campagnard devenu possesseur d'une parfumerie, ne poursuivait pas Athénogène au criminel : et le débat ne portait pas sur la clémence ou l'application sans miséricorde de la loi pénale. C'est donc en se plaçant à un point de vue purement contractuel qu'il accuse cet homme d'avoir violé les conventions pubhques, les lois de l'état, le pacte
^ "Eti û£ Ô ôf]|J.o;, ôîivôv r,Y7]aa|jL=vo; £Ïvai -'o yivo'jjiEvov, IJ/Tjcpiaaxo ivo^ouç sivai T^ TCpoôoaia tgÙ; {pîûyovraç xov ûitèp T^ç TtatpîSo; -/.(vSuvov, àÇiouç EÏvai vopiîÇwv -rfj; lojfctTriç Ti|Jitop(a5 (Esch. /.atà KT7]a. -^52).
' 'H jjisv yàp ^v 'ApEÎto îtctyii) BouXi^ .... toÙ; tpuyo'vTa; -rijv jt«Tpi8« xal lyxataXiTOVTa; toxz iol; jtoXsaioiç Xa- Poïïsa àjtlxTôiv; (Lysiag. /.airà Aetox. p. 52).
' 'EyivîTo Tiç (â)(6ojJLai ôi TCoXXâi'.is |j:E[j.vr)|j.£vo; rà; àtuj^iaç x^ç koXeu;) ivTaûO' iirip iSkÛtt);, o; IziiXeiv e!; Scïjjlov CTij^EipT^aa; m; TCpoSd-n;ç tqi ^totrpîooç aÙTTjjiEpôv 6to tt); iÇ 'ApEÎou KifO'j (îouX^; Bavocto) i^jutôS/) (Esch. zaxi Ktrjo. 252).
■* "Eiîpo; ô^ E/.TîXE'jcyaç îotwTTjÇ Etç 'Poûov, OTL TOV cpdpov àvavôpojç ëv£Y/.£, xpu)7]V :ro'U£ EtaTjYYÉXOT] /.ott ïaat al J/^cpot aÙTù ÈyÉvovco • £t Se [i(a [lo'vov [jiETEnEaEv, ÔTtEpûpia-' Sv î] otJtÉOavEv (Esch. xaxi Knjo. 252).
Une importante découverte. 13
social/ comme il violait l'équité dans ses conventions particulières, aux termes desquelles il s'attachait : ^
' L'expression /.oivil o-jvO^zai, par laquelle Hypéride désigne ici les lois, paraît empruntée au célèbre premier discours de Démosthène contre Aristogiton (Démosth. /.a-' 'ApisToy. 16, éd. Blass, t. 2, p. 286). Dans ce discours, souvent cité par les anciens et par les modernes, Démosthène développe l'idée d'un pacte social, d'un contrat social xoivrj auv6/îy.)). Comparant un état réglé à une association dans laquelle chacun fait son apport pour l'intérêt commun et mettant en regard les barbares, qui n'ont pas de conventions communes, avec les peuples civilisés, où ces conventions sont les lois, il accuse l'agitatexir écouté de la foule, Aristogiton, d'en venir à déchirer le contrat social par sa désobéissance aux lois.
2 Cette colonne est la 15" de notre papyrus. Elle avait été dispersée en de nombreux fragments mêlés avec les autres, et que nous avons eu le bonheur de pouvoir replacer, ce qui la constitue beaucoup plus intacte que les précédentes. Nous en dirons autant de la partie historique de la 14' colonne et des lignes de la 16° que nous donnons plus loin dans les derniers extraits. Nous devons faire remarquer à ce sujet que près de moitié de la longueur du papyrus, la dernière, est dans l'état actuel, comme reconstruction, œuvre notre; car tous les fragments s'en trouvaient mêlés. Nous avons aussi intercalé quelques fragments man- quant dans les premières colonnes.
Voici le fragment en question formant le haut de la colonne 1.5. Col. 15, 1. 1 KOINA(C) THC nOAECJC CYNGHKAC RAPABAC TAIC lAlAlC nPOC EAAE ICXYPIZETAI CJCHEP AN TINA nEICGENTA WC O TU)N RPOC YMAC AIKA (l)CJN KATAOPONHCAC OYTOC AN TWN HPOC E 5 (M) E<t>PONTIZEN OC OYTUI nONHPOC ECTI KAI HANTAXOY OMOIOC UJCTE KAI EIC TPOIZH (NA EAGCJN KAI nOIHCAMENGJN AYTON TPOÏ (Z)HNICJN nOAITHN YnOnECUJN MNHCIAN (TOiN APrEION KAI YR EKEINOY KATACiTAiGEIC 10 (APXLJ N EZEBAAEN TOYC nOAEITAC EK THC (nOAE)COC CJC YMIN AYTOI MAPTYPHCOYCIN (EN GAAE TAP <t>EYrOYCiN KAI YMEIC MEN CJ AN APiECi AiliKACTAI EKHlEiCONTAC AYTOYC YiREAE (2AC)GE KAI nOAITAC EnOIHCACGE KAI TU)N Y 15 METEPWN ArAGGON (niANTiCJN METEAOTE A nOMNHMONEYCANTEC THN EYEPfEC I AN (TH)N nPOC TON BAPBAPON Al ETCJN RAEdO NCJfN) (RiENTHKONTA K AI i EKATON KAI OlOMiENOI (AEINi TOYC EN TOIC KINAYNOIC YMIN X(P)HCIMOYC 20 (rENO)MENOYC TOYTO(Y C ATYXON(TAC XAPIC
(GHNAI) Y* YMION OYTOC AE O MIAPOG
Voici maintenant nos essais actuels de restitution pour la fin de la ligne 21 et les lignes suivantes :
21 OYTOC AE O MIAPOC (HAHi A<1>EIC
(YMAC KAI EiKEl EfrPA* GEI iC OYTE THC HOA I TEIAC iXAPIN EXU)N TOiYC THC nOAECOC OYAEN RE (nOIHKEN AfAGiON AAA lOYT-CJC OMCJC TOYC THC 25 (nOAEOJC Y<t> EAjYTON i EROI iHCATO (JCTE i RAN iTA
(AEI EYE<t)ICAN)TO EN THI EKKAHCIAI
KATA TOY
La 28" ligne de la colonne 15 a complètement disparu et ce n'est qu'à l'aide de très petits frag- ments que nous avons pu reconstituer à peu prés le haut de la colonne 16. A partir de la 12" ligne, il reste si peu de chose du texte que c'est à peine si on peut essayer d'entrevoir ce dont il est question dans le reste de cette colonne 16.
D'après quelques indices, malheureusement bien faibles, il nous a paru, qu'après le témoignage des Trézénois, avant d'en venir à la péroraison, l'adversaire d'Athénogéne avait invoqué, sur un autre point,
14 Eugène Revillout.
Koivài; zrjç TtôKeœç avv&rf/.aç naçafiàç xaïç iôlaig ttqoç è(iè iaxvçlÇsTai ' âaneq Hv riva nsia-9'évTa' ég o zûv tcqôç ifiâg ôr/xàiov •/.azacpQOviiaag, ovroç uv xôjv ttqoç e/tg (fq6i'cit,sv. og ovroi
le témoignage du propre beau-père do celui-ci. Ce beau-père accusait son gendre de dissiper toute sa fortune en libéralités continuelles envers Antigonc, l'hétaire à laquelle Hypéride feit jouer un si grand rôle dans la conclusion du contrat incriminé. La complicité d'Antigone se trouvait établie ainsi par l'intérêt qu'elle avait eu à faire grossir les ressources d'un homme qui lui donnait tout; et dans ces conditions les jurés devaient plus aisément encore, appliquant les principes posés par Solon relativement à l'influence d'une femme, annuler l'acte, entaché de dol, obtenu par cette séductrice.
1. 28 A* YMUN OYK YMETE)
Col. IG, 1. 1 PAN fAiEAlLJ(C TIMUPIAiN AnfEjCTiHCiEN KAI TAY TA AllEiTIGH AE(I) (AN)ArNU}CETAI YMIN HRCOTON MEN TON NOMON (OC) K(AI) OYK EAI TOYG METOIXOYG ElOliKElN E(N T)CJI nOAEMCOI EHEITA THN TPOl 5 ZHiNiliCJNi MA(PTiYPIAN HPOC AE TOYTOIC TO TCON (TPOIZHNICON AYTOJjN YH0ICMA O EYH<DICAN (TO En EYNOIAI ) TH I YM lETEPAI Al O YMEIC AYTOYG (YnEAEZACGE) KAI iR OAITAC EnOIHCACGE ANA
(rNcoei)
10 (NOMOG) MAPTYPIA
(YH<!)|GM)A AA(BE MOI NYN KAI TH)N TOY KHAE(CTOY T)OY AYTOY
M(APTYPIAN UC) MEN OYCIA(Nj . . . . El AA . . .
RA (KAI nOAA)A AEI<t>ieE)N(TA YHO TCJN) AY(TOY)
15 AAiEA^LJN TAYTA A E*E)ZHG nAN(T)(jJ(G EZEPXEjTA(l) n(POC TAYTHN THjN ANTIfO^NAN)
TE A ET
Tout-à-fait au bas de cette colonne commençait la péroraison. Elle se continue dans la colonne 17, dont les six premières lignes ont perdu chacune environ un tiers, et dont le reste devient de plus en plus lacuneux. Nous n'essayerons pas de combler toutes ces lacunes jusqu'au bout.
(TA riPA) Col. 17, 1. 1 XGENTA KAI ON (TP)OnON E(nEBEBOYAEYKEI E)
MOI AGHNOrENHG KAI (JG YM(IN) n(POAOTHC ECJPA) TAI TON AHI KAI lAlA HONHPON (KAI EN HOAEMUI) UG THN CCOTHPIAN AnEAniGAN(TAG" YMAG AYTOYG) h EfKATAAinONTA KAI HAP OYG E2(U)IKEI TOYTOYG) ANACTATOYG nOIHGANTA'' (TON TOIOYTON RUG AN) ElAH't'OTEC OYK OAAOITE K(AAU)G EfUr U ANAPEG) (AIKAG)TAI AEOMAI YMCÛN (EN TU RAPONTI MH HEPI)
(lAEIN E)ME EK(EI)NO GKEYAMEiNOYC El TAP
10 (EN TA)YTHI THI AIKHI (EAN Hl HPOC YMAG
(ANAfKH HM)IN EAGEIN OY TON (AYTON KINAYNON E)
(KINAYNEYON A)N AAGJI OYAEN nACXLJ(N)
(OY)AE TOT(E) TA nA(NTA)
.... (NYN) A AN An(0<t))YrHI M0( Y THN BOYAEYCEUC) 15 (rPA*HN AnOAA)YMAI OY TAP AN A(HnOY) . .
(a) Le scribe avait écrit A<t>EAniCANTAC ce qunn correcteur a transformé en AriEAniCANTAC par snrciargc.
(b) Le scribe avait écrit nOIHCONTA. L'O a été cbangé en A par nne surcharge faite dans la lettre elle-même (l'écri- ture et l'encre sont différentes).
Une importante découveete. 15
novrjQÔç èaxi, xai navTccfOv oftoioç, wars xai slg Tqoi'Çfjva sl-9-ûv, -/«t 7toi7]aaf.iév(ov aixov TQOiti]vlwv TToliTr]v, inÔTtsaiûv Mvtjalav tov \AqyeTov, v.ai vjt è/slvov -iiaTaoTadEig Uq%iov, è^é^aksv tohç jtoXlzag èy. Tfjç nôlEwç, wg vf.ûv avroi naqTVQrjaovaLv. 'Evtùôs y«ç (ÇËvyovatv zat vf.iETç (.lêv, (h HvÔQsg ômaarat, èycTreaôt'tag avvovg VTTEÔé^aadE, ■/«£ TTollzag snoirjaaad-e, •/.ai Tûv vf.iETéQwv àya-d-wv nàvzuv (.ietéôote, ànoi.ivi^f.iovEvaùvTEg zrjv siEÇYsalav tî]v Ttqàg ràv BÛQ^aQOv ôi ETôJv ttIeiôviov TiEvrfjy.ovTa v.al E-Aarôv, y.al otôiiEvoi âeîv, tovg sv roîç -MvôvvoLg hfûv %Qriai(.iovg )'Evo(.iévovg, romovg àTv^oîvxag yfiqia d^fivca bcp" ['/.lûiv. — Oitog ôè ô fiiaoog . . .
« Il a violé les lois, les traités, les conventions commnnes de la ville : et il se fait fort »par rapport à moi de ses conventions particulières, comme s'il m'était possible de croire » qu'après avoir méprisé envers vous les principes justes du droit, il aurnit pu s'en inspirer » relativement à ma personne.
»Lui! qui partout s'est montré pareil, et d'une telle perversité qu'une fois installé à Tré- » zène, ayant été fait citoyen par les citoyens de cette ville, il devint l'instrument de Mnésias, sl'Argien, acquit par lui l'autorité, et se mit alors à chasser de leur cité les Trézénois — «comme ils vont devant vous en témoigner eux-mêmes. C'est ici qu'ils ont leur refuge, ô » hommes d'Athènes, qui nous jugez 1 Bannis, ils furent accueillis par vous. Vous en fîtes »des citoyens. Ils reçurent de vous part dans tous vos privilèges — parceque vous vous «rappeliez la belle et bienfaisante conduite qu'ils avaient tenue envers vous contre le Bar- »bare, il y a plus de cent cinquante ans! Vous avez pensé que ces hommes, auprès des- » quels vous avez trouvé une assistance si précieuse au moment des plus grands périls, vous » deviez les payer ainsi de reconnaissance lorsqu'ils étaient atteints par la mauvaise fortune. »Et lui, au contraire, le maraud! . . etc.»
Pour comprendre quelle émotion ces paroles devaient causer chez les auditeurs, quelles passions vives — et d'ailleurs très nobles — elles mettaient en jeu, il faut savoir qu'après la bataille de Cheronée, suivant le témoignage de Lycurgue, dans son plaidoyer contre Léo- crate, les Athéniens, au moment où tous les vieillards prenaient les armes, avaient fait appel à Ti'ézène et à quelques autres bourgades qui leur étaient restées fidèles. C'était sans doute comme Athénien qu'Athénogène avait reçu le droit de cité des habitants de Trézène : et, tra- hissant les intérêts de sa patrie, il s'était rattaché au parti de Mnésias (ou Mnasias ou Mnaséas), de cet Argien que Démosthènes, dans un passage de son discours sur la Couronne, longuement commenté par Polybe, flétrit en dernier lieu, relativement à Argos, comme le traître qui, le dernier, avait travaillé et réussi à faire dominer dans l'Argolide la puissance macédonienne. Trézène, petite ville de l'Argolide, n'avait pu résister au parti de Mnésias tout-puissant dans Argos. L'histoire ne nous avait rien dit des événements qu'Hypéride nous raconte. Nous savions seulement, je le répète, qu'Hypéride lui-même avait fait passer une loi
N OYAE (n)OAAOCT(UC)
AN ... Al AX
(y) ANAP(EC AlK)ACTAi
.... (MENO)YC EZ A(YT)CJN T(UN)
Il me semble que le discours devait se terminer à la colonne suivante. C'était donc — si on le compare aux grands discours de Démosthène : sur la couronne, sm' l'ambassade, etc. — un petit discours, un Xoyiâiov suivant l'expression de Longin. liais ce XoyîBiov était considéré par les anciens comme un admi- rable chef-d'œuvre, et il méritait cette réputation.
16 Eugène Revillout.
accordant le droit de cité aux Métèques qui, dans Athènes, venaient en aide aux citoyens. Que les Trézénois du parti d'Athènes, chassés de leur ville par un Athénien, aient été bien reçus dans Athènes, cela se comprend aisément. ' Qu'on ait fait pour eux ce qu'on faisait pour toute la masse des Métèques, cela devait être. Mais on sent, rien qu'en y pensant, la colère que les Athéniens devaient éprouver devant l'Athénien qui était devenu l'agent du parti macé- donien au lendemain de Cliéronéc.
L'espace de plus de cent cinquante ans écoulé alors depuis le temps des guerres mé- diques, depuis l'époque où les Trézénois s'étaient conduits en frères envers les Athéniens dans la lutte contre le Barbare, nous indique que, lors du procès d'Athéuogène, on n'était pas très loin du soulèvement superbe d'où résultèrent les derniers triomphes de la guerre Lamiaque, malheureusement bientôt suivis de l'écrasement final d'Athènes et du supplice d'Hypéride. C'est le même sentiment patriotique ^ qui préside à cette partie du discours contre Athénogène
' Cela se comprend d'autant mieux que, suivant le têmoignag-e de Cicéron (De officiia, liv. III, § XI), les Athéniens, quittant leur ville devant l'invasion de Xercés, avaient confié en dépôt leurs femmes et leurs enfants aux citoyens de Trézène avant de s'engager dans la lutte héroïque où ils écrasèrent les forces des Perses et qu'à Platée ils les avaient eus pour compagnons d'armes (voir plus haut col. U, p. 13 note). C'est à ces souvenirs qu'Hypéride se référait quand il rappelait les services rendus par les Trézénois aux Athé- niens en face du Barbare, il y avait plus de cent cinquante ans. Cette date nous amène plus près de la guerre Lamiaque que de la bataille de Chérouée pour le moment où fut prononcé le discours contre Athénogène.
L'auteur de la vie des dix orateurs nous raconte qu'après son exil, avant sa réconciliation avec H3'péride, Démosthène, potir se rapprocher le plus possible de cette chère patrie dont il était chassé, par- tageait sa vie entre l'île d'Egine et Trézène. Si ce détail biographique est exact, il nous fait bien voir que la ville de Trézène, malgré les expulsions opérées par Athénogène, était redevenue une amie d'Athènes à la veille de la guerre Lamiaque comme au lendemain do la bataille de Chéronée; car autrement le patriotisme en eût éloigné Démosthène.
2 J'aurais beaucoup à dire sur le genre oratoire d'Hypéride, genre très personnel et qui n'était possible qu'à un homme tel que lui, le patriote toujours impeccable. Mais cela prendrait trop de place et retarderait trop, sans doute, l'apparition, déjà tardive, de ce mémoire. Je me bornerai donc à reproduire ici les quelques mots que, dès les premières impressions, — confirmées, complétées toujours dans le même sens par une étude plus approfondie — j'avais écrits à ce sujet dans la Eevue des éhides grecques :
«Quand j'eus reconstruit l'ensemble du contexte, je fus frappé de voir combien l'antiquité avait eii «raison d'admirer l'extrême habileté d'Hypéride — habileté dont nous étions loin de pouvoir nous faire «une idée d'après les morceaux retrouvés dans les papyrus égyptiens actuellement à Londres.
«En eiFet, le discours pour Euxénippe n'est pas un plaidoyer proprement dit, mis par l'avocat dans »la bouche de la partie. C'est l'intervention officieuse d'un homme grave qui, dans l'intérêt d'un accusé, > expose son avis sur le fond du procès. Hypéride s'adresse aux juges en son propre nom. 11 leur com- » mente en jurisconsulte la loi qu'ils doivent appliquer. Il entre donc pour ainsi dire en délibération avec » eux : et la cause a été plaidée de part et d'autre par les avocats quand il apporte à l'accusé son appui » moral.
«Aussi prend-il soin de rappeler que, cet appui, il l'a prêté autrefois à l'accusateur dans des cir- » constances analogues. Quand il oppose sa manière d'agir dans les procès intentés par lui à celle qu'il «reproche à cet accusateur, ce n'est plus Euxénippe, c'est lui-mêmo, Hypéride, qui occupe le premier plan. • C'est là un genre tout différent du genre habituel des plaidoyers grecs : et le talent de l'avocat ne se «laisse entrevoir qu'à peine dans les paroles mesurées du personnage politique, dictant aux juges leur » sentence.
« Quant au plaidoyer pour Lycophron, on n'en a qu'un fragment, d'après lequel on ne sait pas même «quel était le sujet du procès.
«C'est là, avec quelques débris du discours contre Démosthène (débris dont le Musée du Louvre «possède une partie), tout ce que les papyrus acquis par l'Angleterre nous avaient rendu des plaidoyers, «vrais on supposés, d'Hypéride."
(a) Le fragment que M. Kenyon a publié dans son nouveau livre sur les textes classiques des papyrus du British Muséum — que nous venons de recevoir à l'instant — sous l'attribution très hypothétique à Hypéride (avec un point d'interrogation chaque-
Une importante découverte. 17
et, plus tard, au discours funèbre du même orateur sur le général Leosthène et sur ses glorieux compagnons de la guerre Lamiaque. Mais ici ce sentiment est encore comprimé. Alexandre
«Je dis : vrais ou supposés. En effet, les anciens nous apprennent que — pour Hypéride, comme «pour Démosthéne, pour Lysias et pour la plupart des orateurs grecs, à côté des discours authentiques, «légitimes, Yviîaioi, on avait fait figurer sous leur nom et on vendait comme étant d'eux les oeuvres de » contemporains moins célèbres ou même de faussaires.
«Aucun doute de ce genre ne pourrait se produire relativement au plaidoyer d'Hypéride contre «Athénogéue découvert par nous; car c'est un des deux que Longin cite dans son Traité du sublime comme «donnant les meilleurs e.xemples de grandes qualités propres à Hypéride et étrangères à Démosthéne.
«C'étaient ces grandes qualités qui, suivant le témoignage de l'auteur de la Vie des dix orateurs, «faisaient préférer Hypéride à Démosthéne par quelques critiques.
«La différence entre les deux genres est considérable.
«Démosthéne est violent par nature et souvent il se laisse aller pleinement à cette violence. Dans «ses plaidoyers d'avocat, comme dans ses discours politiques, les démentis les plus énergiques se ren- «contrent à chaque pas. «Cela n'est pas! Par Jupiter! Cela n'est pas!» Voilà une phrase qu'il affectionne, «pour aborder la réfutation de ses adversaires.
«Pauvres adversaires! il les traite comme les derniers des criminels, et cela non point vers la fin, «mais souvent dès le début même de ses discours. 1\ prend le taureau par les cornes, comptant sur sa «vigueur' extrême pour le terrasser et l'étouffer.
«Hypéride procède autrement. Mesuré dans ses expressions et dans ses gestes, plein de grâce dans «ses mouvements et dans ses récits, gardant la démarche la plus naturelle dans les manœuvres de la «tactique la plus savante, sans attitude théâtrale, aveu ûjtozpîtjscuç, avant de frapper les grands coups il est «maître de son adversaire, qu'il enlace et qu'il enveloppe dans les mailles de ses arguments.
«Une note qui vibre toujours avec énergie dès qu'il la touche, c'est la note du patriotisme. H est «patriote jusqu'au fond du cœur. Toute son âme est là, on le sait : et il lui suffit de quelques mots dits «à voix basse, quand il se contient, pour évoquer aux yeux de ses auditeurs l'image sacrée de la patrie, « dont ils croient entendre la voix.
«Ici encore la personnalité de l'orateur est pour beaucoup dans la portée de son éloquence. Si l'on «veut éprouver les émotions profondes et l'admiration que les anciens nous ont exprimées à propos du «discours funèbre pour les morts de la guerre Lamiaque, (dont Strobée nous a conservé la péroraison et «dont on possède quelques fragments sur papyrus,) il faut se rappeler que c'est Hypéride qui parle. Il «faut revoir devant soi cet homme : tel qu'il s'était montré déjà dans la lutte contre Philippe, quand il «faisait voter des couronnes à Démosthéne, quand il le secondait en tout, quand, au lendemain de la dé- » faite de Chéronée, il portait une loi d'après laquelle les métèques et les esclaves, recevant le droit de «cité, s'armaient avec les Athéniens pour la résistance et une guerre à mort; tel qu'il fut, plus tard, après «les victoires d'Alexandre et la conquête de l'Asie, quand il mit en cause Démosthéne lui-même pour «n'avoir pas su résister aux avances et peut-être aux dons de ce conquérant invincible; tel qu'il fut enfin «quand, après la mort d'Alexandre, il jeta le gant à la face d'Antipater et, plus heureux que Démosthéne,
lois que cette attribution se présente, comme au iiaut des pages) nous paraît tout-à-fait étranger à ce grand orateur. Rien de plus diffé- rent en effet comme genre de plaidoirie.
Hypéride laisse la parole aux faits eui-mémes. Il est toujours sobre autant que possible de ce que l'on nomme vulgairement les développements oratoires. L'auteur du morceau en question fait au contraire continuellement de la rhétorique en l'air, si je puis m'ei- primer ainsi — de la même façon qu'en faisait l'orateur Lycurgue, contemporain et ami politique d'Hypéride.
Il est arrivé souvent que les deux orateurs parlaient dans la même cause : parfois dans le même sens — comme Lycurgue le fit relativement à Démosthènes dans le procès contre Aristogiton — parfois dans un sens opposé, comme à propos de l'affaire de Lycophron, à propos de celle de Simmios, etc.
Hypéride d'ailleurs fait le plus grand éloge de l'administl'ation de Lycurgue, aussi patriote qu'il l'était lui-même, dans un discours dont nn fragment nous est parvenu.
Mais s'ils se resseml>laient d'une façon remarquable au point de vue du patriotisme, il n'en était pas de même au point de vue du genre oratoire.
Lycurgue va souvent cbercher ses effets aussi loin que possible; et c'est à ce point de vue qu'est intéressant son discours contre Léocrate. Or l'auteur du morceau que M. Kenyon donne remonte jusqu'au temps de la toute -puissance des Lacédémoniens et de la domination des trente tyrans à Athènes. L'auteur de ce discours parle à peine de son adversaire. Il ne parle réellement pas du fond de la cause. Mais il s'étend beaucoup sur un certain Démocrates qui appartenait à cette descendance d'Armodius et d'Aristogiton, ayant reçu tant de privilèges dans la ville d'Athènes.
Ceci c'est la touche de Lycurgue. Et il ne faut pas s'étonner si à la suite de ce morceau d'un plaidoyer contre un homme dont le nom a été restitué par M. Kenyon en Philippides on avait écrit sur le même papyrus une lettre attribuée à Démosthènes et relative aux enfants de l'orateur Lycurgue.
3
18 Eugène Revillout.
vit : et, dans sa guerre contre le Barbare, Leosthène l'accompagne avec un contingent d'Athéniens mêlés aux autres grecs. Ce qu'on rappelle surtout, c'est doue la belle conduite des Trézénois, unis aux Athéniens, dans les premières guerres contre le Barbare, il y a plus de cent cinquante ans.
Ces Trézénois, ce sont les témoins qu'on fait entendre contre Athénogène. On lit les décrets qui les concernent, qui montrent pourquoi on leur a donné la cité d'Athènes, etc. On leur fait raconter le rôle qu' Athénogène a joué dans leur ville quand il a en banni ces bons amis des Athéniens, bientôt après Athéniens eux-mêmes. Cet homme qui, pour valider ses fraudes, veut se servir des termes d'une loi de Solon, c'est un ennemi d'Athènes, c'est un traître!
Il ne fait pas de doute pour nous qu'Hypéride gagna son procès contre Athénogène dans ces conditions; car, lui, en rappelant les lois contre les traîtres, il ne demandait pas, comme Lycurgue, la tête de l'accusé : il demandait seulement un changement dans la juris- prudence et dans l'application des lois sur les contrats, à l'égard d'un homme bien plus cou- pable envers la patrie, et qui faisait tort à son client jiar un acte entaché de dol.
» vit d'abord la victoire couronner ses efforts, pouvant croire un instant qu'un triomphe complet allait satis- » faire son amour ardent pour la gloire de sa patrie et l'indépeudance de la Grèce. »
J'aurais aussi voulu, si j'en avais le temps, revenir sur certaines questions grammaticales. Ainsi la règle de Madvig suivant laquelle «avec les verbes passifs on met quelquefois la personne qui agit au datif au lieu de la mettre au génitif avec ûjtd, en prose seulement avec le parfait et le plus-que-parfait ^ m'avait paru, comme première impression trop superficielle, être exacte pour les orateurs de la grande époque. J'ai constaté depuis que le même datif était loin d'être rare chez eux avec l'aoriste passif On trouve plu- sieurs fois dans Démosthène, pour dire «les choses faites par cet homme», l'expression «-ïà repa^^Oiv™ tojtw». De même dans le discours pour- la couronne (§ 32u) : « /.aX -or? iiio?; iirjtp!!;|j.i5i xsà vd[j.oi; /.al ^tpeojJEÎai; â^avia oi(o/.£iTo», etc.
Je dois ajouter que souvent, en formulant ses lois, JlinviG commet de singulières inadvertances. J'en vais citer un spedmen. Pour prouver que, comme il le dit dans son § 209, « une négation simple (où ou |jii)) formant avec un prédicat une expression négative, est annulée par une négation qui précède», il invoque, comme premier exemple, le passage suivant du discours d'Apollodore contre Polyclès «Oùz i|iol (idvo) où oi£oiÇa-o (IloXuzXiîç) -rijv vaûv» (Dém. 50, 68) et il traduit «prit ma place sur le vaisseau». Or il lui aurait suffi de jeter un coup d'œil sur l'ensemble de ce discours pour voir que Polyclès ne prit jamais la place d'Apollodore sur le vaisseau où il aurait dû le remplacer au bout de six mois comme triérarque ; que ce n'est pas de cela qu'Apollodore l'accuse; mais, tout au contraire, de ne l'avoir pas plus remplacé lui-même au moment voidu qu'il n'en avait remplacé d'autres dans des conditions analogues. Ce sont là de ces accidents qui arrivent toujours aux grammairiens qui prennent les phrases isolées, pour les inter- préter en dehors du contexte, en en faisant la base de leurs régies.
J'aimerais encore à citer, à l'appui des idées de Gail sxu- les nuances de sens attachées à l'optatif chez les Attiques, des textes d'orateurs montrant ce mode employé après îva alors que le verbe de la pro- position principale est un présent, non-seulement, comme les grammairiens les plus modernes le déclarent, quand ce présent, de narration, est ce qu'on nomme un présent historique, énonçant un fait déjà passé — cas où M. Reynach a fait une correction au xpôç 'AOtjvoyIviiv, afin d'éviter à Hypéride le reproche d'incorrec- tion grave — ; mais quand c'est au contraire un présent d'habitude comme dans ce passage de l'orateur Isée : ÔXX' û; Sv (is-à ^cXeiotcov 3uviû|JLe0a Ta; £/.|j.api:up(aç jiivTc; !toioù|j:EOa, îva tùte ixjiapTupi-îaavTi \xt\ IÇîCt] ùaxspov êÇâpvu) ifEvÉoBai TTiv [iapTupîotv, i|J.eïç zi r:oXXoÎ5 zaï xoiXo?; /.âYaOoi; taÛTa |j:ap-uupo3ç îiiaTÉuoiTS |j.ïXXov (ô Tcsp'i xou IIûppou xXtJpou 21); ou un présent tout-à-fait actuel, comme dans ce passage de Démosthénes : tout im to3 zoofisrv xat TtEpiaTÉXXeiv, îva xai -coî? ooûaiv i; £Ùa)(7;[j.avia-aT' i^aîvSTO /.al to?ç X»j3ou(jiv ùfiîv, ayet; eÎ; [iscrov, oeixvùeij, IXeyjçei;, [idvov où/. ôvEios^Ei; .... (ùsèp <I>op[j.. 47). Mais j'aurais peur de retarder encore par une nouvelle composition trop chargée de textes grecs l'apparition de ce mémoire si impatiemment attendu.
Une importante découverte. 19
NOTA.
Je dois expliquer aux lecteurs les lenteurs de cette iniblication, lenteurs dont on s'est souvent plaint à moi.
Elles tiennent à plusieurs causes.
D'abord à la nature même du document qui m'est parvenu dans un état aifreux de mutilation et de désordre. Il nous a fallu, à mon frère et à moi, remettre en place les frag- ments qui les composent et en reconstroire laborieusement plusieurs pièce à pièce. C'était œuvre de longue haleine.
Et puis, pendant que j'étais occupé de cette besogne, j'appris qu'il existait en Egypte d'autres fragments du même manuscrit. Je ne pouiTais dire combien de démarches il m'a fallu pour les obtenir et combien de temps ces négociations difticiles m'ont pris.
Enfin l'année dernière je pus faire entrer au Louvre de nouveaux fragments. Mais je n'étais pas persuadé, et je suis bien loin de l'être actuellement, que ce soient les derniers. Je me livrai donc encore à de nouvelles recherches, malheureusement sans résultat, jiour obtenir le reste d'une page vue par un de mes agents entre les mains d'un Arabe et dont il n'avait cédé, à ce qu'il me semblait, qu'une partie.
Devant ses dénégations réitérées j'ai dû enfin m'iucliner à regret : et je me suis remis sérieusement à la mise en œuvre définitive de ce que j'avais entre les mains, m'attachant alors à en combler les innombrables lacunes afin de pouvoir suivre la pensée du grand ora- teur. Au fur et à mesure j'envoj'ais ma copie à l'imprimeur; et il était obligé de tirer feuille par feuille;' car ma copie avait tellement grossi par les notes, etc. qu'il lui aurait été impossible d'avoir assez de grec épigraphique pour le tout, si l'on n'avait pas eu recours à ce procédé.
Ai-je besoin de dire que ce tirage feuille par feuille n'est nullement l'idéal pour une publication scientifique; car la suite du rétablissement du manuscrit et les études de plus en plus approfondies qu'on en fait éclairent d'une lumière beaucoup plus vive le commence- ment, malheureusement tiré déjà, et y font voir beaucoup d'erreurs, plus malheureusement encore irréparables.
Pour mon Hypéride je n'hésite pas à dire qu'il en est ainsi, et que, si j'avais à en reprendre la publication, elle serait notablement différente et meilleure.
Cette publication feuille par feuille demanda un temps infini; car l'imprimeur était bien loin — ce qui augmentait encore les retards et ne permettait pas cette révision per- sonnelle immédiate qui est si nécessaire.
Cet imprimeur, M. Holzhatjsen, est, disons-le bien, le plus distingué directeur d'im- primerie d'Europe. Je ne connais personne qui s'occupe avec une maestria si merveilleuse
' Les feuilles 6 et 7 ont seules dû être réservées pom- un remaniement de mise en pages après tirage à part, car le nombre des feuilles composant une année de la Revue était complet après la feuille 5. C'est là seulement que j'ai pu faire quelques corrections, et encore moins nombreuses que je l'aurais voulu, car j'ai pris pour régie absolue de ne pas exécuter les changements proposés qui me convenaient quand je n'en pouvais pas indiquer en note les auteurs — c'est-à-dire partout ailleurs qu'aux pages 7 et 8 de ce numéro, où la suppression de deux notes m'avait donné un peu de place. Dans le grec épigraphique je n'ai jamais fait, pour cette raison, que des corrections toutes personnelles, corrections rendues nécessaires par l'extrême hâte du précédent bon à tirer. Et quant au texte de mon mémoii-e, je n'y ai rien changé.
3*
20 Eugène Revillout.
de tous les détails d'un immense établissement, revoyant lui-même toutes les épreuves, ré- pondant lui-même à toutes les lettres, etc. Il rappelle complètement les grands imprimeurs du XVF siècle, les Etienne, par exemple, qui avaient la passion de la science elle-même autant que de l'art auquel ils se livraient.
Mais l'imprimeur avait à lutter, comme il me l'écrivait, contre des difficultés tout-à-fait exceptionnelles résultant de la grève des ouvriers typographes de Vienne qui rendait souvent impossible tout travail et qui lui avait enlevé ses meilleurs collaborateurs. Aussi la moindre épreuve demandait-elle ordinairement plusieurs semaines.
Ajoutons que souvent, quand elle m'arrivait, je ne pouvais pas la corriger de suite.
Je professe trois cours sur des matières différentes à l'École du Louvre, sans compter de nombreuses répétitions générales, et l'un de ces cours, — celui de droit égyptien com- paré aux autres droits de l'antiquité — cours que je tiens à maintenir toujoure au niveau le plus élevé en ne me répétant jamais, demande pour chaque leçon une semaine de pré- paration.
J'ai aussi mes occupations très multiples de conservateur; depuis qu'Hypéride est entre mes mains, j'ai été forcé d'achever trois longs catalogues et j'en ai commencé deux autres.
Quand je me donnais tout entier à ces travaux indispensables, obligatoires et pressés, Hypéride devait attendre.
Et puis Hypéride lui-même demandait de très longues recherches si l'on voulait bien comprendre l'importance de son chef-d'œuvre. Tous les orateurs grecs ont dû être relus à plusieurs reprises par nous, ainsi que la plupart des autres documents contemporains.
Dois-je ajouter qu'après ce travail énorme, notre œuvre restera toujours très imparfaite, bien inférieure à ce que nous avions rêvé, bien inférieure même — je l'ai déjà dit — à ce que nous saisissons maintenant.
Le sujet s'est toujours agrandi. Mais pour ne pas retarder indéfiniment l'apparition du texte, nous réservons, pour un travail qui sera imprimé à part, immédiatement après celui-ci, les conclusions que nous a suggéré notre discours contre Athénogène sur tout un côté peu connu de la civilisation grecque, sur celui de ces prêts d'amitié et de ces associations, de ces éraniesi que M. Foucaet me semble avoir très imparfaitement comprises parce qu'il s'est
' Un délai de trois mois avait suffi, mais avait été nécessaire pour que les dettes, y compris les ?pavoi, se révélassent toutes. Hypéride l'avait déjà dit dans la narration (colonne 4, ligne 15 et suivantes); il le répète encore dans l'argumentation. Les è'pavoi sont mis ici tout-à-fait en parallélisme avec les autres genres de dettes, qui, contractées à des époques diverses, poui- des causes diverses, ont été déclarées à l'acheteur successivement et peu à peu. 11 ne s'agit donc certainement pas d'une commandite, faite col- lectivement en une seule fois par un seul groupe de personnes; mais d'avances multiples d'argent faites à titre de bons offices et indépendantes les unes des autres. Le mot È'pavo;, dans les orateurs, a très sou- vent ce sens d'une avance d'argent ne portant pas intérêt et pouvant être considérée comme une marque de sympathie. Nous avons déjà vu plus havit, à la troisième ligne de la colonne 5, que, dans ce discours contre Athénogène, Hypéride l'avait également employé pour désigner, non plus les sommes d'argent prêtées par bienveillance et à rembourser, mais les personnes même qui avaient do cette façon manifesté leur bienveillance. Ailleurs, il signifie un repas de camaraderie. Ailleurs, la cotisation amicale qui sert à payer ce repas. Ailleurs, une société fondée sur les bons sentiments et les bons rapports, sur la çiXîa, en prenant l'idée traduite par ce terme dans un sens restreint et un peu banal, comme il faut prendre dans le terme 'spavo; l'idée originaire d'affection qui lui est commune avec les mots âpiw, Èpw;, etc. — C'est ce que, par exemple, l'inscription publiée sous le n° 116 dans le Corpus inscriptionum grœcarum^ et que Fou- CAED a reproduite partiellement sous le n° 20 dans son mémoire sur les Associations religieuses, expose for-
Une importante découverte. 21
inspiré surtout des inscriptions de basse époque, de cette époque romaine où la tendance des empereurs était d'interdire toutes les associations, quand elles ne se couvraient pas de certains manteaux religieux.
Je devais encore dire ceci; car une confusion de souvenirs m'avait fait attribuer plus haut à M. FoucART une opinion qui est plutôt le contraire de la sienne et qui est, je crois, la vérité.
Il me reste à prier les lecteurs d'être indulgents pour l'œuvre grecque d'un égypto- logue, amoureux du grec, mais qui ne peut y consacrer que ses moments perdus. Je serai trop heureux si mon «travail pénible», comme l'a qualifié un illustre maître, peut préparer celui des hommes qui sont les maîtres dans cette spécialité.
LE POÈME DE PENTAOUE.
PAR
LE Vicomte J. de Rougé.
(Suite.)
I
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m
m
liân pi-d menjiu iu er tiauu-t ran-u àn-sen ' er
Voici que mon infanterie vint pour adorer les noms (de moi). Ils revinrent (?)
mellement : d'abord à propos de la fondation d'une société de ce genre « . . . . ïpavov aùvayo'' ^''-o' Svopsç, x«i xoivfi pou).^ 9£CTjj.!)v !fiiX!r]ç ûœypaiJiEv»; puis à propos de l'esprit dans lequel elle devra s'accroître et des per- turbateurs à expulser de son sein «aùÇavÉtw o'ô k'pavoç im tpiXoTEi|i(aç • il SI tiç |J.ây^«î 5) Oopùpouç xivtov ipalvonro, ÈKpaXXÉaOci) Tou ipâvou. » — Ailleurs le mot È'pavo; s'applique à l'apport que dans une société de çiXîa, de solidarité, de secours, de services mutuels, chaque sociétaire doit faire dans l'intérêt commun (Démosth. x«x' 'ApiaTOi". 71, 22, etc.). Ailleurs encore, il indique le service rendu par réciprocité pour un autre service ou même la gratification, la bonne main qu'un service motive (Démosth. rapi tou axeç. 312). Ce n'est pas tout : au mot TiXrjpwtTÎ; Harpocration parle d'un l'pavoç qu'on obtient par tirage au sort ou qu'on achète : «7tXr)ptoTàç âxàXouv Touç à:ioSioovTaç tov e'pavov toT; JJtoi Xaj^ouatv rj È!ovr)[J.Évoiç. » Ce genre d'spavoç ne pouvait guère être qu'une sorte de pension viagère, analogue à celles qu'aujourd'hui certaines sociétés de secours mutuels assurent à quelques-uns de leurs membres. Harpocration ajoute que le mot TtXrjpoTaî doit être alors pris dans le sens qu'eut plus tard le mot Ipavâpj^ai, désignant les chefs, les directeurs, les présidents d'un ?pavo;, d'une société amicale; dans notre discours d'IIypéride, l'acception en est très différente. La laxité de sens du mot ?pOToç s'étendait aux termes avec lesquels on l'associait habituellement : comme non -seulement )tXï)p(o-niç, mais les verbes ouvâyEiv, etc. C'est ainsi que ?p«vo; pouvant signiiîer un banquet d'amis, auvâyEiv en était venu à signifier, suivant le témoignage d'Athénée, boire les uns avec les autres : fis-c' àXXi-jXtov jtiveiv. • Le papyrus doit être ici fautif : malheureusement les deux textes monumentaux manquent dans ce passage; après ran-u il pouvait y avoir le pronom de la première personne. Le mot an peut être
le verbe ordinairement déterminé par J^, «se retourner, revenir» et au lieu du pluriel du papyrus il y aurait A>. — \\t=, serait alors le pronom pluriel. Le papyrus est également fautif lorsqu'il met après
le verbe maa, voir : puis il passe des mots.
22
J. DE ROUGÉ.
p.s.vn,io. -^^^^
L. 62.
K.M. {^^ rV
K. 54.
P. S. VIII, 1. L. 63. K. 54.
?naa àn'-i nâ nai-â uer-u iu er s-aa (ken-) 'd tai-â
pour voir le fait par moi; mes chefs vinrent pour célébrer ma vaillance-, mes
p.s.vii,io. Y
L. 62. '
- sç
III.
'^^ Q VIII. l
•I^"
nte hetâr cavaliers
Ainsi
yerau-ti ^ combattant
em mati (lier) suha ^ de même pour exalter
î:sp
bon! stable de cœur
' La lacune peut être remplie par ■; o, ken «vaillance» ou , ne^l «victoire».
^ ' V^ rû ^v Ql)' luslquPfois I rn ^i ««''«. ««'î «exalter, vanter, s'enor^ieillir» pris en bonne ou
en mauvaise part. — Bedgsch (I>«<., p. 1177) traduit ce mot par : «prier, adorer» : cela n'est pas toujours
sufiîsant comme sens. Ain.si suha est mis en parallélisme avec ska «exalter». Ex. : Benkm. III, 196.
^^^ j ~^ P y rn^N gA "^ «exaltant la vaillance, célébrant la force!» Benkm. III, 30,
24. Le roi dit : _n_ ^H
songe en louant ce que j'ai tait.» Gr.ande Inscript. d'Abj^dos, 1. 99. Eamsés II dit : ^ ' vf^^^^ Sft
^k I LlI'io I ^1 ^^^^'"^ Il &\, V ' *^^ I ''^^ récrient sur ses mérites Ea Hai-makhis
et les habitants de l'Enfer.» — Suha est souvent suivi de ran «nom», qui devient alors presqu'un type
pronominal comme | | |, ka « personne » : suha ran-à « célébrer mon nom » pour : « me glorifier ». — Suha
se prend également en mauvaise part : alors il est suivi du déterminatif -^^ et passe au sens de «mau- dire, ensorceler, incaniare». Ainsi les ennemis sont frappés de fascination. (Cf. Chabas, Mél. II, 96, 99.) Dans ce sens il faut en rapprocher cevoou-, maledicere : cooe, increpare, cioe, insanire. — Le papyrus au lieu de mettre : exalter mon nom, donne la variante : suha xopeî-a «exalter mon glaive». — Les débris du texte d'Abydos donnent au complet le mot suha, dont le commencement seul est à Karnak et la fin au papyrus.
^ [1 l] Q7); X'h particule cxclamative. Xi répété signifie «tel, tel». Ex. : Inscript, dédicatoire d'Abydos,
'■ 55. [I 0 1^^ 1 1 'J 'J ffl êP i V ' '^'^' ''^ ^'^' *^' *°° P^''^ "• ^^''' indiquerait peut-être que x* devrait se rapporter à un radical de ressemblance et x^ exclamatif serait : donc! sicî
* Xerau-ti. V. ci-dessus Karnak, 1. 53, note.
5 Smen hâti «au cœur ferme».
^ ^"i D, sut «sauver, protéger». Cf. Louqsor, 1. 9 et 56. Au sens propre sut signifie : extrahere,
Le poème de Pentaour.
23
P. S. VIII, 1. L. 63. K. 54.
p.s.vni,2.
L. 63. K. 55.
,fr\m7i^\\:^^M]r]
W W
pai-k menfi-u tai-k tente ketâr se àmen ' âri-u em tut-ui-f
ton infanterie, ta cavalerie, ô fils d'Ammon, fait par ses mains!
^
D
(Ju)
'^ ^ ^A ^
- [}^\
^8"^^:^^^^® ^Q:^^£]É: ,
fex-k"^ to en yeta em x'^pei-k keni ntok x^rau-ti
Tu as détruit le pays de Khéta par ton glaive victorieux: tu es le combattant
eoi
Q^^
Q^'
nefer ^ an mâ-ti-k suten yerau lier menfi-u-f^ hru yerau
bon! Pas semblable à toi de roi, combattant pour ses soldats au jour du combat!
P.S.VIII,3. L. 64. K. 55.
fo^.S^PI^.^^
m.-
ntuk'" âa hCiti tep em sekiu^ bu târ'' - nek to
Tu es le grand de cœur, le premier dans la mêlée. Tu ne fais pas attention au monde
par exemple: creuser un puits, et de là : «tirer du danger». — Le papyrus a fait une nouvelle faute en mettant : sut kuâ : «j'ai sauvé du danger» : ce n'est pas le roi qui parle.
' Karnak met : fils d'Ammon, tandis que le papyrus porte : fils de Tum.
2 "^^ , fek «dépouiller, ruiner, dévaster, détruire». Bkdgsch le rapproche de Êuui, nudare,
\ , «marcher à la ruine» se dit d'un édifice : ce mot a donc un sens assez
spoliare. -L v\ ■^
général. — Le papyrus semble encore fautif : il faut peut-être supposer :
e
^.
et il
" ' ' .= — D \\ \\ ® ^ a'
manquerait en plus '^ — -«.
2 Le papyrus donne la variante : ntuk neb a.u.s. nexlu «tu es le seigneur des victoires». On pourrait traduire ce membre de phrase par le vocatif : «Toi, ô bon guerrier! Toi, ô seigneur des victoires!»
< Il n'y a pas de roi semblable à toi, combattant, etc. » Le papyrus porte ici : <:^> i^ ^ I er
her menfiu-f. Le premier pourrait se traduire par
menfiu-f, tandis que les monuments donnent : ^ \
le comparatif : «combattant plus que ses soldats^-V et le second : «combattant pour ses soldats».
^ Le papyrus emploie la forme emphatique du pronom : "Sa '^ . Cf. E. de Rodgé, Abrégé Qram., n° 180.
s Sek-iu «mêlée». V. plus loin Louqsor, 1. 73.
' ^°^1 )-^S- «ar; ^^ [1 (1 du papyrus est une faute : l'erreur du scribe provient sans doute
24
J. DE ROUGÉ.
,111
yt/My;. , I K4^iP6 c I
emhuua (mcuttik ûa mr/Ju-tii. emhaliu)^ menfi-u-k xefte"^ ensemble. C'est toi le graud des victoires devant tes soldats, en face
4 o ©t
P. S. VIII, 4. L. 65. K. 56.
to er (er-f cm fet em
du monde entier. Pas de parole en
*;-=— ^ — 01 I I Ci I 1 1 I
ahah-t ^ (mentuk) mak kem-t
contradiction; c'est toi qui protèges l'Egypte,
e X
^
©
.CS'^ 3
m
©
f^/^^
>#■
îto/""' t es-tu
qui opprimes les natiiins étrangères.
saau-k ^ Tu as brisé
àat en (pen) ffita le dos de Khéta
de ce qu'un des déterminatifs ordinaire de (&r est A, dont l'hiératique peut quelquefois se confondre avec celui de [1 (1. — T'ar paraît signifier : «explorer, regarder, faire attention.» Un exemple se trouve dans la grande inscription de Mènéphtah : | %> ^3^ '^'l aa^,^^ <:^^ | 1^ % ® fl -A, (1 (| ^^ ° , Il ne fait pas attention à la multitude au jour du combat. » JJans l'inscription de Kosette, à propos des funé-
railles d'Apis ou trouve la phrase : -^J| A « les choses qui les regardent » ; dans le texte grec
il y a : xh. xocOrjKovta.
f=iî) em bah.u, avec les compléments phonétiques ^^^^ Q «devant». Cf. aiav«.ç^ oniîè.
(Voy. Lepage-Renouf, Zeitschrift, etc. 1866, 44.)
dans le même sens a auçsi la lecture emto, cf
A*.-ôO, coram, ante.
^ ^1.=^ -^ , /e/i!e «en face». ^ est déterminatif Le scribe du papyrus a dû confondre ici x^fi^ avec le verbe x^f°' et encore aurait-il commis une faute, car il y a : "^^^^ VQs qui ne donne pas de
sens. — x^fi^ "en face» a déjà depuis longtemps été étudié dans l'Inscription d'Ahmès; au propre il signifie : face et correspond alors à çojt, faciès.
3 .y /1-[] n \ c., var.
^ \\^ — D j ^^ yh' "*"* "Contre, contredire, contradiction». Cf ofic.
contra de vantard ».
C'est un second sens.
il ^ Sh "''"' ™ême sens. Bkugsch (Dkl. 176) traduit àhab par fia>fie « plaisanter, être ^^ V\ -M -M c'est : « mentir, dire le contraire. » uàf «opprimer, châtier». Cf. toqe, castigare. Ce membre de phrase fait partie de la légende officielle de Ramsès II sur l'obélisque de Louqsor. — Dans v\ le signe (S est premier
déterminatif : c'est la corde qui sert à attacher les prisonniers ; on trouve en effet le mot écrit simplement v\ i; 0. Aussi Brugsoh (Dkt.) lui donne comme premier sens : « tordre, serrer. » (J. R.)
|^^\ .^^_^__^, var. : a?|^^&., so!« «briser, couper.» Beugsch {Dict. 1160) traduit: «aifaiblir.
Le poème de Pentaoue.
25
han {et en hon-fen pif-menfi-u nai-f uer-u em mà-ti taif nte hetàr Voici que dit le roi à, ses soldats, à ses chefs de même, à ses cavaliers :
%.r^\m?~^.
p. s. vin, 4.
L. 65. K. 56.
P. S. VIII, 5. L. 65. K. 56.
P. S. VIII, 5. L. 66. K. 57.
îilfiP î^iid^.C^^iilTiiH.Y,
P. S. omis L. 66.
â^ àri ' uer-u, fia - menfi-u tai-d
Ah! vous avez fait (une \nlaine action ô mes) généraux, ô mes fantassins, ô mes
nte hetar yem-u- yerau as ben'-^ àri en ret^ s-aa-f em nu-t-f
cavaliers en refusant le combat ! Est-ce que le fait par l'homme n'est pas glorifié dans sa ville,
m.
K. 57. \\^\^^^W^^
àu-iu àri-u-f^ ken (hnaj^ neb-f nefer em ran (en) yerau
lorsqu'il vient faire vaillance avec son seigneur, bon son nom de guerrier.
11 confond ce mot avec Z,^ ^V^^" «négliger» qui est traduit par le démotique \^/^-^ t'alhu,
en copte scoA-ç^, minirtmm esse, impotens. Il reconnaît cependant le sens de couper avec \\ pour déter-
minatif, pour dire : couper le nez, les oreilles. (Ex. Pap. Judic.) Remarquez dans sau «couper» le déter- C3c:i ^s^ ^,:^ C3EH .=^i= xsçj^
minatif "^fe^, comme dans ^^& ^'^i ^^^'- '■ ■^^ ^^^j *<^ï «couper» uji>e..T, ujct, exscindere.
secare. Le papyrus ajoute avant sau un mot assez mal écrit et inutile : le papyrus est d'ailleurs assez incorrect en cet endroit : il va bientôt successivement omettre deux passages. ' Lacune du papyrus : on peut suppléer la partie détruite de Karnak par :
D ©-
^è^î sep ^a5i
«action mauvaise».
2 ® 'S.^ —'1—; %em-u «refuser». Cf. Louqsor, 1. ifi.
3 Nouvelle phrase omise dans le papyrus : l'erreur du scribe provient sans doute de ce que cette phrase commence par IJ h '=' et la suivante par [Il (g. (J. E.)
■* Le pluriel est ici déterminatif idéographique : c'est un nom collectif. ' Le texte d'Abydos conserve ici : Wxm W \^ '
a;
\
On peut restituer par conjecture une particule comme «avec s
< auprès »
A.
26
J. DE ROUGÉ.
L. 66. K. 67.
em er-a En vérité! En vérité!
tàr-tu ^ sa lier y^opeë ^
est loué l'homme par son glaive!
A ■)iaâ-uà ^
as bu âr-à ^ nefer en ua (em) àm-ten pai-ten
N'ai-je pas fait du bien à un seul d'entre vous (pour que) vous ayez abandonné moi
em xennu au milieu
I I I pa %erui-u sebek-ui-su '' mâ-ten
de l'ennemi. Celui qui est vénéré par vous
' ^^ I peut-être faut-il transcrire em er tôt (v. Brcgsch, Dict.) : le bras est pris quelquefois
dans le sens â'acte. Ainsi : Leps., Denkm. III, 140 : Le roi dit : fl f) \fr — " — i ' "T" I
H '^ ri ~WW, I A^AAAA II ® I I I I
«J'ai fait pour eux l'action de leur donner la vie.» em er tôt serait donc : de facto «véritablement». C'est d'ailleurs le sens indiqué dans divers passages du Pap. d'Orbiney. Ainsi : pi. VII, 4 : (1 Mfi
Ar\ H 1 II W "'^^^ *K\ « Je suis pourtant ton frère cadet en vérité (dans, le fait). »
//-/TH \_^fl û ^' U2r^ ^ D I
' Ol H '"'"' '^^'■^^ ^^^^ signifiant : «invoquer, acclamer». On éclate en louanges sur la valeur
du guerrier.
3 On peut couper cette phrase ainsi : «Est-ce que ne fait pas un homme quelque chose qui l'exalte »dans son pays lorsqu'il vient combattre prés de son seigneiu'? Celui qui a le renom d'un bon combattiint, » en vérité celui là est loué pour sa valeur. »
^ Le i>apyrus passe le pronom à après le verbe àr : c'est encore une faute, car il faudrait alors traduire : «Voici que un d'entre vous a fait quelque chose de bien. »
'" Pai-ten /aâ-uà. Nom verbal : mot-à-mot : «Le votre abandonner moi.» On peut aussi considérer ici 2'"^ comme équivalent de G^, ce que justifient d'autres exemples.
^ M )M ^ se'jefc au propre signifie : «jambe», puis : «parcourir» (Brugsch, Dict.). — Il existe un
autre mot I IM^s () qui désigne une espèce d'arbre et l'huile précieuse qui en est extraite : de là la valeur «oindre». Mais avec la jambe comme déterminatif, le mot sebek semble avoir un autre sens : ainsi : I )M ^i signifierait : «s'agenouiller» et de là souvent: «vénérer, vénérable». Cette signification semble également s'appliquer au mot écrit avec l'arbre en déterminatif. Ainsi (DiJM., Hist. Inschr. I, 6, 1. 13) : •a — D I I 1 J Zl () \> w 1 \^ ''^^^ Wi T A ' ^^^^ ^^^^ '^^ dieux qu'il a été vénéré comme seigneur». Ce doit être un mot comparable à "^"la «à genoux, bénir». — Bbuosch {Dict., 1192) donne à ce mot la valeur de faire un chemin, laisser en arrière. Le sens de Ion coureur qu'il donne comme qualificatif à Chons ne semble pas suffisant dans l'exemple cité par lui. — Dans l'exemple suivant (Pap. Anast. V, 8, 4) : ^l^^l^^m^^l^PJ^^ J^ 'Tu le trouveras auprès d'un vieillard véné- rable», M. Behcsch traduit ^ar gesalbten «oint». — Dans la grande inscription dédicatoire d'Abydos on
Le poème de Pentaour.
27
P. S. passé L. 67.
K. 58.
L. 68. K. 58.
P. S. VIII, 6.
L. 6S. K. 59.
P. S. VIII, 6. L. 69. K. 59.
t
(uv/ fàr vit donc !
pa-fen seseni j)a-nifu àu-â «a ku à
Vous respirez les souffles (et) j'étais seul moi!
I m^ ^ '<.^' ^ i^ Y
\n
^
I I I ! I iry^ ^
s-bu rey-ten er fat em hâti-ten nok prd-ten
Ne saviez-vous pas dire dans vos cœurs Cque) je suis votre
Il 1 sehti rempart
de fer?
'•^ âu-tu lier setem-f
(Lorsque) on entendra
i^>{!¥,fifl:rr#,
A
''à^jï'à^imm'j^l\
•pa - ten yaâ-à uâ-kuâ an seti-à ^ au bu eu uer seneni
le vous avoir laissé moi seul, pas d'autre à moi : (que) pas venu de chef, de capitaine de
cavalerie,
>^I8 ^l\c^^n:r^^ ^ rU^^^^AJ I
^1
'^i,
û D Ci
er tii-t tot-f hna-d àu-à lier yerau
= - — -&i M I II hat ''-à heli
de capitaine d'infanterie pour placer sa main avec moi. Moi, je combattais, je repoussais des millions
rencontre deux fois ce mot: Kamsés est appelé (1. UO) ^^ ' jMf i|"^'0' | ^ °- je traduirais:
«fils vénéré, cœur pieux» et 1. 115 : Q P K l~ Jl 1 "^^ û J| «Tu es l'œuf sacré (?) de
Chépra». M. Maspero traduisait : «Tu es l'œuf pénétré par Khépra. »
Dans la forme 0 J ^5^^' 1^ "'"'"' ^^^ ^^ *"°™''' intensitive, ex. : ^^ ^^%>1 %=© ^ .^ ■«s'est avili votre cœur».
1 IU7 M , ba en pe <!■ le fer ». Voy. ci-dessus, Louqsor, 1. 7. JJ 1 000 t=^
2 Cette lacune devait contenir quelque chose comme : « Que dira le peuple d'Egypte lorsque », etc. Il faut
en effet remarquer la substitution, dans le membre de phrase suivant, du pronom indéterminé ci v\ tu, au lieu de *^-=— . La tournure naturelle était : àufher sotem-f. Cette lacune sera peut-être comblée par Louqsor.
3 Restituez J( «sans compagnon».
^ Le papyrus met au complet le titre : ttàu en menfiu «capitaine d'infanterie».
[[] ^^ ^ :, hat «s'opposer, repousser» (cf. ci-dessus, Louqs., I. 30). Ex. : Ibsamboul
28
J. DE RouGÉ. Le poème de Pentaour.
■/////M
(en) tes-t âu-â uakuà àu-à li,er neytu - em - was i Nwàu-hcru-tà'-
de nations. J'étais seul : j'étais avec Nechtemus (et) Nurahuret
M\ '^^i -=-^
hetar-u aa-u ntu sen na kem-u-à
chevaux grands : ce sont eux que j'ai trouvés
tot-â ûu-à uâu kud her^ tes-fu ahi yamiu
de ma main. J'étais seul moi au milieu
(La suite prochainement.)
ai des peuples nombreux, se courbant.
ra^^f^T
©
«J'ai repoussé toutes les nations, et j'étais seul.» — Beugsch
(Dict.J donne le sens de «eraiudre», qui ne pourrait convenir dans ce passage : remarquez d'ailleurs le déterminatif ^->--~S>, qui se retrouve dans les mots signifiant : «côté, mettre de côté». Cf. , rek
«cesser, être séparé».
' «Victoire dans Thèbes et Mu-t satisfaite. » Ce sont les noms des chevaux de Eamsès, comme l'ex- pliquent les textes monumentaux : le papyrus se contente d'ajouter le déterminatif des quadrupèdes. — Doit-on lire dans le second nom a\ le vautour par mu-t, le nom de la déesse, ou par [1 v\ a\
neràii, iioirpc, qui est le nom du vautour? L'absence de phonétiques laisse dans l'indécision.
' rn © I (J ^i(r«-tà est le participe féminin de fD /le?- «être tranquille», cf. oepi, guiescere.
Ex. : Champ., Notices, 164; Aménophi? III
DX
;S. M. dirige la victoire, con-
fiant dans sa vaillance» (cf. Louqsor, 1. 87).
' Le papyrus a la variante : àu-à uâ-k her-à en em-xennu pe;(erui-u « J'étais seul moi de ma personne au milieu des ennemis». Dans ^ ® le second signe est déterminatif.
■* ^ V \ [ L Sa I yamui-u est un verbe assez rare : il exprime ici un sentiment de l'ennemi. Si ce verbe est le même que l'on rencontre ainsi écrit I *^. v\ T^, ce serait les ennemis se cour- bant par soumission; mais le déterminatif dans notre texte QA peut indiquer une antre nuance (cf. ci- dessus : Louqsor, 1. 27 V\ v\ |. Faut-il rapprocher ce mot de T v\ , qui est un verbe
de mouvement? M. Maspero {Hymne au NU, p. 12) compare ce mot à " / V\ A «s'incliner». (V^ plus loin Karnak, 1. G.B : « Ne tombez pas » — (U.
Q
en I
C^oA'
S
il I I .^-
N A «Quiconque vient à tomber», etc.)
A et Karnak, 1. 64 :
Planchettes bilingues. 29
PLANCHETTES BILINGUES.
PAK
E. Revillout.
(Suite.)
Dans notre dernier article nous avons cité (sous le n" 5) une tablette qui donnait la valeur sno (copte ch&.tt) au chiffre 2 dans le mot bilingue sansno (les deux frères). Cette valeur se retrouve dans nos tablettes bilingues 9607, 9478, 10100 etc. Nous aurons l'occasion de la rencontrer bien souvent. Nous avons d'autres tablettes bilingues qui donnent la valeur fto (copte qTO) au chiffre 4. En voici une :
N° 7 (9513). AnOAAUNIOC YAITOC MHTPOC CEN+eONCNECJC AnO BOMnAH
«Son âme sert' Osiris Sokaris, le dieu grand, seigneur d'Abydos; Apollonius, tils de Psi (du très haut),^ dont la mère est Tasetnftoson (la fille des quatre frères"), l'habitant (l'homme"! ' de Bonpaha. »
Il faut bien se garder de confondre le chiffre 4 avec le chiffre 3, qui lui ressemble beaucoup en démotique et qui est transcrit tantôt x^un (copte ujoavut), tantôt ymt (copte jijOMT; hier. i^=B>- y émet) par les bilingues, comme on le verra par les exemples suivants. La première de ces transcriptions est surtout curieuse; car elle est vocalisée comme ujmoth (8)^ que de nombreuses transcriptions démotico-grecques d'époque ptolémaïque nous ont fait connaître comme la transcription moderne, empnintée au sémite Jîîîr, du vieil égyptien sesennu.-'
N° 8 (9495). AVPHAIOC APVUeHC O KAI lEPEVC XEMONECJC nPOOHTHC MHTPOC CENYANCNCJTOC EBICJCEN Aj" MAKPIANOVe KAI KVHTOV CEBACTUN L RA
' Nous verrons bientôt que le biling-ue 9595 traduit ses par VflHPETEIN.
2 Voir Revue égypt., VI, II, pi. 24 pour le mot psi.
' Il est curieux de voir le mot rem prendre ici le déterminatif géographique (®) dans le sens de «citoyen».
* On ne saurait songer à traduire \o 'i par 2 (fois) 4 = 8. Le signe initial a en effet la valeur 2 et la valeur pa. C'est la seconde que nous acceptons ici.
» Nous avons indiqué depuis longtemps qu'à l'époque récente les lectures sémitiques se substituèrent souvent aux anciennes lectures égyptiennes. C'est ainsi que les n 1 A devint ujMuje à cause de B'CB' etc.
s Dans les tessons et les planchettes d'époque romaine, Wilcken l'a déjà remarqué dans la Bévue
30 Eugène Revillout.
«Son âme sert Osiris Sokaris, le dieu grand, seigneur d'Abydos : Hor ufa, surnommé Hiaru (tepej;) le prophète de Xmun (Paxonmtsou ') dont la mère est Tsetnsansnau — l'habi- tant de Bopabat. En l'an 1'"'' (de Macrien), ^ dans la 84^ année (de la vie du mort). »
N° 9 (9581). YENGAHCIC L lA YENGAHCIOC RAXENTINECOC MHT. CENXENTCAN
«Psentaêsé^ (le) petit, ^ fils de Psentaésé (le) grand, dont la mère est Tsexentson-^ (la fille de Xmun) en année 1 1*™°. »
Passons maintenant à d'autres transcriptions :
N" 10 (94651
«Son âme vit et ses os sont réunis (l!w<-TOTrtOTJ devant Osiris Sokaris, le dieu grand, seigneur d'Abydos, et les dieux de la salle des vérités, à jamais : Horbek, fils d'Hormakheru »
(jJPICJN APMAXOPOV
Cet exemple du titre makheru transcrit en grec est fort curieux. Son emploi dmis un nom propre est aussi rare.''
égyptologique, la siffle L = ETOC se fait aussi 5. J'ajouterai que l'usage est de ne lui donner cette forme que quand elle suit le chiffre de l'année. Quand le chiffre de l'année précède la sigle, celle-ci garde l'an- cienne forme L. C'est une règle jusqu'ici sans exception.
1 Pa/oniutson signifierait «les trois frères», c'est-à-dire sans doute Osiris, Isis et Nephthys.
2 Macrien (!'='') était gouverneur de Syrie lors de la malheureuse expédition de Valerien et des désastres des Romains vaincus par les Parthes. Il fut proclamé par son armée en l'an 260 et fut l'un des 30 tyrans. Il s'associa ses fils Macrien (II) et Quietus. Mais il fut tué en Illyrie. Ses tils furent tués l'un après l'autre : l'un à Emèse par Odenat et l'autre avec son père, pense-t-on. Notre tablette était d'abord datée en grec de Macrien seul. On a ajouté KAI KVHTOV CEBACTCON après coup et d'une autre écriture plus petite : ce qui semble indiquer qu'on venait seulement d'apprendre la mort de Macrien 1" et qu'on datait dés lors de ses deux fils. Cela nous prouve que Macrien possédait l'Egypte comme la Sj'rie, la Babylonie et tout l'Orient quand il fut tué en Occident.
3 Le son se est représenté par un petit point au-dessus de ta. Ce point = se sert pour marquer la filiation dans les généalogies; mais ne s'emploie pas d'ordinaire dans le corps des noms propres.
* C'est le mot ïem très cursivement écrit, comme cela est fréquent à cette époque.
^ 5 et J; se confondent souvent dans cette écriture. Ici 5 doit se lire se et le point a été ajouté à tort.
6 Curieuse à noter est aussi la transcription de Horbek par OJPItJN. Ce mot WPItJN servait à tra- duire certains noms théophores renfermant le nom du dieu Horus, tandis que le nom du dieu Horus isolé se disait (JPOC.
Planchettes bilingues. 31
Voici mainteuaut deux exemples, fort intéressants, du titre « roi du monde » sutento. On remarquera que le mot suten est abrégé en s«, comme dans Amon-ra-sonter (amon-ra-suteu
neteru) :
N° 11 (9524).
LJPOV TOV nOAAOVTOC MHTPOC CENCONTCjJOV AnO BOMnAH
« Son âme sert Osiris Sokaris, le dieu grand, seigneur d' Abydos : Hor, tils d'Hor, dont la mère est Tsetnsutennatoou ' (la fille du roi des mondes), l'habitant de Bonpaha. »
N° 12 (9607). TACONTCiJOVC YENTA TPI4>I0C MHTPOC CEN YANCNUJTOC AHO BOIN/IHAH
^cA 1- T-^H/Api-
«Son âme sert Osiris Sokaris, le dieu grand, seigneur d' Abydos : Ta-Sutennatoou, fille de Psentaterpit (le fils de celle de la princesse héréditaire ou Triphis),^ dont la mère est Tsetsansnau, ^ l'habitant de Bonpaha. »
A côté de la déesse Triphis qui est nommée dans le texte précédent et dans beaucoup d'autres bilingues, il faut noter la transcription de la déesse Thermouthis, qui ne représente pas du tout Isis la « mère divine » neier moût, ainsi qu'on aurait pu le croire, mais au contraire la déesse Eanen, qui se retrouve dans beaucoup de bilingues (N<"^ 10111, 9576, 9498, etc.). C'est ainsi que OAPMOVei est pour pa-ranen (le mois de la déesse-serpent Eanen). — Citons :
N" 13 (9498). YAIC nETEPMOVeOV MHTPOC CENYAIC
{i-)))3v
' Notre bilingue, ainsi qu'un passage de la col. 9 du papyrus bil. de Londres, prouve que le pluriel — même écrit idéographiquement — se prononçait u (ou), comme l'enseignait mon cher maître M. de EouGÉ. Le monde, déterminé par la maison à la basse-époque, se lisait simplement to au singulier — de nombreuses transcriptions l'attestent (pap. bil. de Londres l''° col., 7" col., 9° col. et passim).
2 Trpit «la princesse héréditaire» est un surnom de la déesse en question.
3 eVrATHP TION AAEA+CJN.
32 Eugène Revillout.
«Vit sou âme devant Osiris Sokaris, le dieu grand, seigneur d'Abydos : Psi, fils de Patermoutbis, dont la mère est Tsepsi. »
N" 14.
AVPHAIOC KOAAOVeOC AErO. «DGEVC CANCNCJTOC TOV lEPEW(C)
MHTPOc eEPMOveioc Ano
BOMnAH
« Son âme sert devant Osiris Sokaris, dieu grand, seigneur d'Abydos : Alelu (Aurelios), surnommé Plies, ' fils de Sousnau, dont la mère est Tbermoutbis, l'homme de Bonpaha. »
Dans le n° 10111, c'est cette dernière forme du nom de Termoutbis que nous ren- controns. TATETPI+IOC nETEPMOVeOV = ^yv<2+\o^f^)ii ±.7\h.
Dans notre n" 14 le même signe a^, est tantôt le nom de la déesse Ranen ou Ter- moutbis et tantôt le syllabique hes — syllabique que nous connaissons par beaucoup d'autres bilingues. Le même signe représente aussi le syllabique nem, particulièrement dans les docu- ments gnostiques d'époque romaine. En voici d'ailleurs une preuve :
N" 15 (9472).
nANOMIHTOC ATPHTOC
«Son âme sert Osiris Sokaris, dieu grand, seigneur d'Abydos : Panem-t,^ fils de » Hetar. »
Nous venons de rencontrer dans les tablettes précédentes plusieurs surnoms divins em- ployés à la place des noms mêmes des divinités. En voici un, qui est bien fréquent comme surnom d'Isis dans les inscriptions blemmyes de Nubie.
' Il est assez étrange de voir phes transcrit <t>9EVC. D'où vient le t intercalaire? S'agit-il du tran- sitif du verbe kes (^toc) « chanter » ? Mais le démotique ne porte pas ptu hes. Il porte phes.
2 Cela donne raison à la Gramm. dém., p. 188 (conf. 168) contre le Blet, de Brdgsch, p. 1214. Je crois que le verbe /a<C!Zk°" /A2»3«H- «s'approcher, se marier» se lisait nem (conf.^"f3, Zvii'77, 'jj Poème, V. 57, 139 et suiv., 142—143, 209, Moschion, Bev. II, II— III, pi. 66 = /] |^ (1 A i^X (] A etc. pour le sens voisin). Cela n'empêche pas 1 d'avoir également une signification analogue à celle de /\<,lii+- — dont le premier caractère peut être parfois la ligature du * (verrou) et du m (hibou). — Mais aucune preuve posi- tive n'a encore établi l'identité des deux verbes et la prononciation sam pour le mot démotique. D'ailleurs 1 est rendu en démotique dans le bilingue Rhind par un autre mot : le mot se/ten (ujwnû).
Planchettes bilingues. 33
X" 16.
TCEYIC YENTCEYIOC MHTPOC APTEMIAOC
« Tsepsi (la vénérable), fille de Psetasepsi, dont la mère est Artemis — son âme chante (hes) devant Osiris Sokaris, le grand dieu, seigneur d'Abydos. »
Le syllabique hes se trouve ainsi écrit (avec la décomposition alphabétique complète après lui) daus un autre bilingue qui le transcrit ACIHC :
X° 17 (94861. CENACIHC ACIHTOC MHTPOC CENAPVCJTIAOC EBICOCEN ETCJN N
« Son âme sert Osiris Sokaris, le dieu grand, seigneur d'Abydos : Tsethes, fille de Hes, dont la mère est Tsethorut'a, qui fit (sic) années 50.»
Le numéro suivant nous donne la transcription intéressante de plusieurs autres sylla- biques :
N" 18 (9490).
YENMECItOT
TOC YENTANAPAVTOC
« Pse-t-mes-io-tu, fils de Pse-ta-an-ha-roou, dont la mère est Tset-bututu-maut-f, demeure continuellement ' devant Osiris Sokaris, le dieu grand, seigneur d'Abydos. »
Ce bilingue nous donne : 1° le mot mes « enfanter », dont la transcription grecque n'est pas commune et qui est écrit en entier avec son déterminatif; 2° ^"^ = 1^=110 «âne»,
auquel le papyrus bilingue de Leide donnait déjà la lecture lU) (comme eu copte) dans ce passage (XVIII,2o5) «ceux là encore sont des ânes» (U27/ytr = ICJANE (io-an-nai = iiDav/i;;); 3° le syllabique i_ I H EN «apporter»), dont la transcription ne se trouve qu'une seule fois dans le papyrus bilingue gnostique de Leide (XI, 8) et qui est alors lu NN; 4° le syllabique
1 Voir le dernier numéro de la Bevite pour la formule ainsi écrite «demeure toujours» men lai. Nous avons fait remarquer depuis longtemps que le dernier mot (si fréquent dans les sennents, les proseynèmes, etc.) ne se lisait pas meiii, comme le dit Bkugsch dans son Dict., p. 638, mais tei, tai, comme le prouve expressément, par sa transcription, le papyrus bilingue de Leide (X, 20) et comme l'avait d'ailleurs déjà noté le savant auteur de la publication de Leide.
2 Voir aussi ibidem XIX, U la lecture ia du même mot.
5
34 Eugène Revillout.
ru qui est aussi rarement transcrit (y. pap. bil. de Leide IX, 5, et quelques noms bilingues comme f ^///.Sa^ = NEXG+EPOVC et XIMNAPAVC i^é/fit] = a/.-amen-eroou'); 5° enfin et surtout le mot ha «œil», transcrit ici régulièrement a, puisque le h est remplacé par l'esprit non écrit. Cette transcription est curieuse; car le nom f/è/^î-2_, dans lequel le second élé- ment est le mot «œil», est fort commun dans les stèles du Sérapéum, etc., tout autant que le mot /py-^lti/.^ set-ha-ban"^ «qui écarte le mauvais œil». Mais pour ce nom même on pourrait songer aussi bien à la transcription set-ar-han ou set-eir-ban, puisque en copte « le mau- vais œil » se dit eiepfeoone (de eiep ou eiepo, lopo visio) et que d'ailleurs le papyrus 2420 C du Louvre donne la variante f^f,„i#5 pour le nom du cerf (eioirTV. en copte) ce qui suppose l'assimilation a^ = eip ou eiTV.. Or j'ai depuis longtemps indiqué l'assimilation fournie par les bilingues biéroglyphico-démotiques entre .<s>- et ^j-f. Nous devons donc conclure que cette forme démotique avait deux prononciations distinctes : 1° ha; 2° eir ou t'a?'.
Les noms Psetmesio «le fils de la génération de l'âne» ou «le fils de la petite de l'âne», Pbutu-maut-f «la honte de sa mère», Psetaanhaerou «le fils de celle qui amène l'œil sur eux» sont, du reste, assez étranges.
Quant au dernier nom, le sens nous en est bien démontré par plusieurs souscriptions de contrats rédigés par un clerc et que le notaire lui-même avait révisés. Cette expression réviser se disait an ha, mot-à-mot «apporter l'œil». Mais il faut noter que, comme le signe 2_ sert à la fois à rendre A et à rendre .^&- même comme déterminatif, on pouvait croire que ^2_ était pour -i_J ou ^, c'est-à-dire que le signe de l'œil était suivi au lieu d'être précédé du signe qui l'accompagnait d'ordinaire. Ce signe se lisait ha ou eir ou iar, nous l'avons vu. Rien d'étonnant dès lors si l'on transcrit lAPAVC (= iar-ru) ce que nous venons de voir transcrire «vapauç (an-ha-ru). Cela était d'autant moins étonnant que l'habitude était de contracter les consonnes semblables, comme nous avons pu le constater pour le mot com- posé io-an-nai devenu IlOANE. Voici l'exemple dont nous parlons :
N° 19 (9518). CEAICONAI lAPCOTOC me' TPEMAIBHOC
«Vit son âme devant Osiris Sokaris, seigneur d'Abydos (?) : T(se)sonti, fille de Lar-ra, dont la mère est Tremabtu (?) (l'habitante d'Abydos).»
Nous avons déjà expliqué Iar-ru. Mais la question du premier nom propre est plus difficile. Disons d'abord que le traducteur, au lieu de transcrire i-Jl «les deux frères» par CANCNAV, comme d'ordinaire, a préféré employer le duel en ti (^) de l'égyptien ce qui lui
' Nom transcrit xu-amen-ru (eroou)-a «je suis la splendeur d'Amon pour eux » sur la statue hier, du prétendu Rua : (n" 211 de mon Catalogue de sculpture).
2 J'ai depuis bien longtemps renoncé à lire set hek ban en donnant au second élément la valeur hek, comme l'avait fait Brugsch. Car nous n'avons pas affaire à un 2_, mais à "2 — = j^s—
Planchettes bilingues. 35
a donné CONAl. Quant au mot CE, souvent représenté en démotique par un simple point (parfois oublié dans les généalogies), il a été négligé après l'article du féminin ia en dé- motique et rétabli par le traducteur grec qui, selon l'habitude pour les noms commençant par Tset «la fille», a omis l'article et écrit CE. Eeste la sjilabe intercalaire Al, donnée ici en ligature et qui me paraît une fausse lecture de N faite par le copiste. On sait que le N de relation est suppléé en général dans les transcriptions grecques des mots commençant par pse, tset et qui n'ont pas cet N en démotique. Le copiste grec a également transcrit TPEM AIBHOC le nom TPEMABITOC de l'original, ' et en démotique il a toujours écrit ateb au lieu d'Abet le même nom géographique. Encore le b est-il assez mal fait et ressemble-t-il beaucoup au 5. La transcription PEM pour f est assez intéressante. En voici d'autres exemples :
N° 20 (9543).
lOPOC nETEMI
NIOC MHTPOC
EVMOIPIA
TPOMnABEIT
« Son âme chante (hos) toujours devant Osiris Sokaris, le dieu grand, seigneur d'Abydos : Horus, fils de Petemin, dont la mère est Tbaki-to-hor, l'habitante de Pahbéit (Pharbsetus), qui mourut avec lui.»
Il est assez curieux de voir le nom de la femme Tbakitohor «la ville de la terre d'Horus», traduit par EVMOIPIA «la bonne part».
Quant à la transcription TPOM, elle nous montre la vocalisation copte pcoMe pour l'homme, même dans les mots composés. En copte on aurait écrit plus tard TpM, TipA\. dans ces mêmes mots composés ethniques.
N° 21 (9589). APTEMIAWPA nETEMINIOG MHTPOC TPOMnAjBEieiOC EBICJCEN ETH TPIC (sic) EN TAP THI TENEGAICJ! HMEPAI ETE AEVTHCEN EIC AEI MNHCTON
' Il est vrai que H ressemble beaucoup à IT liés dans cette écriture. C'est la même question que pour AI lu à la place de N.
5*
36 Eugène Revillout.
« Son âme chante à jamais devant Osiris Sokaris, le dieu grand, seigneur de latu à Abydos, montagne (sainte) : Ta-tu-Artemi (le don d'Artemis), fille de Petemin, dont la mère est Trompahbéit (l'habitante de Pharbsetus). Le temps .... Bénissez (Smouj cette petite (xem) à jamais!»
Ce texte, dont la fin est peu déchiffrable, a ceci de très intéressant — en dehors de la question TPOM ' — qu'il nous donne en grec un essai de transcriptions de lettres égyp- tiennes, comme j'en ai signalé d'autres depuis longtemps dans certains papyrus gnostiques de cette période. Ici le h (^) démotique a été rendu par un signe nouveau de ce genre. Ce signe est identique à l'ancienne lettre devenue le chiiïre £r (6) et qui, primitivement, paraît-il, rendait l'aspiration comme en dorien le digamma f ou la lettre F dont elle tient la place dans l'alphabet, puisqu'elle vient après le E. Mais peut-être n'est-ce là qu'une ressem- blance fortuite et a-t-on voulu transcrire la lettre démotique ;?., qui est devenue le o copte. Dans la tablette précédente, à propos du même mot pahhéit, le traducteur grec n'avait d'abord mis que flABEIT, puis entre lignes il a ajouté une lettre qui m'a paru un second A plus cursif; mais je ne suis pas très sûr cependant que ce signe remplaçant h soit bien un A.
Nos tablettes nous donnent d'ailleurs d'antres transcriptions curieuses des lettres propre- ment égyptiennes. Nous citerons le q ^ *, ce qui éloigne de l'idée d'y voir un ic. Nos vieux maîtres ont donc eu raison contre la nouvelle école. Citons deux exemples :
N" 22 (9542). APEMH(DIOC YAITOC MHTPOC CENYENGA MINIOC
f/^iii 3 V y if/ y^:?/S
« Hormehf, ^ fils de Psi, dont la mère est Tsetpsétamin : son âme sert Osiris Sokaris, le dieu grand, seigneur d'Abydos. »
N° 23 (9545). nAXOVMIC HEBU) TOC MHT. CENAPEMH<t)l OV
« Pachom (l'aigle à.£0M.), fils de Paba (le léopard "f J û 0 W' ), dont la mère est Tset Hormehf (la fille d'Hormehf «le dieu Horus le remplit»).»
' Notons que clans d'autres tablettes f = rem « l'habitant » est traduit par ADO. Nous citerons les n°* 9603 et 9607. Mais alors il ne s'agit pas d'un nom propre renfermant cet élément.
2 Ce nom signifie «Horus le remplit». Notons cette très importante transcription du syllabique meh yo que nous avions transcrit d'ailleurs ainsi depuis longtemps avant ce bilingue. Quant à la lecture q = ♦ on n'en avait pour presque unique exemple que le v^/^^iil. = NEXG+EPOVC d'un bilingue ptolé- maïque de Berlin. Voir aussi pour q = (j) notre n° 7 dans le présent article.
Planchettes bilingues. 37
K" 24 (9553). CENAXIAAATOC OPCE NOV<î)IOC MHTPOC GA TPHTOC Lr
«Tsetachillas, fille d'Horpsénoufi i (hottcji), dont la mère est Tahétar. » Dans une autre planchette nous avons atfaire à une transcription grecque du 2t, trans- cription des plus précieuses et des plus conformes aussi à notre tradition égyptologique :
X" 25 (9480). GAMEIN nTCAPKEC MHTPOC CENCAICAITOC nPECBVTEPAC L K
S>J^/
«Vit son âme, à jamais et toujours, devant Osiris Sokaris, le dieu grand, seigneur d'Abydos : Tamin, fille de Pt'arkes,^ dont la mère est Tsetsisi — la grande — l'habitante de Syène. Elle était d'environ 20 ans. »
La transcription riTCAPKEC prouve la parenté du fsadé et du es. — parenté d'ailleurs prouvée par les transcriptions sémitiques. Ce tsadê hébreu devient sad en arabe. Aussi avons- nous souvent la transcription c pour 2s.. Exemple :
X° 26 (9500). CICOiC TENCENnETEMEINIOC AEVTEPOV nETEMEINIOC MHTPOC AIAUTOC AHO BOM nAH
' Le nom mythologique intéressant Hor-sé-noufi « Horus le bon fils » (se rapportant à « Horus, vengeur de son père») est très fréquent dans nos tablettes, v. les n"' 9424, 9596 etc. Notons que le mot tioirqi cborn» est aussi transcrit par un <t> dans Unnofré «l'Être bon» = ONNO+PIC (n° 9664) qu'on avait déjà dans les contrats bilingues. Cela est d'autant plus à noter que <|) représente en général les deux lettres p et A démotiques se suivant, ainsi que le prouve une multitude encore de bilingues, et jamais un fl adouci, comme plus tard en memphitique. La comparaison semble prouver que le <|> se prononçait déjà / et non pas comme un p dur et aspiré, ain.si qu'on aurait pu le penser.
2 Mot-à-mot : «le briseur d'os». C'est le nom d'un des 42 juges du tribunal d'Osiris.
38 Eugène Revillout. Planchettes bilingues.
«Son âme sert Osiris Sokaris, le dieu grand, seigneur d'Abydos; son nom reste tou- jours : T'it'oï, le second, i fils de Psetsetpétémin, dont la mère est Lilu, l'habitant de Bon- paha. »
Mais le t ou cZ de 2Sl {^= tj ou dj) était bien accusé dans la prononciation des Égyptiens. Aussi — de même qu'à l'ancienne époque où l et | se commuaient souvent avec un i — se faisait-il souvent sentir comme dominante, à la place de C, dans les transcriptions grecques. Je citerai X'o/iJ-o ^ riTAVTOC des papyrus bilingues ptolémaïques. La transcription com- plète TC qui réunit les deux transcriptions ordinaires est donc la meilleure — d'autant plus que C est la transcription originaire et légitime du ly, ainsi que le prouve une multitude de bilingues déjà connus. Citons seulement encore celui-ci, qui nous montre la transcription cu- rieuse ujeepe «fille» — valeur qu'avait souvent <lz k côté de la valeur simple CE (uje) :
N" 27 (9544). CEPENYAIC NECJTEPA YENCENMENXHTOC M HT. CEPENYAITOC
Uz-^^t./ fi, ,„^2„:^/
«Son âme sert Osiris Xent Ament, le dieu grand, seigneur d'Abydos, à jamais : Tse- repsi, fille de Psetsetmen-/, dont la mère est Tserepsi. »
Dans cette tablette, et dans beaucoup d'autres, '««ww .ft est transcrit en grec MENX. Voici, pour en finir aujourd'hui avec les lettres coptes, un exemple dans lequel J (^) x« est transcrit également x en grec.
N" 28 (9470). HETERMOVeHC XANOCEUC
«Patermouthis, fils de Xanosi, l'habitant de . . . ., demeure perpétuellement à Abydos, devant Osiris Sokaris, le dieu grand, seigneur d'Abydos, à jamais. Son âme sert Osiris, le dieu grand, seigneur d'Abydos.
(La suite prochainement.)
' Meh 2. Ce mot n'avait pas d'abord été traduit. On en a fait la remarque au scribe grec qui, con- fondant «Djidjoi le second» avec Djidjoi, fils de «Pétémin le second», a ajouté entre ligne : AEVTEPOV riETEMEINlOC. — Le nom de Djidjoi est aussi traduit dans le bil. n° 9510 et dans plusieurs papyrus bilingues ptolémaïques. On le retrouve en copte : rsti^ceoi.
Papyrus grec inédit relatif a l'impôt sur les pêcheurs. 39
PAPYRUS GREC INEDIT
RELATIF
A L'IMPÔT SUE LES PÊCHEUES.
PAE
Eugène Kevillout.
Dans mon article sur «La reine Cléopatre invoquée dans le serment de Berlin» j'ai fait notamment allusion à deux papyrus, donnés — ainsi que beaucoup d'autres papyrus in- édits — avec les commentaires nécessaires, dans un mémoire économique que je publie en ce moment et où je traite d'ailleurs longuement de la question de la Trapeza, des fermes d'impôts, etc. à l'époque Lagide. liais j'ai pensé qu'il serait utile de reproduire en même temps pour les lecteurs de la Revue égyptologiqiie un des deux textes que j'avais déjà visés principalement dans le précédent numéro.
Ce papyrus a du reste l'avantage de nous faire mieux connaître la ferme sur l'impôt des pêcheurs, ou taxe du poisson (i-/6upâ), qui n'était mentionné jusqu'ici que dans un passage du papyrus 63 du Louvre, et de nous éclairer beaucoup sur les formalités nécessaires pour les ventes d'impôts et les fonctionnaires qui avaient à y jouer le principal rôle ■ — sujet dont nous parlons plus en détail dans le mémoire déjà cité.
Voici d'abord le texte épigraphique, dont nous avons cru inutile de séparer les mots, puisque nous reproduisons ensuite, dans l'ordre des lignes du manuscrit également, le même document en caractères cursifs ponctués, avec mots séparés, bien entendu :
HAIOACJPO( C iHPAKAElAHIXAIPEINTOYnPOCTON
TOYnEPIGHBACrErPAMMENOY OIKONOMOiNjXPHMATICMOYANTirPAOON
YnOKEITA( I iANA$EPECeCJOYNOYTOC
EHECXATOi N iTOYMHNIi E lOYTOYeUYGTHC
ENAlOCnOAEdiTHIMEirA AHITPAnEZHC
(EPPCJC iCJLBMWOlKË
TCJITOYHEP leiHBACOIKiON OMUJI
ANENHNOXENHMINi n iXOPXOJNCICOnPOCTHI
T( O inOrPAMMATEIAITHNTCJNAAIEUNCYN
KEXWPHCGAlArPOITAirATAOYAKBAlATETHC
A n iECTAAMENHCHMINY(n)OnOCEIAUJNIOYTOY
Ht A PHMUNnPACEOJCC HMiAINETAlYOECTACGAI
TAi Y iTHCnrOAEMAIONKAIi XKE jKATECTACGAlEAN
THCTAPAXH CHAYCAMENHCO ilAAIEICAYNHGUCI
Afi PE lYElNTONi AETONENIAYTONCJC RPOTEPON
EIG( IjCMENOIEi N TOnOIC( 01 iCANAY NHTAIHPA CCECGAI
HnPOCAXGH N AITAE( ICH AHPUCINTHC
nEPYCINHCErAHYECOCl K Ali COY AEONTOC
ETEPUJITH( C )Cl>NHCMETAAIOIKOYMENHC
nPOC( AE ZAï C iGAIMHEAACCONOCTOYEniAEKATOY
OAHECTINXBÎ-EKTCJNENANTICJNAnOKOnHN
40 Eugène Revillodt. Papyrus grec inédit, etc.
ETEPCJNXrnEnOIHCAIINAOYNMHCYMBAINH('«c)CE
EKTOYIAlOYMETAnPOCTIMOYnPACCECeAinPONOHGHTI
WCMAAICTAMENCYNnAHPUeHCETAITATOY
nAPEAeONTOCETOYCKEOAAAIAElAEMHrEOYKEAACCGJ
TWNKZXh'rAIOlKHeHCETAlKATATOnAPON
AKOAOYeu)CT( O )ICECTAMENOICAH*GENTUNT(jJN
KATHKONTUNAlErrYHMATU)NT^A)YTHCTEKAITCJN
AAAUNa)NC0NKAeAnEPKAIAIETEP03NCOirErPA4>AMEN
Voici maintenant le texte en cursives accentuées :
H)a6Ô(oqo(ç) '' HQayXsiôrji /«/ps/j'. Toî' nodg ràv
TOÎi IIiç(^7jiiccç yiyçcififiivov
oiY.ov6i.i(ov) xQ^jl^ccTia[.iov àvriyQacpov vTtoy.EÎxaL. ^vacpeQÉad-io ovv otzog in' iayaro(v) tov fi7p'i(s)[ov tov âtuvd- r^g èv /JLoartôXn Ttji [is(ya)kfji TçajriÇjjg.
('EQQwa)iù. L B, (pawcfl KE
Tcji TOV IIsQtd-rj^ag oiv.(ov)6fxioi.
^AVEVÎ]V0%EV fj^HV (nJxÔQXlOVatÇ, O TtQOÇ T^t
'c(o)7T0YQaf.i(iaTEiai, xrjv zôjv éXiéwv ^ avv- •/iSxwQ^aâ'ai, Idyqo'vuai Faràoy A KB. ôtà ôè TfjÇ à{7t)eaTaX^iévriç fjiûv v(jr)o Tloasidcoviov tov n{a)^ ■^fiûv TTQCcaéwg a(r]i.i)aivsTai icpéavacâ-m Ta(v)Trjg TlToXs^ialov, xat (A KE) y.aTsavaa&ai, ëav, Tîjg TaQayjj(g 7Tavaajj4vt]g, o)l àXisîg ôvvi^d-tuat. ày(Qs)vsiv TÔvfôe tov èviavràv, âgj tvqôtsqov eld-(i)a^voi, èv TÔrtoig (oi)g èV ôv(vr]Tai jtqtt)aasa&ai 5j nQoaax&ïi(v)aL rà e(lç nJX'^Qwaiv Trjg TtEQVGivTjg èyX-i^ipewg • za/, (aov) ôéonog, èTéqiùi Tfj(ç) àvfjg iXETaôioi-KOVfisvrjg, 7tQoa(dé)^aa9(xi iiij èXÛTTOvog tov ènLÔexâvov, S ërj èaziv X B F, è-/. tûv èvavTÎœv àTio/.OTn)v STéçuiv A r TiETtoîîjaccL. "Iva oiv (irj av^tlialvr^i as ex TOÎ' iôlov [isTà Trçocri'jUoi' -rcQaaaEad-ai, TtQOvorjârjTi, â)g fiâXicfTcc f.ièv avvnXr^Qwd^r^asTai, xà tov naQsX&ôvxog s'xovg -/^cpàXaia. el ôè [.l'^ys, ovx èXâaaco T&v KZ X h- r ôior/,rj0^rjaexai y.axà xà naqôv, ày.oXov&uig ToTg êoTo^voig, XxjCp&Évxiov xwv •/.a^f/.6vT(ov ôteyyvrjfiàxojv rfajwjjg xe y.ai t&v ItXXcûv évûv, y.ad-àjrsQ -/.al ôi' èxégwv aoL ysyçécpansv
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REVUE ÉGYPTOLOGIQUE
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Sommaire : Notice des papyrus déraotiques archaïques et autres textes juridiques ou liistoriques à partir du règne de Bocchoris jusqu'au régne de Ptolemée Soter, par Eugène Revillout. — Avertissement. — Avant-propos. — Introduction historique sur Vad- ministration et l'organisation légale des terres dans l'ancienne Egypte. — A. — Epoque précédant l'invasion des Hjksos. — £. — Époque qui suivit l'expulsion des Hyksos. — Correspondance.
NOTICE
DES PAPYRUS DÉMOTIQUES ARCHAÏaUES ET AUTRES TEXTES JURIDIQUES OU HISTORIQUES A PARTIR DU RÈGNE DE BOCCHORIS JUSQU'AU RÈGNE DE PTOLÉMÉE
SOTER.
PAR
Eugène Revillout.
AVERTISSEMENT.
Cette notice commence toute une série de notices semblables.
Après «Les papyrus démotiques et autres textes juridiques ou historiques de la période archaïque, à partir du règne de Bocclioris jusqu'au règne de Ptolémée Soter» vien- dront : 1° Les papyrus et autres textes démotiques et grecs de l'époque Lagide, jusqu'à la conquête d'Auguste; 2° les papyrus et autres textes démotiques et grecs de l'époque romaine, jusqu'au règne de Constantin; 3° les papyrus et autres textes démotiques, grecs et coptes de l'époque byzantine, jusqu'à la conquête arabe; 4" les papyrus et autres textes grecs, coptes et arabes de l'époque des califes jusqu'au 10" siècle après notre ère.
De ces cinq notices, nous livrons aujourd'hui la première, et trois des autres sont presque prêtes.
Je n'eu dirai pas tout-à-tait autant pour la cinquième et dernière, à laquelle me pré- parent non-seulement mes études égyptologiques, mais mes vieilles études sémitiques et, en ce qui touche particulièrement l'arabe, celles auxquelles je me suis livré pendant de longues années avec mes chers maîtres et bien bons amis, Caussin de Perceval, de Slane, Defré- MÉRY, études qui m'ont déjà fait faire autrefois plusieurs publications.
42 Eugène Revillout.
Mais avant d'abordei- sérieusement les textes arabes du commencement de l'ère musul- mane qui sont entièrement dépourvus, non-seulement — cela va sans dire — des voyelles ou motions, mais même des points diacritiques des lettres, j'aurai besoin d'un peu plus de temps que je n'en dispose en ce moment.
C'est justement cette considération qui m'a conduit à renoncer depuis quelques jours au projet que j'avais eu jusque là de réunir en une seule les quatre premières notices annoncées plus haut. D'une part, il m'a semblé plus logique de ne pas m'arrêter dans l'étude de nos papyrus à l'époque de la conquête musulmane. Et, d'une autre part, je n'ai pas voulu faire plus longtemps attendre le commencement d'une publication annoncée par moi depuis vingt ans passés et à laquelle mon vénérable ami M. de Ronchaud, directeur des Musées Nationaux, s'intéressait tant.
Je me borne aujourd'hui à la première partie — à la partie archaïque — dont l'avant- propos, qui suit cet avertissement, indiquera suffisamment le grand intérêt.
C'est moi, je n'ai pas besoin d'insister beaucoup sur ce point, qui pour la première fois ai interprété les textes démotiques de cette période arclia'iqne, dont on n'avait jamais osé essayer de traduire que quelques mots — et encore rien ne subsistera-t-il de ces ten- tatives, en dehors de certains noms de rois. J'ai, du reste, reproduit en note ces essais antérieurs pour qu'on en puisse bien juger. Si donc M. Pierret avait eu raison de faire remarquer dans son édition du « catalogue des manuscrits » de Devéria le peu de progrès qu'avait fait alors l'étude des contrats démotiques de l'époque classique, — dont on n'avait rien su tirer et que j'ai tous expliqués depuis, — la remarque serait encore plus vraie si on l'appliquait aux contrats archa'iques traduits dans cette notice. ^
' Il est possible d'ailleurs que j'aie encore à remanier plus tard quelque détail dans les traductions que j'offre au public et dont je puis garantir l'ensemble. 11 est possible même qu'il se produise pour ceci ce que certaines publications nouvelles, celle de M. Mahaffy," par exemple, annonçaient devoir se produire pour les textes démotiques d'époque classique dont j'ai donné toutes les clefs, et dont M. Maspero, avec l'aide d'élèves qui ont longtemps suivi mes cours, se proposerait d'entreprendre l'étude critique, bien qu'il n'ait jamais pu en traduire un seul mot par lui-même, en s'emparant tout naturellement des corrections que j'ai données à ces élèves dans mes cours. Je suis habitué depuis longtemps à de pareils procédés dont se plaignait déjà M. de Eougé dans les derniers temps de sa vie, et je sais aussi combien de nos jours on aime à s'approprier le mérite d'autrui et on vous en veut âprement si vous tenez à votre bien. N'est-ce pas ce qui s'est passé pour ma découverte, mon acquit-ition, ma restitution si laborieuse et ma publication, commentée et mise en valeur, d'un des chefs d'œuvre les plus illustres de la littérature grecque : le papyrus d'Hypéride? En France on ne m'a pas pardonné de ne pas avoir laissé à d'autres — plus en vue — qui m'en avaient fait la demande, tout le mérite de cette affaire. On n'a songé qu'à organiser les uns la conspiration du silence, tel autre une campagne de dénigrement, par une raison de jalousie facile à com- prendre. En Allemagne et en Angleterre il en a été autrement. J'ai déjà cité l'opinion des professeurs DiELs, Blass, etc. Je citerai encore celle du savant qui a publié le premier les acquisitions anglaises com- parables aux miennes ; l'AOrjvaicov TioXiTsia d'Aristote, etc. Voici ce que M. Kentox dit en effet dans les con- clusions de son article de la Classical Reciew : «Detailed criticism of the test would be entirely ont of place at présent, for M. Revillout avowedly offers only a provisional text, which will be thoroughly revised before the real editio pi-inceps makes its appearance. Towards this revision he has had the assis- tance of a large number of suggestions by professors Blass and Diels, whose comments and coujectiires, privately communicated, form an appendix to his memoir. At the same time the unassisted hibours of M. Revilloct, as represented in the provisional test, deserve the very fullest récognition from ail scholars, of whatever country. In addition to the restoration of the order and collocatiiin of tlie se:ittered fragments
(a) Eev. Juin P. Mahaffy, Cunningham memoirs. n° VIII, Dnblin 1891, p. 3, §§ Demotic papyri Fortunatly M. Maspero and some able yunger men en France are now atiaking the problem, etc. — Je dois dire du reste que dans maint pa-ssage de ce laisse tant à désirer — M. Malialîy a montré fort pen de bonne foi à mon égard.
Notice, etc. 43
J'ai maiuteiiuut à dire quelques mots de la méthode que j'ai suivie pour ce travail.
J'ai cru d'abord qu'un catalogue n'était pas une de ces sèches énumératious de docu- ments dont mou vieil ami Mariette se moquait tant, en les considérant comme des sortes d'inventaires bons pour le conservateur, mais dont il est absolument inutile de fatiguer le public. A mon avis, un catalogue doit non-seulement contenir l'énumération des pièces cata- loguées, mais aussi en faire comprendre l'importance et la portée. Or, pour des documents écrits, cette importance ne se tait bien sentir que par la lecture. J'ai donc pensé qu'il était nécessaire de tout traduire.
Mais la traduction seule ne suftit pas. Tel document prend surtout sa valeur des ren- seignements historiques qu'il nous fournit; tel autre, des renseignements juridiques ou éco- nomiques; tel autre, du rapprochement avec une pièce d'une autre époque qui nous fait voir la permanence d'une tradition ou les modifications qu'y ont apportées les révolutions politiques et les invasions extérieures. A ce triple point de vue je ne pouvais évidemment tout dire. Il m'a fallu faire un choix. Voici donc ce que j'ai fait. En thèse générale, j'ai réservé les questions de droit et le commentaire juridique de chaque pièce pour mes volumes de droit égyptien relatifs à la période archaïque et qui sont l'écho des cours que j'ai consacrés les années dernières à ces questions. Au point de vue documentaire, j'ai cru au contraire devoir livrer au lecteur celles des pièces analogues que je considérais comme les plus importantes pour la comparaison. On trouvera donc ici, à propos de nos documents, seuls numérotés, non-seulement tous les contrats archa'iques démotiques que j'ai pu consulter, grâce à des missions que m'ont confiées dans ce but MM. de Ronchaud et Kaemppen, les directeurs suc- cessifs de notre Musée et de notre Ecole, mais encore les principaux documents juridiques hiéroglyphiques, soit de même période, soit des périodes antérieures, traitant de sujets ana- logues. Au point de vue historique enfin, il m'a semblé nécessaire de développer — avec les détails utiles — les conclusions auxquelles l'étude de nos pièces m'avait souvent amené, les objections qu'elle soulevait souvent aussi contre les systèmes en vigueur, et les argu- ments qu'elle offrait presque toujours pour les doctrines, très différentes, de mes vieux maîtres
of papyrus and the decipherment of their contents, which, it is easy to believe, must hâve required infinité care and patience, he has also restored by conjecture nearly ail the lines which the mutilation of the papyrus has left imperfect. Thèse restorations are offered with ail beooniing reserve; but although it is not in the nature of things that one individual, working unaided, should in ail cases be so successful as to render the suggestions of other scholars entirely unnecessary, still it is only fair to say that M. Re- viLLouT has restored with wonderful success the continuons sensé of the mutilated passages, and has opened eut the way along which ail others must follow. His own words fairly represent the justice of the case.» — «Surtout quand il s'agit de quelque papjTus fragmenté, usé, effacé par places, plein de lacunes, quand il a été laborieux de rechercher jusqu'au bout un contexte, quand surtout d'ailleurs il a fallu faire ce premier débrouillement du texte, en grande hâte, au milieu d'autres déchiffrements journaliers et d'un enseignement presque quotidien portant sur des langues très différentes, il est étonnant de voir à quel point c'est un avantage considérable de ne venir qu'en second, avec une attention toute fraîche et toute reposée pour les quelques mots douteux encore. » — « But though the first editor cannot hâve the sarae advantages as the last, yet it is hardlj' probable that M. Revillout would wish to change places with any of his successors in this field; and scholars will not be slow to express their gratitude to him for his discovery and his restoration of this latest addition to the extant treasures of the literature of Greece. »
Chose curieuse ! dans le même numéro de la CLassical Beview, M. Kenton, dont on opposait en France les belles publications à la mienne pour diminuer cette dernière, est traité lui-même avec la plus souveraine injustice par un anglais, qui ose l'accuser de manquer de pénétration, d'ingéniosité et de science!
Cela prouve simplement le vieil aphorisme : «Nul n'est prophète dans son pays!»
6*
44 Eugène Revillout.
DE Ro0GÉ et Mariette.' «Ceci est im livre de bonne foi», et je me suis surtout proposé
d'éveiller l'attention sur certaines questions, que je ne me flatte pas d'avoir résolues.
Au point de vue matériel et typographique, pour ainsi dire, je dois ajouter que j'ai
donné en hiéroglyphes les textes hiéroglyphiques et hiératiques que je traduisais, et que j'ai
réservé les textes démotiques pour la publication en héliogravure de mon Corpus papyrorum
Aegypti, dont trois fascicules ont déjà paru et que je vais continuer activement.
Paris le 1"'' novembre'^ 1891.
EcGÈXE Revillodt.
• Je dois ici faire une déclaration, c'est que je me considère sur tous les points comme le fils et comme le successeur légitime de cette vieille école égyptologique française qui a eu, après Champollion, comme hiérophantes incomparables mes vieux amis de Rougé, Chabas et Mariette — école qu'on veut remplacer également par une autre à tendances tout opposées. Il est vrai que le nihilisme rétroactif de cette école nouvelle de détracteurs s'applique maintenant à toute l'antiquité, qu'on veut rabaisser et écraser. Pour les partisans de cette doctrine trop facile, les Égyptiens n'existent plus au point de vue de la civilisation, pas plus que les Babyloniens : et pas plus même les Grecs — ces pères de tout notre avoir intellectuel. Eh bien! moi, à l'imitation de nos vieux maîtres, je suis d'un avis complètement différent. Je crois que les grands anciens nous valaient bien, s'ils ne valaient pas mieux. Je ne suis pas de ceux qui se complaisent â comparer ce Eamsés II ou Sésostris dont les exploits nous ont été si merveilleusement peints par le poème de Pentaour et par les Grecs, — qui nous vantent aussi sa sagesse de législateur et d'administrateur — à je ne sais quel chef de hordes sauvages des nègres d'Afrique. Je ne suis pas de ceux qui nient l'évidence même : — comme cet art égyptien qui, dès les plus anciennes périodes, a dépassé l'art grec pour l'expression de la tête humaine et qui toujours, soit sous sa forme classique et officielle, soit sous sa forme libre et de cabinet (sur laquelle j'aurai longuement à revenir, tant pour l'époque d'Amé- nophis IV que pour celle des Ramessides, etc.), doit forcer l'admiration de quiconque n'est jias volontaire- ment aveugle; — comme cette morale incomparable, toute de charité, dont je me suis si longuement occupé et que je veux de plus en plus mettre en lumière; — comme ce droit si savant dont j'explique depuis plus de dix ans, à l'École du Louvre, les développements successifs, les contours si philosophiques et l'inflexible logique — droit qui suffirait à lui seul pour mettre à néant toutes les prétentions singulières dont je parlais tout-à-l'heure. Oui! je le répète, l'Egypte a comjilètement mérité tous les éloges qu'en ont fait les Grecs; et les Grecs de la grande époque avaient un peu plus d'intelligence, un peu plus de savoir, un peu plus de raison que les crevés et que les impressionnistes de la nôtre. Par tradition de famille, tout autant que par nature et par comiction, je suis un partisan déclaré du libéralisme. Je crois qu'il reste beaucoup à fake dans cette voie. — Mais ce sera justement pour se rapprocher des principes humanitaires et sociaux que je sens palpiter dans le cœur de la plus vieille Égj'pte. Voilà ma profession de foi. Si maintenant on en demande des développements et des preuves, il faudra recourii- à mes autres ouvrages; car ceci n'est qu'un catalogue et c'est ailleurs que je tâcherai de faire resplendir la si lumineuse civilisation égyptienne. — L'histoire de l'Egypte, dans son ensemble, telle que je la comprends, elle-même, est encore à faire et peut-être un jour le tenterai-je. Ce qu'il y a de cei-tain, c'est qu'elle se rapprochera beaucoup plus des . idées de MM. de Rougé, Chabas et Makiette que de celles de M. Maspero. Ajoutons d'ailleurs que je ne vois pas dans l'histoire un thème à développements littéraires, une œuvre d'imagination comme certains récits historiques et certains romans du même genre. Il ne saurait me suffire, quant à moi, de prendre un nom dans Manéthon pour faire la biographie complète du personnage, pour indiquer ses parentés, la date et les circonstances de son avènement, les principaux événements de son règne, la date de sa mort, avec, au besoin, la peinture et l'appréciation de son caractère et je dirais presque son portrait-carte, comme l'a fait M. Maspero au sujet des noms de Stephinatés, de Nechepsès, etc., gens dont l'identité et l'existence même est un problème. Je n'aime pas plus cette méthode appliquée à l'ancien Egypte qu' Augustin Thierky ne l'aimait quand il la trouvait dans les auteurs des siècles derniers et du commencement de celui-ci appliquée à l'histoire des Francs, au roi Pharamond, considéré comme roi légitime de France, et à d'autres rois, ses successeurs, non moins légitimes. Pour moi, l'imagination n'a rien à voir dans l'histoire et je pré- fère me borner à poser des points d'interrogation quand je ne peux arriver d'après l'ensemble des té- moignages à une certitude absolue. On voit que tout diffère entre nous et certains de nos collègues pour la manière dont on écrit l'histoire tout autant que pour la manière dont on comprend l'antiquité.
^ Nous devons dire que toutes les notes de cet avertissement ont été écrites après coup, pendant l'impression, pour surmonter certaines difficultés d'une mise en pages rendue des plus complexes par les conditions dans lesquelles elle se faisait.
Notice, etc. 45
AVANT- PROPOS/
L'année dernièrCj tant dnus notre cours de démotique que dans notre cours de droit égyptien, nous avons longuement expliqué les papyrus arcliaïques, qui forment le principal objet de cette notice, et qui permettent de remonter jusqu'au huitième siècle avant notre ère, jusqu'au règne même de Bocchoris, le législateur des contrats.
J'ai montré que le code de Bocchoris avait eu en Egypte, pour la constitution de la société elle-même, des conséquences non moins considérables que celles qu'eut plus tard à Athènes le code de Solon. Bien des siècles après Selon, jusqu'au dernier jour de l'indépen- dance de leur république, les Athéniens s'appuyaient sur lui comme sur le créateur de la démocratie. Les historiens grecs, en effet, nous décrivent dans la ville d'Athènes, avant lui, un état social bien différent de ce qu'il fut plus tard. Depuis un temps immémorial, la royauté y avait été abolie. On se trouvait donc eu république : mais la masse du peuple n'y avait rien gagné. L'aristocratie, ce qu'on pourrait nommer la caste guerrière, possédait du sol à peu près tout ce qui n'appartenait pas aux dieux. Ces nobles ne cultivaient pas. Mais les gens du peuple cultivaient pour eux et ils étaient dans une sujétion dont ils ne pouvaient pas sortir.
Eu effet, l'organisation de la propriété que nous avons constatée en Egypte sous les Eamessides^ avait été celle de la plupart des peuples anciens à leur origine. L'état de guerre y dominait tout. Celui qui dirigeait les guerres et ceux qui les faisaient avec lui, le roi et les guerriers, étaient maîtres de tout ce qui n'appartenait pas aux temples.
Je prends ces premières sociétés dans leur épanouissement complet : car l'idée d'avoir des guerriers, distingués du reste du peuple et dont la guerre fût le métier, n'a pu venir qu'à des nations présentant déjà des diversités dans les habitudes de vie, dans les occu- pations de chacun, dans les classes sociales, et établies à demeure sur leur sol. On avait tout à craindre d'un ennemi vainqueur : non seulement, il prenait les choses, mais il prenait aussi les personnes. La liberté individuelle était à la merci des hasards de la guerre. Il en résultait forcémeut un certain degré de collectivisme dans les états qui s'étaient formés
' Cet avant-propos n'est pas autre chose que notre leçon d'ouverture de l'année dernière, sauf le changement de quelques mots et de quelques tournures de phrase qui se rattachaient directement à la forme de leçon orale.
- Voir mon article sur «La caste militaire » du temps de Eamsès II dans la Revue égi/ptologique," t. III.
(a) Dans ce travail j'ai étabU la concordance absolue des renseignements historico-économiqaes à nous apportés par le poème de Pentaour — dans les reproches que le barde égyptien fait adresser par le roi Ramsès II ou Sésostris à ses piétons, ses cavaliers et ses officiers en leur rappelant ses bienfaits envers la caste militaire — et les données fournies par Diodore (de Sicile) relativement au même roi. Diodore (1. l*''', §§ 54 et 83) attribue à Sésostiis non-seulement l'organisation définitive des 36 nomes de l'Egypte, mais la constitution juridique du sol et la division des terres cultivables en trois parts : l'une pour le roi, une autre pour les prêtres et une antre pour les guerriers (Héiodote lui attribue en outre l'arpentage général de ces terres cultivables, évaluées partout en aroures) ; d'un autre côté dans le §§ 94 relatif aux législateurs Diodore insiste surtout sur les lois données par Sésostris a l'ordre militaire. Il semble en eiïet que ces deux réformes, politiques et économiques, ont dii être faites par.allèleraent. L'indication même des guerriers dans le §§ 83 lé prouve, car selon le §§ 54 Sésostris réserva une bonne partie des champs de l'Egypte à la caste militaire, quand il la constitua définitivement, en fixa le contingent à 620000 piétons et 24000 cavaliers et lui désigna 1700 chefs. C'est ces piétons, ces cavaliers et ces chefs que Pentaour place en face du roi quand celui-ci leur dit qu'il n'est pas un seul d'entre eux à qui il n'ait fait un bon sort dans sa terre, que sans lui ils n'auraient été que des misérables sans ressources, qu'il les a faits grands dans ses biens chaque jour, qu'il a mis le fils dans les choses de son père, qu'il les a établis dans leurs demeures et dans leurs villes, qu'il leur avait tracé la route vers leurs lieux de rassemblement, afin qu'ils se trouvent tous ensemble au jour et à l'heure de marcher au combat, etc. C'est là toute l'organisation de la caste militaire et des terres attribuées aux castes que Diodore a décrite de son côté.
46 Eugène Eevillout.
et où tout était à calculer j)our la durée et la résistance. Il y eut même en Grèce une nation puissante où ce collectivisme persista jusqu'au bout, alors qu'il avait ilisi)aru jiartout ailleurs depuis des siècles : — je parle des Spartiates. La petite tribu dorienne qui avait conquis la vieille ville de Sparte et tout le pays environnant s'était organisée en caste mili- taire; et à l'époque la plus brillante de la démocratie d'Athènes, chez les Spartiates la terre n'appartenait pas, ne pouvait jamais appartenir à ceux qui en faisaient la culture, aux descen- dants de ses anciens maîtres, aux malheureux Ilotes. Elle se trouvait en principe partagée à jamais par lots entre les rois et les guerriers d'une race dont le métier était de porter les armes. En fait elle restait collective; car la jouissance n'en était pas une jouissance individuelle. N'était-ce pas tout-à-fait le système organisé par Kamsôs II d'après le récit de Pentaour, en cela d'accord avec Diodore de Sicile?
Eh bien! à Athènes avant Solon, d'après les témoignages multiples et formels des his- toriens, des orateurs et des économistes, la situation des laboureurs, des -'ecopYtoi — aussi bien que celle des hommes exerçant dans les bourgs les divers métiers — n'était guère plus indépendante, sur ce sol dont aucune parcelle n'était à eux — avec la saisie de leurs corps qui les menaçait pour leurs dettes — que celle des Ilotes chez les Spartiates. Le Yswpï'o.; n'était pas le maître de ses champs, qu'il faisait produire. Il ne pouvait jamais espérer le devenir : pas plus qu'à Sparte; pas plus qu'en Egypte sous les Ramessides. Deux siècles plus tard, au contraire, ce sont ces paysans qui constituent surtout la classe dirigeante, alors qu'Athènes, jadis bourgade presque ignorée, est devenue une des puissances du monde les plus respectées et les plus grandes. Ces changements n'ont point été le résultat d'une révo- lution subite et violente : c'est la suite graduelle, naturelle, du jeu même des lois de Solon.
Or, alors que Solon fit ces lois, des résultats fort analogues s'étaient eifectués en Egypte par le fonctionnement du code de Bocchoris. Le collectivisme primitif,^ y perdant de son
^ Ce collectivisme primitif est encore très apparent sous la XIP dynastie, tlu temps du roi Amenemhat, qui se vante lui-même d'avoir fait labourer le pays depuis le Delta jusqu'à Eléphantiue, d'être le créateur des céréales, auquel le Nil accorde l'inondation et qui nourrit tous les habitants. Le prince Ameni, qui gouvernait en l'an 43 de ce roi (répondant à l'an 25 d'Usurtasen) le nome de Meh en qualité de D °^^, après avoir développé la part qu'il prit, à la tête des troupes d'élites de son nome — 400 guerriers — à certaines expéditions faites ])ar le roi jusqu'en Ethiopie, nous décrit ainsi le gouvernement civil qu'il exerçait dans ce nome, comme délégué du roi, propriétaire éminent du sol, pour l'utilisation féconde de ce sol et l'administration de ses habitants [Denk. II, pi. 122) :
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47
importance, laissait plus de place aux droits de l'homme. Un état réglé à peu près à la façon des états modernes relativement au régime des immeubles y remplaçait l'ancien état
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«Moi, j'ai été plein de douceur et de charité, un prince aimant son pays. J'ai toujours et chaque
année agi ainsi, comme gouverneur du nome de Meh. Tous les travaux de la maison du roi étaient sous ma
main; et voilà que les intendants des demeures appartenant a\ix dieux dans le nome de JIeh se tenaient (prêts)
à me donner 3000 bœufs d'enti-e ceux qui sont soumis au joug — ce dont j'ai été loué par la maison du roi —
chaque année de production. Je portais tous leurs produits manufocturés à la maison du roi — sans que rien
ne m'en restât — provenant de tous ses entrepôts et ateliers. Mon nome travailla pour moi en sa totalité
avec une activité surabondante: — et je n'ai pas affligé le fils du petit; je n'ai pas maltraité la veuve; je
n'ai pas fait tort aux hommes des champs; je n'en ai jws expulsé le gardien (je n'ai pas fait l'éviction de
celui qui en avait la garde et la possession). Il n'y eut pas de chef de 5 hommes dont j'enlevai les hommes
de leurs travaux. 11 n'y eut pas de malheureux dans mes jours. Il n'y eut pas d'affamé dans mon temps,
même quand il y avait des années de famine. Voici qu'assidûment je cultivai tous les champs du nome
jusqu'à ses limites (ses stèles limitatiices du sud et du nord). Je fis vivre ainsi de ses produits alimentaires
(lii-e <rr> I ss I v\ '^z-. j ses habitants. Il n'y exista pas de pauvre. Je donnai à la veuve comme
à celle qui avait un mari. Je ne distinguai pas le grand du petit dans tout ce que je distribuai : et quand
les inondations du Nil furent grandes, les maîtres . . . devinrent les maîtres de tontes choses et je n'exigeai
rien (d'eux) sur les produits des champs. >
Dans une autre inscription de Bénihassau (Denk. II, pi. lii. 125 et Maspero, Recueil \, i) toute cette
a ^ ^ n I organisation, ou plutôt cette réorganisation, est expressément attribuée au roi Amehemhat : ^K\
«lorsque vint sa Majesté
réprimer l'injustice, resplendissant comme le Dieu Tum lui-même, reconstruisant ce qu'il avait trouvé en ruine, prenant (et mettant à part) chaque district (domaine ou ville mit) de son frère, (de son voisin) lui faisant connaître ses limites par rapport à l'autre domaine (district ou viUe nul), rétablissant leurs stèles (solides) comme le ciel, faisant connaître leurs eaux, telles qu'elles sont dans les écritures, jugeant d'après ce qui était dans l'antiquité à cause du grand amour qu'il avait pour la justice.»
48 Eugène Revillout.
condeusé dans un Pharaon, maître de la terre, disposant de la terre, jouissant de la terre, en réglant la culture comme de son bien propre.
Il ne faut pas s'y tromper d'ailleurs, quand un gouvernement qui tient la terre en mains se résout à s'en dessaisir, quand il en vient à concéder aux individus des droits réels proprement dits leur permettant de jouir eu maîtres de ce qu'ils possèdent, il ne tarde pas à chercher des compensations, des équivalences pour ces ahandons de maîtrise.
Un système fiscal s'établit presque aussitôt que la propriété commence à devenir indi- viduelle. L'étude de l'histoire des impôts est donc une étude parallèle à celle de l'histoire de l'évolution de l'idée de propriété.
Autre remarque importante à faire.
Partout où le législateur attribue une iiuissance effective au contrat, partout où il donne aux particuliers le droit de régler leurs intérêts par leurs conventions, par des actes faisant loi entre les parties, la constitution des classes sociales, la di.stribution des biens entre elles, cesse par cela même d'être immuable.
L'expression dont Solon s'est servi dans ses lois est curieuse à ce point de vue. Il a déclaré que les conventions valablement faites seraient xupiai, c'est-à-dire maîtresses. Le mot y.upioç, mais c'est le terme dont on se sert également en langue juridique athénienne pour exprimer les droits du maître sur son esclave, les droits du propriétaire sur sa chose, les droits de celui qui commande sur celui qui doit obéir.
Voilà donc maintenant les nouveaux maîtres! Ce ne sont plus des seigneurs, des nobles : ce sont des contrats!
J'ai longuement montré dans mes cours combien vite après le code de Bocchoris, en Egypte, s'étaient modifiées les coutumes légales relatives à la possession de la terre. Au- paravant, pour les terres de temple, par exemple, si l'on admettait une sorte de sous-pro- priété, ou plutôt d'usage, shcù) qui les plaçait en mains de telle ou telle famille, ce n'était qu'à la condition que ce bien ne pût pas sortir de cette famille. ^ Les transmissions n'en pou-
Nous voyons qu'alors le roi désignait les jjrinces de chaque ^i ville ou grand district en tenant compte de leui-s parentés — même par l'intermédiaire de femmes — avec les précédents, et que ces administrateurs viagers, désignés par le roi, agissaient un peu comme de véritables propriétaires puisqu'ils donnaient certaines des terres avec leurs habitants à des prêtres de ka chargés de fiiire les services funéraires de leur famille — sous peine pour ces derniers de cesser d'être et de voir leurs enfants chassés de leurs places s'ils n'accomplissaient pas bien leurs devoirs — absolument comme cela est dit aussi dans la consti- tution analogue d'un prêtre de Ka par Ha])! Djefa de Siut. Ces sortes de contrats étaient tolérés par le roi, dont ils ne diminuaient en rien l'autorité souveraine. Mais l'administration de la terre et des habitants n'en devait pas moins garder le même caractère humanitaire comme faite au nom du roi rejn'ésentant la divinité. Aussi toutes les stèles de cette période — parmi lesquelles je signalerai surtout notre célèbre stèle d'Antef — ont-elles le même ton et nous reflètent-elles les mêmes usages de bonté et d'impartialité.
* Bien entendu, j'ai ici en vue les familles des tenanciers, des gens du domaine, des vassaux, et non celles des quasi-seigneurs, qui, dès l'ancien empire, à l'imitation du roi qui les avait investies, se con- sidéraient souvent en quelque sorte comme les maîtres de la terre dont ils avaient l'administration et l'aliénaient parfois dans des buts pieux, etc. La grande réforme de Bocchoris fut d'investir en sous-propriété légale les paysans de la terre qu'ils cultivaient — exactement comme l'a fait le dernier Tzar en Russie et comme veut le faire M. Gladstone eu Irlande. En fait d'ailleurs, depuis très longtemps, nous l'avons montré, les tenanciers occupaient et partageaient à égales parts entre leurs enfants les domaines qu'ils cultivaient et sur lesquels ils ne pouvaient cependant faire de contrats proprement dits. Voir à ce sujet l'excellent travail de mon ami Chabas sur les Maximes du scribe Ani, etc. etc.
Notice, etc.
49
vaieut être que des transmissious héréditaires, des attributions dans un partage motivé par la mort du membre de cette famille qui possédait jusque-là le bien, ou tout au plus peut- être des échanges de parts, quand des convenances nouvelles engageaient les intéressés à revenir sur le premier partage. — Je dis : tout au plus; car je doute que ces échanges de parts entre tenanciers ou paysans détenteurs de la terre se soient produits avant le code de Bocchoris. C'est là, en effet, un contrat proprement dit, une convention résultant de la volonté des parties, et non le résultat naturel de la force même des choses.
Jusque très tard, jusqu'à l'époque actuelle dans la partie la plus reculée de la Plaute- Égypte — je vous l'ai dit d'après les récits du Moudir d'Assouan — l'idée d'une co-propriété familiale sans indivision avait conservé des applications très nombreuses.
Cette idée permettait de se passer de contrats. Après la mort d'un possesseur qui laissait des enfants capables de lui succéder dans la possession, l'aîné de ses enfants venait prendre la place du chef de famille : et il administrait pour tous, comme le père de famille avait administré; — de telle sorte que, par rapport aux tiers, par rapport au temple, seigneur de la terre à Thèbes dans ces temps antiques, la situation n'était pas changée. Un seul de ceux qui occupaient les biens avait disparu. Les mêmes gens, la même famille restait tou- jours en possession, sans qu'il y ait eu de transmission proprement dite. ^
' Rien ne saurait donner une idée phis juste de l'état de la propriété à cette époque, ainsi que des droits parallèles des propriétaires émineuts, des familles quasi- projjriétaires et des simples tenanciers — (triple distinction que nous trouverons encore dans les contrats d'Amasis, quand les quasi -propriétaires appartenaient à la caste sacerdotale) qu'un procès civil que mon cher ami le professeur Erman a savamment publié avec une excellente transcription hiéroglyphique dans la Zeitschrift de 1879 (p. 71 et suiv.) et dont nous allons reproduire le texte avec notre propre traduction. Encore ici c'est l'aîné qui plaide tant en son nom qu'au nom de ses frères et qui, sous les Eamessides, devant le tribunal des prêtres d'Amon de Tliébes, finit par obtenir un compromis judiciaire analogue à ceux qui, d'après deux de nos contrats démotiques, furent obtenus sous les Lagides devant le même tribunal des prêtres d'Amon de Thèbes — jugeant au civil :
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Eugène Revillout.
Il est vrai que c'est là de tous les cas le plus simple. Quaud une famille devenait trop uombreuse pour pouvoir vivre de la terre commune et habiter la maison commune, il fallait bien que cette unité familiale se rompît. Ces ruptures d'unités familiales étaient l'oc-
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casion de contrats de partage sous le code de Bocchoris, fait en grande partie pour trans- former l'usage concédé à perpétuité par le seigneur éniinent de la terre, par exemple i)ar
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«L'an 4(5. le U Paoplii, sous la Majesté tlu roi de la Haute et de la Basse-Egypte, seigneur des deux régions, Rauserma-sotepenra, tils du soleil, seigneur des diadèmes, Ramessu-meriamen-hik-An, à lui vie, santé, force ! aimant Amonrasonter, viviflcateur éternel. — En ce jour : dans le palais de justice de Pha- raon, à qui vie, santé, force! au sud de la ville, dans «le lieu où le cœur se repose dans la vérité et la justice», à la grande porte de Ramsès II — en face d'Amon. — Juges de ce jour : Le 1" prophète d'Amon Bokenchonsu; le prophète d'Amon Usermentu; le prophète d'Amon Rama; le prophète Unnofrè, du temple de Maut; le prophète Ameneman, du temple de Chons; (le père divin) Amenemap, du temple d'Amon; le prêtre et Kherheb d'Amon, Amenhotep; le prêtre et Kherheb d'Amon Ani; le prêtre llui, du temple d'Amon; le scribe des comptes Hui, des juges de la ville.
« Le scribe royal des otïrandes Neferabu appelle en justice .... le préposé des magasins du temple d'Amon comme agent et représentant de ses frères.
«Le scribe royal des otïrandes Neferabu dit : (j'occupe tant) d'aroures avec mes frères, moi, et les a prises le préposé des magasins de Taa avec ses (agents, ainsi que tous les produits) de l'année, à ma main sans qu'ils me dcmncut ma part. A''oyez! ... le prophète Unnofrè du temple de JVIaut m'a fait faire un (commandement) pour me faire un lien (de droit) siu- les herbages pour ma contribution dont le montant était .... (Faites des recherches) dans mes écritures après moi. Regardez! Le préposé des magasins du temple d'Amon de Taa (m'a fait tort . . . Vous direz certainement :) c'est une parole de vérité qu'a dite le scribe royal des offrandes Neferabu! (car toujours toutes les parts à donner) aux agents du terrain (sacré) pour ce terrain, lui-même il les a transmises au temple de Maut, lui-même (les a . . .) sans en rien prendre pour son usage (sans en rien manger).
«Dirent les juges : Ecoutez .... voyez le (droit) qui échoit au scribe royal des offrandes Neferabu (sur les terres de) Maut.
7*
52 Eugène Reyillout.
la caste sacerdotale, en une sous-propriété, qui ressemblerait de plus eu plus à la propriété véritable.
«Dit le prophète Unnofrê. du temple de Maut : Les champs (dépendent du temple de Maut et les occupe en sous-propriété) Xeferabu. Je suis à recevoir (les tributs en blés et) en herbages. Or voici l'état des champs que le scribe royal des offrandes Neferabu (occupe eu sous-propriété) : Le terrain de terre haute (fcaij du temple de . . . au sud-est .... de son bassin, (terrain qui est) dans la main de (tel vassal); le terrain de terre haute du domaine de Hutal, sur la terre de ... .
«La vigne (?) qui est dans la main de Nedj . . . .: la terre basse, terre de prairie, (formant) IG aroures dans la terre de . . .; celle de la viUica (vivant sur le domaine) Mautbenra, (terre qui est) dans la main de ses entants et forme 56 aroiu*es V2 ^/lo plus coudées (t3) : le capital de terre fuu) (d'un tel), où demeurent
mes soldats, mes (dites) aroures (étant au nombre' de U^ 10 pbïs 4 coudées. Celui d'un tel formant
14 aroures ^/lo plus 4 coudées; et celui de la villica (vivant sur le domaine) Ant, 14 aroures ^/lo plus 4 cou- dées; celui de la ri//ica (vivant sur le domaine) ttne telle, formant 56 aroures ^2 * 10 pbis 6 coudées; celui de la villica (vivant sur le domaine) Tamaut, en partage dans la maison de la vîllîca (vivant sur le domaine) Mautbenra, .... 14 aroures (et 4 coudées) : (total pour les 2) 70 aroures ^/^ ^ ,0 plus 10 coudées: le capital de terre de (une telle de) Memphis, qui est en ma main, formant 23 aroures et demi; celui de . . . aai, qui est en la main de la villica (vivant sur le domaine) Annaa, formant 23 aroures et demi; celui du vilticits Panti .... qui est dans la main de la villica (vivant sur le domaine) Annaa, 23 aroures \2«.
Les juges dirent : (dans toutes les tenances du Neterhotep) de Maut les années (de récolte) doivent produire poiu* le magasin sacré (le tribut) pour nourrir (le personnel du temple). Le scribe royal des . offrandes Neferabu est à cultiver la culture (de ses champs : qii'il en donne le tribut).
Le scribe royal des offrandes Neferabu dit au prophète Unnofré du temple de Maut : A'oyons! Mon terrain (saisi), tu me le rendi-as, à la place de (^^>:^ V^ ^ _^/A I T/i "^ euMA-n) son tiibut en
blés et en herbes vertes!
Le prophète Unnofré du temple de Maut dit : Je tais protection et remise. Je le fais pour qull soit fait ainsi (pour que tu agisses en conformité).»
(a) Les parcelles de terres cultivables indiquées dans ce document sont qnelqnes-nnes de 1-1 aroxires plus * n, d'aroore plus 4 de , ces coudées qui sont le centième de l'aroure, c'est-à-dire de celles qui formaient en ^ec ptolémaiqne l'unité nommée TTTîyu; et dont nous avons longuement parlé dans notre chapitre sur les mesures supei-ficielles à propos du papyrus bilingae de Londres : d'antres de ces parcelles de terre avaient 56 aroures Vî *, 10 p'qs 6 coudées d'aroure. Il est à noter que ce dernier chiffre est juste le quadruple du précédent et que l'addition des deux, fournie d'ailleurs par notre teste lui-même pour une unité territoriale, nous produit un ensemble de 70 aroures V- Vio en additionnant les entiers et les chiffres fractionnaires d'aroures plus 10 coudées, ce qui équivaut à un nouveau dixième d'aroure, puis, à part le reste des coudées. En effet I41i multiplié par i donne 5656. et ces deux chiffres joints ensemble foiment 7070- A côté de ce premier groupe nous en trouvons un autre comprenant trois parcelles de terre dont chacune est de 23 aroures * ... L'addition donne 70 aroures Vz» chiffre qui se rapproche beaucoup du précédent. En effet, pour que ce domaine eût comme les précédents 70 aroures 70 centièmes, il faudrait seulement admettre qu'on aurait omis de noter le chiffre des condées dans l'évaluation de chacun de ces trois tiers, ce qui ne serait nullement improbable. Neferabu était donc investi de trois domaines d'au moins 70 coudées et demi, divisés l'un par tiers entre les tenanciers, les autres par cinqième entre les tenanciers, et de ^/s d'un autre domaine (si du moins les lacunes n'ont pas feît disparaître les indications de quelque autre parcelle), le tout en outre des terres basses de pré, des terres de vignes, etc. qui sont énumérées en tête de la liste et rappellent les terres de même nature possédées par Amten près de sa maison en dehors de ses 200 aroures de terre cultivable. Le droit quasi-seigneurial possédé sur des cinquièmes isolés de domaine ne paraîtrait pouvoir résulter que d'un partage de droit seigneurial portant sur des domaines entiers. Il semble donc que Neferabu et ses frères devaient représenter l'une des deux branches d'une famille qui avait été investie de terres ieas. fois plus considérables que les terres énumérées ici. On peut supposer, par exemple, que le grand-père ou l'arrière grand-père ou l'un des ancêtres de Neferabu avait reçu du temple environ 500 aroures de terre cultivable, plus des jardins, vignes, etc.. et que le droit quasi-seigneurial qu'il avait reçu sur ses domaines s'était trouvé après sa mort partagé entre deux enfants qu'il avait laissés. Peut-être cette investiture primitive de la famille nous reportait-elle jusqu'à l'époque pleinement sémite; car l'intervention continuelle des nombres 7 et 70 s'expliquerait beaucoup mieux, ainsi. 7 domaines de 70 aroures et 70 coudées forment un total de 494 aroures, 90 coudées, ce qui se rapproche le plus possible, par l'in- terrention du nombre 7, des 500 aroures en question. C'est ainsi qu'entre quasi-seigneurs les domaines se divisaient. Puis dans les familles des tenanciers intervinrent aussi des partages. Lorsqu'il v avait trois enfants dans une de ces maisons de tenanciers, le domaine occupé par cette famille se divisait naturellement en trois. Il se divisait en cinq dans la famille où les enfants se trouvaient au nombre de cinq. Si une des filles allait dans une autre maison pour s'y marier, elle pouvait emporter en dot dans cette nouvelle maison son cinqtiième, tandis que les autres enfants des mêmes parents, ses frères et sœurs, continuaient ensemble la vie commune. C'est ce qu'indique fox*- mellement notre texte pour la maison de la femme Mautbenra. La femme Tamaut était entrée en partage dans ce domaine de 70 aroures Vs Vio et 10 coudées pour en recevoir un cinquième, c'est-à-dire 14 aroures ^,\o et 4 coudées, tandis que les autres enfants de Mautbenra possédaient ensemble pour leur mère, au nom de leur mère, et d'une façon indivise, les 56 aroures * , ' ,oet 6 coudées d'aroures formant les quatre autres cinquièmes de ce domaine. La femme Tamaut dotée par sa mère avait donc reçu à l'occasion de son mariage sa part d'héritage, comme tant d'autres femmes la reçoivent également à l'occasion d'un mariage dans nos actes démotiques archaïques. On croit entrevoir au milieu des lacunes de notre acte qu'une autre fille de tenancier s'était même mariée à Memphis et avait reçu à cette occasiun sa part du tiers d'un autre domaine. 11 est évident que dans les partages du droit seigneurial il fallait bien tenir compte des partages effectués dans les C&milles de tenanciers. C'est ainsi que la branche représentée par Neferabu et ses frères n'aurait reçu que trois domaines et -!i sur un total de sept domaines, satif à retrouver la soulte dans une part plus large de terre basse, de terre de vigne, etc.
Notice, etc. 53
Accorder le droit de faire des contrats sur ce qu'on possède, c'est rendre vraiment personnelle et sérieuse la possession; c'est lui donner les caractères d'une maîtrise proprement dite, puisqu'on en dispose comme d'uu bien à soi.
Les échanges de parts dans le sein de la famille étaient déjà une affirmation aussi complète de cette maîtrise individuelle que le furent bientôt les transmissions hors de la famille, déguisées d'abord sous la forme d'échanges intra-familiaux.
On peut donc dire qu'eu ce qui touchait le paysan, jadis attaché à la glèbe, comme le colomis du Bas-Empire Romain et le serf de notre moyen-âge, il lui suffisait de con- server toujours à partir de la loi portée par Bocchoris — malgré les tendances réactionnaires qui se manifestèrent, après la mort violente de ce prince, sous Shabaka et les autres rois de la dynastie éthiopienne — le droit de contracter, d'une façon quelconque, au sujet de
Les termes juridiques sont ici fort intéressants.
Le préposé des magiisins a joué dans cette affaire le rôle d'agent d'exécution en opérant la saisie
((b^ \i^ )' ^^ prophète administrateur du temple de Maut avait fait un commandement à Neferabu
pour lui faire un lien (de droit) sur les herbages pour sa contribution n fi «~ vft ^^<n>
^ ^ '^"^ ^® ^ ^^^ "^ ^ ^ I '^•l''^^'^'^^ ^ ^lli P 1 ^ ^' L'''^P''''8^'0" "'«'■ "1'™ <ïe droit» nous est bien connue par les textes juridiques démotiques d'époque ptolémaïque. Elle se trouve notamment dans les citations en behaiosis que j'ai traduites dans mon «procès jugé par les Laoerites». L'ache- teur fait alors lien (mer) sur les héritiers de son vendeur pour les obliger à défendre en justice la légitimité de sa possession. C'est l'activité du lien juridique pour ainsi dire. Ici nous en voyons le côté passif. Le lien est un interdit fait par le prophète administrateur enlevant au quasi-propriétaire qui n'a pas pa3'é la redevance, le droit de jouissance sur sa récolte. Dans cette phrase le sens redevance, contribution, ce qu'en di-oit romain on nommait vectigal, est rendu, comme dans bien d'autres exemples, par le mot mes, qui sert à exprimer aussi le produit de l'argent — et cela jusqu'en démotique et en copte. — Cela est tout naturel, car le vectigal n'est ici que le produit en nature représentant l'obligation causée par la mise en tenance de la terre. Mais on se sert aussi dans le même but d'une autre expression que nous trouvons à la fin du procès pour l'accord transactionnel définitif: q v\ 0 [ ^^^\ n ^^4 \ ■& \À a5< V\
AX (J m I q ^A/wv^ ,■' «Mon terram tu me le donneras a la place de sa redevance.» Le même mot ,wwvA //Ors 1 1 1 t^iiii^t I I se retrouve avec la même acception dans beaucoup d'autres textes, par exemple, à plusieurs reprises, dans
très ancienne inscription juridique du prince Hapidjefa (à Siut)<i : <:z:^ j\<=^ ^^AAA^ I aaa~./. ^ I
û B t> O ,
,.û ^ '^ ''=^ ""^ iz-=i ^ l\ ® ™ ...•O c-n — ^
^J 0
'^^=— <^^=' I L \\ C--^ ''^■'^'^ "■'' '^"' ^ donné (au prêtre du sanctuaire) pour
cela (pour les services liturgiques à faire accompli!-)» un heq ou sa de blé sur tout champ pour la maison éternelle (la tombe) sur les vectigalia de la maison du prince, comme le fait chaque vassal de Siut sur ses redevances. En conséquence il lui appartient de faire donner cela par chaque vassal pour le temple sur son champ. »
Notre procès est relatif au domaine sacré organisé par Eamsès II." Ainsi que je l'ai démontré dans un travail déjà cité de la Revue et comme l'avait dit Diodore de Sicile aussi bien que Pentaonr, c'est
(a) Antérieurement la caste des guerriers n'existait pas et les temples ne possédaient qu'au même titre que les princes féodaux investis par le roi. que les soldats heureux auxquels il avait concédé des terres, etc. Après l'organisation des nomarcbies par Sesostris ou Eamsès II. foi-t bien comprise par Diodore, on dut régulariser la chose et les hir oïl les seigneurs ne purent posséder qu'en-dessous du domaine éminent du roi. des prêtres et des guerriers, comme plus tard après la réforme de Bocchoris les vassaux possédèrent encore à un degré hien inférieur. Mais au-dessus de tous ces domaines superposés dominait toujours l'autorité du roi d'où tout sortait et qui était le seul vrai maître du sol, comme il l'était encore naguère avant l'occupation européenne.
54 Eugène Revillout.
la terre cultivée par lui, pour que sa situation fut à jamais cliaugée relativement à cette terre. Peu importait d'ailleurs à ce jioiut de vue qu'il pût en disposer librement en faveur même d'un tiers étranger à sa parenté, ou seulement en faveur d'un membre de sa famille.
Mais en ce qui touchait le seigneur éminent, celui qui avait concédé l'investiture à la famille, ce ne put pas être chose inditférente que d'y laisser introduire un tiers. C'est si peu chose indifférente que dans nos locations actuelles la sous-location, la substitution, dans des conditions d'ailleurs identiques, d'un ménage nouveau à celui qui a reçu le bail est sou- vent prévue pour être interdite; et que même dans les fermages elle est interdite, sans (|u'il soit besoin de l'avoir expressément prévue.
D'ailleurs rien n'indique qu'eu Egypte, quand le corps des prêtres investissait telle ou telle famille de l'usage de telle ou telle terre du domaine sacré, à charge de la cultiver et de verser annuellement sur les produits la part que le dieu s'était réservée à titre de seigneur éminent, rien n'indique, dis-je, que cette investiture fut toujours gratuite aux anciennes époques. Au contraire, un acte, de date relativement un peu récente, puisqu'il ne remonte qu'à la dernière partie du règne d'Amasis, nous fait voir que, du moins alors, il y avait un droit à payer en pareil cas.
En effet cet acte est uu reçu relatif à la perception de ce droit, reçu délivré sous forme de lettre* par le chef de la nécropole, agissant et parlant au nom de tout le corps sacerdotal.
Ce chef de la nécropole ou montagne funéraire n'était qu'un agent en sous-ordre. Les administrateurs des biens sacrés étaient ceux des prêtres qui dans les temples portaient le titre de prophètes — les auteurs grecs nous l'avaient dit et les papyrus archaïques que nous avons expliqués dans nos cours l'année dernière ne laissent aucun doute sur ce point. — Du reste, le reçu en question suffirait presque pour le prouver.
C'était donc un prophète, le premier prophète du dieu Haroeris, qui avait accordé l'in-
fu effet Ramsès II, qui, en donnant à la caste militaire une portion des biens royaux (dont le.s princes féodaux du moyen empire n'avaient en droit que l'usage) a définitivement établi le caractère tripartite de la propriété éminente en Egypte. Mais sous les Ramessides, comme plus tard sous Amasis et sous Darius, nous trouvons plusieurs degrés bien distincts dans ce dont Bocclioris et Amasis tirent définitivement une quasi-propriété ou plutôt une sous-propriété. Il y a d'abord, pour les biens de Xeterhotep. le personnage sacerdotal qui est investi de telle part, souvent comme traitement pour ainsi dire. Il y a ensuite en-dessous de lui les occupants du sol, les ■¥• Vw^ ' ou ■¥- J) i « vivant sur le domaine » ( \ : laissant sou-
vent, de leur vivant, admmistrer par leurs enfants, comme à l'époque Lagide, ce domaine, dont on dit
alors «qui est dans la main (mtot) de ses enfants». Il y a enfin d'autres -4- ^J)' ci"i parfois
i ® Q&lioi occupent comme remplaçants des premiers et qui ont ces biens dans la main (mtot)-^ — sans compter que
dans certains cas le prophète administrateur du temple, vient, pour non-paiement, occuper lui-même et prend alors par saisie les biens en sa main (mtot), comme nous le voyons pour plusieurs de ceux qui sont énumérés par Unnofré dans l'état général des biens de Neferabu.
Mais je m'arrête dans cette digression un peu longue et je renvoie le lecteur pour toutes ces questions juridiques à mes volumes de droit sur l'état des biens. Je n'ai vouln ici que faire comprendre un texte dont on n'avait pas saisi jusqu'ici le sens général et la très grande portée.
' Ce n'est cependant point une lettre écrite de la main de l'expéditeur, c'est un acte écrit par un tiers et qui porte en tête la mention suivante — analogue à celle qui dans une lettre se trouverait écrite au revers — : «Remis par Petiamen, fils de Téos (Djeho), le chef de la nécropole, à Haredj, fils de Djet.. Celui qui a écrit le document s'indique nommément à la fin, comme le fait tout scribe-rédacteur d'un acte : «A écrit Tachons-at-ur, fils d'Annuhor, en l'an 38, Mésoré. »
Notice, etc. 55
vestiture de cette mesure de tesher, c'est-à-dire de terre cultivable, à un choachyte, rattaché, par ses fonctions, à cette nécropole dont l'auteur de notre reçu était le chef.
Voici ce reçu, qui commence par un souhait pieux et amical :
«Don royal du soleil, durée de viel — Le 1^'' prophète du dieu Haroeris t'a donné la pos- session (mate) de ce qui sera à toi, à savoir de la mesure de terre rouge (de tesher), prise sur la terre du neter hotep (domaine sacré) du dieu, au nom des prophètes des quatre classes d'Haroeris. C'était à toi, le maître du champ, à payer pour la mesure ci-dessus ce que l'on donne au chef de la nécropole pour le kati^ par outen des choses reçues (c'est-à-dire pour la taxe du dixième). J'ai reçu cela sans reliquat. Mon cœur en est satisfait. Je te donne quittance — quittance du tout — au nom des prophètes des quatre classes du dieu Haroeris, au nom de la nécropole, pour les katis d'Osiris. »
Ce reçu est daté de l'an 38 du roi Amasis. Il est donc postérieur de plusieurs années au changement de législation qui avait eu lieu sous ce roi. Aussi le choachj-te investi de la terre se trouve-t-il nommé «maître (neb) du champ», expression remarquable qu'on ne ren- contre jamais appliquée à des tenanciers dans les actes très archaïques.^
Mais entin le corps sacerdotal, représenté par ce que nous nommerions aujourd'hui ses procureurs, par ses prophètes, donnait encore l'investiture : et cette investiture n'était nulle- ment gratuite.
S'ils la faisaient payer déjà aux vieilles époques, les prêtres devaient ti'ouver tout naturel de se faire payer de nouveau quand une autre famille se trouvait investie de ce que la première avait reçu.
Telle paraît être l'origine du droit de mutation, que nous voyons d'abord mentionné dans des actes de ti-ansmission de biens datés du règne de Psammétique I".
Ces droits de mutation étaient alors perçus au profit des seigneurs éminents de la terre : c'est-à-dire, comme dans ces actes il s'agissait du (Inniaiue sacré, du veier hotep, au profit du sanctuaire, par les agents des temples.
Plus tard, sous les Lagides, nous les voyons perçus, pour les mêmes terres, au profit du trésor public, par des agents de l'état. Mais c'est qu'alors les temples ne possédaient plus guère qu'un droit purement nominal sur leur ancien netei' hotep. On continuait à nommer ces terres « terres de domaine sacré, terres de neter hotep » dans les contrats que rédigeaient des notaires attachés aux temples et y représentant les prêtres des cinq classes. Mais l'inter- vention nécessaire de ce notaire écrivant au nom de tout le corps sacerdotal, l'estampille officielle qu'il lui fallait donner aux transmissions de biens, était le dernier exercice ou plutôt le dernier indice d'une suzeraineté jadis très effective.
Le dieu Amon de Thèbes, dont le temple a laissé de si beaux débris, avait joué, en effet, le rôle de suzerain sur toute la contrée environnante, y compris même les terres dé- pendant de sanctuaires assez éloignés et, si je puis m'exprimer ainsi, constituant les fiefs de ces sanctuaires.
^ Le kati repéscnte comme monnaie égyptienne le dixième de l'outen ou argentans.
^ Cette expression neb est celle qui, dans le droit postérieur de l'époque classique, équivaut au grec zjpioç. Il est à remarquer qu'en même temps que le mot neb «maître» s'introduit dans le langage juridique des actes officiels pour la sous-propriété, cette sous-propriété elle-même cesse de s'appeler shaï «usage», pour prendre le nom de mate «possession».
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Sous la dynastie étbiopieune — préteudaut desceudre des grands prêtres d'Amon de Thèbes qui avaient régné sur l'Egypte, où ils formèrent ce que l'on nomme ordinairement la XXr dynastie — un agent spécial, prêtre d'Amon, prêtre du roi,' — roi auquel Amon avait donné la puissance, disent les actes même — était le représentant légal de cette puissance suzeraine.
Un certain nombre de nos papyrus sont relatifs à des terres dépendant d'un sanctuaire de la ville d'Hermouthis, actuellement Erment, située à plusieurs lieues de Thèbes, et qui avait déjà sous Talii'aka assez d'importance pour que le roi niuivite Assurbanipal, dans ses cylindres, mentionnât expressément les fortitications que le roi éthiopien d'Egypte y avait construites, en même temps qu'à Thèbes. Or, sous cette dynastie éthiopienne, comme sous celle de Psammétique, qui en est la continuation directe, ainsi que nous l'avons prouvé dans notre leçon d'ouverture de l'année dernière, le «prêtre d'Amon, prêtre du roi, qui a reçu d'Amon la puissance», intervient toujours quand il s'agit du domaine sacré d'un autre dieu. Il intervient pour donner à l'acte l'authenticité nécessaire. Il n'écrit pas, comme le fera sous les Ptolémées le monographe : — il laisse ce soin à un agent local, à un préposé des trans- missions, spécial pour les terres de ce domaine sacré. — Mais il se fait lire ce qu'on écrit et il le rend valable par son approbation. Dans toute la contrée le dieu Amon est le seigneur, autant que le roi : avant le roi; car celui-ci, investi par le dieu Amon, devient sa représen- tation vivante. C'est le roi des dieux : «Amon-ra-sonter»; et tous les dieux du voisinage dépendent de lui — comme les grands seigneurs, ces princes locaux, auxquels le monarque ninivite Assurbanipal attribue le titre de rois, dépendent du roi proprement dit, du vicaire d'Amon sur la terre d'Egypte.
Il y avait eu déjà d'autres races royales qui avaient attribué à Amon un rôle presque aussi considérable, avant même le moment où la dynastie toute sacerdotale des grands prêtres d'Amon avait voulu rendre visible le règne d'Amon sur la terre et, faisant paraître sa statue dans toutes les grandes circonstances — statue dont la tête était mobile — lui faisait indiquer, par un geste, quelle décision il fallait prendre, ou quelle sentence il fallait porter. Parmi les dynasties qui précédèrent, celle des Eamessides, commençant au père de Séti F"", était particulièrement dévote à Amon ; et le poème de Pentaour, en nous racontant les exploits de Ramsès II, fils de Séti F'', eu attribue la plus large part au dieu Amon, père divin du roi. D'autres documents, en grand nombre, nous montrent le dieu Amon de Thèbes rece- vant les tribus de contrées éloignées, conquises par les rois d'Egypte, par exemple des dîmes recueillies en Asie mineure. La domination théorique du dieu Amon du temps des rois éthiopiens, que continuèrent Psammétique et sa race, se rattachait donc à des traditions plus anciennes.
• Nous montrerons dans la suite que ce prêtre d'Amon, prêtre du roi, qui seul pouvait donner aux actes (sous les deux branches de la dynastie éthiopienne) la validité nécessaire, n'était à ce point de vue que le successeur du prophète d'Amon qui, sous la dynastie sacerdotale des prêtres d'Amon, interro- geait le dieu sur les divers procès, même relatifs aux familles et à la transmission des biens — procès qui sous les Eamessides étaient jugés à Thèbes par un tribunal semblable à celui que nous voyons fonctionner de nouveau sous les Lagides. Il faut donc bien reconnaître que les Eamessides étaient allé beaucoup moins loin dans le sens amonien que les prêtres -rois qid leur succédèrent. Il y eut sous ce rapport des réactions en divers sens.
Notice, etc. 57
Nos actes nous la mettent parfaitement en lumière. Mais ils nous apprennent aussi que sous le règ:ne de Bocchoris, à Thébes même, on ne taisait nullement intervenir un prêtre d'Amon, prêtre du roi.
Nous possédons un papyrus rédigé à Thèbes en l'an 16 de Bocchoris. Au point de vue historique cet acte est de la plus haute importance. Il nous montre que le prince de Memphis et de Sais, le tils de Tafnekht, était bien parvenu, en eifet, à réaliser ce que son l)ère avait tenté du temps du roi éthiopien Piankhi. Il avait soumis non seulement la Basse- Egypte, mais la Thébaïde. Il s'était fiiit reconnaître roi de lÉgypte entière; et en la IG*" année de son règne il possédait Thèbes, lorsque fut écrit le contrat dont nous vous parlons.
Or ce contrat est relatif à la transmission d'un immeuble situé où furent situés aussi la plupart des terrains transmis dans nos contrats datés de Shabaka, Tahraka, Psammétique et Néchao.
L'absence de toute mention du prêtre d'Amon, prêtre du roi, y e.st donc des plus re- marquables.
Ce n'est pas par là seulement que ce document est instructif. Nous montrant sous Bocchoris même une application du code de ce roi, il nous permet de voir que, si Shabaka n'abolît pas complètement ce code après avoir vaincu Bocchoris, lavoir poursuivi jusqu'à Memphis, l'avoir pris, l'avoir brûlé vif — comme un rebelle impie, parjure envers Amon, ayant violé le serment d'allégeance prêté à Piankhi, prédécesseur du père de Shabaka, par son père Tafnekht, — il favorisa du moins les tendances de réaction contre les principes posés par ce code. L'allure du contrat daté du règne de Bocchoris paraît presque aussi libre, au point de vue des droits individuels, que celle des contrats datés de l'époque ptolémaïque. Rien n'y rappelle la perpétuité de l'investiture originelle et son caractère essentiellement héréditaire pour une terre dépendant du domaine d'un temple. Pour abandonner tout droit sur cette terre, ou n'a pas besoin de recourir à la fiction d'un échange de part, comme on le fera toujours dans les actes dressés sous Shabaka et ses successeurs. Au point de vue juridique, c'est là une différence qui n'est pas seulement de forme, mais de fond, et qui cadre admirablement avec cette autre différence : la non-intervention d'un agent Amonien et royal dans la confection de ce contrat.
La création d'un prêtre d'Amon, prêtre du roi, chargé de surveiller la rédaction des actes et d'empêcher qu'on s'écartât trop des principes traditionnels du droit antérieur à Bocchoris, tout en consacrant le fait accompli de l'existence même de ces actes écrits, organisés par le novateur, nous paraît être l'œuvre de Shabaka.
Dans un contrat daté de l'an 10 de Shabaka nous voyons, eu effet, déjà ce person- nage appartenant à la caste sacerdotale des prêtres d'Amon jouer le rôle très important qu'il conserva jusqu'aux réformes d'Amasis.
Il ne faut pas oublier qii'Amasis fut un parvenu, un révolté, qui monta sur le trône en s'y substituant à la famille de Psammétique, — famille d'origine éthiopienne comme le prouvent les noms de Niku et de Psammétiku, se rattachant, certainement par des alliances, probablement par la parenté, à la dj'nastie éthiopienne qui avait régné avant elle. C'est là même ce qui nous explique comment, dans une stèle officielle d'Apis, actuellement au Musée du Louvre, le roi Psammétiku est présenté comme le successeur légitime du roi Tahraku :
68 Eugène Revillout.
et uou point de son père Niku, désigué comme roi de Memphis et de Sais par les Assyriens, ennemis de l'Egypte, mais qui avait été simplement nommé gouverneur, prince ou préfet de ces deux villes par le monarque éthiopien d'alors.
Dans les traditions éthiopiennes et Amoniennes, qu'Amasis n'avait aucun intérêt à perpétuer, entrait l'œuvre de Shabaka : la sourdine mise au code de Bocehoris par le con- trôle pratiquement exercé sur toutes ses applications; et peut-être aussi quelque loi formelle contraire à l'esprit de ce code et en limitant la portée.
Il reste actuellement difficile de savoir jusqu'où était allé Bocchoris dans le sens de la liberté des contrats accordée au peuple.
Avait-il déjà permis la vente, la vente directe des droits de possession, des droits d'usage et des autres biens? Avait-il voulu que pour les terres, pour tous les droits immo- biliers, cette vente se fit en deux temps, à l'aide de deux actes distincts, dont le second, l'acte de transmission, serait l'abandon formel au profit de l'acquéreur de tous les droits actuels de celui qui cédait et, quand il s'agissait d'immeubles, de la possession de la chose, sans trouble désormais de la part de celui qui y renonçait ainsi — abandon motivé par l'acte précédent, où s'en trouverait indiquée la cause : c'est-à-dire le paiement du prix, en cas de vente?
Les Ethiopiens auraient d'abord interdit de nouveau ce qui leur paraissait contraire au vieux principe de la perpétuité des biens dans les familles. Ils auraient déclaré que le paiement préalable d'une somme d'argent ne pouvait pas suffire pour motiver la possession d'une terre par une famille qui n'en avait pas été investie originairement. Ils n'auraient donc plus laissé subsister que l'un des deux actes organisés par Bocchoris pour les cessions de droits immobiliers — l'acte de transmission — et encore seulement quand les motifs en seraient fournis par les liens du sang, comme c'est le cas dans les échanges intra-familiaux se confondant avec des partages d'hérédité.
Ils auraient d'ailleurs rattaché le plus possible cet acte de transmission intra-familiale, par la solennité dont ils l'entouraient, aux souvenirs des décisions rendues sous la dynastie sacerdotale par le dieu Amon, les jours de fête, quand la foule était rassemblée et la statue du dieu sortie de son sanctuaire pour les grandes panégyries. La mention expresse de la fête du jour dans le protocole des contrats, mention que nous trouvons encore sous le règne de Tahraka, nous paraît être un signe visible de cette préoccupation traditionnaliste. ^
Un hiératisme aux contours roides aurait donc été rétabli pour la forme et le fond du droit : et le prêtre spécial dont l'autorisation se trouvait substituée à celle du dieu lui-même" était chargé de perpétuer ce hiératisme.
Il ne tarda pas cependant à se prêter à des compromis, motivés sans doute par l'avan- tage pécuniaire qu'j^ trouvaient les temples.
' Il faut comparer à ce point de vue les procès jugés pur Amon sous la dynastie sacerdotale et que je donnerai à plus loin, procès mentionnant non-seulement la date de l'année et du mois, mais le jour de la fête ou manifestation du dieu, avant l'expression hoou pen «en ce jour», qu'a conservée aussi le for- mulaire démotique de l'époque éthiopienne.
^ Il ne serait pas impossible d'ailleurs que le prêtre d'Amon, prêtre du roi, eût dû encore alors en principe interroger le dieu sur les affaires qu'on lui soumettait — comme sous la dynastie sacerdotale.
Notice, etc. 59
Qui donc avait eu le premier lidée d'introduire un droit de mutation au protit de ces temples pour les aliénations extra-familiales de terres provenant de leur domaine? On peut se demander si ce n'avait pas été d'abord Bocchoris lui-même, permettant ces aliénations dans son code. Portant par cette permission une sérieuse atteinte à leurs droits domaniaux, il aurait ainsi, par compensation, créé pour les dieux une source de revenus.
Cette source aurait été tarie sous le règne de Shabaka quand on serait rentré dans toute la rigueur des vieux principes, suivant lesquels nul ne pouvait disposer de la possession, de l'usage, du shai d'une terre concédée jadis à sa famille, comme d'un bien à lui personnel.
Quoi qu'il en soit, nous voyons mentionner — non sous la branche aînée des Ethiopiens, mais sous la branche cadette — dès le règne de Psammétique F"", le droit de mutation du dixième, perçu au nom du dieu Amon, pour les aliénations déguisées sous forme d'échanges intra-familiaux de parts héréditaires.
Ce n'est pas le prêti-e d'Amon, prêtre du roi, ce délégué de la puissance souveraine, qui perçoit la taxe et en donne quittance. Ce sont des prophètes, procureurs ou administra- teurs locaux. A Hermonthis, ville ayant Mont pour dieu principal, un prophète de Mont est le «receveur de, ce qu'on apporte, de ce qu'on verse pour la transmission» an an maseh.
Sous ce titre il intervient au bas de certains actes, avec un autre membre du corps sacerdotal jouant par rapport à lui le rôle de contrôleui-, à peu près comme interviendront beaucoup plus tard, au second siècle de la domination ptolémaïque, dans les enregistrements grecs des contrats démotiques, ceux qui, donnant quittance des droits de mutation, devenus royaux, résumeront dans leur apostille, sur le même papyrus, l'acte en motivant la perception.
Les receveurs et contrôleurs, prophètes de Mont, procèdent de même à l'ancienne époque, avec cette différence pourtant, que les actes auxquels ils souscrivent sur le papyrus même sont ceux pour lesquels les droits de mutation n'auraient pas k être exigés : soit parce que l'échange est réel et la parenté non fictive — tel est le cas dans un papyrus daté de l'an 30 de Psammétique; — soit parce que l'acquéreur est un prêtre d'Amon — tel est le cas dans un papyrus daté de l'an 45 du même roi.
Il semble donc bien que les transmissions pour lesquelles le droit du dixième était à percevoir n'avaient pas tardé à devenir beaucoup plus fréquentes que les autres, puisque, malgré la rédaction de l'acte par le préposé aux transmissions, malgré l'intervention du prêtre d'Amon, prêtre du roi, on demandait encore pour ces dernières l'appréciation des cas de dispense par des prophètes, agents spéciaux du trésor du dieu suzerain et portant un titre basé sur la perception de ce droit devenue la règle générale.
Ces agents spéciaux étaient les mêmes qui recevaient alors annuellement les sommes d'argent représentant la part du dieu dans les avantages de la jouissance d'une terre con- cédée par le temple quand ces sommes, fixées d'avance, restaient invariables — comme le prix d'un fei-mage, — au lieu de représenter la valeur toujours variable et nécessitant une appréciation chaque année d'une part de récoltes — telle que celle qu'un propriétaire de nos jours se réserverait dans un métayage.
Sous la dynastie éthiopienne, avant qu'il fût question de ventes déguisées motivant un droit de mutation, la taxe annuelle était perçue : mais par d'autres agents peut-être.
En l'an 13 de Tahraka, c'est un fonctionnaire intitulé «scribe divin du roi, à qui vie.
60 Eugène Revillout,
sauté, force'.» qui saisit/ eutre les mains du possesseur en retard pour payer, uue catacombe pour laquelle était due cette taxe annuelle et qui nous est montré comme devant eu jouir jusqu'au moment où l'arriéré sera vei"sé entre ses mains par le choacliyte en question. Était-ce lui qui aurait reçu cette taxe annuelle si elle eût été payée à son jour? La question peut rester douteuse; car à l'époque où, sous les Ptolémées, les diverses taxes étaient i)erçues par des compagnies de fermiers, la perception de certaines taxes extraordinaires rentrait dans les attributions d'un service administratif dont un basilicogrammate était le chef. Il se pourrait donc que sous Taliraka les voies d'exécution seules eussent été confiées à un scribe du dieu, agissant pour le roi dans cette exécution forcée.
Mais c'est toute une série de reçus de taxes annuelles payées à l'échéance, reçus dé- livrés entre l'an 30 et l'an 45 de Psammétique, que nous avions en vue quand nous avons dit que les receveurs en étaient les prophètes receveurs des droits de mutation, dont nous avons signalé l'apostille au bas de ces deux actes. Le titre qu'ils prennent nous indique combien les cas dans lesquels ces droits de mutation devaient être perçus étaient devenus peu exceptionnels.
Rien d'ailleurs de plus naturel que cette grande fréquence relative de la vente presque aussitôt après qu'on eut commencé à la laisser faire sous une forme déguisée et malgré la taxe dont on la frappait.
Mais ou devait bientôt trouver puériles les fictions dont on l'entourait. Ou devait trouver bien inutile la présence du haut fonctionnaire, officiel et sacerdotal, qui ne sauvegardait plus que de telles fictions.
Après avoir renversé du trône la fiimille de Psammétique, Amasis entreprit de grands changements que j'ai décrits dans mon cours de droit égyptien l'année dernière et sur cer- tains détails desquels la chronique démotique s'est longuement étendue.
En ce qui touche le prêtre d'Amon, prêtre du roi, il commença par limiter ses attri- butions, ne lui laissant plus qu'un rôle honoraire, si je puis m'exprimer ainsi : par exemple, dans certains mariages conclus dans le temple, où il figurait encore en l'an 12 pour donner à l'acte une consécration plus religieusement solennelle.
Mais, au moins à partir de l'an 3 d'Amasis, il n'eut plus rien à voir pour les questions de droit dans les contrats rédigés, soit à Thèbes, soit daus la région dépendant de Thèbes, relativement à des transmissions de biens immobilier.s, pas plus que dans ces contrats de créance hypothécaire ou antichrétique qu'il avait contrôlés aussi sous Tahraka, comme nous le montre un acte du Louvre. .
A partir de ce moment les actes se modifièrent rapidement par la forme et ils se mo- difièrent aussi pour le fond.
Pour les aliénations d'immeubles il restait encore quelque chose des vieilles formules des actes de transmissions jusqu'en l'an 19 d'Amasis, pour le moins. Il n'en restait plus absolument rien dans les contrats de vente datés du commencement du règne de Darius qui sont parvenus jusqu'à nous.
' Pour cette saisie, comparez celle qu'exécuta en pareil cas, sous les Ramessides, le préposé des magasins, au nom du prophète administrant le Neterhotep dont dépendait la propriété en question (voir une (les notes précédentes).
Notice, etc. 61
Un nouveau genre d'actes, que nous n'avions pas encore rencontré jusqu'à Amasis, devient très fréquent sous ce roi. Ce sont ces locations faites, pour la durée d'un au, par le possesseur de terres cultivables : — qui agit ainsi à la façon d'un véritable propriétaire, puisqu'il garde complètement son droit sur la terre, tout en cédant temporairement la possession matérielle de cette terre. La tenauce du domaine sacré était donc devenue dès lors une véritable sous- propriété conférant une maîtrise, semblable à la maîtrise du propriétaire, un droit susceptible de démembrements, comme le droit de celui-ci.
Peu importait d'ailleurs pour cela que l'origine de la tenauce se perdît dans la nuit des temps ou qu'elle fût toute récente encore. D'après nos actes certains choachytes qui jouent le rôle de tenanciers et qui louent pour un an à des cultivateurs cbargés de faire produire la terre, ont reçu eux-mêmes leur tenauce de prophètes fort peu de temps avant. Il ne s'en com- portent pas moins à ce point de vue absolument comme le feront les choachytes qui, devenus bien complètement propriétaires de ce qu'ils possèdent, sous les Ptolémées, assureront de même, par des baux d'une durée d'un au, faits avec des cultivateurs, la mise en œuvre de leur terre.
Mais en ce qui touche les droits des temples sur ces terres données en tenance, la situation sous Amasis était encore autre qu'elle ne le devint un peu plus tard.
Eu effet, la part de récolte que le sanctuaire s'est réservée, il la perçoit en tant que maître de la teiTe, et maître seigneur, maître ayant juridiction.' Il envoie chaque année ses
^ Cette maîtrise n'empêchait pas d'ailleurs une sorte de sous-maîtrise que nous constatons souvent dans les documents d'Amasis et de Darius ; je veux parler de la concession faite à certains hauts per- sonnages sacerdotaux d'une sorte de domaine intermédiaire entre la propriété éminente du temple et la sous-propriété du tenancier. Nous avons constaté déjà une sous-maîtrise de ce genre sous les Ramessides. Je ne doute guère, pour ma part, que les hh- dont parlent nos contrats de l'époque éthiopienne — comme plus tard ceux du temps d'Amasis — représeuteut ces seigneurs intermédiaires, si je puis m'exprimer ainsi, placés entre la propriété éminente du nelei-kotep et la sous-propriété du tenancier. Ces kir formaient seuls, je crois, sous Amasis les assemblées de ta qui partageaient avec eux le pouvoir féodal, comme ils formaient seuls la grande assemblée pléniére qui refondit alors le droit et siégea pendant les premières années de ce règne. Isolément les kir avaient pris plus d'importance par rapport à leurs vassaux. Ils ne se bornaient plus, comme sous les Ethiopiens, à approuver ou à improuver les partages entre les tenanciers de leurs domaines. Ils .s'occupaient alors même de l'état des personnes, des adoptions, des mariages par coemptio. etc. Leur pouvoir avait en effet grandi par le fait du grandissement du pouvoir du pater famUias. Aussi est ce dans un livre de morale écrit dans cette période que nous voyons, à côté d'une maxime pom- conseiller au pater de ne pas marier son fils contre son gré (chose impossible jusque-là), d'autres maximes disant : « ne maudis pas ton kir devant Dieu»; ou bien : «ne dis pas à ton kir : je te donnerai tel bien (ou telle chose), car il (ou elle) n'est pas à toi*. Le fait était en somme juridiquement exact, puisque le tenancier ne pouvait qu'abandonner le bien qu'il occupait au kir propriétaire : et non le lui donner. J'ajouterai que dans certains cas, s'il n'avait pas payé sa redevance, par exemple, il pouvait être contraint à cet abandon, — comme le kir lui-même pouvait y être contraint s'il ne payait pas le vectijal du temple. — Notons que les droits seigneuriaux du hir rétablis par les Éthiopiens, augmentés par Amasis, — an moment même où il diminuait ceux des temples, — maintenus au moins en partie sous la domination persane, disparurent définitivement lors de la réforme du droit qui fut opérée au lendemain de l'expulsion des Perses par les dynasties nationales. C'est pour cela qu'à l'époque de nos contrats ptolémaïques le terme hir, opposé à celui de remkeme « égyptien », n'est plus qu'un titre d'honneur sans effet, comme nos titres nobiliaires actuels, et qui désignait seulement celui qu'on appelait naguère en France «un monsieur» en l'opposant au paysan, à l'homme du commun. Mais sous Darius I" il était loin d'en être ainsi et la propriété intermédiaire des kir est encore prouvée par bien des textes formels. Depuis Amasis d'ailleurs un nouveau contrat s'était introduit, celui de la prise en culture de la terre pour un an, contrat qui, attribuant au fermier de l'année un di-oit de possession momentané avait agrandi d'un degré l'échelle des droits réels sur la terre. L'ancien villicus, le tenancier, ne cultivant plus par lui-même — ou par un autre tenancier mis exactement en sa place dans ses droits et dans ses devoh-s, pendant une absence, par exemple, et comme cela s'était pratiqué sous les Ramessides, — mais louant sa terre au cultivateur, était devenu par là même un vrai quasi-propriétaire.
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scribes évaluer sur pied la récolte, apprécier en argent la part qui lui est due, juger s'il u'y a pas eu de faute dans la culture : négligence dans le labourage, insuffisance de semailles, mauvais entretien ou insuffisance d'utilisation de ce qui devait servir pour l'arrosage, etc. Dans ces circonstances, en vertu de la juridiction du temple, les scribes du temple pronon- çaient une amende et saisissaient en gage la récolte ou le champ. Ils opéraient ime saisie semblable dans le cas où la somme d'argent fixée par eux pour représenter la part de récolte due au temple ne leur avait pas été payée dans un délai déterminé. Dans les con- trats de location annuelle pour la culture, on a l'habitude de spécifier, à cette époque, si la I)ai1 du temple sera prise sur la jjart du cultivateur, ou sur la part de celui qui loue, ou sur la part de l'un et de l'autre, et en ce dernier cas dans quelle proportion. On prévoit aussi l'éventualité d'une faute dans la culture, d'une amende, d'une prise de gage en résul- tant; et l'on indique dans quelle proportion tout cela sera supporté par chacune des deux parties, si le fait se présente.
Nous voyons donc que si Amasis avait enlevé aux temples, ainsi que nous l'apprend la chronique démotique, une très grande partie de leurs revenus et de leurs possessions tenn- toriales, il leur avait laissé au moins jusqu'à l'an 37 de son règne leurs droits seigneuriaux, quasi-régaliens, sur ce qui leur restait encore de leurs domaines.
Ces droits seigneuriaux, quasi-régaliens, ils paraissent déjà ne plus les exercer aussi directement sous le règne de Darius.
En effet, au lieu de prophètes et de scribes du temple appréciant eux-mêmes la valeur des biens, le montant des droits de mutation à payer au temple, comme la valeur des ré- coltes et la part à en prélever annuellement, — puis, une fois leur appréciation taite, touchant eux-mêmes le montant de ce qu'ils ont jugé être dû, — nous voyons un agent spécial, n'appar- tenant pas au sacerdoce, être chargé, pour le pays de Thèbes, de toutes ces appréciations. Il perçoit encore au nom des temples, pour verser aux temples. Mais déjà il porte le même titre de ret de Thèbes, d'agent de Thèbes, que portera sous Evergète P"' le fonctionnaire chargé de recevoir le droit de mutation au profit du trésor et au nom du roi.
Que cette espèce de bailli, pour prendre nos comparaisons dans le droit féodal, ait été quelque temps un bailli seigneurial, avant d'être un bailli royal, la chose est possible. Mais le pouvoir effectif du corps sacerdotal devait rapidement diminuer quand l'exercice de son droit de juridiction, au lieu de lui rester en mains, était remis à un fonctionnaire purement laïc. Je ne veux pas dire que le temple était dépouillé de son domaine, puisqu'il en touchait des revenus et puisque nous voyons d'ailleurs, en l'an 25 de Darius, un prophète administra- teur constituer encore, par devant le premier prophète, un droit de possession, de tenance, sur une teiTC de ce domaine.
Mais les ventes de ces tenances, depuis Amasis, se font librement, sans qu'aucun per- sonnage sacerdotal ait à présider à la confection de tels actes.
Nous avons longuement montré, dans notre cours de droit égyptien de l'année der- nière, quelle importance énorme avait prise sous Amasis l'acte relatif au paiement du prix, l'acte de quittance, — ce qui est devenu un peu plus tard le premier des deux actes exigés pour une vente : l'écrit pour argent. Sous Amasis l'écrit pour argent était pleinement l'équi- valent de la mancipation romaine, suffisant : pour le changement d'état des personnes libres;
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pour le mariage sous une de ses formes; pour conférer au poiut de vue légal la filiation; pour mettre un ingénu dans un état voisin de la servitude; et i)our aliéner les innueubies, aussi bien (jue les bêtes de somme, etc.
Je ne reviendrai pas ici sur le reste des innovations d'Amasis, ' dont j'ai si longuement traité dans mon cours de droit égyptien de l'année dernière : sur la grande assemblée cen- trale qui siégea pendant 14 ans; sur les assemblées de ta qui sous ce même règne paraissent avoir représenté l'équivalent des béliastes d'Athènes, — de ces jurés qui, tirés au sort chaque année, au nombre de six mille, décidaient, en dernier ressort, toutes les questions fonda- mentales, y compris celles de nationalité, de famille, d'hérédité légitime, celles que jugèrent à Eome jusque très tard, jusque sous l'empire, les ceutumvirs assemblés sous la lance, signe de la force et du jiouvoir; — sur les lois administratives d'Amasis, dont Diodore nous parle; comme sur ce qui touchait l'organisation même de la famille. Tout cela, — tous les remaniements si profonds de la société égyptienne qui se produisirent à cette époque, — s'expliquerait difficile- ment si on ne savait pas qu'Amasis, homme du peuple de très basse naissance, s'était fait imposer d'abord comme collègue au descendant de Psammétique par des soldats égyptiens révoltés. Pour se débarrasser ensuite sans danger du vieux roi qui représentait les vieux souvenirs pharaoniques, les vieilles traditions nationales, il lui avait fallu provoquer un mouve- ment de rénovation et de réforme, démocratique pour ainsi dire. Il avait imité jusqu'à un certain point les rois de Sparte, devenus rois d'une république. Et il avait fait la guerre aux temples, parce que les temples étaient le foyer principal d'un mouvement tout opposé. De là nue ressemblance singulière et souvent frappante entre certaines institutions égyptiennes du temps d'Amasis et certaines institutions consacrées par les décemvirs — dans le code des XII tables — à la suite d'un soulèvement populaire. On rêvait alors une famille basée sur les droits absolus du père comme le resta toujours la famille romaine. ^
En ce qui touche la propriété, sa transmission par l'acte constatant le paiement du prix, — et par cet acte seul, — rentrait dans la même série d'idées. C'est la mancipation romaine; c'est Yécrit pour argent égyptien. Bocchoris, nous l'avons dit, avait peut-être ]irévu cet écrit pour argent, cet acte de quittance : comme devant préparer l'écrit de transmission, de cession, par lequel celui qui avait payé l'argent pour devenir le maître d'un bien, en recevait la possession. Mais à quoi bon ce second écrit, se seront demandé les novateurs? N'est-ce pas un reste pur et simple de hiératisme que cette sorte d'investiture'? Ne suffit-il pas de con- stater, à la façon babylonienne, qu'on est convenu d'échanger un bien contre une somme d'argent et que la somme d'argent, prix de cet échange, a été versée? On se rapprochait ainsi des coutumes de la Haute Asie.
Et ce n'était pas sur ce poiut que le droit d'Amasis devait être changé quand les con- quérants asiatiques se furent emparé de l'Egypte.
1 Parmi ces innovations, je dois rappeler seulement celle du cens quinquennal. Comme à Rome celui qui était cliargé du cens demandait alors à chaque mari s'il avait une femme pour en avoir des enfants et cette déclaration seule devenait la base sérieuse de l'union civile. C'est pour cela que sous Amasis, lors des mariages religieux dans le temple, on ajoutait aux formules anciennes la promesse d'une déclaration à faire au moment du cens quinquennal, etc.
2 Voir sur toutes ces questions le cours de droit égyptien professé par nous l'année dernière et que nous comptons bientôt faire paraître.
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Sous Darius et ses successeurs les veutes criinmeubles s'effectuaient par un seul acte, l'acte qui constatait le versement du prix, — comme sous Sbabaka et ses successeurs, elles s'effectuaient par un seul acte, l'acte qui constatait la transmission pleine, entière, immédiate, de tons droits à la possession.
Cet état de choses se continua jusqu'à la révolte de l'Egypte, le refoulement des Perses, l'iustallation de rois nationaux.
Sous les dynasties nationales — originaires de la Basse-Egypte — on se rattacha pour le droit au roi national Bocchoris — également originaire de la Basse-Egypte — et l'on fit revivre son œuvre sous un aspect un peu hiératique, aux arêtes saillantes, aux contours précis, aussi différent que possible de l'aspect du droit des envahisseurs, du droit de l'Asie, aux contours un peu flous et modifiés sans cesse par la jurisprudence.
Quand les Persans reconquirent l'Egypte, après une soixantaine d'années d'indépendance, ils y trouvèrent en vigueur le droit même qui subsistera jusque sous la domination macé- donienne, jusqu'au moment où les Égyptiens cesseront de constituer une nation proprement dite, pour n'être plus qu'un ramassis d'esclaves, appartenant à un César.
La seconde invasion persane ne changea donc rien à ce droit, qui, après la conquête d'Alexandre, subsista et fut appliqué, en tant que droit du pays, droit du peuple égyptien, à côté du droit macédonien, réservé d'abord aux seuls Grecs.
Bien entendu, je n'entrerai pas dans le détail des garanties dont il avait entouré la vente, en dehors de celles qui résultaient de la confection consécutive de deux écrits : l'écrit pour argent, portant quittance; puis l'écrit de cession, Hvrant le bien.
Au point de vue des droits de mutation, nous avons seulement à dire que, perçus au profit des rois, — et non plus au profit des temples, alors qu'il était formellement indiqué dans le contrat qu'il s'agissait d'une terre de neter hotep — , ils furent maintenus au taux du dixième pour les actes faits entre Égyptiens de race jusqu'au moment où ces Égyptiens de race se révoltèrent sous Philopator et reçurent comme rois à Thèbes Anchmachis, puis Harmachis. C'étaient probablement des Éthiopiens; car ils portaient dans les protocoles des contrats les titres des rois éthiopiens de cette époque « aimé d'Isis, aimé d'Amon », titres qui sont foncièrement les mêmes que ceux de Shabaka et de Tahraka dans les protocoles de nos actes archa'iques, antérieurs d'environ cinq siècles : «le don d'Isis, aimé d'Amon.»
Pour rétablir sou pouvoir sur rÉgy]ite, le macédonien Épiphane dut faire de grandes concessions. Il diminua, de diverses manières, les charges très lourdes qui pesaient alors sur le peuple. Il réduisit le droit de mutation au 20", taxe perçue indistinctement aussi bien pour des cessions de droits sans portée effective que pour des transmissions réelles de pro- priété. L'ancien taux, le taux du dixième, fut rétabli longtemps après, vers le moment de la lutte entre son second fils, Évergète II, et la sœur-épouse répudiée de ce prince, Cléo- patre, veuve de Philométor.
Depuis lors ce taux du dixième fut toujours maintenu jusqu'à l'époque romaine, où nous le voyons percevoir encore.
Un autre impôt avait remplacé pour les terres de neter hotq} la part de récolte ré- servée aux temples. C'était l'impôt en nature perçu, par les agents du gouvernement, sur toutes les terres cultivées. Chaque année un décret royal déterminait la proportion d'après
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le niveau qu'avait atteint la crue du Nil : et les receveurs n'avaieut qu'à appliquer à chaque terre les conséquences de ce décret. A ce point de vue donc les temples avaient perdu toute juridiction et toute jouissance sur la plus grande partie de leur ancien domaine, — qu'on nommait encore neter hotep. — On les avait réduits à des portions congrues, que leur me- suraient les agents du roi : et ces portions devinrent progressivement si restreintes qu'il fallut bientôt créer, en outre, un budget des cultes, une syntaxis pour les prêtres.
La propriété individuelle s'était d'ailleurs pleinement dégagée; — et ce n'est plus que par une très fine analyse des divers droits immobiliers qu'en étudiant le régime des terres exclusivement à cette époque on peut entrevoir ses origines.
Si, au contraire, on part des anciennes époques, — pour descendre graduellement dans l'histoire des institutions égyptiennes jusqu'à cette phase classique, — après avoir vu comment, au nom des dieux, les corps sacerdotaux, d'abord propriétaires réels, puis vrais seigneurs de leurs, domaines, en sont venus à n'avoir plus qu'honorairement ce domaine sacré, ce veter hotep; comment l'occupation légitime d'un champ de ce domaine sacré, peu à peu transformée en vraie maîtrise, était originairement basée sur une sorte d'investiture qui, sans porter théoriquement atteinte à la propriété du dieu, inaliénable en principe, attribuait ce champ, en tant que tenance, à une famille dans la suite légitime de ses générations, on comprend mieux les singularités de la théorie de ce régime à cette époque classique : comment on exigeait du vendeur de prouver, par une série d'écrits remontant jusqu'à l'origine des con- trats, la légitimité de ses droits sur le bien et de s'obliger formellement à fournir au besoin cette preuve devant les tribunaux, en se substituant à l'acquéreur dans les procès qu'on pourrait lui intenter à ce propos; comment celui qui avait acquis une terre par acte pour argent, sans acte de cession, n'avait acquis qu'un titre nu, le titre de propriétaire, sans possession d'aucune sorte; comment non-seidement le fait de la possession, de la jouissance, mais le droit légal à cette tenance de la terre restait encore entre les mains de celui qui n'en était plus propriétaire aux yeux de la loi; comment l'hypothèque égyptienne était un droit portant sur la chose, mais ne conduisant pas à posséder la chose, tandis que l'hypo- thèque grecque pouvait toujours conduire à cette possession; comment enfin les démembre- ments, si curieux, du droit sur un bien immobilier, de ce droit qui dans sa plénitude est ce que nous nommons la propriété, démembrements qui, par l'hypothèque, ont laissé jusqu'à nous des traces, furent en Egypte le résultat d'une évolution naturelle de principes posés déjà dans le huitième siècle avant notre ère — et disons-le — beaucoup plus tôt.
On le verra dans ce qui va suivre; car l'étude des documents démotiques, qui nous conduit jusqu'à ce huitième siècle, jusqu'au code de Bocchoris, serait incomplète, si on n'en rapprochait pas celle des documents hiéroglyphiques et hiératiques antérieurs, dont l'impor- tance n'est souvent pas moindre au point de vue de l'histoire du droit et des institutions juridiques de l'Egypte.
L'exposé rapide, mais consciencieux, de la masse de ceux qui nous dépeignent la situation du paysan, du possesseur de terres cultivables, aux diverses époques, constitue à nos yeux une introduction nécessaire, sans laquelle les pièces que nous publions dans cette notice et dans les notices suivantes ne sauraient être nettement comprises.
Cette introduction permettra de mieux sentir pourquoi le code de Bocchoris a pu causer
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l'admiration des peuples grecs et faire élever sou auteur au rang des plus grands législa- teurs, — bien qu'on y tint compte avec grand soin de tout ce qui existait auparavant.
Les changements qu'il introduisait pouvaient d'abord, aux yeux d'un juriste superficiel, ne pas sembler plus considérables que l'avaient été tant d'autres changements apportés dans le cours des siècles à l'état de chose primitif.
En effet, le droit égyptien a toujours été un droit progressif : depuis les époques les plus anciennes jusqu'au moment où il fut fixé, pendant la dernière période d'indépendance nationale, après la révolte contre les Perses, sous la forme que nous nommons le droit clas- sique, forme sous laquelle on l'appliqua à titre de loi du pays ' aux Égyptiens de race sous les conquérants macédoniens.
Ce n'avait donc point été Bocchoris qui avait à jamais arrêté l'évolution du droit égyptien.
Cette évolution, longtemps nécessaire en tout pays pour amener un droit au point de maturité qui est sa plus grande perfection possible, se continua dans la vallée du Nil long- temps après lui. Nous le verrons par les papyrus et les autres pièces qui forment le sujet de la notice actuelle et qui nous permettront de suivre les vicissitudes du droit égyptien depuis son règne jusqu'à celui de Ptolémée Soter.
Mais, il ne faut pas l'oublier, c'est surtout de l'esprit de sa législation que s'inspirèrent les jurisconsultes qui fixèrent le droit de l'époque classique dans ses contours définitifs. Et le renom de Bocchoris s'accrût encore loin de s'éteindre.
Pour la classe la plus nombreuse, celle des habitants des campagnes, il devait rester et il restait par excellence le roi bienfaiteur.
Le tenancier n'était avant lui qu'un possesseur précaire qui détenait héréditairement — comme autrefois souvent les fermiers et les métayers le faisaient chez nous de père en fils — mais qui n'avait aucun droit de maître sur la terre cultivée par lui, et qui ne pouvait donc être admis à faire un contrat régulier pour disposer de cette terre ou la grever d'une hypothèque.
Ce tenancier, on le cédait lui-même en même temps qu'on cédait la terre, — comme dans le moyen-âge on cédait les serfs alors que l'on cédait le fief auquel ils étaient rattachés.
Bocchoris a fait par son code une grande révolution. Il a brisé ce lien d'attachement à la glèbe et, rendant vraiment libres les serfs de la veille, il leur a permis de contracter sur ce qui devenait dès lors pour eux un bien personnel proprement dit, une quasi-propriété. C'est ce qu'a fiiit de notre temps un empereur de Russie pour les paysans de son vaste empire : et l'on n'ignore pas combien cette mesure législative a eu de portée.
Dans notre cours de l'année dernière nous avons montré qu'en Egypte la dynastie éthiopienne, — ayant pu vaincre et brûler vif Bocchoris — avait voulu revenir d'abord sur quelques-unes des conséquences que son code avait eu de suite. Mais les principes étaient posés, — aussi féconds que le furent chez nous les principes de 89 — et malgré toutes les résistances ils devaient vaincre, en définitive, parce qu'ils étaient justes.
' La loi du pays est invoquée à plusieurs reprises par les avocats des deux parties dans un procès soutenu plus de deux siècles après la conquête macédonienne devant un magistrat macédonien. Le papyrus
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INTRODUCTION HISTORIQUE
SUR
L'ADMINISTRATION ET L'ORGANISATION LÉGALE DES TERRES DANS L'ANCIENNE
EGYPTE.
A.' — Époque précédant l'invasion des Hyksos.
Mes élèves savent que déjà depuis plusieurs années nous sommes loin de nous en tenir à l'époque ptolémaïque dans mon cours de démotique, comme dans mou cours de droit égyptien. En démotiqxie nous remontons jusqu'au commencement des contrats écrits dans cette langue populaire, jusqu'au règne de Bocchoris, qui a organisé ces contrats par son code. Dans l'étude du droit égyptien nous remontons beaucoup plus haut; car avant le code de Boccboris il y avait un droit égyptien — droit que ce législateur modifiait seulement sur certains points et dont les principes dominèrent les principes posés par lui, pendant la période de réaction qui suivit sa défaite et sa mise à mort par les conquérants éthiopiens.
Avant que le droit se fixât d'une façon définitive sous les dernières dynasties nationales des rois égyptiens en révolte contre les Perses — devenant alors ce droit classique que nous voyons toujours en vigueur après la conquête macédonienne — il avait eu bien des fluc- tuations, que j'ai longuement racontées dans mon cours de l'année dernière en traitant de l'état des personnes. Je vais maintenant, pour permettre de mieux comprendre nos contrats archaïques si intéressants à ce point de vue, commencer par mettre en lumière, dans une série d'études rapides et parallèles, les principaux documents qui, depuis les premières dy- nasties, concernent particulièrement de près ou de loin la terre arable, ses produits et la situation de l'agriculteur relativement aux autres personnes pouvant invoquer des droits sur son champ, dans cette riche vallée du Nil, — si productive en céréales, — qui, après la conquête d'Auguste, fut la nourricière du peuple romain.
Relativement à l'agriculture l'Egypte se trouvait en etïet dans des conditions toutes particulières. Il n'y avait pas besoin de fumages comme dans les autres contrées pour entre- grec 1" de Turin, si bien publié par Peyron, nous a conservé le procès verbal officiel de ce procès. Nous y voyons l'avocat Philoclès, plaidant pour le Macédonien Hermias, invoquer : d'abord des chapitres de cette loi nationale, v/. -oj ttj? /upa; vo[jioj jj-spr;, relatifs aux conditions de validité des contrats égyptiens, etc.; puis une autre loi de même source sur la clause de garantie exigée dans les contrats de vente. Nous y voyons aussi l'autre avocat, Binon, citer de son côté cette même loi sur la garantie et invoquer eu outre les lois nationales relatives à la procédure devant les tribunaux nationaux. Tout cela se passait, je le ré- pète, devant un magistrat macédonien qui, comme les proconsuls romains, pouvait tenir fort peu de compte des lois nationales. Je dois ajouter que la ville de Thébes, où se soutenait ce procès, était soumise à un régime comparable à notre état de siège, depuis le moment où Épiphane s'en était emparé après qu'elle eût pendant 19 ans, s'étant révoltée contre les Grecs, reconnu pour rois des Harmachis et Anchmachis, probablement de race éthiopienne, comme il paraît d'après leur protocole.
• Je distinguerai ici par une série de Majuscules, intervenant en guise de numérotage de sectionne- ment, les leçons diverses faites par moi, à diverses époques, dans mon cours de droit égyptien, dont sont tirés les éléments de cette introduction, qui fera mieux comprendre, en l'absence des commentaires juridiques réservés pour un autre ouvrage, le sens réel et la portée des contrats démotiques de l'époque archaïque publiés dans cette notice.
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tenir la ricbesse du sol. La fécondation était assurée par le limon qu'apportait le fleuve dans son inondation périodique — inondation durant quatre mois chaque année et couvrant toute l'étendue des terres arables. — Des travaux immenses, canaux en tout sens, digues puissantes, réservoirs nombreux, avaient été, ])resque à l'origine du peuple égyptien, établis par le gouvernement central pour utiliser cette inondation par uu système régulier d'irri- gations complètes et bienfaisantes. L'entretien de ces travaux était considéré comme un devoir public et la peine de mort menaçait quiconque en aurait détruit quelque chose. Les Romains, après la conquête, se gardèrent bien d'abolir cette vieille loi nationale, rappelée pour l'Egypte dans le Corpus Juris.
Chaque parcelle de terre avait droit à sa part d'eau, qui ne lui venait pas, comme ailleurs, de pluies plus ou moins irrégulières, mais de ce régime gouvernemental, si je puis m'exprimer ainsi, et des coupures faites à ce fleuve réglementé.
L'Etat, distributeur de l'eau, la donnait en vue de la culture, et la culture dans ces conditions était elle-même une corvée, un devoir social, un service public auquel on ne pou- vait pas plus se refuser quand il vous était imposé qu'on ne peut se refuser chez nous à faire son service militaire. Ajoutons même à ce propos qu'en Egypte, depuis Sésostris, les militaires avaient des terres à cultiver ou faire cultiver. Beaucoup plus tard, moins de deux siècles avant uotre ère, une circulaire grecque d'un ministre d'un des Ptolémées était motivée par les plaintes de pauvres soldats que l'on forçait à cultiver de leurs bras une étendue de terre déterminée, — d'après les termes d'un édit royal imposant la corvée de culture à chaque habitant de l'Egypte.
Si j'insiste sur tout ceci, c'est pour que l'on comprenne bien comment il était impossible qu'à l'origine la propriété des terres arables eût en Egypte les caractères de la propriété romaine, du dominium romain, cette maîtrise exclusive, individuelle, sans comptes à rendre, ayant le droit d'aller jusqu'aux derniers abuf5, qu'organisa le code quiritaire des XII tables.
A Rome celui qui possédait sa part de champs faisait ce qu'il voulait de ce champ. Il le cultivait, si cela lui plaisait, comme cela lui plaisait : et, s'il préférait, il pouvait le laisser en friches. Il ne dépendait de personne; et il n'avait besoin de personne pour lui assurer la jouissance de ce qu'il avait reçu en mains. C'était sa chose à lui. Il la fécondait seul. Il en était le maître — le seigneur absolu, — beaucoup plus absolu qu'aucun roi ne peut l'être.
En Egypte, au contraire, le champ n'était jamais, entre les mains du cultivateur, qu'une parcelle du grand domaine organisé par le chef de l'État; et les travaux qu'avait fait faire le chef de l'État contribuaient encore beaucoup plus à la production de ce champ que ne pouvaient le faire ses propres travaux. Il y avait donc au-dessus de lui un maître naturel du champ : et ce maître du champ était le Pharaon.
Les produits de ce champ entraient dans les revenus du Pharaon, véritable propriétaire de toute la terre égyptienne. C'était là un principe fondamental du droit. Mais, — par suite même de ce principe, — il se trouvait souvent en fait que telle ou telle portion de terre pouvait avoir été l'objet d'une libéralité royale qui, entre le cultivateur et le roi lui-même, avait introduit un personnage interposé. A ce personnage le Pharaon avait concédé les pro- duits annuels de cette parcelle de son domaine, lui attribuant ainsi de la propriété un des
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avantages les plus palpables. Il lui avait abandonué le droit de perception directe et en même temps le soin de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer cette perception. Il en avait fait, par conséquent, en quelque sorte un maître du champ; mais sans que cette maîtrise de fait portât aucune atteinte à sa maîtrise de droit.
Quant aux paysans établis sur ce sol et chargés de mettre la terre en culture, leur situation n'était pas changée pour cela. Ils restaient chargés de leurs champs comme devant. Comme devant, ils les fjiisaient produire; et ils devaient toujours verser la même quantité ou la même proportion de produits annuels : entre les mains du bénéticiaire de cette donation royale, comme entre les mains de l'agent du roi. Ils étaient eux-mêmes, d'ailleurs, un des éléments nécessaires de la production des céréales et du revenu concédé. Aussi dans les actes de concession était-il naturel de dire qu'on donnait la terre avec ses gens.
Ce régime des terres, appliqué sous les premières dynasties, ne présentat-il pas cer- taines analogies avec le sj^stème féodal?
Comme le fief de notre moyen-âge, la part de terre ainsi concédée en Egypte pouvait passer de père en fils ; et il arriva même qu'elle put faire l'objet de transactions, d'échanges, d'équivalences. Déjà dans l'inscription d'Amteu,' sous la IIP ou la TV" dyuastie, ce favori
' Il y a quatre ans, dans mon mémoire sur un papyrus bilingue du temps de Philopator, publié dans les Proceedings of the Societij of bihUcal archaeologi/, mémoire que j'ai fait tirer à part, aux pages 18 et suiv. de ce tirage à part et à la note 49, p. 64 et suivantes, J'ai longuement montré comment M. Maspero, dans un travail sur cette inscription d'Amten, déjà étudiée par Biech, par Erman, par moi dans mes cours et par bien d'autres — travail qui est d'ailleurs un des meilleurs de lui {Journal asiatique, 1890, p. 382 et suivantes) — ne s'est nullement rendu compte de l'ensemble, du parallélisme des passages qui se corres- pondent, soit au point de vue économique, soit au point de vue métrologique, puisqu'il est allé jusqu'à mettre en doute l'existence de l'aroure en métrologie égyptienne comme mesure agraire, alors que les textes en question donnent non-seulement le nom de cette mesure agi'aire à plusieurs reprises, mais en déterminent en coudées les dimensions, telles qu'Hérodote les avait indiquées et telles qu'on les retrouve dans une multitude d'autres textes.»
(a) Pour la maison qui est donnée à Amten par le roi il est tîit :
*5f^ ^ 1 F 8 ""-^^^ T T T ^^^'^0° (propriété) longue de 200 coudées, large de 200 coudées, bâtie, garnie de très bons arbres,
ayant en elle des bassins très nombreux, plantée de figuiers et de vignes — (selon) ce qui est écrit dans le rescrit royal : les noms en sont sur ce rescrit royal — garnie (enfin) de vignes nombreuses où l'on fait du vin en grande quantité, car il y fit une treille, de
deux aroures de terre yato 'terre mesurée habituellement par /a — 1000 coudées superficielles, 10^ d'aroure — et par to '= ', bande de
100 coudées de long sur une coudée de large, 100^ d'aroure ou meh jliet — genre de mesures qui fut toujours spécial aux terrains de ville) entoui'ée de murs et plantée de (bons) pieds. »
Et ailleurs : ù D ï ol) j\ <Ci:> /wwna i i X \\ )^ J) -•< Ordre fut donné de lui tninsmettre
par lettres royales, 4 aroures de terre, des gens, et toute chose. »
Ce qui revient exactement au même, puisque l'aroure ayant, selon Hérodote, cent coudées de tous les côtés, c'est-à-dire lOOOO coudées, carrées — 4 aroures font 40 000 coudées carrées.
Pour les champs il est dit une fois :
A ^^^^^^ ^ . 8 ^\ ^ ^^ o uiuTiVai <:^:£. «Il acquit en équivalence 200 aroures de terre
es de campagne, inondées annuellement), avec des hommes eu quantité. » Et dans le passage parallèle : A '^"^'^ ^^S H ^ X "^X ^ O^ l^^^o <^:|s^ «Cette répétition.
70 Eugène Eevillout.
du roi, iiucien préfet de uomes, éiiuméraut ses possessions immobilières, y fait tig:urer, — à côté d'une maison avec un parc qu'il a reçue directement par acte royal, — 200 aroures de terre arable qui lui sont venues par équivalence avec de nombreux cultivateurs. Ce que possédaient alors en leur nom personnel les grands seigneurs, les hauts fonctionnaires, les amis du roi — et par suite les descendants de ces favoris — c'était donc bien une jouissance, perpétuelle et transmissible, des produits de la terre que les paysans, cultivant pour eux, possédant sous eux, gardaient en mains. Ces gens de la ferme, de ce que les Romains dé- signaient sous le nom de villa, — d'où vient en latin villicus, nom du fermier, — ces vilains d'Egypte, qui étaient cédés avec la glèbe, ressemblaient en cela aux serfs du moyen-âge. Comme eux ils avaient une famille, nne filiation légitime, basée sur des mariages proprement dits : somme toute, ce n'étaient pas des esclaves, tant s'en faut, puisqu'ils agissaient à leur guise en tout ce qui ne compromettait pas la bonne culture de la terre confiée à leurs soins, pourvu qu'ils pussent s'acquitter en temps voulu de leurs redevances annuelles sur les produits du sol.
Nous venons de voir des portions de ces terres dont la culture était assurée pour tou- jours par le rattachement à la glèbe des paysans qui les avaient en mains être attribuées en jouissance perpétuelle à certains seigneurs et à leurs familles. L'inscription d'Amten, remontant, je le répète, à une des premières dynasties et que nous avons citée déjà, nous montre encore un autre genre d'attribution de jouissance immobilière. En effet il y est dit qu'Amten, mis à la tête de deux nomes, posséda, eu cette qualité de haut fonctionnaire, 12 domaines, en outre de ce qui était ses biens à lui.
Des inscriptions plus explicites du temps de la XIP dynastie vont nous mettre à même de mieux comprendre dans les détails ce dont il s'agissait ici.
Constatons d'abord que dès ce moment, si les céréales versées au trésor royal sur les produits des terres conservées par le roi, ces céréales qui remplissaient les greniers royaux disséminés sur toute la surface de l'Egypte, formaient une partie très importante des re- venus généraux de l'état, de ce qu'on nommerait aujourd'iiui l'actif de son budget central, on avait eu soin d'assurer dans chaque nome le fonctionnement d'un budget local, — in- dépendant du budget central, — par l'attribution en jouissance de certains domaines au chef de ce nome.
Il se ti'ouvait durant ses fonctions jouer le même rôle sur ces domaines que jouaient, sur les leurs les seigneurs qui en avaient reçu la concession du roi à titre de don per- sonnel; et dans une certaine limite — sous la XIP dynastie du moins — il n'était pas inter-
disais-je dans mon mémoire sur nn papyrus bilingue, avait un but. En effet, un premier texte, qui est publié dans la pi. VI delà partie n des Denkmâler, nous fournit l'état de tous les biens dont s'était enrichi Amt-^n. On nous y raconte comment il reçut par rescrit loyal quatre aroures, comment il eut diverses fonctions pour lesquelles il occupa S ^ ^^ douze domaines ^^ dans trois nomes, comment il reçut en équiralence ^-=saj, 1 ^ 200 aroures de terres cultivables, etc., en dehors de 100 peryru qu'il recevait chaque jour du châ- tean de la nine. C'est un résumé général.
«Dans nn autre texte {ibid., pi. VII) on nous raconte ce qu'il fit du domaine de quatre aroures, on 200 coudées de longneor sur chaque face d'un carré (c'est-à-dire 40,000 coudées carrées), domaine qu'il avait reçu par rescrit royal; comment il y planta des vignes, qui en occupèrent une moitié, etc.
«Dans un antre texte, II, III, on nous donne des détails semblables sur ce que devinrent les 200 aroures de terre cultivable, précédemment énumérées : Il avait reçu en équivalence 200 aroures de terres à blé. Il en donna 50 à sa mère Nebsent. II y bâtit une maison pour ses enfants; il leur donna, par permission royale, toutes les places dépendant du château royal de Honsuten fsitué dans un des trois nomes mentionnés dans le premier texte et où il avait possédé 12 domaines), et il donna (à cette occasion) à ses enfants 12 aroures de terre arable, avec des hommes et des bestiaux. »
Notice, etc. 71
dit au prince chef de nome de grever à jamais par des fondations pieuses les revenus des terres qu'il avait à ce titre et qui passeraient à son successeur.
Il est vrai qu'alors le titre de prince de tel ou tel nome tendait à devenir héréditaire. La formidable féodalité qui devait morceler l'Egypte entre une quantité de petits souverains presque indépendants, lorsque les grands rois d'Assyrie et d'Ethiopie s'en disputaient la suzeraineté, apparaissait déjà en germe à ce qu'il semble; et parmi ces princes des nomes il en était qui, sortis des temples, appartenaient de race au clergé.
Tel était le cas d'Hapidjefa, prince de Siut et grand-prêtre du temple principal de cette ville, qui, s'adressant aux prêtres, leur dit : « Je suis fils de prêtre comme chacun de vous. ^ »
Du reste, ceux même des princes qui ne se rattachaient pas à la caste sacerdotale par leur origine s'y trouvaient du moins rattachés par leurs fonctions, car à cette époque celui que le roi investissait d'une principauté était en même temps investi d'un sacerdoce.
C'est ainsi, par exemple, que, sous Amenemhat et Usurtasen, les princes héréditaires, fils de princes, Xnunihotep et Ameni sont nommés : le premier, prêtre d'Horus et de Pacht; le second, grand chef des prophètes, prêtre de Sui et de Nekheb.
Il ne faut donc pas s'étonner si les fondations pieuses étaient en grande mode, surtout celles qui, ayant pour but d'assurer à qui les faisait des services religieux annuels de grande pompe après sa mort, flattaient doucement sa vanité.
C'est ainsi que, d'après un document solennel écrit sur pierre et qu'ont étudié avant moi MM. DE RouGÉ, Maspero, Erman, Griffith, etc., mais dont il restait à revoir encore cer- tains passages pour en préciser le sens juridique, le prince de Siut, Hapidjefa, fils de prêtre, et chef du sacerdoce du temple d'Anubis, établissant en cette qualité dans le sanctuaire sa demeure éternelle, son tombeau, sa statue, voulut y conserver après sa mort des honneurs égaux à ceux qu'il avait durant sa vie.
Une des grandes fêtes chez les Egyptiens était le 1" de Thot, 1" jour de l'année, le jour de l'an.
Les seigneurs ce jour-là recevaient les hommages et les offrandes de toute leur maison, qui processionnellement défilait devant eux.
Hapidjefa tenait beaucoup à ce que la statue le représentant — et qui serait censée animée par ce que Nestor Lhote (cité par M. de Rougé dans ses cours) a nommé son double, ce qui serait plutôt sa personnification, comme le disait M. de Rouge, et eu cas pareil une personnification de son être divinisé, ce que les Égyptiens nommaient son Ka, — assistée d'un prêtre spécial — son prêtre de Ka, chargé de son culte — reçut ce jour-là les hom- mages et les offrandes du corps des prêtres qu'il dirigeait de son vivant.
Une autre fête, très importante, était le 18 de Thot, le jour de Waga ou, comme nous dirions aujourd'hui, le jour des morts. Hapidjefa tenait aussi à entourer d'une solennité non moins grande l'office funèbre, l'office des morts que ce jour-là son prêtre de Ka aurait à célébrer pour lui.
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1 VJr iJ K^v ■> y ce qui ne veut pas dire : «je suis un fils saint
comme l'est chacun des princes ici», ainsi qu'a traduit M. Maspero. Mais nous ne relèverons pas ici tous les contre-sens et les non-sens de cette publication.
72 Eugène Revillout.
Les prêtres de service à ce moment dans le temple, les prêtres de l'heure, suivant l'expression égyptienne, durent tous prendre part à la cérémonie accomplie en son honneur soit le jour de Waga, soit le jour de l'an. Ils durent processiounellement suivre devant sa statue le prêtre de Ka et remettre chacun un pain blanc à celui-ci — à titre d'offrande envers lui-même en sa demeure de l'éternité.
Mais Hapidjefa n'aurait pas pu leur imposer cela à perpétuité, si c'eût été une dépense sans compensation. Il fallait donc qu'il leur donnât pour le moins une équivalence de ce qu'ils remettaient à sou prêtre devant sa statue. Cette équivalence, il la prit — en ce qui touchait la cérémonie du jour de l'an — sur les produits annuels des terres faisant partie des domaines du prince. Pour chaque chani)) de cette maison du prince les vassaux durent verser au temple une mesure hekt ou sa de blé. ^ La contenance de la mesure hekt ou sa nous est connue par le décret de Rosette où il est dit (dans l'exemplaire hiéroglyphique de Naucratis) que l'artabe vaut 6 hekt ou sa. C'était donc un 6'^ d'artabe que faisait prélever Hapidjefa sur chaque champ du domaine du prince, — hekt ou sa à percevoir par les agents du temple de la même façon qu'ils percevaient les apports en nature des gens de Siut, les sortes de dîmes établies déjà sur eux au profit du sanctuaire; car, Hapidjefii le rappe- lait à ce propos, il avait de son vivant, en tant que prince, fait donner au temple par chaque vassal quelque chose de sa récolte.
Si nous quittons un instant l'Egypte pour nous transporter en Chaldée, nous y voyons mentionner sans cesse des dîmes, des sixièmes, formant une des sources de revenus des temples, particulièrement en céréales. Mais il ne semble pas que le culte des morts ait eu dans ce pays une importance égale à celle qu'il avait en Egypte. Les libéralités des princes envers les temples et leurs fondations pieuses y paraissent moins intéressées à ce point de vue.
Eevenons-en à l'inscription d'Hapidjefa.
Nous venons de voir qu'en faveur des prêtres de l'heure il a disposé d'une partie des revenus en céréales du prince, partie importante, car beaucoup plus tard, sous Ptolémée Philopator, quand les rois Lagides avaient poussé le plus loin possible les exigences fiscales, élevé le plus possible le taux de tous les impôts, ce qu'ils percevaient sur chaque champ d'une aroure de neter hotep, c'était une artabe, 6 hekt ou sa de grains, le sextuple de ce qu'Hapidjefa abandonnait aux prêtres de l'heure pour qu'ils vinssent assister à ses services funèbres.
Avait-il le droit de grever dans une telle proportion ceux qui lui succéderaient eu qualité de princes dans le nome de Siut?
Il l'affirme avec énergie^ : «Attention! dit-il. Vous savez que tout ce qu'un sar quel- conque vassal quelconque fait donner au sanctuaire sur son smou (sur ce qu'il perçoit de la
' J'ai donné le texte hiéroglyphique de ce passage dans une note de l'avant-propos.
Notice, etc. 73
récolte), il ne lui est pas licite de le diminuer par son bon plaisir, ni à aucun prince, en son temps, pour ce qui a été convenu par un autre prince avec les prêtres en leur temps. »
Cette phrase, il la répète deux fois dans les mêmes termes : une fois à propos du service du jour de l'an et une autre fois à propos de celui du jour de Waga, du jour des morts. Il invoque donc ici la force perpétuelle de toute convention arrêtée et scellée, ^ je dirais presque de tout traité conclu entre les deux grandes puissances représentant l'une le pouvoir civil et l'autre le pouvoir religieux : d'une part le prince, et d'une autre part le corps des prêtres. Et c'est pourquoi à chaque article de sa fondation pieuse il a soin de donner la forme d'un traité avec concessions réciproques.
Trois articles de ce traité concernent les prêtres de l'heure, parce qu'ils auront à tigurer trois fois par an dans les cérémonies dirigées par le prêtre de Ka, et parce qu'autant de fois une concession spéciale leur est faite par Hapidjefa.
Celle que nous venons d'examiner se réfère au premier de l'an. Pour la procession du jour des morts Hapidjefa engage encore à perpétuité les revenus du prince. Tout le chautfage nécessaire pour les sacriticcs, — pour les animaux, bœufs ou chèvres, qu'on offrira dans l'année au temple, — sera pris désormais sur le trésor du prince. La quantité n'en peut pas être fixée d'avance. Chaque prince, en son temps, la déterminera suivant l'importance des sacrifices, suivant le nombre des victimes. Mais c'est le seul point sur lequel il garde une certaine latitude. Pour tout le reste il ne peut rien changer à ce qu'établit Hapidjefa : à ce qu'il établit, par exemple, relativement aux dignitaires du temple et dont nous aurons à parler plus loin pour la procession même de ce jour des morts, de ce jour de Waga.
En ce qui touche les prêtres de l'heure, un autre article, une autre concession d'Hapi- djefa — toujours sur ce qu'il peut percevoir en quahté de prince — assure leur coopération à une autre cérémonie.
Le prince de Siut avait à prélever sa part sur l'animal que l'on sacrifiait solennelle- ment à Anubis le premier des cinq jours de fête intercalaires par lesquels se terminait l'année.
Sur les tablettes et les inscriptions chaldéennes nous voyons de même les rois et les princes avoir leur part dans les animaux sacrifiés aux dieux. Nous les voyons même spé- cifier dans des actes de fondation pieuse la part qui leur est réservée. Chose curieuse! cer- tains d'entre eux, — par exemple le fils aîné du roi Nabouid, Belsarusur, que la Bible nomme Balthasar, — au lieu de faire prendre cette part sur les animaux déjà sacrifiés, avaient préféré l'échanger contre des animaux vivants représentant une valeur semblable. C'est ainsi que dans les holocaustes, sur les troupeaux destinés aux dieux, ce prince faisait conduire directement à son palais le nombre de têtes auxquelles il estimait ses droits. Il n'est pas le seul qui agit de la sorte; et les comptes des temples, si bien tenus sur les tablettes chaldéennes, nous apportent de nombreux exemples semblables. Je doute fort que les Egyp-
' Le mot ;fe«em ^KX Q signifiant « scellement » s'applique à la convention même. En tête de chacune des conventions faites par Hapidjefa se trouve le titre suivant : '^X Q a ftA/ww =^
^\ <r=> |y 9 ^^^ ^\0^^1 8 '• • ■ ^*''«"'' f'"* P*"' '^ prince, chef prophète Hapidjefa
avec, etc. »
74 Eugène Revillout.
tiens, plus vraimeut pieux, eussent jamais admis qu'on dépouillât ainsi d'une partie de leur pompe les sacrifices offerts aux dieux : et cela par un arrangement basé sur le principe, — bien sémitique — que toute chose ne vaut que par son prix — ayant toujours comme équi- valent, parfaitement exact, une autre chose de même prix. Mais ce qu'ils admettaient très bien, c'est que celui qui avait reçu sa part d'animal sacrifié pouvait en feire ce qu'il voulait.
En conséquence, Hapidjefa abandonne aux prêtres de l'heure la cuisse de taureau re- venant au prince — et qu'il a perçue de son vivant — à la condition de donner ce premier jour intercalaire chacun un pain blanc à sa statue et de donner en outre à son prêtre de Ka un gîte à l'os sur cette cuisse.
Tout ceci était pris sur les revenus du prince, dont il disposait à perpétuité au profit des prêtres de service lors des trois fêtes en question.
C'était bien, en effet, à titre de prince de Siut, l'inscription même l'indique expressé- ment, et non à titre de grand-prêtre du dieu Anubis qu'Hapidjefa avait eu droit à une cuisse du taureau sacrifié à ce dieu Anubis, patron de Siut, maître de Siut, suivant l'expression égyptienne.
Il est vi-ai qu'on peut se demander si en Chaldée, quand certaines tablettes de terre cuite nous montrent des hommes cédant par acte de vente pour une somme d'argent les morceaux de viande qui leur reviendront dans les sacrifices à faire chaque année à tel jour, cette sorte de propriété à l'origine ne se rattachait pas à quelque titre sacerdotal. Mais, en Egypte, un autre article de la fondation pieuse d'Hapidjefa nous prouve qu'il eût eu des scrupules à traiter ainsi comme un bien propre ce qui pouvait lui revenir en qualité de chef du sacerdoce dans tous les temples de son nome.
Dans le même sentiment qui avait motivé plusieurs des articles précédents, il désirait faire apporter à sa statue après sa mort ce qu'on lui apportait à lui-même de son vivant quand il présidait aux cérémonies religieuses : le morceau de choix de viande cuite, sortant de l'autel, qu'on déposait sur la table d'offrandes et la petite mesure de bière qu'on pré- levait à son profit sur chaque cruche de bière offerte. Il ne l'ordonne pas directement. Il préfère s'entendre avec le chef prophète en exercice dans le temple d'Apmatennu : et il apporte une équivalence pour cette portion minime des revenus du chef prophète, sur ses biens propres, — sur ce qui lui provient de son père : — tout souverain pontife après lui aura en compensation une redevance représentant Vses de ce qui constitue les revenus an- nuels du temple d' Anubis en pains, bière, viandes, etc. — deux jours du revenu sacré, puisqu'on tout l'année compte 365 jours.
Ce genre de redevances annuelles représentant des jours du revenu sacré lui sert égale- ment pour s'assurer les soins du stoliste, relativement aux tissus qui seront nécessaires pour son culte (ce pourquoi il lui assure trois jours de revenu) et la participation des dignitaires du temple aux services célébrés pour lui le jour de l'an et le jour des morts. Pour cette participation quatre jours du revenu sacré seront assignés au grand- prêtre et deux jours seulement à chacun des neuf autres. C'est la proportion qu'on retrouve dans les tablettes des comptes de temples en Babylonie : le conservateur directeur du temple, le Kipu, y reçoit toujours, pour sou entretien, en bière, céréales, etc., le double de ce qui est assuré à ses subordonnés. La proportion de 1 à2 paraît donc représenter ici une duplication hiérarchique;
Notice, etc. 75
et elle paraît aussi le faire plus loiu, dans l'iuscription d'Hapidjefa, lorsqu'il s'y agit des fonctionnaires de la nécropole.
Ces fonctionnaires, d'un rang inférieur à celui des prêtres, sont désignés par Hapi- djefa pour remettre le jour des morts à son prêtre de Ka de la bière, des pains, etc. afin de compléter son revenu en nature. Pour chacun des bas employés cette prestation égale en pains le montant d'un des jours du revenu sacré, tel qu'Hapidjefa le faisait verser à chaque dignitaire du temple; mais eu bière et en friandises elle est moitié moindre. Pour le chef de la nécropole on double les chiftVes.
Ces versements, bien entendu, sont motivés par des donations qu'Hapidjefa fait à chacun d'eux. Ces donations consistent eu terres; et nous nous trouvons ainsi ramenés au fond même de notre sujet, que le désir de faire pénétrer plus intimement dans le détail des mœurs égyptiennes du temps de la XIF dynastie, par le compte-rendu d'un document authentique de cette époque, semblait nous avoir fait un peu perdre de vue.
Les terres en question — comme les autres qu'il donne — devaient être prises sur le domaine personnel d'Hapidjefa, sur ce dont ses ancêtres avaient été personnellement investis en leur qualité de seigneurs. Le chef des demeures funéraires (neter kher) prenait sur ces terres deux fois autant qu'avait à recevoir chacun de ses emploj'és. Toujours la même pro- portion du simple au double entre ses subordonnés et lui. Le chef supérieur de la montagne où se trouvait la nécropole recevait beaucoup plus : cinq fois autant qu'un des employés inférieurs de cette nécropole. Il avait, en revanche, à donner beaucoup plus de bière, etc.
Tout cela profitait en définitive au prêtre de Ka : et c'est sans doute pourquoi Hapi- djefa, dans la préface de son inscription, si je puis m'exprimer ainsi, rappelle à ce prêtre de Ka — son représentant pour tout ce qui concerne ses biens dans sa demeure éternelle, les offrandes qui lui seront faites et les traités conclus avec les prêtres sur ces biens du mort, sur ses offrandes — avoir été généreux envers lui en terres, paysans, etc., à propos d'actes où directement il ne lui en donne absolument rien.
Il lui dit :'
«Attention! (Toutes) ces choses en totalité que j'ai scellées dans la maiu des prêtres sont sous la place de ta face. Attention donc! C'est le prêtre de ka d'un homme qui maintient
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76 Eugène Revillout.
en bon état ses biens, qui maintient en bon état ses offrandes. Attention ! Je t'ai fait savoir les choses que j'ai données à ces prêtres en équivalence pour ces choses qu'ils m'ont données. Veille relativement à toute diminution des choses, parmi celles-là! Quoi (dire de plus)? toutes paroles sur toutes mes choses que je leur ai données sont en ta main; écoute-les pour tout terrain, toute terre cultivée. Tu as été fait pour moi prêtre de ka. Toi, tu as été gratifié en champs, en hommes, en troupeaux, en wadis comme un sar quelconque de Siut, dans le désir que tu fisses pour moi les choses, de ton bon cœur. Voici que tu es sur mes biens que j'ai remis sous ta main à toi. Ils sont devant ta face par écrit. Ces choses sont pour un fils tien que tu voudras faire prêti-e de ka d'entre tes enfants, pour manger ce qui lui échoit, sans faire partage de ces choses à ses enfants, selon cette parole que j'ai faite à toi. »
Dans ces actes, dans ces traités, — dont le prêtre de Ka est chargé d'exiger en son nom l'accomplissemeut strict, — figure une autre donation de terres — dont celui-ci ne doit pas profiter de la même façon. Cette donation est faite an grand -prêtre pour qu'il vienne lui-même apporter la flamme afin d'illuminer le temple lors des cérémonies faites en l'honneur d'Hapidjefa : le 1" jour intercalaire; la nuit précédant le jour de l'an; ce jour de l'an; la nuit précédant le jour des morts, le jour de Waga; ce jour de Waga. A cet effet Hapidjefa lui attribue la même étendue qu'il donnait au préposé de la montagne, mais, je le répète, plutôt au profit du prêtre de Ka que de celui-ci : ce qui n'est plus vrai pour le grand-prêtre, puisque le prêtre de Ka ne recevait rien de lui.
Ainsi dans cette seule inscription d'Hapidjefa nous voyons des terres et des paysans soumis à différents régimes. Il y a d'abord les terres de la maison du prince, terres sur lesquelles un droit fixe sera prélevé pour le temple; d'une autre part, il y a des terres qu'Hapidjefa possède en propre en qualité de seigneur, qui ont été reçues en fief par quelqu'un de ses ancêtres, dont il a lui-même hérité et dont il dispose pour sa fondation. De ces terres, il assigne une certaine étendue aux employés de la nécropole. Il en attribue une autre étendue à prendre au sud de son domaine, au chef du sacerdoce dans le temple d'Anubis. Ces terres vont devenir des terres sacrées ; car elles sont affectées, d'une manière ou de l'autre, au culte du mort divinisé; et désormais d'ailleurs elles n'appartiendront plus comme biens personnels à telle ou telle famille, devant passer de main en main à, quiconque occupera une fonction donnée dans le temple d'Anubis ou dans ses dépendances.
On voit comment se constituait à cette époque le neter hotep, ce domaine sacré, que nous montrerons plus tard avoir une étendue si grande et dont il est si souvent question dans nos papyrus démotiques.
Quand Xuumhotep, contemporain exact d'Hapidjefa, — non-seulement chef de nome, mais ministre sous les Usurtasen, dont Hapidjefa vénère les cartouches, — quand Xnumhotep dit, de son côté, avoir enrichi sou prêtre de Ka en terres et en cultivateurs, il est probable qu'il s'agit là d'une fondation très analogue à celle d'Hapidjefa lui-même.
Notice, etc. 77
Les ten-es et les paysans, dont les seigneurs, en récompense de leurs services, avaient d'abord été investis, passaient ainsi rapidement aux temples, — morceau par morceau, — par suite du désir qu'avait chacun de donner le plus d'éclat possible aux services qu'on ferait pour lui et de grossir ses biens d'outre-tombe par des redevances considérables payées entre les mains de son prêtre de Ka.
Lorsque, plus tard, le roi Sésostris, suivant le témoignage de Diodore, assigna aux temples d'Egypte comme domaine sacré, comme neter hotep, tout un tiers des terres culti- vables, il est présumable qu'il n'a pas dû les rendre en cela beaucoup plus riches qu'ils ne se trouvaient l'être en fait.
Dans la suite de cette étude nous aurons longuement à examiner les conditions dans lesquelles se trouva cultivé ce neter hotep et le mouvement progressif qui détacha peu à peu des temples la plus grande partie de ce domaine. Ce que nous tenons surtout à faire remarquer dès à présent, c'est que, si nous voyons du temps d'Apriès, du temps d'Amasis, etc., certaines portions du domaine sacré être administrées individuellement par un des fonc- tionnaires du temple comme si ce fonctionnaire en était investi personnellement à titre de seigneur, cette particularité, — qui nous paraît dabord si étrange, — s'explique tout na- turellement par les origines du domaine sacré. N'est-ce pas individuellement que le grand prêtre d'Anubis se trouve en vertu de ses fonctions investi des mesures de terres à lui assignées par Hapidjefa?
Les paysans pouvaient donc avoir pour seigneur un prêtre, un fonctionnaire de la né- cropole, aussi bien qu'un dieu, représenté partout par le conseil de son temple.
Us pouvaient aussi avoir pour seigneur, en vertu de son titre, nous venons de le voir, un préfet ou prince d'un nome.
Sous la XIP dynastie, sous Amenemha et Usurtasen, il ne paraît pas que la sujétion des princes de nomes par rapport aux rois ait été égale pour eux tous. Hapidjefa se com- porte un peu comme le ferait un souverain presque indépendant, tout eu honorant les car- touches de son suzerain. Xnumhotep, * au contraii'e, parle comme un ministre et se vante de la faveur du roi. Un troisième gouverneur de nome, Ameni, tient à se poser comme l'agent dévoué et docile du roi qui lui a confié son nome à gouverner. C'est au nom du roi, pour le roi, qu'il veille à la culture du nome. Il transmet fidèlement, sans rien eu détourner, tout ce qu'il perçoit au nom du roi. Sur ce que donnent les récoltes, sur les greniers qui sont à sa disposition, il subvient aux besoins de la population sans faire de distinction entre le fort et le faible, entre la veuve sans soutien et la femme ayant un mari pour l'appuyer. Dans les années de disette, ses greniers de réseiTe s'ouvraient pour tous, pour les grands comme pour les petits : et il n'y eut jamais d'affamé dans son temps. Il n'y eut pas non plus d'opprimé, pas de malheureux, pas d'homme à qui l'on fît violence, à ce que dit du moins l'autobiographie de ce préfet modèle. Jamais il ne fit tort aux hommes des champs. Jamais il n'expulsa le gardien de ces champs. Il n'y eut pas de chef de cinq hommes dont
• Pour l'inscription de Xnumhotep nous renverrons surtout à l'excellente thèse latine de M. Krebs de Berlin (1890) qui a réalisé un progrés sérieux sur les anciennes traductions de JIM. Bkugsch et Maspero.
78 Eugène Revillout.
il enleva les hommes de leurs travaux. Mais il fit cultiver sou nome dans toute son étendue jusqu'aux dernières limites. C'était là sa grande mission.
Quel était le gardien du champ dont il est question dans cette inscription? N'était-ce pas ce qu'on nomma plus tard le Y^wpv;; BactA'./.s;, le fermier du roi qui dirigeait les tra- vaux à faire sur les terres royales, cultivées sans doute alors déjà comme elles le furent toujours en Egypte, comme elles l'étaient encore sous le précédent khédive, eu partie à l'aide de corvées. Les chefs de cinq hommes auxquels ou eût fait tort si l'on eût enlevé des hommes de leurs travaux, u'étaient-ce pas des sortes d'entrepreneurs à tâches qui, à côté du Ysiop-fo; BaitXiy.o;, étaient par eux-mêmes l'esponsables du labourage, etc. sur une étendue de terre déterminée? Nous ne pouvons ici que poser ces questions sans les résoudre encore d'une façon absolue; d'autant plus que nous aurons bientôt à rapprocher de cette inscription d'Ameui d'autres documents parallèles bien que d'une époque un peu plus récente ; mais ce qui paraît évident, c'est que les greniers publics devaient être considérables dans le nome gouverné par Ameni, et qu'ils y jouaient le même rôle que ces greniers dont la Bible attribue l'éta- blissement à Joseph en vue de famines à survenir.
Il est vrai que le roi d'Egypte du temps de Joseph était un Hyksos : et que cet étranger pouvait fort mal connaître les institutions de l'Egypte.
Après l'expulsion des Hyksos l'Egypte se réorganisa; et les documents, à nous par- venus, de l'époque des Ramessides nous montrent pour les terres du domaine sacré une sorte de co-jouissance possible entre le temple, considéré comme une seule personne morale chargée de représenter le dieu, et certains fonctionnaires du temple. Ce n'est pas tout, ils nous montrent aussi sur ces terres de temples des tenanciers qui les occupent et les cultivent, gardant pour eux une partie de leurs produits; — de telle sorte que la possession de ces terres de neter hotep comporte trois degrés : d'abord les droits du temple, les droits du dieu, considéré comme le seigneur, comme le vrai maître, le vrai propriétaire du sol; puis les droits de celui des membres de la caste sacerdotale auquel ce domaine était assigné, qui en percevait sa part de produits, et qui sur cette part payait ce qui était dû au ti'ésor du temple; enfin le tenancier, le possesseur de fait, celui qui faisait produire ces champs.
Un procès curieux, dont le procès verbal hiératique, daté du 14 Paophi de la 46* année de Ramsès III, a été transcrit en hiéroglyphes par mon ami Erman, énumère et met en pré- sence ces trois sortes de possesseurs. Le scribe royal des offrandes Neferabu se trouvait investi d'un certain nombre d'aroures de terres, dont il jouissait avec ses frères, et que le prophète Unnofré, chargé de percevoir les tributs en nature du temple de Maut, énumère avec grands détails. Cela comprenait des terres de différentes cultures : une prairie de 16 aroures; deux domaines de 56 aroures ^/^ Vs {ù.)> ^ coudées — » Va! trois autres de 14 aroures Vs (l) plu^ 4 coudées — » et demie (l.);^ trois autres de 23 aroures 1/2 • • ■ • chacun. Non-seulement les contenances et les genres de culture se trouvent indiquées, mais aussi, pour chaque tenance, le nom de celui ou de celle qui la tient en mains. Or par ces indications même il devient évident que les terres assignées à des tenanciers restaient attri-
^ Je viens de revoir tous ces comptes et distingue nettement aujourd'hui : le signe ^ = Va du signe ^ = S"^ « au total » ; le signe £_ = '/a du signe ^^ = ^4- H faut corriger en conséquence texte et traduction donnés dans l'avant-propos (où l'on trouvera également le texte d'Ameni).
Notice, etc. 79
buées à ces familles de génération en génération. Les enfants héritaient de la tenance de leurs pères, qui pouvait ainsi passer à des femmes; et à leur tour les enfants de ces femmes se partageaient les tenances de leur mère. Souvent la transmission se faisait du vivant des parents, bien que ceux-ci restassent en nom, — comme ce fut toujours la coutume en Egypte et comme ce l'était à Athènes du temps de l'orateur Lysias. — C'est ainsi que les enfants de la femme Mautbeura tiennent en mains pour elle le domaine inscrit à son nom. C'est ainsi que la femme Tamaut, fille de Mautbenra, a reçu en partage, — probablement cà l'occasion de son mariage, — 14 aroures Vs (i) et 4 coudées et demie 1-2.) s"r ce domaine, qui en compre- nait antérieurement 10 \ V4 i'^) P'us dix coudées — ^ en tout (^) et qui, maintenant, — entre les mains des autres enfants de Mautbenra possédant dans rindiHsion, — ne comprend plus que 56 aroures y 2 '/s P'us 5 coudées —, et demie (^). C'est ainsi que les trois derniers des domaines énumérés, ayant chacun une contenance de 23 aroures Vg . . . ., forment par leur ensemble une contenance de terre égale à celle qu'avait primitivement la tenance de Mautbenra. Il paraît probable que c'étaient les parts de trois neveux et nièces de Mautbenra qui auront perdu leur père ou leur mère les rattachant à celle-ci et après cette mort se seront partagé une part semblable à la sienne de la tenance provenant de l'ancêtre commun. Ce n'est pas tout : la femme Anuaa, nièce de Mautbenra, qui possède en son propre nom une de ces trois parts, en possède une autre au nom d'un villicus, son frère et son mari très probablement, qui la lui abandonne.
Ainsi de même que les parents cédaient de leur vivant la possession à leurs enfants, de même les maris cédaient la possession du bien à leurs épouses.
Ce sont là des mœurs que dans nos papyrus démotiques nous retrouvons encore en vigueur, à une époque beaucoup plus tardive; et un papyrus démotique de l'époque ptolé- maïque, rapproché d'un autre papyrus, celui-ci hiératique de la XIF dynastie, va nous per- mettre de mieux comprendre le fond même de ce procès.
Disons d'abord que dans ce procès le scribe royal des offrandes Neferabu, compa- raissant devant des juges tous de race sacerdotale, se plaignait à eux de ce qu'un prophète, qui agissait au nom du temple, l'avait fait dépouiller des terres du domaine sacré dont il jouissait et avait saisi sur les produits de ses terres la part qui était à lui. Le prophète répond que Neferabu était en retard pour verser ce qu'il avait à donner au sanctuaire, la quantité de grains destinée à nourrir les prêtres.
Il y avait donc dans les récoltes faites sur ce neter hotep un prélèvement double à opérer. Neferabu se faisait payer par les tenanciers : d'une part ce qu'il aurait à garder pour lui; et, d'une autre part, ce qu'il aurait à verser lui-même entre les mains des admi- nistrateurs du temple. Or, le papj'rus démotique Passalacqua, nous donnant le compte des redevances en nature que divers tenanciers d'un domaine sacré, d'un neter hotep, auront à pa^-er entre les mains de celui que joue, par rapport à eux, le rôle d'un quasi-propriétaire, distingue toujours avec soin deux redevances : dont l'ime se monte à 6 hekt = sa ou à 9 hekt = sa suivant les cultures, — c'est-à-dire soit à une artabe, soit à une artabe et demie de blé par aroure, — et dont l'autre est dans tous les cas le cinq pour cent de la première. Le cinq pour cent, c'est un vingtième, c'est une demi dîme. Or un document hiératique dont la composition remonte à la XII" dynastie — le papyrus mathématique Rhind publié
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par M. EisENLOHR, nous montre, ainsi que nous l'avons établi dans un autre travail, relative- ment aux offrandes proportionnelles à faire au temple sur les céréales, trois proportions : celle d'un vingtième, comme dans le papyrus Passalacqua ; i celle d'un dixième, ce qui cor- respond à la dîme, à Yesru des tablettes chaldéennes; celle d'un cinquième, proportion plus forte, mais qui s'appliquait probablement quand entre le temple et le tenancier il n'y avait pas de possesseur intermédiaire. Cette proportion d'un cinquième est celle que, suivant la Genèse, le roi Hyksos dont Joseph fut ministre aurait exigée en Egypte de ceux dont il aurait acheté les terres, durant la famine, et qu'il aurait laissés ensuite en possession de leurs domaines. C'est un taux que nous retrouvons encore à l'époque ptolémaïque dans des locations faites pour l'année entre un tenancier, — devenu alors le véritable propriétaire de ce qu'il occupe du neter hotep, — et un paysan cultivant pour lui.
De ces trois taux, il nous est difficile de reconnaître avec précision quel était celui qu'Hapidjefa avait en vue quand, pour s'assurer entre les mains de son prêtre de Ka des offi'andes sacrées considérables, il avait disposé dans sa fondation, comme il le rappelle à son prêtre de ka, d'une quantité d'aroures de terre déterminée et des paysans qui la culti- vaient. Il est probable que ces paysans avaient à verser pour chaque aroure tant de mesures de céréales, uue quantité fixée d'avance et toujours la même quelle que fut l'abondance de la récolte, — comme les cultivateurs sont tenus à le faire entre les mains du propriétaire dans plusieurs actes de location de l'époque ptolémaïque. On pouvait donc calculer d'avance la proportion qui existerait entre ce que le bénéficiaire recevrait comme maître du champ et ce qu'il aurait à faire figurer comme divine offrande. On se rappelle d'ailleurs sans doute que, quand Hapidjefa assigne aux prêtres dans son inscription une part dans les revenus en nature provenant des terres de la maison du prince, cette part est une quantité fixe : un heket = sa de blé par aroure de terre.
Il est donc probable que le prince lui-même exigeait de ses tenanciers une quantité fixe de céréales, et que ce système — comparable à notre système de fermage — l'emportait à Siut, non-seulement relativement aux 7ieter hotep, mais relativement au domaine du prince et aux domaines des seigneurs, sur le système, plus compliqué, du métayage.
A l'époque ptolémaïque il se trouve encore en effet que les contrats démotiques de fermage nous sont parvenus plus nombreux que les contrats de métayage.
Tout le monde sait combien ancienne est la XIF dynastie, qui nous fait remonter beaucoup plus haut que le temps d'Abraham. N'est-il pas très intéressant d'y voir déjà des mœurs et des institutions que nous retrouverons existantes sous les Ptolémées, quand l'Egypte faisait à ce point de vue l'admiration des Grecs?
La principale différence entre ces deux époques, c'est que, dans l'intervalle, Bocchoris est venu par son code ouvrir l'ère d'émancipation des tenanciers.
' Nous avons déjà dit plus haut que dans le papyrus Passalacqua cette proportion d'un vingtième était calculée d'après la redevance payée à celui qui jouait le rôle de quasi-propriétaire, redevance variable suivant la nature de la culture. Pour préciser davantage, ajoutons que les cultures pour lesquelles la re- devance était augmentée d'une moitié en plus, se trouvent désignées par la qualification de cultures nou- velles. Ajoutons aussi que d'autres indications fournies dans les mêmes comptes tendraient à faire penser que ces cultures nouvelles n'étaient pas du blé, mais autre chose. Il est probable qu'on avait permis au
Notice, etc.
B. — Epoque qui suivit l'expulsion des Hyesos.
Il n'y a jamais eu de pays où les inscriptious des tombeaux fussent plus instructives qu'en Egypte.
On nous objectera peut-être tout le parti que les Eenier, les Mommsen et d'autres en- core ont su tirer de cette branche de l'épigraphie en ce qui touche la connaissance des institutions du peuple romain et la carrière administrative des fonctionnaires de son gou- vernement. Mais tout cela est bien peu de chose par rapport aux renseignements que nous fournissent pour l'Egypte certaines tombes de l'ancien ou du nouvel empire.
En effet, la pensée maîtresse, l'idée dominante, la foi profonde de l'Égyptien était que la vie sur la terre est la préparation d'une vie étemelle, — éternelle du moins pour ceux qui, par leur conduite, auront mérité de s'unir à la divinité en devenant de nouveaux Osiris. Il était donc tout naturel que sur les parois de la tombe où reposerait la momie ou rap- pelât la vie de cet homme et les mérites qui lui valaient l'éternité des récompenses.
C'était un exemple pour ses proches, pour ceux que ramèneraient à la tombe, à des époques déterminées, les divers services familiaux relatifs au culte des morts. C'était, pour ainsi dire, l'exposé des motifs de ce culte perpétuel d'un mort divinisé.
Ceux donc qui avaient occupé des situations considérables et très en vue, ceux-là sur- tout avaient sur leurs tombeaux des inscriptions très détaillées, qui les représentaient sous le plus beau jour dans l'exercice même de leurs fonctions. Les rédacteurs de ces inscriptions ne se bornaient pas, comme chez les Romains, à une froide éuumératiou des titres successifs et des divers honneurs par lesquels le mort avait passé. Ils le peignaient en vie, exerçant son office et y manifestant les grandes qualités que cet office demandait.
Ce n'est point le ton d'un éloge rétrospectif fait après la mort. C'est un portrait pris sur le vif, — un vrai portrait, car la peinture illustre les textes hiéroglyphiques dans les scènes, parfois nombreuses, qui mettent cet homme en action, comme on y mettait les per- sonnages dans un drame ou un poème antique; — et, vraiment, la grandeur morale attri- buée à des personnages égyptiens ainsi représentés nous paraît pouvoir excuser ce rappel des chefs-d'œuvre grecs.
Une certaine unité de temps, parfois regrettable, je l'avoue, pour la curiosité mo- derne, est aussi bien la règle de ces compositions que celle des pièces théâtrales : bien que cette règle subisse des exceptions dans les deux cas, Le plus souvent on choisit dans la vie une période déterminée et on n'en sort pas. Toutes les scènes ont trait à cette même période; — naturellement celle qui fut pour le mort la plus honorable, celle dont il désire laisser à jamais le souvenir dans l'esprit des hommes. On procède comme dans l'Odyssée et dans l'Enéïde, sans se croire obhgé de suivre le héros dans toutes les vicissitiKles de son existence.
cultivateur de changer la nature de ses récoltes quand il le trouvait avantageux, à la condition de payer alors un tribut plus fort. Dans le procès de l'intendant du temple d'Amon Thoutmès sous la XXI" dy- nastie nous voyons qu'en effet on incriminait cet intendant au sujet des cultures nouvelles, parce qu'il n'aurait pas tenu compte du changement de culture. Nous reviendrons d'ailleurs plus loin sur ce sujet.
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82 Eugène Revillout.
Mais ce qui constitue le liéros, ce n'est pas la passion, en Egypte, c'est l'accomplisse- ment du devoir. De là, un intérêt de tout autre nature, moins empoignant pour le public, mais très vif encore pour l'historien, pour le juriste, pour le philosophe.
Un tombeau dont les inscriptions ont été en partie respectées par le temps, celui de Ee/mara, nous reporte à un des règnes les plus glorieux de l'ancienne Egypte.
Bien peu de temps s'était écoulé depuis le moment où ce pays, soulevé contre les Hyksos — ces étrangers qui l'avaient conquis et l'avaient possédé pendant plusieurs siècles — quand Tboutmès III, menant les Egyptiens à la conquête de tout le monde civilisé, fit ses tributaires des rois de Ninive, de Babyloue, etc., comme des petits princes de l'Ethiopie, de la Lybie, de l'Arabie, de la Phéuicie, de l'Asie mineure, des îles et des presqu'îles mé- diterranéennes qui devinrent plus tard la Grèce. Ce fut probablement sous ce grand Tbout- mès III que mourut, vieux déjà U est vrai, le capitaine de vaisseau Ahmès, compagnon de son père dans une première campagne contre les Asiatiques, mais qui avait fait son appren- tissage du métier des armes à Takami, à Avaris, puis à Tenttaa ' contre les Hyksos même.
' Ahmès l" régnait alors. Ce roi, après avoir battu les Hyksos, s'empara de leur capitale Avaris. Puis il prit sur les Asiatiques, qui pouvaient être le même peuple, la ville de Sharhana et de là, remon- tant le fleuve, il alla faire une campagne en Nubie. Aussitôt ceux que le texte nomme la plaie d'Egypte, et que Chabas a assimilés avec raison avec les Hyksos, reprenant l'offensive, marchèrent vers le sud, en- vahirent de nouveau le Delta, s'emparèrent de Keman. Le roi redescendit le Nil à la hâte et quand il les eut vaincus sm- le fleuve à Tent-ta-a (serait-ce la Tanta actuelle, pas très loin du Caire?), il fut si heu- reux de cette victoire qu'il accorda à chacun de ses marins, y compris Ahmès, non-seulement des esclaves et des décorations comme il l'avait fait jusque-là, mais des lots de terre dans leur propre nome. Ahmès en reçut pom- sa part cinq aroures.
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«Il me fut donné cinq têtes d'esclaves pour ma part et cinq aroures dans mon pays. Cela fut fait à toute la compagnie des marins d'une manière semblable.»
Après cette victoire navale il f;illut li\Ter bataille au roi de ces ennemis, roi qui portait un nom complètement égyptien [1 .^&- Teta-an, qui rappelait des souvenirs de l'ancien empire, et quand la
Victoire fut restée aux Egj-ptiens de race qui massacrèrent, suivant ce récit, Teta-an et tous ses serviteurs, le roi Ahmès fit une nouvelle distribution de terres, dans laquelle notre Ahmès reçut encore cinq autres aroures.
Ce ne fut que plus tard, sous Aménophis I^', qu' Ahmès devint Q^ ?^^^ ^ a aaa~w f ^, mot
que paraît traduire du temps des Ptolémées le titre grec ato|i.aT:o!puXaÇ; plus tard encore, sous Thoutmès I", qu'il fut promu à la dignité de '^ i;==q \^ 0 0 y^^ 'i chef de marins. Bien entendu, ses possessions
territoriales furent accrues proportionnellement à ses titres. Nous n'en connaissons pas avec certitude le montant exact, car le texte est interrompu par une lacune entre deux indications de lieux, et les 60 aroures, dont il est question dans ce passage, paraissent ne se rapporter qu'à im de ces lieux. On se rappelle qu'au commencement de la domination Lagide les officiers d'un certain rang dans l'armée conquérante devinrent Hecatontaroures, c'est-à-dire possessem-s de cent aroures de terre, tandis que les simples soldats, alors qu'on leur assignait des ten-es et qu'ils devenaient ainsi cléroukhes, n'en recevaient que des parts bien moindres.
Nous remarquerons que les lots de terre distribués individuellement à tous les soldats qui avaient pris part à une campagne déterminée paraissent la caractéristique d'une période de conquête eflfectuée en Egypte même sur des étrangers qui l'occupaient. En effet, du temps de Thoutmès III toute l'Egypte étant reconquise, les soldats qui, comme Amen-em-heb, contribuaient aux plus grandes victoires ne recevaient plus leur récompense en lots de terre, mais seulement en décorations et en esclaves. Dans les conquêtes étrangères, en eô'et, le roi d'Egypte Thoutmès III procéda comme le firent plus tard les Romains. Il
Notice, etc. 83
Ahmès était ué d'un des compagnons, et durant la vie, de Easkeneu, ce clief de révoltés qui avait pris le premier le titre de roi national et qui fut tué en bataille rangée contre ces Hyksos. On voit combien avait été rapide, au point de vue des forces et de la gloire militaires, le relèvement de l'Egypte. Mais cela ne s'était pas fait sans qu'au point de vue de l'organisation administrative de ce pays, enfin délivré d'une domination étrangère, on eût réalisé des progrès parallèles.
Re/mara, dont le tombeau est le sujet de ce chapitre, fut le ministre principal de Thoutmès III; et les inscriptions de ce tombeau nous montrent les institutions égyptiennes fonctionnant alors.
Ces inscriptions, dont une partie avait été publiée déjà par Champollion, Lepsius, Hop- KDJS, etc. ont été pour le plus grand nombre données dans un ouvrage spécial de M. Vieey. Malheureusement M. Virey, qui publiait pour la première fois la plus importante, n'y a rien compris, ayant voulu, préoccupé qu'il était par une théorie de M. Maspero, la lire à rebours.
Disons qu'il s'y trouvait, pour ainsi dire, forcé pour pouvoir aussi décrire à rebours la suite des scènes et des textes de la tombe sur toute une moitié de son étendue et paraître ainsi confirmer la susdite théorie de M. Maspero.
En réalité, la disposition de cette tombe était très simple.
Deux salles se suivent : l'une plus large, l'autre plus longue, constituant par leur réunion une sorte de T. Cette disposition en T n'existe pas toujours; mais les deux salles se trouvent toujours représentées, depuis l'aucien empire, dans les tombeaux complets. Mon ancien élève et cher ami Schiaparelli a beaucoup insisté sur ce point dans l'ouvrage où il a publié et commenté le Rituel des funérailles.
La première des salles d'une tombe porte vulgairement en égyptien le nom de hat sih «salle de réunion». C'est une salle pour ainsi dire publique, ouverte à tous ceux qui s'y réunissent pour les cérémonies funèbres. La seconde salle porte le nom de hat nouh «salle d'or», le même nom qui dans la stèle d'Harris désigne, pour le temple de Memphis, le lieu mystérieux où fut sacré le roi. C'est donc une salle mystérieuse et sacrée, comme, d'ailleurs,
envoya dans les pays conquis ses agents, ses ret, comparables aux procureurs de César dans les provinces de l'empereur qui étaient chargés de percevoir les tributs, les vectigalia de cette terre considérée comme appartenant au souverain. Voici, par exemple, ce qui est dit au sujet du territoire de Mageddo dans une des inscriptions de Thoutmès III, où les réquisitions de guerre sont distinguées avec soin des contribu- tions régulières exigées du pays conquis, des vectigalia :
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I "^^^^ riv~i „,û <c3>r-Yn ,,0 I I I ^^ i I 1 1 '•' I ^^ I I I
«Voici que les champs parmi ces terres furent estimés par les agents (retu) de la maison du roi — à qui vie, santé, force! — pour prendre en mains leurs vectigalia. Connaissance des vectigalia apportés à sa Majesté des champs de Mageddo en blé 208, 400 hoiep (-Çl), de 4 apé 1 .•"'^ ou /'"*~'l en dehors de ce qui a été coupé en prise (en réquisition de guerre) par les courriers (fourriers) des troupes de sa Majesté. »
Reste à savoir si ce plan même ne rentre pas encore dans l'œuvre du grand ministre de Thout- mès III, Kex^mara, dont le tombeau est le sujet de ce chapitre.
11*
84 Eugène Revillout.
nous l'indique formellement le rituel de Schiapaeelli, eu nous apprenant que c'est-là que doivent s'accomplir, lors des funérailles, les rites sacrés formant pour ainsi dire la canoni- sation du mort.
Très souvent il n'y a d'inscriptions relatives à la vie que dans la première salle, la salle publique; tandis que la seconde, où repose la momie, ne présente que des murs nus.
Dans le tombeau de Re/,inara il n'en est pas ainsi. Non-seulement toute la première salle, mais toute la première moitié de la seconde salle se trouvent couvertes de tableaux et de textes dépeignant des scènes de la vie officielle de ce grand ministre.
Il est vrai que dans la seconde salle, particulièrement religieuse, ces scènes sont sur- tout relatives à ce qu'il a fait pour les dieux, pour leurs sanctuaires, leur neterhotep et leurs redevances sacrées.
Dans la seconde partie de cette salle, de ce hat noub, les scènes figurées sont toutes relatives aux funérailles, à la consécration de la statue du mort, à sa déification et à son culte. Tout à fait au fond de la salle, dans une sorte de couloir aboutissant à une fausse porte, — qui est censée représenter la porte de l'éternité, — le ministre canonisé est figuré recevant ce culte, sous forme d'offrandes semblables à celles qui sont faites aux dieux dans les temples.
Pour nous résumer, dans la première salle, comme dans la seconde, le parallélisme est complet entre les parois de droite et celles de gauclie; et, d'un côté comme de l'autre, depuis la porte extérieure jusqu'à la porte qui sépare ces salles on ne voit figurer dans la première salle que des scènes de la vie terrestre. De même encore, après avoir franchi la porte de séparation, — sur les deux côtés de laquelle se trouvent parallèlement inscrites certaines formules religieuses, — on voit encore d'autres scènes relatives à la vie terrestre se continuer, de part et d'autre, jusque vers le milieu : pour faire place depuis là a^ux scènes qui ont suivi la mort et qui ont conduit au culte éternel, figuré tout à fait au fond.
AI. ViREY, lui, a rompu complètement ce parallélisme. Il a supposé qu'on devait pro- céder comme dans une exposition de tableaux à vendre en commençant par un des côtés de la porte extérieure et suivant de paroi en paroi, sans faire de distinction de salles, pour se retrouver, sans avoir perdu de temps, à l'autre côté de cette porte après avoir tout vu.
Il a commencé par le côté gauche. Il aurait pu tout aussi bien commencer par le côté droit; car il eût ainsi évité de faire décorer Ee/mara par le roi Thoutmès dans une auti-e vie et de rejeter à cette autre vie tant le mariage que la naissance de tous les enfants, soigneusement nommés, de ce grand ministre, etc. — tout cela parce que la théorie de M. Maspero consiste à assimiler pleinement la vie terrestre à l'autre vie.'
' Le grand argument de M. Maspero pour cette tliéorie, contraire à toutes les idées de notre maître commun M. de Rougé, c'est que pour les morts divinisés devenus de nouveaux Osiris, comme pour les divers dieux du Pantliéon, il est souvent dans les inscriptions question d'offrandes de pains, de bière, de cuisses de bœufs et d'oies en quantités énormes. C'est pour les nourrir, pense M. Maspero. Mais alors c'est pour nourrir aussi le bœuf Apis mort qu'on lui offre également des cuisses de bœufs dans les stèles du Sérapéum, actuellement au Louvre? Pense-t-on qu'une telle nourriture aurait convenu au bœuf de son vivant, et qu'il n'aurait pas préféré des milliers de bottes de foin à des milliers de cuisses de bœufs? En réalité, les pains et la viande offerts aux morts divinisés, hommes ou bœufs, comme ceux qui sont offerts aux dieux proprement dits, sont pleinement comparables aux pains de propitiation et aux holocaustes des anciens juifs. Ce sont des sacrifices ritualistiques et non une nourriture. On sait même qu'il y avait hérésie
Notice, etc. 85
Reveuons-en aux inscriptions se rapportant à la vie terrestre de Re/mara et nous le montrant en action.
Xous vous avons déjà dit que Ee/mara était le principal ministre d'un grand conqué- rant, du roi Thoutmès III, que ses expéditions guerrières conduisaient souvent bien loin de l'Egypte. En pareil cas, c'était le ministre qui devait remplacer le roi. C'était son homme de contiance, jouant ainsi l'office de régent lors de ses absences et prenant encore une part très active au gouvernement quand il était là. Les préfets du prétoire des empereurs ro- mains jouaient un rôle très analogue.
Mais dans l'empire romain, tel que l'organisèrent les empereurs de race phénicienne, le préfet du prétoire avait presque un égal dans le préfet de la ville.
Au préfet de la \-ille revenait la direction de toute la justice criminelle, comme au préfet du prétoire celle de toute la justice civile, quand l'empereur ne se la réservait pas.
Le préfet de la ville était en outi-e le souverain juge des banquiers, des changeurs, de tout le commerce et de tous les hommes de métier. Il présidait aux approvisionnements, fixait les prix de vente, avait sous ses ordres tous les services de la police. C'était un très gros personnage.
Notre ministre de Thoutmès a pour premier titre celui de préfet de la ville, titre par lui-même assez vague, car il pourrait également s'appliquer à tout préfet, à tout chef d'une ville. Mais on y joint un second titre, celui de Dja, — sans correspondant bien exact dans notre langue, — qui en fait plus que l'équivalent du préfet de la ville chez les Romains; car ses fonctions comprennent également celle d'un préfet du prétoire.
A gauche de la porte d'entrée, sur la première paroi de la première salle, paroi qui fait suite à la porte, Re/.mara était iîguré assis sur un siège d'apparat en face de scènes qui se suivaient dans deux tableaux successifs, séparés l'un de l'autre par la figuration d'une cloison ou d'une colonne.
Des deux côtés sont inscrits les textes illustrés par ces deux tableaux. L'un de ces tableaux montrait des plaideurs avec des rouleaux de papyrus, etc. L'inscription la plus proche, relative aux fonctions judiciaires de Rc/mara, n'a pas été trop mal comprise, pour l'ensemble, par M. VraEy. Mais je crois bon d'y préciser certains détails. La voici donc :^
à changer quoi que ce fût à ces prescriptions ritualistiques et que les tempesi éthiopiens paj"érent cette erreur de leur tête.
Nous avons dit «les morts divinisés, hommes ou bœufs». En eflfet, à la différence des autres ani- maux sacrés, les bœufs sacrés — par e.xemple le bœuf Apis du Sérapéum de llemphis, quoiqu'il y fut honoré comme seconde vie de Ptah pendant qu'il vivait — étaient pleinement assimilés à des hommes après leur mort, puisqu'ils devenaient alors de nouveaux Osiris comme les hommes canonisés. Au contraire, les ibis sacrés, les chats sacrés, etc. représentaient toujours après leur mort les dieux qu'ils avaient représenté durant leur vie.
I \ l LLk
86 Eugène Revillout.
«Il siège pour écouter les requêtes daus la salle du Dja (nous ue traduisons pas ce mot dja, qu'on a traduit tantôt par comte, tantôt par gouverneur, tantôt par stratège et qui, comme je l'ai dit plus haut, forme la partie caractéristique des titres officiels de Re/mara) le grand prince, royal ministre, un des compagnons roj'aux (tojv ticotwv ç'./.wv comme on aurait dit sous les Ptolémèes, tandis que sous l'empire romain, comme daus l'ancienne Egypte, ou avait pris le mot de compagnon, cornes, pour rendre à peu près la même idée), aimé du dieu (c'est-à-dire du roi); mis à la tête des chambres de Yurt (conseil de justice) — pour mettre la ti"anquillité dans le paj's entier; étendant le sceptre /^''^ (symbole de la puissance) sur toute shenfi (c'est-à-dire sur tout Egyptien portant la shenti, costume national); jugeant la vérité sans faire accueil (mot-à-mot : sans faire face) aux dons, aux démarches, aux offrandes; jugeant le malheureux, ainsi que le puissant; ne laissant pas pleurer celui qui lui fait requête; remplissant le cœur du roi; le premier des deux pays; sar à la tête des connaissements de tous les compagnons (les comités, les comtes) allant chez le souverain; dans le cœur de l'habitant du palais; préposé aux secrets (^) de la maison royale; préposé aux . . . .; le premier juge de la porte; prophète de la vérité; le préfet de la ville, Dja : Re/mara, le véridique, enfanté par Bâta, la véridique tille du prêtre d'Amon Nofré-uben, et engendré par le préfet de la ville Aatutu. »
Vous avez remarqué sans doute qu'ici les fonctions de Re/.mara sont absolument celles du préfet du prétoire, puisqu'il avait à présider d'une part à ce que les Romains du bas- empire appelaient l'auditorium, c'est-à-dire au lieu où se jugeaient en conseil les affaires privées en dernier ressort, et, d'une autre part, à ce qu'on appelait le consistorium, c'est-à- dire au lieu où les comités, les compagnons du souverain, délibéraient sur les affaires d'état.
Le préfet du prétoire à Rome devait d'ailleurs être, lui aussi, l'homme de confiance du souverain. C'est ce que dit nettement le texte du Digeste relatif à cette dignité en ex- posant les motifs par lesquels on a supprimé tout appel à l'empereur pour les décisions que ce magistrat aurait rendues. « Le prince, en effet, y est-il dit, a pensé que ceux qui, à cause de leur mérite singulier, leur fideUté éprouvée comme leur gravité, sont élevés à la gran- deur de cet office, ne jugeraient pas autrement, dans la sagesse et dans les lumières de leur dignité, qu'il aurait à juger lui-même. »
Peut-être le nom de Re/.mara, dont le sens est «savant comme le dieu Ra» — comme ce dieu suprême auquel les rois s'assimilaient — a-t-il été donné un jour par Thout- mès à son favori, au lieu d'être celui qu'on lui aurait attribué peu de jours après la nais- sance — le jour de la dation du nom.
Sur la paroi en face un texte mutilé, et que M. Virey n'a pas essayé de com- prendre, est également relatif aux fonctions judiciaires de Re/.mara, qu'on compare à ce point de vue à son père Aatutu, son prédécesseur dans les fonctions de préfet de la ville Dja.
Notice, etc.
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Après deux lignes très mutilées commençant par les mots : il est le premier, le maître du hat (salle, chambre ou palais), je déchiffre, au milieu des lacunes :*
3. « Il est en face (à mettre en parallèle) de son père, le préfet de la ville Dja, Aatutu.
4. «Tous les gens habitant les campagnes, il les protège
5. «(Il décide) pour eux la totalité des affaires, comme les cœurs aiment ....
6. «(Il donne) la vraie justice à tous les hommes, d'abord, ce Dja! à la totalité des êtres et des personnes;
7. «il les (juge) avec l'équité d'un dieu principal.
«En mettant les paroles par écrit, le Sar (le fonctionnaire qui, d'après les textes que nous allons bientôt voir, était chargé de lui faire rapport sur les affaires) — (doit écarter)
' Voici le texte liiéroglyphique :
0 III jMft ^r^^vVg. wm.{\^=^^-m
Eugène Revillout.
8. « toute parole mensongère qui s'est produite. Lui (il ne vent que) la vérité : (ce qu'il reçoit)
9. « est vérité en totalité. Subit sa crainte toute personne qui fait des actions perverses, car il connaît les hommes (et il a dit :)
10. «Ne faites pas l'injustice, à personne, car l'injustice fait frapper (ou fait écarte- meut) sur celui (qui l'a faite).
11. «Voilà ce qu'il a dit. Et comme il parle ... il agit. ... (Il dit au)
12. «««?• de faire de même quand il est en dehors de lui, séjoiu'nant dans la . . . ".
13. «C'est un dieu qui agit (par lui). L'impureté est châtiée. (Les opprimés),
14. «il examine les requêtes de tous ceux d'entre eux qui le supplient, avec la justice qui (est dans sou cœur).
15. « Quand dit un d'eux parole au dja, est accueillie cette parole de l'opprimé
16. «mieux que la flatterie. Vérité est totalité des décisions prises par ce dja
17. »(et il a prescrit) au sar (d'être équitable) pour le connu et l'inconnu, dans ses actes, en totalité (de temps) et de lieu.
18. « .... Il a ordonné cet ordre, en disant »
Ce ne sont pas d'ailleurs les seuls textes de la première salle dans lesquelles il soit question des fonctions judiciaires de Eeymara. Dans une inscription, parallèle à celle que nous avons d'abord donnée, située de l'autre côté de la porte d'entrée, sur la paroi même qui fait suite à cette porte, ces fonctions judiciaires occupent également une large place.
Il y est représenté jugeant le faible et le puissant, se manifestant par des pacifica- tions, le préfet de la ville, le dja, présidant aux chambres de Vurt (à l'auditorium).
Sur la paroi qui de ce même côté droit de la première chambre était vis-à-vis, toutes les inscriptions ayant complètement disparu, suivant M. Virey, rien ne prouve qu'il y figu- rait de nouvelles allusions au rôle de Re/mara semblable au rôle d'un préfet du prétoire. Mais cela nous paraît probable.
Revenons-en au côté gauche de cette première salle et aux tableaux qui se trouvent à gauche de la porte d'entrée, tableaux dont vient de nous éloigner une longue digression.
Nous vous avons dit que dans ces tableaux, en face de Re/mara assis, ou avait peint deux groupes de scènes, séparés l'un de l'autre par un motif architectural. Les textes que nous venons de vous citer expliquent et commentent les scènes du premier de ces groupes. Le long texte, que M. Virey a voulu traduire à rebours, se rattache au second de ces groupes, où sont figurés notamment des gens de la campagne portant dans leurs mains et présentant des végétaux, produits de leurs terres.
Comme le préfet de la ville de Rome sous le Bas empire, le dja Re/mara, préfet de la ville sous Thoutmès, avait en effet sous sa direction tout ce qui concernait l'alimentation : mais non plus seulement d'une ville, représentant à elle seule l'Etat. En Egypte l'Etat, c'était toute l'étendue de la terre baignée par le Nil. La nationalité égyptienne n'était pas une na- tionalité citadine, si je puis m'exprimer ainsi. Dans son unité rentraient deux royaumes : le royaume du nord et le royaume du midi. Au lieu de s'inquiéter seulement d'alimenter la plèbe d'une seule capitale, il fallait donc se préoccuper des besoins de tous les habitants de ces deux royaumes : et naturellement le rôle du dja préfet de la ville se trouvait par là considérablement agrandi.
Notice, etc. 89
J'ai déjà souvent insisté sur les conditions toutes particulières de l'agriculture en Egypte : sur l'intervention nécessaire du gouvernement, à tout instant, — pour entretenir les canaux et les réservoirs chargés de distribuer l'eau fécondante; les levées de terre et les digues proté- geant les terrains qui eussent autrement souffert d'une inondation dévastatrice, etc. — : inter- vention qui justifiait, plus que partout ailleurs peut-être, un régime assez analogue à ce que quelques-uns réclament aujourd'hui sous le nom de socialisme d'État.
Comme actuellement encore dans certaines communes rurales de la Russie, ou procédait à un lotissement pour le partage de la culture : et ce lotissement n'avait rien d'absolument définitif. En effet, pour qu'il fût possible de faire produire au sol tout ce qu'il pouvait pro- duire, il fallait que chacun reçût suivant ses forces et qu'on pût, au besoin, tenir compte du changement qui s'était produit, par le cours des choses, dans les familles.
Les décisions de cette sorte n'avaient pas moins de gravité que les décisions judiciaires; et chargé du service des subsistances, chargé par cela même de l'administration supérieure de la terre du roi, le dja, en cette qualité, dans son palais de dja, dans sa salle d'audience, avait à recevoir des rapports, beaucoup plus nombreux encore sans doute que ceux qu'à titre de grand juge il recevait dans V auditorium.
Ceux qui lui faisaient ces rapports étaient, d'une part, les scribes, les bureaucrates, les gratte-papiers chargés de tenir les archives. C'étaient, d'une autre part, les nobles, ce qu'on nommait alors les sar, les fonctionnaires du service actif, qu'on pouvait charger de missions, comme représentants officiels du gouvernement, qu'on chargeait de suivre les enquêtes, avec une certaine initiative, comme nos juges d'instruction actuels ou nos conseillers rapporteurs. Nous avons déjà vu plus haut des sar faire des rapports sur des affaires judiciaires. Nous allons en voir à présent faire des rapports sur des affaires administratives.
Le titre de sar s'appliquait d'ailleurs au premier ministre lui-même, comme au dernier des fonctionnaires de cette noblesse administrative qui gouvernait sous le roi Thoutmès.
A une autre époque, sous les Ramessides, ceux qui gouvernaient ne se targuèrent pas d'être des sar, des hommes nobles, mais d'être des scribes, des gens instruits, ayant fait toutes leurs études et passé tous les examens. A ce moment là les enfants des rois, les rois eux-mêmes prenaient le costume, tout à fait spécial, la longue robe transparente et plissée, à manches bouffantes, qui distinguait les scribes royaux, les premiers des scribes. Bien plus : dans une stèle du Louvre, Menephta, fils et successeur de Sesostris, prend par honneur avant d'être roi ce titre de scribe royal. Mais sous Thoutmès on en était encore aux traditions de la XIP dynastie, distinguant surtout la classe des gens nobles, la classe des sar, qui n'était pas sans analogie avec celle des leudes sous les rois francs.
Venons-en à la traduction de cette inscription, si mal comprise par M. Virey, la plus importante à notre point de vue de toutes celles de ce tombeau : non seulement parce qu'elle est de beaucoup la plus longue, mais parce qu'elle a trait à l'histoire de l'agricul- ture en Egypte, sujet spécial de nos études depuis quelque temps.
Elle débute, comme celle qui, de l'autre côté des mêmes tableaux, lui fait pendant, par le mot hemsi «il est assis, il siège» — mot qui dépeint la situation de Re/.mara dans la représentation figurée.
Pour en bien comprendre la première partie, que nous allons donner d'abord, il faut
90
Eugène Revillout.
se rappeler combien fut grande sous les Ptolémées la laxité d'un terme employé très sou- vent, le mot Baii/axov. Ce mot s'appliquait également bien quand il s'agissait des magasins de l'État, du ôr.caupoç, ce grenier royal où l'on faisait entrer les redevances en nature et dont on les faisait sortir ensuite pour les distribuer aux soldats, aux fonctionnaires etc., que quand il s'agissait de la Tpa^rs^a, cette caisse royale dans laquelle entraient et de laquelle sortaient les sommes d'argent perçues par l'Etat, et il s'appliquait également bien au domaine territorial du souverain, quand il s'agissait de terrains qui en étaient sortis pour entrer dans la possession de cléroukhes ou qui, cessant d'appartenir à ces cléroukhes, y étaient rentrés. La maison du roi, la cour, le domaine, ce que signifient en égyptien les mots sutenpa (traduit par ^ajtXixov dans le décret trilingue de Rosette), youn sou synonyme etc. doit être pris du temps de Thoutmès dans une acception non moins large; et comme toute mutation d'une certaine importance dans le domaine royal devait être faite sous la forme la plus officielle, un scellement intervenait pour les entrées et pour les sorties de cette nature.
Voici maintenant la première partie, presque sans lacunes, de notre texte.
«Il siège, le préfet de la ville, dja de la ville du midi, de la ville royale, pour tout ce qu'a à faire un sar dja, sur son trône, dans la salle du dja. '
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Notice, etc. 91
«n siège pour les ordres de sectionnement à faire sur le sol. Il s'occupe du sol di- visé. Il partage ce sol divisé selon la volonté de son cœur.
«Le sceptre yerf (symbole de la puissance) est en sa main. Il se fatigue à faire le partage.
«Devant lui est le grand basilico-grammate pour les deux régions. Devant lui est le préfet de la maison royale. A sa droite est le gardien de l'entrée. A sa gauche sont les scribes du dja.
«L'un fait les rapports verbaux; un autre, toutes les écritures pour ses décisions; tel autre (mot à mot : un) écoute derrière son collègue, ne faisant pas la (sourdel oreille. (Pour) parvenir devant le chef quand il {\t) dit, (prête l'oreille) tout auditeur faisant affaire de son haut pouvoir par ordre du gouvernem*.
« On lui fait rapport pour sceller le scellement des maisons pour ceux-ci, pour les ouvrir pour ceux-là. On lui fait rapport pour les affaires de la maison du souverain dans le midi et dans le nord.
«Quand sort toute sortie de la maison du roi, on lui fait rapport. Quand entre toute entrée à la maison du roi, on lui fait rapport. Quand il y a entrée quelconque, sortie quel- conque, des terrains du domaine, ils gntrent, ils sortent par sa décision. En ses mains sont l'entrée et la sortie.
«Lui font rapport le préposé aux hommes des ordres et le préposé aux agents du pouvoir, pour ces choses.
«Lui-même, il entre, pour éclairer toute affaire, vers (le Pharaon) — à lui vie, santé, force! — et il lui fait rapport, sur les affaires des deux pays, dans son palais, chaque jour.
«H entre vers le Pharaon, devant le préposé du sceau. Il se tient debout devant ses collègues alors qu'il vient, lui, le dja, traverser le portique du palais pour traiter les affaires de Sa Majesté; alors qu'il pénètre et fait rapport en disant : «Toutes les affaires du maître »du pays sont en bon ordre.
«M'a fait rapport tout compagnon administrateur en disant : «Toutes les affaires du » maître du pays sont en bon ordre. La maison du roi et le pays sont en bon ordre».
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92 Eugène Revillout.
« Le (gardien des écritures) m'a fait rapport en disant : « Les biens du maître du pays sont en bon ordre. Lieu quelconque du domaine de la couronne est en bon ordre.»
«M'a fait rapport de sceller scellement des maisons pour quelques-uns, de les ouvrir » pour quelques-uns, tout compagnon administrateur. »
Arrêtons-nous un instant sur une expression que nous venons de rencontrer deux fois : celle de compagnon administrateur. Le mot égyptien n'est plus le même que quand il s'a- gissait des compagnons du roi, des coynites. Il y a la même différence entre les deux termes qu'entre les deux termes latins cornes et socius, que la pauvreté de notre langue amènerait à traduire tous deux par compagnon.
Les compagnons administrateurs sont ceux que le chef s'associe dans l'administration. Quand, à l'époque ptolémaique, ce chef avait lui-même pour titre celui de l'.v:/.r,rr^z, c'est-à-dire d'administrateur par excellence, quand ce diœcete tenait la première place parmi les mi- nistres des Ptolémées, il avait au-dessous de lui dans les diverses parties de l'Egypte des hypo-diœcetes « sous-administrateurs », qui étaient les exacts coiTCspondants des compagnons administrateurs du règne de Thoutmès.
Sous les Ptolémées aucune décision un peu importante n'était prise relativement soit au domaine de la couronne, soit aux revenus de l'Etat, soit à ce qui faisait entrer quelque chose dans le trésor, soit à ce qui en faisait sortir quelque chose — en dehors des prévi- sions antérieures, de ce qu'on pourrait nommer le budget — sans qu'un rapport fût adressé au diœcète et sans une décision de lui. C'était lui qui était le souverain juge des agents de l'administration, qui les nommait, qui les destituait. C'était à lui qu'on devait envoyer sous bonne garde, <^i'.% çuAaxY;ç, les fonctionnaires en faute, pour qu'il les punît suivant leurs méfaits. Tout ceci se trouve longuement expliqué dans les circulaires ministérielles, actuelle- ment au Louvre, de deux diœcètes, ministres des enûmts d'Épiphane, à 33 ans de distance l'un de l'autre.
Eeprenons la suite de notre morceau ^ : « Alors, après qu'a fait rapport chacun en la transmission (des pièces de l'affaire) au dja, il envoie pour ouviir toute porte de la maison royale, pour faire entrer toute entrée, i^sortir) toute sortie selon son ordre.
«En ses mains (tout) est par écrit, alors qu'il donne puissance à un sar quelconque en ce qu'il fait dans sa salle.
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Notice, etc. 93
« Quand il y a faute dans les aifaires d'un sar (agissant) dans sa salle, alors il le fait amener à \arrit du dja. Il châtie (ou il écarte) son impureté.
«Quand il donne puissance à un sar quelconque, quand il le frappe, (il est toujours juste). »
Jusqu'ici la ressemblance est parfaite entre la manière d'administrer de Keymara et celle des diœcètes de l'époque ptolémaïque. Mais nous allons avoir à constater une diffé- rence importante. En effet, à côté des fonctionnaires permanents, sédentaires, installés dans leurs bureaux, dans leurs salles, d'où ils traitent les affaires locales, le grand ministre de Tlioutmès se servait d'autres fonctionnaires envoyés en mission spéciale et jouant le rôle de ce qu'en Europe on nomma les missi dominici sous Charlemagne. Comme premier ministre Rexmara avait sous ses ordres directs, sous sa main, les gouverneurs des nomes, les régents des hatu de Varrit, c'est-à-dire des palais de gouvernement, ce qu'on nommait en grec sous les Ptolémées, épistates, ou stratèges, selon les époques et les lieux. C'était auprès de ces préfets que Re/mara accréditait les nobles envoyés par lui en mission spéciale.
Il pouvait choisir à cet effet, pour aller le représenter, avec des pouvoirs très étendus, l'un quelconque de ces nobles, de ces sar constituant son entourage, quelle que fût d'ailleurs la situation à laquelle il était monté dans la filière administrative.
{Sar quelconque), portait notre texte*, «il l'(envoie), pour lui, en mission quelconque. (Il) envoie, lui, le dja, en mission de sar, depuis le premier sar jusqu'au sar débutant.
« Quand il le fait approcher, quand il le fait s'éloigner, (tout sar agit suivant son ordre). Le dja est là, devant le sar, pour dire sou ordre; et il (celui-ci) sort pour aller (accom- plir) sa mission qu'il a reçue du prince à l'égard des régents des hatu de Yarrit, en mission de lui.
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94
Eugène Revillout.
«En ses mains (sont toutes les missions).
« (Il écrit aux régents des haiu, qui sont également) en ses mains, pour dire : j'ai en- voyé en mission le sar «un tel». Il le fait partant. Il fait décret de mission, sur requête.
«Il écoute le sar faisant (rapport de sa mission et de son) voyage.
«Il s'applique à sévir dans sa salle contre l'auteur d'un abus quelconque, bien plus! à l'écarter, frappant du glaive ses membres : quand a achevé le dja d'entendre ...»
Notre texte est ici coupé par une lacune peu considérable; et ce qui suit ne s'applique plus à la justice rendue directement par le dja lui-même contre les fonctionnaires coupables, mais à celle que, dans leurs nomes, les hauts fonctionnaires pouvaient rendre contre tous autres délinquants.
Il n'y avait pas pour ceux-ci toute l'instruction préparatoire qui précédait les arrêts du dja. Rey.mara leur recommande donc de ne pas agir à la légère. Les premiers mots de la phrase manquent ; mais peuvent aisément être suppléés : ^
« (Il prescrit au gouverneur jugeant) dans son district d'être (pondéré) à ce sujet : pour que sa bouche ne dise pas de frapper dès qu'il entend; que ce soit en délibération; qu'on inscrive sur le registre des délits, qui est dans le grand yent.
«Pour que point ce frappement de justice (soit inconsidéré, de remettre) à une autre fois l'affaire rapportée, de transporter ce qu'est cela sur le registre des délits, d'examiner la chose, d'ajouter cela sur cela sur le registre, pour le reste de leur jugement. »
Alin de pouvoir être certain que ses instructions à ce sujet seraient bien suivies, le ministre avait ordonné que toutes les pièces des procès criminels lui fussent envoyées pour être placées sous ses yeux, puis scellées de son sceau et conservées dans ses archives.^
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Notice, etc. 95
« Quand toutes les écritures ont été envoyées (à la salle du dja, après qu'on lui) a fait (rapport) sans rien cacher, alors s'en vient, avec le registre, le gardien » (ce gardien des écri- tures qu'on nommait sous les Ptolémées et les Romains gigXioipjXa? et qu'on nommerait au- jourd'hui l'archiviste), «en compagnie (du préposé) du sceau de l'auditeur scribe» (l'auditeur scribe, celui qui écoutait directement les ordres du dja pour les inscrire était naturellement le chef du service du secrétariat). « Quand après cela le gardien a déployé (le registre), alors, après son scellement, il l'emporte à sa demeure, scellé par le sceau du dja. Quand il (le dja) demande le livre, caché en réserve, le gardien le prend (et l'apporte).»
Le passage qui suit nous ramène de nouveau à ces questions de l'agriculture si in- téressantes pour nous. Cette fois encore il ne s'agit pas du dja lui-même, mais des sar, nobles fonctionnaires qui ont reçu de lui leur pouvoir, de ces sar que, d'une part, il envoie en mission et, que, d'une autre part, il établit dans chaque nome pour y administrer sous sa direction. On les dépeint déployant, par ses ordres, le plus grand zèle :*
« (Un sar quelconque), quand a lieu un examen quelconque, le dja l'envoie pour cela, sur toute requête. Il est en sa main : et il va quand a lieu requête quelconque au dja, pour entendre cela.
«Il lui a ordonné beaucoup d'entendre le préposé aux cultures, ainsi que les chefs des domaines, sur la récolte, de lui donner délai jusqu'à la fin du mois pour ses champs, dans le midi ou dans le nord.
• (suite de la 1. 23) (0) <=> (l^ ^^ ) J_^ <^ ^â"^^ ^J ^ S^ÎS ^ Ç^^
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96 Eugène Revillout.
«Alors que ses champs ont été submergés, dans le midi ou dans le nord, il lui donne délai pour les redevances jusqu'à un temps juste. Il écoute toute requête, d'après ce droit qui est en sa main.
«Lui donc, il amène l'eau aux terres de l'habitant des campagnes. Lui, il l'envoie.
«On lui fait rapport au sujet des domaines transmis qui sont à cet homme, au sujet de toute l'hérédité. Lui, il scelle ces choses.
ïLui, il fait la campagne dans tout dégât, quand tout faiseur de requête est à dire : «ont été déplacées nos bornes». Alors vue de ces choses, avec scellement du sar.
« Quand il fait sortir par expulsion les chefs des domaines, il fait écrit de leur déplace- ment. Alors il refuse (il écarte) tout présent, de tout homme venant pour le prier, et tonte chose de là dedans. »
Ce tableau du gouvernement de l'Egypte sous le grand ministre de Thoutmès III est des plus flatteurs. On voit celui-ci portant sa sollicitude jusqu'aux moindres fermes du fond des provinces par des fonctionnaires qu'il a directement chargés de cette mission.
Rey.mara était d'ailleurs bien premier ministre, ministre dirigeant, dans le sens le plus étendu, au point d'être le plus souvent l'auteur réel des édits, des rescrits, des décrets et de tous les ordres royaux, qu'il transmettait seul aux préfets -A
« Celui qui a fait requête quelconque par écrit, (le dja) fait à lui audition. On lui fait rapport sur toute requête au seigneur roi.
«Après qu'il l'a mis par écrit, lui, il transmet tout ordre (tout édit) du palais du roi, envoi du prince aux régents des hatu. C'est lui qui fait partir toute sortie, toute expédition de la maison royale.
« C'est lui qui a (disposé tout) avec ordre (pour que les gouverneurs des nomes), au nord comme au midi d'Abydos, lui fissent rapport de tout ce qui est arrivé entre leurs mains (dans leur gouvernement). Chaque premier du mois il se fait apporter écrit de ce qui est enti'e leurs mains et entre les mains de leurs gens» (c'est-à-dire une expédition de toutes les pièces administratives).
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Notice, etc.
97
Les graucls services militaires du recrutement et de l'intendance dépendaient égale- ment de lui :^
«C'est lui qui fait le rassemblement des soldats transportés pour accompagner le seigneur roi — à la descente du fleuve, à la montée. — C'est lui qui fait une grande arrivée (de troupes) être dans la ville du midi, dans la ville royale, avant même d'en parler dans le palais du roi : — transport que pour lui (effectuent) les régents des hatu et les chefs des domaines.
(«Il leur dit : Ceux qui sont pris pour être) soldats, faites leur parcourir les règles mili- taires. Mettez les yertot (les procureurs, les intendants) en mouvement. Que, les comman- dant, ils aillent à leur tête vers (Sa Majesté), vers la salle de (venant) à l'ordre
sur ses (navires). »
Le transport des troupes par le fleuve rappelle ici au rédacteur de cette inscription les bois nécessaires pour la construction des bateaux et le ramène tout naturellement à ce que nous nommons aujourd'hui le service des eaux et forêts : et le ministère de l'agriculture, dont ce service fait partie :^
«C'est lui qui envoie couper les sycomores, avant d'en parler dans la maison du roi. C'est lui qui envoie les préposés aux terres cultivées, pour faire irriguer dans la contrée entière. C'est lui qui fait aller — (lui), le prince, au moyen des régents des hatu — pour labourer dans la saison de smou. »
Suivant la même méthode, la mention des préfets rappelait l'autorité qu'il exerçait sur eux, sur des personnages bien plus puissants, sur les ministres portant le titre de princes, sur ceux même qui rédigeaient les ordres de Sa Majesté :'
1 (suite de la 1. 1") ^
i.Troîdîffl])
' (suite de la 1. 15)
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■(1. i4)nQ0^„ |"f^^^
98 Eugène Revillout.
« C'est lui qui institue les préposés aux ordres dans la (grande) salle du palais du roi. C'est lui qui fait audition des princes (c'est-à-dire des ministres et des grands personnages), des régents des hatu (c'est-à-dire des gouverneurs de nomes), pour (entrée), sortie et tout acte. On lui fait rapport sur toute chose. »
La sécurité des frontières rentrait dans le même ordre d'idées. Il était chargé d'y veiller d'une manière spéciale : ^
«On lui fait rapport sur les stations militaires du midi, de frontière quelconque qu'en- vahissent ses (voisins), faisant pillage, (dévastation) quelconque. Lui, il écoute cela. Lui, il fait transporter des soldats, des scribes, pour y voir : et y établir l'autorité du seigneur roi. »
Jusqu'ici les lacunes étaient peu importantes. Elles vont devenir considérables à partir du point où elles interrompront le morceau qui suit.
Ce morceau nous montre le grand ministre Re/mara exerçant pratiquement, non plus vers les frontières, mais sur toute la terre de l'Egypte, l'autorité omnipotente du seigneur roi, propriétaire du sol.^
«Il y a un registre dans sa salle qui regarde toute terre cultivée. C'est lui qui a établi les limites des champs, en tout (nome, et qui a scellé cela) du sceau du seigneur. C'est lui qui a fait les parts de terrains quelconques . . . .»
Ici manque un tiers de colonne.
Les fragments suivants, qui se trouvent séparés les uns des autres par des lacunes de plus en plus grandes, sont relatifs : d'abord aux redevevances dues au roi et qui aboutissent à ses magasins, à Yarrit :^
«C'est par lui que vient toute demande de la maison du roi. C'est lui qui préside à tout ordre. C'est lui qui écoute sur toute réclamation. »
Puis à ce qui concerne les revenus sacrés :*
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Notice, etc. 99
«(C'est lui qui règle) ces choses avec son scellement, lui qui préside à toute chose (de ce genre), lui (qui juge) sur les retranchements faits par fraude aux apports (dus) aux temples. Lui font rapport les chefs des domaines ...»
Puis encore au magasin de blés — qu'on nommait sous les Ptolémées le Oï)(;aupoç — du temps de Thoutmès Varrit — et à la caisse de numéraire — qu'on appelait sous les Ptolémées la Tp^creÇa — du temps de Thoutmès la maison de l'or :'
«Toutes les offrandes apportées à Yarrit, c'est lui qui préside à cela. Lui, il ouvre la maison de l'or avec le préposé au scellement (le caissier, celui qu'on nommait sous les Pto- lémées le trapézite). Lui, il fait (décision) ...»
La règle d'administration ici visée s'était d'ailleurs maintenue sous les Ptolémées. Le trapézite ne pouvait jamais ouvrir sa caisse sans un ordonnancement, un chrématisme éma- nant le plus souvent d'un des services dépendant du diœcète.
Le fragment de la colonne 9 suivant le numérotage à rebours de M. Virey, où se ti'ouvent nommés l'intendant (le merpa — voir la correspondance agricole officielle sous les Ramessides) et les chefs de culture, est trop incomplet pour que le sens en soit très clair. ^
Le fragment de la colonne 8 est relatif aux vectigalia, aux redevances eu nature, apportés à Varrit dans chaque nome et sur lesquels lui fait rapport tout régent de palais de gouvernement.^
Le fragment de la colonne 7 indique que ce rapport, « fait pour témoigner sur les im- pôts», était mensuel, ainsi que l'était, nous l'avons déjà vu plus haut, le rapport de ces mêmes préfets sur ce qui s'était passé dans leur gouvernement.*
Les fragments des colonnes 6 et 5 sont relatifs à la marine.
« C'est ^ lui qui fait arriver au port les navires pour usage quelconque qu'il a prévu. C'est lui qui fait transporter par navire »
if^nSn
(1. 9)
c^y
«(Il entend) le sar intendant de palais et les chefs de culture à VuH. C'est lui qui fait la décision . . . en présence de tout dignitaire faisant conseil dans .... »
«(Il a) en mains (les ... de) Xm-Hi. Les princes ou régents de palais de tous gouverne-
ments lui font rapport de leurs tributs à . .»
_S$i V l '^ OT ' ^'® '^' ^""^ '■'^PP*'!'* chaque mois pour témoigner sur les impôts. Alors il y a scellement (décision du prince) avec perspicacité.»
(1. 6) - y . -
100 Eugène Revillout.
Ici sans doute, dans la colonne 6, suivait une éuumération de tout ce qu'un navire peut transporter pour les besoins de l'état : approvisionnements, matériel de guerre, troupes, etc.
Dans le fragment de la colonne 5 il est dit : «Tout conseil des chefs de marine lui fait rapport (en ces termes) : «Le navire de transport est arrivé.» A lui la décision pour . . .»i
Dans le fragment de la colonne 4^ on voit que le gardien du grenier de Varrit lui fai- sait rapport de son côté, probablement sur les céréales qu'il recevait ou expédiait par cette voie, et que ce rapport avait lieu dans la salle d'audience du dja.
Les colonnes 3 et 2^ étaient remplies par une éuumération de titres — donnée avec emphase — qui formait une sorte de cursus honorum du défunt et qui terminait l'éloge du mort, comme c'est le cas le plus ordinaire pour les textes de cette nature.
Chose curieuse ! après cela, la colonne jjremière du numérotage à rebours de M. Viret, c'est-à-dire la fin de l'inscription, donnait* l'indication du nom du rédacteur de cette inscrip- tion hiéroglyphique. Une indication de ce genre se trouve à la fin de l'inscription gravée en l'honneur de Ramses II sur les parois de plusieurs de ses temples : — de ce poème, écrit par le scribe Pentaour, dont on possède également un exemplaire transcrit en hiératique sur papyrus.
La mention de l'auteur indique que celui-ci était un écrivain connu, qui avait fait œuvre de style. En effet, quiconque étudiera avec tout le soin qu'elle mérite cette inscrip- tion, restée lettre morte pour M. Virey, reconnaîtra que c'est bien l'œuvre d'un littérateur professionnel. Il passe d'une idée à l'antre par des transitions de pensée toutes naturelles, comme on peut le faire dans un éloge d'apparat : et dans la fiicture de ses phrases il ne néglige pas le parallélisme, cette élégance de la belle prose en style égyptien comme en style hébreu.
désignant la gravure __ _ III
hiéroglyphique (voir Brugsch, Sup. au Lex., p. 126) est transcrit en démotique 2tl ^ 1 1 ^—yt) | ® et traduit en grec par ÇwfXucpoç. Ici le mot en question ne veut pas dire «écrivain des hiéroglyphes», mais «écriture hiéro- glyphique» : «Il a fait l'éciiture hiéroglj^phique ...» Mon illustre maître M. E. de Rougé a fait voir que dans le poème de Pentaour, comme dans le roman des deux frères et dans beaucoup d'autres compositions littéraires du même genre, la signature de l'auteiu', précédée comme ici du verbe .<2^ «a fait», suivait une sorte de dédicace adressée à un personnage quelconque dont on donne soigneusement les noms et les titres, et précédée de la formule : \\ T v\ '\ \ j awaa .... « Ceci vient en
offrande à la personne de ...» Il en était probablement de même ici et cela nous expliquerait comment, après la légende de Ee^mara, qui semble s'être terminée d'après les titres finaux ordinaires vers le milieu de la ligne 3, on voit figurer au commencement de la ligne 2 d'autres titres, s'appliquant également — mais en langage plus ampoulé — à Rexmara, auquel on aurait dédié son propre éloge. Ce qui termine — comme d'ordinaire — c'est la signature de l'auteur, remplissant ici, nous l'avons dit, la ligne 1''°.
Notice, etc.
101
Parmi les tableaux et les textes qui se trouvent du même côté de la première salle, sur la paroi en face de celle-là, c'est-à-dire sur la paroi où s'ouvre la porte de communica- tion entre les deux salles, la plupart sont relatifs à ce qui était apporté par le service de la marine, — dont il était question dans les fragments de la tin de la grande inscription, — de pays parfois fort lointains, pour être rangés dans les magasins — dont il était également question dans ces mêmes fragments. Dans cette classe d'apports rentraient les tributs de toutes les nations soumises par Thoutmès, tributs dont l'énumération, illustrée de la façon la plus intéressante au point de vue de l'histoire des races, de leurs ressources, de leurs costumes, occupe une grande partie de cette paroi du fond de la première salle. Un texte que M. ViREY a, cette fois, reproduit et traduit dans le sens où il fallait le lire, termine cette série et montre Reyjnara jouant le rôle de régent en l'absence de Tboutmès et rece- vant lui-même pour le roi les tributs imposés aux peuples vaincus et présentés par eux, à titre d'offrandes quasi religieuses, aux esprits de Sa Majesté.
«IP reçoit les apports du pays étranger du midi apportés à titre d'oifrandes, les ap- ports du pays de Pount, les apports du pays de Rutennu, les apports de la Phénicie (ap- portés) à titre d'offrandes, le prélèvement sur tout pays étranger apporté aux esprits de Sa Majesté le roi Tboutmès (Ramen/eper) — à lui vie! santé! force! — : le grand prince, chef des chefs, le distingué parmi les compagnons (les comités), le préposé aux autorités, le pre- mier (ministre), remplissant le cœur généreux du souverain. Lui, qu'a favorisé l'habitant du palais en le mettant à la tête des compagnons (des comités), à la tête de la terre entière, parce qu'il l'a connu dans l'accomplissement des belles actions : il y persiste, étant dévoué à sa face : le préfet de la ville, (le clja Rey.mara.)
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102 Eugène Revillout.
«Les compagnons de Pharaon, — à lui vie, santé, force! — sortent au devant du dja i)our l'honorer, le louer, persister dans l'acclamation, disant : «Le bon régent, constitué par Thout- »uiès (Ramen/.eper) qui a établi toute autorité sous lui! Les maisons, les domaines, les droits, » toute règle est stable, (chacune) à sa place. Les enfants des gens distingués (restent) à la «place de leurs pères. Il a renouvelé de faire seniblablement des milliers d'années.
«Il reste établi solidement à la place d'Horus. Il a fait, il a renouvelé de faire les »panégyries de heh set. 11 guide les vivants vers l'éternité :
«Venue en paix — dans le palais de celui à qui vie, santé, force! — du grand prince, » prophète de vérité, préfet de la ville, dja, (Reymara) véridique!»
Nous avons déjà dit plus haut que la plupart des textes inscrits de l'autre côté — du côté droit — de la salle avaient été considérés par M. Virey comme trop mutilés pour être reproduits.
Le peu qu'il en donne nous montre d'ailleurs qu'ils étaient pleinement comparables sur ce côté droit à ceux qu'on lisait sur le côté gauche. De même que sur le côté gauche, des inscriptions complémentaires, revenant sur telle ou telle question, ajoutaient seulement cer- tains détails aux indications déjà fournies par les textes fondamentaux. C'est ainsi que près de la porte d'entrée, sur la paroi qui continue, de l'autre côté de cette porte — dans le côté droit de la salle, — celle que couvre en partie du côté gauche de cette salle la grande inscription, on voit quelques restes d'un texte qui dépeignait Ke/.mara véritiant les pièces de comptabilité dans les écrits à lui transmis de toutes parts selon cette grande inscrip- tion. Tout contre se trouvait un tableau qui devait illustrer ce texte, où l'on peut déchiffrer encore : ^
«Il examine les comptes : — comptes pour la chambre du dja de la ville du midi; pour les princes (les hauts dignitaires); pour les régents des hatu (les préfets ou épistates); pour le conseil de la campagne; pour le lieutenant de la terre divisée; pour les scribes écri- vant (les listes des hommes du nome), de leurs champs, des terres élevées du . . ., des terres basses du ... : — le grand prince etc.»
La sollicitude de Re/mara relativement à l'agriculture est également dépeinte dans un autre texte de ce même côté droit de la salle, texte dont nous avons déjà cité plus haut une partie et que voici en entier :^
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Notice, etc. • 103
«H se complaît à Yoir les bons troupeaux, se divertissant dans les travaux de la cam- pagne, à voir le travail des saisons de Smou et de per, le favorisé de Nepra (dieu agricole\ le favorisé de Ranen (déesse agricole), le favorisé d'Horus de ... . (vocable d'Horus, consi- déré probablement comme un des patrons de l'agriculture) : le grand prince, qui remplit les greniers, qui protège le ut ( — le bien public? — ) .... en faisant les affaires sans i per- sonne les faisant) pour lui, sans personne pour les faire qui vienne à lui, jugeant le faible ainsi que le puissant, se manifestant par des pacifications, le préfet de la ville, etc.»
La stèle placée dans le milieu du côté droit de cette salle, faisant face à une stèle semblable placée dans le milieu du côté gauche, énumérait la femme et les enfants de Eey.- mara, et le représentait eu famille. Quant à la dernière inseriptiou que M. Virey donne de cette salle, elle a trait, de même que certains passages de la grande inscription lue à rebours par M. VntEY et que presque toutes les scènes peintes sur la première moitié du côté gauche de la seconde salle, aux fonctions de Re/mara comme ministre des cultes, si je puis m'ex- primer ainsi. Mais cela nous entraînerait trop loin de notre sujet principal qui est Fagricul- tnre. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que la distinction qui est devenue fondamentale depuis les Ramessides entre les terres sacrées, terres de neter hofep, et les terres royales etc. ne paraît nullement établie du temps de Thoutniès. C'est le ministre Re/mara qui ins- pecte les vivres qu'on offre aux dieux chaque jour, comme il inspecte les travaux qu'on fiiit dans les temples. C'est lui qui règle le montant des offrandes sacrées, qui reçoit les grains destinés aux temples, qui préside, ou du moins est censé présider à la confection des gâteaux employés dans le culte des dieux etc. Le tombeau de Re/mara vient donc apporter une nouvelle preuve à la démonstration de ce fait que la division tripartite de la terre égyp- tienne entre le roi, les dieux, représentés par leurs prêtres dans leurs sanctuaires, et les guerriers, constituant une caste, — mesure parallèle à celle qui constitua cette caste même des guerriers, — est bien l'œuvre de Sésostris ainsi que l'avaient indiqué les Grecs, de ce Sésostris Ramses II chanté dans le poème de Pentaour, qui fait allusion à tout cela.
Au fond l'œuvre de Sésostris fut moins permanente peut-être en Egypte que les prin- cipes d'administration déjà posés et mis en pratique du temps de Thoutmès.
Sous les Ptolémées la plus grande partie du domaine territorial attribué aux temples avait cessé d'être en leur possession et les deux grandes tribus de la caste militaire de race égj^tienne étaient plus encore appauraes.
Le Bxs'./.i/.sv, comprenant le domaine, le trésor et les greniers royaux, se trouvait en- richi d'autant. Ce qu'on avait laissé aux castes privilégiées était si peu considérable que, pour subvenir à leurs besoins, il avait fallu assigner aux prêtres et aux soldats des budgets spéciaux sur le trésor royal.
Les frais du culte étaient d'ailleurs réglés par des fonctionnaires, épistates de temples, relevant du diœcète, ce ministre administrateur qui avait également sous ses ordres le ser- vice des digues et des canaux, le service de l'irrigation, le service de la culture des terres
104 Eugène Revillout. Notice, etc.
royales et de toutes les corvées, les serrices des diverses taxes et des divers revenus de l'État, le service des travaux publics, le service de toutes les dépenses, — qui avait à recevoir et contrôler les comptes de tous les fonctionnaires et qui se réservait d'ordonnancer person- nellement tout paiement et toute recette ne rentrant pas dans ses prévisions. Je n'irai pas jusqu'au bout dans l'énumération des fonctions du diœcète, tout à fait comparables à celles qu'exerçait, en qualité de dja, le grand ministre de Thoutmès III.
En ce qui touche les terres arables je dois seulement faire remarquer que Ee/.mara, bien qu'on le dépeigne se fatigant à en effectuer le lotissement général en vue de la culture, ne paraît pas avoir à en distribuer des aroures aux soldats à titre de récompense, comme il en avait été distribué, suivant l'inscription du tombeau d'Ahniès, bien peu de temps avant, lors de l'expulsion des Hyksos par les princes qui, sur eux, reconquérirent l'Egypte.
Après la conquête macédonienne des attributions semblables de terres ont été faites par les premiers Ptolémées à leurs compagnons d'armes; et un papjTus découvert par M. Pétrie nous apprend qu'Évergète I" interdit à l'administration, dépendant du diœcète, de disposer de ces terres provenant du domaine royal et que le roi seul pouvait concéder.
Les distributions d'aroures de terres à titre de gratification à tous les soldats d'une armée paraissent d'ailleurs avoir cessé bientôt : soit à une époque, soit à l'autre. Il n'en est nullement question dans l'inscription d'Amenemlieb, l'un des compagnons d'armes de Thout- mès m, lors de ses victoires en Asie. Et sous celui des Ptolémées qui rappela le mieux les exploits de Thoutmès tant en Asie que sur les bords de la mer Rouge etc., sous ce même Evergète I'"'' dont je viens de parler, les papyrus grecs découverts par M. Pétrie font plus souvent mention de terres rentrant dans le BaaiAiy.ov après avoir appartenu à des cléroukhes que de la création de nouveaux cléroukhes par de nouvelles attributions de lots de terre à des soldats. (Sur tout ceci voir mon volume : «Papyrus et tessères démotiques et grecs.»)
(La suite prochainement.)
Correspond AKCB.
Pour la correspondance relative aux plagiats, avec circonstauces aggi-avantes, qui forment la base du dictionnaire démotique
Îiublié par deux de mes élèves, MM. Denisse et Chaejjon, voir l'entête des «Quelques textes traduits à mes cours». La seule ettre que je donne ici a été écrite par moi au propriétaii-e de l'Art au sujet d'une note qu'un de mes anciens élèves M. BÉ21ÉDITE avait insérée à l'occasion d'un article de moi :
« Monsieur, vous me permettrez de m'adresser à vous comme j'ai l'habitude de le faire pour tout ce qui concerne votre estimable journal, bien que vous en ayez abandonné récemment la direction ordinaire à deux personnes parmi lesquelles je distingue un de mes jeimes collègues. A mon âge on ne change rien à ses habitudes, et j'ai toujours eu tant à me louer de mes rapports avec vous que c'est pour moi un plaisir que vous écrire puisque le temps me manque pour aller vous voir. J'ai trouvé l'occasion dans mon article sur le don de l'Exploration Fund (l'Art, 19" année, t. H, p. 205 et suivantes) de citer en passant un de mes anciens élèves M. Bénédite, auquel j'avais fourni l'idée de sa mission de Philée et que j'avais aidé sous ce rapport en ce qui concernait le Louvre, comme je l'ai aidé à entrer au LouvTe même dans le département dont je fais partie. Je l'ai fait d'autant plus volon- tiers — sur un point tout à fait secondaire et de détail — ■ que c'était là lui montrer mes sentiments amicaux. Mais il ne me serait jamais venu à la pensée de m'appuyer sur son témoignage pour faire accepter mes idées et de m'appliquer à faire croire inci- demment qu'il les partageait. Qu'il les partage ou non. ceci m'importe peu, je l'avoue. Mais je ne saurais admettre que cet ancien élève se prétendît mon juge Çl'Art^ IQ** année, t. II, p. 296, 2* col.) et osât affirmer qu'aucun archéologue n'adopterait mes conclusions. Cela me semble une audace un peu grande, alors surtout que j'ai reçu certains témoignages venant de haut lieu égypto-archéologique et qui sont complètement conformes à l'opinion exprimée par moi sur les fouilles de M. î^aville. Quant à l'étendue de l'espace attribué par M. Na ville à une salle hypostyle et au milieu duquel on a trouvé les colonnes, c'est un point tout à fait secondaire dans mon article et la note de M- Bénédite prouve seulement qu'il n'a rien compris à la question. Du moment où M. Na ville n'a nullement indiqué quelle était la distance des piédestaux l'un par rapport à l'autre, alors qu'ils étaient encore en place, la surface qu'occuperaient les colonnes renversées, ^ ces colonnes qui se trouvaient au milieu de la salle, dit M. Na ville — n'a qu'un intérêt tout à fiùt secondaire. Ce qui esc important c'est que le nombre des chapiteaux hatoriens se trouve absolument identique à celui des colonnes et à celui des bases, que ces chapiteaux ont été trouvés à côté des colonnes, sans trace d'autres colonnes ni d'autres bases, et que la superposition paraît évidente, quand on se rappelle surtout que certaines colonnes de Philée, ainsi que d'autres colonnes égyptiennes parfaitement connues et décrites, présentent sur un plus petit format la même conception architecturale de superposition de chapiteaux hatoriens sur des colonnes lotiformes complètes. Quand j'ai «fait intervenir la Chaldée, l'Assyrie et la Perse», c'était seulement pour montrer l'origine probable de cette conception architecturale dont le temple de Bubastis nous montre une phase par- ticulière, mais dont l'existence en Egypte ne peut être contestée par personne et surtout par personne de ceux qui ont visité les temples encore debout de Philée. Je voué serai bien reconnaissant de vouloir bien faire insérer dans l'Art cette lettre de réponse nécessaire — d'autant plus nécessaire que, je le répète encore, je n'ai jamais eu la pensée d'engager en quoi que ce soit la responsanilité de M. Bénédite. Agréez, etc. E. E.»
L'Éditeur Ernest Lerodx, Propriétaire-Gérant.
REVUE ÉGYPTOLOGIQUE
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE
M. EUGÈJ^E REVILLOUT.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE, DE L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC. ETC. 28, RUE BONAPAETE. 28. A PAEK.
VIP Volume. N" III. 1896.
La REVVE ÉOYPTOLOQIQUE paraît tous les trois mois par numéros de six feuilles au moins, avec
planches, fac-similé etc. — Aucun numéro ne se vend séparément.
Vrix (le l'abonnement annuel : ïaris 30 fr. — Départements 31 fr. — Jltranger 31! fr.
Sommaire : T>' VicroR Revillout t. — Deux anciennes lois du pays d'Accad (suite), par Victor Revillout. — Quelques documents historiques de Bocchoris à Paammêtique I"', par Eugène Revillout. — Des donations d'enfant à l'époque copte, thèse soutenue à l'école du Louvre (suite), par Fr. de Villenoisy. — Une prophétie messianique assyrienne, par 'Victor et Eugène Revillout. — Mission de la Revue égyptologique. par E. PvEvillout. — Revue bibliographique.
W VICTOR REVILLOUT.
Depiii.s qu'a été terminé par nous le dernier numéro de la Revue, j'ai eu la profonde douleur de perdre mon frère bien aimé, le collaborateur assidu de tous mes travaux, l'ami dévoué qui ne m'avait jamais quitté.
Je n'ai pas ici à faire son élog-e, que je n'ai pas même voulu laisser faire par d'autres. Il est des douleurs qm ont besoin de silence.
D'ailleurs à quoi bon rappeler tout ce qu'il a fait et surtout tout ce qu'il savait, cet homme universel, qui, comme Pic de la Mirandole, mais à une époque beaucoup plus savante, avait voulu pénétrer toutes les connaissances humaines?
En me plaçant au-dessus de moi-même et de mes affections, qu'il me soit seule- ment permis de regretter que nous n'ayons pas pu achever ensemble l'ouvrage que nous méditions depuis tant d'années sur les origines du droit. A nous deux, et sur- tout à l'aide de ce juriste et de ce babylonisant de premier ordre, nous voulions montrer qu'il n'y a pas une loi du Corpus juris qui n'ait son point de départ et son commentaire naturel dans les documents de l'Egypte et de la Chaldée. Nous voulions montrer bien autre chose encore dans un ouvrage qui devait être notre monument et que nous comptions commencer l'année même où il m'a été ravi.
Mais hélas! il n'est plus, et je n'ai qu'à courber la tête.
Eugène Revillout.
106 ViCTOE Revillout.
DEUX ANCIENNES LOIS DU PAYS D'ACCAD.
PAi;
Victor Revillout.
(Suite.')
Chacun de ces actes d'abdication se divise en deux parties qui commeuceut l'une et l'autre par les mots ittursu tukundibi (désormais sentence).
Ces deux parties se répondent l'une à l'autre : la première contient la constatation de l'ingratitude de l'enfant qui méconnaît, soit sa mère seule, soit à la fois son père et sa mère ; la seconde renfenne le désaveu de ce lils ingrat.
La conclusion pratique de ces deux paragraphes est identique dans l'acte que voici ^ :
« A partir d'à présent, sentence : Ilani Irba à femme Saatani sa mère « non mère > a dit ; de teiTain, jardin, construction quels qu'ils soient qu'il soit mis dehors. A partir d'à présent, sentence : f. Saatim à Ilani irba son lils «tu n'es plus mon tils» a dit; de terrain, jardin, construction quels qu'ils soient qu'il soit mis dehors.»
Le second acte commence par une sorte de préambule très lacuueux sur deux exem- plaires qui ne paraissent pas complètement identiques et où les premières lignes manquent absolument, du moins sur la copie de M. Strassjiater, car je n'ai pas le texte sous les yeux. Ce que l'on croit y découviii- c'est qu'il s'agit, dans une première phrase, de propriétés : terrain, jardin, cour, con.structiou, d'Etelkasiu et de Sinnaid sa femme; que leur nom se trouve répété dans une seconde phrase vis-à-\-is de leurs fils ingrats.^
Après cela viennent les deux paragraphes essentiels* :
«A partir d'à présent, sentence : Sin(erib"?^su à Etelkasin son père, et Sinnaid, sa mère, tu n'es pas mon père, tu n'es pas ma mère a dit : argent sera donné. — Sentence; Etelkasin et Sinnaid, sa femme, à Sin(erib'?)su, leur fils, tu n'es pas mon fils ont dit : propriété, jardin, terrain nu : sa part, sera reprise, sera (donnée).»
On remarquera qu'ici la sanction, la conclusion se trouve très différente de celle des antiques lois d'abdication correspondantes, puisqu'elle paraît uniquement consister dans le droit pour les parents de déshériter leur fils, de donner leur argent à d'autres, de lui reprendre sa part et de la donner à d'autres. Ajoutons du reste que le texte primitif de ces deux paragraphes fondamentaux est entièrement écrit en langue touranienne, sans aucun mélange de mots sémitiques, en dehors des noms propres.
Une autre loi également tirée des bilingues d'Assourbanipal et reproduite dans les docu- ments juridiques de M. Offert, qui avait pris soin d'en mettre en lumière la nature officielle et toute la portée, réglait le taux légal de l'intérêt dans les anciennes villes accadiennes. Ce
' En donnant ici la suite de l'article de mon frère je dois faire remarquer que, d'après ses dires, il avait beaucoup d'additions et de modifications à y faire, cet article étant vieux de près de dix ans. Dans la Revue je compte d'ailleurs publier bientôt d'autres travaux assyriens et babyloniens plus récents et plus import.ants de mon frère.
2 Voir le texte de cet acte et du suivant dans nos planches où nous donnerons également l'hélio- gravure des actes de vente qui ont fait le sujet d'un des articles de mon frère dans cette .ffevwe (VI, 102).
3 Voir aux planches le texte tel qu'il paraît devoir résulter de la copie bornée malheureusement par M. Strassmayer à l'un des exemplaires avec quelques variantes tirées de l'autre.
* Voir le texte aux planches.
Deux anciennes lois d'Accad. 107
taux légal était de 20 pour 100, nue unité divisionnaire {clou, darag mana ou sekel) par mine. Or c'est encore le même intérêt qui est toujours bien longtemps après stipulé dans les nom- breux actes babyloniens que nous avons vus. Dans le pays d'Accad, c'est-à-dire dans la région de Babylone, il semble qu'on a toujours gardé une limitation légale de l'intérêt. Il en est tout différemment en Assyrie, dans ce royaume de Ninive, infiniment plus imprégné de l'esprit sémite, et où l'on ne rencontre pas non plus, dans les actes entre particuliers, comme si souvent dans les contrats babyloniens, de longues phrases en accadieu pur, ayant non-seulement les idéogrammes, non-seulement les racines transcrites phonétiquement, mais les particules, les formatives, les désinences verbales, toute la contexture grammaticale de l'ancienne langue touranieune. A Ninive l'intérêt était purement conventionnel et sans maximum. Tantôt les parties stipulent le quart, i tantôt le tiers, tantôt la moitié, quelquefois même une somme
' C'est l'intérêt du quart qui se trouve stipulé dans la tablette K 309-30 du Britisli Muséum, publiée sous le n° 9 dans la 47"^ planche du troisième volume de W. A. I. Il y est dit que la somme due, 5 mines d'argent de Karkemis, rapportera par mois 5 sekels, ce qui ferait par an GO sekels, ou, en d'autres termes, une mine, juste le quart du capital. Sur cet intérêt du quart ou de 25 pour 100, voir Lettres, p. 177.
Dans un très grand nombre d'autres actes ninivites, l'intérêt n'est plus calculé par mois, mais par an, et alors on se borne à dire que le capital produira son quart. Cette expression « son quart s est figurée par le chiffre suivi de la finale tmn, ou ti, ou utii W^T, W>-<T>-, V'^T>-<T»-; puis vient le pronom possessif J «sien». On pourrait d'abord légitimement se demander s'il s'agissait d'une fraction ou d'un mul- tiple. En effet, d'après les finales on pouvait voir que les expressions complètes devaient être irbuttum. La traduction nécessaire était donc quartam ou qtiaHum, selon le genre que l'on supposait au substantif sous -entendu auquel se rapportait l'adjectif numéral. C'est celle que M. Oppert a donnée dans ses mot-à- mot. Mais rien n'indiquait s'il fallait croire à une multiplication par quatre, à une quadriplicatlon ou, au contraire, à une division par quatre, à une fraction du quart. Aujourd'hui la question est entièrement jugée, grâce à quelques textes nouveaux. En effet, les mêmes termes se trouvent également pour expri- mer la fraction du quart dans des cas où il n'est pas possible de supposer un multiple de quatre, car il n'y est plus question d'un calcul d'intérêt, toujours délicat, mais simplement de l'énoncé d'une somme due en capital. Parmi les actes de ce genre nous citerons, entre autres, un acte inédit de Londres, du fonds babylonien, daté de l'an 1 de Nabouid et portant les n">« 79, 7, 30, 3-t. La somme indiquée eu tête de cet acte est de i mines, 2 sekels et quart d'argent. Nous citerons également du même fonds un autre acte que M. Steossmayer a publié et qui porte les Uo, 7, 38, 76, 11, 17. Cet acte commence par les mots quatre sekels \, pesés, d'argent; cet acte est daté de la 30° année de Nabuchodonosor et l'expression idéographique T que traduirait en langue sémitique le verbe sakalu : peser, est en parallélisme de sens avec hiika indiquant déjà alors les pièces (cf. Lettres, p. 141 et suiv.). Nous avons en effet beaucoup d'autres actes où il est dit que la somme sera payée « suivant un sekel pièce » c'est-à-dire en pièces de monnaie dont chacune valait un sekel. Je citerai, par exemple, un acte inédit du Louvre, relatif à une dette de 6 sekels d'argent, dont la date, du régne de Nabuchodonosor, ne porte plus bien nettement que les dizaines «... vingt . . .»; un autre acte, également du Louvre et également inédit, relatif à une dette d'une mine et l, qui porte la date de l'an 18 de Nabonid. Mais ce n'est pas le lieu d'insister sur ce point que nous développons dans un autre travail sur les monnaies et leur origine. Ajoutons seulement que le signe T pesé se re- trouve dans un contrat assyrien inédit du British Muséum, le n° K 356 et qu'il y précède, au lieu d'y suivre, les signes ^ -^y. La somme y est énoncée ainsi : «4 mines, 6 du pesés et ^ d'argent.» Il est donc impossible de lire «4 tahal^ comme le proposait M. Steossmayer dans l'acte qu'il a publié et dont nous avons parlé ci-dessus.
Ce que nous venons de dire pour le quart est également vrai pour le tiers. Cette expression numé- rale se présente dans les contrats de Ninive, non-seulement à propos d'intérêts annuels, mais dans l'énoncé du capital de sommes dues ou encaissées. C'est ainsi que l'acte inédit de Londres, marqué K 336 et relatif à un prêt de 8 mines un tiers d'argent du trésor d'Istar d'Arbelles, énonce cette somme de cette ma- nière au lieu d'évaluer comme d'ordinaire la fraction de mine en sekels. De même dans un relevé de comptes inédit qui est marqué K 3782 dans la même collection, figure, entre autres, une somme de 2 mines un sekel J. La finale paraît indiquer que le mot complet, signifiant le tiers, serait ici salissa, dérivé de salistu, par une action, souvent réciproque en assyrien, de t sur *, et de s sur t.
14*
108 Victor Revillout.
éo-ale au capital, ou, comme nous dirions, cent pour cent. Il est à noter que l'intérêt est géné- ralement d'autant plus fort que les sommes dues sont plus petites, comme dans ce qu'on appelle pour les usuriers de bas étage le prêt à la petite semaine.
Pour en revenir au taux de l'intérêt, que cette parentlièse, peut-être un peu longue, mais au moins utile, si non nécessaire, ne doit pas nous faire perdre de vue, nous avons dit qu'en Assyrie il était souvent stipulé du quart. Tel est le cas, par exemple, pour un prêt de 10 sekels d'argent (tablette K 179-73 du Britisli Muséum); pour un autre prêt également de 10 sekels d'argent (tablette K .381, B. M.); pour une dette de 8 sekels d'argent (K 368, 93, B. M.); pour une autre de 30 sekels (K 323, B. M.); pour une autre de 3 mines, 10 sekels (K 337-57, B. M.) ; pour un contrat relatif à 5 sekels d'argent : c'est notamment dans celui-là que le chiffre 4 est suivi des deux syllabes terminales utti ^1 *~<T*" (R ^9; K 339); dtans un autre contrat relatif à une somme de 9 mines, 16 sekels d'argent (K 342). Parmi ces textes inédits que nous avons étudiés à Londres lors d'un court voyage, le dernier mérite de nous arrêter un instant, car on y retrouve une expression dont M. Oppeet avait exactement indiqué le sens réel quand il la rencontra dans un acte traduit à la page 232 et suiv. de ses documents juridiques, mais à laquelle M. Pincues a voulu récemment donner une signification toute différente, en l'unissant avec la proposition -y qui la précède dans certains actes, l'expression ginu, ginnu, type, étalon, système monétaire. Cette expression se ren- contre surtout à deux époques. (Conf. Lettres sur les monnaies égyptiennes, '2" édit., p. 141.)
1° Quand les rois de Ninive, ayant conquis la ville de Karkemis, s'appliquèrent à faire rentrer dans le système métrique d'Assom-, en la modifiant un peu à cet effet, la mine de cette ville, fort usitée dans les relations commerciales, on eut soin d'ajouter dans certains actes que les sommes étaient payables en mines de l'étalon d'Assour ginu sa Assour. J'ai démontré d'ailleurs dans un autre travail, que les diffé- rences entre la mine de Karkemis proprement dite, la mine du roi, expressément nommée dans plusieurs contrats, entre autres nu acte inédit qui porte au British Muséum les n°" 429, R 140, celui qui est inscrit K 342 et qui a été publié sous le n° 5 dans la pi. 47 du troisième volume de W. Â. L, etc., la mine du pays, mentionnée par exemple dans l'acte inédit, K 150 de la même collection, et la mine sans désignation particvdiére, en ce qui concerne la valeur, ne doivent pas être considérables, car dans les ventes, les quantités en sont à peu prés identiques pour le prix des mêmes objets. C'est ainsi que dans l'acte inédit, K 457 du British Muséum, une femme est achetée une demi-mine en mines de Karkemis, prix le plus habituel d'une esclave en mines ordinaires; dans l'acte K 444, deux esclaves coûtent une mine, en mines de Kar- kemis; dans K 150, deux esclaves sont vendus pour une mine du roi, etc. Ce sont ces grandes ressem- blances entre l'étalon de Karkemis et les autres étalons monétaires en usage dans le reste de l'Assyrie qui, quand cette ville si commerçante fut englobée dans leur empire sans être détruite (nous avons encore dans nos actes la mention expresse du palais de Karkemis) permit aux rois de Ninive de les faire tous rentrer, par une réforme tout-à-fait semblable à celle que plus tard firent les Ptolémées, dans un même système métrique ginu sa assm: (Conf. Lettres sur les monnaies, p. 146.)
2° Quand Darius prenant l'étalon d'or pour étalon principal, et y rattachant seulement l'argent comme monnaies divisionnaires avec la proportion de 13^ à 1, fit fondre des monnaies qui, bien loin de peser ce que pesait l'ancien sekel, n'eu représentaient que les deux tiers et en portaient pourtant vulgairement le nom, on eut soin dans certains contrats de spécifier que les sekels d'argent à recevoir n'étaient pas de ces sekels en pièces divisionnaires d'une valeur moindre que le soixantième de la mine pesée, mais bien en soixan- tièmes'de mine, calculés, soit suivant le poids, soit en pièces de l'ancienne frappe, ou en pièces étrangères, telles que les antiques didrachmes d'Athènes, frappés d'un seul côté, portant l'effigie d'un oiseau et figurant exactement le soixantième d'une mine en poids dans le système métrique de Babylone, sa ginnu. Cette fois M. PiNCHEs a voulu faire de saginnu un seul mot, mot qu'il a traduit par punched, frappé : bévue que devait rendre impossible l'existence des actes de Ninive où le substantif se montre seul, sans être précédé de la préposition -y .
L'acte inédit qui nous a conduit à ces réflexions incidentes, commence par les mots : «9 mines, 16 sekels d'argent du système d'As.sour. »
Il ne mentionne pas de témoins. Après les noms des parties et la date, l'intérêt au quart s'y trouve stipulé dans une phrase surajoutée.
Cet intérêt du quart se rencontre également, en dehors des actes inédits déjà mentionnés, dans un certain nombre de ceux qui ont été publiés dans W. A. L Nous citerons notamment le n° 8 de la pi. 4ô relatif à un prêt de 10 sekels d'argent du trésor d'Istar de Ninive, le n° 2 de la pi. 47, relatif à un prêt de 17 sekels d'argent du trésor d'Istar d'Arbelles, le n" 3 de la pi. 47 (dette de 13 sekels) et les n" u et 7 de la même planche (dettes de 9 mines, 15 sekels et de 6 mines, 6 sekels).
L'intérêt du tiers est plus rare; sur quatre contrats que nous avons comptés comme le stipulant
Deux anciennes lois d"Accai>. 109
Le système du prêt conveutiouuel est celui que nous retrouvons à Athènes. La loi s'y bornait à spécifier exceptionnellement des intérêts légaux pour certaines dettes déterminées,
deux sont relatifs à des sommes dues en cuivre; ce sont l'acte inédit que porte le n° K 415 au British Muséum et l'acte K 350, 70 que forme le n° 8 de la pi. 47. Dans ce dernier la somme due sur le trésor d'Istar d'Arbelles s'élève à 2 talents de cuivre, somme relativement assez élevée et dont la mention, en cuivre viéme, sans évaluation en argent, montre que l'étalon de cuivre devait avoir alors une certaine im- portance à côté de l'étalon d'argent. Les deux autres actes assvriens où il est question d'intérêt au tiers sont le n° K 413 inédit et celui que forme le n° 10 de la pi. 47 du troisième volume de ir. A. I.
Dans un autre contrat inédit du British Muséum, pour une dette de 3 mines d'argent de Karkemis l'intérêt s'élève à 6 sekels par mois, ce qui ferait par an 72 sekels, une mine et un cinquième de mine, cVst-à-dire jjIus du tiers et moins de moitié. (Conf. Lettres mr les monnaies, p. 17S.)
Dans le n" 4 du British Muséum, relatif à une somme de 8 sekels d'argent payable le premier Sivan on rencontre une phrase qui semble indiquer l'intérêt d'une moitié de la somme, 50 pour cent. Mais comme ce grossissement n'est ici stipulé que pour le cas où cette dette, relativement minime, ne serait pas payée à jour fixé, on peut se demander si cette clause pénale a été seulement un iutéiêt grossi, ou s'il ne s'agit pas d'nne sorte d'fiemiolion dû dès le premier jour de retard, comme en Egypte. (Conf. Lettres, p. 178.)
La même question se pose pour un acte inédit du British Muséum, portant le n° K 281, relatif à une dette de 3 mines, 30 sekels et où le même accroissement se trouve stipulé.
Enfin, dans un contrat qui paraît être un prêt à la petite semaine, car la dette, faible du reste, stipulée le 3 de Sebat, est remboursable dès le 20 du même mois, l'intérêt, en cas de non-payement, est de cent pour cent, ana mahhir rahbiu lie mot makhar se rattache ici à la racine mahiru «égal»). {Lettres, p. 178.)
Avant d'en finir avec les actes assyriens, nous devons dire quelques mots d'un contrat fait, il est vrai, à Warka en Chaldée, mais sous le règne d'Assourbanipal, en l'an 16 de ce roi de Niuive. Dans ce contrat qui appartient à M. Lekocx, l'intérêt stipulé dépasse d'un tiers l'intérêt habituel du royaume de Babylone; il est d'un sekel et demi par mine et par mois (ce qui fait 18 pour 60 par an, 30 pour cent), à partir du mois de Sivan (c'est-à-dire à partir de la date même de l'acte). (Conf. Lettres, p. 177.)
On trouve aussi ce même intérêt de 1 dû et demi par mois, 30 pour cent, dans un contrat inédit, fragmenté, de la Bibliothèque Nationale dont la provenance est inconnue.
A Babylone et dans le royaume de Babylonie, ainsi que nous l'avons dit plus haut, tons les actes que nous avons vus jusqu'à présent, nous montrent un intérêt conforme aux prescriptions des vieilles lois touraniennes du pays d'Accad. (Conf. Lettres, p. 179 — 182.)
Dans un acte inédit du Louvre, portant le n° 1859, cet intérêt de vingt pour cent, un sekel par mine et par mois, est expressément stipulé en ces termes : «l'argent produira à leur charge un sekel par mine» pour une somme de 10 sekels et demi, résultant d'un règlement de compte et représentant, capi- talisé, l'intérêt de 7 mois (le 7' mois étant compté comme commencé lors du règlement de compte et l'intérêt des six sekels étant abandonné comme compensation) calculé à 20 pour cent, dune somme d'une mine et demie et 6 sekels d'argent antérieurement prêtée.
De même dans un autre inédit du Louvre, portant le n° 1823, les intérêts produits par une dette antérieure à l'intérêt légal de 20 pour cent, une fois ayant atteint la somme de 9 sekels, sont capitalisés de manière à produire à leur tour intérêt au taux de 20 pour cent.
De même dans un autre acte inédit du Louvre dont le numéro est perdu, l'intérêt calculé d'avance à 20 pour cent pour une dette de 45 mines, doit, quand il égalera cinq mines, être réuni au capital, lequel alors sera, comme c'est aussi le cas dans plusieurs actes égyptiens, considéré comme le prix de la vente des 7 esclaves et du terrain qui sont le gage du débiteur.
On voit que les créanciers sémites de Babylone, alléchés par l'exemple de ceux de Ninive qui en l'absence d'un taux légal laissaient produire à leur argent le plus possible, avaient tourné la difficulté dans une certaine mesure par la répétirion des règlements de compte. Au milieu de la cinquième année, une somme de 100 francs, placée à 20 pour cent, avec intérêts capitalisés tous les six mois par des règlements de compte successifs, aura déjà produit un peu plus que la même somme de 100 francs, placée à 30 pour cent, mais sans capitalisation des intérêts. (.Le total sera d'une part de 235 francs, 77 centimes et d'une autre part 235 trancs juste. 1 On voit l'avantage que les prêteurs de Babylone pouvaient trouver à procéder comme ils le faisaient. (Conf Lettres, p. 181 — 182.)
L'intérêt de 20 pour cent, un sekel par mine, est aussi celui que l'on ti-ouve dans l'acte du temps de Cyrus, publié par M. Pikches en 1879, dans l'acte du temps de Cyrus, publié par M. Pikches en 1883 etc. Dans celui-ci le mot mana ne se trouvait pas décliné; il y avait tout simplement ina eli mana 1 du irabbi, cela n'a pas empêché M. Pisches de traduire « Interest at the rate of 1 i weak) mana 1 sekel » = intérêt au taux d'une mine i/aible) et un sekel par mois!
110 Victor Revillodt.
par exemple pour la restitution retardée de la dot et pour quelques cas aualogues où les conventions entre parties n'avaient pas pu intervenir.
A Rome, au contraire, l'intérêt avait un maximum. Comme eu Egypte et comme dans le pays d'Accad il y avait un taux légal. Ce taux était celui que l'on spécifiait convention- nellement à Athènes lorsque l'on disait l'intérêt sera d'une drachme, c'est-à-dire d'une drachme par mine et par mois, ou en d'autres termes 12 pour 100 par an, un pour 100 par mois, d'où est venu le mot centesima. On se servait donc exactement dans ce cas à Athènes de la même expression qu'à Babylone ^une daragmana par mine) avec cette seule différence que la daragmana ou sekel est à Babylone le soixantième de la mine, tandis que la drachme à Athènes n'était que le centième de la mine. Tout en ayant la même désignation, l'intérêt qui est devenu l'intérêt romain était donc inférieur à l'intérêt babylonien dans la proportion de 60 à 100, de 12 à 20.
Dans les contrats de la Chaldée cet intérêt de 20 pour 100 se trouve habituellement indiqué dans les termes suivants : «sa arah ana eli estin manie esfin du kaspu irahhi», — «par mois, pour une mine un sekel l'argent produira, mot-à-mot grossira». M. Pinches, publiant un de ces contrats dans les Transactions de la société d'archéologie bil)lique, a traduit aussi cette formule : «for a month, to (the amont) of 1 manie 1 sekel of silver it increases». Par mois il s'accroît de la quantité (le montant) d'une mine et un sekel, et il a ajouté en note : «le mot manie est une autre forme du mot mania «marcher» et toutes les fois qu'il se rencontre, il se rapporte à l'intérêt d'une somme d'argent prêté. La manie était probablement de moindre valeur que la 7nana tqui ne se trouve que rarement eu connexion avec l'intérêt), car autrement le taux de l'intérêt serait souvent très exorbitant. » Exorbitant! Il le serait dans tous les cas, si l'on admettait la traduction de M. Pinches, quelque petite qu'on supposât la mine, car on trouve les mêmes termes quand il s'agit des dettes les plus minimes par exemple de 12 sekels et demi ou de 10 sekels ou de 5 sekels, qui se trouveraient ainsi produire par mois, suivant la traduction de M. Pinches, en supposant que la prétendue manie ne soit que la moitié de la mine, plus de 3 fois ou de 6 fois leur montant ( plus de 8000 pour 100 par année en ce qui touche la dernière).
On ne comprend pas du reste comment, ayant à sa disposition la multitude de contrats du British Muséum, pouvant s'assurer en un instant que les expressions se retrouvaient ratta- chées aux dettes les plus diverses, M. Pinches a pu croire que toutes ces sommes produisaient indifféremment le même total d'intérêt mensuel.
M. Oppekt a démontré d'ailleurs dans le Journal asiatique que M. Pinches n'avait rien compris à cet acte et que toute sa traduction était une série de contresens les moins justifiés. En ce qui touche l'intérêt, il a montré que la phrase en question représentait l'intérêt
L'existence d'un taux légal n'empêche nulle part de pouvoir stipuler conventionnellement un intérêt inférieur à ce taux légal. C'est ce qui a lieu, par exemple, dans un contrat de l'an 8 de Nabuchodonosor, publié par M. Strassmatee dans la revue allemande de MM. Bezold et Hdmmel, \). 92. Les particularités de cet acte (dans lequel l'intérêt, au lieu d'être calculé par mois, afin de faciliter sa capitalisation, comme d'ordinaire à Babylone, est, au contraire, calculé par an, comme d'habitude à Ninive, et d'après lequel une somme de § de mine ne doit produire que sur le taux de 8 sekels par mine pour l'année), ces parti- cularités, dis-je, s'expliquent par ce qu'il s'agit d'une réclamation relative au reliquat d'un apport social que deux associés s'étaient obligés de verser ensemble et pour lequel l'un des deux se trouvait partiellement en retard. M. Strassmatek a publié plusieurs pièces, fort intéressantes, relatives à cette société.
Quelques documents, etc. 111
annuel de 12 pour 100 fixé par la loi accadienne. Il n'existe pas de vmme distincte de la maiia. Ces deux formes sont tout simplement deux cas différents du même mot. En assyrien, le génitif se forme en i ou e ou ie, et la préposition babylonienne ana eli « pour » gouverne régulièrement le génitif, comme les prépositions ana, à; Ina, de, à, etc. C'est pour cela que l'on rencontre les formes géuitives manai, manie, non-seulement quand il s'agit de l'intérêt dans la locution pour une mine, mais quand il s'agit de sommes payables «en mine de Kar- kemis». Ou ne peut s'étonner que d'une chose, c'est de voir M. Pinches, et à son imitation M. Bertin, conserver leur ancienne interprétation, pourtant absurde, jusque dans leurs plus récents travaux.
QUELQUES DOCUMENTS HISTOEIQUES
DE
BOCCHORIS A PSAMMÉTIQUE F".
PAU
Eugène Revillout.
De même que nous avons donné aux lecteurs de cette Revue comme spécimen quelques- unes des leçons formant le commencement de l'introduction historique de notre notice des papyiais archaïques, de même nous croyons d'avoir leur donner un spécimen des documents qui y sont contenus — mais en laissant pour la notice elle-même les commentaires juridiques et en nous renfermant seulement dans une étude limitée au seul point de vue historique.
RÈGNE DE BOCCHORIS.
E 3168.
Parmi les papyrus démotiques de l'écriture la plus archaïque, faisant partie du vieux fonds du Louvre, le plus ancien est le suivant :
<.An 16, 26 Tybi.
« La femme Sethor, fille de Petinamen, dit au choachyte, frère de père, Arnbokuranf : Je te transmets les deux aroures et quart de terre de la double maison de vie d'Harshefi ' (c'est-à-dire) le terrain de Menkh, — (aroures) que je t'ai donné à recevoir en don de do- nation. Je te transmets (dis-je) les deux aroures et quart de terre de la demeure de vie d'Harshefi (formant) leur terrain, aroures qui furent apportées ^ pour toi par Suten à mon père. Je t'ai donné cela en transmission et comme biens revenant à toi. Il n'y a point à donner (ces aroures) à homme quelconque — ni moi, ni mes fils (ne le peuvent) — en part ou à les enlever en dehors de toi. Il n'y a point à en donner part quelconque en dehors de toi.
« En témoignage Montnebpe, fils d'Hormès. »
(Le reste manque.) ^
' C'est-à-dire dépendant du teriitoire sacré des hiérogrammates d'Horshefi. ' C'est le mot consacré pour ce que nous appelons aussi «les apports».
' Notons que Devéria (Catalogue ties mavuscrils, p. 18C. sous le n° IX, 4) publie de notre texte démotique la notice suivante : «IX, 4. Inventaire 3168. Manuscrit hiératique (1) sur un petit feuillet de papyrus, liant 0 12, largeur 013'/,. onze lignes et les restes
112 Eugène Revillout.
Le nom du jeune Arnbokenrant', iiu(]url la femme Setlior faisait, cette transmission, nous montre avec certitude que l'an 16 — qui forme la date de l'acte — appartient au règne de Bocchoris. Tous les égyptologues savent en effet qu'il était de coutume de donner le nom du roi régnant — ou plutôt de faire entrer ce nom comme élément dans le nom de certains enfants nés sous leur règne. C'est à l'aide de cette coutume que l'on a pu dater un grand nombre de stèles et de documents de tout genre. Or ici Arnbokenranf signifie la créature de Bocchoris — roi qui s'appelait en égyptien Bokenranf (le serviteur de son nom) comme l'ont prouvé les stèles du Sérapéum. Or ce nom Bokenranf est un nom très rare, qu'on ne trouve pas, à ma connaissance, avant ce prince et qu'on ne trouve plus guère après lui à cause des changements de dynastie et des révolutions dont ce prince fut victime. Selon Manéthon. Bocchoris constitue — point sur lequel insistait beaucoup M. de Rou(;k — à lui seul la XXIV dynastie. Il en fut l'unique roi et il fut vaincu — après 44 ans de règne — par Shabaku qui le fit prisonnier et le brilla vif Diodore abonde en détails sur ce grand législateur des Égyptiens, l'auteur du code des contrats, dont il parle tant et, somme toute, si exactement. Il nous en fait le portrait physique et nous apprend surtout un point fort intéressant, c'est qu'il était le fils de Tafne^t. Or Tafnext — le prince de Memphis et de Saïs — nous est bien connu par la stèle de Piankhi, si admirablement traduite et commentée par M. de Rougé. Tafnext, qui n'est jamais qualifié de roi, mais seulement de prêtre, de chef, de prince particulier, entreprit un instant de soumettre les autres princes du nord et de midi pour réunir — entre ses mains ou entre les mains d'un roi fainéant dirigé par lui — la totalité de l'ancien royaume des Pharaons. Il avait déjà beaucoup avancé dans la Thébaïde — qui reconnaissait jusqu'alors l'hégémonie un peu honoraire du roi éthiopien Piankhi — quand celui-ci le battit complètement et l'obligea (ainsi que tous les princes et les roitelets d'Egypte) à lui prêter sennent d'allégeance. C'est pour avoir manqué à ce serment paternel que Bocchoris, le fils du prince de Saïs et de Memphis, Tafnekht, s'étant fiiit reconnaître officiellement roi et ayant pris le cartouche, fut brûlé vif par l'Ethiopien Shabaku, l'un des successeurs de Piankhi. Mais ce que nous ne savions pas, ce dont nous doutious même — et ce que notre contrat thébain nous apprend — c'est que Bocchoris n'avait pas été reconnu roi seulement par les princes de la Basse-Egypte, mais, au moins pendant 16 ans, dans la Flaute-Egypte et jusque dans cette Thèbes que Piankhi possédait sans conteste — antérieurement même aux entreprises et aux désastres de Tafnekht qui avaient été l'occasion de l'occupation universelle de l'Egypte par les Éthiopiens. — A ce point de vue, Manéthon se trouve confirmé dans le sens même qu'indiquait M. de Rougé : Bocchoris fut véritablement roi, grand roi et l'unique roi de sa dynastie. Ainsi s'explique aussi ce fait — qui me paraissait un mystère — de l'application persistante du code de Bocchoris en Thébaïde, c'est-à-dire dans un pays où je croyais jusqu'ici qu'il n'avait jamais régné. Il faut donc admettre que Bocchoris ne se borna pas à usurper le cartouche dans les villes qu'il gouvernait déjà comme prince héréditaire, ainsi que son père Tafnekht, mais qu'entre Piankhi et Shabaku il trouva le moyen d'intercaler à son actif des victoires, en repoussant la dynastie éthiopienne descendant de la XXP dynastie des prêtres d'Amon de Thèbes — de cette Thébes même dont elle se considérait comme la maîtresse légitime et incontestable. On comprend bien ainsi la fureur sauvage de Shabaku — et l'on comprend également qu'à Thèbes, après Bocchoris et sous les Éthiopiens, il ne saurait être question d'un nom formé comme Arn- boknranf, nom dont le porteur aurait été accusé de haute trahison.
Notons, du reste, que les noms des contractants et de leurs parents se trouvent pour ainsi dire isolés dans notre série de contrats thébains. On ne retrouve plus du temps de Shabaku et de Tahraku aucune des parties en question : et cela paraît tout naturel quand on donne avec Jlanèthon 44 ans de règne effectif à Bocchoris. De l'au 16 de Bocchoris à l'an 10 de Shabaku il y a vraiment un trop grand intervalle.
Il faut bien reconnaître d'ailleurs que si Manéthon se trouve confirmé par notre contrat sur un point — celui de la royauté de Bocchoris, effective dans toute l'Egypte pendant de longues années et unique pour sa race — il est bien loin de l'être par les divers documents sur tous les autres et parti- culièrement snr la place réelle de ce roi dans la série des dynasties égyptiennes. C'est ce que nous aurons à voir à propos du document suivant.
d'une 12* d'une écriture très négligée commençant par une date : Tan XVI, Thoout le 2fi. On distingue en plusieurs endroits le mot «argent» (?) et deux ou trois chiffres qui donnent à penser que c'est une pièce de comptabilité, car le reste est presque indéchiffrable (?). Le nom du mois et quelques autres caractères se rapprochent beaucoup des formes déraotiques, bien que l'ensemble de l'écriture paraisse d'une époque assez ancienne.» — On ne saurait se tromper plus complètement et — disons-le — plus grossièrement.
' Notons cependant que c'était un homme nouveau ; car. selon la stèle de Pianklii, son père T.ifnel£ht, — chef d'un corps de ces étrangers (sémites) nommés ma, comme beaucoup d'autres chefs de villes nommés dans la même stèle, étrangers jnuant sous les Bu- bastites, et les Tanites, leurs cousins, le rôle de gardes du corps du roi. comme les Turcs sous les Califes, — Tafnekht, dis-.ie, qui n'était que le petit seigneur de Nutei dans l'origine, devint prince de Sais et de Memphis, villes dont il se fit nommer grand prêtre, comme il devint sans doute ministre tout puissant du roi, puis même un instant presque roi du Delta et d'une partie de la Thébaïde jusqu'aux conquêtes de Pianchi. .Son fils franchit le pas et fut effectivement roi.
Quelques docujients, etc. 113
§ 9 7j aucien 1995.
Voici la notice que j'avais donnée de cette stèle du Sérapéum en 1889 dans mon catalogue entière- ment achevé, mais encore inédit de la peinture égyptienne (n° 189) :
«Stèle, datée du roi Bakenrauf (Bocchoris), le grand législateur égyptien iXXIV^ dyn.) en l'honneur de TApis mort de son temps. Elle a été trouvée dans sa chambre funéraire avec son sarcophage par Mariette, et elle représente en blanc et noir dans le premier re- gistre l'Apis couché entre deux prêtres à genoux; et dans les deux autres registres d'autres adorateurs à genoux; un d'entre eux se nomme Ankhhor.
Notre cher maîti'e M. de Bougé en avait déjà dit dans la notice sommaire, p. 60 :
«Cette inscription tracée à Tencre et bien peu lisible permet pourtant de reconnaître les deux cartouches de Bockoris dont ces stèles ont également révélé les premières le vrai nom égyptien qui se lit Bakenranw (vers 720 av. J.-Chr.). »
La découverte du nom égyptien et de la place chronologique de Bocchoris dans les dynasties égyptiennes est en effet une des plus belles découvertes que fit notre vieil ami Mariette lors de ses admirables fouilles et de ses remarquables études sur le Sérapéum de Memphis. Qu'on me permette de rappeler ici comment il a lui-même posé la question dans son Sérapéum de Memphis.^
Immédiatement après les Ramessides ''XIX® et XX® dynasties) dont la liste est très étendue au Sérapéum et sous lesquels vécurent 19 Apis, nous trouvons trois Apis innommés que Mariette conjectu- rait pouvoir peut-être attribuer à cette XXP dynastie tliébaine des prêtres d'Amon^ qui avait supplanté
1 Noos pai'lons ici de la grande édition in-folio avec planches et non de l'édition écourtée que M. Maspero en a donné chez Vieweg et qui s'arrête juste au point oii se posaient pour Mariette les questions les plus importantes, celles qui soulèvent forcement l'idée de contemporanéité de certaines dynasties raanéthoniennes (considérées comme successives par M, Maspero dans sou histoire),
- A côté de cette XXI*= dynastie thébaine il y avait au moins une autre XXI*' dynastie régnant dans la Basse-Egypte. Je dis au moins; car M. de Rougé admettait la co-existence des derniers Karaessides. des pretres-rois de Thèbes de la XXl® dynastie et de la dynastie tanite pa- rallèle — dynastie dont certains monuments ont fait d'ailleurs voir pour quelques-uns de ses membres des parentés avec la race de Herhor. Aussi notons que plusieurs des rois de la XXI® dynastie de Manéthon restent introuvables, et que l'assimilation des autres noms manéthoniens avec les noms tanites devient de plus en plus douteuse. Quelle analogie peut-on reconnaître entre Siamen et £[JL£VÔ7]ç. entre Peschyannont et <Po'jcjEvjJLrjÇ, entre Pinodjem et ^*ivaj(^r]ç — pour ne pas parler des noms manéthoniens de Nstpspj^^sprjç, d'A[J.£vcuîp6tç et d'Odopycop qui dé- routent tout le monde et pour ne pas insister non plus sur le titre «fils d'Araon» que portent certains rois des deux branches de la XXF dy- nastie succédant aux Ammoniens Raraessîdes. comme le portent ensuite les Éthiopiens, etc., titre qui a cependant suffi pour faire assimiler les séries de cartouches les plus dissemblables? Il y a peut-être une dynastie de plus à trouver à la même date. Mais c(^ qui nie iiaïaît ctitain, c'est
qu'il n'en faut pas supprimer. Aussi n'y a-t-il pas à s'étonner si il. Daressy a assimilé à Smendès un roi i \\ ' Q [ 'V\T7)
ayant le cartouche-prénom de Sesac ou Shesbonk I*^'" (O/Tm O
et dont la place est jusqu'ici tout aussi inconnue que cell
des AfX£V(o!p6iç, des Nscpsp^epvjç, des ^ouffEvvTjç, des M^'iva^Tjç et des Oaop/^top, ayant régné sans doute dans quelque district ignoré. En effet à première vue l'unité de cette prétendue XXI^ dynastie tanite paraît bien contestable. Ocropj^top est certainement un Osor- kon comme les princes du même nom de la XXIl^ dynastie bubastite (ou sémite), taudis que NECpspj^epTjÇ, A[j.£vtuy6tç et H^'tvaj^/]; représentent des noms bien égyptiens. D'une autre part tous les détails de la stèle de Nesbinebtat ou Smendès, aussi bien que le cartouche- prénom, se confondent selon M. Daressy avec ceux des stèles de Shesbonk I*^^ ou Sesac. On est donc amené avec une quasi-certitude à la conviction que Nesbinebtat ou amendes prince nommé dans un procès de la XXP dynastie amonienne a dû précéder immédiatement Sesac ou Shesbonk F'", qui a d'abord été général tout puissant des auxiliaires assyriens (ou de l'armée d'occupation assyrienne), selon la stèle d'Abydos. avant de prendre les cartouches de roi égyptien — en détrônant peut-être ou en remplaçant Smendès dont il avait fait reconnaître l'autorité nominale sur toute l'Egypte. L'utilité qu'il y avait pour lui au moment de cette révolution à s'assimiler le plus possible à son prédécesseur est bien évidente. Mais alors que deviennent les successeurs de Smendès dans la liste manétbonienne, à une époque oii les Bubastites étaient encore universellement reconnus? On voit bien pour ces Bubastites la convenance politique qu'il pouvait y avoir à laisser un petit apanage aux descendants des vieux Kamessides se faisant leurs patrons (comme ils s'étaient fait sans doute sous Tiglatphalasar les vassaux des Assyriens — ce qui avait amené bientôt leur expulsion de Thèbes par les premiers piTOphètes d'Amon) — mais on ne voit pas du tout pourquoi ils auraient laissé quoi que ce soit à ceux-là même qu'ils supplantèrent jusque dans le sacerdoce thébain. J'aurais donc gi*ande tendance à croire qu'il en est de la XXI^ dynastie manétbonienne comme du commencement de la XXVI*= dynastie saîte manétbonienne — c'est-à-dire à y voir simplement le ramassis de tous les princes qui, à la même époque, ont régné dans différentes villes. La XX® dynastie de rois Diospolitains, non nommés dans aucune des listes manéthoniennes, représenterait alors seulement, non point, comme on l'a cru, la seconde partie de la dynastie des Ramessides (dont la liste a simplement été beaucoup trop écourtée par Manéthon, comme celle des Bubastites. etc ), mais au contraire la dynastie thébaine des prêtres d'Araon. à laquelle certains liens de parenté et de culte semblent souvent unir la dynastie distincte des Tanites contemporains, qui nous sont connue* par les inscrip- tions égyptiennes.
15
114
Eugène Revillout.
et exilé de leur province les derniers des Ramessides^ — peut-être même ceux-là déjà qui figurent à la fin de la liste précédente comme régnant encore à Memphis et qui, selon de M. de Roigé, aurait alterné avec eux jusqu'à Thébaïde'* — Apis que nous croirions plutôt correspondre au temps des trois premiers grands rois Bubastites de la XXIP dynastie dont Mahiette n'a trouvé nulle trace au Sérapéum et dont
' Probablement après une défaite par les Assyriens; car environ 130 ans avant Sesac ou Sheshonk l^^, fondateur de la XXIl*^ dynastie bubastite, Tiglatphalasar nous dit dans son cylindre avoir envahi Musri (c'est-à-dire l'Egypte). Mon opinion est en cela un peu analogue à celle de Brugsch. qui admet une conquête assyrienne vers l'époque de la XXI^ dynastie, conquête assyrienne qui aurait donné naissance à la XXII^ dynastie issue de chefs ninivites. Les noms de la dynastie bubastite (XXII*=) et de la dynastie tanite (XXllI®) prouvent en effet une origine assyrienne, comme l'avait déjà pressenti Mariette dans son Sérapéum, (et non point une origine uniquement lybienne selon l'opinion de Stern) et Ton comprend très bien la chute de l'empire des Bamessides et l'émiettement de leur royaume entre plusieurs dynasties rivales après le choc d'une conquête étrangère.
En ce qui concerne les Eamessides, il faut remarquer que. dépossédés de la Théhaïde par les prêtres d'Amon (avec lesquels ils alternèrent cependant selon M. de Rougé), dépossédés de Tanis par les rois tanites de la XXI* et de la XXIIP dynastie et de Merapbis par les Bubastites, ils subsistèrent encore longtemps comme souverains locaux. M. Brugsch avait déjà remarqué ce fait que prouvait avec évidence une curieuse tablette du Louvre comparée à plusieurs autres documents dont l'un est daté de Sheshonk IIl — documents tous relatifs à des enfants alors vivants de rois Kamessides. — Ce fait indéniable et inexplicable autrement, quoiqu'on en ait dit (car la supposition dans tous ces cas du mot ville non exprimé avant le nom royal est inadmissible), faisait voir (pie M. de Rougé avait eu raison d'admettre déjà la contemporanéité des Ramessides avec les prétres-rois de la XXI^ dynastie, puisque cette contemporanéité dura jusque sous leurs successions bubastites. En effet le grand conquérant Sheshonk I^'" ou Sesac régna à Thèbes — comme il régnait jusqu'en Palestine — et c'est ce qui explique comment la découverte de Déïr el-Bahari nous a fourni à Thèbes même, avec le cartouche de- She- shonk ï^^, la momie et le papyrus d'un fils d'un autre roi Raraesside, mort à cette époque. Il est donc probable que les Ramessides que visait expressément à Thèbes sous la dynastie sacerdotale le décret d'exil, ayant accepté la suzeraineté de Sheshonk ou Sesac, comme Osorkon ou Sargou lïl. devaient plus tard reconnaître la suzeraineté du roi éthiopien Pianchi et purent se rendre à la cour du nouveau monarque aussi bien qu'à Thèbes — où un fils de Sheshonk I*^*' fut'installé grand-prêtre — tandis que leurs adversaires, les prêtres-rois de la dynastie théhaine. allaient se réfugier^en Ethiopie, d'où ils devaient bientôt revenir victorieux. M. Brugsch pense que les Ramessides possédaient alors en propre la principauté de l'Oasis et il est possible qu'ils furent réduits à ce seul domaine quand les Bubastites possédèrent Merapbis. Subissant dès lors leur hégémonie, ils conservèrent jusque sous Sheshonk III tout au moins, et peut-être jusqu'au triomphe toiit-ii-fait définitif des Éthiopiens, des excellents rapports avec la cour Bubastite de Memphis qui disparut au moment du même triomphe. Notons du reste qu'il ne serait pas impossible que la première branche des Ramessides se fiit continuée aussi parallèlement à la seconde jusqu'à une époque assez tardive; car on nous a présenté au Louvre une statue de roi d'art et de pose saîtes qui porte la légende :
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Cette légende «le roi de la Haute et de la Basse-Égj'pte Merenra binosor, fils du soleil merenma Ne/tlra» se rapproche beau- coup de celle de Meneplithes de la SIX* dynastie portant «le roi de la Haute et de la Basse-Egypte Merenra bienamen, flls du soleil Merenra liotephima».. La seule différence entre les deux cartouches prénoms consiste dans la substitution du nom d'Osiris ii ceUii d'Amon. Pour les cartouches noms on remarque le renversement des deux divinités Ma et Ra et la substitution de ne/li à hotephi.
Nous avons dit plus haut que nous nous rapprochions beaucoup de l'opinion de Brugsch. Il faut noter cependant une différence capitale, c'est que dans la stèle d'Abydos Brugsch voulait voir dans Sheshonk un roi des rois assyriens d'Assyrie, alors iiu'il n'était
encore eu définitive que général des troupes assyriennes. Comme l'a remarqué M. Naville, cela l'amenait à traduire PjV A ^ I
de deux façons toutes différentes : roi d'Assyrie dans la stèle d'Abydos et OrossTiemn von Assyrien dans la stèle de l'iankhi. Pour nous, au contraire, nous croyons qu'il s'agit dans l'un et l'autre cas de généraux assyriens, c'est-.'i-dive de généraux de ces troupes d'occupation que Tiglatphalasar lors de sa conquête, non visée par Brugsch. et ses successeurs après lui — comme plus tard le père d'Assurbanipal et Assurbanipal lui-même d'après ses cylindres, — avaient laissés en Egypte, en leur permettant facilement de prendre le titre de sar ou de rois-fondafaires. Ce sont ces sar qui constituèrent la grande dynastie bubastite. comme plus tard beaucoup des petites dynasties énumérées dans la stèle de Piankhi. — Quant à la barrière infranchissable que Naville croit trouver entre les Assyriens et l'Egypte dans l'empire de David du temps de Sheshonk — barrière qui n'a pas empêché Sheshonk d'envahir Jérusaleu du temps de Tiglatphalasar.
2 Voir son étude sur la stèle de la Bibliothèque nationale. — Je sais que quelques-uns de nos éminents i nant tendance k raccourcir beaucoup trop la liste des Ramessides par tous les moyens possibles, en expliquant d'u .arguant de faux les monuments gênants et en se livrant à un travail du même genre sur les cartouches, etc. — dans le but de supprimer le parallélisme des listes — et en faisant une unification semblable pour les rois tanites thébains. etc. de la XXI" (ou XX") dynastie dont chacun aurait possédé toute l'Egypte, mais aurait eu souvent selon les lieux de quatre à six cartouches. Tout cela me semble bien artificiel et je préférerais encore m'en tenir, avec quelques additions et modifications, au système de M. de Kougé, le critique si perspicace. Hâtons-nous de dire, du reste, que notre ami 'VVieaemann a déjà eu des scrupules semblables aux nôtres, en ce qui touche les suppressions trop audacieuses. Nous l'avons dit. la nécessité pratique do voir toujours un seul roi régnant en Egypte ne nous apparaît nullement et nous préférons nous tenir aux données des documents origina\ix eux-mêmes. Nous reviendrons là-dessus ailleurs.
n'existait pas
:ûllègues ont mainte- ne faç'in large ou en
Quelques documents, etc. 115
il avait parfaitement reconnu l'origine sémitique ou ijlutùt assyrienne, prouvée d'ailleurs par les noms (Osor- kon = Sargon. Takelot = Tiglat, Nimrod, Sheshonk etc. des princes de leur souche).
" A partir d'Osorkon II (4' roi de cette dynastie), nous dit Maeietïe, jusqu'aux derniers Ptolémées les Apis «e succèdent sans interruption notable». Viennent d'abord : 1° l'Apis mort en l'an 23 d'Osorkon II; ■2° l'Apis mort en l'an 28 de Sheshonk III; 3° l'Apis né en l'an 28 de Sheshonk III et mort, après 26 ans de vie, eu l'an 2 de Pimai (ce qui, comme l'observait Mariette, permettait d'intercaler Takelot II avec un régne possible de 22 ou 23 ans); i° l'Apis mort en l'an 11 de Sheshonk IV; 5° l'Apis né en l'an 11 de Sheshonk IV et mort en l'an 37 du même régne; 6° enfin, ajoute Mariette, «à l'Apis mort en l'an 37 »de Sheshonk IV, dernier roi de la XXIP d3nastie, succède un Apis mort en l'an 6 de Bocchoris.»'
Mariette qui avait eu soin de nous dire qu'^à partir d'Osorkon II jusqu'aux derniers Ptolémées les a Apis se succèdent sans aucune interruption» ajoute ici : «il est à noter cjue l'Apis mort en l'an 37 de 'Sheshonk IV, dernier roi de la XXII" dynastie et l'Apis mort en l'an G de Bocchoris, unique roi de la »XXIV"= dynastie, furent ensevelis dans la même chambre» — chambre dans laquelle a été trouvée notre stèle — « et que l'étude de la chambre prouve que ces deux Apis occupèrent successivement et sans intei'- »ruption l'étable sacrée de Memphis». Cela supprimait d'un seul coup à Mem^/ti* « la XXIIP dynastie pen- » dant les 89 années de Manéthon ■' à moins d'admettre (chose improbable, car tous les documents prouvent que les prêtres du temple d'Apis trouvaient toujours aussitôt un Apis pour remplacer l'Apis mort) qu'« aucun Apis ne se manifesta» et que la XXIIl" dynastie «fut privée de la présence du dieu».
Or, d'après les fouilles de Mariette, si la XXIIP dynastie disparaissait à Memphis, la XXIP dynastie s'était allongée notablement, comme le dit Mariette lui-même à propos de son tableau des princes de cette XXIP dynastie : «Quant à la chronologie, elle conserve sans aucun doute le seul point à peu prés immo- bile qu'à cette hauteur nous ayons pu encore réussir à placer, point que représente le synchionisme de j Sheshonk I" et du pillage de Jérusalem en l'an 5 de Roboam. Mais les espaces intermédiaires n'ont reçu «■aucune lumière nouvelle. Bien au contraire, aux neuf régnes^ de Manéthon correspondent maintenant onze a règnes tout entiers et quarante années au moins doivent s'ajouter aux totanx partiels dont la somme » forme l'ensemble de cette dynastie royale. La chronologie n'a donc reçu aucun secours plus efficace que «ceux dont nous disposions déjà; nous savons seulement qu'entre nos deux jalons certains, c'est-à-dire la s prise de Jérusalem par Sesak et la conquête de l'Egypte par Cambyse il nous faut introduire quarante » années de plus, quitte à les retrancher autre part de l'un des autres points de cette durée intermédiaire. »Là est tout notre profit.»
Quant à la XXIP dynastie, Tanite, elle paraît avoir été parallèle aux derniers rois bubastites (de la XXII') et probablement aussi à la XXIV (Sa'ite) et aux premiers rois de la XXV° (éthiopienne). C'est ce qu'avait parfaitement senti M. de Rolgé dés son premier travail sur la stèle de Piankhi, c'est-à-dire sur les luttes entre le prince éthiopien Piankhi, le prince sa'ite Tafnekht (père de Bocchoris, de ce Boc- choris qui fut l'unique roi de la XXV dynastie sa'ite), le prince tanite Osorkon III,^ etc. Voici comment il s'exprimait : « Le rôle historique de la ligne tanite qui compose la XXIIP dynastie est peut-être la » partie la plus obscure de l'histoire de ces temps . . . Les noms mêmes de Petubast et d'Osorkon doivent «faire considérer cette famille comme un véritable rameau des Bubastites analogue à tous ceux de notre » stèle, mais auquel on reconnaît historiquement le droit légitime au titre de Pharaon. Tanis n'est pas citée «parmi les localités qui envoyèrent leurs chefs rendre l'hommage à Pianchi vainqueur. Cette omission est
' Pour ce dernier voir aussi le n** 299 du catalogue de la salle historique par M. Pierret.
* La difficulté aurait été encore plus grande pour Mariette si, au lieu de partir du Slanétlion accommodé par Bunsen et Lepsius — d'après les rois alors connus — il était parti du Manéthon vrai, tel qu'on le trouve dans Ideler. par exemple. En réalité toutes les listes manéthouiennes en dehors d'Africain ne donnent que trois rois à cette dynastie et Africain a ajouté une seule j'ois {et non pas deux fois comme dans Lepsius) après ces trois rois nommés par Manéthon, la mention : aXXoi Tpsi; — ce qui ne ferait encore que six rois seulement. Mais Manéthon n'avait sans doute compté que les trois premiers rois bubastites qui ont possédé toute l'Egypte — y compris la Thébaîde d'après les monuments — et il a mis à la suite, comme peu importante, la branche de cette même famille qui régnait à Tanis.
" Ce n'était pas la première fois que les rois éthiopiens entraient en lutte ouverte avec les rois de la souche bubasto-tanite. Déjà contre le bubastite, Takelot ou Tiglat II, comme l'a remarqué le premier Cbabas, avait commencé les révoltes du nord et du midi : et Takelot. à l'imitation de ses prédécesseurs Bubastites, avait opposé à ces rois éthiopiens, descendant des anciens grands prêtres d'Âmon de la SSI® dynastie (que son ancêtre Sheshonk I'^*' avait supplantés) son fils Osorkon, dont il fit le grand prêtre et le gouverneur de Thèbes et qui périt au milieu des gueiTos continuelles contre les révoltes du nord et du midi ic'est-à-dire des Tanites et des Éthiopiens) pendant qu'il combattait aux côtés de son père. Takelot et les chefs de son-armée prononcèrent à Thèbes son éloge funèbre. Mais depuis ce temps l'influence des Bubastites semble avoir cessé dans le midi, .S'il faut en croire M. Maspero (Bist. 380), le premier roi tanite Petubast poussa, lui aussi, jusqu'à Thèbes. Mais il ne nous donne comme preuve qu'un renvoi (Dtnl:. III. 259 a) relatif à Psémut, que l'on assimilait autrefois à un autre roi tanite (Psanimus) et que l'on sait maintenant appartenir à une toute autre dynastie. Ajoutons que M, Maspero dans son livre : Les momies royales de Dé'lr eî-Bahari, p. 445 a complètement renoncé à voir à Thèbes aucun Tanite de la XXIIF dynastie,
15*
116 Eugène Revillout.
» reniai qiiable; elle ne peut piovenir que de deux motifs; ou le chef de Tanis put se soustraire aux armes »de Pianchi, soit en raison de sa position éloignée, soit par la force de Tanis, qui, comme ville frontière, «était depuis longtemps une place de guerre très importante. On voit que notre stèle, malgré la multitude »de détails qu'elle nous donne, ne permet pas de préciser dans quels rapports de temps se trouvait le père »de Bocclioris avec les derniers rois de la XXIIP djnastie; mais il faut admettre nécessairement que » l'autorité des Tanites avait déjà cessé ou était interrompue momentanément à Thébes, puisque Pianchi- »meri-amun y entre sans coup férir et s'y conduit en souverain. Il n'y a jusqu'ici aucune raison péremptoire » qui puisse empêcher d'assimiler notre Osorkon de Bubastis à Osorkon III, etc. »
Pour nous, il nous parait assez probable que, tandis que le Tanite Osorkon III, paraissant être le même que le roi Osorkon, père de Shapenapi V°, la femme du roi éthiopien Kashta, successeur de Piauchi, régnait, du temps de Pianchi, au siège primitif même de sa famille originaire, c'est-à-dire à Bubastis, d'où étaient partis Sheshonk V, Osorkon P' et Osorkon II, il avait, à Tanis, le nouveau siège de son pré- décesseur immédiat, un lieutenant ou vassal, membre lui-même sans doute de sa famille, comme ces deux Sheshonk, homonymes de Sheshonk 1°'', le fondateur de la XXII* dynastie bubastite, que la stèle de Pianchi et les cylindres d'Assurbanipal nous montrent princes, chefs des nm ou sar dans la ville de Bu- siris, comme ces deux princes Pimaï, dont la stèle de Pianchi et les cylindres d'Assurbanipal nous ont également conservé les noms, etc. Si, du temps de Pianchi, le prince de la XXIIP dynastie siégeant à Tanis et lieutenant d'Osorkon n'est pas nommé — peut-être parce qu'il ne se hâta pas de se soumettre au monarque éthiopien — sous Assurbanipal on ne nous parle pas — par quelque raison analogue — du roi siégeant à Bubastis. Mais, en revanche, le monarque assyrien désigne expressément le roi de Tanis, nommé Petubast, comme Petubast I", prédécesseur d'Osorkon III et fondateur de la XXIII" dynastie tanite. Il y avait donc à la fois plusieurs branches de la race bubasto-tanite qui régnaient en même temps, et, pour moi, j'incline fort à croire que, comme paraît le prouver la succession immédiate dans la même chambre de l'Apis mort en l'an 37 de Sheshonk IV et de l'Apis mort en l'an 6 de Bocchoris, du temps du prêtre, prince de Sais et de Memphis, Tafnekht, père de Bocchoris, et qui (suivant la stèle de Pianchi même et suivant tous les monuments connus) n'usurpa jamais le titre de roi, le vieux Sheshonk IV vivait encore quelque part, reconnu nominalement par ce maire du palais tout puissant. Ce fut seulement après sa mort — et alors sans doute que Kashto, le successeur de Piankhi, auquel Tafnekht avait été obligé de prêter serment d'allégeance, ne montrait pas l'énergie du conquérant éthiopien — que Bocchoris, fils de Tafnekht, se proclama roi à son tour et se fit reconnaître iiar tous les grands vassaux égyptiens. Mais il avait excité contre lui la haine des vieux pharaons du haut Nil, qui prirent sous Shabaku, tils de Kashto, une éclatante revanche. Bocchoris, fait prisonnier, fut brûlé vif. dans l'avenue de Memphis qui portait encore du temps des Ptolémées le nom d'« avenue de Shabaku > et, bien entendu, toute sa famille fut aussitôt exterminée pour punir le parjure commis par son représentant. Le conquérant éthiopien donna alors l'ancien fief de Tafnekht — c'est-à-dire Saïs et iMeiuphis — à son parent Niku. Je dis son parent Niku : car — son nom et le nom de son flls^Psammetiku, composés comme Shabaku, Shabatoku, Tahraku, Silku, etc., le prouvent, comme Bkugsch l'a, du reste, noté — il était éthiopien et appartenait sans doute en qualité de cadet à la race ammonienne des rois éthiopiens — ainsi que l'établissent également certaines généalogies, ' tout autant que le mariage contracté par son fils avec une princesse de la branche aînée, et que la formule ammonienne (que n'avait pas Bocchoris), identique à celle des Shabaku et des Tahraku, que son fils Psammetiku et ses descendants prirent quand ils régnèrent et sur laquelle nous aurons à revenir. Bocchoris fut donc le seul roi de sa race, comme l'a dit Manéthon et comme le démontrent les stèles du Sérapéum, dont une des plus curieuses est celle que nous venons de décrire.
REGNE DE SHABAKU. E 10571.
Stèle représentaut dans le registre supérieur le roi Shabaku qualifié «dieu bon Sha- baku» |î( Mil^^t-Jj ^^ offrant l'hiéroglyphe du champ (]^[)^l] au dieu «Homierti neb shetennu», v\ <='°<=s c'est-à-dire Hormerti, seigneur de la ville de Pharbaîtus, ayant une Hathor derrière lui.
^ Voir dans le Kijiiigshuch de Lepsius. p. 020 et suivantes une (lénéalogie sur lafjuelle nous reviendrons.
Quelques documents, etc.
117
Vieut ensuite le texte juridique suivant : '
«L'an 2 sous la majesté du roi, seigneur des deux mondes, Rauofréka, tils du soleil, Shabaku, vivant à jamais!
«Prise de possession (hemak) de cinq aroures de champs du bourg de Taaat-suten- Khab-Apt par le dieu Hormerti.
«Son prêtre (ahf) des transmissions (maseb)'^ ayant le titre de Hirsotem-teiï"-ur-kherp- hat, (le haut serviteur de son père le prince revêtu de la première puissance) prophète du dieu Hormerti, (nommé) Ptenf, a fait toutes les écritures pour le saisissement (teh) de la prise de possession (hemak) du dieu Hormerti, le dieu très grand.
«Aa Khabnef, le fils du bourg, a donné le hotmt (= pA^^A^ptJ = cd^one admi- nistration du terrain en question sans doute) à Hormerti le dieu très grand. »
Il est bien dommage que nous n'ayons plus «toutes les écritures» faites par le «prêtre des trans- missions » Ptenf. Ces écritures nous donneraient certainement une rédaction démotique analogue à celle que nous trouvons à la même époque dans nos contrats de transmission — sauf bien entendu ce qui était particulier au pays ammonien de Thèbes, puisqu'il s'agit ici de la Basse-Egypte.
En effet notre stèle, comme toutes les stèles analogues que nous possédons et dont la plus ancienne'
- Le mot maseh était écrit ici d'après son ortliographe ordinaire par le verrou et les jambes. Dans nos contrats démotiques il t}st écrit par le verrou seul (encore tracé comme en hiéroglyphes et en hiératique dans le contrat de Bocchoris et dans les contrats de l'an 10 de Shabaku; il se rapproche quelquefois du signe su, dont il n"est distingué que par un détail paléographique et souvent par un abrégé graphique sous Tahraka et sous Psamraétique. Sons Tahraku et Psamraétique surtout il prend souvent la lettre complémentaire m) et est employé identiquement dans les mêmes formules juridiques que la forme primitive du verrou.
» Je parle ici des stèles de ce genre seulement ; car nous avons par écrit bien d'autres preuves de transmissions de propriété antérieures avec mentions de titres annexes depuis le célèbre tombeau d'Amten sous l'ancien empire jusqu'au caillou hiératique du British Muséum relatif à la donation d'un sanctuaire et d'esclaves mâles et femelles faite par Amenhotep, fils de Hui, sous Amenophis III, etc. Voir^ du reste, sur toutes ces questions notre notice des papyrus archaïques traduits et commentés juridiquement.
Je me bornerai seulement à emprunter ;i cette notice et à l'étude que je viens de publier sur un papyn;s bilingue les explications des termes juridiques relatifs à l'appréciation des biens. Ces termes juridiques qu'on a tous dans rinscription d'Amten sont :
1° La valeur juridique du mot aïi ( H signifiant raot-à-mot «apporter» et «emporter», comme Gine eiJOTrti et eitie GÛoA. en copte) a été spécifiée par moi depuis 15 ans dans mes travaux. M. Maspero l'a admise depuis, et il y consacre des notes dans les- quelles il a oublié de me citer. Notons que dans les contrats archaïques démotiques cette expression, qui se rencontre sans cesse, s'emploie pour marquer soit l'acquisition du contractant, par hérédité directe surtout, et parfois par transmission familiale, soit l'éviction faite à son préjudice. Plus tard an etbe liai (apporter pour argent) est la locution consacrée pour dire «acheter». Je l'ai rencontrée depuis Darius P*" pour rappeler des ventes antérieures à l'acte.
2° Le mot khev, écrit par la jambe dont le pied est posé sur le sol ou pour mieux dire enfoncé dans le sol ( ^ ], a le sens d'occuper, de posséder, ou plutôt, de posséder comme administrateur.
3° Le mot '^"('^^Si ' v) ^® retrouve dans les contrats archaïques démotiques pour désigner l'équivalence en terre d'abord qui était donnée pour une acquisition. L'équivalence en terre se disait aussi du temps de Tahraka, de Psamraétique, etc., teh (copte TOOÊG retrihuere), équivalence qui était toujours exigée dans les arrangements familiaux pour qu'une transmission (maseb) pût être effectuée. Mais les deux termes Teb et osm étaient parallèles, synonymes et employés concurremment à cette même époque dans les mêmes contrats, pour cette équivalence en terre, comme parfois pins tard sous Darius ils étaient synonymes pour traduire l'équivalence en argent, bien que le mot propre du prix dût devenir peu-à-peu soim dans le style contractuel et que son versement eût alors comme expression parallèle la rétribution (teb) de l'argent. Nous voyons asii pris dans ce sens de rétribution, non seulement dans les contrats archaïques; mais dans les décrets de Rosette et de Canope. où il exprime la «rétribution» que les dieux donnent au roi pour ses bonnes œuvres; dans la fable du lion et de la souris, où il exprime la «réciproque» dont la reconnaissance fait un devoir aux cœurs vertueux (comme dans d'autres passages des entretiens du chacal Koufi dont cette fable est extraite, teb exprime la «rétribution» que les dieux font aux œuvres des hommes en les punissant), etc. On peut donc souvent hésiter pour asu entre ces deux sens certains d'équivalence et de rétribution qui d'ailleurs se confondent un peu comme origine.
118 Eugène Revillout.
jusqu'ici connue est la stèle Cattaui. qui remonte nu commencement de la XXJP dynastie, — notre stèle, dis-je, ne constituait pas li' titre de projjriété, mais un simple mémorial de ce titre, d'une matière jîlus solide, déposé soit sur le champ lui-même, soit plutôt dans le temple du nouveau propriétaire, le dieu Hormerti, et qui pouvait tout au plus servir de commencement de preuve par écrit. Aussi ne savons-nous pas qui avait transmis dans le titre original le champ en question au dieu. La gravure représentant le roi Shabaku l'offrant lui-même ne nous éclaire même en Hen; car dans plusieurs autres stèles, nommant le donateur, une représentation figurée analogue du haut de la stèle semblait attribuer cette donation au roi régnant. Nous aurons à apprécier ailleurs comment et pourquoi on faisait au roi cette politesse.
On remarquera d'ailleurs une autre politesse assez curieuse. Shabaku, qui brûla vif le roi Bocchoris et ([ui détruisit sa famille,' est ici appelé «dieu bon». Il ne faudrait pourtant pas trop s'en étonner; car l'histoire et la légende s'accordaient pour attribuer au roi Shabaku des sentiments très jjhilanthropiques. Diodore de Sicile (1, 65), après avoir mentionné Bocchoris, et en venant à Shabaku, nous dit en effet expressément que ce roi fut supérieur à tous ses prédécesseurs par sa piété envers les dieu.\ et par sa bonté. Il cite aussitôt comme preuve de cette bonté la loi d'après laquelle il supprima la peine capitale et y substitua pour les criminels la peine des travaux publics, en en faisant des servi pœnœ, pour me servir de l'expression romaine, ce qui lui permit de creuser des canaux, et de faire beaucoup de travaux utiles aux villes.^ En cela, bien que ce récit soit également dans Hérodote, nous pouvons en croire Diodore, car il a eu certainement entre les mains une traduction grecque du code égyptien, qti'il résume partout fort exactement. Mais nous ne l'en croirons pas pour la seconde preuve qu'il donne de sa bonté et qui consiste dans un récit certainement faux, emprunté aussi par lui à Hérodote. D'après cette légende Sha- baku, qui aurait régné 50 ans en Egypte, où il serait venu à la suite d'une vision lui promettant l'empire, s'en retira à la suite d'une autre vision qu'il aurait eue et dans laquelle Amon lui aurait dit de tuer tous les prêtres égyptiens. Il me semble évident, ainsi que je le démontrerai plus en détails dans la suite, ilu'Hèrodote a ici attribué à Shabaku les 50 ans qui forment le total de l'occupation de la dynastie éthiopienne en Egypte, si l'on suit Manéthon tout en corrigeant pour Tahraku en 26 ans d'après les stèles du Sèrapéum les 20 ans de règne indiqués par Manéthon. Cette confusion se fit d'autant plus naturellement dans l'esprit d'Hérodote que le dernier roi éthiopien qui posséda un instant l'Egypte s'appelait Rabaku Tonuatamen. Ce roi Rabaku eut en effet, d'après sa stèle, une vision divine l'engageant à envahir l'Egypte — ce qui, nous le verrons, lui réussit pleinement, — jusqu'à ce qu'un jour il s'en retourna en Ethiopie, on ne sait pour quel motif et peut-être aussi à la suite d'une autre vision. Kien ne prouve que Shabaku ait été visionnaire à ce point. Mais comme il était, en efl'et, le premier Éthiopien qui ait possédé l'Egypte d'une façon durable, et que l'occupation éthiopienne dura 50 ans jusqu'à Rabaku, il était tout naturel de
5^ Le verbe tu ^ a m «donner», dans nos contrats archaïques démotiques est le plus vague de tous au point de vne juri- dique. 11 s'emploie aussi bien dans les actes de transmission (cette fois concurremment avec le verbe «transmettre») que dans les simples cessions de droits, les abandons temporaires s'appliquant soit au fonds, soit seulement ans produits, en faveur d'un créancier, etc.
Ainsi qu'on le voit par ce que nous venons de dire, le mot khei-, est, à la différence des autres termes (que nous retrouvons dans nos contrats), surtout employé pour les appropriations d'usage qu'Amten faisait en jouissant de certains biens en vertu de ses fonctions administratives. Ce sens de kher se rapprochait aussi de sahun «administration» qu'on voulait enlever au possesseur selon le caillou hiératique déjà cité du British Muséum. Mais, quoique appliqué à d'autres genres de biens, il se rapprochait aussi foncière- ment du shai «usage» servant de nom légal à la qnasi-propriété chez les Éthiopiens et dont on faisait maseh ^transmission» et tu «donation». Encore une fois pour tout ceci renvoyons à notre cours sur l'état des biens et à notre «notice».
Revenons en à la stèle Cattaui. Elle représente le roi Osorkon l^' (ayant à ses pieds un chantie jouant de la harpel qui fait
une olî'rande à la déesse Hatbor représentée sous une double forme. La légende porto " "^ "
I©) I «Le roi des deux regiuns du raidi et
. -^ . _.jo:!^* D ... - _ _,
du nord Raraen /eper setep on ra, fils du soleil, seigneur des resplendissements Araen meri Osorkon à qui le soleil a donné vie éter- nelle. — 11 a donné une maison et des champs au grand chantre d'Hathor. la vache. Paaari nub (celui que la déesse Nnb a fait) fils du grand chantre d'Hatlior de Tat Annuha-er-Tebu-suten-se (nous sommes en joie à cause du fils royal) qu'a enfanté Isi-em-j^eb — avec droit de prendre de l'or pour cela (de la vendre).
* Sauf peut-être un certain Tafne/t (Tabnahti). petit fils de Tafnext I" et portant dans l'usage constant le nom de son grand père, qui. après s'être peut-être réfugié en Assyrie, aurait reçu comme compensation, lors de l'occupation assyrienne, le gouvernement de la ville de Bunubu (Pinoub) sous Assarhadon. selon les cylindres d'Assurbanîpal. — Les Assyriens, en effet, n'avaient pas voulu déplacer de Memphis et de Sais le prince Niku. très influent et appartenant à la race royale éthiopienne.
- Les inscriptions contemporaines sur de nombreux monuments ont. en effet, confirmé sous ce rapport les récits d'Hérodote et de Diodore.
Quelques documents, etc. 119
se perdre au milieu de ces noms analogues — d'autant plus qu'Hérodote a soin de nous dire que pour toute l'histoire ancienne il ne parlait que d'après les racontars des guides et les conversations des prêtres; tandis qu'il avait des notes précises et sérieuses depuis le règne de Psammétiku et la fondation de l;i colonie grecque de Naucratis. Nous avons d'ailleurs une preuve positive de cette confusion d'Hérodote dans un autre passage (1, CLII) portant ; «Ce prince (Psammétique) s'était auparavant sauvé en Syrie pour fuir la ijersécution de Sabacos, roi d'Ethiopie, qui avait fait mourir son père Nécos. » Or, nous savons par les cylindres d'Assurbanipal que Niku, père de Psammétiku, qui avait reçu de Shabaku le fief pa- trimonial de Bocchoris mis à mort par lui, c'est-à-dire Sais et Memphis, possédés déjà par Tafnekht, n'a pas du tout été mis à mort par Shabaku, puisqu'il est mentionné pendant toute la campagne faite par les Assyriens contre Tahraku : mais qu'il a été probablement mis à mort — comme coupable d'avoir un instant reconnu l'hégémouie d'Assurbanipal — par Eabaku Tonuatamen, lors de son invasion triomphante en Egypte. Nous reviendrons, du reste, ailleurs sur toutes ces questions. Ce que nous en avons dit suffit pour mieux faire comprendre la portée de l'expression «dieu bon» employée par notre stèle.
Cette stèle est datée de l'an 2. C'est exactement la date de l'ensevelissement d'un Apis, d'après Mariette. D.ins la même chambre que cette inscription de l'an 2 de Shabaku, s'en trouvait aussi une autre, en partie mutilée, laquelle peut, toujours selon Maiuette, se rapporter à un autre Apis mort sous Shaba- toku, le fils et le successeur de Shabaku. et dont Maiuette a aussi trouvé le nom, ainsi que celui de Sha- baku, dans le temple de Ptah à Memphis. La série du Sérapéum est donc ici absolument parallèle à la liste de Manéthon, qui à Shabaku fait succéder en Egypte même « son fils Sébichos » — (puis à Sébichos, Taracos, comme le prouve encore le Sérapéum) — sans aucune intercalation ou substitution des prétendus rois saïto-memphites dont on ne trouve nulle trace sur les monuments de Memphis. Nous savons par une foule de documents que telle est bien en effet la suite de la dynastie éthiopienne.
3228 D.
(An 10, Pbarmoutlii 30, du roi Shabaku, le dou d'Isis, l'auii d'Amou — à lui vie saiïté force!)'
«En ce jour, la femme Tefanan, fille de Paklmum, dit au clioacbyte Ptuaa, tils de Petuamenapi :
« Je t'ai donné Jloutekbepertus (les biens de Montekbepertus), tils de Pkadja, dont on a fait l'équivalence. Je te transmets, (dis-je) mes deux aroures et demie de la double demeure de vie d'Horsbeti, que j'ai rétribuées en échange aujourd'hui. Eu transmission je transmets cela, comme équivalence, par cet acte. J'ai donné ces choses : à savoir le terrain de la double demeure de vie d'Horsbeti.
«A reçu Petuaa, fils de Petuamenapi de la femme Tefanan, tille de Pakhnum, fils de Petumont, le terrain de Montekbepertus, terrain de la double demeure de vie d'Horshefi, formant deux aroures et demie.
«Elle (Tefanan la cédante) a dit (a fait la déclaration! au prêtre d'Amon, prêtre du roi florissant, — à qui Amon a donné la puissance 1
« Il n'y a point à donner à fils, fille, frère, sœur, être quelconque du monde entier : on a fait connaître à tous l'attribution de part ci-dessus maintenant et toujours, ainsi que celui qui prend cette part.
«Personne ne peut faire aucune opposition à cet écrit.
« Par l'écriture du scribe d'Horus pour les transmissions. (Attestations de témoins :)
' Nous rétablissons ce protocole d'après les attestations de témoins de notre acte (particulièrement la seconde) et les protocoles analogues. Devéria, dans son catalogue des roaniiscrits (XI, 10— D) avait mis ici : «Pièce acéphale portant vingt-deux lignes de texte divisées en cinq articles. On lit à la dernière ligne une date de Tîm X sans indication de règne.»
120 Eugène Revillouï.
«Par la main d'IJalièse, fils d'Hor-niont, tils d'Uahèse, qui témoigne à l'acte de la femme Tefanan, fille de Pakhuum, fils de Petumont, laquelle dit : je transmets mes deux aroures de la double demeure de vie d'Horshefi, terrain de Montekhepertus, fils de Pkadjadja, qui est donné en équivalence. L'an 10, le 30 Mésoré.
«Par la main d'Ankh-bor-suteu, le prêtre de Mont, fils de Petuamenapi (témoignant) à l'acte de femme Tefanan, fille de Pakliuum, laquelle dit : je transmets mes deux aroures et demie de la double demeure de vie d'Horshefi, terrain de Moutekbepertus, fils de Pkadja — et le reste de l'écrit quelconque ci-dessus. — An 10, Mésoré 30 du roi Shubaku, le don d'isis, aimé d'A^non — à lui vie santé force (ankh udja seiib).
«Par la main du prêtre du roi Sbabaku, Amenemap, l'intendant du roi Uuuofré (du dieu Osiris), le prêtre d'Amon, (témoignant) à l'acte de la femme Tefanan, fille de Pakbnum, laquelle dit : je transmets les deux aroures et demie de la double demeure de vie d'Hor- shefi — et le reste de l'écrit ci-dessus. — An 10, Mésoré 30.
«Par la main de Petuamenhir, tils de Djepbirementu, témoignant à l'acte de la femme Tefanan, fille de Pakbnum, laquelle dit au cboacbyte Ptuaa, fils de Petuamenapi : Je t'ai transmis les deux aroures et demie de la double demeure de vie d'Horshefi — terrain de Montekhepertus. fils de Pkadja, en équivalence — et le reste de l'écrit ci-dessus. — Au 10, Mésoré 30. »
Ce contrat — (que nous commentons juridiquement, ainsi que tous ceux de la période archaïque, dans notre «notice» détaillée des «papyrus archaïques traduits et commentés juridiquement») — est fort in- téressant de toutes les manières. Pour ne pas sortir du point de vue historique dont nous voulons seulement nous préoccuper ici, nous ferons remarquer d'abord l'introduction sous Shabaku de la formule consacrée : «Elle a dit (ou il a dit ou ils ont dit) au piètre d'Amon, prêtre du roi llorissant à qui Amon a donné la puis- sance », formule que nous retrouverons sous Tahraku, sous Psammétiku I", sous Néchao ou Niku II, sous Psammétiku II, sous Apriès, mais qui n'existait pas sous le roi saïte Bocchoris, et qui disparaîtra bientôt sous l'usurpateur Amasis pour ne plus exister sous aucun de ses successeurs. Cette formule ammonienne se rattachait en effet — (comme le titre « aimé d'Amon » que portaient les rois éthiopiens) à l'idée de leur légitimité ammonienne — en qualité de descendants des grands prêtres d'Amon de la XXI° dynastie. Psammétiku et ses descendants y avaient encore droit comme membres d'une branche cadette de cette dynastie éthiopico-ammonienne. Mais tout prince qui ne pouvait se glorifier d'une telle descendance devait renoncer à se rattacher ainsi directement à Amon. Aussi ne Irouvons-nous l'une ou l'autre de ces formules et particulièrement le titre « don d'isis, aimé d'Amon » devenu « aimé d'isis, aimé d'Amon » ' que chez les princes éthiopiens postérieurs, qui, comme Ergamènc, comme Ankhinachis, comme Hormachis, etc., préten- daient se rattacher encore à la dynastie ammonienne et recevoir d'Amon lui-même, solennellement invoqué, leur investiture royale consacrée par ses prêtres.^
Une seconde question historique est tout aussi intéressante : c'est celle des années de règne de Shabaku. Selon la liste d'Africain, que plusieurs chronologistes modernes préfèrent d'ordinaire à la liste d'Eusèbe, Manéthon n'aurait attribué que huit ans à Shabaku. Notre contrat prouve que cette opinion est insoutenable et qu'il faut probablement lui donner les 12 ans d'Eusèbe.
Enfin les noms des parties touchent aussi à une autre question historique.
Parmi ces parties nous remarquerons principalement Petuaa, fils de Petuamenapi, qui reçoit les biens
' Cette formule complète est ceUe des rois Ancbmacbis et Harmachis dans leurs protocoles démotiques. Le contemporain de Phi- ladelpbe. Ergamène. (sur lequel il tant voir ce que nous avons dit dans notre second mémoire sur les Blemmyes, p. a et 3 et Revue, VI, p. 121) portait dans son cartouche même l'appellation «aimé d'isis», ainsi que deux autres rois appartenant à la même dynastie et dont les cartouches
renferment également le nom d'Amon. Voici ces cartouches : T (j | ^^ h ^^^^ â. "^ fi q N | [^ "^^ (1 '"""' •?■ "^ fi O M ( Û A il ' ' "t* -^ ri ' ' |, D'une autre part, Kahaka s'intitulait dans un de ses cartouche
-J3^ 1 AAAAAA
, ce sujet la st^-le <le rintronisation.
Quelques documents, etc.
121
t;n question. Or ce Petuaa, fils de Petuamenapi, dont nous donnons ci-contre la généalogie' d'après les con- trats contemporains, est parfaitement connu de nous, puisque c'est lui dont tous les papiers nous sont parvenus depuis Shabaku et pendant tout ce que nous possédons du régne de Tahraku. Sous Tahraku même, nous voyons encore acter plusieurs de ses grands-parents, de ses grands-oncles, grandes-tantes, de ses oncles, de ses tantes, etc. soit en sa faveur, soit en faveur d'antres personnes qui lui cédèrent à leur tour. Il est donc impossible d'admettre un trop long intervalle entre le règne égyptien de Shabaku et le règne égyptien de Tahraku. L'intervalle indiqué par le canon manéthonien d'Eusèbe, que nous suivons de préférence, est au contraire très admissible d'après nos contrats, puisque, selon ce canon, entre l'an 10 de Shabaku et l'an l""' de Tahraku, par exemple, il n'y a que 14 ans (les deux dernières années de Shabaku et les 12 ans de Shabatoku). Mais si, comme on le fait souvent, l'on admet pour Tahraku un long règne éthiopien antérieur au commencement de son comput égyptien, les difficultés s'accroissent de plus en plus.
Nous aurons l'occasion de voir dans la suite qu'une stèle chronologique fort intéressante du Séra- péum met "27 ans entre le commencement du règne de Tahraku et le commencement du règne de Psam- métiku — à partir duquel la chronologie est paifaitement fixée par une série d'autres stèles, dont les calculs ont été fort bien additionnés et comparés par M. de Eougé avec les diverses données conniTes.
Or, toute la théorie consistant à attribuer à Tahraku un long règne en Ethiopie avant ses 26 ans de règne en Egypte repose sur deux passages parallèles d'Isaïe et du livre des rois nous apprenant que Tahraku préparait une expédition en Asie contre Sennacherib du temps d'Ezéchias. Les textes hébreux disaient : en l'an 14 d'Ezéchias : et cet an 14, postérieur de huit ans seulement à la date fixée pour la prise de Samarie par les Assyriens, eut certainement fait remonter plus haut que ne le permettait pour le règne égyptien de Tahraku la stèle d'Apis déjà citée et que nous reproduirons plus loin dans ce cata- logue avec tous les calculs appropriés. On supposa donc que Tahraku avait dû régner hors d'Egypte en Ethiopie avant de régner en Egypte, et que cela résultait des textes de la Bible. Mais ces textes mêmes auraient dû prouver que Tahraku possédait alors l'Egypte; car il est impossible d'admettre que Tahraku aurait pu venir en Palestine depuis la Nubie sans passer par l'Egypte et qu'il aurait même eu l'idée d'aller
Voici cette généalogie
f-Hotepamen-anihlior = Petamen-api Petuilniim = f-Hon-himt-naannu f-Hotepcsé = Setamenka
f-Honhimtnaar
Psenamen f-Taba.
16
122 Eugène Revillout.
combiittic un adversaire avec lequel il n'aurait eu aucun rapport de voisinage. Rien n'est plus naturel, au contraire, quand on sait que Tahraku avait alors rÉg3'pte et qu'il se disposait à envahir la Phénicie, dont il raconte dans ses inscriptions avoir pris plusieurs villes, Palmyre où il a laissé de ses monu- ments, etc.
Je nie permettrai donc de proposer, sous toutes réserves, une nouvelle explication de cette difficulté résultant de la mention de la U" année d'Ezéclnas, qui ne s'accorde pas avec les données de la stèle d'Apis.
Commençons par dire que d'après les calculs chronologiques que je publierai plus loin à propos de cette stèle d'Apis, la première année de Tahraku coïnciderait avec la 29° année du régne d'Ezéchias en Juda et avec la lO" du règne de Sennaeherib en Assyrie. Une mise en action simultanée de ces trois rois ne serait donc pas impossible alors qu'on admettrait pour la durée du régne d'Ezéchias le chiffre de 29 ans fourni par la Bible.
Mais, on doit l'avouer, ce chiffre donné par le livre des Rois et les Chroniques pourrait bien être inexact, comme paraît l'être la date de la 14" année pour la rivalité de Tahraku et de Sennaeherib.
La préoccupation constante qu'ont eue les rabbins de mettre d'accord les indications chronologiques des différents livres sacrés semble les avoir conduits souvent à généraliser par des corrections à contre- sens les erreurs de chiffres — par faute de copiste ou toute autre cause — qui n'avaient peut-être i)orté d'abord que sur un seul livre. J'aurais grande tendance à croire qu'on a raccourci de 10 ou 20 ans le règne d'Ezéchias, parce qu'on avait allongé d'autant le règne de son fils Manassé et parce qu'on tenait à conserver entre le sac de Samarie et le sac de Jérusalem un laps de temps bien connu de tous.
Jlais où et pourquoi aurait-on d'abord allongé le règne de Manassé? Très probablement dans les Paralipomènex, autrement dit dans les Chroniques, livre historique dont la rédaction est très postérieure à celle du livre des Rois (qu'il cite justement parmi ses sources à propos du règne de Manassé) et où la vie de Jlanassé est divisée en deux parties distinctes : une première, toute de péchés et d'idoliitrie, corres- pondant parfaitement au récit du livre des Rois, une seconde de captivité à Babylone' durant trois ans, puis de conversion et de pénitence, qui n'a aucun correspondant dans le livre des rois et qui est même en contradiction la plus formelle avec ce livre. En effet, dans le livre des Rois les crimes de Manassé, son idolâtrie, ses violences sanguinaires contre les juifs fidèles au culte de Jehovah, durant jusqu'au bout et imitées par son fils, ont été la cause de tous les malheurs (lu'éprouva sa descendance à la quatrième génération.
Le livre des Rois a soin de dire expressément, à propos de l'asservissement de Joachim au roi Na- buchodonosor et du pillage de la Judée par des bandits de toute race, que cela advint par suite des crimes de Manassé. Bien entendu, le livre des Chroniques ne fait aucune réflexion de cette nature, puisqu'il repré- sente le roi Manassé dans une seconde partie de sa vie comme un converti qui pria, qui fut exaucé et qui s'appliqua à réparer le mal d'abord causé par lui dans ses premières années.
Pour cette conversion apocryphe de Manassé, succédant à une caijtivité non moins apocryphe à Babylone — dans un temps où Babylone appartenait aux Assyriens — l'auteur des chroniques crut avec raison devoir indiquer à part la soiu'ce où il puisait tant de récits. C'est le livre d'Hozas, livre actuelle- ment perdu, une sorte de roman historique semblable à la Cyropédie, où la punition céleste attirée par les crimes de Manassé venait frapper Manassé lui-même, où les prophéties menaçantes d'Isaïe à son père Ezéohias à l'occasion de Mérodach Baladan, roi de Babylone, venaient déjà s'accomplir en lui, où c'était lui-même qui subissait à Babylone une captivité de trois ans et où sa vie ne se terminait qu'après un repentir édifiant pour les lecteurs. Il fallait bien allonger cette vie pour trouver place à ces années de roman, surajoutées aux années d'histoire : et, pour laisser l'espace nécessaire entre les commencements des deux captivités, il fallait prendre au régne d'Ezéchias ce qu'on donnait de trop au règne de son fils.
Telle me paraît être l'origine de toutes les difficultés qu'avaient présentées jusqu'ici les textes de la Bible relatifs à Ezéchias. Ce ne sont, en ce qui touche son régne, que questions do chift'res et de chiffres changés après coup pour établir une concordance chronologique.
Il est certain d'ailleurs que les récits de la Bible nous représentent Sennaeherib comme survivant de très peu à cette expédition contre les juifs dans laquelle la main de dieu avait déjà frappé son armée. Le livre des Chroniques s'exprime en ces termes : «Le seigneur envoya un ange qui frappa tout homme robuste et tout combattîint et tout commandant dans l'armée du roi d'Assyrie;^ et il s'en retourna igno-
^ C'est à cette période que se rapporte IVoratio Manassae régis Juda cum captus teneretur in Babylone» qui a été lungée parmi les apocryphes par le concile de Trente, et qui, d'après les décrets de ce concile, doit être insérée seulement à la fin des éditions bibliques et en dehors du canon.
* Une tradition analogue se trouve dans Hérodote relativement au désastre éprouvé par Seniiachérib au moment où il venait attaquer l'Egypte. Mais le chef que Sennaeherib rencontra alors, selon lui, était Sethos qui, nous le verrons, parait identique au Zet que les listes d'Africain donnent comme successeur à Psammus dans la branche des Tanitcs. Les princes tanites, qui n'avaient pas immé- diatement suivi l'exemple des antres princes héréditaires dans leur soumission aux Éthiopiens sous Pianchi, semblaient, au contraire du temps de Shabaku, de Shabatoku et de Tahraku, avoir parfaitement reconnu l'hégémonie éthiopienne. Le vassal Séthos ou Zet i dait sans doute l'avant-garde de Tahraku.
Quelques documents, etc. 123
mini eu sèment dans sou pays-, et comme il était entré dans la maison de son dien, ses propres fils, qu'il avait engendrés, le frappèrent du glaive et le tuèrent.» Les récits parallèles du livre des Eois et d'Isaïe sont plus détaillés. Mais ici l'impression qui en ressort est bien celle qu'a traduite le livre des Chroniques. .S'il fallait admettre que Sennachérib vécut encore pour le moins 18 ans après son retour de Judée et fit encore un très grand nombre d'expéditions triomphantes, le texte d'Isaïe, celui du livre des Eois et celui des Chroniques perdrait toute valeur historique.
Ajoutons que l'étude attentive des textes montre dans le livre des Rois deux récits tout-à-fait distincts de campagnes de Sennachérib.
En eftet, un premier récit, qui n'a aucun correspondant dans Isaïe, raconte que Sennachérib, ayant envahi la Judée, en prit toutes les places fortes en dehors de Jérusalem et qu'Ezéchias alors, implorant la paix, se soumit et, pour payer au roi d'Assyrie en tribut trente talents d'or, sans compter l'argent et le reste, fit arracher les lames d'or qui recouvraient les portes du temple.
Ce sont là, massés, tous les faits qu'on trouvera plus détaillés dans le cylindre de Sennachérib. Sennachérib dit avoir pris 4(j villes fortes du loyaume de Juda et une multitude de villes plus petites. Il dit avoir réduit Ezéchias à la possession de Jérusalem et il ajoute : -< Lui, Ezéchias, la crainte et l'éclat de ma Majesté le frappèrent ... et pour me remettre son tribut, pour me faire sa soumission, il m'en- voya des messagers, vers moi, à Ninive, la ville de ma royauté, avec trente talents d'or, etc. »
Cette expédition dont on voit la teiminaisou glorieuse â Ninive, où le roi d'Assyrie était retourné après s'être emparé des villes de Judée moins Jérusalem et après les avoir distribuées au roi de Gaza, au roi d'Asad, etc., est, je le répète, tout-à-fait distincte de celle dont parle Isaïe dans un passage parallèle à la suite du récit du livre des Rois, expédition dont Sennachérib ne pouvait pas parler; car les monarques orientaux ne fixent jamais le souvenir que de leurs victoires et ne mentionnent pas dans leurs inscriptions historiques celles de leurs campagnes qui se terminent par un désastre.
Déjà, je me hâte de le reconnaître, M. Rawlin.son, l'admirable découvreur des cunéiformes dont le jugement était si sûr et qui le premier a traduit les textes relatifs aux rapports de l'Assyrie avec l'Egypte, ne voulait pas croire que Sennachérib eût raconté dans son cylindre l'expédition qui finit pour lui si mal- heureusement. Il admettait deux expéditions : celle des cylindres assyriens et celle d'Isaïe. Les objections qu'on lui a opposées ne sont pas sérieuses; car ceux qui croient connaître tout le régne de Sennachérib par ses cylindres ne peuvent le connaître évidemment que par ses beaux côtés. D'ailleurs les cylindres ne vont jamais jusqu'aux derniers moments du roi; ils ne racontent jamais sa mort, comme Moïse dans le Deutéronome. Nous possédons des cylindres d'Assaraddon qui ne disent pas le moindre mot de sa eam- pa.gne victorieuse en Egypte, parce qu'elle fut tardive dans son règne. Or, d'après la Bible, il est évident que celle dans laquelle Sennachérib allait au-devant de Tahraku fut 1res tnrdive dans son règne, puisqu'on raconte immédiatement après sa mort violente, en tant que suite ininterrompue des punitions célestes.
Tout va très bien si le chiffre de 29 ans, inscrit actuellement dans la Bible pour la durée du règne d'Ezéchias, est remplacé par le chififre de 39 ou 49; et si le chitt're représentant le règne de Manasse, qui est de 55 ans dans le texte, se trouve réduit parallèlement à -15 ou à 35. La réponse d'Ezéchias aux pro- phéties menaçantes pour l'avenir prochain de Juda nous laisse l'impression d'un vieillard et non d'un homme de 40 ans. On ne se figure pas aisément qu'il ait dii terminer son existence à 54 ans, et qu'il soit âgé de 39 ans quand ce prophète Isaïe lui promet encore 15 ans de vie à titre de faveur toute exceptionnelle.
Nous verrons d'ailleurs, je le répète, dans nos calculs chronologiques relatifs à la stèle d'Apis qu'en conservant pour le régne d'Ezéchias ce chiffre si douteux de i9 ans et en ne tenant nul compte, bien entendu, — pas plus que personne ne le fait aujourd'hui — de cette date de la « 14'^ année » (jui avait été appliquée d'ailleurs indifféremment à deux expéditions différentes, celle de ces expéditions, à propos de laquelle est nommé Tahraku, aurait pu avoir lieu du vivant d'Ezéchias et pendant le régne égyptien de Tahraku, tel qu'il nous est montré par les textes du Séi-apéum.
Qu'où nous pardonne d'être entré ici dans des détails si étendus. Mais ils étaient nécessaires pour montrer que l'on peut fort bien chronologiquement ne pas admettre un long règne éthiopien de Tahraku avant son régne égyptien — ce qui paraît une supposition gratuite, impossible d'autre part — et par conséquent ne pas admettre non plus, comme on le fait parfois, les dynasties parallèles de Tahraku et de Shabaku dont l'une aurait régné à Thèbes et l'autre en Ethiopie, tandis que de prétendus rois saïto- niemphites auraient eu, de leur côté, les honneurs du cartouche.' En réalité, les trois rois éthiopiens ont
* Bien entendu, l'éthiopien Niku possédait toujours son fief de Sais et de Memphis. mais sous la suzeraineté des Éthiopiens et jamais il n'usnrpa le cartouche. Il en était de même des Tanites régnant encore à Tanis (avec ou sans cartouche) et d'une foule d'autres princes de la race Bubasto-tanite ou autres chefs héréditaires qui sont énuraérés dans la stèle de Pianchi et dans le cylindre d'Assur- hanipal. Pianchi accorde les honneurs du cartouche au roi tanite Osorkon III, le fils du fondateur de la dynastie tanite. à Nimrod et à Uaput (alors qu'il donne des titres hien inférieurs à tous les autres dynastes. qui so soumirent à lui, y compris celui de llemphis). Il est probable que Sliabaku, .Shabatoku et Tahratu continuèrent cette tradition et ne laissèrent les honneurs du cartouche qu'aux descen- dants de ceux- auxquels Pianchi les avait accordés et particulièrement à Psammus, successeur tanite d'Osorlon III, à Zct, successeur de Psammus ii Tanis sous Shabaku, etc.
16*
124 Eugène Revillout.
possédé siiccessiveraent l'Ég-yptc, comme Tavait reconmi Manéthon, et ont tranquillement régné à Memphis même, où, seuls de leur temps, ils ont pris le titre de Pharaons; et notre contrat démotique nous prouve qu'entre Tan 10 de Shabaku et Tan 1" de Tahraku l'intervalle est loin d'être considérable et que les deux rois ont pris identiquement le même protocole et les mêmes titres se rattachant à la même dynastie ammonienne, etc. Ajoutons que Tahraku reconnaissait parfaitement la légitimité de sou prédécesseur Shabaku et laissait mentionner son nom avec honneur dans les contrats — nous le verrons dans un contrat de Tan 6 de son régne citant un autre contrat de Shabaku qui malheureusement ne nous est pas parvenu. Sa mère se rattachait d'ailleurs, nous le verrons aussi, à cette race royale de Shabaku qui de plus avait épousé sa sœur, selon Assurbanipal et dont, pour ma part, je ne crois pas du tout qu'il ait tué le fils.'
REGNE DE TAHRAKU.
7228 A.
o^An 3, Paehons 20^ du roi Tabraku. le don d'Isis, raini d'Amon — à lui vie^ santé, force! — jour de fête (keh) d'Isis.
^<Eu ce jour — Pensmenamenj tils de Setamenka et Taba, sa sœur disent à l'enfant d'Hotepamen, Dji-(borsi)ésé-ankhndjasenbbeb, fille d'Aukbborsuten :
«Nous te donnons le domaine, le bien (mot-â-mot : l'existant) qu'on a fait en équiva- lence [k savoir :) le hat de Setamenka et d'Hotepésé, sa femme, notre mère et mon père.^
^ Cette opinion soutenue par quelques modernes et qui distingue deux périodes toutes différentes dans la vie publique de ïaliraku, celle qui aurait précédé et celle qui aurait suivi son règne égyptien, règne égyptien qui aurait débuté par le meurtre de Sabetoka, repose sur trois textes d'époque relativement très récente. Le premier do ces textes est celui de Josèphe (liv. X. chap. 1*^^") dans lequel on a cru voir (Hlst. graec, t. II, p. 503 de l'édition Didot) que Tabraku n'était pas encore roi. quand il amena des secours aux Égyptiens contre Sennacherib : «Tum vero nondum rex erat, sed auxilîares copias ex Aetbiopia Aegyptiis adduxerat.» Le second est la copie palatine du canon de St Jérôme qui porte : «Taracbus. Sebicbo interfecto, Aegyptiis annis XX.» Le troisième qui a été cité par Unger (non pas dans une édition de Manéthon. invoquée par Maspero et qu'il n'a jamais faite, mais dans sa chronologie, p. 251) est tiré, pense-t-il. de bonnes sources grecques, et se trouve dans un manuscrit (cod. Fuc. zu Abr. ISOtj) portant : «Hic (Taracus) ab Actliiopia duxit excrcitnm atque Sebiconera occidit, regnavitque.»
En réalité, ces trois textes procèdent tous les uns des autres par suite d'une opinion précon^-ue et toute biblique.
Le plus ancien est celui de Josèphe. Mais cet auteur ne soutient pas, comme on l'a prétendu, que Tabraku n'était pas encore roi lors de l'expédition de Seunaclierib. Il le nomme au contraire expressément alors «roi des Éthiopiens». Seulement le dit Josèphe a voulu combiner les indications d'Hérodote et celles de la Bible sur l'expédition de Sennacherib, expédition sur laquelle il n'avait pas d'ailleurs d'autres renseignements que nous même. Le texte d'Hérodote lui faisait admettre alors un pi'étre de Vulcain (Sethos) comme roi en Egypte et adversaire de Sennacherib. Le texte de la Bible lui montrait qu'en même moment l'Éthiopien Tahraku régnait, et que le roi assyrien était en guerre avec lui. Il en a conclu tout naturellement, que Tahraku, roi d'Ethiopie, avait promis des secours aux Égyptiens — ce qui accordait tout également. Pour tout accorder n'avait-il pas coupé en deux le miracle détruisant l'armée de Senna- cherib d'apxès les récits d'Hérodote et de la Bible, en admettant que deux armées de Sennacherib avaient été détruites en même temps? Tout cehi n'est qu'une simple interprétation de deux textes que nous possédons comme lui et en dehors desquels Josèphe ne savait rien — à ce point qu'il se croit ensuite obligé de prouver par Bérose Vexistence même de Sennacherib.
Quant à la variante du texte de St Jérôme, où interfecto est peut-être mis à la place de mortuo (comme on Ta supposé depuis longtemps), alors même qu'on la prendrait au pied de la lettre, elle ne serait que la résultante d'un travail de raccordement du mémo genre, inspiré déjà par Josèphe lui-même, entre la Bible. Hérodote et les listes royales copiées par Manéthon
Cette préoccupation est encore plus nette dans la phrase du manuscrit déjà cité. qu'Unger croit tirée de bonnes sources grecques, et que je croirais plutôt venir de quelque chronographe maladroit.
Faut-il marquer que Manéthon et Bérose eux-mêmes pai*aissent être fortement enclins à ces préoccupations bibliques et judaïques, n'ayant vi-aiment d'utilité exégétiquc et de raison d'être qu'à l'époque chrétienne et qui doivent nous mettre en défiance contre leurs récits de ce genre (voir dans Bérose ce qui concerne le synchronisme d'Ezéchias, etc. et dans Manéthon les récits, apocryphes, relatifs à la chronologie des Hyksos et de l'Exode). On sait que Manéthon (homonyme de celui dont parle Plutarquc à propos de la statue de Serapis) n'a été, pour ses œuvi'es connues, attribué au temps de Philadelphe que d'après une lettre au dit roi Pbiladelphe que Letronne a démontré être postérieure à l'ère chrétienne, et on sait aussi que la première citation de cet auteur se trouve justement dans le juif Josèphe qui a également cité le premier les œuvres historiques de Bérose — connu seulement comme astronome par Pline et Vitruve — imité ensuite par Manéthon, d'après ses propres dires. Tout vient donc d'une seule fabrique et c'est Josèphe qui a seulement introduit — pour les fournir bientôt aux pères d'Eglise — ces deux célèbres chronographes. dont la science du siècle dernier se défiait à juste titre, en dépit des listes royales compilées par eux. Tout ceci nous montre le peu de fond qu'il faut faire de comparaisons bibliques provenant probablement d'une école judaïque de l'époque chrétienne, alors que le nouveau culte faisait prendre intérêt à ces choses. Les israélîtes qui en sont les auteurs travaillaient, à leur insu ou non, déjà pour l'église, comme le juif de St Jérôme le fit plus tard.
Le même jugement doit être porté pour les gloses interprétatives de la Bible qui sont relatives à Sabatoku et à Tahraku et qui nous paraissent d'une époque de bien des siècles encore postérieure.
* C'est-à-dire que Pensmenamen était seul fils de Setamenka et que sa sœur était une sœur de mère (pour tout ceci voir la généalogie annexée à l'acte précédent). Les témoins n'ont pas toujours bien compris cette distinction et ils mettent souvent : notre père €t notre mère.
Quelques documents, etc. 125
Nous te transmettons nos quatre aroures de la double demeure de vie du dieu Harshefi. Nous te rétribuons en échange cela, c'est-à-dire le hat de Setamenka et d'Hotepésé.
« Il n'y a point à donner d'usage de terre ou d'usage de part à frère, sœur, fils, fille, chef (hir), chefesse (hirt), être quelconque du monde entier dans les biens de Setamenka, (en) part des biens du domaine.
«Ils ont dit i^fait la déclaration) au prêtre d'Amou, prêtre du roi florissant — à qui Amon a donné la puissance, — prêtre de la divine adoratrice d'Amon, ma souveraine — longue soit sa durée de vie!
tOn ne peut écarter du registre royal (lierit) ce qui est ci-dessus.
«En témoignage pour l'acte, Aukbhor, prêtre (des transmissions) de la double maison de vie (d'Horus).
«Par la main de Ptuamenapi, fils de Paba, témoignant à tout ce qui est écrit ci-dessus, An 3, 20 T} bi.
«Par la main de Chouspkbrat, fils de Paba, témoignant à l'acte de Pensmen, fils de Setamenka et de la femme Taba, sa sœur, disant : Nous avons fait transmission des quatre aroures de terre de la double demeure de vie d'Harshefi, c'est-à-dire de la terre du domaine de la montagne (donné) eu échange, et qui est le hat de Setamenka, notre père, et d'Hot- epésé, notre mère — et tout ce qui est dit ci-dessus
«Par la main de Ptuamen, fils de Psenounnofre, témoignant à laete de Pensmenamen et de Taba, sa sœur, qui disent : Nous transmettons nos quatre aroures de terre de la double maison de vie d'Harshefi, formant la propriété de Setamenka, notre père, et de Taba, notre mère, la terre (dis-jei du domaine de ces aroures. Ces choses, il n'y a point à en donner part à quiconque au monde. An 3, 20 Tybi.
«Par la main de Meméith, le prêtre de Chous, d'Horus et de Mont, témoignant à l'acte de Pensmenamen, fils de Setamenka et de Taba, sa sœur — et le reste de l'acte ci-dessus. An 3, 20 Tybi.
«Par la main de Sutenankh . . . (témoignant à l'acte de Setamenka) et de Taba, sa sœur, disant ensemble d'une seule bouche à l'enfant d'Hotepamen, Djihorudjasenbhib, fille d'Ankhborsuten : Nous te transmettons les quatre aroures de terre de la double demeure de vie d'Horshefi. »
Au point de viie historique ou remarquera surtout dans cet acte la formule : «ils ont dit au prêtre d'Amon, prêtre du roi à qui Amon a douné la victoire, prêtre de la divine adoratrice d'Amon, ma sou- veraine (Tahoiit) — longue soit sa durée de vie ! »
C'était une véritable association à la couronne du roi pour la femme qui est ainsi nommée « la divine adoratrice d'Amou, ma souveraine».
Disons d'abord que, sous la XXI" dynastie amonienne des prêtres de Thébes, sous la dynastie ammonienne d'Ethiopie, sous la branche cadette de cette même famille qui régna depuis Psammétique et sous les rois amoniens postérieurs d'Ethiopie, le titre « divine adoratrice d'Amon appartenait aux reines et aux princesses ayant des droits à la couronne — comme les titres «aimé d'Amon» — «à qui Amon a donné la puissance» appartenaient aux rois. De cette formule seule nous pouvons donc conclure que la princesse qui portait ce titre se rattachait par elle-même à la tige royale ammonienne. Mais quelle était- elle'? Etait-ce la femme, la sœur,' ou la mère de Tahraku?
Un rapide coup d'œil sur l'ensemble de nos contrats nous amènerait déjà à penser qu'il s'agit de
' Nous savons, je l'ai dit, par les cylindres d'Âsnrbanipal que Shalaku avait épousé la sœur de Tahraku. Mais cette sœur ne paraît pas avoir joué grand rôle politique. J'en dirai autant de la femme de Tahraku qui nous est également connue par des inscriptions.
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Eugène Kevillûut.
la mère de Talu-aku. En eô'et, cette princesse devait être vieille puisqu'elle n'apparaît qu'au commence- ment du régne de Tahraku — jusqu'à l'an 3 — et disparaît ensuite définitivement.
Or, les textes hiéroglyphiques, fort bien mis en lumière par notre cher maître M. de Rougé, con- firment absolument cette idée primesautiére. La mère de Tahraku, nommée Akelat et qualifiée de «divine adoratrice d'Amon», de «régente (tiontj du nord et du midi», de mère de roi et de sœur de roi (roi am- monien qui ne peut être que Shabaku ou Shabatoku) et enfin de «princesse héritière, dame des deux pays et de toutes les nations », joue, en eii'et, un très grand rôle dans les inscriptions de Tahraku, soit dans la Haute, soit dans la Basse-Egypte. C'est elle qu'on représente lançant des flèches vers le nord et le midi, l'orient et l'occident pendant que son fils Tahraku lance des boulets dans les mêmes directions — pour symboliser les grandes victoires remportées dans tout le monde connu par Tahraku (qui, selon Strabon, poussa ses conquêtes jusqu'en Europe vers le nord et au couchant jusqu'aux colonnes d'Hercule). C'est elle qui, à Thèbes, officie comme prétresse d'Amou pour introniser son fils, tandis qu'un prêtre s'écrie, selon la traduction de M. de Rougé : «Ecoutez Amon-ra, seigneur des traces du monde, et Amon-ra, mari de sa mère résidant à Thèbes! Voici qu'ils disent à leur fils le roi de la Haute et de la Basse-Egypte, le fils du soleil Tahraku, doué de vie éternelle : tu es notre fils que nous aimons, sur lequel nous nous reposons, à qui nous avons donné la Haute et la Basse-Egypte : nous n'aimons pas les rois d'Asie ...»
Ceci était une allusion à l'expédition de Sennachérib contre l'Egypte, expédition ilont nous avons eu l'occasion de parler déjà à propos du document précédent et qui avait eu pour occasion la demande de secours et d'alliance adressée par Ezéchias à Tahraku dés le début du règne de celui-ci. Tahraku s'était rendu aussitôt en Palestine et en Syrie, comme le prouvent d'une part les inscriptions de sa statue, nommant parmi les peuples qu'il avait vaincus les Shasu ou Arabes, les Khetas ou Syriens du nord, la ville phé- nicienne d'Aradus, les Phéniciens en général, Assur ou l'Assyrie, son principal ennemi, et même le Nahara- rain ou la JIésoi)Otamie, et, d'une autre part, les monuments de lui qu'on a trouvés eu Asie et jusqu'à Palmyre.» Mais bientôt Sennachérib avait voulu reprendre sa revanche, quand un châtiment divin, dont nous parlent à la fois la Bible et Hérodote, l'arrêta dans sa marche, au moment où Zet-Séthos, le 4® roi de la branche tanite, soumise depuis Piaukhi et Osorkon III aux Ethiopiens, s'apprêtait à lui résister en l'absence de Tahraku.
Aussi est-ce à Tauis même que nous voyons encore la divine adoratrice d'Amon Akelat, mère de Tahraku, assister au couronnement solennel que Tahraku se fit faire dans la ville de son lieutenant, ainsi que l'établit une inscription de Tanis, malheureusement fragmentée qu'a fort bien expliquée M. de Rougé, et dont voici ma restitution - des phrases encore lisibles : « Il m'a mis (le dieu Amon) toutes les régions sous mes pieds ... de l'orient à l'occident . . . (Alors Akelat vint) en paix, en royale soeur, palme d'amour, royale mère .... Je l'avais quittée en jeune homme de 20 ans (pour me diriger vers) la Basse-Egypte et voici que quand elle vint je m'étais élevé sur (tous les hommes) et qu'après quelques années elle me trouva seigneur resplendissant (comme le soleil, mon père. Devant elle) je reçus les diadèmes du soleil, la couronne du nord et les deux urœus (alors que les vêtements royaux) couvraient mes membres. Elle fut transportée d'allégresse (en voyant) les splendeurs de sa Majesté — (moi) — comme Isis, quand elle vit son fils Horus resplendissant sur son trône. (Sa Majesté avait soumis le monde), alors que (par l'âge) elle était encore un enfant dans son nid. (Et voilà que) toutes les nations se prosternaient la face contre terre devant cette mère. (Les Asiatiques), leur.-* grands et leurs princes (n'avaient pu tenir) devant ses petits' à elle et (voilà qu'ils saluaient) cette mère en disant : C'est Isis qui a reçu (le gouvernement du monde. — Elle parla) à son fils, le roi Tahraku vivant à jamais (en disant) : Tu es vivant à jamais, recevant la transmission (de l'héri- tage de ton père) Auion qui aime celui qui l'aime, qui connaît celui qui est dans ses eaux pour lui donner (la puissance . . .). Il t'a fait tous les biens, 0 roi fort! (et nouvel Horus en face) de sa raére Isis, tu resplendis sur ton trône!»* Malheureusement tous ces documents hiéroglyphiques n'étaient pas datés. On
' Pour tout ceci nous continuons à nous servir des travaux de nos vieux aïois et maîtres de Kougè et Birch sur le règne de Tahraku. = Cette traduction a été faite sur le texte hiéroglyphique puhlié et déjà expliqué mot-à-raût par de lîougé et Birch avec quelques différences (Mélanges, t. I"'', p. 22 et suiv. et Transactions, t. VII, p. 1941. 3 II faut, je crois, corriger ici sen en s.
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Voici le texte :
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Quelques documents, etc.
127
ne savait doue quand tous ces événements s'étaient passés; car le couronnement des rois se faisait souvent long-temps après leur prise de possession du pouvoir, et notre dernière inscription nous apprenait que pour Tahraku ce couronnement avait eu lien après ses premières victoires. Ce retard était d'ailleurs d'autant plus naturel que ces victoires étaient une revanche des précédentes victoires de Sargon et de Sennacliérib, non-seulement sur Shabaku, le «sultan d'Egypte» et les «rois d'Egypte» ses vassaux, non-seulement sur Ezèchias, l'allié des rois éthiopiens, auquel ou avait enlevé antérieurement toutes ses villes à l'exception de Jérusalem, mais, ijaraît-il encore, à des temps beaucoup plus rapprochés sur des sujets ou alliés de Tahraku, qui disent dans une des inscriptions thébaines citées par M. de Rougé, et où figure également Akela : «Viens, seigneur des seigneurs! Viens à nous, ô roi de la Haute et de la Basse-Egypte! . . Fils dn soleil Tahraku ! Protège notre pays . . . rends lui tons ses biens ! » Le jeune Tahraku avait donc volé au secours des siens en remettant à plus tard son couronnement. Mais ce «plus tard» pouvait être tardif et nous ne saurions quand eut lieu ce couronnement à Tanis, auquel assista Akela, si la comparaison de nos contrats démotiques ne nous montrait qu'il ne peut être postérieur à cet an 3, après lequel Akela, associée au trône par son fils, ainsi que l'avait très bien vu M. de Rougé, disparaît des formules officielles.
Mais pourquoi ce couronnement à Tanis plutôt qu'à Thébes ou à Memphis? Oh! la raison en a été très bien signalée par M. de Rougé dans un autre travail : selon le témoignage formel du prophète contem- porain, Isaïe, les deu.x capitales du temps de Tahraku, c'étaient surtout Tanis et Napata.
Isaïe nous dit en effet (19, il et suiv.) :
«Les princes de Tanis sont tous des insensés, les sages cimseillers du Pharaon, leur conseil est une folie. Comment osez-vous dire chacun au Pharaon : tîls des sages, je suis le fils des anciens roisV Où sont-ils maintenant tes sages? Qu'ils te l'annoncent; qu'on apprenne ce qne Jéhovah Sabaoth a résolu sur l'Egypte. Ils sont là comme des fous, les princes de Tanis; Os sont dans l'illusion les princes de Noph.» — «Il semblerait, dit M. de Rougé à ce sujet, qu'Isaïe eut sous les yeux la généalogie si nombreuse des diverses branches de la race bubastite (XXII" dynastie) à laquelle se rattachaient la plus grande partie des grands personnages du temps. Ceux de Tanis, plus rapprochés des Hébreux, leur étaient mieux connus; ceci se passait d'ailleurs sous la XXIIP dynastie où le pharaon officiel était de la branche tanite. La ville nommée ici Noph a été ordinairement confondue avec Moph-Memphis ... Je suis convaincu qu'il s'agit ici de Nap (Napi ou Napit), ville citée très souvent au mont Barkal et qui doit être identique avec Napata, capitale des états éthiopiens de Tahraku et certainement aussi de notre Pianchi meriamun Isaïe aurait ainsi nommé les villes royales des deux extrémités du pays : Tanis et Napata.» Cette dernière conclusion nous semble certaine. Mais nous différons un peu siu' le reste du commentaire du passage d'Isaïe. Le Pharaon officiel, celui que nomme expressément comme tel Isaïe à propos de Sennachèrib et d'Ezéchias, c'est Tahraku. Le roi tanite n'est plus qu'un roi soumis à l'hégémonie éthiopienne — comme l'est actuelle- ment le roi de Bavière à l'empire prussien — bien que depuis l'époque de Pianchi, qui l'avait fait pour Osorkon III, on lui ait laissé les honneurs du cartouche. Sous Tahraku même, le roi tanite Zet ou Sethos, second successeur d'Osorkon III' dans la liste d'Africain, fit face à Sennachèrib, comme vassal de Tah- raku. Le texte d'Isaïe nous semble donc faire la même distinction au commencement qu'à la fin. Le pro- phète voit et oppose, d'une part, les princes de Tanis, sages conseillers du Pharaon, et d'une antre part le roi Tahraku dont la capitale nationale — fort embellie par lui — était Napata, — qui descendait des
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1 La, dynastie tanite, selon la liste manétlionienne d'Africain, se compose : 1° De Petubast que M. Maspero croyait à tort aToir avant Pianchi poussé ses con().uêtes jusqu'il Thèbes (et en avoir par conséquent expulsé les Éthiopiens, ainsi qu'il aurait expulsé les Bnbastites de la branche ainée qui continuaient à régner nominalement à Memphis jusqu'à Bocchoris); 2° d'Osorkon III qui. selon M. de Kougé, se soumit à Pianchi; 3° de Psammus qui dut vivre du temps de Bocchoris; 4° de Zet ou Séthos qui vivait au commence- ment de Tahraku et combattit Sennachèrib.
128 Eugène Revillout.
anciens prêtres d'Amon de la XXP dynastie et était Pharaon lui-même. Les pharaons de la dynastie éthiopienne de Manéthon, commençant, après Pianehi, à Shabaku et se terminant à ïalirakii, avaient en eflfet alors l'hégémonie incontestable — les textes s'accordent à nons le prouver — sur tous les autres princes égyptiens, même sur les fils des anciens rois, c'est-à-dire sur les descendants de la race bubasto-tanite.
Hâtons-nous de le dire, du reste, M. de Rougé avait fort bien vu qu'encore ici on ne pouvait chercher un ordre historique consécutif dans les listes royales de Manéthon. De même qu'il avait admis le parallé- lisme des dynasties éthiopienne (XXV°) et tanite (XXIII*), de même il admit le parallélisme de la dynastie éthiopienne (XXV^) et saïte (XXVI°).
Dans Manéthon, en effet, après «la XX V dynastie de trois rois éthiopiens» se terminant par Tahraku, vient «la XXVP dynastie de neuf rois saïtes», qui sont : 1" Ammerys, l'Éthiopien; 2° Stéphi- nates; 3° Xéchepsos; 4° Xéchao; 5° Psammétique I"; 6° Néchao II; 7° Psammétique II; 8° Ouaphrès ou Apriès.
Une dynastie saïte commençant par un Éthiopien est un fait assez étrange. Mais l'impossibilité devient flagrante quand on sait que Néchao 1". père de Psammétique l", est sans cesse nommé comme contemporain de Tahraku dans les cylindres d'Assurbanipal, et que d'ailleurs une stèle d'Apis nous montre un taureau intronisé en l'an 26 de Tahraku et mort après 21 ans de vie en l'an 20 de Psam- métiku 1". — Aussi M. de Eocoé disait-il, à propos de cette période : «La chronologie de cette époque a été étrangement défigurée par les auteurs qui ont extrait les listes de Manéthon : et les chro- nologistes modernes n'ont pas débrouillé d'une manière satisfaisante le double emploi qui vicie le commencement de la XXVP dj'nastie dans l'Africain, aussi bien que dans Eusèbe. Ces listes placent entre Tahraku et Psammétique I" les règnes successifs de Stéphinates, Néchepsos et Néchao I". Elles allongent ainsi outre mesure la XXVP dynastie. Il est vrai que ces mêmes listes avaient fiiit en sens contraire une erreur de dix ans que trois stèles du Musée de Leide et de Florence discutées par Leejiaxs et RosEu-DJi ont permis de rectifier. Mais, d'un autre côté, les listes de Manéthon raccourcissent beaucoup trop le règne de Tahraku; ' en sorte que les chiffres apportés par les monuments nons prouvent que la plus grande confusion règne dans les chiffres chronologiques de ces listes mêmes pour les derniers temps de la monarchie pharaonique, etc.» Tous les égyptologues, même ceux qui ont le respect le plus fétichiste pour Manéthon, ont été obligé d'admettre après JI. de Rougé « le double emploi ». Mais ils ont souvent adopté des explications qui ne me semblent ni suffisamment prouvées, ni satisfai- santes, comme par exemple celle qui consiste à établir, en négligeant Ammerys et à partir de Shabaku, une généalogie continue des rois saïtes Stéphinates, Néchepsos et Néchao, en disant qu'après la victoire de Raphia remportée par Sargon sur Shabaku « un parent de Bokenranf nommé Stéphinates par Manéthon rétablit la principauté de Saïs et s'arrogea le titre de Pharaon i. ; que « cette révolution était achevée en 714»; que «Stéphinates était mort vers 681 en laissant pour héritier son fils Néchepsos», etc. En réalité, rien ne nous semble moins prouvé que la succession de princes saïtes commençant par un éthiopien. Je crois que le mot saïte a été employé par Manéthon avec une signification tout-à-fait générique, comme nous disons «l'époque saïre». tout simplement parce que la majorité des neuf rois indiqués dans cette dynastie étaient de la race de Niku, prince de Saïs et de Memphis. Rien ne prouve que Stéphinates et Néchepsos, par exemple, soient plus saïtes qu'« Ammerys, l'Éthiopien ». Quant à Ammerys, nous savons par- f;\itement qui il est. C'est, à n'en pas douter, — et nous nous étonnons qu'on ne l'ait pas dit encore, — celui que les textes égyptiens nomment Amenrut et les textes assyriens Urdamani, en remettant à sa place syn- taxique le nom du dieu Amon, mis par honneur le premier, comme c'est la règle en égyptien, tandis que le grec suit ici la place des mots égyptiens écrits. Le nom d'Amon s'abrège, en effet, très souvent en grec sons la forme am, ainsi que le prouve le nom d'Amyrtée qui dans la forme égj-ptienne de la chronique est Amenher, etc. Ammerys représente donc très légitimement Amenrut. Nous savons par les cylindres d'Assurbanapal que le prince Rutamcn ou Urdamani succéda, en effet, à son oncle Tahraku et voulut reprendre l'Egypte sur les Assyriens, mais qu'il fut repoussé. Comme il n"a, en réalité, jamais possédé l'Egypte, Manéthon l'a mis parmi les petits princes pai-ticuliers qui constituent le commencement de sa djTiastie saïte. En suivant le même ordre d'idées, on pouiTait, je crois, retrouver l'identité réelle de Sté- phinates et de Néchepsos dans les cylindres d'Assurbanipal, comme on a déjà retrouvé la personnalité réelle d'Ammerys-Rutamen et de Niku, si bien désignés par ces mêmes cylindres. Déjà M. Uppert avait eu l'idée, malheureusement aussitôt abandonnée par lui, d'assimiler Stéphinates, dont il ignorait absolu- ment la forme égyptienne, à Ispimaatu, roi de Taani, selon les cylindres d'Assurbanipal. Cette idée était la bonne. Stéphinates, dont le nom était probablement écrit d'abord dans Manéthon Séphimates, paraît très bien représenter Ispimaatu, Isphimaatu en assyrien et Nespmété en égyptien. Ce nom Nespmété est fréquent en démotique. Souvent il est écrit en gi-ec (avec ou sans l'article égyptien p avant le mot mete). Comme
Dlles Ini donnent 16 ans on 20 :
Quelques documents, etc. 129
d'ordinaire «« est représenté en grec par C (comme nt par o) ce qui donne apmatu. Quant à Néchepsos, c'est un nom qui paraît devoir nécessairement se décomposer en deux éléments séparés par l'article mascu- lin p. Le dernier élément pson est évidemment l'ethnique bien connu p.^asu (en copte n^foc) représentant les. Asiatiques, les Nomades et les pasteurs. \\ rappelle le fameux mot hyksos signifiant, selon les Grecs, chefs des pasteurs ou plutôt des Asiatiques. Évidemment le personnage en question était d'origine sémitique, comme tant d'autres princes égyptiens de cette époque, par exemple les Bukuminip, les Sarludari, les Lameutu, etc., mentionnés aussi au même titre par Assurbanipal. Aussi ne faut-il pas nous étonner de voir ce qualificatif disparaître dans les cjMindres d' Assurbanipal, qui nomme expressément Naahkie, c'est-à- dire Nekhe-psos ou Nekhe l'Asiatique comme roi (sar) de Hininsi (en copte hnes), c'est-à-dire Héracléopolis.
Les difficultés entassées pour le commencement de la XX VP dynastie manéthonienne disparaissent ainsi, et il ne nous reste en qualité de «prince (sar) de Memphis et de Saïs» que le seul Niku, (sans cesse nommé comme tel dans les cylindres d' Assurbanipal,) qui paraît avoir reçu ce fief des mains de Shabaku à la mort de Bocchoris et l'avoir gardé pendant les 26 ans du régne de Tahraku.
Quant à Tahraku, l'inscription hiéroglyphique de Tanis citée plus haut nous montre que c'était un tout jeune homme, presque un enfant, lorsqu'il remporta ses grandes victoires; et la comparaison de notre contrat' établit que tout cela, y compris son couronnement raconté par l'inscription de Tanis, se passa pendant les trois premières années de son régne égyptien.
3228 G.
Ce papyrus a une partie de chaque ligne enlevée par une malheureuse brisure. Nous avons ainsi perdu la date.'' Mais cette date ne peut être antérieure à l'an 3 de Tahraku, ni postérieure à l'an 5 par des raisons que nous indiquerons plus loin. Nous tendons à croire qu'elle est de l'an 4, c'est-à-dire d'une époque où la reine-mére Akela était morte et où Tahraku avait inscrit son nom même dans les formules officielles relatives au prêtre d'Amou pour y remplacer la mention du •< roi florissant et de la divine adora- trice d'Araon ma souveraine». En l'an 5 on en était revenu à la vieille rédaction usitée sous Shabaku. Voici comment nous restituerions le commencement de ce contrat :
«(An 4 tel mois. Le choachyte Aukbliorsiiten, fils de Ptusu) et le choachyte Amen- setsuka, fils de Ptusu et Ptuameunofre et leurs enfants disent d'une seule bouche (au choa- chyte Ptiiaa\ fils de Ptuaraenapi : Nous te transmettons la maison de (Ptusu, fils de )
notre père ce qui fait quatre apports héréditaires pour toi. » . . . .
Vient ensuite l'éuumération malheureusement trop fragmentée pour être rétablie de ces quatre apports héréditaires. Chacun de ces apports héréditaires est précédé de l'intitulé «un apport héréditaire de . . . etc. parmi les quatre apports pour toi» ou bien «un apport héréditaire de . . . Il est en ta puissance, ô maître de la part, parmi les quatre apports qui sont pour toi». Parfois aussi on nomme l'acquéreur «maître de la maison» (hir ppa) ou « maître du champ » (hir pah) ou « maître du sol » (aten) au heu de « maître de la part » et l'on répète toujours que l'apport est à compter «parmi les quatre apports». C'est tout ce que nous pouvons dire sur un texte descriptif aussi fragmenté.
Le document se termine par les formules légales obligatoires :
«Ils ont dit (^les cédants) au prêtre du roi Tahraku à qui Amon a donné la puissance. On ne peut écarter cet acte. »
Enfin vient la signature du notaire « en témoignage de cet acte du choachyte Ankhhor- suten» et une signature de témoins.
L'expression notariale concernant « l'acte du choachyte Ankhhorsuten » est à noter, car en effet, bien qu'il y eut plusieurs parties cédantes, c'était Ankhhorsuten qui était certainement l'auteur principal du
1 Voici ce qu'en dit Devéria, p. 203 de son catalogue des manuscrits : «Pièce de comptabilité (?) de l'an lU du règne de l'Éthiopien Tahraku (XXV® dynastie, 690 avant Jésus-Christ) ; elle porte 2(î lignes de teste contenant plusieurs articles {?) qui se rapportent à la même année. »
2 Voici ce que Devéria en disait dans son catalogue des manuscrits (p. 207) après avoir mentionné les dates des autres pièces de Tahraku :^ Fragment d'une pièce analogue aux précédentes portant vingt lignes d'écriture incomplètes. On lit à la fin de la ligne 17 le commencement du nom du roi Tahraku. L'écriture est ti-ès cursive (?), »
17
130 Eugène Revillout.
contrat. Un remarquera dans la généalogie annexée à l'acte de l'an 3 de Shabaku que Pétuaa, auquel on cède, était probablement l'arrière petit-fils d'Ankhhorsuten, fils de Pétusu, qui prend ici le premier la parole pour céder les biens de son père à lui Pétusu, et que ses frères et neveux ne font qu'approuver. Ces biens de Pétusu avaient été probablement destinés d'abord à la propre fille d'Ankhhorsuten, Djihorsiésiankhudja- senb (à laquelle on attribuait en l'an 3 de Tahraku les biens de Setamenka, attribués ensuite en l'an 5 à notre Pétuaa. Mais entre l'an 3 et l'an ô — peut-être même dès l'an 4 — Djihorsiésiankhudjasenb était morte et Pétuaa était devenu héritier tant des biens de Ptusu que des biens de son oncle à la mode de Bourgogne Setamenka (que concerne l'acte de l'an 5 de Tahraku, comme auparavant l'acte de l'an 10 de Shabaku). Quant à Ankhhorsuten, qui cède ici lui-même à Pétuaa, il était mort en l'an 6 de Tahraku et un autre parent, Pétukhnum, qui cède en l'an 5 les biens de Setamenka en faveur de Pétuaa, est égale- ment forcé de renoncer en l'an 6 — en vertu même de l'acte d'Ankhhorsuten que nous venons de traduire
— aux biens du dit Ankhhorsuten. Cette suite de contrats forme donc une série continue très intéressante que nous étudions d'une façon détaillée au point de vue du droit dans notre notice déjà citée.
3228 b. «Au 5, 9 Phauiénoth.
« Pétukhuum, fils d' Ankbhor, dit au cboachyte Pétuaa, fils de Pétuamenapi, son neveu : * « A toi l'existant (sic) (la fortune ) - de Setameuka et d'Hotepèse, sa femme, mes frères ^
— tout ce qui est dans la demeure de vie éternelle, tout ce qui est en part donnée dans le domaine ou ce qui est offert en hotep et l'aroure de neter liotep de Ptata qui s'y trouve; car iv, as fait aller (sic) en équivalence, pour leur existant isic") (leur fortune) aussi et pour leurs sépultures* des biens. A toi est en main ce que cela fait et ce qui en dépend. Mon cœur est satisfait de toute chose. A toi en main ce qui est pour cela" comme reste d'existant (de fortune).
«Il n'y a point à en donner de part ou à en enlever de toi depuis le jour ci-dessus. En ta main est ce qui dépend de Setamenka et d'Hotepèse, sa femme, car tu as reçu après avoir donné (toi-même) sept aroures. En ta possession sont leurs sépultures et tous biens. Ils sont pour toi.
«Il (le cédant) a dit (a fait la déclaration) au prêtre d'Amou, prêtre du roi à qui Amon a donné la puissance. Personne ne pourra écarter l'échange. ' »
Viennent ensuite la signature du scribe et quatre signatures de témoins.''
Voir ce que j'ai dit de cet acte à propos d'un des documents précédents et pour le commentaire juridique ma notice détaillée déjà citée.
3228 c.
«Au 6, le 8 Pbaménoth, du roi Tahraku, le don d'Isis, l'ami d'Amou — à lui vie, santé, force!
«Le gardien Ptidibnum, fils d'Ankbhor, dont la mère est Taba, fille du cboachyte Suten et la femme Houhimtnaannu, ' iille du prêtre d'Horus E/eperf . . . Mont, sa femme,
1 Senson «fils de frère ou de sœur v.
2 Ici il s'agit des biens. «L'existante s'applique aux choses, aux biens, comme aux personnes. Com[»arez ;i ce point de vue les procès hiéroglyphiques jugés par Âmon que nous donnons dans notre notice.
' Biens qui me reviennent à moi en transmission de frères.
« Les sépultures se trouvant dans la demeure de vie éternelle et pour lesquelles les choacliytes accomplissaient les rites sacrés dont ils vivaient.
' Voici la notice de Devéria dans son catalogue des manuscrits (p. 206) : «Pièce datée de l'an 5 sans indication de règne, mais de la même écriture et de la même provenance, portant 19 lignes de texte divisées en cinq articles, v
' Les témoins se bornent à signer et à dater sans analyser l'acte, Parmi leurs noms patronymiques je signalei-ai celui de Tuamen- ankhudjasenbhib «Amon a donné une fête de vie, santé et force», fort analogue à celui de Djihorsiésiankhudjasenbbîb «Horus. fils d'Isis, a reçn une fête de vie. santé et force» que nous avons rencontré dans un acte précédent (le n^ h).
^ Ce nom, assez gracieux, signifie : «(la) face de (la) femme (est) belle».
Quelques documents, etc. 131
actuelle' disent au choaeliyte Pétukhuum, tils de Pétuamenapi, le choachyte, qu'a enfanté Hoteparaenankhhor, 2 iille de Pétuamenapi.
« La catacombe est à toi en main pour les revenus de la catacombe qui est celle de Thèbes, ainsi que tous les écrits de part (concernant) mon terrain (livré) à la place de ton terrain que tu nous as donné (c'est-à-dire) : (1°) mon droit sur le (neter) hotep d'Ankhhor- suten; (2°) l'existant (la valeur existante) qu'on a fait en équivalence, qu'on m'avait apporté, qui m'avait été passé, qu'on m'avait fait acquérir et ce qu'avait accpiis la femme Hotepèse, ma sœur, la choachyte de la femme Amenmeri, tille de Sati, — ce qui fait quatre aroures
— en l'an 7 du roi Shabaku toujours vivant, au total six aroures de terre dont je suis le hii- (le maître) et les revenus de la nécropole qui est celle de Thèbes.
Je lui ai dit (cet) écrit à savoir : D n'y a point à en donner de part ou à faire en- lever le (neter) hotep d'Aukhhorsuten, l'existant (la valeur existante) qu'on a fait en équi- valence et qu'où nous a donné. C'est ton terrain qui est rétribué en échange. J'ai juré sur leur existant entier (sur toute leur valeur existante) dans la main du dieu Amou à savoir : «Tu seras le revendicateur i?) de ces choses que ta sœur Honhimtuaannu a cédées — (à savoir) : le bassin de la colonne et le droit sur le (neter) hotep d'Ankhhorsuten — en l'an 2»
— ce que ce dieu a enregistré.
«Le gardien Pétukhnum, fils d'Ankhhor et la femme Sutenpe, sa femme passée, ^ Hotepptair et femme Tuuse, sa femme et le gardien Horsuten, fils de Psenpihor, * et la femme Honhimtnaannu, la femme présente^ de Pétukhnum, et la femme Aukhra et la femme Penas, et la femme Ekheperu, fille de Pbakuèséntannu'' en tout ensemble trois hommes et six femmes, d'une bouche encore (disent :) Il n'y a point à donner par nous de part ou à en- lever" le hotej} d'Ankhhorsuten, l'existant (la valeur existante) en équivalence qu'on nous a donné. C'est ton terrain qui a été rétribué eu échange depuis le jour ci-dessus.
«Ils ont dit (fait la déclaration) à l'agent d'Amon, prêtre du roi — à qui vie, santé, force! — florissant, à qui Amon a donné la puissance : Il n'y a plus à donner par nous à fils, fille, frère, sœur, existant (homme existant) quelconque du monde entier. On a fait connaître à quiconque l'attribution de part ci-dessus — à maintenant et à toujours — ainsi que celui qui prend cette part ci-dessus. Point à pouvoir homme quelconque qui viendra faire revendication quelconque sur l'écrit.
«En témoignage Hotephor, ■* fils d'Horpchrat, le préposé aux écritures.
«Par la main de Thotmès, fils de Pénas, fils de Tbotmès, (témoignant) à l'acte du
* Pétukhnum avait eu antérieurement une autre femme que nous verrons tignrer pins loin. Elle est nommée «sa femme d'ar- rière» tefhimt peli, tandis que Honhimtnaannu est nommée «sa femme d'en avant» Ufhimt hat. Le mot pch est écrit par le train de derrière du lion et le mot ha par la partie antérieure du même animal en hiéroglyphes comme en démotique.
^ Ce nom de Hoteparaenanthhor est formé de deux noms absolument distincts : 1** Hotepamen (unie à Amon), nom que portait (selon la généalogie que nous avons annexée à notre n" 4 de l'an 10 de Shabaku) Hotepamen. la grande-mère d'Hotepamenankhhor et (selon l'acte de l'an 3 de Tahraku) la femme d'Ankhhor; 2° Ankhhor (vie d'Horus), mari de la 1''" Hotepamen et grand-père d'Hotep- amenankhhor. Jamais un nom ne serait formé primitivement comme Hotepamenankhhor ; car cela signifierait — gros contre-sens mytho- logique — uni à Amon qui est la vie d'Horus. Ce nom ne peut que rappeler des souvenirs généalogiques. Et. en effet, en Egypte il est de coutume que les petits enfants portent les noms de leurs gi-ands parents.
^ Mot-à-mot : «sa femme d'arrière» (voir plus haut note 1).
-" «La pousse d'Horus», le «germe d'Horus».
^ Mot-à-mot : «La femme d'avant».
<■■ «Le serviteur d'Isis, la belle.»
ï Le même mot au signifie à la fois apporter et emporter comme en eoOTïl et Gil eÊo\ en copte.
B Comme toujours dans tous les actes de cette période le scribe ou notaire signe à la suite de son acte sans paragraphe distinct ni mise à la ligne, tandis que les témoins signent séparément et analysent, chacun dans un paragraphe distinct, l'acte auquel ils témoignent.
17*'
132 Eugène Revillout.
gardien Pétukbuum, fils d'Ankhhor et de la femme Honliimtnaannu, fille du prêtre d'Horus Ekheper . . . mont, sa femme actuelle, disant ensemble d'une seule bouche au choacbjie Pétuaa, fils de Pétuamenapi, le eboacbyte, et de Ankbbor, ^ fille de Pétuamenapi : Il n'y a point à donner part ou à enlever le hotep de Aukbborsuten, l'existant (la valeur existante) dont on a fait l'équivalence — et tout ce qui est écrit ci-dessus. L'an 6, le 8 Phaménoth.
«Par la main de Nebemto,^ fils de Pséhormen, le gardien, témoignant à l'acte du gardien Pétnkbnum, fils d'Ankbbor, et de la femme Honbimtnaannu qui disent à l'enfant d'Hotepamenborankb ^ : Il n'y a point à donner par nous de part ou à enlever le hotep d'Ankb- borsuten, le eboacbyte, dont on a fait l'équivalence — et l'écrit ci-dessus. An 6, le 8 Pba- ménotb.
« Par la main de Ekbepersbimt, fils de Nesmont, fils de Djiborpto, témoignant à l'acte de Pétnkbnum, fils d'Ankbbor et de la femme Honbimtnaannu, sa femme, disant : Il n'y a point à donner de part ou à enlever le hotep d'Ankbborsuten dont ils ont fait équivalence — et tout ce qui est écrit ci-dessus. An 6, Pbaménotb 8.
«Témoignage de Montembat, fils d'Ankbbor, fils de Pétuésé, à l'écrit de transmission du gardien Pétnkbnum, fils d'Ankbbor, et de la femme Honbimtnaannu, sa femme, disant ensemble d'une seule boucbe : Il n'y a point à donner de part ou à enlever au dehors le hotep d'Ankbborsuten, le eboacbyte, dont on a fait équivalence — et tout ce qui est écrit ci-dessus. L'an 6, le 8 Pbaménotb.
«Par la main de Montekbeper (V), fils de Bak, témoignant à l'acte de . . . .* pour écrit quelconque ci-dessus.
«Par la main de Mont, fils d'Horéféansu, ^ témoignant à l'acte de Pétnkbnum, tils d'Ankbbor, et de la femme Honbimtnaannu, sa femme, pom- l'écbange ci-dessus. An 6.»''
Pour l'explication détaillée de ce contrat très compliqué, nous ne pouvons que renvoj'er ù notre notice. Eu ce qui coucerne l'hérédité d' Ankhhorsuten , voir ce que nous avons dit à propos de n° 6. Quant aux liens de famille, ils sont indiqués dans la généalogie annexée à notre contrat de l'an 10 de Shabaku.
Notons seulement que, comme l'avait déjà dit Devéhia,' notre pièce fait mention d'une date de l'an 7 de Shabaku, relative — nous le savons maintenant — à un contrat fait en faveur de la sœur de celui qui cède dans celui-ci, contrat qui malheureusement ne nous est pas parvenu.
Nous exprimerons ici aussi le regret d'une autre lacune* qui ne tient pas aux coups implacables du temps, je veux parler de l'absence d'un contrat de l'an VII de Tahraku, d'un autre contrat de l'an X? qui se trouvent l'un et l'autre au Musée du Caire et que Devéria avait déjà signalés dans son catalogue.' Lors de ma mission en Egypte j'avais aperçu ces contrats et il avait été entendu avec les conservateur et con- sei-vateur adjoint qu'on m'en enverrait la photographie au Louvre (ce qui seulement m'a empêché de les
> La femme Hotepamenanîihhor est appelée ici par abbréviation Ankhhor.
~ «Celui qui enlève une part.»
" Encore une variante intéressante pour le nom d'Hotepamenankhhor. l\ faut aussi noter la disparition même du nom de Pétuaa qu'on indique seulement comme enfant d'Hotepamenliorankli.
^ Les noms des contractants n'ont pas été ici écrits par le témoin.
^ «Horus celui qui l'apportera.»
<■• Les noms du mois et du quantième ont été omis.
' Voici ce que Devéria dit de notre pièce dans son catalogue des manuscrits (p. 20(>) : «Pièce datée de l'an VI de Tahraku et portant cinquante et une lignes d'écriture divisées en deux colonnes et six articles. On lit à la ligne neuf de la première colonne lii mention d'une date de l'an VII de Shabaku (Sabacon I''"', 70S avant notre ère). »
B Notons qu'entre l'an 6 et l'an 13 de Tahraku se placerait aussi une stèle du Sérapéum datée de l'an 10 et qu'a décrite M. Pierrot dans son catalogue de la salle historique sous le n° 303. Mais comme cette stèle contenant l'adoration d'un prêtre ne nous apprend absolument rien soit au point de vue historique, soit au point de vue juridique (double point de vue d'après lequel nous avons rédigé noti'e notice) nous n'avons pas à nous en occuper.
» Voici comment il s'exprime après avoir parlé de nos contrats de Tahraku (p. 206 de son catalogue) : «Le Musée du Caire possède également des fragments d'nne écriture presque identiques et datés des années 7 et 11 du même règne (n° C337).»
Quelques docutments, etc. 133
copier, alors que je copiais les autres papj-nis démotiques). M. Grébaut, lui-même, m'a renouvelé à Paris cette promesse après mou retour. Mais c'est seulement après le départ de M. Grébaut que j'ai reçu des photographies microscopiques complètement manquées et dont il m'est impossible de me servir. J'j" vois seulement des fragments de l'an 5, de l'an 7 (dont il ne reste que la première ligne), un de l'an 9. Le fragment de l'an 11 n'est pas visible ponr moi. Tous sont des sous seings en dehors de celui de l'an 7 et d'un autre dont la date manque.
3228 e.
Ce papyrus est eu fort mauvais état. Il se compose de deux colonnes dont la première est mainte- nant déchirée et a perdu plusieurs morceaux. De plus chacune des colonnes a été rayée du haut en bas dans l'antiquité par six grandes raies sm-montées chacune d'une espèce de fleur de lotus composée de trois lignes.
Pour rétablir le texte principal du contrat il nous a donc fallu non-seulement nous servir des mor- ceaux qui subsistent en place, mais aussi nous servir du texte abrégé que reproduisent avec quelques variantes les diverses attestations de témoins soit de la première, soit de la 2* colonne.
Voici ce texte :
Première colonne.
(L'an 13, 25 Atbyr.)
(Le choachyte Pétuaa), fils de Pétiiauieuapi, dit au scrilDe divin • d'Amon à Sbawii pour le roi — à qui vie, sauté, force! — (Rausuklieperuohem^) :
«Moi, je te donue les deux katis 1,2, ^ 4 — pour la part (la part réservée comme impôt, du hat (à recevoir) — en l'an 13, Phaménoth 30, « les dits katis étant apportés (à ta maison sans frais ^) et (à toi appartiendra *) la durée de l'usage (du Aa«) pour le temps qui sera — en équivalence d'intérêts, depuis l'an 13 (ci-dessus ") — (sans qu'il y ait') en main d'intérêts en outre (à payer). Je t'en ai donné l'équivalence,* sans que j'aie à donner part quelconque en dehors de toi.
« (Il a dit au prêtre d'Amon, prêtre) du roi florissant à qui Amon a donné la puissance. Personne ne peut écarter l'écrit ci-dessus.
«(En témoignage .... Néchutès
« Par la main de témoignant à l'acte du choachyte Ptuaa, tils de Pétuamen-
(api, qui dit) au scribe de Shawu pour le roi — à qui vie, santé, force! — Rausukbeper- nohem à savoir : Moi je te donne les (deux katis ^ 2, V4) <l"e tu recevras-' pour le hat en l'an 13, Phaménoth 30, ainsi que la durée de l'usage (du Jiat pour le temps qui sera), en équivalence d'intérêts .... depuis l'an 13 ci-dessus — et le reste de l'écrit ci-dessus. An 13 25 Atbyr.
«Par la main du ... . du temple d'Amon Ameuemap, prêtre de . . . témoignant à l'acte du choachyte Pétuaa, tils de Pétuamenapi, sur les deux katis Va» '/4 et tout l'écrit ci- dessus. An 13, 25 Athyr.
1 Comparez ces titres dans le témoignage de la première colonne, ainsi qne dans le troisième et le quatrième de la 2<= colonne.
■' Comparez surtout, ponr ce nom du scribe di\nn d'Amon et du roi à Shawu. le premier témoignage de la première colonne au troisième témoignage de la 2<=. Dans le 4" de la 2*= le premier élément du nom a dispara dans une lacune et on pouvait hésiter entre Jv-ft et nehem (parfaitement net dans la première colonne).
> A la fin de la tetramenie suivante, c'est-à-dire 95 jours plus tard. Les mots «à recevoir» sont tirées du 4' enregistrement de la 2*^ colonne, etc.
■" Pour- la fin de cette proposition nous remplissons la lacune dubitativement h l'aide de formules contractuelles postérieures.
^ Ponr ceci voir le premier témoignage de la première colonne. Les autres ont simplement «et».
'^ Voir pour ceci à peu près tous nos témoignages.
' Pour le commencement de cette incise voir le i" témoignage de la 2"= colonne. Le mot «en outre» dans la suite du teite j est remplacé par «en dehors».
8 Par l'usage du hat.
* Comparez le 4^ témoignage de la 2® colonne.
134 Eugène Revillout.
«Par la main de Pétosor . . . témoignant à l'acte du choachyte Pétuaa, fils de Pétu- ameuapi, qui dit : Moi, je te donne les deux katis Va; 'A (<!"• ^ont dus) pour le hat (à re- cevoir) en l'an 13, 30 Phaménoth et le temps de jouissance (du hat], eu guise d'intérêts, depuis l'an 13 ci-dessus. '
«Par la main de ... . témoignant à l'acte de Pétuaa, fils de Pétuamenapi, disant : Moi, je te donne les deux katis V2J V4 l'edus pour le hat à recevoir en l'an 1.3, 30 Pha- ménoth, ainsi que la durée de la jouissance (du hat) pour le temps qui sera en guise d'in- térêts depuis l'an 13 ci-dessus .... Au 13, 25' Athyr.
i" colonne.
«Par la main de Menkh, tils d'Amen . . . ., le prêtre d'Horus à Pahi, témoignant à l'acte du choachyte Pétuaa, fils de Pétuamenapi, disant : Moi, je te donne les deux katis V2, V4 eii 1'™ 13, 30 Phaménoth, et à toi (est aussi) la durée de l'usage (du hat) — pour le temps qui sera — en équivalence d'intérêts — depuis l'an 13 ci-dessus, sans que soient en mains en dehors d'intérêts, (sans aucun autre compte d'intérêts). — An 13, 25 Athyr.
«Par la main d'Horus, le prêtre du bourg, témoignant à l'acte de Pétuaa, fils de Pé- tuamenapi, lequel dit : Moi, je donne les deux katis ^/^ et '4 pour la part du hat — en l'an 13, 30 Phaménoth — ainsi que la durée de l'usage (du hat) à courir pour le temps que sera, en guise d'intérêts, depuis l'an 13 ci-dessus — et le reste de l'écrit ci-dessus. — An 13, 25 Athyr.
«Par la main de Paba, fils de Djémont, le prêtre, témoignant à l'acte du choachyte Ptuaa, tils de Pétuamenapi, lequel dit cette répondance (cette garantie) au scribe sacré de Shawu — pour le roi — Ransukhepernohem, à savoir : Moi, je te donne les deux katis ^/j, 1/4 pour la part du hat — en l'an 13, 30 Phaménoth — ainsi que la durée de l'usage (du hat) pour le temps qui sera — en équivalence d'intérêts — depuis l'an 13 ci-dessus — et tout ce qui est écrit ci-dessus. Au 13, 25 Athyr.
«Par la main d'Hornekht, fils d'Hornekht, témoignant à l'acte du choachyte Pétuaa, tils de Pétuamenapi lequel dit au scribe sacré de Shawu — pour le roi — Ransukheper- nohem à savoir : Moi, je te donne les deux katis V'2, 1/4 que tu recevras pour le hat en l'an 13, 30 Phaménoth, et (je te donne aussi) la dui-ée de l'usage (du hat) que j'ai transmis à toi jusqu'à l'an 13, 30 Phaménoth, en guise d'intérêts depuis l'an 13 ci-dessus, sans qu'il y ait, en ta main, en dehors comme intérêt, chose (quelconque) du monde (en dehors de) mon temps dont je t'ai fait rétribution 2 — et tout ce qui est écrit ci-dessus. An 13, 25 Athyr. ^»
Je rie puis que renvoyer à ma notice déjà citée pour l'explication juridique détaillée de ce contrat si intéressant. Mais je dois faire remarquer dès à présent que si notre acte a été bififé, c'est certaine- ment par le débiteur et au moment où on venait de le lui rendre après paiement. Pétuaa ne manquait pas de constater ainsi qu'il ne devait plus rien et il passait sa mauvaise humeur sur le papyrus. Notre choa- chyte ne paraît plus alors dans la veine d'heureuse prospérité que nous constatons par des enrichissements successifs soit sous le règne de Shabaku, soit au commencement de Tahraku. Peut-être, selon une cou- tume égyptienne très générale à toutes les époques, s'était-il déjà dépouillé de l'usage d'une grande partie de sa fortune en faveur d'une femme, d'un fils ou d'un héritier quelconque. Ou aurait d'autant plus
' La date n'est pas ajoutée au témoignage du scribe.
^ Toute cette glose explicative de Tacte est fort curieuse.
3 Voici ce 'que dit Devéria dans son catalogue (p. 207) sur notre contrat : «Pièce malheureusement incomplète portant 37 lignes dlécritures diverses en deux colonnes et plusieurs articles. On lit aux lignes 4, 9 et 11 de la première colonne des dates de l'an 13 sans indication de règne. Ces deux pages de texte ont été biffées au moyen d'un signe 11 ou 12 fois répété et qui occupe toute la hauteur des lignes d'écriture. »
Quelques documents, etc. 135
tendance à le penser que les derniers papyrus qui émanent de lui après celui-ci sont des sortes d'inven- taires destinés à un héritier. C'est ce que nous aurons l'occasion de voir du reste dans les deux numéros suivants.
3228 H.
Ce papyrus est malheureusement fragmenté. Le commencement de chaque ligne nous manque, ce qui rendrait impossibles pour un simple état descriptif toute restitution et toute traduction.
Bornons-nous à dire qu'il avait pour titre :
«(Inventaire) des domaines qui ont été donnés en Tau 13 à la femme de Pétiiaa. »
Les indications de chacun des domaines en question sont mises à la ligne et elles com- mencent, pour la plupart, maintenant, par le mot champ. Deux de ces alinéas se terminent par le chiffre 3; et ces alinéas sont au nombre de 19, en dehors du titre initial et de l'ad- dition finale. Cette addition me semblerait en effet pouvoir peut-être se lire «ce qui fait champs 25, en (aroures) 4 et demi». Je ne peux pourtant garantir cette dernière traduction; car le chiffre 20 est bien douteux. En tout cas c'est un inventaire de biens exclusivement territoriaux, ' à la différence de l'inventaire suivant relatif à des comptes d'argent. -
3228 F.
Ce second registre est daté de l'an 15 et concerne, selon le titre même, les droits que Pétuaa a payés — en part — pour ses champs. Les quatre premiers articles commencent par le mot toohe «rétribution». Ils concernent tous les impôts de champs, impôts s'élevaat à deux argenteus, à trois argenteus, à deux argenteus encore et à trois argenteus. Dans la suite le mot toobe n'est pas répété; mais le sujet est le même. Les alinéas se terminent tous par une évaluation en argent, souvent exprimée par nue sigle inférieure à l'argenteus. Nous parlerons de ces sigles fractionnaires à propos des comptes d'Amasis. Disons seulement que parmi ces sommes figure une petite gratification donnée au scribe (collecteur d'impôts). Le document se termine, comme il a commencé, par une date de l'an 15, qui se trouve à la 5" ligne de la 2" colonne.
Ce compte complète le registre de doit et avoir de Pétuaa. Vavoir était représenté par des terrains. Mais le doit était souvent représenté par les droits à payer (voir le n° 9) que notre document nous montre avoir été assez considérables.'
Sculp. 454.
«L'an 24, 23 Pharmouthi, sous la Majesté du roi Tahraku vivant à jamais, ce dieu s'en est allé en paix vers le bon Amenti par (les soins du) grand prince, Sam et Kherp (premier)
> On y voit pai-ler en second lien du «champ do gai'dien>^ ou «de mon gardien» que nous verrons figurer sous ce nom dans les acteï de Tan 30 etc. de Psammétique I*'''.
= Voici la notice que donne Devéria dans son catalogue (p. 207) : « Fragment d'une pièce analogue portant la fin de vingt lignes d'écriture. On n'y distingue ni date, ni nom royal. Mais elle appartient encore très probablement au même règne. x>
' Devéria disait de notre document (p. 207 de son catalogue) : « Pièce de comptdbiUti datée de l'an XV. sans indication de règne, portant SS lignes d'écriture divisées en deux colonnes. La dernière ligne de la première colonne a été effacée et on lit à la fin de la 2"^ colonne une autre date de l'an XV également sans nom de règne.» Ici le mot «comptabilité» est parfaitement à sa place et tout se trouve exact.
136 Eugène Revillout.
de tous les officiers divins, prophète de Ptah et père divin Senbef, fils du père divin de Sokhetraseh (nommé) Ankhounnofré, enfanté par Naua-aa-tesuekht; let par les soins de) son frère, le père divin de Sokhetraseh nommé Ptahhotep.'»
Cette légende accompagne la représentation du dieu Apis debout dans une chapelle et recevant les hommages du Sam et prophète de Ptah Senbef.
La stèle est fort intéressante en ce qu'elle nous montre Tahraku toujours reconnu comme souveraiu ;ï Jlempliis en l'an 24 d'un règne qui n'eut que 26 ans, c'est-à-dire certainement après l'invasion triom- phante du roi assyrien Assaraddon, qui croyait l'avoir à tout jamais expulsé d'Egypte. Cela veut-il dire, comme on l'a cru, que précisément en l'an 24 Tahraku était de passage à Memphis après une trouée un instant victorieuse et qu'il avait présidé ainsi ans funérailles d'Apis? Pas le moins du monde. Tahraku d'abord ne semble rien avoir présidé du tout en l'an 24. Celui qui présidait à la cérémonie nous le dit lui-même : c'était le prophète de Ptah qualifié de grand prince et appelé Senbef. J'ajouterai que Tahraku ne paraît pas avoir été alors à Memphis; mais qu'il y était reconnu par tous, y compris même par Niku, ce prince éthiopien, son cousin, qui jamais n'usurpa le cartouche ni ne tenta de s'appeler roi en égyptien, en dépit du titre de sai- de Memphis et de Sais qui lui avait été donné par Assaradon, selon le témoignage d'Assurbanipal. Niku faisait déjà sous Assaraddon ce qu'il fit encore, selon les textes assyriens, sous son tils, c'est-à-dire qu'aussitôt que l'armée assyrienne s'éloignait un peu, il écrivait à Tahraku, pour recevoir ses ordres, comme au seul roi légitime. Il en était du reste semblablement pour tous les prétendus rois (ju'avaient investis et proclamés les Assyriens et dont ils avaient voulu faire leurs vassaux. La haine de l'étranger, comme l'a du reste dit Hérodote, était si vive en Egypte qu'alors même qu'ils ne l'auraient pas voulu, ils étaient forcés d'agir ainsi, sous peine de se voir chassés eux-mêmes. Le roi éthiopien représentait en effet non-seulement le patriotisme, mais la religion — cette religion que, disaient-ils, les rois assyriens voulaient changer en substituant leurs dieux à eux aux dieux du pays. Il ne faut donc pas nous étonner si pour les Égyptiens Tahraku, battu par Assaraddon, était toujours roi en l'an 24, comme, nous le verrons, il l'était l'année même de sa mort, en l'an 26, alors que cependant, les témoignages historiques incon- testables des cylindres le prouvent, 11 avait été chassé de toute l'Egypte par Assurbanipal, dont l'année l'avait poursuivi jusqu'en Ethiopie. Celui-là qui aurait osé alors reconnaître du fond du cœur le cruel en- vahisseur étranger, celui-là qui se serait fait réellement son vassal ou aurait essayé de diviser par des compétitions les habitants de la vallée du Nil aurait été à l'instant massacré par la popnlation. Ces com- pétitions étaient admissibles en temps de paix, mais non en temps de guerre, et, pas plus qu'en France de nos jours, quoi qu'on en ait dit, on n'aurait trouvé là-bas personne pour se prêter à une trahison de ce genre. Il n'en est pas moins vrai qu'aux yeux des Assyriens, tout allait au gré de leurs désirs. Le grand conquérant légendaire, qui s'était vanté d'avoir reçu, après la "déroute de Sennachérib, les tributs de l'Assyrie et de la Mésopotamie, qui avait occupé par ses armes la Syrie, l'Asie et, dit-on, qui était allé jusqu'en Europe et jusqu'aux colonnes d'Hercule — ce nouveau Bacchus des récits héroïques — avait été- battu honteusement à son tour — comme chez nous le vainqueur d'Ansterlitz — et ses ennemis avaient partagé son héritage entre des princes qu'ils leur croyaient dévoués.
Ces princes étaient les descendants de ces chefs héréditaires des nomes et de ces roitelets qui s'étaient soumis au roi Pianchi. A ce point de vue rien n'est plus curieux que la comparaison des listes contenues dans les cylindres d'Assurbanipal et de celle qui était contenue dans la stèle du roi éthiopien, complétée par d'autres documents de la même période. Nous ne mentionnerons que pour mémoire Niku, père du roi Psammétiku I", grand-père du roi Niku, arrière grand-père du roi Psammétiku, selon la règle qui donnait à l'aîné des petits-fils le nom du grand père; car évidemment Niku, qui était prince de Sais et de Mem- phis, selon Assurbanipal, comme l'était Tafnekht, père de Bocchoris, selon Diodore, et identique au Taf- nekht, prince de Sais et de Memphis, selon Pianchi, n'a avec ce Tafnekht aucun autre rapport possible, mais se rattache à une famille toute différente, ainsi que nous le montrerons à propos du numéro suivant.
j
Quelques documents, etc. 137
Tafnekht, dont la race fut expulsée de son flef, eut seulement peut-êtie pour petit-fils un Tafnekht II, prince de Bunubu d'après les cylindres assyriens.
Mais, en dehors de lui, comme tontes les familles royales on prineières se sont bien conservées!
A Memphis du temps de Tafnekht on reconnaissait encore le roi Sheshonk IV au nom duquel se fit Tensevelissement d'Apis.
A Bubastis â la même époque régnait le roi tanite Osorkon III, fils du fondateur de cette dynastie Pétnbast. Puis à Osorkon III, qui avait été obligé de rendre hommage à Pianchi et de le reconnaître pour suzerain, avait succédé, du temps de Bocchoris, le roi Psammus, qui occupe le troisième rang dans la dynastie tanite de Manéthon, et à Psammus, du temps de Shabaku et au commencement de Tahraku, le roi Zet ou Séthos, qui occupe le quatrième rang dans la même dynastie manéthonienne, et qui a lutté, à ce que nous raconte Hérodote, contre le roi Sennaehérib, lequel marchait en guerre contre son suzerain Tahraku, expressément nommé pour cette expédition par le livre des Rois. Là s'arrête la dynastie Tanite ' manéthonienne (à laquelle Shabaku aurait déjà enlevé Bubastis où il fit de très grands travaux, s'il faut en croire Hérodote, qui réunit souvent sur une même tête tout ce qu'il sait sur les 50 ans de règne des Éthiopiens). Mais probablement ce n'est là qu'un oubli ^ de Manéthon ou de ses copistes, comme il y en a tant d'autres; car les cylindres d'Assurbanipal nous apprennent expressément qu'aux précédents rois tanites avait succédé de son temps Pétnbast II, roi de Tanis, portant le même nom que le fondateur de la dynastie tanite, Pétnbast I", père d'Osorkon III (son aïeul).
Enfin sortant de ce même tronc bubasto-tanite que d'autres branches royales ou prineières.
Déjà, à côté dn roi Osorkon III, '^ Pianchi énnmére deux autres rois soumis à lui : 1° le roi Nimrod d'IIermopolis, portant le nom d'un prince célèbre de la première race bubastite, 2° le roi Uaput de Tentrami.
-Mais il y a aussi : les deux Sheshonk, princes de Busiris sous Pianchi et sous Assurbanipal, qui por- taient un nom royal qu'ont eu plusieurs rois bubastites: les deux Pimai, homonymes du roi bubastite Pimai, et dont nous parlent la stèle de Pianchi et les cylindres d'Assurbanipal; les Pétubast, homonymes du premier roi de la XXIIP dynastie, énumérés également, comme princes, sous ces deux conquérants. Ce ne sont pas les seuls qui soient dans de semblables conditions. Pianchi nomme ainsi un prince héréditaire, erpa ha, Bokennefi et Assurbanipal un autre huknaannipi que ])ossédait alors Athribis. Ce nom est très rare et appartenait éxidemment à un grand père et à un petit -fils. Pianchi indique un Nakhthornashennu (nom également excessivement rare) comme possédant Pakerer, et Assurbanipal indique son petit -fils Nakhtihurunasini comme possédant Pisibtia ou Pisibtinouti (la forteresse de dieu). Pianchi fait de Tsikhia le prince de Khontnefer et Assurbanipal de Tsihaa le prince de Siut. Nous ne parlerons pas des noms purement assyriens que fournit Assurbanipal, tels que celui de Sarludari, roi de Tsiuu, dont le père avait été fait roi d'une petite ville syrienne par un prédécesseur d'Assurbanii»! , celui de Bukiu-- ninip, roi de Pahanouti, de Lamintu, roi d'Hermopolis. Mais parmi les noms bien égyptiens, dont la liste serait trop longue, nous devons signaler encore : 1° celui de Maantimiauhi ou Montemhat dont Assurbanipal fait le roi de Thèbes, alors que nous savons, en effet, par les inscriptions recueillies par M. de Eougé, qu'il était gouvenieur de Thèbes au nom de Tahraku; 2° celui de Pakruru, roi de Pisupti (nome d'Arabia) selon Assurbanipal, ce que nous pouvons constater également dans la stèle du songe; 3° celui de Ispi- maatu, roi de Taani, selon Assiu'banipal, et qui, nous l'avons montré, paraît être Spmati ou Nespmate ou Séphimatès (Stephiuatés) dont Manéthon fait, avec «Amerys l'Ethiopien» dont nous parlerons plus loin, un des roitelets d'époque saïte; 4° celui du Naahkie d'Assurbanipal ou Nekhe-psos (Nékhé le sémite) de la même liste manéthonienne. Enfin, pour achever la liste des prétendus rois de ce temps qui ont laissé une trace un peu notable dans l'histoire, nous citerons encore le légendaire Anysis {an-ese « amené par Isis ») d'Hérodote qui serait sorti de ses marais lorsque la dynastie éthiopienne quitta l'Egypte et qui pourrait bien avoir été en effet quelque petit prince de la Basse-Egypte, sans grande importance du reste. Mais tous ces chefs, ou gouverneurs héréditaires, ou rois, dont Hérodote réduit singulièrement le nombre en en faisant une dodécarchie, étaient du temps des grands monarques éthiopiens les serviteurs très humbles du pharaon, maître des deux pays. Il ne faut donc pas se laisser égarer par les rhapsodies de Manéthon, en transformant en vraies dynasties et en dynasties consécutives ce qui n'est en réalité que des listes réunies sans aucune espèce de critique ou de sentiment historique viai — un peu au hasard et par une compilation faite inintelligemment dans de meilleures soui'ces historiques.
' D'après ces données les Tanites n'auraient plus régné que sur Tanis à partir soit d'Osorkon ni, soit de Psammus, et auraient perdu la ville de Bubastis qu'ils n'aTaient acquise qu'au moment de la déchéance progressive du vieus roi bubastite Sheshonk IV et peut-être même après sa mort.
= C'est par un oubli de ce genre qu'Africain omet Zet ou Séthos qu'ont bien soin de nous donner toutes les autres listes mané- thoniennes et Hérodote.
3 Comme nous l'avons déjà dit à propos de l'acte de Bocchoris, Osorkon lit eut d'autant moins de peine à se soumettre au victorieux Pianchi qu'il devint le beau-père de l'héritier à la couronne, le roi Kashta, successeur de Pianchi, auquel on fit épouser sa fille Shapenap I*"^*^.
18
138 Eugène Revillout.
Sculp. 500.
En haut le disque et les deux uraus avec le uom de cet emblème : Intt.
Plus bas Apis, courouné du disque et de l'ur.'eus, ayaut sur le cou un collier surmonté d'un épervier d'or, sur le dos un tapis et au-dessus de lui son nom, «Apis vivant Osiris habitant dans l'Amenti», est adoré par le roi, qui lui fiiit des libations, lui oflFre de l'encens et auquel il dit : «Je te donne toute vie et prospérité.» Plus bas l'inscription suivante' :
«En l'an 20, le 20 de Mésoré, sous la Majesté du roi de la Haute et de la Basse- Egypte Uahabra, fils du soleil, de .son flanc, Psammétiku, sortit la Majesté d'Apis \"ivant vers le ciel. Ce dieu tut reconduit en paix vers le bon Amenti en l'an 21, le 25 Paophi, (voici qu'il avait été enfanté dans l'année 26 du roi Tahraku et qu'il avait été intronisé à Memphis [hatkaptah] le 9 de Pharmouti,) taisant 21 ans (de vie). ^»
Cette stèle est fort intéressante au point de vue chronologique. Ainsi que l'a fort bien vu M. de Eougé, elle renverse absolument tous les systèmes que l'on avait cru devoir baser sur Manttlion dont elle nous permet d'apprécier la réelle valeur historique — ce qui n'est pas un mince avantage.
Mais maintenant il faut que, comme nous l'avions annoncé déjà, à propos du n° 4, nous en tirions les conséquences chronologiques, en faisant voir comment elle concorde avec les autres renseignements en notre possession.
Le principal intérêt des stèles chronologiques d'Apis avec double date, dont nous allons commencer la série, consiste ;i nous renseigner sur la durée du règne non du prince sous lequel l'Apis est mort, mais de son prédécesseur sous lequel il était né. C'est pour cela que nous avons classé celle-ci au règne de Tahraku au lieu de la classer au régne de Psammétiku. Cependant il faut bien noter que ce n'est pas ici sur la seule durée de règne de Tahraku que ce précieux document nous éclaire. Il a le grand avantage de nous donner aussi le temps réel de la prétendue dodécarcliie, ou, pour parler plus exactement, de l'in- terrègne et des compétitions qui s'y sont produites. Nous examinerons successivement et brièvement toutes ces questions. Et, d'abord, commençons par celle du règne de Tahraku.
A propos du n° 3228 D nous avons déjà expliqué longuement la principale difficulté que l'on faisait, d'après la Bible, aux 26 ans environ du régne de Tahraku. ^ Il faut maintenant que nous voyons comment l'exacte chronologie concorderait soit avec nos observations antérieures, soit avec celles que nous aurons l'occasion de faire.
Un calcul certain, car il est basé d'une part sur le canon des rois et d'une autre part sur des stèles d'Apis et des .stèles'' biographiques fort bien mises en lumière par M. de Rougé et qui fixent avec pré-
- Ou «ce qui fait 21 unsj.. Mariette avait déjà "pensé ii cette traduction (jui nous semble indubitable (voir Sirapmm, p. 29). C'était un prand âge; car, selon les renseignements fournis par les Grecs et admis par M. de Rougé dans son étude sur le Sérapéum. (luand un" Apis atteignait par hasard 25 ans, on le tuait. Mais il est à peu près sans exemple qu'un bœuf soit par^'enu à cet âge maximum.
3 Les rois égyptiens de cette période prenaient pour leur année première ce qui restait de l'année au moment de la mort de leur prédécesseur et ils commençaient Tannée deuxième au mois de Thot. Si Shabatoku était mort au mois de Mésoré. l'année première de TaliraVu se trouverait réduite à quelques jours de règne. Et, d'une autre part, la mort d'Apis ayant lieu en l'an 26 an mois de Paophi, deuxième mois de l'année égyptienne, il se pourrait que cette année 26 n'ait été. par exemple, que de deux mois. U se pourrait aussi que Tahraku ait survécu d'avantage à l'Apis. Nous verrons plus loin quelle est l'hypothèse qu'il faut admettre.
* M. de Eougé disait dans son mémoire sur les textes hiéroglyphiques de Greene (p. 38): «La suite du travail que M. Mariette publie dans le Bulletin archéologique exposera les épitaphes officielles qui déterminent la durée de la vie et les époques de la naissance et de la mort des Apis qui se sont succédés sous la 26* dynastie. Je compte dans ces monuments 138 ans depuis la première année de Psammétik I'^'^ jusqu'à la 44** année d'Amasis inclusivement. Ce total est parfaitement conforme à celui que les deux stèles de Leide et celle de Florence donnent pour les règnes de Nékao, Psammétik U et Apriès ; seulement, pour mettre ces trois monuments en harmonie
Quelques docuivients, etc. 139
cision la durée des régnes des souverains égyptiens, ne nous permet pas de rabaisser la dernière année de Tahraku en dessous de la première année d'Assourbanipal. En effet, le canon des rois inséré en tête des ouvrages de l'astronome-géographe Ptolémée, canon dont l'exactitude est absolue, ainsi qu'on a pu le vérifier par les contrats babyloniens, fixe à 138 ans l'intervalle qui sépare la fin du régne d'Assuraddon à Babylone, c'est-à-dire le commencement du régne d'Assnrbanipal à Ninive, de la fin du règne de Cynis, autrement dit de l'avènement de Cambyse. Or, la durée du régne de Psammétiku P"' est de 54 ans, au lieu de 45 qu'en indiquait le Manéthon d'Eusébe, celle de Néchao de 16 ans au lieu de 6 qu'indiquait iManéthon,^ celle de Psammétiku II de 5 ans au lieu de 6 qu'indiquait Manéthon,^ celle du régne d'Apriès de 19 ans au lieu de 21 qu'indiquait Manéthon,^ ainsi que la montré notre cher maître M. de Rougé par des preuves documentaires incontestables. Nous avons donc déjà 94 ans pour quatre régnes. De son côté, Amasis a atteint la 44" année de son règne, une inscription hiéroglyphique le démontre, et cela ne fait pas 44 ans, comme l'avait dit Hérodote, car la première coïncide avec la dernière d'Apriès. Mais son fils Psammétique III, qui était encore reconnu comme roi à Thèbes au moins jusqu'à la fin de sa 4' aunée — un contrat démotique que nous reproduirons bientôt le prouve et d'ailleurs on fit sous son nom dans cette ville des constractions qui devaient demander du temps — a certainement régné d'une façon effective sur toute l'Egypte, plusieurs mois pour le moins. L'intervalle qui sépare l'avènement de Psammétique I""' du renversement de Psammétique III étant d'au moins 137 ans égale donc presque l'intervalle de 138 qui sépare la mort d'Assaraddon de la mort de Cyrus. Reste à déterminer le moment de son régne où Cam- byse conquit l'Egypte : une stèle du Sérapéum, dont j'ai le premier fait remarquer (en 1888—1889) les indi- cations historiques dans mon catalogue de la sculpture égyptienne, nous apprend qu'un Apis, mort la quatrième année de Darius, était né la cinquième année d'un roi précédent dont le nom est effacé, mais qui ne peut être que Cambyse, et elle ajoute que la durée totale de sa vie fut de huit ans. Pour que huit ans séparent ainsi la cinquième année de Cambyse de la quatrième de Darius, il faut que le règne égyptien de Cambyse n'ait pas été moindre de beaucoup de son régne asiatique, qui atteignit, selon le calcul tou- jours si exact du canon des rois de Ptolémée, confirmé du reste par toute la série des tablettes babyloniennes, la huitième année, en dehors de l'année d'avènement toujours mise à part chez les Babyloniens. En effet si le mage Smerdis, en babylonien Barzia, dont le canon ne tient pas compte, parce que Darius se con- sidérait comme le successeur légitime de Cambyse, fut, au contraire, conservé sur la liste des règnes en Egypte où le satrape Aryandès établi par Cambyse se conduisait d'une façon si indépendante que Darius finit par le mettre à mort, si, par conséquent, le régne de Darius n'y commença officiellement qu'après l'assassinat de Barzia, le prétendu mage, cela ne nous donnerait encore qu'un intervalle de dix ans au plus entre l'avènement de Cambyse et l'avènement de Darius sur le trône égyptien, puisque le régne de Barzia ne paraît pas avoir dépassé en Asie sa première année après son année d'avènement. L'Apis, mort en Payni, a vécu prés de quatre ans sous Darius. En admettant qu'Aryandès eut retardé de deux ans le comput égyptien de Darius après la mort de Cambyse, il faudrait encore que cet Apis eut vécu plus de deux ans sous Cambyse depuis la cinquième année de ce régne, ce qui obligerait à supposer que Canj- byse conquit l'Egypte dans l'année qui suivit celle de son avènement en Asie. Nous possédons d'ailleurs aussi au Louvre une stèle de l'an 6 de Cambyse.
pai"taite avec les stèles d'Apis, il faut compter les chiffres particuliers de ces trois règnes d'une autre manière que ne l'ont fait Rosellîni d'une part et M. de Bunsen de l'autre. 11 faut attribuer chronologiquement 15 ans à Nékao (sa 16^ année se confond avec la première de Psammétik llj, 6 ans à Psammétik 11 et conserver à Apriès les 19 ans entiers que lui donne l'Africain. Ces chiffres satisfont aux exigences des divers roonnnients. comme on peut s'en convaincre dans le tableau de concordance que je joins à cette notice. »
Nous ne reproduirons pas ici ce tableau de concordance, fort bien calculé du reste, mais seulement les données qui en sont le point de départ — en dehors, bien entendu, de la stèle d'Apis que nous traduisons ici. Un autre Apis, né le 19 Méchir de l'an 53 de Psammétique 1", est mort le 6 Paophi de l'an 16 de Nékao après 16 ans, 7 mois et 17 jours de vie. Un Égyptien, né le 1" Epiphi de l'an P'-' de Nékao, est mort le 28 Pharmouthi de l'an 27 d'Amasis à 68 ans, 10 mois, 2 jours. Un Égyptien, né le i^^ Payni de l'an 3 de Nékao, est mort le 6 Paophi de l'an 35 d'Amasis à 71 ans, 4 mois, 6 jours. Un Apis, né le 7 Paophi de l'an 16 de Nékao, est mort le 6 Phaménoth de l'an 23 d'Amasis à 18 ans, 6 mois,
^ A propos de l'Apis, né le 10 Méchir de l'an 53 de Psammétique I^^' et mort le 6 Paophi de l'an 16 de Néchao après 16 ans, 7 mois, 17 jours. M. de Rougé fait observer : « Cette énonciation dans l'épitaphe est rigoureusement exacte ; dans cette manière de compter on a omis exprès les 5 jours épagomènes de la dernière année ; c'était la manière sacrée de compter les jours.
= A propos de l'Apis, né le 7 Paophi de l'an 16 de Néchao et mort le 12 Pharmouthi de l'an 12 d'Apriès après 17 ans. 6 mois et 5 jours. jM. de Rougé dit : «Cette 16*^ année de Néchao II fut interrompue par le changement de règne aiTivé entre les mois de Paophi et de Phaménoth; chronologiquement elle doit compter à Psammétique. »
' Voici comment 31. de Kougé comprend les trois dernières inscriptions. A propos de l'Apis, né le 7 Paophi de l'an 16 de Né- chao et mort le G Phaménoth de l'an 23 d'Amasis à 18 ans et 6 mois, il dit : «Pour que cette durée de la vie du taureau soit parfaite- ment exacte, il faut admettre qu'on a compté jusqu'au jour de sa mort inclusivement. » Pour l'Égyptien né le 1*^ Epiphi de l'an 3 de Néchao et mort le 28 Pharmouthi de l'an 27 d'Amasis à 6.ô ans. 10 mois, 2 jours, il dit : «Pour retrouver ce total, il faut compter ici les épagomènes de la dernière année et laisser en dehors le jour de la mort. » Enfin pour l'Égyptien né le 1**' Payni de l'an 3 de Néchao et mort le 6 Paophi de l'an 35 d'Amasis à 71 ans, 4 mois, 6 jours, il dit ; «Ce calcul laisse au contraire en dehors les épagomènes de la dernière année et comprend le jour de la mort. » Nous avons tenu, pour une question aussi importante que la chronologie de la XXVP dynastie, à donner tous les résultats, fort exacts d'ailleurs, des calculs do 31. de Rougé sur les stèles en question.
18*
140 Eugène Revillout.
C'est donc à peine s'il reste un intervalle possible de deux ans entre l'avènement de Psammétiku I" et la mort d'Assaraddon ; car les totaux des règnes égyptiens, qui nous sont connus en majeure partie par les stèles fort bien mises en lumière par M. de Roigé, n'en permettent pas davantage.
Il est vrai qu'Assurbanipal monta sur le trône d'Assyrie du vivant de son père Assaraddon, qui s'était réservé le trône de Babylone lorsque, malade, sentant la nécessité d'une exi)édition immédiate en Egypte où Taliraku avait repris tout ce qu'il avait conquis sur lui, il avait cru devoir placer à la tête de ses vieilles bandes des enfants d'Assour son tils aîné jeune et plein d'ardeur.
On ne sait pas, au juste, combien Assaraddon vécut après l'installation d'Assurbanipal à Ninive, pas plus qu'on ne sait au juste combien il régna à Babylone du temps de son père Seunachérib, après que celui-ci l'y eut installé comme roi, tout en restant lui-même roi de Ninive; (peut-être deux ans, ce (|ui por- terait à 24 ans le règne de Sennachérib à pjirtir de l'installation qu'il fit d'abord de Bélibus). Jlais ce qu'on sait avec certitude par le canon astronomique des rois, c'est que le règne d'Assuraddon à Babylone fut en tout de 13 ans, y compris le temps où il y régnait déjà pendant que son père régnait à Ninive et y compris le temps où il y régnait encore pendant que sou fils régnait à Ninive.
Si donc on ne peut pas abaisser au-dessous de la première année du règne d'Assurbanipal la 24' année du règne égyptien de Tahraku, on ne peut pas abaisser non plus au-dessous de la première année du règne d'Assuraddon — époque où Sennachérib était encore roi d'Assyrie — la 14« année du régne égyptien de Tahraku. "
Telles sont les données certaines qu'à propos du n° 13228 D, j'ai essayé de faire cadrer avec les récits bibliques, en me rappelant que Tahraku ne pouvait pas venir d'Ethiopie en Judée, sans que l'Egypte fut traversée par lui, sans qu'il y trouvât son passage toujours assuré, sans qu'il y fut maître.
Kevenons-en à la mention curieuse de l'an 26 du règne de Tahraku dans notre stèle du Sérapéum de Memphis. On peut se demander si, à cette époque très proche de sa mort, Tahraku n'avait pas déjà été battu et repoussé de la Basse-Egypte par Assurbanipal, lors de la première campagne que le con- quérant assyrien fit, aussitôt monté sur le trône. Mais d'après les cylindres mêmes d'Assurbanipal, nous pouvons juger que Tahraku restait encore après cela le roi légitime aux yeux de la plupart des Égyptiens. Assurbanipal, laissant une armée dans cette Egypte qu'il croyait avoir à jamais soumise, était à peine rentré à Ninive que déjà ces princes locaux, auxquels il avait prodigué le titre de roi et qui n'étaient que des préfets, des gouverneurs, aux yeux du Pharaon représentant Amon sur la terre, écrivaient à ce Pha- raon, à Tahraku, pour lui demander de venir à leur tête chasser les étrangers impurs. Le prince de Memphis
1 11 est incùntestivlile que dans les copies des récits bibliques que nous possédons actuellement il y a de grosses erreurs de chiffres. En effet les textes assyriens prouvent que Sargon prit Samario tout au commencement de son règne. 11 faudrait donc qu'il eut régné moins de neuf ans pour que son successeur Sennachérib eut fait menacer Ezéchias en Fan 14 du règne de celui-ci. Or, d'après celle des listes d'éponymies assyriennes qui est numérotée troisième dans les publications du British Muséum , le règne de Sargon aurait commencé à. l'année qui porte son nom, comme c'est du reste la coutume pour les rois assyriens, comme, par exemple, le règne de son prédécesseur Salmanasar. L'absence du trait séparateur des règnes avant l'éponymie de Sargon dans d'autres copies de ces listes s'ex- pliquerait très bien si Sargon avait d'abord été .issocié à la couronne par Salmanasar du vivant de celui-ci. et si c'était, par exemple, lui qui, en qualité de général et au nom de Salmanasar, avait commencé le siège de trois ans à la suite duquel Samarie fut prise an début de son règne. On a supposé généralement que ce règne a duré au moins 17 ans, parce que dans les inscriptions de Sargon il est question de sa quinzième campagne. Mais dans les textes assyriens le chiffre des campagnes de roi est loin de répondre toujours il ses années de règne. Assurbanipal notamment, qui monta sur le trône à Ninive avant que Saosdukin son frère ne devint roi de Babylone, raconte avoir renversé ce frère et causé sa mort dans sa sixième campagne. Or, le canon astronomique des rois, toujours absolument exact, nous fait savoir que Saosdukin a régné 20 ans. Les calculs basés sur les campagnes sont donc infiniment moins sûrs que les cal- culs basés sur les listes d'éponymies; car il peut y avoir deux campagnes différentes dans la même année, comme il peut y avoir plu- sieurs années sans campagne. Et, d'ailleurs, pour un général associé au trône la tentation de faire figurer les campagnes antérieures pourrait être grande.
Si, conformément à la liste d'éponymie n° 3, on attribue au règne de Sargon les 14 années dont la première porte effectivement le nom de Sargon et qui précèdent le trait séparatif où commence le règne de Sennachérib, on trouve qu'Ezéchias avait atteint sa 20** année de règne, c'est-à-dire avait régné 19 ans complets quand Sennachérib monta sur le trône. Or, les tablettes babyloniennes nous disent que Sennachérib prit Babylone et y installa Bélébus dès le commencement de son règne, comme elles nous avaient dit que Sargon prit Samarie après trois ans de siège dès le commencement de son règne.
L'installation de Bélibus à Babylone nous fournit une date absolument fixe, car le canon astronomique des rois mis en tête des œuvres de Ptolémée établit pour cette période la liste des rois de Babylone avec la durée de leur règne. L'avènement de Bélibus précéda de 22 ans celui d'Assuraddon, fils de Sennachérib, et Assuraddon, auquel son père céda cette ville de son vivant, y régna 13 ans, pendant lesquels il ne régnait plus qu'à Babylone, parce que. malade, n'ayant plus la force de faire lui-même une nouvelle campagne d'Égj-ptc, devenue urgente, il avait cédé à son tour de son vivant une de ses couronnes, celle d'Assyrie, à son fils Assurbanipal, L'avènement de Bélibus est donc séparé de la première expédition d'Assurbanipal en Egypte par un intervalle de 35 ans, intervalle durant lequel Tabr.\ku régna en Egypte pendant 26 ans environ.
La première année de Tahraku coïnciderait d'après ce calcul avec la 29" année du règne d'Ezéchias en Judée et avec la 10"= année du règne de Sennachérib en AssjTie. Une mise en action simultanée de ces trois rois ne serait pas impossible alors qu'on admettrait pour le règne d'Ezéchias le chiffre de 29 ans fourni par les copies actuelles de la Bible. Mais, nous avons vu antérieurement que cette durée de 29 ans devait éti'e probablement corrigée, et que. dans tous les cas. sans aucun doute — cela est admis par tout le monde — il fallait ch.inger la date de l'an 14 d'Ezéchias que les textes portent actuellement. .,
Quelques documents, etc. 141
et de Sîiïs, Niku, est désigné par Assurbanipal comme un des chefs de cette conspiration. Malhenreiisement le messager que les princes de la Basse-Égj'pte avaient envoyé à Tahraku fut supçonné, la lettre saisie, la plupart des princes conjurés arrêtés, et Niku, entre autres, chargé de chaînes, conduit vers le roi de Ninive. Peu de temps après on apprenait en Assyrie que le neveu et successeur de Tahraku, Urdamani, rentré victorieusement dans la Basse-Egypte, assiégeait Mempliis, ville que les Assyriens occupaient et gouvernaient directement depuis l'arrestation de Niku. Celui-ci, pour sauver sa vie, tit sans doute tous les serments qu'on exigea de lui. On le renvoya comblé d'honneius; mais il ne paraît pas qu'il rentra jamais à Memphis, ville occupée par les enfants d'Assur, c'est-à-dire par l'armée assyrienne et qu'Urdamani assiégeait lorsqu'il fut à son tour battu et refoulé jusqu'en Ethiopie. Il est probable que les Assyriens restèrent à Memphis jusqu'à l'expédition éphémère de Eabaku et la mise à mort de Niku, dont nous aurons à parler plus loin. Mais la présence ou l'absence de Niku, ' comme celle de Tahraku, en l'an a6, importe peu, puisque sous le règne de Psammétiku, quand fut écrite la stèle en question, ce roi Psammétiku était considéré par tous les Égyptiens de Memphis ou d'ailleurs comme le successeur légitime de la dynastie éthiopienne descendant des prêtres -rois de la dynastie thébaine, et dont les droits sur toute l'Egypte n'avaient pas subi d'interruption par le fait des invasions d'étrangers impurs.
Tout marche ainsi à merveille pour la chronologie du règne égypto- éthiopien de Tahraku, telle qu'elle nous est fournie par notre stèle du Sérapéum, et il ne nous reste plus qu'à nous occuper de la seconde question prévue par nous au commencement de cette notice, c'est-à-dire de l'époque de l'inter- valle (interrègne ou dodécarchie) qui sépare d'après la même stèle la mort de Tahraku de l'avènement de Psammétiku 1"'.
Cette durée est fort courte et notablement différente de celle de 15 ans que suppose Hérodote entre le départ des Éthiopiens et le récit très légendaire de l'accession du nouveau roi au trône.
Il est à peine besoin de dire que je ne crois pas du tout pour ma part aux beaux récits sur le casque d'airain, sur les Grecs arrivant comme le deus ex machina pour secourir le prétendant, etc. Que Psammétiku se soit servi des Grecs, cela est incontestable. Qu'il les ait établis à Naucratis, cela n'est pas douteux. Mais les Grecs se vantaient fort quand ils intervertissaient les rôles, faisaient de leur protecteur leur protégé et prétendaient l'avoir mis sur le trône. Sous bénéfice d'inventaire on doit recevoir égale- ment tout ce qui concerne la dodécarchie. Qu'il y ait eu en Egypte douze dynastes et même davantage sous Pianchi, sous Shabaku, sous Tahraku, et Assurbanipal et même entre la mort de Tahraku et la pro- clamation de Psammétiku, c'est certain. La stèle du songe nous démontre la chose pour cette dernière période, nous le verrons, tout autant que les documents déjà cités plus haut, p. 136 et suiv., la démontraient pour l'époque immédiatement antérieure. Mais ce n'est pas du tout ce que prétendait Hérodote relativement à cette confédération de princes égaux qui se serait établie après le départ des Éthiopiens, et c'est bien loin également de ce que prétendait Manéthon en intercalant entre Tahraku et Psammétiku 1" la consécution régulière des règnes saïtes de Stèphinates, Néchépsos et Néchao. Pour cette période donc comme pour les autres — au moins jusqu'à ce que les Grecs arrivés en Egypte sous Psammétiku 1" aient pu prendre des notes régulières — il ne nous faut tenir qu'un compte très médiocre d'Hérodote, qui parle surtout d'après eux; et il en est de même de Manéthon, de ce Manéthon dont la lettre à Philadelphe, qui a servi surtout à fixer sa date, est certainement apocrj^phe d'après le jugement de Letkonne, — ne pouvant pas être antérieure à l'ère chrétienne,- — dont le nom n'est pas égyptien,' mais probablement grec — ayant été porté par des Grecs en assez grand nombre, absolument étrangers à l'Egypte, — et dont les rhapsodies,
' Niku garda seulement saus doute la principauté de Sais pendant que l'armée ass3'rienne occupait Memphis. Il est vrai que, selon les cylindres d'Assurl)anipal, on donna alors comme compensation à son fils Nébosalimanni la ville d'Athribis enlevée à Bukannili. Ajoutons du reste que Nébosalimanni. fils de Niku, ne doit nullement être confondu avec Psammétiku, fils de Niku, qui régna plus tard sur toute l'Egypte du vivant d'Assurbanipai, et que le monarque assyrien nomme lui-même Pisarailki ou Pisaraitki dans ses cylindres. Probablement ce Nébosalimanni, qui avait accepté un nom assyrien quand son père prêta à l'étranger serment d'allégeance, étant devenu l'objet de l'indignation générale, fut tué en même temps que sou père Niku par les Éthiopiens de Eabaku, au moment où, selon Hérodote, Psammétiku lui-même se sauvait en Syrie. C'est ainsi que Psammétiku — auquel personnellement on n'avait rien à reprocher — hérita des droits de sa souche (éthiopienne aussi d'origine).
2 C'est à cette période que se rapportent sans aucun doute (en laissant de côté les listes de rois qui peuvent avoir été copiées à toute époque) la plupart des morceaux qui nous sont donnés comme de ce Manéthon — y compris même le fameux morceau sur les juifs et les pasteurs que Josèphe a utilisé le premier (c'est en effet la première en date des citations de Manéthon) et que re- produit Eusèbe avec tant de complaisance. Ce morceau ne peut pas être antérieur de beaucoup au temps même de Josèphe, c'est-ii-dire à une époque où l'on ne connaissait qu'il peine l'ancienne langue égyptienne et où l'on unissait dans de bizarres barbarismes des mots hiéroglyphico-démotiques comme liik à des mots coptes comme mtoc «pasteur» tout différent de l'ancien sliasn «nomade», etc. etc. Cela rappelle tout-à-fait les prosédés de Plutarque pour l'étymologie d'Osiris signifiant, selon lui, (ouj-eiep^ «beaucoup d'yeux», etc. etc. Si du reste Manéthon était un contemporain de Philadelphe, il aurait été connu de Diodore de Sicile, etc.
' La prétendue étymologie de Ma-n-thot «le don de Thot» est tout-ii-fait inadmissible. Le don de Tbot se serait dit alors «peti Thot».
142 Eugène Revillout.
écrites en grec, ramassées sans discernement, seraient encore, si on admettait, par impossible, qu'elles remontent jusqu'à Philadelphe, plus éloignées des événements que les récits recueillis par Hérodote. '
C'est aux documents originaux qu'il nous faut surtout recourir.
Parmi ces documents je citerai en première ligne, après notre stèle tl'Apis, les cylindres d'Assur- banipal qui la commentent et l'expliquent.
Selon le récit du roi assyrien, Urdaraani, fils de Shabaku et de la sœur de Tahraku, monta sur le trône après la mort de Tahraku, se fortifia d'abord dans Thèbes et Hermonthis, la ville voisine, y réunit son armée, mit en mouvement toute sa force guerrière pour combattre les Assyriens, les fils d'Assour, qui se trouvaient dans Memphis, assiégea cette ville, comme nous l'avons déjà dit, et la bloqua étroitement. Un messager vint annoncer cette nouvelle à Ninive et Assurbanipal courut au plus vite au secours de la ville assiégée. Ce fut sa seconde expédition en Égj'pte et en Ethiopie — après celle dans laquelle il avait défait Tahraku — et elle fut faite probablement pendant la deuxième année de son règne. Urdamani, aussitôt qu'il apprit l'arrivée du monarque assyrien en Egypte, abandonna Memphis pour se retirer dans Thèbes où il fut i)oursuivi et battu par Assurbanipal, etc. Cette expédition fut très rapide et la ruine complète d'Urdamani suivit de très prés, tout au plus de quelques mois, ses triomphes momentanés. Eien ne nous gêne donc sous ce rapport pour la chronologie de la stèle d'Apis. Le récit d' Assurbanipal se trouve, du reste, confirmé par les inscriptions hiéroglyphiques thébaines de Rutamen ou Amenrut, dont les cylindres assyriens transcrivent le nom Urdamani, d'après l'ordre syntaxique, et confirmé aussi par les listes de Manéthon' qui le placent immédiatement après Tahraku, mais dans la prétendue dynastie saïte, sous le nom d'«Amerys, l'Éthiopien» A|jL|jispt; AiSioi, c'est-à-dire, en suivant, pour la transcription grecque, l'ordre dans lequel sont placés en hiérogly^ihes les éléments constitutifs de ce nom où l'on met par honneur en tête le nom divin. ^
Après la mort d' Amenrut ou Urdamani on n'en eut pas fini avec les Éthiopiens, toujours appelés comme libérateurs par les Égyptiens. Plus haut p. 119 nous avons déjà dit quelques mots du prince qui représentait alors la monarchie amonienne des prêtres d'Amon. C'était un nommé Rabaku-tonuatamen qu'Hérodote semble avoir sans cesse confondu dans ses récits avec Shabaku à cause de l'analogie de nom. Shabaku avait commencé l'occupation durable de l'Egypte par la dynastie éthiopienne. Rabaku l'avait terminée, après environ ôO ans de règne de cette dynastie. C'est pour cela qu'Hérodote attribue 50 ans de règne à Shabaku, dont il fait l'unique roi éthiopien d'Egypte. C'est pour cela aussi qu'il attribue à Shabaku les songes, les meurtres et toutes les aventures de Rabaku. Selon Hérodote, Shabaku était venu en Egypte à la suite d'un songe qui lui parut une révélation divine et lui en promettait l'empire. l\ se serait retiré ensuite, sans motifs sérieux, à la suite d'un autre songe, après cependant avoir tué Niku, père de Psammétiku, et avoir fait poursuivre ce dernier qui se réfugia en Syrie d'où, une fois les Ethiopiens expulsés, il revint régner quelque temps après. Tout cela, nous l'avons dit, ne peut s'appliquer sans un horrible anachronisme à Shabaku, auquel succédèrent en Egypte Shabataku, Tahraku, Urdamani, princes dont les deux derniers au moins eurent affaire à Niku, père de Psammétiku. Jlals cela s'applique au contraire très bien à Rabaku tonuatamen, l'auteur de la stèle du songe si bien étudiée par Mariette et Maspeko; et le nouveau conipiérant de l'Egypte. A cette époque l'armée assyrienne paraît avoir été rappelée jjour en finir avec d'autres révoltes plus dangereuses pour son souverain. Paki-uru, prince de Pisoupti (nome Arabia), qui, selon Assurbanipal, après avoir reconnu l'autorité des Assyriens, s'était entendu avec Niku, prince de Sais et de Memphis, pour livrer de nouveau l'Egypte à Tahraku — occasion à propos de laquelle Niku avait été emmené prisonnier en Assyrie, — et qui s'était maintenu dans sa ville forte de Pisoubti, tandis que les villes de ses co-conjurés étaient livrées au massacre, une fois les Assyriens partis, joua de nouveau dans la stèle du songe un rôle analogue à celui qu'il avait joué déjà du temps de Tahraku et il acclama le nou- veau roi éthiopien, qui l'accueillit à merveille. Mais il n'en fut pas de même pour son ancien complice Niku, auquel Rabaku reprochait sa trahison enver.s la dynastie éthiopienne dont il descendait, trahison constatée par les nombreux présents qu'il avait rapportés d'Assyrie et par le nom assyrien d'un de ses fils. H le fit donc mettre à mort, comme l'a dit Hérodote, probablement en même temps que son fils Nébosalimanni et fit poursuivre jusqu'à Psammétiku. C'est pour cela qu' Assurbanipal, qui nous raconte avec tant de détails la trahison, la prise, le voyage de Niku à Ninive, l'investiture à lui conférée pour Sais et en même temps l'investiture donnée à son fils Nébosalimanni pour Athribis, de même qu'il nous raconte longuement l'ex-
* Le seul avantage réel de Manéthon c'est d'avoir fait traduire en caractères grecs les listes hiéroglyphiques de rois copiées sur les murailles des temples et dont plusieurs sont arrivées jusqu'à nous (ainsi que le papyrus hiératique analogue de Turin). Mais il les combine malheureusement avec des renseignements de toute provenance.
= D'après Eusèbe, St Jérôme et le Syncelle.
3 Nous avons déjà fait remarquer qu'Amérys est formé sur Amenrut de la même façon qu'Amyrtée sur Araenher qui nous est donnée par la chronique démotiqae de Paris, etc. etc. Le n s'élidait souvent, ainsi que le t, comme on le voit pour le mot sutm dans les transcriptions grecques Amonvasuter. Je connais de nombreux exemples égypto-grecs de cette même élision.
Quelques docujients, etc. 143
pédition d'Urdamani et sou épouvantable désastre, ne mentionne en aucune façon la mort violente de son vassal Niku, qu'on attribue parfois à tort à Urdamani. Cette mort violente ne put donc avoir lieu que sous Kabaku, quand déjà Assurbanipal avait pratiquement renoncé à cette Egypte dont il est obligé d'avouer un peu plus tard que Psamilku était devenu roi.
Quant au récit qu'Hérodote nous fait relativement à l'oracle qui avait fait venir Shabaku en Égj-pte, ce récit est probablement basé sur le songe, interprété comme un oracle par les prêtres, qui nous est connu par les récits mêmes de Rabaku-tonuatamen dans sa stèle. Ce songe eut d'ailleurs toxis ses efl'ets : le nou- veau roi éthiopien fut proclamé par tous en Egypte et on ne voit pas d'autre explication possible de son départ que le nouveau songe rapporté par Hérodote songe qui lui fait quitter l'Egypte de son propre mouve- ment, parce que les dieux lui commandaient, comme plus tard à l'Éthiopien Ergaméne (conf. Second mé- moire sur les Blemmyes, p. 2 et 3) de massacrer tous les prêtres. Après son départ — tranchons le mot
— son abdication volontaire, presque immédiate, les légitimistes égyptiens, habitués à la dynastie amonienne de ces rois éthiopiens descendant des rois-prêtres d'Amon de la XXI" dynastie, durent nécessairement songer à la branche cadette de cette même dynastie, c'est-à-dire à Psammétiku, fils de Niku.
Nous avons déjà longuement insisté à plusieurs reprises sur les raisons qui nous font considérer cette famille comme se rattachant à la famille ro3ale éthiopienne. Ainsi que l'a déjà dit Beugsch, les noms seuls suffiraient pour établir une origine éthiopienne. En effet Niku et Psammétiku sont formés comme Shabaku, Shabatoku, Tahraku, Rabaku, Silku, etc. etc. à l'aide du suffixe éthiopien très connu ku, qui est si bien séparable du nom qu'il en est effectivement séparé pour Shabaku, appelé Seva ou Saba, par les Hébreux, les Assyriens, etc. De même Psammétiku II et III sont appelés Psammis et Psamménite par Hérodote avec chute de la syllabe ku. Et puis, sans parler ici de très nombreux mariages de cette famille avec la famille royale éthiopienne, il est certain que Psammétiku lui-même était de la même race royale éthiopienne, ainsi que tous les princes qui portaient son nom bien éthiopien. Je n'en veux potir preuve que la généalogie (donnée par Lepsuts dans le Koniqshuch, p. 620 et suivantes), généalogie qui rattache à la fille royale éthiopienne Mautiritis un nommé Uahabra (mot composé dont Psammétiku l"' fit plus tard son prénom royal) qui fut lui-même père d'nn nommé Psammétiku, etc., en même temps qu'elle rattache à la même origine une princesse, nommée Shapenap (et par conséquent homonyme de la femme de Psammétiku !"■). Le roi Psammétiku paraît donc avoir réuni comme uom et comme prénom les appellations de deux de ses ancêtres de race royale éthiopienne. Mais, nous l'avons remarqué déjà, il est une démonstration encore plus convaincante, c'est celle qui nous est fournie par la comparaison de nos contrats. Les formules amo- niennes officielles n'appartiennent qu'à la famille amonienne d'Ethiopie descendant des prêtres d'Amon de la XXI" dynastie, et ces formules, qu'on ne rencontre pas sous le roi saïte Bocchoris et qui disparaissent sous l'usurpateur Amasis, se retrouvent, à propos du prêtre d'Amon et du roi par exemple, sous Shabaku, sous Tahraku, comme sous Psammétiku et tous ses descendants.
Dans notre stèle officielle d'Apis, du reste, Psammétiku se donne lui-même comme le successeur légitime et à peu prés immédiat du roi Tahraku, par les années duquel il date à Memphis même la naissance d'Apis, au lieu de la dater par les années de son père Niku, vivant encore en l'an 26 de Tahraku — tout le monde l'admet et les cylindres d'Assm-banipal y obligent — ce qui eut eu certainement lieu, si son père Niku avait effectivement été souverain, comme on le prétend, et avait eu droit aux cartouches dans sa principauté en question. Il est, en effet, impossible d'admettre que sous son propre règne, en l'an 20, alors qu'il n'avait personne à ménager et que les Éthiopiens ne possédaient plus rien en Egypte, un Pharaon du nord et du midi comme Psammétiku, ait substitué à la royauté légitime de son père dans une inscrip- tion tout-à-fait officielle, je le répète, du territoire paternel de Memphis et de Sais, la royauté de celui qu'on représente comme son principal adversaire. Notre stèle du Sérapéum terminerait donc, à elle seule, la question en démontrant que Psammétiku considérait Tahraku comme son prédécesseur légitime, dont il tenait les droits par le sang même, et qu'on ne doit pas plus reconnaître comme roi de Memphis et Sais Niku I" ' — que tout le reste de la série manéthonienne, que Néchépsos, Stéphinatés et un Ethiopien Amerys
— tous d'origine absolument différente d'ailleurs les uns des autres. — C'est ce que nous avons voulu établir ici en rectifiant une histoire déformée à plaisir par Manéthon.'
' Nous avons dit d'ailleurs plus haut que Kiku. père de Psammétiku, avait, pavait-il, été nommé prince de Memphis et de Sais (titre que portait Tafnekht. père de Bocchoris du temps de Piankhi) au moment où Shabaku venait de tuer Bocchoris et prohablement par Shabaku lui-même qui voulait avantager aussi un parent éloigné.
* I! est vrai qu'il faut faire aussi une part de responsabilité à ceux qui nous ont fourni les exti'aits de Maaéthon. Rien ne prouve, par exemple, que Manéthon lui-même ait mis à la fia de chaque dynastie les additions qui s'y trouvent et réunissent ensemble dans un même total toutes les années de règne des rois nommés pour cette dynastie. Manéthon s'est borné peut-être à mettre en face les unes des autres les dynasties bubastite, tanite, la dynastie du seul Bocchoris, la dynastie éthiopienne et la dynastie saîte en croyant devoir indiquer pour celle-ci le père du premier roi et quelques roitelets d'époque saïte. ses contemporains, recueillis de côté et d'autre.
144 Eugène Revillout.
REGNE DE PIANKHl II. 100 sculp. 234.
Stèle représeutant en haut le disque ailé appelé «Hut, le dieu grand, seigneur du ciel».
Plus bas le roi Ramenkheper Piankhii (Piankhi II), suivi de sa royale fille Mautiritis, adore la déesse thébaine Moût.
Le roi Piankhi a ici la légende «Horsamtaui, maître des diadèmes, le protecteur, l'Horus d'or qui multiplie les victoires (ou les prouesses), le roi Ramenkheper, fils du soleil, Piankhi, aimé de Mont (le dieu de la guerre), seigneur de Thèbes».^ Il est debout, tenant d'une main le fouet, symbole de sa puissance, et recevant, en face de la bouche, les hiéro- glyphes de la stabilité de vie qui sortent du sceptre uas, tenu par la déesse. Derrière lui « sa royale fille, palme d'amour, prophétesse de Maut, prophétesse d'Hathor, Mautiritis»^ agite le sistre. Une légende, placée entre le roi et sa fille, nous apprend le motif de cette double adoration* : «Est venu, avec stabilité de prospérité à toujours, se concilier Maut, dame d'Ashur, celui qui est doné d'une vie solide comme le ciel, le fils du soleil Piankhi». A cela la déesse répond ° : «Tu es dieu bon vivant comme le soleil, ô roi Ramenkheper, fils d'Amon, enfanté par Maut, Piankhi. (Je t'accorde dans Thèbes) toute puissance» et la réunion (à toi) de la domination de la brillante couronne du midi" à sa place eu elle (dans la ville de Thèbes). »
Vient ensuite un texte commençant ainsi' :
<: C'est une douce palme d'amour que la prophétesse d'Hathor Mautiritis, une douce
' Ce nom de Piankhi f □■¥•[][] I que M. Maspero avait essayé de lire ( O i"""'i 11 [] j est tout à fait certain. Le □ en parti- culier est très bien formé et ne peut se confondre avec ©. Je distingue sur l'estampage le -Y- avant 0 [1 et je me range par con- séquent complètement à l'opinion de M. de Rongé disant : «il est impossible de méconnaître le nom de Pi.%nchi dans les signes encore lisibles du cartouche martelé.» M. Maspero a été égaré par un mauvais plaisant qui sur le cartouche (gravé comme le reste de l'inscription) avait dessiné au crayon le signe l'"""l qu'un simple lavage a fait disparaître. J'ai eu l'occasion de constater plusieurs faits de ce genre dans notre Musée — par exemple dernièrement encore l'introduction nouvelle d'unités très mal gravées aux dates de la stèle de Tahraku que Mariette avait heureusement fait photogi-aphier pour son Sérapéum et que j'avais souvent étudiée immédiatement avant la surcharge.
•^ Piankhi est appelé dans l'autre passage seigneur des deux couronnes (celle qui était symbolisée par le vautour et celle qui était symbolisée par Turseus) ce que le décret de Rosette rend en grec par xupio; BaaiXsitov et en démotique par neb arai. Mais c'est l'une de ces deux couronnes (celle de l'uraeus) appelée ici ut'-t. qui est seule en possession effective de Piancbi. Or cette expression ut'-t (bien qu'elle se trouve au duel pour les deux couronnes dans d'autres documents portant hek uaVii) me semble au propre le synonyme de 7^e(' déterminé par la couronne blanche et qui a souvent comme uV le sens de brillant (v. le décret de Rosette dans ma Chreat., p. 4S et 192 pour -ut' et pour le symbolisme des couronnes). D'ailleurs, d'après le témoignage formel du même décret de Rosette, c'est l'urseus figuré ici qui symbolise le midi, tandis que le vautour symbolise le nord {voir encore ma Chrestotnathie (h'motique, p. 48 et 192) ce qui termine complètement la question. Piankhi n'était que roi du midi. Il n'avait que la domination du midi. Ce texte avait passé complètement inaperçu. Il est vrai qu'il ne pouvait complètement se comprendre avec son sens précis que quand on avait étudié Rosette dans ma Chre/ttomathie démotique.
Quelques documents, etc. 145
palme d'amour auprès du roi Eameukheper, doué de vie : douce palme d'amour auprès de tous les hommes, elle est bien aimée des femmes, cette royale fille, cette jeune jouvencelle, dont on n'a pas vu la pareille. Ses cheveux sont plus noirs que le noir de la nuit . . etc. » Suit une description détaillée des charmes intimes de cette princesse (appelée «palme d'amour» comme la reine Améniritis et comme Akela, mère de Tahraku), description dans laquelle nous ne voulons pas entrer, pas plus que ne l'avait fait M. de Rougé,^ et pour la- quelle nous n'avons qu'à renvoyer à un article de M. Maspero. ^
Ce qui nous importe surtout dans ce monument, c'est le côté historique.
Nous savons, depuis les fouilles de Greene, que Piankhi ramenkheper ou Piankhi II (petit-fils sans doute de Piankhi meriamen, l'adversaire célèbre de Tafnekht et grand -père probablement de Piankhi rauserma, le mari de la reine Kenensat^) a été le mari d'Améniritis et le père de la princesse Shapenap, femme de Psammétiku I" : en un mot que Psammétiku, descendant de la branche cadette de la dynastie royale éthiopienne, avait voulu fortifier les droits à la succession de Tahraku, qu'il tenait de cette branche par une alliance avec la branche aînée des rois de Napata. Son futur beau-pére, Piankhi II ramenkheper, lui-même, en avait fait autant. Descendant probablement d'un des cadets de Piankhi ï" meriamen, il avait cru utile d'épouser Améniritis, la fille de Kashta, l'aîné de Piankhi et de Shapenap I'* (fille d'Osorkon III) qui était aussi la sœur de Shabaku, le fils et le successeur de Kashta, lequel Shabaku était beau-frère lui-même de Tahraku. Ce mariage avait sans aucun doute ouvert la voie au trône à Piankhi II, en en faisant en Ethiopie et en Thébaïde le successeur de Rabaku touuatamen, volontairement reparti après ses triomphes pour sa patrie d'origine à la suite d'un songe et peut-être mort fou. Le petit prince royal, qui depuis longtemps s'était procuré une si belle alliance, avait tout naturellement été choisi pour remplacer alors Rabaku, et, paraît-il d'après notre stèle, il avait multiplié les victoires ou les prouesses afin d'occu- per an moins la Thébaïde. Selon notre stèle encore, bien qu'héritier légitime de la double couronne, il avait dû se contenter pratiquement de cette couronne du midi et se borner seulement à occuper Thèbes, où ses cartouches furent soigneusement martelés plus tard. Sans doute même que cette occupation de la Thébaïde se fit, grâce à son alliance, avec Psammétiku, dont il reconnut les droits à la couronne comme prince éthiopien, auquel il donna en mariage sa fille Shapenap II, née de son union avec Aménmtis, en lui abandonnant pratiquement la couronne rouge du nord, c'est-à-dire tout le Delta et en se réservant la couronne blanche et la Thébaïde. Notre stèle avait justement pour but de continuer dans l'avenir ce par- tage en assurant à la jolie Mautiritis, fille aussi d'Améniritis^ et de Piankhi — qui aurait certainement trouvé bientôt un mari convenable — la succession de Piankhi en Thébaïde. C'est poiu- cela que, quand ^ l'Horus-sam-tani, maître des diadèmes, le protecteur, l'Horus d'or, qui multiplie les victoires, le roi Ramen- kheper, fils du soleil, Piankhi II», présente à sa patronne la grande déesse thébaine, Maut, épouse divine d'Amon, sa «royale fille, palme d'amour, prophétesse de Maut, prophétesse d'Hathor, Mautiritis» — dont il veut faire une autre épouse divine — il est dit qu'il «est venu, avec stabilité de prospérité à toujours se concilier Maut, dame d'Ashur, celui qui est doué dévie, solide comme le ciel, le fils du soleil, Piankhi». C'est une intronisation divine et définitive, une véritable adoption qu'on sollicite pour le prince amonien et sa fille, et la bonne déesse Maut le comprend quand elle répond : «Tu es dieu bon, vivant comme le
* Voir le Catalogue dta grands raonumtnts par 31. de Rongé, p. 116 et suiv. et sa brocliure plus récente sur les fouilles de Greene, p. 43 et sniv.
* Voici comment dans la Zeitocft7^/( de 1879 M. Maspero traduit la fin de ce morceau, fin que M. de Rougé avait cru devoir laisser de côté, et dont la traduction me paraît bien dontense — en dehors de la dernière phrase
't . . . plus que les baies dn prunelier (Rouge) sa (joue) plus que les grains du jaspe, plus que l'entame d'un régime de palmes. Les pointes de sa gorge séduisent encore plus que son flanc ! »
^ Voir Pierret. Catalogue, de la salle historique, p. 196 et n** 28. Pianthi III paraît du reste n'avoir régné qu'en Ethiopie.
^ Notons que les noms de Mautiritis et d'Améniritis sont en parallélisme absolu : Améniritis (Amon Ta faite); Mautiritis (Maut, épouse d'Amon, l'a faite).
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il
soleil, ô roi Ramenkheper, fils d'Ammi, enfanté par Maut, Piankhi! Je t'accorde dans Thèbes toute puissance et la réunion à toi de la domination de la couronne du midi à sa place, en elle (dans Thèbes). » Mallieureuse- ment, en dépit de l'oracle de Maut, la chose ne plut pas au gendre de Piankhi, le puissant Psammétiku qui possédait déjà la Basse-Egypte en vertu de son mariage et qui prétendait bien hériter aussi de la haute après la mort de Piankhi. Peut-être la guerre éclata-t-elle à cette occasion entre le beau-père et le gendre, celui-ci aidé de ses terribles grecs, bardés de fer, et est-ce pour cela que dans notre stèle et dans les autres monuments thébains de Piankhi on a si soigneusement martelé les cartouches de ce roi. ainsi que sa figure et celle de sa fille, tandis qu'on respectait avec un si grand soin les magnifiques statues et les cartouches de la reine Améniritis, sa femme, dont la fille avait apporté à Psammétiku ses droits les plus considérables à la couronne et à la succession des rois amoniens descendant des prêtres de la précédente dynastie thébaine. C'est pour cela que M. de Rougé disait déjà de Piankhi à propos de notre monument dans «les fouilles de Greene» : «Marié avec l'héritière des rois thébains, peut-être dès le règne de Tahraku, il aura été contraint de se réfugier en Ethiopie quand le pouvoir de Psammétik fut reconnu à Thèbes» et qu'à propos de la magnifique statue d' Améniritis, femme de Piankhi (dont nous parlerons dans la suite), Mariette, dans sa si belle notice du musée de Boulaq, indiquait ainsi la place chronologique de notre Piankhi dont il faisait le successeiu' dii'eot, mais momentané, de la dynastie éthiopienne d'Egypte : «Le premier roi de cette dynastie qui régna à la fois sur l'Ethiopie et sur rÉErypte fut Sabacon. Sabatoka et Tahraka le remplacèrent sur le trône. Puis parut la dodécarchie qui enleva à un quatrième roi, nommé Pianchi, les provinces septentrionales de l'Egypte, le laissant maître de la Thébaïde et de l'Ethiopie. Enfin à ce prince et aux douze rois confédérés succéda Psammétichus, sous lequel l'Egypte reprit ses frontières naturelles. Améniritis fut mêlée à ces grands événements. Fille du roi Kashta (voir plus haut, p. 422, le scarabée portant «la divine épouse Améniritis, fille de Kashta») et selon un bas-relief sœur de Sabakon, elle fut, du vivant de ce prince, revêtue du titre de régente et en cette qualité prit le double cartouche. Plus tard elle apporta ses droits à la double couronne d'Egypte et d'Ethiopie à l'usurpateur Pianchi qu'elle épousa et dont elle eut une princesse Shapenap, qui devint la femme de Psammétiku l"'."
Quant à Pianchi, beau-pére de Psammétiku, qui avait renoncé en sa faveur à l'Egypte pour ne garder que l'Ethiopie, c'est vers lui sans doute qu'après son expulsion se réfugièrent, du temps de Psam- métiku 1", selon Hérodote, les membres de la caste militaire égyptienne qui avaient combattu l'étranger avec les Shabaku, les Tahraku et les Eabaku tonuatamen. Ces vieux héros, ennemis irréconciliables des Assyriens et partisans déclarés de la branche aînée d'Ethiopie, ne pouvaient se consoler d'être réduits à cette branche cadette qui avait finalement pactisé avec l'étranger à Ninive, et dont le représentant, Niku, père de Psammétiku, venait pour cette trahison d'être exécuté par Rabaku.
Ce fait nous explique, d'une part, nous l'avons dit, le martelage général des cartouches de Pianchi en Egypte et, d'une autre part, le soin que prît Psammétiku II, petit fils de Psammétiku l", mais peut-être par une femme qui n'était pas du sang royal éthiopien, d'épouser sa tante Nitocris, fille de Psammétiku I" et de la princesse éthio])ienne Shapenap II, fille de Pianchi. C'est à cette branche aînée éthiopienne que se rattache surtout Psammétiku II, dans l'inscription de Uadi Gazus, publiée par M. Erman, où il se représente adorant lui-même Amon et Khem, ainsi que sa femme Nitocris, sa belle mère Shapenap II et accompagné du cartouche du père de cette belle-mère le roi Pianchi, alors mort, puis, par la même raison, accompagné des cartouches d' Améniritis, mère de Shapenap II, de Shapenap l" (fille d'Osorkon III et) mère de Mautiritis et probablement aussi du roi éthiopien Kashta, mari de Shapenap I"' et de deux autres rois de la même dynastie éthiopienne dont les noms se trouvent maintenant martelés.
DES DONATIONS D'ENFANT A L'ÉPOQUE COPTE,
THÈSE SOUTENUE A L'ÉCOLE DU LOUVRE.
PAR
Fk. de Villenoist.
(Suite.)
Chapitre III. C'est qu'en effet c'est bien un produit du vieil esprit égyptien, né spontanément sous la double influence de l'ardeur religieuse et de la misère qui s'était étendue sur l'Egypte,
f
Des donations d'exfaxt a l'époque copte.
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comme sur tout le sol de l'empire. Le monaehisme se retrouve eu Egypte à toutes les époques. Les moines chrétiens dont il est question dans nos actes étaient les successeurs des reclus du Sérapéum, des hiérodules des anciens temples, des esclaves des deux sexes placés dans la chapelle de Kak, en vertu de la fondation pieuse d'Amenhotep, confirmée par Amenophis IIL Aussi loin que nous remontons dans l'histoire de la société égyptienne, nous trouvons des hommes menant la vie monastique, au lieu qu'en Israël, les nabis datent seulement du temps de Samuel et les nazirs ne semblent pas beaucoup plus anciens. Dans cette race si portée au mysticisme, la religion chrétienne avait jeté des racines profondes. Tons étudiaient ses dogmes, lisaient et commentaient les livres saints; les citations con- stantes qu'ils font de la Bible le montrent bien. Dans ce livre, il est un récit qui devait attirer paiticulièrement l'attention, c'est la consécration de Samuel au Seigneur par sa mère; il y est fait de fréquentes allusions. Du reste Samuel n'était pas le seul exemple de vœux de ce genre; il en était de même de Samson et de plusieurs personnages cités dans les Juges et dans les livres de Samuel et des Chroniques. Ces récits servent à la fois d'exemple à imiter et de justification. On le voit bien par les explications des parents au moine Cnnis dans l'acte XCV : « enfin, nous allâmes près de cet économe ... en lui disant : le dieu du »lieu a accordé la guérison du petit enfant; veux-tu qu'il vienne au lieu saint pour y senir ïDieu avec toi? Tu ordonneras de lui, et il donnera ses peines dans le saint monastère. sC'est à Dieu et à toi d'en ordonner.» Ce sont bien là, eu etfet, les sentiments qui devaient guider les parents dans un très grand nombre de cas.
n est aussi une autre institution ancienne qui pouvait leur servir de type, c'est celle des hiérodules ou prêti'cs esclaves qui existaient dans un graud nombre de temples. Les temples babyloniens, phéniciens, ceux de Chypre, de Corinthe et d'Eryx étaient célèbres par leur nombreuse population de courtisanes sacrées, mais ce n'étaient pas les seuls où il y eut des hiérodules. Nous avons cité plus haut les prêti-es-esclaves des deux sexes de la chapelle de Kak à Djème même; Cicéron pro Cluentio chap. XV ' cite les Martiaux du temple de Mars à Larinum et les compare aux hiérodules de Vénus dans les temples de Sicile; il dit aussi dans les Verrines que ces derniers servaient en même temps d'appariteurs aux ma- gistrats. Le temple de Bellone à Comane en Cappadoce possédait, au dire de Strabon, plus de six milles esclaves des deux sexes. Enfin, plusieurs papyrus démotiques ou grecs de Memphis et de nombreuses stèles démotiques du Sérapéum, récemment traduites par notre cher et savant maître M. Revillout, nous révèlent l'existence des hiérodules de Memphis ou »ibok» d'Osorapis. C'est par l'un d'eux que fut consacrée la table d'offrande qui porte au Louvre le n° 58.
Les esclaves attachés aux temples avaieut, selon les pays, peut-être aussi dans le même temple, divers caractères. Ils pouvaient n'être que de simples gens de semce comparables de tons points aux esclaves des particuliers; ils pouvaient être chargés de services déter-
' Cicéron Pro Cluentio Chap. XV. — Martiales quidam Larini appellabantur ministri publici Martis atque ei deo veteribus institutis religionibusque Larinatium consecrati : quorum quum satis magnus nu- menis esset, quumque item, ut in Sicilia permulti Venerei sunt, si illi Larini in Martis tamilia numeraren- tur; repente Opianicus eos omnes liberos esse, cives que romanos coepit defendere. Ciraviter id decuriones Larinatium, cuncti que municipes tulerunt.
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146 Eugène Revillout.
soleil ô roi Ramenkheper, fils d'Aman, enfaiité par Maul, Piankhi! Je t'accorde dans Thèbes toute puissance et la réuniou à toi de la dovùnatitm de la couronne du midi à sa place, en elle (dans Thèbes). » Malheureuse- ment en dépit de l'oracle de Maut, la chose ne plut pas au gendre de Piankhi, le puissant Psammètiku qui possédait déjà la Basse-Egypte en vertu de son mariage et qui prétendait bien hériter aussi de la haute après la mort de Piankhi. Peut-être la guerre éclata-t-elle à cette occasion entre le beau-père et le gendre, celui-ci aidé de ses terribles grecs, bardés de fer, et est-ce pour cela que dans notre stèle et dans les autres monuments thébains de Piankhi on a si soigneusement martelé les cartouches de ce roi, ainsi que sa figure et celle de sa fille, tandis qu'on respectait avec un si grand soin les magnifiques statues et les cartouches de la reine Améniritis, sa femme, dont la fille avait apporté à Psammètiku ses droits les plus considérables à la couronne et à la succession des rois amoniens descendant des prêtres de la précédente dynastie thébaine. C'est pour cela que M. de Rougé disait déjà de Piankhi à propos de notre monument dans «les fouilles de Greexe» : «Marié avec l'héritière des rois thébains, peut-être dès le règne de Tahraku, il aura été contraint de se réfugier en Ethiopie quand le pouvoir de Psammétik fut reconnu à Thèbes» et qu'à propos de la magnifique statue d' Améniritis , femme de Piankhi (dont nous parlerons dans la suite), Makieïte, dans sa si belle notice du musée de Boulaq, indiquait ainsi la place chronologique de notre Piankhi dont il faisait le successeiu- direct, mais momentané, de la dynastie éthiopienne d'Egypte : «Le premier roi de cette dynastie qui régna à la fois sur l'Ethiopie et sur l'Egypte fut Sabacon. Sabatoka et Tahraka le remplacèrent sur le trône. Puis parut la dodècarchie qui enleva à un quatrième roi, nommé Pianchi, les provinces septentrionales de l'Egypte, le laissant maître de la Thébaïde et de l'Ethiopie. Enfin à ce prince et aux douze rois confédérés succéda Psammétichus, sous lequel l'Egypte reprit ses frontières naturelles. Améniritis fut mêlée à ces grands événements. Fille du roi Kashta (voir plus haut, p. 422, le scarabée portant « la divine épouse Améniritis, tille de Kashta ») et selon un bas-relief sœur de Sabakon, elle fut du vivant de ce prince, revêtue du titre de régente et en cette qualité prit le double cartouche. Plus tard elle apporta ses droits à la double couronne d'Egypte et d'Ethiopie à l'usurpateur Pianchi qu'elle épousa et dont elle eut une princesse Shapenap, qui devint la femme de Psammètiku I". >
Quant il Pianchi, beau-père de Psammètiku, qui avait renoncé en sa favem- à l'Egypte pour ne garder que l'Ethiopie, c'est vers lui sans doute qu'après son expulsion se réfugièrent, du temps de Psam- mètiku P', selon Hérodote, les membres de la caste militaire égyptienne qui avaient combattu l'étranger avec les Shabaku, les Tahraku et les Eabaku tonuatamen. Ces vieux héros, ennemis irréconciliables des Assyriens et partisans déclarés de la branche aînée d'Ethiopie, ne pouvaient se consoler d'être réduits à cette branche cadette qui avait finalement pactisé avec l'étranger à Ninive, et dont le représentant, Niku, père de Psammètiku, venait pour cette trahison d'être exécuté par Rabaku.
Ce fait nous explique, d'une part, nous l'avons dit, le martelage général des cartouches de Pianchi en Egypte et, d'une autre part, le soin que prit Psammètiku II, petit fils de Psammètiku l", mais peut-être par une femme qui n'était pas du sang royal éthiopien, d'épouser sa tante Nitocris, fille de Psammètiku 1" et de la princesse éthiopienne Shapenap II, fille de Pianchi. C'est à cette branche aînée éthiopienne que se rattache surtout Psammètiku II, dans l'inscription de Uadi Gazus, publiée par M. Erman, où il se représente adorant lui-même Amon et Khem, ainsi que sa femme Nitocris, sa belle mère Shapenap II et accompagné du cartouche du père de cette belle-mère le roi Pianchi, alors mort, puis, par la même raison, accompagné des cartouches d' Améniritis, mère de Shapenap II, de Shapenap I"" (fille d'Osorkon III et) mère de Mautiritis et probablement aussi du roi éthiopien Kashta, mari de Shapenap I" et de deux autres rois de la même dynastie éthiopienne dont les noms se trouvent maintenant martelés.
DES DONATIONS D'ENFANT A L'EPOQUE COPTE,
THÈSE SOUTENUE A L ÉCOLE DU LOUVRE.
PAB
Fr. de Villenoisy.
(Suite.)
Chapitre III. C'est qu'eu effet c'est bien un produit du vieil esprit égyptien, né spontanément sous la double influence de l'ardeur religieuse et de la misère qui s'était étendue sur l'Egypte,
Des donations d'enfant a l'époque copte. 147
comme sur tout le sol de l'empire. Le monacliisme se retrouve eu Egypte à toutes les époques. Les moines chrétiens dont il est question dans nos actes étaient les successeurs des reclus du Sérapéum, des hiérodules des anciens temples, des esclaves des deux sexes placés dans la chapelle de Kak, en vertu de la fondation pieuse d'Amenhotep, confirmée par Amenophis III. Aussi loin que nous remontons dans l'histoire de la société égyptienne, nous trouvons des hommes menant la vie monastique, au lieu qu'en Israël, les nabis datent seulement du temps de Samuel et les nazirs ne semblent pas beaucoup plus anciens. Dans cette race si portée au mysticisme, la religion chrétienne avait jeté des racines profondes. Tous étudiaient ses dogmes, lisaient et commentaient les livres saints; les citations con- stantes qu'ils font de la Bible le montrent bien. Dans ce livre, il est un récit qui devait attirer particulièrement l'attention, c'est la consécration de Samuel au Seigneur par sa mère; il y est fait de fréquentes allusions. Du reste Samuel n'était pas le seul exemple de vœux de ce genre; il en était de même de Samson et de plusieurs personnages cités dans les Juges et dans les livres de Samuel et des Chroniques. Ces récits servent à la fois d'exemple à imiter et de justification. On le voit bien par les explications des parents au moine Cyrus dans l'acte XCV : « enfin, nous allâmes près de cet économe ... en lui disant : le dieu du »lieu a accordé la guérison du petit enfant; veux-tu qu'il vienne au lieu saint pour y servir ïDieu avec toi? Tu ordonneras de lui, et il donnera ses peines dans le saint monastère. »C'est à Dieu et à toi d'en ordonner.» Ce sont bien là, en effet, les sentiments qui devaient guider les parents dans un très grand nombre de cas.
Il est aussi une autre institution ancienne qui pouvait leur servir de type, c'est celle des hiérodules ou prêti'es esclaves qui existaient dans un grand nombre de temples. Les temples babyloniens, phéniciens, ceux de Chypre, de Corinthe et d'Eryx étaient célèbres par leur nombreuse population de courtisanes .sacrées, mais ce n'étaient pas les seuls où il y eut des hiérodules. Nous avons cité plus haut les prêti-es-esclaves des deux sexes de la chapelle de Kak à Djème même; Cicéron pro Cluentio chap. XV* cite les Martiaux du temple de Mars à Larinum et les compare aux hiérodules de Vénus dans les temples de Sicile; il dit aussi dans les Verrines que ces derniers servaient en même temps d'appariteurs aux ma- gistrats. Le temple de Bellone à Comane en Cappadoce possédait, au dire de Strabon, plus de six milles esclaves des deux sexes. Enfin, plusieurs papyrus démotiques ou grecs de Memphis et de nombreuses stèles démotiques du Sérapéum, récemment traduites par notre cher et savant maître M. Revillout, nous révèlent l'existence des hiérodules de Memphis ou «bok» d'Osorapis. C'est par l'un d'eux que fut consacrée la table d'offrande qui porte au Louvre le n° 58.
Les esclaves attachés aux temples avaient, selon les pays, peut-être aussi dans le même temple, divers caractères. Ils pouvaient n'être que de simples gens de service comparables de tous points aux esclaves des particuliers; ils pouvaient être chargés de services déter-
' Cicéron Pro Cluentio Chap. XV. — Martiales quidam Larini appellabantur ministri publie! Martis atque ei deo veteribus institutis reli°-ionibusque Larinatium consecrati : quorum quum satis magnus nu- merus esset, quumque item, ut in Sicilia permulti Venerei sunt, si illi Larini in Maitis familia numeraren- tur; repente Opianicus eos omnes liberos esse, cives que romanes coepit defendere. Graviter id decuriones Larinatium, cuncti que municipes tulerunt.
19*
148 Fe. de Villenoisy.
minés, n'appartenant qn'à eux, comme c'était le cas des courtisans sacrés, des esclaves ap- pariteurs et huissiers de Sicile, et des esclaves publics des villes d'Italie qui tenaient lieu de notaires pour la confection de certains actes; ils pouvaient être entin des prêtres-esclaves comme l'esclave syrien attaché par Scheschonk l" au culte de son père, comme les hiéro- dules de Kak, comme les «bok» d'Osorapis qui formaient la première classe des prêtres. On s'explique parfaitement l'existence de prêtres-esclaves, ou pour parler plus exacte- ment d'esclaves, prêtres en même temps qu'esclaves. Il est tout d'abord assez naturel que ceux qui se rattachent à un corps religieux soient revêtus d'un caractère sacré; c'est ainsi que le pape, considéré comme souverain temporel et non comme chef religieux, n'a pour ministres et ambassadeurs que des personnages ecclésiastiques. D'autres motifs étaient plus spéciaux à l'antiquité. L'esclave n'avait pas de personnalité civile, ni de famille, ou n'avait qu'une personnalité inférieure, selon les pays, et jamais de culte. Il se complétait par la \^e\■- sonnalité de son maître, et participait au culte de sa famille; dès lors il pouvait se trouver éventuellement appelé à prendre la direction de ce culte, si ceux qui en étaient naturelle- ment chargés se trouvaient absents ou empêchés. Ce que nous voyons pour le culte privé avait également lieu pour le culte public. Lorsque les cités grecques et italiques remplacèrent le gouvernement monarchique par la forme républicaine, elles durent transporter à d'autres personnes les fonctions sacerdotales des rois. De là l'existence des rois des sacritices à Rome et à Athènes. Après avoir renversé les familles souveraines, on fut obligé de détruire les diverses aristocraties qui avaient des intérêts analogues, ou dont l'existence semblait com- promettre l'égalité politique. Au premier rang se trouvaient les vieilles familles sacerdotales. On s'en défit en laïcisant le culte, si cette expression peut avoir un sens. On remplaça les pontifes héréditaires tels que les Eumolpides d'Athènes, par des fonctionnaires nommés ou élus à vie ou à temps, pour un an généralement, et faisant fonctions de prêtres. Il ne reste que fort peu de pontifes. A Rome, il n'y avait que les flamines qui le fussent. Suivant les vieux rites, ils ne pouvaient se marier que par confan-eatio, ne devaient avoir aucune tache, n'être retenus par aucun lien, même dans leurs vêtements; ils ne se mariaient qu'une fois et perdaient leurs fonctions par veuvage, etc. Ces divers pontifes dépendaient tous du flamiue de Jupiter. Lorsque le rite exigeait que le sacrifice fut célébré par un prêtre véritable, il arrivait bien souvent que le laïque faisant fonction de prêtre se trouvait dessaissi en faveur de l'esclave prêtre, devenu ainsi successeur des familles disparues. Il remplissait d'autant mieux ce rôle qu'il avait en lui, à un plus haut degré, le caractère sacerdotal, puisqu'il était prêtre à vie, et qu'en même temps, comme propriété du temple ou de la cité, il se trouvait ne représenter personne s'il ne la représentait qu'un motif accessoire venant à l'appui de raisons plus importantes. Il y aurait aussi à cette imitation un obstacle de fait, résultant des textes déjà cités du droit romain. Ceux qui, dans l'Egypte antérieure, embrassaient la vie monastique comme les reclus du Sérapéum, les stylites, étaient des hommes de condi- tion libre, se liant par des vœux librement consentis; les hiérodules, quelque fut leur fonc- tion, étaient des esclaves achetés par le donateur, qui pouvait en disposer comme il l'enten- dait; ici, au contraire, nous trouvons des hommes en condition libre, et dont personne ne peut dès lors disposer, donnés à un monastère dont ils deviennent les esclaves. Cette con- tradiction nous conduit à nous demander quelle était la condition sociale de ceux qui fai-
Une peûphétie messiakique assyeiexxe. 149
saient cet acte, quelle était sa nature, et dans quelle situation se trouvait au juste la per- sonne donnée. Sommes-nous réellement en présence de donations?
(La suite prochainement.)
OE PROPHÉTIE MESSIANIQUE ASSYRIENNE
PAR
M3I. Victor et Eugène Retillout.
Quand fut composée, dans le palais d'Assourbauipal , la bibliothèque dont ou a re- trouvé de nombreux débris, lAssyrie était devenue depuis un certain temps déjà la reine des nations. Elle possédait, soit directement, soit à titre de suzeraine, non seulement l'Asie centrale, mais la plus grande partie de l'Asie mineure, la Phénicie, la Palestine, l'Egypte, l'île de Chypre, etc. La captivité d'Israël avait commencé. Il était arrivé pour Samarie ce qui devait arriver plus tard pour Jérasalem. Ses habitants avaient été transportés, au loin, en partie dans la capitale même du vainqueur. C'est à Xinive que se placent les prophéties du prophète Jonas;^ et c'est à Xinive qu'habitait Tobie, au milieu de ses compatriotes d'après le récit biblique. Les Juifs faisaient en Assyrie ce que Jérémie-' devait leur conseiller plus tard de faire en Chaldée. Ils se mariaient, s'occupaient de leurs affaires, agissaient dans la ville où ils étaient établis comme s'ils eussent été des citoyens originaires de cette vUIe; et c'est ainsi qu'ils nous apparaissent dans des contrats de Xinive, écrits sur des tablettes de terre cuite en caractères cunéiformes. Il ne faut donc pas s'étonner si la littérature assy- rienne de cette époque contient tant de reflets d'autres Uttératures, si l'on y trouve des morceaux d'une inspiration toute judaïque, comme on y trouve des morceaux d'une inspi- ration tout égyptienne. ^ Assourbanipal nous dit lui-même que dans des villes qu'il pillait et détruisait il avait soin de faire choisir les livres les plus intéressants ; car il était fort amou- reux de l'érudition. H avait procédé ainsi dans les vieilles villes de la Chaldée, où la langue sacrée restait toujours l'ancienne langue non sémitique. On se senait du summérien ou de l'autre dialecte de cette ancienne langue, suivant les provinces, comme on se sert encore actuellement du latin, pour tout ce qui se rapporte directement au culte. Cétait même la langue qu'on employait, en qualité de langue sacrée, pour certaines pièces mi-religieuses,
• Il ne nous paraît pas possible historiquement d'assimiler le prophète Jonas du livre spécial inti- tulé de son nom, celui qui alla prêcher les Ninivites, avec un autre prophète Jonas, son homonyme, qui vivait du temps de Jéroboam, fils de Joas. et qui se trouve cité an chapitre XIY du livre des rois pour avoir parlé des exploits de ce monarque. Le soin même que prend l'auteur du li^ie des rois d'indiquer que celui qu'il cite était de Geth en Ophir semble avoir pour but d'éviter une contusion, autrement possible, entre deux prophètes qui avaient eu des noms identiques. D'ailleurs du temps de Jéroboam on célébrait encore les succès d'Israël contre ses voisins les plus proches, et Ninive n'occupait nullement dans les préoccupations des Juifs la place qu'elle y prit après les expéditions de Phul, de Tiglatphalasar, de Sal- manasar et de Sennachérib. Il suffit de lire attentivement- dans le livre de Jonas ce qui s'y trouve dit sur Ninive et les Xinivites pour voir que placer ce récit avant la captivité de Samarie et l'alliance finale du royaume de Juda avec les terribles souverains de l'Assyi-ie serait un grossier anachronisme.
2 Jérém. XXIX.
' Nous reviendrons bientôt sur ce point.
150 ViCTOE ET Eugène Revillout.
mi-poétiques, dans lesquelles étaient déplorés, sous formes d'apostrophes à un dieu, les mal- heurs d'une de ces villes que des conquérants asiatiques avaient prises d'assaut. Assour- hanipal, procédant comme le fit plus tard Philadelphe, chargeait ses savants de copier et de traduire des documents qui lui venaient de toiite source : et c'est ainsi que dans sa bibliothèque nous trouvons des tablettes bilingues écrites primitivement à Babylone, à Ur, dans les villes que son grand-père, son père, et lui-même avaient saccagées et qui deman- daient aux dieux de mettre fin aux désastres de leur patrie. Plusieurs de ces morceaux étaient certainement de date très récente; et il ne faudrait pas s'aviser de les confondre à ce point de vue avec d'autres morceaux fort anciens que les savants d'Assourbanipal disent avoir copiés et traduits sur l'original «labiru», c'est-à-dire antique. La littérature sémitique avait elle-même pris un développement considérable vers cette époque et sous un monarque ami des arts. On était en rapports constants avec le monde grec; car les flottes du grand roi, dont faisaient partie les flottes de la ville de Tyr, couvraient la Méditerranée.
Le roi Lydien duquel dépendaient la plupart des villes grecques de l'Asie mineure et probablement la patrie d'Homère, Gygès, ainsi que nous l'apprend Assourbanipal lui-même dans son grand cylindre, avait reconnu la suzeraineté du roi d'Assyrie et établi dans ses états le culte d'Assour. Aussi une épopée, tout à fait analogue aux grandes épopées homé- riques, l'histoire d'Isdubar, dans laquelle le récit du déluge avait pris place comme épisode — celle-là écrite exclusivement en sémitique, car elle n'était pas religieuse au fond — fait- elle partie de cette efflorence du génie littéraire ninivite vers l'époque d'Assourbanipal. Il en est de même du poème si curieux de la descente d'Istar aux enfers, poème qui paraît écrit en vers proprement dits et divisé en hémistiches. Pour en revenir à des morceaux qui ont été puisés à d'autres sources et qui, ayant un caractère surtout religieux, ont été d'abord traduits par des prêtres dans un des dialectes sacrés, nous citerons, entre autres, la tablette si curieuse que vient de publier M. Smith, pi. 24 de ses Miscellaneous Âssyrian Texts. Cette tablette, entrevue par M. Delitzsch, avait été, comme sens général, fort bien comprise par cet assyriologue éminent. C'est bien, ainsi que M. Delitzsch l'a dit, une série de pré- ceptes moraux, une règle de vie sous forme de discours adressé à un dieu, à peu près comme l'est en Egypte cette fameuse règle de vie qui est entrée dans le Livre des morts, et qu'on appelle «la confession négative».
La règle bilingue assyrienne en question ne se rapporte certainement pas au culte assyrien proprement dit. Elle indique ce que le seigneur n'aime pas, ce qu'il ne veut pas qu'on fasse. Nous trouvons presque en première ligne : «Seigneur, tu n'entres pas dans les lieux où l'on boit la boisson fermentée». Comme dans une autre tablette également bilingue, l'interdiction des boissons fermentées devient donc un précepte. Ceci ne rappelle-t-il pas l'observance de ces Eechabites qui demeuraient dans la Judée, qui ne buvaient jamais de vin, qui couchaient sous des tentes, et qui faisaient remonter, du temps de Jérémie, l'origine de leur règle — règle à laquelle ils restaient strictement fidèles — à une époque déjà re- culée. Comme le vin jouait un très grand rôle dans les oblations faites aux dieux, soit à Ninive, soit à Babylone, par les partisans du culte établi, par ce que l'on pourrait nommer les orthodoxes — et il en était de même en Egypte — il est certain que les tablettes dont nous parlons, bien que bilingues, ne représentaient pas quelque vieille tradition de la reli-
Une prophétie messianique assyrienne. 151
gion uatiouale. C'était un courant venu d'ailleurs : et il en est certainement ainsi du courant d'idées messianiques qui nous apparaît dans la tablette dont nous allons maintenant parler. Ce n'est pas chez un peuple victorieux qui tient sous sa domination, qui écrase sous sou talon les autres peuples, qu'on voit naturellement éclore l'idée d'un Messie, d'un rédempteur, (l'un souverain régnant par la justice et rétablissant le culte du droit. C'est l'espoir d'un peuple opprimé ou menacé de l'être, exilé, déporté, comme l'était alors Israël, ou se sou- mettant en vassal à l'étranger qui possédait la force, comme le faisait alors Juda. Le roi de Juda figure nommément au nombre des vingt-deux vassaux d'Assourbanipal, ses serviteurs, qui vinrent le joindre avec leurs armées et leurs navires, quand il était en marche pour chasser de l'Egypte l'Ethiopien Tahraka, comme ils avaient accompagné sou père Assuraddon conquérant l'Egypte. Ezéchias, pour acheter la paix du grand-père d'Assurbanipal, avait dû faii-e fondre les vases sacrés, arracher des portes du temple les barreaux d'or qui les ornait : et le cylindre de Sennachérib nous apprend même qu'il avait dû envoyer ses filles en cou- cubinat au roi de Kinive. Depuis, tous les rois de Judée s'étaient toujours montrés très fidèles au roi d'Assyrie et ils le furent jusqu'aux derniers temps, car un d'entre eux voulut arrêter Néchao dans sa marche contre Ninive, lors de la grande coalition qui eut pour ré- sultat la destruction de cette capitale et l'anéantissement de l'empire assyrien. 11 le pour- sui-v-it jusqu'à TEupbrate; il l'atteignit à Mageddo, bien que le roi d'Egypte lui fit dire qu'il n'avait pas affaire à lui, et il fut tué dans cet effort suprême de fidélité féodale. Jérémie, qui se monti-a toujours hostile à l'Egypte, célébra cette mort glorieuse en un chant de lamen- tation devenu et resté longtemps liturgique daus la nation juive.
Notre prophétie messianique assj'rienne est contemporaine de celles du prophète Isaïe. En effet, Isaïe assista à la chute de Samarie. Il encoiu-agea Ezéchias dans sa résistance momentanée contre l'Assyrie. Il le vit céder devant la force. Il le blâma de chercher un appui contre Ninive dans une alliance babylonienne. Les succès éphémères qu'avec l'aide du roi d'Elam Mérodach Baladan avait pu obtenir contre Sennachérib, ne lui paraissaient présager en aucune façon l'affranchissement du peuple juif. Il annonçait déjà, paraît-il, que si Babylone l'emportait un jour sur Ninive, ce serait aux dépens de Juda et de la famille d'Ezéchias, c'est-à-dire de cette famille de David à laquelle lui-même il appartenait. Une raison d'ailleurs, sous Assourbanipal, devait faire paraître plus acceptable pour les prophètes monotbé'ïstes la domination assyrienne, malgré les affreuses dévastations que les Assyriens commettaient dans le monde entier. Ainsi qu'on l'a remarqué déjà, Assourbanipal avait des tendances infiniment plus monotbé'ïstes qu'aucun de ses prédécesseurs. Il est vrai qu'il est devôt à la déesse des batailles, cette Istar qui le dirigea dans ses sanglantes revanches à l'égard de ceux qui s'étaient coalisés avec son frère contre lui. Mais Assour, le dieu national de l'Assyrie, dont il établit le culte dans tous les pays soumis à son hégémonie, chez Gyges comme en Egypte, comme à Jérusalem, était bien devenu pour lui le grand dieu, le maître des dieux, le maître suprême, devant lequel les autres ne jouaient plus que le rôle de ministres s'inclinant quand les sept archanges chambellans du ciel le leur ordonnait.
(La suite prochainement.)
152 Mission de la bévue égyptologique. Revue bibliographiqub.
MISSION DE LA REVUE EGYPTOLOGIQUE.
Nous tenons à prévenir nos lecteurs que nous comptons — si aucun empêchement administratif ou autre ne survient jusque-là — nous rendre en Egypte avec quelques-uns de nos amis et collègues dans la science fin octobre prochain et y passer six semaines. La mission de la Revue égyptologique ira jusqu'aux secondes cataractes, dans un navire spécial destiné à ses seuls membres — qui pourra, au besoin, s'arrêter sur un point non prévu d'abord — et qu'elle prendra à la station de Girgèh. Elle visitera les principales localités antiques de la Thébaïde et de la Nubie, en recueillant sur sou passage les inscriptions nou- velles qui lui paraîtront dignes d'intérêt, ainsi que celles qui ont été reproduites jusqu'ici d'une façon incomplète ou insuffisante. Ceux de nos lecteurs qui voudront faire partie de cette mission, dont la direction nous appartiendra, voudront bien donner le plus tôt possible leurs noms et s'entendre pour les conditions du voyage, de Paris à Paris, avec M. Lafosse DE Thorigny, 9, rue de Rome, chargé du côté matériel, dont nous ne pouvons ni ne voulons nous occuper, mais qui nous communiquera la liste prise par lui, liste qui devra être approuvée par nous. Il faut, en effet, que la cordialité la plus parfaite règne pendant le voyage entre
collaborateurs visant tous au même but.
E. Revillout.
EEVUE BIBLIOGRAPHIQUE.
Nous allons reprendre d'une iaçou continue la série — trop longtemps inteiTompue — de nos Revues hihUographiques, OÙ, nous aussi, nous avons toujours dit la vérité, rien que la vérité et toute la vérité, pour nous servir d'expressions devenues assez banales dont on usait naguère. Nous croyons d'ailleurs que, quand le journaliste a agi ainsi suivant sa conscience, il ne peut substituer cette conscience à celle de ses collègues et les exempter de juger et même de lire, comme le pense un jeune égyptologue qui va faire un journal uniquement bibliographique aux frais d'un célèbre brasseur. Nous souhaitons à ce journal bonne chance et modestie : tout en regrettant que son riche patron n'ait pas jugé plus utile de faire fonder un journal où l'on produise soi-même, au lieu de se borner à transporter en égyptologie une fable bien connue. « La critique est aisée, mais l'art est difficile», aurait dit aussi M. Prudhomme. On ne saurait juger un égypto- logne d'après la manière dont il a critiqué, souvent d'après des idées étroites et préconçues — des idées de secte ou d'école — mais d'après ce qu'il a fait et ce qu'il a appris aux autres.
En attendant la reprise continue de nos Revues bibliographiques nous signalerons à nos lecteurs six pu- blications de moi ou de mon frère que nous avons faites ou mises en vente pour la première fois cette année même : 1° Mélanges sur la métrologie, l'économie politique et l'histoire de l'ancienne Egypte, avec de nombreux textes démotiques, hiéroglyphiques, hiératiques ou grecs inédits ou antérieurement mal publiés (vol. in-i" de 524 pages); 2° Lettres sur les monnaies égyptiennes (vol. in-8° de 246 pages); 3" Quelques textes traduits à mes cours (vol. in-4° de 96 pages); 4° Quelques textes démotiques-archaïques traduits par E. Revillout, avec fac-similé, exécutés par E. Boudier (vol. in-4'' de 32 pages et 16 grandes planches); 5" Un papyrus bilingue du temps de Philopator (in-8° de 80 pages); 6° Mélanges assyro-babyloniens, par V. Revillodt (in-l"). Nous avons en outre sous presse deux ouvrages de 600 pages chacun, qui vont bientôt paraître : 1° La propriété, ses démembrements, la possession, et leurs transmissions en droit égyptien com- paré aux autres droits de l'antiquité (deux volumes in-S"): 2° Notice des papynis démotiques-archaïques et autres textes juridiques ou historiques traduits et commentés juridiquement à partir du règne de Bocchoris jusqu'au règne de Ptolémée Soter, avec une introduction complétant l'histoire des origines du droit égyptien. Je me propose d'achever aussi dans le plus bref délai possible la publication de plusieurs autres ouvrages dont la rédaction est depuis bien longtemps terminée, mais dont le commencement a seulement paru : 1° Le procès d'Hermias; 2° Le rituel bilingue de Pamout; 3° Le concile de Nicée, etc. Pour tout cela nous sommes entièrement prêts et n'attendons que les effets de la bonne volonté de nos divers éditeurs et imprimeurs. (E. R.)
L'Editeur Ernest Lebocx, Propriétaire-Gêi'aDt.
REVUE ÉGYPTOLOGIQUE
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE
M. EUGÈNE REVILLOUT.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE, DE L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC. ETC.
2S, RUE BONAPAETE, 28, A PARIS.
Yîî" Volume, N° IV. 1896.
La REVUE ÉOYPTOLOOIQUE paraît tous les trois mois par miméros de six feuilles au moins, avec
planches, fac-similé etc. — Aucun numéro ne se vend séparément.
Prix de l'abonnement annuel : Farts 30 fr. — Départements 31 fr. — Etranger 33 /"/•.
Sommam : Une prophétie me.=sianique assyrienne (suite), par Victor et Eugène Revillodt. — Textes égyptiens et ebaldéens re- latifs à l'intercession des vivants en faveur des morts, par Victor et Ecgène Eevilloct. — Le poème de Peutaour (suite), par Vicomte J. de Rougé. — Les deux préfaces du papyrus Prisse, par E. Revilloct. — Des donfitions d'enfant à l'époque copte (suite), par Fr. de Villexoisy.
UNE PROPHÉTIE MESSIANIQUE ASSYRIENNE
PAR
MM. Victor et Eugène Revillout.
(Suite.')
Une tablette bilingue, certainement rédigée pour le palais d'Assourbanipal auquel elle était destinée et dont elle porte pour ainsi dire le timbre, nous montre par quel procédé on avait pu en arriver là. Le grand dieu des anciens Accado-sumériens était ce dieu Anu, dont l'idéo- gramme représente en même temps celui du ciel et est d'autres fois traduit par le mot sémitique ilu, signitiant «dieu». Or dans cette tablette singulière, la première de la pi. 69 du tome III des publications du British Muséum, on trouve une série d'assimilations de ce dieu Anu avec le dieu Assour, avec le dieu Njnip, qui, par une sorte de calembourg, était devenu le dieu éponyme de Ninive, etc. Anu, présenté sous les deux formes soit masculine, soit féminine, tigure ainsi un dieu possédant à lui seul toutes les pviissances génératrices. C'était un gnosti- cisme absolument semblable à celui que renouvela plus tard une secte prétendue chrétienne. Sous la diversité des noms, l'auteur de cette tablette écrite pour le palais d'Assourbanipal reconnaissait donc un seul dieu suprême, qu'on honorait par le culte d'Assour, aussi bien que par le culte Eloiste d'ilou. Dans de pareilles conditions, la prédication de Jonas à Ninive et la pieuse retraite inspirée par lui ne semblent plus invraisemblables. N'y eut-il pas sous le grand Assourbanipal lui-même un instant oii la coalition organisée contre Ninive par son frère, roi de Babylone, était devenue tellement puissante que les Arabes du désert venaient
' La note suivante dont l'appel existait au mot «Jérusalem» a été oubliée p. 151 du numéro précé- dent : «Voir Isaïe XXVII, 9, sur les D'TiffN ou statues du dieu Assour établies dans la Judée.»
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piller, sous les yeux du roi, jusqu'aux portes de sa capitale? Tout le moude craignait alors cette destruction de Ninive, qui devait avoir lieu, un peu plus tard, sous un autre roi. Et jusque dans Isaïe on trouve l'écho douloureux de ces prévisions de malheur pour ceux qui avaient tout renversé et qui devaient être renversés eux-mêmes. Ils ne savent pas, disait le prophète, qu'ils jouent le rôle de fléau entre les mains de Dieu et que, sa mission accomplie, le fléau doit être brisé : — citons textuellement : Isaïe X, 5 et sq. : «Malheur à Assour, verge de ma colère; le bâton dans sa main est l'instrument de ma rage. Je l'envoie contre une nation hypocrite. Je l'expédie contre le peuple de ma colère, pour faire du butin, em- porter de la proie et le rendre plat comme la boue des rues.
«Mais lui, Assour, il ne se l'imagine pas ainsi; son cœur ne juge pas de cette manière; car sa pensée est la destruction et l'anéantissement des nations, en nombre; car il a dit : «Est-ce que mon sar^ n'a pas soumis les rois (vielek)? Calno n'eut-il pas le sort de Kar- »kemis? Hémat celui de Arpad? Samarie celui de Damas? Comme ma main a atteint les »idoles dont les images sculptées étaient plus nombreuses que celles de Jérusalem et de Samarie, »ne ferai-je pas à Jérusalem et à ses images comme j'ai fait à Samarie et à ses idoles?» Mais lorsque le Seigneur aura exécuté tout son ouvrage sur la montagne de Sion et de Jé- rusalem, alors je punirai le fruit de l'orgueil du roi d'Assour et sa fierté vantarde, car il dit : «Par la force de ma main j'ai fait cela; par ma sagesse; car j'ai l'intelligence. J'ai enlevé »les bornes des peuples, j'ai pillé leurs trésors ... Ma main s'est emparé des richesses des «peuples comme d'un nid, et je pris le monde entier, comme on ramasse des œufs aban- » donnés par terre. Nul ne remuait l'aile, n'ouvrait le bec, ne gazouillait.» Mais la hache se vante-t-elle contre celui qui la manie, ou la scie s'élève-t-elle contre celui qui la dirige? comme si la verge soulevait celui qui l'agite, comme si le bâton gouvernait. N'est-il pas de bois?»
Dans bien d'autres passages encore, il est question de la chute finale de ces terribles Assyriens, qui détruisaient tout, dit le prophète, jusqu'à eux-mêmes. Ceci s'appliquait admi- rablement à la lutte fratricide entre Assourbanipal et Saosdukin, les deux enfants également partagés du conquérant Assouraddon.
Mais on trouve aussi dans Isaïe des allusions très évidentes aux glorieuses expéditions qui avaient signalé le commencement du règne d' Assourbanipal, soumettant l'Egypte à l'aide d'une armée dont faisait partie l'armée de Juda.
«Prédiction sur l'Egypte. Voilà que Jéhova est monté sur un nuage léger. Il vient en Egypte. Les idoles de l'Egypte sont agitées devant lui et le cœur des Égyptiens s'amollit en eux. J'exciterai l'Égyptien contre l'Égyptien, l'homme combattra contre son frère, l'ami
contre son ami, ville contre ville, royaume contre royaume,^ Je livrerai l'Egypte
aux mains d'un maître sévère. Un roi victorieux dominera sur eux, dit le Seigneur Jéhova
Sabaoth Le pays de Juda sera pour l'Egypte un effroi : on tremble là où on le
mentionne En ce jour il y aura une route de l'Egypte à Assour. Ceux d'Assour
^ Titre du roi d'Assyrie inconnu dans ce sens aux commentateurs, ce qui a fait déformer singulière- ment tout ce passage.
^ Voir ce que nous .avons dit p. 136 et suiv. du numéro précédent sur toutes les petites dynasties qui se partageaient alors l'Egypte, tout en connaissant comme roi suprême, selon les temps, tantôt le roi d'Assyrie, tantôt le roi d'Ethiopie.
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viendront en Egypte et ceux d'Egypte à Assour, et les Egyptiens serviront Assour. En ce jour Israël sera la troisième nation avec l'Egypte; et Assour une bénédiction sur la terre, que le Seigneur des années a bénie en disant : «Béni soit mon peuple ég_>q)tieu, Assour » l'œuvre de mes mains et mon héritage Israël,» Isaïe XIX.
L'idée messianique a sa part dans le morceau que nous citons, mais c'est en se trou- vant intimement unie avec la préoccupation immédiate causée au peuple juif par les événe- ments contemporains. C'est dans d'autres chapitres que cette idée s'isole et prédomine abso- lument, sans se colorer du reflet des incendies allumés par Assour.
Dans notre prophétie messianique assyrienne, traduite de la langue sacrée en sémitique de Ninive et par conséquent devenue bilingue, l'idée messianique se présente aussi dégagée de toute autre que dans les plus beaux morceaux d'Isaïe.
Évidemment l'auteur primitif de cette prophétie devait être un Juif : peut-être un Juif né à Ninive, ayant suivi toutes ses classes dans les écoles sacrées des sanctuaires ninivites. Peut-être était-ce Isaïe lui-même, dans un morceau aujourd'hui perdu et qui aura été traduit dans le latin du temps, dans la langue sacrée et savante, par un de ces Juifs qui occupaient souvent une haute situation dans l'entourage du sar.^ On a même pensé que l'un d'eux, nommé dans un contrat, était entré par une alliance dans la famille royale.
Dès la première ligne de notre texte nous rencontrons en sémitique une expression rare, c'est le mot asharu se rattachant certainement à la racine ^^D, qui en syriaque prend le sens de pretium redempiionis'^ et paraît se rapprocher aussi de l'hébreu ^Sti'X "IDUT (démotique OJj/o — 13, copte iuHes.p, iy5'Hpi. La voyelle qui précède cette racine — et dans les autres langues sémitiques exigerait pour la supporter une aspirée telle que cet S, qui in- tervient si fréquemment dans la composition des mots sémitiques et particulièrement des mots arabes — n'est pas rare comme initiale surajoutée dans les mots assyriens. Nous citerons pour exemple le participe si fréquent îmfewnt «reçu», de maharto «recevoir»; les substantifs ou participes non moins fréquents irbio de rabto, irkuhu de karahu, inhu de nahu; avec l'a initial, le nom d'agent atmû, synonyme de mutamu et voulant dire, comme ce participe substautialisé, celui qui proclame, etc. etc.
La forme asharu peut donc indiquer un nom d'agent : celui qui fait, qui donne le prix de la rançon, le rédempteur. Il est à remarquer que l'aphel, ou 4° conjugaison, repré- sente un factitif dans la généralité des langues sémitiques et que, de plus, en babylonien comme en égyptien, les noms d'agents affectionnent surtout la vocalisation par l'a. Nous pensons donc que cette expression, qui est pour nous un a^aç Xs^oij^evov, ^ doit se traduire
' On sait que sous la dynastie chinoise qui a précédé la dynastie mandchoue actuelle, les Jésuites, qui avaient de hautes situations à la cour de Pékin, ont fait ainsi admettre parmi les livres chinois offi- ciellement approuvés l'Évangile et l'imitation de Jésus-Christ, qui ont pris place à côté de Confucius, des livres boudhistes, etc.
^ Avec ce sens premium, menés, pretium redemptionis, cette racine reçoit en syriaque un aleph final surajouté, comme elle reçoit ici un aleph initial. La vocalisation générale en a convient à un masdar comme à un nom d'agent; mais pour la traduction cela ne fait pas de différence, car on nommerait également ré- dempteur celui qui est comme celui qui fait le prix de la rédemption.
' Si on le lisait azkaru — ce que rend possible la triple valeur du signe fcV]P^, il faudrait le ratta- cher à la racine 12T et y voir un rejeton mâle, ce qui n'enlèverait rien — tant s'en faut — au caractère messianique du morceau.
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par «le rédempteur». Quant au mot sumérien correspondant, on le rencontre dans d'autres textes bilingues où il est traduit par nannaaru «l'illuminateur». Lenormant l'a ainsi traduit à deux reprises dans l'incantation magique pour la guérison d'un roi donnée par lui, p. 121 et suiy., du dernier volume de ses Etudes accadiennés. Il se trouve également, dans le même morceau, à la ligne 40 de la 3* colonne, dans un passage que Lenormant^ n'avait pas com-
I Le texte sémitique de la ligne 41 (W. A. I., IV, 5, col. 3) dont Lenormant disait : «Le peu qu'on parvient à en discerner dans l'état de mutilation où cette lig-ne s'offre à nous, ne correspond en aucune façon à ce qui se lit dans le verset accadien, » est au contraire une version assez fidèle de ce verset qui permet d'en remplir les lacunes avec certitude.
Voici comment on doit le restituer.
Kîma nânnari essi^ uriddi, maJiar elisu, viakarsit, saîummatum.
Nous allons voir en effet qu'ainsi chaque terme accadieu a bien son correspondant sémitique.
A ^ têtj' premier mot du verset accadien, correspond partout dans ce document à «nûnnaruy, aussi bien ici que dans le curieux hymne bilingue (W. A. I., IV, 9), rédigé originairement en langue sacrée à Ur = Warka et où ce dieu -sEnzuna», seigneur d'Ur (11. 9, 10) ( — le nom de Warka y est écrit pho- nétiquement en sémitique «Urî», ce qui tend à prouver que c'est bien cette ville d'Ur d'où la Genèse fait sortir Abraham — ), assimilé à Sin parles Sémites, est invoqué sous le nom de «oèî< nannaru», — «père illu- minateur» traduit Lenormant — et est représenté comme le dieu suprême (11. 1 et suiv.) comme «le seigneur dieu Anu, le grand ^ Ae/am »-*•(— fih'j Amtm, rabti»; le «père engendreiu" fabu alid) des dieux et des hommes» (11. 32, 33), «de la totalité des êtres» (1. 44, 45); dont l'ordre, proclamé dans le ciel, fait tomber sur la face tous les esprits célestes (11. 57, 58); proclamé sur la terre, fait baiser le sol à tous les esprits qui l'habitent (11. 59, 60); dont la parole, qui dans les cieux retentit comme une tempête, a sur la terre suscité la végétation et les existences {recto 1. 61, 62, verso 1. 1, 2, 34), a établi la justice et la vérité, et fait proclamer celle-ci aux hommes (verso 1. 5 et 6); «le père miséricordieux, qui rétablit, qui prend en main la vie de l'univers entier» {recto 1. 26 et 27).
Le second mot de l'accadien ^.^^A ^^T a le sémitique essu parmi ses traductions courantes : et après cela vient dans l'accadien la conjonction comparative ^^vTT, qui suit dans cette langue ce qu'elle gou- verne, au lieu de précéder, comme en sémitique, la conjonction équivalente kima.
II faut remarquer combien la règle du parallélisme, règle dominante dans toutes ces compositions religieuses, se trouve ici bien observée dans les deux versets qui se suivent. Au commencement de phrase •^T têlïlj * M II *^*^y I *''^T ^SJI " comme rilluminateur Enzuna = Sin» dans l'un, répond le com- mencement de phrase, ^T w-C:T>-T ^^^i^l5T ^SjT «comme un illuminateur nouveau» dans l'autre. Le premier se termine par ►^TT'^f^ ^ITT ^I >êl '^*"T " '' P-'^'^iit lîi vie du pays » que le sémitique rendait par «na|)î"s(j maiijîifcnHît» : le dernier se termine par *^TTtlz ^^ ►sî^TT \T*^ MM U'M \IIl [y que le sémitique rend par « uridi mahar ilisu maharsu salumraatum », et dont il nous reste à nous rendre compte.
Dans le texte primitif nous rencontrons d'abord •pTTfîl J^ sakbi. En accadien on emploie souvent adverbialement ou propositionnellement les idéogrammes des substantifs ou des verbes. <^ *T qui veut dire «soî« — élever», traduit l'adverbe «élis = en haut» (W. A. I., IV, 3, 3, etc.). /T>- qui représente «l'œil», signifie aussi «à l'œil de, en face de, en avant, par devant», etc.; *^TTct~, «la tête», veut aussi dire «en tête» et, par suite, d'une part, «au bout, à l'extrémité», d'une autre part, «en face, en avant, par devant, devant». Dans ce dernier sens il correspond exactement à \J*~ et se traduit de même en sémitique. C'est ainsi qu'aux lignes 44 et 45 de W. A. I., IV, pi. 19 •pTTt^ *">^T| ®^* rendu par «panika», qu'aux lignes 46 et 47 de la planche 5 du même volume «ina mahrit rend eu sémitique •^TTrfz . . ., etc. Avec l'addition de ^~~^. qui peut éti'e une formative adverbiale ou le pronom possessif de la troisième personne, «saA-éi» devait signifier ici «par devant» ou «devant lui». En se référant à ce qui précédait, le traducteur sémitique s'est demandé à qui s'appliquerait dans la pensée de l'auteur cette expression «devant lui» : était-ce au «roi, fils de son Dieu» ou à ce dieu lui-même? Dans le doute, il a fait ce que font fort sou- vent en pareil cas les traducteurs d'Assourbanipal. Il a rendu successivement les deux manières de com- prendre possibles et, commençant, bien entendu, par le dieu pour lui faire honneur, il a écrit : « devant son dieu, devant lui.»
Le mot >^^T ^J*~, qui vient après dans l'accadien, devait être prononcé phonétiquement «^««i», car on le trouve quelquefois avec la variante ««(si». C'est le correspondant exact du sémitique « saîummatum f
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pris. Ce passag-e est curieux; l'auteur a raconté au roi malade l'histoire d'uue éclipse ex- pliquée comme en Chine par une lutte entre le mauvais esprit et la lune, c'est à-dire le dieu lunaire, l'illuminateur Sin, et — après avoir ajouté que cette éclipse prit tin par l'interven- tion de Merodach — il dit à propos du roi : «Le roi, fils de son dieu, comme l'illuminateur Sin, rendra complète la vie du pays; comme un nouvel illumiuateur, il portera devant lui, devant sou dieu, le salut. »
Le texte dont nous allons donner la traduction fait partie de toute une série de mor- ceaux religieux ou mj^stiques copiés pour la bibliothèque d'Assourbauipal. La tablette qui le contient était écrite sur chaque face et comprenait quatre colonnes. Elle se trouve brisée ou
soit avec la première ortliograplie «iusii., — par exemple au troisième verset du morceau messianique qui fut roceasion de cette lecture — soit avec l'autre «râzj», par exemple dans W. A. I., IV, 6, 40; et W. A. I., l'V^, IS, 10 (LExoEMiXT, dans ce dernier passage, le seul qu'il ait donné, traduit salummatum et .*«=/ par «culte»; mais nous allons voir que ce sens ne convient nullement ici).
Le dernier mot de l'accadien est une forme participiale, ou plutôt gérondive du verbe fcTTT'^ 111^1 prononcé gur et recevant la syllabe de prolongation )■» comme dans IV, 18, 33 et 35, où le participe «gumiy est traduit par <inâs = élevant, portant >.
Dans le verset précédent, il était dit que le roi guéri : «comme l'illuminateur Sin, parfaisait Ja \ie du pays» : dans celui-ci, il est dit que «comme un nouvel illuminateur, il portait devant lui le k-i^T \i»-. le <: salummatum ». Comment traduire d'après cela « éusi = salummatum », en rattachant le mot sémitique au radical salamu, qui s'écrit en babylonien, soit avec un D, soit avec un C? Évidemment ce n'est point par «culte», comme le faisait Lenokmakt; ce n'est point par «paix», ù quoi on aurait pu songer en se référant à dSîC.- C'est plutôt par tintegritas, încolumitas», sens que ce mot possède en hébreu et en chalda'ïque, ou plutôt encore par <salus = salut», sens que le mot correspondant prend en arabe. «Porter devant soi le salut», c'est, en effet, affermir, «parfaire la vie du pays»: et, comme d'habitude dans ce genre de textes, nous trouvons dans les deux versets qui se suivent une même idée sous deux formes.
Dans le sémitique, cette fois <i gun-tia ■» se trouve traduit par <<ureddi», piel qu'on peut rattacher soit à mi 'didiuxit, expaiisity, soit à .IT^, qui en chaldaïque présente également ces deux sens. « Étendre au loin, devant soi, le salut» c'est bien au fond la même chose que «porter le salut devant soi».
Si Lenormant n'avait trouvé aucune analogie entre ce qui subsistait de la phrase sémitique et la phrase accadienne, c'est parce qu'il n'avait rien compris à cette dernière. Il en passait le mot «susi» corres- pondant de «aalummatiim:», et, après cette suppression, traduisait le reste ainsi qu'il suit : «comme l'illumination de la flamme, il relèvera sa tête». Même quand il se trompait, en homme intelligent, il savait donner un aspect satisfaisant à ses contextes.
Ce n'est pas lui qui aurait jamais traduit, alors qu'il s'agissait du dieu héros et convertisseur Gibil (TV. A. I., IV., "26, 38) «sa salummatum l'ami» par «qui habite en santé», comme s'il pouvait être question de la santé d'un dieu. En réalité le verbe iramu» de la racine C'n, qui traduit dans ce passage le sumérien ►-[]<[, y est absolument synonyme du verbe «nosa» qui traduit ailleurs ce même mot (voir W. A. I., IV, 28, 32. Lexokmakt, Etudes ace, p. 138, etc.). C'est, du reste, comme l'avait déjà remarqué Lenormakt, parce que ►-TT<T veut dire « élever, soulever, s'élever », que, quand il s'agit de vents qui s'élèvent pour souffler avec force, on le trouve parfois (W. A. I., IV, 29, 15; IV, 3, 1, etc.) traduit par izaqu (cf Sp'l signifiant notamment en chaldaïque et en syinaque ventus vehemens, turbo, tenipestas, etc.). C'est encore pour la même raison qu'avec la formative accadienne des noms abstraits *~]J '^, ce même mot ►-TT<T signifie « ce qu'on lève, ce qu'on enlève» et est traduit en sémitique par lisallatum = pillage, butin» (voir 'W. A. I., V, 20, 1. 12 et 13, etc.). Dans W. A. I., IV, 12, 1. 53 et 54, la ligne 53, en accadien, est ainsi conçue : '^ \]^J ^^^T^ [y J^ •"l'^i'i^ *"MN Im TT^ *"*^T >??" fc-^S^ t^T ^^ 1"' ^^^^ ^^^^ ' '^^•'^ 1^ P^y® ennemi qu'il soit enlevé en butin». Tous les mots sont ici connus, et R^y représente le niphal nusallalu, comme «namrit représente sallatum; on peut donc aisément remplir la lacune de la ligne suivante par une de ces répétitions de la même racine sous la forme de nom, puis sous celle de verbe, qu'aiment tant les sémites babj'loniens et lire ^ana sallaii ana mat nakii-u su lisbilu su = en butin, dans le pays de son ennemi, que celui-ci l'enlève». Or tous les verbes accadiens qui veulent dire «élever, soulever» veulent dire aussi «porter, emporter». La traduction de <i salummatum rami* est donc dans le passage que nous examinons «il porte le salut ^, ce qui convient parfaitement au dieu convertisseur Gibil.
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effacée par le bas, de telle sorte que le revers, qui a le plus souffert, présente une lacune de plusieurs lignes à la fiu de chacune des deux colonues y inscrites. Le morceau messianique commence à la quatrième ligne de la troisième colonne du document, première du revers (W. A. I., IV, 125). Il devait se terminer sur cette même colonne, oix commençait un autre morceau, qui occupait environ moitié de la quatrième et dernière colonne, alors que celle-ci était intacte.
Voici maintenant la traduction de la prophétie messianique, prophétie dont nous^ n'avons vu aucune espèce de traduction.
«:Un jour Dieu f*-*^) engendrera^ un rédempteur pur et parfait.^
' Nous avons tenu à insister sur la spontanéité complète de l'impression profonde que nous avions ressentie en lisant ce morceau. C'était à la veille d'une séance de la Société d'Archéologie Biblique, alors que nous corrigions, pour notre part, les épreuves de la partie assyriologique du mémoire sur les prières pour les morts dans l'Egypte et dans la Chaldée, envoyé collectivement pour le 1"'' novembre tant par nous que par notre frère, le professeur EneÈsE Revillout. Une pensée vraiment messianique nous parut ressortir de ce texte, alors même que l'on hésitait entre diverses traductions pour tel ou tel terme pris isolément. Cette impression nous saisit à tel point, se confirmant de plus en plus par une étude plus approfondie, que nous eûmes hâte de la soumettre à la Société dans une courte lecture, où nous expliquions comment la chose nous semblait possible. Nous eûmes à peine le temps matériel d'écrire le texte de cette lecture pour qu'elle pût arriver au jour dit; et notre frère dut même par ce motif renoncer à y ajouter dès lors, comme il en avait l'intention, une étude parallèle sur une autre composition rédigée en Egypte même sous Épiphane et qu'il a traduite, une première fois, du démotique, il y a plusieurs années déjà. Nous nous réservions d'ailleurs d'introduire, comme nous l'avions fait dans le mémoire précédent, au moment de l'impression, sur les épreuves, toutes les notes, tous les caractères cunéiformes et les développements qui nous sembleraient indispensables. Mais ayant été très malade depuis le commencement de janvier, nous le sommes encore assez, actuellement après six semaines, pour ne pas quitter le coin du feu et pour que le travail nous soit pénible. Nous nous bornerons donc à insérer l'appendice prévu et quelques notes dont les éléments étaient déjà préparés lors de notre premier examen de ce texte. On nous raconte que diverses personnes, entre autres M. Boscowen auquel nous avions reproché d'avoir publié ou mentionné comme inédits des textes publiés par M. Strassmaiee, puis traduits par nous, auraient dit que ce morceau aurait été déjà l'objet de traductions. C'est très possible, car le quatrième volume des Western Asia Inscriptioni, publié par le regretté Smith, est un ouvrage si répandu entre les mains des assyriologues du monde entier que l'édition en est épuisée. Dés que l'état de notre santé nous le permettra, nous ferons des recherches et dans un mémoire, qui paraîtra dans les n"' 1—2 de la sixième année de la Revue égyplologique"- dirigée par notre frère, reprenant ce sujet, nous aurons soin de comparer avec la nôtre ces traductions, s'il eu existe. Mais ce que nous affirmons de nouveau avec énergie, c'est que nous n'en connaissons aucune : que par consé- quent l'impression que nous avons traduite après avoir lu le morceau est bien une impression tout à fait personnelle, résultant du texte lui-même, et non d'une opinion d'autrui. Or c'est là le point essentiel quand il s'agit d'un document relatif aux idées religieuses des peuples anciens. Chacun sait en effet combien en pareil cas, et même lorsque ces documents sont rédigés dans les langues les mieux connues, la manière de les interpréter, l'importance qu'on leur attribue, la portée de chacun des termes, la restitution du milieu social, intellectuel on religieux, qui leur sert de cadre, peuvent varier de l'un à l'autre entre les divers interprètes. V. R.
^ On pourrait traduire ici le verbe allibanu» et son correspondant habituel '^Sj j ]*" *^W P*^'' ""^ forme neutre, au lieu de le traduire par une forme active, et rapporter l'idéogramme »->^, en y voyant un génitif virtuel, au mot i/ihu, qui semble au cas construit. Jlais la pensée n'en serait pas moins messianique alors qu'on lirait «au jour de Dieu, naîtra (sera produit, sera engendré)» ou même «le jour de Dieu, où naîtra», au lieu de lire «un jour Dieu engendrera». Il ne faut pas oublier, en effet, que, dans l'hymne cité plus haut, le grand Dieu d'Ur est représenté comme le « père engendreur » commun <iabualid» des Dieux et des hommes.
* Le sens de «pur» pour «elhi^; celui de «parfait» pour «.sukluluv et son synonyme «ustaklilu» (l'istaphel remplaçant ici le saphel du verbe bbs) sont établis par une multitude de contextes très évidents. Voir notamment notre mémoire sur «l'intervention pour les mots dans l'Egypte et dans la Chaldée».
(a) Tont bien considéré, mon frère préféra réservei" pour la Revue étjyptologique (occupée longtemps par autre chose) ce mémoire entier (que l'état très précaire de sa santé Tempêclia de retoucher et de compléter comme il le voulait), ainsi que le mémoire sur l'in- tervention pour les morts que nous publions aussi dans ce numéro même (K. K.).
Une prophétie messianique assyrienne. ' lô9
«Il le fera venir ^ pour tout l'ensemble^ des pays.
«Il porte le salut' parole de justice;* il fait entrer le sens du juste dans toute poitrine.»
• «/fe ustabuy> porte le sémitique. Dans le sumérien le radical du verbe est /■' J^j qui veut dire «sortir», a::' exiit, processit, et qui, étant précédé de la formative factitive pp, exige pour sa traduction un sens .analogue à celui de «faire sortir, faire venir». C'est ju.stement celui que présenterait «wsteèw» si on le considérait comme l'istaphel du verbe « Jaw» Nia, déjà signalé par Norris et signifiant «aller, venir»; cette traduction est confirmée d'ailleurs par W. A. I., II, 19, col. 2, 1. 19 et 20, ou ««o kima yumu nui-i mbu^ a pour équivalent ^1 ^Vi^TT ^ï ►^ S^Tty ■^T k>^I "V"! comme le jour, f.ais venir la lumière». Que <^subm, qui traduit .^T ^^1 dans un certain nombre d'autres passages, soit certainement un saphel, c'est prouvé par W. A. I., IV, 2t), 11. 17, 18, où le membre de phrase (5^ ^J ^J t^^^^^J est traduit par «/««ii, avec la seconde forme de la même racine verbale, comme il est traduit un peu plus loin, aux lignes 25 et 26, par « la Utztzuu », avec la seconde forme du verbe S2£", ])résentant exactement dans ce cas la même nuance de sens, ainsi que le prouve le contexte. Il ne faut donc pas chercher ici un radical s^^b^l ou siipu; mais un verbe absolument synonyme de KS' et dont la première radicale soit en b.abylonien un b ou un p, ou une voyelle.
^ ^Ana naphar matati» ne fait pas de difficulté en sémitique-, et le sumérien n'en fait pas d.avautage, car le groupe tX-t^ *pT qui a comme verbe le sens de malu (voir W. A. L, IV, 2, col. ;i, 30) a naturelle- ment comme substantif le sens de <^nnpharu^ (voir W. A. L, IV, 23, col. 2, 1-5, etc. — cf. W. A. L, IV, 9, 26; IV, 23, col. 2, 15; V, 11, 40; IV, 14, 2, 2.i, etc. pour t^^^A t't d'autres dérivés de composés traduits par «nnphar").
^ « Salummatum nasif traduit ici ►iï^TT \\*~ *~*T~ ttrlll '"T'^I 1 '1'" présente exiictement le même sens, puisque éitsi est le correspondant habituel de salmnmatmn, et puisque ►~T<| ^st déjà traduit par <Knasu^ dans W. A. L, IV, 27, 18, sans que l'acception de ce mot (qui pourrait être très différente) se trouve pré- cisée, comme dans cette phrase, par l'adjonction de l'adverbe «anto = élis = en haut». En ce qui touche la traduction «il porte le salut» pour f salummatnm nasi», nous renvoyons à la note précédente sur W. A. L, IV, 5, col. 3, 1. 41.
^ ^Edillût sumum edil irta garnir. = tj^ >-< J^J ^J >T*^]] ^t^ITT ^I^ *~^ ^W t^T ^ITI'^ ^ÏHM porte le sémitique, auquel répond dans la langue sacrée le texte suivant : ►-[<|'^ ^TTTT ^^11 \^I y* ^TT+Y tu^ ►-<• Ce texte n'est pas sans difficulté et il est digne d'une étude attentive. Disons d'abord qu'en Ce qui touche les deux derniers mots, régime de la phrase, la correspondance est pari'aite. En effet lirtu» est la traduction régulière en sémitique du mot "gab = poitrine» et f: garnir ^^ est une traduction non moins connue du mot ►-< qui verbalement signifie notamment «<;afti = compléter» et adjectivement «complet, tout, garnir ». Le mot t^TTiTT '"''• Que nous rencontrons immédiatement avant dans le texte en langue sacrée, et qui s'y retrouve en composition dans namnira, a divers sens, parmi lesquels il faut rechercher les sens verbaux, non seulement parce que ce sont généralement les sens primitifs, mais parce que nir joue effec- tivement ici dans la phrase le rôle d'un verbe (dépourvu de toute formative pronominale comme la plupart des autres verbes de cette pièce, qui nous paraît d'une composition très récente). Comme verbe on trouve ^ÎÏtt traduit en sémitique (W. A. L, V, 31, 1. 64, n° 6 verso) par laralzu XWc, ^^II V^P^ ^'^ chald. pn odirexit, rectum fecit y> , et possédant exactement les mêmes sens tant en syriaque qu'en babylonien. C'est à cette racine qu'on peut rattacher les expressions si fréquentes « àna (ou ina) tartzi ou tirtzi » = « dans la direc- tion de» ou «sous la direction de», etc., et verbalement lUaratzu» n'est guère moins souvent employé. Mais c'est plus encore dans le sens de <>■ rectum fecil y, que l'accadien «nie» semble se rapprocher du sémitique «tarazu-i. Le terme sémitique kinûatum, que W. A. L, II, 48, 3 donne pour équivalent à ^^yyfT' ^® retrouve dans des contrats (le n° 164 de la série de Leyde de M. Strassmaier, le n" 9 de sa série de Vienne, etc.) et il y désigne le règlement, la -^ justification » d'un comjjte. Dans d'autres cas souvent ^|YYy, soit isolé, soit entrant en composition dans des termes tels que ^TyyT ^xC\ CtT~T' '"^ P°"'^ équivalent en sémitique le mot edilu, eu arabe J J>i et signifiant dans cette langue « quod rectum, justum, et aequum esset statuil, juslitiam recte ad- minislravit, aequavit, adaequavit, aequiparavil » , à la seconde forme : •sjuslam, rectam, aequam, effecit rems, etc. On voit combien par certains côtés cette racine se rapproche de taratzu fin «faire droit, rendre droit». C'est ainsi qu'en assyrien le verbe edilu à l'iphtael sous la forme « ittadalu » sert à désigner la compens.ation établie entre deux valeurs, de telle sorte que l'aiguille de la bal.ance qui les pèserait fut «rendue droite». C'est donc à l'idée primitive de «régulateurs, de «justiciers, de «haut justiciers que nous ratt.achons celle de prince, de roi, etc. que représentent souvent, par synonyme, les titres de t^|*||, ^TTTT *~ P 1 ^" accadien, edilu (edil au c.is construit) en sémitique. Haupt, du reste, avait déjà rattaché au sens «taratzu s ces .acceptions de ^TTT^ *^T'^I^- ^® *^'™ Samas, nommé dans tous les textes le «juge du ciel et de la terre », est appelé
160 Victor et Eugène Revillout.
Après cet en-tête, très saisissant, le texte continue :
aillem-s 'edil ffzfZ>-<\ same u ivzitim^, W. A. I., 11, 38, 41; il en est de même de Sin dans la ville d'Ur quand il y est représenté comme le dieu suprême, établissant le «juste et le vrai» père des dieux et des hommes, miséricordieux dans sa justice. Il ne faut pas s'étonner d'ailleurs si, avec une telle origine, ces mots sont devenus des titres royaux et divins, équivalents dans l'usage aux titres «soîtm» (W. A. L, II, 27, 15; II, 32, 66; II, 31, 43), «sagapiru» (saphel de "1133, celui qui domie la puissance, W. A. I , II, 31, 51), «moftit» (II, 26, 15) : ils étaient bien moins éloignés à l'origine de l'idée de souveraineté que ce dernier mot dont le sens verbal primitif en assyrien et en chaldéen était celui de «délibérer». Les empereurs de race phé- nicienne, les successeurs de Septime Sévère, n'ont-ils pas passé dans l'empire romain la plus grande pai'tie de leur temps à juger en dernier ressort les procès civils ou criminels de toutes les parties de cet empire et à fixer la jurisprudence par des décisions faisant loi? C'est bien dans ce sens que t^yiYT P'»-'''* désigner le juge et législateur suprême dans W. A. I., IV, IV, n" 3, 1. 3, où Nebo est représenté comme le greffier pi^TTT w^T»-T de toute chose, greffier que ce t^TTTT (ou 7iirik, car la fin de la ligne est brisée) admet dans ses secrets «ma nimigifsujv en accadien »-T<T'^ \jj *lf\\ >~< • '^in sea-etis» aurait-on dit dans la langue des jurisconsultes romains.
Il nous reste, dans chaque texte, deux mots, dont le premier est, dans l'un et dans l'autre, un dérivé du terme que nous venons d'étudier : en accadien ►-y<|'^ ^TmT E^II ^^ ®" sémitique «edillût». Ce dernier mot paraît être au cas construit et par conséquent gouverner le terme qui suit ^| ►■j*^!! t^t^IJI '*"^^'"''- SuMim peut se rattacher lui-même, comme nominatif avec mimmation, à la racine que l'on rencontre si fré- quemment dans les textes assyriens et babyloniens sous les formes isâUi, iseisi (et même iési, comme si saSu était le saphel d'un verbe à première radicale défectueuse) et qui signifie «dire, parler». La vocalisation en u indique un participe passif ou neutre (comme dans sukMu, etc.) ou un substantif renfermant une idée semblable : dictum ou verbum. Le mot à mot de <!.edillut summ edil irla garnira pourrait donc être «régle- mentation (ou jurisdiction, ou principauté) dite (ou de parole), il réglemente (statuit quod rectum fuisset) — ou : «il rend juste (rectum fecit) toute la poitrine». Il ne faut pas oublier que la poitrine «f^ — »>i«» est prise comme synonyme de la conscience dans une multitude de passages. C'est ainsi q\ie le dieu Gibil est représenté changeant durant la nuit la poitrine du méchant, c'est-à-dire retournant sa conscience. Relativement à l'aecadien, il y a deux remarques à faire. D'abord le mot correspondant au sémitique edillut n'a pas en accadien la forme ])leine >-y<y'i<^ ^yyyy '"| '^1 '*' ("" peut-être entre en composition le thème verbal »"y<|'^, comme le thème verbal ^yf'] tvT] entre dans t^yyyy ^yy y »yy y, traduit par edillum comme tyyyy "^y^^y } forme qui se présente d'ordinaire quand on peut également traduire par sarrutum (W. A. I., II, 25, 17). La syllabe ra qui suit namnir en paraît la syllabe naturelle de prolongation, du moment où »^yM ne s'ajoute pas à nir, à moins qu'on ne préfère y voir la préposition ra dont le sens est ana). La seconde remarque à faire c'est que nous ne nous rappelons aucun texte dans lequel la racine acoadienne \ty ait le sens de «dire», de «parler», à moins qu'il ne faille la traduire ainsi dans le nom composé et significatif de *'^y < t^y^^ *n— temple où Anounit rendait, prononçait, ses oracles, « bit piriskhi » dit le sémitique, *yy y *4- ^^yy «-^yy dit la langue sacrée, — et dans certains noms divins. Il est vrai qu'on peut relever pour ce terme \ty'^ un assez grand nombre de traductions sémitiques diverses, parmi lesquelles nous citerons nakab^i et ses dérivés (W. A. L, IV, 2, col. 3, 1. 16; IV, 22, 45; IV, 5, 1; IV, col. 2, 11. "31, 43, 45, etc.), isarrii (W. A. L, IV, 1, 27; IV, 5, 39, etc.), mina (W. A. I., V, 21, 7), sukkit (IV, 16, col. 2, 11. 34 et 35, cf. 1. 3fi), eltziis (W. A. L, IV, 17, 17), naos (W. A. L, II, 32, 33, II, 22, 76), sukluht (W. A. L, V, 51, 46; et d'autres dérivés de kalaU : usaklilu (W. A. T., IV, 21, 6), ustaklilu (IV, 25, 37), etc. En jetant un coup d'œil aujourd'hui sur la republication, avec transcriptions et traductions, du fameux syllabaire de la pre- mière planche de W. A. I., II, que Lenormant a faite aux pages 173 et suiv. de ses Eludes accadiennes im- primées, nous y voyons < y^iy-^ rétabli : affirmativement avant hUu et avant ultzn. (que Lenormant traduit par «fête, réjouissance»), dubitativement cette fois avant le terme sémitique aêamu, pour lequel Lenormant ne tentait aucune traduction, se bornant à mettre un point d'interrogation à la place. Le mot aSamu nous intéresse, car suéumu pourrait aussi bien être une forme apocopée du participe de son saphel qu'une forme nominative pleine du participe du saphel du verbe Uh. Jlais en cherchant des correspondants sémitiques pour ce verbe aêamu, nous n'en trouvons, soit avec l'aleph, soit avec l'ain initial, aucun qui puisse nous convenir; avec le n le chaldaïque nous oifre iZZT} balbutiavit; et il faut changer la sifflante de la seconde radicale pour rencontrer en arabe une racine qui, signifiant d'abord fregit, offre un sens raisonnable ici, celui de magnificavit Asim une de ces formes dérivées. Il ne serait donc pas impossible que cette phrase puisse se traduire ainsi : « eu réglementation (ou rectification, ou direction, ou souveraineté) magnifiée, il
Une prophétie messianique assyrienne. 161
«Sa crainte renverse les idoles. ' II soulève (pour elles) la tempête.^
rend droite toute la poitiine», c'est-à-dire «toute la conscience». Ajoutons qu'il reste un grand doute sur le point de savoir si c'est t^TryT et son correspondant sémitique «edil» ou, au contraire, ►-< et son corres- pondant sémitique i. garnir y>, qui joue dans cette phrase le rôle de verbe. En eiFct, d'une part, chacun de ces deux termes sumériens se trouve dépourvu de toute formative quelconque, — comme il arrive d'ailleurs souvent en cette langue et notamment dans ce même morceau pour la troisième personne du singulier du temps présent des verbes, aussi bien que pour des racines prises adjectivement, substantivement, adver- bialement, etc.; et, d'une autre part, en sémitique «etii^» et «garnira peuvent, l'un et l'autre, représenter égale- ment bien la troisième personne du permansif, ou la forme apoeopée d'un substantif ou d'un adjectif. Ga- maru traduit en effet en tant que verbe ►-< employé lui-même en qualité de verbe (voir notamment W. A. I., Il, 15, 31). Si donc »— < garnir était le verbe gouvernant ^i^ irta, ^y+yT- «'^''j devenant alors un qualifi- catif du sujet, les mots ■>■ edilirta garnir i> signifieraient «en directeur souverain, il complète, il rend parfaite ("liSJ perfecit, complevit et en chaldaïque aussi docuit) la poitrine, — c'est-à-dire en babylonien (comme nous l'a prouvé le passage, cité plus haut, relatif aux conversions du dieu Gibil) la conscience:). Au fond, cela nous ramènerait absolument au sens général de la traduction donnée d'abord. De quelque manière qu'on la tourne, cette phrase difficile nous maintient toujours dans la même série d'idées, essentiellement messianiques.
' ^melammisu taaihar bunaannis. Le mot assyrien melamnm a, comme d'ordinaire, pour correspondant l'accadien ]*- ^^^^^T- Lenormant, qui le rattachait (de même que l'adverbe malmalis) à la racine malu «remplir», le traduisait d'après les contextes par «force immense». D'autres l'ont traduit par «éclat», parce que c'est un des six mots ]qui se trouvent rapprochés de saruru dans W. A. I., 11, 35, 1. 4 et sui- vantes. Ce sens d'« éclat» peut convenir à certains passages, à la condition d'y voir quelque chose d'éclatant et de terrifiant, comme Dieu donnant la loi sur le mont Sinaï au milieu des éclairs et du bruit de la foudre. En efl'et, on trouve très souvent des phrases telles que celles-ci données par Norris « hiduhti melammi sarruti ia ikta su = la crainte de l'éclat terrible de ma royauté l'écrasa»; fpidhu melammi beliui ia Uhap^isu = la crainte de la melamme de ma puissance le renversa», etc. Dans les bilingues traduits par Lenormant, ces expressions s'appliquent à l'arme terrible d'un dieu à laquelle nul ne peut résister. Quand donc melamme (qui, ainsi que l'a montré M. Haupt, est en réalité un mot accadien transporté dans le sémitique) se trouve précédé du mot pulhu qui signifie «crainte», l'idée qu'on y attache peut bien être celle d'un éclat terrifiant : mais c'est la crainte «pîiWa» qui frappe, qui saisit, qui renverse, qui balaye (sapin) ceux qui en sont atteints. Mais quand melamme se trouve seul, ce qui est fréquent, il représente tout aussi bien l'impression produite que ce qui la produit : l'idée de crainte, de terreur, que celle d'un éclat, de quelque chose de terrible. Ainsi, avec le même verbe que dans une des phrases citées plus haut, on trouve, sans aucune des formes àe pidhu : <t«o melamme usahhapu^; ^melamme sarrutiia iktumasu», etc., et dans un bilingue relatif à une arme puissante, IV, 18, 50, (comme les bilingues où Lenormant traduisait melamme par force immense) la phrase suivante se rencontre : T»- fZ^^I .^ ^^ t~X^ *"^I ^ts^J ^yf" en accadien, et en sémitique : '< melammi izziiiisu taihar ana idi su = la crainte de sa force renverse à côté de lui (du glaive)»; — «personne ne lui résiste», ajoute le bilingue. Dans ce cas, comme dans la phrase que nous analysions, nous traduisons taihar par «renverse». En effet, le verbe éahara veut dire non-seulement «envelopper, entourer, assiéger», mais aussi, comme certains dérivés de la même racine dans d'autres langues sémitiques : « se prosterner, se jeter par terre devant un dieu». C'est, ainsi que dans le poème de la pénitence qui forme le n° 5 de la 29' planche du 4" volume de W. A. I. nous traduirions (1. 54) «adi mali belti éuhhuru panuki^ par «jusques à quand, oh ! dame, le renversement devant ta face » et non « le tournoiement devant ta face » ce qui figurerait mal l'état de prostration, de repentir et de prière que traduit l'ensemble du morceau. D'ailleurs ' dans le passage que nous analysions il serait à peu prés indifférent de traduire : « sa crainte assiège, enveloppe les idoles» ou : «sa crainte renverse les idoles» : la pensée serait toujours la même; ce serait un enveloppement hostile, et comme dans la phrase relative au glaive citée un peu plus haut, un de ces enveloppements qui renversent et auxquels on ne résiste pas. Que « bunnanî » veuille dire « idoles, représentations de divinités », c'est rendu certain par W. A. I., IV, 2, col. 3, 26, où, dans un passage où le premier mot manque, il est question, à propos de mauvais esprits des *bunannie ilani aunu^\ peut-être accusait-on ces mauvais esprits de ne pas respecter les idoles vénérées «les statues de leurs dieux». Le correspondant de bunanie est ^i^J^ \^^ t;3^ dans le texte accadien que nous venons de citer, comme dans W. A. I., IV, 21, 16 et dans notre texte sumérien messianique. Dans celui-ci seulement il se trouve précédé du terme ^^T qui veut dire •ibanu = faire, fabriquer» d'une façon très générale (voir notamment W. A. I., IV, 5, 3; IV, 27, 6, etc.). C'est donc ici «ce qui est fabriqué en statue, en image des dieux»; très souvent en effet le sémitique zalam traduit t^J^ ^^ ^^ (W. A. L, IV, 13, 24; IV, 21, 20, etc.).
2 «.A »-TT .A ^*^ '"TT'^T Tt*' "^^ l*^® le sémitique traduit par ■^rarubatum rami:>. L'expression
21
162 Victor et Eugène Revillout.
«Il' fait resplendir^ la royauté, rédempteur purement produit.^
«11 est engendré dans le ciel. Il est engendré sur la terre.
«Ce rédempteur,* il est engendré au milieu des légions du ciel et de la terre.
«Rédempteur,'' il fera pousser le
€rarubalumi> se rencontre aussi dans W. A. I., IV, 27, 11. 54 et 56 avec le même correspondant sumérien. Ce mot peut être rapproché du mot ^rurubu» que nous trouvons dans II, 62, 21 comme synonj'me sémitique de «jiîVtoOT». Cela ne nous apprend pas grand' chose sur la nuance de sens qu'il fiiut lui attribuer, car «iniHum.» a des acceptions très nombreuses et qui ne sont jias toutes déterminées. D'ailleurs «rurubui- semble avoir une origine non-sémitique, car il se rencontre en composition « ruruhune » dans le texte accadien d'un bilingue (W. A. I., IV, 1 8, 52) et il y est traduit en sémitique par ^ï^s^ ^~^^~^ >-<[<. Au contraire, les termes qui composent notre phrase accadienne sont tous individuellement bien connus : .Q^H+- est traduit par «sâru = vent» dans une multitude de passages; '^ \t*~ ^^^ traduit comme adjectif par izzu «fort, violent, puissant» (W. A. I., IV, 26, 10, etc.), comme adverbe par izzis (W. A. I., V, 50, 72), comme substantif par izzutu (W. A. I., IV, 18, 50) : comme épithète on le trouve à un combat violent (W. A. I., II, 19, 18), à des serpents énormes (W. A. I., II, 20, col. 2, 15), etc. Quant au verbe ►"[ | <[ et à son correspondant sémitique ramu, nous en avons longuement parlé plus haut.
' La royauté est désignée ici, comme souvent, en sumérien par un des attributs du roi ►-t^TTT ^T.
' ^lUananbit^ est un iphtanaël irrégulier du verbe ?ntjj7. Il serait plus régulier s'il n'y eût pas de n avant le b; mais on retrouve cette même forme dans W. A. L, IV, 27, 22, ce qui prouve que ce n'est point une faute de scribe.
3 «/tÎ *"TT.oiL. \\> *T~ >jC--<^ traL^" porte le sumérien; lellissubu» porte le sémitique. Le groupe •n *^-C^ tzï^ traduit par « nubu » est celui dont le sens est à déterminer, car subu peut tout aussi bien être sapliel du verbe nabu «proclamer, annoncer», que le saphel du verbe synonyme de Si" dont nous avons parlé plus haut. Le vocabulaire bilingue qui forme la planche 70 du troisième volume de W. A. I, nous fournit deux lectures et deux équivalences sémitiques pour ce groupe. Avec la lecture idU/na à la ligne 46, c'est le nom du tigre ^idiglat». A la ligne 47 avec la lecture idulla» c'est, comme dans notre texte l'équivalent du sémitique « subu » : mais ceci ne nous apprend en aucune manière comment il faut traduire « subu » *T~ *^~^k t_u^ ^^ rencontre encore, et cette fuis avec un contexte, dans un bilingue du quatrième vo- lume (i)lanclie V, col. 2, 1. 61) : malheureusement la ligne sémitique qui donne la traduction de la phrase se trouve mutilée. Il s'agit de la lutte des esprits méchants contre le dieu Sin. Le dieu-lumière se trouve arrêté dans sa marche par ces mauvais esprits jouant ainsi le même rôle que les méchants dragons des légendes chinoises. Le dieu Belkit a vu la chose et il l'a fait annoncer du ciel au dieu Ea habitant de l'abîme. Le dieu Ea raconte à son fils le héros Merodak l'arrêt de Sin et il ajoute « hmmggabi », en sémitique
f:n'atirsu'> <son entra vement» *~*T~ ^T^ >^-^A ^^^ *^^ MTT M ^\ Il ' '''^ sémitique il reste ici ►— *->Y~ ^iT fcl I I P'"s ^^ place de deux signes effacés ou douteux. En supposant que ces deux signes composent la traduction de >-^ ^llj ^>-I '^*' expriment par conséquent l'idée de «faire sortir» et «délivrer», peut-être l'impératif hiUui- (ou butir) « délivre », il resterait après « ina same » traduisant *->t— le signe •^[iT à lire ici stib pour représenter le groupe en question. Mais comme l'arrestation de Sin a été annoncée du ciel, proclamée au ciel, on pourrait encore songer ici à voir dans sub un saphel de naba sous une forme apocopée. Cependant nous pensons plutôt que c'est une redondance par rapport à ^1 ^>^Ti ^^ comme d'ailleurs le sens habituel de <{J et de eîlu est «pur», bien que l'on trouve parfois ces mots, ainsi que l'ont remarqué Lenormakt et Pognon, s'appliquant aux montagnes dans le sens de «haut» ce qui semble prouver qu'eHa et élu se confondaient parfois, le sens « il est fait sortir, il est mis au monde, il est produit en pureté» nous paraît convenir le mieux pour notre passage.
* Ces deux mots que répète toujours le sumérien, ne sont traduits par le sémitique ni dans cette ligne, ni dans les suivantes.
^ La ligne sémitique ne contient plus que le dernier signe d'un mot effacé (probablement du mot îî< ►" V >—] et la troisième personne du singulier de la seconde forme du verbe SS'', forme construite sur le même modèle que udaa, troisième personne de la seconde forme du verbe savoir, dont idi est la troisième personne de la première forme. Le groupe sumérien correspondant à uzaa est uddu >^ ^Ijj ^1 ^^T qui effectivement représente un factitif dans tous les exemples que nous en connaissons. C'est ainsi que dans W. A. I., IV, 5, col. 2, ligne 24 <y>- j^ WjjS ^T ^!^T, traduit par «imur = il vit», signifie proprement «il fit sortir son action de voir, sa vision = il jeta un regard (<T>- f^ est traduit par tamartu,
Une prophétie messianique assyrienne. 163
«Ce rédempteur, génération ^ céleste, génération^ de l'humanité.
«Ce rédempteur, sur les tables de propitiation, il accomplit en vérité la parole.'
«En messager de Dieu il fait son nom.*
W. A. I., IV, 20, 5; par amiruiu, W. A. I., IV, 1, col. 3, 1. 1, etc.). C'est ainsi que dans W. A. I., 11, 19, 20, tmunnuddu^ est traduit par ^subii», saphel qui signifie «faire sortir ^= producere». La seconde forme des verbes babyloniens étant aussi le plus souvent factitive, il faut traduire «il fait sortir». Le sumérien seul nous dit quoi : tT ^ ^TTTT *^T TT^ *J^ E^IT t^IIr *^° ° ''^ malheureusement point encore déter- miné l'espèce d'arbre qui était nommé îW *^^ eu sémitique comme en sumérien, et dont il est question dans une inscription de Nabonid, W. A. I., V, 65, 1. 5. Quant à •pT t^TtTT c'est un mot très connu, très fréquent, qui veut dire «forêt = kislum» (W. A. I., V, 26, 11 et suiv.) et qui dans ce sens était passé en sémitique babylonien sous la forme « tirrti » (W. A. I., IV, 23, col. 2, 36). L'ensemble de la phrase signifie donc : «il fait sortir une forêt de l'arbre ÎW ►--^» = «il fait énergiquement pousser l'arbre î+^ *-V».
' ■^Binuiit iliv porte le sémitique, c'est-à-dire « engendrement de dieu», «^i' ■(*-*.tT ^N^tT ^T" porte le sumérien, c'est-à-dire «engendré par celui qui fait, par le créateur». Cette expression W ^^<TT, com- prise comme signifiant « dieu » par le traducteur sémitique, a pour corollaire les expressions : « père en- gendreur», ahu alid — «des dieux et des hommes», — «père engendreur de tout ce qui existe», appliquées au dieu suprême, dans l'hymne si curieux déjà cité, écrit, dans la ville d'Ur, en sumérien proprement dit, c'est-à-dire dans le même dialecte que notre morceau messianique.
^ Le sumérien contient ici identiquement la même racine verbale pour représenter «génération» que dans la première partie de la phrase où il s'agissait d'une génération divine W ^NjT et non d'une gé- nération de l'humanité ^2u *~^|TTT IeU' Q^'-'^nt au sémitique, au lieu de «èmâi», il emploie cette fois « ibrit », également un nom abstrait, mais cette f«is construit sur « biru » ~Q, que W. A. I., III, 70, col. 3, 1. 23, n" 170 nous montre être le synonyme de imaru = fils».
^ «/îia ^ï2s: ^yï~ *~^TK ^'""'■' ^^klula porte le sémificiue ET KtT*- '\>~ *~\\')^ J_^vi ^T ^■(i. *~^^zl ^ I M porte le sumérien. Pour ^ï^^ ^yr" ►^[^ «mis nous sommes laissés impressionner par les arguments de Pognon qui, aux pages 106 et 107 de son récent mémoire sur les inscriptions de Wade Brissac, s'est attaché à démontrer que rfz P^ *^t t^!^^ ^tt~ t^Tv se rapportait à «la table sur laquelle on plaçait les aliments destinés aux divinités», et qui, a répété cette même désignation, «table sur laquelle on plaçait les aliments destinés aux dieux » dans son vocabulaire, p. 195, au mot ^ï2sz ^tT tTt. Comme nous l'avons déjà vu, >:suklulo est une traduction courante pour le sumérien ET /t:T'^. Il en est de même
de «ij)u".9» pour ►-7T^ J_^^^T \\\ (W. A. I., IV, 18, 3) ou même pour ►-TT^ pris adverbialement sans autre formative (W. A. L, IV, 19, 50). Reste dans le texte accadien, avant cet adverbe, le signe V^ et après >-^T^ CiTTT'^. Le terme ►"t^I^j ^ I II ^^ rencontre très fréquemment avec le sens de « parole = ce qui a été dit = qabu = qibiUu amat^ (W. A. I., V, 39, 30; IV, 17, 52; V, 39; IV, 20, dernière ligne, etc.) ^ï- isolément ne pourrait être ici qu'un adverbe voulant dire «largement», comme ailleurs c'est un adjectif voulant dire «large = rapasup (W. A. L, V, 29, col. 2, 13). La phrase sumérienne signifierait donc «il accomplit (perfecit) largement, véritablement, la parole». Nous devons ajouter cependant qu'on trouve à la planche 2 du i" volume de W. A. I. (colonne 3, ligne 19) un mot composé dans lequel entre à la fois ■^ et >~^T>~T CiTTT-^. Ce mot ■^ >^^T»-T tll p est traduit en sémitique par «humu = ce qui est établi». Si, comme le terme *^II <Itt, par exemple, il est susceptible de se diviser en deux parties recevant entre elles des formatives, ou des régimes, ou des adverbes, etc., il faudrait traduire la phrase sumérienne ainsi qu'il suit «ce rédempteur, il accomplit ce qui est établi en vérité». En tout cas la corres- pondance avec la phrase sémitique ne semble pas rigoureusement exacte.
* Dans ce verset encore, la correspondance ne semble pas rigoureusement exacte, bien que le sens général reste le même au fond, entre la phrase sumérienne et la phrase sémitique. Cette dernière est bien simple « ina <y>- ^1 ili sumu epus». Mais dans le sumérien on ne trouve que les deux premiers mots TEJj *-*T- qui soient littéralement traduits. En effet TET] se trouve rendu dans les bilingues par le sémitique ■^sipruy J*~ ^U «message» (W. A. L, V, 51, col. 2, 11. 48 et 50) par sipt-u et t:§^ Jt- >-^J<l «messager — messagers» (W. A. L, IV, 5, col. 1, 11. 27, 28, etc.) et il l'est aussi par ^dteu» (W. A. I , II, 36, 47), auquel on pourrait rattacher <y>" ^T en le lisant <iaUav, au lieu de lire <isipar«, comme il paraît y avoir lieu de le faire dans la phrase suivante, où il traduit également JETT (W. A. L, IV, 12, 30 et 31
21*
164 Victor et Eugène Revillout.
«Ce^ rédempteur, claus la retenue de la bouche,^ il se comporte.
«Il ne mangera pas de nourriture et ne boira pas d'eau (il jeûnerai ^i>
Cette dernière ligne est interrompue à moins de moitié. Nous ne savons donc pas la durée du jeune annoncé. Quant à la traduction sémitique de ces quelques mots elle n'existe plus.
(La suite prochainement )
TEXTES EGYPTIENS ET CHALDEENS
RELATIFS A LINTERCESSION DES VIVANTS EN FAVEUR DES MORTS.
PAR
Victor et Eugène Revillout.
Un hasard singulier nous a fait à la veille du jour où notre société doit reprendre ses travaux par une séance tenue le 1^"' novembre,* tomber, l'un et l'autre, isolément, sur des documents, d'une part égyptiens et d'une autre part babyloniens, relatifs à la destinée de l'âme au-delà de la tombe et à l'intervention des vivants en faveur des morts.
Tout le monde sait quelle place considérable tenait en Egypte, depuis les époques les plus reculées, la croyance en une vie future. Une multitude de stèles, datées soit de l'ancien
tma ina siiav ramanisu essis ibannu» = «.... et par l'œuvre de ses propres mains (de sa personne) re- constniira (construira à nouveau) ceci». Cette phrase prouve avec évidence que la traduction «œuvre» proposée par Gdyakd pour sitav est la bonne. Si donc on lisait ici <y>^ ^J sitav, au lieu de lire sipar, il faudrait traduire la phrase sémitique ainsi qu'il suit : «par l'œuvre de Dieu, il fait son nom». Reste à se rendre compte du membre de phrase assez compliqué que dans le sumérien représente l'idée rendue en sémitique par «siima epus^ : le voici ^y^ •^U-^ ^fl: ^11 ^^I ^1} ^T ^TII- ^u*^"" ^^ ^^^ ^0*^ ne correspond au sémitique « mma » : •(^J tjy ^J t^ITI ^^^ peut-être une de ces formes verbales com- pliquées, telles qu'on en rencontre particulièrement dans le dialecte sumérien proprement dit (or c'est le dialecte dans lequel est écrit ce morceau). Le verbe ^^| veut dire en efl'et «episîj» (voir W. A. L, IV, 18, 5, etc.). Quant à /îî *~TT.4^ et à t:§^ ^^| T' '^ premier de ces mots signifie « célèbre, illustre, brillant, pur», etc., le second a des sens nombreux, particulièrement relatifs à ceux qui possèdent la royauté, la force ou la puissance (voir W. A. L, V, 23, 11, 29 et suivantes: IV, 27, 20; IV, 9, 19, etc.).
' Le sémitique, qui ne traduit pas encore'.^! ^][^, rend du moins ici le pronom démonstratif J^^^T tzlZ ^ammu = celui-là».
^ Une lacune à la tin de la ligne a fait disparaître le verbe dans le sumérien, qui ne porte plus que ►-^T^-T ij^ t^^ ^^TT •"•^T C-^^^T *^- La traduction sémitique des premiers mots "ina la piit sa pii = dans la non-ouverture de la bouche » se rapporte certainement à une locution particulière du baby- lonien sémitique, car on trouve dans les vocabulaires le sumérien j^ traduit isolément par «pihtu sapUt (W. A. L, V, 42, 54). p^ dans ce sens se prononçait tâh dans le sumérien parlé. Or ce signe en tant que verbe a pour correspondants habituels les mots «zagu, pataru», etc. (W. A. L, II, 1.3, 11. 16, 17, 18, 19; IV, 17, 32; 5, 50, 17; II, 11, 44; IV, 17, 38; IV, 17, 58), c'est-à-dire les racines qui expriment les idées de délier, de liberté, etc. Il est donc probable que «pitim m pii » avait comme babylonisme un sens analogue aux gallicismes «ouvrir la bouche à tort et à travers» = «avoir trop de liberté de langue ou de parole», «avoir une langue déliée», et, quand intervient la négation, au gallicisme «retenue».
' «trJTTt: w^ *"t^IyT t^yi Tir "î^-* ^^ premier mot t:TTTt: veut dire «akalus> dans le sens de nourriture (voir W. A. L, IV, 19, 11. 60, 61, 64; IV, 13, 56, conf.; IV, 1, col. 2, 27, etc.), >-^|^T veut dire •aakalu)» dans le sens de «manger» fpassim); quant au verbe qui manque, c'est >-^TtTT qui veut dire «safti = boire» fpassim).
* Ce mémoire a été lu le 1" nov. 1887 à la société d'archéologie biblique. M.ais nous l'avions ré- servé bientôt pour ma Revue et depuis lors il attend son tour. (E. R.)
Textes égyptiens et chaldéens, etc. 165
empire, soit d'uue époque postérieure, se rattacheut à cette croyauce, aussi bieu que le livre des morts en son entier et les cérémonies si compliquées, si nombreuses, de l'embaumement et des funérailles, qui nous sont connues par plusieurs rituels.
Les funérailles une fois terminées, il y avait encore d'autres cérémonies qui se renou- velaient aux anniversaires, etc., et l'un de nous a déjà montré, dans ses études sur un règle- ment des choaebytes daté de l'époque ptolémaïque, qu'elles étaient alors considérées comme de véritables offices religieux. Il a également fait voir que, dans ce même pays d'Egypte, dès les origines du cbristianisme, on avait prié pour les morts. ^
Eh bien! voilà que les stèles démotiques du Sérapéum, qui, par cela même qu'elles sont écrites eu langue vulgaire, reflètent plus fidèlement les idées dominantes à l'époque de leur rédaction, nous apprennent que ces prières pour les morts, ces bénédictions adressées au mort avec l'espoir qu'elles pourraient lui être efficaces, cette idée d'intercession, s'étaient déjà, comme sous les Chrétiens, dégagées de toute idée d'oifrande de bœufs, d'oies, de vic- tuailles quelconques et même de libations sacrées faites solennellement par des choaebytes. Ces stèles ont foncièrement la formule suivante, que je transcris d'après le u° 110 du Séra- péum démotique, n° 3709 de Mariette.
Inciint. «Oh! Ptah, fils^ du mur blanc (sanefi),^ seigneur de la région Anchta (de Memphis), Sokar Osiris, dieu grand, seigneur du Sta (tombeau). Apis Osiris /entament, seigneur d'éter-
ï Voir mon travail intitulé : «Taricheutes et Choacliytes» (extrait de la ZeiUchrift de Lepsius); et dans ma Revue égyplologique (t. I, p. 139 et suiv.; t. II, p. 15 et suiv.; t. IV, p. 1 et suiv., etc.), mes articles sur «Les aflfres de la mort», «Les prières pour les morts dans l'épigraphie égj-ptienne», etc. (E. K.)
^ Ear .£>») = M V>.^s:^ «qui fait» ou «qu'a fait»; <h:^ s'emploie très souvent pour la génération féminine. Le texte peut signifier que Ptah est le créateur de Memphis, ou bien qu'il est comme le germe de Memphis.
^ fiS)))^ 0 est le doublon de oSn)^=^ ou j^ntyZ^ qu'on trouve dans la même formule en
d'autres stèles, toujours à propos de Ptah. Le signe 3 E « murailles, enceintes » se lisait en effet [q] ^ 3 f sau, mot qu'on rencontre dans Pianchi, dans les testes d'Edfou et de Dendera, etc. (Conf. Br., Dict., 1161.) Cela nous montre que le mur blanc I^LX = y ^"^0 '^ ^^'^ devait se Ih-e non aneb ut, comme le croyait
Bbugsch, mais sa ut. Dans la langue vulgaire ji>iyty O et ^)ii^=3= lui semblent les correspondants
réguliers de " j ce qui est plus que douteux. En outre Bkuosch {Dict. géogr., pp. 57, 127, 725) n'avait signalé que la seconde de ces fonnes, et il croyait que fù)))_J'=3^>6 était une transcription de « |^
titre de Ptah», absolument comme il a fait, dans le même ouvrage, tant d'autres confusions analogues. Nous savons maintenant avec certitude : 1° que .6 ou .61) doit être séparé du mot suivant; 2° que Jl- ou — — représente l'élément q E = sau (mur). Quant â nefi, il paraît difficile d'y voir un synonyme vulgaire de 6 ut «blanc». Ajoutons, ce qu'ignorait Brcgsch, qu'on trouve la transcription hiéroglyphique de sa nefi
H È '^^=^ ), comme la transcription démotique de TIZ.
166 Victor et Eugène Revillodt.
nité, roi des dieux, Anubis sur sa montagne, Imouth, le grand, fils de Ptali, dieu grand, Hor net'atef de la demeure des années, ^ dieux et déesses qui habitez la région Amhi,^ vous
' Conf. le bilingue hiératique et démotique portant parmi les stèles démotiques du Sérapéum le
n" 134, et qui établit très bien, ainsi que beaucoup d'autres documents, la synonymie entre ^vU |'0
" J|it- V-- Cp fl '^ et rA3Glj2DJ^''.6+);S. Cette synonymie était ignorée de Bhcgsch, qui
a consacré un article à Èo-kat, « nécropole du Sérapéum, » dans son Dictionnaire géographique, p. 878 et sulv. La « demeure des années » est cependant sans cesse mentionnée dans les stèles du Sérapéum. Mais Brucsch, qui parle continuellement, i tout hasard, des stèles du Sérapéum, ne paraît pas les avoir jamais étudiées sérieusement. Nous aurons l'occasion d'en montrer des milliers de preuves.
^ Conf. parmi les stèles hiéroglyphiques du Sérapéum le n° 431, débutant ainsi : M QTj Q y
lîEH ) seigneur d'Anchto, Apis Osiris }(entameut, seigneur d'éternité, roi des dieux, Sokar Osiris,
seigneur du tombeau (Setai). Imhotep, dieu grand (oer), tils de Ptah, Anubis sur sa montagne, Hor dans Rokot, tous dieux et déesses qui habitez la région Amhi, vous faites durer le bon nom, etc.» Ici ran nofre «bon nom» est certain, comme dans beaucoup des stèles démotiques du Sérapéum. Y a-t-il une distinction à faire entre les morts dont on demande le repos (hoiep) et les vivants pour lesquels on demande un bon nom? Nous ne saurions le dire. Il n'est pas certain du tout que toutes les énumérations de noms contenues dans certaines stèles de ce type soient relatives à des morts. Mais il est certain qu'il en est ainsi dans la stèle que nous étudions en ce moment. L'avenir nous éclairera peut-être sur les autres docu- ments, très nombreux, de ce genre. Voici maintenant la transcription hiéroglyphique du texte hiératique de la stèle bilingue n° 104 :
c I 1 l,WVWvC^5iO
fiii r<=^rvi-^/BLa^ior2zxryA3si):bfo+/AJ^2?7ii-
7- :bX^ii i. J, î: ^ Uxj fo-Uj ^ 2*rJ; ^^*^^'i f.l f .i. yX -^ 2^ Tf^
. . . uii—'^^ii ^^_ ltz.y. 1 Ain
Ce texte est surtout intéressant, nous l'avons dit, par l'équivalence de Rokot et de '< la demeure des années», et par la différence nettement établie entre les expressions I (1 3 P'^^^^ '^* 1 E T j"sque dans la langue sacrée (voir sous ce rapport aussi la stèle 431 précédemment citée). Je dois dire que ces deux détails avaient échappé à notre cher maître M. Emmanuel de Rougé, qui nous a laissé une copie inédite de ce texte hiératique avec une transcription incomplète en caractères latins. Mais il faut noter aussi (point inaperçu dans ces documents mythologiques) la valeur •=^ her du signe jgi (tep ou ap) dans l'expression
Textes égyptiens et chaldéens, etc. 167
Desinif.
«Voilà qu'ils clianteut ;i jamais, Toilà qu'ils germeut et poussent éterneilemeut . les hommes dont j'ai dit les noms et qui sont morts dans le mystère d'Apis Osiris, seig'ueur des dieux.
« L'homme qui lira cette stèle, qu'il ne les fraude pas (ces morts, de ses prières 1 1 Qu'il les- bénisse I — ■ ainsi que celui qui a écrit ces choses.
«Ecrit l'an 15, qui fait an 12, Payni 2, de la reine Cléopâtre et du roi Ptolémée sur- nommé Alexandre.»
De même, dans la stèle 335 de la salle historique ^ provenant également du Sérapéum) on lit la formule abrégée suivante :
Incijjit. «Oh Ptah, fils de Saneti t^»i^=3^^i)), seigneur d'Auchto, Apis Osiris, seigneur des dieux, et plérome (paut) de ses dieux, ^ vous faites demeurer eu bon repos un tel et un tel, etc. »
complexe, «Auubis sur sa montagne». Le démotique porte en effet toujours alors la variante _p = @ (herj, qui prouve l'exactitude de cette valeur attribuée déjà à g).
La stèle 197 est de l'an 15, qui fait an 12, de la reine Cléopâtre et de son fils Ptolémée Alexandre, ce qui correspond à l'an 17 de TApis vivant, né de la vache kerka, manifesté à Séhotep, dans le nome d'Héliopolis. Le desinit démotique a soin de nous apprendre ces détails, qui classent notre stèle dans une série historique à nous bien connue, grâce aux beaux travaux de M. de Rougé sur le Sérapéum.
• Le texte porte ici nettement PfÉ = ^"i-j hotep. Ailleurs parfois on croirait lire ^-^ =
'~—^ ( y ran «nom».
^ Les expressions «Apis Osiris seigneur des dieux » d'une part et «plérome (paut) de tous ses dieux » d'autre part sont curieuses à noter. Elles indiquent que, quand les textes égyptiens disent « seigneur des dieux », cela ne veut pas dire, comme on l'a cru, que le dieu en question était considéré comme le seigneur du panthéon entier, (ce qui aurait amené à la pensée d'un monothéisme, avec plusieurs noms divins, n'étant, selon les lieux, que les masques d'une seule divinité suprême,) mais que cela voulait dire tout simplement que ce dieu était le dieu principal du temple, celui que le texte grec de Rosette nomme 0EOI KVPIQ- TATOS TOT lEPOT, et le texte démotique "iPSTP" pneter neremv, le dieu des gens ou des habitants, seigneur des dieux composant son paut, c'est-à-dire de «ses dieux auvvaoi». C'est pour cela qu'immédiate- ment après «seigneur des dieux» on lit «et paut de ses dieux^. Il faut noter que le vrai seigneur des dieux est ici Ptah, dieu suprême de Memphis. Tout aussi inférieur est le rôle «d'Apis Osiris, yent ament, roi des dieux» dans notre autre document. Cette fois même on intercale encore Sokar-Osiris avant Apis Osiris. Voir an Sérapéum des multitudes d'autres stèles analogues.
168 Victor et Eugène Revillout.
Desinit.
«Celui qui lira cette stèle, qu'il accomplisse les prières (ou invocations'i. Qu'il bénisse aussi celui qui a écrit. II ne les fraudera pas (les défunts). Il ne les fera pas frauder. Il ne rejetera pas une fête parmi leurs panégyries.
«Écrit l'an 5, 23 Payni, jour de la fête d'Isis, qui est aussi le jour de naissance du roi César (Césarion). * »
Nous croyons inutile d'allonger davantage la liste des documents similaires, qui tous renferment également, comme les stèles funéraires proprement dites, la demande d'une prière pour les défunts. Or ici nous n'avons pas affaire à des épitaphes biographiques (épitaphes dont chacune ne s'apphque jamais qu'à un mort seulement), mais à des proscynèmes pieux, faits dans la catacombe des Apis en l'honneur d'autres morts — morts humains — mis en série. Voilà donc là un sujet tout neuf de méditation pour les égyptologues, voulant étudier les idées antiques.
Le jugement de l'âme, origine évidente de cette intercession pour les morts, n'est vraiment connu qu'en Egypte. Mais le document babylonien dont nous allons maintenant parler prouve qu'on y croyait également en Chaldée. Il est vrai que les idées des peuples de la Chaldée et du voisinage, ainsi que celles des autres nations asiatiques, paraissent n'avoir pas été bien fixes, bien arrêtées relativement au sort ultérieur des défunts. Le poème de la descente d'Istar aux enfers nous montre les ombres qui se pressent contre la porte comme des oiseaux. Elles y ressemblent singulièrement à ces ombres que nous décrit un autre poème, l'Odyssée, dans l'évocation qu'en fait Ulysse. Ce sont véritablement des ombres, n'ayant conservé de la vie réelle que des souvenirs et des regrets. Elles déplorent d'être privées de tout ce qui faisait l'existence. Elles errent malheureuses, n'aspirant qu'à sortir du pays des morts. Dans les croyances d'Athènes, à l'époque classique, nous voyons encore des ombres errantes. Ce sont celles qui n'ont pas reçu les funérailles solennelles, et dont le corps est abandonné sans sépulture. On n'a pas oublié qu'Athènes tit condamner à mort les généraux qui venaient de remporter une de ses plus grandes victoires navales, parce qu'en présence d'une tempête ils avaient négligé de recueillir les cadavres de ceux qui avaient succombé pendant les péri- péties de la lutte. Ces morts, croyait-on, criaient vengeance, parce qu'ils se trouvaient privés ainsi de l'éternel repos. L'idée de repos est encore une de celles qui dominent dans le docu- ment suméro-babylonien dont il s'agit.
Ce document avait été vu par Lenormant qui, dans le dernier fascicule de ses études accadiennes, en parle dans les termes suivants :
' Cette donnée historique est rigoureusement exacte (voir Letronne, Inscriptions, p. 97), mais n'en est pas moins curieuse, puisqu'on savait déjà à Memphis la naissance royale qui avait eu lieu ce jour-là (à Alexandrie sans doute).
Textes égyptiens et chaldéens, etc. 169
«Un autre psaume de la pénitence, bilingue, en 45 versets, destiné à accompagner un sacrifice au dieu Bel, se trouve dans W. A. I., IV, 21, 2. Le texte en est presque complet, mais présente encore de grandes obscurités. Il serait très difficile, pour ne pas dire impossible, dans l'état actuel des connaissances, d'en donner une traduction intégrale et suivie. »
Sans doute, c'est justement la présence fréquente du verbe reposer en sémitique qui aura fait croire à Lexokmant qu'il sagissait là d'un des psaumes de la pénitence. En effet, dans les psaumes de la pénitence on dit souvent au dieu irrité : '^ Que ta colère contre moi se repose;» c'est-à-dire s'apjmise «Que tu te reposes, ^ c'est-à-dire : «Que tu cesses d'agir contre moi. » Mais ici, quand cette même racine sémitique se rencontre, c'est à propos d'une idée tout autre.
C'est là ce qu'il faut d'abord bien cnmprendre pour saisir le sens général de ce texte, dont les difficultés sont grandes en effet, mais ne nous paraissent pas insurmontables.
Un point devait surtout étonner Lexormast quand il y voyait la prière d'un pénitent qui se repentait de ses fautes.
Les dieux qui sont invoqués ici sont plutôt les dieux du monde des morts, ceux qui figurent dans la descente d'Istar aux enfers. A côté de Bel-Ea, le maître de la terre, ' le maître de l'abîme,^ le seigneur de ce qui ne change pas,^ comme il est appelé dans la tablette du déluge,* sa femme Damkina, dame et ornement de l'abîme," dame de la teiTe,'' cette grande dame de la terre qui, dans la descente d'Istar aux enfers, préside à la garde des morts,' n'ayant à recevoir des brdres que d'Ea lui-même.* Puis toute la cour infernale : Marduk, le fils d'Ea, ^ le dieu de Babylone, nommé ailleurs «le cœur de l'abîme »,!" «Mar- duk de l'abîme»," «le fils aîné de l'abîme»,'^ «le fils de l'Eridu»," etc.; Pap.sukal,'^ ce grand messager enti-e la terre et le ciel qui, dans le poème d'Istar, va, de l'enfer, aumincer aux dieux la réclusion de la déesse ;^^ le dieu Martu,''' héros de l'abîme, à la corne puissante;
' "^II (]M ^- -^- !•' "' ^^' ^^- •"II ^^I t^TTT^ ^- ^- ^^ ^"^^' ^■'' ^■^' '^*^-
' <^ll --^Tl tt^ w. A. L, II. 55, -25. têCîff •"'^ïï t^t^T "'''^■' '■ ■-*• IV, 18, 54. >^^ ,~^JJ tiZ^ II, 55, 26.
' ►-TJ 15A *"M-q!l. tablette du déluge, 1. 17; comme exemples de *-Tl.^^ dans le sens de changer, voir notamment 'W. A. L, IV, 21, 61, W., TV, 14, 2' colonne revers, 1. 22: IV, 10, 40; V, 44, 2" colonne, 39 et passim.
* Voir W. A. L, II, 55, 1. 53 et suivantes; IV, 3, 23: IV, 22, 2"^ colonne, 11. 27 et 28, etc.
5 -^Vt! T- "l^T .^^TT ^x] w. A. L, II, 55, 55. -^tT V >-»tTy ttj ''4^- 1- se.
^ ►-►f- **-*..^^ ^Ih '^'^"* '"-^ dialecte sumérien, *~*^ "*?"^T \IS ''''°* l'autre dialecte non sémi- tique, W. A. L, II, 59, 3.
' W. A. L, IV, pi. 31, 1" colonne, 11. 28, 44, 47, 50, 53, 56, 59, 62, 64, 66; col. 2, 11. 15, 29.
" C'est à Ea que le dieu Samas et son père Sin vont s'adresser, quand ils apprennent la réclusion d'Istar dans les enfers, pour obtenir son élargissement; 'W. A. I., IV, 31, col. 2, 1. 4 et suivantes; et Ea envoie aussitôt ans enfers ses ordres formels, que la grande dame de la terre fait exécuter. Ihid., 11. 1 1 et suiv.
' W. A. !.. IV, 5, col. 2, 57; II, 55, 64; IV, 7, 18 et passim.
10 ^jp i^|y| ..^yy j-j-y -v^r ^ j^ y ^^ ç^] o^ -^ ^^ i^y|y ^^yy ,-j^.^ j g.
" -«4- <tii] W --! -TT ^t w. A. L. V, 51, col. 2, 1. 56.
1' w. A. I., IV, 3, col. 2, 26; IV, pi. 22, col. 2, 11. 29 et 30.
" W. A. I., IV, pi. 3, col. 2, 1. 41; IV, pi. 23, col. 2, 1. 5.^.
» W. A. L, III, 68, 64; V, 44, 51; II, 59, 23.
>^ W. A. L, IV, SI, col. 2, 1. 1.
" W. A. I., II, 59, 42; II, 56, 41 et 42.
170 Victor et Eugène Revillout.
sa femme Karkara;' le héros Niuip, en qualité de fils aîné de la demeure du mystère,^ Ninip qui est appelé ailleurs celui qui reçoit iqui prend) les sentences des dieux-' et ici le porte -parole de la dame de la ville du maître de la terre (Nipour); sans compter les Au- nunaki,* esprits de la terre; les dieux bœufs ou buffles, présidant à l'entrée du lieu du mystère, de la demeure infernale, comme à l'entrée des temples, des sanctuaires vénérés, présidaient d'autres bœufs ou buffles divins.^
Toute cette mise en scène est bien différente de celle des psaumes de la i)énitence. Dans ceux-ci on invoque surtout les dieux de la vie : le dieu gardien et la déesse gardienne attachés à chaque personne pour la protéger,'' et que ses fautes peuvent seules détacher d'elle, les dieux, connus et inconnus, qui influent sur les destinées durant l'existence. Si on s'adressait spécialement à un juge, ce serait au dieu Solaire, à Samas, la lumière des grands dieux,' le seigneur du jugement,® le juge suprême du ciel et de la terre ^ : mais dans le monde des vivants,^" — tandis qu'Ea est le juge suprême dans le monde des morts; cette différence est capitale, elle pourrait suffire à elle seule pour faire conclure que le but visé, l'objet de la prière, le sujet de la tablette ne peuvent être identiques de part et d'autres.
Or, cette conclusion devient plus évidente encore quand ou étudie parallèlement un autre morceau bilingue, dans lequel figurent également les divinités infernales.
^ AV. A. I., V, 16, 21; II, 59, 4a; conf 11, 56, 43; 11, 19, 45, etc.
^ t^^ C^y t:yyyy i^k. ^t^yy W. a. I., IV, pi. l, coi. a, U. 32 et 33; .^ est traduit par namqtt daus W. A. I., V, U, 18; c'est à cette acception que se rattachent les mots composés t^yyyy ,^^; ^^^y .^ nom de l'Eridii : et non à celle de ^ Kissat (voir W. A. L, IV, 12, 19; IV, 29, 42, etc.), dans tS: »TT^y tyyyy ^yy.^ yy, titre équivalent qu'il porte ici, ^yi.^ l'I est le participe présent du verbe ^►-yy.^^ dans le sens à'ékimu «prendre», c'est «la demeure qui saisit».
» >->^ -j^^y 1^ }} t=yyyy kkk *^ "^H^ ]***' ^- ^- ^-i ^^' ^^' -^' ^°^^'- "^' '^'' "^^ ^^^ p""*'
^>Jf- ]^ y^ = ^«^ "i^^y ]^, IV, 23, col. 2, 11. 45 et 46.
^ Les Amuniaki sont mis en scène dans la descente d'Istar aux enfers, IV, 31, col. 2, 1. 37, etc.; en tant que puissances infernales, dans la tablette du déluge, ils coopèrent puissamment à l'œuvre de destruction ordonnée par les dieux. Il est d'ailleurs souvent question d'eux dans les textes bilingues.
^ La tablette partiellement bilingue qui forme le n" 23 du IV volume de la publication du British îluseum est relative à la consécration d'un bœuf. On y indique, col. 1, 1. 17, n° 3, la formule mystérieuse ►-^T^^y ^>^yy ^^y '* prononcer, «à l'intérieur des oreilles d'un bœuf de droite», et ligne 26 et suiv. ce qu'il faut dire aux oreilles d'un «bœuf de gauche». Nous publierons prochainement ce document, où les colossaux animaux sacrés, gardiens du sanctuaire à l'entrée duquel se dressaient leurs statues de métal ou de pierre, sont désignés par l'idéogramme t^l^, au lieu de l'être par l'idéogramme t^^- Mais c'est ce dernier idéogramme qu'on trouve dans le récit fait par Assurbanipal de la destruction de ces statues vé- nérées en Suziane, dans l'inscription historique de Nabuchodonosor, etc. L'équivalent sémitique en est rmm dans W. A. L, V, 50, 50; IV, 27, 20; et dans la grande inscription de Nabuchodonosor, col. 111, 1. 59.
" On croyait que chaque individu était coniîé durant sa vie à un dieu et à une déesse qui jouaient auprès de lui le rôle d'anges-gardiens. Le mot palddu que le texte bilingue W. A. L, IV, 3, col. 1, traduit par Lenormant, emjiloie au masculin à propos de la déesse, a, dans cette acception, pour correspondant, le sumérien >-t:E^yy ■j\\ tandis que dans l'acception un peu différente de gardien, en tant que surveillant, directeur et chef, il répond au .sumérien trJTT (voir W. A. L, V, 51, 27, conf. W. A. I., I, 65, 11. 25 et 26).
' W. A. L, IV, 17, 22.
« W. A. L, IV, 2, col. 4, 1. 4; conf. IV, 28, 1.
» W. A. L, IV, 28, 38.
" W. A. L, IV, 28, 3 et suiv.
Textes égyptiens et chaldéens, etc. 171
Il s'agit d'un texte qui a paru dans le dernier fascicule de la publicatinn du British Muséum (W. A. I., tome V, planche 51, ligne 12 et suivantes).
Nous n'en connaissons pas de traduction, mais le sens nous en paraît clair, aussi bien dans les phrases sumériennes que dans les phrases sémitiques correspondantes.
Le style eu est remarquable. C'est une sorte de poème religieux relatif à l'apothéose d'un roi, héros, mort probablement sur le champ de bataille au milieu d'une victoire. Comme dans les fameux décrets d'Ammon, la divinité intervient directement. Le dieu Ea, qui, dans le poème d'Istar, fait rendre la vie à la déesse par un message, ordonne ici l'apothéose par un message, dont le prêtre inspiré reproduit les termes.
Mais auparavant ce prêtre poète s'adresse directement au roi défunt, en fait l'éloge, et prie pour lui dans un dithyrambe de huit strophes. Les quatre premières seulement pré- sentent ((uelques lacunes, qui n'empêchent nullement de saisir la tournure générale de ce début :
«Oh roi, d'un cœur inébranlable, illustre I '
«Tronc de cèdre dans la montagne, dont la majesté (va) jusqu'au iciel I^
«Etabhssant ipar ton exemple! ce qui forme le propre de la souveraineté!^
« l'élévation de la royauté!*
« — Dans la demeure Ektu'ki,^ à ton entrée,
ïQu'Ea te donne la joie. Que Damkina, la reine de l'abîme, t'éclaire de sa face.
'■ C'est ainsi qu'il faut traïUiire \jj et ellu quand, par exemple, ce qualificatif s'applique aux vins : comme quand il s'applique à des montagnes par «élevées».
' Il ne nous reste ici que des débris de la fin de la ligne, soit en sumérien, soit en sémitique : en sumérien le pronom ^ ^ ^son» s' .appliquant au substantif .^^>îî- = emuqu, etc. «gloire, puissance, force», etc.; en sémitique l'adverbe adi «jusqu'à j>. Le conteste pourtant nous paraît clair.
' Tout le commencement de cette ligne a disparu dans le sémitique, il ne reste plus que
(ibjbanà simat beliiti. En sumérien, la ligne commence par le signe fi^gi^IvT correspondant à iddUm, e»su, élit (W. A. I., II, 30, col. 3, 1. 14), etc. ; après cela vient une lacune, puis un signe un peu déformé, mais reconnaissable, le signe ^^T Hg, qui avec la syllabe de prolongation ga, correspond à sa ihanu; le mot '►- 'V^y, traduit ici comme d'ordinaire par éimal, et le commencement du mot ►-T^T'^ ►-TJ *-^i traduit par hiluti.
* Encore une ligne dont il ne reste plus que les derniers mots; en sémitique nlninl san-iui; et en sumérien, la dernière syllabe du mot •-T^'^ ^VT'^ T[T^ ►-^T et le mot >-7^'^ tê»4W •"^T *''^" (luit par sarruti.
^ Pour représenter l'expression qui désigne ici en sumérien la demeure infernale (expression facile à suppléer dans la lacune de cette ligne, car elle se reti'ouve plusieurs fois plus loin), celui qui a traduit le document en sémitique s'est ser\i, non point de mots de cette dernière langue; mais d'un terme em- prunté à la langue sacrée, à laquelle appartenait également l'autre. C'est celui que nous transcrivons dans notre traduction française. Il se compose de trois signes, dont le premier tTTTT signifie ^ demeure >, le troisième yT&=| « lieu ^ et le second "T correspondant (alors avec la lecture « kur ») à la racine sémitique rakasu, exprime l'idée de réclusion. C'est donc une demeure qui est un lieu de réclusion ; et ce nom, Ekurki. correspond admirablement à celui que l'on trouve dans la descente d'Istar aux enfers '^ *^ ^"^^L Tt le pays qui ne rend pas ses hôtes, dont on ne revient pas. Quant à ce qui suit dans cette ligne et dans les suivantes, les mots n'en sont pas moins connus, la construction grammaticale non moins facile, le sens non moins clair dans le sumérien que dans le sémitique, ainsi que nous le montrerons dans un travail plus étendu : les deux textes sont littéralement collés l'un à l'autre, à la dilïérence de ce qu'on remarque dans l'autre document que nous donnons plus loin.
172 Victor et Eugène Revillout.
«Que Marduk, le gardieu puissant des Egigi, relève ta tête.» Ici vient le message d'Ea :
«Grand, brillant message du dieu Ealll — Il sera placé dans Yadu; «Ses actions/ dans le lieu de vérité.
«Les esprits élevés du ciel et de la terre l'installeront, celui-là'. « Dans les vastes palais du ciel et de la terre ils l'installeront, celui-là. » Le dieu a prononcé : et le voyant, qui vient de proclamer son message, le commente en son propre nom.
«Voilà un décret^ brillant et limpide!
1 Une faute s'est ici glissée dans la traduction sémitique. Le pronom bi qui suit le substantif TIT>-1^ *~T^ ^^T «Ji'sete» (conf W. A. I., IV, 12, 15, etc.) aurait dû être rendu par su et non par sunu.
Ou plutôt, suivant le sumérien: «ses actions, on les placera en sou lieu,» c'est-à-dire: «la gloire de ses actions l'y suivra.»
" Le mot sémitique tTTT '^^F ^tlT •"Ètl ^tziiratu, que nous rencontrons ici, et son con-espon- dant sumérien tT .^^ËÈ: °"*' ^*'^ traduits de bien des manières. Norkis, s'appuyant sur un passage du cylindre brisé de Nabonid (3, 33) et sur deux autres du cylindre de Seukereh, y voyait un synonyme du mot lemen, et traduisait <i pavement», pavé, pavage. Il rappelait à l'appui les racines hébraïques '\T for- malicm et IIS roc. M. Offert, cité par lui à ce sujet, avait traduit utzurat adanni par «les fiiiblesses de la vieillesse», et Norris pense que pour en arriver à l'idée de faiblesse il avait dû songer aux racines liébraïques "lys to resirain ou "in to hind. M. Talbot avait suggéré que dans les passages relatifs aux reconstructions de temple, ces utzuvati, que l'on recherchait avec si grand soin, pouvaient bien être les cylindres de terre cuite indiquant qui les avait fondés; comme analogie sémitique dans une langue déjà connue, il avait mentionné le mot "I2£1K trésor.
Mais aucune de ces traductions n'était applicable à certains passages d'hymnes liturgiques qu'avait rencontrés Lenormant. Il voulut donc trouver autre chose, et s'inspirant de la racine hébraïque ^^S cinxit, accmxit, il vit dans le sémitique utzurat et dans son correspondant sumérien tj ^^y^, une harrih-e, telle qu'on en place pour compléter une clôture, et par dérivation une home. Évidemment il ne s'était servi de cette traduction que faute d'une meilleure, car l'idée de borne ou de harrih-e cadrait elle-même assez mal avec ses contextes.
Ici, comme souvent d'ailleurs, c'est le sumérien qui permet de préciser, et qui montre ainsi dans quelle direction il faut chercher les analogies du correspondant sémitique.
Le mot sumérien tT .^SE 6st traduit par un participe dans un document dont nous avons déjà parlé pi-écédemment (W. A. I., IV, planche 23, n° 1). A la ligne 9 de la seconde colonne débute un chant en l'honneur du dieu Bel, célébré comme le divin maître, le roi suprême de tout le pays dont il s'agit, et qui paraît être le pays d'Accad. Les lignes sont brisées, mais elles commençaient par des qualificatifs formant une litanie que nous possédons encore, et cette idée se reproduisait sous toutes les formes : « pasteur véritable, pasteur (du pays), pasteur (gouvernant le pays), seigneur de toute la contrée, seigneur (de la) contrée,» etc. Or, au milieu de ces épithétes, qui ne varient guère pour le fond, on lit deux fois, aux lignes 19 et 21, les qualifications suivantes dans le sumérien ^ ^| [i ^yy tj .«(k^^ ^^lî ' \ ^^^ un mot extrêmement fréquent, voulant dire seigneur, en sémitique beluv. Le mot ^J n'est guère moins fréquent, et il correspond, suivi ou non de la syllabe complémentaire ^>-|[, au sémitique matu, signifiant pays. Ici la syllabe complémentaire vï^T n'avait point à intervenir avant le pronom possessif ani, car elle aurait fait supposer un cas oblique gouverné par le substantif précédent; taudis que son absence prouvait qu'il s'agissait d'un régime direct gouverné par une forme verbale subséquente. Par conséquent, puisqu'à la ligne 19 le mot C:T .^^E E^TT ^^ trouvait suivi des mots ^ ^|, par lesquels commençait un nou- veau membre de phrase, parallèle au précédent, fij .^^ jouait certainement ici le rôle d'un verbe; et ce verbe devait être au participe présent, puisque la syllabe complémentaire (^^^| | j intervenait.
En effet, voici la traduction sémitique donnée pour ce membre de phrase aux lignes 20 et 22 : s beluv ►^ ■!^>-T<T 'i^'^^-pk '""' O^"-)- " Muutztzir est le participe d'un verbe sémitique dont la première radicale est une de celles qui sont devenues pleinement des voyelles en assyrien, c'est-à-dire soit un aleph, soit un iod, soit un he, soit un vav, soit un ain. Quant au sens, il est évident. Le contexte ne laisse guère
Textes égyptiexs et chaldéens, etc. 173
«Dans ses eaux, brillantes et pures,
ï Les Auuuuaki. dieux imissants, se purifierout eux-mêmes, »
de choix qu'entre des traductions telles que celles-ci : <■■ Seigneur qui exerce le commandement sur ton pays;» «Seigneur qui (par tes ordres) dirige ton pays,» etc. On se trouve donc conduit à la racine sé- mitique ilïj? qui non-seulement vent dire coercuU, clausit, etc., mais imperavit, imperium, etc.
Ce serait d'ailleurs une gra\e erreur que de croire que le 7 des autres langues sémitiques de\'ient tonjours en assyrien un e; très souvent il se change soit en a, soit en ;/, comme dans cet exemple.
Ajoutons que le signe t:| entrant dans le mot fzl ^^^^ semble n'y jouer que le rôle dun dé- termiuatif, souvent abusif, particulièrement quand il s'agit d'une forme verbale. Le signe .^^^E est employé seul à titre de racine verbale, et se trouve avoir poiu- correspondant le sémitique etzir (avec diverses nuances de sens que prend nsj? soit en hébreu, soit en chaldaïque) dans un certain nombre de textes bilingues, panni lesquels nous citerons W. A. !.. V, 50, 38: IV, 3, 36: IV, 27, col. 2, 1. 60, etc. Quant au complexe tT ^^tj^, que nous trouvons encore rapproché, mais à titre d'idéogramme, et dans une phrase unilingue, du mot sémitique utzuri, lorsqu'il est employé substanti\ement il nous paraît avoir généralement le sens soit de ■= décret >. soit de pièce officielle émanant d'une autorité di\-ine ou humaine, soit, d'une façon plus générale, de quelque chose d'institué, d'arrêté, de fixé, d'établi avec une sanction. Il nous semblerait que ce serait l'idée qui cadrerait le mieux a\ec l'ensemble des textes reproduits ou cités par Lesoejiast ou par Xokris. En eflFet, les stèles ou les cylindres, écrits lors de la fondation d'tin temple, et portant les sanctions qu'y joignent tous les rois dans les foi-mules finales, peuvent bien être considérés comme étant des actes officiels émanés de l'autorité (ce qni nous indiquerait comment le signe du bois a pu devenir le déterminatif-des pièces de ce genre à une époque ou, comme cela semble résulter d'un assez grand nombre d'indices, on a tracé les caractères sur des planchettes de bois, avant de les tracer sur de la teiTC à brique). L'opinion de Talbot, une fois dépouillée de Vappaiaim sémitique qu'il lui avait donnée, serait donc encore celle qui se rapprocherait le plus de la vérité, pour la classe des ntzurati dont il est question dans le cylindre de Senkereh et dans le cylindre brisé de Xabonid.
Venons eu au texte reproduit d'après Botta : vtzurat adanni ikmidaâsumma illika m~uh matî. La diffi- culté ne portait que sur les premiers mots: mais elle nous paraît maintenant disparue. Le sens réel est : cle décret étemel (ou de l'étemel i l'atteignit et il alla (c'est-à-dire lui fit parcourir) le chemin de la mort.» C'est une phrase mystique que l'on trouve presque identiquement dans un certain nombre d'écrits de rÉg}*pte, païenne on chrétienne.
Restent les documents bilingues de Lesorsiast. Dans ceux-ci les pièces officielles dont il s'agit sont de caractère magique. Les Chaldéens croyaient à la force effective de telle ou telle formule qu'ils pensaient remonter aux puissances célestes. Si l'on veut se faire une idée de l'importance extrême attribuée à ces formules magiques, et de la foi qu'on avait en elles, même dans notre monde occidental aux premiers siècles de notre ère. même chez des Chrétiens et des Pères de l'église, tels qu'Origéne, on n'a qu'à lire les textes reproduits par l'un de nous dans son ouvrage inritulé <^Vie et Sentences de Secundus». Les formules magiques constituaient donc pour les Chaldéens, et pour tous ceux qui adoptèrent plus tard leurs croyances,^ une sorte de talisman verbal, imposant aux Esprits l'obéissance, comme un ordre, un décret des puissances dinnes. C'est là ce qu'ils nommaient mamit quand il était question d'une de ces paroles mysté- rieuses, comme ils nommaient mamit le lien verbal, ayant une sanction divine, créé par l'invocation d'une divinité dans un serment. Le bilingue que forme le n" 22 de Lesormakt et le n° 1 de la planche 16 du quatrième volume de W. A. I., commence ainsi dans le sémitique : «mamit.' mamit! ulzurtu sa la eteqi.' utzural ilani ra M napalkati!- etc. Voici comment il nous paraît qu'il ftiut traduire : <:mamil.' mamit! ordre des dieux qu'on ne transgresse pas, ordre des dieux par-dessus lequel on ne passe pas! etc.» Un mamit de ce genre paraît donc un acte de l'autorité di\ine, ayant sa sanction comme les stèles ou les cylindres relatifs aux fondations des temples. Aussi trouvons-nous un peu pins loin, itUzurtav ihbalakkita, utsurat ilani, utzurat same u irtzitiv aï umassam, » « celui qui enfreint ce décret, le décret du ciel, le décret du ciel et de la terre ne le lâchera jamais >. C'est exactement la même idée que nous retrouvons dans un certain nombre de textes historiques. Par exemple, Assurbanipal, après avoir raconté que les rois établis par lui en Egypte, et qui lui avaient prêté serment, péchèrent contre son serment {ina adiia, dit-il, c'est-à-dire dans ce cas ^le serment à moi prêté : en effet on pouvait aussi bien dire «mon serment- pour 'le ser- ment fait à moi», que «pour le serment fait par moi») après avoir ajouté qu'ainsi ils n'avaient pas gardé le (ils n'avaient pas été fidèles au) mamit des grands dieux, conclut en ces termes, vers la fin de la 1" colonne : «le mamit d'Assur et des grands dieux les saisit: leur péché contre le serment des grands dieux (sa ihtu ina adii ilani rabiiti) fit en aller de leurs mains le bien, tout ce qu'ils avaient fait de propice. » Le tableau de l'extermination des habitants, grands et perits, de plusieurs villes suit immédiatement comme un résultat
174 Victor et Eugène Revillout.
«Et le rendront pur en face d'eux (à l'égal d'eux).»
Puis, la vision le saisissant, il parle au présent et fait assister à la scène du couronne- ment, de l'apothéose, qui se passe dans le monde des morts :
«Les Abkalli augustes,
«Les divins Ellanun, habitants de l'Eridu,
«Les divines Ellanun, habitantes de l'Eridu,
«Accomplissent grandement la parole de l'abîme.
« Ils couvrent de tapis le sol de l'Eridu (mot-;i-niot ils complètent grandement l'habille- ment de la terre d'Eridul
« Dans la demeure Ekurki, le dieu Ea l'installe en roi. »
Mais cette royauté dans l'abîme ne suffit pas au prêtre inspiré. Il voudrait plus encore pour son héros : il redemande pour lui la vie, telle qu'on peut l'avoir dans le monde des vivants quand on jouit à la fois d'une santé vigoureuse et du bonheur de l'âme. A cet effet il fait intervenir le seigneur de tous ceux qui vivent, le dieu Samas :
«Que, par les ordres du dieu Samas, seigneur puissant du ciel et de la terre,
«La vie, le bonheur du cœur te soient donnés eu don.»
Dans le morceau qui suit, comme dans celui du début, le célébrant se sert de la seconde personne en s'adressant directement au roi défunt, et il exprime ses souhaits pour lui sous une forme impérative.
Malheureusement, toutes les lignes sont interrompues par des lacunes considérables, sauf les deux premières, ainsi conçues :
«Oh roi, resplendissant^ par le flamboiement de ton glaive illustre.
« A ta réception dans la demeure Ekurki. »
On peut cependant entrevoir le sens général de cinq versets dont on possède encore la tin :
« Marduk de l'abîme.
«Que Samas t'illumine.
«Que te revête (des ornements) de la royauté.
nécessaire et fatal, puisque le manùt du dieu Assour et des grands dieux les avait saisis. Nous n'avons plus qu'à dire quelques mots d'un dernier passage dans lequel Lenormant a rencontré le mot ulzurat, et l'a traduit par «barrière», «clôture.» Il s'.agit d'un texte très fragmenté, où il est question des cérémonies à accomplir pour rendre efficace l'apposition, autour d'un malade, de statuettes de bois fabriquées à cette intention. Il est d'abord question de l'élévation des mains, du costume revêtu, etc. (probablement du genre de bois choisi pour la fabrication des statues); puis, immédiatement avant le commencement des lacunes, se trouvent ces deux mots : utzurat usaklil. Au milieu de la ligne suivaute, eutre deux lacunes, on distingue le mamit des dieux. Lenormant a traduit ulzarat usaklil par «j'ai complété la barrière». La traduction «j'ai parfait le rite prescrit» nous paraîtrait plus vraisemblable. Il est vrai que dans le sumérien, après le passage correspondant, vient une forme du radical t:TT|^ traduit fréquemment par miiu (voir notamment W. A. I., IV, 13, 22; IV, 13, 5-t; IV, 26, 10, etc.), mais s'il s'agit de lotions effectuées par le prêtre, rien n'indique que ces lotions aient eu pour objet tin ulzurat.
^ Mot-à-mot : «roi resplendissant d'un glaive flamboyant, illustre — bur (nnn = splendens) litti (anb = flammeum gladium = Gen. III, 2-t) elluti. » Ce passage donne raison à Lenormant qui traduisait le terme sumérien \^~\ (prononcé amar), ainsi que son correspondant sémitique •'bun/y, par «splendens», et non par «âne sauvage», comme on l'a fait depuis. Il traduisait aussi ►-TTT»- -^fflU-i en sémitique «fe««» par «glaive flamboyant».
Textes égyptiens et chaldéens, etc. 175
«Dans les palais où se fera ta résideuce,
c Que te rende joyeux chaque jour. »
Après cela il ue reste plus de tout le bas de cette colonne que des vestiges, au milieu desquels ou remarque : le nom, déjà invoqué plus liaut, du dieu Marduk; des lambeaux de
phrases tels que ceux-ci : «la vie et le souffle de l'existence dans le passage dans
la demeure Ekurki le dieu Ea, seigneur de l'isippi par la magique
parole de vie * , le poisson et l'oiseau qui ont leur demeure au bout de ; »
et enfin le nom d'une déesse, «dame de la grande mer,» nom qui paraît être identique à celui de la déesse désignée dans d'auti-es textes comme «la mère d'Ea», «la mère qui a engendré le ciel et la terre. » ^
'Vingt lignes entières ont disparu au commencement de la seconde colonne. Peut-être contenaient-elles d'autres détails sur les habitants de cette demeure infernale, cette demeure Ekurki où le poète a décrit : l'arrivée du roi défunt «à ton entrée dans la demeure Ekurki», le bon accueil qui l'y attendait «à ta réception dans la demeure Ekurki >, le passage qu'il a dû y faire «à ton passage dans la demeure Ekurki»; mais dont il désirerait maintenant le voir sortir par une glorieuse résurrection.
Le texte reprend au milieu de ces vœux de résurrection, formulés dans des termes qui ressemblent beaucoup à certaines expressions mystiques des rituels égyptiens. De même que, dans ceux-ci, le mort germe, comme Osiris, pour prendre par cette germination une vie nouvelle, de même le prêtre-poète voudrait voir son héros germer, sur le heu même du combat au milieu duquel il est tombé en se couvrant de gloire :
«A ta sortie de la demeure Ekurki,
«Que les grands Egigi te donnent en don la vie et le bonheur de l'âme.
«Que Ninip, le héros puissant, que Belkit te fassent germer,^ au lieu du combat.
«Que Ninip, le messager d'Ekurra, te fasse sortir des zisagal de l'existence 1
«Dans ta sortie de la demeure Ekurki,
«Que les bienfaisants Uttukn, les Lamassu propices te fassent revenir eu paix.
«Que les Ekimu méchants, les Ahi méchants (soient repousses par) les Uttukn pro- pices, les Lamassu propices,
«Et les Eggigi, dieux puissants.
' L'idéogramme >vJ . r-FC^, rendu ici en sémitique par le mot tesu, est habituellement traduit, soit par Hpat (W. A. I., IV, 21, recto, 40, îhid., verso, 1, etc.), soit par mamit, surtout quand la nuance de sens en est précisée par le génitif «-^^VJ CrTTT'^ «de parole», "W. A. I., W, 7, 44 (conf. W. A. I., V, 50, 63, etc.). Quant au mot sémitique <!-tesu' il a pour corresijondant sumérien le mot »~^T»~T «parole», dans un passage d'hymne bilingue CW. A. I., IV, 51, col. 1, 1. 41), que Lenokmant lui-même n'avait pas très bien compris, et que M. Pognok a invoqué pour attribuer à ce mot tesu le sens de «perte» ou de •: destruction». Le sumérien indiquait bien pourtant qu'il y avait lieu de chercher dans une direction toute autre.
^ W. A. I., II, 54, n° 3, 1. 17; W. A. I., II. 54, 18. C'est le même nom divin qui entre dans le nom du père du roi Dnngi, le nom royal T TJm ^"'T" Ipf '^^ Orcliamus, Urbagiis, Urbau, etc. Conf. 'W'. A. I., III, 69. 25: III, 61, 58; IV, 15, col. 2. 1. liu, etc. Si l'assimilation de *~>^ T^ .ivec Bau est douteuse, celle de *~>f- •■>^T fcTTTt avec *^>^ ^t^yttt premier élément du nom de Dungi est certaine. (Voir W. A. I., V, 44, 11. 18 et 20.)
' Conf. uritzu, W. A. L, IV. 27, 64; IV, 26, n° 6, ligues 4, 6, 8, etc.
176 Victor et Eugène Revillout.
< Que le dieu Samas proclame pour toi cette parole de faveur. »
Dans l'autre document, qui fait surtout l'objet de cette communication, il ne s'agit plus d'un roi illustre, mais d'un simple particulier; ou ne demande donc plus pour lui l'apothéose, la royauté dans les vastes palais du ciel et de la terre, mais simplement le pardon de ses fautes, le calme dans la tombe, l'apaisement, l'éternel repos. C'est un pécheur, qui a besoin de sacrifices expiatoires pour lui concilier la bienveillance des puissances infernales : du moins on le craint; et c'est ce qui motive aussi l'intervention d'un intercesseur possédant les formules qui peuvent calmer les dieux.
11 y a donc ici de grandes analogies avec les tablettes relatives aux paroles prononcées par un ineantateur soit dans le cas d'une maladie que l'on croit résulter de la colère d'un dieu, soit dans le cas de remords produit par une action coupable et dont on désire être délivré : souvent alors on se sert des mêmes termes, soit sémitiques, soit sumériens, pour désigner non-seulement l'apaisement de la colère divine, mais aussi l'apaisement, le repos de l'âme, qu'on cherche à obtenir pour un pécheur vivant, après le trouble causé par les suites de ses fautes. Et ce devait être une idée toute naturelle que de supposer un état analogue de l'âme chez un défunt, du moment où on admettait une vie future.
Cette idée se trouve nettement exprimée dès le commencement de ce qui nous reste de ce document. En effet, aussitôt après la lacune qui a fait disparaître presque complète- ment deux lignes de ce texte sumérien et leur traduction en sémitique, nous rencontrons les phrases suivantes :
« Son cœur limpide, son cœur pur, ' son cœur
«Seigneur,^ sou cœur, dans le ciel,^ il n'y a pas de repos pour lui.
«Seigneur, son cœur, sur la terre,* il n'y a pas de repos pour lui :
« Dans le ciel et sur la terre il n'y a pas de repos pour lui. »
Le cœur, qui personnifiait l'âme, ici comme dans le livre des morts égyptien, est donc dans la même situation que l'ombre des Athéniens ou des anciens Grecs privés de funérailles. Il ne peut trouver de repos en aucun lieu, ni dans le ciel, ni sur la terre. Mais ce qui suit nous montre une cérémonie auti-e que celle de l'eusevehssement ou de la combustion du corps pour donner au mort ce repos qu'il cherche. L'officiant, — si nous nous servons de cette expression c'est qu'avec l'importance attribuée par les Chaldéens aux formules l'incan- tateur jouait vraiment le rôle d'officiant, — l'officiant, disons-nous, recevait en lui la per- sonnalité du mort pour lequel il intervenait. Le texte continue en ces termes :
' Le mot sumérien est effacé, mais nous avons encore son correspondant sémitique ihbu.
- Le babylonien traduit à tort «seigneur de son cœur» ou «seigneur dont le cœur», en faisant ainsi du dieu lui-même l'objet de cette phrase et des suivantes.
^ Ici se trouvait une variante pour le mot anta. Cette variante, que traduisait également le terme sémitique élis, était peut-être le mot <^~*T. employé adverbialement avec ce sens (voir W. A. I., l'V, pi. 3, col. 2, 1. 9; IV, 3, col. 1, 1. 2, etc.).
■• La variante qui suit dans cette phrase le mot kita paraît être nama. Mais tout le reste de cette ligne est tellement déformé dans la copie qu'on ne peut rien affirme)', et que pour rétablir le sens il nous a fallu recourir au sémitique. D'ailleurs les contextes établis par la phrase précédente et par la phrase suiv,ante conduisent au même résultat.
Textes égyptiens et chaldéens, etc. 177
«Il me pénètre' : (_Me péuétrant), il me complète.
' Cette phrase, prise isolément, aurait comporté deux traductions très différentes. En effet souvent le mot sumérien 'V^ et son correspondant sémitique qadadu ont exactement le sens du mot hébraïque ■^^p, incurcare, inclinare «courber». Nous citerons notamment, comme exemples communs à la fois au sumérien et au sémitique, dans des textes bilingues, W. A. L, V, 21, 27, etc.; et comme exemples propres au sumé- rien seul, puisque ''^ s'y trouve rendu par un autre mot sémitique. W. A. L, IV, 24, col. 2, ligne 42; II, 19, 60; Lenoemant, Eludes accadiennes, fascic. III, p. 94, 1. 13, etc. Mais très souvent aussi, pour trouver en sémitique quelque analogie avec le sens de ''^ gam, traduit ou non par qadadu, il faut se rappeler qu'en chaldaïque et en rabbinique Tip prend le sens de perforare, terebrare, etc. Pour qadadu seul, nous citerons un passage de la tablette relative à la conséciation d'un bœuf, tablette dont nous avons déjà parlé dans plusieurs des notes précédentes. La formule que l'on doit dire dans l'intérieur des oreilles du bœuf de métal de la droite se termine par les mots ana Bel Hkda'du «qu'il pénètre, qu'il soit introduit devant Bel». Il est évident qu'un banif de métal ne s'incline pas devant Bel, et cette idée «qu'il soit in- troduit, qu'il pénètre», ainsi formulée dans la première colonne de ce document, a pour corollaire l'espèce de rubrique adressée à l'officiant par laquelle se termine, après l'indication de toutes les formules et toutes les cérémonies de consécration, ce chapitre spécial du rituel, « voilà que tu introduis le bœuf d.ins le temple Emiimmu. » Une des phrases appelle l'autre : on promet au bœuf de l'introduire, et on l'introduit en effet. Pour ■*^, c'est une idée semblable qu'il faut attribuer à cette racine sumérienne quand, par exemple, il s'agit d'un philtre, d'une boisson magique à faire prendre à un malade, à iutroduire dans son corps, et quand 'Sv, 'ivec la syllabe de prolongation tj se trouve traduit par susiti «fais boire», W. A. I., IV, 22, col. 2, I. 9 (conf. 11, 45, 63). Ce signe a aussi d'autres sens. Voir W. A. L, II, 30, 23; II, 32, 69, etc. Nous ne parlerons pas, bien entendu, des cas dans lesquels la syllabe de prolongation étant différente, •S^ peut être considéré comme formant une autre racine, représentant un sens bien différent de celui de courber; par exemple W. A. L, IV, 19, 40, où "Sv^ da a pour correspondant zapik (conf. W. A. L, II, 39, 42, etc.). Même traduit par qadadu, \^ ne paraît pas avoir le sens de «courber» dans W. A. I., IV, 24, col. 2, ligne 11, faisant partie d'un texte où toutes les lignes sont malheureusement brisées, ce qui empêche une traduction suivie, mais où il s'agit A'Ekur (la demeure auguste, «lieu qu'on ne contemple pas, qu'on ne voit pas, » et dans laquelle avait pénétré, à la façon d'Istar descendant aux enfers, un personnage, humain ou divin, qui l'avait contemplée et vue), et de la sortie de cette demeure tTTT T "V tirlT T t^Ty "^t^tl '*\'*'-V ^T ^Tr~ .Q^»++- fir| Il ^M I ►-i^l ' ^^^ '® sumérien, plus complet pour cette phrase que le sémitique.
Un autre document, beaucouj) moins lacuneux, bien qu'il le soit encore, nous présente l'idée de pé- nétration, sous la forme particulière d'une personnalité pénétrant dans une autre, d'une possession propre- ment dite. On sait combien cette idée de possession était répandue chez les peuples les plus anciens; un document égyptien d'ancienne date qu'ont traduit MJI. Chabas et Maspero raconte les malheurs d'un veuf qui fut ainsi hanté par sa femme après la mort de celle-ci, malgré tout ce qu'il avait fait pour lui plaire de son vivant. Eh bien! la phrase dont nous parlons est ainsi conçue en sumérien ►->— TT '*i<^ ^T ►■rJ^TT ►^<^ W- ^>-T ^~^*^TT ^^TT [y ^77" yX^ ... ce que le sémitique rend par tzari kiddaati zumri'ia la
ipparsu ma ina yumi lu iiiusi ce qu'il faut traduire par «la personne qui pénètre (qui possède)
mon corps (ou ma personne, car, le mot étant le même dans les deux cas en sumérien, il serait bon de répéter aussi le même mot) ne s'en sépare pas : de jour comme de nuit . . . etc. ». La preuve que paraèu, en hébreu et en chaldaïque Dis, signifie bien, ainsi que son correspondant sumérien « se séparer de » (et non «juger», comme dans beaucoup d'autres documents assyriens) se trouve fournie par les expressions qui précèdent directement ce membre de phrase dans les deux langues. En effet nous avons, comme forme différente de la même idée, en assyrien yumissaam la ipparka «journellement il ne quitte pas», «il ne cesse pas,» «il ne se séijare pas,» et en sumérien, l'équivalent exact, par le synonyme habituel du verbe uaparku ^T T ^yy T ^y Y *^^r ^1 "3^ ►>^T ti i'^ouf. pour la synonymie entre naparku et le composé t^"^ ^y ^y ^y, w. a. L, IV, 5, coi. 1, 1. es; IV, 24, coi. 2, 1. 50, etc.). Cette comparaison intervient, dans une pièce d'une tournure très poétique, mais malheureusement très mutilée, où il paraît être question d'une invasion Elamite qui avait saisi le pays comme une obsession, ne lui laissant de repos ni le jour, ni la nuit, et des exploits, du triomphe final d'un libérateur.
^ Le verbe ►-< til, ayant pour prolongation la syllabe ►-^y et son correspondant qatuu, répondent aux verbes français «achever, compléter», même dans des acceptions telles que celle-ci «achever un blessé», c'est-à-dire l'assommer, le tuer d'une façon quelconque, en finir avec lui. Mais ici tel n'est pas le sens où l'on est conduit par le contexte : c'est plutôt l'acception à laquelle se rattache le mot gamru, un de ceux que l'on trouve employé dans les bilingues pour traduire >-<.
23
178 Victor et Eugène Revillout.
«Eu ma maiu sout placées les fibres de la isai maiu.'
«En mou corps- la i,sa) personne s'est placée.
«Les fentes de mes yeux, les (ses* larmes les remplissent.^
' Pour traduire cette phrase, qui contient des termes effacés (ou déformés par le copiste) dans le sumérien et dans le babylonien, nous nous sommes servis de l'un et de l'autre texte, surtout du dernier, dans lequel nous avons restitué le mot qaii après le mot aru.
' Le mot sumérien %'^TT. traduit souvent par zumtm «ventre, corps , l'est ici, comme déjà, du reste, dans un texte donné précédemment, par l'expression rare Izuri. Ou pouvait songer à rapprocher ce terme du mot tzuvri, avec redoublement de la seconde consonne, mot qui se rencontre dans les bilingues, notamment W. A. I., II, 36, 52, et que Lesokmant traduit par «enveloppe du cœur»; mais en arabe ï.^yo, auquel correspondent en chaldaïque les mots snil" et "ii'S, signifie fiyira, forma, effigies, et se rapproche par conséquent de l'idée du mot latin persona «masque de théâtre» et par dérivation «personne». Le terme suivant dans le sumérien est .^>ï|- '^T, dont la traduction sémitique la plus habituelle est le mot ramanu, signifiant surtout «personne». On dit ramanuia ■mia personne», pour dire «moi-même». Ici c'est le mot biritlu «intérieur»; — on dirait «entrailles», si l'on traduisait >^>— Tj par «ventre». — La construc- tion grammaticale n'est pas la même dans les deux langues, et nous avons pris une mojenne. En mot-à-mot le sumérien signifierait «il s'est placé dans la personnalité de mon corps»; tandis que le sémitique, lui, fait placer l'intérieur, la réalité dans la forme, dans l'apparence.
= Purmi iniia porte le texte sémitique, que nous suivons pour cette fois. Punni est à rapprocher du chaldaïque CiE, semit, incidit, et paraît désigner la fente palpébrale. Ce qui correspond à ces mots en aecadien est un peu déformé dans la copie de W. A. I., mais est facile à rétablir. Le premier caractère n'est pas ^>^ gan, mais t:^- L'expression composée t^ J_^^^T >>|- se rencontre assez fréquemment dans le dialecte sumérien proprement dit, dialecte auquel apiiartient la tablette que nous examinons. Elle y reçoit comme syllabe complémentaire la syllabe va ^^| | (voir W. A. I., IV, 29, col. 2, 1. 52, etc.), ou la syllabe ►-TTT ri, ce qui fixe la prononciation du dernier signe. Il faut donc la lire inehar. Le premier élément ine est un emprunt évident au sémitique, fait par le dialecte sumérien, dialecte dans lequel ce mot prend toutes les acceptions que possède <y>- dans l'autre dialecte de la langue non-sémitique parlée en Chaldée. (Nous devons faire remarquer en passant que — bien qu'ayant tendance à croire à l'exactitude possible du nom d'accadien, appliqué à ce dernier, en oiiposition au dialecte sumérien, proprement dit, et nommé ainsi dans les documents assyriens eux-mêmes — comme les limites du pays d'Accad. et la distri- bution des dialectes en Chaldée, ne nous paraissent pas établis jusqu'ici d'une façon bien nette, nous avons préféré employer le nom de sumérien pour désigner l'un et l'autre dialecte de la langue non-sémiti(iue en opposition à la langue sémitique, afin de ne pas avoir à nous engager dans une controverse qui exi- gerait des développements beaucoup trop étendus.) l7ie, par exemple, eu sumérien, bien qu'ayant pour origine en sémitique inu «œil», se trouve traduit dans cette langue parle mot panu (f:^ J_jV^^J >^>^|y =r panu ki, W. A. I., lY, 29, Col. 1, 1. 54, etc.); comme <y>- 'W. A. L, IV, 20, 3, etc.; par U' mot mahar (t:^ tl^t^y •"►^TI = "'"'""' '"'' ^- ^' ^•' ^^' -*' '^°'- ^' '• *''^^' «omme <y>- 'W. A. L, V, 51, 40, etc. Du reste M. Haupt avait déjà indiqué cette assimilation complète de C:t ^i;;^^| à <y>-, assimilation qui existe pour l'expression composée qui nous occupe, car on trouve, suivant le dialecte, avec la même traduction, d'une part t^ fi;^^! »^ (W. A. L, IV, 29, col. 2, 1. 52, etc.) et d'une autre part <y>- »^ (W. A. L, IV, 17, col. 1, 1. 25, etc.). Quant au second élément >«y-, il est souvent traduit par elitum ou elatum, W. A. I , II, pi. 30, col. 7, 1. 21; col. 3, lignes 9, 12, 19, 20, etc. Nous trouvons même l'expression complexe <y>- *^ traduite par élit inim «élévation de l'œil» à la ligne 9, déjà citée, de la planche 30 du 4' volume. Ceci connu, rien n'est plus facile que de comprendre comment les significations dérivées de ce terme complexe se sont établies sur cette base. En sumérien il était de régie très générale de conserver le nom des organes des sens dans les mots relatifs aux applications de ces organes. On procédait comme on le fait en français dans les locutions : « avoir l'oreille, prêter l'oreille » pour écouler; « avoir l'œil à, lever l'œil sur» pour re;/arder. D'après le même principe, on trouve très souvent fz^ >-^Gk. *! °^ ^*~ *\ traduit verbalement par voir (W. A. L, IV, 12, 32, etc.); regarder et même regarder avec faveur (loc. cit. et pass. : notamment IV, 29, 49, mot mal coupé par Lexormast) et désignant substantivement, soit le regard, soit l'objet du regard, soit l'instrument du regard. Comme exemple du second de ces trois cas nous citeron-i W. A. I . IV, 29, il, où la traduction littéiale serait «ton regardé^, c'est-à-dire celui que tu regardes, comme a traduit le sémitique. Dans la ligue de notre tablette qui a motivé cette note, la traduction litté-
Textes égyptiens et chaldéens, etc. 179
«Mon cœur, en son étreinte/ est rempli de sang
On le voit, l'ofticiant et celui pour lequel il intercède ne font plus (luun. Chaque organe de l'un devient l'organe de l'autre. C'est une possession, une incarnation. Le mort reprend la vie dans le corps du vivant.
Peut-être cette idée est-elle également celle qui domine dans certains repas funèbres. Peut-être les morts étaient-ils censés jouir par les organes des vivants des mets qu'on leur avait offerts et que ces vivants consommaient pour eux.
Quoi qu'il eu soit, l'iucantateur reprend sa personnalité pour dire les paroles qui doivent assurer le repos éternel au mort.
Ici le texte sumérien devient beaucoup plus net que la traduction, et cela pour une bonne raison : parce que le traducteur sémitique a supprimé tout ce qui faisait du texte en question le récit d'une cérémonie accomplie en présence du père du défunt. -
Voici le texte primitif :
« Son cœur élevé, qu'il repose, » — à ton tils que cela soit dit —
«Son cœur en dignité (variante : <son cœur à sa sortie»'»,^ qu'il repose.»
raie serait '<mon regardant, les larmes le remplissent», et somme tonte, le sémitique a assez bien rendu la pensée en traduisant, dans ce cas-ei, -:mou regardant» par «la fente de mon œil».
' Nous avons déjà parlé longuement dans une note précédente du mot .^^^E prenant pour pro- longement la syllabe m, et auquel répond très fréquemment le radical sémitique ISI', avec l'un des sens très divers de ce radical soit en hébreu, soit en chaldaïque : imperavit, coercuit, cinxU, et même calcavil. Peut-être est-ce à dnxit qu'il convient de rattacher le substantif .^g^ désignant les bracelets et les anneaux des pieds dans le récit de la descente d'Istar aux enfers, W. A. I., IV, .31, col. 1, 1. 58 et 59. Dans ce texte har a pour équivalent sémitique semir, W. A. I., IV, 31, col. 2, 1. 40. Mais .^^Ë est égale- ment traduit dans d'autres cas par libhu «coeur», 'W. A. I., V, 21, 61; par kirbu «intérieur», W. A. I., V, 21, 42 et 51. Et comme la lecture «ir» est donnée deux fois dans ce cas entre parenthèse par le bilingue, il est certain que .^lS; possédant cette signification devait prendre pour prolongement le syllabe ^t^j | . Rien n'empêcherait donc de supposer que l'auteur sumérien de ce document voulait exprimer par deux quasi-synonymes l'idée «mon cœur dans lequel il est». La traduction ici donnée par le sémitique ne ré- pugnerait pas à cette idée, car nous avons déjà vu plus haut les sens divers du mot qadadu, et de ses dérivés, parmi lesquels il faut peut-être comprendre le terme qidudie, équivalent du terme peneiralia appliqué aux sanctuaires. Dans le premier mot lihhi «mon cœur», comme dans beaucoup d'autres exemples que nous pourrions citer, la finale i nous semble représenter non point un génitif, mais le pronom possessif de la première personne, écrit ailleurs ia.
Le mot T| ■^ g^ paraît être un mot composé, comme T{ <T>^- Ce dernier terme signifie les pleurs, littéralement : «l'eau de l'œil»; le premier veut dire les sanglots, littéralement : «l'eau du côté», c'est-à-dire l'eau qui remonte aux yeirx au milieu des con^^llsions de la poitrine, f y 'j^ ^yry est une expression du dialecte sumérien vrai, qui a pour correspondant dans l'autre dialecte non-sémitique |y ^TT7Ti d'après la traduction sémitique tanilcu. C'est donc à tort que Lenormant a suppléé le mot Jy ^ ^yyy dans une lacune d'un document bilingue écrit en ce dernier dialecte.
Il est vrai qu'alors M, Haupt n'avait point encore fait sa magnifique découverte sur la distinction des deux dialectes non-sémitiques.
2 A moins que ces expre.ssions «ton fils» ne s'adressent au dieu lui-même qu'on invoque ici. En effet dans les textes babyloniens on trouve très souvent de ces formules tendres et toutes confiantes adressées à des dieux : quand on parle d'une déesse qui joue le rôle de gardienne on ne manque guère de lui donner le titre de mère. Ce titre de mère est luême devenu un peu général pour toutes les déesses. Cependant il nous semble que dans cette tablette, ne s'adressant pas au dieu gardien, au dieu spécial du défunt, à celui qui est plus loin nommé son dieu, mais au grand maître de l'abîme, à Ea, on n'eût point choisi le titre «ton fils», comme qualificatif d'un défunt vulgaire.
^ Ce mot «sortie» -^T ^^T tT, substantif établi, par la formative finale sumérienne ^|, sur le
23*
180 Victor et Eugène Revillout.
Cette phrase est répétée deux fois : avec deux termes différents, rendus également par libbzi en sémitique, pour désigner le cœur. Après cette formule, que l'incantateur dicte pour ainsi dire aux dieux, ainsi que l'indique l'incise sumérienne supprimée par le sémitique : «: à ton fils que cela soit dit, » nous constatons de nouvelles divergences entre les deux ver- sions. En effet les mots : qu'il soit dit à lui « Uqqahu sum > se trouvent introduits ici par le sémitique, alors que le texte sumérien se borne à une affirmation.
Reprenons la suite de celui-ci :
«Son cœur : l'accueil, l'accueil, il est à lui;
«Son cœur : le repos, le repos, il le possède;
«Pour son cœur, du grand jugement, l'affaire est jugée ;^
«Son cœur, les divius annuna (variante : son cœur, à sa sortie, de ton fils )
ils l'installent :»
Ici se termine le recto de cette tablette.
Quant au verso, bien que les huit premières lignes en soient mutilées, et que les sui- vantes, dépourvues, sauf une seule, de traduction sémitique, n'aient jamais été terminées, parce que la fin en était semblable à celle des précédentes, aujourd'hui disparue, il nous semble qu'il est possible d'en apercevoir le sens général. La première ligne en est la suite directe de la dernière du verso.
«Les annuna (ou egigi) qui gouvernent le gouvernement d'Anu. »
La phrase qui suit, composée en sumérien de deux lignes, en sémitique de trois lignes, présente de légères variantes explicatives dans la langue où elle se trouve être la plus longue.
«Son dieu, lui enlevant sa douleur, (fait) à ton fils l'onction du repos. En toi il (chante).»
Nous avons suivi le plus littéralement possible le texte accadien eu ce qu'il en reste. Le texte sémitique glose un peu. Il dit :
«Son dieu enlève sa douleur,^ il (le purifie [?], il lui fait)
«L'onction^ reposante, dans les psalmodies,*
« L'onction, dans les psalmodies, dans les invocations. »
Après cela commence une sorte de litanie, dans laquelle les ligues sont accouplées
verbe ■^T J^T, traduit en sémitique par J^ "i^^ ^TII^' ®" ''ébren XS", rappelle absolument le titre du rituel funéraire égyptien <==> ^\ ' '-' « sortir du jour, ou avec le jour, ou dans le jour».
' Le sémitique traduit ainsi : <!ana lihbisu irtasi rahiti sa dini ramanisu idinsu,» «a son cœur, on lui a donné le grand irtasu du jugement de lui-même. » Le mot irtasu, substantif construit sur l'iphtael de rasu, forme factitive qui signifie «faire avoir, faire posséder» représente le «gain» d'une cause. On peut donc traduire en définitive «à son cœur, on lui a donné, en grand (le plus grand possible) le gain de sa propre cause».
2 Le mot takkaltum a pour correspondant le sumérien [| <!>- (avec la sj'llabe de prolongation ?•«), terme que nous avons déjà rencontré plus haut, et qui signifie «pleurs» (bakitum), «larmes» (dimtumj, « sanglots » (unninnu), etc. Cette racine b^n signifie en effet en chaldaïque, sous la forme xbsn, vermis, dolor, infirmitas, et chacune de ces expressions, même celle de ver prise dans un sens mystique, cadrerait bien avec le verbe u/damma, qui a pour correspondant en sumérien ^yrr terme traduit ailleiu'S par aalalu. Nous disons uhlamma, quoique le copiste ait oublié la syllabe ma, parce que cette syllabe, appelée du reste par la terminaison uhlam, intervient de la façon la plus générale alors que l'accadien emploie pour le verbe la forme muun, etc.
^ En sémitique muslia, hébreu na'B.
* Dans la version sémitique ina muzmuri, de la racine zamaru, en hébreu laî d'où viennent les mots riTÛI cantus, moî psalmodia, cantus, carmen, niOiîS psalmus, etc.
Textes égyptiens et chaldéens, etc. 181
deux-à-deux comme des distiques, et ne peuvent être séparées si l'on veut obtenir un sens.
Il paraît probable que cette partie du texte devait être débitée en deux chœurs, dont l'un
invoquait les noms des dieux, avec leurs titres, etc., tandis que l'autre répétait toujours la
même jjbrase, coupée en deux parties. Voici donc comment nous disposerions cette litanie :
«Seigneur puissant, à la corne grande! [
(Issakku)'^ Il
, ( \ Pour ton tils que soient reçus les sacrifices.
« Porte parole de la dame du seigneur de
la terre ^ '
«Dieu Am (bœuf), dieu Kiam,^ de la ville* 1 I
lieu du mystère, '■' , \ Pour ton fils que soient reçus les sacrifices.
:Mère de la grande demeure, Damkiua,
tMarduk, seigneur de Dintirki,
I . . . . Papsukal, messager du ciel et de la | ' Pour ton fils que soient reçus les sacrifices.
terre, j |
t Messager eu vérité du dieu dont le nom j j
est mystérieux à proclamer, ' Pour ton fils que soient reçus les sacrifices.
sFils aîné de la demeure qui saisit, dieuKinip, ) j iDieu Martou, seigneur de la montagne,
_, „ 1 1 1 ,. i,T^T I , Pour ton fils que soient reçus les sacrifices.
« Déesse Karkara, dame des confins d Lnin, | [
A partir de ce point le document se termine par une série de ijrières adressées au dieu Ea, dans une forme qui ne diffère guère de celle des prières que l'on trouve dans les psaumes de la pénitence, etc., sauf par la fin de chaque ligne, qui se répète toujours identique, deman- dant pour le mort le repos éternel.
«Dirige avec faveur tes regards, fais le reposer. '^
«Dirige l'élévation de ta tête' (fais un geste favorable). Fais le reposer.
«Que ton cœur s'apaise. Fais le reposer.
«Que ta colère se calme. Fais le reposer.
«Ton cœur, comme le cœur d'une mère qui a engendré, qu'il reprenne sa place.
« Comme celui d'une mère qui a enfanté, d'un père qui a engendré, qu'il reprenne sa place. »
Suivant l'habitude dans les morceaux de ce genre, le titre se trouve à la fin. Il est ainsi conçu :
' Ici se trouve une lacune dans la seule ligne de cette fonnule que le scribe ait achevée, comme étant la première.
^ Le sumérien ne porte que «parole de la dame du seigneur de la terre», ce qui revient exacte- ment au même.
^ Bœuf ou buffle de la terre.
* Nous aurions grande tendance à croire que le copiste s'est trompé en inscrivant ici le signe ►-^T-^tT qui veut dire «ville», au lieu du signe *-^T<y^T qui veut dire «protecteur».
^ Nous avons déjà parlé du sumérien t^TT tlji qui correspond à .^^ dans l'autre dialecte non- sémitique, et pour lequel on trouve les traductions sémitiques : subat, W. A. I., V, 62, 48, etc.; namqn, W. A. I., V, 11, 18 (conf. W. A. I., II, 59, 1. 13, et 2, 1. 27, etc.); taïni, W. A. I., V, 11, 27.
" Nous suppléons ici la fin d'un mot interrompu par une lacune.
' Voir W. A. L, II, 30, 4, etc. (conf. \f. A. I., IV, 28, 31 : I, 27, col. 2, 12, etc.), rappelle tout à fait le vers célèbre «Annuit et totum nutu tremefacit Olympum».
182 J. DE ROUGÉ.
« Lamentatiou, daus laquelle' sout,- eu nombre,' 45 ligues.
«Son nom* est" : sacrilice eu Ihonueur du dieu seigneur de la terre.'*'
Nous avons été très sobres de notes daus Tétude de ce morceau, aussi bien que dans celle du morceau précédent, car si nous avions donné pour cbaque mot, ainsi que c'était notre intention d'abord, des détails aussi étendus que nous l'avons fait pour deux ou trois (détails dont nous avions en mains tous les éléments\ il aurait fallu un gros volume.
Nous nous réservons de revenir bientôt sur ce document capital, et d'en acbever la publication avec tous les éclaircissements nécessaires. Nous prions donc ceux qui sont à l'affût de travaux à démarquer d'attendre un peu.
Paris, le 30 octobre 1887.
Nota. — Nous avons retrouvé le titre divin de la ligne 53 : d'une part, sous sa forme sumérienne proprement dite >^ tr^jy J^ >-i^y >-y<y ^^^^y ]} clans W. A. I.. IV, n" 20, 1. 7, où il a pour correspondant dans le sémitique l'idéogramme habituel de Nébn *~*n— •"13 t*^® 1''® Lexormant n'avait pas vu dans sa traduction de cet hymne, oi'i une lacune a fait disparaître *~>j- avant ►-]3- ^^ d'une autre part, sous une fonue appartenant à l'autre dialecte non-sémitique »-a^ -o^t^yyy^ *" I ^y \^^^^^^^^y yi ►-►y- dans W. A. I., IV, 25, 25, où il est appliqué comme qualificatif au dieu Mérodak.
On peut hésiter entre le sens «mystère» et le sens «bon» pour t^yy |,*~l|, soit dans ce titre composé, soit à la ligne 49, où la dernière idée rappellerait tout à fait celle que les Égyptiens exprimaient par les mots «la bonne demeure».
LE POEME DE PENTAOUR
PAR
LE Vicomte J. de Rougé.
(Suite.)
^s.vm,8. ^^q^ r+kiiP,T,i^
L. 70.
^■"o- r ^^Wriki P.T, i-r° n.
âr-nai-â tjit àm - sen avi-t-u fes-à'' em bak-d tennu^ hru Je ferai faire manger eux (leur) pâture moi-même devant moi chaque jour,
' '^yyy I^y veut dire dans le cœur de laquelle, dans l'intérieur de laquelle.
^ ^TT y est un verbe ayant le sens de sakanu.
5 yï •~np se rencontre très souvent avec ce sens, dans les contrats, etc.
* >^^ ^Z^ égale sumtisu et veut dire son nom.
= Lexormaxt avait rencontré une formule semblable, mais il ne l'avait pas bieu comprise.
^ Il faut suppléer ici dans la lacune ^J^J ^ITI "'-"'''* *"II ^ITI P°"'" compléter le génitif du nom d'Ea comme il est écrit à la ligne 47.
' Le papyrus porte : em balm Bâ <ci:r>j|, «devant le dieu Ra». Il y a là une faute évidente, tan- dis que l'on comprend le soin que Ramsés compte apporter personnellement à ses chevaux en souvenir du service qu'ils lui ont rendu.
s -vvAAAA^aL temiH «chaque, tout». Teini» ftcîf remplace ici «chaque jour» du papyms. Brugscu
(Dict.) admet que ce mot s'est conservé dans le copte it-Ten-poAini, «dans chaque année.»
Le poème de Pentaoue.
183
<m^^i='W%Aè.
m
0 ©
du-â em i^ev-d^ ntu
quand je serai dans mon palais ; ce
mm
sen na kemi-â
sont eux que j'ai trouvés
ma" nai - a avec mes
3MÊmmm
àhu-%1^ en(â) yenti nti er ma-à^ mater-à''
officiers de l'intérieur qui (était) auprès de moi, mes témoins
er yercm au combat.
2)târ kem-â sen . . . au'' hon-û lier
Voici que j'ai trouvé eux (lorsque) je suis revenu en
^ Le papyrus met S] , ah «palais», var. .^^ " 0 S ' '^ texte monumental se contente du mot
[^^, pa ou per «demeure en général». (La ligne 71 à Louqsor était complètement cachée par un mur construit postérieurement.)
" Eat'en «écuyer». V. Louqsor, 1.24. — Kâràu «voiturier». V. Louqsor, 1.54.
^ ^\ à D, ma «avec». On doit, ce me semble, maintenir la lecture ma pour ce groupe eu s'ap-
puyant sur les transcriptions des mots sémitiques comme Mageddo, et les mots tels que '^^iV' 2?) màka.
a ù D Jirs I Ji
tôt).
%\ seul devrait se lire em tôt (cf. Brugsch, Dict. a,
_^^ û D
* n '^ ^V5r I Karnak donne le phonétique 4? D\>^R «*"« : ce sont les officiers (cf.
I '•' . Si I ^ 4^ -JI ^^^
Chabas, XIX" dj-n., p. a9). 4? paraît être un instrument destiné à creuser les vases. Cf. OTÊe, in, intrà.
^ Ni ®'" "'"'"' mot-à-mot : ad loaim meiim.
IIqA, mater «témoin». Cf. MCTpe, testis. Le sahidique MriTpc ajoute la nasale : il n'y a pas
de forme verbale.
,. La lecture du premier signe est encore à trouver : ce mot ■ a le sens de : retourner,
184
J. DE ROUGÉ.
P.S.VIII,10. L. 72. K. 61.
A ©
ken neft sexe . ^ . , (-
force et en victoire. J'ai frappé des cent mille réunis
ensemble
de
+flqA,^,Q^1k';
fa^ei-à (ken) haf to tes-nâ^ seki-u^ em ffivau tu-à
mon glaive victorieux s'jtaiit éclairée la terre j'ai disposé les bataillons pour combattre : je me suis
L. 73.
K. 62.
*(3| ©
m^ n 44 è^^
hev^ - kiià° er %eraiij ma ka sput^ tu-â ^fl-kuà
précipité au combat comme un taureau muni (de cornes). Je suis apparu
;(S^©(
(?
revenir. Cf. plus loin : Pap. Sali. XI, 3. Ê '^'""- ^ ^ ^|\ ' '" : « Il fit revenir en paix. » — Les
sens connus de ce groupe sont : 1° pêcheur, pèche; 2° ouvrir, d'où : traduire, interpréter. Ce dernier sens est donné par l'inscription de Rosette, qui le rend (1. 23) en démotique par xj, nem «expliquer».
' xer «frapper», se/er avec Vs intensitif
" Dans tout ce passage le papyrus met la phrase à la troisième personne, tandis que les textes mo- numentaux emploient la première, ce qui est évidemment la bonne leçon.
* I ■-A^ (I (1 i; D, seki «la bataille, la mêlée». \-^^^ 1 1 [I ' '•'• ' M?' i, sekiu «les bataillons». V. ci- dessous : Louqsor, 74.
* * ' '' , her «être prêt à combattre». Cf. Louqsor, 1. 5.
^ àiL-à lier-kuà : aoriste emphatique : mot-à-mot : «Je suis, je me précipite.» Le papyrus donne : àu-f hâ her «il se tient pour se précipiter».
^ ' Ai *i'"' «munir», ici sons -entendu de cornes. Il est dit de Ramsès II (Denhm., III, 196)
Ar fJi ^iv i ' '^ ^ ^ I ^^^- '■ "Orné de la couronne blanche et de la couronne rouge, »il a réuni les deux pays en paix comme son père Horus. » — Cf ccêtc, instritere. Il faut remarquer ce passage du D au ê : le démotique d'ailleurs a déjà seUi. — Le papyrus offre la variante : «comme un taureau qui se précipite sur des oies.»
Le poème de Pentaouk.
185
P. S. IX, 2. L. 73. K. 62.
© nn i^^^
2i=Mû-k p+i^^,ikE:;i,ïi
"îiTr. î'\ M\
er sen^ ma raeniu aper^ - kuâ em sekiu (em mati ken
à eux semblable à Mont, j'étais habile d.ins les combats également ....
P. s. IX, |
2. |
k^l' |
L. 74. |
47-s_ ^' 1 ^A |
|
K. 62. |
^^W |
M^i\\M:0^\Mn2l:^,Mm
em) ak-kuà^ em seku lier -gérait, ma hu hâuk
. ... Je suis entré clans les bataillons pour combattre comme un choc d'épervier
P. S. IX, 2. L. 74. K. 62.
her* . . . contre des .
(ta face
^Wkn - 1
précipite :
elle fait flamboyer en flamme
P. S. IX, 3. 1^ 2
L. 74.
K. 63.
em) lier-u en -/eru-à'" tu-à inà ra^ em V^u-f
tep
O tuai-t''
sur) les faces de mes ennemis. Je fus semblable au soleil h son lever an («mnifiiKmeDt du matin.
' Le papyrus, continuant à employer la troisième personne, dit : yjiu-nef er ra-sen àuk ma meniu '. n apparaît à eux : tu es semblable à Mont». — ro est ici un type pronominal. Puis le scribe, s'il
n'y a pas une faute, change bnisquement de personne.
^ âper, peut-être : «équipé pour le combat.» V. ci-dessus : Louqsor, I. 19.
^ Que fait ici
; V^ I du papyrus Sallier? Les autres textes mettent simplement : ■^ J'entrai
âk-kuà. » — Le passage de .Sallier devrait se traduire : •< Les braves entrent dans la mêlée. » La leçon mo- numentale continue mieux le discours.
* Le papyrus donne im signe qui doit être l'hiératique d'un petit quadrupède tel qu'un rat ou un lièvre. '" Nous n'avons pour cette phrase que le texte du papyrus: encore est-il incomplet. Louqsor per- mettra peut-être d'en rétablir l'intégrité.
* Râ, le soleil. Le papyrus donne l'orthographe complète : <:z> jj, d'abord le caractère idéogra- phique, puis les deux compléments phonétiques, ce qui est assez rare.
' ^ tep tuai, mot-à-mot : « la tête du matin, » c'est-à-dire : « la pointe du jour. » ^ 24
186
J. DE ROUGÉ.
P. S. IX, 3.
PJ^
(s^i Me j_
K.63. T- WM^^xImPjr^ï'
satu-à ^ Ma radiation
M&e.^^ - nés ha-u (en) sebàu au uâ ^/... ..-
a brûlé les membres des impies : fut l'un à crier
P. S. IX, 4. L. 75. K.63.
D ^
em àm sen en sen-f (heri her)^ sau-ten âm-ten yam^ mak
d'entre eux à l'autre : Faites bien attention! Ne tombez pas!
Car
P. S. IX, 4. L. 76. K.63.
11 qOI.
76 n®
IBV
.^"ÛJrrS^ 5
'"K-
:^^
sexet ner-t ta - nti hnâ-f si* ma-f lier sesem-t-u-f ({ut-s) hnâ-f Sekhet la grande qui (est) avec lui, elle (est) a veelui sur ses chevaux : sa main (est) avec lui.
1 -^Y**^ sai, au propre : «lancer des flèches,» d'où "|"'^n( 'darder des rayons» pour le soleil. Le papyrus donne à la place de ce mot : '^AA^A^ A senen, qui paraît une erreur du scribe. Senen veut
dire : «déplacer, transporter.» L'hiératique de "|| donne souvent lieu à des erreurs. (V. ci-dessus : Louqsor, 1. 36, note.) (J. E.)
2 ^i ||^-=^(1, uhet «brûler». Le papyrus n'a que la tin du mot : était-ce V\ [L utet «brû- ler», ou comme plus bas (IX, 5) : Q, l^^^fl : il est difficile de le dire, mais ici le papyrus semble encore fautif.
' Un fragment dans une cour de maison sur la face postérieure du pylône de Louqsor donne ici :
Il D ^ \^ §. ^K^J'
i ^ '^ j\^ yâm «tomber», verbe rare et mal expliqué jusqu'ici : il se retrouve à la ligne sui- vante a^w le même sens. Cf. Inscript, dédicatoire d'Abydos : les chefs amenés devant le roi : waaa^
^ aJIaa _ .i^K ^ ^>f' «leurs nez rampent (ou se jettent) sur le sol ». Maspero (Hymne au Nil)
I I II I I / Jl / ^"i i I
rapproche ce mot du verbe T^^ A- (V. ci-dessus : Louqsor, 70.)
I si, forme féminine du pronom réfléchi 1 (E sn.
Le poème de Pextaouk.
187
P. S. L. K,
IX, 5.
76. 63.
c^-A
^ I /^o W ^ I
àr penti neh her iem Quiconque vient
-^ -^ mr.fi
er /^avi^ -/er- lu heh en x'*'' à tomber, or venait une flamme de feu.
1111-=- \ m^y^^^^^^^^^^R. (er) ubet hâ-u-f Un an sen lier yfiper Jjâ em (ua)uu-f^ lier
à brûler ses membres. Étant ceux qui à l'état de s'arrêter dans leur course, à l'état
^J-1 Iw
9^ ^(jY^^^^M
seni ta em 'ji^a-t sen^ er ■/r^efte''-à'' Un an hon-à (yremui)^
deseprostemer sur leur ventre devant moi. Était Ma Majesté à s'emparer
' _;fiïni «tomber». V. ci-dessus. Le papyrus met :ï tort : ,= — d.
- -^ ^ v\ (2 ^ I kau, dans le papyras, remplace zei-, du te.xte monumental : c'est une con-
jonction.
^ m 'rn 'lA' ''«*'<&« "brùler». Brugsch en rapproche ce>.OTe, _/f«mma ('?). Le papyrus offre une forme de phrase un peu différente : tus heshes er ubet Juiu-seu -«elle donnait un feu pour brûler ses membres».
L!=^|J|, heh «flamme, feu». Cf. uje^ç^, /fanima (Brcgsch, Dict.). Cf. otoç, otoKC, radere.
]}[■, /ut «flamme, feu». Cf Ta>0T, incendiun
9'
fl
\v\£çâ A. On peut rétablir ce mot dans Louqsor, sans crainte de se tromper : les deux premières lettres seules manquent, uauu «marcher rapidement». Souvent il est écrit simplement :
£çî y\ «a. Cf. OTei, cursus.
Sen-to er ya-t-sen, mot-à-mot : «sentir la terre sur leur ventre» : locution bien connue pour : se prosterner à terre. Le papyrus donne seulement : «Ils furent à devenir sentant la terre devant S. M.»
. «, i> y.^f^ '6" face». V. Louqsor, 1. 64. ' En réunissant ce qui subsiste dans les différents textes, on peut reconstituer la phrase entière :
±lP,T,îlf r kflk»T:J î ^---î^nF,Tr Î4
«Cetrs qui s'arrêtaient dans leur course, se prosternaient devant moi.»
" Y®^W ^ \ ^ " X^"^-"'- J6 lis ë x^^ et non seyem, comme Beucsch : ce signe ne paraît pas,
quant à présent, devoir être considéré comme une variante de \\ s. /em «posséder, prendre». Cf. ffOM..
n a . I ■
potestas. — (A rapprocher 0 V\ @ «domaine rural». Cf. ffioM., proedium, ujcom, hortus. J. K.)
J. DE ROUGÉ.
P. S. L. K,
P. S. L. K.
IX, 6.
77. 64.
IX, 7.
78. 65.
(dm) San (àu-f- her xotnhu àm sen an) uha^ - (n)à àu-u em
d'eux. J'étais dans l'action df tuer parmi eux; ils n'échappaient pas à moi. Ils étaient
;78 ^MM
è:,„
kahu kahu^ taillés en pièces
fe,r lia-t sesem-i-â (cm sen her) sefer^ (em)
devant
ma cavale;
ils gisaient
V^W^ ? ^rti P,T,
D # D ®
^?^kJt T
.0»^
s ooo III
feyehi^ em. hu nâ lier snef - sen étendus ensemble dans leur sang.
LES DEUX PEÉFACES DU PAPYRUS PRISSES
PAR
Eugène Revillout.
Il ue faut pas croire que l'idée de faire uue préface à un livre — préface tout à fait distincte du corps même du livre — soit une idée nouvelle, puisque nous la trouvons deux fois appliquée dans ce qu'on a appelé avec raison le plus ancien livre du monde.
' Le pap3'rus continue toujours à emploj'er la troisième personne : mais les autres textes devaient avoir la première, ainsi que le prouve le pronom à la fin de la phrase.
2 _.^ V\ "^^s, nha «échapper». V. Louqsor, 1. 44. Karnak doit certainement être rétabli ainsi qu'il
^"^bkah?!. V. Louqsor, 1. 34 et 61.
* ' ^^' ■'^''^'' "étendre, se coucher», d'où le déterminatif du lit funéraire sur lequel est
étendue la momie.
6 v\ S^^, pe/iu « tomber par terre ». Cf. n».çT (s.) cadere : \\fekST, dejicere. Les textes monu-
mentaux ont tous ce mot, même Abydos qui conserve à la fin de la ligne 91 : ^^c:^^^=^. Le papj'rus le remplace par le mot kehkeb, qui peut être une erreur, car il vient d'être employé dans la même phrase. Les textes monumentaux ajoutent em ht nâ «en un seul lieu», qu'on pourrait rendre exactement par «dans un tas».
^ Pour les détails bibliographiques je renvoie à la publication de M. Virey, le dernier éditeur.
Les deux peéfaces du papyrus Prisse. 189
La chose n'a pas cependant été remarquée aussi bien qu'elle aurait ilû l'être; et c'est pourquoi nous avons cru utile d'écrire cet article pour mieux mettre eu lumière cet inté- ressant procédé littéraire. Le papyrus Prisse contenait primitivement deux livres de morale complets, chacun précédé d'une préface. Malheureusement, par des raisons ignorées de nous, on n'a laissé sidjsister du premier, celui de Kakemna, que la préface, en effaçant avec soin tout le corps du livre, qui, sur l'original, occupait une longueur de 1 mètre, 35 centimètres. C'est grand dommage; car la préface a un grand souffle : et le style, — fort analogue à celui de la Sagesse et de l'Ecclésiastique — tous deux composés en Egypte — a un rythme, un nombre, une élégance qui font vivement regretter de ne plus avoir la suite.
Comme pour les livres biblico-égyptieus dont nous venons de parler — et dont la coupe primitive en vers ou versets, toute différente de celle qu'a introduite dans la Bible le car- dinal HuGUE.s DE Saint Cher, nous a été fournie par le plus ancien des manuscrits coptes — ce manuscrit de Turin, d'après lequel nous avons fait fondre, sous notre direction, sans avoir jamais été remercié d'aucune manière pour cela, le caractère thébaiu de l'Imprimerie Nationale — comme pour ces deux livres biblico-égyptiens, dis-je, les vers sont courts et en parallélisme élégant. Le début de cette préface rappelle du reste beaucoup celui de la pré- face que Jésu, fils de Sirach, avait écrite en Egypte pour l'Ecclésiastique sous le règne d'Evergète IL C'est également la sagesse abstraite et divine qui est personnellement mise en scène, dans des termes fort analogues — avec cette différence pourtant que c'est elle- même qui prend la parole — un peu comme le fait Salomon dans la préface du livre des proverbes, quand il fait parler sa propre sagesse concrète à lui-même. Voici cet en-tête re- marquable :
1. «Est sauvé (oTTSs.e^i') celui qui me craint iCHis.Ti;
2. «Loué ipoic^ celui qui est dans la justice.
3. «Ouvert lOTrcon) est le trésor de ma parole i^pwoTri;
' Voir ce que j'ai dit sur ce mot p. 514 de mes Mélanges. Voir aussi plus loin daus la même préface
(]%> S dl)'^'" [lOcz^^^^ et dans Ptahhotep <=> | ^ ^ _j\_ | c^>^ ^ ^^^^, etc.,
etc. Pour le trésor de la sagesse eouf. Ecclésiastique, cli. I, V. "26 et 32.
- j*.Ton.
3 C'onf. Levt. t. IV, p. 3. C'est du sens acte qu'est venue pour sep la valeur fréquente de formative des noms abstraits.
190 Eugène Revillout.
4. «Large (ottcùujc) la demeure de ma paix (£epi);
5. « — (Mais) avec des paroles garnies (coÉi'^) de glaives pour repousser l'indolent.
6. < Poiut ou approche (£wn) si ce n'est par son propre acte. ■■>
Les conditions d'âme nécessaires pour entendre la voix de la sagesse étant ainsi indi- quées, le divin mentor en vient aux préoccupations charnelles qui empêchent souvent de se conformer à ses avertissements et il consacre à la conduite de la bouche tout un long para- graphe.
M^
s:
^(âii a r
7. ^ „
12. 1 O^'l^^S^'V^^vâ
^ AlOCTC.
^ C'est de ak «nourriture» qu'est venu ociu -«pain» en copte. * ROTrati.
^ lûUJM.
^ eiÊc.
' M.&0 pO.
' cj*.n.
' atno. Le mot ten = ^ répond en démotique à AEIOQ dans le décret de Canope et à tbk (t(o6^) dans la seconde version démotique (voir ma C'hrest. dém. 158 et la thèse de mon élève Gboff). J'ai longue- ment parlé ailleurs de ce mot qu'on trouve aussi en déraotique et en hiéroglyphes sous la forme secon- daire maten i£l.
^^ C'est de là que vient \smù = çen article indéfini du pluriel en démotique et en copte.
•' Factitif de oua = o-rei «éloigner».
" sur hier, et dém. a donné cû> en copte. — " «i3i «être ivre».
Les deux préfaces du papteus Prisse. 191
13. m^D
14. =^D
15. ^-.
1. «Si tu es assis avec des gens détestant la nourriture que tu aimes,
2. «C'est un moment court de gêne, une peine pour la gourmandise de manger de cela.
3. « — Une tasse d'eau éteint la soif,
4. «Une bouchée de légumes fortitie le cœur,
5. « — Une bonne demande est une chose bonne,
6. «(Mais) quelques petites choses, c'est demander beaucoup.
7. « — C'est un homme vil que celui qui remplit (garnit) son ventre;
8. «S'en va le temps, sans qu'il y prenne garde :
9. «Conduit le ventre chez de telles gens.
10. « — Si tu es assis avec un glouton,
11. «Manger aussi eu parallèle de lui mène loin :
12. « — Si tu bois avec un ivrogne,
13. «Et que tu en prennes à sa guise,
14. « C'est s'unir dans la voracité pour les victuailles à côté d'un homme vil (répugnant);
15. «Sa main se saisit de toi pour te faire mal agir;
16. «Vraiment c'est dégoûtant.»
Le disciple de la sagesse étant ainsi écarté des plaisirs grossiers de ceux qui ont pris pour dieu leur ventre, (quorum chus venter est), peut désormais écouter de plus hautes leçons. La troisième partie de notre préface en vient donc à faire, d'une façon plus détaillée, l'éloge de la sagesse et de ce livre de la sagesse qui doit lui révéler ses hautes destinées.
Voici d'abord l'éloge de la sagesse elle-même :
y^m—\.-^-^M^l.
' ujton.
* Factitif de
192
Eugène Revillout.
^
nc=^
r*^"^
»• i^k^#,¥,-i:¥J'
9. -jv, 10. """^
■q ® A / ® îj \
1. «Celui qui manque de counaissance de (la sagesse) n'a de puissance pour rien (aucune parole ou chose).
2. «Pour lui il y a diminution (^i"^- = T Vv^^l 1"^"'" ^^ ^^^'^i
3. «Dégoût pour son cœur.
4. « Il est repoussé !
5. «C'est une charge, celui-là, pour sa mère, ses gens, tout le monde.
6. « — Fais ressortir (briller) ton nom :
7. «S'il y a une parole de ta bouche, tu es célébré pour la grandeur de ton cœur en force, pour ta fermeté d'esprit;
8. «Tes enfants apprendront ta puissance;
9. «Point on sait les destinées que Dieu fait à qui l'embrasse (le saisit);
10. « Le préfet fait appeler ses enfants, après quïl a terminé la destinée des hommes :
11. «Leur honneur sera d'aller à sa suite toujours d'après ce qu'il a dit.» Vient enfin l'éloge du livre précieux qui doit amener ces magnifiques résultats.
12.
\:
13. 14. 15. 16.
■\-^.^%,hï<\^M-
le ^
I I I I I
/wvw» ^A/v^AA i A I I I I -B'^ I '}^' I I I I
12. «Tout ce qui est par écrit dans ce livre, écoute-ie, comme je l'ai dit, en conformité avec les abondances en fait d'utilité.
* Voir pour ce mot Bau une des notes de la préface des Maximes de Ptahhotep (p. 197, note 6). ' Voir pour ce mot la note 5 de la page 195.
* Voir une des notes suivantes (p. 197, note 2).
Les deux préfaces du papyrus Prisse. 193
13. « — Ils seront à placer ces choses dans leur sein;
14. «Ils seront à réciter cela comme ce qui est jtar écrit;
15. « Étant la beauté de ces choses dans leur cœur plus que toutes les choses qui sont dans la terre entière;
16. «Soit qu'ils soient debout, soit qu'ils soient assis.»
Après cela on doit trouver tout naturellement la signature du livre tant vanté et la date de sa fabrication : tout ce qu'on trouve si souvent dans nos préfaces contemporaines, quand on veut éviter certains démarquages, hélas! trop fréquents. La date est, du reste, la plus ancienne de celles de tous les livres connus, puisqu'elle remonte à la IIP dynastie.
17. «Après que voici que la Majesté du roi des deux Égyptes Huna arriva au ])ort,
18. «Voici que se tint debout la Majesté du roi des deirx Égyptes Snefru en qualité de roi bienfaisant,
19. «Voici que fit Kakemna (ce livre) pour le préfet de la ville : — je lui portai cette offi'ande. ' »
Malheureusement le livi-e lui-même a disparu : ce que nous ne saurions assez regretter. Mais il est clair que tout ce qui précède avait été écrit pour préparer le lecteur à ce livre, pour une véritable préface en un mot. S'il restait, du reste, quelque doute à ce sujet, on n'aurait qu'à comparer la préface du livre qui suivait celui-ci dans le papyrus Prisse, pré- face dont la composition est, nous le répétons, tout aussi distincte de celle du livi-e qu'elle prépare que la préface du livi"e de Kakemna l'était du sien.
Ptahhotep n'est point, lui, un littérateur de profession. C'est un préfet — ou pour mieux dire un ministre remplissant de son temps les mêmes fonctions que Rekhmara remplissait du temps de Thoutmès III. Aussi son style est-il moins poétique, moins recherché que celui de Kakemna. C'est évidemment celui d'un lettré; mais d'un lettré-homme politique, comme ce président du sénat qu'on faisait naguère entrer à l'Académie française. On ne sent plus autant le parallélisme élégant et le rythme poétique d;ius ce qu'il écrit que dans ce qu'écri- vait le poète attitré de la cour de Huni. ilais en revanche on perçoit une grande ampleur d'idées et, disons-le, un grand souffle, quasi-prophétique, — et analogue à celui des voyants d'Israël.
1 Conf. Rev. égypL, VI, 100 le desinit (J I liv t I "'^~' «Ceci vient en
offrande à la personne de . . .», desinit fort bien mis en lumière par M. de Rougé et qui se rapporte à une sorte de dédicace. — En ce qui concerne le mot (C^ *^ il a été omis à cause de la répétition du signe (C^ dans le verbe (C^ n^ • C'est une faute fréquente pom- les scribes de toutes les époques que de ne mettre qu'une fois un signe ou un mot deux fois répété. A la différence du livre de Ptahhotep, celui-ci n'avait pas été fait par un préfet de la ville, mais pour un préfet de la ville, par un littérateur de pro- fession, qui montre par son style poétique qu'il est bien tel.
194 Eugène Revillout.
Ptahliotep lui aussi voit. Il est deljout et parle devant la divinité suprême' qui lui répoud, comme Jéhovab répondait aux nebiim de son peuple.
Ptahhotep, arrivé aux plus hautes dignités, était vieux, très vieux. 11 se demandait avec anxiété si, à sou âge avancé, il pouvait encore avec fruit se faire le docteur d'un jeune monarque : le roi Assa de la V" dynastie, du règne duquel il date son livre, et qui, comme l'a dit un des récents éditeurs de ce livre, mon ancien élève M. Virey, est nommé avec lui dans un monument publié par Lepsius (Denhn., II, 115) portant la mention : s Le favori d'Assa Ptahliotep. »
Le tableau qu'il nous trace alors de la vieillesse est véritablement effrayant, bien que d'une exactitude remarquable pour ceux qui en sont arrivés aux limites de la décrépitude. Tel n'était évidemment pas le cas pour Ptahhotep, malgré ses 110 ans : et c'est ce que lui fait sentir le dieu, dans sa réponse, en lui disant d'entreprendre cet enseignement royal auquel lui donnait droit son âge, sa haute situation et, nous le voyons d'après un autre passage de la suite, sa naissance royale aussi.
Laissons maintenant la parole à Ptahhotep en reproduisant ici le texte même de sa préface.
Et d'abord donnons le titre du livre :
«Enseignement du préfet de la ville Dja, Ptahhotep, sous la Majesté du roi des deux Égyptes Assa, vivant éternellement pour jamais. ■>■■
Ce titre, faisons-le bien remarquer, précède la préface, — préface que suit à son tour un nouveau titre ainsi conçu :
M
'ra
1 II rappelle 'S3^'=s^=>- JJ 'v ■> Mïs. Le premier de ces qu.ilificatifs, ottj", a été comparé (dans la Zeit-
achrift, 1882, p. 166) à (1 |l (1 (^ TO (qui est traduit iMEFAS BA2IAEV2 par la nouvelle version du décret
trilingue de Rosette et par (cî_ par le papyrus Rhind). Brugsch traduit atti neba par Klinig Herr dans le papyrus Prisse. M. Maspero {Eecueil, III, 116) a admis cette traduction «souverain», mais il transcrit le mot hanhan. Chabas triiduit simplement le mot: «Osiris», parce que dans le Rituel 142,43 c'est un surnom d'Osiris. Mais ce surnom, que l'on rencontre dans la stèle 167 de Turin, peut s'appliquer à tout autre dieu. Ce qui est certain c'est qu'on ne peut traduire «double crocodile» comme Virey.
' Je vois ici dans §) I O [— "^ l'équivalent de igi f |.
* X X ■^^ô- Comparez ^ ^ ^ "^^ê. « infirmité », mot que nous trouverons plus loin dans la description
de la vieillesse FQ^v v ^ V"^=>1 «arrive l'infirmité». Ce mot se retrouve, comme l'a noté aussi Virey, deux fois dans le papyrus médical Ebers : 1° h <=> ^^ =0=%> ^ ^ "^ =^ D S ^^ H fil ^«'^
— ^ V 0 0 '*' ^^ cœur est dégoûté, c'est infirmité du cœur et échauffement du derrière»; 2° 4 v\
Les deux préfaces du papyrus Prisse. 195
«Commencement dans renonciation de la bonne parole dite par le père du dieu, aimant le dieu, le fils du i*oi aîné de son flanc, le préfet de la ville, le Dja Ptahhotep, pour l'en- seignement des ignorants dans la science des préceptes de la bonne parole, pour le bien de qui l'écoute, pour la répression de qui la viole. »
Cet enseignement de la «bonne parole», analogue à la «bonne nouvelle» de l'Évangile, Ptahhotep le donne, on le voit, comme fils du roi aîné de son flanc (c'est-à-dire fils héritier du Pharaon) qui avait par conséquent tous les droits au trône et qui n'y avait renoncé, comme de notre temps l'oncle d'Ismaïl-pacha, que pour continuer à vaquer à l'étude de la sagesse et aussi pour remplir à l'égard de son neveu ou plutôt petit-neveu Assa le rôle de père bien aimant. Il est clair, du reste, que cette renonciation d'un homme alors très vieux devait être déjà ancienne et que Ptahhotep avait dû se contenter déjà du titre de ministre, de préfet de la ville et peut-être de régent sous le prédécesseur d'Assa. Ceci nous fait bien comprendre le caractère et la portée de la préface que nous allons traduire et qui, placée entre ces deux titres, ne peut être, nous le répétons et tout le monde en conviendra, qu'une préface. Le prince s'adresse donc en ces termes au dieu :
^•ra^A%5r^*A%(]r%^^>'
(vient de) répaisissemciit (3a.-e-SejM obésité) du cœur». Si l'on distinguait (fe«fe« de uSesies, on pourrait voir dans Sesses un palpel de ujc ictus, qu'on retrouve aussi sous la forme X "^^^ dans le papyrus Ebers Le sens «infirmisation de qui la viole» ne va pas très bien : on aime mieux le sens de frappement, puni- tion, répression.
^ ^ TO = " [1 1^ = ^frr qui dans le décret trilingue de Rosette traduit MEFAI daas l'expression MEFAS BASIAEYS — ten suten — ce que la nouvelle version de Rosette rend par II ft IJ IJ W ati «grand roi».
^ Voir une des notes précédentes (p. 194, note 4).
' ij Q V ^à^ ^^^ ^ comparer avec 0 5 (J tj f^ "•' giovane», comme dit Levy. Ce mot s'employait même, selon Brugsch, pour le soleil jeune (mot astronomique). Ici, selon l'hypothèse déjà formulée par Lauth, il désigne bien la faiblesse du jeune âge qui revient à nouveau dans la vieillesse.
* Voir dans les décrets trilingues ce mot employé tant en démotique qu'eu hiéroglyphes pour indi- quer les temples reconstruits à nouveau, etc. etc.
^ Pour ce mot (qu'on trouve aussi sous la forme T ^^, c^=^ ^^^1 comparez plus haut (p. 191) la forme ® <r-=-^ <::> j ^^=^ 'bms Kakimna. Ce mot correspond à îf\ du copte dans son double sens de diminution et de décrépitude.
» Conf. AKo «perdition» = (1 zl "^^^.
' Voir sur ce mot "^ ^f\, forme dialectale de | = sptooT ce que nous avons dit à propos
de la préface de Kakemna (p. 189, note 1). Il s'agit ici du vieillard décrépit qui ne peut même plus exprimer ce qu'il veut dire.
25*
196 Eugène Revillout.
«Il dit : Prince, mon maître :
«Le grand est devenu vieux : arrive l'infirmité : vient la faiblesse à nouveau : le » couche (ce grand) la décrépitude chaque jour : les yeux s'affaiblissent : les oreilles se dur- » cissent : les forces sont en baisse (en perte) : le cœur mien n'est point tranquille : l'esprit »se ferme (s'hébète) : il ne se souvient plus de la veille : l'ossature s'amoindrit eu sa to- » talité : ce qui est bon devient mauvais : tout goût s'en va : la vieillesse rend pour l'homme »tout mauvais : le nez d'abord n'a plus de respiration du tout :»
Cette description de la vieillesse est vraiment très remarquable, bien qu'écrite dans nu style tout différent de celui du précédent traité. Au lieu des phrases rythmées et poétiques, des véritables vers, se répondant l'un à l'autre avec un constant parallélisme de mots et de pensées, de manière à former des strophes élégantes — je dirais facilement des motets, — nous trouvons ici des petites phrases, coupées il est vrai à la Voltaire, mais où l'on ne sent nulle recherche du parallélisme et de l'antique préciosité orientale, mais une conception tout à fait moderne de ce que certains écrivains contemporains ont nommé le réalisme, con- ception réalisée par l'amoncellement de phrases descriptives, sans recherche apparente, mais dont la succession ininterrompue finît par obséder et étreindre en quelque sorte l'esprit, pour lui donner sur l'ensemble du tableau l'impression voulue. C'est de l'art et même du grand art : mais de l'art considéré d'une manière toute différente et plus libre que celle que nous admirons dans les vieux classiques. Pour nous, Zola vaut les anciens maîtres : et il en est de même de Ptahhotep par rapport à Kakemna.
J'ajouterai que la conception est peut-être ici plus haute.
Je ne parle pas seulement de la mise en scène si souvent employée, nous l'avons dit, par les anciens prophètes et qui met l'homme élu eu face de la divinité et parlant librement avec elle.
Mais le développement de la pensée est lui-même bien loin de manquer de grandeur.
Voilà cet homme dont ou nous a peint en quelque sorte l'anéantissement causé par la décrépitude; et c'est de ce néant qu'on veut tirer l'être : de cette nuit qui assombrit jusqu'à l'esprit lui-même qu'il s'agit de faire jaillir la lumière. Ecoutez plutôt cette eouclu.sion du tableau de la vieillesse qui, de toutes parts, semblait priver l'auteur de toutes ses facultés :
' Pour cette expression ab (ou het) lom, conf. -©(ojAtiOHT ohduratio ou excoecatio cordis.
^ tice^q «de la veille» en copte.
^ Couf. R^C os.
* Couf. Tûinoir en copte = p^-
Les deux préfaces du papyrus Prisse. 197
^
«Debout ou assis, ^ point (n'est à moi) de puissance d'iliumiuateur en elle (^dans la » vieillesse) pour faire parole à mon seigneur: Quoi?' Dirai-je à lui les paroles de ceux qui sont entendu les conseils du passé, leur audition des dieux? Ahl c'est à toi d'agir ainsi* »pour repousser les infirmités^ des gens éclairés, à toi de faire éclater tes merveilles 1 '" >>
Ici, on le voit, la phrase est moulée sur un modèle tout dift'érent de celui qui a servi pour la description de la vieillesse. Elle est moins sèclie, plus chaleureuse, plus colorée, plus longue aussi, plus à périodes pour ainsi dire. Evidemment le marl)re s'est animé et réchauffé. On sent non plus le simple descriptif, non pas aussi le poète à la façon de Kakemna, mais un véritable orateur qui aurait pu enlever les masses par des contrastes habilement combinés.
Mais ici il ne s'agit pas d'enlever les masses, comme le fera quelques milliers d'années plus tard le tribun Sénuti. Il .s'agit d'élever les âmes, de les éclairer, de leur enseigner le beau et le bien. A cette mission un vieillard suffit-il? Peut-il senir dilluminateur aux autres? Peut-il surtout dire à .son maître les paroles de ceux qui ont entendu les paroles du passé, leur audition des dieux, comme dit le texte, c'est-à-dire les secrets que les dieux ont révélés à l'homme dans l'antiquité la plus reculée quand sou cœur était pur? C'est exactement ce que nous dit Cicéron dans son traité des lois liv. II, paragraphe 16, quand il uous enseigne que ce qu'il y a de meilleur, c'est ce qu'il y a de plus ancien et de plus proche de dieu : «Et profecto ita est ut id habeudum sit antiquissimum et deo proximum quod sit optimum.'»
1 C'est à la racine || m «répandre des rayons» que je rattache cette racine, comme on le verra
V 111 *JS-m -www .^__^ ^
aussi dans le passage parallèle f[ <; d / v\ w set nek baui « à toi de faire éclater tes mer- veilles ». (Il est vrai qu'ici le sens projicere de 'j' <, o = cet conviendrait aussi.) Dans notre "t* M^
le signe Mîi n'est pas un déteiminatif du verbe, mais la formation du nom d'agent que l'on retrouve plus loin
dans ^^Qf]^^' «les auditeurs», "^(Ifl^g^JI re/iu «les gens éclairés», [Ij H ^ ^^Ji «les enfants» (de |T| H (J IJ Cf) «enfanter» dans le même papyrus). Dans Kakemna on a aussi ""^^6 ^^3i
«homme vil», 1 ^^^Vra «homme répugnant», V' ^Hl'x^Vir «g'outon», v '^ rSr '"'l'OnOe»,
etc. etc. Pour ^ — "^ conf. Prisse V, 4, IX, 12, etc.
^ Pour cette locution voir dans Kakemna (voir plus haut p. 192) la dernière phrase qui précède sa signatiu'e. Cette locution est comparable à la locution, «soit homme, soit femme», qu'on rencontre sans cesse et d'une façon tout aussi pléonastique dans le tribun Sénuti.
^ Ce mot II = evuj = 11,61 «quoi?» est souvent employé par Ptahhotep comme exclamation.
* y j semblablement est employé tout à fait dans le sens de notre ainsi français.
^ A 0 (â ^^ ujûMve «infirmité».
^ Ce mot (qui se lit baui) est répété sous une forme plus pleine un peu plus loin dans la réponse faite par le dieu : ] [1 B^ ^^:r]
' Dans le traité de amicitia Cicéron nous répète : «plus apud me antiquorum auctoritas valet, etc.»
198 Eugène Revillout. Les deux préfaces du papyrus Prisse.
Mais quelle différence entre l'antiquité dont nous parle Ptahbotep sous la V dynastie égyp- tienne et celle dont nous parle Cicéron à la fin de la république romaine!
Quoi qu'il en soit, nous voyons Ptaliliotep lui-même Deo proximum. Il parle intimement aussi avec le grand Dieu, — ce prince, son maître, auquel était adressé le premier mot de sa préface et vers lequel, conscient de sa faiblesse, il s'écrie encore : « Ah ! c'est à toi d'agir ainsi » pour repousser les infirmités des gens éclairés, à toi de faire éclater tes merveilles. » A cette invocation solennelle le grand Dieu lui-même ne dédaigne pas de répondre :
J
I I I
« Dit la Majesté de ce dieu :
«Ta bouche l'enseignera (le roi) dans la parole du passé. Ahl elle fait la merveille » (ou la stupeur) des petits enfants et des grands. Celui qui l'entend entre dans toute satis- » faction de cœur. Ce qu'elle dit n'engendre pas satiété. »
Par ce bel éloge de la sagesse, éloge sorti de la bouche de Dieu, se termine la préface de Ptahbotep. Vient ensuite le second titre de son livre dont nous avons déjà parlé, titre beaucoup plus développé que le premier titre qui précédait la préface : «Commencement dans renonciation de la bonne parole dite par le grand prince, père du dieu, idu roi) aimant ce dieu (ce roi), le fils du roi aîné de son flanc, préfet de la ville Dja Ptahhotep pour l'en- seignement des ignorants dans la science des préceptes de la bonne parole, pour le bien de qui l'écoute, pour la répression de qui la viole. »
Nous avons cru nécessaire de reproduire de nouveau ce titre ici, parce que, résumant et encadrant tout ce qui vient d'être dit par le sage et par le dieu, il prépare admirable- ment l'auditeur à écouter cette «bonne parole», cette bonne nouvelle, cet évangile qui nous est donné comme l'évangile du passé, d'autant plus neuf qu'il est plus ancien et par consé- quent meilleur.
De même que la préface, d'ailleurs, le livre lui-même nous est donné sous la forme de discours direct avec l' en-tête «il dit», au lieu d'aff'ecter, comme le hvre de Kakemna, une forme impersonnelle, dans laquelle ce n'est pas l'auteur, mais la sagesse même qui parle. Ici l'auteur est trop grand personnage pour se transformer ainsi en simple secrétaire. Tout est vivant, ou vécii, pour me servir d'une expression dont on abuse trop.
1 :*■ \\ li 0 = efitû se retrouve ici comme dans le premier et — d'une façon plus développée —
dans le second titre du livre. C'est bien une mission d'enseignement qui est donnée à Ptahhotep à l'égard du jeune monarque qu'il appelait plus haut sar-a «mon maître».
* bau, dont nous avons déjà parlé plus haut (p. 192, note 2 et p. 195, note 5), veut dire à la fois «merveille» et le résultat d'une merveille, la «stupeur» (eÛH en copte).
' cei en copte = i;T sa = Z.)M^ sei = 2.))11 «e en démotique.
Des donations d'enfant a l'époque copte. 199
DES DONATIONS D'ENFANT A L'ÉPOQUE COPTE,
THÈSE SOUTENUE A L'ÉCOLE DU LOUVRE.
PAR
Fe. de Villenoisy,
(Suite.)
Chapitre IV.
Nous sommes tout à fait iiorté à peuser que, malgré leur singulière forme extérieure, ces actes ue sont pas plus des donations que les mariages de l'époque pharaonique, faits sous forme de vente, n'étaient des ventes. Nous préférons y voir des recommandations « pro- duisant tous les effets qu'elles produisaient en Gaule à la même époque»; car les mêmes causes produisent partout les mêmes effets. Nous en donnerons la démonstration un peu plus loin, mais dès maintenant nous pouvons faire voir que, même eu admettant l'esclavage des enfants, il n'était ui complet, ni définitif; on peut le déduire des actes eux-mêmes.
A première vue, les parents déclarent donner leurs enfants au monastère pour y rem- plir toutes les fonctions qu'il plaira à l'économe de lui imposer, et ils ne cessent d'insister sur ce point; l'acte 8 dit qu'il «sera serviteur eu tout service, le jour et la nuit»; le n° 8 ajoute «serviteur à jamais, comme un esclave acheté pour argent»; le papyrus Vaughan et l'acte sans numéro de Londres trouvent une formule plus absolue encore : «Je veux que le saint monastère soit seigneur de mou cher fils, des peines de ses mains, de l'esclavage de sou corps;» le donateur de l'acte n° 11, en décidant que cet esclavage durera toute la vie de l'enfant, ajoute qu'il en est de même pour tous les serviteurs du monastère.
Cela est très clair, c'est l'esclavage le plus absolu. Il n'en est rien cependant, et nous le voyons par la suite de l'acte. «Tout ce qu'il plaira à l'économe» est énuméré un peu plus loin comme dans les papyrus 5 et Vaughan; il balayera et lavera le monastère, parera l'autel et entretiendra les lampes, recevra les voyageurs et aura soin de la piscine qui leur est réservée, etc. Ce sont encore là les occupations des frères lais dans les couvents. Mais on a cependant disposé des enfants coutre leiu- volonté, on les a donnés sans les consulter; ils n'auront plus tard aucun moj'cn de se soustraire à leur condition pour s'en faire une meilleure, et c'est là le propre de l'esclavage. Nullement, nous lisons dans le papyrus u" 13 relatif à la donation des deux enfants Sabine et Job : «. . .; pour qu'ils soient à jamais » serviteurs de sou saint monastère tous les jours de leur vie et qu'ils deviennent tels que » tous les hommes qui sont offerts en vœux à tous les monastères, soit qu'ils veuillent habiter »le monastère pour y servir selon la manière que le supérieur leur ordonnera, soit qu'ils «veuillent habiter en dehors du monastère. En ce dernier cas, ils donneront leur revenu, »pour y servir aux frais du sacrifice et du luminaire de l'autel.» Le papyrus 8 prévoit également le cas où l'enfant donné viendrait à se marier. Cette hypothèse n'est pas du goût du donateur, qui cependant ne semble pas avoir le moyen d'y mettre obstacle : «Et s'il » arrive qu'il prenne femme, ce qu'à Dieu ne plaise, les fils qu'il engendrera serviront le
200 Fe. de Villenûisy. Des donations d'enfant a l'époque copte.
»saiut lieu de lapa Phébamon comme lui.» Le papyrus 6 s'occupe du cas où l'eufaut re- fuserait de ratifier l'acte : «De plus, si l'enfant ne veut pas être serviteur du monastère »qui est le lieu où il a été guéri, du moins, tout ce qu'il gagnera dans sou métier, il le » donnera au monastère.» Même mention dans le papyrus 9, qui semble être copié sur le n" 6 et dans le n° 14. Et encore ce n'est pas tout : «le fruit du travail qui appartiendra au couvent,» malgré les mots : «tout ce qu'il gagnera,» insérés dans ces trois textes; ce qui nous rapprocherait d'un esclavage plus réel quoique tempéré; ce n'est ([u'une partie, peut-être très faible, un dixième probablement. En effet, voici la fin de la phrase : «tout »ce qu'il gagnera dans son métier, il le donnera au monastère, selon le partage qu'en » aura fait l'économe de ce temps. » Le n° 13 assimile le refus de demeurer dans le monastère au refus de le servir, et décide que, dans ce cas, il y aura lieu au partage des revenus.
L'acte des parents, malgré ses termes si formels, n'aboutit donc qu'à imposer à l'en- fant le choix entre un service accompli personnellement au profit du monastère et le paiement d'une redevance; c'est une convention comparable à nos journées de prestation sur les chemins vicinaux, payables en argent ou en nature, au choix du contribuable. Le mot d'esclavage et la description qui est donnée de cet esclavage ne sont là que pour exprimer d'une manière plus vive l'humilité des fidèles à l'égard de Dieu, car on ne peut même pas dire qu'il y a dans l'espèce esclavage éventuel. En effet, si la personne donnée s'était rachetée en payant annuellement une somme fixe, on pourrait soutenir que la liberté était donnée sous con- dition, et que le monastère pouvait l'enlever pour inexécution de cette condition, dès que son débiteur refusait de payer la somme due ou ne gagnait pas assez pour se la procurer. Mais, dans l'espèce, le prix du rachat est une somme variable, un partage de bénéfice. Le débiteur gagnera toujours quelque chose, si on le fait retomber en servitude, ne pourra-t-il pas, en droit, demander une part dans les bénéfices que son travail aura procurés au cou- vent? Ce n'est donc pas un esclavage éventuel, mais eu quelque sorte un esclavage honoraire.
Cette idée n'était du reste pas nouvelle en Egypte. Nous avons déjà parlé des hiéro"- dules de Memphis, les bok d'Osorapis. Notre savant maître a traduit, en 1884, un acte démotique du British Muséum, daté de l'an XXII de Ptolémée Philométor, par lequel un homme nommé Hor — Horus — se donne à Osorapis, pour être son bok, ainsi que toute sa famille et tous ses biens. ^ Cette donation n'aboutit eu réalité qu'au paiement d'une re- devance égale au dixième de ses revenus annuels.
(La suite prochainement.)
' Eugène Revillout, Cotas de droit égyptien, p. 100. Tout mon service, je le consacre au dieu Osor- apis et à ses dieux auwaoï. Je suis, ô dieux, votre sei-viteur, ainsi que mes femmes, mes enfants, mes gens, mes biens, mes bestiaux, tout ce qui est à moi et tout ce que je posséderai depuis ce jour à jamais. Que je donne le dixième de toutes les choses qui proviendront chaque année de mon travail. Je vous ai livré tout ce qui est à moi et tout ce que je posséderai, depuis le jour ci-dessus à jamais. C'est à vous qu'il appartient d'exiger ce dixième de mon travail de l'année et de partager ... Si tout ce qui est dit ci- dessus n'est pas accompli, que je vous livre tous mes biens présents et à venir, depuis le jour ci-dessus à jamais, car je suis votre esclave.
L Éditeur Eknest Leroux, Propriétaire-Gérant.
REVUE ÉGYPTOLOGIQUE
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE
M. EUGÈNE REVILLOUT.
HUITIÈME VOLUME.
LABOBEMUS!
PARIS
EENEST LEROUX, EDITEUR,
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE L'ÉCOLE DES LANGUES OKIENTALES VIVANTES, DE L'ÉCOLE DU LOUVRE, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
1898.
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