cc « réa .« e à < = CC € ECC « 91} | Library of the Museum OF COMPARATIVE ZOOÛLOGY, AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. Hounded bp private subscription, in 1861. RPISMIPISISSIIX Deposited by ALEX. AGASSIZ. No. 7008. SA Or SU CIE MENT REVUE INTERNATIONALE SCIENCES PARIS. — TYPOGRAPHIE A. HENNUYER, RUE D'ARCET, 7. ' 5 1 7 4 Ltes L#1 e ? ‘ ; x 1 À ; n « # î J TA “ eut 4 t Û ! 4 | v à? = REVUE INTERNATIONALE SCIENCES DIRIGÉE PAR J.-L. DE LANESSAN PROFESSEUR AGRÉGÉ D'HISTOIRE NATURELLE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS. TOME TROISIÈME PARIS OCTAME DOIN EDITEUR 8, PLACE DE L' ODÉON, 8 "1879 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES NE L’'AME DES CELLULES ET LES CELLULES DE L’AME, Par M. Ernst HAECKEL, Professeur à l'Université d’Iéna. _ Dans le domaine des connaissances humaines il n°y à pas de phéno- mène au sujet duquel nos appréciations aient été de tout temps et soient encore aussi divergentes que celui de la vie de «l'âme ». Qu'est-ce que « l'âme »? D'où vient-elle et où va-t-elle? L'homme seul a-t-il une « âme »? Les animaux en ont-ils une aussi? Où se trouvent les limites, où se trouvent les commencements de la vie de «l'âme » dans le règne animal? Nous ne pouvons pas plus donner de réponse décisive à ces questions aujourd'hui qu'il y a deux mille ans, ou du moins pas de ré- ponse qui soit universellement acceptée par la science. Cette incertitude $e trahit surtout par la situation vague que la science même de la vie de l’âme, la psychologie, occupe aujourd’hui parmi les autres sciences. Presque tous les naturalistes considèrent aujourd'hui l’activité de l’âme des hommes et des animaux comme un véritable phénomène physique et croient, par suite, ne pouvoir sou- lever le voile qui la recouvre, que par l'observation des faits physiques. La plupart des psychologistes, au contraire, sont d’un avis opposé et considèrent la vie de l’âme — du moins chez l’homme — comme un phénomène surnaturel, spirituel, soustrait aux forces de la nature et défiant ainsi toute explication purement naturelle. D'après cette opi- nion, encore prédominante de nos jours, la psychologie est, en partie ou entièrement, une science spirituelle et non pas une science na- turelle. Malgré la défiance que rencontre tout naturaliste qui se risque dans le domaine obscur de la psychologie, nous voulons cependant essayer de porter la lumière de la méthode naturelle d'observation dans ces T, III. — N0 1, 1879. 1 2 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES... mystères. Nous sommes enhardi et justifié de faire cet essai par deux faits fondamentaux. En premier lieu, «l'âme » est soumise, ainsi que cela est universellement reconnu, dans chaque être animé, à un développe- ment progressif, elle a une histoire individuelle de développement; et, en second lieu, une partie au moins des actes de l’âme sont liés à des organes corporels déterminés; on ne saurait se les représenter sans ces organes. Cette partie au moins des phénomènes psychiques est donc accessible à la méthode d'observation. De plus, il est assez générale- ment admis maintenant, qu'au moins une partie des manifestations psy- chiques, en particulier la volonté et la sensation, sont soumises aux mêmes conditions chez les animaux supérieurs et chez les hommes, et que la comparaison psychologique des différents animaux nous offre une lente progression du développement de l’âme animale. Le zoologiste, qui est tenu d'étudier la vie de l’animal dans toutes ses directions, n’est donc pas seulement justifié, mais aussi obligé de rechercher l’origine et les limites de la vie psychique dans le règne animal. La voie non frayée encore que le zoologiste doit suivre est fort diffé- rente en vérité de la large et grande route sur laquelle la bande des psychologistes se promène commodément depuis des milliers d'années. On sait que ces derniers ont regardé comme leur tâche la plus im- portante ou même exclusive, la connaissance d'eux-mêmes, l’obser- vation et la réflexion sur leur propre vie psychique. C’est pourquoi l'âme, telle qu’elle est ordinairement démembrée et décrite dans les livres des psychologistes, est spécialement l’âme de l’homme développé, etmême généralement l’âme très-savante d’un philosophe riche en con- naissances et exercé à la réflexion. La connaissance exacte d’une âme de savant fortement développée est certainement de grande valeur, mais elle ne nous apprend rien sur plusieurs questions de grande im- portance; il lui manque justement ce à quoi on attache tant de valeur aujourd'hui, au point de vue de l'étude de la nature, la marche du dé- veloppement, qu’elle ne nous montre pas. Il est hors de doute que l’âme de chaque homme et de chaque animal est soumise à un développement lent, continu et gradué. Cest là un fait psychologique d’une importance fondamentale. Les plus grands pen- seurs de toutes les époques, Aristote et Platon, comme Spinoza et Kant, ont été enfants; leur âme, qui embrassa l'univers, s’est aussi déve- loppée peu à peu. S'appuyant sur ce fait, le zoologiste qui s'applique à connaître l'âme, utilisera en premier lieu le moyen le plus important d'investigation, l’histoire du développement. Il suivra le développe- ment de l’âme dans l’homme et dans l'animal, en les comparant, et il étudiera parallèlement la structure et le développement des parties du L'AME DES CELLULES ET LES CELLULES DE L’AME. 3 corps qui prennent directement part à l’activité psychique, chez les ani- maux comme chez les hommes. La morphologie comparée des organes de l’âme et la physiologie comparée des fonctions de l’âme, s'appuyant toujours sur l’histoire du développement, deviennent ainsi la tâche psychologique du naiuraliste. Le fait le plus général et le plus important qui se présente au natura- liste, dès le début de ses recherches psychologiques, est que toute acti- vité de l’âme dépend de certaines parties matérielles du corps animal, des organes de l'âme. Ces instruments de l’âme sont, chez les hommes : ‘et chez les animaux supérieurs : les organes des sens, le système ner- veux et le système musculaire; chez les animaux inférieurs , ce sont des groupes de cellules ou même des cellules simples, qui ne sont pas en- core différenciées en nerfs ou en museles. Toute manifestation de la, vie de l’âme, tout travail psychique est lié invariablement à un pareil or- gane ; on ne peut se les figurer en dehors de lui. Cela n’explique encore en rien l'existence de l'âme, ni la manière dont elle est liée à ses organes. Il n'est cependant pas superflu d’in- sister sur ce fait physiologique fondamental, dans un temps où la su- perstition la plus crasse relève la tête sous la forme du spiritisme, et où nous voyons que non-seulement des milliers d'ignorants et de lettrés,, mais même des naturalistes ayant un nom, deviennentles victimes de cet aveugle entrainement. N'est-ce pas avec honte que nous avons pu voir, il y a peu de moïs, lé spirite américain Slade, après avoir acquis une fortune importante en Angleterre par des évocations d’'esprits, et après avoir été finale- ment exposé comme un effronté menteur, continuer son métier d’escroc avec le même succès en Allemagne et mème fasciner quelques natura- listes distingués? Ne voyons-nous pas qu'une littérature spéciale du spiritisme, représentée par des publications nombreuses, cherche à donner un vernis scientifique à ces chimères ? Dans le siècle des che- mins de fer et des télégraphes, de l'analyse spectrale et du darwinisme, dans l’époque de l'interprétation monistique de la nature, ces rechutes dans les noires superstitions du moyen âge ne sont guère explicables. Elles ne trouvent leur raison d'être que dans le côté obscur et mystique de «l'âme » humaine, dans ce penchant ténébreux vers des idées surna- turelles et miraculeuses, soigneusement cultivé par la superstition reli- gieuse depuis des milliers d'années. Ce penchant mystique ne peut être aussi fermement enraciné que parce qu'il a été consolidé par l'héré- 4 REVUE INTERNATIONALE LES SCIENCES. dité pendant de nombreux siècles et continuellement fortifié et sane- üfié par de prétendues révélations, c’est-à-dire par des adaptations pa- thologiques de l'âme. En face de toutes les prétendues apparitions d’esprits du spiritisme, comme en face des miracles de Louise Lateau ou de la Vierge de Mar- pingen, qui sont fondées en partie sur une illusion inconsciente et en partie sur des tromperies conscientes, se dresse aujourd'hui, comme premier fondament de toute psychologie, ce fait physiologique incon- testable, que toute espèce d'activité de l’âme est inséparablement liée à des organes corporels particuliers. Nous devrons donc chercher en pre- mier lieu à connaître plus exactement ces organes. Les instruments déjà nommés de notre vie psychique, c'est-à-dire : les organes des sens, le système nerveux et les muscles, forment en- semble un seul grand appareil, que nous désignerons brièvement sous le nom d'appareil psychique. Chez les hommes, comme chez tous les animaux supérieurs, cet arsenal de l’activité psychique nous présente un système admirable d'organes et de tissus excessivement compliqués, dont les détails minutieux sont d'autant plus nombreux et plus enche- vêtrés que le travail de l'appareil, c’est-à-dire l’activité psychique, est plus complet et plus développé. Un voyage de découvertes dans ce merveilleux labyrinthe est cer- tainement très-séduisant et très-instructif, mais aussi très-difficile et très-fatigant. Pour le but que nous poursuivons, il vaut mieux jeter un regard sur l'appareil psychique à structure plus simple d’un animal in- férieur. Nous choisissons donc un Ver incomplet, non parce que, d’après Faust, l'homme est pareil au ver qui laboure la poussière ; ni parce que la phylogénie moderne cite une série de Vers parmi nos ancêtres dans l'arbre généalogique de l'homme, mais bien plutôt parce que les Vers inférieurs se distinguent par une structure très-simple et très-compré- hensible de leur organe psychique, et facilitent par là la compréhension difficile de l'appareil psychique beaucoup plus compliqué des animaux supérieurs. Lorsque nous observons sous le microscope un de ces Vers simples, par exemple un Turbellarié, nous découvrons, au-dessus de la bouche, une petite masse blanche, de laquelle partent en rayonnant des fila- ments très-fins qui se dirigent, dans toutes les directions, vers les diffé- rentes parties du corps. Cette masse consiste en une substance ner- veuse molle et est le centre de tout l’appareil psychique; elle représente un cerveau de l'espèce la plus simple. Les fins filaments qui rayonnent de tous les côtés sont des nerfs. Nous distinguons deux espèces de ces filets nerveux. Les uns, nerfs moteurs, sont les instruments de la vo- L'AME DES CELLULES ET LES CELLULES DE L'AME, 5 lonté ; ils se dirigent du cerveau vers les muscles, dont les fibres mus- culaires sont mises en mouvement par eux. Les autres, au contraire, sont des instruments de sensation, ou des nerfs sensitifs ; ils conduisent les diverses impressions de la peau et des organes des sens vers le cer- veau, et le mettent ainsi en rapport avec le monde extérieur. Les instru- ments des sens d’un de ces Vers inférieurs sont en vérité encore très- simples, mais à cause de cela aussi très-intéressants. Chez beaucoup de Vers, c'est tout simplement la peau qui joue le rôle d’instrument universel des sens et qui transmet des sensations différentes, surtout des variations de pression et de température. Chez d’autres, il y a de plus des yeux de l’espèce la plus simple, des taches obscures dans la peau, qui renferment une lentille réfringente; ou bien encore des or- ganes auditifs rudimentaires, c'est-à-dire une paire de fossettes ou de vésicules situées dans la peau, tapissées de petits poils très-fins, de poils auditifs, qui sont exeités d’une manière déterminée par les vibrations sonores. C’est un fait de la plus grande importance que même ces instru- ments des sensations supérieures, les yeux et les oreilles, ne sont re- présentés chez les Vers inférieurs que par des parties exceptionnellement développées du tégument externe. Les yeux et les oreilles des animaux supérieurs et des hommes, beaucoup plus développés et perfectionnés, proviennent aussi en effet du tégument externe du corps et ne sont pas en contradiction avec cette loi récemment bien établie que tous les sens ont leur origine dans la peau. Primitivement, tous les différents instruments des sens des animaux ne sont que des parties différenciées de leur tégument externe, sensible. Les instruments du mouvement, les serviteurs de la volonté, les mus- cles, ont originairement aussi les rapports les plus intimes avec la peau. Chez nos Vers inférieurs, tout le système musculaire est représenté exclusivement par une mince couche de muscles qui s'étend partout sous la peau .Ordinairement, ce revêtement musculaire cutané des Vers se divise en deux couches différentes : une couche extérieure de fibres annulaires et une couche intérieure de fibres longitudinales, mais on n'y trouve pas encore de groupes de muscles disposés en faisceaux comme chez les animaux supérieurs. Nous devons encore insister sur le fait particulièrement important que tous les nerfs, aussi bien les fibres centripètes ou sensitives, qui vont du cerveau vers la peau et les organes des sens, que les fibres cen- trifuges ou motrices, qui vont du cerveau vers les muscles, sont en con- nexion immédiate avec ces parties extérieures. Si donc nous considé- 6 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. rons l'appareil psychique entier comme un tout monistique, les organes des sens ne sont rien de plus que des développements particuliers des extrémités des nerfs sensitifs, et les fibres musculaires obéissant à la volonté ne représentent que des organes terminaux particuliers des nerfs moteurs. Le cerveau est intercalé comme centre commun et comme trait d'union direct entre les premiers et les derniers. Si l’on veut se faire une idée de l’activité d’un semblable appareil psychique, rien n’est aussi utile que la comparaison souvent reproduite avec un système de télégraphie électrique. Cette comparaison bien connue n’est pas seulement justifiée par la disposition même de l’appa- reil psychique, mais aussi et surtout parce qu'en effet des courants élee- triques jouent le plus grand rôle dans le fonctionnement de cet appa- reil. Mais c’est seulement lorsqu'au moyen de forts grossissements microscopiques nous en distinguons les plus fins éléments constitutifs que nous comprenons toute la justesse de la comparaison. Les éléments microscopiques, ou les matériaux de l’appareil psychique, sont les mê- mes qui constituent aussi les autres organes du corps animal, des «cel- lules ». Ici comme partout ailleurs dans l’histoire naturelle, la théorie cellulaire, établie 1l y a quarante ans par Schleiden et Schwann, nous donne la elef d’une connaissance plus approfondie. Quelque différentes que soient les nombreuses formes de petites cellules qui existent dans les différents tissus du corps animal et végétal, elles s'accordent toutes en ce point capital que chaque cellule, possède certain degré d'autonomie individuelle, qu’elle a sa forme propre et sa vie propre. Ainsi que Brücke le dit d’une manière frappante, chaque cel- lule microscopique est un organisme élémentaire, ou un « individu du premier ordre ». Nous allons bientôt voir que nous pouvons même, en quelque sorte, attribuer à chaque cellule une âme autonome, une «âme cellulaire. » Aussi innombrables que les étoiles dans le ciel, sont les myriades de cellules qui composent le corps gigantesque d’une baleine ou d’un élé- phant, d’un chêne ou d’un palmier; et cependant le corps gigantesque de ces grands organismes ne consiste, au début de son existence, tout comme le corps minuscule des plus petits êtres, qu'en une seule cel- lule si petite qu’elle est invisible à l’œil nu, la cellule de l'œuf. Mais lorsque cette cellule commence à se développer, il naît d’elle, par des divisions répétées, et en fort peu de temps, une masse innombrable de cellules de mème genre. Celles-ci se partagent en couches superposées comme des feuillets, les feuillets du blastoderme. D'abord, toutes les cellules sont semblables, très-simples de forme et de composition : une masse ronde et molle de matières albuminoïdes, ou protoplasma renfer- L'AME DES CELLULES ET LES CELLULES DE L'AME. 7 mant un noyau plus ferme. Bientôt cependant il se montre des inégalités ou des différenciations ; les cellules commencent à prendre part au travail de la vie et prennent des formes et des propriétés différentes. Les cellules de l'estomac se chargent de la digestion, les cellules du sang président aux échanges, les cellules des poumons se chargent de la respiration, les cellules du foie de la formation de la bile. D’un autre côté, les cel- lules des muscles se consacrent exclusivement au mouvement, les cellules des sens aux différentes sensations : les cellules sensitives de la peau commencent à discerner les variations de pression et de chaleur, les cellules auditives apprennent à distinguer les vibrations du son, comme les cellules de la vue, celles de la lumière; mais la carrière la plus difficile et la plus brillante s'ouvre pour les cellules des nerfs, et, parmi celles-ci, les cellules intellectuelles du cerveau atteignent le but le plus glorieux et s'élèvent, comme cellules de l’âme, bien haut au- dessus de toutes les autres espèces. Cette importante division du travail entre les cellules, ce que l’ana- tomiste appelle la formation des tissus, s’accomplit sous nos yeux en quelques jours dans le développement individuel de chaque animal et de chaque plante. Mais ce que nous voyons se développer sous le micros- cope avec une rapidité étonnante n’est qu’une répétition en petit d'un long et lent processus historique, transmis par l’hérédité, auquel il afallu des millions d'années, et dans lequel la division du travail entre les cel lules se fit peu à peu suivant le sens strict du mot, dans la lutte pour l’existence, par l'adaptation des cellules aux différents actes de la vie. Les cellules se conduisent en tout cela comme les citoyens d’un Etat civilisé, bien organisé. En effet, notre corps, comme le corps de tous les animaux supérieurs, n’est qu'un Etat civilisé de cellules. Ce qu'on nomme les tissus du corps, le tissu des muscles, le tissu des nerfs, le tissu des glandes, des os, du tissu conjonctif, etc., concordent avec les différents métiers ou corporations de l'Etat, ou mieux encore avec les castes héré- ditaires, telles que nous les rencontrons dans l’ancienne Egypte et dans l'Inde même de nos jours. Les tissus sont des castes héréditaires de cel- lules dans l'Etat civilisé, l'organisme, à cellules nombreuses. Quant aux organes composés de plusieurs tissus, on peut les comparer aux diffé- rents emplois et institutions. Le puissant gouvernement central, le centre nerveux, le cerveau, se trouve à la tête du tout. Plus le dévelop- pement de l’animal supérieur est complet, plus la monarchie des cel- lules est fortement centralisée, plus le cerveau dirigeant est puissant et plus est merveilleuse la combinaison de l’appareil de télégraphie électrique du système nerveux, qui met le cerveau en rapport avec ses employés les plus importants, avec les muscles et les organes des sens. 8 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. L'organisation de l'appareil psychique du Ver que nous avons observé d’abord est en comparaison très-simple, mais pas différente au fond. Lorsque nous l'irritons d’une manière quelconque, lorsque nous tou- chons sa peau tendre avec la pointe d’une aiguille ou avec un petit mor- ceau de glace, le changement de pression ou de température, occa- sionné ainsi, est aussitôt perçu par les cellules sensibles qui montent partout la garde à la limite extrême du tégument; elles télégraphient aussitôt leur observation par les nerfs de la peau au cerveau. De même, les vibrations des sons qui frappent le tympan sont perçues comme des bruits ou des tons par les cellules auditives et transmises télégraphi- quement par les nerfs de l’ouïe au cerveau. Les cellules de la vue dans l'œil, frappées par un ravon de lumière, envoient aussitôt un télé- gramme de lumière ou de couleur au cerveau. [ci siége le gouvernement supérieur de l'Etat cellulaire, consistant en quelques grandes cellules en forme d'étoiles, dont les branches ramifiées sont en contact direct, d’un côté avec les nerfs des sens qui transmettent les sensations, d’un autre côté, avec les nerfs des muscles qui déterminent le mouvement. Dès que le gouvernement central a reçu un télégramme des nerfs sensitifs, concernant un changement quelconque dans le milieu am- biant, ce rapport est communiqué, comme sensation, par la cellule du cerveau ou la cellule des ganglions mise la première en émoi, aux au- tres cellules, et le grand conseil décide ce qu'il y a à faire. Le résultat de cette décision est télégraphié, comme volonté, par les nerfs moteurs aux muscles, qui exécutent aussitôt l’ordre par la contraction de leurs cellules fibreuses, par le mouvement. D'après cela, il est indubitable que le rôle le plus important, dans la vie psychique, est rempli par les cellules nerveuses du cerveau, rami- fiées et formant un réseau intriqué, les cellules ganglionnaires ou cel- lules de l’âme, car celles-ci forment en effet le gouvernement central du corps animal. Elles reçoivent toutes les nouvelles du monde extérieur qui’ sont envoyées au cerveau par les cellules des sens au moyen des fils télégraphiques centripètes des nerfs sensitifs. Mais elles communi- quent aussi en même temps tous les ordres de la volonté, qui s’adres- sent aux muscles, par les fils conducteurs centrifuges des nerfs de mou- vement. Et enfin ces admirables cellules psychiques du cerveau accom- plissent encore ce travail si remarquable et si énigmatique, que nous désignons par le mot « idée ». Elles sont les intermédiaires, chez les animaux supérieurs comme chez les hommes, des actions psychiques les plus élevées : la pensée, la compréhension, l'intelligence et la con- science de soi-même. En parlant des limites extrèmes et de la plus noble aptitude de la L'AME DES CELLULES ET LES CELLULES DE L'AME. 9 vie psychique, l'intelligence et la conscience de soi-même, nous vou- lons faire remarquer en même temps que la nature vraie de ce travail énigmatique nous est encore entièrement inconnue, mais que cepen- dant nous pouvons éclairer la question au moyen de la psychologie comparée et de l’histoire des développements. En premier lieu, la psychologie comparée des animaux nous montre une longue échelle graduée de développements, présentant tous les de- grés imaginables d'intelligence et de conscience de soi-même, depuis les animaux les plus inintelligents jusqu'aux plus intelligents, depuis les éponges et les polypes jusqu'aux chiens et aux éléphants. En second lieu, nous voyons dans chaque enfant, comme dans chaque animal su- périeur, qu'au moment de la naissance l'intelligence et la conscience de soi-même n'existent pas encore, mais qu'elles se développent très-len- tement et graduellement. En troisième lieu, nous observons en nous- mêmes qu'il existe aussi peu une limite exacte entre une action psy- chique consciente et une action inconsciente, qu'entre des pensées intelligentes et inintelligentes, que bien plutôt ces oppositions se tou- chent et passent imperceptiblement de l’une à l’autre. On sait que la question si obscure de la conscience de soi-même occupe, en ce moment même, la première place dans les discus- sions des psychologistes. Le célèbre physiologiste Du Bois-Reymond a déclaré, dans le discours /gnorabimus, prononcé dans la réunion des naturalistes à Leipzig, que la conscience de soi-même est un problème absolument insoluble, comme une limite de la connaissance de la na- ture, que l'esprit humain n’atteindra jamais, à quelque degré de déve- loppement qu'il parvienne. Bien d’autres considèrent la conscience de soi-même comme un privilége exelusif de l’homme, dont tous les ani- maux sont entièrement privés. Quiconque a observé avec suite et avec attention les actions conscientes et réfléchies des chiens et des chevaux, des abeilles, des fourmis et d’autres animaux intelligents ne partagera sans doute pas cette dernière opinion. Mais la première n’est pas davan- tage soutenable.L’observation attentive denous-même nous montre com- ment constamment des actions conscientes deviennent inconscientes. Beaucoup d'actes de la vie journalière, tels que, par exemple, l'usage des ustensiles que nous employons pour boire et manger, la lecture et l'écriture, le maniement des instruments de musique, ete., reposent sur des actions complexes des nerfs et des muscles, qui ont dû être apprises originairement avec ample réflexion et une claire conscience de soi-même, mais qui sont devenues peu à peu inconscientes par l'exercice et l'habitude. Chaque matin, lorsque nous nous levons, que nous faisons notre toilette, que nous sortons, nous faisons inconsciem- 10 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. ment cent mouvements très-compliqués, qu'il a fallu d’abord apprendre à faire difficilement et consciemment. Par contre, les actions incon- scientes les plus diverses deviennent tout à coup clairement conscientes, dès que notre attention est attirée sur elles pour une raison quelconque et que l'observation de nous-même est éveillée. Lorsque nous faisons un faux pas dans l'escalier, ou que nous frappons sur une touche fausse en jouant du piano, nous devenons aussitôt conscients d’une action in- consciente. Nous pouvons, en outre, suivre d’une manière précise et pas à pas le développement lent de la conscience de soi-mème dans chaque enfant. Nous basant sur ces faits, nous ne doutons plus que la conscience de soi-même ne repose sur une action complexe des cellules psychiques, qui est d’abord peu à peu acquise par adaptation et ensuite lentement développée par l'hérédité de nouvelles adaptations. L'histoire comparée du développement de la vie psychique dans le règne animal nous montre les mêmes faits. Les mouvements moléculaires si compliqués qui se pas- sent dans le protoplasma des cellules psychiques, dont le résultat le plus élevé est la mémoire et la pensée, l’intelligence et la conscience de soi-même, n’ont été acquis que peu à peu, par la sélection naturelle, dans le cours de millions d'années. Car le cerveau, organe de ces fonc- tions, s’est développé lui-même lentement et graduellement, depuis la forme la plus simple jusqu’à la plus parfaite, dans ce long espace de temps. Ici, comme partout, le développement de l’organe se fait en même temps que celui de la fonction, l’outil se perfectionne en même temps que le travail. L'observation comparée du système nerveux des différentes elasses d'animaux est fort importante comme base de cette opinion si riche en résultats. Le cerveau si simple du Ver, avec le petit nombre de fila- ments nerveux qui en sortent, est devenu le point de départ d’une multitude de complications diverses dans ie système nerveux des ani- maux supérieurs. Celui-ci est dans la même relation, vis-à-vis du cer- veau du Ver, que le grandiose système télégraphique de l’empire alle- mand, avec ses centaines de stations et ses milliers d'employés, vis-à-vis du modèle primitif de télégraphe électrique, par lequel son inventeur inaugurait, il y a quarante ans, un des plus grands progrès pour l'échange des idées entre les nations. Plus la sensibilité, la volonté et l'intelligence d'un animal sont développées, plus la combinaison de l'appareil psychique chargé du travail intellectuel est compliqué et cen- tralisé, plus le centre nerveux, dont dépend la direction monistique du tout, devient prédominant. C’est pourquoi on désigne ordinairement le centre du système ner- veux, le cerveau, comme « le siége de l’âme ». Au fond, cette expres- L'AME DES CELLULES ET LES CELLULES DE L'AME, 11 sion usitée est pourtant inexacte, et nous ne pouvons l’admettre que dans le sens dans lequel nous appelons une bonne ménagère « l’âme de la maison », ou un ministre tout-puissant «l'âme de l'Etat ». Pas plus que nous ne voulons dénier à chaque personne la possession d’une âme individuelle dépendante du pouvoir central, nous ne pouvons la mécon- naître dans les millions de cellules de l'appareil psychique des animaux supérieurs, dont nous considérons le cerveau comme « le siége de l'âme ». Lorsque, dans la guerre franco-allemande, en 1871, Paris, qui est véritablement l’âme de ia France centralisée et même, d’après Victor Hugo, l’âme du monde, était environné par nos armées victorieuses, lorsque les communications télégraphiques avec le reste de la France étaient complétement interrompues, les fils compliqués du réseau télé-. graphique ne continuèrent pas moins leur travail dans les membres sé- parés, où l’âme inébranlable de Gambetta organisait sans trêve de nou- velles armées pour délivrer la capitale assiégée. De même l'expérience physiologique sur des grenouilles et des insectes décapités nous ap- prend que, malgré la séparation d’avec le cerveau, la vie de l’âme peut encore continuer à exister longtemps dans les autres parties du corps ; seule, la direction centrale monistique du tout est détruite; seules, les fonctions les plus importantes de l’âme, l'intelligence et la conscience de soi-même, sont anéanties en partie ou complétement ; mais d’autres fonctions continuent à être exercées. Si nous mettons une goutte d'un acide corrosif sur la peau d’une grenouille décapitée, elle s’en défait en se frottant aussi habilement que si elle avait encore sa tête, et si nous retenons un Scarabée décapité par une patte, il cherche à s’enfuir avec les einq autres aussi vivement que s’il n'avait pas perdu son cerveau. L’impression sensitive et la sensibilité, la volonté et le mouvement des muscles continuent donc à exister longtemps après que le cerveau est éloigné. Avec celui-ci il n’y a de perdu que la conscience monistique de soi-même, le gouvernement central. Nous devons donc établir une dis- tinction sérieuse entre cette âme centrale et consciente de l'animal pluricellulaire et les âmes simples de ses innombrables cellules; ces dernières sont, il est vrai, subordonnées à la première, mais toujours autonomes jusqu’à un certain degré. L’organe de l’âme centrale est la communauté des cellules de l'âme, des cellules ganglionnaires du cerveau; l’organe de chaque âme cellu- laire simple est, au contraire, le corps de la cellule même, le proto- plasma et le noyau, ou une partie de ceux-ci. 12 REVUE INIERNATIONALE DES SCIENCES. Il Pour la comparaison des degrés inférieurs et supérieurs de la vie de l’âme, il n’y a peut-être, à côté des Mammifères, pas de classe d’ani- maux plus importante que celle des Insectes. Car, quoique les innom- brables espèces d’Insectes ne représentent que des variations infinies d'un seul thème originaire, quoique la généalogie moderne fasse des- cendre d'une seule forme commune tous les Papillons et tous les Co- léoptères, toutes les Mouches et toutes les Abeilles, tous les Orthop- tères et tous les Névroptères, les différences de développement de leur activité psychique sont cependant extraordinaires. Les contrastes bien connus entre l’Oie stupide et le Faucon ingénieux, entre le lourd Rhi- nocéros et l’intelligent Eléphant paraissent insignifiants en comparaison - des énormes contrastes que nous offre l’activité psychique des différents Insectes. D'un côté, beaucoup d'insectes inférieurs, par exemple les pucerons, les cochenilles, les punaises, et en général les insectes para- sites de différents ordres, s'arrêtent à un très-bas degré de développe- ment intellectuel, qui ne dépasse pas celui de la plupart des Vers; manger et boire sont leurs seuls besoins. D'un autre côté, les insectes supérieurs, et surtout les insectes sociables, les abeilles, les guépes, les fourmis et les termites, qui forment des sociétés, s'élèvent à une hau- teur d'activité psychique qui ne peut être comparée qu'à celle des na- tions civilisées formant des Etats. La merveilleuse division du travail, surtout chez les fourmis, conduit, dans leur Etat, à la formation de diffé- rentes classes, dont les membres se distinguent par des signes particu- liers. Là nous distinguons non-seulement des mâles et des femelles, mais encore des soldats et des ouvriers, des paysans et des architectes, des gouvernants et des esclaves. Leurs travaux d'économie rurale et maraichère ne se bornent pas à la récolte soigneuse de provisions et à la conservation de fruits, mais ils vont jusqu'à la véritable culture de légumes et jusqu’à l'élevage de leurs bêtes à lait, les pucerons, dont elles sucent le suc mielleux. Le talent architectonique des fourmis et des termites n’est pas moins admirable dans la construction de leurs palais grandioses, pourvus de milliers de salons et de chambres, de corridors, d’escaliers, de portes et de fenêtres. Mais ces arts pacifiques ne leur font pas oublier le rude art de la guerre, et le talent stratégique avec lequel des armées de fourmis cherchent de nos jours à se cerner et à s'envelopper, montre clairement qu'elles aussi sont des enfants de notre siècle de fer. Chez quelques espèces de fourmis de l'Amérique du Sud, il s’est même développé un militarisme excessif par des exercices L'AME DES CELLULES ET LES CELLULES DE L'AME. 13 guerriers exagérés, qui leur a fait abandonner entièrement les occupa- tions paisibles du passé et qui les a conduites à la vie de brigandage des hordes de Tcherkesses. N'oublions pas enfin que l'institution de lescla- vage, qui fait partie de la civilisation humaine, a été mise en pratique par les fourmis bien plus longtemps que par notre espèce si civilisée et organisée féodalement. Il y a des Etats de fourmis qui s'adonnent véri- tablement à l'élevage d'esclaves, qui volent les jeunes fourmis d’autres espèces et qui les élèvent pour s'en faire de fidèles esclaves; et ces esclaves, reniant plus tard les liens de la nature, préfèrent les suceès de leurs maîtres cruels à ceux de leur propre race et les aident même dans leurs expéditions de brigandages à s'approprier de nouveaux trou- peaux d'esclaves. | Quoique ces faits si intéressants de la vie intellectuelle des fourmis aient déjà été découverts il y a plus de cent ans par Huber et par d’au- tres entomologistes, on les a considérés longtemps comme des récits fantastiques ou fabuleux; mais ils ont été confirmés par les nombreuses études des temps modernes, qui y ont encore ajouté d’autres décou- vertes. Les contrastes intellectuels qui existent entre les fourmis si intelli- gentes et leur stupide bétail, les pucerons, sont certainement plus grands que l'énorme distance que nous constatons entre le divin génie d'un Gæthe ou d’un Shakspeare et la pauvre âme animale d’un Hot- tentot ou d'un nègre australien. Et cependant, il y a ici comme là, entre les points extrèmes, une longue suite de degrés intermédiaires. Cependant ils ont tous une origine commune. De même que la plupart des hommes font descendre notre espèce d’un père commun de tous les hommes, presque tous les zoologistes sont d'accord pour admettre que tous ces différents groupes d'insectes descendent d’un seul type. Par conséquent, leur activité psychique si diverse doit s’être développée peu à peu par l'adaptation à des conditions de vie diverses, et par l'hérédité répétée elle est devenue ce qu'on appelle « l'instinct ». Il n’y à pas d'expression qui ait donné lieu à autant d'erreurs et de malentendus dans la psychologie que le mot « instinct ». En attribuant l'apparition de chaque espèce animale, avec ses qualités particulières, à un acte surnaturel de création, les anciens naturalistes étaient aussi for- cés d'admettre que l’activité psychique particulière à chaque espèce était créée en même temps, et que, par cette feuille de route impéra- tive, chaque pas dans la vie de l'animal était irrévocablement déterminé d'avance. On considérait done comme un gnstinet créé avec l'espèce et devant ainsi déterminer invariablement et infailliblement les habitudes de l'espèce, ce total d’aptitudes si remarquables qu'on appelle l'instinct 14 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. artistique des oiseaux constructeurs de nids, des abeilles, ete. Cette opinion si répandue est devenue absolument insoutenable depuis que nous savons par Darwin que les espèces particulières d'animaux ne sont pas créées ainsi, et que leurs instincts particuliers ne sont pas invariables. Nou$ savons maintenant que toutes les espèces d’une classe d'animaux descendent originairement d’une seule espèce com- mune, et que leurs instincts sont soumis, comme leurs autres pro- priétés, à des variations et à des transformations par l'influence puissante de la sélection naturelle. Lorsque les animaux sont placés dans un nou- veau milieu, ils s’y adaptent, il leur vient d’autres pensées, ils font de nouvelles inventions et acquièrent de nouveaux instincts. Le besoin rend inventif, et en s’exerçant on devient habile. L’implacable lutte pour l'existence impose partout et toujours de si rudes efforts à l'instinct de conservation des animaux, qu'ils sont forcés d'apprendre et de tra- vailler, aussi bien que l’homme. Il n’est pas vrai, quoiqu'on le prétende encore souvent, que les castors construisent leurs palais aquatiques, les hirondelles leurs nids, les abeilles leurs rayons de miel, de tout temps et partout de la même manière, aujourd'hui comme il y a deux mille, huit mille ans. Nous savons, au contraire, par les observations les plus dignes de foi, que même ces instincts artistiques si hautement déve- loppés varient sensiblement et s'adaptent aux conditions avantageuses de chaque localité. Les derniers Mohicans dé la race des castors, qui vivent aujourd’hui encore ici et là en Allemagne, $e sont adaptés à la conträinte policière de la civilisation et ne construisent plus de gran- dioses palais aquatiques comme leurs ancêtres d'il y a deux mille ans. Tandis qu’en Europe la femelle du coucou pond ses œufs dans les nids des autres oiseaux, elle n’a pas pris cette mauvaise habitude en Amé- rique. Tout apiculteur d'expérience sait combien les mœurs des abeilles diffèrent souvent d'une ruche à l’autre. Tout le monde sait que les ros- signols, les serins et d'autres oiseaux chanteurs apprennent de nou- velles mélodies, s’habituent à d’autres gammes en les imitant, et, par suite, modifient leur instinct musical. Et ne voyons-nous pas clairement chez nos chiens domestiques, nos chiens de chasse, nos chiens de ber- ger, nos bassets, etc., comment de nouveaux instincts sont développés par l'éducation, l'exercice et l'habitude ? L'observation, libre de préjugés et de parti pris, nous montre donc indubitablement que ce qu'on appelle l'instinct des animaux, n’est rien autre que la somme d'actions psychiques, acquises originairement par l'adaptation, confirmées par {l'habitude et transmises de génération en génération par l'hérédité. Exécutés d'abord consciemment et après ré- flexion, beaucoup d'actes instinctifs des animaux sont devenus incon- L’AME DES CELLULES ET LÈS CELLULES DE L’AME. 15 scients dans le cours des temps, comme cela s’est produit de la mème manière pour beaucoup d'actes intellectuels habituels des hommes. Ceux-ci pourraient être considérés avec le même droit comme des ma- nifestations d’un instinct inné, ce qui arrive en effet souvent aussi pour l'instinct de conservation personnelle, pour l'amour maternel, pour l'instinct de sociabilité, ete. Par conséquent, l'instinct est aussi peu une propriété exclusive du cerveau de l'animal, que l'intelligence est un privilége particulier de l’homme. La psychologie comparée et exempte de préjugés découvre au contraire une longue série de degrés et de formes de développement de la vie psychique qui descend pas à pas de l’homme supérieur à l’homme inférieur, des animaux complets Jus- qu'aux incomplets, jusqu’à ce Ver si simple dont le renflement nerveux rudimentaire est le point de départ de toutes les nombreuses formes de cerveau. Comme il n’y a aucune lacune dans cette série, et comme le simple appareil psychique de notre Ver contient déjà tous les éléments constü- tutifs, les nerfs, les organes des sens et les muscles, dont est construit l’admirable appareil psychique de la Fourmi et de l'Homme avec toutes ses complications, les naturalistes admettent généralement aujourd'hui qu'il existe une vie psychique ou « une âme » chez tous les animaux pourvus d’un système nerveux. III Mais en est-il de même pour les animaux inférieurs auxquels il manque un système nerveux, même dans sa forme la plus simple, tels que les Coraux, les Polypes, les Eponges? Y a-t-il ici une âme sans nerfs? Des naturalistes de nom, par exemple Virchow et Du Bois-Reymond, le nient, et soutiennent qu'il ne peut pas être question d’une véritable vie psychique chez ces animaux dépourvus de nerfs. Nous sommes d'un avis opposé, et nous avons pour nous l'opinion de tous les zoologistes qui ont observé longtemps et avec suite ces animaux dépourvus de nerfs. Nous sommes même convaincu que ces animaux sans nerfs et ayant cependant une âme sont très-intéressants au point de vue de la psycho- logie comparée, et nous ouvrent la porte de la vraie compréhension du développement de l’âme. L’animalcule le plus instructif, le plus connu et le plus étudié de ce .groupe remarquable parmi les animaux inférieurs, est le Polype com- mun d'eau douce, l'Hydre. Ce petit être mou, ne mesurant que quelques millimètres de longueur, est très-répandu dans nos lacs et dans nos étangs, et l’on peut se le procurer partout en quantité; mais peu de 16 | REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. personnes se doutent combien d’éclaircissements cet être obseur nous fournit sur les mystères les plus importants de la vie. Son corps, qui a la forme d’un gobelet allongé, est tantôt gris ou vert, tantôt brun ou rouge. La cavité du gobelet est l’estomac de l'Hydre, son orifice en est la bouche. Autour de la bouche, il y a une couronne de quatre à huit minces filaments, qui servent aussi bien de filaments tactiles pour sentir que de tentacules pour saisir la nourriture. Nous cherchons en vain des yeux et des oreilles, des muscles et des nerfs, et cependant nous remar- quons que l’'Hydre est très-sensible et très-mobile. Lorsque nous tou- chons légèrement son corps allongé avec la pointe d’une aiguille, il se contracte immédiatement en une petite masse arrondie. Lorsque nous posons un bocal plein d’eau contenant des Hydres près d’une fenêtre, au bout de quelques heures, tous les Polypes se sont rassemblés du côté tourné vers la lumière. [ls perçoivent donc la lumière, quoiqu'ils n’aient pas d'yeux, etse meuvent en rampant vers la lumière, quoiqu'ils n’aient pas de muscles. La sensibilité et le mouvement volontaires, ces deux indices importants de la vie psychique de l’animal, existent donc indu- bitablement chez eux, et, malgré cela, les organes propres de l’âme, les muscles etles nerfs, leur manquent! Comment expliquer cette énigme ? Voyons-nous ici une fonction sans organe, une âme sans appareil psy- chique ? Le microscope nous donne la réponse à cette question. Le corps de l’'Hydre consiste, à vrai dire, en deux gobelets de même forme, em- boîtés l’un dans l’autre et se touchant partout étroitement. Si nous regardons maintenant, à l’aide d’un fort verre grossissant, de minces coupes transversales de la fine cloison double du corps creux de l’'Hydre, nous voyons que chacun des deux gobelets est composé d’une couche partüculière de cellules. Ces deux couches de cellules ont des propriétés très-différentes. Les cellules de la couche intérieure s'occupent exelu- sivement des travaux végétatifs de la nutrition, de la digestion et de la transformation de la matière. Les cellules de la couche extérieure au contraire accomplissent les actions animales de la sensibilité et du mouvement. Lorsque nous déchirons cette couche membraneuse exté- rieure avec une aiguille, nous voyons sur beaucoup des cellules qui la composent un long ‘prolongement filiforme. En observant minu- tieusement, on découvre que ce mince filament forme comme un anneau entre les deux couches du gobelet et détermine sa contraction, à la ma- nière d’un musele; tandis que la partie extérieure, arrondie, de la cel- lule, et qui contient le noyau, est sensible. Nous avons donc ici ce fait remarquable et fort important, qu'une même cellule accomplit seule les travaux les plus importants de l’âme : la partie antérieure arrondie à L'AME DES CELLULES ET LES CELLULES DE L’AME. 17 pour fonction la sensibilité ; tandis que la partie intérieure, filiforme, a pour rôle la volonté, le mouvement volontaire. La moitié extérieure de la cellule est nerf, la moitié intérieure est muscle; Kleinenberg, qui a découvert ces cellules psychiques de l'Hydre, a donc eu raison de les nommer cellules névro-musculaires. Tout l'appareil psychique de nos Polypes consiste uniquement en une couche simple de ces cellules né- vro-musculaires ; et chacune de ces cellules accomplit de la manière la plus simple ce que l'appareil psychique compliqué des animaux supé- rieurs peut faire d’une manière bien plus complexe avec les différentes cellules de ses nerfs, de ses muscles, de ses sens, etc. Naturellement, un appareil central, un cerveau manque totalement ici, et, à son dé- faut, toute la membrane extérieure de nos petits Polypes est « le siége de l’âme ». Nous ne nous étonnerons donc plus de l'extraordinaire divi- sibilité de l’'Hydre, devenue célèbre dès l’année 1744 par les expériences de Trembley. Si nous coupons aujourd’hui un Polype d'eau douce en cinquante petits morceaux, ceux-ci se développent en peu de semaines en autant de Polypes complets. Chaque particule du corps en forme de gobelet se remet immédiatement à croître pour devenir un Polype en- tier. Les âmes cellulaires de toutes les cellules névro-musculaires par- ticulières sont absolument pareilles. Les cellules névro-musculaires de l’Hydre sont done, comme on dit à Berlin, « des bonnes à tout faire ». Chacune d'elles accomplit, dans l’économie de ce petit Polype, tous les différents travaux qui sont par- tagés, chez les animaux supérieurs, entre les cellules des muscles, des nerfs et des sens. Toutes ces espèces de cellules si différentes entre elles sont donc provenues de simples cellules névro-mussulaires par la divi- sion du travail. Nous voyons le premier résultat de cette division du travail dans les Cloches de mer, ou Méduses, qui sont très-proches parentes des Hydro- polypes, quoique déjà considérablement plus développées. Quiconque a passé quelques semaines au bord de la mer, a sans doute vu nager quelquefois des bandes de ces jolis animaux gélatineux, ayant la forme d'une cloche, et celui qui, en prenant un bain de mer, a éprouvé leur contact peu désirable, se souviendra de la sensation désagréable, pa- reille à celle occasionnée par une ortie, que ce contact produit. Le groupe très-étendu d'animaux auquel appartiennent les Méduses, est nommé à cause de cela Animaux-Orties ou Acalèphes. Si nous pre- nons avec beaucoup de précautions, au moyen d'un grand bocal de verre, une de ces Méduses dans la mer, et si nous inspectons la struc- ture de son corps, nous y découvrons déjà des organes psychiques par- ticuliers. Au bord de leur corps en forme de parapluie, de vrais yeux de T, IL — N° 1, 1879. 2 18 É REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. l’espèce la plus simple et des vésicules auditives montent la garde; des nerfs attentifs entretiennent les relatious entre les cellules des sens et celles des muscles, qui produisent les forts mouvements natatoires des Méduses. Mais les muscles et les nerfs sont ici encore dans le rapport le plus intime avec leur lieu d’origine, la membrane extérieure, et les Mé- duses n’ont pas encore de véritable cerveau, d’organe central monis- tique de tout l'appareil psychique. Comparée au simple Hydro-polype minuscule et immobile, la grande et belle Méduse, nageant vivement, nous apparaît sans doute comme un animal bien supérieur et beaucoup plus complet. Et pourtant ces deux formes animales, qu’on rangeaitjadis dans des classes différentes, sont très-rapprochées en parenté; car la forme de la Méduse découle histo- riquement de la forme de l’Hydre. Encore de nos jours même, la plu- part des Méduses descendent directement de Polypes. Sur la cloison stomacale d’un petit Polype de mer qui ressemble à une Hydre, se forme un bourgeon qui se développe peu à peu en Méduse, se détache plus tard, comme le fruit mûr se détache de l'arbre, et se met à nager librement. Des œufs de cette Méduse ne naissent pas d’autres Méduses, mais des Polypes, des germes, qui s’attachent à des corps étrangers et se déve- loppent en sortes de gobelets pareils aux Hydres. Dans cette alter- nance de générations si connue, deux formes animales toutes diffé- rentes naissent donc alternativement l’une de l'autre : la bisaïeule ressemble à la mère, la grand'mère à la petite-fille, mais les deux sé- ries sont très-dissemblables. Les première, troisième, cinquième, septième générations sont de petits Polypes inférieurs, fixés; les deuxième, quatrième, sixième, huitième générations sont au contraire de grandes Méduses, moins inférieures, nageant librement ; et, ce qui nous intéresse le plus ici, celles-ci ont des nerfs, des muscles et des organes des sens, tandis que ceux-là n'ont qu'une mince membrane, qui consiste en une couche de cellules névro-musculaires. Les deux générations ont une âme, possèdent une volonté, une sensibilité; mais la vie psychique simple et inférieure du Polype ne s'élève naturellement pas à la hauteur de l'âme de la Méduse; ce n’est, historiquement, que beaucoup plus tard que la dernière s’est développée de la première. Cette classe remarquable des Hydro-méduses est encore, sous un autre rapport, d’un grand intérêt pour la psychologie comparée; car c'est d'elle que se sont développés ces merveilleux Siphonophores, ces cormes nageurs, qui sont si particulièrement importants pour l'étude de la division du travail. On trouve les Siphonophores nageant sur le miroir poli dés mers méridionales, mais seulement à certaines époques et pas souvent; 1ls comptent parmi les formes les plus admirables créées par L'AME DES CELLULES ET LES CELLULES DE L'AME. 19 l'inépuisable nature, et celui qui a jamais eu le bonheur d'observer àson aise des Siphonophores vivants n'oubliera pas le merveilleux spectacle de leurs formes et de leurs mouvements extraordinaires. On peut com- parer un Siphonophore à une branche fleurie, dont les feuilles, les fleurs et les fruits multicolores et de formes élégantes paraissent taillés dans du cristal. Chaque appendice particulier du corme nageur, ressemblant à une fleur ou à un fruit, est à vrai dire une personne-Méduse, c’est- à-dire un animal monistique de l'espèce des Méduses. Mais, par suite de la division du travail, les différentes Méduses de la société ont adopté des formes toutes différentes. Une partie de ces Méduses ne s’oc- cupe que de la natation, une autre partie de l'absorption de la nourriture et de la digestion, une troisième des sensations, une quatrième de la défense, une einquième de la production des œufs, etc. Les différents devoirs de la vie, que chaque Méduse ordinaire simple remplit pour elle-même, ont donc été partagés ici entre les différentes personnes de la société, et celles-ci ont transformé leurs corps, chacune d’après sa tâche particulière. Beaucoup d'animaux d’une même espèce et de formes différentes sont donc, comme dans l'Etat des fourmis, réunis dans l'Etat Siphono- phore en une communauté sociale supérieure. Mais, tandis que, dans PEtat d’un ordre bien plus élevé des fourmis, le lien idéal des intérêts sociaux ét du sentiment du devoir envers l'Etat retient ensemble des citoyens libres, les membres particuliers sont, dans l’état des Sipho- nophores, retenus par un lien corporel comme des esclaves enchaïnés sous le joug de l'Etat. En réalité, chaque personne possède ici aussi son âme personnelle ; détachée du corme, elle peut se mouvoir à vo- lonté, et elle a une sensibilité autonome. Mais le corme entier pos- sède en outre une volonté centrale monistique, de laquelle dé- pendent les personnes particulières, et une sensibilité commune, qui communique immédiatement toutes les observations de chaque per- sonne à toutes les autres. Chacune de ces personnes-Méduses du corme-Siphonophore peut donc dire d'elle-même comme Faust : « Hélas! deux âmes habitent en moi! » L'âme égoïste de la personne vit en com- promis avec l'âme sociale du corme entier ou de l'Etat. Malheur aux Méduses qui, par un aveugle égoïsme, veulent se déta- cher de la communauté et mener une vie à leurs propres frais! Inca- pables d'accomplir tous les travaux particuliers nécessaires à leur con- servation et que leurs différentes concitoyennes accomplissent pour elles, elles périclitent bientôt lorsqu'elles s’isolent. Car telle Méduse du corme ne peut que nager, telle autre ne peut que sentir, une troi- sième ne peut que manger, une quatrième qu'attraper une proie et 20 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. repousser des ennemis, etc. Ce n’est que l’action commune harmonique et l’aide mutuelle que se prêtent les membres de ces sociétés nageantes, ce n’est que la solidarité, l'âme centrale les réunissant toutes par un mour sincère, qui peuvent assurer la longue existence de chaque membre comme celle du tout grandiose. De même, l’accomplissement des devoirs civiques et sociaux par les citoyens d’un Etat rend seul possible l'existence durable des civilisations humaines. IV - L'observation attentive de ce remarquable corme-Siphonophore nous a donné la conviction, .si importante pour résoudre le problème de l’âme, que l'âme monistique d’un animal, simple en apparence, peut être composée en réalité de nombreuses âmes différentes. L'unité, le monisme de l’âme, sont si apparents dans la sensibilité exquise et dans les mouvements si vifs des Siphonophores, que des zoologistes plus anciens considéraient le corme entier comme un seul animal simple, comme une seule personne, et que même maintenant encore cette opinion erronée trouve des défenseurs distingués. Une observation faite sans part pris et l'étude du développement nous convainquent sans peine que cette âme, simple en apparence, est ici en réalité la somme des âmes particulières réunies. Quelque étrange que ce fait paraisse d’abord, nous trouvons cependant quelque chose d’analogue chez tous les ani- maux vivant en société, et, par conséquent, aussi chez les hommes. Est- ce que nous ne reconnaissons pas un Caractère national, un sentiment patriotique, une volonté nationale? Et ne voyons-nous pas, par mille exemples de l’histoire, comment cette âme du peuple, cet esprit de la nation sent et pense, veut et agit aussi monistiquement qu'un homme envisagé isolément? Un peuple entier se lève comme un seul homme contre l'oppression d’un despote cruel et brise le trône du tyran; comme un seul homme, une nation offensée ressent l’injure faite à son honneur etse venge sur l’offenseur. Est-ce que le déluge irrésistible des migrations des peuples envahissant l'Europe entière, il y a quatorze siècles, est-ce que le mouvement irrésistible des nations de l’Europe s’ouvrant en 1848 de nouvelles voies libres pour leur développement politique, est-ce que ces grands faits historiques ne nous montrent pas dans toute sa gran- deur la puissance monistique de l’idée, c’est-à-dire d’une forme déter- minée de la pensée et de la volonté? Et pourtant ce monisme apparent de l’idée n’est en réalité que la somme de milliers d'idées particulières, qui se meuvent dans une même direction, vers un même but, dans les L'AME DES CELLULES ET LES CELLULES DE L'AME. 21 âmes particulières de tous les citoyens de l'Etat, ou du moins de la majorité prépondérante. Ce que la vie psychique des nations nous fait voir en grand, nous le retrouvons en petit dans la vie intellectuelle des hommes comme dans celle des animaux supérieurs. Car ici encore le monisme apparent de l'âme se résout, pour l'œil pénétrant du zoologiste, dans la somme des âmes particulières des cellules, dans les actions psychiques particulières des nombreuses cellules dont se compose l'organisme entier. Nous avons pu désigner avec certitude, chez les hommes et les animaux su- périeurs, les cellules du cerveau comme les cellules de l’âme dans le sens le: plus restreint, parce qu’elles représentent, d’une manière tout à fait prépondérante, le monisme de l'état de cellules et qu’elles diri- gent le gouvernement monistique. Mais cela ne doit pas nous faire ou- blier que cette prédominance des cellules psychiques directrices n'a été acquise que par la division du travail poussée très-loin et par la centra- lisation, et que, malgré cela, la vie psychique particulière de chaque cellule des autres tissus continue encore. Chaque cellule particulière du sang, des os, de la peau, etc., conserve, jusqu'à un certain degré, sa sensibilité propre et autonome et sa volonté propre, quoiqu'elle su- bisse en général l'influence toute-puissante des cellules dominantes du cerveau. L'âme de la cellule (Ze//seele) est donc un fait très-commun de la vie organique ; la cellule de l’âme (See/zelle) est au contraire un fait particulier. Nous devons bien admettre que chaque cellule particulière vivante a une âme cellulaire; de vraies cellules de l’âme, au contraire, ne se rencontrent que chez les animaux supérieurs, dans le système nerveux central, et elles accomplissent ici exclusivement, d’une manière plus élevée, ces actions de l’âme, qui étaient originairement accomplies d'une manière inférieure par toutés les cellules. Mais ces cellules de l'âme, supérieurement développées, aristocratiques, descendent aussi primitivement des cellules simples de la plus basse classe, qui étaient douées d’une âme cellulaire très-ordinaire. Notre manière de voir, au sujet de l’âme cellulaire, est encore loin d'être adoptée généralement; elle est encore attaquée énergiquement par des autorités scientifiques, par exemple, par Virchow. Mais, d’après les bases solides de notre théorie moderne du développement, modifiée par Darwin, nous soutenons que notre théorie de l'âme cellulaire est une conséquence aussi nécessaire qu'importante du sentiment naturel monistique. Qu'on nous permette de jeter encore un rapide coup d'œil sur ce groupe inférieur d'êtres, qui paraissent témoigner tout particu- lièrement en faveur de cette théorie si riche en conséquences. 22 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Tout en bas, au degré inférieur de la vie organique, aux limites du règne animal et du règne végétal vit et grouille ce monde merveilleux d'organismes microscopiques, invisibles à l'œil nu, que nous appelons des Infusoires, des Protozoaires ou des Protistes. La plupart de ces Pro- tistes passent toute leur vie sous la forme d’une cellule unique, et pour- tant cette cellule possède incontestablement aussi bien la sensibilité que le mouvement volontaire. Chez les êtres ciliés, qui sont si vivaces, ces actions psychiques se manifestent si clairement, que le célèbre natura- liste Ehrenberg, qui s’est spécialement occupé des Infusoires, soutenait, avec une inébranlable conviction, qu’ils devaient être pourvus de nerfs et de muscles, d’un cerveau et d'organes des sens. Et, cependant, il n’en existe véritablement aucune trace. Le protoplasma du corps cellu- laire, la matière du noyau qui y est contenu, sont ici les seuls moteurs matériels de la vie psychique, et forment un appareil psychique de l’es- pèce la plus simple. En voyant que déjà parmi ces Infusoires unicellu- laires il y a des individus raisonnables et insensés, forts et faibles, vifs et endormis, aimant la lumière ou la fuyant, des caractères et des tem- péraments très-différents, nous ne pouvons nous expliquer les nom- breuses gradations qui existent dans la vie psychique de ces petites créatures que par des différences imperceptibles dans la composition chi- mique de leur corps protoplasmique. | L'activité psychique, envisagée dans le sens le plus étendu, est donc une propriété commune à toutes les cellules organiques. Maïs, dans ce cas, nous ne pouvons pas absolument refuser une vie psychique aux plantes. Car les plantes inférieures sont aussi des cellules simples, et dans toutes les plantes supérieures le corps consiste en d'innombrables cellules, comme chez les animaux supérieurs. Seulement, chez ceux-ci, la division du travail entreles cellules et la centralisation de l'Etat sont beaucoup plus avancées que chez les plantes. La forme de gouvernement du corps animal est la monarchie des cellules, celle du corps végétal est la république des cellules. Comme toutes les cellules particulières res- tent beaucoup plus autonomes dans le corps végétal que dans le corps animal, le monisme de l'âme nous frappe beaucoup moins. Quelques plantes très-intéressantes, telles que les tendres Sensitives, les Dionées gobe-mouches, font une exception sous ce rapport. La vie psychique des plantes a done été beaucoup moins étudiée que celle des animaux, et peu de naturalistes s'en sont occupés. Parmi eux, il faut nommer en premier lieu le sagace fondateur de la psycho-physique, le professeur Fechner, de Leipzig, qui a exposé la théorie de l’âme de la plante dans une série d’écrits ingénieux. Au reste, nous sommes déjà suffisamment autorisés à admettre une âme chez la plante, par Le fait que nous ne pou- L’AME DES CELLULES ET LES CELLULES DE L'AME. 29 vons pas tracer une limite rigoureuse entre le règne animal et le règne végétal. Les Infusoires unicellulaires ou Protistes forment la transition qui unit les deux grands règnes de la vie organique dans un seul grand tout. La gradation de l’activité psychique est extraordinairement variée, et très-différente dans les deux règnes. Un des progrès les plus considérables de la nouvelle théorie cellu- laire est la constatation que la partie la plus importante de la cellule, le protoplasma, possède en réalité partout les mêmes propriétés fonda- mentales, soit que nous observions l’Infusoire unicellulaire, la cellule végétale isolée, ou bien une cellule quelconque du corps animal. La plus importante de ces propriétés fondamentales est justement la sen- sibilité, c'est-à-dire la faculté que possède le protoplasma de sentir des excitations de différentes espèces et de réagir contre ces excitations par des mouvements déterminés. Au moyen du microscope, nous pouvons nous convaincre que cette propriété appartient au protoplasma de toutes les cellules sans exception. Il est done permis de formuler l'hypothèse que les derniers facteurs de la vie psychique sont les plastidules, les particules élémentaires, invisibles, semblables, ou les molécules du protoplasma, qui dans leur variété infinie composent toutes les innom- brables variétés de cellules. Il n’y à pas de reproche qui soit fait plus souvent aux sciences natu- relles et en particulier à cette branche, si pleine de promesses, la théorie du développement, que celui de ravaler la nature vivante jusqu'à n'être qu'un mécanisme sans âme, de bannir tout ce qui est idéal du monde réel et de détruire toute poésie. Nous croyons que notre interprétation comparée et génétique de la vie psychique détruit ce reproche mal fondé. Car, d’après notre eroyance monistique, toute matière, au con- traire, a une âme, et le plus merveilleux de tous les phénomènes de la nature, que nous avons l'habitude de désigner par le seul mot « es- prit » ou « âme », est une propriété commune à tout ce qui vit. Bien loin de croire, comme nos adversaires, à une matière grossière, sans âme, nous sommes bien plutôt forcé d'admettre dans toute matière vivante, dans tout protoplasma, les premiers éléments de toute vie psy- chique : la sensation simple de bien-être et de malaise, le simple mou- vement d'attraction et de répulsion. Mais les degrés de développement et de complication de ces âmes sont différents dans les différentes créa- tures vivantes, et nous conduisent de la placide âme cellulaire, par une longue série de degrés intermédiaires ascendants, jusqu’à l’âme humaine consciente et intelligente. Nous admettons moins encore que l'interprétation poétique et idéale du monde soit diminuée ou détruite par notre théorie monistique du 24 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. développement. Il est vrai qu'aujourd'hui nous n’avons plus les nym- phes et les naïades, les dryades et les oréades, qui, pour les anciens Grecs, animaient les sources et les rivières, et peuplaient les bois et les montagnes; elles ont disparu depuis longtemps avec les dieux de l'Olympe. Mais ces demi-dieux, qui ressemblaient aux humains, sont remplacés par les innombrables âmes élémentaires des cellules. Et s’il y a une idée poétique au plus haut point et vraie en même temps, c’est certainement de se rendre clairement compte : que des milliers de ten- dres âmes autonomes vivent dans le plus petit vermicule et dans la fleur la plus humble, que dans chaque Infusoire unicellulaire microsco- pique agit aussi bien une âme particulière que dans les cellules du sang, qui circulent sans repos en nous, que dans les cellules du cerveau, qui s'élèvent jusqu'au travail le plus sublime de l’âme, jusqu'à la conscience de soi-même. De ce point de vue nous voyons dans la théorie cellulaire de l’âme un grand pas de fait pour réconcilier l'interprétation idéale de la nature avec l'interprétation réelle, la métaphysique ancienne avec la science moderne. Ernst HAECKEL. QU'EST-CE QUE LA MORPHOLOGIE? Par W.-K. PARKER. “ Si ceux d’entre nous qui touchent au déclin de la vie faisaient un retour vers les études de leur jeunesse, je pense qu’ils ne se rappel- leraient point avoir jamais entendu nos professeurs parler de la « Mor- phologie animale ». Je ne puis me rappeler quand, ni où, pour la pre- mière fois, je rencontrai ce mot, quoique l’idée elle-même, à l'égard des plantes, me fût familière depuis près de quarante ans, c'est-à-dire depuis que je suis possesseur de l’/ntroduction à la Botanique de Lindley ; mais il employait le terme d’Organographie. Le terme de Mor- phologie fut employé par Schleiden dans ses Principes de Botanique scientifique, il y a au moins trente ans; et je puis dire en passant que l'étude de ce livre fut pour moi une des meilleures préparations au travail que j'ai entrepris depuis. La comparaison du mode de développement des plantes et de celui des animaux me fut suggérée, sinon pour la première fois, du moins alors avec une force nouvelle, par la lecture de la Physiologie de l'homme, de Johannes Müller, spécialement par la partie de son livre qui traite de la génération, et plus spécialement encore par cette partie où LA MORPHOLOGIE. 25 il expose et critique tout à la fois la Théome de la Génération, de Caspar J. Wolff, publiée à Halle en 1759, La mention exacte de cette date a son intérêt, car cette époque et cet ouvrage de Wolff furent cer- tainement l'ouvrage et l’époque qui suggérèrent au grand et riche esprit de Gœthe l’idée d’une unité latente entre les diverses formes des végé- taux et des animaux. Combien fut féconde cette conception de la sim- plicité et de l’unité des formes animales et végétales, il m’est inutile de vous le dire; pendant plus d’un siècle, elle a produit des résultats précieux et toujours croissants. C’est pourquoi il était naturel qu'une partie si nouvelle et si attrayante de la biologie prît un nom particulier, et comme les naturalistes, de temps immémorial, connaissaient les mé- tamorphoses de certains types, le terme de « morphologie », qui traite spécialement de ces changements dans l'histoire de la vie indivi- duelle d'une plante ou d’un animal, était naturel, facile et bien ap- proprié. Les rêveries 4 priori qui firent paraître transcendantale l'étude de la morphologie des Vertébrés, furent la cause d'une perte considérable de temps et de talent; et le professeur Huxley n’eût-il fait que déchirer le voile de ces rêveries, il aurait bien mérité de son siècle. Sa Crovnian Lecture, faite à la Société Royale il y a vingt ans environ, retentit comme une trompette; les songeurs s’éveillèrent et devinrent les tra- vailleurs qui depuis ce temps se sont mis à l’œuvre avec une ardeur infa- tigable. Mais la science de la morphologie, qui était devenue ici un passe-temps, une récréation à la mode, avait attiré en Allemagne l’at- tention d’une noble phalange de chercheurs et de travailleurs. De ce pays était venu le songe; en ce pays se levèrent les travailleurs. Les travaux de Rathke, von Baer et Reichert étaient sous la main de notre réformateur biologique. Après ceux-ci, qui furent les chefs de la pléiade, d’autres vinrent, tous hommes connus et renommés, mais qui n’attei- gnaient point à la hauteur des trois premiers. Ma première dette fut contractée envers Johannes Müller, qui, dans sa Physiologie de l’homme, déjà mentionnée, donna un si excellent aperçu des travaux des embryologistes ses compatriotes. Je ne dois pas ou- blier son regretté traducteur, le docteur Baly; car l'original de l’œuvre de Müller était un livre fermé pour moi, et, à la vérité, le serait encore maintenant sans la traduction. Le fait que les êtres organisés passent par diverses phases-et par- courent un cercle de vie déterminé, commence maintenant à être géné- ralement connu. À l’origine de la vie, les monades, d’une ténuité incalculable, traversent, comme le démontrent les belles recherches de Dallinger et de Drysdale, plusieurs états dans la période de leur vie;indi- 26 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. viduelle. Toutes les formes vivantes qui se succèdent, depuis la mo- nade jusqu’à l’homme, passent par différents étais. Dans tous les temps, les Insectes nous ont offert le merveilleux spec- tacle des effets de leur puissance morphologique. Les poëtes ont si- gnalé ces faits et les ont chantés ; les philosophes les ont signalés égale- ment eten ont fait le sujet de leurs discussions; mais il nous était réservé d'apprendre que ces faits ne sont point particuliers à quelques espèces d'êtres organisés, mais qu'ils sont universels. Ainsi, « l'abeille, si infime parmi ceux qui volent, et dont le miel est la plus douce des choses », et cet être, plus infime encore, la sage fourmi, architecte, soldat, législateur, enfin, tous les membres de la famille des Insectes, offrent des métamorphoses manifestes. Se métamorphosent de la même manière les Amphibiens, parmi les Vertébrés, la grenouille, par exemple, dont les changements de forme nous sont si connus. Cepen- dant, pour la plupart des Vertébrés, les mutations de forme les plus importantes sont cachées à l'œil nu. Pénétrer ces secrets constitue le travail du morphologiste. Ici, cependant, je laisserai parler pour moi ce « vieillard éloquent », lord Bacon. Il dit que Salomon, qui était pour lui un grand modèle, « fit une Histoire naturelle de toute la végétation, depuis le cèdre qui couvre la montagne, jusqu’à la mousse qui tapisse la muraille (laquelle n’est qu'une végétation rudimentaire tenant le milieu entre l'herbe et la putréfaction), et également de tout ce qui se meut et respire. Et ce même Salomon, ce roi, quoiqu'il réunît au plus haut degré toutes les gloires en élevant les édifices les plus magnifiques, en étendant sa puis- sance maritime, quoiqu'il eût à son service de nombreux esclaves, quoi- qu'il jouît d’une renommée lointaine, cependant il ne reconnaissait qu'une gloire, celle de rechercher la vérité; car il disait formellement : « La gloire de Dieu est de cacher les choses, et la gloire d’un roi est de «les découvrir», comme si, à la manière des Jeux innocents des enfants, la Divine Majesté prenait plaisir à cacher ses œuvres, afin qu'on ait la peine de les trouver, et comme s’il n’était réservé aux rois de plus grand honneur que d’être les compagnons de jeu du Tout-Puissant, selon la grande sagesse qui veut que rien ne leur soit caché ». Il nous semble aujourd'hui mesquin pour un grand esprit méditant sur la forme d’un animal vertébré, de penser que la structure de la colonne vertébrale se prolonge jusque dans le crâne, parce que l’en- semble des nerfs de l’axis tend d'une manière si manifeste à se con- fondre avec le cerveau. Cependant les hommes furent enchaïînés de gé- nération en génération par la force des idées purement théologiques, qui ne font, comme dit Bacon, que « ralentir et arrêter la marche du na- LA MORPHOLOGIE. Dr vire ». Il compare quelque part les gens qui voudraient à tout prix con- naître la signification et le but final des choses, et ne peuvent se ré- soudre à les envisager sous le « jour brutal » de leurs causés effieientes, à ce peuple bas et sensuel dont il est parlé dans l’Ecriture, qui consi- dérait la manne comme un régime maigre et misérable et qui enviait l'ail et l'oignon qui parfumaient les marmites égyptiennes. Maintenant, l'étude desfstructures, purement basée sur leur destination, et les exemples tirés du domaine de l'idéal, ces deux modes d'investigation, l’un imparfait et l’autre illusoire, font place à l'observation de l’évolution et du perfectionnement graduel de la vie dans les êtres. Cette évolution peut être suivie pas à pas; ce qui consiste à remonter de forme en forme l'échelle des animaux adultes existant dans les temps actuels, étude assurément des plus profitables. Il y fut ajouté (dans le cours du siècle dernier pour le moins) la recherche des formes qui sont maintenant disparues ; ici, dans le domaine de la paléontologie, nous tombons en plein dans des formes d’un type inférieur à celui de leurs plus proches parentes parmi les formes actuellement existantes. Et plus elles sont inférieures, plus elles sont généralisées. Et l'esprit est amené à se tourner vers les causes qui ont opéré l'extinction des formes gros- sières et archaïques, et la production ou la création des êtres qui à pré- sent ornent la terre. Ces derniers sont très-souvent plus petits, et, comme suivant une loi, plus spécialisés sous tous les rapports, embellis, perfectionnnés, et d’un type plus élevé, au-delà de tout ce qu’on a pu observer chez leurs prédécesseurs ou progéniteurs. Mais ce qui manque, tant aux évolutionnistes qu'aux paléontologistes, c’est la connaissance du développement des types, en un mot, l'histoire de leur vie. Là est la besogne, Le sujet de mes labeurs. Nos pères immédiats l'ont abordée, nous leur succédons dans l’accomplissement de ja tâche; les enfants de nos enfants auront les mains pleines, non pour une, mais pour plusieurs générations. Si ce travail était accompli, si nous pouvions décrire dans tous ses détails l’évolution, le progrès de chaque partie, de chaque organe de toute forme vivante, selon les genres, les familles, les classes et les sous-règnes du règne animal, nous pourrions arriver à une conclusion sur le lien de parenté qui existe entre ces formes variées, et faire d’heureuses conjectures sur la facon dont elles se sont élevées. Néanmoins, si nous ne pouvons faire le tout, ce n’est pas une raison pour que nous ne fassions rien; la lumière commence à se faire pour nous, bien que le travail soit à peine commencé. La pa- renté existant entre les formes vivantes — même chez les adultes — et la parenté reliant les types disparus avec les types existants : ces fleurs de la science s'ouvrent et étalent leurs beautés à l'œil du patient obser- 28 REVUE INTERNATIONALE LES SCIENCES. vateur. Nous ne considérons pas seulement maintenant les rapports des classes variées des Vertébrés les unes avec les autres, ou des diverses classes d’Articulés, de Mollusques ou des Radiés, enfermées dans leur cercle particulier ; mais l’embryologie nous conduit à l’origine de chaque grand groupe primitif et à l’issue, si l’on peut ainsi ie de chaque grand groupe d’un tronc commun. Quelque admirable que soit maintenant l'homme, et dans la forme et dans les moyens d’action, il ne tardera pas, en sa qualité de Ver- tébré, à être tenté d'appeler le ver de terre son frère ou son père. Car le groupe dont il fait partie est en train, degré par degré, de se cor fondre avec le groupe vermiculaire — avec les formes vivantes d'où sont sorts le « pauvre escargot » et l’active fourmi. A la vérité, de même que sept villes se disputaient l'honneur d’avoir donné ie jour à Homère, plusieurs familles d'Invertébrés prétendent avoir donné naissance aux nobles Vertébrés. Ceux qui font le plus de bruit de cette prétention sont le ver de terre et l’Ascidie, ee pauvre parent de l’huître. Cette hypothèse est considérée par quelques savants comme une folie; cependant elle n’est pas dépourvue de fondements. Je citerai, à ce su- jet, une partie d’un article qui parut dans le Mineteenth Century du mois de décembre dernier, sur la science contemporaine. L'auteur y donne un aperçu des admirables recherches de Reichenbach sur l’em- bryologie de l’écrevisse commune d’eau douce, et il compare le déve- loppement des nerfs de l’axis chez les Invertébrés et les Vertébrés. « Jusqu'à ces derniers temps, la manière dont se forme le système nerveux central a toujours été considérée comme une des plus impor- tantes distinctions entre les animaux vertébrés et les Invertébrés. Chez les premiers, à la période où l'embryon se montre sous la forme d'une petite tache à trois feuillets sur la surface de l'œuf, un sillon lon- gitudinal apparaît; ses bords se rapprochent en dessus, de façon à former un tube doublé par l’épiblaste; puis les cellules épiblastiques produisent le cerveau entier et le cordon spinal, avec les racines des nerfs spinaux et crâniens, comme l’ont démontré les récentes observa- tons de M. Balfour (1) et du docteur Marshall (2). Chez les Invertébrés, d’un autre côté, on a toujours supposé que le cordon nerveux était issu du feuillet moyen de l'embryon, le méso- blaste. Mais il a été démontré que cette hypothèse était erronée, et il est maintenant prouvé que dans la plupart des Invertébres le système nerveux naît de l’épaississement de l’épiblaste, qui ne diffère de la (1) Die Embryonalanlage und erste Entwickelung der Flusserebses. (2) Phil, Transcend., vol. CLXVI, et Journ. of Anatomy, avril 1877. LA MORPHOLOGIE. 29 structure correspondante qu'on remarque chez les Vertébrés, que par ce fait qu'il n'est pas encastré dans un sillon. Mais, à cet égard, la rela- tion qui existe entre les deux grands groupes du règne animal n’a jamais été aussi clairement mise en lumière que dans le mémoire de Reichenbach (1). Il démontre non-seulement que le cordon nerveux est un produit de l'épiblaste, mais qu’il s'élève de cellules qui limitent un sillon ayant précisément les mêmes relations et étant dans une partie de son étendue presque aussi profond que le « sillon médullaire » d’un poussin ou d’un crapaud. Il montre également que les yeux sont for- més, non, comme il est communément admis, par des soulèvements de l'épiblaste, mais par des dépressions, les cellules qui recouvrent ces dé- pressions se trouvant unies avec celles du premier ganglion du cordon nerveux. lei encore, il existe une notable ressemblance avec les Verté- brés, chez lesquels les organes des sens les plus élevés sont toujours formés par l’involution du feuillet externe (p. 86). J'ai ainsi passé insensiblement de la signification au but de la mor- phologie. Je crois que vous conviendrez avec moi que c’est « une des plus hautes branches chargées de fruits » de l'arbre de la science mo- derne, arbre certainement plus couvert de bourgeons que de fleurs, car il n’est, quant à présent, que fraîchement sorti de terre. Veuillez être assez bons d'attendre que j'ouvre un ou deux de ces bourgeons pour vour montrer ce que les fleurs promettent d’être. La fin et le but de la morphologie sont différents de ceux de la phy- siologie. L'histologie peut être considérée comme rattachée à chacune et servante des deux. L'étude d’une de ces branches semble demander une aptitude innée et exclusivement spéciale. Dans l’une, on demande avidement le pourquoi de la nature; dans l’autre on en recherche patiemment le comment. La morphologie exige un homme qui puisse travailler en silence et patiemment, pendant des années, et dont les principales qualités soient une pénétration rapide, combinée avec la plus flegmatique persévérance dans le travail. Dans ce cas, les qualités naturelles sont d’une impor- tance plus grande que celles qu'on peut acquérir. Le physiologiste, demandant âprement pourquoi, a besoin d’une instruction qui le prépare à son travail; il doit être mathématicien et chimiste aussi bien qu'anatomiste; une action rapide et une profonde ingéniosité sont plus exigibles de sa part. Un œil qui voit, une main qui copie, telles sont les qualités requises pour le morphologiste. Nous sen- (1) Journ. of Anat. and Phys., avril 1877. 30 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. tons tous de bonne heure les délices que procure le spectacle de la forme vivante et de ses transformations; la morphologie est esthétique avant d'être scientifique; elle devient scientifique dès qu'elle est comparative. Le morphologiste n’est rien s'il n’a l’esprit comparatif. Le dévelop- pement d’une observation appuyé sur une constante comparaison et une classification inconsciente, tels sont les éléments de succès du mor- phologiste. À Le groupe d'animaux auquel nous appartenons — les Vertébrés — considéré au point de vue squelettologique de la morphologie, offre à lui seul un vaste champ; «il ya encore une grande étendue de terre à conquérir ». Dans cette division d’une science déjà subdivisée, j'ai choisi de préférence la tête, par égard pour le temps et pour le travail. Car on doit y trouver les plus inextricables enchevêtrements, les nœuds les plus ardus de la nature. Pour une fois, par égard pour le travail, un seul genre de tête suffira, s’il faut examiner toutes les parties dans leur origine et leurs relations, dans leurs changements et leurs développe- ments. Car les parties solides, si l’on peut s'exprimer ainsi, et qui sou- tiennent l'édifice, n’ont aucune raison d'être, aucune signification si nous oublions les parties qui dépendent d'elles, s'appuient sur elles ou en découlent. Considérant l'extrème complexité de structure chez les types supé- rieurs, l'esprit cherche à découvrir des formes similaires d'êtres vivants dont le problème structural fût plus simple. Comme l’homme n’est pas seul dans le genre, mais constitue simplement une des plus grandes séries de formes vivantes, on peut certainement acquérir des notions relatives à lui, même en cherchant, à côté ou au-dessous de lui, parmi les types qui se rapprochent le plus du sien. En descendant l’échelle immense des Vertébrés, nous arrivons à des formes quelque peu plus simples, 1l est vrai, mais toutes composées sur le même modèle d’em- bryogénie, etil ne se présente aucune exception sérieuse, même parmi les types existants, jusqu’à ce que nous ayons atteint la lamproie et ses congénères. En descendant, cependant, d’un type culminant de Mam- tnifères, nous n'’arrivons à aucune forme venant immédiatement au- dessous, jusqu'à ce que nous nous trouvions parmi les êtres aquatiques ; les oiseaux, placés au-dessus des reptiles, appartiennent à un autre rameau de l'arbre de vie. Veuillez considérer quelle manufacture, quel laboratoire, quel temple (si je puis ainsi dire) est la tête! Cependant, la tête, de même que le corps entier, dont elle est la partie principale, se développe végétative- ment — sa croissance est comme la croissance d’une plante, mais son architecture éclipse toute la gloire orgueilleuse de l’industrie et de l’ha- LA MORPHOLOGIE. 31 bileté humaines. L'homme, non-seulement séucturalement, mais socia- lement, est aussi tout à la fois un édifice et une plante. Et comme les forces qui unissent les individus de la société sont les mêmes qui con- courent à la formation de l'individu en tant qu'individu, de même en est-il pour ce qui englobe l’homme et le pousse à un commerce con- scient avec ses semblables. Les forces ‘qui agissent dans les parties élé- mentaires sont les mèmes que celles qui agissent sur le tout pour en faire un tout. Le corps est formé de ce qui compose chaque cellule, chaque tissu, chaque organe. C’est grâce au travail effectif de chaque partie qu'il vit, croît, se construit lui-même, et accomplit ses fonctions merveilleuses et inimitables. Depuis plus d’un siècle, on a été graduellement amené à considérer la terre, qui est notre séjour temporaire, comme un produit de déve- loppement, comme étant maintenant dans un état bien différent de son état primitif, comme ayant subi, non pas seulement une, mais mille modifications. Chacun sait à présent que la terre « ne naquit pas comme une vapeur », et ne prit pas immédiatement sa forme actuelle, qu'elle ne porta pas tout d’abord ses robes d’à présent, qu'elle ne fut pas tou- jours le domaine des formes vivantes que nous y voyons, mais que, du- rant les jours éoniens— périodes séculaires incommensurables — la face de la terre a changé autant que change la face d’un homme durant « les sept âges de son histoire pleine d'événements ». Il faudra du temps pour amener l'esprit humain face à face avec nos faits ; les penseurs, aussi bien” que ceux quine pensent pas, ne se déferont que lentement de l’idée an- cienne et chérie de la soudaine apparition d’un homme parfait sur la terre, et la plupart, parce que cela semble être l’enseignement des plus vénérables traditions de l’histoire, lesquelles, il est vrai, doivent être sacrées pour nous, au moins pour leur antiquité incontestée. Ces très- vénérables traditions n’ont eu nullement à souffrir de ce que nous acquérions une vue scientifique du développement de la terre, elles n'auront pas davantage à souffrir d’une doctrine établie sur le lent dé- veloppement de l’homme. Je devais parler du but de la morphologie. Son but le plus élevé est de parvenir à déchiffrer les écrits archaïques dans lesquels les membres de l’homme furent écrits dans les temps reculés; découvrir les premiers rudiments de sa vie organique dans la forme initiale du ver articulé, qui s'élève peu à peu jusqu'à la forme accomplie de l’homme. Cependant nous ne connaissons que les suites et les résultats de la force mor- phologique; nous savons absolument autant de la nature de l’âme hu- maine que de la nature du protoplasma, et rien de l’un comme de l’autre. Le morphologiste est comme Galien, « il ne se préoccupe d’au- 32 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. cune de ces choses », il refuse de se laisser détourner par des ques- tions hors du sujet, quelque graves et importantes qu’elles soient; son mot d'ordre est celui-ci : «Je fais cette chose seulement. » Sa tâche estde chercher à découvrir le germe dans l'adulte; de remonter chaque degré de la vie des êtres; de fixer sur le papier chaque forme, passant suc- cessivement d'une forme à une autre, jusqu’à ce que la forme parfaite lui apparaisse. L’échelle de la vie de l’homme atteint au sommet de la beauté orga- nique; celle du cheval. du bœuf et du lion s'arrête bien loin de cette hauteur ; cependant ils sont parfaits selon leur genre. Vous verrez que l’homme est un animal, plus quelque chose qui lui a permis de devenir «dans forme et dans ses mouvements si précis et si admirables, la beauté du monde, le modèle des animaux! » Le professeur Flower vous mon- trera quelle pauvre chose est l’homme, quand ce qui le fait homme est suspendu ou supprimé; vous « considérerez cette peinture et cette autre » de l’homme dans son développement le pius élevé ; vous remar- querez que sa forme extérieure correspond à sa puissance et à son ex- cellence intérieure; et sur l’homme: inculte, brutal, abject extérieure- ment, vous ferez cette remarque qu'il est plus abject encore dans sa manière de vivre. W.-K. PARKER. DE LA NUTRITION DES VÉGÉTAUX (1), Par J.-L. DE LANESSAN. De toutes les expériences instituées jusqu’à ce jour sur les végétaux des divers groupes on peut tirer cette conclusion que le proto- plasma végétal, c'est-à-dire la partie vivante des cellules végétales, se nourrit de la même façon que le protoplasma animal, que les phéno- mènes nutritifs sont les mêmes dans l’un et dans l’autre. Si cette ana- logie paraît détruite dans un grand nombre de végétaux, cela ne tient pas à ce que la nature même du protoplasma végétal change dans ces plantes, ni à ce que les phénomènes intimes dont il est le siège se mo- difient, mais seulement à ce qu’à sx substance propre s'ajoute une ma- tière essentiellement différente, la chlorophylle, qui possède des pro- priétés et joue un rôle particulier dans les actes préparateurs de la. nutrition des végétaux qui la possèdent. À ce point de vue, tous les êtres vivants peuvent être divisés en us groupes : ceux qui possèdent de la chlorophylle, c’est-à-dire la plupart des végétaux et seulement un petit nombre d'animaux, et ceux quin’en (1) Extrait de notre Manuel d'histoire naturelle médicale. Paris, 1879; édit,, O. Don. NUTRITION DES VÉGÉTAUX. 33 possèdent pas, c’est-à-dire la grande majorité des animaux et certains végétaux inférieurs, parmi lesquels il suffit de citer le vaste groupe des Champignons. Nous étudierons successivement la nutrition des végé- taux incolores et celle des plantes pourvues de chlorophylle. 41° Nutrition des végétaux dépourvus de chlorophylle. — Tous les animaux et une partie des végétaux dépourvus de chlorophylle, champi- enons, vibrioniens, graines en germination, etc., exigent une alimen- tation organique. De nombreuses expériences ont montré, par exemple, que le Saccharomyces Cerevisiæ ne peut ni se multiplier, ni se nourrir en l’absence de matières hydrocarbonées; mais que, semé dans un liquide albumineux et dépourvu de matières ternaires, il continue à se nourrir et se multiplier à l’aide des matières albuminoïdes avec lesquelles il est en contact. Dans ce cas, le végétal, on le voit, ne se nourrit pas autrement que l'animal. Il absorbe et assimile des aliments azotés tout préparés. Il serait fort intéressant de connaître exactement quelles sont, parmi les substances azotées, celles qui peuvent ainsi jouer directement le rôle d'aliments pour le protoplasma végétal. M. Mayer a montré que si certaines substances albuminoïdes sont incapables de nourrir indi- rectement la levûre de bière, cela tient uniquement à l’absence de dif- fusibilité à travers les membranes organisées des cellules ; car les pro- duits diffusibles formés par la digestion des animaux et susceptibles d’être assimilés par eux, tels que la peptone et la syntonine, consti- tuent une excellente alimentation pour ce même végétal. Parmi les sub- stances azotées non albuminoïdes, quelques-unes, comme l’urée, l'acide urique, la guanine, sont aussi de bons aliments pour la levüre de bière; tandis que d’autres, comme la créatine, la créatinine, la caféine, l’aspa- ragine, etc., ne sont que peu ou point utilisées. [lest probable, d'après M. Schützenberger, que les meilleurs aliments de ce champignon sont les composés azotés analoques aux peptones. Or, les peptones sont précisément les produits de transformation des substances albuminoïdes fabriquées dans notre tube digestif pour notre propre alimentation, et si la levûre de bière ne peut pas assimiler l’albumine du blanc d'œuf dans son état naturel, nos propres éléments anatomiques n’en ont pas davantage le pouvoir. Le mode de nutrition des graines incolores en voie de germination, celui des bourgeons encore renfermés dans les écailles qui les mettent à l'abri du monde extérieur et dont les cellules ne possèdent que du pro- toplasma incolore, sont tout à fait analogues à celui des êtres inférieurs dont nous venons de parler. Les premiers développements de l’em- bryon peuvent se faire sans qw'il emprunte rien au monde extérieur que de l’eau distillée. Pour former de nouvelles cellules, le protoplasma de T. III, — N°0 1, 1879, 3 34 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. la jeune plante emprunte alors ses matériaux de nutrition aux cotylé- dons ou à l’albumen avec lesquels il se trouve en contact, et ces maté- riaux sont un mélange de substances albuminoïdes et de substances ternaires qu'il absorbe directement pour sa nutrition. Tout protoplasma incolore possède donc incontestablement la propriété qu'ont les ani- maux de se nourrir directement de matières organiques, soit ternaires, soit surtout quaternaires. Le protoplasma végétal incolore possède encore une autre propriété, celle de fabriquer des matières albuminoïdes à l’aide des substances ternaires et d’azotates. Des expériences nombreuses ont montré, en effet, que les sels ammoniacaux et les matières ternaires sont suffisants au développement de la levüre de bière et qu’à l’aide de ces corps le végétal fabrique les matières albuminoïdes qui sont assimilées par ses cellules ; mais dans ces conditions le développement est toujours moins rapide que lorsque le champignon trouve à sa disposition des matières albuminoïdes. Les expériences de M. Hanstein sur le développement des bourgeons incolores confirment pleinement cette manière de voir. On sait que le corps ligneux des grands végétaux est spécialement affecté au transport des matières non azotées, tandis que les matières azotées circulent dans la partie corticale des rameaux. Or, M. Hanstein a fait voir que si l’on enlève à de jeunes rameaux un anneau d’écorce avant l'épanouissement des bourgeons, ceux-c1 se développent au-des- sous de la blessure mieux qu'au-dessus; et si l’anneau ne se trouve qu'à un ou deux pouces du sommet du rameau, les bourgeons placés au-dessus meurent sans se développer. Il conclut de l’ensemble de ses expériences que l’amidon, le sucre, etc., contenus dans la séve du bois au printemps «ne suffisent pas au développement des parties nouvelles et qu'il faut évidemment que l'écorce fournisse/aussi la séve protéique si abondante dans certaines de ses cellules et qui ne se trouve jamais dans le bois. » Les bourgeons incolores sont ainsi de véritables para- sites de la plante verte qui les à produits ; incapables de fabriquer les matériaux albuminoïdes nécessaires à leur nutrition, ils les empruntent ‘aux parties du végétal sur lequel ils vivent, qui jouissent de la faculté de les former. Nous pourrions en dire autant des fleurs, des racines et de toutes les cellules du végétal qui, étant dépourvues de matière verte, ne peuvent pas décomposer l'acide carbonique. C'est par un parasi- tisme analogue que le grain de pollen peut vivre pendant un temps sou- vent fort long et prendre l'accroissement si considérable qui, dans cer- taines plantes, est nécessaire pour qu'il puisse aller se mettre en contact avec le sac embryonnaire et accomplir son rôle physiologique. Sur le stismate et dans la profondeur du tissu conducteur du style, le proto- NUIRITION DES VÉGÉTAUX. 35 plasma du boyau pollinique absorbe les aliments azotés contenus dans les cellules avec lesquelles il se trouve en contact. Nous passons ainsi facilement aux organismes parasites, aux champignons, qui ne peuvent vivre que sur d’autres êtres parce qu'ils ne trouvent que dans les cel- lules de ces derniers les aliments azotés sans lesquels le protoplasma végétal incolore ne vit qu'avec peine, ou peut-être même ne vit pas du: tout, car, dans les expériences où l’on élève des champignons inférieurs en ne leur donnant que de l’ammoniaque comme aliment azoté, il est permis de se demander s’il n’y a pas un certain nombre de ces petits êtres qui succombent aux conditions défavorables de l'expérience et servent leurs cadavres en pâture à leurs voisins affamés. Nutrition des végétaux pourvus de chlorophylle. — On ne connaît encore que fort peu les phénomènes intimes de la nutrition des végé- taux pourvus de chlorophylle, mais il est bien établi qu'ils doivent à la matière verte, associée au protoplasma de certaines de leurs cellules, la propriété de vivre à l’aide de principes purement #rinéraux empruntés au sol et à l'atmosphère. On a donné le nom de jonction chlorophyllienne à l’ensemble des actes encore bien peu connus, malheureusement, qui s’accomplissent dans les corpuscules chlorophylliens. On commettrait une grave erreur en désignant ces phénomènes sous le nom de respira- tion diurne, comme le font encore certains auteurs aussi peu versés dans la connaissance des phénomènes biologiques généraux qu'ils sont ren- dus classiques par leur situation officielle. Nous n’avons pas besoin de nommer M. Duchartre, pour que le lecteur mette le nom sur ce portrait de l’apôtre officiel de toutes les doctrines surannées. Nous n’avons pas besoin non plus d'insister sur la gravité de l'erreur commise par M. Du- chartre. Nous écrivons pour des élèves en médecine ; et il n’en est certai- nement pas un qui ne sache déjà quelle importante différence existe entre les phénomènes respiratoires et les phénomènes nutritifs, qui ne sache que Îles premiers sont destructifs, tandis que les seconds sont édifi- cateurs. | Meyen exprima le premier nettement la différence qui existe entre la fonction chlorophyllienne et la respiration, différence déjà entrevue par Link: « Les plantes, dit Meyen, expirent constamment, tant dans l'obs- curité qu'à la lumière, de l'oxygène qui sert à la formation d'acide car- bonique; celui-ci est dégagé sans interruption; en cela, la respiration des végétaux coïncide parfaitement avec celle des animaux; c’est seule- ment l'effet du soleil sur les plantes qui rend chez elles cette fonction si compliquée. La décomposition de l’acide carbonique à la lumière et le dégagement d'oxygène qui en résulte, me paraissent tout à fait distincts de la respiration proprement dite; » et il considère la dé- 30 KEVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. composition de l’acide carbonique par les parties vertes sous l’in- fluence de la lumière comme un phénomène de nutrition. Les obser- vations ultérieures ont pleinement confirmé la coexistence, dans les parties vertes, soit à la lumière, soit dans l'obscurité, d’une part de l'absorption d'oxygène avec dégagement d’acide carbonique, et d'autre part de l'absorption d’acide carbonique avec dégagement d'oxygène; elles ont rendu incontestable l'opinion d’Ingenhouse que la première de ces fonctions n'appartient qu'aux parties vertes exposées à la lumière, tandis que la seconde est effectuée également par les parties inco- lores; et enfin elles ont prouvé l'exactitude de l'idée exprimée par Meyen que la fonction chlorophyllienne est une fonction de nutrition. La première condition nécessaire pour que la fonction chlorophyl- lienne s’accomplisse, est une certaine quantité de lumière. Les vibra- tions lumineuses sont l’agent principal de la mise en jeu des propriétés du corpuscule chlorophyllien, et il est nécessaire que ces vibrations aient une intensité déterminée, qui varie manifestement d’un végétal à l’autre. Aucune plante ne réduit l'acide carbonique de l'atmosphère, lorsqu'elle est placée dans une obseurité complète. Les graines qu’on fait germer dans l'obscurité produisent une plantule à feuilles jau- nâtres qui continue à s’accroître tant que les cotylédons lui fournissent des aliments préparés d'avance; mais lorsque ces aliments sont épuisés, si l’on maintient la jeune plante dans l'obscurité, elle cesse de s’ac- croître et mème ne tarde pas à périr à cause du manque de nourriture, et aussi parce que, tandis qu’elle ne gagne plus rien, elle continue à perdre sous l'influence des phénomènes d’oxydation qui caractérisent la respiration. Nous savons, en effet, que cette dernière fonction s’ac- complit aussi bien dans l'obscurité qu'à la lumière. Les expériences de Boussingault ont bien mis en évidence les pertes subies par des plantes placées dans l'obscurité, après avoir végété à la lumière pendant un certain temps. Dix Pois ayant végété du 5 mai au 1° juillet dans une chambre obscure avaient perdu 52,5 pour 100 de leur matière orga- nique. Peu d'expériences ont été faites au sujet de la quantité de lumière nécessaire aux diverses espèces de plantes pour que leur fonction chlorophyllienne s’accomplisse d'une façon régulière, mais les faits qu'il nous est permis d'observer directement dans la nature ne per- mettent pas de douter que la quantité de lumière nécessaire à ce point de vue aux diverses plantes ne soit très-variable. Tandis, par exemple, qu'une expérience de M. Sachs (PAysiol. végét., trad. fr., 23) montre que des pieds de 7ropeolum majus, exposés chaque jour à la lumière pendant sept à huit heures, ne purent cependant pas fabriquer les ali- NUIRITION DES VÉGÉTAUX. : ST ments nécessaires à la production des fleurs, nous voyons dans la na- ture des Mousses, des Algues, des Fougères, fructifier dans des cavités où elles ne reçoivent qu'une quantité beaucoup moins considérable de lumière. On sait aussi que certaines plantes vivent fort bien dans les forêts à l'abri d'arbres qui ne leur laissent presque jamais parvenir un rayon de soleil, tandis que d’autres plantes, placées dans les mêmes conditions, ne tardent pas à mourir. Il y a, sur ce sujet, de nombreuses et intéressantes, mais ajoutons difficiles expériences à faire. Les quelques expériences qui ont été tentées relativement à l'influence de la lumière artificielle sur la fonction chlorophyllienne, paraissent indiquer que cette lumière ne permet pas aux corpuscules chlorophyl- liens d'accomplir l'acte qui leur incombe dans la nutrition de la plante. D’après Biot, des feuilles d’Agave americana immergées, qui, à la lu- mière du Jour, dégageaient de l'oxygène, n’en dégageaient plus quand il les éclairait à l’aide du réverbère de son appareil géodésique. D'après P. de Candolle, six lampes Argand, produisant une très-vive lumière, furent insuffisantes pour permettre le dégagement d'oxygène par des feuilles d'Eucomis punctata et de Lycium barbarum. W ne paraît pas que d’autres expériences aient été faites sur ce sujet, qui, ce- pendant, ne manque pas d'intérêt au point de vue des caractères néces- saires à une lumière pour qu’elle puisse permettre l’accomplissement de la fonction chlorophyllienne. Il serait nécessaire, pour arriver à quelque résultat positif à cet égard, d’expérimenter avec des flammes de nature et d'intensité variables, éclairant un même végétal. Des recherches faites successivement par MM. Daubeny, Hunt, Draper, Cloëz et Gratiolet, J. Sachs, etc., sur les plantes vertes, il semble ré- sulter, d’une façon générale, que les rayons les plus réfringents, c’est- à-dire les rayons chimiques, bleu, indigo, violet, sont les moins favo- rables à la décomposition de l'acide carbonique par la chlorophylle, les rayons éclairants jouissant seuls de la propriété de déterminer cette action. Les rayons jaunes seraient les plus puissants, et, sous leur ac- tion, la décomposition de l'acide carbonique se ferait aussi bien que dans la lumière blanche. D’après M. Draper, les rayons les plus ex- trèmes du spectre, rouge d’un côté et violet de l’autre, seraient sans aucune influence sur la fonction chlorophyllienne. M. Daubeny avait également signalé auparavant l'absence d'action exercée par la lumière rouge qu'il obtenait à l’aide du vin de Porto. D’après M. J. Sachs, les plantes croissant derrière une solution bleue cessent de se développer lorsque la germination est terminée, tandis que, dans les rayons jaunes, il y a formation de nouvelles feuilles : « ce qui, dit-il, implique la créa- tion d'une certaine quantité de matière organique. » En d’autres termes, 38 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. les rayons bleus seraient incapables d'entretenir la fonction chlorophyl- lienne, tandis que les rayons jaunes permettraient à cette fonction de s’accomplir. Des recherches faites récemment par M. Bert sur les plantes vertes, il résulte : 4° que les rayons verts sont presque aussi nuisibles à ces plantes que l'obscurité complète ; 2° que les rayons rouges le sont un peu moins; mais, sous leur influence, les organes subissent une élongation considérable sans atteindre un diamètre correspondant; 3° que les rayons jaunes sont plus favorables que les précédents ; 4° que la lumière bleue est également plus favorable que les rayons verts, rouges et jaunes. M. Bert fait observer que les rayons rouges et verts, traversant les feuilles, ne peuvent avoir aucune influence sur leurs élé- ments. Entre l'expérience de M. Sachs et celle de M. Bert, relative- ment à l’action des rayons bleus, il existe, on le voit, une contradiction absolue, et la question nous paraît loin d’être résolue par les faits que nous venons de citer. Ë Les recherches faites au sujet de l’action de la température sur l’ac- complissement de la fonction chlorophyllienne sont également insuifi- santes, et ce sujet demande à être étudié d’une façon complète. D'après M. J. Sachs, tandis que le Maïs germe à 9°,4 centigrades, il ne commence à produire des matières alimentaires nouvelles qu’au- dessus de 43 degrés centigrades. Au-dessous de cette température, la plantule cesse de se développer aussitôt après qu’elle a consommé les aliments contenus dans l’albumen de la graine. Dans la même plante, la chlorophylle apparaît entre des limites de température qui sont également différentes des limites assignées aux fonctions dont nous venons de parler; les feuilles verdissent au-dessus de 6 degrés centi- orades et au-dessous de 15 degrés centigrades. D’après Cloëz et Gra- tiolet, le dégagement d'oxygène produit à la lumière par le Pofamo- geton commence lorsque la température de l’eau atteint 15 degrés centigrades et cesse quand elle s’abaisse au-dessous de 10 degrés cen- tigrades. M. Sachs dit avoir observé à la lumière diffuse un dégagement de bulles gazeuses abondant dans le Vallisneria spiralis, l'eau ayant une température de 17°,5 centigrades; la température étant descendue à 8 degrés centigrades, les bulles devinrent plus rares, et à 6 degrés centigrades elles avaient cessé de se produire. Il est naturel d’ad- mettre que la limite de la température nécessaire à l’accomplissement de la fonction chlorophyllienne varie beaucoup d’une plante à l’autre, surtout si l’on se rappelle que les Mousses, les Lichens, beaucoup d'Al gues, etc. végètent vigoureusement même pendant l'hiver, mais il reste encore à faire des expériences positives. Tout ce que nous avons dit jusqu'ici de la fonction chlorophyllienne NUTRITION DES VÉGÉTAUX. 39 est que les parties vertes des végétaux, sous l'influence d’une lumière suffisamment intense et d’une température convenable, absorbent de l'acide carbonique et dégagent de l'oxygène. Mais ce n’est là, pour ainsi dire, que la manifestation palpable d’actes sans doute très-com- plexes qui s’accomplissent dans la profondeur du corpuseule chloro- phyllien, et il serait du plus haut intérêt de connaître la nature de ces phénomènes intimes, grâce auxquels la plante qui possède de la chloro- phylle peut se nourrir à l’aide de matériaux purement inorganiques, et notamment emprunter son carbone à l'atmosphère, tandis que les plantes incolores exigent pour leur nutrition des aliments plus com- plexes et ne peuvent emprunter le carbone qui leur est nécessaire qu’à des principes immédiats quaternaires ou tout ou moins ternaires. Tous les auteurs sont d'accord pour admettre que, dans l’intérieur du cor- puseule chlorophyllien, l’acide carbonique de l'air est décomposé, et que le carbone qui en provient se combine à l’eau et à d’autres prin- cipes puisés dans le sol pour produire des corps plus complexes, destinés à l’alimentation de la plante ; mais ni la nature des phéno- mènes chimiques qui se produisent alors, ni celle des corps complexes auxquels ils donnent naissance n’ont pu encore être découvertes par les chimistes, et nous ne pouvons exposer sur ce sujet que des hypothèses plus ou moins plausibles. D’après l'opinion la plus généralement répandue, le corpuscule chlo- rophyllien fabriquerait uniquement des hydrates de carbone, et surtout de l’amidon. Cette opinion, professée particulièrement par M. J. Sachs, est appuyée par son auteur sur un certain nombre de faits bien con- statés, mais qui, peut-être, ne conduisent pas forcément à une pareille conclusion. Le premier de ces faits, signalé d’abord par Hugo Mohl, confirmé depuis par beaucoup d'observateurs, el facile d’ailleurs à vé- rifier, est la présence à peu près constante d’amidon dans les corpus- cules chlorophylliens des plantes exposées à la lumière. Un second fait constaté par M. Sachs est la disparition de cet amidon lorsque la plante a été placée pendant quelque temps dans l’obscurité, sa réapparition dans les mêmes corpuscules chlorophylliens lorsqu'on expose de nou- veau la plante à la lumière, et enfin sa non-formation dans les plantes qu'on fait germer dans l’obseurité. Ces dernières, après avoir con- sommé tout l’amidon contenu dans les tissus des diverses parties de la graine, cessent d'en fabriquer tant qu’on les maintient dans l'obscurité, où nous savons qu'elles ne tardent pas à succomber d’inanition. D’après le même auteur, tout l’amidon qu’on trouve dans les divers üssus des végétaux, y compris celui qui s’accumule dans certains or- ganes de réserve, comme les tubercules des Pommes de terre, serait 40 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. fabriqué par le même procédé dans les corpuscules chlorophylliens sous l'influence de la lumière. Pendant la nuit, ou lorsque la plante est placée dans l'obscurité, l’amidon des corpuscules chlorophylliens serait dissous et transporté dans les diverses parties du végétal, soit pour y être consommé, soit pour y être mis en réserve. M. J. Sachs appuie cette manière de voir sur le fait que , « pendant toute la période de vé- gétation, certaines couches de parenchyme, dans les nervures, dans le pétiole, dans latige, et jusque dans les bourgeons, contiennent con- stamment de l’amidon; c'est évidemment la voie par laquelle ce produit de l’assimilation est amené jusqu'au point où il est employé à la erois- sance (1). » L'amidon produit dansles corpuscules chlorophylliens étant d’ailleurs dissous et entraîné dans d’autres parties du végétal, d’une façon inces- sante, il sera nécessaire, pour que les grains d’amidon deviennent vi- sibles dans le corpuscule chlorophyllien, que sa production soit plus rapide que la dissolution simultanée et la dispersion auxquelles il est soumis; en d’autres termes, il faudra que le gain de la granulation d’amidon soit plus fort que la perte. C’est ce qui a lieu pour le plus grand nombre des plantes lorsque la lumière est suffisamment intense. Si, au contraire, la lumière est faible, le gain diminuant tandis que la perte continue à être la même, les deux actes pourront s’équilibrer et le corpuseule chlorophyllien n'offrira pas de grains visibles d’amidon. Quant aux corpuscules chlorophylliens qui, au lieu d’amidon, con- tiennent des granulations de matières grasses, M. Sachs pense que la chlorophylle a produit d’abord de l’amidon, qui, aussitôt formé, s’est transformé en graisse. Il existe aussi certaines plantes, particulière- ment des Algues, dont les corpuscules chlorophylliens n’offrent jamais d’amidon, quelles que soient les conditions dans lesquelles la plante soit placée. M. Sachs pense que, dans ces cas, la chlorophylle, au lieu de fabriquer de l’amidon, produit directement de la glucose, qui, grâce à sa solubilité, se disperse à mesure qu'elle se forme dans le proto- plasma des corpuseules chlorophylliens et les liquides qui remplissent la cavité cellulaire, de façon à échapper à l'observation directe. En résumé, d’après M. 3. Sachs, dont la manière de voir est géné- (1) Pour expliquer comment l’amidon, dont l’insolubilité dans l’eau nous est bien connue, passe d’une cellule à l’autre, M. Sachs suppose que le grain d'amidon, formé dans le corpuscule chlorophyllien d’une cellule verte, devient d’abord soluble, peut-être par transformation en glucose, et traverse le végétal, soit sous cette forme ou une autre analogue, soit en 5e reprécipitant, dans chaque cellule, en petits granules qui vont s'ap- pliquer entre la membrane, y sont transformés et rendus solubles, puis traversent cette membrane pour passer dans la cellule voisine, où ils se précipitent de nouveau et se com- portent comme précédemment. NUTRITION DES VÉGÉTAUX. JA ralement admise aujourd’hui, les corpuscules chlorophylliens fabrique- raient toujours uniquement des hydrates de carbone. Quant aux phé- nomènes chimiques qui se produiraient alors dans la granulation chlorophyllienne, l’auteur avoue ne pas les connaître suffisamment. A l’appui de l'opinion que nous venons d'exposer, on pourrait invo- quer aussi l'expérience de M. Schützenberger, dans laquelle il a pu pro- duire « un véritable hydrate de carbone défini à l’aide de matières mi- nérales et par un procédé analogue à celui qu'emploient les végétaux, puisqu'il consiste essentiellement dans la mise en liberté du carbone en présence de l’eau. » D'après M. Gautier, le pigment chlorophyllien passerait successive- ment, en prenant et en perdant de l'hydrogène, à l’état de cL/orophylle blanche et de chlorophylle verte, la première plus riche et la seconde moins riche en hydrogène. Nous devons indiquer ici la façon dont il interprète les actes qui s’accomplissent dans les corpuscules chloro- phylliens. Après avoir rappelé que Guettard, en 1848, et, de nos jours, M. Dehérain, ont montré que l’évaporation aqueuse des plantes suit la loi de la décomposition de l’acide carbonique, et que la lumière jaune, qui produit le dégagement d'oxygène le plus actif, donne aussi, par des températures égales, la plus grande exhalation d’eau, il ajoute : « L’ex- tinction des rayons Jaunes par la plante met donc à sa disposition une certaine quantité de force vive, qui se transforme partiellement en cha- leur latente de vaporisation, en même temps qu’elle permet à la chlo- rophylle de décomposer l’eau qui imprègne son protoplasma, et qu’elle tend à activer les actions chimiques dont la chlorophylle ainsi hydro- génée va devenir l'agent. Or, le végétal trouve à sa portée de l'acide carbonique à l’état d'hydrate CO'EP, et agit sur lui comme un puissant réducteur en donnant très-probablement d’abord de l'acide formique. À son tour, l'acide formique provenant de l'acide carbonique hydraté peut être rédut par la chlorophylle hydrogénée ou chlorophylle blanche, de façon à donner de la chlorophylle déshydrogénée où chlorophylle verte et de l’aldéhyde méthylique COFP. » M. Gautier fait ensuite remar- quer qu'il y aurait hypothèse gratuite à admettre que la chlorophylle hydrogénée ne réduit sous l'influence des rayons solaires que l’hydrate normal d'acide carbonique COÆH°0, et qu'on doit, « pour ne point faire d'hypothèse sur la décomposition de l’eau et de l’acide carbonique dans les feuilles, admettre que la chlorophylle peut réduire par son hydro- gène les associations d’eau et d’acide carbonique diverses que met à sa portée la vie de la plante; » associations, d’ailleurs, très-nombreuses, et différentes, pour ainsi dire, dans chaque cellule du végétal. I montre que «tous les corps organiques ternaires peuvent se former par ce simple 42 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. mécanisme de la désoxydation par le grain de chlorophylle, plus ou moins profonde, suivant l'influence des rayons lumineux, des diverses associations d’eau et d’acide carbonique que le protoplasma laisse pé- nétrer jusqu'à l'organe de réduction. » Quoique M. Gautier pousse plus loin que M. Sachs les synthèses sus- ceptibles d’être accomplies par les corpuscules chlorophylliens, il s’ar- rête, on le voit, aux corps ternaires. Nous pensons cependant que les phénomènes chimiques accomplis dans le corpuscule chlorophyilien ne se bornent pas à la fabrication de principes immédiats de cet ordre ; nous croyons que les recherches des chimistes doivent être guidées par un esprit différent, et nous répé- terons ici ce que nous avons déjà écrit, il y a plusieurs années, dans notre article ALIMENTS DES PLANTES, du Dictionnaire de Botanique, de M. H. Baillon : «Il est probable qu'une partie des hydrates de carbone produits dans les corpuseules chlorophylliens est #ransformée, dans les points même de sa production, et par des procédés purement chimiques, en matières albuminoïdes solubles, qui représentent le véritable ali- ment plastique du végétal. » Nous admettons même très-volontiers que l’'amidon ou la graisse contenus dans les corpuscules ehlorophylliens ne sont produits ni directement ni indirectement par la combinaison du carbone et de l’eau, maïs résultent de la désassimilation du proto- plasma, qui forme le substratum des corpuscules chlorophylliens. Quant au carbone provenant de l'acide carbonique de l'atmosphère, nous sup- posons qu'il est combiné, dans les corpuscules chlorophylliens, et sous l'influence de la lumière, non-seulement à l’eau, mais encore à l'azote des azotates fournis par le sol, de façon à produire, soit directement, soit indirectement, mais avec assez de rapidité pour que nous ne puis- sions pas saisir les termes intermédiaires, des matières quaternaires so- lubles, qui sont utilisées en partie pour l'alimentation du protoplasma, sans cesse en voie de désassimilation simultanée, des corpuscules chlo- rophylliens, et sont en partie entraînées par la cireulation et transpor- tées dans toutes les parties du végétal, où elles servent à l’accroisse- ment du protoplasma des cellules. D'après cette manière de voir, qu'aucun fait actuellement connu ne nous paraît contredire, et à l’appui de laquelle nous pouvons invoquer un grand nombre d'observations jusqu'ici interprétées d’une manière différente, la synthèse qui s'accomplit dans les corpuseules chlorophyl- liens irait beaucoup plus loin qu'on ne l’admet aujourd’hui, puisqu'elle ne s’arrêterait qu'aux matières azotées albuminoïdes solubles, qui con- stituent l'aliment par excellence de toute matière vivante. La première objection qu’on peut nous adresser est que, dans les NUTRITION DES VÉGÉTAUX. 43 parties vertes exposées au soleil, on voit l’amidon ou la matière grasse se former rapidement dans les corpuscules chlorophylliens, d'où l’on conclut naturellement que cet amidon a été produit synthétiquement par le corpuscule chlorophyllien, à l’aide de la combinaison du carbone de l'acide carbonique atmosphérique avec l'hydrogène et l'oxygène de l’eau fournie par le sol. Mais il nous semble que le fait incontestable de la formation d’amidon dans le corpuscule chlorophyllien exposé à la lumière peut être interprété différemment. Rien ne nous empêche, en effet, d'admettre que cet amidon e$t, non pas un produit de synthèse, mais, au contraire, un produit d'analyse, résultant de l'oxydation et du dédoublement des principes azotés qui constituent le substratum des corpuseules chlorophylliens. Ne savons-nous pas, en effet, que les ma- tières azotées du protoplasma des cellules animales fournissent, par une série de dédoublements, des matières ternaires diverses ? N’est-il pas démontré qu'un animal, exclusivement nourri avec des aliments azotés, continue indéfiniment à fabriquer de la matière glycogène? Ne savons-nous pas que les matières azotées des muscles donnent indirec- tement, par oxydation, naissance au sucre des muscles ou inosite? etc. Rien donc ne nous empêche, en principe, d'admettre que l’amidon con- tenu dans les corpuscules chlorophylliens est un produit de désassimila- tion des substances azotées de la cellule hépatique. Les faits les mieux observés peuvent eux-mêmes être invoqués en faveur dé notre opinion. On sait, en effet, que le protoplasma des cor- puscules chlorophylliens diminue de quantité à mesure que les grains d'amidon augmentent, dans l’intérieur du corpuseule, en nombre et en volume, et M. Sachs a même cité des cas dans lesquels l’amidon finit par représenter seul le corpuscule chlorophyllien, dont le protoplasma et la matière verte ont disparu. On sait aussi que le pigment chloro- phyllien s’altère et diminue de quantité, tandis que s’accomplit la fonc- tion chlorophyllienne, et qu'il ne persiste qu’à la condition d’être sans cesse régénéré. Ce pigment, qui est une matière azotée non albumi- noïde, ne pourrait-il pas être considéré comme un intermédiaire entre les matières albuminoïdes du corpuscule chlorophyllien et les matières ternaires qui se forment dans la profondeur de ce dernier? Ne pourrait- il pas être l’un des produits de la désassimilation du protoplasma, des- tiné, en se dédoublant, à donner lui-même naissance à des produits plus inférieurs et plus simples, en même temps qu'une partie de ses principes constituants serait utilisée, sous l'influence de la lumière, pour produire des matières azotées nutritives ? On admet universellement que les végétaux, tant verts qu'incolores, sont susceptibles de fabriquer des matières quaternaires albuminoïdes, LA REVUE INTERNATIONALE DES SCLENCES. en combinant des corps ternaires avec des azotates minéraux, et l’on pense que l’amidon, premier produit de synthèse du corpuseule chlo- rophyllien, est ensuite employé à la fabrication des matières azotées du protoplasma, à l’aide d’une deuxième synthèse plus élevée que la première, à l’accomplissement de laquelle le corpuscule chlorophyllien n'est plus nécessaire. Îl paraît en effet démontré par les expériences de M. Pasteur et par celles de M. Raulin, que les végétaux incolores sont susceptibles de se nourrir à l’aide de matières ternaires et d’azo- _tates, ce qui fait supposer qu’ils unissent ces principes pour en former les matières albuminoïdes de leur protoplasma, et les chimistes ont pu fabriquer artificrellement, avec l’aide de la chaleur, des matières azo- tées, par un procédé analogue. Ces faits invoqués actuellement par les botanistes à l'appui de lPhy- pothèse que l’amidon de réserve des végétaux est employé par les jeunes organes à la fabrication des matières albuminoïdes, ne pouvons- nous pas aussi bien les revendiquer en faveur de notre opinion que le corpuscule chlorophyllien fabrique directement, ou du moins par l'in- termédiaire de termes qui nous sont inconnus à cause de leur rapide succession, des matières azotées solubles, qui à leur tour, en se désassi- milant, donneraient naissance à des principes de moins en moins riches en azote et de plus en plus riches en oxygène, ainsi que cela se passe dans les animaux? La chaleur est, nous venons de le voir, nécessaire à la production des matières azotées, à l’aide des matières ternaires et des azotates ou de l’ammoniaque; or, la fonction chlorophyllienne exige, pour s’ac- complir, non-seulement de la lumière, mais encore une chaleur suffi- samment intense, plus intense même que celle qui est nécessaire à la formation de cellules nouvelles. On sait cependant que c’est pendant la nuit, c’est-à-dire à l'abri de‘la lumière et par une température rela- tivement faible, que les cellules se multiplient dans la plupart des végé- taux, et l’on sait aussi qu’à ce moment les grains d’amidon contenus dans les organes verts disparaissent, ce qui à conduit à penser qu'ils sont utilisés dans la production des nouveaux tissus. Si l’on admet que, dans ces conditions relativement défavorables de température, les cel- luies végétales peuvent fabriquer des matières albuminoïdes, à l’aide des hydrates de carbone préalablement formés et des azotates conte- nus dans la plante, pourquoi n’admetirait-on pas que le même phéno- mène se produit dans les corpusecules chlorophylliens exposés à la lumière et à la chaleur du soleil? En second lieu, si la formation de matières azotées albuminoïdes peut être effectuée à l’aide de principes fixes, comme l’amidon et la graisse, ne pourra-elle pas être produite NUTRITION DES VÉGÉTAUX. 45 plus facilement dans les corpuseules chlorophylliens à l’aide de prin- cipes naissants, à existence assez passagère pour que nous ne puissions pas la constater? Liebig, dont l’autorité ne peut être contestée, semble avoir bien saisi ces faits : « Les opérations chimiques dont la plante est le théâtre ne produisent, dit-il (Ann. der Chem. und Pharm., 1864, CXXI, 177), aux dépens des matériaux inorganiques (acide carboni- que, eau, ammoniaque, acide phosphorique, acide sulfurique, alealis, terres alcalines, etc.), qu'une seule combinaison azotée et sulfurée du groupe de l'albumine, et une seule combinaison non azotée du groupe des hydrates de carbone. » M. Sachs lui-même, tout en admettant que l’amidon est toujours un produit de synthèse des corpuscules chlorophylliens, et que toutes les matières albuminoïdes de la plante se forment par combinaison de cet anidon avec l'azote des azotates fournis par le sol, admet que « Ze pro- toplasma des jeunes cellules n'a pas la propriété de produire lui-même des substances protéiques par assimilation, aux dépens de combinai- sons organiques. » « Cela, ajoute-t-il, ne pourrait, en effet, pas se faire sans élimination d'oxygène », et l’on sait que les jeunes cellules encore incolores des tissus en voie de formation n’éliminent pas d'oxygène. M. Sachs admet, au contraire, que « le protoplasma des jeunes cellules tire son albumine toute faite des tissus plus âgés. » Mais, s’il est vrai que dans les plantes vertes les Jeunes cellules, c’est- à-dire les éléments doués de la vitalité la plus considérable, sont inca- pables de faire la synthèse des substances albuminoïdes, s’il est vrai qu'elles empruntent ces principes aux organes de réserve, où donc s'effectue la synthèse des matières albuminoïdes? Est-ce dans les or- ganes de réserve ? Mais ces organes ont une vitalité bien moindre que les tissus jeunes ; ils ont bien moins que les organes verts, à leur dis- position, la chaleur que nécessite cette synthèse. Il y a donc bien des probabilités pour que ce soit dans les organes verts que s'effectue la synthèse des matières albuminoïdes, puisque c'est là qu'elle trouve les conditions les plus favorables à sa production. Si c'est là qu'elle se produit, et M. Sachs lui-même n'est pas très- éloigné de le croire lorsqu'il écrit en parlant des matières albumi- noïdes : « Quant à leur origine, nous ne pouvons dire positivement si elles sont produites dans les feuilles et simplement charriées depuis là jusqu’au point de végétation, » si, dis-je, c’est dans les parties vertes que se fait cette synthèse, par quel procédé peut-elle s'effectuer? Est-ce, comme l’admettent tous les botanistes avec M. Sachs, par combinaison des hydrates de carbone fixes, tels que l'amidon et le sucre, produits synthétiquement par les corpuscules chlorophylliens avec l’azote des 46 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. azotates du sol? Nous nous garderions bien de le nier; mais M. Sachs lui-même rend ce procédé de synthèse impossible, en affirmant que lPamidon formé dans les corpuscules chlorophylliens est dissous pendant la nuit et transporté dans les diverses parties de la plante, et notam- ment dans les organes de réserve. Or, nous venons de voir qu'il est peu probable que ce soit dans les organes de réserve que se fasse la syn- thèse des matières albuminoïdes. Si done on admet que ce n’est pas dans les feuilles que l’amidon des corpuscules chlorophylliens est em- ployé sur place à la synthèse des matières albuminoïdes, ces matières ne pouvant se former que dans les organes verts, nous sommes forcé- ment conduits à admettre qu'elles se forment par le procédé dont nous avons parlé, c’est-à-dire directement ou du moins à l’aide d’une série de termes intermédiaires si fugaces qu'ils sont insaisissables. Enfin, si l’on objecte à l'opinion que nous venons d'émettre qu'elle est purement hypothétique, il nous sera facile de répondre que l'opinion opposée n’est également qu'une hypothèse, sur laquelle la nôtre a cet avantage de simplifier les phénomènes, en établissant une analogie de plus entre les animaux et les végétaux. Nous savons, en effet, que les animaux dépourvus de chlorophylle n’ont pas la propriété de fabriquer des matières albuminoïdes ; nous savons aussi que les végétaux inco- lores ne peuvent pas non plus fabriquer ces matières à l'aide de maté- riaux inorganiques, et que s’ils en font la synthèse à l’aide de matières ternaires et d’azotates, ce n’est que dans des conditions spéciales et défavorables à leur alimentation. Nous savons, au contraire, qu’ani- maux et végétaux incolores fabriquent des quantités considérables de matières ternaires, par désassimilation de leurs matières azotées. Nous sommes ainsi conduits à voir, dans la fonction chlorophyllienne, l'instrument véritable de la synthèse des matières albuminoïdes, et nous sommes amenés à considérer tous les hydrates de carbone con- tenus dans le végétal, non pas comme des produits de la synthèse chlo- rophyllienne, ainsi qu'on l’admet aujourd’hui, mais, au contraire, comme des produits de désassimilation des principes quaternaires du végétal. Leur production serait analogue à celle de la graisse et de la matière glyeogène des animaux, qui, comme on le sait, peuvent se pro- duire avec une alimentation complétement privée de matières ternaires, et par conséquent résultent d’une désassimilation des principes qua- ternaires des éléments dans lesquels elles se forment. Nous comptons établir cette manière de voir sur des faits précis, à l’aide d’une série d'observations et d'expériences qui nous oceupent en ce moment, J.-L. DE LANESSAN. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. LT REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. Analyse de deux mémoires sur les Noctiluques, Par M. G. CARLET. Le 31 septembre dernier paraissaient, dans le Journal d’Anatomie, des Æecherches de M. Ch. Robin sw la reproduction gemmipare et fissipare des Noctiluques. Le 40 novembre, les Archives de Physialogie contenaient des Re- cherches histologiques et physiologiques sur les Noctiluques, dues à M. W. Vignal. Il nous a paru intéressant de présenter un court résumé de ces deux mé- moires. Les Noctiluques sont, comme on le sait, des Protozoaires marins dont les plus gros ne dépassent guère un demi-millimètre et qui rendent la mer phospho- rescente. Ces corps, de forme sphérique, offrent des différences d'aspect suivant la portion de leur surface qui est tournée vers l'observateur. À l’un des pôles, se montre une dépression infundibulaire, à l'extrémité de laquelle se voit une bouche. L'existence de cette dépression entraïne!la formation d’un pli qui se pro- longe en se contournant sur l'hémisphère opposé où il se termine en pointe. C’est une rainure et non une fente, comme l'avait prétendu Verhaeghe. Vignal compare cette dépression à celle que l’on observe sur les abricots. Le tégument (enveloppe) est finement grenu et simple. Près de la bouche et un peu au-delà de l'extrémité du pli tégumentaire se trouve un organe dési- gné par Suriray sous le nom de tentacule et que Vignal appelle à tort le fla- gellum. Ce dernier nom doit être appliqué à un cil observé déjà par Krohn et Buxley, mais que Vignal n’a pas su retrouver. Robin décrit et figure ce fla- gellum : il est situé entre l'organe basilaire du tentacule et l'ouverture orale, mais n'est visible qu’autant que la dépression infundibulaire est étalée. Le fla- gellum a une longueur de 02%,060 et une épaisseur de 022,001 ; Robin a observé que les mouvements de cet organe ciliaire n’en impriment aucun au corps de l’animal. — Ainsi, le flagellum existe et est indépendant du ten- tacule. Ni Robin ni Vignal n’ont observé l'existence de l’anus admis par Huxley : il parait donc bien démontré aujourd’hui que les résidus alimentaires sont rejetés par l'ouverture orale, qui est le seul orifice que présente le corps des Noctiluques. Le contenu de la cellule que représente la Noctiluque se compose d’un corps cellulaire où masse protoplasmique centrale et d'un noyau. De cette masse partent de fins filaments sarcodiques qui traversent la cavité du corps, remplie d’un liquide incolore hyalin. Ces filaments sont animés de mouve- ments lents ; 1ls présentent des vacuoles et des granulations. = Huxley avait décrit chez les Noctiluques des estomacs permanents qui très- 48 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. certainement n’existent pas : ce sont des vacuoles de nombre et de volume va- riables, qui se déplacent dans l’intérieur du corps sous l’influence des mouve- ments du protoplasma. Ces vacuoles renferment des diatomées ou autres corpuscules alimentaires, mais elles ne représentent que des estomacs em- poraires. Au sujet de la contractilité des Noctiluques, il y a désaccord complet entre les résultats de Robin et ceux de Vignal. D'après Robin il n’y aurait rien d’a- nalogue, chez les Noctiluques, à la contractilité musculaire, 11 dit, en effet, avoir constaté, avec Cadiat, que « les courants d’induction restent sans in- fluence aucune sur les contractions du tentacule, malgré son état strié, sur celle du flagellum et sur celle du contenu sarcodique. » Vignal est, au contraire, convaincu de la nature musculaire du tentacule. € À la clôture et à la rupture du courant, dit-il, le flagellum (tentacule de Robin) se contracte suivant son mode habituel; la contraction est plus rapide et plus énergique à la rupture. Lorsque je faisais agir un courant induit à in- terruptions fréquentes, le flagellum entrait en contraction tétanique et restait dans cet état pendant trois ou quatre minutes, puis il se détendait peu à peu sous l'influence de la fatigue.» Il y aurait donc, d’après Vignal, « analogie des contractions du tentacule avec celles que présentent les muscles de la vie ani- male.» Quoi qu'il en soit, les mouvements du tentacule n’impriment jamais à la Noctiluque un mouvement de translation ; ils se bornent, comme l'avait déjà dit Suriray, à la faire osciller sur place. Quant au phénomène de la phosphorescence, il serait dû, d’après Vignal, à une propriété de la masse protoplasmique, à l'exclusion des autres parties du corps. : On sait que la phosphorescence atteint son maximum par l'agitation de l’eau; c'est là, toujours d’après Vignal, un effet dont la cause est la seule ir- rilation mécanique des Noctiluques: l'expérience lui a démontré, en effet, que si l'oxygène intervient dans le phénomène, c'est comme agent nécessaire à la vie et non comme oxydant. Le même auteur, en étudiant l'influence de la chaleur sur la photogénie, a observé qu'une température de 37 degrés augmente la phosphorescence et surtout la rend plus persistante, tandis qu'une température de 39 degrés tue presque immédiatement les Noctiluques. Enfin, Vignal prétend que l’électricité fournie par une pile de Grenet ou par un appareil d'induction à chariot n’augmente ni ne diminue l'éclat de la lumière émise par les Noctiluques, résultat contradictoire avec ceux obtenus aupara- vant par MM. de Quatrefages, Robin et Legros. | | Vignal ne s'étant pas occupé de la reproduction des Noctiluques, nous nous bornerons à analyser rapidement la partie très-détaillée du mémoire de Robin qui à trait à cette importante question. 1° Reproduction gemmipare. — C’est le mode le plus commun et le plus ra- pide de multiplication. La gemmiparité ne s'effectue que sur les individus adultes ayant en moyenne un diamètre de 02,5 : elle est précédée de la chute du tentacule et du flagellum, avec rétrécissement graduel de la bouche jusqu’à oblitération complète, Il se fait d’abord une scission du noyau et du corps cel- REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 49 lulaire par 2, 4,8, 146, 32,...512 divisions, qui demandent environ douze heures pour s'effectuer. Les gemmes forment alors un disque irrégulièrement ova- laire : un long flagellum se détache de la face concave de chacune d'elles, et celles-ci se séparent, une à une, et progressent rapidement par les ondulations et inflexions de leur flagellum. 2 Reproduction fissipare. — Comme la précédente, elle n’a lieu que sur des individus adultes ayant perdu leur tentacule et leur flagellum. La scission s’ac- complit toujours suivant le plan qui passe par le pli dorsal et le milieu du corps cellulaire. La noctiluque s’étrangle en bissac et, au bout de deux heures, prend l'apparence de deux sphères accolées. Le corps cellulaire se divise en deux et la scission commence par le noyau ; en même temps la matière sarco- dique se partage comme par étirement. La fente buccale se trouve conservée sur chacun des nouveaux individus, avec une des lèvres antérieurement exis- tantes et une nouvelle ; une dépression infundibulaire se dessine au niveau de la bouche qui, avec le corps cellulaire, est tirée vers le centre du corps de cha- cun des deux nouveaux individus. Cette particularité est suivie de la séparation des deux individus. « J'ai rencontré trois fois, dit Robin, des noctiluques qui sont restées ac- colées deux à deux, bouche à bouche, pendant deux ou trois heures, sans que j'aie pu constater aucune résorption de paroi, ni fusion de leurs contenus cel- lulaires en un seul, ainsi que le décrit Cienkowski. Le tentacule et le flagellum des deux individus sont restés mobiles dans chaque cas pendant toute la durée de cet accolement. Je ne peux donc rien dire de précis sur la réalité de la co- pulation de ces animaux, comme phénomène antécédent, par rapport à leur gemmiparité et à leur fissiparité. La production d'œufs, tant mâles que fe- melles, l'évolution en un mot, n’a jamais été observée dans ces Protozoaires.» G. CARLET. À propos d'un squelette monstrueux de batracien anoure, (AL. OBSTETRICANS, Wagler.) Par Fernand LaïrasTr, Répétiteur à l'Ecole pratique des hautes études. En peu de mots je décrirai l’anomalie dont il s’agit, et j'indiquerai les consé- quences philosophiques, il est vrai plus importantes que nouvelles, qui me pa- raissent devoir en être déduites. Mais je crois utile d'exposer préalable- ment, sur la structure de l'axe rachidien des batraciens anoures, quelques notions différentes en certains points de celles que l’on pourrait trouver dans les ouvrages généraux. Les auteurs comptent dix vertèbres dans le squelette des batraciens anoures, attribuant la valeur d’un métamère à la pièce coccygienne terminale. S'il en T. III. — N0 4, 1879. # 50 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. paraît une de moins chez le Pipa, cela tient, et il suffit d’un simple coup d'œil pour s’en convaincre, à la soudure des deux premières. Chez le plus grand nombre des anoures {mes Zxvogyrinidæ) (4), les vertèbres sont procæliennes, tandis qu’elles sont opisthocæliennes chez les autres (mes Mediogyrinidæ). En tout cas, la neuvième ou sacrée ne paraît jamais bicon- cave, ainsi que le veut Claus (7raité de Zoologie, trad. française, p. 880); mais elle porte à sa partie postérieure un (Zombinator, Pelodytes) ou deux (Rana, Bufo, Hyla, Discoglossus, Alytes), condyles, reçus dans une ou deux cavités correspondantes du coccyx, ou est soudée avec celui-ci (Pelobates, Pipa, Dactylethra). L’atlas seul est dépourvu d’apophyses transverses. Chez le Pipa cependant ces apophyses existent et sont soudées avec celles de la vertèbre suivante. La forme, la direction, le développement de ces os varient suivant l’espèce de l’ani- mal et le rang de la vertèbre. Cependant ceux des deuxième, troisième et quatrième rangs paraissent toujours les plus développés, et, chez quelques espèces d'Europe (Wediogyrinidæ), ils s’articulent avec des côtes véritables, quoique rudimentaires. D'ordinaire la neuvième vertèbre s'articule seule avec los iliaque, mais cette règle n’est pas absolue. Quelquefois la région sacrée comprend aussi une ou deux des vertèbres précédentes, une par exemple chez Platosphus Gervaisi de l’Isie, du gisement pliocène à Ælephas meridionalis de Durfort dans le dépar- tement du Gard ; et deux chez Palæobatrachus Goldfussi Tschudi, des lignites miocènes de Rott, près Siebengebirge, dans la Prusse rhénane. D’autres fois, comme cela se voit chez le Pipa, le coccyx lui-même émet à sa partie anté- rieure deux larges diapophyses qui se soudent avec celles de la vertèbre sacrée, et vont aussi s’articuler avec les ilions. Quelque chose de semblable s’observe à un moindre degré dans le coccyx du Pélobate brun, dont la partie antérieure s'étale plus ou moins avant de se souder à la vertèbre précédente, sans cepen- dant jamais atteindre l'articulation ilio-sacrée. Le coccyx, d’ailleurs, n'offre pas absolument la même forme chez les di- verses espèces. Îl a, le plus souvent, l'aspect d’un style osseux, dépourvu de toute apophyse. il se présente ainsi notamment dans les genres Æana, Pelo- dytes, Bufo, Hyla. Gependant j'ai, dans ma collection, un squelette de Zufo vulgaris O', dont le coccyx porte, à droite, une longue diapophyse ; et Ley- dig (2) a signalé la même anomalie chez Bufo véridis, Laur. Normalement, le canal neural se poursuit dans la partie antérieure du coc- cyx, et l’on peut retrouver une paire de trous de conjugaison sur les côtés de cet os: ceux-si se montrent très-nettement sur mon squelette anormal de Bu/fo, surtout du côté de l’apophyse, immédiatement derrière elle. De ces faits, com- (4) Voir ma classification des Anoures d'Europe, n° 42 de la Revue. Je n’appliquais alors qu'aux Ranijformes D. B. ma division en Lævogyrinidæ et Mediogyrinidæ; des consi- dérations qui seront développées ailleurs m’ont engagé depuis à l’étendre à l’ordre entier des Anoures. (2) Die anuren Batrachier der deutschen Fauna, p.34. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 51 ment ne pas ürer cette conclusion, qu'une partie seulement du coccyx chez Rana et Bufo correspond à une vertèbre, et qu’il faut compter dans cet os au moins deux métamères (1)? Je remarquerai en passant que le retour à la forme primordiale, dans le cas précité, ne s’est pas borné à l'apparition d’une apophyse transverse sur le pre- mier segment du coccyx. La vertèbre sacrée a simultanément remplacé les deux condyles postérieurs qui lui sont propres, dans le genre Zu/fo, par un seul condyle, reprenant ainsisa forme simplement procæélienne commune aux vertèbres des autres régions. Mais revenons à notre sujet, De ce que nous disions tout à l'heure, nous devons conclure que, dans les genres Rana, Pelodytes, Bufo, Hyla, le nombre total des vertèbres est de onze et non de dix. Il me paraît en être de même dans le genre Pelobates, malgré la brièveté du style coccygien soudé au sacrum. De même, à plus forte raison, dans les genres Discoglossus Bombinator, A lytes, dont le coccyx porte constamment une paire d’apophyses dirigées en arrière, apophyses que l’on pourrait prendre, d’après la forme qu’elles présentent, sur- tout chez Bombinator, pour des apophyses articulaires postérieures; mais qui sont plutôt des apophyses transverses, à moins qu’elles ne représentent les unes et les autres non encore différenciées. Je ne crois pas d’ailleurs qu'il faille attacher un sens absolu à cette théorie. Tout ce qu'il me semble permis de dire, si l’on ne veut pas aller au-delà des faits, c'est que le rachis des batraciens se compose de neuf ou dix vertèbres plus ou moins différenciées, et, en outre, d’un axe terminal encore indivis, trace peut-être d'un état antérieur à la division métamérique. - $ 9 CPE N Nous pouvons maintenant aborder l’objet principal de cette note. Les figu- res À et B représentent la portion terminale du rachis d’A{ytes obstetricans : (1) Chez Palwobatrachus Goldfussi, dont il a déjà été question, les septième, huitième et neuvième vertèbres, qui constituent le sacrum et s’articulent avec l'os iliaque, sont suivies d’une dixième vertèbre, parfaitement distincte du style coccygien. 0) REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. À dans un squelette normal, B dans le squelette monstrueux dont il s’agit ici. Les numéros 8 et 9 désignent les huitième et neuvième vertèbres, et les nu- méros 10, 14 et 12 indiquent les trois métamères suivants. Mieux qu’une longue description, un simple coup d'œil jeté sur ces figures compara- tives, montrera en quoi consiste ici l’anomalie : la diapophyse droite de la vertèbre sacrée ayant subi un arrêt de développement, l’apophyse correspon- dante d’une vertèbre supplémentaire a pris sa forme et joué son rôle. Tel est le fait que je tenais à signaler. Il prouve bien clairement que la forme générale de l'espèce ne dépend pas des formes affectées par ses organes et n’est pas une simple résultante de celles-ci; mais qu’au contraire la forme de chaque organe est déterminée par la nécessité de concourir à la forme générale. Dans le cas actuel, il fallait nécessairement une apophyse largement dilatée à droite du coccyx pour l'articulation ilio-sacrée, et cette apophyse n'ayant pas été fournie par la vertèbre sacrée, l’a été par une nouvelle vertèbre créee exprès pour cette fonction. Sans doute le phénomène n’est pas aussi simple que nous le présentons, et celte modification de la charpente osseuse a dû entrainer des modifications correspondantes dans tous les autres systèmes de l'organisme; mais cela importe peu ici. La règle que nous formulions tout à l’heure n’en est pas moins exacte. Du reste, l'an dernier, en exposant la structure histologique du cœur des vertébrés, M. Ranvier, dans son cours du Collége de France, àarri- vait à des conclusions semblables, et établissail que la forme d’un organe n’est pas déterminée par celle de ses éléments, mais qu’au contraire la forme des éléments est dominée par celle de l'organe qu'ils composent. Nous pourrions trouver bien d’autres arguments, et citer, à lappui de cette conception, par exemple les cas de symétrie purement extérieure que l’on observe si fréquem- ment chez les êtres vivants ; ou bien encore la variabilité numérique des par- ties similaires dans les organismes où elles sont très-nombreuses, des vertèbres par exemple, ou des gastrostéges, dans une espèce donnée d'ophidien. C'est ainsi que nous voyons un édifice s’élever d’après un plan tout à fait indépendant de Ja forme des matériaux qui le composent, et les matériaux, au contraire, recevoir telle ou telle forme suivant la place qu'ils doivent occuper daus l'édifice. Certes, je ne prétends pas que cette comparaison soit parfaite- ment juste, et je ne crois pas que l’ordre, d’ailleurs très-imparfait, que nous observons dans la nature, soit l’œuvre d’un architecte suprême. Je constate simplement cet ordre là où il existe; et, je crois, me trouvant en cela tout à fait d'accord avec l’école positiviste, que les lois physico-chimiques ne sont pas seules à régir les phénomènes biologiques; mais que ceux-ci sont soumis en- core à d’autres lois qui leur sont propres. Telle est, par exemple, la loi d’hé- rédité, en vertu de laquelle les fils ressemblent aux pères; et cette loi morpho- logique, en vertu de laquelle, ainsi que nous l’avons vu tout à l'heure, cette ressemblance s'applique, ea ce qui concerne la forme, d'abord à l’ensemble de l'être, puis à ses organes, et enfin, à ses éléments. Fernand LATASTE. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 53 Recherches sur les Bactéries. INSTRUCTIONS POUR ÉTUDIER, CONSERVER ET PHOTOGRAPHIER LES BACTÉRIES (1), Par le docteur Kocx. Dans les dernières années de notables améliorations ont été introduites dans l'étude des Bactéries. Ainsi la coloration par l’hématoxyline, perfec- tionnée par le docteur Weiïgert, a puissamment contribué à faire reconnaître l'existence de Bactéries daus les tissus animaux. Le docteur Salomonsen a re- commandé une manière particulière de cultiver les Bactéries dans de longs tu- bes capillaires en verre, au moyen desquels on réussit à isoler plus ou moins les formes différentes des Bactéries, dans le sang en décomposition. Notre connaissance de la croissance des Bactéries dans le corps animal et surtout dans les liquides septiques a fait des progrès par la méthode d’inoculation améliorée et souvent modifiée, et surtout par le choix de la cornée pour y pra- tiquer l’inoculation. Cependant il reste à vaincre plusieurs obstacles, qui nui- sent à l'étude des Bactéries. Les plus grandes difficultés proviennent de la petitesse, de la mobilité, de la forme simple des Bactéries, de leur manque de coloration et de réfrangi- bihité. Quand même il y aurait des Bactéries encore plus petites que celles qu'on a trouvées jusqu'à ce jour, leur exiguité n’empêcherait pas de les reconnaitre, au moyen des plus forts systèmes d'immersion, car plusieurs systèmes de lignes encore très-nettement discernables sur des valves de Diotomées, sont bien plus fines que le dessin d’an groupe des plus petites Bactéries. Ce n’est que parce que ces corps minuscules, sans contours bien nets, sont toujours dans un état de mouvement très-rapide autonome, et incessant, qu'ils sont si difficiles à étudier. Dans un groupe de Bactéries, il est à peu près impossible de fixer un indi- vidu de manière à pouvoir le mesurer exactement, ou à en faire un dessin satisfaisant. Tantôt le bâtonnet minuscule ou la petite boulette s'échappe laté- ralement et disparaît sous le groupe serré des autres Bactéries, tantôt il s'élève au-dessus ou plonge en dessous du niveau du point optique. Même lorsque les Bactéries se trouvent réunies-en masses immobiles de Zooglæa, elles n’ont pas l'apparence de corps nettement déliminés ; à cause de leur peu de réfran- gibilité, elles ressemblent bien plutôt à un nuage, dans lequel on a de la peine à reconnaitre les bâtonnets ou les boulettes dont il est composé. À cause de ces difficultés inhérentes à la nature même des Bactéries, on ne possédait jusqu'à présent aucun procédé pour les conserver avec leur forme et leur position naturelles, en dehors des tissus animaux, et d’en faire des dessins sans altérations volontaires ou involontaires. Je n’ai pas besoin d’insister sur la nécessité pour l’étude de posséder des col- lections de préparations microscopiques, et sur l'utilité de joindre aux com- (1) In Beiträge zur Biologie der Pflanzen, de F. Cohn, Il; Heft III, p. 399. 54 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, munications de découvertes intéressantes des préparations soigneusement conservées. Que d'observations incomplètes et que d'opinions erronées sur ce que les Bactéries font ou ne font pas n'auraient pas été publiées, si chacun, par des préparations probantes, avait fait voir à d’autres chercheurs ce qu'il avait observé ! Si l’on pouvait trouver le Spirochæte plicatilis ou le Sprrochæte du tartre des dents, dans des collections de préparations microscopiques, et si l’on pou- vait apprendre facilement à connaître leurs formes particulières, il ne serait plus possible de mettre en doute leur existence, comme cela a été fait encore tout récemment, ni de confondre les derniers avec les Spirochæte du typhus récurrent. Pour d’autres objets qui ne se laissent pas conserver, on peut avoir recours au dessin, mais cet expédient n’est guère applicable aux Bactéries. Il parait d’abord incroyable que des corps de formes si simples ne soient pas faciles à reproduire par le dessin, et cependant cela est vrai. Même pour les plus grandes Bactéries, il faut faire attention aux moindres différences de taille, et les traits du dessin doivent être si fins et si doux, que la reproduction fidèle des Bactéries exige les plus grands soins. Il est même douteux qu’il soit possible de dessiner les plus petites formes de manière que le dessin rende fidèlement l’ori- ginal, et ne donne pas lieu à des méprises. La plupart des dessins ne sont que des esquisses et négligent si totalement les proportions de grandeur, qu'il est impossible de s’en servir pour les comparer avec des exemplaires réels. Beau- coup sont faits si négligemment, qu'on ne saurait dire si l’auteur a jamais vu de vraies Bactéries. Il est clair que de pareils dessins ne peuvent pas servir pour décider des points douteux. Pour vaincre les obstacles que je viens d'indiquer, j’ai employé un procédé qui se résume en ceci : une couche très-mince du liquide contenant des Bac- téries est desséchée sur le covret pour fixer les Bactéries dans un même plan; cette couche est traitée par des matières colorantes et humectée pour ramener les Bactéries à leurs formes naturelles et pour les rendre plus distinetement visibles ; cette préparation est mise ensuite dans un liquide où elle se conserve, et, finalement, photographiée pour en avoir des reproductions fidèles. Je vais maintenant entrer dans quelques détails : [. Dessiceation. —I est très-facile d'étendre une couche très-mince de Bacté- ries sur le covret. Après s'être convaincu qu’un liquide contient des Bactéries, et après en avoir étudié les formes et les mouvements, on prend, avec la pointe du scalpel, une gouttelette du liquide, par exemple du sang altéré, du tartre des dents, la couche supérieure d’infusions en putréfaction, etc , et on l’étend dans un cercle d'environ un demi-centimètre, en une couche aussi mince que possible. On fait bien de mettre alors le covret sur un porte-objet creux, pour se rendre compte si la gouttelette contient en grand nombre les formes qu’on veut observer. Plus le liquide est consistant, plus on doit prendre la gouttelette petite, et il est avantageux de la disposer alors en raies sur le covret. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 55 Il est toujours facile de faire la couche de la matière assez mince pour que les Bactéries, les corpuscules du sang, etc., ne soient pas superposés, mais séparés par de petits intervalles. Plus la couche est mince, plus vite elle sèche. Ordinairement on peut poursuivre le travail au bout de quelques minutes. On laisse sécher un peu plus longtemps, s'il se peut pendant quelques heures, les liquides albumineux, surtout le sang. En se bornant à préserver de la poussière les covrets ainsi préparés, on peut les conserver pendant des semaines et même des mois, sans que les Bactéries desséchées se modifient. Je me suis fait faire une boîte pour vingt covrets, disposée comme les boîtes qu’on emploie pour conserver les préparations microscopiques ; Je l'ai toujours avec moi, et je suis toujours à même, quand l’occasion se présente, de recueillir des échantillons des liquides dont je veux étudier les Bactéries. On peut ainsi parfaitement faire voyager des covrets avec des Bactéries desséchées. J'ai reçu, par exemple, par l'intermédiaire du professeur F. Cohn, du docteur Albrecht, à Pétershourg, des covrets avec du sang desséché d’un homme atteint de typhus récurrent, et j'ai pu me servir de ces échantillons pour photographier les Spzrochæte qui s'y trouvaient (voy. pl. XVI, fig. 7-8, du mémoire original). La dessiccation rapide offre cet autre avantage qu’elle empêche qu'entre le moment de la récolte du liquide et celui où on l’étudie, d’autres espèces de Bactéries y pénètrent et s’y développent, comme cela est sans doute déjà ar- rivé avec d’autres manières de procéder. On a fait naturellement l’objection que la forme des Bactéries devait nota- blement être changée par la dessiccation, comme nous le savons par expé- rience, d’autres objets microscopiques. Moi-même je l’ai cru d’abord, et j'espérais seulement pouvoir leur rendre leur forme imaginaire en les humec- tant de nouveau. Mais, dès les premiers essais de ce genre, je vis, à mon grand étonnement, que les Bactéries ne se rétrécissent pas comme la plupart des in- fusoires, des monadeset des plantes microscopiques, mais qu’elles se dessèchent comme des corps complétement rigides et qu’elles s’attachent au verre par une enveloppe mucilagineuse qui les entoure, sans changer de dimensions en lon- gueur et en grosseur. Il est aisé de vérifier que les choses se passent ainsi, et que chaque Bactérie possède une enveloppe mucilagineuse, ordinairement invisible, à l’aide d’autres faits, comme la formation des Zooglæa, mais on peut s’en convaincre immé- diatement après la dessiccation, parce que chaque corps de Bactérie est envi- ronné d’une bordure hyaline nettement déliminée, plus ou moins facilment reconnaissable, suivant la nature du liquide dans lequel elle dessèche. Il est vrai qu’en se desséchant, le hquide danslequel setrouventles Bactéries, recouvre celles-ci presque toujours d’une couche colloïde ou cristalline, de manière qu'on ne peut les discerner que difficilement ; mais au bord de la gouttelette desséchée on trouve très-souvent des exemplaires isolés, qui permettent de se convaincre facilement que la dessiccation ne change pas les formes des Bacté- ries. Les seules variations notables qui se présentent sont l’aplatissement des masses sphériques, lobées ou ramifiées de Zooglæa, et la transformation des ‘corps hélicoïdes en une ligne ondulée. Cet inconvénient est facilement évité en 56 REVUE INTERNATIONALE DES SCILNCES. faisant dilater la préparation de la mauière que je vais expliquer, immédiate- ment après que la dernière trace d'humidité à disparu sur le covret. L’enve- loppe mucilagineuse des Bactéries se gonfle alors de nouveau, et permet aux tas de Zooglæa el aux spirales de reprendre leurs premières formes. A l'appui de ce que je viens de dire, je renvoie à la figure photographique de la Zooglæa ramigera (Tab. XIV, fig. 4 et 2 du mém. orig.) et du Spirillum undula (Tab. XIV, fig. 3, du mém. orig.). Les préparations qui ont servi à les faire, ont été traitées de cette manière, De fins Spirillum perdent si peu de leur apparence naturelle par la dessiccation qu'on peut les conserver et les photographier dans cet état. La figure photo- graphique du Spirochæte du tartre des dents (Tab. XIV, fig. 8) et celui des Bacillus (Tab. XIV, fig. 5 et 6), en sont des exemples. Ils .peuvent servir en même temps de preuve que la dessiccation seule peut déjà être d'une grande utilité pour l'étude des Bactéries, puisque les Sparochætes du tartre des dents, qui sont très-päles dans la salive à cause du peu de différence de réfraction, deviennent très-visibles après l’évaporation du liquide, et que les cils, qui sont très-difficiles à découvrir dans des liquides sans coloration, apparaissent très- distinctement. IT. Dilatation et coloration. — Lorsqu'on met un covret, sur lequel se trouve une couche desséchée de Bactéries, dans de l’eau disüllée ou dans de la glycé- rine, la couche se dissout promptement et est enlevée du verre. Ces liquides ne peuvent donc pas servir, pris seuls, à la préparation ultérieure de la couche de Bactéries. En mettant les verres dans de l’alcool absolu, mieux encore dans une solu- tion d'acide chromique (0,5 pour 100), on rend la couche insoluble dans l’eau et dans la glycérine, mais on obtient en même temps ce résultat peu désirable que l'enveloppe gélatineuse des Bactéries ne se gonfle plus et que par consé- quent les Bactéries, fortement appliquées contre le verre, ou enfoncées dans la première matière coagulée, ne peuvent pas reprendre leur forme naturelle. Une solution d’acélate de potasse (1 partie pour 2 d’eau distillée), m'a servi de moyen pour faire se dilater la couche sans qu’elle se détache du verre. Les Bactéries reprennent exactement, dans cette solution, leur première forme, mais elles deviennent plus pâles et plus transparentes. Ceci n’a pas d'inconvé- nient pour les plus grandes espèces, ni pour les Bactéries qui contiennent des spores, puisque celles-ci restent très-brillantes et par conséquent aussi très- visibles. Une autre propriété excellente de cette solution est que les Bactéries, après s'être dilatées, restent invariables. On peut donc employer ce liquide pour conserver les préparations et les luter immédiatement. Des préparations que J'ai traitées ainsi il y a seize mois n’ont pas changé jusqu'ici, et se conser- veront probablement encore longtemps. Mais, les Bactéries deviennent ordi- nairement trop pâles pour qu’on puisse les étudier convenablement et les pho- tographier, surtout les plus petites formes, et il est alors nécessaire de les rendre plus visibles, à l’aide des matières colorantes. J'ai fait des essais avec les matières les plus diverses employées dans la mi- croscopie, mais de toutes, l’aniline est la plus propre à colorer les Bactéries. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 57 Celles-ci s’imbibent si sûrement, si rapidement et si abondamment des couleurs d'aniline, qu’on peut employer ces couleurs comme réactifs pour distinguer les Bactéries des dépôts cristallins et amorphes, ainsi que des plus petites gouttelettes oléagineuses et d’autres corpuscules. En outre, les couleurs d’aline dissoutes dans l’eau ont le même effet que l’acétate de potasse, en ee qu’elles ramollissent la couche, mais ne la détachent pas du verre. D'abord, je n'ai employé que les couleurs d’aniline solubles dans l’eau, et de préférence le violet de méthyle et la fuchsine. Les autres, surtout la safranine, le jaune, l'éosine, l'orange, le vert de méthyle, le vert d'iode, le bleu, ne colorent pas aussi fortement et ne sont pas aussi durables. Pour des objets isolés il vaut mieux employer la fuchsine, parce qu'elle ne donne pas une couleur aussi in- tense que le violet de méthyle. Ordinairement, celui-ci donne pourtant les meilleurs résultats. Parmi les différentes teintes du violet de méthyle, j'ai em- ployé de préférence les bleues (désignées sous le titre de violet de méthyle BBBBB, dans les prix courants des couleurs d’aniline). Plus tard, lorsque je cherchai à rendre les Bactéries plus distinctes, non plus seulement pour la vue, mais encore pour la plaque du photographe, je tournai aussi mon attention vers les couleurs d’aniline, qui ne laissent pas passer les rayons de la lumière ayant une action chimique, c'est-à-dire la par- ie bleue du spectre. Sous ce rapport, j'ai obtenu les meilleurs résultats, avec un brun d’aniline appelé « brun nouveau ». L'emploi de ces couleurs est aussi simple que les autres parties déjà décrites du procédé. | Je mets quelques gouttes d’une solution spiritueuse concentrée de violet de méthyle ou de fuchsine, dans 15 à 30 grammes d'eau distillée ; celle-ci est fortement colorée. Avec une pelite pipette, J'en mets quelques gouttes sur la couche de Bactéries qui doit ètre colorée et je tiens le liquide dans un mouvement continuel sur le covret, en faisant tourner celui-ci. Après quelques secondes, je le fais pencher de manière à faire couler la solution d’aniline vers le bord et à rendre libre la couche de Bactéries. Si celles-ci ne sont pas suffi- samment colorées en bleu, on fait repasser la solution sur elles une ou plu- sieurs fois jusqu'à ce qu'on ait atteint la coloration voulue. Avec quelque exer- cice, on apprend bientôt à juger exactement la concentration de la solution et la durée de la coloration désirables pour chaque objet. Lorsque la solution d'aniline est trop faible, la couche de Bactéries se détache du verre ; si elle est trop forte, la matière qui contient les Bactéries devient trop foncée et celles-ci ne se distinguent que trop peu de leur milieu. Dans une préparation bien réussie, la matière première, c'est-à-dire le résidu du liquide évaporé, doit être à peine visible ; les Bactéries, au contraire, doi- vent être fortement colorées. On colore moins les plus grandes formes, pour que la formation des spores, l'articulation, les granulations du contenu, puis- sent être bien discernées. Dès qu'on a obtenu le degré voulu de coloration, on essuie la solution qui est sur le bord du covret, ou bien on la fait absorber aussi complétement que possible par du papier brouillard ou on lave avec de l'eau disüllée ou avec 58 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. une solution étendue d’acétate de potasse (1 : 10). Ceci encore doit varier avec les différentes préparations; les unes supportent le lavage à l’eau distillée, les autres ne le supportent pas. La manière d'employer le brun d’aniline diffère un peu de celle que je viens de décrire pour le violet de méthyle et la fuchsine. Comme les préparations colorées en brun perdent leur couleur dans la solution d'acétate de potasse, mais peuvent, au contraire, être conservées dans la glycérine, je les ai cou- vertes, dès le commencement, d’une goutte d’une solutiou de brun d’aniline dans des parties égales de glycérine et d’eau distillée, solution qui doit être filtrée de temps en temps ; je laisse reposer ainsi la préparation pendant quel- ques minutes, alors les Bactéries sont assez colorées, et la solution colorante peut être lavée avec de la glycérine pure. Des substances ‘albumineuses, comme le sang, le pus, etc., qui prennent mal la couleur dans les solutions aqueuses du violet de méthyle et de fuchsine, don- nent des préparations excellentes par le brun dissous dans la glycérine; ces préparations se prêtent aussi fort bien à la photographie. IUT. Conservation. — Pour conserver les préparations colorées, on peut se servir du baume de Canada, d’une solution concentrée d’acétate de potasse ou de glycérine. Il n’y a que les préparations colorées par le violet de méthyle ou par la fuchsine qui peuvent être mises dans du baume du Canada. On les y met de la manière ordinaire, un quart d'heure ou une demi-heure après qu’on a essuyé le liquide colorant et lorsqu'elles sont bien sèches. Préparées ainsi, les Bactéries colorées, surtout les essaims de Vrbrio, les Ba- cillus, les chaînes de Micrococcus, ont un aspect élégant. Malheureusement, les tas de Zooglæa et les plus grands Spirèllum sont écrasés. Je n’ai pas réussi non plus jusqu'à présent à obtenir de bonnes photographies à l’aide des prépara- tions au baume du Canada. D’un autre côté, je les crois aussi durables que d’autres objets microscopiques mis dans ce baume, ce qui les rendrait surtout recommandables pour des collections. Si l’on veut photographier les préparations colorées avec le violet de méthyle et la fuchsine, et si l’on veut conserver autant que possible les formes fhatu- relles des Bactéries, on doit les mettre, encore humides, dans une solution d’acétate de potasse (1 : 2), immédiatement après avoir éloigné le liquide colo- rant, et on doit les fermer au moyen d’un des luts employés ordinairement. On ne peut pas se servir de glycérine pour ces préparations, parce qu’elle les décolore. C’est au contraire le meilleur liquide pour conserver celles qui sont colorées avec le brun d’aniline. IV. Photographie. — La manière de photographier les Bactéries ne diffère pas sensiblement de celle employée pour d’autres objets microscopiques. Les Bactéries, étant des corps très-petits et très-päles, ne sont pas faciles à photo- graphier. Cependant, les préparations faites d’après les indications que je viens de donner, permettent l'emploi du système d'immersion le plus fort, parce que la couche qui doit être photographiée se trouve immédiatement sous le covret. On peut aussi, comme cela a déjà été indiqué, remédier au faible degré de ré- REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES, 59 frangibilité, en colorant les Bactéries avec l’aniline brune, qui retient les rayons ayant une action chimique. Dans des circonstances favorables, on peut aussi photographier des Bactéries vivantes, pourvu qu’elles soient immobiles, comme on le voit par les figures photographiques des Bacillus du sang de rate (Tabl. XVI, fig. 1, 2, du mé- moire original.) De pareilles figures, quelque päles qu'elles soient, sont natu- rellement toujours préférables à celles qui reproduisent les Bactéries préparées et colorées. Je suis persuadé que toutes les Bactéries immobiles, spécialement les Micrococcus, peuvent être photographiées vivantes, et j'en ferai plus tard l'essai. À cause de la grande réfrangibilité de la plupart des spores, les Bacillus et les filaments qui en contiennent, peuvent bien être photographiés sans être colorés. Je dois avouer que je n’ai jamais réussi à obtenir des contours absolument nets des Bactéries. Rendu difficile par la vue des photographies de Diatomées et des dessins de Bactéries ordinairement faits avec des lignes très-nettes, Je crus d’abord que ma manière de faire était fautive. Mais je me suis convaincu plus tard que les systèmes de lentilles les plus forts que j'aie à ma disposition (le système d'immersion 8 et 9 de Seibert), ne montrent pas les Bactéries avec des contours nets. Je suppose donc que le corps des Bactéries n’est pas nette- ment distinct de l’enveloppe mucilagineuse, mais qu'il y a transition entre les deux. À cette occasion, je fais remarquer que la plaque photographique rend mieux, ou plutôt avec plus d’exactitude l’image microscopique, que la rétine de J'œil ne peut la ressentir. La plaque sensibilisée est, jusqu’à un certain point, un œil qui n'est pas aveuglé par la lumière, qui ne se fatigue pas d’en distinguer les moindres dif- férences, et qui n’est pas gêné par les défectuosités du verre. J’ai souvent _ trouvé sur l'épreuve négative des objets très-fins, par exemple : des cils que je ne pouvais retrouver plus tard qu'avec la plus grande peine, et dans les meil- leures conditions de lumière, sous le microscope. On peut mesurer facilement et exactement sur l'épreuve négative de petits objets très-pâles, qu’on ne saurait mesurer directement sous le microscope. Au moyen de la photographie, on pourra probablement résoudre bien des points discutés au sujet de détails minutieux de structure ; surtout, si, au lieu de se servir des couleurs bleues et rouges ordinairement employées jusqu'à présent, on emploie les couleurs jaunes, brunes et rouges, qui ne laissent pas passer la partie du spectre qui exerce une action chimique. On obtiendra avec ces rayons, sans doute, encore de meilleurs résultats pour la photographie des Bactéries ; on arrivera, par exemple, à photographier les préparations placées dans le baume du Canada. J'ai commencé par me servir de l'appareil décrit par Reichardt et Stürenburg, et aussi de leur méthode pour photographier les Bactéries. Celle-ci consiste à prendre, à la lumière simple du jour, qui suffit pour de faibles grossisse- ments, une épreuve négative et de la porter à la grandeur voulue en la photo- 60 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. graphiant deux ou trois fois. Gette maniè.e peut être bonne pour beaucoup d'objets, mais, dans notre cas, trop de détails se perdent à la seconde ou à la troisième épreuve. Avec une meilleure réflexion‘de la lumière, je pus pho- tographier, à la lumière du jour, des Bacillus ‘avec leurs cils grossis 300 fois. En grossissant encore, ne fût-ce que 3 fois, ce qui fait 900, je nai cependant pas pu obtenir une ‘image suffisante de la première plaque. J’aban- donnai donc ce procédé, et d’après les conseils de M. Janisch, directeur de la fonderie à Wilhelmshütte près de Seesen, et du professeur docteur G. Fritsch à Berlin, que je remercie tous les deux pour l’obligeance avec las quelle ils m'ont fait profiter de leur expérience en microphotographie, je tra- vaillai avec l'appareil simple et ingénieux, inventé par le professeur G. Fritseh, et avec lequel on peut, à la lumière solaire, faire des photographies des plus forts grossissements. L'essentiel de cet appareil consiste en ce que la chambre noire, le microscope et le réflecteur sont disposés horizontalement et exactement centrés. Ces trois parties de l'appareil peuvent être déplacées séparément et sont indépendantes les unes des autres. C'est là ce qui distingue cet appareil d’autres appareils semblables, où toutes les parties sont fixées à un pied ou solidement vissées les unes aux autres. L'’arrangement imaginé par le professeur Fritsch est préfé- rable, parce que les défauts de centrage peuvent être facilement et vite cor- rigés, parce que les secousses, qu’on ne peut éviter en faisant entrer le châssis, en dressant la glace, ete., ne font remuer qu'une partie de l'appareil et ne peuvent pas se communiquer aux autres; parce que, en faisant tourner le réflecteur vers un côté, on obtient de la manière la plus simple l’éclai- rage oblique, et enfin parce que le microscope et la chambre noire peuvent à tout moment être utilisés à d’autres fins. Je n'ai apporté à cet appareil qu'un seul changement, qui consiste à faire parvenir la lumière du soleil par un héliostat dans l'appareil, et d'éviter ainsi le dressage si difii- cultueux du miroir. Dans la fenêtre, devant laquelle l'héliostat est posé, se trouve un châssis qui, au moyen d’un cordon placé à côté de l'instrument, peut être ouvert et fermé pour éclairer à volonté la plaque sensibilisée, sans imprimer la moindre secousse au miscroscope ou à la chambre noire. Le rayon de lumière passant par cette ouverture et changé en lumière diffuse par un ou plusieurs verres dépolis, passe suivant les circonstances à travers une cuvette contenant une solution ammoniacale de cuivre ou à travers des verres de cobalt et est projetée, sur l’objet qu’on veut photographier, par une lentille d'éclairage pourvue de plusieurs diaphragmes. On peut se servir pour cela de la lentille jointe au microscope servant à éclairer des objets opaques. Gepen- dant, je me suis presque toujours servi, et avec le meilleur succès, d'un système d'objectifs microscopiques (l'objectif 2 ou 4 de Hartnack) placé dans le cône situé sous le porte-objet. Après avoir éloigné les verres dépolis et intercalé des verres de cobalt très-foncés, jai toujours disposé l’image du soleil produite par l'objectif d'éclairage exactement sur le milieu et au niveau de l’objet. Dès que le rayon de soleil est diffusé par le verre dépoli, on oblient le meilleur effet d'éclairage. On s'aperçoit facilement des dérangements possi- REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 61 bles de l'héliostat, parce qu'après un moment l’image du soleil a disparu du centre du champ visuel; la direction de cette déviation indique comment il faut corriger ce dérangement. L'auteur appelle ensuite l'attention sur quelques opérations pratiques qui facilitent le travail, ces détails tout à fait techniques sont trop difficiles à com- prendre sans figures pour que nous les reproduisions ici. Pour les manipulations photographiques, il renvoie le lecteur aux manuels de microphotographie de Reichardt et Stürenberg, Beneke et Gerlach. «Le der- nier surtout est très-pratique et suffisant pour les commerçants; cependant il est indispensable de connaître le manuel photographique plus étendu de von Vogel. Je fais encore observer que, dès qu'il s’agit de forts grossissements pour la microphotographie, on ne peut se servir que de plaques collodionnées et de préférence d’un collodion très-sensible. Les plaques sèches sont propres, à cause de leur peu de sensibilité, tout au plus pour de faibles agrandissements. Quant au choix des objectifs pour le microscope, j'employai d’abord ceux de Hartnack (n°57 et 9), mais je ne fus pas satisfait des clichés obtenus. Alors je me procurai les objectifs photographiques (1 pouce, 1/4 et 1/8 de pouce) de Seibert et Krafft, et leurs systèmes d'immersion 7, 8 et 9, et j'obtins de si bons résultats, que depuis je n’ai travaillé qu'avec ces objectifs. Les objectifs photographiques et le système d'immersion 7 n'ont absolu- ment aucune différence de foyer et donnent des images très-belles et très- nettes. Il m'a paru qu'un grossissement de 500 ou 700 fois suffisait provisoi- rement pour l'étude des Bactéries, et comme j'y parvenais facilement avec le système d'immersion 7, je l’ai employé presque exclusivement, Jusqu'à ces derniers temps, je n’ai employé que la lumière tombant en ligne droite. Cependant il me paraît nécessaire qu’on essaye à l’avenir de photogra- phier les Bactéries avec les objectifs les plus forts et en employent une lumière tombant plus ou moins obliquement. Probablement on obtiendra ainsi encore d'autres révélations sur la structure des Bactéries et, d’après les observations de Dallinger et Drysdale, sur l'existence de cils chez les plus petites formes de Bactéries mobiles. La lumière bleue monochromatique, qui est si utile pour photographier les Diotomées, ne me fut favorable que pour les préparations colorées en brun ; elle me parut plutôt désavantageuse pour celles qui étaient colorées au violet de méthyle, ou qui étaient incolores. Comme les Bactéries sont de très-petits corps, et qu’ordinairement de nombreux individus de la même forme sont couchés les uns près des autres, il suffit généralement de prendre une petite image. Ceux qui veulent faire de la microphotographie, et qui désirent simplifier l'opération lente et ennuyeuse de faire les copies d’après l'épreuve négative, peuvent trouver depuis peu dans le commerce du papier sensible à la lumière. Je me suis toujours servi du papier brillant de R. Talbot, nommé Zichtpaus- papier. Cependant on ne pourra jamais rendre par des positifs de papier toutes les finesses du négatif, et pour obtenir une reproduction absolument exacte il faudra recourir à l'impression par le procédé dit au charbon. 62 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Après avoir décrit ma manière de préparer et de photographier les Bac- téries, je fais remarquer expressément que je la crois encore susceptible d'amélioration. Probablement il y a encore d’autres couleurs et de meilleurs liquides con- servateurs que ceux dont je me suis servi. Je n’ai appris la partie technique de la photographie que par l'étude des manuels que j'ai cités; des mains plus exercées arriveront à faire mieux que moi. On pourra surtout obtenir certai- nement des images plus fortes par un choix judicieux du temps pour l’éclai- rage, et par d’autres méthodes. Il est présumable qu’on pourrait trouver un collodion particulier, peu sensible à la couleur d’aniline qui se trouve dans les préparations de Bactéries, pour obtenir des images plus fortes (par exemple, le collodion de brome coloré). » Kocx. Sur l’innervation vasculaire. GruTzxER et HEIDENHAIN, Contribution àl’étudé de l'innervation vasculaire. — Hripen- HAIN, De l'innervation des vaisseaux musculaires. — GRuTzNER et HENDENHAIN, Contri- bution à l'étude de l’innervation vasculaire (1). En faisant les recherches sur l’innervation des vaisseaux cutanés des mem- bres postérieurs du Chien sous la direction de Heidenhain, les auteurs ont soumis les nerfs des vaisseaux musculaires à la même expérience. La preuve de l’in- fluence des nerfs sur les vaisseaux des muscles a été obtenue par le change- ment de la température, indiqué par le thermomètre ou par des éléments ther- miques très-délicats et enfoncés dans le muscle soléaire. Îl ont trouvé que l’irritation du nerf sympathique dans l'abdomen fait baisser la température du muscle soléaire, de même que l'irritation du nerf ischia- tique, après la section du grand sympathique tout près de sa division sur l'aorte, augmente la température dans le même muscle. Les nerfs vaso-moteurs ont donc la même influence sur le muscle soléaire que les nerfs cutanés du membre postérieur. Le nerf ischiatique renferme, en dehors des nerfs vaso-constricteurs, des nerfs vaso-dilatateurs ; par lirritation des-nerfs sensibles, la température des muscles s'élève dans la même proportion que celle de la peau. Les filets nerveux, qui par action réflexe amènent une élévation de la température des muscles, arrivent dans le sympathique, non-seulement par la moelle lom- baire, mais encore par la moelle thoracique; car, après avoir séparé la moelle lombaire de la moelle thoracique, on produit encore, par irritation des nerfs sensitifs de la moitié antérieure du corps, une élévation de température dans les muscles du membre postérieur. Enfin, on a encore observé que, sous l'influence d'une irritation égale, l'élévation de la température diffère pourtant dans les différentes régions. (1) In Pfluger Arch. XVI, p. 1, etid., p. 47, REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 63 Les auteurs expliquent la cause de ce fait, par la différente richesse vascu- laire dans les régions correspondantes. Pour démontrer que les oscillations thermiques provoquées dans le mus- cle par l’irritation nerveuse ne dépendent pas d’un processus chimique, mais bien des changements dans le courant sanguin, Heidenhaiïn a examiné au moyen d’un manomètre le changement de pression qui se produit dans le courant sanguin de la veine qui émane du groupe musculaire correspondant, pendant que les nerfs vasculaires de ce dernier ont été irrités. Pour cela on s’est servi des deux veines crurales du Chien, dont chacune à été mise en communi- cation avec un manomètre, après avoir préalablement coupé le nerf ischia- tique (trois ou quatre jours avant). Pour que le sang des muscles seul ar- rive dans ces veines on a fait des ligatures. Le résultats était le suivant : pendant que la tension aortique augmente, les parois des régions vasculaires dont les nerfs ont été coupés immédiatement avant se dilatent, de sorte que la tension veineuse augmente ou diminue pa- rallèlement à la tension artérielle. Si la section avait eu lieu quelques jours avant l'expérience, les parois vasculaires étaient devenues plus résistantes et ca- pables d’une réaction active : pour cela la tension veineuse ne marche plus pa- rallèlement à la tension aortique; elle monte plus lentement et moims haut que dans le premier cas et elle peut déjà commencer à diminuer, avant d’at- teindre son maximum. Les régions vasculaires dont l’innervation est normaleoffrent, au commen- cement, encore plus de résistance à l'élévation de la tension aortique. L'aug- mentation de la tension veineuse commence, en général, plus tard encore : mais bientôt les nerfs vaso-dilatateurs entrent en action et alfaiblisentles parois des branches vasculaires de la région correspondante. Par cela la tension vei- neuse augmente dans les régions vasculaires situées au-delà du territoire para- lysé et ne se rétablit que graduellement, après que la tension artérielle est re- venue à son point de départ. S'il est admis qu’à la suite d’irritation des nerfs sensitifs il se produit une augmentation de tension, due à la constriction des petites artérioles, le fait qu'une forte irritation des nerfs sensitifs produit une dilatation des vais- seaux cutanés démontre que l’augmentation de tension ne peut pas être due à la participation de toutes les petites artères. Les auteurs se proposent de re- chercher quels sont les nerfs qui produisent cette augmentation de tension. Si chez le Lapin on lait le tronc cœliaque, l'artère mésentérique supérieure et la veine porte, on produisait encore l'augmentation de tension par l’excita- üon sensible ; la même chose avait lieu après la ligature de l'aorte au-dessus de l’origine du tronc cœliaque et après la ligature de la veine cave supérieure au-dessus de l’embouchoure des veines rénales et de la veine porte. Après la section de la moelle au niveau de la douzième vertèbre dorsale et des deux nerfs splanchniques le résultat reste le même. Il faut aussi renoncer à l'hypothèse d’après laquelle ce seraient les artères des muscles dont la contraction produirait une augmentation de tension par voie réflexe, puisque l'expérience démontre que les vaisseaux musculaires eux- 64 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. mêmes se dilatent sous l’influence d’une excitation réflexe comme les vaisseaux cutanés. Par des causes indépendantes de leur volonté les auteurs ont dù inter- rompre leurs recherches, L'opinion que chez les animaux chloralisés Pirritation sensible est suivie d’un abaissement de la pression (Cyon), avait déjà été prise en considération par Heidenhain; mais comme elle a reparu nouvellement, ces auteurs ont repris leurs recherches et ont constaté que cette proposition est vraie pour les Lapins, mais jamais pour les Chiens; sur lesquels les auteurs ont exclusive- ment expérimenté. Latschenberger et Deahna ont cru, en se basant sur de nombreuses observations, pouvoir admettre dans chaque tronc sensible des filets vaso-constricteurs et vaso-dilatateurs. S1 les filets dépresseurs étaient si répandus dans le corps, il est probable qu'on trouverait des trajets isolés, ce qui jusqu’à présent n’a pas été constaté. Tandis qu’une irritation légère de la peau sous l'influence d’une névrose par le curare donne lieu à une augmentation permanente de pression, une irrita- tion douloureuse énergique de la même région cutanée reste sans influence sur la circulation. L'augmentation de tension n’a lieu ni chez le Lapin non cu- rarisé ni chez celui auquel on a enlevé l’encéphale. Quelle est la cause de l’action différente des deux irritations différentes ? les auteurs n’en ont pas encore parlé (1). De l’action de la lumière et de la chaleur sur les spores mobiles, (2 Par le docteur E. STRASSBURGER, Professeur à l’Université d’Iéna (2). La direction du mouvement de certaines spores mobiles est influencée par la lumière, je les appelle des spores phototactiques. L'action se fait sentir sur le protoplasma et non sur les matières colorantes qui peuvent s’y trouver; les spores mobiles incolores peuvent réagir comme celles qui sont colorées. Les spores mobiles réagissant à la lumière, se meuvent dans la direction d’où celle-ci vient : soit constamment dans la direction du foyer lumineux, même lorsque son intensité diminue, celles-là pourraient être appelées spores aphotométriques, soit en suivant les variations d'intensité de la lumière, dans le sens de sa marche ascendante ou descendante. Je nomme ces spores mo- biles des spores photométriques. Il n'y a pas de mouvement possible dans une autre direction que dans celle d'où vient la lumière, même lorsque la clarté augmente ou diminue dans une autre direction. Les rayons bleus, indigos et violets ont seuls de l'influence sur les spores (1 Analyse traduite du Centralblatt für die med. Wissensch., 1878, p. 468. (2) Un volume in-8° de 75 pages; Iéna, 1878. 2x REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. +) mobiles phototactiques, et c'est l'indigo qui en a le plus. Par contre, des rayons jaunes ou approchant du jaune causent, lorsque leur intensité est assez forte, un mouvement de vibration chez quelques spores mobiles phototactiques. Dans des changements soudains de clarté, beaucoup de spores phototactiques conservent encore pendant un certain temps la direction de mouvement déter- minée par le degré antérieur de clarté. Les grandes spores mobiles de Bryopsis ne conservent leur mouvement qu'après une diminution subite de l'intensité de la lumière; sous l'influence d'une augmentation subite, ils éprouvent un ébranlement qui, pour un temps, les pousse hors de leur voie. Les spores mobiles de Zotrydium ne montrent de réaction ultérieure n1 à l'augmentation ni à la diminution subite de la clarté, mais sa diminution leur fait subir un ébranlement. On n’observe ni réaction ultérieure ni ébranlement dans les spores mobiles des Ulves. L'augmentation d'intensité de la lumière produit presque toujours dans les spores mobiles phototactiques une tendance à se fixer; la lumière directe du soleil surtout agit de cette manière; la diminution de l'intensité de lumière augmente la mobilité. | La rapidité du mouvement n’est pas influencée par la lumière; mais plus l'intensité est grande, plus les spores mobiles se meuvent suivant des lignes droites. Les petites spores mobiles se meuvent en général davantage en ligne droite que les spores plus grandes ; les plus grandes s’émancipent jusqu'à un certain point, grâce à la force propre assez importante de leur mouvement. Gepen- dant, il y a aussi de petites spores mobiles qui ne sont que faiblement ou pas du tout influencées par la lumière. Dans l'obscurité, les spores mobiles phototactiques ne peuvent venir au re- pos, à moins qu'elles soient différenciées sexuellement et qu’elles se résolvent dans la formation de produits sexuels; sinon, les spores mobiles restent en mouvement jusqu’à ce qu’elles périssent. Le degré de sensibilité pour la lumière ne change pas dans l'obscurité; 1es spores mobiles y restent sensibles à la lumière jusqu’à leur mort. Dans les spores mobiles qui éprouvent ordinairement une réaction ulté- rieure, et qu’on transporte subitement de l'obscurité à la lumière, on peut observer une réaction dans le même sens qu'ailleurs vis-à-vis d’une augmenta- tion subite d'intensité de lumière. En général, le degré de sensibilité pour la lumière change pendant le déve- loppement des spores mobiles photométriques, en ce sens que dans leur jeu- nesse elles paraissent s’accommoder de lumières plus intenses que dans leur vieillesse. Ces spores montrent, en outre, constamment de faibles oscillations du degré de sensibilité, quelques-unes d'une manière très-marquée, d’autres fort peu. En dehors du changement de degrés de sensibilité offert pendant le dévelop- pement, des cultures entières se montrent aussi immédiatement plus ou moins DÉRTITON ONAMEURS TON 5 66 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. sensibles. Il semble qu'il y a ici adaptation à la clarté moyenne du lieu d’ori- gine. Une culture s'adapte aussi tant soit peu à l'intensité moyenne de lumière du lieu où elle a été cultivée. La chaleur a généralement de l'influence sur la propriété photométrique des spores mobiles. À mesure que la température s’élève, elles deviennent en gé- néral plus photomanes (Zichtholder), à mesure qu'elle s’abaisse elles deviennent photophobes (Zcht scheuer). lei encore, il paraît y avoir dans de certaines limites, adaptation à la tempé- rature moyenne du lieu antérieur de culture, de itelle sorte qu’à une clarté donnée, les spores mobiles cultivées dans des endroits plus chauds deviennent plus vite négatives lorsque la température baisse que celles qui ont été cultivées dans des endroits plus froids, et qu’au contraire, lorsque la température s’élève, les dernières sont plus vite positives que les premières. L’aérage insuffisant des cultures rend les spores mobiles photométriques aptes à supporter des intensités plus élevées de lumière. Une mauvaise nutrition retarde le passage à l’état de repos pour les spores mobiles, sans influencer leur degré de sensibilité pour la lumière. Jusqu'à présent je n'ai pas réussi à faire varier cette sensibilité par d’autres moyens que ceux que je viens de nommer. » E. STRASSBURGER. De l'influence de la lumière sur les mouvements des spores mobiles, Par le docteur E. STAHL (1). A côté des mouvements des spores mobiles, causés par des courants d’eau, et que Sachs a réussi à imiter par des émulsions (#lora, 1876, n° 46-18), e par lesquels les spores mobiles placées dans l’eau se réunissent près des ne du vase et forment les figures que Nægeli a fait connaître, les zoospores pos- sèdent encore, par leur propre force innée, un mouvement en avant et rota- toire en même temps. Des recherches que je fis ces derniers mois, en évitant autant que possible toutes les sources d’erreurs, m'ont convaincu que la direc- tion du mouvement en avant est déterminée par la lumière, et absolument indépendante des courants d’eau passifs sasnommés. Je vais indiquer ici quelques-uns des principaux résultats de mes recher- ches, que je communiquerai plus tard avec plus de détails et en mentionnant les livres qui traitent le même sujet. La lumière exerce de l'influence sur le mouvement en avant de beaucoup de spores mobiles qu'on a nommées spores héliotropiques. D’autres zoospores sont absolument indifférentes à la lumière. Le mouvement des zoospores héliotropiques change périodiquement de di- rection, puisqu'un même individu tantôt se dirige vers la lumière et tantôt s’en éloigne. Dans les mouvements dont il s’agit ici, la partie incolore portant des cils est toujours dirigée en avant. D’après la force de la lumière, c’est tan- tôt le mouvement en avant et tantôt le mouvement en arrière qui est le plus (1) In Botan. Zeil,, 1878, col. 745. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 67 rapide. Si la lumière est faible, le mouvement en avant est presque toujours le plus accentué, c'est le contraire lorsque la lumière est forte. : Le résultat final sera donc, qu'après quelque temps, dans l’un des cas, la zoospore se rapprochera de la lumière et que dans l’autre elle s’en éloignera. L’intensité de la lumière a encore de l'influence sur les mouvements ultérieurs, puisque des spores mobiles de la même espèce et parvenues à la même phase de développement se conduiront différemment dans les mêmes conditions de lumière, selon qu'antérieurement elles ont été tenues quelque temps dans l'obscurité ou au contraire exposées à une vive clarté. L'éloignement subit de la source de lumière qui détermine la direction du mouvement des spores mobiles se fait connaître aussitôt, parce que la direc- tion suivie jusque-là est abandonnée ; dans beaucoup de cas, le mouvement en avant cesse même subitement. Ce phénomène se produit dans les deux phases du mouvement périodique, c’est-à-dire aussi bien chez les individus qui se dirigent à ce moment vers la lumière, que chez ceux qui avancent dans le sens inverse. E. STAHL. Mouvements aériens des poissons volants, Par M. Karl Mæsgius (1). M. Karl Mœbius, qui se rendit, au mois d'août 1874, à l’île Maurice, par la mer Méditerranée, le canal de Suez, la mer Rouge et l'océan Indien, et qui revint en février 1875 en touchant aux Seychelles, eut souvent l’occasion, dans l'océan Indien, d'observer des Poissons volants, des Exocets. Il réunit les ‘faits observés par lui et par d’autres, dans l'extrait suivant : Les Exocets sortent de l’eau par un mouvement très-rapide, sans égard à la direction du vent ou des vagues. En volant, ils ne font pas des mouvements réguliers avec leurs nageoires pectorales et ventrales, mais ils les étendent simplement. Il se peut cependant qu'il y ait des vibrations très-rapides dans ces nageoires. Pendant que les poissons planent, la partie postérieure est un peu plus basse que la partie antérieure du corps. Ordinairement, ils volent plus loin lorsqu'ils ont le vent directement en face que lorsqu'ils l'ont derrière, ou que leur course forme un angle avec la direc- tion du vent. Qu'ils volent contre le vent ou avec le vent, presque toujours les Exocets gardent la direction dans laquelle ils sont sortis de l’eau. Les vents qui les prennent en travers les entraînent dans leur direction. Tous les Exocets qui s'éloignent des vaisseaux restent près de la surface de l’eau pendant tout leur trajet dans l'air. Lorsque, par des vents forts, ils volent contre le cours des vagues, ils s'élèvent ordinairement un peu au-dessus de chaque sommet de vague qu'ils rencontrent; quelquefois leur queue l’effleure tant soit peu. Ce n’est que lorsque leur course aérienne est entravée par un (1) In Zeitschrift für wissenschafliche Zoologie, XXN, p, 343. 6S REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. navire que les Exocets s'élèvent à quelque hauteur (au plus jusqu’à environ 3 mètres au-dessus du niveau de la mer). Pendant le jour, il est rare que des poissons volants tombent sur le navire ; c’est plus fréquent la nuit, et jamais par un temps calme, mais seulement lors- qu'il y a du vent. Le plus souvent, ils tombent sur des navires dont le pont n’a que 2 ou 3 mètres au-dessus de l’eau, et qui montent avec vent debout ou ayant le vent de travers, avec une bonne allure. Jamais les poissons volants ne viennent à bord du côté sous le vent, mais toujours du côté du vent. Il n’est pas rare, dès que leur nageoire caudale trempe dans l’eau, qu'ils décrivent une courbe à droite ou à gauche dans le niveau horizontal de leur trajet. Lorsqu'il y a du vent et que la mer est agitée, ils apparaissent plus souvent hors de l’eau que lorsque le temps est calme. Les Exocets s’enfuient dans l’air devant des vaisseaux qui traversent leurs troupes, aussi bien que devant les requins et les cétacés. Beaucoup d'auteurs ont expliqué le vol des poissons en disant que les na- geoires pectorales agissent comme les ailes des oiseaux, des chauves-souris et des insectes. M. Mœbius démontre que les conditions analomiques des na- geoires pectorales et de leurs muscles, dont il décrit minutieusement la struc- ture, ainsi que les rapports physiologiques de la position et de la grandeur des nageoires en comparaison du volume et du poids du corps entier, contre- disent l’idée que les nageoires pectorales effectueraient les mouvements ordi- naires du vol. Les mouvements qu’on leur voit faire quelquefois pendant le vol ne sont que de simples vibrations. La vraie cause des mouvements aériens des poissons sont les mouvements de projection qu'ils impriment à toute la masse de leur corps au moyen des muscles latéraux du tronc, très-fortement, développés absolument comme d'autres poissons se propulsent dans l’eau. Ils se jettent ou sautent hors de l'eau avec une plus grande vitesse, parce qne l'air offre moins de résistance que l’eau, et ils retombent dans l’eau après quelque temps, tandis que les na- geoires pectorales étendues servent de parachute. On comprend facilement que l’action du vent favorise ou ralentisse le mou- vement en avant. S'il fait jour, le saut dans l’air est dirigé de manière à éviter le navire; mais de nuit les poissons ne peuvent pas s'orienter ainsi par la vue, et ils tombent sur les navires. Comme tout fort courant d’air s’élève contre les objets qui lui barrent le chemin, et qui sont ici des navires ou des vagues, 1l soulève en même temps le poisson avec lui, de sorte que celui-ci passe par-dessus la vague ou le navire. M. Mœbius démontre, en un mot, que tous les détails observés se laissent fort bien expliquer par l’action combinée du vent et de la propulsion oblique. Mentionnons encore que les poissons vo- lants peuvent, grâce à une organisation particulière, fermer leur bouche, et emporter dans sa cavité une petite quantité d’eau destinée à entretenir la res- piration pendant le vol. Karz MoEBius. REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 69 SOCIÉTÉS SAVANTES. Académie des sciences de Paris. Séance du 25 novembre 1878, PAsTEUR. £’xamen critique d'un écrit posthume de Claude Bernard sur la fermentation alcoolique. — M. Pasteur rappelle d’abord qu'il «a démontré dans un des chapitres de ses Ætudes sur la bière, qu'il n'existe pas encore de germes de levûre sur les grappes de raisins lorsque ceux-ci sont à l’état de ver- jus... La levûre n'apparait sur les grappes que lorsque les raisins mürissent », Il paraît singulier, quoi qu’en dise M. Pasteur, que l'air étant chargé de germes de toutes sortes, ces derniers attendent pour tomber sur les grappes qu'elles soient müres. Dans le but de vérifier si les raisins peuvent, comme l'avait affirmé Bernard, subir la fermentation alcoolique en dehors des ferments figu- rés et à l’aide d’un ferment soluble, M. Pasteur se transporta dans le Jura avec des serres. Là, « pendant et après leur installation, je recherchai avec soin si les germes de la levûre étaient réellement absents sur les grappes du verjus.… Je trouvai, en effet, queles verjus des pieds que recouvraient les serres, comme ceux des pieds de la vigne, ne portaient pas du tout de germes de levüre au commencement du mois d'août dernier». Voilà un examen qui a dû coûter du temps à M. Pasteur. Passer en revue tous les grains de tous les raisins d’une vigne, sans compter les rameaux des grappes, les pédoncules, etc., pour y dé- couvrir des germes qui sont infiniment petits, est une besogne à laquelle bien peu de gens consentiraient à être condamnés ; mais M. Pasteur a la grâce, et, avec cela, on fait bien des choses qui paraissent impossibles aux simples mortels. « Dans la crainte qu’une fermeture insuffisante des serres n’amenât des germes sur les grappes, je pris la précaution d’enfermer un certain nombre de celles- ci dans du coton qui avait été porté à la température de 150 à 200 degrés. » Au mois d'octobre, M. Pasteur, plaçant dans des étuves à 25 et 30 degrés, d’un côté, les grains enfermés dans le coton et les grappes de la serre, et d’un autre côté des grappes provenant de la vigne, vit que ces dernières fermen- taient, tandis que les premières ne fermentaient pas. Il en conclut que les grappes de la vigne avaient reçu la visite des ferments qui attendaient dans l'atmosphère le moment de leur maturité, tandis que les grains enveloppés dans du coton s'étaient trouvés à l'abri de leur atteinte. M. Pasteur ajoute qu'en obtenant du jus de raisin uni avec les grappes en- fermées dans le coton, et abandonnant ce jus pendant trois à cinq jours à une température de 20, 95 et 30 degrés, il n’obtenait pas de fermentation alcoo- lique, et il nie l'existence du ferment soluble, admise par M. Claude Bernard. «La question du ferment soluble, dit-il, est donc jugée; ce ferment n'existe pas là où Bernard a cru le découvrir. » Mais il ajoute : «Dans la longue série d'expériences à laquelle je viens de me livrer dans le Jura, j'ai rencontré ce- 70 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. pendant un fait qui a pu contribuer à induire notre confrère en erreur : j'ai reconnu que les grains de raisin écrasés absorhent l'oxygène de l'air, et que, par suite de cette oxydation, il se forme des produits éthérés alcooliques, en quantité faible, mais non douteuse. » Claude Bernard n'ayant pas dit autre chose, il se trouve que M. Pasteur fournit, comme cela lui arrive fort souvent, des armes pour se faire battre ; mais il cache «ce fait qui a pu contribuer à induire son confrère en erreur» à la fin d’une note, espérant qu'on n'ira pas l’y chercher. Cxon. Sur l'action physiologique du Borax.— D'expériences faites sur trois chiens alimentés avec de la viande conservée par le borax, et en se servant sur- tout de «l'azote contenu dans l’urine pour déterminer la transformation subie dans le corps par les aliments », M. Cyon conclut : 4° «que le borax ajouté à la viande jusqu’à 12 grammes par jour (quantité dix fois plus grande que celle que nécessite le procédé Jourdes), peut être employé en nourriture sans pro- voquer le moindre trouble dans la nutrition générale ; 2° que le borax, substi- tué au sel marin, augmente la faculté d’assimiler la viande et peut amener une forte augmentation de poids de l'animal, même quand l'alimentation est exclu- sivement albuminoïde ». Il ne s’agit, bien entendu, que du borax pur. Séance du 2 décembre 1878. L. Porncaré. Vote sur les effets des vapeurs du sulfure de carbone. — L'au- teur maintient des animaux pendant plusieurs semaines dans une atmosphère chargée de vapeurs de sulfure de carbone. Il conclut de ses expériences que les lésions matérielles produites par ces vapeurs chez les cobayes et les gre- nouilles « sont assez sérieuses pour qu'on restreigne l’emploi du caoutchouc vulcanisé à la confection des objets vraiment utiles ». Il y a surtout des lésions dans l’encéphale, et particulièrement dans la substance blanche, qui offre «une dissémination excessive de la myéline et la dissociation de la trame nerveuse ». (Les autres communications relatives aux sciences biologiques faites dans cette séance ont été données dans les numéros de décembre de la Revue inter- nationale). Séance du 7 décembre 1878. Le Box. L'auteur soutient contre M. Cyon que l'emploi du borax, et même du sel, pour la conservation de la viande, est dangereux ; que la viande conser- vée dans le borax provoque des accidents intestinaux ; que le sel fait perdre à la viande une partie de ses propriétés nutritives ; que par suite des échanges qui se font entre la viande et le sel, les principes solubles alimentaires de la viande sont absorbés par le sel. GRANDEAU. De l'influence de l'électricité atmosphérique sur la fruchfica- tion des végétaux. — L'auteur a déjà montré que l'électricité atmosphérique exerce une influence favorable sur la nutrition des végétaux ; et ses nouvelles expériences montrent que «l'influence de l'électricité sur la floraison s’est tra- REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 71 duite par : 1° le retard apporté dans la floraison; 2 par le nombre des fleurs formées, 30 pour 160 environ en plus dans un cas que dans l’autre, » C. JoBerT. Sur une maladie du Caféier observée au Brésil. — La maladie sévit sur les caféiers plantés dans les terrains humides ; elle est déterminée par des anguillules logés dans des kystes développés sur les radicules. « Chaque kyste contient de quarante à cinquante œufs, et, si l’on fait un calcul approxi- matif, on arrive au chiffre, trop faible certainement, de plus de 30 millions d’anguillules par caféier. Arrivées au terme de leur développementintraovulaire, les jeunes anguillules s’échappent au dehors, laissant béante la cavité dans la- quelle elles se sont développées, et la radicelle ne tarde pas à pourrir et à être envahie par les cryptogames.» MAQuENNE. Sur la diffusion de la chaleur par les feuilles. — L'auteur a con- staté que «les organes verts des végétaux diffusent une proportion notable des rayons calorifiques qu'ils reçoivent. Cette diffusion est presque toujours accom- pagnée d’une réflexion imparfaite. » [la mesuré la valeur de cette diffusion, qui est inégale pour les deux faces de la feuille. Séance du 16 décembre 1878. BERTHELOT. Observations sur la note de M. Pasteur relativement à la fermen- tation alcoolique. — En réponse à la note lue par M. Pasteur dans la séance du 25 novembre, M. Berthelot écrit : « M. Pasteur a recherché et trouvé avec son habileté ordinaire les conditions dans lesquelles aucun ferment alcoolique ne se produit, et où, par conséquent, il n’y a point fermentation... Le problème subsiste donc tout entier, la démonstration donnée par M. Pasteur ne lui étant pas applicable. Si l’on entre plus profondément dans la discussion générale des causes de la fermentation, qui est au fond de cette question particulière, peut-être sera-t-il permis d'observer que A. Pasteur n’a pas davantage démon- tré cette antithèse séduisante par laquelle il oppose les étres aäérobies qui con- somment l'oxygène libre, ef les êtres anaérobies qui consommeraient l'oxygène combiné. Une telle fonction est purement hypothétique. Jusqu'ici, elle échappe même à la discussion, parce qu'on n'a jamais cité le moindre fait chimique pour la prouver. Précisons : Si la levüre de bière prenait au sucre de l'oxygène combiné, on devrait retrouver dans les liqueurs le résidu désoxydé, par exemple CPH®0®, ou C2H°0°, ou les produits de sa décomposition. Ce qu’on retrouve en réalité, c’est de l'alcool et de l'acide carbonique, dont les poids réunis représentent à peu près le poids du sucre... Aucun fait connu ne nous autorise donc à dire, ni même à supposer, que les ferments aient la propriété chimique singulière d'enlever au sucre une portion de son oxygène combiné. En tout cas, la science m'a toujours paru, comme à Claude Bernard, tendre à réduire l’action des ferments à des’conditions purement chimiques, c’est-à-dire relativement simples, mais indépendantes de la vie qui répond à un ensemble de phénomènes plus compliqués. C’est en effet ce qui a été réalisé successive- ment pour presque toutes les fermentations, comme le prouvent l’histoire de la fermentation glucosique de l’amidon dans l'orge germée, celle des corps gras 12 RÊVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, dans l'intestin, celle de l'amygdaline dans les amandes, celle du sucre de canne s’intervertissant sous l'influence de la levüre, celle de l’urée dans l’urine, etc. Deux ou trois cas seulement demeurent encore obscurs. Aussi, si la genèse des ferments figurés relève des phénomènes biologiques, comme les travaux de M. Pasteur l'ont démontré, d’autre part, on ne saurait méconnailre que la ten- dance générale de la science moderne ne soit de ramener l'étude des métamor- phoses matérielles produites dans les fermentations à des explications pure- ment chimiques. » M. Berthelot ajoute qu'il est parvenu à obtenir la production d'alcool « à froid, et au moyen du sucre soumis à l’électrolyse ». Il est vrai que M. Pasteur n'avait pas vérifié si la solution ne contenait pas quelque ferment figuré tombé du ciel ; et l’on sait, d’après sa dermère note, que cette vérification est facile, puisqu'il peut la faire sans peine sur tous les raisins d’une vigne. Quoi qu'il en soit, voici les anaérobies malades. Que va dire M. Tyndall, le champion anglais de M. Pasteur ? Renverra-t1l M. Berthelot à l’école, comme il prétendait y envoyer il y à quelque temps un autre «critique» de M. Pas- teur, bien petit bonnet celui-là; mais qui disait exactement les mêmes choses que M. Berthelot? Maurice RavnauD. 7roisieme note sur l'infection vaccinale. Rôle d’élabora- tion des ganglions lymphatiques. — L'auteur rappelle qu'il à déjà attribué au système lymphatique un rôle d'élaboration dans l'infection vaccinale, élabora- tion dont les ganglions seraient le siége; il a surtout insisté : «1° sur la con- stance absolue de l’engorgement du ganglion le plus proche du lieu d'inocula- tion, ou bubon vaccinal ; 2° sur la possibilité de déceler des traces de virulence dans le contenu des vaisseaux lymphatiques en amont de ce ganglion ; celui-e1 n'étant, au contraire, jamais virulent». Il pose en axiome que «le eritérium infaillible de l'infection vaccinale, c’est l’inaptitude à une réinoculation » ; et, pour montrer le rôle des ganglions lymphatiques dans l'infection vaccinale, il fait d'abord pénétrer le virus dans l’économie dans un point où il n’ait pas à traverser de ganglion ; il choisit la chambre antérieure de l'œil d’un veau. Sept jours après, une nouvelle inoculation faite à la peau était suivie d'infection; cette dernière n’avait donc pas eu lieu dans le premier cas. Dans une autre expérience, il enlève le ganglion poplité d’un veau, puis il pratique à la face externe du canon quelques inoculations ; au bout de dix-huit heures, 1l enlève le lambeau de peau inoculé et infection n'a pas lieu, car en inoculant, quel- ques jours après, le ventre, il v a éruption en ce point. Les ganglions jouent donc dans l’inoculation vaccinale un rôle nécessaire. A. CrovaA. Sur la mesure spectroscopique des hautes températures. — « L'étude spectrométrique des radiations lumineuses émises par les corps in- candescents, dit l’auteur, m'a conduit à un nouveau mode de détermination des hautes températures par l'analyse de la lumière qu'elles émettent. » Après quelques considérations et un exposé de faits trop techniques pour pouvoir être reproduits ici, il ajoute : « Cette nouvelle méthode permettra d'étendre l'échelle des températures au-delà de celles que peut mesurer le thermomètre à air et qui 2 REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES, 13 peuvent dépasser celle où la porcelaine commence à se ramollir... Ze per- mettra la mesure à distance de la température des sources lumineuses, notam- ment du Soleil et des Étoiles ; dans un autre ordre d'idées, elle permettra de régler et de surveiller l'allure de la température dans les foyers industriels en disposant à poste fixe un spectrophotomètre en face d’un regard pratiqué dans le fourneau. » M. Crova a mis, on le voit, la main sur une méthode d'observation de pre- mier ordre. Prcar. Aecherches sur l'urée. — « 1° Les quantités d’urée décevables dans 1000 grammes de rein varient avec l’activité de la sécrétion urinaire; les chiffres élevés résultent de la présence de l'urine dans les canalieules urini- fères. 2° La quantité durée contenue dans le liquide mixte qu'on obtint en pratiquant une fistule du canal thoracique pendant la digestion est très- voisine de celle qui est contenue dans le sang. 3° Les muscles et le foie d'un herbivore, le lapin, contiennent une proportion d’urée un peu plus élevée que celles que contiennent les muscles du chien nourri d’une façon mixte. 4° La section des nerfs qui entourent l'artère hépatique, diminue la proportion de l’urée dans le sang; «les animaux opérés ne sont jamais devenus diabéti- ques, comme l’a montré l'examen de leurs urines et de leur sang, et je rap- pelle que CI. Bernard a fini par affirmer que le diabète artificiel est, non un phénomène paralytique, mais une excitation nerveuse. » 5° « La section du nerf sciatique amène une légère diminution de la quantité d’urée contenue dans les muscles auxquels ce nerf se distribue. » L, FRépérico. Sur l’Hémocyanine, substance nouvelle du sang du Poulpe (Octopus vulgaris). — L'auteur a découvert, dans le sang du Poulpe, une substance albuminoïde, la seule coagulable par la chaleur et l'alcool que contienne ce sang, formant avec l'oxygène une combinaison peu stable qui est d’un bleu foncé, coloration qu’elle perd sous l’action du vide, au contact des tis- sus vivants, et par la conservation en verre clos ; en se décolorant, elle perd son oxygène. « Cette substance joue, dans la respiration du Poulpe, le même rôle que l’hémoglobine dans celle des Vertébrés. Elle se charge d'oxygène dans la branchie du Poulpe; puis, cheminant dans le système artériel et dans les ca- pillaires, elle transporte cet oxygène et le cède aux tissus, qui en sont avides. Le sang veineux du Poulpe est incolore ; le sang artériel bleu foncé. Ces chan- gements de coloration sont bien dus au fait de la respiration. On peut s’en assurer en mettant à nu là grande artère céphalique du Poulpe : le sang qu'elle charrie est bleu, tant que l'animal respire normalement dans l’eau ; dès qu’on l’en empêche, en le retirant de l’eau, ou simplement en introduisant les doigts dans la cavité palléale, le sang de l'artère se décolore et prend la teinte pâle asphyxique. Il en est de même si l’on paralyse les muscles respi- ratoires par la section des nerfs palléaux. » L'hémocyanine contient une forte proportion de cuivre qui y joue le même rôle que le fer dans l’hémoglobine; elle ne contient d’ailleurs pas de fer. YunG. De l'influence des différentes couleurs du spectre sur le développe- ment des animaux. — L'auteur a expérimenté sur les œufs de la Rana tem- 74 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. porara et de la Rana esculenta, du Salmo Trutta et du Lymnæa stagnalis. Les résuitats ont été les mêmes avec les trois types d'animaux : « 4° Les divers rayons colorés de la lumière solaire agissent d’une manière très-différente sur le développement des œufs des animaux cités plus haut; « 2 La lumière violette active d’une manière très-remarquable le dévelop- pement. Elle est bientôt suivie, sous ce rapport, par la lumière bleue, puis par la jaune et la blanche; . «3° Les lumières rouge et verte paraissent nuisibles, en ce sens que nous n'avons jamais pu obtenir le développement complet des œufs dans ces cou- leurs ; ; « 4° L'obscurité n’empêche pas le développement; mais, contrairement aux résultats de MM. Higginbottom et Mac Donnell, nous avons constaté qu’elle le retarde ; i « 5° On peut disposer les différentes couleurs du spectre, eu égard à leur influence sur le développement, dans la série décroissante suivante : Violet, Bleu, Jaune, Blanc, Obscur, Rouge, Vert (ces deux couleurs semblent nuisi- bles au développement) ; « 6° Des têtards de Grenouille, de même taille et soumis jusqu'alors aux mêmes conditions physiques, privés de toute nourriture, meurent sensiblement plus vite d’inanition dans les rayons violet et bleu que dans les autres; ils consomment plus rapidement leur économie alimentaire ; «7° La mortalité paraît plus grande dans les lumières colorées que dans la lumière blanche. Toutefois, les chiffres n'ayant pas toujours concordé sur ce point, 1l serait prématuré de se prononcer d’une manière positive. » Séance du 23 décembre 1878. FRÉDÉRICO. Sur la fonction chromatique chez le Poulpe. — D’après l’auteur, les changements de coloration de la peau du Poulpe ne correspondent pas géné- ralement à des faits de mimétisme ; ils expriment les diverses émotions, sur- tout la colère ou la peur. Quand on irrite l’animal, sa peau prend une teinte foncée, précédée d’une coloration de la pupille. La section du nerf qui se rend aux muscles des chromatophores a pour résultat le retrait de ces derniers et la décoloration ; l'excitation du même nerf produit l’effet contraire. Le centre d'action des nerfs qui se rendent aux muscles des chromatophores est dans la masse nerveuse sous-æsophagienne. Les muscles des chromatophores peuvent être excités directement; après la section de leurs nerfs, il suffit d'irriter la peau par l'électricité, la chaleur, les acides, ete., pour déterminer la formation d’une tache foncée. Une lumière très-vive fait pâlir la peau. Séance du 30 décembre 1878. Pasteur. Æéponse à M. Berthelot (voir, plus haut, la séance du 46 dé- cembre). — Ce qui ressort le mieux de cette «réponse », qui est une attaque violente, c'est que M. Pasteur est fort en colère, et l’on sait que ce n’est pas la première fois. « Peut-être aurais-je pu prévoir, s’écrie-t-il, que derrière REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 10 l'obstacle dressé inopinément contre mes travaux, par la publication du manus- crit posthume de Cl. Bernard, je trouverais notre confrère M. Berthelot ; mais jamais je ne me serais attendu aux appréciations que je viens de repro- duire; » puis il se précipite tête baissée dans l'arène; il accuse M. Berthelot d'employer « des artifices de dialectique subtile» et de produire « des asser- tions contraires à l'évidence » ; il déclare qu’il n’a pas « à se préoccuper des vues préconçues de M. Berthelot, qui ne sauraient atteindre des faits et des conclusions qu'il croit avoir rigoureusement démontrés ». Et comme M. Ber- thelot a osé toucher à ces « conclusions » sacrées, il lui dit assez nettement qu'il est incapable, comme du reste CI. Bernard, de faire des expériences sé- rieuses : « J'ai pu prendre corps à corps les expériences de Bernard et dé- montrer qu'il s'était trompé ; » en voilà un roulé dans la poussière ; les deux épaules ont touché le sol ; à l’autre : « Lorsque, à l’exemple de Cl. Bernard, M. Berthelot aura tenté d'appuyer par l'expérience des hypothèses, aujour- d'hui sans valeur, parce qu’elles sont toutes gratuites, s’il découvre un fer- ment alcoolique soluble, j'applaudirai à sa découverte, qui sera des plus 1u- téressantes et ne me génera aucunement ; s’il arrive à des conclusions contraires aux principes que j'ai établis, je l’assure ici que je m’empresserai de faire pour son travail ce que j'ai fait pour celui de Bernard, c’est-à-dire que j'en mon- trerai les défaillances et l'impuissance.» Ah ! monsieur Berthelot, vous avez cru que, parce que vous êtes un grand chimiste, vous aviez le droit de critiquer, bien doucement cependant, les «conclusions », les «principes » de M. Pas- teur, vous n'avez que ce que vous méritez : vos travaux sont déclarés, à lavance, remplis de «défaillances» et d’ « impuissance ». M. Berthelot ayant osé dire à M. Pasteur qu'il ne croirait à ses anaérobies que quand il les aurait vus, le Fermier général des fermentations le prend de haut : « M. Berthelot me somme, en quelque sorte, de faire connaître la phy- siologie des êtres que j'ai appelés anaérobies. Ce serait merveilleux vraiment de la posséder, et M. Berthelot sait très-bien que je n'ai jamais eu cette pré- tention. » — Il n’a, en effet, jamais eu qu’une seule prétention, ce bon M. Pas- teur, celle d'imposer ses « principes » comme paroles d'Evangile, et il trouve étrange que M. Berthelot soit plus chimiste que crédule. En passant, un petit coup à M. Frémy, qui cependant n’est pour rien dans l'affaire. Puis, le bouquet : « J'ajoute, en terminant, que c’est toujours une énigme pour moi que l’on puisse croire que je serais gêné par la découverte de fer- ments solubles dans les fermentations proprement dites ou par la formation de l'alcool à l’aide du sucre, indépendamment des cellules, » Comment, en eftet, peut-on supposer que M. Pasteur serait gêné par les ferments solubles ? il suffit qu'on lui en parle pour qu'il se mette dans un état tel qu’on éprouve l'envie de lui rendre le service que Cham rendit à Noé. Et il continue : « Je ne vois pas que la présence de ces substances solubles, si elle était constatée, puisse rien changer aux conclusions de mes travaux, et moins encore si l'alcool prenait naissance dans une action d’électrolyse. » La preuve que tout cela ne peut pas gêner M. Pasteur, c’est qu’ « on est d'accord avec lui lorsque : on accepte _ 16 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. que les fermentations proprement dites ont pour condition absolue la présence d'organismes microscopiques.» Si M. Pasteur ne disait pas «fermentations pro- prement dites », on pourrait lui faire remarquer que c'est précisément ce « principe » qui lui est contesté par M. Berthelot et par beaucoup d’autres de moindre valeur; mais ce « proprement dites » est si bien placé, que M. Berthelot fera bien d’y regarder à deux fois avant de redescendre dans l’arène. C’est peut-être ce qu’il s'est dit, car il s’est abstenu de répondre aux « vivacités » de M. Pasteur, et fera bien peut-être de persévérer dans cette attitude, s’il a quelque souci de la santé de son adversaire. — C'est M. Trécul qui a reçu le dernier coup de boutoir; mais aussi qu'aillait-il faire dans cette galère? Avec sa parole pâteuse et son esprit tortueux il n’y pouvait recevoir et n'y a Jamais reçu que des coups. M. Berthelot n’a, je crois, pas besoin de son aide. Coury, Éecherches sur l'action physiologique du Maté. — T’auteur établit, à l’aide d'expériences faites sur les chiens, que le maté « semble localiser son influence sur les appareils de la vie organique, et plus spécialement sur des or- ganes qui sont relativement très-indépendants des centres nerveux et surtout de l’encéphale : tels que les intestins, la vessie, les nerfs accélérateurs du cœur. » ; GEDDES, Sur la fonction de la Chlorophylle avec les Planaires vertes. — L'auteur a observé, à Roscoff, une espèce de planaire verte, très-abondante dans l’eau de la mer, qui recherche avidement la lumière et se comporte comme les plantes vertes, c’est-à-dire décompose l'acide carbonique, dégage de l'oxygène sous l'influence des rayons lumineux. Placés dans l'obscurité, ces animaux meurent rapidement. Société de biologie de Paris. Séance du 3 janvier 1879. M. François Franck décrit au nom de M. Frédéricq, de Gand, un Procédé qui permet de conserver dans leur forme et leur grandeur naturelles les pièces anatomiques. Ge procédé est le suivant : on durcit dans l'alcool un cerveau de chien, de chat,.etc., ou un organe quelconque (foie, rate), puis on le porte dans la térébenthine. Au bout de quelques jours, quand il est devenu trans- parent comme du savon à la glycérine, l'organe est plongé dans de la paraf- fine liquéfiée et maintenue à une température de 50 degrés à 60 degrés au maximum. On l'y maintient pendant quelque temps, pour laisser la paraffine l'imbiber dans toute son épaisseur, puis lorsqu'on juge que la pénétration est complète, on retire l'organe et on l’essuie avec du papier à filtre, dans un cou- rant de vapeur d’eau. La pièce refroidie est dure et résistante, si on a employé une paraffine fondant vers 50 à 35 degrés : on y distingue très-nettement les moindres inégalités de surface, et la préparation présente le grand avantage d'être conservée dans sa grandeur naturelle. Malheureusement ce procédé ne peut guère s'appliquer qu'à des organes d'une dimension moyenne : il convient REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 417 encore pour le cerveau du chien, mais il ne saurait convenir pour celui de l’homme. M, Mathias Duva, qui connaissait déjà le procédé de M. Frédériceq, lui re- proche de donner des préparations qui ressemblent trop à un moulage et qui ne montrent plus trace de la substance cérébrale. Il a modifié ce procédé de la manière suivante : il traite un cerveau par l'acide azotique (procédé de Broca), puis par le bichromate de potasse; quand ces deux agents chimiques suc- cessifs se trouvent en contact, 1l se produit de l’acide chromique à l’état nais- sant, qui durcit la substance cérébrale. C'est alors seulement qu'on fait inter- venir la térébenthine et la paraffine. L’acide chromique fait du cerveau une matière spongieuse dans laquelle s’incruste la paraffine : on distingue nette- ment l’une de l’autre, grâce à leur coloration différente, la matière incrus- tante et la matière incrustée. M. P. Berr fait remarquer que si M. Frédéricq n'avait pas soin de suspendre ses pièces, elles s'affaisseraient sur elles-mêmes et présenteraient une surface plane aux points par lesquels elles auraient reposé sur le fond du vase. Il rap- pelle que, pour remédier à cet inconvénient, Gratiolet, qui durcissait les cer- veaux par l'alcool, versait au fond de ses vases une solution très-concentrée de chlorure de zinc : l'alcool et le cerveau surnageaient. On peut faire remarquer qu’une couche d’ouate placée au fond du vase eût présenté de plus grands avantages que le chlorure de zinc. M. JAvAL expose quelques Considérations intéressantes sur les circonstances qui peuvent rendre la lecture plus ou moins facile. Quand nous lisons, nous ne fixons pas tour à tour le haut et le bas d’une même lettre, le regard ne suit pas le contour des diverses lettres, ce serait là pour les muscles moteurs de l'œil un travail trop pénible. La fixation est, au contraire, très-précise, et le point de fixation est très-pelit, pour ainsi dire géométrique. Pendant la lecture, ce point de fixation se promène horizontalement. Mais à quel niveau ? M. Javal établit que c'est environ à l'union des deux tiers inférieurs avec le tiers supérieur des lettres ordinaires, et cela pour deux raisons. Une statistique lui a montré que sur 100 lettres munies de longues, 85 por- tent des longues supérieures, tandis que 13 seulement portent des longues in- férieures : c’est pour cela que la ligne de fixation se rapproche du haut des lettres et tend à prendre une position moyenne entre le bas des lettres ordinaires et le haut des lettres à longues supérieures. Si, d'autre part, on coupe exactement en deux la moitié supérieure d’une ligne d'impression et qu’on cache toute la partie inférieure de cette ligne, on lira très-couramment. Si on fait l'expérience inverse, la lecture est devenue impossible, Le caractéristique des lettres se trouve donc dans leur partie supé- rieure, et c'est encore pour cette raison que la ligne de fixation se trouve pré- éisément dans la partie supérieure de la ligne. Une condition qui rend la lecture très-fatigante, c’est l’uniformité dans les caractères d'imprimerie. Dans le mot rosace, par exemple, si nous négligeons l’r et si nous couvrons les deux tiers inférieurs du mot, nous verrons que tout ce qui déborde est absolument uniforme, circonstance qui rend la lecture très- 18 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. pénible. Dans les anciens livres, les parties supérieures des lettres 0, $, 4, €, e, actuellement semblables, étaient au contraire fort différentes et ne pouvaient permettre aucune confusion. M. Javal, en insistant sur ce point, propose donc de revenir aux caractères elzéviriens, si élégants et si faciles à lire. Société zoologique de France. Extrait du procès-verbal de la séance du 6 décembre 1878. M. F. Lataste fait part à la Société de quelques observations herpétologiques qu'une excursion dans les Hautes-Pyrénées ui a permis de faire durant les mois de juin et juillet de cette année. Æana fusca Rœsel, qui, dans les plaines de l’ouest de la France, disparait au-dessous du département de la Loire-[nférieure, se montre très-abondante surles Pyrénées, tandis que, même à l'altitude de Bagnè- res-de-Bigorre, sa congénère plus méridionale, Rana agilis Thomas, semble ne plus se rencontrer. De même, Coronella lœvis Laur., très-rare dans les plaines du Sud-Ouest, où la Coronella girundica Daud. la remplace, parait se retrouver plus abondante et seule dans les Pyrénées. En sens inverse, Vipera aspis L., qui manque en France aux provinces les plus septentrionales, mais est très- répandue dans tout le Midi, s'étend jusque dans les îles méditerranéennes, comme la Sicile, et a même (probablement à tort) été signalée en Algérie, est excessivement commune dans les Pyrénées, où, fait plus remarquable encore, elle se montre de préférence sur les crêtes élevées, à l'exposition du midi, at- teignant une altitude de 2000 et 2200 mètres. Vipera berus L., au contraire, qui vit dans le nord de la France, descend jusqu’en Bretagne et se montre très- abondante en Suisse, parait tout à fait étrangère à la faune pyrénéenne. F. Laraste.T'entatives d’hybridation chez les Batraciens Anoures et Urodèles. — Expériences de A. de l’Isle.—Mes premiers essais en 1877.— Les Tritons femelles, deux jours après avoir été séparées de leurs mâles, pondent encore des œufs fertiles ; mais leur fécondité, dans ces conditions, se prolonge fort peu de tempsau-delà de ce terme.—Le Triton crêté (et peut-être aussi le marbré) peut sans inconvénient rester à l’eau après sa métamorphose.—Le Triton crêté acquiert les signes de la puberté un an après la métamorphose.—Zes œufs pondus par les femelles deux jours au moins après qu’elles ont été éloi- gnées des mâles, donnent presque exclusivement naissance à des femelles. —Mes deuxièmes tentatives en 1878.—Les Batraciens Anoures mâles peuvent prendre tous les attributs extérieurs du rut en captivité; et leur aptitude à la repro- duction subsiste fort longtemps quand ils sont empêchés d'en faire usage.— Les femelles de Batraciens Anoures, én captivité, ne pondentpas, ou très-rare- ment pondent des œufs stériles. — Elle peuvent, sans le secours du mâle, pon- dre les œufs déjà descendus de l'ovaire, —Les œufs, retenus dans ies utérus ou les oviductes, s’y altèrent rapidement.—Comment ces œufs passent-ils de la cavité péritonéale dans les oviductes, et comment cheminent-ils dans ceux-ci ? REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. | | 79 —Hybridation de Pelobater cultripes & et Pelobater ©.— L'absence de direc- tion dans le développement, où l'insubordination à la loi morphologique héré- dilaire, tel paraït être le caractère saillant des autres hybridés et des tètards qui en proviennent. La mort, plus ou moins précoce suivant qu'ils sont plus ou moins aberrants, en est la conséquence. Dans sa séance du 20 décembre, la Société zoologique de France a procédé | au renouvellement de son bureau pour l’année 1879. Ont été nommés : Vice-présidents : MM. P. Mabille, F. Lataste; secrétaire, général, M. A. Bouvier; secrétaires, MM. E. Simon, Bertin, R. Blanchard; trésorier, M. J. Mabile ; archiviste bibliothécaire, M. Berger. Académie des sciences de Bruxelles. J.-Mac Leon, Æecherches sur l'appareil venimeux des Myriapodes Chilo- podes. — Dans son rapport à l’Académie, M. Plateau a résumé les faits con- tenus dans ce mémoire de la façon suivante : « Les Myriapodes Chilopodes ou‘carnassiers ont fait l’objet de nombreux travaux. Un point assez important de leur anatomie était cependant resté obscur. Bien que l’on sût que ces ani- maux tuent leur proie par une morsure venimeuse, on ignorait complétement le siége et la nature des glandes produisant le poison. J’ai montré, en effet, dans mon mémoire : Sur les phénomènes de la digestion chez les Myriapodes de Belgique, que tous les observateurs s’étaient trompés, que les organes glan- dulaires qu'ils indiquaient comme glandes venimeuses, déversaient leur pro- duit dans la bouche, et n’aboutissaient pas aux crochets ou forcipules; il fallait donc chercher ailleurs les glandes venimeuses véritables. Profitant d’un envoi de Java, comprenant un certain nombre d'échantillons très-frais de l’une des plus grandes Scolopendres, la Scolopendra horrida, M. Mac Leod s’est d’abord assuré que, chez ce type exotique, les glandes, con- sidérées jadis comme venimeuses, venaient déboucher dans la cavité buccale, comme chez nos Myriapodes indigènes ; puis, partant de ce fait qu'il a mis hors de doute pour six espèces de Chilopodes appartenant à tous les genres princi- paux, que les crochets forcipulaires offrent, toujours près de la pointe et sur la surface supérieure, un orifice oblique, il a recherché les glandes venimeuses vraies dans l'épaisseur des crochets eux-mêmes. Il a mis en usage le procédé qui m'avait donné d'excellents résultats pour effectuer des coupes d’articulés entiers (Aranéides) : l'immersion successive dans Palcool, la térébenthine et la paraffine fondue. De nombreuses sections transversales ou longitudinales ont permis à l’auteur de découvrir et de dé- crire, pour la première fois, la glande venimeuse des Myriapodes carnassiers. Gette glande est logée dans le crochet forcipulaire et une partie de l'article ba- silaire de celui-ci ; elle se compose : 4° d’un canal excréteur chitineux, aboutis- sant à l'orifice de la pointe du crochet et occupant l'axe de la glande; ce canal 80 | REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. est perforé d’un grand nombre de petits pertuis prolongés en petites tubulures cylindriques; 2 de longues cellules sécrétoires disposées autour du canal d’une manière rayonnante, et dont chacune aboutit à une des petites tubulures; 3° d’une tunique propre enveloppant le tout et donnant à l'organe une forme voisine d’un prisme allongé à quatre pans. Malgré la petitesse des organes, M. Mac Leod a pu aisément retrouver une disposition identique chez notre espèce indigène la plus commune, le Z2thobius forficatus. » L. Frépérico, Sur la digestion des albuminoïdes chez quelques Invertébrés. — M. Schwann, rapporteur, résume le travail de l’auteur de la façon sui- vante : « Les travaux de M. Frédéricq ont eu pour objet des Annélides, un Ver Cestoide, des Mollusques, des Ascidies, un Bryozoaire, un Echinoderme, un Cœlentéré et des Spongiaires. Il traite les organes digestifs de l’animal, s'il est assez grand pour les isoler, avec de l'alcool. Si les animaux sont trop pe- tits, il en prend un grand nombre et les met tout entiers dans l'alcool ; l'alcool coagule les corps albuminoïdes en ménageant les ferments. Les objets traités ainsi sont séchés et pulvérisés. Cette poudre devait contenir les ferments. Pour les distinguer, une partie de la poudre fut infusée avec de l’eau distillée, une autre avec de l’eau acidulée par l'acide chlorhydrique, une troisième avec de l'eau alcalinisée par le carbonate sodique. Un flocon de fibrine placé dans les différents liquides, chauffés à 40° C., indiquait, par sa solution ou sa résis- tance, la présence ou l'absence de ferments analogues à la pepsine ou à la thrypsine. La présence de diastase fut examinée par l’empois d’amidon ajouté à l’infusion aqueuse et par les réactifs sur la glycose. Le résultat général était que la transformation des aliments s'effectue chez les animaux Invertébrés par des ferments digestifs analogues à ceux des Vertébrés. Ces substances sont solubles dans l’eau, se précipitent par lalcool, et les produits de la digestion sont les mêmes. Ces ferments sont principalement analogues à la thrypsine et à la diastase, rarement à la pepsine. » Félix PLareau. Communication préliminaire sur les mouvements et l’in- nervation de l'organe central de la circulation chez les animaux articulés. — Les expériences de l’auteur ont porté sur deux Crustacés, l'Ecrevisse et le Crabe commun (Carcinus Mænas). L'auteur attache l'animal sur une planchette et met le cœur à nu en enlevant un fragment rectangulaire de la carapace. Pour interpréter les tracés formés, il fait remarquer que les parties ascendantes de la courbe répondent à la diastole et les parties descendantes à la systole. Le cœur n'ayant qu’une cavité unique, le tracé qu’il donne rappelle celui qui est fourni par un muscle en contraction : l'ascension est presque brusque; elle est terminée par une courte phase ou plateau diastolique, moins rapide, puis une descente graduelle à vitesse variable, d’abord rapide, puis plus lente. Le tracé est modifié par les plus petites causes. Le cœur offre une onde musculaire mar- chant d’arrière en avant, comme chez les Insectes, prouvant qu'il s’agit ici d'un véritable vaisseau dorsal. Le fait que l'onde cardiaque prend naissance dans la région postérieure du cœur acquiert une réelle importance quand on se rappelle qu'Emile Berger assigne aux cellules ganglionnaires du cœur de REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANIES. 81 l’Ecrevisse la région postérieure. L'animal étant plongé dans une eau dont la température est graduellement élevée, le nombre des pulsations s’accroit jus- qu'à 45 degrés, puis il diminue. Il existe chez les Articulés comme chez les Vertébrés : 1° des nerfs du cœur émanant du système nerveux général, et 2° des centres nerveux intracardiaques. L’excitation électrique du nerf car- diaque provoque des battements dans un cœur d'Ecrevisse devenu immobile; l'excitation de la chaine ganglionnaire ralentit ou même abolit les pulsations ; la destruction de cette chaine, chez le Crabe, amène une accélération; le cœur de l'Ecrevisse extrait du corps bat pendant un certain temps en conservant des contractions rhythmiques. Les premières observations de l’auteur montrent que, quoique le nerf cardiaque émane du groupe viscéral auquel, depuis New- port, on donne le nom de pneumogastrique des Articulés, il ne se comporte pas comme un nerf vague proprement dit, n’est pas modérateur ou suspen- seur, mais au contraire excilateur ou accélérateur. Les rameaux modérateurs ou d'arrêt émaneraient bien réellement de la chaine ventrale. «4° L’excitation mécanique ou chimique du nerf cardiaque, même loin du cœur, augmente la rapidité des pulsations et souvent leur amplitude, qui peut devenir double, la courbe tracée devenant deux fois plus haute; 2° la section du nerf cardiaque, au lieu de déterminer une accélération, ce qui aurait lieu chez un Vertébré, est suivie d’un ralentissement manifeste, faisant par exemple tomber le nom- bre des pulsations par minute de 96 à 70; 3° l'excitation mécanique de la région thoracique de la chaine ganglionnaire {entre les deuxième et troisième paires de pattes et sans perte de sang) amène toujours un ralentissement mar- qué des battements du cœur. Je citerai, parmi les preuves de l’antagonisme du nerf cardiaque et des branches émanant de la chaine ganglionnaire, l'ex- périence curieuse suivante : chez une Ecrevisse un premier tracé du cœur, à l’état normal, accuse 61 pulsations régulières par minute. On excite mécani- quement la chaîne nerveuse thoracique en y enfonçant une aiguille entre les deuxième et troisième paires de pattes ; le nombre des pulsations tombe à 36 et elles sont beaucoup moins amples. À ce moment, on excile le nerf cardiaque avec quelques gouttes d’une solution concentrée de sel marin; le nombre des pulsations remonte à 61, et elles affectent de nouveau, à très-peu près, la forme normale. 4° L'injection de 0,03 milligrammes de sulfate d’atropine dans le système lacunaire de l'animal amène un ralentissement considérable des mouvements du cœur. Dans une de mes expériences, ce ralentissement fut de près de la moitié, de 120 pulsations par minute à 74. 5° L'action de la digitaline est encore obscure (injection de 5 milligrammes). Après un certain temps variable, le tracé perd de sa régularité et indique un ralentissement notable, mais qui n’est pas suivi d'accélération. Le cœur s'arrête enfin en sys- tole et l’on ne parvient plus à y réveiller des mouvements. Un certain nombre de substances appliquées directement sur le cœur ont donné des résultats éga- lement-curieux. L’acide acétique étendu excite les mouvements cardiaques, les réveille s'ils ont-cessé et les fait même persister pendant plusieurs heures chez les Crustacés, dont le cœur à nu se serait arrêté depuis longtemps dans les conditions ordinaires (Crabe). L'acide citrique (solution à 4/10) semble ont NO MIT) ? 6 82 ; REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. aussi exciter les contractions du cœur (Ecrevisse), La glycérine pure, loin de déterminer l'arrêt du cœur, ne modifie pas ses mouvements. Ceux-ci persis- tent assez longtemps sous son action (Ecrevisse). Quant à la vératrine, une solution excessivement faible détermine l'arrêt du cœur, soit en systole, soit en diastole; malgré cela, l’animal, mis en liberté, marche, pince et conserve de l’activité pendant plus d’une heure; une solution plus faible encore aug- mente simplement l'amplitude des pulsations pendant quelques secondes. » Société royale de Londres. Séance du jeudi 17 décembre 1878. J. Norman Locxyer. — De la nature des « Eléments» chimiques. M. Norman Lockyer lit un long mémoire dans lequel il discute les argu- ments tirés de l'observation spectroscopique du soleil et des étoiles et de ses expériences de laboratoire qui le conduisent à cette conclusion que les « élé- ments » des chimistes sont en réalité des corps composés. Pour que les arguments invoqués par M. Lockyer soient bien compris, il. est nécessaire de rappeler brièvement le résultat des recherches antérieures. En règle générale, lorsqu'on veut étudier le spectre d’une substance, il faut la volatiliser dans une flamme gazeuse ou bien lui faire produire des étincelles à l’aide d’un appareil à induction, et faire tomber les rayons lumineux sur la fente du spectroscope. Ou obtient alors généralement un spectre dont les lignes occupent le champ entier de la bande ; mais en interposant une lentille entre la flamme et la fente du spectroscope, M. Lockyer a pu étudier les diverses ré- gions de la vapeur incandescente et établir le fait déjà noté, mais auquel on n'avait guère prêté d'attention, que toutes les lignes du spectre de la sub- stance volatilisée ne s'étendent pas à égale distance à partir des pôles. Il a montré ensuite, à l’aide de cette méthode d'observation, que dans le cas d’alliages contenant différentes proportions de deux métaux, si l’un des mé- taux constituants est en très-petite quantité, son spectre est réduit à sa forme la plus simple, les lignes qui sont les plus longues avec la substance pure, apparaissant seules. Si l’on augmente la proportion de ce métal, les autres lignes se montrent graduellement dans l’ordre de la longueur relative qu'elles possèdent dans le spectre de la substance pure. Des observations semblables furent faites avec des corps composés. On constata aussi que les lignes fournies par une substance déterminée varient non-seulement en longueur et en nom- bre, mais aussi en éclat et en épaisseur, suivantsa proportion relative. . Armé de ces faits et se proposant de déterminer ainsi exactement les élé- ments qui entrent dans la composition du soleil, M. Lockyer commença, il y quatre ans environ, la construction d’un tableau d’une région déterminée du REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANIES. 83 spectre des corps métalliques pour la comparer avec la même région du spectre solaire. Dans ce but, il prit environ deux mille photographies de spectres d'éléments métalliques divers, et observa directement plus de cent mille de ces spectres. Comme il est à peu près impossible d'obtenir des substances pures, les photographies furent soigneusement comparées dans le but d'éliminer dans chacune d’entre elles les lignes dues aux impuretés ; l'absence d’un élément particulier, à l'état d’impureté, étant considérée comme démontrée lorsque les lignes les plus longues et les fortes étaient absentes de la photographie de l'élément soumis à l'observation. M. Lockyer dit que le résultat de tout ce tra- vail fut de montrer que l'hypothèse d’après laquelle des lignes identiques existant dans des spectres différents seraient dues aux impuretés n'est plus suffisante, car iltrouve des lignes coïncidant dans les spectres de plusieurs métaux, dans lesquels l'absence d’impuretés était démontrée par l'absence des lignes les plus longues. Il ajoute qu'il y a cinq ans, il indiqua que certains phénomènes physiques présentés parle soleil et les étoiles lui suggérèrent une autre hypothèse d’après laquelle les éléments chimiques eux-mêmes ou du moins une partie d'entre eux seraient des corps composés. Il lui parut, par exemple, que plus un astre est chaud plus son spectre est simple. Les astres les plus brillants, en effet, et par suite les plus chauds, comme Sirius, donnent un spectre dans lequel on ne trouve que les lignes très-larges de l'hydrogène et un petit nonbre d’autres lignes métalliques très-fines, caractéristiques d'éléments d’un poids atomique très-faible ; tandis que des astres moins chauds, comme notre soleil, fournis- sent un spectre qui indique un plus grand nombre d'éléments métalliques que les astres semblables à Sirius, mais aucun élément non métallique. Ces faits paraissent faciles à expliquer, si l’on suppose qu'à mesure que la température s'élève, les corps composés sont d’abord divisés en leurs « élé- ments » constituants, puis que ces éléments eux-mêmes sont dissociés en d’au- tres «éléments » d’un poids atomique plus fable. M. Lockyer considère ensuite quels devront être les différences présentées par les phénomènes spectroscopiques en supposant que À contienne B, à l'état d'impureté et comme constituant. Dans tous les cas, A doit posséder un spectre propre. B, de son côté, s’il n'existe qu’à l’état d’impureté, ajoutera ses lignes au spectre de À, dans une mesure équivalente à la proportion dans laquelle il est mélangé à A; tandis que s’il existe comme constituant «le ce dernier, il n’ajoutera ses lignes que dans la proportion où A est décomposé et B mis en liberté ; de sorte que sous l'influence d'une élévation de la température, le spectre de A s’affaiblira, si À est un corps composé, tandis qu'ilne s’affaiblira pas si À est un véritable élément simple. En outre, si À est un corps composé, ses lignes les plus longues à une température déterminée ne seront pas les plus longues à une autre température. Le mémoire de M. Lockyer développe sur- tout des recherches de ce genre relativement aux spectres du calcium, du fer, de l'hydrogène et du lithium observés à des températures variées, et l’auteur montre que précisément les modifications produites dans les spectres confir- ment l'hypothèse que ces corps ne sont pas des éléments simples. Chaque sel 84 REVUE INlERNATIONALE DES SCIENCES, . de calcium, par exemple, possède un spectre propre tant que la température est maintenue au-dessous d’un certain degré, mais à mesure que l’on élève la tem- pérature, le spectre du sel s'éteint graduellement et l’on voit apparaitre de très-fines lignes dues au métal dans les régions bleue et violette du spectre. A la température de l'arc électrique, la ligne située dans le bleu est très-intense, les lignes violettes H et K étant encore minces. Dans le soleil, les lignes H et K son! très-épaisses, et la ligne du bleu est d'une intensité moindre que les deux autres et beaucoup plus mince que dans l'arc. Enfin, les photographies spec- troscopiques des étoiles du docteur Huggin montrent, d’une part, que les lignes H et K existent dans le spectre de a de l’Aïgle, la dernière n'ayant toutefois que la moitié environ de la largeur de la première, et d'autre part que, ,dans le spectre de a de la Lyre et de Sirius, la ligne H du calcium existe seule. Les observations spectroscopiques des tourbillons solaires du professeur Young prouvent également que ces différentes lignes se rapportent à des substances différentes, car il a vu que la ligne H était injectée 75 fois dans la chromo- sphère, la ligne K 50 fois seulement, tandis que la ligne bleue, qui est la plus importante du calcium, à la température de l'arc électrique, n’est injectée que 3 fois seulement. Dans le spectre du fer, deux groupes composés chacun de trois lignes, situés dans la région comprise entre H et G sont essentiellement caractéristiques de ce métal. En comparant les photographies du spectre solaire et l’étincelle pro- duite entre les pôles de deux morceaux de fer, l'intensité relative de ces groupes de lignes se montre absolument renversée; les lignes les moins vi- sibles dans le spectre de Pétincelle étaient les plus prononcées dans le spectre solaire, tandis que le groupe qui prédomine le plus dans le spectre de l’étin- celle est représenté dans celui du soleil par des lignes moins épaisses de plus de moitié. Le professeur Young a observé, dans les tourbillons solaires, deux très-belles lignes dans le spectre du fer, près de G, injectées trente fois dans la chromosphère, tandis que l’une des lignes du groupe n’était injectée que deux fois. ; M. Lockyer estime que ces faits sont très-faciles à comprendre, si l'on admet que les lignes sont produites par la situation de plusieurs molécules distinctes. Le spectre du lithium offre une série de changements coïncidant avec l’éléva- tion de la température et analogues à ceux que présente le calcium. En -discutant le spectre de l'hydrogène, M. Lockyer ajoute un certain nombre de faits et de considérations du plus grand intérêt. Il indique que la ligne la plus réfrangible de l'hydrogène dans le spectre solaire, 2, ne se montre dans les recherches de laboratoire que lorsqu'on emploie des températures très- élevées et qu'elle était absente du spectre des protubérances solaires de 1875, quoique les autres lignes de l'hydrogène aient pu être photographiées. Cette hgne coïncide aussi avec la ligne la plus forte de l’'indium, ainsi que l'avait déjà signalé Talen et peut-être photographiée en faisant volatiliser l'indium dans l'arc électrique, tandis que le palladium, chargé d'hydrogène donne une pho- tographie dans laquelle aucune des lignes de l'hydrogène n’est visible. En employant une étincelle très-faible à une pression très-basse, la ligne F de REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANIES. 85 l'hydrogène située dans le vert, s'obtient sans les lignes bleue et rouge, qui sont visibles avec une étincelle plus forte, de sorte qu’il se produit dans le spectre de l'hydrogène des altérations semblables à celles qui se manifestent avec le calcium. ; En terminant cette partie de son mémoire, M. Lockyer ajoute qu'il a acquis l'assurance que la substance donnant la ligne non renversée dans la chromo- sphère qui a été distinguée sous le nom d’hélium et qui n’a pu encore être identifiée avec aucune autre forme de la matière, ainsi que la substance don- nant la ligne 1474 ou coronale, sont en réalité d’autres formes de l'hydrogène, l'une plus simple que la forme qui donne la ligne 4, l’autre plus complexe que celle qui donne la ligne F seule. Il n'est pas douteux que les faits signalés par M. Lockyer sont de la plus haute importance et qu’ils doivent avoir une influence considérable sur les recherches spectroscopiques ultérieures ; mais ses arguments sont si différents de ceux qu'invoquent d'ordinaire les chimistes, qu’il est nécessaire, pour qu'ils amènent la conviction, qu'ils soient vérifiés par d’autres observateurs et que les obser- vations faites sur les autres mondes soient contrôlées dans nos laboratoires, On a émis l'hypothèse que la même molécule pouvait être susceptible de vibrer de différentes façons sous l’influence de températures différentes, et, par suite, de donner des spectres différents comme une cloche pour donner des sons différents sous l'influence de chocs inégalement forts; cependant, le fait signalé par M. Lockyer, que le passage du spectre d'un corps composé en spectre de la plus basse température de ses éléments métalliques, est analogue au passage du spectre de la plus basse température d’un métal aux spectres qu'il fournit à une température plus élevée, ne parait pas être favorable à cette hypothèse et la similitude des phénomènes ne permet guère de nier que dans les deux cas il y ait également décomposition (1). Académie des sciences de Vienne. Séance du 5 décembre 1878. J. SrepnAn. Swr la diffusion des liquides ; première partie : Wéthodes opti- ques d'observation. — L'auteur discute d’abord les observations de MM. E. Voit et Hope-Seyler sur la diffusion des solutions sucrées et les compare avec la théorie de la diffusion émise par von Fick. C’est avec cette théorie que s’ac- cordent le mieux les expériences de Hope-Seyler sur la diffusion du sucre de l'urine, et, d’après ces expériences, on peut aussi déterminer le coefficient de diffusion qui a été trouvé égal à 0%,42, en prenant le centimètre comme unité de longueur et le jour comme unité de temps. Les observations de Hope-Seyler faites avec un autre saccharimètre sur le (1) Extrait du Pharmaceutical Journal, déc. 1878. 86 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. sucre de canne, ainsi que les expériences analogues de Voit, sont tellement en désaccord avec la théorie, que les calculs faits d’après les formules de ces théories n’ont aucune valeur. Il parle ensuite des expériences faites par Johannisjanz, d’après la méthode du prisme de Kundt, les résultats de ces expériences s'accordent mieux avec la théorie queles autres ; mais le coefficient de diffusion du sel de cuisine dans l'eau, c’est-à-dire 0°,45 est trop faible de plus de moitié. D’après les calculs de von Fick surle même sel, ce coefficient est 0°,94 à 15 degrés et 1°,13 à 20 degrés, et ces chiffres s'accordent avec les expériences de Graham et avec celles que l’auteur publiera plus tard. Les erreurs considérables des résultats fournis par la méthode optique viennent de ce qu'on a tort de supposer qu'un rayon lumineux horizontal, tom- bant sur une cloison verticale limitant un liquide en diffusion, resterait ho- rizontal pendant son passage à travers ce liquide. Un liquide, dont la densité diminue de bas en haut, enfermé entre deux cloisons parallèles, se comporte comme un prisme dont la surface de réfraction est tournée en haut, ou bien, lorsque la diminution de densité du liquide est irrégulière de bas en haut, le liquide offre à côté des propriétés du prisme celles d’une lentille. L’au- teur expose des expériences qui mettent en lumière ces propriétés des solutions. Il fait allusion aux propriétés analogues du son se propageant dans la direction ou contre la direction d’un vent dont la vitesse augmente de bas en haut, propriélés par lesquelles Stokes, le premier, a expliqué le fait que, dans le premier cas, le son est entendu à une grande distance et dans le second à une petite distance seulement. Séance du 12 décembre 1878. M. Von LanG. Nouvelles observations sur des colonnes d’air résonnantes. — Dans ces expériences on fait résonner Pair à laide d’un plateau dans un tube de verre, selon la méthode de Hopkins. La position précise des nœuds de la co- onne résonnante peut s'établir de différentes mamières, mais surtout à l’aide des résonnateurs, qui augmentent beaucoup le son lorsque leurs embouchures traversent un nœud. Mais tout autre corps renforce également le son au ni- veau des nœuds, pourvu seulement que la coupe transversale soit assez grande. On peut même à l'extérieur du tube indiquer avec l'oreille la position du nœud. S'appuyant sur ces faits, l’auteur s'occupe des expériences de N. Sa- vart et Seebek sur les ondes nées entre une source de son et une cloison ré- fléchissante, et donne une explication des contradictions apparentes qui exis- tent dans les travaux de savants renommés. REVUE DES LIVRES. 1 87 REVUE DES LIVRES. La théorie atomique (!), * Par À. WUuRTz, Professeur à la Faculté de médecine et à la Faculté des sciences de Paris. Cet ouvrage, remarquable par la richesse des détails, la largeur des vues et la clarté de l’exposition, contient à la fois une histoire complète de la théo- rie atomique et un habile plaidoyer en faveur de cette théorie aujourd’hui ad- mise par presque tous les chnnistes, . «L'hypothèse des atomes, écrit en débutant l’auteur, énoncée par les philo- sophes grecs, renouvelée dans les temps modernes par de grands penseurs, a reçu une forme précise jau commencement de ce siècle. John Dalton l’a appli- quée le premier à l'interprétation des lois qui président aux combinaisons chi- miques, et qui avaient été reconnues par Richter et par lui-même. Fortifiée par de grandes découvertes, celles de Gay-Lussac, de Mitscherlich, de Dulong et Petit, l'hypothèse a pris un corps, en reliant entre eux des faits nombreux et divers d'ordre chimique et d'ordre physique ; elle est la base des idées mo- dernes sur la constitution de la matière. » «Dalton a fait revivre l'hypothèse des atomes pour expliquer ce fait, que dans les combinaisons chimiques les éléments s'unissent en proportions fixes, et, dans certains cas, en proportions multeples. Il à admis que ces proportions représentent les poids relatifs des dernières particules des corps, particules qui se rapprochent et se groupent par le fait de la combinaison. De là résultent la considération des poids atomiques et l’idée de représenter la composition des corps par des symboles ; lesquels, en indiquant la nature et le nombre de ces particules, représentent en même temps les proportions des éléments qui en- trent en combinaison. « Dalton considère les combinaisons chimiques comme fournies par laddi- tion d’atomes élémentaires, dont il cherche à déterminer les poids relatifs ; et ces poids, il les rapporte à celui de l’un d’eux, l'hydrogène, pris pour unité. Lorsque deux corps se combinent en plusieurs proportions, cette combinaison ne saurait s'effectuer que par l'addition d’atomes entiers; il en résulte que, la proportion de l’un des corps restant constante, celles du second doivent être exactement multiples l’une de l’autre. « L'idée neuve et féconde de représenter les corps composés comme formés par des groupements d’atomes en nombre déterminé, et possédant des poids relatifs différents, mais fixes pour chacun d’eux, cette idée lui paraissait sus- ceptible de recevoir une expression saisissante par l’adoption de symboles re- présentant les atomes, et groupés de façon à indiquer la composition des corps. (1) Un volume in-80 de 246 pages, de la Bibliothèque scientifique internationale. Paris, 1879 ; édit. GERMER BAILLIÈRE ; prix : 6 francs. 88 F REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, Chaque atome était représenté par un petit cercle marqué d’un signe partieu- lier. C'est là l’origine de la notation atomique. « La constitution atomistique des corps composés découlait très-simplement des idées émises par Dalton. Dans les composés binaires, les atomes s’unissent dans les rapports dé 1 à 4, et dans les composés multiples, que forment deux éléments donnés, dans le rapport de 1 à 1, de 1 à 2, de 1 à 3, de 2 à 3, etc. ; mais cette conception devait se modifier à la suite d’une découverte de premier ordre que l’on doit à Gay-Lussac : Les volumes des gaz qui se combinent sont entre eux dans des rapports très simples, et le volume de la combinaison for- mée se trouve, de même, dans un rapport simple avec la somme des volumes des gaz composants. « Cet énoncé entraine un grand nombre de faits qui ne souffrent aucune exception et dont l’ensemble constitue une grande loi de la nature, la loi de Gay-Lussac. Il convient de faire remarquer que les volumes des gaz compo- sauts se réduisent toujours à deux volumes par la combinaison. Gay-Lussac apporlait aux idées de Dalton un secours inattendu. » Ces relations fixes que l’on constate entre les poids des éléments qui en- trent en combinaison, ces relations simples qui existent entre les poids des mêmes éléments, on les retrouve si l’on considère les volumes suivant lesquels ces gaz se combinent. En rapprochant ces deux ordres de faits, et en poursui- vant l'interprétation que Dalton avait donnée des premiers, ne pouvait-on pas conclure que les poids relatifs des volumes gazeux qui se combinent représen- tent précisément les poids relatifs des atomes ; en d’autres termes, qu'il existe une relation simple entre les poids spécifiques des gaz simples et leurs poids atomiques? Gay-Lussac avait aperçu cette relation simple, Berzélius l’a précisée quelques années plus tard. En s'appuyant sur les découvertes de Gay-Lussac, Avogadro fut conduit à admettre qu'il existe un rapport simple entre les volumes des gaz et le nombre des molécules simples ou composées qu’ils renferment. « L'hypothèse la plus simple et la plus probable qu’on puisse faire à cet égard, dit-il, consiste à ad- mettre que tous les gaz renferment, à volume égal, le même nombre de molé- cules intégrantes. Ces molécules seraient donc également écartées les unes des autres dans les différents gaz et placées à des distances tellement grandes par rapport aux dimensions de ces molécules que leur attraction mutuelle devient nulle. Mais s'il est vrai que des volumes égaux des gaz renferment le même nombre de molécules, les poids relatifs de volumes égaux, c'est-à-dire les den- sités, doivent représenter les poids relatifs des molécules. Cependant, pour les poids moléculaires des corps composés il se présente une difficulté, qui est inhérente à la différence des contractions qu'éprouvent les volumes des gaz par le fait de la combinaison. Si, par exemple, l’eau se formait par l'union de 2 volumes d'hydrogène et de { volume d'oxygène contractés en un seul volume, il est clair que le poids de cet unique volume comparé à celui d’un volume d'hydrogène serait 47, c’est-à-dire 15 (poids de l'unité de volume par rapport à l'hydrogène) H 2 (poids de 2 unités de volume d'hydrogène); mais comme { volume de vapeur d’eau ne renferme que 1 volume d'hydrogène et 1 demi- e REVUE DES LIVRES. 89 volume d'oxygène, 1 molécule d’eau ne devrait être formée que de 4 molé- cule d'hydrogène et de 1 demi-molécule d'oxygène; et, par suite, la matière répandue dans l'unité de volume des gaz simples ne représenterait pas les der- nières particules qui existent dans la combinaison de ces gaz, car la matière qui existe dans l'unité de volume d'oxygène devrait se diviser en deux pour for- mer la quantité d’eau qui existe dans l'unité de volume de ce corps. Avogadro résout cette difficulté, en supposant que les molécules intégrantes qui existent en égal nombre dans les gaz ou les vapeurs des corps simples sont composées elles-mêmes d’un certain nombre de molécules élémentaires de la même espèce tout comme les molécules intégrantes des gaz et des vapeurs composées sont formées d’un certain nombre de molécules élémentaires d'espèce différente. Les molécules élémentaires d'Avogadro sont nos atomes, ses molécules inté- grantes sont ce que nous appelons aujourd'hui les molécules. » « Nous donnons aujourd’hui, ajoute M. Wurtz, aux mêmes idées une forme plus simple, en admettant que les gaz, comme tous les corps, sont formés de molécules et d’atomes, et pour ne pas sous-diviser les molécules rapportées à l'unité de volume, nous trouvons plus commode de les rapporter à 2 volumes et nous nommons #olécule la matière répandue dans 2 volumes. Lorsque, pour un gaz simple, cette molécule est formée de deux atomes, ce qui arrive souvent, l’atome est la matière répandue dans l'unité de volume. Mais la règle générale est que des volumes égaux des gaz et des vapeurs renferment un méme nombre de molécules, et que par conséquent les poids relatifs de ces mo- lécules sont proportionnels aux densités. » La loi d'Avogadro, confirmée par Ampère, régit aussi les gaz et les vapeurs des corps simples. « On admet aujourd’hui que ces dernières sont formées de molécules plus ou moins complexes et que, à l’état gazeux, ces molécules, ré- pandues en égal nombre dans des volumes égaux, sont placées à des distances immenses, par rapport à leurs dimensions, mais sensiblement égales pour les divers gaz ou vapeurs. Aussi bien, la chaleur, en agissant sur ces gaz ou ces vapeurs, leur fait éprouver, à peu de chose près, les mêmes changements de volume pour les mêmes variations de température et de pression... Si nous admettons que la molécule des corps composés occupe 2 volumes, un atome d'hydrogène occupant 1 volume, nous devons admettre aussi que les molécules des corps simples occupent 2 volumes. Ainsi, une molécule d'hydrogène occu- pant 2 volumes sera formée de deux atomes. Il en est ainsi des molécules d'oxygène, d'azote, de chlore, de brome, d'iode. Toutes ces molécules sont dea- iomiques. » L'ozone, qui est de l'oxygène condensé, est un corps simple «et puisque 3 volumes d’oxygène sont condensés en 2 volumes d'ozone, qui repré- sentent une molécule OŸ, on peut dire que celle-ci est triatomique ». La vapeur de mercure au contraire est monoatomique. En effet, « la densité de la vapeur de mercure est 100, celle de l'hydrogène étant 1; mais le poids atomique du mercure, déduit de la densité des combinaisons mercurielles volatiles, est 200 ; il en résulte qu’une molécule de mercure qui occupe 2 volumes n’est formée que d’un seul atome de mercure ; la molécule de mercure se confond avec son atome. » 90 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Après avoir montré que le nouveau système des poids atomiques est en har- monie avec la loi de Dulong et Petit et avec celle de l’isomorphisme, et qu’elle respecte et permet de faire ressortir les analogies qui existent entre les corps, l’auteur étudie les volumes atomiques et moléculaires, et passe ensuite à l’ «ato- micité où valence des atomes dans les combinaisons », c’est-à-dire la propriété que possèdent les corps simples de former des combinaisons plus ou moins complexes; leurs atomes n’ayant pas la même valeur de combinaison, l’atome de potassium, par exemple, s’unissant à un atome de chlore pour former un chlorure, tandis qu'un atome de plomb prend deux atomes de chlore et qu'un atome d’antimoine en prend trois et parfois même cinq. Il étudie ensuite com- parativement l’atomicité et l’affinité, «c'est-à-dire la force de combinaison, l'énergie chimique qui détermine l’intensité et le sens des réactions chimiques et qui est mesurée par les effets thermiques que ces réactions produisent, » Puis il expose les principes de la constitution des corps déduite de la théorie de l’atomicité, et termine par quelques pages superbes!sur les hypothèses émises au sujet de la constitution de la matière. Il se range à l'hypothèse autrefois entrevue par Lucrèce, puis soutenue par Descartes, et enfin revêtue d’une forme scientifique par Helmholtz, des atomes tourbillons : « un fluide remplit tout l’espace, et ce que nous nommons/matière, sont les portions de ce fluide qui sont animées de mouvements tourbillonnants. Ce sont des légions innom- brables de très-petites fractions ou portions, mais chacune de ces portions est parfaitement limitée, distincte de la masse entière et distincte de toutes les autres, non par sa substance propre, mais par sa masse et par ses modes de mouvement, qualités qu'elle conservera éternellement. Ces portions-là sont les atonres. Dans le milieu parfait qui les renferme tous, aucun d'eux ne peut changer ou disparaître, aucun d’eux ne peut naître spontanément. Partout les atomes de même espèce sont constitués de la même façon et sont doués des mêmes propriétés. Ne savons-nous pas, en effet, que les atomes de l’hy- drogène vibrent exactement selon les mêmes périodes, soit qu’on les chauffe dans un tube de Geissler, soit qu’oniles observe dans le soleil ou dans la nébu- leuse la plus éloignée? Telle est, en peu de mots, la conception des atomes _tourbillons. Elle rend compte d’une manière satisfaisante des propriétés de la matière, et de toutes les hypothèses sur la nature des atomes, c’est elle qui paraît offrir le plus de vraisemblance. On voit aussi qu'elle permet de faire revivre, et sous uñe forme plus acceptable que ne l'avait tenté Prout, l'antique hypothèse sur la nature de la matière. Est-ce une idée absolument neuve? Non, elle est renouvelée de Descartes; tant il est vrai que, lorsqu'il s'agit de l'éternel et peut-être insoluble problème de la constitution de la matière, l’es- prit humain semble tourner dans un cercle, les mêmes idées se perpétuant à travers les âges et se présentant, sous des formes rajeunies, aux intelligences d'élite qui ont cherché à sonder ce problème, Mais n'y a-t-1l pas quelque dif- férence dans la manière d'opérer de ces grands esprits? Sans aucun doute; les uns, plus puissants peut-être, mais plus aventureux, ont procédé par intui- tion ; les autres, mieux armés et plus sévères, par induction raisonnée. Là est le progrès, là est la supériorité des méthodes modernes, et il serait injuste de REVUE DES LIVRES. 94 prétendre que les efforis considérables dont nous avons été les témoins émus, n’ont pas poussé l'esprit humain plus avant dans le problème ardu dont il s’agit que ne pouvaient le faire un Lucrèce et même un Descartes, » Manuel de Minéralogie (1), Par PorTEs, Pharmacien en chef de l'hôpital de Loureine. Le livre de M. Portes est particulièrement destiné aux étudiants en phar- macie et comble une lacune regrettable qui existait dans la bibliothèque clas- sique de ces lecteurs spéciaux, mais il sera aussi consulté avec fruit par les candidats aux licences ès sciences physiques et ès sciences naturelles. Sous une forme à la fois concise et très-claire, deux qualités qu’il est rare de trouver réunies, l’auteur étudie successivement : 4° les propriétés géométriques, phy- siques et optiques des minéraux les plus importants à connaître pour les phar- maciens; nous ne pouvons que le féliciter d’avoir laissé de côté une foule de corps rares et sans utilité, dans l'étude desquels l'élève aurait couru risque de perdre beaucoup de temps pour peu de profit; 2° les propriétés chimiques des minéraux et les diverses méthodes d’analyse générale qualitative et quanti- tative, en insistant sur l'analyse spectrale ét sur l'essai au chalumeau; 3° la constitution du globe et les causes qui modifient actuellement et ont autrefois modifié son aspect extérieur ; l’auteur faisant ressortir en quelques mots l'impor- tance des causes actuelles, si bien mise en relief par les travaux de Lyell ; 4° les classifications, la description et les gisements des minéraux. Enfin, dans. une dernière partie, M. Portes, classant les minéraux les plus importants à con- naître sous le titre du corps simple qui en constitue la base, décrit les princi- paux procédés d'extraction, de purification et de dosage. C'est là un bon livre, un manuel véritablement scientifique en même temps que débarrassé des inutilités qui abondent dans la plupart de nos livres clas- siques. Botanique générale (2), Par Weiss, Directeur de l'institut de physiologie végétale de Prag. Ce Traité de Botanique générale, dont le premier volume a paru il y a quel- ques mois, contient l’Anatonue des Plantes ; 1 se recommande surtout par la richesse des renseignements bibliographiques qu’il contient. Il complète fort bien les £léments de Botanique de M. J. Sachs, dont la traduction française a (1) Un volume in-18 de 355 pages, avec 66 figures dans le texte. Paris, 1879 ; édit. O. Dors ; prix : 5 francs. E (2) Allgemeine Botanik (Anatomie, Morphologie, Physiologie), von D' Gustav-Adolf Weiss, professor der Allgemeine Botanik und Director des Pflanzenphysiologischen Insti- tutes an der Hochschule in Prag. I Band: Anatomie der Pflanxen, avec 267 figures sur boïs et 2 planches coloriées. Wien, 1878; édit. Wilhelm BRAUMULLER. 92 REVUE INIJERNATIONALE DES SCIENCES. été faite sur une édition déja vieille de six ans. De très-nombreuses et excel- lentes figures augmentent encore la valeur de cet ouvrage, qui rendra, sans aucun doute, des services sérieux aux botanistes de profession. Compendium d'Helminthologie (1), Par O. von LixsTow. Ce livre donne la nomenclature de tous les vers intestinaux, rangés d’après les animaux dans lesquels ils vivent, comme Gurlt l'avait déjà fait il y a bien des années ; seulement la liste présente est beaucoup plus complète et tient compte des progrès de la science. Elle contient 1917 espèces d'animaux qui hébergent des hôtes si peu désirés, savoir : 297 Mammifères, 664 Oiseaux, 200 Reptiles et Amphibiens, 393 Poissons, 221 Insectes, 43 Myriapodes et Araignées, 92 Crustacés, 23 Vers, 65 Mollusques et 9 Acalèphes. Comme dans la plupart de ces animaux vivent plusieurs espèces de vers (il en cite 38 pour l’homme), le nombre total des espèces pourrait bien encore dépasser le chiffre susnommé, quoique le même parasite vive aussi souvent dans plusieurs espèces d'animaux. L'utilité de ce livre, qui sera bien reçu par tous ceux qui s'occupent de cette branche d'études, est encore rehaussée par une liste exacte des livres dont l'auteur s’est servi, et par une liste des Nématodes vivant en liberté (Filaires). Il est inévitable et bien pardonnable qu'il se rencontre quelques erreurs sans importance dans les noms des parasites, dans une compilation tirée de tant de sources diverses; je n'ai remarqué que le numéro 4842 : Nenta Janiteris (Mieum Janitor), qui n’est qu'un ancien synonyme du Bythinia tentaculata cité sous le numéro 1850. E.-V. MAnTENS (2). Organisation des Infusoires (3), Par STEIN. Le premier volume de la troisième partie de ce grand ouvrage vient de pa- raître. Il se compose de 150 pages de texte et de 24 planches. La troisième partie est consacrée aux Flagellés. Le volume actuel contient une histoire com- plète des découvertes et des écrits des observateurs antérieurs, depuis Ehren- berg jusqu’à Carter, Busk, Williamson, Hicks et James-Clarke. Les planches sont accompagnées d'explications détaillées. La description systématique des genres et des espèces doit suivre. L'auteur comprend parmi les Flagellés les genres : Volvox, Pandorina, Chlamydococcus, Euglena, Phacus, ete. I consi- dère les anthérozoïdes des Vo/voz comme de simples phases du développement des Flagellés. (1) Compendium der Helminthologie ; Hanovre, 1878. Edit. Han, 382 pages, in-80. (2) Analyse extraite de Nalurforscher, 1878, n° 52. (3) Organismus der Infusionsthiere nach eigenen Forschungen in systematischer Reiken - folge bearbeitet, III, 1; Leipzig, 1878; édit. : ENGELMANN ; prix : 80 marcs. ! Le gérant, Ô. Don. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 93 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. Physique et Ghimie biologiques. Eurosorr, Dosage du fer dans le blé et les autres plantes alimentaires, in Journal d'A. griculture de Barral, juin 1878: in Journ. de Pharm. et de Chim., sept. 1878, p. 298- 300. Pr:pson, Sur le mélilotol, in Journ. de Pharm. et de Chim., sept. 1878, p. 300-302. Muscuzus et GrRuBEr. Sur l’amidon, in Journ. de Pharm. et de Chim., sept 1878, p. 408-310. PruNies, Action de la potasse sur la quer- cite, in Journ. de Pharm. et de Chim., sept. 1878, p. 310-312. PasquEeLin et Jozy, Du rôle physiologique des Hypophosphites, in Journ. de Pharm. et de Chim., sept. 1878, p. 314-316. Firz, Préparation de l'acide butyrique pur, in Journ. de Pharm. de l’Alsace-Lor- raine, 1878, p. 74; in Journ. de Pharm. et de Chim., sept. 1878, p. 316-418. Rouvière. Nouveau procédé pour la re- cherche des spermatozoaires dans l'urine, in Journ. de Pharm. et de Chim., sept. 1878, p. 318-319. CazENEUvE, Extraction de l'acide hippu- rique, in Journ. de Pharm. etde Chim., sept. 1878, p. 223-2924. De Vruy, Dans quel état les alcaloïdes du quinquina eæistent-ils dans l'écorce ? in Journ. de Pharm. et de Chim., sept. 1878, p. 324-395. Robert Cross, Sur les Copaifera, analyse d'un rapport officiel, in Journ. de Pharm. et de Chim.. sept. 1878, p. 325-327. FLUCKIGER, Quinirétine; analyse, in Journ. de Pharm. et de Chiin.. sept. 1878, p. 3492- 345. T. et H. Suirx, La Méconoiosine, analyse, in Journ. de Pharm. et de Chim., sept. 1878, p. 345-346. RITTHAUSEN, Essai rapide du lait, analyse, in Journ. de Pharm et de Chim., sept. 1878, p. 346-347. J. Personne, Recherches sur la quinine éliminée par les urines, in Journ. de Pharm. et de Chim., août 1878, sept. 1878. Power, Réaction de l’émétine, in Journ. de Pharm. de l’Alsace- Lorraine, juill. 1878; et Journ. de Pharm. et de Chim., nov. 1878, p. 482-483. CHRISTENN, Recherches comparatives sur les méthodes d'analyse du lait, in Sitz. der Phys. Med. Sôc. zu Erlangen, 1877, 95 ; trad. in Revue des Sciences Médicales, 1878 ; analyse in Journ. de Pharm. et de Chim., nov. 1878, p. 487-488. ALMEN, Analyse de la viande de quelques poissons, analyse in Journ.de Pharm. et de Chim., nov. 1878, p. 511-513. L. Bart, Sur l'invertine, in Bericht. der Deutsch. Chemisch. Gesellsch., XI, p. 474 analyse in fourn. de Pharm. et de Chim., nov. 1878, p. 513-546. 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Meuzis, Mafterialien zur Vorgeshiechte des Menschen in üslichen Europa (Matériaux pour l'histoire primitive de l’homme dans l'Europe occidentale), L'vol. in-8°. Xvi-375 pag., avec 169fig. et # planches coloriées, Iéna, 1879 ; édit. Cos- TENOBLE ; prix : 16-marcs. DE QUATREFAGES, Craniologie de la race Papoua, in Compf. rend. Ac. sc., 1878, LXXX VII, p. 1014-1019. STEINACH, Die Entwickelung des Meschen- geschlechts (Le développement des races hu- maines), in-80, 687 pag.; Basel, 1878 ; édit. SCHWABE; prix : 8 marcs. AEBy, Ueber das Verhälinis der Mikroce- : phalie zum Alavimus (Des Relations de la microcéphalie avec l’atavisme). Stuttgart, 1878, in-80, 96 pag., édit. ENKE. Lenxossek, Des déformaiions du crâne en général, de celles de deux cränes macro- céphales trouvés en Hongrie, et d’un crâne provenant des temps barbares du méme pays; grand in-40, x-134 pag., 11 fig. photograph. sur 3 pl., et 16 fig. intercalées dans le texte. Budapest, 1878 ; édit.: KILIAN ; prix : 8 marcs. 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MarTIN, Niederlandische und Nordwest- deutsche Sedimentargeschiebe, ihre Ueberein- stimmung, gemeinschaftliche Herkunf und Pe- trefacten (lies dépôts sédimentaires de la Hollande et du nord-ouest de l'Allemagne, leur concordance, leur formation et leurs fossiles); in-8, 106 pages et 3 pl.; Leiden, 1878 ; édit. : BRILL. D I829. Apr-2,K77 REVUE INTERNATIONALE SCIENCES PARAISSANT LE 15 DE CHAQUE MOIS DIRIGÉE PAR J.-L. DE LANESSAN PROFESSEUR AGRÉGÉ D HISTOIRE NATURELLE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS Collaborateurs : MM. P. ASCHERSON, BALBIANI, G. BERGERON, A. BERGNIAC, R. BLANCHARD, BOCHEFONTAINE, A. BORDIER, P. BUDIN, CADIAT, CARLET, FerDiNaND COHN, H. COHN. M. CORNU, Anna DAHMS, Francis DARWIN, DASTRE, DONDERS, G. DUTAILLY, MarTHras DUVAL, EGASSE, ENGEL, F.-A. FLÜCKIGER, GARIEL, A. GAUTIER, GAY, U. GAYON. GIARD, GUBLER ,GUILLAUD, Ernsr HAECKEL, HENNEGUY, P.-P.-C. HOECK, A. HOVELACQUE. JOLYET, JOURDAIN, KUHFF, KURTZ, KUNCKEL D'HERCULAIS, LAFFONT, LANDOLT, FE. LATASTE, Anpré LEFÈVRE, CH. LETORT, LUYS, MAGNUS, MALASSEZ, Cn. MARTINS. MASSON, SranisLas MEUNIER, MOITESSIER, MOQUIN-TANDON, Ep. MORREN, De MORTILLET, NYLANDER, ONIMUS, E. PERRET, RANVIER, REGNARD, CH. ROBIN, ROUGET, SABATIER, SCHNEIDER, SCHUTZENBERGER, DE SINETY, STRASBURGER, SCHWENDENER, A. TALAN- DIER, TERRIER, TOPINARD, TREUB, Carz VOGT, WEBER, F. WURIZ. PARIS OCTAVE DOIN, ÉDITEUR 8, PLACE DE L'ODÉON, 8 BA U+ACTDUILE FERRUGINEUSE THÉRAPEUTIQUE Cours de M. GUBLER PROFESSEUR, MEMBRE DE L'ACADEM E Les eaux minérales de France. « Pourquoi allons-nous chercher à l'Etranger les Eaux ferrugineuses, ati- « dules, gazeuses, dont nous sommes admnirablement pourvus? La Corse ne « fournit-elle pas la première eau de ce genre, comme richesse en acide carbonique « libre et en carbonate de fer? En effet, l’eau d'Orezza, d’après la belle analyse « de M. Poggiale, ne contient pas moins de 12 centigrammes de sel ferru- « gineux par litre, tandis que Pyrmont n'en a guère que 5 centigrammes, « Schwalbach 7, el le Pouhon de Spa 7 seulement. » EFFICACITÉ DES PRÉPARATIONS FERAUGINEUSES PAR LE DOCTEUR T. GALLARD Médecin de l'hôpital de la Pitié, Médecin en chef de la Compagnie du chemin de fer d'Orléans. Appauvrissement du Sang, Pâles couleurs, Anemie, cnbrgousir er hasta naciliam médinola TVl’amnlai des nré- DRAGÉES BARBERON SOLUTION BARBERON au Chlorhydro-Phosphate de Fer. au Chiorhydro-Phosphate de Chaux | Chaque Dragée contient 10 centigr. de Ch.orhydro-Phosphate de fer pur. s’employant dans les mêmes casque le Goudron reconstituant de Barlier :M. A. ELUGO'T, Paris. — Détail : Dans toutes les Pharmacies. ERSELLE DE PARIS 1818 | Marque P. Æ. K. déposée IÈRE DE LAIT Brevetée s. g. d. g. w 2 : : Fi 41 À A Chaque flacon d'Extrait contient 3 ou 6 doses $rans- - El DE - Aformant trois ou six bouteilles de Lait en Koumys. Brevetée s. g. d. g. : Dépôt Central : à l'Etablissement du KOUMYS-ÉDWARD, 14, Rue de Provence, Paris. À = 4: FA ÿ LES MALADIES INFECTIEUSES. : S)7 LES MALADIES INFECTIEUSES ET LES AGENTS D'INFECTION, Par M. NæGeu, Professeur à l'Université de Munich. On ne sait encore que fort peu de chose concernant les matières infec- tieuses. L'expérience pathologique ne nous donne pas de réponse dé- finitive à ce sujet, et les pathologistes sont partagés entre les opinions les plus diverses. Il n’y a donc pour le moment que des indications physiologiques et physico-chimiques très-générales qui puissent nous guider; et les lois de la physiologie, de la chimie et de la physique de- vant être satisfaites dans toutes les circonstances, la théorie ne peut rien accepter qui soit en contradiction avec ces lois. Nous ne pouvons donc pas commencer par établir une théorie, un système, nous devons nous borner à réunir des faits isolés absolument certains ou d'une très-grande,probabilité, et les combiner, en restrei- gnant toujours de plus en plus le cercle des possibilités. À l’aide de cette méthode purement critique, on peut déjà établir certaines bases de la théorie des matières infectieuses. Le fait sur lequel j'insisterai tout d’abord, c’est que dans beaucoup de cas la matière infectieuse nous est certainement apportée par l'air, mais n’est pas elle-même à l’état gazeux. Un grand nombre de faits nous forcent d'admettre que les matières infectieuses nous sont apportées par l'air. Un court séjour dans une chambre contenant des malades atteints de rougeole ou de fièvre sear- latine, dans une rue où règne le choléra, ou sur un terrain où règne la malaria, suffit souvent pour déterminer une maladie, même lorsqu'on n’a pris dans ces lieux aucun aliment, et qu’on n’a eu de rapports qu'avec l'air de la localité infectée. Sur ce point il ne peut y avoir de divergence d'opinion, et il n’y en a pas en effet. Par contre, le public et les médecins ont souvent des idées peu claires et erronées sur la nature physique des matières infectieuses, qu'on considère généralement comme des matières gazeuses. Même des auto- rités médicales parlent de « contagium volatil, » de « miasmes gazeux », de « germes de maladies qui se volatilisent dans l’air par l'évapora- tion », etc. Ces idées sont absolument inadmissibles après les expé- riences qui ont été faites sur la dispersion des matières infectieuses. Un gaz se répand très-vite dans tout l’espace qu'il a à sa disposition, et se trouve, après peu de temps, partout en quantité égale. Par la res- piration des animaux et des hommes et par d’autres modes de combus- T. III. — N0 2, 1879, # { 98 : : REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. tion, beaucoup d'oxygène est employé et beaucoup d'acide carbonique est produit en certains endroits, tandis que dans d’autres la végétation enlève de l'acide carbonique à l'air et lui rend de l'oxygène. Malgré cela, l'air contient les mêmes proportions d'oxygène et d’acide carbonique dans les villes et à la campagne ; il montre presque les mêmes propor-° tions de ces éléments à la surface de la terre et aux plus grandes hauteurs où l'homme ait pu s'élever, quoique l'acide carbonique soit beaucoup plus lourd que les autres gaz de l'atmosphère. I y a certains endroits où il sort de la terre des quantités considérables d’acide carbonique, par exemple dans la grotte du Chien à Pouzzoles, près de Naples, où il forme, à la surface du sol, une couche d’un demi-pied d'épaisseur, dans laquelle de petits animaux meurent rapidement. Cependant, dans le voisinage même de la grotte, ce gaz s’est déjà tellement répandu dans l’atmos- phère, qu'on ne constate plus son existence. L'expérience journalière montre avec quelle rapidité les odeurs dis- paraissent au grand air, et qu'elles ne persistent dans un endroit qu'au- tant que les gaz odoriférants y sont produits d’une façon continue. Une matière vénéneuse, se présentant sous forme de gaz, devrait .done se répandre très-rapidement dans l’atmosphère. Si, par exemple, le choléra était causé par une pareille matière, celle-e1 devrait se mélanger dans un temps relativement très-court à tout l'air d’une ville et même d’un pays entier. Une pareille diffusion gazeuse des matières infectieuses devrait avoir deux conséquences, qui sont en contradiction avec l'expérience. D'abord, toutes les personnes qui se-trouvent dans une même localité devraient absorber des quantités égales de ces matières, et, ou bien personne ne deviendrait malade, où bien, au contraire, tous les individus prédis- posés devraient être atteints. Il en est tout autrement. Le caractère es- sentiel de la contagion est que non-seulement toutes les personnes qui peuvent résister continuent à se bien porter, mais aussi qu'une partie seulement de celles qui sont prédisposées sont attaquées, et ce sont celles qui ont par hasard absorbé des matières infectieuses. La conta- gion se renferme aussi toujours dans des limites locales et se borne quelquefois rigoureusement à une chambre, à une maison, à une rue, à un quartier de ville, ce qui ne s'accorde pas avec une diffusion gazeuse de la matière infectieuse. Une seconde conséquence serait qu'une mauère infectieuse gazeuse se diviserait bientôt dans l'atmosphère au point de n’avoir plus d’action. On peut invoquer en outre contre la théorie de l’état gazeux des agents infectieux les faits qui prouvent qu'on ne peut pas les considérer comme des corps inorganisés et amorphes. LES MALADIES INFECTIEUSES. 99 En considérant les matières infectieuses comme gazeuses et aéri- formes, les pathologistes n'avaient pas la prétention formelle de leur attribuer les propriétés physiques des gaz. Ils voulaient probablement dire simplement qu'elles se répandent dans l’air et par l'air. Mais cette conception vague, qui fait confondre des matières en forme de fine poussière avec des gaz, conduit à des conséquences fausses et sérieuses. Il y a une énorme différence entre le plus petit grain invisible de pous- sière et la molécule d'un gaz, et les deux se comportent à bien des égards d’une manière très-différente. J'ettache une grande importance à ce qu'on ne perde pas de vue que les matières infectieuses ne sont pas gazeuses; car ce fait est de la plus grande valeur pour toutes les déductions pratiques. Un autre fait très-digne de remarque, qu'on ne doit jamais perdre de vue dans l'appréciation de tous les autres phénomènes, et qui est cause de notre ignorance relativement à l'infection, est que, presque sans exception, les quantités les plus minimes de matières infectieuses peu- vent causer l'infection. En effet, que peut avoir absorbé une personne qui a été infectée après un séjour de quelques minutes dans une cham- bre de malade, ou bien après avoir lavé un peu de linge ayant servi à un malade, ou encore après s'être reposée peu de temps sur un ter- rain où règne la malaria? La matière infectieuse doit, dans ces cas, passer de l’air dans le corps, et être contenue dans les corpuseules im- percepübles qui sont suspendus dans l'atmosphère. il est connu que la force et la matière n’agissent qu'en proportion de leur quantité. Lorsque cette quantité descend au-dessous d’un certain niveau, elles deviennent inactives, c’est-à-dire qu’on peut négliger leur action devenue infiniment petite. {l serait très-important pour nous de savoir quelles quantités de matières infectieuses causent en général une maladie, et en particulier quelle est la plus petite quantité qui suffit pour déterminer l'infection. Certains faits nous fournissent quelques indications à cet égard. Les matières infectieuses solides qui sont contenues dans la malaria des marais et qui sortent du sol pendant les épidémies de typhus et de choléra, doivent être des corpuscules excessivement petits, puisque les plus faibles courants d’air les emportent. Ces corpuscules sont, en tout cas, encore plus petits que les petites poussières, ordinairement invi- sibles à l'œil nu, que le rayon de soleil pénétrant dans une chambre nous montre comme des points lumineux. Les recherches microsco- piques relatives aux poussières atmosphériques nous donnent quelques notions de la grandeur et du poids des corpuscules qui voltigent dans l'air et qui ne descendent pas d’une manière appréciable, en vertu de 100 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, la pesanteur. Îls peuvent peser depuis 1/500000 jusqu’à 1/20000 de milligramme. Mais les miasmes sortant de la terre, qui consistent, sans aucun doute, en Schizomycètes, sont en moyenne mille fois plus légers que les grains de poussière visibles dans le rayon de soleil et pèsent 1/30000000000 à 1/50000000 de milligramme. Les profanes pourraient croire facilement qu'il ne peut y avoir une grande différence entre une matière suspendue dans l'air en corpuscules d’un poids de 1/30000 000900 de milligramme et un gaz; cependant le corpuscule reste toujours plusieurs millions de fois plus lourd que l’a- tome de gaz, et la matière qui constitue le grain de poussière pent se dilater presque à l'infini sous forme de gaz. Les deux faits acquis, que les matières infectieuses ne sont pas ga- zeuses et que la quantité la plus minime peut occasionner des maladies, nous donnent les bases nécessaires pour résoudre la question qui se présente ensuite, à savoir : si les matières infectieuses sou amorphes ou organisées. On peut expliquer de deux manières la production des maladies par une influence venant du dehors : ou bien la matière étrangère infec- tieuse est absorbée en telle quantité qu'elle peut causer immédiatement un trouble maladif; ou bien elle entre dans le corps en plus petite quite tité, mais jouit de la faculté de s’y multiplier assez pour pouvoir à un moment donné causer des troubles. Nous rencontrons le premier cas dans les empoisonnements propre- ment dits. Nous ne pouvons pas accepter la même explication pour les maladies infectieuses, parce que la matière infectieuse entre en trop petite quantité dans le corps. Même le poison le plus violent n’agit qu’à certaine dose. On peut donner en une fois à un malade 1 milligramme de conicine ou 10 milligrammes d’azotate de strychnine. Ces poisons ne deviennent nuisibles qu'à plus fortes doses. Ces quantités de poison sont cependant- colossales en comparaison des quantités de matière infectieuse qui suffisent, selon toute probabilité, pour produire l’infec- tion. Si nous tenons compte de toutes les circonstances et surtout de celle-ci, que la plus grande partie des corpuseules atmosphériques qui entrent dans le corps reste attachée aux muqueuses, et qu’une petite partie seulement pénètre dans‘ le sang et devient active, nous devons acquérir la conviction que les matières infectieuses qui déterminent une maladie n’atteignent jamais le millième et souvent pas le millio- nième de la dose à laquelle le poison le plus violent est encore inoffensif. | Le problème.de l'infection se pose donc ainsi : Quelle nature doit-on attribuer à la matière infectieuse pour que. pénétrant dans le corps en LES MALADIES INFECTIEUSES. 101 quantité minime, elle s’y multiplie assez pour causer des troubles ap- préciables? C’est là un problème purement physiologique, qui doit être résolu par les expériences de la physiologie. Examinons d’abord la supposition d'après laquelle la matière infec- tieuse serait amorphe et consisterait en une combinaison chimique ou un mélange de combinaisons chimiques. Nous ne pouvons dans ce cas nous représenter l’action d’une quantité minime que de la façon sui- vante : Cette petite quantité exercerait quelque part une légère influence et y occasionnerait un changement dans les transformations chimiques et dans leurs produits; ces derniers causeraient de nouveau des chan- gements, et ainsi les troubles arriveraient à la hauteur d'une véritable maladie. Cette explication me paraît physiologiquement inacceptable. Lors- qu'une matière étrangère plus ou moins toxique pénètre dans l’orga- nisme, ce dernier tend, ou bien à la rejeter, ou bien à se l’assimiler ; cela dépend de la résistance qu'il peut opposer à une assimilation plus où moins rapide de la matière nuisible, d’après la quantité et les pro- priétés de cette dernière. Une petite quantité de substance infectieuse est absorbée ou rejetée; mais il n’est pas admissible que, si elle n’est pas organisée, sa quantité augmente d'elle-même, ni que son action nuisible soit rendue plus grande par une transformation quelconque. Nous sommes done conduits à la seconde supposition, d’après laquelle la matière infectieuse serait organisée. En effet, une matière étran- gère, dont il n’y a que des traces inoffensives dans un organisme, ne peut s’y multiplier que lorsqu'elle-même est un organisme susceptible d’accroissement. La matière infectieuse doit donc pouvoir absorber les combinaisons solubles qui l’environnent, se les assimiler et augmenter ainsi de masse. Elle peut être un animalcule ou une plantule microsco- pique, ou bien simplement un petit amas gélatineux; ceci ne ferait, au reste, pas une différence essentielle, puisque les animaux et les plantes inférieurs ne sont en réalité que des amas gélatineux. Reste encore à résoudre la question de savoir à quels organismes ap- partiennent les matières infectieuses. Parmi tous les êtres vivants con- nus, On ne peut sans aucun doute penser à cet égard qu'aux Schizomy- cètes. Il serait cependant possible que des organismes encore inconnus exerçassent leur action dans les maladies infectieuses. On comprend facilement qu'une conception confuse de la nature mystérieuse, jusqu'ici insaisissable, des matières infectieuses leur ait assigné une place inter- médiaire entre l’état solide et l’état gazeux, entre un petit amas de substance et une molécule de gaz, et il n’est pas inadmissible que, mieux instruits, on arrive à les considérer comme des êtres encore 102 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. plus petits, encore plus simples que les plantes et les animaux les plus petits et les plus simples. On ne gagnerait cependant rien à cela, car on devrait doter ces nouveaux êtres supposés des mêmes qualités que les Schizomycètes possèdent déjà en réalité. Les Schizomycètes offrent, sous tous les rapports, les caractères que nous pouvons attribuer à une matière infectieuse. Ils sont si petits (50 à 30000 millions de Schizomycètes séchés à l'air pèsent 4 milli- gramme), que nous ne pouvons les désirer plus petits en vue d'aucune théorie. Ils sont facilement emportés et répandus par les courants d'air les plus faibles, puisque ce sont les corpuscules les plus petits, à peine visibles par les plus forts grossissements du microscope. Ils possèdent a un degré extraordinaire le pouvoir de se multiplier, puisque sous l’in- fluence de la chaleur du corps humain leur nombre peut être doublé en vingt à vingt-cinq minutes. Leur résistance vitale dépasse celle de tous les autres organismes, puisqu'ils peuvent résister aux influences exté- rieures les plus défavorables. L'énergie de leur constitution chimique les rend capables de lutter avec succès, dans des conditions déterminées, avec tous les autres êtres vivants. Leur action fermentescible les rend de beaucoup les plus dangereux de tous les êtres vivants. Enfin toutes ces propriétés réunies leur permettent aussi, comme nous le verrons plus tard, de pénétrer dans des organismes animaux dans lesquels d'autres corps vivants ou morts ne peuvent s'introduire. Cependant, tandis que les considérations théoriques désignent avec une grande certitude les Schizomyeètes comme les agents de trans- port de l'infection, l'expérience n’est pas encore venue confirmer cet arrôt. Il est vrai que dans quelques rares maladies les Schizo- mycètes se trouvent toujours, et en grande quantité, tantôt dans des points déterminés de l'organisme, comme dans la diphthérie, la fièvre récurrente, le sang de rate, tantôt, au contraire, dans des points variables; mais dans d’autres maladies on ne les rencontre nulle part. Beaucoup de pathologistes et de médecins témoignent peu de confiance dans la théorie de l'infection par les champignons, parce qu'on ne les trouve qu'irrégulièrement, et cette défiance serait parfai- tement justifiée si l’on pouvait s'en rapporter aux résultats des au- topsies. Car, quelque apparence de vérité qu'offre une théorie, elle ne peut être consacrée que par l'expérience, et bien des gens ne sont entièrement convaincus que par les faits. Quoique la rotation de la terre autour de son axe et son mouvement autour du soleil soient prou- vés, et que plusieurs générations se soient légué cette théorie, il y a pourtant encore des gens dont la conscience serait fort soulagée s'ils pouvaient réellement voir la terre se mouvoir. LES MALADIES INFECTIEUSES. 103 Lorsqu'un organisme meurt, l’action des forces vitales cesse, et les Schizomycètes peuvent alors se multiplier plus ou moins dans les dif- férents liquides selon que les circonstances sont plus ou moins favo- rables. Cette multiplication peut même commencer avant la mort, si les champignons peuvent lutter avec succès contre les forces vitales affaiblies. Il est donc facile de comprendre qu'on trouve, soit immé- diatement après la mort, soit au bout d’un certain temps, des cham- pignons dans un cadavre. Leur présence et leur nombre dans un or- gane sont sous la dépendance de la composition chimique des liquides et du temps depuis lequel les forces vitales étaient assez affaiblies dans l'organisme pour que les champignons pussent y gagner du ter- rain, et enfin de la possibilité de pénétration des champignons. Cette dernière condition dépend du hasard, c'est-à-dire de circonstances qui n'ont pas de rapport nécessaire avec la maladie. Les Schizomycètes, dont je viens de parler, doivent se trouver, en plus ou moins grande quantité, dans tout cadavre, si la mort n’a pas été subite. On ne peut donc pas attribuer nécessairement l'infection à leur présence, même lorsque la mort a été causée par une maladie infec- tieuse. La théorie de l'infection par des’echampignons ne serait confirmée par l'expérience que si l'examen les montrait dans une même maladie toujours dans le même liquide, et ailleurs dans d’autres maladies. Mais, de ce que jusqu'ici ce fait n’a pas été constaté dans la plupart des maladies, on ne peut en tirer aucune conclusion contre la théorie de l'infection par les champignons. De ce qu’on ne voit pas une chose, on n'est pas en droit de nier absolument son existence. L'examen des cadavres démontre simplement que les Schizomycètes ne se trouvent pas dans tel ou tel endroit, ce qui ne prouve pas qu'ils ne pourraient pas Ôtre ailleurs. Dans les recherches de cet ordre, on fixe son attention sur les parties spécialement attaquées par la maladie, tandis qu'il est possible que la cause et le point de départ de la maladie aient leur siége dans un tout autre endroit. Je prouverai plus loin que les Schizo- mycètes s'accumulent surtout dans les capillaires sanguins. Si cette observation est juste, on devrait, pour obtenir une preuve réelle pour ou contre la théorie de l'infection par les champignons, scruter tout le réseau capillaire ; ce qui n'est guère praticable. Il se présente encore une autre difficulté aussi importante, lorsqu'il s'agit d'observer leschampignons susceptibles de provoquerdes maladies. Ces végétaux n'appartiennent que rarement (fièvre récurrente, sang de rate) à des formes assez caractéristiques et assez grandes de Schizomy- cètes pour qu'on puisse les distinguer facilement parmi les autres types. 104 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Le plus souvent, au contraire, ce sont de petites formes de Micro- coceus, pareilles à des granulations, que l'observateur le plus exercé à. l'étude des Schizomycètes ne saurait distinguer de précipités granuleux de même grandeur. J'ai du moins scruté divers liquides pathologiques sur lesquels je ne voudrais pas me risquer à prononcer un Jugement définitif. Si cependant quelqu'un croit pouvoir se prononcer affirmative- ment ou négativement, il doit indiquer d'avance exactement à quoi les cellules de Micrococcus peuvent, sous le microscope, être distinguées des corpuscules inorganisés. Des essais de culture, praticables pour les gens habitués à ce genre de travaux, nous donneront probablement quelques éclaircissements avant que le microscope puisse le faire. Les différences spécifiques des matières infectieuses constituent une question importante. Ces matières ne sont pas semblables ; suivant qu’on absorbe les unes ou les autres, on est atteint de telle nraladie ou de telle autre. Avec les données incomplètes que nous possédons actuellement, on peut imaginer plusieurs théories pour expliquer ces faits. Les médecins et les botanistes admettent ordinairement que chaque forme de maladie a son espèce particulière de champignons ; on prétend que les formes de Schizomycètes sont morphologiquement'distinctes et que des formes différentes se présentent dans des maladies différentes ; maïs on ne cite réellement que fort peu d'exemples (diphthérie, fièvre récurrente, sang de rate) à l'appui de cette opinion, et la raison principale est qu’on ne peut expliquer la grande variété des formes des maladies infectieuses qu'en admettant une différence spécifique des champignons qui les provoquent. Cette théorie paraît fort recommandable lorsqu'on n’en fait qu'un examen superficiel, parce qu'elle paraît simplifier beaucoup la physio- logie des maladies infectieuses, et résoudre d’un coup toutes les diffi- cultés. Si cependant nous considérons les choses de plus près, nous voyons que la difficulté n’a pas été dénouée, maïs tranchée, et que les objections n'ont pas été vaincues, mais seulement écartées. La théorie de la spécificité des champignons dans les maladies apparaît naïvement fantastique ; elle rappelle les personnifications par lesquelles les peuples primitifs expliquaient les grands phénomènes de la nature et de la vie des peuples. Les maladies ne sont pas des espèces dans le sens qu'on donne à ce mot en histoire naturelle; elles sont, il est vrai, très-caractérisées dans les formes typiques :’mais elles modifient insensiblement leurs caractères et leurs formes. Si la nature du champignon décidait de celle de la ma- ladie, nous devrions aussi trouver parmi çes végétaux des gradations LES MALADIES INFECTIEUSES. 105 imperceptibles, ce qui serait en désaccord avec l’idée d'espèces bien dé- finies et constantes. Les maladies ont, en outre, une durée limitée dans l’histoire de l’hu- manité; elles naissent, puis disparaissent ; le temps change leurs carac- tères typiques. L'humanité a été visitée dans le cours des siècles par des maladies diverses et par des formes diverses de la même maladie. Si la nature spécifique du champignon était la cause de la nature spéci- fique de la maladie, d'anciennes espèces de champignons devraient mourir, de nouvelles se produire en même temps que les maladies se modifient; et les espèces devraient changer de propriétés pendant la durée de leur existence. Ceci est, il est vrai, en accord avec l’idée que nous devons nous faire de l'espèce ; mais la naissance, la durée et la transformation d’une espèce exigent des périodes bien autrement lon- gues. Il y a des gens doués d’une vive imagination, qui font naître une espèce, ou la font se transformer en une autre du jour au lendemain ; mais cela ne s'accorde pas avec une appréciation calme et critique de tous les faits, qui nous montrent que des espèces et mème bien des va- riétés ont la durée de périodes géologiques, et que depuis l’époque gla- ciaire il ne s’est formé que des variétés, et à peine des sous-espèces. Les maladies ne changent pas seulement dans le cours de leur his- toire de caractères typiques; elles peuvent encore se modifier avec chaque épidémie, changer de caractère, et prendre d’autres formes. Il faudrait donc que la nature spécifique du champignon se transformât dans la courte durée de quelques mois. D’après tout ce qui précède, l'opinion que les champignons infec- tieux, producteurs des différentes maladies, seraient des espèces réelles n’est guère admissible. En second lieu, si les maladies infectieuses étaient causées par des champignons spécifiques différents, une ma- ladie déterminée devrait disparaître si tous ses champignons étaient détruits à un certain moment. Je doute que quelqu'un puisse émettre sérieusement l'opinion que le choléra et le typhus pourraient être bannis de la terre par la destruction de tous les champignons du cho- léra et du typhus. Il est au contraire probable que ces plaies de lhu- manité existeraient après comme auparavant, que, par conséquent, de nouveaux champignons de choléra et de typhus se produiraient. Nous arrivons donc pour les maladies infectieuses à la même conclu- sion que pour les autres décompositions, c'est-à-dire que les Schizomy- cètes qui les occasionnent ne sont pas spécifiquement différents, mais représentent des formes d’une seule ou d'un petit nombre d'espèces. Nous devons cependant expliquer l’action dissemblable des germes d'infection. 406 REVUE INTERNATIONALE LES SCIENCES, Simon opinion sur la nature des Schizomycètes est juste, la même espèce prend dans le cours de générations alternantes plusieurs formes morphologiquement et physiologiquement distinetes, qui produisent. dans l’espace d'années et de dizaines d'années, tantôt l’acidification du lait, tantôt la formation d'acide butyrique dans la choucroute, tantôt l’acidification du vin, tantôt la putréfaction de l’albumen, tantôt la dé- composition de l'urine, tantôt la coloration en rouge d'aliments con- tenant de l’amidon, et tantôt la diphthérie, le typhus, la fièvre récurrente, le choléra ou la fièvre intermittente. Lorsqu'une forme de cette espèce de champignons arrive dans un nouveau milieu, elle s'adapte peu à peu aux nouvelles conditions ; elle devient d'autant plus caractérisée et plus active, qu'elle a vécu plus longtemps dans un même milieu. En général, un champignon infectieux est done d'autant plus propre à accomplir son action que son arbre généalogique s'élève plus haut sans interruption dans la même forme de maladie. 11 s’affaiblit plus ou moins, perd quelquefois entièrement ses propriétés particulières, s’il ne passe pas immédiatement d'un malade dans un autre corps qu'il infecte, et s’il est placé dans la nécessité de se nourrir et de se repro- duire dans d’autres milieux. Cette adaptation ne saurait pourtant, à ce que je crois, expliquer complétement l’action spécifique des champignons infectieux. Je vou- drais encore attribuer celle-ci à une autre cause. Lorsqu'une cellule vit longtemps dans un liquide, elle en assimile les combinaisons solubles de façon à offrir une composition peu différente de celle du liquide. Ainsi le liquide contenu dans les algues marines unicellulaires contient à peu près autant de sel que l’eau de la mer. Les Schizomycètes doivent donc aussi absorber les produits infectieux, et ceux qui sortent d’un organisme malade doivent porter avee eux la substance infectieuse par- ticulière de la maladie, que j'appellerai plus brièvement substance mor- bifique. Ces substances morbifiques doivent seconder efficacement l’action particulière du champignon, en lui rendant plus facile la concurrence avec les forces vitales de l'organisme, et en accélérant la décompo- sition des liquides organiques, c'est-à-dire la formation de substances morbifiques pareilles ou analogues. Il n’est pas nécessaire cependant que le champignon infectieux intro- duise la substance morbifique dans le corps qui doit être infecté ; mais je tiens à démontrer que même lorsqu'il doit agir seul, il trouve un auxiliaire actif dans la substance morbifique qu'il renferme. Dans beau- coup de cas, cette dernière entrera dans le corps avec le champignon ; LES MALADIES INFECTIEUSES. 107 mais l'effet serait le même si la substance morbifique et le cham- pignon arrivaient séparément dans l'organisme et ne se rencontraient que là. L'expérience n'a pas encore confirmé cette théorie. Dans la diph- thérie, où l’on peutle mieux observer l'infection, si l'on transporte les viscosités de la muqueuse malade sur une partie saine, ces viscosités infectantes contiennent des Schizomycètes en grand nombre, et l’expé- rience n'a pas montré encore si elles produisaient l'infection sans l’aide des champignons, ou si ceux-ci pouvaient la déterminer en dehors de la substance morbifique. Ce qui seulement est certain, c'est que d’autres formes de Schizomycètes sont inactives; car la muqueuse de la bouche est journellement en contact avec des Schizomycètes divers et par l’usage de certains aliments avec de grandes quantités de champignons, sans qu'il en résulte des suites nuisibles. Nous trouvons une certaine analogie entre la théorie d’après laquelle le Schizomycète ne cause l'infection que s'il est associé à une substance morbifique, et le procédé de formation des noix de galle sur les plantes; dans ce dernier cas, un germe capable de se développer, un œuf, étant déposé dans un tissu vivant en même temps qu'une matière corrosive, probablement de l'acide formique, par le Cynips. L'un de ces agents, isolé de l’autre, serait sans effet; ensemble ils occasionnent une hyper- trophie particulière du tissu cellulaire, qui est aussi bien caractérisée qu'une maladie quelconque du corps humain. Nous devons, sans aucun doute, admettre que l'œuf est rendu capable, par la matière corrosive qui l'accompagne, de lutter avec succès contre les cellules végétales vi- vantes de la plante. La larve commence à se développer, et, par son développement progressif, lié à la circonstance qu'elle prend défns son voisinage les matières nutritives dont elle a besoin, elle agit continuel- lement comme stimulant et provoque la formation de cellules nouvelles dans le tissu qui l'entoure. Après avoir parlé des propriétés des agents infectieux en général, je dois m’étendre sur les caractères qu'ils présentent dans les différents groupes de maladies infectieuses. Nous devons distinguer sous ce rap- port : les maladies contagieuses, les maladies miasmatiques (y compris l'infection septique) et les maladies miasmo-contagieuses. Dans les maladies infectieuses contagieuses (la petite vérole, la rou- geole, la fièvre, scarlatine), il suffit, pour devenir malade, que l'agent infectieux soit transporté d’un individu malade sur une personne bien portante, douée d'une prédisposition individuelle. En admettant que la théorie exposée ci-dessus soit juste, l'infection spécifique est dé- 108 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. terminée dans ces cas par des formes spécialement adaptées (non par des formes spécifiques) de Schizomycètes, en collaboration avec des matières morbifiques spéciales. Les champignons contagieux et les matières morbifiques causent en- semble la contagion. Plus les uns et les autres ont conservé sans alté- ration les propriétés qu'ils avaient dans un corps vivant malade, plus ils sont actifs et moins il en faut pour produire l'infection. L’infection la plus active se produirait donc lorsque des champignons et des matières morbifiques sont transportés immédiatement de l'organe malade dans le même organe d’un corps sain, par l’inoculation ou par l'injection. Celan'’a lieu que rarement, par exemple dans la diphthérie, dans laquelle des mucosités peuvent être transportées de la membrane diphthérique sur la muqueuse saine d’un autre individu par la toux du malade. Ce transport immédiat n’a pas lieu dans la plupart des maladies eon- tagieuses. Dans une période avancée de la maladie, diverses matières sont souvent évacuées par le corps malade, des glaires, du pus, des débris de membranes. des matières vomies, des excréments solides et liquides; les contagiums, aussi bien les champignons que les matières morbifiques, sont contenus dans ces déjections. Les deux ont très- probablement changé un peu de nature depuis l’époque où ils déter- minèrent la maladie jusqu'à leur sortie du corps, et ce changement peut devenir d'autant plus grand qu'ils séjournent ensuite plus longtemps dans les matières rejetées, avant de parvenir de nouveau dans un autre organisme, et que les matières rejetées subissent des modifications chi- miques où physiques plus considérables. Après ètre entrés de nouveau dans un organisme, ils doivent changer encore une fois de nature, et exactefnent dans la même mesure, mais en sens inverse, pour reconquérir les propriétés qui les rendent capables de produire la maladie. Dans les maladies miasmatiques, les matières infectieuses ne sortent pas d’un corps malade, mais d'un milieu autre, dans lequel elles nais- sent et se développent, pour entrer ensuite dans l'organisme humain et y produire des maladies. On considère surtout les fièvres intermittentes comme appartenant à ce groupe de maladies infectieuses ; au point de vue de l’origine de la matière infectieuse, on peut y ajouter l'infection putride. De toutes les maladies, cette dernière est la mieux connue expérimentalement ; cependant, parmi les essais assez nombreux d’in- jection ou d’inoculation de liquides putrides sur des animaux, quelques- uns seulement donnent des résultats un peu sûrs et utilisables. Je crois que les propositions suivantes peuvent être déduites avec une cer- titude suffisante des observations qui ont été faites : LES MALADIES INFECTIEUSES. 109 4° Un liquide putride agit surtout lorsqu'il est introduit sans change- ment dans le sang; 2° Il agit encore fortement, mais pourtant avec moins d'énergie, si les Schizomycètes y ont été tués précédemment par la chaleur ou en ont été éloignés par la filtration à travers un corps poreux ; 3° Les Schizomycètes d’un liquide putride, étant bien lavés, sont sans action, en quantité même passablement grande; mais en plus forte quantité ils occasionnent l'infection. On pourrait être porté à conclure de ce fait, que le liquide putride seul est nuisible et que les Schizomycètes ne le sont pas. Mais les observations ne confirment pas cette conclusion. Comme, dans ces essais, on injecte toujours de grandes quantités de liquides, on com- prend facilement qu'un liquide putride sans Schizomycètes cause des symptômes morbides violents. Les champignons agissent en tout cas principalement par les produits morbifiques qu'ils renferment. Lors- qu'on introduit ces produits en quantité suffisante dans le sang, les champignons ne sont plus nécessaires pour que l'infection soit produite. Au reste, il faut mentionner que les Schizomycètes se trouvent constam- ment en petite quantité dans le sang, et qu'ils doivent se multiplier rapidement dès qu'ils sont aidés par une matière toxique dans la lutte qu'ils soutiennent contre les forces vitales du corps. Il est aisé ainsi de comprendre que les Schizomycètes soient d'autant plus inactifs qu’ils ont été mieux lavés. Ceci vient à l'appui de mon opi- nion, que, pour produire l'infection, la présence d'une matière morbi- fique à côté des champignons est très-importante. Au reste, il faut remarquer que les Schizomycètes, quelque bien lavés qu'ils soient, produisent des maladies, dès qu’on les introduit dans le sang en quan- tité suffisante. Il faut observer, à ce propos, que le lavage n’éloigne que les matières morbifiques situées à la surface des cellules et non celles qui peuvent être contenues dans leur cavité. Pour apprécier les essais de lavage, il faut tenir compte, d’un autre côté, que par ce traitement les champignons infectieux eux-mêmes sont peut-être rendus moins actifs et que leurs propriétés sont modifiées. Nous ne possédons pas de données certaines pour décider jusqu'à quel point cette modification se produit, parce qu’on n’a pas fait assez d’essais se contrôlant les uns les autres. Nous ne pourrons décider toutes ces questions que lorsque les expé- riences auront été répétées avec une connaissance plus complète des Schizomycètes, en posanties questions plus exactement et avec toutes les précautions voulues, surtout avec toutes les contre-épreuves dési- rables. Les injections de liquides rendus putrides par des Schizomycètes, 110 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, nous permettent de comprendre l’action de ces champignons dans les pansements des plaies, sans cependant nous les faire mieux connaitre. Des plaies contenant des Schizomyeètes déterminent l'infection, em- poisonnent le sang et causent la pyémie et la septicémie. Mais ces effets nuisibles ne se produisent pas si les Schizomycètes sont rendus inactifs dans la plaie par la méthode de pansement antiseptique à l'acide phénique, etc. Dans le premier cas, les matières mobifiques passent probablement aussi bien dans le sang que les Schizomycètes ; mais on ne peut décider d’une façon certaine si ce sont les Schizo- mycètes ou la matière morbifique qui produisent l’empoisonnement. Dans la fièvre intermittente, l'agent infectieux sort de terrains marécageux et se trouve contenu dans l'air, qui est appelé à cause de cela malaria. L'agent infectieux ne peut pas être gazeux, pour les raisons que nous avons déjà données. Il n’est pas non plus admis- sible qu'il soit constitué par une simple combinaison chimique; car, lors même qu'il n’est pas absorbé en quantités aussi minimes que l'agent contagieux dont il a été question plus haut, la quantité qui pénètre dans le corps pendant un court séjour sur un terrain de ma- laria peut être considérée comme trop faible pour pouvoir agir à la manière des poisons. L'agent infectieux doit être encore un “orga- nisme capable de se multiplier, et, par conséquent, un Schizomycète. Il reste à résoudre la question de savoir si le champignon de la ma- laria produit seul l'infection, ou s’il apporte avec lui du sol une matière morbifique toxique, qui lui vient en aide dans sa concurrence avec les forces vitales de l'organisme. La dernière supposition me paraît irès-probable pour des raisons d’analogie. 1] n'existe pas seulement des maladies infectieuses, dans lesquelles les agents infectieux passent d'une personne malade dans une per- sonne bien portante, et d’autres dans lesquelles les agents passent du sol dans les individus; mais il en existe encore d’autres dans les- quelles les deux ordres d'agents agissent simultanément. Celles-ci sont les maladies miasmo-contagieuses (1). C'est à Pettenkofer que revient le mérite d’avoir montré indiscuta- blement que dans le typhus, le choléra, la fièvre jaune, deux éléments doivent agir simultanément pour produire l'infection, l’un qui vient du malade et l’autre qui vient du sol. Ce dernier n'émane pas de tous les terrains et n'émane même pas continuellement des terrains (1) Quand je me sers de l'expression #asmo-contagieuse, c'est toujours pour indiquer que les deux sortes d'agents doivent agir simultanément pour effectuer l'infection. LES MALADIES INFECTIEUSES. 111 insalubres; 1l constitue donc une cause locale et temporaire, Deux théories peuvent être émises : Ou bien l'agent infectieux provenant d'un malade doit traverser une phase dans un sol favorable avant de pouvoir propager l'infection ; Ou bien le sol produit chez les habitants une infection miasmatique, sans laquelle l'agent d'infection contagieuse qui vient du malade ne peut pas se développer. Il n'y a pas d'autre explication possible. D désigner brièvement les deux théories, on peut appeler la première monoblastique, la seconde diblastique, parce que dans la première un seul agent, dans celle-ci deux agents différents d'infection pénètrent dans le corps. Pettenkofer a nommé x l'élément fourni par le malade, y le substra- tum que le lieu et le temps doivent fournir, et z le produit, le véritable agent infectieux; et il ne dit pas où x et y se réunissent pour pro- duire z, si c’est en dehors ou en dedans du corps humain. Cependant, d’après son explication, on inelina plutôt à croire que cette réunion se fait en dehors du corps, dans le-sol, dans la maison, dans la loca- lité, ete.; et bientôt cette théorie monoblastique, qui fait entrer x + sous la forme de z dans le corps, devint générale. Je discuterai les deux théories, d’abord au point de vue de la physio- logie des Schizomycètes, et ensuite au point de vue des observations recueillies dans les maladies miasmo-contagieuses. Si nous commençons par la théorie monoblastique, l'élément x, ve- nant d’un inalade, ne peut être qu'un Schizomycète. Aux raisons qui nous font admettre d’une façon générale que les agents infectieux ne peuvent être que des Schizomycètes, s’en ajoute une autre : c’est que nous ne saurions comprendre qu'une matière chimique non orga- nisée subit dans le sol le changement qui serait ici nécessaire. Il ne reste done qu'une supposition possible à concilier avec la théorie monoblas- tique, c’est que le champignon infectieux ne redevienne capable de se développer dans le corps humain qu'après avoir traversé un autre stade particulier de développement, et l’on peut citer comme analogie en faveur de cette supposition l'exemple des champignons hétéræciques, qui présentent alternativement plusieurs formes et qui vivent à cause de cela sur des plantes différentes. La rouille des céréales ne peut se développer de nouveau sur les céréales que lorsqu'elle a traversé pendant le printemps une génération sur l'Épine-vinette, A l’hété- rœcie est lié un changement dans la manière de vivre, dans la nutri- tion, dans la constitution chimique. Physiologiquement, nous pouvons expliquer ce fait en admettant que le champignon ne peut pas complé- 112 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. tement satisfaire tous ses besoins dans un seul endroit, et périt lors- qu'il ne peut pas le faire dans un autre lieu d'habitation. On pourrait donc supposer avec quelque raison que certains champignons infec- tieux doivent rétablir leur équilibre troublé dans le corps humain, par un séjour dans un autre milieu. Au point de vue de la physiologie des plantes, il n'y aurait rien à ob- jecter à une semblable hétéræcie des champignons infectieux. Seule- ment, il est digne de remarque que nous aurions là une nouvelle forme d'hétéræcie ou de génération alternante dont on ne connaît pas encore d'exemple. L’alternance de génération, en effet, commune dans le règne végétal, obéit à cette règle sans exception que, des deux où plusieurs formes qui se suivent régulièrement, une seule se répète pendant plusieurs générations, le plus souvent pendant un nombre indéterminé, tandis que les autres formes ne sont représentées chacune que par une seule génération. Pour appliquer cette règle générale à l'hétéræcie des champignons im- fectieux, nous devrions admettre qu'ils ne vivent que pendant une seule génération soit dans le corps humain, soit dans le sol. Pour plusieurs raisons, ces deux suppositions sont également impossibles. D'abord, leur séjour dans l’un et dans l’autre milieu dure si longtemps, qu'ils doivent produire nécessairement plusieurs générations; car un Schizo- mycète qui a des aliments à sa disposition en absorbe et se multiplie. Ensuite, si les champignons ne vivaient dans un même endroit que pendant une seule génération, et, par conséquent, ne se multiphaïent pas ou doublaient simplement leur nombre, ils n'auraient guère de chances de parvenir dans un autre milieu, vu le nombre d'individus qui périssent, qui ne peuvent pas quitter le lieu de leur habitation, ou qui, lorsqu'ils le quittent, n'arrivent pas à leur destination. Enfin la suppo- sition d’une seule génération est encore inadmissible, parce que, pour produire une infection active, il est clair qu'une augmentation très-consi- dérable de nombre est nécessaire. Un fait doit encore être mentionné, qui est également défavorable à l'hétérœcie des générations. Les Schizomycètes possèdent déjà une alternance de génération semblable à celle des Nostochinées, groupe d’Algues qui morphologiquement leur ressemble. Cette alternance consiste en ce qu'une génération est représentée par des spores sus- ceptibles de rester fort longtemps en état de repos. Mais l’hétéræcie des champignons infectieux, telle qu’on serait obligé de l’admettre, n’est pas seulement sans analogie dans le règne végétal ; dans certains cas, où l'on s’en sert pour expliquer des phénomènes énigmatiques, elle devient improbable et à peu près impossible à LES MALADIES INFECTIEUSES. 113 cause des conditions vitales nécessaires aux Schizomycètes. Ces cham- pignons ont besoin, pour croître et se multiplier, d’une quantité suffi- sante d’eau, et même d'une quantité plus grande que les champignons des moisissures. Ces champignons ne croissent pas sur une surface sèche (murs intérieurs ou extérieurs), ni dans une substance poreuse sèche (le sol, la maçonnerie). S'il survient de l'humidité, des cham- pignons de moisissure se développent les premiers, et c’est seulement lorsqu'il se trouve trop d’eau pour la formation des moisissures que les Schizomycètes apparaissent. Pour expliquer l'extension des épidémies, la théorie monoblastique doit admettre que les champignons infectieux qui sortent du malade, se multiplient sur la muraille d’une chambre, dans les caves, à la sur- face de la terre, et retournent dans le corps de l’homme, après un court délai. Cependant, dans les endroits indiqués, ils ne peuvent en général pas croître et se multiplier, à cause d’une trop grande sécheresse. Pour cela il faut qu'ils arrivent sur une surface humide ou dans une substance aqueuse ; ils ne trouveront cette condition nécessaire que par exception à la surface de la terre, et d'habitude seulement dans une couche de terrain plus profonde et imbibée par l'eau. Les Schizomy- cètes, et en général les matières infectieuses, ne peuvent quitter un endroit humide, où ils se sont formés, que lorsque celui-ci se dessèche. Il faudrait qu'après la régénération des matières infectieuses dans le sol, celui-ci se desséchât, et, comme il s’agit presque toujours d’une couche profonde du terrain, il faudrait pour cela d’abord un abaisse- ment de l’eau souterraine, avant que les matières infectieuses pussent retourner dans l'atmosphère. D'après la théorie monoblastique, une période de plusieurs semaines, et le plus souvent même de plusieurs mois, devrait donc s’écouler avant que les germes venant du malade pussent produire une infection nouvelle, condition qui est en contra- diction avec les faits. Si nous admettons que les Schizomycètes trouvent exceptionnelle- ment un foyer approprié (humide) en dehors du sol (dans des bâtiments) ou à la surface du sol, une autre difficulté rend la théorie monoblas- tique impossible. Comme il a été prouvé qu'un abaissement de l’eau souterraine doit précéder l'apparition des maladies miasmo-contagieu- ses, 1l faudrait que cet abaissement exerçât sur les foyers susindiqués une influence quelconque, qui seule les mit en état de régénérer les matières infectieuses venant du malade. On ne peut pas se figurer comment une influence pareille serait possible, ni par des voies maté- rielles, ni par des voies immatérielles. La physiologie des Schizomycètes est, comme les discussions précé- T. IT. — N0 2, 1879. 8 114 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. dentes l'ont montré, entièrement défavorable à la théorie monoblas- tique. Examinons maintenant la théorie diblastique, qui fait entrer séparé- ment et à des époques différentes, dans le corps humain, le x qui vient du malade et le 4 y qui vient du sol. su nous devrons décider quelles propriétés nous devons attribuer à æ et à y. L'un des deux doit être certainement un Schizomycète ; mais ae pourrait être une matière morbifique qui seconderait le champignon dans sa concurrence avec les forces vitales du corps. Nous pourrions admettre que la maladie fournit pour l'infection un champignon, et le sol une combinaison chimique se formant par putré- faction ou par décomposition cadavérique, ou bien, au contraire, que le sol fournit un champignon et la maladie une matière morbifique. Les deux suppositions rencontrent cependant des difficultés sérieuses. D'abord, l'entrée des deux éléments (x et y} dans le corps devrait avoir lieu à peu près en même temps, tandis que, comme nous le verrons, l’extension des maladies montre clairement que le y du sol entre dans le corps et y exerce une action déterminée longtemps avant l'entrée du x qui vient du malade ; ensuite, il est difficile de se représenter que des quantités minimes de combinaisons chimiques pénètrent dans le corne en y Cau- sant des troubles perceptibles. Mais il existe encore cette autre possibilité, que le x qui vient du ma- lade, aussi bien que le y qui vient du sol, seraient des Schizomycètes. Alors il y aurait à distinguer deux sortes de champignons infectieux dans les maladies miasmo-contagieuses : les champignons de la maladie et les champignons du sol. La collaboration des deux ne se laisse imaginer que par la supposition que les champignons du sol modifient les pro- priétés chimiques d'un liquide du corps, de telle manière que ce liquide présente des conditions suffisamment favorables pour que les champi- gnons de la maladie puissent y prospérer. Présentée ainsi, la théorie diblastique ne renferme pas de supposition qui soit contraire à ce que nous savons aujourd'hui des champignons inférieurs. C'est au contraire un phénomène très-commun qu'une sub- stance doit d’abord être transformée par un champignon, avant qu'un autre champignon puisse s’y multiplier et agir. Les Schizomycètes ne croissent pas dans un liquide nutritif avec 2 pour 100 d'acide acétique, quand même ils s’y trouvent seuls. Mais, s’il s’y joint une végétation de Mucorinées ou de Saccharomyceètes, ces derniers consomment les acides et rendent le liquide propre aux Schizo- mycèles, qui y apparaissent en quantité innombrable. J'ai déjà men- LES MALADIES INFECTIEUSES. 115 tionné que, dans le jus des raisins ou dans le sue des fruits, il se déve- loppe d’abord des Saccharomycètes, qui changent le sucre en alcool et préparent le sol nutritif pour les champignons de la fleur et de la mère du vinaigre, qui oxydent l'alcool en acide acétique. Le liquide est alors devenu favorable aux champignons des Moississures, qui emploient les acides comme nourriture et rendent le liquide neutre, de sorte qu’en- suite les Schizomycètes de la putréfaction peuvent commencer leur ouvrage. Cette succession de végétations différentés de Champignons, qui pro- vient de ce qu'une végétation prépare un sol nutritif favorable à l’autre, frappe surtout les yeux quand il s’agit’de champignons qui appartien- nent à des groupes différents. Elle se présente aussi dans les formes du même groupe, seulement elle est alors plus difficile à mettre en évi- dence. Dans les exemples cités plus haut, les champignons bourgeon- nantes de la fleur de vin succèdent à ceux de la fermentation alcoolique. Il y a des motifs de croire qu'aux Schizomycètes de la fermentation lac- tique succèdent ceux de la fermentation butyrique ou bien ceux de la fermentation ammoniacale (1). D'après les considérations qui précèdent, nous voyons qu'en ayant égard à la physiologie des champignons, des deux théories possibles re- lativement aux matières infectieuses miasmo-contagieuses, la théorie diblastique doit être préférée à la théorie monoblastique, et que, de plus, aussi bien les agents d'infection qui viennent d'un malade que ceux qui viennent du sol doivent être des Schizomycètes. Les deux ‘1) La théorie que je développe, d’après laquelle, dans les maladies miasmo-conta- gieuses, les champignons du sol doivent déterminer dans le corps humain une prépa- ration miasmatique favorable aux champignons contagieux, découle de l’expérience qui nous montre que deux éléments, venant l’un du sol et l’autre d’un malade, produisent en- semble l'infection. Dans ce cadre général, il y aura encore plusieurs hypothèses susceptibles de s’accorder avec la physiologie des champignons, que je veux simplement indiquer dans leur opposition la plus importante. : Ou bien l’action des deux formes de champignons est qualitativement différente, les champignons de la maladie contagieuse ne pouvant se développer que lorsque les champi- gnons miasmatiques du sol ont produit un changement déterminé dans les liquides or- ganiques ; Ou bien les champignons de la maladie contagieuse sont trop faibles, vu le petit nombre qui entre dans le corps, d’après la nature des circonstances, pour concourir avec les forces vitales, et ne peuvent produire l'infection que lorsque l'organisme est déjà suffisamment affaibli par les champignons miasmatiques. En nombre suffisant, ils peuvent seuls (sans l’aide des champignons du sol) produire le choléra, le typhus, la fièvre jaune. Ces maladies devraient alors aussi être toujours communicables par des inoculations suffisantes. J'avoue que pour des raisons physiologiques cette dernière hypothèse me paraît la plus probable. 116. REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. théories doivent encore être jugées par l’expérience que nous avons des maladies miasmo-contagieuses. D’après la théorie monoblastique actuelle, le x qui vient du malade s’unit au y qui vient d'un sol approprié, pour former le z, capable de pro- duire l'infection et agissant alors comme un agent infectieux simple- ment contagieux. Cet agent n’est produit qu'en certains endroits et qu'à certaines époques, mais il peut être transporté aussi loin et pendant aussi longtemps qu'il conserve sa puissance infectieuse. Le z n’a pas seulement le pouvoir d’infecter dans le lieu approprié où il s’est formé ; s’il conserve son activité pendant huit à vingt et un jours (par exemple, lorsqu'il est desséché à l'air), il ne peut pas la perdre s’il fait dans ce temps un trajet de 10, ou de 100, ou de 1 000 lieues. Des per- sonnes qui n’ont jamais fréquenté un lieu infecté peuvent done être atteintes; mais elles ne peuvent l'être que par un agent d'infection qui provient de ce lieu. Aussi bien que le z, le x et le y, encore séparés, seraient transportables. D’après la théorie diblastique, au contraire, le y du sol et le z de la maladie entrent séparément dans le corps, et le y y pénètre toujours le premier. Dans une localité insalubre, l’infection miasmatique se déve- loppe dans le corps; on ne peut la contracter que là. Mais la personne infectée par des miasmes peut porter partout avec elle son état spécial et devenir partout malade par l'absorption du champignon de la ma- ladie z. Des personnes qui n’ont jamais séjourné assez longtemps sur un sol insalubre pour avoir subi une modification suffisante dans leurs humeurs, ne peuvent pas être attaquées par une maladie miasmo-conta- gieuse. Le x seul peut être transporté, le y ne le peut pas. Lyon est une ville salubre, dans laquelle le choléra ne règne pas : épidémiquement. Mais des cas isolés de cette maladie peuvent se pré- senter. Si nous exceptons les cas où des personnes viennent d’ailleurs, apportant en elles le germe de la maladie, les cas suivants sont encore possibles d’après l’une ou l’autre théorie. Supposons que le choléra règne à Marseille ou aux Indes ; des personnes saines ou malades vien- nent de là à Lyon et apportent dans leurs vêtements le z de la théorie monoblastique. D’après cette théorie, ce germe peut infecter des per- sonnes qui n'ont pas quitté Lyon de leur vie et des personnes qui y sont venues d’un autre endroit salubre.— D’après la théorie diblastique ceci serait impossible. Par contre, des personnes qui auraient absorbé lin- fection miasmatique après une forte baisse de l’eau souterraine à Mu- nich et qui voudraient échapper à une épidémie de typhus menaçant celte ville, pourraient se rencontrer à Lyon avee un malade du choléra venant des Indes, ét mourir du choléra, tandis que les habitants de la LES MALADIES INFECTIEUSES, 117 ville salubre seraient préservés de l’infection. Dans ce cas, le champi- gnon du choléra des Indes s’est joint au champignon du sol de Munich pour exercer une action commune. Cet exemple suffit à mettre en lumière la différence qui existe entre les théories mono- et diblastique. Si, dans les cas de choléra et de ty- phus dans des localités salubres, on recherche consciencieusement la provenance des agents infectieux, miasmatiques et contagieux, il ne sera pas difficile de rassembler les preuves en faveur de l’üne ou l’autre théorie. Jusqu'à présent la lutte était localisée entre les contagionistes exelu- sifs, qui faisaient venir le germe d'infection du malade seul, les mias- matiques exclusifs, qui le faisaient venir du dehors (de l'air et de l’eau), et les partisans de la théorie monoblastique miasmo-contagieuse, qui considèrent le sol comme l'agent d'une union nécessaire pour que se produise l'infection contagieuse. Chacune de ces troisthéories peut s'appuyer sur des faits indiscutables ; la troisième, qui réunit jusqu'à un certain point les deux autres, est celle qui a le plus de faits à sa disposition. Il me paraît cependant qu'elle ne peut pas aplanir toutes les difficultés; qu'il y a, par exemple, des faits indubitables d'infection personnelle (contagieuse) avec lesquels elle est incompatible, et qui ne peuvent être expliqués d’une manière satisfai- sante que par la théorie diblastique. Comme il ne s’agit pas de prouver que le sol joue un rôle décisif (cette preuve a été fournie surabondamment), mais Justement que, dans les maladies miasmo-contagieuses, une cause exclusivement con- tagieuse agit, comme la théorie diblastique le demande, je prends les exemples de préférence dans les publications d’un adversaire de l’in- fection de personne à personne, qui est un partisan de la théorie mo- noblastique; et je le fais avec d’autant plus de plaisir que les recherches de Pettenkofer se distinguent avantageusement par une exposition claire et critique de la question. Il va de soi que, dans la plupart des cas, les théories mono- et di- blastique sont égales dans la lutte contre ceux qui défendent la con- tagion exclusive et ceux qui croient à l'influence miasmatique exclusive, puisqu'elles prouvent aux uns la présence d’une cause miasmatique et aux autres la présence d’une cause contagieuse. Mais elles diffèrent entre elles quant à l'explication de ces cas. Quand, par exemple, à Londres, une personne qui habite un quartier exempt de choléra, mais qui fait prendre de l’eau dans un quartier infecté, devient malade; quand, dans les environs de Zurich, une personne à laquelle on a apporté des 118 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, pieds de veau d'une ville où règne le choléra, meurt du choléra, et qu’on soutient ensuite que l'infection n’a eu lieu ni parce que la pre- mière a bu l’eau ni parce que la seconde a mangé les pieds de veau, mais paree que l’une et l’autre ont été atteintes par un germe apporté dans les vêtements, la théorie monoblastique voit dans ce germe le z dans lequel les deux causes d'infection sont réunies; mais la théorie . diblastique prétend que ce germe n’est que le x, qui vient immédiate- ment du malade, et qu'il n’a pu prendre racine que parce que les personnes devenues malades étaient déjà infectées par des miasmes. Les faits expérimentaux qui peuvent nous éclairer sur l'opposition qui existe entre les théories monoblastique et diblastique, appartiennent aux huit catégories suivantes : 4° Le choléra disparaît sur la route à travers le désert, lorsque le voyage dure plus de vingt et un Jours ; des navires qui sont longtemps en mer, ne peuvent pas non plus transporter le choléra, parce que le sol du désert et les navires en pleine mer sont rebelles à l'infection (1). H suit de là que le germe du choléra (x ou z) ne reste inaltéré que pen- dant quelques semaines. De ce fait, et de la circonstance que dans beaucoup de cas il ne peut être importé que fort peu de matière infec- tieuse, il découle qu'une épidémie de choléra doit commencer d’une manière différente dans un endroit où elle n’est pas endémique, suivant que la théorie monoblastique ou diblastique est vraie. D'après la théorie monoblastique, x, y et z peuvent être importés. Si x seul pouvait l'être, il devrait d’abord se réunir avec le y du sol; il de- vrait se multiplier dans un endroit humide, comme je l'ai déjà démontré plus haut. Avant que le z, capable de produire l'infection, pénètre dans les personnes, il se passerait un temps assez long (dans certaines eir- constances même plusieurs mois); et le choléra ne pourrait pas se dé- clarer (comme c'est en réalité le cas) après quelques jours ou après quelques semaines. — Mais si z était importé seul ou y en même temps que æ, des cas plus ou moins nombreux pourraient être produits au commencement (aussi longtemps que les matières infectieuses restent actives et qu’elles sont en quantité suffisante); ensuite un temps d’arrèt assez long doit intervenir avant que le x importé ou nouvellement formé sur les lieux se soit régénéré en z. La marche d’une épidémie de cho- léra est opposée à ces déductions. D’après la théorie diblastique, x seul est transportable; il infecte (1) Excepté dans des cas rares, où des épidémies règnent sur des navires. LES MALADIES INFECTIEUSES, 119 quelques personnes prédisposées par le y du sol. De celles-ei il peut être transporté de nouveau immédiatement sur des personnes prédis- posées miasmatiquement, de sorte que, comme c’est réellement le cas, une interruption de l'épidémie n'est pas nécessaire, celle-ci peut au contraire s'étendre continuellement ; 2° On peut en dire autant des épidémies de choléra, qui règnent ex- ceptionnellement sur des navires. Les navires constituent en général un sol salubre; cependant certains navires où règne le choléra montrent avec la plus grande évidence qu'il y en a qui présentent les mêmes conditions qu'un sol terrestre insalubre. Les épidémies de choléra sui- vent sur ces navires la même marche que sur la terre ferme. Tous les jours de nouveaux cas de maladie peuvent se produire ; sur sept navires différents ayant des épidémies à leur bord, les derniers cas de choléra furent observés les vingt-septième, trentième, trente et unième, trente- troisième, trente-cinquième, trente-neuvième et cinquante-sixième jour après le départ. L’incubation de la maladie dure ordinairement quinze Jours, au plus trois semaines; dans les sept exemples cités, l'infection doit avoir eu lieu à bord du navire même; il ne peut être admis que les personnes devenues malades si longtemps après le départ aient été infectées à terre avant de mettre à la voile. La théorie monoblastique est forcée d'admettre qu'au départ assez de matière infectieuse (z ou x + y) a été introduite dans le navire ‘pour suffire à toute l'épidémie. Les observations recueillies à bord de beau- coup d’autres navires plaident contre l'admissibilité de cette supposi- tion. C'est un phénomène très-général que dés navires n’apportent pas d'agents infectieux. à terre après une longue navigation, et que les cas isolés de choléra se produisent dans les premiers jours du voyage. Ce n’est que lorsque les cas de maladie augmentent jusqu'à prendre le caractère d’une épidémie que celle-ci peut s'étendre davantage ét dé- passer le délai après lequel les agents infectieux deviennent inactifs. Ceei fait présumer, avec la plus grande probabilité, que l'épidémie sévissant à bord des navires est entretenue par l'infection. Nous sommes donc amenés à la théorie diblastique, et deux opinions s'offrent à nous. D'après la première, quelques navires constituent des milieux aptes à l’infection et infectent leurs équipages miasmatiquement, comme un terrain insalubre infecte ses habitants, de sorte que l'agent conla- gieux æ, qui est probablement apporté à bord par des personnes in- fectées, trouve un terrain bien préparé pour son développement. De ce que la bonne tenue des bâtiments n'est pas une garantie contre les épi- démies, et de ce que ceux qui sont sales ne les hébergent pas nécessai- rement, on ne peut pas en tirer une objection contre l'opinion émise, 120 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. puisqu'on observe des faits analogues à terre. Au reste, le numéro à montrera l’admissibilité de cette opinion. L'autre supposition est qu'une partie de l’équipage a absorbé le miasme étant à terre et est infectée sur le vaisseau par l'agent con- tagieux z venant d’un malade, exactement comme cela aurait pu ar- river à terre. Le premier malade doit naturellement avoir pris Pagent contagieux à terre. L’admissibilité de cette supposition ressort du numéro 3, où il n'existe aucune autre explication possible. 3° Pour se former un jugement sur les deux théories, les cas isolés de choléra, ou les petites épidémies surgissant dans des localités salubres, sont surtout importants. Je dois cependant faire remarquer tout d'abord que non-seulement il n'y a pas de démarcation précise entre un sol salubre et un sol insalubre, mais que toutes les gradations exis- tent entre les deux, que chaque espace de terrain peut ‘présenter des conditions spéciales, et que des parties isolées et dangereuses se trouvent même dans une localité entièrement salubre. D'après toutes les observations recueillies jusqu’à ce jour, les na- vires, à de rares exceptions près, doivent être considérés, pour le cho- léra, comme un sol salubre sur lequel la maladie ne peut pas se perpé- tuer, mais disparaît. Des cas isolés de maladie, importés de la terre, n’ont donc en général pas de suites funestes. S'il arrive que d’autres passagers d’un pareil navire salubre soient infectés par un malade atteint du choléra, l'agent miasmatique y doit être venu de la terre, et il s’agit de rechercher de quelle manière cela peut arriver. Des sections égales de deux régiments sont embarquées pour les Indes sur un transport à vapeur. Le choléra se déclare plusieurs jours après le départ; l'épidémie enlève beaucoup de soldats, mais ils appartiennent tous au même régiment et ils viennent d’un camp dans lequel le cho- léra se déclare aussi avec violence peu de temps après leur départ, tan- dis que l’autre division, venant d’un endroit exempt de choléra, est en- tièrement épargnée. L'influence de la localité est évidente 11; il est évident aussi que le navire était salubre. La théorie monoblastique doit faire la supposition invraisemblable que tous les soldats devenus ma- lades ont apporté dans leur corps le germe d'infection z et rien d’infec- tieux dans leurs vêtements et leur bagage(ni le z transportable, mile x et le y également transportables), car autrement l’autre section aurait aussi été infectée. La théorie diblastique au contraire suppose qu'une division est venue à bord miasmatiquement prédisposée par la localité insa- lubre et que ces hommes ont aussi apporté, les uns intérieurement, les autres extérieurement, le germe contagieux du choléra x; mais sur le navire le contagium apporté et celui produit par les malades ne pu- LES MALADIES INFECTIEUSES. 121 rent devenir dangereux que pour la division miasmatiquement prédis- . posée et non pour l’autre. Le cas ci-dessus n’est qu'un exemple d’un phénomène très-général aux Indes, à savoir que : sur les navires les hommes qui viennent de garnisons différentes ne sont pas également exposés à devenir malades, le choléra se bornant à ceux qui viennent d’un endroit déterminé. 4° L'exemple suivant peut être cité comme type d’un certain nombre d’autres cas; il est pris dans les publications de Pettenkofer. C’est un phé- nomène analogue à celui qu'on a observé sur les navires des Indes, mais qui se passe à la campagne, dans nos contrées. Dans l'été et l’automne de 4873, la ville de Spire fut visitée par le choléra, qui se borna à la partie la plus basse de la ville, située sur les bords du Speierbach. Dans l’hospice de vieillards, qui se trouve dans la partie haute de la ville, restée exempte du choléra, vingt-quatre des deux cents bénéficiers de- vinrent malades du choléra. Trente-trois de ces hommes avaient été em- ployés à la récolte des pommes de terre, et l'épidémie se déclara après qu'ils eurent travaillé dans un champ situé fort bas (1) (dans une sablière abandonnée). Ils n'avaient pas bu d’eau dans ce champ, et leur chemin ne traversait pas la partie de la ville visitée par l'épidémie. La plupart de tous les cas de choléra tombèrent sur cette petite partie des bénéfi- ciers, parmi lesquels se trouvaient les plus forts ; de ces trente-trois per- sonnes vingt devinrent malades. La théorie monoblastique doit admettre que les bénéficiers ont ab- sorbé le z sur le champ de pommes de terre insalubre ; que, cependant, ils ne l’ont apporté dans l'établissement qu'en très-petite quantité, sur leurs habits et avec les pommes de terre, ce qui peut paraître un peu étonnant. Ensuite on peut se demander si le z est aussi parvenu dans cet endroit insalubre auquel on peut hardiment attribuer le y, ce qui n'est pas probable, mais cependant possible, et si le x a pu s’y déve- lopper pour produire le z, ce qui, en tenant compte du temps que cela exige, me paraît impossible. La théorie diblastique offre une explication plus naturelle. Les bénéficiers étaient allés chercher la prédisposition miasmatique sur le champ de pommes de terre insalubre, et étaient devenus susceptibles de recevoir le contagium du choléra. Dans un autre cas, ce ne sont pas de vieux bénéficiers invalides qui vont contracter la prédisposition pour le choléra, mais des soldats ro- (1) Cet endroit, situé très-bas, peu au-dessus de l’eau souterraine, était insalubre. Je montrerai plus loin que, dans des circonstances égales sous d’autres rapports, le sol est d'autant plus dangereux après l’abaissement de l’eau souterraine, que celle-ci est plus près de la surface. La remarque que les pommes de terre étaient pourries indique aussi que cette localité avait été rendue humide par l’eau souterraine. j 122 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. bustes qui absorbent le 7 du sol dans un lieu insalubre où ils font l'exercice et deviennent ensuite malades du typhus, tandis que d’autres soldats, qui demeurent dans la même caserne, mais qui font l'exercice ailleurs, ne sont pas infectés; ou bien des condamnés aux travaux forcés et leur gardien, qui travaillent dans des champs auparavant inondés et qui sont visités par une épidémie de typhus, tandis que leurs codétenus, travaillant ailleurs, sont épargnés sans exception. 5° Le cas suivant a certains rapports avec ceux qui précèdent. Aux Antilles se trouve le vaisseau /sès, ayant la fièvre jaune à bord. Le vais- seau Bristol arrive d'Angleterre, avec un équipage de quatre cents hommes bien portants, et en envoie cent cinquante sur l'/ses, où ils travaillent, mais où ils ne mangent ni ne dorment. Ils reviennent coucher et prendre leurs repas sur /e Bristol. De ces cent cinquante hommes, trente deviennent malades de la fièvre jaune, douze en meurent; ils sont soignés sur /e Bristol, sans qu'un seul des autres deux cent cin- quante hommes qui n’ont pas quitté /e Bristol tombe malade. Pour expliquer ce cas, intéressant sous plus d’un rapport, la théorie monoblastique est libre d'admettre que la matière infectieuse z(oux+4+#) se trouvait sur le vaisseau /sis, soit apportée précédemment de la terre, ou produite sur le navire, et qu'elle aurait été absorbée par les hommes envoyés du Bristol, mais non pas transportée sur /e Bristol par leurs vêtements. La théorie diblastique, au contraire, est forcée d'admettre que le vaisseau /s2s était insalubre et que la fièvre jaune y trouva un terrain favorable. L’équipage sain du Bristol, qui travailla sur. /’/sis, absorba le miasme et devint alors accessible au contagium. Ces hommes appor- ièrent bien aussi le contagium par leurs vêtements sur /e Bristol, mais il ÿ resta inactif, parce qu'il n’y rencontra pas de personnes miasma- tiquement prédisposées. Cette dernière supposition est admissible, parce qu'il y a, sans aucun doute, des navires qui ne sont pas salubres pour la fièvre jaune. Elle se déclare à bord de ces bâtiments, en général vieux et malpropres, dans chaque nouveau voyage, quand ils passent sous l'équateur. La supposition diblastique est la plus probable, parce qu'on ne sau- rait expliquer pourquoi l'équipage du Bristol, qui fut infecté sur ZZsvs, aurait simplement absorbé l'agent infectieux transportable par la bouche et par le nez, etne l'aurait pas apporté sur /e Bristol par les vè- tements. 6° Ily a beaucoup d’analogie avec la catégorie précédente dans les cas où une partie de la population d’un endroit infecté par le choléra LES MALADIES INFECTIEUSES. 123 se rend dans un endroit salubre. Sous ce rapport, Lyon est particu- lièrement instructif. Dans la règle, le choléra n’attaque que la popula- tion qui y séjourne passagèrement. Comme l’immunité de la ville est connue, dans les temps de choléra, des milliers de fugitifs viennent de Marseille, de Paris et d’autres villes de France vers Lyon. Pendant l’épi- démie de 1865, environ vingt mille personnes de Marseille seulement y auraient séjourné; et, malgré cela, il n’y a eu dans cette année que dix-huit cas mortels de choléra dans la ville de Lyon, où il y avait une population compacte d'environ trois cent mille âmes, avec beaucoup d'ouvriers. La théorie monoblastique doit faire la supposition, invraisemblable au plus haut point, que la multitude entière, venue de villes visitées par le choléra, n’a pas du tout apporté de germes nuisibles, ou n’a apporté que le +; car si elle avait apporté le z ou x +7, toutes les conditions pour que le choléra se répandit parmi la population de la ville salubre étaient présentes. La théorie diblastique, au contraire, admet que le contagium du choléra (x) dut être apporté indubitablement; mais qu'il ne fut pas nuisible, parce que la prédisposition miasmatique ne se trouvait pas chez là population indigène. 7° Très-analogues au cas précédemment mentionné sont les exemples nombreux d'une population attaquée par une épidémie, à côté d'une population saine, sans que, par suite du voisinage immédiat et des com- munications ininterrompues, aucune séparation nette existe. Le fait que le typhus, le choléra, la fièvre jaune restent strictement limités dans certains quartiers, d’un côté de certaines rues, dans des groupes de maisons, dans des maisons, des étages, des salles et même dans des coins de salle, tandis que les quaïtiers, les maisons, les endroits avoi- sinants sont épargnés, est aussi connu qu'important. La théorie monoblastique ne peut pas expliquer ce fait du tout; si, suivant sa supposition, ÿ et z sont transportables, comment est-il ad- missible qu’ils ne soient pas transportés, qu'au moins l'épidémie ne dé- passe pas, par des cas sporadiques nombreux, ses limites déterminées, et que ces limites ne soient pas plus on moins effacées, comme, sur un tableau, une ombre noire se perd peu à peu dans une parte plus éclairée? La théorie diblastique se trouve encore une fois en complet accord avee les faits; le contagiuin x se répand dans tous les sens, mais 1l ne se développe dans la population qu'autant que celle-ci est suffisamment prédisposée par le miasme du sol (y). 8° L'exemple suivant, tel qu'il est raconté par Pettenkofer, donne l'idée d'une autre catégorie de cas. En 1854, une personne À, de Stutt- gard, revient, après un court séjour à Munich, malade du choléra, dans 124 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. sa ville natale et meurt. Quelques jours après, la garde-malade B, qui a soigné À, devient malade et meurt. Une blanchisseuse GC vient d’un village voisin de Stuttgard chercher le linge des personnes À et B, de- vient malade et meurt, et presque en même temps son mari suecombe. La transmission contagieuse paraît prouvée ici. Mais Pettenkofer ex- plique le cas ainsi : la personne A aurait apporté de Munich une cer- taine quantité de z, qui suffisait exactement pour infecter B, C et D, comme s'ils avaient été chercher eux-mêmes le z à Munich. Cette explication n’a certainement rien d’absolument impossible, et s’il n’y en avait pas d'autre, il faudrait bien laccepter. Mais elle n’est, malgré tout, pas probable. On peut comprendre comment la garde- malade B absorbe une partie du z qui adhère aux vêtements, mais on ne comprend pas bien comment la blanchisseuse GC, qui ne manie que le linge sali par les déjections des malades, et moins encore com- ment son mari D, vivant au village, viennent en contact avec le z de Munich. L’explication fournie par la théorie diblastique est plus naturelle. La personne À va chercher le choléra à Munich et infecte à Stuttgard quel- ques personnes prédisposées miasmatiquement, et elle les infecte pro- bablement bien plus par le contagium qu’elle produit elle-même, que par celui qu’elle apporte de Munich. Il est vrai que Stuttgard est une ville salubre; mais, comme dans tous les endroits de cette nature, il doit y avoir ici aussi des points qui sont insalubres temporairement et qui produisent le miasme du sol. Dans le cas qui nous occupe, il ne s’agit que d'admettre les propriétés insalubres d’une maison à Stuttgard (celle de la garde-malade) et d'une maison dans le village voisin (dans laquelle la blanchisseuse et son mari ont été miasmatiquement imfec- tés). Je dois faire remarquer ici que les propriétés insalubres d’une partie du sol de Stutigard ont été effectivement démontrées. Exactement de la même manière, le typhus est apporté par des per- sonnes de Munich dans des localités rapprochées ou éloignées, où cette maladie ne régnait pas, mais qui pourtant ne sont pas pour cela entière- ment salubres. D'après les circonstances, la maladie se borne aux per- sonnes qui l'ont apportée ou se communique à d’autres et prend le caractère de petites épidémies qui, le plus souvent, restent confinées dans une maison, quelquefois dans quelques maisons, et qui per- mettent dans quelques cas de suivre assez sûrement la transmission contagieuse. | Si l’on examine séparément les cas concrets énumérés, comme nous venons de le faire, il ressort de chacun d’eux une vraisemblance plus grande en faveur de la théorie diblastique. LES MALADIES INFECTIEUSES. 125 Cette probabilité devient dans certains cas une presque certitude, et elle se renforce encore, comme nous le verrons, lorsque nous compa- rons les cas entre eux. L'observation relative à l'extension locale et à la durée des maladies miasmo-contagieuses ne donne que des faits qui nous font juger de la transportabilité des agents infectieux. La théorie monoblastique est forcée d'admettre que l'agent infectieux complet z ou ses parties constituantes z et sont transportées au loin par des personnes et des objets; ce n’est que par cette hypothèse qu'on peut jusqu'à un certain point expliquer les faits observés. Aïnsi s’est formé le dogme du miasme transportable. La théorie diblastique n’a pas besoin de cette supposi- tion ; elle sépare l'infection en deux agents indépendants l’un de l’autre, dont l’un conserve le caractère simplement contagieux et l’autre le ca- ractère miasmatique. Il s’agit done simplement de décider si l’on peut admettre un miasme transportable. La réponse offre peu de difficultés pour les petites épidé- mies localisées dans une maison ou dans un lieu sain à tous autres égards (n° 8). Cependant, si dans ces cas le miasme a été véritablement trans- porté, il en résulte que le transport en est particulièrement facile; mais alors nous ne comprenons pas que dans d’autres cas, où la possibilité de transport est mille fois plus grande, il n’ait pas lieu du tout. Lors- qu’une personne, après avoir simplement traversé une rue infectée, où après s'être arrêtée peu de temps dans la ville, retourne dans le lieu de sa résidence, distant de plusieurs lieues, et y communique l'infection à une autre personne ; lorsque dans un autre cas analogue l’infection ne s'arrête pas à la seconde personne, mais se transporte de celle-ci sur une troisième et une quatrième personne, et lorsque des cas pareils se répètent cent fois — nous sommes étonnés au plus haut point que, par les communications continuelles qui existent entre deux localités qui se touchent ou qui sont très-voisines l’une de l’autre, dont l’une est insa- lubre et visitée par une épidémie, et l’autre salubre, la maladie ne soit pas transplantée de l’une dans l’autre (n° 7), et que des émigrations en- tüières, venant d’un endroit visité par une épidémie dans un endroit sa- lubre, n’apportent pas l'agent infectieux avec elles, et ne propagent pas la maladie (n° 6, et aussi n° 5, 3 et 4). Pettenkofer dit lui-même que les personnes fuyant le choléra, qui vont se réfugier à Lyon, y impor- tent dans tous les cas mille fois plus de germes de choléra qu'un na- vire qui apporte véritablement le choléra d'Egypte en Angleterre, et y donne lieu à une épidémie. Une grande partie des sciences naturelles repose sur le calcul des probabilités. La coïncidence de l'élévation et de l’abaissement de l’eau 126 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, souterraine à Munich, avec la diminution et l'augmentation du typhus, a été utilisée avec raison pour un tel calcul, et le degré de probabilité a été évalué d’après les proportions trouvées (36000 : 4 en l’an 1865). Nous devons juger aussi de la transportabilité du miasme par une probabilité pareille. Si nous pouvions, dans cette vue, additionner toutes les per- sonnes qui sont venues dans les cas cités ci-dessus (n°7, 6, 5, 3) de chambres, de maisons, de rues, d’endroits infeetés, dans des localités salubres sans y déterminer d'infection, et si nous devions admettre qu’une seule de chaque centaine ou de chaque millier de visites aurait pu produire l'infection, nous obtiendrions encore une bien plus grande probabilité en faveur de la non-transportabilité du miasme, que celle que nous avons maintenant que l’eau souterraine et le typhus sont, à Munich, dans un rapport causal queleonque. J'ai montré ci-dessus que les champignons infectieux ne sont pas spécifiquement différents, mais que, sous l'influence des conditions extérieures, ils perdent les propriétés qu'ils avaient acquises antérieure- ment dans des conditions différentes, et acquièrent de nouvelles pro- priétés (s'adaptent spécifiquement); ensuite, qu’il est probable que les champignons ne causent pas à eux seuls la maladie, mais qu'ils sont aidés par des matières morbifiques qu’ils apportent ordinairement avec eux. Nous pouvons expliquer par là quelques phénomènes qui se pré- sentent dans les maladies infectieuses. Les formes de Schizomycètes qui produisent plusieurs décomposi- tions, possèdent une énergie vitale différente lorsqu'elles ont atteint leur adaptation spécifique complète, et leurs produits de décomposition ont des propriétés vénéneuses différentes pour des organismes diffé- rents. C'est pourquoi les champignons des différentes maladies infec- tieuses sont plus ou moins dangereux, et les maladies elles-mêmes ont un caractère plus ou moins pernicieux. Les champignons des différentes maladies infectieuses ont, de plus, à des degrés inégaux, la faculté de concourir, par leur énergie vitale et par les matières morbifiques qui les secondent, avec les forces vitales du corps, et il en faut des quantités inégales pour occasionner effectivement une maladie. Sous ces deux rapports, qui se rencontrent souvent, mais pas toujours, il y a, en tout cas, des gradations importantes. Si peu qu'on sache encore des champignons infectieux, je crois cependant qu’on peut, en général, les distinguer en trois groupes caractéristiques : les champignons de putréfaction, les champignons miasmatiques et les champignons de contagion. LES MALADIES INFECTIEUSES. 127 La différence la plus sensible qui existe entre eux réside dans la quantité suffisante pour produire l'infection. Les champignons de contagion sont ceux qui agissent en plus petit nombre. Nous ne pouvons nous empêcher de croire que dans beaucoup de cas de rougeole, de fièvre scarlatine, etc., quelques champignons, peut-être même un seul, suffisent; on peut en dire autant pour lé con- tagium du choléra et du typhus. Un court séjour auprès d'un malade, ou le contact de son linge, de sa literie ou de ses vêtements peut causer la maladie. À cause de la quantité excessivement minime de matière contagieuse nécessaire pour infecter, celle-ci est facilement transportable au loin. Les champignons miasmatiques doivent être absorbés par l'orga- nisme humain en nombre beaucoup plus grand (probablement mille fois) pour exercer une action. Ce fait ressort surtout de la circon- stance que le miasme n'est pas transportable, qu'il ne peut produire l'infection que dans un endroit insalubre. Pour contracter la fièvre inter- mittente, on doit séjourner quelque temps sur le sol de la malaria. Les champignons de la malaria sont transportés constamment par l'air et par les vêtements, mais la petite quantité qui en parvient par ces moyens dans le corps humain n'exerce pas d'action. La démareation stricte des localités pour le typhus et le choléra, dans des quartiers de ville, des rues, des côtés de rues, des maisons, des salles et des coins de salles, nous montre clairement que de grandes quantités de champi- gnons sont nécessaires pour produire une action; ear les localités sa- lubres avoisinantes reçoivent aussi l’air miasmatique, mais celui-ci, étant beaucoup moins riche en champignons, n'est pas nuisible, quoiqu'il contienne, sans aucun doute, beaucoup plus de champignons miasma- tiques que l'air infectant d'une chambre de malade ne contient de cham- pignons contagieux. 1 faut qu'un nombre encore beaucoup plus grand (probablement en- core mille fois plus) de champignons de putréfaction entrent dans l'or- ganisme humain pour qu'une infection septique puisse s’ensuivre. Nous sommes conduits à cette opinion par ce fait que les animaux sup- portent des quantités notables de liquides putrides injectés dans leurs veines et contenant une quantité innombrable de champignons de pu- tréfaction. Il est difficile de dire combien de ces champignons doivent passer d'une plaie putride dans le sang pour causer la pyémie et la septicémie; mais on peut admettre avec la plus grande probabilité qu'ils sont absorbés en assez grande quantité. Les champignons sep- tiques ne sont nuisibles que lorsqu'ils sont inoculés en masse ou pénè- trent dans lé sang par des plaies de grande étendue. Il ne faut qu'une 128 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. bien plus petite quantité de champignons miasmatiques pour produire l'infection, comme le montrent les deux faits, qu'il n’est pas nécessaire de faire un long séjour dans une localité insalubre pour contracter la fièvre intermittente ou la disposition miasmatique pour le choléra, et que la manière dont les champignons miasmatiques arrivent dans le sang, c’est-à-dire par l’air inspiré, ne permet que l'entrée d’une petite quantité en comparaison avec les champignons de putréfaction qui pénètrent par une plaie. L'énergie et le danger des champignons infectieux doivent être en pro- portion inverse avec le nombre nécessaire à une infection active. Les champignons de putréfaction, qui déterminent dans le sang l'infection septique, sont, des trois groupes, les moins dangereux, puisqu'ils ne causent la maladie et, en tout cas, la terminaison mortelle que s'ils sont en très-grande quantité et en combinaison avec les matières putrides. Les champignons miasmatiques qui produisent la fièvre intermittente et la prédisposition pour le choléra et le typhus sont beaucoup plus dange- reux, car ils agissent alors que le même nombre de champignons de putréfaction seraient encore sans danger. La même différence d'énergie existe entre les champignons miasmatiques et les champignons conta- gieux qui produisent l'infection en très-petite quantité. Naturellement, on présuppose la disposition individuelle ou l'incapacité de l'organisme de concourir avec succès contre les Schizomycètes, dans toutes les ma- ladies infectieuses où ceux-ci jouent un rôle. Mais il semble que ce soit dans les maladies contagieuses qu’il faille le plus haut degré de pré- disposition individuelle pour devenir malade, tandis que dans les ma- ladies infectieuses miasmo-contagieuses, purement miasmatiques et septiques, un degré graduellement moindre de prédisposition suffit, la prédisposition individuelle pouvant être produite iei en partie par les quantités ascendantes de la matière infectieuse absorbée. Nous ignorons encore en quoi consistent les différences qui existent entre les champignons infectieux et les matières morbifiques qui les secondent. Jusqu'à présent nous ne connaissons, et encore imparfaite- ment, que les matières infectieuses de l'infection septique, c'est-à-dire les champignons de putréfaction et les produits de putréfaction ; quoique nous ne sachions pas dans quelles conditions doive se faire leur alliance pour qu'elle soit dangereuse. D’après les effets produits par les Schizomycètes de la malaria et les champignons du sol des maladies miasmo-contagieuses, il est seule- ment probable qu'ils diffèrent des champignons de putréfaction et aussi entre eux. La première différence se comprend déjà par la cir- LES MALADIES INFECTIEUSES. - 129 constance que les champignons de putréfaction vivent dans un liquide à réaction alcaline, doué d’une odeur putride, tandis que l’eau dans laquelle naissent les champignons du sol ne montre jamais ni réaction alealine ni odeur putride particulière. Les champignons de la malaria et ceux de l'infection miasmatique cholérique et typhoïde sont, en tout cas, très-proches parents, de même qu'il y a entre les maladies susnommées et la fièvre intermittente cer- tains rapports, en ce que généralement la dernière maladie précède les deux autres ou est repoussée par elles, ou encore paraît quelquefois préserver de ces maladies, les terrains de la malaria étant parfois évités par le choléra et le typhus. Cette différence, si elle existe réellement, peut être expliquée par la circonstance que les champignons de la ma- laria naissent toujours à la surface ou, du moins, tout près de la surface du sol, sous l'influence d’un abondant accès de Pair, et que les champi- gnons qui produisent la prédisposition miasmatique au choléra et au typhus se forment au contraire dans des couches plus profondes du sol où l'oxygène a un accès moins facile. il paraît au reste que parmi les champignons infectieux du sol il n’y a pas de différence, la même pré- disposition miasmatique rendant une personne accessible au choléra aussi bien qu'au typhus et qu’à la fièvre jaune. Les champignons infectieux sont plus ou moins spécifiquement adaptés et sont plus ou moins secondés dans leur genre particulier d'action par les matières morbifiques qui les accompagnent. C'est pourquoi il y à aussi des formes de maladies plus ou moins pronon- cées. Le typhus et le choléra peuvent se borner à de légères diar- rhées, et l’on observe quelque chose d’analogue dans toutes les autres maladies infectieuses. Une autre espèce de gradation est produite par la circonstance que l'organisme infecté présente une réaction plus ou moins énergique, et triomphe plus ou moins complétement de la cause de la maladie. Les formes de Schizomyeètes changent de l’une à l’autre. Les cham- pignons miasmatiques naissent dans des circonstances favorables des champignons de putréfaction ou d’autres Schizomycètes généralement répandus et se transforment de nouveau en ceux-ci dans les circonstances contraires. Les champignons contagieux dont la demeure est l'orga- nisme et qui passent régulièrement du malade dans une personne bien portante, deviennent des Schizomycètes ordinaires s'ils vivent et se reproduisent pendant quelque temps dans d'autres milieux. Le con- traire doit se rencontrer aussi; les champignons contagieux doivent pouvoir être produits par les Schizomycètes ordinaires. Ceci n’est pas seulement exigé par la physiologie des champignons, TJII. — N°02, 1879: 9 130 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, mais aussi par l’histoire des maladies; car chaque maladie a eu un com- mencement, et à ce moment la forme de champignon qui lui est par- ticulière doit être sortie d’une autre forme de champignons. Et, de la même manière que chaque maladie a commencé une fois, elle doit se produire toujours de nouveau dans les mêmes circonstances, et la forme de champignon qui lui appartient doit provenir chaque fois d’une autre forme dans les mêmes circonstances où elle s’est formée une première fois. Cette opinion est une déduction simple du principe causal, et vou- loir la nier ne serait pas autre chose que vouloir mettre à la place des lois de la nature le miracle ou le hasard. Nous avons des exemples certains de cette apparition spontanée des maladies infectieuses et de leurs champignons dans quelques maladies miasmo-contagieuses qui, dans un cerele donné, se montrent endémique- ment et en dehors de ce cercle sous forme d’épidémie. Le cerele endé- mique plus restreint peut aussi être désigné comme centre de diffusion. Pour le choléra, pareil centre se trouve surtout dans une partie du Ben- gale, autour de Caleutta, d'où la maladie s'étend épidémiquement dans l'Inde, dans l'Asie et en Europe. Le typhus est endémique dans l’Europe centrale, mais limité à certaines villes populeuses; tandis que par exemple les cas de typhus ne cessent jamais à Munich, ou peuvent s'y produire à tout moment, il ne s’en présente guère d’autres dans toute la haute Bavière que ceux qui sont importés de Munich. Les pathologistes admettent que là où une maladie infectieuse se montre endémiquement, elle n’est pas seulement transportée par in- fection, mais se produit aussi spontanément. Si cette opinion est juste, comme on ne peut en douter, les champignons contagieux de ces maladies doivent aussi se former spontanément, c'est-à-dire par transformation des formes ordinaires de Schizomycètes. Entre Bangalore et Madras, il se trouve une vallée profonde qui est si insalubre, qu'il suffit de s’y reposer quelques heures pour être immanquablement infecté de cho- léra. Une division de troupes de quatre cents hommes, qui traversa cette vallée, apporta de l’eau salubre avec elle, n’eut aucun contact avec les habitants, et cependant perdit quatre-vingts hommes. Probablement tous, ou en tout cas la plupart des malades n’avaient absorbé que des champignons du sol. C'est de cette manière, c'est-à-dire par l'infection exclusive des champignons du sol, que se produit sans doute chaque apparition spon- tanée d’une maladie miasmo-contagieuse, quelques-uns de ces champi- enons miasmatiques se changeant alors en champignons contagieux. Les champignons du sol acquièrent alors les propriétés nuisibles que ne possèdent d'ordinaire que les champignons propres à la maladie qui LES MALADIES INFECTIEUSES. 131 se trouvent dans les matières rejetées. Il est probable que dans un sol particulièrement dangereux il se fait des décompositions particulières (probablement occasionnées par des plantes de groupes distincts), et qu'il se forme des produits particuliers de décomposition, de sorte que les Schizomycètes subissent une autre adaptation et acquièrent, par les matières toxiques qui les accompagnent, une action spécifique sur le corps vivant. Cette transformation aurait eu lieu à la première appa- rition de la maladie infectieuse, et se répéterait constamment dans le cercle endémique de diffusion. Une maladie miasmo-contagieuse apparaissant spontanément a gé- néralement un caractère miasmatique. Cela explique pourquoi les mé- decins sont d'avis différents sur la même maladie, d’après la partie de son domaine dans laquelle ïls l’observent. Les médecins des Indes (voir les rapports du docteur J. Cunningham) sont de plus en plus d'avis que le choléra ne se répand pas par contagion, mais dépend d'influences encore inconnues de l'air et du sol, et par suite de nature miasmatique, tandis que beaucoup de médecins d'Europe le consi- dèrent encore comme purement contagieux. Lorsque les maladies miasmo-contagieuses apparaissent spontané- ment, leurs champignons contagieux naissent de champignons mias- matiques ou de champignons de putréfaction, plus probablement des premiers. Chaque maladie contagieuse est de même apparue une fois spontanément. Cependant, nous ignorons si les champignons contagieux de cette ma- ladie se sont produits par transformation de champignons du sol ou de putréfaction ou bien de champignons contagieux de maladies parentes; la dernière supposition n'est pas improbable. Il serait par exemple pos- sible que le groupe entier des maladies infectieuses exanthématiques eût une origine commune dans une forme légère, qui apparaitrait d'une manière autochtone, tandis que les autres naîtraient de celle-ci et les unes des autres. À l'appui de l’origine conditionnellement spontanée de l’exanthème aigu, je cite la circonstance que ses épidémies dépen- dent notoirement, dans certaines contrées, de l'influence du sol. Une forme de Schizomycètes ne reste la même que lorsqu'elle vit constamment dans les mêmes conditions extérieures. Dès que celles-ci changent, la nature du champignon est aussi plus ou moins modifiée. Si une forme de champignons a, au suprême degré, la faculté de pro- duire la fermentation, cette faculté s’affaiblit dès que les conditions ex- térieures deviennent autres. La faculté des Schizomycètes du lait, de changer le sucre de lait en acide lactique, peut être affaiblie à diffé- * 132 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. rents degrés et même être entièrement anéantie, lorsqu'on expose le lait à une haute température, lorsqu'on y ajoute différents corps, ou lorsqu'on cultive ses champignons dans d’autres liquides nutritifs : moins favorables. Nous pouvons dire dès à présent que les mêmes faits doivent s'ap- pliquer aux champignons infectieux et se montrer dans les maladies infectieuses. Lorsque celles-ci ont un domaine endémique, comme c’est le cas pour le choléra, le typhus, la fièvre Jaune, les champignons contagieux respectifs doivent y être le mieux adaptés aux conditions, y avoir la vitalité la plus résistante et y posséder au plus haut point la fa- culté de décomposition. Plus ils s’éloignent de ce centre favorable, plus les conditions extérieures sont changées, et plus rapidement ils perdent leur caractère particulier, plus leur faculté d'infecter s’affaiblit, pour s’ar- rêter tôt ou tard complétement. Le champignon du choléra ne meurt jamais entièrement en Europe, mais il finit par se transformer en des formes ordinaires de Schizomycètes. Ceci explique le phénomène, qu’en dehors de son domaine endémique, le choléra ne se montre que dans des épidémies de durée inégale et que les épidémies de choléra de- viennent de plus en plus rares et de plus courte durée à mesure que la maladie s'éloigne de son centre (1). L'affaiblissement et l'extinction finale du champignon du choléra en Europe peuvent être occasionnés par différentes causes, par le climat, par le genre de vie et par la nourriture des habitants. Ils peuvent ce- pendant aussi être la suite d’une préparation miasmatique insuffisante. Nous trouvons un exemple frappant de ce fait dans la marche du choléra sur certains navires dans les mers tropicales. En général, les épidémies y sont rares et lorsqu'elles se produisent, elles sont de courte durée. Les navires sont pour la plupart salubres, et lorsqu'ils sont par ex- ception insalubres, ils ne deviennent pourtant jamais aussi dangereux que la terre. Il n’y a done qu'un nombre restreint de personnes qui sont attaquées ; les champignons contagieux trouvent un sol moins fa- vorable pour y prospérer, s’altèrent assez rapidement et déterminent ainsi la fin de l'épidémie. Il est indubitable que le champignon contagieux a besoin, pour produire une infection, d’une préparation miasmatique du corps d’au- (1) On pourrait considérer l'extinction du choléra en Europe, non comme un effet né- cessaire, mais comme un effet du hasard, parce que le contagium du choléra ne trouve par hasard pas de localités ou de personnes miasmatiquement prédisposées. Je ne tiens pas cette supposition pour impossible, d’après l'expérience acquise; mais, en tenant compte de toutes les circonstances, elle me paraît pourtant moins probable que celle développée dans le texte, LES MALADIES INFECTIEUSES. 133 tant plus complète qu'il est lui-même plus affaibli. Cela n'est pas en contradiction, mais bien plutôt en parfait accord avec ce qui précède. Le champignon du choléra exige done un aïde d'autant plus important de la part des champignons du sol, que l’époque et le lieu de son origine sont plus éloignés, et que, par conséquent, son énergie vitale diminue. L'affaiblissement du champignon contagieux du choléra n’est pas seulement prouvé par l’analogie des Schizomycètes cultivés, qui per- dent de leur faculté fermentescible dans des liquides moins propices, de manière qu'ils deviennent aussi moins actifs dans les meilleurs liquides, mais on peut encore citer ce qui se passe avec la malière de la vaccine dans les inoculations. Le vaccin d'enfants qui sont inoculés pour la première fois est beaucoup plus actif que celui d'adultes qui ont été inoculés plusieurs fois avec succès, mais qui à cause de leur moindre prédisposition ne sont que peu incommodés. Le fait que le champignon contagieux des maladies miasmo-conta- gieuses s’affaiblit continuellement et s'éteint en dehors de son domaine endémique, ne nous éclaire pas encore sur ce qu'il est dans ce centre même. On peut se figurer qu'il continue à vivre ici sans s’affaiblir et que la maladie peut être communiquée indéfiniment d'une personne à l’autre. Il est cependant possible aussi que le champignon du miasme ou de la putréfaction, qui se transforme en contagium dans le corps humain, le quitte affaibli dans toute circonstance et que, même dans le domaine endémique, la maladie s’éteindrait s'il n'y avait là aussi une. transformation spontanée, constamment renouvelée. Il sera très-difficile de trancher cette question dans le sens positif ou négatif au moyen des faits, mais il me semble que la physiologie des champignons ne rend pas improbable la théorie que je viens d'émettre. Les agents infectieux ne conservent leur faculté d’infecter que pendant un espace de temps borné. S'ils ne parviennent pas dans un corps pendant une période déterminée, ils ne peuvent plus infecter. Ce fait trouve une application toute générale, mais n’a d'importance pratique que par rapport aux contagions, parce que celles-ci seules sont transportables. L'expérience montre que celles-ci perdent leur énergie avec le temps. Une caravane qui a voyagé dans le désert plus de vingt et un Jours, un navire qui a été assez longtemps en mer n’apportent plus l'agent infectieux du choléra et ne peuvent pas répandre la maladie. Il n'a pas été possible jusqu’à présent de conserver par des moyèns ar- tificiels plus de quatre semaines l’agent d'infection du sang de rate. Les agents infectieux étant des Schizomycètes, ce fait est très-com- préhensible d’après ce que nous savons d'eux jusqu'à présent. Nous 134 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. avons à distinguer entre deux états dans lesquels les matières infec- tieuses peuvent se trouver, l’état d'humidité et l’état de dessiceation. Si le liquide dans lequel les champignons contagieux se trouvent, est de l'eau sans matières nutritives , ils sont bientôt altérés par l'épuisement; ils perdent d’abord la faculté de se reproduire, et ensuite leur vitalité. Mais si l’eau contient des matières nutritives, les champignons conta- gieux croissent et se multiplient; à en juger d’après l’analogie avec d’autres Schizomycètes, ils acquièrent bientôt les propriétés qui ressor- tent du nouveau liquide nutritif. Ce n’est que lorsque les champignons contagieux restent dans le même liquide où ils se sont formés qu'ils peuvent rester inaltérés, et encore cela ne s'applique aux matières rejetées que pour peu de temps. La décomposition commence bientôt, et avec elle une transformation des champignons spécifiques et la destruction des matières contagieuses. Le sang des animaux malades du sang de rate perd ses propriétés Infectantes dès qu’il commence à se putréfier. Nous pouvons done admettre avec certitude que les agents de contagion ne conservent que fort peu de temps leur nature et leur puissance d'infection lorsqu'ils sont humides. Il est beaucoup plus favorable, pour la conservation inaltérée des ma- tières contagieuses, qu'elles soient relativement sèches, c’est-à-dire qu'elles aient perdu assez d’eau pour que les actions chimiques s’arrê- tent dans les cellules des champignons. Il faut observer cependant que les champignons contagieux peuvent déjà changer de nature en se des- séchant. Cela arrive très-probablement toujours lorsqu'il se trouve dans le liquide une matière soluble (par exemple un acide ou un sel), qui agit défavorablement sur les champignons dans la solution plus concentrée formée par le desséchement. Les matières contagieuses qui quittent le corps aussi sèches que pos- sible, ou qui se divisent beaucoup bientôt après leur sortie et se des- sèchent ainsi par la rareté du liquide, ont donc le plus de chance de se conserver inaltérées. Une fois que le champignon contagieux est desséché jusqu'à un cer- tain point, et entré conséquemment dans l’état de repos, il conserve inal- térée la nature qu'il avait précédemment. Mais si la dessiecation continue et dépasse un certain degré, quoique la faculté de revivre ne se perde pas, le champignon contagieux change de nature et devient inactif. Nous comprenôns par là que les matières contagieuses desséchées puissent rester beaucoup plus longtemps inaltérées que celles qui sont humides et que le délai dans lequel elles perdent leur faculté infectante dépende beaucoup des circonstances extérieures. Les maladies infectieuses ont une période d’incubation ; depuis le LES MALADIES INFECTIEUSES. 135 moment de l'infection jusqu’à ce que la maladie se déclare, il se passe un délai d’une durée plus ou moins fixe. Pendant ce délai, ou bien les symptômes de maladie font entièrement défaut, ou ils augmentent peu à peu en changeant de caractère. L'incubation à au moins deux causes principales; la première est que le champignon infectieux entre le plus souvent en quantité très-minime dans l’organisme, et doit s’y multiplier avant de pouvoir exercer une action observable ; la seconde, que l'organisme humain, si compliqué, répond à l'irritation par une suite de réactions et d’altérations, qui amènent finalement l’éclosion véritable de la maladie. Il me paraît aussi fort probable que le changement que le champignon infectieux subit après son entrée dans l'organisme Joue un rôle important dans l’incu- bation. La durée de l’incubation dépendrait donc de causes constantes et de causes variables. À la première catégorie appartiennent les réactions et les altérations qui se produisent dans le corps humain; à la dernière appartient sa faculté de résistance. Quant aux champignons infectieux, dans la même maladie la quantité des champignons primitivement absorbés et la mesure des changements qu'ils subissent dans le corps peuvent être très-variables. Dans la diphthérie par exemple, les deux derniers facteurs sont très- variables suivant que l'infection est produite par une gouttelette de sa- live avec des milliers de champignons inaltérés ou par un grain de poussière contenant de rares champignons plus ou moins desséchés. D'après la théorie, la durée de l’ineubation pour la diphthérie doit done être très-inégale. Elle est, d’après les observations, de deux à huit jours, exceptionnellement elle atteint jusqu'à quatorze jours; elle varie donc, si les observations sont exactes, jusqu’au septuple. Pour la fièvre intermittente, les champignons de la malaria sont probablement assez différents, et cependant exercent une action moyenne assez analogue dans des conditions égales de sol et de climat; l’altération qu'ils produisent dans l'organisme sera done constamment la même. La quantité absorbée par le corps variera au contraire dans de plus grandes proportions. On ne peut donc s'attendre ni à une durée d’incubation très-régulière ni à une durée trop irrégulière. L'expérience confirme qu'il y a une incubation, mais il est très-difficile d’en fixer la durée moyenne. Dans les maladies miasmo-contagieuses et purement contagieuses, on ne peut émettre aucune supposition au sujet de l'influence que les champignons contagieux peuvent avoir sur lincubation, parce qu'on ne sait encore rien de leurs propriétés sous ce rapport. 136 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Une autre particularité des maladies infectieuses digne d’être notée, c'est que la personne qui a eu de ces maladies est presque toujours pré- servée pour plus ou moins de temps, quelquefois pour toute sa vie, d’une nouvelle infection. L'opinion, que certaine substance de l'organisme serait détruite par la maladie, n’est guère admissible au point de vue physiologique, parce que partout ailleurs, dans la nature organique, un organisme est toujours excité à la production plus grande de toute sub- stance qui vient à lui manquer. Il me semble que l’action des champi- onons infectieux est très-importante pour faire comprendre le phéno- mène intéressant que je viens de citer. Les matières absorbées qui produisent l'infection sont en quantité excessivement petite. Lorsque les liquides du corps jouissent de leurs propriétés normales, les champignons sont donc incapables de soutenir la concurrence et périssent. Si le liquide attaqué offre une composition anormale, les Schizomycètes se multiplient et produisent la décomposi- tion autour d'eux. Ceci continue durant l’incubation et durant la maladie. La vitalité des champignons aidée par leurs produits de décomposition agit comme une irritation contre laquelle l'organisme réagit, et la seule réaction qui le délivre de la maladie est que les fonctions chimiques anormales qui avaient produit dans les humeurs des propriétés favo- rables aux champignons infectieux retournent à leur activité normale. Si la réaction n’a pas le pouvoir d'effectuer ce changement chimique qui rend les champignons infectieux incapables de soutenir la concur- rence, elle ne conduit pas vers la guérison. Il est donc facile de com- prendre pourquoi la personne infectée est assurée pour quelque temps après la guérison contre une autre infection, et pour d'autant plus long- temps que le changement produit dans les humeurs a été plus radical. Elle ne peut redevenir malade que lorsque l’altération anormale pré- disposante se produit de nouveau dans les humeurs. La réaction et le retour salutaire aux fonctions normales causé par elle peuvent aussi avoir lieu pendant l’incubation, de sorte que l'organisme triomphe de l'ennemi envahisseur, sans avoir souffert d’une manière sensible. Cette prétendue préservation des maladies s'obtient donc aussi bien si l’on surmonte les premières périodes impercep- tibles que la maladie même; elle consiste toujours en ceci, que la pré- disposition individuelle.est écartée. Cela me paraît expliquer aussi pourquoi le personnel des gardiens des hôpitaux dans lesquels règne le choléra est épargné d’une manière si marquée. On a fait cette observation aussi bien en Europe qu'aux Indes, où par exemple sur soixante-sept hôpitaux dans lesquels il y eut des cas de choléra, les infirmiers de einquante-neuf hôpitaux furent entière- LES MALADIES INFECTIEUSES, 137 ment épargnés; dans huit, il n'y eut que des cas isolés, et dans un hô- pital seulement onze des cent vingt-sept infirmiers devinrent malades ; et dans cet hôpital le nombre des cas de choléra (1100/127 ou 8,66 pour 100) ne fut proportionnellement pas plus grand que dans les ca- sernes. On pourrait donc dire qu'une excellente mesure prophylactique contre le choléra serait de se vouer pendant une épidémie au service des malades dans un hôpital. L’explication du fait pourrait se trouver dans la circonstance qu'aussi bien par les évacuations abondantes des ma- lades du choléra que par l'infection miasmatique à son début, il y a con- tinuellement infection par les champignons contagieux, qu'il ne se produit donc que des maladies légères, qui sont vaincues dans les pre- mières périodes de l’incubation, et qui constituent ensuite des préser- vatifs par la réaction qui s’en est suivie. Une maladie de même espèce a le même effet que la maladie elle- même. La réaction causée par la vaccination ne détruit pas seulement la prédisposition individuelle pour la vaccine, mais aussi pour la petite vérole. Il en est tout autrement pour les autres influences nuisibles qui agissent sur l'organisme. Celui-ci peut s’habituer jusqu'à un certain point à des poisons, à l'alcool, à l’arsenie, etc.; mais cette habitude ou émoussement ne consiste qu'en ceci : qu'il faut de plus grandes doses de poison pour amener certaines conséquences nuisibles, tandis que le corps qui a traversé une maladie infectieuse est complétement protégé contre la maladie infectieuse, parce qu'il empêche {l'agent infectieux de se multiplier jusqu'au point de lui devenir dangereux. Le fait d’avoir traversé une maladie infectieuse préserve, du reste, à des degrés très-différents des autres maladies de même ordre. La pré- servation n'est jamais entièrement nulle, mais peut être de courte durée. Les suites d’une maladie infectieuse s'expliquent aussi de diffé- rentes manières : par exemple dans la fièvre intermittente et la sy- philis. La durée inégale de la préservation contre une nouvelle infec- tion, soit de la même, soit d’autres maladies, ne dépend certainement pas de la nature des agents infectieux et, par conséquent, de celle des champignons, mais de la nature particulière du trouble de la santé et des dispositions individuelles. Une propriété qui appartient à un groupe de champignons infectieux, et que Je veux mentionner pour finir, est l'inoculabilité. Toutes les maladies simplement contagieuses, c’est-à-dire celles qui sont commu- niquées à une personne par les matières infectieuses venues du malade, 138 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. sans autre condition que la prédisposition individuelle, peuvent être inoculées. Toutes les maladies miasmo-contagieuses, dans lesquelles, d’après moi, l'infection a lieu de la même manière, mais n’a des suites que lorsqu'à la prédisposition individuelle vient se joindre l'infection miasmatique par les champignons du sol, et, de même, les maladies purement miasmatiques, dans lesquelles il n'arrive dans le corps que des matières infectieuses du dehors (du sol), passent pour ne pas être inoculables. Par linoculation, l'agent infectieux qui se trouve dans les déjec- tions ou dans le sang et dans d’autres liquides du corps malade, est in- troduit dans le sang de la personne saine. L'action énergique de cette opération s'explique par ce fait : que le contagium agit en plus grande quantité, et en général dans un état plus frais, moins altéré que cela n'est le cas dans l'infection contagieuse ordinaire. On comprend de même que les maladies miasmatiques, qui ne s'étendent pas par l’in- fection contagieuse, ne soient pas inoculables. Elles sont causées par des champignons du sol, qui se modifient dans le corps et qui ne peu- vent donc pas, en étant rejetés, exercer les mêmes influences que les champignons du sol dont ils descendent. En ce qui concerne les maladies miasmo-contagieuses, Je crois avoir démontré, avec la plus grande probabilité, que les agents miasmatiques et contagieux doivent être séparés, et que sous certain rapport ils sont contagieux. Avec la même restriction, ils doivent aussi être inoculables, c’est-à-dire que les inoculations ne réussissent que dans un corps pré- paré par les miasmes, qui aurait aussi été accessible à la contagion, et restent inactives sur toutes les personnes qui ont vécu dans les der- niers temps sur un sol salubre, ou qui, sur un sol insalubre, n’ont pas été attaquées par les miasmes. Les faits de l'expérience sont ici en parfait accord avec ce qu'exige la théorie. Pour prouver la non-inoeulabilité du choléra, on cite que les infirmiers des hôpitaux où il y a des cas de choléra, et tous ceux qui dis- sèquent les cadavres de cholériques sans précautions particulières, ne sont généralement pas infectés, quoiqu'ils aient souvent de petites plaies, et l’on admet que sous ce rapport le choléra diffère des autres maladies contagieuses. Mais les personnes désignées plus haut, chez lesquelles l’inoculation du poison du choléra n’a pas d'effet, ont déjà été exposées précédemment à l'infection et ont prouvé qu’elles n'étaient pas accessibles, parce qu’elles n’ont pas la prédisposition individuelle ou miasmatique. Elles ne sont cependant pas totalement épargnées; quelques-unes deviennent malades, parce qu'elles ont justement la prédisposition. Des inoculations faites avec le sang de cadavres de REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES, 139 cholériques apporté de loin, sur la population d’une ville insalubre, amèneraient, sans aucun doute, l’éruption d'une épidémie aussi violente, ou plus violente, que si quelques malades du choléra étaient venus dans la ville et y étaient morts. Næcei (1). REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. Des phénomènes qui accompagnent la maturation et la fécondation ‘ de l’œuf des animaux, Par K.-M. Bazrour (2). Depuis les remarquables travaux de Strasburger (3) et d'Auerbach (4), Pat- tention des biologistes a été attirée sur les phénomènes qui accompagnent la division des noyaux, la maturation et la fécondation de l'œuf. Balfour ne s’oc- cupe pas de la division des noyaux, il résume les faits nouveaux relatifs à l’œuf, en commençant par les changements qui se passent dans son intérieur, indépendamment de la fécondation, et en terminant par ceux qui sont dus à limprégnation de l'œuf par les spermatozoïdes. L'œuf, aux approches de la maturité, est composé : d’une masse protoplas- mique renfermant des globules vitellins en suspension et d’une vésicule ger- minative contenant un ou plusieurs noyaux. Le contenu de la vésicule germi- native est formé d'une substance liquide plus ou moins granuleuse. La tache germinative est souvent creusée de vacuoles, et présente parfois des mouve- ments amæboïdes (5). La vésicule germinative occupe primitivement une portion centrale dans l'œuf; mais, au moment de la maturité, elle se rapproche de plus en plus de la surface. La plupart des embryogénistes sont aujourd'hui d'accord pour ad- mettre que cette vésicule disparaît quand l'œuf est mür et apte à être fécondé ; mais, pour les uns, elle disparaitrait simplement, son contenu se mêlant à celui de l'œuf; pour les autres, elle serait expulsée de l’œuf et donnerait naissance aux globules polaires. OEllacher (6), qui s’est occupé de cette importante ques- 1) Niederen Pilze. 2) Quarterly Journ. of Microsc. Science, 1878. 3) STRASBURGER, Ueber Zellbildung und Zelltheilung, léna, 1876. 4) AuEerpacx, Organologische Studien, Breslau, 1874, 5) Voir, pour de plus amples détails, Cours d'embryogénie comparée de M. Balbiani, in Revue internationale des Sciences, n° 13, p. 394, 1878. (6) OELLaceer, in Archiv f. mikrosk. Analomie, 1872, ( ( ( ( ( 140 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. tion, a étudié sous ce rapport l'œuf de la Truite. D’après lui, la vésicule ger- minative subit, tandis que l’œuf est dans l'ovaire, une dégénérescence partielle, et est définitivement expulsée. Elle viendrait s'ouvrir à la surface du germe à la manière d’une bourse ; sa membrane s’étalerait comme un voile, et son con- tenu s’échapperait sous forme d'une petite masse floconneuse. Des recherches plus récentes de Bütschli, E. van Beneden, Fol, Hertwig et Strasburger ont montré que le phénomène de la disparition de la vésicule ger- minative est plus complexe. Suivant ces auteurs, une partie de la vésicule ger- minative est expulsée de l'œuf pour former le ou les globules polaires, l’autre partie reste dans l’œuf et constitue ce qu'ils ont appelé le pronucléus femelle. Les travaux de Bütschli et de van Beneden ont été faits spécialement pour prouver qu'il existe une relation entre la vésicule germinative et les globules po- laires; ceux de Hertwig et de Fol ont trait à la Rene dans l’œuf d’une portion de cette vésicule. Pour E. van Beneden (1), la vésicule germinative de l’œuf du Lapin renferme un nucléole et deux ou trois petits corps arrondis (pseudo-nucléoles). Au mo- ment de la maturité de l’œuf, la vésicule se rapproche de la surface de l'œuf, devient ellipsoïdale et s’aplatit contre la zone pellucide. La couche corticale du vitellus s’éclaircit au contact de la vésicule et prend la forme d’une lentille (lentille cicatriculaire); le nucléole s’aplatit à la surface de la membrane de la _vésicule, du côté de la zone pellucide, s’étale et forme la plaque nucléolaire. La membrane de la vésicule germinative disparaît alors, le contenu avec les pseudo-nucléoles devient un des globules polaires, c’est le corps nucléo-plas- mique ; la plaque nucléolaire se ramasse et devient l’autre globule polaire, c’est le corps nucléolaire. Ces phénomènes se passent avant la fécondation, dans l'ovaire. Bütschli (2) a étudié l'œuf des Vephelis, des Lymnées, de certains Néma- todes, entre autres celui du cs. Dans l'œuf mür du Nephelis, de la Lymnée, du Cucullanus et d’autres animaux, il a découvert une figure fu- siforme, analogue à celle qui s’observe pendant la division des noyaux, située à la surface du vitellus. Il croit que cette figure provient de la vésicule germi- native et qu’elle prend part à la formation du globule polaire. La description que donne Bütschli de la disparition de la vésicule germina- tive chez les Nématodes est en tout point conforme à celle de van Beneden pour l’œuf du Lapin. Oscar Hertwig (3), qui a étudié l'œuf de l'Oursin (7oxopneustes lividus), a insisté plus spécialement sur le rôle que la vésicule germinative joue dans la formation du premier noyau de segmentation. La membrane et le contenu de la vésicule disparaissent, la tache persiste et devient le noyau permanent de l'œuf mûr, capable d’être fécondé. À la suite de recherches nouvelles sur l'œuf des Hirudinées (4), le même auteur est arrivé aux conclusions suivantes : (1) 2. van BENEDEN, in Bull. de l'Acad, roy. de Belgique, 29 série, t. LXI, 1875. (2) Bürsonux, Eizelle, Zelltheilung, und Conjugation der Infusorien, Francfort, 1876. (3) HerTwiG, in Morphol. Jahrbuch, I, 1875. (4) HenTwiG, ibid. TI, 1877. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES, 141 La vésicule germinative subit une sorte de dégénérescence, tout en conservant sa position centrale, et la tache se divise en plusieurs fragments. L'œuf appa- rait ensuite sans noyau quand on l’examine par la surface ; mais en le traitant par des réactifs on voit, dans la position primitivement occupée par la vésicule germinative, une figure fusiforme avec les so/erls caractéristiques à ses pôles, et que Hertwig croit être produite par la tache. germinative. Au point où l’une des extrémités du fuseau touche la surface de l'œuf, il se forme une petite protubérance destinée à produire la première cellule polaire. A mesure que cette protubérance devient plus proéminente, une moitié de la figure fusiforme passe à son intérieur. Puis ce fuseau se divise à la manière des noyaux : une partie reste dans la protubérance, l’autre dans l'œuf; finalement, la protubé- rance devient une masse arrondie, reliée au vitellus par un étroit pédoncule. Il est évident, s'il en est réellement ainsi, que la cellule polaire est produite par une simple division cellulaire, et non, comme le croit Bütschli, par une émis- sion de la vésicule. Une seconde cellule polaire prend naissance comme la première, et celle-ci se divise ensuite en deux. La partie du fuseau qui reste dans l’œuf se recon- stitue en un noyau, le pronucléus femelle, et regagne le centre de l'œuf. Fol (1), sur l'œuf des Geryonia, a vérifié les observations de Hertwig quant à l’origine des globules polaires; mais il diffère sur les phénomènes qui se passent dans la vésicule germinative avant sa disparition. Il croit que la tache germinative s’atrophie plus ou moins complétement, et que ce n’est pas elle, mais le contenu de la vésicule, qui forme la cellule polaire et le pronucléus femelle. Giard (2), d’après ses recherches sur le Psammechinus miliaris, admet qu’au moment de la maturité de l’œuf le contenu de la vésicule germinative et la tache se mêlent pour former une masse amæboïde, qui se divise, après avoir présenté, la figure fusiforme, en deux parties, dont l’une se rend au centre de l'œuf et constitue le pronucléus femelle, l’autre reste à la surface et donne nais- sance à deux cellules polaires. Strasburger (3), chez la Phallusia, admet la manière de voir d'Hertwig sur la formation des masses polaires; mais il ne croit pas qu’elles soient formées, ainsi que le pronucléus femelle, par la tache germinative seule. D'après de nouvelles recherches faites par Fol (4) et par Hertwig (3) sur les œufs de l’Asterias glacialis, on peut décrire ainsi les phénomènes qui se pas- sent dans l'œuf mûr : Lorsque celui-ci quitte l'ovaire, la vésicule germinative devient le siége d’une série de changements. La membrane est absorbée petit à petit, et le contenu finit par se confondavec le vitellus. A la place où existait la vésicule, on observe deux espaces clairs : l’un ovoïde près de la surface du (1) For, in Jenaische Zeitschrift, VII, 1873. (2) Gran, in Compt. rend. Acad, des Se., 1871. (3) STRASBURGER, loc. cit. (4) For, in Arch. se, phys. et nat. de Genève, 1877. (5) HerTwiG, in Morphol. Jahrbuch, III, 1877. 142 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. vitellus, l’autre irrégulier situé plus profondément. En traitant l'œuf par cer- tains réactifs, on voit apparaître à l'endroit du premier espace clair la figure fusiforme avec ses soleils, le second espace ‘montre une masse arrondie dans son intérieur./La figure fusiforme, d’abord parallèle à la surface de l’œuf, de- vient perpendiculaire, et la partie supérieure est expulsée sous forme d’une pe- tite masse, qui est la première cellule polaire. La seconde cellule polaire est produite comme l'avait déjà indiqué Hertwig. La partie de la figure fusiforme qui reste dans l'œuf se divise en deux ou trois vésicules claires qui ne tardent pas à se fusionner pour former le pronucléus femelle. Le rôle que joue la tache germinative dans ces phénomènes n’a pas encore été bien élucidé. En résumé, nous voyons que la transformation de la vésicule germinative en cellules polaires et en pronucléus femelle a été observée chez plusieurs ani- maux parmi les Cœlentérés, les Echinodermes, les Mollusques, les Vers et les Mammifères. Chez les Rotifères et les Arthropodes on n’a pas encore constaté nettement la formation de cellules polaires, et Balfour pense que les cellules ne se montrent pas précisément chez les animaux qui se reproduisent fréquem- ment par parthénogénèse (1). On peut donc dire que la formation des cellules polaires est indépendante de la fécondation, bien que dans quelques cas ces cel- lules puissent apparaitre indifféremment avant où après la fécondation. Quant à la signification et au rôle de ces cellules polaires, la plupart des auteurs s’ac- cordent à les considérer comme des corpuscules de rebut, expulsés de l'œuf avant la fécondation. Pour l'exposé des phénomènes qui accompagnent la fécondation, nous sui- vrons la description donnée par Fol dans son travail sur l'Asteréas glacialis. Le moment le plus favorable pour la fécondation, chez ces animaux, est une heure après la production du pronucléus femelle. L'œuf, à ce moment, est entouré d’une couche mucilagineuse. Vis-à-vis du spermatozoïde le plus rappro- ché de l'œuf, il se produit à la surface du vitellus une petite protubérance qui finit par se mettre en contact avec le spermatozoïde. Normalement, le sperma- tozoïde qui rencontre cette protubérance est le seul qui joue un rôle dans la fécondation. La queue du spermatozoïde perd sa motilité, demeure quelque temps visible après que la tête est entrée dans l'œuf, et à sa place apparaît une masse pâle, conique, due probablement à la transformation de la queue même. Cette masse finit par disparaître. Au moment où se produit le contact entre le spermatozoïde et l'œuf, la couche la plus superficielle du protoplasma se sépare en une membrane dis- tincte qui empêche d’autres spermatozoïdes d'entrer. La tête du spermatozoïde dans l'œuf forme un noyau auquel on a donné le nom de pronucléus mâle. Cette tête absorbe des matériaux de l'œuf et constitue (1) La présence des cellules polaires a été constatée depuis longtemps déjà dans l'œuf des Insectes par Weissmann et par M. Balbiani, cheziplusieurs espèces (Diptères, Lépi- doptères, Pucerons). M. Balbiani a pu même suivre l’évolution de ces cellules pendant le développement de l'embryon etlconstater qu'elles deviennent les ovules primitifs de l'ovaire et du testicule, REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 143 un espace clair, arrondi. Le protoplasma se dispose en rayon autour de ce noyau et prend la forme d’un soleil. Le pronucléus mâle s'éloigne de la surface et se dirige vers le pronucléus femelle, avec lequel il finit par se fusionner et constituer le premier noyau de segmentation de l'œuf, Tandis que les deux noyaux se rapprochent l’un de l’autre, on observe des mouvements amæboïdes dans le protoplasma de l'œuf. L'existence dans l’œuf fécondé de deux noyaux, l’un mâle, l’autre femelle, a été également constatée par E. van Beneden, chez le Lapin ; par Bütschli, chez le Ahabditès dolichura, le Lymnée, la Nephelis, le Cucullanus, etc.; par Auer- bach, chez l’Ascaris nigrovenosa; par Strasburger, chez le Phallusia; par Hertwig, chez le Toxopneustes lividus ; par Selenka (1), chez le Toxopneustes vartegatus ; par Giard, chez le Psammechinus miliaris ; et par Galberla (2), chez le Petromyzon Planerr. Ces auteurs diffèrent cependant sur l'interprétation des phénomènes. Ainsi, Hertwig, dans un dernier travail sur les Astéries, fait remarquer que si l'œuf est fécondé une heure après avoir été pondu et avant la formation des cellules polaires, le pronucléus paraît n’exercer d'abord qu'une faible influence sur le protoplasma. Mais après la formation de la seconde cellule polaire les stries radiées se montrent très-marquées autour du pronucléus, et celui-ci augmente rapidement de taille et finit par acquérir le volume du pronucléus femelle. Si, au contraire, la fécondation n’a heu qu'au bout de quatre heures, le pronu- cléus mâle reste plus petit que le pronucléus femelle, Selenka a vu la tête du spermatozoïde s'entourer d’une couche du proto- plasma superficiel de l’œuf et s’avancer vers l’intérieur avec cette couche, en exécutant de rapides oscillations. La queue reste en dehors de Pœuf et finit par disparaitre. Giard a constaté que la protubérance constituée par le protoplasma apparaît au pôle opposé à celui où se forme la masse polaire. Il croit que la substance du spermatozoïde passe par diffusion dans la protubérance, et que Île pronu- cléus mâle n’est pas la tête du spermatozoïde, mais un produit de la fécon- dation. Fol a vu quelquefois plusieurs spermatozoïdes entrer dans l'œuf et former autant de pronucléi mâles qui se fusionnent avec le pronucléus femelle. Les pronucléi mâles semblent exercer une action répulsive les uns sur les autres. Dans ce cas de pénétration de plusieurs spermatozoïdes, la segmentation de l'œuf est irrégulière, et l'embryon est monstrueux. On peut donc, d’après les travaux les plus récents, résumer ainsi les phéno- mènes qui se passent pendant la maturation et la fécondation de l'œuf: 1° La vésicule germinative se transporte vers la surface de l’œuf; 2° La membrane de la vésicule se résorbe et la tache germinative se méta- morphose ; 4) Seenra, in Vor/, Mittheilung, Erlangen, 1877. (2) CazBeLa, in Zeit, f, Wiss. Zool., XXX, 1878. 144 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. 3° Les vestiges de la vésicule germinative, constitués probablement en grande partie par la tache germinative, se transforment en un corps fusiforme ; 4° Une des extrémités de ce corps pénètre dans l’intérieur d’une saillie formée de protoplasma et située à la surface de l’ovule; 5° Le corps fusiforme se divise ensuite en deux parties, dont l’une reste dans l'ovule et l’autre dans la saillie. En même temps, la saillie se pédiculise et constitue la première cellule polaire; 6° Une seconde cellule polaire se forme de la même manière que la pre- mière ; 7° Après la formation de la seconde cellule polaire, la portion du corps fusi- forme qui est restée dans l'œuf se transforme en noyau, le pronucléus femelle ; 8° Le pronucléus femelle se transporte vers l’intérieur de l'œuf; 9 Un spermatozoïde pénètre dans l’intérieur de l'œuf; 10° La tête du spermatozoïde se transforme en noyau, pronucléus mâle ; 41° Le pronucleus mâle s’entoure de lignes radiées et se rapproche du pro- nucléus femelle ; 42° Les pronucléus mâle et femelle se réunissent pour former le premier noyau de segmentation. F. H. Observations générales sur la fécondation, Par M. Eduard STRASBURGER, Professeur à l’Université d’Iéna. C’est en observant les phénomènes de la copulation des spores mobiles de l’Acetabularia que se forma mon appréciation du fait de la fécondation. J'étais nécessairement frappé de ce que ce sont les parties de même valeur des cellules copulatrices qui s'unissent dans l’acte sexuel. Me fondant sur les observations faites jusqu’à ce jour, je crois devoir ad- mettre que ce phénomène se reproduit dans tout le règne organique. Mais il y a des modifications dans la manière dont il se produit. Dans les spores mobiles de l'Acetabularia et dans d’autres cas analogues, les points antérieurs, incolores, et les autres parties des corps qui correspondent entre elles, se fondent ensemble. Dans les spores immobiles de Spwrogyra, la couche membraneuse d’une cel- lule (Æautschich) rencontre la couche membraneuse de l’autre, le plasma gra- nuleux des deux cellules se pénètre mutuellement, les masses de chlorophylle même viennent en contact. Les noyaux cellulaires ont été précédemment dis- sous, mais il est possible que toute la matière s’en retourne dans le noyau du germe. Dans les Marchantia, l'œuf possède un noyau, mais le spermatozoïde n'est formé que par une bande homogène de plasma. Cependant l’histoire du déve- loppement des spermatozoïdes nous apprend qu'ils sont formés de la matière REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 145 de leur cellule-mère après la solution du noyau, que, par conséquent, leur corps contient aussi la matière du noyau. Il se peut que dans la fécondation cette matière vienne se joindre au noyau de l’œuf, et que le reste du plasma se réunisse au plasma de l'œuf. Dans les Conifères, la matière de noyau du grain pollinique se rassemble or- dinairement en forme de noyau dans le point de la fécondation, pour s'avancer ensuite vers le noyau de l'œuf et se fondre avec lui. Le changement que le plasma de l’œuf subit simultanément, montre que le reste de la matière du tube pollinique s'y mêle. Enfin j'ai vu aussi, chez les Métaspermes, des parties de la matière fécon- dante se condenser dans l’œuf en forme de noyau et se joindre au noyau de l'œuf; d'un autre côté, la pénétration de la matière fécondante dans le plasma de l'œuf était trop marquée pour qu'on püt ne pas la voir. En suivant, chez les Phanérogames, la marche directe de la matière fécon- dante jusqu'à l'œuf, nous nous sommes facilité l'étude des faits similaires chez les Cryptogames. Mais, comme la matière du noyau des tubes polliniques doit se diviser pour traverser les membranes avec le reste du plasma, la matière fécondante amorphe ressemble ici entièrement à un spermatozoïde formé des Crypto- games supérieurs. Ce n’est que pendant la fécondation que la matière fécon- dante s'isole de nouveau. | Jadis j'avais surtout été frappé de l'absorption de matière fécondante par le noyau de l'œuf, et j'avais émis l’idée que l'introduction de la matière du noyau était la chose importante pour la fécondation. Cette opinion s’est depuis mo- difiée chez moi, et je crois que ce sont les parties de même valeur des deux cellules qui s’unissent dans la fécondation. Les Métaspermes fournissent une preuve très-instructive de cette opinion ; le noyau de leur œuf possédant aussi un nucléole, le noyau du sperme en montre un qui se fond isolément avec le nucléole du noyau de l'œuf. D'après l’idée que je me fais du fait de la fécondation, il est indifférent que la matière fécondante soit directement utilisée, qu'elle soit transmise plusieurs fois même, ou encore qu'elle se divise. Ceci serait surtout le cas si, comme Pringsheim le veut, l’action de la matière fécondante devait se prolonger dans les Floridées et dans quelques Ascomycètes jusque sur les spores produites dans les fruits. Les données que nous possédons dans le domaine de la zoologie ne contre- disent pas mes explications de la fécondation. 0. Hertwig est d'avis que la fécondation repose en général sur la copulation de deux noyaux, le noyau du spermatozoïde et celui de l'œuf; je partage sa manière de voir, en ajoutant qu'il y a aussi copulation entre les autres parties de même valeur du spermatozoïde et de l'œuf. Les faits que J'ai décrits chez les Phanérogames concordent plus encore avec ceux dont Fol donne la description en ce qui concerne la marche de la fécon- dation de l'Etoile de mer. Ici le spermatozoïde copule avec l'œuf en y en- trant peu à peu. Le point d'absorption du spermatozoïde deviendrait le centre T. III. — N° 2, 1879, 10 146 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. < de l’Astérie, au milieu de laquelle se forme le pronucléus mâle, qui s'avance vers le pronucléus femelle et se fond avec lui. Fol prétend, il est vrai, que le pronucléus mâle naît de la fusion du sperma- tozoïde avec une certaine quantité du plasma du vitellus de l’œuf; nous croyons au contraire que le pronucléus mâle est la matière du noyau du sper- matozoïde. Il est connu que la réunion de plus de deux éléments de forme égale en un seul produit de copulation est exceptionnellément possible (Chlorosporées, Spi- rogyra). Îl parait que cette possibilité cesse là où commence la différence de forme des produits sexuels. D'après les données concordantes d'O. Hertwig et de Fol, un seul sperma- tozoïde est absorbé normalement pour la fécondation de l'œuf animal. Prings- heim a indiqué ce fait il y a plusieurs années pour les OEdogoniées, et Juranyi l'a encore répélé récemment pour les mêmes plantes. Moi-même, je vis chez les Fougères qu'un seul spermatozoïde peut pénétrer dans l’œuf ; d’autres res- tent couchés au-dessus. Mais les spermatozoïdes des OEdogoniées et des Fou- gères sont, relativement à l'œuf, très-grands. On ne saurait dire si les très- petits spermatozoïdes de Vaucheria ou de Warchantia concourent en nombre à la fécondation du même œuf; cependant la circonstance, qu’un seul sperma- tozoïde très-petit est absorbé par l'œuf animal relativement très-grand, fait aussi paraitre possible, pour ces plantes, la fécondation de l'œuf par un seul spermatozoïde, Nous ignorons encore pourquoi en général un seul spermatozoïde peut entrer dans l'œuf. Pour les plantes, on peut se représenter une sécrétion extraordinaire- ment rapide de cellulose, mais il est possible aussi qu'il s'agisse là de faits mo- léculaires d’une tout autre espèce. D’après Fol, la différenciation de la membrane vitelline commencerait dès l'approche du spermatozoïde, et empêcherait déjà, après quelques secondes, l'entrée de tout autre spermatozoïde. Mais O. Hertwig soutient, d’un autre côté, que l’œuf est déjà environné de cette membrane avant la fécondation. Dès qu’un spermalozoïde pénètre dans l'œuf, elle se soulève de la surface du jaune de l’œuf, tandis que du hquide est exprimé par la contraction du protoplasma. Dans les Marchantia, chez les Conifères et, de la manière la plus distincte, chez les Métaspermes, le noyau morphologique de l'œuf est conservé jusqu’au moment de la fécondation. Il serait facile de prouver que le noyau de l'œuf ne disparaît pas chez les Marchantia et chez les Métaspermes, mais se divise directement. Ce n’est que dans un développement plus prompt, tel qu'il se fait dans les œufs de Conifères, que le noyau de l'œuf est dissous et remplacé par un plus grand nombre de noyaux nouveaux simultanément produits. Mais ce fait ne diffère pas de ce qui se passe ailleurs pour la formation multiple de cellules dans des cellules pour- vues d’un noyau. J'avais déjà été frappé de ce que des parties de cellules sexuelles sont souvent prématurément séparées et restent exclues de l'acte sexuel ultérieur. de trouvai même dans des plantes un grand nombre de corps qui, provenant de cellules REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 147 femelles, pouvaient être comparés aux corps conducteurs des œufs animaux. Les amas de protoplasma, que les œufs de beaucoup d’Algues expulsent avant la fécondation, ainsi que les cellules de canal des œufs, chez les Cryptogames supérieurs et chez les Conifères, me paraissent avoir cette signification. O. Hertwig a trouvé récemment que ces corps conducteurs sont répandus dans le règne animal tout entier. D'un autre côté, je dois faire remarquer que dans les Spérogyra le contenu des cellules, se différenciant sexuellement, estentièrement employé dans la for-. mation des produits sexuels. Ce fait n’a rien d'impossible; on pourrait peut- être supposer que la cellule du Spirogyra se prépare à la fonction sexuelle par une division préparatoire, impossible à distinguer de la division végétative pré- eédente ; mais cette idée est exclue par le fait que généralement toutes les cel- lules d'un filament se conjuguent avec toutes les cellules de l’autre. L'un des filaments est alors entièrement vidé, et toutes les cellules de l’autre contiennent des zygospores. Au reste, et j'ai déjà appelé l'attention sur cette observation de de Bary, dans le Spérogyra Heeriana, il arrive souvent qu'une petite partie, en forme de vacuole, du contenu de la cellule qui s’épanche, reste exclue de la copulation. Lorsque la différenciation des cellules sexuelles est plus marquée, il parait que ces parties s’en séparent communément avant leur formation définitive. Dans certaines Algues, une partie de la matière de l'œuf est éloignée de la manière la plus simple par expulsion. Dans les mêmes plantes, toute la ma- üère de l’Anthéridie n'est pas non plus employée à la formation des sper- matozoïdes. Dans les Cryptogames supérieurs, la formation définitive de l'œuf est pré- cédée d’une division, qui est le point de départ base de la cellule centrale de anal. D'autre part, les spermatozoïdes entrainent avec eux une vésicule qui ne prend pas part à la fécondation et représente une partie de la cellule mère. Dans les Harsilia, une partie du contenu de la eellule mère reste sans em- ploi pour la formation des spermatozoïdes ; dans les Salvinia, une sorte de vésicule est sécrélée avant la naissance des cellules mères des spermatozoïdes. Dans les Archispermes, l'œuf abandonne par segmentation, peu de temps avant la fécondation, une cellule qui correspond à la cellule centrale de canal des Cryptogames supérieurs. O. Hertwig a surtout appelé l'attention Sur ce que dans l’œuf des Hirudinées les corps conducteurs (Æichlungskürper) sont formés exactement de la même manière que la cellule centrale de canal de l'œuf des Conifères. Dans les grains polliniques des Archispermes, la séparation du contenu de la cellule dite végétative a probablement une importance préparatoire pour la formation de la matière sexuelle; il est vrai que cette cellule végétative existe déjà dans les Selaginelles et les /soefes, où en outre une partie du con- tenu des cellules mères des spermatozoïdes est heutralisée sous forme d’une vésicule centrale. Îl se peut que, dans les Conifères, la formation des deux cel- lules primordiales dans l'extrémité du tube pollinique soit accompagnée d'une séparalion de matière, 148 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Dans le sac embryonnaire des Métaspermes, se succèdent alors des séries de phénomènes qui ne peuvent pas être de tout point comparés à ceux qui se pas- sent dans d’autres plantes. L'origine des vésicules secondaires ne correspond pas avec celle des cellules de canal, aussi les vésicules secondaires ont-elles ici une tout autre fonction. D'un côté, elles servent à transmettre la matière fécondante ; d’un autre côté, leur base plus ou moins différenciée sert probable: ment à briser ou à ramollir la paroi du sommet du sac embryonnaire, peut- être bien aussi quelquefois à la remplacer plus tard. Le seul corps qui rap- pellerait ici en quelque sorte par son origine la cellule de canal, est le noyau frère de l'œuf, qui reste libre dans l'intérieur du sac embryonnaire; mais com- bien diffèrent les conditions suivantes! Veut-on considérer ici les vésicules se- condaires comme des œufs métamorphosés, 1l n’y a plus que les vésicules anti- podes qui pourraient être comparées avec les cellules de canal; je laisse de côté le degré de probabilité qu’aurait cette dernière comparaison. Il est bien certain qu'il existe une différenciation entre les deux extrémités du sac embryon- naire, mais nous ne saurions dire en quoi elle consiste. La cellule végétative qui se sépare des grains polliniques des Mélaspernes peut avoir acquis une importance physiologique pour la préparation sexuelle du contenu pollinique. Il faudrait alors qu’une courte séparation suffit à cette préparation, puisque la cloison membraneuse qui sépare les deux cellules est bientôt de nouveau dissoute. Pour cette raison, on pourrait être tenté de re- garder cette cellule comme un rudiment sans importance, si d'un autre côté son noyau ne persistait pas et n’était entrainé aussi dans le tube pollinique. Dans les observations qui précèdent, je n’ai pas fait allusion aux phénomènes de conjugaison des Infusoires, parce que, malgré les recherches minutieuses de Bütschli et d'Engelmann, il est toujours encore difficile de s’en former une idée définitive. En général, les animaux qui copulent se séparent de nouveau, après s'être influencés réciproquement par leur contenu et après que nombre de phénomènes compliqués se sont produits dans chaque animal. Dans les vorti- celles, cependant, il se fait une fusion complète des animaux, et l’on a aussi observé des cas où des animaux qui se fusionnent se réunissent ; après quoi 1l se forme sans autres particularités, comme résultat de cette fusion, un animal qui se propage par division. Parmi les Bacillaires, on connait des espèces dans lesquelles l'individu simple rejette sa carapace, et, en sécrétant une -enveloppe gélatineuse, se transforme en une auxospore. Des individus d’autres espèces se réunissent de nouveau deux à deux, sécrètent une enveloppe gélatineuse commune, se défont de leurs carapaces et forment chacun pour soi une auxospore, sans se fusionner, sans même venir en contact, mais cependant en exerçant l’un sur l’autre une influence réciproque. Enfin, on voit des individus d’autres espèces se fusionner d’une manière pareille à celle des spores qui se conjuguent. On ne sait pas en- core ce que deviennent les noyaux cellulaires dans ce dernier cas. Il est clair que chez les Bacillaires, où un seul individu se transforme en auxospore, 1l ne peut y avoir d'action sexuelle ; mais il est plus difficile d'in- terpréter les phénomènes offerts par les Bacillaires, dans lesquels deux indivi- REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 149 dus se transforment dans une enveloppe gélatineuse commune, chacun en une auxospore, ou bien ceux que présentent les Infusoires, où les individus réunis se séparent de nouveau. Il est bien probable qu'au moins chez les Infu- soires, où des phénomènes assez compliqués se présentent pendant la réunion de deux individus, il existe une action sexuelle ; tandis que chez les Bacil- laires précédemment nommés il faudrait admettre plutôt un processus sexuel rétrograde qui s’approcherait de la parthénogenèse, Il est possible que les Auxospores naissant d'individus entièrement isolés représentent les membres terminaux de ce processus. L Quoi qu'il en soit, ces cas ne peuvent servir de point de départ pour l’expli- cation des phénomènes de fécondation, comme Schmitz le voudrait, d'autant plus que nous savons maintenant que, chez les Phanérogames eux-mêmes, la fécondation n'est pas un simple phénomène de diffusion, mais consiste bien plutôt en un mélange du contenu des cellules sexuellement différenciées, et que je dois admettre que chez les Floridées et les Ascomycètes il se fait aussi un pareil mélange des éléments reproducteurs. L'influence réciproque à dis- tance offerte par les Bacillaires cités plus haut deviendrait ainsi un phéno- mène complétement isolé et particulier. D'un autre côté, toutes les diffusions qui ont été observées dans les orga- nismes inférieurs, surtout dans les Rhizopodes, ne sont pas nécessairement d'ordre sexuel; il peut s’en trouver cependant. Ainsi, d’après Claparède et Lachmann, les noyaux cellulaires se confondraient dans la copulation des Aci- nètes; de même, d’après Schneider, chez l'Actinosphærtun Eichhorni; ce qui, par analogie, plaiderait en faveur d’une action sexuelle dans les cas cités plus haut. Des résultats concordants nous ont appris, pour Funkia ovata, Nothoscor- dum fragrans, Cælebogyne, et peut-être aussi pour Cifrus, que des corps absolu- ment pareils aux embryons normaux peuvent être produits par bourgeonne- ments du tissu nucellaire, dans la cavité où se trouve le sac embryonnaire. Dans le C'ælebogyne, ces embryons adventifs sont certainement formés sans aucune influence précédente du contenu du tube pollinique; malgré cela, 1l ne s’agit pas de parthénogenèse, puisque ces embryons adventifs ne naissent pas de nucelles non fécondés. Il me paraît probable que dans la plupart des cas de polyembryonnie offerts par les Métaspermes il s’agit d’une production d’embryons adventifs par le üssu nucellaire. D'un autre côté, on aura aussi à comparer tous les faits rela- üfs là la parthénogenèse chez les Métaspermes au point de vue de la forma- tion des embryons adventifs (1). Ep. STRASBURGER (2). (1) Dans un prochain numéro nous publierons la traduction d’un mémoire de M. Stras- burger sur la Polyembryonnie. (2) Ueber Befruchtung und Zelltheilung. 150 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Procédé technique pour l'étude des embryons de Poissons, Par M. F,. HENNEGUY. Les œufs de Salmonides sont généralement employés par les embryolo- gistes pour l'étude du développement des Poissons osseux. Il est difficile de les observer à l'état frais, soit en entier, par transparence, à cause de l'épaisseur de leur enveloppe, soit après les avoir ouverts, par suite du peu de consistance du germe, surtout au début de la segmentation. L’acide chromique, réactif le plus fréquemment employé pour durcir ces œufs, altère facilement les jeunes cellules et déforme les embryons en les comprimant entre la coque inextensible de l'œuf et la masse vitelline solidifiée. J’emploie depuis bientôt deux ans, dans le laboratoire d’embryogénie comparée du Collége de France, un procédé qui permet d'extraire des œufs de Truite et de Saumon les germes et les embryons, avec la plus grande facilité, et sans leur faire subir la moindre altération. Je place l'œuf pendant quelques minutes dans une solution d'acide osmique au centième, jusqu’à ce qu'il ait acquis une couleur brun clair, puis dans un petit vase renfermant de la liqueur de Müller, et je l'ouvre au milieu de ce liquide avec une paire de ciseaux fins. La masse vitelline centrale, qui se coa- gule immédiatement au contact de l’eau, se dissout, au contraire, dans la li- queur de Müller, tandis que le germe et la couche corticale solidifiés peuvent être extraits de l’œuf et examinés sur une lame de verre. En traitant le germe par une solution de vert de méthyle, puis par la glycé- rine, j'ai pu observer dans les cellules de segmentation les phénomènes très délicats signalés dernièrement par Auerbach, Bütschli, Strasburger, Hert- wig, etc., et qui accompagnent la division du noyau, à savoir : la disposition rayonnée du protoplasma aux deux pôles de la cellule, la plaque nucléaire, les faisceaux de filaments qui en partent et les autres phases suivantes. Ce fait prouve que le traitement subi par l'œuf n'altère en rien les éléments du germe. Pour pratiquer des coupes à travers des germes et des embryons ainsi ex- traits de l’œuf, je les laisse pendant quelques jours dans la liqueur de Müller, et je les colore par le picrocarminate d’ammoniaque. Après les avoir dés- hydratés en les traitant par l'alcool à 40 degrés, puis par l'alcool absolu, je les mets pendant vingt-quatre heures dans le collodion. L’embryon est ensuite orienté sur une petite lame de moelle de sureau imbibée d'alcool et recouvert d’une couche de collodion. Lorsque le collodion a acquis une consistance suffi- sante, on peut faire des coupes très-minces comprenant à la fois l'embryon et la lamelle du sureau, et on les conserve dans la glycérine. Si l’on ne peut pratiquer les coupes immédiatement, on met la pièce dans l'alcool à 40 degrés ; le collodion y conserve sa consistance, ce qui permet de couper l'embryon à un moment quelconque. : Ce procédé est applicable à toute espèce d’embryon peu épais, permettant la REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 151 coloration en masse. Il a l'immense avantage de permettre de voir à quel ni- veau de l'embryon chaque coupe est pratiquée, de conserver celle-ci au milieu d’une masse transparente qui maintient toutes les parties et les empêche de se briser, comme il arrive très souvent lorsqu'on emploie une masse à inclusion dont il faut débarrasser la coupe avant de la monter. Dans son Précis de technique microscopique, M. Mathias Duval] avait déjà recommandé le collodion pour les recherches embryologiques, mais sans indi- quer son mode d'emploi. Nous espérons rendre service aux embryologistes en leur faisant connaître ur procédé qui pourra leur être de quelque utilité. SOCIÉTÉS SAVANTES. Académie des sciences de Paris. Séance du 6 janvier 1879. BERTHELOT, Réponse à M. Pasteur (voir la séance du 30 décembre 1878, in Revue internationale des Sc., n° du 15 janvier, p. 74). — Après une entrée en matière dans laquelle il s'efforce d'être courtois, ce qui, on le verra plus loin, ne lui a guère servi de rien, M. Berthelot « arrive à la question des êtres qui emprunteraient au sucre, daprès M. Pasteur, de l'oxygène combiné au lieu et place de l'oxygène libre que l'atmosphère leur fournit dans les conditions ordi- naires de leur existence, » Il s'agit, on le sait, des anaérobies de M. Pasteur. « C’est là, dit M. Berthelot, une conjecture qui ne repose, pour reproduire le langage de notre confrère, sur aucun fait sérieux. J'ai rappelé précédemment que la composition chimique des produits de la fermentation lui était opposée ; j'ajouterai aujourd'hui que la composition chimique des principes immédiats du ferment ne paraît pas la confirmer davantage. Etant admis, en effet, que la levure est un végétal qui se nourrit et se développe aux dépens de oxygène du sucre pendant la fermentation, la levure ainsi formée devrait être plus riche en oxygène que la levure initiale. » À. Mxe-Epwarps, Sur un Isopode gigantesque des grandes profondeurs de la mer. — Get animal remarquable a été recueilli par M. Agassiz à une pro- fondeur de 955 brasses, au nord-est du banc du Yucatan, au nord des Tor- tugas. Il a 23 centimètres de long et 10 centimètres de large. Son appareil respiratoire le distingue des autres Isopodes connus. « Les fausses pattes abdominales, qui d'ordinaire, dans ce groupe, constituent à elles seules l’ap- pareil branchial, ne forment, chez le Zathynomus gigünteus, qu'une sorte de système operculaire au-dessous duquel se trouvent les véritables organes de la respiration, ou branchies. Celles-ci, considérées individuellement, ressemblent à de petits arbres ou à des panaches naissant par des tiges qui se divisent de plus en plus, et constituent ainsi un véritable chevelu. «.. Par sa conformation générale, le groupement de ses anneaux, la com- 152 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. position des pièces de sa bouche et la disposition de ses pattes, le Bathynome appartient incontestablement à la division des Isopodes marcheurs. «.. Les yeux sont très développés, contrairement à ce qu'on aurait pu sup- poser chez un animal vivant à une aussi graude profondeur et dans un milieu très obscur ; ils sont formés chacun de près de quatre mille facettes carrées, et au lieu d'être placés sur le dessus de la tête, comme chez tous les Cymo- thoadiens errants, ils occupent sa face inférieure et ils sont logés au-dessous du bord frontal, de chaque côté de la base des antennes. » J. dE SEYnEs, Sur: la maladie des Châtaigniers. —Dans une communication adressée à l'Académie, dans la séance du 22 octobre 1878, M. Planchon, de Montpellier, a signalé une maladie qui produit en ce moment de grands ra- vages dans les Cévennes. M. de Seynes a étudié plus complètement cette ma- ladie. Il a examiné surtout les feuilles et les racines. « En septembre, les feuilles présentaient en abondance le Septoria Castaneæ Lev., leur hôte ha- bituel au moment de leur chute ; mais l'apparition un peu hâtive de ce cham- pignon ne pouvait alors nuire à l'arbre. Les racines sont les organes sérieu- sement atteints. Sur les fibrilles radicellaires de quelques arbres, j'ai vu, mais rarement, un Mycélium blanc, hyménoïde, d'un aspect analogue à celui qu'a décrit M. Planchon en l’attribuant à un AÆhrzoctonta ; étude micrographique ne m'a pas permis de constater un lien direct entre sa présence et la destruc- tion très manifeste du tissu des racines. Tout accolé qu'il est contre ces or- ganes, il ne les pénètre pas et ne semble pas jouer ici un rôle plus actif que les mycéliums connus sous le nom d’AÆimantia, qui dessinent sur les feuilles mortes d’élégantes figures dendroïdes. » L'altération des racines est, en réalité, pro- duite par un mycélium qui pénètre leurs tissus, et détermine la décomposition que M. Planchon a désignée sous le nom de gangrène humide. « Les plus jeunes racines sont bosselées, variqueuses, et, chez toutes, les cellules se rem- plissent de la matière jaune brunâtre caractéristique de la décomposition des tissus végétaux et de leur contenu... Le développement en longueur des jeunes radicelles est arrêté; mais une multiplication de cellules augmente leur dia- mètre, et elles finissent par affecter la forme d’une olive, tenant à la racine mère par un pédicule... Le mycélium pénètre dans les cellules elles-mêmes... Il forme un réseau superficiel et un réseau profond qui détruisent les couches . cellulaires de la racine les plus riches en protoplasma ; les fibres libériennes et ligneuses ne sont pas attaquées.. J'ai reconnu plusieurs fois en relation avec le mycélium des corps dont la disposition rappelle des pyenides ou des périthèces en voie de formation ; il sera donc possible de les voir à maturité. » M. de Seynes ignore à quelle espèce appartient ce mycélium, mais il le trouve «analogue à celui de certains Dématiés ou du Zamidiun cellare; 1 se présente sous deux formes : tantôt rigide, à parois assez épaisses, à cloisons espacées, d'une teinte brune tournant au noir, tantôt flexueux, à cloisons plus rap- prochées et d’un brun plus pâle. La continuité organique de ces deux formes est facile à observer : la première est propre aux filaments libres qui s’im- plantent sur la racine ou en sortent ; la dernière est celle des filaments fixés le long des racines ou serpentant à l’intérieur.» REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANIES. 155 E. MaGiror, De la greffe animale dans ses applications à la thérapeutique de certaines lésions de l'appareil dentaire. — L'auteur expose le résultat de recherches et d'opérations relatives à la greffe des organes dentaires adultes. Des dents arrachées sont ou bien replacées dans leur alvéole et reprennent adhérence même après qu'on a réséqué l'extrémité de leurs racines et oblitéré les caries, ou bien transplantées dans d’autres alvéoles ou dans des régions diverses. Parlant plus particulièrement de la périostite du sommet des racines, l’auteur dit que, sur soixante-deux opérations, il a obtenu cinquante-sept gué- risons définitives. Le manuel opératoire se compose de trois temps : 4° ablatation totale de la dent chez laquelle le diagnostic d’une périostite chronique a été établi; 2° résection chirurgicale de la portion altérée; 3° réimplantation im- médiate. Séance du 13 janvier 1879. PASTEUR, Deuxième réponse a M. Berthelot. —M. Pasteur, qui ne manque jamais l’occasion de se congratuler en public, a d’abord soin de reproduire les compliments de simple politesse que M. Berthelot lui a adressés à la séance précédente, sans doute pour l’amadouer; après quoi : «Il faudrait, dit-il, que M. Berthelot eût des observations ou des raisonnements à m’opposer. Des faits, il n’en a pas. Quant à ses raisonnements, j'en fais juges nos confrères » ; et, après avoir cité la phrase, peut-être malheureuse, de M. Berthelot, que nous ‘avons signalée plus haut, 1l ajoute : « Comment notre confrère ne s'est-il pas dit que la levure, après avoir pris l'oxygène, pourrait bien le rendre aussitôt à l’état d'acide carbonique, qui est un produit constant des fermentations pro- prement dites? Et pourquoi M. Berthelot ne demande-t-il pas à la levure vivant au contact de l'atmosphère, qui dans ce cas prend, à n’en pas douter, de l'oxygène à l’air et le porte sur ses aliments ; pourquoi, dis-je, ne demande- t-il pas à cette levure des produits plus oxygénés que les principes immédiats qui lui sont propres? Le raisonnement de M. Berthelot est donc de tout point inacceptable. » Et nous sommes ici un peu de l’avis de M. Pasteur, et nous pensons que sa note aurait dû se terminer là ; mais M. Pasteur n'est pas homme à s'arrêter en chemin. Il a été blessé cruellement par la publication des travaux posthumes de Cl. Bernard, qui sont le point de départ de la discussion actuelle ; il se plaint de ce que M. Berthelot ait mis au jour ces travaux et se plaint en même temps de la besogne nouvelle que cela lui procure. « Jamais, écrit-il, je n'avais eu un besoin aussi impérieux de repos. Or, j'ai consacré toutes les va- cances dernières au contrôle expérimental de l'écrit posthume de Bernard et j'en éprouve encore une extrême fatigue » ; il pourrait ajouter : «et un ennui plus extrême encore». Mais, monsieur Pasteur, de quoi donc vous plaignez- vous ? Vos anaérobies sont, je crois, assez bien rétribués pour que vous puissiez consacrer quelques heures à leur défense. Trécu, Sur les aérobies et anaérobies de M. Pasteur.— Après avoir rappelé les fluctuations d'opinion de M. Pasteur, en ce qui concerne les êtres aérobies et anaérobies et ceux qui sont tantôt aérobies et tantôt anaérobies, M. Trécul conclut; «1° que les ferments organisés ne sont que des états particuliers d’es- 154 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. pèces plus ou moins compliquées, qui se modifient suivant les milieux dans lesquels elles se trouvent; 2° qu’au lieu d'établir trois classes d'êtres inférieurs, comme le veut aujourd’hui M. Pasteur, il en faut reconnaitre une seule, chaque espèce pouvant présenter à la fois un ou plusieurs états aérobiens et un ou plu- sieurs états anaérobiens » . Nous ne demanderions pas mieux que de partager l'avis de M. Tréeul; mais s’il est vrai, comme l’admet M. Berthelot, avec beaucoup de naturalistes, que les anaérobies de M. Pasteur n'existent pas, ceux de M. Trécul, quoique tran- sitoires, ne nous paraissent pas beaucoup mieux démontrés, et nous continuons à croire que M. Trécul aurait agi sagement en se tenant à l'écart du débat soulevé par les travaux posthumes de Cl. Bernard entre MM. Berthelot et Pasteur. J.-E. PLANCHON, Le polymorphisme de l’Agaricus melleus Vanr.— M. Plan- chon tend à attribuer la maladie des Châtaigniers dont il a été question plus haut (séance du 6 janvier), à l'Agaricus melleus Varn, qui serait essentielle- ment polymorphe et pourrait se présenter sous les quatre principaux états sui- vants : «Ale Mycélium filamenteux où byssoide,'que le docteur Hartig (Wich- tige Arankheiten der Waldbaumen) à vu sortir directement de ses spores et dont j'ai vu moi-même une forme sur des racines de vigne attaquée de pour- ridié,; 2° le Mycélèum radiciforme ou rhizomorphique, à écorce brune et lisse, portant parfois des touffes de filaments roux qui pourraient bien avoir du rap- port avec le Rhizoctone de la Luzerne, et que je comparerais aussi volontiers au Sclérote où Mycélium condensé d'autres Champignons. C’est, en tout cas, le Ahizomorpha fragilis subterrannea des auteurs; 3° le Mycélium membrani- forme où hyménoide (Rhizomorpha fragilis subcorticalis), qui s'étale en ex- pansions flabellées entre les couches de l'écorce, dans la zone génératrice et même dans le corps ligneux ; 4° l’Agarie où Hyménophore (Fruchtträger), qui se présente généralement en automne au pied des arbres tués par le Mycélium membraneux et dont les touffes procèdent tantôt de ces expansions membra- niformes, tantôt de filaments partis des bords de ces mêmes lames mem- braneuses. » F. Muscuzus et J. ne MérnG, De l'action de la diastase, de la salive et du suc pancréalique sur l'amidon et le glycogène. — Les auteurs ont constaté que « la salive et le suc pancréatique fournissent avec Pamidon les mêmes produits de dédoublement que la diastase, à savoir : dextrines réductrices, maltose et glucose; que le glycogène donne, sous les mêmes actions, des produits à peu près identiques; que le glycogène est le même, soit que l’animal d’où il pro- vient ait été nourri exclusivement avec des hydrates de carbone, soit qu'il ait été nourri avec des substances albuminoïdes. » P. MéGn, Nouvelles métamorphoses sur le développement et les métamor- phoses des Tænias. — On admet généralement que Pétat vésiculaire des Tæ- nias ne peut pas donner naissance dans le même animal à la forme rubanée et l'on ne pouvait guère expliquer la présence des Tænias inermes chez les her- bivores, qui ne dévorent aucun être susceptible d'héberger l’état vésiculaire. L'auteur dit que « plusieurs autopsies de chevaux et celles de nombreux lapins REVUE UES SOCIÉTÉS SAVANTES, 155 de garenne lui ont donné le mot de l'énigme. Quand les vers vésiculaires de ces animaux (un Echinocoque pour le cheval et le Cysticercus pisiformis pour le lapin) se développent dans des cavités adventives en communication im- médiate avec l’intérieur de lintestin, cavités résultant de l'agrandissement de follicules ou de glandules dans lesquels les embryons acanthes se sont intro- duits, ou même quand ces vers deviennent libres dans la cavité péritonéale, ils continuent leurs métamorphoses sur place et arrivent à l’état adulte, e’est- à-dire rubanaire et sexué, sans quitter l'organisme dans lequel ils ont pénétré à l'état d'œuf; seulement, dans ce cas, ils donnent un Tænia inerme, tandis que si le même ver vésiculaire est ingurgité par un carnassier où un omnivore, il devient, dans les intestins de ces derniers, un Tænia armé, Certains Tænias inermes et certains Tænias armés sont donc deux formes adultes et parallèles du même ver, et les différences souvent très-grandes qu'ils présentent, comme par exemple le Tænia perfoliata du cheval et Le Tœænia echinococcus où Tænia nana du chien, qui proviennent du même ver vésiculaire, sont dues exclusive- ment à la différence des terrains et des habitations dans lesquels se sont accom- plies les dernières métamorphoses. » Séance du 20 janvier 1879. BerTueLoT, Observations sur la deuxième réponse de M. Pasteur (voir plus haut, séance du 13 janvier). — «Je me suis expliqué très nettement, dit M. Ber- thelot, sur les théories chimiques de M. Pasteur. Sa dernière note montre une fois de plus, et il reconnait lui-même qu’elles ne reposent point sur des faits positifs. Jusqu'à ce jour, 7. Pasteur avait affirmé d'ordinaire comme des véri- tés acquises ce qu’il est obligé maintenant de reconnaitre pour de simples con- jectures. » Répondant à la supposition de M. Pasteur, que «la levure pourrait prendre de l'oxygène au sucre pour le rendre aussitôt à l’état d'acide carbo- nique», M. Berthelot ajoute : « S'il est vrai que la levure soumise à l’action de l'oxygène libre fournisse de l'acide carbonique, rien ne prouve el même rien ne rend vraisemblable qu’elle doive en dégager encore en l'absence de l'oxygène libre ; les changements profonds qui surviennent alors dans son mode d’exis- tence rendent cette supposition fort douteuse. Fût-11 même établi que la levure dégage de l'acide carbonique dans ces conditions, il n’en résulterait nullement qu’elle prit au sucre de l'oxygène de préférence aux autres éléments... Quant à présent, tout ce qu'il est permis de dire, c’est que les faits connus ne sont pas favorables à la supposition de M. Pasteur. En effet, les relations chimiques qui existent, et que j'ai rappelées précédemment, entre le sucre et les principes immédiats constitutifs d’une levure qui se multiplie, montrent qu'aucun de ces principes ne résulte d'une oxydation, mais que plusieurs sont plus riches en hy- drogène que le sucre : il semble donc que la levure enlève au sucre, aux dépens duquel elle se développe, non de l'oxygène, mais au contraire de l'hydrogène combiné, de préférence aux autres éléments; ce qui est d’ailleurs plus conforme à ce que nous savons en général de la physiologie des végétaux. /!{ ne paraît pas non plus établi que «les fermentations aient pour condition absolue la pré- 456 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. sence d'êtres microscopiques ». Mes doutes à cet égard ne sont pas fondés sur des vues à priori, mais sur les faits acquis à la science par l'étude expérimentale des fermentations glucosique, amygdalique, uréique, acétique, etc. L'expérience a prouvé que la condition déterminante de chacune de ces fermentations est chimique, loin d’être essentiellement vitale ou physiologique ; on ne saurait échapper à cette conclusion, à moins de définir les fermentations proprement dites par les organismes microscopiques eux-mêmes : ce qui est un pur cercle vicieux. Réciproquement, la coïncidence entre la vie des organismes qui se dé- veloppent en dehors de la présence de l'oxygène libre, etles actes de fermentation qu'ils sont sensés produire, n'est pas davantage ni démontrée d’une ma- nière générale, ni nécessaire; à moins de définir fermentation toute « action chimique accomplie hors du contact de l’oxygène» dans les êtres vivants, ce qui est encore un pur cercle vicieux. En fait, la plupart des liquides contenus dans les tissus végétaux sont exempts d'oxygène libre, parce qu'ils renferment des principes immédiats très-oxydables, lesquels absorbent rapidement l'oxygène de l'air dissous dans les régions superficielles ou dans les lacunes... La vie de la plupart des cellules végétales, et même animales, s'accomplit donc dans des mi- heux privés d'oxygène hbre. Cependant le sucre n’y fermente point, par le simple fait de la vie des cellules accomplie en dehors du contact de l'oxygène ; il n’y fermente point tant que des conditions chimiques toutes spéciales ne viennent pas à être réalisées. Inversement, la transformation du sucre en alcool (ou en acide lactique) s'effectue également, soit dans un milieu exempt d'oxygène libre, soit dans un milieu qui en renferme... Si la fermentation résultait de l'absorption par la levure d’une certaine dose d’oxygème combiné pris au sucre à défaut de l'oxygène libre indispensable à la vie des cellules de levure, on ne comprendrait pas pourquoi les cellules qui trouvent autour d'elles de Poxygène libre iraient provoquer la fermentation alcoolique, en s’emparant de l'oxygène combiné, Ce n’est done pas là la condition déterminante de la fer- mentation. D'après ces faits, acquis à la science, et quelle que soit la difficulté que présente, dans une discussion, la vague et élastique généralité des as- sertions relatives à la vie sans air et à ses relations avec la fermentation, il me parait cependant permis d'affirmer qu’en général la vie sans air n'est pas la fermentation, pas plus que la fermentation en général n'est la vie sans ar. Il n'existe point de corrélation chimique entre ces deux ordres de phénomènes. CI. Bernard le déclarait et je partage son opinion. » Si M. Berthelot avait dans sa précédente réponse commis une imprudence en objiectant à M. Pasteur que sa levure ne se montrait pas plus riche en oxygène après la fermentation qu'auparavant, on voit qu'il se relève ici magistralement et l’on doit s'attendre à voir M. Pasteur en revenir aux violences qu’il aime si peu quand il en est l’objet, mais qui lui sont si habituelles envers les autres. CuATIN, De l'appareil spécial de nutrition des espèces parasites phanéroga- mes. — Botanistes, soyez stupéfaits! M. Chatin vient de découvrir, en cette année de grâce 1879, que le suçoir des Cuscutes est un organe destiné à ce dou- ble but : « fixer l'espèce là où elle doit vivre; puiser des matériaux de nutri- tion dans le milieu où il est plongé ». Qui diable se serait douté que M. Chatin REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 157 fût capable de trouver cela tout seul? On voit que le temps est loi où M. Chatin, pour faire l’organogénie d’une fleur, était obligé d'emprunter le préparateur de Payer. Quant audit organe, c’est « un pivot conaïde, sorte de clou gros et court, ou mieux, de cheville organisée vivante» , et ce clou, cette cheville conoëde, a sa région axile « occupée par une masse conoîde » formée de «grandes cel- lules fibroides, d'autant plus vaseularoïdes qu’elles s’éloignent davantage de l’ex- trémité»; et cette masse conoide, à cellules fibroides et vascularoïdes, M. Chatin lui donne le nom de cône de renforcement, et ce «cône de renforcement du su- çoir est enveloppé d’un tissu à petites wéricules » qui forment un « fourreau à l’axe central fibroide », et ce fourreau M. Chatin le nomme cône perforant, et « c’est vraiment quelque chose de surprenant de voir la délicate pointe des suçoirs de la Cuscute traverser le cercle ligneux du Thesium... » Et ce qui est quelque chose de plus «surprenant» encore, c'est «qu'une fois M. Chatin a con- staté l'absence de ce cône perforant », c'est que dans certains cas les tissus du suçoir « s’épanchant dans la zone cambiale forment des coulées entre le bois et l'écorce » et que ces «coulées » remplacent les «conoïdes » et autres «oïdes » qui clament comme si le Capitole était en danger et nous donnent une idée bien réjouissante des connaissances « anatomiquoiïdes » de M. «Chati- noïde », qui, de tout cela, conclut, croyant avoir trouvé une idée aussi Jeune que vierge : « Les phénomènes biologiques conduisent, comme la morphologie et l'anatomie, à faire admettre de grandes analogies entre les suçoirs des para- sites et les racines ordinaires des plantes. » Qui diable eût pu se douter que le vaste cerveau de M. Chatin serait un jour le foyer producteur d'une aussi large conception ? n'est-il pas incroyable qu'il ait tout seul fait une semblable décou- verte ? Et cependant il le croit! Cu. RouGeT, Recherches sur le développement des œufs et de l'ovarre chez les Mammifères après la naissance. — « L'ovaire entier et frais de chattes, de chiennes, de lapines nouveau-nées, de même que celui de très jeunes em- bryons, examiné à de faibles grossissements (20 à 30 diamètres), se montre formé à sa surface par un réseau sous-épithélial de cordons ovulaires contour- nés, anastomosés, pressés les uns contre les autres. La région médiane est, comme la région corticale, formée de cordons ramifiés et anastomosés. — Les cordons corticaux sont constitués par des ovules agglomérés, sans épithélium enveloppant ou interposé. Du réseau de cordons d’ovules nus émergent des pro- longements qui gagnent la surface de l'ovaire, et dont les extrémités libres, co- niques ou arrondies, sont enchâssées dans l’écartement des cellules cylindri- ques dont les têtes se recourbent pour former au-dessus des cônes ovulaires une voûte de forme ogivale. Ce sont là les racines du réseau cortical, ses cen- tres d’origine. Chez les femelles nouveau-nées des animaux qui naissent les yeux fermés, on trouve, dans l’écartement des cellules épithéliales muqueuses, à côté des groupes d’ovules, têtes des cordons corticaux, des ovules isolés, non com- plètement inclus dans l’épithélium, mais logés dans les interstices des sommets des cellules coniques. Un certain nombre de ces ovules ont été séparés par la coupe des têtes des cordons corticaux dont ils faisaient partie ; d’autres sont des ovules primordiaux arrêtés dans leur développement. On ne rencontre dans la 158 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. couche d'épithélium prétendu germinalif que des cellules épithéliales présen- tant tous les caractères de l'épithélium muqueux, dont les têtes sont même re- couvertes par une cuticule identique, moins les canalicules poreux, à celle de l'épithélium intestinal. À côté sont les ovules, avec leurs caractères distinctifs non moins nettement accusés. Aucune forme de transition entre ces deux es- pèces d’éléments si différents n'autorise l'hypothèse d’une transformation des éléments épithéliaux en ovules. Les cellules épithéliales et les ovules juxta- posés dans la même couche cellulaire sont nettement distincts dès leur pre- mière apparition (embryons de lapin de 49 à 14 millimètres). » « Chez les chattes, les chiennes et les lapines nouveau-nées, tandis que les cordons corticaux sont entièrement formés d’ovules agglomérés, les cordons médullaires consistent uniquement, dans la plus grande partie de leur étendue, en une agrégation de petites cellules rondes ou ovales. Au moment de la nais- sance, les ovules ne se montrent enchâssés au milieu des petites cellules que dans une zone étroite, sur les confins des régions médullaire et corticale. Dans l'ovaire de jeunes chiennes de trois à quatre mois, les groupes d’ovules nus et les follicules de Graaf déjà formés sont confinés dans la zone corticale qui oc- cupe moins du tiers de l'épaisseur de l’organe. Le noyau médullaire apparaît comme un organe distinct emboité dans l'intérieur de la calotte corticale, qui constitue le véritable ovaire, tandis que les cordons pleins, ramifiés et anasto- mosés de la masse centrale, aboutissant au niveau du hile à des canaux à lu- mière vide et tapissés par un épithélium cylindrique, sont caractérisés par une analogie, déjà signalée par Waldeyer, avec les cordons séminifères du testi- cule. » \ Séance du 27 janvier 1879. PASTEUR, Troisième réponse à M. Berthelot. — M. Berthelot ayant parlé des hypothèses de M. Pasteur, celui-ci nous entretient des hypothèses de M. Ber- thelot, qui, dit-il, renouvelle « cette vieille et toujours jeune histoire de la paille et de la poutre» ; » mes contradicteurs actuels, MM. Trécul et Berthelot, en sont : le premier, à rechercher des preuves que j'ai pu me contredire, ce à quoi il ne parvient qu'en altérant des textes et en changeant l’acception vuleaire des mots (on voit que ça commence à bien aller); le second, M. Berthelot, à dis- cuter sur une pointe d’aiguille les déductions les plus légitimes ». Cela, du reste, n'empêche pas ces messieurs de se prodiguer le doux nom « d’éminent ami ». «J'ai la prétention de faire des inductions, tandis que mon confrère fait des hypothèses » ; et les hypothèses de M. Berthelot, «nous les brassons à la pelle dans nos laboratoires. Entre M. Berthelot et moi il y a cette diffé- rence qu'à cette nature d’'hypothèses jamais je ne fais voir le Jour, si ce n'est lorsque j’ai reconnu qu'elles sont vraies et qu’elles permettent d’aller en avant, M. Berthelot, lui, les publie ». Quant aux hypothèses de M. Pasteur, il faut qu’elles soient bien lumineuses, car il avoue que, sans parler du menu fretin, leurs résultats sont méconnus par des hommes qui cependant ont la réputation de voir clair en science, ce qui en bonne justice eut dû faire nommer ledit pré- parateur membre de l'Institut au lieu et place de M. Chatin. Ces résultats «ont REVUE LES SOCIÉTÉS SAVANIES. 159 inauguré une physiologie nouvelle et si #rattendue, que, après dix-huit années de développements et d'exemples nouveaux d'êtres anaérobies, Claude Bernard parait les avoir méconnus dans leurs conséquences et leur vérité, et notre con- frère M. Berthelot nous assure, à la fin de sa note, qu'il est bien près d’en faire autant». Ne serait-ce pas, comme dans la fable, le montreur de lanterne magique qui aurait oublié d'allumer sa lanterne? M. Pasteur at-il songé à ce côté de la question ? 5. JOURDAIN, Sur la terminaison des artérioles viscérales de l'Arion ru- fus. — « Lorsqu'on injecte, avec tous les ménagements possibles, le système artériel viscéral de cette Limace, on voit la matière à injection sourdre en fines gouttelettes à la surface des organes contenus dans la cavité viscérale. Dans le cas où celle cavité n’a pas été ouverte, la matière à injection la distend, puis passe dans les vaisseaux. Il suffit, sur un Arion asphyxié dans l’eau, d'intro- duire le bec de la seringue par l'un des tentacules, dont l'extrémité à été tran- chée, pour remplir la cavité viscérale et, conséeutivement, la totalité du SYS- tème vasculaire. Dans ses leçons publiques, M. Milne-Edwards injecte des Hélices par ce procédé. Si ces faits sont connus des analtomistes, on ne parait pas s'être appliqué à rechercher, par l'observation directe, les voies par les- quelles le sang des artères s'écoule dans la cavité viscérale, Si l’on place sous le microscope un fragment enlevé, par une coupe tangentielle, à l’un des or- ganes contenus dans la cavité générale et qu’on en examine la face externe sous un grossissement de 200 à 250 diamètres, on reconnait que les dernières rami- fications des artères, dont le diamètre est variable, gagnent toute la surface hbre de l'organe et que là elles se terminent brusquement par une extrémité tronquée et béante. C’est par ces orifices, presque toujours évasés en enton- noir, que le sang artériel passe dans la cavité générale. L'observation n’exige pas des pièces injectées chez l’Arion : elle donre des résultats très nets sans cette précaution, grâce aux corpuscules calcaires qui incrustent les parois des artérioles , jusqu’à leur bouche libre inclusivement. Hàlons-nous d'ajouter que de semblables orifices existent chez beaucoup d’autres Mollusques. Nous pensons que les orifices des prétendus vaisseaux aquifères des Acéphales et d’autres Mollusques sont anatomiquement de même nature que les pavillons artériels que nous venons de signaler. » À. CHARPENTIER, Sur la quantité de lumiere perdue par la mise en activité de l'appareil visuel et ses variations dans différentes conditions. — On sait que la sensation provoquée par une excitation appropriée ne suit pas immédiatement cette dernière; qu'il s'écoule entre l'excitation et la sensation un certain inter- valle de temps, comme si l'appareil de sensibilité possédait une certaine inertie quil serait nécessaire de vaincre avant de produire une sensation. M. Charpentier à pu apprécier la quantité de lumière qui est employée à vaincre l'inertie de l'appareil de la vision, et établir à cet égard, comme il l'avait fait à d’autres, une différence maniteste entre la sensibilité lumineuse et la sensibilité aux couleurs. 160 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Séance du 3 février 1879. BErRTHELOT, Remarques sur la troisième réponse de M. Pasteur. — M. Ber- thelot déclare que, dans la note de son « éminent ann», il relèvera seulement la partie scientifique. Il fera bien, je crois, s'il ne veut pas donner à la galerie le spectacle d'une nouvelle guerre des dieux, de se renfermer strictement dans ce programme. Après avoir rappelé que M. Pasteur n’a produit «aucun fait positif» en faveur de ses théories, M. Berthelot discute l'opinion de son ad- versaire d’après laquelle « l'être anaérobie fait la chaleur dont il a besoin en décomposant une matière fermentescible susceptible de dégager de la cha- leur par sa décomposition », et montre que « c'est là une affirmation sans preuves, et même sans probabilités ». « Ainsi, conclut le savant chimiste, nous n'avons affaire qu'à de pures tmaginations dans toute cette physiologie nou- velle, que M. Pasteur déclare aujourd’hui avoir inaugurée, après avoir assuré avec plus de vérité, 1 y a quelques semaines, qu'il ne la connaissait nulle- ment. » M. Berthelot en a du reste assez de cette discussion et de l’aménité de son « éminent ami » et déclare que « la discassion actuelle lui semble épurée, car toutes les données scientifiques du problème ont été abordées. Puisse-t- elle avoir eu pour résultat utile de poser nettement les questions, ce qui con- stitue le commencement de leur solution! » Infortuné M. Pasteur, il croyait pourtant bien les avoir résolues, ces questions! | VAN THiEGHEM, Sur la fermentation de la cellulose. — T’auteur rappelle d’abord que Mitscherlich a annoncé, dès 1850, la fermentation de la cellulose ; qu'ensuite M. Trécul a trouvé, dans certaines cellules, des Amylobacter, que l’auteur a rattachés au genre Bacillus, sous le nom de Bacillus Amylobacter. Il considère ces êtres comme anaérobies (on voit que M. Van Thieghem a foi en M. Pasteur), et comme étant les agents véritables de la fermentation de la cellulose; mais, pour que cette fermentation se produise, il faut que la cellulose, qui est insoluble, soit préalablement dissoute par l’Amylobacter. Gette disso- lution ne s'opère qu’au contact de l’Amylobacter, ce qui porte M. Van Thie- ghem à rejeter l'hypothèse d’une diastase produite par l'Amylobacter en agis- sant à distance. La cellulose, après dissolution, fermente avec dégagement de gaz. Ch. Ricuer et Ant. BReGueT, De l'influence de la durée et de l'intensité sur la perception lumineuse. — « Une lumière faible, perçue nettement quand elle impressionne pendant quelque temps la rétine, devient invisible quand sa durée diminue. Pour la rendre visible de nouveau, il suffit soit de la rendre plus intense, soit d'augmenter sa durée, On peut encore la rendre visible en répétant rapidement (au moins cinquante fois par seconde) cette excitation lumineuse faible et de courte durée. Des lumières colorées sont soumises aux mêmes lois et en outre sont toujours vues avec leur coloration propre, qu’elles soient fortes ou faibles, longues ou brèves; il y a donc, dans la vision rétinienne, une période d'inertie, qui peut ètre négligeable pour les lumières intenses, mais dont pour les lumières faibles il faut tenir compte. » YuxG, De la structure intime du système nerveux central des Crustacés REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES, 161 Décapodes. = « Le système nerveux des Crustacés est composé de fibres et de cellules. Les fibres présentent toujours une enveloppe et un contenu... Con- trairement à l’opinion de Remak, on n’y rencontre jamais de faisceaux fibril- laires qui puissent être homologués avec le cylinder-axis des nerfs des Verté- brés. La structure fibrillaire n’apparaît qu'après l’action des réactifs... Le contenu des cellules est également entouré d'une enveloppe... Le contenu est en tous points semblable à celui des tubes. Il y flotte un nucléus (quelquefois deux) renfermant un ou plusieurs nucléoles, qui contiennent à leur tour des nucléolules. Les cellules sont apolaires, monopolaires, bipolaires. On en ren- contre rarement à trois prolongements. Elles se comportent vis-à-vis des réac- tifs de la mème manière que les fibres; ces dernières ne sont bien réellement que des prolongements cellulaires. Les éléments groupés dans les connectifs et les ganglions sont entourés d’une double enveloppe conjonctive. Le cerveau parait être formé de trois paires de ganglions. » Société de biologie de Paris. Séance du 18 janvier 1879. P. Bert, Observations de thermométrie cérébrale. — Lombard fut le pre- mier qui rechercha les modifications que présente la température de la tête sous des influences diverses. M. Broca vint ensuite : il entoura la tête d'une couronne de thermomètres et expérimenta sur des jeunes gens (les internes de son service hospitalier), ce qui, selon M. Bert, est une mauvaise condition d’expérimentation, à cause de l’épaisseur de la chevelure. M. Broca constata qu'au front la température est plus élevée qu'à la tempe, et qu'elle est éga- lement plus élevée à la tempe qu'à l'occiput. Ce résultat n’a pas en soi une grande importance ; on pouvait en effet l’admettre à priori, parce qu’au front la peau et la couche musculaire sous-cutanée sont moins épaisses qu'à la tempe, et sont moius épaisses aussi en cette dernière région qu’à l’occiput; de plus, en cette dernière région, la présence des cheveux est une cause d’abais- sement de température : on conçoit, en effet, que la température déterminée par le voisinage des vaisseaux intracrâniens doive être moins considérable sur les points où les os sont épais qu'aux points où, comme à la tempe, ils sont minces ; aux points où la peau est mince et nue, que là où elle est doublée d’un pannicule adipeux plus ou moins bien développé, et où elle est couverte de cheveux. M. Broca observa en outre que la température augmente lorsque le sujet qu'on a mis en observation se livre à un travail mental. M. Bert, pour échapper aux erreurs que n'avait pas su éviter M, Broca, pro- cède comparativement et se sert d'éléments thermo-électriques. Il les place d’une façon exactement symétrique, soit sur les lobes frontaux, soit sur tout autre point du crâne, et dans ces conditions il constate deux ordres de phéno- mènes : où bien la température est égale des deux côtés, ou bien elle est plus T. Il. — N° 2, 1879. 11 162 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. élevée à gauche qu’à droite; jamais il n’a vu l'inverse, c’est-à-dire la tempé- rature du côté droit l'emporter sur celle du côté gauche. En se tenant dans un repos absolu, les veux fermés, dans une immobilité complète, on peut facilement maintenir la température égale des deux côtés. Si alors on se livre à un travail cérébral considérable, si, par exemple, on ré- cite à haute voix des vers appris par cœur, mais qu'on se rappelle mal, ou bien la tempéralure reste la même des deux côtés, ou bien un côté l'emporte sur l'autre ; dans ce dernier cas, c’est encore et toujours à gauche qu’on observe la plus haute température. Ces résultats s’obtiennent plus nettement et d’une façon plus démonstrative si on place les appareils thermo-électriques sur les lobes frontaux que sur les tempes. M. Raymond a remarqué que chez les paralytiques généraux la température est plus élevée dans la région pariétale que sur le reste du crâne. Dans la pres- que généralité des cas, la température est encore plus élevée à gauche qu'à droite, et la différence entre les deux côtés se traduit au thermomètre par un écart de trois à quatre dixièmes de degré. Séance du 25 janvier 1879. Gazipre, Sur l'odeur et les propriétés électriques des cheveux. — Su- vant qu'une mèche de cheveux est odorante ou non, on peut dire avec certi- tude si les cheveux qui la composent ont été coupés sur une personne vivante ou s'ils sont tombés par suite de leur propre mort. Il va même jusqu’à penser que ce caractère pourrait être invoqué dans les expertises médico-légales. Si les cheveux ont été coupés pendant la vie, ils ont une odeur spéciale, qui persiste après l’action de la potasse ou de tout autre réactif. Les cheveux tombés naturellement sont au contraire absolument dépourvus de toute odeur; de plus, leur aspect est terne ; ils ne sont pas soyeux, doux au toucher, et ils présentent un phénomène spécial d’alternance de coloration. Les cheveux des Chinois ont, même après l’action de la potasse, une odeur musquée qui est d'autant plus vive que la température est plus élevée. Ces cheveux sont noirs, mas ils se montrent rouges quand on les regarde par transparence. Dans le commerce, ces cheveux sont appelés «cheveux carrés » : sur la coupe, en effet, ils ne sont pas cylindriques, mais plutôt polyédriques. Chez les hystériques, à l’approche des crises, les cheveux prennent une odeur spéciale. Les cheveux de certaines personnes, même détachés de la tête, possèdent un état électrique particulier, qu'ils peuvent même présenter encore au bout de plusieurs années : si on approche la main d’une mèche de cheveux qui en ren- ferme jouissant de cette propriété, on voit ceux-ci se séparer du reste de la mèche et suivre la main. Le frottement développe cet état électrique. Séance du 1er février 1879. A. Ficaïter et L, Desrosses, Recherches sur les modifications que subit le jabot des Pigeons pendant les derniers jours de l'incubation et les premiers REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES, 163 jours de la nutrition des jeunes. — Après avoir constaté l'exactitude des ré- sultats obtenus par Claude Bernard sur la même question (Zecons sur les liquides de l'organisme, H), les auteurs insistent sur le développement consi- . dérable de la couche épithéhale de la muqueuse, dont les éléments se chargent de gouttelettes de nature graisseuse, ainsi que le témoignent les réactions de l'acide osmique, des sels d'aniline, de l'éther et du chloroforme. Ces granula- tions paraissent surtout abondantes dans les cellules qui avoisinent les vaisseaux des papilles. Sur des coupes pratiquées sur le jabot hypertrophié, après coloration par le picrocarminate, on constate, au-dessus de la couche cornée colorée en jaune, une zone superficielle présentant une teinte rosée analogue à celle des cellules de la couche profonde. Les auteurs croient pouvoir expliquer ce fait par l’action sur ces éléments du produit de sécrétion des glandes en tube composées que l'on rencontre, à la partie inférieure du jabot, disposées sur cinq ou six crêtes longitudinales, ce qui constituerait un commencement de digestion. Du reste, des fragments d’épithélium corné, tels que celui qu'on trouve à la face inférieure de la patte du Chien, mis en contact pendant vingt-quatre heures avec une solution très-faible d'acide chlorhydrique ou d'acide lactique, ont offert aux auteurs des résultats analogues. En même temps que se produit cet épaississement considérable de l'épithé- lium à la fin de l'incubation, les papilles s’allongent et se ramifient; leurs vaisseaux augmentent de nombre et de largeur ; quelques-uns atteignent, dans certains cas, jusqu'à 130 1. de diamètre. La matière ingurgitée par les parents dans le jabot des petits est exclusive- ment formée de cellules épithéliales desquamées dans le corps en forme de gouttelettes graisseuses qu'on trouve aussi soit libres, soit emprisonnées dans des plaques de mucus. R°4B} Société d'anthropologie de Paris. Séance du 16 janvier 1879. M. Topinwarp, poursuivant ses études, n'a pas tardé à s'apercevoir que, sous le rapport des caractères tirés du cheveu comme sous celui des autres ca- ractères, 1} y a toujours entrecroisement entre les races humaines. Il présente une série de cheveux d'Européens. Ges cheveux nous montrent qu'on trouve en Europe depuis le cheveu droit du Chinois jusqu’au cheveu du nègre. Entre le premier et le second, il n’y a d’ailleurs pas de différence de nature ; le cheveu laineux ne se distinguant, par exemple, du cheveu ondulé que par le plus grand nombre de spirales plus étroftement enroulées. M. Saxson dit qu'il s’est élevé il y a longtemps contre l’emploi de l'expression de cheveux laineux. I n’y a pas, en effet, de forme laineuse particulière même chez les animaux. Le degré d’ondulation donne seul cet aspect particulier, cette apparence de laine aux poils emmêlés,. 164 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, La question du blanchiment des cheveux offre des particularités singulières dans l'appréciation desquelles on perd trop souvent la notion des nécessités naturelles. Prétendre que Marie-Antoinette a vu blanchir ses cheveux en une nuit est tout à fait contraire aux principes de l’histologie. M. Borpier a pourtant observé le cas d’une dame atteinte de migraines vio- lentes tous les deux ou trois jours, qui faisait des cheveux blancs pendant ces migraines, Me CI. Royer. — Ge ne sont pas tous les cheveux qui deviennent blancs à la fois, mais un certain nombre d'entre eux qui, se mêlant aux autres, dont la coloration est plus ou moins altérée, donnent la teinte particulière du gris. Or, un cheveu peut devenir tout blanc en l’espace de quelques jours. M. Dazzy rappelle que, d’après certains observateurs, il y a des peuples, tels que les peuples anciens de la Colombie, dont les cheveux ne blanchissent jamais. Il n’y a pas, d’après M. TorinaRp, des peuples ou des races, mais seulement un grand nombre d'individus au milieu de certaines populations qui jouissent de ce privilège. M. Sacaze, profitant de l’occasion que lui offre l’article publié le matin même dans /a République française, par M. Zaborowski, sur les Usages locaux d'ori- gine préhistorique en France, développe quelques-unes des particularités qui y sont mentionnées, et relit quelques passages du mémoire qu'il a présenté au congrès de l'Association française sur les pierres phalliques du pays de Lu- chon. Ces pierres sont encore l’objet d’un culte secret. M. Borpter résume brillamment les instructions qu'il a été chargé de rédiger pour la Malaisie. Le nombre des faits ou des particularités singulières qu'il signale à l’attention des voyageurs est trop grand pour que nous puissions en donner un aperçu. Son résumé entier mériterait d’être reproduit. En attendant l’occasion de le faire connaitre complètement, nous ne pouvons que constater son vif succès. L'ivresse sanguinaire bien connue, qui se développe comme un accès de folie furieuse chez les populations malaises de Java, est l’objet d’une inté- ressante discussion sur les causes qui la provoquent, et l'ivresse chez les difé- rentes races. L'opium y entre probablement pour quelque chose, d’après M. Dazry, mais il ne s’agit peut-être là que d’une ivresse particulière à la race. Aünsi, dit M. Bornter, les nègres absorbent plus d'alcool que les blancs et ont une ivresse différente. Ils sont moins expansifs, plus calculateurs. Séance du 6 février 1879. Le principal intérêt de cette séance est dans une longue et importante com- munication de M. Hamy sur les populations de l'Afrique. M. Hauy a d'abord recherché tous les témoignages, tous les indices de l'existence d'une population de très petite taille dans le Haut-Nil. Tout récem- ment les Akkas avaient de nouveau attiré l’attention sur ce point. Pourtant on était assez disposé à ne voir en eux que des cas individuels. Il y a lougtemps qu'on ne croyait plus aux Pygmées. M. Hamy a rappelé que, dans l’antiquité, « REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 165 des auteurs graves tels qu’Aristote en affirmaient l'existence. Chaque fois que nos voyageurs modernes ont pu interroger des habitants de la région du Haut- Nil, ils ont pu se convaincre que l'opinion de ces anciens était fondée. M. A. p'ABBADIE, pendant son séjour en Abyssinie, a pu entrer en conversa- tion avec une négresse esclave de cette région sur les habitants de son pays. Cette femme lui a affirmé qu'il s’y trouvait toute une population d'hommes très petits. Et, devant ses doutes, elle s’est emportée et lui a juré que ces hommes ne devenaient jamais plus grands qu’un jeune garçon de quatorze ans qui était à son service et se tenait dans le moment auprès de lui. M. d’Abbadie, en faisant lui-même le récit de cet incident, confirme pleinement l'hypothèse de l'existence actuelle de pygmées en Afrique. Une constatation non moins importante, faite par M. Hamy, est celle de nègres brachycéphales au centre même de l'Afrique. Longtemps, on le sait, le type nègre a passé pour être toujours associé à la forme allongée de la tête. Puis on s’est aperçu que certains petits nègres, qui habitent encore les centres montagneux de l'Inde, des iles Philippines, de Bornéo, des Andamans, etc., étaient brachycéphales. Ce sont les Négritos. Peu après, quelques crânes, recueillis sur la côte occidentale d’Afrique, ont donné à penser que le pays nègre par exemple, le pays des vrais nègres, n’était pas lui-même habité par des populations d’un seul type crânien. Les docu- ments étaient cependant trop peu nombreux pour que l’on püt se prononcer avec assurance, M. Hamy était un des très rares anthropologistes qui s'étaient fait une conviction d’après eux. Or, les recherches qu'il vient de faire l'ont pleinement confirmé dans cette conviction. Sur quatre-vingt-quatorze crânes recueillis dans toute la région qui s'étend à peu près au-dessous du Gabon, il en a observé quatorze qui sont brachycé- phales ou sous-brachycéphales. Une tribu nègre, qui est venue de l’intérieur sur la côte, les Baboukos, est d'un type très-brachycéphale. ï Ces faits et d’autres, dans le détail desquels nous ne pouvons entrer, per- mettent d'affirmer qu'il se trouve des sous-brachycéphales à l'état de dispersion sur une grande partie des côtes occidentales de l'Afrique, et que les popula- tions de ce type viennent de l’intérieur, Z. Société zoologique de France. Séance du 7 janvier 1879. Dans sa séance du 29 décembre 1878, la Société a procédé au renouvel- lement de son bureau pour 1879. M. Edm. Perrier, professeur au Muséum d'histoire naturelle, a été nommé président. A. Bouvier, Sur une nouvelle espèce de. Lémurien appartenant au genre Perodicticus. — Ge Lémurien, auquel l’auteur propose de donner le nom spé- cifique de P?, Ædwardsi, habite la partie nord de la côte du Congo. Diagnose : 166 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, plus grand que le Perodicticus Potto (seule espèce du genre connue jusqu'à présent); queue beaucoup plus courte. Parties supérieures d'un gris brun ; plus foncé sur la nuque, les épaules et le dos. Bout de la queue brun noirâtre. Parties inférieures cendré clair, bien limitées sur le coin et les flancs. ©. Longueur totale, 0,425. Académie des sciences de Belgique. Séance du 9 novembre 1878, Vazrère Liénarp, Recherches sur la structure de l'appareil digestif des My- qales et des Néphiles. — M. Félix Plateau, dans son rapport à l'Académie, ré- sume ce mémoire de la façon suivante: «Le dernier travail publié sur cette matière est mon, mémoire sur l'appareil des Aranéides dipneumones (1). «J'étais arrivé, pardes observations répétées, à constater bien nettement qu’un coussin de tissu mou, blanchâtre, occupant la région inférieure du céphalo- thorax, n’était autre chose que du tissu adipeux. Or ceci était en contradiction avec les résultats de recherches remarquables antérieures concernant une autre division du groupe des Araignées, les Mygalides ou tétrapneumones. M. Emile Blanchard figure, en cet endroit du corps des Mygales, un amas de tubes en- roulés et pelotonnés qu’il suppose s'ouvrir dans le canal alimentaire et qu’il ap- pelle glandes stomacales. « Par un procédé que j’ai décrit dans mon mémoire cité, M. Liénard, prati- quant un grand nombre de coupes successives au travers du thorax d’une My- gale javanaise très-fraîche, a réussi, à force de patience, à démontrer de quel côté était la vérité : les Mygalides ne font pas exception; le tissu interposé entre les cæcums du tube digestif et le système nerveux céphalothoracique est un tissu adipeux, comme je l'avais observé chez nos Aranéides indigènes. Au point de vue de la physiologie de la digestion, ce fait a son importance. « L'auteur a pu en même temps s'assurer pour d’autres organes, tels par exemple que l’organe de succion, que mes descriptions s'appliquent très-bien aux Mygales et que les différences d'organisation signalées étaient le résultat d'erreurs. « I à saisi, de plus, l’occasion d’un envoi assez considérable de Nephla chry- sogaster, une des plus grandes espèces connues d’Aranéides dipneumones, pour faire, à titre de comparaison, une série d'observations anatomiques sur cette forme intéressante voisine des Epeires. M. Liénard décrit entre autres choses %les cæcums rayonnants de l'intestin moyen céphalothoracique, qui non-seule- ment se replient à la face inférieure du corps, comme je l’avais figuré chez les Epeires et d’autres types, mais qui offrent une longueur énorme et se subdivi- sent en un si grand nombre de ramifications que l’ensemble forme une masse compacte rappelant l'aspect d’un organe glandulaire. » (1) Nous avons publié l’analyse de ce mémoire dans la Revue internat. des Sc., 1878, t. I, p. 183, 218, REVUE DES LIVRES. 167 REVUE DES LIVRES. L'Esthétique, Par Eugène VÉRON. Voici enfin, sur l'art, un livre tel qu'il n'en parait guère, et tel pourtant qu'il en faudrait aujourd'hui. L’Esthétique de M. E. Véron pouvait n'être que l’œuvre d’un écrivain et d’un artiste, ce qui est déjà bien quelque chose en de telles matières ; elle est de plus celle d’un homme de science. Quoi! va-t-on dire, la science dans l’art! N'’était-ce point assez déjà du «style» dans l’art, du «beau» dans l’art, de «l'idéal» dans l'art ? Tel est, en effet, l'avis de plusieurs, et l’on conte que l'apparition de ce livre a mis la ruche académique en émoi. On y sommeillait parmi les vieilles tradi- tions cellulaires, dans l’engourdissement forcé que provoquent les températures basses, quand soudain on s’est senti réveiller comme par un choc inattendu. Quelqu'un, passant par là, dit avoir oui de petits bourdonnements de colère, qui sont loin d’être apaisés à cette heure, Mais tous ceux qui se plaisent à respirer l'air libre, à distance des atmos- phères académiques, applaudiront au nouvel ouvrage de M. E. Véron, et salueront son apparition comme l’un des indices les plus sûrs du renouveau artistique qui se prépare. [Il était temps que l1 science, maitresse et souve- raine, vint jeter quelques rayons de sa claire lumière sur ce sanctuaire sacré de l’art qui, jusqu'ici, lui avait tenu toutes portes closes. Avec l’auteur de l'£'sthétique, elle ne vise point à régenter l’art, à l’emprisonner pédantesque- ment en des règles immuables, à lui formuler algébriquement un but et des méthodes. Elle laisse cette triste besogne aux académies et à leurs petites recettes pour «cuisiner» le grand art. Là, comme ailleurs, elle veut l'indé- pendance. Mais, puisque les manifestations artistiques sont des faits d'ordre naturel, elle avait le droit de les étudier en elles-mêmes, dans leur nature et leur essence, d'en rechercher les causes positives et d'en expliquer physiolo- giquement les effets; et l’on peut dire qu'à ce point de vue le traité du directeur de /’Art renferme un exposé vraiment magistral de nos connais- sances actuelles. C’est à l'examen de cet exposé général que nous bornerons notre compte rendu critique. Gertes, l’œuvre ne s'arrête pas là: la peinture, la sculpture, architecture, la musique, etc., y sont tour à tour abordées et ana- lysées avec détails en des chapitres spéciaux. Mais il nous à plu de mettre sur- tout en relief ici le côté original et vraiment neuf de l’œuvre. Le lecteur saura bien où trouver le reste, et nous pouvons lui garantir qu'après nous la moisson sera belle encore. Qu'est-ce que l'esthétique ? On le répète depuis des siècles : c’est la science du «beau». Mais, comme on le verra plus loin, rien n'étant plus vaguement déterminé que ce «beau » dont on voudrait pourtant faire l'objet d’une étude 168 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. scientifique, il faut bien se résoudre à abandonner la définition classique. « L'esthétique, dit M. E. Véron, est la science qui a pour objet l'étude des manifestations du génie artistique. » L’esthétique s’en tient-elle strictement à cette étude? Le livre de M. E. Véron est là pour répondre. On ne peut guère saisir les caractères intimes de l’œuvre d'art sans s’être préalablement fami- liarisé avec ceux mêmes du génie artistique : c’est la cause qu'il faut déerire avant l'effet. Et l’œuvre d'art elle-même n'est-elle point la cause déterminante de celte «jouissance artistique » que l’auteur analyse avec tant de pénétrante délicatesse ? Pour tout dire, l'esthétique étudie non-seulement les manifesta- tions artistiques en elles-mêmes, mais encore leur mode d’origine dans l'artiste qui les crée et leur répercussion dans l'intelligence humaine qui les goûte. Quelle est l'origine première de l’art ? On peut dire qu'ici les auteurs ont laissé carrière hibre à leur imagination. L'art, pour les gens du monde, est un produit factice des sociétés raffinées. Pour Platon, les arts naquirent de cette tendance instinctive qu'ont les hommes à ressaisir les types idéaux qu'ils ont connus dans une vie antérieure. À qui fera-t-on croire que les artistes du qua- ternaire, qui n'avaient pas lu Platon, obéissaient à cette impulsion mystique ? Les critiques du jour suppriment volontiers l'existence antérieure, mais con- servent les types idéaux. Pour eux l’art dérive simplement d’une nécessité particulière qui porte l’homme à idéaliser la nature. Quand on les interroge sur cette nécessité même, ils se taisent. Aristote, plus positif et meilleur observateur, faisait de limitation le principe et la source de l’art. Si cette théorie ne s’appliquait qu'aux débuts mêmes de l’art, elle ne serait assurément, comme nous le verrons, point aussi fausse qu’on le croit généralement ; mais elle a la prétention d'expliquer l’origine des manifestations artistiques à toutes les périodes de l’évolution de l'humanité ; et, à ce point de vue, elle est certai- nement erronée. D'où vient donc l’art et comment est-il né en ce monde? Peut-être doit-on chercher la solution de cette question dans l'étude même des premières manifestations artistiques. Que sont-elles en réalité ? La reproduc- tion, aussi exacte qu'il était possible à cette époque, de certains êtres, de certaines formes par la sculpture. Tout le monde connait les ossements gravés et sculptés du quaternaire , avec leurs figures d’animaux et leurs grossières esquisses humaines. M. Ch. Blanc prétend que la sculpture s’est graduellement dégagée de l'architecture. Pour lui, l'architecture comportait d’abord le bas- relief, qui s’est transformé en haut-relief, lequel s’est, à un moment donné, détaché de l'édifice pour devenir, par exemple, une statue indépendante. Il suffit de songer à l'architecture rudimentaire des sauvages du quaternaire pour comprendre immédiatement que leur sculpture n’en dérive en aucune manière. M. Eugène Véron admet que «l'architecture n’est qu’une extension de la sculp- ture». Nous croirions plus volontiers que l'architecture et la sculpture furent deux arts indépendants dès le principe, qui se sont ultérieurement greffés l’un sur l’autre. L'architecture est née de la nécessité dans laquelle se trouvèrent les premiers hommes de se construire des abris, qu'ils firent proba- blement analogues à ceux que la nature leur offrait dans les cavernes, Îes grottes, ele, REVUE DES LIVRES. 169 D'ailleurs l'architecture existe chez l'animal, qui n’a pas la sculpture. On ne peut guère, par suite, admettre que, chez l’homme, la sculpture ait précédé l'architecture. Quant à la peinture, il est impossible, comme le fait remarquer M. E. Véron, de remonter à ses origines avec quelque certitude. Il est probable qu’à un moment donné elle se superposa à la sculpture, comme procédé plus expressif pour traduire les impressions humaines en face de la nature. L'homme, dès une époque très-reculée, se para de pierres colorées et par conséquent sut, de bonne heure, quoi qu'on ait écrit dans ces derniers temps, apprécier et goûter les diverses couleurs. C’est à peu près tout ce que l’on peut dire à ce propos. L'art débuta, disions-nous tout à l'heure, par l'imitation sculpturale. Mais pourquoi l’imitation ? À quel besoin intellectuel répondait cette traduction aussi littérale que possible des êtres et des choses par la sculpture? Car il ne faut pas s'imaginer que les arts, plus que le reste, se soient formés et déve- loppés sans motifs. Ils sont; donc ils dérivent de quelque nécessité naturelle qu'il s’agit de découvrir. M. Véron dit que l’art est une manifestation spontanée de l’activité intellectuelle qui est le propre caractère de l’homme. Si, ajoute- t-il, nous retrouvons dans les cavernes des objets dessinés, sculptés ou.taillés, c’est évidemment que nos ancêtres préféraient dès lors certaines formes aux autres et éprouvaient un plaisir particulier à les reproduire. L'homme a cinq sens qui sont pour lui le moyen de satisfactions spéciales. En outre, 1l possède l'instinct d'imitation. Tout cela est parfaitement exact. Mais on peut se demander en outre d’où lui vient cet instinct et pourquoi ces satisfactions spé- ciales recherchées par les divers sens. Que signifie encore ce plaisir particulier éprouvé par l’homme qui reproduit certaines formes ? La réponse, ici comme ailleurs, est encore tout entière dans les faits. Les premières manifestations artistiques connues reproduisent les scènes qui avaient le plus vivement frappé nos ancêtres, celles, par-dessus tout, dont le souvenir était de nature à leur agréer : leurs chasses et leurs luttes avec les grands animaux du temps, leurs victoires et leurs captures, toutes choses dont'ils se faisaient gloire et qu'il leur était doux de se rappeler. Quel était, pour eux, le meilleur moyen de per- pétuer de tels souvenirs ? Evidemment la reproduction par la sculpture de ces scènes diverses, qui, placée sous leurs yeux, venait à tout instant régénérer leurs idées, les revivifier, leur restituer des contours nets et précis. Les premiers ar- tistes firent de l’art pour eux certainement plus que pour les autres. C’est un point de vue auquel, par malheur, ne se placent plus guère ceux de notre époque, qui font surtout de l’art suivant les modes du jour. D'ailleurs, en ce temps-là et plus tard encore, les idées se traduisaient géné- ralement par des représentations figurées, aussi bien les idées ordinaires que l'on transmettait à ses semblables que les idées purement artistiques dont nous venons de parler. M. Véron rappelle fort à propos que les écritures mexicaines, annamites, etc., étaient autrefois figuratives comme l'écriture égyptienne. L'art, en somme, dès le commencement, fut un langage d’une certaine espèce qui eut son existence propre à côté des autres formes du langage. Il ne dérive certainement pas des civilisations raffinées. Il n’en est même probablement pas 170 REVUE IKTERNATIONALE DES SCIENCES. le germe, comme inclinerait à le penser l’auteur. Il est né avec les civilisations et a grandi avec elles. Il en est l’un des éléments : voilà tout ce qu'il nous parait permis de dire, M. Véron émet à ce propos une idée fort originale, en prétendant que, lors- que l'écriture, de figurée qu'elle était, devint purement phonétique pour suf- fire à l'expression des idées abstraites, limitation figurée des idées se réfugia dans les arts, qui se trouvèrent être par suite le domaine exclusif des sensa- tions simples directement issues des images. Il en conclut logiquement que Vart n'est autre chose que « l'expression directe de la nature humaine dans ce qu'elle a de plus humain et de plus primitif. » Nous n'irons pas tout à fait aussi loin que le savant auteur de l£s{hétique. Sans doute, philosophiquement parlant, l'art ne fut guère, à ses débuts, distinct de l'écriture figurative ; mais ilne servit point de refuge à cette dernière quand, à la longue, elle disparut des langues humaines. Il poursuivit isolément son évolution, et les vrais ar- tistes ont toujours été trop rares pour que nous ne puissions voir en lui rien de plus que l'asile de la représentation figurée répudiée par les langues ordi- naires. Issu du plaisir qu'avait l’homme à réveiller en lui le souvenir d'émotions qui, sans la figuration, eussent couru risque de s’atténuer par degrés et fina- lement de s'évanouir, l’art élargit peu à peu son domaine. Aujourd'hui encore il est un langage d’une nature spéciale servant à manifester au dehors des idées qui, sans lui, manqueraient d'interprète ; mais il a cessé d’être can- tonné, comme aux vieux âges, dans limitation pure. De quelle nature sont les idées qu'il traduit, ou plutôt que vaut l’homme qui les émet? Qu'est-ce que lartiste ? Est-il doué de facultés qui sont absolument refusées à l'ordinaire des hommes? Le génie artistique, dit M. Véron, n’est en fait qu'une supériorité de puissance de perception. Tandis que chez les philosophes, ajoute-tl, tout se tourne en systèmes, tout, chez l'artiste, reste à l’état d'images. L'artiste a le besoin impérieux de manifester au dehors, par des formes et des signes direc- tement expressifs, les émotions ressenties ; 11 a la faculté de trouver ces formes par une sorte d’intuition immédiate. Si l’on veut, tandis que d’autres tra- duisent leurs sentiments et leurs sensations par des mots, il peut extérioriser les images mêmes perçues par son cerveau. L'artiste peint et sculpte comme d'autres écrivent, que ce soit pour transmettre aux autres hommes certaines manières de voir qui l'ont frappé ou bien pour se conserver à lui-même le sou- venir, sans cesse avivé et comme rajeuni, des émotions qu'il a ressenties. Ces émotions, l'artiste, en les faisant passer dans son langage à lui, sculpture ou peinture, en use, qu'il le sache ou non, comme l’ouvrier soucieux de avenir qui entasse sou sur sou pour accroitre son fonds. Par la sculpture ou la pein- ture, il thésaurise et met en quelque sorte ses impressions à la caisse d’épar- gne, pour èn jouir plus tard. Veut-on que l’art, avec cette origine spéciale, l'art qui n’est qu’un langage, variable pour chaque artiste avec la sensibilité de ses sens et sa puissance de perception, veut-on que l’art puisse avoir une unité quelconque, comme Île pro- clament nombre de critiques, et soit le même pour l'homme du Nord et REVUE DES LIVRES. 171 l'homme du Midi, l'un qui vit sous le ciel de la Grèce et l’autre sous les brouil- lards de l'Angleterre ? L'artiste, quoi qu'il fasse, obéit aux exigences de son mi- lieu, ce mot pris dans la plus large acception. Les éléments cérébraux qui perçoivent une idée et l’extériorisent subissent eux-mêmes l'influence du reste de l'appareil intellectuel qui les avoisine, Il y a là, par conséquent, pour tout artiste, comme pour tout autre homme, plusieurs milieux qui se pénètrent, réagissent l’un sur l’autre et font que l’œuvre de tel artiste diffère forcément de celle de tout autre. Chacun parle un langage qui lui est propre. Voudrait-on par hasard que ce langage s’adressät à tous, fût compris par tous? Ce serait une étrange aberration d'esprit. Autant vaudrait essayer de nourrir avec une même nourriture l'enfant, l'adulte et le vieillard. Il faut à chacun des aliments appro- priés. D’où vient donc pourtant que ce langage particulier fait écho dans nos âmes ? quelles sont les conditions de la répercussion de l'œuvre d'art daus l'in- telligence humaine? qu'est-ce, en d'autres termes, que la jouissance artistique? Car, enfin, s'il est naturel que l'artiste se plaise à conserver une impression, un souvenir qui lui sont personnels, en leur donnant, pour ainsi parler, corps et figure, comment se fait-il que cette impression et ce souvenir puissent inté- resser à un si haut degré le public, qui, d'habitude, ne connaît point l'artiste, lui est étranger à tous égards, et n’a que faire, à ce qu'il semble du moins, de ses pensées intimes ? Aristote a beau dire que « limitation plait toujours ». Il est condamné par Pascal s’écriant : «Quelle vanité que la peinture qui attire l'admiration par la ressemblance des objets dont on n’admire pas les originaux!» Quelle vanité serail l’art, en effet, s'il se bornait à nous retracer les impressions banales que chacun de nous retire du spectacle ordinaire des choses de ce monde ! Mais l’art est tout autre, et Pascal se trompe quand il le ravale à ce niveau Il ya bien l'école réaliste qui prétend copier la nature ; et quelle vanité, si réellement elle la coprait telle qu'elle apparait habituellement à nos yeux ! Mais les peintres réalistes, eux aussi, se trompent quand ils prétendent limiter. [ls rendent, bon gré mal gré, la nature telle qu'elle est après avoir traversé leur œil et leur cerveau ; et si l'œil et le cerveau sont, ce qui est la règle, plus spécialement im- pressionnables par certaines couleurs, certaines lignes, certaines idées, la main du réaliste, quoi qu'il veuille, traduira la couleur plus spécialement perçue, la ligne de préférence goûtée, l'impression dominante. Et quand il s'agit d’un ar- tiste de talent, qui sent vivement et par lui-même, qu'il se dise idéaliste, réa- liste, impressionniste, ou qu'il soit par nécessité enrôlé sous la bannière de l’art administratif, ses œuvres auront toujours pour le public une saveur in- connue jusque-là : celle de la nouveauté, de l'original, de l'imprévu. Qu'on n'aille donc plus répéter le mot de Pascal. L'art nous montre les choses par certains côtés qui nous avaient échappé, mais qui ont été aperçus et transcrils par l'artiste, Son œuvre complète par conséquent et étend les notions que nous avions sur tel sujet déterminé. Elle éveille en nous des émotions, des idées qui sommeillaient où qui se trouvaient à point pour prendre leur essor. C'est alors qu'intervient la jouissance artistique. Qu'est-ce au fond, et pour ainsi dire physiologiquement, que cette jouissance ? 172 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. M. Véron admet qu'elle a sa source « dans-une excitation particulière des organes », et que, dans ce cas, « le plaisir consiste essentiellement dans un accroissement d'activité de la vie. » Suivant lui, le plaisir, pour se produire dans toute sa plénitude, exige la réunion de trois conditions fondamentales : l'intensité, la variété et la concordance des vibrations nerveuses. « Le plaisir, dit-il, que trouve l’homme d'étude à accroître le nombre de ses perceptions et de ses idées par l’excitation de ceux des organes cérébraux dont le jeu constitue la vie intellectuelle ; celui qu'éprouve l'artiste à accroître l'intensité et la fré- quence de ses sensations esthétiques, ne se distinguent physiologiquement de celui que recherche le gourmet que par la nature des organes mis en mou- vement. » Naturellement, il en est de même pour les jouissances esthétiques de l'amateur, qui, toutes choses égales d’ailleurs, peuvent se mesurer, elles aussi, au nombre et à l'intensité des impressions qui sont de nature à les pro- voquer. Allons plus loin encore : M. Véron nous dit que l'homme a l'instinct du mieux, c’est-à-dire du progrès. Mais cet instinct du mieux, qu’est-il en réa- lité? « Aucune idée, ajoute l’auteur, n'étant définitive et absolue, toutes ont besoin de se compléter et de se renouveler indéfiniment.» Cette remarque est d’une entière justesse. Il suffit, en effet, de réfléchir à la prompte déca- dence des idées dont rien n’entretient la persistance dans notre cerveau, pour comprendre qu'elles ont généralement besoin de se régénérer, sous peine de disparaitre rapidement de l’intellect. Et quelle est la valeur de cette régé- nération, de ce rajeunissement de l’idée? pourrait-on dire. Ce n’est, selon toute apparence, que le fonctionnement mieux entendu des éléments cérébraux. On sait, en effet, que la fonction de certaines cellules cérébrales est la pensée, comme celle de la fibre musculaire est la contraction. Les éléments muscu- laires qui ne fonctionnent pas s’atrophient, et il n’est pas douteux que la cel- lule cérébrale ne subisse une pareille déchéance dans des circonstances ana- logues. Tous ces faits sont sous la dépendance de l’hérédité qui nous à donné les fibres musculaires pour la contraction et des cellules cérébrales pour la pensée. L'adaptation des dernières à ce but déterminé étant certaine, il en résulte que si, par privation d'idées apportées par le sens, le fonctionnement de l'élément cérébral demeure imparfait ou même cesse complètement, sa constitution physique devra fatalement se modifier, s'altérer au bout d'un temps variable. Par contre, plus l’idée sera nette, précise, plus elle s’adaptera exactement à l'objet auquel elle s'applique, plus le fonctionnement cérébral devra être considéré comme normal et régulier. Il semble que nous ayons une sensation spéciale de bien-être quand il s’accomplit comme il con- vient, Tel mot, tel fait, telle date, nous reviennent-ils à la mémoire, après nous avoir échappé quelques instants : aussitôt toute tension intellectuelle dis- parait. On dirait que quelque chose, dans notre cervelle, soit rentré dans l'ordre. La représentation artistique, qui tantôt restitue à l'intelligence hu- maine, dans toute leur fraicheur, des impressions qu’elle était en train d’ou- blier, et tantôt complète, accroit ou rectifie ses sensations, ses sentiments, ses idées antérieures, qui, par conséquent, favorise le fonctionnement de certains groupes cellulaires cérébraux, détermine précisément des jouissances de même à) REVUE DES LIVRES. 173 ordre, et c’est ce que tout le monde nomme les Jowissances esthétiques. Elles sont, en dernière analyse, toutes produites par des idées qui naissent ou qui se complètent dans un domaine spécial et qui trouvent, dans l'intelligence qui les forme, un milieu convenable préparé pour les adopter. Car ceci est une condition première sans laquelle il n'y à pas de jouissances artistiques. Il faut que l’œuvre d'art, aussi bien d’ailleurs que l'idée scien- üfique, s'adresse à qui la peut comprendre, Sans quoi, tombant sur un terrain mal préparé, elle ne saurait germer. On ne s’expliquerait guère mieux l’admi- ration d'un Canaque pour la Dispute du saint-sacrement de Raphaël que celle de Louis XIV pour les ouvrages de Téniers. Le maitre de tant d'hommes en panache devait, naturellement, demander qu'on lui ôtât ces « magots » de devant les yeux. Le ntraire eût été surprenant. Îl existe, nous l'avons déjà dit, des nécessités de milieux auxquelles les rois n’échappent pas plus que leurs sujets. L'éducation de Louis XIV lui avait muré tout un coin du domaine artis- tique, qui, pour lui, demeurait lettre close. C’est ce qui nous arrive, plus ou moins, à presque tous et explique, sans d’ailleurs le justifier, l’exclusivisme dont nous faisons trop souvent profession en matière d'art. Il se trouve, à chaque instant, que nous ne comprenons rien aux sensations nouvelles que nous apporte telle œuvre, parce qu'elles sont hors de notre portée, loin de nos habitudes de penser et de’sentir. Elles passent, pour ainsi dire, par-dessus nos têtes sans descendre jusqu’à nous. Au contraire, certaines manifestations esthétiques, qui s'adaptent plus particulièrement à notre forme intellectuelle, sont goûtées par nous de préférence à toutes les autres. C’est ainsi qu'une œuvre est excellente pour Pun, médiocre pour l’autre, chacun la jugeant au point de vue qui lui est personnel, d’après ce qu’il sait et d’après ce qu'il est capable de sentir et d'apprécier. Ceci devrait inspirer quelque réserve aux cri- tiques qui décident de si haut et avec des allures si tranchantes. Où l’a dit depuis longtemps : L'homme rapporte tout à lui, Il semble que cette phrase ait été faite surtout pour le critique d’art. Il ne saurait admettre que son sem- blable puise en une œuvre des émotions qu'il n’en tire point lui-même. Mais quand, d'aventure, il en trouve quelqu'une à sa guise, il faudrait que chacun la jugeàt parfaite avec lui. Les idéalistes surtout, qui ont leurs petites églises et leurs grands prêtres, se sont avisés d'inventer à ce propos des règles im- muables dans lesquelles ils emprisonnent l’art et l’artiste, et en dehors des- quelles il ne saurait exister, selon eux, ni jouissances artistiques réelles, ni surtout art véritable. À leur avis, pour qu’une manifestation esthétique aille au cœur de l’homme et soit digne de la postérité, 1l faut qu’elle se conforme aux lois du « beau », qu’elle vise à l’« idéal », et traduise la recherche mani- feste du « style ». Qu'est-ce donc que le beau, l'idéal, le style? Platon, Winckelmann, considérant le «beau » comme un attribut de la per- fection divine, un et non divers, en concluaient qu'il s'impose, toujours iden- tique à lui-même, à tous les temps, à toutes les races, à tous les arts, thèse d’école qu'il serait grand temps de renvoyer aux petits enfants. Ils admettaient encore que le beau est le protolype des choses créées, tel qu'il a dü se pré- senter dans l'imagination du Dieu créateur, avant d’avoir subi la dégradation 174 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. -nécessaire qui résulte de sa réalisation dans la matière. C’est la doctrme du beau métaphysique, que l’on pouvait croire morte depuis longtemps, et qui pourtant a été reprise récemment, sous une forme un peu différente, par un académicien plusieurs fois couronné, M. Ch. Levèque, qui fonde le beau artis- tique sur l'interprétation de la « belle nature ». On peut en appeler d’une pa- reille théorie à Vélasquez, Rembrandt, Delacroix, etc., qui nous ont laissé de graudes œuvres dans lesquelles on aurait souvent peine à découvrir la « belle nature » exigée par M. Levèque. Où est-elle dans le Pouilleux, le Radeau de la Méduse, le Champ de bataille d'Eylau, et cent autres toiles que l’on pour- rait citer ? Laissons là les vues scolastiques et allons aux faits. Une même idée traduite par Léonard, Michel-Ange, Raphaël, Rubens, Rembrandt, revêt des formes différentes, dont chacune peut avoir sa beauté propre. Le beau n’est donc pas absolu, et quand M Taine dit que l’art a pour but de mani- fester l'essence des choses, nous voyons immédiatement qu'il se trompe, car, l'essence des choses (si les choses ont une essence) étant invariable, il ne de- vrait y avoir qu'une forme unique de l’art, ce que l'étude des grands maitres vient précisément démentir. Qu'est-ce donc que le beau ? Il existe un certain nombre de sentiments et d'idées que l’on appelle volontiers « Îles idées et les sensations esthétiques ». Les notions d'ordre, dit M. Véron, d'harmonie, de pro- portion, de convenance, constituent le caractère de la sensation esthétique, et nous donnent l’idée du beau. Mais que sont l’ordre, l’harmomie, la propor- tion, au point de vue purement intellectuel? Il y a dans notre être, qui obéit - à des lois déterminées, une logique des lignes, des formes et des couleurs que Von ne viole point impunément, Cest celle qui nous est imposée par notre or- ganisme même, où règnent la symétrie, l’ordre et lPharmonie. Mais le beau n'est-il que cela et jugeons-nous l’œuvre belle pour cette raison seule qu'elle correspond, dans ses traits généraux, à certaines notions fatalement 1m- plantées dans notre intelligence? L'œuvre, pour être belle et pour nous tou- cher profondément, doit faire plus que s'adapter à ces idées : elle doit les com- pléter, les agrandir, les renouveler. Que d'idées vagues, en effet, mal définies, à contours estompés, parmi celles qui peuplent notre cerveau, attendent que des sensations nouvelles viennent les rectifier, les élargir, les préciser, en ap- portant à l'intelligence les notions complémentaires qui lui faisaient défaut. Ces sensations neuves, les arts nous les offrent en leur domaine spécial, comme font, dans d’autres, les lettres et lessciences. Le beau dans l’art, c’est, en somme, ce qui nous touche et nous transporte, quelleque soit la source de notre émotion ; et toutes les fois qu'un artiste, frappé d’une impression physique, morale ou intellectuelle, l’exprime par un procédé quelconque de manière à la faire passer dans l'âme du spectateur, l'œuvre est belle dans la mesure même de l'intelligence qu’elle suppose, de la profondeur de l'impression qu’elle ex- prime et, pour ainsi parler, de la puissance de contagion qui lui est commu- niquée. L'art, pour dire vrai, dépasse infiniment le « beau » de la nature, la « belle nature » de M. Levêque, et ne saurait y être emprisonné. C'est l'art qui contient le beau, comme le terrible, le triste, le laid, ete. À côté du «beau », les spiritualistes de l’art placent « l'idéal » ; et l'on voit REVUE DES LIVRES. 175 déjà, par ce qui précède, ce qu'ils entendent par là. D'après eux, pour qu’une œuvre s'impose, il faut qu'elle vise à l'idéal et traduise l'essence des choses. Platon s’imaginait que l'artiste, au lieu de copier les figures qu’il avait sous les yeux, s'éludie à en reproduire les formes idéales, qu'il ne voit pas, et à en rechercher le prototype divin, qui, en réalité, n’a jamais existé. Tout se bor- nerail pour lui, comme le remarque M. Véron, à la divination conjecturale des types idéaux. Or, pour Winckelmann, après Mengs et OEser, le prototype divin étant absolu, et se réalisant dans le type grec, l’art moderne ne saurait trouver grâce devant ces grands maitres de la critique qu'à la condition de se con- damner à l’éternelle imitation de ce dernier. On n’en est pourtant plus aujour- d'hui, après avoir lu le travail de M. À Hovelacque sur «notre ancêtre », à se demander si réellement le type grec représente le type métaphysique du genre humain. Il est à croire que, si les sculpteurs s’en tenaient strictement à la théorie platonicienne sur l'existence d’un prototype divin, c’est plutôt au Jardin des plantes qu'ils iraient en recueillir les principaux traits. D'un autre côté, tout en reconnaissant que l’art grec nous a laissé d’admirables œuvres, il ne faut pas se dissimuler que les peuples qui comptent dans l'histoire de l’art n’ont été grands que parce qu'ils ne devaient rien aux autres nations et qu'ils ont eu, en d’autres termes, un art national. A côté de l’art grec, 11 y a l’art égyptien, l'art assyrien, l’art arabe, etc. Les sculpteurs grecs composaient d’après les types de leur race, comme les Italiens de la Renaissance d’après le type italien, les’ Assyriens d’après le type assyrien, ete. L'idéal des Chinois a les yeux relevés à l'angle extérieur et les pommettes sailiantes; celui du nègre a le nez épaté, etc. Pourquoi faire autrement que les peuples dont l'art a marqué en ce monde, et vivre en parasites, quand nous n’ignorons pas que des parasites de l’art jamais rien n’a SUrVÉCU ? Certains critiques, qui feraient volontiers bon marché du type grec à perpé- tuité, se rattachent pourtant à la doctrine de l'idéal par d’autres côtés. A leur avis, l'artiste doit toujours s’efforcer de rendre le côté typique, essentiel, le caractère général des êtres et des choses. Cela est fort bien, et des œuvres con- çues dans un tel esprit sont assurément pour répondre à plusieurs de nos be- soins intellectuels. Toutefois, nous ferons remarquer que les arts, la peinture et la sculpture par exemple, sont destinés surtout à exprimer des idées con- crètes qui, sans eux, trouveraient difficilement, même dans le langage imagé des poëtes, leur complète traduction. Vouloir que l'art s’en tienne à la manifes- tation des caractères essentiels, c’est le confiner sur le terrain des idées géné- rales, de l'abstrait, qui trouve sa plus naturelle expression dans le langage ordinaire. C'est, à proprement parler, détourner l’art de son but véritable, Aussi les œuvres grecques où l'idéal tant vanté à la plus grande part, les sculp- tures du Parthénon par exemple, ont-elles, malgré leur beauté, une sécheresse, une froideur, qui frappent presque tous les visiteurs du British Museum, mais dont ils ne se rendent d'habitude point compte. C'est que le développement de la vie morale et de l’activité intellectuelle nous a rendus avides d’impressions plus vives et plus variées, en plus complète harmonie avec les idées et les aspi- rations de notre temps. L’admiration se lasse assez vite pour de merveilleuses 176 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. statues qui, avec leur perfection géométrique, semblent toutes jetées dans le même moule et finissent par n'avoir plus rien à nous dire. Nous le répétons : l’art, en se bornant à la recherche de l'idéal, même compris comme nous ve- nons de le dire, s’interdit volontairement la plus large part de son domaine légitime. L'idéal, c’est-à-dire l'abstrait dans les arts, a ses droits que nous ne nions point; mais il n’est pas lout l’art, pas plus que le « beau », pas plus que le « style », dont il nous faut dire aussi quelques mots avant de terminer. Le style est la troisième condition majeure nécessaire, d’après les idéalistes purs, pour que l'œuvre soit de valeur. Qu'est-ce que Îe style? On connait la vieille et véridique définition de Buffon. Elle s'applique à Part comme à bien d’autres produits de l'intelligence humaine. Le style, c'est l'artiste lui-même. C’est cette manière spéciale qui fait que telle œuvre se révèle au premier coup d'œil comme étant d’un artiste plutôt que de tout autre. Supprimez le style, la banalité seule reste, Raphaël possède un style qui lui est propre, comme Ru- bens; Rembrandt, comme Corrège; Phidias, comme Michel-Ange. Tout le monde est d'accord sur ce point. Mais les divergences naissent quand, après avoir reconnu et caractérisé le style de chacun, il s’agit de définir ce que l'on nomme le style en général. « En raison des divers styles, qui sont des nuances dans la manière de sentir, dit M. Ch. Blanc, il y a quelque chose de général et d’absolu qui s’appelle le style... et qui exprime l’ensemble des traditions que les mai- tres nous ont transmises d'âge en âge. » Conséquemment, il existerait un style que l’on pourrait extraire des styles particuliers de Vélasquez et de Raphaël par exemple, et qui serait commun à tous les deux ! Et, avant Michel-Ange, le style n’était pas ce qu'il est aujourd'hui ; car il faut bien admettre que ce grand homme a ajouté quelques traditions nouvelles au fonds laissé par ses devan- ciers. Que penser d’un style variable avec les traditions et qui ne correspond, par suite, à rien de fixe ni de défini ? Aussi, quand M. Ch. Blanc ajoute que le style est « la beauté mème, qu’il est l’idéal », nous comprenons aussitôt ce que cela veut dire. C’est la grande théorie de l'idéal qui revient sous une forme nouvelle. Le style, en somme, pour les théoriciens de cette école, c’est encore l'abstraction et la généralisation dans le domaine des idées; c’est la représenta- tion des objets sous leur aspect typique, dans leur primitive essence. En réalité, on constate, comme le dit M. Véron, des styles individuels, des styles d'écoles, de peuples, même de races; un style grec, un style égyp- tien, ete. Mais quant au style en soi, au style absolu, on ne le rencontre que dans l’enseignement de l’école et nulle part ailleurs. Quelles que soient, du reste, les qualités nécessaires à l’œuvre d’art pour qu’elle trouve écho dans l'âme humaine et y détermine la jouissance esthétique, cette dernière se trouve en rapport direct avec ce que l’on nomme le goût el, en quelque sorte, sous sa dépendance même. Le goût se définit fréquemment : la faculté plus ou moins développée de ressentir des émotions artistiques. Si cette définition était exacte, il est clair que tous les hommes auraient du goût, depuis ceux que réjouissent les inspirations d'Epinal jusqu'aux admirateurs de Michel-Ange. Comme d’ail- leurs la puissance intellectuelle et les perceptions varient suivant les individus, il est certain que le goût de l’un ne saurait être le goût de l’autre. Aussi voyons- REVUE DES LIVRES. 177 nous à chaque instant les critiques les plus en renom différer d'opinion tou- chant la valeur d'une même œuvre, et démontrer ainsi que les sensations qu’elle occasionne sont choses essentiellement contingentes et relatives. Si donc le goût n'était que la faculté de ressentir des émotions artistiques, comme son étude ferait double emploi avec celle de la jouissance esthétique, nous n’aurions point à y insister. Mais, à côté du goût, qui varie avec les individus, on place « le goût » en général, c’est-à-dire la faculté qui nous permettrait de discerner le médiocre du mauvais, le bon du médiocre, et qui nous ferait aimer et rechercher, par-dessus toutes les autres, les œuvres excellentes. Ainsi entendu, le goût dépend sans doute des dons naturels, de l’acuïté des sens et de la péné- tration intellectuelle, éléments premiers d’une appréciation judicieuse. Mais de là à admettre que l’on naisse avec le goût tout formé, 1l y a loin. Le cri- tique, qui ne joindrait pas aux dons naturels la connaissance exacte des véri- tables conditions théoriques et pratiques de l’art, ne-serait qu’un homme de goût fort incomplet. L'ignorant, mis en présence d’une œuvre d'art, peut éprouver des jouissances esthétiques ; mais on ne saurait se fier à la sûreté du goût d'un homme que lorsque, à sa sensibilité native, 1l joint cette supériorité acquise par l'observation et la comparaison qui lui permet d'analyser ses im- pressions, de négliger ce qui est vulgaire et commun, la banalité et les redites, pour rechercher ce qui est délicat, élevé, neuf, original, et finalement porter sur toutes choses un jugement éclairé et sûr. Certes, envisagé à ce point de vue, «le goût » se rencontre de temps en temps. Encore n'est-il point absolu, et ne pourrait-on point affirmer que ses décisions soient sans appel. Après avoir varié d’un homme à un autre, le goût varie avec les époques. Le Guide et les Carrache, longtemps admirés, sont aujourd'hui l’objet de nos dédains, tandis que Fragonard et Boucher quittent les paravents pour rentrer à grands frais dans nos musées. Ce que le goût d'une génération avait décrété, la géné- ration suivante le rature. Peut-être existe-t-il des œuvres éternellement belles et devant lesquelles s'inclineront, nous aimons à l’espérer, les hommes des gé- nérations futures. Mais ne nous hâtons point de jurer pour de trop longs siè- cles. Le « beau » varie; la vieille théorie de « l'idéal » se meurt; le « style » absolu ne correspond à rien de réel; le goût change avec les âges. Tout cela doit nous donner grandement à réfléchir sur les conditions réelles de l'art. Encore une fois, ayons un art qui soit bien à nous, qui soit de notre temps, et, par conséquent, serve à notre temps ; un art enfin, qui nous survive, comme Île miroir fidèle des idées et des aspirations de notre époque. Nous n'avons que faire de l’art renouvelé des anciens en notre civilisation moderne. L'art qui n’a point pour but de compléter et d'élargir les idées de la génération contempo- raine, comme font les sciences et les lettres sur le terrain qui leur est propre, un tel art est plus qu'inutile, il est nuisible, car il dépense en pure perte des forces qui pourraient être utilement employées ailleurs. L'enseignement de l’Académie et de l'Ecole est nuisible. Il est temps d'aviser. En nous faisant assister aux transformations successives de l’art à travers les siècles, M. E. Véron prouve qu'il ne saurait vouloir demeurer stationnaire, quand tout le reste marche, sans risquer de périr. Il fait, en somme, rentrer T. I. = n°092, 1879. 12 178 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. l’art dans la grande doctrine de l’évolution, comme Lamarek, Darwin et Hæckel ont fait pour les êtres vivants; Lyell pour les phénomènes géologiques, Schleicher pour le langage. Certes, des hommes de science, des critiques, avaient frayé la voie au directeur de l’Art; mais la part qui lui revient en ceci n’est pourtant point médiocre. Le traité de l’£sthélique continue dignement la série des publications de la Bibliothèque des Sciences contemporaines. Il est l’œuvre d'un matérialiste convaincu, et cela se voit bien. On sait que le spiri- tualisme s'arroge volontiers le monopole du sentiment artistique. Il était bon que l’on connût, avec preuves à l'appui, le mal fondé de telles prétentions. Ces preuves, il suffit de parcourir le travail de M. E. Véron, pour voir qu’elles y abondent. Comme d’ailleurs il nous donne, ainsi que nous le disions en débu- tant, une étude réellement scientifique des beaux-arts, la Revue internationale des Sciences ne pouvait faire moins que de signaler expressément ce maitre- livre à ses lecteurs, G. DuraïLLy. ENSEIGNEMENT SUPERIEUR. Etude sur l’enseignement de la médecine au Japon. Ecole impériale de Tokio, par M. G. BERGERON, professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris. Nous croyons qu'il n’est pas sans intérêt de faire connaître aux médecins et aux savants français, par une sorte de tableau ou plutôt d’esquisse rapide, l'état actuel de l’enseignement des sciences médicales et naturelles au Japon. Il ne s’agit point là d’une étude faite sur place par un voyageur qui a beaucoup vu et beaucoup retenu, mais de renseignements précieux obtenus dans les cir- constances suivantes et que nous croyons devoir rappeler. Comme membre du jury de l'Exposition universelle, nous avons été en rap- port avec les missions japonaises. Nous avons, comme tous les visiteurs de l'Exposition, admiré les splendides objets d'art exposés dans leurs vitrines ; mais, s’il faut le dire, les documents nombreux sur l’état de l’enseignement dans leur pays, les plans d'écoles avec photographies à l’appui, etc., indiquaient un tel progrès et surtout un tel désir d'étendre encore ces progrès, que cette partie de l'exposition japonaise a, par cela même, appelé surtout notre atten tion et provoqué notre admiration. Désireux de nous renseigner plus complète- ment, nous avons trouvé auprès du commissaire général de l'Exposition, M. Maeda Masana, le plus bienveillant accueil. M. Kiouki Jugoi, premier secré- taire du ministre de l'instruction publique, a bien voulu nous consacrer plu- sieurs matinées pour nous fournir, sur ces questions, tous les renseignements qu'il possède. On ne saurait trouver, après le ministre lui-même, un per- sonuage plus autorisé et plus compétent. ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR. 179 I. Il nous a semblé intéressant de donner tout d’abord un aperçu de l’or- ganisation de l'Ecole de médecine de Tokio. C'est l'école du gouvernement ; elle répond à ce qu'est, en France, la Faculté de médecine de Paris, la plus importante et comme le type de nos écoles; mieux que toute autre, l'école de Tokio peut donc, étudiée dans ses détails et son fonctionnement, donner une idée de ce qu'est, au Japon, l’enseignement de la médecine et des sciences qui s’y rattachent. Les sciences anatomiques el physiologiques sont, depuis environ dix années, enseignées à l'Université impériale de Tokio ; l’enseignement sé fait en langue anglaise pendant les deux dernières années d’études. Nous avons sous les yeux un programme des examens de fin d'année, et parmi les questions demandées aux candidats, nous voyons indiquées : la description des vaisseaux capillaires et leurs usages, la structure du rein, l'appareil respiratoire des insectes, etc. Mais cet enseignement n'est point spécialement destiné aux élèves en méde- cine. Ceux-ci sont répandus en grand nombre dans différentes écoles. On trouve dans ce pays, si nouvellement ouvert à la civilisation européenne, un reste des anciennes superstitions médicales; en effet, les écoles d’acupuncture, em- pruntées par le Japon à la Chine, remplacées en partie par des écoles hollan- daises, n’ont point entièrement disparu. Il y a toute une série de réformes qui régleront désormais le droit d'exercer la collation des grades, etc. Actuellement, et depuis quelques mois, il se crée, à Tokio même, une société savante dont les statuts sont en partie empruntés à ceux de notre Académie des sciences, Il existe également un certain nombre d'Ecoles de médecine ou Collèges entièrement libres, entretenues par des dons volontaires et par les rétributions volontaires des élèves; mais ils sont loin d’être en progrès. L'Ecole de Médecine de Tokio est le seul établissement entretenu aux frais de l'Etat, complètement organisé, et formant, sans en avoir le itre, une véri- table Faculté. Imaginez, comme constructions, des bâtiments en bois avec revêtements de plâtre, élevés de trois étages, avec cette disposition bizarre d’un troisième étage formant, pour ainsi dire, un belvédère au sommet du bâtiment. Ces pavillons sont au nombre de six, très-espacés les uns des autres, bâtis sur une même ligne, à une certaine distance, au milieu de jardins magnifiques entourés d'arbres séculaires. Un de ces pavillons est spécialement destiné à lhabitaton des profes- seurs. La fréquence des tremblements de terre rend impraticable, au Japon, l’em- ploi des pierres et du fer pour les constructions. Le bas prix des terrains et des matériaux employés permet de consacrer à l'entretien des élèves et à leurs moyens d'études une grande partie des sommes dont l’école peut disposer ; et nous verrons plus tard combien sont peu élevés les frais d'entretien d’un éta- blissement aussi important que peut l'être la première école de médecine de lempire. Le directeur de l'école de médecine est un des premiers fonctionnaires du 180 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. gouvernement ; il a le rang de premier secrétaire. Le directeur actuel, Ikeda, est premier secrétaire du gouvernement : il a fait, en Allemagne, des études médicales, et cela explique le grand nombre des professeurs allemands de cette école. Ikeda est médecin de Sa Majesté. Le premier médecin de l’empereur, Ito, qui a, parmi les médecins du Japon, la position la plus élevée, n'a aucune au- torité et n’exerce aucun contrôle sur l’école. Le sous-directeur, Nagaïo, est Inspecteur du service médical de l’armée et chef du conseil de santé. L'école contient plus de mille élèves. Il y a quatre cents pensionnaires, dont quelques-uns, en petit nombre, sont entretenus par leurs fanilles ; le plus grand nombre sont aux frais de l'Etat. Sur ce nombre total de mille à onze cents élèves, quatre cents environ parlent la langue allemande (l'enseigne- ment du droit et des sciences mathématiques se fait, au contraire, en langue française). Les élèves externes doivent rester à l’école pendant trois ans et demi et ne sont admis qu'après un examen, La sobriété habituelle à la population, la simplicité des vêtements, réduisent à peu de chose les frais d'entretien d’une école de onze cents élèves, dont quatre cents sont nourris et défrayés de toute dépense. M. le premier secrétaire Kiouki, auquel, ainsifque nous l’avons déjà dit, nous devons ces précieux renseignements, évalue à 120000 yen par an, c’est-à-dire à 600000 francs, les frais d'entretien de cette école. Les élèves entretenus aux frais de Etat ne le sont point à titre de faveur et de don gratuit, Ce n’est qu’une avance qui leur est faite ainsi, et, plus tard, ils doivent rembourser intégralement tout ce qu'ils ont coûté à l'Etat. L'enseignement est donné par vingt et un professeurs indigènes et huit pro- fesseurs européens, tous Allemands. Les élèves ont à leur disposition, au rez- de-chaussée, les bâtiments de l’école; les salles de lecture et de cours avec tables (tournantes), gradins, etc., des laboratoires et des salles de dissection. Un médecin américain et cinq autres, japonais, dirigent le jardin botanique si- tué dans les faubourgs de Tokio, en dehors de l’école de médecine. Les élèves sont exercés à l'étude de l'anatomie végétale, et on leur apprend à se servir du microscope, Le jardin botanique est ouvert aux élèves de l'Ecole de médecine ainsi qu'aux élèves des Facultés et aux jeunes gens qui étudient l’agriculture et l’histoire naturelle. Il y à un laboratoire distinct de chimie et un de physique. Une partie des instruments ont été achetés en France, en Allemagne et en Angleterre; mais avec ce talent d'imitation vraiment admirable qui caractérise les Japonais, ceux-ci n'ont point tardé à reproduire tous ces modèles avec une telle perfec- tiou, qu'actuellement ils ont des laboratoires parfaitement outllés, et nous avons pu voir cette année, dans leur exposition au Champ de Mars, de très remarquables appareils de physique et de mathématiques entièrement fabriqués au Japon. Lorsqu'on visite quelques-unes de nos Facultés françaises, et en particulier celle de Montpellier, la plus ancienne, et, après celle de Paris, la plus célèbre de toutes, on est frappé de l'insuffisance et de la pénurie des ressources offertes aux élèves pour l'étude de l'anatomie. Huit ou dix tables, quelques cadavres ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR. 181 seulement, voilà tout ce que, malgré le zèle de ses professeurs, la seconde école française peut offrir à l’instruction de ses élèves. A Tokio, trois cents élèves étudient annuellement l'anatomie sous la direc- tion de huit professeurs, tous Européens. Ils peuvent disposer, pour cette étude, d'au moins soixante-dix à quatre-vingts cadavres par an. Quelques-uns pro- viennent des malades morts dans les hôpitaux; car, ainsi que nous le verrons plus loin, l'assistance donnée au malade n'est jamais considérée que comme une avance qui lui est faite et qu'il s'engage à rembourser. Quelques-uns, dénués de ressources, font, avec la maison de secours qui leur offre un dernier asile, un contrat régulier par lequel ils livrent leur corps après leur mort aux études anatomiques. Mais le plus grand nombre de cadavres proviennent non point des hôpitaux, mais des exécutions judiciaires. Dans l'extrême Orient, on a un réel mépris de la mort, et cette pénalité su- prême est appliquée dans bien des cas qui ne seraient punis par nos lois que de la réclusion. On peut fixer à au moins cinquante par année, pour la seule ville de Tokio, peuplée de huit cent mille habitants, le nombre des exécutions judi- ciaires. Les cadavres des suppliciés appartiennent de droit à l’école de méde- cine et servent aux études anatomiques. Un petit nombre d'élèves seulement sont aptes à faire des dissections minutieuses. Les pièces provenant de ces dis- sections et celles que préparent les professeurs eux-mêmes sont placées sur des tables tournantes et mises à la disposition des groupes d'élèves, pendant la leçon du professeur. Les études d'anatomie durent pendant six ans sur les huit années pendant lesquelles les élèves internes demeurent dans l'établissement. Ainsi, comme durée de séjour des élèves, sept cents environ sont externes et accomplissent trois années de scolarité. Quatre ou cinq cents élèves pensionnaires demeurent pendant huit ans dans l'établissement. L'enseignement de la physiologie se fait non seulement avec des cours théo- riques, mais on procède aussi à des vivisections. De même qu'en Europe, les chiens et les grenouilles sont les animaux les plus souvent sacrifiés. Bien que l'enseignement soit donné par des professeurs allemands, il ne parait pas cependant que les études d'anatomie générale soient poussées très loin ; on se borne à l'anatomie descriptive, dont les détails, enseignés pendant six années à de très jeunes gens ayant toute l’activité et la fraicheur de leur mé- moire, doivent par cela même rester fixés dans leur esprit. Les Japonais, pra- tiques avant tout, ont compris que l'anatomie, base essentielle des études médicales, devait être la science la plus soigneusement et pratiquement en- seignée. Ainsi que nous l'avons dit, cinq professeurs européens, sur huit seulement attachés à l'Ecole, sont chargés de cet enseignement de l’anatomie. La clinique est enseignée dans les hôpitaux. Les professeurs européens se transportent dans chaque salle, et, en présence des médecins traitants, qui sont d’origine japonaise, et d’un certain nombre d'élèves, font, séance tenante, une consultation sur l’état d’un ou de plusieurs malades, indiquent les procédés d'exploration (percussion, auscultation, — ophthalmoscope, laryngoscope, ete.) ; après avoir montré aux élèves les signes des maladies, ils en déduisent un 182 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. traitement qu'ils formulent, et ces prescriptions sont rigoureusement suivies par les médecins traitants, qui sont tous Japonais. Il ne faut pas oublier que, dans les hôpitaux japonais, le malade n’est point considéré comme un être misérable abandonné à la charité publique et sur lequel on puisse x anima vili expérimenter sans scrupules. Les soins qui lui sont donnés, gratuitement il est vrai, sont une avance qu'il doit rem- bourser ; il est donc libre, s’il le veut, de recourir aux médecins indigènes et à leurs prescriptions, s’il a plus de confiance dans celles-e1 que dans les nou- veautés européennes. Ainsi que nous le verrons plus loin, dans chaque hôpital, la pharmacie comprend à la fois, et côte à côte, les drogues japonaises (jus- qu’à des amulettes ou fétiches), et les médicaments empruntés aux pharma- copées européennes. L'entretien des élèves, en comptant la nourriture, les vêtements et les objets d'étude, ne revient qu’à 60 francs par mois pour chaque élève. IT, Gette création si remarquable que nous sommes heureux de faire connaitre dans tous ses détails aux lecteurs de la Revue internationale, a eu comme premier directeur, Sagara. Il était vice-ministre de la guerre, et comprenait la nécessité de former, pour l’armée, des médecins militaires instruits. Il y a quinze ou seize ans que l'Ecole a été fondée. Il y a deux ans seu- lement que les bâtiments actuels ont été construits ; mais avec le nom de Sagara, il convient de citer encore celui du véritable instigateur de toutes ces ré- formes, de Kido Ocubo, ministre de l'intérieur, qui fut l'âme de toute cette réforme, et qui paya de sa vie, il y a quelques mois, le service immense qu'il avait rendu à son pays; dans une promenade, Kido Ocubo fut assassiné par des fanatiques, qui vinrent ensuite, et d'eux-mêmes, se livrer à la justice. Sa mort fut vengée par le supplice de tous ses assassins, et l'Empereur lui fit des funérailles comme à un prince de sa maison. Il convient aussi de ne pas oublier que l'Empereur actuel du Japon, succédant, après une révolution sanglante, à l’usurpation des Taïcouns, a ouvert à son pays une ère de paix et de prospérité. Le fils ainé du soleil n’est plus comme autrefois enfermé, comme une idole muette et sans vie, au fond de son palais de Yeddo. Au mois d'août 1873, l'Empereur visita dans tous ses détails l'Université de Tokio, et assista à tous les exercices des étudiants. Ceci, pour qui connait l'extrême Orient, est plus qu’une révolution. II. L'enseignement de la clinique médicale est principalement donné dans un hôpital appelé Adpital d'instruction, et qui fait partie de l'Ecole elle-même. C’est à leurs frais et aux frais de l'Ecole que sont entretenus les malades soi- gnés dans ces hôpitaux. Tous les médecins traitants, au nombre de six, sont indigènes : ils ne sont point chargés de l’enseignement, si ce n’est comme répétiteurs. Ce sont les professeurs européens. de l’Ecole qui, entourés de leurs élèves, choisissent, dans les salles, certains malades à l’occasion desquels, ainsi que nous l’avons dit, ils font à leurs élèves, avec l'assistance des médecins traitants, une leçon de consultation sur le diagnostic ou la maladie, les méthodes d’explorations et les indications su traitement, ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR. 183 Les personnes chargées, dans ces hôpitaux, de soigner les malades sont des femmes appartenant généralement aux classes peu aisées, et auxquelles on donne préalablement une instruction suffisante pour le métier qu’elles doivent exercer. Z{les n’appartiennent à aucune association unaloque ou comparable à nos communautés religieuses. Il y a dans chaque hôpital un pharmacien et des élèves en assez grand nombre qui étudient sous sa direction. Nous rappellerons qu’une partie des médicaments sont de provenance européenne, et que les autres ShpSr Os à l’ancienne pharmacopée japonaise. Les hôpitaux ne sont point, comme en Europe, de grands bâtiments dans lesquels on a sacrifié souvent les conditions hygiéniques les plus essentielles à la décoration architecturale. Actuellement en Europe on tend à revenir, sinon dans la pratique, tout au moins en théorie, aux hôpitaux ou baraquements construits en bois qui pourraient êlre détruits au bout d’un certain nombre d'années, ce qui empêcherait l'accumulation des miasmes et ne serait pas sans importance relativement à la prophylaxie des affections contagieuses. Il semble qu'instiuctivement les Japonais aient résolu ces conditions essentielles d’une bonne hygiène hospitalière. Leurs hôpitaux sont formés de bâtiments isolés en bois, ayant tout au plus deux étages, situés au milieu de grands jardins, et non dans les quartiers les plus populeux. Les opérations chirurgicales les plus importantes, principalement les opé- rations délicates qui se font sur certains organes, tels que les yeux, les oreilles, ete,, sont faites exclusivement dans l'hôpital d'instruction de l'Ecole, par les professeurs européens. Il n’y a point de séparation pour les maladies contagieuses, qui sont du reste fort rares au Japon. Les aliénés sont soignés dans des hôpitaux avec les autres malades, et il n’y a point d’asiles ou de maisons séparées, affectés à leur traitement; mais 1l con- vient de faire observer que le nombre des aliénés est très-faible au Japon. L'intervention des médecins pour aider la justice dans les recherches des auteurs des crimes ou délits se fait, à Tokio tout au moins, par l’intermé- diaire du directeur de l'Ecole de médecine. C’est à lui que les autorités ju- diciaires s'adressent, et- c’est lui qui désigne les médecins qu'il convient de charger de cette mission. Il ne semble pas que la pratique des recherches chimiques dans les cas d’em- poisonnement soit entrée dans les habitudes de la justice japonaise, Ce qu'il y a d’essentiel à faire observer dans cette organisation des hôpitaux, c'est ce fait qu'il n'existe point en réalité d'établissement considérable sub- ventionné par l'Etat; il y a, en dehors des hôpitaux militaires, des établis- sements entretenus par des dons volontaires, des hôpitaux d'instruction qui sont à la charge des écoles ou des établissements particuliers d'enseignement. Les soins donnés aux malades ne sont qu'une avance qui leur est faite et qu'ils doivent rembourser, à moins que, dans certains cas, ils ne consentent à faire d'avance, et par contrat formel, l'abandon de leur corps pour les travaux anatomiques. 184 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. IV. Nous n'avons voulu dans cette très-courte étude que donner une idée gé- nérale de ce qu'est actuellement au Japon, et dans la capitale même de cet em- pire, l’enseignement des sciences médicales, et ainsi que nous l’avons dit, nous l'avons fait, grâce aux renseignements qu'a bien voulu nous donner un des hommes qui sont le‘plus à même de connaître une organisation à laquelle il appartient à titre de haut fonctionnaire. Le premier secrétaire du ministère de l'instruction publique, qui est en même temps secrétaire du conseil d'Etat, s’est mis entièrement à notre disposition pour les renseignements qu'il nous a convenu de lui demander. Nous lui en témoignons ici notre sincère recon- naissance. Les progrès considérables accomplis en si peu d’années dans l'ensei- gnement de toutes les branches des sciences humaines au Japon, tiennent presque du miracle; mais les Japonais, reconnaissants, savent ce qu’ils doivent à l'Europe, et ils accueillent avec distinction les savants étrangers qui consen- tent à quitter leur patrie pour contribuer avec eux à cette grande œuvre de civilisation. G. BERGERON. À Monsieur le Directeur de la Revue internationale des Sciences. MONSIEUR ET CHER COLLÈGUE, J'âi lu avec le plus vif intérêt les articles sur l’enseignement des sciences na- turelles que vous venez de publier dans la Æevue internationale (1). Vous traitez là une question qui me préoccupe depuis bien des années ; voulez-vous me permettre quelques courtes réflexions à ce sujet ? Vous signalez exactement, à mon sens, la cause première du mal dont nous souffrons : le manque de liberté. Supprimez l'oppression de l’Académie des sciences, et vous verrez aussitôt la science «française renaître, grandir et pros- pérer ; car il faut qu'il y ait en elle une bien puissante vitalité pour n’avoir pas succombé encore sous cette odieuse tyrannie plus que séculaire. Notez bien que je ne demande pas, pour ma part, la suppression de l’Académie ; ah Dieu non! si l'ombrageuse compagnie n'existait pas, j'estime au contraire qu’on devrait se hâter de l’inventer, car les moyens d’émulation sont trop restreints dans le monde scientifique pour se priver volontairement de celui qui est le plus puis- sant pour la majorité d’entre nous. Ce que je demande, — avec tous les amis du progrès, — c’est qu'on arrache une fois pour toutes à l’Académie la direc- tion du mouvement scientifique qu’elle s’est autrefois arrogée pour des motifs qui n'existent plus de nos jours. L'Académie des sciences ! mais c’est la Com- pagnie de Jésus de notre société scientifique ! Comblez d’honneurs, de préro- gatives, de pensions, les savants qui lui appartiennent, rien de mieux! Tous, — (1) Voir la Revue internationale des sciences, 1878. Dans le prochaïin numéro nous abor- derons la question des réformes à accomplir dans notre enseignement des sciences na- turelles, (J.-L, L.] ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, 185 à des degrés fort divers malheureusement, — ont rendu des services au pays ; mais enlevez-leur la direction des esprits! Qui donc, à notre époque, homme ou secte, pourrait justifier de ses droits à un tel pouvoir ? Nous sommes également du même avis sur les causes secondaires de notre décadence. Voulez-vous quelques faits personnels à l’appui de vos affirmations si Justes ? Vous dites que, « dans beaucoup de nos Facultés, le même homme professe à la fois deux branches différentes de ces sciences », et même davantage, pourriez-vous ajouter sans cesser d’être exact. Botaniste, je fais pendant le semestre d'hiver, — singulière préparation à mes leçons de botanique de l'été, — un cours de minéralogie pour les aspirants à la licence ès sciences phy- sique, et un cours de géologie pour je ne sais qui ; car, depuis douze ans que J'appartiens aux facultés, jamais, au grand jamais, quelqu'un n'est venu se préparer, sous notre direction, aux épreuves de la licence ès sciences naturelles. Vous signalez encore avec raison, parmi les causes de décadence, le fait que, « dans la plupart des facultés de province, les professeurs d'histoire naturelle ne disposent que de collections rudimentaires et manquent du plus petit labo- ratoire ». Je me prendrai pour exemple. Pendant sept ans, du mois de dé- cembre 1869 — époque de mon arrivée à Dijon — au mois de novembre 1876, où, une salle étant devenue vacante, il me fut permis d'en disposer, j'ai eu pour unique laboratoire une des deux fenêtres de notre petite bibliothèque. J'avais là un microscope, c'était tout l'outillage que comportait cette libérale instal- lation. Mais, direz-vous, où prépariez-vous les leçons ? Où? Dans l’amphi- théâtre, salle banale que je partageais et que je partage encore avec trois col- lègues, un de zoologie et deux de mathématiques. Comme vous le faites judicieusement observer, si l'absence ou l'insuffisance des moyens d’étude rendent fort difficiles nos recherches personnelles, plus difficile encore est la publication de nos rares travaux. J'ai, à ce sujet, des lettres édifiantes de quelques-uns des pontifes, chefs de ces petites églises qu'on nomme, en France, des ÿournaux scientifiques. Pour pénétrer dans le sanctuaire, pour obtenir un regard favorable du Dieu, il faut avoir l'esprit docile, l’échine souple, l'admiration ingénieusement facile et débordante, une abnégation personnelle absolue. Mais le professeur n’a point pour unique mission de faire avancer la science par ses recherches propres, il a encore le devoir d’enseigner, c’est-à-dire de préparer de nouveaux travailleurs, ses collaborateurs d’abord, ses remplaçants ensuite, dans l’accomplissement de l’œuvre commune. Sur le point capital du mode de recrutement des élèves, j'ai le regret de ne pouvoir partager vos idées. Ma connaissance des conditions particulières de l’enseignement dans les facultés de province me porte à croire que vous êtes dans l'erreur en pen- sant que, pour arriver à réunir de vrais élèves autour de nos chaires, il faudrait grouper toutes les forces vives du haut enseignement dans les grandes villes. Certes, une telle concentration aurait la plus heureuse influence sur les travaux des professeurs, mais ne ferait pas gagner un seul élève à la Faculté. Réunissez quinze, vingt, trente professeurs dans une faculté de sciences, et que vous pla- 186 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. ciez celle-ci dans un village, dans une petite ville ou dans une grande cité, vous aurez toujours le même nombre d'élèves, nombre, hélas! fort voisin de zéro. Pour obtenir un recrutement facile, naturel, il faut autre chose, il faut une mo- dification profonde de notre organisation sociale. Il ne faut plus que tout Fran- çais soit, dès la vingtième année, classé, étiqueté, catalogué à tout jamais, comme Île livre dans la bibliothèque, l'animal empaillé ou la roche dans la vitrine de nos musées, la plante dans l'herbier. Il faut permettre, — au grand avantage du pays, dont notre organisation vicieuse gaspille les forces intel- lectuelles, — le reclassement des déclassés, en reculant la limite d'âge des écoles d'application, et en ouvrant les portes de celles-ci à toutes les capacités par voie de concours et sous la restriction de grades universitaires déterminés. Il faut, par conséquent, bien des choses, dont la simple énumération m'en- trainerait fort loin dans une lettre déjà beaucoup trop longue. Recevez, je vous prie, monsieur et cher collègue, l'assurance de mes senti- ments de haute considération. H. Emery, Professeur à la Faculté des sciences de Dijon. VARIÉTÉS SCIENTIFIQUES. LA TORTUE CHEVELUE. M. Buckland se trouve en ce moment en possession d’une Tortue vivante, rap- portée de Chine par M. White, remarquable en ce que les écailles sont rempla- cées par des poils longs et serrés. Cette Tortue vit en Chine dans un petit lac de la province de Kiang-su, Elle était jusqu'ici restée absolument inconnue des naturalistes. Elle à de 7 à 8 centimètres de long, le museau allongé, la queue longue et étroite et l’œil fort intelligent. BESICLES CORRIGEANT LE DALTONISME. D'après M. Delbœuf il suffit, pour remédier au daltonisme, c’est-à-dire à l'incapacité dont sont atteintes certaines personnes de percevoir telle ou telle couleur, de regarder à travers une mince couche d’une solution de fuchsine : les couleurs qui à la vue simple ne sont pas perçues, le sont à travers cette so- lution. M. Javal, appliquant cette découverte, a fabriqué des besicles composées de deux verres entre lesquels il place une mince couche de gélatine colorée avec la fuchsine. (France médicale.) CHRONIQUE, 187 CHRONIQUE MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE. Par arrêté de M. Bardoux, une commission était nommée il y a quelques semaines dans le but de préparer un projet de réorganisation du Muséum d'his- toire naturelle. M. Dumas était, bien entendu, président de ladite commission. Depuis trente ans, M. Dumas est président de toutes les commissions. Il faut bien que les traditions de l'empire se perpétuent ! De cette commission faisaient partie deux professeurs seulement du Mu- séum, M. Frémy et M. Decaisne. Aujourd’hui l’un d’eux est proposé pour être directeur et l’autre est proposé pour être sous-directeur de l’établissement qu'ils étaient chargés de réorganiser. Cela rappelle ce qui se passa lors de l’organisation de Pinstitut agrono- mique. Les membres de la commission chargés de cette tâche, après avoir fixé à 400 franes par leçon la rétribution des professeurs, se présentaient tous où presque tous au ministre, comme seuls capables de remplir des fonctions si bien rétribuées. {Inutile de dire que tous ces postulants à large appétit furent nommés. Chacun d'eux avait cependant au moins une chaire ailleurs et aucun d'eux n'avait jamais fait d’études d’agronomie. Mais bah ! l'argent de la Répu- blique est toujours bon à prendre, et les jeunes ont bien le temps d'attendre que les vieux leur aient fait place nette. Une seule chaire qui n’était enviée par aucun commissaire fut gravement mise au concours. Dans l'affaire du Muséum, les professeurs membres de la commission de réorganisation ont procédé d’une façon un peu différente. On a commencé par faire décider que le Muséum serait dirigé désormais par un directeur et un sous-directeur. Puis on a décidé M. Bardoux à jeter à la porte l'honorable vieil- lard qui, il y a quelques mois, résistait courageusement à l’ordre moral, ce que bien peu de ses collègues auraient osé faire. Après cette besogne, le ministre a invité le conseil des professeurs à se réunir #/ico (la convocation était lancée le matin et le conseil se réunissait le soir) et à lui proposer deux candidats pour les places de directeur et de sous-directeur, On devine le reste. Les deux commissaires étaient nommés. Deux professeurs seulement ont refusé de s'associer à l'acte inique qui s’accomplissait contre M. Chevreul. Les autres étaient déjà aux genoux des nouveaux dieux. Un directeur scientifique du Muséum nous a toujours paru fort inutile ; mais deux ! les singes n’ont qu'à se bien tenir. J.-L. L. % % % EXAMEN DE VALIDATION DU STAGE DES ÉLÈVES EN PHARMACIE. Le ministre de linstruction publique, des cultes et des beaux-arts : Vu les décrets portant règlement d'administration publique, en date des 15 juillet 1875, 12 juillet et 31 août 1878; 188 REVUE INTERNATIONAL DES SCIENCES. Le conseil supérieur de l'instruction publique entendu, Arrête : Anr. 1%, L'examen de validation de stage, exigé des candidats aux grades de pharmacien de première et de deuxième classe par l’article 2 du décret du 31 août 1878, se compose des épreuves suivantes : 1° Préparation d'un médicament composé galénique ou chimique, inscrit au Codex ; 2° Une préparation magistrale ; 3° Détermination de trente plantes ou parties de plantes appartenant à la matière médicale, et de dix médicaments composés ; 4° Questions sur diverses opérations pharmaceutiques. Il sera accordé quatre heures pour la première épreuve, et une demi-teure pour chacune des trois autres. - ART. 2. Les sessions d’examen auront lieu pendant les mois-de Lee et de novembre dans les écoles supérieures de pharmacie et dar les facultés mixtes de médecine et de pharmacie. Dans les écoles de plein exercice et dans les écoles préparatoires de méde- cine et de pharmacie, elles auront lieu pendant les sessions d'avril et de sep- tembre-octobre. Arr. 3. Conformément aux dispositions du statut du 9 avril 1825, la première inscription ne peut être prise après le premier trimestre de l’année scolaire, ART. 4. Par dérogation à l’article 2 du présent arrêté, les examens de vali- dation de stage auront lieu, en 4879, et pour cette année seulement, dans les premiers jours du mois de novembre dans toutes les facultés et écoles. Fait à Paris, le 30 décembre 1878. A. BARDOUX. *# # * Par décret en date du 10 février 4879, rendu sur la proposition du ministre de l’Instruction publique, M. Chauffard, mort subitement il y a quelques jours, est remplacé par M. Gavarret, professeur à la Faculté de médecine de Paris, dans les fonctions d’inspecteur général des écoles et facultés de médecine, Nous ne pouvons que nous féliciter de ce choix. Après M. Chauffard, M. Ga- varret! On voit qu'avec M. Jules Ferry nous sommes loin de l’ordre moral. Nous tenons de source certaine que M. Chauffard et M. Wurtz avaient, dans ces derniers temps, contracté une alliance, en vertu de laquelle M. Chauffard devait demander la création d’un deuxième inspecteur général pour la médecine. M. Chauffard aurait été inspecteur du personnel, et M. Wuriz inspecteur des laboratoires. La chute de M. Bardoux, le coup de balai donné par M. J. Ferry dans les bu- reaux du ministère de l'instruction publique et enfin la mort de M. Chauffard ont mis à néant ce beau projet ; mais on voit que M. Wurtz sait tendre la main aux cléricaux quand il s’agit de son intérêt personnel, et l’on n'ignore pas que les cléricaux de la taille de M. Chauffard ne rendent service qu'à leurs serviteurs. Le gérant, O. Doin. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 189 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. Physique et Ghimie biologiques. R. 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ROBIN, ROUGET, SABATIER, SCHNEIDER, SCHUTZENBERGER, DE SINETY, STRASBURGER. SCHWENDENER, A. TALAN- DIER, TERRIER, TOPINARD, TREUB, Carz VOGT, WEBER, F. WURTZ. À PARIS OGTAVE DOIN, ÉDITEUR 8, PLACE DE L'ODÉON, 8 FERRUGINEUSE, ACIDULE, GAZEUZE (CORSE) FACULTÉ DE MÉDECINE — THÉRAPEUTIQUE — Cours DE M. GUBLER. Les Eaux minérales de France... « Pourquoi allons-nous chercher à l'Etranger « les Eaux ferrugineuses, acidules, gazeuses, dont nous sommes admirablement « pourvus ? La Corse ne fournit-elle pas la premiere eau de ce genre, comme richesse «en acide carbonique libre et en carbonate de fer? En effet, l’eau d'Orezza, « d’après la belle analyse de M. Poggiale, ne contient pas moins de 12 centi- « grammes de sel ferrugineux par litre, tandis que Pyrmont n’en a guère que « 5 centigrammes, Schwalbach 7, el le Pouhon de Spa 9 seulement. » ACADÉMIE DE MÉDECINE DE PARIS Rapporteur : le D' POGGIALE Membre du Conseil de santé des armées, professeur à l'École nationale du Val-de-Grâce. diatheses goutieuse ec rumauIsmale. | Ces indications sont absolument celles des Eaux d'Orezza et elles sont tous les jou 4 - Au- lées par nos plus grands cliniciens, Gubler, Jaccoud, Hardy, Gallard, Bouchut, Pietra slita,, Landes, etc., tant dans les hôpitaux qu’en ville, avec le plus grand succès, car elles contien- nent par litre juste les proportions de fer et d’acide carbonique dans lesquelles ces deux agents si précieux de la thérapeutique sont administrés en vingt-quatre heures. Nous ne saurions trop reproduire les lignes suivantes, dues à Ja plume autorisée du D" Gallard, médecin de la Pitié, et empruntées à une de ses remarquables leçons cliniques. « Ce sont, dit le savant clinicien, en parlant des Eaux ferrugineuses, des agents médiea- menteux que nous ne pouvons employer à l’hôpital, mais qui, daus la clientèle civile, nous rendent les plus importants services. L'eau d’Orezza est celle qui est le mieux supportée par les malades, comme aussi par les femines dont la chlorose est sous la dépendanee d’une ma- ladie des organes génilaux internes. Elle doit cet avantage, non pas tant à la quantité de fer qu’elle contient, et qui dépasse celle de toutes les autres eaux similaires, qu'à la forte proportion d’acide carbonique libre et aux bases alcalines qui entrent également dans sa: composition. Ce sont là, en effet, des éléments essentiels qui favorisent singulièrement Île travail de la digestion et rendent ainsi plus facile l’absorption du vériable principe médica- menteux qui est le fer. » LA CIRCONCISION. 193 LA CIRCONCISION, SA SIGNIFICATION, SES ORIGINES ET QUELQUES RITES ANALOGUES *. En la plupart du monde cette partie de notre corps était déifiée. En mème province, les uns se l'écorchaient pour en offrir et consacrer un lopin; les autres offraient et consacraient leur semence; en une autre, les jeunes hommes se les percaient publiquement; . . estimés peu vigoureux et peu chastes, s ‘ils venaient à s étonner par la force de cette cruelle douleur. MONTAIGNE, Essais, 1. III. 1. Nulle coutume n'est plus singulière, plus bizarre, et, tranchons le mot, plus absurde que la circoncision. Cependant elle est extrème- ment répandue, et sert de signe distinctif à une partie notable de l’es- pèce humaine. On peut évaluer à plus de 200 millions d'hommes le nom- bre des circoncis, parmi lesquels les sectateurs de l'Islam comptent à eux seuls pour 175 à 180 millions, les Juifs pour 8 millions et les chré- tiens pour 3 millions ; la dernière dizaine se composant de païens en mélange assez confus. Il. Les nationalités suivant lesquelles se répartissent ces circoncis sont on ne peut plus variées. Nous ne prétendons pas en donner la liste complète. En Europe, nous avons les Juifs et les Turcs. , En Asie, les musulmans tant schites que sunnites de l'Asie Mineure, la Perse, de la Tartarie, de la Mongolie, du Kourdistan, de l’Afgha- nistan, du Baloutchistan, de l'Inde, de Java (2). En Afrique, les fellahs et les coptes d'Egypte, les chrétiens d’Abys- sinie, les habitants de la Nubie et du Dongola (3), du Zanzibar, de Mo- zambique, de Sofala. À Socotora, l’indigène qu'on découvrirait n'être pas circoncis aurait la main coupée (4). Les Madécasses (3), divers Ca- Îres, Béchuanas (6), et les Damaras(7), plusieurs peuplades de la Guinée et du Congo, du Sénégal et de la Gambie (8), les Mandingues (9). Au dire de l'abbé Petitot (10), les Dénès-Dindjiès, Indiens de (1) Mémoire lu devant l’Anthropological Institute de Londres, le 21 janvier 1879. (2) Kieu, Journal of the Anthr. Inst., 1876, 360. (3) BRExM, Il, 194. (4) Picarp, Coutumes et Cérémonies religieuses, IX, ch, xvn et xx. (5) SEBTREE, 213. (6) Robert Marrart, Africa, 159. (7) ANDERSSON, I, 239. (8) LEMAIRE, 150. (9) CarLrée. (10) Bull. Soc. Anthr., Paris, 1875, 245, 0] T. I — n°3, 1879. 15 194 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. l’Athabasca-Mackenzie (Amérique du Nord), pratiquent la circoncision. Chez les Aztecs, les conquérants espagnols constatèrent avec sur- prise la présence de cette coutume, dont on n'a pas manqué d'inférer que tout le continent d'Amérique avait été jadis peuplé par les dix tribus perdues d'Israël. Notons que la circoncision paraît avoir été incomplète le plus souvent et avoir consisté en une simple incision du prépuce (1). Brasseur de Bourbourg en a trouvé des traces chez les Mijès ; les Toto- nacs la pratiquaient aussi (2), ainsi que les habitants du Yucatan, les Indiens du Salvador et autres aborigènes (3), et Martins (4) dit que les Técunas et Manaos de Amazone l’observent toujours. La circoncision, ou tout au moins l’incision du prépuce, est de règle dans plusieurs groupes de l'immense archipel Polynésien. On a con- staté cette pratique aux îles de Pâques (5), aux Marquises, à Tahiti, Hawaï, Tonga, aux Marshall, à Rapanoui, et dans la Mélanésie, aux Nouvelles-Hébrides, la Nouvelle-Calédonie, la Nouvelle-Guinée et la Reine-Charlotte (6). Georges Grey constate l'existence de ce rite chez les indigènes du golfe de Carpentaria et ceux du golfe Saint-Vincent, qui habitent les deux extrémités de l'Australie, soit à 2000 kilomètres les uns des autres (7). IT. Cette coutume, dont l’origine se perd dans la nuit des temps, a été diversement interprétée. Les nombreuses explications qui en ont été données se elassent sous deux catégories, les symboliques et les ütili= /È taires, présentées, les premières, par des théologiens, et les secondes} par les médecins et les physiologistes ; mais le plus souvent on les à confondues de propos délibéré. Tantôt il se serait agi de favoriser la génération, et tantôt de la restreindre. D’après le juif Philon, la circon- eision serait le meilleur préservatif contre les inflammations, et parti- culièrement contre l’anthrax. On dit qu'un prépuce trop étroit donne assez fréquemment lieu à ce qu'on a appelé la phimose où la paraphi- mose, Soit le bridement de l'organe ; défaut qui, dans les cas extrèmes, a pour résultat l'impuissance ; un prépuce trop long n’est pas moins in- commode et donne lieu à l'opération dite de la posthite, qu’on dit devoir (1) Acosra, cité par BANCROFT. (2) Las Cases. (3) Gumicra, Hist. de l'Oronoque, Avignon, 1708, p. 183. — Munr's Samlung der Reisen, 67. — De Pauw, Réflexions sur les Américains, Il, 148. — HerRERA, Historia general. (4) Ethnographie, I, 152. (5) Park Harrison, Journal Anthropological Institute, 1874, 178. (6) Cook, Forsrer, Mernioxe, Rocues, etc. (7) Grey, dustralia, II, 343. & 2 LA CIRCONCISION. 195 pratiquer plus fréquemment sur les Tsiganes Turciti de la Roumanie que sur toute autre race (1). En tant que le débat porte sur des questions anatomiques, nous n'avons qu'à rapporter les dires, et il ne nous appartient pas de pro- noncer. Toutefois, il ne nous semble pas que l'on puisse conclure de quelques faits pathologiques exceptionnels, lesquels nécessitent une opé- ration chirurgicale, à l'adoption de cette même mesure par des nations entières. Partout où l’on voit des populations circoncises et incirconcises habiter côte à côte — les bramanes et les islamites de l'Indëé, pour n’en citer qu'un exemple — on ne remarque pas que les premiers aient un avantage marqué sur les autres, rélativement à la faculté génératrice. . Cependant on à cru remarquer dans quelques hôpitaux que les cas graves dé syphilis étaient plus rares, toute proportion gardée, chez les Juifs que chez les chrétiens; et, dé cette circonstance, quelques enthou- siastes ont conclu qu'il serait vraiment utile d'appliquer la ciréoneision à la population générale tout entière. D’autres ont avancé que cette opé- ration, qu'on institue quelquefois pour augmenter la sensibilité de l’ür- gañe, et, le plus Souvent, pour la diminuer, aurait été adoptée comme un préservatif efficace contre l’onanismé, ne réfléchissant pas que le malheureux qui a la triste prérogative dé donner son nom aux habitüdes solitaires fut un circoncis, un propre fils du patriarche Jacob. Après de longs débats, et presque dé guerre lasse, on s’est réjeté sur des motifs d'hygiène et de propreté générale qui auraient fait pratiquer diverses incisions sur l’un et l’autre sexe. En effet, les hommes iñisou- cieux de leur personne peuvent laisser des sécrétions impures s’accumuler sur cette partie du corps. Telle est la raison pour laquelle, en divers endroits des côtes occidentales de l'Afrique, lés négresses accorderaient aux musulmans étrangers une préférence marquée sur leurs propres concitoyens. Insistant sur l'argument, des Talmudistes 6ht prétendu que cette précaution était de rigueur, afin que lés regards de l'Eternel, inspectant l'assemblée de ses fidèles, et pénétrant à travers les vète- ments de lin, ne constatassent aucune malpropreté. Donc, on se mutilerait le corps par peur de ne pas le tenir suffisam- ment net. Cette explication, la plus généralement acceptée, présuppose un fanatisme de propreté auquel le spectacle des tribus sauvages et des populations primitives ne nous a guère habitués. Si cette hypothèse était fondée en fait, ne verrions-nous pas les circoncis se brûler les parois intérieures des narines, ou pratiquer telle autre opération énergique afin de débarrasser, si possible, le nez des mucosités qui en tapissent (1) OBepenare, Les Tsiganes de la Roumanie (Bull. Soc. Anthr,; Paris, 1875, 601). 196 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. les parois? Et si l’on inspecte rigoureusement la liste des peuples sec- tateurs de la circoncision, on en trouve qui se font remarquer par leur malpropreté générale. Au premier abord, ces explications aprioris- tiques, qu'on rencontre en ethnologie à chaque instant, séduisent par leur aspect raisonnable, mais il ne faut pas les examiner longtemps pour découvrir que leur moindre tort est d’être superficielles, et qu’elles sont tout aussi peu fondées en histoire qu’en logique. Jusqu'à présent, l'humanité n’a été rien moins qu'utilitaire. Toujours excessive et pas- sionnée, toujours gaspilleuse et prodigue — prodigue de sang surtout — elle se plaît à protester contre les nécessités qu'impose la Nature, se mettant en réaction contre le simple bon sens dès qu'elle peut le faire sans trop de danger, et prenant le contre-pied des conseils que la raison eût donnés. Il faut se défier des explications faciles. L'homme des temps antiques n’eût rien compris aux manières de faire et de penser de nos gens éclairés; il n’est done pas étonnant que nos gens éclairés ne comprennent pas grand’chose aux manières de l’homme des temps antiques. Les anatomistes et les physiologistes n’ayant pas encore institué d'enquête générale sur la circoncision, les hommes de l’art n’ayant pas prononcé ex cathedra sur les faits de leur compétence, nous n’enten- dons pas devancer leur jugement définitif en la matière. C’est donc avec la réserve nécessaire que nous exprimons l'opinion — nous allions dire la conviction — que deux cents millions d'hommes n'ont pas adopté la circoncision pour des motifs de malconformations indivi- duelles et de vagues motifs d'hygiène. IV. Nous n’adoptons pas non plus la théorie d’après laquelle la eir- concision serait due au hasard, et n’aurait été adoptée que par suite d’un caprice de la mode ou de la toilette. — « Les indigènes des îles de l’Amirauté, au nord-ouest de la Nouvelle-Guinée, lisons-nous dans une relation de voyage (1), tantôt recouvrent leur pénis d’un linge en forme de T, tantôt l’insèrent dans un coquillage (2), dont ils élargissent quel- que peu la fente médiane, lui laissant toutefois un rebord si tranchant qu’on s'étonne de ne pas voir des accidents en résulter. D’habitude, la coquille se porte de manière à ce que son ouverture la plus étroite morde le pénis et l’aplatisse. J'ai vu un de ces sauvages dont le pénis était grippé de la sorte, et dont le prépuce avait été comme écrasé. Quand ils ont leur linge en T, ils libèrent généralement leur pénis, et mettent la coquille dans un sachet autour du cou. À la baie de Hum- (1) H.-N. Mosecey, On the Inhabitants of the Admiralty Islands, in Journal of the Anthropological Institute, 1876, 398. (2) Ovulum ovums. LA CIRCONCISION. 197 boldt, les habitants logent leur membre dans une gourde. Très proba- blement, la circoncision proprement dite a été adoptée par suite d’une circoncision accidentelle, produite par le gonflement soit du pénis entre les ouvertures étroites et tranchantes de la coquille, soit du prépuce, que l’inflammation aura grossi au point qu'il aura fallu le couper. L’ab- scission faite, on aura remarqué qu'elle était favorable à l'hygiène et, par suite, on aura pratiqué la circoncision d’une façon générale et de propos délibéré... Cette gourde, cette coquille ont été peut-être adop- tées, dans l'intention de prévenirla manifestation publique d'impulsions soudaines de l’organe sexuel: manifestations qui auraient pu engendrer des batteries et d’interminables rixes. Telle a pu être l’origine du senti- ment de pudeur. » Il nous semblerait plutôt que la pudeur n’a pas grand’chose à voir en cette affaire. La pratique qu'on vient de constater dans les îles de l’Ami- rauté, on la retrouve en Australie, où le jeune homme qui va être cir- concis recoit d'une vieille femme de la tribu — une sorte de marraine, pensons-nous — le cadeau d’une de ces coquilles pour y loger son membre viril. Ces coquilles, un symbolisme élémentaire, on en a fait partout les emblèmes de l'organe féminin ; surtout les grandes; les plus petites, qu’on porte au cou, au poignet, aux chevilles, marquent le nombre de fois qu'on a fait fonctionner cet organe, ou le nombre d’amants dont on a le droit de s’enorgueillir. Chacun se rappelle les statues, les tableaux qui nous représentent Vénus sortant de sa conque, les Néréides portées sur des Nautilus nacrés, les Tritons soufflant dans leurs bucecins. À Cnide, le temple de Vénus était partout orné de Cy- præa pantherina (1), dont les taches rappelaient suffisamment la robe de la voluptueuse panthère, et la nebrès que les Ménades et les Bac- chantes jetaient sur leurs membres nus quand elles couraient derrière Dionysos aux bruyantes orgies du Cythéron. Les prostituées de Ham- bourg et autres ports allemands mettent comme enseigne à leur fenêtre une coquille de Cassis rufa, qu'elles appellent four rougi dans leur pa- tois, lisons-nous dans le savant Oken (2). De même, des Néo-Gui- néennes s’ornent, en guise de feuille de vigne, non pas de la coquille dite pucelage, mais du grand Cymbium diadema. Ceci ne nous ex- plique-t-il pas suffisamment comment leurs voisins des îles de l’Ami- rauté ont eu l’idée saugrenue de s’encastrer le membre viril dans une coquille? Les maris, ou tout au moins les cousins de ces Néo-Gui- néennes, les Noéfoures, se font un point d'honneur de paraître aux (4) Prin, Hist. nat., IX, 95, 41. (2) Allgemeine Naturgeschichte, V, 482. 198 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, danses avec des guirlandes fleuries entremêlées de certaines feuilles jaunes. De ces feuilles, autant l’homme en arbore, autant il prétend avoir conquis de virginités sur les filles esclaves. C'est le missionnaire van Hasselt qui rapporte ce trait(l). Après tous ces exemples, il est fa- eile d’assigner à la coquille de M. Moseley sa juste valeur : ce qui, dans la cérémonie australienne, était un présent de bon augure, a pu facile- ment dégénérer, chez les indigènes des îles de l’Amirauté, en une su- perstition plus grossière encore, ou même n'être plus qu'une forfan- terie, qu'une fatuité cannibalesque. Quand on se trouve en face d'un fait ethnologique bizarre, on a grand’'chance à se tromper, si on en donne une explication aprioris- tique, au lieu de le replacer dans son milieu et de le comparer aux faits analogues dans les séries correspondantes. C'est ce que nous allons essayer de faire dans la présente étude sur la circoncision, que nous tenons, comme les Juifs, comme les Musul- mans, comme l’immense majorité de ceux qui la pratiquent, pour être un symbole, et rien qu'un symbole. C'est à ses adhérents que nous de- manderons le sens qu'ils y attachent, les traditions qu'ils en ont con- servées. C’est du symbole lui-même que nous ferons découler sa si- gnification primitive, laquelle nous éclairera sur ses origines probables, s'il est vrai que le sens d’un rite contient la concentration de son histoire. V. C'est à l'Egypte que nous ramènent les plus anciens témoignages relatifs à la circoncision; mais ils sont trop suecincts pour qu'ils puis- sent l’éclairer d’une lumière bien vive. Il semble en résulter que sur les bords du Nil cette pratique était obligatoire, peut-être pour les mem- bres de la caste guerrière et certainement pour ceux de la caste sacer- dotale (2). Nul n’était admis aux hautes études scientifiques et mathé- matiques si, au préalable, il n'avait enduré l'opération. Nous le voyons par un illustre exemple que rapporte Clément d'Alexandrie, celui de Pythagore, qui, dans la force de l’âge, fut obligé de se faire eirconcire avant de postuler l'initiation aux grands mystères d’Isis et aux pratiques de la divination. Ce renseignement est confirmé par Origène, qui dit qu'aucune doctrine relative soit au ciel, soit à l’enfer, n’eût été révélée à un incirconcis (3). La circoncision était donc réservée aux membres de l'aristocratie intellectuelle, civile et politique. La plupart des momies qu'on a examinées portent la trace de cette opération. (1) Zeitschrift für Ethnologie, 1876. (2) Heropor., Il, 36, 104. — Dropor., I, 28. — SrrABON, XVII, 24. (3) «Omnis hierophantes, omnis vates, omnis cœli infernique mystes et conseius apud eos esse non creditur, nisi fuerit circumeisus. » LA CIRCONCISION. 199 Les Egyptiens ont-ils communiqué la circoncision à leurs voisins d'Ethiopie et de Lybie, spécialement aux Troglodytes ? la leur ont-ils empruntée ? ou bien s’est-elle développée spontanément chez les uns et chez les autres? Certains veulent que la circoncision ait été apportée en Ethiopie par une lente et persistante émigration juive qui se serait di- rigée vers le sud des deux côtés de la mer Rouge, par l'Arabie et par la Nubie. En effet, on trouve encore en Abyssinie une tribu, celle des Fa- lachas, qui a conservé des usages israélites avec une opiniâtreté sin- gulière. Comme les Juifs, les Abyssins circoncisent leurs enfants au huitième jour. S'il fallait en croire les chrétiens de ce pays, la circonci- sion leur aurait été apportée par les premiers missionnaires chrétiens, par Abba Salama ou par Ædesius et Frumentius (1). Toujours est-il que, présentement encore, le terme d’incirconcis est dans ces parages une grosse injure équivalente à celle de mécréant ou de malpropre. C'est toujours d'un silex que les prêtres se servent dans l'opération — circonstance remarquable qui fait supposer que l'institution dont il s’agit, remonte, soit directement, soit indirectement, à une époque anté- rieure à celle du fer ou du bronze. Dans les temps antiques, la circoncision fut aussi pratiquée en Col- chide et en Cappadoce (2), et l’on a supposé qu’elle y avait été apportée par des colonies venues des bords du Nil. Hérodote avance encore que les Syriens et les Phéniciens — et par conséquent les Israélites — l'avaient empruntée aux Egyptiens; opinion que Josèphe rap- porte sans la contredire (3). On fait valoir en faveur de cette hypothèse le fait qu'Abraham, linstigateur légendaire de ce rit, l’ignorait jusqu'à son voyage d'Egypte (4), et que Moïse, le second fondateur, qui pen- dant quarante années avait été élevé dans toute la sagesse des Egyp- tiens (5), aura voulu appliquer à la totalité de son peuple un privilège réservé jusque-là aux castes sacerdotales ; témoignant par là que la postérité d'Abraham tout entière était bien la race élue, la nation sainte, l'assemblage des rois et sacrificateurs dont nous parlent l'Ancien et le Nouveau Testament :6). Nous ne mentionnons que pour mémoire la conjecture d’après laquelle les Israélites auraient pris la circoncision aux peuplades voisines, Arabes, Moabites ou Ammonites (7), conjec- ture dont nous ne voyons pas l'importance. Toujours est-il que les (1) FREMONAT et SiDpRAC. (2) Heropor., IL, 194. (3) Contr. Appion., II, 3. (4) Gen. x11 et xvrr. (SPACE vr1,229: (6) Ex., x1x, 6. — Deut., v, 6. — Pier., 11, 9. — Apoc., 1, 5, 6; v, 10, etc. (7) Jérém., x1x, 25, 26. L 200 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Israélites et les Ismaélites, ainsi que les Edomites, attribuaient à leur commune descendance d'Abraham la pratique qui les distinguait de la plupart des peuples environnants. Lerit ne pouvait manquer d’avoir ses différences locales, et nous ne nous étonnons pas d'entendre que les Béni-Israël reprochent encore aux Béni-Ismaël de n’effectuer la circoncision que d’une manière in- complète. VI. Afin de bien comprendre la signification de la cérémonie qui nous occupe, afin de nous pénétrer de son esprit, il importe de relire dans le texte le récit de la solennelle institution du « Pacte d'alliance (1)» entre Jahvé d’une part et un fils d'homme d'autre part. Le patriarche et son épouse, ayant atteint, l'un quatre-vingt-dix-neuf, et l’autre quatre-vingt- dix années, sans avoir d'enfant, s'étaient résignés à n'avoir pas d’héri- tier issu de leur union. Mais Jahvé intervint; Jahvé s’engagea à leur en donner un. La naissance d’Isaac, enfant du Miracle et Fils de la Pro- messe, ne fut point une procréation ordinaire, mais la création spé- ciale par l’Auteur des existences, qui le tira de rien, et en même temps que lui, toute sa descendance. Jahvé l'avait donné, Jahvé le pouvait reprendre. C'est ce qu'il fit, et redemandant ce qu'il avait prêté seule- ment, il ordonna que le garçon fût égorgé. Abraham, sans s'étonner de l'ordre, sans montrer aucune hésitation ni soulever aucune difficulté, leva le couteau sur Isaac. Le couteau glissa sur la poitrine, il est vrai, mais il s’abattit sur une autre partie du corps : À « Dieu dit à Abraham : C'estici mon alliance entre toi et ta postérité… Tout enfant mâle de huit jours sera circoncis"parmi vous. Et l’âme du mâle incirconcis sera détruite et retranchée du milieu de vous (2), parce qu'il aura violé mon alliance. Mon alliance sera en votre chair, pour être éternelle (3). » Le pacte a été observé avec une étonnante persévérance. Encore au- jourd’hui, tout enfant israélite est circoncis le huitième Jour après sa naissance, devant des témoins dignes de foi, et un siège vide réservé au prophète Elie. Fondé de leurs pouvoirs, sorte d’arbitre entre l'Eternel et son peuple, Elie assiste à l'opération; il en fait son rapport à qui de droit, il en rendra témoignage au jour du jugement. Si l’enfant meurt avant le huitième jour, le cadavre est opéré dans le cercueil, ou devant la fosse, afin que l’Ange de la Mort constate lui-même que l'enfant au- quel on va donner la sépulture est bien un fils de Jacob, et issu de la semence d'Abraham, à jamais bénie. Il est de règle d'employer un bis- (ZE, Viet (2) Delebitur anima illa e papulo suo. (3) Genèse, xvur, 10-14. \ LA CIRCONCISION. 201 touri spécial ; toutefois quelques orthodoxes, alléguant Moïse et Josué (1), mettent en œuvre un caillou tranchant, ou même un éclat de verre (2). Jadis, le père de famille opérait lui-même, mais le sacrificateur prit sa place, et après le sacrificateur, le « mohel » et le rabbin. Quand le pré- puce à été enlevé jusqu’à la racine, l'opérateur suce la blessure par trois fois, en rejetant le sang dans une coupe de vin bénite; il sau- poudre les chairs de corail et de sang de dragon, choses rouges effi- caces contre les maléfices (3), et donne à l’enfant le nom qu'il doit por- ter, et prononce les paroles mystiques, clef du symbole : «Tu te vautrais dans ton sang, quand je dis : Vis! — Vis, te dis-je, vis dans ton sang (4)! » En même temps, iltrempe ses lèvres dans la coupe de vin mélangée de sang, et l'assistance répète les paroles de bénédiction : « Puisses-tu manger le fruit du travail de tes mains! Que ta femme soit une vigne fertile !.. Que tes enfants soient des plants d'olivier !.….. Que l'Eternel te bénisse de Sion, et puisses-tu voir la prospérité de Jé- rusalem tous les jours de ta vie (5)! » Enfin, le parrain remet l'enfant à la marraine, qui rapporte l'enfant à la mère, et chacun de féliciter le père (6). À défaut du mohel ou du rabbin, il faudrait requérir les services du boucher, ou même d’un Israélite quelconque ; au besoin, la mère devrait intervenir, ou bien quelque parente ou voisine; il faudrait même opérer en un jour de sabbat (7), car on doit éviter à tout prix que le nouveau- né ne porte son prépuce au tombeau. En effet, l'Israélite incirconcis ne serait point un Israélite. Exclu du repas divin de la Pâque, il ne serait point un fils de la promesse, mais quelque bâtard, fruit de l’adultère, voué à l’extermination. — Par contre, nul circoncis ne tombera, ou ne restera en enfer, à ce que nous affirment les docteurs, Rabbi Béchaï en tête. Mème les docteurs chrétiens reconnaissent que la circoncision fai- sait remise du péché originel (8). Puisque tout Israélite porte en sa chair « le sceau divin » (9), est-il admissible, nous dit-on, que ce sceau (1) Ex., 1v, 95. — Jos., v, 23. (2) « Et cultri sacri, quibus circumcisio fit apud Judæos, etiam nostro adhue ævo lapide existunt. » EccarD, 1750. (3) Les Malgaches, tout au contraire, redoutent à ce moment la présence de tout objet rouge, dont l'influence, disent-ils, serait alors funeste, et déterminerait une hémorrhagie diffuse. (4) Ezech., xvL, 6. (5) Ps. cxxvirr. (6) Picarp, Cérémonies, etc., 40-42, (NJoh- vi, 223; {8) Saint Augustin, De Nupti et, Concupise., XI, et de Civitat., XVI, c. xvi, et de Bap- tism. contra Donatista, IV, 24. Opinion adoptée par saint Grégoire le Grand, Bède le Vénérable, saint Fulgence, saint Prosper, saint Bernard, etc. (9) Expression de l’apôtre Paul lui-même, Rom., 1v, 11. 202 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. soit livré aux démons, et que le Tout-Puissant laisse déshonorer sa si- gnature ? Cela ne suffit point aux docteurs de la circoncision, qui en vinrent à prétendre que tout ineirconcis était voué à la mort seconde. Nous ap- prenons par Origène (1) qu'un ange avait pour fonction spéciale d’ex- terminer les incirconeis. Les rigoristes se flattèrent de l’idée que « le Bon Roi » ne soulffrirait pas un ineirconcis sur la terre (2), et que leur Messie, divin Mardochée (3), ferait un massacre de tous les étrangers à Israël. De Botsra viendrait le vendangeur, aux vêtements teints en rouge, qui foulerait les nations dans la cuve de sa colère, si bien que le sang en rejaillirait jusqu’au frein des chevaux (4); il devait emplir de carnage les vallées, amonceler les cadavres jusqu’à la hauteur des montagnes (5). | VII. Les Talmudistes, s'étant persuadé qu’en dehors de la circon- cision il ne peut exister ni piété, ni génie, ni raison, ni salut, se refu- sèrent à admettre que les sages, que les hommes de Dieu qui avaient vécu avant l'institution de la circoncision, n’eussent pas été circoncis. En conséquence, ils inventèrent une doctrine vraiment étonnante, d'après laquelle l'opération aurait été exécutée par l'Eternel lui-même sur ses favoris et bien-aimés au moment de leur naissance. Adam, Seth, Noé, Sem et Melchisédek auraient été l’objet de ce miracle, et après eux cette faveur insigne aurait été communiquée à neuf autres per- sonnages : Jacob, Joseph, Job, Moïse, Balaam, Samuel, David, Jérémie et Zérubabel (6). D’autres ajoutent qu'Enoch, Aaron et le prophète Elie naquirent sans prépuce. Les islamites ont adopté cette légende des Leipo- darmoi, et tout naturellement ont compris parmi ces bienheureux leur prophète et quelques autres de leurs saints personnages. « Lorsque Ma- homet naquit, disent les Tatars Karagaïs (7), il apparut se couvrant les yeux de la main droite et se couvrant les parties génitales de la main gauche. Une épaisse nuée survint, au milieu de laquelle disparut l’en- fant, qui fut enlevé au ciel. Après quelques instants, la nuée le rapporta et le déposa devant la mère inquiète, qui s’aperçut que les yeux du nouveau-né avaient été oints d'huile, etque son prépuce venait d’être enlevé.Ces légendes ont leur source probable dans la doctrine que for- ) Contra Cels., V, 163. ) Renan, V, 526, Pseudo-Baruch. ) Esther, 1x, 16. ) ) ) 1 2 3 4) Apoc., XIV, 20. 5) Ezéch., xxx1x, 6. 6) WaGEenseir, Nof. g. ad Gemar, Sota, 1. XX VIII. ( ( ( ( ( ( (7) PapLor, IV, 289. LA CIRCONCISION. 203 mule la Kabbale, et d'après laquelle le prépuce, organe de la concupis- cence, n'aurait pas été créé par Dieu, mais serait une accrétion qui aurait défiguré l’homme après la chute. À ce titre, le prépuce ne serait autre chose que le stigmate du péché originel. Les Arabes disent que dans leur pays il n’est pas rare que des en- fants naissent sans prépuce, et les appellent Æ4/s de la Lune, croyant que cette anomalie est due à l'influence de cet astre (1). Ces «Fils de la Lune» sont ainsi nommés probablement pour faire pendant aux impuis- sants par naissance, dits « Eunuques du Soleil » (2), parce que le soleil — de qui la virilité dépend, car il est la source de la fécondation uni- verselle — à eu de bonnes raisons pour se refuser à les pourvoir, ou que, par simple hasard, il a négligé de les regarder en temps utile. VII. En principe, la circoncision, marque de nationalité, équivalait pour le descendant d'Abraham à un acte d'état civil; et pour le prosé- lyte, à un acte de grande naturalisation. À ce point de vue, la circonci- sion était une forme exagérée du tatouage, dont la fonction principale est de fournir des signes distinctifs aux diverses tribus éparpillées sur un vaste territoire. La religion et la nationalité — ces deux termes que l'antiquité tenait pour synonymes, identifiant les fondateurs et les ancêtres d’un peuple avec ses dieux — ne furent nulle part plus intimement confondues que chez le peuple juif, qui, doué d’une vitalité inextinguible, ne se laissa point abattre quand Rome détruisit son Etat politique, mais se créa tout aussitôt une’ existence à part dans sa religion, une des plus éton- nantes organisations dont le monde ait été témoin. IX. Jadis, les religions étaient franchement particularistes ; elles étaient carrément égoïstes ; mais quand elles vinrent à se mélanger de quelque morale et de quelque philosophie, plusieurs d’entre elles — les plus larges et les plus compréhensives — franchirent les frontières trop étroites de leurs Etats respectifs. Ambitionnant la con- quètetdu monde, elles inaugurèrent les idées d'internationalisme et de catholicité, et proclamèrent que la raison et la vérité devaient appar- tenir non point à un peuple privilégié seulement, mais à l'humanité tout entière. S'il est vrai que la circoncision juive fût un symbole foncièrement na- tional, il est facile de comprendre les raisons de la rupture entre l’an- cien Judaïsme et le christianisme naissant, rupture qui suscita d'irri- tantes querelles dans l'Eglise de Jérusalem, de furieux débats pendant (1) « Credebant siquidem Arabes, quod ille qui sub lunæ radiis nasceretur, contrahi pe- rinde ac circumcisum præputium. » (Picarp, Coutumes et Cérémonies, XII, c. xvir.) (2) Que les Juifs qualifient également de Saris Chamah. 20% REVUE INJERNATIONALE DES SCIENCES, tout un sièele, et subséquemment une haine terrible, qui, du christia- nisme triomphant au judaïsme persécuté, se manifesta par des actes atroces, honte de l’humanité. La chose vaut la peine que nous nous y arrêtions quelques instants, puisque c’est à l’occasion de cette bataille que notre histoire a été partagée en deux moitiés : celle du monde an- tique et celle du monde moderne, celle d'avant le Christ et celle d’après. On avait à peu près oublié les circonstances du drame, les débuts de la lutte ; mais depuis que la critique des textes a rétabli les pièces du pro- cès, la lumière s’est faite tout à coup sur les origines du christianisme ; on à compris la raison de ses développements ultérieurs. Dans le récit, évidemment très adouci, que nous donne le livre des Actes, nous voyons que les disciples immédiats, les apôtres directement institués par Jésus, et ceux qu'on appelait «les colonnes », Jacques, le frère du Seigneur, et Pierre, « la pierre sur laquelle j'édifierai mon Eglise », avaient déclaré nettement aux nouveaux convertis que Paul et ses amis avaient amenés à la synagogue chrétienne : « Si vous n'êtes pas circonceis selon la loi de Moïse, vous ne pouvez être sauvés (1).» La circoncision avait été, en effet, instituée par l'Eternel lui-même, dont les ordres sont immuables et éternels comme lui, par l'Eternel qui avait expressément réservé la Pâque, c’est-à-dire le salut, pour les cir- concis seulement. Est-ce que le Christ n’avait pas été circoncis (2)? Pour- quoi donc les chrétiens ne le seraient-ils pas? Est-ce que le Messie n'avait pas déclaré qu'il n'était pas venu détruire la loi, mais l’accom- plir ? Aucune parole de Jésus ne pouvait être citée contre la circonci- sion. D'ailleurs, était-il possible que, soit directement, soit indirecte- ment, Jésus eût pu casser le serment prononcé et proclamé par l'Eternel lui-même : « Mon alliance est faite pour toujours ! » Les textes étaient précis et formels. Le « parti de Pierre » (3) avait pris une position vraiment inexpugnable ; il s'était retranché dans l’es- prit et dans la lettre du contrat; il était dans la logique évidente de la Loi, dans la tradition séculaire, dans le principe même de la religion et de la nationalité juives. Une fois la lutte engagée, Paul, le nouveau venu, l'enfant posthume, « l’avorton », comme il se nommait lui-même, « l’individualité sans CPACEERNAN; (2) C’est ainsi que Dieu fait alliance avec son élu. Mais de cette alliance solennelle, la condition et le signe, c'est la circoncision. Elle est le sceau apposé au contrat. Telle est la raison, telle est la valeur de ce rite sanglant, dont le Seigneur Jésus a voulu recevoir, et dont il portera éternellement en sa chair l’inviolable empreinte. (L’abbé Massror, le Recueil catholique, 1. 281.) (3) I Cor. xx, 22. LA CIRCONCISION, 205 mandat », dirait-on aujourd'hui, se vit obligé d’arborer l’étendard révo- lutionnaire, de prècher l'émancipation entière et complète de la loi de Moïse. Même après sa révolte, il se prêta d’abord aux concessions, fit circoncire Timothée (1); mais, accentuant son opposition avec les progrès du mouvement, il se mit à dire que «la circoncision, que le prépuce n'est rien»(2); puis il affirma : «Si vous êtes eirconcis, je vous dis, moi Paul, que Christ ne vous profitera de rien (3)»; à la fin, il en vint à traiter « ceux qui sont de la circoncision, de vains discoureurs et de séduc- teurs d’esprits » (4), et même à les qualifier « de mauvais ouvriers, de chiens » (5). A l’épithète : «chien de circoncis », il est fatal qu'on ré- ponde : «Chien d’incirconcis », et c'est àcetintéressant dialogue entre juifs et chrétiens, chrétiens et musulmans, que le monde assiste depuis plus de dix-huit siècles. Par la scission résolue qu'il opéra, Paul a mérité de passer pour le second fondateur de la religion chrétienne. Il est certain que si la nou- velle doctrine eût maintenu obstinément la pratique de la circoncision, elle fût restée une secte juive, ne se fût jamais substituée à la civilisa- tion gréco-romaine, à l’hellénisme des stoïciens, n'eût jamais gagné les quatre cents millions de fidèles qu’elle se vante de posséder aujour- d’hui. Autre cérémonie juive, le baptème se substitua promptement à la circoncision, sur laquelle il avait des avantages manifestes et déci- sifs. Comme signe distinctif et marque d'adoption dans la religion nou- velle, le baptème était de l'application la plus facile ; 1l n’était pas une opération douloureuse, ne blessait pas les susceptibilités pudibondes, il pouvait se faire décemment en publie, et les eunuques, les femmes y participaient au même titre que les hommes. Pour donner la victoire au christianisme sur le judaïsme, il eût, à la rigueur, suffi de cette cir- constance, qui accentuait la révolution opérée dans les esprits et la ren- dait définitive. Jusque-là, en effet, la religion, affaire civile, se confon- dait avec la virilité. On ne pouvait manquer d'inférer que la femme, qui, à proprement parler, n'avait pas de Dieu, n'avait pas d'âme non plus. En leur reconnaissant une âme, le baptème fut censé leur en accorder une. Grâce à lui, les femmes montèrent en grade; aussi se firent-elles initier en foule, ainsi que les esclaves, à la nouvelle secte, qui, en se constituant en Eglise du grand nombre, se trouva bientôt en position de s'imposer à l'Etat. La circoncision était un fait trop brutal pour être I Cor., vir, 19. Gal sv? its, T0 (5) Philip., 111, 2. 206 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. compatible avec un état social aussi avancé que l'était déjà le monde gréco-romain. D'un autre côté, il ne faut pas oublier que c’est à titre de fait brutal qu’elle s’est imposée au monde et maintenue de génération en génération, et que c’est aussi à son titre de fait purement matériel que le baptème doit la faveur dont il jouit auprès des intelligences rudi- mentaires. [l'en coûte peu de raison, peu de logique pour constater si un homme est circoneis, s’il n’est que baptisé; il en faudrait bien da- vantage pour juger entre le judaïsme et le christianisme, pour se pro- noncer sur leurs origines et leurs développements. Le juif et le musul- man disputeront bien plus facilement sur leurs procédés particuliers d'incision, qu'ils ne discuteront la moralité de leurs doctrines et la valeur réelle des ressemblances ét des dissemblances entre le Penta- teuque et le Coran. X. Pour ces raisons et Droles autres, les fortunes de la cireonci- sion ne pouvaient manquer d'être diverses. Comme toutes les autres, cette coutume a passé par des revirements et des oscillations. Ainsi nous apprenons par Jérémie (1) que de son temps les Iduméens prati- quaient la circoncision, et par Josèphe (2) que Jean Hyrcan fit une ex- pédition dans leur pays pour leur imposer ce rit — d’où nous devons conclure que dans l’intervalle éntre la captivité de Babylone et les Mac- chabées, les Iduméens avaient, pour un motif quelconque, renoncé à cette pratique, ou l'avaient laissée tomber en désuétude. Le fait est. que la Ciréoncision à élé tantôt recherchée, tantôt abhorrée. lei, on y tenait tellement qué le prépuce était recoupé à nouveau, quand il ne paraissait pas avoir été enlevé assez ras. Ailleurs, dés circoncis, hon- teux d’avoir revêtu la livrée du judaïsme, tâchaient de la déguiser par une opération chirurgicale, dite de l'épipasme, au moyen de laquelle un lambeau de chair était ramené sur le gland, de manière à le recou- vrir tant bien que mal. C’est la pseudo-circoncision, que l’on pratiquait déjà du téempsdes Macchabées (3), et à laquellé l’apôtre Paul fait allusion. Il paraît que sous l'empereur Domitien le nombre de ces recutité fut assez considérable (4). XI. Né dans la circoncision, le christianisme ne se dégagea de la cir- concision qu'à grand'peine, avons-nous vu. Mais s’en est-il réellement dégagé ? Il ne s’en est pas dégagé, puisque les chrétiens d’Abyssinie tiennent à ce rit autant qu'à la croix qui ne les abandonne jamais. Il est peu (1) 1x, 26. (2) Antiquit., XIII, 9, 1. (3) Fecerunt sibi pr ui et recesserunt a testamento sancto (Macch., 1, 15). (4) RENAN, V, 9235, 238. LA CIRCONCISION. 207 probable que ce christianisme à circoncision leur ait été apporté, comme disent des maladroits, par l’eunuque de la Caudace. Il n’est pas impos- sible qu'il leur ait été apporté par des immigrants juifs ou judaïsants, qui pénétrèrent plus loin que la Nubie (1); mais nous préférons croire, ainsi qu'il a été dit plus haut, que la circoncision s’est maintenue en Ethiopie depuis un temps immémorial. C'est par un phénomène d'atavisme intellectuel que la circoncision fut remise en vigueur par la secte chrétienne des Pasagiens, que le concile de Vérone condamna en 1184, mais qui se maintint encore près d'un siècle, puisque Clément IV en 1267, et Grégoire X en 1274, ordon- nèrent aux inquisiteurs de les traiter en hérétiques (2). On dit ces Pa- sagiens apparentés aux Albigeois, et avoir voulu revenir à la simplicité de la synagogue de Jérusalem. Peut-être étaient-ils en réaction contre le dogmatisme paulinien; peut-être croyaient-ils que, pour mettre leurs biens en commun, à la façon des partisans de Pierre, ils devaient, comme eux, pratiquer la circoncision. Une autre preuve que le christianisme est encore loin d'être indiffé- rent à cette cérémonie juive, c’est l’« adoration » expresse dont il en- toure toujours le « Divin Prépuce ». En effet, la mère de Dieu apparut à sainte Brigitte, et lui révéla que dans le temps elle avait soigneuse- ment mis de côté le lambeau amputé, et l'avait légué à l’apôtre Jean, qui le légua lui-même à l’église de Latran. En conséquence de cette révélation, il se forma une « Confrérie du Saint-Prépuce ». Mais un seul prépuce n’eût pas suffi aux besoins de tous les adorateurs, et l’on en vit surgir six autres, nous dit M. A.-S. Morin, qui les a comptés(3), «tous authentiques, tous munis des attestations les plus régulières, certifiées par des bulles émanant de papes infaillibles ». Le Saint-Prépuce d’An- vers à pour lui d’avoir été recueilli à Jérusalem même par le pieux Gode- froid de Bouillon, marquis d'Anvers, qui en fit présent à ses féales su- jettes, pour les détourner, nous dit un dévot chroniqueur (4), du culte de Priape. Jusque-là, en effet, elles avaient invoqué au moindre accident une figure de Priape, qui se trouvait sculptée aux portes de la ville; mais, désormais, elles s’adressèrent avec plus d'avantage au Saint-Pré- pucè, toujours frais, toujours vermeil, si bien que trois gouttes de sang en jaillirent sur la nappe de l'autel, un dimanche que l’évèque de Gam- brai le montrait au peuple assemblé. Ceci se passait en l’an de grâce 1410, s’il vous plait. Il est doué de la curieuse propriété de rendre l'intelli- (1) RENAN, Apôtres, 158. (2) C. Scaminr. (3) La Superstition, p. 67. (4) Goropius BEcanus, Origines d'Anvers, p. m. 67. 208 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. gence aux maniaques, le bon sens aux lunatiques, et les femmes sté- riles de cent lieues à la ronde viennent l’adorer en procession. Le Saint- Prépuce de Coulombs (1) procure aussi d’heureux accouchements, et le reliquaire qui le contient est baisé avec ferveur par les femmes en- ceintes. Le Saint-Prépuce de Charroux avait été égaré pendant les hor- reurs de la Révolution, mais — Dieu soit béni! — il a été miraculeuse- ment retrouvé en 1859 par M Pie, le vénérable évêque de Poitiers, qui en à fait l'inauguration en grande pompe et en a confié la garde à des Ursulines, érigées en « chevaliers du Prépuce ». Les Saints-Prépuces du Puy en Velay, de Metz en Lorraine et de Hildes- heim en Saxe ont aussi à leur actif une longue histoire de miracles édi- fiants — ce qui n’a pas empêché plusieurs docteurs de contester toute authenticité à ces diverses reliques, car, disent-ils, Jésus-Christ est remonté au Ciel avec l'intégrité de son corps. « Gonséquemment, il a repris, à l’âge de trente-trois ans, le prépuce qu’on lui avait enlevé à l’âge de huit jours, et il l’a encore (2). » La raison que les docteurs chrétiens ont mise en avant ne laisse pas que d’être assez plausible, puisque nous la rencontrons en d’autres parties du monde. N’admettant pas non plus qu'après l’ablation du prépuce on puisse leur reprocher de n’avoir pas le corps au grand complet, les Jeunes nègres qu'on initie aux grands mystères du Belli-Porra avalent bravement leur propre prépuce, qui leur est présenté par le mara- bout (3). Sile prépuce du petit Aztec était brûlé en cendres, si celui du Jeune Australien est mangé par son parrain, si celui du petit Madécasse est gobé dans un jaune d'œuf par son oncle maternel, c’est pour qu'ils ne tombent pas entre des mains qui les transformeraient en maléfices contre leurs anciens propriétaires. Mais si de méchants sorciers, Boins et Korrogoris, peuvent en abuser, de bons prêtres peuvent en faire un excellent usage — et nous voilà ramenés au divin Prépuce du Seigneur Jésus-Christ. | XIT. Familiarisés, comme nous le sommes, avec la circoncision sous son aspect plus spécialement historique, nous sommes maintenant en mesure d'aborder l'étude de sa signification en tant que symbole. Nous avons déjà vu que les musulmans la tiennent pour le signe distinctif par excellence de leur religion. Chez les Israélites — que nous consultons de préférence à tous autres, parce que leurs documents sur la matière sont mieux connus, plus anciens et plus abondants — la circoncision (1) Eure-et-Loir. (2) Le chanoine Tuiers, Dissertation sur la sainte Larme de Vendôme, 1757, Cologne, 297, cité par A. Morin. (3) Lemaire, Voyage au Sénéqal et en Gambie, 180, LA CIRCONCISION. 209 était indissolublement liée à l’idée de nationalité, comme nous venons de le voir. Dans leur cité théocratique, il était fait systématiquement confusion de la religion avec la vie politique et civile. En effet, dans une théocratie logiquement ordonnée, il ne saurait être question, autre- ment que par courtoisie et par manière de parler, de la liberté du sujet, lequel appartient en toute propriété à son divin Maître. À propos du sa- crifice d'Isaac, le grand exemple qui domine notre étude, nous avons vu comment le patriarche avait droit de vie et de mort sur tous les membres de sa famille, et comment Abraham, en tant que représen- tant de l'Eternel, pouvait égorger son fils [saac en place d’un boue, ou bien un bouc en place d’Isaac. Israël lui-même était appelé indifférem- ment le fils, le serviteur ou l’esclave de lEternel. L'Israélite apparte- tenait à Jahvé au même titre que le bœuf et l’âne appartenaient à l'Israélite , un esclavage s’emboîtait dans un autre esclavage, le monde n'était qu'une hiérarchie de servitudes. Appliquée à tous les mâles, Hé- breux et esclaves d'Hébreux, la circoncision attestait qu'ils étaient tous, les uns comme les autres, la chose du Dieu d’Abraham(1). Les éleveurs marquent leur bétail à leur chiffre; les fermiers, les bergers coupent et fendent les oreilles tant des moutons que des chiens, ils rognent les queues et les crinières, scient les cornes ; chacun en use à son gré et à sa fantaisie. De même Jahvé ordonna que tout Israélite portât en son corps, et par une mutilation inguérissable, le signe qu'il lui avait plu imposer. La coutume de Palestine nous montre une pratique analogue, quand elle elouait l’eselave à la porte du maître, en signe de servitude perpétuelle. Mais combien la circoncision était plus significative! C'était une prise de possession, non pas de la tête seulement, mais du corps tout entier, une saisie, couteau en main, du membre qui porte par excel- lence le nom de membre viril. C'était la main mise sur ce que les hommes de la Nature entourent de la vénération la plus naïve et la plus sincère; ils ne se lassaient point de contempler le grand mystère de la génération, d'observer cette fontaine qui épanche la vie, cette source où la substance de l’individu et toutes les énergies de l'espèce se concentrent en quelques gouttes, reliquat d'innombrables générations déjà disparues, germes d'innombrables générations qui sont encore à naître. Les Olympiens juraient par le Styx, mais c'est par leur membre viril que les hommes d'autrefois prononçaient le plus solennel des ser- ments; serment dont nos langues modernes conservent le souvenir. En latin, et dans ses langues dérivées, l'attestation se fait par le Tests, GORGE Cu le ENV EN GEL VIT, 03: T. III, — N°0 3, 1879. 14 210 REVUE INIERNATIONALE DES SCIENCES, qui est à la fois le témoin et le testicule ; en Allemand, das Zeug est en même temps der Zeuge. Encore aujourd'hui, il n’est pas d’affirmation plus sacrée pour l’Arabe ou le Bédouin que celle qu'il prononce en levant sa robe et en empoignantson phallus. Et quand les patriarches faisaient de mème, il est parfaitement clair qu'ils entendaient jurer sur leur âme, et en même temps sur Dieu lui-même. Car « l'organe de la génération, lisons-nous dans l'Encyclopédie biblique de Kitto, était l'emblème du Créateur, et, comme tel, adoré chez toutes les nations de l’anti- quité (4). » Devenu vieux et fort avancé en âge, Abraham dit au plus ancien de ses serviteurs, à celui qui avait le gouvernement de sa maison : « Je te prie, mets ta main sous ma cuisse, et je te ferai jurer par le Dieu des cieux et de la terre que tu ne prendras point pour mon fils de femme d’entre les Cananéennes... Et le serviteur le lui jura, en mettant la main sous la cuisse d'Abraham, son seigneur (2). Il a plu à nos modernes de trouver ridicules ces cérémonies. Mais pour les hommes de l'antiquité elles avaient le caractère le plus sacré, sur- tout s'il s'agissait de promesses faites aux mourants. Le voyageur George Grey a également constaté l'existence de cette coutume dans l'Australie sud-occidentale, où l’on a aussi retrouvé la pratique de la circoncision : «. Voici comment ils se jurent amitié réciproque, comment ils s’en- gagent à s’entr'aider les uns les autres dans leurs vengeances. Figurez- vous un indigène assis à l’orientale, c'est-à-dire accroupi à terre, les talons reployés sous lui. L’ami s'approche lentement, et en détournant le visage, il s’assied à son tour, non point en face, mais les talons reployés sur les cuisses de l’autre. Les voilà cuisse sur cuisse, poitrine contre poitrine, serrant le corps l’un contre l’autre, mais détournant la figure, bien que souvent on voie des larmes découlant de leurs yeux. Aucun mot n’est prononcé. Celui qui vient de s'asseoir place ses mains sous les cuisses de son ami, et les y laisse une minute ou deux. Puis il se lève et se retire à quelque distance. Aucune parole n’a été prononcée, mais un engagement inviolable a été pris (3). » XI. Tant l'Ancien que le Nouveau Testament insistent sur la décla- ration que les « circoncis de cœur et d'oreille», que les serviteurs de Dieu et domestiques de la foi » sont imprimés au sceau divin. Il suffit de lire, même superficiellement, les pages bibliques, pour constater que les mots de sceau et de circoncision y sont employés lun pour l’autre ; (1) Cf. Ez., xvI, 17 ; saint Hiéronym., Com. in Hod., x1v. (2) Gen., xx1v, 1-9. Autre exemple, Gen., XLVI1, 29-31, (3) Geo. Grey, Australia, II, 342. LA CIRCONCISION. 211 ils se couvrent comme la réalité et le symbole ; l’un exprimant la chose, l'autre, la voilant légèrement sous une image plus ou moins poétique : «Je mettrai ma »47que sur eux », dit l'Eternel, quand il promet de rappeler son peuple dispersé (1). — « Dieu, qui nous a scellés… Le Saint Esprit, qui nous a scellés pour le jour de la Rédemption », s'écrie plusieurs fois l’apôtre Paul (2). Tous les commentateurs signalent cette coïncidence, et plusieurs rapprochent l'institution de la Pâque, réservée aux circoncis, des visions d'Ezéchiel et de l’Apocalypse, d’après les- quelles il n'y aura, pour échapper à l'immense massacre qui se fera à la fin du monde, que les « cent quarante-quatre milie marqués à la lettre Tau ». «A minuit l'Eternel frappa tous les premiers-nés du pays d'Egypte, depuis le premier-né de Pharaon qui devait être assis sur le trône, Jus- qu'au premier-né du captif dans la prison ; même tous les premiers-nés des bêtes ; il n’y eut pas de maison sans mort... L'Eternel passa pour frapper l'Egypte, mais sur les maisons des Israélites il passa sans frap- per, car il vit le sang dont ils avaient barbouillé le linteau et les deux poteaux des portes (3).» « Ezéchiel vit la gloire du Dieu d'Israël. l'Eternel commissionna un écrivain et six destructeurs ; il dit au premier: Passe par le milieu de Jérusalem, et marque de la lettte Tau sur le front les hommes qui gé- missent à cause de toutes les abominations qui se commettent au de- dans d'elle. Et il dit aux destructeurs : Passez par la ville après lui et frappez, mais n’approchez point d'aucun de ceux sur lesquels sera la lettre Tau. Tuez tous les autres, les vieillards, les jeunes gens, les vierges, les petits enfants et les femmes... (4)». Notons en passant que le Tau, comme la « croix ansée » des Egyp- tiens dont il était dérivé, signifiait l'acte de la génération, et, par suite, la régénération divine; c’est dans ce même ordre d'idées que les adora- teurs hindous de Siwa se tatouent un emblème du membre viril sur le frout. Nous avions dit que le rite de la circoncision signifiait la prise de possession par Jahvé du peuple d'Israël. Cette marque Tau ajoute à la clarté de la démonstration ; nous avons un même mot écrit en Ccarac- tères bilingues ; nous avons la signature qui accompagne le cachet, et le cachet qui accompagne la signature. Au dire d'Hérodote et de Strabon, les Assyriens et les Babylomiens, au temps desquels les serrures n'avaient pas encore été inventées, fer- GAS Ex VE 0€ (2) 2 Cor., 1, 22. — Eph., 1v, 80. (B)REZS ir, 129; (4) Ez. 1x, 1-11..,; Apoc, vir, 1-8. 212 KEVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. maient les portes et les boîtes dont ils voulaient assurer le secret, avec une argile fraîche dans laquelle ils imprimaient leur cachet, dont ils ne se démunissaient pas; ni guère non plus de leur bâton. Ce bâton — orné d’un bouton ciselé, cachet primitif, gravé en relief et non pas en creux — ce bâton est encore en Orient, et ailleurs qu'en Orient, l’em- blème par excellence de l'organe générateur, et comme tel, l'emblème. personnel de l’homme qui le porte, et par extension, de la divinité créatrice : c’est la varga Dei (1), c’est le sceptre du berger et du roi, pasteur des peuples, du général, du magistrat et chef justicier, du grand prêtre; c’est «le bâton d’Aaron qui avait fleuri » (2), et qui est devenu la baguette de nos fées, de nos enchanteurs, et finalement de nos escamoteurs de gobelets et joueurs de passe-passe. Nous comprenons maintenant pourquoi la Circoncision était com- parée à une sigillation : c'est que la verge virile de lIsraélite, son sceau était marqué lui-même au sceau de Jahvé. La symbolique rudi- mentaire des Mormons, ou Saints des dermers jours, emploie le mot sceller dans le sens de consommer un mariage. Et s’il faut en croire la démonologie allemande, il n'est de « sorcière finie » que celle qui, après avoir vécu en commerce intime avec Beelzébuth, est par lui para- phée au bas du dos d’un pied de bouc, cachet de son infernale Ma- jesté (3). Ces rapports évidents entre les diverses idées de la circoncision, du sceau et du baptême nous donnent l'intelligence de l'expression « sceller le nom », ensigillare nomen, qui est encore fort en usage dans l’église grecque : (Li dus tous les vesques mande — Qu'ils viegnent pour son fils lever. Qu'ils sont venus qui l'enfant prisent — Et chrestiens adonc le firent — Son propre nom li ensèclent — et Robiert par droit nom l’apiè- lent (4). » Des récits de Zuazo et de Las Casas il ressort que chez les Aztecs, non moins que chez les Juifs et les Egyptiens, la circoncision signifiait une prise de possession par la Divinité. Mais loin d’avoir été obliga- toire comme chez les Israélites, l'opération paraît avoir été dans l’Ana- huac — de mème qu’en Egypte — un privilége qui n’était concédé qu à l'aristocratie, et, tout spécialement, aux fils des grandes familles de l'Etat. Le prêtre ne circoncisait que les garçons qui avaient été voués )NEZS UV, 20- ) # Mos., xvrt, 1,10. ) Wuttke der deutsch Aberglaube, 214. ) (1 (2 (3 (4) Robert le Diable, roman ms. LA CIRCONCISION.. 213 tout spécialement à son Dieu (1). Remarquons à cette occasion que le sang qui avait coulé des veines du petit innocent passait pour être doué de merveilleuses vertus; et l’on en aspergeait le grand prêtre. Ce rite mexicain doit être rapproché de la cérémonie juive décrite plus haut : le Mohel humectant ses lèvres dans la coupe sanglante. En quel- ques endroits, on fait dégoutter la blessure dans un vase à moitié plein d'eau, et tous les assistants de se laver la figure dans cette eau rou- gie (2); il est évident que ce jeune sang innocent lavait les péchés et purifiait les coupables. Nul doute que la circoncision ne soit dans ces cas la transformation d’un sacrifice humain. XIV. La circoncision, pensons-nous, eut de terribles origines. Elle dérive de l’émasculation. Cette hideuse coutume subsiste encore, entre autres contrées, dans cette Abyssinie qui, à l’en croire, aurait con- servé les traditions de l'Eglise chrétienne les plus pures et les moins troublées par les influences du dehors. Là, sur le haut plateau, les po- pulations se font gloire de s’entrepiller et de s’entremassacrer de temps à autre; telle est leur passion, tel est leur point d'honneur. Parmi les Abyssins et Gallas, l’exploit suprême, la gloire la plus ambitionnée est de rapporter quelqu'une de ces dépouilles sanglantes, restes odieux qu'ils étalenten triomphe et qui leur donnent le droit de porter de longs cheveux tressés, dont les boucles retomberont sur un manteau en peau de lion. Leur passion de s’en orner est telle, qu'il leur arrive de se Jeter sur des camarades ivres ou endormis et de les assassiner, soit pour leur enlever les trophées qu'ils rapportent, soit pour les mutiler eux- mêmes. Certains sont experts dans l’ignoble industrie de manipuler des organes d'animaux, de manière à les faire passer comme ayant appar- tenu à des créatures humaines (3). Qui ne se rappelle comment le jeune David gagna la fille du roi Saül ? … CEt Mical, fille de Saül, aima David; ce qu’on rapporta à Saül, et la chose lui plut. Et Saül dit : Vous parlerez ainsi à David : Le roi ne demande d’autre douaire que cent prépuces des Philistins..…. Et avant que les deux jours fussent accomplis, David se leva, lui et ses gens, et frappa deux cents hommes des Philistins. David apporta leurs pré- puces et les livra bien comptés... Et Saül lui donna sa fille Mical pour (1) Las Casas affirms that the child was carried to the temple on the 28th]or the 29th day after the birth. There the high priest and his assistant placed it upon a stone and cut off the prepuce at the root. The part amputated, they afterwards burned to ashes... Zuazo adds that these rites were only perfomed upon the children of the great men, and that there was no compulsion in the matter. » BancrorT, The Native Races, II. (2) Archiv für Anthropologie, 1870, 273. (3) GoBAT, 426. — Knrapr, Reise, I, 274,53, 936. — CarLLiAUD, III, 32. 214 REVUE INXERNATIONALE DES SCIENCES. épouse (1).» On ne nous dit pas si la belle Mica s’enfila les glorieux tro- phées autour du cou; comme font les filles de Mélinde et du Monomo- tapa, auxquelles les galants, au retour de leurs expéditions, ne peuvent rapporter de présents plus enviés (2). Sur les murailles du palais de Medinet Habou, près Thèbes, on peut voir encore un tableau repré- sentant une scène de captifs qu’on amène devant le Pharaon, qui pré- side à leur castration, et, dans un coin, des membres virils sont déjà amoncelés (3). De même, quand Nabuchodonosor conquit Jérusalem, il fit émasculer les princes de la famille royale de Juda. Il est indubitable que l’ém asculation était en principe l'équivalent de la mort et de l’égorgement. Elle symbolisait l’immolation du vaincu. L'on cueillait sur le corps vivant l'organe qu’on avait accoutumé de prendre sur les cadavres tombés sur le champ de bataille. On prenait la partie pour le tout. Pour peu que l'expédition fût faite en pays loin- tain, il n’eût pas été possible de rapporter avec soi des corps morts; déjà les têtes pouvaient être bien encombrantes, et l’on préférait les représenter par des scalps, des yeux, des nez, des mâchoires. Aïnsi les Mogols emplirent à Liegnitz neuf sacs d'oreilles ramassées sur le champ de bataille. Çà et là, des vaincus obtinrent la vie sauve, à condi- tion d'être mutilés des parties dont le vainqueur entendait faire tro- phée. De toutes ces opérations, l'éviration, la plus humiliante certes, mettait l’homme en dehors de l'humanité, pour ne pas dire en dehors de l’animalité; elle lui imposait le stigmate honteux de la faiblesse et de l'impotence. Ceci nous rappelle la légende d’après laquelle Sémiramis aurait fait châtrer les débiles parmi ses sujets, pour les empêcher d’en- gendrer une progéniture rachitique et souffreteuse. Au guerrier vaincu, il était moins honteux, mais à peine moins cruel, d'avoir les yeux cre- vés, ainsi que les Babyloniens firent au roi Sédécias (4), ou d’avoir les pouces coupés aux pieds et aux mains (5), ou encore d’avoir la langue tranchée, ainsi que le faisaient les héros Maories (6). XV. Ce n’a pas toujours été par pure gloriole que les vainqueurs éviraient leurs victimes. S'il faut en croire les récits du missionnaire Quandt, les anciens Caraïbes auraient été à la chasse de l’homme, et, de préférence, à celle des enfants, qu’ils auraient châtrès pour les en- graisser plus facilement et les manger ensuite, comme font nos éleveurs (1 ( ) 1 Sam., xvrrr, 20-27. — 9 Sam., 11, 14. 2) P icARD, Coutumes et Cérémonies, IX, ch. xv et xvrit. (3) Inman, Names and Faiths, I, 65. (4) 2 Rois, XXV, 7. (5) Jug:, 1, 6, 7. (6) G. Grey, New-Zeland, The Adventures of Rata, 121, LA CIRCONCISION. 215 avec leurs chapons et leurs moutons ; comme on fait en Chine et dans VAzrakan septentrional avec les chiens, dont on se repaît ensuite aux banquets de gala. Il n’est donc pas impossible qu’en certains endroits la circoncision ne soit dérivée du cannibalisme. En ce eas, les premiers eirconcis seraient les descendants de quelque bétail humain mis à l’en- grais et qu'on aurait négligé d’abattre. XVI. Cette théorie ne repose sur aucun témoignage positif; il est donc inutile de la discuter; mais il était intéressant de la mentionner, ainsi qu'une seconde conjecture d’après laquelle la circoncision serait un souvenir de l’écorchement, un atroce supplice aujourd’hui à peu près oublié, mais qui fut jadis assez à la mode en plusieurs pays, principale- ment au Mexique. La fable en a gardé quelque souvenir, et raconte comment Apollon, outré que Marsyas eût osé mesurer à la lyre divine ses vils pipeaux de satyre, l’écorcha tout vif; preuve que ia musique n'avait pas encore eu le temps d'adoucir les mœurs. Pareillement, la sage Minerve écorcha Pallas, et de sa peau se fit une cuirasse. Artistes équarrisseurs, les anciens Germains taillaient sur la poitrine, ou entre les épaules du héros ennemi, l’image d’un grand aigle aux ailes dé- ployées, emblème d’Odin. Le sang s’échappait à flots, et avec lui l'âme, qui prenait son vol vers Dieu, auquel elle avait été consacrée. Ce sup- plice, non sans honneur, est comparable aux tortures exquises que les Indiens infligent à leurs ennemis les plus redoutés, qu'ils haïssent, mais qu'ils admirent, et, au fond, envient peut-être. Si la pratique de l’écorchement a réellement donné lieu à celle de la circoncision, au moins en quelques endroïts — la pratique est répandue en trop de pays pour qu'elle nait pas eu des origines multiples — il faut supposer que certains captifs auraient été admis à racheter leur vie moyennant ran- çon. Mais, pour constater leur défaite, il leur aurait été découpé en plein cuir une ceinture étroite autour des reins, ceinture non de gloire, mais d’humiliation, ceinture que les descendants auraient été admis à réduire jusqu'à n’en plus faire qu'un anneau autour du gland. XVI. Quoi qu’il en soit, avec le temps, des adoucissements modifiè- rent toutes ces pratiques hideuses. Les hommes d’abord, les dieux en- suite, voulurent bien consentir à des substitutions. Au lieu de châtrer un homme complètement, ils ne lui enlevèrent qu'un seul testicule; au lieu de lui trancher comme jadis le poing ou le pouce, ils consentirent à n'amputer qu'un ou deux doigts; finalement, ils se contentèrent du petit doigt gauche. Les amis, les serviteurs, les veuves qu'on avait accoutumé d’immoler sur la tombe de leur chef, de leur maître ou de leur époux, profitèrent largement de cette convention, et il est telle population de la Polynésie parmi laquelle il n’est guère d'homme et de 216 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. femme qui, pour une raison ou une autre, n'aient quelque doigt coupé. Au lieu de la tête, on condescendit à ne prendre que la barbe de l’homme, les longues tresses de la femme, ou seulement une boucle de cheveux. Quand les prêtres de Baal (1) et ceux de la Bellone romaine se faisaient des incisions par tout le corps avec des couteaux et des lan- cettes, quand les enfants de Sparte étaient fouettés jusqu’au sang de- vant l'autel d'Artémis; quand les Galles voués à Cybèle se tranchaient les parties génitales, on peut être certain que toutes ces aspersions de sang remplaçaient quelque immolation d'homme. Dans la Nouvelle-Zé- lande on ne circoncisait pas, mais on tatouait la langue. Nul doute que ce tatouage ne fût l'équivalent exact dela circoncision, par la raison que les symboliques primitives ont partout donné la même valeur à la langue et au membre viril. Déjà, par leurs recherches sur les cultes des Phéniciens et des Hé- breux, Movers et Ghillany étaient arrivés à penser, le premier que la circoncision remplaça l’éviration, et le second, que la circoneision avait été jadis substituée à des sacrifices humains; double conclusion qui s’est aussi imposée à nous. En 1829, cette opinion avait été déjà for- mulée par Autenrieth de Tubingue, mais elle fut bientôt oubliée, la théologie régnante ayant déclaré qu'elle était trop superficielle pour qu’on lui fit l'honneur de la discuter seulement. , La circoneision, pensons-nous, a dù être en son temps un notable progrès. Nous ne doutons pas qu'elle n'ait été instituée, à l’instar du sacrifice de l'agneau pascal, au lieu et place de ces égorgements d'hommes qui ensanglantent toutes les premières pages de nos an- nales, et tout spécialement au lieu et place des égorgements d'enfants qui se faisaient à une multitude de vieux Saturnes, d'anciens Baals et d’antiques Molochs. Ce symbole, représentant une chose qui n’est plus dans nos mœurs, n’est plus qu'une pratique bizarre, accompagnée d’une phraséologie incertaine, et l'on a fini par oublier qu'il est issu du meurtre en droite ligne. En juxtaposant l’histoire du sacrifice d’Isaac et celle de la cir- concision, la Genèse les fait s'expliquer l'un par l’autre. Cette légende porte sa date, celle de l’époque à laquelle les premiers-nés des vaches et des brebis furent immolés au lieu et place des premiers-nés de fa- mille humaine. L’Eternel s’adjuge tout premier-né, « tout ce qui ouvre la matrice entre les enfants d'Israël, tant des hommes que des bêtes ». En principe, tous ces premiers-nés devaient être sacrifiés sur l’autel de Jahvé; mais Jahvé consentit à des rachats avantageux pour l’une et (1) 1 Reg., xvII1, 98. LA CIRCONCISION. | 217 l’autre partie. Aïnsi, il permit qu’à l’ânon, qu'on ne mangeait plus guère, on substituât un petit d’entre les boues ou d’entre les chèvres, mais il a bien soin d'ajouter : «Si tu ne le rachètes point, tu lui cou- peras le cou... (1)» Les Carthaginoïis, issus des Phéniciens, voisins des Israélites, tenaient le sacrifice des enfants pour si agréable à la di- vinité, que ceux d’entre eux qui étaient privés de progéniture achetaient aux gens pauvres des nourrissons qu'ils égorgaient sur les autels en guise d’agneaux ou d'oisillons (2). Moïse, Moïse lui-même, ayant né- eligé de circoncir eson fils en temps utile, faillit être tué par l'Eternel, qui allait se jeter sur lui. Mais Zippora trancha en hâte le prépuce de l'enfant, et sauva ainsi les Jours de son mari. Encore hors d'elle-même, et sous le coup de la colère et de l’irritation, elle jeta le couteau san- glant aux pieds de Moïse, en lui criant : Tu m'es un époux de sang (3). D'ailleurs, le jeune Israélite n’était pas tenu quitte de l'immolation, rien que par la perpétration du symbole. En échange du corps de l'enfant, en représentation de toute cette chair humaine, dont le sacrificateur ne prélevait en poids qu'une partie presque infinitésimale, le prépuce, les parents payaient encore à Jahvé, ou plutôt à son fondé de pouvoirs, une redevance qui devait être en rapport avec leurs moyens. Quelque riche se faisait un honneur de peser sa progéniture dans les balances du sanctuaire, et de fournir son poids entier d'argent; mais les pau- vres — tels que Joseph et Marie, les parents de Jésus — étaient tenus quittes par la présentation d’une paire de tourtereaux ou de pigeon- neaux (4). Encore aujourd’hui, le petit Juif qu’on présente pour être cir- concis est déposé sur la table en même temps qu'une certaine somme d'argent. Le rabbin demande alors au père : « Que préfères-tu? Le fils ou l’argent? » Et le père de répondre : «Le fils! » Alors le rabbin se tourne vers le nouveau-né : « C’est à moi que tu appartiens ; à moi, le prêtre de l'Eternel; mais je te cède à tes parents du moment qu'ils ont jugé à propos de te racheter (5). » XVII. Notre thèse, que la circoncision a une origine humiliante et presque infamante, soulève de fortes objections. On trouve invraisem- blable qu'elle ait été une marque d’esclavage et de servitude ; qu'elle symbolise la possession que prend le vainqueur, glaive en main, de la personne du vaincu; on répugne à admettre que les circoncis commen- cèrent par être des condamnés à la castration, qui peu à peu, et les uns 1) Ez., xurr, 1, 2, 19, 13 ; xx11, 29. — Num., vin, 47. 2) Plutarch., De Superstitione, 13. 3) «Sponsus sanguineus tu mihi es! » Exod., 1v, 24-96. #) Luc, 11, 24. mn 5) Archiv für Anthropologie, 1870, 273 (PicarD, Coutumes et Cérémonies, 1, ch. xurnt). ( ( ( ( ( 218 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. après les autres, obtinrent le sursis, et puis la remise de leur peine. — « Est-ce que là circoncision n’est pas considérée comme un honneur partout où nous la voyons fonctionner? entendons-nous dire. Ne nous est-elle pas représentée comme ayant été un privilége de tout temps ? Privilége chez les Juifs et les Egyptiens d'autrefois, privilége chez les Mexicains du temps de la conquête espagnole, privilége chez les Fid- jiens d'hier ou d'aujourd'hui, privilége partout. Estil vraisemblable qu'une marque d’esclavage soit devenue glorieuse ? qu’un signe d’in- famie se soit transformé en un titre d'honneur ? » Au premier abord, notre proposition paraît déraisonnable, certes. Mais en histoire, comme ailleurs, il faut se défier des apparences. Si les erreurs n'étaient pas spécieuses, eussent-elles réussi à se substituer si souvent au lieu et place de la vérité? — Selon nous, c’est précisé- ment parce que la circoncision a commencé par être une marque désho- norante, qu'elle à fini par devenir une prérogative. Ce ne serait pas le seul exemple d’une institution dont la signification dernière contre- dirait la première ; et ce n’est pas seulement à ce propos que l’on est porté à se demander si la plupart des choses humaines ne sont pas obligées de se transformer en leurs contraires ? C’est aux pratiques usi- tées dans les diverses initiations que nous allons demander l'explication du paradoxe apparent. Rien de plus instructif que l'étude des divers formulaires institués par les compagnonnages et différents corps de métiers ; rien de plus curieux que les divers modes de réception en usage dans les ordres profanes et religieux, dans la chevalerie, dans les guildes du commerce et de l’industrie (1), dans les universités, les sociétés secrètes, la franc- maçonnerie. Au fond de ces cérémonies si variées, on retrouve une même idée, qu'on finit par découvrir sous les déguisements qu’elle as- sume; qu’elle prenne soit un masque bouffon, soit un masque tragique et solennel. La distance est moins grande qu’il ne parait aü premier abord entre tous ces rits, qu'il s'agisse des initiations aux mystères d'Isis, de Déméter, du Belli-Porra, où des farces de mauvais goût, des tribulations grossières que les étudiants et écoliers, charpentiers et tailleurs de pierre, soldats et marins se plaisent à infliger aux «jeunes », aux « Conscrits », aux « renardeaux », aux nouveaux de toute espèce. Il n’est guère de tourments que les tribus plus ou moins primitives n’in- fligent à leurs éphèbes. Tant que ces épreuves ne font que mesurer la force d'endurance des récipiendaires , tant que les souffrances endurées le sont par libre choix, comme c’est notamment le cas chez la plupart (1) Par exemple dans les comptoirs de la Hansa. LA CIRCONCISION. 219 des Peaux-Rouges, le moraliste n’a rien à leur reprocher — tout au con- traire — mais 1] lui est souvent impossible de ne pas les exécrer autant que de ne pas les admirer. Combien de fois elles se compliquent de meurtres, d’atrocités, de choses repoussantes! Faut-il dire qu'en Is- lande le candidat sorcier était obligé de nettoyer avec sa langue un veau que la vache venait de mettre bas? il le léchait de long en large, le pourléchait d'avant en arrière. En une certaine tribu de l'Orénoque, nul n’était admis parmi les guerriers, avant d’avoir été enfermé dans une hutte où il était enfumé de la belle manière; on l’étendait sur un eril sous lequel on allumait bravement le feu, ou bien on le barbouillait de miel pour le faire piquer par les abeilles, les guêpes et les four- mis (1). Le Jeune Caraïbe qui posait sa candidature aux hautes fonc- tions de l'Etat, avait à fournir avant tout un certain nombre de têtes ennemies, coupées par lui-même à ses risques et périls; puis il lui fal- lait, immobile dans son hamac, se faire fumer trois jours de suite. Il aspirait d’atroces infections, supportait la faim, la soif, de terribles fla- gellations, des piqûres d'insectes, et, en dernier lieu, mangeaïit, soit un pied, soit une main d'homme (2). En Californie, l'aspirant aux hon- neurs était fouetté avec des orties brûlantes, jusqu'à ce qu’il tombât, incapable de mouvement. Ses amis le portaient ensuite dans la forêt, où ils recherchaient certaines fourmis d'espèce particulièrement veni- meuse, et sur la fourmilière, qu'ils saccageaient de fond en comble pour exciter les habitants au paroxysme de la fureur, ils déposaient leur compagnon. Les fourmis, entrant dans la bouche, le nez, les veux, les oreilles du misérable, lui infligeaient des douleurs atroces (3). Chez les Quichés, les Mayas et les Aztecs, les futurs chevaliers avaient les joues labourées avec des couteaux; avec des griffes d’aigle ou des on- gles de tigre, on leur déchirait les cartilages du nez pour y insérer des morceaux de jais ou d'obsidienne, qu'il fallait porter une année durant; après quoi on les remplaçait par des pierreries ou des anneaux d’or. Chez les Mayas-Pipilés, un homme était considéré suivant le nom- bre de trous de toute espèce dont on lui avait criblé les membres. Toutes ces pratiques avaient pour but d’aguerrir le jeune homme, de le tremper pour les luttes de la vie; mais trop souvent elles le trempaient dans le crime et la malice; trop souvent ces épreuves cruelles ensei- gnaient la cruauté. Pour faire preuve de virilité, il fallait renier lhuma- nité. Et quand on se trouve en face d'associations telles que celles des Jagas de l'Afrique, des Aroïs de la Polynésie, des Varègues de Joms- (1) BaSrTran, Der Mensch in der Geschichte, TITI, 139. (2) OLDENDORF. (3) Baxcrort, Native Races. 220 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. bourg, des Cosaques Zaporogues, on ne sait trop s’il faut les qualifier du titre d’héroïques phalanges ou d’affreuses bandes d'assassins. XIX. Deux cérémonies, également pratiquées dans les initiations, nous paraissent éclairer la circoneision d'un Jour assez vif: nous vou- lons parler du brisement des dents et de la perforation de la langue. Parmi les nombreux équivalents symboliques du membre viril, la langue, comme nous l'avons déjà remarqué, tient le premier rang; la langue, dont les guerriers Maories coupent tout au moins le bout à l'ennemi abattu. Chez les Mayas, les prêtres se la lardaient d’une quantité de brochettes, les fidèles se la saignaient abondamment et même se la perforaient (1). N'est-ce pas un équivalent manifeste de la Circoncision ? C’est une pratique assez répandue dans le monde, que celle du brise- ment des dents (2). Plusieurs tribus africaines se cassent les dents de différentes manières, chacune ayant son procédé particulier (3). Les nègres du Darfour, de Tabi, de Takhale, nous dit Brehm (4), ont la détestable habitude de se casser les dents du devant. «Les Latoukas, ajoute M. Baker(5), s’arrachent quatre dents de la mâchoire inférieure. » Non contents de circoncire leurs jeunes gens, les Damaras les édentent vers la quinzième année, leur arrachant tantôt deux, tantôt quatre inei- sives, mais se bornant parfois à leur en faire sauter un morceau trian- gulaire (6). Moreshby mentionne cette même coutume parmi les indi- gènes de la Nouvelle-Guinée (7), et Mitchell l'a constatée parmi les sauvages de l'Australie orientale (8). Cette coutume a fort embarrassé les ethnographes, qui en ont démontré surabondamment l’absurdité ; mais sa fréquence n'en devenait que plus singulière. « Le mystère n’est guère éclairei par les traditions locales, » remarque M. Tylor. « Qu'on interroge soit les Pénongs du Birma, soit les Batokas de l’Afrique orientale, etils répondront qu'ils ne veulent pas ressembler aux ani- maux, ou qu'ils tiennent à se distinguer des singes (9), des bœufs et des zèbres (10). » C’est ainsi qu'une coutume est religieusement conservée par des peuplades qui en ont perdu depuis longtemps le sens et l’ex- plication. (1) BancrorT, Native Races, II, 303, 313. (2) Tyror, Early Culture, I, 387. (3) LuBBocx, Man, p. 499. (4) I. 242. (5) Aibert Nyanza. (6) ANDERSON, I, 239. 7) Voy. 94. ) ) ) 9) BasTIAN, Oestl. Asien, I, 1928. ( (8) I, 239. { (10) LIVINGSTONE, Zambezi, I, 532. LA CIRCONCISION. 221 Les chants héroïques des Tatares Nogaïs nous donnent la clé de cette coutume, en remarquant que cette mutilation était une marque ser- vile : devant le palais de Kenbeuk Baïj, à ia porte, se tenaient deux es- claves noirs, auxquels on avait cassé deux dents et rogné une aile du nez (t). Nous apprenons encore que certains Kirguises, qui se flattent d'être meilleurs musulmans que tels autres de leurs compatriotes, cas- sent les dents du taureau ou de la génisse avant de mettre la tête dans la marmite. Mais leurs voisins protestent contre ce procédé avec véhé- mence, par la raison que la reproduction du bétail en souffre (2). Il suffit. Les superstitions dont s’agit sont bien connues. De ces Kir- guises, les uns estiment, avec toute la mythologie indo-germanique, que le système dentaire est en relation directe avec l'organe de la gé- nération — en effet, les incisives du tigre et même les dents de la sou- ris, les redoutables défenses du sanglier et de l'éléphant sont de fré- quents emblèmes de la foudre, et, par suite, de l’acte viril (3). D’autres Kirguises ont conservé la vieille doctrine si répandue, d’après laquelle il n’y aurait de résurrection que pour les corps à l’ossature desquels rien ne manque. D’autres encore avaient préservé la non moins antique croyance qui, pour la même raison, prescrivait de mutiler les morts, de rompre les os à bêtes et gens qu'on tuait pour se préserver des ven- geances posthumes. Le Tatare, qui cassait les incisives à ses esclaves, montrait par là qu'il les avait vaincus de haute lutte, les avait mâtés et domptés. En même temps qu'il les avait mis dans l'impossibilité de nuire, il les avait en- laidis par une marque indélébile et déshonorante. L’arrachement des canines était une flétrissure au même titre que le percement des oreilles, que l’amputation des narines, d’un ou de plusieurs doigts et telles autres mutilations. Aux temps préhistoriques, les chasseurs se paraient avec fierté des dents d'ours ou de chevaux qu'ils avaient abattus. Encore au- Jourd’hui, nos montagnards des Alpes et des Pyrénées aiment à porter sur eux, un peu par fierté, un peu comme amulette, telle ou telle dent qui leur rappelle une ancienne prouesse, etles sauvages portent en col- lier, ou font porter à leur maîtresse les dents des ennemis auxquels ils ont fait mordre la poussière (4). S'il plaît au chasseur de conserver la vie au marcassin ou au serpenteau, il l’apporte au logis, mais au préalable il lui casse les défenses ou les dents à crochet, comme on scie les inci- sives des cagnots qu'on veut rendre inoffensifs, au cas où ils viendraient (1) RanLor, Volkslitteratur der Türkischen Stämme Süd Siberien, II, 227. (2) RapLor, IV, 299. (3) GROHMANN, Apollo Smintheus. (#) Les Jourounas par exemple. 299 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. à tomber enragés. On prend aussi fréquemment la précaution de rogner les défenses des éléphants apprivoisés. À Londres, l'éléphant qui porte l'Asie dans un groupe de l’Albert Monument, à Hyde-Park, a les dé- fenses tronquées, pour signifier sa docilité, et leur bout est orné d'un emblème de fécondité — ce qui rappelle la verge assyrienne à bouton ciselé. — Aux réceptions dans les compagnonnages allemands, c'était naguère une coutume favorite d’arracher, en grande cérémonie, à l'ap- prenti, ce qu'on appelait sa mauvaise dent (4); mais on entendait par là sa « dent de malice » (2). Quoi qu'il en soit de ces analogies de la symbolique primitive entre le système dentaire et l’organe de la reproduction, c’est avant tout parce que la dent est la dent, parce que la mâchoire arrache et écrase, que l’opération du bris ou de l’arrachement des dents a été instituée à titre d’équivalent de la circoneision, et que les deux pratiques alternent l’une avec l'autre, et jouissent dans certaines parties de l'Afrique d'une faveur à peu près égale dans les initiations de l’éphèbe à la virilité. En tant que brute, l'homme accomplit deux fonctions principales : d’abord celles du meurtre et de.la mandüeation, un même acte en deux temps, et ensuite celle de la reproduction. Rien ne Jui plaît tant que de tuer un de ses semblables, sinon que d'en procréer un autre. Le meurtre et la volupté sont ses deux passions maîtresses. C’est pour cela même que toute société a dû commencer par les mâter, a dû leur imposer son es- tampille ; il a fallu que le voluptueux lui apportât en tribut un fragment du membre viril, que les tueurs et mangeurs lui fissent hommage d’une partie de leur mâchoire. Cest ainsi qu’à leurs grossiers débuts l'Etat rudimentaire a démontré à l’individualité naissante combien il lui était supérieur. Les divers formulaires d'initiations peuvent être ramenés à deux types principaux : celui de l’enfantement ou eelui de la capture. Ici la fa- mille, là l'esclavage ; ici une mère douce, compatissante et tendre, là un maître dur, plus souvent sévère que juste. Comme il a été de règle que la famille fût gouvernée par le père, à savoir par le maître, et non point par la mère, le rituel des initiations a été pris presque exclusive- ment dans la symbolique de l'esclavage, et souvent même dans la sym- bolique de l’immolation et du sacrifice. Assimilé à un prisonnier de guerre, où bien à quelque fauve récemment capturé, le néophyte faisait remise volontaire où forcée de sa personne entre les mains de l'asso- (1) Sraxz, Das Deutsche Handwert, Giessen, 1874. (2) « Den boesen Zahn » ; il est intéressant de remarquer qu'en allemand boes vient de beissen, et en anglais bad de bite. De même, en français, la même racine nous donne m”0rs et morsure. LA CIRCONCISION. 223 ciation qui devenait désormais la maîtresse de son corps, de son âme et de sa pensée; il abdiquait en sa faveur toute initiative personnelle ; ilne se reconnaissait plus vis-à-vis d'elle d'autre droit que celui d’obéir, d'autre pouvoir que celui de se soumettre. Pour mieux affirmer ce principe, la corporation se fait volontiers brutale; elle affiche, de pro- pos délibéré, l’arrogance et l’outrecuidance; elle prohibe qu’on entre chez elle autrement que par les portes basses de lhumilation : c'est en rampant, en se prosternant dans la fange qu'il faut lui rendre hom- mage. À l'en croire, ce qu'elle exige n’est point le dévouement, mais l’'obéissance aveugle. Si on ne fait preuve de servilité, on est indigne d'entrer dans le groupe des tyrans. Et de l’acte servile qu'elle impose, elle veut qu'on en conseve le signe en la chair, et qu’on en porte l’indé- lébile marque dans les œuvres vives. —« Ah! tu veuxêtre des nôtres? » crie-t-elle au récipiendaire. « Eh bien, commence par être le nôtre. Approche, qu'on te souffiète ! avance, qu'on te fouette. Viens, que l’on t’arrache une poignée de poils ou de cheveux, qu’on te casse un mor- ceau de mâchoire, qu’on te fende l'oreille, qu’on t'incise les omoplates, que l’on te promène un fer rouge dans le dos ou sur le ventre! » Tout cela n’eût point suffi au maître de Schigemuni, qui lui disait : « O dis- ciple ! de peur que tu n’oublies ma doctrine, nous l'écrirons sur ta peau, avec ton sang pour encre, avec un de tes os pour stylet! (1)» En ré- sumé, la tribu, la caste, les nations, les religions, toutes les corpora- tions semblent avoir réalisé leur idéal dans l’organisation des mame- louks et des janissaires qui se recrutaient parmi les captifs et les esclaves. Elles ne demandent au nouveau venu qu’une seule chose : tout; elles n'exigent de lui qu'un seul sacrifice : celui de sa virilité. XX. Reste toujours à savoir comment la circoncision a pu devenir une prérogative, maintenant que nous avons affirmé, plus fort que ja- mais, qu'elle a pour signification essentielle et permanente de marquer l’accaparement du patient par une collectivité quelconque; reste à indi- quer la raison maîtresse qui a présidé aux transformations de la circon- eision, depuis son origine première qui est l’éviration, disions-nous, l’émasculation, qui en dépouillant un homme de son sexe, le ravale au- dessous des animaux eux-mêmes, en fait un être aussi anormal que le bœuf ou que le mouton; — bref, le met hors la Nature. La servitude, école de vices, enseigne néanmoins certaines vertus. Quand il n’est pas condamné à l’abstinence, l’esclave est obligé, à son grand regret le plus souvent, de pratiquer la tempérance et modéra- üon. Après les premiers égorgements des vaincus, les vainqueurs s’avi- (1) Timrowsky. 224 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. sèrent qu'ils auraient intérêt à épargner la vie de leurs anciens ennemis; qu'en les mutilant et les transformant en bêtes de somme, la vanité y trouverait un surcroît de satisfaction. À ce point de vue. l’éviration du captif ne pouvait que leur plaire. Mais, avec le radoucissement des mœurs et la consolidation progressive des institutions sociales, le tra- vail, et, par suite, les esclaves augmentèrent en valeur. On ne craignit plus de multiplier une population d’ilotes ; il devint plus avantageux de les élever chez soi que de se les procurer par des incursions chez les voisins. Les Boërs de la ci-devant république de Transvaal ‘hâtraient dit-on, leurs bergers nègres, afin de leur éviter les distractions. Il est assez probable que pendant une certaine période les maîtres ne firent plus que des demi-eunuques, ne leur retranchant plus qu’un seul testi- cule, à la façon des Hottentots, décrite par Levaillant et le père Ta- chard (1), lesquels auraient recouru à cette pratique pour modérer l'ar- deur exubérante de leurs sens. Cette même raison sanitaire était alléguée en justification des saignées abondantes que naguère on tenait pour obligatoires en Italie, dans le midi de la France, et surtout én Es- pagne, où chaque printemps l'indispensable saugrador tirait des quan- tités de sang à ses concitoyens, tant dans l'intérêt présumé de la santé publique que dans celui des bonnes mœurs. Tout ce qui affaiblissait l'organe masculin était censé favoriser la pureté, et l’on en arriva à con- fondre la virginité avec la sainteté : doctrine qui remonte plus haut que l’enseignement monastique et date de temps immémorial ; témoin les mots de castigation et de châtiment, de chaste et de châtré, qui ont tous une même racine, celle de couper et de trancher au moyen d’un silex (2), témoin encore le nom de l’animal dont on a fait l'emblème de la chasteté, l’agneau (3). Ce qui ne nous empêche pas de constater en passant que des garçons étaient châtrés, en Chine par exemple, pour des raisons absolument contraires à celles de la chasteté. Les extrêmes se touchent. Sans doute, le circoncis était tenu à observer de nom- breuses restrictions dans l’union que le maître lui permettait avec une compagne d’esclavage. Il n’était époux et père que pour le compte d’un autre, et par permission supérieure. À ce point de vue, la circoncision a pu, à bon droit, être comparée à un lien qui entoure et maîtrise; on a pu l’assimiler tantôt à un collier ou un anneau, tantôt à la ceinture à laquelle les anciens Perses avaient donné une importance religieuse et la signification mystique de continence et de vertu. Ceci nous rap- (1) Picarp, Coutumes et Cérém., IX, c. 9. (2) Ciseau, kiesel, (3) De a-7:%5:, dépourvu de sperme. LA CIRCONCISION. 9295 pelle que les Botocudos (4) et les Patachos du Brésil (2), ainsi que les ha- bitants des Marquises (3), se liaient le prépuce avec un fil ou avec une liane — que les Louhoupas des montagnes du Bengale retiennent leur prépuce avec un anneau d'ivoire — qu'aux Philippines on introduit dans les parties génitales des jeunes garçons certains morceaux d’étain fendus au bout inférieur et rivés, afin de les empêcher de se livrer à la sodomie — qu'une reine du Pégou ordonna, dit-on, que les mâles de son royaume qui s'adonnaient à la pédérastie, introduisissent dans leur bourse un petit globe d’or ou d'argent — et finalement que les indi- gènes de la côte Belize (Honduras) se perçaient les parties, en signe d'hommage à une femme et d'affection constante. Parmi les devoirs qu'on inculquait aux prêtres égyptiens — circoneis, comme on se le rappelle — figuraient en première ligne l’abstinence du vin et la tempérance quant aux plaisirs sexuels. Les prêtres Zapotecs, qui, pour se sanctifier, se tiraient à chaque instant des palettes de sang de toutes les parties du corps, circoncisaient aussi leurs élèves, comme admonition à la chasteté, et même les châtraient sans miséricorde, s'ils surprenaient des signes ou des regards qu'ils pouvaient croire dépourvus de pudeur. C'était aussi pour expier leurs intempérances de paroles, c'était pour tenir leur langue en bride (4) que les prêtres Mayas se la perforaient (5) et la hérissaient de bâtonnets, de même qu'ils s’introduisaient des boucles de métal dans les narines, par analogie avec les buffles, que l’on con- duit par une corde passée à travers les naseaux. Et nonobstant les che- villes qu'ils s’inséraient dans la langue, ils se piquaient de chanter en- core des cantiques en l'honneur de leur dieu Camaxtli. Avec les progrès des mœurs, la demi-castration devait faire place à la circoncision pure et simple, qui dès lors ne fut plus que l'emblème très adouci de la terrible opération primitive, et qui, cessant d’occasionner un préjudice matériel vraiment sérieux, entra dans le monde des idées pour y être sujette aux flux perpétuels, aux va-et-vient incessants. Les circoneis étant tenus de circoncire leurs enfants, la circoncision devint affaire de tribu, de race, de caste. Les gens de caste inférieure étaient sans doute méprisés par les supérieurs, mais entre eux ils se tenaient pour hommes et se respectaient comme tels; dans leur milieu, ils s’ap- pliquaient à reproduire l’image du monde extérieur, qu'ils reconsti- tuaient sur un petit modèle, les divisions inférieures reproduisant les 1) Six uND Marrius, Reise, etc., 481, 1086. 2) Prince de Neuwied. 3) MeInICke, Îl, 248. H)NJob, xxx, lINJacques, ir, 2; 3 ;1elc. 5) BancrorT, IT, 312. T. 111 — N° 3, 1879, 15 { ( ( ( ( 226 REVUE INIERNATIONALE DES SCIENCES. supérieures comme les pieds reproduisent les mains et les racines les branches. 11 y a plus : du moment que l'enfant fut circoncis, la circon- cision fut transformée du tout au tout, car l'enfant, heureuse personni- fication de la grâce et de l'innocence, à le privilége de rendre aimable tout ce qu'il touche; son charmant sourire, vrai rayon de printemps, égaye et illumine tout ce qu'il regarde. Comment la circonctision au- rait-elle pu rester une note d’infamie dès qu’on l’eut appliquée aux enfants ? Il faut dire aussi que l’on ne débuta pas précisément par là. Très cer- tainement la circoncision ne fut pas administrée à l’origine avant l’époque de la puberté. Tant que l'enfant n'avait pas de sève, il n’était pas logique de lui appliquer le symbole de la sexualité subjuguée. Mais la circoncision est une opération douloureuse, d'autant plus dangereuse qu'elle est faite à un âge plus avancé. Elle provoque une fièvre inflammatoire, qui, le plus souvent, couche l'adulte pendant trois semaines et l’accable ; circonstance que les fils de Jacob mirent à profit pous assassiner traîtreusement les habitants de Sichem (1). Afin de res- treindre la durée de la convalescence et afin de diminuer aussi les mau- vais risques, on devait tendre à avancer l'opération. Les anciens Egyp- tiens la pratiquaient à la quatorzième année, comme font encore les nègres Sothos (2) et les Polynésiens de Tonga (3). Les Arabes l’effec- tuaient à treize ans, en l'honneur, disent-ils, de leur ancêtre Ismaël. Ce qui tendrait à prouver que la circoncision se montre chez eux sous uñe forme plus archaïque que chez les Israélites, qui opèrent les enfants à l’âge de huit jours. La logique —si logique il y a en cette affaire — exi- geait que la circoncision se fit à l'époque même de la puberté, mais la physiologie la faisait peu à peu rapprocher de l’époque de la naissance; et, dans la même mesure, elle perdait de sa signification primitive pour se transformer en institution politique et civile. Finalement, elle perdit ce caractère et ne fut plus qu’une cérémonie religieuse. Par contre, la valeur de convention qu’on lui attribuait augmentait en raison même de l'oubli et de l'ignorance qui se faisaient autour de ses origines. C'est à huitou neuf ans que les Javanais sont circoncis (4); mais il faut dire que leurs sens se réveillent assez tôt. À Sotouma, à Taoumako, à Toukapia, la circoncision se fait vers la cinquième année (5); elle se faisait chez les Aztecs au bout du premier mois. Aux îles Fidji (6) et à Madagas- ) ) ) ) Kiexe, Journ. Anthrop. Inst., 1878, 360. ) Mernicke, Il, 55. ) LA CIRCONCISION, 29" car (1), il appartient au roi de déterminer l'époque à laquelle il devait être procédé, en grande pompe et solennité, à la circoncision des en- fants nés depuis quelques années. Nous avons émis l'hypothèse que le circoncis était un esclave que sa malheureuse condition condamnait à une moralité supérieure à celle de ses alentours ; nous avons dit que la circoncision, en devenant syno- nyme de tempérance, cessa d'être un terme d’opptrobre pour devenir plus tard un terme de louange, comme nous én avons d'innombrables exemples dans l'Ancien et le Nouveau Testament, ét dans plusieurs autres littératures relativement modernes. D'un autre côté, on peut prouver que l'esclavage, en se généralisant, s'était adouci, d'autant mieux que le maître et son esclave vivaient d'une même vie très simple, et que l'intelligence de l’un n’était guère plus cultivée que l'intelligence de l’autre. Le serviteur travaillait à coup sûr davantage, et probable- ment mangeait beaucoup moins; ce n’était... pas un déshonneur. Il n y eut d'esclaves débauchés que lorsqu'il y eut des maîtres corrompus. Quand la circoncision fut devenue une habitude invétérée, elle avait de- puis longtemps cessé d'être infamante; sa terrible signification s'était oblitérée, et on lui avait substitué diverses explications mieux en rap- port avec les transformations opérées; explications ingénieuses autant qu'inexactes. Ainsi, sans qu'il soit besoin d’en chercher dés éxerhples, on peut être certain que l'opinion si générale aujourd'hui, d’après laquelle ls Girconcision aurait été inventée pour rendre plus facile l'acte de la génération, a été une des premières mises en avant. La circon- cision supprime en effet le retrait préalable du prépuce, très difficile à quelques-uns ; cela suffit pour qu’en plus d’un pays on ait pu mettre de la vanité à être circoncis. Le cas suivant a pu être aussi d'assez fréquente occurrence ‘une tribu vaincue avait dû accepter la servitude et la eirconcision. Ceux que le mas- sacre avait épargnés, remplissaient les fonctions de bergers et de pus- teurs pour la tribu maîtresse, composée de brigands et de guerriers. Le temps se passe, le temps qui change la contexture des montagnes. Les descendants des anciens pasteurs ont gardé la ecirconcision, ils sont de- venus riches et puissants, tandis que la postérité des anciens maraudéurs est tombée dans la misère. Quoi d'étonnant à ce que, les souvenirs du passé s'étant oblitérés — la mémoire des peuples est rarement bien longue — les circoncis se targuent maintenant de leur blason national et tirent vanité de ce qui avait été la livrée de l'esclavage? Aïnsi, les nez perforés ont été à l’origine un signe d’esclavage, on peut le dire hardi- (1) SIBREE, 931. 228 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. ment, mais bientôt le stigmate devait passer à l’état d'ornement. Le Ca- ripouna de l'Amérique méridionale a le nez percé; mais ce nez percé. il l’a agrémenté de plumes rouges, et maintenant il porte haut la tête; il n’est pas moins fier de ses plumes de perroquet que ne l’est un dindon avec ses caroncules empourprées aux deux côtés du bec. Qu'une tribu se rengorge d’une pratique qui lui avait été jadis im- posée pour l’humilier, et dont elle a oublié la signification première, il n'ya là rien qui doive nous étonner ; mais que dire si, restée esclave, elle fait parade du signe même de son esclavage ? Cette idée nous ré- pugne, mais ce ne serait pas la première fois qu’on aurait vu des es- claves admirer leur chaîne, qu’ils auraient fait briller leurs fers au soleil, et qu'ils se seraient amusés à les faire résonner sur le pavé. L'homme est ainsi fait, paraît-il, il ne peut que s’admirer en sa propre personne, il lui est impossible de ne pas se complaire en lui-même. On dit qu'en Suisse et dans le Tyrol il existe des villages dont les habi- tants, goîtreux de naissance, goîtreux de père en fils, goîtreux à tous les degrés, se moquent de l'étranger « dépourvu de goître » qui passe dans leurs quartiers ; ils se le montrent du doigt, en souriant et en chuchottant. Qu'un individu soit vaniteux de sa propre personne, s’il est esclave, vraiment esclave, il ne manquera pas de bonnes raisons pour s’enorgueillir d’appartenir à un maître si beau garçon, si riche ou si rusé ! C’est un sentiment profondément enraciné dans la nature hu- maine, qu'exprimait Khann Meûken, le Tatar, quand il s’écriait avec une humilité bouffie de vanité : « Oui, je suis un esclave, mais l’esclave de Dieu ! oui, je suis un chien, mais le chien du Tout-Puissant (1)! » « Sans doute, la circoncision nous marque au sceau de l'esclavage, di- raient à leur tour le Juif et le Musulman ; mais pourquoi, mais comment en rougirions-nous, puisque cet esclavage est celui d'Allah, est celui de Jahvé ? » Ajoutons que tout Etat où règne l'esclavage tend au gouvernement absolu, et que dans tout gouvernement absolu le pouvoir tend à tomber en des mains serviles. Pourquoi? Parce que l’esclave approche de plus près que tout autre le maître, source de l'influence et de l’autorité. Ce maître est jaloux, ce maître est l'ennemi secret ou déclaré de tout homme, noble ou non, qui fait des difficultés à courber la tête devant lui. Et au noble qui ne fait que courber la tête, ce maître préférera l’es- clave qui se prosternera. L’esclave a de grands avantages dans la lutte pour l'existence, car mieux que tout homme qui est libre ou se croit libre, il saura s’avilir au besoin. Mieux que tout citoyen, l’esclave rem- (1) RaDLOr, 11, 47. LA CIRCONCISION. 229 plira le rôle d’un esclave; mieux que tout autre, il cajolera le despote quand le despote à tort, et nulle flatterie ne semble plus délicate que celle-là. De la sorte, le plus vil des argousins devient le vizir favori du khalife ; le confident des orgies est consulté en affaires d'Etat par le commandeur des eroyants; on voit l’espion, l’empoisonneur et le bour- reau revêtir le manteau d'hermine du grand maître de la justice, et l’eu- nuque du sérail est promu au généralat en chef des armées de l’empe-- reur d'Orient et d'Occident. En Chine, lisons-nous, les eunuques jouirent longtemps d’une puis- sance exorbitante. Toute l'administration leur avait été confiée par les empereurs, qui, surtout depuis la dynastie des Thang, les avaient substi- tués aux princes féodaux, dont ils redoutaient l'esprit de révolte et d’in- dépendance. Le révérend père Trigant raconte que les parents bien avisés faisaient de leurs fils des eunuques : «Ils les châtrent, dit-il, afin de les faire entrer à la cour. Car d’autres que des eunuques ne sont pas admis aux conseils de l’empereur, lequel ne daigne parler à d’au- tres ; quasiment l'entière administration est entre leurs mains. » Phy- sique ou morale, la castration à toujours été le plus sûr moyen d’ob- tenir la faveur des despotes et des puissants. Etonnez-vous après cela que la circoncision ait eu aussi ses avantages, et que des circoncis aient eu. comme tels, plus de chances de parvenir que l'homme qui avait con- servé son intégrité virile ! XXI. Concluons : c’est parce que la circoncision était un signe de bassesse et d’'humiliation, qu’elle s’est implantée, qu'elle a pris racine et prospéré. Mais, après être devenue un privilège et une prérogative, il est fatal qu'elle vienne à disparaître, comme tous les privilèges de con- vention. La circoncision est entrée certainement en décadence, bien que le nombre des circoncis puisse être supérieur à ce qu'il a jamais été, et nous aimons à supposer qu'il suffira de quelques générations pour qu'elle ait cessé d'exister. Elie Reczus. 230 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. Le rouge de la rétine et ses rapports avec le sens de la vue. La théorie de la vision, émise par le docteur Young vers le commencement du siècle, et reprise plus tard par Helmbholtz, après avoir joui pendant de longues années d’une autorité incontestée, semble enfin sur le point d’être détrônée. Le premier coup lui fut porté par le professeur F. Boll, de l'Université royale de Rome, lorsqu'il annonça que la rétine contenait une couleur rouge qui disparaissait promptement au contact de la lumière. Le rouge de la rétine, selon Boll, se voit parfaitement dans l'œil d’une grenouille (ana temporaria) qu’on a tenue pendant plusieurs heures dans l'obscurité. L'œil est alors éclairé au moyen d’une faible lumière artificielle, coupé en deux parties, la rétine enlevée et placée la face interne en haut au milieu d’une surface blanche. Si alors on l’examine au moyen d’une lumière franche, le rouge purpurin de la membrane devient-très apparent. En dix à douze secondes, cependant, la teinte rosée s’évanouit pour faire place à un brillant jaunâtre et satiné, qui subsiste de trente à soixante se- condes. Ce brillant disparaît également par degrés, et la rétine redevient transparente et incolore. Elle reste ainsi environ un quart d'heure, puis devient blanche et opaque. L'examen microscopique montre que le rouge, de même que la teinte jaunâtre de la deuxième phase, est exclusivement limité aux segments extérieurs des bâtonnets. La blancheur et l'opacité de la dernière phase sont dues à la coagulation des maüères albumineuses contenues dans les autres couches de la rétine. Les particularités offertes par cette membrane se retrouvent chez presque tous les animaux qui possèdent une rétine avec des bâtonnets et des cônes, mais elles subsistent plus longtemps et sont plus faciles à observer chez les Amphibiens et les Poissons cartilagineux, dont la rétine à de grands bâtonnets, que chez les Mammifères et les Poissons osseux, qui ont le plus souvent de petits bâtonnets et de petits cônes. Chez les Mammifères, les changements de couleur sont si rapides, sous l'influence de la lumière, qu’il est difficile de les observer. Chez les Crabes et les Céphalopodes, la couleur est spécialement accentuée et durable. Dans la Grenouille, cependant, le microscope montre que tous les bâtonnets ne sont pas rouges. Un petit nombre d’entre eux sont d’un vert bleuâtre. Le docteur W.-F. Norris et l’auteur ont ensemble répété quelques-unes des expériences de Boll, et celles de certains autres investigateurs, dont 21 sera fait mention plus loin, et ont toujours obtenu, sur la rétine de la Grenouille, les résultats susmentionnés. Par l'examen miscroscopique nous avons découvert que les bâtonnets verts étaient dans une proportion variable d’un pour cinq ou dix des rouges, et que, après que ceux-ci étaient devenus complètement REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 231 incolores, les premiers étaient encore visibles, mais plus lumineux et d’une couleur plus bleuâtre. En somme, les bâtonnets verts augmentaient visible ment de nombre à mesure que les rouges se décoloraient. Schenk et Zuckerkandl ont également observé le rouge de la rétine dans les yeux enlevés aux criminels après l'exécution, et F, Fuchs a affirmé son exis- tence dans les yeux des enfants mort-nés. La couleur de la rétine a été étudiée avec des soins patients, et au prix d'une dépense considérable de matériaux, par Kühne, d'Heidelberg. Ila publié une série de mémoires sur le rouge de læil, et fat probablement le premier qui obtint un optogramme satisfaisant. Il recommande qu'on fasse l'expérience sur un lapin ayant absorbé de l'atropine et du curare, après que la réfraction aura été préalablement déterminée par l'ophthalmoscope. Le sujet de l’image ordinairement choisi élait une fenêtre, avec d’étroites planchettes fixées au cadre et aux traverses, en croix, de manière à intercepter une grande partie de la lumière, tout en permettant de distinguer les objets. L'animal était placé, dans la chambre, en face de la fenêtre et quelque peu au-dessous, à une distance de 1,75. Au bout de dix minutes de cette exposition, il était tué dans une chambre noire, éclairée par la flamme de sodium, et l'œil était extirpé. Le globe oculaire était ouvert et placé dans une solution d'alun au 1/5, afin de rendre la rétine assez dure pour qu'on püt facilement l'enlever. Après un séjour de vingt-quatre heures dans la solution d’alun, l'œil était divisé en deux parties égales, le nerf optique coupé à sa naissance, la rétine détachée dans l’eau et immergée dans une cuvette de porcelaine, de manière que sa face externe füt en dessus. Examinée au jour , l’image était visible à l'œil nu. Deux minutes après la mort de l'animal, l’autre œil fut exposé de manière à re- cevoir l'image de la fenêtre et subit les opérations précédentes. L'image obtenue dans cet œil fut excellente. Cette expérience, renouvelée plusieurs fois par nous, fut uniformément infruc- tueuse. Nous ayons toujours trouvé le rouge de la rétine du Lapin si faible, qu'il nous fut impossible d’apercevoir une seule place qui blanchit à la lumière. Kühne, à la vérité, dit que toute lumière assez forte pour permettre de voir l’'optogramme est assez forte pour le blanchir, et, en conséquence, recom- mande qu'avant de l’examiner on ait soin de sécher la rétine dans un dessicca- teur, au-dessus de l'acide sulfurique, pendant vingt heures. De cette façon la couleur est fixée pour un certain temps. Cela nous a réussi avec la rétine de la Grenouille. Kühne prétend avoir obtenu d'excellents optogrammes en employant les yeux du bœuf, même une heure après la mort. Sur une grenouille vivante, il obtint également une excellente image de la flamme de gaz devant laquelle l'animal avait été tenu deux heures tranquille. Dans aucun de ces cas, si l’on examine la rétine tout de suite et on situ, l’image ne peut y être aperçue; ce n’est qu'après que la rétine a été enlevée de l'œil que l’image devient visible sur la partie postérieure de cette membrane. L'observation qu'il fait, qu'il est inutile d'essayer de prendre des opto- grammes, si l'on ne dispose pas de tout le temps nécessaire à l’opéra- 932 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, tion, est, suivant l'expérience que nous en avons faite, parfaitement sensée. Boll, peu de temps après, publia un mémoire dans lequel il donnait un résumé de tous les faits qui se rattachaïent à sa découverte, et y rapporte qu'il avait placé une grenouille curarisée dans la position indiquée, derrière les volets presque complètement fermés de sa fenêtre, de façon qu'un rayon de soleil le plus faible possible, filtrant au travers, vint frapper l'œil de l’animal. Au bout de dix minutes, l'œil fut enlevé, et la rétine se trouva être divisée en deux par- ties latérales de couleur rouge, séparées par une ligne blanche verticale. Kühne, cependant, pense que l’image n’est pas aussi rapidement prise que semblerait l'indiquer ce résultat. Il répéta l'expérience et constata que, à cause du déplacement apparent du soleil, « un rayon de soleil aussi faible que pos- sible » ne reste pas dix minutes sur l'œil de la Grenouille. Cette difficulté, cependant , il la rencontra en se servant d'un héliostat. Il trouva alors qu'une exposition de vingt minutes au lieu de dix était nécessaire pour produire une ligne perceptible, et que même alors elle n’était pas encore bien nettement formée. D’après nos propres expériences, nous inclinerions à croire purement accidentelle la ligne décrite par Boll. Des raies de cette nature se forment quelquefois, sans aucune cause manifeste, dans les rétines qui ont été exposées à l’action d’un vive lumière. Peut-être la raie de Boll avait-elle été causée par la nécessité absolue d'employer la pince pour extirper la membrane du bulbe. D'une série d'expériences Kühne tira cette conclusion, que la portée visuelle de l'œil de la Grenouille était de 19 à 50 centimètres. La meilleure distance est sans doute de 15 centimètres. Il remarqua aussi que si la rétine est blanchie rapi- dement sous l’action d'une lumière éclatante, les cellules pigmentaires v adhe- rent et obscurcissent l’image. Cela est parfaitement d'accord avec nos propres expériences. C’est pourquoi 1l adopta comme instrument d’épreuve un carreau de verre plan, de 45 centimètres sur 55, sur lequel étaient collées cinq bandes de papier noir, larges de 5 centimètres chacune, de maniére que le carreau en- tier fût divisé en bandes allernativement opaques et transparentes. La gre- nouille, curarisée, fut placée sur un coussin de laine noire soyeuse, ses yeux rendus proéminents au moyen d’une boulette de papier mise dans sa bouche, et, à la distance de 15 centimètres, soumise pendant une heure à l’action de la lumière tempérée que laissait passer le carreau. L'image produite de cette ma- nière couvrait la moitié de la rétine. Nous avons répété cette expérience sur une douzaine d’yeux différents, et nous n'avons obtenu que trois fois un résul- ‘tat satisfaisant. Nous avons trouvé que les meilleurs sujets pour cette expé- rience étaient d'énormes spécimens de la ana pipiens, une de celles que nous avons employées mesurant plus de 13 pouces de longueur. Dans un seul cas les bandes nous apparurent en rouge et en blanc sur la rétine. Dans les deux autres cas, les lignes du pigment adhérent indiquaient la place où les bandes de lu- mière venant de la vitre avaient été concentrées, de sorte que l’image apparaissait renversée, én noir et blanc. Il est probable cependant que cette proportion de résultats satisfaisants peut être considérée comme répondant à nos désirs, car les causes d’insuccès, telles qu'une trop longue ou une trop courte exposition, les variations dans l'intensité de la lumière, la difficulté d’enlever la rétine entière REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 233 sans altération, et les accidents auxquels on peut s'attendre dans la manipula- on d’un objet aussi ténu que Pœil d’une grenouille, sont si nombreux, que Kühne lui-même reconnait que quelquefois il a échoué. Notre meilleure image fut obtenue après une exposition de quarante-cinq minutes seulement, avec le soleil frappant la vitre. Lorsque le verre ne nous transmettait pas la lumière d’un ciel bleu, deux heures étaient nécessaires pour obtenir l’optogramme. Dans un autre mémoire (Zur Photochemie der Netzhaut), Kühne examine l'effet d’autres agents que la lumière sur la couleur de la rétine. La teinte est détruite par une température de 100 degrés C., par l'alcool, par l'acide acétique et par une solution de soude au 1/10. Elle n’est pas affectée par une solution de 5 pour 100 de sel ordinaire, n1 par l’eau fortement ammoniaquée, ni par une solution de 2 pour 100d'acide acéitique, d’alun, de glycérine, d’éther et la des- siccation. Les rayons de lumière répondant à la ligne spectroscopique D n'ont à peu près aucun effet sur la couleur, et il est remarquable, sous ce rapport, que les rétines dont la teinte est la plus accentuée montrent seules une nuance rouge perceptible quand elles sont examinées à la flamme de sodium. La substance colorante peut se séparer de la rétine. Kühne place une vingtaine de rétines , fraichement enlevées d'yeux de grenouilles, dans une solution aqueuse de 4 à 5 grammes pour 100 de bile de bœuf (oxgall) incolore et cristallisée, dans un petit tube, les y laisse séjourner quarante-huit heures, puis filtre. La solution résultant de cette opération est parfaitement claire et d’un rouge-carmin splendide. Exposée à la lumière, elle devient d’abord orange, puis jaune, enfin incolore comme de l’eau. Sous l’action directe du soleil elle blanchit instanta- nément. Sous une lumière diffuse, altération de la couleur varie de rapidité selon l'intensité de la lumière. La couleur disparait visiblement avec plus de lenteur l'après-midi que le matin ou à midi. A cet égard la solution agit comme tous les agents photochimiques. La substance colorante existe probablement à l’état de solution dans la rétine, car si l’on applique une rétine fraiche sur une feuille de verre, et qu’on lexpose à la lumière dans une position verticale, la partie inférieure de la membrane blanchit toujours la dernière ; et si l’on place ainsi un certain nombre de rétines sur une rangée, se touchant l’une l’autre, celle qui est placée le plus bas garde sa couleur plusieurs minutes après que celle d'en haut a perdu la sienne. Selon Boll, la couleur d'une rétine qui a été dans l'obscurité est rouge, cor- respondant au rouge médial du spectre. Il propose le nom d’Zrythropsine pour désigner la matière colorante. CI. Ewald et W. Kühne ont fait un grand nom- bre d'expériences (Untersuchungen über den Sehpurpur) pour déterminer d'une façon précise la nuance de la rétine. Ils ont fait tous leurs efforts, au moyen de la méthode bien connue d'Helmholtz, pour trouver la couleur qui en se combinant avec celle de la rétine produirait le blanc, et ils ont conclu finalement que la couleur complémentaire est le vert pur, cette partie du spectre solaire comprise entre E et B. L'analyse de cette couleur au moyen du spec- troscope ne fut pas trouvée satisfaisante, à cause du rapide changement de 234 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, teinte sous l’action de la lumière. [ls concluent, cependant, que la couleur est pourpre et nomment Æhodopsine la matière colorante. Sous l'influence des rayons violet intense du spectre solaire, la rétine devient fluorescente. Les bâtonnets pourpre apparaissent bleus. Si elle est blanchie, ils semblent verts et encore plus fluorescents. Les couches antérieures de- viennent faiblement bleuâtres. Un optogramme examiné au moyen de ces rayons montre une image verte sur un fond bleu. Ewald et Kühne avancent la possibilité de voir un optogramme x stfu dans l'œil aphakial humain , vivant, à l’aide de l'ophthalmoscope et en employant les rayons violet intense. Quand on se rappelle, cependant, que leur force lumineuse est si faible que, réunis en foyer sur du papier blanc, il -n’est pas possible de les voir, 1l faut reconnaitre qu'un tel examen offrirait quelque difficulté. L'’ophthalmoscope, à la vérité, n’a pas encore rendu complètement distinet le rouge de la rétine dans l'œil vivant. Heilfreich, 1l est vrai, prétend avoir vu la rétine d’un lapin blanchir en huit minutes après la section de la moelle épinière cervicale et avoir alors examiné l’autre œil, qui avait été tenu dans l’ombre, et avoir trouvé la couleur dans son éclat normal. Boll prétend également avoir vu le rouge de la rétine, au moyen de l’ophthal- moscope, dans l'œil du cochon d'Inde, et dit que chez tous les Mammifères la couleur caractéristique peut se découvrir de celte manière jusque douze heures après la mort, et pense que ce fait pourrait servir dans les recherches médico- légales. À son dire trois facteurs concourent à la production du reflet rouge émanant du fond de l'œil inspecté à l’aide de l'ophthalmoscope. Ce sont: 4° FErythrop- sine ; 2° le sang des vaisseaux choroïdaux ; 3° le rouge contenu dans la lu- mière artificielle généralement employée. Le dernier facteur pourrait certaine- ment être éliminé en employant la lumière blanche ou monochromatique. Boll, remarque une grande différence dans la profondeur et l’intensité de la couleur de la rétine humaine, selon qu’elle est examinée après une nuit de som- meil ou sur le tard d’une journée, et base là-dessus une expérience pour la dé- monstration subjective du rouge de la rétine. Il dit que si, au premier moment du réveil du matin, dans une chambre obscure, les yeux sont exposés pour un instant à la lumière vive du soleil et aussitôt refermés, toute l’étendue visuelle apparait d’un rouge vif, entrecoupée d’un réseau capillaire de lignes affectant la forme d’une toile d’araignée et marqué de la macula lutea, d’une nuance ferrugineuse. Tout cela actuellement s’altère, mais on peut le vérifier plu- sieurs fois avant que la couleur arrive à être trop faible pour qu'on la dis- tingue. . Dietl et Plenk, cependant, nient la possibilité d’apercevoir le rouge de la ré- tine avec l'ophthalmoscope. Ils disent que rien de la sorte ne se trouve dans la grenouille, et cette observation est pleinement confirmée par nos propres expériences. Nous avons trouvé l’image de la flamme projetée sur la rétine d'un blanc grisètre et, sauf dans les vaisseaux sanguins, nous n'avons aperçu aucune trace visible de couleur. Cependant, la même membrane, enlevée de l'œil, offre toujours à profusion la teinte en question. Kübhne s’efforce d’expli- REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 235 quer cela en montrant que les fluides couleur de laque ne peuvent être distingués du noir s'ils sont exposés dans un fond obscur. Il dit qu'une goutte de sang colorée en laque et posée sur une feuille de papier blanc, ne peut être distinguée d'une goutte d'encre placée à côté d'elle. Pourtant, Boll prétend que le rouge peut être aperçu in situ dans l'œil de la grenouille en vidant les média réfractifs et en examinant la rétine obliquement avec l’ophthalmoscope. Gela ne concorde point avec nos propres observations, car la seule coloration que nous ayons pu obtenir de cette manière existait dans les points où, la couche pigmentaire ayant été accidentellement déta- chée, la lumière filtrait de dehors à travers la sclérotique et la rétine. La couche pigmentaire est tellement dense dans l’œil de la grenouille, qu’elle rend absolument opaques les parties qu’elle recouvre. Dietl et Plenk prirent un lapin qui avait été tenu dans l'obscurité, lui bandèrent les yeux et lui injectèrent du lait dans une carotide, tandis qu'ils saignaient l’autre. L’ophthalmoscope montre alors la rétine d'un blanc pur. Ils réinjectèrent alors du sang jusqu'à ce que, les veines choroïdales remplies, le fond de l'œil fût devenu rouge. Quinze minutes après, la rétine, examinée sur une feuille de verre plane, fut trouvée d’un rouge pâle. Coccius prit l'œil extirpé d’un bœuf qui avait été tenu une heure dans l'obscurité avant la mort, avec une pointe traça plusieurs lignes derrière la cornée et intro- duisit une sonde. Là où cette sonde toucha la rétine, l’ophthalmoscope montra un cercle de rouge tout à l’entour. Si un petit ph contractait la rétine, une raie de rouge apparaissait, laquelle s’évanouit lorsque la rétine redevint unie. Si la rétine était légèrement tournée circulairement, le pourpre appa- raissait en abondance. Une épreuve faite selon la même méthode sur un lapin vivant eut un résultat analogue. Dans ce dernier cas, la rétine se déchirant, le sang en effusion obscurcit le fond de l'œil sauf à une place, où la couleur particulière était clairement visible. L'auteur a fait un certain nombre d'expériences sur des êtres humains en préservant un œil de la lumière pen- dant plusieurs heures au moyen d’un bandeau, et laissent libre l'autre œil du même individu. Des examens ophthalmoscopiques subséquents ne laissèrent voir aucune différence de teinte entre les deux rétines. Boll et Kühne ont tous deux recherché l'effet de la lumière monochromatique sur la couleur de la rétine. Le premier trouva que la lumière rouge donnait de prime abord de l'intensité à la nuance et ne le laissait s’altérer que très lentement. Sans l’action de cette illumination, le microscope montrait les bâtonnets verts de la rétine de la grenouille augmentant d'éclat. La lumière jaune n’affecait les bâtonnets rouges et verts que très lentement. La lumière verte agissait promptement sur les bâtonnets rouges, mais faisait croître d’une manière sensible le nombre des verts. Les rayons bleus et violets agissaient de la même façon que les verts. Sous leur influence le nombre des bâtonnets verts était évidemment doublé, et ils restaient pour quelque temps entièrement visibles après que les rouges étaient devenus incolores. Les rayons verts et violets n’a- vaient aucun effet sur la couleur des bätonnnets. Kühne observa également que les bâtonnets vert de gazon existant dans la 236 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. rétine de la grenouille ne blanchissaient pas, exposés à la lumière verte. Il plaça sur un écrin un nombre de rétines de grenouilles suffisant pour couvrir le spectre solaire entier, et les exposa simultanément à son influence. La décolo- ration commença par un jaune verdâtre, et passa successivement du vert Jau- nâtre au vert, du vert au vert bleuâtre, du vert bleuûtre au bleu verdâtre, puis au bleu, à lindigo, au violet; plus tard, au jaune et à l'orange purs ; plus tard encore, au violet intense et enfin au rouge. Les rétines de lapins blanchissaient rapidement sous l'influence de la partie du spectre solaire comprise entre les raies D et E. Il trouva que la rétine hu- maine passait du bleu au violet en douze minutes, au vert en vingt-cinq mi- nutes, tandis que le rouge persistait huit heures. Ewald et Kühne, par la suite, répétèrent les expériences sur les rétines de grenouilles, et obtinrent des résultats variant très peu du précédent. Ils concluent , cependant, que la décoloration commence à la ligne E du spectre, et passe par le vert et le bleu pour arriver au violet, commence alors au jaune, passe par l'orange, le rouge, le violet intense et le rouge intense. Sous l’action des rayons verts, cependant, quoique le pourpre de la rétine se change rapide- ment en jaune, la complète décomposition a lieu ensuite plus lentement. Sous action des rayons violets, au contraire, le passage à la couleur jaune s’accom- plit très lentement ; mais le jaune, une fois formé, passe promptement au blanc. De sorte que l’on peut encore voir des traces de jaune sous l’action des rayons verts, quand toute coloration a disparu sous celle des rayons violets. Ils en inférèrent que la lumière visible agit sur le rouge de la rétine avec une intensité variable, selon la couleur des rayons, et que les rayons qui changent le plus promptement le pourpre de la rétine en jaune agissent plus lentement sur cette dernière couleur, tandis que celles des ondulations qui n’ont que peu d'effet sur le pourpre agissent plus promptement, en changeant le jaune de la rétine en blanc. La régénération du rouge de la rétine n’est pas due à la circulation du sang dans les vaisseaux. Kühne établit que si l'œil d’une grenouille est extrait, ouvert et exposé à la lumière, la couleur se trouve reproduite pendant un temps déter- miné, aussi bien que si l'œil était à sa place dans le corps vivant. Si la moitié postérieure de cet œil esttordue de manière à plisser la rétine, et que la lumière frappe dessus, la rétine, après son extraction de l'œil, se trouvera être blanche à l'endroit des plis, mais rouge quant aux autres parties. Si une grenouille est exposée plusieurs heures au soleil, et que ses yeux soient alors enlevés, les ré- tines se trouveront alors complètement privées de couleur ; mais si un de ces yeux est placé dans l'obscurité pendant une heure, puis alors examiné, il aura repris sa couleur. Si la rétine est soigneusement isolée de l’un des côtés de la portion postérieure de l'œil d’une grenouille, et qu'une mince écaille de porce- laine soit intercalée de façon à ce que la membrane ne soit pas en contact avec les parties placées dessous, enfin que le tout soit ainsi exposé à la lumière, la partie soulevée est bien vite décolorée. Si la lamelle de porcelaine est alors enlevée, la rétine remise en place, et l’œil placé quelques minutes dans l’obscu- rité, la membrane reprend sa couleur. Une portion de la rétine peut même être REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 23% retranchée et laissée sur une assiette pour se décolorer ; si on la replace dans l'œil soigneusement et dans la position qu’elle occupait, la couleur lui est bientôt rendue. Ewald et Kühne ont fait plusieurs recherches dans ce sens, et ont établi que, si la rétine, dépourvue de cellules pigmentaires, est tenue à la lumière jusqu'à la décolorationetensuite replacée dans l'obscurité, elle recouvrera sa couleur en une heure ou à peu près. Gette expérience peut être plusieurs fois répétée avec la même rétine. Si cependant elle est supprimée dans un œil vivant, la couleur ne peut être rappelée de cette manière. Si la rétine est enlevée de l'œil avec ses cellules pigmentaires non détachées, la régénération du rouge est encore plus prononcée ; mais dans aucun de ces cas elle n’est aussi complète que quand la rétine est renversée dans l'œil. Nous avons vérifié en grande partie, sinon tous, ces résultats en employant la rétine de la grenouille (Rana temporartia). Ewald et Kühne établissent que la solution du rouge de rétine dans la bile de bœuf, citée plus haut, possède également le pouvoir de régénérer sa couleur dans lobs- curité, et ils attribuent cette faculté à une substance qu'ils supposent être sécrétée par les cellules pigmentaires, et qu'ils nomment Æhodophylline. Les cellules pigmentaires macérées dans une solution de bile rendent une teinte pourpre d’une intensité remarquable. Boll considère les petits globules jaunes trouvés comme les alimentateurs des réservoirs du rouge de la rétine. Quand les grenouilles sonttenues dans l'obscurité, tous les globules sont colorés d’une manière égale. Mais si une grenouille est exposée à la lumière du soleil jusqu'à ce que la rétine se soit décolorée, et est tenue alors une heure dans l'obscurité, une grande partie des globules se trouvent être pâles et un certain nombre com- plètement incolores. Le fait que les cellules pigmentaires élaborent le rouge de la rétine est éga- lement établi par des considérations anatomiques. Il est bien connu que ces cellules envoient de rninces prolongements filamenteux dans les interstices des bâtonnets et des cônes, et que ces prolongements semblent être contractles et, quant à leur longueur, dépendre de la somme de lumière qu'ils reçoivent. Boll a démontré que la rétine peut être plus aisément séparée de la couche pigmentaire dans les yeux qui ont été tenus à l’obscurité ou à la lumière verte ou bleue, Quand des yeux de la première catégorie ont été durcis dans l'alcool, le microscope montre que les interstices des bâtonnets sont dépourvus de pig- ment ; tandis que la dernière catégorie soumise aux mêmes opérations montre des cordons de pigment s'étendant de la base des bâtonnets à la membrane limitante externe. À l'égard de la structure des bätonnets et des cônes, Boll prétend que les segments externes sont réellement composés de plaques très-minces, des- quelles les plaques décrites par Schultze E (00005 d'épaisseur) sont pure- ment et simplement des groupes en contenant un nombre plus ou moins grand. Les plaques réelles sont indiquées par de légères lignes transversales sur les batonnets frais ; visibles seulementau moyen d’un objectif à immersion et un éclairage suffisant. La fracture est toujours déterminée par ces lignes formant angle droit avec l’axe des bâtonnets. 238 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Kühne n'eut pas plutôt pris ce prétüier optogramme , qu'il procéda à Pédifi- cation d’une théorie de la vision basée sur ses propres observations. Il pense que les ondulations de la lumière produisent sur la rétine une action chimique, au moyen du pourpre qui donne naissance à différents produits pour chaque couleur. Ces produits, naturellement, affecteraient, chacun d’une manière différente, les filaments nerveux terminaux. Il croit que, outre le pourpre, il peut y avoir dans la rétine d’autres substances photochimiques. | Même avant que le rouge de la rétine fût découvert, Hering avait appelé l'attention du monde savant sur quelques faits qui semblaient indiquer l'exis- tence d’une substance de ce genre. Le premier de ces faits est ce phénomène qu'il appela l'énduction lumineuse successive et qui consiste dans la formation spontanée d'une auréole de lumière autour de l'image négative d’un objet éclairé. On aperçoit un autre effet, lorsque la ligne de séparation, entre une surface blanche et une surface noire, est examinée attentivemetit. Tout d’abord les deux couleurs apparaissent intenses (contraste simultané), mais bientôt cet effet disparaît et chacune participe de la couleur de l’autre (iaduction simul- tanée). De ces faits il infère que l’action de la lumière n’est pas limitée aux éléments de la rétine directement soumis à ses rayons. De là il fut amerié à former une théorie physico-chimique de la visioh, comine la seule probable, et à supposer que la rétine contient trois différents éléments pholochimiques, qu'il décida d'appeler la substance blanche-noire, la jaune-bleue, et la rouge- verte. Il pensa que tous les effets de lumière et d'ombre et de couleur pou- vaient être produits par l'assimilation ou la désassimilation de ces trois éléments. Il ajoute une certaine force à ces assertions én faisant la remarque que la théorie jusqu'ici admise de la fatigue de la rétine est renversée par celte considération que l’image négative d’un objet clair suf un fond obscur, pro- duite dans les yeux fermés, n’atteint jamais la noirceur de l’image négative du même objet produite sur une étendue éclairée. Mais quoique ces théories soient évidemment dans la bonne voie, il est quel- ques faits qui autorisent à croire que ce qui a déjà été écrit n'est pas suffisam- ment exact pour nous guider dans la ligne de conduite que nous devons suivre si nous voulons pénétrer le mystère de la vision. Beaucoup d'oiseaux, le poulet et le pigeon par exemple, n'ont point de couleur dans la rétine. De petits globes rouges existent dans les cônes de la partie centrale, et des jaunes dans ceux des parties périphériques de leurs rétines; mais quoique nous ayons exposé ces rétines une heure ou davantage à l’action directe du soleil, la nuance des globules ne subit aucun changement appréciable. Les rétines des serpents et des lézards consistent entièrement en cônes et ne contiennent point de rouge. Kühne fut incapable de trouver aucun pourpre dans l’homme au niveau de la j0- vea centralis où macula lutea, et sur 2 millimètres autour de cette dermière la couleur était très faible, Le rouge disparaît en avant à 3 ou 4 millimètres derrière l’ora serrata. Tout au plus les bâtonnets seuls sont colorés, les cônes sont incolores. Des grenouilles dont la rétine a été décolorée sous l’action du soleil , attrapent des mouches aussi bien qu'auparavant. Dans ces grenouilles la rétine ne reprend REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES, 239 pas sa couleur pendant treize minutes au moins, mais si pendant ce temps une mouche vient à bourdonner auprès d'elles et se pose à leur portée, elle est im- médiatement happée. Coccius a remarqué que les lapins dont la rétine est décolorée voient parfaitement. L'auteur a la témérité d'avancer que, peut-être, après tout, le rouge de la rétine n’est que l'excès de la substance photochimique qui, dans les intervalles de l’activité de la vision, semmagasine dans les bâtonnets pour la dépense fu- ture. Quand la vue est constamment exercée, on ne découvre aucune couleur. IL est probable que les seules parties des bâtonnets et des cônes capables d’une lumière appréciable, sont les extrémités en contact avec les cellules pig- mentaires, où le rouge de la rétine est élaboré. Les bouts plats et larges des bâtonnets ne seraient susceptibles que de larges impressions, comparés aux sommets étroits des cônes. Ces derniers nous offrent une précision de détail absolument comme le compas nous offre, pour mesurer une distance, une bien plus grande exactitude que les doigts. Dans les parties excentriques de nos ré- tines, où les bâtonnets doivent surpasser en nombre les cônes, nous n’obtenons que des impressions générales des objets. Mais pour obtenir une perception exacte des détails, nous sommes obligés de concentrer les rayons sur les extré- mités rassemblées des cônes de la fovea centralis. Les calculs de Volkman ont montré que la plus petite image de rétine qu'on puisse apercevoir, säns tenir compte des cercles de dispersion, et de 000 2” de diamètre : tandis que, selon Schultze, les extrémités des cônes de la fovea sont de 4 y. (0 000 48") chacun séparément. Derrière cette région de l'organe de la vision, les cellules pigmentaires sont plus abondantes qu’en toute autre partie de la rétine, et cela constitue une ample et constante réserve de la substance vi- suelle photochimique précisément là où elle est le plus nécessaire, à la partie de la rétine qui fonctionne le plus: On pourrait expliquer pourquoi le rouge serait absorbé par les bâtonnets et non par les cônes, par la largeur des surfaces absorbantes que les premiers présentent aux cellules pigmentaires, tandis que les cônes présentent un fais- ceau de pointes aiguës bien plus propres à repousser qu'à attirer. Il n'est, après tout, pas si certain qu'il n'y a pas de rouge de rétine dans la macula lutea, car Schmidt-Rimpler rapporta, il y à près de deux ans, que, dans des yeux humains parfaitement frais, enlevés du corps soit immédiate- ment après la mort, soit durant la vie, il avait trouvé la maculu lutea d'un brun rougeâtre sombre, Cette tache de couleur diminue graduellement la nuance Jjaunâtre bien connue, la remplaçant. La teinte jaune forme d’abord une zone entourant la tache brun-rougeàtre décroissante, et empiète sur l’espace occupé par cette dernière à mesure qu’elle se contracte, de sorte que la dernière trace de rouge se voit au centre de la fovea. Cette couleur rouge de la macula ne dépend pas des vaisseaux choroïdaux qui la traversent, car la rétine n’est pas plus mince là qu'ailleurs, au contraire, selon Schultze, elle y est plus épaisse. En outre, la couleur s'étend avec la rétine quand elle enveloppe la choroïde. Mèmes les cas exceptionnels des oiseaux et des reptiles, qui n’ont pas de rouge dans la rétine, deviennent moins exception- 240 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. nels à la faveur des investigations de Capranica. Il trouva que ces globules, qui sont de nuances variées, depuis le rubis, passant par l'orange et le jaune, Jusqu'à l’incoloration, offrent trois réactions caractéristiques : 1° l'acide sulfu- rique les fait tourner au violet sombre, se changeant en bleu sombre ; 2 l'acide mitrique les fait passer au bleu verdâtre, et devenir bientôt incolores; 3° dans une solution d’iode au 1/4 ils deviennent d’un vert éclatant, et passent au bleu verdâtre. Les globules colorés qui se trouvent dans la couche pigmentaire de la rétine de la grenouille subissent les mêmes effets, de la part de ces réactifs. Cela conduit Capranica à supposer que la seule différence qui existe entre ces globules provient de divers degrés de concentration de la matière colorante. Tous les globules sont solubles dans les alcools éthylique, amylique et méthy- lique, dans l’éther, le chloroforme, la benzine et le sulfure de carbone. Ces solutions sont jaunes, sauf la dernière, qui est rouge. Le spectroscope produit une bande d'absorption dans la ligne F et une autre entre Fet G. La lumière a plus ou moins d’effet pour décolorer les solutions. Maintenant, toutes ces épreuves sont, quant au résultat, semblables à celles sur lesquelles on compte pour distinguer la substance que Hoppe-Seyler et Thudi- cum ont décrite sous le nom de lutéine, et que l'on trouve dans le jaune des œufs, dans les corps jaunes des ovaires, dans le sérum du sang, etc. Elle parait avoir une certaine parenté avec l’£rythropsine de Boll, et porte à croire que, même avant que l'œil soit créé, la substance dont dépend la vision existe déjà. MESSE Sur les mouvements des Oscillaires et des Diatomées, Par Th.-W. ENGELMANN. Parmi les hypothèses qu'on a émises jusqu’à ce jour pour expliquer les mouvements de glissement et de reptation si bizarres des Oscillaires et des Diatomées, celle défendue par Max Schultze est, sans aucun doute, la seule qui soit bien fondée. D’après elle, ces déplacements sont dus à des mouve- ments du protoplasma contractile, qui s'étend à la surface des enveloppes solides des cellules. Les faits sur lesquels Schultze base principalement son hypothèse en pre- mier lieu pour les Diatomées, sont les suivants : Les Diatomées ne se meuvent en avant que lorsqu'elles ont un appui ferme. Elles ne nagent jamais librement dans l’eau (ce qui détruit la supposition que les mouvements pourraient être produits par les vibrations ou par des cou- rants osmotiques). Elles doivent, pour se mouvoir, être couchées sur l’un des Raphés. En général, le mouvement se fait toujours dans la direction des Raphés, aussi bien en avant qu’en arrière ; souvent le mouvement alterne a des mo- ments très rapprochés, ou bien s'arrête pour quelques instants. Des corps (1) In Amerie, Journ, of the Medie, Se,, 1878. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 241 étrangers (par exemple des grains de matières colorantes ajoutées à l’eau : de l'indigo) s’attachent facilement à la surface de la Diatomée, lorsqu'ils rencon- trent une des sutures, et sont maintenus dans un mouvement de va-et-vient le long de la suture, ainsi que G.-Th. von Siebold l’a décrit le premier dans son mémoire célèbre sur les plantes et les animaux unicellulaires, et ainsi que Schultze l’a confirmé. Ces deux faits n’ont pas lieu lorsque les grains touchent un autre endroit de la Diatomée. Le mouvement des grains adhérents le long de la suture se fait aussi bien lorsque la Diatomée rampe que pendant qu'elle se tient immobile. Ce mouvement peut commencer à tout endroit de la suture, il peut partout changer de. direction, ou s'arrêter un moment. Lorsque la Diatomée est im- mobile, l’agglomération des grains glisse ordinairement jusqu'à une des ex- trémités, s’y arrête un moment, puis continue sa marche dans la direction inverse, en passant par-dessus l’ombilic jusqu'à l'extrémité opposée, d'où elle revient après un arrêt plus ou moins long, et ainsi de suite. Lorsque la Dia- tomée rampe par la suture sur le porte-objet, des grains, qui rencontrent la suture supérieure, sont entrainés soit dans la même direction dans laquelle la Diatomée se meut, mais plus vivement, soit dans la direction opposée, ou bien encore ils restent quelques moments immobiles sur la suture. Le volume et apparemment aussi le poids des grains entrainés sont beaucoup plus grands que ceux de la Diatomée elle-même. Lorsque celle-ci se débarrasse de son far- deau, elle le traine encore un instant derrière elle, lors même qu'il n’existe plus de cohésion constatable avec la valve silicée. Enfin, elle se détache comme par un effort. Sur la face intérieure de la valve se trouve du protoplasma con- tractile, dans lequel se voit un courant de granulations bien connu. Pour les Oscillaires, Schultze renvoie aux observations de von Siebold, d’après lesquelles il est très probable que dans ces organismes il y a un mouvement de protoplasma extérieur. Von Siebold dit : «Il est très intéressant d'étudier Îles mouvements rotatoires des Oscillaires dans de l’eau colorée par de lindigo. Tous les grains d'indigo qui viennent en contact avec les filaments d’Oscil- laires, sont poussés dans une spirale assez étroite le long du filament jusqu'à son extrémité, que les filaments soient eux-mêmes en mouvement, où qu'ils soient immobiles. « Je fus aussi frappé de voir que ce mouvement de glissement en spirale de l'indigo se faisait quelquefois des deux extrémités vers le milieu, où la matière colorante s’agglutinait alors en boulettes, ou que le mouvement avait lieu au contraire du milieu d'un filament vers les extrémités. De plus, il doit se faire à la surface des Oscillaires une sécrétion abondante de matière gélati- neuse, puisque les particules d'indigo restent agglutinées assez longtemps. » Schultze confirme ces observations, saut en ce qu'elles paraissent attribuer une importance particulière à la partie médiane du filament dans le change- ment de direction du mouvement. Il ajoute que des grains d’indigo, après avoir été entraînés pendant quelques temps, s’agglutinaient en une espèce de tube, d’où les filaments peuvent sortir, et dans lequelils peuvent aussi rentrer. L'analogie avec ce qu'on a observé chez les Diatomées est encore aug- T, IT. — N°03, 1879. 16 249 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. mentée par le fait constaté depuis par F. Cohn, que les Oscillaires ne peuvent pas non plus se déplacer, si elles n’ont pas un appui ferme. Cohn dit : Si l’on sépare les filaments d'Oscillaires en remuant le verre d'eau dans lequel ils se trouvent, ils s’attachent tous au fond, et s’entrelacent en peu de temps, de manière à former une espèce de membrane tomenteusé, qui recouvre tout le fond du vase, puis monte aussi le long des parois, s’y attachant étroitement jusqu'à ce qu’elle parvienne à la surface de l’eau en formant pour ainsi dire un sac cylindrique. S'il y a, dans l’eau, des corps solides, des pierres, des plantes aquatiques, etc., la couche d’Oscillaires les recouvre aussi. La même chose a lieu lorsque de petits fragments de cette couche sont entrainés jusqu’à la surface de l’eau par des bulles de gaz; on voit alors bientôt que des fila- ments s'étendent de tous les côtés et s’entrelacent en une mince pellicule, se servant de la surface de l’eau comme point d'appui. Mais jamais on ne trouve des Oscillaires nageant librement dans l’eau, comme le font toutes les zoospores, et jamais elles ne se rendent d’un point à un autre, si elles ne peuvent y parvenir en se fixant sur des corps solides. Ordinairement les Oscillaires se servent de leurs propres filaments comme points d'appui, de sorte que l’un glisse par-dessus l’autre, ou que deux filaments s’enroulent en spirale l’un autour de l’autre comme le font les Spirilles. Cohn confirme aussi les observations de von Siebold, en général. Pour les Diatomées, il trouve, dans la structure de la valve, une preuve à l'appui de l'opinion de Schultze qu'une couche de protoplasma sort à travers l'enveloppe de la cellule ; mais, d’après lui, cette hypothèse n’est nullement probable chez les Oscillaires, les membranes cellulaires paraissant entièrement fermées et étant de plus enve- loppées d’une gaine résistante (1). Malgré ses recherches expresses, aidées des meilleurs microscopes, Cohn a réussi aussi peu que M. Schultze à trouver chez les Diatomées, pas plus que chez les Oscillaires, une trace du protoplasma que Schultze suppose étendu sur l'enveloppe solide de la cellule. Les observations suivantes fournissent la preuve qui faisait défaut jusqu'à présent. Il est, en effet, possible de rendre visible le protoplasma que Schultze supposait seulement et justement chez les Oscillaires. Plusieurs fois déjà j'avais observé les phénomènes décrits par von Siebold, Schultze et Cohn, et, comme eux, je m'étais efforcé en vain de trouver une trace de ce prétendu organe moteur extérieur, émis par le protoplasma. Une Oscillaire particulièrement grande et mobile, que je rencontrai l'été der- nier, me donna occasion de recommencer ces recherches. Elle se rapprochait beaucoup de l’espèce décrite et dessinée par Kützing sous le nom d’Oscillaria dubria. Les plus gros exemplaires avaient environ gr",016 de diamètre, et les cellules avaient une longueur moyenne d'environ 07,003. (1) Soit dit en passant, ce dernier détail ne peut guère affaiblir l'hypothèse de Schultze. Car lorsque les filaments sont encure enveloppés d’une gaine particulière, ils se meuvent à l’intérieur de celle-ci, plus lentement, il est vrai, que lorsqu'ils sont libres, et avec une vi- tesse très variable, assurément à cause de la plus grande résistance de frottement. Les gaines elles-mêmes restent immobiles. (Voyez C, Næcerr, Beitræge zur wiss. Botanik.) REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 243 En supposant que l'hypothèse de Schultze fût bien fondée, la non-réussite des expériences faites jusqu'alors pouvait tenir à deux circonstances : le proto- plasma pouvait être étendu en une couche trop mince pour être vue, ou bien sa réfrangibihité pouvait être trop voisine de celle de l’eau. Les deux causes existaient mème probablement. On pouvait admettre que la couche protoplas- mique supposée devait être mince, parce que des corps étrangers n’y restent attachés ct ne s’y meuvent que lorsqu'ils paraissent venir en contact direct avec les membranes cellulaires. Cependant j'avais cru déjà plusieurs fois voir un intervalle clair à peine mesurable entre un grain d’indigo en mouvement et la membrane. Je me servis de deux moyens pour obtenir une certitude plus grande. D'abord je donnai à l’eau une couleur rouge vif par une solution d’éosine inoffensive, espérant qu'il se montrerait à la surface des Oscillaires une zone incolore ; car le protoplasma vivant n’absorbe pas plus l’éosine que d’autres matières colorantes. Ces expériences ne me donnèrent pas de résultat positif. Ensuile j'essayai de rendre le protoplasma visible en le faisant coaguler, D'après des expériences antérieures, faites particulièrement sur des cellules végétales, je savais qu’un des moyens les plus sûrs et les plus faciles était de forts chocs d'induction. Dès qu'on en a appliqué quelques-uns, le proto- plasma des cellules de Vallisneria spiralis, qui était à peine discernable, ap- parait avec un contour net, obscur, et par-c1 par-là granuleux. Ce moyen ne manqua pas son effet sur les Oscillaires. Dès que j'eus télamisé pendant quelques secondes de grands exemplaires, à l’aide de forts chocs d’induction, il apparut à leur surface une ligne très fine, mais cependant très marquée et même granuleuse par endroits, à laquelle de petits corps étrangers, par exemple des particules d’indigo, adhéraient ici et là. Nulle part elle ne s’éloi- gnait de.plus de Ow",0008 du contour latéral des membranes cellulaires ; en général, elle était parallèle à ce contour, mais cependant pas rigoureuse- ment ; par endroits, elle se confondait avec lui ; dans d’autres, elle était nulle, mais le plus souvent on pouvait la suivre sur une longueur de 02,03 à 0% 05 et plus, sans interruption. Il n’était pas rare de voir cette ligne sur les deux côtés opposés d’un même filament. En ajoutant avec précaution une faible solution de potasse, la zone décrite se détacha un peu de la membrane cellulaire, pàlit et disparut enfin complète- ment. Elle disparut de même peu à peu après l’adjonction d'acide chlorhy- drique étendu et aussi par une solution à 40 pour 100 de sel de cuisine. Cette mince couche était distinctement colorée par l’éosine et par le piero- carminate, mais pas aussi fortement que le corps de la cellule. Elle pâlissait rapidement par le lavage dans l’eau, tandis que les cellules restaient colorées plus longtemps. En ajoutant subitement à l’eau contenant les Oscillaires une forte solution d'acide nitrique, je parvins aussi à faire apparaître en plusieurs endroits de la surface des plus gros filaments d'Oscillaires une couche granuleuse par en- droits et soluble dans la potasse, J'obtins des résultats moins nets en tuant les Oscillaires par une température de 60 degrés et plus. 244 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Il me semble qu'après ces résultats positifs on ne peut douter que la couche observée ne soit du protoplasma, et que nous n’ayons ainsi fourni une preuve directe de l'explication de Schultze. On parviendra probablement aussi à rendre visible le protoplasma extérieur chez d’autres Oscillaires et chez les grandes Diatomées. Chez celles-ci les con- ditions de l'observation sont, il est vrai, souvent défavorables à cause de la forme des cellules et dela situation de la suture. Il est très possible que des expériences ultérieures démontrent que les appendices en forme de cils, à peu près immo- biles, et se colorant en jaune par l’iode (qu’on a observés chez plusieurs Oscil- laires, tels que Osc. viridis, Phormidium vulqare), sont des parties du proto- plasma extérieur. Il ne me paraît pas non plus impossible que les mouvements des filaments d'Oscillaires, particulièrement les mouvements vermiculaires si frappants, quelquefois péristaltiques, que Cohn a décrits dans le Beggratoa mirabilis, pro- viennent de contractions de la couche extérieure du protoplasma, contrac- tions localisées et péristaltiques. Tous les phénomènes peuvent être expli- qués par des contractions, en supposant que l'énergie du raccourcissement du protoplasma suffise à vaincre dans une certaine mesure la résistance de l’élasticité des membranes cellulaires. Cette supposition est absolument jus- tifiée. Car, premièrement, l'élasticité des membranes cellulaires est très faible chez les Oscillaires, qui offrent des courbes marquées ; et dont les filaments sont mous, très flexibles. Cohn a cru voir que les membranes cellulaires étaient un peu ramollies dans les cas où il voyait courir comme des ondes de contractions péristaltiques sur les filaments. En second lieu, la force qui peut être déve- loppée dans les mouvements des Oscillaires et des Diatomées, est véritablement assez importante ; un filament de protoplasma, ayant un diamètre trop petit pour être mesuré (tel qu'il s’en étend extérieurement le long de la suture d’une Navicule), peut, en effet, facilement et vivement faire mouvoir, soulever même, une masse dépassant des milliers de fois son poids propre et ayant beaucoup plus que le poids spécifique de l’eau. Les données de M. Schultze, à cet égard, ne sont nullement exagérées et l’on peut facilement constater des faits sem- blables chez les Oscillaires. Les mouvements de déplacements hélicoïdes des Spirilles et des Vibrions, qui sont souvent confondus avec les phénomènes dont il est question 1e, doivent en être absolument séparés. Ceux-là sont exécutés rapidement et presque ex- clusivement par des individus qui nagent librement dans l’eau. Leur vitesse absolue est souvent aussi beaucoup plus grande qu'on n’en connaît dans un cas quelconque pour le mouvement du protoplasma. Ils sont sans aucun doute produits, comme ceux des Bactéries, par des cils ou des flagellams. Dans quelques espèces on a déjà pu observer ces cils. Au surplus, on ne connait pas d’autre source pour des manifestations pareilles de force dans le monde orga- nique, et celle-ci suffit complètement à expliquer tous les faits. Th.-W. ENGELMANN (1). (1) In Botan. Zéit., 24 janvier 1879, REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 245 Sur la préparation et la conservation des organismes inférieurs, Par Raphaël BLANCHARD, Préparateur du cours de physiologie à la Sorbonne. L'avant-dernier numéro de la Revue contient un long article de Koch, con- sacré à la description du procédé auquel cet auteur a eu recours pour étudier, conserver et photographier les Bactéries. Il ya plus de deux ans déjà, alors que je travaillais sous la direction de M. G. Pouchet, j'ai eu l’occasion d'étudier aussi quelque peu les Bactéries et de les conserver en préparations persistantes. Pour cela, je n'ai point eu recours, comme Koch, à la dessiccation, qui, dans quelque ordre de recherches que ce soit, constitue toujours un mauvais procédé; mais je me suis servi d'un réactif, que maintenant on emploie journellement dans tous les laboratoires et que Koch ne semble pourtant pas avoir mis en usage : Je veux parler de l'acide osmique. Ge réactif m'ayant fourni d'excellents résultats, je crois être utile à ceux qui se livrent à l'étude des organismes inférieurs, en fai- sant connaitre son mode d'emploi. Du reste, les quelques indications que je compte donner ici sont connues de tous les histologistes, et ont été déjà en partie exposées par plusieurs, spécialement par M. G. Pouchet (1). Au bout de quelques heures, ou de deux jours au plus, la surface d’une eau dans laquelle on fait macérer une substance organisée (végétaux, tissus ani- maux, etc.), se recouvre d’une légère membrane : ce fait est bien connu. La mince pellicule qui s’est ainsi formée se compose d’un amas plus ou moins compacte de Bactéries enveloppées d’une substance hyaline, transparente et d’une très-faible consistance : la membrane est donc d’une grande fragilité et se déchire au moindre mouvement ou au moindre souffle venant rider la sur- face de l’eau. On peut cependant isoler, sur une lame de verre, un assez grand fragment de cette membrame, si on à soin d'introduire délicatement le porte- objet dans les couches supérieures du liquide, immédiatement au-dessous de la membrane, et de ne relever qu'avec précaution. Si alors, à l’eau dans laquelle est encore plongé ce fragment de membrane sur la lame de verre, on ajoute délicatement avec une pipette une ou deux gouttes d’une solution d'acide os- mique concentrée ou même de la solution ordinaire à 4 pour 100, la substance fondamentale homogène acquiert aussitôt une bien plus grande consistance et on peut alors recouvrir d’une lamelle la préparation sans crainte de la dé- chirer. Puis, à l'acide osmique on substitue une solution de violet de méthyl- aniline, en plaçant une goutte de cette solution le long d'un bord du couvre- objet et en aspirant l'acide osmique à l'acide d’une feuille de papier à cigarettes placée au bord opposé. Au bout d’une demi-heure, la préparation est suffisam- ment colorée : les Bactéries ont pris une belle teinte violette, la substance fon- damentale est demeurée incolore; si l’imprégnation a duré plus longtemps, les Bactéries présentent une coloration violette encore plus intense et la sub- (1) Journal de l'Anatomie et de la Physiologie, 1876. 246 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, stance fondamentale présente une teinte violacée. On peut alors remplacer le violet de méthylaniline par la glycérine, qui ne décolore point la préparation, comme le dit Koch, si on a soin de l’additionner d’une quantité relativement faible de violet de méthylaniline. On peut encore, avec avantage, conserver les préparations dans une solution concentrée de sulfate de calcium. Ma collection renferme des préparations faites de cette manière en octobre 1876, et qui sont encore aujourd hui d’une remarquable netteté; leur coloration est encore aussi vive que le premier jour. Le violet de méthylaniline n’est pas la seule couleur de la série de l’aniline à laquelle on puisse avoir recours pour colorer les Bactéries ; mais c’est celle à laquelle nous donnons la préférence ; il nous semble, en effet, qu’elle est plus fixe que toutes ses congénères et, d'autre part, elle se recommande à cause de sa teinte agréable. On peut encore employer avec avantage une solution d'hématoxyline faite d’après la formule classique. Quand une « membrane prolifère » (F.-A. Pou- chet) a été traitée par l'acide osmique concentré, puis lavée avec soin, on l'abandonne pendant vingt-quatre heures sous une cloche humide, dans un verre de montre contenant quelques gouttes d’hématoxyline. Dans ces condi- tions, il se forme à la surface du liquide une pellicule 1risée, qui nuit beaucoup à la netteté de la préparation, mais on s’en débarrasse facilement par des la- vages successifs. La membrane est alors montée dans la glycérine additionnée ou non d’hématoxyline, ou dans une solution concentrée de chlorure de calcium: elle présente une belle teinte violette qu’elle peut conserver indéfiniment. Si on a affaire à des Bactéries non plus englobées dans une membrane pro- ligère, maisse mouvant librement dans un liquide, le procédé à employer pour en obtenir des préparations persistantes sera exactement le même : fixation par quelques gouttes d'acide osmique concentré, coloration par lhématoxyline, le violet de méthylaniline, la purpurine ou toute autre matière colorante, etc. Il importe toutefois de faire remarquer que les deux matières colorantes nom- mées en premier lieu donnent les préparations les plus belles. Nous voulions simplement donner ie quelques détails que nous eussions voulu trouver dans l'article de Koch et destinés à compléter cet article. Mais il ne sera pas hors de propos d'indiquer encore la manière de préparer les Infusoires ou, d’une manière plus générale, des organismes inférieurs quel- conques. C'est encore l'acide osmique qui nous servira. Mais alors 1l sera avantageux d'en employer une solution forte ou même concentrée, qui fixe et tue Instanta- nément les animaleules. Un groupe de Vorticelles est de la sorte fixé dans sa forme naturelle : parmi les Vorticelles qui le composent, les unes sont à l’état de complète extension, les autres sont plus ou moins rétractées, les autres enfin sont complètement rétractées. Si au contraire on avait fait usage d’une solution osmique trop faible, les animalcules, aux premières atteintes du réactif, eussent pu encore s'affaisser sur leur pédicule et tous auraient péri dans cette position désavantageuse pour l'étude. Les Amibes, les Rhizopodes, etc., traités par l'acide osmique concentré, REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES, 247 n'ont pas le temps de rétracter les prolongements protoplasmiques qu'ils ont poussés de toutes parts ; ils meurent étalés sur la lame de verre et conservent dès lors indéfiniment l'aspect même qu’ils présentaient pendant la vie. Les Infusoires cihés ne perdent point leurs cils : sauf une légère teinte noi- râtre, ils n’ont aucunement été modifiés par le réactif. Des Opalines trouvées dans l'intestin d'un Triton ponctué et traitées de cette façon, il y a plus d’un an, alors que je travaillais à Bonn dans le laboratoire de M. le professeur Leydig, ont conservé jusqu'à ce jour les cils si délicats qui hérissent toute la surface de leur corps. Il importe de ne pas prolonger le contact de l'acide osmique et des animaux sur lesquels on exerce son action : faute d’avoir pris cette précaution, on ob- tient des préparations trop foncées et qui noircissent encore avec le temps. Après avoir fixé les animalcules, on recouvre la préparation d’une lamelle et on peut substituer au liquide qui les renferme quelques gouttes de picrocar- minate d'ammoniaque ou d'hématoxyline. Le picrocarminate ne colorait pas sensiblement les Bactéries : 1l colore, au contraire, avec une grande netteté, les formations nucléaires que renferme le corps des Infusoires. Puis, sa coloration achevée, on fait pénétrer de la glycérine sous le couvre-objet et la préparation est alors persistante. Dans l’étude des végétaux inférieurs à protoplasma nu, des Myxomycètes par exemple, l’action de l’acide osmique, suivie d’une coloration par le picrocarmi- nate ou l’hématoxyline, donne également des préparations bien nettes et bien démonstratives. Sous l'influence du réactif, les courants qui se produisent sans cesse dans le protoplasma des Myxomycètes sont instantanément suspendus et, au bout de peu d’instants, le protoplasma est devenu assez dur pour qu'il soit possible d’en faire des coupes. Nous pourrions multiplier beaucoup ces exemples et montrer que, à quelque ordre qu’on l’applique parmi les animaux placés aux derniers degrés de la série, le procédé de l'acide osmique, combiné ou non avec celui de la coloration au carmin ou à l’hématoxyline, donne toujours d'excellents résultats, Pourtant il est certains cas exceptionnels dans lesquels l'acide osmique n’a pas d'action directe sur les animaux. Un Nématode, par exemple l’Anguillula aceti, peut vivre fort longtemps dans un liquide tenant en dissolution une forte proportion d’acide osmique. Si on à affaire à une femelle, les œufs que renferment ses organes génitaux se dé- veloppent impunément, les embryons éclosent, se nourrissent aux dépens de leur mère, et bientôt 1l ne reste plus du corps de celle-ci que l'enveloppe cuticu- laire : c’est cette cuticule qui constitue pour l'acide osmique une barrière in- franchissable. Quand les jeunes Anguillules l’ont percée pour devenir libres, elles nagent à leur tour dans la solution osmique sans paraître subir l'at- teinte de l'acide; pourtant elles meurent en général au bout de quelques jours. Un exemple du même genre nous est fourni par des larves de Diptere, bien connues des pêcheurs, qui s'en servent pour amorcer leur lignes, les larves du Chironomus plumosus Linné. Si cet animal peut vivre plusieurs jours dans une 248 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. eau très fortement osmiée, 1l le doit encore à ce que sa cuticule ne se laisse pas traverser par l'acide osmique. En laissant de côté ces exceptions, on voit donc, en résumé, que l'acide os- mique constitue un réactif précieux pour les recherches zoologiques pratiquées chez les animaux inférieurs. Ge réactif présente l'immense avantage de ne dé- former en aucune façon les animaux qui ont subi son action; il conserve en outre les cils vibratiles ou autres productions délicates de ce genre, qui tom- bent inévitablement si on a recours à tout autre procédé de préparation. R. BEANCHARD. De l'influence du repos et du mouvement sur la vie, Par le docteur Alexis HonwaAïTH (1). Cette communication contient les résultats des recherches auxquelles M. Hor- wath s’est livré pendant les années 1875 et 1876 « pour démontrer l'existence d'une loi nouvelle et nécessaire à la vie ». On savait déjà que la vie n’est pas possible en dehors des quatre conditions suivantes : chaleur, lumière, oxygène et certaines matières nutritives dont les organismes différents, animaux ou vé- gétaux, font usage dans des proportions variées. Mais lorsqu'on observe la nature un peu plus attentivement, on constate qu'à côté de ces quatre condi- tions, il en est une autre dont l'influence a été jusqu'ici tellement cachée, qu'on n'avait pu démontrer ni sa présence ni sa nécessité. Lorsqu'on eut reconnu que la multiplication des Bactéries dans les organes de l’homme et des animaux peut amener des maladies et même la mort, 1l sembla naturel que, pour étudier les changements produits par les Bactéries, il suffirait de les introduire directement dans le sang des animaux. Mais à la grande surprise des observateurs, on constata alors que les Bactéries introduites directement dans le sang des artères, au lieu de s’y multiplier et d’y produire des maladies, n’amenaient aucun changement notable. Ces Bactéries dispa- raissaient même à un tel point, qu'on ne pouvait plus les retrouver dans le sang des vaisseaux dans lesquels elles avaient été introduites en grande quantité. L'auteur observait en mème temps dans ses dissections que les Bac- téries ont leur siège surtout dans les vaisseaux lymphatiques et jamais dans les artères volumineuses. Voyant, par hasard, dans un voyage, un ruisseau à cours rapide, dans lequel il n'existait ni plante ni animal, quoique toutes les conditions semblassent favo- rables à la vie, l’auteur fut vivement frappé de ce fait et, en adoptant le prin- cipe « que pour le développement des êtres vivants et pour l'augmentation des éléments qui constituent ces êtres, un certain repos était nécessaire, il lui sembla qu’on pourrait expliquer beaucoup de phénomènes jusqu'ici obscurs. » M. Horwath employa dans ses recherches les Bactéries, à cause de la rapidité (1) In Arch, de Pfüg., XNII, Heft I-U. REVUE DES LIVRES. 249 de leur mulüplication et parce que la possibilité de les blesser est réduite au minimum, à cause de leur petit calibre et de leur élasticité. Laissant de côté une description détaillée de ses expériences, nous nous bornerons à en signaler les résultats. L'auteur a pu constater qu'un mouve- ment continu de vingt-quatre heures empêche la multiplication des Bactéries et que cette multiplication cesse tout à fait après un mouvement prolongé au- delà de ce temps, tandis que des Bactéries laissées dans un repos absolu, toutes les conditions extérieures étant d’ailleurs les mêmes, s'étaient beaucoup multiphées, et le liquide dans lequel elles étaient placées était troublé. L’exa- men microscopique révélait, dans ce liquide troublé, de grandes quantités de Bactéries appartenant au Bacterium termo et au Bacillus de Cohn. Il restera à déterminer l'intensité et le mode de mouvement par lesquels le développement des différents êtres est influencé. En terminant, M. Horwath signale un phénomène naturel remarquable dé- montrant que le repos semble nécessaire à la multiplication des êtres vivants. Toutes les mers et les rivières dont les eaux sont sans cesseen mouvement offrent beaucoup moins de plantes et d'animaux que les eaux stagnantes, quoiqu'elles paraissent offrir toutes les conditions nécessaires au développement des êtres vivants. D' Ana Dans. REVUE DES LIVRES. Dialogue entre À et B sur la Survivance et l’Animisme (1), Par André LEFÈVRE. A. (Il éternue). B. Dieu vous bénisse ! A. Bon! en trois mots toute une théorie. B. Dans cette banalité qui se répète involontairement de père en fils? A. Précisément. C'est ce que Tylor appelle une suwrvivance. B. J'ai lu son livre ; 1l est touffu. A. Nos voisins d'outre-Rhin et d'outre-Manche excellent à colliger des faits, bien plus qu’à les ordonner. Infatigables, ils ne craignent point d’être fatigants. Cependant Tylor, jugez des autres, est un des plus méthodiques. Pour peu qu'on s'attache à ses idées maitresses, on les trouve claires et profondes, justes et hardies. La réserve britannique dont l’auteur aime à les envelopper, n’en atténue pas la portée. Elles ne vont pas à moins que l'émancipation totale de l'esprit humain. Tylor hésite à toucher le but, mais il le montre à qui veut l'atteindre. (1) Voyez TyLor, La Civilisation primitive, traduit sur la deuxième édition anglaise, par Mme P. Brunet et M. Edm. BARBIER, 2 vol. gr. in-80, 1876-1878, Reinwald. 250 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, B. Marchons donc. Mais, comme dit Virgile : C’est le printemps, l’année en sa fleur resplendit, L'arbre ouvre ses bourgeons, tout germe et reverdit; Nous pourrions nous asseoir sur cette herbe nouvelle. et là, philosopher sur l’éternuement.…. À. Considéré au point de vue religieux? Le sujet nous mènera, poète, plus loin que vous ne pensez. B. À merveille! Mais, si j'entends bien cette survivance, une des « idées maitresses », n'est-ce pas ? de Tylor, c’est le synonyme exact de superstition. A. La superstition est la persistance d’une conception fausse. Mais lorsque la croyance s’est évanouie et qu'il n’en reste que l’enveloppe vide, la phrase toute faite, l'usage routinier, n’en sont pas moins les vestiges certains d’un état intellectuel qui a caractérisé une période antérieure de l’évolution. Toute superstition est une survivance ; toute swrvivance n’est pas nécessairement une superstition, c’est un trait inconscient d’atavisme moral: Acceptons done le terme plus général proposé par Tylor. B. Savez-vous bien que, pour n'être pas pris en flagrant délit de survivance, il faut veiller de près sur ses paroles et ses gestes ! Si toutes nos habitudes de l'esprit et du corps nous viennent de nos pères, rien qu’à les analyser, on resti- tuerait avec toutes ses phases le développement de l'humanité, tout comme vous esquissez, d’après les périodes de la vie utérine, la succession des formes vivantes, depuis l'amibe jusqu'au mammifère. A. C’est ce que fait Tylor. Dans les proverbes et les dictons, dans les jeux des enfants, il cherche et il trouve souvent les traces d'anciennes idées et d’usaces oubliés. Quand vous en appelez au hasard pour trancher une affaire, quand, par exemple, vous tirez à la courte paille ou que vous jouez à pile ou face, vous revenez à l’époque où la sagesse du Sort était article de foi. Quand vous déclarez providentiel un personnage ou un évènement, vous faites allu- sion à ces âges où l’on admettait l'intervention capricieuse des dieux dans les choses de la nature. Quand vous doutez, vous êtes du temps où le geste devait suppléer la parole absente ou imparfaite. Comptez-vous sur vos doigts, vous rappelez le sauvage dont la courte mémoire, pour dépasser trois ou cinq, avait besoin d’un signe extérieur. (Il éternue). B. Vous vous rappelez vous-même à la question. Il s’agit de retrouver le temps, le régime social et intellectuel où « Dieu vous bénisse!» et les excla- mations analogues n'étaient pas des formules vaines. A Ce qui frappe tout d’abord, c’est l’universalité d’un tel usage. Tous les peuples le possèdent sans se l’être emprunté. Aryas et Sémites, Celtes, Ger- mains et Latins, anciens et modernes, sauvages et civilisés sont égaux devant ce dogme de la civilité puérile et honnête. Si une oreille de Denys recueillait l'écho des éternuements qui ont résonné ou résonnent encore dans toutes les régions de la terre, elle serait ébranlée par un formidable concert polyglotte de Félicuta! Gott hill Waes haell Salvel Z côsov! etce., etc. Quand les Espagnols abordèrent à la Floride, un Cacique éternua, et ses compagnons REVUE DES LIVRES. 251 d'ineliner la tête, d'étendre les bras, criant : « Le Soleil soit avec toi! Le Soleil te protège! » «Ne voyez-vous pas, dit le gouverneur à ses hommes, que le monde est partout le même? » Eh bien ! ce qui n’est plus que survivance machinale a été superstition. Pour peu qu'on remonte dans le passé, ou qu’on s’écarte des pays civilisés, on s'aperçoit bien vite que l’éternuement, et son confrère le bâällement, étaient des présages, heureux ou néfastes, des signes de quelque intervention démo- niaque ou divine. Aristote en fait la remarque. L'Odyssée signale un éter- nuement de Télémaque ; Xénophon, dans la Retraite des dix mille, se réjouit de l’éternuement d’un soldat. Plutarque enseigne à interpréter les éternue- ments, Chez les Celtes, quiconque éternuait risquait d’être enlevé par les fées, si une invocation ne conjurait à temps leur malice. B. Mais enfin, comme dit Pline : Cwr sternutamentis salutamus? Pourquoi saluons-nous les éternuements ? A. La superstition a été une conception raisonnée. Les pratiques des sorciers et des exorcistes, non moins que les saintes Ecritures ou les traditions des Zulus ou des Polynésiens, font voir que l’éternuement est l’acte de présence d’un esprit, bon ou mauvais, prêt à sortir du corps ou à y entrer. B C’est donc pour cela que la civilité nous commande encore de mettre la main devant la bouche. À. Rien de plus urgent, en effet, pour intercepter le démon ou retenir le dieu. Un proverbe juif dit : N'ouvre pas la bouche à Satan ! Josèphe à connu un certain Eléazar qui extirpait le démon par les narines. C’est ainsi que Jésus soutira ces légions de mauvais anges, aussitôt aspirées par deux mille cochons. Au moins, certains sectaires chrétiens, les Messaliens, passaient-ils leur temps à cracher et à se moucher pour expulser les démons. Aujourd'hui encore les Cafres éternuent volontiers, soit pour se défaire des esprits mau- vais, soit pour livrer passage aux bons esprits. B. Mais la bouche et les narines ne sont point les seules issues... A. Eh bien, que faites-vous donc du dieu Crepitus ? Les Latns ne l'avaient pas oublié, eux qui lui demandaient des oracles. Le temple a péri, mais le dieu survit à bien d’autres. B. Encore une survivance ! Où la religion allait-elle se nicher ? A. Dans tous les phénomènes que la curiosité igñorante se hâtait de rap- porter à des causes imaginaires. Elle se contentait de peu. A tout propos l’en- fant demande pourquoi ; mais la moindre réponse suffit à son esprit mobile. B. Cependant, à mesure que l'expérience décomposait les phénomènes, les illusions primitives devaient s’effacer. A. Elles l’auraient dû, mais elles s'en sont bien gardées. B. Au moins se sont-elles réfugiées dans les bas-fonds de la tenace igno- rance. Sans doute, on ne le sait que trop, les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de l'humanité croient encore aux follets, aux loups-garous, aux sorts, aux voix mystérieuses. Mais les gens imstruits ne songent guère aux esprits de l’éter- nuement et du... crepitus, depuis que la chimie les a réduits en gaz. A. Et les esprits-frappeurs, les esprits-écrivains ? L'Inspiration n'est-elle 252 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. pas, le mot le dit, un souffle qui descend en nous ? « L'esprit souffle où 1l veut », s’écrie le grand mystique des Contemplations. Le fait est que, loin d’écarter les fictions périmées, superflues, la raison les conserva comme un patrimoine saint. Eût-elle prétendu renoncer à l'héritage, que l'éducation, la langue usuelle, le respect des ancêtres, l'intérêt des faiseurs de pluie, l’y auraient en- chainée. Qu’a-t-elle fait du fardeau qu'elle traine ? Elle l’a allégé en l’accom- modant de son mieux aux conceptions nouvelles de l’univers. Depuis des mil- liers d’ans elle s’ingénie sur ce vieux fonds chimérique. B. Eh ! quoi, tout le travail de la pensée. A. N'a cessé d’être entravé, souvent faussé par la survivance d’un vice, véri- table péché originel, celui-là! que Tylor nomme l’anmisme, et que, pour ma part, tout bien considéré, je préférerais appeler l'anthropomorphisme. B. Le mot est long. A. Que trop; mais il renferme tant de choses. Au reste, je l’abrégerais vo- lontiers en anthropisme. B. Pourtant, animisme rend bien compte de cette tendance à animer les choses. Oui, mais anthropisme rend compte de l’animisme lui-même. Pourquoi l’homme a-t-il successivement doué de vie et de personnes les produits des règnes végétal et minéral, les diverses régions de la terre et du ciel, les grands aspects et les puissances cachées de la nature, finalement les catégories de phénomènes, les facultés humaines et les termes abstraits ? Parce qu'il Auma- nise tout naturellement les objets avec lesquels il se trouve en rapport : par suite, tous les rapports qu’il a observés, de ce point de vue, entre les objets et lui, et dont le langage a fixé, retenu pour des siècles, l'inexacte interpré- tation. Qu’entendez-vous par cet humaniser ? A. J'entends : prêter des intentions, des volontés, des formes ou des qualités humaines à tout être, réel ou imaginaire, exerçant une influence quelconque sur les actions de l'homme ; quoi qu'il en soit, animisme ou anthropisme, voilà le germe, trop fécond, de toute religion et de toute métaphysique. L'homme s’est extravasé dans les détails et l’ensemble de l'univers; tout lui a été miroir, 1! s’est vu partout ; partout il a vu des amis et des ennemis, mais, sous tous les déguisements, des semblables. B. Maintenant, comment Tylor explique-t-il cette manie personnifiante, qui vous émeut si fort la bile, et que vous condamnez en bloc, sans tenir compte, il me semble, de toutes les grandes et belles choses que, chemin fai- sant, elle a soit enfantées, soit nourries et ennoblies? A. Je sens la pointe. Les «optimistes de l’évolution » me traitent volontiers de pamphlétaire. Je laisse à leur large impartialité, à leur prétendu sens his- torique, l'éloge senti de Brahma, de Jahvé ou d’Allah, le panégyrique des jésuites et de l'Eglise. Parce que le passé est l’irréparable, je ne me crois pas tenu de l’adorer rétrospectivement. Je constate, sans récriminations vaines, mais aussi j'apprécie; et c’est le moyen, tout en admirant le beau là où on le rencontre, de prémunir les modernes contre les retours offensifs du mal an- REVUE DES LIVRES. 253 tique, invétéré, qui s’obstine à empoisonner la source de la pensée, l’ensei- gnement, le laïque aussi bien que le clérical. Revenons à Tylor. Lorsqu'une averse vous surprend, qu'une pierre entre dans votre enaussure, qu'un abcès vous torture l’oreille ou une dent la mâchoire, quel est votre pre- mier mouvement? « Chien de caillou! maudite pluie ! exécrable fièvre! os stupide ! » Pur anthropisme, mon cher. Vous prêtez à ces objets gènants l’in- tention de vous nuire; vous les traitez en homme, et comme des hommes. Le plus infime sauvage n'a pas fait, ne fait pas autrement. S'il porte un coup, il sait qu'il l'a voulu ; en reçoit-il, le choc, d’où qu'il vienne, implique volonté. Voilà l’anthropisme pris sur le fait. Herbert Spencer nie que l’homme ait pu confondre l’inanimé avec animé. Mais que peut la négation contre le fait ? Au reste, la confusion était facile, Il y à d’autres vivants que l’homme. La manifestation de la vie est, par excel- lence, le mouvement. Pour une réflexion courte, quelle différence notable entre l'animal qui s’élance pour mordre, et la foudre qui vole ou la branche agitée par le vent, la pierre qui tombe, l’eau qui jaillit et court ? Quant aux êtres immobiles, c’est qu'ils ne veulent bouger. Qui nous garantit qu'ils ne vont pas changer de place ? Enfin le langage qui, dans son état le plus ancien, fut assurément la forme adéquate de la pensée, atteste, de la façon la plus naïve et la plus tenace, la confusion originelle entre l'animé et l'inanimé. Le verbe ne distingue pas, n'a Jamais distingué, l’action attribuée aux choses, del'action animale ou humaine, dirigée par la volonté. « Il marche, » «il court, » se dit du fleuve ou du nuage, aussi bien que du cheval ou de l’homme. Le soleil « se lève, se meut, se cou- che.» Par métaphore, disons-nous aujourd’hui. Mais la métaphore incon- sciente aboutit précisément à la personnification ; et c’est là l'office du verbe ; il fait de son sujet, quel qu'il soit, une personne. Une remarque si simple et si peu contestable devait échapper à Spencer ; on connaît la haine bizarre dont il poursuit la linguistique. Mais je m'étonne que Tylor, exempt d’un tel pré- jugé, n'ait pas utilisé un fait si probant, si intimement lié à sa théorie. Il est vrai qu'il ne tient pas à recueillir les vestiges d'un état antérieur à l’animisme proprement dit, à la conception des esprits. B. Mais ces ésprits, je ne les vois pas paraître. Par quel dédoublement, que je ne puis comprendre, tout ce peuple idéal s'est-il détaché du monde réel, pour s'interposer, prestigieux brouillard, entre la science et l’univers ? À. Je crois entendre Faust évoquer les puissances de l’air. Allons, paraissez donc, fantômes du sommeil, pères des esprits et des âmes, des dieux et des types, des catégories et des universaux | Le chasseur antique à regagné sa caverne ou sa hutte; il a dévoré sa proie mal grillée sur des charbons ardents. La réplétion achève l’œuvre de la lassi- tude. L'homme tombe accablé dans un fiévreux sommeil, et voici qu'une vie nouvelle commence pour lui; il part, il poursuit la bête qu'il à tout à l'heure mangée, 1l s'égare en des pays inconnus, parmi des forêts sauvages, sous des rocs menaçants, dans un réseau de lacs et de torrents qui se re- forment à mesure qu'il les franchit; ses compagnons l’appellent ; il entrevoit 254 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. des villages de femmes lascives ; les ennemis qu'il à vaincus, les amis qu'il a vus mourir, son vieux père auquel il a pieusement coupé la tête, une foule * bigarrée l’assiége, lui sourit, le menace et l’entraine dans une danse effrayante. Au réveil, il cherche autour de lui ses hôtes nocturnes, il croit les voir s’effacer dans la brume du matin; et il raconte son voyage, ses rencontres, dont il garde un souvenir si net, qu'il ne peut distinguer le rêve de la réalité On lui dit, on lui prouve qu'il n’a pas quitté sa couche, qu'il est resté étendu sur les peaux de mammouth et d’auroch depuis la tombée de la nuit jusqu’au lever du jour. Que penser ? Qu'il a en lui un autre lui-même, un double capricieux qui le quitte pour un temps, dont les absences coincident avec l’évanouis- sement du corps, avec la syncope, avec le sommeil, avec cette forme du som- meil qu'on nomme /a mort. Comment douter? Ce double, qui est lui-même, et qui a cependant une personnalité distincte, a vu des morts de dix et de vingt ans courir dans les campagnes, et cependant leur dépouille repose dans la terre, à un endroit qu'il connait, sous un las de pierres et de branchages. Tous les êtres ont ainsi leur double, sorte d'image allégée et subtile qui se montre la nuit surtout, sans être tout à fait invisible pendant le jour. Car qu'est-ce que l'ombre qui accompagne tous les corps et loutes les formes des choses ? C'est le contour même de l'esprit. Qu'est-ce que l'écho? La voix d’un esprit caché. Et la rumeur des vents, le sifflement de la bise ou le fracas de l'ouragan ? Autant de signes qui attestent le passage d’esprits innombrables, esprits des rochers, des eaux, des bois, de la flamme, des morts enfin, qui échangent leurs demeures, obsèdent les vivants ou les protégent et, souffles eux-mêmes, car ils vivent, entrent avec le souffle dans la poitrine des hommes. Tout bruit dont la cause n’est pas directement perçue se transforme en oracle; toute idée fixe, toute maladie, en possession. Alors commence le règne des illuminés et des charlatans, de ceux qui savent évoquer, chasser, apaiser les esprits, et qui trafiquent de leur pouvoir. « Les esprits sont vivants, disent les bons apôtres; ils ont donc besoin de nourriture : il faut leur en offrir par notre entremise, Déposez des aliments dans-les tombes, versez des hbations sur les sépultures. » Et voilà le culte inventé. En attendant que les fantômes reviennent habiter soit leurs corps endormis, soit leurs descendants (palingénésie, métlempsycose), il faut pourvoir à leur nouvelle existence, leur envoyer les objets qui leur ont appartenu et ceux qu'ils pourraient désirer, des armes, des vases, des serviteurs, des chevaux et des femmes, égorgés aux funérailles où aux anniversaires. Ce qui plait aux esprits des morts ne peut qu’agréer aux esprits des pierres, des arbres, des ruisseaux, des météores et des astres. On doit à tous les mêmes offrandes et les mêmes sacrifices. Les anciens hommes ont cru fermement, et nous ne sommes pas si loin d'eux, que les esprits vivaient dans les espaces, aux environs des êtres, des choses et des lieux qu'ils avaient habités ; ils ont cru longtemps que les ombres des morts ne quittaient pas pour toujours le corps dont elles avaient gardé la forme atténuée, les besoins et les habitudes. Les Egyptiens n’ont jamais perdu celte espérance. Cependant il fallut renoncer à un retour vainement attendu. REVUE DES LIVRES. 255 Sans doute les charmes d’un séjour nouveau avaient retenu ces âmes ; des fan- taisies individuelles les ramenaient par moments autour de leurs demeures passées, mais, de plus en plus, elles se fixaient en quelque région préférée, dans cette forêt profonde où l’on n'entre qu'avec terreur, dans les cavernes de ces montagnes qui ferment l'horizon. Ou bien, oui... dans ces temps de migra- tions continuelles et de courses errantes, l’homme gardait le souvenir du pays na{al, il le voyait en songe, oui, c’est là, vers la terre des ancêtres, qu’à travers les airs, le long des fleuves, sur des barques rapides, les morts ont dû retourner : les paradis sont situés au berceau de la race. Et pourquoi pas encore, dans le ciel, sur cette voûte bleue, ne voyageraient-ils pas loin des terrestres soucis ? Pourquoi, chevauchant les nuages, ne monteraient-ils pas jusqu'aux astres, pays de lumière et de paix ? Ainsi travaillait l'imagination de nos pères. Ainsi les indestructibles chi- mères de l’anthropisme et de l’animisme posaient en se jouant les bases de toute religion, de toute métaphysique. Un moment vint, tôt ou tard, où les progrès de l’abstractien et du langage introduisirent une apparence d'ordre en ce chaos d’esprits, dans cette inco- hérente multitude. Les forces occultes se trouvèrent réparties entre diverses catégories de phénomènes-types, groupées sous des chefs. Tout en continuant d'invoquer les génies épars dans la nature entière, l'homme connut des divi- nités supérieures, un ou plusieurs dieux du jour, des ténèbres, du ciel, des astres, de l'orage, des eaux, un ou plusieurs dieux des morts; le nombre de ces dieux eux-mêmes alla se réduisant, à douze, à trois, finalement à deux et à un seul. Mais encore, que de confusion réelle dans cette hiérarchie purement lo- gique? Tous ces degrés de l’animisme, l’homme ne les à pas atteints succes- sivement par une sorte de progrès régulier et fatal. Il n'a pas non plus marché partout du même pas. L'isolement, les contacts, les migrations, les aptitudes ethniques ont joué leur rôle dans la formation des croyances et des idées. D'au- tres causes, auxquelles je vais venir, ont fait sortir du fonds commun une va- riété extrême de symboles et de pratiques. Nulle part les trois phases si ambi- tieusement invoquées par les saint-simoniens et les positivistes, fétichisme, polythéisme, monothéisme, les trois états théologique, métaphysique, positif, ne se sont présentés entiers et sans mélange. Ce sont des conceptions de la raison, bien approximatives d'ailleurs et bien insuffisantes, mais qui n’ont iamais correspondu à rien de réel dans le temps ou dans l’espace. Même au point de vue rationnel, ce qu'on nomme fétichisme est inséparable de la méta- physique; les deux états sont connexes ; la même remarque pourrait s’appli- quer à toutes les divisions factices sur lesquelles on discute à perte de vue. Toutes les fictions religieuses et métaphysiques, avec leurs combinaisons innombrables, rentrent dans une seule et même classe de produits intellectuels. Je les mets toutes dans le même plateau de la balance ; dans l'autre, bien léger d’abord, s'amassent et s'accumulent les certitudes conquises par l’obser- valion ; celui-ci, qui tend à l'emporter aujourd'hui, c'est le plateau de la science, Tylor a bien compris cet antagonisme. « La théorie de l'âme, dit-il, 256 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. est une partie essentielle d’un système qui unit, par une chaîne ininterrompue, le sauvage au chrétien. Les divisions qui ont partagé les grandes religions du monde en sectes intolérantes et hostiles ne semblent que superficielles, com- parées à ce schisme, le plus profond de tous, qui sépare l’animisme du maté- rialisme. » Il appartient à l’histoire, à l’ethnographie et à l'archéologie de noter, peuple par peuple, époque par époque, les formes dominantes et les variations de l’'animisme. Ici, dans les groupes les plus isolés ou les moins aptes au déve- loppement, régnera l’effarement primitif, l’adoration éparse, morcelée, pour ainsi dire, des objets hantés, pierres, amulettes, gestes et formules magiques ; mais les civilisés en sont-ils exempts? Là, c’est le culte des ancêtres qui tient le premier rang, sans exclure l’astrolâtrie, le symbolisme du feu ou de lacte génésique ; ailleurs se dessine un grossier et incohérent panthéon. La croyance à des dieux cosmiques, à un dieu suprême, voire à un dieu unique est loin de se rencontrer toujours avec une supériorité sociale et intellectuelle. Telle tribu américaine avec son grand manitou, telle peuplade de la Polynésie avec son Taaroa, se montrent, en religion et en théodicée, les égales et les supérieures des nations brahmaniques, musulmanes ou chrétiennes. A vrai dire, tout dieu, même celui qu'on nomme le Dieu de la raison, est un fétiche, soit matériel, soit moral, soit verbal. Je n’ai pas encore prononcé le mot mythologée, qui résume l’interminable série d'aventures prêtées aux dieux par l'imagination. La mythologie pourtant est née, elle aussi ; elle est née avec l’animisme lui-même. Les esprits étant doués tous de facultés animales ou humaines doivent se comporter comme les animaux et les hommes ; ils ont donc leurs passions, leurs haines et leurs amours, leurs femmes, leurs enfants, leurs familles ; ils ont leurs chefs , leurs batailles ; ils voyagent ; ils habitent des régions que décrit la poésie. Herbert Spencer, croyant battre en brèche la linguistique, explique les mythes, comme faisait Evhémère, par les réminiscences de traditions histo- riques, d'évènements réels défigurés. Tous les dieux pour lui sont des an- cêtres, et les actions qu'on leur attribue sont les exploits ou les crimes de héros divinisés. Or, les dieux evhémériques, les hommes divinisés, n'apparaissent qu'en des temps relativement modernes : ce sont les pharaons qui se sont dé- cerné les honneurs divins ; ce sont les rois, les empereurs romains que l’or- gueil national ou la basse adulation élevèrent à l’apothéose ; c’est Jésus, c’est Marie, ce sont les saints du christianisme. Mais à quels tours de force Spencer n'est-il pas réduit, lorsqu'il veut appliquer son système impérieux aux divi- nités cosmiques, au ciel et à la terre, au soleil et à la lune, à l'aurore, à la foudre, à l'océan! Il imagine que les hommes adoraient en elles des noms donnés jadis à des hommes puissants, à des femmes illustres. Chemin faisant, il explique ainsi le totémisme des sauvages par le culte des noms de famille ou de baptème. Le chien, le caïman, le buffle, l’opossum, la tortue, etc., etce., au- raient été des hommes, héros éponymes des tribus qui en portent l’image sur la peau. Ici intervient la grande théorie linguistique : tous les dieux sont des noms REVUE DES LIVRES. 251 antiques donnés aux choses et aux faits et qui, de noms communs, ont passé noms propres ; tous les mythes sont des broderies exécutées sur des phrases mélaphoriques devenues lettres closes, que les peuples de mème race ont em- portées comme un legs des vieux âges, et dont ils ont cessé de comprendre le sens naturel et simple. Dans quelle mesure faut-il admettre l'aphorisme célèbre : « La mythologie est une maladie du langage. » Spencer le rejette absolument, en haine d’une science que, par malheur, il ignore, et qu'il ne veut juger que d’après certaines aberrations de Max Müller. Mais ne nous arrêtons pas à ce caprice. Pour les mythes aryens, dans l’état où 1ls nous sont parvenus, et mal- oré des contradictions inévitables, la preuve est faite. Aussi Tylor reconnait-1l volontiers l'influence du langage sur les fables religieuses ; 1l Pa limite seu- lement à une certaine période du développement. Je loue sa prudence. Mais va-t-il au fond de la question ? L'office du langage est bien plus initial que ne le font les partisans comme les ennemis de la mythologie linguistique. Pendant des myriades d'années, la pensée et le langage ont marché du même pas, sur la mème ligne, s’aidant et s’abusant l’un l’autre. En ces âges lointains, lorsqu'il se dégageait péniblement du cri pour s'élever à la proposition liée, au verbe, il était saturé de cet an- thropisme dont rien n’a pu et ne pourra le dépouiller. C’est lui qui, en attri- buant l'action à tous les objets réels ou imaginaires, leur a soufflé la vie avec tout ce qu'elle comporte. Il a donc été à la fois le promoteur et le rédacteur de la mythologie (1). Un autre facteur considérable des légendes et des idées religieuses, c’est l’art, Non seulement l'art a créé le polythéisme esthétique des Grecs, mais il y a in- troduit une foule de formes et de fictions étrangères. M. Clermont-Ganneau a tout récemment démontré comment une scène guerrière répétée à satiété sur les monuments égyptiens, transportée par les Phéniciens sur des vases destinés au commerce, à suggéré aux poètes grecs la fable du triple Géryon terrassé par Héraclès. Ce savant français enrichit ainsi l’érudition d’une branche nouvelle et féconde, la mythologie iconographique La philosophie enfin est venue à son tour renouveler l’'animisme, que sa fonc- tion est d'éliminer. C’est à elle que les religions doivent la notion étrange d’im- matériahté, la signification morale des mythes et des cérémonies, l'invention des justices d’outre-tombe, la divinisation des termes généraux, la définition de dieu et de ses attributs. Bien avant la naissauce des systèmes écrits ou en- seignés, la philosophie a travaillé aux religions qui présentent un corps de doctrine. Sa collaboration est évidente dans le brahmanisme et le bouddhisme, dans le rituel égyptien, dans le polythéisme gréco-romain et le dualisme perse, bien plus encore, el avec une infériorité notable, dans la pauvre métaphy- sique chrétienne. Hélas! elle à porté la peine de sa complicité forcée. L’ani- misme lui a donné plus encore qu'il n’en a reçu ; il lui à été plus funeste qu'elle ne lui a été utile. Quels vices n’en a-t-elle pas contractés ! Spiritualisme, (1) Voir nos Etudes de linguistique, préface. Un volume in-18, Ernest LEROUX. TMTIT, = NO 3, 1879; 17 258 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. idéalisme, rationalisme sont des hybrides de l'animisme et de la philosophie. B. Entendez-vous qu’un Aristote, un Platon, un Epictète, un Descartes, un Leibnitz, un Spinoza, un Kant, un Voltaire... ? A. Je vois que vous omettez Socrate. Sans doute à cause de son génie ? Mais laissez-moi finir. Les premiers penseurs, lorsqu'ils essayèrent de substituer à l’animisme une conception moins sommaire et moins puérile de l'univers et de l’homme, se heurtèrent à un double obstacle : l’absence de tous les instru- ments nécessaires à l'expérience ; la force constituée d’une erreur héréditaire servie par des langues créées avec elle, par elle et pour elle. L’insuffisance des engins scientifiques était une cause de retard; mais le virus animique infiltré dans l'intelligence humaine et l'anthropisme, fatalement incurable, du lan- gage, étaient des causes de déviation, bien pis, des causes dont les philosophes n'avaient point conscience. Atleints, comme tous leurs contemporains, de la manie personnifiante, ils animèrent d’une vie et d’une puissance obscure les produits de l’abstraction, éléments, d’ailleurs fort utiles, de la logique, les termes généraux, sans voir qu'ils élaboraient une nouvelle classe d'êtres ima- ginaires. Ainsi prit l’essor l'immense horde des entités : le temps, l'espace, la forme, l'essence, la vie, la pensée, l'amour, la génération, la beauté, la vertu, le bien et le mal, la justice, et leurs succédanés ou leurs contraires ; qui tantôt, revêtues de figures divines, prirent place dans les panthéons et trônèrent sur les autels, tantôt se groupèrent en attributs autour des dieux suprêmes ou du dieu unique, tantôt demeurèrent des principes éthérés, des personnages imper- sonnels, sans cesser d’être factices, confrères et successeurs dédaigneux, trans- cendantaux, des esprits de l’éternuement, du bâillement surtout. Et comment refuser ce titre au voùs d’Anaxagore et à la raison de Voltaire ? aux catégories d’Aristote et de Kant, aux types de Platon, aux hypostases des Alexandrins, au dieu véridique de Descartes, aux atomes de substance-pensée de Spinoza, au monades de Leibnitz, et aux points géométriques de M. Taine ? ou encore au Divin de nos sceptiques modernes, La science enfin échappe à grand'peine au vice primordial. Les virtualités, les fluides, les forces ont été longtemps ses esprits et ses dieux, dieux qui n’ex- pliquent rien, n’expriment rien de plus que les faits observés pour eux-mêmes et en eux-mêmes. Une entité dernière survit à ces archées : la loi. Bien des phi- losophes, bien des savants, ne prononcent encore ce mot qu'avec une em- phase toute religieuse. Quand ils ont dit : telle loi préside à tel ordre de phénomènes ; ils sont convaincus que cet oracle possède en lui une vertu sin- gulière ; ils ne paraissent pas se souvenir que la loi est la formule abrégée d'une série d'observations, qu'elle ne régit rien du tout, qu'elle est au contraire la sujette des faits observés, qu'elle n’est rien en dehors des faits observés. Concevez-vous nettement l’évolution de l'animisme? Voyez-vous que les esprits du sauvage, de l’ignorant et du superstieux, les dieux du polythéiste, le dieu du cœur noble et bien né, l'entité du métaphysicien, les forces du savant mystique et les lois elles-mêmes, constituent, par descendance et par croi- sement, une famille dont les membres vont s’affinant avec la raison humaine, mais qui a porté jusqu'à nous l’erreur fondamentale ? REVUE DES LIVRES. 259 B. Mon cher ami, 1l me semble que j'ai vieilli de plusieurs milliers d'années depuis que je voyage à votre suite vers les origines de la pensée. Le fardeau du passé m'accable. A Rejetons-le, nous serons allégés d'autant. B. Oui, mais faire table rase de {ous ces édiñces auxquels ont travaillé à la fois non seulement l'imagination naïve et raffinée, mais encore l’art, la raison et la science, c'est renoncer en bloc, vous le disiez vous-même, à l'héritage de l'humanité, à la plupart des éléments qui ont formé notre pensée. C’est pros- crire toutes les fantaisies de l’art et de la poésie et sacrifier toute une moitié de l'homme sur les autels rigoureux, implacables, de la science. A. Ce sont là desiraisonnements de sermonnaire ; et il semble que Tylor n'y soit pas insensible, lorsqu'il nous engage « à continuer respectueusement V œu- vre commencée par nos ancêtres. » Mais le respect n’a que faire ici. Il s’agit de la vérité. .B. Ainsi je ne pourrai plus, statuaire, incarner dans une figure la majesté de la terre ou du ciel, l'idéal de la force, de la beauté, de la jeunesse. Je ne pourrai plus, poète, donner la vie à la nature, résumer une pensée dans une image. Adieu, fictions chéries, illusions qui me dérobiez l’infinité de l'homme en présence de l’inéluctable nécessité des choses ! A. Je ne sas pourquoi vos lamentations ne me touchent point. La science objective éclaire la pensée, elle ne détruit point la nature humaine, et com- ment le pourrait-elle? Si l’anthropisme doit disparaitre de la conception de l'univers, sous peine de la fausser en appliquant à des faits qui leur sont étran- gers les conditions particulières de la vie et de la pensée, s’il est banni de la science, 1l a son refuge, son domaine légitime, l'appropriation de l'univers à l’homme, l’industrie, l’art, la poésie. Le propre de l’homme est de créer à son usage et à son image. Îl est Pygmalion, tout lui est Galathée. B. Mais l'illusion s’est enfuie, l'illusion, source de tant de joies et de tant de douleurs ! C’est sans enthousiasme que l'artiste caressera le type qu'il a rêvé ; il ne verra plus marcher ses personnages, il n'entendra plus chanter la strophe. Il saura trop qu'il ne doit rien chercher sous ces formes vaines que ce qu'il y a mis lui-même. A. Tant mieux. Elles n’en seront que plus pleines, si toutefois 1l a quelque chose en lui. Il les animera d’une vie plus intense et plus originale. A lui d'imaginer des types, des actions et des personnes, de répandre son âme et son intelligence, dans les phénomènes de la nature. Ses créations lui deviendront d'autant plus chères et précieuses qu'il les saura nées de sa volonté, faites de son génie. Mais, je sens la nuit poser sur moi ses fraiches mains, les nymphes sylvestres exhaler le carbone à l'approche du soir, et le dieu de l’éternuement chatouiller mes narines. B. Il se venge. Mais concluez. A. Tylor a exposé, et je combats, « sous le nom d’animisme «la doctrine, profondément enracinée, des êtres spirituels, » qui est l'essence méme de la philosophie spiritualiste, en tant qu'opposée à la philosophie matérialiste. ANDRÉ LEFÈVRE. 260 | REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. SOCIÉTÉS SAVANTES. Académie des sciences de Paris. Séance du 10 février 1879. Le début de cette séance est marqué par la continuation de la guerre des dieux. Trécuz, Derniere réponse 4 M. Pasteur. — « J'avais résolu de garder le silence ; mais, dans sa réponse à M. Berthelot (p. 134 de ce volume), M. Pas- teur, dont le langage est si peu mesuré, m'’accuse, sans la moindre preuve à l'appui, d’altérer des textes et de changer l’acception vulgaire des mots, pour arriver à prouver qu'il s’est contredit. Ce sont là des accusations bien vaines, puisqu'il est si facile de comparer les textes que j'ai cités. Ce n’est pas la pre- miére fois que je mets M. Pasteur en contradiction avec lui-même. Je l’ai fait surtout dans ma communication du 18 février 1878 (Comptes rendus, t. LXXXVI, p. 435), que je prie le lecteur de relire tout entier. Il y a là bon nombre d'exemples de contradictions de notre confrère, qui a presque tou- jours sur chaque question deux opinions opposées, qu'il invoque suivant les circonstances. » M. Pasteur ayant accusé M. Trécul de falsifier une citation, M. Trécul lui répond : « Dans ma note du 13 janvier, j'ai montré que notre confrère n'avait pas plus de raison d'établir trois classes d'êtres inférieurs que deux, et qu'il n'en faut admettre qu'une, puisque les espèces qu'il dit être exclusivement anacrobies ont deux états bien distincts, l’un tué par l'air le vibrion, l’autre conservé vivant et disséminé par l'air, le corpuscule-germe. Je disais en par- üculier à l'égard du vibrion sceptique qu'à la page 1040 du tome LXXXVI des Comptes rendus, on trouve que ce vibrion se résout en corpuscules-germes qui vivent dans l’air et y sont conservés. C’est cette phrase que M. Pasteur ne trouve pas exacte. [Il nie avoir écrit que ces corpuscules-germes soient vivants dans l'air. Comme il se garde bien de citer son texte, je vais le faire pour lui.» Et M. Trécul reproduit, en effet, une phrase de M. Pasteur dans laquelle on (rouve : « Et voilà formée, vivant de la vie latente des germes, ne craignant plus l’action des- tructive de l’oxygène, voilà, dis-je, formée la poussière septique... » «Comment après cela, ajoute M. Trécul, M. Pasteur peut-il affirmer que les corpuscules-germes ne vivent pas dans l'air. » Et M. Trécul cite la dénégation suivante de M. Pasteur : «Jamais je n’ai écrit cela; jamais je n’ai écrit que les corpuscules-germes du vibrion sep- tique vivent dans l'air. C’est le contraire qui est écrit et prouvé à la page 1040 du tome LXXXVI.» Après la citation reproduite plus haut par M. Trécul, et contenant le mot REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANIES. 261 « vivant » écrit en toutes lettres, 1l semble en effet bien étrange que M. Pasteur dise: «Je n'ai jamais écrit cela » ; et pour qui n’est pas académicien, il parait y avoir là un énigme insoluble. La solution cependant est bien simple. M. Pasteur a écrit «vivant de la vie latente », et, à ses yeux, vivre «de la vie latente », ce n'est pas vivre. — C'est donc être mort? direz-vous. — Pas davantage. — Mais alors c’est être non-vivant? — Vous n’y êtes pas encore. — Il me semble cependant qu'il n’y a pas d’état intermédiaire entre vivre et ne pas vivre, être vivant et être non-vivant, et je ne comprends pas ce que pourrait être une «vie latente» qui ne serait ni la vie, mi l'absence de vie. — C’est que vous n'êtes pas académicien. M. Pasteur, qui, lui, est de la docte compagnie, déclare sans rire que c’est «un mystère». M. Trécul, qui en est aussi, acquiert par là le droit que je n'oserais certes pas m'arroger, d'écrire que «les douze lignes de la note de M. Pasteur contiennent: 1° une contradiction de l’auteur ; 2° une allération du sens des mots ; 3° une accusation de l'adversaire d'avoir commis cette alté- ration.» Quant à moi, qui ne suis pas plus académicien que vous, et qui espère bien ne jamais devenir capable de l'être, j'assiste du coin de mon feu à la lutte des olympiens et j'y trouve une douce distraction. M. Pasteur, Quatrième réponse à M. Berthelot (Voy. Revue internat. des se., 4872, n° 9, p. 16). — M. Berthelot s'étant efforcé de démontrer par des chiffres que l'opinion de M. Pasteur d’après laquelle « l'être anaérobie fait la chaleur dont il a besoin en décomposant une matière fermentescible suscep- tible de dégager de la chaleur par la décomposition » est «une affirmation sans preuves, et même sans probabilités, » , Pasteur lui répond : « Oui, en accep- tant l'exactitude de vos nombres, on peut admettre que 1 gramme de sucre additionné d’une petite quantité d’un sel ammoniacal contient déjà l'énergie né- cessaire pour former 1 gramme de levure. Oui, vous êtes autorisé à dire que 4 gramme de sucre environ se suffit à lui-même pour la formation de 4 gramme de levure. Mais vous oubliez la vie. Lorsqu'on considère un être vivant quel- conque, une minime partie de l'énergie empruntée aux aliments est employée à la formation du cadavre ; le reste de cette énergie, reste que vous oubliez, a été dépensé pendant la vie. Il n’y à aucune relation entre le poids considérable des aliments exigés pour la vie d’un animal pendant son existence et le poids de son corps. Vous considérez seulement l'épargne d'énergie chimique accumulée dans l'organisme; vous considérez, si l’on peut ainsi dire, l'énergie utilisée pour construire le corps et vous laissez de côté l'énergie dépensée pendant la vie, qui n'a fait que traverser le corps, qui se retrouve tout entière et sous forme de chaleur dégagée et sous forme d'énergie chimique contenue dans les produits excrétés. Vous dites, par exemple : Avec tant de minerai et tant de houille, je puis construire une locomotive ; mais vous oubliez que, si vous voulez faire fonctionner la locomotive, la faire marcher, ou seulement la tenir sous pres- sion, il faudra lui fournir encore bien d'autres quantités de houille, De même, et en conséquence, pour entretenir la vie de la levure, il faudra bien d’autres quantités d'aliments que celle que vous considérez. Celle que vous considérez ue correspond qu'à la formation de la levure. » Ici, M. Pasteur nous parait être dans le vrai, mais il exprime encore davan- 262 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. tage le sentiment de tous ceux qui ont suivi ce débat quand, un peu plus loin, il ajoute : « Comment mon savant amt (à la page précédente, il a parlé du soin puéril de ce savant ami) n'a-t-1l pas senti que les inductions qui remplis- sent les travaux de chacun de nous ne pouvaient servir d'objet de discussion, à moins qu'on n'apporte des faits nouveaux qui les renversent ?» Mais M. Pas- teur se trompe fort s'il croit que ses inductions à lui ont renversé Îles faits de fermentations sans ferments figurés, qui ont été signalés depuis quelques années par des savants de tous les points du globe, etil se fait illusion quand il ajoute : « Du verdict du temps je n'ai pas à me plaindre». Il eût davantage été dans le vrai en disant : «Du verdict de la défunte Assemblée nationale je n’ai pas à me plaindre. Je n'étais qu'académicien, elle m'a fait fermier. Quoi que vous puissiez dire de mes aérobies et anaérobtes, ce sont là champs de trop bon rapport pour que je puisse en abandonner la jouissance. » N'est-ce pas, d’ailleurs, à peu près ce qu'on peut lire entre les lignes sui- vantes, par lesquelles M. Pasteur clôl sa discussion avec M. Trécul : « Ma classification est ce qu'elle est. Acceptez-la, ou rejetez-la, cela vous regarde, Pour moi elle est excellente. » Cnamin, Sur l'existence d’un appareil préhenseur ou complémentaire d'adhé- rence dans les plantes parasites. — M. Chatin a fait une nouvelle découverte, c’est que « lesespèces parasites ne peuvent soutenir leur existence qu’à la con- dition de rester toujours intimement unies à leurs hôtes », et que « l’adhérence du parasite à son hôte est généralement maintenue par des appareils spéciaux ou complémentaires d'attache, lesquels sont fournis le plus souvent par l’espèce parasite, ou même par les deux à la fois », etque ces appareils préhenseurs sont des bourrelets de tissu fondamental développés autour du suçoir et con- tenant parfois une zone « fibro-libéroide» , et qu'une espèce parasite, le Cassytha Casuarinæ, lui a « de plus présenté (observation jusqu’à ce jour unique) un prolongement du tissu libéroide engagé dans la tige nourricière, dont il traver- sait le très dur tégument externe ». M. Chatin termine sa communication par quelques réflexions morales sur «ces espèces parasites, dont nousconstatons, dit-il, trop souvent les graves dom- mages causés aux plus précieuses de nos récoltes, sans apercevoir chez elles de côté utile». On m'avait bien dit, pendant mon enfance, que tout, dans ce bas monde, avait été créé pour la plus grande gloire de Dieu et la plus complète utilité de l’homme ; que si le soleil brille, c’est pour éclairer les palmes vertes des acadé- miciens; que les bœufs ont été créés pour fournir des beefsteaks et des bottes à ceux qui peuvent en acheter, et que, s'il existe des oiseaux, c'est pour que les hommes n'aient pas besoin de porter des plumes ailleurs qu'à leurs chapeaux. Je m'étais laissé dire tout cela. Et voilà que mes illusions tombent, en pré- sence de ces maudites plantes parasites qui se permettent de ne pas montrer «leur côté utile ». Il me prend bien envie de m'écrier avec M. Chaün : « Cest là un sujet digne de l'attention du savant et des méditations du philosophe ! » mais, n'étant ni savant ni philosophe, je laisse à M. Chatn ces sublimes médi- tations. | Favre, Éecherches sur la formation du latex et des laticifères pendant l'évo- REVUE DES SOCIÉIÉS SAVANIES, 263 lution germinative, chez l'embryon du Tragopogon. — Dans cet embryon, les laticifères apparaissent dès que la radicule fait saillie au dehors. Ils se montrent surtout en grand nombre dans les cotylédons encore enveloppés par les mem- branes séminales, et contiennent bientôt du latex, que l'auteur nomme primor- dial. Ce latex se forme à lobscurité comme à fa lumière, dans les rayons jaunes ou bleus, et même dans les cotylédons isolés et implantés dans le sol d’une serre chaude et humide, Comme ces cotylédons renferment seulement et en abondance du protoplasma, on est fondé à penser que le latex se forme aux dépens de ce dernier. Lorsque les cotylédons contiennent de la chlorophylle, cette dernière joue un rôle manifeste dans la production du latex. Quand on place dans l'obscurité des plantules déjà vertes, leur latex disparait en même temps que la chlorophylle etne se reconstitue plus ; quand on les place de nou- veau à la lumière, latex et chlorophylle reparaissent,. Nicari, Sur diverses épizooties de diphthérie des oiseaux de basse-cour obser- vées à Marseille, et sur les relations possibles de cette maladie avec la diphtherie humaine. — L'auteur a essayé d’inoculer la diphthérie de la poule au lapin; il a parfaitement réussi. Il se demande s’il ne pourrait pas y avoir transmission de la diphthérie de la poule et du pigeon à l’homme, mais il ne produit aucun fait positif à l'appui de cette supposition, qui n’est cependant pas sans offrir quelque probabilité et, par suite, un grand intérêt. À. CHARPENTIER, Sur la sensibilité de l'œil à l'action de la lumiere colorée plus ou moins additionnée de lumière blanche et sur la photométrie des couleurs. — «Si les sensations de couleur sont le résultat d'une fonction visuelle parti- culière et distincte de la simple sensibilité lumineuse, l'addition d'une certaine quantité de lumière blanche à une couleur saturée quelconque ne doit pas mo- difier la sensibilité de l’œil pour cette couleur.» Pour contrôler cette hypothèse l'auteur a fait porter ses expériences sur trois couleurs pures : bleu, vert, rouge. Pour chacune de ces couleurs il détermine comparativement le pouvoir distinctif de l'œil d’abord, quand la couleur est pure et saturée, puis quand elle est mélangée de quantités croissantes de lumière blanche. Dans ces diffé- rentes conditions, la sensibilité chromatique restait constante, pourvu que la lumière blanche surajoutée ne dépassât pas un certain maximum qui est assez élevé. Ainsi, il a pu ajouter à de la lumière bleue une quantité double et triple de lumière blanche, sans que la sensibilité de l'œil pour cette couleur diminuât; pour le rouge, le maximum de lumière blanche qu'on pou- vait ajouter impunément s'élevait jusqu’à dix ou douze fois l'intensité du rouge lui-même. Si l'on continue à ajouter aux lumières colorées une quantité tou- jours croissante de lumière blanche, il arrive assez brusquement un moment à partir duquel elles sont très difficilement reconnues. « Ce fait curieux, dit l’auteur, confirme d'une façon éclatante la distinction que nous nous sommes efforcé d'établir entre la sensibilité chromatique, fonction spéciale et de per- fectionnement, et la sensibilité lumineuse, fonction primitive-et essentielle de l'appareil visuel. » Jousser DE BELLESME, Recherches sur le foie des Mollusques Céphalopodes. — D'expériences faites sur le liquide sécrété par le foie de l'Octopus vulgaris, 264 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. et obtenu en coupant une partie périsphérique de la glande et y creusant une cavité dans laquelle s'accumule le liquide à expérimenter, l’auteur cite les con- clusions suivantes : « La glande appelée fo chez les Céphalopodes ne pré- sente pas d'analogies fonctionnelles avec le foie des Vertébrés. C'est une glande digestive, destinée à transformer wniquement les matières albuminoïdes dont ces animaux font leur aliment habituel, et sans action sur les matières grasses et amylacées. J'avais déjà signalé le même fait, il y a quelques années, pour le Carcinus mænas et l'Astacus fluviatilis, et, depuis, M. Plateau est arrivé aux mêmes résultats, dans ses belles recherches sur les Arachnides et les Myria- podes, de sorte qu’on peut établir aujourd’hui avec certitude que le foie des Vertébrés supérieurs ne possède pas de représentant chez les Invertébrés. » La communication de M. Jousset de Bellesme confirme, à certains égards, les recherches sur le même sujet de M. Krukenberg (Versuche zur vergler- chenden Physiologie des Verdauung, in Unters. aus dem Physiol. Instit. der Univers. Heidelberg, 1878, 1, Heft IV, p. 327), et celles de M. Frédéricq (in Bull. Ac. se. de Belgique, 1876, n° 11, p. 761). « L'infusion du tissu hépa- tique (du Poulpe), dit M. Frédéricq, digère la fibrine en solution acide et en solution alcaline et transforme l’amidon en glycose. Il y a donc là un ferment diastatique et un autre ferment s'adressant aux albuminoïdes et qui n’est ni la pepsine ni la thrypsine (c’est un mélange des deux pour Krukenberg). Je répéterai ici ce que J'ai dit du foie de la Limace (in Bull. Ac. de Belq., 1878, p. 213) : Le prétendu foie du Poulpe est une glande digestive que l’on ne pourrait mieux comparer qu’au pancréas des Vertébrés. » L'opinion de M. Jousset de Bellesme diffère de la précédente en ce que cet auteur rejette toute action du foie du Poulpe sur les matières amylacées et les corps gras. Musser, Observations sur une pluie de sève. — L'auteur dit avoir constaté, au mois d'août dernier, une véritable pluie extrêmement fine de sève, tombant des feuilles des Sapinettes. Ce phénomène dura pendant quinze jours et put être constaté la nuit et le jour. Séance du 17 février 1879. Marey, Nouvelles recherches sur les Poissons électriques ; caractères de la décharge du Gymnote ; effet d'une décharge de Torpille lancée dans un télé- phone. — « Les physiologistes avaient été frappés de certaines analogies que présentent entre eux un muscle et l'appareil d’un Poisson électrique. Ges deux sortes d'organes, en effet, soumis tous deux à la volonté, pourvus de nerfs à action centrifuge, ont en outre une composition chimique trèsanalogue et pré- sentent dans leur structure quelques traits de ressemblance. Mais ces vues, émises avant que les physiciens eussent formulé la théorie de la corrélation des forces, étaient nécessairement très vagues. On peut mieux concevoir aujourd'hui que, dans l'organisme vivant comme dans nos appareils de physique, des condi- tions très analogues produisent ici du travail mécanique, là de lélectricité. » M. Marey a essayé de vérifier ces vues par l'expérience, « Après avoir montré REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANIES. 265 qu'un musele en tétanos ou en contraction exécute une série de petits mouve- ments successifs que j'appelle secousses, qui s'ajoutent et se fusionnent pour pro- duire le raccoureissement musculaire, j'explorai la décharge de la Torpille pour y chercher aussi cette complexité. Faisant passer cette décharge à travers un appareil électro-magnétique inscripteur, j'obtins le résultat que j'espérais: je vis que cette décharge est complexe, formée de flux électriques multiples, dont la fréquence est d'environ 450 par seconde. » Certains agents agissent aussi de la même façon sur les muscles et sur l'ap- pareil électrique ; on sait par exemple que le froid ralentit la fréquence des secousses, puis les éteint; de même lorsque la Torpille est placée dans l'eau qu'on refroidit graduellement, le nombre des flux électriques composant chaque décharge diminue de plus en plus. M. Marey a pu en grande partie vérifier ces faits sur un Gymnote. Pour analyser la décharge des Poissons électriques, M. Marey a eu l'idée d'employer le téléphone. Sur une Torpille, il a pu constater récemment «que des excitations légères de l'animal provoquent un coassement assez bref, cha- cune des petites décharges provoquées ne se composant que d'une dizaine de flux et ne durant guère que 1/15° de seconde. Mais si l’on provoque une dé- charge prolongée en piquant le lobe électrique du cerveau, le son qui se pro- duit dure trois à quatre secondes et consiste en une sorte de gémissement dont la totalité est voisine de m1 (165 vibrations), ce qui s'accorde sensiblement avec le résultat des expériences graphiques. Ce son augmente un peu en intensité et parait s'élever un peu en tonalité quand, en remuant l'aiguille, on excite le lobe électrique du cerveau. » L. FRépérico, Sur l'innervation respiratoire chez le Poulpe. — L'auteur a vérifié par l’expérimentation que, dans le Poulpe comme chez la Seiche, c’est dans la masse sous-æsophagienne qu'il faut chercher le centre respiratoire. « Les nerfs moteurs des muscles respiratoires (nerfs de l’entonnoir et des valvules, nerfs palléaux) se détachent tous de la partie postérieure de cette masse. » La section d'un nerf palléal abolit la sensibilité et la mobilité de la moitié correspondante du manteau. La section des deux nerfs palléaux abolit complètement les mouvements respiratoires du manteau et est nécessairement mortelle... Chez le Poulpe, les mouvements respiratoires semblent être pure- ment réfle.res, c'est-à-dire consécutifs à des impressions sensitives transmises au centre respiratoire par les nerfs viscéraux. J'ai coupé les nerfs viscéraux chez plusieurs Poulpes et j'ai, en général, obtenu un arrêt immédiat des mou- vements respiratoires. L’excitation du bout central d’un nerf visééral faisait réapparaitre les mouvements respiratoires, parfois pendant plusieurs minutes.» Après la section des deux nerfs viscéraux on peut encore faire réapparaître les mouvements respiratoires, en excitant fortement un nerf périphérique sensible, en pinçant où électrisant la peau des bras, de la tête, en blessant les pau- pières, ete., mais les mouvements respiratoires ainsi produits s'arrêtent bientôt. YunG, Sur les fonctions de la chaine ganglionnaire chez les Crustacés Décapodes. — «Les masses ganglionnaires et les connectifs qui les unissent 266 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. sont manifestement sensibles sur toute la longueur de la chaîne ; la sensibilité est la même sur les faces supérieure, inférieure’et latérale, « Les racines des nerfs irradiant de la chaîne sont à la fois motrices et sen- sibles, contrairement à l'opinion classique de Newport, Valentin, Longet, etc.; il en est de même pour les faces supérieure et inférieure de la chaîne. « Chaque ganglion est un centre de seusibilité et de mouvement pour le segment du corps auquel il appartient; mais la sensibilité devient inconsciente et les mouvements réflexes, lorsque le ganglion est séparé de ceux qui le pré- cèdent. « Le ganglion sous-æsophagien est le centre moteur et sensitif pour toutes les pièces masticatrices et les pattes-mâchoires. « Le cerveau ou ganglion sus-æsophagien est sensible sur toutes ses faces, contrairement à ce qui a lieu chez les Insectes, chez lesquels, selon M. Favre, le cerveau est insensible. Il joue le rôle de centre moteur et sensitif pour les appendices céphaliques (yeux, antennes). « Chaque moitié droite et gauche du ‘cerveau agit sur la partie correspon- dante du corps ; il en est de même pour les autres ganglions de la chaîne. Il n’y à pas d’entre-croisement dans le parcours des fibres nerveuses. « L'ablation du cerveau détermine des mouvements de culbute en avant qui proviennent d’un défaut d'équilibre, résultant de l'insensibilité des appendices céphaliques et de la prédominance des mouvements des membres postérieurs. « Les mouvements qui persistent après l'ablation totale du cerveau et qui, dans certains cas, ont un caractère de spontanéité, ne sont jamais coordonnés. « La lésion de l’un des lobes du cerveau provoque des mouvements de ma- nège du côté lésé vers le côté sain. « Le cerveau est le siège de la volonté et de la coordination des mouvements. n'a pas d'action directe sur les mouvements du cœur. « Les mouvements du cœur sont accélérés par une excitation électrique portée sur les connectifs de l'anneau œsophagien, d'où le courant dérive sur le ganglion stomato-gastrique et le nerf cardiaque (nerf décrit par Lemoine). Ils sont retardés par l'excitation électrique des ganglions thoraciques. » Séance du 24 février 1879. E. Favre, Le latex pendant l'évolution germinative du Tragopogon porri- folius, effectuée dans des conditions diverses de milieu extérieur (voyez la note du même auteur analysée plus haut, p. 262). — Les graines que M. Faivre a fait germer dans la lumière jaune, obtenue par une solution de bichromate de potasse, ont développé plus promptement que dans la lumière bleue, obtenue par l’oxyde de cuivre ammoniacal, leur chlorophylle et leur latex, et ont formé pendant la durée de leur végétation un latex plus abondant. « Si les plantules se développent à la lumière, à l'air confiné et à une température plus élevée, elles subissent un étiolement, mais un étiolement incomplet, avec conservation de la chlorophylle. Dans cette condition, où la croissance est extrème, on constate la disparition successive du latex, comme on constate celle de lami- REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 267 don, si l’on a placé, dans les mêmes conditions, une plante à réserve amyla- cée. » Elevées à l’air libre et à une température basse, les plantules s’enrichis- sent en latex. Chez les Haricots, dans les mêmes conditions, l’'amidon se forme en abondance. Dans le fumier, les plantules se développent rapidement et le latex y subit une diminution successive ; dans le sable calciné, où les plantes se développent lentement, c’est le contraire qui se produit. Dans une atmosphère d'oxygène, le latex se constitue d’abord comme dans les conditions ordinaires, mais plus tard, «en altérant les plantules, l’oxygène amène la disparition du latex qu'elles renferment». «Nous sommes conduit, dit l'auteur en termi- nant, à considérer le latex comme une des matières assimilables de réserve ; nous y sommes également conduit, et par l'absence de toute autre matière de réserve chez nos plantules, et par la constitution histologique du latex qu'elles renferment, à partir du début de leur évolution germinative, » Cosmovicr, Sur les organes segmentaires et les glandes génitales des Anné- lides Polychetes sédentaires. — « Les poches glandulaires qu'on trouve à l’in- térieur du corps de ces animaux, considérées par beaucoup d’auteurs comme des glandes génitales, furent prises par MM. Claparède, Keferstein, Ehlers et autres pour des organes segmentaires. Or, leur organisation est plus complexe. Chez un certain nombre d'Annélides sédentaires, comme les Arénicoles, Téré- belles, Nébuloses et autres, ces poches sont composées de deux parties distinctes : l'une glanduleuse, à parois très vasculaires, qui débouche au dehors par un pore propre, et à l'intérieur de laquelle on constate, à l’aide des réactifs, un grand nombre de cristaux paraissant être formés d'acide urique ; c'est là incon- testablement un organe urinaire ou un corps de Bojanus; Vautre partie, non glandulaire, est formée d'un pavillon à deux lèvres, plus ou moins garnies de franges très ciiées, suivies d’un tube en cornet, qui vient s'appliquer sur un point de la surface du corps de Bojanus correspondant. Une communication existe entre les deux parties dans le point d'attache, de sorte que tout corps recueilli par le pavillon d’un de ces organes passe dans le corps de Bojanus et ensuite est entrainé par le courant ciliaire vers l'ouverture extérieure. C'est à la seconde partie de ces poches qu’il faut donner le nom d'organe segmentaire. Dans la erebella conchileqa, 1 existe trois paires de ces poches, qui ne se com- posent que de la partie glanduleuse, et, par conséquent, qui sont sans aucune communication avec l'intérieur de la cavité du corps. Mais, plus en arrière, on trouve deux paires d'organes segmentaires normalement constituésetdébouchant directement au dehors par un pore. L'Ophelia bicornis présente un exemple bien plus frappant encore. En effet, on trouve cinq paires d'organes segmen- taires situées sur les côtés de la chaîne nerveuse, suivies par cinq autres paires de poches glanduleuses dépourvues de toute communication avec l'intérieur. Enfin, les Sabelles et les Myxicoles n’ont qu'une paire de poches rérales sur les côtés de l’œsophage, et dans tout le reste du corps chaque anneau a sa paire d'organes segmentaires avec la forme typique. Il faut ajouter que les caractères histologiques et chimiques prouvent que ces poches glandulaires sont bien des organes urinaires, et que les organes segmentaires, tantôt leur faisant un emprunt, tantôt n'en faisant pas, sont des parties complètement indépen- 268 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. dantes, n'ayant d'autre attribut que celui de recueillir les produits de la géné- ration pour les verser au dehors. « Chez les Annélides sédentaires, les œufs ou les spermatozoïdes ne naissent jamais ni dans les poches bojauiennes ni dans les cellules épithéliales du péri- toine, et ne dérivent pas davantage des nucléus entourant les vaisseaux san- guins, ni même du tissu adipeux {tissu sexuel de Clarapède). Mais il existe des glandes bien distinctes en relation intime avee des vaisseaux san- guins. « Ces glandes, à l’époque du repos (hiver), consistent en un certain nombre de petits acini, dont la structure n'offre encore rien de distinet. Vers le com- mencement de la belle saison, avec des différences suivant les genres, les glandes entrent en travail. La masse amorphe augmente, chaque acimi se des- sine de mieux en mieux, et à l’intérieur on voit apparaitre de petits noyaux, au- tour desquels ne tarde pas à se limiter une portion de protoplasma. Bientôt les œufs se caractérisent, en même temps qu'ils sont poussés par de nouvelles quantités de protoplasma qui se développe à la base des acini. La glande prend la forme d’une grappe etles œufs les plus mûrs arrivent à la périphérie, les plus jeunes restant à la base. Le vitellus devient progressivement granu- leux, et la vésicule germinative s’accentue. Enfin l'œuf se détache et tombe dans la cavité du corps. « La même chose s’observe pour les testicules. Les cellules mères sperma- tiques se détachent des glandes, ensuite leurs parois se dissolvent et leur con- tenu framboisé flotte quelque temps dans le fluide cavitaire, après quoi les spermatozoïdes, réunis jusqu'alors par leur tête, se désagrègent et deviennent libres. « Enfin la ponte a lieu à différentes époques, suivant les genres et les es- pèces, et elle s’accomplit par les organes segmentaires. » G. CarLET, Sur les écailles des Poissons osseux. — M. Carlel a étudié les écailles des Poissons osseux à l’aide de la lumière polarisée et à l’aide du pi- erocarminate d'ammoniaque. Par le premier procédé, il s’est assuré que les jeunes écailles sont monoréfringentes, tandis que les vieilles sont biréfrim- gentes. Quant au picrocarminate, comme il «colore presque Imstantanément les écailles en jaune et les tissus ambiants en rouge, il est facile de déterminer les rapports des uns et des autres. Cette question, qui a été l'objet de nom- breuses recherches et contestations, peut être résolue par l'emploi du picro- carminate, qui teint en rouge le noyau des cellules épidermiques, en rose la mince membrane hyaline qui, à elle seule, représente le derme, d’après M. G. Pouchet, enfin en rouge orangé la partie fibreuse du tégument, que ce dernier auteur a désignée sous le nom d’aponévrose hypodermique. « Chez les Poissons à écailles bien imbriquées (Carpe, Perche, etc.), chaque écaille est renfermée dans une poche prismatique et hexagonale essentielle- ment fibreuse, c’est-à dire formée par l’aponévrose hypodermique. Trois faces du prisme hexagonal sont externes ou sus-spiculaires, tandis que les trois autres sont internes ou sous-spiculaires. Soient À et P deux écailles situées directe- ment l’une derrière l’autre; il y a deux écailles Det G, séparées l’une de l’autre REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 269 et disposées entre les premières sur un même plan qui leur est parallèle; mais elles débordent celles-ci à droite et à gauche. « Sur une coupe longitudinale du tégument, on voit que chacune des faces de ces prismes fibreux, arrivée vers la région focale de l’écaille, se dédouble de façon à former un angle dièdre dont l’un des plans va se fixer au bord posté- rieur de l’écaille supérieure, tandis que l’autre, après être devenue d’une min- ceur extrème sur le champ postérieur de l’écaille inférieure, va rejoindre, sur le bord libre, la lame de la face postérieure. Les deux faces de ce dièdre sont ta- pissées par le derme et l’épiderme (ce dernier très caduc), qui coiffent ainsi, le sommet de chacune des poches spiculaires, en se réfléchissant de l’une sur l’autre. « Quand il existe des spinules sur le bord libre de l’écaille {Perche, Sole, ete.), elles sont engainées à leur base dans un manchon très mince de derme, au dehors duquel leur pointe fait saillie après perforation : elles se sont donc dé- veloppées au-dessous de celui-ci et ne sauraient être considérées, non plus que l’écaille, comme des produits épidermiques. « Sur une coupe transversale du tégument, on voit que chacune des faces opposées externe et interne des prismes aponévrotiques se dédouble pour em- brasser les bords des deux écailles latérales, situées soit en avant, soit en ar- rière du plan de l’écaille considérée. Chaque poche a donc une face commune avec les poches adjacentes. « Un réseau vasculaire, des nerfs, des chromoblastes plus ou moins abon- dants, quelquefois aussi des vésicules adipeuses, s’observent aa milieu des fibres conjonctives de la poche de l’écaille; jamais on n’y trouve de fibres muscu- laires. Il suit de ces dispositions anatomiques que les écailles ne sauraient exécuter que des déplacements passifs; mais ceux-ci s'effectuent avec une grande facilité sous l'influence des mouvements du corps; alors les rangées transversales d’écailles se rapprochent ou s’éloignent par le fait de la grande ex- tensibilité de l’aponévrose hypodermique. Enfin, au point de vue anatomique, les écailles ne sont nullement comparables aux poils des Mammifères ou aux plumes des Oiseaux, car aucune de leurs parties n'est un produit de Pépi- derme. » Séance du 5 mars 1879. M. TRÉCUL, Réponse à M. Van Tieghem, concernant l'origine des Amylo- bacter (voyez : la Revue int. des se., 4879, n° 9, p.160). — M. Trécul a décrit, il y a déjà plusieurs années, la formation spontanée des Amylobacter dans les cellules chez des végétaux. M. Van Tieghem ayant nié ce mode de génération et affirmé que les Amylobacter observés dans la cavité des cellules venaient tou- jours du dehors, M. Trécul répond qu'il a lui aussi observé, dans certains cas, le passage des Amylobacter à travers les parois cellulaires, et qu'il a décrit ce passage, « Mais, ajoute-t:il, dès ma première note (Compt. rend., LVI, 159), je les dis naître sous la forme de granules d'abord globuleux, S'allongeant sur deux côtés opposés et donnant ainsi de petits fuseaux, dont quelques-uns se coloraient en violet par l'iode, tandis que d’autres restaient incolores. En sui- vant avec soin les préparations, il est fort aisé de s'assurer que jamais les gra- 270 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, nules primitifs n’ont été précédés par une génération d'Amylobacter adultes. Dans ma deuxième communication (Compt. rend., LVI, 432), je décris aussi leur apparition sous la forme de germes granuleux et elliptiques qui, parfois, se colorent déjà en violet par l’iode, et qui croissent en cylindres, en fuseaux ou en tétards. Dans ma troisième communication, les faits sont rappelés par de nouvelles observations. En parlant de l'Æelianthus tuberosus (Compt. rend., LAV, 517), je les décris comme d’abord en fins granules simples, chacun de- venant ensuite cylindrique en s’allongeant; je les montre aussi se divisant avant de bleuir par l’iode ou tout en bleuissant déjà. J'ai donc observé leur jeune âge et ne les ai pas vus seulement à l'état adulte. J'ai aussi indiqué la forme géla- tineuse que prennent quelquefois les Amylobacter (Compt. rend., LXV, 518- 520); j'ai également décrit leur état anaérobien avec précision (Compt. rend., LXXV, 799, 1229, etc.), deux caractères que M. Van Tieghem dit avoir mon- trés. Il les à signalés, sans aucun doute, mais ils étaient déjà connus. » M. Tré- cul rappelle aussi qu'il a vu l’amidon se former dans les Amylobacter de très bonne heure, tandis que M. Van Tieghem ne le voit que dans la deuxième pé- riole, et il ajoute : «Tous ces faits que j'ai signalés ont été négligés par M. Van Tieghem et ils ne l’ont pas empêché de dire que M. Trécul n’a vu les Amylobacter qu'à l'état adulte. C'est que si cette dernière assertion était dé- montrée où admise, l'opinion de M. Trécul sur l’hétérogénèse sombrait d’elle- même. On pourrait dire alors : «j'ai ainsi expliqué trés simplement les faits observés par M. Trécul et écarté un argument en faveur de la génération spon- tanée auquel personne n'avait répondu. » Supprimer les observations sur les- quelles repose mon opinion, n'est-ce pas là, en effet, un moyen bien simple d'éliminer un argument embarrassant pour les adversaires de l’hétérogénie? C'est trop simple et surtout trop clair, pour séduire les gens attentifs qui n’ont pas de parti pris. » Alpb. Miixe-Epwarps, Âecherches sur les enveloppes fœtales du Tatou à neuf bandes. — « On sait que dans toute la classe des Mammifères, lorsquele même utérus contient à la fois plusieurs fœtus, chacun de ceux-ci possède un chorion qui lui est propre, aussi bien qu'un allantoïde et un amnios. Chez le Tatou à neuf bandes, il n’en est pas de même ; les fœtus, au nombre de quatre, sont logés dans un chorion commun. » La portion moyenne seule du chorion est vasculaire et épaisse, et constitue une sorte de ceinture placentaire, analogue à celle d’un Carnassier, d'un Daman, d'un Eléphant ou d’un Oryctérope. Les bords de cette zone sont découpés en quatre lobes recevant chacun un groupe d'artères et de veines, de sorte qu'il existe en réalité quatre placentas discoïdes, soudés entre eux par leurs bords latéraux. Chaque fœtus est enveloppé dans une poche amniotique spéciale, mais soudée aux voisines dans la portion située au- dessus de la poche placentaire. L'allantoïde est peu développé. Quand il n'existe qu'un fœtus, le placenta est discoïde. L'auteur suppose que l'unité du cho- rion peut résulter de ce que « les faux amnios des quatre embryons se seraient confondus dans leurs points de contact, puis se seraient résorbés partout ail- leurs qu'à la périphérie, là où ils auraient été unis à la face interne du chorion primitif. » REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES, 271 Jousser pe BELLESME, Recherches sur la digestion des Mollusques C'épha- lopodes. — D'après l'auteur, les glandes salivaires supérieures du Poulpe wexercent pas d'action digestive ; leur liquide ne sert que dans la mastication et la déglutition. Quant aux glandes salivaires inférieures, elles auraient pour fonction de dissoudre le tissu conjonctif, sans attaquer les fibres musculaires elles-mêmes, tandis que le liquide du foie digère au contraire les matières al- buminoïdes. L'auteur ajoute : « Après de nombreux essais, et en opérant tan- tôt sur des animaux à jeun, tantôt sur des animaux en digestion, j'ai acquis la conviction qu'aucun des liquides fournis par les annexes glandulaires n’est ca- pable d'émulsionner les graisses et de transformer la fécule en glucose. Nous sommes donc en présence d'un animal qui ne possède d'aptitude digestive que pour les matières albuminoïdes et conjonctives, et le fait est d'autant plus re- marquable que quelques-uns de ses propres organes, le foie, par exemple, ren- ferme une forte proportion de matières grasses. » Ce serait là un argument convaincant en faveur de l'opinion que les êtres vivants peuvent fabriquer des matières grasses par désassimilation des matières albuminoïdes ; mais M. Frédé- ricq admet que le foie des Poulpes transforme l’amidon et émulsionne les corps gras. Bercerer et Moreau, Sur le Meunier des Laitues (Peronospora gangliformis). — Les auteurs combattent ce champignon en arrosant les plantes avec de l’eau acidulée d'acide azotique en solution très faible. A. Bécuamp, De l'influence de l'oxygène sur la fermentation alcoolique par la levure de biere. — L'auteur met de l'oxygène pur en contact avec un liquide sucré contenant de la levure de bière; et d'autre part, il met le même liquide à l’abri de l'oxygène. Il constate « l'influence favorable de l'oxygène sur la production de l'alcool, dont la quantité est toujours plus grande pour le même temps dans l'expérience que dans le témoin. Toutes choses égales d'ailleurs, la quantité d'acide acétique parait dépendre beaucoup plus de la température et de la nature de la levure que de Foxygène. La levure parait s’user davantage dans l'expérience que dans le témoin. » Pour démontrer que l'oxygène est absorbé, l'auteur plonge dans le mélange en fermenta- tion les électrodes d'une batterie de six à huit forts éléments de Bunsen. Îl recueille les gaz de la fermentation et après l'absorption de l'acide carbo- nique, il constate que l'hydrogène de l'eau décomposée n'est pas mêlé d'oxygène, ou n'en contient que fort peu. « Dans les premiers temps de la fermentation, la quantité absolue d'alcool formé est plus grande sous lin- fluence du courant : il diminue à la fin, sans doute par suite du plus grand épuisement de la levure; quant à l'acide a-élique, il est augmenté dès le début. L'eau sucrée absorbe vraiment une partie de l'oxygène. L'action est très lente au début, et le gaz dégagé ne contient que 20 d'oxygène pour 100 d'hydrogène : après deux ou trois jours, il y a 37 d'oxygène pour 100 d'hydrogène dans le gaz non absorbé; plus tard, le dixième jour, le rapport entre Phydrogène et l'oxygène tend de plus en plus à devenir : :2: 1. Sous l'influence du courant et de l'oxygène absorbé, l'eau sucrée devient acide et capable de réduire éner- giquement le réactif cupropotassique. La levure bien pure, délayée dans l'eau, 22 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. lorsque l’action électrolytique n’est pas trop vive, peut absorber tout l'oxygène. « En même temps que l'hydrogène, il se dégage toujours de l’acide carbo- nique. On voit qu'il est malaisé de démêler quel est le genre d'influence qui fait que l'oxygène amène une diminution finale assez notable de Palcool, et l'augmentation considérable de l'acide acétique. Mais on voit aussi que, s'il est difficile de démontrer que la fermentation alcoolique peut débuter, continuer et finir sans le concours effectif de l'oxygène libre, il est, au contraire, très facile de prouver que l'oxygène, dans son état ordinaire, est favorable à l’accomplis- sement régulier du phénomène. » A. CEerTEs, Sur une méthode de conservation des Infusoires. — « Pour la fixation des Infusoires, je fais usage d’une solution d'acide osmique à 2 pour100. Le point important est de faire agir le réactif promptement et avec une cer- taine force. Deux moyens permettent d'atteindre ce résultat avec quelque certitude ; le premier, qui convient dans la plupart des cas, consiste à exposer aux vapeurs d'acide osmique les Infusoires préalablement déposés sur une lame de verre. En règle générale, cette exposition ne doit pas dépasser dix à trente minutes. « Pour les Infusoires très contractiles, j'opère différemment et j'obtiens le contact immédiat de l'acide osmique en déposant une goutte de réactif sur le cover lui-même, avant d’en recouvrir la goutte d’eau qui les renferme. « Quel que soit le procédé, il faut que les Infusoires ne soient soumis à l'ac- ton du réactif qu'après avoir repris leurs allures normales, qu’une secousse interrompt momentanément. « Une fois le cover posé, on doit éviter tout déplacement qui pourrait écraser des organismes aussi délicats. Pour atteindre ce résultat, on soutire, avec du papier Joseph, le liquide qui se trouve en excès sous la lamelle. Ou amène ainsi un certain degré de compression que l’on peut graduer avec un peu d'habi- tude et qui a l'avantage de rendre les Infusoires plus transparents. Ceci fait, on lute deux des bords parallèles de la lamelle soit avec la paraphine, soit avec le baume du Canada. Ce n’est que lorsque la préparation est ainsi mise à l’abri de tout accident mécanique que l’on fait arriver la matière colorante et le liquide conservateur. Les résultats obtenus avec le bleu soluble d’aniline sont loin de valoir ceux auxquels on arrive par l'emploi de l’éosine et surtout du picro-carminate de Ranvier. On peut colorer directement, avec le picro-carmi- nate, les Infusoires préalablement fixés par l'acide osmique. Mais lorsqu'il est employé seul, on n'est pas maitre du degré de coloration. Après plusieurs essais, Je me suis arrêté à un mélange de glycérine et de picro-carminate, avec lequel on obtient une coloration compacte au degré voulu : glycérine, eau, pi- cro-carminate, une partie de chacun. « Introduite brusquement, la glycérine, même diluée, produit le plus sou- vent un retrait anormal des tissus, qui ne disparait pas toujours avec le temps. IL suffit, pour éviter cet inconvénient, de placer dans une chambre humide les préparations, et de déposer une goutte de glycérine carminée sur le bord de la préparation. L'eau s’évapore très lentement, et au bout de vingt-quatre heures se trouve remplacée par la glycérine diluée. On peut alors, par le même pro- REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANIES. 5) 1 3 cédé, remplacer la glycérine diluée par de la glycérine concentrée, qui amène plus efficacement la conservation des préparations. » L'auteur recommande de fermer d’une façon définitive les préparations avec le baume du Canada sec, dissous dans le chloroforme. Société de biologie de Paris. Séance du 8 février 1879. l RANVIER, Transparence de la cornée. — Ya physique nous apprend qu'un corps ne peut être transparent qu'autant que tous les éléments qui le composent présentent le même indice de réfraction. La cornée, bien que com- posée d’un grand nombre d'éléments de nature diverse (épithélium, membranes basales, fibres de tissu conjonctif, cellules de tissu conjonctif, nerfs, membrane de Descemet, etc.), est précisément dans ce cas. M. Ranvier s’est demandé quelles conditions pouvaient enlever à la cornée sa transparence. Il fixe par les vapeurs d'acide osmique une cornée de grenouille, qui vient d’être enlevée à l'animal vivant : l'examen microscopique, pratiqué aussitôt après, ne lui a montré aucune cellule de Lissu conjonctif. Mais ces cellules étaient très appa- rentes si, avant d'être traitée pat l'acide osmique, la cornée avait été plongée pendant quelques minutes dans une goutte d'humeur aqueuse. Les conclu- sions à tirer de ce fait sort que, chez l'animal vivant, les corpuscules de Ja cornée sont invisibles; que l’eau gonfle les fibres de tissu conjoncetif et les fait diminuer de refringence : l'imbibition détermine donc une perte de trans- parence (1). Séance du 15 février 1879. Paul Berr, Le protoxyde d'azote et ses applications à la chirurgie. — Le 31 novembre 1878, M. Paul Bert communiquait à l’Académie des sciences une note où il démontrait la possibilité d'obtenir, à l'aide du protoxyde d'azote, une insensibilité de longue durée, et linnocuité de cet anesthésique. Il suffit pour cela de mélanger le protoxyde d'azote à l'oxygène, par exemple, dans les pro- portions de 85 parties de protoxyde d'azote pour 15 parties d'oxygène. On opère dans l'air comprimé, à une pression de 15 à 16 centimètres. Dans ces conditions, M. le docteur Léon Labbé à pratiqué chez une jeune fille l'opération de l'ongle incarné. La malade respirait, au moyen d’une muse- (1) Dans ses cours du Collège de France, M. Ranvier a complété ces notions, .en si- gnalant dans la cornée des Poissons une particularité de structure qui s'oppose à l’im- bibition de cet organe. Chez la Raie, les deux membranes basales antérieure et posté- . rieure sont intimement unies l’une à l’autre par un système de «fibres perforantes », dirigées d’avant en arrière, et qui traversent, par conséquent, perpendiculairement les lames de la cornée. Celle disposition remarquable à pour but de rendre impossible l’infil- tralion de l’eau dans l'épaisseur de la cornée et, par conséquent, toute perte de réfringence dont le résultat immédiat serait l'abolition de la faculté visuelle, TALTPEN OS MOTO; l 0 274 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. lière, le mélange gazeux renfermé dans un sac de caoutchouc. Aussitôt après l'application de la muselière, la malade tomba dans un profond sommeil, sans passer par aucune phase d’excitation, et devint absolument anesthésiée. L’opé- ration fut faite sans qu'elle ressentit la moindre douleur. Elle revint complète- ment à elle et put marcher dès que la muselière fut enlevée. Docteur MrerzEeJEwskt (de Saint-Pétersbourg), ARecherches sur les lympha- tiques de l'utérus. — L'auteur a eu recours dans ses études au procédé des injections interstitielles de masses de gélatine additionnées de bleu de Prusse ou de nitrate d'argent. Le bleu de Prusse se décolorant en partie, peu de temps après l'injection, à cause de l’alcalinité des üssus, M. Mierzejewski, pour ob- vier à cet inconvénient, ajoute à sa masse quelques gouttes d'acide acétique, et il obtient de la sorte des préparations dans lesquelles tous les vaisseaux lym- phatiques sont complètement injectés. M. Mierzejewski s’est encore servi de la gomme gutte comme procédé d'in jection, Il la délaye dans l’eau et y ajoute un peu de gélatine. C'est avec cette masse qu’il a obtenu les injections les plus complètes et les plus démonstra- tives. La gomme gutte étant soluble dans l’alcool, il faut avoir soin d’éviter de traiter la préparation par ce réactif ; il importe donc de la dessécher d’abord, pour la monter ensuite dans le baume du Canada ou dans la glycérine. Les recherches de M. Mierzejewski ont porté sur cent trente-deux utérus de vache, de jument, de brebis, et l'ont conduit aux résultats suivants : 1° Les lymphatiques sous-séreux de l'utérus forment deux-réseaux distincts: le plus superficiel se trouve immédiatement au-dessous du péritoine, qu'il sou- lève, auquel il donne, au moment de l'injection, l'aspect du chagrin ; le second réseau est plus profond et situé dans la couche sous-séreuse. Ces deux réseaux communiquent l’un avec l’autre; c’est du plus profond que partent les trones lymphatiques qui se rendent aux ligaments larges. On pourrait donner au pre-- mier de ces réseaux le nom de réseau séreux, au second le nom de réseau SOUS-SÉrEUX ; 2° Les lymphatiques ne suivent pas le trajet des vaisseaux sanguins ; ceux-e1 sont situés entre les deux réseaux ; cependant quelques rares vaisseaux san- guins semblent être plus superficiels que le réseau séreux ; 3° Les vaisseaux lymphatiques sont aussi nombreux, sinon plus nombreux que les vaisseaux sanguins. PuiLiPPEAUX, Régénération de l'humeur vitrée, — À la suite d’une ponction de l'œil, l'humeur vitrée s'écoule au dehors, mais elle peut se régénérer s’il en est resté dans l'œil une partie, quelque minime quelle soit. Séance du 22 février 4879. Prix Gonarp. — Le prix Godard est décerné, à l'unanimité, à M. le docteur V. Burco, l'inventeur de la métalloscopie. Faible et bien tardif hommage rendu à un homme dont la doctrine, pour être encore inexpliquée, n'en rend pas moins chaque jour de grands et signalés services. REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 275 Séance du 1er mars 1879. Paul BerT, /nfluence des hémispheres cérébraux sur la circulation capillaire. — Il ya six à huit mois, M. P. Bert enleva à un Axolotl noir et à un Axolotl albinos un hémisphère cérébral, pour rechercher sil n'y aurait pas une rela- tion entre les hémisphères cérébraux et la circulation capillaire. Le résultat fut négatif : on ne put constater aucune modification dans la circulation cutanée. La même opération, pratiquée sur une Chauve-Souris, demeura encore sans résultat : les capillaires de l'aile, qu'on peut voir si facilement par trans- parence, ne présentèrent aucun trouble vasculaire. L'ablation d’un hémisphère cérébral détermina d’autres phénomènes. Quel- ques jours après l'opération, la peau de l'Axolotl blanc se couvrit de petits points noirs : les chromatophores que renfermait la peau se sont donc dilatés, ce qui n'a jamais lieu chez l’albinos sain. L’Axolotl noir présenta le même phénomène, mais à un degré moins appréciable. Depuis ce temps, ce phéno- mène a persisté, mais il va en s’atténuant d’une façon sensible ; peut-être faut- il voir là l'indice d’une régénération de la substance cérébrale, C'est ce qu’ap- prendra l'examen histologique. L’ablation d'un hémisphère cérébral, chez l’Axolotl, détermine done une paralysie bilatérale des chromatophores: animal ne peut plus changer de cou- leur sous les influences passionnelles ; ilne change de ton que sous les influences de couleur. Chez le Caméléon, la même opération détermine une paralysie croisée, présentant du reste les mêmes caractères que chez l’Axolotl. La temte du Caméléon devient donc asymétrique et plus foncée du côté opposé à la section, R'B1. Société zoologique de France. Séance du 18 février 1879. M. Fernand Lataste fait connaitre une nouvelle espèce de Batracien Urodèle, intermédiaire aux Triton parisinus Laur. et helveticus RAZzOoUM., et se rapprochant aussi, à d’autres égards, des genres Zuproctus GENE et Tréturus RaArIN. (sp. véidescens). M. Lataste croit devoir établir pour cette espèce un nouveau genre ou, du moins, dans le genre Triton, un sous-genre nouveau, et propose à cet effet le nom de Pelonectes, créé par Fitzinger pour le genre Triton, et demeuré sans emploi. Il dédié l'espèce à M. Bosca, qui l'a recueillie à Caracollera (province de Ciudad-Real, Espagne), et dont les re- cherches et les travaux font enfin la lumière sur la faune herpétologique d’'Es- pagne. PELONECTES, n, g. Diagnose. — Trito, absque cristà dorsali, pedibus lberis, eaudà abrupté acuminatà et breviter mucronatà, nunquam filiformi appendice ornatà ; arcü 276 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. fronto-temporali osseo; gulà plicà transversà distinctissime ornatà, cute glabrâ, aut subtiliter granosà ; corpore quadrangulare, sed non in cristam cutaneam angulis superioribus prolongato; cloacà maris ut Tritonum, sed fœminæ paullum conicè productà, ut £'uproctorum. PELONECTES Boscar, n. sp. Capite deplanato, anticè sub oculis valde dilatato ; ore rotundato; lobis sus- labialibus maximis , linguâ parvà, rotundatà, anteriüs affixà, posteriüs lateri- busque liberà ; dentium palatinorum seriebus inter nares incipientibus, anticè parallelis, posticè divergentibus ; membris gracillimis, digitis vix depressis, caudà parum elevatà, corpore longiore. Mas. Caudà latiore. Suprà fusco-flavescens, parvis maculis nigris rotun- datis distantibus; subtüs croceus, concolor vel nigro punctatus ut suprà; abdomine a dorso separato margine albescente, anterius usque ad oculos prolungatà, posterius usque ad apicem inferioremque aciem caudæ extensà ; ipsà inferiore acie caudæ maculis rotundatis majoribus notatà. Fœmina. Caudà angustiore. Suprà fusco-viridescens ; subtüs ut mas, msi albescente margine laterum distinctiore serie nigrorum punctorum inferius Juxtaposità ; caudæ inferiore acie anterius croceà, posteriüs albescente. Habitat in Hispanià. R. BL. Société d'anthropologie de Paris. Séance du 20 février 1879. ” M. le docteur BrocA annonce l'envoi, par M. de Bestion, au Laboratoire d'anthropologie, d’un cerveau de Gorilla Savagii d'environ deux ans et demi. Ce cerveau, à l’état frais, pesait 416 grammes. Il est, par conséquent, plus lourd que celui d’une autre espèce de Gorille (sans crêtes) envoyé en 1876 par le docteur Nègre, qui ne pesait que 363 grammes. L'étude de ce dernier, le premier que l’on ait eu dans un bon état de conservation, avait fourni à M. le docteur Broca des résultats ne concordant pas complètement avec ceux fournis peu avant au docteur Panech par l'étude d'un cerveau d’un tout jeune Go- rille, mort à Hambourg. M. Broca en avait conclu que ce dernier était pro- bablement d’une espèce différente de celui du docteur Nègre. Le cerveau envoyé par M. de Bestion va surtout permettre d’élucider ce point. Un Gorille est mort, il y a fort peu de temps, à Berlin, à l’âge de deux ans. Il est à croire qu’on saura profiter de cette circonstance pour compléter ou préciser encore les notions que l’on possède sur le cerveau de ces primates. Séance du 6 mars 1879. Des blonds Aryens et de leur origine. — M. Heuri MARTIN, à l’occasion des résultats obtenus par M. de Hujfalvy, dans le courant de son voyage, présente quelques observations sur les indices de plus en plus nombreux relativement REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANIES. DA à l'immigration des Aryens blonds d'Asie en Europe. M. de Hujfalvy a constaté l'existence de blonds dans la région du Turkestan. M. H. Martin veut voir en eux les derniers descendants de la souche d’où sont sortis les premiers civili- sateurs de l'Europe. Cette opinion inspire quelques doutes à M. Toprnarp. La première mention qui soit faite de blonds en Europe est relative aux Cimmériens et ne remonte pas au-delà de mille ans avant notre ère. Les premiers civilisateurs de l'Eu- rope sont plus anciens. D'autre part, le Turkestan ne semble pas du tout avoir été la région la plus propre à avoir été un centre de formation pour une race blonde. Pourtant, M. de Hujfalvy insiste sur ce point que cette région, tout en jouissant d’un climat extrême, n'est pas chaude. Et M. Piétrement, dans ses éludes sur la migration en Europe des chevaux d'Asie, a eu l’occasion de s'assurer que dès la plus haute antiquité, dès l’époque de Manou, il y avait en Asie un mélange de blonds et de bruns. M. Dazcy rappelle qu'il y avait en Europe des plantes cultivées et des animaux domestiques bien avant les migrations que l’on pourrait appeler aryennes. La plupart de nos animaux domestiques et de nos plantes cultivées ne sont pas d'origine européenne, dit M. pe Morrizcer. Le chien, si indispensable pour la domestication de tous les autres animaux, vient probablement d'Egypte ou de Nubie. L'agriculture a été certainement importée par un peuple conquérant. Et agriculture et animaux domestiques ne sont pas antérieurs à l’époque néolithique. M. Dupont seul a cru retrouver le mouton dans une station pa- léolithique. Mais la difficulté qu'il y a à distinguer le mouton de la chèvre, en l'absence de la tête, a dû sans doute l’induire en erreur. Me Clémence RoYER ne conteste pas l’origine asiatique de certains animaux domestiques, ou du moins elle ne s’en préoccupe pas. Cette origine ne prouve rien en ce qui concerne celle des peuples..Nous voyons journellement par le commerce, les échanges, introduire tel animal ou telle plante dans tels ou tels pays, sans que de semblables introductions soient dans le moindre rapport avec des migrations de peuples. Elle persiste à croire que l'Europe a été le centre de formation des blonds et que ceux-ci, toujours remuants, ne se sont Jamais montrés comme des civilisateurs. Placer leur origine en Asie, c’est placer leur point de départ à l’extrème limite de leur aire géographique, ce qui est contraire à toutes les lois d’extension des êtres. M. Henri MARTIN se borne à lui rappeler que l'anthropologie des époques préhistoriques constate d’une manière certaine que de petits bruns brachycé- phales se sont répandus sur l'Europe venant de l’est, et que sur les talons de ceux-c1 sont venus, également du côté de l'Asie, de grands dolichocéphales. Sur le désir exprimé par M. Topinard et plusieurs membres, la Société se propose de consacrer encore sa prochaine séance à élucider ces questions. Z. 278 REVLE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux. Séance du 12 décembre 1878. Agan, Sur la double conscience. — L'histoire de Félida X..., qui présente au plus haut degré le phénomène de double conscience ou dédoublement de la personnalité, a été publiée dans la Aevue scientifique et dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences morales ; M. Azam rappelle brièvement cette histoire, pour en tirer des conclusions utiles à la thérapeutique des lésions fonctionnelles du cerveau. Félida X... est soumise à l'observation depuis environ vingt ans. Elle est hystérique et présente tous les phénomènes de cette névrose : convulsions, états cataleptiques, hémorrhagies et congestions locales, etc. En outre, elle a comme deux vies, deux modes d'existence, deux conditions séparées par un court sommeil ou par une torpeur de quelques secondes. Après son retour à l'état normal, elle ignore absolument tout ce qui s’est passé pendant la con- dition seconde qui précède, quelle que soit la durée de celle-e1. Ainsi, elle a pu devenir grosse pendant une période de condition seconde, et elle l’ignorait ab- solument dans ses périodes d'état normal. De plus, les périodes de condition seconde qui, il ya vingt ans, duraient une heure où deux sur vingt-quatre, occupent aujourd'hui presque toute la vie, deux à trois mois consécutifs, contre des intervalles de quelques heures ou de quelques instants. Du reste, ces deux conditions, ces deux existences, sont absolument complètes et ne diffèrent que par le caractère, qui est plus gai dans la condition seconde, et par l'absence de souvenir qui caractérise l’état normal. Parmi les phénomènes hystériques, Félida présente des hémorrhagies et des congestions locales et limitées au département d’un vaisseau sanguin quel- conque; mais on peut constater aussi des anémies locales, limitées de la même facon, Leur mécanisme est simple ; congestions ou anémies sont dues au relâchement ou à la constriction des vaisseaux sanguins afférents. Lors- qu'elles sont sous la dépendance du système nerveux vaso-moteur, dont l’équi- libre et le fonctionnement sont altérés par lhystérie, ce sont des hypérémies ou hémorrhagies locales, d'apparence quelquefois singulière. Il est incontestable que toutes les fonctions sont liées de très près à la quan- tité de sang que reçoivent les organes qui sont chargés de les mettre en jeu; peu de sang dans le cerveau, par exemple, c'est le repos intellectuel. Le som- meil ne s’accompagne-t-il pas d'anémie cérébrale, ainsi que l'a démontré Ham- mond ? La surexcitation des fonctions cérébrales n’amène-t-elle pas une hypé- rémie, qui, chez les paralysés généraux, se termine par une altération du cerveau lui-même ? Done, il est logique de croire que l’altération de la fonction mémoire que présente Félida X... peut être due à une diminution où à un accroissement dans la quantité de sang qui reçoit la partie ou les parties du cerveau qui pré- sident à l'exercice de cette fonction. Rien n’est plus naturel à penser ; car si REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANIES, 279 chez Félida il se fait des anémies ou des hypérémies partielles dans toutes les régions du corps ou dans les organes, pourquoi le cerveau serait-il exempté de ce phénomène ? L'hypothèse que la fonction mémoire est sous la dépendance de la cireu- lation n'a donc rien qui répugne à l'esprit. Mais, s’il en est ainsi de la mé- moire, il en doit être de même des autres fonctions cérébrales, Or, les mé- decins ont une action sur la circulation cérébrale, et cette action est souvent efficace ; on modifie, en effet, le fonctionnement du cerveau, et on arrête les convulsions des enfants par la compression des carotides. Comment agit sur la circulation du cerveau pour arriver à un but sem- blable ? C’est à l’expérimentation à le trouver. Sera-ce le curare, la com- pression, l'électricité, l'opium, le sommeil provoqué, la position du corps, ou tout autre agent encore inconnu ? On ne saurait le dire. Il suffit d'établir cette hypothèse, qu’une action thérapeutique sur la cireu- lation du cerveau peut modifier les fonctions de cet organe, et les modifier heureusement. Les moyens de guérir les troubles cérébraux, depuis la folie jus- qu à l'épilepsie, ne sont pas si nombreux ni si sûrs, qu’il soit permis de re- jeter sans examen une hypothèse raisonnable. | M. de Lacolonge demande quel est l’état de la mémoire de Félida, et si, pendant sa condition seconde, elle se souvient de ce qui s’est passé pendant les conditions secondes précédentes. M. Azam répond que Félida se souvient très bien dans toutes ses conditions secondes de tout ce qui s’est passé pendant les états semblables qui précèdent, el aussi de tout ce qui s’est passé pendant les périodes d'état normal; ce n’est que pendant celles-ci qu'elle perd la mémoire. Du reste, Me X... a tellement le sentiment de la supériorité de la vie surajoutée sur l’autre que, pour elle, la crise (c'est le terme qu'elle emploie) est: la période d'état normal, aujour- d’hui très courte. En réponse à la remarque de M. Boutan, que M'° X... ne perd pas la mé- moire en entier, M. Azam confirme cette observation, mais ajoute que la faculté mémoire se compose de divers éléments : la conservation et la repro- duction des idées ou des images ; chez Félida, la reproduction seule est atteinte; la conservation persiste ; on peut dire que les clichés photographiques existent dans son cerveau; seutement, à un moment ‘donné, bien que ces clichés demeurent, elle n’en peut pas tirer d'épreuves. Ce n’est que cette faculté de reproduction qui est détruite, mais cela suffit pour donner à son existence l'apparence d’un livre auquel on aurait supprimé des feuillets ; les interruptions dans le livre, comme l'absence de souvenir d’une période de temps, chez Félida, détruisent toute suite dans la série des idées. Gette interruption est si complète qu'outre ce fait, déjà cité, qu'elle a pu devenir grosse sans le savoir, on peut citer plusieurs faits analogues, par exemple le suivant : un jour, s’éveil- lant dans son état normal, et voyant auprès d'elle un chien qu’elle ne connais- sait pas, elle le chassa comme un intrus; or, ce chien lui appartenait et était le familier de la maison depuis trois mois. M. Pérez prie M. Azam d'exposer à la Société les déductions qu'on peut tirer 280 REVUL INTERNATIONALE DES SCIENCES. du fait qui précède en ce qui touche la localisation soit de la mémoire, soit des autres facultés intellectuelles. M. Azam considère que la question des localisations cérébrales n’est pas simple, comme on a eu tort de le croire, mais qu’elle est très difficile et bien peu avancée, et que les déductions qu'on peut tirer de l’histoire de Félida, bien qu'importantes, sont encore insuffisantes pour la résoudre. Si, chez Félida, la mémoire peut être atteinte à l'exclusion de toute autre faculté, et si on admet que cette lésion est due à une action morbide sur un vaisseau sanguin, la mémoire serait localisée dans la partie du cerveau qui est le département de ce vaisseau. Mais la mémoire est-elle localisable? Cela est douteux, puisqu'elle est liée à l'exercice de toutes les autres facultés. Il faudrait donc admettre un autre sens pour le mot de localisation ; ce serait comme une localisation disséminée ; en d'autres termes, suivant une expérience de M. de Quatrefages, les cellules mnémoniques seraient disséminées dans les diverses parties du cer- veau. M. Azam avait d'abord pensé qu'il ne devait s’en trouver que dans l’hémi- sphère droit, parce que la faculté du langage articulé, qui siège à gauche, m'est jamais atteinte chez Félida ; mais cette opinion est difficile à soutenir, devant ce fait que la fonetion du langage articulé ne peut, elle non plus, fonctionner sans mémoire. Il y aurait donc aussi des cellules mnémoniques dans l'hémi- sphère gauche. La question étant obscure et difficile, M. Azam fait appel à la réflexion et aux lumières de ses collègues. Perez, Sur la cause du bourdonnement chez les Messe — Après avoir réfuté opinion qui attribue le bourdonnement au passage rapide de l'air par les orifices stigmatiques du thorax, M. Pérez montre que la cause du son pro- duit réside: 1° dans les battements des pièces articulaires de la base de l'aile ; 2° dans le frôlement de l'air par les bords de la membrane alaire. On à aussi attribué le bourdonnement à la dépression et à l'élévation alter- natives de la section transversale du thorax. Mais les vibrations du thorax sont d'une tout autre nature. Selon M. Pérez, le thorax, pendant le vol, serait soumis à des mouvements tels, que la verticale du milieu de la région dorsale décrirait une surface conique à section elliptique. Ge mouvement n’est pas la cause du son produit, car on peut immobiliser le thorax sans nuire au bourdonnement. (Voyez pour les travaux de M. Pérez sur cette question : Revue intern. des Sc., 1878, I, 504, 827.) Séance du 26 décembre 1878. Perez, Phénomènes qui précèdent la segmentation de l'œuf chez l'Helx aspersa. — Les œufs ovariens rencontrent dans le diverticule les spermato- zoïdes qui les fécondent. La tache germinative, primitivement limpide et ho- mogène, prend un aspect trouble, et laisse apparaitre vaguement deux petils nucléoles, Plus tard, la tache pälit, devient diffluente, puis la vésicule germi- native s’affaisse en se pliant et se dissout. Autour des nucléoles devenus libres s'organise aussitôt un système radiaire, formé du corps fusiforme et des deux soleils connus des embryogénistes. REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES, 281 Les deux nucléoles grandissent et acquièrent bientôt une enveloppe vésicu- laire. Ils ne tardent pas alors à être dépouillés du système radiaire qu'ils avaient formé, par l’effet des contractions de la masse vitelline, qui repoussent au dehors sous forme de globules polaires la substance radiée, plus fluide que le vitellus. Mais les deux corps cellulaires ainsi énucléés restent dans le vitellus, où les réactifs les manifestent avec la plus grande facilité, à la place occupée jadis par la vésicule germinative. Ils grossissent rapidement en se rapprochant du centre du vitellus, et en même temps leur noyau se décompose en un grand nombre de nucléoles d'inégal volume. Puis, l’un d’eux se détruit complètement. L'autre, subissant à peu près le sort de la vésicule germinatve, disparait, ne laissant de lui que deux des nucléocles qu'il contient. Ceux-c1, devenus libres par la destruction de la paroi cellulaire, donnent naissance à un nouveau sys-. tème radiaire semblable au premier et qui devient ie point de départ de la seg- mentation. Perez, Complément à la communication faite dans la dernière séance sur le bourdonnement des Insectes. — Il ne pense pas qu'un mouvement conique du thorax puisse produire un son, car en fixant l'animal avec une épingle, les mouvements du thorax sont très atténués, sans que les mouvements des ailes et le bourdonnement soient détruits ou même affaiblis. Ces mouvements ne peuvent donc pas expliquer le bourdonnement. Séance du 9 janvier 1879, MerGeT, Sur la diffusion des vapeurs du mercure. — L'auteur montre à la Société quelques-unes de ses expériences sur la diffusion des vapeurs du mercure. En s'appuyant sur des considérations générales, par exemple sur la vitesse que les molécules de mercure doivent avoir en quittant la surface du liquide, M. Merget a pensé que ces molécules doivent atteindre des hauteurs beaucoup plus grandes que celles qu'accuse une lame d’or placée au-dessus d’un bain de mercure. Il à cherché dès lors un réactif plus sensible que le précédent, et a trouvé que du papier, imprégné de solutions salines des métaux précieux, devenait extrêmement impressionnable aux vapeurs de mercure ; l’azotate d’ar- gent ammoniacal, le chlorure de palladium réussissent très bien. Avec de tels réactifs, on peut montrer la présence des vapeurs mercurielles dans un point quelconque d’une salle où l’on a manipulé le mercure pendant quelques heures ; on peut aussi montrer que, même solidifié, ce métal émet encore des vapeurs en quantité sensible ; c’est done un phénomène continu se produisant à toute température. M. Merget à fait voir que les vapeurs traversent les vases poreux, des ron- delles de bois, sapin, chêne, huis d'épaisseur quelconque. Les applications de ces résultats sont nombreuses. Ainsi on peut étudier la structure du bois dont les faisceaux fibro-vasculaires et les rayons médullaires sont nettement dessinés sur la feuille sensible ; on peut déterminer le chemin que suivent dans une tige les faisceaux des branches secondaires, dessiner les 282 REVUE INIEBNATIONALE DES SCIENCES. stomates d'une feuille et montrer que, pour celles dont les deux faces portent: des stomates, l'air circule d’un épiderme à l’autre en passant par les méats:; avec des négatifs, on peut produire des positifs, sans l'intermédiaire de la lumière; en amalgamant une lame de cuivre sur laquelle on a trouvé un des- sin, on peut faire de l'impression en taille-douce, etc. Les vapeurs de mercure se condensent sur certains corps, par exemple sur le charbon. Il suffit de noircir légèrement une rondelle de bois et de l'exposér au-dessus d’un bain de mercüre, pour reproduire ensuite une empreinte sur du papier sensible. Le papier réactif de M. Merget permet de déceler des quantités infiniment petites de mercure. Une lame de cuivre brillante, plongée dans une solution mercurielle très faible, à 1/10 000°, reste brillante après l'immersion ; mais “exposée au papier à azotate d'argent ammoniacal, elle détermine une tache noire caractéristique. La facile volatilité du mereure rend compte de eertains faits pathologiques, tels que les phénomènes d'intoxication produits par l'usage de l’onguent gris, qui émet des vapeurs, plus facilement encore que le mercure seul. Parmi les contre-poisons que M. Merget propose contre les vapeurs mercu- rielles, dans les salles où des ouvriers sont exposés à en absorber, le chlore, dé- sacé à pelites doses de l'hypochlorite de chaux, donne de bons résultats, Le soufre et l’iode précipiteraient bien aussi les vapeurs; mais leur usage est dangereux. Académie des sciences de Vienne. Séance du 16 janvier 1879. « S. von Bascu, Sur l'accumulation des excitations par le cœur. — 1° Le cœur accumule également les excitations électriques et mécaniques. La fré- quence des contractions produites par l’action des excitations électriques et mécaniques intermittentes dépend du nombre et de l'intensité des excitations. 2e L’accumulation des excitations ne se montre pas seulement dans la portion riche en ganglions du cœur, mais encore dans la partie de la pointe du cœur qui en est dépourvue. La partie du cœur qui est dépourvue de ganglions, est beaucoup moins sensible aux excitations électriques intermittentes : que la partie riche en ganglions. Vox HocustTeTrer, Résultat des recherches et des fouilles faites par la com- mission préhistorique de l'Académie des sciences de Vienne. — Des recherches ont été faites dans la Basse-Autriche, le Krain et la Bohème. Dans la Basse- Autriche, le tumulus connu sous le nom de « Calvarienberg », près de Pil- lichsdorf, a fourni des urnes, des plats et d’autres vases d’une forme très particulière qu’on n'a encore rencontrée nulle part. On à pu restaurer à peu près entièrement treize de ces vases. On à trouvé aussi un bracelet de bronze. Le lout était entouré de pointes de bois. REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 283 A Krain, les résultats obtenus sont les suivants : à Terzisce, près de Zirkintz, on a trouvé un village fortifié avec des cimetières dont certaines fosses contenaient des cendres et d’autres des squelettes, des objets de bronze, de fer, appartenant à la même époque que le cimetière celtique de Hallstatt. À Grad, près de Saint-Michael, non loin d’Adelsberg, on a trouvé des sque- lettes avec des objets de bronze et des monnaies datant d’une période anté- rieure à l'époque romaine. À Slemschek, près de Waatsch, non loin de Littai, on à trouvé un ancien village, avec des cimetières très étendus, de l'époque de Hallstatt. Les fosses renferment des squelettes et des débris. Dans les fosses couvertes de dalles, on trouve de grandes urnes de formes très différentes qui contiennent des cendres ; au-dessus, sont placés des bijoux, des ustensiles de bronze, de fer, d'ambre jaune, de verre, ete. On y a trouvé aussi un casque de bronze très bien conservé. On a fouillé environ deux cents fosses. A Dolle, près de Gora, non loin de Waatsch, les résultats ont été à peu près les mêmes qu'à Slemschek. À Vier, entre Sittich et Saint-Veit, on a trouvé au- dessus deVier une grande muraille circulaire et fermée, et au-dessous, des deux côtés de la grande chaussée, un grand nombre de tumulus nommés « Gomile » par le peuple. Près de Saint-Veit, on a trouvé des fosses couvertes de dalles, C'est probablement dans les environs de Vier que se trouvait l« Acernone » de Peutinger ou « Acervo » des Romains. Le professeur Müller fait dériver le nom « Acervo » (ad acervos) du voisinage de ces tumulus antérieurs à la période romaine. À Moratsch, on a trouvé des fosses à tumulus et sans tu- mulus. Une fosse contenait un squelette de femme et une autre un squelette d'homme. Les seuls objets trouvés sont un peigne en ossements, des couteaux de fer et des vases en terre. Ces fosses appartiennent probablement à une époque plus récente que celles dont nous avons déjà parlé. À Mariathal, au sud de Littai, on a trouvé, dans une fosse à tumulus, un squelette d'homme sans bras, avec crâne écrasé avant la mort; une urne trouvée dans une fosse ressemble à celle de Waastch. La caverne de Kreuzberg, près de Laas, s'est montrée particulièrement riche en ossements; élle est peu accessible et n'avait encore été que peu explorée. On y a trouvé en quatre jours plus de deux mille os séparés, des crânes et des fragments de crânes d’Ursus spelæus ; d’après le nombre de ces os, on peut estimer qu'ils proviennent d'au moins quarante à cinquante individus. On y trouva aussi des restes du Gulo spelæus, d'une espèce de Marire voisine du Mustela Foina, des coprolithes de Hyène et des vertèbres cervicales du Canis Lupus. La grotte de Jellenza près de Tœplitz parait avoir été habitée par l’homme. 284 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. CHRONIQUE Le 10 mars a eu lieu, à l'institut, la réunion publique annuelle des membres de la section des sciences, présidée par M. Fizeau. Après la proclamation des prix décernés en 1878, M. J.-B. Dumas à pro- noncé l'éloge historique de M. Antoine-Jérôme Balard, mort il y a trois ans. M. J. Bertrand a prononcé un éloge de M. Le Verrier. Le prix extraordinaire de 6000 francs, destiné à récompenser tout progrès de nature à accroître l'efficacité de nos forces navales, a été décerné par moitié à MM. Bauls, lieutenant de vaisseau, et Perroy, ingénieur de la marine. En mécanique, le prix Poncelet a été décerné à M. Maurice Lévy, le prix Montyon à M. G.-H. Corliss, le prix Plumey à M. Valessie. En astronomie, le prix Lalande a été décerné à M. Stanislas Meunier, le prix Valz à M. Jules Schmidt. En physique, un encouragement de 2000 francs a été accordé à M. Reynard, sur le prix Bordin. En chimie, le prix Jecker a été décerné à M. Reboul. En botanique, le prix Barbier a été décerné à M. C. Tanret (deux encou- ragements de 500 francs chacun ont été accordés, l’un à M. Cauvet, autre à M. E. Heckel); le prix Desmazières a été décerné à M. Bornet ; le prix Thore a été décerné à M. Ardissone. En médecine et chirurgie, pour le prix Montyon, la commission a décerné trois prix de 2500 francs : 1° à M. F. Franck; 2% à M. G. Hayem , 3°à MM. Koy et Retzius. Elle a accordé trois mentions honorables à MM. Bérenger- Feraud, Favre et Albert Robin, et cité honorablement dans le rapport MM. A. Proust, H. Toussaint, L. Colin, Dejérine, Legrand du Saulle, E. Fournié, Gairal, E. Debost. Le prix Godard a été décerné à M. Reliquet. Le prix Serres a été décerné à M. Alex. Agassiz. En physiologie, le prix Montyon a été décerné à M. C. Richet. … Prix généraux. —- Prix Montyon, arts insalubles, — La commission a dé- cerné deux prix de 2500 chacun à M. d'Hubert et à M. Lenoir, et deux récom- penses de 1 000 chacune à M. Turpin et à M. Paquelin. — Prix Trémont. Le prix a été décerné à M. Marcel Deprez. — Prix Gegner. Le prix a été décerné à M. Gaugain. — Prix Delalande-Guérineau. Le prix a été décerné à M. Sa- vorgan de Brazza. — Prix Laplace. Le prix a été décerné à M. de Béchevel, sorti le premier, en 1878, de l’Ecole polytechnique et entré à l'Ecole des mines. # LIRE Par décrets en date du 8 mars, M. Laboulaye a été nommé admimstrateur du Collège de France pour une période de trois ans ; M. Léon Rénier a été nommé vice-président de l’assemblée des professeurs de cet établissement pour une période de trois ans. Le gérant, O. Duin. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 285 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. Physique et Ghimie biologiques. T.-S. WiLzsoN, Menge von Zucker im Nec- tar verschiedener Blüthen (Proportion de sucre existant dans le nectar des diverses fleurs), in Ber. d. deutsch. Chem. Geselisch., Elft. Jahrg., n°14-17, p. 18-35. J.-L. Puipson, Produkle aus der Wurzel der Erdbeere, Fragraria vesca (Produits fournis par la racine du Fraisier, Fragaria vesca), in Ber. d. deutsch. Chem. Gesellsch., Elft. Jahrg., n° 14-17, p. 18-36. C.-J.-H. WaARDEN, Opiumasche (Les cen- dres de l’opium), in Ber. d. deutsch. Cher. Gesellsch., Elft. Jahrg., n° 14-17, p. 18-37. (Gi. Rosrer, Darm und Magensteine bei Pferden (Calculs de l'intestin et de l'estomac chez le cheval), in Ber. d. Deutsch. Chem. 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LATASTE, Anpré LEFÈVRE, CH. LETORT, LUYS, MAGNUS, MALASSEZ, Cu. MARTINS, MASSON, Sran1SLas MEUNIER, MOITESSIER, MOQUIN-TANDON, Er. MORREN, De MORTILLET, NYLANDER, ONIMUS, E. PERRET, RANVIER, REGNARD, CH. ROBIN, ROUGET, SABATIER, SCHNEIDER, SCHUTZENBERGER, Lx SINETY, STRASBURGER, SCHWENDENER, A. TALAN- DIER, TERRIER, TOPINARD, TREUB, Carz VOGT, WEBER, F. WURTZ. PARIS OGTAVE DOIN, ÉDITEUR 8, PLACE DE L'ODÉON, 8 HYGIÈNE DES ENFANTS Après avoir suivi les règles d'une hygiène rigoureuse pendant l'allaitement, après avoir entouré le moment du sevrage de toutes les précautions nécessaires, l'inquiétude des parents au sujet de la santé de leurs enfants ne doit point être encore entièrement apaisée. L'enfant, en effet, porte en lui trois puissantes causes de maladie : son tempérament, l’hérédité, la crotssance. « Le tempérament lymphatique, dit M. Levy, est le tempérament de la femme « et de l'enfant. On constate moins de globules de fer, de matière colorante, et « plus d’eau, chez la femme que chez l’homme, chez 1 enfant que chez l’adulte. » Et l’hérédité, que de prédispositions morbides ne ions eee pas aux enfants, que de précautions n’impose-t-elle pas aux médecins ! Quant à la cotes Hippocrate lui-même la considérait comme le principe de la plupart des maladies qui surviennent chez les enfants : «Elle exagère, disait-il, la force de la circulation et les combustions organiques, prédisposant ainsi aux maladies fébriles. » Les travaux de MM. Daignan, Duchamp, Régnier, etc., etc., ont jeté une vive lumière sur le rôle et l'importance de la croissance. Ces auteurs ont méme prétendu que la croissance suffit pour occasionner un état morbide entièrement semblable aux svnvodeames de la fièvre typhoïde : courbature, céphalalgie, embarras gastriques, souvent insuffisants, si une médication énergique et soutenue n’en vient com- pléter les effets. Les préparations martiales sont, dans un grand nombre de cas, d’une efficacité merveilleuse. Elles doivent, autant que possible, être données avant l’éclosion de la maladie et font surtout partie du traitement prophylactique de la phthisie : en administrant du fer à des enfants tuberculeux, après la période de crudité, j’ai, comme beaucoup d’autres, obtenu une amélioration évidente et tellement inespérée qu’elle m'élonnait parfois. Dans ces cas, je crois que, si l’on m'eut appelé à temps, je n’eus pas désespéré d’obtenir une guérison complète. De toutes les préparations ferrugineuses, le fer Bravais est celle que je donne le plus souvent. Comme il ne constipe pas, qu'il peut se prendre sous diverses formes, et surtout comme il ne fatigue absolument pas l’estomac déjà si délabré de nos petits malades, je crois qu'il doit être ordonné de préférence aux enfants. D' BENOIST. SUR L'ORIGINE DES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. 289 SUR L'ORIGINE DES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, Par John LuBBocx, Vice-chancelier de l'Université de Londres, Nous avons à résoudre cette question : Pourquoi les Insectes subis- sent-ils des métamorphoses? MM. Kirby et Spence nous disent qu'il en est ainsi parce que le Créateur l’a voulu; mais c’est là un acte de foiet non une explication des métamorphoses; ils semblent eux-mêmes le comprendre, car ils essayent immédiatement de formuler une hypothèse. « On peut, disent-ils, hasarder une raison de ce fait. Un rôle très impor- tantest assigné aux Insectes dans l’économie de la nature, celui de faire disparaître rapidement les détritus de la nature animale et végétale. Pour cela, ils sont doués d’une insatiable voracité et d'un pouvoir non moins grand de multiplication. Mais ces facultés sont à un haut degré incompatibles, l’Insecte occupé à la reproduction ne pouvant pas con- üinuer à se livrer à sa voracité. Sa vie est, par suite, divisée, après la sortie de l’œuf, en trois périodes. » Il ya cependant des Insectes, par exemple les Aphides, qui certaine- ment ne sont pas des moins voraces, qui croissent etse multiplient en même temps. Il y a aussi, parmi d’autres groupes d'animaux, des Boueurs, comme le Chien, le Porc et le Vautour, qui ne subissent pas de métamorphoses. Il est certainement vrai que, en règle générale, la croissance et la reproduction ne marchent pas ensemble, et que, comme conséquence presque nécessaire, la première doit alors précéder la seconde. Mais ce fait n’a pas de connexion immédiate avec l’existence des métamorphoses. La question n’est pas de savoir pourquoi les Insectes ne commencent à se reproduire que quand ils ont cessé de croître, mais pourquoi, avant d'atteindre leur forme parfaite, ils subissent des changements si remar- quables; pourquoi ces changements sont si soudains et en apparence si brusques ; et pourquoi ils se produisent si souvent pendant l’état d'im- mobilité qui a reçu le nom de chrysalide ou pupe; car, sans aucun doute, l’état de repos et de mort apparente de la pupe est l’un des phé- nomènes les plus remarquables des métamorphoses des Insectes. En premier lieu, nous devons faire remarquer que beaucoup d’ani- maux, très différents à l’état adulte, sont très semblables à l’état jeune. Ainsi, des Oiseaux appartenant au même genre ou à des genres très voisins, qui diffèrent beaucoup à l’état adulte par la couleur, ont sou- vent une coloration semblable lorsqu'ils sont jeunes. Les jeunes Lions T. III, — N0 4, 1879. 19 290 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. et les Pumas ont souvent des raies. Le fœtus du mas a des dents, comme son parent la Baleine. . En réalité, la plupart des animaux subissent des Re bien marquées ; mais celles-ci, dans beaucoup de cas, se produisent dans l'œuf et échappent ainsi à l'observation du vulgaire. « La larve, dit M. de Quatrefages, n’est qu'un embryon à vie indépendante.» Les natu- ralistes qui acceptent sous une forme quelconque la théorie de l’évolu- tion, considèrent que « l’état embryonnaire de chaque espèce reproduit plus ou moins complètement la forme et la structure de parents moins modifiés ». « Chaque organisme, dit Herbert Spencer, offre dans un court espace de temps une série de changements qui, si on suppose qu'ils se produisent dans un laps de temps infiniment grand et dans des directions variées, nous donnent une idée suffisamment nette de l'évolution organique en général. » Les naturalistes de la vieille école, ainsi que l'ont fait déjà remarquer Darwin et Fritz Müller, ne contestent pas ces faits, mais ils les expli- quent en général par l'existence d’une tendance supposée à diverger du type originel; Johannes Müller, par exemple, dit : «L'idée du dévelop- pement n’est pas celle d’un simple accroissement de taille, mais celle d'un progrès d’une forme qui n’est pas encore distincte, mais qui contient potentiellement en elle-même sa différenciation vers une forme actuellement distinete. Il est clair que moins un organe est dé- veloppé et plus il approche du type, et que pendant.son développement il acquiert de plus en plus des caractères particuliers. Les types décou- verts par l'anatomie comparée doivent donc être conformes à ceux que révèle l'histoire du développement.» Plus loin, il ajoute : « Ce qu'il y à de vrai dans cette idée, c’est que chaque embryon présente d’abord seulement le type de sa section, duquel se développent plus tard les types de la classe, de l’ordre, etc. » Agassiz fait aussi observer que « les embryons des différents animaux se ressemblent d'autant plus qu'ils sont plus jeunes ». | Il ya, sans doute, des cas dans lesquels les premiers états sont rapidement franchis ou ne sont qu'imparfaitement indiqués ; nous pou- vons cependant établir comme une loi générale que, soit avant leur naissance, soit après, les animaux subissent des métamorphoses ; l'état de développement du jeune animal, au moment de sa naissance, varie énormément. Le Kanguroo (Macropus major), qui atteint une hauteur de 7 pieds 10 pouces, n’a pas, au moment de sa naissance, plus de i pouce et 2 lignes de long. Le Poulet, à sa sortie de l'œuf, est beau- coup plus développé que la Grive ; parmi les Insectes, le jeune Criquet est beaucoup plus développé, à sa sortie de l’œuf, que la larve de la SUR L'ORIGINE DES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, 291 Mouche ou celle de l’Abeille; et ces différences existent même dans une espèce déterminée. Chez les animaux ovipares, l’état du jeune, au moment de sa naissance, dépend beaucoup des dimensions de l'œuf; quand l'œuf est volumineux, la grande quantité d'aliments qu'il renferme permet à l'embryon d'atteindre un degré avancé de son développement; lorsque l'œuf est petit et que, par suite, le jaune est peu abondant, l'embryon a besoin, pour atteindre le même degré, d'un supplément de nourri- ture; dans le premier cas, l'embryon a plus de chance de survivre; mais lorsque les œufs sont volumineux, ils ne peuvent pas être nom- breux; la multiplication des germes peut, par suite, constituer, dans quelques circonstances, un grand avantage. Dans une même espèce, le développement de l’œuf présente parfois certaines différences. Les métamorphoses des Insectes dépendent donc, en premier lieu, de ce que le jeune quitte l'œuf dans un état peu avancé de son développe- ment, et subit, par suite, plus facilement l’action des agents extérieurs que s’il naissait complètement développé. Il résulte de ce fait que, tandis que certaines formes adultes, très dif- férentes les unes des autres, succèdent à des larves très semblables, dans d'autres cas, au contraire, par exemple dans les Hyménoptères pa- rasites, des Insectes très voisins à l’état adulte sont produits par des larves très dissemblables. Le même phénomène se présente dans d’autres groupes. Tandis, par exemple, que certaines Méduses succèdent à des Hydroïdes presque identiques, dans quelques espèces, au contraire, des Hydroïdes très distincts produisent des Méduses tout à fait semblables. Nous pouvons maintenant passer à la seconde partie de notre sujet : la soudaineté apparente des changements que subissent les Insectes pendant leurs métamorphoses. Mais, auparavant, nous devons répéter que ces changements ne sont pas toujours, même en apparence, sou- dains ni considérables. Le développement d'un insecte orthoptère, celui de la Sauterelle par exemple, depuis sa sortie de l'œuf jusqu'à l’état adulte, est si graduel, que dans la nomenclature des ouvrages d’ento- mologie on n’admet ni l’état de larve ni celui de pupe. Même dans le cas des Lépidoptères, le passage de l’état de chenille à celui de chrysa- lide et de celui-ci à celui d'animal ailé est moins rapide en réalité qu'on ne pourrait le supposer à première vue; les organes internes ne se transforment que très lentement, et mème le changement brusque et frappant qui se produit dans les formes extérieures nous induit en erreur parce quil consiste en un dépouillement de l'enveloppe exté- rieure, qui, à la façon d’une toile de théâtre qui se lève, met à découvert 292 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. une forme qui, bien loin d'être nouvelle, était en préparation depuis plusieurs jours et souvent même depuis des mois. Swammerdam supposait, et son opinion a été adoptée par Kirby et Spence, que la larve contenait en dedans d'elle-même « le germe du papillon, enfermé dans le tégument de la pupe, elle-même enveloppée de deux ou trois téguments superposés qui recouvrent successivement la larve». C’est là une erreur; ce qui est vrai, c’est que si l’on examine la larve peu de temps avant qu’elle ait atteint son développement com- plet, on peut reconnaître dans l’intérieur de son corps la pupe future. Si également on examine une pupe qui est sur le point de produire un papillon, on y trouve l’Insecte futur dans un état imparfait et mou, mais facilement reconnaissable et remplissant plus ou moins les tégu- ments de la pupe. La différence importante qui existe entre un Insecte et un animal ver- tébré, c’est que dans ce dernier, chez l'Homme par exemple, les mus- cles sont attachés à un squelette osseux interne, tandis que chez les In- sectes ce squelette n'existe pas. Ces derniers n’ont pas d'os et leurs muscles sont attachés à la peau; d'où la nécessité, pour le revêtement dermique des Insectes, de différer beaucoup de notre peau, qui est molle et souple. La chitine, ou substance cornée, qui forme la couche externe du tégument des Insectes, est produite par des cellules situées au-dessous d'elle, et une fois sécrétée, elle ne peut plus être modifiée. Il en résulte que sans changement de peau tout changement de forme est impos- sible. Dans quelques cas, par exemple dans le CÆ/oeon, chaque change- ment de peau est accompagné d’un changement de forme et l’Insecte se dégage ainsi graduellement. Dans d’autres cas, par exemple dans les Chenilles, les divers changements de peau se produisent sans qu'il y ait de modifications de forme, et ces dernières, quoique très remarqua- bles, sont limitées aux deux dernières mues. L'explication de la différence qui existe entre les larves dont les formes se modifient à chaque changement de peau et celles où il n’en est pas ainsi, doit être cherchée, à mon avis, dans la structure de la bouche. Celle de la chenille est munie d’une paire de fortes mandibules disposées pour broyer les feuilles, et les organes digestifs sont adaptés à ce genre de nourriture. La bouche du papillon, au contraire, est organisée pour la succion ; elle possède une longue trompe, admirablement adaptée pour sucer le nectar des fleurs, mais qui serait sans usage et constitue- rait même un embarras pour la larve. Les organes digestifs du papillon sont aussi adaptés pour l'assimilation non des feuilles, mais du miel. Il est évident que si les organes buecaux de la larve ne se métamorpho- saient que lentement en ceux de l’Insecte parfait et en passant par un SUR L'ORIGINE DES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. 293 grand nombre d'états peu différents les uns des autres, l'insecte mis dans l'impossibilité de se nourrir périrait avant d'atteindre son dévelop- pement complet. Dans Iles Orthoptères et dans les Insectes dont les changements de formes sont graduels, la bouche de la forme larvaire ressemble à celle de l'Insecte parfait et la différence principale entre le jeune et l'adulte consiste dans la présence des ailes. Des considérations analogues jettent beaucoup de lumière surla nature dela chrysalide ou pupe, cette périoderemarquable de mort apparente que présente la métamorphose des Insectes. Le repos dela pupe est dû en majeure partie à la rapidité des changements qui se produisent en elle. Dans la pupe du papillon, ilse produit non seulement, comme nous l'avons dit plus haut, des changements dans la bouche et les organes digestifs, mais encore dans les muscles. Les muscles puissants qui font mouvoir les ailes sont en voie de formation, et le système nerveux qui doit pro- voquer et régulariser les mouvements est lui-même dans un état de chan- gement rapide. Il ne faut pas oublier que tous les Insectes sont inactifs, après chaque mue, pendant un laps de temps plus ou moins long. Après la mue ordi- naire d’une chenille par exemple, l'Insecte ne reste inactif que jusqu'à ce que son nouveau tégument soit durci. Mais lorsque le changement est considérable, la période d'inaction est prolongée. Beaucoup de pupes sont susceptibles de se mouvoir; celles qui subissent l’état de chrysa- lide dans le bois ou dans la terre viennent à la surface vers l’époque où elles vont passer à l’état parfait, et les pupes aquatiques de certains Diptères nagent avec beaucoup d'activité. Parmi les Névroptères, cer- taines familles ont des pupes aussi immobiles que celles des Lépido- ptères; d’autres, comme les Raphidia, gardent le repos au début, mais acquièrent ensuite assez de force pour pouvoir marcher, quoique encore enfermées dans leur tégument pupal. Cette propriété dépend en partie de ce que leur peau est très mince. D'autres, comme les Demoiselles, au moment du passage à l’état de pupe, ne restent pas plus longtemps au repos qu’au moment de leurs autres mues. L’inactivité de la pupe n'est donc pas spéciale à cet état; elle ne représente qu'un pro- longement de la période d’inaction qui accompagne chaque mue an- térieure. Malgré cela, les métamorphoses des Insectes m'ont toujours paru être l’une des plus grandes difficultés de la théorie de Darwin. Dans beau- coup de cas, le développement de l'individu reproduit en partie celui de la race; mais la pupe, sans mouvement etimbécile, ne peut pas repré- senter une forme adulte. Personne, à ma connaissance, n’a encore es- sayé d'expliquer, en concordance avec la théorie de Darwin, l'évolution 294 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. vitale d’un être comme le Papillon dans lequel la bouche, d’abord munie de mandibules, est plus tard organisée pour la succion. On peut peut-être trouver une solution à cette difficulté dans la différence qui existe entre les changements de l’évolution et ceux de l'adaptation. La larve d'un Insecte ne représente pas une simple phase du développe- ment de l'animal pour arriver à son état parfait. Elle est, au contraire, soumise à l'influence de la sélection naturelle et subit des modifications qui se rapportent uniquement à ses propres exigences et aux conditions dans lesquelles elle vit. Il est donc évident que, tandis que le développe- ment embryonnaire d’un animal dans l'œuf peut ètre un résumé de son histoire spécifique, la même chose n'existe pas pour les. espèces dont les formes imparfaites ont une existence séparée et indépendante. Si un animal, qui à l’état jeune mène un certain genre de vie et se nourrit d’une certaine façon, modifie, même légèrement, ses habitudes ou son alimentation, soitsous l'influence de son propre accroissement en taille ou en force, soit sous celle de quelque changement de saisons, il est immédiatement exposé à l’action de forces nouvelles : la sélection naturelle l’affecte de deux façons différentes et qui peuvent être très distinctes, et tend à produire en lui graduellement des changements qui peuvent devenir assez grands peur exiger une période intermédiaire de transformation et de repos. On se trouve cependant en présence de difficultés particulières dans les cas où, comme chez les Lépidoptères, la même espèce possède des mandibules à l’état de larve et une bouche organisée pour la succion à l'état adulte. À cet égard, les Campodea et les Podura sont particu- lièrement intéressants. Il existe, chez les Insectes, trois types prinei- paux de bouche : 1° des mandibules; 2° des organes de succion; 3° le type qu'on trouve généralement dans les Campodea et les Podura, type dans lequel les mandibules et les mâchoires sont réduites, mais jouis- sent d'une certaine somme de mouvements et peuvent être employées pour couper et mâcher des substances molles. Ce type est, à quelques égards, intermédiaire aux deux autres. En supposant que certains repré- sentants de ce type soient placés dans des conditions telles qu'une bouche organisée pour la succion leur soit avantageuse, les individus dans lesquels les mandibules et les mâchoires seraient le mieux orga- nisées pour piquer se trouveraient favorisés par la sélection naturelle etles mouvements latéraux de leurs organes tendraïent à disparaître; d'autre part, si une bouche masticatrice leur était plus avantageuse, le phénomène opposé se produirait. On peut supposer aussi que la mastication est un avantage pendant la première portion de la vie, tandis que la succion est plus favorable 1e SUR L'ORIGINE DES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. 295 pendant la seconde, ou vice versa. Une certaine sorte de nourriture peut abonder pendant une saison et manquer pendant une autre, être favorable à l’animal à un âge et défavorable à un autre. Dans ce cas, nous aurons deux forces agissant successivement sur chaque individu et tendant à modifier l’organisation de la bouche dans des directions différentes. Il est impossible de nier que les variations innombrables offertes pas les organes buccaux des Insectes aient des relations étroites avec leur genre de vie et constituent un avantage pour l'espèce dans laquelle elles se présentent. En conséquence, aucun partisan de la sé- lection naturelle ne peut mettre en doute la possibilité des trois cas supposés plus haut; le dernier de ces cas paraît éclairer l’origine des espèces qui sont pourvues de mandibules pendant une période de leur vie et qui en sont dépourvues pendant une autre période. Si l’on admet ce passage d’un état à un autre, il n’est pas douteux qu'il doive coïn- cider avec un changement de peau. Nous savons qu'à ce moment même, quand il ne se produit pas de changement dans la forme, la mollesse des organes empêche l'Insecte de se nourrir pendant un cer- tain temps, comme cela a lieu par exemple pour les chenilles. Si cepen- dant quelque modification considérable se produit, cette période de jeûne doit nécessairement se prolonger et entraîner l'existence d’un troisième état, celui de pupe, intermédiaire aux deux autres. Comme la formation des ailes constitue une modification plus visible que les changements produits dans la bouche, nous sommes tentés d'associer la formation des ailes à l'existence de l’état de pupe, mais le cas des Orthoptères prouve suffisamment que le développement des ailes est compatible avec la permanence de l’activité; et la nécessité d’un repos prolongé est en réalité beaucoup plus intimement liée avec les chan- gements produits dans la constitution de la bouche, quoique dans beau- coup de cas, sans aucun doute, ces derniers soient accompagnés de mo- difications dans les pattes et dans les organes internes. Cependant une bouche d’abord pourvue de mandibules, comme celle du Scarabée, ne pourrait pas, Je pense, être directement transformée en un organe de succion comme celui d’un Papillon ou d'un Cousin, parce que les états intermédiaires seraient nécessairement désavantageux. Pour les mêmes raisons, la bouche d’un Hémiptère ne pourrait pas se trans- former directement en une bouche mandibulée comme celle des Co- léoptères. Mais dans les Campodea et les Colembola nous possédons un type d'animaux très semblables à certaines larves qui existent à la fois dans des groupes d’Insectes présentant soit des mandibules, soit des organes de succion. Dans ces types, en effet, la bouche n'est ni distinetement mandibulée, ni nettement organisée pour la succion. 296 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. mais constituée sur un type particulier, capable de se modifier dans l’une ou l’autre direction, par des changements graduels, sans perdre de son utilité. En discutant ce sujet, il est également nécessaire de prendre en considération la nature et l’origine des ailes. D’où dérivent-elles ? Pour- quoi sont-elles normalement au nombre de deux paires? et pourquoi sont-elles attachées au mésothorax et au métathorax? Ces questions sont aussi difficiles à résoudre qu’elles sont intéressantes .On a supposé, avec raison, je crois, que les ailes des Insectes ont servi primitivement à des usages en rapport avec la vie aquatique et la respiration. Chez la larve du CAloeon par exemple, qui sous d’autres rapports res- semble tant au Campodea, plusieurs des segments du corps sont munis d'expansions foliacées qui jouent le rôle d'organes respiratoires. Ces branchies, comme on les nomme, sont dans une agitation constante et les muscles qui les meuvent ressemblent, à plusieurs égards, à ceux d'ailes véritables. Il est vrai que dans les CA/oeon les vibrations des branchies sont peut-être, ou même pas du tout, utilisées pour la loco- motion; ces branchies sont en réalité placées trop en arrière pour agir d’une facon efficace. Leur situation diffère dans les divers groupes; il semble qu'originairement il en existait une paire sur chaque segment. Dans ce cas, les branchies situées près du centre du corps, ni trop en avant nitrop en arrière, servaient particulièrement d'organes de pro- pulsion; les mêmes causes qui ont déterminé la position des pattes doivent aussi avoir agi sur les ailes. Une division du travail s’est ainsi effectuée ; les branchies portées par le thorax ont été dévolues à la locomotion, celles de l'abdomen à la respiration. Cela a dû favoriser le développement des segments thoraciques déjà quelque peu élargis pour recevoir les museles des pattes. Le fait que les ailes peuvent servir aux Insectes sous l’eau est bien démontré par le cas très intéressant du Pol/ynema natans, qui se sert de ses aïles pour la natation. C’est là cependant un cas rare etil est pos- sible que le principal usage des ailes ait été primordialement de per- mettre aux formes adultes de passer d’une mare à une autre de façon à s'assurer un milieu suffisamment humide pour la préservation de leur progéniture. S'il en est ainsi, le développement des ailes doit avoir été graduellement relégué à une période tardive de la vie, et par latendance de l’apparition des caractères héréditaires aux âges correspondants que Darwin a signalée, le développement des ailes doit avoir été ainsi as- socié à l’âge adulte de l’Insecte. La tardive apparition des aïles chez les Insectes paraît ainsi généralement indiquer que ces animaux descen- « dent d’un type qui a été, à une époque déterminée, sinon primitive- SUR L'ORIGINE DES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. 297 ment, aquatique, et qui probablement ressemblait à la larve actuelle du Chloeon par sa forme, mais qui possédait des branchies thoraciques et abdominales. Enfin, la question des métamorphoses nous conduit naturellement à étudier le phénomène remarquable qui a reçu le nom d’alternance des générations, dont la première vue systématique a été émise par notre éminent ami le professeur Steenstrup. J'ai toujours été frappé de la difficulté de comprendre pourquoi cer- taines espèces ont acquis ce singulier caractère; etil n’a encore été donné à ma connaissance aucune explication de ce fait. Cependant les Insectes offrent dans leurs métamorphoses un phénomène peu différent et qui peut nous permettre de comprendre la façon dont l'alternance des géné- rations a pu se produire.La chenille doit les différences qui la distinguent à l’état de développement imparfait dans lequel elle sort de l'œuf; mais sa forme actuelle est due principalement à l'influence des conditions dans lesquelles elle vit. Si la chenille, au lieu de se changer en un Pa- pillon unique, en produisait plusieurs, nous aurions une alternance de générations. Jusqu'à ces derniers temps, nous ne connaissions pas de cas semblables chez les Insectes ; chaque larve produisait un seul adulte, et cela non par génération, mais par transformation. On sait, il est vrai, depuis longtemps, qu'il y a des espèces dans lesquelles il existe des individus qui restent toujours aptères, tandis que d’autres acquièrent des ailes. Beaucoup d’entomologistes cependant considèrent ces indi- vidus anormaux comme parfaits, quoiqu'ils soient dépourvus d'ailes; aussi Je ne veux essayer de tirer de ces cas aucun argument, quoiqu'ils me paraissent mériter beaucoup plus d'attention qu’on ne leur en à prêté Jusqu'à ce jour. Dans ces derniers temps cependant, le professeur Wagner a découvert que chez certains petits Cousins les larves ne pro- duisent pas toujours directement des Insectes parfaits, mais donnent naissance à d’autres larves qui subissent les métamorphoses ordinaires et peuvent devenir des. Cousins. Ces observations ont été confirmées dans les points essentiels par d’autres naturalistes; Grimm a même trouvé une espèce de Czronomus dont les pupes produisent des œufs. Nous avons ici un cas bien net d'alternance des générations. On dé- couvrira probablement d’autres cas dans lesquels des Insectes se mon- trent fertiles à l’état larvaire. I me semble, sinon possible, du moins probable que certaines larves, qui actuellement ne peuvent pas pro- duire d'œufs, acquerront plus tard cette propriété. Si cette idée est Juste, elle explique comment le phénomène si remarquable de l'alternance des générations à pu se produire. En nous appuyant sur l'argument précédent, nous trouvons chez les 298 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Insectes divers modes de développement, depuis le simple accroisse- ment jusqu'à l'alternance des générations. Dans les espèces aptères d'Orthoptères il n'existe que peu de différence, sauf en ce qui concerne la taille, entre la jeune larve et l’Insecte parfait ; le développe- ment est graduel et ne présente rien qui, dans le langage habituel, puisse recevoir le nom de métamorphose. Dans la majorité des Ortho- ptères, quoique la présence des ailes établisse entre la larve et l'adulte une différence marquée, les habitudes de vie sont presque les mêmes et par conséquent l’action des conditions extérieures affecte la larve de la même façon que l’Inseëte parfait. Il n’en est pas ainsi dans les Névroptères. Les larves ne vivent pas dans les mêmes conditions que les Insectes parfaits; les agents extérieurs agissent donc sur les deux états d’une facon différente. Nous avons vu que les larves subissent quelques changements qui n’ont aucun rapport avec la forme de l’Insecte parfait; ces changements sont cependant en majeure partie très graduels. Les chenilles des Lépidoptères ont à subir des modifications plus considérables, la bouche de lallarve par exemple étant très différente de celle de l’Insecte parfait. Un changement dans cet organe ne pourrait par suite que difficilement se produire, pendant la énbde de croissance rapide de l’Insecte, alors qu'il mange avec voracité; si même quelque modification pouvait survenir, la bouche devrait être, dans ces états intermédiaires, encore organisée de façon à permettre de ronger les feuilles. Le même raisonnement s'applique ux organes digestifs. Il en résulte que la chenille ne subit que peu de modifications, si ce n’est en ce qui concerne la taille, et que la métamor- phose est concentrée pour ainsi dire dans les deux dernières mues. Les changements deviennent alors si rapides et si étendus que la période intermédiaire exige nécessairement le repos. Dans quelques cas excep- tionnels, tels que celui du Sifaris, on constate même que, les conditions de la vie n'étant pas uniformes pendant la période larvaire, la larve elle- même subit des métamorphoses. Comme les organes destinés à la en dan de l'espèce n'arrivent à leur complet développement qu'à une période tardive, les larves sont généralement incapables de se reproduire. Il existe cependant quelques Mouches qui possèdent des larves vivipares et qui offrent ainsi un cas remarquable d’alternance de générations. Nous trouvons ainsi parmi les Insectes tous les degrés, depuis le développement le plus simple jusqu’à l'alternance des générations; et nous voyons comment, de ce simple fait que les divers animaux sortent de l’œuf à des périodes plus ou moins reculées de leur développement, nous pouvons tirer quelques lumières relativement à leurs métamor- SUR L'ORIGINE DES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. 299 phoses et à ce phénomène plus remarquable encore que, chez beaucoup d'animaux inférieurs, l'espèce est représentée par deux formes très différentes. Les mêmes considérations peuvent nous conduire à admettre que ce phénomène pourra, dans le cours des âges, devenir beaucoup plus fréquent qu'il ne l’est actuellement. Toutes les fois que les organes externes arrivent à leur développement complet avant les organes de la génération, nous avons des métamorphoses; si c’est l'inverse qui se produit, il en résulte souvent une alternance des géné- rations. Les mêmes considérations projettent beaucoup de lumière sur ce fait remarquable, que dans l'alternance des générations l’une des formes jouit de la reproduction agame. Cela résulte de ce que la reproduction par des sexes distincts exige la perfection à la fois des organes externes et des organes internes; or, si l'alternance des générations résulte, comme nous l'avons dit plus haut, de ce que les organes internes arrivent à maturité avant les organes externes, la reproduction n’exis- tera que chez les espèces qui ont le pouvoir de multiplication agame. Il existe d’une manière évidente, dans le règne animal, deux sortes de dimorphisme. Cette dénomination a été appliquée aux cas dans lesquels des animaux ou des végétaux se présentent à l’état adulte sous deux formés. Les Fourmis et les Abeilles, parmi les animaux, nous en offrent des exemples familiers; parmi les plantes, le cas intéressant du genre Primula à été récemment décrit par Darwin. Il nous a même fait con- naître dans ces derniers temps le phénomène plus remarquable encore offert par le genre Lythrum, dans lequel il existe trois formes distinctes, et qui par conséquent présente un cas de pol/ymorphisme (1). La seconde forme de dimorphisme ou de polymorphisme diffère de la première, en ce qu'elle résulte de l’action modificatrice des conditions extérieures non sur l'individu adulte, mais sur le jeune. Ces formes différentes ont par suite des rapports de succession l’une avec l'autre. Dans le premier cas la chaîne de l’existencé se bifurque à son extrémité, dans le second elle est formée d’anneaux dissemblables. Beaucoup d'exemples de cette seconde forme de dimorphisme ont été décrits sous le nom d’alternance des générations. Ce terme est cependant tout à fait inapplicable aux différences que présentent les Insectes dans les diverses périodes de leur vie. Pour parler correctement, ces phénomènes non seulement ne représentent pas une alternance de générations, mais encore, d’après quelques natu- (1) Tous les animaux à sexes séparés sont, dans un sens, dimorphiques. 300 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. ralistes éminents, ils ne représentent même pas du tout des cas de génération. | Afin de donner un nom à ces remarquables phénomènes et pour les distinguer des cas dans lesquels l'animal ou la plante adulte est re- présentée par deux ou plusieurs formes différentes, je pense qu'il y aurait avantage à conserver pour ces derniers les termes de dimorphisme et polymorphisme, tandis que les cas dans lesquels une plante ou un animal passe par une succession de formes différentes pourraient être distingués par les termes de dieidisme et polyeidisme. Les conclusions que nous pensons pouvoir tirer des considérations précédentes sont les suivantes : 1° L'existence des métamorphoses résulte de l’état d’imperfection dans lequel certains animaux quittent leur œuf; 2° La forme de la larve des Insectes dépend en grande partie des conditions dans lesquelles elle vit. Les agents extérieurs qui agissent sur elle sont différents de ‘ceux qui affectent la forme adulte; il se pro- duit ainsi chez le jeune des changements en rapport avec ses besoins immédiats plutôt qu'avec sa forme définitive ; 3° Les métamorphoses peuvent être divisées en deux sortes, évolu- tionnelle et adaptative ; 4° La soudaineté apparente des changements qui se produisent chez les Insectes résulte en grande partie de la dureté de leur peau, qui ne permet aucune modification graduelle de forme et qui est elle-même nécessaire pour fournir aux muscles un point d'appui suffisant; 5° L'’immobilité de la pupe ou chrysalide dépend de la rapidité des changements qui se produisent en elle; 6° Quoique la majorité des Insectes passe après sa sortie de l’œuf par trois états bien marqués, un grand nombre cependant arrivent à l’état adulte après avoir subi, soit un plus grand, soit un Bis petit nombre de faibles modifications ; 1° Lorsque les organes externes arrivent à leur forme définitive avant que les organes de la reproduction soient parvenus à maturité, les chan- gements de forme sont connus sous le non de métamorphose ; lorsqu’au contraire les organes de la reproduction arrivent à la perfection fonc- tionnelle avant les organes externes, ou lorsque l'animal jouit de la propriété de nr le phénomène est connu sous le nom d’alternance des générations. John Luspock (1). (1) Extrait de On the Origin and Metamorphoses of Insectes, À vol. in-18. London, Mac- MILLAN and Co. DE LA SYMBIOSE. 301 DE LA SYMBIOSE (1), Par DE Bary, Professeur à l’Université de Strasbourg. Lorsque je voulus choisir un sujet pour cette conférence, j'étudiais deux plantes qui vivent dans une association particulière. Ceci me donna l’idée de prendre pour sujet les phénomènes de la vie en com- mun d'organismes différents, la symbiose, comme on peut appeler les associations qu'on à appris à connaître en quantité considérable depuis dix ans, et qui sont bien propres à éveiller l’intérêt général. Après ré- flexion, je m'arrètai à ce projet, car quoique nos réunions aient pour but principal la discussion des questions du Jour, la critique et l'exposé des méthodes scientifiques, vous voudrez bien accepter aussi un exposé sur des résultats concrets de recherches d'intérêt général. Je m'occuperai principalement des faits observés dans le règne vé- gétal; en premier lieu, parce que les conditions d'association y sont plus faciles à observer, et ensuite parce que les phénomènes corres- pondants qu'on trouve dans le règne animal sont connus des personnes présentes, ou peuvent être lus dans le livre si répandu de van Beneden sur les Commensaux et les Parasites. Le temps qui m'est accordé ne me permettant pas d’épuiser mon su- jet, je me contenterai d’en indiquer les points principaux, en les éclair- cissant par quelques exemples appropriés. L'exemple le plus connu et le plus parfait de symbiose est le parasi- tisme complet, c'est-à-dire l’état dans lequel un animal ou une plante naît, vit et meurt sur ou dans un organisme appartenant à une autre espèce. Get organisme sert d'habitation au parasite, lui fournit sa nour- riture ; en un mot, il est son hôte et comme sa matière vivante, ou bien ce qu’il absorbe pour sa propre nutrition sert de nourriture au parasite : celui-ci vit à ses dépens. Les rapports existant entre le parasite et l’hôte sont, comme on sait, très différents suivant les cas particuliers. Au point de vue de la dépendance plus ou moins complète du premier vis-à-vis du second, on rencontre d'abord le cas extrème où le parasite ne peut absolument pas exister sans l'hôte. Certains parasites sont abso- lument liés à des hôtes différents, mais déterminés pour les différentes phases de développement, comme les Cestodes, les Champignons de la (1) Extrait d’un discours prononcé devant l'Association des naturalistes allemands, Tra- duit du Natiwrforscher. 302 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. rouille sur le Berberis, les Borraginées et les Graminées. D'un autre côté, il y a des parasites qui non seulement s’établissent chez des hôtes très différents, mais qui peuvent aussi, du moins à certaines époques de leur vie, exister sans hôte, tels que plusieurs épizoaires qui sucent le sang, et, parmi les champignons, plusieurs parasites d'insectes. Le Champignon de la Muscardine, par exemple, n’épargne guère aucune espèce d’insecte lorsqu'il la rencontre au moment propice; mais il peut aussi croître en liberté, sans hôte, et produire des spores qui atteindront de nouvelles victimes. Tous les degrés intermédiaires existent entre ces deux cas extrêmes. Un autre point à considérer dans les relations du parasite et de l'hôte, estle tort que le premier fait au second à mesure qu'il se développe. Il y à antagonisme, lutte, entre ces deux organismes, d’après les condi- üons de nutrition du parasite; la marche et le résultat de cette lutte diffèrent aussi beaucoup : d’un côté des masses colossales de certains parasites ne produisent qu’un malaise imperceptible chez leur hôte, par exemple chez de nombreux poissons ; d’un autre côté, la maladie et la mort peuvent être les suites immédiates de la végétation du parasite, comme dans la trichinose des hommes, ou dans le cas des pommes de terre infectées par les PAuopteri. Il existe cependant d’autres relations d'association entre des orga- nismes de noms différents, qui se rapprochent du parasitisme par la forme, qui sont souvent rangées dans cette catégorie, et qui pourtant en diffèrent essentiellement. Beaucoup de petits animaux vivent sur des animaux plus grands et se nourrissent de leurs détritus, des parties de l'épiderme qui se des- quament, des plumes, des cheveux, etc., tels que les nombreuses es- pèces de Trichodectes et de Plulopteri; de la sécrétion mucilagineuse de la peau des poissons, tels que les Argub, ete. Ce sont les muéua- listes de van Beneden; ils sont, avec les hôtes qu'ils habitent, dans des rapport d'utilité mutuelle; en vivant des détritus de leur hôte, ils prennent soin de sa toilette. D'autres petits animaux se logent sur de grands animaux ou dans. leur proximité pour se nourrir des miettes qui tombent de la table du riche, des restes des aliments que le grand animal sait se procurer. Ce sont les commensaux de van Beneden. il est clair qu'il existe des analogies entre tous ces phénomènes etle parasitisme véritable; il y a aussi des degrés intermédiaires. Dans le règne végétal, les phénomènes des deux dernières catégories sont plus rares. Cependant une étude attentive y fait découvrir des dispo- sitions qui se rapprochent du mutualisme de van Beneden, dans la forme DE LA SYMBIOSE. 303 de végétation qu'on nomme la forme épiphytique, qui est si richement représentée dans le monde des tropiques par des centaines d'Orchidées, d’Aroïdées, etc.; plantes attachées à l'écorce des troncs d'arbres et uti- lisant les divers produits de la desquamation de cette écorce. Nous trou- vons partout ce fait dans notre pays, dans les Mousses croissant sur les écorces — pour ne pas parler d'espèces plus petites, — des plantes qui choisissent les desquamations de l'écorce et du liber des arbres pour lieu d'habitation, les unes sans grande préférence pour une essence particulière de bois, les autres en choisissant toujours la mème. Toutes les espèces mentionnées, étant des plantes pourvues de chlo- rophylle, sont, à un haut degré, indépendantes de leurs hôtes sous le rapport de la nutrition. On pourrait tout au plus considérer ces végétaux comme des commensaux; mais ce terme s'applique à toutes les plantes non parasites croissant dans le même endroit et devant se partager l’a- cide carbonique, l’eau et les matières nutritives du sol. Dans le sens précis qu'y attache van Beneden, il ne peut pas y avoir de commensalité dans le règne végétal. Cela suffit déjà pour qu’on ne puisse pas établir un parallélisme rigoureux entre les phénomènes des deux règnes ; il y a, de plus, parmi les plantes, d’autres cas d'associations entre espèces de noms différents, qui ne peuvent pas être rangées dans les catégories mentionnées. L'association de l’Azolla et de l’Anabæna en est un exemple. Azolla est le nom d’un genre de végétaux ressemblant aux Fougères ou à de grandes Mousses foliacées, et qui croît à la surface de l’eau, comme nos Lemnacées. La tige, très ramifiée et pourvue d’abon- dantes racines, est garnie de deux rangées de feuilles rapprochées et couchées horizontalement sur l’eau. Chaque feuille a deux lobes super- posés et étalés à la surface de l’eau. En dehors d’une particularité tout à fait exceptionnelle, la structure de ces plantes ne diffère pas Beaucoup de celle d’autres végétaux ayant le même genre de vie. Sur la face inférieure {tournée vers l’eau) du lobe foliaire supérieur, il existe une étroite ouverture conduisant dans une cavité relativement spa- cieuse, tapissée de poils particuliers. Dans cette cavité vit une algue d'un vert bleuâtre, consistant en une simple rangée de cellules de forme cylindrique, allongée, entourées de gelée, telles qu’on les trouve dans plusieurs groupes appartenant à la famille des Nostoccacées, et surtout dans les Anabæna. À mesure que les vieilles feuilles meurent, l'Ana- bæna qu'elles renferment meurt aussi, autant qu'on a pu l’observer. I n'y a pas d’autres Algues dans ces cavités. Comment ce singulier vi- siteur entre-t-il dans chaque feuille sans exception, et d’où vient-il? On 304 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. le cherche toujours en vain à l'extérieur de la plante, sur les feuilles adultes et même à l’entrée de la cavité. I n’y a qu'un endroit où on le trouve encore : un peu au-dessous de l'extrémité du rameau, qui croît toujours en longueur, comme dans toutes les plantes de la même famille, et qui produit de nouvelles feuilles et de nouveaux rameaux. Cette extrémité est recourbée en forme de crochet tourné vers le haut; il se trouve donc, peu au-dessous d'elle, un espace concave, entouré par les mamelons des feuilles et des rameaux. Get espace concave est aussi habité par l’Anabæna. Elle se trouve au-dessous de l'extrémité de chaque rameau naissant, et va oc- cuper immédiatement la place indiquée. Les jeunes feuilles sont appli- quées contre l’Algue ; le lobe supérieur est plat au début, mais bientôt se montre à sa face inférieure un renflement en forme de bourrelet annu- laire, qui s'agrandit rapidement et devient la cavité avec son orifice. Dès que ce renflement commence à se former, une partie de l’Algue est en- fermée à son centre, et poursuit ensuite sa croissance dans la cavité. À mesure que la tige se redresse, cette portion foliaire de l’Anabæna - est éloignée et isolée de son lieu d’origine. J'ai déjà dit qu’ainsi que le constatent Mettenius et Strasburger, à qui nous devons la description exacte de ces détails, il n’y a pas de feuille sans cette cavité, pas de ca- vité sans Anabæna. Ce qui suit n’est pas moins remarquable : on connaît quatre espèces du genre Azolla, qui se ressemblent beaucoup, mais qui sont nettement distinctes par la fructification. Deux de ces espèces sont très répandues en Amérique et en Australie ; la troisième se trouve en Australie, en Asie et en Afrique; la quatrième est, autant qu’on le sait, limitée à la région du Nil. Dans toutes ces espèces et dans tous les exemplaires qu'on a étudiés, on a trouvé cette association avec l'Ana- bæna telle qu’elle a été décrite, et tellement identique dans tous les dé- tails, qu’il n’a pas été possible jusqu'à présent de distinguer les espèces d’Anabæna d'après les Azolla sur lesquels elles vivent. Il y a nombre de cas dans lesquels des espèces voisines de l’'Anabæna de l’Azolla, décrites ordinairement comme des Nostocs, sont héber- gées par des plantes terrestres, également dans des cavités appropriées, mais toujours avec moins de régularité que dans les exemples que nous venons de citer; elles peuvent être absentes et peuvent venir du dehors dans une période plus avancée du développement. Je ne veux en citer comme exemple que les racines du Cycas. Cette plante, qui croît lentement, commence par pousser dans sa jeunesse une épaisse racine pivotante, qui se ramifie dans et sur le sol comme d'autres racines. À son extrémité inférieure, se forment plus tard généralement, peut-être toujours, une où deux paires de racines, qui s'élèvent perpendiculaire- DE LA SYMBIOSE. 305 ment, se bifurquent encore une ou deux fois, et se renflent aux extré- mités. Des racines dichotomes pareilles naissent plus tard, souvent en grande quantité, et très près les unes des autres, sur les ramifications du pivot de la racine, et s'étendent sur le sol. Fréquemment, mais pas toujours, un Nostoc pénètre entre les cellules de ces racines dicho- tomes, et alors se produit un changement caractéristique dans leur structure. Sous leur écorce se forme une couche parenchymateuse qui diffère peu de celle des racines non visitées par le Nostoc. Bientôt cette couche prend la forme d’une voûte, portée par de minces solives, entre lesquelles se trouvent de larges interstices. Les solives sont les cellules très allongées de la couche parenchymateuse. Les interstices sont rem- plis par l’Algue, qui croît abondamment. C'est encore un cas particulier d'association ; on en connaît beaucoup d’autres, mais qui ne sont pas aussi remarquables. Il existe toute une forme de végétation, un groupe étendu de vé- gétaux, comprenant des milliers d'espèces, dont tous les individus pré- sentent non seulement l'association de deux ou trois espèces diffé- rentes, mais qui même ne sont constitués que par cette association : je parle des formes connues sous le nom de ZLichens, parmi lesquels chacun connaît sans doute la Mousse des Rennes, la Mousse d'Is- lande, ete. Tout le monde a vu aussi comment ils recouvrent quelque- fois en immenses quantités la surface des rochers, la terre de bruyère, les trones d'arbres, etc. Nous avons tous appris à l’école que les Lichens sont des plantes cryptogames; que leur mode de fructification a beaucoup d’ana- logie avec celui des Champignons Ascomycètes ; que leur structure est aussi très semblable, sauf en ce qu'ils renferment toujours des cellules pourvues de chlorophylle, que les Champignons ne possèdent pas. Par suite de cette particularité de structure, le Lichen s’assimile de l'acide carbonique et peut végéter sur des roches nues et sur d’autres sub- stratums privés de combinaisons organiques carbonées; tandis que le Champignon dépourvu de chlorophylle doit chercher sa nourriture dans des combinaisons organiques. Les masses de cellules vertes qui caractérisent les Lichens ont eu le sort le plus accidenté dans l’histoire de la science, jusqu'à ce qu'il fut démontré, il y a dix ans, qu’elles ne sont pas véritablement des parties de la plante ayant le mode de fructification du champignon, mais que ce sont des Algues qui vivent et croissent dans ou sur certains Cham- pignons et n'existent pas en dehors de cette association particulière. Une espèce déterminée de Champignon et une espèce déterminée d'Aleue forment chaque fois par leur association un Lichen déterminé; D. III, — N°0 4, 1879. 20 306 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. sans cette association, il n'y aurait pas de Lichen. Lorsqu'on sème, dans de bonnes conditions, les spores abondamment froduites par les fruits du Lichen , ilne pousse que de petits Champignons qui périssent bien- tôt, et qui ne peuvent devenir d’autres Lichens, à moins qu'ils ne trouvent l’Algue qui leur est nécessaire pour former une nouvelle asso- ciation. Chaque espèce de Champignon-Lichen ne s’unit qu'avec quel- ques espèces ou avec une seule espèce d’Algues ; parmi celles-ci, beau- coup d'espèces, toutes unies par d’étroits liens de parenté, entrent dans ces associations. l Cependant leur nombre est moins grand que celui des espèces de Champignons formant des Lichens, et que celui des formes des Lichens correspondantes ; car il est certain, d’après les heureuses synthèses de Stahl, qu'une même espèce d’Algue peut servir à plusieurs, peut-être même à beaucoup d'espèces de Champignons pour former autant d’es- pèces différentes de Lichens. J’aurai encore à revenir sur la forme de l'association et sur les rapports des différents associés. Lorsqu'on observe de plus près les phénomènes dépeints à grands traits, on trouve, chez les Azofla et les Cycadées, aussi bien que chez les Lichens, une étroite association d'espèces de noms différents, mais nulle part on ne constate un arrangement qui puisse être classé dans une des catégories citées au début de cette étude. Pour des raisons déjà exposées, on ne peut pas strictement parler de commensalisme. De pa- rasitisme aussi peu. Les Anabæna des Azolla, le Nostoc des racines des Cycadées, habi- tent, il est vrai, des endroits déterminés; mais ils ne vivent pas aux dépens de leur hôte; il n’y a même aucune preuve qu’ils tirent quelque chose de lui. Le Nostoc des Cycadées peut végéter et prospérer libre- ment dans l’eau, sans avoir ce logis. L'Anabæna des Azolla paraît aussi pouvoir végéter dans l’eau sans hôte vivant, quand on l’a arüficielle- ment isolé; mais on n’est pas encore bien fixé à cet égard. On pour- rait l’admettre à priori pour lui, aussi bien que pour le Nostoc, non seulement parce qu'il a la structure des plantes chlorophyllées, pouvant exister sans substratum organique, mais encore parce que nous connaissons une multitude d'espèces qui lui ressemblent exacte- ment, qui ne croissent pas dans des hôtes vivants, mais qui vivent hibre- ment dans l’eau ou dans le sol. On pourrait encore employer le terme de mutualisme pour désigner le mode d'existence des Nostocs dont nous venons de parler, si Pon est d'accord que l’hôte et l’intrus se rendent quelques services réciproques. Il est fort douteux cependant que ce soit le cas. Nous pouvons affirmer qu'ils ne se nuisent pas sensiblement, car dans ce cas l’association ne DE LA SYMBIOSE. 307 pourrait exister. Que l'hôte protége la petite Algue sous bien des rap- ports, cela est plus que probable. Mais, pour le moment, nous n’avons encore aucune idée d’un service réciproque quelconque qu'ils puissent se rendre. Chez les Lichens, du moins chez la plupart d’entre eux, les relations d'utilité sont encore autres et diffèrent de même des relations observées chez les animaux. Pour quelques-uns, on peut parler de véritable para- sitisme, parce que le Champignon, étant le plus petit, établit sa demeure dans ou sur l’Algue, et vit en grande partie à ses dépens; mais même dans le cas le plus favorable le terme n’est pas rigoureusement exact. Chez la plupart des Lichens, les circonstances sont tout autres. L’Algue est en général apte à exister seule. On peut non seulement l'isoler arti- ficiellement et la voir croître et se propager seule, mais on la trouve fré- quemment dans la nature sans qu’elle fasse partie d’un Lichen. Il en est autrement pour le Champignon des Lichens. Il ne peut pas se déve- lopper seul, comme il a déjà été dit, et périt bientôt s’il ne trouve pas une Algeue, parce que, pour sa croissance, il a besoin de l’acide carbo- nique que celle-ci s’assimile ; mais il ne s'établit pas simplement sur ou dans l’'Algue, il l'enveloppe de son corps, et prend alors une telle ex- tension, que dans la plupart des Lichens il forme de beaucoup la plus grande partie de la masse commune; l’Algue n’en est qu’une petite fraction, un dixième, ou moins encore. D’après le volume, le Champi- gnon serait donc l'hôte, et l’Algue le locataire. Mais l'hôte dépend du locataire pour vivre — ce qui se voit souvent dans le monde. Le loca- cataire est, par conséquent, traité avec beaucoup d’égards; non seule- ment sa croissance n’est pas empêchée, mais encore elle est plus favorisée qu'à l’état d'isolement; elle reste en accord avec celle du Champignon. Enfin, celui-ci se charge non seulement de fixer le corps au substratum, en pénétrant quelquefois profondément dans la pierre dure, mais il procure encore à la communauté les éléments nécessaires pour former les axes. Nous ne pouvons pas entrer dans plus de détails concernant la struc- ture et l’économie si intéressantes des Lichens ; mais ce qui précède suffit à démontrer qu'ils offrent beaucoup de phénomènes qui se rapprochent du parasitisme, du mutualisme, etc., pour ce qui est de l'association d’es- pèces différentes d'organismes, mais qu'ils sont bien trop variés pour se laisser ranger dans les catégories adoptées. Le parasitisme, le mutua- lisme, le Hichénisme sont chacun un cas spécial de cette tendance à l’as- sociation, pour laquelle le terme symbiose est proposé comme désigna- tion générale. Veut-on distinguer des catégories principales? On pourrait en indiquer deux : la symbiose antagoniste, dans laquelle il y a lutte, et 308 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. la symbiose mutualiste, dans laquelle il y à avantage réciproque pour les symbiotes; mais ici encore on ne peut pas tracer de limites exactes. Les limites font encore défaut s’il s’agit de séparer l’association des symbiotes, qui sont strictement unis pour leur économie commune, etles relations si diverses entre organismes différents, qu’on peut rassembler sous le nom de soctabilité. Un oiseau du Mexique, le Commandeur, se pose sur le nez du buffle enfoncé dans la vase, et guette les mouches qui veulent entrer dans les narines de l’animal. Dans les montagnes des Orgues, au Brésil, sur d’arides pentes de roches, vit une plante aquatique, phanérogame, chlorophyllée et probablement insectivore, l'Utricularia nelumbifolia. Elle croît exclusivement dans l’eau, enfer- mée dans le centre infundibuliforme des rosettes foliaires d'une Bromé- liacée très commune dans ces régions ; elle émet, à peu près comme le fraisier, des stolons qui, parvenus sur une autre rosette, produisent. une nouvelle plante, de laquelle naissent de nouveau des fleurs et des stolons. Ce sont là des associations qui ressemblent certainement à celles que nous avons comprises sous le nom de symbiose, mais on ne peut leur appliquer ce nom que si on le donne également à toutes les autres relations, telles que celles qui existent entre les insectes qui en- trent dans les fleurs, et les fleurs qui reçoivent le pollen par les in- sectes, entre les animaux qui cherchent leur nourriture ou un abri et les autres animaux ou les plantes qui les leur procurent. Je n’ai aucune objection à faire contre cette généralisation, Je mé suis efforcé de mon- trer que tous ces phénomènes se touchent. Ainsi disparaît la position exceptionnelle que les parasites paraissent occuper si on les observe en dehors de toute connexion, même en reje- tant les anciennes opinions qui les font naître des sucs ou des tissus pourris de leur hôte. Les Lichens aussi perdent leur position exception- nelle à première vue. Lorsque le Nostoc pénètre dans les racines dichotomes des Cycadées, la structure de celles-ci change, comme nous l’avons dit. Dans le pa- renchyme compacte des racines se produisent de grands interstices qui logent le visiteur, et qui sont formés par une direction particulière de la croissance du tissu, ne se manifestant pas dans les racines où il n’y a pas de visiteur. Nous avons vu quelque chose d’analogue, mais de bien plus frappant, chez les Algues et les Champignons qui forment des Li- chens. Nous avons déjà dit ce que les Champignons ont de caractéris- tique. L’Algue est d'ordinaire considérablement transformée dès qu'elle s’unit à son compagnon. Les directions de la croissance, dont dépend la forme, sont changées. Une tige gélatineuse plate ou un peu sphé- rique, telle qu’en formentparexemple les Algues nostocs des Lichens gé- DE LA SYMBIOSE. 309 latineux, se ramifie régulièrement en un corps frutescent. Les cellules chlorophyllées, rondes ou allongées, des Plewrococcus et des Sticho- coccus changent de forme dès l’arrivée du Champignon-Lichen. Les directions de leurs divisions peuvent changer, même plusieurs fois, à mesure que plusieurs Champignons entrent dans l'association. Dans ces plantes et dans les Cycadées il ne peut être question de changements pathologiques, non seulement parce qu'on n’est pas d’ac- cord sur ce qu'il faut entendre par santé et maladie, mais encore parce qu'il n'y a pas trace de diminution de l'énergie vitale, de mort plus hà- tive, ni d’autres indices d’un état maladif. Les synthèses de Stahl ont démontré, au contraire, que les cellules des Algues deviennent, aussitôt après leur association avec le champignon du Lichen, beaucoup plus grandes, plus riches en chlorophylle, plus fortes sous tous les rapports, et il est hors de doute, par les faits connus de longue date, relative- ment à la structure des Lichens, que cela persiste pendant toute la vie, quelquefois longue de plusieurs dizaines d'années, du Lichen. Ici, et dans bien d’autres cas que j'aurais pu citer comme exemples, on voit se produire des variations dans les formes, qu'on ne peut expli- quer pathologiquement par les rapports mutuels de symbiotes de noms différents, et l’expérimentateur peut à volonté empêcher ou faire apparaître ces variations par la séparation ou la réunion des sym- biotes. Mais, comme les phénomènes que nous avons compris sous le nom de symbiose ne sont que des cas spéciaux des nombreux rap- ports mutuels qui existent entre les organismes, ils peuvent nous servir à formuler un jugement sur la généralité. En eux-mêmes, ces phénomènes sont peu importants, et il a pu paraître superflu à quelques personnes d'attirer l'attention sur eux; ils ont cependant une grande valeur, parce qu'ils se prêtent aux expériences. On a souvent reproché à la théorie de la descendance de n'être pas basée sur des expériences ; cette accusation est fausse; car, dans l’éle- vage des animaux et dans la culture des plantes, nous trouvons des essais importants qui viennent à l'appui du principe de cette théorie. Quelle que soit l'importance qu’on veuille attacher à la sélection naturelle pour la transformation graduelle des espèces, il est désirable de voir s'ouvrir encore un autre champ aux expériences; c’est pourquoi j'ai voulu appeler l'attention sur celles-ci, quoiqu'elles ne puissent éclaircir qu'une partie des phénomènes. Je n’ai parlé d'aucune obser- vation nouvelle ; tous les faits que j'ai cités sont bien connus. Les preuves à l'appui de la théorie dont nous avons parlé nous apparaissent partout. On n’a qu'à regarder attentivement autour de soi. DE Bar. 310 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. DE LA NATURE ET DES DEGRÉS D'INFÉRIORITÉ OU DE L'ÉVOLUTION PHYSIQUE ET INTELLECTUELLE DE LA FEMME CHEZ LES DIFFÉRENTES RACES, Par ZABOROWSKI. Ce n’est pas sans quelque répugnance que les hommes qui tiennent à honneur de n’exprimer rien qui n’ait l’aveu de la science, ont abordé cette question de la position inférieure de la femme vis-à-vis de l’homme et des causes organiques qui peuvent plus ou moins expliquer cette position. Dans le débat passionné qui se poursuit depuis longtemps à cet égard, on a, en effet, bien rarement fait intervenir autre chose que les convenances sociales d’une part, et de l’autre dés raisons superfi- cielles de l’ordre le plus sentimental et Le plus métaphysique. Et il est difficile de s’en expliquer avec franchise sans être accusé d’obéir sciem- ment ou non à des motifs personnels. Des exemples illustres nous ont d’ailleurs montré combien les chances plus ou moins heureuses de la vie et les satisfactions que peuvent rencontrer les besoins intimes de sympathie, influent sur la manière de l’envisager. Les opinions d’Au- guste Comte, de Stuart-Mill, qui placent la femme si haut, tout en lui assignant chacun un rôle bien différent, pourraient à peine être com- prises si l’on ne connaissait pas certains détails de leur existence. Ces deux graves philosophes, d’après ces détails, se présentent à nous dans cette question comme des poètes dont les sentiments de délicatesse outrée ne répondent aucunement aux conditions normales et aux né- cessités qui s'imposent à la presque totalité des membres de notre société. Comment se fier, après cela, aux appréciations des esprits même les plus distingués, et comment déterminer dans quelle mesure la rai- son impartiale a pu les inspirer? Comment enfin aborder la question d'une manière scientifique ? La zoologie nous montre la femelle dans un état de développement organique et dans un rôle tour à tour supérieur, égal, inférieur à celui des mâles. L’ethnologie ne nous renseigne d’abord pas beaucoup mieux. Chez les peuples les plus inférieurs, tantôt les femmes sont trai- tées plus mal que des bêtes de somme, tantôt elles sont égales à l’homme et acquièrent même sur lui une certaine prépondérance. Si les Fuégiens ménagent plus leurs chiens que leurs femmes, les Boschi- DE L'ÉVOLUTION PHYSIQUE ET INTELLECTUELLE DE LA FEMME. 341 mans se comportent tout autrement vis-à-vis de leurs épouses. Cette inégalité de situation s’observe tout le long de l’échelle du développe- ment des sociétés. Chez les plus belles races de l'Afrique on voit des femmes remplir tous les rôles, jusqu'à celui de guerrières et de reines. « Les Polynésiennes, nous a dit un voyageur fort peu préoccupé de théories sociales, font ce qu’elles veulent de leurs époux. » Les Papous, voisins des Polynésiens, ne semblent pas au contraire du tout se laisser mener de la sorte. Et tout le monde sait de quelle façon outrageu- sement bestiale et brutale les Australiens se comportent avec leurs femelles. Nous ne trouvons rien dans les conditions extérieures des sociétés qui nous rende compte de ces inégalités de situation. Et il n'apparaît pas que dans le développement de ces sociétés les modifications qu’elles ont subies aient suivi un sens déterminé toujours le même. Il y a quelque temps, divers auteurs réputés, Lubbock, Morgan, Mac-Lennan, se sont montrés disposés à admettre que la famille a eu originairement pour base et fondement la seule filiation, la seule pa- renté par les femmes. Les recherches ethnographiques les plus étendues les ont confirmés dans cette opinion. M. le docteur Büchner en conclut que « le sexe féminin était tenu autrefois pour le soutien de la race, le centre familial », que la mère était le vrai chef de famille, et que la prépondérance de l’homme n'est venue qu'après celle de la femme, selon une évolution graduelle présentant deux phases bien tranchées. C'est une erreur complète. D'abord, la parenté par la femme fut une nécessité découlant de la promiscuité primitive, de l'irrégularité absolue des rapports sexuels. Chez nombre de peuplades, au Brésil, en Aus- tralie, l’homme satisfait encore son appétit dans la plus proche forêt, sans se préoccuper aucunement de ce qui en résulte pour la femme, souvent prise de force. Les Indiens de la baie d'Hudson ont expli- qué eux-mêmes au voyageur Carver qu'«il est plus rationnel que les enfants portent le nom de leur mère, dont ils tirent indubitablement leur être, plutôt que celui de leur père, qui pourrait quelquefois douter qu'ils aient le droit de le faire. » Ensuite, ee rôle ne crée pas de prépondérance pour la femme. Presque toujours c'est l'oncle maternel qui est le véritable chef de famille. Chez les Germains eux-mêmes, au temps de Tacite, M. le docteur Büchner ne l'ignore sans doute pas, c'est d’oncle maternel à neveu que la parenté était la plus étroite et la plus sacrée. La femme crée et constitue le lien. Voilà tout. Là où il en est autrement, il ne semble pas que cela pro- vienne du système de parenté, qui, en tout cas, n’a pas eu de consé- quences uniformes. 312 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. La polvandrie, même régulièrement instituée, n’a pas non plus pour résultat, contrairement à ce que croit encore M. le docteur Büchner, d'assurer la domination de la femme. Celle-ci tombe même, là où elle est d'usage, au rang de simple propriété commune, partagée le plus souvent entre frères. Les exceptions à cette règle ne sont pas néces- sairement le fait de la polyandrie. On peut même assurer que là où elle s'allie à la prépondérance de la femme, elle en est une conséquence plutôt qu'une cause. Dans la si remarquable explication qu'il a donnée des causes sociales qui ont modifié l'organisme féminin (à propos des crânes de la caverne de l’'Homme-Mort), M. le docteur Broca s'exprime ainsi : «Rien ne varie comme la position et le rôle de la femme dans les sociétés civilisées ou barbares; mais il est clair que, d’une manière générale, les progrès de la civilisation tendent de plus en plus à lui assurer la protection de l'homme. Membre respecté de la famille, elle y concentre tous ses soins pendant que l’homme lutte au dehors pour l'existence. L'organisation sociale, qui atténue déjà, du moins pour celui-ci, la dureté des lois de la sélection naturelle, les adoucit bien plus encore pour elle : elle se trouve donc, par rapport à l’homme, dans des conditions assez ana- logues à celles où le civilisé, soutenu et protégé par la société, se trouve par rapport au sauvage qui ne se soutient que par ses propres forces. » Personne ne pourrait contester la vérité générale et l’exactitude par- faite de ces observations. Mais est-il bien vrai que l’évolution sociale, les progrès de la civilisation ont tendu et tendent encore d’une manière à peu près uniforme et constante à assurer à la femme la protection, disons mieux, latutelle del’homme?flne serait peut-être pas bien malaisé de découvrir que dans des organisations sociales inférieures la femme trouverait une protection équivalente à celle qu’elle trouve dans notre civilisation, et même une tutelle plus complète, trop complète. Sans descendre plus bas, rappelons ce qui se pratiquait chez les Péruviens, où les Incas procédaient à l'élevage en grand de toutes les belles filles du pays. Ce n’est pas chez nous, ce n’est pas chez les peuples les plus civilisés que la tutelle de la femme est la plus prévoyante et la plus en- tière. On ne peut mème pas avancer que ce sont nos sociétés qui sont les plus indulgentes à leur égard. Ce sont peut-être plutôt les so- ciétés polygamiques. Là, elles ont souvent, avec la quiétude ab- solue de l'animal domestique, le bien-être et toutes les jJouissances du luxe le plus raffiné. Tout bon Ture loyal, que notre eivilisation n’a point perverti, se fait un devoir d'entretenir autant de femmes que ses res- sources le lui permettent. Cela ne crée-t-il pas pour la femme une protection plus large? Il y a plus de femmes que d'hommes dans DE L'ÉVOLUTION PHYSIQUE ET INTELLECTUELLE DE LA FEMME. 313 la société orientale, dira-t-on. Mais c'est aussi le cas de la nôtre. Sila monogamie, telle qu'elle existe de nos jours et tend à préva- loir, est un affranchissement partiel de la femme vis-à-vis de l’état po- lygamique, elle est, au même titre, un amoïndrissement du rôle protec- teur de l’homme. Mais nous ne Jurerions pas que cet affranchissement est dans le goût de toutes les femmes. Il semble au contraire démontré que la vie du harem, ou tout au moins celle du gynécée (qui n’en diffère pas absolu- ment, bien que conciliable avec l’état monogamique), est restée ou de- venue l'idéal de la plupart d’entre elles, de toutes celles au moins chez lesquelles l’aisance a développé le goût de l’oisiveté élégante. Dans un pays où, par suite d’une immigration incessante d'hommes, il y avait une pénurie de femmes (on voyait et on voit encore dans l’ouest des colonies entières sans une seule femme); les Mormons en ont trouvé pour ainsi dire autant qu'ils ont voulu, grâce à l'attrait de la vie polygamique qu'ils leur offraient. Les positivistes croient aussi que l’évolution des sociétés a constam- ment tendu à assurer une protection de plus en plus complète à la femme. Et ils assignent comme but ultime de la civilisation l’oisiveté presque absolue de la jeune fille, le mariage strictement monogame sans doute, mais aussi pour toutes le confinement domestique ou plus exactement la vie du gynécée. Ils ne dissimulent pas qu'ils ont de la sorte entendu séduire leurs contemporaines des grands centres ; et, avec logique, ils combattent les tendances actuelles de nos sociétés à utiliser le travail des femmes. Il est donc bien certain que la protection de l’homme a eu une influence considérable sur l’évolution organique de la femme. Mais cette protec- tion a revêtu bien des formes et ne s’est pas développée d’une manière uniforme et constante. Elle est elle-même une conséquence et non une cause primaire. Et ce serait peut-être une question de savoir si sous sa forme la plus naturelle et la plus commune elle a été favorisée direc- tement par le progrès de la civilisation et est favorable à celui-ci. Ce que nous observons d’une manière constante, ce que nous avons vu se développer selon une loi générale et selon un rapport nécessaire, c’est adaptation croissante de la femme à son office particulier. qui fut la principale raison d’être et la cause de la protection dont elle est de- venue plus ou moins régulièrement l’objet. Et ce qué l’ethnologie et l'anthropologie nous montrent seulement, c’est d’abord l’état de subor- dination de la femme comme le plus général et ensuite une différencia- ton de plus en plus grande des sexes. Il est à peine besoin de rappeler, tellement cela est connu, que chez 3144 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. les races inférieures la femme offre par ses traits, ses formes, son allure, une ressemblance plus grande avec l’homme. Chez les Négritos par exemple, il serait difficile de distinguer, par la seule inspection de la figure, un homme d’une femme. L'un et l’autre ont la même physio- nomie enfantine. Les femmes des Peaux-Rouges ont le même aspect maseulin que leurs époux. M. le docteur Topinard a étudié la largeur du bassin chez l’homme et dans la série des mammifères. Des quelques chiffres, trop peu nom- breux, qu’il a donnés de cettelargeur chez les différentes races, il ne ré- sulte pas que les différences qu’elle présente dans l’homme et la femme soientdevenues sensiblement plus grandes dans lesraces supérieures.Des nègres de l'Océanie aux Européens, la largeur du bassin, par rapport à sa hauteur fixée à 100, s’élèvé de 122,69 à 126,58, c'est-à-dire de 3,89. Des négresses de l'Océanie aux Européennes, cette même lar- geur s'élève de 129 à 136,91, c’est-à-dire de 7,91. On pourrait, sans aucun doute, obtenir des résultats plus concluants en étudiant dans ce sens d’autres caractères physiques, tels que la lon- gueur des pieds et des mains, le tour de la taille, etc. Il est aussi plus que probable que chez les races supérieures la femme est légèrement plus petite par rapport à l'homme que chez les races inférieures. Partout, chez les sauvages, et chez nombre de barbares, nous voyons cette moindre divergence des caractères physiques correspondre à une plus grande analogie dans les occupations, les habitudes, les mœurs, les goûts, les sentiments. La femme est proportionnellement et absolument plus forte. Elle prend part, comme l’a fait remarquer M. Broca, aux mêmes travaux, aux mêmes dangers, aux mêmes luttes que l’homme. Dans beaucoup de tribus, c’est même à elle qu'incombe le plus gros de la besogne, la pêche, la culture des champs, ete. Dans nos campagnes, en Europe, elle s’associe encore volontairement aux plus rudes labeurs. Nous la voyons, avec les progrès de la richesse, de la culture, de la civilisation et du luxe, s'éloigner de ces occupations. L'oisiveté et le confinement absolu dans son office spécial en font un être de plus en plus délicat. On peut nettement formuler la loi de l’évolution qu’elle a parcourue en disant qu’elle a perdu de plus en plus en général de sa valeur duti- lité pour prendre une valeur d'agrément de plus en plus grande. La nature dés différences que ses caractères physiques offrent aux différents degrés de cette évolution l'indique déjà suffisamment. Mais ilest un dernier caractère, le plus important, qui le montre assuré- ment mieux que tous les autres. Nous voulons parler de la capacité crânienne. DE L'ÉVOLUTION PAYSIQUE ET INTELLECTUELLE DE LA FEMME, 315 Nous allons montrer quelles phases il a suivies et quelles différences il présente et a successivement présentées chez l’homme et la femme. Un travail tout récent de M. le docteur G. Le Bon sur ce point (Varia- tions du volume de cerveau, Rev. d'Anthr., 1879) nous permettra d'atteindre une précision qu'on ne trouve pas toujours dans des études de ce genre. Ce n’est pas à dire qu'on n'ait pu tirer des recherches antérieures des conclusions très positives. . Tiedemann et Parchappe s'étaient déjà assurés d’une manière cer- taine de l'influence considérable des sexes sur le poids du cerveau. Le dernier (1) avait trouvé que le poids moyen de l’encéphale de la femme étant 14210 grammes — 100, celui de l’encéphale de l’homme est 1323 grammes — 109,34, différence 131 grammes ou 9,34 pour 100. Huschke, après avoir cru reconnaître que le poids de l’encéphale atteignait son maximum vers l’âge de trente ans, avait comparé le poids moyen des cerveaux d'hommes et de femmes de cet âge, et trouvé une différence de 152 grammes (ce poids moyen étant de 1424 grammes chez les hommes et de 1272 grammes chez les femmes). M. Broca, dans le tableau suivant, dressé d’après les pesées de 347 cerveaux sains faites par Wagner, avait montré qu'à tous les âges le cerveau de la femme pèse en moyenne moins que celui de l’homme (2). TABLEAU I. Poids moyen du cerveau, En centièmes. TS 7 Femmes. Hommes. Femmes. Hommes. De DANS EE 1249,00 1341,53 100 107,40 IR ORAN SERRE 1262,00 1410,36 100 111,70 PARA S DPAN SENS SEM 1261,00 1391,41 4100 110,30 SANAROOPANS ERREUR 1236,13 1341,19 100 108,58 Gilet au dela. me 1203,43 1326,21 100 110,20 Il ressortait de ces chiffres que le poids moyen du cerveau de l’homme l’emportait sur celui de la femme de 7 à plus de ti pour 100. M. Calori (de Bologne), plus récemment, avait donné le tableau sui- vant des pesées de cerveaux d’Italiens et d’Italiennes divisés en doli- chocéphales (indice au-dessous de 80) et en brachycéphales (indice au-dessus de 80) : (1) Parcrapre, Recherches sur l'encéphale, premier mémoire, 1836, in-80. (2) Mémoires d'Anthropologie, T, p. 166, in-S°, 1871. 316 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. TABLEAU II. Poids de l’encéphale. Poids du cerveau seul. Brachycéphales + 80. 201Mhommes RME CNRS PONS LUI 1305 1145 TOATETNMESL SEVRES NE SD NU TT : 4150 1004 Différence en faveur des hommes. 155 14 Dolichocéphaies — 80. l'O MNomNTE SARA NME UM EEE ART 1282 1192 HaRlenines EU EMEENSNENANS APE AUS 1130 992 Différence en faveur des hommes 152 130 Une concordance si parfaite entre des résultats obtenus par des sa- vants isolés, dans des conditions et avec des méthodes différentes, était certainement bien sigmificative. Leur valeur ne pouvait un seul instant être mise en doute. On s'était aussi demandé s'ils n'étaient pas dus à la différence de taille qui existe entre l’homme et la femme. Et M. Le Bon se trompe lorsqu'il dit que Parchappe «s’est posé l’objection de savoir s1 à taille égale les cerveaux féminins ne seraient pas aussi lourds que les masculins, sans pouvoir la résoudre ». Parchappe était arrivé à la résoudre d’une façon indirecte. Il avait reconnu que, la taille de la femme étant à celle de l’homme comme 927 à 1 000, le poids de son cerveau était à celui de l’homme comme 909 à 1 000, c’est-à-dire qu'à taille égale il Map au profit de l’homme une différence d'environ 2 pour 100. Cependant Tiedemann admettait que la différence de taille suffisait à rendre raison de la différence du poids du cerveau entre les sexes. Et il faudrait n’avoir jamais lu aucune des thèses qui se publient en faveur du droit des femmes pour ignorer que cette opinion est encore au- jourd'hui la plus communément répandue. Quelques savants la par- tagent. M. Le Bon cite M. Milne-Edwards, qui, dans ses Lecons sur la physiologie et l'anatomie, 1. XI. 1876, a écrit : « Considéré d’une façon absolue, l’encéphale de l’homme est plus gros que celui de la femme; mais proportionnellement à la masse du corps, la différence est en sens inverse. » La différence trouvée par Parchappe était, il est vrai, très mi- nime. Grâce aux matériaux inédits, réunis depuis dix ans par M. Broca, qui a pesé des centaines de cerveaux en prenant la taille des sujets, M. Le Bon a obtenu directement une différence plus importante. Voie le tableau qui résume son calcul : DE L'ÉVOLUTION PHYSIQUE ET INTELLECTUELLE DE LA FEMME. 317 TABLEAU HIT. Poids moyen du cerveau de l'homme et de la femme à taille égale. Poids moyen de 17 cerveaux d'hommes, d’une taille comprise entre 15e MIGSNCeNEIMELLES EEE RME CU NIET NE RE 1322 Poids moyen de 17 cerveaux de femmes, d’une taille également comprise entre 54 eLMIG3ICeNTtIMETES.ue M Ce eee ee 1150 Différence au profit des cerveaux masculins. . . . . . . . . 172 c’est-à-dire environ 6 pour 100. M. Le Bon a également montré qu'à poids égal du corps, le poids du cerveau est plus faible chez la femme. Les éléments de la compa- raison qu'il a établie à cet égard sont empruntés à une thèse récente du docteur Budin (1), qui a mesuré la circonférence de la tête de 49 nou- veau-nés : TABLEAU 1V. Circonférence de la tête du nouveau-né. Masculin. Féminin. Du poids de 2500 à 3 000 grammes. . . . . . . 38,0 36,7 — de 3 000 à 3 500 grammes. . . . . . . 38,8 38,2 — de 3500 à 4 000 grammes. , . . . . . 40,1 39,7 La circonférence de la tête correspondant à la capacité du crâne, on ne peut douter que les différences qu’elle présente chez les deux sexes ne correspondent à des différences dans le poids du cerveau. Ce tableau montre donc que l'infériorité de la femme sous le rapport du poids du cerveau ne dépend pas du poids total du corps beaucoup plus que de la taille elle-même. Ce tableau a encore une autre signification. Il est une réponse pé- remptoire à ceux qui regarderaient cette infériorité comme un pur effet de la déplorable éducation des jeunes filles, puisqu'il nous la montre dès la naissance. Mais, à cet égard, le tableau suivant de Weleker, que nous emprüñ- tons à un judicieux article de M. Dally (2), est bien plus important : TABLEAU V. Capacité crânienne. Hommes. Femmes: DUMOUVEAU NEA CENT FOR 400 360 ANTEUREMOIS EE RE te El Le 540 510 AUOT ER MN Lune à EN ele A de 900 850 LOISFANS ENS ARE NRA EAN 080 1,010 DIX ANS AAA PM PANNES Lt CAM EAN NS 1,360 4,250 Delvinetrasorxantetans nets EnTAnTUN 1,450 4,300 1) De la téte du fœtus, Paris, 1876. 2) Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, FEMMES, p. 434. ( ( 318 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. M. Le Bon aurait pu s’en servir à l'appui de son opinion sur l’inuti- lité et le danger d'une éducation tout à fait semblable appliquée aux deux sexes (opinion qu'il est permis de ne pas partager sans pouvoir en démontrer la fausseté), puisqu'on y voit qu’à la naissance la femme dif- fère de l’homme déjà autant qu'à trois ans, sous Le rapport de la capacité crânienne. Il est, dans le même ordre d'idées, un fait encore plus grave qu'il ne cite pas. C’est que, d’après l’estimation de M. Morselli (1), chez les anthropoïdes, la capacité crânienne du mâle est toujours plus grande que celle de la femelle, et que le crâne de celle-ci pèse moins que celui du premier. Il en résulterait que l’infériorité relative de la femme est originaire, primitive. Elle n’est pas seulement le fruit de la loi de divi- sion du travail et de différenciation des êtres au sein de l'humanité et du développement des sociétés humaines : elle a sa source plus pro- fondément située dans le sein de la nature, et, par suite, il ne dépen- drait sans doute pas de nous de l’annuler entièrement. Mais quelle influence a eue sur elle cette loi de division du travail, qui est la loi même de notre développement social ? Celle qu’elle a sur les moindres différences que présentent les êtres, leurs familles, les es- pèces. Elle semble l'avoir accentuée: Dans sa remarquable étude des crânes de la caverne de l’Homme- Mort, que nous avons déjà citée, M. le docteur Broca a donné, il y a plus de cinq ans (2), un tableau de la capacité comparée de crânes d'hommes et de femmes chez différentes races. Son étendue nous em- pêche de le reproduire ici. Par l'exactitude minutieuse des chiffres, le nombre des mensurations qui ont servi depuis à tant d'auteurs, et les observations sagaces auxquelles il a donné lieu de la part de M. Broca lui-même, 1l est fondamental dans la question. Nous donnerons donc au moins les différences constatées en faveur des hommes dans un ordre sériel. TABLEAU VI. Les crânes masculins Noms des séries, l'emportent en capacité de Caverne de l’'Homme-Mort (néolithique) . . + . . . . « . - . 99,50 NÉOEBaledontens RE NT A ee CR CNE + 1129759 NTÉLOMNMEENSE EN EEE 5 ASE ECS MERE ON RS O0 AUVÉLO TASER ERNST ele et oo AS ER A 19 te 5 LES 152,82 NèsrestdemtAfnqueloccidentile MEN 179,40 Corses Id /AVADESS AR UM AUOT AN OR 184,44 (1) M. Morselli, en outre, en pesant 100 crâänes masculins et 72 crânes féminins avec leur maxillaire inférieur, a tout récemment constaté que la moyenne des premiers était de 602,9 et celle des seconds de 516,5, et qu’en conséquence le poids du crâne de la femme était à celui de l’homme dans le rapport de 85,7 : 100. (2) Revue d'Anthropologie, 1873, p. 33. DE L'ÉVOLUTION PHYSIQUE ET INTELLECTUELLE DE LA FEMME. 919 Les crânes masculins Noms des séries. l'emportent en capacité de BAS= BLEUS MEME RTE LEE SRE 198,54 GuancheS MEME Gene ÉORMM EU 103 0203%49 Basques espagnols et D RS oo CEE 2154 Parisiens du dix-neuvième siècle AM TN a en DR UT M. le docteur Le Bon, en réunissant deux des éléments des mensura- tions ci-dessus à quelques autres, a dressé le tableau suivant : 02 TABLEAU VIT. Volume moyen Volume moyen Différence en faveur Races. des cränes masculins, des crânes féminins, des crânes masculins. Parias deliInde "ce 1332 19241 GI NUSÉTANENS en lle 1338 1931 107 POMHESIENSN RTC OC EN 1500 1381 119 Anciens Egypliens . : . . : . 1500 1363 137 NléÉrovingiens. fe 70e 1537 1852 165 Parisiens modernes. . . . . . 1559 1337 299 Il semble en résulter que la différence de capacité entre les hommes et les femmes s'élève régulièrement avec les races elles-mêmes et dans l'ordre croissant du développement des sociétés. Il n’en est pas tou- jours ainsi, au contraire. Nous voyons, en effet, d’après les chiffres de M. Broca, que la différence sexuelle est moindre chez les hommes de la caverne de l’'Homme-Mort, qui, précisément, par la capacité de leur crâne, l’emportent de beaucoup sur toutes les autres races, même sur les Parisiens (de 64 centimètres cubes). Nous voyons les Auvergnats placés au-dessous des nègres de l'Afrique occidentale. Or, eux aussi, se placent, en réalité, au-dessus des Parisiens par leur capacité crà- nienne. Qu'en faut-il conclure? À notre avis, que si cette divergence de ca- ractère dépend d’une loi générale et constante du développement des sociétés, elle dépend aussi de causes secondaires variables. Les croyances religieuses, les habitudes sociales, les mœurs, les goûts, le plus ou moins de sensualité de l’homme, etc., s’exerçant sur de nom- breuses générations en modifiant la situation de la femme, finissent par marquer leurs traces dans l’organisme. Il y a, par exemple, apparence que si, chez la belle race de la caverne de l’'Homme-Mort, la femme dif- férait si peu de l'homme sous le rapport de la capacité crânienne, c'est que celui-ci la traitait à peu près en égale. Il était moins galant que nous, à coup sûr. Mais à qui fera-t-on croire que notre galanterie banale, ‘ qui devient si aisément injurieuse pour les individualités plus fortes, soit une supériorité bien glorieuse ? Chez les Basques espagnols, la différence sexuelle égale presque celle que l’on observe chez les Parisiens. 320 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Chez nos paysans, qui leur sont supérieurs, elle serait probablement bien moindre. Cela ne viendrait-il pas de ce que les Basquaises sont plus jolies et de ce que leur beauté est l’objet d’une culture attentive et leur presque unique préoccupation? Chez certains nègres de la côte orientale, l’idée que l’on se fait de la beauté est telle, que les femmes sont engraissées par des procédés d'entrainement et à l’aide du repos le plus absolu. On arrive à leur donner la forme d'énormes masses rondes; d’où l'expression : belles comme la lune. Eh bien! nous le demandons, est-ce qu'un semblable régime, pur effet de mode, appliqué pendant plusieurs siècles, ne doit pas avoir fatalement pour résultat l’abaissement intellectuel des êtres auxquels on l’inflige ? Et l’analogue d’un semblable régime, est-ce que nous ne le retrouverions pas chez les Chinois, qui nous donnent l’exemple d’un peuple très civilisé et très laborieux, ac- ceptant l’état polygamique? Est-ce que nous ne le retrouverions pas même chez nous? Car, enfin, ne préférons-nous pas en la femme, de- puis des siècles, les mièvreries du gracieux animal à toutes les fortes qualités de l’être humain ? Et sommes-nous bien sûrs que la sélection sexuelle qui s'opère en faveur d’une certaine beauté ne s’opère pas du même coup en faveur d’une intelligence toujours moindre ? Nous ne voulons pas faire ici de critique de mœurs, mais nous ne pouvons éviter de poser ces questions. Voici, en effet, ce qui arrive. Les parias et les Australiens ayant une capacité moyenne du crâne masculin d'environ 1332 centimètres cubes, et les Parisiens d'environ 1559 centimètres eubes, ce qui représente un écart de 227 centimètres cubes, « la différence existant entre la ca- pacité moyenne du crâne des races humaines les plus élevées et celle des races les moins élevées ne dépasse pas celle existant entre la capa- cité moyenne des crânes des Parisiens et la capacité moyenne des crânes des Parisiennes ». Ce n’est pas tout. M. le docteur Le Bon a disposé, dans la série sui- vante, la capacité des crânes féminins de quelques races. Nous n'y ajoutons que la capacité des crânes féminins de la grotte de l’'Homme- Mort : TABLEAU VIII. Capacité moyenne. Crânes féminins de la caverne de l’'Homme-Mort. . . . . . 1507 — de la grotte de Baye (néol., fin.) . . . . . 1407 — de Mérovingiennes (septième siècle). . . 1383 — de Polynésiennes AP PIRE CO UNE 1381 — de Parisiennes... . 6 TP rente cite 1337 — COMNCO CRIS OMONMIOMMEN CNT MEME ML ENS 1330 — deninéeressesRe Lt | CORNE EPIRNIEAN AE 1232 DE L'ÉVOLUTION PHYSIQUE ET INTELLECTUELLE DE LA FEMME. 321 Les Parisiennes y occupent le cinquième rang et viennent après les Polynésiennes. De tout ceci il résulterait que la différenciation des sexes sous ce rap- port est le fait non seulement de la supériorité croissante de l’homme, mais encore et surtout de l’abaissement graduel de la femme. La prodi- gieuse niaiserie de l'éducation qui est infligée à celle-ci, l'infimité de l'instruction qu'elle reçoit, les mœurs auxquelles nous venons de faire allusion et la sélection sexuelle, qui ne favorise peut-être pas les femmes qui ont le plus de caractère et d'intelligence, pourraient à peu près ex- pliquer cet abaissement. Nous sommes, pour notre part, bien convaincu que si la conception d'A. Comte, qui répond parfaitement à notre idéal social actuel, se réalisait; si la femme, n'ayant plus ni souci ni affaire, était condamnée à la monotone béatitude du rôle de divinité intérieure, cet abaissement s’aggraverait encore. Et ce n’est pas tout. Si, d’une part, un très grand nombre de femmes sont soustraites aux effets de la concurrence vitale et n’ont plus d'autre effort à faire qu'à sourire agréa- blement avec à-propos, un très grand nombre d’autres, dans nos villes industrielles, sont condamnées à un travail abêtissant. Et il est clair que la jeune fille qui, pendant des années, doit se résigner à entourer, avec le plus de rapidité possible, de petits bouts de papier vert autour de petits bouts de fil de fer, ce qui s’appelle «faire des fleurs », aura, à coup sûr, une activité cérébrale bien moindre que la femme du Peau- Rouge, qui doit prévoir les besoins domestiques et y pourvoir d’elle- même, et que la Polynésienne qui se livre aux occupations variées d’une vie libre. Pourtant chacun éprouvera de la répugnance à admettre que la Pa- risienne est moins intelligente que la Polynésienne. Et c’est, en effet, une question de savoir si cette diminution dans la capacité crânienne de la femme résulte d’une diminution de son intelligence seulement. Pour la résoudre, il faudrait connaître la nature et la fonction de tous les éléments cérébraux et sur quelle partie cette diminution porte, puisque d’ailleurs nous voyons une ancienne race, à peu près sauvage, la race de Cro-Magnon, comme sa descendance de la grotte de l'Homme-Mort, l'emporter sur nous par la capacité de son crâne. D'autre part, cette diminution de la capacité crânienne chez la femme s'accompagne de modifications dans les caractères physiques qui peu- vent entrer pour quelque chose dans les causes qui la déterminent. La culture dont la beauté est l'objet, proportionnée au degré de civilisa- tion ou plutôt d’aisance et de luxe, tend constamment à faire de la femme un objet plus délicat. Cette culture, ayant pour ‘condition l'in- souciance, l’oisiveté et le bien-être, ne semble pas, certes, en général, 9 T. III. — N0 4, 1879. l 322 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. favorable au développement intellectuel. Mais elle détermine plus di- rectement les modifications physiques que nous avons décrites plus haut. Il est probable, avons-nous dit, que la femme est devenue de plus en plus petite vis-à-vis de l’homme. La taille n’est pas d’une grande influence sur la capacité crânienne (1). Mais celle du poids du corps mérite qu'on s’y arrête. Elle n’a pu encore être déterminée en chiffres, mais M. Le Bon lui-même reconnaît, d’après des indices certains, que, tout en restant au-dessous de celle de l’intel- ligence, elle doit être importante. Or, l'existence que mène la femme, la culture dont elle est l’objet, en en faisant un être de plus en plus délicat, ont pour effet du même coup d'entraîner une diminution crois- sante de son poids total. Ce n’est pas seulement au figuré que l’on dit d'une personne disgracieuse qu’elle est lourde, et tout le monde sait que la gracilité des os est une caractéristique du squelette féminin. M. Morselli a pesé 172 mâchoires inférieures et a constaté que le poids moyen des mâchoires masculines était de 80 grammes, tandis que celui des mâchoires féminines était de 63, c'est-à-dire que le premier était au second comme 100 est à 78,5. La différence est considérable. Pour savoir dans quelle mesure il convient de faire intervenir l’intel- ligence dans la diminution de la capacité crânienne des femmes, il fau- drait donc rechercher quelles sont les variations du poids total des femmes chez les différentes races. Il y a lieu de croire que ces variations ne seraient pas sans quelque rapport avec celles mêmes de la capacité crânienne. Car une observation superficielle permet de soupçonner que la Parisienne se rangerait précisément parmi les moins pesantes de ioutes les femmes. En attendant, il nous paraît prudent de ne pas affirmer que la diffé- renciation sexuelle, qui se résume dans un écart de plus en plus grand de la capacité du crâne, correspond toujours exactement à une diver- gence intellectuelle de plus en plus grande. Îl nous est assurément impossible de méconnaître que la division croissante du travail et le développement même de nos sociétés ont tout ensemble pour cause et effet d'augmenter, dans un même groupe, les dif- férences de toute nature, etque, bien plus, notre civilisation, dont nous sommes si glorieux, amoindrit et abaisse, au point de vue physique comme au point de vue intellectuel et moral, à peu près autant d'indi- vidus qu’elle en élève. Mais il n'apparaît pas que la différenciation des sexes doive se traduire nécessairement par une infériorité intellectuelle de plus en plus accentuée du sexe féminin. (1) Les relevés de M. Le Bon montrent que, pour 100 centimètres d’accroissement de laille, le poids du cerveau n’augmente guère que de 40 grammes. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 323 Le tableau de M. Broca nous montre mème que cette infériorité est peut-être moins dépendante d'une loi constante du développement so- cial que de circonstances secondaires variables, sans rapport nécessaire avec le progrès général. En tout cas, ces circonstances ont eu et ont sur elle une influence considérable. Et nous avons dès lors cette satisfaction de pouvoir dire qu'en les modifiant comme cela nous est loisible, en apportant des corrections à nos mœurs, en améliorant l'éducation des filles, etc., nous anéantirons sûrement peu à peu (1) les inégalités ex- cessives et déplorables à tand d’égard dont elles ont été la source. ZLABOROWSKI. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. De la fonction chromatique du Poulpe, Par Léon FRÉDÉRICQ. Les Céphalopodes jouissent, comme on sait, du pouvoir de modifier à chaque instant la couleur de leur peau. Cette remarquable propriété était connue d’Aris- tote : «Pour attraper les poissons, él (le Polype) change de couleur ef prend celle des pierres entre lesquelles il s'approche. La peur opère en lui un pareil chan- gement de couleur.» Mais on ignora longtemps le mécanisme de cet étrange phénomène et ce n’est que depuis une cinquantaine d'années environ que la lumière commença à se faire. R. Wagner montra que ces changements de coloration étaients dus à Pex- pansion et au retrait successif d’une infinité de cellules à pigment (chromato- phores) dont la peau des Céphalopodes est parsemée. Kælliker découvrit les fibres musculaires radiées qui s’attachent à la membrane du chromatophore et dont la contraction produit l'expansion de la cellule à pigment par l’étirement de cette membrane. La phase du retrait de la cellule est entièrement passive ; elle est due au relâchement des fibres musculaires radiées et à l’élasticité de l'enveloppe du chromatophore qui revient sur elle-même. Hurless, Brücke, Müller, Boll, Keferstein confirmèrent entièrement cette manière de voir, qui est devenue classique. Brücke avait découvert en outre que sous la couche des chromatophores s’en trouve une composée de lamelles miroitantes (Æ{itternschicht). C’est cette cou- che de paillettes qui donne à la peau de certains Céphalopodes ces admirables reflets irisés, dont la peinture ne peut rendre qu'une image affaiblie. (Voir les planches coloriées de VERANG, Mollusques méditerranéens ; de FERussac et d'OrBiaxy, Céphalopodes Acétabulifères.) (1) Non pas certes dans la durée d’une génération ! 324 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Ily a peu d'explications en physiologie qui soient plus claires, plus ration- nelles que cette expansion active et ce retrait passif des chromatophores. Har- üng a cependant cherché à renverser les idées régnantes sur la matière et à y substituer une hypothèse tout opposée. Il se base sur quelques observations faites chez les embryons de Loligo. Il suppose que les fibres radiées ne sont pas des fibres musculaires, mais peut-être un appareil nerveux terminal. Le chro- matophore «ne serait aucunement un corps passif, mais serait au contraire le siège actif des divers mouvements qui lui font adopter tantôt lu fiqure d'un glo- bule, tantôt celle d'une lamelle très mince ». L'état de contraction du chroma- tophore serait sa phase active; l’état d'expansion correspondrait au repos. Les fibres radiaires sont considérées non comme des fibres musculaires, mais peut- être « comme un apparetl nerveux terminal ». Comme on le verra plus loin, les résultats de mes expériences de section et d’excitation des nerfs qui se rendent aux muscles des chromatophores ne peu- vent s'expliquer qu’en admettant les idées de Kælliker, de Harless et de Boll et sont en contradiction flagrante avec l'hypothèse de Harting. La phase de re- trait du chromatophore (teinte claire de la peau) représente son état passif ; la phase d'expansion (coloration foncée de l'animal) correspond à la contraction des muscles radiés. Les Céphalopodes ne sont pas les seuls êtres qui soient susceptibles de chan- ger de coloration. Le Caméléon, beaucoup de Crustacés et de Poissons présen- tent des phénomènes analogues. En général, chez les Poissons, les change- ments de coloration ont pour résultat d'harmoniser le ton de l'animal avec celui du fond sur lequel il vit. Ce sont des cas de mimétisme. Sous ce rapport, je n'ai guère eu l’occasion de faire des expériences sur les Poulpes, n'ayant pas eu à ma disposition de bassins suffisamment vastes. Il m’a semblé qu’un Poulpe que l’on place sur un fond de sable clair prend souvent lui-même une teinte claire, surtout lorsqu'il se trouve exposé au soleil. Dans ces conditions, il ne se sent pas en sûreté, il rampe sur le fond ou nage par saccades à recu- lons jusqu’à ce qu'il ait trouvé quelque réduit obscur, touffe de varech ou an- fractuosité, sous une pierre, où il puisse se cacher. Il reprend alors sa teinte foncée habituelle. Les Sépioles présentent un fait de mimétisme plus remarquable. Ces gracieux petits animaux nagent de préférence sur les fonds de sable vivement éclairés du soleil où l’eau est peu profonde et chaude {extrémité N.-E. de Pile de Batz en face de Roscoff ). Ils fuient à reculons et par saccades : leur corps offre alors exactement la teinte du fond de sable, de sorte qu'on les distinguerait à peine si leur ombre projetée sur le fond ne les trahissait. Quand on les pour- suit, ils lancent fréquemment leur encre sous forme d’un petit nuage noir. Avant de lancer leur encre, ils changent brusquement de couleur, deviennent presque noirs, puis reprennent immédiatement leur couleur grise. Ils abandon- nent ainsi derrière eux un petit nuage noir qui reste suspendu dans l’eau sans se délayer et qui a à peu près les dimensions de leur corps. Celui qui le voit pour la première fois pourra se laisser éblouir par ce stratagème, lâchera la proie pour l'ombre et saisira vivement le nuage noir alors que la Sépiole est REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 425 déjà lois. D’autres fois les Sépioles, après avoir lancé leur encre, vont rapide- ment s’enterrer dans le sable. Les yeux et la petite portion du corps qui est à découvert se confondent à s’y méprendre avec le fond du sable. Malgré ces pe- tites ruses, les Sépioles se prennent assez facilement, mème à la main. Chez le Poulpe, les variations de coloration me paraissent avoir en général une autre signification, que je comparerai volontiers à celle des changements produits par les vaso-moteurs du visage humain, Comme Aristote le remarquait déjà, ils expriment les diverses émotions, surtout la colère, l'irritation, la peur. Un Poulpe qui respire paisiblement dans l'aquarium, présente souvent une teinte assez claire et la peau du manteau presque lisse. Il suffit d'approcher la main ou mieux le poing fermé de la glace, dans la direction de l'animal, pour voir immédiatement les chromatophores de la peau qui entoure l'œil entrer en action, principalement ceux qui sont situés suivant le grand axe de la pupille, qui se dilate en même temps. Le phénomène disparait presque aussi vite qu'il est apparu. L'expérience peut être répétée un certain nombre de fois avec le même résultat, jusqu’au moment où l’animal, fatigué d’être inquiété, quitte la place pour aller chercher le repos à l’autre extrémité de l'aquarium. Si l’on excite un Poulpe, si on le tourmente en l’extrayant de l’eau ou en lui introduisant des corps étrangers dans la cavité respiratoire, 1l entre dans une grande fureur, ses bras battent l’eau, cherchent à repousser l'attaque ou à se cramponner aux objets environnants. Dans ce cas, l'animal prend une couleur très foncée, les papilles qui lui couvrent le dos se hérissent. Souvent il fuit à reculons, en lançant un vigoureux jet d’eau par un brusque mouvement d’expi- ration ; souvent il lance son encre, Ces changements de coloration sont sous la dépendance du système nerveux central. Il suffit de sectionner les nerfs qui se rendent aux muscles des chroma- tophores, toute la partie de la peau innervée par le nerf pâlit immédiatement et présente alors le minimum de coloration. L’excitation du nerf a précisément l'effet contraire : tous les chromatophores qui se trouvent sous sa dépendance sont amenés à l’état d'expansion par suite de la contraction des muscles radiés et la partie correspondante de la peau présente le maximum de coloration. Grâce à leur situation superficielle et à leur distribution étendue, les nerfs palléaux se prêtent merveilleusement à la démonstration de ce fait. Chacun de ces nerfs préside à la sensibilité et à la mobilité de la moitié correspondante du manteau ou sac respiratoire et tient également sous sa dépendance les change- ments des chromatophores de la région. Il suffit de couper un nerf palléal pour produire une paralysie unilatérale des muscles respiratoires et pour abolir complètement le jeu des chromatophores de ce côté. La moitié du manteau pâlit immédiatement et il n’est plus au pouvoir de l'animal de changer la teinte claire, uniforme, qui se produit alors et qui tranche vivement avec le ton foncé de l’autre côté du manteau. Si, après avoir coupé le nerf palléal, on excite son bout périphérique ou Île ganglion palléal à l’aide de la pince électrique, ou si on le froisse entre ies mors d’une pince, toute la région correspondante du manteau reprend une teinte foncée, par suite de l'expansion des chromatophores. Je ne connais pas d'expé- 326 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. rience physiologique dont les résultats soient plus clairs, plus constants. Les nerfs de l’entonnoir, les gros cordons nerveux des bras se comportent de la même façon vis-à-vis des organes auxquels ils se rendent. Cette innervation spéciale pour les chromatophores de chacune des moitiés du manteau se traduit souvent chez l'animal vivant parfaitement intact sans aucune intervention opératoire. Si l’on examine avec attention un certain nombre de Poulpes nageant dans l'aquarium, on ne tardera pas à en trouver quelques-uns chez lesquels le manteau sera nettement divisé en deux moitiés, droite et gauche, dont l’une sera plus foncée que l’autre, la ligne de séparation. suivant exactement la ligne médiane du corps. Cette différence de teinte est tout à fait passagère. A l’état normal, les Poulpes présentent généralement une teinte d'intensité moyenne : les muscles dilatateurs de leurs chromatophores sont dans un état de demi-tension perpétuelle (ou bien une partie seulement des chromatophores sont à l’état d'expansion totale). Cet état de tonus fait place à la paralysie dès que l’on sectionne les nerfs: ceux-ci doivent donc transmettre constamment à la périphérie une certaine somme d’influx nerveux provenant des centres gan- glionnaires. Le centre des mouvements des muscles des chromatophores doit être cherché dans la masse nerveuse sous-æsophagienne, car l’ablation de la masse sous-æsophagienne seule ne produit pas la décoloration de l’animal. Mais les muscles dilatateurs des chromatophores peuvent aussi être mis en jeu par l’intermédiaire du système nerveux : on peut porter directement l’exei- tation sur eux. Il faut, dans ce cas, exclure l'influence du système nerveux central, supprimer les connexions avec les centres nerveux par la section préa- lable des nerfs qui se rendent à la région sur laquelle on opère. Il est encore plus simple d'opérer sur des animaux morts depuis quelque temps, chez les- quels le système nerveux a perdu son excitabilité, Il suffit de porter l’excitation électrique sur un endroit quelconque dela peau du manteau pour voir immédiatement cette partie prendre une teinte foncée et la garder quelque temps (que l’animal soit vivant ou mort depuis quelque temps, que les nerfs aient été coupés ou non). On peut, en se plaçant dans les circonstances favorables, tracer des lignes ou des lettres à la surface de la peau à l’aide de la pince électrique et produire des dessins noirs qui persistent pen- dant plusieurs minutes. Les muscles des chromatophores se contractent également sous l'influence d’excitants thermiques. Si l’on approche un cigare allumé à une petite distance de la peau d’uu Poulpe mort, on verra immédiatement se dessiner une tache foncée. Un Poulpe que l’on jette dans l’eau chaude devient immédiatement tout foncé. Paul Bert (/oc. cit.) avait déjà remarqué qu’une Seiche plongée dans l’eau douce noircit immédiatement. Enfin les excitants chimiques, les acides notamment, agissent énergique- ment dans le même sens. Une goutte d'acide nitrique dilué produit une tache foncée permanente sur la peau du Poulpe. Le jeu des chromatophores que présente la peau des Céphalopodes longtemps après leur mort, me paraît dû à un mécanisme du mème genre, à l’action 1rri- REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES, JÈT tante du contact de l’air et de la dessiccation, car on ne l’observe pas sur les animaux morts dans l’eau et qu’on y laisse séjourner. Le phénomène s'étudie parfaitement sur des fragments de peau isolés ; c'est un des spectacles les plus intéressants que de suivre au microscope l'expansion et le retrait alternatifs des chromatophores. L'action d’une lumière très vive parait avoir la propriété curieuse de para- lyser momentanément les muscles dilatateurs des chromatophores et d'amener le retrait de ces cellules à pigment. Si à l’aide d'une lentille on concentre les rayons du soleil sous la forme d'un cercle lumineux que l’on projette sur la peau de la face supérieure de la tête du Poulpe et si l’on prolonge cette action pendant quelques instants, on voit apparaître, en retrant la lentille, une tache circulaire claire à l’endroit où les rayons lumineux ont agi. Cette tache per- siste pendant quelque temps. Cette expérience fut répétée plusieurs fois, tou- jours avec un égal succès. Léon FRÉDÉRICQ (1). De la source de la puissance musculaire, Par Auguste FLINT, Professeur à l’'Hospital medical college de New-York. Depuis que le docteur Mayer, en 1842, indiqua le premier les rapports phy- siologiques qui existent entre la grande découverte de Joule, d'Helmholtz et de Grove dans le domaine de la physique, les physiologistes ont cherché avec ar- deur à expliquer les phénomènes jusqu'ici incompréhensibles de la vie par des lois purement physiques et chimiques. On enseigne maintenant, d’une façon générale, que les forces et les lois de la nature inorganique offrent une explication facile et suffisante des faits les plus subtils de la vie organique. La simplicité ainsi introduite dans l'étude des phé- nomènes vitaux a un charme très séducteur ; et, si l'hypothèse était prouvée, elle ouvrirait, dans l’histoire de la physiologie, une ère dont on peut à peine se figurer l'importance. Les recherches sur la source de la puissance musculaire, qui sontrapportées dans la brochure qne nous avons devant les yeux, sont dans une large mesure responsables des tendances matérialistes de la physiologie moderne. « En prenant la nature telle qu'elle nous apparaît actuellement, dit le doc- teur Flint, il semble qu'il y ait peu ou point de fondement pour ce qu'on pour- rait appeler une physiologie immatérielle. Les recherches que j'ai faites au sujet de la source de la puissance musculaire ne s'opposent en aucune façon aux rapports connus qui existent entre la force et la matière. Elles ont simple- ment été dirigées vers la solution du problème tendant à savoir si les aliments (1) In Bulletin de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Bel- gique, 2% série, XLVI, n° 11. 328 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. jouent un rôle direct, par leurs transformations, dans la production de la puis- sance musculaire, ou si l'effort musculaire implique des changements dans‘la substance musculaire elle-même, cette substance étant détruite en tant que tissu musculaire, expulsée du corps sous forme de matière excrémentitielle, et sa perte réparée par les aliments. » Les rapports qui existent entre les aliments et le travail animal forment un des plus importants et des plus intéressants chapitres de la physiologie, car, en dehors de l'intérêt purement scientifique du problème, leur connaissance ap- profondie doit exercer une grande influence pratique sur la question de lali- mentation au point de vue de l'hygiène et de la thérapeutique. Jusqu'à ces derniers temps, la théorie bien connue de Liebig, émise ily a près de quarante ans, resta incontestée. Mais, quand le mouvement de réac- tion eut lieu, il passa rapidement à l’extrème, et Traube, de concert avec d’au- tres physiologistes allemands, avança une théorie directement opposée à celle de Liebig, et selon laquelle l'azote des muscles n’est pas détruit pendant leur action, mais la force est entièrement due à l'oxydation de la matière non azotée, convertie dans le mécanisme du système musculaire en puissance motrice. Je crois que la nouvelle doctrine sur la source de la puissance musculaire compte parmi ses partisans presque tous les physiologistes éminents de l'étranger ; en Amérique, cependant, le mouvement de Popinion en sa faveur fut de bonne heure enrayé par la publication des expériences scientifiques soi- gneusement faites en 4870 par notre auteur sur le voyageur pédestre Weston. Ces expériences, analysées dans le volume que nous avons sous les yeux, furent les premières,selon le docteur Flhint, pour lesquelles on adopta la méthode con- sistant à rechercher l'influence de l'exercice sur l’excrétion d'azote, en compa- rant l'azote éliminé avec l'azote introduit dans l'organisme par les aliments. L'attention du monde médical fut tout d’abord dirigée d’une façon perma- nente vers la question mise en discussion, en 1866, par les professeurs Fick et Wislicenus, lors de leur fameuse ascension du Faulhorn, dans les Alpes Bernoises. Ces observateurs distingués, quoique leur expérience manqguât de cette précision scientifique qui est indispensable pour établir une grande vérité, prétendirent avoir prouvé que le système musculaire est une machine consom- mant, dans son fonctionnement, non sa propre substance, mais du combus- üble, principalement fourni par les parties hydrocarbonées des aliments. Parmi les nombreux physiologistes qui prirent part à la discussion, les deux plus éminents, représentant les points opposés de la controverse comme ils représentent des continents différents, sont les professeurs Pavy, de Londres, et Flint, de New-York, dont les observations portèrent sur Weston, pendant certains de ses célèbres exploits pédestres. Dans les deux séries d'expériences, la proportion de lazote éliminé à l’azote ingéré, durant le repos et durant un exercice extraordinaire, fut déterminée, quoique Pavy négligeàt de comprendre dans son estimation l'azote des fèces, omission que Flint considère comme très importante. Les deux expérimentateurs trouvèrent un accroissement de l'élimination d'azote sur son imgestion durant les jours de marche. Mais lin- REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 329 terprétation de cet accroissement conduit les docteurs Pavy et Flint à des conclusions bien différentes. Le docteur Flint montre clairement que, par l’une ou l’autre méthode de caleul employées par les auteurs, il existe une grande différence entre la somme de travail réellement accompli et celle qu’on peut supputer, soit en estimant la force musculaire réellement consommée, représentée par l’azote excrété, soit en estimant la force fournie par les aliments. Dans l’un des cas (Pavy), l’excédant s'élevait à plus de 41 pour 100 du travail accompli, tandis que, dans l'autre cas (Flint), le travail accompli équivalait à plus de dix fois la force estimée des aliments azotés et des muscles consommés, déduction faite de la force dépensée dans le travail interne (respiration, circulation, sécrétion, etc.). Gette diffé- rence ne peut s'expliquer que dans la supposition d'erreurs sérieuses commises dans la mensuration de la force produite et dans les calculs évaluatifs de la force résidant dans les matières consommées, en pariant des données sur les- quelles ces calculs sont basés dans la circulation, la respiration et dans la pro- duction de chaleur animale. L’essai se termine par le paragraphe suivant : « Finalement, les expériences faites sur des sujets humains montrent qu’il faut chercher la source directe de la puissance musculaire dans le système musculaire lui-même. L'exercice de la puissance musculaire implique immédiatement la destruction d’une cer- laine quantité de substance musculaire, dont l'azote excrété donne la mesure. Indirectement, les aliments azotés sont une source de puissance, en tant que par leur assimilation par le tissu musculaire ils réparent la perte et déve- loppent la capacité de travail ; mais les aliments ne sont pas directement con- verts en force dans le corps animé, non plus qu'ils ne sont une source de puissance musculaire, si ce n'est qu'ils maintiennent le système musculaire dans une condition convenable pour le travail. Dans le travail ordinaire quoti- dien des muscles, qui peut se prolonger indéfiniment, sauf sa diminution causée par les conditions de nutrition et les limites de l’âge, la perte de la sub- stance musculaire causée par le travail est balancée par l'assimilation des matières alimentaires. « Une condition de l’existence du tissu musculaire, cependant, est qu'il ne peut être absolument stationnaire, et que la désassimilation doit se produire à un certain degré, même sans production de travail. Cette perte doit se réparer par la nutrition, pour que la vie soit maintenue. Une condition d’existence semblable s'applique à toute partie du corps sensiblement organisée, et établit une large distinction entre un organisme vivant et une machine de construc- tion artificielle, cette dernière ne pouvant exercer aucune puissance motrice de par elle-même, et ne pouvant déployer nulle force qui ne soit alimentée artili- ciellement par un combustible quelconque. » Afin de prévenir les objections qui pourraient être faites par quelques-uns, sur l’omission qu'il a commise de tenir compte de la chaleur et de la force que peuvent produire les aliments non azotés consommés pendant la marche, le docteur Flint, dans un court appendice, supplée à cette omission. Dans les expériences faites sur Weston en 1870, la quantité d'aliments non 330 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. azotés qu'il consomma fut soigneusement pesée, Evaluant la valeur en force des matières employées, tant azotées que non azotées, et ajoutant la valeur en force de sa perte de poids, le tout représente la somme des forces avec les- quelles Weston dut accomplir son haut fait pédestre et effectuer la circulation, la respiration, etc. Ge calcul, néanmoins, n’explique pas le travail musculaire effectivement accompli en parcourant les 370 milles et demi en cinq jours consécutifs. Il reste un déficit de plus de 10 pour 100, dont on ne peut rendre compte, et qui montre, selon notre auteur, « la subtilité fallacieuse de sem- blables estimations et l'impossibilité d'expliquer le travail musculaire effective- ment accompli, même en tenant compte de la valeur en force et de la chaleur produite par des aliments non azotés ». W.3: Cm) Recherches sur la constitution du plasma sanguin (2), Par le docteur L. FRÉDÉRICQ. En étudiant la coagulation du plasma sanguin par la chaleur, dans l’inté- rieur même de la veine, Frédéricq a été conduit à admettre que le plasma sanguin renferme normalement en solution trois substances albuminoïdes nettement caractérisées : 4° Le fibrinogène, qui se coagule par la chaleur à +56 degrés centigrades; 2° la paraglobuline, à +75 degrés; et 3° la sérine, à +65 degrés. La première de ces substances se coagule dans les conditions suivantes : un segment de veine jugulaire de cheval gonflée de plasma sanguin est renfermé dans un tube de verre à parois minces, à côté d'un thermomètre. « Le tube, convenablement bouché, plonge dans un bain d’eau chaude, dont un second thermomètre indique la température... Il faut élever lentement la température de façon que le thermomètre intérieur ne soit jamais en retard de plus de 4 ou 2 dixièmes de degré sur le thermomètre plongé dans l’eau. » Si on chauffe à une température inférieure au premier point de coagulation, c’est-à-dire infé- rieure à 56 degrés, le liquide ne change pas d'aspect; mais, dès qu'on le met en contact avec l’air extérieur, il ne tarde pas à se prendre en caillot à la façon du sang, par coagulation de la fibrine : on peut ainsi chauffer un segment vei- neux jusqu'à 55°,5. Mais dès que la température du plasma sanguin a dépassé 56 degrés, on voit se former dans celui-ci un précipité granuleux. Les granules de ce précipité s’agrègent pour former des flocons qui se laissent facilement séparer par filtration : le liquide filtré passe parfaitement clair, et contraire- ment au véritable plasma sanguin, ne se prend point en masse par coagu- lation de la fibrine, si on vient à l’abandonner à lui-même : c’est qu’en effet le sang à perdu complètement et d’une manière irrévocable ses propriétés fibri- nogènes, par suite de la coagulation à 56 degrés du fibrinogène. (1) Ex. Americ. Journ. of Med. Sc. (2) Docteur L, Frépérico, Recherches sur la constitution du plasma sanguin, in-%, 56 pages, Gand, 1878. Dissertation inaugurale pour l'obtention du grade de docteur spé- cial en sciences physiologiques. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 331 Cette substance, qui se coagule à 56 degrés, présente les propriétés du « fibrinogène », dont Alexandre Schmidt (1) admet aussi l'existence dans le plasma sanguin. Celte substance appartient au groupe des globulines de Hoppe-Seyler, et est précipitable par le chlorure de sodium en excès. Mais il faut bien remarquer que le précipité floconneux qu’on obtient en traitant par ce réactif le plasma sanguin représente la p/asmine de Denis (2), et que le fibri- nogène de Schmidt et de Frédéricq ne correspond, comme nous le verrons plus loin, qu'à une partie de cette plasmine. L'auteur a retrouvé le fibrinogène dans le sang des différentes espèces de mammifères qu'il a pu examiner : chez le cheval, le lapin, l'agneau, l’homme, la grenouille. Lors de la coagulation spontanée du sang, le fibrinogène qui préexistait dans le plasma ne se convertit pas tout entier en fibrine. Frédéricq, en dosant com- parativement la fibrine et le fibrinogène dans le sang de la veine jugulaire du cheval, à vu, par exemple, le plasma, qui contenait 05,4299 pour 100 de fibri- nogène, ne fournir que 05,375 de fibrine. Ses autres analyses lui ont donné des résultats analogues, et ce sont encore des faits semblables que Schmidt (3) et Hammarsten (4) ont observés. Il n’y a donc, en moyenne, que 87 centièmes de fibrinogène qui se transforment en fibrine; les 43 centièmes restants se con- vertissent en une substance différente de la fibrine. Nous avons vu que le fibrinogène se coagule à 56 degrés. Si, après sa précipi- tation, on filtre le plasma sanguin, on obtient un liquide clair qu'on peut chauffer jusqu'à 65 à 66 degrés, sans que sa limpidité soit aucunement trou- blée. Mais vers 66 degrés ce liquide devient opalescent et se coagule ensuite complètement si l’on élève davantage la température. « Comme le sérum, il contient deux substances albuminoïdes en solution : l’albumine ordinaire et la paraglobuline (fibrinoplastique). L’addition de chlorure de sodium en excès précipite cette dernière substance. On peut également l’extraire en diluant le liquide de dix à quinze fois son volume d’eau et en le soumettant à un courant d'anhydride carbonique. La paraglobuline se dépose alors sous forme d'un pré- cipité finement granuleux. » Nous avons dit que la plasmine de Denis, qui précipite quand on traite du plasma sanguin par le chlorure de sodium en excès, est un mélange de fibri- nogène et d’une autre substance albuminoïde. Si on isole cette plasmine et qu'on la dissolve dans l’eau, puis qu’on chauffe sa solution à 56 degrés centi- grades, le fibrinogène se coagule ; si on filtre alors et qu’on continue à chautfer au bain-marie ce liquide filtré, on voit à 75 degrés une nouvelle coagulation se produire : c’est la paraglobuline ou fibrinoplastique qui se prend en masse. Voilà donc un moyen pour se procurer la paraglobuline. (1) Al Scaminr, Die Lehre von den fermentativen Gerinnungserscheinungen in den eiweissartigen thierischen Kærperflüssigkeiten ; Dorpat, 1876. (2) Denis (de Commercy), Mémoire sur le sang, etc.; Paris, 1859. (3) Scxmipr, loc. cit. (4) HAMMARSTEN, Undersækningar af de s. k. fibringeneratorerna, ete, in Upsala Lækare fœrenings Færhandlingar, 1876. 332 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. C’est donc de fibrinogène et de paraglobuline que se compose la plasmine et ces deux substances s’y trouvent respectivement à peu près dans le rapport de 9 à 1. En effet, 363 parties de plasmine ont donné à Frédéricq 241 parties de fibrinogène et 122 parties de paraglobuline. Outre le fibrinogène et la paraglobuline, la plasmine renferme encore un ferment dont l'existence dans le plasma sanguin fut démontrée par A. Schmidt et qui a pour fonction de transformer le fibrinogène en fibrine. Ce ferment prend naissance pendant la période latente de la coagulation, c'est-à-dire pen- dant le temps qui s'écoule entre la sortie du sang de l’organisme et sa coagu- lation spontanée ; pendant cette période latente, le sang subit done des chan- gements qui favorisent la coagulation. Ce ferment de la fibrine, comme tous les autres ferments solubles, s'obtient entraitant par l'alcool fort le sérum ou le sang exprimé du caillot : le précivité produit par l'alcool, reçu sur un filtre, desséché d’abord à l'air libre, puis par l'acide sulfurique, délayé dans un peu d’eau et filtré, fournit une solution absolument neutre. On ne sait rien de la nature chimique du ferment de la fibrine ; il n’est pas même prouvé que la coagulation du sang soit une fermentation: 1l faut recon- naître toutefois qu'elle offre avec les fermentations de grands points de res- semblance. | On connaît mieux le lieu de la production de ce ferment. Schmidt pensait qu'il était fourni par les globules blancs du sang; Frédéricq, par d’ingénieuses expériences, démontre la vérité de cette opinion. En filtrant le plasma à une basse température, la coagulation du liquide filtré est naturellement retardée, ce qui tient à ce que, dans ces conditions, les pores du papier à filtre n’ont livré passage qu'à un nombre très restreint de cellules lymphatiques. En étudiant au microscope le phénomène de la coagulation dans le plasma du sang de cheval, on trouve dans le champ du microscope un grand nombre de leucocytes, souvent réunis en amas plus ou moins compactes. Or, en exa- minant avec un objectif à immersion, on se convainc facilement que le réti- culum fibrillaire qui annonce la coagulation du plasma débute à la surface et autour des amas de leucocytes. Dans un segment de la veine jugulaire du cheval, suspendu verticalement, le sang se sépare bientôt en deux couches : le plasma surnage, tandis que les globules tombent au fond. Le sang ne se coagulerait pas, d’après Glénard (1), et resterait indéfiniment fluide (du moins, tant que la veine ne se serait pas desséchée au contact de l'air). Mais Frédéricq, dans ces conditions, a presque toujours trouvé, déjà au bout de vingt-quatre heures, un petit callot de forme biconvexe, situé exactement à la limite entre la couche plasmatique et la couche lobulaire. Or, c'est en ce point que se rassemblent précisément les glo- bules blancs, en vertu de leur poids spécifique légèrement supérieur à celui du plasma, mais inférieur à celui des globules rouges. Une autre série d'expériences a démontré à Frédéricq « que si le sang reste (1) F. GLénarp, Contributions à l'étude des causes de la coagulation, ete. (Comptes rendus, LXXX, n°9, 1875; Gazette des Hôpitaux, no 133, 1875). REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 239 liquide presque indéfiniment dans une veine de cheval extraite du corps, ce n’est pas que la paroi exerce une action prohibitive sur ce phénomène, mais bien parce que le ferment n’y préexiste pas. » L'auteur a dû se demander en outre quelle influence extérieure provoquait la formation du ferment de la fibrine. Glénard a vu que l'introduction dans la veine d’un corps étranger (aiguille d’or ou d'acier) déterminait toujours la coa- gulation du sang. Frédéricq, en ayant soin d'expérimenter de manière à ce que les germes de l'atmosphère ne pussent pas pénétrer dans la veine en même temps que le corps étranger (minces stylets de verre qu'il vient d’étirer à la lampe d'émailleur), arrive à des résultats qui concordent absolument avec ceux de Glénard et conclut de ses expériences que «les corps étrangers solides, morts ou vivants, introduits dans le sang qui circule ou dans celui qui est contenu à i'intérieur d’une veine isolée, agissent comme centres de coagu- lation. » Après ces intéressantes observations sur les substances albuminoïdes du sang et sur la transformation du fibrinogène en fibrine, Frédéricq en vient, dans le dernier chapitre de son travail, à l'étude de l'influence exercée par les gaz sur la coagulation. Le sang ne se coagule ni parce qu'il subit le contact de l'air ni parce qu'il s’en échappe un principe volatl. Le sang se coagule quand on le soustrait au contact de l'air: si, par exemple, on le conserve sous l’huile d'olive ou sous le mercure; on peut, au contraire, dans certains cas, exposer du sang à l’air pen- dant plusieurs heures sans qu'il perde sa fluidité. Le contact de l'air n’est donc pas une condition nécessaire à la production de la fibrine. Mais peut-être l'oxygène, l’acide carbonique ou l'azote, que le plasma tient en dissolution, peuvent-ils provoquer la coagulation? Pour tran- cher la question, il fallait donc, à l’aide de la pompe à mércure, extraire tous les gaz du sang. Or, le plasma dont on a ainsi extrait tous les gaz se coa- gule dans le vide barométrique, et, de plus, il ne se forme pas de produits ga- zeux pendant sa coagulation. De ce fait il faut donc conclure que la coagulation du sang est un phénomène dans lequel les gaz n'interviennent en aucune façon. On ne saurait donc, sans commettre une grossière erreur, admettre avec Mathieu et Urbain (1) que l'acide carbonique « est l'agent de la coagulation spontanée du liquide sanguin. L'obstacle à cette coagulation pendant la vie résiderait dans les globules rouges, dont la fonction spéciale serait de fixer non seulement l'oxygène, mais encore l'acide carbonique du sang (2). » Cette phrase de Mathieu et Urbain détermina Frédéricq à rechercher sous quel état l'acide carbonique existe dans le sang. Les études délicates qu'il en- treprit dans ce but le conduisirent aux résultats suivants : «La répartition de l'acide carbonique entre les globules et le plasma (ou sé- rum) est la même dans le sang qui circule et dans le sang coagulé. (3) Marre et URBAIN, Cause et mécanisme de la coagulation du sang ; Paris, 1875. (BINÉOCACUTS pus" 334 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. « Les globules rouges sont capables d’absorber une quantité notable d’acide carbonique. Quelle que soit la teneur de l’acide carbonique du sang, les glo- bules rouges contenus dans 400 centimètres cubes de sang renferment de 6 à 12 centimètres cubes d'acide carbonique de moins que leur volume de sérum. » R. BLANCHARD. Sur la nature des lichens (1), Par M. le docteur J. MuLLer, Professeur à l’Université de Genève. Depuis les beaux travaux de M. Tulasne sur les lichens, on distinguait tou- jours dans le thalle (partie végétative des lichens) deux sortes d'organes con- stitutifs différents, les uns nommés Ayphæ, ordinairement blanchâtres, les autres nommés goridies, chargés de chlorophylle, donnant généralement la couleur verdâtre aux lichens. Les hyphæ, qui forment la principale masse du üssu cellulaire du thalle, et qui présentent, quant à leur apparence, les plus grandes analogies de formes et même de variations avec les hyphæ ou éléments constitutifs des champignons, étaient considérées comme entièrement dépour- vues de chlorophylle et en tous points comparables aux hyphæ des cham- pignons. Les gonidies, au contraire, furent reconnues comme semblables à divers groupes d'algues. Une dépendance génétique entre ces deux éléments constitutifs du thalle lichénique n’était pas encore rigoureusement établie, et c'est dans ce sens que les lichens furent traités par le professeur de Bary dans Morphologie und Physiologie der Pilze und Flechten (1866), quoiqu’on y trouve déjà des idées précurseurs de la théorie du professeur Schwendener. Bientôt après le professeur Schwendener ne vit plus seulement une grande ressemblance entre les hyphæ des lichens et celles des champignons, et entre les gonidies et certaines algues, mais il y vit l'identité et il établit sa cé- lèbre théorie, d’après laquelle les hyphæ des lichens seraient des cham- pignons et les gonidies seraient des algues. D’après cette théorie, les plantes appelées lichens jusqu'à ce moment ne seraient plus des plantes autonomes sut generis, ce seraient des êtres combinés, composés d’un champignon et d'une algue : les gonidies seraient une algue assimilatrice ou nourricière pour le champignon, et les hyphæ seraient un champignon parasite de l’algue. De nombreuses planches finement exécutées et un grand nombre de faits variés furent publiés par cet habile observateur pour affermir savamment sa théorie. Le docteur Bornet, de son côté, si versé dans les algues, publia (en 1873) un travail étendu sur le même sujet et dans le même sens, et fit paraître à l’ap- pui de nombreuses planches d’une exécution très soignée. Getle théorie fut donc soutenue avec une grande autorité et avec grand (1) Communication faite à la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève dans sa séance du 5 décembre 1878. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 339 talent. Elle semblait en outre se confirmer par la découverte de zoospores dans les gonidies, et surtout par les expériences de MM. Rees, Treub et Stahl, dans lesquelles des spores de Collema et d’autres lichens, mises en état de germi- nalion, et mises en même temps en contact avec les algues voulues, ont pro- duit des tubes germinatifs semblables aux hyphæ, qui ont pénétré dans linté- rieur de l’algue, pour y former, conjointement avec l’algue, ce que l’on appelle un thalle lèchénique. En un mot, tout concourait pour gagner les sympathies à cette théorie et pour la faire admettre comme nouveau dogme botanique. Elle fut même considérée comme démontrée dans les dernières éditions du Lelrbueh der Botanik du professeur Sachs, et en conséquence les lichens ces- sèrent d'exister comme classe de végétaux. Patronnée en outre par des auto- rités de premier ordre en anatomie et morphologie, elle fut presque univer- sellement admise dans les cours universitaires. Cependant, elle froissait violemment le sentiment naturel. Aussi trouvait-elle, dès son origine, l'oppo- sition d'une phalange serrée de tous les lichénographes. Elles fut combattue par les docteurs Nylander, Fries, Krempelhuber, Crombie, Kærber, Brisson, et par moi-même, avec des arguments et des succès très divers. Mais dans une question placée essentiellement sur le terrain de l'anatomie, notre opposition ne semblait pas prévaloir, et l’on conçoit que pour les botanistes qui s'occupent peu ou point des lichens, une pareille question devait naturellement être ré- solue d’après l'avis des anatomistes. Sur cette question d'anatomie, ce sont cependant les anatomistes qui fina- lement ont eu tort; ils ont néanmoins droit à la plus grande reconnaissance des lichénographes. S'ils n'avaient pas produit cette violente et audacieuse théorie, l’opposition n'aurait probablement pas encore découvert la clé de toute cette question qui à si vivement occupé et préoccupé les botanistes eten parti- culier les Hichénographes. Le mérite de cette découverte appartient au docteur Minks, de Stettin. En 1876, M. Minks publia un travail étendu sur le gonangium et le gono- cystium, deux organes nouveaux des lichens, d'origine hyphoïdale, dans linté- ricur desquels il se développait des gonidies. Dès lors, la connexion génitale entre hyphæ et gonidies était établie, les lichens n'étaient plus des composés de champignons et d'algues, et ils pouvaient, comme plantes autonomes, immé- diatement reprendre leur rang de elasse distincte. Malheureusement pour cet important résultat, les observations du docteur Minks ne paraissent pas avoir été vérifiées par d’autres, ni par les anatomistes parliculièrement intéressés dans la question, ni par les lichénographes; du moins personne ne s’est pro- noncé sur ce sujet si difficile, et moi-même j'étais encore entièrement absorbé par mes travaux sur les Rubiacées pour la #lora brasiliensis. Mais cette année mème le docteur Minks a publié (dans la Ælora de Ratisbonne) une nouvelle série de découvertes sur les lichens, qui généralisent en quelque sorte les pre- micrs résultats obtenus dans le gonangium et le gonocystium, et cette fois ses observations roulent en grande partie sur des organes que chaque observateur a très facilement à sa portée. Le point culminant de ces découvertes est le fait que ies gonidies se rencontrent déjà, dans un état préliminaire, non aperçu \ 330 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. auparavant, que le docteur Minks appelle #mécrogonidèun, dans toutes les cellules hyphoïdales qui composent le lichen, et cela aussi bien dans la sphère végétative que dans la sphère reproductive. Ces microgonidies se trouvent ainsi dans les filaments radicellaires, les cellules de l'écorce, les filaments de la moelle, les paraphyses, les jeunes thèques, les spores, les basides et dans les organes généralement appelés spermaties. Elles s’accroissent et deviennent ensuite libres par résorption de la cellule mère. Cette découverte anéantit absolument la théorie du professeur Schwendener. Mais pourquoi n’a-t-on pas vu plus tôt cette origine des gonidies et pourquoi a-t-elle échappé à des observateurs aussi habiles que MM. Schwendener et Bornet ? Ou les faits énoncés devaient être erronés, ou ils devaient être d’une observation extrêmement difficile. Comme le docteur Minks avait averti le lecteur qu'avec des microscopes ordinaires ce serait peine perdue de vouloir vérifier ces observations, que l’on ne pouvait y songer que par l'emploi d’ob- jectifs à immersion, je me suis procuré des objectifs supérieurs, que j'ai com- binés avec un nouveau microscope sorti tout récemment des ateliers de la So- ciété genevoise pour la construction d'instruments de physique. Cet instrument, à côté d’autres avantages, brille surtout par la perfection du pas de vis, qui permet de mettre au point avec une grande précision. Je pouvais donc es- pérer, en employant les objecüfs 10, 15 et 18 de Hartnack (à immersion et éclairés par une lumière convenable), et en préparant les objets avec tous les soins que la difficulté réclamait, d'arriver à un résultat qui infirmerait les observations du docteur Minks, ou qui les vérifierait et leur donnerait la valeur d’un fait définitivement acquis par la science. Mon résultat a dépassé de beaucoup mon attente. Non seulement j'ai pu constater les microgomidies dans tous les organes mentionnés plus haut, après les avoir soigneusement traités successivement avec de la potasse caustique, de l’acide sulfurique et de la teinture d'iode, mais aussi je les ai vues, avec mes excellents objectifs à immersion, sans aucune préparation chimique préa- lable, et dans les cas favorables je les vois même avec le plus faible de ces objectifs de Hartnack à sec. C’est surtout avec l'objectif de Hartnack 15 que j'ai travaillé, qui, avec mon plus faible oculaire, et à une distance de 25 centi- mètres, donne un grossissement de 1000, et avec l’oculaire 3 de 2000 (le nu- méro 48 va de 2500 à 5 000 diamètres, et par l'emploi d’une quatrième len- ülle interne de rechange, cet objectif double encore ce dernier grossissement). J'ai déjà constaté cette vérification dans le numéro 31 de la Æ/ora de Ratis- bonne, qui a paru le 4% novembre de cette année. J’y ai émis l'hypothèse que les microgonidies, bien plus pâles que les gonidies ordinaires, disposées en série moniliforme dans l’axe des hyphæ, d’un diamètre de 1/2 p — 3/5 y (u. == 11/1000 millimètre), se montreraient plus fortement colorées en vert dans les lichens provenant des pays tropicaux et qui auraient crû dans des lieux bien exposés à une lumière très vive. Cette hypothèse s’est pleinement confirmée depuis quelques jours. J’ai vu les microgonidies de Parmelia prolixa v. ery- throcardia Müll, Arg., provenant du voyage du docteur Schweinfurth dans le pays des Nyamnyams, au nord-ouest du lac de Nyanza, dans l'Afrique centrale, REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. SN qui étaient tellement colorées en vert, qu'il y avait à peine une différence de couleur appréciable entre les gonidies et les microgonidies. Les séries des microgonidies étaient si visibles dans ce cas (et Parmelia adpressa v. endo- chrysea Müll., Arg., de la même provenance, les montrait tout aussi belles), que certainement le premier bon microscope ordinaire les aurait clairement montrées, même sans système à immersion ct sans aucune préparation chi- mique préalable. L'existence des microgonidies est donc absolument sûre, et quant à leur transition en gonidies, j'ai vu qu'on peut assez facilement la constater en étu- diant les hyphæ qui se trouvent immédiatement sous lécorce et en suivant les cellules les plus profondes de l'écorce elle-même. C'est là qu'on trouve fré- quemment des microgonidies, encore enfermées dans les hyphæ, qui pré- sentent tous les degrés intermédiaires de grandeur entre les microgonidies ordinaires et les gonidies. Il résulte de ces diverses observations que les gonidies ont une origine hy- phoïdale, qu’elles ne sont pas des algues, que les hyphæ des lichens sont abso- lument différentes de celles des champignons, qu'il n’y a pas d'éléments fon- coïdes dans les lichens, et qu’en conséquence il ne peut plus être question d'un lichen comme d’un être composé d’une algue et d’un champignon. Les lichens, si nombreux et si variés dans tous les pays, reprennent donc leur rang parmi les autres classes des Cryptogames thallophytiques. L'existence des microgonidies tranche en même temps une autre question très grave, celle des lichens incomplets {sans thalle), et surtout de ceux qui viennent en parasites sur d’autres lichens. Comme un thalle complet leur man- que, ils n’ont pas de gonidies, ce qui, d’après les anciennes notions, aurait dû les faire elasser parmi les champignons. Cependant, on à reconnu qu'ils ont généralement la même organisation des fruits que d’autres vrais lichens com- plets, et qu'il ne leur manque que le thalle pour se rapporter exactement à tel ou tel vrai genre de lichens ; mais quelques-uns sont aussi dans le même cas, pour la conformité du fruit, vis-à-vis de certains vrais genres de champignons. Or, il suffira dorénavant, en semblables cas, de constater par exemple que les paraphyses ou les spores contiennent des microgonidies, et l’on aura la certi- tude d’avoir un lichen devant soi. Si les microgonidies manquent, alors c’est d'un champignon qu'il s'agira. Je viens d'appliquer ce nouveau principe (in Flora de Ratisb.,1878, p. 488) à un fort petit lichen parasite (Arthopyrenia Guineti Müll. Arg.), que M. Guimet, de Genève, m'avait apporté du sommet du Reculet, où la plantule vit sur le disque des apothécions de l’Amphiloma elegans. OBSERVATIONS SUR LA NOTE PRÉCÉDENTE. D'après le docteur Minks, les gonidies, à leur premier état, se rencontrent « dans toutes les cellules hyphoïdales qui composent le lichen, et cela aussi bien dans la sphère végétative que dans la sphère reproductive. » [l'en trouve dans les basides, les paraphyses, les spores et les spermattes. DATE — NO 4, 189 99 338 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Or, il est certain que l’on n’observe jamais de gonidies adultes que dans certains points spéciaux ; qu'il n'y en a jamais, à aucune époque, au niveau des basides, des spores, des spermaties et des paraphyses, et qu’enfin, si foutes les cellules hyphoïdales renferment des microgonidies ou gonidies Jeunes, les gonidies adultes devraient se montrer répandues dans foute la masse du lichen comme les gonidies embryonnaires. Comme cela n’est pas, il faut en conclure que les microgonidies de Minks sont des granulations cellulaires sans rapport avec les gonidies mêmes. C’est précisément ce qui semble résulter des obser- vations de Minks. Pour apercevoir ses cellules rudimentaires, il lui faut les plus forts grossissements (2000 à 5000 diamètres), l'immersion, etc. Je le demande, est-il une cellule végétale, si jeune soit-elle, que l’on ne puisse aper- cevoir avec un grossissement de 500 ou 600 diamètres ? Les gonidies jeunes sont, dit M. J. Müller, « disposées en séries moniliformes dans l'axe des hyphæe ». Elles ont, en général, 1/2000 de millimètre. Mais ce sont alors de vraies granulations. M. J. Müller dit, il est vrai, avoir vu tous les passages entre ces granulations et les gonidies ; mais il n insiste nullement sur ce point, qui est pourtant le point capital. Enfin, 1l parle des lichens incomplets, dépourvus de thalle, qui vivent en parasites sur d’autres lichens, ef qui n’ont pas de gonidies. Or, M. Müller a constaté dans leurs paraphyses et leurs spores des microgonidies. Il en conclut que ces plantes sont des lichens. J'en conclus, à mon tour, que les micro- gonidies ne sont pas le premier état des gonidies, puisque ces lichens n'ont pas de gonidies et que leur parasitisme sur d’autres lichens leur permet de se passer de gonidies. G. Duraïzey. Recherches sur les Entozoaires des insectes, Par Osman GaLee (1j. Les anciens observateurs s'attachaient de préférence à l'étude des parasites des vertébrés; mais depuis qu'on s’est attaché à l'étude de l’anatomie des in- vertébrés, on n'a pas tardé à rencontrer des parasites en nombre considérable, Pour ne parler que des insectes, on peut dire que tout un microcosme a été dé- couvert vivant à leurs dépens. Maisles parasites appartenant au groupe des Néma- todes n'ont étésignalés, chez cette classe d'animaux articulés, que de loin en loin et comme ne formant pas des êtres dont la fréquence embrassât telle ou telle famille naturelle. Le docteur Osman Galeb vient de nous faire connaitre, par ses recherches chez les représentants de deux familles naturelles d'insectes, les Blaltites (Orthoptères) et les Hydrophilides (Coléoptères), l'existence de toute une faune helminthologique très riche, accompagnée de beaux infusoires, aux mouvements rapides et variés, et de plantes appartenant aux algues inférieures. Il a, en outre, signalé un rapport d'existence entre ces infusoires et les Néma- (1) In Archives de Zoo! expérim., 1879, NII. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 349 todes dont il a fait l’objet de ses recherches, puisqu'il déclare qu'il y a des liens intimes rattachant la vie des uns à celle des autres. L'auteur fait de ces êtres une anatomie complète, accompagnée d’un très grand nombre de planches ; mais comme nous ne pouvons pas le suivre dans une analyse aussi succincte que celle que comporte cette Revue, nous nous bornons à dire qu'après avoir distingué, dans l'épaisseur des téguments de ces helminthes, une couche cuticulaire el une couche vaginale, 1 étudie minu- tieusement leur histologie et montre leur ressemblance chez toutes les espèces qui ont fait l’objet de ses investigations. Les téguments dérivent directement de la région externe du blastoderme. Au début, l'embryon est dépourvu de cuticule : la couche cellulaire externe est done nue; mais bientôt, à mesure qu'il s’allonge, on voit une masse transpa- rente, émise probablement par les cellules de cette couche, envahir légèrement le pourtour du jeune animal, et, en se solidifiant, constituer la première cuti- cule. Mais cette première cuticule est appelée à tomber après l’éclosion, et si l'embryon n’éclôt pas à temps, elle continue à s’accroitre par l'addition de nouvelles couches. On observe surtout cette augmentation d'épaisseur chez les embryons morts faute d’avoir été ingérés assez tôt par l’insecte chez lequel doit se faire l’évolution. La couche cellulaire elle-même formera la couche va- ginale. Schneider, se basant sur la disposition des éléments musculaires, a divisé les Nématodes en Polymyaires ou Helminthes ayant le système musculaire formé de plusieurs colonnes ; en Méromyaires ou Nématodes, l'ayant formé de quatre colonnes musculaires seulement; etenfin en Holomyaires, ayant une couche de muscles continue sans interruption. Cette classification, utile sans doute, ne présente pas une rigueur absolue; car l’auteur a pu constater, chez Îles Oxyures des insectes, tous les passages entre les Polymyaires et les Méro- myaires. Du reste, Bütschli a déjà montré par des recherches précises le peu de fixité de la manière de voir de Schneider sur le système musculaire. Il y a généralement, chez les Oxyures des insectes, quatre bandes muscu- laires, formées chacune de deux colonnes de cellules rhomboïdales placées bout à bout. Un tissu spécial remplit les intervalles des colonnes musculaires (champ dorsal, champ abdominal, aires latérales), formant ainsi avec elles une couche continue, située immédiatement au dedans de l'enveloppe tégumentaire. C'est aux dépens du second feuillet blastodermique, ou feuillet dérivé, que se déve- loppent les muscles et le tissu des bandes longitudinales. L'appareil excréteur offre dans toutes les espèces une composition uniforme : il consiste en quatre tubes ou vaisseaux, deux antérieurs et deux postérieurs, venant s'ouvrir dans un saccule situé à la région ventrale. Certains rapports d'organisation avec les vers marins étudiés par M. le pro- fesseur Marion avaient laissé supposer à l’auteur qu'il nous découvrirait un ap- pareil de la sensibilité analogue à celui qu'il a représenté. Malgré tous ses efforts, il n'a cependant pas pu reconnaitre chez ses Nématodes, d’une taille si exiguë, l'existence d’un système nerveux. L'existence d’un système nerveux chez la plupart des Nématodes reste donc toujours problématique. 340 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Dans l'étude de l'appareil digestif, l’auteur insiste longuement sur la struc- ture du bulbe dentaire, qui présente chez ces animaux un appareil de mastica- tion. Ce bulbe, réduit à ses parties essentielles, se compose de trois plaques cannelées, de nature chitineuse, que l’auteur appelle plaques dentaires ; V'une de ces plaquesest fixe, les deux autres sont mobiles, et par leur mouvement de va-et-vient broient les aliments sur la dent fixe. Enfin il existe à la partie pos- térieure du bulbe dentaire un assemblage de pièces chitineuses qui pénètrent dans la cavité de l'intestin et constituent un appareil ayant pour but de s’op- poser au reflux des matières alimentaires. L'intestin est formé réellement de trois couches, dont la plus importante est la couche cellulaire interposée aux deux cuticules externe et interne qui sont pourvues de pores. Cette couche n’est nullement granuleuse, comme l'ont prétendu certains auteurs, elle est cellu- laire dans tous les Nématodes. Dans la région rectale, on constate l'existence de nombreuses fibres musculaires qui constituent à cet endroit un puissant dilatateur de l’anus et du rectum. Le tube digestif se développe aux dépens de deux bourgeons qui vont à la rencontre l’un de l’autre et finissent par se confondre. Le bourgeon antérieur, qui apparait le premier, est le plus important, car il fournit l'œsophage, le bulbe dentaire et la première portion de l'intestin. Quand les deux bourgeons sont en contact, il s'établit entre eux une communication, mais leur point de jonction reste longtemps distinct; c’est en ce point que s’accroit en longueur le tube-di- gestif tant que l'animal s’allonge, Les organes génitaux des femelles se composent généralement de deux ovaires, communiquant par l'intermédiaire de deux trompes avec un utérus commun, dont la partie terminale se différencie pour former le conduit va- ginal. Par des observations multipliées, l’auteur a pu se convaincre que les or- ganes génitaux de la femelle se développent aux dépens d’une cellule enfouie dans l'épaisseur du champ abdominal au voisinage de lintestin. Elle ne s’allonge pas en boyau, comme l'ont observé Schneider et Marion sur les types qu'ils ont examinés, mais elle prolifère et donne naissance à un bourgeon primitif qui se bifurque bientôt pour former les deux bourgeons ovariens. Plus tard, les cel- lules terminales de ces bourgeons, cellules les plus grosses de toutes, engen- drent par prolifération d’autres cellules nues plus petites qui, par les progrès du développement, deviendront les œufs. La cellule terminale du fond de l'ovaire, que nous avons quelquefois observée, ne nous parait pas être indiffé- rente à la production des ovules. Tous les germes viennent du fond de l’ovaire, la colonne germinative n’existant pas. «Mes études, dit M. Galeb, ne me permettent pas d'admettre la manière de voir de van Beneden sur l’existence d'une germigène et d’un vitellogène. « J'ai constaté chez tous mes Nématodes la présence d’un véritable réservoir séminal, dont j'ai reconnu les attributions. «Nos observations originales ont porté principalement sur les phénomènes de développement; nous nous sommes attaché à étudier la formation des sperma- tozoïdes, aussi bien que la genèse et l’évolution des œufs. Les spermatozoïdes se forment à l'intérieur d’une cellule mère par division du contenu; ce sont REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 341 d'abord de petites masses arrondies, occupant toute la cavité de la cellule mère, mais appliquées plus tard contre la membrane d’enveloppe de chacune de ces cellules mères ; la queue apparaît bientôt sous l'apparence d’un prolonge- ment dirigé vers le centre de la cellule, Par la rupture de l'enveloppe, les sper- matozoïdes se trouvent mis en liberté; ils ont acquis leurs caractères définitifs. Leurs mouvements sont uniquement des mouvements amiboïdes, qui, après l’éjaculation, ne peuvent les transporter jusqu'à réservoir séminal, où ils doi- vent attendre le passage des ovules pour les féconder; j'ai reconnu que les con- tractions dont les organes génitaux de la femelle sont le siège pendant l’accou- plement, déterminent leur ascension. « Les œufs des Entozoaires des Blattides et des Hydrophilides, par leur grande transparence, sont éminemment favorables aux recherches embryo- logiques. » Les ovules n'ont pas de membrane vitelline avant la fécondation; ils ne l’ac- quièrent que plus tard. L'auteur n'a pu constater aucune pénétration des sper- matozoïdes, quoique le fait ait été signalé pour quelques Nématodes; il est porté à admettre qu'il y a plutôt fusion du zoosperme et de la masse vitelline, Dans ces derniers temps, on a décrit certains phénomènes qui s’accomplis- sent dans l’œuf avant la segmentation ; 1l s’agit de l'apparition de formes radiées ou de soleils. L'auteur ne les a pas observés dans l’œuf de ses Nématodes, et croit que les vésicules graisseuses qui remplissent encore le vitellus au mo- ment où se passent les premiers phénomènes de segmentation masquent le phénomène. On admet généralement, comme chacun le sait, que la vésicule germinative disparait au moment de la segmentation. Or, il a pu établir, dans les œufs d’une des espèces qu'ila étudiées, que les choses se passent tout autrement. On voit la vésicule germinative s’allonger etse segmenter d’abord avant le vitellus ; c’est seulement quand sa segmentation est complète que le vitellus commence la sienne. Les blastomères, entassés les uns sur les autres, circonscrivent une petite cavité, très peu apparente, correspondant au centre de l’œuf. Le vitellus présente alors l’aspect d’une müre ou framboise; c’est ce qu’on appelle, en embryologie, l’éfaf müriforme. Mais, par le progrès du développement, l’amas des blastomères ne tarde pas à changer d'aspect. La petite cavité formée au milieu d’eux est d’abord à peine visible, mais elle s'agrandit peu à peu sous la pression d’un liquide qui, en augmentant de quantité, refoule les blastomères vers la périphérie. Ceux-ci, qui, dans l’état müriforme, étaient entassés les uns sur les autres, se trouvent alors répartis sur une surface plus grande; ils se sont écartés en continuant à circonscrire la cavité centrale, et forment autour d'elle une couche de plus en plus régulière. Il arrive un moment où ces blastomères ne sont plus super- posés, et où chacun d'eux trouve à se placer sans chevaucher l’un sur l’autre. La couche unique de cellules ainsi formée constitue le blastoderme ; celui-ci, formé d’une seule couche, donne bientôt naissance par division ou délamination à un feuillet imterne. La formation de ce second feuillet se voit très nette- ment dans l’œuf des parasites des Hydrophilides; le blastoderme se compose 349 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. alors de deux couches concentriques au milieu desquelles se trouve la cavité centrale. Par là multiplication de ses cellules, le blastoderme s’allonge dans le sens du grand axe de l’œuf ; c’est dire que la cavité blastodermique augmente de lon- gueur pendant qu’elle diminue de largeur. Du côté de l'extrémité la plus grosse de la coque on voit se former la rangée de cellules qui doit produire lappendice caudal. En même temps l’autre extrémité de l'embryon s’allonge pour former la partie antérieure du corps. «Il me paraît utile de rappeler les résultats auxquels Bütschli est arrivé à propos de la formation du blastoderme et de ses feuillets chez le Cucullanus elegans. Selon cet auteur, quand les premières cellules sont arrivées à consti- tuer le sac blastodermique, fermé de toutes parts, dont nous venons de décrire la formation chez nos Vers, les parois du sac se rapprochent pour constituer un corps allongé à deux assises de cellules. Ce corps, d’abord droit, s’incurve de telle sorte que ses extrémités finissent par se rapprocher, en laissant entre elles un espace libre : nous avons alors la forme Gastrula tant recherchée au- jourd’hui dans les premières phases du développement; l’espace libre repré- sente l’ouverture du Gastrula. Plus tard, ce Gastrula S'allonge et donne nais- sance à l'embryon proprement dit; l’ouverture anale du Cucullanus se formera du côté de la bouche du Gastrula, tandis que la bouche de l'Helminthe se con- stituera du côté opposé. Hallez a pu observer sur l’œuf de l'Angurllula aceti des phénomènes semblables; seulement, pour cet auteur, la bouche de l'Anguillule s'ouvrira du côté où se trouve la bouche du Gastrula, tandis que lPanus pren- dra naissance du côté opposé. En résumé, le blastoderme est d’abord formé d'une seule et unique couche de cellules; plus tard, par sa transformation en Gastrula, une de ses moitiés constituera le feuillet extérne, tandis que l’autre moitié formera, par une sorte d’invagination, le feuillet interne qui chez nos Oxyures est, au contraire, un résultat de division ou de délamination du feuillet principal. « Contrairement à ce qui a été prétendu, on distingue déjà dans l’œuf le mâle de la femelle; et, comme on l’observe chez les Insectes, les œufs des pre- mières pontes donnent naissance aux mâles. La durée de l’évolution des œufs mâles est beauconp plus longue que celle des œufs femelles, « Leuckart a fait d’intéressantes recherches sur la propagation des Oxyures, parasites des Vertébrés, et particulièrement sur l'Oxyure vermiculaire. J'ai en- trepris des recherches du même genre sur les Oxyures des Insectes, et je vais en exposer les résultats. « Au moment de leur expulsion avec les excréments de la Blatte ou de l'Hy- drophile, les œufs des parasites sont plus ou moins développés. Ceux des Oxyures qui vivent dans le Periplaneta orientalis n’ont encore subi aucun déve- loppement ; ceux de l'O. blatticola ont déjà franchi les premiers stades de la sesmentation; enfin, chez les parasites des Hydrophilides, l'embryon est tout formé. « Quelle que soit celle de ces espèces que l’on considère, l'Oxyure qui sortira de l'œuf, devant passer sa vie dans l’intestin d’une espèce particulière de Blat- REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 343 tide ou d'Hydrophilide, n'achèvera de se développer qu’à une condition : c’est d’être mgéré en temps opportun par un insecte de l'espèce qui doit lhéberger dans son intestin. Les œufs des Oxyures sont done confiés au hasard, « Dans certains cas, la température propice du milieu ambiant et l'humidité de la matière fécale qui les environne peuvent les conserver pendant quelquet temps; mais il arrive fatalement qu'un grand nombre d’entre eux périssent e se détruisent; souvent aussi la phase favorable à l’évolution embryonnaire n’a pas été atlemte ou s’est écoulée lorsque les œufs sont ingérés. L'espèce serait menacée de disparaître, si les femelles, comme c’est d’ailleurs la règle pour tous les animaux dont les œufs sont exposés à de nombreuses causes de destruction, ne jouissaient d’une fécondité remarquable. Nous avons, en effet, observé que chaque femelle pond un nombre considérable d'œufs. Il est facile de concevoir que, sur une pareille quantité, il y a bien des chances pour que plusieurs œufs soient avalés et placés dans des milieux favorables. « Mais si le hasard joue un grand rôle dans le phénomène de la transmission des parasites, et si l'ingestion de chaque œuf n’est pas assurée d’une manière inévitable, il est des causes adjuvantes bien capables, comme on le verra plus loin, d’atténuer les risques de destruction que les œufs ont à courir. « Quelles sont ces causes, et comment l’'Oxyure arrive-t1l dans l'intestin de l'Insecte qui doit l'héberger? Avant de répondre à ces questions, nous croyons indispensable de rappeler, dans ses traits les plus essentiels, le genre de vie des animaux qui nourrissent ces Helminthes, c’est-à-dire des Blattides et des Hy- drophilides. «Les Blattides ont l'habitude de se réunir en bandes nombreuses, qui restent cantonnées dans le même endroit, tant qu’elles y trouvent de la nourriture. On observe cette habitude, à des degrés divers, dans toutes les espèces de celte nombreuse famille, soit qu'elles vivent dans le voisinage de l'homme, comme la Blatte orientale qui infeste les cuisines, soit qu’elles se tiennent loin des ha- bitations, comme les Blattides qui, au rapport des voyageurs, se réunissent par milliers dans les creux des vieux arbres. « Une autre particularité qu'on retrouve chez toutes les Blattides, c’est l’éton- nante voracité de ces animaux et la facilité avec laquelle ils s’accommodent à tous les régimes. Les substances d’origine végétale ou animale, et à défaut la terre imprégnée d'humus, les cadavres de leurs congénères et même les étoffes, tout convient à leur insatiable appétit. Ce genre de vie assure complètement la propagation des parasites. En effet, il ne peut manquer d'arriver que ces in- sectes, réunis en grand nombre dans un espace restreint, souillent de leurs excréments des substances qui seront bientôt avalées par leurs compagnons ou par eux-mêmes, et comme les œufs des parasites sont enveloppés dans ces excréments, on conçoit que, dans ces conditions, ils aient de grandes chances d’être ingérés. «Les Hydrophilides ont des mœurs bien différentes. Ils se trouvent ordinaire- ment dans l’eau, et pullulent beaucoup moins que les Blattes ; mais, bien qu'ils ne forment pas, comme celles-ci, des légions nombreuses, ils se groupent en colonies. D'ailleurs, au point de vue de la voracité, ils peuvent être, jusqu’à un 344 REVUE INIERNATIONALE DES SCIENCES. certain point, comparés aux Blattides. On les voit, en effet, dévorer des plantes aquatiques très variées el en absorber des quantités considérables, « Quoi qu'ilen soit, comme les Hydrophilides se tiennent habituellement dans l’eau, on pourrait croire que les œufs de leurs parasites, après la dilution, par le liquide ambiant, de l’excrément qui les entoure, vont couler à fond et se .méler au sable ou à la vase, perdant ainsi toute chance d’être avalés par un autre Hydrophilide. «Cest cependant ce qui arriverait, si l’œuf des Oxyures qui vivent dans les insectes aquatiques ne présentait une disposition spéciale, Il s’agit du filament roulé en hélice, qui, avons-nous dit, entoure l’œuf, par le rapprochement des tours de la spire, d’un chorion supplémentaire. «Tant que l'œuf est renfermé dans les organes génitaux de la femelle, ce fil reste enroulé autour de la coque. Nous ne saurions décider si c'est la paroi de l'organe génital qui, par sa pression, le maintient dans cet état, ou s’il ne reste ainsi que faute d’avoir l’élasticité nécessaire pour se dérouler : 1l pourrait se faire d’ailleurs que les différents tours soient maintenus en place par une sub- stance agelutinative qui,en se dissolvant dans l’eau, leur laisserait toute liberté de s'étendre. Toujours est-il que, même après l'expulsion de l'œuf avec Îles excréments de l'Hydrophile, le filament peut rester enroulé. « Mais, aussitôt que les matières fécales ont été désagrégées par l’eau, le fila- ment se déroule, et comme 1l est extrêmement long, il ne peut manquer de s'accrocher aux objets voisins, et surtout aux plantes aquatiques submergées. Ces plantes servant de nourriture exclusive à l'Hydrophile, celui-ci est exposé à avaler fréquemment des œufs du parasite. « D'ailleurs, il n’est peut-être pas inutile de faire remarquer que si les Hydro- philides, comme, par exemple, les /ydrophilus proprement dits, peuvent par- courir, en nageant, d'assez grandes distances, ils vivent presque toujours en famille ; 1l en est d’autres, tels que les ÆZydrobius, qui nagent assez rarement et ne quittent guère les plantes qui les nourrissent; on les voit même se réunir en petites troupes. « Au point de vue de la propagation des parasites, nous trouvons donc chez ces espèces les mêmes conditions que chez les Blattides, sauf la différence de milieu ; mais nous venons de voir comment les obstacles que pourrait susciter cette différence sont efficacement combattus par la structure singulière du petit œuf. | « Dans les deux familles naturelles d’'Insectes, Blattides ou Hydrophihdes, dont nous avons étudié les parasites, l’époque de l’infestation n’est pas la même. « En effet, les Blattides sont des Insectes à métamorphose incomplète, dont le senre de vie est le même à l’état larvaire et à l’état adulte. Les Blattes, aus- sitôt après l’éclosion, se mettent à courir partout, en quête‘de nourriture, et sont par conséquent exposées dès ce moment à ingérer des œufs d'Oxyuridés ; linfestation chez les Blattides peut donc avoir lieu de très bonne heure, et l'examen de larves fort jeunes fait découvrir dans leur intestin des Nématodes nouvellement éclos et appelés à grandir et à se développer en même temps que leurs hôtes. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 345 «Par contre, la larve de l'Æydrophilus piceus, que nous avons maintes fois disséquée, ne nous à jamais offert d'Oxyures parasites ; et cela n'a rien qui puisse surprendre, étant donné le régime exclusivement carnassier de cette larve. Elle n’est pas exposée, en effet, comme l’insecte adulte, à avaler des œufs d'Oxyures, puisque ces œufs sont retenus au milieu des végétaux de la manière que l’on sait; et s'il lui arrivait, par hasard, d’en absorber, les em- bryons ainsi ingérés ne trouvant pas, dans l'intestin de cette larve carnassière, les mêmes conditions de milieu et de nourriture que dans celui de l'Hydro- phile adulte, ne tarderaient pas à périr, si toutefois l’éclosion avait lieu. C'est done seulement à l’état parfait que les Hydrophilides peuvent nourrir des Oxyures parasites. « La facilité que nous avons eue de nous procurer des Blattes en abondance nous a déterminé à entreprendre des expériences d'éducation. L'heureux succès de ces tentatives nous ayant permis de suivre pas à pas la série des phéno- mènes embryogéniques et d'étudier les conditions de la propagation des Oxyures, nous croyons ulile de décrire nos procédés d’expérimentation. « On se procure des œufs en disséquant une femelle adulte dans un verre de montre, au fond duquel on a préalablement versé quelques gouttes d’eau ; les œufs se trouvent ainsi placés dans le milieu humide qui leur convient. Pour empêcher l’évaporation et, par suite, le dessèchement de ces œufs, on dépose le verre de montre sur un linge mouillé, placé lui-même dans une soucoupe, et l'on recouvre le tout d’une cloche. En conservant cet appareil dans un mi- lieu à douce température, on ne tarde pas à obtenir des embryons. La rapidité de leur formation dépend alors de l'élévation de la température ambiante. « Dans ces conditions, si on observe pendant l'été des œufs d’Oxyures pro- venant de la Blatte orientale ou de la Blatte américaine, l'appareil ayant la même température que l'air ambiant, .on constate que trois jours suffisent au développement complet des embryons. Ce résultat montre évidemment que Bütschli, qui, dans ses expériences sur les œufs des Oxyures de la Blatte orien- tale, n’est pas parvenu à élever des embryons, a dû employer une méthode défectueuse, puisqu'il déclare « avoir laissé pendant plus d’un mois des œufs en incubation, sans avoir vu leur segmentation dépasser l’état müriforme ». « Si l’on répète la même expérience pendant l'hiver, en tenant encore notre appareil à imcubation à la température de l'air extérieur, il faut attendre au moins dix jours pour obtenir des embryons. «Les embryons obtenus par ce procédé de culture sont éminemment aptes à se développer dans l'intestin des insectes ; pour s’en convaincre, il suffit d’in- fester des Blattes dépourvues d'Oxyures ; c’est la Blatte germanique qui con- vient le mieux pour cette expérience, parce qu’elle supporte assez bien la captivité. « Il arrive très souvent que des Orthoptères pris dans une localité ne con- üennent pas un seul Helminthe, tandis que des Blattes de la même espèce, mais recueillies dans une autre localité, en renferment constamment. « On examine done un certain nombre de ces insectes pris au hasard, et, s'ils n'ont pas de parasites, on les enferme dans un bocal très vaste et bien couvert, 340 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, Il faut évidemment reléguer ce bocal dans un endroit sombre, afin de procurer aux Blattides les conditions biologiques qui leur sont le plus favorables, On les soumet alors à un jeûne de deux ou trois jours. Au bout de ce temps, on leur donne de la salade hachée menu ou de la mie de pain auxquelles on a mé- langé le mieux possible des œufs contenant des embryons d'Oxyures. Les Blattes, en mangeant ces aliments, avalent en même temps les embryons, et quelques jours après on peut constater que des parasites vivent et prospèrent dans l'intestin des insectes, devenus leurs hôtes. « Pour donner plus de certitude à mes expériences, je me suis servi de jeunes Blattes (PBlatta germanica) que je faisais éclore moi-même, et qui se trouvaient, par dossuent, sans parasites ; u les ai infestées avec la plus grande facilité. «Je n'ai pas répété la même expérience avec les parasites des Hydrophilides; mais, plus d’une fois, en examinant les plantes aquatiques déposées dans l'aquarium de petites dimensions où je conservais des Hydrophiles infestés de Nématodes, j'ai pu constater la présence de petits œufs d'Oxyures attachés à ces plantes par leur filament. «Enfin, j'ai à signaler une observation d’un autre genre, que J'ai faite sur PO. hydroi. M'étant procuré des Æydrous caraboides non infestés, je les mis dans un bocal, en compagnie d'insectes de la même espèce qui renfermaient des Vers. Au bout de quelques jours, je disséquai mes Æ/ydrous, et je pus me con- vaincre qu'ils avaient tous de jeunes Nématodes venant d’éclore dans leur intestin. «Il est un dernier fait sur lequel je dois appeler l'attention. Conduit par la nature de mes recherches à pratiquer des dissections multipliées de Blattides et d'Hydrophilides, j'ai été souvent surpris du nombre prodigieux d'Oxyures qu'on peut rencontrer dans l’intestin d’un seul de ces insectes. Il m'est arrivé parfois, par exemple, de trouver dans un Aydrophilus piceus près de cent Nématodes. «Etant données les conditions auxquelles est soumise la transmission des Oxyures chez les Hydrophilides, est-il permis d'admettre que tous ces parasites proviennent d'œufs ingérés par l'insecte? J'ai beaucoup de peine à le croire, et il me semble qu’on peut donner de ce fait une explication plus vraisemblable, « Après sa dernière métamorphose, l'Hydrophile avale, avec les plantes aqua- tiques, les œufs d Oxyures qui s’y trouvent suspendus. Ces œufs renferment, comme nous le savons, des embryons tout formés ; ils éclosent bientôt, et les Nématodes, une fois libres, s’élablissent dans la région de l'intestin qui con- vient, exclusivement à toute autre, à la période active de leur existence. L'Hy- drophile acquiert donc ses premiers parasites en avalant les œufs qui les con- tiennent, et cette ingestion peut seule expliquer la BASQUE apparition des Oxyures dans son intestin. « Les Nématodes ainsi introduits atteignent le terme de leur développement, et les femelles ne tardent pas à pondre. La plupart de leurs œufs sont bientôt expulsés au dehors avec les excréments de l'insecte. Mais, si le filament spiral d’un certain nombre d’entre eux vient à se dérouler avant leur expul- sion, l'œuf est bientôt arrêté par l’algue parasite qui encombre souvent chez REVUE LES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 347 l'Hydrophile cette partie du tube digestif, et, à moins que l’algue ne soit elle- même arrachée et entrainée au dehors, ceux-ci restent dans l’intestin et ne tardent pas à éclore; les Nématodes qui en sortent se développent donc sur place. Le même fait venant à se reproduire plusieurs fois, les parasites finis- sent par s’accumuler en grand nombre dans l'intestin de l’insecte. « Les choses se passant comme nous venons de l'indiquer, l’algue parasite doit être d'autant plus abondante que les Oxyures sont eux-mêmes plus nom- breux, et c’est ce que nos observations nous ont permis maintes fois de con- stater. « La durée de la maladie vermineuse produite par l'Oxyure vermiculaire dans l'intestin de l’homme et la prodigieuse multiplication de cet Helminthe trou- veraient donc leur explication dans un fait analogue. Un certain nombre d'œufs arrêtés par les replis de la muqueuse intestinale, trouvant là une chaleur et une humidité convenables, se développeraient sur place. Les recherches de Leuc- kart et du docteur Heller ont d'ailleurs montré que le développement de l’'Oxyure vermiculaire s'effectue en très peu de temps. « Il est une assertion de Vix qui mérite d’être discutée. Get auteur suppose qu'après l’éclosion les embryons de l'Oxyuris vermicularrs se déplacent et re- montent dans la partie supérieure de l’intestin pour y achever leur dévelop- pement, pour redescendre ensuite vers la région inférieure ou gros Intestin. Or, 1l résulte de nos observations sur les Oxyures des insectes, que ces Néma- todes accomplissent toutes les phases de leur évolution dans la région terminale de l'intestin, c’est-à-dire dans la partie du tube digestif des insectes qui cor- respond au cæcum des Vertébrés. L’assertion de Vix me parait donc fort douteuse. » De l’ensemble des faits que l’auteur expose dans son travail, il tire une série de déductions dont il nous parait nécessaire de reproduire l'analyse : Tout d'abord l’organisation des Nématodes étudiés par lui s'adapte admira- blement aux mœurs de leurs hôtes, soit qu'il s'agisse des espèces qui vivent dans la famille des Blattides, soit que l’on considère les espèces qui habitent la famille naturelle des Hydrophilides. Tous ces Helminthes appartiennent à un seul genre, au genre naturel Oryurts, qui nous parait être même le plus ré- pandu, s'il n’est pas le seul comme Helminthe qui habite la région terminale de l'intestin des Insectes. C’est, en effet, dans le genre Oxyiwrrs qu'il croit de- voir classer toutes les espèces nouvelles d'Entozoaires dont la découverte lui est due. L'étude des mœurs, de l’organisation, du développement l’a conduit à une telle conclusion. « Certains auteurs, a-t-1l dit, auraient été certainement tentés d'établir de nouvelles coupes génériques, mais je n'ai pas voulu céder à un sentiment d’amour-propre; de la discussion des faits il ressortira, je lespère, la conviction que les caractères sur lesquels on serait tenté de s’appuyer, si l’on avait sous les yeux seulement quelques espèces, perdent toute valeur lorsque l'on peut examiner, ainsi que je Fai fait, un nombre considérable d'espèces, un nombre immense d'individus. Chez les parasites des Blattides, par exemple, on compte généralement trois petites lèvres autour de la bouche, tandis que chez les parasites des Hydrophilides on en aperçoit six ; mais cette particularité, 348 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. prise en considération toute seule, devient vraiment très secondaire, La cuti- cule présente souvent des expansions que nous avons appelées bourrelets et ailes latérales ; ces appendices varient peu de forme et de dimension et ne peu- vent fournir que des caractères spécifiques; ils manquent absolument chez les mâles. « Le mot Oxyure indique que les Nématodes appartenant au genre ainsi nommé ont un appendice caudal effilé. Ne serait-on pas en droit de supposer que les variations de forme de cet appendice peuvent fournir des caractères permettant d'établir des subdivisions? Il n’en est rien; la queue peut affecter des dispositions variables chez les espèces qui se rapprochent par des caractères bien plus importants, et présente un aspect tout différent chez le mâle et la femelle. « Chez certains Oxyures, l’æsophage est court et pyriforme ; chez d’autres, il est cylindrique et allongé ; mais, si l’on examine comparativement le tube di- gestif de toutes nos espèces, on peut passer d’une forme à l’autre par degrés insensibles. «Les 0. blatticola et ægyptiaca offrent la particularité de n’avoir qu'un seul ovaire ; mais l’ensemble de leurs caractères les rapproche si étroitement des autres espèces, que nous ne regardons pas celte particularité comme suffisante pour les séparer génériquement. « La situation de l’orifice vulvaire est très variable, chez nos différentes espèces d'Oxyures ; nous avons vu, en effet, qu’il peut occuper, sur la face ventrale, toutes les positions, depuis le voisinage de la bouche jusqu’auprès de l’ouver- ture anale, et on ne saurait réellement en tirer que des caractères spécifiques. « Les Oxyures des Hydrophilides pondent leurs œufs quand l’embryon est déjà formé; l'œuf des espèces parasites des Blattides n’a subi, au moment de la ponte, aucun développement. Mais cette différence ne permet certainement pas d'établir de grandes divisions dans notre groupe naturel des Oxyures, puisque les œufs de quelques espèces parasites des Blattides subissent, avant d'être pondus, une segmentation partielle, et établissent ainsi une sorte de transition. « En résumé, je‘crois pouvoir conclure que tous les Nématodes parasites de l'intestin des Blatüides et des Hydrophilides appartiennent à un seul et même genre, le genre Oxyurrs ; tous ses représentants ont, je le répète, les mêmes mœurs, la même organisation, et ils se développent tous de la même manière. Créer de nouveaux genres serait donc s’exposer à rompre les affinités les plus naturelles. Tout au plus pourrait-on créer une simple subdivision aux dépens des Oxyures qui vivent chez tous les représentants de la grande famille natu- relle des Hydrophilides, ces Helminthes étant seuls à présenter une particula- rité organique fort importante, en rapport avec les conditions biologiques de leur développement : l'œuf de ces animaux, étant destiné à être pondu dans l’eau, possède un filament spiralé qui lui permet de s'attacher aux plantes aquatiques et qui assure la propagation‘ainsi que la conservation de l'espèce. Je pense qu'il faut accorder à l'existence de ce filament une grande valeur, car il est expression d’une remarquable adaptation. J'ai cru, pour ces motifs, qu'il était possible de créer un sous-genre, sous le nom d’Æelicotrix.» REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 349 L'auteur a reconnu qu’un insecte nourrissait généralement une seule espèce d'Helminthes; mais il a remarqué qu'on trouvait quelquefois deux espèces d'Oxyures vivant côte à côte (comme chez les Periplaneta orientalis, Polyphaga ægypliaca, Panesthia de la Nouvelle-Guinée, certains Blabera). I s'établit, entre les habitants d'un même Intestin, une lutte pour l'existence des plus cu- rieuses : l’une des espèces prospère au détriment de l’autre, en s’emparant de toute la nourriture, et 1l compare ce fait à ce que l’on observe lorsque deux plantes rivales se disputent le même coin de terre. De même qu'une des plantes cède forcément le solet disparait, de même un des deux Nématodes abandonne la lutte et disparait. « Il est juste maintenant de se demander comment 1l se fait que tous les représentants de deux familles naturelles d'Insectes, celle des Blattides et celle des Hydrophilides, possèdent des Nématodes congénères, mais d'espèces variées. « Deux hypothèses s'offrent à l’esprit : suivant la doctrine qui admet la fixité de l’espèce, chaque espèce d’insecte a son parasite d’espèce fixe et invariable comme lui-même; d’après la théorie de l’évolution ou de la descendance, la famille des Blattides et celle des Hydrophilides seraient sorties chacune d’une souche propre, et les Oxyuridés qui habitent leur tube digestif auraient égale- ment un seul et unique ancêtre. Les deux familles d'Orthoptères et de Coléo- ptères, pour donner naissance à tous les genres, à toutes les espèces dont les zoologistes font l’énumération et le groupement, auraient subi des transforma- tions particulières ; par exemple, la dispersion des représentants primitifs de la famille des Blattides sur les différents points du globe aurait déterminé des va- rations inattendues dans les formes extérieures et l’organisation, en rapport avec le milieu où ils ont été contraints de vivre : quelques-uns se sont trouvés portés vers un climat chaud, d’autres vers un climat glacial; ceux-ci se sont répandus dans les forêts; ceux-là ont suivi le sort de l’homme et ont été con- finés dans les habitations. Chacun de ces représentants du type Zlalta, porté dans un lieu différent, aurait donc été condamné à s'adapter à des conditions nouvelles. Entrainés forcément à suivre le sort de ieurs hôtes, nos Helminthes, eux aussi, auraient été forcés de s'adapter à ces conditions nouvelles. À moins d'admettre que chaque espèce de Nématode a été créée avec l'insecte qui la nourrit, il faut croire qu’à mesure que la souche de chacune de ces deux familles des Blattides et des Hydrophilides s’est ramifiée, pour donner nais- sance aux espèces actuelles, la souche originaire de leurs Entozoaires a fourmi aussi des rameaux adaptés à des conditions nouvelles d'existence et formé les diverses espèces que nous trouvons différenciées aujourd’hui. Il ne m'appar- tient pas de trancher une question qui divise passionnément les partisans de l'ancienne et ceux de la nouvelle école; j'ai cru devoir me borner à une simple exposition des faits. » 390 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. REVUE DES LIVRES. La Philosophie, Par André LEerèÈvRE (1). Analyse par ISSAURAT. ! Un des livres les plus impatiemment attendus par les nombreux lecteurs de la Bibliothèque des sciences contemporaines, était certainement /a Philosophe. Et cela se conçoit. On voulait savoir quels étaient les principes, quelle était la théorie qui servait de base et de lien à cette collection d'œuvres diverses. Voici comment M. André Lefèvre, qui était chargé de ce travail, l'a compris. Il a divisé son livre en deux parties : les Philosophies, la Philosophie. Nous n'avons pas la prétention de faire tenir en quelques pages ce que l’au- teur a eu de la peine à renfermer en un volume compact. Nous ne dirons donc rien de la première partie, où l’auteur a fait œuvre d’érudit, de savant, d’his- torien et de critique ; où, sauf quelques rares exceptions, on ne rencontre guère que l’histoire des divagations, des hallucinations, des insanités, « des rêves délirants de vieilles femmes », créations fantastiques d’une métaphysique abs- iruse, d'autant plus funestes qu’elles étaient plus obscures et plus subtiles, et qui, souvent, font regretter la naïveté et la poésie des premiers enfantements de l’anthropomorphisme. M. Lefèvre a su exposer et réfuter avec talent tous ces systèmes spiritualistes, le christianisme surtout, qui ont fait tant de mal à l'humanité. Nous allons seulement essayer de donner une idée approximative de la seconde partie, dont la méthode, on va le voir, diffère, autant que l’objet, les principes et les conséquences, de celle de la philosophie scolaire et officielle. Mais auparavant nous devons prévenir le lecteur que les deux parties sont intimement liées par une seule et même doctrine, que les discussions semées dans la première ont allégé d’autant la seconde, et que pour ürer de celle-ci tous ses fruits, 1l faut avoir lu celle-là. La Philosophie débute par l’énumération des corps simples qui composent notre terre, de ceux du moins que la science actuelle reconnaît comme tels, et dont le nombre peut être augmenté ou diminué par les progrès de l'investi- gation scientifique. L'analyse spectrale démontre qu'il y à un fonds substantel commun à tous les astres. On peut donc conclure, en toute certitude, que l'univers, ou l’ensemble des choses, est formé d’une ou de plusieurs substances hors desquelles il n'y a rien, et dont le caractère général est l'indestructibilité. (1) Un volume ia-18 de la Bibliothèque des sciences contemporaines; Paris, 1878 ; chez Reinwald, rue des Saint-Pères, 15. Prix : 5 francs. REVUE DES LIVRES. 391 Les combinaisons diverses des corps simples portent le nom générique de matière. L'usage que nous en faisons nous en démontre l'existence. Ergoter là- dessus, autant demander ce que serait un corps si on n'avait point d'organe pour le saisir, point de centre nerveux pour recevoir la sensation, en un mot, ce que serait l'idée si l’on n'avait point d'idée. Ainsi raisonnait, il y à quel- ques années, un grand philosophe sorbonnien (1). L'être est inséparable de la manière d’être, et ce qu’on nomme los, ce ne sont que des termes généraux où n'entre aucune idée d'intention ou de volonté, et qui signifient simplement : « étant donnés les corps irréductibles les uns aux autres et présentant tels et tels caractères, on constate entre eux tels et tels rapports de distance, de succession, telles et telles combinaisons acci- dentelles ou constantes ». « Elles ne sont que des résumés d'observations concordantes et d’inductions vérifiées ; elles rendent compte des phénomènes présents, et permettent d'en prévoir et d’en affirmer le retour dans des con- tons identiques. » « Les corps sont composés d'atomes insécables... et la science n’est arrivée qu'à confirmer lintuition de Démocrite et d'Epicure. » Quel que soit le nom que prenne le mouvement, quelles que soient ses ma- nifestations ou forces dont la corrélation est démontrée, le mouvement n’est que «la manière d’être de la matière », que « le fait du déplacement con- ünuel de toutes les particules ». M. Lefèvre a raison d’insister avec Voltaire contre la personnification des termes généraux. L'illusion est facile, et beaucoup oublient volontiers qu'il n'y a pas d'êtres nommés attraction, pesanteur, électricité, lumière, vie, ete. C'est là le défaut d’une langue faite avant la science, et dont la science est pourtant obligée de se servir. M. Lefèvre nous montre ensuite comment la physique a mis l’éther à la place du vide épicurien, comment le concept de l’espace n’est qu'une abstrac- tiou, comment les espèces ne sont que des résumés de caractères communs à plusieurs individus semblables ; comment les manifestations diverses du mou- vement comprennent des domaines de moins en moins vastes à mesure que l’on passe des caractères universels de la matière, comme l'attraction, la pesanteur, aux propriétés que l'on nomme lumière, électricité, et enfin vie et pensée. Dans le monde sidéral, que nous nous occupions de le ensemble ou des dé- tuls, que nous étudions la grandeur, la marche ou la composition des astres, tout confirme les données fondamentales de la philosophie scientifique : il n’y a que matière et mouvement dans «l'ordre partiel et l'incohérence générale » que nous découvrons dans l'univers. Quant à la notion de l'infini, qui n’est que « la succession, sans fin concevable, de tous les objets finis »; quant à celles de temps et d'espace, qui ne sont que «des rapports de simultanéité et de sue- cession, dépourvus de qualités et d’attributs », la métaphysique seule s'amuse encore à faire de ces «concepts » des « êtres », et nous la laissons se perdre dans la logomachie qui en est le plus clair résultat. (1) Voir Moments perdus de Pierre-Jean, liv. LI, chez Germer Baillière, 108, boulevard Saint-Germain. 392 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. M. Lefèvre résume la théorie de Laplace et expose succinctement les prin- cipaux phénomènes que présente le système solaire, et en particulier notre globe, si peu stable dans le temps et dans l’espace, et habité par des êtres moins stables encore. Pour l’un d’eux, l'homme, sa sagesse {c’est le mot qui termine le chapitre et nous le citons volontiers) consiste à penser et à vivre, à étudier et à modifier dans la mesure de sa durée, de ses facultés et de ses intérêts, le cours des choses qui semble s'arrêter un jour avec lui. Arrivé au monde vivant, nous voyons qu’«il n’y a pas de différence intime entre les corps vivants organisés et les corps inorganiques », que « tous les changements qui s’opèrent à la surface du glohe sont dus à des combinaisons qui se font ou à des combinaisons qui se défont ». Seulement, la matière orga- nisée est douée d'une mobilité extrème, et ne comprend pas toutes les sub- stances élémentaires. Au fond « tout corps organisé est un composé, en voie de rénovation perpétuelle, de colloïdes tenant en dissolution des cristalloïdes. » Peu importe que la synthèse chimique parvienne ou ne parvienne pas à créer des cellules vivantes et des organismes, 1l suffit que « l’analyse découvre la série de rapports dont la vie est la résultante ». La vie, nous dit M. Lefèvre, n'est qu'un état particulier de la matière, un échange de matériaux entre les organismes et le monde extérieur (1), et pour peu que l’on descende les degrés de l'échelle des êtres vivants, on reconpaitra facilement que « organique pro- cède de l’inorganique » et «n’en diffère que par la structure ».. Partant de ce point, M. Lefèvre nous fait assister au développement pro- cressif des êtres vivants, aux phases successives de l’évolution organique, qui nous montrent que «depuis l’époque, perdue dans la nuit des temps, où la vie a débuté par l’état colloïde et la cellule, elle n’a cessé d’accommoder des appareils mieux équilibrés à des milieux plus favorables ». N'ayant que quelques mots à dire des premiers âges, passant rapidement en revue l’âge tertiaire où apparait l’homme ou plutôt le précurseur de l’homme dont M. Hovelacque a essayé de nous esquisser les principaux traits (2), l’au- teur de /a Philosophie s'arrête particulièrement sur l’âge quaternaire, « carac- térisé par le développement de l’organisme humain, et par la civilisation, qui en occupe seulement la dernière et la plus courte période ». C’est ainsi que sont combattues les objections contre le développement progressif et tout na- turel de l'organisme, et qu'est exposée la théorie du transformisme entrevue par Epicure et par Diderot, développée par Lamarck, systématisée par Darwin. C'est ici.que l’on montre comment l’évolution organique, l’évolution intel- lectuelle, l’évolution morale, obéissant toutes à la théorie de la descendance, aboutissent à l’homme qui occupe le plus haut échelon de la série animale. Quelques mots sur les sociétés animales, sur le processus de la vie morale, nous indiquent comment de l’égoïsme individuel on s’élève par gradation jus- qu'à la solidarité humaine. (1) Voir aussi ce qu'en dit Letourneau dans {a Biologie, volume de la Bibliothèque des sciences contemporaines. (2) Le Précurseur de l'homme, par À. THoveracoue. REVUE DES LIVRES. 359 C'est surtout la parole, le langage articulé, qui a permis à l’homme de se dégager de l'animal (1). Si nous le suivons à travers les âges préhistoriques, nous le voyons traverser successivement les périodes de la chasse, de la pêche, du pâturage, pour arriver à la vie sédentaire, du moins quant aux races les plus favorisées. Si quelques animaux l'ont précédé dans « l'emploi de ressources extérieures à l'organisme », c’est-à-dire à l’industrie, l'homme s’est rapidement élevé au- dessus d'eux, par « la conquête et la conservation du feu » qui sont «la vraie marque de sa supériorité intellectuelle, l'unique source de sa grandeur. » M. Lefèvre rappelle les principaux caractères de l’homme de Canstadt, Néanderthal, la Naulette, etc., caractères que l’atavisme ramène encore quel- quefois, et qui sont un souvenir de ces temps où l'homme ne se contentait plus, pour la guerre, du caillou ramassé ou de la branche cassée, mais y ajou- tait la hache grossièrement taillée, le marteau emmanché, le javelot, la lance. Il se parait déjà de quelque coquille percée. Le progrès s’accentue avec l’homme de la Vézère, avec celui de Cro-Magnon. Les chasseurs de Laugerie-Basse, des Eyzies, de la Madeleine, ont une vie moins précaire, ils perfectionnent leurs armes, ils en inventent de nouvelles, ils sculptent les manches de leurs poignards, ils gravent sur des plaques d’os et d'ivoire, ils fabriquent des colliers et des ustensiles divers, 1ls se tatouent, ils cousent leurs vêtements de peaux, ils ferment de palissades l'entrée de leurs grottes, ils ont des sifflets de chasse. Mais si ces premiers loisirs donnent nais- sance à l’art et perfectionnent l’industrie, ils laissent aussi plus de temps aux rêves qui, aidés de la crainte et du désir, font éclore les premiers linéaments de la métaphysique et de la religion. Les amulettes et les talismans apparaissent. Une grossière poterie inaugure une époque nouvelle, la domestication du chien amène la vie pastorale ; la pierre polie et le bronze se succèdent et se mêlent, et alors «les anciennes populations de l’Europe sont arrachées à leur évolution particulière, elles sont englobées, sans périr, dans d’autres races, recouvértes par les flots humains qui débordent de l'Afrique et de la féconde Asie». Ces tribus apportaient avec le bronze, avec le fer, « des langues ca- pables d'exprimer des idées générales, de véritables institutions familiales, sociales, religieuses. » Ces migrations, ces fusions, ces croisements, ces superpositions de couches, joints aux influences multiples des milieux divers, semblent jeter la plus grande incertitude et la plus épouvantable confusion dans l’ethnologie et lan- thropologie. Néanmoins de ce chaos, moins grand qu'on ne le prétend, des documents recueillis par l'anthropologie, il se dégage, dit M. Lefèvre, trois faits généraux qui ont particulièrement rapport au point de vue où se place l’auteur, à savoir : que le cerveau est la condition sine qua non de l'intelli- gence; qu'il y a identité entre l'activité cérébrale et l'intelligence. Voici ces trois lois : 1° les facultés intellectuelles sont abolies si le poids du cerveau tombe au-dessous d’un minimum de 900 grammes ; 2° la capacité crànienne - (1) La Linguistique, par À. Hoveracque. Bibliothèque des sciences contemporaines. T. III. — N0 #4, 18794 23 394 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. grandit avec le mouvement intellectuel général ; 3° dans les races sauvages, le nombre et la complication des circonvolutions cérébrales sont moindres que dans les races intelligentes et policées. M. Lefèvre nous explique comment, au souffle de la civilisation, des races, restées en route, périssent par l'impossibilité même de vivre, tuées par «l'ir- rémédiable disproportion » ; comment un simple caractère de supériorité ne suffit pas pour élever bien haut une race restée inférieure sous les autres rap- ports ; comment, pour s’en être tenus au monosyllabisme, ce signe d'infériorité linguistique, les Chinois sont frappés, depuis trois mille ans, d’immobilité intellectuelle. L'auteur démontre que la moralité et la religiosité ne sont point des carac- téristiques de l’humanité, et, après avoir rappelé que chaque pas de la science restreint l'empire des religions et accroit celui des lois morales, il conclut, avec Tylor, « que le sentiment religieux est un legs des périodes antiques, une survivance, ua Caractère infantile, un trait obstüiné d’atavisme que l'igno- rance ne se lasse pas de reproduire, et la science d'effacer. La vraie marque des races supérieures, c’est l'élimination de la religiosité ». Nous entrons maintenant dans le mécanisme intellectuel de l'individu, et nous rencontrons tout d'abord cette propriété « commune à tous les corps vivants », que l’on nomme la sensibilité et d'où procèdent la sensation, la mé- moire, l’abstraction, l'association, le jugement, la volonté. Il faut voir, dans M. Lefèvre, comment les mouvements cellulaires qui consütuent la sensibilité, prennent le nom de sensation, si l'ébranlement, toujours provoqué, se com- munique jusqu à la partie médiane et intérieure du cerveau ; comment partant de la sensation et s'appuyant sur l'anatomie et la physiologie, on explique le fonctionnement des facultés intellectuelles; comment se détermine la per- sonne, le #01, «ensemble de rapports variés, constants dans leur nature et leur mécanisme », qu'il ne faut pas confondre avec le #70i fantastique, indi- visible et immatériel des métaphysiciens; comment la sensation apporte à l'entendement tous les matériaux nécessaires à son travail, et lui enseigne son procédé fondamental, l’abstraction, qui est « la matière et l'instrument de toutes les opérations intellectuelles », qui donne naissance aux idées générales bien capables de faire tomber dans l’abime obscur de la métaphysique ceux qui oublient « que le général n’a d'existence que dans le particulier » , « que l'idée n’est pas la chose », comment l'expérience domine et termine tout ; com- ment il n’est pas de certitude qui n’en découle; comment par l'articulation vocale perfectionnée, par le langage, dont le développement est simultané avec celui de l'intelligence, l’homme a conquis le haut échelon qu’il occupe ; comment l'écriture à porté à son apogée la puissance du langage et de la raison. Nous nous voyons encore forcé de renvoyer le lecteur aux pages puissamment condensées que M. Lefèvre a consacrées à la volonté, pour comprendre les explications succinctes, mais toujours scientifiques et suffisantes, qu'il donne des besoins, des instincts, de la volition, de tout ce qui constitue l’activité hu- maine, € plus lhistoire de la vie tout entière, depuis l’humble rhizopode jus- REVUE DES LIVRES, 355 qu’au citoyen civilisé d’une république ». Il faut voir comment il débusque de tous leurs refuges les partisans du libre-arbitre, comment il démontre que tout choix est commandé, et que la liberté n’est que « l'exercice non entravé des fonctions de l'organisme, soit dans son activité interne, soit dans ses rela- tions avec le monde extérieur ». Etant « le moyen unique de répondre à toutes les exigences du besoin, elle devient le besoin et l'intérêt suprême, le plus pré- cieux, le plus enviable des biens ». Vient ensuite /e mécanisme intellectuel dans ses rapports avec l'univers et la société, qui forme le dernier chapitre de cet exposé de la Philosophie, ou, si l’on veut, du WMatérialisme. Là nous rencontrons d’abord les énféréts et les passions, c’est-à-dire que nous entrons dans le monde moral qui a pour base, comme le monde intel- lectuel : « la nature humaine et ses conditions, la sensation et le besoin ». Toute relation a pour caractère l'intérêt. « Qui dit intérêt dit besoin, qui dit besoin dit sensation ». Qui dit passion, « dit impulsion organique ou extérieure qui détermine une série de désirs, de volitions et d’actes concourant au même but ». Si les intérêts et les passions tendent à l'appropriation des choses de la na- ture, à la satisfaction de linstinct de la conservation, de propriété, on appelle bien tout ce qui est conforme, tout ce qui procure le plaisir, et mal tout ce qui est contraire, tout ce qui cause la douleur. Car «c’est ici l'empire immédiat du plaisir et de la douleur ». S1 les intérêts et les passions ont pour objet la connaissance de l’umivers, ils donnent naissance aux religions et aux sciences, au vrai et au faux. Mais ne pas oublier, ici, que le critère de la vérité ne peut être fourni que par l’expé- rience, que la raison a pour office de coordonner des idées et non d'établir des certitudes, et que l’on s’est égaré lorsque l’on a assimilé le vrai au bien, le faux au mal, quoiqu'ils ne soient au fond que le plaisir et la douleur « transposés dans l’ordre intellectuel ». Pour tout ce qui concerne le beau et le laid, ces nouveaux équivalents, à un autre point de vue, du plaisir et de la douleur, on pourra ajouter à la lecture des pages forcément abrégées de la Philosophie, où l’auteur fait ressortir l’im- portance de l’art, et surtout sa relativité, — on pourra ajouter celle de l’admi- rable traité d’Æsthétique que M. Eugène Véron a publié dans la Bibliothèque des sciences contemporaines. M. Lefèvre explique comment la nature et l'intérêt sont le fondement des sociétés; comment «l'instinct génésique inaugure partout la série des actes moraux »; comment se sont formées et ont progressé les institutions familiales ; et comment par la culture, les rapports sociaux, donnant une notion elaire du bien et du mal général, prennent le nom de solidarité, et semblent, mais ce n’est qu'une apparence, contredire la doctrine de l'intérêt, la doctrine du plaisir et de la douleur. Nous voudrions nous arrêter sur les pages consacrées à la législation, à la pénalité, à la morale, à l'éducation, nous voudrions insister sur les saines notions de droit et de justice, qui font défaut à beaucoup encore, et sans les- 356 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. quelles il sera difficile de réaliser dans la pratique le concept de plus en plus élevé des rapports sociaux, des lois induites d’une observation plus attentive, plus rigoureuse, plus réfléchie, plus scientifique ; malheureusement l’espace nous manque, et 1l nous reste à peine assez de place pour citer les dernières lignes de l’ouvrage, lignes par lesquelles nous tenons à terminer ce travail fort incomplet, nécessairement plein de lacunes, et qui n’a pour but que d’appeler l'attention du lecteur sur une doctrine d’autant plus calomniée qu’elle est plus inconnue, et sur un livre aussi net que bien construit, sur l’œuvre d’un ferme penseur et d’un véritable écrivain. « Nous savons qu'avant de rentrer dans l’impassible, tout ce qui vit s’al- mente, se meut, se reproduit, s’approprie ce qui l'entoure ; que le libre exer- cice des facultés accrues par le travail héréditaire est le but de la vie indi- viduelle et sociale. » Dédain, désespoir, renoncement, scepticisme et mysticisme, apathie : au- tant de maladies de la raison, quand ce ne sont pas des attitudes de la vanité. « Le propre de l’organisme vivant, c’est l’action ; le résultat, le mobile et l'instrument de l’action, c’est la science. « Agir pour savoir, savoir pour agir; telle est la plus haute formule, la lo de la vie humaine. » C. ISSAURAT. Les sociétés anciennes ou Recherches sur la marche du progrès humain depuis l’état sauvage jusqu'à la civilisation en passant par la barbarie, Par Lewis-H. MorGan (1). Il y a quelque trente ans, l’auteur de ce travail fut conduit à aborder le pro- blème des sociétés anciennes, en se trouvant dans un milieu tel que devait l'offrir la société primitive. S'étant trouvé en relations étroites avec les Iro- quois et étant actuellement admis dans la « seneca nation », il acquit une con- naissance profonde de cette période de culture mi-partie sauvage et barbare et la décrivit, en 4851, dans un livre qui est une des œuvres les plus impor- tantes sur l’ethnologie américaine, la Confédération des Iroquois. K observa avec une attention particulière le système du mariage et des clans, d’après lequel les clans sont formés par parenté du côté maternel, les enfants appar- tenant au clan de leur mère, chaque clan étant distingué par un nom d’animal, «or crest », et le mariage devant se contracter dans un autre clan, de ma- nière qu'un Loup ne puisse épouser un Loup, mais puisse épouser un Ours, une Tortue, un Héron, etc. En présence de cette loi du clan, il fut frappé de la diffé- rence qui existe entre notre système de parenté et celui des Iroquois, lesquels ne faisaient point, comme nous, de distinction entre la ligne directe et la ligne collatérale, mais reconnaissaient leur mère véritable et ses sœurs comme autant (1) London, 1878, édit. MaomiLzan et Co. REVUE DES LIVRES. JD de mères, et les enfants de ces dernières comme autant de frères et de sœurs, et ainsi du reste. Le docteur Morgan pensa tout d’abord que cette organisation sociale était absolument particulière aux [roquois ; mais quand, après de plus amples re- cherches, 1l eut appris que des usages plus où moins similaires se pratiquent, non seulement parmi les tribus américaines, mais aussi sur un grand nombre de points du globe, il aperçut avec une véritable perspicacité l'importance qu'il y aurait d'en montrer l'évidence en interrogeant les phases primitives de l'his- toire sociale. S’appliquant alors, aidé par des secours officiels qui ne se firent point attendre, à recueillir des notions sur les différents systèmes de parenté chez toutes les nations, il établit ses Systems of consangquinity and affinity, qui furent publiés par la Smélhsonian Institution en 1874. Cet important travail contient non seulement des chartes de parenté selon les races les plus variées, mais aussi l’ébauche d’une théorie générale du développement social de l'homme, fondée sur ces différents modes de parenté. Cette partieithéorique, l’auteur, actuellement, l’a modifiée et augmentée à l’aide d’autres matériaux, dans le présent traité sur la société ancienne. Son plan est de décrire, dans une esquisse hardie du progrès, l’évolution complète de la famille et de la nation, depuis les temps où l’homme, muet et inculte, vivait en troupeaux, jusqu'aux temps où, civilisé, il s’associa en république. Le docteur Morgan, en retraçant les phases successives de la famille, considère sa première forme comme ayant été consanguine, c'est-à-dire fondée sur l’accouplement des frères et des sœurs, directs ou collatéraux, dans un même groupe ; 1! avance alors qu’à cette condi- tion inférieure succéda la forme « punaluane » de la famille, où un groupe de frères et de cousins furent mariés à un groupe semblable de sœurs et de cou- sines ; qu'à des périodes plus élevées s'établit l’ordre social « syndiasmian », dans lequel un homme et une femme s’accouplèrent, mais seulement d’une manière vague et temporaire ; que le système patriarchal s'établit également, fondé sur la polygamie, jusqu’à ce que, dans l’état moderne de civilisation où en est arrivée la société, on ait atteint la stricte monogamie. Dans le cours de cette évolution sociale, le clan ou gens fut formé, entraïinant la règle salutaire du mariage en dehors de la famille. Quand vint l'idée d’accumulation dans la propriété et d'individualisation dans la parenté, la forme plus primitive du clan, où les enfants descendent de la mère, fit place à la forme plus domes- tique, où la descendance du elan suit la ligne paternelle ; bref, l’antique clan, ayant accompli sa mission en développant la famille et la nation, tomba quand la propriété et la population se furent tellement étendues qu'il fut devenu im- possible. Pour exposer et critiquer dans son entier un système tel que celui-ci, il ne faudrait pas un article, mais un traité. Il est préférable de dire tout de suite ce que la plupart des anthropologistes qui iront le livre diraient, que l’auteur à bâti une théorie dont le corps est beaucoup trop large et beaucoup trop lourd pour que Ja fondation, c'est-à-dire les faits, puissent la supporter. Son sys- tème sera à peine accepté dans son ensemble; mais quelques-unes de ses parties peuvent rester comme des additions certaines à la science de l'homme. 398 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. La question est de savoir quelles parties. L'auteur du présent article doit à peu près se limiter à examiner deux des points les plus abordables. Se rendre un compte exact de la manière dont le clan ou gens s’est formé, est une des parties les plus difficiles et les plus importantes du problème tout entier. Le docteur Morgan (p. 49, etc.) considère que les tribus kamilar de l'Australie nous offrent un système plus archaïque qu'aucune forme de société jusqu'ici connue, et que son organisation en classes par sexe semble « contenir le principe primordial de la gens ». Et jusqu’à un certain point, l'exposé qu'il donne de ce remarquable système australien, concorde avec ce qui est depuis longtemps connu des ethnologistes, à savoir que, en outre de la loi ordinaire du totem, « the ordinary totem-law », qui défend à un Kangaroo de se marier avec une Kangaroo, mais lui permet d’épouser une Emu ou une Bour- dicoot, etc., il y a une «cross-division » de toute la nation en quatre noms, masculins et féminins, chaque nom masculin ayant un nom féminin auquel il lui est permis de s’allier ; un homme du nom de Ippay pouvant seulement épouser une femme (ou des femmes) du nom de Kapota, et ainsi du reste. Imaginez les clans d'Écosse, dans les Highlands, où non seulement un Mac- pherson ne peut épouser une fille de son clan, mais encore, si son nom est Donald, ne peut épouser qu'une Janet. Jusqu'ici, cette limitation du mariage chez les Australiens est établie d’une manière authentique, et le docteur Morgan peut à son aise soutenir, si bon lui semble, qu’elle représente un état primitif de la société. Mais ce n’est pas tout. Observant que cette sélection limitée des femmes «n’est pas la partie la plus remarquable du système », 1l avance, ce qu'il prend pour une preuve spécifique, que la loi restrictive est combinée avec une sorte de communisme, dans lequel un Ippay non seulement peut prendre une épouse du nom de Kapota, mais où toutes les femmes de ce nom sont théoriquement ses épouses, puisque, quand il en rencontre quelqu’une, même d'une autre tribu, ils s'adressent l’un à l’autre en se donnant le titre d’époux, « goleer», et qu'il pourrait la traiter comme étant son épouse, ce droit lu étant reconnu par la tribu de la femme. Un tel état de choses, par lequel tous les Donald sont les époux de toutes les Janet, est en vérité remarquable, si réel- lement il existe. On se demande naturellement comment des observateurs tels que sir Georges Gray et le révérend W. Ridley peuvent ne point l'avoir re- marqué en étudiant les usages du mariage chez ces mêmes tribus, et s’il n’y a pas entre le docteur Morgan et son unique énformateur quelque malentendu. En consultant de récents rapports dans le Journal of the Anthropological Institute, vol. VII, on voit les missionnaires déplorant la polygamie de ces Australiens, mais louant leur sévérité à l'égard des règles du mariage, en des termes dans lesquels en aucune façon des missionnaires ne parleraient d'un système conjugal sous lequel «un quart des hommes sont unis par le mariage à un quart des femmes ». Que l’homme et la femme s'adressent récipro- quement le titre ci-dessus traduit par le mot « époux », cela ne prouve rien, car les vocabulaires montrent que ce mot ne veut dire autre chose que « de la classe dans laquelle on peut se marier », et qu'il est même employé comme un simple terme affectueux, comme « mon cher» ou «ma chère ». Si même la lettre REVUE DES LIVRES. 359 de M. T.-E. Lance, sur laquelle le docteur Morgan s'appuie, a réellement le sens qu'on lui a prêté, un système matrimonial aussi extraordinaire ne peut, sans une évidence plus positive, être considéré comme représentant une phase dans le développement de la société. Cette induction que le docteur Morgan tire des systèmes de parenté, qu'ils indiquent des systèmes de mariage primitifs plus grossiers, d’où ils sont issus, est le trait le plus frappant de son œuvre, et vaut la peine qu'on la soumette à l'épreuve d’un examen basé sur une évidence facile à saisir. Le problème est posé de la façon la plus claire dans l'argument tiré des termes employés par les Malais (ou plus justement par les Polynésiens en général) pour désigner les parents (p. 401). Le Hawaüan applique le terme #akua, qui peut se traduire par le mot «parent», non seulement à ses père et mère naturels, mais au groupe entier de ses frères et sœurs et de leurs cousins et cousines du même degré ; tandis que £aikr, que l’on peut traduire ainsi : «le petit» ou «enfant», signifie non seulement son propre fils ou sa propre fille, mais la fille ou le fils des frères, sœurs, cousins et cousines, éloignés ou proches, de son degré; et de même 1l a des termes pour désigner la ligne des grands-parents et la ligue des petits-enfants. D'où vient ce système de classement des parents, non par degrés de consanguinité, mais en quelque sorte par générations ? La réponse du docteur Morgan est que le vague de ces termes était dû à un état passé de la société où le mariage consanguin avait prévalu, les mâles et les femelles de chaque génération se trouvant groupés à la fois comme frères et sœurs et comme maris et femmes, la génération précédente étant reconnue comme Pen- semble de leurs pères et mères, et la génération suivante comme l’ensemble de leurs enfants, et une parenté plus définie pouvant à peine être déterminée dans le mélange général. Le docteur Morgan ne nous montre aucune communauté humaine dans cet état primitif qu'il considère comme ayant été partout rem- placé par des systèmes plus avancés. Mais il signale des relations d’un état passé de société en Hawaü, qui, selon lui, sortit de la famille consanguine pri- mitive. Ces relations, quoique d’une précision à peine suffisante, nous mon- trent la pratique établie d’un mode d'union d’après lequel un groupe d'hommes se marient en commun avec un groupe de femmes, ces hommes pouvant être frères et ces femmes sœurs. Le docteur Morgan, adoptant une expression locale, appelle cette famille la «famille punaluane ». Il la considère comme dérivant de la famille consanguire et s’en éloignant par l'interdiction du ma- riage entre frères et sœurs, et ne trouve pas, comme il sembla aux mission- naires, quelle soit un état de révoltante dépravation, mais au contraire un pas dans la voie du progrès. Quand l'existence d’un tel groupe-mariage (s'il est permis d'employer ce terme) chez les Hawaüans est rapprochée de leur langage, où il n'est point fait de distinction entre les pères et les oncles, les mères et les tantes, il est à supposer que l’un doit se rapporter à l’autre. Deux questions, naturellement, se dressent. Premièrement, trouve-t-on d’autres traces d'un semblable groupe-mariage en Polynésie ? Quant à ce point, le révérend S.-J. Whitmee, consulté, répond affirmativement. Tandis que, d’une part, il fait remarquer que quelques insulaires de la mer du Sud, tels que les Samoans, 360 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. se distinguent par leur sévérité à l'égard des limites du mariage, il signale un passage du Voyage of the Bounty, de Bligh, où il est mentionné qu'un communisme de cette nature existant entre frères, quoique ne sortant pas de la famille, était très fréquent à Taïti, autant qu'on peut l’établir d’après les termes vagues qui, chez eux, désignent la parenté. Le révérend J.-E. Moulton, également, a fait observer que les insulaires de Tonga n’ont pas encore oublié le temps où l’emploi du même mot pour désigner l'épouse et la belle-sœur n’était point une confusion de termes, mais bien l’application exacte. Secon- dement, peut-on trouver ailleurs le groupe-mariage en connexité avec un vague semblable dans les termes de parenté? On peut également à cette seconde ques- tion répondre affirmativement, d’après la relation sur les Todas des Indes orientales, par Col. Marshall, dont le livre semble n'être pas connu du docteur Morgan. Chez ces grossiers pasteurs, un groupe de parents mariés à un groupe de femmes est une union parfaitement légale, tous les-enfants issus de cette promiscuité étant reconnus frères et sœurs. Le langage toda, à la vérité, n’a aucun mot exprimant la qualité de cousin ; mais ce qu'il faut remarquer ici, c'est que ce titre de frères et de sœurs ne prouve pas simplement la pauvreté de leur langue. Il exprime l’état réel des enfants de ces groupes mariés, état ainsi défini : « Chaque mari considère tous les enfants comme siens, bien que chaque mère ne soit mère que de son propre enfant, et chaque enfant mâle est un des héritiers de la propriété des pères réunis. » Ainsi, quelque peu dis- posé que nous puissions être à suivre jusqu’au bout M. Morgan dans l’'admis- sion des systèmes de parenté comme preuves d'états sociaux antérieurs, nous devons reconnaitre que son système, mis à l'épreuve, se trouve être un fil con- ducteur d’une certaine importance. Des chercheurs habitués à la précision et à la consistance telle que celle de sir Henry Maine, lorsqu'il prend à partie les anciennes institutions, ne peuvent que déplorer la manière dont le docteur Morgan traite la gens classique. Ils sont tout d’abord surpris de le voir dans ses premiers chapitres employer les mots «gens» et «organisation païenne» en parlant des divisions exogames des tribus des Iroquois et des Australiens. Ce n’est pas, disent-ils, poser la question de l’origine de la gens romaine que de commencer par l'identifier avec le totem-clan des Indiens américains. En arrivant aux chapitres relatifs à la gens classique elle-même, on voit que l’auteur cherche à jusüfier l'usage qu'il fait du mot en disant que «l'obligation de se marier en dehors de la gens» était regardée comme une règle ordinaire chez les Grecs et les Romains de la période classique, doctrine nouvelle que son évidence ne vient point établir. Il lui eût été plus facile de se soutenir si, comme l'a fait M. Lennan, il s'était borné à avancer que la gens classique, quoique n'étant pas manifestement exo- game dans les temps historiques, était sortie d’un état exogame antérieur. Abandoñnant ces chapitres, on arrive avec un bien plus grand intérêt à ceux où l'auteur décrit le changement en vertu duquel la parenté maternelle est remplacée dans les tribus de la période barbare de culture par la parenté pa- ternelle, en connexité avec l’hérédité dans la propriété, el où il discute le déve- lonpement du principe fédératif chez ces tribus, et le présente comme clai- REVUE DES LIVRES. 361 rement expliqué par lPexemple de la confédération remarquable des Troquois. Il nous reste à appeler l'attention sur un aspect de l'œuvre, très intéressant pour le publie instruit. Quoique Morgan soit à différents égards opposé aux théories d'évolution sociale proposées par ses prédécesseurs Bachofen et M. Lennan, ses recherches l'ont conduit à adopter leurs principes dans leur ensemble, c’est-à-dire que les conditions les plus primitives du mariage entrai- naient une plus ou moins grande promiscuité, ou, comme Lubbock l'appelle, «une communauté », et que la parenté la plus primitive naissant sous cet état de choses fut naturellement attribuée au côté maternel. Quoique ni le pro- blème de l’origine de la famille ni celui de l’origine du clan n'aient point encore été plemement résolus, il est surprenant que tant de lumière ait été faite sur ces questions par ce groupe d’auteurs, dont tous les ouvrages publiés ne re- montent pas à plus de vingt années. Edward B. Ty1or. Recherches expérimentales sur la puissance toxique des alcools, Par DuyarbiN-BEAUMETZ et AUDIGÉ (1). Les auteurs se sont proposé dans cet ouvrage de rechercher linfluence exercée sur l'énergie de l’action toxique des alcools par l’origine et la nature des alcools. Leurs expériences ont été faites sur des chiens et se comptent par centaines. Les résultats de leurs recherches sont d’un grand intérêt non seu- lement pour les médecins, mais encore pour tous ceux qui se préoccupent des questions relatives à l'hygiène publique. Relativement à la puissance toxique des alcools, les auteurs concluent : « Tous les alcools, soit qu'ils appartiennent à la série monoatomique, soit aux séries polyatomiques, sont doués de propriétés toxiques. « Dans la série monoatomique, l'intensité de l’action toxique dépend : 1° & e la constitution atomique des alcools et de leur origine ; 2 de leur solubilité ; 3° des décompositions qu'ils peuvent subir soit à l’état libre, soit dans l’écono- ue ; 4° des différents modes d'administration. « 1° Pour les alcools ayant la même origine, l’action toxique est d'autant plus intense que leurs formules atomiques sont plus élevées. «2% Pour qu’un alcool jouisse de propriétés toxiques, il faut qu'il soit so- luble, ou bien qu'il trouve dans l’économie des substances qui permettent sa dissolution. Lorsque ces circonstances font défaut, comme pour l'alcool céty- hique, le corps administré devient inoffensif. La solubilité des alcools, en ren- dant plus facile leur pénétration dans l’économie, joue un rôle très manifeste dans leur puissance toxique. Nos recherches nous ont montré, en effet, que l’on peut augmenter l’action nocive de certains alcools peu solubles en les mélan- ceant à des corps qui les dissolvent plus ou moins complètement, Si les alcools (1) Un volume in-8° de 300 pages. Chez M. Octave Doin. Paris, 1879. 362 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. œnanthylique et caprylique, par exemple, ne sont pas plus toxiques que l'alcool éthylique lorsqu'ils sont purs, ils le deviennent bien davantage lorsque, mé- langés avec ce dernier, ils pénètrent plus rapidement dans l'économie. « 3 La présence des aldéhydes et des éthers dans les alcools augmente le pouvoir toxique de ces derniers. « Certains alcools subissent à l’air libre des changements qui modifient plus ou moins profondément leur constitution chimique. Parmi les produits de dé- composition ainsi obtenus se trouvent, en première ligne, les aldéhydes et les éthers. Nous avons constaté que l’aldéhyde et l'éther acétiques étaient doués de propriétés toxiques spéciales, beaucoup plus intenses que celles de lalcool éthylique dont ils proviennent. « Il en est de même pour l’acétone; cette substance, que l'on trouve sur- tout dans les alcools méthyliques, modifie, en l’aggravant, l’action toxique de ces alcools. « Sans entrer dans le débat qui s’est élevé entre ceux qui veulent que l'alcool traverse l’économie sans y être altéré et ceux, au contraire, qui soutiennent que cet alcool subit une combustion plus ou moins complète, nous dirons, tout en reconnaissant l'impossibilité où se trouve la méthode expérimentale de ré- soudre définitivement le problème, que l'examen attentif des phénomènes toxiques déterminés par l’ensemble du groupe des alcools parait donner raison aux partisans de la combustion, du moins partielle. Cette combustion, d’ail- leurs, est démontrée aujourd'hui pour la glycérine et il est probable qu’elle se produit aussi avec d’autres alcools. Tout en faisant nos réserves sur cette ques- tion, nous pensons donc que la décomposition possible des alcools peut entrer, pour une certaine part, dans leur action toxique. « 4° Le mode d'introduction des alcools dans l’économie peut modifier leurs propriétés toxiques. Dans nos expériences, nous nous sommes presque exclu- sivement servis de la voie hypodermique ; il nous a semblé que, par cette mé- thode, l'absorption s’est effectuée aussi rapidement et à été peut-être mème plus complète que par l'estomac. » Les auteurs divisent les phénomènes d'intoxication produits par les alcools en trois périodes : une période d'ébriété et d’excitation; une période de réso- lution et une période de collapsus; ces périodes subissant des modifications variables avec la nature de l'alcool absorbé, la dose administrée et la résis- tance des sujets. Après avoir étudié les lésions produites dans lorganisme, ils s'occupent de la nature des alcools du commerce. « L'origine des eaux-de-vie joue donc, disent-ils, un rôle prépondérant au point de vue de leur action toxique, et voici dans quel ordre nous sommes portés à classer les différents produits que nous avons étudiés: 1° alcools et eaux-de-vie de vin ; 2° eaux-de-vie de poiré; 3° eaux-de-vie de cidre et eaux- de-vie de marcs de raisin ; 4° alcools et eaux-de-vie de betterave; 5° alcools et eaux-de-vie de grains ; 6” alcools de mélasse de betteraves; 7° alcools et eaux-de-vie de pommes de terre. «Gette classification est en rapport avec les récentes découvertes d'Isidore Pierre, qui a montré que les eaux-de-vie du commerce contenaient, en pro- REVUE DES LIVRES. 303 portions variables, un certain nombre d’alcools. Si l'alcool de vin est le moins nocif de tous, c'est qu'il renferme presque exclusivement de l'alcool éthylique, qui est le moins toxique de la série. Cependant, même dans les eaux-de-vie de vin, il doit se rencontrer quelques poisons autres que l'alcool éthylique, car elles sont un peu plus toxiques que cet alcool chimiquement pur. « L'existence d’une certaine quantité d’alcools propylique, œnanthylique et caprylique, et de leurs produits d’oxydation dans les eaux-de-vie de marcs de raisin, de cidre et de poiré, nous explique la puissance toxique supérieure de ces boissons alcooliques comparées aux eaux-de-vie de vin. « C’est principalement dans les eaux-de-vie de grains et de betteraves que Isidore Pierre a constaté l'existence des alcools propylique, butyrique et amy- lique; on comprend donc par là leur plus grande nocivité. « Enfin, si les alcools et eaux-de-vie de pommes de terre nous ont paru les plus toxiques ces eaux-de-vie du commerce que nous ayons expérimentées, c’est qu'elles contiennent, en proportions variables, des huiles essentielles qui sont, comme on le sait, composées surtout d'alcool butylique et amylique. « Ce que nous venons de dire nous est une preuve que, pour rendre moins toxique une eau-de-vie du commerce, il faut la débarrasser des produits im- purs qu’elle contient, ainsi que des alcools autres que l'alcool éthylique. Nous avons vu en effet, dans nos expériences, qu'il existait, au point de vue toxique, des différences entre les alcools rectifiés et les produits qui, sous le nom de flegmes, résultent de la distillation brute des matières fermentées. » Les auteurs attirent, en terminant, l’attention sur les eaux-de-vie du com- merce et manifestent le désir que des mesures sérieuses soient prises pour prévenir la falsification des alcools de vin et l'introduction dans les boissons, le vin par exemple, d’alcools autres que les alcools de vin. Ils rappellent que les pays dans lesquels l'alcoolisme atteint son maximum d'intensité, sont ceux, comme les pays scandinaves, dans lesquels on consomme exclusivement des eaux-de-vie de pommes de terre, ou ceux dans lesquels on fait usage des eaux- de vie de grains et de betteraves, comme certains départements du nord de la France. M. Lucien a montré, en effet, par ses cartes, que les délits et les crimes qui résultent de l'abus des boissons alcooliques sont en rapport direct avec l'usage des alcools autres que celui du vin. Le livre de MM. Beaumetz et Au- digé offre, on le voit, un intérêt pratique sérieux, et nous souhaitons qu'ils en fassent paraître bientôt la suite annoncée, sur l’A/coolisme chronique. Les œuvres philosophiques de Sophie Germain (1). Dans un moment où la question de l'égalité et de l'inégalité intellectuelle de l’homme et de la femme préoccupe un grand nombre d’esprits, l'édition des (1) Œuvres philosophiques de Sophiè Germain, suivies de Pensées et de Lettres 1iné- dites, d'une notice sur sa vie et ses œuvres par H. Srupuy. 1 vol. in-18; Paris, 1879 ; édit. Paul RirTri. 304 REVUE INJERNAIIONALE DES SCIENCES. œuvres philosophiques de Sophie Germain, que vient de publier M. Stupuy, doit être accueillie avec reconnaissance par tous les hommes qui ont l’habitude de fonder leurs jugements sur l'observation des faits plutôt que sur des raisons de sentiment. Ceux-là partageront sans doute le plaisir que nous avons éprouvé en lisant les pages toujours charmantes, quoique sérieuses, et souventprofondes, écrites par la savante mathématicienne, qui fut l’amie des hommes les plus distingués de son époque et dont l'esprit actif et sans cesse en éveil aborda l'étude des sujets les plus divers. « Il faut en faire l’aveu pénible, dit avec rai- son, à la première page de son introduction, M. Stupuy, tandis que tant de femmes ont trouvé la célébrité dans les écrits frivoles, la seule femme française qui ait réussi dans les travaux sévères, estimée des géomètres, auxquels d’ail- leurs tout un aspect de son génie échappe, est à peine connue du publie. Fon- tenelle, faisant l'éloge d’un savant anatomiste, remarque que ses travaux furent, pendant une longue carrière, comme ensevelis dans le silence, etils’en explique : « Il n’a rien mis du sien dans sa réputation que son mérite, et « communément il s’en faut beaucoup que ce soit assez. » La réputation dis- crète de Sophie Germain offre le même caractère. Son œuvre néanmoins est de celles dont la science et la philosophie ont tiré profit et honneur, et son nom, que l'avenir connaîtra mieux, appartient à l’histoire des progrès de l’es- prit humain. » Sophie Germain, née à Paris en 1776, commença à se livrer à l'étude des mathématiques dès 1789. « Désireuse, écrit M. Stupuy, de se créer une occu- pation sérieuse pour faire diversion à ses craintes, en face d’un mouvement dont elle comprenait l’élendue et la durée, ellé passait de longues heures dans la bibliothèque de son père. Un jour, par hasard, elle ouvre l'Histoire des mathématiques de Montucla et, en ce ivre plein d’érudition, trouve le récit élo- quent de la mort d’Archimède ; ce grand homme, occupé à réfléchir sur une figure géométrique, les yeux et la pensée tout entiers à cette méditation, ne s’aperçoit ni de la prise de Syracuse, ni du bruit des vainqueurs qui saccagent la ville, ni du glaive levé sur lui, et il tombe sans daigner répondre aux bru- tales injonctions de son assassin. Aussitôt le choix de ia jeune fille est fait. Cette science géométrique si attachante que rien n’en peut détourner, pas même une menace de mort, cette science dont elle connaît à peine le nom, voilà bien celle qui lui convient; et, sur l'heure, elle prend la résolution hé- roïque de s’y donner complètement. » Quoi de plus féminin que cette rapidité de détermination sous l'influence d’un motif purement sentimental! Sophie Germain avait alors treize ans; elle se livre avec une ardeur effrénée à l'étude des mathématiques. Pour la forcer à prendre quelque repos, ses parents retirent de sa chambre la lumière, le feu, les vêtements. « Elle feint de se résigner; mais quand la famille est endormie, elle se relève, s’enveloppe de sa couver- ture et, par un froid tel que l'encre gèle dans son écritoire, se livre à ses chères études. » Nous n'avons pas le loisir de suivre ici pas à pas les développements de l'intelligence de cette enfant, de cette nature ardente qui, saisie par le prêtre, fût peut-être devenue une seconde Thérèse ; mais qui, ayant eu la bonne fortune d’avoir sous la main une bibliothèque sérieuse, deviendra Pamie et REVUE DES LIVRES. 365 presque la rivale de Lagrange et de Fourier; il nous suffit d'attirer lattention sur l’enseignement qui peut être tiré de ce simple fait, et nous engageons le lecteur à poursuivre la lecture de la biographie de Sophie Germain dans la magnifique préface de M. Stupuy. L'œuvre philosophique de Sophie Germain se compose de deux parties : Les considérations générales sur l'état des sciences et des lettres aux différentes époques de leur culture, et des Pensées diverses. Dans l2 première partie, qui seule constitue une œuvre complète, l’auteur cherche d’abord à démontrer que, dans les sciences comme dans les lettres, l'esprit obéit à un sentiment commun dont il trouve le type en lui-même. Sophie Germain se montre dans ce chapitre beaucoup trop imbue de l'esprit de la méthode cartésienne lorsqu'elle écrit : « Voulons-nous connaitre les êtres naturels ? Nous les classons suivant nos convenances ; et la notion méthodique des genres et des espèces imprime à l'histoire naturelle le cachet de l'esprit. » C'est là, en effet, ce qui s’est produit pendant de longs siècles dans les sciences naturelles, et les méthodes dites naturelles elles-mêmes, dont on a fait tant d'honneur à Jussieu pour ce qui concerne les végétaux, n'avaient d’autres bases que les convenances de leurs auteurs ; mais depuis que Lamarck a ouvert la voie aux recherches de l’évolution des êtres, de pareilles méthodes ont cessé d’avoir tout crédit et c’est dans les affinités réelles, dans la filiation des êtres que le naturaliste cherche les fondements de ses classifications. Il parait sin- gulier que Sophie Germain, contemporaine de Lamarck, soit restée dans ligno- rance de ses admirables Principes de Zoologie, et cependant nous avons tout lieu de croire qu'il en est ainsi, car nulle part, dans son œuvre, elle n°y fait la moindre allusion. Sophie Germain est beaucoup mieux inspirée dans son étude des diverses phases par lesquelles ont passé les sciences, et son exposé des premières phases de l’évolution subie par les sciences mérite d’être cité : « Jeté sur la terre, au milieu de limmensité des choses, frappé à la fois par le spectacle d’une inti- nité de merveilles, l’homme n’a rien trouvé au dehors de lui de plus merveil- leux que lui-même. Il a étendu son existence sur tout ce qui l’environnait. Son individualité lui à d’abord été connue : cherchant partout sa propre image, il a personnifié les êtres animés, les êtres intellectuels, enfants de son imagina- tion. Ceux-ci ont présidé à tous les actes, à Lous les phénomènes de l'ordre na- turel... Les sciences n’existaient pas encore ; mais le besoin d'expliquer s'était fait sentir. Dès qu'il porte ses regards autour de lui, qu'y cherche-t-11? Ce qu'il a trouvé en lui-même. Il voit dans les actes de Ja nature un ordre et une succession qui lui paraissent tendre vers un but déterminé; 1l ne suppose pas d'autre cause que l’action d’une intelligence et d’une volonté; et cette intelli- gence, cette volonté, il ne peut les concevoir sans les attribuer à un être quel- conque. Il imagine des êtres invisibles, parce qu'en effet il n’en voit aucun. Ce sont, suivant l'importance des actes qu'il leur attribue, des dieux, des demi- dieux, ou seulement des génies subalternes. Ces êtres sont amis ou ennemis ; ils combattent entre eux ou ils unissent leurs forces; ils ont nos affections, nos haines, nos passions, nos intérêts ; ils sont faits à notre image. Et pourtant, 3066 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCHS. nous ne pouvons ni les voir, ni les entendre, ni les palper; ils sont donc im- malériels ; ce sont des esprits. Fidèle à sa pensée constante, l'homme n’a ja- mais cessé de regarder son existence propre comme le type de toutes les autres existences. Après s'être dit : — Les esprits existent, ils connaissent, ils veulent, ils agissent, et leurs actions se manifestent par les changements matériels qu’ils opèrent, — il devait chercher en lui-même quelque chose de semblable. Nos connaissances, nos volontés, et le principe de nos actions ont donc été attribués à une substance immatérielle, qui, suivant la diversité de ces opérations, a reçu différents noms. Cette ébauche de nos connaissances nous montre l’origine de la plupart des idées qui ont été reproduites depuis, La littérature a conservé les fictions qui furent regardées autrefois comme des réalités; les sciences physiques ont recueilli les observations que ces fictions expliquaient ; la philo- sophie y a puisé ses systèmes, et les religions y ont trouvé les éléments de leurs croyances. » Îl est impossible, on le voit, de mieux exposer l’anthropisme et l’animisme qui font la base de toutes les premières croyances de l'homme, et le lecteur voudra poursuivre dans le texte la lecture de ce chapitre. Ajoutons cependant que Sophie Germain, tout en exposant les travers des premiers âges, n'a pas su elle-même se préserver d’un déisme et d’un animisme dont elle montre si bien l’origine et, par suite, l'erreur. L'espace nous manquant pour poursuivre dans ses détails l'analyse de l’œuvre de Sophie Germain, nous ter- minerons par la citation d’une de ses Pensées, relative aux organes des sens, qui met bien en relief la sagacité de son esprit : « Je pense, écrit-elle, que tous les sens peuvent être rapportés à celui du toucher, et qu'ils ne diffèrent que par la disposition à ressentir l’attouchement de corps de nature différente. Le sens du toucher proprement dit est le moins délicat de tous, puisqu'il n’est guère affecté que par les corps les moins déliés, tandis que l’æil est sensible à l’attouchement du subtil élément de la lumière; que l’ouie reçoit l'impression des parties de l'air mises en vibration par le corps sonore ou résonnant; que l'odorat distingue les parties déliées qui s’évaporent des corps, et que le goût, qui à une si grande affinité avec l’odorat, connaît presque la forme des parti- cules qui le touchent par l'impression qu’elles lui font ressentir. » SOCIÉTÉS SAVANTES. Académie des sciences de Paris. Séance du 10 mars 1879. L'Académie fixe le programme des prix pour les années 1879, 1880, 1881, 1889 et 1883. GRAND PRIX DES SCIENCES PHYSIQUES. Z'{ude du mode de distribution des ant- maux marins du littoral de la France. — Les mémoires, manuserits ou im- REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 367 primés, devront être déposés au secrétariat avant le {°° juin 1S80. Le prix con- sistera en une médaille de la valeur de {rois mille francs. « Dans cette étude, il faudra tenir compte des profondeurs, de la nature des fonds, de la direction des courants et des autres circonstances qui paraissent devoir influer sur le mode de répartition des espèces marines. Il serait intéressant de comparer sous ce rapport la faune des côtes de la Manche, de l’Océan et de la Méditerranée, en avançant le plus loin possible en pleine mer ; mais l’Académie n’exclurait pas du concours un travail approfondi qui n'aurait pour objet que l’une de ces trois régions. » Etude comparative de l'organisation intérieure des divers Crustacés édriophthalmes qui habitent les mers d'Europe. — L'Académie demande une étude approfondie des principaux appareils physiologiques dans les divers genres d'Amphipodes, de Lamodipodes et d’'Isopodes qui habitent les mers d'Europe, Les concurrents devront porter principalement leur attention sur le système circulatoire, l'appareil digestif et les organes de la génération. Les descriptions devront être accompagnées de figures. Le prix consistera en une médaille de la valeur de {rois nulle francs. Les ouvrages présentés au concours pourront être manuscrits ou imprimés et devront être déposés au secrétariat avant le 4° juin 1879. Etude approfondie des ossements fossiles de l’un des dépôts tertiaires situés en France. — « Les concurrents pourront limiter leurs recherches aux Mam- mifères ; mais ils devront examiner attentivement la valeur zoologique des ca- racières sur lesquels reposent, soit les distinctions spécifiques, soit les rappro- chements qu’ils admettront, et les descriptions devront être accompagnées de figures dessinées avec soin. » Le prix consistera en une médaille de la valeur de trois mille francs. Les ouvrages, imprimés ou manuscrits, devront être dé- posés au secrétariat de l’Institut avant le 1° juin 1879. Prix ALHUMBERT. Physiologie des Champignons. — « Après avoir proposé sans succès, pour 1876 et 1878, 1 £'tude du mode de nutrition des C'hamprt- gnons, l'Académie, élargissant aujourd’hui le cadre de la question, admettra à concourir, en 1880, tout mémoire qui éclaircira quelque point important de la physiologie des Champignons. » Le prix consistera en une médaille de la valeur de deux mille cinq cents francs. Les ouvrages où mémoires, manu- scrits où imprimés, en français ou en latin, devront être déposés au secrétariat de l'institut avant le 1° juin 1880. Prix BorniN, Favre connaître, par des observations directes et des expé- riences, l'influence qu'exerce le milieu sur la structure des oryanes végétatifs (racines, tige, feuilles); étudier les variations que subissent les plantes ter- restres élevées dans l’eau, celles qu'éprouvent les plantes aquatiques forcées de vivre dans l'air. Erpliquer, par des expériences directes, les formes spéciales de quelques espèces de la flore maritime. — « L'Académie désirerait que la question fût traitée dans sa généralité; mais elle pourrait couronner un tra- vail sur l’un des points qu'elle vient d'indiquer, à la condition que l'auteur apporterait des vues à la fois nouvelles et précises, fondées sur des observa- tions personnelles. » Les mémoires, manuscrits ou imprimés, rédigés en fran- 3068 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. çais ou en latin, devront être adressés au secrétariat de l’Institut avant le 1° juin 1879. Le prix est de la valeur de {rois mille francs. Du 10 mars au 1% juin il y a, si je ne me trompe, un peu plus de deux mois et demi; pendant ce temps, les candidats devront faire des expériences relati- vement à l'influence exercée par les milieux sur la structure des organes ! Et, bien entendu, ces expériences devront être probantes! Et il existe des gens au- près desquels les académiciens passent pour des hommes sérieux ! SCHUTZENBERGER et À. DEstRem, Sur la fermentation alcoolique. — Les au- teurs rappellent que leurs expériences antérieures montrent d’une façon très nette l'influence favorable de l’oxygène libre sur le développement de la levure de bière, et que ces expériences sont moins concluantes en ce qui touche la question de savoir si la décomposition du sucre, même en l'absence de l’oxy- gène libre, est toujours et nécessairement liée au développement et à la multi- phication de la levure. D'une série nouvelle d'expériences les auteurs tirent les conclusions suivantes : «1° qu’en se plaçant dans des conditions telles que la levure ne puisse plus se développer et se multiplier, celle-ci conserve néan- moins la propriété de décomposer le sucre, et que la levure qui agit sur le sucre désassimile plus d'azote que celle qui est conservée en présence de l’eau, mais sans sucre et sans oxygène. Le rapport entre la quantité de sucre décom- posée et la dose de levure nouvellement formée, c'est-à-dire le pouvoir comme ferment, devient alors une quantité négative. La cellule vivante de levure pos- sède donc la propriété de décomposer le sucre qui y pénètre par endosmose et elle exerce cette faculté #rdépendamment de son développement et de sa multi- plhication, qui ont lieu simultanément, si les conditions de nutrition s’y prêtent ; dans le cas contraire, elle perd sans rien gagner, mais ne fait point fermenter le sucre; 2° que dans la levure la composition immédiate ou le rapport des matériaux albuminoïdes aux matériaux hydrocarbonés tend à se modifier dès que les conditions du milieu varient. Pour chaque ensemble de conditions, il s'établit un état d'équilibre correspondant à une composition élémentaire spé- ciale. Nous avons eu l’occasion de constater l'accroissement, la production de proportions très sensibles d’aldéhydes dans des fermentations faites avec de la levure lavée et à l'abri de l'air. La présence de l’aldéhyde signalée dans le vin et les liquides fermentés n’est donc pas seulement due à une oxydation ulté- rieure de l'alcool. La formation de ce corps est liée directement à la décompo- sition du sucre et peut se rattacher à celle de six moléculées de glycérine pour une molécule d'acide succinique, dont la somme C?H°*0?* est plus riche en hydrogène que le sucre imital, » Ch. RouGerT, £'volution comparée des glandes mâle et femelle chez les em- bryons des Mammifères. — De recherches faites sur le développement des glandes mâle el femelle chez le lapin l’auteur conclut que «la présence d'ovules, comme éléments essentiels du testicule, constatée d’abord par Bal- biani chez les Plagiostomes et récemment par le même observateur chez des embryons de mouton de9 centimètres, apparaît comme une condition constante de lorganisation de la glande mâle chez les Mammifères, chez l’homme, et, selon teute probabilité, chez tous les Vertébrés. » REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 369 Séance du 11 mars 1879. Dareste, Note sur les granules amyloïdes du jaune d'œuf. — L'auteur rap- pelle que, dès 4866, il a signalé la présence, dans le jaune d'œuf, de granules présentant un certain nombre des caractères des grains d’amidon. Le fait ayant été contesté, et les granules amyloïdes ayant été considérés par certains auteurs comme des granules de lécithine, M. Dareste revient sur cette ques- tion. La lécithine ne se montre, d’après lui, à l’état de granules que lorsque les globules du jaune ont commencé à se désagréger sous l'influence de l'in- cubation, tandis que les granules amyloïdes existent dans le jaune avant la mise en incubation. L’insolubilité dans l'alcool et dans l’éther éloigne les granules de la lécithine, tandis que leurs diverses réactions les rapprochent de l’amidon. Pour isoler ces granules, l’auteur emploie le procédé suivant : il fait dureir le jaune par la cuisson à 75 ou 80 degrés ; les globules du jaune de- viennent alors hexaédriques ; il les traite par l’éther, qui dissout une parte des matières grasses et, parmi elles, l'huile jaune ; puis par l'alcool absolu, qui fait contracter les matières albuminoïdes et détermine l’expulsion de l'espèce de noyau que contiennent les globules, noyau formé «par une petite masse de lécithine amorphe, enfermée dans une couche de granulations amyloïdes, elle- même revêtue par une couche d’albumine insoluble dans l’eau ». Coury, Sur la non-excitabilité de l'écorce grise du cerveau. — L'auteur tire de ses expériences les conclusions suivantes : « La substance grise de l'écorce cérébrale ne joue aucun rôle dans les phénomènes produits par l'excitation de la surface du cerveau, puisque ces phénomènes restent les mêmes, que cette substance grise soit intacte ou qu'elle soit paralysée par un añesthésique, que sa circulation soit nulle ou qu’elle soit normale. L'influence de lirritation ou des lésions de certains points de l'écorce grise cérébrale est transmise par les fibres blanches à des éléments situés plus bas, dans le bulbe et la moelle, élé- ments qui sont seuls en rapport direct avec les appareils musculaires, et c’est par l'intermédiaire de modifications passagères ou durables de ces éléments bulbo-médullaires que les lésions corticales peuvent quelquefois déterminer des troubles des mouvements des membres. » FerTz, ARecherches expérimentales sur un Leptothrix érouvé pendant la vie dans le sang d’une femme atteinte de fièvre puerpérale grave. — L'auteur ayant trouvé dans le sang de la malade, deux jours avant la mort, «un nombre considérable de filaments immobiles, simples ou articulés, transparents, droits ou courbes, dont chaque article était long de 0,003 à 0",006, pour une largeur de 022,0005 à 0"%,0003, appartenant au genre Leptothrix »,il a pra- tiqué, avec ces organismes, des inoculations sur des cobayes, qui sont morts infectés, et dont le sang a infecté de nouveau d’autres animaux. En privant le sang du contact de l'air, on détruit tous ces organismes, qu'il considère comme aérobies, et agissant, par leur excessive multiplication, à la façon des parasites. Muscuzus, Sur les modifications des propriétés physiques de l’amidon. — L'auteur a trouvé la matière amylacée sous deux états : colloïde et cristalloide. T. III. — N° 4, 1879. 2} 310 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. « A l’état colloïde, elle est soluble dans Peau, saccharifiable par les ferments diastasiques et les acides minéraux dilués et bouillants ; mais elle subit facile- ment des modifications qui la rendent insoluble, même dans l’eau bouillante, et inattaquable par les ferments et les acides. Elle est colorable en bleu par l'iode; la modification insoluble se colore en rouge ou en jaune par l'iode. Quand elle a été préalablement traitée par les ferments ou les acides dilués, elle donne de nouveau la réaction bleue si on la désagrège par l'acide sulfurique concentré ou les alealis caustiques, et redevient saccharifiable. A l’état cristal- loïde, elle peut être obtenue sous forme de cristaux isolés, facilement solubles dans l’eau froide; ces cristaux s’agglomèrent rapidement et deviennent alors de moins en moins solubles. L’amidon cristallisable subit donc les mêmes mo- difications que l’amidon colloïde ; il reste, toutefois, soluble dans l’eau chauffée à 50 ou 60 degrés. Il reste également toujours saccharifiable par les ferments et les acides. En cristaux isolés, il ne se colore pas avec l’iode ; en solution étendue, 1l prend une couleur rouge avec l’iode ; en solution concentrée, une couleur violette ou bleue, suivant la concentration. Il passe à travers le papier parchemin, quoique difficilement. Ainsi donc, la matière amylacée peut exister sous forme de cristaux solubles dans l’eau froide et sous un état voisin de la cellulose, où elle est alors insoluble même dans l’eau bouillante. Ces modifica- tions de cohésion sont tout à fait analogues à celles de la cellulose. La nature nous montre, en effet, cette matière, tantôt à l'état de tissu tendre, colorable directement en bleu par l'iode et attaquable par les ferments diastasiques dans les cotylédons de certaines graines ; tantôt à l’état de masse compacte et dure, que les réactifs les plus énergiques ne désagrègent qu'avec peine, dans les noyaux de cerise ou de prune; de sorte que l’analogie que l’on constate entre les propriétés chimiques de ces deux corps se retrouve dans les propriétés physiques. » Séance du 24 mars 1879. Mer, Recherches expérimentales sur les conditions de développement des poils radicaux.— De recherches faites sur diverses plantes et dans des condi- tions diverses, l’auteur tire les conclusions suivantes : « L'apparition des poils est, dans une certaine mesure, liée au ralentissement dans l'allongement des racines. Il en est de même de l'accroissement en diamètre de ces derniers or- ganes et de l’apparition des radicelles. Lorsque les substances plastiques ne sont pas entièrement utilisées par l'extrémité végétative, ainsi que cela arrive quand l'accroissement de cette dernière est entrayé par une cause quelconque, elles se portent sur les éléments voisins et principalement sur les cellules épi- dermiques dont les parois libres peuvent se développer plus facilement, De là des renflements, des radicelles et des poils. C'est ce que démontre, du reste, l'observation. En effet, lorsque les radicules des Lentilles croissent rapidement, on ne rencontre d'amidon que dans la coiffe ; mais lorsque cet allongement est ralenüi, on en observe en outre à quelque distance de la pointe, sur toute Ja surface des sections, le cylindre central excepté. Un peu plus haut, on n’en trouve plus que dans les couches rhizogène et protectrice, dans lPépiderme et REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 311 dans les poils naissants. Ces derniers sont d’abord de simples papilles qui se forment toujours au milieu de la paroi externe des cellules épidermiques. Le protoplasma et le noyau de ces cellules s’y engagent et progressent dans le poil à mesure qu'il se développe. Il y a done, de la part des cellules épidermiques, un appel spécial de la matière amylacée. Quant aux couches rhizogène et pro- tectrice, il semble qu'elles doivent être regardées comme les voies par lesquelles chemine l’amidon dans les racines, voies que peut seule déceler l'observation de ces organes placés dans des conditions particulières de développement. » Société de biologie de Paris. Séance du 8 mars 1879. J. RENAUT, Sur les glandes de Brünner. — M. J. Renaut a pu examiner l'intestin d’un supplicié. Il a reconnu que les glandes de Brünner forment deux groupes : les unes sont superficielles, les autres sont situées au-dessous de la musculaire muqueuse. De plus, ces glandes seraient des glandes en tube ramifiées, et non des glandes en grappe simple (4). S. TscHirrew, Lésions de la moelle et de la peau dans un cas de lèpre anes- thésique.— À la moelle, on observe une atrophie considérable des cellules ner- veuses des cornes postérieures. Cette atrophie porte également sur les cellules des colonnes de Clarke. Le canal central de la moelle est rempli de petites cel- lules rondes (cellules embryonnaires); les parties de la commissure postérieure les plus proches du canal central se montrent également infiltrées de cellules semblables. L’épithélium de ce canal est complètement détruit, si ce n’est dans les parties supérieures du renflement cervical, où on en trouve encore quelques vestiges. Quelques vaisseaux sanguins ont leurs parois épaissies et infiltrées de cellules embryonnaires, La substance blanche et les racines ne sont aucune- ment modifiées. À la deuxième phalange du doigt, le derme et le tissu sous-cutané présen- tent de nombreux foyers d'infiltration, occupés par des cellules embryonnaires : cette infiltration s’observe surtout autour des vaisseaux sanguins. Quelques vaisseaux sont le siège d’une endartérite intense. Sur des coupes de la pulpe du doigt au niveau de la troisième phalange, les parties superficielles se présentent sous lPaspect d’une masse à peu près amor- phe, qui ne se colore ni par le picrocarminate d’ammoniaque ni par la purpu- rine. Les nerfs cutanés des deux phalanges observés par M. Tschiriew se sont montrés à lui complètement sclérosés; les tubes nerveux étaient presque tous remplacés par des fibres de tissu conjonctif. (4) Cette conception n’est pas nouvelle. Un certain nombre d'auteurs décrivent les glandes de Brünner comme des glandes gastriques égarées dans l'intestin ef, par con- séquent, admettent implicitement que ce sont des glandes en tube. Elles s’écartent tou- telois d'autant plus de ce type qu’on les examine sur un point plus éloigné du pylore. 312 HEVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Séance du 15 mars 1879. G. PoucueTr, De la dégénérescence hémoglobique de la moelle des os. — « Depuis que M. Hayem a de nouveau rappelé l'attention sur les globulins de Donné comme forme originelle des hématies, et que mes expériences ont dé- montré qu'on pouvait à volonté faire apparaître ces petits corps dans le sérum, en saignant à blanc les animaux, il devenait urgent de reprendre l'étude histo- logique des prétendus organes hématopoiétiques, la rate, les glandes lympha- tiques et la moelle des os. «J'ai démontré déjà dans des communications antérieures (8 juin 1878 — août 1878){1) que la rate et les glandes lymphatiques ne jouent aucun rôle direct dans la formation des hématies. « L'étude de la moelle osseuse offrait de plus grandes difficultés. Depuis dix ans, à la suite de Neumann et de Bizzozero, on a indiqué dans la moelle tous les passages entre les cellules dites lymphoïdes (médullocelles de Ch. Robin) et les hématies : de là cette doctrine, acceptée plutôt que démontrée, que la moelle des os est par excellence le lieu de formation de celles-ci. Le moyen de mettre ce rôle de la moelle en évidence était de provoquer une régénération extrèmement active du sang et d'observer en même temps les modifications que présenterait le tissu médullaire. « J'ai procédé sur des chiens, auxquels des fragments de moelle étaient enle- vés dans un tibia au moyen d’une couronne de trépan avant la saignée, puis dans l’autre tibia après celle-ci. Mais j'ai principalement opéré sur des rats, qui supportent très bien les saignées abondantes et répétées à de courts inter- valles. On procède ainsi : les saignées sont faites au moyen de sangsues pesées avant et après la succion; on met un point de suture sur la plaie et on obtient des pertes de sang très exactement mesurées. L'exemple suivant montre à quel point le rat se prête à cette sorte d'expériences : « Rat femelle. 10 février, poids de l'animal, 445 grammes ; sang extrait, 2 orammes; 11 février, 18,55; 20 février, 15,60; 1% mars, 38,10; 4 mars, 26,30; 7 mars, poids de l’animal, 158 grammes, etsang extrait, 15,50; 10 mars, l'animal met bas ; il avait perdu en un mois 126,5 de sang, soit 1/12 environ de son poids. « Tandis que dans ces conditions le sang se remplit de globulins de toute dimension, à tous les stades de développement, la moelle osseuse n'offre au con- traire aucun caractère spécial ou nouveau, on n'y découvre aucun signe d’une prolifération plus grande des éléments. « Conduit ainsi à reprendre l’étude de la moelle, et par les procédés mêmes qui m'avaient servi pour l’étude du sang, je crois pouvoir donner de ce tissu une notion plus exacte qu'on ne l'avait fait jusqu'ici, et qui rend compte en même temps de l’erreur où sont tombés Neumann et Bizzozero et ceux qui à leur suite ont considéré la moelle des os comme le lieu d'origine des hématies en circulation. (1) Voir Revue internationale des sciences, 1878, &. T, p. 278 el 303. REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 313 « Mais, avant d'aborder ce point particulier de l’histologie de la moelle, il convient de rappeler un phénomène d'ordre général et qu'on peut désigner sous le nom de « dégénérescence hémoglobique » normale où anormale des éléments anatomiques, de même qu'il existe une dégénérescence pigmen- taire et une dégénérescence graisseuse. L’hémoglobine, malgré les moyens imparfaits que nous possédons d'en déterminer microscopiquement la pré- sence, ne doit pas être considérée comme propre aux hématies. Déjà Kühne a regardé les muscles rouges comme colorés par l’hémoglobine, A la fin de 1877 (6 novembre), je signalais à la Société de biologie, dans le sang des séla- ciens, l’existence de leucocytes remplis de granulations hémoglobiques ; j'igno- rais alors que le même fait eût été signalé en novembre 1874, chez les mam- mifères, par Semmer. « C'est encore à l’hémoglobine qu'il faut attribuer sans doute la couleur rouge bien connue des myéloplaxes. J'ai montré (séances du mois d'août 1878) que, dans les glandes lymphatiques, les prétendus « globules blancs ayant dé- voré des globules rouges » étaient simplement des cellules des parois des con- duits lymphatiques, dans le corps desquelles s'étaient déposés de gros grains d'hémoglobine, etc. « L'évolution des hématies des ovipares, que J'ai décrite ici (8 juin 4878), n’est qu'un cas particulier de dégénérescence hémoglobique et on peut tout à fait en rapprocher ce qui se passe dans les éléments de la moelle des mammi- fères. Chez ceux-ci les éléments propres de la moelle (médullocelles de Ch. Robin) sont contenus dans un réticulum extrêmement délicat : ces élé- ments, par leurs caractères morphologiques, rappellent, non pas les leucocytes du sang, qui possèdent normalement quatre noyaux, mais les leucocytes des conduits lymphatiques, à corps cellulaire réduit, à noyau unique, sphérique, nucléolé. Ces éléments médullaires subissent sur place la dégénérescence hé- moglobique, le corps cellulaire devient hyalin, jaune, réfrangible, tandis que le noyau s’atrophie progressivement. Ceci se voit très bien chez le chien, chez le kanguroo, chez le jeune poulet à la naissance, dont la moelle ne diffère pas sous ce rapport de celle des mammifères. « Cette évolution explique les divergences des auteurs selon qu'ils ont fixé le type de ces éléments à une période plus ou moins avancée de leur évolution. En tout cas, celle-ci s’accomplit sur place : l'élément parcourt toutes les mêmes phases que j’ai signalées dans l'évolution des hématies des ovipares : dispari- tion du noyau, dissolution du corps cellulaire, etc., sans tomber dans le tor- rent circulatoire. « Pour compléter le tableau des dégénérescences hémoglobiques, 1l faudrait signaler peut-être des cellules au tissu conjonctif de la moelle, qui ont été éga- lement décrites par les anatomistes comme renfermant des hématies. De mon côté, j'ai pu observer la moelle du tibia d’un leucocythémique encore fraiche, où j'ai trouvé en effet des amas de granulations hémoglobiques très Jaunes qu'on pouvait croire contenues dans des cellules conjonctives ayant perdu leur noyau. «Quoi qu'il en soit, la production des hématies chez l'adulte aux dépens des 314 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. globulins ne pouvant être révoquée en doute, même alors qu’on admettrait à celles-là des origines diverses, il reste à déterminer l’origine des globulins eux- mêmes, dont les caractères physico-chimiques, ainsi que je l'ai montré (2 mars 1878), se rapprochent absolument de ceux du corpsdes leucocytes. Or, dans l’état actuel de nos connaissances, deux hypothèses sur l’origine des globulins sem- blent s'imposer avec la force d’un dilemme : ou bien, comme je l'ai dit déjà, 1ls sont é&nts par les leucocytes dont le noyau entre en segnrentation dans le sang, à la manière des globules polaires; ou bien ils apparaissent directement dans le plasma, où on pourrait les considérer comme une sorte de concrétion spé- ciale du sang en mouvement, dans certaines circonstances. L'origine de ces corps serait comparable à celle des filaments de fibrine, dans d’autres circon- stances. « Sans perdre de vue l’extrême réserve que commandent également ces deux hypothèses, je dois dire que certains faits d'observation me portent aujour- d'hui à incliner vers la seconde, qui semble en tous cas, si elle est fondée, de- voir se prêter avec une facilité relative aux vérifications expérimentales. » R. BL. Société d'anthropologie de Paris. Séance du 20 mars 1879. ToprnarD, Les blonds de l'Asie. — Il y a évidemment un intérêt de premier ordre, pour la théorie de l’origine asiatique des populations aryennes, à s’as- surer de l’existence en nombre de blonds en Asie. Les yeux bleus sont la plus haute expression du type blond. Or, dans la région du Pamir, occupée par trois groupes de populations, les Mongols, les Tadjicks et les Galtchas, on constate chez les Mongols 2 et demipour 400 d’yeux bleus ; chez les Tadjicks, 9 pour 100 ; chez les Galtchas, 17 et demi pour 100. Macaulay, dans son voyage en Chine, a vu un certain nombre de blonds parmi les Mandchoux. Fraser mentionne des blonds parmi les soldats afghans. Les Ossètes du Caucase sont très blonds. D'un autre côté, le type brachycéphale est loin de dominer exclusivement dans l'Asie centrale. Les Kara-Kirghizes sont dolichocéphales ultras (69). Il y a des cas de dolichocéphalie chez les Mongols, et chez les Kalmoucks des cas de dolichocéphalie très accentuée. M. de Ujfalvy a mesuré sept Samoyèdes au musée de Saint-Pétersbourg. Ils étaient dolichocéphales. M. DunousseT n’a pas vu d’Afghans blonds. Quant aux Persans, ils se font teindre en noir dès le plus jeune âge. Aussi on ne voit en Perse que des indi- vidus absolument noirs ou rouges.-Le général Iwanoff a, en effet, affirmé à M. de Ujfalvy que, parmi tous les esclaves persans, il n’y avait pas un seul brun, pas même un châtain. M. ne Morricræer, Origine de l'agriculture et des animaux domestiques en Europe. — A l’époque paléolithique, la population européenne était pure- ment autochthone; mais à l'époque néolithique une industrie nouvelle s'inter- REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES, 349 posant instantanément avec la poterie, l’agriculture et six animaux domes- tiques, le culte des morts, les dolmens, etc., annonce la venue d’une population nouvelle. Le chien a pu précéder les autres animaux domestiques. En Amérique, des sauvages le possèdent, et c’est leur seul animal domestique. Mais 1l ne descend pas de notre loup, ni du chacal, car il ne s’accouple pas volontiers avec ces animaux ; et le nombre si grand de ses variétés actuelles implique une origine multiple. À l’époque quaternaire, il y avait un canidé plus voisin du chien que le chacal et le loup, mais il est très rare chez nous. En Asie, dans l'Inde, il y a deux canidés à l’état sauvage qui s’en rapprochent aussi davantage. En Abyssinie, il y en a un autre dont l’ère géographique s’étend jusqu’au centre de l’Afrique. Les chiens figurés dans les monuments de la troisième et de la quatrième dynastie sont des lévriers. Or, le caméru d’Abyssinie est voisin du lévrier. Les cinq autres animaux domestiques : le sus, le cheval, le bœuf, le mouton, la chèvre, existaient chez nous à l’état sauvage, mais ils nous apparaissent domestiqués tous ensemble. De plus, deux espèces de cochons existaient à l'époque de la pierre polie, et le cochon des tourbières, aux habitudes nocturnes, n’a pas d'ancêtre chez nous. Le cheval était devenu très rare avant la pierre polie. Le mouton descend du mouflon, la chèvre du bouquetin. Il n’y a qu'une seule région où tous ces ani- maux se trouvent dans tous leurs éléments : c’est l'Asie Mineure. Au sud du Caucase, il existe encore un cochon sauvage qui a les mêmes mœurs que celui des tourbières chez nous. Les céréales chez nous ne deviennent pas sauvages et disparaissent dès qu'on les laisse à elles-mêmes, tandis qu'en Arménie on les trouve en abondance dans des régions restées longtemps incultes. L’art a cessé tout à coup chez nous avec l’arrivée de la pierre polie; or, les Perses ne représentent pas la nature vivante et n'ont de goût que pour les orne- ments de lignes. On suit la traînée des dolmens depuis l’Asie Mineure et la Crimée. Les peuples de l'invasion néolithique, ne connaissant pas les métaux, ont dû quitter leur patrie originaire avant le rayonnement de la civilisation égyptienne, c’est-à-dire de quatre mille à cinq mille ans avant notre ère. M. Henri MarriN dit qu'en effet, d’après les traditions irlandaises, le chien seul était connu avant la venue des Némèdes, et que ceux-ci venaient du Pont- Euxin et de la mer Egée, mais seulement deux mille ans avant notre ère. Me Clémence Royer est heureuse de constater que tout le monde se range à son avis. L'Asie centrale, le plateau du Pamir, comme berceau des races aryennes, est abandonné, et c’est autour du Bosphore que l'on fait rayonner Îles populations de ces races. La question restera irrésolue tant que l’on ne con- naîtra pas exactement larchéologie du bassin du Danube et des Balkans. M. de Mortillet en viendra peut-être à étendre la patrie des Aryens jusqu’au Danube. 316 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. L'époque néolithique remonte au-delà de cinq mille ans avant notre ère. D'ailleurs, la civilisation égyptienne, si elle à une existence de six mille ans, prend son point de départ à une époque plus ancienne et peut fort bien être venue de l'Ouest. Séance du 3 avril 1879. BrocA, Demi-microcéphalie par oblitération des sutures du crâne. — La mi- crocéphalie se produit par l'arrêt de développement du cerveau. M. Broca pré- sente une petite fille de huit ans et demi, qui n’est pas naine, qui a le trou auditif fermé extérieurement, mais entend lorsqu'on lui parle fort et fait des réponses. Ce n’est pas une microcéphale vraie. Mais son front, très étroit, a fui en arrière pendant que le bas de la face se projetait en avant. Cette dégra- dation s’aggravera avec l’âge et la tête restera petite. Mais cela ne résulte pas, contrairement à la règle, d’un arrêt spontané du développement du cerveau. Les causes que M. Virchow voulait à tort assigner à la généralité des cas de microcéphalie ont dû agir 1e1. | Le développement du cerveau a été entravé extérieurement. Et cette entrave a agi sur sa partie antérieure ; car le derrière de la tête, par rapport au devant, a acquis un surcroît de développement. M. eg Morrizer, Origine des animaux domestiques. — Répondant aux ob- jections qui lui ont été faites dans la dernière séance, il dit que, sur le Danube, en Hongrie, toutes les haches polies sont en roches du pays, et, loin d’avoir rayonné de ce point de départ, elles ne sont pas sorties du pays. Il s’y trouve un gisement d’obsidienne qui à été utilisé. Eh bien! les objets en obsidienne n’ont pas remonté le Danube, même jusqu’en Autriche. M. Piérrement est surpris de voir M. de Mortillet soutenir la théorie, très orthodoxe, mais très insuffisante, de l’origine asiatique de toutes choses. Le mouflon, le bouquetin, le mouton et la chèvre sont des espèces absolument distinctes, dont on a même fait des genres différents. Et il est impossible de soutenir que les deux dernières descendent des deux premières. Il n'existe en réalité aujourd'hui, à l’état sauvage, aucune espèce dont on puisse faire des- cendre nos animaux domestiques. Et, d'autre part, les espèces domestiques de l'Orient ont si peu rayonné, qu'elles sont encore cantonnées dans des ères géo- graphiques très restreintes. Dans le quaternaire d'Europe on a, en outre, trouvé un crâne de cheval percheron. La conclusion de la note de M. Piétrement, qui est elle-même un extrait d’un travail étendu qui va prochainement paraitre, est qu'aucun document paléonto- logique, zoologique et archéologique n'indique, comme patrie des animaux do- mestiques qui ne sont pas tous originaires du même point, la région spécifiée par M. de Mortillet. Z. REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANIES. a Académie des sciences de Vienne. Séance du 6 février 1879. Adolphe Sroœur, Sur la présence de la chlorophylle dans l’épiderme des feuilles des Phanérogames. — D'après l'opinion dominante, la chlorophylle ne se trouve que par exception dans l’épiderme des feuilles des Phanérogames. Cependant les observations de l'auteur ont prouvé que les cellules épider- miques de ces organes contiennent, au contraire, souvent de la chlorophylle. Voici quelques résultats généraux obtenus : 4° L’épiderme des organes verts des Gymnospermes à larges feuilles et de la grande majorité des Dicotylédones terrestres contient de la chlorophylle ; 2° La chlorophylle parait manquer régulièrement dans les organes verts des Gymnospermes à aiguilles et des Monocotylédones terrestres ; 3° La chlorophylle ne se trouve le plus souvent qu'à la face inférieure des feuilles sur le pétiole ou la tige ; elle persiste en ces endroits pendant toute la durée de la vie de l’organe ; 4° IT est rare que la chlorophylle se trouve simultanément à la face supé- rieure et à la face inférieure des feuilles. L'expérience montre que l’action d'une lumière trop forte détruit presque toujours la chlorophylle, dès qu’elle se forme dans les cellules épidermiques de la face supérieure des feuilles. 5° Autant qu'il a pu étudier le développement des grains de chlorophylle qui se trouvent dans les cellules épidermiques, ces grains sont des grains d'amidon-chlorophylle (Stærkechlorophyllkærner). C. Torpr, Transformation de la structure des mésenteres du canal intes- ténal de l’homme. — Se basant sur de nombreuses études faites sur des em- bryons humains, ainsi que sur des cadavres d’enfants et d'adultes, l’auteur dé- crit les conditions anatomiques des mésentères de l'intestin dans les différents stades de la croissance embryonnaire et postembryonnaire. Il démontre que dans l'embryon humain, âgé de six semaines, il existe déjà trois sections bien caractérisées du mésentère primitif, correspondant aux troncs des trois grandes artères de l'estomac et de l'intestin et produisant en- suite les mésentères définitifs. Il démontre surtout que le mésogastrium, découvert par 3. Mülier, n'appar- tient pas, comme on l’avait cru jusqu'à présent, exclusivement à l'estomac, mais qu'il s'étend sans interruption sur tout le duodénum ; qu'il y forme un véri- table mésentère et qu'il offre de l’espace au pancréas pour se développer. Il décrit ensuite ce qui advient des trois sections du mésentère primitif, pen- dant qu'elles s’accroissent par suite des changements de position embryonnaires de l'intestin. L’anse du gros intestin, se produisant au commencement du quatrième mois de la vie embryonnaire, est le résultat de la croissance de tout l'intestin. En même temps que cette anse, il se produit des changements bien déterminés dans l’arrangement de la section moyenne et inférieure du mésen- tère. Les phénomènes les plus importants de la croissance dans la région du mésogastrium sont qu'une partie de celui-ci et aussi une partie du mésen- 318 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, tère duodénal se fixent à la paroi postérieure du tronc, et que l'autre partie forme le grand épiploon. Le premier fait résulte de l’agglutination du méso- gastrium avec le péritoine pariétal et détermine la position typique ultérieure et la fixation du duodénum et du pancréas. Les études relatives à la croissance du grand épiploon contribuent à expliquer l'anatomie du grand épiploon et démontrent par des principes génétiques qu'il existe une signification mor- phologique fondamentalement différente entre ce qu’on appelle le grand et le petit épiploon. Parmi les autres phénomènes qui se produisent pendant la croissance il faut encore remarquer : la fixation du mésocôlon descendant, primitivement libre, à la paroi postérieure du tronc et du mésocôlon ascendant à la face antérieure du duodénum et de son mésentère et en partie à la paroi postérieure du tronc. L'auteur explique en détail que ces faits doivent aussi être attribués à une conglutination du mésentère avec le péritoine pariétal et avec le duodénuin. La naissance et la signification morphologique du ligamentum pleuro- colicum et du lgamentum hepato-colicum sont expliquées d'une manière analogue. L'auteur décrit ensuite la naissance des r'ecessus peritonet, pour autant qu'ils sont en cohésion avec le mésentère intestinal, et il donne surtout une nouvelle explication de la formation du recessus intersigmoideus, basée sur la marche particubhère de la soudure du mésocôlon descendant. Il donne aussi des aperçus nouveaux et intéressants sur la formation du recessus duodeno-jejunalis. Une partie de l’article est consacrée à l'omentum minus. L'auteur en décrit d'abord minutieusement les conditions anatomiques chez des enfants et chez des adultes, et insiste particulièrement sur la circonstance qu'on n'avait pas observée jusqu’à présent, qu'auprès du sillon gauche postérieur du foie sa ligne de soudure se trouve surtout au ligamentum venosum. Ce fait et l'inspection minutieuse du petit épiploon d'un embryon âgé de six semaine amènent l’auteur à croire que la première, indication du petit épiploon doit être attribuée à une connexion membraneuse primitive de la veine om- phalo-mésentrique avec le tube digestif. L’inspection d'une phase antérieure de développement indique suffisamment que cette liaison doit être interprétée comme la continuation du mesocardium posticum. Dans la dernière partie de l’article, l’auteur décrit la structure microsco- pique des mésentères intestinaux et leurs transformations progressives depuis la quatrième semaine de la vie embryonnaire. [démontre que le mésentère intes- tinal ne doit pas être considéré, ainsi que cela arrive ordinairement, comme une simple duplicature du péritoine, mais que sa véritable origine est une mem- brane propre particulière qui soutient les vaisseaux, les nerfs, les ganglions lymphatiques, et qui est revêtue des deux côtés par le péritoine. Il donne des preuves tirées de l’histoire du développement, de la structure définitive et des conditions anatomiques des mésentères pendant la croissance. De même, 1l dé- montre que les feuillets du grand épiplon ne consistent, à aucun moment du développement embryonnaire, en deux lamelles, et que son origine ligamen- teuse concorde avec la membrane propre des mésentères. La structure réticu- VARIÉTÉS SCIENTIFIQUES. 319 laire définitive des feuillets du grand épiploon est poursuivie dans son déve- loppement et indiquée comme le résultat d'une raréfaction du tissu des feuillets parallèle à l’extension de leur surface. Comme appendice, l'auteur décrit la configuration du mésentère intestinal du Chien, et en fait remarquér la complète analogie avec les conditions anato- miques du mésentère humain au commencement du développement. VARIÉTÉS SCIENTIFIQUES : Sur l'inversion de l'instinct sexuel. A propos d’un cas intéressant d'inversion de l'instinct sexuel, nom que le professeur Westphall donne au penchant sexuel pathologique d’un individu pour ceux de son sexe, M. Arrigo Tamassia a résumé, dans un article fort intéres- sant, les cas de ce genre connus — douze en dehors des deux mentionnés par Westphall — et il cite le cas suivant observé par lui-même et qui ne manque pas d'intérêt. P.-C. Bauernsohn est le fils de parents qui ne sont pas absolument malades d'esprit, mais qui pourtant, d’après l’auteur, ne peuvent pas être considérés comme parfaitement sains, le père étant d’une irritabilité nerveuse excessive, enclin à l’emportement excentrique, etc. ; la mère, hystérique, tantôt extraor- dinairement bavarde, tantôt d’un mutisme obstiné; de ses frères, l’un est presque idiot et l’autre d’un caractère excentrique. Lui-même fréquenta l’école dans son enfance sans beaucoup de profit, et observa alors déjà et plus tard presque automatiquement, mais avec une prédilection très marquée, toutes les pratiques religieuses, même les plus absurdes. Depuis l’âge de quinze ans jus- qu'à dix-sept ans, lorsqu'il était déjà domestique, il recherchait de préférence la société des jeunes filles ; taciturne et morne parmi les hommes, il se trou- vait à son aise avec les filles ; il prenait part à toutes leurs occupations, il leur ‘racontait souvent des histoires miraculeuses, incroyables, et affectait autant de réserve qu'une jeune fille si quelqu'un disait un mot à double entente. Il por- tait ses cheveux très longs ; 1l tâchait de se donner une tournure féminine par son habillement, et se fit passer enfin auprès de tout le monde pour une femme; adoptant les habits de femme, sans se laisser déconcerter par les raille- ries, se conduisant absolument comme une femme, il finit par prétendre qu'il avait eu des rapports sexuels avec des hommes et qu'il était accouché d’un fils. Il sut enfin s’entourer d’un mystère tel qu'on l’appelait, moitié en plai- santant, moitié par superstition, «l’homme-femme». Il serait trop long de raconter toutes les aventures par lesquelles passa notre individu. Il fut enfin obligé de reprendre des vêtements d'homme, ne trouvant pas d'ouvrage autre- ment; mais à la maison, et dans les circonstances qui lui paraissaient s’y prêter, il reprenait le costume féminin, et il en garda toujours un parmi ses hardes. Il passa ainsi d’un village à un autre, ne séjournant jamais longtemps au même endroit, et s’adonnant de préférence aux travaux féminins. Une inves- 380 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. tigation sur l’état de sa santé mena à ia découverte d’un petit larcin, dont il ne s'était manifestement rendu coupable que par vanité et par goût pour la parure féminine. Tout en niant résolument d'avoir commis le vol, il portait ostensi- blement au doigt une bague dérobée, de peu de valeur ; il fut condamné, mais par égard pour son état intellectuel on ne lui appliqua qu'une peine légère. Pendant l'instruction, il fut soumis à un examen minutieux de médecine légale. Cet examen ne donna pas de résultat positif. Il avait alors trente-trois ans. Il a des formes plus arrondies que les hommes en général; ses hanches sont plus larges; il est peu velu sur le corps, porte ses cheveux longs, divisés au milieu comme. les femmes, et frisés en partie; quoique le visage soit soi- gneusement rasé, on voit distinctement qu'il pourrait avoir une barbe bien fournie. De grosses lèvres, sur lesquelles erre toujours un faible sourire; la face, petite et avec une expression féminine, le fait paraître plus jeune qu'il n'est; aucune difformité aux oreilles ; proéminence normale masculine du larynx. Les poils sont fournis sur la région sexuelle, et s'étendent en pointe étroite sur l'abdomen, qui est peu velu. Il n’y à rien d’anormal aux parties sexuelles, ni à l’anus, où il n’y a même aucun signe de pédérastie passive. La voix est faible et en fausset, mais cependant sonore; il parle presque en chan- tant et d’une manière cadencée. Il ne donne que peu d'indications sur les fonctions de ses organes sexuels; l’auteur croit qu'il a eu jadis des rapports avec des femmes ou bien qu'il a pratiqué l’onanisme, Dans les dernières années il est certain qu'il n’a pas eu de commerce avec des femmes ; aussi, ses organes de génération se trouvent dans un état de torpeur. S'il cherchait les personnes de l’autre sexe, ce n'était que pour vivre avec elles et comme elles, et pour leur raconter les histoires de son commerce avec des hommes et de son pré- tendu accouchement d’un fils. Parmi ses hardes, on trouva nombre de coussi- nets, etc., qui lui servaient à se donner, mème dans ses vêtements masculins, l'air d’avoir des seins, des hanches, etc., à formes arrondies. CHRONIQUE COURS PUBLICS D'ANTHROPOLOGIE À L'ÉCOLE PRATIQUE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE. GÉOGRAPHIE MÉDICALE. M. le docteur Bordier, secrétaire de la Société d'anthropologie, a commencé ce cours le mercredi 26 mars, à trois heures, dans le local de la Société d’an- thropologie, et le continuera tous les mercredis à la même heure, Programme : Géographie médicale et pathologie comparée des races humaines; aptitudes et immunités pathologiques ; influence de la race et du milieu sur la production, la marche et la répartition des maladies. Le gérant, O. Doux. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 381 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. Physique et Ghimie biologiques. J. Bœnam, Ernahrungsprocesse der Pflanze (Phénomènes de nutrition des plantes); Wien, 1878; in-80. CG. Er, Ueber das malabarische Kino Gummi und eine daraus zu erhaltende neue Substanz das Kinoin (Sur la gomme Kino du Malabar et sur une nouvelle substance, la Kinoïe, extraite de cette gomme),in Ber. d. deulsch. chem. Gesellsch , elft. Jahrg., n° 14- 17, p. 1879. Alb. 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Chem., III, Heft, I, [l, pp. 112-134: L. BrieGer, Ueber die aromatischen Pro dulte der Faulniss aus Eiweiss (Sur les pro- duits aromatiques de la décomposition de l’albumine), in Zeitschr. für Physiol. Chem., (TI, Heft, IL, IT, pp. 134-149. E. Baumaxw et L. BRieGer, Ueber die Entstehung von Kresolen bei der Faulniss (Sur la formation du crésol dans la putré- faction), in Zeitschr. für Physiol. Chem., III, Heft, I, Il, p. 149-156. E. Baumanx et C. PrrusSsSE, Zur Kenn- niss der Oxydationen und Synthesen im Thierkorper (Contribution à la connaissance des oxydations et des synthèses dans le corps des animaux), in Zeitschr. für Physiol. Chem., ll; Heft, TL, DL, p. 156: G. Fiurner, Ueber die Bestimmung des Hæmoglobin und Sauerstoffgehalles im Blute (Sur la détermiualion de la quantité d’hé- moglobine d'oxygène contenus dans le sang), in Zeëilschr. für Physiol. Chem., III, Heit 4 T1 p19;59" P. Gracosa, Ueber die Gahrung der Oxy- baldriansaure, in Zeitschr. für Physiol. Chem., III, Heft, I, IL, p. 52-54: Anthropologie, Ethnologie, Linguistique. H. Wanker,, Prähistorische Eisenschmelz- und Schmiedestætten in Mahren, in Mitthei- lung. der Anthrop. Geselisch., Wien, VIII, n°s 10-12, p. 289-324 ; 1 pl. M. Mucu, Ueber die Kosmogenie und An- thropogenie des germanischen Mythus (Sur la cosmogénie et l’anthropogénie du mythe germanique), in Mittheilung. der Anthropol. Geselisch., Wien, VIII, n° 10-19, p. 324- 352. H. WanKkeL, Ueber die aneblich trepanirten Cranien des Reinhauses zu Sedlec in Bühmen (Sur les prétendus crànes trépanés des os- suaires de Sedlec, en Bohème), in Mittheiï- lung. der Anthropol. Gesellsch., Wien, VIIT, no 10-12, p. 352-360. A.-F. TEPLOUcHOrF, 4rchæologische Bei- trœæge aus dem Osten Europas|Contributions archéologiques relativement à l’Europe occi- dentale), in Mittheilung. der Anthropol. Ge- sellsch., Wien, VIII, n° 10-12, p. 360-364. HocasTErTER, Goldringgeld (Bracelets en or, in Mittheilung. der Anthropol. 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MARTINS, MASSON, SranisLas MEUNIER, MOITESSIER, MOQUIN-TANDON, Er.MORREN, De MORTILLET, NYLANDER, ONIMUS, E. PERRET, RANVIER, REGNARD, CH. ROBIN, ROUGET, SABATIER, SCHNEIDER, SCHUTZENBERGER, DE SINET Y, STRASBURGER, SCHWENDENER, A. TALAN: DIER, TERRIER, TOPINARD, TREUB, Carz VOGT, WEBER, F. WURTZ. PARIS OCTAVE DOIN, ÉDITEUR 8, PLACE DE L'ODÉON, 8 M i L A D | E S D E P 0 | T R Ï N E BARBERON & Gie, Montargis (Loiret). Traitement spécifique par Les æ SIROPS du D' CHURCHILL FLIKIR BARBERON à l'HYPOPHOSPHITE de SOUDE ou de CHAUX au Chlorhydro-Phosphate de F ns Les médecins et les malades le préfèrent À à tous les ferrugineux. Il remplace les li- queurs de table les plus recherchées. 20 grammes contiennent 10 centigr. de à Sous l'influence des hypophosphites, la toux di- minue, l'appétit augmente, les forces reviennent, || les sueurs nocturnes cessent, et le malade jouit d’un bien-être inaccoutumé. 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Il Au commencement de ce siècle, Playfair (1) exposa, à Édimbourg, l'idée que les grands blocs de roches qui se trouvent dans beaucoup de pays, aussi bien sur des montagnes que dans des plaines, et qui sont certainement étrangers à ces localités, ont été transportés par la glace. Comme ils ne sont pas de la même espèce que les roches des régions dans lesquelles on les trouve, et comme, dans beaucoup d’endroits, il existe de hautes montagnes ayant la même constitution que ces frag- ments, on leur a donné le nom de blocs erratiques. On avait essayé d'ex- pliquer leur présence en supposant de grands torrents qui se seraient précipités de terrains plus élevés. Les théories relatives à ces torrents étaient présentées avec beaucoup de fantaisie, d’une manière saisis- sante et accompagnées de belles démonstrations. Ainsi, les blocs de granit des Alpes, qui sont éparpillés sur les roches calcaires de la chaîne du Jura, auraient été apportés là par des torrents. Mais Playfair fit observer (en 1802) que souvent des faits semblables se produisent dans des sites montagneux, et qu'on pouvait partir de là pour arriver à des explications pratiques. Ce sont les glaciers, dit-il, que la nature emploie comme ses plus puissants agents pour transporter de grandes masses de rochers ; les glaciers, ces mers et ces rivières de glace, qui, toujours en mouvement, minés en dessous par la chaleur de la terre, sont entraînés sur les versants par leur propre poids, aussi bien que par celui des innombrables fragments dont ils sont chargés. Ils trans- portent ces fragments, continue Playfair, pour en faire un rempart à leur limite extrême, et ceci nous explique comment des rochers ont pu être apportés, même en des endroits où la déclivité du sol est insi- enifiante. Quelques années plus tard (1846), Playfair alla lui-même en Suisse, et déclara que les blocs de granit qui se trouvent sur les hauteurs du Jura, sur les versants du côté des Alpes, proviennent de glaciers des- cendant des Alpes et ayant passé par-dessus le lac de Genève et les plaines de la Suisse. Il est intéressant de lire ces affirmations, dont on reconnaît la justesse et l’ingéniosité sous bien des rapports, aujourd’hui que les explora- tions de plus d’un demi-siècle ont répandu la lumière sur toutes les . (1) Pravrai, {iustrations of the Huttonian Theory, S 341-367 ; PLayrair, Works, [, 29. T. IL. — N°05, 1879, 95 386 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES faces de la question. Au moment où ces idées furent émises, elles n'avaient pas encore de base suffisante : on ne connaissait pas bien toutes les conditions physiques des glaciers; on n'avait pas réuni toutes les preuves de l'existence d’une époque glaciaire en Suisse, et même on n’était pas d'accord sur l’explication des indices qu’on reconnaît main- tenant comme les plus certains. Quarante années se passèrent éncore avant que la théorie rélative à l’époque glaciaire fût exposée dans tout son développement par lé na- de la façon suivante : Les Iles-Britanniques, la Norwège et la Suède, la Russié, l’Alle- magne, la France, les montagnes de la Suissé et du Tyrol jusqu'aux plaines fortunées de l'Italie ont constitué indubitablement un seul champ de glace. De mème que sur l'hémisphère oriental, uné couche de glace, dont la limite sud n'est pas certaine, s’étendait sur l'hémisphère oc- cidental, sur le grand continent de l'Amérique du Nord. Il y eut done une période pendant laquellé une grande partie de la terre était cou- verte d’une masse d’eau solidifiée; période dans laquélle toute vie s'éteignit: c'est l’époque glaciaire. Celle-ci forme, pour ainsi dire, uñé séparation, un terme moyen entre l’époque que les géologues appéllent l'époque diluviale et l'époque actuelle. Semblable à une arme trañ- chante, elle a séparé le monde vivant actuel des mondes antérieurs, qui sont ensevelis dans les sables de nos plaines ou sous la glace de nos contrées polaires. Les recherches de Charpentier (2) précédèrent en partie, avec celles de plusieurs autres, la théorie d’Agassiz. Charpentier, contemporain d'Agassiz, n’alla d’abord pas aussi loin que lui. Il avait démontré, par différents indices palpables, que la Suisse avait été remplie jadis de glaciers énormes, qui étaient descendus des Alpes, plus hautes alors, d’après son opinion. Beaucoup de personnes croient que nous nous rapprochons aujotr- d'hui plus de Charpentier que d’Agassiz, quoique la théorie de celui-ci, qui s'étend jusqu'aux pays du Nord, soit, sous bien des rapports, plus complète. L'époque glaciaire, én effet, n’éteignit pas, commé Agassiz le dit, toute vie; on ne peut pas montrer de traces d’une couche de glace qui aurait couvert l’Europe depuis le nord jusqu’en Italie; fl y avait une région intermédiaire que la glace n'atteignit pas. , Charpentier connaissait depuis plusieurs années les idées de ses pré- (1) AGassiz, Untersuchungen üb. d. Gletscher, 1841: A period in the history of our planet. (2) CHarpentier, Annales des Mines, VIII. L'ÉPOQUE GLACIAIRE, 387 décesseurs, relativement à une extension plus grande des glaciers, lors- qu’en 1834, s'appuyant sur une longue série d'observations personnelles, il exposa, pour la première fois, dans une réunion de naturalistes, à Lucerne, ses opinions primitivement plus simples. Déjà, en 1829, l’in- génieur Venetz (1), après avoir observé, pendant plusieurs années, les glaciers, avait en vain développé, devant Charpentier, ses opinions sur leur extension originairement plus grande; même en 1815, il avait déjà entendu exposer, plus près des lieux, le véritable état des choses. Il raconte lui-même qu'il passa une nuit (au mois d'août de cette année) chez le chasseur de chamoïs Perraudin, qui devait être son guide sur les glaciers, et que la conversation tomba naturellement sur les blocs venus de loin qui se trouvent épars en Suisse. D'après les vues géologiques reçues alors comme fondées, il exposa devant le chasseur que ces blocs avaient été apportés par de grands torrents. Perraudin l’écouta jusqu’à la fin et donna ensuite son opinion : « Toute cette vallée, dit-il, a été remplie jadis par un glacier, qui s’étendait en haut au-dessus de la Dranse, et en bas jusqu'à Martigny. Ceci est prouvé par les blocs qu’on trouve dans les environs et qui sont trop grands pour que l’eau puisse les entraîner. » C’est, sans aucun doute, exclusivement parce qu'il ne voyait pas en- core d'indication qui lui parût suffisammentirréfutable, que Charpentier refusa si longtemps de se rendre. Il avait vu sur les rochers le poli que les glaciers produisent, mais qui n'indique pas une direction déter- minée. Il ne connaissait pas, avant qu'Agassiz les eût observés, entre 1835 et 1841, les fins sillons rectilignes, ou les groupes de stries facile- ment reconnaissables, que la glace, aidée par la pierre pulvérisée, laisse derrière elle. Lorsque l’attention s'arrêta sur ces surfaces striées des rochers, on vit clairement qu'on devait s’en tenir à l'hypothèse du trans- port par la glace. Un des premiers adhérents à cette explication, le na- turaliste suisse Desor (2), dit avec raison : « La plus forte preuve à l'appui de la théorie glaciaire est et sera toujours la roche striée.» Et, en 1845, l'explorateur de glaciers James Forbes (3) trouve très curieux que cette action si distincte et si naturelle des glaciers ait pu si long- temps échapper à l'observation, et, une fois reconnue, être l’objet de si nombreuses discussions. On sait donc aujourd'hui que, dans beaucoup de pays, la surface des rochers est non seulement polie en certains endroits par le frottement, (1) Venerz, Denkschriften der allgem. Schweiserisch Gesellsch., 1833. (2) Desor, Bull. de la Soc. géol., VIII, 1850. (3) Forges, Travels in (he Alps, 1845. 388 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. mais qu'on y voit aussi des stries et des sillons ayant des directions dé- terminées; on sait encore que les glaciers en mouvement produisent les deux espèces d'indices. Et enfin il est reconnu que ces mêmes gla- ciers ne transportent pas seulement de véritables murailles de pierres et de gravier, les moraines — auxquelles on donne des noms différents d'après leur situation — mais encore d'énormes débris de rochers, qui se sont détachés et qui sont tombés sur la glace. On peut donc aujour- d'hui admettre avec certitude que ces murailles sont de vieilles mo- raines transportées loin du domaine actuel de la glace, et que certains blocs sont des débris de rochers arrivés avec les glaciers à leur station actuelle. Tout cela s’enchaîne maintenant si naturellement, que nous avons presque de la peine à nous figurer que celui qui vit un des faits ne vit pas aussitôt tous les autres. Et pourtant c'est ce qui arriva. Les naturalistes ne remarquèrent que peu à peu les indices les plus sûrs. Ainsi, ce fut de Saussure (1) qui, le premier (en 1803), déclara que la position des moraines était un signe certain du mouvement des gla- ciers, après que Scheuchzer (2) eut déjà prouvé qu'ils avancent. Playfair dit (en 1802) que le glacier porte des blocs sur son dos et les dépose çà et là. Venetz vit (en 1821) des surfaces de rochers polies par les gla- ciers ; mais Charpentier appela (en 1835) l'attention sur ce fait comme sur un signe irrécusable de l'existence antérieure de glaciers à ces en- droits. Enfin Agassiz fit remarquer (vers 1840) que le mouvement des glaciers produit aussi des stries sur les roches, tandis qu'on connais- sait déjà dans le Nord des milliers de blocs venus de loin, et qu'on avait constaté des stries rectilignes gravées dans la surface des rochers, sans que cela fit penser à des glaciers. Alexandre Brongniart (3) avait cepen- dant déjà dit, en 1828, que les sillons des rochers indiquent le chemin suivi par les blocs apportés de loin, comme les traces laissées par les roues d’une voiture. Le Suédois Sefstræm avait développé, en 1836, une théorie complète au sujet des directions des stries observées sur les montagnes scandinaves. Faut-il croire pour cela que ces stries, si remarquables dans la Suisse, se cachèrent Jusque dans l’année 1840, pour apparaître tout à coup aux yeux d'Agassiz et de presque tout le monde? Non! On les avait vues ac- cidentellement depuis longtemps. Agassiz lui-même affirme que les nombreuses observations que de Saussure a réunies concernant les glaciers, forment encore la base de notre connaissance des glaciers. (1) De Saussure, Voyages dans les Alpes, 1803, (2) Scneucuzer, ler Alpinum. (3) A. BRoNGNIART, Annales des se. naturelles, XIV, 1898. L'ÉPOQUE GLACIAIRE, 389 De Saussure avait aussi vu les stries ; mais il les considérait comme ap- partenant à une certaine manière de cristallisation, comme ces fines rayures qui ne manquent presque jamais sur les cristaux de roche. Ge minéral, très répandu, que connaissent même les personnes qui ne sont pas minéralogistes, se présente en prismes hexagonaux pyramidés, et l'on voit des stries fines, horizontales, sur les facettes latérales et Jamais sur celles du sommet. De Saussure donna done une interprétation erronée des stries. De même, il avait observé que certains rochers sont nivelés d’une manière particulière, avec de petites aspérités primi- tives, arrondies. [l leur donna même le nom de roches moutonnées, parce que cette configuration de la surface, vue de loin, rappelle un troupeau de moutons serrés les uns contre les autres, ou bien, dit de Saussure, ces perruques bien frisées qu'on nommait moutonnées, par la même raison. Le nom de roches moutonnées est resté aux surfaces munies de protubérances arrondies par l’action de la glace, sans que celui qui introduisit ce nom connût la relation du phénomène avec les glaciers. Bientôt après on découvrit en faveur de la théorie des glaciers, un autre indice qui se présente sur une grande échelle : le limon que les ruis- seaux des glaciers entraînent et qu’ils ne laissent tomber sur le sol que lorsque l’eau courante se ralentit et vient au repos. Collomb (1) montra, en 4849, la présence de cette vase dans les cours d’eau sortant des an- ciens glaciers des Vosges. Cette vase, connue maintenant sous les noms de Læss jaune de la vallée du Rhin, où bien de Læss et Lehm de la vallée de l'Inn, etc., etc., fut apportée dans les plaines pendant la période des glaciers. « Ces trois choses, dit Collomb, font partie du travail des gla- ciers ; ils égalisent, polissent et strient les rochers; ils portent sur leur dos une quantité de fragments qu'ils déposent plus tard en forme de moraines ou de blocs épars, et le produit de l'usure, le produit de la force qui fait la polissure aussi bien que les stries, est une vase fine qui est emportée par des ruisseaux et des rigoles. Ce limon appartient au glacier et est déposé au loin, tandis qu'en mème temps le glacier s’use et transporte ailleurs des matériaux. » Ce jugement est excessivement important; car, dans les grands vallons, tout autour du vieux monde de glaciers des Pyrénées et des Alpes, ce limon se présente sous l'aspect d'une argile marneuse ou sablonneuse (Læss et Lehm) dans de nombreux couloirs. On trouve aussi, sur les bords des rivières ou dans les plaines, des restes d'anciens animaux ou végélaux, par exemple des coquilles bien conservées de (1) Cozcome, Bull. de la Soc. géol., VII (1849), VIII (1851). 390 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. mollusques d’eau douce, ou des débris de plantes, jusqu’à de petites mousses. Ces restes indiquent les conditions elimatériques de l’époque pendant laquelle ces formes organiques ont vécu; et cette époque est l’âge des glaciers. De tous les indices, aujourd'hui si universellement connus, celui des « moraines de fond » paraît avoir été compris le dernier par les explora- teurs des glaciers. Un des premiers parmi ceux qui découvrirent les traces des glaciers, aussi bien dans le Nord que dans le Midi, Charles Mar- tins (1) décrit ainsi ces moraines : « Les fragments de rochers, les pierrailles qui-tombent sur la glace n'y restent pas rassemblés et im- mobiles; une partie parvient entre le glacier et les parois du rocher, une autre partie tombe dans les crevasses béantes ; celle-ci arrive à la longue au fond et y forme des moraines. Pressés entre la glace en mouvement et les durs rochers qui l’enserrent, les matériaux détachés sont soumis à une action mécanique, qui se révèle par des pierres striées et, finalement, par du sable fin et dur, lequel, aidé par l’eau, polit la surface du rocher. » La configuration des moraines de fond, décrite probablement pour la première fois, en 1858, par H. Hogard (2), fournit un nouvel indice important, puisqu'on peut distinguer leurs pierres striées des galets . ordinaires des torrents et des grèves. Les premières sont rayées, les derniers ont des formes arrondies, bien connues, en même temps qu'une surface terne; le nom de yüerres roulées leur convient, tandis qu’on pourrait appeler les autres prerres frottées. Il Tandis que l'opinion relative à l'extension de la glace sur la terre s’affer- missait peu à peu par une série de plus en plus complète de preuves certaines, une autre interprétation, la théorie du flottage par les glaçons de la mer, se développa simultanément. Le général von Helmersen rappelle que Karl-Fr. Wrede pour expliquer la présence, dans lAlle- magne du Nord, des blocs étrangers au sol, avait déjà admis qu'ils étaient venus par mer, transportés par des montagnes flottantes de glace. Des géologues de renom se rallièrent à cette théorie, tels que l'Ecossais James Hall (1813) et l'Italien Venturi. Ce dernier appliqua mème cette interprétation au mouvement progressif des blocs en Suisse (1817). Peter Dobson (3) expliqua (1826), dans l'Amérique du Nord, le charriage des blocs par le moyen de la glace polaire et des monta- ) Cu. Marins, Bulletin, etc., IV (1847). (1 (2) H. Hocanp, Recherches sur les glaciers, 1858. (3) P. Dogson, Americ. Journal, 1826. L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 391 gnes flottantes de glace. Cependant ce ne fut qu'en 1845 que le célèbre eéologue Charles Lyell (1) transforma cette opinion en théorie. C’est de Lyell que nous est venue la dénomination de drift, par laquelle on désigna tous les transports qu'on attribuait à des montagnes flottantes de glace. Pour tous les pays septentrionaux, cette opinion parut pré- dominer, tandis que, par son application aux blocs de la Suisse, transportés du mont Blanc vers le Jura, elle enraya le développement de la théorie exposée plus haut. Les glaciers terrestres ne sont pas les seuls agents qui transportent des rochers et des pierrailles. Ils peuvent aussi être transportées par des montagnes de glace poussées par les courants de la mer ou par le vent. Eugène Robert, qui prit part, en 1835, avec Charles Martins, à l’ex- pédition française dans la mer Glaciale, vit, près du Spitzherg, dans le Bell-Sund, des montagnes flottantes de glace tellement couvertes de terre, que du vaisseau on les prit, dans le premier moment, pour des bancs de terre. Les expéditions envoyées à la recherche de Franklin ont fourni un autre exemple très frappant: « Le vaisseau Resolute, envoyé pour chercher John Franklin, dut être abandonné au milieu de la glace, dans le détroit de Barrow, au mois de mai 1854. Lorsque le baleinier George-Henry le retrouva, en septembre 1855, il avait flotté avec la glace, à une distance de 1 850 kilomètres, environ 250 lieues géographiques. Le géologue Robert Brown, accompagnant les marins qui allaient re- cueillir de l’eau dans les creux des montagnes de glace, vit aussi, dans le Groënland, des fragments de rochers (les matériaux des moraines), tellement enfoncés dans les cavités, que du vaisseau on ne pouvait les apercevoir. Et, en 1867, Brown vit, à l'entrée du Weigat, une montagne de glace chargée de blocs de la grandeur d’une maison. D’autres observations analogues étant connues depuis longtemps, il est naturel que l'opinion se soit déclarée en faveur de la théorie de Lyell au sujet des montagnes flottantes de glace. On admit que la mer, tantôt plus haute, tantôt plus basse, avait couvert tout le Septentrion, et que des montagnes de glace avaient non seulement transporté des blocs au loin, mais que dans les Heux au-dessus desquels elles passaient en frot- tant le sol rocheux, elles avaient laissé derrière elles les stries et les sillons qui sont si reconnaissables dans le Nord. L’attention se tourna aussi vers le charriage hivernal de la glace du Fjord. Un fait recueilli dans l’île de Hochland, située dans le golfe de Finlande, à mi-chemin entre Helsingfors et Pétersbourg, nous fournit (1) Cu. Lvezz, Philosoph. Magaz., XNI, 1845. 392 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. un exemple de ce que cette glace peut faire. Dans l'hiver de 1838, la glace transporta dans cetteîle un bloc de granit de Finlande, qui mesu- rait 14 pieds sur 7 pieds. L'hiver avait été très rigoureux, et les habitants de l’île ne furent pas étonnés de l’arrivée de ce bloc dans la baie déserte où ils le trouvèrent, mais seulement de sa grandeur extraordinaire: souvent ils avaient observé que des blocs plus petits arrivaient sur des glaçons et étaient quelquefois aussi remportés par eux. Tandis que les géologues suisses supposaient une extension presque inadmissible des glaciers de terre ferme, les explorations des Anglais avaient en vue d’autres agents, c’est-à-dire les montagnes de glace que la mer transporte, et qui, poussées dans les détroits, s’enfoncent da- vantage et frottent contre le fond. S'appuyant sur le fait, que jadis la mer était plus haute, relativement aux pays scandinaves, à l’Ecosse, l'Angleterre, etc., Ch. Lyell pouvait rattacher sa théorie des montagnes flottantes de glace à ce qu’on ap- pelle l’exhaussement de la Scandinavie, et à. d’autres hypothèses bâties sur les preuves qu'on invoque à l'appui d’un changement qui eut lieu dans ces contrées dans la hauteur relative de la terre et de la mer. On voit que la mer a atteint jadis un point plus élevé des côtes, parce qu'elle y a laissé des bancs de coquillages, jadis déposés au fond de la mer ou bien enfoncés dans la vase et le sable et apparaissant maintenant dans des couches d'argile ou de sable. Sven Lovén en Suède, et Edward Forbes (1) en Ecosse, publièrent, en 1846, ce qu'on savait alors concernant la dispersion des coquillages anciens, et il fut prouvé que pendant la période à laquelle il faut attribuer la formation de ces dépôts, la Scandinavie et les [les-Britanniques étaient en partie couvertes, en partie environnées d’une mer de glace. Forbes indiqua les différentes régions, espace et profondeur, où se manifeste la vie sous- marine, et il introduisit la dénomination de formation qlaciale pour tous les dépôts formés dans le Nord en un temps où une mer glaciale, ou, du moins, plus froide, s’étendait davantage vers le Sud. Mais comme aucune de ces explications ne pouvait contenter tout le monde, on s’attacha, en dehors de la Suisse, et surtout dans le Nord, à la théorie des torrents de de Saussure, qui date du commencement du siècle. Sefstræm (2) à l’aide de ses torrents entraînant des galets (1836), et Berzélius en 1842, tous les deux en Suède, Léopold von Buch, 1844 et 1847, ainsi que Durocher (3) en 1840, qui connaissaient (1) Edw. Forges, Memoirs of the geol. Survey of Great Britain, 1, 1846. (2) Sersrrœm, Svensk Vetensk. Akad. Handl., 1836 ; Poggendorf's Ann., XLITI, 1838. (3) Durocner, Voyages de la comm. scient. en Scandinavie, etc., sur la corvette Recherche : GéoLocre, par Durocher (Bull. de la Soc. de géol., 1846.) L'ÉPOQUE GLACIAIRE, 393 la Norwège, défendaient encore la théorie des torrents; on paraissait donc ne rien connaître du véritable état des choses. qu Après ce résumé incomplet des anciennes théories relatives à l’époque glaciaire, nous devons retourner encore une fois vers la Suisse et vers les glaciers pour arriver aux véritables indices de l’époque glaciaire dont les glaciers sont les témoins irrécusables. En étudiant les glaciers sous tous leurs aspects, on acquit peu à peu la connaissance exacte des effets qu'un revêtement de glace avait pu pro- duire, et,armé de cette connaissance, on se mit à rechercher de nouveau les indices certains. Lorsque ceux-ci furent réunis sur des cartes géo- logiques, que les moraines y furent indiquées ainsi que la direction des rayures et l’extension de la vase apportée jadis, lorsque ensuite on eut distingué les moraines de fond, du terrain sous-jacent plus ancien, et qu'on eut noté sur les cartes tous les détails relatifs aux caractères des espèces les plus remarquables de roches, ce qui permet de rap- porter à son lieu de provenance chacun des blocs dispersés au loin, alors seulement 1l fut possible d’esquisser une histoire de l’époque glaciaire, et d'en fixer la terminologie. Les explorateurs courageux et infatigables des glaciers de la Suisse sont trop nombreux pour que nous puissions les nommer tous; c’est à eux qu’on en doit la vraie connaissance. Cependant on mentionne ordi- nairement en première ligne les trois naturalistes de Neufchâtel : Agassiz, Desor et Guyot, qui, après leurs excursions intrépides, allaient chercher un abri dans la modeste cabane de planches qu'ils avaient établie sur le glacier de l'Aar. Ce fut là que le manufacturier alsacien Dollfus-Ausset (1) les rencontra, en 1840, pendant un voyage alpestre ; devenu, depuis ce jour, un champion zélé de la théorie d'Agassiz, il fit construire à grands frais son pavillon de l’Aar, à la place de la pauvre ca- bane que les trois savants avaient nommée «l'hôtel des Neufchâtellois » . Depuis 1840 jusqu’en 1870, Dollfus-Ausset s'intéressa vivement à l'étude des glaciers ; il fit établir de véritables observatoires, et il publia les prin- cipaux résultats des recherches qui y furent faites dans un volume ma- enifique. Guyot (2) fit faire, peut-être plus encore qu'Agassiz et Charpentier, de véritables progrès à la science, en suivant seul, dans tous ses détails, l'extension de l’ancien glacier du Rhône, depuis le Grimsel {bien haut (1) Dorrrus-Ausser, Matériaux pour servir à l'étude des glaciers. (2) Guvor, Bull. de la Soc. des sc. natur. de Neufchätel, 1843, 1847. 394 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, dans la vallée du Rhône) et le mont Blane (juste au-dessus de la courbe du Rhône, près de Martigny), diagonalement par-dessus le lac de Ge- nève et transversalement par-dessus la plaine jusqu'aux pentes du Jura, au Chasseron, et jusqu'auprès de Neufchâtel. Guyot montra que les blocs ne sont pas éparpillés dans le Jura sans aucune régularité, tantôt sur le versant, tantôt dans la plaine, mais qu'ils sont, au contraire, dis- posés d’après une loi fixe, qui permet de reconnaître la forme et l’éten- due de l’ancien glacier. Il ne peut ici y avoir d'erreur, car les blocs sont étrangers à l'endroit où'ils se trouvent; le versant du Jura n'offre que des grès et de la pierre calcaire, tandis que les blocs sont formés de granit, de gneiss, etc., des Alpes centrales. De plus, lorsqu'on trace une ligne au milieu de la vallée du Rhône, allant dans la direction de Martigny, par-dessus l’extrémité orientale du lac de Genève vers le Jura, on trouve les espèces de roches originaires du côté droit de la vallée, à droite de la ligne tracée dans la plaine et, de même, les espèces du côte gauche, à gauche. Ensuite, vis-à-vis de Martigny, la plus grande hauteur où se trouvent, sur le versant du Jura, les blocs venus du mont Blanc est de 2000 pieds au-dessus de la plaine. Mais, de là, la région des blocs s'abaisse vers les deux côtés. L'ancien glacier, qui sortait en droite ligne de la vallée du Rhône, fut donc arrêté, dans son mouvement de progression, par le Jura, et dut se diviser en éventail. Pour découvrir l'épaisseur et la déclivité probables de cet ancien glacier, on a comparé les limites des blocs au haut du Jura avec les différentes hauteurs aux- quelles cessent les roches frottées, en descendant depuis le Grimsel. L'épaisseur du glacier était, en haut de la vallée du Rhône, d’envi- ron 2750 pieds; plus bas, de 2350 pieds, et, au Jura, seulement de 2000 pieds. La déclivité est très petite sur cette distance pour le mou- vement progressif; depuis le Grimsel jusqu’à Brieg, elle n’est guère de plus de 4 degré — ou de 4 pied sur environ 50 pieds — et à d’autres endroits elle est encore plus insignifiante, tandis qu'il faut une décli- vité de 3 degrés aux glaciers actuels. D'après les explorations des Alpes par les frères Schlagintweit, il se forme généralement des glaciers dans les hautes régions des monta- gnes. Leur formation ne dépend pas seulement de la température et de l'humidité, mais encore en grande partie de la configuration de la vallée. Le glacier doit trouver, pour naître, une cavité, un réservoir en forme d’auge (nommé Mulde), ou un des ces bassins, qu'on appelle des cirques dans les Pyrénées, et ÆKar dans les Alpes de la Styrie, du Tyrol et de la Bavière, dans des mots composés, tels que : Fuscher- kar, Bockkar, Eiskar, ete, d’un mot qui signifie originairement un vase, un réceptacle, et qui est encore employé en ce sens en Nor- L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 395 wège. Le glacier se compose de deux parties distinctes : la partie supé- rieure est un amas de neige, et la partie inférieure est le vrai glacier. qui s'étend en glissant. L'eau de pluie et l’eau provenant de la neige fon- due s'infiltrent dans l’amas de neige et la rendent granuleuse. C'est là le zévé, en allemand der Firn. Plus bas, la neige granuleuse devient de la glace. James Forbes et Tyndall disent que, quoique la glace soit cas- sante de sa nature, le glacier descend comme une masse pâteuse. Se crevassant continuellement en différentes directions etse soudant tout aussitôt par l’eau ou la neige congelée qui tombe dans ses crevasses, il descend en se moulant dans le couloir qui l’enserre et glisse jusqu'à ce qu'il arrive dans la vallée. Les bandes, alternativement bleues et blan- ches, qui sont si frappantes, se dessinent dès la formation du glacier à la limite de la neige. La direction des bandes est presque verticale à celle de l’axe ou de la longueur du glacier (qui est en même temps celle de la vallée); la neige forme, au contraire, des couches horizontales de plus en plus granuleuses à mesure qu'elles sont plus profondes. Mais comme le milieu du glacier avance plus rapidement que les bords, les bandes se courbent de plus en plus, de telle manière qu’elles parais- sent horizontales à l'extrémité du glacier, tandis qu'à la surface de la glace elles forment des courbes dont l'ouverture va se rétrécissant du côté de l’origine du glacier. Celui-ci s’arrête plus bas dans la vallée, parce qu'il se fond plus graduellement, et s’il ne s'accroît pas dans le haut dans lamême mesure, l'extrémité inférieure peut rétrograder dans la vallée, quoique la masse entière s'avance comme un fleuve très lent. Vu d'en haut, le glacier à l’aspect d’un fleuve. Souvent on y voit aussi la moraine terminale comme un mur qui borde les pointes ex- trèmes en demi-cercles. Lorsqu'un grand glacier recoit des affluents moins importants, les moraines terminales de ces derniers sont entrai- nées comme moraines latérales du glacier primitif. Lorsqu'au con- traire deux glaciers, à peu près égaux, se réunissent, il se forme une moraine médiane. De plus, on rencontre des moraines d'obstacles, qui se forment à l’endroit où le glacier s’amoncelle autour de rochers s’élevant comme une île au-dessus de la glace — comme cela se voit si distinctement, en Italie, près du lac Majeur et du lac de Côme, ou encore dans le Thuretal, dans lequel descendait jadis un glacier des hauteurs des Vosges, vers la vallée du Rhin, et dans lequel d'énormes rochers, tels que Bærenstein, Wildenstein, ete. s'élèvent comme des forteresses. Enfin, aux endroits où le terrain est coupé, la moraine sous-jacente, la moraine de fond devient visible. On peut supposer que les principaux traits de toutes ces moraines sont connus de tout le 396 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. monde par les nombreuses photographies et les vues qu'on rencontre partout. IV Prenons maintenant la carte pour nous rendre compte de ce que l’on sait concernant les traces de l’époque glaciaire dans le midi de l’Eu- rope, dans la Suisse et les contrées environnantes, et dans le Nord. Ce sera de la géographie, mais d’un genre particulier : de la géographie préhistorique. Les limites de l’époque glaciaire peuvent être fixées d’une manière bien plus certaine et précise qu'on ne le croirait si, sans con- naître les faits sur lesquels la science se base, on lisait les nombreuses hypothèses, souvent contradictoires, émises à propos de l’époque glaciaire. Les Pyrénées, avec leurs hautes crêtes et leurs cirques bien connus, ont porté jadis des glaciers bien plus considérables que les restes ac- tuels. Charles Martins (1) et Collomb indiquèrent, en 1867, sur une carte, l'étendue de l’ancien glacier de la vallée d’Argelès. Les dernières traces de ce glacier, aujourd'hui disparu, sont encore suspendues tout en haut, à l’origine de la vallée, dans les grandes échancrures semi-cir- culaires, les cirques de Gavarnie et de Froumouse. D’autres cirques tous entourés de hautes dents, nourrissaient le vieux glacier. Dans ces grands réservoirs, la neige pouvait s’amasser et se conserver en hiver, et être transformée en névé en été, dit Martins. Depuis le cirque de Gavarnie, les traces de l’ancien glacier, qui rece- vait maint affluent important, s'étendent au nord, le long d’une des principales vallées des Pyrénées, la vallée d’Argelès, jusque dans les en- virons de Lourdes, où de nombreuses moraines terminales se succèdent en de larges demi-cereles depuis Peyrouse jusqu'à Adé. Les chemins de fer de Pau et de Tarbes coupent ces moraines et les ont mises en évi- dence. A l’intérieur du demi-cerele, il y a un «lac de moraines » (Moræ- nensee — c’est ainsi que Ch. Martins appelle les lacs enserrés par des moraines — le lac de Lourdes, et c’est le seul dans la plaine en dehors des Pyrénées. Dans les Pyrénées, il y a d'innombrables petits lacs, qu'on reconnaît pour des lacs.de moraines, parce que leur écoulement n'a pas lieu en ligne droite, mais est forcé de faire une courbe à cause de l’amoncellement de pierres qui lui barre le chemin. La longueur du glacier, qu'on a pu suivre ainsi entre les deux points indiqués, Gavarnie et Lourdes, est de 53 kilomètres. La hauteur jusqu'à laquelle on trouve des blocs erratiques sur les (1) MarTins, Bull. de la Soc. géol., 3° série, XXV, 1867. L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 397 flanes des montagnes, indique l'épaisseur du glacier. Il faut que sa sur- face ait atteint le point jusqu'auquel l’on trouve encore les moraines latérales qu'il a entrainées. La limite des blocs et les moraines latérales tracent le long des parois de la vallée une ligne qui va en descendant et qu'on a estimée sur différents points, à 850, 800, 600 et 412 mètres. Le glacier lui-même venait d'une hauteur d'environ 3000 mètres, près des crêtes des Pyrénées, et descendait jusqu’à 400 mètres au- dessus du niveau de la mer, dans les plaines situées au nord, où sont semés les blocs erratiques, bien loin en dehors de la chaîne de mon- tagnes. Sa déclivité était donc insignifiante, environ de 2 degrés. Tout cela montre que le glacier a été fort étendu; mais, d’après les mesurages. de Godwin Austen, il existe dans l'Himalaya, à présent en- core, des glaciers d’une plus grande longueur. Enfin, il faut encore parler de l'indice observé sur les terrains envi- ronnants. Sur le sol uni, près de Tarbes, par exemple, sont étendus de l'argile et du limon (Lehm et Læss), comme dans la vallée dù Rhin : c’est la vase des moraines, qui a été entraînée par les eaux à l'époque des glaciers. Il paraît que la limite des anciens glaciers des Pyrénées n'est pas encore complètement marquée sur les cartes. Ch. Martins mentionne encore un seul point plus éloigné, situé du côté de la Méditerranée. Dans le bassin du Tet, qui coule près de Perpignan, se trouve, bien haut dans la vallée de Vernet, le fort Mont-Louis, construit par Vauban, à 1650 mètres au-dessus du niveau de la mer, sur une moraine que les travaux de fortification ont dénudée. Vis-à-vis de Puycerda, du côté de l'Espagne, il y a aussi des moraines à 1 300 mètres. Les anciens gla- ciers descendaient suivant deux directions du massif de montagnes Carlit, où sont les sources du Tet et de l'Aude. Les Vosges, qui s'élèvent sur les bords du Rhin, dans le duché de Bade, ‘ne portent plus de glaciers aujourd'hui. Il est vrai que ce ne sont pas des montagnes de premier ordre. Mais les indices de leur an- cienne couche de glace en sont d'autant plus importants. Collomb a pré- paré, en 1847, une carte d’un des glaciers, et plus tard, en 1872, Charles Grad (1) en a rassemblé toutes les données, après une étude de dix années, et en se servant des travaux de son prédécesseur. Les traces certaines de glaciers ne se trouvent que dans les Vosges méri- dionales ou Vosges hautes. De là, les glaciers s’étendaient vers l’ouest, vers le sud et vers l’est. 1. Vers l’ouest. Dans la vallée supérieure de la Moselle, le glacier se (1) Ch. Gran, Bull. de la Soc. géol., 1872. 398 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. terminait par sa moraine frontale près de Longuet. De là, jusqu'à l’ori- gine du glacier, près de Hoheneck, il y a 40 kilomètres. Le glacier de la Moselle était donc plus grand que celui de l’Aletsch, près de la Jung- frau, qui est maintenant le plus important des glaciers des Alpes. Il y a aussi des moraines dans les vallées adjacentes de Suche, Reman- villers, Rupt, Foudromé et Thillot. La Moselette se jette dans la Mo- selle près de Remiremont, et en amont la vallée estremiplie de moraines, de même que le cours supérieur de la Vologne. Il. Vers le sud, sur les versants des deux sommets granitiques, le ballon de Servance et le ballon d'Alsace, puis près de Giromagny, dans la vallée de Savoureuse. La longueur de l’ancien glacier est ici de 10 kilomètres. À son extrémité, au nord de Belfort, il s’est élargi en forme d'éventail; cela est indiqué par les stries tracées sur le sol rocheux. IE. Vers l’est, dans la direction de la vallée du Rhin. Un glacier, ayant {0kilomètresdelongueur, descendaitde la vallée de Dolleren, se dirigeant vers Mulhouse. Dans la vallée de la Thure, dont Collomb a suivi minu- tieusement le glacier, il y a des moraines frontales près de Wesserling et de Krüth, à 9 kilomètres de son origine. Dans la vallée de la Fecht, qui s'ouvre près de Colmar, on aperçoit vers le haut plusieurs cirques qui favorisaient l’amoncellement des neiges nécessaire à l'entretien d’un grand glacier. Près de Sondernach et de Metzeral il y a des moraines. Dans les Vosges, de même que dans les Pyrénées, les moraines enser- rent des lacs et des tourbières. Quelques-uns de ces lacs de moraines des Vosges, comme ceux de Gérardmer, Lispach, Blanchemer, Cor- beaux, sont assez grands pour pouvoir être marqués sur des cartes or- dinaires. Les glaciers des Vosges se terminaient dans le bas à des hauteurs de 400 à 450 mètres. Toutes leurs moraines reposent, dans la vallée, sur un fond plus ancien de gravier roulé et de galets, et, en outre, du limon argilo-sablonneux fut répandu simultanément avec les moraines sur la plaine de l'Alsace. Collomb étudia déjà, en 1849, les restes des mollusques de terre et d’eau douce qui se trouvent dans cet ancien limon. Les espèces les plus nombreuses ne sont pas celles qui vivent aujour- d'hui dans cette contrée. Il n'en vit point qu’on rencontre d'habitude dans des endroits chauds et secs ; les mollusques trouvés dans le limon indiquaient plutôt un climat plus froid. Aussi bien dans le sable que dans le gravier sous-jacent de la vallée du Rhin, on trouve, avec ces mollusques, des restes de mammouths, de rhinocéros, de cerfs, etc. Nous passons sous silence les traces intéressantes de glaciers sur le sol volcanique de l’Auvergne, parce qu'il paraît qu'il n’en a pas encore L'ÉPOQUE GLACIAIRE, 399 été composé de carte; mais nous possédons des données complètes relativement à la Suisse. En Suisse, les glaciers descendirent dans les vallées principales et transportèrent des blocs erratiques, qu'on peut reconnaître à l’espèce particulière des roches, étrangers au sol sur lequel ils gisent aujour- d’hui. (L'énumération va de l’ouest à l’est.) 4 ; 0} 3 Glacier de l’Arve, Du Rhône, De l’Aar, du du des mont Blanc. Saint-Gothard et du mont Rose. Alpes bernoises. k, 5, 6, De la Reuss, De la Linth, Du Rhin, du du de Baint-Gothard. canton Glarus. Ses SOUrCES. Une carte de cette ancienne extension de la glace fut dressée en 1857, par Morlot, qui réunit ses propres travaux à ceux de ses pré- décesseurs. On a, de plus, suivi, à travers les coupures du Jura, des traces d'an- ciens glaciers se prolongeant en France, et se perdant à l’est du Rhône, à peu près sur la ligne de Lyon-Vienne-Grenoble. Les trois premiers fleuves de glace se réunissaiént et Ss’arrêlaient sur le versant du Jura, du côté de la Suisse. Parmi les blocs erratiques qu'on trouve là, les plus haut placés viennent des plus hautes régions des Alpes. Près de Berne, il existe de grandes moraines frontales qui ont été formées pendant un arrêt dans Le mouvement progressif du glacier de l’Aar. Les anciennes fortifications de la ville étaient construites sur une de ces moraines en forme de demi-lune, qui a 400 pieds de haut et ferme presque l'entrée de la vallée de l’Aar. Gette muraille particu- lière porte le nom de Æühnli. On connaît la nature du sol sous-jacent; au-dessous du gravier, des blocs erratiques et des pierres striées des moraines se trouvent les couches plus anciennes de gravier et de galets, les mêmes qu'on rencontre ailleurs dans la plaine suisse. On connaît plusieurs moraines formées par les temps d'arrêt du glacier de la Reuss, telles que celle qui obstrue én grands demi-cercles le lac de Sempach, celle du lac de Halhwyler et celle près de Mellingen. Le grand rempart sur lequel est bâtie la ville de Zurich, indique l'étendue qu'avait jadis le glacier de la Linth. Les endroits, célèbres par les découvertes qu'on y a faites dans le sol, Utznach et Dürnten, sont situés près du lac de Zurich. Sur les bords du lac s'élèvent d'anciennes et hautes terrasses à couches horizontales 400 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. d'argile, de sable et de pierres roulées, entremêlées de dépôts considé- rables de lignite et renfermant des dents d’Elephas antiquus et de rhi- nocéros, d’aurochs et de cerfs. Au-dessus de ces anciennes terrasses, déposées dans une vallée formée bien antérieurement, sont dispersés des blocs erratiques. D'après Oswald Heer, professeur de géologie à Zurich, les dépôts appartiennent à une époque intermédiaire qui sépara deux époques glaciaires. Gastaldi, au contraire, pense qu'ils datent d'avant l’époque glaciaire. Ni dans le Wurtemberg, ni dans la Bavière, on n'a trouvé de traces de deux époques, et Karl Vogt, qui connaît bien le monde des glaciers, ne veut pas davantage en reconnaître les indices pour la Suisse; 1l admet seulement des phases pendant une mème période. Enfin, le glacier du Rhin, qui passait au-dessus de celui de Genève, s'étendait à l’ouest jusqu’à Kaiserstuhl et Schaffhouse, et au nord en- core plus loin. Oskar Lenz a suivi ses traces en 1872; il se divisait dans le voisinage de Sargans ; un bras allait jusqu’à Schaffhouse, tandis qu’un autre, conservant la direction primitive, passait au-dessus du lac de Con- stance, qui était rempli de glace, et s’étendait ensuite en éventail. Les limites de ce glacier se trouvent en deçà de la ligne Wallensee- Schafthouse-Ulm. L'endroit célèbre, Schussenried — entre Friedrichshafen, sur les bords du lac de Constance, et Ulm — est situé juste à lalimite de l’an- cien glacier. Desor et Escher von der Linth ont vérifié ce fait par des recherches locales. Un meunier, en creusant une rigole, à 43 pieds de profondeur, avait trouvé ce qu’on appelle une couche de civilisation (Kulturschicht), avee des objets travaillés en bois de rennes, ete. Cette découverte fit beaucoup de bruit. Le professeur Oskar Fraas inspecta minutieuse- ment l’endroit. On y trouve d’abord une couche de tourbe, au-dessous d'elle du sable et du gravier, qui viennent manifestement des Alpes. Par-ci par-là, on trouve, dans le sable, une couche d’une espèce de mousse qui est toute pareille à l’Æypnum sarmentosum, qui croît sur les hautes Alpes et dans les contrées septentrionales. Après le gravier, vient la couche de civilisation de l’époque du renne; on y trouve des quantités innombrables d'os de rennes mêlés à des instruments en silex, tels que des racloirs (Schaber), le Flintfiæcker (Flintspleisser) des géologues danois : tous les os à moelle sont fendus. Ensuite des flèches en bois de rennes, qu'on a d'abord coupées (durchhauen) à moitié, et cassées ensuite; jusqu’à des ornements, comme des mâchoires de chats et : des dents de cheval, toutes percées, probablement pour être portées comme des amulettes; des boulettes d’ocre ferrugineuse rouge, qui L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 401 servaient probablement comme couleurs. Tous les silex provenaient de cet endroit même et venaient d'agglomérats pareils à ceux qu'on trouve dans ce qu’on appelle l'étage du Jura blanc. Au-dessus de la couche de civilisation on trouve encore une couche plus récente, avec des débris, parmi lesquels, au fond de la tourbière, une vache remar- quablement conservée. Par suite du lavage des matières calcaires, les os avaient pris quelque chose des propriétés du cuir. Il y avait encore des aiguilles de sapin dans les intestins, la coupe des os était lisse (faite avec un outil de fer?), et du poil brun était attaché aux sabots. D'après Rütimeyer, cette vache ou ce taureau appartient à la race à cornes courtes, qui vit aujourd'hui dans l'Atlas. Tout ce qu'on a trouvé à Schussenried est exposé dans le musée de Stuttgart. En Italie, on trouve aussi des indices que des glaciers sont descendus du versant méridional des Alpes. Des géologues, notamment Mortillet (1) (1860), Omboni (2) (1861) et d’autres encore, ont dessiné des cartes de ces glaciers. Quatre grands cours d’eau, et plusieurs autres moins importants, descendent du nord de l'Italie. Sur la carte, les grands cours d’eau se suivent en allant de l’ouest vers l’est, dans l’ordre suivant : 1 2 3 4 Le lac Majeur. Le lac de Côme, Le lac d’'Iseo, Le lac de Garde, qui se déverse qui se déverse qui se déverse qui se déverse par le T'essin. par l’Adda. par lPOglio. par le Mincio. Les lacs d’Orta, de Vareseet de Lugano—tous des lacs de moraines — se déversent du côté opposé à l’abaissement de la vallée, dans la direc- tion du lac Majeur, tandis que le bras occidental du lac de Côme n'a même plus de débouché. | Au sud de tous ces lacs s'élèvent d'énormes moraines qui témoignent qu'ils ont été remplis de glace, ainsi que les vallées situées derrière eux, et en même temps que les glaciers s’étendaient jusque-là, et pas plus loin. Sur toutes les cartes en relief on reconnaît facilement que les moraines étaient terminales ; et comme elles dominent la contrée, ces hauteurs ont servi de tout temps de champs de bataille. Mème sur les cartes or- dinaires, on voit les grandes courbes de ces moraines, dont plusieurs se suivent quelquefois. Tout ceci se rapporte aux quatre grands cours d'eau nommés. Mais il y a encore d’autres moraines très distinctes, des moraines d'obstacles : des monceaux de gravier, de blocs et de pierres striées, aux endroits où le glacier rencontra des rochers élevés sur son (4) Mornizcer, Atti della Soc. ital. di Sc. nat., 111. (2) OmBonr, Atti della Soc, ital. di Se, nat, in Milano, TIT. T. Il. — N0 5, 1879, 26 402 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. passage — par exemple à Angera, Lugano, Menaggio, Bellaggio. — En ne choisissant que quelques noms connus comme points principaux pour désigner les régions, les blocs erratiques qui ont été jadis trans- portés par la glace se divisent ainsi : les blocs originaires du mont Rose et du Simplon se trouvent jusque sur la rive occidentale du lac Majeur et se mêlent là au granit, facilement reconnaissable, de Baveno. Ceux, au contraire, qui descendent du Saint-Gothard et du Saint-Ber- nard, vont jusqu'à la rive orientale du lac Majeur et jusqu’à la rive oc- cidentale du lac de Lugano, où ils se mêlent au porphyre de cet endroit. Enfin, les blocs originaires du Splugen et de Chiavenna se voient jus- qu’au lac de Lugano, qui s'étend transversalement à cette direction, et continuent alors vers le sud, mêlés au porphyre de Lugano. Les blocs de Bernina et de Bormio, c’est-à-dire de la vallée supérieure de l’Adda, vont jusqu'à l'extrémité septentrionale du lac de Côme. Le grand lac de Garda n’est traversé que par un petit cours d’eau, tandis que tout près de là le grand fleuve l’Adige coule vers la mer sans rencontrer de lac sur son chemin. Depuis que l'Italie jouit de la paix et qu'on peut visiter les fortifications de Peschiera et de Pastrengo, le capi- taine Standigl (1) a étudié en détail, en 1866, les remparts de moraines situés près du lac de Garda, le plus grand de l'Italie. Ils s'étendent en grandes courbes de Salo jusqu’à Castiglione, Solferino, Custozza et Ca- vriana. Les batailles de 1859 furent livrées sur ces hauteurs. Près de Salo on trouve encore des blocs erratiques à environ 100 mètres au- dessus du lac de Garda, qui, lui-même, est situé à 69 mètres au-dessus de la mer. Aux glaciers déjà nommés, il faut ajouter, à l’est, celui de l’Adige, avec la moraine terminale située près de Rivoli; et enfin, plus à l’est encore, un glacier, qui transportait les moraines jusqu’à Udine, descen- dant des Alpes Noriques. Les plaines, dans lesquelles se terminent maintenant les lacs, étiient couvertes par la mer, au temps où les glaciers lombardo-vénitiens y descendaient. C’est ce que Stoppani a prouvé, en 1874, par de nou- velles découvertes de coquillages bien conservés entre les hauteurs de moraines près de Camerlata, sur la rive méridionale du bras occidental du lac de Côme. | V De même que dans le Nord nous avons cherché un exemple qui püt donner une idée des glaciers qui l'ont recouvert, et que nous l'avons trouvé dans les recherches que le Danois Rink a faites de 1853 à 1857 (i) SranniGz, Jahrb. d. k.k. geol. Reichsänstalt, 1866 (Quart. Journal, novembre 1867). L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 403 dans lé Groënland, de même nous devons chercher un exemple actuel, qui corresponde à ce phénomène de la présence simultanée de la glace et de la mer dans une contrée si méridionale. Nous le trouvons dans les études faites en 1867 par le docteur Haast (1) sur les glaciers de la Nou- velle-Zélande. Les chaînes de montagnes, qui suivent la direction gé- nérale des îles, s'élèvent jusqu'à 10000 et 13000 pieds et portent de grands glaciers, qui descendent jusqu'à une zone de riche végétation, dont les plantes ne supporteraient pas les hivers de la Lombardie. Sur les cartes des glaciers de l’île la plus méridionale, on voit des fleuves de glace descendant dans toutes les vallées: la crête des montagnes, couverte de neige, constitue une ligne de séparation entre les deux direc- tions que suit le mouvement des glaciers. Le grand glacier de Tasman, le plus important de la Nouvelle-Zélande — ayant environ 16 lieues an- glaises de longueur, et à son extrémité trois quarts de lieue de largeur — ne descend, sur le versant oriental, qu’à la hauteur de 2770 pieds, tandis que le glacier de François-Joseph s'arrête, sur le versant occi- dental, à 708 pieds seulement au-dessus de la mer, au milieu d’une vé- gétation abondante de fougères arborescentes, de pins et de fuchsias. Sans nous arrêter aux indications qu'on rencontre près de Turin, nous avons dû suivre d’abord la ligne méridionale des Alpes. L’étendue des anciens glaciers, dans les environs de Turin, fut marquée sur une carte par Gastaldi et Ch. Martins (2) en 1850. Les rivières tributaires les plus occidentales du puissant fleuve le Pà sont la Doire Ripaire, qui naît dans la vallée de Suza — où le chemin de fer passe sous le mont Genis — et la Doire Baltée, dans la vallée d'Aoste. La première écume au pied du mont Thabor et du mont Cenis; la seconde vient du mont Blanc, avec des affluents qui descendent des environs du mont Rose, c'est-à-dire des plus grandes hauteurs des Alpes. Iei nous ne rencontrons pas de grands lacs, mais des moraines terminales colos- sales; à un certain endroit, à l’ouest de Turin, près de Rivoli, on trouve des fragments du mont Cenis, et avec d’autres blocs, au sud d'Ivrea, jusqu'auprès de Caluso, dans un demi-cercle qu'on aperçoit même sur des cartes topographiques, à mi-chemin entre Ivrea et le confluent de la Doire avec le Pô. Ces énormes remparts s'élèvent jusqu'à 330 mè- tres au-dessus de la plaine, qui peut être à environ 200 mètres au- dessus du niveau de la mer. Quelques lacs de moraines de peu d'im- portance se trouvent enserrés par ces remparts. Du mont Thabor jusqu’à Rivoli, la longueur de l'ancien glacier est de 80 kilomètres. La nature du sol, au-dessous de la moraine située près de Rivoli, est bien {1) Docteur Haasr, Report on the Headwatérs of River Rakaya, Christchurch, 1866. (2) Ch. Marins, Bull. de la Soc. géol., 1850. 40% REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. connue; jusqu'à environ 20 mètres de profondeur, se voient d'anciennes couches de galets, et seulement au-dessous de celles-ci gisent les plus récentes couches tertiaires, avec des restes de faune marine. Les grands glaciers ont passé par-dessus ces entassements et les ont nivelés. Le Tyrol méridional. Le géologue bavarois Gümbel a suivi, en 1872, depuis 100-150 pieds au-dessus du sol de la vallée jusqu’à plus de 4000 pieds au-dessus de la mer, la polissure et la striure de rochers de différentes espèces dans la vallée de l’Adige et dans le Passeierthal, ainsi que dans les charmants environs de Méran. Dans les vallées de l’Adige il vit des stries, même en deux différentes directions superpo- sées; et des indices certains de striure se voient jusqu’à l'issue du Pas- seierthal. En beaucoup d’endroits, les amas de glace ont dû être labourés par des ruisseaux, et les piliers menaçants, les pyramides couronnées de grands blocs erratiques, qu’ils ont laissés derrière eux dans un dé- sordre sauvage, font l’étonnement et l'admiration de tous les voyageurs, particulièrement dans les environs du château de Tyrol. lei, comme près de Botzen, on connaît aussi le terrain sur lequel passèrent les glaciers; il est formé de gravier, de sable et de pierres roulées descendues avec les cours d’eau avant l’époque glaciaire dans les mêmes vallées. Nous devons suivre maintenant les traces des glaciers depuis les en- virons du lac de Constance jusque dans la Bavière méridionale. Gümbel trouva le premier, en 1872, les stries laissées par le frottement des glaciers sur le sol rocheux, près de Hæring, dans la vallée de l’Inn. Le capitaine Stark (1) dessina une carte des anciennes moraines terminales du plateau bavarois, qui donnent au paysage un caractère aussi dis- ünctif qu'en Lombardie. M. Zittel (2), professeur de géologie à Munich, étudia les moraines en 1873, et confirma les limites indiquées par Stark. Au sud de Munich, les traits généraux du paysage font déjà de- viner l'existence de moraines; une rangée de hauteurs interrompt le niveau de la plaine, et, derrière elles, s'étendent de beaux lacs. Les moraines du fond sont reconnaissables aux pierres étrangères, àsurfaces striées, venues en grande partie des Alpes de la Bavière et du Tyrol. H y à aussi de grands blocs, les uns gisant sur le sol, les autres à demi enterrés, mais ils disparaissent rapidement, parce qu'on s’en sert pour les travaux de maçonnerie ; de sorte, dit Zittel, que les maisons ou les fondements des maisons des paysans fourniront seuls dans l'avenir les preuves principales. Les moraines ne disparaissent pas aussi facilement; sur la carte, on (1) Stark, Zeitschr. d. deutschen Alpenvereins, IV, 1873, (2) Zirrer, Sifsungsbericht d, Akad. d. Wissensch., München, 1874. L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 405 les voit s'étendre à l’est, en deux grandes courbes, depuis le lac d’Am- mer jusqu'aux frontières de l'Autriche; l’une de ces courbes terminait, sans aucun doute, le glacier de l’Isar, et l’autre celui de l’Inn. À partir de l’Inn, on ne peut plus indiquer exactement la terminaison du glacier vers l’est. La glace et l’eau paraissent ici avoir travaillé ensemble, des torrents impétueux ont dispersé les matériaux des anciennes moraines et entrainé les petites pierres striées. Mais la vallée de l’Inn est elle-même remplie de Læss provenant de l’époque glaciaire. Le terrain sur lequel la glace glissa est le même que celui que nous avons décrit près du lac de Constance et dans la plaine de la Bavière. C’est la même ancienne couche, dite diluviale, avec ses pierres roulées, qu’on trouve mentionnée dans les Vosges, dans les plaines de la Suisse et dans le Tyrol. [ci encore on rencontre les mêmes témoi- gnages concernant l'aspect de la terre et la vie avant l’époque glaciaire. En même temps que le Læss et l'argile micacée, on rencontre des dé- bris végétaux, des espèces de mousses, des roseaux et des morceaux de bois changés en lignite, qu'on a pu employer comme combustible dans les tuileries. En 1868, on y découvrit, près de l'hôtel de Kronberg, un squelette presque conservé en entier d’un Rhinoceros tichorhinus — exposé maintenant dans le musée de Munich — ainsi que des dents de mammouth et des morceaux de cornes de rennes. Dans le Læss on trouve, en outre, des coquillages, appartenant à des espèces qui vivent sur les Alpes, et à d'autres vivant dans la Bavière méridionale. VI Les débris monumentaux qui ont survécu à l’époque glaciaire sont les seuls moyens que nous ayons d'étudier celle-ci. Nous les avons suivis dans l’Europe méridionale; il y avait deux espèces principales d'indications : en premier lieu, celles que la glace a produites par son frottement, ou qu'elle a laissées tomber sur son chemin et qui indiquent maintenant encore ses limites au haut des rochers et bien loin dans les plaines; ensuite il y a les indications que fournissent les restes de la vie animale et végétale, enfouis dans le limon qu’entrainaient les eaux des glaciers. Ces deux genres d'indications se réunissent dans les moraines frontales pour nous présenter un tableau dans lequel il y a encore plu- sieurs énigmes à déchiffrer, mais qui ne nous laisse plus de doute sur les grands faits que nous venons d'exposer. Nous arrivons maintenant dans le Nord. Ici nous manque immédiate- mentune indication importante : la limite extrême, qui doit être indiquée par des moraines frontales. Dans toute la partie occidentale du nord de 406 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. l’Europe, on voit les stries produites par le frottement des glaciers jus- qu'au bord de la mer; en Russie seulement, elles se perdent dans la plaine, tandis que dans le gouvernement de Toula, au sud de Moscou, apparaît à nu la pierre calcaire; le travail d'innombrables hivers l'a brisée en morceaux, entre lesquels on ne découvre pas de matériaux étrangers ; il se peut — et on l’a soutenu depuis longtemps — que des moraines gisent dans la mer. Mais le fond de la mer n’est pas aussi facile à explorer que le sol de la terre ferme. Il restera toujours difficile d'aller y chercher des indications irréfutables. Nous sommes donc réduits à chercher une autre limite extrême, la limite des blocs erratiques, à laquelle on ne peut pas attribuer la même valeur qu’à celle des moraines. Ici, en effet, nous rencontrons, dès les premiers pas, deux explications très divergentes de la véritable cause qui a porté les blocs au loin : la glace compacte de la terre ferme, ou bien les glaçons charriés par la mer. Ensuite on trouve un peu partout des témoignages d’un monde orga- nique, dont les restes se mêlèrent au limon entraîné. Dans le Nord, nous trouvons des indications d’une faune marine; çà et là des coquil- lages, des tas ou des couches de débris de crustacés (1), des os de baleines, des squelettes de poissons conservés dans des conglomérats d'argile durcie. Il est certain que ces pays ont été couverts par la mer; pendant une certaine période, une mer glaciale s'élevait jusqu'à une hauteur encore reconnaissable. Mais ne trouve-t-on pas, dans le Nord comme dans le Sud, des us de l’existence des grands animaux terrestres maintenant disparus ? En effet, on en trouve même jusqu’en Ecosse, au milieu des souvenirs des glaciers. Trouve-t-on des indications que la glace s’avançait et s’étalait en descendant de certaines hauteurs ou crêtes de montagnes sur les- quelles elle s’était amassée ? Ce fait important, qui exclut l'explication du charriage par les glaces, nous ramène vers la géographie ancienne. À l’extrème occident se trouve l'Irlande, dont les marais et les couches de tourbe renferment des restes du cerf 8 éant. On a découvert des traces indiquant que le mouvement des Aldbiere commençait sur la côte occidentale de l’île — il n’y a pas de ces indications sur la côte orien- tale — et particulièrement tout près du promontoire qui s’avance au- jourd’hui le plus vers l’ouest, dans le comté de Kerry, au sud du Shan- non, et dans le Connaught, au nord de la baie de Galway. Kinnahan et Close ont rassemblé et marqué sur une carte les indications trouvées en ce dernier endroit, avec la plus grande exactitude, en 1872. (1) T. Ki, Zeitschr. d. deutsch. geol. Ges., 1870. Ueber die Terrassen. L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 407 On voit un plateau central avec des réservoirs et des centres d'irra- diation des glaciers dans les monts Maum, avec les douze Aiguilles ou pitons (au nord-ouest de Galway), ayant un circuit de 50-65 lieues car- rées anglaises, et une élévation de2 100à2 400 pieds. Dans ce circuit, qui renferme les plus importantes hauteurs de la contrée, on avait cherché en vain en plusieurs endroits des traces de frottement ; elles apparaissent bientôt au dehors dans plusieurs directions. On a suivi, dans les plus petits détails, les siries, les pierres transportées et les monticules d’ar- gile et de blocs irrégulièrement entassés (drumlins). Tous les drumlins se succèdent dans la même direction que les stries, qui rayonnent au- tour du champ central, en suivant les convexités du sol. Sur la carte, on a indiqué, comme d'habitude, la direction des stries par des flèches et les drumlins par de petits traits assez forts. Les fleuves de glace sont donc descendus de là comme descendent des montagnes les torrents sur lesquels flottent les bois de construction. Kinnahan attribue la situation occidentale de ces centres de glace à la même cause qui fait qu'aujourd'hui il tombe une plus grande quantité de pluie sur l’ouest que sur l’est de l’île. Il y a aussi lieu de supposer que l’ouest de l'Irlande était plus élevé, car, sans cela, on ne saurait expliquer le transport des matières dont on peut suivre les traces au nord des monts Maum jusqu'à la mer (la baie de Killala actuelle), sur un parcours de 65 lieues anglaises. La puissance de la couche de glace, calculée d’après la profondeur des vallées, était de plus de 2300 pieds. Les hauteurs existantes furent la cause de la formation de la calotte de glace, et, une fois formée, cette couche de glace s'étendit de plus en plus, parce qu'elle exerça la même attraction que les cimes des mon- tagnes sur les nuages qui se précipitent sous forme de neige. Les val- lées firent l'effet de canaux; elles dirigèrent les courants de glace dans toutes les directions; ces courants s’accrurent jusqu’à ce qu'ils se fussent réunis, etc. L'Ecosse est divisée, cela se voit sur toutes les eartes, en trois parties auxquelles appartiennent quelques îles, par la mer, qui y pénètre des deux côtés. Si l’on trace une ligne au milieu de chacune de ces parties ou chaïinons de montagnes, ces lignes marquent la séparation du mou- vement des glaces, ainsi que Thomas Jamieson(1) l'a démontré en 1865. À partir de ces lignes, la glace se mouvait des deux côtés, ainsi qu'on peut le déduire de la direction des stries et du transport de blocs d’es- pèces bien connues de rochers. Jamieson et Archibald Geiïkie (2) donnent (1) JamtEsoN, Quart. Journal, août 1865. (2) A. GerxtE, Transact. of the geol. Soc. of Glasgow, I. 408 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. des cartes, sur lesquelles les stries sont indiquées par des flèches. On croirait avoir devant soi la carte des glaciers de la Nouvelle-Zélande. Dans la partie la plus septentrionale — découpée par le fiord de Murray et le canal Calédonien — une ligne courbe va dans la direction de l’île Mull, près de la côte occidentale, vers les Orcades, près de la côte septentrionale. Dans la partie du milieu, la ligne courbe part du fiord de la Clyde et se partage sur son parcours dans la direction des grands promontoires d'Ecosse, près de Peterhead. Enfin, dans l’Ecosse méridionale, dans le sud du riche bassin houiller, entre les fiords de la Clyde et du Forth, une ligne courbe va de l’ouest vers l’est, où elle pé- nètre en Angleterre. Les flèches sont dirigées vers les côtes, en suivant les vallées. Au milieu de traces non méconnaissables, laissées par la glace qui a glissé des hauteurs vers les côtes, on trouve des indications de la pré- sence de la mer (des dépôts de coquillages), à une altitude de 500 pieds environ. Il paraît que les opinions ne peuvent encore s’accorder à ce sujet. Mais nous possédons encore d’autres indications sur l’état de l'Ecosse immédiatement avant ou pendant l’époque glaciaire. James Geikie (1) a décrit, en 1869, une tranchée de chemin de fer à Crofthead, près de Glasgow, dans laquelle apparaissent des restes du bœuf et du cerf gigantesques, recouverts de #// ou bien mélangés avec du #//. Et encore sur d’autres points de l’Ecosse on a trouvé —jusqu'à présent rare- ment— des restes de mammouths et de rennes. J. Geikie donne le nom de #{/ à de l'argile mélangée avec des pierres striées, en opposition avec l'argile vaseuse (bow/derclay); il croit que ces deux espèces de dépôts sont contemporaines, mais que la première s’est formée dans l’intérieur du pays, et la seconde dans les régions jadis couvertes par la mer. Le même géologue avait déjà fait remarquer plus tôt — ce qui, au reste, ajoute-t-il, est bien connu de la plupart des géologues — qu’en Ecosse les principaux traits du système des vallées étaient fixés longtemps avant qu'il y eût une époque glaciaire. En effet, si les vallées n’avaient pas existé antérieurement, elles n’auraient pas pu être à peu près com- blées par des pierrailles et du limon apportés par les glaciers, et des restes d’une ancienne faune ne pourraient pas se trouver dans les points où nous venons d’en relater la découverte. Des fleuves de glace terrestre ou des masses de glace flottante vinrent jusque dans les îles d'Ecosse. Watson (2) inspecta Arran, île située dans l'embouchure du fiord de la Clyde. Il paraît qu’il n'a pas décou- vert de stries sur le sol rocheux; mais jusqu'à 320 pieds d’élévation (1) J. Gerxtr, Geol. Magazine, V. (2) Warson, lrans. of the Royal Soc. of Edinburgh, XXIII. L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 409 il trouva des pierres striées dans de l'argile vaseuse (bow/derclay) et en même temps des coquillages provenant d’une mer glaciale. Watson observe qu'en général la masse de l’argile appartient à la région où elle se trouve; on peut le reconnaître à la couleur rouge, provenant du grès rouge qui y est si abondant. James Geikie crut pouvoir indiquer, surtout d’après la forme de ro- chers arrondis, dans la plus septentrionale des îles Hébrides (Lewis), que la direction du frottement était vers le nord-ouest ; mais il ne trouva de stries qu’en un seul endroit. L'île consiste en gneiss, et le #/{ qui recouvre le sol appartient presque exclusivement à cette espèce de roche. Campbell (1) cependant voit, dans les Hébrides méridionales, la direction tout opposée, c'est-à-dire venant du nord-nord-ouest; «il paraît, dit-il, que la glace est venue du côté du Groënland, » ce qui montre combien il est peu sûr de juger d’après une seule espèce d’in- dications. Watson s’exprimait ainsi en 1864: « D'abord la neige a dû s'accu- muler sur les montagnes ; ensuite des glaciers ont dû glisser dans les vallées, jusqu'à ce que de grandes étendues fussent couvertes; des stries furent burinées dans la roche et des fragments furent transportés. Le fleuve de glace a dû descendre ensuite vers la côte, pulvérisant en partie les pierres qu’il entraînait, Jusqu'à ce qu'à une profondeur déter- minée par la puissance de la glace, il se fut relevé et eut formé, le long de la côte, cette espèce de terrasse unie que les explorateurs des régions arc- tiques connaissent sous le nom de Eosfuss (pied de glace). On retrouve les mêmes scènes dans le Groënland, et même dans quelques fiords du nord de la Norwège : des montagnes de glace, chargées de fragments de rochers, sont poussées par le vent et le courant; le dégel partiel fait remonter du fond de la mer des masses de glace renfermant des pierres, ettout cela peut être déposé à un niveau bien supérieur. De l’eau douce vaseuse, à peine dégelée, détruit toute vie animale et végétale dans ces dépôts. Enfin, au bord de la terrasse littorale, il y a un banc après lequel le sol descend rapidement à une grande profondeur, où lon trouve du gravier, du sable, du limon, rarement du varech, et, non loin de là, la vie animale se manifeste sous les formes les plus diverses. » C'est à peu près ainsi qu'on peut se représenter l’état des choses au bord de la mer, depuis que la description du Groënland, donnée par Rink (2) en 1857, nous a appris qu'un puissant glacier, glissant dans la mer, a pu strier le sol jusqu’à 1000 pieds au-dessous du niveau de la (1) Camrgezr, Quart. Journal of the Geol. Soc., XXIX, 116. (2) H. Rinx, Grœnland geograf. beskrevet, 1857. 410 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. mer, et depuis que Lyell découvrit, en 1863, que la glace qui descen- dait jadis dans les fiords de l’Ecosse y a produit le même effet. Il existait jadis une séparation dans le mouvement de la glace, sur la côte occidentale actuelle d'Angleterre, dans le Cumberland, vis-à-vis de l'île de Man. Si l’on trace une ligne sur la carte, de l’ouest à l’est, en inclinant un peu vers le sud, depuis le Cumberland, à travers le West- moreland et les hautes vallées du Yorkshire, passant par-dessus des hauteurs de 2200-2400 pieds, on a la séparation du mouvement qui se dirigeait vers le nord et vers le sud. Goodchild (1) a marqué, sur une carte, en 1875, avec beaucoup de détails, les indications laissées par la glace, et il a noté quelques preuves irréfutables du peu d'action que la couche de glace a exercée sur un point situé à 2100 pieds de hauteur. Elle n’y a pas même effacé les légères ondulations que d'anciennes va- gues ont laissées dans le sol rocheux de cette région. Tout le monde a vu, sur des plages sablonneuses, ces ondulations produites par le cla- potement des petites vagues. C’est dans le pays de Galles qu'on a reconnu, pour la première fois, un point qui a été le point de départ du mouvement de la glace. Buckland indiqua déjà, en 1842, que les indices du mouvement descendent du Snowdon, en rayonnant vers les vallées dans sept directions diffé- rentes. Néanmoins, dans le pays de Galles, on trouve aussi des traces d'une mer glaciale, et cela à une grande élévation. Trimmer découvrit des restes de coquillages dans un point situé à plus de 1300 pieds au- dessus de la mer; on en trouva plus tard en différents endroits, entre 1000 et 1400 pieds de hauteur. Avant de quitter l'Angleterre, nous voulons encore mentionner une ligne que Ch. Lyell trace pour isoler la partie méridionale de l’Angle- terre, dans laquelle il n’y a aucune trace de l’action de la glace. On peut se figurer cette ligne sur la carte en allant de Rochester vers l'ouest, passant au sud de la vallée de la Tamise, remontant abrup- tement vers Glowcester et redescendant ensuite vers le canal de Bristol. Tout à l’est, sur la ligne arrondie des côtes de Norfolk et de Suffolk, se trouvent, au contraire, à ce qu’on assure, des blocs origi- naires des pays scandinaves. La limite des blocs erratiques est mieux connue dans le nord de l'Allemagne et en Russie. Elle s’étend en un large demi-cerele autour du nord de la Scandinavie, et, à mesure qu'on étudie la nature de ces blocs, on reconnaît avec plus de certitude la direction des routes qu'ils ont suivies, et les points précis du Septentrion d'où ils sont (1) Goocxizp, Quart. Journal of the Geol, Soc., XXXI, no 191. a« L'ÉPOQUE GLACIAIRE. AU venus. Dans d'anciens ouvrages traitant ce sujet, on émet l'opinion que les blocs seraient venus du Harz ou d’autres roches disparues au- jourd'hui dans le nord de l'Allemagne; mais maintenant que les espèces de roches et les formations géologiques successives sont indiquées sur les cartes des différents pays, on ne peut conserver aucun doute. Les blocs n’ont jamais appartenu aux régions où on les trouve; ils y sont étrangers. Staring (1) a marqué en détail, sur sa carte des Pays-Bas, la limite en Hollande des blocs du Nord. Cette limite va de la province de Groningue vers le sud, traversant la région à l’est du Zuyderzée, presque jusqu'aux côtes occidentales de la Hollande. Léopold von Bueh (1811) et l'explo- rateur de la Pologne, Pusch (2) (1836), résument ainsi le tracé de ces limites : ils s'étendent au nord et à l’est de la forêt de Teutber (Feuto- burger Wald), des montagnes du Weser et du Harz; remontent de là vers le versant septentrional de l’Erzgebirge et du Riesengebirge, et passent près de Cracovie pour entrer en Russie; ils sont situés partout : à des hauteurs de 600 à 800 pieds. Sur le champ de bataille de Lützen, on connaissait depuis long- temps le Sehoedenstein, bloc venu de la Suède. Léopold von Buch, qui a visité les pays du Nord, fait remarquer que les blocs ne sont pas répandus en quantités égales sur la plaine de l'Allemagne du Nord. De grandes étendues de terrain en sont entièrement dépourvues; ailleurs on en trouve des rangées le long des plis du sol. Le célèbre géologue Murchison (3) à tracé, en 1845, sur sa carte de la Russie, la limite suivante : Après avoir fait une courbe autour des hauteurs, au nord de Cracovie, elle passe près du Kabuga et Woronesh, traverse le Wolga au confluent de l'Oka, est reconnaissable près d'Ustnem, vers l'Oural, qu’elle ne traverse pas, et revient vers le golfe de Tscheskaia, à l’est de la mer Blanche. Le général von Helmersen (4) (1869) attribue à peu près la même étendue au domaine des blocs; il y ajoute peu de chose et indique avec certitude quelques directions suivies par les pierres. Le nombre de ces blocs voyageurs est sans doute assez considérable, mais il n’est pas inépuisable; c’est un fait bien connu, que les blocs dis- paraissent peu à peu parce qu'on les utilise de différentes manières. La statue équestre de Pierre [*, sur la place du Sénat, à Saint-Péters- bourg, est placée sur un immense bloc, qui se trouvait dans les envi- (1) SrariNG, Geol, Kaart v. Nederland (1858). Overzigt van het Diluvium. (2) Puscu, Beschreib. v. Polen, IT, 1836. (3) Murcmson, Verneurs and KeyseruiNG, The Geology of Russia and Ural, 1845. (4) HELMERSEN, Mém. de l'Acad. imp. de Saint-Pétersbourg, XIV, n° 7. 412 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. rons de la ville, et qui était connu sous le nom de Grom (le Tonnerre). Il est formé de granit de la Finlande. Lorsqu'on a construit le pont Nicolaï, on renforça, contre le courant, les piliers de granit taillé, par des milliers de blocs erratiques finlandais. Ici, dans le voisinage du lieu d’origine, la découverte de la provenance des blocs n’avait rien de bien surpre- nant, mais à des endroits plus éloignés on trouva des faits frappants. Les blocs qu’on voyait jadis en quantité sur la route entre Saint-Pé- tersbourg et Moscou, ont disparu; ils ont été employés à la construc- tion de routes et de chemins de fer. On a alors cherché d’autres maté- riaux et on en a trouvé, au nord de Moscou, dans de profondes couches de gravier. De grandes pierres étrangères, ayant 2 pieds en diamètre, ori- ginaires de la Finlande, étaient mêlées avec d’autres qui appartenaient au calcaire de la plaine de Moscou. Pour déterminer avec certitude la direction dans laquelle ces blocs ont été transportés, il fallait connaître exactement la nature des ro- ches de la Scandinavie et de la Russie. Les suppositions et les théories ne peuvent nous être ici d'aucun secours ; mais lorsqu'on est fixé sur le lieu d'origine des blocs, la route suivie est facile à trouver, et peut être marquée d’un trait sur la carte. Si l’on soutient qu'un grand nombre des blocs proviennent de la Finlande, il faut, avant tout, tracer une carte générale de cette contrée. D’après von Helmersen, on y trouve des rochers ayant jusqu’à 700 pieds de haut, en granit particulier à la Finlande, connu sous le nom de rapaluvr. Et, cependant, on rencontre des blocs de ce granit à 850 pieds de hauteur, entre autres, un bloc remarquable par sa grandeur, sur le plateau du Waldaï, au sud-est de Saint-Pétersbourg. Il paraît certain aussi que les couches bien connues de Lyckholm, qu'on voit dans l’Esthonie, près de Hapsal, vis-à-vis de Dagæ, à 250 pieds de hauteur à peine, ont été transportées en partie dans la Basse-Silésie, où on les retrouve près de Sadewitz, à 450-550 pieds au-dessus de la mer. On doit aussi admettre que le grès rouge d'Onéga, qui forme, sur la rive occidentale du lac Onéga, des rochers de 250 pieds de hauteur, sur lesquels les vagues ont laissé leurs marques, a été transporté, vers le sud et le sud-ouest, sur des points élevés de plus de 350 pieds. Le géologue Ferdinand Rœmer (1), de Breslau, qui connaît bien le Nord, donne les directions suivantes comme certaines : La craie blanche du Danemark et de Schonen est répandue vers le sud et le sud-est sur l'Allemagne du Nord; le calcaire de Saltholm (de l’île de Seeland)se trouve vers le sud jusqu'à Berlin; des pierres de la Westphalie et d'OEland par- (1) Ferd. Rœmer, Zeitschr. d. deutsch. Geol. Ges., 1862. L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 413 vinrent, au sud et au sud-est, jusqu'en Mecklembourg, en Poméranie et dans la marche de Brandebourg, des pierres de l’île de Gothland au sud et au sud-ouest dans le nord de l'Allemagne à l’est de l'Elbe; les mêmes s'étendent vers le sud-ouest Jusqu'à Groningue, où se trouve la limite extrème en Hollande; des pierres de la Livonie ont été transportées dans la même direction, vers Posen et la Prusse orientale. Comme ces blocs appartiennent, en majeure partie, aux roches strati- fiées ordinaires, telles que le calcaire, etc., on pourrait croire qu'une erreur serait très possible, et que rien de ee qui vient d’être dit n’est certain. Mais il n’en est rien. Par sa connaissance exacte des étages du Nord et des fossiles de chaque étage, Rœmer a pu déterminer la patrie des fragments erratiques d’après leur nature. En Silésie, on a découvert, dans plusieurs endroits, en dedans des limites des blocs, des restes du mammouth et du rhinocéros à deux cornes. Les squelettes les plus complets ont été trouvés près de Ratibor sur l’Oder. Nous arrivons maintenant dans la Scandinavie, qui est irrécusable- ment le grand champ d’où sont venus beaucoup de blocs. On s’est longtemps refusé, en s'appuyant sur des noms tels que Léopold von Buch et Berzélius, à accepter l'explication des faits observés dans le Nord, proposée par les partisans de la théorie des glaciers suisses, parce que ceux-ci ne pouvaient pas invoquer la preuve d'indications certaines; et cette résistance était non seulement juste, mais encore utile, parce qu'elle nous a préservés de l'incertitude, du gâchis et des déductions erronées qu’entrainent les preuves incomplètes. L. von Buch soutenait que la première condition de l’existence des glaciers était l'existence d’un champ de glace compacte. Où se trouvait ce champ? On prétendait alors, en effet, que la glace de la mer Polaire s’en allait vers le nord. Berzélius ne voulait pas admettre que les asar de la Suède fussent des moraines. On voulait faire passer ces longues collines formées de différentes couches de gravier et de galets pour des mo- raines construites par le mouvement des glaciers. Mais cette opinion était absolument fausse. Les asar de la Suède ne sont pas des moraines, mais des restes de dépôts plus étendus, que l’eau a épargnés, comme le général von Helmersen l’a démontré en 1869. Il explique de la même manière les asar de la Finlande, ainsi que le Schweinerücken (dos de sanglier), qui existe près de Viborg. C’est à l'extrémité méridionale du lac Onéga qu’on voit le plus clairement cette formation des asar : ces derniers s’y trouvent aujourd'hui entre les rivières Andoma et Ileska dans une ancienne vallée, obstruée par des blocs et du gravier. La val- lée était formée avant l’époque glaciaire, elle fut comblée par des LA 4 REVUE INTERNATIONALI DES SCIENCES. matériaux étrangers, que les cours d’eau ont fouillés plus tard jusqu'à ce qu'il n’en restät que les asar, comme des arêtes. On en trouve aussi en Norwège sous des noms analogues qui caractérisent bien leur forme aiguë; le Gederyggen (le dos de chèvre), près de Skien, à l'extrémité de la mer du Nord, et le Mo-Aasen (le dos de la bruyère), dans Smaa- ienene, furent reconnus distinctement, en 1868, comme des restes de terrasses sillonnées par l’eau. Berzélius avait donc absolument raison de ne pas reconnaître des moraines dans ces arêtes composées de couches multiples de gravier et de sable. Néanmoins, de longues rangées de moraines sont visibles en Nor- wège, et ont été marquées sur une carte au mois de septembre 1858, avec d’autres indications de la période glaciaire (1). Plusieurs remparts de moraines, et les lacs qu'ils enserrent, étaient déjà indiqués sur des cartes ordinaires de la Norwège, et comme pour d'autres pays — les lacs des moraines de Ch. Martins — ont aidé à les reconnaitre. Si l’on veut se représenter les rangées principales extrêmes, on peut tracer, sur une carte des environs du fjord de Christiania, des lignes partant des villes Moss et Horten vers Sarpsborg et Fredrikshald d’un côté, et vers Laurvig et le fjord de Langesund de l’autre côté, et pas- sant devant de petits lacs, si la carte est assez grande pour indiquer ceux-ci. Les stries faites par le frottement du glacier sont dirigées vers ces lignes de chaque côté du fjord, et quiconque a quelque connais- sance des espèces de roches qui frappent le plus les yeux dans le Nord, par exemple la syénite de Christiania ou le granit de Drammen, les reconnaîtra aussi bien dans les grands blocs que dans les petites pierres striées. Les moraines terminales et les moraines de fond, indiquées sur les premières cartes comme des bancs formés par la glace flottante, sont de vraies moraines. Sur les premières cartes qui donnèrent les directions des stries, sur- tout celle de Hærbye (1857), on trouve, dans la Norwège, les plateaux d'où commença le mouvement des glaciers. Toutes les recherches ulté- rieures n’ont fait que confirmer ce que ces cartes nous disent, savoir : que les stries suivent toutes les inégalités du sol; qu'on les trouve par- tout, sur les hauteurs et dans les bas-fonds, aussi bien dans les régions montagneuses que dans les grandes vallées. il est difficile de désigner, dans la Scandinavie, des endroits qui aient été épargnés par l’action burinante et polissante de la glace ; cependant il pourrait s’en trouver plus qu’on n’en connaît jusqu’à présent. Keïlhau ne vit aucune trace de frottement sur le sommet du Sulutind, sur le (1) Morænen in Norwegen., ©. K5., Zeitschr. d. deutsch, Geol. Ges., 1860, L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 415 mont Filefjaeld (5750 pieds). Sur le grand plateau central de la Nor- wège, on ne trouve, au-dessus de 4000 pieds, que de rares endroits offrant des stries. Fearnly et Mejdell ne virent aucune trace de frottement sur le massif de montagnes le Ronder. Hærbye en trouva aussi peu sur le Forelhaagn, entre Dovre et Kjælen (4243 pieds), que sur l'île de Sen- jen, au-dessus de 800 pieds d’élévation. La striure, et aussi la route suivie par les blocs et le gravier, se diri- sent en Norwège, à partir des hauteurs de formes si diverses des Har- danger-Fjælde, vers le sud, et au-delà des Jotun-Fjælde, des Dovre- Fjælde et Fæmum-Fjælde, vers le Sulitjelma et les Tromsæ-Fjælde dans le Nord; en d’autres termes, la ligne de séparation passe avec bien des sinuosités au-dessus des Lang-Fjælde, le Dovre et Kjælen. Quoiqu’on doive certainement chercher les dernières moraines fron- tales dans la mer, comme Torell (4) l’a soutenu en 1864, cependant des rangées de moraines témoignent du dégel de la couche de glace en Norwège. Les remparts de moraines indiquent ici les phases du dégel (2). Au niveau du débouché du fjord de Christiania, se trouvent les rangées extrêmes, déjà marquées en partie sur les cartes officielles, et qui portent le nom particulier de Ra ; par exemple le Mosse-Ra vers Sarpsborg et plus loin, et, vis-à-vis, la rangée correspondante qu'on peut appeler le Æorten-Ra, s'étendant jusqu'à Laurvig et au delà. Ensuite on rencontre une rangée intérieure qui coupe les terres de l'Ecole d'agri- culture à Aas, au sud du fjord de Bunde, une autre près d’Innen, aux environs de Christiania, qui traverse des vallées et qui est plus souvent interrompue, etc. ; — tout cela est indiqué sur les cartes. Maïs à partir de cet endroit, on ne rencontre, en remontant les principales vallées, pas de moraine terminale qui les traverse, avant d'arriver dans le Glom- menthal, près de Kongsvinger, et ensuite pas d'autre avant celle du Rendal, non loin de Jutulhugget. Après les grandes moraines extrè- mes, barrant les vallées, le voyageur est frappé de ce que les moraines non méconnaissables manquent tout à coup. C’est aussi le cas dans la région de Nordenfjæld. Dans quelques endroits, par exemple à Stenk- (1) O. Toner, OŒEversigt af Svensk Vet. Akad. Fœærhandl, 1872, n° 10. (2) Voyez l'article de Brœgger et Reusch dans la Zeitschrift der deutschen Geol. Ge- sellschaft, XXNI, sur les « Riesenkessel » (marmites de géant), qui sont aussi des sou- venirs de l’époque glaciaire. Spécialement après le dégel, près de Lucerne, dans le voi- sinage du monument du Lion, les touristes peuvent voir une belle imitation des immenses marmites de géant de Bækkelaget, dans lesquelles tournoyaient en traçant des spirales des pierres arrondies pesant plus de 50 kilogrammes. Les seize marmites rapprochées dans un enclos appelé « Gletschergarten » sont représentées avec des lignes spirales correspondant à celles du Bækkelaget, et indiquées par le géologue Albert Heim, de Zurich, qui les étudia en compagnie de Desor. (Ueber den Gletschergarten in Luzern, 1874.) 416 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. jaer, des remparts de moraines sont situés en dehors des vallées, au débouché du fjord; ensuite on n’en rencontre plus que bien haut dans le massif de la montagne. Les petits lacs qui se trouvent dans le Ber- gen-Stift, près du bras intérieur du fjord, ont été considérés comme des lacs de moraines par Codrington (1) en 1860. D'après cette opinion, la digue naturelle située entre le fjord et le petit lac — Codrington en compte treize dans les fjords de Hardanger, de Sogne et du Nord — serait entièrement une moraine terminale. Du côté de l’ouest, on s'aperçoit, après les moraines extrêmes, sur l’île de Jæ- dern et la moraine d'Esmark près de Lysefjord, que les rares moraines transversales indiquent que l’espace entre Bæverdulen dans le Lomb et Mjæsstranden dans le Telemarken a été entièrement couvert de glace, ainsi que les Rœldal-Fjælde, le Folgesonn et le Justedal-Bræn dans le Bergen-Stift. En suivant ces traces et d'autres encore, on voit que la glace a eu les mêmes centres d'irradiation que les rayures sur les rochers, savoir : les Langfjælde, Dovre et Kjælen. VIT Ce sont les traces de la dernière phase de la période glaciaire que l'explorateur reconnaît le plus facilement et avec le plus de certitude. Mais si nous abandonnons l'étude de l’époque de la diminution des glaciers par le dégel, nous avons à soulever le voile nuageux que des âges reculés ont étendu sur l’époque de la plus grande étendue ou même de l'extension progressive des glaciers. Les détails manquent sur cette partie de la période glaciaire dans le Nord. Cependant il paraît que Îles expiorations d'Otto Torell ont commencé à soulever le voile. Torell à recueilli d'abord les indications de l'existence de différents courants de glace, tous formés sur la terre d’après lui, et il les a distri- bués dans différentes époques d'une grande période glaciaire. Ces époques sont : premièrement, celle de la grande étendue jusqu'aux li- mites des blocs erratiques en Allemagne et du courant de glace venant principalement de la Finlande, ensuite celle du courant de la mer Bal- tique se dirigeant plus vers l’est, et enfin celle des courants se bornant aux contrées scandinaves, et plus tard aux grandes vallées. Les nombreuses observations recueillies par Torell dans ses voyages lointains dans le Groënland, l'Islande et le Spitzhberg — pendant les- quels il remarqua, en 1857, que dans ces contrées il y a toujours, comme dans les Alpes, un champ de neige compacte au-dessus des (1) CopRINGTON, Quarterly Journalof the Geol. Soc., 1860. L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 417 glaciers — et sa connaissance approfondie des conditions physiques de l’Europe septentrionale nous font attacher une importance toute parti- culière aux opinions émises par lui. C’est aussi Torell qui a précisé (1864-72) la nature des dépôts de la période glaciaire scandinave, en y montrant des coquillages tels que Fo/dia arctica et Arca qglacialis, dont les noms indiquent le séjour habituel. Plus importante encore pour l'étude ultérieure de la période glaciaire dans le Nord, est la découverte que Torell a faite de certains terrains anciens, datant d'avant l'extension de la glace, savoir : des deux côtés de l'Oere-sund, une couche de sable de 100 pieds d'épaisseur, contenant des vestiges de houille et des petits morceaux d’ambre jaune de l’ancienne formation des lignites, et en Danemark de l'argile avec des scholens, co- quilles de Cyprina islandica, qu'on y trouve, paraît-il, en morceaux (brisés); ensuite dans la vallée de la Vistule, ainsi que dans la Prusse orientale, les mêmes couches d'argile avec des coquilles brisées (recon- nues par G. Berendt en 1861). Ces terrains sont, pour nous, des indica- tions précieuses en ce qui concerne le Nord; il paraît que la souche de glace passa aussi par-dessus le sol uni du Danemark, qu'elle n’a pas creusé, mais sur lequel elle a visiblement exercé une puissante pression. Les plus grandes difficultés qui se présentent ici, proviennent de ce que des états analogues ont été interrompus par la période glaciaire et y ont succédé. De même que Nathorst (1) et Steenstrup découvrirent des restes du bouleau nain dans l'argile et la tourbe des premières couches après la période glaciaire, de même on peut trouver sous les moraines des débris non méconnaissables dans des couches qui se sont formées avant la période glaciaire. Johnstrup et Deichmann-Branth (2), qui rassemblent des preuves concernant les directions dans lesquelles les pierres ont été transpor- tées, nous communiquent obligeamment que des pierres de Christiania- fjord et de Mjæsensee ont été charriées vers le sud, en tout cas jusqu’au Jutland. On peut, en effet, trouver des échantillons des espèces de ro- chers si distinctes de cette partie de la Norwège, aussi bien parmi les blocs erratiques du Danemark que dans les lieux de leur origine, par exemple, la magnifique syénite de Laurvig, le porphyre noir de Holme- strand, la pierre verte (Grünstein) de Christiania. | Johnstrup à aussi essayé de démontrer que le puissant fleuve de glace a brisé les couches de craie, des deux côtés du large bras de mer situé entre Mæen etRügen, qu'illes a refoulées et fait glisser les unes sur les autres; en un mot, que sa pression latérale y a amené un désordre, (1) Narnorsr, OEfversight af Svensk, Vet. Akad. Færhandl., 1872. (2) Déicamann-Branrx, Hvorfra er Stenene à Jylland. T. Ill, — N°05, 1879. © 1 418 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, dont les traces pittoresques sont encore visibles. À mesure que la quan- üté de glace augmentait sur la terre ferme, la mer Baltique a dû se remplir, d'après Johnstrup (1), d'abord de glace flottante, ensuite de glaçons très rapprochés, et enfin de glace compacte, car la glace était maintenue en équilibre dès que son épaisseur dépassait seulement d’un neuvième la profondeur de la mer Baltique. Quelque difficile qu'il soit de se représenter un état de cette ré- gion si différent de l’état actuel, il paraît cependant qu'on en trouve des indications; celles-ci prouvent que le revêtement de glace s'est mis en mouvement dans les pays scandinaves, et qu'en glissant sur les ter- rains qu'il rencontra, il y laissa des rochers jusqu’à la limite des blocs erratiques en Allemagne. On n’a pas encore pu déterminer par- iout d'une manière certaine l’action exercée par la glace qui recou- vrait la mer. En Norwège (2), on en retrouve la trace datant d’une époque peu antérieure à celle du dégel, à des altitudes d'environ 600 pieds au-dessus du niveau actuel de la mer. Au sud du golfe de Finlande s'étendent l'Esthonie, la Livonie et la Courlande. Grewingk (3) (1861) et Friedrich Schmidt (4) (1865) ont recherché dans ces provinces, jusque dans les plus petits détails, les indications dont nous nous occupons ici. De même que dans le sud de la Suède, le sol y est abondamment couvert de matériaux venus de loin. Grewingk vit que la direction des stries est la même que celle du lac Peipus, c’est-à-dire nord-nord-ouest, sud-sud-est dans les environs du lac, tandis que plus au sud la direction est nord-sud. Sur l'île de Dago, les stries se dirigent vers le sud-ouest, c’est-à-dire vers la Silésie, où les pétrifications de la couche de Lyckholm ont aussi été transportées. On retrouve encore cette même direction à mi-chemin entre l’île d'Oesel et le lac de Peipus. Dans l’Esthonie, au contraire, le docteur Schmidt constata que la direction générale des stries vient du nord- ouest, du côté de la Finlande et de la Suède. De même que les fragments de pierre furent transportés par la glace dans les vallées déjà existantes au versant méridional des Alpes, par- dessus la plaine de la Suisse et près du lac de Zurich, dans les Vosges, dans la Bavière et dans le Tyrol : de même les vallées des contrées bal- tiques sont plus anciennes que la période glaciaire. C’est ce qu'indique (1) Jonnsrrup, Zeitschr. d, deutsch. Geol. Ges., 1874. Ueber Lagerungs Vershæltnisse auf Mœen. (2) Norwegen, 600 F.,T. KseruLr, Zeitschr. d. deutsch. Geol. Ges., 1863. Erlæuter. zu Uebersichtskarte. Ebenda 1870. Ueber die Terrassen. (3) GREWINGK, Geologie von Liv. und Kurland, 1861. (4) Fr. Scamipr, Bull. de l’Acad. impér. de Saint-Pélersbourg, NL. L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 419 la composition minéralogique de ces contrées, dans lesquelles les cou- ches siluriennes et dévoniennes se succèdent dans un ordre exactement connu. Grewingk montre que la configuration de la surface est détermi- née par cette composition du sol. Ici nous devons de nouveau nous ser- vir des cartes. Les trois bassins du golfe de Riga, ainsi que les lacs Wirz-Jarv et Pei- pus, ont aussi une forme analogue — élargie vers le nord et se ter- minant en pointe vers le sud — et une même direction. Le terrain ro- cheux, compact, est formé d’étages différents, et ces couches forment trois plis ou renflements auprès de ces bassins. La mème configuration se retrouve dans les bassins des rivières, dans l’ordre suivant : Torgel, Aa (en Livonie), Ewst ; Düna, Memel, Aa (en Courlande), Windau. Les cours d’eau partent, à angle droit, des plis principaux, qui, eux, se dirigent en sens opposé, savoir : en Esthonie, le long du lac Peipus, et en Courlande, dans le sens transversal. Les principales rivières descendent donc en droite ligne des versants. De plus, ajoute le docteur Schmidt, suivant les plis des couches du sol, tous les promontoires et presque tous les ruisseaux vont dans la même direction (nord-ouest) dans le nord de l'Esthonie ; et, dans beaucoup de cas, on peut observer que les lits des petits cours d’eau, avec leurs vallons, répondent aux plissements peu profonds des couches. Lorsque, plus tard, la glace passa par-dessus ces contrées et y dé- posa des matériaux sur le sol rocheux, elle ne put même pas entrainer partout les grès dévoniens gisant sur le sol, ni les lignites (jurassiques), qu'on trouve mêlés à du sable mouvant dans le sud-ouest de la Cour- lande. Grewingk en conclut que, dans les provinces baltiques, les hauteurs et les abaissements du sol sont restés approximativement tels qu'ils étaient déjà avant l’époque glaciaire ou avant les déluges partiels, car le plissement qu'il a montré est plus ancien, et, d’ailleurs, c’est justement ce faible plissement des courbes qui modèle à grands traits la surface du pays. Le docteur Schmidt suppose que la direction nord-sud des plus grandes profondeurs de la mer Baltique, du bras de mer entre les îles et l’Esthonie, la forme du rocher appelé l'ile de Hochland, de même que la disposition générale des lacs et des fjords de la Finlande, tiennent sans doute à ce plissement observé dans les provinces baltiques. Mais nous devons laisser cette question de côté, parce qu'il s’agit de profon- deurs remplies d’eau, et de pays dont la carte topographique n'a pas encore été dessinée. . 420 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. VIII À mesure qu'on admettait plus généralement que la grande extension prise par la glace sur la terre ferme avait amené une période glaciaire, on admit aussi que les glaciers avaient pu former des vallées, des lacs et des fjords. Robert Chambers (1) est probablement le premier qui, en ce qui concerne le Nord, déclara (1849, 1852, 1855) être con- vaincu, par ses propres recherches, que la configuration des montagnes, en Ecosse et dans la Scandinavie, avait été produite par la glace, que les vallées avaient été creusées et élargies par le mouvement descen- dant de la glace dirigé vers la sortie. La masse de matériaux trans- portés, qui, d’après toutes les apparences, était énorme, paraît s’accorder parfaitement avec cette manière de voir. Impressionné par la quantité de ces masses charriées ainsi, le météorologue Kæmtz (2) publia (1858) une théorie d’après laquelle Le Nord aurait compris des pays excessive- ment élevés, très propres à la formation de glaciers. Nous devons, dit- il, replacer sur les montagnes tous les blocs que nous trouvons loin des Alpes et qui, certainement, ne représentent qu’une petite partie de ce qui en a été enlevé, puisque les matériaux plus divisés ont été emportés plus loin par les eaux; nous devons y replacer aussi tout ce qui remplit les lacs et les plaines de la Lombardie, et les galets du Danube. Le mont Blanc a pu avoir ainsi, dans cette période, une hauteur de 20000 pieds et la limite de la neige a pu être, dans cette contrée, à 9000 pieds, c'est-à-dire à 1000 pieds plus haut qu'aujourd'hui. À cause de cette plus grande élévation des Alpes, les vents du sud durent être plus violents, et si les pays scandinaves étaient couverts de glace à cette même époque, les vents du nord ont dû produire des brouillards, un ciel couvert et des nuages; on peut se figurer, en un mot, que les gla- ciers ont eu une plus grande extension, sans que la température du globe ait été généralement plus basse. Qu'on se représente ensuite le volume d’une moraine accumulé dans un seul siècle, et cette masse se renouvelant pendant vingt mille ans. Cela s'applique aussi au limon des fleuves, et, en se basant sur les calculs de Bischof, Kæmtz évalue que le Rhin et tous ses affluents transportent annuellement une masse de matière qui formerait une pyramide inclinée de 1 sur 4 et haute de 400 pieds.D’après le même raisonnément, et en attribuant à la Norwège et à la Suède la moitié des masses charriées par-dessus la Finlande et l’Es- (1) R. CHamBers, Edinb. New Philosoph. Journ., 1853. (2) KæmrTz, Mittheil, d. k. k. Geogr. Ges. in Wien, juin 1858. L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 421 thonie, Kæmtz croit pouvoir rehausser de 1000 pieds la chaîne des mon- tagnes scandinaves quiestlongue de 225 lieues. Quant à la Finlande, qui a fourni tant de pierres, elle devrait être rehaussée de 10000 pieds. Il est certain que dans ces calculs on tient compte de tout ce qu'apportent les eaux coulant habituellement, et on oublie, comme Bonney l'ob- serve (en 1871), dans toutes les évaluations de la quantité de limon en- traîné par les fleuves, que tout ce qui est suspendu dans les ruisseaux des glaciers et tout ce qui les rend troubles ne provient pas du frotte- ment du glacier sur le sol, puisque la majeure partie des matières s’est écroulée sur le dos du glacier et trouve plus tard son chemin vers le ruisseau. Aussi Rütimever (4), qui connaît bien les glaciers, exprime- t-il (en 1869) une opinion absolument contraire : « Pendant la période des glaciers, la formation des vallées est arrêtée, ou du moins ne peut continuer qu'en dehors et au-dessus du revêtement de glace. » Mais Mortillet, Ramsay et Tyndall ont défendu, avec plus de force encore, l'opinion que le glacier creuse la vallée, en broyant et en refou- lant les rochers. Comme les grandes moraines de l'Italie reposent toutes sur des couches plus anciennes, absolument horizontales, de sable et de galets, qui s'élèvent maintenant jusqu'à 40-50 mètres au-dessus du niveau de la mer, et que la profondeur du lac de Côme atteint Jusqu'à 600 mètres et celle du lac d'Iseo 300 mètres, Mortillet (2) n'a pu trouver d’autre explication de l'existence des lacs (1862) que celle-ci : qu’ils auraient tous été remplis jadis jusqu'au niveau de la mer, par des couches de matériaux détachés, et que le glacier aurait plus tard expulsé ceux-ci en masse. Desor (3) et Omboni, qui ne trouvèrent, dans l’action exercée par les glaciers, aucune trace d’une force agissant de cette manière, crurent, au contraire, que de bonne heure les lacs ont déjà été pro- tégés par la glace. Environ vers le même temps, Ramsay(4) —qui, en 1859, était en- core partisan de la Drift, et qui attribuait à des montagnes de glace le transport des blocs dans la plaine de la Suisse, mais qui, depuis, avait visité le Jura, avec Desor pour guide — Ramsay alla encore plus loin, en prétendant que les glaciers avaient creusé les auges des lacs dans la pierre. Il basait cette supposition sur ce qu'il avait vu en 1859 et 1860 dans le pays de Galles, où certains étangs ou petits lacs parais- sent être produits par l’action des glaciers. « Quelques-unes de ces exca- 1) RurTimMever, Ueber Thal. und Seebildung, 1869. 2) MorrTizzer, Bull. de la Soc. Géol., 1859. 3) Desor, Revue suisse, 1860. 1) Ramsay, Quart. Journal, 1862. ( ( ( { 422 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. vations sont plus anciennes, mais la plupart paraissent avoir été pro- duites par la glace, qui possédait dans ces points une plus grande épais- seur et, par conséquent, une plus grande force dans certains points, par suite de circonstances dont on a peine aujourd’hui à se rendre compte. » De ces petits lacs, Ramsay passe aux lacs de la Suisse et de la Lombardie. Il examine d'abord toutes les explications qui ont été données de l’existence des grands lacs. Comme aucune n’est satis- faisante et que les cartes mêmes des géologues suisses etitaliens repré- sentent ces lacs comme ayant été couverts de glace jadis, il ne reste plus qu’une force qu'on puisse invoquer, savoir celle de la glace en mou- vement. Ramsay pense donc que le lac de Genève a été creusé par la pression de l'immense glacier du Rhône, lequel avait une hauteur de plus de 37100 pieds, depuis la limite supérieure de la polissure jusqu’au fond du lac, à l'extrémité orientale. Les lacs de Neufchâtel et de Bienne ont aussi été creusés par le glacier du Rhône, qui se heurta au Jura et fut forcé de le longer. De même, le lac de Côme fut formé par la pression d'un glacier. La grande profondeur des lacs n’est pas une objection; car, dit Ramsay, en supposant que la théorie soit fondée, la profondeur ne dépend plus que du temps et de la puissance de la force agissante. Quant aux vallées déjà existantes, qui imprimèrent leur direction aux glaciers, elles éprouvèrent des changements de forme déterminés par le poids écrasant de la glace. Ramsay trouve une autre confirmation de sa théorie dans le fait géo- graphique d’après lequel les lacs deviennent plus nombreux aussi bien en Europe qu'en Amérique, à mesure que l’on avance davantage vers le nord. Les fjords de l’Ecosse et de la Norwège ne sont que des prolon- gements des vallées dans lesquelles des glaciers sont descendus, et on peut aussi expliquer par la force refoulante de la glace le fait que la profondeur de quelques fjords écossais dépasse celle de la mer voisine. On sait qu'un glacier peut glisser jusqu'au fond de la mer, jusqu’à ce qu'il se brise à une certaine profondeur ct avec une épaisseur donnée. Comme aujourd'hui la profondeur des fjords est telle, que la glace, étant brisée, aurait dû être soulevée comme des montagnes de glace, Ramsay suppose que le pays a pu être jadis beaucoup plus élevé. Vers la même époque, le physicien Tyndall (1) alla encore plus loin (1862). Les sommets et les vallées des Alpes doivent leur existence à une force excavante plus puissante que l’eau; c’est l’action d'anciens glaciers qui leur à donné leur conformation actuelle. Peut-être un million d’hivers (1) Tynpazz, On the conformation of the Alps, 1862; Philosoph. Mag., XXIV. L'ÉPOQUE GLACIAIRE, 423 ont-ils exercé leur influence sur les rochers escarpés de la vallée d'Hasli, et cependant on voit encore les marques laissées par la glace, comme si elles étaient d'hier! Ceci donne l’impression que l’action de l’eau est relativement faible. Mais qu'un glacier énorme, tel que celui qui allait du mont Blanc jusqu’au Jura, ait pu creuser des vallées profondes, «là- dessus il ne peut y avoir de doute ». Plus un glacier creuse profondé- ment, plus il doit s'amoindrir en longueur. Il se détruit donc lui-même. Car chaque vallée profonde des Alpes exerce l’action d’un calorifère qui envoie des courants d'air chaud vers les hauteurs et arrête ainsi la formation de la glace. Mais si les vallées’ actuelles des Alpes étaient de nouveau fermées, comme jadis, par des masses compactes de rochers, les grands glaciers renaîtraient encore une fois. Deux forces, dit Tyndall, agissent dans chaque glacier. La glace presse sur chaque inégalité du sol sous-jacent, et la broïe ou la détache, tan- dis que l’eau, qui coule incessamment dans le bas des glaciers, en- traine les petits fragments et remet le rocher en contact avec la glace. Si l’on réduit l’action du glacier à une simple polissure des rochers, et si on lui accorde un temps suffisant, on doit considérer non pas comme une hypothèse, mais comme une nécessité physique de cette action, qu'elle doit creuser des vallées. Mais le glacier fait plus que de polir simplement. Les rochers ne sont pas partout une masse homo- gène et compacte; il s’y trouve des crevasses et des endroits faibles qui les divisent en morceaux séparés, et « un glacier peut certai- nement détacher entièrement ces blocs ». Voilà donc le travail des glaciers expliqué. Ils entraînent les matières détachées ; ils broient les durs rochers par leur poids, ou bienils en dé- tachent, pièce à pièce, des fragments. Les chercheurs anglais ne diseu- tent plus, en général, que la question de savoir : si les réservoirs des lacs ont été seuls creusés ainsi, ou bien si l'explication s'applique aussi aux vallées entières ; «mais, dit Murchison, les principaux géologues du continent ne partagent pas cette manière de voir ». Cependant, en An- gleterre même, ces théories ont aussi été combattues, et cela par des géologues tels que Murchison, Lyell, Falconer, le duc d’Argyil, par des explorateurs des Alpes, tels que John Ball et Bonney, par des visiteurs du Groënland, telsr que Whymper, par des naturalistes, tels que Mallet, et d’autres encore. La principale objection faite contre la théorie de l’excavation par la glace est qu'elle ne voit dans les vallées, les lacs et les fjords que des faits géographiques; comme si la géologie, qui étudie les assises des pays, n’avait rien de plus à dire sur les détails cachés dans les profondeurs de la terre, que ce que nous apprennent les cartes géographiques. 424 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Aussi bien pour l'extrémité du glacier à la limite des moraines que pour sa naissance dans un cirque, la théorie a été déclarée mal fondée. Le docteur Falconer (1), qui a exploré des glaciers dans les Alpes et dans l'Himalaya, l’attaqua avec force, en prouvant (1862) que les lacs. alpins n’ont pas été comblés, parce que les glaciers les ont traversés ou ont glissé par-dessus, tandis qu'il n’y a pas de grands lacs au sud de l'Himalaya, où les vallées ont été remplies en grande partie par le tra- vail de charriage des glaciers. Murchison (2) cite (1864) des géologues qui ont prouvé, pour l'Italie, la Suisse et les Vosges, que des escarpe- ments subsistent aussi bien dans les vallées que dans les grands lacs, au beau milieu de la route suivie par le courant de glace. Lyell (3) in- dique (1863) que la situation du lac de Genève et de plusieurs autres lacs ne correspond pas avec la ligne du glacier principal, et il mvoque comme une-objection encore plus forte, qu'il n’y a pas de lacs sur la route de beaucoup de grands fleuves de glace; par exemple de ceux qui ont charrié de grandes moraines jusqu'aux environs de Turin. John Ball (4) attaque surtout l'opinion de Mortillet, et explique (1863) com- ment le mouvement progressif du glacier est de moitié moindre dans ses couches inférieures qu’à sa surface, et comment la glace deviendrait immobile dans la profondeur d'une excavation, tandis que la partie su- périeure glisserait seule en avant. Le glacier ne peut donc pas creuser une cavité et déplacer 30 lieues cubiques anglaises de terrain, comme cela aurait été le cas pour le lac Majeur ; car la masse entière de glace qui serait descendue dans cette auge n’en serait pas sortie. Le due d’Ar- evil(5) cite un exemple et montre que, de six petits lacs situés dans le voi- sinage d'Inverary, dans l’Arevllshire, il n’y en a qu’un qui soit disposé de manière que son bassin ait pu être creusé par la glace. Et Bonney (6) prouve (1871) que la glace ne peut pas se creuser un réservoir dans un cirque. C’est le poids de la colonne de glace, uni à la pression exercée d’arrière en avant, qui fait la force excavante du glacier. Or, la pression serait nulle aux endroits où le cirque touche aux plus hautes crêtes des Alpes ; il ne resterait donc que le poids. De plus, des géologues suisses etitaliens ont montré qu'au niveau des extrémités, où la force excavante devrait être la plus grande, les glaciers ne creusent pas du tout, mais pas- sent, au contraire, sur des couches de galets et de terrain labourable sans (1} FALcoNER, Proceedings of the Royal Geograph. Soc., VIII. (2) Murcmson, Address of the Royal Geogr. Soc., mai 1864. (3) Lyezr, Antiquily of Man, 2e édition, 1863. (4) J,. Bazz, Philosoph. Mag., XXNI. (5) ARGYLL, Quart. Journ., XXIX, n° 116. (6) Bonxey, Quart. Journ., XX VII, n° 107, XXIX, XXX. L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 495 y apporter de changement. La Société helvétique de naturalistes (fondée en 4815, et une des réunions les plus anciennes de naturalistes, dans laquelle Venetz lut, ponr la première fois, ses observations sur la nature des glaciers) eut, en 1863, sa quarante-septième réunion à Samaden, dans l'Engadine, et une des excursions, faite avec soixante-deux voitures, par les membres présents, se dirigea vers le pied du magnifique glacier de Morteratsch. Beaucoup d’entre eux reconnurent, avec les savants suisses Desor et Karl Vogt, et avec le Français Charles Martins, que ce glacier, dont le mouvement progressif était très sensible à ce moment, glissait par-dessus la couche de pierres détachées qui s'étendait à ses pieds, mais ne la creusait pas. Le travail du glacier, dit Ch. Martins, ne consiste pas à creuser ce terrain meuble, mais à l’aplanir et à le niveler. C'est ce travail, bien connu, des glaciers, qui a procuré, en Suisse, le nom de Boden (plancher) au sol uni de tant de vallées. Le glacier n’agit pas comme une charrue, mais comme un immense rouleau. Ce fait est donc contraire à la théorie de l'excavation. Whymper (1), qui a fait l'ascension du mont Cervin (Watterhorn), et qui connaît si bien les glaciers, dit que ses études l'ont amené au même résultat, et il indique les roches moutonnées comme preuve d’une époque dans laquelle la force égalisante des glaciers était plus faible. Car, d’un côté des petits mamelons, on aperçoit la roche non polie, avec les rugosités originaires que la glace n’a pas touchées. Chaque fois qu'on rencontre de ces endroits intacts sur le chemin construit dans la vallée, celle-ci nous dit : J'ai été autrefois aussi profonde que cela. Mais la masse glaciale, prétend-on, s'enfonce par sa pression écra- sante. L'ingénieur des mines docteur Gurlt (2) combat cette opinion. S1 l’on admet pour le poids de la glace neuf dixièmes du poids de Peau, pour une épaisseur de glace de 2 000 pieds une pression égale à celle de 1800 pieds (ou de 55 atmosphères), la pression d’un si énorme gla- cier est de 825 livres sur chaque pouce carré. D’après les tableaux ordinaires dont se servent les ingénieurs, on calcule qu'une simple brique peut supporter 1200-2000 livres par pouce carré, et que les espèces les plus ordinaires de rochers peuvent supporter une pression beaucoup plus forte encore, savoir :le granit, 6000-9000 ; le basalte, 20 000; la pierre calcaire, 4000-6000 ; le grès, 3000-12000. IL est donc impossible que ces rochers soient pulvérisés par la pression d’un glacier, quand même il aurait 2000 pieds d'épaisseur. Quant à la supposition d’une épaisseur énorme de la glace, que les (1) Wuymper, Scrambles amongst the Alps, 2e édit, Londres, 1871. (2) Gurr, Sitszungsber d, niederrhein. Ges. in Bonn, 1874; Ueber die Fjorde. 426 | REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. glacialistes modernes (dont je parlerai plus tard) ne craignent pas de défendre, s'appuyant sur Agassiz, qui déclara en 1867 que le man- teau de glace, dans le Maine, avait dû avoir 12-13000 pieds d'6- paisseur; Mallet, bien connu par ses caleuls et ses théories concernant les ondes des tremblements de terre, fait observer que l'épaisseur et le poids de la glace ne peuvent pas avoir dépassé le point où celle-ci se pulvérise elle-même, ou passe à l’état d’eau par la pression. Et ce point paraît être dépassé de beaucoup dans la mesure donnée plus haut. Elisée Reclus(1) (1867) expose sa manière de voir en ce qui concerne le côté géographique de la question, c’est-à-dire la situation des lacs et des fjords. Les fjords appartiennent aux côtes des contrées septentrionales, ou en général à des degrés élevés de latitude. Aïnsi les côtes occiden- tales de la presqu'île scandinave sont déchiquetées par des fjords de- puis le cap Nord jusqu'à Linderness ; de même l’Ecosse, l'Irlande, le Labrador, le Groënland, la côte occidentale de l'Amérique du Nord, Alaschka et — sous d’autres latitudes — l'ile de Feu. Que par une brusque révolution, continue Reclus, les eaux marines s'élèvent à 100 ou 200 mètres au-dessus de leur niveau, des contrées plus méri- dionales présenteraient tout autour du globe des fjords qui entreraient soudain dans toutes les dépressions du continent, inondant toutes les vallées jusqu'à une très grande distance des rivages actuels. Quelle est la cause première de cette loi géographique? La période glaciaire à transformé les névés des montagnes en fleuves de glace. La carte parle elle-même, pour ainsi dire : elle raconte clairement que les fjords, ces antiques découpures du littoral, ont été maintenus dans leur état pri- miüf par le séjour prolongé des glaciers. Dans les temps passés, des vents prédominants de l’ouest et du sud- ouest amenèrent l'humidité nécessaire pour que des glaciers pussent se former sur les côtes atlantiques de l'Europe. C'est là la cause du con- traste entre le littoral oriental et le littoral occidental des Iles-Britan- niques et de l'Islande. Dans les anciennes échancrures, la glace se main- tnt le plus longtemps sur les côtes occidentales. En Suède, le travail des fleuves et de la mer combla ces découpures, mais en Norwège la glace protégea les fjords, entraîna même des fragments de rochers et forma des moraines jusqu'en dehors des débouchés des fjords. Ge sont ces moraines, dit Reclus, que le marin connaît sous le nom de ponts de mer, bancs de pêche, etc. L'idée de Reclus, que les «ponts de mer» sont de vraies moraines, a déjà été émise, lorsque, préoccupé de la théorie des torrents de Sels- (1) RecLus, Revue des deux mondes, mars 1867. L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 427 trom, on considérait la striure des rochers scandinaves comme un « phé- nomène particulier de friction ». Hærbye ({), qui a rassemblé les stries sur des cartes, dit, en 1857, qu'en dehors des côtes, les banes de mer consistent en petits galets, et qu'ils ont probablement été déposés pen- dant l'époque de friction. Dès que la théorie des glaciers fut accueillie, on prétendit que le banc découvert, d'après quelques-uns, par des son- dages à l'embouchure du Sognefjord, était une moraine. Cependant il est très probable que ce « bane » est un rocher-récif solide ; on peut le con- clure d'après la carte géologique, qui indique qu’à cet endroit la roche labradorite et la chaîne de montagnes de conglomérats s'arrêtent, et tous les deux avec une limite en relief. Le commandeur Kerr (2), qui a ras- semblé des observations sur le mouvement de la glace terrestre dans l'île de New-Foundland, et qui a démontré que les stries sont dirigées vers le nord-est dans le golfe de la Conception, qui à une longueur d’un demi-degré de latitude, a indiqué, en 1871, comme étant une moraine terminale le banc qui se trouve à une profondeur de 80 brasses dans l'embouchure du fjord. Prenant pour base les explications de Mortillet et de Ramsay, les gla- cialistes modernes vont cependant beaucoup plus loin que ces savants, de sorte que Ramsay (3), qui ne veut pas admettre toutes les idées que la croyance populaire lui attribue, défend lui-même sa position particu- lière. Pour Ramsay, comme pour tous les géologues qui ont exploré les pays et en ont dessiné des cartes, le système entier des vallées est dans ses traits généraux plus ancien que la période glaciaire. Les hauteurs et les vallées, dit Ramsay, étaient presque aussi importantes avant la pé- riode glaciaire que maintenant; les glaciers ont seulement élargi les vallées et creusé dans certains endroits les cavités que les lacs remplis- sent aujourd’hui de leurs ondes. Les appréciations des glacialistes modernes n’ont pas été mieux expli- quées que dans le livre de Campbell (4) Frost and Fire. Dans ce livre, il représente son alphabet d'une manière claire et saisissante. Des indi- cations certaines ont été gravées par les forces de la nature; nous Îles voyons et nous y lisons des faits certains. À est le sommet d’une mon- tagne, parce que sa forme rappelle cette lettre. Y et V font penser, au contraire, à des coupes faites dans les vallons que les cours d’eau seuls ont creusés. La lettre grecque A est acceptée comme signe pour le delta ou l'accumulation de matières transportables qui se produit en (1) HæœreYe, Obs. sur les phénomènes d'érosion en Norwège, 1857. (2) Kerr, Quart. Journ., XX VII, n° 105. (3) Ramsay, Quart. Journ., janvier 1873. (4) Camper, Frost and Fire, 1stand 2nd edit., 1865-1867 (Quart. Journ., janvier 1873). 428 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. forme d’éventail à l'endroit où un cours d’eau se jette dans un bassin. Les indications pour les volcans sont aussi certaines. O est le’cratère d’un volcan, une montagne circulaire. « Ge signe, dit Campbell, est vi- sible noir sur blanc sur la lune, et quiconque a vu Naples et ses environs peut l'interpréter. » Mais un arc tracé ainsi — indique des rochers qui ont porté des glaciers, et l'arc retourné _ le creux produit par la force excavante de la glace. Le mème voyageur, qui a visité beaucoup de pays, remarque qu'en Norwège les flords de montagnes conduisent à des vallées profondes, reproduisant la forme des fjords ; ces vallées conduisent à de petits val- lons de même espèce, mais situés plus haut, et ceux-ci touchent enfin à la région de la glace. Mais toutes ces érosions sont taillées sur le même modèle; une coupe représente un U, et c’est là le signe pour les vallées creusées par la glace. D'après cela, l’auteur de Frost and Fire représente (en 1867) une parte du fjord de Hardanger, près de Bondhus, comme une large gout- üère ayant la forme de l'U, creusée dans les rochers et à moitié remplie d’eau. On retrouve dans le glacier, près de Bondhus, un reste de cette force qui a creusé près de là; c’est elle qui donna leur forme aux mon- tagnes scandinaves. L'alphabet de Campbell nous apprend encore que lorsqu'un ruisseau creuse un sillon plus profond, la forme V se change en Y. Le signe d'un torrent est L, lorsqu'il se précipite perpendiculairement d’une hauteur. L nous indique donc la première incision faite par l’eau tom- bant du haut d'une montagne. La chute la plus élevée en Europe est celle de Gavarnie dans les Pyrénées. Quoique le torrent de la monta- gne soit assez volumineux ici, son action est cependant insignifiante en comparaison de la Glen qu'un autre agent a creusée avant que l’eau descendit du haut du rocher. Après avoir passé en revue les signes des cours d’eau, Campbell dit : « Ce ne sont pas des cours d’eau qui ont creusé le Gadbrandsdal, Saetersdal, le Hardangerfjord et le Sognefjord, le Romsdal et d’autres vallées coupées dans les rochers dans la Norwège méridionale. Un tor- rent descend du haut du Skagastolstinder, mais le canal dans lequel il coule ne porte pas les indications qu'un fleuve laisse derrière lui. » L’au- teur représente plutôt le Skagastolstinder et une vallée en forme d'U. I nous dit que le cirque du Snehaetten ressemble à celui du Svolvaer et à des centaines de corrtes des Highlands d'Ecosse. Devant le cirque du Snehaetten se trouve une moraine. Personne ne peut étudier cette contrée sans reconnaître aussitôt l’action de la glace. On peut suivre les traces que la glace a laissées depuis un groupe de vallées en forme L'ÉPOQUE GLACIAIRE, 429 de cirques, au pied du Snehaetten, en allant vers le nord jusqu'au Sun- dalsfjord. Et une autre rangée de ces traces va des vallées cireulaires au sud du Snehaetten au-delà de Gadbrandsdal. En nous expliquant ainsi l’histoire des contrées au moyen de ces in- dications, Campbell arrive à nous montrer une calotte de glace qui des- cendait du pôle nord jusqu'aux latitudes de New-York, Washington, Rome et la Grèce. Après lui, les plus avancés parmi les glacialistes mo- dernes veulent que la couche de glace ait atteint presque l'équateur, où ils nous la montrent se mouvant en avant, épaisse à cet endroit de 2000 pieds. Dans son intéressant langage de touriste, Campbell nous enseigne encore ces règles de dynamique : « Les plus fines striures, les vallées de l'Irlande et les fjords de la Norwège ont tous été creusés d'après le même modèle, seulement dans d'autres dimensions. Si la glace a creusé les petites traces, de plus grandes masses de glace ont pu laisser derrière elles les plus grandes traces. Si, dit Campbell, Je dessine la carte d’un pays sur l'échelle de 1 lieue anglaise (5 000 pieds) sur 1 pouce, je raccourcis une vallée d'Irlande, longue de 12 lieues, jus- qu'à n'être plus qu'un sillon de { pied de longueur, et pourtant la forme reste très pareille. Si je prends les stries, qui ont la finesse d’un che- veu, burinées par la glace et les grains de sable sur la roche dure, et si je les agrandis sous le microscope, elles prennent l'aspect de plus grandes dimensions. Un fragment de roche strié par la glace montre par conséquent que les sillons et les vallées se ressemblent beaucoup. de n'invente rien, je tâche seulement de mettre de côté l'idée de la gran- deur. » Voilà ce qu'on appelle /a théorie avancée de l'époque glaciaire. Une extension si démesurée attribuée à la couche de glace met la période glaciaire elle-même en défaveur. Si nous laissions de côté l’étude pénible des couches superposées d’un pays pour nous borner à la géo- logie de la surface, nous trouverions facilement à l’aide de cet alphabet, même dans la mer Méditerranée, dans la mer Caspienne, dans la mer d'Aral, etc., des indications d’excavation produite par la glace. Dans son discours annuel le due d'Argyll (1), président de la Société de géologie à Londres, diten 1873 : «Je suis persuadé que les théories de l'époque glaciaire ont atteint maintenant leur point culminant. Lorsque toutes nos vallées sont regardées simplement comme des stries agran- dies, nous ne pouvons guère aller plus loin dans ces excursions particu- lières de la science fantaisiste.» Argyll, qui, comme d’autres présidents de la même Société, ne peut pas aller aussi loin, nous rappelle que Lartet (2), qui à accompagné l'expédition du duc de Luynes, à claire- (1) ArGyLL, Anniversary Address, Quart. Journ., XXIX, n° 114. (2) Larrer, Bull. de la Soc. Géol., XXIT, 1865. 130 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. ment prouvé que la vallée du Jourdain et de la mer Morte est formée par une crevasse indéniable. Cette vallée si renommée nous offre, en effet, une image très nette avec des traits presque aussi simples que ceux de l'alphabet de Camp- bell. La mer Rouge se divise comme un V en deux bras : le golfe de Suez à gauche et le golfe d'Akaba à droite de la presqu'île du Sinaï. Après (la vallée) Wadi-el-Arabah, l'énorme crevasse contient la mer Morte et se continue dans la vallée du Jourdain. Si l’on se représente le niveau de la mer élevé ici de quelques centaines de pieds, le golfe d'Akaba formerait un fjord étroit ayant deux tiers de la longueur de la mer Adriatique et s'étendant dans la vallée d’Arabah, la mer Morte et la vallée du Jourdain, tandis que maintenant l’eau descend dans cette vallée profonde au-dessous du niveau de la mer. Si le climat y était plus froid, de sorte que l’eau s’évaporât moins, elle s’étendrait en un lac de grande longueur et se creuserait un débouché vers Akaba. La cohésion des montagnes est interrompue par cette fente; la vallée, avec les lacs et le fjord, forme une crevasse béante. Quoique tout ceci soit bien clair lorsqu'on étudie la formation géologique, il est pourtant facile de s'y tromper, lorsqu'on s’en tient à l'alphabet de la surface du sol; car on nous assure que les cèdres du Liban, les der- niers survivants, s'élèvent sur de vieilles moraines, et que la glace s’est trouvée jadis dans le voisinage de ces vallées, à la formation desquelles elle est cependant restée étrangère. Nous faisons les mêmes observations sur les vallées et les fjords d’un des pays du Nord. Le Suédois Pajkull (1) (1867) adopta l'idée qu'en Islande aussi les glaciers auraient creusé les vallées et les fjords. IL observa cependant qu'aujourd'hui il ne se trouve pas de ces érosions sur la côte méridionale, quoique la présence de glaciers (7ækler) de ce côté doive les faire présumer. Nous devrions donc expliquer l'absence d’échan- crures de la côte méridionale, qui est si visible sur toutes les cartes, en admettant qu'à mesure que la côte se rehaussa, les échancrures furent de nouveau comblées, et que nous découvririons des vallées profondes creusées par les ?æklers, si ceux-ci disparaissaient. I n'y a ni vallées ni fjords sur la côte méridionale de l'Islande; cela est certain. Des montagnes portant des glaciers s'élèvent comme une muraille, et à leurs pieds s'étendent des plages sablonneuses. Plus au nord, entre les massifs rocheux couronnés de glace, s'étend aussi un plateau uni. Si jadis les glaciers, qui ont certainement couvert une plus grande partie de l'Islande, comme les stries observées depuis long- (1) Pasxurz, Svensk Vet, Akad, Handl., VIT. L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 431 temps l'indiquent, avaient creusé les vallées et les fjords, nous devrions nous attendre, avec raison, à trouver un certain rapport entre le nombre et la longueur des fjords d’un côté et l'étendue du réservoir des glaciers de l’autre côté. En effet, un glacier qui sort d’un réservoir très limité, ne peut — en admettant qu'il possède la faculté de creuser — cependant pas avoir creusé, dans toutes les directions, des fjords longs et profonds. Dans la presqu'ile qui s’avance au nord-ouest de l'Islande, et dans laquelle on trouve encore deux glaciers, le plateau réservoir a trop peu détendue en proportion des fjords nombreux, parmi lesquels il y en a d’aussi profonds que l’Isa-fjord et l'Arnar-fjord. Quiconque con- naît la formation géologique de l'Islande, ne s’imaginera pas que les massifs en forme de dôme, du sud de l’île, tels que le majestueux Eirik- Jækel, aient été détachés par lPaction puissante des glaciers. Il y a, en Islande, des frerds très grands de formes très nettes. En général, leur orientation est la même que celle des grands ravins comblés (1), nord- sud, ouest-nord-ouest-est-sud-est, nord-est-sud-ouest. De puissants agents ont produit ces longues crevasses. La crête de l’Hécla même s’al- longe dans la direction de l’une d’elles. Plus loin, on voit les étroites vallées de l'Ouest, longues de plusieurs lieues, par exemple la vallée de Thingvalla-Vand, où il s’est fait un effondrement entre deux cre- vasses; dans le Nord, les crevasses, longues également de plusieurs lieues, situées près de Mytvatn, et les deux lignes de crevasses, facile- mentreconnaissables, qui se sont ouvertes pendant des éruptions histo- riques, la ligne de l’Héela et la ligne de Mytvatn, et enfin les crevasses que les Islandais ont vues se produire en 1875. Mais, pour revenir à la géologie de la surface et à l'alphabet, la na- ture elle-même paraît avoir inserit en mille endroits une preuve que la glace n’exerce qu'une faible action. L'existence des vallées, des laes et des fjords ne peut déjà pas être expliquée par la seule géologie de la sur- face, parce que les conditions diffèrent, dans chaque cas isolé, avec la structure interne des terrains. Mais la surface a aussi son mot à dire, et nous y trouvons inserit, en mille traits indiscutables, que la glace ne possède qu'une force extraordinairement faible pour creuser. Sur toutes les cartes qui indiquent les directions des stries, ces traits sont indiqués depuis longtemps par deux flèches qui se croisent. Les observateurs qui se sont occupés le plus des stries dans le Nord, s'accordent à dire qu’elles se trouvent dans différentes directions, et que de grands et de petits fragments de roches ont été transportés dans ces mêmes directions. Mais, dans beaucoup d’endroits, on trouve réu- (A) 1slands Vulkanlinien, T. Ks., Zeitschrift d. deutsch. (reol. Gesellsch., 1876. 432 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. nis, superposés, les différents groupes ou systèmes de stries; dans les deux directions où les blocs et les pierres ont été transportés, dans les deux directions se dirige la vallée ou la coupure. Ceci est aussi un signe qui appartient à l'alphabet. Les observateurs qui ont marqué les stries sur des cartes sont d'avis, dans des pays tout à fait différents, qu'un système de stries est plus jeune que l’autre. Ainsi parlent Keiïlhau, Hærbye et Rœrdam en Norwège, Erdman, Otto Torell et Holmstræm en Suède, Grewingk et le docteur Schmidt en Livonie et en Esthonie, Tiddeman (1) en Angleterre, Kinnahan en Irlande, Gümbel (2) dans le Tyrol, von Helmersen en Russie, George Dawson (3) dans l'Amérique du Nord, etc. Nous rencontrons si souvent des stries burinées sur les mêmes roches par la glace, en des directions différentes, que, parmi les flèches au moyen desquelles on indique les directions, nous en trouvons de 15 à 16 pour 100 sur les cartes détaillées, et encore 4 à 7 pour 100 sur les cartes d'ensemble, qui sont croisées pour indiquer cette dis- position. Les lieux dans lesquels un système ultérieur de stries en recouvre un antérieur, se rencontrent partout, au haut des montagnes comme dans la plaine, aussi bien sur les points où l’on peut supposer un maximum de puissance que sur les points où un minimum peut avoir agl. Si ces cas étaient des exceptions, ou si quelques observateurs seule- ment les avaient découverts comme des singularités, on ne devrait peut-être pas attacher beaucoup d'importance à ces stries croisées; on devrait simplement noter, comme une particularité, qu’en tel ou tel endroit la glace n'avait pu effacer, à son second passage, les marques qu’elle avait laissées une première fois. Mais il n’en est pas ainsi. On a réuni un grand nombre de ces observa- tions, à tel point qu'on en a conclu, en différents pays, qu'il s’est produit des mouvements consécutifs de la glace dans des directions différentes. Des observateurs qui se plaçaient à des points de vue très différents, ont tiré ces mêmes conclusions depuis l’époque où l’on en était encore à la théorie de Sefstræm sur les torrents emportant des cailloux. Ce qu’on admet maintenant être des phases de la période glaciaire paraissait alors comme des époques du torrent. Sur les cartes d'Irlande, très détaillées, dont nous avons déjà parlé, (1) TinpeMAN, Quart. Journ., XX VIII, n° 412. (2) Gümser, Sitzungsber. der k. Akad, d. Wissenschaften in München, 1872. (3) Dawson, Quart. Journ., 1875. L'ÉPOQUE GLACIAIRE. 433 les flèches croisées se poursuivent d’une manière continue. Kinnahan (1) montre que, dans les environs de Galway, près de Killaryharbour, on peut suivre les deux systèmes superposés environ pendant 1 lieue et et demie sur une largeur de { lieue, et près du golfe de Cashla, pen- dant près de 3 lieues sur une largeur de 2. Il remarque que le dernier groupe de stries a dû provenir d’un changement dans le mou- vement de la glace, qui n’a pas duré assez longtemps pour effacer les anciennes traces. Mais on doit se demander combien de temps le mou- vement doit durer ou de quelle longueur doit être le torrent de glace pour faire disparaître les anciennes traces, s'ils n’ont rien effacé sur une longueur de 3 lieues anglaises. En Suède, où Otto Torell (2) a entrepris d'établir plusieurs époques dans la période glaciaire, et en même temps de déterminer les direc- tions du mouvement de la glace, Holmstrœæm (3) a suivi ces directions au moyen des différents systèmes de stries ; lorsque les deux systèmes sont superposés, l’un des deux est plus ancien que l’autre. La nature paraît donc nous enseigner que les glaciers n’exercent aucune action excavante ; elle nous le montre encore d'une autre ma- nière lorsque, par suite du dégel, les érosions viennent à la lu- mière, ou bien lorsque les glaciers s’amoncellent autour de rochers élevés, près desquels ils déposent des moraines d'obstacles. Lorsqu'il s’est fait un mouvement dans la direction &, et qu'un autre mouvement ultérieur laisse également une trace superposée dans la direction 6, il est bien certain que la glace, qui n’a pas même pu effacer la trace à, avait encore moins la puissance nécessaire pour creuser des vallées et des fjords. Et cela se voit dans des milliers d’endroits. KoERuLF (4). (1) KiNnañaN, The general Glaciation of Jar-Connaught, Dublin, 1872. (2) ToreLr, Undersækningar œfver Istiden. OŒfversigt af Kongl. Vet. Akad. Forhandl., 1872, no 10; 1873, n° 1. (3) HozmsrRœm, Maærken eft. isliden à Shane. Malmo, 1865; Jaktag. œfver istideni. Sœdra Sverige, Lund, 1867. (4) In Samml. gem. wiss. Vort. T. Il. = N° 5, 1879. 28 134 REVUE INJERNATIONALE DES SCIENCES. SUR LES SECOURS RÉCIPROQUES QUE PEUVENT SE FOURNIR LA ZOOLOGIE DESCRIPTIVE ET LA ZOOLOGIE GÉOGRAPHIQUE : Par Fernand LATASTE, Répétiteur à l'Ecole pratique des hautes études, Dans la dernière séance, à propos d’un nouvel Urodèle d'Espagne, j'entrais dans quelques considérations relatives à la distribution géo- graphique des Reptiles et des Batraciens. Je m'attachais particulière- ment à faire ressortir les secours que peut tirer la zoologie descriptive d’une étude sérieuse de la répartition des espèces à la surface du globe. Je remarquais qu'il importe, dans ce but, de suivre isolément chaque espèce, les inductions géographiques perdant de leur solidité à mesure que, s'écartant de l'espèce pour embrasser une collection de formes plus considérable, comme le genre, la famille, etc., elles ont la pré- tention de devenir plus générales et plus transcendantes. Mais on ne dépasse nullement les limites de la méthode scientifique quand, après un contrôle rigoureux d’un nombre suffisant de localités limites habi- tées par une espèce, on trace sur la carte l’aire de cette espèce, lui as- signant ainsi pour habitat un certain territoire, à l'exclusion de tous les autres. En d'autres termes, ici comme ailleurs, la constatation d’un certain nombre de faits doit précéder toute tentative de généralisation, mais les conceptions générales, à leur tour, peuvent servir de guide et de contrôle dans la constatation de nouveaux faits. Cette thèse a paru, sans doute, à plusieurs personnes, comme à moi-même, aussi évidem- ment Juste qu'une vérité de La Palisse; mais elle est bien souvent mé- connue dans la pratique, tant par les géographes, qui construisent sou- vent des généralisations prématurées sur les indications de catalogues erronés, que par les zoologues, qui craignent parfois de commettre un cercle vicieux en Ss’aidant, dans leurs déterminations, des données géographiques; et c'est pour cela que je n’ai pas cru inutile de l’énon- CeTAIGIe À son appui, je citais deux exemples : Le premier était emprunté aux Ophidiens. Vipera Ammodytes L. est une espèce de l’Europe orientale. On la trouve en Asie Mineure, et elle (1) Communication faite à la Société zoologique de France, dans sa séance du 4 mars 1879. LA ZOOLOGIE DESCRIPTIVE ET GÉOGRAPHIQUE. 435 s'étend de là, par le Caucase, dans les pays méridionaux de l'Europe orientale. Elle habite aussi l'Egypte, comme en fait foi un Jeune échan- tillon bicéphale du Muséum de Paris. Au nord, elle ne dépasse guère les limites méridionales de la Transylvanie, du Banat de Temeswar, de la Hongrie, poussant une pointe jusqu'aux environs de Rosenheim, sur l'Inn, en Bavière. Enfin, à l'occident, l'aire de cette espèce empiète légèrement sur l'Italie, où le Tyrol, les environs de Milan et les environs de Ferrare constituent ses extrêmes limites (1). En France, c'est déci- dément à tort que la Vipère Ammodyte a été indiquée jadis comme ha- bitant le Dauphiné, puisqu'il est impossible de la retrouver dans cette province, et qu'aucun échantillon authentique ne fait foi de l'exactitude de cette indication. En Algérie, l'espèce n’a Jamais été signalée. Il devenait dès lors très invraisemblable que Vipera Ammodytes, ab- sente de France et d'Algérie, se retrouvât en Espagne, où cependant elle était signalée par tous les auteurs. À sa place, en effet, M. Bosca a trouvé une nouvelle espèce, qu'il m'a fait l'honneur de me dédier. Vipera Latastei Bosca est intermédiaire, par ses caractères, à Vrpera Ammodytes et V. Aspis, et très voisine de chacune d'elles ; et elle paraît avoir été jusqu'à ce jour confondue tantôt avec l’une, tantôt avec l’autre. Du moins, malgré toutes ses recherches, M. Bosca n’a pu constater encore, d'une façon authentique, la présence en Espagne de Vipera Ammodytes ; et il n’a constaté que dans la région pyrénéenne la pré- sence de Vipera Aspis. Ainsi se montrent confirmées par les faits les inductions tirées des considérations géographiques, inductions qui permettaient 4 priori, et malgré le dire unanime des auteurs, de mettre en doute la présence de la Vipère Ammodyte en Espagne et de prédire l'existence, dans la pé- ninsule ibérique, d'une espèce différente, non encore déerite et source de la confusion. Et ce fait, aujourd'hui bien établi, suggère à son tour une nouvelle hypothèse, qui, sans doute, ne tardera pas, comme la précédente, à recevoir sa confirmation. Vipera Aspis est peu répandue en dehors de la France et de l'Italie. Elle n’atteint pas au nord les frontières du premier de ces deux pays et dépasse peu celles du second. A l’est, son aire est limitée par l’Adria- tique, à l’ouest par l'Océan. Au sud, nous venons de voir que l'espèce ne s'étend guère au delà des Pyrénées. Il devient dès lors fort probable qu'elle n'existe pas en Algérie, et que la forme désignée sous son nom (1) ScuretBer, Herpetologia europæa, 1875: A. Srraucn, Synopsis der Viperiden, 1869. Voir aussi : pe Berra, Fauna d'Italia, 1874. 436 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. dans les faunes de cette région est une tout autre espèce, peut-être Vipera Latastei (1). Mon deuxième exemple était fourni par les Batraciens. De mème que Vipera Ammodytes, Bufo viridis Lam. est oriental, et non méridional, comme l'ont cru beaucoup d'auteurs. Je l’ai reçu d'Egypte et de Danemark; il est très commun en Italie et fait absolument défaut à l'Angleterre, à la Hollande, à la Belgique, à la France et à l'Espagne. En Allemagne, ainsi qu il résulte des recherches de Leydig (2), on l’a retrouvé dans un grand nombre de localités qui rejoignent assez irrégulièrement l'Italie au Danemark, soit, en procé- dant du sud au nord, les environs de Botzen, ceux de Meran, de Brix- legg, de Rothenburg, de Wurtzburg, de Linz, la Thuringe, les environs de Berlin. On peut donc, dans l’état actuel de nos connaissances, con- sidérer la ligne qui s'étend, sur la carte, du Danemark à l'Egypte, en passant par l'Italie, comme limitant à l’ouest l'aire habitée par l'espèce qui nous occupe. Bufo Calamata, au contraire, est une espèce occidentale, commune en Espagne, en France, en Belgique, en Hollande, et se retrouvant en Angleterre. Il est actuellement difficile de préciser ses limites orientales dans le centre de l'Europe. Nous savons seulement qu'il se mêle, en Danemark et en Allemagne, à l'espèce précédente, d’où, d’après des renseignements qui m'ont été fournis par M. le docteur Strauch, il s'étend Jusqu'à certaines localités des frontières russes. Mais, au sud, les Alpes paraissent séparer absolument les deux espèces, maintenant le crapaud vert en ltalie et le calamite en France. Dans la Suisse (3), ce dernier est partout répandu, tandis que le premier habite seulement quelques localités du Tyrol italien. Bu/o véridis se retrouve au nord, sur les confins de ce pays, mais sur le territoire allemand, aux environs de Bâle. Les notions précédentes, en ce qui concerne la France, sont basées, non pas sur des indications de faunes ou de catalogues, qui, pour la plupart, mentionnent le crapaud vert dans ce pays, mais sur des ob- servations personnelles accumulées depuis cinq à six ans. En effet, j'ai recueilli par milliers le crapaud calamite en divers points de l’ouest de la France, des environs de Biarritz, au département de l'Aisne, sans jamais rencontrer un seul crapaud vert, et les nombreux échantillons, (1) M. le docteur Strauch, qui connaît Vipera Latastei, et qui a eu autrefois occasion de voir un échantillon de l’espèce algérienne, m'a dit que ses souvenirs, anciens, il est vrai, et peu précis, le faisaient pencher vers celte opinion. (2, Die anuren Batrachier der deutschen Fauna, 1877. (3) Fario, Faune des Vertébrés de la Suisse, II], Reptiles et Batraciens. LA ZOOLOGIE DESCRIPTIVE ET GÉOGRAPHIQUE. HE 7 souvent mal déterminés, que j'ai pu examiner dans différents musées, ou ceux que J'ai réussi à me procurer, de l’est, du centre et du midi, se rapportent également tous à la première de ces deux espèces. Quant à l'Espagne, j'ai attiré tout particulièrement l'attention de M. Bosca sur ce point intéressant. On sait avec quelle activité M. Bosca étend ses recherches de Ciudad-Réal sur la presque totalité de la pénin- sule. Un reptile et deux batraciens nouveaux qu'il vient de découvrir sont la meilleure preuve de son ardeur et de son succès. Or, dans ses excursions, il a rencontré fréquemment le crapaud calamite, mais jamais le vert au-delà des Pyrénées. Je vous disais cela dans la dernière séance, et j'ajoutais, voulant mettre à l'épreuve devant vous l'exactitude d'inductions géographiques, que l’Algérie, appartenant zoologiquement à l'Europe occidentale, ne pouvait posséder le erapaud vert; et que la forme trouvée dans notre colonie et signalée sous ce nom par différents auteurs, Strauch, Lalle- mant, ete., forme que je n’avais pu réussir encore à me procurer, pou- vait être, soit une variété du crapaud panthérin, soit une espèce nou- velle, mais n'appartenait certamement pas à l'espèce Bufo viridis Laur. ; et, comme Je vous le faisais remarquer, mon opinion était encore ap- puyée par ce fait que Bufo viridis était signalé, non pas dans l’orient de notre colonie, qu’à la rigueur il aurait pu gagner depuis l'Egypte, mais du côté opposé, aux environs d'Oran, et ne se retrouvait pas dans les provinces d'Alger et de Constantine. Or, quelques jours après, je recevais de M. Maupas, bibliothécaire archiviste de la ville d'Alger, un fort bel envoi de reptiles recueillis en avril, mai et juin 1875, sur les plateaux de Sersou, entre Tiaret et Frendah, dans la province d'Oran, et à une altitude de 1200 mètres, par MM. Mac-Carthy, directeur de la bibliothèque d'Alger, et Letour- neux, aujourd'hui conseiller à la cour internationale d'Alexandrie; et cet envoi comprenait un seul batracien, le crapaud que je vous pré- sente ici. Par son facies et par la plupart de ses caractères, il est très voisin du Buo veridis Laur., et la confusion dont il a été l’objet paraît bien excusable. Moi-même, bien sûr, je ne l'aurais pas évitée, si je n'avais été mis sur mes gardes par les considérations géographiques que Je vous ai plus haut exposées. Et, cependant, cet anoure appartient à une autre espèce ; car 1l possède sur la face externe de la jambe cette glande cutanée qui constitue, comme on sait, un des principaux carac- tères distinctifs du calamite. Elle est même, chez lui, beaucoup plus étendue et aussi épaisse que chez ce dernier. Il n’est pas davantage un calamite où un panthérin; il s'éloigne même d'eux beaucoup plus que à du vert. Sans recourir à d'autres caractères, je vous ferai seulement 438 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. remarquer ici que les tubercules sous-articulaires des orteils (1) sont simples chez mon exemplaire, ainsi que chez B. viridis, tandis qu'ils * sont doubles chez B. Calamita et B. pantherinus. Quant à la raie dorsale qui se montre très nette sur mon exemplaire, il paraît, d’après le dire de M. le docteur Strauch, qu'elle n’est pas constante. J'ai remarqué ailleurs que souvent, chez Bufo Calamita, la raie dorsale était également absente, et, d'autre part, M. Boulenger m'a fait observer qu’on trouvait souvent des traces de cette raie chez B. viridis d'Italie. Ce caractère est donc sans importance. Quoi qu'il en soit, mes prévisions ont été de tout point confirmées. Ce n’est pas le crapaud vert que possède l'Algérie, mais une espèce voi- sine et nouvelle. Sa description trouvera place dans un travail que j'ai entrepris, de concert avec notre collègue M. Boulenger, sur les Bu/o des régions paléarctique et éthiopienne ; mais, d'ores et déjà, je crois avoir suffi- samment désigné l'espèce pour me permettre de la nommer et de la dédier à M. Boulenger, mon collaborateur; je l’appellerai donc Bu/o Boulengeri. Je remarquerai, en terminant, que M. Boulenger et moi, nous avons été engagés à entreprendre cette révision d’une partie du genre Bu/o par les difficultés que nous avons éprouvées à déterminer un crapaud d'Egypte (B. reqularis Reuss). Or ce crapaud faisait partie d’un lot de reptiles recueillis, comme ceux du plateau de Sersou, par M. Letour- neux, et parvenus entre les mains de mon ami M. Edouard Taton, qui en a généreusement enrichi ma collection. Je n’ai pas l’avantage de con- naître personnellement M. Letourneux; mais je saisis cette occasion de lui faire savoir que sa peine n’a pas été perdue, et que ses récoltes herpétologiques. sont tombées en bonnes mains. Je remercie aussi M. Mac-Carthy, qui a partagé la peine de M. Le- tourneux dans la récolte des reptiles du plateau de Sersou, et a bien voulu se dessaisir de ces animaux en ma faveur; ainsi que M. Maupas, grâce à qui ces richesse herpétologiques sont arrivées en ma pos- session. F. LATASTE. (1) Leydig, op. cit., paraît être le premier qui ait mis en relief ce caractère, excellent pour distinguer des espèces souvent fort voisines. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 439 REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. De la matière colorante de l'urine (1), Par Masson. (Suite.) La combinaison de matière colorante et de plomb obtenue par ce procédé n'est pas tout à fait pure. J'ai cru pendant longtemps que les impuretés (traces de sulfate, urate, phosphate, chlorure de plomb) provenaient du manque de soin dans les manipulations; mais, depuis, j'ai été forcé de reconnaitre que le mode opératoire en lui-même était défectueux. La cause d’erreur que j'ai déjà signalée en parlant de l'arochrome de Tudi- chum étant une des principales parmi celles qui ont amené les insuccès de tous les chimistes qui ont déjà tenté d'isoler la matière colorante de l'urine; en même temps que son étude permet de donner l'explication de plusieurs faits signalés comme inexpliqués, à ce jour, mérite une étude approfondie. Si l’on suppose une urine ne renfermant comme sels que des sulfates, il est admis généralement qu’en traitant cette urine par une quantité suffisante d’un sel de baryum tout l'acide sulfurique est précipité à l'état de sulfate de baryte. Mais trois cas peuvent se présenter suivant la nature du liquide au sem duquel se fait le précipité : 1° Le liquide est rendu alealin par l’'ammoniaque. Dans ce cas, tout l'acide sulfurique se précipite sans qu'il en reste de traces dans le liquide ; mais le précipité n’est pas du sulfate de baryte pur, il renferme une notable quantité de matière colorante qui, comme on le verra par la suite, forme avec le sulfate de baryte une véritable combinaison. ; 9° Le liquide est très fortement acidifié par un acide énergique (azotique ou chlorhydrique). Dans ce second cas il se précipite du sulfate de baryte ne ren- fermant que peu de matière colorante, mais aussi il reste en solution une cer- taine quantité de sulfate de baryte retenu par la matière colorante; si l’on sur- sature par l’ammoniaque, il se fait un précipité gélatineux qui, desséché, constitue une poudre fortement colorée en jaune brun. Cette poudre, caleinée pour détruire la matière organique colorante, donne un résidu de sulfate de baryte avec du sulfure de baryum provenant de la réduction du sulfate. 3° Le liquide est faiblement acide, Dans ce troisième cas, la plus grande partie du sulfate de baryte se précipite avec de la matière colorante etil ne reste dans le liquide que de petites quantités de sulfate, quantités d'autant plus grandes que la liqueur était plus acide, ou que l’acide était plus énergique. Cette propriété de la matière colorante organique de rendre soluble le sulfate de baryte dans les liqueurs acides avait depuis longtemps déjà été signalée par (1) Voir la Revue internationale des sciences, 1878, nos 20, 29, 42. 440 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. les chimistes, mais je ne pense pas que lexplication scientifique, du moins dans le cas particulier de l'urine, en ait été donnée. M. Calvert avait constaté qu’«il convient dans le dosage de l'acide sulfuri- que et des sulfates au moyen du chlorure de baryum d'éviter l'emploi des liqueurs très acides et très volumineuses, car le sulfate de baryte, contraire- ment à l'opinion accréditée jusqu'à ce jour, est sensiblement redissous selon l'intensité de l’acide hibre et le volume du liquide acide (4) ». M. A. Gautier dit: « Le dosage de l'acide sulfurique dans l'urine au moyen des liqueurs titrées est très délicat, car les matières organiques rendent indé- cise, vers la fin de l'opération, la précipitation du sulfate de baryte (2); » et d'autre part, «en calcinant le résidu de l'urine, on trouve une quantité de sul- fate supérieure à celle donnée par le dosage direct de l'acide sulfurique (3). » MM. Neubauer et Vogel ont constaté qu’« avec le sulfate de baryte des ma- tières organiques se précipitent toujours de l’urine (4) ». L'explication de ce fait est facile. La matière organique colorante forme avec l’acide sulfurique et la baryte une combinaison triple, soluble dans les acides (même l'acide acétique), en quantité proportionnelle, et à la quantité, et à l'énergie de l’acide, insoluble dans les liqueurs neutres et ammoniacales. En opérant sur plusieurs hectolitres d’urine, j'ai déjà pu préparer une notable quantité de cette combinaison. La combinaison triple de matière colorante avec.l’acide sulfurique et la ba- ryte se dissout d'autant mieux, comme je viens de le dire, dans une même quantité d'acide — le volume du liquide étant le même — que celui-ci est plus énergique ; mais, inversement, quand on sature par l’ammoniaque, si tout l'acide sulfurique est précipité, il n’en est pas de même de la matière colorante, dont une partie reste en solution, formant une nouvelle combinaison triple avec le sel ammoniacal formé; et cette partie de matière colorante, restant en solution, est d'autant plus grande que l'acide employé pour la dissolution était plus énergique. De sorte que si, d’un côté, il y a avantage à épuiser un précipité de sulfate de baryle coloré, obtenu dans une urine rendue alcaline, par l’acide azotique plutôt que par l’acide acétique; d’un autre côté, et pour une même quantité de matière colorante, le précipité obtenu par saturation de la solution acétique renfermera plus de matière colorante que le précipité obtenu par saturation de la solution azotique. On peut donc dès à présent considérer le corps qui constitue la matière co- lorante de l’urine comme un parfait équilibriste qui se partage entre les diffé- rents sels proportionnellement à leur masse et à l'énergie relative de l'acide du sel. On peut dire aussi que l'introduction de ce corps dans la molécule des sels (1) Leçons de Chimie de Malaguti, 29 partie, p. 621. (2) A. GaurTier, Chim. appliq., I, p. 56. 3) GAUTIER, loc. cit., p. 37. ) NEUBAUER et VoceL, De l'urine, p. 217. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 4% a pour effet général de rendre plus soluble la nouvelle combinaison formée. Je n'ai pas encore trouvé d'exception à ces deux principes, qui seront de plus en plus confirmés par la suite. Pour préparer la combinaison triple de matière colorante, acide sulfurique et baryte, je traite par un excès d’acétate de baryte une urine très faiblement acidi- fiée par l'acide acétique ; je lave avec soin le précipité à l’eau distillée tant que cé véhicule lui enlève quelque chose, puis je l'épuise par de petites quantités d’eau distillée et d'acide acétique à l’ébullition jusqu’à ce que le liquide ne soit plus sensiblement coloré ; les liqueurs acides colorées sont réunies, filtrées, concentrées dans le vide à + 50 degrés centigrades et sursaturées par l’'ammo- niaque. Après vingt-quatre heures, il s'est fait un important dépôt gélatineux qui, lavé avec soin et desséché, constitue une poudre jaune brun. L'examen d’une solution acétique de ce corps (sans excès d'acide acétique) va permettre de donner une explication logique de ce fait, qu'indiquent MM. Neu- bauer et Vogel : «en précipitant par le chlorure de baryum les sulfates de l'urine acidifiée par l'acide chlorhydrique, on atteint un point neutre où le liquide filtré se trouble légèrement aussi bien avec un sulfate soluble qu'avec le chlorure de baryum (1) ». Ce point neutre est atteint au moment où, tout le sulfate de baryte qui peut se former dans la liqueur acide s'étant précipité, 1l ne reste plus que celui qui y est maintenu en solution, grâce à la matière co- lorante. Un semblable liquide est reproduit artificiellement et en se mettant à l'abri des réactions secondaires pouvant être imputées à d’autres corps de l'urine, par la dissolution acétique de la combinaison triple. Dans ce liquide, il ÿ a équilibre parfait entre la tendance qu'ont l’acide sul- urique et la baryte à se précipiter à l’état de sulfate de baryte et la tendance inverse que possède la matière colorante de former, avec une quantité déter- minée de ces deux corps, une combinaison triple, soluble dans l'acide acé- tique. Si l’on ajoute successivement, par gouttes, soit une solution d'un sulfate soluble, soit une solution d'acétate de baryte, il arrive un moment où l’équi- libre est détruit, etil se précipite une minime quantité de sulfate de baryte jus- qu'au moment où, par suite de ce dépôt, l'équilibre sera rétabli entre les deux forces contraires. Le dosage volumétrique de l’acide sulfurique dans l'urine donnera done un résultat d'autant plus au-dessous de la vérité que l'urine renfermera plus de matière colorante et qu'on opérera dans un liquide plus acide. Il vaudra donc mieux opérer par la méthode des pesées avec une urine aussi peu acide que possible, mais en ayant soin de remarquer que le précipité renfermera la presque totalité de la matière colorante, précipitable dans ces circonstances, et qu'il faudra détruire par la calcination, en se mettant à l'abri de la cause d’er- reur pouvant être amenée par la réduction en sulfure de baryum d’une petite quantité de sulfate de baryte. IL. Quand, pour doser l'acide phosphorique de l'urine, on traite celle-ci par (1) NeuBauER et VoGEL, loc. cit., p. 214. 442 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. l’acétate d’urane, après l’avoir acidifiée par l'acide acétique, il se précipite un mélange intime de phosphate d'uranè, en même temps qu’une autre partie de la combinaison triple reste en solution dans la liqueur acide. L'expérience est simple et peut se faire d’une façon très nette, en opérant sur quelques litres d'urine. Premier procédé. — De l'urine, très fortement acidulée par l'acide acétique, est abandonnée pendant vingt-quatre heures au froid, pour la débarrasser de l'acide urique précipitable dans ces circonstances, filtrée et traitée à l'ébullition par une solution de sel d'urane; en fractionnant l'addition de ce dernier, il arrive un moment où une goutte ne donne plus de précipité et où la coloration brune avec le ferrocyanure de potassium indique une trace de sel d'urane en solution. Toutes les méthodes de dosage indiquent de s'arrêter à ce moment, et pour- tant il existe encore en solution une notable quantité de phosphate, maintenu par sa combinaison avec la matière colorante dans la liqueur acide. En effet, on peut faire apparaître un nouveau précipité de deux manières, soit en ajoutant un exces de sel d'urane, soit en saturant par l’ammoniaque l'acidité du liquide. Dans le premier cas, le précipité se fait au moment où la tendance du phos- phate d’urane à se précipiter l'emporte sur la tendance inverse qu'a la matière colorante de former, avec une quantité déterminée d'acide phosphorique et d'oxyde d'uranium, une combinaison triple, soluble dans les liqueurs acides. Dans le second cas, il se précipite de la combinaison triple, insoluble dans les liqueurs neutres. Deuxième procédé. — De l'urine, aussi faiblement acidifiée que possible par l'acide acétique, est traitée à froid par un excès de sel d’urane. On filtre, on lave avec soin le précipité à l’eau distillée, jusqu’à ce que les dernières eaux de lavage n’entrainent plus rien. Le précipité desséché est un mélange de phos- phate d’urane avec la combinaison triple ; déjà, son examen, fait comparative- ment avec celui d'un échantillon bien pur de phosphate d'urane, que l'on vient de préparer simultanément, montre une différence sensible. Le phosphate d’urane est d’un jaune vert pur. Le précipité de l'urine, quoique parfaitement lavé, est d’un jaune sale. Le premier, traité par l'acide acétique à l’ébullition, reste intact et le liquide acide, saturé par l’ammoniaque, ne se trouble pas. Le second, dans les mêmes circonstances, se dissout en partie en donnant une solution colorée en rouge brun, dans laquelle la saturation par l’ammoniaque fait apparaître un précipité coloré de combinaison triple. e - Là, comme dans le cas des sulfates, une partie de la matière colorante reste en solution, formant une combinaison avec le sel ammoniacal formé. La moyenne de plusieurs dosages de cette combinaison triple de la matière colorante avec le phosphate d’urane a été de 30 centigrammes ‘par litre d'urine, mais cette quantité pour une urine également acide peut être très variable et dépend essentiellement de la quantité de matière colorante. L'examen de la solution acétique de cette combinaison triple présente la REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 443 même analogie que la solution de la combinaison correspondante avec le sul- fate de baryte; on y retrouve le même point neutre; une goutte de la solution d’acétate d'urane ne la trouble pas plus qu'une goutte de la solution de phos- phate de soude; mais un excès de l’un ou l’autre de ces réactifs, en détruisant l'équilibre, amène un léger dépôt de phosphate d'urane. L'acétate de plomb la précipite abondamment, la combinaison triple de ma- hère colorante avec le phosphate de plomb étant moins soluble dans l'acide acétique que la combinaison correspondante avec le phosphate d’urane. Le cyanoferrure de potassium en excès y donne d'abord la coloration, puis, à la longue, le précipité brun rouge caractéristique des sels d'uranium. La solution de molybdate d’ammonium y donne la coloration verte caracté- ristique de la présence simultanée de l'acide phosphorique et de la matière or- ganique (1), avec un dépôt jaune de phospho-molybdate d’ammonium quand on opère sur une solution concentrée, Le dosage des phosphates dans l'urine par l’acétate d’urane est done soumis aux mêmes causes d'erreur que celui des sulfates dans les liqueurs acides. Dans les liqueurs neutres, le précipité renferme tout l'acide phosphorique ; mais il renferme, en outre, une grande partie de la matière colorante organique en combinaison avec une partie de phosphate d’urane. Le dosage de l'acide phosphorique, à l'état de phosphate ammoniaco-magné- sien, n'est pas soumis à la première cause d'erreur, puisqu'il se fait dans une liqueur animoniacale ; mais le précipité renferme toujours de la matière colo- rante, si bien lavé qu'il soit, et quoique paraissant blanc à l'œil. Si, en effet, on le fait bouillir à ce moment (2) avec une solution de soude jusqu’à ce que toute l’'ammoniaque soit disparue, on obtient une solution de phosphate de soude fortement colorée, en même temps qu'un précipité de phosphate de magnésie également coloré, la matière colorante s’étant partagée entre les deux sels. On fait bouillir le phosphate de magnésie coloré avec une solution de carbo- nate de soude, tant que celle-ci se colore ; on réunit les liqueurs à la solution de phosphate de soude ; on ajoute assez d'acide acétique pour transformer l'ex- cès d’aleali et de carbonate en acétate de soude ; le liquide renfermant phos- phate de soude, acétate de soude et matière colorante ne doit plus se troubler par l’'ammoniaque. On le traite par l’acétate de plomb tant qu'il se fait un précipité ; celui-c1, lavé convenablement à l’eau distillée, est constitué par un mélange de phosphate de plomb et de la combinaison simple (matière colo- rante et phosphate de plomb). On l’épuise à l’ébullition par l’acide acétique et l'eau distillée tant que le liquide se colore ; les liquides acides réunis sont con- centrés dans le vide à+50 degrés centigrades et sursaturés par l’'ammoniaque. On obtient, après vingt-quatre heures, un précipité gélatineux qui, desséché, constitue une poudre d’un rouge brun foncé. En dissolvant cette combinaison dans l'acide acétique sans excès, on obtient une solution colorée en jaune rouge. (1) Hopre-SeyLer, Traité d'analyse chimique, p. 4. (2) Il faut opérer sur le précipité retiré d’au moins 50 litres d'urine. 44% REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. L’ammoniaque y fait naître un abondant précipité. Le phosphate de soude la précipite. L’acétate d’urane ne la trouble pas, par la raison qui fait que l’acétate de plomb précipite la combinaison correspondante avec le phosphate d'urane. Le molybdate d’ammonium, en solution fortement azotique pour empêcher la précipitation du molybdate de plomb, y donne un précipité jaune de phos- pho-molybdate d’ammonium, soluble dans la potasse caustique. En opérant dans une liqueur suffisamment étendue d’eau pour n'être plus sensiblement colorée, on n'obtient pas de précipité, mais une coloration verte, due à la ré- duction de l'acide phospho-molybdique. , IT. J'ai fait voir, dans ce qui précède, comment le dosage des sulfates et des phosphates, dans l'urine, était faussé par la présence de la matière colorante. Je vais maintenant montrer qu'il en est de même pour les chlorures et les urates. On prend de l'urine ne renfermant plus que des chlorures, dont non seule- ment les sulfates, phosphates, urates, mais encore leurs combinaisons triples avec la matière colorante, ont été totalement enlevés. On l’acidifie légèrement avec l'acide acétique, et on la traite par l'acétate de plomb. Si l'addition d'acide acétique a été suffisante, pas une trace de chlorure de plomb ne prendra nais- sance, quoique les quantités de chlore et de plomb en présence soient relative- ment énormes, par rapport à la petite quantité d'acide acétique. Cette solubilité anormale du chlorure de plomb est due à la combinaison triple qu'il forme avec la matière colorante, combinaison qui se précipite abon- damment, dès qu'on sature avec l’ammoniaque. Un excès d’ammoniaque amène la formation d'un nouveau précipité, mais il reste toujours du chlo- rure de plomb en solution, comme le font voir l'hydrogène sulfuré et le nitrate d'argent dans une liqueur neutre, et cela quelle que soit la quantité d’ammo- niaque ajoutée. D'autre part, et suivant la loi de partage que j'ai déjà citée, si une partie de la matière colorante s’est précipitée, en formant une combi- naison triple avec le chlorure de plomb, une autre partie reste en solution, combinée aux sels qui y restent eux-mêmes. Ainsi s'expliquent : 1° L'impossibilité, tant de fois constatée, de décolorer complètement l’u- rine, à l’aide des sels de plomb, même en présence d’une liqueur très am- momiacale ; 2° La présence constante de l’acide chlorhydrique dans l’urochrome de Tudi- chum, puisque, croyant opérer sur une combinaison de matière colorante et de plomb, ce chimiste opérait en réalité sur une combinaison triple de ma- tière colorante avec le chlorure de plomb ou le chlorure de mercure. Cette combinaison triple de matière colorante avec le chlorure de plomb est soluble dans les acides, précipitable de sa solution par les alcalis, se dissolvant dans un excès de potasse ou de soude, insoluble dans l’ammoniaque en excès. En l’épuisant par l'alcool absolu, acidifié par l'acide acétique, elle se partage en combinaison triple soluble et en chlorure de plomb insoluble, mais égale- REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 445 ment coloré, et il n’est pas plus possible d'obtenir une solution exempte de chlore qu’un précipité privé de matière colorante. Si, au lieu de traiter par un sel de plomb cette urine ne renfermant plus que des chlorures, on la traite par l’azotate d'argent, deux cas peuvent se présenter : Premier cas. — L'urine est fortement acidifiée par l'acide acétique, et trai- tée par un sel d'argent, tant qu'il se fait un précipité. Dans ce cas, 1l se précipite du chlorure d'argent presque pur et ne renfermant que peu de matière colorante ; mais une notable quantité de chlorure d'argent reste, en solution acide, combiné à la matière colorante. Si, en effet, on sature exacte- ment par l’ammoniaque le liquide filtré, 1l se fait, au bout de vingt-quatre heures, à l’abri de la lumière, un précipité brun, renfermant chlore, argent et matière organique colorante. Je dis qu'il faut saturer exactement; en effet, et c’est ce qui rend l’opération plus délicate que dans le cas précédent, la combinaison triple de chlorure d'ar- gent avec la matière colorante est excessivement soluble dans l’ammoniaque, bien plus soluble que le chlorure d'argent ; et comme, d'un autre côté, elle est également soluble dans les acides, il est clair que le précipité n'apparait que dans une liqueur neutre. Voici comment j’opère : je mets de côté quelques centimètres cubes de la liqueur acide, et dans le restant j'ajoute, en agitant, de l’ammoniaque, goutte à goutte, jusqu’à ce qu'il se produise une coloration jaune persistante. A ce moment, la combinaison triple est en solution ammo- niacale, sans excès d’ammoniaque ; j'ajoute alors, avec précaution, la solution acide mise à part, en m'arrêtant au moment où la coloration disparait, pour faire place à un léger trouble ; j'abandonne vingt-quatre heures, au repos et à l'abri de la lumière, pour que le dépôt se fasse. Deuxième cas.— L'urine esttrès faiblement acidifiée ; on y ajoute, à froid, un excès d’azotate d'argent; on recueille le précipité coloré; on le lave avec som à l’eau distillée ; on à ainsi un mélange intime de chlorure d'argent avec la combinaison triple correspondante. On peut isoler cette dernière de deux façons : a. On épuise le précipité coloré, à l’ébullition, par de petites quantités successives d'acide azotique et d’eau distillée, tant que les liqueurs sont colo- rées ; on les réunit et on les sature exactement par l’'ammoniaque, en prenant les précautions que je viens d'indiquer. b. On dissout le précipité coloré dans la plus petite quantité possible d’eau ammoniacale ; on ajoute, en agitant vivement, un excès d'acide azotique ; 1l se précipite du chlorure d'argent sensiblement pur, et la combinaison triple reste en solution. On sature par l’ammoniaque, comme précédemment, Je viens de dire qu'il se précipitait du chlorure d'argent sensiblement pur : en effet, 1l renferme toujours de la matière organique colorante, quelle que soit la quantité d'acide ajoutée. Là, comme partout, on remarque le partage babituel de la matière colorante entre les différents sels, ou entre deux parties d'un même sel : l’une soluble, l’autre se précipitant. Aussi, äutant de fois qu'on dissout le précipité coloré dans l’ammoniaque, qu'on précipite la solu- 446 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, üion par l'acide azotique, qu'on redissout de nouveau le précipité lavé dans l'ammoniaque, etc., etc., autant de fois, dis-je, qu'on répète ces opérations, on obtient toujours, d’une part, une solution, de l’autre, un précipité, tous deux colorés. La dilution de la matière colorante, qui se fait à chaque opéra- tion, amène promptement un moment où la coloration n’est plus sensible à lœil, ni dans le liquide, ni dans le précipité ; mais, se fondant sur la progression décroissante qu'a suivie la matière colorante dans le précipité et dans le liquide, le raisonnement indique que sa disparition n’est pas ab- solue, mais plutôt que sa présence échappe à notre vue (1). Quelle que soit la méthode suivie, on obtient la combinaison triple sous forme d’une poudre brune, soluble dans les acides, même l'acide acétique et l'acide chlorhydrique, soluble dans l’ammoniaque et dans un excès de potasse et de soude, Les solutions alcalines sont plus colorées que les solutions acides, la concentration étant la même. Une solution acide de cette combinaison triple sans excès d'acide, ou une solution ammoniacale de la même combinaison sans excès d’ammoniaque, pré- sente les caractères suivants : Une solution de chromate de potasse, ajoutée goutte à goutte, donne une teinte jaune rouge se fonçant graduellement pour devenir rouge, et donnant même à la longue, et avec un excès de solution de chromate, un léger dépôt rouge (2). Une goutte d’une solution de nitrate d'argent peut n’y rien produire; mais, en en ajoutant successivement plusieurs gouttes, il arrive un moment où il se fait un léger précipité. Une solution de chlorure de sodium, ajoutée goutte à goutte, donne égale- ment un léger précipité. La solution acide se trouble quand on la sature exactement par l’ammo- niaque ; il en est de même pour la solution ammoniacale, quand on la sature eæactement par un acide, Dans les deux cas, il se fait un précipité de combi- naison triple. On voit que là, comme précédemment, se retrouve le même point neutre, dans le dosage direct des chlorures de l'urine au moyen des sels d’argent. Il arrive un moment où il y a équilibre entre la force qui tend à précipiter le chlore et l'argent à l’état de chlorure d'argent insoluble, et la force avec laquelle la matière colorante tend à former, avec une certaine quantité de chlore et d'argent, une combinaison triple soluble dans les liqueurs acides; équilibre qui est détruit par l'addition soit de chlore, soit d'argent, jusqu'au moment où, par suite de la formation d’un léger précipité, il se trouve rétabli entre les deux forces opposées et redevenues égales. (1) Pour mettre en évidence la présence de la matière colorante dans du chlorure d’ar- gent paraissant blanc à l'œil, il suffit de la dissoudre dans l’'ammoniaque. On obtient ainsi une solution colorée même avec de petites quantités de combinaison triple. (2) Le docteur Mour Traité d'analyse chimique, p. 675) avait déjà constaté ce fait dans le dosage des chlorures de l'urine, par l’azotate d'argent, et l'avait attribué aux matières colorantes et extractives de l'urine. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 447 Si, au lieu d’une solution de chlorure de sodium, on emploie l’acide chlor- hydrique, on obtient également un précipité, mais qui se redissout dans un excès d'acide, Le dosage volumétrique direct des chlorures de l'urine au moyen du nitrate d'argent donnera donc un résultat d'autant plus au-dessous de la vérité, que la quantité de matière colorante est plus grande et la liqueur plus acide. IV. Dans les dosages d’urates ou d’acide urique, la matière colorante de l'urine amène encore de plus grandes perturbations que dans les trois cas pré- cédents. Il est aussi difficile, pour ne pas dire impossible, de retirer de l'urine, de l'acide urique privé de matière colorante, que de faire qu'une très notable quantité d'acide urique ne reste en solution, formant, avec la masse colorante et les métaux normaux de l'urine, des combinaisons triples, solubles dans les liqueurs acides. Ce fait est connu depuis longtemps et signalé par tous les chimistes ; diffé- rentes méthodes de purification ont été proposées ; pas une ne donne de l'acide urique pur. Là, comme pour les autres sels de l’urine, la matière colorante se partage entre le précipité urique et l'acide urique qui reste en solution à l'état de combinaison triple. Je dis précipité urique, parce que ce n’est pas de l'acide urique qui se précipite, mais un mélange intime d’acide urique avec la com- binaison triple (acide, matière colorante et métaux normaux de l'urine). A. On ne peut retirer de l'urine, de l'acide urique complètement pur. Vingt litres d'urine filtrée sont additionnés d'un demi-litre d'acide chlorhy- drique pur et fumant et abandonnés pendant quarante-huit heures au froid. Le précipité urique coloré est réuni, lavé à l’eau, à l'alcool, et dissous dans l'acide sulfurique concentré. I se fait une solution plus où moins colorée sui- vaut l'urine, mais toujours très colorée. En jetant cette solution avec précau- tion dans une grande quantité d’eau distillée, il se précipite de l'acide urique avec une partie de la matière colorante ; une autre parte reste en solution. Le précipité urique, lavé, est redissous de nouveau dans l'acide sulfurique, et la solution précipitée par l’eau disüllée; en répétant successivement ces deux opé- rations un certain nombre de fois, on voit progressivement la matière colo- rante décroitre et dans le précipité et dans le liquide; de sorte qu'il arrive un moment où tous deux ne sont plus sensiblement colorés; mais il est clair que cette privation de matière colorante n’est pas absolue, mais plutôt que la dilu- tion, qui se fait à chaque opération, à amené un moment où l'œil ne peut plus percevoir la couleur. | L'examen microscopique vient ici à l'appui du raisonnement. Si à chaque précipitation on examine, avec un grossissement de 420 diamètres (objectif 1, oculaire 3, Nachet), un échantillon pris en différentes parties du précipité, on remarque : qu'au point de départ le précipité urique est constitué, suivant que la cristallisation s’est faite plus ou moins lentement, soit par des formes régu- lières, soit par des formes bizarres et irrégulières, mais loujours très forte- ment colorées et presque toujours en jaune verdâtre ; qu'ensuile, et à mesure que la matière colorante diminue, les formes deviennent de plus en plus régu- lières et les cristaux moins colorés ; qu'enfin, lorsque le précipité urique se 448 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. dissout dans l’acide sulfurique, sans coloration sensible, les cristaux sont en grande partie translucides, incolores et affectant la forme de tables rhomboi- dales allongées. Mais dans le nombre, et en examinant divers échantillons pris en différentes parties de la masse, on trouve toujours un certain nombre de cristaux, les uns entièrement colorés, les autres, partie colorés, partie inco- lores, quelques-uns enfin incolores avec des taches colorées ponctuant leur masse. Jamais je n'ai encore pu retirer de l'urine, par quelque procédé que ce soit, de l’acide urique offrant au microscope, et en se plaçant dans de bonnes conditions de lumière, des cristaux dont la totalité soit parfaitement incolore et translucide ; une certaine quantité de matière colorante, visible au microscope, yadhère toujours. Dix grammes d’acide urique extrait de l’urine, comme je viens de dire, ont été dissous dans l'acide sulfurique concentré, incolore et chimiquement pur, la solution précipitée par l’eau distillée, etc. Après cinq opérations semblables et successives, le microscope montrait encore un grand nombre de cristaux nettement colorés, les uns incolores et translucides, d’autres enfin en partie colorés, en partie incolores. La même expérience faite sur 10 grammes d'acide urique acheté dans une maison de droguerie de Paris et vendu sous le nom d'acide urique pur, m’a donné des résultats analogues. Il est certain, pour moi, que cet acide n'avait été retiré ni du guano, ni des excréments de serpent. Dans toutes les précipitations, par l’eau distillée, de la solution sulfurique d'acide urique coloré, il est remarquable que les premières parties qui se préci- pitent sont les moins, et les dernières les plus colorées, de sorte qu’en laissant le dépôt se faire dans un vase étroit, on le voit formé par des couches super- posées, de moins en moins colorées en allant du fond à la surface, B. De l'acide urique reste en solution, dans la liqueur acide, sous forme de combinaison triple avec la matière colorante et les métaux normaux de l’urine, Au lieu de dissoudre, comme précédemment, dans l’acide sulfurique, le précipité urique convenablement lavé, on l’épuise, à l’ébullition, par de petites quantités successives d'acide acétique et d’eau distillée, jusqu’à ce que le liquide ne se colore plus, quoique le précipité soit encore nettement coloré, quand on l’examine au microscope. Les liqueurs acides colorées, réunies, refroidies et filtrées, sont sursaturées par l’ammoniaque. Si elles sont suffi- samment étendues, elles ne troublent pas; dans le cas contraire, il se fait, après quatre heures, un léger dépôt d’urate d’ammoniaque coloré en jaune brun (combinaison triple d’urate d’ammoniaque avec la matière colorante); un acide plus énergique que l’acétique, l'acide chlorhydrique par exemple, dédouble, à son tour, cette combinaison triple, en acide urique coloré qui se précipite et en combinaison triple colorée restant en solution dans la liqueur acide; tandis que l’acide acétique la redissout simplement, en formant une solution colorée où l'acide acétique est maintenu en solution par la matière colorante. Dans la liqueur restée claire, ou dans le liquide filtré d’où s’est séparé l’'urate d’ammoniaque coloré, on ajoute, en ayant soin d’y maintenir un léger REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 449 excès d’ammoniaque, soit de l’acétate de baryte, soit de l’acétate de plomb ; on obtient ainsi un volumineux précipité, diminuant beaucoup par la dessicca- tion, fortement coloré en brun, de combinaison triple de matière colorante, soit avec l’urate de baryte, soit avec l’urate de plomb. Ce précipité peut de nouveau être dédoublé par les acides en précipité urique coloré et en solution également colorée, renfermant de l'acide urique et d’où la saturation par l’am- moniaque fera précipiter la combinaison triple d’urate et de matière colorante. C. La couleur qui accompagne constamment le précipité urique est une combinaison triple renfermant des métaux normaux de l’urine. Cette précipitation de l’acide urique, entraînant la matière colorante à l’état de combinaison triple et par suite renfermant des traces de potasse, de soude, etc., n’a, je crois, été jamais remarquée ; en effet, il est très difficile d'aller constater nettement à l'analyse de petites quantités de ces alealis ; mais l'expé- rience devient très nette, quand on transforme ces combinaisons triples en d’autres correspondantes, dans lesquelles les métaux alcalins de l'urine sont remplacés par le plomb. Cette nouvelle combinaison plombique a le double avantage d'être insoluble dans l’eau, ce qui permet de la laver convenable- ment, et de renfermer un métal dont les moindres traces sont facilement déce- lées par l'hydrogène sulfuré. Le précipité urique est lavé avec la plus petite quantité possible d’eau distil- lée froide, de manière à dissoudre le moins possible d'urates colorés. — On s'arrête lorsque les eaux de lavage ne précipitent plus par le nitrate d'argent en solution légèrement acide. — On le sèche entre plusieurs doubles de papier à filtrer et on l’épuise par de petites quantités d’eau ammomiacale bouillante, jusqu’à ce que le liquide filtré en soit plus coloré. Les liqueurs ammoniacales réunies sont traitées à chaud (pour éviter la précipitation de la combinaison triple avec l'urate d’ammoniaque) par l’acétate de plomb tant qu'il se fait un précipité ; celui-ci est séparé par le filtre, lavé et séché, Si l’on traite ce précipité (combinaison triple de matière colorante avec l’urate de plomb) par l'acide acétique, on obtient, comme on l'a déjà vu : d’un côté, un précipité urique coloré; de l’autre, une solution renfermant de l’urate de plomb et de la matière colorante. Autant de fois que l’on répète l’action de l'acide acétique sur le précipité urique, on obtient toujours le même dédou- blement ; enfin lorsque l'acide acétique ne parait plus enlever de matière colorante au précipité urique, celui-ci est lavé à plusieurs reprises à l’eau dis- üllée jusqu'à ce que les eaux de lavage restent incolores lorsqu'on y fait passer un courant d'hydrogène sulfuré. Le précipité urique examiné, à ce moment, au microscope, comme précédemment, montre des cristaux colorés ; pour faire voir qu'ils renferment encore du plomb, il suffit de les dissoudre dans l'acide azotique, de saturer la solution par l’'ammoniaque et de la traiter par l'hydrogène sulfuré ; on obtient ainsi un précipité caractéristique de sul- fure de plomb. Ainsi, mathématiquement parlant, de même que, dans le traitement de l'urine par un acide pour en séparer l'acide urique, une certaine quantité de celui-ci reste en solution — quantité qui peut varier suivant la nature et le poids de D. III, — N° 5, 1879. 29 450 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. l'acide employé et qui, pour une même quantité d'acide, peut dépendre encore de la quantité de matière colorante combinée —- de même il est impossible de priver complètement de la combinaison triple, qui le colore, l'acide urique précipité. Ainsi, quand on lave les cristaux colorés d'acide urique précipité de l'urine, « pour enlever la majeure partie de la matière colorante (1)», la partie colorée enlevée est constituée par des combinaisons triples de la matière colo- rante avec l'acide urique et les métaux normaux de lurine (potassium, so- dium, etc.), combinaisons solubles dans l’eau froide, bien plus solubles dans l'eau bouillante, dont elles se séparent par refroidissement, solubles dans l’alcool, avec des colorations très variables (2), et dans lesquelles ün acide énergique amène facilement la formation de cristaux d'acide urique plus ou moins colorés ; mais, quelle que soit la durée des lavages, une certaine quantité de matière colorante reste toujours inséparable de l'acide urique précipité. Quand, pour purifier davantage les cristaux d'acide urique coloré, on les dissout dans la soude et qu’on ajoute du chlorhydrate d’ammoniaque pour obtenir un dépôt d’urate d’ammoniaque, celui-ci renferme encore une certaine quantité de combinaison triple colorée qu'un acide peut dédoubler, comme on l'a déjà vu, en combinaison triple soluble et en combinaison triple insoluble, toutes deux colorées. Enfin, dans le dosage de l'acide urique de l’urine par la méthode ordinaire, la quantité trouvée sera d'autant plus au-dessous de la vérité, que la quantité de matière colorante combinée sera plus grande ; puisque, d’une part, celle-ci rend soluble dans la liqueur acide une partie de l'acide urique à l’état de com- binaison triple, et que de l’autre on enlève par les lavages du précipité soit à l'eau, soit à l'alcool, une autre partie d'acide urique à l’état de combinaison triple ; perte qui est loin d’être compensée par l'augmentation de poids due à la petite quantité de combinaison triple qui reste encore dans le précipité lavé. (A suivre.) | Masson. Théorie mécanique de la position des feuilles, Par le docteur SCHWENDENER. Nous reproduisons, sans y rien changer, le résumé donné par l’auteur à la fin de son important ouvrage : « Les bourgeons latéraux subissent ordinairement, après leur apparition à l'extrémité de la tige, des déviations qui obéissent à une certaine loi, parce que leur tendance à s'étendre parallèlement et transversalement à l'axe du système (1) HoPpe-SeyLer, Chimie appliquée, p. 193. (2) En lavant une fois à l'alcool absolu bouillant une combinaison triple de matière colorante aver l’urate de plomb, j'ai obtenu une coloration verte, magnifique, et qui par la concentration de la liqueur a disparu pour faire place à une coloration jaune. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 451 entier de la plante ne concorde pas avec la croissance en longueur et en gros- seur de ce dernier ; selon que c'est la circonférence ou la longueur qui s’ac- croit relativement le plus, les organes particuliers sont sous l'influence d’une traction transversale ou verticale. Dans les deux cas, ces organes sont déviés alternativement d’un côté vers l’autre; ils oscillent en quelque sorte comme un pendule, et l'amplitude de l’oscillation, cæteris paribus, est d'autant plus petite que les nombres de coordination des lignes diagonales, qui figurent comme lignes de contact, sont plus élevés. La direction du mouvement à droite ou à gauche reste invariable aussi longtemps que les mêmes lignes de contact restent en action; mais elle change chaque fois en sens inverse lorsque entrent en action les lignes diagonales qui suivent immédiatement au-dessous ou au- dessus dans la série des nombres. A cette série s'applique la règle connue, que chaque membre suivant est égal à la somme des deux précédents. Ces phénomènes de déviation se laissent calculer exactement pour Îles or- ganes circulaires. Aussi longtemps que les ellipses sont exactement orientées dans le sens longitudinal ou dans le sens transversal, on observe les mêmes oscillations de divergence pour les organes elliptiques d’une couche transversale constante. À un point quelconque de la déviation, la hauteur des organes au- dessus du centre varie seule d’après la position longitudinale ou transversale des ellipses. Il en est de même pour toute autre forme de coupe transversale qui peut être divisée par une ligne verticale en deux moitiés symétriques. La marche de la déviation change au contraire sensiblement dès que les organes s’aplatissent mutuellement en vertu de leur plasticité. En ce cas, chaque fois, trois systèmes de lignes diagonales restent en action pendant toutes les phases, ce qui rend le problème de la déviation beaucoup plus compliqué. La consé- queuce nécessaire de ces trois systèmes est la diminution de l'amplitude des oscillations et l’aplatissement des courbes qui marquent le chemin parcouru par les organes. Lorsque la déviation des organes dure plus longtemps par la pression longitudinale, il se produit de temps en temps un changement dans les lignes de contact; les nombres de coordination de ces lignes sont plus élevés dans une série donnée. En même temps, les divergences des organes, mesurées sur la spirale fondamentale ou sur une spirale secondaire quelconque, se rap- prochent d’une certaine valeur extrême, qui peut être déterminée mathémati- quement pour une série quelconque et qui est indépendante de l'amplitude des oscillations. Cette même. élévation régulière des lignes de contact a aussi lieu lorsque la grandeur relative des organes, c’est-à-dire leur rapport avec la circonférence du système entier, diminue peu à peu. C’est une règle d'application générale que, dans le développement régulier, la série récurrente donnée contient en- core une fois tous les nombres de coordination qui concordent avec les lignes de contact consécutivement en action. Gependant, lorsque la grandeur des or- ganes diminue trop rapidement, ou qu'il se présente en même temps des irré- gularités locales extraordinaires, il n’est plus question d’un développement régulier; 1} se fait alors un passage abrupt d’une série dans une autre, un changement d’un système en un autre totalement différent, sans qu'on puisse 452 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. y appliquer une règle fixe. Ainsi, parexemple, des dispositions en spirale de la série principale se changent en verticilles alternants ou tordus, ceux-ci à leur tour, en un système en spirale avec d’autres divergences, etc. Toutes ces variations de position, occasionnées par le rapetissement des or- ganes, ont lieu dès que ceux-ci s’ébauchent au sommet de la tige. Les bourgeons latéraux prennent, dès leur première apparition, une place, dont la grandeur est déterminée par des raisons morphologiques inconnues, cependant tou- jours avec de petites fluctuations pour remplir l'espace. En même temps, chaque nouveau bourgeon se joint immédiatement aux précédents, avec les- quels il est, par conséquent, en contact direct au moins par deux points. La grandeur relative et le contact immédiat sont donc les deux facteurs qui déter- minent la position et les variations qui s’y produisent. Des bourgeons sans con- tact, comme, par exemple, les extrémités bifides des tiges rampantes de Fou- gères, et les rayons du thalle, placés de la même manière dans différentes Algues, sont en dehors de ma théorie, qui, à cause de cela même, peut être nommée : {héorie du contact où de la juxtaposition. Les facteurs nommés, la grandeur relative et le contact immédiat suffisent aussi complètement à expliquer les accidents particuliers qu'on désigne (dans les pousses et les inflorescences) sous le nom d’avortements et de dédouble- ments ; ils expliquent la décussation bien connue des Caryophyllées (tandis que chez les Oléacées, etc., le concours de forces extérieures, telles que, par exemple, la force de pesanteur, est nécessaire); de même les rapports de posi- tion de systèmes d'organes à axes différents qui se confondent, ou bien encore l'alternance de positions régulières et irrégulières. Dans la soudure et la dichotomie, l'agrandissement de la surface de la tige, qui amène dans l’un des cas quelquefois, et dans l’autre toujours, une séparation en deux faces, paraît avoir des raisons morphologiques et ne pas pouvoir être expliqué plus amplement. Considérés ainsi, les contacts résul- tants et les variations de position s’expliquent sans difficulté. Il est, par exemple, bien simple que de nouvelles formations ne se montrent pas sur la face in- terne des rameaux dichotomes, sans qu’il existe une pression réciproque des deux branches de la dichotomie; l’antidromie ou l’homodromie des rameaux, qui, au reste, n'est pas soumise à une règle fixe, est aussi une nécessité mé- canique déterminée par le contact dans des rapports donnés de niveau et de grandeur. Les rapports de contact dans les rameaux axillaires sont beaucoup plus dif- ficiles à déterminer. Au point de vue mécanique, le principe que la pression exercée par la feuille et l’axe qui la produit ne doit pas dépasser une certaine mesure, pour que le bourgeonnement latéral et la pousse axillaire soient pos- sibles, trouve ici aussi son application. On peut donc s’attendre à rencontrer les premières formations dans les points où se trouve le minimum de pression. Comme il faut renoncer à déterminer en chiffres cette pression pour donner la preuve de la justesse de cette opinion, on ne peut s'appuyer que sur les cas extrêmes, où les rapports de pression en avant et en arrière, ou à droite et à gauche, peuvent être évalués avec quelque certitude. Ceci est un obstacle im- QUESTION D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR. 453 portant ; mais l'observation de ces cas extrêmes donne ce résultat constant que, aussi bien les premières feuilles adossées à l'axe que les latérales occupent toujours la position que l'explication mécanique rend probable, Il en est de même pour les feuilles suivantes de la pousse, surtout pour la troisième, se rattachant aux deux premières feuilles latérales, qui dans le sys- tème en spirale détermine la torsion. D’après que cette troisième feuille est placée derrière ou devant, ce qui donne aussi lieu ordinairement à une dévia- tion vers la droite ou vers la gauche, la spirale du rameau peut être nom- mée Lintanschliessend ou vornanschliessend. Enfin, pour ce qui est des fleurs des Angiospermes, la difficulté d’une expli- cation mécanique est encore augmentée, parce que les contacts ont lieu sou- vent par l’action de facteurs, qui n’exercent aucune influence dans les organes floraux et les inflorescences. Parmi ces facteurs, on doit compter surtout l'avor- tement dans le sens déterminé plus haut, puis le refoulement extraordinaire de l'axe et l’intercalation conséquente de bourgeons latéraux entre d’autres qui existent déjà. Mais, malgré ces troubles et d’autres encore, les positions du bourgeon floral sont normales sous bien des rapports, etil faut surtout appeler l’attention sur ce fait : que les formes de contact des phyllomes floraux aux premières feuilles n'offrent rien qui contredise l'interprétation qui nous a été suggérée par les rameaux foliaires. » QUESTION D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR. De l’organisation de l'enseignement médical à Lyon. La Faculté de médecine de Lyon est aujourd’hui dans le cours de sa deuxième année d'existence, et bien que les constructions qui doivent en permettre l'in- stallation définitive ne soient pas encore terminées, dès à présent on peut pré- voir que les conditions matérielles ne laisseront rien à désirer. Le terrain mis par la ville à la disposition de l’université atteint 26 000 mètres carrés de superficie; il est situé sur la rive gauche du Rhône dans un quartier nouveau, au milieu de nombreux terrains encore sans constructions, ce qui permettra peut-être plus tard de centraliser les ressources de l’enseignement au voisinage de la Faculté qui s'élève déjà sur le quai Claude-Bernard. La municipalité lyonnaise, avec cet esprit de large libéralisme qui l'anime, n’a rien ménagé pour assurer l'éclat de sa faculté naissante, alors surtout qu'elle était guidée dans ses décisions par deux médecins éminents dont l’un représente aujourd'hui la ville de Lyon à la Chambre des députés, et dont l'au- tre est un des professeurs de la Faculté à la création de laquelle il avait consacré tant de soins. Avant d'arrêter aucun plan, la ville envoyait au dehors une commission spéciale et compétente chargée d'étudier les organisations étran- geres, et aujourd'hui encore on ne néglige jamais de prendre conseil des pro- 454 KHEVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, fesseurs intéressés avant d'achever les travaux; quelque banal que puisse sembler cet éloge, que d'exemples ne trouverait-on pas d’une conduite con- traire au sein même de la capitale ! Avec de tels éléments, nul doute que l’or- ganisation matérielle future ne soit aussi satisfaisante que possible. Pour le moment, les laboratoires ont trouvé dans divers locaux une installation provi- soire très suffisante. Les laboratoires de la Faculté sont ouverts aux élèves qui veulent s'occuper plus particulièrement de quelque branche de la science; mais en outre dans tous sont organisés des exercices pratiques destinés à donner à tous les élèves quelques éléments d'instruction technique. Outre le professeur directeur du laboratoire, les élèves sont guidés dans leurs études par un chef de laboratoire, le plus ordinairement choisi parmi les agrégés, el par un préparateur; de plus, on y organise autant que possible l'instruction mutuelle. Enfin des maitres de conférences ont été nommés; chargés de conférences pratiques, ils peuvent ren- dre de réels services ; l’un est affecté à l’histologie, deux autres à la chimie, branches qui exigent également une participation plus directe du maitre aux exercices des élèves. L’amphithéâtre de dissection, qui doit comprendre quatre- vingts tables à la nouvelle faculté, possède, commeilconvient, un personnel plus nombreux ; le préparateur y est remplacé par deux prosecteurs et deux aides d'anatomie. Outre l’amphithéâtre de dissection, les laboratoires d'anatomie générale et histologie, d'anatomie pathologique, de physiologie et de médecine expérimen- tale, qui se rattachent plus directement à l’objet des sciences médicales, on trouve un laboratoire de physique, un laboratoire de chimie, un autre de phar- macie, et deux laboratoires pour les sciences naturelles, dont l’un est consacré à la zoologie et l’autre à la matière médicale et à la botanique. Les fonds néces- saires à leur organisation et à leur fonctionnement ont été assez largement dis- pensés pour qu'ils ne présentent que fort peu de desiderata et pour qu'ils puissent concourir effectivement à leur but, qui est non seulement d’assurer la préparation des cours, mais encore de fournir aux élèves qui le désirent les éléments et la direction nécessaires à des travaux personnels. En dehors de ces laboratoires qui relèvent directement de la Faculté, il existe encore à l'Hô- tel-Dieu un laboratoire des hautes études, annexé à l’une des chaires de clinique médicale, et qui est plus spécialement absorbé par les recherches chimiques de ce service; nous n'avons pas encore entendu dire qu’on en avait ouvert large- ment l’accès aux étudiants. Quelques-uns ont pu l’accuser de faire double em- ploi avec les laboratoires de chimie de la Faculté; mais quand il s’agit de science, l'abondance des moyens est trop rare pour qu’on doive la regretter. Plus tard peut-être, l’organisation plus homogène des Universités pourra- t-elle permettre de concentrer sur les mêmes points des ressources aujourd’hui trop dispersées; peut-être des rapports plus intimes entre les Facultés des sciences et de médecine permettront-ils de fusionner certaines ressources, et par là de diminuer les charges tout en étendant les avantages ; mais en ce moment, et pour Lyon, estimons-nous heureux d’avoir à signaler plutôt la richesse que la pauvreté. QUESTION D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 455 Il serait injuste d'oublier la bibliothèque, encore en voie de formation de la Faculté ; des efforts actifs et consciencieux ne sont pas restés sans résultat, on cherche par tous les moyens à la rendre réellement utile, et récemment encore on a institué un sous-bibliothécaire, au courant de la langue allemande, chargé d'aider les élèves dans leurs recherches bibliographiques ; mais pourquoi faut- il qu'on accuse la Faculté d’avoir choisi pour cet office un Allemand, non natu- ralisé, assure-t-on ? Quant aux collections, en dehors des laboratoires elles n'existent guère qu'à l'état de projet, car on ne peut pas malheureusement les improviser. Actuellement que l’on a pu observer pendant plus d’une année le résultat de toute cette installation, il est intéressant d'examiner comment ces moyens ont été mis en œuvre, de retracer aussi exactementque possible le fonctionnement et pour ainsi dire la physiologie de tout cet organisme. Mais il faut aupara- vant jeter un coup d'œil sur l'installation des cliniques et des diverses dépen- dances hospitalières de la Faculté. Indépendamment de quelques hôpitaux excentriques qui pourraient être utilisés en cas de besoin, Lyon possède de nombreuses ressources hospitalières au centre même de la ville; à proximité de la Faculté, l'Hôtel-Dieu et la Charité en forment le principal foyer, tout près duquel se trouve placé l'hospice spé- cial de l'Antiquaille, auquel on arrive facilement aujourd'hui depuis l'installa- tion récente d'un plan incliné. La clinique chirurgicale est installée à l'Hôtel-Dieu ; deux services compre- nantehacun environ soixante lits en assurent l’enseignement. La réputation chi- rurgicale de l'Ecole de Lyon n’estplus à faire, et si l’on peut regretter que la mort ait enlevé au professeur Valette la légitime satisfaction d'occuper une de ces chaires magistrales, 1l faut reconnaitre aussi que de vrais successeurs ne lui ont pas manqué. Jusqu'à l'établissement de la Faculté, la médecine se trouvait à Lyon dans une condition d'infériorité regrettable ; l'immense réputation impersonnelle que la crédulité de la foule attribuait et attribue encore au chirurgien-major de l'Hôtel-Dieu, la supériorité officielle de celui-ci sur les médecins, devaient lui assurer en monopole absolu, avec la gloire d’une situation exceptionnelle, non seulement la clientèle chirurgicale, ce qui n’eût été que justice, mais encore la clientèle médicale qui échappe à sa compétence. Aussi comment s'étonner que l'élite de la jeunesse médicale préférât les honneurs du majorat à la posi- tion plus obscure du médecin ? De là, à Lyon, linfériorité relative de la moitié la plus scientifique assurément de l’art de guérir. Aujourd'hui toutefois, mal- gré l’obstination incompréhensible de l'administration hospitalière à garder cette institution surannée, la médecine pourra prendre un nouvel essor, la Faculté lui offrira des compensations honorifiques et pécuniaires ; dès à pré- sent, l’enseignement médical peut marcher de pair avec l’enseignement chirur- gical. On trouve à l'Hôtel-Dieu deux services de clinique médicale occupés par des professeurs titulaires et un troisième service confié aux soins d’un profes- seur adjoint ; les étudiants peuvent trouver chez l’un l'habitude incomparable du malade que donne seule une longue expérience, et les leçons toujours bien 456 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, accueillies de cette clinique pratique de l’école de Trousseau, chez l’autre les méthodes scientifiques nouvelles, les minuties des recherches modernes. La clinique obstétricale, au contraire, installée à la Charité, ne remplit que très imparfaitement son but de clinique utile, malgré les efforts du professeur. Un nombre trop restreint d’accouchements, de nombreuses restrictions régle- mentaires ne peuvent donner aux futurs docteurs lyonnais qu'une connais- sance très insuffisante de ce qu'ils auront à faire ; c’est qu'en effet on est loin d'utiliser toutes les ressources obstétricales que pourraient fournir les hôpitaux de Lyon ; pour quelques accouchements qui se font à la Clinique, combien se perdent dans la grande maternité de la Charité, exclusivement réservée aux sages-femmes, et sans utilité pour l'instruction dans les maternités de l'Hôtel- Dieu et de la Croix-Rousse, tous services interdits aux étudiants aussi stricte- ment que possible, aux internes des hôpitaux comme à leurs camarades sim- ples étudiants. L'Antiquaille possède enfin un service magistral de clinique des maladies cu- {anées et vénériennes, auquel sont annexées des collections importantes. Outre ces cliniques de première nécessité, on a fait grandement les choses à Lyon ; l'enseignement des maladies mentales et celui de l'ophthalmologie, et ce dernier bien avant qu'il en fût question à Paris, ont été élevés au rang de chaires magistrales. Le professeur de clinique des maladies mentales, plus heureux que son collègue de Paris, possède un service spécial à l’hospice de Brou ; l'éloignement de cet hôpital en rend l'accès assez difficile aux étudiants ; mais les cours s’y font le dimanche et, après tout, le mal est léger, car de tels services demandent surtout des volontaires; on ne saurait songer à exiger des programmes aussi étendus de la part de la moyenne des étudiants obligés de parfaire leurs études dans les quatre années officielles de scolarité. La clinique ophthalmologique, pourvue d’annexes, de laboratoires aussi bien fournis que ceux de la vraie clinique chirurgicale, est installée à l'Hôtel-Dieu, à proximité des stagiaires, qui s’en aperçoivent bien. Enfin, la Faculté possède encore à la Charité des cours cliniques complémentaires ou annexes des maladies des femmes et des maladies médicales et chirurgicales des enfants. Assurément, on ne peut que louer l'établissement de cliniques complémen- faires, très utiles pour les étudiants désireux de compléter leur éducation trop générale, et M. l'inspecteur Chauffard, quelquefois bien inspiré, en signalait les avantages dans un rapport du mois de novembre 1875; mais il insistait aussi sur la nécessité de maintenir la supériorité des cliniques générales, sur la convenance de la dénomination complémentaires. Et, en effet, que l’on pro- longe si l’on veut, ou si l’on peut, le temps prescrit pour les études médicales ; mais si on veut continuer à affecter les deux premières années aux sciences na- turelles et à l'anatomie, s’il ne doit rester que deux ans pour le stage obliga- toire, qu’on n’aille pas le diviser par force en tant de fragments; des cliniques complémentaires le plus possible, mais elles doivent être facultatives, pour n'être pas nuisibles. L'expérience, à Lyon, paraît donner raison à cette ma- nière de voir, non pas l'expérience officielle, mais le jugement désintéressé de la galerie :au milieu de tant de spécialités obligatoires, la plupart des étudiants QUESTION D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR. 4517 de troisième et de quatrième année se perdent sans profit, et s'ils en retirent quelques détails pouvant servir aux examens, c'est au grand dommage de leur instiuction pratique. Pour nous résumer, en ce qui concerne l’enseignement clinique de la Faculté de Lyon, nous constatons que l'installation des cliniques générales ne laisse rien à désirer, et nous n'avons à lui reprocher que la tendance trop envahis- sante des spécialités sur le terrain de l'obligation aux cours et aux examens. La connaissance plus approfondie de quelques spécialités, au grand détriment de la médecine générale, est-elle de nature à accroitre la valeur pratique des mé- decins que la Faculté est chargée de former? Il est permis d'en douter, et, ce- pendant, les professeurs de clinique, plus que tous les autres, ne devraient jamais oublier que la Faculté doit être surtout une école professionnelle. Pour ce qui concerne les sciences dites accessoires, malgré limportance de leur installation, on n’a pas à signaler cette tendance trop naturelle de certains professeurs à s’exagérer l'importance de la branche qu'ils enseignent, et à se croire investis d’une sorte de magistrature qui leur impose une grande sévérité dans la surveillance de l'assiduité des élèves et dans les interrogations des exa- mens. Les professeurs des sciences physiques et naturelles notamment savent concilier leur double rôle de savants et de médecins ; ils savent distinguer la partie médicale de leur branche de ce qui appartient plutôt au domaine de la science, et, de ce côté, on n'oublie jamais le vrai but des études médicales. Les quatre chaires qui représentent, à Lyon, l'étude de l'anatomie et de la physiologie normales, savent aussi rester dans leur sphère légitime. Cependant, deux services, également pourvus de laboratoires, et qui se rattachent plus di- rectement aux pathologies externe et interne, au lieu d’en être, en quelque sorte, les annexes, paraissent avoir absorbé le rôle principal, et à en juger, non pas sans doute par l’affluence des élèves, mais par les nécessités de la préparation des examens, l'anatomie pathologique l'emporte sur la symptomatologie, et la médecine opératoire domine seule la chirurgie; il est vrai que le nombre des aides, le zèle et l’activité éclairée de celui qui les dirige, justifient en partie ces exigences ; 1l faut rendre justice à la libérale profusion avec laquelle les élèves sont exercés à la médecine opératoire, sous la surveillance continue et personnelle du professeur, par un agrégé et par le personnel des prosecteurs et des aides d'anatomie, et même, il est encore question, dit-on, de leur ajouter des préparateurs spéciaux! Si nous n'avons rien dit de la médecine légale, c'est que, pour le moment, cet enseignement fait absolument défaut : dès sa première année d'existence, la Faculté a eu à déplorer lu perte presque simultanée de MM. Granier et Français, chargés de ce service, l’un comme professeur et l’autre comme agrégé. On ne peut prévoir encore qui l’emportera au milieu des nombreux compétiteurs qui aspirent à leur succéder. Telles sont, en résumé, et dans leur ensemble, les principales particularités que présente l’enseignement de la médecine à Lyon ; pour achever d’en repré- senter l'aspect général, il faut ajouter que la Faculté a été à la veille de reprendre pour son compte les trop fameux règlements restrictifs des Facultés 458 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. cléricales. Vers la fin des vaca=tes dernières, on apprenait, à Lyon, tout à coup à l’improviste, par le Journal officiel, que le ministre félicitait la Faculté de médecine sur certaines mesures destinées à assurer l'assiduité des étu- diants ; il s'agissait, en effet, non pas de rendre obligatoires le stage hospitalier et les exercices pratiques, ce qui s'était toujours fait, mais surtout d'exiger la présence à tous les cours, d’y faire des appels et, qui plus est, d'imposer des cahiers de notes de format officiel, munis d'instructions spéciales et destinés à être présentés à toute réquisition du personnel enseignant. Mais d’où sor- taient ces mesures, on l’ignore encore, aucun conseil de professeurs n’en avait été saisi; eiles avaient éclos un beau jour, on ne sait par quelle influence, et elles excitèrent plus encore de mécontentement que de surprise. Le bruit cou- rut bientôt que l'appel ne serait pas fait aux cours dont l'auditoire serait suffi- samment nombreux, et dès lors on put se demander s'il n’avait pas pour but d'assurer un auditoire aux professeurs, plus encore que d'assurer lassiduité des élèves pour elle-même. Nombre de professeurs ne cachèrent pas leur ap- préciation à cet égard, et administration de la Faculté, jugeant, sans doute, que de pareilles mesures étaient destinées à paralyser lessor des étudiants laborieux, sans que les autres eussent beaucoup à y gagner, parait avoir renoncé à les appliquer. Cependant cette abstention n’est peut-être pas encore bien dé- finitive ; tout récemment encore, pour disposer plus à l’aise des étudiants en médecine de deuxième année, la Faculté, sacrifiant leur instruction clinique, est allée jusqu'à demander à l'administration hospitalière de leur interdire l'accès de l’externat, n’osant pas demander l'interdiction de l'hôpital, mais se réservant sans doute de l’assurer par des moyens détournés. Si la Faculté de Lyon venait à persister dans cette voie, elle pourrait apprendre bientôt, à ses dépens, que l’on ne gagne rien à enlever à l'étudiant sa hiberté de travail, alors surtout que l'attraction générale vers Paris est là pour lui rappeler qu'il peut trouver ailleurs autant d'instruction et plus d'indépendance, Il résulte de tout ce qui précède que les éléments de succès ne manqueront pas à la Faculté lyonnaise, si elle sait profiter de tous ses avantages; 11 lui sera facile de se débarrasser de quelques défauts que peut excuser une première année d'existence ; une installation complète et richement dotée, un personnel nombreux et distingué lui permettent de soutenir la comparaison avec n’im- porte quel autre établissement scientifique. Ge qui doit rassurer encore, c'est de voir à sa tête un doyen aussi éclairé que dévoué aux intérêts de l'Université; plusieurs fois déjà les étudiants lui ont témoigné leur sympathie, et on a le ferme espoir qu'il aura assez d'initiative et d'énergie pour mener à bien l’or- ganisation définitive; et, pour l'avenir, la présence d’un recteur libéral à la tête de l'Université de Lyon enlève tout prétexte à la faiblesse et aux com- promis. ZN. REVUE DES LIVRES. 459 REVUE DES LIVRES. Spiritualisme et Matérialisme, Par le docteur Félix IsNARD (1). Analyse par ISSAURAT. Le livre que vient de publier M. le docteur F, Isnard, et que nous allons essayer d'analyser, est essentiellement une œuvre de vulgarisation. Il est destiné à mettre à la portée de tous ceux qui savent lire et réfléchir la philosophie scien- tifique, cette philosophie qui seule est capable de nous conduire à une morale solide. Son épigraphe : Tout par la science et pour l'humanité, nous indique d’em- blée la pensée et les tendances de l’auteur, qui sont d'établir cette morale sur des principes uniquement dérivés de la science expérimentale et de la saine raison. M. Isnard a examiné sans parti pris, sans idées préconçues, les deux doctrines générales qui se partagent la philosophie : le spiritualisme et le matérialisme. Il n’a trouvé dans le spiritualisme et ses nombreux systèmes que des con- ceptions fantaisistes, des contradictions et des incohérences, et il les à rejetées. Le matérialisme, basé sur des principes fixes fournis par l'observation de la nature, lui a paru se rapprocher davantage de la vérité, et il l’a franchement accepté. L'auteur, partisan déclaré de toutes les libertés, n’impose pas ses convic- tions ; il veut qu'elles naissent dans l'esprit de chacun par l'observation, la méditation et le raisonnement. Aussi demande-t-1l instamment à tous les hom- mes la réflexion sérieuse que réclame un sujet aussi important, et aux pouvoirs publics la liberté de la tribune, où toutes les opinions philosophiques et reli- sieuses puissent se produire et être discutées et jugées au grand jour. C'est par là seulement que la vérité surgira, faisant cesser ces haines qui divisent la so- ciété en deux camps et amenant avec elle la meilleure des morales, desideratum définitif des philosophies. Le livre est divisé en deux parties. « La première traite du spiritualisme, des objections qu’on peut lui adresser et des contradictions qu'il renferme, Il vise surtout le spiritualisme religieux, comme étant non seulement la doctrine philosophique la plus répandue aujourd'hui parmi nous, mais encore l'abou- tissant, en quelque sorte fatal, de tous les autres systèmes spiritualistes, qui, croyant se faire mieux accepter en écartant l’idée religieuse, sont forcés d'y revenir plus ou moins, sous peine de tomber dans les non-sens et les extrava- (1) Un volume in-18, chez C. Reinwald et Ce, éditeurs, rue des Saints-Pères, 15, Paris. 460 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. gances. La seconde partie expose les principes sur lesquels est fondé le maté- rialisme scientifique et les conséquences logiques qui en déroulent. » Après avoir nettement posé la question et dit en quoi consistent le spiritua- lisme et le matérialisme, l’auteur entre dans les développements de son sujet. La première partie renferme sept chapitres qui s’enchainent d’une manière logique dans l’ordre suivant : /dée de Dieu, Création des êtres vivants, Immu- tabélité des lois de la nature, Causes finales, Ame, Conscience et Vie future. Sur chacune de ces questions, le docteur Isnard réfute victorieusement les arguments des spiritualistes et l’insanité de leurs solutions fantaisistes. Ainsi : Il combat comme irrationnels l’idée et les attributs de Dieu tels que le spiri- tualisme nous les enseigne. Il passe en revue les différentes hypothèses spiritualistes de la création des êtres, et démontre que toutes sont contraires aux données de la science. L'immutabilité des lois de la nature, pour ceux qui l’admettent, fait de Dieu, après la création, un être forcément passif et complètement inutile, et met ceux qui le rejettent dans la nécessité d'accepter le surnaturel et les miracles, qui sont la négation de toute science. Le chapitre des causes finales retient là question sur le terrain du simple bon sens sans s’égarer dans des démonstrations métaphysiques, subtiles et transcen- dantes. De nombreux exemples pris dans le monde cosmique et dans le monde moral conduisent à cette conclusion, «qu'il n’est pas logique de penser que tout dans l'univers, même ce qui est le plus admirable et le plus avantageux, soit l’œuvre d’une intelligence supérieure qui l’a fait à dessein tel que nous le voyons. Toutes choses, au contraire, sont la conséquence de lois fixes naturelles ; et dans Penchainement successif des phénomènes, les effets, devenant causes à leur tour, engendrent inflexiblement et fatalement les faits et les résultats que nous ob- servons, grands ou petits, utiles ou nuisibles. » Et ailleurs : « Tout dans la na- ture est soumis à des principes immuables que nulle puissance étrangère, su- périeure ou extra-terrestre, n’a le privilège de changer, de suspendre ou de supprimer. » Il n’est pas difficile à l’auteur de montrer les mille obscurités et contradie- tions que renferme la conception spiritualiste de l'âme, laquelle tantôt domine notre matière et tantôt lui est subordonnée. Dans un très intéressant chapitre sur la conscience, il prouve que cette fa- culté identifiée par les spiritualistes avec l'âme n’est autre que la raison. CRai- son et conscience sont, pour le matérialiste, la même faculté sous deux noms différents. Quand cette faculté s'applique aux actes ordinaires de l’entendement, nous l’appelons 7aison ; appliquée aux choses de l'éthique, de la morale, elle est la conscience. » I établit qu'il n’y a chez l'homme aucune idée innée ; que la notion du bien s’acquiert chez lui comme la notion du vrai, et que le progrès moral à suivi historiquement toutes les oscillations du progrès intellectuel. Aussi sont-ils dans une grave erreur les spiritualistes qui considèrent la con- science comme une faculté supérieure destinée à nous faire discerner d’une manière infaillible le bien du mal. Enfin, dans des pages d'une logique serrée, le docteur Isnard combat la con- REVUE DES LIVRES. 461 ception de la vie future aux points de vue cosmologique et philosophique. Cosmologiquement, il ne trouve dans l'univers «aucun endroit possible pour - le séjour des âmes ». Au point de vue philosophique, il dévoile la puérilité ou le danger de créer, comme on l’a fait, une croyance à une autre vie dans le triple but : 4° de répa- rer les inégalités et les injustices de celle-ci; 2° de récompenser les bons et de punir les méchants ; 3° de faire supporter patiemment à l'homme les douleurs de ce monde. Et il montre, dans des passages d’une éloquence vigoureuse, com- bien ces idées inventées et soigneusement entretenues par le despotisme cléri- cal sont funestes à l’homme et à la société qu'elles amoindrissent et abètissent. « Ainsi, dit-il en terminant, un raisonnement sérieux rejette la vie future, comme il a rejeté déjà l'existence d’une âme souveraine, distincte du corps, la création, la Providence, le surnaturel, en un mot. » Dans la deuxième partie, la plus importante, Matérialisme, l'auteur ne s’avance que sur un terrain sûr et positif, celui de l'observation de la nature. « Ici, dit-11, nous abandonnons les conceptions métaphysiques, les rèves de l'imagination : l’idée de Dieu, refoulée par la science, disparait. Le matéria- lisme scientifique s’appuie sur l’expérimentalion et sur les déductions logiques qui en découlent. Certainement il ne peut tout expliquer et tout prouver, nos connaissances actuelles étant encore trop imparfaites ; mais, du moins, ce qu'il avance, loin d’être en contradiction avec la science, repose sur elle. » L'’enchaîinement des chapitres, naturel comme dans la première partie, est bien propre à faciliter l'intelligence du sujet traité. Dans les trois premiers, l’auteur pose scientifiquement les trois bases du ma- térialisme : l'éternité de la matière, l'union constante de la matière et de ses propriétés ou forces, et enfin l’origine spontanée de la vie. Sur de telles assises le matérialisme va s’édifier solidement et en quelque sorte de lui-même. Ainsi, le transformisme se déduit logiquement et forcément de l’origine spon- tanée de la vie. «Il est, en quelque sorte, la seconde phase de l’évolution de la matière. » En quelques pages claires et concises, l’auteur résume la théorie mo- derne du transformisme et du darwinisme, qui explique d’une façon naturelle tous les phénomènes que les autres théories sont impuissantes à expliquer, tels que l’origine et l'extinction des êtres et des familles organiques sur la terre, etc. L'âme n’est plus, comme chez les spiritualistes, une partie distincte du corps, placée en dehors et au-dessus de Lui. C’est une fonction organique qui com- mence, croit, décline et finit comme toutes les autres. « La pensée, la mémoire, le jugement, l'imagination, la conscience et, en un mot, toutes les facultés in- tellectuelles et morales, ne sont que des fonctions de l’encéphale, suivant, dans leur développement ou leur perfectionnement, le développement et le perfec- tionnement de l'organe encéphalique lui-même. » Dès lors le bre arbitre n'existe pas. « Si l’homme n’est qu'un agrégat ma- tériel subissant incessamment des transformations chimiques, si la pensée n’est que le résultat du fonctionnement de son cerveau, il suit de là que ses ac- tes, résultat de ses pensées, sont toujours subordonnés à la manière d’être de son cerveau et ne sont jamais libres, » 462 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Nous recommandons tout particulièrement ce chapitre sur le libre arbitre, écrit de la façon la plus claire et la plus intelligible. Le raisonnement en est serré, et ses conséquences, en ce qui regarde la responsabilité des actes hu- mains, le mérite et le démérite, les récompenses et les punitions, déduites avec une rigueur irréfutable, sont poussées jusqu’à leurs dernières limites. Elles mènent « au fatalisme, si l’on veut, mais au fatalisme forcément bon, au bien fatal». L'auteur a eu raison de traiter aussi complètement la question du libre arbitre, Çcar la solution dans le sens négatif, c’est le spiritualisme abattu. La non-existence du libre arbitre, en effet, en supprimant la responsabilité, le mé- rite et le démérite des actes humains, supprime du même coup la vie future, l'âme immortelle et jusqu’à Dieu, en tant que notre juge suprême après la mort. » Le livre se termine par un important chapitre sur la morale matérialiste, but et conclusion de l’œuvre tout entière. Le docteur Isnard recherche les véritables bases d’une philosophie et d’une morale solides et durables, et il les trouve non en dehors de l’homme, mais bien dans l'étude de son fonctionnement naturel, Cette étude nous montre que le jeu normal ou anormal de nos fonctions or- ganiques, intellectuelles et morales détermine chez l'individu une sensation de plaisir ou de douleur, et chez l'être collectif ou société le bien-être général et l'utilité, ou bien un malaise et un dommage. De là découlent les mobiles natu- rels de nos actes, à savoir : 4° la satisfaction intérieure que nous procure l’ac- complissement d'une bonne action ; 2° l'utilité qui en résulte pour la société. L'auteur met en parallèle ces mobiles avec le mobile étroit et égoiste des spiritualistes qui est l'espérance d’une récompense future, et montre la supé- riorité des premiers sur le second et, comme conséquence, la supériorité de la morale matérialiste sur la morale dite religieuse. Comme on le voit, il en arrive à la morale indépendante de la religion, à la morale exclusivement sociale et utilitaire, la seule rationnelle et efficace, et partant la véritable morale de l'avenir. ù Cette morale doit nous conduire à l’application des grands principes démo- eratiques et à la pratique des sublimes vertus civiques. « Alors, ajoute-t-il, nous abandonnerons sans regrets cette croyance à une vie future si chère à tant de monde, cette conception fantaisiste que l’on nous a inculquée dès notre enfance, et dont nous avons tant de peine à nous débarrasser. Cette vie future, cette immortalité, nous la chercherons et nous la conquerrons d’une manière différente et plus utile. L'immortalité, pour nous matérialistes, c’est de recueillir pieusement l'héritage moral de nos pères, d'éviter leurs erreurs, de conserver et perpétuer le souvenir de leurs bonnes actions et de nous en inspirer; c’est de revivre dans nos enfants et dans la postérité en leur léguant de beaux exem- ples à suivre, de nobles vertus à imiter et en leur transmettant notre patrimoine ainsi agrandi et amélioré. » Nous terminerons sur ces belles paroles l'analyse du livre de M. Isnard. Cette œuvre inspirée par un ardent amour de l'humanité, écrite avec clarté et pré- cision, nous faisant toucher du doigt les progrès et les bienfaits que nous de- REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 463 vons à la science, et nous faisant entrevoir ceux qu'elle nous promet encore, cette œuvre, disons-nous, sera lue avec intérêt par tous ceux qui n'ont point déclaré une guerre systématique à l'esprit et à la société modernes. C. ISSAURAT. SOCIÉTÉS SAVANTES. Académie des sciences de Paris. Séance du 31 mars 1879. TanreT, Sur les alcalis du Grenadier. — L'auteur, qui a déjà découvert, dans l'écorce du Grenadier, un premier alcaloïde, la pellefiérine, annonce la découverte, dans la même plante, de trois nouveaux alcalis. Il en décrit un avec soin, mais ne lui donne pas encore de nom. Bécuamwr, De la formation de l'acide carbonique, de l'alcool et de l'acide acé- tique par la levure seule, à l'abri de l'oxygène et sous l'influence de ce gaz. — L'auteur rappelle que, dans une première série d'expériences, 1l a constaté ce fait que la levure seule, sans le concours du sucre, élait capable de produire l'acide carbonique, l’alcool et l'acide acétique. Il expose le résultat de trois nouvelles séries d'expériences; « dans la première, la levure, délayée dans deux ou trois fois son poids d’eau, bouillie et refroidie dans un courant d'acide carbonique, était introduite dans un appareil à fermentation spécial, pendant qu'on y faisait passer un courant d'acide carbonique, jusqu'à ce que tout l'air eût été expulsé » ; il se produisit de l'alcool et de lacide acétique. Dans une deuxième série d'expériences, «la levure, égouttée, est abandonnée à l'air dans une enceinte créosotée, à la température du climat de Montpellier, pen- dant les mois de novembre et d'octobre. Elle se boursoufle d'abord, en déga- geant de l'acide carbonique; puis la masse s’affaisse et se fluidifie. Alors on jette sur des filtres et on recueille la liqueur qui s'écoule. » Celle-ci contient de l'alcool et de l'acide acétique. La « levure toute seule, absolument pure, dégage de l'acide carbonique, en produisant de l'alcool et de l'acide acétique, qu'elle soit délayée ou non, à l'abri ou au contact de l'air». Dans une troisième série d'expériences, la levure est placée avec de l'eau dans un tube privé d’air par l'acide carbonique, deux électrodes plongeant dans le liquide. Il constate l’ab- sorption d'oxygène et la production d'alcool et d'acide carbonique. Séance du 7 avril 1879, CnevREUL, Sur les toupies complémentaires. — L'auteur présente à l’Acadé- mie une sorte de toupie, formée par un cercle en carton de 42 centimètres de diamètre, percé d’un trou central dans lequel s’adapte un bouchon que tra- verse une aiguille à tricoter. Le cercle de carton est blane sur l’une de ses moi- tiés latérales et coloré sur l’autre moitié. Quand la toupie tourne à raison de AG4 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. 160 tours au plus et de 60 tours au moins à la minute, sa moitié blanche offre la couleur complémentaire de celle qui colore son autre moitié. « Il suffit d’une douzaine de foupres complémentaires analogues, pour s'assurer si les personnes de tout âge voient d’une manière précise les couleurs ou si elles en sont inca- pables. » Arm. Moreau, Analyse de l'action physiologique des sulfates de magnésie et de soude, — On sait que la présence de ces sels dans l'intestin amène l’affluence des liquides dans la cavité intestinale et que ces sels, passant dans la circula- uon, se retrouvent ensuite dans l'urine. On sait aussi que le cyanure jaune de potassium et de fer, placé dans l'intestin, est rapidement absorbé et passe dans les urines. L'auteur, partant de ces faits, a constaté qu'après l’ingestion du sulfate de magnésie l'intestin sécrétait une grande quantité de liquide, mais qu'il n’absorbait plus le cyanure de potassium. La sécrétion intestinale qui suit l’ingestion du sulfate de magnésie est accompagnée d’une suppression à peu près complète des phénomènes d’absorption. Ch. Ricuer, De quelques conditions de la fermentation lactique. — L'auteur conclut de ses expériences «que l'oxygène rend plus rapide la fermentation lactique du lait; l’ébullition, en coagulant une matière albuminoïde primitive- ment soluble, diminue de moitié l’activité de la fermentation; les sucs diges- üfs qui rendent l’albumine soluble et les peptones (ou albumines solubles) aug- mentent la rapidité de la fermentation lactique. » DASTRE, Sur les granules amylacés et amyloides de l'œuf. — L'auteur, cri- üquant l'opinion admise par M. Dareste, que le jaune de l’œuf contient des granules amyloïdes, nie que les granules qui donnent une croix semblable à celle de lamidon soient réellement formés d une substance amylacée. L. Crié, Sur la formation d'une matiere amyloide particulière aux asques de quelques Pyrénomycètes. — On sait qu’on considère les Ghampignons comme ne produisant jamais d'amidon. L'auteur décrit cependant la formation, dans l'obscurité, d’une substance amyloïde dans les asques du Sphæria Desmazierer Berk. Cette substance se présente sous la forme d’un globule situé au sommet de l’asque, « manifestant, sous l'influence de l’eau iodée, la belle coloration bleue caractéristique de la granulose ». Il propose, je ne sais pourquoi, de donner à cette matière le nom d’amylomycine. Si c’est de l’amidon, pourquoi lui donner un nom particulier? Séance du 14 avril 1879. V. Corniz, Sur une altération des cellules de l'épithélium rénal au début de la maladie de Bright. — Dans un cas d’albuminurie, remontant à deux mois seulement, l’auteur à constaté, à l’aide de l’acide osmique, une lésion de lépi- thélium des tubes contournés qui explique la présence de l’albumine dans les urines. Beaucoup de cellules épithéliales offraient de grandes vacuoles ; d’autres étaient tout à fait vides et l’on constatait dans la lumière du tube des boulettes de substances albuminoïdes provenant de ces cellules. « Gette fonction patho- logique des cellules rénales, ajoute l’auteur, n’est pas sans une grande ana- REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 465 logie avec la sécrétion du mucus par les cellules caliciformes de la muqueuse digestive. » Séance du 21 avril 1879. J. DE SEYNES, Sur l'apparence amyloide de la cellulose chez les Champi- gnons. — L'auteur, rappelant la communication de M. Crié, reproduite plus haut, relative à la présence de globules amyloïdes dans les asques des Pyré- nomycètes, dit qu'il a observé les mêmes faits, mais qu'il a été conduit à des conclusions toutes différentes. Les globules sont des dépendances, des hyper- trophies de la membrane cellulosique, et sont de même nature qu'elle. W. Nicari et Ricuaun, Sur le mode de formation des canalicules biliaires dans l'hépatite et la production consécutive de glandes tubulées dans le foie du Lapin. — À Marseille, les Lapins domestiques offrent souvent des altérations du foie, qu’on peut diagnostiquer cérhose hypertrophique disséminée, coïnci- dant avec la présence de cysticerques, ou, plus souvent, celle de corps oviformes de Davaisne dans les principaux conduits biliaires. Les phénomènes, fortcurieux, se succèdent de la façon suivante : les capillaires du lobule malade, ainsi que la veine sus-hépatique, sont d’abord gorgés de sang et dilatés; puis les cellules hépatiques deviennent le siége d’une prolifération nucléaire intense. Ensuite, la veine centrale et les capillaires afférents dans la partie centrale du lobule se remplissent de cellules embryonnaires, en même temps que les cellules hépa- tiques s’atrophient et disparaissent. Le tissu conjonctif ainsi produit divise la couche périphérique parenchymateuse du lobe en travées, dans lesquelles se forment des conduits glandulaires semblables aux canalicules biliaires, et que l'auteur nomme pour cela {ravées productrices des conduits hiliaires. Plus tard, ces tubes biliaires s’agglomèrent et forment de véritables glandes repré- sentées par une série de culs-de-sac s’ouvrant dans une lacune centrale. « Le terme final de l’altération que subit le lobule sous l'influence de la rétention biliaire est donc, lorsque son parenchyme n’est pas entièrement détruit, la formation, aux dépens des cellules hépatiques, d’une glande nouvelle, véri- table glande tubulée, analogue aux glandes hépatiques des animaux inférieurs. Dans le tissu conjonctif de nouvelle formation, apparaissent de nombreux vaisseaux, qui servent sans doute à rétablir la cérculation porte un moment interrompue. Ainsi s’expliquerait ce fait que, dans la cirrhose hypertrophique, on observe rarement l’ascite. » Séance du 28 avril 1879. Bouper (de Paris), Sur l'inscription électrique de la parole. — L'auteur pré- sente à l’Académie des tracés qui représentent un essai d'inscription graphique de la parole, obtenus à l’aide d’un parleur microphonique très puissant. Les tracés présentent deux ordres de vibrations : « de grandes vibrations ou plu- tôt des ondulations, qui se reproduisent toujours dans le même ordre lorsqu'on prononce le même mot ou la même voyelle; puis de petites vibrations très courtes, très nombreuses, visibles à la loupe et échelonnées sur les grandes T. III, — N0 5, 1879. 30 466 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. ondulations. Ces petites vibrations seules paraissent produites par la paroles. Les ondulations, ou bien sont produites par le souffle qui accompagne néces- sairement l'émission, ou bien sont dues à l’inertie même du levier. » Séance du 5 mai 1879. F. Franck, £ffets réflexes produits par l'excitation des filets sensibles du pneumogastrique et du laryngé supérieur sur le cœur et les vaisseaux. — Les phénomènes réflexes , respiratoires et circulatoires, produits par l’excita- tion mécanique ou électrique du bout central du pneumogastrique ou du la- ryngé supérieur varient chez l'animal normal dans certaines conditions. Si l'animal est calme, le cœur se ralentit ou s'arrête, et la pression s’abaisse; si l'animal est agité ou fait des efforts, la pression s’élève et le cœur s'accélère ou ne modifie pas son rythme. Les anesthésiques, à faibles doses, qui atténuent la sensibilité et suppriment les réactions générales tout en respectant les réflexes cardiaques, permettent de mettre en évidence les réactions véritables produites par l'excitation centripète des nerfs pneumogastrique et laryngé supérieur : « dans ces conditions, c’est un arrêt réflexe, surtout dans le cas d’excitation du laryngé, ou un ralentissement réflexe du cœur qui s’observe. Quand larrêt se produit, ou quand Île ralentissement des battements du cœur est assez considé- rable, on voit la pression artérielle s’abaisser consécutivement; mais si le ra- lentissement est modéré, la pression peut rester stationnaire ou même s'élever notablement. Il devenait donc très probable qu'une autre cause agissait en sens inverse du ralentissement du cœur: c'était, vraisemblablement, un res- serrement vasculaire d'ordre réflexe. Pour mettre en évidence ce réflexe vas- culaire, 1l suffisait de supprimer le réflexe cardiaque par la section du pneumo- gastrique opposé à celui dont on excitait le bout central ; on permet ainsi à l’effet vaso-moteur de se manifester en toute liberté par une grande élévation de la pression générale. Le même résultat s'obtient encore par l'emploi de fai- bles doses de curare, qui fait disparaitre les modifications cardiaques réflexes sans supprimer le resserrement vasculaire. On peut ainsi s'expliquer les résul- tats si différents obtenus par l'excitation du bout central du pneumogastrique ; les modifications cardiaques réflexes qui tendent à produire une chute de pres- sion et le resserrement vasculaire simultané qui tend à élever la pression se combinant dans des rapports variables, on peut observer des variations de la pression artérielle très différentes suivant la prédominance de l’une ou l’autre de ces influences antagonistes. Les réactions normales de l'excitation du bout central du preumogastrique ou du laryngé supérieur consistent donc en un réflexe cardiaque modérateur qui interfère avec un réflexe vasculaire con- stricteur. » Borreau, Zffets du sulfure de carbone sur le système radiculaire de la vigne. — L'auteur démontre, à l’aide de nombreuses expériences, que le sulfure de carbone employé en nature pour détruire le phylloxera, et versé dans des trous pratiqués autour des pieds de vigne, tue les radicules situées profondément et dans le voisinage du trou, « Toutes les doses efficaces contre l’insecte, dit REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANIES. 467 M. Boiteau, en partant de celles de 6 ou 7 grammes jusqu’à 10 grammes par trou, ce qui porte la dose de 42 à 24 grammes par mètre carré, sont nuisibles aux racines et aux parties du cep qui se trouvent dans un certain rayon, » Il paraitrait singulier qu'après avoir écrit cette phrase M. Boiteau termine en recommandant l'usage du sulfure de carbone, si l’on ne savait que M. Dumas est le protecteur de ce remède, qui ne tue le parasite qu’en tuant la plante nourricière. Ch. RouGET, Sur la contractilité des capillaires sanguins. — L'auteur a constaté que tous les capillaires sont doués de contractilité, et que cette pro- priété n'est pas due à l’endothélium, «entièrement consütué par des cellules à protoplasma vasculaire et sans membrane, mais bien à un réseau de cellules contractiles ramifié ». Dans les embryons des mammifères, l’auteur a constaté que cette tunique contractile est formée par des cellules errantes, qui viennent se fixer à l'extérieur de l’endothélium. « Chez tous les vertébrés, une même tunique contractile, modifiée seulement dans la forme de ses éléments, enve- loppe tout le système des canaux vasculaires sanguins, y compris le cœur, jus- qu'aux capillaires inclusivement, et la contracülité, modifiée ainsi dans le ca- ractère de ses manifestations suivant les régions, est une propriété essentielle de toutes les parties du système vasculaire sanguin. » Société de Biologie. Séance du 922 mars 1879. Haven, Æématoblastes et globules rouges. — Les recherches de M. Hayem sur l’origine des globules rouges l'ont amené à cette conclusion que les leuco- cytes ne se transforment pas directement en globules rouges. Si on examine, chez le chat et chez le chien, les ganglions lymphatiques du cou et du mésentère, on y trouve de la lymiphe qui tient en suspension des hé- matoblastes. La lymphe du canal thoracique en renferme un bien plus grand nombre, et là ils peuvent même se présenter infiltrés de granulations d’hémo- globine. Ces hématoblastes, que, d'accord avec M. G. Pouchet, M. Hayem con- sidère comme l’origine des globules rouges, proviendraient des noyaux des leu- cocytes de la lymphe, et ne seraient que des fragments de ceux-ci. On a lu la note de M. Pouchet sur la dégénérescence hémoglobique des élé- ments de la moelle des os. M. Hayem, tout en considérant comme peu certain le rôle hématopoiétique qu’on a voulu attribuer à la moelle des os, n’est cepen- dant point d'accord avec M. Pouchet relativement à la signification de cer- tains éléments de ce tissu : il décrit dans la moelle des éléments amiboïdes, qu'il considère comme de véritables leucocytes, et qui ne différeraient des leu- cocytes du sang que parce qu'ils ont fixé de l’hémoglobine. Bunin Er Cuarenor, Recherches sur les battements du cœur chez le fœtus, et sur leur nombre envisagé au point de vue du sexe et du poids de l'en- fant. — Certains auteurs avaient dit qu’en auscultant le cœur du fœtus, au 468 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. travers des parois abdominales d’une femme enceinte, on pouvait prédire si l'enfant serait mâle ou femelle. Le nombre des battements serait différent dans les deux sexes, plus élevé chez les filles que chez les garçons (Frankenhausen). Mais il faudrait aussi tenir compte du poids du fœtus, car, « à poids égal, le cœur bat plus vite chez les filles que chez les garçons. » (Cumming, d'Edim- bourg.) MM. Budin et Chaignot ont vu, au contraire, qu'il n°v a absolument aucun rapport entre le poids du fœtus, le nombre des battements du cœur et le sexe. Séance du 5 avril 1879. G. Poucuer, Quelle idée les anciens se faisaient-ils de la décharge électrique des Poissons ? — M. Pouchet a compulsé les ouvrages d’un grand nombre d'anciens naturalistes grecs, latins ou arabes. Il dit que les anciens, auxquels l'électricité était inconnue, mais qui connaissaient la décharge de la Torpille ou du Silure, comparaient au froid la sensation que détermine cette décharge. Oppien et Galien rapprochent la sensation que donne la Torpille de la sensa- tion du froid et ce dernier auteur insiste à différentes reprises sur ce fait que la Torpille est un agent de refroidissement. Saladin attribue la même propriété au Silure du Nil. Seul, parmi un grand nombre d’observateurs, Averrhoës dit que la cause de la sensation qu’on éprouve en touchant une Torpille est ana- logue à celle qui aimante les barreaux de fer. Séance du 19 avril 4879. Broww-SiouarD, Transmission par hérédité de lésions anatomiques artificiel lement produites. — M. Brown-Séquard enlève un corps restiforme à une femelle de Cobaye : il s'ensuit une gangrène sèche de l'oreille du côté corres- pondant. Cette femelle met bas trois petits : l’un présente à l'oreille corres- pondante une excroissance charnue, l’autre une perte de substance, le troi- sième une ecchymose, dont le résultat sera probablement de la gangrène sèche. A d’autres femelles de Cobayes M. Brown-Séquard enlève un orteil: leurs petits portent un ou deux doigts surnuméraires. M. Brown-Séquard sectionne encore le nerf sciatique gauche à une femelle de Cochon d'Inde: les petits naissent avec une paralysie de la patte posté- rieure droite. De tous ces faits M. Brown-Séquard tire la conclusion que les petits de parents anormalement constitués héritent de la lésion extérieure, mais non de l'anomalie centrale qui a déterminé cette lésion chez les parents. F. Jozyer et R. BLancHarD, Sur des ligaments spéciaux à la moelle épr- nière des Serpents. — Nous désirons appeler l’attention des zoologistes sur l'existence, dans l'épaisseur de l'enveloppe de la moelle épinière des Ophidiens, de ligaments spéciaux, en rapport avec les mouvements de la colonne verté- brale chez ces animaux. Sur une coupe transversale de la moelle épinière d’un Ophidien, on recon- REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 469 nait que la moœælle est renfermée dans une enveloppe mince de, tissu conjonctif. Cette enveloppe est intimement appliquée contre la moelle. Sa structure n'offre rien de bien spécial : elle est formée par la superposition de faisceaux conjonc- tifs plats et lamelleux, entrecroisés dans tous les sens. L’épaisseur de cette enve- loppe est très peu considérable : elle est de 0%, 024 chez un Boa dont la moelle a un diamètre transversal de 2®,95 ; de 0%%,012 chez une Couleuvre dont la moelle mesure en travers 1%2,5 ; de 0%%,060 chez un Python dont la moelle a 3 millimètres de diamètre transversal. De chaque côté de la moelle et un peu plus près de sa partie inférieure (anté- rieure) que de la partie supérieure (postérieure), on voit l'enveloppe conjonc- tive de l'organe se dédoubler, pour comprendre entre ses deux feuillets un gros faisceau conjoncüf qui, sur la coupe, est sectionné en travers : sa direc- tion est donc longitudinale et parallèle à l'axe de la moelle. Il forme un amas compact de fibrilles de tissu conjonctif, se colorant en rouge par le carmin. Ce ligament présente une forme ellipsoïde : il est plus aplati sur l’une de ses faces que sur l’autre et sa face la plus convexe est précisément celle qui est en rapport avec la moelle. Il en résulte que la moelle présente sur la partie corres- pondante de sa périphérie une profonde dépression destinée à loger ce ligament. A l'extrémité supérieure (postérieure) de ce ligament, on voit constamment la coupe d’un vaisseau sanguin qui marche dans la même direction que lui et qui lui semble destiné. Chez le Boa constrictor, les dimensions de ce ligament sont : largeur, 0,53; épaisseur, 0,13 ; chez le Python de Séba, sa largeur est de 1,17 et son épaisseur de 0,40 ; chez le Tropidonotus nutrix, il mesure Ow®,35 dans un sens et 0%%,09%4 dans l’autre. Quant à sa longueur, elle est la même que celle de la moelle elle-même. Si on examine la moelle d’une Couleuvre ou d’un Python, on ne trouve que ce seul ligament disposé symétriquement de chaque côté de la moelle. Mais chezleBoa, outrece premier ligament, on en rencontre encore un second situé de chaque côté à la partie la plus externe de la face inférieure de la moelle, au point où la face latérale se continue avec la face inférieure (antérieure). Le premier ligament n’est plus alors situé «un peu plus près de la partie inférieure (antérieure) que de la partie supérieure (postérieure) » de la moelle, mais il est reporté un peu en haut (en arrière) et se trouve à égale distance des deux faces inférieure et supérieure de la moelle, Comme le premier, ce nouveau ligament est longitudinal par rapport à l’axe de la moelle; comme lui encore, il est compris dans un dédoublement de l’en- veloppe et est formé d’un faisceau serré de fibres conjonctives. Mais il est moins bien développé et fait à la surface de la moelle une encoche moins pro- fonde. Il n’est accompagné d'aucun vaisseau sanguin. Ses dimensions sont: largeur, 0,646; épaisseur, 0%%,082 : il est done à la fois beaucoup plus large et beaucoup plus aplati que le premier ligament. Les insertions de ces ligaments n’ont pu encore être déterminées exactement, mais leur présence sur toute la longueur de la moelle semble devoir faire admettre qu'un rôle physiologique important leur est dévolu. En raison de l'amplitude considérable des mouvements dont sont le siège les articulations 470 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. de la colonne vertébrale chez les Ophidiens, on peut se demander si ces liga- ments n’ont pas pour but d'empêcher le tiraillement de la moelle, comme sem - blerait déjà l'indiquer leur grande ténacité. Et ce qui semble encore plaider en faveur de cette manière de voir, c'est que ces ligaments sont situés sur les parties latérales de la moelle et que précisément les mouvements de latéra- lité sont les plus développés chez les Serpents. R:2Bi: Société zoologique de France. Séance du 6 mai 1879. M. le docteur L. BuREAU communique à la Société la suite de ses intéressantes observations sur le Macareux arctique (Fratercula arctica Lan). I étudie, cette fois, les aires de dispersion des trois formes qu'il distingue dans cette espèce; ces formes sont : la forme armoricana, la forme #slandica et la forme glacia- lis : elles diffèrent entre elles par la taille et par le plumage. M. Bureau dé- montre que la distribution de ces diverses formes ne se fait point suivant la latitude, mais suivant les lignes isothermes moyennes. M. Alb. TourNEvILLE dépose un mémoire sur le Pelonectes Boscai LarT., seule espèce actuellemient connue du genre nouveau Pelonectes, dont M. F. La- taste a récemment publié la diagnose (1). Ce mémoire sera publié au Bulletin. M. F. Larasre démontre que lé Bradybates ventricosus décrit par Tschüdi n'est qu'un jeune Pleurodeles Waltlir déformé et aplati. Le genre Pradybates, dont personne, depuis Tschüdi, n'avait pu observer aucun individu, doit donc disparaître du cadre zoologique. M. F. Lataste décrit encore, sous le nom d'Ammoryctis, un genre nouveau de Batracien anoure d’Espagne, voisin de notre genre A/ytes. R. BL. Société d'Anthropologie. Séance du 17 avril 1879. ZaAgorowskr, Les Kamennya baby de la Russie méridionale et la déesse mère. — Au pavillon de l'anthropologie de l'Exposition universelle, dans la section russe, se trouvaient plusieurs modèles en carton-pâte de grossières statues de pierre, en assez grand nombre dans la Russie méridionale. Ces statues, assez élevées, représentent des femmes au visage large, aux mains croisées sur l'abdomen. Dans le pays, le nom qu’on leur a donné de Æa- mennya baby, bonne femme en pierre, indique assez qu'il n’y a aucune tradition qui puisse nous renseigner sur leur origine et leur sens. Devant les modèles de la section russe, chacun s’est interrogé inutilement. Leur exposition à posé une question qui reste irrésolue. (1) Voir Revue internationale des sciences, 1879, n° 3, p, 275, REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES, TA Deux pièces, dont je viens seulement de connaitre l’existence, pourraient bien aider à la résoudre. À la section polonaise, M. Zmigrodzki a exposé, assez tardivement, il est vrai, plusieurs cahiers de dessins d’objets d'archéologie qu'il avait étudiés - dans divers musées du Nord. Or, parmi ces dessins se trouvent ceux de deux statuettes de pierre appartenant au musée de Cracovie. Elles ont été découvertes ensemble, en 1871, dans les environs de Koda, gouvernement de Kalisch, sur les confins de la Silésie, du royaume de Pologne et du duché de Posen. La première, malheureusement privée de sa tête, représente une femme qui üent entre ses mains et sur sa poitrine le symhole de l'organe féminin. La proéminence du ventre indique l'intention de figurer la maternité. La se- conde statuette, moins grande que la première, représente un buste d'homme, sans bras, qui s’allonge en forme de phallus. Or, la statuette de femme, quoique de taille bien moindre, rappelle évi- demment les Æamennya baby. Et la présence du phallus, à côté d'elle, comme symbole secondaire, ce qu'indique sa taille inférieure, nous permet de la rapprocher de cette fameuse déesse mère, qui, dans la légende de l'Asie occidentale, est la principale divinité et la seule immortelle, pendant que les dieux mâles, qui se succèdent de père en fils auprès d’elle dans Île rôle de puis- sance fécondante, sont périssables. On peut donc se demander si les Æamennya baby elles-mêmes ne sont pas des représentations de la déesse mère, que l’on retrouve mentionnée d’ailleurs dans les plus anciennes traditions des peuples immigrés dans l'Occident et jusqu’en Irlande. Séance du 427 mai 1879. GEorrroy, De lévolution du sens des couleurs. — M. Geoffroy, reprenant une à une les assertions et les vues de M. Magnus, montre combien elles sont peu soutenables. Au temps d'Homère, ce n’était pas le sens des couleurs qui faisait défaut, mais une suffisante puissance d'observation et d'expression, Six cents ans après Homère, les couleurs que M. Magnus prétend n'avoir pas pu être perçues par les contemporains du poète, l’étaient certainement, d’après des textes formels. Le sens des couleurs n’a pu évidemment avoir de ces ac- croissements subits de puissance. Le mémoire de M. Geoffroy, très complet et très décisif, est trop long pour que nous puissions en reproduire ici même la substance. Mais nous devons dire qu'il est d'autant plus intéressant et utile, qu'on à fait récemment autour des théories de M. Magnus un bruit tout à fait hors de propos. M. Lerourneau rappelle, d’ailleurs, que des poteries de Mycènes, anté- rieures à Homère, sont ornées de figures coloriées en rouge et en bleu; que les sauvages, assurément au-dessous des contemporains d'Homère, con- naissent les couleurs ; que le rouge, dont on conteste la perception à une époque reculée, est l’objet des prédilections de l'humanité entière ; que les animaux distinguent les couleurs, et que des expériences de M. P. Bert ont 472 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. montré que certains crustacés ont des préférences marquées pour certaines d’entre elles. Autre chose est de percevoir les couleurs et d'en pouvoir exprimer toutes les variétés. ZABOROWSKI, Zl'ombeaux à cloches. — M. Ossowski a récemment décou- vert, dans la région de la basse Vistule, un genre de tombeaux entière- ment inconnus jusqu'ici : ce sont des urnes cinéraires qui, avec leur couvercle et leur soucoupe, sont entièrement comprises dans de grands vases d'argile renversés, ayant la forme de nos cloches, et quelquefois superposés, au nombre de trois. M. Zaborowski en lit une courte description, au nom de M. Ossowski, et ea présente deux gravures. BATAILLARD, L'Origine de la métallurgie. — Ce mémoire se rapporte aux discussions des séances précédentes sur les Aryas. M. H. Martin à dit, en effet, que le bronze avait été introduit dans les pays du Nord par une immi- gration aryeune. M. Bataillard réfute cette assertion par une dissertation philologique, dont les détails ne peuvent être saisis à la seule audition. Il se borne, d’ailleurs, à conclure que M. H. Martin a émis là une assertion sans preuve. M. De NADAILLAC, à propos de la même discussion, sinon sur les Aryas, au moins sur l’origine asiatique de la civilisation néolithique, affirme de nou- veau qu'il n’y a pas de dolmens dans l’Asie Mineure, et qu'il croit à l’em- ploi de la poterie en Europe avant l’époque de la pierre polie. M. pe MorriLzer assimile les cavernes sépulcrales de l'Asie Mineure aux dolmens. Z. Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux. Séance du 23 janvier 1879. M. Gayon expose quelques expériences nouvelles tendant à montrer que le glucose inactif est un mélange de glucose dextrogyre et de glucose lévogyre. — La production de ce glucose dépend de la proportion relative d’eau et de sucre pendant la transformation de ce dernier sous les diverses influences qui la provoquent. — Quand l’eau domine, on a du sucre interverti ordinaire ; si le sucre domine, on obtient du sucre interverti énactif sur la lumière polarisée. Séance du 6 février 14879. M. Jolyet entretient la Société de recherches sur la respiration des Poissons, recherches qui font suite à celles de Boyle (1670), Spallanzani (1803), Pro- vençal et Humboldt (1809), Gréhant (1870). L'appareil avec lequel les obser- vations ont été faites réalise la condition essentielle, indispensable, à laquelle on doit saüsfaire tout d’abord, et à laquelle les expérimentateurs précédents ne s'étaient pas complètement conformés, que les animaux soient placés dans des conditions physiologiques et aussi normales que possible. Les conclusions auxquelles M. Jolyet est arrivé sont les suivantes : REVUE DÉS SOCIÉTÉS SAVANTES. 413 Les animaux à respiration aquatique, destinés à vivre dans un milieu très pauvre en oxygène et ayant, d'autre part, un fluide sanguin dont la capacité respiratoire est très faible, sont de tous les êtres ceux dont la respiration offre l'activité la moins considérable. Dans l'acte de la respiration libre et naturelle, l'oxygène qui disparait n’est pas exactement représenté par l'oxygène contenu dans l'acide carbonique pro- CO? duit ; toujours le HO ent plus petit que l'unité, c’est-à dire que les animaux aquatiques, placés dans les conditions normales de leur existence, ne rendent jamais plus d'acide carbonique qu'ils n’absorbent d'oxygène. Si dans les expériences sur la respiration des Poissons quelques physiologistes ont trouvé un volume d'acide carbonique supérieur au volume de l'oxygène absorbé, cela tient à ce que les animaux se trouvaient placés dans un milieu confiné, dont ils épuisaient graduellement loxygène (asphyxie dans l’eau aérée, non renouvelée), et qui par conséquent n’était plus normal et respirable. Comme chez tous les animaux à température variable, les variations ther- miques ambiantes ont chez les êtres aquatiques une influence considérable sur l'intensité des phénomènes chimiques de la respiration. En prenant comme limites extrêmes compatibles avec la vie les températures de2 degrés et30 degrés du milieu extérieur, les quantités d’oxÿgène absorbé varieront, toutes choses égales d’ailleurs, dans le rapport de 4 à 10, au minimum. Parmi les autres causes qui peuvent influer sur l'activité de la respiration, en dehors des conditions relatives à l'espèce, les plus importantes, après la température, sont l’état d'activité musculaire plus ou moins grand des animaux. Les expériences ont donné, tantôt un faible dégagement d'azote, quelquefois une absorption ; maisces quantités d'azote sont toujours dans les limites d’erreur des expériences, en sorte que toute conclusion est impossible. Chez la plupart des Poissons, une autre cause d'erreur peut provenir des changements survenus dans la composition gazeuse de la vessie natatoire. Académie des sciences de Belgique. Séance du 1er mars 1879. Dans cette séance, l'Académie de Belgique a arrêté le programme de ses concours pour 1880 et 1881. Pour 1880, nous notons les questions suivantes : Section des sciences physiques : « On demande de compléter, par des expériences nouvelles, l’état de nos connaissances sur les relations qui existent entre les propriétés physiques et les propriétés chimiques des corps simples et des corps composés. » Section des sciences naturelles : «1° Faire la description des terrains tertiaires appartenant à la série éocène, c’est-à-dire terminés supérieurement par le système laekénien de Dumont, et situés dans la Hesbaye, le Brabant et les Flandres. 474 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. « 2° Faire connaitre l'histoire de la vésicule germinative dans des œufs pou- vant se développer par parthénogénèse. « L'auteur choisira librement l’objet de ses études parmi les diverses espèces animales chez lesquelles le développement parthénogénésique a été positive- ment constaté. « 3° On demande de nouvelles observations sur les rapports du tube polli- nique avec l'œuf, chez un ou quelques Phanérogames. » Parmi les questions mises au concours pour 1881, nous citerons la suivante : « On demande de nouvelles recherches sur la germination des graines, spé- cialement sur l'assimilation des dépôts nutritifs par l'embryon: » La valeur des médailles décernées comme prix sera de huit cents francs; elle est portée à mlle francs pour la question proposée par la section des sciences physiques que nous avons reproduite plus haut. Les mémoires doivent être rédigés en français, en flamand ou en latin. Is devront être adressés, pour le concours de 1880, à M. Liagre, secrétaire perpétuel, avant le 1% août 1880. Les auteurs ne doivent pas signer ; ils doivent inscrire sur leur ouvrage une devise, reproduite dans un billet cacheté renfermant leur nom et leur adresse. « Les mémoires dont les auteurs se seront fait connaître, de quelque manière que ce soit, seront exclus du concours.» L'Académie de Belgique est très rigou- reuse à cet égard. L'un de nos savants les plus distingués a été, pour ce motif, il n’y à pas longtemps, éliminé d’un concours dont le prix lui était légitime ment dü, de l’avis même de la Commission. CHRONIQUE LES COURS DE CLINIQUE ANNEXES. Le Président de la République française, Sur le rapport du ministre de l'instruction publique et des beaux-arts, Vu les décrets des 20 août et 6 décembre 1877, DÉCÈtEE Arr. 1%. Les services spéciaux nécessaires pour le fonctionnement des cours cliniques annexes institués par le décret du 20 août 1877 sont mis à la disposition des facultés de médecine par les soins des administrations des hôpi- taux et des administrations des asiles publics d’aliénés, et restent affectés à ces services. Toutefois l'installation des cliniques annexes de maladies mentales et les conditions auxquelles fonctionneront les cours seront préalablement réglées pour chaque asile d’aliénés, de concert entre le ministre de l'instruction publi- que et le ministre le l’intérieur. ART. 2. À Paris, ces services nouveaux spécialement affectés aux cours des maladies des enfants, des maladies syphilitiques et des maladies de la peau, sont établis dans les hôpitaux des Enfants malades, du Midi et de Saint-Louis: CHRONIQUE. 475 Ils restent à la disposition de la Faculté de médecine dans les mêmes condi- tions que les services affectés aux cliniques générales. Dans le cas où 1l y aurait lieu de pourvoir à une vacance de chargé de cours, avant que ces services soient créés, le cours ne sera confié qu'à lun des chefs de service en exercice dans l'hôpital. Le service affecté aux cours des maladies des yeux sera distinct des services de chirurgie générale. Jusqu'à ce que les constructions nécessaires pour installer ces services à Lari- boisière et pour installer à Necker le cours des maladies des voies urinaires, aient été terminées, ces deux cours seront faits dans les services des chargés de cours nommés, qui ne pourront changer ni d'hôpital ni de service pendant toute la durée de leurs fonctions. ART. 3. En cas d’empêchement d’un professeur, le suppléant est choisi soit parmi les agrégés pourvus d’un service hospitalier, soit parmi les médecins ou chirurgiens des hôpitaux. ART. 4. À chaque cours clinique annexe est attaché un chef de clinique. Les chefs de clinique sont nommés au concours; la durée de leurs fonction est fixée à deux années. Les candidats devront justifier du grade de docteur et du titre d’ancien interne des hôpitaux. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables à Paris, où les internes nommés au concours remplissent de plein droit les fonctions de chef de clinique. ART. d. Le chargé de cours fait deux leçons par semaine pendant toute l’an- née scolaire; un amphithéâtre est tenu à sa disposition aux jours fixés pour les leçons. Un cabinet de recherches est annexé à chaque service, et disposé d'accord avec le doyen de la Faculté. Une salle spéciale de consultation est affectée au service des maladies des yeux. Arr. 6. Les chargés de cours annexes et les chefs de clinique restent soumis, comme tout le personnel médical des hôpitaux, à toutes les prescriptions régle- mentaires du service hospitalier, même en ce qui concerne l'heure et la régu- larité des visites à faire aux malades. ART. 7. La réglementation d'ordre intérieur et de police dans les établisse- ments où il y aura des cours annexes, appartient exclusivement à l’adminis- tration hospitalière. Arr. 8. Il est pourvu, par les soins du ministre de l'instruction publique, aux dépenses de personnel, de construction, d’appropriation, d'ameublements et d'achats d'instruments rendus nécessaires par l’installation des cours an- nexes de clinique dans les hôpitaux civils; ces dépenses ne pourront, en aucun cas, devenir obligatoires pour les administrations hospitalières. La propriété des bâtiments appartiendra à l'administration hospitalière. Nultravail ne peut être exécuté sans l’assentiment de l'administration hospi- talière, 476 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Les plans et devis sont dressés par l’architecte des hospices et soumis à la faculté de médecine. Arr. 9. En cas de dissentiment entre les facultés de médecine et les admi- nistrations hospitalières, il en est référé aux ministres de l'instruction publique et de l'intérieur et l'affaire est portée devant la commission mixte permanente. Arr. 10. Les ministres de l'instruction publique et de l’intérieur sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret. Fait à Paris, le 15 avril 1879. JULES GRÉNY. Par le Président de la République : Le ministre de l'intérieur et des cultes, CH. LEPÈRE. Le ministre de l'énstruction publique et des beaux-arts, JULES FERRY. * x * Nous sommes priés d'insérer la note suivante : APPEL AUX MÉDECINS ET AUX ÉTUDIANTS EN MÉDECINE DE PARIS ET DE LA PROVINCE. — Il s’est formé à Paris un comité français de secours aux inondés de Szegedin, ville de Hongrie détruite par un débordement de la Theiss. Au nombre des membres de ce comité se trouve un groupe de médecins qui se croient autorisés à faire appel à l'esprit de charité de leurs confrères. La France studieuse n’a pas oublié que, pendant les désastres de 1870-1871, elle a reçu de la Hongrie de nombreux témoignages de sympathie, et que nos soldats prison- niers et malades en Allemagne ont été chaleureusement secourus par la bien- faisance des Magyars. La souscription ouverte en faveur des inondés hongrois, si bien accueillie par nos concitoyens, trouvera de chauds partisans parmi nos confrères et la jeunesse de nos écoles. Nous venons leur demander de tendre une main secou- rable à un pays où le nom de la France vit dans tous les cœurs. BALL, BRocCA, KRISHABER, Baron LARREY, PETER. Nota. —Les souscriptions sont reçues dans tous les bureaux de la Socrété Générale, à Paris et en province. Les noms des souscripteurs sont publiés par le Journal officiel. — On peut aussi souscrire dans les bureaux de la Revue in- ternationale des sciences. Le gérant, O. Doin BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. Physique et Chimie biologiques. Paul Cazeneuve, Nouvelles observations sur l'extraction et le dosage de l'acide hippu- rique, in Journ. de Pharm. et de Chim., avril 4879, p. 309-311. Eugène MARCHAND, Composition du lait fourni par les vaches de différentes races, in Journ. de Pharm. et de Chim., avril 1879, p. 311-318. A. ViLiers, Analyse d’un miel d Ethiopie, in Compt. rend. del’ Ac.des sc.,t. LXXX VIII, 1879, p. 292. B. CORENWINDER, Sur la Banane, in Compt. rend. de l'Ac. des se., t. LXXX VIII, 1879, p. 293. J.-E. de VRy, Sur le Quinetum, in Journ. de Pharm. et de Chim., avril 1879, p. 330- 331. Yon, Sur le dosage de la morphine dans l’opium. Nouveau procédé d'évaluation, in Journ. de Pharm. et de Chim., avril 1879, p. 332-336. Ernest BAuDRIMONT, Examen d'une eau douce contaminée par des matières organiques insalubres, in Journ. de Pharm. et de Chim., avril 1879, p. 336-338. A. Perir, Sur l'alcaloide du Pituri, in Journ. de Pharm. et de Chim , avril 1879, p. 338-341. Heisca, Cacaos, résultats d'analyses ; ana- lyse in Journ. de Pharm. et de Chim., avril 1879, p. 375-376. WRiGar et P. Lurr, Sur les alcaloïdes des Aconils; analyse in Journ. de Pharm. et de Chim., avril 1879, p. 378-382. O. Hesse, Sur l'écorce de Symplocos ra- Ceinosa ; analyse in Journ. de Pharm. et de Chim., avril 1879, p. 382-384. BERTHELOT, Recherches sur l'ozone et sur -’effluve électrique, in Journ. de Pharm. et de Chim., mai 1879, p. 385-387. SCHUTZENBERGER et A. DESTREM, Recher - ches sur la levure de bière, in Journ. de Pharm. etde Chim., mai 1879, p. 387-392. CAZENEUVE, Sur le dosage de la glycose dans le sang, in Journ. de Pharm. et de Chim., mai 1870, p. 399-402. J. ReGNauLD, Etudes expérimentales sur le chloroforme anesthésique, in Journ. de Plharm. et de Chim., mai 1879, p. 402-405. MioqueL, De la présence dans l'air du fer- ment alcoolique, in Journ. de Pharm. et de Chim., mai 1879, p. 414-415. G. PLANCHON, Note sur le thé vert, in Journ. de lharm. et de Chim., mai 1879, p. 150-452. LLOYD, Sur la préparation des sels de ber- bérine; analyse in Journ. de Pharm. et de Chim., mai 1879, p. 475-479. CANNIZZaARO el VALENTE, Sur quelques dé- rivés de la santonine ; analyse in Journ. de Pharm. el de Chim., mai 1879, p. 480-482. CANNIZZARO et CARNELUTTI, Sur deux iso- mères de la sanlonine; analyse in Journ. de Pharm.et de Chim., mai 1879, p. 482-483. Ueber die Wirkung des Amylratrits auf das Blut (Sur l’action du nitrile d’amyle sur le sang). in Zeüschr. für Physiol. Chem., TDPPHefE NS TD 254258. A. Kosser, Ueber die chemische Zusam- mensetzung der Pepione (Sur la synthèse des peptones), in Zeitschr. für Physiol. Chem., IPRHelEM TE p 58263; G. BunGe, Ueber das Verhalten der Kali- salze im Blute (Sur la présence des sels de potassium dans le sang), in Zeitschr. für Physiol. Chem., IIT. Heft, I, 11, p. 63-70. W. 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GAYON, - GIARD, GUBLER, GUILLAUD, Erxsr HAECKEL, HENNEGU Y, P.-P.-C. HOECK, A. HOVELACQUE, JOLYET, JOURDAIN, KUHFF, KURTZ, KUNCKT , »D'HERCULAIS, LAFFONT, LANDOLT, F, LATASTE, Anpné LEFÈVRE, CH. LETORT, i ŸS, MAGNUS, MALASSEZ, CH. MARTINS, MASSON, STAnISLas MEUNIER, MOITESSIER, MOQU! !-TANDON, Ev. MORREN, De MORTILLET, NYLANDER, ONIMUS, E. PERRET, RANVIER, !.E. NARD, Cu. ROBIN, ROUGET, SABATIER, SCHNEIDER, SCHUTZENBERGER, DE SINETY, STHASBURGER, SCHWENDENER, A. TALAN- DIER, TERRIER, TOPINARD, TREUB, Carz VOGT, WEBER, F. WURTZ. PARIS OCTAVE DOIN, ÉDITEUR 8, PLACE DE L'ODÉON, 8 FER BRAVAIS Adopté dans tous les Hôpitaux. (FER DIALYSÉ BRAVAIS) , Recommandé par tous les Médecins. . CONTRE ANÉMIE, CHLOROSE, DÉBILITÉ, ÉPUISEMENT, PERTES BLANCHES, erc. Le Fer Bravais (fer liquide en gouttes concentrées), est le seul exempt > de tout acide; il n’a ni odeur, ni saveur et ne pue ni constipation, ni diarrhée, ni @ & échauffement, ni fatigue de l'estomac : de plus c’est Ze seul qui ne AoPreiSSe ” jamais Les dents. & C'est le plus Économique des ferrugineux, puisqu'un flacon dure un mois. Dépôt Général à Paris. 18, rue Lafayette (près l'Opéra) toutes Pharmacies. Bien se méfier des imitations dangereuses et exiger la marque de fabrique ci-contre. > Envoi gratis sur demande aflranchie d'une intéressante brochure surl'Anémieetson traitement. EAUX HUE LARURE LES pe VICHY Lu Engorsgement du n :# - ELISABETEH::: hace EX BE ireins, de l'estomac et de la vessie, gravelle, cal- culs hépathiques, goutte,dial goutte, diabète.albuminurie. SM ARI Anémie,catarrhe vésical, affections lymphatiques, ldyspépsie, diabète avec sang appauvri. 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L'acide carbonique est surtout utilisé dans les affections stomacales, gastral- gies, gastrites, crampes, vomissements ; dans lestcatarrhes intestinaux et la constipation; les diathèses goutteuse et rhumatismale. à ORIGINE DES TROIS RÈGNES ORGANIQUES. 481 ORIGINE MONOGÉNÉTIQUE ET POLYGÉNÉTIQUE DES TROIS RÈGNES ORGANIQUES ET DES ORGANES, Par Ernst HAECKEL, Professeur à l’Université d’'Iéna. Analyse par Jules Soury. La «question des questions », celle de l’origine de l’homme et de sa place véritable dans la nature, est entrée, grâce à Darwin, dans la seule voie qui puisse conduire à une solution. I n’y a plus aujourd’hui un seul domaine de la science qui échappe à l'influence de la théorie de l’évo- lution. On ne discute plus pour savoir si le monde organique s’est déve- loppé ou non. Le seul point sur lequel les avis diffèrent est celui-ci : Comment cette évolution a-t-elle eu lieu dans chaque cas particulier? Quels rapports généalogiques relient, dans chaque classe, les formes organiques affines? En morphologie, il n'y a pas de question qui revienne plus souvent et se pose avec plus de poids que celle de l’origine mo- nophylétique ou polyphylétique des organismes et des organes. Cette ifnpgrtante question phylogénétique est NE hui posée et discutée dans de nombreux domaines de la morphologie. Encore bien éloigné d’une solution généralem ni satisfaisante, on doit pourtant se réjouir de voir que les naturali ‘:s commencent à s'occuper, chacun de son côté, de ce problème. « Moi-même, écrit Hæckel, je n'ai cessé de m'occuper de la question de l’origine monophylétique ou polyphylétique des organismes, depuis le temps où, pour la première fois, j'essayai de faire une application de la théorie de la des endance à la classification biologique tout entière, et où J'esquissai, en conséquence, ces arbres généalogiques qui parurent dans ma Morphologie générale (1866) et dans l’Histoire naturelle de la création (1868). Que je n’aie jamais attri- bué à ces arbres généalogiques d’autre valeur que celle qu’on accorde aux hypothèses investigatrices ; que, bien loin de promulguer des dogmes sur la parenté généalogique et l’origine des divers groupes d’ espèces, j'aie seulement voulu donner une formule à certaines questions phylogé- nétiques, je l’ai déjà si souvent déclaré qu'il est inutile d’ y revenir. » On voudrait uniquement ici donner une idée générale de la ma- nière dont se pose aujourd'hui le problème phylogénétique et mon- trer quelle hypothèse, entre toutes celles qui ont trait au même sujet, peut être considérée comme la plus vraisemblable dans l'état T, II, — N9 6, 1879, 31 482 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. actuel de nos connaissances. La vaste littérature du darwinisme et du transtormisme ne renferme pas encore, que Je sache, un aperçu général de ce genre, aucun examen général sur le degré de vraisemblance qui existe, dans chaque cas spécial, en faveur de l’origine monophylétique ou polyphylétique des formes organiques comparées. Ce que je voudrais surtout montrer, c'est que, pour beaucoup de groupes morphologiques, en particulier pour les plus inférieurs, pour les Monères par exemple, et les organismes unicellulaires qui constituent en grande partie le règne des Protistes, une origine polyphylétique est vraisemblable, tandis qu’on doit plutôt admettre une origine monophylétique pour la plupart des classes de végétaux et d'animaux, surtout des classes supé- rieures. Les organes particuliers et les systèmes d'organes des plantes et des animaux sont en partie d’origine polyphylétique, en partie d’ori- gine monophylétique. Î. ORIGINE POLYPHYLÉTIQUE DES MONÈRES. La plus obscure de toutes les questions biologiques est toujours celle de l’origine de la vie sur notre planète. L'hypothèse de l’autogonie, de la génération spontanée, au sens où Je l’ai exposée dans la Morphologie générale (chap. 1v) et dans l'Histoire naturelle de la création (chap. xm), présente la seule solution vraiment rationnelle, c’est-à-dire conforme à notre besoin rationnel de causalité. Îl nous faut done admettre que les plus anciens organismes de notre globe, avec lesquels la vie y est ap- parue, étaient des Monères, ces « organismes sans organes », sans structure, dont J'ai parlé à diverses reprises (1). De tels êtres homo- gènes, des Monères, dont le corps tout entier ne consiste qu’en un gru- meau amorphe de plasson, qu'en une petite masse de substance albu- minoïde, peuvent seuls avoir été les plus anciennes formes ancestrales de tous les autres organismes. Quand on se représente, autant que cela est possible par hypothèse, les conditions particulières au milieu desquelles, il y a des millions et des millions d'années, ces Monères sont nées spontanément par auto- gonie, aucune raison ne nous incline à admettre que cette génération spontanée n'ait eu lieu qu'une seule fois, — qu'une Monère, commun ancêtre de tous les organismes de ce globe, ne soit ainsi apparue qu'en un lieu, à une certaine époque. Il est, au contraire, au plus haut point vraisemblable, nous pourrions dire presque certain, que de (1) Voir Le Règne des Protistes, traduit de l'allemand et précédé d’une préface par Jules Soury,; 1 volume accompagné de 45 figures sur bois. Paris, Reinwald, 1879, in-8°, ORIGINE DES TROIS RÈGNES ORGANIQUES. 483 pareils «actes de création» se sont souvent répétés, et que beau- coup d'espèces différentes de Monères — identiques seulement quant à l’absolue simplicité de leur organisme sans organe, différemment va- riées quant à la composition chimique spéciale de leur plasson, — sont nées spontanément en beaucoup de lieux et à de nombreuses époques. Il ya plus; ces générations spontanées auront dû se répéter une infi- nité de fois, et peut-être n'ont-elles jamais cessé de se produire depuis les périodes les plus anciennes jusqu'à présent. C’est l'opinion d’un grand nombre de biologistes éminents qui se sont occupés de cette dif- ficile et obscure question. Que les résultats négatifs auxquels ont abouti les expériences de génération spontanée ne prouvent rien en réalité contre cette hypothèse, je crois lavoir souvent établi. Une rélutation positive de cette hypothèse, par ce moyen, est impossible. Nous devons done continuer à admettre, quant à l’origine première du monde organique, que la vie a commencé sur cette planète par l’auto- gonie des Monères; en outre, la vraisemblance la plus grande nous force d'admettre que cette génération spontanée n’a pas eu lieu qu'une seule fois, mais beaucoup de fois, et, partant, que l’origine des Monères est polyphylétique. De nombreuses, peut-être d'innombrables Monères sont nées indépendamment les unes des autres, par autogonie, aux dé- pens de certaines combinaisons inorganiques; et quelques-unes, ou un grand nombre d’entre elles, ont été les formes ancestrales les plus an- tiques de tous les autres organismes. Il. ORIGINE POLYPHYLÉTIQUE DES CELLULES. Les cellules organiques que, depuis quarante ans, depuis la théorie cel- lulaire de Schleiden et de Schwann, nous considérons comme l'élément morphologique capital du monde organique, ne peuvent être nées à l’origine que des Monères. Toute cellule organique, en effet, qu'elle vive comme « organisme élémentaire » dans le corps d’une plante ou d'un animal, ou qu’elle représente, comme cellule isolée, une certaine «espèce » du règne des Protistes, — toute cellule organique est consti- tuée au moins par deux éléments essentiels : par la matière cellulaire ex- terne (protoplasma) et par le noyau cellulaire interne (nwcleus). La cel- lule représente done déjà un second degré, un degré supérieur des plastides. Le premier degré, le degré inférieur, est formé par les Cy- todes homogènes, absolument simples : les Monères, elles aussi, sont précisément des corps plassiques de ce genre. C'est parce que le plasson homogène, la masse molle, sans structure et albuminoïde du corps des Cytodes, s’est séparé en deux substances différentes — 484 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. que ce plasson s’est dfférencié en nucléus interne et en protoplasma externe, — que du Cytode a pu naître la véritable cellule organique. C'est donc à tort qu'on admet encore souvent, pour le commencement de la vie organique, une « génération spontanée des cellules ». Au con- traire, toutes les vraies cellules, c’est-à-dire les cellules nucléées, qui elles-mêmes ne proviennent point de cellules, ne peuvent être nées originairement que de Cytodes, c’est-à-dire de plastides anueléées. Ce processus important, le second acte du grand «drame de la créa- tion », doit s'être répété un nombre infini de fois, ainsi que le premier acte, l’autogonie des Monères. De vraies cellules ont dû naître une infinité de fois, en différents lieux et à diverses époques, de Monères, alors que le corps de plasson de ces organismes homogènes se différen- ciait en nucléus et en protoplasma. En somme, et tout bien considéré, on doit admettre que les cellules organiques sont d’origine polyphy- létique. ILE. ORIGINE POLYPHYLÉTIQUE DU RÈGNE DES PROTISTES. Pour d'importantes raisons, déjà exposées ailleurs (1), l'ancienne di- vision du monde organique en deux grands règnes, le règne animal et le règne végétal, ne peut plus subsister. Des considérations de divers ordres nous forcent d'introduire, entre ces deux grands règnes, le règne neutre des Protistes. Le corps d’un animal proprement dit se développe constamment de deux feuillets germinatifs polycellulaires (exoderme et entoderme); celui du végétal proprement dit commence toujours par la formation d’un thallus polycellulaire ou « prothallium » : au contraire, les Protistes neutres demeurent, le plus souvent, toute leur vie des êtres unicellulaires; dans des cas moins nombreux où le corps des Protistes est aussi polycellulaire, il n’arrive pas à former des organes morphologiques rudimentaires qui équivalent aux feuillets germinatifs des animaux ou au thallus des végétaux. La plupart des Protistes se reproduisent aussi asexuellement, tandis que, chez les vé- gétaux et les animaux véritables, la reproduction sexuée est la règle. Mais ceux-ci, en tant qu'organismes plus complexes, ne peuvent qu'être originairement descendus des Protistes. Ces considérations, et d’autres semblables, nous forcent à regarder le règne des Protistes comme un groupe d'organismes inférieurs, ré- parti en trois grandes divisions différentes : 1° PROTISTES PHYTOGONES, (1) Morphol. génér., chap. vu: Hist, natur. de la création, chap. xvr; Kosmos, III, 4%; le Règne des Protistes, 11e partie, ORIGINE DES TROIS RÈGNES ORGANIQUES. 485 comprenant les plus anciennes formes ancestrales du règne végétal ; 2° PROTISTES Z00GoNES, représentant les plus anciennes formes ances- trales du règne animal; 3° Proristes NEUTRES, êtres cellulaires auto- nomes, ne possédant aucun lien généalogique de parenté avec les règnes animal et végétal, mais s'étant développés tout à fait indépen- damment de ces deux règnes. C'est à ces derniers qu'appartiennent, d’après ma conviction personnelle, la grande majorité de tous les Pro- tistes, les classes si riches des Rhizopodes (Thalamophores, Héliozoaires, Radiolaires), des Infusoires (Flagellés, Ciliés, Acinètes), des Myxomy- cètes, des Champignons, etc. Pour ce qui regarde les différentes classes de Protistes, elles doivent être aussi, en grande partie, d'origine polyphylétique. Gar les «rap- ports de parenté » qui existent entre les différentes espèces, souvent fort nombreuses, d’une classe de Protistes, ne forcent nullement d'y voir, au sens monophylétique, les suites d'une véritable parenté gé- néalogique, ainsi que c’est le cas dans les classes supérieures du règne animal et du règne végétal. Au contraire, il est très possible, et en beaucoup de cas très probable, que deux Protistes très semblables d'une classe soient nés indépendamment l’un de l’autre, que deux cel- lules d’origine différente aient pris des formes semblables en s’adap- tant à des conditions d'existence analogues. Ce n’est que dans les classes supérieures de Protistes, où sont apparus certains caractères typiques d'organisation —dans les classes des Radiolaires, des Ciliés, des Acinètes — qu'on peut interpréter dans un sens plus monophylétique les liens de parenté des formes qui se ressemblent. IV. ORIGINE MONOPHYLÉTIQUE DE LA PLUPART DES CLASSES DE VÉGÉTAUX. Dans le règne végétal comme dans le règne animal, la question d’ori- gine offre moins de difficulté si, au lieu de partir des groupes de formes les plus anciens et les plus bas, on considère tout d’abord les rapports de parenté des classes moins anciennes, plus élevées et plus dévelop- pées. Chez les plantes comme chez les animaux, en effet, les vrais rap- ports de consanguinité apparaissent avec d'autant plus de clarté que ces organismes sont plus hautement différenciés et que leur corps est composé d'organes plus nombreux et plus hétérogènes. Les documents de l’histoire embryologique (ontogénie), autant que ceux de la paléonto- logie et surtout de l'anatomie comparée (morphologie), ont incompa- rablement plus de valeur phylogénétique chez les groupes morpholo- giques supérieurs que ce n’est le cas en général dans les classes d'êtres inférieurs. 486 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Quant au règne végétal, on y peut distinguer, dans l'état actuel de la science, environ quinze ou vingt groupes différents ayant la valeur de « classes ». Ils sont compris dans trois grands groupes ou « sous- règnes » : les Thallophytes sont les plus inférieurs , les Prothallophytes occupent un rang intermédiaire, etles Phanérogames atteignent le plus haut degré de développement. Contrairement à ce qui a lieu chez ceux- ci, les Thallophytes et les Prothallophytes ne portent pas de fleurs : ce sont des Cryptogames. Le rapportphylogénétique de ces trois sous-règnes est le suivant : les Phanérogames (qui apparaissent dans la période car- bonifère) dérivent des Prothallophytes, comme ceux-ci (qui se montrent dans la période dévonienne) dérivent des plantes thalliques. Cela ré- sulte en toute sûreté de ce que nous apprennent à cet égard l’anatomie comparée, l’ontogénie et la paléontologie. Durant les immenses périodes de l’âge primordial ou archéozoïque, lorsque les couches laurentiennes, cambriennes et siluriennes se dépo- sèrent, il n'exista ni Phanérogames ni Prothallophytes (fougères et mousses) ; le règne végétal était alors exclusivement représenté par des plantesthalliques, surtout par des algues aquatiques. C’estdans la période dévonienne, au commencement de l’âge paléozoïque ou primaire, que se développèrent les mousses et les fougères (Cryptogames vasculaires). Dans les dépôts houillers de la période carbonifère, qui suit immédia- tement la période dévonienne, apparaissent les premiers restes fossiles des Phanérogames. Pendant longtemps, ceux-ci ne sont représentés que par les gymnospermes inférieurs (fougères palmiformes, conifères, mé- ningos); plus tard, dans la période triasique, au commencement de l’âge mésozoïque ou secondaire, se rencontre, pour la première fois, le groupe végétal si riche en variétés, la classe la plus élevée des végé- taux, celle des Angiospermes (Monocotylédones et Dicotylédones). Si, recherchant maintenant l’origine de chacune de ces classes du règne végétal, nous commençons par les Phanérogames les plus par- faits, les Angiospermes (ou Métaspermes), c’est l’origine monophylé- tique qui paraît la plus vraisemblable pour cette grande classe, la plus élevée. Cette classedes Angiospermes consiste en deux groupes différents auxquels on peut accorder la valeur taxonomique de « classes » : les Dicotylédones et les Monocotylédones. La classe des Dicotylédones, à laquelle appartient la grande majorité des Phanérogames, montre, mal- gré la variété extraordinaire des grandes et nombreuses familles de plantes qui en font partie, une conformité trop frappante dans la struc- ture des fleurs et des fruits, surtout dans leur développement embryo- génique, pour qu'on hésite à les faire dériver d’une seule forme ances- trale commune et à leur attribuer, par conséquent, une origine ORIGINE DES TROIS RÈGNES ORGANIQUES, 487 monophylétique. Il faut en dire autant de l’autre grande division des Angiospermes, les Monocotylédones. Mais Monocotylédones et Dicoty- lédones se ressemblent tant entre eux, ils paraissent apparentés de si près, que nous pouvons admettre sans balancer qu'ils ont tous deux une commune origine et qu'ils dérivent monophylétiquement d’une seule et unique forme ancestrale commune. De même que pour tous les Angiospermes, on peut admettre aussi, avec la plus grande vraisemblance, une commune origine pour tous les Gymnospermes. Car les trois classes qu'on distingue présentement dans le groupe des Gymnospermes, les méningos (Gnetaceæ), les conifères (Coniferæ) et les fougères palmifères (Cycadeæ), sont entre elles intime- ment apparentées, et, pour chacune d'elles, comme pour toutes les trois ensemble, on peut assez facilement construire, par hypothèse, une forme ancestrale commune. Il est plus difficile de répondre à la question de l’origine monophy- Jétique de tous les Phanérogames. Tous les Phanérogames sont-ils issus d'un seul groupe de fougères? ou les Angiospermes et les Gymno- spermes sont-ils deux classes principales indépendantes l’une de l’autre, dérivées de deux groupes de fougères différents ? De graves raisons, em- pruntées à l’anatomie et à l’ontogénie comparées, peuvent être pro- duites pour chacune de ces deux manières de voir. D’après la première, on doit admettre que les plus anciens Phanérogames furent des Gymno- spermes, issus d’un seul groupe de fougères, et que les Angiospermes sont nés plus tard d'un groupe de Gymnospermes. Mais le nombre et le poids des raisons qui militent en faveur de l'opinion contraire se sont accrus en ces derniers temps. D'après cette seconde manière de voir, de nature polyphylétique, l'arbre généalogique des Phanérogames serait diphylétique, et les Angiospermes seraient issus, indépendamment des Gymnospermes, d’un autre groupe de fougères. Quant au sous-règne des Prothallophytes, des Cryptogames vaseu- laires ou plantes prothalliques, l'hypothèse monophylétique paraît au- jourd’hui la plus vraisemblable. Les deux groupes principaux des Pro- thallophytes, les mousses (Museinæ) et les fougères (Filicinæ), sont dans des rapports de dépendance indubitables, car les fougères, qui ne peu- vent provenir directement des Thallophytes (algues), doivent avoir passé, au cours de leur développement historique, par une forme de musei- nées. Le grand groupe des fougères se divise d'ordinaire en cinq classes : les fougères foliacées (Pterideæ), les fougères à chaumes (Calamariæ), les fougères aquatiques (Rhizocarpeæ), les fougères squa- meuses (Selagineæ), et enfin les Ophioglosseæ. Les individus de chacune de ces cinq classes montrent, en dépit de leur grande variété de for- 488 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. mes, des signes de parenté si manifestes, que leur origine monophy- létique ne souffre aucun doute. Mais les cinq classes laissent paraître, de leur côté, des rapports si intimes, qu'on peut admettre que tout le grand groupe des fougères descend d’une seule forme ancestrale com- mune, des muscinées. Il existe, d'autre part, des raisons favorables à une hypothèse polyphylétique : on peut dire que les fougères sont issues plusieurs fois des mousses; que, par exemple, les Calamariæ, les Pierideæ et les Selagineæ se sont développées de trois groupes diffé- rents de muscinées. Les deux classes que l’on distingue généralement dans le groupe principal des mousses (Muscinæ) sont les mousses foliacées (Frondosæ) etles mousses hépatiques (Hepaticæ) : les premières, moins anciennes, d'une organisation plus élevée et plus parfaite ; les secondes, plus an- ciennes, d'une structure moins élevée et plus rudimentaire. Très vrai- semblablement, une partie des mousses hépatiques forment le groupe ancestral de toutes les mousses, groupe d’où se sont développées plus tard, d’un côté, les mousses foliacées, de l’autre, les fougères. Les mousses foliacées paraissent apparentées de très près entre elles; pourtant, il est toujours possible que les différents groupes principaux de mousses foliacées soient nés, indépendamment les uns des autres, de plusieurs formes ancestrales différentes de mousses hépatiques. De même, il est très possible, sinon vraisemblable, que la classe des mousses hépatiques soit d’origine polyphylétique, c’est-à-dire que les mousses hépatiques soient issues, plusieurs fois, de diverses formes ancestrales d'algues. Aïnsi, tandis que, à l’exception de ces deux dernières classes, la plupart des classes des Prothallophytes et des Phanérogames sont très probablement d’origine monophylétique, on doit, au contraire, admettre que la plupart des classes du troisième sous-règne végétal, celui des Thallophytes, ont une origine polyphylétique. On distingue d'ordinaire deux classes principales dans ce sous-règne : les Inophytes (Inophyta), et les Algues (Algæ). La classe des Algues, d’où sont issues non seule- ment les Inophytes, mais tous les Prothallophytes, et, par conséquent, d’une manière indirecte, les Phanérogames aussi, est de beaucoup la plus importante. Les algues aquatiques sont donc le groupe ancestral du règne végétal; elles en ont été, durant d'énormes périodes, les seuls représentants. La classe principale des Inophytes, qui se compose des deux classes si voisines des lichens et des champignons, est, au point de vue phylogénétique, du plus haut intérêt : elle fournit des preuves d’un caracière tout spécial pour la vérité du transformisme. Les lichens ORIGINE DES TROIS RÈGNES ORGANIQUES, 489 (Lichenes) ne sont qu'une classe d'algues qui a été transformée d'une façon spéciale par des champignons parasitaires. Le champignon para- sitaire et la plante aux dépens de laquelle il vit, l’algue, sont si étroi- tement unis, ils ont exercé l'un sur l’autre une si puissante influence, qu'un nouvel être double, une nouvelle forme végétale, le lichen, en est issu. Et notez que ces champignons parasitaires, comme tous les autres champignons, ne sont pas proprement des végétaux. À tous les cham- pignons (Fungi), en effet, manque l'élément capital de la cellule orga- nique, le noyau cellulaire, élément qui ne fait défaut dans aucune cel- lule végétale ou animale, au moins dans les premiers temps. Les utricules ou cellules filiformes, spéciales, les hyphes, dont est formé le corps de tous les champignons, sont des cytodes sans noyau : ce ne sont pas de vraies cellules. On doit donc considérer les champignons comme formant une classe particulière de protistes neutres, non de vé- gétaux véritables, d'autant plus que toute la nutrition des champignons les ferait plutôt placer dans le règne animal que dans le règne végétal. Comme beaucoup d’autres classes de protistes, les champignons sont sans doute d’origine polyphylétique. Même origine polyphylétique, vraisemblablement, pour la plupart des classes d'algues. Le nombre de ces grands groupes que l’on dis- tingue dans la classe principale des algues, ainsi que leurs rapports de parenté, diffèrent beaucoup avec les différents botanistes. Des classes bien caractérisées, telles que les characées, les fucoïdées, les floridées, sont peut-être monophylétiques, tandis que les autres classes d'algues, et surtout les plus basses, peuvent être avec plus de raison considérées comme polyphylétiques. Ce qui paraît vrai, c’est que de nombreux groupes d’algues doivent être nés à l’origine, d'une manière indé- pendante, de beaucoup de groupes différents de monères phytogones, et qu'au cours de longues périodes de temps, des groupes d’algues en partie parallèles, en partie convergents, en partie divergents, sont issus de différentes formes ancestrales unicellulaires. Considéré dans son ensemble, le règne végétal, on peut l’admettre, a une origine polyphylétique; la plupart des classes de végétaux, au contraire, et en particulier toutes les classes supérieures, ont très vraisemblablement chacune une origine monophylétique. V. ORIGINE MONOPHYLÉTIQUE DE LA PLUPART DES CLASSES D'ANIMAUX. La plus haute complexité et la plus grande variété des organismes animaux, comparés aux organismes végétaux, paraissent déjà avec évi- dence lorsqu'on oppose, aux quinze à vingt classes du règne végétal, 490 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. les quarante à cinquante classes du règne animal ; encore celles-ci ac- cusent-elles entre elles des différences plus considérables que celles- là. Au point de vue général de la morphologie comparée, le règne ani- mal se divise, comme le règne végétal, en trois grands groupes principaux : les Zoophytes occupent le degré le plus inférieur, les Vers le degré intermédiaire, et les animaux types ou Typozoaires (Typozoa) le degré le plus élevé. Les trois sous-règnes végétaux correspondent phylogénétiquement à trois degrés différents de l’arbre généalogique; il en faut dire autant des trois sous-règnes animaux. Historiquement aussi bien que morphologiquement, les Typozoaires dérivent des vers, les Vers des Zoophytes. Mais, tandis que tous les Phanérogames ne pré- sentaient qu'une seule forme typique générale d'organisation, ou qu’on peut tout au plus y distinguer deux types, celui des Angiospermes et celui des Gymnospermes, on doit distinguer chez les Typozoaires au moins quatre types d'organisation fondamentalement différents : les vertébrés (Vertebrata), les arthropodes (Arthropoda), les échinodermes (Echinoderma) et les mollusques (Mollusca). Chacun de ces quatre groupes d'animaux représente une unité fermée, qui est indépen- dante des trois autres, et tire individuellement son origine d’un groupe différent de Vers. Comme presque chacune des classes comprises dans ces grands groupes renferme un certain nombre de formes animales qui, en dépit de leurs dissemblances externes, offrent les ressemblances les plus in- times dans leur structure interne et dans leur évolution, on peut pres- que admettre avec sûreté que chacune d'elles à peu près possède une ori- gine monophylétique et provient d'une forme ancestrale commune. De même, les classes particulières de chaque type sont si proches parentes entre elles, qu'une étroite parenté d’origine entre ces classes, une seule origine ancestrale pour chaque type, ou est tout à fait sûre, ou est au moins très vraisemblable. Chaque type nous apparaît donc, au point de vue phylogénétique, comme une souche ou lignée organique (Phylum). La plus importante et la plus intéressante de ces lignées d'animaux ou phyles est incontestablement celle des vertébrés (Vertebrata), dont l’homme fait partie. Ici précisément la descendance monophylétique apparaît avec une clarté évidente. Quelles que soient les variétés mor- phologiques externes, toute l’économie des parties internes des ver- tébrés ne permet point de songer à une origine polyphylétique. On doit admettre que tous les vertébrés sans exception, depuis l’amphioxus jusqu'à l’homme, sont issus d’un seul groupe ancestral commun, du même groupe de Vers éteint dont proviennent aussi les tuniciers (Tu- ORIGINE DES TROIS RÈGNES ORGANIQUES, 191 nicata). En outre, les rapports de consanguinité existant dans toutes les classes monophylétiques des vertébrés sautent aux yeux. Tous les mammifères (y compris l’homme) d’une part, tous les reptiles et leurs descendants, les oiseaux, de l’autre, sont sortis de la classe des am- phibies, qui, par les dipneustes, se rattachent immédiatement aux pois- sons. La classe des poissons est issue d’une classe de vertébrés éteinte, dont les cyelostomes actuels peuvent donner quelque idée de l’orga- nisation ; les cyclostomes à leur tour doivent être issus d’acrâniens dont l’amphioxus est aujourd’hui le dernier survivant. Mais la proche parenté qui existe entre les amphioxus et une branche des tuniciers, les ascidies, indique que les uns et les autres ont eu pour commune origine un seul et même groupe de Vers. L'origine monophylétique de tous les arthropodes (Arthropoda) est moins sûre que celle des vertébrés. Le type des arthropodes est com- posé de deux grands groupes qui, à l’état de développement complet, semblent à la vérité apparentés de fort près, mais qui paraissent très différents si l’on a égard à leur embryogénie. Ces deux grands groupes sont : 1° les trachéates (Tracheata), insectes, araignées, millepieds ; 2° les crustacés (Crustacea). Tous les trachéates, tous les insectes, arachnides et myriapodes, des- cendent indubitablement d'une seule forme ancestrale ; d'autre part, c'est aussi le cas pour tous les crustacés. Mais mieux on connaît au- jourd’hui l’histoire de l’évolution des trachéates et celle des crustacés, plus augmente le nombre des raisons tendant à faire croire que le groupe ancestral des trachéates appartient à une autre branche (quoique peu éloignée) de l’arbre généalogique des Vers que le groupe ancestral des crustacés. Les trachéates et les crustacés se comportent comme les Angiospermes etles Gymnospermes. Ou bien les premiers sont issus des derniers ou, — ce qui est toujours plus vraisemblable, — les uns et les autres sont une souche ou lignée séparée, et le phyle des arthro- podes est, quant à l’origine, diphylétique. Pour tous les échinodermes (Echinoderma), l'unité d’origine paraît tout à fait certaine. La structure si particulière de leur corps ne peut s'être produite qu'une fois. Comme chez les vertébrés, toutes les con- ditions qui ont rendu possible, grâce à l'adaptation, ia composition caractéristique du type des échinodermes, n’ont pu se rencontrer qu'une fois dans le cours de l’histoire de la terre. D’après l'hypothèse que j'ai émise, les premières formes ancestrales de ce type sont les étoiles de mer. De celles-ci se sont développés, dans une direction, les erinoïdes, dans une autre, les échinides, et de ceux-ci sont issus plus tard les holothuries. Les étoiles de mer ou astéries, formes ancestrales de 492 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. tous les échinodermes, ne sont originairement qu’un assemblage, qu'un corme de vers, composé de cinq où d'un plus grand nombre de vers articulés. Leur embryogénie l’atteste avec toute évidence. Pour les mollusques (Mollusca), on a récemment émis l'hypothèse d'une origine diphylétique. Une moitié des gastéropodes et des con- chifères descendraient d’un autre groupe de vers que l’autre moitié des gastéropodes et les céphalopodes. Mais cette hypothèse, basée sur l'anatomie comparée du système nerveux, ne peut résister à un examen approfondi. Ce qui semble le plus vraisemblable, et ce qui résulte en particulier d’une comparaison critique de l’embryogénie, c’est que la classe des gastéropodes, issue d’un groupe de vers, est d’origine mo- nophylétique. Les conchifères paraissent être issus par régression d’un groupe de gastéropodes, les céphalopodes d'un autre groupe de gasté- ropodes par développement. Tandis que, non seulement pour toutes (ou presque toutes) les classes des phyles typiques d'animaux supérieurs, mais aussi pour chacune de ces lignées organiques, on doit admettre une origine mo- nophylétique — tout au plus pour les arthropodes et les mollusques une origine diphylétique, — la question d’origine est infiniment plus difficile et obscure pour les classes si variées et si nombreuses des Vers. Les Vers (Helminthes) ressemblent en ceci aux Prothallophytes ou Cryptogames vasculaires qu'ils occupent une place intermédiaire et re- lient à la fois les groupes morphologiques les plus élevés et les plus bas. Nous ne pouvons encore regarder comme assurées que ces deux importantes hypothèses : 1° l'hypothèse que les quatre à six formes an- cestrales des quatres phyles d'animaux supérieurs typiques sont issues de différents groupes du phyle des Vers ; 2° l'hypothèse que le phyle des Vers lui-même descend, d’une manière monophylétique ou polyphy- létique, d’un groupe de Zoophytes, des gastréades. Mais, quant à savoir si cette origine est une ou multiple dans le temps et dans l’espace, on ne peut rien décider aujourd'hui à cet égard. Il y a apparence qu’une origine polyphylétique est ici plus vraisemblable qu'une origine mo- nophylétique. Une partie des ‘classes que nous distinguons dans le phyle des Vers, semble bien aussi posséder une origine polyphylétique, tandis que l’autre partie, la plus grande, est bien d’origine monophy- létique. La phylogénie des Zoophytes (Zoophyta ou Cœælenterata) n'offre pas moins de difficultés actuellement que celle des différentes classes de Vers. Ce sous-règne consiste en deux groupes principaux, les acalèphes (Acalephæ) etles éponges (Spongiæ). Les acalèphes peuvent être con- sidérés comme issus d’une souche unique, une forme embryogénique ORIGINE DES TROIS RÈGNES ORGANIQUES. 493 semblable, voisine des polypes d’eau douce actuels, existant dans la plupart des classes des acalèphes. Mais chaque classe d’acalèphes n’a pas besoin pour cela d’être monophylétique. Il est très probable, au contraire, que les méduses descendent polyphylétiquement de deux ou de plusieurs groupes de polypes hydroïdes. De mème, les siphono- phores semblent être issus polyphylétiquement de plusieurs groupes différents de méduses. Au contraire, les deux classes des cténophores et des coraux doivent plutôt être d'origine monophylétique. Les éponges (Spongiæ) peuvent être aussi ramenées morphologi- quement à une seule forme ancestrale commune, à l’olynthus, dont le corps, qui a simplement la forme d'une outre, se rapproche fort (comme l'hydre) de la forme ancestrale de tous les animaux, de la Gas- træa. Il ne se distingue essentiellement de celle-ci que par la posses- sion des pores cutanés propres aux éponges. Provisoirement, rien ne nous empêche de conclure de cette unité morphologique à une origine monophylétique, sans cependant exclure pour cela absolument une ori- gine polyphylétique. Car chez ces formes si inférieures de Zoophytes, de même que dans les classes les plus humbles des Vers, on se trouve en présence d'organisations si simples et si indifférentes, qu'une origine polyphylétique paraît aussi bien possible qu'une origine monophy- létique. La forme primordiale du règne animal que nous rencontrons ici, et de laquelle nous pouvons dériver phylogénétiquement tous les animaux proprement dits, est la Gastrula, cette forme embryonnaire d’une si haute importance, constituée par les deux feuillets germinatifs pri- maires, et qui sert à fixer une limite certaine entre le règne animal et le règne des Protistes. De toute nécessité, cette forme ancestrale typique du règne animal doit être issue du règne des Protistes, et la façon dont en- core aujourd'hui les deux feuillets germinatifs primaires des animaux se développent de la cellule ovulaire, nous montre, à coup sûr, en vertu de la loi fondamentale biogénétique, la voie par laquelle, il y à des mil- lions et des millions d'années, les premiers animaux véritables, les gastréades (possédant un estomac, une bouche et un corps à double paroi), sont sortis de Protistes dénués d’intestins. Si l’on essaye de se représenter les circonstances et les conditions au milieu desquelles ces gastréades se sont formées, il devient très vraisemblable que ce même fait n’a pas eu lieu qu’une seule fois ni sur un seul point de la terre, mais souvent et sur différents points. La classe des gastréades, groupe an- cestral commun du règne animal, est vraisemblablement d'origine po- lyphylétique, ainsi que les classes de Zoophytes et de Vers inférieurs qui en sont descendues. 494 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. On peut donc admettre, comme pour le règne végétal, une origine polyphylétique pour le règne animal dans son ensemble, tandis que la plupart des classes particulières d'animaux, et surtout les plus élevées, doivent être considérées, avec beaucoup plus de vraisemblance, comme étant d’origine monophylétique. VI. ORIGINE POLYPHYLÉTIQUE DES ORGANES ASÉMIQUES (ATYPIQUES).. Ainsi que sur l’origine monophylétique ou polyphylétique de tous les eroupes morphologiques que nous distimguons par le nom de classes dans le règne animal, le règne végétal et le règne des Protistes, nous pouvons aussi former dès maintenant des hypothèses phylogénétiques sur l'origine monophylétique ou polyphylétique des organes de chaque organisme vivant. Les deux problèmes sont en partie connexes. Toute- fois, il est plus facile de suivre historiquement l’origine des organes que celle de chacune des classes de végétaux et d'animaux. Nous avons vu que, dans les trois règnes du monde organique, l’hy- pothèse phylogénique la plus vraisemblable est, pour les groupes mor- phologiques inférieurs, indifférents, lhypothèse polyphylétique ; pour les groupes morphologiques supérieurs, au contraire, l'hypothèse mo- nophylétique ; il en est ainsi pourles organes des organismes. Je dis- tingue donc, comme formant deux groupes principaux d'organes en général, des organes asémiques (atypiques) et des organes sémantiques (caractéristiques ou typiques). d'appelle organes sémantiques où typiques des organes qui sont propres à un seul phyle ou à une seule classe monophylétique d'un phyle, et qui ne se rencontrent pas en dehors; partant, qui ne sont apparus qu'une fois et se sont transmis héréditai- rement, dans ce seul phyle, des ancêtres aux descendants. Je nomme au contraire organes asémiques ou atypiques des organes pour lesquels il n’en a pas été ainsi ; qui, deux ou plusieurs fois, sont apparus quand des conditions analogues se sont rencontrées (adaptation), et, par con- séquent, peuvent se présenter dans deux ou plusieurs phyles, ou dans plusieurs groupes d’une classe polyphylétique. Parmi les organes asémiques, citons les organes sexuels. L'opposition des deux sexes, la différenciation des parties mâles et femelles s’est certainement produite, non une fois, mais bien des fois, au cours de l'histoire organique de la terre. L’œuf et le sperme, la cellule femelle de reproduction et la semence mâle ont apparu plusieurs fois dans l'évolution de la vie sur cette planète; et, à diverses époques, dans plusieurs classes différentes, la forme de reproduction sexuée s'est dé- veloppée isolément de la forme primitive asexuée. On ne saurait douter ORIGINE DES TROIS RÈGNES ORGANIQUES. 495 non plus que la répartition des organes sexuels respectifs àun ou à deux individus ne soit asémique. La séparation des sexes (gonochorisme), aussi bien que leur réunion en un seul être (hermaphrodisme), est polyphylétique. Tantôt le gonochorisme paraît être l’état primitif, tantôt l'hermaphrodisme. Les appareils des sens des animaux, surtout ceux de la vue et de l’'ouie, sont à coup sûr aussi des organes asémiques. Dans les divers groupes de méduses et de vers, par exemple, les appareils de la vue, aussi bien que ceux de l'ouïe, sont nés d’une manière indépendante. Mème dans une classe monophylétique, par exemple chez les insectes, ou chez les crustacés, les vésicules de l’ouïe se sont plusieurs fois, chez différents ordres d’une classe, développées isolément, comme on le voit clairement par leur situation sur des parties tout à fait différentes du COTpS« Les nerfs et les muscles sont également polyphylétiques, car on peut prouver que dans différents groupes principaux, par exemple chez les méduses, d’une part, chez les vers, de l’autre, ils se sont développés, d'une manière tout à fait indépendante, du tégument cutané du corps. Un autre organe asémique est le cœur. Le cœur des vertébrés provient d’un vaisseau abdominal ; le cœur des arthropodes et des mollusques, d’un vaisseau dorsal; une troisième forme, indépendante des deux autres, est le cœur des échinodermes, ete. Indubitablement polyphylé- tiques, et partant asémiques, sont aussi les ales. Les ailes des chauves- souris, des oiseaux, des ptérosauriens et des insectes sont d’une struc- ture toute différente ; elles sont nées diversement, et se sont formées d’une manière indépendante ; l’origine des ailes de ces quatre classes d'animaux est tétraphylétique. Les dents, les branchies, les pou- mons, Sont autant d'autres organes polyphylétiques et asémiques. Dans les différents groupes monophylétiques, par exemple chez les ver- tébrés, les arthropodes et les mollusques, ces organes sont apparus isolément, d'une façon indépendante ; ils sont donc bien d’origine po- lyphylétique. VIL. ORIGINE MONOPHYLÉTIQUE DES ORGANES SÉMANTIQUES (TYPIQUES). L'origine polyphylétique des organes asémiques ou atypiques que nous avons cités peut être établie, tantôt avec une certitude absolue, tantôt avec une haute vraisemblance : pour les organes sémantiques ou typiques; c'est au contraire l’origine monophylétique qui doit être ad- mise le plus souvent. Plus un organe déterminé est propre à une classe ou à un phyle, plus il caractérise exclusivement ce groupe, plus nous 496 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. devons être assurés que cet organe n'est apparu qu'une fois, et qu’il s’est transmis, par l’hérédité, d’une forme ancestrale unique aux des- cendants de la souche ou lignée organique. : Comme organe typique et monophylétique de ce genre, il faut citer avant tout, dans le phyle des vertébrés, la corde dorsale et la colonne vertébrale. Les mammifères ont un organe typique de même valeur dans leurs glandes lactées, les oiseaux dans leur aile (absolument dif- . férente de l'aile des autres animaux qui volent), les poissons dans leur vessie natatoire, etc. Dans le phyle des trachéates (insectes, arach- nides, millepieds), on doit considérer comme typique et monophylé- tique le systéme des trachées ; de même, dans le phyle des échinodermes, le système ambulacraire, qui distingue ces êtres de tous les autres animaux. Certains organes qui, à un point de vue général, sont bien polyphy- létiques et asémiques, peuvent pourtant être typiques et monophy- létiques dans un phyle. Ainsi, considéré d'une manière générale, le poumon est d'origine polyphylétique. Les poumons des vertébrés, des pulmonés, des arachnides et des scorpions se sont formés très diver- sement et d'une manière tout à fait indépendante (par l'adaptation à la respiration aérienne). Mais le poumon des vertébrés, qui s’est déve- loppé de la vessie natatoire des poissons, est un organe tout à fait ty- pique de ce phyle et qui n’est apparu qu'une fois. D'un autre côté, les poumons des divers pulmonés proviennent en partie de la cavité bran- chiale, en partie des reins ; les poumons des arachnides et des scor- pions, de prolongements des trachées. De même, l'organe de l’ouïe des animaux est en général asémique et polyphylétique ; dans le phyle des vertébrés, au contraire, il est sémantique et monophylétique. VIIL. ORIGINE POLYPHYLÉTIQUE DES TROIS RÈGNES ORGANIQUES. Le court aperçu que nous venons de donner sur l’origine hypothé- tique des divers groupes morphologiques du monde organique permet de conclure avec quelque apparence de vérité, — du moins dans l’état actuel de nos connaissances phylogénétiques, — que les groupes (ou « classes ») d'organismes inférieurs sont d’origine polyphylétique, les groupes (ou «classes ») d'organismes supérieurs, d’origine monophy- létique. Nous arrivons ainsi à un résultat tout à fait semblable à celui auquel est arrivée de nos jours la science comparée du langage. En effet, les linguistes les plus autorisés admettent aujourd'hui que le langage humain est polyphylétique, tandis que chaque grand groupe (ou classe) de formes linguistiques, de langues hautement développées, est ORIGINE DES TROIS RÈGNES ORGANIQUES. 497 monophylétique. Par exemple. toutes les langues aryennes ou indo- européennes, toutes les langues germaniques et romanes, slaves et celtiques, grecques et sanscrites, ont une commune origine : elles dé- rivent d’une langue primitive indo-européenne ou aryenne. Toutes les langues sémitiques, toutes les langues mongoliques ont vraisemblable- ment aussi une origine monophylétique : elles sont nées une fois pour toutes de quelque langue mère. EE Au contraire, les langues rudimentaires et imparfaites, comme celles des nègres, des tribus indigènes de l'Amérique, et d’au- tres races inférieures, sont très vraisemblablement polyphylétiques : elles se sont formées à différentes époques, et indépendamment les unes des autres. L'arbre généalogique du langage humain, dont les rameaux sont si touffus, est, quant à lui, polyphylétique; mais Chacune de ses branches principales, les plus hautes, est mo- nophylétique. On ne saurait imaginer que des langues, présentant autant d'affinité et de perfection que les diverses langues aryennes, soient nées isolément et soient sorties de langues mères différentes. On imagine très bien, au contraire, et il est même au plus haut point vraisemblable, que le langage humain proprement dit soit né plusieurs fois, et que ses groupes morphologiques les plus humbles se soient dé- veloppés isolément. En ces études de phylogénie, comme en tant d’autres, il ne peut être question aujourd’hui de résoudre d’une façon également satisfaisante les difficiles problèmes de la nature organique. C’est assez de poser les problèmes et d'indiquer la voie de leur solution. JuLES SouRY. T. II. — N0 6, 1879. 32 *SOXQUO0N SHLSILOUd SA AULAAN ANOAU PRESS le ls IS SRE EI _ e *((SOAlR[MITO2IUN XUEUIHUR ») "(CS2ITR[NI991UN XNPJ989 A )) Re RE S9U0500Z S9J$101I4 Sou0S0JAUA $9/S1J014 a RES 9490P dOIWOI RÉ Se qu papa OUSQI NP 9180) JOIWOIX XNBIPIOWLIT XUBUIUVY ‘UNS ‘SunTleuL "XNPIPIOWIIA XN8959 A EEE AA el Eee a *se]4qydo0 a *VILAHd0O07 Te RUE Dre ls *VIAHdOTIVEL ‘(sonbrdÂye) “CIPÂH ‘SNUJUÂTO ns | | | | | | do | SINOTHOJUL XNBUIUVY re nes “SOUOUOTT “RSIT SINOTOJUI XNE059AÀ a SE See. en à ta SR) IS E El Re IE A RE) ES *SAHININ TA FH ‘LW0]00F *"DULISN TU *"VLOTTVHLOUX *SI9 À | | | | de "SodiepnoseA sowur80}dAI) ‘(sadnoas xnop So] JUITo4) JDW01D 9 DUO ‘(sSodnou$ Xnop So] JuvIjou) SU9AOU XNEUWIUY *SI9 À *SoJo5n0 SU9AOU XNE909 À RE — | | | | | | 1&E > *sonbrdf} xnetwuue p So1ÂUQ ES een *YOZOdA | | : 5 L “@OSNIION |'EUepPOoUTTOH Re É VLAHdOHINY ‘(sonbrdA}) re ns OUEN Ve -(senbrd41) SIMOTIOANS XNEUTUY PROCOITIV l | sInorIodns XneJ989 A *‘SOuOP9[ATOOOUON *JC1{97I0 À *SoUOP9[AJOOI( "IVRINV ANOAU "IVLAOHA ANDAU! ‘sonbrueSio souSor s1013 Sop onbr}91LUAAIOU SUISTXO REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 499 REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. L'ascension scientifique du 31 octobre 1878, et considérations sur les explorations aériennes à de grandes hauteurs; Par M. Louis TRIDON. Le 24 octobre 1878, une ascension, organisée par l'Ecole d’aéronautes français, devait avoir lieu à l’usine à gaz de la Villette, en compagnie de M. Louis Tridon, membre de la Société météorologique de France ; de M. le docteur G. Benoît du Martouret, médecin à l'Exposition universelle; de M. Ernest Volkcmar, consul général de la République de Bolivie; de M. V. Delahogue, membre de l'Ecole d'aéronautes français (1). Malheureusement, il fit, au jour fixé, le plus abominable temps de l’année, et le gonflement de l'aérostat dut être ajourné. Mieux favorisée, le 31, après que d’utiles avis, sur la prévision du temps probable, eurent été transmis à M. Tridon, par le Bureau central météorologique, l’ascension, qui avait été projetée pour le 24, put être exécutée (2). Gris et nuageux toute la matinée, le ciel s’éclaireit, fort heureusement, vers les onze heures : l’air, d’abord vif, s’échauffa peu à peu, et une chaleur douce se répandit sur la terre. A l'exception d’un gros cumulus, les nuages dispa- rurent presque tous, et le soleil brilla du plus vif éclat. Le vent souffla molle- ment du nord-ouest, et l'ascension s’annonça avec d’heureux présages. Voyant le moment du départ approcher, M. Wilfrid de Fonvielle tint à hon- neur de procéder lui-même à la constatation de l'état de la température, de la pression et de l’électricité de l'air à la surface du sol. Exposé au soleil, le thermomètre marqua + 12°,1, et exposé à l'ombre, + 90,8. (1) Dans cette ascension, M. Louis Tridon devait faire différentes observations, confor- mément à un programme qu'il avait présenté le 9 octobre précédent à l'Ecole, et qu’elle a conservé dans ses archives. À cet effet, il s’était muni d’un certain nombre d'instruments, que lui avaient remis l'Observatoire de Montsouris et MM. Descroix, Redier, Salleron, membres de la Sociélé météorologique de France ; Darsonville, constructeur; L. Perron, actuellement président de l’Académie d’aérostation météorologique; Dini, électricien ; Joseph Marchand, architecte, (2) Voir, sur cette ascension, la Note de M. Louis Tridon que M. J. Janssen présenta à l'Académie des sciences, dans sa séance du 9 décembre 1878 (Comptes rendus hebdo- madaires des séances de l’Académie des sciences, t. LXXX VII, p. 946, 947 et 948), et qui est extraite du Rapport lu à la Société météorologique de France, dans sa séance du 12 no- vembre (Annuaire de la Société météorologique de France, t. XXVI, 1878, de la page 215 à la page 220), et à l'Ecole d’aéronautes français, dans sa séance du 27 novembre. 500 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. De son côté, le baromètre anéroïde Secrétan indiqua une pression de 756,2, et celui de Redier une de 759 millimètres, soit 3 millimètres de plus que le premier. Presque au même moment (à deux heures), la température et la pression étaient de + 8,9 et de 755,45 (réduite à zéro) à l'Observatoire du pare de Saint-Maur (à 46,38 d'altitude), et de + 9°,3 et de 760 milli- mètres (au baromètre Redier enregistreur) à l'Observatoire de Montsouris, — comme l’apprirent ces deux établissements à M. Tridon, après son retour. Interrogé, l’électroscope à feuilles d’or aceusa une très faible quantité d’élec- tricité négative, contrairement aux indications des instruments de l’Observa- toire de Montsouris, qui accusaient alors une tension électrique positive assez forte. Pendant que M. Wilfrid de Fonvielle se livrait à ces observations, M. le doc- teur Benoît du Martouret rechercha quel était l’état du pouls et de la chaleur animale sur la personne du consul général de Bolivie. M. Louis Tridon braqua sur le soleil un petit spectroscope à vision directe, de John Brownning, qu'avait bien voulu lui prêter M. Marié-Davy, et dont il se servait à chaque instant, depuis près de quinze jours, par un temps heureu- sement très couvert. Il examina attentivement les raies de la vapeur d’eau, — qui, de couleurs diverses, sont presque aussi nombreuses que celles du spectre solaire, mais qui forment surtout, dans le jaune, deux bandes obscures bien caractéristiques, à gauche et à droite de la double raie du sodium. Ces observations faites, les quatre voyageurs furent invités à prendre place dans la nacelle. Complètement gonflé, l’aérostat, qui avait nom l'Ecole d'aé- ronautes français (et qui cubait environ 4 200 mètres), était prêt à partir ; fait _en forme de poire, il se balançait gracieusement au-dessus du sol. M. Lous Tridon suspendit divers instruments à des fils solides reliés aux cordages. Parmi ces instruments figuraient : 4° un thermomètre centigrade de Darsonville; 2 deux baromètres anéroïdes : l’un de M. Redier, gradué jus- qu'à 1500 mètres de hauteur, l’autre de M. Secrétan, gradué jusqu’à 4 000 mè- tres d'altitude ; 3° des bandes de papier ozonoscopiques, prêtées par l’Observa- toire de Montsouris, etsuspendues sous une assiette spéciale, dans le but de les préserver de la pluie ou du soleil. Les observateurs emportèrent de plus un thermomètre de poche de Secrétan, un thermomètre-fronde d’Alvergnat, une boussole de poche, un sphygmographe du docteur Marey, un pneumo-dynanomètre, des jumelles, prêtés par MM. Dar- sonville, Secrétan, Perron, et un petit électroscope à feuilles d’or, très sen- sible, de M. Salleron. A la boule de cet électroscope était fixée, horizonta- lement, une tige métallique à l'extrémité de laquelle pendait un long fil de cuivre, recouvert de gutta percha, prêté par M. Dini, et terminé par une pointe. Cet agencement, quoique un peu primitif, permettait d'isoler le fil et d'attirer l'électricité atmosphérique, dont un bâton de verre ou de résine devait, après frottement, révéler la nature (1). (1) Cet agencement a soulevé du pour et du contre dans le monde scientifique ; des savants l’ont critiqué, en posant en fait qu’il est impossible de reconnaître en ballon libre REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES, 501 Jugeant les préparatifs terminés, l'ingénieur Yon, qui dirigeait le gonfle- ment, donna le signal du départ. — Il était alors deux heures un quart, et la vitesse du vent, à ce moment? était de 3 mètres à la seconde. Paris se déroula un instant tout entier sous les regards des passagers, avec ses rues, ses maisons, ses monuments, dont le relief, d’abord très accentué, s’affaiblit au fur et à mesure que le ballon s’éleva dans l’espace. Les voyageurs passèrent au-dessus de la Villette, laissant devant eux les buttes Chaumont, et ayant directement sous leurs pieds la voie ferrée, le canal de Saint-Denis, les abattoirs, le canal de l’Oureq (s'étendant entre le quai de l'Oise et celui de la Marne), le Marché aux bestiaux et le chemin de fer de Ceinture ; ils franchirent les fortifications, le Pré-Saint-Gervais, voyant Pantin, planant sur la villa Henry Villagide, découvrant Bagnolet, dont les jardins leur paraiïssaient semblables aux carrés d’un damier ; ils aperçurent Romainville et son fort, qui, situé à 147 mètres d'altitude, se trouvait, hori- zontalement, à 930 mètres d'eux et à près de 3 kilomètres de leur point de départ. A deux heures trente-trois minutes, les observations commencèrent, À ce mo- ment, M. Louis Tridon interrogea le thermomètre Darsonville, qui bientôt se dérangea, et dont le mercure resta dans la cuvette. Pour éviter le retour d’un semblable désagrément, M. Tridon se servit d’un thermomètre-fronde, très incommode, certes, en ballon, mais qui, comme compensation, a le précieux avantage de donner des indications infiniment plus précises que celles du ther- momètre ordinaire, dont le verre met environ une demi-minute à communiquer au mercure la température de l'air, temps pendant lequel le ballon peut parfois parcourir 200 à 300 mètres en ligne verticale et 400 en ligne horizontale (1). A la première lecture, le thermomètre-fronde marqua + 3 degrés; de son côté, le ba- romètre Secrétan descendit à 610 millimètres. D’après ces chiffres, les voyageurs étaient donc à 4722 mètres environ d’élévation, s'ils basent leurs calculs sur les tables construites par Mathieu, selon la formule de Laplace, pour déterminer les altitudes atteintes à l’aide des lectures barométriques et thermométriques. Malheureusement, ces tables ne peuvent donner, en ballon, des hauteurs d'une la présence de l'électricité atmosphérique, quel que soit l’état du ciel; d’autres l'ont ap- prouvé, en posant, au contraire, en fait qu'il est possible de constater en ballon hibre l’état électrique de l'air, comme l'ont fait MM. Gaston Tissandier, Crocé-Spinelli, Jobert, Sivel et Albert Tissandier, dans leur ascension des 23-24 mars 1875, à l’aide d’un dispositif différent, mais analogue ; toutefois, il est bon d'ajouter que l’électroscope ne peut donner d'indications exactes que dans un ciel pur, car dans un ciel nuageux les indications seraient désordonnées et contradictoires. (1) Sans avoir l’incommodité du thermomètre-fronde, le thermomètre bimétallique de Jobert en a l'exactitude et, par suite, serait très utile à consulter en ballon. Ce thermo- mètre, formé d’une hélice composée de deux métaux (cuivre et acier), est en contact direct avec l’air; dépourvu, entre lui et le milieu ambiant, de corps intermédiaire, il peut donner instantanément la température de ce milieu et en exprimer la valeur au moyen d’une aiguille placée en regard d’un cadran. (Le thermomètre bimétallique a été expéri- menté en ballon par M. Jobert, dans les dernières ascensions de Crocé-Spinelli et Sivel.) 502 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. précision absolue, car on ignore quelle est la température et la pression de l'air à la surface du sol, sous les différents points auxquels parvient l'aérostat. Pour le savoir, 1l faudrait jeter de la nacelle dès questionnaires imprimés, comme le fit leur inventeur, M. Jobert, dans les dernières ascensions de Crocé- Spinelli et Sivel ; les personnes qui recueilleraient ces questionnaires n’au- raient qu'à mentionner l'heure de lapparition du ballon, la température et la pression barométrique à la surface du pays où 1l fut signalé, ete. M. Louis Tridon voulut réaliser cette idée ; mais, malheureusement, l'Ecole d’aéronautes français ne put l'aider à atteindre son but. En commençant leurs études, les observateurs se partagèrent ainsi la tâche (qui demeura la même pendant toute la durée du voyage) : M. Ernest Volckmar donna l'heure d'instant en instant; M. le docteur Benoit du Martouret se livra à des observations baromé- triques et physiologiques, à laide des instruments que lui avait prêtés M. Secrétan ; M. Delahogue s’occupa de la manœuvre et de la surveillance de l’aérostat (1), et, l’œil fixé sur la carte, observa attentivement la route qu'il suivit (dont le diagramme ci-après représente le tracé, fait d’après la carte de l’Etat- Major) ; M. Louis Tridon fit les observations thermométriques, ozonométriques, spectroscopiques, électroscopiques, dont le docteur notait de temps en temps les résultats sur son carnet. Tout en montant, l’aérostat poursuivait lentement sa route horizontale. Successivement, les passagers distinguèrent et Noisy-le-Sec, et Montreuil, avec ses carrières, qui leur firent l'effet d'immenses trous, et la forêt de Bondy, qui se déroula sous leurs yeux comme une tache lunaire, ressemblant assez aux colorations vertes de la mer de la Sérénité. Sans s’attarder à la contemplation de ce panorama, cependant fort beau, M. Louis Tridon prit le spectroscope en main, et se mit à étudier le spectre solaire. Les observations spectroscopiques faites en ballon, sous le ciel brouillé de Londres, par M. Glaisher (dans ses ascensions du 18 juillet 1863, du 1“ et du 27 décembre 186%, du 27 février 4865), corroborent celles faites au niveau des mers par le Père Secchi, qui croit à la présence de la vapeur d’eau dans les enveloppes du soleil, ou du moins dans ses taches (2); mais (1) Voir le compte rendu pratique de l’ascension que M. Delahogue a fait paraître dans le Ballon (bulletin mensuel de l'Ecole d’aéronautes français), 1878, novembre et décembre, 1er numéro, de la page 17 à la page 22. (2) « L'idée que j'ai énoncée d’après mes observations (dit le Père Secchi), se réduit aux termes suivants : « Dans les taches solaires se manifestent souvent des bandes à per- «sienne, qui sont coïncidentes avec celles attribuées à la vapeur d’eau. » J’ai constaté cela en observant les bandes qui se développent parfois lors du passage des cirrus devant le soleil. J'en ai conclu que dans les taches il pouvait y avoir de la vapeur d’eau. » (Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, séance du REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 503 celles de Grocé-Spinelli, en ballon (dans ses ascensions du 22 mars 1874, des 93-24 mars, et du 15 avril 1875), confirment celles faites sur des montagnes par M. J. Janssen, qui; croit, au contraire, à l’absence totale de la vapeur d’eau (1) dans l'atmosphère du soleil (semblable, en cela, aux étoiles blanches et bleues). En face de telles contradictions, que penser ? Qui a tort? — qui a raison ? Ne pourrait-il pas se faire, par hasard, que personne n’eût tort ? — que les uns eussent vu de la vapeur d’eau, alors que le ciel, en dépit des apparences, n'était pas absolument pur ? — que les autres n’en eussent point vu, alors que le ciel, à de grandes altitudes, sous un autre climat, dans d’au- tres circonstances, était plus Himpide ? M. Glaisher, dont les observations se contredisent, affirme que, dans l'ascension du 26 juin 1863, il ne remarqua aucune différence entre le spectre solaire étudié à terre et celui étudié à 7071 mètres (23 200 pieds an- glais) d'altitude (2) ; que, dans une autre, exéculée le 18 juillet suivant, il re- leva, au-dessus de 6747 mètres (22041 pieds anglais), un grand nombre de lignes sombres entre les raies A et a, et entre les raies À et B(3); que, dans celles des 1%, 27 décembre 1864 et 27 février 1865, il vit un spectre très riche en lignes noires, plus noires ct plus intenses qu'à la surface du sol, et que, parmi ces lignes noires, figuraient celles de la vapeur d’eau. Mais qu'y a-t-1l d'étonnant à cela ? Il a pu faire, un jour, ses observations à terre, soit par un ciel assez clair, soit par un temps très-sec, soit à travers une éclaircie, soit par un ciel bleu, loin du voisinage d’une nappe liquide en évaporation, soit au milieu de la journée, où disparaissent les bandes obscures de Brewster, vues très distinctement aù lever et au coucher du soleil, dans la partie la moins réfrangible du spectre, c’est-à-dire dans le rouge, l’orangé, le jaune et le vert (qui contiennent dix fois plus de raies telluriques que de raies solaires). On peut de même ne pas lui contester qu’il aperçut, dans les trois dernières ascensions, un spectre qui s’étendait depuis la raie À jusqu'à bien au-delà de la raie H, où la dernière bande était composée d’une série de petites lignes fixes, très visibles (4). De son côté, M. Camille Flammarion soutient, lui aussi, avoir observé que les raies aqueuses ne diminuaient pas d'intensité en ballon. S’ensuit-il de là que la vapeur d’eau observée fût d’origine solaire? Il serait bien téméraire de 20 avril 1874, t. LXX VIII, p. 1080.) — Quelle singulière conclusion! Le passage des cirrus devant le soleil n'indique-t-il pas, au contraire, qu'il y avait (comme il y a tou- jours) dans les hautes couches de lPatmosphère respirable, non seulement de la vapeur d’ean congelée, mais encore qu'il pouvait y avoir de la vapeur d’eau invisible à l’état vési- culaire, soit dans la même couche d'air, soit dans une couche moins élevée ? (4) « J'ai constaté d’abord que l'atmosphère solaire n’en contenait point (de vapeur d’eau); sans doute que la haute température de la photosphère ne permet point aux élé- ments de l’eau de s'associer dans l'atmosphère de cet astre. » (J. Jaxssen, Rapport sur une mission en Italie, dans les Alpes et en Grèce, etc.; Paris, 1868, p. 9.) (2) Wilfrid De Fonviezze, la Science en ballon, p. 90; Paris, 1869, édition Gauthier- Villars. (3) Idem, Loc. cit., p. 90. (4) Idem, loc. cit., p. 90. 504 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. répondre affirmativement, d'autant plus téméraire, que M. Wilfrid de Fon- vielle, dans son ascension du 24 septembre 1874 (1), a vu tout le contraire de ce qu'a vu M. Camille Flammarion ; d'autant plus téméraire que, indépendam- ment de M. Janssen, Crocé-Spinelli, dans ses ascensions du 22 mars 1874 (2) et du 15 avril 1875 (3), a relevé des faits absolument opposés vers 7000 mè- tres d'altitude. D'un autre côté, il constata, dans cette première ascension, que l'intensité du rouge et des raies E et F allait en augmentant, et que celle des raies telluriques B et C allait en diminuant. M. Tridon pensait à tout cela en tenant ,son spectroscope; et il avait hâte de vérifier par lui-même tous ces faits. On verra plus loin le résultat de ses obervations. Sur ces entrefaites, après avoir passé devant l’Ermitage, les voyageurs ar- rivèrent au-dessus du fort de Rosny, situé à 130 mètres d'altitude. IL était alors près de trois heures, et ils avaient atteint, quelques minutes auparavant, leur point culminant, à 2700 mètres d'altitude, où le prisme de flint-glass donna un spectre très remarquable. Le vent, déjà faible au départ, se ralentit ; de 3 mètres à la seconde qu’elle était, sa vitesse devint de 2 mètres. À ce moment de leur voyage (à 253'et à 3"9°), la température et la pres- sion oscillèrent brusquement de 0° et de 560%%,5 à 14° et à 560®®, pendant qu'à terre (à trois heures) elles étaient, à l'Observatoire de Montsouris, de —+8°,6 et de 760%2,0, et, à l'Observatoire du parc de Saint-Maur, de + 8°,2 et de 755"%,80. | Dans l'intervalle qui suivit, leur marche devint si lente que, durant vingt minutes à peu près, ils se crurent tout d’abord immobiles au-dessus du fort de Rosny, par suite d’une illusion optique, fréquente en ballon; pourtant ils avaient franchi la ligne du chemin de fer de Mulhouse, après avoir vu de loin les plâtrières de Chelles, qui ont l’air de grandes cuvettes, et ils avaient passé, d’un côté, devant le plateau d’Avron, Maison-Blanche, Ville-Evrard, Neuilly-sur-Marne, et, du côté opposé, devant le château de Montreau et celui de Tilmont, en planant au-dessus d’un bois voisin, qui leur fit l'effet d’une tache d’un vert pâle. Soudain, au milieu de leur apparente immobilité, ils sortirent du courant d'air chaud dans lequel ils étaient entrés et ils furent plongés brutalement dans un courant d'air froid, soufflant à 2270 mètres de: hauteur, et différant du premier de 20 degrés! Sous l'influence du courant d'air chaud, le gaz s'était excessivement dilaté et s’était échappé par l’appen- dice à l’état transparent ; sous l'influence, au contraire, du courant d’air froid, il se refroidit, et (par suite de la condensation de la vapeur d’eau qu'il con- tenait) se dégagea à l’état de brouillard blanchâtre, opaque et humide ; ce qui amena un mouvement de rotation du ballon. Continuant leur route, ils approchèrent du fort de Nogent, qui n’était (1) Aéronaute de novembre 1874, p. 324 et 325. (2) Aéronaute de mai 1874, p. 146 et 147. (3) Aéronaute de juin 1875, p. 172. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES 905 séparé d'eux que par une distance horizontale de 1500 mètres; ce qui leur fit penser un instant, vu la faible vitesse de leur marche, qu'un calme plat les avait saisis au-dessus de lui et les y maintenait pendant plus d’un quart d'heure. Ici, de plus, se produisit un incident. Le thermomètre-fronde, dans une lecture, se brisa assez singulièrement, et dut être remplacé par un ther- momètre Secrétan ordinaire. | KE au ! à HI \| aan jan ll qu || st AL \ TT AU TT ln) % ET, ; PR LO/AE VChel&Ë- se Cependant, malgré leur trompeuse immobilité, ils marchaient, et, à trois heures un quart environ, ils passèrent au-dessus de la Marne. Ils planaient alors à plus de 2200 mètres de hauteur, et ils apercevaient des bois à perte de vue, entre autres celui du Luisard, de Chigny, du parc de Saint-Maur, etc. L'examen de la Marne et de ces bois, dont l’un, — celui du parc du château de Noisy-le-Grand, — s’étendait aux pieds des observateurs, rappela à M. Louis 506 REVUE INTERNATIONALE LES SCIENCES. Tridon que, dans leur ascension de longue durée des 23 et 2% mars 1875, MM. Gaston Tissandier, Crocé-Spinelli, Jobert, Sivel et Albert Tissandier ob- servèrent ce phénomène curieux : tant qu'ils se trouvèrent au-dessus de terrains nus ou découverts, 1ls ne virent aucun mouvement dans les feuilles d’or de l’électroscope; mais ils les virent s’écarter notablement en traversant la Gironde, et faiblement au-dessus des forêts (1). Le souvenir de ce fait poussa M. Tridon à le vérifier par lui-même. Il interrompit un instant ses lectures thermométriques, qu'il pria le docteur de faire pour lui, et s’arma d’un bâton de verre, qu'il frotta vigoureusement avec un morceau de laine. Ainsi frotté, il l'approcha de la boule électroscopique; mais tout à coup, avant le contact, le fil de cuivre se rompit brusquement et disparut dans l’espace, devant Les yeux de l'opérateur. (C’est ce moment que représente notre gravure.) Quelques minutes plus tard, c’est-à-dire vers 325”, l’L'cole d'aéronautes français, qui descendait de plus en plus, se trouva, après un parcours de 1400 mètres, à une hauteur d'environ { kilomètre, ayant directement sous sa nacelle le coude de la route de Brie-sur-Marne et de Noisy-le-Grand. Mais, avant d'arriver là, les passagers remarquèrent dans le sud-est un immense cumulo-nimbus, qui leur masquait presque entièrement le bois de Vincennes, et ils furent témoins d’une chute d’aiguilles de glace épaisses, qui crépitèrent sur leurs chapeaux et rebondirent sur leurs pardessus. A part cela, leur voyage s’effectua dans un ciel pur et s’acheva de même 1400 nouveaux mètres plus loin. Il était alors près de 3"35', et ils dominaient le bois de Richardet, situé dans la commune de Noisy-le-Grand (Seine-et-Oise), à 18 kilomètres de Paris. Sur ces entrefaites, l'heure suprême de l'atterrissage approcha. Secondés par M. Delahogue, les observateurs prirent terre près du bois du Richardet, où ils s’empressèrent de prendre la température et la pression de l'air. Il était 3"45'. Le thermomètre Secrétan, le seul qui leur restât, marquait + 10 degrés, et le baromètre du même constructeur, 752 milli- mètres. Un quart d'heure plus tard, la température et la pression, à l’Obser- vatoire de Montsouris, étaient de 7°,8 ét de 760 millimètres, et de + 6°,2 et de 756 millimètres à l'Observatoire du parc de Saint-Maur, où le vent tourna, à ce moment, au sud-ouest. Fait à remarquer : le thermomètre, le lendemain matin, à l'Observatoire de Montsouris, descendit jusqu’à 0°,5. Ainsi finirent les incidents relatits à cette ascension, qui dura en tout une heure et demie. Plus tard, M. Tridon fut redevable à l'Observatoire de Montsouris de nom- breux renseignements sur l’état de l’atmosphère à terre dans la journée du 31 octobre. D'autre part, il n'eut qu'à se louer du Bureau central météoro- logique, dont le directeur, M. E. Mascart, se mit obligeamment à sa dispo- sition. Cet établissement lui donna son Bulletin et compara à ses étalons (1) Aéronaute de janvier 1876, p. 21, — d'avril 1878, de la page 136 à la page 139; — Gaston Tissandier, Histoire de mes ascensions, récit de vingt-quatre voyages aériens (1868- 1877), p.268 ; édition Maurice Dreyfous, Paris, 1878. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 507 l'unique thermomètre qui fût resté intact dans l'ascension, afin de faire les corrections de température nécessaires (1). De son côté, l'Observatoire du parc de Saint-Maur lui prêta également un concours efficace. Il Quels ont été maintenant les résultats de cette ascension, au point de vue météorologique, physiologique, ozonométrique et spectroscopique? Les voici, résumés, pour la plupart, dans un tableau; qui prendra moins de place et qui sera plus clair que toutes les explications qui pourraient être données : THERM. : HEURES | Cenyrrqn. | ALTIT- | NOTES. 9h145/ | + 1901 On | Départ de l'usine à gaz de la Villette; observations électroscopique et spectroscopique. 2.33 — {À 1,205 Délestage; emploi du baromètre Redier. 2 34 ? 1,330 | Observation barométrique ; dérangement du thermomètre Darsonville. 2 35 ? 1,450? | Observation barométrique; l'emploi du thermomètre-fronde devient nécessaire 2 36 + 30 1,722 Emploi du baromètre Secrétan ; montée très rapide, 2039 — 20 1,852 Petit malaise du docteur. 2 41 — 20 1,988 Mouvement de rotation de l'aérostat. 2 49 — 1,980 Brouillard très léger ; mouvement de descente. < 2 45 + 50 2,269 Diminution d'intensité des raies sombres de la vapeur d'eau; pouls du consul : 72 pulsations. 2 47. 0° 2,400 Bourdonnements d'oreilles intenses; mouvement de rotation. 2 49 12 2 2,948 Pouls de M. Volckmar : 72 pulsations à la minute. 2 53 0° 2,700 Légères oppressions ; raies sombres de la vapeur d'eau presque invisibles. 3 O1 ? 2,400? | Observation barométrique ; appel de clairon distinct. 3 03 | + 14° 2,424 Dégagement de gaz par l’appendice du ballon ; mouvement ascendant. 3 10 — 6° 2,270 Barbes gelées et recouvertes de neige; grand froid aux mains, aux pieds. 3 12 — 20 2,267 Condensation de la vapeur d’eau expirée ; descente nulle. SR — 20 2,967 Bris du thermomètre-fronde ; emploi du thermomètre Secrétan. 3 15 + 69 2,270 Rupture, au moment utile, du fil conducteur de l’électroscope. 3 19 + 605 1,980 Bourdonnements intolérables ; vue d'un nimbo-cumulus dans le sud-est ; descente rapide. 3 22 + 70 1,330 Aiguilles de glace épaisses; ralentissement dans la descente. 3 %% ? 1,090? | Observation barométrique ; mouvement de rotation ; coups de fusil. 3 35 ë 50? | Ancrage; délestage, descente du consul le long du guide-rope. 3 45 + 100 (] Atterrissage ; bris du thermomètre Darsonville; observations baromé- trique et spectroscopique. On voit, par ce tableau, que : Entre 1832 et 1980 mètres d'altitude, les observateurs ont pénétré, à travers un brouillard très léger, dans une couche d'air d’une épaisseur de 130 mètres au moins, où le thermomètre descendait à — 2 degrés centigrades; ils ont atteint, en 38 minutes, leur point culminant, à 2700 mètres d’élévation, au sein d’une température de 0 degré; ils ont passé verticalement, en descen- dant, dans un courant d'air chaud de 14 degrés, de 150 metres environ d’épais- seur, circulant, gulf-stream aérien, à 2424 mètres, à sa plus grande altitude ; 154 mètres plus bas, ils ont été glacés par un courant d’air froid de 6 de- (1) D’après cette comparaison, les corrections à faire sont celles-ci : les indications du thermomètre comparé (le thermomètre Secrétan) doivent être diminuées de 0,2 depuis 0 degré jusqu'à + 5 degrés, et de 0,3 depuis + 5 degrés jusqu'à + 15 degrés, pour donner la température vraie. 508 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. grés, duquel ils sortirent, horizontalement, en 5 minutes, et dont la tem- pérature s’éleva sur ses bords; à la hauteur de ce courant, ils ont retrouvé, à la même altitude, la température normale de l’air ambiant, qui était de +6 degrés, à peu près comme à 2269 mètres d’élévation dans la montée; ils ont vu tomber sur eux, à 1330 mètres, des aiguilles de glace épaisses, alors que le thermomètre Secrétan marquait +7 degrés, etc. Les variations de température que nous venons de signaler, et que le dia- TROT RER ER | 30 SS' Lo’ 6 0° ss 3 37007 ® 245 "os". d . 2500 Pi De de Sec : D i Rofration FAC CE R4, PC an fi de cnvre | es Brouiller 4 Les à ao) 2000 FÉSAT, Rotohe. ou CPS m1 3 Û Û % Û Û 4 EE A rgctédis de g'ace \ \Rote los \ L'éfèsse dis Vent far feroncts HT CNED TIE PE N ViTèsses — RE de Monfresté Fe] na ville Fort. Vote Roma: ville el o T£rmilage Ve ° le) Bagrotet gramme ci-contre fait mieux ressortir (par une ligne pleine), ne sont pas sans précédents ; de plus surprenantes encore, il est bon de le rappeler, ont été par- fois observées. Ainsi, M. Glaisher, dans une ascension faite à Londres (aux ateliers du chemin de fer du Nord-Ouest), pendant le deuxième trimestre de 1863, trouva, en descendant, un courant d’air chaud au-dessus duquel se déchaïinait un orage de neige finement cristallisée (1); de son côté, M. Gaston Tissandier, dans son ascension du 7 février 1869, faite à Paris, rencontra, au- dessus des nuages, un fleuve aérien brälant (selon ses expressions), au sein duquel le thermomètre s'élevait à 27 degrés centigrades, tandis que la tempé- (1) Wilfrid pe Fonvieze, loc. cit., p. 88 (Appendice). REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 509 pature de l'hiver (dit-il) régnait à terre (1); dans une autre ascension, exé- eutée le 46 février 4873, ilobserva, à 1800 mètres d'altitude, sous un coel ardent, un courant d'air chaud de 18 degrés centigrades, au-dessous duquel cireulait, à 1200 mètres, un nuage à glace, où un fil de cuivre, couvert de givre, donna des étincelles électriques, — où la température, de — 4 degrés, causa l'impression d’un froid violent, comme à l'entrée d'une cave en été (2), alors qu’il y avait +4 degrés à la surface du sol. Des variations analogues ont été souvent constatées sur plusieurs montagnes. M. Muhry a reconnu le même fait pendant que le /æhn (vent chaud du sud- ouest) soufflait sur les Alpes; deux guides, qui ont hiverné pendant l'hiver de 1866 au col de Saint-Théodule (station Dollfus-Ausset), dans la chaîne alpes- tre, y ont remarqué, pour leur part, que la neige se fondait au cœur de l'hiver, à plus de 3300 mètres d'altitude, et que la chaleur du soleil y acquérait une intensité inexplicable avec les idées admises jusqu’à ce jour sur le refroidisse- ment atmosphérique (3); d’un autre côté, M. Dollfus-Ausset a remarqué que pendant plusieurs années (le 14, le 12, le 13 décembre 1850; le 2 janvier 1851, le 3, le 6, le 7 décembre 1859 ; le 4° février 1854; le 16 décembre 1855; le 43, le 17 décembre 1856 ; le 1° janvier 1838; le 12 janvier 4859) la température, dans la même chaîne, a été plus chaude au Grand Saint-Bernard qu'à Genève, à 2000 mètres plus bas, où elle était de près de 7 degrés centigrades moin- dre (4); de plus (dans un autre canton), il a été constaté, en janvier 1879, sur le Schreck-Horn, qu'il y faisait relativement plus chaud, et que l’on y trouvait la neige fondante à 3500 mètres d’altitude (5). Un autre fait, particulier à la chaine du Jura, est encore à citer. M. Louis Tridon le tient de M. E. Renou, directeur de l'Observatoire du pare de Saint-Maur, qui lui écrivit ceci le 2 no- vembre passé : « Aux environs de Neuchâtel (Suisse), 1l y a un instituteur (excellent obser- vateur), M. Sire, qui habite le haut du Chaumont, à 1100 mètres d’altitude. Il voit souvent une température de 10 à 12 degrés plus élevée sur cette mon- tagne qu'à Neuchâtel; c’est un fait normal et habituel en décembre. Ce fait tient, tout simplement, à l’arrivée des vents du sud (encore très chauds à cette époque), de l'Algérie ou du Sahara, après les premières gelées d'Europe un peu fortes; mais on a voulu en faire une théorie à part (sous le nom de #héorie du fæhn) et en voir des explications qui n’ont pas le moindre fondement, sous prétexte que les vents, au lieu de souffler du sud, soufflent de toutes sortes de directions; cela a lieu, en effet, en apparence, dans les montagnes qui dissé- (1) Gaston TissanDier, Simples notions sur les ballons et la navigation aérienne, Paris (1875), chap. v, p. 80. (2) Gaston TissanDtER, loc. cit, chap. v, p.84 et 85; Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. LXXVI, séance du 17 février 1873 ; La Nature, 1873, 1re année, p. 321 ; l'Aéronaute de septembre 1876, p. 237. (3) Wilfrid DE FonvieLee, loc, cit., chap. vi, p. 52 et 53. (4) Dorrrus-Ausser, Matériaux pour l'histoire des glaciers, t. VIII. (5) Le Ballon (bulletin mensuel de l'Ecole d’aéronautes français), 4879, mars et avril, p. 69 et 70. 510 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. minent les vents faibles, au bout de leur course, dans toutes les circulations possibles. Le fait, en lui-même, n'est autre, certainement, que l’arrivée des vents du sud dans nos contrées. » A côté des variations de température qui viennent d’être relatées, l'ascension du 31 octobre mérite d’être analysée sous le rapport des vitesses verticales, ascendante et descendante. Ces vitesses, qui sont, ordinairement, de 2 mètres à la seconde, en moyenne, ont été à un moment, dans la montée, de 42,50, environ, et de 3,61 dans la descente (d’après des calculs qui ne sont pas très rigoureusement exacts au point de vue des mathématiques pures, mais qui, vu le rapprochement des observations, ont un degré d’approximation très suffisant). À part cela, elles ont été faibles au commencement de la montée et à la fin de la descente ; puis se sont considérablement ralenties dans le voisinage du pointeulminant, en se rapprochant et en s’éloignant de lui; et, finalement, sont devenues nulles dans la descente, à 2 267 mètres d’alti- tude. Le diagramme, au reste, représente, très visiblement (par une ligne demi- pleine), les différentes intensités de ces vitesses, à toutes les hauteurs atteintes. En outre, ces calculs conduisent à cette déduction : Si l’on évalue à 3 mètres à la seconde, en moyenne, la vitesse de poussée horizontale, sous l'effort du vent, et à une vitesse semblable la descente verticale, la résultante de ces deux efforts est représentée par un angle droit de 45 degrés. Un autre sujet mérite, à son tour, de fixer également l’attention : c’est celui relatif aux expériences que M. le docteur Benoît du Martouret fit sur lui et sur M. Volckmar ; ces expériences consistèrent en observations ayant trait à la chaleur animale, au tracé sphygmographique, à la circulation et à la respi- ration. Les résultats de ces observations ne furent pas très sensiblement diffé- rents de ceux obtenus à+l’état normal à terre, avant le départ, Voici, du reste, quelques détails (1) : L'émotion du départ fut très légère et disparut vite, sans que l’on constatät une sensation désagréable, même celle du vertige ; et cependant il y avait parmi les observateurs une personne qui y est habituellement sujette sur les édifices élevés. Il faut attribuer peut-être cette absence de vertige au parapet d’osier de la nacelle, qui empêche de voir le sol verticalement. Cet état, toutefois, ne continua pas, Au bout de quelques instants, le doc- teur ressentit, à 1 852 mètres, un petit malaise insignifiant, provenant peut- être d’une digestion imparfaite, et des bourdonnements d’oreilles intenses, à 2 400 mètres, Ces bourdonnements (que M. Delahogue ressentait à 200 mètres, à bord du Ballon captif de M. Giffard) devinrent intolérables, dans la descente, à 1980 mètres, où presque personne n’y échappa, et obligèrent à élever forte- ment la voix pour s'entendre. Le docteur expliqua ce fait par un rapide dé- placement vertical de l’aérostat, qui avait pour effet de produire une brusque rupture d'équilibre entre la pression interne et la pression externe, — Ce phé- (1) Ces détails sont extraits du procès-verbal de l'ascension, signé par les quatre obser- vaieurs. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES, 5A1 mène se manifeste toujours dans les montées et les descentes un peu rapides, et ne cesse que lorsque l'équilibre est rétabli, Là ne se bornent pas ces faits. Une autre remarque intéressante fut faite, c’est que, dans les couches d’air élevées, les sons, qui décroissent avec la pres- sion et la température, étaient affaiblis, paraissaient venir de loin. Néanmoins, les expérimentateurs entendirent distinctement, à 2 400 mètres, dans la des- cente, un appel de clairon, qui les frappa comme M. Janssen, à bord du Volta, le 2 décembre 1870 (1); ils entendirent aussi des coups de fusil, à 4 090 mètres; et, à peu près à la même hauteur, une explosion de mine de dynamite, prove- nant du fort de Villiers en construction. Observée, la chaleur animale ne fut presque pas modifiée. Ainsi, le thermo- mètre, qui, à terre, placé sous l’aisselle de M. Volckmar, — entre sa chemise et son gilet de soie, — accusait 35°,7, ne descendit pas dans l’espace au-dessous de:35°,2. L’accélération du rythme respiratoire fut peu sensible ; le nombre des in- spirations et des expirations resta pour ainsi dire le même, variant seulement de 2 ou 3 du nombre normal ; et pourtant le consul est atteint d’une bronchite chronique qui faisait craindre au docteur une dyspnée plus grande, résultant nécessairement de la réaction contre l'insuffisance de l'oxygène. Seuls, au point culminant, quelques-uns des voyageurs crurent ressentir une légère oppression, résultant d'un commencement de raréfaction de l'air. Ce fait n'aurait rien d'invraisemblable, car pareille oppression fut observée vers 2 500 mètres, par MM. Crocé-Spinelli, Pénaud, le docteur Petard, Sivel et Jobert, dans leur ascension du 26 avril 1873 (2). Il fut impossible de se servir du pneumo-dynamomètre, et par conséquent de constater une différence dans l’ampliation des poumons. La circulation artérielle, qui est généralement accélérée aux grandes alti- tudes, a paru, à la surprise du docteur, ralentie. Le pouls du consul, mar- quant à terre 76 pulsations à la minute, n’a donné, dans l’air, que 72 pulsa- tions, à 2 269 mètres et à 2548 mètres d'altitude. Il faut certainement tenir compte, pour expliquer cette anomalie, de l'émotion des préparatifs de départ et de l’état de digestion du sujet. Le pouls, malgré cela, était plein et régulier. — Les tracés graphiques, donnés par le sphygmographe du docteur Marey, ont été à peu près identiques à terre et dans l’espace. Un fait curieux, c’est qu’à 2 270 mètres d'altitude, le rayonnement solaire agissait avec intensité sur la peau ; on éprouvait une sensation de brûlure au visage, alors que la température était de 6 degrés au-dessous de zéro. I faut dire que, en revanche, l'air était glacial, d'autant plus glacial que l’on venait de passer subitement du chaud au froid, et que l’on traversait un air agité par le déplacement vertical de l’aérostat (2); or, tout le monde sait que, si l’on (1) J. JANSSEN, Voyage aéronautique du Volta, entrepris le 2 décembre 1870, en vertu d'une mission scientifique. (Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, 1871, séance du 28 août, p. 9 et 10 du tirage à part.) (2) Aéronaute de mai 1873, p. 100. (3) Aéronaute de mai 1874, p. 148, 149 et 150, 512 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. endure facilement, étant bien vêtu, — 20 degrés centigrades dans un air calme (1), on est, par contre, glacé par — 5 degrés centigrades dans un air agité (2); et c'était le cas qui se présentait. Malgré le soleil, qui inondait leurs tètes ; malgré leurs pardessus, presque tous fourrés ; malgré leurs doubles chaus- settes, les observateurs grelottaient ; ils avaient surtout les pieds gelés, car il fait bien plus froid au fond de la nacelle qu’au-dessus d'elle ; le contact du verre, et particulièrement du cuivre de leurs instruments, leur glaçait les mains. Leurs barbes, elles aussi, étaient gelées ; elles étaient devenues neigeuses, — quoiqu'il n’y eût point de neige autour d'eux; ils ressemblaient à de véné- rables patriarches ! — ce qui était dû sans doute à la condensation et à la con- gélation de la vapeur d’eau expirée, qui retombait en neige sur leurs barbes.— Il est à remarquer que ce ne fut nullement à la plus grande altitude que ce froid fut ressenti, comme on pourrait légitimement le supposer. Ce qui est également à noter, c’est qu'il n’y eut à constater, pendant toute la durée du voyage, ni céphalalgie, ni pesanteur de tête, ni ébranlement nerveux, comme cela arrive quelquefois en ballon, dans diverses circonstances. Seul, M. Tridon, qui est torturé par un nervosisme des plus intenses (que le moindre souffle d'orage rend intolérable), ressentit, à diverses reprises, des picotements spinaux entre les omoplates ; d’où il paraît résulter, indépendamment des in- dications spectroscopiques, que les voyageurs traversèrent différentes couches où l'air élait particulièrement sec. Il y aurait là, par ce symptôme, confirma- tion du fait observé dans l'ascension du 26 avril 1873, déjà citée (3). Pour terminer, il nous reste à parler des observations ozonométriques et spectroscopiques, auxquelles M. Louis Tridon s’est soigneusement livré, par un temps exceptionnellement favorable. Elles ont fourni les résultats sui- vants : L’ozonomètre a accusé une teinte indécise, à l'exception d’une feuille qui s’est colorée très faiblement ; ce qui semble prouver qu’il n’y avait presque pas d’ozone dans les différentes couches d’air où les voyageurs sont entrés. à En regardant au spectroscope, sur le lieu du départ, un point nuageux du ciel (alors que le soleil s'était un peu écarté du méridien), les raies obscures de la vapeur d’eau, situées à droite et à gauche de la raie D de Fraunhofer, paru- rent très tranchées, très apparentes ; en regardant, au contraire, près du soleil, un point bleu du ciel, elles apparurent sous forme de bandes très fines, très distinctes, mais bien moins caractéristiques queles premières. Elles furent aussi très manifestes, sinon plus, sur le lieu de l'atterrissage, ainsi que les raies du sodium ; de leur côté, le rouge et le vert furent très nets, sans être cependant aussi accentués qu’en l’air. À bord de l’aérostat, en effet, le spectroscope donna, dans la montée, à (1) Aéronaute de mai 1873, p. 100, et de mai 1874, p. 148, 149 et 150 ; J. Hayes, la Mer libre du Pôle, traduction de Ferdinand de Lanoye, abrégée par Belin de Launay, chap. vi, p. 160 ; Paris, 1870, édition Hachette, in-18 jésus, (2) Aéronaute de mai 1873, loc. cit., et de mai 1874, loc. cit. (3) Aéronaute de juillet 1873, p. 141. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 513 partir de 2 000 mètres, une image prismatique où la double raie du sodium diminuait d'intensité apparente ; où les raies fraunhofériennes B, E, F, H, et leurs régions rouges, vertes, bleues violettes, augmentaient, au contraire, d’in- tensité apparente; où les raies sombres de la vapeur d’eau s’affaiblissaient progressivement. Au-dessus de 2 200 mètres, la bande obscure placée à droite, du côté rouge, était presque invisible ; mais, par contre, la raie obscure placée à gauche, et qui persiste le plus longtemps, était encore un peu distincte. A 2700 mètres, la première disparut, et la seconde fut, à son tour, presque invisible. Cette dernière remarque, on le voit, confirme l'opinion de M. J. Janssen, lequel croit que les raies de la vapeur d’eau, — qu'il a découvertes en 1864 (1), — loin d'appartenir au spectre solaire, ou au spectre des taches, comme le pensait le Père Secchi, proviennent tout simplement de l’atmosphère ter- restre (2), qui (douée, dans ses couches inférieures, d’un pouvoir d'absorption élective sur la lumière) n’est jamais absolument privée d'humidité à la surface du sol (où observait le Père Secchi), même par un ciel paraissant très pur. S'il en était autrement, ces raies persisteraient, conserveraient leur appa- rence à toutes les hauteurs ; or il n’en est nullement ainsi, comme l'ont vu Crocé-Spinellhi et M. Louis Tridon. De son côté, M.Janssen, qui les observa, en 4864, sur le sommet du Faulhorn (Suisse), a constaté qu’elles y étaient presque indistinctes (3) ; plus tard encore, en 1869, dans l'Himalaya, il a remarqué leur quasi-disparition (4). Par contre, en 1867, près du cratère en feu de l’île de Santorin, où la mer bouillonnait et produisait une évaporation très active, il a vu les raies aqueuses obscures paraître noires comme de encre (5). Que conclure, dans le premier cas, de la disparition de ces raies ? Tout sim- plement ceci: c’est qu'il n'ya ni eaux, ni nuages (aqueux) dans l'atmosphère solaire (6). Si l’on pouvait pénétrer dans l'atmosphère irrespirable, au-dessus des cirrus, qui flottent quelquefois à 10000 mètres d'altitude, cette conclusion, déjà (1) J. Janssen, 10 Note Sur le spectre de la vapeur d'eau, insérée dans les Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, 1866, séance du 13 août; 90 Archives des missions scient. et littér., 2e série, t. IV, 1868 ; 3° Rapport sur une mis- sion en Italie, dans les Alpes et en Grèce (donnée par S. Exc. le ministre de l'instruction publique), concernant l’étude de plusieurs questions de physique céleste, Paris, 1868, im- primerie impériale; 40 Annales de chimie et de physique, ke série, t. XXIIT, 1871; 50 Etudes sur les raies telluriques du spectre polaire, Paris, 1871, imprimerie Gauthier- Villars; Go Notice sur les travaux de M,J. Janssen, Paris, 1872, imprimerie Gauthier- Villars. (2) Voir les travaux cités dans la note première. (3) Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Acad. des sciences, 1866, 13 août (p. 4 du tirage à part); Notice sur les travaux de M. Janssen, p. 10. (4) M. Tridon tient ces renseignements de M. Janssen lui-même, qui les lui commu- niqua à l'Observatoire de Meudon, dans la matinée du samedi 28 novembre 1878, et les lui confirma au Bureau des longitudes, dans l'après-midi du mercredi 14 mai 1879. (5) Idem. (6) Aéronaute de mai 1874, p. 151 et 155. T. Il. = N° 6, 1879. 33 514 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. très convaincante, en raison des observations faites, deviendrait plus convain- cante encore, vu la sécheresse qui règne à une telle hauteur. Mais, pour abor- der ces régions inhospitalières, où Crocé-Spinelli et Sivel sont morts, des ap- pareils spéciaux seraient absolument nécessaires. Ces appareils (dont on peut voir les gravures encadrées au Musée de l’Académie d’aérostation météorolo- gique, 50, rue Rodier, ou chez l'inventeur, rue Beccaria, 20) ont été pro- jetés, depuis huit ans, par M. Louis Fridon (qui est leur premier inventeur) (1}. Ils consistent en des scaphandres et en des cloches à plongeur aéronautiques d'un genre tout particulier, où l'air, par une série d'opérations chimiques et mécaniques, est respiré sans cesse automatiquement, avec la même pression et la même composition qu’à la surface du sol. S'ils étaient réalisés, ces appareils pourraient permettre à l’homme d'explorer l'espace raréfié, fertile en phénomènes de tous genres, qu'il lui serait du plus haut intérêt de connaitre. Là, les observations scientifiques seraient précieuses à recueillir, d'autant plus précieuses que nous manquons de connaissances suf- fisantes sur la grêle, la neige, les orages, les éclairs, les brouillards, les aurores boréales, les trombes, les nuages, les poussières météoriques, l'ozone, la ten- sion électrique de l'air, la nature des cirrus, les banes d’aiguilles de glace, la direction et la vitesse des vents supérieurs, les variations de température, la diminution de pression et de densité, les courants d'air chaud et d’air froid, la décroissance de l'humidité, le volume variable des gouttes d’eau (2), la tempé- rature hivernale, la radiation solaire, la composition chimique de l'air irrespi- rable, la présence de l'hydrogène (3), de l'acide carbonique, de l’'ammoniaque (4), l'intensité de la lumière, la polarisation des hautes couches de l'atmosphère (5), (1) Sollicité, le 25 mars 1878, de se prononcer sur la valeur physiologico-chimique des appareils de M. Tridon, dont il avait les dessins sous les yeux, le docteur J. Béclard, secrétaire perpétuel de l’Académie de médecine, les approuva complètement, et autorisa l'inventeur (sur sa demande) à faire connaître publiquement son approbation. Indépen- damment de cette approbation, ils obtinrent, à différentes époques, un jugement favo- rable de plusieurs sociétés savantes spéciales, alors qu’ils étaient cependant bien moins perfectionnés qu'aujourd'hui. Ainsi, pour sa part, la cloche à plongeur ou nacelle close fut patronnée, en 1871, par la Société aéronautique et météorologique de France {voir l’Aé- ronaute de septembre 1871, de la page 129 à la page 136). De son côté, un des vice- présidents de la Société française de navigation aérienne, l'ingénieur Crocé-Spinelli, rendit compte, en termes flatleurs, de cette invention, en 1872 (voir l’Aéronaute de sep- tembre 1872, p. 155). Après lui, le secrétaire général de la même Société, M. Georges Poignant, dans an Rapport lu en assemblée générale, le 14 mars 1878, relata la préfé- rence de la Société française de navigation aérienne pour la nacelle close ou cloche à plongeur qu'avait imaginée M. Tridon (voir la page 11 de ce Rapport, imprimé à part). Appelée, à son tour, dans sa séance du 4 décembre 1877, à juger les scaphandres aéro- nautiques, la Société météorologique de France ne démentit point ces diverses appré- ciations. (2) Wilfrid De FonNvieLe, la Science en ballon, p. 90. (3) Dans son ascension du 18 juillet 1803, faite à Hambourg en compagnie de Lhoest, Robertson crut reconnaitre la présence de l'hydrogène à une altitude de 7 000 mètres. (W. de Fonvielle, Loc. cit., p. 57.) (4) Aéronaute de février 1874, p. 45 et 46. (5) M. Paul Henri, qui accompagnait M. Gaston Tissandier dans son ascension du REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 515 la perception des sons, l’affaiblissement de la couleur du ciel, la production des phénomènes astrals, la décroissance du magnétisme terrestre, de la pesan- teur (1), la progression du froid, les réfractions, la hauteur maximum des cir- rus et des nuages de glace, la croissance nocturne et la décroissance diurne de la température, etc. (2). III On le voit, les plaines de l'air recèlent bien des secrets, qu'il importe que l’homme approfondisse. C’est ce que M. Louis Tridon a compris, et ce qu'ont compris, après lui, plusieurs savants qui se sont ralliés à ses idées. Selon les expressions de M. Janssen, l’un d’entre eux : «Il y a là un champ immense d’études, et toute une science à créer. Cette science ne pouvait se constituer sans l'instrument indispensable, qui est l’aérostat. Le champ est immensément riche; il est vierge, et les premiers qui s’y élanceront, s'ils sont instruits, per- sévérants, courageux, y feront des découvertes capitales (3), » M. Hervé-Mangon est du même avis : « C’est aux ascensions libres, à grandes distances ou à grandes hauteurs — est-1l convaincu — que la météorologie doit demander ses progrès les plus considérables (4). » M. Charles Sainte-Claire Deville pensait de même : « Les ascensions aéros- tatiques — écrivait-il, le 4 mars 1869, à M. Gaston Tissandier — offrent un des moyens les plus précieux, et jusqu'ici les moins utilisés en France, d’étudier les rapports qui lient les conditions atmosphériques supérieures à celles des couches inférieures de l'air. Or ces rapports, une fois connus, deviendront as- surément l’élément le plus important et le plus instructif de tout essai sérieux de prévision, La météorologie a donc tout à gagner à des expériences faites avec toute garantie de succès (5). » « Les ascensions à grande hauteur, dit encore M. Janssen, ont, en effet, une immense importance, tant au point de vue météorologique qu'à celui du per- fectionnement de l’aérostation, — science qui est née chez nous. Il y a donc un intérêt national à les propager et à les rendre les plus fructueuses possible (6). » « Je suis si intimement convaincu de l'immense importance de ces études, que je voudrais voir partout les gouvernements créer ou protéger des sociétés aéro- & octobre 1873, remarqua que, à 2600 mètres d'altitude, « la polarisation de l'atmosphère était beaucoup plus faible qu’à la surface du sol. » (Aéronaute de novembre 1873, p. 199.) (1) Dans son ascension de 1803, déjà citée, Robertson constata une décroissance dans le magnétisme terrestre et la pesanteur. Niée par Gay-Lussac, la décroissance du magné- tisme terrestre fut observée de nouveau par Glaisher, dans ses ascensions du 27 juin et du 29 août 1864. (2) Cette nomenclature est extraite du programme d’observations présenté par M. Louis Tridon à l'Ecole d’aéronautes français, dans sa séance du 9 octobre 1878. (3) Aéronaute de février 1874, p. 48. (4) Aéronaute de janvier 1875, p. 41, (5) Voyages aériens, p. 484 ; Paris, 1870, édition Hachette. (6) Aéronaute d'avril 1874, p. 196. 516 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. nautiques avec mission principale d'étudier systématiquement notre atmos- phère (1). » Pour faire des ascensions scientifiques vraiment fructueuses, il faudrait, d’après ce qui précède, s’élever dans l'air irrespirable ; et pour y vivre impu- nément, 1l faudrait se servir de scaphandres ou, mieux encore, de cloches à plongeurs aéronautiques, comme nous le disions plus haut. De cette manière, on pourrait atteindre facilement 15000 à 20000 mètres, et peut-être plus, sans qu'en souffrent les observateurs. Mais, pour couper court à toute objection, laissons ici la parole à M. le docteur Paul Bert : « On nous a dit : A quoi bon aller si haut ? N’est-il pas parfaitement inutile de gagner quelques mètres d'altitude? — Eh bien, non! — L'atmosphère se com- pose de deux couches : la première, peu élevée, renfermant de l’eau sous forme de vapeur ou de glace; la seconde, indéfinie, dans laquelle l’eau est absente. La première zone, celle qui intéresse la météorologie de notre globe, ne paraît pas dépasser 14 à 15 kilomètres de hauteur. Nous devons essayer de l’explorer entiè- rement (2).» « Or, cette région, tout fait penser qu’elle pourra être entièrement traversée par les ballons, et que la force ascensionnelle de l'hydrogène pourra emporter les observateurs aux limites extrêmes de ce nuage d’aiguilles glacées qu’ont rencontré Sivel et Crocé-Spinelli. Qui pourrait nier, sachant ces choses, l'importance capitale des explorations dans les régions élevées? Mais qui, au- jourd’hui surtout, pourrait en méconnaitre les dangers (3)? » La cause, en effet, qui a empêché de planer plus haut qu'on ne l’a fait, ce n’est point l’aérostat,— lequel, livré à sa force ascensionnelle, attemmdrait de très grandes hauteurs, -— c’est, tout au contraire, l’aéronaute, qui ne peut se laisser emporter à de telles hauteurs, par suite du froid, de la sécheresse, de la dimi- nution de pression et de densité des couches d’air qu'il traverse, et qui feraient bientôt de lui un cadavre voguant dans l’espace glacé. Sous l'influence, en effet, d’un froid lent et continu, il serait en proie à la fatigue, à l’engourdissement, à un ralentissement de la respiration, à une augmentation d’acide carbonique dans le sang, à un sommeil irrésistible, qu'une congestion cérébrale terminerait (4). Sous l'influence d’un froid rapide et progressif, il serait frappé d’un refroidisse- ment intense, d’un obscurcissement de la vue, de pâleur, de difficulté à parler, d’une sorte d'idiotisme, d’un raidissement des muscles du cou, d’un chancelle- ment, d’une anesthésie, — effets d’une accumulation d’acide carbonique dans le sang artériel, dont la fin serait une apoplexie ou une anémie cérébrale (5). Sous (1) Aéronaute de février 1874, p. 49. (2) Aéronaute d'août 1875, p. 244 et 945. (3) Aéronaute de janvier 1876, p. 12. (4) Dr A. LacassAGNE, Précis d'hygiène privée et sociale, de la page 55 à la page 58; Paris, 1876, édition G. Masson. (5) Dr Descenerres, Discours prononcé à la Faculté de médecine, séance publique du 7 novembre 4874; Dr Larney, Mémoires de chirurgie militaire, t. IV, p. 127; Dr Ocston, Autopsies de mort par le froid (Journal de physiologie, 1869, t. V, p. 633); Dr Virey, article Frot du Dictionnaire des sciences médicales, 1816, t, XVII, p. 68; REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES, 517 l'influence d’un air froid et sec,comme celui supporté par M®° Blanchard, dans son ascension de 1812(—2°), par Barral et Bixio, dans leur ascension du 26 juil- let 1850 (— 39°), par Glaisher et Coxwell, dans leur ascension du 3 septembre 1862 (—-24°,4), par Crocé-Spinelli, Gaston Tissandier et Sivel, dans leur as- cension du 15 avril 1875 (—2°), il éprouverait une évaporation cutanée très active, qui le refroidirait beaucoup, lui occasionnerait des congestions pulmo- naires et le ferait succomber «aussi sûrement qu’un poisson placé dans de l’eau distillée (1).» Sous l'influence de la diminution de pression, son sang s’ap- pauvrirait en oxygène et en acide carbonique, sa respiration se ralentirait, son corps deviendrait froid, sa volonté s’affaiblirait, ses perceptions s’obscur- ciraient, le dégoût ou l'indifférence le saisirait, une syncope se déclarerait, et l’asphyxie, — dernier terme de l’anoxyhémie des altitudes, — le surpren- drait par suite de privation d'oxygène (2). Sous l'influence, enfin, d’un air raréfié, froid et sec, il souffrirait de palpitations, de ruptures de vaisseaux, d’hémorrhagies et d’autres symptômes, dont l’asphyxie serait également le dénouement (3). Cette issue fatale manqua, comme on sait, de devenir une réalité pour le physicien Charles, le 1% décembre 1783, à 3000 mètres d’élévation; pour Blanchard, le 16 octobre 1784 et le 20 novembre 1785, à une très grande hau- teur (4); Robertson et Lhoest à 7170 mètres, le 18 juillet 1803 (5); Zambe- cari, Andreoli et Grassetti, le 7 octobre 1804, à une altitude inconnue (6); Me Blanchard, en 4819, à Turin; Barral et Bixio, le 27 juillet 1850, à 7039 me- tres d’élévation ; J. Welsh et Charles Green, le 10 novembre 1852, à 6989 mèe- tres (1); E. Spencer et Ch. Green, à 8150 mètres; Glaisher et Coxwell, qui, le 5 septembre 1862, s’élevèrent à la hauteur de 8838 mètres, et mème — as- surent-ils — de 11277 mètres au-dessus de Londres, parmi une température glaciale de 240,4. — Cette issue fatale devint, malheureusement, une réalité Dr Jaurrrer, Essai sur le froid et ses effets sur l’homme en particulier, thèse de Paris, 1821; Dr A. LAGassAGNE, loc. cit., de la page 49 à la page 54. (1) Dr A. LacassaGne, loc. cit., p. 237; voir aussi les pages 86, 258, 263. (2) Dr P. Berr, 10 Leçons sur la physiologie comparée de la respiration, 1878 ; 20 Annales des sciences naturelles, t. XX, 1874; 30 Recherches expérimentales sur l'influence que les modifications dans la pression atmosphérique exercent sur les phénomènes de la vie, 1874; 4 La pression barométrique, recherches de physiologie expérimentale, 1878 ; Dr JouRDANET, Influence de la pression de l'air sur la vie de l'homme, 1875 ; Dr Ed. CnaBerT, Des acci- dents qu'on observe dans les hautes ascensions aérostatiques et des effets de l'altitude sur les habitants des montagnes, 1875; Dr A. LacassaGne, loc. cit., de la page 252 à la page 261. (3) Dr A. LacassaGne, loc. cit., de la page 257 à la page 259. (4) Voir l'Histoire et Pratique de l’aérostation, par Tibère CavaLLo, Paris, 1786; la Re- lation du seizième voyage aérien de M. Blanchard, fait à Gand le 20 novembre 1785, Gand, 1786, broch. gr. in-80. (5) Mémoires de Robertson, t. IT, p. 83; Paris, 1840. (6) KorzeBuE, Souvenir d'un voyage en Livonie, à Rome, etc.; Dupuis-DezLcourT, Nou- veau manuel complet d'aérostation, de la page 108 à la page 111; Paris, 1850, édition Roret. (7) Philosophical Transactions, 1855, p. 320. 518 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, pour Merle, dit-on, en 1851, près de Châlons-sur-Marne ; pour Gale, quelques années après, à Bordeaux; et, le 15 avril 1875, pour Crocé-Spinelli et Sivel, à S 601 mètres dans les airs, à bord du Zénith. En ces diverses circonstances, si les explorateurs avaient été soustraits à l'influence du milieu ambiant par une cloche à plongeur ou un scaphandre aéronautique, ils auraient non seulement été à l’abri de tout danger, mais ils auraient pu planer à des points beaucoup plus culminants, et s'aventurer avec sécurité dans le laboratoire inconnu où se forment les météores. Pour arriver à ce résultat, il faut trouver le moyen de faire vivre l’aéronaute sous un scaphandre ou une cloche à plongeur ; et le nec plus ultra des moyens est, à notre humble avis, de respirer, sous un volume restreint, pendant un temps suffisamment long, un air, — non comprimé, non suroxygéné, — mais puisé à la surface même du sol, où respirent tous les êtres. Est-il impossible d'atteindre un but si simple en apparence, — si difficile au fond ? — Non! — et nous allons le prouver. Mais, auparavant, il est bon de rappeler ce qui se passe dans la respi- ration. Qu'il nous soit permis de le faire très sommairement. IV Par les poumons, l’homme respire 18 fois en moyenne à la minute, ou 25920 fois par vingt-quatre heures. A chaque fois, — très souvent par les fosses nasales, au besoin par la bouche, —1l inspire un demi-litre d’air envi- ron (1), soit 12960 en vingt-quatre heures, qui contiennent environ 10 200 litres d'azote, 2 800 d'oxygène, sans compter 87 litres environ de vapeur d’eau (2), une quarantaine de millilitres d'acide carbonique, un peu moins d'un milli- gramme diode (3), un peu plus d’un dix-milligramme de carbonate d’ammo- niaque (4), et des quantités insaisissables d'ozone, d'hydrogène protocarboné, d'acide azotique en vapeur, de gaz sulfureux, sulfhydrique, etc., en propor- tions indéterminées (5), où viennent encore se mélanger les émanations des {1) Dr J. Béccarp, Traité de physiologie humaine, 3° édition (Labé), Paris, 1859, & 137, oies (2) Les 13 mètres cubes environ ou 13 000 litres d’air inspirés en vingt-quatre heures renferment 65 à 78 grammes, approximativement, de vapeur d’eau, soit 71 grammes en moyenne (Mathias Duvaz, Physiologie de Küss, p. 368). Or, 1 litre de vapeur d'eau, à 0 degré et à 0,76 de pression, pèse 06,8100 (Ch. ARMENGAUD, Formulaire de l'ingéniewr- constructeur, Paris, 1873, édition privée, p. 29); donc 71 grammes représentent, — très sensiblement du moins, — 87 litres. (3) 4000 litres d’eau pris à Paris contiennent, d’après les analyses de M. Chatin, 2 dix- milligrammes d’iode (Dr A. LaassaGne, Précis d'hugiène privée et sociale, p. 720). (4) 100 litres d’air renferment, d'après les expériences de M. Græger, un peu moins d’un millionième de gramme de carbonate d’ammoniaque (Archiv der Pharmacie, t. XCIV, p.35; Annuaire de chimie, par Reiïset, Millon et J. Nicklès, 1848, p. 634 et 635). (5) Dr A. Lacassaenr, loc. cit., p. 270; Dr J. Béczarp, loc. cit., 1870, chap. 1, sec- tion 2, art. 1, 8 136, p. 358. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 519 végétaux et des animaux, par suite de leur décomposition ou de leurs fonc- tions (1). Ce n’est pas tout. Sur les 2800 litres d'oxygène inspirés, il en garde 700 (2) dans ses veines et artères, et en expire 2100 (3), — d'ordinaire par les fosses nasales, au besoin par la bouche, — suivis, à peu de chose près, des 10200 litres d'azote qu'il a absorbés. De plus, pendant les mêmes vingt-quatre heures, il expire 400 litres d’acide carbonique (4), 617 litres, en moyenne, de vapeur d’eau putride (5), et (d'après les analyses de M. Wierderhold) des vo- lumes inappréciables de chlorure de sodium, de sulfate d’ammoniaque, d'acide urique, d’urate de soude, d’urate d’ammoniaque (6), de matières volatiles orga- niques, peu connues (7), où grouillent et se développent (comme l’a observé M. Lemaire) des microphytes, des microzoaires, des infusoires, des bactéries, des vibrions, des monadiens et des spores (8). Par la peau, pendant le même laps de temps, il inspire une petite quantité (mal déterminée) d'oxygène. Il expire deux fois plus de vapeur d’eau que par les poumons (9), soit 1 234 litres, ou 51 litres par heure, pesant 41 grammes. Il expire, de plus, 38 fois moins (d’après Scharling) d’acide carbonique que le même organe (10), soit 40 litres et demi; et de très faibles poids de substances organiques (11). | Indépendamment de cela, il peut perdre encore par la peau, à la suite d’une course rapide ou d’un exercice fatigant, au sein d’une température éle- vée, 2 décilitres ou 200 grammes d’eau liquide (12) en une heure (43). (44) Tous ces chiffres, bien entendu, ne sont que des chiffres moyens, sujets à variation. Ceux relatifs à la respiration pulmonaire et cutanée va- rient selon la quantité de la nourriture, la nature des aliments, des bois- sons, l’état organique des poumons, la nature des vêtements, les changements de pression, la rapidité, la lenteur de la respiration, l’âge, le froid, la chaleur, (1) Dr J. Béczanp, loc. cit., p. 287. (2) Dr A. LAGASSAGNE, loc. cit., p. 275. (3) Idem. (4) Dr A. LacassAGNE, loc. cit., p. 278. (5) Ou 500 grammes, selon l'estimation de Sanctorius (J. BécLanp, loc. cit., 6e édition P. Asselin, Paris, 1870, p. 386); E. Lirrré et Ch. RoBin, art. Air du Dictionnaire de mé- decine, de chirurgie, de pharmacie, de l'art vétérinaire et des sciences qui s'y rapportent, Paris, 1877, 14e édition, J.-B. Baillière, t. I, p. 36). (6) Dr A. LAGASSAGNE, loc. cit., p. 277. (7) J. Bécrann, loc. cit , 3e édition, 1859, 8 143, p. 309, 310. (8) Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1867: Dr A. LACASSAGNE, loc. cit., p. 283. (9) J. BäcLanp, loc. cit., 6° édition, 1870, p. 420. (10) Idem, loc. cit., 1870, p. 419. ‘(11) Idem, loc. cit., 1859, S 157, p. 335 et 337. (12) 2 décilitres de sueur pèsent sensiblement autant que 2 décilitres d’eau distillée, prise à la température du maximum de densité et pesée dans le vide. (13) J. BécLaRD, loc. cit., 1859, chap. vir (Sécrétions), art. 2, $ 181, p. 410.1 (14) Il peut même, dans une étuve sèche, chauffée à une haute température, perdre depuis 3, 4, 5 décilitres de sueur jusqu'à 4 litre, et plus encore (J. BécLanp, loc. cit , p. idem). 520 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. la saison, le climat, la constitution (1), la taille (2), le sexe (3), l’état de santé (4), la position du corps {5), le repos (6), les efforts (7), les exer- cices (8), la capacité pulmonaire (9), l’état hygrométrique de l’air (10), ete. Voilà ce qui se passe à la surface de la terre, dans un air renouvelé et illimité. Voyons maintenant ce qui se passerait dans un air non renouvelé et confiné sous une cloche hermétiquement close et d’un espace très limité. y Ici l’homme respirerait un oxygène qui, à chaque inspiration, irait en dimi- nuant de quantité, se raréfierait, perdrait de sa densité, de sa pression, deviendrait impropre à la respiration, pendant qu'il se formerait peu à peu, mais de moins en moins activement, une atmosphère prédominante d’azote, d'acide carbonique, de vapeur d’eau putride, dont l’inhalation est délétère. Fatalement, au bout d'un certain temps, l’homme mourrait asphyxié, non pas pourtant par suite de l’absorption de l’azote, de l'acide carbonique et de la vapeur d’eau putride prédominants, mais tout simplement par privation d’un oxygène suffisamment dense (11). Divers moyens ont été proposés et expérimentés pour empêcher ce dénoue- ment d'arriver et pour assurer normalement la respiration en vase clos. Nous voudrions pouvoir les examiner tous ; mais, faute d'espace, nous ne pouvons en examiner que quelques-uns. ° Lavoisier, le premier, dans un Mémoire sur la respiration des animaux, présenté à l’Académie des sciences en 1777, à émis cette idée : « Si l’on renferme, dit-il, des animaux dans une quantité donnée d’air, ils y périssent lorsqu'ils ont absorbé ou converti en acide crayeux aériforme (acide carbonique) la majeure partie de la portion respirable de l'air. Pour ramener à l’état commun et respirable l’air qui a été vicié par la respiration, il faut opérer deux effets : 1° enlever à cet air, par la chaux ou par un alcali caustique, la portion d'acide crayeux aériforme qu'il contient ; 2° lui rendre (4) Voir l’article ResprRATION du Grand Dictionnaire universel du dix-neuvième siècle, par Pierre LAROUSSE, t. XIII, Paris, 1875, p. 1038, col. 2e et 3e; BÉGLARD, loc. cit., 1859, 8140, p. 302. (2) Bécranrn, id., 1859, S 143, p. 308 ; 1870, p. 364, 366. (3) Idem, 1870, S 140, p. 302. (4) Pierre Larousse, loc. cit., t. XIII, article RESPIRATION, p. 1041, col. 2e. (5) BécLarp, loc. cit., chap. 1v (RESPIRATION), sect. 9, art. 1, $ 137, p. 363. (6) Idem, p. idem. (7) Pierre Larousse, loc. cit., Lt. XIII, p. 1041, col. 2e. (8) Idem, p. idem; Bécranmp, loc. cit., 1870, p. 363.1 (9) Brazanp, loc. cit., 1870, p. 364, 366, 1859 ; S 143, p. 308. (10) Pierre Larousse, loc. cit., t. XIII, p. 1038, col. 8e. (11) Paul Berr, 10 Recherches expérimentales sur l'influence que les modifications dans la pression atmosphérique exercent sur les phénomènes de la vie, Paris, édition G. Masson, p. 155, 156; 20 Leçons sur la physiologie comparée de la respiration, 1870; 30 Article des Annales des sciences naturelles, 1874, &. XX. — LAGASSAGNE, loc. cit., p, 251, 259, 278. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 5914 une quantité d'air éminemment respirable égale à celle qu'il a perdue (1). » Cette idée semble au premier abord d’une profonde justesse; cependant Lavoisier se trompait en partie et ne tenait pas compte de tous les facteurs du problème. Nous n’en voulons pour preuve que Île fait suivant, répondant aux vues de Lavoisier : « Nous avons vu mourir, — dit Gavarret, — des animaux dans une atmos- phère non renouvelée, bien queinous eussions soin d’absorber le CO? à mesure qu'il se formait, et de restituer l'O à mesure qu'il était consommé (2). » Si, en effet, — aux termes des expériences de Pettenkofer et de Voigt, faites à Munich de 1860 à 1867, sur la respiration de l’homme en vase clos (3), — si un volume donné d’air provenant de l'expiration pulmonaire et cutanée est «intolérable » à respirer lorsqu'il contient un seul centième d'acide carbo- nique (4), par contre ce volume d’air n'impressionne nullement lorsque la même quantité d'acide carbonique expiré est absorbée chimiquement et rem- placée par une autre obtenue artificiellement dans le laboratoire ; ce qui prouve que l’action observée doit être imputée à un autre agent. Get agent est la vapeur d’eau putride exhalée, chargée de matières organiques, où four- millent, comme nous l’avons vu, de si nombreux animalcules. — Ainsi s’ex- plique la mort des animaux dans le cas étudié par Gavarret. D'après ce qui précède, on comprend que si, dans un espace clos, on laisse s'accumuler l’acide carbonique expiré, mais qu'on introduise toujours une quantité suffisante d'oxygène, les animaux meurent quand la proportion de l'acide carbonique et de la vapeur d’eau putride est devenue trop considérable. La mort alors, dans cette circonstance, selon M. Paul Bert (qui, depuis 1874, s’est livré à ces expériences), doit être attribuée, non pas à la double action de l'acide carbonique et de la vapeur d’eau putride, — comme il serait si simple de le supposer, — mais à l’action seule de l'acide carbonique, dont la trop grande pression dans l’air confiné empèche la sortie de l’acide carbonique con- tenu dans le sang ; ce qui a pour conséquence d'opérer un arrêt dans les com- bustions internes ou dans la respiration des tissus, et, par suite, d'amener un véritable empoisonnement (5). Lorsque, au contraire, le même espace clos est dépouillé de l’acide carbo- nique qui s’y forme, la vie cesse également quand la plus grande partie de l'oxygène de l'air vient à être épuisée (6). Ce résultat arrive encore (comme l’a constaté M. Paul Bert) au sein d’un milieu confiné soumis à une diminution graduelle de pression ou agité par un (1) LAGASSAGNE, loc. cit., p. 273. (2) Idem, Loc. cit., p. 277. (3) BécLanp, loc. cit., 1870, p. 373 et 374, (4) LACASSAGNE, loc. cit., p. 277. (5) LacassaGne, loc. cit., p. 278; BErT, 1° Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, 1872, t. LXXIV, p. 618 et 619; t. LXX VI, 1873, p. 1276, 1277, 1278, 1279 ; 20 Recherches expérimentales sur l'influence que les modifications dans la pression atmos- phérique exercent sur les phénornènes de la vie, Paris, G. Masson, chap. 1v, p. 99. (6) LacassAGNE, loc, cit., p. 277 et 278. 522 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. courant d'air artificiel, — qu'il soit de moins en moins riche en oxygène, qu'il le soit de plus en plus (1). Dans chacun de ces cas, il est à noter que sous une cloche de faible capacité l’asphyxie survient rapidement, accompagnée de convulsions, tandis que sous une cloche de vaste capacité elle survient lentement et sans secousses (2). Sans produire précisément la mort, d'autres effets, très « redoutables », se manifestent à leur tour quand l’homme, au moyen d’un tube communiquant à un ballonnet de baudruche, inspire de temps en temps, par la bouche, de l'oxygène pur et expire (soit par le nez, soit par la bouche) dans un milieu confiné, où les produits de l'expiration sont aspirés par une puissante machine pneumatique à vapeur, qui fait une raréfaction progressive et entretient un courant d’air continu. Ces effets, dont on a exagéré à tort l'efficacité pendant quelques années, méritent d'être particulièrement étudiés, C’est ce que nous allons faire avec le plus grand soin et avec la plus grande impartialité. VI Fort d’expériences (imparfaitement concluantes) qu'il avait faites sur des animaux plongés dans l'air raréfié, et dont il empêchait la mort par des absorp- tions réitérées d'oxygène, M. Paul Bert, — après avoir lu et commenté honora- blement l’article de M. Tridon (3) sur les moyens d'éviter la mort en ballon dans l'air irrespirable (4), publié dans l'Aéronaute de septembre 1871 (5), — eut l’idée d'appliquer ses expériences à l’aérostation, et, à ce sujet, s’exprima ainsi dans une Note présentée à l’Académie des sciences, dans sa séance du 4% juillet 1872 : «.…. Si donc les aéronautes, qu'arrête dans leur course verticale, non la force ascensionnelle du ballon, mais la possibilité de vivre, veulent monter plus haut qu'ils n'ont fait jusqu'ici, ils le pourront, à la condition d'emporter avec eux un ballon plein d'oxygène, auquel ils auront recours lorsqu'ils souffrvront trop de la raréfaction de l'air. Les agencements mécaniques qu'il faudra mettre en œuvre pour respirer commodément cet oxygène ne seront rien moins que difficiles à imaginer (6). (1) Idem, loc. cit., p. 251 et 252. (2) Idem, loc. citl., p. 278. (3) C’est du moins ce que rapporta publiquement Crocé-Spinelli, devant la Société aéro- nautique et météorologique de France, dans la séance du 23 mai 1872, qu'il présidait, et dont M. Oscar Frion était le secrétaire. (4) Nacelle close pour les ascensions au-delà des limites de l’air respirable. (5) Une interpolation, contre laquelle l’auteur proteste ici, à été introduite dans le second alinéa de l’article susdit. Jamais M. Tridon n'a écrit, ef ne pouvait écrire, le pas- sage qui commence ainsi : « et-elles étaient justes », puis finit par ces mots : « forme pos- sible ». La même observation pourrait s'appliquer à d’autres passages. (6) Ici, en reproduisant cet article, la rédaction de l’Aéronaute se crut en devoir d'ajouter cette note : « Voir l’article de M. L. Tridon : Nacelle close pour les ascensions REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 528 « Les expériences que j'ai relatées, montrent que vraisemblablement les aéro- nautes arriveront de la sorte à dépasser la limite, actuellement infranchissable, d'une hauteur correspondant à au moins 40 centimètres de mercure; hauteur qu'on ne peut évaluer à moins de 2 kilomètres (1). » Plus tard, dans une nouvelle Note présentée, le 4 mars 1873, à l'Académie des sciences, il vante de cette manière les effets de l'oxygène : « La respiration d'oxygène constitue un remède simple, peu coûteux, d'un emploi facile, d'une innocuité parfaite, et qui, employé à temps, préviendra, j'en suis persuadé, bien des catastrophes. » «Il à l’avantage d'être complètement inoffensif (2).» Quelque temps après, à la Société française de navigation aérienne, dans la séance du 44 janvier 1874, présidée par M. Janssen, il relate le fait suivant, en réponse à une observation de M. Hervé-Mangon : « Quand on met un oiseau sous la cloche d’une machine pneumatique, et que l’on fait le vide, ilse produit une modification énorme de pression. Cepen- dant, si la cloche est remplie d'oxygène pur, l'oiseau ne souffre pas (3). » Se fondant sur des expériences de ce genre, il conseille, en ces termes, à Crocé-Spinelhi et Sivel, dans la même séance, de faire usage de l'oxygène pur dans l’ascension scientifique à grande hauteur qu’ils s’apprêtaient à faire (et qu'ils firent le 22 mars suivant) : « Dès que l'aéronaute ressentira un refroidissement considérable venant s'ajouter au refroidissement naturel, dès qu'il verra sa respiration et sa circu- lation s’accélérer, il devra parer au manque d'oxygène en respirant un peu de ce gaz pur. I devra emporter quelques centaines de litres de ce gaz dans un ballon. » — « Il ne sera pas toutefois nécessaire pour l’aéronaute d’absorber toujours de l'oxygène : une respiration sur quatre dans le ballon suffira. En ne quittant pas l'embouchure du ballon rempli d'oxygène, il sera possible de dépasser de 12 centimètres de dépression barométrique la limite extrême at- teinte par MM. Glaisher et Coxwell. — Pratiquement, peut-être, par suite de la distension produite par les gaz intestinaux, qui veulent se dégager, la limite extrême indiquée par le calcul ne peut être atteinte (4). » Pleins de confiance dans les expériences de M. Paul Bert et dans sa haute compétence, Crocé-Spinelli et Sivel allaient suivre le conseil qu'il leur donnait, lorsque, heureusement pour eux, — comme on va le voir, — M. l'ingénieur Motard, leur collègue, leur suggéra l'idée prudente de se soumettre préala- blement à terre, sous les grandes cloches pneumatiques de M. Bert, à une au-delà des limites de l'air respirable, dans l’'Aéronaute, livraison de septembre 1871, (Rédaction.) » (1) Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, 1872, t. LXXV, p. 32, 1874, t. LXXVIIT, p.911; Aéronaute de juillet 1872, p. 108 et 109, de juin 1874, p. 175. (2) Comples rendus des séances de l'Académie des sciences, 1873, t. LXX VI, p. 581 et 582. É (3) Aéronaute d'avril 1874, p. 125. (4) Aéronaute d'avril 1874, p. 124. 524 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. dépression semblable à celle qu'ils allaient trouver dans leur prochaine ascen- sion (1). Ils suivirent ce conseil, — plus sage, — et le 9 mars 1874, de dix heures et demie à onze heures et demie du matin, dans le laboratoire de physiologie de la Sorbonne, ils se soumirent ensemble, sous la même cloche à dépression, — en présence de M. Bert et de la Société française de navigation aérienne, — à une expérience décisive. Elle eut pour résultat de montrer quels sont les véritables effets de l'oxygène pur, dont M. Bert faisait l'éloge depuis trois ans, et duquel nous avons repro- duit plus loin les propres affirmations (singulièrement compromettantes au- jourd’hui). Pour donner une idée très nette de ces effets, nous allons, im- partialement, laisser parler Crocé-Spinelli lui-même (2): «Ces inspirations d'oxygène pur, déclare-t-1l, produisaient les mêmes impressions chez tous deux. Nous nous sentions plus vigoureux, les douleurs de tête disparaissaient en grande partie, mais nous étions comme dans une ivresse assez avancée et peu agréable. La cloche semblait osciller, nous avions comme une légère atteinte de mal de mer; puis, deux ou trois secondes après l'inspiration, la sensation de force restait et l'ivresse se dissipait un peu. Chez moi, les phénomènes étaient encore plus marqués. Ma vue était obscurcie avant l'inspiration, et, après, la cloche semblait s'illuminer. La vision était très dis- tincte, mais pour ainsi dire scintillante. « Nous remontâämes, en vingt minutes, à la pression ordinaire. C'était trop vite ; car, après avoir ressenti tous deux Jusque vers 45 centimètres un bien-être parfait, qui produisait une gaieté très expansive, nous fûmes en proie à des bourdonnements, qui ne persistèrent pas chez M. Sivel, mais qui occasionnèrent chez moi des douleurs très vives, surtout dans les derniers instants, de 0,710 à 02,752, où l’on accéléra trop la dépression. Je sortis de la cloche un peu fébrile et n'étant pas bien sûr de m’entendre parfaitement. J'avais comme du coton fortement bourré dans les deux oreilles. « Get état persista pendant toute la journée. La nuit, l'oreille droite devint, pendant cinq ou six minutes, le siège d’une douleur extrêmement intense. Pen- dant huit jours, une moitié de la face fut comme empâtée et l’entendement moins distinct. » Devant les résultats inattendus de cette expérience publique, qui (quoi qu’on en ait dit) trompait en tous points ses prévisions, M. Paul Bert voulut constater sur lui-même les effets « redoutables » qu’avaient éprouvés Crocé-Spinelli et Sivel. Dans ce but, il se livra, le 20 mars 1874, à 2 heures 37 minutes, à une autre expérience qui ne fit que confirmer les effets de la première. Il dut bien alors sortir de son erreur (erreur peu compréhensible de la part d’un homme d'une telle valeur) et s'exprimer ainsi dans une Note présentée à l’Académie des sciences : « Chaque inspiration d'oxygène était accompagnée d’un éblouissement fort (1) Aéronaute d'avril 1874, p. 195, et de juin 1874, p. 195. (2) Aéronaute de juin 1874, p. 196 et 197. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 525 désagréable; ayant fait une fois trois inspirations de suite, je faillis tomber de ma chaise, pris de vertige; mais cet effet ne durait pas, et 1l était suivi d’une courte période, pendant laquelle le mal des montagnes disparaissait (?), en même temps que le pouls remontait. La sensation violente qui suivait V'inspi- ration d'oxygène s'explique aisément : en effet, mon oxygène, sous la pression de 43 centimètres, avait une tension qui correspond à celle de l’oxygène con- tenu dans l'air comprimé de 2.5 atmosphères. Je passais donc brusquement, quant à la tension chimique, de près de 0.5 atmosphère à 2.5 atmosphères ; un pareil choc devait nécessairement entrainer quelques effets fächeux; mais il n’en reste pas moins établi que le mal des montagnes disparaissait (?), que la respiration revenait à un rythme normal sous l'influence d’une seule inspiration d'oxygène (?). « MM. Crocé-Spinelli et Sivel, qui ont voulu se préparer dans mon appareil à leur belle ascension du 22 mars, ont éprouvé des effets analogues. Je les ai amenés jusqu'à la pression de 30 centimètres. M. Sivel, homme très robuste, ne fut affecté qu’au-dessous de 40 centimètres, et n’éprouva pas de troubles sé- rieux. M. Crocé, plus faible, fut malade de très bonne heure ; à 30 centimètres, il avait les lèvres bleues et l'oreille presque noire : il asphyxiait. Or, une seule inspiration d'oxygène faisait disparaître momentanément (!) tous ces symptômes redoutables ; le pouls tombait, la respiration devenait libre ; à un moment où M. Crocé était devenu aveugle, l'oxygène lui rendit soudain la vue (?). « Mais ils avaient éprouvé, comme moi {avoue enfin M. Paul Bert), l’impos- sibilité de respirer régulièrement l'oxygène pur (1).» Dans cette Note académique, M. Paul Bert passe sous silence, et pour cause, de notables déclarations qu'il avait faites à la Société française de navigation aérienne; et, démentant implicitement les assertions de Crocé-Spinelli, qui, cependant, savait mieux que lui ce qu’il avait souffert, il affirme, comme on l’a vu, que l’absorption de l'oxygène pur ait disparaître le mal des montagnes. Il oubliait, par exemple, qu'il avait reconnu ceci, à ladite Société, dans la séance du 18 mars 1874, présidée par M. Janssen : « En passant, dit-il, de l'air raréfié à l'oxygène pur, on passe d’un gaz à un autre gaz d’une activité quatre fois aussi grande ; c’est comme si l’on passait brusquement d’une pres- sion de 20 centimètres à une pression de plus de 76 centimètres. M. Sivel, en respirant de l'oxygène pur, a ressenti un sentiment analoque à l'ébriété (2). » Sans se laisser influencer par ces déclarations contradictoires, Grocé-Spi- nelli, huit mois plus tard, le 27 novembre 1874, réitéra publiquement ses pre- mières assertions, dans la « séance générale solennelle » de la Société fran- çaise de navigation aérienne, présidée par M. Hervé-Mangon, à laquelle assistaient plusieurs de ses collègues de l’Académie des sciences. Voici les pa- roles de Crocé : « À 46 centimètres, j’éprouvais quelque malaise ; M. Sivel, plus vigoureux, (1) Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, 1874, t. LXX VIIT, séance du 30 mars, p. 913 ; Aéronaute de juin 1874, p. 177 et 178. (2) 4éronaute de juillet 1874, p. 215. 526 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, ne ressentit que vers 4{ centimètres les mêmes impressions. Le malaise ne fit qu'augmenter avec la raréfaction, mais 1l était combattu par l'oxygène pur que nous absorbions de temps en temps. Après avoir respiré ce gaz, nous nous sentions plus vigoureux, les douleurs de tête disparaissaient en grande partie, l'esprit était plus net, maïs nous avions comme une atteinte de mal de mer. La cloche semblait d'abord osciller, puis, cinq ou six secondes après, la sensation de force restait, et le malaife se dissipait un peu. La vue obscurcie avant l’in- spiration s'éclaircissait ensuite, mais elle restait pour ainst dire scintillante. « En une demi-heure, nous arrivämes à 30 centimètres et demi, corres- pondant à 7 200 mètres d'altitude. L'esprit était alors très vacillant et la face devenait violette. L'oxygène manquant, nous arrêtàmes alors la dépression et nous revinmes en vingt-cinq minutes à la pression ambiante. « L'expérience avait prouvé que nous ne devions pas emporter d'oxygène pur, dont l'effet était trop énergique (À). » Cette expérience vint donc combattre à propos le conseil que M. Paul Bert donnait aux aéronautes d’emporter de l'oxygène pur dans l'ascension qu'ils allaient faire. Si M. l'ingénieur Motard n'avait pas eu l’heureuse idée de sug- gérer cette expérience préparatoire ; si Crocé-Spinelli et Sivel avaient écouté M. Paul Bert, qui sait ce qui leur serait arrivé dans l’ascension qu'ils firent, le 22 mars 1874, à 7300 mètres de hauteur ? Sous l'influence de l'ivresse à laquelle ils eussent été en proie, qu'eussent-ils fait en l’air ? Eussent-ils eu conscience de leurs actes ? Sur quoi, en somme, s’appuyait M. Paul Bert pour recommander si hau- tement l’emploi de l’oxygène pur dans les ascensions à travers l’air raréfié ? — Sur des expériences faites, en général, sur des moineaux (2) ! — C'eût été à demi mal si les moineaux avaient prouvé qu'ils se fussent trouvés réellement bien des inspirations d'oxygène, et que les souffrances que leur occasionnait la dépression eussent alors entièrement disparu. Quoiqu'ils ne pouvaient parler, — les innocentes victimes! — il y avait un moyen bien simple de se rendre compte de ce fait : c'était de les mettre plus ou moins à jeun et de leur pré- senter, par un artifice quelconque, de la nourriture en temps opportun. S'ils avaient mangé, et mangé de bon appétit, on aurait pu logiquement supposer qu'ils ne souffraient point. S'ils n'avaient point mangé, on aurait pu, au contraire, logiquement supposer qu'ils souffraient. Qui le croirait? cette idée, si simple qu’elle soit, n’est point venue à l'esprit d’un grand savant comme M. Paul Bert, quoiqu’elle fût venue à l'esprit de ses devanciers ! Voyant, à la suite d’une forte dépression, ses moineaux se ranimer un peu sous l’action de l'oxygène pur, il en conclut, purement et simplement, qu'ils ne souffrent plus du tout ! Frappé, outre mesure, de ce fait, 1l vient à penser que les aéronautes ne ressentiraient pas plus le mal des montagnes que (1) Aéronaute de février 1875, p. 43 et 44. (2) « Les animaux sur lesquels j'ai fait le plus grand nombre d'expériences sont Îles moineaux. » (Paul Berr, Recherches expérimentales sur l'influence que les modifications dans la pression atmosphérique exercent sur les phénomènes de la vie, chap. 1, $ 1, p. 20.) REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES, 527 ses moineaux si, comme eux, ils respiraient de l’oxygène pur ! Obsédé par cette pensée singulière, 1l envoie des Notes successives à l’Académie des sciences, dans lesquelles il parle en ce sens ; et, finalement, il est à la veille de faire partir Crocé-Spinelli et Sivel dans les airs en leur donnant à respirer de l'oxygène pur, comme à ses moineaux ! VII Forcé, malgré lui, comme on l’a vu, de renoncer à l'emploi de loxygène pur, M. Paul Bert, qui fait fi de l'air que nous respirons tous à la surface du globe, ne se tient pas pour battu. Ne pouvant plus vanter l'efficacité de l'oxy- gène pur, il vante celle de l’oxygène azoté, ou, autrement dit, de l'air suroxy- géné! — Cependant, soyons juste : l’idée est meilleure que la première ; mais elle n’est pas encore parfaite, comme le prouve d’ailleurs lexpérience. Ce n’est point là, il est vrai, l'opinion de M. Paul Bert, qui — aujourd'hui encore — n'hésite pas à faire des affirmations du genre de celle-ci : «Grâce à la respiration de l'air suroxygéné, et à elle seule (?), tous les dangers de la dé- compression peuvent être impunément bravés, Je l'ai, ainsi qu’on l’a vu, expé- rimentalement vérifié sur moi-même (1). » Il est à remarquer, en effet, que M. Paul Bert a le rare bonheur d’avoir des poumons mieux organisés que ne l’étaient ceux de Crocé-Snnelli et Sivel, quoique ce dernier fût cependant, à son avis, un « homme très robuste ». Si l'on veut avoir une preuve de cette imfériorité, on la trouvera dans ce fait : S'étant laissé persuader par M. Paul Bert, Crocé-Spinelh et Sivel firent usage de l'air suroxygéné dans leur ascension du 22 mars 1874, en place de l'oxygène pur, qu'il leur avait si imprudemment recommandé, et voici ce qu'ils ressentirent : « Nous n’eûmes mi l’un ni l'autre ces saignements de nez, des lèvres et des oreilles dont s'était plaint Gay-Lussac, bien que la face fût devenue très rouge et les muqueuses presque noires. Nous ressentimes, par moments — comme dans la cloche — de la chaleur à la face et des picotements dans la tête. Le front, par instants, semblait serré comme dans un élau, et l’on avait la sensa- tion d'une barre dure, de faible diamètre, que l'on appuierait très fortement au-dessus des sourcils. Une inspiration d'oxygène faisait disparaître en grande partre(\) les sensations douloureuses (1) (2). » De son côté, voici ce que M. Gaston Tissandier écrivit, à 7000 mètres, sur son carnet, dans l'ascension du 45 avril 1875, qui coûta la vie à ses deux amis — malgré l'absorption de l'air suroxygéné -— et qui manqua de lui coûter la sienne : « Brume à l'horizon avec petits cirrus arrondis. Nous montons. Crocé (1) Aéronaute de janvier 1878, p. 18; LA PRESSION BAROMÉTRIQUE, Recherches de physio- logie expérimentale, par Paul Bert, Paris, 1878, édition G. Masson. (2) Aéronaute de mai 1874, p. 148. 528 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. souffle. Nous respirons oxygène. Sivel ferme les yeux (!), Crocé aussi ferme les yeux (//) (4). » Comment se fait-il que Sivel et Grocé-Spinelli fermatent tous deux les yeux après avoir respiré de l'air suroxæygéné, dont les eflets, à entendre M. Paul Bert, sont si réconfortants au sein de l’air raréfié ? Devant la mort de Crocé-Spinelli et Sivel, si inattendue pour lui, M. Paul Bert, notons-le, commença à douter, non point précisément de l’efficacité de l'air suroxygéné, mais plutôt du mode d'emploi qu’il avait préconisé. Sous l’in- fluence de ce doute, il fit cette déclaration — un peu tardive — à la Société française de navigation aérienne, dans la « séance générale solennelle » du 3 décembre 4875, qu'il présidait, et à laquelle assistaient des membres de l’Académie des sciences : ... CQui pourrait nier, sachant ces choses, l'importance capitale des ex- plorations dans les régions élevées? Mais qui, aujourd’hui surtout (!), pourrait en méconnaitre les dangers ? « Il faut donc préparer, par une étude préalable approfondie, les conditions d'exécution de ces voyages périlleux. Il faut, avant tout, imaginer un appareil qui rende, à partir d’une certaine hauteur, absolument indépendante de la vo- lonté la respiration d’un air de plus en plus riche en oxygène; etc., etc. « Ce sont là des questions avant la solution, au moins approchée, desquelles il serait emprudent et inutile (!) de partir de nouveau. J’espère que leur impor- tance fixera l’attention de tous ceux qui se consacrent à cet ordre d’études ; Je demande à la Société de me permettre de les y encourager, en mettant à sa disposition, et pour être décernée par elle, une médaille de 500 francs destinée à récompenser l’auteur du meilleur mémoire présenté sur ce sujet (2). » Chose singulière, le concours projeté n’eut point lieu et la médaille ne fut Ja- mais décernée! Peut-être bien que M. Paul Bert se croyait être le seul à la mé- riter ! Ce qui confirmerait un peu cette supposition, c’est que M. Paul Bert a inventé un appareil réalisant les conditions de son programme. Est-ce à cause de cela qu’il conseille de plus belle aux aéronautes de faire usage de l’air suroxygéné, comme Crocé-Spinelli et Sivel, qui sont morts en l’'employant? M. Paul Bert, il est vrai, est fort des nombreuses expériences aux- quelles il s’est soumis, et qui — entre ses mains seules — ont eu un plein suc- cès, grâce à l’organisation toute spéciale, paraît-il, de ses poumons, et à la sage lenteur, à la prudente progression avec laquelle il règle ses dépressions, — pré- cautions qui, malheureusement, ne sont point du ressort de la pratique en bal- lon, où les conditions de température, d’hygrométrie, etc., ne sont point les mêmes que sous la cloche pneumatique. VIII Quel que soit, au reste, le mérite de ces expériences, qui ont fait avoir à leur auteur le prix biennal de 20000 francs, mais dont Crocé-Spinelli et Sivel se (1) Aéronaute de juin 1875, p. 478. (2) Aéronaute de janvier 1876, p. 12 et 13; voir aussi l’Aéronaute d'avril 4876, p. 116. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 529 sont assez mal trouvés, —let qui ne les a point empêchés de mourir, — nous pensons (contrairement à l'opinion de M. Bert) que l'idéal à attendre est, sans contredit, dans l'absorption d’un air absolument semblable à celui que nous respirons, dont la pression et la composition chimique ne varient pas, et qui se prête aux mille fluctuations de la respiration, sans que l’expérimentateur s’en occupe le moins du monde. La difficulté est de trouver un agencement mécanique qui permette de réa- liser ce desideratum. Get agencement, nous l'avons dit, a été trouvé par M. Louis Tridon, qui, autant que M. Paul Bert, s'appuie sur des expériences ; non sur les siennes, mais, humblement, sur celles d'autrui. Il s'appuie sur les expériences de deux savants français, MM. Victor Re- gnault et Jules Reiset, faites en 1848, et sur celles de deux savants bavarois, MM. Pettenkoffer et Voigt, faites à partir de 1860, à Munich (1) : les premières, exécutées sur des animaux en vase clos, vingt-trois ans avant M. Paul Bert ; les secondes, exécutées (ce qui vaut mieux) sur des hommes en vase clos, onze ans avant lui (double fait qu'il passe sous silence dans ses nombreux ouvrages, même lorsqu'il fait l'historique, très étendu et très varié, des expériences sur la respiration). Autrement concluantes que les siennes, — quoiqu’elles ne soient pas sans défaut, — les expériences de MM. Victor Regnault et Jules Reiset ont permis de faire vivre des animaux (tels que chiens, poules, canards, lapins, etc.) en vase clos pendant frois et quatre jours, et, ce qui plus est, de les faire manger comme à leur habitude. Pour arriver à ce résultat, les expérimentateurs resti- tuaient à l’air respiré son oxygène à fur et à mesure qu'il était dépensé, fai- saient resservir l'oxygène, la vapeur d’eau et l’azote expirés, et faisaient ab- sorber chimiquement l'acide carbonique exhalé, — La description des appareils employés nous entrainerait trop loin. Nous renvoyons les lecteurs désireux de les connaître au Trarté de physiologie humaine du docteur J. Béclard, à la figure 64, et aux pages 369 et 373 de la sixième et dernière édition, parue en 1870 (2). Sans se servir des mêmes appareils, M. Louis Tridon arrive aux mêmes ré- sultats que MM. Victor Regnault et Jules Reiset, et, de plus (point essentiel), 1 profite des critiques qui leur ont été faites. Son principe, peu différent de celu de ces deux savants, mais plus juste, se réduit à ceci : Resptrer de l'air ordi- naire en vase clos ; restituer chimiquement l'oxygène et la vapeur d’eau de cet air au fur et à mesure qu'ils sont inspirés; faire absorber chimiquement l'acide carbonique, la vapeur d'eau putride et les matières organiques exhalés ; em- (1) « L'appareil employé par M. Pettenkoffer est le plus parfait dont on se soit encore servi dans les recherches sur la respiration de l’homme. » (J. BécLarp, loc. cit., 1870, p. 369.) (2) Voir aussi Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, 1848, t. XXVI, p. 49 et suiv.; Annales de chimie et de physique, 3° série, t. XXVI, 1848; Recherches chi- miques sur la respiration des animaux des diverses classes, Paris, 1849, édition Bachelier, (1 vol. de 223 pages, accompagné de deux planches); Annales de chimie et de physique, 1863. T, II, — N° 6, 1879. ï 34 530 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. ployer l'azote et l'oxygène expirés, — et faire tout cela de façon automatique et instantanée, en échappant au froid et à la congélation, et en obéissant aux malle fluctuations de la respiration. IX L'espace, malheureusement, nous manque pour entrer dans la description détaillée des scaphandres et des cloches à plongeurs aéronautiques de M. Louis Tridon. Nous en ferons, s'il y a lieu, l’objet d’un prochain article. Bornons- nous, aujourd'hui, à en dire deux mots : Chaque observateur respire sous le scaphandre aéronautique à l’aide d’un tube de caoutchouc (à soupape Denayrouze), qui aboutit, d'une part, à la bou- che, et de l’autre, à un ballonnet central métallique contenant de l'air à la pression ordinaire et puisé à la surface du sol, Au fur et à mesure que l’obser- vateur inspire — non seulement l'oxygène, mais l'azote de l’air, diminue de vo- lume; pour neutraliser cette diminution, l'oxygène dépensé est (au moyen d’un mécanisme) remplacé instantanément et automatiquement par de l’oxygène comprimé, emprisonné dans une série de ballonnets métalliques qui communi- quent avec le ballonnet central, En pénétrant dans ce ballonnet, l’oxygène comprimé s’y décomprime, y prend la pression de l'air intérieur, et, par le fait : de sa décompression, le refroidit. Mais cet air se réchauffe en passant dans un récipient spécial de chaux vive, qui absorbe la vapeur d’eau qu'il possède et le dessèche. Pour recouvrer son humidité première, il vient barboter à Tinté- rieur d'un cylindre rempli d’eau aux trois quarts; après quoi, 1l est respiré tel quel. L'air expiré sort par un tube de caoutchouc (à soupape Denayrouze) qui est adapté au nez et qui aboutit à des tubes en U renfermant des parcelles de chaux vive en excès. En circulant dans ces tubes en U, l'air expiré abandonne sa vapeur d'eau putride, son acide carbonique et ses matières organiques à la chaux vive, qui s'en empare avec avidité. L'azote et l’oxygène sont alors isolés et restent hibres. Bons à utiliser, ces gaz retournent seuls dans le ballonnet cen- tral, où leur densité et la chaleur qu'ils ont acquise les y font monter naturel- lement. Pour activer la marche de l'air expiré à travers les tubes en U, où elle ren- contre une foule d'obstacles, il est fait usage d’une petite pompe automatique qui produit une force d'aspiration suffisante (par l'intermédiaire d’un contre- poids faisant tourner un treuil et un engrenage, lesquels actionnent une mani- velle et une bielle fixée à la tige du piston). Mais comme les parcelles de chaux vive pourraient être entrainées avec l'air aspiré, il y est fait empêchement au moyen de dés percés de petits trous, qui sont enfoncés dans la partie supérieure des embranchements des tubes en U. Ainsi aspirés, l'azote et l'oxygène sont refoulés dans un tuyau de caoutchouc qui les ramène dans le ballonnet d'air central, où ils resservent indéfiniment à la respiration (dont la durée, on le comprend, dépend de la quantité d'oxygène comprimé emportée). Voilà pour les moyens d'assurer normalement la respiration pulmo- REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 531 paire; voici maintenant pour les moyens d'assurer la respiration cutanée: Ici, l'inspiration — qui est excessivement faible — s’alimente à la mince couche d'air qui est en contact direct avec la peau. Quant à l'expiration et à l'absorption de ces gaz, elles s’effectuent avec non moins de facilité. Ainsi, la vapeur d’eau exhalée et la sueur — qui est très sensible — sont ab- sorbées et par un vêtement complet de dessous en flanelle (doublé de parties d’éponges), et par un habillement de dessus en gutta-percha, dont la doublure, de même nature, renferme de menus fragments de chlorure de calcium. A ces fragments sont joints des petits morceaux de pierre ponce, imbibés d’une dis- solution saturée de potasse caustique, lesquels ont pour but d'absorber l’acide carbonique expiré. Ge que nous venons de dire pour le rôle de la respiration pulmonaire et cu- tanée sous le scaphandre aéronautique s’applique également à la cloche à plongeur, à part que le ballonnet central à air est remplacé par l'intérieur mème de la cloche. Celle-ci (faite de parois de tôle interposées entre des épaisseurs de liège, recouvertes extérieurement de toile imperméable mé- tallisée) est munie de hublots, d’un sablier délesteur automatique à gradua- tion (1), d'organes spéciaux qui passent daus ses parois et qui sont destinés à la manœuvre de l’aérostat, etc., etc. Munis d'un de ces appareils, les aéronautes éviteront désormais le retour des catastrophes semblables à celles du Zénith (arrivée un peu par la faute de M. Paul Bert); car les appareils présentent toute la sécurité désirable et, au besoin, ils peuvent être préalablement essayés à terre au sein d’un air artifi- ciellement raréfié. En attendant ce jour, probablement loin de nous, hélas! il faut continuer à faire des ascensions scientifiques avec les moyens imparfaits que nous avons ; et, s’il le faut, nous sacrifier à la science comme Sivel et Crocé- Spinell ! Comprenant bien cela, M. Louis Tridon, sous les auspices de l’Académie d’aérostation météorologique (2), poursuivra, au printemps prochain (3), dans (1) Déjà indiqué dans l'Aéronaute de septembre 1871, p. 134, cet organe a été depuis perfectionné par M. Tridon, à qui revient la priorité de l'invention. (2) Voici la composition des divers services de cette Académie, extraite du procès - verbal de la séance de l’assemblée générale du 13 décembre 1878 : Membres de la commission d'initiative : MM. Gabriel Yon, L. Perron, Louis Tridon, L. Triboulet, etc. Membres du bureau : MM. L. Perron, président; Wilfrid de Fonvielle et Joseph Pline, vice-pr'sidents; Louis Tridon, secrétaire général; Odin et Paul Deny, secrétaires rédacteurs, etc. Service aéronautique et météorologique des ascensions : MM. Gabriel Yon, ingénieur - aéronaute, et Louis Tridon, météorologiste. Service de l’observatoire : M. Louis Tridon, météorologiste. Présidents des sections : M. Gabriel Yon, président de la section du matériel; M. Wil- frid de Fonvielle, président de la section des bolides et de l'électricité atmosphérique ; M. Louis Tridon, président de la section de météorologie ; M. le docteur Benoit du Mar- touret, président de la section de physiologie appliquée à l’atrostation, etc. (3) Ces lignes étaient écrites au mois de février passé. 532 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. diverses ascensions, la série des observations scientifiques ‘qu’il a commencées le 31 octobre 1878, et qui, déjà, ont donné de si heureux résultats (1). Louis TRIDON. Les Diatomacées de l'embouchure de la Seine, Par M. Manoury. La courte notice que je publie aujourd’hui sur les Diatomacées de l’embou- chure de la Seine ne doit pas m'être toute attribuée ; elle a été commencée en 1868, en collaboration avec mon regretté ami et maitre de Brébisson. Depuis la mort de ce savant botaniste, j'ai récolté souvent sur les plages de l’embou- chure de la Seine, dans les fossés d'eaux saumâtres qui bornent ses rivages, entre Honfleur et Trouville, et surtout dans les marais de Pennedepie et de Cricquebœuf. En sorte que cette liste renferme de nombreuses espèces pro- pres aux eaux douces, saumâtres et purement salines. On peut voir la prépa- ration d’un grand nombre dans la collection de Brébisson, acquise par le Mu- séum, après la mort de l’auteur; celles que j'ai recueillies depuis sont nouvelles pour la localité, et si elles se trouvent dans la riche collection dont je viens de parler, elles sont d’une autre région, et n’ont pas été fournies par moi. Je ne veux ni ne puis donner aujourd'hui sur la préparation des Diatoma- cées tous les détails que comporte cette opération, dans la crainte d’abuser de l'hospitalité si bienveillante qui m'a été offerte ; toutefois, vu l'intérêt que l’on porte de plus en plus à ces corpuscules microscopiques, qu'il me soit permis de communiquer aux botanistes désireux de se livrer à cette étude quelques faits importants, fruits d’une longue expérience dansla préparation des frustules diatomiques. On sait qu'après les avoir recueillies engagées, tantôt dans le sable, tantôt dans l'argile, tantôt mélangées avec des débris végétaux, ces Algues doivent être placées dans un vase à large fond, et exposées à la lumière solaire. Après quel- ques heures, elles laissent au fond du vase les détritus et les corps étrangers auxquels elles sont mélangées, se montrent à la surface à l’état plus où moins grand de pureté, et l'on peut les recueillir avec les barbes d’une plume. Ainsi isolées, on les met dans une petite capsule et on les fait bouillir, une minute environ, dans un liquide composé d’une partie d’acide azotique et de quatre parties d’eau. Après cette opération, la substance endochromique a disparu, et il ne reste que la carapace siliceuse; mais il est très rare que la préparation soit ainsi terminée. Quelque précaution que l’on ait prise, on n’a pas été sans enlever avec la plume quelques-unes des substances minérales ordinairement mélangées aux Diatomacées, telles que silice, chaux ou alumine; (1) Cet article, on l’a compris, était fait pour n'être point signé; mais M. le directeur de la Revue en a décidé autrement, REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES, 533 avant de les séparer de ces substances étrangères, on fait un premier décan- tage, on verse le résidu dans une éprouvette, et, par des lavages successifs dans l’eau douce, on fait disparaitre toute trace d’acide. C’est un travail de patience, on le voit, et cependant l'opération n’est pas encore terminée. Pour attaquer les grains de sable qui empêchent toujours d'obtenir des préparations pures, on emploie la potasse ou la soude, mais il faut user de précaution dans l'emploi de ces substances, car on pourrait en même temps attaquer la carapace sili- ceuse des Diatomacées. Après l'emploi de la potasse, on fait de nouveaux lava- ges dans une eau abondante, et on ajoute un peu d'acide chlorhydrique pour dissoudre les sels de chaux qui auraient pu se précipiter par suite des premières opérations. Les frustules que l’on obtient alors sont dans un état de pureté à peu près parfait, qui permet une, détermination exacte. On fait sécher le dépôt et on les prépare dans le baume du Canada entre deux lames de mica ou de verre. Les précautions que nous avons recommandées dans l'emploi dela po- tasse ou de la soude doivent, fout spécialement, ètre observées lorsque l’on opère sur les Diatomacées recueillies dans les eaux saumâtres, salines, ou dans celles fréquentées par nos lessiveuses, Les frustules recueillies dans ces milieux ont une carapace généralement peu chargée de silice, et nous n’avons pu que rare- ment les traiter par les acides ou la potasse, sans attaquer leur enveloppe, et sans rendre leur détermination très difficile. C’est même ce qui faisait le déses- poir de M. W. Arnott, le savant diatomiste écossais, qui n'avait pas, comme de Brébisson, une prédilection marquée pour les Diatomacées d'eaux saumâtres ou salines, à cause de la fragilité de la carapace. Les Amphora surtout étaient pour lui, lorsqu'il s'agissait de les déterminer, l’objet de doutes dont nous étions vraiment surpris. Aussi, nous ne devons pas nous étonner si notre amt de Brébisson, au lieu de bouillir dans les acides nos Diatomacées salines ou saumâtres, après les avoir dessalées, se contentait de sécher le dépôt, de les soumettre quelques instants à l’action de la lampe à alcool, et de Îles préparer sans aucune autre opération entre deux lames de mica dans le baume du Ca- nada. C’est un procédé que nous pratiquons nous-mêmes, et dont nous sommes très satisfaits. M. de Lanessan, pensant que la liste des Diatomacées pourrait avoir quelque intérêt, m'a engagé à la donner ici; je présente donc la série des espèces re- cueillies par nous dans les localités ci-dessus désignées, et comme mon hono- rable maitre l’a fait dans les Diatomacées recueillies à Cherbourg, je mar- querai d’un astérisque celles qui me paraissent devoir être l’objet d'observations intéressantes; mais je ne suivrai pas, comme de Brébisson, la classification de Kutzing. Celle de W. Smith est plus connue de nos diatomistes français, et ils pourront suivre avec plus de facilité cette liste, que je trouve, il faut bien l'avouer, un peu abstraite, mais qui ne manque peut-être pas d’un certain intérêt. * Epithemia KüTz, Die Kieselschaligen Bacilarien, 1844, p. 32, Sorez KG., Bacil., V, 12, Zebra KG., Bac., V, 12, 534 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, Epithemia Ventricosa Ka, Bac., XXX, 9. Gibba Ka., Bac., XXX, 9. Turgida W. Sir, Synops., vol. I, p.12 (état sporang., voy. fig. 1.) Amphora Eur., Inf., tab. XIV, fig. 3 (1831). Ovalis Kurz., Bac., X, 95 et 39. Tenera W. SM., Syn., p. 20, Supp., pl. XXX, 952. * Atomus KuTz., Bac., tab. XXX, fig. 70. Cocconneis Eur., Inf., 1838. * Grevillii W. SMiTE, p. 29, pl. IIL, fig. 35. Coscinodiscus Exr., Kreidethierchen, 1838. Minor Exr.,in Kurz., Bac., 1-12; W, Suivre, pl. II, fig. 36. Radiatus Eur., in Kurz., Bac., 1-18; W. Smaire, pl. IL, fig. 37. Excentricus Eur., in Kurz., Bac., 1-9; W. Suiru, pl. IL, fig. 38. Ovalis Bxr., lc, p.173. Centralis Eur., Bericht der Berl Akad., 1844, p. 78. Lineatus Euxr., [. c., 1840, tab. III, fig. 4. Eupodiseus Eur., Monatsberichte, 1844, p. 73. Argus Eur., l. €, p. 81. (Eup. Germanicus de Kurz.). Crassus W. SMitTx, Syn., pl. IV, p. 41. Triceratium Eur., Leb. Kreidethierchen, 1840, fig. 2. * Favus Exr., /. c., p.79, tab. IX, fig. 10. Cyclotella Kurz., Syn. Diat., p.7. Kützingiana Tw., Ann., 2e sér., v. 1, pl. XI. Operculata Kurz., Synops., p. 7, fig. 1. (Rectangula Kurz., Sp. Alq.). Meneghiniana Kurz., Bacil., p. 50, tab. XXX, fig. 68. Campylodiscus Eur., Bericht der Berl. Akad., 184, p. 11. Clypeus Eur. [. c., in Kurz., Bacil., p. 59, tab. II, fig. 5. Costatus W. Sm., pl. XI, fig. 52. Spiralis W. Sm., pl. XII, fig. 54. Surirella Turpin, Mémoires Dry Sciences naturelles, 1827. Biseriata De BREB , Alg. RO 1835, p-53, pl. XI, Striatula TurPin, Mém. Mus. d'hist. natur., XNI. Gemma Enxr., Abhandl. d. Berl. Akad., 1840, p. 76, tab. IX, fig. 5. Fastuosa Exr., Bericht, d. Berl. Akad., 1841, p. 19. Ovalis ve BréB., in Litt.; voir W. Smire, pl, IX, fig. 68. Ovata Kurz., Bacil., XII, 1-2-3. Salina WW. SM., Syn., p. 34, pl. IX, fig. 72. Brightwellii W. Sm., Syn.,p 33, pl. IX, fig. 69. * Craticula Exr., Amer., tab. I, n, 18, IL, v, 5. Tryblionella W. Smirx, Syn., p. 35. Gracilis W. Sm., Syn., p. 35, pl. X, fig. 75. Marginata W. Sm., Syn., pl. X, fig. 76. Punctata W. Sm., Syn., pl. X, fig. 76 ; Supp., pl. XXX, 261. Cymatopleura W. Smrx, Syn., p. 36, pl. X. Solea WW. Sm., Syn., p. 36, pl. X, fig. 78. Elliptica W. Sm., p. 36, pl. X, fig. 80. Elliptica, var. Constricta Grau, I, I, tab. XI, fig. 13. Apiculata WW. Sm., Syn., pl. X, fig. 79. Nitzschia Hass., 1845, Freshw. Alg. Sigmoïidea WW. Sm., Syn., p. 38, pl. XIII, fig. 104. Obtusa W. Sm., Synop.,\p. 39, pl. XIII, fig. 109. Sigma W. SM., L. c., p. 39, pl. XIIT, fig. 108. Plana WW. Sm., Syn., p. 4, pl. XV, fig. 114. Linearis, var. a W. SM., l. c., p. 39, pl. XIIL fig. 109. Dubia NW. Sm., lc, p. #1, pl. XIII, fig. 112. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 535 Nitzschia Bilobata W. Su., !, c., p. 42, pl. XV, fig. 118. Tœnia W. Sm , 4 c.; p.43, pl. XV, fig: 493, Palea W. Sm., !. c., Il, p. 89. Synedra palea Kurz., Bacil., IT, p. 27. Amphiprora Eur., Bericht der Berl. Akad., 1845; Amer., p. 129, tab. II. Alata Kurz., Bacil., III, 63. Kutzingii ne Brée , in Litt.; voir KurTz., Sp. Alg., 93. Paludosa W. Sm., Syn., p. 44, pl. XV, fig. 195. Amphypleura Kurz., Bazill., p.103 (1844). Sigmoïdea W.5x., p. 45, pl. XV, fig. 128 (Amp. rigida KUTz.). Navicula BorY SaiNT- VINCENT (1824), Encycl. méth. Valves lancéolées. Rhomboïdes Enr., in Kurz., Bacil., XX VIII, 38; XXX, 48. Cuspidata Kurz., Bacill., LIT, 24 et 37. Crassinervis DE Brég., in Lift. W. SM., Syn., p. 47,pl. XXX, suppl. Rhynchocephala Kurz.; Bac., XXX, 35 ; Syn., p. 47, pl. XVI, 132. Affinis Euxr., in Kurz., Bac., p. 95, tab. xxvui, fig. 65. Valves elliptiques. Extrémités arrondies. Ovalis W. Sm., Syn., p. 48, pl. XVIL, fig. 153 (Nav. elliptica., Kurz., Bacil., XX p.55) Pigmæa Kurz., Species Alg., p. 71. Smithii De Brés., in Litt. W. Sm., p. 99, t. II. Valves oblongues ou oblongues elliptiques. Extrémités obtuses. Hennedyii W. SM., Syn.. p. 93. Spectabilis GrRev., Diat. of the Clyde, p. 9, tab. I, fig. 10. Valves à bords parallèles ou légèrement comprimées vers le centre. Extrémités tronquées. Humerosa De Brég., in Litt., mai 1854, fig. 5. Valves elliptiques. Extrémités plus ou moins aiguës. * Tumida pe Brée., in Litl.; in Kurz., Sp. Alg., p.77; Scoliopleura GRuxow,1160, et Nav. Jennerii W. Smitx, Syn., p. 49, pl. XVI, 134. Valves enflées. Extrémités arrondies. Obtusa W. Sm., pl. XVI, 141. Gibberula KurTz., Bacil., ITT, 50. Valves avec extrémités prolongées en un productus. Amphisbæna Bory, Encycl. méth., 1824. Tumens W. Su., pl. XVII, p. 151. Cryptocephala Kurz., Bacil., LIT, 20 et 26. Var Veneta KurTz., Il, tab. xxx, fig. 76. Valves comprimées vers le milieu. Didyma Kurz., Bacil., IV,7; XX VIII, 75. Valves linéaires oblongues. Extrémités tronquées, Navicula retusa vx Brée., Diatomacées de Cherbourg. 536 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. * Pinnularia EnRENBERG (1843). Major W. SM., Synops., p. 54, pl. XVIII, 162. Viridis W. SM., d. c., p. 54, pl. XVIII, 163. Peregrina Eur , in Kurz.,, Bacil., XXNIII, 52. Cyprinus Exr., in Kurz., Bacil., XXIX, 35. Stauroneis EHRENBERG (1843), Amer., t. I, 11, 9-13 et seq. Gracilis Euxr., Amer., t. I, 11-14. Salina W. Sm., Syn., p. 60, pl. XIX, 188. Pleurosigma W. SMitx (1853), Syn., p. 61. Stries obliques. Elongatum W.SM., Syn., p. 64, pl. XX, 199. Delicatulum W. Sm., Syn., p. 64, pl. XXI, 2092. Quadratum W. Sum., Syn., p. 65, pl. XX, 204. Angulatum W. SM., Syn., p. 65, pl. XXI, 205. Æstuarii W. SM., Syn., p. 65, pl. XXXI, suopl., fig. 275. Ancien Navicula æstuarii de Brébisson. Obscurum W. Sm., Syn., p. 65 et 66, pl. XX, 206. Stries transverses et longitudinales. Strigilis W. SM., Syn., p.66, pl. XXII, fig. 208. Fasciola W. Sm., Syn., p. 67, pl. XXI, fig. 211 ; ancien Certoneis fasciola de KUDZ BAC ReINERE Balticum, forma minor W.Sm., Ann., 2e sér., vol. IX, p. 8, pl. IL fig. 4, 2, 3. Littorale W. Sm., Ann. 2e sér., vol. IX, p. 10, pl. I, fig. 8. Donkinia Prircu., Inf., 921 (1860). Compacta Prircx., Inf., L. C. Ancien Pleur. compactum GRÉv. Synedra Eur., Inf. Ulna Eur., Inf., tab. XVII, fig. 9. Capitata Eur., Inf., tab. XXI, fig. 29. Affinis Kurz., Bac., tab. XV, fig. 6 et 11. Splendens Kurz., L. c., p. 66, tab. XIV, fig. 16. Cocconema Eur., Inf: (1838). Lanceolatum Exr., Inf., XIX, 6. Cymbiforme Eur., Inf., XIX, 8. Gomphonema AGarDx., Syst. Alg., p. 15. Constrictum Enr., Abhandl. der Berl. Akad., 1830. Acuminatum Exr., KuTz., Bac., p. 86, tab. XIII, fig. 4, 7. Maïinum W. SM., Syn., p. 81, pi. XXIX, fig. 246; ancien Gomphonema curvatum de Kurz., Bac., tab. VIII, fig. 3. Bacillaria Gmez., Syst. Nat. * Paradoxa GmeL., Kurz., Bac., tab. XXI, fig. 18. Fragillaria Lyc. Hydroph. dan.; Kurz, Bac., p. 45. Capucina Desmazières (Ed. 1, no 453). * Virescens RaLrs, in Ann. and. Magaz. Nat. Hist., vol. XII, fig. 6. Minutissima Ka., Bac., p. 75, tab. XIII, fig. 41. Achnanthes Bory (1822). é “Intermedia Kurz., Bac., p.76, tab. XX, fig. 6. Diatoma pe CANDOLLE (1805). Elongatum Ac., Syst., p. 4; voir Syn., p. 40, pl. XL, 311; XLI, 311; XII, 311, var. 6, 7, suppl. pl. LX, fig. 311, var. Grammatophora Enar., 1840, Leb. Kreid. Marina Kurz., Bac., XNII, fig. 24. Serpentina Kurz., Bac., XXIX, fig. 892, REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 5317 Tabellaria Eur. (1839), Inf. Flocculosa Kurz., Bacil., XVII, 21. Biddulphia Gray, Nat. Arr. of Brit., pl. I, p. 294. * Pulchella Gray, Nat. Arr. of Brit. Plate (voy. fig. 7), p. 294. Baylii W. Sm., Syn., p. 50, pl. XLV, 322. Rhombus W.Sm., Syn., p. 49 et 50, pl. XLV, 320; pl. LXI, 320, Podosira Eur., Abhandl. der Berl, Akad., 1840. * Hormoïdes MonrT., Bacil., XXVNIIL fig. 5, et XXIX, 84. Maculata W. Sm., Syn., p. 54, pl. XLIX, fig. 398. Melosira AGarDH, Syst. Alg., p. 14. * Varians AG., Consp., p. 64, ancien Gallionella varians Ex. Subflexilis Kurz., Bacil., IT, fig. 13. * Nummuloïides Kurz., Bacil., TIT, fig. 3. Orthosira Tawaires, Ann., 2 sér., vol. I. Arenaria W. Sm., Syn., p. 59, pl. LII, 334. Marina W. Su., Syn., p. 60, pl. LIIT, 338 ; ancien Mel. sulcata Eur., Bac., II. fig. 7. Mastogloia Tawaires, in Lité., 1848, Smithii Taw., in Litt., oct. 1848; voir Smira, Syn., pl. LIV, 341. * Lanceolata Taw., in Litt., oct. 1848; voir Smrrx, Syn., pl. LIV, 340. Colletonema De BréB., in Litt. Eximium Tu., Ann., 2e sér., vol. I, pl. XII, F. Schizonema AGarDH (1824), Sp., p. 15. Cruciger W. Sm., Syn., p. 74, pl. LVI, fig. 354. Homæocladia AGarDpu (1827), Consp., p. 25. in Regensb. Flora (1827), p. 629. Sigmoïdea W. SM., Syn., p. 81, pl. LV, fig. 349. Actynocyclus \W. Smirx, Syn., p. 86. Duodenarius W. SM., p. 86. Sedenarius RoPer, Mic. Trans , vol. II, pl. VI, fig. 11. Rhaphoneis Eur. (1844), Alb., p. 87 ; Microg., tab. XVIII, fig. 84 et 85. Rhombus Eur., [. c., p. 87. Gemmifera Euxr., in Rorer, Mic. Trans., vol. II. * Epithemia ventricosa Kurz., Bac., XXX,9, et Epithemia gibba KuTz., Bac., V, 12. — Ces deux espèces, admises par Kutzing dans le Bacillarien et par W. Smith dans son Synopsis, ont été considérées par de Brébisson comme une seule et même espèce. D’après cet auteur, l’£pithemia ventricosa n’est qu'un premier état de l’£pithemia gibba (in Litt., 5 sept. 1869). La figure I repré- sente un état sporangifère de l'£pithemia turgida trouvé à Honfleur Île 26 août 1870. * Amphora atomus Kurz., Bac., tab. 'IXXX, fig. 70. — Cette Diatomacée est l’ancien Frustulia pellucida ne Brés. * Cocconers Grevilli, W.Sx.,p.22, pl. HI, fig. 35, Synopsis. — Ce Cocconeis présente deux valves tout à fait dissemblables, qui, lorsqu'on les voit séparé- ment, semblent appartenir à deux espèces différentes. C’est ici le cas de rappeler cette disposition fréquente dans les Diatomacées disciformes, qui peut devenir la cause de nombreuses erreurs (DE BréBisson, Diat. Cherbourg). La multipli- cation de cette Diatomacée est sporangifère ; et nous devons faire observer que le sporange de Cocc. Grevillii ne nous donnera pas un frustule de son espèce, mais un Cocc. placentula Eur. Ge dernier, à son tour, produira un sporange qui 538 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. sera l'origine du Cocc. Grevillii. Nous avons dans cet acte un exemple remar- quable de génération alternante. * Triceratium favus Enr, Leb. Kreid. (840). -— L'une de nos plus belles Dia- tomacées. Nous ne l’avons recueillie que rarement à Cricquebœuf, près d'Hon- fleur. Sous l'objectif du microscope, sa carapace triangulaire semble recouverte de dots ou proéminences, à base hexagonale et d’une régularité parfaite, qui rappellent celles de la cornée transparente de l’œil composé des insectes. C’est l'effet d’une illusion; les dots sont arrondis, disposés en séries linéaires qui forment entre elles un angle de 60 degrés. L'examen de la figure 3 nous expli- quera ce fait : si nous la voyons de près, nous constaterons qu'elle n’est com- posée que de points arrondis ; de loin, nous croirons n’avoir que des hexagones réguliers. Cyclotella Meneghiniana Kurz., Bac., p.50, t. XXX, f. 68.— Nous avons pu recueillir en un état de grande pureté, c’est-à-dire non mélangée à d’autres, cette belle Diatomacée avec sa variété forma major. Elle n'a point été décrite dans le Synopsis de W. Smith; nous ne pouvons nous en plaindre, car les autres espèces de ce genre son très mal traitées par cet auteur; les planches et les textes sont même en complet désaccord. Le Cycl. Meneghiniana et le Cycl. Kutzingiana Tuw. figurent comme des plus chargés de silice parmi les Diatomacées marines ou saumâtres. On ne les trouve que rarement en série de trois où quatre sujets, mais pour les isoler il faut les bouillir assez longtemps dans les acides. * Surtrella craticula Bur., Am., t. 1, n, 48, 414, v, 5. — Cette Diatomacée, considérée par Ehrenberg et par W. Smith comme un Surirella, n’est qu’un état sporangifère du Navicula cuspidata Kurz. * Nützschia obtusa W. Sm., Syn., p.39, pl. XIE, f. 109. — Cette Diatomacée doit être considérée, dit de Brébisson (in Litt., 1% sept. 1869), comme un Col- letonema obtusa. 11 m'a été envoyé en tubes qui se soudent en membranes. M. W. Arnott, à qui j'avais communiqué trop tôt ma pensée, luttait contre ma découverte. Enfin il s’est rendu à l'évidence que m'a fournie une seconde récolte. * Navicula tumida be Brés.— Cette espèce ne doit pas être confondue avec celle que W. Smith a nommée à tort 7umida et qui est une espèce d’eau douce. Vu la description tronquée que Kutzing, dans son Species, a donnée du A. tu- mida ve Brés., W. Smith ne pouvait y rapporter son N. Jennerti, qui n'est pourtant que la même espèce. Pinnularia Eur.— Cette division, créée par Ehremberg, n’a point été admise par la plupart des diatomistes. Et ceux dont l'opinion fait loi ne l'ont point adoptée. Il nous semble impossible en effet de faire reposer une classification sur des caractères variables avec le grossissement d’une lentille ou un éclai- rage oblique. * Navicula retusa ve Brég., miss. — Cette espèce, dont le frustule est com- primé et les bords assez largement striés, rappelle la forme de certains Himan- tidium, Je l’ai trouvée à Cherbourg et dans les sables marins de Pembouchure de la Dives. De Brébisson l'avait trouvée avant moi dans cette dernière station REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 539 avec d’autres espèces qui s’en rapprochent par leurs frustules comprimés à bords striés. Cet auteur pensait que ces espèces devaient former, sinon un genre nouveau, au moins une section bien tranchée dans les Navicula. Nous nous rangeons complètement à l'opinion de cet auteur. * Bacillaria paradoxa GueL.— Les diatomistes ont été longtemps embarrassés pour donner aux frustules qui nous occupent le rang qui leur convient dans le règne végétal. [ls se sont heurtés contre le mouvement dont jouissent la plu- part de ces végétaux et surtout contre celui du Bacrllaria paradoxa. W ne nous est pas possible en ce moment d'expliquer ce que ce mouvement à de remar- quable, ce sera l'objet d’un travail spécial que nous offrirons plus tard aux lec- teurs dela Revue. Fragillaria virescens RALrs. — Nous avons trouvé en 1868 cette Diatomacée à l’état sporangifère. Nous avons figuré dans un travail spécial les différentes formes prises par ce frustule. * Achnanthes intermeda Kurz. — D'après W. Smith, cette espèce ainsi que l’'Achnantes Sulina de Kutz. (Bacillarien) sont avec l'Achnantes brevipes Ac. une seule et même espèce. * Biddulphia pulchella Gray, ancien Dratoma Biddulphianum AG. — De Brébisson pensait, et nous le croyons avec lui, que l’on doit réunir ici les diffé- rentes formes aux états de cette espèce décrits dans Kutzing sous le nom de Bidd. septemlocularis, Bidd. quinquelocularis, Bidd. trilocularis. * Podosira hormoïdes Mont. — M. Thuret a remarqué que le test de ectte es- pèce, vu au microscope avec l'éclairage oblique, présente une série des plus élégantes de stries excentriques très fines (Diatomacées de Cherbourg). * Melosira varians AG. — Pour reconnaitre cette Diatomacée, il n’est pas be- soin de microscope; elle ne peut être confondue avec les autres espèces du genre, à cause d’une odeur caractéristique qu'elle répand lorsqu'on presse entre les doigts ses frustules qui forment généralement de longs filaments. Cette odeur rappelle celle de huile de foie de morue. Et nous devons ajouter que nous avons obtenu par la distillation de cette plante une huile essentielle, dont nous pourrons plus tard, nous l’espérons, donner la composition. * Melosira nummuloides Kurz. — C’est une de ces Diatomacées que l’on rencontre le plus souvent à l’état de frucüfication. Mastagloia lanceolata Taw. — Nous avons plusieurs fois recueilli cette es- pèce; mais c’est surtout avec l’Oscillaria margaritifera de Kutzing qu’elle était mélangée. C’est un exemple de ces productions naturelles dont, presque toujours, nous ne saurions expliquer la cause. Cu. Manoury. 540 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Des nerîs sécréteurs et trophiques des glandes, Par R. HEIDENHAIN (1). (Analyse par Dr Anna Danms.) «Pendant l'année 1851, Ludwig(2) faisait connaître ce fait fondamental : que la salive sécrétée par la glande sous-maxillaire du Chien sous l'influence de l'excitation de la corde du tympan change de composition avec la durée de la sécrétion : la quantité des matières fixes décroit, et cette décroissance porte beaucoup plus sur les matières organiques que sur les matières inorganiques du liquide. « L'auteur lui-même (3) constatait, dix années plus tard, cet autre fait : que la quantité pour 100 des matières fixes change avec le degré de l’excitation ner- veuse, c’est-à-dire qu'elle s’accrroit sous l'influence d’une forte excitation. Comme la rapidité de la sécrétion salivaire augmente en même temps, il en résulte que l'augmentation de l'excitation nerveuse augmente la sécrétion des matières fixes d’une manière plus forte que celle de l’eau. Quelques dosages de la quantité des matières organiques et inorganiques semblaient démontrer que, quoique toutes les deux fussent associées à l'augmentation de la concentration, les matières organiques, par exemple la mucine, l’étaient à un degré plus élevé que les sels. « Ces dernières observations me conduisirent à des notions nouvelles sur le procédé de sécrétion. Quant à celui-ci, on avait accepté cette explication, qu'à la suite des modifications produites par l'excitation nerveuse, l’eau des cavités lympathiques entourant les vésicules glandulaires, est conduite dans l’intérieur des acini pour y dissoudre les substances solubles (contenues dans ces acimi), et pour les emporter. Mais si le procédé de la sécrétion se faisait vraiment d’une manière si simple, le degré de concentration de la salive devrait être d'autant plus élevé que le courant du liquide sécrété serait plus lent; car plus l'eau resterait en contact avec la substance à dissoudre et plus elle devrait se saturer de cette substance. « Pour accepter cette manière de voir, il restait la possibilité que le liquide sécrété par les parois des acini et leur épithélium — liquide qui ne pourrait pas être de l’eau pure, mais qui devrait représenter du moins lune solution de sel — était plus apte à dissoudre les substances organiques, sous l’influence d'une excitation forte que sous celle d’une excitation faible. Comme il ne s’agit, en fait de substances organiques, que de la mucine, on devrait penser (4) In Pfiüger Archiv Physiol., 1878, XVII, n° 1 et 2. (2) Mittheilung eines Gesetzes, welches d. chem. Zusammensetzems des Unterkieper- speichels beim Hunde beherrscht (Henle und Pfeuffer's Zeitschr. f. rationelle Medicin, Neue Folge, Bd I, 278). (3) Studien d. physiol. Instit. in Breslau, Heft IV, p. 34 (1868). REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 541 qu'une forte excitation aurait pour conséquence une augmentation de l’alca- lescence. Mais plusieurs essais, par diverses méthodes, ne nous faisaient voir aucune différence visible dans le degré d’alealinité. « Dans ces circonstances, j'arrivais à la conclusion : que la sécrétion des matières organiques est placée sous l'influence directe du système nerveux. En faveur de cette hypothèse parlaient une série de faits que j'avais réunis à la fin de mon travail de l’année 1868, et qui me conduisaient à accepter l'hypothèse de deux espèces de « filets séparateurs » (Absonderungsfasern), lun pour la sépara- tion de l’eau, l’autre pour la séparation des matières organiques de la sécré- tion. La corde du tympan contient surtout des filets de la première sorte et une quantité moindre de filets de la dernière espèce. Le sympathique se trouve dans une relation inverse. De là vient la différence connue qui existe entre la sécrétion de la corde du tympan et de celle du sympathique; différence qui n’était pas spécifique, mais seulement graduelle, comme je l'avais démontré. « Par une série de nouvelles recherches, je me trouve aujourd'hui à même de soutenir l'hypothèse de ces deux sortes de filets séparateurs. Mes recherches ont rapport en partie à la glande sous-maxillaire du Chien, en partie et surtout à la glande parotidienne de cet animal et du Lapin. » M. Heidenhain donne le nom de filets sécréteurs à ceux qui séparent l’eau, et celui de filets trophiques à ceux qui gouvernent l’échange des matières orga- niques dans les cellules glandulaires. L'exposition des expériences que l’auteur fait suivre est si vaste et si diffuse, que nous devons renvoyer le lecteur à la communication originale. Les faits essentiels que l’auteur a déduits de ses re- cherches sur la glande sous-maxillaire et qui furent confirmés entièrement par celles qu'il fit sur la glande parotidienne sont contenus dans les axiomes suivants : « De même que la vitesse de sécrétion de la salive par l'augmentation crois- sante de la force d’excitation du nerf (aussi longtemps que celui-ci n'est pas épuisé) augmente jusqu’à un certain point, de même la quantité pour 100 des sels augmente aussi jusqu’à un certain point, et cela indépendamment de l'état de la glande. «D'un autre côté, la quantité pour 100 des matières organiques dépend aussi de la force de l'excitation nerveuse, mais pas de celle-ci seule; elle est pla- cée sous la condition essentielle de l’état dans lequel la glande a été mise par une activité antérieure, tout aussi bien quant à la durée et que quant à l'intensité de cette activité. « En général, la quantité des matières organiques, mais non des sels — la force d’excitation nerveuse et, par suite, la rapidité de la sécrétion restant les mêmes — est d'autant moindre que la glande reste plus longtemps en activité, parce qu’alors la matière destinée à la sécrétion des substances organiques à été épuisée. « Lorsque, dans deux excitations qui se suivent, la force du courant a été inégale, il faut noter des cas différents : I. Le passage d’une excitation faible à une excitation plus forte fait aug- menter dans une glande fraîche, dont la sécrétion offre une rapidité croissante, 542 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. la quantité de matières organiques à côté des sels. Les matières organiques sont alors en général dans une proportion plus élevée. IT. Dans une glande déjà fatiguée par une activité continue, chaque renfor- cement de l'excitation fait encore croître la rapidité de la sécrétion de l’eau et du sel de la matière sécrétée, mais non plus la quantité des substances orga- niques. Lorsque le renforcement de l'excitation n’est que modéré, la quantité des substances organiques décroit généralement, en dépit de l'augmentation des sels. Pour faire augmenter la proportion des matières organiques, il faut des courants d'autant plus forts que l'épuisement de l'organe est plus grand, jus- qu'à ce qu'enfin les courants extrêmes les plus forts ne puissent plus les forcer à augmenter. IL. Lorsqu'on passe, dans une glande fraîche, d’une excitation faible à une excitation forte de la corde du tympan, et lorsqu'on repasse alors à une excita- tion faible, la quantité pour 400 des sels, comme des matières organiques, baisse avec la rapidité de la sécrétion, mais pas dans le même rapport. La rapidité sécrétoire de l’eau baisse plus vite que celle des matières organiques, et cette différence devient d'autant plus forte que l'excitation forte placée entre les deux excitations faibles a été plus intense. « Donc, une excitation très forte produit dans la glande un retentissement qui fait qu'elle est plus propre à fournir des substances organiques à la sécrétion. » Ces thèses démontrent déjà que les conditions de la sécrétion des matières organiques ne sont pas les mêmes que celles de l’eau et des sels, et ces diffé- rences sont confirmées d’une manière plus positive encore par les expériences faites sur la parotide du Chien et du Lapin. Ces faits nous enseignent que l'excitation du sympathique a toujours pour conséquence un accroissement des principes organiques, tandis que l'excitation des nerfs cérébraux de la parotide produit toujours, dans la limite des lois établies ci-dessus, une sécrétion plus élevée d’une salive riche en sels. « Lorsque la parotide donne lieu, par l’excitation de ses nerfs sécréteurs centraux, à une telle sécrétion qu'elle produit 12-14 centimètres cubes, la glande n'offre sous le champ du microscope aucune configuration autre qu'elle pré- sente pendant le repos. De l’autre côté, lorsqu'elle sécrète, sous l'influence du sympathique, 2-3 centimètres cubes de salive, le caractère de ses cellules à tellement changé, qu’on croit avoir sous les yeux un tout autre organe. » Tous ces faits n’admettent, d’après l’auteur, aucune autre explication que l'existence de deux groupes différents de filets nerveux, les uns sécréteurs, les autres trophiques, lesquels n’ont pas uu trajet séparé dans les nerfs sympa- thiques ou cérébraux, mais y sont distribués d’une manière inégale. En raison de ces faits, M. Heidenhain développe tx extenso une théorie de la sécrétion salivaire. Quant aux filets sécréteurs, dont l'irritation donne lieu à la sécrétion de l’eau et des sels, en vertu de cette loi que, sous l'influence d’ex- citations croissantes, le courant d’eau et de sel croit aussi jusqu’à un certain point maximum, mais le dernier plus vite que le premier, alors que la quan- tité de la matière sécrétée augmente en sel, l’auteur s'exprime ainsi : «Je ne REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 543 puis soupçonner quelle est l'espèce de force motrice qui influence les filets sécréteurs pour meltre en mouvement tant de masses considérables d’eau; je connais encore moins les raisons pour lesquelles l’eau sécrétée rapidement contient plus de sels en solution que l’eau sécrétée lentement. » M. Heiden- hain émet cependant une hypothèse comme point de départ des recherches ultérieures. D'après cette hypothèse, il y aurait, dans l’intérieur des cellules d'une glande en repos, des substances qui attirent l’eau des cavités Iympha- tiques (peut-être que le protoplasma y joue ce rôle), laquelle serait remplacée par l'eau des capillaires sanguines. La tension de l’eau, dans l’intérieur des cellules, augmente jusqu'à ce qu’elle fasse équilibre à l'attraction de l’eau, et alors le courant d’eau des capillaires sanguins à l’intérieur des cellules, cesse par l'excitation des nerfs sécréteurs ; alors apparaît un changement moléculaire du côté des cellules protoplasmiques qui sont tournées vers Île lumen de la glande, en conséquence duquel la résistance pour la filtration cesse. L'eau se dirige alors vers le lumen de la glande, la tension de l’eau dans la cellule diminue et il y a de nouveau attraction de Peau. Cette sortie de l’eau de la cellule et son affluence des cavités lymphatiques et des vaisseaux sanguins durent aussi longtemps que l'excitation nerveuse diminue la résistance de filtration. Quant aux fonctions des nerfs trophiques, dont la présence a été ignorée jusqu'ici, parce que presque partout ils suivent le trajet des filets sécréteurs, les recherches ont donné ce résultat que, sous leur influence, des substances organiques solubles se forment dans les cellules glandulaires; ces substances passent dans la matière de sécrétion qui a été formée sous l'influence des filets sécréteurs. Ce phénomène trouve sa raison d'être dans la transformation du ca- ractère microscopique des cellules, transformation qui n’a pas lieu lorsqu'il y a sécrétion de l’eau seulement. On doit alors supposer que les principes organiques de la sécrétion ne se forment pas directement du protoplasma, mais que pen- dant le repos il se forme, dans le protoplasma, de la mucine ou des substances qui, pendant l'acte de la sécrétion, se transformeront en mucine, la quantité du protoplasma augmentant en même temps. Cette hypothèsé, M. Heidenhain la formule d'une manière générale pour toutes les glandes, car 1l dit : « Repos des glandes signifie diminution du protoplasma dans la cellule en faveur de Ta formation d'une provision de matière de sécrétion; d'un autre côté, activité de la glande signifie augmentation du protoplasma et consommation simul- tanée de la matière de sécrétion, pour donner naissance aux divers produits de la sécrétion. » Cette transformation de la matière sécrétée, accumulée pendant le repos, en principes solubles de sécrétion, a lieu sous l’influence des nerfs trophiques. Anna Dans. 544 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. La matière colorante de l'urine (1), Par Masson. (Suite.) En faisant voir combien il est difficile de débarrasser complètement l’urine des dernières traces de ses différents sels retenus en solution par la matière co- lorante, sous forme de combinaisons triples, solubles dans les acides, j'ai étudié et indiqué la cause capitale d’erreur, qui fausse les résultats obtenus dans la recherche de la matière colorante elle-même. . En effet, lorsqu'on veut débarrasser l’urine des sels qu’elle renferme, en la trailant par des réactifs appropriés, l’on opère soit dans une liqueur acide, soit dans une liqueur alcaline, soit enfin dans une liqueur neutre. Dans le premier cas, une certaine quantité de sel que l’on croit avoir préci- pité complètement reste en solution. Dans le second cas, le sel précipité renferme la matière colorante sous forme de combinaison triple, et comme ceci se passe avec tous les sels précipités, quand il ne reste plus de sels dans l'urine, il ne reste plus de matière colo- rante, ou, du moins, il ne reste qu’une faible partie de la quantité primitive, en combinaison avec les nouveaux sels solubles formés. Dans le troisième cas, la matière colorante, toujours sous forme de combi- naisons triples, se partage entre les sels qui se précipitent et ceux qui restent en solution. Quand on traite directement l'urine par l’acétate neutre de plomb, on la trouve dans le troisième cas ; le précipité renferme une notable quantité de matière colorante combinée aux phosphate, urate et sulfate de plomb, ainsi qu'à de petites quantités de chlorure de plomb. Lorsqu'on ajoute ensuite au liquide, renfermant un excès de plomb, de l’ammoniaque, on retombe dans le second cas, et le précipité plombique renferme des traces de phosphate, urate,- sulfate et énormément de chlorure. Lorsque, dans une urine préalablement acidifiée, on veut séparer l'acide par cristallisation spontanée, l'acide phosphorique par l’acétate d’urane, l’acide sulfurique par l’acétate de baryte, enfin l'acide chlorhydrique par l’azotate d'argent , on se trouve dans le premier cas. Des traces des quatre acides restent en solution acide, retenues par la matière colorante. Tel était le liquide sur lequel j'opérais précédemment et qui, par consé- quent, ne pouvait me donner une combinaison pure de matière colorante (1) Voir la Revue internationale, 1878, n° 20, 97, 49, et 1879, n° 5. Nous devons relever dans le dernier numéro les erreurs qui s’y sont glissées : page 449, ligne 2, au lieu de un mélange intime de phosphate d’urane, lire un mélange intime de phosphate d’urane et de combinaison triple; p. #43, ligne 35, au lieu de la combinaison simple, {ire la combi- naison triple ; page 443, ligne 6, au lieu de acide acétique, lire acide azotique ; page 447, ligne 11, au lieu de la masse colorante, lire la matière colorante; page 448, ligne 26, au lieu de de moins en moins, re de plus en plus; page 449, ligne 93, au lieu de en soit, lire ne soit. REVUE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 545 avec le plomb, mais me donnait au contraire une combinaison de matière colorante et plomb, avec des quantités variables de tous les acides de Purine. Il ne faut pas vouloir purifier ce produit en le dissolvant dans un acide et précipitant la solution par l’ammoniaque, puisque les combinaisons triples plombiques sont solubles dans les acides et se précipitent de nouveau par saturation de la liqueur. | J'ai donc dû chercher une autre méthode, n’offrant pas les inconvénients des précédentes. Cette méthode, que j'exposerai longuement par la suite, m'a permis de retirer de l’urine, non seulement la matière colorante pure, incolore et les acides conjugués également purs et cristallisés qu'elle forme avec les acides phosphorique, urique, sulfurique et chlorhydrique, mais encore une matière albuminoïde normale de l'urine se précipitant avec les sels comme la matière colorante et concurremment avec elle. Cette matière albuminoïde existe dans l'urine à l’état d'albuminate alcalin soluble, une partie se précipite avec chaque sel, une partie reste en solution. Elle me paraît former sinon la totalité, du moins la majeure partie des matières exéractives inconnues de l'urine dont parle M. Wurtz (1). « Les matières dites extractives des urines sont représentées par cet extrait bru- nâtre... qui peut contenir des matières colorantes et odorantes et des sub- stances inconnues. » J’indiquerai, dans l'exposé de la méthode, comment cette matière albuminoïde peut être isolée de chaque précipité salin. Actuellement, comme la décomposition de la combinaison plombique, tout impure qu’elle est, offre un certain intérêt, je m'y arrêterai un instant. Si l’on met en suspension dans l'alcool cette combinaison plombique, et qu'on la traite par un courant d'hydrogène sulfuré, on obtient un liquide coloré en jaune rouge, présentant les caractères généraux de l’urochroma de Tudichum ou de l'indican, suivant que le précipité plombique renfermait plus ou moins de chlorure. Dans tous les cas, tous ces corps sont loin d’être des corps déterminés : ce sont au contraire des mélanges complexes renfermant plomb, matière colorante et des traces des différents acides de l'urine, ainsi que des combinaisons con- juguées de ces acides avec la matière colorante, combinaisons en partie libre, en partie combinées au plomb. La présence du plomb, malgré l’action de l'hy- drogène sulfuré, s’explique par la présence des acides qui tendent à redissoudre les combinaisons plombiques, de sorte qu'il arrive un moment où l'équilibre s'établit et où l’action de l'hydrogène sulfuré devient nulle. Pour s'en con- vaincre, il suffit : après s'être assuré que l'hydrogène sulfuré n’a plus d'action sur le liquide filtré, d'ajouter un léger excès d’ammoniaque, immédiatement apparait un nouveau précipité de sulfure de plomb. Si, au contraire, on enlève par le vide jusqu’à la dernière trace d'hydrogène sulfuré, et qu'on sursature le liquide par l’'ammoniaque, on obtient un précipité coloré constitué par les (1) WurTz, Dict. de chim., t. LIT, p. 585. T. III — N° 6, 1879. 35 546 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. combinaisons triples plombiques de la matière colorante avec les traces des différents acides de l'urine. Ainsi l’urochrome de Tudichum est un corps complexe renfermant en pres- que totalité une combinaison triple (matière colorante, acide chlorhydrique, plomb ou mercure, — suivant le métal employé), maintenue en solution par la quantité strictement nécessaire d'acide; de même que l’indican est un mé- lange encore plus complexe renfermant des proportions variables des combi- naisons triples plombiques de la matière colorante, avec les différents acides de l'urine, maintenues en solution par la quantité strictement nécessaire d’un ou de plusieurs de ces acides. En somme, on a obtenu jusqu'ici, non pas la matière colorante de l'urine, mais les différentes combinaisons triples colorées qu’elle forme avec les sels de ce liquide. Quel est done ce corps possédant à un degré si marqué la pro- priété générale de former avec les sels des combinaisons triples colorées ? un examen plus attentif de l'opération précédente va permettre de le mon- _ trer. Si, au lieu de mettre le précipité plombique en suspension dans l'alcool, on emploie l’eau distllée, une chose frappe particulièrement. À mesure que l’'hy- drogène sulfuré arrive en bulles dans le liquide, et par conséquent à mesure que le plomb est transformé en sulfure, on voit une matière grasse à reflet métallique venir surnager le liquide ; si on l’enlève avec une lame de platine percée de trous, et qu'on la traite par l’éther anhydre, on voit que ce véhicule a séparé en deux parties une matière blanche qui se dissout et se sépare ainsi du sulfure de plomb qu’elle avait englobé. En filtrant et évaporant à une basse température et dans le vide le liquide éthéré, on obtient comme résidu une substance blanche odorante facilement volatile. Mais une petite quantité de cette matière s'obtient ainsi, une plus grande quantité est entrainée mécaniquement par le sulfure de plomb qui se précipite; pour lisoler on épuise par l’éther le précipité de sulfure de plomb, convye- nablement lavé à l’eau distullée froide. Le liquide aqueux est coloré et renferme l'indican, le liquide éthéré est incolore et donne par évaporation à une basse température, la matière blanche odorante. En attendant que l'analyse élémentaire ait indiqué la véritable nature de ce pigment, et seulement pour simplifier les termes, je lui ai donné le nom pro- visoire d’urindol, nom indiquant qu'il est retiré de l'urine, qu’il peut repro- duire l'indigo bleu et l'indigo rouge, et qu'it offre de très sérieuses analogies avec le premier terme de la série imdigotique. L'urindol est constitué par des croûtes blanchies d’une odeur tout à fait spé- ciale de matière organique en décomposition, et que parmi les substances, à moi connues, je pourrais comparer un peu à l'odeur de l’Assa fetida. L'urindol est facilement volatil; mais ne paraît pas pouvoir être distillé sans altération à sec. Il se distille facilement et sans altération dans le vide, dans un courant de vapeur d’eau, d'alcool ou d’éther; il est fusible entre + 50 degrés centigrades et +60 degrés centigrades et se solidifie en croûtes par le refroi- dissement. REVUE LES TRAVAUX SCIENTIFIQUES. 547 Il est soluble en toutes proportions dans l’éther, dont quelques gouttes suf- fisent pour le liquéfier, très soluble dans l’alcoo! absolu, moins soluble dans lalcoo! aqueux, presque insoluble dans l'eau froide, plus soluble dans l’eau bouillante. Ses solutions saturées se troublent par la concentration et donnent un hx7 quide laiteux, offrant au microscope une masse de fines gouttelettes nageant dans le liquide. L'urindol réduit assez rapidement à l’ébullition la solution de nitrate d’ar- gent ammoniacale, avec dépôt noir d'argent métallique; beaucoup"moins faci- lement, et à l’aide d’une ébullition prolongée, la solution d'acétate de cuivre ammoniacale. L'urindol décolore facilement à l'ébullition la liqueur cupropotassique, mais sans dépôt d'oxyde cuivreux. Le dépôt est jaune brun et très différent de celui que donne le sucre dans les mêmes circonstances. Une fibre textile (papier à filtrer, ouate, charpie, etc.), imprégnée d’une so- lution alcoolique d’urindol et abandonnée aux vapeurs d'acide chlorhydrique, se colore en rouge-cerise. Si l’on prépare quelques-unes des fibres colorées pour les soumettre à l'examen microscopique, l’on voit qu’elles sont teintées les unes en rouge vif, les autres (le plus petit nombre) en bleu intense. Ces deux cou- leurs sont d’une pureté et d’une intensité remarquables. L’acide sulfurique concentré colore Furindol en rouge; sous l'influence de la chaleur, la couleur se fonce et devient noire. L'acide azotique à chaud oxyde très vivement l’urindol; il se fait un abondant dégagement de vapeurs ruli- lantes et le produit est coloré en jaune ; si l'on sature ce liquide par un alcali (ammoniaque, potasse, soude), il se fait une belle coloration rouge, disparais- sant pour faire place à la couleur primitive, quand on acidifie de nouveau la liqueur. L'urindol me parait jouir de la propriété générale de former, avec les acides, des acides conjugués incolores, cristallisables, s’altérant spontanément après un certain temps d'exposition à l'air, immédiatement sous l'influence de la cha- leur où d’un acide concentré, en prenant une coloration jaune, puis rouge brun, puis noire. Ces acides conjugués, saturés par un alcali, donnent des so- lutions colorées qui, concentrées dans le vide, laissent des masses sirupeuses hygrométriques et incristallisables. Quoique je sois actuellement convaincu que l’urindol est le pigment généra- teur de toutes les combinaisons normales (combinaisons triples) et anormales (produits d’oxydation ou d’'hydratation) de urine ; Quoique j'aie déjà obtenu, à l’aide de ce pigment amorphe, les acides con- Jugués qu'il forme avec les acides sulfurique et chlorhydrique, en cristaux m- colores paraissant dériver du prisme à base rhombe; acides se colorant quand on sature leur solution par un alcali ; Quoique j'aie déjà pu reproduire synthétiquement, à l’aide de ce pigment incolore, dans des conditions mal déterminées il est vrai, la couleur jaune (wrochrome 4e Tudichun, urobiline de Jaffé, hydrohilirubine de Maty), Va couleur rouge (rouge d’indigo de Schunck, urohématine de Harley), une ma- 548 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, tière colorante d’un brun noir, dernier degré d’oxydation du pigment, soluble dans l’ammoniaque caustique, d’où l'alcool absolu la précipite intégralement (éndihumine de Schunck, uromélanine de Tudichum) (À) ; Quoique enfin j'aie pu reproduire également, à l’aide de ce pigment, les combinaisons triples colorées qu'il forme avec les différents sels de l’urine (indican urique, indican phosphorique, indican sulfurique, indican chlorhy- drique), j'attendrai, pour conclure, que j'aie exposé la méthode générale qui m'a permis de retirer de l'urine l’urindol pur, les quatre acides conjugués dont les sels forment la couleur de l'urine, la matière albuminoïde normale, qui m'en parait constituer la partie extractive inconnue, et je poserai non pas comme une conclusion, mais plutôt comme un théorème que je vais essayer de démontrer : La couleur de l'urine est due, en général, aux combinaisons salines que for- ment les métaux alcalins de ce liquide avec les acides wro... phospho... sulfo.… et chloro-conjuqués de l'urindol et de ses produits d'oxydation. (A suivre.) Masson. SOCIÉTÉS SAVANTES. Académie des sciences de Paris. Séance du 12 mai 1879. CHEVREUL, De la vision des couleurs et particulièrement de l'influence exer- cée sur la vision d'objets colorés qui se meuvent circulairement quand on les observe comparativement avec des corps en repos identiques aux premiers. — L'auteur insiste particulièrement dans cette note sur le phénomène qu’il nomme contraste rotatif, et qu'il met en évidence par les expériences suivantes : «1° Un cercle de carton de 10 centimètres de diamètre a une de ses moitiés dia- métrales teinte d’une couleur a ; on le met en mouvement rotatif avec une toupie d'Allemagne : il présente une teinte uniforme de rose, résultant du mélange du rouge avec le blanc. L'intensité de la couleur rose diminue avec la vitesse; alors un phénomène tout différent commence : l’uniformité de la teinte du cercle n’existe plus et donne naissance à un spectacle remarquable par la va- riété incessante des couleurs et de leurs nuances. Le mouvement convenable- ment ralenti, les couleurs apparaissent séparées et le spectacle final est un vé- ritable contraste simultané de couleurs. Une moitié du carton est colorée par à, et la couleur €, sa couleur complémentaire, apparait sur la moitié blanche du cercle : telles sont les circonstances remarquables du contraste rotatif. En dé- (1) Je n’ai pas pu préparer l’indigo bleu seul, mais il m’a paru prendre naissance, en petites quantités, dans tous les cas d’oxydation du pigment blanc, et surtout quand celle- ei se fait lentement. REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES, 549 finitive, une couleur 4, en mouvement sur la moitié d’un cercle, donne lieu à la manifestation de la couleur €, sa complémentaire, sur la moitié blanche du carton. «2° Un carton de même grandeur que le précédent est teinté à moitié de la couleur a, mais celle-ci est disposée au centré du carton et la moitié blanche borde le cercle central rouge, mis en mouvement par une toupie d'Allemagne identique à la précédente; la couleur à affecte la vue, comme si elle était en repos, et le blanc n’a qu'une teinte verdâtre des plus faibles, comme si elle était en repos. « Cette expérience est surtout intéressante si on la répète comparativement avec la précédente, parce qu'elle prouve que le contraste rotatif ne développe la complémentaire € de a qu'à la condition que la partie de la rétine aura perçu préalablement la couleur 4. «3° Beaucoup d'expériences prouvent que le no matérielréfléchit la lumière blanche, et j'ajoute, avec preuve expérimentale, que c'est grâce à elle qu’il est soumis au contraste simultané des couleurs, que c'est grâce à cette lumière blanche qu'il est susceptible d'agir sur les matières dites sensibles en photogra- phie. J’ai donc eu parfaitement raison de distinguer du not matériel le noir absolu qui ne réfléchit pas de lumière blanche : tel est le trou par exemple, que Niepce de Saint-Victor, à ma demande, a prouvé ne pouvoir être photo- graphie. « Enfin, il suffit de coller deux cercles de papier noir et de papier gris, de 3 centimètres de diamètre, sur un carton blanc et sur un carton vert, et de pratiquer un trou circulaire de même diamètre, correspondant à un cône creux de carton, dont la paroi interne est noircie, pour avoir un double appa- reil propre à mettre en évidence les faits suivants : « Carton blanc. Le ton du noir absolu présenté par le cône creux tranchant fortement par l'intensité sur le cercle de papier noir. « Carton vert. Mème différence entre le noir absolu et le noir matériel, avec la différence que le noir matériel, par le fait du contraste simultané, pa- rait rougeûtre et le cercle gris d’un rose violacé, en raison de la même cause. « Le contraste rotatif que présente en mouvement un cercle de carton, depuis 10 centimètres de diamètre jusqu'à 30 centimètres, se compose de trois phases bien caractérisées par les phénomènes qu'il manifeste aux yeux : « Première phase (celle du mélange). L'œil ne perçoit qu’une teinte unique, laquelle peut descendre au ton I des gammes et même au-dessous, « Deuxième phase (celle de la mélodie). Malgré mon éloignement de créer des mots ou d’en employer d'anciens avec un sens qu'ils n’ont pas généralement, après bien des réflexions, ce mot est justifié par un spectacle que j'étais loin de prévoir avant mes recherches sur la vision des couleurs en mouvement; la du- rée de cette phase est celle de couleurs contiguës les unes aux autres, présen- tant les phénomènes les plus variés, sans que les parties colorées se séparent les unes des autres. C’est surtout avec un cercle de 36 à 40 centimètres de dia- mètre que le spectacle se manifeste dans toute sa beauté. 550 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. « Troisième phase. C'est la dernière. Les couleurs sont séparées et se trou- vent dans le cas de contraster entre elles. « Cette phase se manifeste principalement lorsque les tours du cerele sont au plus de 160 et au moins de 60 à la minute. » L'auteur entre ensuite dans des considérations sur la théorie des phénomènes exposés plus haut. Ricuer, Le l'influence de la chaleur sur les fonctions des centres nerveux de l'E'crevisse. — L'auteur conclut de ses expériences que, «soit par l’asphyxie, soit mieux encore par des températures variant de 26 à 36 degrés, on arrive à paralyser isolément les diverses fonctions des centres nerveux ganglionnaires de l'Ecrevisse; il y a l'innervation volontaire, intellectuelle, qui disparaît la première, de 23 à 26 degrés ; il y a l’innervation de réflexion proprement dite, qui disparait de {7 à 29 degrés; 1l y a enfin l’innervation de la respiration, qui disparait de 28 à 30 degrés. Au point de vue de la physiologie générale, il est assez remarquable que, chez les Vertébrés, les différentes fonctions du système nerveux s’altèrent en suivant une gradation assez analogue à celle que nous avons constatée chez les Crustacés. » Ranvier, De la dégénération des nerfs de l'épithélium antérieur de la cornée et de la théorie du développement continu du système nerveux. — «Le plexus sous-épithélial et les nerfs intra-épithéliaux ne jouent pas un rôle nécessaire dans la conservation de la cornée. La preuve en est dans ce fait que, après leur extirpation complète, l'animal défend encore parfaitement son æ1l contre toutes les injures extérieures. Je pense done qu'il ne faut pas voir la raison de l’exis- tence de ces petits appareils nerveux dans un but physiologique qui leur serait spécial. Gette raison serait tout autre : il faudrait la chercher dans un fait de morphologie très général. Les dernières ramifications nerveuses, tout en sui- vant le plan qui leur est imposé par leur organisation, auraient une tendance à végéter continuellement à la périphérie, et elles ne seraient arrêtées dans leur croissance que par les obstacles qu’elles rencontrent, comme les racines des plantes dans l’intérieur du sol. Cette théorie, je l’appellerai éhéorie du dévelop- pement continu du système nerveux. » S. Jourpain, Sur l'appareil respiratoire des Ampullaires. — Les Ampul- laires. Mollusques Gastéropodes des régions chaudes des deux mondes, possè- ; | D » P dent à la fois une branchie et un poumon et constituent de véritables amphi- P bies, pouvant respirer l'air en nature ou l’air dissous dans l’eau. L'auteur étudie » P Ï dans cette note la disposition anatomique en rapport avec ce double mode de respiration. Séance du 19 mai 1879. J. Reiser, Sur la proportion de l'acide carbonique de Pair. — D'un grand nombre d'expériences faites avec le plus grand soin et dans des conditiaens variées, l’auteur conclut que : « L’air atmosphérique libre contient en moyenne 9,942 acide carbonique pour 10,000 en volume. Dans des conditions très diverses, les variations extrèmes n’ont pas dépassé 3 pour 100,000. Si l’on D LL REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. D91 veut étudier les relations qui peuvent exister entre ces variations et les diffé- rents élats de l'atmosphère, on devra employer des méthodes rigoureuses, per- mettant d'affirmer l'exactitude des cent millièmes. » J.-L. Sorer, Sur la transparence des milieux de l'œil pour les rayons ultra- violets. — «Les milieux de l'œil laissent passer les rayons ultra-violets, au moins partiellement; c'est ce que prouve la possibilité de distinguer par vision directe, moyennant certaines précautions, les raies extrêmes du spectre solaire.» L'auteur ayant pensé qu'il y aurait quelque intérêt à déterminer « si cette transparence s'étend aux rayons encore plus réfrangibles de l’étincelle d’in- duction », a expérimenté sur des yeux de bœuf, de veau et de mouton, à l’aide d’une méthode basée sur l'emploi du spectroscope à oculaire fluorescent. L’au- teur conclut de ses recherches, que « l'absorption pour l’ensemble des milieux de l'œil doit rendre impossible la perception de rayons, dont la réfrangibilité dépasse celle des radiations extrèmes du spectre solaire, soit de la raie U. » F. Franck, /ndépendance des changements de diamètre de la pupille et des variations de la circulation carotidienne. — L'auteur démontre que s’il est vrai que les variations de diamètre de l’orifice pupillaire soient, dans beau- coup de cas, dus à la réplétion plus ou moins grande des vaisseaux sanguins de l'iris, il est aussi des «variations importantes et durables » de l’orifice pupillaire qui résultent de l’action des muscles de l'iris, et qui peuvent être obtenues indépendamment des modifications de la circulation. P. Picarp, Sur les changements de volume de la rate. — L'auteur rappelle que la rate «reçoit des nerfs moteurs, puisque les nerfs spléniques coupés et excités du côté périphérique amènent sa contraction », et des nerfs sensitifs, « puisque l'excitation des bouts centraux des mêmes nerfs produit de la dou- leur »; il rappelle aussi que l’on connait, au moins en partie, « la voie suivie par les filets moteurs, puisque l’excitation des bouts périphériques des nerfs splanchniques détermine le même effet que celle des bouts périphériques des nerfs spléniques eux-mêmes »; mais 1l ajoute que ces faits «sont impuis- sants à nous faire comprendre les changements de volume qui se produisent dans l’état physiologique du côté de la rate. » L'auteur est parvenu à produire la contraction de la rate par voie réflexe, en excitant d’abord le bout central du nerf pneumogastrique gauche, préalablement coupé, avec le courant mduit d’un appareil à chariot, puis le bout central du nerf pneumogastrique droit, égale- ment sectionné au préalable. Il en conclut « que la contraction de la rate, dans la vie régulière, résulte d’une action sensitive qui parvient aux centres en suivant les troncs des deux nerfs pneumogastriques, tandis que l’action centri- fuge qui lui fait suite passe par la moelle et les nerfs splanchniques. » Mais l’auteur n’a pu obtenir la dilatation de la rate « n1 par une excitation nerveuse centripète, ni par une excitation centrifuge. Il pense que la dilatation de la rate « pourrait bien résulter simplement des modifications que subit la circulation porte dans la vie régulière. » « Quand la circulation porte est très active, et que d’ailleurs aucune action constrictive n'agit sur la rate, cet organe se dilate peu à peu, absolument comme il le fait quand on gène même faiblement le cours du sang dans la veine 552 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. splénique. En d’autres termes, la dilatation de la rate résulterait des actions nerveuses dilatatrices exercées sur les organes digestifs, tandis que sa contrac- tion résulterait d’une action nerveuse spéciale bien déterminée ». Morar et ORTILLE, Recherches sur les altérations du sang dans l’urémie. — Les auteurs se sont proposés : 4° de déterminer la composition gazeuse du sang dans l’état urémique ; 2° de rechercher si le sang, dans cet état, contient du carbonate d’ammoniaque. En ce qui concerne le premier point, les auteurs concluent de leurs expériences « que la rétention des produits de désassimilation normalement excrétés par l’urine ne rend pointle sang asphyxique : que Le défaut d'élimination abaisse, au contraire, la capacité respiratoire des tissus. » Rela- tivement à la présence du carbonate d'ammoniaque dans le sang des urémiques, les auteurs concluent : « 1° que le carbonate d’ammoniaque peut exister dans le sang des urémiques, ce qui à été nié, mais qu'il n'existe pas constamment, et qu'il faut, pour qu'on le trouve, que la mort ne soit pas survenue trop vite; 9° que son existence dans le sang est postérieure à sa présence dans le tube digestif; d’où l’on doit conelure qu'il s’est formé dans l'intestin et non directe- ment dans le sang, et qu'il a été ensuite résorbé. » Jozy, Sur le mode de combinaison du fer dans l’'hémoglobine. — On admet généralement que le fer existe dans le sang, à l'état de combinaison avec l’hé- moglobine des globules hématiques. L'auteur combat cette manière de voir, et conclut, de ses analyses, que «le fer se trouve, dans les globules sanguins, à l’état de phosphate et seulement sous cette forme. » J. RenaurT, Sur l'éasine hématoxylique et sur son emploi en histologie. — On sait que l’éosine soluble dans l’eau colore le protoplasma des éléments cellu- laires, sans posséder d’action élective sur les noyaux, de sorte que quand on veut faire ressortir ces derniers dans une préparation colorée à l’éosine, on est obligé de recourir à la méthode de double coloration proposée par Wissotsky, méthode longue et qui, exigeant plusieurs lavages successifs, entraîne facilement la détérioration des coupes. L'auteur ayant remarqué que l’éosine en solution dans l’eau ou dans l'alcool ne précipite plus l’hématoxyline du liquide de Bœhmer, lorsqu'on effectue le mélange en présence de la glycérine neutre, eut l'idée d'employer un liquide préparé de cette façon. Il mêle dans un verre à pied une partie en volumes de glycérine neutre et une partie de solution sa- turée d’éosine dans l’alcool ou dans l’eau (suivant qu'il s’agit d’éosine pure ou d’éosine à la potasse). Il ajoute ensuite goutte à goutte l’hématoxyline pré- parée suivant la formule de Bæhmer, jusqu à ce que la fluorescence verte du mélange reste à peine sensible. La liqueur filtrée donne une solution violette qu'il appelle éosine hématozylique, et qu’il emploie de la même façon que le pricrocarminate d'ammoniaque, en montant les préparations dans la glycérine salée à 1 pour 100 ou dans le baume de Canada. Dans ce dernier cas, on dés- hydrate avec de l'alcool chargé d’éosine et on éclaircit avec de l’essence de girofle chargée aussi d’éosine. Les préparations faites après action de l'acide osmique ou des solutions chromiques se colorent très-bien avec ce réactif «en montrant des élections très régulières. Les noyaux sont teints en violet, le tissu connecüf en gris perle, Les fibres élastiques et les globules sanguins en REVUE LES SOCIÉTÉS SAVANIES, 593 L rouge foncé, le protoplasma des cellules et les cylindres d’axe des tubes ner- veux en rose clair très-intense, etc. » En traitant des coupes des glandes sali- vaires de /Jelir Pomatia par ce réactif, l’auteur a pu y distinguer deux sortes de cellules : les unes, cellules à mucus, se colorant en bleu intense ; les autres, distinctes par leur fonction, se colorant en rose. Sur des coupes de glandes sali- vaires de l'âne, le même fait se présente. «Dans chaque acinus, les cellules claires qui sécrètent le mucus sont teintes en bleu pâle; le noyau, refoulé à la base de l’élément, est coloré en violet. Les cellules du croissant de Gianuzzi, c'est-à-dire les cellules qui sécrètent le ferment salivaire, sont colorées en rose intense et montrent un noyau violet contenu au centre de la masse protoplas- mique. » W. SORENSEN, Sur l'appareil du son chez divers poissons de l'Amérique du Sud. — L'auteur a étudié surtout des poissons appartenant aux familles des Siluroïdes et des Characins, qui font entendre des sons particuliers. Il a con- staté que la vessie natatoire est le principal organe du son. Elle est divisée par des cloisons incomplètes en plusieurs chambres, qui communiquent les unes avec les autres. Les contractions et le relâchement alternatifs de muscles spé- ciaux entrainent alternativement en arrière et en avant la vessie natatoire; «pendant ces mouvements, l'air, en passant à travers les cloisons transversales incomplètes, met celles-ci en vibration, et le son se produit. La hauteur, ou plutôt la profondeur du son, est en proportion directe de la vitesse des vibrations des ressorts. » Séance du 26 mai 1879. FRemYy, Aecherches chimiques sur la formation de la houille. — L'auteur s’est efforcé de reproduire artificiellement les phénoménes qui ont dû se pro- duire dans la nature pendant la formation de la houille. Il pense que cette sub- stance s’est produite sous l'influence de l'élévation de la température et de la pression, et c'est dans ces conditions qu'il expérimente. Il arrive aux conclusions suivantes : « 1° La houille n’est pas une substance organisée ; M. Renault, dont l’Aca- démie connait les importants travaux de paléontologie végétale, constatait ré- cemment encore, à ma demande, ce fait important. « 2° Les empreintes végétales que présente la houille, qui ont été si bien étudiées par le créateur de la paléontologie végétale, Ad. Brongniart, et par ses successeurs, se sont produites dans la houille comme dans les schistes ou toute autre substance minérale : la houille était une matière bitumineuse et plastique sur laquelle les parties extérieures des végétaux se moulaient faci- lement. « 3° Lorsqu'un morceau de houille offre à sa surface des empreintes végétales, il peut donc arriver que les parties de houille sous-jacentes ne soient pas le résultat de l’altération des tissus qui étaient recouverts par les membranes ex- ternes dont la forme a été conservée. «4o Les principaux corps contenus dans les cellules des végétaux soumis à la 554 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENUES. double influence de la chaleur et de la pression, produisent des substances qui présentent une grande analogie avec la houille. « 5° Il en est de même des acides ulmiques qui existent dans la tourbe et de ceux que l’on prépare artificiellement. «6° Les matières colorantes, résineuses et grasses, que l’on peut retirer des feuilles se changent, par l’action de la chaleur et de la pression, en corps qui se rapprochent des bitumes. « 7° En se fondant sur les expériences décrites dans ce travail, on peut donc admettre que les végétaux producteurs de la houille ont éprouvé d'abord la fermentation tourbeuse, qui a détruit toute organisation végétale, et que c’est par une action secondaire, déterminée par la chaleur et la pression, que la houille s'est formée aux dépens de la tourbe. « Je suis heureux de dire, en terminant, que, dans ce travail, j'ai été aidé avec la plus grande intelligence par un jeune chimiste, M. Verneuil, qui est at- taché à mon laboratoire du Muséum. » Ranvier, fecherches expérimentales sur la signification physiologique du pleæus terminal de la cornée. — L'auteur formule les conclusions suivantes : « 1° La nutrition de la cornée continue à se faire régulièrement après que l’on a Supprimé tous les nerfs qui s’y rendent. [n’y a donc pas de nerfs trophiques dans la cornée. Cette première conclusion est celle à laquelle Snellen était ar- rivé par son ingénieuse expérience : oreille fixée au-devant de l'œil après la sec- tion intracrânienne de la cinquième paire. 2° Les fibrines nerveuses qui entrent dans la constitution du plexus terminal de la cornée n’y parcourent qu'un trajet très limité pour se rendre à leur ter- minaison ultime, et elles conservent jusqu'au bout leur individualité phy- siologique et anatomique. Elles forment donc bien un plexus et non pas un réseau. 3° La disposition plexiforme des nerfs de la cornée ne paraît pas avoir une signification fonctionnelle, comme celle de certains plexus nerveux qui sont placés sur le trajet des nerfs moteurs. Cette disposition paraît être uniquement relative à la transparence de la cornée. En effet, l'appareil d’innervation de cette membrane se trouve ainsi réparti d’une façon tellement égale dans toutes ses parles, que, malgré sa richesse, 1l n’en trouble pas sensiblement l’homo- généité. 4 Les nerfs de la cornée sont des nerfs de la sensibilité générale. Leur fonction, qui consiste à avertir l’animal et à l’amener à protéger efficacement son œil contre toute action vulnérante, n’est cependant pas indispensable. C’est une fonction de luxe pour ainsi dire, puisque, la cornée étant insensible, l'ani- mal la protège encore en profitant des avertissements qui lui sont donnés par la conjonctive et les paupières restées sensibles. J. LicaTeNsTeIN, Sur les métamorphoses de la Cantharide (Lytta vesica- toria FA8.). — L'auteur a pu suivre le développement complet de la Cantharide depuis l'œuf jusqu’à l’insecte parfait, ce qui avait été fait déjà pour les Welæ (Newrorr, On the Natural History of the Oùl-Beetle, in Trans. Lin. Soc. Lond., 1861), les Sitaris (Fagre, sur la Sitaris humeralis, in Ann. Sc. nat., REVUE LES SOCIÉIÉS SAVANTES, 555 1857; — Varény-Marer, Sur la Sitaris collatio, in Ann. Soc. entom., 1875), les Æpicanta (Riey, in Trans. Ac. Sc. Saint-Lous, 1871), mais n'avait pu encore être obtenu avec la Cantharide même. L'auteur, se réservant de publier son mémoire entier dans les revues spéciales d’entomologie, ne communique à PAcadémie qu’un résumé de son travail. Il place les Cantharides accouplées vers la fin de mai et le commencement de juin, sous une cloche, avec de la terre, dans laquelle la femelle pond ses œufs. Quinze jours après, il sort des œufs une larve connue depuis longtemps sous le nom de 7riangulin. Elle est écail- leuse, brun froncé, avec le méso, le métathorax et le premier segment abdo- minal blancs. Elle a des mâchoires très aiguës, des yeux noirs saillants et deux longues soies caudales. L'auteur a nourri la larve avec des estomacs d’abeilles à miel d'abord, puis des œufs et de jeunes larves d'Osmia et de C'eratina chal- cites : du cinquième au sixième jour elle change de peau, perd ses soies cau- dales et sa couleur brune; c’est alors un petit ver blanc, hexapode ; ses mà- choires acérées sont devenues obtuses, ses yeux sont moins brillants; elle laisse les œufs et les jeunes larves dont elle se nourrissait et mange le miel. Cinq jours plus tard, elle change encore de peau, ses mâchoires deviennent encore plus larges et ses yeux s’oblitèrent davantage. Après cinq autres jours, nouvelle mue. Ici les yeux ont tout à fait disparu, les pattes et les mâchoires sont devenues brunes à l'extrémité et cornées; l’insecte a l'apparence d’une petite larve de Scarabée et l'on devine qu'il est destiné à fuir la terre. « Jusqu'ici mon élevage a eu lieu en petits tubes de verre de la forme d’un dé à coudre, posés renversés sur leur bouchon en liège; et c'est sur la surface de ce bouchon que j'ai pu suivre pas à pas mes observations, en recueillant la dépouille de chaque mue. J'organise alors, pour fournir la terre nécessaire et suffisamment humide à mes élèves, un tube en verre de 0%,10 de long sur 0,025 de diamètre, au fond duquel je mets un morceau d'éponge et que je remplis de terre, sur laquelle je dépose ma larve scarabéoïde (ce mot a déjà été employé par Riley, pour les £'picanta). « Elle s'enfonce immédiatement et vient former, un peu au-dessus de l'éponge, une petite loge, ou cavité, contre la paroi du tube; ce qui me permet de suivre ses agissements, même soulerrains. Au bout de ciuq jours encore, nouvelle mue; mais, cette fois-ci, ce n’est plus une larve qui se présente, c’est une pupe, assez semblable à une pupe de muscide, et sur laquelle se détachent quatre pelits mamelons au sommet, el trois paires de petits mamelons à la place où étaient les pattes. La couleur est d’un blanc corné ; elle est immobile, ayant absolument l’apparence d’une chrysalide. Get état dure tout lhiver, et lon dirait que la vie s’est tout à fait retirée de cette pupe inerte, si, de temps en temps, sous l'influence de circonstances que j'ignore, elle ne faisait suinter de ses pores des gouttelettes d’un fluide transparent hyalin, qui restent plusieurs jours à la surface de son corps. : « Mais, le 15 avril, cette pupe brise son enveloppe, et il apparait de nou- veau une larve blanche, très ressemblante à celle que j’ai appelée scarabéoïde, mais sans avoir les ongles et les màchoires robustes ; tout au contraire, ne montrant que des pattes rudimentaires, composées chacune de trois tronçons 556 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. courts et épais. Cette larve s’agite lentement dans sa cellule ; elle n’en sort pas, ne mange pas ; de sorte que je ne sais guère quel rôle lui attribuer. Elle n’est, du reste, pas longue à se métamorphoser de nouveau, car le 30 avril il y a une nouvelle mue, qui nous donne enfin une nymphe rentrant dans les formes connues de toutes les espèces de Coléoptères, avec tous les membres bien vi- sibles, quoique encore emmaillottés. « Blanche d’abord, cette nymphe se colore assez vite, car, le 17 mai, elle a déjà une teinte très foncée, et, le 19, je vois dans la loge la Cantharide, avec sa brillante cuirasse, toute prête à faire son apparition au grand jour. « L'évolution complète de l’insecte doit donc durer environ un an. « Je sais fort bien qu'il reste à présent à découvrir où vit l’insecte en liberté ; car certainement le miel de Ceratina, que j'ai recueilli dans les tiges sèches du sureau, nest pas la nourriture habituelle de la Cantharide. Je soupçonne fort que ce sont les abeilles midifiant en terre, comme les Æalictus et les An- drena, qui sont les victimes ordinaires de cet insecte; mais je n’ai pas encore d'observation précise de ce fait. Mon éducation a été tout artificielle, je le reconnais, mais elle a cependant abouti à un résultat cherché depuis long- temps. » | Séance du 2 juin 1879. CapraAT, De l'influence du pneumogastrique et de l'action de la digitaline sur les mouvements du cœur chez les Squales. — L'auteur conclut de ses expé- riences que « la digitaline, donnée aux animaux en proportion toxique, agit comme poison du cœur. Elle agit directement sur cet organe, en déterminant, comme l'ont déjà vu plusieurs auteurs, une tétanisation du ventricule et une diastole de l'oreillette. Elle n’a pas d'action sur les centres nerveux, ni sur les nerfs périphériques, ni sur les muscles ». DARESTE, Le l’évolution de l'embryon dans les œufs mis en incubation dans l'eau chaude.— L'auteur rappelle l'expérience de Réaumur qui, ayant placé des œufs à incuber dans l’eau chaude, à la température d’incubation, ne trouva aucun vestige d'embryon. Il a renouvelé ces expériences, et constaté que le développement avait commencé à se faire, mais que l'embryon était mort vers la trentième heure, et s'était décomposé. Dans un seul cas, où l'embryon ne s'était pas décomposé, il offrait la monstruosité dite omphalocéphalie : « Le cœur, parfaitement reconnaissable, se voyait au-dessous de la tête, notable- meut arrêtée dans sa formation. Il n'y avait dans le feuillet vasculaire aucun indice des vaisseaux et du sang. » Société de Biologie. Séance du 3 mai 1879. François Franck, Action du nitrite d'amyle sur la circulation. — On sait qu'il se produit une dilatation des vaisseaux quand les animaux ont respiré des REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 557 agents anesthésiques tels que le chloroforme, l’éther ou le nitrite d’amyle. Dans ce cas, la dilatation coïncide avec un abaissement considérable de la pres- sion sanguine, qui de 18 centimètres de mercure descend jusqu’à 5 centimètres. Lorsque la pression sanguine est ainsi tombée, si l’on vient à exciter le nerf la- ryngé supérieur de lPanimal {excitation qui, à l'état normal, amène une con- striction des vaisseaux), les phénomènes qui se produisent sont différents sui- vant que l'animal a été anesthésié par le nitrite d’amyle ou par le chloroforme. L'animal a-t-1l respiré de l’éther ou du chloroforme, l'excitation du laryngé su- périeur ne provoque pas de constriction vasculaire ; 1l semble donc qu'il faille rapporter à une paralysie la dilatation observée dans ce cas. L'animal a-t1l, au contraire, respiré du nitrite d’amyle, l'excitation du laryngé supérieur amène une contraction immédiate des vaisseaux et une augmentation de pression : la dilatation observée à la suite de l'inspiration des vapeurs de nitrite d’amyle est donc véritablement une dilatation active. Prompr, Description d'un optomètre nouveau. — Ce nouvel instrument repose sur la théorie de Képler relative à l’irradiation du blanc sur le noir. Il consiste essentiellement en un petit échiquier vertical, au-devant duquel on a placé une épingle; l’échiquier et l’épingle sont mobiles l’un par rapport à l’autre. L'épingle étant placée très nrès de l’œil, et l’échiquier étant situé au-delà des limites de la vision distincte, on voit auprès de chaque carré noir un liséré blanc et plus loin un liséré noir. Les lisérés noirs décrivent par leur ensemble une ligne brisée sur laquelle le sujet en expérience fixe tout spécialement son attention. Cette ligne est parallèle aux côtés verticaux des carrés noirs lorsque l'épingle est elle-même verticale, et parallèle aux côtés horizontaux quand l’épin- gle est horizontale, Si on rapproche l’échiquier au point de la vision distincte, cet assemblage de lignes disparait, Si l'échiquier est en-deçà de la limite de la vision distincte, les lignes se déplacent de gauche à droite si l'épingle se déplace elle-même de droite à gauche, et vice versa. Quand on a affaire à un myope et que l’échiquier est placé au-delà du point de la vision distincte, les lignes se déplacent dans la même direction que l’épin- gle. Avec une graduation convenable, on peut facilement évaluer la limite de la vision distincte et, pour cela, il suffit de savoir quelle est la distance de l'œil à l’échiquier. Il n’y a pas à tenir compte de la position de l’épingle, pourvu que celle-ci soit en-deçà de la vision distincte. DASTRE, Dégénérescence lécithique. — Dans un grand nombre de cas, les al- térations pathologiques décrites sous le nom de dégénérescence graisseuse ne se rapportent qu'à une dégénérescence lécithique. C’est ce qui a lieu notamment pour les modifications que subit le foie dans l’empoisonnement par le phos- phore et dans les cas de dégénérescence dite grarsseuse du rein. La lécithine est un corps gras qui renferme du phosphore. Suivant M. Dastre, les organes prendraient aux phosphates le phosphore nécessaire à la production de la lé- cithine. 558 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Séance du 10 mai 1879. Gazipre, Les sels de cuivre sont inoffensifs. — «Pour faire un civet, prenez un lapin, » dit la sagesse des nations, et, quand même ce lapin eût été soumis à une alimentation cuivrée, vous ne vous en porterez pas plus mal. C’est ce que M. Galippe vient encore de communiquer à la Société de biologie. Un lapin (cet animal avait été choisi à cause de ce fait qu'il ne peut pas vomir) a pris quo- tidiennement, pendant six mois, 2 grammes d’acétate de cuivre. Au bout de ce laps de temps, il est gras et jugé digne de figurer sur la table du savant chi- miste. Son foie pèse 70 grammes et renferme 13 centigrammes de cuivre. M. Galippe en a mangé et se porte encore très bien. Société zoologique de France. Séance du 15 avril 1879. M. Alix fait connaître à la Société les observations de M. Raoul Boulart sur les sacs cervicaux des cigognes. M. Boulart, après avoir étudié en détail Les sacs cervicaux du Marabout, que l’on désigne sous le nom de cigogne à sucs, a cherché si des Giverticulums du même genre n’existaient pas chez d’autres Ciconidés, Il en a trouvé chez la Cigogne et chez le Jabiru. Ces sacs commu- niquent, comme ceux du Marabout, avec les vésicules suboculaires, mais ils sont beaucoup moins développés, et c’est pour cela probablement qu’ils ont été jusqu'ici méconnus. Séance du 20 mai 1879. M. Alix présente une tête de chat domestique bien adulte, sur laquelle la pre- mière prémolaire d'en haut est absente, en sorte que la formule dentaire, au - ; Pm3, M1 . + Pa, MA lieu d’être, comme chez tous les Félidés en général, =, devient —— . Pm9, M 1 Pm2, M1 En examinant avec soin le bord de la mâchoire, on n'y trouve rien qui puisse faire penser que la dent aurait existé et serait seulement tombée. M. Alix fait en outre remarquer que la dent carnassière supérieure des Félins est, en réalité, une prémolaire, caractère sur lequel Owen a le premier appelé l'attention. M. le docteur L. Bureau communique à la société un certain nombre de planches qui montrent la transformation du bee des Oiseaux de la famille des Mormonidés, Le bec des Oiseaux était considéré, jusqu'à ce jour, comme un organe fixe et propre à permettre d'établir avec sûreté des coupes génériques. Dans un récent mémoire sur la Mue du bec du Macareux arctique, publié dans le Zulletin de la Société zoologique de France, M. Louis Bureau à montré que le bee de cet oiseau se démonte et tombe en neuf pièces après la saison des amours, Ce phénomène a pour résultat de doter cette espèce de deux becs, lun d’hi- ver, petit, recouvert d’une membrane à la base, l’autre d'été, épais, large, ro- REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 559 buste, corné, en forme de truelle. Ge dernier est merveilleusement approprié aux besoins de ces Oiseaux et leur sert à se creuser des terriers, analogues à ceux des lapins, dans lesquels ils ont coutume de se reproduire. Cette singulière métamorphose, premier exemple d’une transformation sem- blable, jette ua jour inattendu sur la petite famille des Mormonidés. ML. Bureau montre, en effet, que ce phénomène prend une extension nou- velle. Il embrasse tous ces oiseaux du North-Pacific, compris dans les genres Fratereula, Lunda, Sagmatorrhina, Ceratorhyncha et Sémorhynchus. On conçoit dès lors le remaniement profond que doit subir ce groupe, dont on a multiplié les espèces en se basant sur la constitution du bec et sur des mo- difications légères de plumage chez des sujets reconnus adultes. Société d'anthropologie de Paris. Séance du 15 mai 1879. Cette séance a été presque exclusivement consacrée à la lecture des rapports sur les ouvrages qui ont concouru pour le prix Godard et celui de la Société d’ethnologie. M. le docteur Le Bon, pour son travail sur les Variations des vo- lumes du cerveau que nous avons fait connaitre ici avec quelques détails (1), à obtenu le prix Godard (500 francs et une médaille en vermeil), sous la réserve de critiques que précisément nous avons faites ; M. de Hujfalvy, pour le pre- mier volume de son Voyage dans le Turkestan, qui a donné de si importants résultats, et M. Zaborowski, pour son petit manuel d'Archéologie prélistorique (l'Homme préhistorique), ont chacun obtenu une mention. Le prix de la So- ciété d’ethnologie a été attribué à M. le docteur Ghervin, et une mention à M. Rivière pour les importantes fouilles qu'il poursuit encore dans les grottes de Menton. | Séance du 5 juin 1879. Bornier, Les Lapons bruns et blonds. — M. Mantegazza, sur le point de faire un voyage en Laponie, ayant demandé des instructions à la Société, M. Bordier a été chargé de lui répondre. Une question qu'il a cru devoir lui signaler est celle de la couleur des cheveux des Lapons. D'après certains dictons et une opinion commune, ceux-ci sont représentés comme étant très bruns. Pourtant les Lapons récemment exhibés au Jardin d’acclimatation étaient presque tous blonds. Pendant le temps, peut-être immense, que cette race occupait une ère géo- graphique qui s’étendait jusqu’au nord de la Belgique, elle a dû subir bien des altérations et des mélanges. Aussi se présente-t-il aujourd'hui dans son sein deux types distincts. Les Lapons de la Suède sont blonds ; ceux de la Russie, . ceux dont le territoire a été le plus récemment conquis par les Finnois, sont bruns. Les uns et les autres toutefois passent pour brachycéphales. (1) Voir le numéro 4 du 15 avril 1879, p. 315. 560 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. M. pe Jouvence présente divers instruments en usage chez les indigènes du Cap et aborde diverses questions accessoires. On a récemment dit, écrit et même publié que l'habitude où nous sommes de prendre notre droite était dans un rapport direct avec notre mentalité, et qu'elle est une loi de notre nature. [On citait à l'appui l'usage soi-disant universel qui règle la circulation des voitures dans les rues et qui se serait spontanément établi. Or, au contraire de ce qui a lieu en France, en maints en- droits, dans toute l'Allemagne, en Belgique, les voitures prennent leur gauche. M. de Jouvencel a depuis longtemps soutenu que les Marmites des géants, trous circulaires pratiqués dans les rochers, et que l’on croyait l'œuvre de la nature, servaient à des usages culinaires. Il apporte quelques faits à l’appui de cette opinion. C’est en Algérie, au moins pour les voyageurs, un usage courant de faire le café dans des trous creusés dans la pierre. Dans un fragment d’une vieille légende finnoise, il est dit : « La pierre creuse de la montagne est la plus ancienne chaudière du pays. » Les grandes pierres creuses si nombreuses dans le Nord devaient surtout, à son avis, servir à la fabrication de la bière. Les pierres à écuelles si répandues en Suède, en Danemark et dans l'Allemagne, de la Vistule à la Bohème et au Rhin, étaient plus spécialement destinées aux usages culinaires habituels. Il est tout rationnel, en effet, de songer que des peuples familiarisés avec l'emploi de la pierre pour tout leur outillage aient aussi songé à la travailler dans ce but. Broca, Cräne toulousain déformé. — Un Toulousain, ayant la défor- mation qui se pratique dans son pays, vient de mourir dans le service d’un interne de l’Hôtel-Dieu, M. Nélaton. L’autopsie en a été faite, et M. Broca présente son crâne à la Société. La déformation toulousaine donne, on le sait, à la tête une forme pointue. Un peu au-dessus des orbites, la voûte du crâne forme jusqu’au-delà du bregma un plan incliné. C’est encore peu de chose en comparaison de ce qui se pratiquait surtout en Amérique. Pourtant, lorsque, après l’avoir scié hori- zontalement, on voulut enlever la calotte crânienne, on ne put y réussir sans couper la dure-mère. Cette membrane avait contracté des adhérences très fortes anormales sur toutes les parois de l’os en s’insérant dans les petites cavités dont celui-ci était creusé. La déformation du crâne n’est donc pas aussi inoffensive qu’on a bien voulu le dire. À Toulouse, elle est bien plus commune dans la population de l’Asile des aliénés que dans la population ordinaire. Elle est donc favorable à la pro- duction de l’aliénation mentale; et il est impossible de croire que les terribles déformations américaines, par exemple, n’aient aucune conséquence de ce genre, comme l'ont dit les voyageurs. M. Luxier remarque que la Haute-Garonne est précisément l’un des quatre départements où il y a le plus de fous. Mais il faut ajouter que le crétinisme entre peut-être pour la plus grande part dans le relevé statistique des cas de folie de cette région. Pendant qu'il est resté dans les Deux-Sèvres, M. Lunier a observé qu'à Melle, où le mode de coiffure cause parfois une déformation annu- REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES, 561 laire du crâne, tandis que chez les aliénés les déformés seraient à peu près dans la proportion de9 sur 1 000, ils ne seraient que d'environ 4 sur 1000 dans la population ordinaire. Pour notre part, nous devons bien insister sur ce point, que la déformation dite des Deux-Sèvres n'a absolument aucun caractère ethnique. Pièrremenr, PBlonds persans. — D’après le témoignage très affirmatif d’un Persan résidant à Paris, 1l existerait des blonds en Perse. Duraxp DE Gros, Cränes du département de l'Aveyron. — M. Durand de Gros présente à la Société trois crânes de paysans modernes de l'Aveyron, ils sont très brachycéphales ; — trois crânes de la population urbaine du douzième siècle, ils ont au contraire la bosse occipitale très prononcée ; — trois crânes gallo-romains et des échantillons de crânes préhistoriques, des tombelles et des dolmens, qui sont très dolichocéphales. A la suite de cette présentation, il fait part de ses observations sur le mélange des blonds et des bruns dans son département. Lés blonds, plus fréquents parmi la noblesse, appartiendraient aux anciens conquérants gaulois où Wisigoths. Il termine par des consi- déralions sur les caractères des Gaulois. Bornixr, Trenle-cinqg cränes d’assassins. — Dans une des séances précé- dentes de la Société, M. le docteur Bordier a communiqué les résultats d’un travail important sur une série de crânes d’assassins. Nous n’attendrons pas pour en faire connaitre quelques-uns au moins des points les plus sail- lants. Tous ces crânes ont généralement un volume considérable. M. Bordier les rapproche sous ce rapport des crânes préhistoriques. Ils ont, comme eux, un développement frontal moindre, la région pariétale prédominante, etc. Mais ces grandes capacités crâniennes s'associent souvent à des anomalies du cerveau et nous ne pouvons pas en juger sûrement le sens et la portée. Ainsi, tout récemment, ayant eu, dans son service, un homme d’une intelligence tout à fuit au-dessous de la moyenne, M. Broca constata que la capacité de son crâne dépassait pourtant 1500 centimètres cubes. Il y avait lieu de s'étonner. Il examina le cerveau et vit alors à la surface interne de l'hémisphère la cir- convolution limbique présenter une conformation propre à certains pachy- dermes. Les crânes d’assassins présentent, il est vrai, une foule de lésions et d’ano- malies. M, Bordier à fait l’historique de quelques-uns de leurs propriétaires. Il confirme les inductions qu'il tire de leur étude anatomique. «Chez tous, dit-il, on à pu voir s'unir en proportions variables l’atavisme, l’activité patholo- gique et surtout le défaut d'équilibre entre les facultés frontales et ce qu’on pourrait appeler provisoirement les facultés parsétales, celles qui disposent à l’action. Presque toujours ce défaut d'équilibre est dû à la fois à l'affaissement des premières et à l’exagération des secondes. L'hérédité est manifeste dans plu- sieurs Cas, « Tantôt la monstruosité cérébrale dont ils sont affectés est le résultat d’une évolution antérieure à la naissance, tantôt elle est le résultat d’une évolution pathologique postérieure à la naissance, Il est bien clair que les conditions de T,I. — n° 6, 1879. 36 562 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. milieu social et familial, que le mauvais exemple, sorte de contagion, le défaut d'éducation et d'instruction, l’absence, en un mot, de tous les procédés d’ortho- pédie cérébrale viennent retarder ou faciliter la marche de ce processus et que la cause déterminante, occasionnelle, peut se faire attendre plus ou moins longtemps et même manquer. » Z. Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux. Séance du 20 mars 1879. BAUDRIMONT, De la transmission des matières minérales du sol dans les végétaux. — Les cendres obtenues par la combustion des végétaux ont démon- tré depuis longtemps qu'ils renfermaient des substances minérales qui ne pou- vaient avoir d'autre origine que celles qui se rencontrent dans le sol. On s’est posé la question de savoir comment elles pouvaient y parvenir. Il est évident qu'il fallait pour cela qu’elles fussent dissoutes, et l’on a recherché quel pou- vait être l'agent chargé de cette fonction. On a pensé que ce devait être l'acide carbonique; ce fait est d'autant plus probable, que M. Boussingault à trouvé dans l'air contenu dans un sol jusqu'à 98 litres d'acide carbonique par mètre cube, ce qui représente 2450 fois la quantité moyenne qu'il contient normalement (0,0004). Graham a entrepris des expériences pour démontrer ce fait. M. Bau- drimont s’est demandé s'il ne serait point possible de dissoudre les produits à l'état naissant qui sont successivement divisés, quand ils sont séparés par une réaction chimique, soit une précipitation. Il a laissé de eôté les sels de potasse et de soude, qui sont solubles dans l’eau ; le carbonate calcaire, que l'on sait y être soluble par l'acide carbonique ; les composés magnésifères, qui forment, avec l’ammoniaque qui peut également se rencontrer dans le sol, des sels dou- bles solubles, Il à opéré sur le phosphate de chaux tribasique, sur le fluorure calcique, qui sont transportés jusque dans le système osseux de lespèce hu- maine ; le fer, qui se trouve dans le sang; l'acide silicique, qui existe en grande quantité dans la partie verticale des graminées et principalement dans toutes les cendres des végétaux ; et enfin sur l’alumine, qui existe abondamment dans la plupart des sols, mais qui ne se rencontre que rarement dans les végétaux. Voici le résumé des expériences qui ont été faites : dans chacune d'elles, l'acide carbonique a été employé en dissolution dans l’eau à environ 4 at- mosphères de pression. L'eau de Seltz artificielle peut être employée pour cet usage, si elle n’a point été préparée avec des eaux trop chargées de produits mi- néraux. 1° Du phosphate tricalcique pur a été dissous dans l’eau à l’aide de lazotate hydrique, employé en quantité aussi faible que possible. Le produit filtré est étendu avec de l’eau distillée, et l’on y ajoute de l'ammoniaque en quantité également aussi faible que possible, pour obtenir un précipité de phosphate tricalcaire. Si l'eau est simplement troublée, il suffit d'y ajouter de Facide car- bonique dissous, pour que la liqueur devienne transparente ; 2° si l’on ajoute à de l’eau distillée une petite quantité de fluorure potassique et sodique et du REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES, 563 chlorure calcique, il se forme du fluorure calcique qui trouble la liqueur. L'acide carbonique, employé dans les conditions indiquées, la rend limpide en quelques instants; 3° si à une dissolution fort étendue de chlorure ferrique on ajoute une très petite quantité d’anumontaque, on obtient de l'hydrate fer- rique, qui se dissout daus l'acide carbonique ; 4° .une dissolution de silicate po- tassique, très étendue, précipitée par l'acide chlorhydrique, donne un produit hydraté qui se dissout également dans l'acide carbonique ; #° une dissolution d'alumine avec l’ammoniaque donne un précipité d’alumine hydratée; l'acide carbonique le dissout, mais en très petite quantité. Les expériences qui viennent d’être indiquées ont l'avantage de pouvoir être failes en public et de servir pour démontrer la théorie exposée. On pourra ob- jecter que les produits qui se trouvent dans le sol ne sont pas dans les condi- tions qui ont été indiquées, cela est vrai; mais dans ce cas les actions s ac- complissent lentement, pendant plusieurs mois et, de plus, sous l'influence capillaire du sol qui doit faciliter les réactions. Séance du 3 avril 1879. Mercer, Ææxpériences sur la thermodiffusion. — V'échange des gaz dans les végétaux se fait facilement par les stomates, et il est activé par la chaleur. On a pensé que dans une feuille exposée au soleil le gaz intérieur se dilate et se dégage par les stomates ; mais cela ne parait pas admissible, si l’on considère que c’est dans ces conditions qu'une feuille absorbe l'acide carbonique de l'air. M. Mervet a montré au contraire que la feuille se laisse traverser par une grande quantité d'air et explique ainsi comment elle peut décomposer des quantités notables d'acide carbonique, bien que ce gaz soit peu abondant dans l'air atmosphérique. Le mouvement gazeux dont il s’agit est très facile à ob- server avec les feuilles des végétaux aquatico-aériens; si on expose au soleil une de ces feuilles humides, et si l’on plonge l’extrémité du pétiole dans l'eau, on voit l’air se dégager bulle à bulle, jusqu’à un demi-litre par minute. M. Merget a cherché l'explication physique de ce phénomène et trouvé qu’on peut le reproduire dans des conditions parfaitement déterminées. Quand un corps poreux où pulvérulent humide, environné d'un gaz quelconque, est mis dans des conditions propres à déterminer la vaporisation de son eau d’imbibi- tion, le mouvement de sortie de celle-ci à l’état de vapeur provoque, en sens contraire, un mouvement de rentrée du gaz ambiant, qui afflue par tous les pores superficiels et s’accumule à l'intérieur sous pression. Si l’intérieur com- inunique avec un tube abducteur, on peut conduire le gaz dans une éprou- vette et constater que le phénomène dure aussi longtemps que la vaporisation elle-même. Tout appareil qui réalise ces conditions par l'échauffement du corps poreux est un thermo-diffuseur. M. Merget présente à la Société et fait fonctionner des thermodiffuseurs de formes variées. L'expérience réussit parfaitement avec une boîte plate en fer-blane, dont une des faces est formée par de la terre de pipe imbibée d'eau et dont l’autre est traversée par un tube abducteur, avec un vase poreux de pile, avec une pipe ordinaire dont l'ouverture est fermée 564 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. avec du plâtre ou un bouchon, ete. Si l’on mouille la partie poreuse et qu’on la chauffe ensuite avec une flamme de lampe à alcool, on peut retirer l'appareil de la flamme et faire plonger le tube abducteur dans l’eau sans que la thermo- diffusion cesse; elle dure au contraire tant que la partie poreuse reste chaude. La vitesse de la thermodiffusion et sa durée augmentent avec la température à laquelle on porte préalablement la masse poreuse. L'air diffuse de même à travers la flamme de l’alcool ou de l’éther. Ainsi, en plongeant un thermodiffuseur dans l'alcool et allumant celui-ci, la flamme de l'alcool entoure le thermodiffuseur, et l’air venu extérieur se dégage par le tube abducteur. L'air qui traverse un thermo-diffuseur sort légèrement ozonisé et contient des nitrates ; il en est de même de l’air qui traverse les feuilles des végétaux. La thermodiffusion est donc accompagnée de phénomènes chimiques sensibles. La thermodiffusion est un phénomène thermodynamique, car Pair qui entre chaud sort froid; c’est un exemple très net de transformation de la chaleur en mouvement. Ce phénomène peut recevoir des applications ; car on peut accumuler l’air dans un récipient sous plusieurs atmosphères et transfor- mer ainsi un thermodiffuseur en appareil mécanique. Il peut servir aussi à l'étude des gaz de la flamme et du foyer, car il se produit très bien avec des blocs de fonte chauffés au rouge. M. Merget a atteint une pression de 16 at- mosphères avec un pareil thermodiffuseur. Les gaz qui traversent le bloc de fonte donnent lieu à des produits spéciaux qui dépendent de la nature de la fonte et de celle des gaz du foyer. M. LesprAULT présente les cartes de quarante-trois orages qui ont traversé, pendant l'année 1878, la Gironde et les départements limitrophes. — Ces cartes doivent servir à la confection de l'Atlas général des orages de la France, dont la publication va être reprise incessamment par le Bureau météorologique. Sé- parées de l’ensemble, elles perdent la plus grande partie de leur intérêt. Aussi l’auteur se borne-t-il, en les présentant, à appeler l'attention de ses collègues sur ceux de ces orages qui ont été accompagnés de grêle. On sait que la production des orages est presque toujours accompagnée de l’existence d’une dépression assez restreinte et peu profonde. C’est dans la partie moyenne de la région dangereuse que se développe la bande orageuse. Les orages qui traversent la Gironde par exemple, appartiennent généralement à de petits cyclones dont le centre est situé sur la Vendée et la Bretagne. Il ré- sulte de ce fait que la région atteinte par l'orage est distribuée le long d’un arc de cercle plus ou moins étendu et d’un rayon assez grand pour que la trajec- toire du milieu se confonde sensiblement avec une ligne droite dans l'étendue d’un département. C'est dans l’intérieur de cet anneau circulaire que se meuvent les nuages de grêle, et la route se dessine ordinairement sur l’atlas par une bande presque toujours assez étroite, mais dont la longueur dépasse souvent 30 ou 40 lieues. Il suit de là que si l’on se borne à marquer, sur la carte, par un point noir chacune des communes grèlées, la région atteinte est généralement comprise entre deux bords parallèles droits ou presque droits, dont la position est mathé- matiquement liée à celle d’un centre de dépression très éloigné. Ces parallèles REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANIES. 565 traversent indifféremment plateaux et vallées, et il semble, par conséquent, au premier abord, que les reliefs du sol ne doivent avoir aucune influence sur la distribution du fléau. En outre, le centre de dépression pouvant se former par- tout, on serait tenté d'en conclure à préort que tous les points d’une même ré- gion sont également exposés à la grêle. Telle n’est pas cependant l'opinion des observateurs les plus intéressés, c’est- à-dire des agriculteurs. Ils sont d'accord pour reconnaitre que telle contrée est absolument indemne, tandis que telle autre est constamment ravagée; que dans un département ou un canton donnés, la grêle suit presque toujours certai- nes routes déterminées, du moins pendant une longue série d'années; qu'enfin, tel ou tel coteau élevé jouit du privilège de diviser les orages et de protéger les champs qui s'étendent en arrière. Ce n’est que par un examen approfondi des bulletins d'orage et par un tracé détaillé qui multiplie les points noirs en raison de l'intensité des ravages, que l'on peut se rendre compte des causes de celte discordance. On recon- nait alors que, dans le tourbillon qui les porte, les nuages orageux occupent une zone assez étendue pour que leur marche d'ensemble ne puisse être mo- difiée par les reliefs du sol, mais qu'en revanche les reliefs ont une influence énorme sur la marche des nuages isolés, dans l’intérieur même de la zone, influence d’où résultent toutesles particularités qui ont été rappelées plus haut. Toutes choses égales d’ailleurs, on reconnait facilement que Îles vallées sont plus frappées que les coteaux et les plateaux voisins. Il semble qu’une certaine profondeur du sol au-dessous des nuages soit nécessaire pour que la formation de la chute de la grèle puisse s’opérer sans obstacle. D'autre part, les directions des vallées traversées ont une influence marquée sur la direction des nuages qui passent au-dessus, bien qu'elles n'occasionnent qu'une déviation momen- tanée, et qu'après les avoir suivies un certain temps ces nuages se trouvent en- trainés de nouveau dans la direction générale du tourbillon qui les porte. Par exemple, une vallée se trouve-t-elle dans l'axe de la zone de grêle, ou peu inclinée sur cet axe, les nuages à grêle semblent entraînés dans cette vallée comme des feuilles mortes poussées par le vent dans un fossé. Se ren- contre-t-il un éperon qui subdivise la vallée en deux autres, l'orage se subdi- vise aussi en deux branches, et les deux vallées secondaires sont ravagées dans toute l'étendue qui se trouve à l’intérieur de la zone de grêle. Les vallées transversales à cette zone ont elles-mêmes une assez grande in- fluence, bien que moins marquée. Lorsque les nuages viennent à passer au- dessus, ils paraissent avoir une tendance à s’abaisser, à s'épancher pour ainsi dire des deux côtés de la zone, de telle sorte que cette zone est plus large dans les vallées que sur les plateaux, que les ravages sont plus considérables et qu’enfin les observateurs locaux se trompent souvent sur la direction même de la grêle et se persuadent qu’elle monte ou redescend tout simplement la vallée. Séance du 127 mai 1879. MiLLARDET, Sur les semis de graines de vignes européennes et améri- ‘ 566 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES, caines. — Les graines des Vfis cordifolia, riparia, æstivalis, cinerea, vinifera serment parfaitement, sous notre climat français, en pleine terre. La durée de la germination est de sept à huit semaines pour le V. r#parta, un peu plus lon- gue pour les autres espèces, surtout pour le V. æstivalis. C'est le V. riparia qui demande le moins de chaleur pour germer, et les V. æstivalis et cinerea le plus. Aussi, lorsque le printemps est froid, y a-t1l danger de voir manquer la germination de ces dernières espèces. En serre ou sur une couche chaude, la germination se fait beaucoup plus rapidement qu'en plein champ. Les graines de vignes doivent être immergées dans l’eau pendant trois ou huit jours avant d’être semées, afin d’en rendre la germination plus certaine et plus égale. La durée de leur immersion dans l’eau doit être proportionnée à leur dessiccation. Académie des sciences de Bruxelles. FReperico, Vote sur le sang du Homard. — Dans un travail précédent sur l'organisation et la physiologie du Poulpe, M. Fredericq, ayant étudié avec soin la substance qui donne au sang de ce mollusque la propriété curieuse de bleuir au contact de l'oxygène de l'air, put montrer que c’est une substance albuminoïde à composition chimique calquée sur celle de l'hémoglobine des vertébrés et pour laquelle il proposa le nom d’émocyanine. Corps nouveau à propriétés caractéristiques, l’hémocyanine contient du cuivre, comme l'hémo- globine contient du fer. Comme l’hémoglobine, elle forme au contact de l'oxygène, dans l’appareil respiratoire de l'animal, une combinaison oxygénée peu stable qui se dissocic lors du passage du sang au travers des tissus. L'auteur disait : « Je n’insiste pas sur la grande importance que présente, au point de vue de la physiologie générale de la respiration, la découverte de l’hémocyanine. Je me bornerai à la remarque suivante : le sang du Poulpe ne contenant qu'une seule espèce d’albuminoïde, il s'ensuit qu'ici les deux grandes fonctions du sang, la respiration et la nutrition des tissus, reposent sur une seule et même substance chimique, l'hémocyanine. Dans le sang des vertébrés, au contraire, 1l s’est établi, sous ce rapport, une véritable division du travail physiologique. La fonction respiratoire y appartient exclusivement à l’hémo- globine des globules, la fonction nutritive aux substances albuminoïdes du plasma. » L'auteur a trouvé dans le sang du Homard, une matière colorante bleue, l’Aémocyanine, et une autre de couleur rose, soluble dans l'alcool. Ces deux substances sont dissoutes dans le plasma sanguin. Le sang du Homard réduit est rose ; « exposé à l'oxygène, il prend une teinte spéciale, bleue à la lumière réfléchie (hémocyanine), brune à la lumière transmise (matière rose). Le sang de certains Gastéropodes (Æelix, Strion) contiennent de l’hémo- cyanine ; celui des Lamellibranches n’en contient pas. Le gérant, O. Doin TABLE DES MATIÈRES DU TROISIÈME VOLUME. ANONYME. — De l’organisation de l’enseignement médical à Lyon............… — Le rouge de la rétine et ses rapports avec le sens de la vue ...... 6600 — Sur l'inversion de l'instinct sexuel.......... PAR AE A HO DEE Azam. — Sur la double conscience ........... OR RE Bazrour (F.-M.). — Des phénomènes qui ocrmmenent 1 Heu et É fécondation-de lœufides animaux. "+... 2e. Ale ec de ROC RNES DERBARI De lASyYMPIOSE LL. ne RAS PRE Son S. von BascH. — Sur l’ soma des oo par de CURE FEES SE BATAILTARD, — L'origine de la métallurgie..." 0.0.7... RARE ES ne BauprimonT. — De la transmission des matières minérales du sol dans ke NÉRÉLAUX- se ea.» 500.0 0. 5 0 0046 0 01.600 6 0060 8 016 0 0 à 6.0 D b0/00 0 0.6.0 0 0010 6 . BëcaamP. — De la formation de lacide carbonique, de l'alcool et de l'acide acétique par la levure seule, à l'abri de l'oxygène et sous l'influence de CONRAD A sé ete ae TE RO ee coule A FRS n6p 2 06e — De lierts de l'oxygène sur la men don alcoolique GER la (éme HIS NOTES ARR SR eee SRE PNR UT CAN ut à RE ce BERGERET et Mons — Sur le Meunier ré ATEN SP EESTI NE: G. BERGERON. — Etude sur l’enseignement de la médecine au Japon. Frot impériale de Tokio...... See D Eee eos Ge Te ER RE ARE P. BERT. — Influence des hémisphères cérébraux sur la circulation capillaire. =. Observations de thermométrie cérébrale. ........................ ce — Le protoxyde d’azote et ses applications à la chirurgie........,...... BERTHELOT. — Observations sur la note de M. Pasteur, relativement à la fer- MONA ONE ICO OUEN RARE PERTE Ne de — Observations sur la deuxième réponse de M. Pasteur.........,...... — emarquessur la troisième réponse de M/Pasieur. ... nl Cponse LM. Pasteur MR Re cuites Me RAPHAEL BLANCHARD. — Sur la préparation et la conservation des organismes LÉÉPIG UPS". 2e 0e 0 cie rules A à à € RUE MN Borreau. — Effets du sulfure de carbone sur le système radiculaire de la vigne. Borpier. — Trente-cinq crânes d’assassins....... SAR TE NE EE = Les lopous beunstetiblonds se 0... NOR AREE LE CHAR RO Bouper. — Sur l'inscription électrique de la parole ........ ERA NE SIL A. Bouvier. — Sur une nouvelle espèce de Lémurien, appartenant au genre Perodictieus . SE CPL Mn ones ee a nee CL Rte - < BROWN-SÉQUARD. — ta par Hérédité na lésions do artifi- ciéllement produites eee AE ro LS “ab 010 000 Broca. — Demi-mécrocéphalie par non des sutures du cràne. 40 — Cràne toulousain déformé...... D CARPE, Re na one e 568 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. Bunix et Caaienor. — Recherches sur les battements du cœur chez le fœtus, et sur leur nombre envisagé au point de vue du sexe et du PA de enfant AAC EN ERRREnS OO MOSS RDA T0 00 do CaDiaT. — De Piles d em rique et l’action de la Nate à sur les mouvements du cœur chez les Squales........... Se OU CPE CEE G. CarLeT. — Analyse de deux mémoires sur les Noctiluques............... — Sur les écailles des poissons osseux. Or à à à 9 A. CERTES. — Sur une méthode de cree des InfUSOITES ER EEE ; A. CHARPENTIER. — Sur la quantité de Jumière perdue par la mise en he de l'appareil visuel et ses variations dans différentes conditions........ — Sur la sensibilité de l'œil à l’action de la lumière colorée, plus ou moins additionnée de lumière blanche, et sur la photométrie des cou- TOUTES SAS ER D RE ON LT ET O D G: 0 010 Cat. — De l'appareil spécial de nutrition des espèces res phanéro- GHIMNOSSocaoosnodo Se Ce Ce CRE RTE Ro oc — Sur l biens d’un nel Pre nseur où complémentaire d’adhé- rence dans les plantes parasites.............. TN 50 0 D CHEVREUL. — Sur les toupies ent cel RÉEL E RC CRE M nie die — De la vision des couleurs et ne de l'influence exercée sur la vision d'objets colorés qui se meuvent circulairement quand on les observe comparativement avec des corps en repos identiques aux pre- MOTS A bre ee ce D NT Me D de oi nioe c ERA a à - Coury. — Recherches sur Tate physiologique du Maté. A ed 0.0 V. Corniz. — Sur une altération des cellules de eh Anais au Miépue de la maladie de Bright........ Sn Rae D cette lee DES RTE Mae Cosmovicr. — Sur les organes smenetres et les glandes g tale des Dre lides polychætes sédentaires . DR eee eee hs Re : L. CRié. — Sur la formation d’une Teen sa ne renier aux asques de TUelQUESIDYTÉNOMNCÈLES SE RE PE CCE ET NUIT RAS SE 0 DR Crova. — Sur la mesure spectroscopique des hautes températures .......... Gone Sur lactionfphysiolosteluBorax PER CEE CE CTEEPEEE Boa02 DasrRE. — Sur les granules amylacés et amyloïdes de l'œuf ........... ARE — Dégénérescence lécithique....... de ere ie Se 0 (ee FAURE PE co 0 Dareste. — Note sur les granules amyloïdes in: Jaune DÉS ECECCEESErEEE — De l’évolution de l'embryon dans les œufs mis en incubation dans l’eau CHAUTE SE ER Re cie Me eee ee CE PR os 6 6 DuyARDIN-BEAUMETZ et AUDIGÉ. — HUneREnes epérnenales sur la puis- CAnCeMOXIMUELTES ICONS EEE PEER EEE TE ETES des Re OS EE 6 0 Duran DE Gros. — Crânes du département de l’Aveyron..... AIR CARE Ta.-W. ENGELMANN. — Sur les mouvements des Oscillaires et des ones E. Favre. — Recherches sur la formation du latex et des laticifères pendant l’évolution germinative, chez l’embryon du Tragopogon............. — Le latex pendant l'évolution germinative du Tragopogon PO effectuée dans des conditions diverses de milieu extérieur............. FELTz. — Recherches expérimentales sur un Leptothrix trouvé pendant la vie dans le sang d’une femme atteinte de fièvre puerpérale grave.......... A. Ficatier et L. DEsrosses. — Recherches sur les modifications que subit le jabot des Pigeans pendant les derniers jours de l’incubation et les bremmiersqours dédlamutinitiontieseunes eee CCE CR CET ERE Te TABLE DES MATIÈRES. A. Fuint. — De la source de la puissance musculaire (analyse). .......,,,.. Franck (François). — Procédé qui permet de conserver, dans leur forme et leur grandeur naturelles les pièces anatomiques... ..... CHOC CO PE COUR — Effets réflexes produits par l'excitation des filets sensibles du pneumo- gastrique et du laryngé supérieur sur le cœur et les vaisseaux ....... de LT AcCuionduminiendamylesunlarcireulation her CRE ET . — Indépendance des changements de diamètre de la pupille et des varia- tions de la circulation carotidienne............. diese mat L. FREDERIC. — Sur la digestion des albuminoïdes chez quelques Inver- tébrés DS PRE RSR EN TT EEE Le PER ARS — Sur Se melon chez Poulpe rer VÉÉRÉDEC DE OR — Recherches sur la constitution du plasma amsrn, (Analyse par ReMBlancharde) en eee re de et de RCE ONE Fe — Sur la fonction chromatique Son le Puuipe. Ne LA RUOOBOCE ac — De la fonction chromatique du Poulpe............ rt Fe — Sur l'Hémocyanine, substance nouvelle da sang du un PAS Note surlesansqu-Homard "Fete cocon : FReuy. — Recherches chimiques sur la nets de la antilles ARR Osman GaLes. — Recherches sur les entozoaires des insectes... ....,..,.... Gauippe. — Sur l'odeur et les propriétés électriques des cheveux ........... — Les sels de cuivre sont inoffensifs..... ne ENORME ELEC GEDDES. — Sur la fonction de la Chlorophylle avec les Planaires vertes ...... GEorrroy. — De l’évolution du sens des couleurs. .... PAS nasale PÉTER SOPHIE GERMAIN. — OEuvres philosophiques. ....... nn den ec Daaue : GRANDEAU.— De l'influence de l'électricité ro do sur In none éSVÉSÉ TAUX SR Le ss dore D ÉMMRS ES ER RTE HP S RES GRUTZNER et HEIDENHAIN. — Connie à l’étude de l’innervation alto HEIDENHAIN. — De l’innervation des vaisseaux musculaires. ................ — Des nerfs sécréteurs et ne des glandes. lune par Anna DAME) ons PRO EN PRET ER ER ORAN DCE DATÉE ee Hayen. — Hématoblastes et res ROULESE ER De een CUS AS EN HENNEGuI. — Procédé technique pour l'étude des bone de poissons..... Von HocasreTrer. — Résultat des recherches et des fouilles faites par la Com- mission préhistorique de l’Académie des sciences de Vienne.......... Horwara. — De l'influence du repos et du mouvement sur la vie. (Analyse par ledocteur ANNAMDAHMSN) Re ere. ne se sos A on ae HækeLz (Ernst). — L'âme des cellules et les cellules de l'âme...... Dopose a de — Sur l'origine monogénétique et polygénétique des êtres vivants. (Ana- MÉCpardules Sun) PRE PER EE EC nee mer crecc ee IsxarD. — Spiritualisme et matérialisme. (Analyse GER ISSAUTAL) EP RRR EEE Javaz. — Considérations intéressantes sur les circonstances qui peuvent ren- drenlarleC ture pIUS OURMOINSAMACUEL ER. eme ere. rLc Jogerr. — Sur une maladie du Caféier, observée au Brésil. ...., te Ci Joy. — Sur le mode de combinaison du fer dans l’hémoglobine......... SEP F. Jocyer et R. BLANCHARD. — Sur des ligaments spéciaux à la moelle épinière dESRSCTDENTSP ATEN ES RER EI ele Poe ee alle ce S. JOURDAIN. — Sur la ortecteun des annees viscérales de PArEn rufus.. — Sur l'appareil respiratoire des Ampullaires..... ue Be eco b Jousser pe BELLESME. — Recherches sur le foie des mollusques A 510 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES Jousser pe Bezcesme. — Recherches sur la digestion des mollusques céphalo- Dodes terne SRE ENT STORE THE HUE TEE Men AUS 15 PRE DH. Kierucr, —:L'Epoque glaciaire eme MARNE DAMEIPANLTE DT Koca. — Recherches sur les Bactéries. nétroetions pour auert conserver et photographier les Bactéries ..... s2 418 MON LANG (von). — Nouvelles chservations sur des colonnes d’air résonnantes. \ ss rie see. .... LanEssaN (J.-L. pE), — De la nutrition des végétaux ...... 1 RENE Larasre (Fernand). — A propos d'un squelette monstrueux de batradioh anoure soso ès ses doses ess ss ss nos . — Observations herpétologiques d’une excursion dans les Hautes- Pre — Tentatives d'hybridation chez les Batraciens anoures et urodèles...... — Sur les secours réciproques que peuvent se fournir la He PU tive et la zoologie géographique se CCC Serres: 0. CERN es ANDRE LEFEvRE. — Dialogue entre A et B sur tal survivance et l’animisme — La Philosophie. (Analyse par IssAURAT.).....: RAR NEr AE Lil ee (EE Leop (J.-Mac). — Recherches sur l'appareil venimeux des Myriapodes Chilo- DOUese amas IR pelouse ANR DATE RTANE PPT LEspiaucr. — Cartes de quarante-trois orages qui ont traversé, pendant Pa née 1878, la Gironde et les départements limitrophes. J. LicuTENSTEIN. — Sur les métamorphoses de la Cantharide (£ytla vesica- LE LOL AN CN NN RAR NE EEE PR CN NUE DORE SE RL V. Liënaro. — Recherches sur la structure de l’ appareil Mines de. Mygales et des .Néphiless., uses des TRE ARMES SLR Ne EEE a Linstow (von O.). — Compendium d'Helminthologie........,.... cet AN MINT Joux Lussock. = Sur l'origine des métamorphoses des insectes. die Maciror. — De la greffe animale dans ses applications à la thérapeutique de certaines lésions de l'appareil dentaire Manoury. — Les Diatomacées de l'embouchure de la Seine. MAQuENNE. — Sur la diffusion de la chaleur par les feuilles ,,..,.,,...4:.. Marey. — Nouvelles recherches sur les poissons électriques ; nc de h décharge du gymnote; effet d’une décharge de torpille lancée dans un téléphone. 24224020 Masson. — De la matière éolorante de l'urine (suite) 44 Moœpius (Karc). — Mouvements aériens des poissons volants. ...::......: sat P. Méenin. — Nouvelles recherches sur le développement et les métamor- DHOSESMUES TEMASRE Lee ce RCA MerGer. — Sur la diffusion des vapeurs du mercure — Expériences sur la thermodiffusion. Mer. — Recherches expérimentales sur les conditions de développement de poils radicaux: ....... tar CPL COTPES ST ET MNaierzesewski. — Recherches sur les lymphatiques de Vu utérus Miccarper. — Sur les semis de graines de vignes européennes et américaines. Mizxe-Enwaros (Azp.). — Sur un Isopode gigantesque des grandes profon- deurs/delamiéne arme Len. ORUN notes it he Séhtedee — Recherches sur les enveloppes fœtales du Fatou à neuf andre sainte Morar et OrtiLLE. — Recherches sur les altérations du sang dans l’urémie... Lewis-H. Morgan. — Les sociétés anciennes ou Recherches sur la marche du progrès humain, depuis l'état sauvage jusqu'à la civilisation, en passant par la barbarie. (Analyse par EpwanrD B. Tyron.).,.4.......,.... 00... TABLE DES MATIÈRES. Am. Moreau. — Analyse de l’action physiologique des sulfates de magnésie ER SOUTE MMS dos QU SIA RUE : si 0 MAR UE. M. ne Morneier. — Origine de l’agriculture et des animaux domestiques en BURODÉ MEET CRE F'istsalee ee seine cale A Aie Het Let — “Origine des animaux domestiques..:..,.:4.444...,..45..4 RP ‘ F. Musctzus et J. DE CS —— - De l'action de la diastase, de la salive et do Ne cer. — Observations sur une ne dois SN da ne Dode faisa dd d ad , Nicarti. — Sur diverses épizooties de diphthérie des oiseaux de Déeeoi Hisantes, à Marseille, et sur les relations possibles de cette maladie avec W. Nicari et nn — Sur le mode de formation des canalicules biliaires dans l'hépatite, et la production de glandes tubulées dans le foie du Lapin. Naceri. — Les maladies infectieuses et les agents d'infection. ......... isos Norman Lockyer (J.). — De la nature des éléments chimiques. .... TT S PARKER. — Qu'est-ce que la morphologie?....... Sas 4 Jodao ne 33 255190 PasrEuR. — Examen critique d'un éerit posthume de Claude Bern di sur je fermentation alcoolique .......... Pa ann rie Rien oise Réponse M Berthelot... te Fais als are a ce ssssiase — HDeuxiemeréponse a M- Berthelot m0 00e 1848 "Troisième réponse à M. Berthelot. .....4434,4:5%% 2. Paso aa PE — Quatrième réponse. à M. Berthelot. .....,44.44444314540 ne MON PEREZ. — Sur la cause du bourdonnement chez les insectes. .:.,......:.... — Phénomènes qui précèdent lasegmentation de l'œuf chez | Hé aspersa. — Complément à la communication faite dans la dernière séance sur le bourdonnement des insectes 4 isa. 34 Ma dlesarusal BSD date d'ATE PHiLiPPEAUX. — Régénération de l'humeur vitrée. .......... dtata ss PRET R Piexrn =#Recherches.sur lurée.r 0. 00, PROPERTIES EL “ à — Sur les changements de volume:de la rate... :,.:44004:sc3 sieste PIÉRREMENT. — Blonds Persans:............us see. 03a00 : PLATEAU (FÉLIX). — Communication préliminaire sur les mouvements et l'in- nervation de l’organe central de la circulation chez les animaux articulés PLANCHON (J.-E.). — Le polymorphisme de l’Agaricus melleus WanL.....::,. Poincaré. — Note sur les effets des vapeurs du sulfure de carbone.......:2. Portes. — Manuel de minéralogie .:........ Has 222 Adsl cadran se so 08 G. Poucuer. — De la dégénérescence hémoglobique de la moelle des os..... — Quelle idée les anciens se faisaient de la décharge électrique des poissons Prompr. — Description d'un optomètre nouveau............... PAPER RaynauD (Maurice). — Troisième note sur l’infection vaccinale, Rôle d’élabo- ration des ganglions lymphatiques... 444.44... 0ssssssos RANVIER. — Transparence de la eornée....:,..:.4:.35. ss. PÉPECCUE — De la dégénération des nerfs de l'épithélium antérieur de la cornée et de la théorie du développement continu du système nerveux..::.:.... — Recherches expérimentales sur la signification physiologique du plexus terminal de la cornée....... AAA U aa so ah anale à de AUAIN a à 5 srae Eue Reccus. — LA circoncision, sa enification, SeSNOTISINES -..-.. Di Reiser. — Sur la proportion de l’acide carbonique de l’air..,.......,....... De REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES. JOReNaur = Sursdles clandes de /Brünner- terre PRE REC EE — Sur l'éosine hématoxylique et sur son emploi en | Hetoloe. Ur Cu. Ricuer et ANT. BREGUET. — De l'influence de la durée et de l'intensité sur la perception lumineuse ........ PO ND Mit die doi 010 Cu. Ricner. — De quelques conditions de la fermentation lactique. ......... — De l'influence de la chaleur sur les fonctions des centres nerveux de RÉCreVISSe ere LR er er DNS TERRE Soda Ban ds sain 7 Ca. RouGer. — Recherches sur E dénn oaen de a el de l'ovaire chez les Mammifères après la naissance.................. SR PER RE oc — Evolution comparée des glandes mâle et femelle chez ee ous de Mamnniène see MAIRE DT LEE 4e nee LR ELE —_ Mourilarcontraculitétdes capillaires tsSaneums enr er ME EPP ERIC EEE SEYNES (Jeune) = Surila maladietdes Châtarsniers MANN EEERr — Sur l'apparence amyloïde de la cellulose chez les Champignons....... SCHUTZENBERGER et A. DESTREM. — Sur la fermentation alcoolique........... SCHWENDENER. — Théorie mécanique de la position des feuilles............. SORENSEN. — Sur l'appareil du son chez divers Poissons de l'Amérique du Sud. SORET, — Sur la transparence des milieux de l'OEïl pour les rayons ultra-violets. STAL.— De l'influence de la lumière sur les mouvements des spores mobiles. ADOLPHE STÆHR. — Sur la présence de la chloropaylle dans l’épiderme des feuilles des Phanérogames "#4... STÉPHAN. — Sur la diffusion des liquides....... STEIN. — Organisation des Infusoires......,..:... F5 0 OR IRNEE MONENRRS STRASBURGER. — Action de la lumière et de la chaleur sur les pores mobiles... — Observations générales sur la fécondation... ... TanRET. — Sur les alcalis du Grenadier........ Van THIÉGHEM. — Sur la fermentation de la cellulose... ..............4. C. Tor. — Transformation de la structure des mésentères du canal intes- reset eee 00000. 0 tinal de l'Homme..... Re are LEUR SE SR AT ne DC TopiNARD = Les blonds de Asie 200000 ee EL oo © Trécuz. — Sur les Aérobies et Mince de M. Pate SAUVE PE ee ne — Dernière réponse à M. Pasteur.............. D ARTS PS nn 0 0 o — Réponse à M. Van Thiéghem, concernant Tori es Amylobacters.. Louis Tribon. — Sur les ascensions en ballon à de grandes hauteurs...... : S. Tscuiriew. — Lésion de la moelle et de la peau dans un cas de lèpre anes- DRÉSIQUE CPAAEPRE EUR ERREUR LRO EAN RER EEE VÉRON. — L'Esthétique. (Analyse par G. Duralzzx.)............ D 016 WIEISS = Botaniquesénérale ELRrRRRNRERA RENE rer IS ao «2 Wurtz. — La théorie nat ue dos oooocoodosddeosoocoudocdaauoncuace Yunc. — De l'influence des différentes couleurs du bo à sur le boire MeENtAdeSR AIN AUR EME ERP ee. ATRRRE è es... — De la structure intime du système nerveux des Crustacés décapodes..…. — Les fonctions de la chaîne ganglionnaire chez les Crustacés décapodes. ZABoRowsk1. — Les Kamennya baby de la Russie RENE et la déesse mère. — calombeaux a cloches RER RARE PAP — De la nature et des degrés non) ou de Pro physique et intellectuelle de la Femme chez les différentes races... .... 4... Paris. — Typographie A. HENNUYER, rue d'Arcet, 7. 160 265 410 472 310 nor 71 MT 3 2044 277 023 Le ne die ARARRAARA nu 2h AU PES AN PA je nn AAAA x \ à sait AAA e AREA Rent AS du M ana WA AAS 1 ARR AAA AA a AM A s. a: RE We AnAann MALE # A REA ue dis AL “ AAA MAPS A RAAGAP à -