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HENRY FOUQUIER

SaIoîi IUustré

PREMIÈRE ANNÉE

I

888

LIBRAIRIE DWRT

Ludovic Baschct. éditeur

125, BOULEVARD SAINT-GERMAIN

PARIS

THE CEnY CEWTEP

LISTE

DKS

REPRODUCTIONS CONTENUES DANS CE VOLUME

Adan (E.). Novembre.

Adelsward (Ci. d'). Les Borcl.s de la Seine, à Bou-

gival. Agache (A. -P.). Eniji-me. Allouai!!) (II.). lAitinerie. Arcos (S.). Le Trouvère du douar. Armand-Dumaresq (C.-E.). Mameuvi'es d'arlillerie. Barillot (I^.). Malinée d'oclohi'e, à Lue-sur-Mcr. Bariîias (F.). Camille DesmoLilins au Palais-Iîoyal. Beauouesne (W.-C). Au drapeau!!! souvenir de

Heiseh^offen. Beauvai.s (A.). Soleil rouelle; Berry. Ben.n'EH (E.). Dapliiié.

Bf.nni'.h (J.). Pioses; liommano à Jeanne d'Arc. Berne-Bellecoui; (I'\). Ln t^arde particulier, Béroud (F^.). Le Tombeau de Napoléun P', à l'ilôlel

des In\alides. Beyle(P.). Pécheurs français, à Terre-Neuve. BiEssv (G.). L'enfanl doi'l. Blavn (F.). Soirée d'adieux; Bretaj^ne. Blocu (A.). Morl du i;éiiéral Beaupuy. BoiROM (A.-E.). Le \'annai;e.

Bonnat (L.). Poi-lrail de S. E. le cardinal La\ iyeric. BouGUERi:\r (\V.). i'remier deuil.

i5aiL;neusc.

Boulanger (G.). E.'-claves à vendre. Bramtôt (A. -IL). Léda. Breton (,L). .leuncs lilles se i-endani à la procession.

L'Eloile du bercer.

Bridgman (F.). Dans une \illa de campagne; Alger. Brillouin ((;.). Dimanche. I3rispot(IL). Le Déparl pour la mairie. Brouillet (.\.). 1,'AmoLU' aux champs. Brunet (.L). Le Grand Ferré. BuRNAND (E.).\aches au pàlurage. Cabane (E.). Le Manchon de l'rancine. Carrier-Bellelse (P.). Lu \ cille tVun début. Ciivn.Lou (N.\ Le Tireur de cidre. Chaperon (E.). Le Pain de munition. Charpentier (E.). Le Gué.

CiiEviLLiARD (V.). Tranquillité.

CiiiGOT (A,). 1S7!-1S7L Armée de l'Est.

Claris (G.). \ive la Fran<-e!

CoEssiN DE LA FossE (C). Fête de la Raison.

CoEVLAs (IL). Retirés des alïaires.

CoGGiiE (I!.). Alerte!

CoLLiN (1!.). I'"iii d'été.

Couturier (L.). Le premier zouave à l'a.ssaut de Ma-

lakoff; S septembre IKV). Crès (C). La Distribution des prix des exercices

physiques; Prytanée militaire (1K87). Dagnax-Bouveret (P.). Bernoise. Dantax' (E.). La Consultation. Dawvxt ( \.-P.). L ne maitiisc d'enfants; souvenir

d'Italie. Derat-Poxsax (Iv). Paysannerie. Delaxce (P.-L.). La légende de Saint-Denis. Delauna\ (,I.). Après la rc\uc; f(Hicitalions du clicf

de cor])s. Dei.orbe (I'".-A.). Portraits. Destri;m (C.). Rébecca. Détaille (I].). Le Rcve. Doi.Li-us (li.). .Icune tille cndi>rniic IrouM'c pai- des

gnomes. Due/. (E.). \'irgile s'inspiiant dans les bois. DuFAUX (I'.). La Toilette. DupAiN (E.). ImiIic deux dangers. Edeleelt (A.). Devant l'église; l-'inlande. Ferrier (G.). Portrait de M. Clarclie, de IWcadémie

fran(;aise. Feven (E.). Le Lavoir de la Houle. Feven-Perrin [\.). L'étroit Sentier. Forsbero (N.). La l'in d'un hé-)os; souvenir du siège

de Paris, 1870-1871. Foubert (I;.-I..). La I'"oitiineet l'ICnfanl. Fou.ii (G.). Pantalon déchiré. Frappa (,l.). Dom Pérignon (I(;:î8-I7l.")). Friant (E.). I„es Canotiers de la Meurihe. Gavarni (P.). L'Enceinte du pesage aux courses de

Limoges. G.AY (W.). Le Bénédicité.

i.isTR Di:s m:pnonr(:Tio\s (:o\ti:m'i:s dws ci: nolumi:

Civ^ (W.). Vn Asile.

(■||;iiiA\ i\i.). I.c l-:il)()inli)iro (raiialoniic compaioc,

:ui Miisoimi. CiKtiimo^ (J.). I.i- (".olliei- de misi-ro.

Vnv Solulion cliflicilc (pask-l).

(;i:iivE\ (II.). « Tlic (ni). '<

l'oiliail de M"'' Jeanne Ilardiny. ('■ii.iiiciti (I!.). L'.Mcller de leinliire à la nianul'aeture

des Ciobelins. CiiitMiKF.T (I..). Une Espainioiiche: s<(-ni' de la t;ueiie

de \ erulée. Cil \\ (Cl.). La Moil de Jézabel. Ciiii.i.EMi;i ( \.). I.a Chapelle des niaiins à Sainl-

Waasl-la-lloumie (Manche). Ciiii.i.oi (\.). l ne l'ionienade; 'uii de |iioniièie

«■oniniuniiin. CiLinKii/ (C). " l.ii\ liicarnaliDnis. Il II.\(,>ii;tti-. (C.). La levée des lllels, pcclic ;ui\ harengs.

\ la jel(-e.

llvMMAN (I-^i. Lu \ppel; hasse Noiinaiulie.

iJAiiissoN (A.-B.). La Lande.

IIknmck (.I.-J.). Sainl-Séhaslien.

.Iacvie (Cil.). Le 5,'i'and lioupeau au pàliiragc.

Jameson (^L). Sur la grè\c d<' \lei linioiil.

JvMiN (l'.-J.). Le l{a|il ; âge de la |)ieii'e.

JiMENEs (L.). La Collation.

.loïKDVN (T.). Troupeau tie chèvres; Provence.

Lakhancuisi: (C.). l'rinlenips.

I..A1SSEMEM' (.\.-II.). Une Leçliiie au Couiilé de la

Coniédie-I'raneaise. Landli.i.i; (C.). lùil'anls nomades des Beni-Aixias;

Hiiu-Saada. Lansvi;!! (l!;.). L"lnslilul île l'rance. Laliœ.ns (.I.-F.), ()pii6li:i. Lmiij (M.). Cotiuelicols. L\ ToicuE (C.). LWecouehée. Lmgi;e (I).). Jeune Mère. Li;i;oMTE DU Noiv(.l.). L"J';scla\e iilaiiclic- Le PoiTTEviN (L.). I.ev.'r de lune. Lévv(L;.). La Naissance de Benjamin. L'E\ve-Mmicii\nd (I".). (■ l'roaris el l'ocis. » LicAS (!■'.). Le ['il de la \ ierge. M\ç.-E\VEN (\V.). Une liisloirede rexenanl. .\LviG\A.\ (A.). Les \ oi\ du l.)csin. .MvitEc. (\'.). Il Ici, ou est mieux (|u'en face » : Helour

de rcnlerremenL .Mmiest (M"' J.). Une niorlc. M\i!ii; (\.). Les Inséparal)les. M\rm:v (P.). Porirail de M. Félicien liops. M\ru*s (L.). Marée basse; en\irons île Roscolï

(l"inislèic). M\/.Ei;oi.i.i; (A.-J.). (iTarlule. » Mllcuuus (J.-C). Les Pilotes.

Mia.ivciE (Cl.). Le Ouarl d'heure de Rabelais.

Mi:n(.i\ ( \.). Prima\ci'a.

.Micnij. (\l.). Le porirail de la coninuiniante.

Mn;iiELE\A (.\.). Charilé.

MiNKT (E.-L.). lîeloui' des moissonne urs; à Freuouse

(Scine-lnlérieurc). MoNCE (J.). I,e (Clairon. MoHEAC DE ToiKs (Ci.). Le l)ra|>eau; assaut do

MalaUolT (S seplend)re ls.j5). Ml'iiATON (M""' E.). (ialanle axenlure. Nout (L.). L'Onglée. (Ir.iviÉ (L.). Bon poids. Pelolse (C.). Le malin sous bois: Franche- Conih-

N()vend)re.

PEiuiAii.T (L.). L'Elé; panneau ilécoralil'. I'erhet (A.). La C.in(|uanlaine. QiiNSAi. (P.). La Tenlalion.

lÎAFEAELij (J.-F.). Porirail de>L lidmond de Cioncourl. lîAi.i.i (T.). Cérémonie religieuse au nionl Parnasse

(Grèce). Renaud (E.). Le l 'i .kiillel en pro\ince; rciraile ;'H\

flainbeaux. RlCMEMONT ( \. (le). Sainle ('.('liU'. niarKic. Roncier (AP'' J.). Porirail de M. César Franck. RoNNEi! (Mil' H.). In Inirus.

l!ov (M). A la Salle d'armes; L.-i Leçon <le la \e-llc. Saintin (J.-E.). Porliail de M. Mex.indrc Diuiias. Sal.mer (N.). Le Tand)our de \illage; Bois-Sainle-

Marie (Saône-el-Loiri). SciiLÉsiNGEiî (11.). Une Leçon d'anialeur. Sc.nnvvEiî (I>. de). In Deuil. SiMiiALDi (P.-J.). La l'iile des li.ijahs. Sioiiv (J.). Le priiice Noir de\ar)l le cadavre (\i\ roi

de Bohème après la balaille de (Jrécy ; l.î'.Ci. Toi DOl /E (K.). l'^luilc.

TiiAVER (J.). Le Ouai îles Ciamb- \ugU'lins : Malt- née de juilli'l. Ti;i i'Ui:\u: ( \ .). l'^n I ieleiuie. 'INii.Aur (L.|. Lu Ouvrier au Pelil - liéiiuignagc à

Caiid. Va.sselon (M.). Circé.

\'avson (P.). Ciardeuse de moulons; Prover.co. \ EviiASSAr (,!.). l,'\ulomne. \()\ SriCTTEN (C). Maliens à Pai'is. \ i u.i.Ei'no^ (I". de). \ aciies normandes. \\ A(.ni;z (.1.1. Lu Baplènie à Sainl-Marc ; \enise.

W' siècle. \S Eiss (Ci.l. Le .Noineau NOisin. \\ Eisz ( \.). I"ianc(''c ; coslume slave. "> On (I-^). In Orage dans la plaine d'I-^nfer à C.iyeux-

sur-Mer. Zm;|! Il-l). l ne Sirène. Zo.NAUo (!•".). Fêle du P.édempiriii'; \ enise.

*Vol.l T)M

ludovicB^SChet' é(iiteur

1" A\2d 153^

Soaa loMoouas

Reproduction <ies CEuvres

/Je MM.

Adan.

Aizelin. \nn.-Dumares(|.

lîarillot.

1". Barrias. Bellel.

J. Benner.

Béraud.

Besnard.

Bonnal.

Bouguereau.

Boulanger.

Bramtôt.

J. Breton.

Bridgman.

Brillouin.

Brouillel.

Cabanel.

Ca plier.

Charpentier. ,^. Ciiarlran. =^ Collin.

Comerre.

Cordonnier.

Cormon.

Croisy.

Dantan.

Debat-Ponsan.

Dclobbe.

Deslrem.

Duez.

Oupain.

i'delfeld.

Feyen-Perrin.

G. I-'errier.

Foubert.

Priant.

Gerve.v.

(jiuillemel. ! Guiliou.

Harpignies. Henner. Ch. Jacque. Landelle. Lansyer.

D. Laugéc. Laurens. LecomteduNoiiy. ; H. Le Roux.

E. Lévy. Lobrichon. Lccwe Marchand Maignan. Maillet. Marec. Marqueste. Monginol. Nonclerc. Pelouse. Petitjean. L. Perrault. Renouf.

T. Roberl-Fleury! Sain. Saintin. Saintpierrc. Sauzay. Schlésinger. Thirion. De Thoren. Toudouze. Trayer. Vayson. Veyrassat. De Vuillefroy. Weerts. Weisz. Yon. Yvon. Etc., etc., etc.

TTWWWWWIJlimM'l'

J. ^. Lautens

2 fr. le Numéro

JEAN-PAUL LAURENS

Il y adans l'alcIierclèM. Jean-Piuil \ blanco enire la copie cl Toriginal est j La (Ole est volonlairc, presque

Laurens, fixé à une gaine, un busle j curieuse. Tous les traits personnels césarienne; on y sent que l'imagina-

on bronze vert fouillé par la main j du maître à qui la peinture Irançaise tion s'y impose et qu'elle se manifeste

vertigineuse du sculpteur Rodin. Sur doil de si belles pages s'accusent, , dans la vie par des actes d'une

te bronze (|ui palpite ci (|iii vil. se sinciscnt on des reliefs et en des , suprême et hautaine éloquence. Le

lisent les qualités de Tarlisle dont il | creux qui niarqucnl un véritable ca- doit perpétuer le souvenir. La ressem- ; racICMC.

front est puissant, mamelonné de bosses despotiques. L'œil est péné- trant, incisif, allant parfois jusqu'ù la divination. Et, n'esl-il pas un peu devin celui qui, cherchant dans les archivés^ puisant dans les grimoires, s'inspiranl des vestiges atténués par la distance (ju'offrent les siècles éleinls, évoque de la nuit du passé ui personnage, restitue une scène tragique, fait revivre un drame dont l?s acteurs ont disparu dans la trou- blante vision des cycles oubliés ?

Je ne veuv pas ici me rappeler les œuvres particulières qu'a produites M. Jean-Paul Laurens; je ne veux pas signaler les discussions qu'elles ont ouvertes, les polémiques qu'elles ont soulevées, les admirations qui les ont saluées.

Je liens seulement à établir la corrélation qui existe entre l'homme et son œuvre; le point d'affinité qui relie le peintre à ses créations, la ligne familière qui se trouve dans le masque pétri par le statuaire, et dans la physionomie bien vivante pétrie par le Créateur; tous deux miroirs : l'un de métal sonore, l'autre de chair el de sang, montrant au regard qui les interroge, ainsi (jue dans une sorte de perspective mystérieuse, les dons de Dieu comme identiques avec les vertus productives de la créature; le relief physique adéquat au génie moral et artistique.

Eugène MONTROSIER.

L. Perbault. L'Été; panneau décoratif.

LE SALON DE 1888

^E Salon de celle année, précédant de peu l'Exposition universelle de 1889, a par cela seul, el quel que soit le mérite des œuvres qui %-f y sont exposées, une importance exceptionnelle. A la veille d'un ^^t f grand concours international, l'art français entre en compa- IbI^?^^ raison avec l'art des autres nations, il doit nous permettre de jeter un coup d'œil d'ensemble sur cet art, de juger les progrès accomplis, de noter, s'il y a lieu, les marques de décadence. C'est comme une répétition générale d'une œuvre dont le succès im- porte à la gloire de notre pays.

Il y a plus de trente ans cju'eut lieu, en France, la première ilion universelle, celle de 18!">.'d. Cette exposition était en même temps rélros- du moins le nombre des toiles exposées par les peintres n'y étant pas on pouvait y apprécier, dans leur ensemble, l'œuvre des chefs d'école. En trente ans, une génération nouvelle arrive à la vie intellectuelle el artistique : de nouvelles écoles se forment, se développent, trouvent leur formule. On peut donc prendre celle date de 185."> comme étant l'origine et le point de départ de notre art contemporain, et essayer de noter les changements profonds (|ui se sont opérés en lui.

L'Exposition de 185r> fut, avant toute chose, le triomphe du paysage français et la victoire définitive d'une école nouvelle de paysagistes sur l'école classique, qui gardait

•2 LE SALON DE 1888

encore la liadilioii du Poussin. Théodore Rousseau, Diaz. Jules Dupré el CoroL je ne cite que les piemieis entre les novateurs faisant oublier les précurseurs (tels que Martin et Paul Huel), écrasèrent à coups de chel's-d œuvre les classiques, dont Flandrin restait le modèle le plus pur, dont MM. Français et Cabal gardaient encore (pieUiue chose dans leur manière mitigée. Contestés longtemps, dédaignés, niés même, ces maîtres, dans loule la force de l'âge el du talent, s'imposèrent, el simposèreni si bien cpic lÉcole française du paysage à quelques exceptions près relève encore deux. Diaz cl .1. Dupré avaient fait accepter, dans le paysage, la fougue, le mouvemeni des romanli- ques, gardant encore dans leur palette un peu de leur « sauce » rousse: Corot avait apporté dans Tari une exquise poésie, Rousseau une précision tic dessin et une audace de ton inconnues avant lui. du moins en France. A l'heure actuelle encore, nos paysa- gistes, (|uelle que soil la noie particulière qu'ils tiennent de leur tempérament . em- pruntent quelque chose aux manières diverses des maîtres que j'ai cités, les combinent à doses inégales, mais restant sous leur influence el les rappelant pour les yeux exercés, alors même quils les égalent. >

Ln progrès seulement ou, pour dii-e mieux, une tentative de progrès a été faite; lenlalive inattaquable en théorie, pleine d'étranges déceptions dans la |)ialique, Corot, Diaz. Du|)ré, Rousseau i)eignaienl, en plein air, des éludes: ils en faisaient, à l'atelier, des lableaux. Ft. dans le jour particulier de l'alelier. tout en gardant l'effet général de la lumière du plein air, ils le simplifiaient, supprimaient ties détails, entraient, en un mot, dans une convention. Une école nouvelle a pensé que la peinture pouvait aijorder, sans le secoui's daucunt» convention, l'étude et la traduction de la limiière. File a essayé ouvertement la représentation de la nature clans le plein air. estimant même (|ue la |ialetle avait des ressources assez subtiles pour traduire les cok)ialions presque imper- ceptibles des ombi'cs par les reflets des objets avoisinanls. De plus, parlant de celle observation, surtout \raie pour les myopes, de plus en plus nombreux, que ce (pii frappe d'abord en face de la nature, c'est le ton des objets, les novateurs ont pensé que la justesse du ton pouvait dispenser de la rectitude du dessin, pour donner ïimpressiun des choses vues. D'où leui' nom : impiessionnistes. Enfin, érigeant en axiome celle vérité très relative que la nature est toujours composée. ce ([ui n'est vrai que dans des ensembles considérables, ils onl rejeté l'art de la composition, comme suranné el menteur. Par les facilités qu'elle donne à l'ignorance et à la fantaisie, en l)ien des cas, puis encouragée par la mode et par une école littéraire qui lui esl parallèle. l'École impressionniste, dans le |)aysage, a conquis de nombreux adhérents. J'imagine (|u"elle ne demeurera pas. Elle aura eu pourtant son utilité, ])oussant plus a\anl cpic par le passé l'élude de la lumière; cl on en reviendra aux transactions éternellement nécessaires pour un arl (|ui rest(>, quoi (|u"on en dise, une interprétation tic la nalure.

l/lvxposilion de I8.^.ô mit en présence, pour la dernière fois, ceux (|u'on appelait d'un mot qui n'a plus guère de sens, depuis une nouvelle classification des partis arlis- litiues, les classiques el les romantiques, représentés, avec un incomparable éclat, par Ingres el Delacroix. On disait communémenl alors (|ue l'école d'Ingres était « le des- sin ». que l'école de Delacroix était « la couleur », (|ue le premier répudiait le coloris. (|ue le second ignorait le dessin. Opinions pai'faitemenl erronées, d'ailleurs, Ingres ayant loul fait pour acquérir une palette riche, el Delacroix ayanl élé un dessinateur hors de pair. Entre ces chefs d'école. Decamps exposait son œuvre nnmense. qualifiée « peinture de genre. » consacrée, le plus souvent, à reproduire les scènes el les aspects de l'Orient, faute pour lui, d'ailleurs, d'avoir pu exécuter en grandes dimensions ses

LE SALON DE 1888 3

composilions hisloriques, telles que la T/V de Samsoii. I*reb(]iie Ions les peintres, de plus ou moins loin, se rattachaient à ces maîtres.

Si divers ([u'ils lussent dans leurs conceptions ou leurs moyens dexécution, Ingres, Delacroix, Decamps, avaient une idée commune : cest que le « i^rand ai't » ne peut ni ne doit s'attachei- à la représentation des choses contemporaines, sauf dans le portrait et encore avec (luekpie trichei'ie. Certes, dans leur teuvre même, on trouve des excep- tions à celte régie : mais ce ne sont (|ue des (>\ceplions. La i-é\olulion \c mot n'est pas li'op tort accomplie depuis '\H^)îy, et dont le Salon d'aujcjurd'hui al'lirme de la faron la plus nette la définitive victoire, consiste en ceci : que classicpies. )'omanli(|ues, ethno- graphes, ont fait place à des peintres qui, de la fresque au tableau de chevalet, salla- chent à la vie contemporaine et à la vie française.

Il faut donc abandonner les dénominations anciennes pour constater des groupe- ments nouveaux. Les classiques, à la façon d'Ingres, peignant le nu d'après un canon de la statuaire, arri\ant à la draperie, rarement au costume, se font de plus en plus rares : M. Bouguereau reste un des dei'niers. Les romantiques disparaissent. Et les peintres de genre, par la dimension de leurs tableaux et Texécution. envahissent le do- maine de la peinture d'histoire, délaissée.

Cependant, la « grande peinture », celle c[ui aborde des idées absli-ailes (autant (jue le comporte un art plastique) et la représentation de scènes historiques, répondant à un besoin, ne saurait disparaître de l'art français. Il faut même remarcpier ([ue jamais peut-èti'e on n'a fait davantage pour la décoration des monuments (|ue depuis (juclques années. Et une école de décorateurs fut formée, 1res glorieuse, dont M. Puvis de Cha- vannes est le représentant le plus extrême. M. Puvis de Chavannes est, en réalité, le continuateur des classiques, malgré les apparences contraires. En effet, il met au-dessus de tout la composition et l'ordonnance, et les étrangetés qu'on remarque parfois en lui ne sont que le parti |)ris, poussé à l'extrême, de la simplilicalion du dessin. Mais, bien (|u'il ait des imitateurs nombi-eux, je crois (|ue la grande peinture décorative d'aujour- d'hui et, |)our une bonne part, M. Puvis de Chavannes lui-même, dérivent d'un seul maître peintre « de genre », disait-on! en réalité le plus grand des modernes, Millet. Celte filiation est bien nette dans la très belle peinture de M. Humbert : La Maternité. La peinture décorative, cependant, est remarcpiable chez nous par la variété des parti pris de ceux (pd l'exécutent. A côté des classiques transformés, des fils de Millet, on trouve des artistes qui s'inspirent des Français ou des derniers Vénitiens, tels que M. Flameng, ou des Vénitiens du grand siècle, tels (jue M. Benjamin Constant; et enfin des modernistes purs, comme MM. Holl ou Gervex.

Le Salon montre bien le désarroi des systèmes anciens. La peinture d'histoire, presque toujours, par son caractère anecdotique et son exécution précieuse, retourne au genre, et le genre devient la peinture d'histoire, par ses proportions et la largeur de l'exécution. Il s'est, d'ailleurs passé, pour la peinture de figures, exactement la même chose que pour le paysage. Courbet, d'abord, (pii, malgré son fatras de théories, n'était qu'un œil voyant merveilleusemenl la nature et exécutant le morceau avec une adresse incomparable, a confondu le genre et l'histoire, souvent arbitrairement séparés, en pei- gnant dans de grandes proportions des figures contemporaines en (juelque action réi)utée peu « noble. » Puis les chercheurs de lumière, de Manet aux impressionnistes les plus excentriques, ont porté un coup sensible à la peinture d'atelier, aux jours convenus, au clair-obscur appris à l'école. L'exécution est devenue tout autre, claire, préoccupée de la lumière de plein air, des reflets, refusant les parti pris de demi-jour

4 Lb; SALON Dt I tiSM

les choses se dorent. encore, on a été à l'excès. On a sacrilie le dessin au Ion; on a nésliçé la composition; on a applifiué des Ihéories de physique â la décomposition de la couleur des ombres, en poussant trop loin l'analyse (jui échappe à l'œil. Mais enlin nous avons acquis le droit de peindre la vie contemporaine sans déroger, constaté (avec Millet surtout et d'abord) que la noblesse n'est pas le fait des seuls héros litté- raires, et (|u'elle peu! exister chez l'homme de tout temps; enfin, on a égayé la peinture par la recherche d'un coloris moins factice (jue celui des romantiques, que Delacroix, d'ailleurs, toujours en progrès, abandonnait déjà sur la lin de sa vie. C'est dans cet état de rÉcole frantjaise que nous nous présenterons bientôt au jugement de l'Europe, avec la gloire, au moins, de n'être pas restés stalionnaires et d'avoir, fût-ce dans des voies bizarres jiarfois et dangereuses, cherché avec ardeur le mouvement et le progrés.

Ce coup d'œil jeté sur l'art français depuis près d'un demi-siècle, c'est un peu au hasard ou. du moins, sans ordre, qu'il faut dire quelques mots, après une rapide visite, sur trois ou quatre oeuvres qui attirent l'attention dés les premiers pas faits au Salon.

Les décorations de MM. Bastien-Lepage, Flameng, Humbert, Comerre, Benjamin Constant, nous donnent des échantillons, très remarquables tous, des systèmes en pré- sence pour l'art décoratif renaissant chez nous. L'immense triptyque de M. Benjamin Constant, destiné à la grande salle de la Sorbonne, représentant : r.Académie de Paris, les Lettres et les Sciences, a été conçu avec le dessein, heureusement réalisé, de nous rendre les belles ordonnances harmonieuses, les figures vivantes, les colorations admi- rables et puissamment joyeuses qui sont la gloire du Véronése. Le programme imposé à l'artiste pour cette décoration, ne lui permettait guère de mettre en œuvre les facultés d'imagination qu'il a montrées en d'autres cas. Il devait nous faire voir les fondateurs ou les professeurs de la Sorbonne, sans qu'il fût possible de les mêler à une action commune. Dans deux hémicycles, d'une belle architecture, sont rangés, avec un in- génieux groupement, les professeurs divers. Le fond, coupé par de superbes colonnes au ton rose de marbre poli, est égayé par un bois qui évoque l'idée des académies antiques et de la Grèce classique. M Benjamin Constant, suivant, en cela, la tradition des maîtres, a pris pour modèles les professeurs actuels de la Sorbonne, avec leurs robes rouges, et quelque attribut qui les fasse reconnaître, et nous a donné, de la sorte, une magnifique suite de portraits en même temps qu'une composition. D'une couleur riche et franche, celte décoration, une des plus considérables qui aient été entreprises depuis longtemps, fait le plus grand honneur à son auteur et restera, mise en place, une des belles pages de notre peinture contemporaine.

J'ai prononcé déjà le nom de M. Bouguercau, comme étant celui du plus habile, tenant de l'école classi(jue. telle <|u'Ingres avec plus de sévérité, l'entendait et la défendait. Toujours égal à lui-même, comme les artistes qui ne cherchent plus rien, estimant tenir une formule définitive, M. Bouguereau expose : Le premier Deuil c'est-à-dire Adam et É\e pleurant sur le corps d'.\bel assassiné. Les figures sont, comme toujours, dessinées avec une perfeclion rare, perfection de statuaire. Mais que ce marbre peint est froitl ! .le pense qu'il y a. dans ce groupe si bien arrangé, une faute capitale de composition. Adam est assis : Kve, agenouillée, pleure sur son sein, le corps d'.\bel est en travers des genoux du père. Or, ce corps, courbé en arc, laisse pendre la tète vers le sol, les bras grands ouverts. L'instinct premier d'un homme qui lient le cadavre d'un être aimé sur ses genoux est, par une supersiilion touchante de la nature de le mettre en une position dont l'être vivant neùl pas soufïei't. Ici, la lète n'a pas conduit la brosse du peintre. Cela arrive <juelquefois!

L. BON;NAT. Portrait de S. Eni. le cardinal Lavigerie

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M. JAMESOX. Sur hi {rrève de Merlimout

1{. GILBERT. L'nteliiT de teinture, à la Manufacture des Gobelins

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WAGEEZ. Un li;ipti'me à S'. Marc Veuise, XV<^ Siècle

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BROUILLEÏ, L"aiiioiir aux c-hamii!

SCHLESINGEl}. Une lo.;oa ,raniatcur

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BLOCH. ]\Ioi-t (lu général Beanpny

MELIXGUE. Lo quart iriieuro de lîalielais

•' PaulJamhnSêS

JAMIN. Le Ra2)t; âge de la pierre

LANDELLE. Eufauts uumades des Beiii-A;bd!is; Buu-«a;uhi

FOUBÈ'RT. La Furtuno et rouraiit

SAtOn ItlUSTRÉ

*VolJ T)' "l

SOaS lONCOUBS

Reproduction des Œuvres

De MM.

ludcvleB^SChet* éditeur Ûoalevô^vd- SMtit-Gerco&in 12-5

Carolus Œjuran

15 jWaA 133^

Adan.

Harpii>nies.

Aizolin!

Henner.

Vnn.-Dumaresq;

"CKi Jacque.

Barillol.

Landelle.

!•". Barrias.

Lansyer.

Bollel.

D. Lauaée.

.1. Bennor.

l^aurens.

Béraud.

l.ecomlediiNou).

Rcsnard.

II. Le Houx.

Bonnal.

K. Lévy.

lîou^ucM'caii.

Lobrichon.

Boulanger.

LœweMarotiand

Bramlôl.

Maignan.

J. Breton.

Maillet.

Bridyman.

M arec.

Brillouin.

Vlarqueste.

tiiouillel.

Monginot.

Cabanel.

Xoncierc.

Ca plier.

Pelouse.

Charpentier.

Peliljean.

Chartrari.

L. Perrault.

Collin.

Henoul".

(^omerre.

T. Hoberl-Fleur\

1 Cordonnier.

Sain.

Gormon.

Saintin.

Croisy.

Saintpierre.

Dantan.

Sauzay.

Dcbal-Ponsan.

Schlésingcr.

Delobbc.

Thirion.

Dcslrein.

De Thoren.

Duez.

Toudouze.

Dupain.

Trayer.

Edelfeld.

Vayson.

leyen-Perrin.

Veyrassat.

11. Février.

De Vuillefroy.

i''oubert.

Weerts.

l'riant.

Wcisz.

Gervex.

Yon.

(iuillemet.

Yvon.

(iiiillou.

Etc.. etc.. etc.

2 fr. le :

Numéro

CAROLUS DURAN

Quel csl-il, ce riorcn\nlicrc|ui. les talons joints, salue siiacieusenienl tie répée un adversaire invisible avant tIe tomber en garde? Quelque liidaigo ilu temps de \'élasc|ue/. ? Non. Reirarde/ bien ee cha- toyant costume de satin noir, et vous verrez qu'il n'est pas celui d'un Espagnol du dix-scplième siècle. C'est simplement la tenue de parade d'un des princes de l'escrime, qui est aussi un des princes de la peinture moderne.

Vous le connaissez, du reste, aussi

I bien que moi, et si peu Parisien que vous

soyez, vous l'avez vu cent l'ois : au Salon,

remplissant ses devoirs de membre du

jury; au Hois. sur son magnilique cheval

noir, ou sur les planches d'une salle

; descrime, faisant assaut avec les pro-

j fesseurs les plus renommés; partout enlin

; il y a quelques services à rendre, quel-

c|ue bonne œuvre à l'aire, queUpie noble

exercice à prendre, quelque beau tournoi

à admirer.

Je ne park-i'ai pas du [leintre. A (|uoi

bon ? Personne n'ignore cette belle et féconile carrière d'artiste, et il n'est pas de philistin si endurci qui ne connaisse V Enfant bleu,\o Portrait de la comtesse Vandal, Triomphe des Médicis, et tant d'autres belles pages. Je ne veux ici m'occuper ipie de l'homme qui, autant que ses œuvres, est intéressant, per- sonnel, sympathique.

Carolus Duran ! Ce nom romantique est bien porté parce Parisien, trois siècles trop tard, et qui eut aimé'vivre à l'époque héroïque et pompeuse des Méilicis, dans ce temps béni des duels et des sérénades, (les luttes ardentes et des travaux gigan- lesf|ucs. Sans doute, lui, l'homme d'action par excellence, il doit trouver notre vie moderne singulièrement plate et mono- tone, et se rapiieler avec envie le .Michel- Ange (|uiltanl son ébauchoir pour le compas (le l'ingénieur, cl coniribuani .'i la (lérensc de l-'lorence assiégée

N'allez pas croire, cependant, qu'il soit niisaiilhi'opc. 11 connaît Irop le yiv'w de la \io pour perdre son lenips en regrets inutiles, et se contente de protester dis- crètemenlde ses goûts i)arcertainsdélails pittoresques de tenue, ainsi que par son amour'pour tous les exercices cpii rendent l'honinie \aillanl et lort. Travailleur inla- ligable, il i-onsacre à son art toutes les heures claires que la saison \eul bien lui accorder. Sa tâche quotidienne remplie, il (|uille son atelier et va demander à (|uel- (|ue exercice \iolenl la fatigue salutaire i{iii doil (lélondi-c ses nerl's el calmer son ci'i'v oau.

J'ai (lit (|iril élail un lireiu' hors pair, un écuyer tonsonimé. Il excelle encore dans un sport plus modesle, mais (|ui n'en comiile pas moins à Paris des disciples lervents autant (|u'illustres. Comme .Meilhac, comme Dumas, comme l'ex- président drévy, Carolus est un fervent joLK-nr (le billard, el s'il ne peut èli-e classé parmi les grands joueurs, il es! cer- lainenicnl un des plus jolis joueurs que l'en puisse renconircr encore, l'artiste se montre, cl, soiucnl, le jeu compassé, Miélliodic|ue cl savani des maîtres du carambolage, est déroulé et linalemenl vaincu par ce talent (ramnleur plein de fantaisie el ilc brio.

O. V.

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I. élail autrefois assez facile de faire fii^urer les œuvres expo- sées au Salon sous des rubriques précises ; la peinture ç», d'iiisloirc, par exemple, et la peinture de i'cnre, poui" les v^' dimensions et le style, se différenciaient aisément. Aujoiu'- ^ :BÀi d'Iiui, les i^enres se mêlent et se confondeni, brisant d'étroites classitications. Il n'y a i^uère qu'à aller devant soi, en s'ar- rèlant à ce qui a de la valeur et présente de Tintérét.

M. Roll a exposé deux toiles : Au Ivotl et La ferinii're, qui obtiennent un égal succès. I^a première nous montre un '"^^'■s^-aM' .i'''^"^'^ y'iii'Çon, à cheval sur un poney, dans un i^rand paysage, lisière de bois. Le poney est une assez laide bêle, avec sa grosse tèle lourde. Mais, si la forme n'est pas bien choisie, il est impossible de représenter la nature avec plus de réalité. Le cheval est en plein mouvement, et, comme on dit, semble sortir de la

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toile. Il y a même un soupçon de surprise et de trompe-l'oLMl (|ui me l'ail préférer à : .1// 'Vroll la loile d'une inspiration plus simple et |)lus magistrale, la Fermilive. M. Holl nous donne le nom de celle fermière, qui s'appelle Manda Lonalria. .l'aime mieuv gar- der au tableau, (|ui donne une idée générale et abstraite de la vie rusticjue, un intitule moins étroit. On aperçoit, au fond, les fabriques de la ferme. Par un étroit chemin Ira- versant les champs en pente, une superbe paysanne descend vers nous, tenant un seau plein de lait. C'est une figure tout à fait belle dans son allure, la vérité s'allie avec la noblesse, et qui, pour n'être pas poétisée, n'en est pas moins poélicjue. Mais ce (|ui frappe surtout dans cette peinture, l'étude de la lumière est abordée .sans recourir au\ ressources du jour d'atelier, c'est la beauté du ton. La gamme est grise, mais d'une jus- tesse et d'une finesse exquises. Je ne fais à l'artiste (|u'une petite chicane. Il s'est trop amusé à rendre l'éclal du seau de zinc que porte la fermière, sans l'atténuer. Cela donne à un accessoire une valeur excessive. A dix pas du tableau, on regarde le seau gris et brillant, avant de regarder la tète de la fermière. La virtuosité de l'exécution doit être sacrifiée toujours à la composition cjui garde à la figure humaine la première place. Mais celle réserve faite, on peut admirer sans autre restriction une des plus belles toiles du Salon. Les deux portraits de M. Bonnal, celui de Monseigneur de Lavigerie el celui de M. Jules Ferry, frappent l'esprit par des qualités presque opposées : l'une est une œuvre très poussée; l'autre a quelque chose d'une esquisse enlevée d'un coup. Le cardinal est représenté assis, sa plume à la main, à côté d'une table chargée de papiers el est placé son chapeau rouge. Il est vêtu de la robe rouge, une calotte sur la tète. Avec sa barbe grisonnante et longue, sa carrure puissante, ses traits très caractérisés, le cardinal africain a quelque chose d'un dey ou d'un pacha : un bon sourire tempère seul l'énergie de l'expression et révèle l'apôtre zélé qui s'allie en lui au colonisateur actif et politique. Portrait superbe, qui montre « l'intérieur » du modèle, comme toutes les œuvres vraiment fortes. C'est également l'énergie du caractère (jui éclate dans le porlrail (une tête) de M. Jules Ferry. L'homme d'l']lal n'est pas flatté, vieilli |)lus f]ue rajeuni, avec ses favoris et sa chevelure embroussaillés, ses traits peints par touches vigoureuses, avec des ac- cents rudes et bitumineux. Mais l'impression est admirable. Si c'est par malice qu'on a

6 LE SALOX DE 1888

placée côlé de ce portrait l'image enluminée do M. le général Boulanger, par M. Bin. la malice est des plus spirituelles. M. le maire de Montmartre a l'ail de la peinture of- ficielle au plus mauvais sens du mot. C'est sec, froiil. vernissé, propre, arrangé pour plaire aux clames, sans flamme, sans pensée, sans expression. Je ne fais pas de poli- tique et ne parle, ici, que d'art : mais ce n'est pas, à coup sûr, ce bellâtre (|u"il nous faut et ce sauveur cosmétique ])lus que feu Changarnier lui-même. Cette froideur correcte est encore le défaut du portrait de M. le Président de la République, par M. Yvon. .Je sais bien que M. Carnot est Président depuis peu de temps. Mais, avant sa présidence, il avait certainement un habit, un pantalon et des bottes, toutes choses que M. Yvon nous montre neuves et luisantes, de la façon la plus cruelle. Le portrait de ^L Rilt, du même peintre, est bien supérieur, étant plus libre.

On a parfois reproché à M. Carolus-Duran, dans ses portraits d'apparat, de perdre la figure humaine dans le grand et superbe décor des accessoires de toilette et d'ameu- blement, où il se plaisait à montrer ses belles qualités de peintre. Le reproche ne serait pas de mise aujourd'hui. Le Portrait de ma _/ille, bien que la robe de la jeune et char- mante femme soit d'une belle exécution, est une œuvre simple, où, du moins, l'intimité du peintre et du modèle se révèle par l'expression du visage : et c'est une œuvre de maître encore que cette tète du peintre Français, si franchement exécutée, d'un coup, avec l'apparente négligence des peintres sûrs d'eux-mêmes, qui, trouvant de suite l'es- sentiel, ne se perdent pas dans la recherche du rendu de ce ([ui n'est pas utile.

La préoccupation de se varier est visible chez M. Henner. Elle éclate surtout dans le portrait qu'il expose, portrait qui a tout le caractère d'une étude un peu arrangée par le goût de l'artiste, laissé en liberté. C'est une jeune femme, au type vénitien, vêtue ou plu- tôt drapée d'une étoffe richement colorée. La tête, de grande élégance de forme sur un col long et souple, est comme encadrée dans les flots d'une puissante chevelure de Ion acajou. L'éclat de la carnation, le bleu de l'œil, paraissent dépasser la nalui-e et touchent à la peinture décorative. Ce n'est pas un reproche que je fais à M. Henner : loin de U'i. Car je suis de ceux pour cpii la peinture est avant tout une interprétation personnelle de la nature. C'est peut-être même la liberté de cette interprétation qui constitue seule la maîtrise? Elle éclate ici comme ilans l'autre tableau de M. Henner : Saint Sébastien. \ l'abri d'un rocher, la nuit déjà tombée, deux femmes en noir soulèvent le saint agonisant. Lune (>nléve une flèche de son corps, l'autre, se retournant, d'un geste inquiet et su- perbe, regarde si on ne vient pas les surprendi'e. La composition du groupe est irré- prochable, et le dessin, si simplifié qu'il soit par places, est d'une expression complète et juste. Mais ce qui frappe surtout, c'est le coloris de cette toile, entièrement modeléeavec des noirs et des blancs, suffisant à exprimer toutes les formes. Il faut, poiu- arriver à ce résultat avec des masses noires et blanches, une incomparable souplesse de pinceau. Peu m'importe, d'ailleurs, que ce qu'on appelait autrefois le clair-obscur soit plein de dangers, que Caravage ait perdu l'école italienne, que les Bolonais soient noirs et con- fus, avec des duretés déjà grandes chez les maîtres et exagérées chez les élèves! Il n'y a plus d'école chez nous, ou bien peu ; et noire lâche se borne à constater l'effel obtenu par les grands artistes, grâce à fies procédés personnels, tous légitimes quand re\<'culion en est bonne.

C'est tout autrement (jue M. Henner, pai- exemple, (|ue procèdent MM. C.azin. I.her- mille, ou Flameng. Ils cherchent à nous plaire par la clarté du Ion sous la pleine lumière, qui assourdit la couleur et simplifie le modelé. M. Cazin expose la Journée faite. Dans un paysage de la banlieue de Paris, un ouvrier et luie femme s(^ retrouvent sui* le soir, pour

LE SALON DE I88S 7

regagner le logis. Sons le pinceau de M. Cazin, ce Iriste el plal paysage de la zone des fortifications, grâce an sl\le el à la lumière du ciel, prend de l'intérêt et de la poésie. Ces travailleurs même, qui n'ont guère de pillorescjne, au sens romantique, ni de beauté, au sens classic|ue, ont je ne sais quelle grâce touchante. C'est le don parliculier du peintre que la banalité du modèle ne fait que mieux mettre en relief. C'est un sujet ana- logue, mais en pleine campagne, que M. Lhermilte a traité sous le titre : le Repos. M. Lhermilte est considéré comme un dessinateur hors ligne, et â bon droit. Ses figures au fusain, paysans ou industriels de village, ont une incomparable vérité. On la retrouve dans ses paysans au repos. Le reproche ordinairement adressé â sa peinture, est d'élre modelée avec des noirs un peu lourds, comme si le fusain des dessous res- sortait, ainsi (|u'il esl arrivé pour certaines préparations au bitume. 11 y a bien encore quelque lourdeur dans une des têtes exposées cette année, d'un aspect un peu sale. Mais les étoffes sont traitées d'une façon tout â fait libre, et il y a bien peu de chose à faire pour Fartisle s'il veut se débarrasser, en peignant, des oppositions un peu trop tranchées (|ue le fusain comporle.

Cette année, c'est a\ec une peinture décorative que nous retrouvons M. Flameng. Il a pris part à l'espèce de concours ouvert pour la décoration de la nouvelle Sorbonne. de même que iM. Chariran. Par je ne sais (pielle fatalité, à la(|uelle échappaient pourtant les maîtres d'autrefois, il semble que nos artistes, en peignant pour les monuments publics, laissent refroidir leur \erve. Je ne retrouve, ici, ni le coloris de M. Flameng. ni l'imagination si originale de M. Chariran. La fresque, vous enlentlez bien qu'il ne s'agit pas d'une \érilable frescjue, le procédé en étant malheureusement dédaigné, de M. Flameng nous montre le cardinal de Richelieu posant la première pierre de l'église de la Sorbonne. Au premier plan, des ouvriers groupés ou assis sur les pierres préparées pour l'édifice; au second, le cortège du cardinal: au fond, un vieux Paris 1res pilllo- resc|ue. C'est même le piltorescpie de la restitution archéologique (|ui l'ail le plus grand intérêt de l'œuvre. Car les figures, correctes, bien arrangées, sont assez froides. J'en dirai aulanl des figures d'Henri II' reformant l'Université el de celles de la Renaissance, poètes, artistes et mignons, cjui complètent le tripty(iuede M. Flameng. La l^enais- sance! Il y avait cependant matière à enflammer l'imagination. Mais la peinture offi- cielle, ça calme, paraît-il. Voyez plutôt M. Chariran, dans son Louis IX à Vabbaye de Royaiimont . Ce n'est qu'habile. Maintenant, pour lout dire, je me demande si la faule n'i^sl pas à ceux c|ui présideni à la décoration de nos monuments, si ces ch'corations restent glacées'.^ Pourquoi celle peur d'aborder les sujets modernes? Que Louis IX ail élé visiter l'abbaye de Hovaumonl. même avec Vincent de Beauvais, cela vous est égal, comme à moi, comme au peintre. Qu'on rappelle, à la Sorbonne, (pielques grands sou- \enirs, connus de Unis, soit; mais, pour le resie de la décoration, pourciuoi se refusera la rendre contemporaine? Même au point de \ue du |nn' pittoresfiue, une leçon de phy- si(|ue dans le grand amphithéâtre xaut bien une promenade de seigneurs en souliers à la poulaine... Ah! (jue nous sommes, en art, de pauvres révolulionnaires!

C'est égalemeni pour la Sorbonne ([ue M. Duez a |)einl l'irgiie s'inspiraut dans les bois. La peinture de l'excellent artiste s'est faite bien sèche... Mais je lui re|)roche surloul de ne pas avoir eu du loul le senlimenl tle son sujet. Son Virgile, élricpié, avec son bras replié sous le menlon en marchant, l'air sombre, esl dans un paysage de roches el de pins décharnés, qui le l'on! prendre plutôt pour Danle sur le chemin de l'Enfer. Je sais l)i<Mi (|ue Virgile a été, lui aussi, au séjour dos ombres. Mais ceci esl loul à l'ait |)arli- culier djuis son anivre. Quand on prend un lel personnage, on le prend dans la généralité

8 LE SALON DE 1888

de son lalenl. Or, il y a. dans Virgile, deux poêles : celui de l;i campagne tlu Manlouan. ragriculieur des Géorgiqiies. le poète lendie des Églogues. et celui de VÉnéide, le chantre cpique des origines et des destinées romaines. Si on ne pouvait le.s peindre tous deux, il fallait choisir et nous donner l'un ou lautre. Le poète épique devait être au bord de la mer. pai- vint Enée après ses stations africaines, dans un paysage du Latium, sur les rives du Tibre jaune; le poète rusticiue, dans son domaine. Or, demandez au général Lewal. qui a retrouvé le domaine de \ irgile, s'il ressemble à la pinède désolée de Kavenne? \'irgile lui-même Ta décrit : ce sont dos prairies arrosées. des prairies ;ulilicielles. dirons-nous, et le vergei' (lu'on trouve encore partout sur les molles ondula- lions d<" la pallie du poète, la \igne se marie à l'ormeau (usage conservé encore), les clôtures sont faites île saules, de cyprès el du c\tiseamer (|ue broute le che\reau. De tout cela, M. Duez ne nous donne rien : et on dirait qu'il a représenté \ irgile au gré d'un pur caprice el non en réfléchissant à ce que fut le poète.

.le vais jusqu'à penser (|ue ce qui l'emporte d'abord, dans certaines oeuvres d'art, c'est la compréhension du sujet, traduite à nos yeux par le peintre, avec des moyens dont l'étude ne vient qu'après. Le sentiment du sujet est éclatant dans deux tableaux tie M. Lagarde. Orphée el Saint Hubert. Du premier coup, on voit i|ue l'artiste a élé surtout préoccupé de garder à sa composition le sens de la légende. Malheureusement, il n'y arrive (|u"en poussant à l'extrême les simplincations de certaines œuvres de AL l'uvis de C.havannes, et, le dépassant même, il se fait purement archaï(iue. Or. le pastiche, si bier) lait (|u'il soit, est loujour-s une chose int'éricnire <|ui sort de l'.nl pour rentrer dans l.i cui'iosilc.

.le crois (|ue certains sujets, légendaires cl surloul miraculeux, linironl |)ai' sorlii' tlu domaine de la peinture. Nous ne croyons pas aux miracles. Nous les considérons comme une eri-eur' des sens et de l'imagination, et leur représentation moderne doit exprimer les circonstances qui causent l'illusion el même l'état d'esprit de celui (|ui le lessent. il est possible, à la rigueur, de nous montrer un saint Antoine tourmenté de désirs charnels el (le donner corps à celte hallucinalion de l'ascète par les ligures qui sont celles de son rêve. Encore la tâche est-elle bien ardue. Les Tentations de M. Quinsac, de AL J. Ber- trand, ont toutes ce commun défaut, que les tentatrices ne sont ni des symboles de la féminité considérée d'une façon abstraite, ni des femmes telles que le saini pouvait les \oir, mais des modèles d'atelier ou des figurantes de petits théâtres qui mettent la Thé- baïde sur les hauteurs de Alonlmartre, ce (jui est déplorable!

Plus sérieux est M. Delance. Mais son Saint Denis, se promenant sa tête à la main, dans un paysage des environs de Paris, ne nous cause que de la surprise el non de l'émotion. Si bien exécutée qu'elle soil, cette figure trop précisée ne nous semble que l)izarre. Nous pou\ons nous intéresser aux paysans et aux soldats (pii témoignent de leur terreur à la vue de l'apparition. Mais c'est tout. C'est une peinture religieuse comme tant d'autres, d'où le sentiment religieux est absent, tout au moins ne se traduisant pas sur l'esprit du spectateur, et (jui n'a que ses mérites d'exécution. C'est le même cas pour la grande composition de AL Lalire, la Mort de Marie-Madeleine. Le centre de ce trip- tyque est occupé par des anges qui vont et viennent, nus, du ciel à la terre, et dont l'un tient des plumes de paon, symbole, paraît-il, d'immortalité et de reconnaissance. Ce sont de jolies figures, très voluptueuses, mais du diable si elles nous font penser aux gloires el aux joies du paradis. Mettez-les dans un boudoir, non dans une chapelle. Sans quoi, il faudra les voiler bientôt, comme on lil, à Rome, poiu- certain sainl Sébastien, infi- niment trop joli garçon et (lui donnait des distractions aux dévotes.

J. J. HENNE K. Saiut-Sébastieu

G. BKILLUUIX. DimaiiL-he

L. DE SCHRYVER. Uu Deuil

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Harpignies.

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Ch. Jacque.

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Landelle.

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D. Laugée.

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J. Breton.

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Marée.

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Marqueste.

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L. Perrault.

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Feyen-Perrin.

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De Vuillefroy.

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G. boulanger

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2 fr. le Numéro

GUSTAVE BOULANGER

Champion do l'ICoole, soutien de ( à qui lai'l iVam.ais lioil lant de pages j dévolemenlGéromc, Picouel llaiv.on;

l'Académie, M. Gustave Boulanger y curieuses. Il ne dissimule pas sa remplit aujourd'hui à peu pi'ès le pensée, il ne tarde pas ses résolu- rôle que tenaient au \v'= siècle les j tions; et c'est le front haut et le geste princes de l'Église bénissant d'une ( assuré, (|u'il va droit au monstre : la main les fidèles, et de l'autre décou- j modernilé ! M. Ciuslave Boulanger, sant de furieux coups d'estoc les ^ élève de Jollivet, initié du phalans- parpaillots ([u'ils prétendaient con- * tère de la rue de Fleurus, dit le Pha- vcrlir. Tel qu'il est, j'estime le peintre ; Lmslci-eJcs iiL'o-GrL>cs,e\ officiaient

explorateur tie l'Africjue, familiaiisé avec ranli(|uilé don! il a fouillé les cendres, remué les vestiges, noté les ruines et les débris, devait être un inlcriM'éle du passé, un évocateur des mœurs oubliées et des grandes ligures de la Rome impériale; figures obscurcies par la i)erspective fuyante des siècles disparus.

Sans faiblir, sans se laisser émou voir par les révolutions présentes, sans prêter l'oreille aux clameurs qui montent de toutes parts, sans apporter d'attention aux schismes qui déchirent la peinture moderne. M. Gustave Boulanger marche du même pas égal et sûr el poursuit, avec la même chaleur cl le même enthousiasme, l'idéal doiil les clartés illuminèrent ses premiers pas. Bien ne le trouble, rien ne l'arrête: les trônes s'écroulent, les dieux, ses dieux! sont chassés de l'Olympe ils régnaient depuis tant d'années, el il continue à se rendre tians leurs temples dévastés par la main des barbares, à porter au pied de leurs autels descellés cl branlants les of- frandes d'un fervent et les prières d'un sincère. Certes, à une époque de palinodies et de reniements, il est bon de saluer un homme lout d'une pièce, un caractère fortement trempé et (|ui a résumé le Credo de son art et le pour(|uoi de ses con- victions dans ce manifeste de foi : Conseils à mes Jeunes dlèivs.

iM. Gustave Boulanger est de ceux ((u'on respecte, mais qu'on ne suit pas.

Elgè.m: .MONTHOSIEH.

4

III

N m;issui-e (mais je ne garantis rien, néianl pas dans le se- cret des dieux) que lorsqu'on présente devant le Jury cer- tains tableaux rédigés selon des formules déjà anciennes, et ([ue le Jury les refuse ou les classe dédaigneusement avec le dernier numéro, M. Cabanel dit mélancoliquement : « Prenez '' ^ garde, Messieurs. Il n'y a pas si longtemps que celte peinture a fait fureur. » La mode, en effet, entre pour beaucoup dans l'appréciation que nous faisons des œuvres d'art, et qui sait si M. Cabanel n'a pas lui-même à souffrir de ses i-etours? Ses portraits, d'un dessin élégant, d'une couleui' « distinguée » ont été, comme on dit maintenant, le « clou » de plus d'un Salon. On leur trouve aujourd'hui Je ne sais quoi de mondain, de convenu et d'arrangé qui blesse notre amour furieux de la vérité. M. Cabanel avait pourtant retrouvé, il y a deux ans, et sans que les intransigeants eussent à y redire, ses grands succès d'autrefois avec deux portraits de religieux et de religieuse, qui étaient de tiers morceaux. Celte année, son succès se restreint da\antage, et ses deux portraits ne sortent pas de l'ordinaire de ses productions. C'est le porti'ait classique des gens du monde, avec ses mérites et aussi ses faiblesses, dont la plus grande est je ne sais quel désir du modèle de plaire au peintre et du peintre de plaire au modèle. Les portraits de MM. Roberl- Fleury, Wencker, \\'inter, Machard, Monchablon, et d'autres encore (|ui ne sont pas des oeuvres sans valeur, et qu'on remarquerait, certes, ailleurs que dans le granil ca|)liarnaum du Salon, sont, plus ou moins, des toiles classiques, traditionnelles, \arianl peu la ma- nière du peintre, et qu'il faut bien se contenter de citer.

On admire à bon droit VOrplwliite de M. J. Lefebvre, (jui a aussi un beau portrait de femme. C'est que le peintre a ti'aduit une impi'ession de l'àmc, un caractère, en même temps qu'il a exprimé une « ressemblance », ainsi que disent les philistins. Sa figure a de l'expression, sans tomber dans la fadeur écœurante des tôles dites « d'expression. » La préoccupation de Vititus du modèle est, comme le faisait observer Proudhon, (|ui fut un grand critique d'art, la première ((ualité d'un peintre de portraits. Je trouve assez sou- vent cette préocupation essentielle chez les portraitistes ([ui ont aussi traité des sujets d'histoire et chez ceuv cjui n'oni pas trop cherché à èli-e a la mode. Elle fait, avec un modelé charmant, l'intérêt des portraits de M. Dubois, de M. Desboulin, d'un jeune peintre plein d'avenir, M. Axenlowicz, qui expose le portrait si vivant de ^L Porlalis, de M. Hixens, de M. Morol, de M. II. Leroux, infidèle aux vestales! A des degrés divers, il \ a chez ces artistes un grand effort vers ce qu'on a si bien appelé l'intimité du modèle. Ce n'est pas à tort qu'on dit d"un romancier (|u'il est un peintre de caractères. Pour ex- primer l'âme humaine, avec des moyens divers, le peintre et l'écrivain se valent.

Les bons portraits sont nombreux au Salon. 11 faut seulement s'arrêter devant ceuv qui ont quelque saveur particulière. Au premier rang se place le portrait lic M. Rops, par M. Malhey,qui est un vrai chef-d'œuvre, d'une belle simplicité de moyens, ne devant rien qu'à la puissance du dessin et à un modelé de grand coloriste qui n'a pas besoin île cou- leurs voyantes pour nous frapper et nous charmer. Je fais granil cas aussi de deux toi- les, d'aspect un peu japonais, intitulées modestement : Études, de M. Maurin. On peut préférer un art plus libre que cet art inspiré des vieux maîtres allemands. Mais la préci- sion n'oie rien à l'effet, si elle l'obiicnl un peu péniblement. Celte précision est portée au

10 I-I-: SAL()\ DE I8.SS

dernier degré dans les poiirails si précieux ilo M. \ an Beers, miracle, à la lois, de IiimI el de la main, et aussi dans les toiles de M. Crochepierre, (jui devra pourtant assouplir ses noirs. Par contre, ce qui plaît dans les portraits de M. Popelin, c'est l'allure, gardant (|uelque chose des modèles de la Renaissance longtemps conservés sous les yeux; c'est, dans celui de M. Ary Renan, une sorte de naïveté dédaigneuse de l'adresse: c'est, chez ceux de MM. Pille et Raffaëlli, la liberté. Mais l'un, dans le modelé, l'autre, dans le parti pris général de la figure et de l'entourage, procèdent par des oppositions dures de noir el de blanc. Ceci donne à la toile de M. Pille Fair sale, au portrait de M. de Concourt l'apparence spectrale. 11 l'aul se métier de ces oppositions brutales qui l'ont ressembler un personnage à un farinier qu'un charbonnier aurait embrassé!

Le malheur des peintres de portraits, c'est qu'ils sont peu regardés au Salon, à moins de tirer l'œil par une mise en scène du modèle qui n'est pas toujours de bon aloi, ou de représenter un personnage tort connu. C'est ce geni'e de curiosité (|u'e\cite le tableau de M. I^aissement. Une Lecture à la Cot7iédic-Fraiiçaise.

Le lecteur, c'est A. Dumas, entouré de MM. les sociétaires, parfaitement solennels, comme il convient à leur qualité déjuges suprêmes de l'art dramatique. Tout ce monde, intéressant par lui-même, surtout pour des Parisiens dont la joie suprême est de pénétrer, ne fût-ce que par la peinture, dans le monde des théâtres et la cuisine de coulisses, est assez ressemblant. Mais la peinture est biensécheet lourde. M. Clarelie. qui figure dans le comité, un peu effacé, a été mieux traité dans un bon portrait de M. C. Ferrier. Quant à M. Dumas, j'estime qu'en le peignant après Meissonier, M. Sainlin a surtout fait preuve de courage. Hél certes! cela est ressemblant el d'une peinture savante. Mais ïiiiliis. mais le causeur prodigieux, le découvreur d'idées, le vivant entre les vivants"? Je le cherche el ne le reti-ouve pas.

Il me paraît, de même, (lue M. Cormon a fait de notre confrère M. Maret un homme bien placide, à face élargie de chanoine, et qu'il ne nous a pas donné le journaliste cjui louche au pamphlétaire, ce qui es! un éloge, vous l'entendez bien? Les portraits d'hommes célèbres ont, d'ailleurs, en eux. une difficulté particulièi'c. Il faut ([u'ils soient ressemblants pour ceux qui ont vu les originaux el qu'ils aient en même temps quelque chose de l'idéal selon lequel la foule se les figure. Même problème à résoudre pour les portraits de comédiens qui doivent garder l'illusion de la rampe, tout en étant exacts el près de la nature. MM. Clairin et J. P. Laurens nous ont donné deux portraits de M. .Mounel-Sully. en Hamicl. l'un furieux, prêt à luer Claudius. l'autre ironique et rêveur, disant (je ]>ensei à Ophélie : \a au couvent! Tous deux sont intéressants. Poui" .M. J. P. Laurens, on doit remanjuer le soin qu'il a pris, au Salon, de xai'ier sa manière; son autre toile. Ophélie, est, à la fois, un curieux retour au sentiment dramatique des roman- tiques et un pas vers la peinture libre du plein air.

Si on regarde curieusement les ])orlraits de comédiens, c'est bien autre chose pour les comédiennes! Il y en a trois au Salon : un, celui de M"'' Darlaud. par M. Brouillet, est un vrai bijou: un autre, celui de M"*^ Dudlay. par M. Boulet de Mon\el, est fort original, d'allure particulière; le dernier, celui de M"' lîèiane. pav M. Toulmouche... Ah! je voudrais ne pas en parler! Le modèle est ex<iuis, l'artiste consciencieux. Il expose aussi une bou- quetière, avec toutes les fleurs du monde. C'est très bien fait. Mais fleurs et femme sont sans leur parfum. Celle M"'' Réjane, il a réussi, le Irailre! à la faire à peu près jolie comme lout le monde, alors que, portant un audacieux et heureux défi aux beautés régulières, elle a im moyen à elle d'être jolie qu'elle a cerlainemeni inventé en collaboration avec le diable!

Il faut i'ech<>rcher les pori rails au Siilon. el même les chei'cher parfois plus haut (|ue

LE SALON OI-: 1S8S II

la cimaise, oii loiis ceux i\u\ le méritaieni n'ont pas toujours |)u ti()u\<'r phiee. Les grandes loiles ont cela pour elles qu'elles ne passent jamais inapereues. En outre de celles que j'ai déjà sis^nalées, et qui doivent contribuer à la décoration de nos monuments pu!)lics. on en trouve un certain nombre d'excellentes ou d'estimables qui lémoii^nenl chez nos peintres d'un vif désir de se préparer dignement à l'Exposition de 1889. M. Maii>nan a eu le rare mérite d'exécuter, sans qu'elle tut commandée, une oeuvre (|ui est dans les propor- tions et dans le style de la peinture d'histoire. Les Voix du Tocsin nous montrent un haut beffroi, dominant une ville éclairée par les rouges lueurs de l'incendie, une énorme cloche est mise en branle par des hommes nus, figures pitloresquement jetées en l'air. De cette cloche s'échappent d'autres figures nues ou drapées, symbolisant les maux, les épidémies, les désastres qui éveillent le tocsin, l'incendie, l'inondation, la guerre, etc. Toute celte composition est d'une grande allure et d'un beau dessin, plein d'énergie et de souplesse. Le triptyque de M. Humbert. Maternité^ est, au contraire, remarfjuable par la tranquillité de l'ordonnance et la mélancolie de la couleur'. Il re])résonte une paysanne liére de sa double maternité, marchant avec deux enfants sur les bras dans un petit bois de pommiers en fleurs; puis, à droite, on voit, dans une forêt, un soldat tué et, à gauche, dans un triste champ, une tille courbée arrachant des |)ommes de terre. J'ai compris que le peintre, dans une pensée amère, avait voulu montrer ce que la guerre et la i^auvreté font des joies de ia maternité Ir-op orgueilleuse. D'autres explications ont |ku'u probables, et la possibilité de ces explications diverses tlu sujet est. je pense, à repro- cher au peintre resté obscur. Mais l'exécution est charmante, et aux souvenirs tondus ensemble de Millet et de M. Puvis de (".haxannes. ajoute une note particulière â M. Humbert, et des plus charmantes.

M. Ehrmann, dans une grande composition : les Arts, les Lettres et les Scieuces de l'autiquité, M. Agache, dans une grande figure : Énigme, mettent en pratique, avec mérite, les leçons et les souvenirs de l'école romaine et de celle moins ex|)loitée de Flo- rence. Mais ces traditions sont bien abandonnées aujourd'hui. La peinture religieuse et la peinture mythologi({ue sont de moins en moins représentées aux Salons. .\ux quelques loiles dont j'ai parlé déjà, je ne vois guère, pour la première, qu'à ajouter cellesde M. Lévy et de M. Deschamps. Encore la lYaissatice de Benjamin, de M. Kévy, est-il un petit tableau qui tloit, d'ailleurs, son impression religieuse à de sincères qualités de grand style. Quant à la Consolatrice des affligés, de M. Deschamps, c'est bien plus une très curieuse et belle étude de tète d'expression, qu'une composition. Velue de noir, une couronne d'épines sur les genoux, la Vierge lève au ciel ses grands yeux, des yeux cernés et immenses, que le peintre a trouvés chez quelque belle fille du Midi, et n'a pas oubliés. Comme certains Espagnols, M. Deschamps peint volontiers en opposant des teintes prescpie plates : il accjuierl, de la sorte, beaucoup d'accent et une grande largeur. 11 faut se méfier pourtant de pousser trop loin le système qui garde trop de l'estiuisse au tableau. Mais j'aime mieux encore cette liberté excessive que le rendu trop également méticuleux de la plupart des figures nues, dont la Léda, de M. Bramtot, est peut-être la meilleure. Là, du moins, l'étude du nu garde un sérieux que je i-efuse d'accorder aux ligures de M. Lecomte du Nouy ou de M. \anleuil. En montrant une femme sans che- mise, couchée à côté d'une ombrelle rouge, celui-ci laisse suspecter ses intentions. Il y a toujours un danger, étant donné nos mœurs, et si on ne veut pas entrer franchement dans la voie de la peinture erotique, qui est fort défendable si le goût de la forme reste pur et le sentiment de la passion vrai, il y a beaucoup de danger, dis-je, à réunir sur une toile des personnages contemporains nus et habillés. M. Gervex n'a pas échappé

\.t 1.I-: SALON l)i: 188ÎS

enliéremeiil à ce danger dans son l'iib : le bassin de zinc, la bonne (jui lenil un diap. réponse, loiil évoque des idées particulières. élrani,^éres à l'idée plus abstraite de la beauté féminine et moins nobles quelle : heureusement, la facture de ce corps, vu de cU)s. est tout à fait belle et sérieuse. Je n'en pense pas moins que « la modernité » n"esl pas là. et je trouve plus indiscutable le succès de M. Ciervex comme portraitiste, avec sa jolie toile représentant une femme de Paris qu'un caprice éléi^ant a déguisée en Japonaise. C'est bien encore une Parisienne (|ua présentée M. Boulanger, dans : VEsclaj'e gaiiluise. et elle est nue aussi, montrant son frêle et charmant corps. Mais un noir la garde, et c'est au marché aux esclaves (|u"elle est ainsi exhibée. Elle est pourtant chaste. C'est qui! se fait, à propos de la chasteté ou de lindécence du nu. un singulier travail dans nos esprits. Ce n'est pas l'image féminine en soi qui a de l'imiiorlance : c'est le milieu. Ce n'est même pas l'action représentée. Une tille sparliale courant toute nue devant les Grecs de son temps, ne choque pas : transportez le sujet à l'Hippodrome, devant un public de gilets en cœur, et vous tombez dans la polissonnerie.

Citons encore les figures mythologiques, mais d'une mythologie nouvelle, de M. Fan- tin-Latour. de grande tournure : V Or dit Rhin et la Dainiiatio)i de Faust, et disons adieu aux Grecs et aux Romains, avec MIM. Motte, Maillard et Chalon. Le premier expose Ulysse chei le cyclope. un horrible monstre \ert: le second : Hector et Paris, deux tableaux d'ar- chéologue assez appréciables. Quant à M. Chalon. il y a, dans sa Circé. assise toute nue sur un trône doré, coiflée d'une auréole de déesse indienne, entre de fantaslicpies dragons. im sentiment légendaire vif. qui est le même qu'on admirait à si bon tiroil ilans les pein- tures de M. Moreau. J'aurais voulu, seulement, un peu moins de sagesse dans l'exécution.

\.\Utila cousitltcmt les ariispices, de INL Bordes: le Grand Ferré, de M. J. Brunet; le Prince noir à Créer, de M. Story. sont de ces bons et louables travaux historiques, pleins de difticultés. comparables aux savants mémoires qu'on envoie à l'Institut. Il y a cependant dans la loile de M. Story un sentiment dramatique c|ui mérite d'être loué. Mais les grandes actions de guerre ne nous touchent guère plus que lorsqu'elles sont contem- poraines et patriotiques. C'est un sentiment patriotique que je ne me sens pas le courage de dire vulgaire, encore que l'art rafliné redoute un peu les sentiments trop simples et les émotions trop aisées, qui font (ju'on s'arrête aux toiles de MM. Boutigny {le lende- main de Champigny), Bettanier (/^o«r la France}, et devant la grande toile militaire de M. Beaumetz. Salut à la victoire, qui a du mouvement. Car les qualités de peinture sont ordinaires et le mélodrame gâte l'aclion. Elle est simple au contraire, et la facture est excellente dans le Porte-Drapeau de M. Moieau de Tours, nous voyons le comman- dant d'un bataillon retrouver et saluer, sous les décombres de l'assaut, le corps d'un officier serrant dans ses mains le drapeau (|u"il n'a pas abandonné en mourant. 11 y a une \raie poésie dans celle toile, et aussi dans la composition de M. Détaille, le Rêve. Les soldats en campagne sont couchés, dormant du sommeil lourd qui suit l'étape l'oi- cée. Les armes sont en faisceau, le drapeau roulé et posé en li-avers des fusils, à la garde des sentinelles. La nuit est noire, le ciel orageux. l'I, dans ce ciel, passent rêve du soldat des figures mystérieuses portant les étendards jadis vainc|ueurs. .lai entendu reprochera ce tableau de dépasser les limites de l'art plastique, d'être une com- position surtout littéraire. Je ne le pense pas. Le pittoresque n'en est pas absent et le symbolisme, quoiqu'on en dise, restera toujours dans le domaine de la peinture. On pourrai! plutôt trouver un peu de sécheresse dans l'exécution. Mais l'émotion (|ue le pein- tre nous communique n'en est pas moins réelle, et il ne faut pas êlre à ce point partisan de la vérité, qu'on chasse de l'arl les vérités les plus éternelles, qui .sont les idées.

E. NUIR. L'onglée

J. J3ENNER. Roses; hommage à Jeanne D'Arc

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Adan.

Aizelin.

Arm.-Dumaresq.

Barillot.

F. Barrias.

Bellel.

J. Benner.

Béraud.

Besnard.

Bonnat.

Bouguereau.

Boulanger.

Bramtôt.

J. Breton.

Bridgman.

Brillouin.

Brouillel.

Cabanel.

Caplier.

Charpentier.

Chartran.

Collin.

Comerre.

Cordonnier.

Cormon.

Croisy.

Dantan.

Debal-Ponsan.

Delobbe.

Deslrem.

Duez.

Dupain.

Edclfeld.

Feyen-Perrin.

G. Ferrier.

Fouberl.

F riant.

Gerve.x.

Guillemet.

Guillou.

Harpignies. Henner. Ch. Jacque. Landelle. Lansyer.

D. Laugée. Laurens. LecomteduNouy. H. Le Roux.

E. Lévy. Lobrichon. Lœvve Marchand Maignan. Maillet. Marec. Marquesle. Monginot. Nonclerc. Pelouse. Petitjean.

L. Perrault.

Renouf.

T. Roberl-Fleury

Sain.

Saintin.

Saintpierre.

Sauzay.

Schlésinger.

Thirion.

De Thoren.

Toudouze.

Trayer.

Vayson.

Veyrassat.

De Vuillefroy.

Weerts.

Weisz.

Yon.

Yvoii.

Etc., etc., etc.

ludovIcB^SChet" éditeur

A. Caha^tel.

)3 3u^r> 1533

r.vr;;i «

2 fr. le Numéro

ALEXWHHK CABAN EL

Élève de Picot; prix de Rome eii 184Ô; médaille de 2' classe en 1852; médaille de V classe à riixposilion universellede 1830, et, de plus, décoré; membre de l'InsliUil en 18G3; officier de la Légion dhonneur en 18(i4: mé- daille d'honneur on l8(>."), el il l'Expo- sition universelle, de 18(37; rappel de médaille tlhonneur en 1878.

Voilà, certes, de briilanls étals de

service qui prouvent, en même temps cju'une helle conduite, un bonheur rare. Les campagnes succédcnl aux campagnes ; les citations à l'ordre du joui- sont constantes; et l'artiste

et fuit, les abatlemenls suprêmes qui succèdent aux créations laborieuses. M. Cabane! a donné ce ([ue sa nature calme lui commandait de donner. Son art est la marque tle so;i tempérament;

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liiomphe |Kirloul sans être alleinl et ainsi que je l'éci-ivais il y a dix ans: dauiune blessure! 11 semble que « Avec sa science profonde, seslalents jamais il n'a connu les heures noires de restitution des époquesévanouies, (lu doute, les soirs des batailles de le fond de lilléralure t|ui se marque la pensée ronlii' l'idée (|ui se dcrolic dans ses compositions, il eùl ])u. sans

I contredit, tenir une place encore plus j élevée (jue celle il est arrivé. Il ; est un des premiers parmi les peintres ] de ce temps-ci; son influence est j considérable sur le ])ublic et même \ sur ses confrères, puis(|ue souvent. m"a-t-oii dit. dans les concours de l'École, il lui suffit de jeter ses pin- ceaux, comme Brennus jetait son glaive sur un des plateaux de la ba- < lance se pèsent les mérites îles i concurrents, pour faire pencher ce plateau ilu côté de ses |)rotégés. .le dis u protégés « dans la bonne accep- tion du mot; je sous-enlends « mé- ' riianls. » ES

Je me ligure, en voyant le portrait ^ (|u'un dessinateur habile a fait de M. Cabanel. (|ue ce peintre n'est im doux i|ue de siu'face, cai* il y a ] singulièrement île vo'onlé dans .sa } physionomie, et de caractère dans son \ regai'd; même quelque chose de ba- tailleur dans toute sa personne. Il porte la tunique de l'Académie, mais il était fait poui- \oir flotter sur ses épaules la blouse des révolulion- naires. lia été. par les leçons reçues, par les avances de la foule, détourné de son vrai sillon; et je me le rej)ré- sente « brisant ses liens, faisant 1 éclater sec entraves, et précipitant t i\u haut lie son piédestal la statue ac;ui<'mi(|ue, au pouce du pied aminci par les baisers des impuis- sants de l'art ! » Il pousail le faire.

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IV

ADis, les esprits raffinés considéraieni qu'il y avait je ne sais quoi de grossier dans les mœurs rustiques, qui ne valait pas que l'art s'en occupât. Nous avons changé d'avis, peut-être parce que nous sommes encore plus raffinés que nos pères. C'est, en effet, le fait des sociétés compliquées et un peu corrompues de revenir, par contraste, aux choses simples et fortes. Quoi qu'il en soit, les l)eintres rustiques sont nombreux et admirés, surtout depuis Mil- let, le plus grand de tous.

11 serait injuste de ne voir en M. J. Breton tju'un simple élève de Millet, fût-ce le plus parfait des disciples. Il a, tant dans la |\ facture que dans l'impression, quelque chose de bien a lui, cpii en fait un maître. Son ^' tableau des Jeunes filles se i-endant à la procession a la double cjualité de poésie et de réalité, dont le mélange est la caractéristique du beau talent de M. J. Breton. Ce sont bien des paysannes de France, et de l'Ile-de-France même; mais leur cortège a je ne sais quoi de l'allure rythmée et harmonieuse d'une théorie hellénique. Avec moins de style, mais beaucoup de charme, MM. Laugée père et fils, laborieux peintres de la vie rusticiue, nous donnent des scènes campagnardes, La jeune Mère aux champs. Le Retour du marche de M. Moreau; Le Tambour du village de M. Saunier, mêlent à la \ie rustique une pointe de fantaisie, il est rare qu'un peintre aborde l'étude du paysan dans .sa sim- plicité, sans chercher à \ ajouter quelque pittoresque et quelque intérêt, à l'esprit de la composition. Ce pittoresque, M. Berthon le cherche dans le costume de l'Auvergne {Avant la soupe); M. Dagnan-Bouveret dans l'habit breton (Un Breton); M. Lix dans le sou- venir de notre Alsace (Pèlerinage de Saint-Odile). Notons encore La dernière gerbe de M. Fourié, étude de Normandie, et La Retenue de M. Truphèine, car j'imagine que ces jolies filles qui sont gardées en cage pour quel(|ue peccadille, sont des villageoises.

(3n peut, dans le paysan, ne voir (lue l'allure : c'est ce qui frappait Millet; ou bien, préférant une analyse plus subtile à l'impression simple, étudier le caractère de l'homme du village. C'est ce qu'ont fait M. A. Perret dans sa Cinqua)itaine et M. Lubin dans sa Politique au village. La première de ces toiles, très importante, nous fait assister à un bancjuet campagnard. 11 n'est pas un de ces villageois dont le masque ne donne l'idée d'un type très accentué : toute la vie morale de la campagne est passée en revue. C'esl d'un art très fin, très patient et très précieux. L'observation est encore le grand mérite de la toile de M. Lubin, et ses paysans causant de politicjue donnent à réfléchir sur le suffrage universel. Le danger de cet arl qui pousse loin l'élude des physionomies, c'esl d'ouvrir roule à la caricature peinte par exemple : Les Chasseurs de M. Denneulin. Or, la caricature ne paraît pas comporter le sérieux de l'huile. Elle nous fait alors l'effet (l'un mol plaisant ([ui sérail Iroj) appi'èlé et en perdrait tout son mérite.

Vouloir trop dire est un des écueils du peintre. Il doit rester simple et se cléliei' du rébus. La composition de M. Hébert, par exemple : /l«.v Morts sans gloire, est dans la bonne mesure. Malheureusement, la facture est toujours de |)lus en plus sépulcrale. La simplicité du sujet sentimental plait encore dans la Piété filiale, de M. Outin, ou la Consultation de M. Dantan, toiles dont le litre indique assez le sujet. Elle est grande en- core dans les Origities de r hôpital de Berck, (.le M. Thirion, et le Dernier voyage, de M. Bau- douin : une pauvre paysanne ([ui se dévoue à soigner, sur le bord tic l'Océan, les enfants

14 LE SALON DE 1888

scroriileu.x; ou un enterrement dans Thorrible banlieue du sud de Paris : cela tVappt' l'imagination sans effort de Tesprif. On comprend encore assez bien la composition plai- sante de M. Olivic : Le bon poids, un boulanger pesant son fils, petit enfant, devant sa mère, et Le Miroir aux alouettes de M. Villa, et L^Oiseaii envolé de M. Jacquet. Mais est-ce bien déjà, dans cette peinture de facture un peu sèche, un oiseau que la jeune iille a perdu et qu'elle pleure? Et nous voilà entrés dans les voies des peinti'es qui ont Iroj) d'esprit.

Aux peintres spirituels et malins, on doit préférer ceux qui savent, par le style, mettre de l'intérêt aux choses de la vie ordinaire, trop dédaignées jadis. C'est ainsi que, depuis «juelques années surtout, nombre d'artistes, abandonnant les élégances si souvent factices de la vie mondaine, ont consacré leur talent à la description de la vie des travailleurs. Les toiles de ce genre sont généralement intéressantes. Je remarque celles de M. Bour- gonnier (Fonte dans les ateliers de M. Thiêbaut), de NL Gilbert {Atelier de teinture aux Gobelins),âe M. Torrentz [La Forge). Ce sont encore « les Travailleurs de la mer », comme disait Victor Hugo, qui fournissent à nos artistes des sujets et des modèles très caracté- ristiques : Les Guetteurs, de M. Renouf; -4 la jetée, de M. Maquette, et surtout les Pilotes, de M. Melchers, sont de bonnes éludes de types maritimes. V.e?, Pilotes me paraissent une des plus vigoureuses peintures du Salon. ^L Maillard {Les derniers secours) a exposé tout un drame des bords de la mer. Près d'une jetée que les vagues delà tempête battent et couvrent d'embruns, une barque est en perdition : el, tandis que les marins accourent, apportant des bouées et des engins de sauvetage, le curé, avec son enfant de chœur por- tant la croix, vient donner des encouragements ou la bénédiction dernière aux hommes en danger. C'est dune belle imjjression. >L Beyie nous montre les pécheurs travaillant dans les rudes parages de la Terre-Neuve, dans un paysage du pôle. Enfin M. Berne- Bellecour {Au Mouillage) nous rend, avec sa précision parfaite, l'aspect d'une batterie pendant que nos mathurins font l'exercice à feu.

Des marins de l'Étal aux soldats, il n'y a qu'un pas. M. Prolais, (|ui connail le soldat comme pas un, expose une Halte. M. Roy, qui se plaît à la vie de caserne el de garnison, nous fait pénétrer dans la salle d'armes du régiment. Avant le duel. D'une jolie facture, la toile a un grand mérite d'observation des physionomies. Enfin je dois citer l'œuvre patriotique d'un soldai, M. Claris, intitulée : Vive la France! nous monlranl un défilé de soldats vaincus, mais c|ui ne veulent pas désespérer de la patrie.

On dirait que nos peintres, à mesure (|u"on comprend mieux les beaulés de nolie sol français, et que peut-être, pour des raisons (]ui sont autres que des raisons d'arl, on les aime davantage, voyagent moins. Jadis, ce qu'on appelait la peinture elhnogi-a|)hique avait une importance capitale dans nos Salons, .le trouve celle année bien moins de toiles de ce genre. Le Marché de Tunis, de M. Metcalf, et les Bords de FOued-Gabès, de M. Pinel, sont celles cjui mont frappé le plus. L'une el l'autre nous représentent des scènes de Tu- nisie, el je vois avec plaisir nos peintres, renonçant à l'Orienl dolent et banal dans sa violence des rouges soleils et des ciels trop bleus, peindre dans une gamme p\u^ Irancpiille el plus ordinaire. J'ai pu constater la parfaite vérité d'aspect des deux tableaux (jue je viens de citer.

Qu'il s'agisse d'.\frique, d'Espagne ou d'Italie, notre préocupation est de voir (piel- que chose qui ne soit pas quelque chose déjà vu. Le « déjà vu » existe malheureusement pour la Venise de M. Ziem et de M. Rosier, surtout pour les Espagnols, loreros, ma- nolas, joueurs de guitare que M. "Worms réunit, comme en une scène de théâtre bien réglée, dans sa cour d'auberge (La Reine du Bal). Au très grand tableau de M. Sainl-Ger-

LE SALON DE 1888 15

miei- {La Nai'ûja), scène de duel au couleau entre Andalous. je prél'ère, pour la recherche d'un effet nouveau et l'étude des physionomies, La Fête du Rédempteur, de ^L Zonaro, toile d'une observation très fine.

Les scènes religieuses sont, d'ailleurs, très bien interprétées, en général, et 1res intéressantes. Qu'il s'agisse de VAyrivée au Synode, de M. Moyse, de la Fête-Dieu, de M. de Dramard, de VOuin'oir, de M. Tytgadt, de la Cérêmo7iie grecque, de M. Ralli, la vie religieuse inspire bien les peintres. C'est qu'il n'y a guère que les cultes, si divers ([u'ils soient, qui gardent du pittoresque, et les Églises sont fécondes en types très accentués. 11 faut citer aussi pour sa facture précieuse, trop précieuse, la Première Communion de M. Girard.

Le mouvement, d'apparence irrésistible, qui pousse les peintres vers l'étude de la réalité contemporaine, a rendu très restreint, dans nos Salons, le nombre des tableaux <|u'on appelait, jadis, tableaux de genre historique. Quelques-uns, cependant, méi'itent d'être notés. Par exemple le Poète, de M. Gèrome. Le poète, couché sur le bord de la mer, avec une allure à la Chateaubriand, évoque la Vénus Anadyomène et les déesses de la mer. Cette toile, il y a vingt ans, eût été un des clous d'une exposition. On ne peut plus en louer que la facture très fine, un peu cristalline, toujours particulière à M. Gérome. facture précieuse, ivoirine, qui fil la gloire de certains Hollandais, mais qui est de moins en moins dans le goût du jour, aimant l'exécution large et libre. WOphelie de M. J. P. Laurens est un ressouvenir romantique. Le Camille Desmoulins de M. Barrias, la Mort du général Beaupuf, de M. Bloch, sont des toiles à la fois mouvementées et trop sages, mais d'une exécution soignée, qui tourne à l'imagerie, à l'illustration tout au moins, avec le Quart d'heure de Rabelais, de M. G. Mélingue, et surtout le Mariage à Florence, de M. Wagrez, ])ur pastiche de Masaccio et de Lippi, allant jusqu'à la copie. Il y a |)lus d'originalité dans le Lion amoureux de M. Metzmacher ou la Leçon d'amateur de M. Schlésinger. Quant à la figure de M. Weertz, le Muscadin, elle plaît. Mais diable le peintre a-l-il vu que les rudes hobereaux qui se mesurèrent avec les derniers Jaco- bins aient eu dételles allures suspectes et inquiétantes d'androgynes?

La décoration est surtout représentée au Salon par M. MazeroUes, dont les scènes de Molière, assez arbitrairement placées dans un parc à la façon des jardins de Ver- sailles, sont un peu pâles et comme vides. C'est ce même défaut qui me gale la Vendange à Capri, de M. Rossel-Granger, il a deux ou trois jolies figures. Plus de mouvement dans la composition ou plus de vigueur dans l'ovécution sont à noter tians le panneau de de M. Le Camus {Printemps), dans le Paon de M'"^ Ricard, dans les belles fleurs de M. Schuller. Si vous aimez le contraste et voulez prendre une utile leçon d'éclectisme, à côté de ces fieurs décoralives, regardez le tableau de fleurs et d'insectes, à la manière hollandaise, de M""" Wisinger-Florian, une merveille de fini.

Ces intéi'essantes différences d'exécution se retrouvent chez les peintres de natures mortes. La précision sûre et cristalline de M. Desgoffes s'oppose à la facture plus large, (pioique très serrée encore, de M. Delanoy et à la manière élargie de M. Zakarian, dont l'œuvre est fort belle. Quant à M. Vollon, c'est surtout le ton qui est magnifique dans ses toiles; il faut, dans sa Cour de ferme, reprendre un peu de mollesse, ce qui est sin- gulier chez lui.

Les animaliers nous conduisent aux paysagistes, car, sauf MM. Monginot et Muralon, animaliers spirituels qui s'amusent à nous redire les grimaces des singes ou les exploits des toutous dans les intérieurs on les laisse en liberté, ils mettent leurs modèles dans leur cadre nalurcl. la campagne. C'est dans un beau paysage normand (pie

16 LE SALON DE 1888

M. Barillot place ses vaches et M. \ uillefroy ses chevaux. Notons les niontons, dans un paysage provençal, de M. Vayson, les bergers et les troupeaux de MM. Chaigneau etCh. Jacque, malgré la facture alourdie et poussée au noir de ce dernier, et la Mauvaise Rencontre de M. de Penne, loups attaquant une voiture dans les bois. Les moutons de M. Schenck seraient bien aimables s'ils voulaient se varier un peu d'année en année! C'est toujours le môme tableau, l'éternel pâté d'anguilles du conteur. Enfin les bœufs de M. J. Didier (Une bagarre) dans une vue d'Italie, toile mouvementée.

En commençant cette rapide revue du Salon, j'ai dit un mot des splendeurs de notre école des pavsagistes. manquent, hélas! les maîtres qui l'ont l'ondée, et que la mort a presque tous pris, mais (pii reste compacte encore, avec des représentants dont quelques- uns les égalent. 11 ne serait {jue juste de consacrer aux paysagistes autant de place, dans les comptes rendus, qu'aux peintres de figures. Mais la description de leurs tableaux entraînerait trop loin. el. à regret et pour finir, il faut se résigner à une façon d'énumé- ration rapide.

Les marines ne sont pas très nombreuses. A citer La Mer à Quiberon. de M'"* La Villetle, toile mouvementée et transparente, mais un peu trop semblable à celles que nous connaissons déjà de la même main ; les Débris du navii-e. de M. Taltegrain, vue d'une plage nue. avec un beau ciel; la Marée montante, de M. Mesdag. aux eaux lourdes de la mer de Hollande. A celte mer triste du Nord s'oppose naturellement la mer du Midi, que les peintres provençaux, qui forment une école spéciale, célèbrent avec éclat. Tels .M. Allègre (les Martigues); M. Montenard {Port de Toulon), tous deux lumineux, le second avec un peu de crudité peut-être; M. Moutte (partie déboules); M. 0\\\e {Port de Mar- seille). Cette école de Pro\ence complète très bien les peintres de marine, et le « Tour des côtes » est fait au Salon.

Le genre bien français des vues de villes est représenté par M. Lansyer. cjui expose un panorama du quartier Mauberl couronné par le Panthéon; par M. Lapostolet {Rouen el La Rochelle); par M. Peliljean {Rouen); par M. Vauthier. qui a peint également le pitto- resque aspect de la capitale normande; par M. Cagniart, dont le quai d'Orsay esV charmant.

Ce regard jeté sur les villes, nous arrivons à la pleine campagne, aux forêts, aux guérets. racontés par d'admirables poètes du pinceau, par d'inconscients panthéistes ([ui mettent dans la matière une âme vivante. La Chapelle des Marins, de .M. Guillemet; le Temps de pluie, de M. Hanoteau ; le Torrent et la Prairie, de M. Harpignies ; le Repos de la terre, effet de neige, de M. Lavieille; le Soir et la Neige, de M. Rapin; le mélancolique Lever de lune, de M. Appian; la Ferme et le Ruisseau, de M. Cabat, d'un dessin plein de sûreté: la Vallée, de M. Busson; le Sous Bois, de M. Dardoize; le .Marais, de M. Damove: un autre Sous Bois, de M. Français, un des plus frais ([ui se puisse trouver, et surtout l'admirable envoi de M. Pelouze. Sous Bois et Xovembre. nous donnent, sous tous ses aspects, la terre de France, el constituent un ensemble de natures diverses, que je crois unicjue et incomparable. Il faut encore citer M. Isenbarl (Champs de bruyères); M. Le Marié (les Bords de la Sauldre): et la Xeige. de M. Loir; VEté. vue de Seine, avec des bai- gneurs bien dessinés, d'un ton un peu cru, de M. Ch. Meissonier; les Prairies de M. Nozal; VÉtang, de M. Sauzay, el les toiles de MM. Baudit. de Curzon, Dieterle, Grandsire. Flahaut. Décanis, M'"^ Adam, etc. El j'en passe et des meilleurs. Car le paysage français es! en pleine el puissante floraison, et toutes les façons de comprendre et d'exprimer la nature se trouvent chez les maîtres, jeunes ou vieux, célèbres ou méritant de le devenir. (|ui se sont adonnés à cel ail. redevenu légitimement à la mode, el (pii a repris le rang (|uil avait perdu.

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J. E. «AINTIIS. l'ortrait de M'. Alexandre Dumas

J. h\ J!A1''FAELL1. Portrait de M'. Ediuuiid du Goncourt.

J. BHUNKT. I.r Grand Ferré

L. U. rEL0U8E. Lu matiu .suu.s bois; eu Frtiuclic-Coiiité.

E. DU TAIN. Entre deux dangers.

E. RENARD. Le 14 juillet eu pioviuce: retraite aux flambeaux.

W. GAY. Le Bénédicité.

F. BLAYN. iSoiréo d'ailiuiix ; Bretuyiie.

cil. JACQUE. Le grand troupeau au pâturage.

AGACHE. Enigme.

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Sons lûNOOuaa

Reproduction des GEuvres

ludovicBa-SChet" éditeur

W. (Bouguereaft'

31 ^uïtkt 153B

iÀ' MM.

Atlan. ; Aizelin.

Arm.-Dumai"os(|. : Barillol. i F. Barrias. JBellel. |j. Benner.

Béraucl.

Besnaixl.

Bonnal.

Bouguereau.

Boulanger. , Bramtôt. jj. Breton. V Bridgman.

Brillouin.

BroLiillet. t Cabanel.

Caplier. '. Charpentier.

- Charlran. iCoUin.

- Comerre. Cordonnier.

i Cormon. , Croisy. , Dantan.

Debal-Ponsan. , Delobbe.

Destrem.

Duez.

Dupain. •. Edelfokl.

Feyen-Perrin.

G. Ferrier.

Fouberl.

Priant.

Gerve.x.

Guillemet.

Guillou.

Harpignies. Henner. Ch. Jacque. Landelle. Lansyer.

D. Laugée. Laurens. LecomteduNouy, H. Le Roux.

E. Lévy. Lobrichon. Lœwe Marchand Maignan. Maillet. Marec. Marqiieslc. Monginol. Nonclerc. Pelouse Petitjean.

L. Perrault

Renouf.

T. Robert-Fleury

Sain.

Sainlin.

Saintpierre.

Sauzay.

Schlésinger.

Thirion.

De Thoren.

Toudouze.

Trayer.

Vayson.

Veyrassat.

De Vuillefroy.

Weerts.

Weisz.

Yon.

Yvon .

Etc., etc., etc.

2 fr. le Numéro

CVâH

WILLIAM BOLGLEREAU

-!--^+-^^-^-^

L'artiste, très habile, qui a dessiné les portraits des peintres llgurant sur la couverture du Saluii Illustré, s'est bien pénétré des tempéraments « ondoyants et divers « qu'il avait à personnifier. On sent, même sans les connaître, que les sujets qu'il a saisis dans l'intimité vc ralelicr doivent être ressemblants. Moi, qui les connais tous, j'affirme qu'il était difficile, sinon impossible, de mieux

faire que cet intéressant traducteur. Parexemple, M. Bouiïuorcau, ([ui n'est pas « ce qu'un vain peuple pense », est rendu dune façon merveilleuse. Nous le voyons debout, se présentant de face, les |)ieds solidement attachés au sol. Il porte un veston, et sur la tète un chapeau rond, i.a main droite est enfouie dans la poche du pantalon, la i^auche tient une courte pi|ic. La plnsionomic, fortement creusée, res-

jiire la santé; l'œil est fin et investi- gateur. Sur les lèvres qu'ombrage la moustache, semble se jouer un sou- rire sympathique.

Ainsi posé, en pleine (|uictude desa force, sûr de sa célébrité si laborieu- sement conquise, M. Bouguereau attire; et. tout aussilùl. celui qui s'est, de longue date, familiarisé avec les œuvres des contemporains, revit les années écoulées, les pages produites, les triomphes qu'on acclame, les in- succès dont on fait des écroulements; et il s'arrête, indécis et pensif. N'a- t-il pas, devant son regard, un homme illustre, le peintre des légendes chré- tiennes, le chantre des fables du Pa- ganisme, le créateur tle symboles, le pionnier infatigable allant indiffé- remment du Paradis à l'Olympe, de la Vierge aux sept douleurs à la Vénus issue de l'écume des mers?

M. Bouguereau est épris d'un idéal mystique et dun idéal païen; il brûle l'encens sacré devant les autels révé- rés, s'il évoque la Rome des martyrs, et il enroule les roses et les myrtes au front de ses héroïnes, s'il remonte à la Grèce des poètes!

.\ coup sur, dans ses entreprises, il a trouvé la gr;ïceet la beauté; y a- t-il toujours rencontré l'éloquence et la force? Je ne veux pas le dire ici, dans ce bout de prose destiné à cerner en un contour discret la silhouette d'un convaincu. Cependant, pour achever ce croquis à la plume dont la fantaisie a tracé les lignes princi- pales, j'y voudrais mêler quelque réalité, et, usant du privilège du cri- tique, compléter le crayon du dessi- nateur par un trait tiré de mon propre sac. Et alors, je rêverai d'enserrer le buste puissant du personnage dans une casacjue de buffle, traversée d'un large baudrier, de couvrir son crûne dun feutre bossue: et le peintre des Théogonies et des Panathénées se transformerait subitement en un de ces « joyeux compagnons » que le génie de Hais a voués à l'mmortalité!

Eugène MONTROSIER.

V

'^^ 'a(:cumijLATio\ de tableaux à laquelle, par une vieille habitude ([ui a mainlenant l'air d'être une ironie, on donne le nom de « Sa- lon », est telle, que la place manque pour exposer dans les salles les dessins, aquarelles, gouaches, carions, pastels, etc. On les exile presque tous le long des galeries extérieures, qu'on n'a pas songé à rendre accessibles par des escaliers qui font défaut pour la sortie; et on les voit moins qu'il ne faudrait. C'est dommage, car il y a nombre d'œuvrcs intéressantes.

Le Salon fermé, je ne puis guère faire autre chose que citer les plus remarquables de ces envois : le portrait au crayon de M. Spuller. bien res- semblant, par M. Bœlzel; le portrait au pastel de M. d'iluberl, par M. Axentowicz, œuvre bien remarquable et personnelle, d'un ton charmant et d'une observation particulière, et ceux de MM" Delance et Morisot, et de MM. Brispot, Feyen-Perrin, Flandrin, E. Lévy, Laugée, ainsi que les portraits à Taciuarelle de M. Lalire qui, dans le choix des procédés comme dans sa peinture, se réclame de l'école du xvui'' siècle. Qu'elles soient dues à des vétérans de nos Salons, comme M. P. Flandrin, ou à des nou- veaux venus, comme M. y\xentowicz, ces œuvres sont très remarcjuables.

Je voudrais qu'on ait aussi goùlé, dans ces galeries sacrifiées, la poétique composi- tion de M. Fanlin-Latour (Danses, pastel), le fusain de M. Ferrier : Mireille, le Jupiter cl Ganjmède de M. Giacomotli, plein de bons souvenirs classiques; le Diplôme, très finement dessiné, de M. Berleaux; les a(|uarelles de M. Bida et les dessins de M. Bédouin, pour les œuvres de Shakespeare elde Molière, illustrations très soignées et ingénieuses, et surtout le pastel si riche : Japon che\ soi, de M. Rochegrosse, qu'on regrelle de ne pas trouvei- dans les salles de peinture, et l'admirable: Forgeron, dessin de M. Lhei'mitle.

L'aquarelle el le pastel se prêtent encore merveilleusement à la reprotluction tics animaux, des fleurs et du paysage. Les bètes de M. Fremiet et de M. Gelibert, les fleurs de M. Z. Astruc le montrent bien. Quant au paysage, la belle école anglaise est presque exclusivement composée d'aquarellistes et de pastellistes. Son influence se fait sentir siu- nos paysagistes, même sur ceux (pii peignent à l'huile. Parmi les aquarellistes, pastel- listes et dessinateurs, on n'oubliera pas l'impression agréable el originale ipie nous ont causée les œuvres de MM. Dardoize, Lansyer, Cagniarl, Curzon, Api^ian, Allongé, Bellcl, etc. Ce genre de peinture est encore pratiqué par beaucoup de femmes (jui y montrent un goût excellent. Je note le Coin de cour, de M"'' Adèle Simon.

La belle tenue de l'école française de sculpture n'est ni à louer, ni à constatei' comme chose nouvelle. Nous sommes, en Europe, les maîtres de cet art, l'école danoise restant trop strictement classique, el les Italiens, un moment ramenés aux belles traditions par le Florentin Dupré, se perdant dans leurs habiletés excessives cl puériles de prati- ciens. Mais notre école, si puissante, est très diverse, el il est d"un gi-and intérêt tie \oir, au Salon, dans combien de voies différentes, toujours très forts ou très habiles, nos artistes s'engagent selon leiu\s tempéraments.

Il y a tout d'abord, frappant noire vue, un certain nombre de morceaux 1res considé- rables, monuments publics pour la plupart. Je cite le groupe : A la inémuire des enfants

1s LE SALON DE 1888

iiii Rliihtc, de M. I^ni^ny; l'éiioniic sUituo tlo M. Dumas, ])ar M. l'och, (|ui s'est rallrapé de ce travail sévère avec- une statuette : Une Etoile, danseuse (jui se penche el salue, montrant par derrière les secrets de son ////;/, ce (jui est un d'un i^oùt bien déplorable et indigne du marbre; les Iles de Jersey et de Giiernesej'. d'un symbolisme obscur, par M. Loiseau; La Revanche, de M. Desca, encore lourde, biancone di pia'{\a, disaient les Flo- renliiis devant les massives statues des imitateurs maladi'oils de Michel-Ange; le Séguin, inventeur de la chaudière, par Maubach ; le Monument du comte de Chambord, de ^L ("ai'avanniez, bien correct, mais sans imagination; le Tombeau de Paul Bert, de M. Bai'th:)l(li. le regretté savant, couché, semble court; le très grand J.-J. Rousseau, de M. Berihel; YÉgalitaire, de M. Caplier, énorme, et peu égalitaire, en somme, car il me parail avoir des muscles (|ue les autres hommes n'ont pas, œuvre lourde, bien in- férieure A la jolie allégorie du même artiste, V Esprit dominateur de la matière; le Bailly correct, de M. Hugues; enfin, tout à l'ail à part, les Erères Galignani, par M. Chapu. Dans ce groupe, M. Cha|)u a abordé de front, dans des proportions colossales (ce c|ui aug- mente la difficulté), l'élude de la vie motlerne, sans aucune alténualion. Les deux frères, l'un assis, l'autre debout, velus de redingotes ouvertes, qui ne visent pas à la draperie, causent en bons et intelligents bourgeois, mais en bourgeois c|ue ne hante aucun penser héroïque. C/est une merveille, et une merveille nouvelle pour nous, d'avoir gardé, à force de goût, de sévérité el d'adresse, une belle impression d'arl à ces por- traits conçus sans aucune idée de mensonge, sans mise en scène, sans aucun compromis ; le groupe, à mon sens, esl par cela même une des œuvres, el peut-être l'dHnre la plus originale du Salon.

Il y a tout un groupe de sculpteurs qui essayent de rapprocher leur arl de l'art du peinire, en lui tlonnanl beaucoup de vie. et qui, abandonnant le nu classique, s'inspirant des fi'es(|uisles conlcm|)orains (parmi qui je mets Millet, j'ai dit poui'c|uoi), abordent vo- lontiers l'étude des paysans et des métiers 5t7«5 noblesse, serrant de près la réalité. Ces efforts sont intéressants. On en trouve la trace dans le groupe de M. Duverger, Omnis (iallus miles, où. malgré Tinlilulé latin, le soldat qui lient son saljre esl un petit piou-piou de nos jours; le Pêcheur, de M. Fontaine; le Pro Patria, de ^L Perrin; VEnfant tué, de M. Fossé (c'est l'enfanl de la veille du 4 décembre, d'après Victor llugo, sujet liasse à Tétai ûe poncif); le Après le combat, de M. Levasseur; Les deux Pigeons, de .AL Fi'ôre, figures empruntées presque à Millet; la f'isionimire, de M. Lefebvre ; le groupe : En péril! de M. Kinsburger, sont des échantillons, de valeui- diverse, mais tous en ayant une, de cette école de sculpteurs ([u'on appelle parfois « nalui'alisles ». [\\ulv d\\o autre mot.

On |X"ul y rallachei- M. Turcan, le lauréat de la grande médaille, el môme M. Fal- guière. U Aveugle et le Paralytique, du premier de ces artistes, est, en effet, une anivre très directemenl inspirée de la nature, en dehors des conventions, (''est un magnifique morceau, plein à la fois de force el de souplesse, suffisamment e\|)ressif, sans ([uc l'expression dépasse les limites de l'art de la pierre. Quant i\ la Diane de M. Falguiôre, c'est de la mythologie renouvelée elrejeunie. L'œuvre, exposée en plâtre l'an dernier, esl connue cl appréciée déjà. Elle a gagné encore à la traduction en marbre. Ce n'esl pas, il esl vrai, la déesse prcscjuc abstraite (pi'élait devenue Diane, quand le progrès philoso- |)hique ajouta, aux mythes pi'imitifs de l'ilellade, un caractère moral nouveau. C'est la lille de campagne, belle et robuste, chasseresse, tout entière à l'ardeur de sa passion, très matérielle, mais très belle dans son impudeur inconsciente.

Je ne serais pas surpris que les lendances i\ la simplicité, (|ui sont communes auv

\.E SALON DE 1H88 19

artistes clonl je viens de parler, ne devinssent générales dans notre école de sculpliire. En tout cas, le retour à la nature, en négligeant les conventions, est au fond de presque toutes les œuvres que nous voyons. L'essentiel est (|ue le sculpteur garde un certain goût dans le choix du modèle, et ciuelque chose d'un peu personnel dans rinterprélalion. (-e choix est l'art même. Je ne nie pas, par exemple, (ju'il y ait des femmes faites comme VÈve de M. Marqueste, aux jambes lourdes. Mais il est inulilc île donner l'immortalilé du marbre à ces jambes défectueuses.

Ce qui semble dominer encore pour le moment, dans nos Salons, c'est un compro- mis agréable enive la vérité et le goût de la grâce élégante des sculpteurs du siècle der- nier. Ce compromis se retrouve dans le Printemps, de M. Germain; dans la Marclhvidc cf Amours trop banale, de M. Lemaire; dans V Enfant et la Panthère, de ^L Ivibre; dans le groupe bien décoratif de ^L Codebski : la Force brutale étouffant le Génie. Je cite en- core, comme ayant surtout de l'élégance, la Fortune, de M. Michel; le Pro Patria, de M. Tony-Noël ; le Chasseur, de M. Quinlon ; l'académie un peu froide, mais pure, de ^L Guil- loux : Orphée expirant; le Mta, de M. Syamour; la Nuit, de M. Barbaroux; le Vin, compo- sition très gaie de M. HolwecU; VHébé, de M. Coulon; Vlvresse d'Anacréon, de M. Pallez. composition f|ui a le tort d'être toute de façade, de nous montrei-, par dei'rière, un dos plal, contrairement à l'axiome de Diderot, qu'une statue doit être regardée avec plaisir sous toutes ses faces; et encore, la Baigneuse, de ^L Louis-Noël; le Joueur de cerceau, de \L Sleïier ; la Danse, de M. Delaplanche bien supérieure à son Homère colossal, décharné, sans intérêt ; les Vendanges, de 1\I. Larroux, qui ont valu une bourse de voyage à leur au- teur; la Musique, de Al. Barrias; la Douleur, de M. Injalberl; les Baigneuses, de AL Escoula. bien (|ire!les aient le tort d'être trop jeunes, car un sentiment très explicable nous rend pénible la reproduction de la nudité féminine entre l'âge de l'enfance et celui de la puberté accomplie; eniln la Lutinerie, de M. AUouard, qui nous fait admirer une très jolie femme, après nous avoir donné, avec son Racine, une œuvre que nous vomirions bien voir assurée de l'avenir dans un foyer de théâtre. Toutes ces compositions sont intéres- santes; la grâce, je le répète, en est le caractère particulier, ([ui nous plaît à bon droit, lorsc|u'elle n'est pas poussée à la mièvrerie, comme dans (|uel(|ues statues, et notamment dans VHésitation, de M. Ahithel.

Comme la sculpture vit pai- le nu, c'est naturellement à la mythologie ([ue la plu|Ku'l de ses sujets sont empruntés, il faut louer les artistes qui, en subissant cette nécessité, cherchent â renouveler un peu, à moderniser même, les ligures mille fois répétées depuis des siècles. L'écueil à éviter est de nous montrei-, comme le fait AL Rivet, sous prétexte de Bacchante, une grisette de Paris, danseuse de bals |Hiljlics, <|ui a quitté sa chemise. Il se peut ([u'au fonti, enli-e une bacchante et M'"' Grille-d'Egout, la différence ne soit pas grande. Mais, comme nous n'avons pas le modèle antii|ue sous les yeux, il faut bien admettre la tradition qui garde au nu, dans l'art hellénique, une certaine noblesse. Et s'il faut renouveler les figures mythologicpies, le mieux est encore d'essayer d'en retrouver et d'en exprimer le caractère symbolique, en y ajoutant de Texpression. Il semble que ce soit ce (ju'a cherché AL Peinte, qui, avec une très élégante silhouette de Sarpédon, expose un Orphée presque androgyne, selon le mythe obscur et troublant des initiés. Il faut remarquer encore, parmi les mythologues qui ont fait effort vers l'ori- ginalité, M. Carrier-Belleuse, avec sa Diane victorieuse; M. Astruc, dont le Roi Midas nous donne, à la fois, une figure d'expression très spirituelle et très heureuse et une intéres- sante restitution archéologique; M. JacquoI, dont la Ximphc et Satyre ont quel(|ue chose des libertés de l'art erotique helléno-romain.

20 LE SALON DE 1888

Quelqucs-Lincs de ces œuvres sont exéculées en bronze. C'est également en bronze que M. Aizelin a Irailé, dans le style florcnlin, maii^re et fin, Agar et Ismaù'I. La même maliére a servi à M. Carlùs, pour son joli Retour de chasse; à M. Mariolon, pour un groupe charmant : Le travail guide la fortune, est-ce vrai pour les sculpteurs? à M. La- halul pour son Moïse, qui n'est (juc correct; à M. Paris, |)our son 178g! jolie déco- ration; à M. Barllcll, pour VEleveur d'ours, com|)Osilion oriii;inale, et à M. Vaurcai, pour une symbolicjue et sévère image de la Religion. El, en arrêtant l'énumcration des bronzes, j'oublie bien des œuvres, des statuettes, notamment, cjui ont beaucoup de mérite.

Une des applications de la sculpture, et peut-être celle i]ue le public goûte le plus, consiste à représenter, non dans l'apothéose des monuments funéraires ou autres, mais dans une intimité plus grande, des personnages hisloricjues ou des personnages créés |)ar les poètes cl les romanciers. Dans ce genre de statues, nous trou\ons au Salon le Sacountala, de M. Claudel, qui n'est malheureusement qu'une esquisse, trop peu précisée pour qu'on en jouisse rien dire, car le marbre ne souffre pas l'a peu près du pinceau; le Chactas, de M. E. Marioton, qui a valu, avec le groupe dont j'ai déjà parlé, une bourse à son auteur; le joli Lully, de M. Laoust, et le Boucher, de M. Aube, œuvres dont le sentiment est tout à l'ait juste, évocateurs d'une époque ou d'une physionomie à part; le l'ainqueur de la Baslille, un peu dégingandé, de M. Choppin; le Bilboquet, de ^r^'Wegl, spiri- tuel souvenir du théâtre de la foire. Ce sont des portraits historiques qui nous plaisent, en outre des mérites de la facture, par les souvenirs qu'ils éveillent.

Je ne puis citer, parmi les animaliers-décorateurs, que MM. Cain et Vallon, l'un avec son Lion dérorant un crocodile, l'autre avec sa Lionne blessée, deux belles œuvres. Et je dois dire, en finissant, un mol des bustes exposés. Ils sont innombrables; j'ai le chagrin de constater (|uc beaucoup sont insuffisants et quelques-uns ridicules. Le jury, sévère pour les statues, considère les bustes comme une carte de visite sans importance, cju'on dépose au Salon. Artistes et public gagneraient à plus de sérieux dans l'ad- mission.

Les bustes (|ui m'ont l'rapjjc le jjIus, dans le tas, sont peul-èire ceux tic M. i^enan, par M. Bernstamm, et de M. Sardou, par M. Franceschi. Us ont la ressemblance exté- rieure et Viiitus tlu modèle, ce qui est le grand art. Limité |)ar la place, je ne cite après eux que le buste de M. Guyon, par M. Millet de Marcilly; de M. Fabre, par ^L .\slruc; tlu docteur Blatin, par M. Beyiard; de M. Koning, par M"'= Colombier; et le Rochcforl curieux et diaboli(|ue de M. Dalou. Les modèles sont tles physionomies parisiennes, (ju'on a l'cIroLivées et reconnues avec plaisir. Mais tout ce (jin' a de la valeur ou tle l'intérêt se noie dans le nombre. Et, en finissant ce Saloi, je regrette encore une fois tie plus la dureté d'une lâche c|ui nous force à parler de tant d'tx'uvres au lieu de discuter les vingt ou trente (jui ont quelque chose de plus que de l'adresse.

lIii.NHY FOUQUlElî.

QUINSAC. La teutatiou

P.-DAGNAN-BOUVERET. Bernoise

F. DUFAUX. La toilette

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f . LŒWE-MARCHAND. «Pro aris et focis»

j; BRETON. L'étoile du Berger

W. BOUGEREAU. Baigneuse

À. MICHE LENA. Charité

J. r. LAURENS. Ophèlia

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A. MAIGNAN. Les voix du tocsin.

G-. WEISS. Le nouveau voisin

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L. BEROUD. Le touibeau de Kapoleou 1", à l'hôtel des Invalides.

C. LAFl! ANCIIISE. Printemps

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II. GERVEX. Portrait de M^''^ Jeanne Ilarding

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A. CHIGOT. lî>70-l.sTl,: Armée do l'Est

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E. AIZELIN. At-'ar et Ismucl

CA liPENTI Hli. Uu r:i,v(Mi de .soleil

A. FK VKN-l'Kl! K 1 N. I/éli-oit soutier

G. MOREAU DE TOURS. Le drapeau :— assaut do Mahikoff (8 septembre ISôô)

Salon Illustré

ROGER-BALLU

SaIoii IUustré

DEUXIEME ANNEE

88

9

LIBRAIRIE D'ART

Ludovic Baschet, éditeur

12, RUE DE l'aBHAYE, 12

PARIS

LIST H

DES

REPRODUCTIONS CONTENUES DANS CE VOLUME

Abbema (M"'' L.). Falaise fleurir. Adan (Kl, [.c Soir.

.\R\iAM)-l)iM\iiESQ (!■!.). <' Les Souxcniis du |u upli' (Chansons de Réranyer).

BxERTsoKN. IJerniers i-ayons; |iêciunus amarrés sur

riiscaul. Bssi.MET (M.), l'oilrcul tif M""^ \'... Beaiivais (A.). Les .\rl)res tle la Nevourir à C.arolles

(Manche). Bl.n\hi) (II.). ('.iKiiieUciie. Be.njamin-C.onstvnt (.1.). Le Jour des l'unt'railles ;

scène (.lu Maroc. Blraiiii (,!.). Le " .lournal d( s Dcbals. » Bef^thelon (E.). I.a Bar(|ue de [H'cIic ahaïuIcMinée. Besnarii (\.). Une Sirène. BiNET (A. (i). Les .\nioureii\. BoNNAT (L.). Idylle. BouGi'EnEAi (W). Psyché el l'Amour. BuAMTOT ( \.). Au i'i'intemps; panneau (U'cciralir. l!iuii(.M\N (I". \.]. I*'emmes d' M^ci' au cniielièrc. Bmsi'or (IL). Tir au pigeiui; ^ocich- du (ii;liil. Brouillet (.\.). Soliliide. Bi'EAM) (L.). l'ropa,t;ande. Blrna.m) (E.). Le Bepos.

('.UN (Cl.). \Jnp Barricade en isiSl). C.ARMT) (,!.). L"Aieule. C \Roi.cs-l)uH\N (K.). Bacchus. C.ARPENTiEn (Iv). Chaude Joiu'née.

In Drame au \illai;e.

C.ASTAiGNE (A.). \près le ('.(uiihal. Checa (U.). l'Iacc de la l!i'pidili(|u<\ Chemlliaiu) (V.). l'our un hapicmc. Claris ((!.). Mouzon ; '■'<() aoul IsTO. Claus (E.). Malinée (.le seplemlii'c.

(^OE.ssiiv DE LA Imisse (C. .\.). u Pousse au lai'i;el » CodGiiE (R.). Combal, de co(|s en l''landrc. (-•oLLiN (P>.). Jeunesse.

Comerre (L ' l'iirtrail ilc M. A,..

Courant (M.|. Le Malin sur la i;rè\e à Concarneau.

CociciuER (L.i. Les Klè\cs de PHcolc navale- sur la

corvelte-école. (au'cs (C.). L'Inspeelion i;('néralc îles exercices pln-

.siques au Pr-\lan(''e niililaii'e (1888).

Dag>a\ Boi \Liu;r (P.). .Madone.

Dantan (E.) Maçons.

L)A\\ANr ( \,). Le Sauvetage.

Dlbat-Po.ns\n (Iv). Trio champèlre.

Dec.amps ( \.|. Seule!

Delahave (L. .II. Marcchalerie.

Delobbe (\ ). Sur la plaide, à Douarnenez.

Demont ( \. I. I. I .es Lys.

Oesi.uami'.^ (I.I. Touche-à-loul.

Devrolle iT. L 1. Le Pardon de .\olre-l)ame de

Kcr\ encc. niii-Ain (J. B I •■ Lois l'^ïlellos o. l)cp\LN (Ivl. Moit de Sanveui', le héros brelon ré-

puhliciiin. DrvLH(.i;R (T. L.l. Le Pelil liarhier.

I''i;}(iiu;i! (Cl. " Bcda malrihus deleskila. " l'\icBKiii (L. L). Diane cl Lnd\mion. Foi'l.u (('..I. ( ',al(''clusnR' pnis^ard. Fr\pi'\ l.l I. Le lieloui- du M issionnalic. KiuA>r (L ). La Toussainl. Fricre (C. E.|. Cheval mml. à l)iiLic|Uc\al.

(JAO.NEAC (L). .V la soUI'lf.

(JAHDETrE (L). Le i^énéral Maruueiille au plateau de

l'Ioinn; halaille de Sedan, le L' septembre ISTO. ( i \i;nu;r (.1 . \ I. I .'l-^njeu. CwAHM (P.) Le dei'nier tournant; Courses en

pi(i\ incc. CiELMAV (Iv). In Bapicmc a \ atletot-sur-Mi'r. GEOEl■RO^ (.1.). Le .loui' de la visite à l'hôpital. GiLiiEUT (I!.). Vn .\(|uat'ortisle.

I.1ST1-: DKS nRPRODrCïIONS CONTEM F.S DANS CF. \0LL:\IR

Ciihardkt (.1.). AiTOsttilum de \ olkiiic à Frandoit Oi tin (l'.l. ICpisiulc du conihal de (^)uilHii)ii

par les ai^ciils (\o Fi'èilorif II (IT."i:!). ("iiiAMKiEA.N {E. Cl.). 1,0 lîouievard des llaliens. Cn AV (Cl.). Poènip des liois. Cil iiiici!/. (C). " .\rccssila al) Anuolis. "

llMiiiv (Diuilev). Sans asile: li-s miscrahles à Lon- dres (Trafalirar-square). novembre 1887.

.loi iiiuiN (I! ). l."i;(liiM': Maklenliead ( \nirlekTre).

Pi:ei. (1'.). Il Hue la \ic csl amère ! »

l'i;i.i;z (F.). Le \ ihiol.

PirmiiiT ( \.). \\('ii lardil.

Pktit.iicvn (F.). La l'Iat-i- de la \ i< ri;c à Moiil-.liislin

(llaule-Sa<">ne). Pizwr I \ I, Le rii)ii|icuu tic Maiircvand; \allée de

rFple.

C'i iNSAC. (P.). La l'onlair.c de .loiixciifc.

I.Ai.MtK ( V.). .luiion cl lc:i Sirino..

I.A.NSMii! (E.). Le lJ(l\éilèrr, dans le parc du l'clil- ni;N\i:i> (Ivl. Le liaplcmc.

Trianon. l'.icwii.r dks Cicwikks (.).). Inf|uiéliule nialcrnclle.

La Tou.iii; (G.). Fn tirè\c. IticincMoNr ( \. de). Le Lendemain do lîocroy.

Laugék (D.. F.). La Recolle de la CilancLi.se. lîicnriiii (F.). La Fin iPun ré\?.

Lai'hens (.I.-P.). Les Hommes du Saint Ol'lice. P.oi.hecrosse (Ci). Le liai des Ardents.

Lai ni:.\T-OESiioisKEAi.\ (IL). La \eille de la pre- Roi.i. (A.). FnfanI et Taureau.

micre communion. Rongieii (M"° .1.). Les Rclexailles.

Laviîau» (J.). l"ori;es et Aciéries de Saint-Cliamond. Roaot (C.). Les Piemicrs C.hrcliens.

Lkc.omti; ni \ot v i.).). Les Ciardes-côtes; ancienne Roiriio (P.). Létia.

Rov (M.). Le Lieulcnanl Calland au ^ici;c de Pue- bla. avril Is;'!.

(îaule. Le Qi ksne (F.). Les tieux l'cries. Li.HOLi.É (IL). Albeit-lc-Ciiand au couvent Saint- Itouiii (Lionel). La Source

,1 acc| ues. Li:v^ (F.). Circé. LouiticiioN (T.). Poucet. Llcas (F. -IL). Douille Aurore.

.M.\i.iii;r (1..). Ln Sicj;c en rcji:le. MÉLiAC.iK (Cl.). Iloclie en 178'.).

SAiBÏis (l).-L.). .'L'\ini ilu Peuple."

Sc.HinvEii (L. de) \pics laNcrse. place du Théâtre- Français.

Sliiwum/.i; (M"'' T.). Orphelinat boiu'ijeois à .\ms- terdam.

Soiz\-PiMo i.l. de. I)an^ les liois.

Mehwaht (P.). La Manifestation du 2 décembre 1888. Sylvicstue (J.-N.). Fpisode des révoltes communales

sur la tombe de Raudin. du \ir --ii'cle.

.Mic.iiELE.NA (A.). Jeune Mèi-e.

La Grêle; Reims Ifssd.

Mo\(,i; (.1.). N'isite au\ anciens; Musée d'arlillerie

aux Invalides. .MoiiEAi' DE Toi lis (G.I. lui avant! Fn avant! li août

187(1. Bataille de l'ne.-chwiller. .MoiîLOK (A.). .MIeriissayc d"un lialcau.

N^s (C.). La Mise à l'eau.

Tiio.MAs (P.). Le Marché au beurre, au Tréport.

ToiiTEZ (\ .). Lecture interrompue.

Tuii'iiÈME (A. -.!.). Les .Vppréis ilu colin-niaillard.

\ AssEi.oN (M.). C.o(|U('llcric. Vehdier (J.). .\1u-I. Akvhassat (.1.). .\oiil ilans la Brie. A'ox.Noii (R. ^^^). Mauvaise Nouvelle.

Okaxue (M. -IL). In ( .orps de garde en temps tie W AOiiEi; (.1.). Matin de léte à \enise: W' siècle, paix. \\Ei:urs (J). Portrait du |iocle .lean Bcrtheruy-

OsTEliLr.M) ( \.). Portrait de M. D... \\ i:iss (G.). Distraction au château.

MÊÊ

P;iris. imii. DR.\IiOKU & LKSIIUK, llï, Uue Je Vaugiia:d.

SAtOn IlliUSTRÉ

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Critique du Salon Par ROGER-BALLU

Librairie di'ArL »

LuàoVic fôascbcL éôciteur

„,,, PARIS '^

r iWai ISB9

Reproduction des Œuvres

HORS CONCOURS

De MM.

\dan.

Falguiére.

\rm. Dumaresq.

Fantin-Latoui-.

Benj. Constant.

G. Ferrier.

J. Benner.

E. Feyen.

Béraud.

Fourié.

Berleaux.

Friant.

Besnard.

Geoffroy.

Bonnat.

Giacomotti.

Bouguereaii.

V. Gilbert.

Bourgeois.

Girou.

Bramlôt.

L. Glaize.

E. Breton.

Harpignies.

Bridgman.

Jourdain.

Brouillet.

Lansycr.

E. Buland.

La Touche.

Carolu.s-Duran.

D. Laugée.

Chaplin.

J. P. Laurens.

Clajrin.

Lecomtedu Nouy

lî...eo;lIin.

Lerolle.

Comerre.

H. Le Rou.K.

Courant.

E. Lévy.

Courlal.

, Lucas.

Courtois.

H. Martin.

Dagnan-Bouverel

MoreaudeTours.

Dameron.

Morlon.

Damoye.

Moutte.

Dan tan.

Pelez.

Davvant.

A. Perret.

Debat-Ponsan.

Pelitjean.

Delahaye.

Robert-Fleury.

Delanoë.

Rochegrosse.

Delobbe.

Roll.

Demo^t.

Tattegrain.

Demoht-Breton.

Thirion.

Destrem.

Toulmouche.

Duez.

Truphème.

Dupain.

Vayson.

Du verger.

Veyrassat, etc.

2 fr. le

Numéro

A. JJ. (Bailly

Membre de rinslitiit, Prèftident-fondaloiir de hi SooieU- des \rtisl.es rr;iiiç:ii.<

A. N. BAILLY

Président-fondateur de la Société des Artistes français

le 6 juin 1810. (ils niiic d'un lonclionnairc de l'adminislialion des postes, M. Bailly, chez lequel se décela de bonne heure le goût de l'architecture, entra, en is2M, dans l'alelier de Debret.puls dans celui de Félix Duban, et, en 1830, ii I'IlcoIc des beau.\-arls, il poursuivit avec succès sa car- rière d'élève jusqu'en 1834. .\ celle épo(|ue, il fut attaché à l'adminislralion municipale, comme .sous-inspecleur «les travaux d'aijrandissemenl tic rHolel de \ ille de Paris, sous la ilireclion de Godde et Lesueur, et des travaux d'cnclion de la Ibntainc Molière .sous Visconti. puis il complél.i ses études par le voyage traditionnel en Italie. De retour à Paris, il se ci'éa. de 18i0 à 18()(). par .son activité et sa courtoisie, une importante clientèle en même temps qu'il était souvent désigné comme

expert par le tribunal civil de la Seine. Nom- breuses sont en effet les constructions d'archi- fcclure privée élevées pendant cette période par M. Bailly, et il suUira de citer les holels du prince de .Montmorency-Luvembourget lie .\1. Schneider, ;iin>i <pie plusiinirs tombeaux i\ Paris; le t h;l- tiau de i,.igoulle, à Choisy le-Roi (Seine), cl les châteaux de Cany et de Theuville (Loire-Infé- rieure). Mais, en IsiUi, lors de la création par M. le bai'on Haussmann, préfet de la Seine, des architectes divisionnaires (depuis inspecteurs gé- néraux et plus tai'd supprimés) du service des li'avaux de Paris, .M. B.iilly lenonça avec grand désintéressement à toute clientèle privée pour s'adonner exclusivement à ses hautes fonctions d'inspecteur général, et il fui charsé, de 18GÛ à

1870. des travaux de restauration et d'agrandi ment du lycée S.iint Louis sur le boule\ai'd Saint Michel; de la construction de la mairie du IV'ar rondissement (mairie de l'Ilôtel-de-Ville), la pre miére comprenant une salle des fêtes et deslinét à servir de type aux édifices de ce genre; d< l'inslallation des tribunes du champ de cou de Longchamps au bois de Boulogne (ce Ira en collaboration avec G. Davioud). et enlln l'érection du Tribunalde commerce, édifice doni cour avec ses <leux étages de portiques, l'esc; d'honneur placé sous un dôme monumental et Ut heureuses dispositions intérieures font une œuïn <les plus remanpiables, inspii'ée du style de b lienais-sance fiançaisc. M. Bailly est, depuis 18! inspecleur généial honoraire et membre du Cd seil d'archiicclure (le la ville de Paris, ainsi q de la commission administrative des beaux-a dont le préfet de la Seine est président cl donI a été nommé vice-président en 1876.

Lors de la création, sous les inspirations Viollet-le-Duc, du service des architectes des ti vaux diocésains, M. Bailly fut chargé des diocèi de Digne, d'Aix. <le Valence et de Gap, et pi lard, de ceux de Bourges, de Limoges et enfin celui de Paris après Viollelle-Duc cl Abadie. It restauration de la cathédrale de Digne, dont i rilit la façade, la construction du perron monu- mental qui précède le porche de la calhédi'ale dl \ alence et de la tour <|ui surmonte ce porch» d'importants travaux dans la cathédrale de Bourga et la restauration du palais archièpiscop;il dl cette ville, ainsi (|ue la reconsliuction de la ne de la cathédrale de Limoges, ont marque biillam ment les différentes étapes de la carrière <l'arcW tecte diocésain de .\1. Bailly, qui fut nonimt en 1887, inspecteur général honoraire de ce ser vice. lilnlre temps, M. Bailly, comme membre <^ la commission des monuments historiques, reÉ laurait la maison de Jacques Cœur A BourgeSjp \ aménageait le palais de justice de celle ville. J

Mais un coté des plus mérilants de l'existenai •.le M. Bailly est sa sollicitude pour les intérêU professionnels de la grande famille des architecl« ( I de celle plus grande encore des arlisles frai* eais. M. Bailly lut, depuis la fon<lation de la Sociéf centrale des architectes, membre du conseil, cet seur. vice-président, président de la comniissiai d'archéologie, deux Ibis élu ])résident de la Sociéll (|i)i lui offrit en 1883 sa médaille d'or, cl il est présl- dent de la Caisse de défense mutuelle des arcU lectes. Pour la Société des artistes français, doÉ il fut l'un des fondateurs en 1881, et <lepuis celifi époque le président zélé, les quatre vingl-dl) inembres du comité lui offrirent en 1885 un album ))récieux entre tous, contenant, avec leur hom mage, un dessin original de chacun d'eux.

C^erl.iins tles nombreux rapports de .\1. Baill] comme membre ou président de commission d'ar chileclure, de beaux-arts ou de jurys inlernaliO naux d'expositions univer.sclles, mérilent UIM mention spéciale; il faut y ajouter les discouB i|u'il a.tlù plus d'ime fois prononcer sur les tombe lie confréi'es ou de collègues et ceux «pie. dan! (les cérémonies officielles, il a adressés au nom la Société centrale des archilectes, des Congrès des architectes et de la Société des arlisles fra» çais. Membre honoraire de l'Institut royal <Ut archilectes britanniques, de l'inslilul royal archéo- logique de Grande-Bretagne et d'Irlande, de Société libi'e des beaux-ai-ls et de plusieurs ai démies et .sociétés françaises ou étrangères di_ beaux-arts, M. B.iilly l'ail partie du conseil .sup|t rieur des beaux-arts pr('S le ministère de l'In^^ huc.tion publi(iue et du conseil supéi-icur de l'Écoh nationale des beaux-arts, et il a été vice-présideni et président de la classe Wi (génie civil) à l'iixpo- s lion universelle de Paris en 1878, a été nommé chevalier de In Légion d'honneur en 1Kô3, officier du même ordre en 1868, membre de l'Inslilutde France (Académie des beaux-arts), il succéda à Henri Labrouste le 18 décembre 187.Ô, et comman- deur de la Légion d'honneur le 14 juillet 1881. M. Bailly est. en outie, officier de l'Inslructioi pul)lique et fut décoré de l.i Couronne Tel d'Autriche en 1873. comme membre du jury ded beaux-arts ù l'Iîxposition universelle de Vienne.

' Charles Lucas.

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SALON DE 1889

A M. Ludovic Baschct. Mon ciiiiR A.Mi,

Je m'étais pris la main et donné ma parole tout comme Holla, mais pas pour la même histoire de ne plus jamais faire de Salon.

Aviez-vous donc médité de me rendre parjure?

Voici que vous m'offrez votre Salon illustre pour l'an de fête 1889 ; et vous m'avez dit car vous me l'avez dit : liberté complète.

Donc, je puis penser tout haut, parler à ma guise, discuter les immortalités éphé- mères, vanter les talents (|ui existent elallendcnt leur heure, dénigrer ceux-ci qui détiennent les récompenses, admirer ceu.\-là qui ne les ont pas obtenues encore, négliger les cimaises usurpées, regarder les bons tableaux sous la corniche, ne pas tenir compte des influences occultes, avoir toutes les audaces, oser toutes les extravagances, tenter tous les paradoxes comme ceux de prétendre découvrir un tempérament d'artiste à M..., vous savez bien! ou constater une note bourgeoise chez un Puvis de Chavannes.

A ce métier-là, on se fait des ennemis, je le sais bien; mais j'ai mes amis amis d'art s'entend et je les garde. N'en soyez pas mortifié. Liberté complète.

D'ailleurs, votre Revue me séduit; savez-vous pourcjuoi, entre autres choses? c'est f[u'ellc donne tant de reproductions, et de bonnes, qu'elle va me dispenser des des- crijjlions.

Les descriptions! raconter avec des mots ce que l'œil a vu, ce que tout le monde peut voir en trois secondes, narrer un sujet, faire un roman à propos d'une toile, s'attarder inutilement à donner l'idée d'un geste, d'une pose, d'une ligne, d'un sentiment dont l'auteur lui-même n'a jamais peut-être eu conscience, quelle tâche!

Mais ce n'est pas cela seulement, vous le comprendrez, qui m'avait fait j^rendrc la grande résolution de priver mes contemporains de mes comptes rendus de Salons annuels.

Nous avons encore les recommandations, les citations par politesse..., ce que l'on appelle les coups de chapeau, les transitions et les classifications. Un ami, une femme charmante, un tiéputé, un confrère, un directeur de journal ou de revue moins libéral que vous, mon cher ami, surgissent dès le premier article, et vous écrivent :

« Vous seriez bien aimable, dans votre compte rendu, de dire un mot, un seul, de .X.... c'est un garçon de granti mérite, qui travaille beaucoup. Une ligne vous coûterait peu, l'encouragerait, et lui ferait bien plaisir, ainsi (|u'à moi. »

Et c'est la porte ouverte aux citations obligatoires, sortes de fosses communes siu- lesquelles on jette avec indifférence de l'eau bénite banale. Le grand art est de secouer de temps en temps le goupillon sans que l'on s'en aperçoive, avec des intermittences savamment ménagées. Une fournée de noms à la file, entre deux paragraj^hes demai-(|ue.

Quant aux transitions, c'est toute une affaire : il en faut à tout crititiue (|ui se res- pecte..., et tous en sont là. Aussi use-t-on d'ingénieux stratagèmes. On transilionne par

2 SALON DE 188i>

rapprochements ou par contraste à l'aide de dil'tVrenccs ou de similitudes: « ... Quoi qu'il en soit, Z... reste le maître des élégances féminines. Je n'en saurais dire autant de Y..., qui, dans son ^Marche de La rHlel/c, nous montre des types par trop vulgaires... » « ... J'ai parlé de charme dans le dessin : ([ui donc en a plus dans la couleur que M. A...

Autre exemple ;

« Nous venons de voir les vachères de M. C...; dans les beaux tableaux de ^\. B..., les paysannes sont absentes, mais les grands ruminants passent seuls dans une plaine ensoleillée : et ceci nous amène à parler des paysages... »

Car il ne faut pas oublier, mon cher ami, qu'une bonne classification, bien établie, l)i(Mi délimitée, est de règle en cette matière. Les naïfs peuveni croire qu'il n'y a en somme que deux peintures, la bonne et la mauvaise ; mais c'est une distinction difficile, A tout prendre, cl arbitraire pour les uns à l'égard des autres.

Notre art contempoi'ain est riche en genres différents : il y a la peinture académique Dieu ait son âme! la peinture d'histoire, qui commence à perdre du terrain; la peinture de genre je n'ai jamais bien su ce que cela voulait dire; la peinture im- pressionniste, la peinture naturaliste, la peinture de paysage, animé ou non, cjui, parait-il, n'est pas la même chose que la peinture du plein air; on a donc pu, à une époque, rêver des arbres, un ciel, un horizon, sans atmosphère ambiante ? Tout arrive !

Il y a encore la peinture de fruits, de fleurs, et la peinture de nature morte, réservée aux chaudrons, aux pots de faïence et aux fromages, alors qu'elle aurait comprendre toutes ces nudités blanchâtres et pommadeuses, toutes ces figures de poupées en por- celaine, qui n'ont jamais vécu du tout...

Toutefois, ne croyez pas encore que ce soit toutes ces diflicultés du métier qui m'avaient fait prendre la détermination de ne plus aller au Salon qu'en amateur. Je crains bien d'être devenu bien sceptique en esthétique.

J'ai des admirations de tout mon cœur, je vois des gens qui en rient; je rencontre à mon tour des enthousiasmes qui me font hausser les épaules. Les artistes que j'aime le mieux ont des sévérités de jugement (\m me peinent, et dans un centre de même ten- dance — la bonne, à mon sens - aucun n'est d'accord sur une œuvre quelconcjue.

Puis je suis impressionné par des souvenirs inquiétants : que de critiques ont laissé des preuves irrécusables et accablantes de leurs aberrations !

Gustave Planche, en 1836, parle « d'une femme des halles que la colère suffoque et » dont les cris inarticulés ne sauraient encourager personne. Sa bouche hideuse et » tournée, dit-il, est ignoble sans être terrible. » Et savez-vous quelle figure il traite ainsi? la sublime Marseillaise de Hude!

Jules Janin appelle le Génie de la Liberté, de Dumont, ii la Bastille : « une immense » girouette au sommet d'une borne de province. La statue est massive et lourde. Toute » ailée que vous la voyez, elle repose sur des jambes qui seraient dignes d'un Hercule portefaix. »

Delacroix et Barye, à leurs débuts, ont été vilipendés par une presse qui se pâmait devant Blondel et .\bcl de Pujol.'Paul de Saint-Victor a éreinlé noire pauvre Baslien- Lepage, et quelqu'un (jui me louche de très près a eu des rélicences malveillantes, dont il s'accuse aujourd'hui, à l'endroit de Manel.

Non, voyez-vous, mon cher ami, la critique a tort parce qu'elle fait œuvre inutile. fjoand elle ])onti(ie, dogmati.se, prétend morigéner, défentlre uni} tradilion. Ce n'est c|u'une pédante (|ui ennuie son monde.

SALON DE 1889 3

Si choses d'art sont passionnantes et les pins belles parmi lonles celles qui peuvent mettre en branle le cerveau el le cœur de Thomme, esL-il indispensable, après tout, d'épi- loguer sur leur compte tous les ans, à date fixe, et dans une forme consacrée?

Donc, mon cher ami, voulez-vous m'exempler de rhétorique, de méthode à outrance, voulez-vous me dispenser de raconter les histoires des tableaux, c'esl-â-dire de faire de la littérature? Voulez-vous me donner, comme on dit au régiment, la permission de celle politesse insignifiante, de cette amabilité convenue que vous imposent les recommanda- tions, d'une part, et les relations, de l'autre? Voulez-vous m'accorder la clef des champs, c'est-à-dire la faculté d'aller à l'aventure, sans être obligé de m'occuper parti- culièrement des tableaux dont vous avez décidé la reproduction, sans être contraint à mettre le texte en rapport avec les images?... Je vais lâcher de faire un Salon à ma guise.

Et d'abord, concédez-moi ceci : c'est que, dans les Expositions au Palais des Champs-Elysées, dans des ensembles comme les nôtres, qui sont cependant uniques au monde, il n'y a pas, sur les deux mille cinq cents toiles environ pendues au mur, plus de cinquante tableaux qui méritent d'être étudiés.

Oui, pas plus, réfléchissez.

Je ne dis point qu'il n'y en ait pas d'autres qu'on doive regarder avec plaisir, louer, admirer même; mais certainement celui qui est intéressé, plus par les points de départ que par les résultats acquis, qui cherche, à côté des plantes en train de passer fleurs, les bourgeons pleins de sève des pousses nouvelles, qui veut se rendre compte du mysté- rieux travail d'incubation de l'art en voie de renouvellement incessant, celui-là aura bien de la peine, dans ses visites à travers les salles, à trouver cinquante fois l'occasion de s'arrêter. Or, mon ambition, tout simplement, est d'être ce chercheur et ce curieux : je voudrais causer dans ces pages comme on cause après le dîner, entre amis, le soir du vernissage, quand on échange ses impressions fraîches du jour, el (pie les belles discus- sions vont leur train. Seulement, parlant tout seul, je ne serai pas interrompu même par vous, mon cher ami, car c'est à vous que je veux m'adresser sous forme de lettres, à vous, qui êtes un délicat, un artiste, père de cet artiste qui a celle année au Salon ceci entre nous un portrait de dame âgée, tout noir, d'une absolue distinction, très simple, et dont le charme vient de la sérénité du faire.

Vous avez bien souvent entendre comme moi celte phrase adressée à brûle- pourpoint dans une réunion quelconque :

« Que pensez-vous de l'Exposition, celte année? Qu'est-ce que vous aimez le mieux? »

El celte phrase vous déconcerte par sa naïveté. On n'ose répondre. On cherche, on est pris à l'improviste.

Cependant, au sortir du Salon, au milieu de l'amas confus des impressions ressen- ties, il est une, deux ou trois œuvres cpii vous surnagent dans l'esprit, mais dont le sou- venir a été comme dispersé par l'inattendu de l'apostrophe.

Cette année, je serai prêt à la riposte; et, je n'hésiterai pas à dire :

« Roll a d'abord deux choses admirables : son petit gamin conduisant un taureau, et ses femmes dans les herbes hautes. »

On peut s'emballer dans la conversation, me direz-vous. Peu importe. J'ai ces toiles dans les yeux; je vous jure que c'est remarquablement bien.

Le petil bonhomme est-il d'un assez joli ton sur les gris verdàtres, avec son torse nu, conduisant la bêle? Point de préoccupation, point de recherche de sujet, mais (|uelle finesse d'œil el quelle sincérité! On ne sent pas le tableau à faire, comme aurait dit

4 SALON DI-: 1889

Francisque Sarccy, s'il avait élc critique d'art; on a la sensation de la chose vue très simplement, et exprimée par un artiste qui s'en est pénétre.

Quant à l'autre tableau, on y est, on respire Tair, le grand air de la campagne, qui vous grise au printemps, ;"i cette époque l'on porte en soi du contentement et de la légèreté devant l'universelle poussée de vie des êtres et des choses. Les deux femmes sont d'une coloration exquise; le moutard qui trébuche en courant dans les foins sur pied est amusant au possible de vérité et de nature.

Et la lumière qu'il y a dedans! transparente, baignant tout, sans crudité, sans tache de soleil, avec des reflets délicats et des tons qui régalent l'œil.

Tenez, mon cher ami, les gens forts sur les principes m'ont souvent dit : « Mais enfin, voulez-vous en venir avec votre art moderne? » me laissant entendre que la réalité cherchée aboutirait à la photographie.

Eh bien, en regardant ce tableau de Roll, je leur répondrai : « A cela, et à des œuvres de cet ordre ou de ce sentiment. «

Oui, de ce sentiment, car il y en a un ici, et puissant et intense, qui n'a rien à faire avec la littérature, mais est dans les moyens essentiels de la peinture. Je n'ai pas besoin d'iHi lilrc, d'un sujet, d'une évocation historique, d'une apparition mythologique, d'un nu plein de grâce, pour savourer une toile et pour en jouir. La nature, en somme, n'a d'autre poésie ni d'autre beauté que celle que l'homme lui donne ou lui prèle. Une simple branche de pommier en fleurs me louche plus par ses roseurs blanchissantes, véritables, par le symptôme que j'y vois d'une saison qui commence, que n'importe quelle Flore, buvant, avec un sourire de convention, la rosée dans la corolle d'un lys! Tableau connu, n'est-ce-pas, cl qui a son brevet académique.

A ce propos, nous avons celle année deux œuvres excellentes de I\L Raphaël Collin. I^'une est un portrait de femme aperçue à un balcon entouré de fleurs, très séduisant d'arrangement; mais je veux vous parler de l'autre, afin de suivre mon idée et de revenir à Roll. .l'aime beaucoup, ainsi que vous, ce talent 1res particulier, décoratif sans tapage, cjui a pour moyen d'expression une certaine tendresse d'amoureux tlans le sujet et dans l'exécution. Son tempérament est celui d'un délicat. Il nous montre deux jeunes gens en Irain de s'embrasser très passionnément sui' le vert d'une prairie au bas de laquelle, dans le lointain, témoins peu gênants, les troupeaux paissent. Sans avoir pris la peine de feuilleter le catalogue, je reconnais Daphnis et Chloé.

C'est encore le printemps, un printemps non mythologique ; j'imagine d'ailleurs qu'il a été toujours le même; M. Raphaël Collin a eu à son service, pour corser l'impression, ses deux figures nues, ou peu s'en faut, qui, par leur attitude, témoignent clairement qu'ils sentent le renouveau. 11 y a du pollen dans l'air: ils en respirent. Tout est frais, tout est jeune. Les formes mêmes des adolescents mettent en évidence cet aspect de jeunesse qui est la dominante de l'œuvre, la meilleure peut-être du peintre. Très sincèrement, je suis charmé de cet ensemble : mais il faut le voir avant la toile de Roll. En dépit de la com- position idyllique formant scène, accusant le sujet, il y a moins de force de nalure, de réalité saine, que dans le simple cl fidèle récit sans phrases du premier. L'une est une variation heureuse sur un poème de lumière, l'autre est le poème lui-même.

Et (juel artiste, ce Roll ! comme il a monté, comme il monte ! Il s'est dégagé d'une certaine grosseur de facture qu'il avait au début, et qui était comme de la puissance à Iriple extrait. Il s'est affiné, dans chacune de ses œuvres successives. Quel chemin par- couru depuis riiiondalioii, en passant même par la Grève des Mineurs, jusqu'à celte claire et limpide apparition de journée prinlanière que voilà!

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G. Ferrier.

J. Bemicr.

E. Fcyen.

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Fourié.

Bei'teaux.

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(iiacomolii.

BoLiguereau

V. Gill.orl.

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F^. Glaizc.

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Bridgmaii.

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I^a Touciie.

Cai'olus-Dui

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D. I.aiigce.

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SALON DE 1889 5

Tenez, mon cher ami, une école (jui produit des œuvres comme celles de RoU, c'est une école qui triomphe, c'est une fleur qui portera fruit pendant longtemps : l'arbre a jeté des racines inarrachables.

D'ailleurs, voyez le chemin fait à travers les idées courantes et dans toute celte pla- titude de l'esthétique bourgeoise.

II y a dix ans, le public se tenait les côtes au Salon devant Manel. Aujourd'hui, à l'Exposition universelle, à la Rétrospective, il le salue chapeau bas de son admiration silencieuse : il n'est même plus étonné, à part quelques Philistins endurcis, de le voir entre Baudry et Bastien-Lepage; et ce sont des voisins (]ui voisinent fort agréablement pour nous, très dignement pour eux-mêmes.

Le moment précis est bien particulier. La transition s'accuse clairement. La queue des Blondel et des Abel de Pujol ne frétille plus qu'à peine, comme la queue cassée d'un lézard qu'agitent les dernières secousses du système nerveux.

Mon Dieu, je n'en veux nullement à un tas de braves gens qui, tous les ans, comme MM. Delobbe, Perrault, Priou, R. P. Schutzenberger, Tony Robert-Fleury, et tant d'autres, font, en s'appliquanl de leur mieux, leurs exercices de thème ; toutefois, quand je vois, par exemple, M. Emmanuel Benner qui nous montre une jeune personne bien proprette, mais toute nue, couchée sur le ventre devant une mer bleue, sans aucune émotion de palette, sans le moindre accent de nature, et que cela s'appelle Rêverie, je ne puis m'empècher c'est plus fort (jue moi de me dire :

« Est-ce bien la peine d'être de notre temps, d'avoir tant à raconter sur notre époque, sur nos mœurs, sur nous-mêmes, hommes d'un siècle vieillissant, mais traversé d'idées neuves, en plein travail de rajeunissement, portant en lui une transformation qui s'im- pose et que rien n'arrêtera, pour peindre des demoiselles ou des dames sans plus de vêtements que de caractère, créations?... non, créatures inutiles, vides de sens, inertes et laissant l'œil comme l'esprit en une navrante insouciance? »

Mais si de telles œuvres subsistent encore, mon ami, si elles trouvent le moyen de naître, ce n'est plus que par la force des choses. Supposez qu'elles soient seules, notre art national serait mort demain.

Il faut le remarquer, le dire, le crier : on y vient à l'art nouveau, insensiblement et comme malgré soi. N'allez pas, toutefois, supposer que le tableau de M. Dambourgez contient tout mon idéal, et qu'Une boutique de charcuterie, avec son comptoir de marbre blanc, ses tranches de jambon, ses torsades de boudins, ses piles de saucisses, me ravit dans l'âme...

La répartie m'a été envoyée en pleine figure, l'autre jour, par un fidèle client des cold- cream mythologiques. Ce à quoi j'ai répondu que le sujet importail peu en peinture, que je préférerais toujours un bon morceau de Vollon, chaudron ou citrouille, à la Psyché et l'Amour deM. Bouguereau (malgré la nouveauté du litre et l'originalité de la chose), et que Prière ou Martyre, du maître Ilenner, dans la simplicité de leur mise en scène, me don- naient plus de joie que le fragment de la décoration de la salle des mariages à la mairie du XX'' arrondissement, représentant la Famille et le Travail, de M. Léon Glaize, ou que \i\Jeaime Hachette à la tête des femmes deBeaiivais, repoussant l'assaut des Bourguignons de Charles le Téméraire, de M. Maillart (Diogène-Ulysse-Napoléon).

Mais, revenons à ma proposition; la formule académi(iue craque de toutes parts, comme un moule qui a trop servi. Le sage M. Bramtol s'émancipe, lui aussi. En dépit de l'étiquette quelque peu compromellanle du lait ([u'il a sucé, il recherche les clartés des palettes audacieuses. Il fait du soleil, et du vrai, dans son panneau décoratif : Au prin-

H SALON DK 1889

temps. Les sujets classiques, assaisonnés au bilume, ont donc cessé de lui plaire, à lui aussi? Que va-l-on en penser dans la maison qui n'est pas au coin du quai? S'il eût fait cela il y a deux ans, quelles semonces!

Et notre ami Rosset-Granger? Ce fut toujours un délicat par instinct, par tempéra- ment: vous vous souvenez de ses harmonies fines. Mais ce délicat a comme peur de paraître entaché de modernisme. 11 a ses principes, et il les garde..., pour être gardé par eux. L ne sorte de sentimentalité littéraire, doucement rêveuse, agréablement poétique, l'empêche de se lancer dans la liberté des impressions neuves et franches. Vous savez, je vous dis cela en confidence. Outre son Ophclie, qui est charmante, il a Près du feu; panneau décoratif. Le voilà qui s'attaque aux jeux des reflets, par en dessous, ce qui est plus grave. Le voilà qui arbore une pincette dans sa figure éclairée des lueurs rougeâtres d'un foyer qui n'a rien de famille, puisque la jeune nymphe ce doit en être une est sans vertugadin. Oh! la pincette, quelle concession! Pour ma part, je l'aime mieux qu'une torche antique. Mais ce (jue j'aime par-dessus tout, ce sont les colorations, surprises prés de l'àtre en flammes; elles n'ont pas été trouvées, celles-là, dans un manuel d'art déco- ratif. Allons! les reflets ont du bon, mais ne sont-ils pas la conquête d'un art dont on a tant soit peu souri? \ ous le reconnaîtrez comme moi.

Ace propos, que pensez-vous de Une Sirène de Besnard? C'est un titre usurpé pour les mythologues pur sang, qui pourraient crier à la duperie parce qu'on leur a supprimé la queue de poisson en forme de S. Quelle supercherie! « Être fabuleux, moitié femme, moitié poisson », prend le soin de nous dire Litlré lui-même dans son Dictionnaire.

L'autre jour, j'étais devant celte toile, à côté d'un monsieur qui maugréait de la belle manière. D'abord il s'en était pris au catalogue, au numérotage mal fait :

« Ça, une sirène, cette femme aux cheveux ébouriffés, en camisole, allons donc ! elle ne chante pas, d'abord, puis sont les rochers? »

Le brave homme, tout bachelier qu'il devait être, ne comprenait rien au charme de cet énigmatique émergement, de celte vision du soir au bord d'une mer miroitante, allu- mée à la crête des petits flots tranquilles de lueurs violettes, faisant danser des orbes roses inconsistants, et tout cela dans un enveloppement de mystère qui n'est, après tout, que la transposition d'une sensation éprouvée sur nature.

11 restait fermé au caractère de la tète modelée de tons caressants, baignée de va- peurs humides et flottantes, de cette tête bien autrement troublante que tous les types ré- guliers des sirènes selon la formule. Je lui tournai le dos brusquement, sans mot dire; vous comprenez, il avait admiré les toiles de M. Lecomte du Nouy : les Gardes-Côtes, Ancienne Gaule et le Samedi dans le quartier juif, Maroc!...

Je gage que notre homme est certainement aussi malheureux en ce qui concerne Carrière. Comme les camarades, il doit demander que le voile de gaze grise se lève, afin qu'il puisse mieux voir. C'est la critique adoptée pour ce peintre si intéressant, si per- sonnel, auquel on doit des pages maîtresses, et qui a une façon de vous introduire dans la vie réelle, d'évoquer l'individualité de ses modèles, qui, pour ma part, me séduit tout entier. Tous les tons peuvent être mis en symphonie, les gris aussi bien que les roses, les jaunes comme les bleus. Le grand, le très grand talent de M. Carrière, a fait avec les premiers sa note dominante. Ce n'est ni vous ni moi qui l'en blâmerons devant le Portrait de M""' P. G... et Intimité.

Vous allez me dire que je cherche une transition... Ma loi, je n'y pense guère. L'idée me vient seulement de constater une fois de plus combien les sympathies d'artistes sont souvent en raison directe de la différence des manières de voir.

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Vous ne comprenez pas 1res bien? Je m'explique. Pour quiconque, à première vue, qu'y a-t-il de plus contraire à Carrière que Montenard? C'est leau el le l'eu. Ici les charmes d'une vapeur estompante, l'éclat d'un inexorable ciel bleu.

Je sais cependant que ces deux peintres se tiennent réciproquement en haute estime. Qui les rapproche l'un de l'autre? la sincérité. Tous deux tirent de leur propre fonds ce qu'ils disent; ils ne parlent que comme ils sentent. Et toute la jeune école est avec eux à cause de cela. Nous ne voulons plus de leçons apprises.

Montenard vient enfin d'obtenir sa seconde médaille. Depuis des années, on sima- ginait qu'il avait été honoré de celte suprême faveur. Le jury la lui faisait attendre, non par mauvais vouloir, sans nul doute; mais il est des yeux que le soleil aveugle.

D'ailleurs, l'occasion était bonne. Avec sa Route de la Seyne, rade de Toulon, avec son Coup de mistral en Méditerranée, il adonné deux coups qui ont tapé fort. Sa Route, c'est la synthèse de sa manière : des bleus et des blancs montés donnant des vibrations de chaleur lumineuse.

Mais le Coup de mistral, tudieu! (luelle furie! Une lempéte sous Tazur; le navire est ballotté sur du lapis-lazuli liquide. Le vent fait rage, et il n'y a pas de nuages. L'eau n'est ni verte ni sombre, comprenez-vous cela? On n'avait jamais vu pareille chose que dans le Midi, et l'on s'était bien gardé d'en parler. Cet effet n'est pas un désordre des éléments, mais c'eût été un désordre dans la tradition de peindre.

Il y a comme cela, mon cher ami, certains aspects de nature (jui n'étaient pas jugés dignes des hommes de la palette : et nous nous réjouissons qu'on les y appelle aujour- d'hui. Met-on en doute celte prescription? Je pose la question suivante :

« Que serait-il advenu du remarquable Coup de mistral de Montenard, il y a seule- ment dix ans? Présenté au Salon par son auteur, non exempt encore, il aurait été impi- toyablement refusé. »

Le temps a marché : aujourd'hui, une récompense lui est décernée. Vous voyez bien que nous gagnons du terrain.

El nous en gagnons non seulement sur les sujets, mais encore sur le mode de pré- sentation, sur les contlitions de la mise en scène et la disposition de la lumière.

Il est certain, en effet, que le succès quelque peu incompris de M. Henri Martin, succès survenu en 1883, n'était pas fait pour nous rassurer sur la conséquence à en at- tendre au profit de nos idées. Depuis, beaucoup d'entre nous ont été impressionnés des efforts louables, sinon heureux, tentés par ce laborieux. Il se débattait dans la tradition historique, y étant mal à l'aise.

En 1889, il nous donne cette grande toile de la Fédération, qui, sans être une œuvre supérieure, est une œuvre attachante par son principe, son intention, son parti pris de colorations claires. Il est sorti de la cave, M. Henri Martin, et le voilà en plein air. S'il ne le respire pas encore librement, c'est que ses poumons n'y sont pas faits encore. Vous me direz, non, l'on me dira (je ne veux pas vous compromettre) qu'il y a des parties vides dans la composition, des nappes de tons plats, qu'il n'y a pas d'enveloppement d'atmos- phère, que tout cela manque de ce je ne sais quoi qui est non seulement l'enthousiasme indispensable à une fête de ce genre, mais encore le brio dont vibre l'œuvre d'art, ma foi, on n'aura pas tort; n'importe, cette toile a beau n'être pas un grand succès, elle est une promesse. Elle marque une nouvelle manière qui sera la bonne. Je lui sais gré d'être une tentative, et non un pensum.

Je complète ma pensée en vous signalant le tableau de M. Gabriel Ferrier, dont le litre même est en latin. Beaucoup de succès, de talent, d'habileté, de mouvement; énu-

b SALON D1-: I8t<9

mérez loulcs les ciualilès ([iic cet ouvrage mérite. Mais entin. loul cela nous condiiil-ir.' Les i^uorres délestées par les mères! Je comprends l'idée philosophique, qui est une vérité naturelle; je no jierçois pas la portée picturale, l'intention esthétique. Dans quel pavs sommes-nous? qui sont ces gens qui passent en hordes dans le lointain? et pourquoi ces groupes de nudités en premier plan, vivantes ou mortes, si ce n'est pour servir de prétexte à peindre ties morceaux et à étaler des académies?

Réservons l'allégorie pour Tari décoratif quand il en a absolument besoin : et main- tenant il s'en passe assez facilement, cjue vous en semble? Pensez comme moi à la Sor- l)Oiine. Quel complet et captivant ensemble de notre art national, a notre époque, ce monument aura-l-il l'honneur de montrer! Je voudrais le voir dans cent ans; c'est alors qu'on nous jugera tous bien, nous, nos doctrines, nos préférences et nos goûts. 11 est probable, certain même, que nous semblerons démodés. On aura trouvé autre chose : le plein air sera vieux jeu. Du haut du ciel, sa demeure dernière, David sera vengé!

Mais dans le nombre, d'aucuns resteront dans l'estime de nos arriére-pelits-lils. Je serais bien étonné, par exemple, (ju'un artiste comme Lhermilte ne se tienne plus ^ comme on dit. Il y a chez lui un tel fonds de sincérité devant la nature, de loyauté dans l'exécu- tion, une telle force de pénétration dans le caractère des hommes et des choses, que j'ai la conviction qu'il aura' son passeport en règle pour la postérité. Son Claude Bernard, destiné à la décoration de la grande salle des Commissions de la Faculté des sciences. à la Sorbonne, est à la fois une peinture intime et virile. Ces deux mots ne résument- ils pas bien notre impression?

François Flameng, lui non plus, ne se laissera pas oublier. En somme, il aura fait à la Sorbonne une œuvre qui compte dans la vie d'un homme, et dans la sienne comi^era. soyez-en sûr. Rolliu, principal du collège de Beaiirais, à Paris, qui est une page absolument digne des précédentes, est la fin de la décoration de l'escalier. Il prend le soin de nous le dire au catalogue, et on sent presque un regret dans le libellé de la notice. Si on ne le connaissait pas endiablé comme il l'est au travail, on pourrait dire qu'il a le droit de se reposer... en faisant du pastel. Conseillez-le-lui donc. L'autre jour, vous savez bien, vous regrettiez, et vous n'étiez pas le seul, qu'il n'eût pas pris part au Champ de Mars à l'expo- sition des pastellistes.

Quant à Chartran. dont je parle en troisième, sans penser à un ordre de mérite quel- conque, sa part est excellente à lui aussi. Comme il a eu raison de ne pas faire un tableau à coller sur la muraille! Il s'est maintenu dans une gamme claire que commandaient et' la destination de l'ouvrage, et aussi les rapports de bon voisinage. Le sujet qu'il avait à traiter n'est pas précisément de ceux dont on aimerait A décorer un boudoir, un salon, voire même une salle à manger. Il s'agissait de nous raconter comment s'y prit Amboise Paré, quand il pratiqua la ligature des artères sur un amputé au siège de Metz, en 1553. Chartran a évité, même aux yeux des savants graves et des esprits sérieux qui circulent dans la Sorbonne, les détails lechni(iues d'une opération tant soit peu impressionnante. Sa composition est habilement ordonnée.

Vous me direz à cela (jue si, d'après le principe nouveau, on ne doit peindre que ce que l'on voit, ou ce que l'on a vu, Chartran ;i été amené à ne pas montrer ce qu'il avait à peindre. En tout cas, les chirurgiens seuls pourront se plaindre, et ils en seront pour leurs frais. Ceux qui aiment la peinture pour elle-même seront séduits par la délicatesse des gris lumineux du fond, dans lesquels on apei-çoit les soldats prenant leur poste de combat sur le rempart. Oh! c'est c[ue l'.Académie de France, à Rome, renonce, elle aussi, aux vieilles défroques d'antan.

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Mais ce qui fail valoir, mieux que loule considération, le bien fondé des recherches nouvelles, ce qui légitime lesaspirations de l'école moderne, ce qui du même coup affii-me sa raison d'ôLre et son triomphe, c'est la Madone et les Brelaiiiws au Pardon de Dagnan- Bouveret.

Ah! mon ami, voilà une médaille d'honneur bien donnée; et depuis longtemps on n'avait pas vu si on l'avait vu jamais pareil entrain dans le vole, pareille majorité au dépouillement du scrutin.

Chacun sentait, je parle des indépendants et non de ceux (]ui dépendent (.1 une boutique, qu'il y avait une (cuvre complète et une manifestation d'art d'un intérêt, d'un charme suprême.

Comme c'est bien les Bretonnes au Pardon! et quelle extiuise chose que la Madone!

Quelle toile prél'érez-vous des deux? Je sais qu'on tient également pour l'une comme pour l'autre. Quant à moi, je n'hésite pas, je suis empoigné par la Madone. Je trouve cela une pure merveille.

Les Bretonnes sont de premier ordre, s'entend. Les tètes de ces femmes, au milieu de la prairie verte par le temps gris, sont d'une puissance de caractère, d'une intimité d'expression, d'une pénétration de type à la llolbein; et le paysage, le clocher dans le fond, l'atmosphère ambiante, le recueillement des figures dans la tristesse silencieuse du site, tout est juste, voulu avec énergie, rendu avec un sentiment des plus fins des choses et des êtres. A côté de ce tableau, toutes les paysanneries des producteurs brevetés sont des imageries d'Épinal, des bretonneries à tant le mètre courant.

N'importe, la Madone, à mon sens, est supérieure encore. Ici, une fois de plus, vous constaterez cjue le sujet n'est rien en peinture. Depuis que le monde existe, que l'homme a tenu pour la première fois un pinceau, et jamais il ne s'est livré à cet exercitie avec autant d'ardeur que maintenant depuis que le monde eviste, dis-je, combien de fois n'a-t-on pas représenté la Madone?

Dagnan arrive : et voilà une œuvre non rajeunie, mais jeune. Veut-on la décrire? C'est l'éternelle description. Le bambino est dans les bras de sa mère dont le corps se cache sous de longues tlraperies tombantes. La grâce caressante de la Vierge mère, la beauté de la femme dans une synthèse de chasteté, l'idéal de l'amour maternel, tout cela a été dit par nos radieux ancêtres de la Renaissance. Oui. Voyez cependant la Madone de Dagnan ; vous pourrez ensuite revoir toutes les autres, vous ne l'oublierez pas.

Elle a une fleur d'art moderne qui la sauve de toute confusion. Debout sous celte tonnelle verdoyante, elle se pare des reflets qui l'enveloppent dans des clartés adoucies. Ce n'est pas une impalpable apparition, mais la fidèle image d'une créature vivante, au milieu d'une fête de lumière réelle, vue à travers un effel de nature qui a ravi l'œil du peintre, a été saisi par lui... Et toutes les séductions particulières au modèle n'ont pas souffert, elles n'ont pas été altérées par les colorations flottantes qui les accompagnent et les fonl valoir.

Mettez cette Madone de Dagnan vous voudrez, au Louvre, à Florence, à Bruges, à côté des Vierges de Botticelli, des figures de Van Eyck ou de Memling, elle soutiendra la comparaison du charme, mais elle ne ressemblera pas plus à ses aînées, cependani douces comme elle, que la plus parfaite beauté de nos jours aux femmes du moyen âge. Cette peinture-là dit son temps et son époque d'art.

Une autre qui le dit bien aussi, mon cher ami, et qui dans l'ordre des œuvres supérieures de ce Salon de 1889 vient en première ligne, c'est la Toussaint d'Emile Friant.

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Savez-voiis bien que nous avons encore une toile qui fera dalo clans noire école? Oui. tout simplement. Ceux ([ui jui^eraient Téloi^e exai^éré ne manciueronl pas de dire qu'après tout. Fiiant naurail pas produit cet ouvrage si Bastien-Lopage n'avait pas existé avant lui. Mon Dieu, en art, comme en agriculture, il y a toujours quelqu'un qui jette la semence. Il y a aussi ceux qui la laissent perdre, et ceux (jui savent la faire fruc- tifier.

Et puis, pourquoi insister outre mesure sur les antécédents? On peut en trouver partout, et la recherche serait fastidieuse. Le mendiant assis de /i7 Toussaint est un morceau superbe : a-l-il ilo lanalogie avec une figure de Baslien? Il a une largeur d'exé- cution, un gras de facture bien personnel. Il est lra|ipant de caractère. Puis les noirs des vêlements de toute cette lamilie qui passe au pas accéléré sont d'une valeur étonnante sur le gris du ciel et le blanc do lliorizon. Blanc et noir, voilà toute riiarnionie du tableau; mais quel intérêt de peinture proprement dite! Ces gens qui passent vont déposer des fleurs sur une tombe : ils sont pressés d'avoir accompli la formalité. Comme les mou- vements sont justes! Comme les types sont natyrels, vus, saisis dans la rue! Et la petite fille à qui on a donné un sou, elle se prépare, cinq pas avant, la main tendue, à le remettre au bonhomme, pour ne pas retarder la famille.

Point de littérature, une scène bourgeoise ordinaire : une œuvre d'art charmante. l*oinl de roman, un tableau; et je vous avoue que je suis plus intéressé que par celui qui lui fait face dans la même salle : Tourments de saint Gérôme, par M. Deully. Pauvre saint! il doit être en effet bien tourmenté de se trouver nez à nez avec des maritornes aussi peu convenables.

Jimagine qu'il eût passé un meilleur (juart d'heure s'il avait rencontré l'opulente cl splendide créature dont M. Gabriel Cuiay ne nous fait voir que le dos dans son Poème des Bois. Ouest-ce que cela? me direz-vous. Ma foi, je l'ignore. Je vois des femmes nues dans des feuilles d'automne. Je ne sais pas pourquoi en cette saison humide elles se promènent ainsi, les imprudentes, mais ce que vous savez comme moi, c'est qu'il y a, dans ce Poème des Bois, un ])oème de chair d'une saveur et d'une succulence sans égales. C'est un morceau de belle venue, en des heures de palette heureuse.

Falguière, lui, a la palette audacieuse, hasardeuse même; le maître est un endiablé de la couleur : il a le pinceau fougueux. On m'a assuré, voyez un peu l'histoire, qu'il commençait son tableau huit jours avant le dernier délai. Part-on de pour arriver à la crili(iue? on aurait tort. Signalez toutes les imperfections que vous voudrez; ce qu'il envoie est une peinture imprévue, jamais banale; il y a toujours quekjue chose qui vous prend. Sa Jioion est une fantaisie sur les couleurs des plumes du paon. Vous avez un nuage bleu sur un fond vert, l'oiseau favori, et. par devant, un grand corps de femme, qui ne doit pas être un portrait. Je me dispense de raisonner, d'analyser: j'aime assez pour ma part ce ragoût tle couleurs vives dont la très honnête épouse de Jupiter n'est que le prétexte.

Si, d'ailleurs, les titres étaient poui- quelque chose, il aurait f;illu, qu'en pensez-vous? décerner une prime à M. Contran Malteri'e: il en a réédité un qui m'a rendu tout rêveur: /i7 Symphonie des Fromages. Faut-il être musicien poui' trouver de l'harmonie dans les odeurs! Les marolles font les basses, les roqueforts les barytons, et les gruyères les ténors. Musique, peinture et gastronomie mêlées : qui donc niera maintenant l'union des arts ?

Je vous ai promis do ne pas rechercher les tiansiiions; i-evenonsau.x nudités, puisque nous étions sur ce chapitre. Elles sont en baisse, n'en déplaise aux fervents, comme noire

SAI.ON Dlî 1889 11

ami Guillaume Dubulo, qui n'a, celle année, ([u'une pelile Cj-pris, réduclion d'une ii;i-andc' que nous avons vue el aimée quelque pari. Je suppose i)ion que vous ne me cilerez pas ce que M. Giacomelti appelle Coùi d'atelier, ni la Léda de M. I^ioul'fio, ni \a Salammbô de M. Desportes..., elc; on devrail meltre un impôl sur ces sujets-là. Si au moins nous n'en étions pas débarrassés, le Trésor ]iublic ferait de bonnes affaires.

La Diane de M'"" Cazin ne renlrc pas dans ces données. Elle l'ail pai'tie inléi^ranle d'une vision paradisiaque, dans un paysage limpide, très doux à l'œil, très clair. L'inten- tion de poésie décorative est d'un charme pénétrant.

Ne m'accusez pas de contradiction. Rien d'officiel, de transmis, de pédant dans celle fantaisie. L'artiste sincère à qui nous la devons ne vous dit pas: « Voilà Diane telle qu'elle était. " Il me semble qu'elle a penser à part elle : « Voilà l'idée que je me fais de la Diane » ; et ainsi a pi-is corps cette rèvei'ie du pinceau, ainsi est née celle œuvre qui n'a pas la prétention de fixer un type, qui ne s'adresse qu'aux délicats el se soucie peu, la bienheureuse indépendante, de tous les jurys du monde el de loules les mé- dailles de la terre !

Et nous avons deux Chaplins : Portrait de Miss ][\ el Pre?tiières fleurs, deux occasions de respirer le parfum reli'ouvé de celle fleur d'art français du xvui" siècle. Ne trouvez- vous pas, en véi-ilé, mon cher, que ce joli peintre n'a pas, à noire épo(|ue, la place dont il est digne? Quel bouquet que sa palette! Les salins blancs el roses des étoffes sont en coquetterie avec les satins blancs et roses des chairs: au-dessus <les mousselines Iransparenles, des écharpes à reflets soyeux, d'une épaule f|ui frissonne à côlé d'un sein palpilanl, tl'un visage frais, animé de sourire el fleuri de jeunesse, mettez le noir vif d'une chevelure d'ébène, ou l'or doux d'une épaisse torsade blonde, vous aui'ez un Chaplin, c'est-à-dire une œuvre d'arl ex(|uise, comme l'auraient aimée notre immoi-tel Watleau el notre admirable Boucher !

Ces maîlres, quel enthousiasme ne doivent-ils pas inspirer même à ceux, surtout à ceux qui se déclarent partisans des idées modernes'.'' Ils étaient de leur temps, el ils sont l'art français qu'a altéré la tradition des académies néo-italiennes. Au fond, voyez-vous, je n'en veux réellement pas au nu lui-même, mais ce que j'ai en horreur, c'est l<> nu faux de l'atelier, le morceau d'étude, l'académie, comme on l'appelle, mot qui juge la chose en dénonçant une origine ; c'est le nu du monsieur qui s'imagine prouvera l'opinion publique qu'il sait dessiner, parce qu'il a déshabillé son modèle, el qu'il monire des membres au lieu de vêtements ; c'est le nu du peintre qui peint pour peindre, sans avoir rien à dire, qui ne pense qu'à faire son tableau de Salon ; c'est le nu bêle, insignilianl el vide, les Solitudes, \eî^ Rêi'eries, \e^ Repos avant ou après le bain, <|u'on peut, à volonté, au momeni de l'envoi de la notice au catalogue, appeler : Circé, Sapho, Psyché, Vénus, Nymphe, le Printemps, Idylle...

Pardon, je n'ai même pas besoin, je suppose, de me défendre d'avoii' voulu, à propos du dernier litre, décocher un trait à Bonnat. Son immense talent, sa réputation ne peuvent être entamés par les coups tl'épingle de la crilique. C'est comme si un enfant jetait un bout de bois contre un mur. D'ailleurs, son Idylle, qui est une composition, est bien ime idylle, (^uoi de plus idyllique qu'un jeime homme dansant avec une jeune fille, el cela sans voiles, dans un costume d'Adam et d'Eve? Le mouvement est charmant ; il y a une invention heureuse dans l'entrelacement rythmé. .Mais que la salle de bal est sombre el sévère!

Accordez-moi, à mon tour, un grain de fantaisie: souffrez <|uc je fasse parler les morts; de celle façon, je ne serai plus responsable, ou beaucoup moins...

1-2 SALON D1-: ISîsy

Je vous citais, à i'insliiiil. W altcaii ci Ikniclier: ne croyez-vous |)as ([u'ils (.liraioiil à Honnat. dans l'oreille:

« Si tu élais venu avant nous, nous aurions pris de loi île bonnes leçons pour faire » des portraits solides, construits, en relief, vivants; ta facture mâle et forte nous aurait » impressionnés; mais laisse-nous te donner un conseil: dôsijuetu ton prends à l'idylle, » joue un |ieu plus avec les roses, les gaietés de la lumière, les légèretés des louches )' frissonnantes, les transparences de l'air impalpable. Les idylles ne viennent qu'au soleil » et fleurissent mal dans les cavités sombres... »

Croyez-vous qu'il soit utile d'en entendre plus long? Non. Si nous nous mettions à faire parler les morts, nous pourrions être entraîné fort loin. Hubens, par exemple, ne nian(iuerail pas de s'adresser à son ami et rival Carolus Duran, â propos de son fameux Bacchus '.

Et que dirait M. Ingres de nos jeunes vaillants? Comme il les traiterait de Turcs à Maures ! il leur reprocherait leur improbilé d'art manifeste, leur audace de ne pas dessiner suivant ses préceptes. Nos amis Eliot, Girardot, Gaston Guignard, Jeanniot, et d'autres dont je vais vous parler, passeraient un mauvais quart d'heure.

(^)uils se rassurent maintenant; ils peuvent être forts de la sympathie (|ui les entoure et les soutiendra contre la malveillance de quelques vieilles barbes de l'intran- sigeance classique.

Voici Eliot. Vous ètes-vous demandé, mon cher ami, quel avait pu être son crime, et pourquoi cet artiste, si chercheur, si vibrant, était la victime de l'injustice des hommes? L'an dernier, si je ne me trompe, il avait osé affronter le concours du prix de Home. Il traita, avec un modernisme exquis, un parti d'ombres violettes délicates, le sujet grec : Ulysse et Naitsicaa. Depuis longtemps on n'avait pas vu pareil tableau de concours, révélant une telle sève de talent, un ouvrage faisant transition entre le passé et l'avenir, antique par le charme, moderne par la coloration et la facture. Il n'obtint pas le prix, pas plus que les autres, d'ailleurs, et ce fui tant pis pour l'Académie de France de la Ville Éternelle.

Aux Expositions, il n'a pas la place qu'il mérite. Sa toile d'aujourd'hui : Sur l'Abaj-ciii, Grenade, pourra paraître, aux coloristes intoxiqués de nicotine, un peu heurtée de tons, un peu violente d'effet. C'est peut-être l'acidité d'un fruit vert; mais attendez la saison, la maturité assurée, je me porte garant de la saveur. Ici encore, larbre est beau, ample, sain; vous verrez, et le temps de la gelée n'est plus à craindre.

\ ous souvient-il de Girardot, de ce peintre qui nous donna, il y a deux ans, Riit/i et BoOy endormis au clair de lune dans une grange? Mon grand enthousiasme scandalisa les uns, étonna les autres, et fut approuvé par les clairvoyants, mes amis, soit dit sans modestie. Celte fois, il a jeté la Bible aux orties, et il nous expose, pardonnez-lui, ombres vénérables, les Coiifit lires..., c'est-à-dire une jeune personne en tiain de préparer la gourmandise de ménage. Elle vaque à son occupation sans lyrisme, sous l'œil de sa mère; debout, en camisole blanche, devant la table de la salle à manger, elle découpe, sans poser pour la galerie, les papiers ficelés autour des |)ots. Tout est très clair, sans confusion, qualité que je ne retrouve peut-être pas au même degré dans les Femmes maro- caines au cimetière, œuvre un peu flou et inconsistante, je suis forcé d'en convenir.

Mais c[u'il y a de jolies intentions et de délicats morceaux dans ces Confitures.'

J'ai tout à l'heure plaidé la cause des tableaux sans sujet : ceux-là du moins courent la chance d'être aimés pour eux-mêmes, et non pour l'histoire qu'ils racontent. Ils n'ont peut-être pas grand succès auprès du public : ils ne font pas sa joie. En doutez-vous?

F. LE QUESNE. Les deux pcrlus.

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SALON DE 1880 13

Au Salon les rassemblemciils onl loujours lieu, rcmartjuez-le, devant les peintures à anec- dotes ou à épisodes. D'ailleurs, c'est très bien ainsi. On reconnaît de suite les amateurs des chercheurs d'images. Et les amateurs, les vrais, j'imagine qu'ils ont regardé le tableau de M. Albert Fourié, modestement appelé Elude. La petite toile qui porte ce titre, on ne l'oublie pas quand on l'a vue; elle nous montre une ferme, en Normandie bien sûr. sous les arbres au soleil : un coin de nature intime.' On y est, on a la sensation de la campagne et d'une matinée chaude il l'ait bon sous les arbres. Une paysanne passe, quittant la maison ([ui est là-l)as, et on a du plaisir plein les yeux. Quant à l'autre envoi du même artiste : Au temps de la moisson, à CriqucLvuf, il me plaît beaucoup moins; et à vous? cela manque d'enveloppe, n'est-il pas vrai?

Oh! mais, La pièce d'eau, mon cher ami, l'avez-vous vue? Quelle jolie chose! Un lac, des grands arbres autour, une petite lille qui tourne le dos et regarde un cygne qui vient droit sur elle de la rive opposée : voilà tout. Mais il y a une séduction de facture, un sentiment, une poésie discrète qui n'étonneront personne : le tableautin est signé d'un peintre chez lequel on trouve toujours la note qui vous prend : Jeanniol.

A propos de signature (voilà une belle transition, j'espère), vous avez remarqué deux toiles : Eu grève et Première Com?nunio)i. On s'approche, on admire, et, pas de nom. A force de regarder on découvre en toutes petites lettres le nom de l'auteur. Ce modeste s'appelle Gaston La Touche: l'an dernier déjà, il avait eu deux envois remarquables ; le voilà celte année qui recommence. C'est comme un abonnement avec le succès. Rien à dire, c'est son talent qui le lui a fait prendre, et je crois bien qu'il le renouvellera. En grève est une œuvre très étudiée, pleine de caractère, sombre; ces hommes noirs qui marchent sont décidés, ils onl pris un parti violent. Ils vont faire un mauvais coup, et sont silen- cieux; le moment des discours chez le marchand de vins est passé, ils agissent : leur détermination est prise; on le voit; types, altitudes, mouvements, toul est juste el concourt à l'impression.

Ce qui me plaît principalemenl chez cel artiste, c'est son absolue variété d'exécution; il ne me semble pas avoir une marque de fabrique, une facture attitrée. Vous auriez de la peine à reconnaître ici l'homme de l'exposition précédente. Toutes ces robes blanches, dans Première Communiort, épanouies comme des fleurs dans l'église dorée de soleil, sont d'une valeur infiniment délicate.

On a beau vouloir se restreindre, s'être promis tle ne parler que de fiuckpics tableaux choisis avec soin dans cette débauche de peinture qu'on ap|ielle l'Exposition annuelle, la liste s'allonge à mesure qu'on parcourt les salles. Décidément, allez, il y a du talent en France.

L'Embarquemenl des bestiaux, de M. Gaston Guignard, est un de ces tableaux dont il est impossible de ne point parler quand on cause du Salon. Celte grande toile a de l'enli-ain cl du mouvement. L'aspect en est solide et fort; au point de vue de la peinture, c'est construit. L'immense bateau du fond, dont la masse noire s'élève dans le paysage gris de la ville, l'entassement, la bande des bêtes poussées devant elles en désordre, le va-et-vient des hommes, le remuement de la scène, tout cela a de la vie, de la vérité, de la puissance, du diable au corps de pinceau, permettez-moi cette expression <|u(-l(|ue peu ou prou académitjue.

Décidément, le lyrisme s'en va ; il faut en faire son deuil. Est-ce une disposition d'es- prit particulière, une affaire de goût personnel? Je ne sais, mais les tableaux C|ue je trouve les meilleurs sont précisément ceux qui onl pour objet la réalité de la vie (luoti- dienne, et pourquoi ne pas le dire? bourgeoise.

4

14 SALON DE 1889

Dans ce irenre M. I.obre excelle. Ses deuK tableaux intitulés de la même façon : Inté- rieur, sont d'esthétique hollandaise. Pas d'action, pas de drame; supposez une porte ouverte par laquelle vous regardez ce qui se passe dans la pièce d'une maison quelcon- que, et il ne se passe rien que de très ordinaire : vous avez le tableau. Donc, l'on peut l'aire de la bonne peinture sans l'histoire, sans la mythologie, sans un sujet cpisodique, fait réel ou fiction. Seulement, il faut que la peinture soit bonne, c'est-à-dire juste, sin- cère, attrayante par elle-même. Toute la question est là, toute la difficulté aussi. Une pe- tite fille dans la salle à manger d'un appartement très simple, probablement au quatrième ou au cinquième étage, prend le matin son café au lait, pendant que la gramrmèrc em- plit une autre tasse; il n'y a rien qui monte l'imagination, qui la fasse chevaucher à travers l'idéal. Mais le tableau est une merveille de vérité, vérité de lumière, vérité de formes, vérité d'impression. Cela me suffit, et à vous aussi, n'est-ce pas? Qu'ont d'ail- leurs fait de plus les Hubens, les Van Ostade, les Pierre de llooge? Ils ont étendu l'art sur le terre à terre de la vie. Eux et M. Lobre sont des historiens à leur manière, ils ont donné et donnent des documents authentiques en faisant le portrait de leur temps, de leurs habitudes, de leur demeure.

L'ami Jean Béraud est aussi, avant tout, et entre tous, un véridique. Je l'appellerais volontiers le Boilly de la fin du siècle, mais un Boilly modernisé, plus dégagé, plus souple, non enserré dans la forme, et d'une facture plus franche. Le a Journal des Débats ^> est une réunion de portraits. Dans la salle de rédaction tous les hommes distingués ou éminents qui ont l'honneur de collaborer au très grave et très littéraire journal, sont réunis et causent. L'assemblée est belle. Les physionomies sont ressemblantes et les attitudes aussi. Or, dans une œuvre comme celle-là, la vérité de l'attitude est au moins aussi importante que la vérité des traits. Ils sont ingénieusement groupés, ces crili(|ucs de haute autorité, ces politiciens illustres. Le public ravi les regarde sous le nez. les re- connaît et les nomme, très fier de les désigner. \ ous aimez à les voii'. cl moi aussi : mais je regrette de ne pas entendre ce qu'ils disent... N'allez pas croire au moins, à cause de cette flatterie, que j'aie des velléités de collaboration. Non. Seulement, ils sont si vivants, si parlants, la scène est tellement nature, que je me fais l'effet d'un sourd isolé dans un salon rempli de causeries intéressantes

Il est bien à regretter que les armes différentes de notre armée française n'aient pas toutes un peintre attitré. Le génie qui est, comme l'on sait, un corps d'élite, possède le sien. C'est Loustaunau. Cet artiste est représenté en ce moment à l'Exposition Univer- selle par deux tableaux, déjà vus aux précédents Salons, et de valeur fine. Après nous avoir montré une expérience d'aérostalion militaire, et un lancement de pont, il nous mène celte année devant une Ecole de ponts, à Boiigival. Il y a toujours, chez ce peintre, une clarté, une précision de mise en scène, une limpidité clans la disposition de lumière, de même qu'une exactitude de technique qui séduisent. Le jury des récompenses a fait son devoir en décernant à cette œuvre distinguée une seconde médaille.

Il paraît, d'après des renseignements confidentiels, car je n'ai pas écouté aux portes, qu'il a été sur le point, à une voix près, ce jury, d'accorder faveur semblable à Maurice Lelièvre pour son paysage : le Pré de la Chesnaye (Maine-et-Loire), si bien établi, si franc de facture. Il eût bien fait en vérité, et s'il avait été en humeur d'équité, il n'aurait pas oublié Eugène Dau|ihin tant pour son Le vaisseau "La Couronne » en rade de Toulon, que pour Cn .\Litin d'été dans le golfe de la Ciotat. œuvres lumineuses et claires, agréables à l'çeil, et d'une note tl'art très personnel.

Les deux toiles d'.\drien Moreau, Tabarin. et Au burd de l'eau sont de ses meilleures,

SALON DE 1889 I ^i

el ce n'esl pas Famitié qui me fait parler: il n'y a point de liiéories ([ui licnnent devant une telle distinction et une telle délicatesse de l'aire.

Avant la leirc dit coiys, de M. Perrandeau, n'est pas un sujet folâtre, tant s'en faut. Ce peintre n'a jamais eu d'ailleurs le pinceau jovial ni gai; c'est son droit d'homme et de peintre, d'être lugubre. Nous ne saurions lui en vouloir. Outre Misère, il a obtenu et mérité un réel succès avec un Ba)ic d'atleiitc à la clinique, qui est un des bons tableaux de l'Exposition Universelle. Au Champ de Mars comme au Palais des Champs-Elysées, il accuse une réelle puissance de pénétration dans les caractères. Les types sont étudiés par un philosophe qui sait lire dans l'àme des gens, et mis en scène par un peintre qui connaît toutes les ressources de la palette. .Je ne ferai qu'un reproche à M. IVr- randeau, c'est peut-ôlre de ne pas renouveler assez, je ne dis pas ses données, mais ses compositions. On serait autorisé à croire rpie l'artiste avait à exécuter un pendant.

Nous devons prendre bonne note, el noie très particulière, du joli portrait de Af" Marie G..., par M'"' Alix d'Anethan; je ne sais quelle délicatesse pénétrante fait de cette ci'uvre une de celles vers les^iuelles on vient et en face desquelles on reste, sans être prévenu, sans s'en rendre compte, poui' le plaisir de laisser son <eil savourer.

Dans un orilre d'idées différent. Un Âqiia-fortiste, de M. René Gilbert, est chose loul à fait de premier ordre. Sûreté de métier, solidité de faclure, franchise d'impression. j"\ trouve tout cela. C^est un portrait d'artiste en travail prés de sa fenêtre, à travers huiuelle on voit un coin de Paris; il regarde sa planche qu'il tient les bras en l'air. Il es! bien dans le jour de l'atelier, chez lui; il se croit seul el ne se doute pas qu'im pLiblic nom- breux le considère... Mon cher ami, je voudrais vous faire grâce d'une théorie, mais laissez-moi vous demander en deux mots si l'art du porirait ainsi compris n'a pas toutes vos préférences? Cet art ne livre pas une effigie banale, une ressemblance arrangée comme l'étalage d'une vitrine. Il montre l'être el l'homme, le moral et le physi(|ue de l'individu, pris dans le vif de son existence quotidienne, i^our Dieu! assez de lourdes draperies tombantes dcM'rière des mannequins parés pour la circonsl;uice, (|ui, à lrav(>rs un sourire stéréotypé, dans un mainlien étudié, semblent toujours dire: «Admirez-moi, regardez comme je suis bien, je ne bouge pas et ne suis nullement fatigué

Voyez-vous, redisons-nous cette vérité banale: rien ne vaut la sincérité en arL Au commencement de ce siècle, il fallait aux paysages, pour ([u'ils fussent dignes de la palelle, des grands arbres bien arrondis, des verdures prétentieuses, des feuilles sombres et savantes, puis derrière, dans le lointain, l'éternelle fabrique, ruines, châteaux forts ou non, villes à la romaine, etc.. En 1830, on supprima tout cela, on n'organisa plus dans Tale- lier de sites enchanteurs. Cependant, on demeurait convaincu de rulililé d'un motif, dessous de bois avec rivière, perspeclive de montagnes, végétation riche ou pauvre, mais ayant du caractère. Qu'eùt-on dil, il y a vingt ans, dix ans même, d'une pauvre vue de la banlieue de Paris, loule nue, sans verdure, avec ses maisons misérables et ses tristesses de quartiers pauvres?

Eh bien, considérez : ï"n Brouillard d'hiver, aux fortifications, et Un Coin de hanlieiie, à Lerallois-Perret, de René Billolle. Ce sont deux œuvres d'un charme indéniable; pourquoi? parce que cette banlieue et ces fortifications réputées très prosaïques ont été vues par' un artiste, un beau jour, qu'il y a trouvé un pittoresque, un attrait à une heure donnée, sous l'effet d'une coloralion spéciale, cpie cet effet lui a plu jiarce c|u"il convenait à son talent, à ses sens de peintre; il nous a conté tout cela sans phrases; et nous, qui regar- dons, nous nous rendons compte à merveille de ce qu'il a éprouvé; nous sommes heu- reux de partager son sentiment, et voilà. C'esl 1res simple en somme.

16 SALON DE 1889

Ce plaisir, il nous est donne encore par les .l;Ho;/rt>//.v. de M. Binet : un solide gars qui embrasse franchement, à bouche que veu\-lu, sa connaissance derrière le mur de la ferme, el par \'ayson et Yon qui ont tous deux, celle année, l'un avec son Ber-ger et lu Mer, l'autre avec les Pâtures de Sainte-Aiilde el le pont Valentré, à Cahors, donné la pleine noie de leur valeur el de leur personnalité. En fait de personnalité, peu de peintres peuvent en revendiquer une à un degré égal que Raffaëlli. Le portrait de deux jeunes filles en blanc est au plus haut point intéressant, mais les Biireurs d'absinthe sont typiques. Sa facture, des plus curieuses, des plus accentuées, est mise au service de cette faculté d'in- vestigation ine.xorable ([ui lui appartient en propre. Sont-ils assez abrutis, ces mornes hallucinés, devant le verre est la verdàlre liqueur? Ils sont lerrifiants cl terribles, stupéfiés et stupéfiants.

Pour finir, jaime à vous parler des artistes étrangers, nos hôtes de tous les ans. Doit-on, d'accord avec les chauvins, prétendre que les étrangers ne sont que nos élèves et suivent nos principes? Il est bien plus simple de reconnaître, mettant de côté tout amour-propre national, cju'il y a beaucoup d'hommes de talent chez les étrangers, que tous ou |)resque tous ils accentuent le mouvement moderne, qu'ils l'ont accepté avec une ardeur qui n'a pas été, cjui n'est pas aussi générale dans notre pays, et qu'enfin, s'ils sont venus écouter nos leçons, ils n'ont retenu que les meilleures. Regardez-donc. mon cher ami, Une Soirée, à Xy Carlsberg. de Kroyer. Comme ce Jeune maître danois s'est vile débarrassé, si tant est qu'il l'ait jamais eue, de la manière de son professeur Bonnat. Regardez Une Question di/ficile, de Kuehl. Quelle saveur d'originalité chez ce Bavarois fidèle tle nos Expositions, dont le métier de peintre est d'une belle sincérité, el qui excelle à faire jouer la lumière dans les intérieurs, avec une loyauté, une facilité char- mantes! Et le Suédois Anders Zorn. avec sa mer rosée, son ciel bleu el ses reflets délicats, exquis, sur la chair de ces femmes nues qui vont s'élancer du rivage. Ce ne sont pas des nymphes, mais de vraies créatures vivantes el saines qui. se sachant seules, goûtent la fraîcheur du bain. Elles sont plus belles, parées dans leur nudité, des colorations de l'heure, que toutes les déesses d'invention ancienne. Je voudrais vous faire souvenir encore des Jardinieis, effet de soleil, de M. Emile Boggio. de l'Orphelinat boiiri^eois à Amsterdam, tle M"'' Thérèse Schwartze, de la Jeune Mère, de Surprise, de M. Arturo Michelena, je ne puis : la place me manque; d'ailleurs, j'ai promis de ne pas user de la citation. Ces trois artistes méritaient cependant que nous causions deux plus lon- guement.

Et. maintenant, j'ai fini mon bavardage, qui a trop duré, n'est-ce pas? Ne croyez pas que J'imagine avoir tout dit. .le nai pas cette prétention, ayant conscience du contraire. Mais vous savez, quand, l'hiver passé à Paris, on revient à sa campagne, on fait le tour du jardin ou du parc, on regarde de près les jeunes pousses, on s'intéresse aux planta- tions nouvelles pour voir le progrès de la végétation, les promesses et les espérances. On jette bien un regard ilanii heureux de les revoir aux grands arbres tout formés, mais on les connaît; puis ils se font admirer quand même el tout seuls, ils n'ont plus besoin de personne, à preuve qu'ils étendent volontiers leur ombre sur le voisin. Eh bien! nous avons ainsi fait, nous avons examiné le Salon de l'année, au point de vue seulement de la replanlation, du lenouvellement de l'art. Demeurons en confiance. Il y a de la sève et les jeunes plants vont bien.

ROGER-BAL LU.

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TROISIEME ANNÉE

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Société des Artistes français

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Ludovic Base h et. éditeur

12, RUE DE l'abbaye, 12

PARIS

Agache (A. P.). Vanité.

TABLE DES MATIÈRES

Salon de 1890 Société des Aiiisles français Texle par Henry de Chennevières

Adan (E.). Brùleuses d'herbes.

Baillet (E.). Pêcheur à l'épervier en Seine (Matinée de .septembre).

Barnoin (A.). Le Père François.

Beauquesne (C). Rendez vous! Souvenir de Viller- sexel, 1870.

Bellet (P.). Au Sérail.

BÉROUD (L.). Le Dôme centrai à i'E.xposition uni- verselle.

Bettannier (A.). L'Espion.

Blsson (E.). Après l'Opération.

Blayn (F.). Repas du soir; Villcrville.

BoNNAT (L.). Portrait de M. Carnol, président de la République.

BouGUEREAu (W.). Petites mendiantes.

Les Saintes Femmes au lomlicau.

BouTiGNY (E.). Dernière (action! Bramtot {\.). Le Rêve de Marie. Brispot (H.). La Bouteille de Champagne. Brouillet (\.). Suzanne. Brunet (J.). La Chanson de la Mariée. BuKovAC (B.). Une jeune Patricienne. BuLAND (E.). Premier Baiser.

Cain (G.). Une Noce sous le Directoire.

La nouvelle Servante. Cain (H.). Les Chanteurs ambulants. Cii.\PLiN (C). L'Age d'or. Checa (U.). Course de chars romains.

TABLE DES MATIERES

("hicotot (G.). Les deux Sœui-s k Eï^pérance ». CoGCiiE (R.). A la frontière. CoLLiN (R.). Adolescence. C.o.MERRE-P\ro.\. (M""^ J.). Poau-dWne. CoHDOVA (P. me). Fin do déjeuner; I7.-9 ("ouRT.\T (L.). ÎS'yniphe des bois.

Damero.n (li.). Le Marché du cour.s Masi-cna, à An-

libes. Debras (L.). Une Redevance au vieux temps. Delacroix (H. L.). Le Réveil. Delaiiaye (L. J.). Charge du plateau (Tlron. Doyen (G.). Le Chapelet. Doyen (L.). Feuilles mortes. DiFALx (F.). Le lîain de bébé.

MoREAU DE Tol'rs (G.). Les « Fascinés « de la Charité; 1889.

Moreau-Deschanvres (.\.). Les Loisirs du Monastère.

MoussET (P.). La Toilette.

Mlnkacsy (M. de). .Mlégorie de la Renaissance ita- lienne (Plafond).

Nemoz (.\.). .\u bord du Gouffre.

Neymark (G.). Destruction cPune voie ferrée.

^OIR (E.). Une .Vumône.

Orange (NL). A la gloire et à l'honneur du 28"; Régi- ment d'injanterie.

Paris (A.). Le Sucre à Coco.

Peel (P.). Après le Bain. Ferraris (A.). Msite du grand Cheik à l'Université Petit-Gérard (P.). En reconnaissance.

du Caire. Pezant (A.). La Sortie du marais à Fourges (Eure).

Flandrin (P. H.). Sainte Éli.sabeth; le Miracle des Picard (E.). Repos du soir.

Roses. FouRiÉ (A.). Printemps.

Gavarm (P.). Concours hippique; le Saut des barres. Gelhay (E.). Chez le Juge d'instruction. Girardet (J.). Un vieux Lapin. Grandje.an (E.). Une Écurie de ferme dans l'Oise. Gutherz (C). La Tentation.

Haag (J. P.). Un Jour de fote; Xormandie. Henner (J. J.). Mélancolie.

Hermann-Léon (C). Au Chenil; ceux qu'on n'em- mène pas. IIuMBERT (F.). Louis XllI ct M''» de Ilauteforl.

Jamin (P.). Tentation; Mercenaires gaulois d'Anni- bal à Carthage.

JvRL'G (E.). Maternité.

Lalgée (D. F.). Encore un printemps.

Leoranu (P.). Une Leçon de stratégie; alta(|ue du

bataillon carré. Le.ménorei. (E.). La Prière pour l'absent. Le Qlesne (F.). La Légende du Kerdeck. Lévy (E.). Silène. LuMiNAis (E. \'.). Retour d'un enfant |irodigu''.

PoLjOL (L.). Dante aperçoit Paolo et Francesca da

Rimini. Price (J. M.). Les Ti'avaiileurs de la mer.

RiCHEMONT (A. de). Lc Révc.

RocHEGRossE (G.). Combat de cailles.

Roger (G.). La Fête de la patronne.

RoLSHOVEN (J.). Une Matinée musicale dans l'atelier.

Rov (M.). Journée finie.

Salles-Wagner (M"'" .\.). Doux rêve.

Saunier (S.). Le Port de Grolée; bords du Rhône.

Scalbert(J.). La Vaccination gratuite à Paris; mairie

du Panthéon. Sergent (L. P.). Le Soir d'une victoire; la Mo.s-

kowa, 1812. SouzA-PiNTO (J. de). Bateau disparu. Surand (G.). Le Pauvre de la rue du Chàteau-des-

Rentiers. Sylvestre (J. N.). Le Sac de Rome par les Barbares

en 410.

Tattegrain (F.), r^écheur à la foène dans la baie

d'Authie. Tessier (L. .•\.). Marée montante. Titcomb (^\'.). » Primitive Melhodisls. » TixiER (D.). Une bonne Histoire. Truphème (.\.). Le Jeu à l'école.

Van dbn Eeden (N.). L'œuvre de la « Bouchée de

pain », à Bruxelles. X'oMiiN (J. A.). Le Repos des recrues.

Maigna.n (.\.). La Naissance de la Perle.

Maillart (D. U. N.). Jeanne d'.\rc et les voix ce

lestes. Marie (A.). Le Médecin. MÉLiDA (E.). Une Procession de pénitents en Espagne Wagrez (J.). Le Décaméron.

au XVII'' siècle. Mélincce (G.). La Cigale et h Fourmi. Zwii.ler (\.). Une Noce à Didenheim: Alsace.

TABLE DES MATIÈRES

Exposition de la Société nationale des Beaux-Arts Texte par A. de Fourcaud

Agaciie (A. P.). Vanité.

Artigue (A. E.). Marchand tunisien.

AuBLET (A.). La Fête-Dieu.

Baudouin (P. A.). Épisode du siège de Paris (1870-

1871). BÉRAUD (J.). Monte-Carlo (Rien ne va plus). Besnard (P. A.). Une Famille.

Carolu.s-Dur.\n (E. a.). Portrait de M'>« S**'.

DelaiNce (P. L.). Les Hauteurs de .Montmartre. Descha.mps (L.). La jeune Nourrice. DuEz (E. A.). Le Café sur la terrasse.

Friant (E.). La Lutte.

Gerve.x (H.). .V la « République française. » GoE.NEUTTE (N.). La Mi-Caréme. Gros (L.). Promenade à cheval.

Hœcker (P.). La Religieuse.

JiMENES (L.). Le Carreau du Temple.

La Touche (G.). Les Phlo.x.

Lerolle (H.). Jésus-Christ apparaît à saint Martin. LiEBERMAN'N (M.). Dans les dunes (Hollande). LuNA (J.). Les moins malheureux.

Muenier (J. .\.). .\ux beaux Jours. Sur le Pont.

OsTERLiND (V.). Ombres chinoises.

Perret (.\.). La Distribution des prix.

Prinet (R. .X.). Leçon de danse.

Puvis DE Chava.n.nes (P.). « lutcr .\rtes et Naturam. ■>

RiBOT (T. A.). Les Titres de famille.

Roll (A. P.). Portrait de M. Coquelin cadet.

RoussiN (G.). Danseuses.

Sinibaldi (P.). Un .\vis. Stevens (.\.). La jeune Veuve.

TouLMOucHE (A.). Le Parfum.

Price (J. M.). Les Travailleurs de la mer (fragment).

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SodèU ùisAtïisUs îîmiçus

par

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Peproduction des ouvres

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SALON DE 1890

?^^E Salon do 1890 pourrail bien soulïrii' d'une rcgrellable coïncidenfc. Il ouvre ses T^ porles le lendemain du jour VOlympia de MancL a l'ailli souiller le Louvre de ^>^ sa grossière intrusion. Celle mauvaise charge d'atelier, laissée pour compte à ^^4 la vente de l'artiste et reprise par la succession avec un désappointement aigre-

doux, dit-on, pesait aux amours-propres comme aussi aux linances de la famille. S'en dé- l'aire serait donc une revanche de vanité froissée et de désappointement... budgétaire. Un groupe d'impressionnistes finauds et de naïfs connaisseurs (!) se chargea de tirer de peine cette famille soucieuse. Des listes de colisalions circulèrent, la réclame s'organisa, on convint de douze mille francs : ce n'était pas payer cher l'honneur d'offrir à l'Etal l'une des œuvres capitales du monde moderne. !\lais, pour un bienfait de celte importance, le ('jouvernemenl ne pouvait songer au modeste Musée du Luxembourg. La cimaise tlu Louvre était la seule destination admissible, et personne n'aurail le mauvais goùl cl y trouver à redire. Si, par hasard, certains Conservateurs de l'endroil se ti-ouvaienl arriérés au ])oinl de l'aii'e obstacle à l'inlroduiiion d'iuie [elle \wv\v dans l'écrin des galeries na-

2 SALON 1)1-: 1SI»0

lionales, la poussée de lopinion saurait leur apprendre à vivre. La France se devait d'honorer ManeL comme le seul clairvoyant d'hier el d'aujourd'hui. Le Ministre des Beau\-Arts recul une lettre de donation collective, le priant d'accepter pour le Louvre cette munillcencc... tambourinée. I^our la réponse à faire, IWdminisIration voulut s'en remettre à son conseil ordinaire, le Comité consultatif des Musées nationaux. Ce Comité est bien le songe-creux le plus invraisemblable du monde. Imaginez des Conservateurs exclusivement occupés, à l'habitude, de leurs départements d'antiquailles, et réunis, toutes les quinzaines, pour voter à tort et à travers sur les questions et acquisitions les moins de leur compétence. Imaginez un Conservateur des peintures contraint de déférer aux votes de ces gardes d'assiettes et de dadas cassés, et de reconnaître le contrôle de ces archéologues, tous absolument honorables, mais tous également déplacés, une fois hors du terrain de leur petite spécialité. Manel aurait pu déplaire davantage à ces paisibles rétrospectifs : du moins le pensait-on ainsi. L'Olympia, transportée sur un palier du Louvre, fut donc soumise aux appréciations diverses du Comité. Celte toile, d'exécution et d'intention plutôt faisandées, n'était nullement du goût de la conservation des peintures, el le refus..., sans phrases..., de cette fumisterie fut proposé comme l'uni- que réponse digne du Louvre. Le Conservateur, seul compétent et responsable en la circonstance, demanda, de ses collègues, un vote conforme. L'unanimité aurait se faire sur un simple désir : par la plus étrange des surprises, une majorité presque insi- gnifiante eut grand'peine à se compter sur l'avis formel du Conservateur en cause! L'n déplacement d'une ou deux voix aurait très bien pu mettre ^L Lafenestre dans l'obligation révoltante d'exposer de force, en dépit de ses protestations, celle invraisemblable Olympia.' Le Comité des Musées, ce comble du g-ciiie administratif français, se trouvait en proie, ce jour-là, aux transes dune peur imaginaire. 11 croyait voir le public ameuté contre lui. le soir même, en cas de refus du Manel. et ne se sentait nullement en \eine d'oppo- sition. Dieu sait pourtant si rojiinion se faisait fort d'applaudir une résolution un peu fianche el capable de dissiper enfin le cauchemar d'un Manet au Salon carré. Par des demi-mesures indécises, le Comité consultatif s'est condamné lui-même, une fois de plus; sa dissolution prochaine s'impose avec une évidence nouvelle, et si Manel posthume devenait vraiment l'occasion de ce bienfait aux Musées. Olympia mériterait un bon coin dans les greniers du Louvre. Mais le sort de ce Comité n'est rien auprès de linfluencc possible de cet incident d'hier sur l'esprit d'un public convié justement à deux Salons à la fois. L'année tombe au |)lus mal pour l'impressionnisme, le tachisme, les fautes de dessin, les stérilités d'idées, en un mot, toutes les impuissances caractéristiques de Manet et de sa suite. Le morceau, ce fameux morceau, leur suprême idéal, commence à être déclaré non avenu. Le spectateur se lasse de sentir certains groupes d'artistes abuser d'une indulgence d'aucu::s avaient le tort de voir de la duperie. Le public s'esl intéressé, non sans raison, aux ie( herches el résultats de facture susceptibles de servir, par le progrés matériel, le côlé supérieur de l'art: mais il n'a jamais pris le change sur la portée relative pour ne pas dire secondaire de certaines audaces techniques. Pas une minute la na'iveté ne pouvait lui venir de mettre, dans le moindre parallèle, de con- sciencieu.x créateurs et imaginaleurs auprès des récréatifs mais infertiles essayeurs de luminosités accessoires. Les tenants ou variétés de Manet conclurent toute autre chose de la longue bienveillance de l'opinion, el voulurent y voir la consécration définitive du mor- ceau. Cette illusion volontaire, par trop commode, devra disparaître aujourd'hui. La part est déjà belle, pour d'habiles praticiens, d'avoir réussi à s'attirer Faltention de la foule : le temps presse de leur faire sentir très net. cl dans leur intérêt immédiat, la nécessité

SALON DE 18"J0 :i

d'un lelour à des préoccupalions d'ordre moins... manuel. Cela reclilîera, de même, le point de vue de nombre d'artistes fort corrects de principes, mais gagnés peu à peu par la facile tentation du morceau, et s'y arrêtant, au préjudice du développement de leurs qualités de composition ou d'émolion. Ils en arrivaient, eux aussi, à ne reconnaître ni l'intérêt, ni même l'utilité du sujet en peinture : à peine pouvait-on l'admettre comme des- sous, comme canevas plutôt vague, et à son occasion se livrer aux recherches de facture les moins prévues, comme un pianiste plaque des accords au grc'- fie ses hasards de doigts.

L'exposition des Champs-Elysées, Salon Bouguereau, paraît le correctif tout naturel de ces trop longs errements. Si la Société Meissonier avait des chances de durée, Tac- centualion des deux Salons annuels, en des sens tout contraires, produirait certes les plus vifs effets réactifs. Le rêve serait alors de voir un groupe d'esprits avisés prendre de chaque camp leurs caractères les plus profitables, les fondre, et combiner la science et le style de l'un avec l'amour des clartés et des vertieui's vivantes de l'autre.

L'histoire de la scission des artistes a trop défrayé les chroniques de cet hiver pour avoir besoin d'être redite. Le fond de la querelle était l'omnipotence du cours Julian. Bouguereau et le corps de professeurs de celte académie poussaient, disait-on, l'esprit de solidarité au point de réserver médailles et récompenses à leurs élèves. Cette préférence, peut-être exclusive, mais toute naturelle, trouvait pleine complicité dans la composition d'un jury presque entièrement fait d'hommes de Julian. Cela rappelait un peu les théories des vieu.x capitaines de l'Empire premier. La veille de la bataille d'Austerlitz, au moment Napoléon allait passeï- devant le front d'un régiment, le colonel dit à ses troupiers : « Soldats, les opinions sont libres!... mais je préviens que celui qui ne criera pas : Vive l'Empereur! je le fais fusiller... » Beaucoup furent, de même, rayés des bonnes grâces du jury, pour n'avoir pas voulu subir suffisamment la doctrine et les recettes de l'atelier Julian. Des hommes comme M. Bouguei'eau, il en faut! on jieut ne pas les aimer, mais ce serait injustice de méconnaître à leur émerveillante impeccabililé de doigts le main- lien presque absolu des traditions de la peinture française. On airiverait vite aux cocas- series imiques de l'exposition des Artistes Indépendants, s'il ne se dressait, aux heures critiques, des grammairiens sévères, pour rappeler à tous la nécessité de la syntaxe du langage des formes. Le Salon Bouguereau semble se charger de ce rôle... moralisateur. Les gi-andes compositions, loin de faire défaut, y abondent plutôt. A titre de raisons d'être cl de véritables enseignes, elles ne seront jamais trop nombreuses. Il n'était pas difficile aux sociétaires de le comprendre, et le public les voudra plus multipliées encore, si la dualité des Salons subsiste tant soit jieu. Comme avant-goùl de cette période de vrai re- tour à l'efforl et à l'émotion, les Champ.s-Élysées offrent, cette l'ois, d'assez solides sujets de réjouissance intellectuelle. Le but de la peinture est la « délectation », disait le vieux Nicolas Poussin, et il ne l'entendait pas au sens du seul plaisir des yeux; car, à prendre le public même le plus éclairé, on ne peut vraiment prétendre intéresser à des détails de technique et de facture, des esprits fort étrangers aux moindres notions du métier. Celte (( délectation » doit donc provenir de l'enchantement de ceux de nos sens d'esprit les plus naturellement ouverts par l'instincl ou l'éducation littéraire. Entrons au Salon et arrêtons- nous aux seuls artisLes capables de s'être élevés au-dessus du praticien. A l'Exposition Universelle de l'an passé, Munkacsy s'est presque mal trouvé de la réapparition de sa grande toile du Christ devant Pilate. Dépourvu de la mise en scène de 188L ce tableau, d'une réelle grandeur expressive et d'une émouvante recherche d'âme, sembla perdre, au voisinage d'un peu Loul le monde, une forte part de réputation accjuise. Surfail en plus

k SALON I)K 1S90

d'un point, il se vil l'objel de réserves formelles, principalement au chapitre de l'ordon- nance imaginative du sujet. Le nombre clairsemé des personnages, si contraire au texte évangélique, pouvait passer pour un calcul de simplification centralisante; mais cela risquait, avec non moins d'apparence, de faire supposer certaine sécheresse de concep- tion. Celte année, Munkacsy e.xpose, au grand Salon carré, un vaste plafond : X Allégorie de la Renaissance. Cette peinture, à destination du musée de l'histoire de l'art, à Vienne, est d'une ordonnance nullement banale et sent son Tiepolo d'une lieue. Tel Hongrois bien avisé peut-il venir en France et traverser Venise sans de fortes stations aux Scalzi, à Santa Maria de! Rosario, voire même, voire surtout à la Pietà, sur le quai des Escla- vons? Tiepolo devrait être un modèle pour les jeunes gens de l'École des Beaux-Arts, et tous, s'ils pouvaient le flairer à distance, emploieraient leurs premiers cinq cents francs à courir à lui. Son élude aurait chance de les pourvoir do la qualité la plus introuvable aujourd'hui, la légèreté. I.e xvui'' siècle IVan<;ais, le siècle des houleuses |)ctilos ordures de l'esprit et de l'art, se réclama de lui comme procédé d'exécution, et bien l'en prenait, car celte l'éférence reste sa seule garantie relative par devers les amateurs un peu sérieux. Lemoyne, Boucher, Fragonard, et toute la troupe des affreux menus galantins, leurs élèves, se seraient fondus dans un oubli trop légitime s'ils n'avaient fait preuve d'un peu de la prestesse et de l'argentin du délicat plafonneur de Venise. Oui. nos jeunes se féliciteraient vile de six mois d'apprentissage à l'école du Tiepolo. La Icslesse du manie- ment de la brosse et la grâce épanouie de la composition leur deviendi'aienl familières, semble-t-il, à force d'en voir les plus miroitantes réussites. Un tout jeune vaillant paraît presque seul d'humeur et de nez à suivre cette indication, c'est M. Emmanuel de la Villéon. Deux noblesses pour une celle de l'art s'adjoignanl à l'autre ^ M. de la Villéon sera l'une des énigmes de demain. Coloriste, tantôt exaspéré, tantôt de la plus douce harmonie poétique, il apprendra bienlùl son nom à la jeune école par une de ces superbes audaces de peinture à portée des seuls tempéraments.

La Renaissance de Munkacsy est d'une charmante imagination. Loin de s'en tenir aux éternelles allégories banales, d'un symbolisme par trop plat, le décoratcui- a voulu faire du genre, presque de l'anecdote, avec son sujet. Sous une coupole à la Bramante, des groupes d'artistes s'activent, en plein travail d'atelier. Plusieurs dessinent ou peignent d'après le modèle sous les conseils du Titien. Xu premier plan de gauche, une noble tète chenue, Léonard de Vinci, et Raphaël, un carton s'ous le bras, s'avancent comme pour sortir; à droite, Michel-Ange réfléchit, le marteau prêt à l'action. L'homme vu de dos, sur un échafaudage, face à sa toile, c'est Paul Véronèse. Et, dominant la scène, assis dans une loge aux armes des Médicis, Jules 11 approu\e un plein de Bramante. Les génies de gloire et de renommée descendent du ciel, comme embarrassés du mérite égal de tant de maîtres tous dignes de la même palme. Il y a des détails bien venus, de l'air partout, une exquise qualité de couleur. Comme toujours, avec Munkacsy, la distri- bution de la lumière remédie seule aux lignes brisées et aux variations de coloriste l'homme se complaît parfois trop, au risque de détruire la belle tenue du tout-ensemble. Et puis, ce Hongrois... d'ici est grand assimilateur, et la médaille de Dagnan-Bouveret ne lui est pas restée indifférente.

L'état actuel de la peinture sérieuse rappelle presque identiquement l'époque des néo-Grecs : même délicatesse de tlessin, mais d'un dessin sans force suffisante; même ingéniosité d'ordonnance, mais d'une ordonnance encore loin du style supérieur. Cela n'empêche pas les voisins de Munkacsy, au Salon carré. MM. P. Lehouv cl Henri Lévy. d'avoir fait effort pour produire des compositions d'un peu de souffle.

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TEXTE

par

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î?eproduction des ouvres

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Maignan.

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Maillard.

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SALON Dli IS'JO 5

l.e Christ de Miséricorde, de M. Lehoux, soii de la noie l);inale. La Liberté, de Henri Lévy, de même. L'embarras de AL Lévy a n'èlrc pas mince, au moment de la conception d'un tel sujet : il s'agissait de peindre, à destination de l'ilôlel de Ville, Paris oj'raiit â la Liberté triomphante le sacrifice de ses enfants tués pour elle, un de ces titres comme nos grotesques édiles savent seuls en imaginer! L'allégorie révolutionnaire, la plus odieuse des banalités, n'a jamais réussi personne; mais l'élégance chiffonnée de Lévy était bien le genre le moins l'ail pour des applications... insurreclionnelles ; aussi les tronçons d'émeutiers répandus avec délicatesse sur le champ du tableau ne sentent-ils nullement le populaire et font-ils l'effet de victimes à l'eau de rose. Devant le Charlemagne du Panthéon, des juges sagaces ont ciualifié M. Lévy de Trémolliéres moderne. Il aurait donc tort de faire mentir la saine criticiue en s'écartanl, fût-ce par hasard, de sa nature habituelle, la grâce. La Lady Godiva, de Jules Lefebvre, ne pouvait manquer d'un succès anecdolier. Il y aurait pourtant fort à dire sur la compréhension et l'échelle d'un thème tout destiné au format vignette, mais le vice annuel et bien volontaire des tableaux de Salon empêche de trop insister. El puis M. Lefebvi'e ne se concilie-l-il pas, d'avance, presque toutes les excuses par ses incroyables (jualités de dessin? Son modelé confond toujours, à l'étal de tour de force de la plus imperturbable aisance. Si la légende de celle lady Godiva risque de n'être pas du goût de tous les maris, au moins lui reconnaîlronl-ils... en peinture, un agrément supportable. M. Jacques Wagrez continue par un Décaméron la suite de ses charmantes toiles à l'oi-donnance el aux costumes si délicats. Voilà certes un artiste, un composeur s'il en fui, un ingénieux, un distingué, tout à l'ail rebelle aux théories stérilisantes du morceau. 11 ne s'abandonne jamais aux tentations de l'a peu près. Chaque été, soit à Venise, soit à Florence, soit dans l'Ombrie, il travaille sur place à la reconslilulion tie telle ou telle jolie scène de l'Italie du (luiiiziéme siècle. Les fresques, les architectures, tout le trésor du passé, le pénètrent el lui profilent prescjuc mot à mot, et il en revient, chaque fois, avec un nouvel amour de la composition. Le Rêve d'Eté, de M. Franc Lamy, parait clair, aérien el d'un bon effet de paysage, mais Raphaël Collin pouvait se passer d'imitateurs. M. Aman Jean est toujours un homme à idées, l'antipode du banal, un oseur de (juintessence. On sent à sa concision combien il doit mépriser... les parleurs pour ne rien dire, lui si habile à exprimer beaucoup avec peu de choses el toujours soucieux de la philosophie de sa peinture. La Muse et le Poète est un paysage de réelle émotion, les deu.x êtres symboliques promènent leur intimité au milieu d'une veriku-e tout empreinte de la m(-lancolie la plus tendre. Une Jeanne dWrc destinée à M. Marcille, c'est-à-dire au musée d'Orléans, est en outre sortie, celle année, de l'imagi- nation de M. Jean. L'héro'ine devient d'une pieuse aclualilé, el M»"'' Pages fait bien d'at- tirer sur elle les visions des peintres. La sculplui-c Chapu, Frémiel el Dubois en tète s'esl l'ail honneur de bronzes vraiment inspirés, mais la peinture n'a pas également ivussi son tribut; car, de M. Ingres à Bastien-Lepage, pei-sonne ne peut se flatter d'une reconstitution pittores(|ue, j)Oéli(iuement el hislorifiuement digne de la sainte Lorraine. La brosse délicate de Baudry promettait aux murailles du Panthéon une bien intéres- sante trilogie de Jeanne d'Arc, mais le charmant décorateur était trop personnel et des- sinait trop par sous-entendus délicieux pour avoir ses éludes jM-éparatoires comprises après lui. Et Jeanne d'Arc le hanta dés les heures de début, el loul le long de sa carrière il rêva d'en réaliser une image, la plus approximative possible. M. Aman Jean s est arrêté à une extase de l'héroine en cuirasse, ou plutôt à la prière avanl le combat. A genoux, l'épée contre la poitrine, elle semble fixer son oraison tians une dernière ferveur, comme si les mêlées d'hommes d'armes, lissées sui' une tapisserie du fond, la pressaient de

« SAl.OX DE lis'to

courre à la bataille. N'ombre d'autres artistes se sont essayés à la vision de Jeanne : c'est un sujet toujours méritoire à traiter, car, dùl-on n'y pas réussir, l'entreprise seule vaut des éloges. M. Paul Flandrin s'est remis en souffle do i^randcs compositions par une Sainte Elisabeth, destinée à l'une des éii^Iises de Versailles. 11 devait peu lui couler d'efforts pour ressaisir ses traditions de famille. Le miracle des roses, si tendrement raconté par Montalembert, fait le thème de celte peinture. Le sens de la sérénité... murale s'y voit bien entier. Le Beethnreii, de ^L Benjamin ('onslant, paraît vouloir contrefaire l'ombre de la lumière électrique : comme recherche de plein air... nocturne au clair de lune, l'impres- sion de celte sonate n'a certes rien de banal. I^es Chars rowaius, de M. Checa, sont d'une charpente savante et d'une singulière vigueur d'élan; mais a-ton encore le droit, après les découvertes de l'archéologie hippique, de faire croire à la présence de percherons dans les cirques latins? M. Fouriè pouvait ménager à son impétueux Printemps un succès de meilleur aloi comme goiit, s'il l'avait rendu moins vulgaire dans l'ensemble. Les partis pris de tons semblent, de même, sujets à réserves; car, sous leur apparence de franchise el de facture personnelle, se cache un impressionnisme presque embarrassé. Le Lancement d'Argn, du Belge Van Biesbroeck, ne fait pas précisément le plaisir des yeux, il faut une somme bien héroïque de courage, aux melleui's en scène de pareilles imaginations, pour ne se découragera aucun instant de leur longue entreprise; car, à moins d'une incon- science invraisemblable, on ne peut vraiment tardera s'apercevoir soi-même de l'intérêt plutôt négatif d'une page immense remplie de torses el de dos d'hommes attelés à une trirème primitive. La Mort de saint Claude, de M. Joseph Aubert, est d'une facture sérieuse : un peu davantage d'accentuation personnelle aux ligures, el l'artiste se dégagera pleinement. M. Sylvestre a fait du Sac de Rome pai' les barl^ares un morceau de la plus désagréable couleur, compromettant ainsi l'ingéniosilé d'ordonnance et de style de son invention. Il y a des césars dcboulonnés de leurs piédestaux et bien curieuse- ment compris comme silhouettes. M. Clairin a prolilé de son plus récent séjour de Venise pour offrir à la galerie V^[)'mée française dans réi;-lise Saint-Marc. Il existe sur l'enlrée de nos troupes à Venise et sur le fameu.x départ des quatre chevaux de Sainl-Marc plusieurs gravures contemporaines l'imaginative de M. Clairin a pu se renseigner, mais son humeur de coloriste n'en garde pas moins le mérite d'une ardente enveloppe du sujet. On peut noter des tons presque susceptibles, une fois le tableau tamisé par le temps, de rappeler certaines cuissons de Bonington. La Bataille de Grares, de M. Cormon. est d'un étrange bel effet, comme aussi d'un exemple heureux. Voilà certes un artiste connu pour n'avoir pas précisément épargné sa peine à des tableaux... kilométriques, el néan- moins il en arrive à traiter, dans un formai de petites figures, un thème bien tentant comme occasion de grandes académies. Tous devraient se modeler sur lui et se rendre compte des inutiles disproportions en peinture, comme si le vrai public s'arrêtait aux questions enfantines du plus ou moins de cimaise occupée. M. Cormon se trouve au mieux de celte manière nouvelle, car sa toile profonde et saisissante y gagne une concision nerveuse très heureusement échauffée d'un coloris à la Delacroix. M. Rochegrosse en est revenu, lui aussi, des dimensions géantes de ses belles œuvres de début, et s'adonne aux mesures moyennes. Son Combat de cailles et la Nouvelle arrivée au harem continuent la charmante série de ses reconstitutions égyptiennes el romaines. Ah! l'artiste rare, sur du présent el de l'avenir! 11 ne se contente pas île composer en maître, le plus naturellement iki monde, son sens de la peinture d'histoire le j^réserve et le préservera toujours des dangers d'une ethnographie savanle. Pour un homme à posséder si bien son musée Campana et ses antiquités orientales du Louvre, il n'a garde de sacrifier à l'étal des

SALON DK Ibyo 7

minuties de types ou de costumes rinlérèl plus lari^e et plus humain du sujet en question. Ce mérite n'est ni facile, ni banal, car le fait de résister aux entraînements d'une érudition toujours flatteuse à montrer prouve le tact éncrgi(|ue d'un esprit bien ordre. Parlons un peu de M. Détaille et de son Colonel d'artillerie de la ^arde; mais parlons aussi de la déplorable et irritante peinture militaire, Ténervement des vrais patriotes el la négation de lout arl. Ni de Neuville, ni Détaille ne se sont élevés, pour beau- couj:), au-dessus de bons dessinateurs d'Épinal, habiles illustrateurs d'imageries. Sévère, mais juste, cet avis tendrai! donc à en faire de simples alimenleurs de la curiosité courante. Et pourtant leurs qualités natives méritaient un emploi plus digne d'eux-mêmes; car, peintres de batailles, passe encore! mais anecdoliers d'une guerre malheureuse, anecdotiers ininterrompus et d'une insistance stupéfiante, c'est trop ou trop peu ! Yvon et Bellangé, lout comme Horace Vernet, avaient mille bonnes raisons de prodiguer leur brosse au récit de nos avantages de guerre; mais devrait-il être permis de toucher à un seul épisode de noire fatal 70? Comment des artistes, gens de cœur et si chatouil- leux, dortiinaire, sur le chapitre de lamour-propre ne se rendent-ils pas compte de l'effet pénible de lout sujet franco-allemand? Les souvenirs de celle éclipse maudite ont-ils donc besoin d'un rappel incessant, comme si la blessure ne saignait pas toujours dans l'histoire et dans la réalité? Pour les témoins de celle date, de pareilles pages sont pénibles el presque odieuses, comme autant de cauchemars; pour nous, les jeunes, l'impression est d'une nature un peu différente, mais analogue toutefois. Nous avons eu beau entendre détailler les sauvageries du plus fort et admirer, dans les livres, le vigoureux désespoir de la résistance, il ne nous en a pas moins fallu constater les coups répétés de la mauvaise fortune. Alors l'air de bravade véritablement trop habituel à nos |)einlres militaires nous blesse comme un enfanlillage tout à fait indigne d'un pays sérieux, et nous ne com|)rcnons pas comment la dignité nationale tolère de se voir ainsi compromise, ni comment l'entente tacite de tous les bons Français n'interdit pas toute image allusive au passé douloureux. \J' Artilleur de !VL Détaille est d'une facture assez réussie el d'un formai ambitieux. L'arlisle rôverail-il donc l'avenir d'un peintre d'his- toire... en uniformes? Espérons-le pour lui.... et ])our nous. Une Nalii'ilé^ de M. Pierrey, et V Adoration des Mages, de M. Marquet, semblent d'excellentes composilions. pleines de recherches et d'imprévu. Les Ai'eiigles de Jéricho, de M. Paul Leroy, sont une applica- tion du soleil d'Algérie aux scènes de l'Évangile. Ce jeune luministe, déjà fort remarqué, ne paraît pas vouloir s'en tenir aux chances de ses débuts et progresse à chaque Salon. La Sainte Cécile, de M. Matignon, est d'un sentiment bien expressif et d'un calme de poésie tout aimable. Enfant de Sablé, autant dire de Solesmes, M. Matignon n'a pas vu ni lu Dom Guéranger pour rien, et la délicieuse patronne des harmonies est passée sur sa loile sans perdre la moindre fraîcheur du poème de son biographe. Le coloris en est d'une suavité féminine et d'une chatoyante variété de notes. M. Matignon serail-il, par hasard, prédestiné au renouvellement de la peinture religieuse? Croyants el hommes de goût le salueraient certes comme un bienfaiteur, car il aurait mérité, lout à la fois, de son arl et de l'idéal chrétien. Le rouge monte au front à voir combien de talent se dépense dans des images frivoles, libres ou même ordurières, au moment les |)lus hauts sujets religieux semblent dévolus aux |)raliciens les plus alambiqués et les plus sots de la rue Sainl-Sulpice.

Le Bon Saniari/ai>!, de M. Pierre Lagarde, esl d'un senlimenl lout évangcMique. L'effet de paysage ne manque ni des notes plaintives ni cki dramali(|ue de pilie inhéi'cnl au sujel. Une petite lueur, à la fenêtre d'une maison perdue au milieu des bois, esl

8 SALON DE 1800

léloile vacillante le blessé Iroiivcra le pansement et le salul. M. Lai^arde fait bien de s'adonner à une sorte de renouveau du paysage historique : il possède le sens de Tliar- monie entre la nature et les êtres et sait à merveille le degré de participation le plus convenant du paysage au drame humain, en telle et telle circonstance. Aligny et Berlin, deux ancêtres dignes de tous respects, restent toujours les maîtres du genre, et il suflit de feuilleter les recueils lithographiques de leur temps pour proliter à leur école et comprendre la réelle raison d'être de cette vraie grande peintuie. M. Pinta. dans une S.iiiite Mi.}rllu', son dernier envoi de Home, serre le dessin et promet de la couleur. L'n autre Marseillais, M. Poujol. se mesure, dans de fortes dimensions, avec un des cercles de l'enfer, Le Dante apercevant Paolo et Francesca da Rimini. C'est de la peinture coura- geuse et vigoureuse. Malgré notre parfaite antipathie pour toutes les femmes artistes la toilette et la cuisine étant seules dignes d'occuper de belles et bonnes mains il faut reconnaître à M""" Salles-Wagner une grâce facile et de la pratique aimable. Ses Anges an baptistère de Saint-Marc sont de charmantes figures aériennes. Le Saint Sébas- tien de M. \ eber est d'une originalité d'ordonnance et de facture tout à fait louable. Voilà du cherché, du bien voulu, et non un simple prétexte pour académie. M. Bougue- reau n'aura jamais connu la grande névrose : il est toujours la santé sereine. Cette éga- lité de talent prive peut-être le public de surprises inédites, mais elle lui assure, en toute certitude, la rente annuelle de deux tableaux admirablement irrépréhensibles. La com- pensation ne vaut-elle pas son prix, en ce temps de productions incertaines la rareté des œuvres à peu près sortables Unit par faire attribuer au hasard tout seul le petit nombre de toiles dignes de durée? ls\. Bouguereau restera : il restera dans les musées de l'avenir comme un problème d'inimitable dessinateur. On l'accuse d'impersonnalité : mais n'esl-il pas, au contraire, trop personnel de facture et trop exclusif de modelé? Il a de l'imagination, de la grâce, le séduisant féminin, tous les bonheui's de composition, et, s'il refuse de modifier son idéal d'art, il l'aul lui croire de fortes raisons pour. Ses Saintes Femmes au Tombeau continuent son cléll pacifique à tout le désordre des pro- cédés actuels. La Poursuite e[ V Abreuvoir, de ^L Gérôme, intéressent le public, et avec grande raison. Un jeune maître orientaliste délicieusement agréable, c'est M. Bompard : ses Bouchers de Chehna et V Entrée du vieux Chelma sont de pures merveilles de lumière et de touche. Comme il voit bien, ressent et note ses impressions d'.\lgérie! Comme il revient, chaque fois, à Paris, sous un charme prolongé capable de lui faire retrouver l'atmosphère et l'ambiance exacte du désert, ou plutôt comme ce doit être un artiste sur nature, tou- jours prêt à s'attarder dans une oasis pour y conduire à bonne lin des scènes locales en- trevues à l'arrivée! C'est, du moins, la sensation du spectateur et l'une des causes des succès du peintre. Les Boucliers de Chelma, surtout, sont ilune intensité de réel à pro- duire une sorte d'illusion de puanteur devant les déchiquelages de viandes faisandées ou violacées de chaleur. Un Autrichien, M. Deutsch, a rapporté d'Egypte une toile curieuse, V Université arabe au Caire. Elle est claire sans être lumineuse et manque un peu de profondeur; mais on y liouve un \rai mérite d'esprit de composition et de composition d'esprit dans les centaines d'étudiants bronzés de soleil et de... paresse.

Les Gamins arabes, de M. Polter, sont du meilleur art respirable et gai : bonne enve- loppe, large manière de la brosse, orientalisme populaire à vingt lieues de toute idée de décrassement préalable. M. Jean-Paul Laurens expose les Sept troubadours fondateurs des Jeu.x Florau.x. .\ force de s'être emmuré dans l'Inquisition, au point d'être devenu le tor- tionnaire du jiublic par des histoires à faire sourire même les plus sectaires, M. Laurens éprouve toutes les peines liu muntle à se sortir de la note lugubre. Pour y\n Toulousain.

C. CHAPLIN. L'ùoe d'or.

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H. E. DELACKOIX. Le i-éveiJ.

Iinp. Drueger et Lesieur.

SAtOn TltUSTRÉ

Société ntàionûe^is Beaax-Atts

TEXTE

L.

DE FOUHCAUD

'Reproduction des Œuvres

De MM.

\rligue.

La Touche.

\ublel.

Lerolie.

Baudouin.

Liebermann.

Béraud.

Luna.

Besnard.

Montenard.

Carolus-Duran.

Muenier.

Courtois.

Osterlind.

Delance.

Perret (A.).

Deschamps

5.

Prinet.

Duez.

Puvis de Chavannes.

Frianl.

Ri bot.

Gervex.

Roll.

Goeneulle.

Roussin.

Gros.

Sinibaldi. '

Hœcker.

Slevens.

limenos.

Toulmouche.

1890

îvoi5tème mm

V 3

Le Salon

Illustré comprend quatre li-

'raisons qui

paraissent en Mai et Juin.

Une de ce.

t livrai.ions est consacrée au

àalon du Ch

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de Mars.

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EXPOSITION

HE L A

SOCIÉTÉ NATIONALE DES BEAUX-ARTS

'/^■g^;^j?x scission (lui s'est produite dans la Société des Artistes français a retenti de

Y'A*^ telle sorte, qu'il ne sied plus d'y rexcnir. Déplorée par les uns, hautement

^#\<!? approuvée par les autres, cette scission nous vaut un Salon libre, au Palais

'/^^T::^^Mi dLi Champ de Mars, et la « jeune école » se déploie brillamment. Il n'est pas dans notre programme de discuter les statuts de la Société nouvelle, dont M. Meissonier est le président. On nous monlie un bel ensemble d'œuvrcs en des conditions particuliè- rement favorables de groupement et de décoration; on nous promet que, l'année pro- chaine, les choses iront aussi bien, si ce n'est mieux. Nous n'en demandons pas davan- tage. Que s'il vient à résulter du schisme un vrai mouvement d'émulation entre les deux associations rivales, nous n'aurons eu. en tout état de cause, (|u'un bien petit mal poiu- un grand bien.

D'une façon générale, celte Exposition, très choisie et très riche, a une signification vive, encore qu'il ne s'y révèle, proprement, aucun signe nouveau. Dès longtemps nous savons au juste quelle voie nous suivons, quels sont nos défauts, nos cjualités, nos ten- dances. Il y a, dans nos œuvres, des échos de nos souffrances sociales, des traces de nos indécisions intellecluelles. Le but est clair à tous; mais les moyens à prendre ne nous trouvent point d'accord. Nous aspirons à la simplicité et nous ne sommes pas simples. Comme à nos esprits, la sérénité manque à nos arts. Tels d'entre nous, et des meilleurs, se laissent envahir de crépusculaires et mysli(|ues tristesses. La clai-té physique n'est pas seule indispensable à l'arliste : il lui faut aussi cette clarté morale en laquelle s'établit l'équilibre des facultés. Chacun rend ce qu'il voit ou croit voir, ce qui répond à ces sollicitations secrètes. Lorsqu'il y a des troubles dans l'ordre naturel des choses, le sens des phénomènes man(iue souvent {l'évidence, et l'on s'oublie en plus d'une hypothèse issue de plus d'un préjugé. Au déclin du xix" siècle, après tant de maux endurés, d'efforts soutenus, de batailles perdues ou gagnées, de travaux accomplis, de pensées accumu- lées, nous nous demandons ce qui nous attend encore. Le siècle qui vient promet-il la paix durable à la société tourmentée? La grande unité va-l-elle se faire? Nous l'appelons de tous nos vœux.

Ce qui me frappe et me touche dans l'Art actuel, c'est (|u'il vise jjIus (|ue jamais à l'expression profonde par la vérilé des spectacles. Ce n'est pas un art de philosophie, c'est un art d'humanité. On a jeté aux orties les vieux sujets convenus en même temps que la vieille palette; on ne veut plus des formules apprises, on soui'it même de ceux qui s'obstinent à les employer. L'hymne à la nature est dans toutes les bouches, et, je le crois bien, dans tous les cœurs. Seulement, c'est ici que l'on se sépare. Faut-il peindre la réalité tout uniment, dès lors qu'elle vous a ému? P'aut-il, au contraire, revêtir de formes naturelles des symboles abstraits, des émotions purement cérébrales ou des conceptions poétiques? La nature doit-elle être la mailresse ou la servante de Tarlisle? est la vérité souveraine? est l'art éternel?

Et ces questions, qu'on ne sait comment résoudre, engendi'cnt des esthétiques parti- culières. Les plus robustes, les mieux portants s'alUujuent à ces sujets de la vie et des mœurs toute une humanité spéciale s'empreint et se décèle. Ce n'est pas au hasard c|u'ils peignent, quoi (ju'il puisse sembler aux innocenis : c'est au <j:vc des émotions, au

Z liXPOSITlON DR I,A SOCIIÎTI-; NATIONALE DES BEAUX-ARTS

contact des faits survenus le lone; de leur existence. Les plus subtils se travaillent à créer des suggestions et accommoder les cléments réels aux complications de leur idéal. Ces mystiques tombent aisément dans l'a peu prés, sous prétexte que l'inachevé contient en dissolution le plus de rCve. La poésie légendaire, l'idylle et l'élégie plaisent par-dessus tout à ces chercheurs de quintessences, jaloux de montrer ce qu'ils devinent et de s'abstraire de ce qu'ils voient. Ils sont moins éloignés qu'ils ne pensent du chemin des académies. Les plus grossiers copient des réalités vulgaires, s'imaginant qu'il n'est point de domaine pour l'observateur en dehors des lri\ialilés. Je passe sous silence les sté- riles reconimenceurs du passé. .\h! les pauvres gens confinés dans leurs officines de cuistres! Comme on les plaindrait s'ils étaient moins risibles!... Mais ceux-là, griice à Dieu, ont cessé de com|)ter hormis pour (juclques attardés de leur giron...

Au Salon du Champ de Mars, je vois ces diverses tendances représentées diverse- ment. Je remarque de bons portraits, des scènes de mœurs intéressantes, de beaux paysages, quelques belles fantaisies. Presque point de tableaux d'histoire, j'entends des toiles ayant la prétention de retracer des événements, des souvenirs ou des types anciens. Notre École, décidément, ne se plaît à peindre que noire vie, et je n'ai garde de lui en faire un grief, car c'est à ceux qui vivent de peindre les vivants. Chaque génération doit suffire à sa tâche et fixer son propre portrait. Comment restituer fidèlement les vieux ancêtres, alors que nul d'entre nous ne serait seulement en état de représenter son arriére-grand-père à coup sûr? Je sais bien qu'il est permis de rendre certains épisodes populaires, et, notamment, plusieurs scènes de l'épopée religieuse, en les modernisant, comme a fait Rembrandt, par exemple, dans sa sublime estampe dite la Pièce de cent flo- rins, où le Rédempteur des hommes s'environne de tous les malheureux et loqueteux d'Amsterdam. Ces souvenirs, transformés en symboles des plus hautes vérités de la conscience, ne perdent rien de leur signification profonde en se revêtant de la physio- nomie de chaque époque. Ils ont, au contraire, d'autant plus de grandeur qu'ils sont plus purement mis à la portée des simples. Mais toute histoire ne saurait être racontée ainsi. Les artistes embarrassés donnent dans les redites. De l'extrême faiblesse de cette partie de la production, d'ailleurs de plus en plus restreinte.

Des tableaux populaires à sujets navrants, j'en ajierçois beaucoup moins ici (pi'au Palais de l'Industrie. Par contre, les toiles éclairées d'une lumière de deuil, tamisée dans je ne sais quel crêpe, ne sont pas rares. Ce goût des « ténèbres visibles » tend à se pro- pager, et c'est dommage. Je ne nie pas les finesses de ton obtenues par l'intervention de la brume; mais il est assez facile et très dangereux d'être fin dans l'indécision. Le malaisé, c'est d'arriver à dire exactement ce qu'on veut, sans èlre ni sec, ni froid, ni terne, ni mesquin, ni ennuyeux. Va pour deux ou trois talents originaux qui ont trouvé moyen de s'exprimer par ces vagues et peu compromettantes synthèses; mais ne soyons pas dupes de leurs imitateurs. A tous ces blasés, à tous ces malades de l'abréviation quand même et du sentiment mystérieux, conseillons une bonne fois de regarder Holbein et Rem- brandt. La probité de l'artiste n'est point de s'en tenir à d'éternelles esquisses de douce, mais nébuleuse harmonie. La vue qu'on a des choses doit être réalisée; l'exécution compte dans l'art.

N'insistons pas sur ces considérations d'ordre philosophi(|ue : c'est le moment de qualifier, en quelques notes très sommaires, les principaux tableaux e.xposés.

C'est par les décorateurs que je commence. La décoration louche à l'histoire, aux mœurs, au paysage, au caprice. Elle prend le genre qui convient aux édifices et aux salles à décorer. Voici le grand panneau de M. Puvis de Chavannes pour l'escalier du musée

EXPOSITION DE I. A SOCIÉTÉ NATIONALE DES BEAUX-ARTS 3

de Rouen; l'épisode du siège de Paris, de M. Adolphe Binet, pour l'Hôtel de Ville; le Cours de Sainle-Claire Deville, de M. Lhermitte, pour la Sorbonne. Ces composilions sont du genr'e grave et se recommandent j^ar des mérites divers.

I^e sujet de M. Puvis de Clliavannes n'est pas fort déterminé. L'auteur l'intitule abs- traitement : Inter artes et nattirain. Imaginez un verger de pommiers sur une hauteur d'où Ton découvre la ville de Piouen, hérissée de ses clochers, et tout le cours de la Seine. Çà et des vestiges de monuments se dressent, comme dans le jardin de l'hôtel de Cluny : un mur antique orné d'une fresque à fond rouge, un sarcophage, des colonnes accouplées. Des ouvriers, au fond, soulèvent et placent en bel ordre d'anciennes pierres sculptées. A gauche, une jeune Hlle s'avance, drapée de bleu, un livre à la main; une autre, assise à terre, dessine sur un plat une tulipe blanche dont une de ses compagnes, en fourreau violet tendre, lui tient le modèle, fi'aîchemenl cueilli, tandis qu'un jeune garçon lui apporte, en un plateau pose sur sa tète, un choiv de poteries à décorer et tiu'une de ses compagnes, encore, à la draperie rose, se repose étendue dans l'herbe, un œillet à la main. Un petit bassin, d'où surgissent des fleurs blanches, violettes et jaunes, fait le centre du panneau. Puis viennent, sans lien particulier : une mère debout, attirant à elle une branche de pommier pour que son enfant puisse cueillir une pomme rouge, un adolescent traînant une charge de lierre, un groupe d'hommes dessinant ou causant, deux femmes, au second plan, s'entretenant avec simplicité. On peut voir là, si bon semble, une allégorie de la Normandie respectueuse de son passé, riche de souvenirs, studieuse, habile dans l'art du céramiste. J'y vois surtout, pour ma part, une tapisserie aux lignes simples et grandes, d'une harmonie exquisement cendrée et qu'il faut goûter, pour ainsi parler, d'un seul regard.

Autre point de vue chez M. Adolphe Binet. Ce peintre, savant et délicat, est, avant tout, un réaliste. Qu'il peigne des blanchisseuses vaquant à leurs travaux sous des arbres ensoleillés; une pauvre femme tle la banlieue lavant son linge dans un coin de jardin aride, inondé de soleil; un grand portrait déjeune femme élégante, assise, un livre sur les genoux, auprès de sa table à ouvrage, auprès d'une gerbe de fleurs, en une harmonie bleue et jaune pâle (ce sont les toiles qu'il expose en dehors de sa décoration), on reconnaît toujours en lui l'essentielle préoccupation de tlxer ce qu'il voit. Son panneau pour l'Hôtel de Ville évoque un bastion de Paris pendant le siège. Les artilleurs des remparts saluent le premier ballon (|ui monte dans le ciel gris du matin; un peloton de mobiles vient prendre son service au pas de charge; des cavaliers passent là-bas. Rien n'égale la vérité de ces scènes multiples, saisies comme sur le vif, et dont le peintre a su faire un tout caractéristique et attachant. Les personnages sont nombreux, mais tout à leur action, et d'une expression simple et frappante. ^L Adolphe Binet témoigne des plus remarquables facultés d'observation et de groupement, jointes à une science accom- plie du dessin, à un solide talent de peintre.

Ce n'est pas une composition décorative, au sens ordinaire ilu terme, que le Cours de chimie de Sainte-Claire Deville, de M. Léon Lhermitte. Je lui donne ce titre unique- ment à cause de sa destination; car c'est, pour le fond, un tableau de réalité pure, fait de portraits et d'accessoires éveillant la curiosité. Ne voyez pas une critique en ce point. La salle des commissions de la F'aculté des Sciences, à la Sorbonne, doit être ornée seulement de deux toiles : le Cours de physiologie de Claude Bernard, que M. Lher- mitte exposait l'an passé, et ce Cours de Sainte-Claire Deville, présentement sous nos yeux. Ces deux épisodes se répondront, sans participer à aucun système décoratif. Ils produiront un effet sérieux et quelque peu austère, mais dûment justilié par le caractère

A i:\POSITIOX DR L\ SOCIKTK N\TION\l,K DKS l?l-: Al'X-AliTS

(lu lieu. Le second lableau me parail trailé avec plus tie calme el de franchise (|iie le premier, où, si l'on s'en souvient, la liimiùre rebondissait el cahotait sur tous les visai^es. Ici le professeur, devant sa table chargée d'instruments de laboratoire cl de matières chimic|ues, entouré de ses préparateurs el de ses principaux disciples, fail sa démons- tration (piasi familièrement, dans une ambiance lumineuse assez égale. Ce tableau est des meilleurs de M. l.hcrmilte, incontestablement.

11 ne sera jamais permis à M. Besnard de nous laisser indifférents. C'est, par excel- lence, l'harmoniste tles couleurs joyeuses. Ses compositions ne vont pas toujours sans mystère; il a des caprices de quel(|ue élrangeté; il se plaît aux effets les plus inattendus, les moins ordinaires; mais il a, |)i)ur lui, tant de bonne grâce dans la hardiesse, tant d'éclat i^rinie-sautier dans le talent, que ceux même ([ui ne le comprennent pas lui ren- dent justice. Voyez sa l'isiuii de Femme : une imagination de féerie, une apparition de jeune déesse, les reins drapés d'une étoffe mauve, d'un mauve de fleur, parmi les éblouis- sants rhododendrons tlune terrasse, dans le fond d'or tout remuant des feuilles d'au- tomne, sous un ciel que verdit un bizarre jeu de lumière. Je ne nie poinl la singularité; mais, en matière décorative, je donne toute licence au peintre pour tirer de beaux feux d'artillce cl m'amuser le regard. M. Besnard ne s'est pas borné, du l'cste, à cet envoi original. N'oici une .Jeune Femme à la lueur des bougies, le Soif dans une église de Laudi'es, Une Famille, réunion de portraits assemblés, avec un goût tout personnel, en un grand salon de campagne, ouvrant sur un paysage alpestre. Voici encore, dans la salle des pastels, le délicieux portrail tle W"" Lemaire, en toilette violet tendre, peignant des fleurs en y)\c\n air, avec un geste lypi(|ue, loul enscml)le naturel, et maniéré. Autant d'oeuvres particulières, captivantes, jaillies de verve, exemptes, surtout, de banalité.

.\ulre modalité décorative : la Lise/ le, de M. Custave Courtois, en robe fleurie, en corsage rouge, en tablier rose, fouillant dans une immense armoire à linge, el se détoui- nant pour nous sourire. L'artiste lire parti fort spiriluellemenl tlu panneau étroit el tout en hauleiu- qu'on lui accorde au foyer du llu'àtre de l'Odéon. Évidemment, cela soil du commun. Cela sort, également, du « joli » où, parfois, se coniplail l'auteur. Autre mo- dalité encore : la Bouquetière, de M. Baudoin, debout sur un quai de la Seine, Ijran- dissant deux branches de genêts en fleurs. Ce serait charmant dans un vestibule. Le peintre, en ce morceau discret, si bien réveillé des deux grappes jaunes, vives comme de l'or, n'a point sacrillé, à son ordinaire, i\ l'imitation de M. Puvis de Chavannes. 11 n'y a rien d'efficace comme l'observation directe de la nature pour dérober l'artiste aux redites et l'arracher progressivement au convenu. Nos jeunes décorateurs commencent, somme toute, à s'en rentlre compte. 11 y a lieu île s'en réjouir.

Pour mettre un peu d'ordre dans celle rapide analyse, je groupe les oeuvres jiar séries, suivant l'affinité des genres. Ayant ])arlé des œuvres décoratives, j'arrive tout de suite aux scènes de mœurs. Le Salon en l'cnl'erme en quantité, et de loute manière, dont un grand nombre offrent de l'intérêt. Je ne |)arle |)as des scènes d'histoii-e. L ne seule toile d'allure proprement historiciue mérite d'être tirée de pair, pai'mi les trè.« rares se trahit la recherche du passé : c'est le Napoléon à léna, de M. Meissonier.

On n'attend pas de moi, à cette place, une étude en règle sur le célèbre peintre, le ladmire sincèrement pour sa science el pour sa conscience de minutieux observaleui-, souveiil incompni'able à donnei' ;'i ses pelilcs ligui'es une \ie pi'écisc el forte. Son (>'U\i-e, malheureusement, a, |)ar son ensemble, un caractère presque exclusivement rétrospectif. Combien il est regrettable (|u'il n'ait pas appliqué aux spectacles de notre existence, aux types essentiels de nos milieux, ses qualités aiguës et patientes!...

EXPOSITION DK L\ SOCIÉTÉ NATIONAL!-: DES BEAUX-ARTS 5

Le Napoléon à Icna, qu'il nous présente aujourd'hui, répond à toutes les marques de son talent. Du haut d'une éminence, l'Empereur, à la tète de son état-major, voit s'ébranler, dans la plaine, un régiment de cuirassiers. Un cadavre est resté à <iuel(|ues pas; des officiers rouges, plus loin, s'aperçoivent, espacés en ligne au pied du talus. Le grand capitaine est entré dans ses rêveries; son œil [ixe ne regarde plus que ses plans intérieurs. Derrière lui, ses lieutenants attendent. On ne saurait aller plus loin dans la variété des altilutles, dans la presque imperceptible et, pourlant, frappante diversité des mouvements des chevaux sur place. Mais, quand j'aurai rendu témoignage de cette force d'individualisation, je ne pourrai m'empècher de constater l'aspect terne et sans agrément de la i^einture. Un ciel gris, d'un gris lourd, dépourvu de li-ansparence, enveloppe Tac- lion et l'écrase. Aucime magie de couleur. On s'émerveille tlu détail, et, malgi'é tout, l'on demeure froid.

Le propre de !\1. .lean Béraud, ce n'est pas la souplesse du |)inc(VTU, la grâce de l'exécution, c'est la finesse éminemment personnelle de l'observation «.les mouvemc-nls et des types. On s'arrête beaucoup devant sa Salle de jeu à Monte-Carlo : de fait, rien n'est plus curieux. Tout ce qui s'agite autour du lapis vert se voit là, surpris sur le vif, rendu au naturel, depuis le joueur prudent jusqu'au passionné qui s'enrage, depuis la femme honnête qui se riscpio ius(|u"à l'élégante aventurière ([ui se met en scène, depuis l'inno- cent de race jusqu'à l'escroc de profession. On écrirait, à peu de frais, une physiologie du joueur d'après ce seul tableau, et elle serait exacte et amusante, .le sais ce qui man(|ue à l'artiste comme sensibilité d'exécution; mais bien précieux sera son répertoire pour l'évocation fulure de nos modes et de nos mœurs.

Ln mainls lableauv de mœurs, le paysage joue un grand rôle. Je cilei-ai, au premier rang, la Fin de déjeuner, de l\l. Muenier : sur une terrasse ([ui domine la campagne, toute blonde de soleil, une famille achève son repas ; le grand-père fume sa pipe, la grand'- mère écoule, la tête dans sa main, la petite fille debout qui jase, et la jeune femme se lève, d'un mouvement familier. Tableau exquis de conscience et de délicatesse; tableau rare de tendresse et de paix. IM. Muenier révèle, d'ailleurs, en plusieurs études de paysage, des qualités d'intime raffinement. De M. Emile Priant, je signale un petit chef-d'œuvre : les Politiciens de village, commentant le journal, au bord d'une rivière, autour d'une table de cabaret, .le regrette que les envois de l'artiste lorrain, toujours le talent abonde, soient fort inégaux comme valeur d'art. Ses petits portraits rappellent par trop Baslien- Lepage. Plus grands, ses jeunes gars luttant, nus, à main plate, au bord du ruisseau ils vont se baigner, nous ramènent, par la reluisante propreté de leurs chairs, aux nudités classiques et s'enlèvent assez mal sur un paysage fort détaillé, mais forl lourd. Le])einlre a, pourlanl, ties ressoLirces de paysagiste : je n'en veux poin- preux es (|ue son Port de L(»id)\'S et son Rocher de Monaco.

M""" Delance-Feurgard s'adonne avec succès aux scènes d'enfants. Je suis infini- ment sensible au charme de son Bois, plein d'enfants, tie mèi-es et de nourrices, au fond duquel traîne, sur le gazon, un gai rayon de soleil. Un joli thème décoratif est traité par M. Rossel-Granger, non sans bonheur : deux jeunes filles, à la nuit tombante, accrochent des lanternes vénitiennes rouges aux ai'bres d'un bosquet, au-dessus de la mer très bleue du pays de Provence. C'est la première fois que ce peintre se détache de la convention : je note volontiers ces bonnes volontés trèmancipation. 11 faut (|ue, décidément, l'an- cienne Ecole soit morte. \^n paysagiste que j'aime, M. Alfred Smith, nous apporte une figure de jeune écolier en vacances, veston blanc, chapeau de paille, lisant avec attention, assis dans un parc aux fraîches vei'dures : ce morceau est délicat et dune

<; EXPOSITION DK I.\ SOCIÉTK \ \TIO\UJ-: DES REAIX-ARTS

franchise remarquable. In aulrc paysagislo. (|ui s'est signalé par do nombrouv tableaux d'animaux, M. Gaston Guignard. expose une grande laitière pressant le pis de sa vache blanche, et une jeune villageoise, en coiffe empesée, revenant de la messe, le long dune allée verte. Je me plais â reconnaître la main d'un peintre on ne peut mieux doué.

Plusieurs étrangers envoient des scènes de plein air qu'il importe au moins de men- tionner : le Belge M. Verstraëte nous ravit avec ses filles et fillettes, aux jupes bleues ou mauves, cueillant des fleurs dans un verger délicieusement vert et ensoleillé; le Suédois M. Larsson fait mourii- les derniers rayons d'un rose, d'un Irancjuille soleil, sur un mur de pierre sèche et sur le visage tl'une femme et d'une petite fille, peintes de main d'artiste; r.Mlemanil M. Liebermann touche avec puissance une chevrière de Hollande tirant sa chèvre, qui résiste à la corde et s'obstine à paître l'herbe pâle des dunes de Kalwick; un aulre Allemand, M. Lhde, nous fait voir, dans une nuit brumeuse, un couple de voya- geurs, la femme lasse, l'homme se surmenant, suivant une route longue, bordée d'arbres frileuv, au bout de laquelle, tout i)roche. une lumière trahit l'auberge, et c'est un tableau du premier ordre; un autre Allemand encore, M. l'aul Hœcker, en une toile plus heurtée, figure, sur un banc de pierre verdi, dans une allée obscure à travers laquelle le soleil tait pleuvoir de roses lueurs et de verts reflets, une religieuse en prière. Ce groupe des artistes de Munich se complète de M. Kuehl, dont uno jeune (ille, vêtue d'un nuage de mousseline, comme une première communiante, jouant de l'orgue, dans une tribune éclairée d'une large baie, est d'une impression vraiment aimable.

Revenons à nos Français. M. Jeanniot s'est surpassé à peindre ses vieux époux de Bourgogne, vieux paysans assis, graves et taciturnes, en leur cuisine de villageois. C'est un véritable artiste que M. Jeanniot, un peintre de mœurs et un paysagiste que la nature émeut et qui sait la rendre. Mais voici deux toiles d'un poète et d'un peintre, d'un paysa- giste qui a rang de maître : les Voj-ag-eiiJ's et VElé, de M. Charles Cazin. Les l'oj-a- geiirs : une famille de pauvres nomades égarés, a la tombée du soir, dans un grand pays vallonné et désert. L'Été : des jeunes femmes qui se baignent dans un étang, à l'heure les nuées roses courent par le ciel pâlissant.

Allons plus loin : quantité d'oeuvres hautement distinguées nous sollicitent. Encore que M. Eugène Carrière se retranche un peu plus dans la brume qu'il n'est de mon goût, il m'est impossible de ne pas m'arrèter longuement devant ses toiles aussi souvent que je les rencontre. Quel profond sentiment intime elles respirent! Quel rare dessinateur elles attestent, et quel peintre attendri! Une mère et son enfant endormis lui sont le thème d'un tableau qu'on ne se lasserait point de voir, ou encore une petite fille feuilletant un registre, une autre regardant une coLipc, ou un garçonnet, à table, torturant le fond de son assiette. D'un bout de ruban rose noué à un cou d'enfant, il fait un poème de coquetterie maternelle. Pourcjuoi ne le laisse-t-on pas poursuivre son œuvre à sa guise, sans lui emprunter ses procédés!...

Oublierai-je de signaler la Leçon de danse, de .M. Prinel? Non, certes. Ce bataillon de fillettes en tablier blanc et en bas noirs, évoluant toutes ensemble, sous la direction d'un maître à danser en habit noir qui marque la mesure, dans un grand salon clair aux jalousies fermées, est le plus gracieux et le plus fin du monde, .le continue ma prome- nade : les Marins, de M. Léon Couturier, font rage au cabestan. Tout est mouvement, effort, discipline, dans le branle-bas du départ. Soudain, de vives fantaisies éclatent sur la muraille : c'est l'exposition de M. Lewis Brown, avec ses Rcnde--vous de chasse, ses Haltes de cavaliers, ses Scènes de cninses, si picpianles et d'un ragoût si personnel! Les contrastes se précipitent. Tant notre École est féconde, laborieuse et variée!

EXPOSITION DE LA SOCIETE NATIONALE DES BEAUX-ARTS 7

Rien de si prés do la peinture des mœurs ([ue la peinture des portraits. Un portrai- tiste est un décorateur ou un observateur de types et de milieux. Nous avons des peintres qui se plaisent à rendre les types pour eux-mêmes. De ce nombre est M. Ribot, un maître dans la force du mot, merveilleux à arracher à la profondeur des tons sombres une fipjure humaine caractéristique, avec une énergie de modelé, une poussée de vie saisissante. Voyez sa Femme aux linieUes, son portrait de jeune fille, son portrait d"homme et, en général, tous les morceaux qu'il expose. Ils sont faits pour les musées, d'où ils semblent déjà sortir. Nous avons des peintres qui aiment à donner auv portraits une magnificence large et décorante. C'est le cas de M. Carolus-Duran, très hardi et très franc virtuose, faisant vibrer les couleurs comme des fanfares. Voyez ses grands portraits de femmes en pied, au Champ de Mars : portrait d'une femme vêtue d'une robe d'apparat en soie noii'e enrichie de broderies d'or; portrait d'ime jeune femme en rolje grise, avec ceinture et jabot roses, grand chapeau jetant une ombre sur ses yeux, détachée sur un fond gris; portrait d'une femme en rouge éclatant, sur un fond d'un rouge plus sombre, à demi enveloppée dans sa fourrure, et le croissant d'Artémis au front... Il y a, dans ces di- verses toiles, une abondance, une aisance décoratives que personne n'a, je pense, au même degré. A mon avis, sa jeune femme en gris est une œuvre particulièrement at- trayante et du jet le plus heureux.

Nous avons des peintres c[ui cherchent à rendre les personnages en des milieux bien déterminés : tels MM. Roll, Duez cl Gervex. Voici, du premier, un portrait de vieille paysanne, d'une peinture puissante; un Enfant qui goûte, qui ne lui cède en rien; M. Co- quelin Cadet disant un monologue; M"'* Jeanne Hading environnée de fleurs conquises sur la scène; une femme en cheveux gris, ses gants à la main, dans un appartement sé- vère. Je ne puis que louer ces envois, s'affirme le tempérament très fort et très affiné. Pourtant l'avouerai-je? un doute m'envahit. M. Roll semble se défier de ses vigueurs anciennes. Nous commençons à trouver, chez lui, des touches fondantes, des traces de « joli ». Est-il au début d'une crise? S'égare-t-il en des recherches de volupté dans la pâte et le ton? Le jeu est dangereux. Notre sympathie s'en inciuiète, notre admiration s'en émeut.

Le portrait de M. Georges Hugo, par M. Duez, intéresse à plus d'un titre: le jeune homme, debout sur la jambe gauche et la droite repliée et passée sur l'autre jarret, se présente de face, appuyé à un meuble, son claque à la main, dans une altitude à l'Alfred de Musset. Derrière lui, par delà une tenture à fleurs roses largement relevée, on aper- çoit un jardin illuminé de lanternes vénitiennes. A ce portrait, curieux par l'allure et It double éclairage, M. Duez a joint un tableau de plein soleil : Jeune Femme en rouge pre- nant son café sur une terrasse, et un idéal coin de prairie, à Villerville, tout blanc de fleurs.

Le grand envoi de M. Henri Gervex, c'est le groupe des rédacteurs politiques ou inspirateurs de la République Française, réunis dans le cabinet de M. Reinach, le rédac- teur en chef. Celui-ci, assis à sa table, son manuscrit devant lui, s'entretient avec M. Emmanuel Arène, tandis que M. Waldeck-Rousseau se concentre, que M. Spuller commente à M. Challemel-Lacour un article du Temps, et que M. Jules Roche écoute et garde le silence. Le buste en bronze de Gambctta semble, du haut de la cheminée, pré- sider ce conseil. Il est incontestable que ces différentes personnalités sont finement ana- lysées et rendues avec talent en leurs signes distinclifs.

M. Dagnan-Bouveret n'expose qu'un tout petit portrait un jeune homme à mous- taches et favoris, à sa table de travail d'une tonalité grise, mais de cet art précis, volontaire et conscient ([ui lui est particulier. Au rebours de M. Priant, M. Dagnan se

s EXPOSITION Dli L\ SOCIÈTP: NATIONALIÎ DES BEAUX-AlîTS

dégage de plus en plus de rinfluence de Baslien-Lepage. Mais à quoi l)on prolonger une froide nomenclalure? Qu'il me soit permis d'indiquer seulement que M. Jacques Blanche commence à manifesler un vrai talent de portraitiste notamment dans le portrait de son père lisant le Journal des Débais, et dans celui de M'" Jeannine Dumas, peint en pied, en toilette d'un gris ardoise et toute souriante sur son fond bleuissant et de définir d'un mot le portrait du peintre Lewis Brown, peint pai- l'Italien Boldini, le chapeau en bataille, riant de toutes ses dents en conduisant, dans la rue, sa femme et sa fille. L'œuvre, visiblement inspirée de M. Degas, est, au moins, exubérante de vie et de l'exécution la plus spirituelle.

C'est mon regret de ne |:)ouvoii' consacrer ici (|ue de brèves noies aux paysagistes. Il \ a longtemps que je n'avais eu autant de plaisir de leurs envois. M. Victor Binet expose une toile admirable : le Soir à Saiiit-Aiibin-sin--QiiilIebœiif; une toile délicieuse : Un jardinet à Monlroiige, et une toile d'un grand caractère : les Carrières de Gen/ill}-, an soleil. Saluons ces œuvres : elles sont aulhentiquemenl d'un maître. C'est en Champagne ([ue nous conduit M. Barau avec son Automne, son Soleil couchant, sa vue de village le soleil jette ses dernières plaques de lueur à travers les séparations des maisonnettes. Nous avons affaire, plus (|ue jamais, à un artiste original et qui sait ce qu'il veut et il va. M. Damoye part de l'île Saint-Denis pour se rendre en Bretagne en passant par la Sologne aux étangs bleus. comme le ciel. Sa Vue de la Seine à Epinay (hiver), nappe grise entrevue, sous le gris du ciel, entre les arbres dénudés et noirâtres, alignés sur la berge, me paraît une des pages les plus pénétrantes de son œuvre. En une belle série de marines, variées et d'un ton frais à miracle, je reconnais la touche de ce maître toujours jeune : Eugène Boudin. Puis c'est la lumineuse série de paysages de M. Sisley, un charmant impressionniste selon le cœur de M. Claude Monel. Mais que dire des neiges ensoleillées du Norvégien Fritz Thaulow, si blanches et si veloutées d'ombres bleues, si froides au regard et si virginales, enveloppant tout un pays d'un suaire immaculé, sous lequel tout s'absorbe et sommeille? Cette école norwégienne compte d'excellents pein- tres, tels que M. Thaulow. M. SUredsvig, M. Pelersenn. M. Krohg. Le Champ de Mars nous montre, de M. Skredsvig, deux tableaux d'une saveur forte : une ]'illa en Corse et un Lac eu Xorwèi^e. Nous avons grande sympathie pour ces Scandinaves à l'œil clair et sans vaines traditions.

J'ai lini. Quelques morceaux de sculpture doixenl être marqués d'un Irail : une sublime petite statue de vieille femme assise, de Rodin; deux ou trois statuettes en bronze du Belge Constantin Meunier, un Puddieur. un \'crricr, un Marinier hélant ses camarades, de purs chefs-d'œuvre de sculpture à caractère; des figurines de paysans nivernais de ^L Baffier, d'une bonhomie robuste; la figure tombale de Victor Noir, de ^L Dalou, en habit de soirée, la chemise ouverte, la tète renversée, raide mort; un bas-relief à sujet moderne on ne peut plus captivant de .M"" Cazin, Secours aux malades: une poétique interprétation de V^iutonuie de M. Puvis de Chavannes, en médaillon de bronze, par M. Michel Cazin; un groupe puissant, mais non tout à fait exempt d'allure académique, de M. Desbois : la Mort; une Femme nue endormie, on ne peut plus vivante, de M. Michel- Malherbe : voilà ce que j'ai retenu. Mais je ne puis insister; l'espace me manque.

Au demeurant, tel est le premier Salon du Champ de Mars. Il appartient, maintenant, à la Société des Beaux-Arts de s'organiser avec sagesse. S'étant instituée brillamment, qu'elle se constitue maintenant pour durer. C'est la grâce que je lui souhaite.

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A. AU 13 LE T. La Fùte-Dieu.

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L. DESCHAMPS. La jciuu' Udurrice.

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J. A. MUENIEIJ. Aux Ijuiiux jours.

A.- STE VEN8. La i.-uoc veuve.

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SAtOn IllUSTRÉ

Société ùesAvïïsUs hxiicûs

TEXTE

par

Henry de CHENNEVIÈRES

Reproduction des (Euvres

De MM.

iAdan. Anderson. Barillot. Beauquesne. Beauvais. Beroud. Bisson. Blayn. Bompard. Bordes. Bouguereau. Biamlôt. Brispot. Brouillet. Brozik. Gain (G.). Gain (H.). Chaplin. Checa. Ciairin. Coèssin. Collin (R.). Comerre. Courtat. Dameron.

Dantan.

Daux.

Delahaye.

Deslrem.

Deyrolle.

Duiaux.

Dupain.

Dupré (J.).

Flandrin.

Fourié.

Gelhay.

Gilbert (R.).

Gorguet.

Grandjean.

Henner.

Hermann-

Léon. Janiin. Lalire. Lamy (Fr.). Laugée (D.). Le Quesne. Lévy (l£.). Lobrichon. Luminals.

Maignan. Maillard. Moreau de

Tours. Paris. Parrol. Pearce. Pelez. Pinla.. Bichemont;(i8 Rochegrosse. Roy (M.). Sala. Scalbert. Scherrer. Sergent. Souza Pi.ilo. Surand. Sylvestre. Tallegrain. Thomas (P.). Truphème. Vayson. Voillemot. VVagrez,elc

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Le Salon Illuslré comprend quatre li- vraisons qui paraissent en Mai et Juin.

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Lafon. j

Aublct.

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Landelle.

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D. Laugée.

Bramtot.

G. Laugée.

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Debat-Ponsan.

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SALON DE IS'.IO y

la chose doiL paraître crune bizai-rerie unique, car toul (ils du l>ani^uedoc est Parisien aux trois quarts. Cette année-ci ne semble pas avoir l'ait aboutir encore les tentatives de gaieté de M. Laurens, et il trouve moyen de rembrunir le sujet le plus joyeusement mé- ridional. Ses sept poètes sont des pompes funèbres à mines allongées, fort peu faits pour agréer à Clémence Isaure. lividemment, le |jeinlre s'est bien vite i-endu compte de la déviation de sa pensée première, et, faute d'amabilité de composition, il a voulu, du moins, montrer la belle humeur de son coloris; comme le rouge chante la gloire du vert, les robes écarlates de ses troubadours se sont trouvées le bel éclat d'un paysage. De fait, M. L.aurens est surtout un coloriste à formes rigoureuses. Son ascendance, il suffît de connaître les Rivais, du Laurageais, pour la préciser imman<|uablement. Au fond d'une petile bourgade des cntoui's de Casteinaudary, à la Bastide-d'Anjou, en ce coin de terre se cache aujourd'hui l'une des intelligences les plus larges de la criticpie et de la politique, M. Jules Buisson, naissaient, ù la tin du dix-septième siècle, plusieurs générations de pein- tres de la plus grasse des brosses. Presque exclusivementadonnés au genre portrait, Jean- Pierre et Anloine Rivais avaient dans le sang, avec une grande aisance de pinceau, des germes de rudesse et de raideur frappante. Ils procédaient par morceaux de bravoure, toujours également vigoureux. Il faut les connaître aux musées de Toulouse et de Mont- pellier pour avoir !a révélation de lalenls des jilus mâles. M. Laurens lient du voisinage de ce même terroir une carrure foncièrement analogue (TimpélLieuse technique. Son dessin, d'une àprelé sans i'épli(|ue, serait dur et triste s'il n'avait le réchaud de toute une gamme de colorations ardentes, parfois dramatiques. Sans sortir de son époque méro- vingienne, carlovingienne ou même capétienne, M. Laurens ne pourrait-il donc éclairer la nuit de sa barbarie favorite de sourires plus frécjuents? Le macabre prolongé ne fui jamais le fait d'aucun âge. A pareil déridement, ce véritable maître, aux harmonies loujours fortes, parfois profondes, humaniserait et égaierait sa palette. Un peintre d'his- toire doit s'assouplir à tous les genres d'expressions, et, si la honteuse doctrine de l'indif- férence du sujet en peinture n'était pas déjà condamnée au nom de la dignité de l'esprit, le meilleur argument pour la combattre serait de faire sentir l'influence indéniable du thème sur le maniement du pinceau lui-même. Le crayon et la brosse peuvent-ils traiter semblablement des images poétiques ou des images de réalisme, du riant ou du sévère, du calme ou de l'agité? Ceci ne fait vraiment pas question, et le dernier collégien de rhétori(|ue confondrait tout ignorant assez distrait pour hasarder un doute analogue... en littérature. Comment la langue des formes échapperait-elle aux règles de la simple logique et du goûl, elle la plus intéressée à ne commettre aucune faute lro|i apparente, car ses manquemenis sautent aux yeux? M. Emile Lévya peint un Silène en pleine hilarité bachique. C'est ingénieux à l'ordinaire et d'un solide dessin de vétéran. M. Paul-Édouard Legrand est l'auteur d'une excellente composition du genre historique.: Charles de Blois portaiil les reliqi/es de saint Yi'es pour remercier Dieu des victoires de l'année 1363. Beau- coup de sentiment et d'entente scénique. Un banal se serait restreint à une illustration approximative du texte de Siméon Luce dans VHistoire de Duguescliii : par le sérieux du paysage et de la disposition, M. Legrand s'est élevé à une sorte de généralisation émou- vante d'une action de grâces royale. M. Mérite, un nom bien porté, exjiose deux toiles... d'animalier de la plus étrange et de la plus énervante impression, Pèlerins dans la roche et Aire d'autours. Du livre de d'Arcussia, le rude fauconnier, il a tiré deux phrases, une par tableau, et s'en est servi pour nous peindre des repaires d'oiseaux de proie. C'est épouvantablement créé; la couleur surtout ne laisse rien â désirer comme saisissement. Un effet de malaise mystérieux se dégage, à première et même à seconde vue, de ces

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10 SALON 1)1-: 1S90

nids de carnassiers déchiquetant des chairs. Il y a du hideux presque humain, une espèce de joie méchante et consciente autour de ces curées saignantes les faucons apprennent à leurs petits le dépeçage d'une proie fraîche. La couleur la plus inattendue, la plus tragique et sauvage, tlramalise d'une manière indicible ces simples tableaux d'his- toire nalurelle. 11 n'y a |ias, au Salon, de cas comparables, comme exemple de parlici- palion directe de la couleur au poignant du sujet. Il convient de citer le plafond de M. Dupain, le Commerce apporte la Paix et l'Abondance aux Arts et à r Industrie. Sur celte donnée, d'ailleurs incompréhensible, il a fallu brosser des figures peignant, sculptant, d'autres avec des ancres, des boussoles, la série des banalités ordinaires. M, Le Quesne a fait un large effort dans sa Légende du Kerdeck. Ce n'est peut-être pas assez ressenti comme thème poétique, mais la disposition a plus d'une sorte de vertueuses qualités. Les Vapeurs du soir de M. Alleaume sont d'une bien autrement rêveuse inspiration. Un poète va s'endormir au bord d'un lac, l'œil à la surface de l'eau d"où sortent, baignées des nuages du crépuscule, de blanchâtres apparitions. Pourtant un Américain, ^L W'aller Mac-Ewen, semble avoir le mieux réussi les évocations de ce genre. Son tableau, V Absente, est de l'Edgar Poe... en tendre. C'est le dimanche : assis dans sa maisonnette vitrée, un vieux paysan écoute sa fille plongée dans la lecture de la Bible. Tous deux y cherchent des mots de consolation au deuil de la femme et de la mère. Elle est morte, et depuis son départ rien n'a fait revenir de la stupeur les survivants désolés. Pas un meuble, pas un détail de l'intérieur n'a varié : et voilà, ])ar un miracle de tendre hallucination, voilà l'ombre de la chère absente revenant occuper tout à coup sa chaise habituelle et semblant présider au douloureux recueillement de famille. Le peintre a su trouver, avec une déli- catesse presque géniale, l'insaisissable dessin et lindescriplible couleur de cette figure, sans tomber dans le livide-macabre trop ordinaire aux faiseurs de mélodramatique. Les Sirènes au repos, de NL Adolphe Lalire, un nom vibrant s'il en fut, sont du meilleur goût mythologique. Cet artiste deviendra parfait décorateur et d'un coloris fort enviable, si les occasions le secondent. M. .\lbert Maignan est l'auteur d'une bien jolie création, la Naissance de la Perle. Les plus fines nuances de tonalité, l'argentin le plus séduisant, le plus gracieux des rêves font de cette page une délectation de l'œil et du goût. M. Henry Bramtot, dans le Rére de Marie, fait preuve d'une douceur d'inspiration bien affinée. C'est de l'excellente peinture de délicat. ^L Lemalle. relégué sur le palier d'entrée, n'en sollicite pas moins l'attention avec Saint Vladimir et Sainte Olga aux pieds de la Vierge, grande toile décorative, de la meilleure tenue. Sur ce palier se remarque une délicieuse fillette d'Adolphe Piot, le Bouquet. A mentionner de M. Pierre Bellel une scène sanglante. Au Sérail, dune vraie conscience de facture.

La peinture de genre bien composée n'est pas rare, non plus, à ce Salon. M. Emile Adan. par ses Briileuses d'herbes, devrait s'attirer, celte fois, la première récompense de l'année. Le poète exquis, intime et familial, doublé d'un impeccable dessinateur foncière- ment scrupuleux! On fait fête, chaque hiver, à ses aquarelles de la rue de Sèze : il y met tant de grâce brillante, de fine distinction mondaine, de sourires ou de mélancolies! Sa peinture à l'huile laisse voir d'autres qualités, la précision de nature, l'arôme de la vie des champs, le rendu formel de l'enveloppe des choses. La Xoce en Bretagne, de ^L Deyrolle, pourrait être plus spirituelle, mais il s'y trouve une pleine couleur locale presque suffisante au bon effet du tableau. M. Bourgain. un talent tout personnel, va devenir le véritable ma- rinisle officiel de la flotte. Le péril du méticuleux en un genre tout est détail ne lui fait pas peur et semble, au contraire, lui profiter, comme si l'assujettissement ponctuel à mille ferrures et galons, loin de rapetisser sa facture, l'habituait à une tension continuelle la

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plus avantageuse du monde au s('rieu\ de sa pei'sonnalité. M. Hippolyte Lucas se montre chercheur hmiinisle et original dans Soir de fête. C'est la fin d'un dîner de famille. Le père encore attablé, un fi'ère et une sœur debout et attentifs écoutent le solo de violon de la cadette. Elle, dans une robe bleue aux formes ingénieuses et comme une jeune fille du montle peut seule les imaginer, se détache sur la buée chaude du déclin d'un jour d'été. Le repas s'est pris sous les arbres du jardin égayés de lanternes japonaises. Il y a dans l'air surchauffé de l'horizon cette vapeur spéciale à la plaine de Paris aperç-ue des terrasses de Bellevue. Un aquarelliste de toute dislinclion, M. Pierre Vignal, trouve avec son simple blaireau des effets analogues de phénomènes atmosphériques. l^'Abjii- dowiée de M. Fournier... ne l'est pas du tout du public. Cela devrait lui servir de fiche de consolation. Ce morceau, d'une grande simplicité de moyens et de rendu, est d'un dessinateur expressif. Les Deux Sœurs de AL Chicolot sont d'une élrcinle louchante. Une jeune femme, veuve d'hier, se jette dans les bras de sa sœur religieuse et demande à la consolatrice du cloître les premiers remèdes au chagrin. Elle est un peu bien élégante, cette belle désolée : on dirait une douleur de... secondes noces! AL Charles Crès, un Manceau de La Flèche, s'est délicatement inspiré d'une coutume locale foi-l émouvante. Chaque année, le prix d'honneur du Prytanée militaire s'en va, porté sur les épaules de ses camarades, saluer de ses palmes la sœur supérieure de l'infirmerie de l'Ecole et lui dire un adieu reconnaissant. Le Pardon de Notre-Dame de la Clarté, de M. Déneux, semble, comme facture, un composé de Millet et d'Ulysse Butin fort surprenant d'adresse. M. Worms ne sort pas d'Espagne, et il a raison : c'est un si doux coin de terre pour les rêves, les... châteaux et les tableaux. Le Bécit du torero ne fait aucun tort à la suite connue de l'œuvre de l'artiste; d'un autre l'analogie monotone des sujets risquerait de fatiguer.

MM. Tattegrain, Potlhast, Flameng, Poilleux-Sainl-Ange, André Brouillel, Adrien Moreau, Gabriel Maréchal, Auguste et Maurice Leloir, Enrique Mélida, Lunois, Victor Lecomte, G. Maquette, Pierre Gavarni, Ravaut, se font remarquer, en outre, par d'in- génieuses dispositions de scènes. Le Prisonnier, de M. Le Blant, est un chef-d'œuvre de couleur cl de fondu. M. Henner expose une Mélancolie, ouvrage d'harmoniste mystéricu.x et consacré.

Les portraits du Salon peuvenl-ils compter comme œuvres de composition? D'une certaine manière, oui. s'ils relèvent d'un effort d'an-angement conforme au caractère du modèle. Les meilleurs portraitistes de l'année sont MM. Paul Dubois, Georges Desval- lières, Gabriel Guay, Franzini, d'Issoncourt, Eugène David, Desfontaines, Giacomotti, James Guthrie, Sabine Jourdier, Jacques Wagrez, Maurice Jeannin, Machard, Félicie Mégret, Lcsur, Maurin, Rachou, Columbano, Thirion avec un beau Portrait de 3/-' Place, cardinal-archevêque de Rennes^ Quinsac, Paul Chabas, Chartran, Castaigne, Trigoulel et M. Paul Thomas avec une superbe peinture en pied. M"'"' A'....

Le paysage continue d'être, h l'habitude, la plus heureuse ])ar[ie du Salon. Nouveaux et anciens rivalisent de mérite, et pas un ne serait h oublier : Harpignics, Le Liepvre, Gumery, Chaigneau, de Bellée, Emile Berton, Eliot, Calvé, Baudit, Cadix, Carl-Rosa, Dardoize, de Lajaumont, Japy, Jousset, Lacroix, Lansyer, Antoine LambcrI, Pelouse, Pointelin, Rigolot, Amédée Rosier avec une bien enviable }'ue de La Sainte, à Venise, Saint-Maur, Toussaint, Tisseron, de Penguern, et tous, tous. D'instinct ils composent el composent simplement, c'est-à-dire grandement, à l'image de la tendre nature, leur chère obsession.

La sculpture ne manque pas, non plus, d'ouvrages à idées, même au milieu des in-

12 SALON DK 1890

nombrables cordeaux de bustes. Jamais pcul-ètre le jardin den bas n'avait, à ce point, fait rericl d'un promenoir planté de portraits. C'est tant mieux pour les pauvres sculpteurs, et tant pis pour la sculpture. Ce tant pis trouve néanmoins un motif de consolation dans toute une série de charmantes statuettes et de groupes mignons, comme la Peinture de M. Mercié, un gracieux Triomphe de J'éiiKS de M. Désiré (Morbier, la Davie de pique de Saint-Marceaux, la Sculpture de M. Labatut. Ces réductions de la statuaire aux pro- portions de sculptures de cabinet offrent le double avantage d'enrichi i- un peu leur homme chez Barbedienne ou chez Thiébault, et, dans l'espèce, de rompre la monotonie de plus en plus glaçante des bustes du Salon. M. Chapu expose le noble marbre du Mo- iiumeut de Flaubert. L'allégorie d'un prosateur ne se présente jamais à l'imagination avec de bien vives particularités, car depuis monsieur Jourdain chacun parle la prose en s'en doutant un peu. L'artiste s'est donc revanche sur les délicatesses harmonieuses dune figure île Muse écrivante. La statue équestre de Velasque'^, par ^L Frémiet, est de grande allure. Si le peintre cavalcadour avait vraiment une telle mine à cheval, on se demande comment il consentait à mettre jamais pied à terre. M. Delaplanche vient d'achever le Monument de M^" Donnet, archevêque de Bordeaux, oeuvre de mérite traitée avec une réelle force expressive et décorative. La Femme au paon, de ^L Falguières, est une Junon caillette, de la plus séduisante attitude. D'année en année, l'artiste raffine le mar- bre et s'affine lui-même. Le robuste animalier. M. Cain, est toujours égal à son renom. Aigle et vautours se disputant le cadavre d'un ours mort forment un groupe d'une violence saisissante. Le sculpteur n'avait même pas besoin de renforcer l'effet de son... alterca- tion de carnassiers par une coloration fauve sur le plâtre. Soit dit sans y voira reprendre, bien au contraire, car ce simple trompe-l'œil complète l'illusion de ce bloc enragé. Les animaux, du reste, ont réussi à leurs modeleurs : ^L Gossin dans un Dénicheur d'aigles, M. Leysalle clans un Chasseur de renard, font preuve d'un sens inventif très plastique étirés mouvementé. ^L Allouard montre la Carmen de Mérimée comme la plus jolie cambrure du monde. L'éveil et l'aplomb de bon aloi de cette figure faite d'entrain confirment de plus en plus la solide réputation de ce vivace artiste. Suppliciée, de M. Moreau-\ authier, est une sorcière brûlée vive et se tortlanl au pilori. L'effet d'épouvante en est d'un style in- tense. Le Martyr chrétien, de ^L Peyrol, est fortement imaginé. Non loin de là, une Veuve, d'Antonio Teixeira-Lopes. parait d'une àcreté de misère très poignante. Le Premier-né, de M. Levasseur, ravit, au contraire, comme tendresse de groupement. D'une par- faite distinction est la cire de Barrias, Jeune Fille de Bou-Saada, pour le monument de G. Guillaumet. AL Gauquié mérite les meilleurs éloges et beaucoup d'encouragements publics avec sa dernière œuvre. A rcmar(|uer comme ouvrages de plein intérêt : le mar- bre Tanagra, de M. Gérôme; Gilliatt, de Carlier; Pro Patria, de Bogino; Avant l'orage, de M. Gaulherin; Saint Sébastien, de M"*^^ liasse; la Conscience, de I\L Laport«; Pax, de 'SI. Devenel; une Pastorale et un Saint Jean. d'EdmontI de Laheudrie; Jeanne d'Arc, de AL Jacquot; Alain Chartier, de Moncel; le Printemps, de Mitchell; Emballé, du comte de Ruillé; Délaissée, de Thivier. et l'Idylle, de AL Antoine (iardet. un artiste d'une exquise qualité d'âme.

Faire dire aux choses les plus dures des poèmes de tendresse, aux choses les plus frustes des élévations de style, c'est composer par excellence; c'est même, chaque fois, réussir une gageure : car c'est faire de la sculpture, du procédé le plus concis et sim- plifié, l'équivalent des arts les mieux pourvus de moyens explicites.

llKNin i)f: CHENNEVIÈRES.

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E. V. LUMlNAltS. Hetoiir iKun t-ufant prodigue.

E. BISSON. Après rupératioii.

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E. BULAND. Premier baiser.

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L. COUHÏAT. Xymplie des liois.

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Salon Illustré

QUATRIÈME ANNÉE

1891

SAlOn lUUSTRÉ

Société des Artistes français

ET

Société nationale des Beaux-Arts

Par Armand DAYOT

Inspecteur des Beaux-Arts

LIBRAIRIE D'ART

Ludovic Baschet. éditeur

12, RUE DE l'abbaye, 12

PARIS

TABLE DES MATIERES

Société des Artistes Français

Adan (I.. E.i. Soir d'été.

AuBERT (E. J.). Les Captives de l'Amour

AxiLETTE (A.). L'Été.

Baim.et (E.). La Berge à Portejoie.

Ballavoine (J. F.). Lassitude.

Barnoin (A.). L'n Lundi.

Beauverie (C. j.) « Sa terre. »

Benner (J.). Jeunes filles dans un ravin, près de

Caprile. Berne-Bellecour (E.). « Aux Armes ! » Bisson (E. L.). « Printania. » Bloch (A.). Les Francs-tireurs. Bonnat (L.). La jeunesse de Samson. Bouguereau (W.) L'Amour mouillé.

« « Premiers bijoLix

BouRGAiN (G.). Retour à bord. BouRGONNiER (C). La Tentation. BouTiGNY (E.l. Le général Ranuh; dernier épisode

de la bataille de Wœrth. Bramtot (A. H.), u Le suffrage universel v Breton (J. A.). Le Pardon de Kergoat. Brouillht (A.|. L'Ambulance de la Ccimédie-Fran-

çaise, en 1870. BuLAND (E.). Conseil municipal et commission de

Pierrelave organisant la fête.

Dantan (E.). Une restauration. Dawant (A. P.). Fin de messe; Einsieldeln. Debat-Ponsan (E. B.). Les jeunes bœufs. Delacroix (H. E.). L'Heure enchantée. Delahaye (E. J.). Cambronne; Waterloo. Denneulin (J.). Le Départ. " » Le Retour.

DoucET (L.|. Portraits de « mes parents «. DuPAiN (E. L.). Jeunesse et Chimère.

FiNNEY (fi.). l*"éte des Fleurs.

FouBERT (E. L.). Rêverie.

Français (F. L.). Une source; le soir.

Frère (C. E.). Le Soir.

Fridreich (O.). Abeilard et Heloïse.

Gaudekroy (A.). Les Bottes neuves.

Gelhay (E.). Le Moulin-Rouge; avant la matinée.

GuAY (G.). La Mort du Chêne

Giuii.FMET (\.). Le quai de Bercy-Charenton.

Hac^uetti: (G.). La Levée du chalut. Henner (J. J.). " Pieta. »

Jacquesson de la Chevreuse |L.|. Devant son miroir.

KnîMPKE (.M'^li'^ A. E.). i< Le rêve. »

Gain (G.j. Présentation de lord Bvron à la comtesse

Guiccioli, 1811). Chami'-Renaud (Mflic T. de). Fête-Dieu. (hiANTRON (A. J.). L'accident. Chaperon (E.). Longue étape. Charles-Bitte (E.). Dalila. CiiECA (U.). Les Huns; Attila.

Clairin (G.). Les Moines de la Cartuja de Burgos. CoRMON (F.). Le Mariage de Bedreddin-Hassan. Couturier |P. L.). L'heure delà distributinn. Crochepierre (A. A.). Une prière.

L,\MV (P. l'ranc). Printemps fleuii.

I.Aui) (F. M.). Contemplation.

Laugf.e (D. 1'.) Le nid.

Laurens (.1. P.). La u Voûte d'Acier, 'i

Laurent-Desrousseaux (H. A. L.) Chez les Sœurs.

Lefebvre (J.). Nymphe chasseresse.

Legrand (P.). " Encore treize mois! »

Le Roux (H.). Nouvelles du dehors.

.Mmgnan (A.). Le « Dormoir » de la Sirène. Mkluja (E.). Une Communion de Religieuses.

TABl i; l)i:s MAIlKRt:S

Mkunuik (G.). Episode du sicsje de Lille: 1792. Mkri.ktti: (C). Bazeilles: 1870. Michki.-Lançon (E.). La Lecture: pastel. MicHKi.KNA (A.). Penthesilee: Ci)mhat d'Amazones. .MoRE.\u i)K Tours ((J.|. La Mnrt du polytechnicien X'aneau: 211 juillet iN;îo.

Or.\ngk {M. IL). Les Médailles de Ste-llelène: 5 mai 1 S55.

l'.vii. (E.|. Les Centenaires de la prairie: Nièvre. PKTiT-GiiRARD (P.|. L"Kspion. Pi:rrrji;AN (E.). \'erdun: le soir. Pi:i<KAii.T (L.). Sapho.

Pii.i.iM (.Mni'-- .M.), i.cs Noces d'or: liretas^ne. PiMA (IL). Pendant la i;rand'messe; « et homo factus est. "

QuiNSAc (P.). Nature morte.

Rai.i.i (T.), Les Rameaux à .Meyara: Grèce. RiiNARD (E.). La Nuit.

RiGOLOT (A. G.). L'Hiver: foret de l'ontainelileau. RocHEGROSSE (G.). La Mort de Bahvlone.

RoLKKKT (J.). La l'in de l'épopée.

Roy (M.l. Le Réveil: lendemain de Sollerino:

campagne d'Italie (25 juin iS5n). RoYER (Lionel). Au Tonkin: défense de la grande

brèche de Tuyen-Kan (22 février).

Saitai (P. E.). Le Cloître.

ScALBERT (J.). Femme nue.

Seign.\c (P.). Les cerises.

SiCART (N.). Arrivant pour la fête.

Si.NMîALbi (P. .L). Manon Lescaut.

SouzA-PiNTo (.1. iif). Le retour des bateaux.

Tessier (L. a.). Les Sirènes

Thh^ion (E. R.). L'Histoire: panneau decuratif pi>ur

la salle des Lettres, à l'Hôtel-de-N'ille. ToubOUZE (E.). Portrait de M"" la Mar«.|uise de H... X'oi.i.oN (A.). « Tout pour Colombine. »

\'uii.i.rKRov (F. nE). X'aches dans les chardons.

Wagrez (J.). Proclamation d'un edit; \'enise (XV»

siècle). Weiss (G.). Au cabaret.

Société nationale des Beaux-Arts

AiJBLET (A.). Les petits Matelots.

Béraud (J.). La Madeleine chez le Pharisien. BiNET (A.), l'ne gare de chemin de fer. Breslau (M<;I'<: m. L. C.). Jeunes filles (intérieur.) BuRNANi) (E.). Dans les hauts pâturages.

(Ballot (G.). \'oluptés. Caroi,i:s-Duran (E. A.). Danaé. Castres (E.). Conduite à la frontière. Courtois (G.). Portrait de .M""= Gautreau.

1)agna.n-Bolvi;ri:t (P. A. .1.). Les (^>nscrits. Delance (P. L.). Entrée d'une mine: (appel des

mineurs.) Desboutin (M. G.). Portrait de Josephin Péladan. DuEZ (E. A.). Jésus marchant sur les eaux.

FouRiÉ (A.). Au soleil. Friant (E.). Ombres portées.

Gilbert (R.). Gare des marchandises de la C'<; de l'Ouest.

Gœneltte (N.). l'n marché.

Jeanniot (P. G.), l'ne chanson de Gibert. JiMENEZ (L.). Autour du brasero. Jourdain (R.). Yachting.

Lambert (L. E.). Envahissement de domicile. Le Quesne (F.). La Femme aux masques. Lerov-Saint-Aubert. Soir d'octobre. (Boulevard Saint-Michel.

Mathey (P.). Portrait de M. Renouard. MuE.NiER (J. A.). Le Catéchisme.

Perret (A.). Le Berger.

Plvis de Chavannes (P.). l.'Lie (panneau décoratif pour l'Hotel-de-Ville).

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L'auteuiî de la Cuincdie liumaine sérail Ibrl surpris, ci'oyons-nous, si, pur une ia\cur toute spéciale, il lui était permis, en l'an de grâce IH'.M, de visitei- sa bonne ville de Paris à l'heure les marronniers verdissent et jjour la première l'ois appa- raissent, douce et tendi'e vision :

Vision U'op fugitive, tiélas! Les asperges et les lilas...

Une des causes principales de ses multiples étonnemenls naîtrait sans doute du spec- tacle offert chaque année à nos regards attristés par les monstrueux déballages des pro- ductions artistiques de nos contemporains. Car, si je ne me trompe, c'est bien Balzac (jui dans un de ses romans {Pierre Grassuu, je crois) prédit avec une rare perspicacité (|ue le jour les organisateurs du Salon trouveront trop insuffisantes les galeries du Louvre, le Salon périra. Et il ne s'agissait alors (|ue de remplacer les salles du Louvre par celles du Palais-Royal... Aujourd'hui le Louvre tout entier, avec les magasins d'en face et le Palais-Royal comme annexes, suffirait à peine aux lamentables exhibitions d'œuvrcs que de véritables sociétés industrielles condamnent cha<jiie année, à des épo(jues déterminées, le public à contempler. Et, symptôme tiésespérant, plus les locaux d'expositions se multiplient, plus la j^roduclion augmente. C'est à (jui couvrira le plus rapidement une toile, ébauchera le plus vite une figure, étalera le premier son nom au bas d'une œuvre hàlive, avec le |)uéril espoir de la voir bienloi lirée à îles milliers d'exemplaires avec sa signature au bas, son portrait à côté, le tout encadré dans la dithy- rambique appréciation du criti<|ue camarade, ,1'imagine (pie les grands maîtres d'autre- fois, dont nous admirons aujourd'hui les éternels chefs-d'œuvre, poursuivaient, dans l'âpre recueillement de leur labeur incessant, un autre idéal (|ue nos artistes fin de siècle, trop visiblement désireux de tirer un bénéfice immédiat des maigres effets de leurs efforts essoufflés.

Pendant qu'au coiuvuit (.le la pliune nous rédigeons ces notes chagi'ines, on nous apprend qu'un certain nombre d'artistes, lassés d'une regrettable confusion et de pro- miscuités compromettantes, se décideraient à repren(lr(> les ti-adilions anciennes et à demander au.x galeries du musée du Louvre une somptueuse et discrète hospitalité pour une exposition annuelle de leurs ci-uvres. Ce groupe déjà imporlant, puis(]u'il se compose aujourd'hui de près de cent cinquante individus, est exclusivement formé par les prix du Salon et les boursiers de voyage. Les brillants succès antérieurs obtenus par la plupart des membres de l'association, les distinctions déjà accordées, en dehors de toute influence de coterie, à chacun de ces artistes, est une garantie presipie infaillible du succès de leur exposition, si le programme élaboré par le comité d'organisation répond à l'excellence du projet. Ce sera encore un Salon déplus; mais, s'il est \rai que noblesse oblige, chacun des ex|iosants voudra démontrer (|ue l'heureuse inslitulion des

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2 LES SALONS DE IS'U

bourses de voyai^e, qui légéremenl amendée pourrait rendre absolumonl inutile l'École de Rome, est pleine de bienfaits cl (juil a su puiser dans ses libres promenades artis- tiques a travers les chefs-d'œuvre des maîtres et dans ses courses fantaisistes à travers la nature les plus féconds enseii;nenients et les plus originales inspirations.

\'oilà, si je ne me trompe, la formule du Salon de lavenir, du Salon souhaité. Les Champs-Elysées et le Champ de Mars seront les champs d'épreuve qu'il faudra traverser victorieusement pour y pénétrer...

Le public y trouvera son compte, lombre du grand Balzac se réjouira, et dans les nobles galeries du Louvre, sur les parquets miroitants, nous verrons, comme au beau temps dHubert-Hoberl, comme à la fin du siècle dernier, glisser gracieuses et légères, dans un cadre digne d'elles, les belles élégantes du siècle qui finit.

Au mois de janvier, paraît-il, l'inauguration du nouveau Salon : le Salon d'hiver.

Et maintenant, après avoir souhaité toutefois à l'association des prix du Salon et des boursiers de voyage les plus brillantes tiestinées, pénétrons dans le grand salon carré du Palais des Champs-Elysées et notons, en toute sincérité, nos douces émotions et nos déceptions amères.

iM. J.-P. Laurens, auquel un vole tout récent de l'.Académie des beaux-arts vient de décerner un diplôme d'immortalité, loul comme s"il avait peint l'Entrée des Croisés à Constant inople et la Vie de sainte Geneviève, est représenté au Salon par une toile immense qui recouvre en grande partie le panneau du salon carré qui fait face à la porte d'entrée. C'est par cette gigantesque composition, destinée, si je ne me trompe, à la décoration de l'Hôtel de Ville, que l'œil du visiteur est loul d'abord attiré, et voilà la raison qui nous détermine à en parler au début de cette élude.

AL .I.-P. Laurens, obéissant sans doute à un programme imposé, nous fait assister à la remise de la cocarde tricolore au roi Louis X\ I. et il nous montre ce dernier au moment il va passer sous la fameuse voûte d'acier, après avoir reçu, au bas de l'esca- lier d'honneur, la fameuse cocarde des mains de Bailly lui-même. Ce cérémonial symbo- lique ne manque pas de grandeur, bien qu'il rappelle par certains côtés une des épreuves maçonniques les plus usitées. Des gendarmes à pied el à cheval contiennent, sans efforts apparents, la foule accourue pour assister à cette petite fêle, pendant que des gens très curieux se penchent aux fenêtres des maisons de la place. Celle scène, très officiellement préparée el à laquelle un Delacroix eût cependant donné une somptueuse couleur épique, semble se passer dans un silence claustral, au milieu d'un décor de carton el d'une atmo- sphère morte, se précisent lentement des gestes de mannequins très historiquement habillés. Le tout d'un coloris terreux. Ceci n'est plus une peinture, mais le très conscien- cieux agrandissement d'une estampe de l'époque. Les documentaires y trouveront certai- nement leur compte, mais les amateurs d'art penseront avec raison que le rôle du peintre d'histoire ne consiste pas seulement à reproduire exactement el sans émotion les traits des personnages el la coupe authentique de leurs vêtements, sans se soucier de la qualité de la matière el des mystérieuses richesses des ambiances. Que nous préférons à cette morne, savante el triste composition, que nul souffle révolutionnaire n'anime, et tous les personnages semblent figés dans un décor de théâtre sans air et sans solidité, la grande toile qui se développe à côté d'elle, au-dessus de la signature de M. Henri Martin (un des élèves de M. J.-P. Laurens), et c(ue l'artiste a intitulé Chacun sa chimère.

M. Henri Martin, pour la personne el le talent ducjuel nous avons la plus haute estime, est à coup sûr un des plus troublants, des plus inquiétants et des plus déconcertants artistes de notre jeune école de peinture. Après avoir exécuté dans la manière de

SALON DES CHAMPS-ELYSEES 3

J.-P. Laurens de vastes et tragiques compositions, dont Fune, le Dante aux enfers, lui valut la première médaille du Salon et d'autres distinctions officielles, qui n'eurent d'ail- leurs aucune influence fâcheuse sur son âme d'artiste, bien trempée, M. Martin part pour l'Italie et pour l'Afrique, en qualité de boursier de voyage, et il nous revient avec des éludes ruisselantes de soleil, puis, coup sur coup, il fait passer devant nos yeux deux grandes toiles d'un aspect très mélancolique, inspirées ]iar la Divine Comédie et les Nuits d'Alfred de Musset. M. IL Martin revenait à ses poètes ténébreux et tournait le dos au soleil. La poésie est une noble inspiratrice. C'eût été faire preuve d'un goût discutable que de critiquer le choix de ses sujets. Il n'y avait qu'à se résigner et à attendre. Puis voilà qu'il ferme brusquement l'oreille aux voix enivrantes des bardes. L'histoire contem- poraine est devenue sa muse familière, et ses héros d'autrefois : Virgile, Dante, Ugolin..., sont remplacés par La Fayette en cheveux blancs, M. ("arnol en habit noir, et des députés sanglés des trois couleurs. Et ce n'est pas seulement le rêve de l'artiste qui a changé de ciel, mais sa manière d'école s'est aussi complètement transformée. Il s'est débarrassé de la tyrannique influence tie son maître pour marcher bravement dans les rangs des jeunes audacieux qui se figurent, avec raison, que les formules d'art ne sont pas éter- nelles. Dans la grande composition qu'il expose cette année, et qui, je me hâte de le dire, lui fait le plus grand honneur, M. Henri Martin a bravement (juitté l'apothéose oflicielle pour l'abstraction symbolique, en même temps qu'il applique avec une étonnante crànerie le principe très moderne de la décentralisation à outrance des tons locaux. L'espace me manque ici pour me livrer à une analyse de détails de son œuvre d'une conception très méditée et l'idée lient une large place à côté de l'exécution, sans que celte dernière en souffre.

M. Henri Martin a placé ses personnages, dont la foule errante symbolise rhumanité tout entière, dans une plaine aride criblée de rayons brûlants. Ils passent en colonne serrée, comme poussés vers des horizons inconnus par une force invincible et fatale. Et chacun d'entre eux est accompagné par la chimère qui le hante. Au premier plan marche l'amoureux de gloire. Il tient d'une main une branche de laurier, sa démarche est lourde et douloureuse, car il va sous le poids pesant de son rêve. Mais l'Espérance, une adorable figure déjeune femme, apparaît près de lui, avec un geste idéal de consolation et de triomphe. Puis, c'est saint François d'Assise, qii le front au ciel, la bouche exta- tique, poursuit comme dans un rêve ses éternelles visions, |)endant que derrière lui, dominant toute la composition, la Foi, ligure éblouissante de grâce et de blancheur, le suit et l'enveloppe de l'ombre lumineuse de ses grandes ailes; tout à côté, sous le far- deau léger d'une femme couronnée de roses et dont les lèvres s'enlr'ouvrent dans un railleur et cruel sourire, se traîne chancelant celui que l'impitoyable luxure conduit à la mort en chantant... Tous passent ainsi dans le désert brûlant de la vie. Et devant celle toile lumineuse et suggestive, d'où s'élève comme une rumeur douloureuse, on demeure pensif et troublé. Aucune œuvre de la jeune école n'a jamais produit sur nous une impres- sion d'art aussi profonde et aussi aiguë. Au moment où, pressé par les exigences de la publication, nous écrivons ces lignes, un tiers des toiles tlu palais des Champs-Elysées est à peine accroché, et cependant nous n'hésitons pas à croire que M. Henri Martin sera le réel triomphateur du Salon.

M. A. Michelena, dont les tableaux de genre furent assez remarqués aux Salons passés, a voulu /a/re gTand cette année. Sans doute, M. Michelena se croit contraint, comme la i)lu|)art de ses confrères, de manifester ses ambitions en couvrant tIe peinture d'immenses surfaces de toiles. Celte (juasi-obligalion, pour les candidats aux médailles,

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de présenter à l'examen du jury des sujets traités dans un vaste l'ormat, alin que la constatation de leurs laborieux efforts soit plus apparente, est un nouvel argument en faveur de la suppression définitive de toutes ces récompenses banales, (jui ne peuvent être obtenues (ju'au prix de douloureuses capitulations, et dont un des plus déplorables résultats est de couvrir le marché artistique de toiles impossibles à caser dans des gale- ries particulières, et qui trop souvent, hélas! Unissent par échouer dans nos galeries nationales, grâce aux appels désespérés de nos glorieux lauréats.

Dans son Combat d'aitta^oiies, M. Michelena a tenté un effort au-dessus de ses forces. Celte grande composition, noyée dans un jour artificiel, est d'une faiblesse d'exécution déplorable. Aucune vigueur dans les modelés des formes, aucune énergie dans le dessin. 11 faut toutefois reconnaître qu'il y a une certaine science dans le groupement des per- sonnages et dans l'action des groupes. L'illustration conviendrait, croyons-nous, au talent de M. Michelena, et nous ne serions pas surpris de le voir se faire une célébrité dans cet art (|ui en réalité est des plus nobles, el dont l'avenir est chaque jour plus grand.

Comment formuler en ([uelques mots noire opinion sur la grande toile, trop grande toile, exposée par M. Franc Lamy, et l'on voit de belles demoiselles peu vêtues, comme dans les rêveries dorées de Diaz el les fulgurants cauchemars de Monlicelli, traverser des avenues jonchées de fleurs en compagnie de paons aux queues somptueusement ocellées? Grand Dieu! que toutes ces plumes, que toutes ces feuilles, que toutes ces herbes, ont coûté de pénibles efforts à l'artiste. Celle grande loi le est une petite faute de jeunesse, pour m'exprimer dans un langage très spécial, el M. Lamy a fort heureusement assez de talent pour se la faire bien vile pardonner.

Avant de quitter ce fameux salon carré, où, je le reconnais, je me suis un peu trop longuement allardé, je remarque la Leçon de chanl, de M. Walter (iay, d'une jolie cou- leur, mais d'une exécution insuffisante, l'Hospice des vieillards, de M. Heyerman, l'Asile de nuit, de M. Cieoffroy, le peintre attitré des misérables. Toutes les toiles de cet artiste sont pleines de sérieuses ([ualilés d'observation; on les regarde avec intérôl, en déplo- rant toutefois une tendance li-op marquée à négliger le côté plasli(iue de l'art au bénéfice du procédé d'indication.

L'œil éprouve une véritable sensation de joie, faite de fraîcheur calmante. lors(iu'il se porte de la lamentable et ténébreuse composition de M. Geoffroy à la toile sylvestre de M. Gabriel Guay, tout enveloppée de brumes matinales el peuplée déjeunes beautés qui, n'ayant pour voiler leurs formes divines que des brouillards légers, se lamentent aulour d'un chêne supei'be (|ue vient d'abattre la hache impitoyable du bûcheron. La forme de la gibecière el de l'instrument du supplice abandonné auprès du cadavre indique assez que le bourreau est un de nos contemporains el que l'artiste s'est refusé à donner une couleur rétrospective à sa poétique el gracieuse allégorie. Car iM. Gabriel Guay a encore le rare courage de cultiver l'allégorie et il le l'ail d'ailleurs avec talent. Toutes ces char- mantes figures dolentes qui symbolisent avec tant de grâce Vdme des bois sont d'une jolie exécution, pleines de tendresses vaporeuses bien conformes au sujet, el elles sont fort habilement grouj^ées dans un cadre de nature (lui est le très sérieux développement d'une bonne élude d(" kmiiére matinale. Mais pourquoi M. (iuay a-l-il cru devoir donner pour siège à l'une de ses dryades inconsolables le Ironc même de l'arbre dont elle pleui-e la mort? Est-ce une grossière erreur de conception? ou bien encore, ce qui esl foil admissible, l'artiste a-t-il voulu peindre dans celle pose familièrement tendre la suprême expression dune intliscutable affection? Mystère...

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«... Cependant le premier moment de stupeur passé, l'urgie continua. Mais le ciidtiinent annoncé par les caractères mystérieux ne devait pas se faire altoidre. Au matin, l'armée perse, profitant de l'ivresse générale, pénétrait dans Babylone et s'emparait du palais... »

C'est de ce texte que M. Georges Rochegrosse s'est inspiré pour peindre la grande composition qu'il expose celte année au Salon sous ce titre : la Mort de Babj-lone. La critique s'exercera à fond sur cette œuvre, d'une indiscutable importance, et destinée, sans doute, dans l'esprit de l'artiste, à frapper vivement l'attention du ])ublic, mais aussi à expi'imer un vaste projet de reconstitution historique médité dej)uis longtemps. Ce serait toutefois une grave erreur de croire que les brillantes facultés artistiques de M. Rochegrosse se soient totalement absorbées dans l'exécution du bibelot, le talent précieux du jeune peintre se complaît si aisément et s'exerce avec une si prestigieuse habileté. 11 y a dans celte toile très incomplète, trop vaste, trop pleine d'inuliles motifs, d'une ordonnance trop disloquée, des morceaux de nu d'une remarquable beauté. J'ai toujours devant les yeux le corps superbe de cette femme que la fatigue de l'orgie a terrassée dans une pose d'une adorable langueur, el (pii sommeille sous l'arc de son bras, gracieusement replié, pendant que des roses, jelc'es par un chaste caprice d'artiste sur ses charmes secrets, marient leurs fraîcheurs mourantes à la neige pâle de ses chairs. Ce morceau est d'une pâle très riche et d'une tenue vraiment magistrale. C'est, je crois, le plus beau détail du tableau cjui est d'ailleurs rempli de qualités exquises. L'espace malheureusement me fait défaut, pour analyser à mon gré un sujet si plein d'attirance, et je suis obligé de me résumer, lorstiue j'aurais voulu, cherchant à pénétrer la pensée de l'artiste au début de sa conception, la suivre, jusqu'à l'exécution finale, à travers les dif- ficultés continuellement surgissantes et presque insurmontables de la mise en scène d'un motif aussi monstrueusement héroïque. Je le répète, le tableau de M. Rochegrosse est rempli de morceaux d'une belle exécution. La lumière qui l'enveloppe, clarté faite de la lueur mourante des flambeaux et de l'aube naissante, est admirablement rendue, et les fines et tendres nuances des lourds tapis et des vélums aériens, des fleurs et des chairs, sont harmonieusement noyées dans ce jour étrange et inquiétant, bien fait pour éclairer l'agonie de Babylone. Mais, il faut bien l'avouer, celte composition manque de grandeur épique. L'arlisle n'a réalisé ([uc la moitié de son rêve. Si la scène d'orgie est fort bien exprimée, il n'en est pas de même de la figure du principal personnage du drame, ([ui, dans son altitude violente, demeure tout petit, malgré la hauteur de son piédestal, en pré- sence de l'armée des envahisseurs immobile el, pour ainsi dire, stupéfiée, devant le spec- tacle somptueusement horrible cjui s'offre à ses yeux sous ces voûtes dorées, l'on voit passer l'ange de la Mort armé de sa faux. Fantastique vision, fantôme géant, dans lequel l'arlisle, surpris Irop tard sans doule par l'expression minuscule de Ballhazar, a voulu symboliser la grandeur effrayante de la ruine. En somme, toile curieuse et attachante, l'on découvre sans doute plus de science ingénieuse que de puissance naïve, mais une somme considérable de talent a été dépensée pour exprimer un sujet que le pinceau le plus génial pouvait bien difficilement rendre, d'une façon parfaite, dans un cadre aussi peu épisodique.

Vous souvenez-vous de celle page sublime, Victor Hugo dépeint dans WaterlooXa

destruction de la brigade Dubois? « Ils étaient trois mille cinq cents... C'étaient des

hommes géants sur des chevaux colosses... L'assaut fut épouvantable le ravin était la, béant, à pic sous les pieds des cbevaux; le second rang y poussa le premier, elle troi- sième y poussa le second; les chevaux se dressaient, se rejetaient en arrière, tombaient sur la croupe, glissaient les quatre pieds en l'air, pilant et bouleversant les cavaliers

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G IJ:s salons de 1891

Pres(iii'un lici-s tle la brigade Duhois croula ilans ccl ai)iiiu'... » Un jcHiiio arlisle (Tun inconlestable lalonl. M. .1. PidliIïcI, a lenU" de rciuli'c, ilans une composilion celle scène Icrriblc, el sa loile, bien <|uo d'une faclure bien rudimenlaire el d'un coloris aux noies trop hurlantes, esl pleine de (lualilés el rcnlernie de brillanles promesses. M. HoulTel, qui, comme M. Martin, esl aussi un élève de M. .i.-l*. I.aurens. a inlilulé cette toile qui va mettre son nom en pleine lumière : la Fin de l'Epopée. Ce (|ui frappe et inté- resse dans celle œuvre, c'est l'audacieuse crànerie tle la composilion el son allure tra- gique. Voici un nouveau peintre militaire de talent, ([ui se lève avec toute la fougue du regretlé de Neuville. Je soupçonne forl M. Houffel d'avoir l'ail le beau rêve, en peignant la Fin de l'Epopée, d'èlre le glorieux inlerpréle de répopée future.

Mentionnons le Laminoir île M. Ernest Bordes. C'est, à notre avis, la meilleure toile de ce jeune artiste délaient, qui se décide enlin à nous pri\er de spectacles mérovin- giens, pour nous jeter en pleine vie moderne, au milieu d'un groupe de robustes travailleurs, dont les torses nus, habillés par les rouges reflets de la forge, semblent fumer sous l'effort du travail el sous l'effet (.les chaudes ambiances, admirablement rendues. Il y a dans celle loile des qualités de coloris el de dessin de premier ordre.

iM. Eugéiie Chigot, pour (|ui la mer avec ses larges houles qui semblent accourir de l'infini des flots, esl une fécontle inspiratrice, expose sous ce lilre : Perdus au large, une loile imporlanle. d'où se dégagent à la fois une puissante et sincère impression de nalure el une émotion d'im tiramatique poignant.

M. Maurice Bom])arl, dont la palette s'éclaire de plus en plus et se débarrasse chaque jour des tons ocreu.x qui remplissaient notre âme de mélancolie, reste fidèle à ses chers Arabes. Ses deux toiles : Une Rue dans l'oasis de Chetma, le soir, et l'Oued Chetma, en été, sont vibrantes de lumière el pleines de nostalgiques évocations pour ceux (|ui ont jadis traversé, comme M. Bomparl. ces pays incendiés el dont l'artiste a rendu avec tant de talent les splendeurs ardentes.

Nous voici en Italie, puis en Espagne, avec M. Sainl-Cermier, qui expose deux jolies toiles, peintes dans des notes bien différentes, l'une tout enveloppée d'ombre légère et presque argentée, l'autre baignée d'une lumière chaude, déjà un peu apaisée par l'heure crépusculaire, el qui dénotent un jeune talent d'une souplesse el d'une habileté très grandes. Les deux tableaux de M. Saint-Germier, qu'il a sans doute exécutés pendant ses promenades artistiques, en qualité de boursier de voyage, figurent au catalogue sous ces titres : Retour des confréries à Murano, \"enise, la Semaine sainte à SJrillc.

Pour juger d'une fa(;on sérieuse le plafond de M. Raphaël Collin. symbolisant l'Art au dix-neuvième siècle, et destiné à la décoration du théâtre de l'Odéon, nous attendons qu'il ail été délinitivemenl marouflé. .\ la place qu'il occupe présentement aux Champs- Elysées, il est impossible d'en juger les détails (pi'une lumière crue dévore brutalement. Toutefois l'impression de douce el délicate harmonie qui s'en dégage l'ail Ijien augurer de l'effet décoratif cju'il produira à la place qui lui convient.

Las de peindre les personnages très peu distingués de Vâge de pierre et les Rci>!0)'ds de (laïn, sombres sujets, M. Cormon, après avoir lu avec une joie très évidente les Mille et une nuits, nous fait voir dans une jolie petite toile, qui ne raiipelle en rien les ]''ainqucurs de Salamine par ses dimensions, le Mariage de Bedreddin Hassan, œuvre spirituelle et charmante, d'une couleur brillante et nacrée. La Fin de messe à Ein- sieldeln de M. Dawanl esl une des œuvres les plus fortes et les plus complètes de ce remarquable artiste. Au milieu de toutes les toiles tapageuses et vulgaires qui l'en- tourent, elle se détache avec une sorte de fierté d'allure, calme et discrète, qui fait que

SALON DES CHAMPS-ELYSÉES 7

le regartl du connaisseur l'isole sans effort pour la contempler avec un véritable plaisir. Et l'observalion des visiteurs s'attarde très volontiers dans l'analyse des détails, tous d'une exécution très savante et très méditée. Personnages, accessoires, sont harmo- nieusement baignés dans une de ces douces clartés mystiques que M. Dawanl sait si bien faire tomber comme une ])luie lumineuse et impalpable des ciels de ses églises. C'est, à coup sûr, une des meilleures toiles du Salon.

.lusqu'ici nous ne connaissions de M. Ilumphrcy Moore que d'exquises japonaiseries exécutées d'après nature, dans l'Empire même du Levant. Mais voilà que M. Moore, tout comme Pierre Loti, abandonne M""^^ Chrysanthème en pleurs au milieu de ses jardinets bizarrement fleuris, et nous fait pénétrer, lui aussi, dans le farouche et mys- térieux Moghreb. Pour exprimer la vie de l'Islam, sa biillante palelle se couvre de matière aussi précieuse que lorsqu'il faisait poser devant lui le dernier des Samouraï, se prome- nant gravement sous des pêchers en fleur, son parasol sur l'épaule et son sabre au côté. Les Minstrcls noirs, accourus du fond tlu Soudan pour charmer par leur danse et leur musique sauvages les loisirs du sultan du Maroc, sont doués d'un si puissant accent de ^ie, qu'on se figure retrouver, en les regardant, les images fidèles de personnages déjà vus. La scène, décrite avec une grande précision de dessin, se passe dans un décor oriental d'une couleur chaude et d'une architecture savamment documentée jusque dans ses moindres détails. Autour du sultan attentif, et en apparence impassible devant les mouvements frénétiques des danseurs noirs, quelques favorites du harem, dont les yeux largement ouverts sous leurs voiles blancs luisent comme des étoiles, écoutent dans des attitudes voluptueusement gracieuses. C'est en vérité une jolie toile d'Orient, qui, malgré ses modestes dimensions, attire l'attention des vrais connaisseurs. Mentionnons aussi le BaplCnnc dans la basse Alsace de M. Françiois Flameng, d'une couleur si fine et d'une si spirituelle conception, et l'Aïeule de Marec, scène d'intérieur d'une facture énergique et puissante. Nous sentons l'espace qui nous manque, aussi sommes-nous désormais réduit à une simple énumération des oeuvres qui nous paraissent figurer honorablement au palais des Champs-Elysées, tout en reconnaissant que certaines d'entre elles auraient mieux mérité qu'une simple mention.

Citons en première ligne les délicieuses scènes de genre de MM. Penfold et Smith : la Lettre de Jacques, les Adieux, « Trois contre un »; l'A)nbulance de la Comédie-Française en iSyo, par André lirouillet; l'Oiivrib^e et l'Aquarelle, d'Albert lîréauté; les Vérotières, de Tatlegrain ; l'Heure du repas et les Paysans des environs de Paris, de Victor Gilbert; le Viatique, de M. Middieton Jameson; les J'aches dans les chardons et Espagnols d'Aragon se rendant à la foire, deux toiles charmantes signées de Vuillefroy, et qui font le plus grand honneur à l'artiste. Les natures mortes de Yollon, de Monginot, de Fouace, de Bergeret : l Heure enchantée, de H.-E. Delacroix; le Pont de Brooklyn, grande toile d'une superbe couleui-, de Renouf; la Mort d'Ourrias, de Duffaud ; les Chercheuses de rers à marée basse, de M. Charles Roussel; les Longs Jours, de M. Léandre; les Jeunes Pxeufs, de Debat-Ponsan ; le Rappel des vaches, belle étude d'animaux encadrée dans un superbe paysage crépusculaire de Sologne, par Vayson; une Sortie d'église en Moravie, de Cuel- dry; Jeune Femme à sa toilette; effet de lampe au crépuscule, œuvre vraiment charmante, signée René Gérin ; la Leçon de violoncelle, d'Hippolyte Berteaux; une Judith et une Madeleine, de M""= .luana Romani; une Jeanne d'Arc, de Pierre Lagarde; ]e Printemps, de Kowalsky; les Saintes Maries, de Paul Cervais; Nocturne et Coquelicots, de Cesbron; une fort belle étude de nu de M. Fouberl. Les bons paysages sont, comme toujours, assez nombreux. Citons, parmi les meilleurs, l'Aurore et le Couchant, d'Harpignies;

8 L1-:S SALONS DE 1891

Vas le soir el Jour d'hiver, de Schullzbero;; J'crdini el les Dunes de Roseiidaël,We Pelil- Jean; le Chemin fleuri cl la Rivière charmante, de Jan Moiichablon; le Quai de Bercy cl le Loini>; de (uiillemel, deux jolies vues de Menton, par Lansyer; une Vue de Paris, de Luigi-Loii'; Sur la falaise, à Etretat, belle loile loule baignée d'air el de lumière, et que je considère comme un de nos meilleurs paysages du Salon, signé : Louis Le Poiltevin; le Bassin de Kattendick à Anvers, el la Rade de Bordeaux, par A. Flameng; Ballancourt el les Marais de la Somme, d'Ldmond 'Son; Matinée de mai el Premières gelées, de Yarz; la Berge à Portejoie el la Matinée de septembre en Seine, par Ernest Baillel; l'Automne, de Jourdeuil; les Regains, de Quignon; le Printemps g\. le Vieux chêne, de Léon de Bellée; les Marines, d'Olive; la Mer calme, de Meifren; le Hardanger fjord, de Grimelund; l'Étang de Saiiit-Cuciifa et les Foins, de Dameron ; Aj'ril el le Pécheur au verveux, de Félix Bouchor; les Pâtures normandes el le Puits de Trestiguel, d'Lugène Bourgeois; le Soir, de Tanzi ; l'Ile des Peupliers el Un Ruisseau, de Ch. Busson ; les Bords de la Seine, Karl Cartier; une. Vue de Biskra, de Léon JouberL...

Peu de porlraits remarquables. A mentionner en première ligne : le magistral por- trait de M""' A. C, par Bonnal; celui de Gérôme, par Cormon ; un très remarqualjle portrait de jeune i'emme par M. Paul Gomez, dont le nom nous était juscju'à ce jour in- connu; ceux de M"'" H., par M. Humbert; de M^^ Benjamin-Constant et de M""= Ch.-B. A., par Benjamin-Constant; celui de M""" J. D., par Raphaël Collin; ceux de iM. Pretel, par J.-P. I^aurcns; de l'acteur Marais, par Albert Lambert; du paysagiste Pelouse, par Fou- berl; ceux du prince de B. el du docteur Lannelonguc. par Paul Dubois; celui de M. A. B., par Jules Lcfebvre; un magnifique portrait d'un président de la Cour de Cassation, par M. Marcel Baschel; un portrait d'homme d'une très originale exécution, par ^L Maurice Joannin; le portrait de M'"" P., par François Flameng; les jolis portraits de M'"^ Brandés et de M""= K., par M. Charlran ; celui de M. Ch. S., par M'"^ Léa ^^'ahl; de M"'^ S. C, par ^L E. Bisson; de M"'= C., par M. Moreau de Tours; celui de M"'« Th. L., de iM. Avial; celui de M. M., par M. Gabriel Déneux; un beau portrait équestre, de M. James Guthrie..., etc.

A signaler au rez-de-chaussée du palais : une superbe statue en marbre : .1 la Terre, de M. Boucher; la Princesse de Galles el le Cardinal de Bonnechose (marbres), du regretté Chapu; la Diane (marbre), de Falguière, (.\u\ semble décidément condamné à modeler éter- nellemenl les traits de la divine et svelte Artémis ; un peu plus de variété dans le sujet ne serait pas pour nous déplaire; En pénitence el la Toilette de Diane (marbres), par A. Mer- cié; la Prairie el le Ruisseau, de M. Larche; l'Eternel Poème (figure plâtre), d'Antonin Cariés; le Baiser (^marbre), tle Stephan Sinding; le Monument de Gambetta, de Bar- Iholdi; une charmante I.éda (marl)i-c\ d<> Suchetet ; la belle statue équestre, d'une si fière allure, tlu général Lassalle, par M. Henri Cordier; le Cherrier el une Gra\iella (plâtres), d'Hector Lemaiie; Amphitrite (statue plâtre), de Ludovic Durand; la Dan- seuse, de Gérôme; Louison, la bouquetière, à la tète des femmes de la Halle (1789) (slalue marbre), par M. Gaudez; l'Echo enchanteur (slalue plaire), ])ar Pezieux; VEve accroupie, de feu Delaplanche: puis des bustes de Marcpieste, de Léonard, de Bernslamm, de Cariés, de Peynot, de Puech, d'Henry Gros, de Desca, de l'aiguière, de Fagel, de Guglieimo, de Guilberl, de Mathurin Moreau, de Pierre Ogé, de Crauk..., etc.

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LES SALONS DE 1891

SALON Ulj CHAMP UK MAKS

Le Ijrillanl succès obleiui, le printemps dernier, au palais du Champ de Mars, par la Sociclé nalionale des Beaux-Arts, avait éveillé, en môme temps que de douces impressions, un certain nombre de pensées inquiètes dans Fesprit de la plupart des visi- teurs. « La première expérience est heureuse, disait-on, mais attendons l'année prochaine pour formuler un jugement définitif sur l'opportunité de la scission et sur la valeur des résullals produits par les héroïques efforts des réfractaires. Les statuts de la Société nouvelle autorisant l'exposition de dix œusres par artiste, il n'y a pas lieu de s'extasier devant un aussi éclatant début, chaque peintre ayant pu faire à loisir une sorte de petite exposition rétrospective composée de quelques-unes de ses meilleures toiles, choisies avec soin dans les galeries particulières; mais il est bien difficile de renouveler chaque année ce moyen de succès... Nous verrons, au printemps prochain, si ces audacieuv révolutionnaires trouveront dans l'énergie de leur talent assez de puissance productrice pour rendre justifiable l'article du règlement qui les autorise à joindre la quantité à la qualité de leurs œuvres, afin d'exalter encore davantage l'admiration tlu visiteur..., etc. » Et les esprits les plus favorables à la nouvelle Société, ceux cjui avaient encouragé de toute leur sympathie les premiers efforts des scissionnaires, redoutaient d'avance les effets de la comparaison que le public établirait un jour enire la brillante exposition de 1891 et les expositions des années suivantes. Eh bien, nous sommes heureux de constater que ces inquiétudes étaient chimériques. Le Salon organisé celte année par la Société nalionale des Beaux-Arts n'est nullement inférieur à celui de 18U0. Nous serions même tenté de croire, malgré la rapidité de notre première visite, que les œuvres de réelle valeur y sont plus nombreuses, bien que certains artistes, dont l'incpnlestable talent a été souvent consacré par de grands succès, y soient représentés par des œuvres d'une déplorable faiblesse. Ce sont des constatations toujours très pénibles à faire, mais qui ne provoqueront chez nous aucune crise violente de désespoir, car nous con- naissons assez les artistes en question pour pouvoir affirmer que leur défaillance n'est que passagère.

Pourquoi le jury d'admission, cédant sans doute à d'impérieuses considérations (jue le public trouverait peut-être légitimes, s'il lui était permis de les connaître, a-l-il cru devoir nous obliger à contem|)ler environ trois cents toiles, dont la seule présence constitue une injure au bon goùl? Espérons que l'an |irochain ce large esprit de tolérance, qui est le germe de mort de toute exposition d'art, (lis|)ar;iitra du jury du Champ de Mai'S. Lin conseil d'admission n'a sa raison d'exister (|Lie dans sa volonté absolue de juger avec la plus farouche impartialité, et la création du Salon des refusés rend désormais la tâche bien facile au jury, (|ui peut impitoyablement repousser les œuvres indignes, sachant d'avance que les tristes victimes de ses justes rigueurs trouveront facilement les moyens de j^rocurer au public la joie de contempler leurs œuvres, après les avoir

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•2 LES SALONS DE 1891

prcalablemenl signalées à son altenlion par les plus violentes clameurs d'indignalion.

Une chose m'a vivement frai)pc pendant ma |)rcmièrc promenade à travers les ijalc- ries encore incomplèlemenl meublées du Champ de Mars. C'est le nombre considérable d'arlislcs étrangers qui contribuent, et d'une façon très brillante d'ailleurs, au succès de l'exposition organisée par la Société luttionale des Beaux-Arts. Je ne me tromperais guère en alllrmant que les numéros du catalogue appartiennent pour un bon tiers à l'élément exotique. Loin de moi la pensée de demander l'exclusion d'auxiliaires aussi intéressants, quelque hyperboréenne que soit la couleur de leurs signatures; mais je crois que sous peine d'être bientôt contrainte de modifier son litre, la Société devra s'inquiéter de la progression rapidement ascendante de ces brillants envahisseurs, dont elle ne i)eut repousser systématiquement les œuvres qu'en s'écai-lanl du principe d'équité qui doit présidera tous ses jugements. Que la Société nationale prenne garde à l'invasion inter- nationale! 11 y aurait peul-èlre un movcn de prévenir le danger, ce serait de limiter jiar un chiffre immuable le nombre des exposants étrangers, ou bien encore de ne les auto- riser à exposer qu'une ou deux œuvres. Mais je reconnais que ce sont des mesures peu efficaces, peut-être même un peu vexatoires, et je ne sais d'ailleurs pourquoi je m'attarde sur un sujet auquel je n'ai rien à voir, puisque mon modeste rôle doit uniquement consister à faire pari aux lecteurs de mes impressions personnelles devant les œuvres qui ont attiré mon attention, sans me préoccuper outre mesure de la nationalité des artistes qui les ont signées.

En première ligne, parmi ceux dont les envois contribuent de la façon la plus écla- tante au succès de l'exposition du Champ de Mars, figure l'illuslre président de la Société nationale des Beaux-Arts. M. Puvis de Chavannes n'est pas seulement un admirable artiste, mais c'est aussi un infatigable travailleur, et chacun de ses laborieux efforts aboutit à un merveilleux chef-d'œuvre. 11 a reçu du ciel le don magnifique (qui est la ca- ractéristique des puissants génies) de pouvoir produire sans cesse etde pouvoir toujours réaliser ses sublimes conceptions dans une formule digne d'elles, \oici vraiment une des gloires les plus pures de notre patrie française.

Rien de plus mystérieux et de plus simple qu'un tableau de F'uvis de Chavannes. C'est à la fois une décoration charmante, faite pour le repos de l'œil, avec ses chairs calmes et un peu laiteuses, ses flots d'outremer, ses cimes doucement violettes, ses ciels idéals, et une œuvre psychologique dans la savante naïveté de son exécution. Elle s'adresse aussi bien à l'esprit qu'aux sens et c'est toujours avec recueillement que je m'arrête devant ses tableaux l'antique poésie chante comme dans une page d'Homère ou de Théocrite. J'écoule autant que je regarde. Toiles harmonieuses, pleines de suaves évocations et sur lesquelles se déroulent de merveilleuses Arcadies, déjà vues en rêve, et peuplées de toutes les joies humaines. Au milieu de celle foire au.x tableaux, une toile de Puvis, toujours l'expression de la vie poétique des hommes et des choses est symbolisée avec une si gracieuse puissance, m'apparaît, dans tout son éclat, comme une révélation de la grande peinture antique, et près d'elle je me crois soudainement trans- porté sous les voûtes sacrées du Po'cile. Lin vieux catalogue m'apprend que Puvis de Cha- vannes eut pour maîtres Couture et Scheffer. .l'avais toujours pensé qu'il était élève de Cléophas et d'Apollodore.

La grande composition décorative l'Eté, que M. Puvis de Chavannes expose celte année et qui est destinée à l'Hôtel de Ville de Paris, est digne en tous points des autres compositions du même maître, Cjui font la gloire des musées de Marseille, de Lyon, d'Amiens et de Rouen. Dans cette toile, comme dans toutes celles de j'usis, ce qui

SALON DU CHAMP DE MARS 3

charme tout crnbord c'est riinrmonie caressante de la couleur. On la contemple avec le mOme sentiment qu'on éprouve lorsqu'on écoute un adagio de Beethoven, l'œil mi-clos, l'âme subitement reposée. C'est une merveilleuse allégorie placée dans un admirable décor champêtre, d'une poésie puissante dans sa réalité vivante, car le cadre de nature, bien qu'il ail été vu à travers une pensée toujours éprise d'idéal et ivre de rôve, est une aussi lldèle interprétation du ciel, des eaux et des champs, que le plus beau paysage estival de Corot.

M. Puvis de Chavannes expose encore deux superbes panneaux décoralifs destinés à orner l'escalier du musée céramique de Rouen : la Poterie et la Céramique. De ces deux sujets essentiellement abstraits, le grand artiste a tiré deux compositions d'une grâce exquise cl d'un symbolisme très lumineux. D'ailleurs il sait manier l'allégorie avec une incomparable habileté, el, de même (]u'il a glorifié la poterie et la céramique dans des toiles harmonieuses comme des odes, il aurait pu lui aussi, comme ce magicien de l'allé- gorie, j'ai nommé Prud'hon. exécuter, véritable prodige, un chef-d'œuvre d'art pur en prenant pour modèle l'Etude guidant l'essor du génie, ou la Police assise près d'un sphinx et regardant dans un miroir.

Comme M. Puvis de Chavannes, M.Carolus Duran a compris que son devoir était de donner à ceux qui l'avaient placé à la tète de leur association l'exemple des vertus héroïques; ainsi qu'il convient à un vaillant capitaine, il a payé de sa personne avec une vigueur peu commune. Il est représenté au Champ de Mars par neuf portraits et une élude de nu, qu'il intitule Danaé el resplendit toute la richesse de sa somp- tueuse palelle. El sur toutes ces toiles, dont chacune est d'une tenue assez définitive pour figurer avec honneur dans nos premières galeries nationales, on devine encore la fraîcheur humide de la dernière caresse du pinceau. Car celte splendide exposition est l'œuvre d'une seule année de travail, el on admire la prodigieuse fécondité de cet artiste qui sans effort inutile, et comme obéissant fatalement à un superbe don dénature, nous offre après quelques mois de retraite dans la claire lumière de son atelier, cette superbe série de portraits peinlsdans toutes les gammes, si divers d'attitudes et d'expres- sions et tous si intimement liés entre eux par l'étincelante et savante originalité de l'exé- cution. C'est avec un véritable regret que nous nous voyons contraint, par l'exiguïté de notre cadre d'étude, à une mention générale de cette belle série. Il nous eût été tout parti- culièrement agréable de la passer individuellement en revue. Mais tout développement nous est désormais formellement interdit, bien qu'il y aurait de fort intéressantes choses à dire sur toutes ces intéressantes images, depuis celle de la blonde et charmante Miss A.., jusqu'au portrait tout à fait officiel de M. René Billotte, le peintre ému des banlieues parisiennes, très correctement costumé en homme du monde.

Le hasard de notre promenade nous conduit devant les toiles d'un peintre encore tout jeune et déjà célèbre : Emile Priant. Ah ! mes amis, quel copieux sujet d'étude pour les historiens d'art de l'avenir, (|ui voudront étudier à fond l'iconographie des Coquelins!... Ceci dit, reconnaissons en toute sincérité que jamais Priant n'avait été mieux inspiré que lorsqu'il exécuta la jjetile toile il a représenté M. Coquelin aîné et M. Coquelin fils. C'esl une pure merveille de spirituelle exécution, de coloris délicat, et deline obser- vation. Nous en dirons autant delà toile minuscule M. Coquelin aîné est représenté dans le rôle de Destournelles, el dont la facture plus large, plus vigoureuse, est encore peut-être plus caraclérislique du talent de M. Priant, (jui aurait peut-être des tendances à s'amollir un peu dans les caresses lro|) onctueuses du pinceau, comme dans le trop joli portrait de M™" S..., el c'est ce qu'il ne faut pas. Sa quatrième toile, intitulée

^ LES SALONS DE 18i)l

Ombres portées, représenle deux jeunes gens se contant de très douces choses, dans une pauvre chambre, dont l'unique meuble est une chaise :

I3ans un grenier ([u'on est bien à vingt ans.

Voilà certes un mobilier qui aurait fort peu tenté le pinceau d'AlTred Stevens. Sur la muraille blanche, nue et vivement éclairée, on voit se détacher, dune façon presque fantastique, les ombres très agrandies des deux amoureux. On devine facilement que ce sujet vu en pleine réalité par l'artiste (peut-être à travers le trou de la serrure) Fa vivement frappé il a cherché à en exprimer lldèlement le pittoresque. El il a parfaitement réussi. Sa toile est ce qu'elle devait être, une œuvre la légèreté de la fantaisie se marie à mer- veille avec la vigueur précise de l'exécution. En résumé, exposition excellente. La plus complète, à notre avis, de toutes celles de M. Eriant.

Les gens que trouble et inquiète « une expression originale et subtile d'un effet particulier de lumière », pourront s'arrêter cette année devant l'exposition de M. Albert Besnard, sans redouter de pénibles émotions. Cet artiste nous fait voir plusieurs toiles exquises, d'un apaisement très voulu, et se manifestent cependant dans tout leur éclat les qualités si étincelantes et si personnelles de son remarquable talent, un talent de maître. Les portraits de M'" D... et ceux de M. et M"'" Ch... sont des œuvres de premier ordre. Jamais le brillant artiste n'avait peint avec plus de délicatesse, de précision et de charme. Et dire que M. Besnard n'est pas encore représenté au musée du Luxembourg! On y chercherait vainement aussi une figure de Renoir, un pastel ou un dessin de Degas et un paysage de Claude Monet. Le musée du Luxembourg est cependant bien, si je ne me trompe, notre musée d'art moderne. Tout cela est vraiment étrange.

Jusqu'à ce jour nous étions un peu prévenu contre M. Armand Berlon, aucjuel nous reprochions un idéal d'art et un moyen de l'exprimer, qui nous rappelaient un peu trop Carrière ! Loin de nous la pensée de déplorer l'existence de ce dernier artiste. Nous pri- sons très fort, au contraire, son talent, d'une mélancolie si suggestive; mais M. Carrière est, comme Puvis de Chavannes, un de ces artistes que nous aimons à voir trôner sur les hauts sommets, au milieu des nuages ou en pleine lumière, mais loin de la foule servile des imitateurs. Dieu nous garde des élèves de Puvis de Chavannes et de Car- rière !... On médit que M. Armand Berton n'a jamais subi les influences du talent de M. Carrière, et que la similitude des manières n'est que le résultat de profondes affini- tés. J'enregistre avec plaisir cette déclaration, qui me vient d'une personne foi-t bien renseignée, et je m'empresse d'inviter le visiteur du Salon à se rendre devant l'exposition de M. Berton. Il passera sans doute de bien doux moments dans la contemplation des quatre toiles qu'il expose, surtout du Bain, une des études de nu les plus savantes et les plus savoureuses qu'il nous ail été permis devoir depuis longtemps.

M. Allan Osterlind, ce peintre suédois dont les envois {les Ombres chinoises, les Orphe- lins, Che^ le boucher) fuient iléjà remarqués au Salon dernier, est allé chercher, cette année, des ins|)irations dans son pays natal genre d'exercice auquel nous conseillons les artistes étrangers, (pii habitent depuis longlemps la l-'rance, de se livrer quelquefois. Et M. Allan Osterlind a eu parfailemenl raison, car il nous rapporte une toile charmante, qui va sans doute obtenir un très grand succès. Le sujet traité par l'artiste est des plus simples : c'est un de ces thèmes familiers, si recherchés des artistes Scandinaves et qu'ils rendent si intéressants par la franchise émue de l'exécution. Le sujet leur importe peu, et pour eux aussi, sans doute, l'histoire dun pou, bien contée, est préférable à vingt-cinq volumes indigestes sur la vie d'Alexandre le Grand. M. Allan Osterlind nous

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Par m. Armand DAYOT

Inspecteur des Beaux-Arts

Le Salon Illustré comprend quatre livraisons qui paraissent en Mai et Juin.

Une de ces livraisons est consacrée au Salon du Champ de Mars.

Chaque livraison contient TRENTE-DEUX gravures hors texte.

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SALON DU CHAMP DE MARS 5

fait assister aux joyeux ébats d'une bande de petits enfants des champs, j'allais dire d'un essaim d'oiseaux, qui s'ébattent en pleine lumière sous une lumière dalécarlienne froide et argentée, autour d'une grande barrière, qu'ils finironl bien par briser, les brigands. Cette scène enfantine, très bien composée, baignée de rayons, et dont chacun des acteurs est très spirituellement saisi, dans la réalité de l'action, se détache avec une auda- cieuse vigueur, sur un fond rouge, fourni par la violente coloration des maisons des paysans dalécarliens.

Voici M. Gustave Courtois, avec une série de portraits très intéressants, parmi lesquels ceux du peintre von Stetten et de M'"*' Gautreau méritent surtout de fixer l'atten- tion du visiteur. Ce dernier obtiendra un très grand succès, car le peintre a su exprimer avec un rare talent et avec une vérité parfaite les traits fins et délicats de son modèle. Nous avons rarement vu d'image plus impitoyablement fidèle.

M. Dagnan-Bouveret est représenté au Salon par deux toiles d'inégales dimensions, mais de valeur égale. Son élude de jeune fille, dans son tout petit cadre, est une des peintures les plus excjuises qui soient sorties du pinceau du jeune maître. Quel (|ue soit le musée, cjuelle que soit la galerie particulière figurera cette petite merveille, elle y brillera du plus pur éclat, et le voisinage du moins incontesté des chefs-d'œuvre ne lui enlèvera rien de son charme attachant et de ses qualités magistrales.

M. Dagnan-Bouveret se complaît à expérimenter dans des interprétations très différentes de sujets très dissemblables, et toujours d'ailleurs d'une façon triomphante, les multiples ressources de son beau lalent, tour à tour si vigoureux cl si délicat. Vous souvenez-vous de cette adorable Madone, svelle et gracieuse comme une figure de Bot- ticelli, et qui dans la lumière ambrée qui lui faisait comme un vêlement d'or, semblait s'être détachée d'un cadre gothique ou d'une antique frescpie, pour errer doucement pendant quelques instants dans un cloître silencieux et désert, au milieu de la lumière mourante du soleil? C'était comme une blonde et calmante apparition, faite de sourire et de clarté, et dont le souvenir doré hante amoureusement noire àme. Tout à côté de cette toile pleine de rêve, de celle douce et troublante vision, d'ime facture si tendre et si légère, figurait son Pardon en Bretagne, dont le succès rclenlissanl provenait d'un ensemble de qualités si différentes : précision vigoureuse du dessin, énergie du modelé, expression vivante et réelle des personnages.

Les deux toiles exposées celte année par M. Dagnan-Bouveret, sa ravissante étude déjeune fille et ses Conscrits, sont deux des plus complètes manifestations de son beau lalent, car si la première exprime parfaitement tout ce que l'artiste a de tendre rêverie dans l'àme, l'autre, avec son modelé puissant, son mouvement rapide, sa composition puissante et comnje tassée, animée par un souffle ardent, qui fait involontairement son- ger au fameux bas-relief de Rude, nous fait connaîlre toutes les qualités vigoureuses du peintre. Certes, la conception du sujet et Texprcssion des personnages appar- tiennent à un ordre de pensées moins idéal que l'héroïque sculpture. Ici, comme dans ses Bretonnes au Pardon, M. Dagnan-Bouveret a voulu, fidèle à sa doctrine, dégager une grande impression morale de la peinture sincère et attendrie de la réalité. Et le succès considérable obtenu par son tableau prouve assez que cette fois encore il a trouvé la forme parfaite de son rêve. Les deux envois de M. Dagnan-l^ouverel font le plus grantl honneur au Salon du Champ de Mars et compteront désormais parmi les œuvres les meilleures du jeune maître, en ce moment en pleine possession de son talent.

M. William Dannat demeure fidèle à l'Espagne. Comme son compatriote John Sar- gent, dont on n'a pas oublié la belle toile El jaleo, il est sous le charme pénétrant du

6 LES SALONS DE l.s'U

pittoresque andalou, et cet Américain, bien mieux qu'aucun peintre de tra-los-montes, sait nous faire partager les émotions (ju'il éprouve en buvant tlu manzanilla dans ralmosphèrc enfumée des flamencos, au milieu du nasillement des maiagùenas, <lu grincement des guitares et des claquements des castagnettes. Je vous assure que ses Iispagnols basanés, farouches et osseux, et ses Manuelas, aux larges accroche-cœur et aux yeux sombres et luisants, no rappellent que très vaguement les personnages de ^L Worms.

M. Dannat ne consacre pas cependant toutes les précieuses qualités de son talent à la peinture de la vie espagnole. Il s'oublie quelquefois dans Texéculion délicate et distinguée de quelques portraits de femmes élégantes et blondes, nées bien loin des bords du Guadalquivir, mais, toujours Espagnol quand même, il en reproduit très habi- lement les images à l'aide d'une palette, se marient harmonieusement des noirs trans- parents, des roses pâles et des gris-perle, si chers à son maître Velasquez.

Toujours vaillant, toujours sur la brèche, jamais découragé, malgré les injustices cruelles de ses contemporains, M ("uistave Colin est représenté au Salon par cinq toiles : deux portraits, tout à fait remar(|uables, une course de taureaux dans les pro- vinces basques et une marine d'une couleur superbe. Le portrait de M"'" D..., d'une allure si élégante, est traité dans une note d'une exquise délicatesse. L'œil en garde une réconfortante impression de fraîcheur. Je me trompe forl, si les toiles si personnelles et si puissantes de M. Colin n'obtiennent pas avant peu les faveurs du public, lorsque l'engouement provoqué par les peintures anémiques et fausses qui envahissent en ce moment nos expositions aura disparu devant la lassitude de l'artificiel et du convenu.

Nous avons eu déjà l'occasion de dire du talent si original et si sincère de ^L Mue- nier tout le bien que nous en pensions. Son succès fut grand au Salon dernier. Il ne l'est pas moins celte année. Élève de iM. Dagnan-Bouveret, M. Muenicr, qui est encore tout jeune, a, comme son maître, le culte profond de la nature qu'il voit toujours à tra- vers une pensée attendrie, et il sait gagner comme lui les faveurs des plus difficiles et les bonnes grâces des plus intransigeants, par l'habile simplicité de son talent et par l'émotion sincère de son art. Ses différents paysages du Midi, son portrait de Thomas Diafoirus (lisez Coquelin cadet), d une si spirituelle et si fraîche exécution, son Jeteur d'épervier (On petit chef-d'œuvre), son Caléchismc, d'une intimité si charmante, son Vieux marin de Villefranche..., sont autant de petites toiles de très grande valeur que les plus fins collectionneurs ne tarderont pas à se disputer.

Voici encore un tout jeune qui, sans bruit, sans vain tapage, par la seule puissance de .son talent aussi fort que modeste, est en passe de prendre une situation tout à tait prépondérante parmi les premiers des portraitistes contemporains, i'ai nommé Louis Picard, dont les envois furent déjà si remarqués l'an dernier. Les trois portraits de femme (ju'il expose allirenl les regards de lous les vrais connaisseurs par la solidité souple et savante de leur forme et par l'étonnante impression de vie qui s'en dégage. M. Louis Picard ne se complaît pas seulement dans l'interprétation de la figure hu- maine, sur laquelle il sait si bien, en grand portraitiste (ju'il est, faire vivre l'âme de ses personnages, il aime aussi parfois à s'égarer dans le monde des rêveries doulou- reusement fantastiques, et ses compositions prennent alors une couleur étrange qui ravirait Edgar Poe et Baudelaire, que je soupçonne M. Picard de lire avec ferveur à ses moments perdus. Le talent de ce jeune artiste, tout à la fois passionné pour le réel et obsédé par la chimère, ne peut manquer de produire de très intéressants résultais.

M. Prinel excelle à exprimer la sveltesse des formes des fillettes et la grâce mièvre

SALON DU CHAMP DE MARS 7

de leurs altitudes. Sa toile intitulée Entre amies est d'une composition parlaite et d'un esprit charmant. Il y a dans ce bal de jeunes filles un mouvement étonnant. On entend le froufrou des robes qui se frôlent dans le lournoiemenl de la valse. On seni passer sur son visai^e comme le souffle frais des légères envolées. Mais comme le coloris général est lugubre! Comme toute cette peinture est morne! Quelle triste matière pour exprimer un sujet aussi riant, qui devrait être peint avec « le sang des fleurs ». Ali! ne laissons pas mourir la couleur!

Nous voici devant l'exposition de M. Carrière. Nous avons déjù maintes fois exprimé notre opinion sur ce peintre de talent, qui nous apparaît comme une des personnalités artistiques les plus originales et les plus intéressantes de l'époque. Que nous importe, avons-nous dit déjà, que M. Carrière ne promène son pinceau que dans la gamme des gris, si la précieuse matière dont il sait enrichir sa palette lui suffit poLU' exprimer son rêve et pour le faire aimer. Son œuvre est une de celles que nous recherchons le plus et nous nous plaisons à oublier dans sa contemplation la froide brutalité des concep- tions purement réalistes et l'habileté impersonnelle de la plupart des formules modernes. Oui, M. Cai'rière et PlivIs de Chavannes nous aj)|)araissent comme deux ailmirables exceptions dans le monde de la peinture, deux personnalités troublantes, mais dange- reuses, qu'il faut se contenter d'admirer sans cherchera pénétrer le secret mystérieux de leur art. L'influence de ces deux grands maîtres sur la peinture française est déjà trop considérable, .leunes artistes, contemplez avec recueillement les grisailles si pro- fondément suggestives de Carrière et les blanches figures de Puvis, lis de chair ('clos sous des cieux mystiques; mais, croyez-moi, n'oubliez |)as trop le musée du Lou\repour le palais du Champ de Mars, et allez quelquefois, comme à un pieux pèlerinage, méditer devant les Noces de Cana de Véronèse et devant l'Entrée des Croisés à Constantiuople. Vous pourrez même vous arrêter en passantclevant certains portraits de Rembrandt et d'IIolbein, la riche qualité du coloris ne cause aucun dommage à la précision du dessin et à la valeur de l'expression.

Nous aurons fait, croyons-nous, très sommairement il est vrai (notre cadre d'étude le veut ainsi), la revue complète des œuvres les plus remarquables exposées au Champ de Mars, lorsque nous aurons signalé à l'attention du visiteur les meilleurs envois de f|uelques artistes dont les noms suivent et (pii prescpie tous ont une notoriété sérieu- sement établie qui nous dispense de les présenter au lecteur : la Veille de l'orage et la Pleine Mer, d'Henry Moore, un des mai'inistes anglais les plus distingués; les Arènes d'Arles, le Vieux Bastidon {Provence), Un Relai aux environs de Toulon, par Montenard; la Nativité et le Maître de chœurs, de Melchers; la Madeleine clie^ le Pharisien, Au Café- concert et la Chartreuse, de Jean Béraud; de belles marines et de beaux portraits de femme, d'Alfred Stevens; la Neige (un petit chef-d'œuvre). Un Effet d'hiver, la Raccom- modeuse de draps et la Fin de soirée, de Jeanniot; le Christ marchant sur les eaux, un joli portrait de femme et un beau portrait de cardinal, pai- Duez; Un Effet de matin, tout à fait remarquable, le J'ieux Port à Toulon, par Dauphin; le portrait de Faure, un portrait de femme (deux œuvres de grande valeur), par Zorn; une superbe étude de nu, d'iui éclat incomparable, et un beau portrait tout à fait magistral de l'Amiral Krant-, \y,\v Roll; les Cuisiniers et la Tireuse de cartes, de Th. Hibot; de jolies Vues d'Algérie, d'Ary lîenan; des portraits de femme pleins de recherches curieuses, par Antonio Gandara; Jeunes Filles et Petite Fille en mante verte, de M"" Louise Rreslau; une série intéressante de portraits par M. .lactpics Blanche, |)armi les(|uels nous axons sin-toul remar(|ué ceux de MM. Barrés, Ceorges Moore, Paul Baignères et celui de M'""= Aboi llermant. Ce (.lerniei-

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est une œuvre vraiment charmante. Puis voici de beaux paysages de MM. Barau, Lher- mitte, Lépine. Bonvin, Iwill, Lepère, Damoye, Victor Binet, Lebouri^;, Cabrit, E. Bastien- Lepage. Cazin, liillolte, Guignard...; des Vues de Rome, de Louis Dumoulin; de très jolis panneaux décoratifs, Une Madone, la Mort d'Adonis, et un beau portrait de femme, par M. G. Dubufe; Un Cabaret italien, Sous les bouleaux et une Marie-Madeleine, d'Edelfell ; la Musique, |iIafond pour THôtel de \'iile, par Gervex; puis encore des portraits de Rixens, de Mnlhey, de Paul Robert, de Raffaelli, de Boutet de Monvel, de W'histier, de Rondel, de Boldini, de Girardot, de Jarraud, de Rosset-Granger, qui expose en outre une charmante fantaisie de nu intitulée : Fleur de nuit; les Bonnes et des Vues de Venise, de Gœncutle; l'Annonciation et la Magicienne, d'Agache; de charmantes toiles de Gaston La Touche, de Kuehl, de Roger Jourdain.

Dans les salles consacrées aux pastels, aquarelles, dessins, gravures, nous avons remarqué les envois de M'"" Jeanne Bosc (pastel), de Zorn (aquarelle et gravures), de Béthune (pastels), de M'"" Dora Ililz; de Boldini, de Gandara (pastels), des aquarelles d'EclelfeIt, de superbes dessins au lavis de Daniel \'ierge, de Th. l^ibot, des dessins à la plume, des mines de plomb de Paul Renouard. de Ch. Serret, de Vogel, de Gaston WiIIIIlm-, (les sépias de Prinet, des gravures à l'eau-forte de BracquemoncI, de Desmoulin, de Guérard, les belles gravures sur l)ois de Florian. de Lepère, les lithographies de I^unois et de Lauzet...

A signaler, dans la section d'art indusiriol, les flambés de (^laplet, les faïences de Lachenal, les superbes grès flambés de Delaherche, les émaux translucides de Thesmar, les flambeaux de Falize; les intéressants projets de vitraux de Besnard, les vases de Galle, les curieuses sculptures sur bois de F. Carabin

Peu d'œuvres remarquables à mentionner à la sculpture : citons en première ligne un buste magistral de Puvis de Chavannes, par Rodin; le Faucheur (figure plâtre), de Meunier; les projets de fontaine de Dalou et d'Injalbert; une belle figure en bronze (bacchante) du regretté Etcheto, terminée par M. Dampt; une figure très élégante de Marie Stuart (plâtre), par Ringel; le Monument funéraire (marbre) de la princesse de Salerne, par Alfred Lenoir; le Bain, bas-relief (plfttre) d'une allure très audacieuse, par Charpentier; une ravissante Le'da (plâtre), de Desbois; Amour maternel (groupe en marbre), de Vallgren; l'Immortalité (statue bronze), de Hugues; Mélancolie (statue marbre), d'Injalbert; de superbes bronzes de Constantin Meunier (déjà nommé); puis encore quelques beaux bustes de Dalou, de Bourdelle, de Dampt, de Coulan, de Hugues, de Cordonnier, de Lenoir, de ^'ilal-Cornu, d'Injalbert, et c'est... tout...

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