^m^ ,.-, ANAL YS E DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE PEI^DANT LE COURS DE I^ XIS 12 , ' JLue à la séance publique du z*'". germinal an i3 ; et suivie de No- tices historiques sur les travaucc et la uie de MM. Pazu3Iot, G^UTHEROT j MONN 1ER et V^l ON N oi s. ^Tlx'yT::^^ A DIJON, DE l' IMPRIMERIE DE FRANTIN. XIII i8o5. ANALYSE DES TRAVAUX De l'Académie des sciences , arts et belles-lettres de Dijon, pendant le coui^s de l'an iz. M ESSIEURS, Les Corps académiques furent sans doute institués pour accroître les connoissances humaines, encourager les sayans et propa- ger leurs découvertes j il est donc du devoir des Académies de faire connoître les ou* vrages qu'elles ont reçus, et si cette tâche leur est flatteuse par l'espoir d'augmenter le goût des sciences, il ne leur est pas moins précieux de pouvoir satisfaire au besoin de la reconnoissance , en procla- mant les noms des savans qiai les ont ho- norées du fruit de leurs veilles et de leurs lumières. ( 2 ) L'Académie ^'est occupée des sciences physiques et mathématiques , des sciences morales et politiques , des arts et des lettres. Un phénomène singulier appeloit l'at- tention de tous les savans ; Tite - Live fait mention d'une pluie de pierres tombée sur la montagne d'Albe ', des phénomènes sem- blables sont cités par quelques savans , et dernièrement l'Institut a chargé M. Biot du soin d'examiner un fait de cette nature, ar- rivé près de l'Aigle , le 6 lloréal de l'an 1 1 . Quelle étoit l'origine et la nature de ces pierres , dites météoriques ? venoient-elles de la lune ou de quelqu'autre planète , comme l'ont pensé quelques savans ? Ces objets occupoient l'Académie, lorsque deux mémoires reçus , l'un de M. Amanton, l'au- tre de M. Deluc , vinrent augmenter l'in- térêt de ces discussions , et répandre quel- ques lumières sur un phénomène peut-être plus facile à croire , par une excessive con- fiance dans ceux qui l'ont narré , que par des raisonnemens tirés de la saine physique, ou avoués par nos connoissances modernes. M. Amanton a joint à son mémoire une pierre de l'Aigle , du poids de sept onces (3) tiois gros , on deux cent quatorze grammes cent quinze décigrammes ; plus six autres fragniens de ces mêmes pierres , du poids de deux onces deux gros et demi et dix- huit grains, équivalent à soixante-un gram- mes quatre-vingt-quinze décigrammes, plus quatre-vingt-seize centigrammes. L'Académie se seroit empressée de sou- mettre ces pierres à l'analyse chymique, si l'on pouvoit espérer de nouvelles observa- tions après les travaux des Fourcroy, des Vauquelin, qui nous ont appris, que les parties constituantes de ces pierres sont la silice , le fer oxidé , la magnésie , le nikel et la chaux. Sans contester les témoignages recueillis par M. Biot, M. Deluc trouve, dans sa narration , des circonstances difficiles à concilier. Telles sont : la disparition du météore , ou globe de feu , et son remplacement par un petit nuage rectangle ; il en est de même de l'état stationnaire de ce nuage , renfer- mant , en pierres , un poids de vingt à trente quintaux. ^ Cette immobilité paroît à M. Dçluc d'au- (4) tant plus difficile à concevoir, qu'il n'est qu'une vitesse quintuple de celle d'iin bou- let de canon , qui puisse balancer l'action de la gravité. M. Deluc croit contraire aux pliéno- mènes connus d'attribuer l'état d'i^nitiou du météore au frottement éprouvé dans l'air , et il en donne pour preuve , qu'on ne découvre aucun vestige de fusion dans la balle tirée d'une arme à feu , même rayée. Enfin , comme l'explosion de ce météore ne s'est pas faite à une grande distance de la terre , cet habile géologue pense que ces pierres n'arrivent pas de régions éloignées, et qu'elles ne peuvent être réputées ni frag- ment planétaire , ni matière lunaire. Dans cette opinion , ce phénomène sem- ble plus difficile à concevoir; dès -lors, comment des matières aussi pesantes ont- elles pu séjourner dans les nuages ? ou , s'il falloit un instant pour les former, quelle force a pu réunir , si subitement , leurs parties constituantes , et par quelle cause de tels principes sont-ils parvenus jusque dans la région éthérée ? Tandis que plusieurs savans cherchoient (5) la cause des pierres météoriques, et s'oc- cupoient de leur analyse , d'autres s'adon- TJoient à l'examen d'une découverte , dont la cause sera peut-être aussi diflicile à con- noître,mais dont les effets ne peuvent être contestés, puisque nous pouvons les éprou- ver par nos propres sensations. M. Gautherot, qui n'existe plus que par les services qu'il a rendus aux sciences , a publié deux mémoires sur le fluide galva- nique , qiie M. Rouhié son beau-frère a fait parvenir à l'Académie. Combien les vérités nouvelles acquièrent de poids et de force , lorsque , dans le mê- me temps , elles sont proclainées en diffé- rens pays par des savans qui n'ont entre eux ni rapports ni liaisons ! Dans le même temps , de semblables expériences étoient faites à Londres par flumpliry Davi ; à Ber- lin , par Humboldt j à Paris , par Gautherot. ■ Dans le même temps , William Hyde Wolaston à Londres , Gautherot à Paris , professoient la même doctrine , et soute- noient que l'oxidation des métaux étoit la cavise principale des phénomènes galva- niques. Certes les savans étrangers n'ont pas tou- jours partagé la gloire des découvertes de Gautherot ; il en est quelques-unes qui ap- partiennent à lui seul, et qtie nous nous plaisons à citer , comme un hommage rendu à sa mémoire , et comme un témoignage solennel de notre reconnoissance. Après mille tentativ es infructueuses^mille soins minutieux , Gautlierot le premier est parvenu à construire un appareil galvani- que, sans employer d'autres substances que du charbon et du schiste. Une pile ainsi construite, et formée de plus de quarante étages , donne vme saveur vive, piquante, manifeste le phénomène de l'éclair, et pro- duit la décomposition de l'eau, le côté du charbon dégageant le gaz hydrogène. Il étoit encore réservé à la sagacité de Gautherot d'indiquer un moyen propre à faire juger du dégagement de la plus pe- tite quantité de fluide galvanique : ce moyen est aujourd'hui connu de tous , et l'instru- ment employé à cet effet s'appelle galva- ïiostok. Ainsi l'étude du galvanisme étoit trop intéressante, ses phénomènes, appliqués à (7) ^ l'art de guérir, pouvoient être d'une trop grande utilité , pour ne pas fixer notre at- tention. Nous avons répété les belles expé- riences galvaniques d'Humboldt et de Van- inons ; nous avons observé le phénomène de l'irritabilité se manifester avec une éner- gie vraiment surprenante , dans le tronc d'une carpe séparé de sa tête depuis plus de quinze minutes ; un oiseau , noyé depuis quelques secondes , a battu de l'aîle , et ses yeux, par l'effet de la contraction des pau- pières, ont paru, pour la dernière fois, s'ouvrir à la lumière : enfin, en armant les étamines des fleurs, les premiers, nous avons tenté , sur leurs organes , des expériences galvaniques, qui demandent à être répé- tées, dont nous publierons le résultat, et qui peiit-être seront un jour d'une grande importance , soit par les termes de compa- raison qu'elles donneront lieu d'établir , soit par les limites qu'elles pourront placer entre l'irritabilité animale et l'irritabilité végétale. Ainsi le domaine de la physique s'agran- dit chaque jour, ainsi les sciences feront toujours des progrès rapides, pourvu qu'on (8) n'accumule pas système sur système , et que leur développement ne suggère pas ces idées chimériques qui nous écartent du chemin de la vérité , et nous empêchent de discerner les vrais progrès de la science. L'oiivrage dont M. Deluc, professeur à Gottingue , a fait la critique , est une preuve convaincante de cette vérité. Que l'univers se soit formé sans création instantanée, et que le principe de tout soit un fluide élémentaire , dont l'origine est inconnue ; que ce fluide , par sa transition de la fluidité à la solidité , soit la source des grands globes qui majestueusement se promènent dans l'espace j que les continens soient produits par soulèvemens et par l'action des fluides expansifs sous la croûte terrestre, nous ne vous entretiendrons point ni de ces idées émises par M. Schmieder, ni de la réfutation de M. Deluc ; on pour- roit reprocher au premier de trop s'aban- donner au travail de son imagination ; au contraire , le professeur de Gottingue s'at- tache à le réfuter par l'étude et l'examen des phénomènes connus, il semble ne vou- loir marcher qu'avec des faits j mais le voile ( 9 ) dont s'enveloppent les opérations de la na- ture , l'oblige quelquefois de recourir à des conjectures dont il n'ose garantir ni l'exactitude , ni la vérité. Pour établir avec quelque fondement les ojiérations secondaires du globe , il faut avoir une profonde connoissance des mon- tagnes, des collines, des plaines, des cou- rans d'eau , des côtes de la mer , des masses Tolcaniques , et de la nature de leurs pro- duits. Peu de savans possèdent leur historique comme M. Deluc , et ses lumières doivent ajouter un nouveau prix à la dissertation qu'il vient de nous envoyer sur les substan- ces volcaniques. M. Deluc cherche à prouver, par cet ëcrit, qu'il est téméraire de vouloir assigner la nature des substances qui entretien- nent les volcans ; qu'elles n'appartiennent pas plus au porphyre qu'à la roche de cor- ne , au granit ou au schiste , et que ces di- verses opinions ne peuvent être fondées sur aucunes données certaines. A-t-on jamais trouvé dans le porphyre le schorl des volcans , nommé augite , puis ( lO piroxène , ainsi que la leucite ou grenat blanc , dont la crystallisation est de forme ronde à vingt-quatre faces trapézoïdes ? A-t-on jamais découvert, dans cette sub- stance , les particules ferrugineuses qu'on remarque dans certaines laves ? Observateur attentif des merveilles de la nature , M. Deluc a su lui dérober ses se- crets, dans les entrailles de la terre , comme dans l'examen des êtres qui l'animent et la vivifient ; il nous a communiqué des re- marques sur les lépas , et nous a fait part de la découverte d'un nouveau coquillage. Ses observations sont trop intéressantes pour nous borner à une simple analyse j nous allons les insérer textuellement. « D'après nombre de faits , les lépas ne paroissent pas avoir de mouvemens pro- gressifs , et doivent vivre à la même pla- ce j ils soulèvent seulement leur coquille , lorsque tout est tranquille autour d'eux , pour jouir du contact de l'eau de mer et recevoir leur nourriture : d'où il résulte que le contour ou le bord de la base de leur coquille se moule sur la surface du ro- cher ou du corps quelconque sur lequel ( »1 ) ils adhèrent. C'est de là que "viennent les inégalités très variées du bord de ces co- quilles , lorsqu'elles ont vécu sur une sur- face arrondie ou raboteuse. « En parcourant le bord de la mer, à Va- lence, je trouvai une huître chargée, sur l'une de ses valves , de deux grands lépas cabochon f dont les bords joignoient exac- tement toutes les inégalités de l'huître. J'avois alors moins d'expérience j je ne considérai que les lépas , et je les détachai de dessus l'huître. L'histoire des coquillages , leurs formes. tantôt élégantes , tantôt singulières , quel- quefois bizarres , la beauté de leurs cou- leurs , l'éclat de leur nacre , doivent inspi- rer le désir de les connoître ; ainsi , la conchyliologie mérite , comme toutes les branches de l'histoire natvirelle, les regards et l'hommage du naturaliste éclairé j mais elle n'offre pas , comme la minéralogie , des rapports d'utilité aussi prononcés, soit dans les arts , soit dans la médecine. L'Académie a reçu de M. Beurard, agent du Gouvernement près les mines de mer- cure des ci - devant Palalinat et pays de Deux-Ponts , un mémoire sur la manière de faire les recherches des mines dans le Palatinat et d'en commencer les exploita- tions , et sur les diverses métliodes em- ployées pour l'extraction du mercure de sa gangue. On lit avec intérêt les détails économiques et les préceptes utiles que contient la pre- mière partie de ce mémoire. Avant de tenter aucune fouille , la pru- dence ordonne d'examiner les fragmens de roches qui se trouvent dans les ruisseaux , ou dans les lits de rivières 5 lorsqu'on ren- contre sous forme aiigtileiise , ou du moins peu arrondie , des espèces qui accompa- gnent ordinairement les métaux, telles que la baryte sulfatée et le quartz , pourvu que ces espèces ne soient pas les dominantes dans les montagnes qui avoisinent 3 lors- qu'il existe sur-tout des indices de miné- rai ; on met à découvert la partie supé- rieure d'une couche ou d'un lit 5 les indices subsistans, la fouille se continue, soit par îe moyen de galeries de recherche , soit en construisant des puits simples , pourvu cependant que la couche ne soit pas trop profonde, et que l'on n'ait rien à redouter de l'impétuosité de l'eau. Ces sortes de fouilles sont ordinairement peu dispendieuses ; mais pour construire des bâtimens d'exploitation , pour monter un travail de mine , il est essentiel d'exami- ner le genre du minerai , de chercher à connoître la nature des sites qui le ren- ferment , et sur-tout de savoir s'il est so- lidement établi , ou seulement superficiel et disséminé , si son extraction sera facile et peu dispendieuse ; enfin , si l'on peut pratiquer des galeries d'écoulement pour (M) }a sortie des eaux , ou une macliine à va- peurs, destinée aux mêmes fonctions. L'exploitation établie , M. Beurard croit essentiel de s'appliquer à maintenir par-tout le cours de l'air et l'écoulement des eaux , de faire marcher les travaux de profondeur avec ceux de l'étendue en longueur, et sur- tout de s'opposer aux extractions inconsi- dérées , d'où résultent des éboulemens de terre. C'est ainsi que se sont maintenues les exploitations de Landsberg et Stahlberg, tandis que celles de Wolfstein et Mœrsfeld sont abandonnées , quoiqu'encore riches en bons rainerais. Le perfectionnement du procédé que ré- clame M. Beurard, et dont il s'occupe dans la seconde partie de son mémoire , mérite l'attention des savans. La méthode la plus ancienne d'extraire le mercure de sa gangue , étoit une distil- lation ^erû^e^c^/ziw/zîj et se pratiquoit dans les forêts , par le moyen de vases de terre culte , placés au milieu des charbonnières. Vers le milieu du siècle dernier, un par- ticulier de Dusseldorf, possesseur d'une mine de mercure , dans le pays de HessQ- ( ^5 ) Darmstadt , découvrit un procédé de distil- lation, qui est aujourd'hui le seul en usage. M. Beurard nous transmet une description exacte de cet appareil , et observe cepen- dant que cette méthode, quoique supérieure à la première, occasionne encore une perte sensible de mercure dès les premiers coups de feu, par suite du défaut de consistance du lut; de plus, lorsque le minerai est fort riche, les vapeurs mercurielles se dégagent en si grande quantité , que la capacité des retortes ne peut sufhre à leur développe- ment, et dès-lors il n'existe plus assez de fraîcheur dans les récipiens , pour opérer leur parfaite condensation 5 M. Beurard paroît craindre enlin , que la chaux ne dé- gage pas tout le mercure uni au soufre, et qu'il ne reste combiné avec lui une portion de mercure plus ou moins considérable. Convaincu de cesinconvéniens , M. Beu- rard les soumet à la méditation de l'Acadé- mie , et appelle sur cet objet les lumières et les connoissances de ses membres. Nous devons à ce correspondant des re- mercîmens pour les riches échantillons de mines de mercure , qui accompagnoient cet ( ^M écrit , et qui sont tous originaires du pays de Deux-Ponts , ou du Palatinat. Ce pays est encore renommé par son com- merce d'agathes , de cornalines , de cal- cédoines , de sardoines et de jaspes. Depuis que la mode s'est emparée de ces pierres , pour en former des bijoux , leur histoire, et celle du pays qui les renferme, est sans doute devenue d'un plus grand intérêt 5 M. Leschevin, dans une de nos séances, nous a entretenus du pays d'Obers- tein , de la singularité de sa position , de l'étendue de son commerce , du gisement des agathes, et de la manière de les tra- vailler. Cette branche de commerce est une preu- ve de l'industrie des habitans, qui trouvent, dans la cause même de l'infertilité de leur sol,' des moyens d'existence et des sources de prospérité. Il paroît, d'après cet écrit, que la gan- gue de ces agathes est toujours soit une roche glanduleuse , soit une cornéene dont la couleur varie j tantôt elle est d'un gris verdâtre , quelquefois d'un noir foncé. S'il est prouvé , par l'analyse de ces di- vers ouvrages , combien l'Académie est at- tentive à recueillir les faits que lui trans- mettent ses membres ; la médaille qu'elle décerne en ce jour, et les autres ouvrages que nous allons analyser, sont une preuve qti'elle ne s'occupe pas avec moins de zèle des moyens d'éloigner les maux qui déso- lent l'espèce humaine. L'Académie a continué ses recherches sur la vaccine. Un de ses membres lui a fait part d'une éruption locale , annuelle et périodique pendant les deux années qui suivirent l'insertion de la vaccine. Il a de plus observé que la l'orme du bouton n'est pas essentiellement circulaire j il paroît qu'elle varie en raison du mode d'insertion. Cette Société a consulté sur cet objet ses membres non résidans ; elle a reçu d'eux trois mémoires , dont deux sont dus au zèle de M. Desgranges, médecin à Lyonj le troisième est de M. Larché , docteur en médecine dans le département du Cantal. Si nous en croyons le docteur Vibert de Pont-de-Vaux , et les médecins de Rheims , la vaccine peut être tardive sans être infruc- tueuse î aujourd'hui M. Desgranges nous U8) prouve qu'elle est également préscrvative lorsque ses symptômes sont précoces , pour- vu cependant que cette accélération s'opère sous l'influence de quelque cause morbi- iîque ou, accidentelle. Dans le premier exemple que cite M, Des- granges , la tumeur , le cinquième jour, avoit acquis son parfait développement. Le second exemple nous offre le déve- loppement du bouton vaccin dans l'espace de vingt -quatre heures; tous ses progrès doublèrent de rapidité ; mais les symptômes revinrent à leur état naturel , lorsque la cause qui les influençoit cessa d'exister, et l'on doit d'autant moins douter de l'effi- cacité de ces deux opérations, que le virus qui en résulta produisit de salutaires vac- cines. Il est donc vrai de dire , contre l'opinion de Woodvillç , qu'une rougeur survenue dès le second jour aux entamures ou inser- tions , et que leur gonflement ou leur élé- vation précoce , ne sont pas toujours des signes certains de manque de succès. D'autres observations de M. Desgranges viennent à l'appui de ce fait, que le travail ( 29 ) de la vaccine peut déterminer une éruption secondaire de variole , et réciproquement le travail de la variole , une éruption se- condaire du virus vaccin j sans que l'une ou l'autre des maladies soit aggravée par la présence des deux virus. On ne sauroit trop vénérer la découverte de la vaccine , si elle pouvoit de même nous préserver de la peste. Des médecins étrangers ont fait divers essais pour s'assurer de ce lait , et c'est l'exposé de ces expériences qui forme le second mémoire de M. Desgranges. Des sujets varioles , placés dans des salles de pestiférés, se sont parfaitement rétablis, sans qu'aucun symptôme de peste se soit manifesté. Lorsque la peste et la variole attaquent ensemble un même individu, quelque terri- ble que soit la peste, elle se termine toujours heureusement, sous l'influence de la variole. Ces observations sont d'Eusèbe Vailly , mé- decin à Smyrne ; il tenoit tellement à l'i- dée consolante que la variole est préserva- tive de la peste , qu'après avoir subi l'in- sertion, du virus variglique, ii s'enferma (30) ■plusieurs jours dans un Lazaret , et commu- niqua de diverses manières avec des pesti- férés attaqués de bubons : si donc la variole est préservative de la peste, puisque la vac- cine est préservative de la variole, on étoit fondé à soupçonner qu'on devoit obtenir, de l'insertion du virus vaccin , les mêmes résultats et les mêmes succès. Cette opinion fut accueillie de MM. Lafond et Auban ; ils cherchèrent à la confirmer par des expé- riences , dont nous trouvons les détails dans le mémoire de M. Desgranees. M. Lafond , médecin à Salonique en Ma- cédoine , écrivoit : «j'ai remarqué que les personnes vaccinées n'étoient plus suscep- tibles de prendre la peste, w A Constantinople , M. Auban , sur six mille individus vaccinés , a joui delà satis- - faction d'observer qu'aucun n'avoit con- tracté la peste. '"J' M. Larché nous apprend dans son raé- - moire, que le virus vaccin conserve plus long-temps sa forme limpide et sa vertu efficiente sur les bords du bourrelet : il ré- sulte encore de ses observations, que pki- ^ sieurs vaccinations infructueuses ne doi- ( 3i ) vent pas détruire l'espoir de tout succès , puisqu'un enfant fut vacciné quatre fois, sans qu'il se manifestât aucun symptôme de virus vaccin j ce ne fut qu'à la cinquième insertion que la tumeur se développa , et produisit l'effet désiré. Les autres faits cités sont analogues à ceux déjà observés , soit par Woodville, soit par Aubert ; mais ils ne sont pas moins précieux pour l'Académie , bien convain- cue de cette grande vérité , que lorsqu'il s'agit d'une découverte nouvelle , on ne sauroit réunir et accumuler trop de faits semblables. Quelqu'intéressantes que soient la méde- cine et la chirurgie , pviisqu'elles s'occupent des moyens qui peuvent diminuer la somme de nos maux j l'enthousiasme qu'elles ins- pirent est encore plus vif, lorsqu'on les exerce au sein des camps , environné des horreurs de la guerre et de ses nombreuses victimes; opposer l'art de conserver les hommes à l'art de les détruire , est une po- sition si glorieuse , qu'on trouve en elle seule sa récompense et sa gloire,, son cou- rage et son activité. ( 30 M. Lombard est xxn des clilrurgieiis d'armée qui s'est le plus occupé des plaies faites par les armes à feu j l'ouvrage qu'il nous a fait parvenir sur cet objet , est rem- pli de vues intéressantes et d'excellens pré- ceptes ; il nous rappelle entre atitres l'usagé des frictions , si recommandées par les an- ciens , et si négligées par les chirurgiens modernes j c'est d'elles qu'on doit attendre la résolution dans les parties œdémateuses , l'embonpoint dans celles qui sont atro- phiées , et le retour de la force dans celles qui sont débilitées. Le chevalier Temple avoit une si haute idée des frictions, que, dans son opinion, les riches ne dévoient pas appréhender la goutte, puisqu'ils avoient des gens à leurs ordres pour les frictionner j si les fric- tions modérées ont un si î^rand avantage sur la totalité de l'individu , doit-on moins espérer de celles qui sont faites sur 'Ift partie malade et aux environs de la bles- sure ? ( Ainsi s'exprime M. Lombard )ï «Lorsque les bords de la plaie pâlissent, « s'affaissent et se flétrissent, il est essentiel ec de relever l'énergie des solides, et de les (33) « tirer de leur état d'indolence ; des frictions ce douces et longuement répétées, donneront « à ces bords langiùssans le ton nécessaire « pour une prompte guérison. 35 M. Valentin nous a fait parvenir son ou- vrage sur la fièvre jaune. Cet ouvrage a fixé l'attention de l'Académie , et donné lieu à quelques idées qu'elle a soumises à la sagacité de l'auteur. Lorsqu'on réfléchit sur les symptômes qui -caractérisent cette cruelle maladie , sur ses rapports plus ou moins directs, soit avec les fièvres malignes-bilieuses , soit avec le typhus-carcerum ; on est étonné de l'asser- tion émise par M. Valentin , que la fièvre jaune n'est pas contagieuse. Les remèdes qu'il emploie prouvent qu'il la cojisidère souvent comme fièvre bi- lieuse-maligne j d'où il résulte que son trai- tement est totalement opposé à celui de la plupart des médecins anglois , qui regar- dent la fièvre jaune comme maladie inflam- matoire ; cependant , d après l'exposé des symptômes , si bien décrits par cet habile .médecin , il paroît que son traitement est établi d'une maïiière plus sage et plus con- C 34 ) ^ forme aux principes de la saine médecine 5 c'est par suite de cette manière de voir, qu'il proscrit la saignée , et peut-être elle eût été moins fréquemment employée, sans les hémorragies qui accompagnent le début de la fièvre jaune. Ces hémorragies ont fait naître la ré- flexion suivante , dont nous avons fait part à M. Valentin , et , comme nous , il pense qu'en effet elles peuvent en avoir imposé à quelques médecins , et leur avoir fait con- sidérer comme symptôme inflammatoire , un accident qui n'est que le présage d'une dissolution complette. Nous ne nous étendrons pas davantage sur cet ouvrage , qui a obtenu les éloges de plusieurs Sociétés savantes , et qui mérite, à juste titre , les suffrages et la reconnois- sance des médecins éclairés. L'étude des maladies se compose non- seulement de l'examen des symptômes qui ies caractérisent , de la connoissance du tempérament , de l'influence des affections morales ; non-seulement il faut étudier les circonstances qui dépendent des localités, il faut encore connoître l'état de l'atmos- { ^3 J phère et son degré de température. Le prix que la Société royale de méde- cine attachoit à la science de la météoro- logie , doit nous l'aire sentir ce qu'on a droit d'attendre de ses observations , et la néces- sité de les suivre avec exactitude et sagacité : les ouvrages des Sociétés de Besançon , et principalement de Tours, nous sont une nouvelle preuve de cette vérité. Comme ce ne sont pas toujours les der- nières constitutions atmosphériques qu'on doit réputer causes des maladies régnantes (i) , on doit désirer qu'il soit formé deux tableaux pour l'histoire des maladies , et de cette manière , il seroit plus facile de distinguer celles qui tiennent à la consti- tution du moment , et celles qui dépen- dent des constitutions précédentes. Des ouragans essuyés sur plusieurs points de l'Empire , et dans une partie de l'Eixrope , des débordemens de rivières presqu'ins- tantanés, des chaleurs excessives dans les (i) Ainsi, la diathèse sanguine de l'hiver dirige les catarres vernaux sur la poitrine, tandis que l'irri- tation des organes gastriques pendant l'été , attire sur eux la même affection en automne. (36) .contrées du nord, rendront l'année dernière mémorable dans les fastes de la météoro- logie. En Italie , en Espagne et en France, plu- sieurs contrées ont été ravagées par les tem- pêtes , la grêle et les inondations j TAhr , quoique resserrée dans son lit, a cru de 45 pieds dans l'espace de trois heures j à Stockholm , le thermomètre de Réaumur marquoit 33 degrés , à Pétersbourg 2,5 , tandis que celui de M. Deslandes n'indi- quoit, à Tours, que 20 deg. -^ , et celui de M. Chevalier, à Paris, 18 deg. ^• Nous terminerons le compte rendu de l'an 12, relativement à la partie des sciences phy- siques et mathématiques, par l'apperçu d'un ouvrage que nous a fait parvenir M. Haldat, et qui , par l'importance dont il peut être pour la législation criminelle , mérite de trouver place dans cette esquisse de nos travaux. Un débiteur de mauvaise foi avoit dé- naturé, par le moyen de l'acide muriatique, partie d'une quittance d'à-compte donnée sur une obligation, et avoit rendu décuple la somme comptée ; le créancier se plaint ( 37 ) de la fraude , poursuit le débiteur j mais la justice ne pouvoit prononcer sans qu'on, eût fait revivre les caractères détruits ; on consulta M. Haldat, et ses recherches l'ont conduit à des résultats dont il a fait hom- mage à l'Académie de Dijon. L'auteur divise son ouvrage en plusieurs sections, et traite successivement des causes qui peuvent altérer les écritures et l'encre moderne, des signes qui caractérisent l'al- tération des encres , et des moyens de ré- tablir les encres altérées et détruites j tels que l'immersion des lettres altérées dans l'acide gallique , ou dans une dissolution de sulfure de potasse j les autres sections concernent la théorie générale de l'altéra- tion de l'encre et de sa restauration , la fabrication de cette teinture, et les moyens de remédier à son altérabilité. Que n'est-il permis à l'Académie de louer l'ouvrage d'un de ses membres ! elle vous parleroit de la seconde édition du cours de physique expérimentale , de chymie et de minéralogie ; mais si un sentiment de dé- licatesse lui interdit cet acte de justice, elle peut , sans scrupule , se montrer fin- (38) ^ terprète du public , et classer cet ouvragé, écrit avec élégance, rédigé avec ordre et clarté, parmi les meilleurs ouvrages élé- mentaires qui aient traité de ces divers objets. L'Académie ne s'est pas occupée avec moins de zèle , de l'étude des sciences mo- rales et politiques ; l'histoire des anciens peuples, cette histoire si intéressante par les grands souvenirs qui l'accompagnent , et par l'idée qu'elle donne du génie , des mœurs et des usages des anciens , a mérité l'attention de plusieurs des membres de cette Société , et produit les travaux dont nousallons succinctement donner l'analyse, M. Millin , dans un mémoire concernant les monumens antiques que renferme Di- jon , félicite l'Académie sur l'intégrité de ses raonuraêns , qu'ailleurs il a trouvé mé- prisés et dégradés. Les antiques placés au jardin botanique, les quarante -deux monumens tirés d'une fouille faite en 1781, près l'église Saint- Etienne , monumens que feu M. de Ruffey a fait incruster dans les murs de son jardin ; ceux qu'on remarque dans la cour de la (39) maison Baudot ; enfin , le triumvirat placé sur la façade d'une maison du faubourg d'Ouche , tous ces objets antiques ont fixé l'attention de M. Millin , et donné lieu à diverses observations qu'il a prorais de pu- blier j il a reconnu entr'autres , que plu- sieurs de ces monuniens étoient inédits j il a prié M. Devosges de les faire dessiner, et dans peu nous jouirons des gravures de ces monumens , qui attestent la haute anti- quité de notre ville , et le respect des anciens pour les cendres de ceux auxquels ils étoient attachés , soit par les liens du sang , soit par ceux de l'amitié. Cet habile antiquaire a porté ses recher- ches dans les campagnes qui avoisinent Di- jon , et remarqué , à Couternon , dans une maison qui appartenoit jadis à feu M. de la Marre , un bas-relief représentant le juge- ment de Paris , dont il n'a été tiré aucune gravure. Depuis long - temps , l'Académie , dans l'espoir de mettre ses monumens à l'abri des ravages du temps , ou des funestes ef- fets de l'ignorance , avoit formé le projet de les réunir dans un seul local. Encou- ragée dans ce dessein par M. Millin, elle (4o) a déjà fait transférer chez elle les douze^ inonumens récemment trouvés en faisant des fouilles à la Sainte-Chapelle j ces mo- numens nous ont offert des inscriptions gravées sur des sépultures de juifs , des dessus de mausolées ou des vestiges de vo- lutes , qui , peut-être , décoroient quelque temple élevé par le paganisme. M. Millin a retroiivé dans la,cab,inet des héritiers Ruffey , le fameux ti^^j^^^xifi dlr vioneiise, dont le lieu du dépôt étoit ignox'é. Sur la moitié de ce diptyquon on distingue la figure du Consul , tenant d'une main le sceptre d'ivoire , surmonté d'un aigle et terminé par un buste , qui représente l'em- pereur alors régnant : on remarque sur l'au- tre face un rouleau, qu'on nommoit mappa circensis , espèce de signal avec lequel on annonçoit le commencement des jeux du cirque. M. Baudot nous a transmis un ouvrage dans lequel il traite des principales mé- dailles trouvées dans le département de la Côte-d'Or. Il est sans doute peu de provinces plus fertiles en médailles que la Côte-d'Or j et la raison s'en conçoit facilement, par le ( 40 séjour fréquent des empereurs dans tin pays si favorisé du climat et du soi , par l'im- portance de plusieurs de ses villes , et l'ac- tivité de son commerce dans les intervalles de paix et de tranqïiillité. Le château de Brise , près Auxonne j Pouilly en Auxois j Saiserey, aux environs de Saulieu ; Combertault , dans le voisinage de Beaune 5 enfin, des vignes situées der- rière. jLarreyjftou s ces endroits ont recelé des médailles en argent , à l'exception de celles de Combertault qui étoient d'or , et de celles de Saiserey en petit bronze. Plusieurs de ces médailles offroient l'ef- figie de l'empereur Adrien , fils adoptif de Trajan ; d'autres , celle de Vlctorin , et quelques-unes celle des deuxTétricus, usur- pateurs sous l'empire de Gallien. Pendant le règne des rois que se don» nèrent les peuples réunis' sous le nom de Francs , il fut encore frappé d'autres mon-^ noies dont on a troiivé des vestiges dans les environs de Pagny ; en 17S4 , dans le fond du village de Bouillan ; en 1774 * dans un vieux mur du château de Barbirey-sur- Oiiçhe f en 1776 , ^ Saint-Seguierf et,, dans (42) des temps moins reculés , à Bligny-sur- Ouche. Un autre mémoire de M. Baudot nous transmet des détails plus circonstanciés sur les médailles du bas-empire, trouvées le 5 fructidor an 1 1 , à Combertault. On reconnoît, dans cette série de mé- dailles , l'effigie de huit personnages déco- rés de la pourpre impériale , depuis Théo- dose I , jusqu'au vertueux Avitus , qui fut obligé d'abdiquer l'an 45o. Les plus nombreuses présentent l'image de Placide - Valentinien ; quelques - unes , celle d' Avitus j enfin , toutes ces pièces , dont la plus grande partie est malheureu- sement fondue , étoient des sous d'or du poids de quatre-vingt-quatre grains : M. Baudot nous fait connoître leur vraie va- leur , en la comparant à celle de divers objets de consommation ; d'où il paroît résulter que , vers le milieu du v^. siècle, le taux de ces denrées équivaloit à peu près au huitième de leur valeur actuelle : c'est, dit l'auteur , une preuve de la rareté du numéraire à cette époque, de la foiblesse de la population et de la misère publique. (43) Ce mémoire est terminé par l'explication de tous les symboles empreints sur ces mé- dailles. M. Leschevin , persuadé que les objets trouvés dans le lit de la Saône peuvent être de quelqu'intérêt pour acquérir des no- tions précises sur des lieux qu'on présume avoir été le théâtre de grands événemens, nous donne une description exacte et dé- taillée de tous les objets qu'il a pu se pro- curer. Nous placerons , au nombre des plus intéressans , une médaille en or de l'em- pereur Claude , ( elle est remarquable par la belle tête d'une de ses femmes , frappée au revers , avec cette légende : Agi'ippinae- Augustae ) j une statue de Mercure , de trois polices de hauteur , vraisemblable* ment destinée pour un laraire , et sur-tout «ne statue en bronze de la Vénus anadyo-» mène , de neuf pouces neuf lignes de hau- teur , et d'une conservation parfaite. Elle est d'autant plus précieuse , que la Vénus anadyomène n'avoit pas encore été trouvée de cette dimension , et que ses représenta- tions, quoique très multipliées en statues. (44) pierres gravées, etc., sont rarement bien conservées. Elle a été gravée sur le dessin de M. Desvosges , par les soins de M. Millin , qui se propose d'en enrichir sa collection de monumens antiques inédits. Si les médailles inspirent qiielqu'intérêt par les souvenirs qu'elles nous laissent de la fondation d'anciens empires, de l'exis- tence de leurs rois , des événeraens mé- morables qui ont illustré le urs règnes j quelle vivacité n'ajoute pas à ce sentiment l'en- thousiasme et l'admii'ation qu'on éprouve à l'aspect de ces monumens antiques , de ces statues colossales qui ont traversé des terres et des mers ennemies , ont remonté nos fleuves , nos canaux , et sont arrivés jusque dans les murs de la capitale , pour élever d'éternels monumens de dépouilles opimes ; à l'aspect de ces statues colossales qui attestent à la fois la valeur des Fran- çois , le génie guerrier de leur chef, et la perfection des arts chez les Grecs et les Romains. L'enthousiasme semble inséparable de ces sortes de productions, et cette éléva- tion d'idées se retrouve jusque dans les (45) écrits qui nous dépeignent leur mérite et leur beauté : tel est l'ouvrage de notre col- lègue , M. Denon, sur les monumens an- tiques arrivés d'Italie. Winkelman a dit : qu'on n'avoit jamais regardé l'Apollon sans prendre soi-même une attitude plus fière. M. Denon s'exprime ainsi, en parlant de la Vénus : ' « Le jeune homme le plus timide accom- « pagneroit d'une expression de sensibilité V la première phrase qu'il adresseroit à la « Vénus. Dans sa pose, tout est pudeur, ce tout est amour j ce n'est pas plus qu'une « femme , mais c'est celle dont on n'a ren- te contré qu'éparses toutes les perfections, « c'est celle enfin dont le génie seul a pu ce rêver l'ensemble. >» Favorisés par la beauté du climat , la fertilité du terroir, les Romains n'eurent point à lutter contre des obstacles qui seuls peuvent déterminer les progrès de l'agri- culture , et la porter à son degré de per- fection. En France , il est des terrains ingrats et stériles , qui réclament toutes les ressour- (46) ces de l'art pour les rendre cultivables et fructueux. Si nous en croyons des mémoires que nous a fait parvenir la Société du dépar- tement de la Haute-Marne , peu d'hommes" de nos jours ont servi l'art agricole avec autant de succès que M. Douette-Ricliar- dot ; ses soins ont rendu à l'agriculture des marais impraticables , dont le jonc et le roseau se disputoient naguères la pro- priété. Des montagnes arides , où l'on distin- guoit à peine quelques traces de végéta- tion , sont aujourd'hui changées en ver- gers, ou couvertes de bois. Prendre le nivellement des eaux , les dis- tribuer avec art , faciliter leur écoulement lorsqu'elles sont trop abondantes , les mé* nager lorsqu'on prévoit leur utilité} telle est la partie agricole qui fait le plus d'hon- neur à M. Douette. Ainsi , par ses industrieux travaux , la nature a changé de face dans quelques can- tons du département de la Haute-Marne , et des lieux, jadis déserts , offrent aujour- d'hui le spectacle du bonheur et de la fer- tilité. {Al) Qu'un homme , tel que M. Richardot , seroit précieux dans notre département ; cependant ses talens eussent été perdus pour la Haute-Marne, si les premières au- torités n'avoient su l'apprécier et le tirer de l'obscurité dans laquelle il vivoit. Les autorités supérieures ne recueillent donc pas moins de gloire que les savans , lors- que des découvertes utiles , lorsque des améliorations agricoles sont le résultat de l'émulation qu'elles ont excitée , des té- moignages d'encouragement qu'elles ont prodigués. C'est donc aux autorités supérieures qu'il appartient , plus spécialement , de distin- guer , de rechercher les hommes utiles j ainsi l'Académie doit se féliciter du choix qu'a fait l'Empereur dans la personne de M. François de Neufchâteau , pour occu- per la sénatorerie de la Côte-d'Or. Est-il un magistrat qui, par ses exemples et ses talens , ait rendu plus de services aux sciences et à l'agriculture ? Sans cesse occupé des moyens qui peuvent la faire prospérer, M. de Neufchâteau, dans l'es- poir de faciliter les concurrens au prix pro- (48) J)0sé par la Société d'encouragement de l'industrie nationale, a publié , sur la cul* ture en grand des carottes et des panais , un ouvrage qu'il a fait parvenir à l'Aca- démie. Ne croyant pas assez étendu le pro- gramme de la Société, il a jugé nécessaire de présenter aux fermiers des notions cora- plettes , des exemples nombreux , enfin des renseignemens tels qu'ils fussent instruits de tout ce qu'on a publié sur ces sortes de végétaux depuis 1750. M. de Neufcliâteau paroît pénétré de l'opinion d' Arthur- Young , et pense , com- me lui , qu'il n'est pas d'objet d'agricul- ture qui mérite plus d'attention que ce- lui-là. On retire double avantage de la culture des carottes j elles sont pour les bestiaux , notamment pour les chevaux une excel- lente nourriture , et deviennent un moyen de fertilité pour les terres qui resteroient en jachère sans cette sorte de culture. Quelle comparaison à faire pour les produits de chaque année , pour l'accroissement du fonds , entre deux domaines , dont l'un (49) s'ëpuise pour nourrir les animaux qui le labourent , tandis que l'autre se bonifie d'une manière progressive , en fournissant une nourriture abondante et saine aux ani- maux qui le travaillent ? Sans doute il est étonnant que ces deux plantes n'épuisent point le sol ; seroit-ce parce qu'on les ré- colte simplement en racines , sans attendre leur fructification ? C'est la raison que donne M. de Neufchâteau; et cette raison ne paroît pas invraisemblable , lorsqu'on réfléchit que les blés et tous les végé- taux dont l'homme veut avoir ou le grain , ou le fruit , sont ceux qui pompent la substance de tous les élémens, et qui, par leur production complète et développée , appauvrissent la terre. En publiant cet écrit , cet estimable sa- vant s'est spécialement occupé des fermiers de la sénatorerie de Dijon j il leur a dédié son ouvrage ; et si l'un d'entre eux mé- rite la couronne que doit décerner la So- ciété d'encouragement , il s'engage à lui faire une remise de 3oo fr. sur le pris de son bail. Colbert, dont le nom rappelle de si grands 4 ( 5o ) souvenirs , ce créateur de l'industrie Fran- çoise , fut le premier qui sentit l'avantage d'introduire en France les races espagnoles de Mérinos j il voulut délivrer son pays d'un tribut qui , chaque année , nous en- lève une partie de notre numéraire ; mais , soit ignorance , soit insouciance de la part des cultivateurs , ces races privilégiées ne tardèrent pas à dégénérer, et, dans peu d'années, la Gironde et le Roussillon of- frirent à peine quelques traces de cette amé- lioration. Daubenton, le premier, revint sur ces essais j par ses soins , les collines de Mont- bard furent bientôt couvertes de troupeaux espagnols j il observa leurs habitudes, étu- dia leurs maladies , fit travailler leurs toi- sons , dont les résultats le disputèrent aux .plus beaux louviers j publia ses observa- tions , ses succès , et enfin , détermina le Gouvernement à former un établissement en grand , pour ensuite propager dans les provinces les races espagnoles de Mérinos. C'est ainsi que des propriétaires aisés , des cultivateurs intelligens , ont amélioré leurs troupeaux, et convaincues de ces avantages. (5i ) les Académies , faites pour encourager les arts utiles , décernent des prix à ceux qui s'occupent avec le plus de succès de cette nouvelle branche de commerce. M. Journu- Aubert, membre du Sénat- Conservateur , vient d'être couronné par l'Académie de Bordeaux , pour avoir , dans le département de la Gironde , le plus con- tribué à l'amélioration des bêtes à laines , par ses soins , son industrie et l'introduc- tion des béliers Mérinos dans ses propriétés. La Société de Bordeaux nous a fait par- venir la brochure de M. Journu-Aubert j et les vérités qu'elle renferme sont trop pré- cieuses et trop encourageantes , pour n'en pas faire mention dans les annales de nos travaux. Qu'on ne croie pas que la race des Mé- rinos dégénère en France j M. Journu-Au- bert pense , avec les directeurs des établis- semens nationaux de Rambouillet et d'Al- fort , qu'elle s'amélioi-e par des soins assi- dus , une bonne nourriture , un régime bien ordonné et constamment suivi j ce serolt une erreur de croire que les Mé- rinos sont de complexion plus délicate que (52) les races communes de France ; aujourd'hui l'expérience aprouvé qu'ils vivent plus long- temps , qu'ils sont plus robustes , et qu'ils résistent mieux aux variations de l'atmos- phère, ainsi qu'aux intempéries des saisons. Enfin , s'il est une circonstance qui puisse augmenter le prix de ces établissemens, c'est la facilité de les faire prospérer sur des sols abandonnés pour cause de sté- rilité j tel est l'établissement de M. Mar- mont dans le département de la Gironde , son terrain n'étoit qu'une plaine de sable, en partie ferrugineuse , où nulle végétation spontanée ne distrayoit l'œil du voyageur j cependant , par une méthode de culture bien entendue , par des alternats de gra- minées , de légumineuses et de racines élé- mentaires ; moyennant le parcage en plein air et les enerais souvent retirés de ses étables , il obtient , de cette lande aride , des récoltes admirables , et chaque année il retire de son établissement de Mérinos quarante mille francs, soit en laine , soit en élèves. L'Académie, dont les regards sont sans ceçse tournés vers la prospérité de l'art agri- (53) cole, désire que de tels avantages soient sentis de la plupart des cultivateurs et les tire de leur état d'insouciance. Déjà dans notre département l'on compte plusieurs établissemens de Mérinos , et l'on-i peut connoître, par la leçon de l'expérience ^ -^ ce qu'on doit attendre de ces établissemens. Les vignes sont une des principales ri- chesses du département de la Côte-d'Or , et tout écrit qui tend à leur conservation, * mérite l'accueil et l'hommage du public ; telle est une brochure in-S". , dont le but est de prouver qu'on préserve les vignes des gelées tardives du printemps , en recourante à l'usage de la fumée ; cet ouvrage appar-e tient à l'un des membres de cette Acadé-rf mie , et le voile de l'anonyme dont il s'est- couvert , nous permet de lui décerner un tribut de reconnoissance , sans blesser sa modestie. Dans la carrière de l'agriculture , comme dans les sciences de fait , la théorie donne des connoissances , suggère des idées 5 mais elles ne peuvent devenir fructueuses que^ par une sage application , et c'est toujours au milieu des productions de la nature - (54 y cjli'on s'instruit clans l'art le plus diffi- cile , celui de faire une application juste des connoissances acquises, et celui de les perfectionner par l'étude de l'expérience et de ■ l'observation ; c'est donc aux per- sonnes instruites , cultivant par elles-mê- mes , et non à ces spéculateurs de cabinet , toujours loin de la vérité , parce qu'ils sont loin de la nature , qu'il appartient plus spé- ciaJerâent d'éclairer les Sociétés savantes sur l'état de l'agriculture ; c'est par suite de cette vérité, que l'Académie a formé dans son sein un comité de propriétaires-cultiva- teurs chargé de lui faire connoître l'état actuel de l'art agricole dans ce départe- ment, les préjugés à détrviirei, les décou- \*rtes à propager efc les nouvelles e:çpé- rieoi ces à tenter. ■:' ir-. - riovuoo f Une école d'expériences rurales , une pépinière placée dans le chef-lieu du dé- partement, dont: le but seroit:,!©' perfec- ti-onnement -de :x3iverses espèces d'arbres'^ iriiitiers et la propagation d'arbres étran-- gers j eniin, les moyens de réorganiser les^. anciens établissemens de haras , sont les\ principaux objets dont s'occupe le comité ; {55) sans doute îl est des magistrats auxquels il suiïit de présenter des vues d'utilité pu- blique , pour obtenir leur suffrage et leur assentiment ; puisse ce motif encoura- ger le comité , et nous mettre à même de publier dans peu le résultat de ses tra- vaux. Si l'Académie s'occupe avec zèle des con- noissances agricoles , l'intérêt majeur de ces objets ne lui a pas fait oublier l'utilité des arts économiques. M. de Beauséjour, ingénieur militaire, nous a fait parvenir un mémoire sur une espèce d'orme propre au département de la Charente inférieure ; l'éloge qu'il nous fait de ses qualités , et l'exposé de ses usages , doivent nous intéresser en faveur de cet arbre ; mais le terme de quarante ans jugé nécessaii'e pour son parfait accroissement, sera toujours un obstacle à sa culture j l'homme jouit rarement par l'espoir de l'a-^ venir , c'est dans le présent qu'il cherche ses jouissances , et le Gouvernement seul peut multiplier cet arbre pour nos besoins futurs, en lui donnant la préférence sur d'autres espèces , lors des plantations qu'il. (56) se dispose à faire dans notre département pour border les grandes routes. Les réflexions qu'a fait naître ce mé- moire , ont appelé la sollicitude de l'Aca- démie sur les bois les plus essentiels aux arts, et de ce nombre est une autre espèce d'orme , vulgairement connue sous le nom d'orme tortillard j ses libres tortueuses se tiennent les unes aux autres, et présentent, en tous sens , une résistance égale j de sorte que les ouvrages fabriqués avec ce bois, peuvent être impunément forcés sans qu'on craigne de les fendre ou de les rompre. Le prix particulier qu'on attache aux pierres gravées, a souvent fait désirer la découverte d'une matière susceptible d'un travail facile , et dont l'éclat pût répondre à la solidité. Sans doute les pâtes de verre , et celles qu'on appelle de Wudgwood , sont très précieuses ; mais on ne retrouve pas, dans leur empreinte , la netteté de l'original , et il se perd quelque chose du génie de l'artiste. Une substance sur laquelle on pourroit graver des camées , seroit préférable à toutes ces empreintes ; c'est donc avec in- térêt qu'on doit apprendre que des expé- riences ont été nouvellement faites avec la ' 8téatite , et qu'elles ont obtenu un succès complet ; ces expériences ont été recueil- lies et décrites par M. Charles d'Alberg, électeur archi- chancelier de l'empire , qui consacre à l'étude des sciences et des arts le peu d'instans qu'il dérobe aux affaires. Son mémoire a été lu à l'Académie des Sciences utiles d'Erfurt , et la traduction de ce mémoire , écrit en allemand , après avoir été présentée à l'Académie , a été pu- bliée dans le journal des mines par M. Leschevin , membre résidant. Le grand avantage de la stéatite consiste dans son peu de dureté qui lui donne l'a- vantage de se tailler , de se tourner facile- ment , tandis que , soumise à l'action du feu , cette même substance devient dure , au point de produire des étincelles avec le briquet, et d'user les meilleurs limes. La stéatite passée au feu, peut être coloi'ée par l'intermède des huiles , de l'alkool , des aci- des et des alkalis. Chaque jour nous voyons les arts hydrau- ( 58 ) liques faire de nouveaux progrès ', on peut en juger par les travaux récemment faits, dans l'art de la navigation , par les écluses nouvellement construites ; ici tout atteste l'empire de l'homme sur l'élément le plus difficile à maîtriser ; par-tout il s'est rendu maître des obstacles , par-tout son génie a su triompher de l'impéttiosité des eaux , de la difficulté d'arrêter leur cours et de leur résistance contre une ascension plus éle- vée que le point de leur départ. M. Antoine, ex-ingénieur , membre rési- dant de cette Académie , vient de publier une brochure sur la nécessité et les moyens de propager promptement les travaux hy- drauliques dans l'Empire françois ; l'im- pression de cette brochure dans les n°*. 404 et 4^5 du journal des monumens et arts , nous dispense d'en faire l'analyse. Mais l'Académie saisit cette occasion avec joie , pour donner à M. Antoine un témoignage de son estime et de son atta- chement } les glaces de l'âge n'ont pas éteint chez lui l'amour de l'étude j et il est beau de voir un vieillard consacrer, jusqu'à ses derniers instans , à l'utilité de (59) son pays, au désir de perfectionner son art. M. Régnier est peut-être un de ceux qui ont le mieux servi les arts méclianiques , par le génie de ses diverses inventions ; la dernière qu'il a fait parvenir à l'Académie , est un instrviment dont l'usage est d'indi- quer la différence qui existe entre la tem- pérature de l'atmosphère, et celle de la terre à différentes profondeurs j il est aisé de sentir tout le prix de cet instrument , ( que M. Régnier nomme thermomètre à piquet , ) soit pour régler la chaleur des couches , et connoître le degré de chaleur le pins con- venable aux différens légumes qui exi- gent des soins particuliers , soit pour s'as- surer du rapport de température entre les tçrres froides et celles qn'on regarde cora- liiunément comme.les plus productives. • Les travaux de l'Académie, dans la par-» tie des belles-lettres, se bornent aux objets suivans : M. Maret nous a lu , dans une de nos séances particulières , une traduction en vers d'un morceau de Catulle , sur l'aban-t don d'Ariane dans l'isle de Naxos. (6o) Nous avons reçu de M. Petltot, associé non résidant , l'éloge manuscrit de La- harpe. Cet éloge, d'une logique profonde et d'un • style pur , sera lu avec plaisir des hommes de goût , et mérite les suffrages des litté- rateurs distingués. M. Toussaint Lardillon a fait hommage à l'Académie , d'un ouvrage tendant à rec- tifier quelques-unes des remarques présen- tées par M. de Wailly ; cet ouvrage est actuellement imprimé , et chacun peut ap- précier des observations que l'Académie a ' jugées conformes aux principes de la lan- gue françoise. On ne sauroittrop chercher les moyens d'amener à sa plus grande pu- reté cette langue devenue presque univer- selle , et si préconisée par les étrangers , entr'autres par M. ^>*Taî, dont l'immortel ouvrage éternisera l'empire de la langue françoise sur toutes celles de l'Europe. L'Académie a reçu d'autres ouvrages dont elle a cru ne devoir pas faire men- tion; elle espère que leurs auteurs ne se formaliseront pas de ce silence , et qu'ils n'abandonneront point une carrière qu'on ( 6i ) ne parcourt pas toujours avec le même succès» Qui doute qu'il ne soit avantageux pour les sciences , que les Académies correspon- dent entre elles et s'éclairent mutuellement, par leurs écrits , leurs découvertes et leurs observations ? La Société d'émulation de Nancy est une de celles qui ont publié le plus d'ouvrages intéressans , dans les sciences et les lettres; la première , en France , elle a répandu des lauriers sur la tombe du Théocrite de la Suisse. Tandis que Viéland chantoit les grâces pour les remercier des charmes qu'elles ré- pandoient sur ses écrits, Gessner célébroit, dans ses vers , les bords rians de la Lima , les vallées et les sites agrestes qui entourent la ville de Zurich ; iVj!>© crut dignes de ses pinceaux que les scènes douces de la na- ture ; son esprit fécond dédaigna ces gran- des scènes, qui étonnent et confondent l'i- magination ; promenant ses pas dans la vallée des bergers, il n'atteignit point ces pics majestueux où les idées s'agrandissent avec l'horizon ; un yerd gazon , une ca- (62) bane champêtre, le bonheur domestique, la piété filiale , la tendresse paternelle , le sentiment d'amour dans toute sa pureté , occupèrent seuls ses pinceaux ; et si quel- quefois il s'écarte de ce style simple et gra- cieux , quelles que soient alors la force et la vivacité de ses descriptions , on leur pré- fère encore les amours de Dapliné et la, piété filiale de Mirtil et Chloé. La correspondance avec les associés non résidans présente quelques discussions d'his- toire naturelle et de médecine ; chacpie jour cptte correspondance devient plus étendue et plus utile par les hommes de mérite, ^ que l'Académie s'empresse d'associer à ses travaux. Elle a reçu, dans le cours de l'an 12, associés non résidans , Messieurs Maret ^ secrétaire d'État , membre de l'Institut 5 Vivant Denon , membre de l'histitut natio- nal , de la Légion d'honneur , directeur- général du Musée-Napoléon, de la mon- noie des médailles , etc. 5 Milucn, membre - de l'Institut national , professeur d'antiqui- tés à Paris ; Lavallée , chef de la 5®. divi- sion de la;grande Chancellerie de la Légion (63) d'honneur , membre de l'Acadëmie royale des sciences de Gottingue , de celles de Rome , Nancy, etc. j Daru , tribun , com- mandant de la Légion d'honneur j Van- MONs , chymiste à Bruxelles j Riouffe , préfet de la Côte-d'Or ; Petitot, littérateur, résidant à Paris j Maret , préfet du Loiret3 et Le Barbier aîné. Ses nouveaux membres correspondans sont Messieurs Regkier , conservateur du Dépôt central de l'artillerie à Paris j Tous- saint Lardillon , aiiteur de quelques ré- flexions sur les principes de la grammaire françoise. Nous terminerons ici le compte rendu de l'Académie pour les travaux de l'an 12; Sans doute elle regrette de ne pouvoir of- frir quelques-unes de ces grandes vérités qui font marcher la science à pas de géant j mais au moins elle peut se flatter d'avoir employé tous ses efforts pour propager le goût des connoissances 5 il ne lui manquoit donc , pour avoir mérité l'indulgence des savans , que la satisfaction d'avoir déve- loppé l'énergie de la science par un sujet de prix, dont la solution pût conduire à la ( 64 ) connolssance du sort des générations fu- tures , et à l'établissement certain des bases de l'hygiène publique et privée j telle est le but de la question que l'Académie a pro- posée pour sujet du prix de l'an la , et dont la rédaction est ainsi conçue : Le prix consistera en une médaille d'or de la valeur de 3oo fr. Les ouvrages doi- vent être remis au secrétaire avant le i**^. frimaire an 14. 1 La mémoire du célèbre Daubenton , no (70 trè collègue et notre compatriote, étoît trop chère à l'Académie , pour ne pas solliciter à sa louange un tribut de respect et d'ad- miration ; dans la même séance , il sera donné une médaille d'or à celui qui aura le mieux célébré ses travaux et ses talens , sa gloire et son génie. Des questions d'un intérêt général , des sujets de prix dont la solution peut influer sur la prospérité de ce Département , des ti-avaux dans les scionces physiques et ma- thématiques , dans les sciences morales et politiques , dans les arts et les lettres , des correspondances suivies avec les Sociétés savantes , des découvertes récentes , enri- chies de quelques faits nouveaux ; tous ces objets , ont formé , pendant le cours de l'an 12 , le sujet de nos veilles et de nos méditations j sans doute nous croirions quel- .que prix à nos travaux, si les savans dai- gnoient en accepter l'hommage j et s'il est pour nous une récompense, c'est l'espérance de pouvoir contribuer à l'accroissement des connoissances humaines j c'est l'espérance , non moins flatteuse , de pouvoir obtenir les suffrages de nos concitoyens et de mériter leur estime. NOTICES HISTORIQUES Suj' MM, PuàZUMOTy GAUTHERQTf MoNNiER et ViONNOJS y rédigées par le Secrétaire y et lues à la séance publique du i^'^ , germinal an i3,;}^ûf ) • XL est du devoir des Académies de jeter quelques fleurs sur la tombe de ceux qui les ont honorées de leurs veilles et de leurs travaux j convaincue de cette vérité , et pé- nétrée du sentiment de la reconnoissance , l'Académie parlera , avec éloge , des ou- vrages de MM. Pazumot, Gautlierot , Mon- nier et Vionnois , de leurs droits à l'estime publique , et des services essentiels qu'ils ont rendus à leur pays , aux sciences ou aux arts , pendant le cours de leur exis- tence. rr»?7': (74) François Pazumot , natif de Beaune , £t ses premières études dans la ville d'Au- xerre j il y professa la science de la phy- sique avec zèle et distinction. Témoins de ses succès et de son goût pour l'étude , MM. Lebeuf et Lacurne-Sainte-Palaye l'ho- norèrent de leur amitié ; ils l'admirent à leurs entretiens , excitèrent son émulation, et lui inspirèrent du goût pour l'étude des monumens antiques. Bientôt tous ses momens furent consa- crés à cette partie de l'histoire , si intéres- sante par les grands souvenirs qui l'accom- pagnent , et par l'idée qu'elle nous laisse du génie des anciens , de leurs mœurs et de leurs usages. Le Mercure de France et le Journal de Verdun publièrent ses premiers écrits ; on y remarque entr'autres une dissertation sur le retranchement gaulois , situé près d'Avalon , et connu sous le nom du camp des Alleux. M. de Caylus avoit regardé ce camp comme vm ouvrage des Romains ; cette opi- nion fut rectifiée par M. Pazumot ; M. de Caylus reconnut son erreur, et lui-même ( 75 ) il s'empressa de dissuader le public, en faisant imprimer l'opinion de M. Pazumot dans le sixième volume de ses antiquités. Entraînés par les suggestions de l'amour propre , d'autres sa vans eussent employé l'arme du sophisme pour soutenir leur opi- nion, et c'est ainsi que se sont élevées des discussions orageuses, des débats intermi-' nables, qui souvent nous laissent dans l'in*' certitude , et nous empêchent de discerner les vrais progrès des sciences. Qu'il letir est donc avantageux d'être cukivées par des hommes qui sont étrangers au sentiment de l'amour propre , et qui ne voient dans leur étude qu'un moyen de perfectionner . les connoissances humaines, de soulager l'humanité et de servir leur pays. En 1765 M. Pazumot consigna, dansurt volume in - 1 2 , quelques réflexions sur la direction de plusieurs voies romaines , et sur l'emplacement ou la topographie dei anciennes villes de Chora , de Bandriturn et de Gergovia. Cet écrit est un de ceujt qui font le plus d'honneur à M. Pazumot. - Les porte-feuilles de l'Académie de Di- jon , ses mémoires et ses semestres , sont ( 70 enrichis de ses ouvrages et de ses disser- tations. Le second volume des mémoires de l'A- cadémie nous donne sa description du camp romain de Flogny-sur-l'Arraençon , à trois lieues de Tonnère. Ce camp fut tracé par les Romains , lors de la conquête des Gaules j il étoit un de ceux qu'on appeloit Statlva, et ne pouvoit contenir qu'une légion. On remarque dans les nouveaux semes- tres de l'Académie ses observations surl'his- toire naturelle , faites dans la traversée de l'ancienne province de Bourgogne depuis Auxerre jusqu'à Chalon. M. Pazumot termine ces observations en nous faisant connoître la cause qui rend les montagnes de Suisse visibles aux approches de la pluie. On lira sans doute avec intérêt la des- cription de ce phénomène, qui, si souvent, se retrace à nos yeux , et dont l'explication ne paroît pas moins ingénieuse que satis- faisante. Les vents du sud-ouest et du sud-sud- ouest sont ordinairement les précurseurs de la pluie ; ces vents refroidissent les couches supérieures de l'atmosphère, et conséquem- ment détruisent l'équilibre dans l'air j dès- lors les couches inférieures deviennent plus chaudes , les vapeurs aqueuses plus raré- fiées, elles arrivent enfin à un état de par- faite dissolution j de sorte qu'il n'existe plus d'objets intermédiaires entre ces mon- tagnes et les rayons visuels. Plusieurs auteurs s'étoient occupés des grottes d'Arcy-sur-Cure , distantes d'Au- xerre de six lieues et demie 5 mais leurs des-» criptions étoient différentes ; il s'agissoit de connoître la vérité , et de savoir ce qu'elles contenoient d'inexact et d'exagéré j cette tâche sembloit réservée à la sagacité de M. Pazumot ; il pénétra dans ces souterrains , dessina leur coupe , leva leur plan, joignit à ses dessins des descriptions exactes , des explications ingénieuses , fit disparoître le prestige de ces lieux , jadis si merveilleux, et l'homme éclairé ne vit plus dans ces grottes que des excavations produites par des af^ faissemens de couches intérieures. On trouve encore dans les archives de l'Académie vux long et savant mémoire de (78) _ cet antiquaire , sur trente-six portions de chemins antiques qui traversent l'ancienne Bourgogne en diff'érens endroits , et con- duisent à ses principales villes. Une vaste érudition , une critique judi- cieuse , une grande exactitude dans les cal- culs géographiques, caractérisent cet écrit. Enfin , si M. Pazuniot avoit besoin d'au- tres titres pour mériter l'estime du public et la reconnoissance de son pays, nous -pourrions encore citer la bibliothèque his- • torique , dont il fut un des plus zélés col- laborateurs. M. Pazumot vivoit loin de nous, et nous regrettons de n'avoir pu apprécier ses qua- lités sociales comme ses travaux et ses talens. ! Ses liaisons intijnes avec MM. Michaurt , Maret , Guy ton , Boullemier et Legouz- Gerland, sont une preuve qu'il savoit choi- sir ses amis ,' et qu'il rccherchoit en eux au- tant ce caractère de bienfaisance qui en- noblit l'anie , que le goût des sciences qui l'élève et l'embellit. Appelé à Beaune pour des affaires per- sonnelles, M. Pazumot fut attaqué d'une (79) ^ iîèvre maligne , à laquelle il succomba. Ses talens , comme oéographe , sa vaste érudition, comme antiquaire, ses connois- sances , comme naturaliste , recommandent sa mémoire à la postérité , et nous invitent à donner à sa tombe des témoignages d'es* time et de regrets. Nicolas Gautherot , membre de l'A- thénée des arts , de la Société académique des sciences , de celle des inventions et découvertes, et de l'Académie des sciences, lettres et arts de Dijon , nacquit à Is-sur- Tille en 1753. Dans le cours de ses premières années , M- Gautherot s'occupa spécialement de l'é- tude des sciences physiques et mathéma»» tiques ; fixé dans la capitale , il suivit avec zèle les cours qui traitent de ces objets , et gagna , par son application à l'étude , par son désir de s'instruire , l'amitié de l'abbé Marie , successeur du célèbre abbé La- caille, et celle de M. Sage, professeur de minéralogie j d'autres liaisons avec des sa- vans non moins distingués , attestèrent son goût pour les sciences et ses heureuses dis- positions. ( 8o ) Si les expériences utiles à l'huinanlté ne peuvent être exposées à l'oubli , on se rap- pellera sans doute avec intérêt l'expérience du corset de liège ou scaphandre. Soutenus vei-ticaleraent par ces corsets, MM. de la Chapelle, Gautherot et deux autres personnes , parcoururent plusieurs fois, sur la Seine , la distance du pont-neuf au pont- royal. L'esprit d'indépendance est ordinaire- ment le partage de ceux qui cultivent les sciences. Seroit-ce parce que leur étude ennoblit l'ame et lui fait rejeter , avec mépris, tout ce qui peut l'humilier ou l'asservir? Seroit-ce parce que le savant trouve son' bonheur dans la gloire de l'é- tude , et qu'il ne faut , pour satisfaire cette passion , ni l'amour des richesses , source de tant de maux , ni cet appareil de luxe qui n'en impose qu'à la sottise et à l'igno- rance ? Quelqu'en soit la cause , M. Gau- therot demeura constamment fidelle à ces maximes , et refusa les places qui lui fu- rent offertes ; mais ami zélé des sciences et des arts, notre collègue ne négligea jamais aucune occasion de s'instruire , et partit (8i) pour la Suisse avec un Angloîs , qui le rechercha pour la variété de ses connois- sances et l'agrément de son caractère. A son retour de Suisse , le public com- mença de jouir du fruit de ses veilles et de ses travaux. En l'an 6 , M. Gautherot fit hommage à l'institut de deux mémoires sur l'électricité.. L'année suivante , il lui dédia une disser- tation sur l'acoustique ; le rapport en fut fait par M. Lagrange, qui reconnut dans cet ouvrage des idées neuves et savantes. M. Rouhié son beau-frère nous a fait parvenir , l'an dernier , deux de ses écrits sur le fluide galvanique , dont nous avons donné une idée dans le compte rendu. Après la mort de ses proches, M. Gau- therot parut ne plus tenir à la vie que par son amour pour les arts et les sciences j elles étoient l'objet de toutes ses pensées , l'oc- cupation de tous ses instans : jamais on ne porta plus loin que lui l'enthousiasme des sciences et l'entier oubli de soi-même; il ne craignit pas de faire, sur sa personne, diverses expériences, et dans l'espace de 6 (82} rîngt-quatre heures , il respira une quan- tité considérable de gaz oxigène. Non moins distrait que ce fameux théo- logien suisse, dont nous parle Zimmermann, et qui, appliqué à l'étude, ne s'apperçut pas du tonnère qui tomboit dans sa cham- bre j Gautherot, l'esprit occupé d'une nou- velle expérience, se heurta contre une char- rette , et reçut un coup dont les suites fu- rent mortelles. Telle fut la fin de cet estimable savant, qui emporte dans la tombe nos regrets et notre affection. Ceux qui aiment à trouver, dans l'ami des sciences, un homme paisible et mo- deste , un savant qui les cultive , plutôt pour accélérer leurs progrès et servir son pays , que pour courir la carrière de la gloire ou satisfaire son ambition , honore- ront Sans doute sa mémoire de sentimens d'estime et de respect. ' L'attachement de M. Gautherot à notra Société , sa naissance dans notre départe- ment, réclamoient de nous un témoignage solennel d'estime et de reconnoissanee } ce témoignage , nos cœurs nous l'ont dicté. ( 83 ) et nous n'avons fait qu'exprimer ses sen- timens et ses regrets. MoNNiER , membre de l'Académie des sciences, arts et belles -lettres de Dijon, nacquit à Besançon le ii octobre ijo3, et mourut à Dijon le 8 ventôse an 12. Son penchant pour les arts se manifesta dès l'âge le plus tendre. Semblable au fa- meux Mantegna , qui , au lieu de veiller à la garde de son troupeau , s'amusoit à le dessiner, semblable à cet habile peintre, Monnier fut , comme lui, l'élève de la na- ture : ses heureuses dispositions décidèrent seules du choix de son état, et Monnier se livra sans réserve à cette profession qui transmet , jusqu'à la postérité la plus recu- lée , les connoissances que nous avons ac- quises ; tel est l'art de la gravure, le temps même respectant ses ouvrages , semble l'a- voir pris pour conhdent de ses secrets j et lorsqu'il n'existe autour de nous, aucun monument des empires les plus florissans , aucun indice des règnes les plus brillans , les entrailles de la terre recèlent encore des médailles qui nous indiquent la chute (84) - de ces empires , et nous annoncent l'exis- tence de leurs rois. Si l'on veut se convaincre des talens de Monnier , il faut examiner la carte de la . flore de Bourgogne , les planches géogra- phiques de Fourcher , les antiquités de Le- gouz-Gerland , les gravures des œuvres de Salluste. Dans la carte botanique , la vue se re- pose avec plaisir sur le frontispice repré- sentant Zéphire qui caresse Flore. Combien de force, de vérité et d'expres- sion n'a-t-il pas mis dans les planches qui décorent les œuvres de Salluste ! Ses derniers travaux sur tout sont autant de chef-d'œuvres ; nous citerons entr'au- tres les sceaux des préfectures de la Seine et de la Côte-d'Or , et nous parlerons avec reconnoissance du cachet destiné pour l'A- cadémie de Dijon. Tels sont ses titres à la gloire : ses droits à l'estime publique, nous les puiserons dans sa vie privée , et dans l'examen de ses ver- tus sociales. Bien différent de ceux qui ne voient dans leurs talens que des moyens d'acquérir des ( 85 ) richesses et du crédit , Monnîer ne s'occupa de son art que poiir satisfaire son goiit et servir son pays. O noble désintéressement ! combien tu relèves les talens de l'artiste distingué j tu ne laisses voir en lui que le plaisir d'être utile , et ses services deviennent autant de bienfaits ! Chérir ses enfans , servir ses amis , se- courir les malheureux , furent en tout temps les plus douces affections de Mon- nier , comme ses premières jouissances. On peut donc dire de cet artiste, qu'il fut l'ami de son pays et l'honneur de son art. L'hommage qu'en ce jour nous rendons à sa cendre , le tribut de louanges et d'es- time que nous payons à sa mémoire , sont donc bien justement mérités. L'Académie se félicite d'avoir rempli un devoir si honorable ; elle espère que tous les artistes applaudiront aux talens distin- gués de Louis-Gabriel Monnier , et qu'un concert unanime de louanges et de regrets, transmettra à nos arrières-neveux, la sim- plicité de ses mœurs et la supériorité de son burin. (86) Philippe Vionnois naquit à Dijon en 1764. Cet artiste eût été perdu pour la par- tie des ponts et chaussées , si un goût bien prononcé pour les arts ne lui eût révélé l'é- tendue de ses moyens , et ne lui eût donné le courage de surmonter les obstacles que ses parens apportèrent à son désir de s'insr truire. Ce fût contre leur gré et presqu'en se- cret, qu'il apprit l'art du dessin. Témoin de son zèle et de son aptitude, M. Jolivet conçut de l'intérêt pour ce jeune artiste , il lui enseigna l'architecture et le fit nommer dessinateur desÉtats ; cette place le fit connoître de M. Gauthey, alors ingé- nieur en chef des États de Bourgogne. Il s'apperçut bientôt qu'il pouvoit tirer un parti plus avantageux de ses heureuses dis- positions , et dans cet espoir , il l'appela au canal du Charolois ; ce témoignage de confiance encouragea M. Vionnois ; il £t de nouveaux efforts pour méxiter l'estime de ses chefs , et dans la construction de l'é- cluse de Digoin , qui donne dans la Loire, cet artiste développa des talens qui justi- fièrent leurs espérances , et confirmèrent son mérite. (87) M. Fourcher, dont les arts ont long-temps pleuré la perte , étoit à la tête de ce canal. En 1778, après son décès, M. Vionnois fut nommé à cette place , qu'il conserva jusqu'en 1792- Ce fut à cette époque qu'on lui donna les fonctions d'ingénieur du ca- nal de Dijon à Saint- Jean-de-Lône. Mais des événemens politiques rendirent ses ta- lens inutiles et laissèrent à M. Vionnois des momens de loisir , qui furent consacrés à l'étude de son art. L'influence des canaux sur la prospérité des états, ne pou voit échapper à celui qui Venoit de conquérir l'Egypte , ce pays au- trefois si renommé par la culture des scien- ces , l'étendue de son commerce et la beauté de ses canaux. Il fut donc décidé qu'on reprendroifles ti'avaux de Picardie j M. Vionnois fut char- gé du soin d'examiner quel étoit le meil- leur projet de celui de M. Vick ou de M. Laurent. Après do grands travaux , après nombre de plans levés et dessinés, l'opinion de M. Vionnois fut d'adopter le projet de M. •VicH j le Gouvernement accueillit cette idée /^t de suite des ordres furent donnés pour commencer le canal de St. -Quentin. C'est ici le moment de publier que 8on zèle infatigable suffisoit à tout , et tandis que M. Vionnois dirigeoit les travaux de St. - Quentin , il s'occupoit de lever les plans du canal de Bruxelles à Charleroy , qui doit joindre la Somme à l'Escaut. Tant de zèle ne put être arrêté que pair une maladie grave , d'une longue conva- lescence j mais toujours étranger à lui-mê- me , lorsqu'il s'agissoit des devoirs de son état , instruit que le Premier Consul étoit à Bruxelles, M. Vionnois part pour cette ville , et se hâte de lui présenter ses projets et ses plans sur le canal de Charleroy ; au retour de son voyage, trop foible encore l^our supporter de telles fatigues, M. Vion- nois fit une rechute, et périt au commen- cement de l'an ii. Nous pleurons en lui un collègue esti- mable , dont le souvenir nous sera toujours cher ; la douceur de son caractère, l'amé- aiité de ses mœurs , son extrême probité , l'absence de toute prétention , le firent re- chercher de ceux qui aiment le talent ( 89 ) modeste , et chérir de tous ceux qui le connurent. Mort au service de sa patrie , mort de ses travaux , il emporta dans la tombe cette idée rassurante que le Gouvernement re- connoîtroit dans ses enfans , les services essentiels qu'il lui a voit rendus. Ce seroit un acte d'équité nationale , ce seroitun motif de zèle et d'encouragement pour les fonctionnaires qui consacrent leur existence entière à la gloire de leur pays. Que n'avons-nous assez de crédit pour implorer , en faveur de ces infortunés , la bienveillance du Gouvernement ! Qui plus qu'eux a des droits à la munificence na- tionale ! Vionnois vécut pour son pays et s'oc- cupa de le servir, sans jamais songer à s'en- richir } trop de zèle dans l'exercice de ses fonctions , fut la cause de sa perte , et Vionnois , en mourant , ne laissa d'autre patrimoine à ses enfans, qu'un bel exemple à suivre , des talens à imiter , des vertus à égaler. (90 Il a été lu à cette séance d'autres mor- ceaux dont nous ne pouvons pas rendre compte , parce que les auteurs n'ont pas communiqué leurs manuscrits. M. Morland a présenté quelques ré- flexions sur la douleur et le plaisir. • ; M. Maret a fait lecture d'une traduc- tion en vers d'un morceau de Catulle , in- titulé : Ariane abandonnée dans l'isle de Naxos. , La séance a été terminée par une disserf tation de M. Brenet, sur la maladie épi- démique qui désola Dijon, dans les der- niers mois de l'an 12. ofqu.: SEANCE PUBLIQUE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES DE DIJON, SÉANCE PUBLIQUE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES , ARTS ET BELLES-LETTRES j^ DE DIJON, A"^^ Tenue le 8 Février 1809. DIJON, DE t IMPRIMERIE DE FRANTIN. 80Q. ANALYSE Des Travaux de L'Académie des sciences y arts et belles - lettres de Dijon, pour l'année i8o8. M ESSIEURS, Quels que soient les travaux d'une Société savante , ils sont toujours jugés différemment par ceux qui les examinent. Il est bien difficile qu'ils puissent répondre à tous les vœux , satisfaire tous les goûts, désarmer tous les critiques. On veut d'une Académie , qu'elle mette la science à la portée de tous , et qu'elle en conserve la grandeur j on veut qu'elle parle le langage des Dieux et qu'elle soit entendue du vulgaire. Si le temple des muses est envi- ronné d'obstacles, c'est à elle à les renver- ser ; si le chemin qui y conduit est em- barrassé par des ronces , c'est à sa main à 1 ( o îes arracher. Ce qu'elle a fait , on le re- marque à peine , on n'aperçoit que ce qui lui reste à faire. Les uns , avides d'apprendre , mais en- traînés par le tourbillon des affaires ou des plaisirs, s'effarouchent de sa gravité, de ses lenteurs 5 ils s'étonnent de trouver dans l'étude un lendemain ; ils ignorent ou feignent d'ignorer que si la vérité noiTS est représentée sans voile , cet emblème ingénieux n'exclut pas pour cela la vapeur ténue dont elle aime à s'entourer j que cette vapeur , épaissie par l'ignorance , devient souvent un nuage obscur qui ne peut être dissipé que par l'étude et la constance. Les autres, censeurs rigides et atrabi- laires , déversant sur tout l'ennui qui les poursuit , n'aperçoivent qu'incertitude et futilité. Il en est , il est vrai , qui se présentent sans envie, sans Jalousie, sans aucun sen- timent pénible , mais ils ne considèrent la science que comme un aimable badinage^ que comme une rose jetée sur le sentier de la vie j ils ne veulent que sourire et ( 3 ) ^ Folâtrer avec elle ; et si par hazarcl la folie s'appuie un instant sur la raison , ils gourmandent , ou s'étendent et s'en- dorment. Il n'y a qu'un petit nombre d'hommes amis de l'étude , économes du temps , appréciateurs impartiaux des efforts qui nous élèvent vers le Vrai , qui sache écouter et juger. Ainsi toute Société qui appelle le public pour le mettre dans la confidence de ses travaux , se place volontairement dans une position difficile. Mais observons aussi que cette démarche devient un témoignage écla- tant de son amour pour le vrai, de l'ardeur qu'elle met à s'éclairer, et de la considé- ration qu'elle a conçue pour ceux qu'elle a réunis. C'est ce dernier point dont s'en- orgueillit l'Académie de Dijon ; elle trouve dans ces communications habituelles urt encouragement flatteur et la récompense de ses veilles. Et quelles craintes pourroient l'agiter dans cette ville , heureuse émule d'Athènes , nouvelle patrie des sciences et des arts? Les génies que cette ville a vu naître ,, les souvenirs qu'elle conserve , les espé- (4) rânces qu'elle renferme , tout a habitué ses citoyens à l'amour du beau . Ils estiment, ils recherchent , ils encouragent le talent. Ils se plaisent dans l'intimité des muses et des grâces. Nulle espèce de gloire ne leur est étrangère jet malgré l'enthousiasme tjui semble souvent les maîtriser, ils savent jnodérer le feu qui les dévore, se replier sur eux - mêmes , et trouver des charmes dans la réflexion et la méditation. Devant eux la pensée n'est point comprimée , elle peut s'élever , s'abandonner à son essor p et reposer à son gré sur les objets qui lui plaisent j ils savent bien que les travaux d'une Académie ne peuvent être confondus avec ceux des particuliers j qu'ils diffèrent dans leur essence , dans leur but , dans leur résultat. Un homme isolé qui veut se faire re- marquer , a besoin d'écarter ses rivaux , d'écraser l'envie , de se faire jour par ses efforts , de se placer lui-même au premier rang. Il est obligé d'élever la voix pour que l'on s'aperçoive de sa présence 5 et ne trouvant personne qui veuille se charger d'établir sa renommée , il est forcé d'être (5) lui-même son appui. L'on vante la modes- tie , mais elle nous laisse dans l'oubli j quand la foule nous a dépassé , l'œil ne peut nous apercevoir derrière elle , et souvent il ne \ reste au talent le plus beau pour juge et pour récompense , que la postérité. Une Société savante, au contraire, se trouve dès son origine entourée de toute la considération que l'on porte à chacun de ses membres. Dès sa naissance elle attire, si elle ne fixe pas encore , les regards du public j elle force même les Gouvernemens à accorder quelqu'estime à ses travaux ; et si l'opinion paroît s'agiter autour de quelques questions utiles ou brillantes , c'est elle seule qui peut et qui doit la fixer ; c'est à son autorité que la Société les évoque. Les erreurs sociales ont leurs tribunaux , pourquoi n'en seroit-il pas de même des erreurs scientifiques. Ne savons- nous pas qu'elles ont leurs dangers , que le temps seul peut nous en garantir , que souvent même ses efforts sont impuissans j la Société contre elles a donc besoin d'un appui. La voix d'un seul ne peut ramener la multitude -, les efforts d'un seul ne peuvent (6) démasquer les jongleurs. Mais une Société qui met en avant des principes , qui les expose sans chaleur, qui les présente avec clarté , qui les soutient avec fermeté , se voit bientôt entourée de l'assentiment gé- néral ; elle n'a pas besoin d'élever la voix, elle est facilement entendue. Ainsi donc les ouvrages éphémères , les systèmes, les projets, cette refonte singu- lière de toutes les sciences , cet appel con- tinuel à la renommée, ne sont et ne peuvent être le partage que des hommes isolés. Mais une Académie doit conserver le sen- timent de sa force , elle doit considérer avec calme ce qui se passe autour d'elle , peser les opinions , analyser les nouveautés, publier ce que l'expérience a confirmé , combattre les choses séduisantes mais ba- zardées j elle ne doit rien écrire qui ne soit digne d'elle. Elle doit veiller soigneuse- ment et à la renommée acquise , et à celle qui lui est réservée ; c'est là le but de son institution , c'est là ce qu'elle se doit à elle-même , et c'est aussi la seule chose qu'en attende un public éclairé. Cependant l'usage a créé pour ces So- (7) ciétés , des habitudes qui sont devenues des devoirs ; à des époques déterminées , elles doivent exposer la série de leurs tra- vaux; cet engagement qu'elles remplissent, devient en même-temps la réfutation de clameurs hazardées, et la seule récompense qu'elles ambitionnent. Elles doivent expo- ser les pertes qu'elles ont faites, rappeler les efforts et les vertus de ceux avec lesquels elles ont vécu ; ce triste devoir adoucit leurs regrets et établit la mesure de leur estime, de leur amitié, de leurreconnoissancej elles doivent faire connoître enfin ceux qu'elles ont distingués et qu'elles se sont associés ; c'est là tout ce qu'elles peuvent offrir au mérite : heiireusement qu'aux yeux de l'homme instruit , cette récompense est plus flatteuse que la fortune. C'est sous ces trois points de vue , que nous allons parcourir les travaux de l'Aca- démie de Dijon pendant l'année 1808. Quoiqu'une année soit un espace bien court , cependant quelques-uns de ces tra- vaux peuvent déjà vous être présentés , parce que , résultats de l'expérience et (8) lentement élaborés dans le cabinet , ils ne sont offerts que dans leur maturité ; d'au- tres au contraire ne sont encore qu'une ébauche , un premier jet j ils renferment , il est vrai , les germes de l'utilité , mais ils ont encore besoin de recherches , d'obser- vations, d'expériences; ils n'offrent encore que des espérances ; le temps seul peut les développer, nous ne devons que les in- diquer. Vous remarquerez sans doute avec quel- que plaisir, que les premiers ont spéciale- ment pour but, la conservation de l'homme ou son éducation ; les idées philantro- piques doivent être placées au premier rang. Il est beau, sans doute, il est su- blime de s'élever dans les régions éthérées, d'y dominer en maître , de calculer et d'ordonner , pour ainsi dire , la marche des corps célestes ; mais il faut enfin ra- baisser sa pensée sur la terre , et l'on y retrouve l'homme et ses infirmités. Il est plus consolant alors, j'ose même dire plus beau de chercher à calmer ses douleurs. — - Ceux qui sont chargés d'un emploi si tou- chant, ont plus d'un moyen de se rendre (9) utiles. Ce n'est pas tout de combattre les progrès du mal, il faut encore lutter contre l'enthousiasme et l'empirisme ; et c'est avoir rendu de grands services , que de les dé- pouiller de leurs formes trompeuses. — Vous seriez convaincus , Messieurs , de cette vérité , si les bornes d'une seule séance ne nous contraignoient pas de nous renfermer dans un cadre resserré , et nous permettoient de vous présenter la disser- tation savante de M,"^ Antoine, médecin, sur la doctrine médicinale de Brown, Ce médecin célèbre concouroit pour obtenir une chaire ; son rival l'emporta sur lui. Pour se consoler et pour établir sa renom- mée , il publia une nouvelle manière d'envisager la médecine. Il mit dans cet écrit un ordre , une méthode , un coloris peu connus dans cette matière. Il réduisit la science à une simplicité frappante. Il entraîna. Mais ses tableaux ne représen- toient plus la nature j ils firent naître des erreurs. C'est à combattre ces erreurs, que M/ Antoine s'est attaché j il a su réunir dans un seul cadre toutes les opinions émises. Il combat les erreurs de Brown ( io ) avec méthode , les discute avec clarté ; et malgré l'autorité des médecins qui les ont adoptées , il démontre la foiblesse de leur base et leur danger. Une même excitabilité malgré les différences d'organisation , un même excitant malgré les différences d'al- térations , étoient des idées qui pouvoient séduire par leur généralité, mais qui ne pouvoient se soutenir devant le flambeau de l'expérience. Si quelquefois les progrès de l'art de guérir sont arrêtés par les chimères systé- matiques, souvent aussi ils sont rejetés en arrière par l'oubli des préceptes anciens. C'est ainsi que l'injection de la fumée de tabac dans le tube intestinal, si recomman- dée jadis dans l'asphixie par submersion, négligée presque sur-le-champ à cause de l'imperfection des procédés , est parvenue maintenant à un tel degré d'oubli , que la présenter est une véritable nouveauté. — Cependant les difficultés ont été vaincues, des instrumens ingénieux et d'un manie- ment facile peuvent remplacer ces pre- mières inventions j et ils ne sont point usités. Cette insouciance coupable doit af- ( iO Alger tout homme sensible. Sans doute les efforts des anciens ne réussissoient pas tou- jours, maison les voyoitsouvent couronnés par le succès. M/ Protat s'est proposé de rétablir cette ancienne méthode qvi'il re- garde et qu'il indique non - seulement comme vin moyen trop négligé , mais encore comme un des plus efficaces que l'art puisse nous offrir. Et pour la présenter avec tous ses avantages , il développe le méchanisrae ingénieux de la seringue fumigatoire de M.*^ Hélie , corrigée par M." Cledier. — ■ Bien au-dessus de celle de M.'' Piat , elle permet de diriger la quantité et la force de l'injection, elle ne laisse rien échapper de la vapeur; et celui qui est chargé de l'opération ne peut être incommodé. — < A cet ouvrage, M.* Protat a joint un second mémoire dans lequel il décrit les hydro- pisies , leurs signes , leurs caractères , les divise , et s'arrêtant de préférence sur deux espèces, l'ascite et l'anasarque, il présente et décrit quelques faits rares de sa pratique, et indique les médicamens dont il a retiré le plus d'effet. Les médicamens et leur étude se rat* ( 12 ) tachent naturellement à l'art de guérir. — Ils doivent être envisagés sous deux rap- ports. Les premières recherclies ont pour objet leur nature ; les secondes , la facilité de se les procurer. — • Le plus grand bien- fait devient un mal , et un mal cruel , s'il ne doit que nous être indiqué et jamais ne nous être appliqué. Cependant une foule de médicamens indispensables nous sont apportés des régions éloignées et dès-lors exposés aux incertitudes des circonstances, sans que nous ayons encore suffisamment examiné autour de nous si le sol que nous habitons ne renfermeroit pas des substances qui , nées près de nous et soumises aux mêmes influences, se trouveroient plus rap- prochées de notre organisation. — C'est dans cette vue que M.'' Guichard , phar- macien , s'est occupé d'une plante vulgaire jusqu'ici peu observée. Cette plante est l'ivraie , le folium temulentum de Linné. Par une suite de procédés chimiques , il a démontré que ce végétal contient des matières oléagineuses dont les propriétés narcotiques et enivrantes pourroient trou- ver des applications heureuses dans l'art ( i3) de guérir. Il cherche maintenant à consta- ter par l'expérience ce que son usage peut promettre d'utile ou faire craindre de dan- gereux. Tel est l'ensemble des observations médi- cales que l'Académie a accueillies et qu'elle se plaît à présenter au public; mais ses soins devant s'étendre plus loin , elle ne pou voit oublier les arts qui rapprochent les hommes, lient les sociétés , contribuent aux aisances de la vie , et font fleurir les empires. Elle ne pouvoit oublier les sciences qui dirigent l'homme etl'annoblissent. Elle ne pouvoit oublier les lettres , ces délas- semens heureux de l'homme de goût , ces douces illusions de l'esprit qui répandent leurs couleurs mensongères mais chéries sur tout ce qui nous environne. Elle devoit donc aussi consacrer quelques instans aux arts, aux lettres, et aux sciences générales. Parmi ces sciences, les unes sont accueil- lies et fêtées j les autres , semblables à ces enfans malheureux que rejettent des pa- rens injustes , ne sont cultivées que par un petit nombre d'hommes zélés et patiens. Mais lors^e quelques circonstances tra- (H) îiissent leur obscurité , on est surpris de l'intérêt qu'elles peuvent inspirer. Telle est la science numismatique que MM. Girault et Baudot aîné cultivent avec pré- dilection. M.*" Costa , bibliothécaire de la ville de Besançon , avoit envoyé à Dij on l'empreinte d'un sceau dont il desiroit que l'explication fût faite par les antiquaires Bourguignons, parce que cette pièce singulière paroissoit avoir du rapport avec certains usages de l'ancienne Bourgogne. On y lisoit pour lé- gende ces mots : Anthonius pr'imiis Burgun- diae juventutis et Bazochie rex optimiis , avec la date iSAS' Le fond représente un personnage vêtu d'une robe et d'un manteau bordé de four- rure, coëffé d'un chapeau rond garni d'une espèce de couronne et d'une plume : il est décoré d'un cordon d'ordre , assis sur un trône fleurdelisé , et tient un sceptre sur- monté d'une fleur de lys. Cet emblème hé- raldique se trouve également placé àchaquè côté du trône. Il étoit indubitable que ce sceau d'envi- ron trois pouces et demi de diamètre avoit été fait pour servir à donner à des actes ( i5 ) le caractère de l'atithenticité , puisqu'il portoit au revers une queue mobile , et qu'on a trouvé des vestiges de cire dans les profondeurs de la gravure. Deux asso- ciés de l'Académie ont essayé d'en donner l'explication. M. Girault d'Auxonne a fait voir que ce roi de la Basoche , nommé Antoine , prenoit le titre de prince de la jeunesse de Bourgogne , peut-être pour exprimer l'autorité qu'il exerçoit sur les clercs de sa juridiction qui avoient obtenu une partie du local de l'ancien hôtel de Bourgogne à Paris , pour y faire représenter les Mystères , foibles commencemens des représentations théâtrales qui ont fait des progrès si immenses dans l'espace de deux siècles et demi. M."^ Baudot aîné a pensé que le person- nage qu'on remarque sur le sceau dont il s'agit, n'est autre que le roi François I.^"" environné de tous les accessoires de la royauté véritable. Ce prince avoit vii avec plaisir, en i54o, la petite armée des sup- pôts du roi de la Basoche ; et il avoit en conséquence accordé à cette corporation , des privilèges qui ont bien pu encourager (16) ^ les amis du roi Antoine à faire exécuter urt sceau aussi extraordinaire, que dans ce cas il faudroit regarder comme une espèce de panthée dont les monumens antiques et ceux dti moyen âge offrent tant d'exemples. Il résulte de cette opinion de M.' Baudot, que la Basoche n'avoit point de siège en Bourgogne ; que l'infanterie Dijonnaise n'a aucun rapport avec la Basoclie , et que le sceau du roi Antoine est vraisemblable- ment étranger tant au duché qu'au comté de Bourgogne. Le même Académicien a présenté à la compagnie une médaille trouvée dans les environs de l'emplacement où existoit l'an- cien château de Pagny. Cette pièce, dont les deux faces sont bien conservées , por- toit un anneau soudé sur le milieu de l'un des champs , et avoit été dorée. On y lit pour légende : Monet* ae. S. Johanes. Le mot rex est placé verticalement entre deux figures debout qui soutiennent un gonfa- non au lieu du labarum. M.*^ Baudot pense que c'est un besant de billon frappé à Constantinople sous l'empire de Baudouin II et de Jean de Brienne qui avoit été (17) précédemment roi de Jérusalem , et qui fut placé avec Baudouin , en 1228, sur le trône des Commènes et des Porpliyrogénètes. Cette pièce , d'une insigne rareté , a pu être apportée du Levant par quelque per- sonne de la suite du duc de Bourgogne ^ qui l'avoit eue apparemment pendant la longue expédition de la cinquième croi- sade j et comme cette monnoie n'étoit pas d'un métal assez précieux pour être con- vertie en monnoie courante , ainsi qu'il arriva quand les besants d'or et d'argent cessèrent d'avoir cours en France, on l'em- ploya pour en faire un simple bouton que Ja feuille d'or dont on le couvrit a dû ga- rantir des ravages du temps. M/ Baudot est entré à ce sujet dans des détails his- toriques et explicatifs, dignes d'intéresser vivement la curiosité de tous les anti- quaires. A ces divers travaux des sciences , se trouvent réunies une méthode bibliogra- phique par M."" Girault, et employée par lui dans la classification et l'arrangement de la bibliothèque publique d'Auxonne, et deux mémoires de M/ Antoine , in- ( i8) geiiieitr , l'un sur les inondations des tor- rens , des rivières et des fleuves , sur les dommages qu'il causent , les moyens de les contenir dans leur lit ou de s'opposer le plus possible à leurs ravages ; et l'autre, sur la recherche des eaux nécessaires à l'établissement d'une suffisante quantité de fontaines publiques et particulières à Dijon. Cet ensemble est enfin terminé par le beau travail de M/' Rouhier, sur l'édu- cation des aveugles de naissance et des sourds -muets. — L'idée philantropique d'appliquer à ces malheureux les bienfaits de l'éducation, avoit été développée avant lui. Le Gouvernement s'en étoit emparé , et les belles institutions des aveugles-nés «t des sourds-muets placées dans le centre de la capitale , prouvent qu'au sein même des plaisirs et des affaires, il reste encore des souvenirs utiles aux malheureux. M."" Rouhier n'a donc pu qu'imiter ; mais ne savons-nous pas qu'il est rare qu'une idée, dès sa naissance , ait reçu tous les déve- loppemens dont elle est susceptible ; que , dans une étude semblable, toute de tâton- ( 19 ) nement , c'est à l'expérience seule et au temps à nous apprendre ce qui est véritable, bon j que le génie qui la conçoit , n'a- perçoit les choses que de la hauteur où il s'est placéj que rarement il descend dans les détails , et que les détails sont les degrés qui conduisent à la perfection ; que par conséquent la réflexion et la pratique con- duisent peu à peu à des méthodes plus simples et plus faciles. M/ Rouhier a ima- giné que rien de ce qui est , n'étoit encore exécuté. Il a regardé cliacune des méthodes comme un essai , il l'a analysée et a re- cherché ce que , dans la pratique , elle pou voit avoir d'heureux ou de défavorable. Cette marche analytique lui a suggéré des idées nouvelles j et dans les mémoires qu'il a déposés à l'Académie, il les présente avec toute la simplicité, toute la netteté, toute la complaisance, j'ai presqu'ajouté la bon- homie d'un père de famille. Ignoré par l'excès de sa modestie , retiré dans une campagne de ce département, consacrant tous ses instans , tous ses moyens à l'édu- cation de la jeunesse, réunissant plus par- ticulièrement s.es soins sur les sourds-muets ( 20 ) et les aveugles -nés 5 il n'a encore d'an- tres confideris de ses travaux et de ses veilles , que l'Académie. Les infortunés à qui il pourroit être si utile , ignorent en- core et sa demeure et son nom. Cependant six mille sourds-muets et autant d'aveugles de naissance , sont répandus dans l'Empire français. Une école à Paris, une àBordeaux, une à Gênes , et une quatrième en Alle- magne , sont à ma connoissance les seuls établissemens qui leur soient offerts , et ne peuvent au plus en recevoir qu'un vingtième. L'Académie doit exprimer publiquement ses regrets de ce que les circonstances ou les richesses des particuliers ne peuvent favoriser l'établissement d'une semblable école dans nos murs. Indépendamment du bien qu'elle répandroit , elle ne contribue- roit pas peu à donner à notre ville plus de lustre et plus de célébrité. Tels sont , Messieurs , les travaux des membres résidans. Mais ceux qui, par leur éloignement , ne peuvent assister aux séances ni participer aux discussions, aux délibérations , ne cherchent pas avec moins ( 21 ) d'ardeur à enrichir les porte - feuilles de l'Académie, des fruits de leurs recherches. Ainsi M.* Bouvier, médecin de M. '"^ Mère, fait parvenir ses observations surl'hydropi- sie du cerveau. — M/ Hernandès, médecin de la marine à Toulon , son mémoire sur les signes que présente, dans les maladies, l'état de la langue , des lèvres et des dents. — M/ Champollion - Fijeac , secrétaire de l'Académie de Grenoble, sa disserta- tion sur l'édition d'Homère , de Rodolphe Vestern ; sa notice d'un manuscrit intitulé , Albani belli libri quînque ; sa lettre à M/' Fourier, sur l'inscription grecque du temple de Dendera. — M/ Ré volât, médecin mi- litaire à Nice , son ouvrage sur les fièvres puerpérales. — ^'MM. Couturier, directeur du collège de Gray , et Weisse , inspecteur des postes , leurs poésies. — M.*^ Richard de la Prade , médecin à Montbrison , son mémoire sur l'influence de la nuit dans les maladies. — M."^ Sigorgne , ses obser- vations sur la chimie pneumatique. -— M/ Granier , son mémoire sur les fièvres catarrales observées à St. Pons à diverses époques. — M."" Lesage , son superbe ou- (23) vrage contenant des mémoires extraits de la bibliothèque des ponts et chaussées... etc.. Et tandis que l'Académie , renfermée dans ces nombreux travaux, examine , discute, rejette ou accueille les ouvrages qui lui sont présentés , un citoyen élevoit près d'elle et sous les yeux de tous , un éta- blissement utile 5 et d'après les découvertes des premiers chimistes de l'Europe , et l'exemple de quelques étrangers , il jetoit dans ce département la base d'une nouvelle industrie. Au lieu de brûler les bois à l'air libre , et de perdre ainsi les substances lé- gères qui s'élevoient et se perdoient dans les airs , il les brûloit dans des vaisseaux clos, empêchoit ainsi les substances ga- zeuses de s'échapper, les réunissoit, s'en rendoit maître, pour les appliquer ensuite aux différens arts ; il crut pouvoir aussi les employer dans nos usages domestiques ; il fit paroître quelques-uns de ces produits sur nos tables. — Il pouvoit les présenter aux arts sans rencontrer d'obstacles ; mais les introduire de prime abord parmi nos alimens , ne devoit être ni aussi prudent, ni aussi facile. — ■ Des craintes s'élevèrent , ( 23 ) elles arrivèrent au Magistrat. — L'Acadé- mie fut chargée d'analyser les liqueurs que M/ Mollerat retiroit de la distillation du bois. D'après les diverses expériences aux- quelles ces liqueurs ont été soumises , il a été démontré 5 1 .° Qu'une bouteille de la liqueur qu'il nomme vinaigre simple , contient depuis quatre-vingt cinq jusqu'à cent onze centi- grammes de sulfate de chaux , ou depuis dix grains jusqu'à quatorze. a,.*" Que le résidu total provenant de l'évaporation d'une bouteille de cette même liqueur , est de cinq grammes trois déci- grammes, ouun gros, seize grains soixante- cinq centièmes. L'Académie déclara, ainsi que le Conseil de santé , que les substances qu'elle avoit trouvées ne dévoient point alarmer le pu- blic. Elle s'en tint à cette déclaration simple , et crut devoir s'abstenir d'aucun autre détail, parce qu'elle n'avoit à pro- noncer que sur le danger de cette liqueur, et qu'elle n'étoit point chargée de la com- parer avec les vinaigres ordinaires. ( 24 ) - Tels sont , Messieurs , les travaux par- ticuliers de la Société. Si vous y ajoutez sa nombreuse correspondance avec tout ce que la France renferme d'hommes ins- truits , les rapports de ses commissaires sur les ouvrages qui lui ont été présentés , vous aurez un tableau complet des objets qui ont fixé son attention pendant le cours de l'année 1808. Si je n'avois eu à vous parler que des travaux de l'Académie , ma tâche eût été bien douce j et après le compte que je viens de vous en rendre , je n'aurois plus qu'à exprimer les sentimens d'estime que m'ont constamment inspirés ceux qui ont bien voulu m'accueillir et m'admettre en leur intimité. Mais l'Académie a fait des pertes, et je dois vous en entretenir. — Elle re- grette M.*" Lancel , notre compatriote. Porté par son mérite personnel dans les administrations publiques , s'y maintenant par sa sévérité et son intelligence, résistant aux chocs politiques 3 il s'acquit auprès de tous ceux qui le connurent, un haut degré de considération. Peu répandu dans les cercles, peu vanté dans les sociétés, la (25) renommée ne lui a pas créé un nom , et il mourut sans éclat au sein même de ses travaux, comme il avoit vécu sans faste au milieu de ses amis. — Une vie utile et une mort aussi simple, dévoient être appré- ciées par la Société dont il étoit membre. Aussi est-ce dans sa patrie , dans sa famille , que l'Académie dépose le sentiment pénible qu'elle éprouve. Une perte qui ne lui fut pas moins sen- sible , fut celle de M/ Pierres , ancien imprimeur du Roi. — Il s'étoit concilié par- tout l'estime et l'amitié de ceux qui l'ap- prochoient. — Imprimeur distingué, il eut le rare mérite de savoir sacrifier son amour- propre à l'utilité publique. Il préféra des éditions simples mais correctes, aux entre- prises de luxe; il pensoit, et avec juste rai- son, que ces éditions somptueuses, sur-tout dans les sciences, étoient une espèce de ca- lamité, puisqu'elles repoussoient l'homme studieux mais peu fortuné. Il ne fut cepen-v dant pas totalement étranger à ce genre , et l'on peut citer de lui quelques ouvrages qui réunissent à la correction tout le brillant de l'art typographique. (26) Il possédoit à fond l'histoire et les pro- cédés de r imprimerie j il avoit rassemblé un très grand nombre d'ouvrages rares et précieux sur la typographie , et préparoit un grand travail sur l'histoire de son art. A ces titres , il joignoit encore celui d'homme de lettres qui lui ouvrit les Aca- démies de Rouen et d'Orléans , et engagea l'Académie des sciences de Paris à le char- ger de la partie de l'imprimerie pour faire suite à la collection des arts et métiei'S : cet ouvrage est resté manuscrit. Les essais qu'il fit , les dépenses qui en étoient la suite , diminuèrent sa fortune ; les secousses politiques, en lui enlevant sa place , le plongèrent dans l'indigence ; et celui pour lequel Louis XVI avoit créé la place de premier imprimeur ordinaire du Roi, se regarda très heureux d'obtenir enfin, et par les soins d'un ami , un emploi modique dans les bureaux des postes aux lettres de Dijon. Il avoit joui de la fortune sans faste et sans jactance , il supporta la pauvreté sans bas- sesse et sans âpreté j il sut , parle travail et la philosophie, éloigner de lui ce que cette nouvelle carrière pouvoit avoir de difïîcile. Il lut récompensé de cet effort j et une surprise pour laquelle il ne se croyoit plus réservé, fut, en habitant parmi nous, de retrouver les soins , l'amitié , les préve- nances qu'il n'attendoit plus que de sa famille. Il osa être confiant, et sentit qu'il pouvoit s'épancher sans crainte. Il dit tout ce qu'il étoit , et vit qu'il ne blessoit per- sonne. Il jeta ses regards autour de lui , et il reconnut plusieurs étrangers également 2>leins de mérite , également accueillis j il en conclut que si le Dijonnais est vif, il est bon ; que s'il est caustique , ce n'est qu'en- vers ceux qui confondent le clinquant avec le savoir , ou qui veulent écraser de leur poids ceux contre lesquels ils devroient s'appuyer. Souvent il m'a dit , les larmes aux yeux : « Je veux aussi être de la fa- ce mille j je suis né parisien, mais je veux ce mourir dijonnais. » Il cherchoit à réa- liser ce plan qui lui sourioit -, déjà même il avoit fait quelques arrangemens pour fixer près de lui ceux qui dévoient soutenir et partager son sort , lorsque la mort l'en- leva subitement à sa famille désolée , à ses (^8) amis , à l'Académie qui s'étoit empressée de l'accueillir , et qui , pour honorer sa cendre , a voulu assister en corps à son, convoi. Tels sont les membres qui lui ont été enlevés : voici les noms de ceux qu'elle a cru devoir s'associer. M.*^ Révolat , médecin militaire à Nice , avantageusement connu par un ouvrage intitulé : Nouvelle Hygienne militaire , ou Préceptes sur la santé de l'homme de guerre , considéré dans toutes ses dispo- sitions. M."^ Champollion-Fijeac , secrétaire de la société des sciences et des arts de Gre- noble , et de l'Académie celtique. M."^ Couturier, directeur du collège de Gray, auteur de plusieurs pièces de poésies. M.' Richard de la Prade , médecin à Montbrison , ayant remporté le prix pro- posé par la société médicale de Bruxelles , sur cette question : La nuit exerce-t-elle une influence sur les maladies ? Y^ a-t-il des maladies oie cette influence est plus ou moins manifeste , et quelle est la raison physique de cette influence "è ( 29 ) Elle a admis au nombre de Ses corres- pondans M.' Weisse , auteur de plusieurs poésies plndariques. Et pour récompenser et encourager les efforts de M. Potot , inventeur d'un nouvel instrument aratoire, elle s'est empressée de lui offrir le même titre. L'Académie avoit proposé pour sujet du prix qu'elle devoit distribuer dans cette séance , la question suivante : « La nation française mérite - 1 - elle le reproche de légèreté que lui font les na- tions étrangères ? « Trouve-t-on les preuves de cette légère- té dans le caractère et les mœurs des Fran- çais, dans le genre et l'état des sciences, des arts et de la littérature, cultivés en France?» « Appliqiier ces considérations aux Fran- çais des siècles passés , et , par un examen comparatif, leur opposer, sous ces diffé- rens rapports , les Français du siècle pré- sent. 3Î Parmi les mémoires qu'elle a reçus, elle a particulièrement distingué celui coté ( 3o ) N.° 3 , et portant pour épigraphe ces mots : Vincet amor patriae . Ce mémoire, écrit avec pureté, souvent avec énergie, a rempli tontes les conditions du programme. Le prix lui a été décerné. L'auteur est M. Joseph Lemoine , au- teur du discours qui a obtenu la première mention honorable à l'Institut, sur la ques- tion de l'influence des croisades. L'Académie regrette de ne pouvoir ac- corder d'accessit ; mais les deux anteurs qui se présentoient ensuite avec quel- qu'avantage, se sont eux-mêmes placés hors du concours en se faisant connoître. Ce concours a été remarquable par une circonstance intéressante. Un étranger s'est présenté dans la lice , et a mêlé ses efforts à ceux de nos compatriotes. Cette dé- marche , flatteuse pour la nation , a en- gagé l'Académie à témoigner publique- ment sa reconnoissance à l'auteur du mé- moire écrit en langue allemande, et coté L'Académie présente au concours les deux questions suivantes : « L En quoi Içs journaujç ont-ils contri- _ (3i ) biïé au peri'ectionnement des sciences, des arts et des lettres ? Quel rang les ouvrages de ce genre doivent-ils occuper parmi les productions littéraires ? IL Quel a été le peuple le plus heiireux de l'antiquité r Quelle a été l'époque de sa plus grande félicité ? Quel étoit alors chez lui l'état des sciences , des arts , et de ses institutions civiles et religieuses ? a? Le premier prix sera distribué dans la séance publique de l'aai 1810, et le second dans celle de 1811. Les mémoires doivent être écrits en fran- çais, et envoyés francs de port au secré- taire , pour la première question , avant le i.^"^ décembre 1809 , et pour la seconde, avant le i.^"" décembre 1810. Les auteurs doivent éviter soigneusement de se faire connoître dans le texte de leurs ouvrages, soit directement , soit indirectement. L'Académie saisit cette occasion de rap- peler la question qu'elle a proposée rela- (32) tîvement aux progrès et à la rétrogadatioit des sciences. Il faut que les mémoires sur cet objet lui soient adressés avant le i .^^ décembre 1809. ANALYSE DU DISCOURS COURONNÉ. Après avoir proclamé le nom de l'orateitr qui vient de remporter le prix de l'élo- quence , nous allons , Messieurs , mettre sous vos yeux ses titres à la palme acadé- mique méritée par un heureux développe- ment des qualités qui constituent le plii- losoplie , l'historien et l'homme de lettres* Il avoit à examiner les fondemens du reproche de légèreté fait à la nation fran- çaise. Cette ■ recherche , qui se lie aux époques remarquables et aux faits princi- paux de notre histoire , qui ne pouvoit être résolue que par une connoissance approfondie de l'esprit , des mœurs qui distinguent la nation , a fourni la matière (33 ) de considérations importantes sur le ca- ractère français. L'auteur a envisagé la question sous ses aspects les plus intéres- sans ; il a conçvi un plan vaste et fourni dignement la carrière qu'il s'est proposé de parcourir. Dans ce discours , dont nous regrettons de ne pouvoir vous présenter que l'analyse , mais dont nous aimons à penser que l'au- teur ne privera point le public , on re- marque avec satisfaction l'ordre métho- diqiTe et l'enchaînement des preuves. Les faits historiques et les raisonnemens, tou_ jours en accord, s'y prêtent un mutuel secours ; et au milieu des subdivisions nombreuses de ses preuves, l'orateur montre qu'il connoît parfaitement l'art si difficile des transitions, cet heureux talent de con- duire et d'entraîner sans fatigue le lecteur, de le faire passer graduellement d'un objet à un autre , et de l'amener enfin , par une route sûre et agréable , au but qu'on veut lui faire toucher. Ce discours n'est pas seulement recom- mandable par ce qu'on appelle les qualités du style , il est encore l'ouvrage d'un pen- 3 (34) ^ seur , d'un homme qui sait joindre les grâces de la diction à la profondeur des idées philosophiques , à la force du juge- ment, et à la solidité de l'esprit. Quelques locutions vicieuses , quelques tournures de phrases que la langue et le goût réprouvent , ont échappé à l'auteur. Ces inadvertances n'ôtent rien au mérita réel de cet ouvrage ; c'est en faire l'éloge, que de n'avoir à relever que de pareilles négligences j et pour appliquer au style de l'auteur ce qu'il dit de quelques élémens imparfaits de la nation française , on peut regarder les fautes de ce genre comme de légères inégalités sur une grande surface. Le parti qu'a pris l'auteur , dans cette question , ne pouvoit sans doute influer aucunement dans le jugementd'un discours qui devoit être principalement considéré sous le rapport du mérite oratoire j mais on doit savoir gré à celui qui s'est établi le soutien de ses compatriotes, qui les a si victorieusement vengés d'un reproche ridicule , et qui sait ainsi allier aux qua- lités de l'homme de lettres , les sentlmens d'un bon Français. ( 35 ) L'auteur, dans son exorde, se fait cette demande qui présente analytiquement tout le plan de son discours : « S'il existoit sur te la terre un peuple brave , industrieux , Avec quelle force , avec quelle vérité il peint ce Montesquieu que les étrangers nous envient, et qui lui seul feroitla gloire d'une nation. ce Montesquieu paroît ; et le voilà , dans « ses lettres persannes , brûlant ce qu'ont « adoré ses aïeux : mais il ne tarde pas à ce s'apercevoir qu'il est dangereux de badi- cc ner avec les opinions humaines , et que ce c'est une légèreté vraiment coupable d'al- « 1er tout frapper , tout renverser , tout ce détruire; il sait qu'une erreur peut être ce voisine d'une vérité sublime sur laquelle «c reposent les bases de la société : il sait (48) « avec un sage , qu'un peu de pliilosoplii^ « suffît pour nous faire reconnoître cette ce erreur , mais qu'il faut beaucoup de plii- « losophie pour découvrir la vérité qu'elle ce ombrage. Aussi voyez-le dans son grand ce ouvrage j avec quelle précaution il expose ce ses idées ! c'est un livre que tous les hom- c« mes ne savent pas lire; et je ne sache pas et quel philosophe les autres pçiiples peu- cc vent opposer à Montesquieu,. ce Quelques taches cependant se font re- ec marquer chez cet homme étonnant j ce quelques petitesses défigurent son carac- cc tère, bien que la beauté de son ame perce ce à travers les vapeurs que lui donnent les ce illusions de sa naissance ; les mêmes dé- cc fauts se font sentir dans ses écrits : cer- ce tainschapitres décousus, des propositions c< hazardées , un peu de prétention et d'af- cc féterie peut-être , paroissent quelquefois ce à côté des traits les plus sublimes. Mais ce cependant qu'on se garde bien de nous ce parler ici de frivolité. On peut, avec «c beaucoup d'esprit et une grande légèreté ce de caractère , trouver un trait , dire un «e bon mot, aiguiser une épigramme j mai» « on ne fera jamais l'esprit des lois. r (49) te Et si l'on venoit encore nous dire qu^ « ce grand génie s'est élevé , comme par « magie , au milieu 4,'une nation frivole , " et qu'il n'existe aucune proportion entre ce ce colosse et les pygmées dont on le sup- « poseroit environné , nous soupçonne- cc rions' hardiment quelques préventions, « quelques faux aperçus , dans ceux qui «c ravaleroient ainsi sa nation. La tête d'un, «c dieu ne peut être placée sur un corps dif- cc forme ; et celle de Socrate ne sauroit ce figurer sur les épaules d'un étourdi. 3> Le grave Charron dont le mordant et la réflexion rendent les écrits utiles j et ce Rabelais qui semble avoir prouvé que la sagesse , pour tempérer l'amertume de ses leçons, peut quelquefois faire un pacte avec la folie ; et La Motlie - Le Vayer , philosophe et sage sous des couleurs plus aimables j Saint-Evremont , accoutumé à placer le bonheur dans la culture de la raison; Bayle, assez fort pourvoir le doute par-tout , pas assez peut-être pour respecter les gi^andes bases de l'édifice social ; tous ces grands philosophes , tous ces moralistes, auxquels les autres nations n'ont rien à 4 (5o) opposer, donnent-Ils l'idée d'un peuple léger et frivole f . On ne dira pas non plus , au sourire froid et malin de La Bruyère , au coup- d'œil sombre et perçant de La Rochefou- caut , qu'ils sont de légers écrivains j et Pascal , ses lettres et ses pensées à la main repousse cette accusation d'une manière non moins victorieuse. Et cet homme , qui n'avoit point eu de modèles et qui n'a pas encore d'imita- teurs dans l'art de poser un principe, d'en déduire toutes les conséquences possibles , de les revêtir des formes enchanteresses du style, à qui l'on doit, à qui l'on accorde la prééminence sur tous les écrivains fran- çais ; cet homme qui a égalé quelquefois Montesquieu par la profondeur des idées , en le surpassant toujours par les charmes de la diction , Rousseau , avec le ton mâle et hardi qui règne dans ses ouvrages , prouve-t-il la légèreté d'un peuple au sein duquel il avoit puisé sa verve et sa fécon- dité f Bossuet , qiii , en déplorant la mort de quelques hommes , sondoit le néant de ( 5i ) toutes les choses humaines , toujours plus grand que son auditohe où figuroîent des héros j, des princes et des rois j Fénéion , moins sublime, mais plus tendre, plus ai- mable ; Bourdaloue , Massillon , et tant d'autres grands et vénérables personnages qui se groupent autour d'eux , et que la nation admire et révère , peuvent-ils donner l'idée d'un peuple frivole ? ce En vain de beaux esprits , après nous ce avoir accusés d'impiété, prétendent que ce ceux d'entre nous qui se soumettent au «c joug sacré , montrent en cela plus de « docilité que de profondeur. Nous savons ce que plusieurs hommes , parmi nous , pa- « roissent honnêtes et religieux dans l'âge « mûr, comme ils ont été débauchés et in- K crédules dans la jeunesse j que le feu du Dans les sciences on n'aperçoit point ce caractère de légèreté que l'on suppose aux Français. L'homme qui a porté le plus loin l'analyse , l'homme qui a appliqué l'algèbre à la géométrie , l'auteur profond du doute méthodique , qui a fait une ré- volution complète dans le système des connoissances humaines, un des plus grands penseurs qui ait éclairé l'univers, Descartes, paroît vers la fin du 16.'' siècle, et c'est à la France que l'Europe le doit. (56) Si l'Angleterre et l'Allemagne ont pro- duit Newton et Leibnitz, Pascal et le mar- quis de L'hôpital fureût leurs rivaux , et ie nom de Clairaut vient se placer à côté des leurs. Dans les arts agréables , les Français Sont-ils plus légers que les autres peuples ? Si nous voulions nous égayer , nous pour- rions dire que ce n'est pas de légèreté qu'on a jamais acciisé notre musique ; on connoît sur elle le mot de J. J. Rousseau. Et quand à la théorie , sans citer Jean de Mure et le père Marsenne , nous ne pensons pas qu'on ait mieux approfondi celle des sons que Rameau , qui fit à peu près pour la musique , ce que Descartes avoit fait pour la philosophie. Il n'est aucune science , aucun art dans lesquels les Français n'aient produit des hommes du premier ordre ; et ce qui prouve à cet égard la pente de leur caractère , c'est que, depuis vingt ans , ils ont fait dans ce genre des progrès ex- traordinaires ; tout a été chez eux dans l'anarchie , excepté les sciences et les beaux- arts. « Et les sciences naturelles , celles de ( 57 ) « toutes' où il est le plus facile à la médio- « crité d'obtenir des succès , et dans les- c< quelles on ne peut atteindre à la gloire *c qu'avec le génie, que peut-on opposer aux « Tournel'ort , aux Jussieu , aux Buffon , ce atix Lavoisier ? Nous pourrions nommer « ici des savans qui les égalent et les sur- tc passent peut-être ; mais ce n'est pas do « nous qu'ils attendent la gloire. Quand « noiis ouvrons Buffon, quand nous par- ce courons sa théorie de la terre , et ses su- it blimes époques ; quand nous voyons les « grandes masses s'accumuler , s'agglomé- « rer , se disposer , que nous importent les « erreurs que le temps a fait découvrir ce dans le système d'un homme de génie ? te Son immortel ouvrage vit par les coû- te leurs , il étincelle de lumière j on croit « assister au débrouillement du chaos j et « nous soutenons qu'il n'appartient qu'aux « grandes âmes d'atteindre à la sublimité - tiphiogistique le plus rigoureux, un séton à la nuque , l'application de sangsues auic tempes , des pédiluves , de doux laxatifs , et pour topiques des cataplasmes émolliens sur les tumeurs. Les accidens les plus ur- gens calmés , il restoit à faire disparoître promptement les excroissances formées par l'engorgement de la conjonctive , afin de découvrir le globe de l'œil, et de juger du véritable état de la vue* On sait que les auteurs qui traitent de cette maladie ex professa ^ recommandent tous d'enlever complètement ces sortes d'excroissances avec l'instrument , en ra- sant le plus près possible le muscle orbi- culaire des paupières. Quelques réflexions m'ont porté , dans cette circonstance , à ne point suivre aveuglément ce conseil. De pareilles tumeurs paroissent entraîner la partie moyenne du muscle orbiculaire > et lui faire faire des saillies en quelque sorte adhérentes à ce muscle j vouloir les 5 (66) ^ en séparer par une dissection, n'est-ce pas se mettre dans le cas de faire une opération longue et douloureuse ; de courir le risque d'intéresser quelques fibres de ce muscle ; de causer une rétraction subséquente de la paupière; d'exciter une hémorragie qui, sans être inquiétante , demanderoit tou- jours, pour êti'e arrêtée, quelques moyens qui pourroient augmenter l'irritation ; d'occasionner peut - être un larmoiment consécutif, soit en blessant les points la- crymaux, soit en changeant la direction na- turelle de leurs conduits ; de causer môme des accidens nerveux, comme l'a observé le D.* Scarpa sur un de ses malades qui fut attaqué d'un vomissement considérable à la suite d'une pareille opération ? Mes ob- servations ayant paru plausibles au D.*^ Antoine notre collègue , présent à cette opération , je la fis ainsi. La tumeur fixée par le moyen d'une hérigne , je me con- tentai d'en enlever à-peu-près la moitié avec des ciseaux à cuiller, ayant l'espoir qu'une douce suppuration détermineroit la fonte du reste. L'opération fut si peu douloureuse , que la malade , qui s'en étoit ( 6/ ) Singulièrement effrayée , la siTpporta sans se plaindre : un peu d'agaric et de charpie s^he arrêta facilement l'hémorragie de quelques petites artérioles ; les panseraens subséquens n'exigèrent qu'un plumasseau enduit d'un digestif simple , couvert d'une compresse imbibée de décoction émoUiente ; le tout soutenu par un bandeau. On vit bientôt le reste des excroissances changer de nature , s'amollir et s'affaisser. Mes espérances se réalisèrent , car , dans l'es- pace de quinze jours, les paupières avoient repris leur position et leurs fonctions na- turelles. Ce ne fut qu'à cette époque seulement qu'il me fut permis de juger du véritable état de l'organe de la vue. J'observai qu'un dépôt formé dans la texture de la cornée transparente de l'œil droite avoit malheu- reusement causé un faux staphilôme , ainsi que l'opacité partielle de cette membrane» L'œil gauche étoit affecté d'un ulcère à la cornée lucide placé vis-à-vis le bord de la pupille , et dont les progrès ultérieurs vers le centre auroient entièrement privé la malade de la faculté de voir. (^8) Pour remédier à des accldens aussi ur-^ gens , Je réitérai les saignées locales , les purgatifs. Je mis en usage les colires dé- tersifs 5 et dès que l'ophtalmie cessa d'être aiguë j je prescrivis des lotions toniques , ainsi que la pommade ophtalmique de Saint- Yves. Par ces moyens , l'ulcère fut assez promptement cicatrisé , et le staphi- lôme singulièrement réprimé. Le sétoii dont j'ai retiré le plus grand avantage , n'a été supprimé que quand la sensibilité de l'organe a été parfaitement détruite , et la cure consolidée. En dernière analyse , l'oeil droit de cette enfant jouit en grande partie de la lumière j elle distingue tous les gros objets j le gauche remplit parfaitement ses fonctions : il n'existe point de larmoiment, comme cela arrive très souvent après de pareils acci- dens. Les paupières n'offrent aucune dif- formité 5 et la ligure de cet intéressant sujet , heureusement exempte des traces ordinaires de la petite vérole , est rendue à ses premières expressions. ( ^9 ) ^ M/ Morland a présenté ensuite des considérations sur l'antiquité du globe. Il peint les impressions profondes et du- rables que , dans tous les temps , l'aspect du globe et les cliangemens qu'il éprouve, ont faites sur l'homme observateur. Tout dans la nature terrestre , ses cliangemens, ses catastrophes , excitent la ciiriosité du naturaliste , et dirigent ses idées sur l'état passé , sur l'existence actuelle , et sur le sort futur de ce théâtre de tant de mer- veilles. L'homme n'aperçoit le plus souvent la nature qu'à travers un prisme enchanteur qui altère sa forme et ses couleurs origi" nelles. « Mais , dit l'auteur , combien il est •c désabusé , lorsque seul avec la médita- cc tion , et déroulant les annales du temps ,' e< il a pénétré jusqu'au sanctuaire de la « nature , et qu'il a découvert ses ressorts ce cachés , ses mouvemens inconnus au « vulgaire j lorsque la réflexion et l'expé- « rience , ces deux cruelles et inévitables « compagnes de sa vieillesse , en désen- cc chantant l'univers , lui présentent enfin « les objets tels qu'ils sont. (70 « Il apprend alors que la nature ne doit ce être aperçue qu'à travers un nuage , ec qu'elle a besoin des illusions poétiques « de la jeunesse et du printemps, qu'elle « ne plaît qu'avec les Zéphyrs et les Grâces. « Nous l'aimons environnée de jasmins « et de roses , nous l'admirons sous le feu en l'écoutant, bâillait. Le bon baron ^ pour charmer sa tristesse , Près d'elle assis , lui nombrait ses vassaux, Vantait ses chiens^ ses piqueurs, ses chevaux j Parlait de chasse , exaltait son adresse , Son grand crédit, son antique noblesse, Trente quartiers!.... Mais , pour un jeune cœur , Tous ces biens là ne font pas le bonheur; Aussi la belle et triste châtelaine Pleurait toujours, sans soulager sa peine. Moins malheureuse, elle semblait enfin, Depuis un mois , oublier son chagrin , Depuis le jour où ce lieu solitaire Était choisi pour célébrer la paix , Depuis le jour où les joyeux Français S'y délassaient des travaux de la guerre. Ermance alors , comme une tendre fleur Qu'a ranimé le souffle du zéphyre , Avait repris son éclat, sa fraîcheur. A cette fête un doux charme l'attire , Et ses beaux yeux annoncent le bonheur. Car tout chagrin avec le temps s'envole. Et jeune femme aisément se console. Mais bien souvent nous formons des projets Dont un hasard dérange le succès. Qui l'auroit dit , trop malheureuse Ermance , (83) Que , clans ce jour , époux mal-encontreux , Ton vieux bai-on viendrait, par sa présence j Imprudemment troubler ici tes jeux ? Il entre : il voit au milieu de la danse Un beau valseur 5 son air , sa noble aisance Ont rassemblé des spectateurs nombreux. Entre ses bras mollement balancée , Nymphe légère, à la taille élancée , Forme avec lui de doux enlacemens. On suit leurs pas , â(i regarde , on admire L'heureux accord de tous leurs mouvemens. Simple conteur , pourrais-je vous décrire Tant de beautés 5 et mes pinceaux tremblans , Qu'une main faible à peine sait conduire, Formeraient-ils des portraits ressemblans? Est-ce Adonis ou le fils de Latonne ? Serait-ce vous , délté des amans, Belle Vénus, que la foule environne ? C'est Florival , c'est la jeune baronne, Groupe charmant par les grâces formé ! Le vieux baron , à bon droit alarmé. Profanateur des jeux de Therpsichore , Allait saisir le valseur au collet. Tout divulguer , et comme un matamore , Faire en public un éclat indiscret. Mais il s'arrête^ et changeant de projet : Vaut mieux , dit-il , user ici d'adresse. Au général notre homme alors s'adresse : — Quel est, Monsieur, cet officier d'hussards. Ce beau danseur , ce brillant personnage , ( 84 ) Suivi , fêté , fixant tous les regards y Et qui des traits d'Adonis et de Mars j Offre à nos yeux l'élégant assemblage ? —■Cet officier, répond le général, Prodige heureux , sait étonner et plaire; Brave, galant, mais un peu téméraire, Dans les combats , dans les plaisirs , au bal » Il n'a jamais rencontré son égal. Par mille exploits sa valeur proclamée , Fait chaque jour parler la renommée ; Et pour tout dire enfin , c'est Florival , L'amour, l'honneur, l'exemple de l'armée- — Vous plaisantez , répUqua le baron , Moi je sais bien que ce n'est qu'un frippon. Ces mots à peine avoient frappé l'oreille De nos Français , tous ont quitté leurs jeux, Prêts à venger le propos outrageux. Au vieux Rudorff , le général conseille Un désaveu ; mais qui ne connoît pas D'un Allemand la fermeté stoïque ! Notre baron bravant tout ce fracas, A leurs clameurs tranquillement réplique : »— Vous avez tort , Messieurs , sur mon honneur , Moi je soutiens que ce n'est qu'un voleur. Des Allemands la nombreuse cohorte Veut le sauver, et l'entraîne et l'emporte j Mais les Français vengeurs de Florivaâ^, En un champ clos ont transformé le bal. Le trouble augmente , et les belles danseuses Qui dans ces lieux tous les jour» plus heureuses , ( 85 ) Goûtoient déjà les douceurs de la paix , Trembloient de voir Allemands et Français Tirer encor le sanglant cimeterre , Et pour un mot recommencer la guerre. L'histoire dit qu'entre les combattans On vit alors courir nos héroïnes, Comme autrefois ces fameuses Sabines Dont le courage , et les conseils prudens , L'effroi , les cris , les prières , les larmes , Aux deux partis firent poser les armes. Fermes , unis , les rudes Allemands Et s'obstinaient, et se m.ontraient rebelles; Mais les Français nés polis et galans , Toujours soumis aux volontés des belles , Sans résister calmèrent leur courroux. Dans ce désordre , hélas ! que faisiez vous Sensible Ermance ? Inquiète , égarée , D'un trouble affreux vous étiez dévorée ; Mais votre époux, adroit consolateur, Ingénuement calmait votre frayeur, Et vous disait : Ne craignez rien , Ermance , Ce Florival, cet effronté voleur, Vient de partir , il a fui ma vengeance. Le beau valseur s'évadait en effet : Par une marche et prudente , et discrète , Il avait su j gagnant un cabinet, A l'ennemi dérober sa retraite. Eh bien, Messieurs, ajoutait le baron , Conviendrez-vous que ce n'est qu'un frippon ? Tous les Français frappés de cette fuite, (S6) Restaient confus , muets d'étonnement , Se regardaient, et ne savaient comment De Florival expliquer la conduite. Le vieux baron profitant du moment, Prend la parole , et joyeux, triomphant, Ainsi raconte à tout son auditoire , Du beau voleur la merveilleuse histoire : a J'avais promis l'autre jour de courir « Un cerf dix cors , je bn^lais de partir, « Et des piqueurs craignant la négligence , ec Au point du jour j'étais déjà botté. (87) te Convint du fait , et me tint ce discours i « —Daignez, Monsieur, oublier mon offense 5 « Vous possédez chez vous un grand trésor, « Et je venais dans le dessein coupable.,.. « — Eh ! d'où sais-tu, qui t'a dit, misérable ^ (c Qu'en ce château je conservais mon or? « Tu vas bientôt recevoir le salaire ce De ton forfait. — J'allais au même instant « Mettre la main sur l'effronté brigand , « Et l'honorer d'un brevet de galère ; « Mais son maintien, ses regards, et sur-tout te Un pistolet dont il montrait le bout , ce Subitement adoucit ma colère. ce Epouvanté d'une telle action , ce Je regardais en stupéfaction ; ce II profita de mon trouble, le traître, ce Et je le vis lestement disparaître. « Dans le château , le mal-adroit frippon , ce Pour me voler , s'était , par ignorance , ce Comme on le voit , trompé de pavillon ; te Et j'augurais de cette heureuse chance, Lorsque soi-même on conte son histoire. Mais la baronne , en proie à sa frayeur , N'entendait plus le prolixe conteur, Ne voyait rien , et pâle , défaillante , Laissait tomber sa paupière mourante. Aucun Français n'aurait alors osé Pour Florival paraître dans la lice ; Au vieux Rudorff on sut rendre justice y Et sur son dire on jugea l'accusé. Mais le public, jury plus équitable , Aurait en France acquitté le coupable. SEANCE PUBLIQUE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRjES DE DIJON. à SÉANCE PUBLIQUE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES , ARTS ET BELLES-LETTRES DE DIJON, Tenue le 22 Août 1810. DIJON, a>E l'imprimerie de frantiit. .810, ANALYSE Des travaux de l' Académie des sciences f arts et belles-lettres de Dijon ^ pour l'année i8o^. One souvent comparé les séances aca- démiques à ces assemblées fameuses dont la mémoire s'est conservée jusqu'à nous avec le souvenir des beaux jours de la Grèce ; et la malignité sans cesse occupée à découvrir le côté foible des choses , n'a pas manqué de tirer de ces rapprocliemens imparfaits des inductions piquantes; tantôt combattues avec aigreur , tantôt repoussées avec foiblesse. De ce combat bizarre et souvent inter- rompu , on a vu naître une foule d'idées peu justes. Pourquoi donc ne pas aborder de nou- veau cette question , pourquoi ne pas re- cîiercher avec franchise ce que ces assem- blées ont de commun , ce qu'elles ont de dissemblable ? En rectifiant quelques faits. (M cette discussion nous rapprochera de la vérité , et d'ailleurs elle n'est point étran- gère à la circonstance où nous nous trou- vons , et nous conduit naturellement au récit des travaux de l'Académie. Établissons ce parallèle. D'un côté nous voyons un peuple im- pétueux et léger , placé sur une terre fer- tile , et sous un ciel enchanteur , trouvant dans cette double circonstance le repos si doux qui fait naître la méditation , les sciences et les lettres , et cet élan qui nous porte pour ainsi dire malgré nous vers les choses élevées; aimant avec excès la jouis- sance et la gloire ; trop jeune encore pour ne pas avoir conservé une teinte légère de sa rudesse primitive , mais assez policé pour être puissamment ému par tout ce qui est grand , par tout ce qui est beau ; promet- tant sur le champ de bataille des statues et des lauriers, et dans la paix ombrageant des palmes de la victoire ses temples et ses places ; rentrant modestement dans ses foyers , mais voulant y retrouver les plai- sirs , les arts , souvent même les dangers ; changeant ses assemblées en fêtes solen- (3) ïielles ; appelant à les célébrer non-seule» ment ses concitoyens , mais les nations voisines , et cherchant par le triomphe des arts à embellir son propre triomphe. Tels furent les Grecs. De l'autre nous voyons un. peuple déli- cat et sensible , né sous un ciel moins pur , mais renfermant en lui-même le germe du goût le plus exquis j amant éperdu delà gloire et des plaisirs ; connoissant la gran- deur des dangers ; les bravant sans les cher- cher , 7nais se précipitant au milieu d'eux dès qu'ils conduisent à la gloire ; marchant aux périls , et s'élanr.ant vers les plaisirs avec la même pétulance j se livrant aux plaisirs avec tout l'abandon de l'enfance ; calme et grand dans les revers , humain et modeste dans les succès j heureux de consacrer sa jeunesse au dieu des combats , plus heureux de consaci'er le reste de ses jours au culte des muses ; jaloux de don» ner à sa patrie la prééminence sur les au- tres nations j voulant y réunir tous les! genres de gloire , et appelant à l'exécution de ses desseins non-seulement ses compa- triotes et ses voisins , mais y admettant (4) tous les peuples de la terre. Tel est le Français. Ces ressemblances ont quelque chose de frappant ; pourquoi donc avec tant de rapprocliemens , des résultats si opposés ? Voyez-vous chez les Grecs , ces regards animés , ces bras étendus , ces cris poussés vers le ciel , ces craintes , ces espérances j pourquoi ces flots d'un peuple tumultueux dépassant les barrières , se précipitant dans l'arène , s'emparant du vainqueur , et comme si la terre n'étoit plus digne de supporter ses pas , l'enlever , le porter , le présenter en triomphe à une foule émue ? Et dans nos assemblées remarquez ce silence profond , ce calme imperturbable , j'ai presque dit ce froid désespérant. Quoi donc ! la Grèce l'emporteroit-elle sur la France ? Ces temps reculés étoient- ils donc le siècle d'or des arts ? et n'au~ rions-nous plus que du fer à présenter au génie ? mais avant d'approfondir cette pen- sée , souvenons-nous que chez le même peuple où l'on élevoit des statues aux Gla- diateurs, Homère aveugle , avoit erfé de (M village en village , obligé pour vivre de réciter ses vers immortels. Si nous remontons aux causes de ces contradictions apparentes, nous en trou- vons plusieurs. Dans la Grèce , le peuple entier jugeoit; de là le tumulte et la confusion. Chez nous , ce n'est plus la nation en- tière , mais une portion choisie , la partie la plus instruite et la plus éclairée ; de là ce calme tant critiqué : nous ne rencontrons plus l'enthousiasme bruyant des jeux olym- piques , mais nous " sommes entourés du calme de l'école d'Athènes. Chez les Grecs , les artistes étoient là. — - Eux-mêmes , ils présentoient leurs ouvra- ges ; eux-mêmes les expliqiioient. Leurs regards , leurs gestes , leur voix plus ou moins animée , agissoient sur la multi- tude. Le statuaire et le peintre , en expli- quant le sujet de leurs travaux , y joi- gnoient l'histoire des dieux ou des héros qu'ils avoient représentés. Le poëte ne lisoit pas ses vers , il les chantoit , et par cet heureux accord des deux arts les plus (6) puissaiis, il excitoit facilement ces moiive- inens subits et irréfléchis qui entraînent les suffrages. Chez nous au contraire , les produc- tions sont isolées de leur auteur , elles sont abandonnées au iremps et à la médi- tation. Si leurs beautés sont sûres de plaire, leurs défauts ne peuvent se revêtir d'aucune illusion ; de là ce silence presque religieux. Il faut ajouter aussi que chez les Grecs , c'étoit l'assemblée même qui prononçoit ; et chez nous l'assemblée n'est convoquée que lorsque le jugement est porté. Aussi .plus de transports, plus d'applatidissemens j il est facile d'apercevoir en effet que ceux qui apparoissent de loin en loin , sont une affaire d'obligeance , et non pas d'entraî- nement. Tels sont les points de dissemblance et de rapprochement que l'on s'est plu à met- tre en opposition , et qui ont paru basés sur la forme des assemblées anciennes et modernes , ainsi que sur le caractère des peuples qui les ont fondées. (7) Mais ces rapports ne sont pas anssl justes qu'on a voulu nous le faire croire. Chez les Grecs , ces assemblées n'étolent ^u'un spectacle , une fête populaire. Le Gouvernement , pour lui donner plus de pompe , et pour attirer un plus grand concours d'étrangers j peut-être aussi pour tempérer l'éclat de la puissance , s'y entou- roit de ce que les arts ont de plus ravissant. Chez nous elles ne sont point un spec- tacle , elles ont plus de gravité ; elles sont aussi un jour de fête , mais cette fête est sans aucun mélange , elle est entièrement consacrée aux muses. D'ailleurs , en élevant , en caressant les arts , les Grecs ne les associoient pas aux sciences , et c'est ici la différence la plvis frappante , et que l'on a rarement examinée. Ils avoient élevé à la pensée , à la méditation , des temples particuliers ; ils couronnoient les artistes aux jeux olym- piques , et ils alloient écouter les philo- sophes au portique. Les premiers ils sentirent que les scien- ces étoient peu faites pour le tourbillon (8) an monde ', qu'elles avoient besoin de la retraite ; que ce n'étoit que dans la soli- tude que l'ame trouvoit ces inspirations puissantes qui l'élèvent au-dessiis des ré- gions vulgaires : ils savoient qu'une tige de laurier suffit au savant , tandis qu'il faut des applaudissemens et de l'éclat au peintre , au statuaire , au musicien , au poëte. Les arts ont toujours eu je ne sais quelle tendance au mouvement , au fra- cas. C'est au milieu du tumulte , et sous les regards de tous , que l'artiste aime à être placé j c'est là que violemment ému, il s'élance au-delà de lui-même, et saisit ce feu sacré dont il vivifie ses compositions : ajoutons que son enthousiasme alors se communique à nous ; nous nous enivrons de ses transports , nous nous associons à son délire , qui est notre ouvrage j en un mot , nous nous mettons à sa place : l'i- vresse du peuple aux triomphes du capi- tole , en est la preuve. Et pourquoi citer ce qui se passoit à Rome f qui de nous ne se souvient des premières années de l'école des beaux arts ( r) dans cette ville , de la manière grande dont les récompenses y étoient offertes et distribuées. On donnoit comme à présent des couronnes et des médailles , mais ces distributions solennelles étoient tout à fait isolées de celles accordées à d'autres étu- des ; elles ne se faisoient pas en plein jour , mais à la lueur des flambeaux qui en rehaussoient la pompe , en présence d'une assemblée nombreuse et choisie. Les vainqueurs n'étoient point abandonnés et noyés dans la foule , ils occupoient une place distinguée j on les reconduisoit avec éclat î ils étoient accompagnés de leurs camarades, ils étoient suivis d'une foule immense ; l'éclat des flambeaux , le son des timbales et des trompettes annon- çoient leur passage ; par-tout on illumi- noit, et ce cortège triomphal arrivoit ainsi jusqu'à la demeure , souvent à la chau- mière de leurs parens , qui , les yeux rem- plis de larmes , les serroient dans leurs bras , et les inondoient de leurs pleurs. C'est ainsi que l'on récompense, que l'on excite , que l'on anime les arts j c'est ainsi que l'on fait naître le génie. (îo) Mais je m'oublie : eh ! qui ne s'égarc- roit comme moi en parlant de ce qui fait la gloire de son pays. Revenons et concluons que quelles que Soient les différences que nous ayons ob- servées entre les anciens et les modernes, si nous voulons envisager leurs établisse - mens d'après le but qu'ils ont dû se propo- ser , nous les trouverons encore plus éloignés. Les Grecs ne vouloient qu'exciter, ils prodiguèrent les couronnes et la gloire j ils réussirent. Le but des académies est bien différent. Non-seulement elles doivent entretenir l'émulation , et exciter le génie , mais elles doivent en diriger la marche , souvent peu régulière , indiquer les erreurs , signaler les écarts ; elles sont le foyer conservateur de la pureté des productions des siècles écoulés , les protectrices des travaux pré- sens , et les garans de ceux qui se préparent. Examinons si l'académie de Dijon a rem- pli ses obligations , si elle a marché vers le but qui lui est proposé. Deux opinions fameuses se partageoient (il) le monde savant. L'une sons les bannières cle la pliilantropie sembloit devoir af- franchir l'humanité de l'empirisme re- proché à l'art de guérir j c'étoit le système de Brown : l'autre intéressant vivement la morale , vouloit nous apprendre par quelle influence nos actions étoient déterminées : c'étoit le système de Gai. L'académie étudia long-temps ces sys- tèmes , elle conserva long-temps les pièces de ces grands procès , elle les médita , les compara , elle osa prononcer : lorsqu'elle émit son opinion , ce fut avec tous les égards que l'on doit aux amis des sciences j elle eut grand soin de faire remarquer que si ces idées étoient des erreurs , elles n'é- toient pas des erreurs communes , qu'il falioit un grand talent pour les établir : en réj^étant que l'on devoit se mettre en garde contre ces inductions erronées , elle n'ou- blia pas de démontrer combien il fallait de t)çmps , d'étude et d'esprit d'analyse pour arriver à de tels résultats : mais comme elle démontroit que si les faits primitifs étoient vrais , les conclusions qu'on en tiroit , n'étoient pas conséquentes j elle dut annoncer aussi le peu de durée de ces mé- téores : et vous le savez , déjà le système de Brown n'est plus admis que dans quel- ques coins de l'Italie , et encore tellement modifié qu'il n'est plus reconnoissable ; et celui de Gai , n'est plus qu'un rêve fantas- tique , dont on est surpris de s'être sérieu- sement occupé. Cependant il faut convenir que ce n'est pas tous les jours que l'on a de semblables conceptions à étudier j ces erreurs brillantes se rapprochent dans leur marche de la vé- rité, elles n'apparoissent qu'à des distances éloignées. Il faut des années de méditation pour leur donner naissance. L'académie n'ayant rien de semblable à vous offrir, ne vous entretiendra cette année que de ses propres travaux. Des différentes sections dont elle est composée , celle qui s'occupe de l'art de guérir , et celle qui a dans ses attribu- tions les sciences physiques et mathéma- tiques , sont celles dont les travaux ont été les plus nombreux et les plus frappans j l'une et l'autre méritoient bien cette distinc- tion , la première par son.but éminemment (i3) litlle, la seconde par sa sévère perfection. Et d'abord qui n'auroit arrêté ses regards sur cette belle découverte , qui en conser- vant aux empires un tiers de leur popu- lation, répand dans les familles cette douce sécurité , cette intime conviction qu'elles sont désormais préservées des accidens et des difformités dont leurs enfans étoient menacés. Le premier soin de la section de médecine a donc été de s'occuper de la vac- cine , mais elle a senti que ce n'étoit plus par des conseils que l'on pouvoit étendre d'avantage cette heureuse pratique j elle est généralement admise , il suffit de mettre au jour les accidens dont l'opiniâtre habi- tude se trouve de temps en temps punie. Deux observations ont été présentées à l'académie par son secrétaire. Une tumeur varioleuse , compliquée et excessive à la paupière, a nécessité une opération délicate et longue , et pendant long - temps a me- nacé de la cécité. Un énorme dépôt qui s'étoit amassé entre les deux lames du médiastin anté- rieur , qui par son séjour avoit tellement attaqué lii substance osseuse, qu'un frag-^ (/4) ment de la troisième côte , est sorti de lui-même à l'ouverture de la tumeur ; la mortification d'une portion de la ma- clioire supérieure qui se détacha d'elle- même j et tomba avec les quatre dents qu'elle contenoit. Tels sont les faits ef- Irayans dont les preuves ont été soumises aux regards de l'académie , et qu'elle croit devoir publier , parce qu'ils parlent hau- tement contre ceux qui négligent la vaccine. Dans le même temps , M. Calignon pré- sentoit ses observations pathologiques sur le suicide. On a pensé depuis long-temps , et l'on pense généralement encore que cette in- concevable attentat de l'homme sur lui- même , étoit la suite nécessaire d'un état maladif; M. Calignon a cherché à prouver que si cette assertion étoit vraie pour quel- ques cas , elle étoit fausse au moins pour le grand nombre , ce qu'attestent les faits qu'il expose. Dans les circonstances qu'il a été à même de suivre et d'étudier , il a pu s'assurer , par l'aveu même des indivi- dus qu'il avoit guéris de leurs blessures , (15) que jusqu'alors ils avoient constamment joui d'une heureuse santé j que jamais ils n'avoient été tourmentés par aucun cha- grin, que leur esprit avoit toujours été sain , et qu'enfin ils ne s'étoient livrés à cette action coupable , qu'au moment mê- me où ils en avoient conçu le projet. Il eût été sans doute à désirer que des exemples plus nombreux , que des faits contradictoires eussent pu être mis en opposition , et sur-tout que l'on eût com- paré les suicides spontanés , et pour ainsi dire imprévus , avec ce dégoût lent de la vie , qui ne prenant sa source dans aucun événement fâcheux , paroît ne dépendre , comme le pensent les Anglais , que d'une altération organique j mais il est bien dif- ficile que de telles observations aient ce degré de perfection qu'on exige , à raison des obstacles insurmontables que l'on trou- ve presque toujours , lorsque l'on veut tenter quelques recherches sur les person- nes qui ont ainsi péri. En médecine non-seulement on rencon- tre des difficultés décourageantes en cher- chant la vérité , mais on trouve des faits (i6) bizarres et monstrueux , qui n'apprennent rien pour la science , qui ne servent à rien pour le traitement , et qu'il n'est utile de recueillir que comme faits curieux. Telle est l'observation donnée par M. Calignon , sur un développement excessif du virus can- céreux , cas extraordinaire , dans lequel les muscles de l'abdomen carcinomateux dans toute leur surface , avoient acquis de 16 à 22 centimètres d'épaisseur. Cette curieuse observation ne sera point analysée, elle sera imprimée textuellement Si la suite du compte rendu. L'académie doit faire connoître deux opinions qui lui ont été soumises sur cette affreuse maladie , dont les ravages sont ■plus effrayans et plus terribles que ceux de la peste, puisqu'ils sont accompagnés de douleurs atroces , et d'un supplice con- Tulsif , qui ne se termine , et ne peut se terminer que par la mortj la rage, que nous redoutons sans nous mettre en me- sure de l'éviter, et sur les suites de la- quelle le peuple ne prend presque Jamais que des demi-mesures. Nous blâmons les Orientaux de s'en- ( ï7 ) doriiiîr au sein des dangers , et nous imi* tons leur coupable insouciance. C'est sans doute à l'aspect de cette apathie que M. Bouriat a cru devoir écrire ses re- clierches et ses réflexions sur la rage. Il s'abandonne aussi à cette espèce de fata- lisme , et persuadé sans doute que cette maladie ne peut disparoître , il imite ceux qui l'ont précédé , et dont aucun n'a cher- ché à éveiller l'opinion sur les moyens de la rendre au moins plus rare ; il ne s'attache qu'aux remèdes qu'il faut promp- tement employer pour la détruire , lorsque l'on vient d'en recevoir le germe j il cherche à bien convaincre de cette vérité , que le virus rablfique , par sa nature , ne peut pas être admis facilement dans la circulation ; que sa présence excite d'abord un froncement qui l'oblige de sé- journer dans la blessure; qu'il y est ren- fermé quelque temps , sans pouvoir péné- trer dans le reste de l'économie , et que dans ces premiers momens le mal étant purement local , tout nous porte à présu- mer qu'il suffit , pour s'opposer aux acci- dens, d'en détruire la cause dans le lieu 3 ( i8 ) même , ce qui se fait assez facilement par la cautérisation. Mais ces moyens , on le sent bien , ne sont utiles qu'avant le développement du virus rabifique j car , lorsque son action est étendue, c'est-à-dire, dès le premier accès convulsif , il n'y a plus de moyens connus qui puissent en arrêter les funestes effets. Seulement s' appuyant de quelques ex- périences de Spallanzani, M. Bouriat pense que l'on pourroit opposer utilement au virus rabifique , dont l'action est si vio- lente lorsque la rage est déclarée , le venin engourdissant de la vipère; op)inion heu- reuse peut-être, et que l'on ose recomman- der, quoiqu'elle ne soit encore appuyée que par une seule expérience. Le second des deux ouvrages est de M. Gérard, médecin à Lyon. M. Gérard paroît persuadé que la salive des animaux enragés n'est jamais conta- gieuse ; que c'est un grand malheur pour l'humanité qu'une idée semblable se soit répandue, puisqu'en jetant dans le décou- ragement et l'effroi , elle donne plus d'ac- ( ^9) tivité aux accidens dëpendans de la seule dilacération. Dans l'affection rabienne, dit-il, la ma- ladie est locale , la salive prétendue véné- neuse d'un animal n'y est pour rien. Le désordre de l'organisme qui accompagne si fréquemment les blessures, n'est causé que par une irritation fixée dans la partie affectée par les dents de l'animal. Aussi, comparant les accidens de la rage avec ceux qui se déclarent quelquefois à la suite de grands délabremens, il donne à cette maladie le nom simple de Tétanos rabien ; les expériences dont il s'appuie, il faut l'avouer , sont nombreuses et pa- roissent favorables à son opinion. Cepen- dant elles ne sont que spécieuses , et quel- ques peines qu'il se soit données pour pro- curer mécaniquement la rage à divers animaux par des décliiremens et des mor- sures artificielles , il n'a pu donner nais- sance qu'à quelques symptômes qui s'en rapprocholent , mais qui dans aucune cir- constance n'en n'ont pris le véritable ca- ractère. D'ailleurs comment établir que le moral sî ptiissant chez l'iioiniue , puisse jamais avoir dans cette circonstance une influence aussi marquée cliez les animaux. Ce seroit sans doute un grand sujet de consolation pour l'espèce humaine , de voir enfin se terminer aussi heureusement la discussion qui depuis deux mille ans oc- cupe les médecins sur ce sujet. Mais com- ment se bercer d'une illusion si flatteuse , lorsque l'on voit celui qui cherche à l'éta- blir, recommander pour les personnes qui ont eu le malheur d'être mordues par un animal enragé , les mêmes précautions et le même traitement que celui qui a été conseillé par tous les médecins qui ont écrit sur cette maladie. Tels sont les travaux de la section de médecine, auxquels il faut ajouter les re- cherches pathologiques sur les gonflemens de la parotide dans les maladies fébriles par M. Scavini , et un mémoire sur une fièvre rémittente qui a régné épidémique- ment à Bargemont pendant le premier se- mestre de 1808, par M. Audibert-Caille , ainsi que plusieurs mémoires et observa- tions qui lui ont été adressés par diverses Si/ (SI ) personnes, et clans le détail desquels on ne peut entrer , parce que les auteurs les ont retirés ou désirent garder l'anonyme. La pharmacie aussi a payé son tribut , et M. Masson-Four , correspondant , a fait lecture d'un mémoire intéressant sur l'ipé- cacuanlia et ses préparations les plus usi- tées ; mémoire remarquable non-seulement par l'analyse de cette racine , et par une meilleure manièi'e de préparer le sirop d'ipécacuanlia , mais encore par l'intro- duction du sirop de raisin dans les diffé- rentes préparations pharmaceutiques , et qui a parfaitement réussi. On a cherché à substituer plusieurs ra- cines indigènes à celle du Brésil , et l'on n'a encore aucuTies données certaines à leur égard. Peut-être seroit-il avantageux de les analyser comparativement pour dé- terminer le degré de confiance que l'on doit accorder à celles que l'on propose. M. Masson a déjà fait quelques essais ; il a même éprouvé qu'un mélange de ra- cines de violettes communes et d'asarum activé avec le tartre stibié réussissoit par- faitement. (•22 ) M. Masson-Four n'a pas borné là ses travaux j il a voulu démontrer que les rl- cliesses de notre territoire nous empê- choient de remarquer les choses précieuses placées à nos côtés. Il a cherché à fixer nos regards sur une source d'eau minérale totalement négligée , il en a donné l'ana- lyse } ce sont les eaux minérales de Joulie , département du Jura. Ces eaux sont pla- cées dans la classe des eaux salines froides j elles contiennent par myriagrammme , Muriate de magnésie . . 4 grammes 78 Mur. de soude 7 97 Soude excédente . . . . ^ 4^ Magnésie 5> 53 Carbonate calcaire . . . 1 5^ Sulfate de chaux .... 3 83 Mais l'expérience a démontré qu'il en est des choses qui se passent près de nous comme de celles qui sont soumises à l'em- pire de l'habitude ; les objets lointains ont plus de prix pour nous ; on néglige ceux que la nature bienfaisante a prodigués sous nos pas ; ou pour mieux dire, trop fami- liarisés avec eux , nous leur demandons plus qu'ils ne peuvent accorder, nous leur (23) ^ reprochons même de n'avoir pas donné ce qu'il n'étoit pas en leur pouvoir de donner : au lieu que les choses éloignées , n'ayant que peu de ce qui nous est connu , on aime à leur supposer mille propriétés , on exalte leur action , on en prône les résultats. Ce n'est pas ainsi , cependant , que nous examinerons les notices sur les" poisons de Saint-Domingue par M. Amable Cheze. Ce sujet est du plus haut intérêt ; on ne verra pas sans quelque attention les Nègres, amis taciturnes de leur liberté, préparant des poisons lens qui ne sont connus que d'eux, les transmettant de races en races, sans que cette transmission soit interrom- pue ou trahie , établissant poiir ces se- crets une sorte d'initiation mystérieuse, n'admettant dans leur intimité que ceux de leur couleur , et lorsqu'ils se sont assurés de leur discrétion par des épreuves longues, pénibles et nombreuses ; ayant découvert aussi les moyens de s'opposer à ces poi- * sons s'ils étoient dirigés par la jalousie ou les passions de la jeunesse j portant toujours sur eux ces préparations vengeresses. Cette idée fait frémir , mais elle attire vivement (M) Tattentlon-; et sous ce rapport, M. Amable Cheze avoit bien choisi son sujet. Mais il ne faut pas oublier aussi que l'imagination s'égai^e facilement lorsqu'elle repose sur des objets vagues. Souvent elle crée des chimères qu'elle met sans s'en aper- cevoir à la place des faits , et lorsque le théâtre des événeraens se trouve situé loin de nous , il est bien difficile que les objets ne soient pas un peu grossis par la dis- tance î aussi , quoiqu'il paroisse prouvé que les Nègres ont parmi eux des secrets qu'ils se commxiniquent , il n'est pas en- core démontré que ces secrets soient re- vêtus de toute l'atrocité qu'on leur re- proche , et malgré ce que l'on a dit ou écrit à ce sujet , nous n'en restons pas moins dans l'incertitude sur la nature et même l'action des moyens qu'ils peuvent employer. Tel est l'ensemble des travaux de l'Aca- démie qui ont des rapports directs avec l'art de guérir *. * Nous pouvons cependant y réunir le bel ouvrage de M. Morelot, , sur l'histoire natizrelle appliquée à la chimie , aux arts , aux différens genres de l'indus- trie et aux besoins personnels de la vie. Mais l'on ne peut se dissimuler que quoique ces objets soient d'une haute im- portance, quoique leur application inté- resse d'une manière immédiate le bojilieur de tous, puisqiie le plus grand bien réside dans la santé j cependant on évite ordi- nairement , et avec quelque raison , de traiter ces matières dans une assemblée publique ; elles portent toujours avec elles, quelque rassurantes qu'elles puissent être , une teinte mélancolique , une idée de destruction qu'on cherche à éloigner. Aussi ne vous les ai- je présentées qu'avec une espèce de parcimonie , pour passer à un ouvrage d'un autre genre non moins sérieux sans dotite , mais plus attrayant ; c'est encore de l'homme que nous allons nous entretenir : mais nous abandonne- rons ses misères et ses infirmités ; nous ne verrons dans lui que ses actions , ses sen- sations , ses désirs , ses pensées ; nous le suivrons depuis le premier moment où il peut apercevoir les formes des choses jus- qu'à celui où il peut juger leur rapport : tel est le but d'un mémoire présenté à l'Académie par M. Thoromberg. Ce mé- moire est intitulé : Essai sur la classifica- tion des sciences humaines dans l'ordre des études, et motifs de cette classifi- cation. L'objet de l'auteur a été de classer les sciences dans un ordre qui en facilitât l'étude , et de former une échelle avec laquelle on pût, en suivant la méthode ana- lytique , établir entre les sciences une liai- son proportionnée et adaptée à la marche naturelle des facultés intellectuelles. C'est par l'expérience et l'observation que les hommes ont cherché d'abord à découvrir les propriétés des corps , et qu'ils ont ac- quis les connoissances dont ils s'enor- gueillissent ; mais à quoi conduiroient ces connoissances si elles restoient éparses, isolées ', il faut qu'elles soient liées les unes aux autres, qu'elles soient comparées entre elles , qu'on les place par conséquent dans un certain ordre : sans cela, les sciences les plus simples offrent des difficultés innombrables. Pour en rendre la route plus facile à parcourir, il fallut inventer les différentes méthodes d'enseignement. L'avantage de ces méthodes se fit bientôt sentir j des hommes qui n'auroient peut- ( 27 ) être jamais pu s'élever par leurs propres forces à la hauteur des sciences , mar- clièrent hardiment au milieu de leurs diffi- cultés. Les découvertes du génie devinrent ainsi le patrimoine de la multitude. Non-seulement on a recueilli dans les méthodes élémentaires les principes géné- raux de chaque science ; on est venu au point d'analyser , de comparer entr'elles les méthodes elles-mêmes. On a observé la marche que l'homme avoit suivie dans ses premières recherches , et l'examen ap- profondi des méthodes différentes qui l'avoient guidé , a conduit à la science des méthodes, c'est-à-dire , à l'analyse de l'ana- lyse , s'il est permis de s'exprimer ainsi. Voilà peut-être le plus haut degré où l'esprit humain puisse s'élever à l'aide de ses facultés intellectuelles. Ce n'est plus une science en particulier qui fait l'objet de l'étude dont nous parlons. Ce sont toutes les sciences ensemble , c'est-à-dire , c'est l'homme lui-même considéré à la fois comme médecin , comme musicien , comme géomètre , comme j urisconsulte . Cette étude renferme , ainsi qu'on le voit , les diffi- cultés de toutes les autres. ( ^S ) Cependant , il faut le dire , roplnloii d'un grand nombre d'hommes recoraman- dables par leur profond savoir , pourroit jEaire croire que cette direction des esprits depuis près d'un siècle , et dans toutes les parties de l'Europe savante 5 que cette tendance vers les spéculations de l'espèce la plus abstraite , sont en même temps l'annonce que chaque science en particu- lier devient stationnaire : et il est permis de croire que la difficulté des découvertes encouragera chaque jour de plus en plus ce genre de recherches plus élevées sans doute que toutes les autres , mais aussi , dont les résultats , souvent peu certains , sont toujours moins utiles à la société que la moindre observation bien faite sur la pulpe des nerfs ou l'acide benzoïque. L'Académie ne pouvoit se montrer indif- férente au perfectionnement d'une science quelconque; elle a dû accueillir un ou- vrage clair et méthodique, recommandable sur-tout par l'esprit analytique ; un ou- vrage dans lequel l'auteur a bien fait voir la liaison qui existe entre les sciences dii- férentes qui composent la science générale 5 ( ^9 ) cloiit le but est de faciliter leur progrés ; dont le style est pur , élégant , même dans une matière qui paroît d'abord aride et peu susceptible des ornemens de l'élo- cution. M. Tlioromberg a aussi communiqué un mémoire sur la nature et les effets des di- verses espèces d'éloquence. Mais si ces ouvrages se refusent à l'ana- lyse par leur marche et leur sévérité , que penser des travaux des sciences physico- mathématiques ? Comment présenter des ouvrages hérissés de calculs , comment soulever la main de fer des mathématiques, et exposer à tous ce qui ne peut être démontré que par elles? Lorsqu'elles se sont emparées d'un sujet, il ne peut plus être étudié que par les moyens qu'elles nous donnent j on est donc obligé dans un compfe public de se borner au titre seul des ouvrages les plus importans : ce n'est qu'ainsi que noug, pouvons offrir le mémoire présenté par M. Berthot , et ayant pour titre : — Méthode de Lagrange pour la résolution en nombre entier des éqiTations indéterminées du second degré , modifiée dans son exposition. ( 3o ) Le second mémoire est de M. Sureraaîn de Missery, associé non résidant, déjà connu avantageusement par sa théorie acoustico-musicale , et par plusieurs mor- ceaux insérés dans l'encyclopédie métho- dique : cet ouvrage intitulé Géométrie des sons 3 repose entièrement sur le calcul j mais tel est l'empire de cet art enchanteur, qu'il sait encore , quelle que soit la sé- vérité dont on veuille l'entourer, se sous- traire aux lois communes : né du senti- ment , agrandi par les émotions du cœur , parlant impérieusement aux sens , ayant une sorte d'éloquence dont nous ne sau- rions nous défendre ; son entraînement est tel , que nous pouvons encore parler de lui en remontant même à ses principes théoriques les plus abstraits. Ce que nous nous proposons dans cette notice est moins de donner l'analyse même rapide d'un ouvrage qui par sa nature semble s'y refuser, que de faire sentir l'état d'imperfection , disons mieux , l'état d'en- fance dans lequel se trouve encore la science dont il traite, à en jnger du moins par l'ignorance absolue où l'on est dçs i ( 3i ) principes qui doivent lui servir de base , telle que la mesure des sons modifiables du grave à l'aigu et la mesure des inter- valles de ces sons j d'appeler l'attention sur un ouvrage où l'on établit ces principes d'une manière rigoureuse, et où l'on se sert de cette méthode pour élever tout l'édifice de cette science , au moyen d'une idée première et féconde, qui ramenant à un point unique les différentes parties du sujet , donne à l'ensemble cette régu- larité, cette harmonie sans laquelle rien n'est beau dans les productions de l'es- prit; de combattre enfin l'opinion d'un grand géomètre, d'Alembert , qui sembloit regarder comme inutile et illusoire l'appli- cation des mathématiques à la théorie de la musique : cette opinion pourroit être mise en avant par ceux qui ne repoussent l'au- torité des raisons que par l'autorité des personnes , toujours disposés d'ailleurs à rabaisser des idées nouvelles quoiqu'elles soient le germe des découvertes. L'Auteur explique ainsi lui-même tout son travail. Les théoriciens qui ont cherché à me- (32) urers les sons relativement à leur degré de gravité ou d'acuité , ayant remarqué que de deux sons différens la corde du plus grave faisoit moins de vibrations dans une seconde , et celle du plus aigu , davantage dans le même temps , ont cru , ou que les degrés des sons se mesuroient par le nombre des vibrations de leurs cordes dansTunitéde temps , ce qui est faux ; ou que ces nombres de vibrations offroient le moyen de donner sinon une mesure , du moins une idée des degrés des sons , ce qui est vrai , mais en même temps bien insuffisant, puisqu'il res- teroit alors à trouver la mesure précise du degré du son. Et il démontre que les de- grés des sons se mesurent ■ par les loga- rithmes des nombres de vibrations de leurs cordes dans l'unité de temps , et qu'ainsi , ils sont entr'eux comme les logarithmes de ces nombres. Les théoriciens, ajoute-t-il, qui ont cherché à mesurer les intervalles des sons, ayant aiissi remarqué, que de deux in- tervalles différens, les cordes du plus grand donnoient un plus grand rapport entre leurs nombres de vibiatious dans une se- ( 33 ) coude , et les cordes du plus petit , un plus petit rapport entre leurs nombres de vibrations dans le même temps , ( chaque rapport étant estimé en divisant le plus grand terme par le moindre ) , ont cru , ou que les intervalles se mesuroient par les rapports des nombres de vibrations de leurs cordes dans l'unité de temps , ce qui est faux; ou que ces rapports des nom- bres de vibrations offroient le moyen de donner , sinon une mesure , du moins une idée des intervalles des sons, ce qui est Trai ; mais en même temps bien insuffi- sant, puisqu'il resteroit alors à trouver la mesure précise de l'intervalle de deux sons. Et il démontre que les intervalles des sons se mesurent par les logarithmes des rapports des nombres de vibrations de leurs cordes dans l'imité de temps , ( chaque rapport étant estimé en divisant le plus grand terme par le plus petit) , et qu'ainsi ils sont entr'eux comme les logarithmes de ces rapports. Ceux qui pouri'oient reprocher à l'au- teur d'avoir hérissé d'épines un art qui 3 (H) semble ne promettre que des fleurs , sc- roient à cet égard dans un vain préjugé qu'a pu fortifier l'autorité d'un grand nom , mais que doit renverser l'autorité de la raison. Pourquoi refuser d'admettre l'avantage que présente l'application des mathéma- tiques aux phénomènes, lorsque ceu.x-ci ont assez de simplicité pour être assujettis à une marche régulière * ? Si c'est là ce que l'on a pu pratiquer avec succès dans une science aussi com- plexe que la chimie , pourquoi ne le pour- roit-on dans une science aussi simple que l'acoustique ? Si on l'a pu d'une manière plus heureuse encore dans l'optique , pour- quoi ne le pourroit-on dans l'acoustirjue , science qui offre avec elle une analogie si marquée ? Disons plus ', pourquoi l'une des deux est-elle si fort perfectionnée, et que * C'est alors en effet qu*ll convient d'emprunter le secours de cette science sublime qui , par la com- binaison des nombres et des dimensions , et à l'aide de ses méthodes profoTides , porte le Jlambeau de la certitude sur les hii d^ la, nature. ( 35 ) Taiitre est encore au premier pas, sinon parce qu'on a appliqué l'analyse à la pre- mière et qu'on ne l'a point appliquée à la seconde ? Ici doit être placé l'intéressant travail de M. Antoine ingénieur. Quoique le livre qui paroît tous les ans sous le titre de la connoissance des temps , soit très bien fait ; on désireroit cependant qu'il fût plus complet, et qu'il donnât jour par jour les mouvemens des astres : la science astronomique devenue plus fa- cile et à la portée d'un plus grand nombre d'observateurs, seroit par là plus répandue. M. Antoine avoit dressé pour l'année 3787 une table du lever et du coucher de toutes les planètes , du moment de leur apparition avant le lever du soleil, et de plus celui de leur passage au méridien. Cette table publiée dans le journal de physique de Bertholon , est beaucoup plus étendue que celle qui se trouve dans la connoissance des temps, où par exemple, l'article de la planète Herschel , ne pré- sente que les mouvemens des premiers et seizièmes jours de chaque mois, au lieu ( 36) que celle de M. Antoine donne les raou- vemens de tous les jours de l'année : de plus il étoit important d'indiquer par ap- proximation les momens d'apparition et de disparition , afin d'éviter la peine de chercher un astre qui n'est point encore sur l'horizon ; et ce travail se trouve com- pris dans les tables dont nous parlons. . M. Antoine a également présenté à l'Académie trente-huit tables contenant le passage d'un grand nombre d'étoiles par le méridien , travail qui ne paroît encore avoir été entrepris par personne , et qui cependant seroit d'une haute importance pour les marins qui ne peuvent avoir que des approximations sur les Ion gitudesj mais ces tables ne sont pas complètes. Il a offert aussi un tableau comprenant deux cartes célestes avec un cercle mo- bile et deux surtouts , et qui peut rem- placer les astrolabes , les globes célestes et tous les planisphères qu'on a imaginés. Les quatre astrolabes les plus connus sont ceux de Ptolomée , de Gemmafrinius , de Jean Roy an , et de M. de la Hire. Ce dernier, supérieur aux autres, n'a point (37 ) paru cependant à M. Parent avoir toute la perfection désirable j c'est ce qui a dé- terminé M. Antoine à faire la reclierclie d'un autre mécanisme en même temps simple et juste , et qui pût montrer les astres à la personne la moins exercée , à toutes les heures de la nuit , tant du côté du nord que du côté du midi. Cet instrument qu'il désis,ne sous le nom de Tétrasphère céleste , n'exige pour son usage que de faire tourner la double carte céleste , et d'en arrêter avec une vis de pression la verticale méridionale du jour sur le cercle des heures au point qui in- dique minuit , à l'un ou à l'autre des deux surtouts. On voit alors sur les deux cartes l'état du Ciel aux différentes heures que l'on aura fait passer à l'index. Au moyen de fils de soie tendus au-de- vant du «lilieu des deux cartes , on voit les instans des passages de tous les astres par les méridiens des différens pays, La position dans la largeur du zodiaque, ■des planètes supérieures à la terre , est in- diquée sur cet instrument avec lequel on résout d'ailleurs tous les problêmes que (38) l'on peut éclaircii' par les globes , les sphères, les astrolabes et les planisphères. Si les sciences exactes sont entourées de quelques épines , il faut convenir aussi qu'elles ont un grand avantage, celui de porter en elles-mêmes leur propre récom- pense. Ceux qui les cultivent , savent bien de quel charme on est pénétré , lors- que par elles on est doucement conduit jusqu'à l'évidence. Aussi sont-elles ac- cueillies et recherchées, et leur triomphe continuel fait que bientôt elles devien- dront la science de tous. Il faut bien qu'elles aient quelque chose d'attrayant et de mystérieux qui nous sou- tienne au milieu des difficultés qu'elles nous offrent , et qui dérobe à nos regards les obstacles et les dégoûts dont elles sont si souvent entourées. Sans cet attrait puissant, qui.oseroit les embrasser; qui pourroit, par exemple, se livrer à l'étude de l'antiquité ; qui pour- roit se vouer aux recherches arides et fas- tidieuses , aux contemplations sévères qu'elle exige , lorsque l'on est assuré d'ailleurs que quelles que soient les veilles ( 39 ) que l'on y consacre , ces veilles seront à peine estiméespar les contemporains: c'est aux sociétés savaiites à payer les dettes du siècle , à accueillir , à protéger , à placer au grand jour de semblables recherches. L'Académie de Dijon doit donc une mention honorable aux travaux de ceux de ses membres qui se sont livrés à l'étude de l'antiquité. M, Baudot lui a soumis divers mémoires sur des monnoies anciennes, sur un por- trait du Duc de Bourgogne Philippe le Bon , sur l'origine de l'ordre renommé de la Toison d'or , sur une jolie minia- ture représentant la tenue d'un chapitre de cet ordre , et quelques conjectures sur l'enfouissement d'un trésor à Combertaut ; ce dernier mémoire sera lu dans cette séance. M. Girault ne s'est occupé que des choses particulières au pays qu'il habite ; il a voulu mettre au jour les qualités et les vertus des anciens citoyens d'Auxonne j il a présenté plusieurs mémoires sur la fa- mille des Beaufremont, et s'est arrêté avec une espèce de complaisance sur ce Beaufre- mont-Senecé , dont Henri IV disoit en le (4o) . présentant à la Reine : — Ce gentil- homme est bien jeune , mais il est sorti d'une race qui est sage dès le ventre de la mère. — Il avoit mérité cet éloge par ses représentations vigoureuses , par sa résis- tance hardie , par sa fermeté stoïque en s'opposant à un édit désastreux pour la Bourgogne; le Monarque ému laissa couler des larmes , il lui sauta au cou , et s'écria : ventre st. gris , je ne veux pas qu'il soit dit que mes sujets quittent mes Etats pour aller vivre sous un Prince meilleur que moi. — Il appela Sully et l'édit fut ré- voqué. M. Girault a aussi donné conjoin- tement avec M. Masson la description d'une tombe consacrée à Hugiies Morel j ce moniunent est précieux , parce qu'il nous a conservé d'une manière exacte le costume du temps. M. Girault est singulièrement secondé dans ses projets patriotiques par M. Amanton, qui comme lui, a déjà donné plusieurs notices biographiques j on dési- reroit que ces amis des sciences et de leur pays se trouvassent placés sur un théâtre plus étendu , si l'on ne savoit que les villes C40 qui renferment un plus grand nombre de citoyens , ont été plus étudiées , et qu'il ne reste guère à décrire des monumens qii' elles renferment , que ceux que le hazard peut faire découvrir ; cette circonstance rare n'est jamais négligée , et c'est ainsi que des fouilles sur le terrain de l'ancienne église de la Sainte-Chapelle, en mettant à dé- couvert cette inconcevable quantité de pierres sculptées enfouies dans les fonda- tions des murailles de Dijon, ont donné naissance à la dissertation de M. Fremiet dont on se rappelle encore les inductions frappantes. Cette année , de nouvelles fouilles ont été faites sur l'ancienne en- ceinte de la ville j des pierres sculptées et inscrites en ont été retirées j elles ont été recueillies par l'Académie , placées d'une manière convenable par les soins de MM. Devosges , Antoine et Fremiet : elles ont été dessinées et décrites , et M. Fremiet les ayant examinées sous un point de vue nouveau , s'est spécialement attaché à l'ob- servation du mode de construction des édi- fices dont elles ont été tirées. Lorsque les fouilles ou les démolitions (4M mettent à découvert ces constructions an- tiques, l'artiste y recherche les monumens précieux par la beauté des formes , ou re- marquables par une belle exécution ; l'an- tiquaire y vient recueillir les inscriptions , étudier les détails, observer les particula- rités qui peuvent aider aux progrès de la science. Presque toujours placés et conser- vés dans les collections publiques ou par- ticulières, ces objets restent pOur servir chaque jour à leurs études et à leurs re- cherches savantes. Mais si l'examen des fragmens antiques peut se faire à loisir et dans tovis les temps , si les morceaux détachés des édifices aux- quels ils appartenoient , peuvent être con- sidérés isolément , l'observation de leur ensemble ne présente pas les mêmes fa- cilités, et n'est cependant pas moins inté- ressante. Il arrive trop souvent que les constructions antiques mises à découvert , sont aussitôt encombrées, démolies ou dé- naturées j l'insouciance des constructeurs et des ouvriers, et le plus souvent l'ordre et le genre des travaux ne permettent pas de laisser long-temps ces r^^tes antiques dans leur état primitif. (43) C'est à ces causes que M. Fremiet pense qu'on doit attribuer l'ignorance où nous sommes du genre de construction des an- ciens murs de Dijon; plusieurs des monu- mens publiés par Richard, par MM. Baudot et Legoux de Gerland , ont été tirés des tours du castricm divionense } et cepen- dant aucun de ces auteurs ne nous a trans- mis de détails à ce sujet. Leurs observa- tions étoient toutes dirigées vers l'étude particulière des monumens , ils ne se sont point attachés à les examiner sous le rap- port de leur placement dans les édifices , et leurs ouvrages n'offrent aucunes re- marques sur les procédés de constructions antiques. La tour, dite du petit Saint Bénigne , et qui faisoit partie des antiques fortilica- tions de Dijon , ayant été mise à découvert sur la fin du mois de juin 1809 , on a pu pendant quelque temps faire sur ce mo- nument des observations que les circons- tances n'avoient sans doute pas permis de faire sur les constructions du même genre découvertes précédemment j l'extraction d'une partie des pierres qui formoieut la (U) fondation de cette tour, le déblayement du souterrain qui , si l'on en croit la tra- dition populaire , étoit la prison de Saint Bénigne , l'élévation d'un revêtement sur la partie intérieure de cette tour , ont permis d'étudier plusieurs particularités dont l'examen n'est point purement spé- culatif. Il peut, dit M. Fremiet, intéresser l'art des constructions trop négligé aujour- d'hui, et dont le délabrement de plusieurs édifices modernes atteste chaque jour l'im- perfection. La tour du petit Saint Bénigne , dé- pouillée de ses revêtemens , ne présentoit ni lézardes ni désunions. La maçonnerie dont elle étoit construite - paroissoit ne former qu'une seule masse. Les entailles , les excavations que l'on a pratiquées dans ce massif n'ont occasionné aucun éboule- ment , pas même le déplacement ni l'ébran- lement du plus petit moellon. Assez ordinairement lorsque nos maçons veulent construire un mur , et lorsqu'ils ne sont pas dirigés par un constrt^cteur intelligent et expérimenté , ils forment ^ les deux paremens de pierres de taille dont (45) les lits et les joints sont plus ou moins bien dressés , et maçonnent l'intérieur sans trop s'occuper de lier les pierres entr'elles et de les relier avec les revêtemens. Quel- quefois même il remplissent le milieu de moellons jetés sans ordre. Il en résulte des tassemens , des inégalités de pression qui exerçant une force progressive sur les revê- temens , finissent par occasionner la ruine de la construction. Les anciens, plus sages, évitoient ces in- convéniens par le soin qu'ils mettoient dans la pose des pierres de revêtement , par l'at- tention qu'ils avoient de former à l'inté- rieur une maçonnerie irrégulière , en liai- son dans tous les sens et sur toutes les faces des matériaiix. C'est ainsi qu'étoient construites les tours de l'ancien Dijon. M. Fremiet a remarqué dans celle du petit Saint Bénigne que les moellons ou blocages ne se trouvoient ce- pendant pas arrangés irrégulièrement, mais d'après un système suivi ; ensorte que posés par bandes ou lits , ils étoient tous enve- loppés d'une quantité à peu près égale de mortier, et qu'il n'en étoit aucuns qui sa (40 toiicliassent à cru. Cette quantité de mor- tier comparée au volume des pierres ou moellons , paroissoit , autant qu'on pou- voit l'estimer à la seule inspection , d'en- viron un cinquième. M. Fremiet remarque que cette proportion n'est pas celle que l'on suivoit ordinairement dans les bonnes constructions antiques à bain de mortier , où le volume des moellons n'entre que pour moitié dans la masse de la ma- çonnerie. Cette particularité jointe à quelques autres, porte M. Fremiet à penser que ces fortifications antiques , quoique remar- quables par la solidité de leur construc- tion , ne sont cependant pas des bons temps de l'art, et doivent plutôt appar- tenir à l'époque où les procédés et les mé- thodes des meilleurs constructeurs Ro- mains étoient encore en usage , mais n'étoient plus suivis avec autant de soins , ni exécutés suivant la même précision. Si la dimension des matériaux étoit comme dans beaucoup de constructions de ce genre une donnée pour évaluer la dljuension des édifices, et si dans les murs (47) d'environ, deux pieds d'épaisseur , les pierres de remplissage sont assez ordinai- rement de la grosseur du poing , il en faudroit conclure que l'épaisseur de nos murs étoit considérable, puisque les blo- cages qui les composent sont épais de cinq à huit centimètres environ , et ont une superficie de vingt-deux à vingt-sept cen- timètres. Ces données sont à peu près cer- taines dans l'examen des monumens an- tiques des bons temps de l'art. Les ruines des anciens édifices de Rojne prouvent qu'ils étoient presque tous construits avec de petites pierres informes grosses comme le poing. C'est ainsi que sont formés les murs des palais des Empereurs , la mai- son dorée de Néron , le temple de la paix , ]e Panthéon, les Thermes, les Cirqties, les Naumachies , les Théâtres , etc. Mais l'application de ces observations pourroit être trompeuse relativement à nos constructions , qui , faites dans les temps qui annonçoient la décadence de l'art, présentent à la vérité l'emploi des principaux procédés de bonne construc- tion , mais ne les présentent pas tous, et dans toute leur perfection. (48) La maçonnerie de cette ancienne tour clé Dijon n'est pas, comme on l'a vu, com- posée de blocages placés irrégulièrement j mais on remarque dans leur disposition , un ordre méthodique , un arrangement qui tient au procédé le plus parfait des cons- tructions à bain de mortier. Ce procédé consiste à former la maçonnerie par encais- semens entre des planches composant un anoule mobile comme ceux dont on se sert pour le pisé. C'est à l'emploi de ces caisses que M. Fremiet croit que l'on doit attribuer tous les trous qu'on a remarqués dans cette maçonnerie , et que plusieurs personnes ont regardé comme des trous de boulins : leur forme cylindrique , leur rapproche- ment , l'intérieur garni de mortier , et parfaitement uni , la petite dimension de ces trous indiquent assez le placement des lassoniers ou clefs servant à soutenir les caisses employées dans ce genre de ma- çonnerie. Les murs antiques des monumens de Rome , ceux des édifices Romains , cons- truits dans le midi de la France , et qui (49) se trouvent actuellement dépouillés de leurs paremens , ont été formés par le même procédé , et les trous qu'on remar- que dans ces antiques constructions , indi- quent comme dans les nôtres, la position des pièces de bois qui servoient aux encais- semens ; ils sont cependant construits avec plus de soin , et d'après une méthode plus parfaite. On voit qu'à différentes hauteurs, les constructeurs Romains ont formé des arasemens généraux , en battant la ma- çonnerie pour obvier au tassement dont ce genre de construction est susceptible. Dans la tour de Dijon , les lits de maçonnerie, quoique bien déterminés , n'ont cependant pas été traités de cette manière ; car ils présentent dans toute leur étendue des inclinaisons et des irrégularités qui n'au- roient point eu lieu , si chaque lit eût été battu et arasé : quoique ces murs n'aient pas été bâtis avec toute la perfection que l'on remarque dans les autres construc- tions antiques des Romains , ils ont toute- fois résisté pendant treize à quatorze siè- cles , aux ravages du temps , au défaut d'entretien , aux dégradations acciden- 4 ^ ( 5o)^ telles qui enlraînent en si peu de temps la ruine des édifices modernes. Passant ensuite à l'examen des fonda- tions de cette maçonnerie , M. Fremiet les trouve comme celles de toutes les fortifi- cations de l'ancienne enceinte , composées de pierres de taille tirées d'édifices démolis. Ces matériaux portent presque tous la mar- que des crampons qui servoient à les relier. Ces marques font connoître que ces cram- pons étoient de métal soudé dans les pierres. Aucune d'elles ne présente de traces de ces clefs en qiieue d'aronde de bois durci au feu, que les Romains ont souvent employées au même usage. Il faut croire que ces liens aussi solides et plus économiques que ceux de métal , et dont l'emploi n'a point d'inconvénient en Italie, n'étoient pas en usage dans les Gaules , où la longueur des hivers , et l'humidité du climat les eussent bientôt altérés et dé- composés. En effet , on a trouvé dans l'épaisseur des mortiers , et entre les pierres de la maçonnerie de la tour nouvellement démolie , des morceaux de bois que les ouvriers y avoient laissés par hasard. ( 6i ) et qui , en les touchant , tombolent en poussière. Portant son attention sur la pose des pierres de cette fondation , M. Fremiet a observé que quoiqu'elles fussent sculptées et inscrites , la masse de la fondation ne présentoit dans tous les sens que des pare- mens unis , et que toutes les sculptures se trouvoient en regard dans les joints. De cette disposition singulière et générale ré- sulte l'intention bien évidente de cacher les figures représentées sur ces pierres. L'enfouissement suffisoit cependaiît pour les dérober à la vue, et en faire oublier l'existence. Cette attention scrupuleuse peut servir à confirmer les conjectures que d'autres circonstances font naître sur la cause et l'époqiae de ces démolitions an- térieures à la construction des anciens murs de Dijon. D'après ces observations, on peiit penser qu'elles sont dues au zèle religieux qui sous les foibles successeurs de Constantin , porta les Chrétiens à l'a- néantissement de tous les monumens du paganisme. N'ayant pas pour but de développer ici. ( 52 ) des conjectures historiques , mais d'exa- miner ces monumens , en ce qui concerne seulement l'art de la construction , M. Fremiet fait remarquer la disposition sin- gulière des pierres de cette fondation , qui empêchoit les joints de se toucher par toutes leurs surfaces. Il en résulte que cette fondation ne peut pas être considé- rée comme une masse de matériaux réunis , et formant un seul corps ; il est alors étonnant que ces pierres péchant par le défaut de liaison , le poids qu'elles por- toient , n'ait occasionné aucun dérange- ment dans la fondation , et aucune désu- nion dans la maçonnei'ie stipérieure. Il est vrai que si la saillie des sculptures empê- choit la jonction parfaite des faces laté- rales , les lits étoient dressés avec un soin et une précision qu'on ne retrouve que dans les constructions antiques des meilleurs temps. M. Fremiet cherche ensuite à connoître si cette perfection d'appareil est due aux constructeurs des murailles du castrum divionense , ou aux constructeurs des mo- numens plus anciens qui ont produit les (53) matériaux employés dans les fondations des murs et des tours. Ce qui appartient incontestablement aux premiers , c'est la pose des pierres immédiatement jointes sans mortier , sans cales ni démaigrisse- mens , sans aucuns de ces moyens enfin, qui tendent à diviser inégalement l'effort et la pression , et entraînent la ruine des édifices construits d'après ces vicievises mé- thodes. Dans tin seul endroit la sculpture d'une pierre étoit placée sur un lit, et laîssoit une ouverture où l'on pouvoit fa- cilement engager la main. Cette pierre est celle qui représente un homme courLé dans une voiture bennaj et tenant le mo- dius. Par-tout ailleurs les surfaces des pierres unies , et parfaitement dressées , se tou- choientdans toute l'étendue de leurs lits. En les enlevant , on remarquolt qu'elles étoient couvertes d'une espèce d'enduit blanchâtre , fin , ayant quelque consis- tance, et adhérant un peu au lit des pierres. Cette matière n'est pas , comme l'ont cru quelques personnes , un coiilis ou mortier clair , tel que celui qu'on introduit quel- (54) quefois avec une fiche dans les joints mon- tans des pierres. Le mortier des antiques constructions a une dureté et une adhé- rence qui ne permettent pas de le confondre avec cette matière. D'ailleurs , les anciens n'avoient pas l'usage d'étendre du mortier entre les lits des pierres , mais ils les po- soient à cru , après les avoir dressées avec toute l'exactitude possible. Pour y parvenir plus sûrement , ils frottoient les pierres les unes contre les autres, et usoient ainsi sur les deux lits les parties saillantes produites par le piquage à la pointe du marteau. C'est à l'emploi de ce procédé qu'est due l'existence de cette poussière blanche , un peu consolidée , qui remplissoit les renfoncemens des piqûres dans les lits de pierres de taille. M. Fremiet finit par rechercher aux- qtiels des constructeurs ce procédé peut être attribué ; il a voulu connoître si cette poussière de la pierre usée exlstoit également dans les endroits où les joints se trouvant lisses , pouvoient avoir servi de lits dans leur destination primitive. Il l'a remarquée sur plusieurs des matériaux (55) ^ de ce genre , il a trouvé aussi plusietirs lits qui n'en étoient pas couverts. Il en a conclu avec raison que ce ne sont pas les constructeurs des fortifications, mais ceux des anciens édifices de Dijon , qui ont em- ployé ce moyen de perfection dans la pose des pierres. Une recherche non moins intéressante eût été celle des bases de cette fondation , mais la fouille n'a pas été poussée jusqu'aux dernières assises ; il eût été curieux d'exa- miner comment cette masse de fondation en quelque sorte désunie par les inégalités des joints , et dont souvent les pierres étoient mal reliées entre elles , avoit pu néanmoins , sans aucun tassement , sans aucun écartement, sans aucune irrégularité de pression , subsister pendant un si long espace de temps. C'est , dit M, Freraiet , un examen nou- veau et intéressant que celui des procédés suivis dans la construction de nos anciennes fortifications ; on doit regretter que ceux qui ont publié et expliqué les pierres sculp- tées et inscrites trouvées dans les fouilles précédentes , ne soient pas entrés dans (56) quelques détails relatifs aux constructions antiques dont elles sortoient ; ils nous ont privé de l'avantage de comparer nos ob- servations avec les leurs , et de confirmer les unes par les autres. Si les remarques faites sur un seul point de l'ancienne en- ceinte de Dijon ne peuvent pas faire con- noître d'une manière assez complète et assez détaillée les procédés généraux suivis dans cette construction , elles contribue- ront peut-être à éveiller l'intérêt sur cette partie de la science des antiquités ; elles pourront diriger les observations des savans et des gens de l'art sur un objet négligé jusqu'à ce jour à Dijon , et serviront de matière à des reclierclaes plus approfondies. A l'analyse de ces différens ouvrages , l'Académie doit joindre l'exposition des travaux de l'infatigable M. Rouliier. Tout le monde se rappelle son zèle , sa patience et son talent dans l'instruction des sourds - muets et des aveugles. Tout le monde regrette qu'un établissement si beau et si utile ne soit pas accueilli dans une ville si amie des sciences , et l'on voit avec peine que cet homme précieux reste ( 57 ) enfoui dans un village où il use ses années et ses talens dans une école presque pri- maire. Il avoit donné l'an dernier quelques mémoires sur le mode d'enseignement qui peut convenir aux aveugles-nés. Entraîné par le désir d'être utile , il avoit peu ré- fléchi à quelques difficultés qui résultoient de son plan. Mais l'extrême attentio?n qu'il met à cette matière , le vif intérêt qu'il porte à ces malheureux , lui a bientôt fait apercevoir les taches légères de son ou- vrage , et il s'est hâté de le rectifier dans un nouveau mémoire également recom- mandable par la clarté des idées , la sim- plicité de l'expression et l'utilité de l'objet. L'Académie ne donne point la liste des ouvrages imprimés qui lui ont été adressés en grand nombre par ses correspondans et par des étrangers ; mais elle leur témoi- gne publiquement sa reconnoissance. Parmi les ouvrages manuscrits qu'elle a reçus , elle cite les observations sur les ef- fets de la piqûre d'un insecte venimeux , par M. Rouhier , chirurgien à Recey-sur- Ource. ( 58 ) Un mémoire sur une plitliisie laryngée , par M. Saignelet, docteur en médecine à Semur. Les tables des réfractions astronomi- ques, par M. Joseph Saraza, professeur d'astronomie à l'observatoire de Madrid. Un traité analytique des surfaces du deuxième degré , par M. Vannier , prin- cipal du collège d'Auxonne. Les délassemens astronomiques , par M. Antoine , ingénieur. Une hymne à sainte Cécile , par M. Cou- turier, directeur du collège de Gray. L'Académie a associé à ses travaux M. Gosse , de Genève , correspondant de l'ins- titut f et connu par ses belles expériences sur la digestion j M. Vaucher , professeur de botanique à Genève , auteur de l'excellent traité des conferves d'eau douce j M. Avidibert - Caille , docteur en mé- decine ; M. Lesueur , maître de musique de la chapelle de l'Empereur j M. Rose , maître de chapelle , auteur du Vivat exécuté pour le sacre de l'Em- pereur j ( % ) M. Travisîni , dont les compositions musicales sont toujours entendues à Dijon avec un nouvel intérêt j M. Masson - Four , pharmacien , à Auxonne. Et M. Thoromberg. Après l'analyse des travaux de l'Aca- démie , M. Baudot aîné a fait lecture d'un mémoire sur les médailles trouvées à Combertavit , et sur les causes présumées de l'enfouissement de ce trésor. Quoiqu'on ait déjà tiré de la terre , particulièrement dans la Gaule qui fut soumise aux Romains pendant près de cinq siècles , une énorme quantité de médailles antiques, qui étoient la monnoie courante des Empereurs , on en découvre encore tous les jours: et c'est sans doute à l'abon- dance excessive de ces pièces qu'il faut attribuer l'espèce d'indifférence avec la- quelle la plus grande partie du public reçoit la nouvelle de quelqu'une des dé- covivertes de ce genre. Cependant elles ( 6o ) $ont quelquefois accompagnées de cir- constances telles que les personnes les moins disposées à l'étude des médailles , y trouvent de quoi intéresser vivement leur curiosité. M. Baudot aîné n'hésite pas à placer dans cet ordre la découverte faite le 23 août i8o3 à Combertaut, village avec un ancien prieuré , situé à peu de distance de Beaune , Département de la Côte-d'Or. En effet , le trésor qu'on y a trouvé , conslstoit dans une masse de plus de deux mille cinq cents sous d'or pres- que fin , qui comprenoient un intervalle d'environ soixante années, et présentoient les effigies de neuf personnages décorés de la pourpre impériale successivement et sans interruption , depuis Théodose 1. ^'' jusqu'à Marcien et Avitus. Ces pièces, dont M. Baudot a mis sous les yeux du public , à la séance du 22 août 1810, une petite collection, qu'on peut regarder comme un échantillon du trésor même , pèsent chacune quatre-vingt- quatre grains : le total offroit donc une valeur intrinsèque et métallique d'environ 3 60 00 francs : et comme dans le siècle au- (^1 ) quel ce trésor appai tient , la valeur du soiï d'or avoit été fixée par une loi , et assi- milée à celle de quarante boisseaux de froment , ou de deux cent soixante-dix livres de viande , ou de deux cents sep- tiers de vin j si en s'arrêtant au premier objet de comparaison , on n'établit la. contenance du boisseau , qu'à vingt livres poids de marc, ainsi qu'il fut réglé de- puis par Cliarlemagne , il en résulte , suivant M. Baudot , une valeur à peu près six fois plus forte qu'à présent , c'est-à- dire , égale à 216 ou 220,000 francs de notre monnoiej ce qui fournit, ajoute M. Baudot , une preuve de la rareté du nu- méraire dans ces temps-là , de la foiblesse de la population et de la misère publique. Dans la première partie de sa disserta- tion, M. Baudot avoit déjà fait connoître à l'Académie , les médailles qui compo- soient le trésor de Combertaut , et les Empereurs qui les ont fait frapper. Pré- sumant que l'époque et la cause de l'en- fouissement d'un trésor aussi précieux, dévoient présenter des développemens his- toriques intéressans , puisqu'il étoit ques- (62) tîon d'examiner les particularités d'un temps sur lequel les historiens civils se sont très peu étendus ; M. B. à cherché les motifs qui ont pu déterminer le pro- priétaire d'une quantité d'or pesant plus de soixante-douze de nos marcs, à la dé- poser dans le sein de la terre. Alors les Huns conduits par le féroce Attila, venoient de ravager la Gaule. iCe barbare , vaincu par Aëtius , avoit été obligé de repasser le Rhin. Les invasions fréquentes occasionnoient une défiance bien natiuelle qui dut long-temps porter les Gaulois à cacher tout ce qu'ils avoient de précieux. Mais il n'est guères vraisem- blable qu'un trésor aussi considérable ait pu être amassé par un simple particulier : rien n'annonce non plus que , quand même le lieu de Combertaut eût été dès le V.* siècle un monastère, (ce que les historiens ne disent pas), les religieux de cette maison, quelqu'opulens qu'on veuille les supposer , aient pu économiser autant de monnoie d'or, pour être réduits ensuite à la triste nécessité de la soustraire au pillage militaire. Notre ai^teur prévoit ( 63) tout ce que l'on peut dire pour établir ces suppositions qui ne lui paroissent point admissibles j et il s'arrête à l'idée plus vraisemblable que le trésor dont il s'agit, est une portion du trésor public destinée au payement des troupes que l'Empereur Avitus avoit menées dans la Gaule, peu de temps après qu'il eût été élevé à l'Empire d'occident. M. B. fait voir que les Empereurs étoient obligés de faire porter à leur suite les espèces mêmes avec lesquelles ils payoient leurs troupes) et que pour cela, on se servoit d'or, parce que ce métal précieux, qui revenoit au trésor par la voie des contributions , étoit d'un transport plus facile que les autres métaux. Avitus prit la pourpre à Arles , ville de la domina- tion de Théodoric III, Roi des Visigoths qui avoit favorisé son élévation à l'Em- pire, C'est aussi à Arles que la plupart des pièces portant l'effigie de ce nouvel Empereur, furent frappées; ces pièces paroissent avoir très peu circulé, et elles ont ce que les antiquaires appellent la fleur du coin. Avitus apprit bientôt que ( 64 ) son armée se révoltoit contre lui , par les insinuations secrètes du Patrice Ri- cimer qui avoit une autorité que la foi- blesse clés Empereurs d'alors ne savoit plus contenir. liées. Ces recherches n'ont encore été tentées par personne , et parmi les travaux des savans, M. Morland ne trouve rien qui puisse s'y rattacher qu'un essai de M. Mérat - Guillot ; encore cet essai rapide , et fait pour un tout autre but que celui dont il s'agit ici , ne pré- sente aucune des dégradations successives que les os éprouvent par l'influence des élé- mens ou les agens chimiques. Il se borne à comparer les os humains avec ceux de quelques animaux, quant à leurs parties constitutives j il faut même remarquer qu'il ne s'est attachéqu'aux herbivores. M. Mor- land reconnoît qu'il n'y a rien dans la struc- ture, l'arrangement et les proportions des ëléraens des os de l'homme , qui puisse s'opposer à leur conservation ; que leur longue durée est annoncée par une série de faits naturels , résultant de ces conser- vations soignées par l'homme pour sa propre instruction , de ces squelettes trou- vés chez les sauvages de l'Afrique et de l'Amérique , des momies , des catacombes (70 de l'Egypte , des fragmens plus anciens peut-être que l'on découvre de temps en temps au milieu des tombeaux dispersés dans les vastes déserts de l'Europe sep- tentrionale. Il pourroit paroître probable à quelques personnes , que l'homme n'habitoit à cette époque que les lieux élevés , tandis que cesévénemensavoient lieu dans les plaines. Mais cette opinion donneroit lieu à de grandes difficultés , puisque l'on sait que les moissons , ou tout au moins les fruits , et sur - tout l'eau , sont nécessaires à l'homme , et que ce n'est pas sur le som- met des hautes montagnes qu'on les ren- contre , car il faut remarquer que les mornes inférieurs n'auroient point été un asyle suffisant contre la fureur des flots. M. Morland ajoute une autre considé- ration non moins importante , c'est le nom- bre et la taille gigantesque des animaux , leurs habitudes , leurs mœurs , leur dou- ceur , leur sociabilité , et cependant leur indépendance, «f On ne trouve , dit-il , nul ce vestige de leitr esclavage , et leur con- €c servation est si parfaite , que les peu- ( 7M « plades des Tunguses, les seules qui puis- cc sent les découvrir , ont souvent imaginé « qu'ils dorraoient , qu'ils étoient en- c« gourdis 5 et lorsqu'ils étoient enfin con- cc vaincus qu'ils avoient péri , ils imagi- « noient que leur mort étoit récente , tant ce la nature semble avoir employé d'art ce pour nous déguiser cette effrayante ce convulsion ; elle semble avoir pris plai- €c sir à donner le change à nos efforts , ce en traçant sous nos yeux , en caractères ce modernes , u.n événement d'une haute ce antiquité j mais nous savons bien que ce par-tout où l'homme a pénétré , tout a ce été soumis à son empire , que le nombre ce des animaux a diminué, qu'ils ont fui sa ce présence destructive , ou se sont confiés ce à son insidieuse et tyrannique protec- ce tion. Ainsi , puisque des animaux paci- cc fiques étoient nombreux et libres, l'hom- ce me n'avoit donc point de communication ce avec eux ; et si , d'un autre côté , il ce répugne à la raison de supposer sa de- ce meure limitée aux terres ingrates qui te recouvrent les pics les plus élevés, nous et arriverons à cette conséquence , qyie ( 73 ) « l'homme n'exlstoit pas sur la partie du « globe alors en convulsion. 3> M. Morland considère ensuite l'état de la terre à ces époques désastreuses ; elle offre par-tout le luxe de la végétation ; par-tout de riches pâturages et d'immenses forêts. On diroit d'une terre vierge , ou plutôt d'une terre violemment agitée par de longues convulsions qui l'ont régéné- rée , d'une terre déployant tout ce qu'elle a de magnificence , telle que nous nous représentons l'Amérique quelques siècles avant sa découverte. Quand ce fait ne nous seroit pas attesté par les débris des végétaux , il seroit assez prouvé par le nombre , la grandeur et le genre de vie des animaux que nous sommes forcés d'étudier. Ce sont des éléphans , des mamouths, des MioTgak^pefeft , des rhino- céros, des hippopotames et des gavials, tous animaux gigantesques , et qui avoient be- soin pour subsister , non-seulement d'une végétation brillante, mais d'une végétation continuelle, végétation qu'ils n'auroient pu trouver dans nos climats. Ces faits sont étonnans sans doute , et (74) semblent placés hors du cercle ordinaire des choses j ils semblent nous reporter au berceau du monde connu , à la naissance des siècles. Nous serions tentés de croire que la terre sortoit alors des mains du Créateur , si la nature elle-même ne s'éle- voit contre cette opinion , et ne s'empres- soit de nous démontrer le contraire. En effet , pénétrons plus avant dans les en- trailles de la terre , et nous verrons que les débris que nous examinons , reposent sur des débris plus anciens qxii eux-mêmes , en recouvrent d'autres. C'est ainsi que nous arrivons peu à peu à cette pensée effrayante peut-être , mais vraie , que la demeure de l'homme a été dévastée à plusieurs reprises , et à des in- tervalles éloignés ; que la race humaine a été plusieurs -fois dispersée , détruite et renouvelée j que les monumens de ces temps désastreux sont impérissables, et placés près de nous ; qu'il suffit d'un coup d'œil pour saisir les grandes vérités qu'ils nous offrent ; que tous portent les em- preintes et le caractère de l'eau ; que nulle part on ne trouve celle du feu, ( 75 ) sinon dans quelques circonstances telle- ment bornées , qu'elles ne peuvent se lier à l'ensemble des catastrophes du globe j que ces monumens ne sont point répandus d'une manière vague ; qu'ils sont circons- crits, limités 5 que l'on peut reconnoître leur point de départ , leur cours et leur terme ; que tous en un mot attestent des déluges partiels. Ces déluges isolés ont - ils précédé ou suivi le déluge général. C'est ce qu'on ne saura jamais, puisque le déluge universel n'a laissé aucune trace de lui. Dans un ouvrage dialogué intitulé : Fragmens d'un voyage pittoresque y M. Fremiet fait la description de quelques- uns des tableaux du Musée de Dijon, et les examine sous les rapports qui consti- tuent les principales parties de l'art. Il commence par des considérations sur la doctrine et sur la manière de l'ancienne école française. Il pense que l'exposition publique des tableaux de ce genre, ainsi que de tous ceux qui présentent quel- ques défauts remarquables , loin de nuire. (76) comme on pourroit le penser , aux progrès de la peinture , doit utilement contribuer à l'instruction des artistes. ce On devroit, dit-il, réunir à Paris, «c dans une collection spéciale , les ouvra- « ges des principaux maîtres de l'ancienne te école française. Il seroit curieux de les « parcourir dans leur ordre clironologi- ec que , et de suivre ainsi la dégradation « successive de l'art. — Pour inspirer aux « jeunes artistes une prudente aversion « contre la manière française , il suffiroit « de la leur montrer dans tous ses dérégle- depuis Youet, « les peintres français ont travaillé pen- ce dant un siècle à la perte de l'art ; com- te ment , en s'éloignant de plus en plus ce de la route tracée par Le Poussin et par ce Le Sueur , ils ont tout à fait perdu de ce vue la nature et l'antique , les seuls c< guides qui pouvoient leur montrer la ce vérité , et les conduire à la perfection. ce Ils verroient dans cette période désas- a Présentation de la Vierge au Tem- ple, tableau original de Simon Vouet. Ce tableau est d'une manière moins vicieuse que le précédent ; cependant les mains sont ridiculement alongées , les figures froides , insignifiantes , et sur le tout règne un ton gris , monotone , qui ( 109 ) détaclie mal les figures , et ne détermine pas les plans. Le martyre de Saint Erasme, du Pous- sin, copie faite à Rome/?<2r un pension- naire de l'école de France *. Le dessin de ce tableau est lourd , l'or- donnance confuse , les figures amoncelées et gênées , les caractères sans force et les plans indécis. — .Quoique la figure du prê- tre d'Hercule soit d'une grande beauté , ce tableau est bien inférieur dans toutes les parties de l'art à la mort de Germanicus, aux sacremens, à la manne, au testament d'Eudamidas , à l'évanouissement d'Es- ther, et à tant d'autres ouvrages qui font la gloire de ce grand et inimitable artiste. — Ce tableau est en général au-dessous de sa réputation. Son exécution en mo- saïque a pu faire croire que cette distinc- tion annonçoit le mérite supérieur de cette composition. C'étoit plutôt un hommage rendu généralement au talent de l'artiste dans celui de ses tableaux qui par sa grande * M. Jean-François-Pierre Peyron , élève de Lagrenée l'aîué , et qui, en 1773, obtint le piL$ de Rome. ( iio y ^ climension pouvoit seul être exécuté en mosaïque , et placé à S.* Pierre de Rome. Le martyre des Saints Processe et Martbiien y du Valentm y copie faite à Rome par un pensionnaire de l'école de France. Ce sujet est l'ouvrage capital du Valen- tin , qui rarement a fait des compositions de ce genre , et dont les talens se refu- soient à la sévérité et à la dignité des scènes historiques. — Il y a de la vérité dans les têtes des Saints Martyrs, mais sans noblesse et sans élévation. — Le juge placé sur son tribunal est aussi d'un carac- tère commun. — Les deux Saints étendus l'un à côté de l'autre sur le chevalet , of- frent de la confusion dans les plans des différentes parties de leur corps , et des raccourcis faux et exagérés. Le bourreau qui est droit , et vu de dos , est d'un dessin grand , qui ne manque pas d'élégance , mais qui est lâche et sans caractère. Les clairs sont trop vivement rappelés sur la figure du bourreau , qui se baisse pour préparer les charbons ardens. L'épaule et le genou sont frappés de la plus vive lu- ( 111 ) mière , et le reste du corps est perdu dans l'ombre la plus obscure *. Le ùaptênie et le sacre épiscopal de Saint Augustin , esquisses originales de Louis de Boullongne le jeune. Ces deux petits tableaux peuvent don- ner une idée du style français qui suivit celui des Le Brun et des Mignard , et qui précéda celui des Coypels. On peut remar- quer comment alors les artistes étoient peu soigneux du costume. Ici les évêques de Numidie , du quatrième siècle , sont les uns en cliapes et en mitres pointues, d'au- tres sont en camails et en rocliets comme des prélats en assemblée du clergé de France. L'auteur passe légèrement sur ces tableaux où les Coypels ont peint Sainte Geneviève, recevant la médaille , Apollon Vythien se reposant après sa victoire , les bergers adorant Jésus- Christ dans la crèche. Il montre dans ces compositions la manière * Les originaux de ces deux tableaux, qui étoient dans la galerie de peinture du Vatican , sont ac- tuellement au musée central des arts à Paris. Ils ont été exécuté^ en mosaïque par Cristofari, (112)^ affectée des Coypels , moins forte dans les ouvrages de Noël Nicolas, remarquable dans ceux de Noël, et poussée dans ceux de Charles jusqu'à la minauderie. Le sacrifice de la fille de Jephté j ta- bleau original à' Antoine Coypel. De tous les Coypels , celui qui a le plus influé sur la corruption du goût , c'est l'aiiteur de ce tableau. Lorsque cette com- position parut , elle excita l'enthousiasme poétique de Santeuil , qui l'a célébrée dans ses agiographes , et qui partageoit l'en- gouement public pour les productions ma- niérées de cet artiste. — Antoine Coypel , que son goût pour les compositions pyra- midales a fait nommer le grand pyrami- deur , montre ici toutes ses figures grou- pées comme au théâtre , et ainsi que l'in- diquoit le comédien Baron, qui disposolt les scènes pittoresques de son ami Coypel , régloit ses costumes , et déterminoit les attitudes et les caractères de ses person- nages. Le dessin est par~tout maniéré et fait non d'après la nature , mais d'après les idées systématiques de l'auteur. Quoique le dessin de ce tableau manque (ii3) ^e pureté , et ne puisse que donner une idée fausse des formes naturelles j quoiqiie les draperies soient faites de pratique , et que le style paroisse en tout vicieux ; on pourroit penser que l'expression ne manque ni de force ni de vérité j que la douleur paroît bien peinte sur la figure de Jephté , et sur-tout dans ses yeux , noyés de larmes. M. Fremlet examine ainsi cette compo- sition sous les rapports de l'expression et des convenances morales et historiques. j M. Fremiet termine l'examen des ta- bleaux par cet éloge bien mérité de l'école ( Î20 ) de peinture et sculpture de Dijon , et dit savant et respectable artiste qui l'a fondée et qui la fait prospérer. ce Lorsque la régénération des arts exer- ce ça une heureuse influence sur toutes les « écoles de peinture, et ramena les artistes ce aux pieds des antiques et de Raphaël , ce l'école de Dijon n'eut alors ni réforme « à faire , ni manière à changer. Il y a « quarante ans , les Coypels, les Detroy^ ce les Lemoine fies, Pierre et les Boucher, ce étoient à Paris devenus classiques ; ils ce remplaçoient l'étude de l'antique et de « la nature , dont ils n'offrent le plus ce souvent que l'altération ou la caricature. ti Ici tous ces ouvrages foibles et maniérés «e n'auroient à cette époque pas plus qu'à ce présent influé sur les études et sur le ce goût des élèves. Le professeur qui dirige' ce l'école de Dijon, l'a créée et conservée ce pure au milieu de la contagion géné- cc raie. Les artistes qu'il a formés , et qui ce ont voulu rester fidèles aux principes ce qu'ils avoient reçus, n'ont jamais pré- ce sente dansleurs ouvrageSjl'incorrection, ce le dessin systématique , et le faux goût « qm caractérisoicnt alors le genre f'ran- « çais. Voyez au musée ces batailles du « Grand Condé , dignes de figurer à côté « des plus belles batailles modernes, et « ce plafond qui n'offre pas une copie , « mais une savante imitation de celui du « Palais Barberini. C'est une belle pensée « mal exprimée dans le jargon maniéré « du Cortone, mais qui est traduite ici « dans une langue pure , belle , liarmo- cc nîeuse. L'auteur de ce plafond supérieur « à celui du palais Barberini , a prouvé ce par le tableau de la Cour de justice •c criminelle de Paris , qu'il n'avoit pas « seulement le talent des choses gracieu- ee ses , mais qu'il pouvoit s'élever aux « conceptions grandes et pathétiques. Uix «c autre artiste , fds et élève du fondateur « de cette école , a produit la belle scène te du dévouement de Cimon , l'un des ce principaux tableaux de l'exposition de « 1806. Cet ouvrage honorablement dis- se tingué par le gouvernement , réunit « dans un haut point de perfection , la ce beauté des formes , la vérité de l'exprès- te slon, la simplicité de l'ordonnance et « l'hannonie des couleurs. ( 122 ) « Ce n'est pas seulement sur une partie tt de l'art que le créateur et le directeur M de cette école a lui-même étendu ses ec soins. Comme les grands artistes , il a «c su réunir l'étude de la sculpture et de « la peinture . Ces copies en marbre , faites « à Rome par les pensionnaires , d'après et les principales figures antiques, attes- te tent les talens de quelques-uns des sta- « tuaires sortis de cette école. D'autres , « rivaux et quelquefois vainqueurs des «c élèves de Paris , leur ont disputé et en- te levé les prix de Rome. « Plusieurs élèves qui n'ont pas encore €< eu les moyens de paroître , sont prêts ce à suivre les traces de leurs devanciers , ec et n'attendent que l'occasion pour si- ée gnaler leurs talens naissans. Depuis près «c de cinquante ans , une suite glorieuse « d'artistes distingués n'a cessé d'illustrer «c cette école ; mais ce n'est pas seulement ec à ces brillans triomphes qu'est attachée