. y délill 40 À RARES Us ; rt = a ARE Le veus mate FRERE RTE RS HITS itaèsess ne KE 151: HE rs \212 A For : FH 13 pense ùS Fossi ? £ Ÿ 74 dE + s st à ol bd | EL 6} An : CN , 2: nur » Lapltte to, fr. - he. RATE A N A BY SE DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE PENDANT LE COURS DE L’AN 12, Lue à la séance publique du 1°. germinal an 13; et suivie de No- tices historiques sur les travaux et la vie de MM. PazvmorT, GAUTHEROT ; MonNnreR et A DIJON, DE L'IMPRIMERIE DE FRANTIN. XI1I —— 180$, os À : D # AE Er ur de SET Æ nwir. ANALYSE DES. TRAVAU X De l’Académie des sciences , arts et belles-lettres de Dijon, pendant le cours de l’an 12. Msssreurs, Les Corps académiques furent sans doute institués pour accroître les connoissances humaines, encourager les savans et propa- ser leurs découvertes ; il est donc du devoir des Académies de faire connoître les ou- vrages qu’elles ont reçus, et si cette tâche leur est flatteuse par l’espoir d’augmenter le goût des sciences, il ne leur est pas moins précieux de pouvoir satisfaire au besoin de la reconnoïissance , en procla- mant les noms des savans qui les ont ho- norées du fruit de leurs veilles et de leurs lumières. L (2) L'Académie $’est occupée des sciences physiques et mathématiques, des sciences moraleset politiques, des arts et des lettres. Un phénomène singulier appeloit l’at- tention de tous les savans ; Tite- Live fait mention d’une pluie de pierres tombée sur la montagne d’Albe ; des phénomènes sem- blables sont cités par quelques savans , et dernièrement l’Institut a chargé M. Biot du soin d'examiner un fait de cette nature, ar- rivé près de l’Aïgle, le 6 floréal de l’an 11. Quelle étoit l’origine et la nature de ces pierres, dites météoriques ? venoient-elles de la lune ou de quelqu’autre planète, comme l'ont pensé quelques savans? Ces objets occupoient l'Académie, lorsque deux mémoires reçus, l’un de M. Amanton, l’au- tre de M. Deluc, vinrent augmenter l’in- térêt de ces discussions , et répandre quel- ques lumières sur un phénomène peut-être plus facile à croire , par une excessive con- fiance dans ceux qui l’ont narré, que par des raisonnemens tirés de la saine physique, ouavoués par nos connoissances modernes. M. Amanton a joint à son mémoire une pierre de l’Aigle, du poids de sept onces (3) trois gros , ou deux cent quatorze grammes cent quinze décigrammes 3; plus six autres fragmens de ces mêmes pierres , du poids de deux onces deux gros et demi et dix- huit grains, équivalent àsoixante-un gram- mes quatre-vinst-quinze décigrammes, plus quatre-vingt-seize centigrammes. L'Académie se seroit empressée de sou- mettre ces pierres à l’analyse chymique, si l’on pouvoit espérer de nouvelles observa- tions après les travaux des Fourcroy, des Vauquelin, qui nous ont appris, que les parties constituantes de ces pierres sont la silice, le fer oxidé , la magnésie, le nikel et la chaux. Sans contester les témoignages recueillis par M. Biot, M. Deluc trouve, dans sa narration , des circonstances difficiles à concilier. Telles sont : la disparition du météore, ou globe de feu, et son remplacement par un petit nuage rectangle ; il en est de même de l’état stationnaire de ce nuage , renfer- mant, en pierres un poids de vingt à trente quintaux. Cette immobilité paroît à M, Deluc d’au- (4) tant plus difficile à concevoir, qu'il n’est qu’une vîtesse quintuple de celle d’un bou- let de canon, qui puisse balancer l’action de la gravité... M. Deluc croit contraire aux phéno- mènes connus d'attribuer l’état d’ignition du météore au frottement éprouvé dans l'air , et il en donne pour preuve, qu’on ne découvre aucun vestige de fusion dans la balle tirée d’une arme à feu, même rayée. Enfin, comme l'explosion de ce météore ne s’est pas faite à une grande distance de la terre, cet habile séologue pense que ces pierres n’arrivent pas de régions éloignées, et qu’elles ne peuvent être réputées ni frag- ment planétaire , ni matière lunaire. Dans cette opinion , ce phénomène sem- ble plus difficile à concevoir ; dès-lors, comment des matières aussi pesantes ont- elles pu séjourner dans les nuages ? ou, s’il falloit un instant pour les former, quelle force a pu réunir, si subitement, leurs parties constituantes , et par quelle cause de tels principes sont-ils parvenus jusque dans la région éthérée ? Tandis que plusieurs savans cherchoient (5) Ja cause des pierres météoriqués, et s’oc- cupoient de leur analyse, d’autres s’adon- noient à l’examen d’une découverte , dont la cause sera peut-être aussi difficile à con- noître,mais dont les effets ne peuvent être contestés, puisque nous pouvons les éprou- ver par nos propres sensations. M. Gautherot, qui n’existe plus que par les services qu’il a rendus aux sciences, a publié deux mémoires sur le fluide galva- nique, que M. Rouhié son beau-frère a fait parvenir à l’Académie. Combien les vérités nouvelles acquièrent de poids et de force , lorsque , dans le mê- me temps, elles sont proclamées en diffé- rens pays par des savans qui n’ont entre eux ni rapports ni liaisons ! Dans le même temps, de semblables expériences étoient faites à Londres par Humphry Davi ; à Ber- lin, par Humboldt ; à Paris, par Gautherot. © Dans le même temps, William Hyde Wolaston à Londres, Gautherot à Paris, professoient la même doctrine, et soute- noiïent que l’oxidation des métaux étoit la cause principale des phénomènes galva- niques. C6) Certes les savans étrangers n’ont pas tou-" jours partagé la gloire des découvertes de Gautherot ; il en est quelques-unes qui ap- partiennent à lui seul, et que nous nous plaisons à citer, comme un hommage rendu à sa mémoire, et comme un témoignage solennel de notre reconnoissance. d Après mille tentativesinfructueuses mille soins minutieux , Gautherot le premier est parvenu à construire un appareil galvani- que, sans employer d’autres substances que du charbon et du schiste. Une pile ainsi construite , et formée de plus de quarante étages , donne une saveur vive, piquante, manifeste le phénomène de l’éclair, et pro- duit la décomposition de l’eau, le côté du charbon dégageant le gaz hydrogène. Il étoit encore réservé à la sagacité de Gautherot d'indiquer un moyen propre à faire juger du dégagement de la plus pe- titequantité de fluide galvanique : cemoyen est aujourd’hui connu de tous , et l’instru- ment employé à cet effet s'appelle galva- nostok. Aïnsi l'étude du galvanisme étoit trop intéressante, ses phénomènes, appliqués à C7) l'art de guérir, pouvoient être d’une trop grande utilité, pour ne pas fixer notre at- tention. Nous avons répété les belles expé- riences galvaniques d'Humboldt et de Van- mons ; nous avons observé le phénomène de l’irritabilité se manifester avec une éner- gie vraiment surprenante, dans le tronc d’une carpe séparé de sa tête depuis plus de quinze minutes; un oiseau , noyé depuis quelques secondes, a battu de l’aîle , et ses yeux, par l’effet de la contraction des pau- pières, ont paru, pour la dernière fois, s’ouvrir à la lumière : enfin, en armant les étamines des fleurs, les premiers,nous avons tenté, sur leurs organes, des expériences galvaniques, qui demandent à être répé- tées, dont nous publierons le résultat, et qui peut-être seront un jour d’une grande importance , soit par les termes de compa- raison qu’elles donneront lieu d’établir , soit par les limites qu’elles pourront placer entre l’irritabilité animale et l’irritabilité végétale. Ainsi le domaine de la physique s’agran- dit chaque jour, ainsi les sciences feront toujours des progrès rapides, pourvu qu’on (8) m’accumule pas système sur système, et que leur développement ne suggère pas ces idées chimériques qui nous écartent du chemin de la vérité, et nous empêchent de discerner les vrais progrès de la science. L'ouvrage dont M. Deluc, professeur à Gottingue, a fait la critique, est une preuve convaincante de cette vérité. Que l’univers se soit formé sans création instantanée, et que le principe de tout soit un fluide élémentaire, dont l’origine est inconnue ; que ce fluide, par sa transition de la fluidité à la solidité, soit la source des grands globes qui majestueusement se promènent dans l’espace ; que les continens soient produits par soulèvemens et par Vaction des fluides expansifs sous la croûte terrestre, nous ne vous entretiendrons point ni de ces idées émises par M. Schmieder, ni de la réfutation de M. Deluc ; on pour- roit reprocher au premier de trop s’aban- donner au travail de son imagination ; au contraire , le professeur de Gottingue s’at- tache à le réfuter par l’étude et l'examen des phénomènes connus, il semble ne vou- loir marcher qu'avec des faits ; mais le voile C9:): dont s’enveloppent les opérations de la na- ture, l’oblige quelquefois de recourir à des conjectures dont il n’ose garantir ni l'exactitude , ni la vérité. Pour établir avec quelque fondement les opérations secondaires du globe, il faut avoir une profonde connoiïissance des mon- tagnes, des collines, des plaines, des cou- rans d’eau , des côtes de la mer, des masses volcaniques , et de la nature de leurs pro- duits. Peu de savans possèdent leur historique comme M. Deluc, et ses lumières doivent ajouter un nouveau prix à la dissertation qu'il vient de nous envoyer sur les substan- ces volcaniques. M. Deluc cherche à prouver, par cet écrit, qu'il esttéméraire de vouloir assigner la nature des substances qui entretien- nent les volcans ; qu’elles n’appartiennent pas plus au porphyre qu’à la roche de cor- ne , au granit ou au schiste, et que ces di- verses opinions ne peuvent être fondées sur aucunes doñnées certaines. ÀA-t-on jamais trouvé dans le porphyre le schorl des volcans, nommé aupgite, puis (io) piroxène , ainsi que la leucite ou grenat blanc , dont la crystallisation est de forme ronde à vingt-quatre faces trapézoïdes ? A-t-on jamais découvert, dans cette sub- stance , les particules ferrugineuses qu’on remarque dans certaines laves ? Observateur attentif des merveilles de la nature , M. Deluc a su lui dérober ses se- crets, dans les entrailles de la terre , comme dans l’examen des êtres qui l’animent et la vivifient; il nous a communiqué des re- marques sur les lépas , et nous a fait part de la découverte d’un nouveau coquillage. Ses observations sont trop intéressantes pour nous borner à une simple analyse ; nous allons les insérer textuellement. « D’après nombre de faits, les lépas ne paroissent pas avoir de mouvemens pro- gressifs, et doivent vivre à la même pla- ce; ils soulèvent seulement leur coquille , lorsque tout est tranquille autour d'eux, pour jouir du contact de l’eau de mer et recevoir leur nourriture : d’où il résulte que le contour ou le bord de la base de leur coquille se moule sur la surface du ro- cher ou du corps quelconque sur lequel (mn) ils adhèrent. C’est de là que viennent les inégalités très variées du bord de ces co- quilles , lorsqu'elles ont vécu sur une sur- face arrondie ou raboteuse. « En parcourant le bord de la mer, à Va- lence, je trouvai une huître chargée, sur l’une de ses valves, de deux grands lépas cabochon , dont les bords joignoient exac- tement toutes les inégalités de l’huître. J’avois alors moins d’expérience ; je ne considérai que les lépas, et je les détachaï de dessus l’huître. « Mieux avisé depuis, ayant trouvé sur la plage de Sicile, près du phare de Messi- ne, plusieurs petits madrépores rameux , récemment amenés sur le rivage avec quel- que filet, j'en distinguai un, chargé de six petits lépas d’une espèce rare, que je me gardai de séparer du madrépore : je le possède avec ses six petits lépas; ils sont exactement de la même espèce que celui représenté aux lettres HI-HI de la plan- che 4 citée ci-dessus, désigné, dans la des- cription , sous le nom de petit concho- lépas. « Ces lépas, fixés sur les rameaux du ma- (i2) drépore , embrassent une parte de leur circonférence , et leur largeur est disposée dans le sens de la longueur du rameau. L'individu gravé a été manifestement dans cette position ; on la reconnoît très bien dans la forme de sa base, dont il n’est dit autre chose , dans la description , que ce- ci : Ze contour de la base forme un ovale peu régulier. « Le plus grand de ceux que je possède, a trois lignes et demie dans sa largeur, et le plus petit, environ deux lignes. Leur couleur est légèrement rose , et ils sont tra- versés de petites stries bien prononcées , qui partent en rayons du sommet : ces lé- pas, étant dans toute leur fraîcheur, sont très jolis, vus à la loupe. « Ces faits expliquent les inégalités de la base des lépas récens et des lépas fossiles de toutes les espèces qui, sans cette clé, paroissent fort extraordinaires, et dont on a peine à se rendre raison. « Je possède une vis fossile du Piémont de trois pouces et demi de longueur , que j'aitrouvé moi-même, quia dans sa bouche un lépas de l'espèce chambrée aplatie; il (13) s’est si bien moulé dans le contour inté- rieur de cette bouche, qu’il semble n’en être qu’une lame un peu soulevée. Ce lé- pas, qui a neuf lignes de longueur, peut s’ôter et se replacer, on voit alors que sa surface inférieure a reçu le poli du vernis de la vis. Ceci explique encore la forme sin- gulière de quelques-uns de ces mêmes lépas fossiles, qui sont creux en dessus , bombés en dessous, et quelquefois déjetés. « La position fixe du lépas explique en- core un autre fait. Sur les côtes où vivent ensemble les lépas et les glands de mer, on voit souvent les premiers énormément char- gés de ces petits parasites. J’en ai détaché en basse marée sur les rochers de la côte d’'Exmouth, qui en sont couverts à triple étage. Ces pauvres porte-faix , vivant dans un fluide qui allége beaucoup les charges, n’en sont pas accablés. Si les lépas chan- geoient de place, les glands de mer ne pour- roient pas s’y fixer en aussi grand nombre, ni les environner quelquefois si étroitement, qu'ils ne peuvent avoir que le mouyement d'élever et d’abaisser leur coquille. « Je regrette que dans la Conchyliologie (14) que j'ai citée,la description des buccins n’ait pas été faite , parce que je soupçonne beau- coup que ceux représentés à la lettre F de la planche 79, et à la lettre R de la planche 80 , sont des buccins fossiles bouche à gau- che, du comté d’Essex. Cette méprise ne me surprendroit point. Le test de ce fossile esten général bien conservé, et montretrès vraisemblablement dans sa couleur fauve, sa couleur originelle. Les autres coquilles fossiles de la même couche sont blanches et fragiles, comme la plupart de celles renfermées dans des couches sableuses et argilleuses , ou composées de débris de co- quilles. Celles de la couche d’Essex ont une légère teinte de rouille de fer, la couche elle-même en étant fortement imprégnée. « Je vis un de ces buccins dans la collec- tion de coquilles d’une dame, qui le croyoit une coquille récente et qui l’avoit acheté assez cher comme tel. Quand on ne con- noît pas ce fossile , il est aisé de s’y mé- prendre. Les brocanteurs peuvent facile- ment lui donner un poli dont il est suscep- tible, ou plus d'apparence à des stries dis- posées dans le sens des révolutions du buc- (16) ein, qui sont très bien conservées sur quel- ques individus. « En parcourant la côte de Dartmouth,en basse marée , je remarquai que les rochers schisteux de cette côte étoient couverts de lépas et d’une multitude de petits glands de mer. J’enlevai un éclat de ces rochers, que je possède , chargé de ces petits glands et de deux lépas. Non-seulement le bord de ces lépas joint exactement , dans toute sa circonférence , les inégalités du schiste , mais plusieurs des petits glands qui les en- vironnent , sont engagés dans la dentelure de la base des lépas, comme les aîles d’un pignon dans les dents de la roue qu’il fait tourner; position qui seroit impossible, si les lépas changeoïent de place, qu’ils soient couverts , ou non, des eaux de la mer.-Le lépas, en grandissant , a sans doute quelque moyen d’écarter cette ceinture. Comment expliquer tous ces faits, sans admettre que le lépas ne bouge pas de sa place. « Valmont de Bomare dit cependant, dans son dictionnaire d’histoire naturelle, que le lépas se détache du rocher à volonté pour aller à la péture. On a beaucoup (16) d'exemples qu’un déplacement n’est pas nécessaire pour cela ; le lépas peut vivre sans quitter sa place, comme toutes les espèces d’huîtres , les conques anatifères , ses voisins les glands de mer, et tant d’au- tres animaux marins. « Cette expression : se détache du ro- cher, a même ceci de singulier, qu’elle in- diqueroit que le lépas s’en sépare pour voguer au hazard en quête de sa nourri- ture; il ne reviendroit donc plus à la place qu'il occupoit, et tout indique que s’il la quitte, il doit y revenir : elle a encore ceci de remarquable, c’est que le lépas est considéré comme étant attaché au ro- cher ; ce qu’on ne dira jamais des coquil- lages qui se meuvent pour chercher leur pâture. « L'expression de Dargenville est plus singulière encore; il fait mener au lépas une vie très active. La patelle et l’oreille de mer qui s’attachent aux rochers, dit-il, s’en séparent, et vont paître sur Le rivage. On croiroit voir les lépas arriver sur la plage comme les tortues et les veaux ma- rins; ce qui a donné lieu; sans doute ; à (17) | cette étrange méprise , ce sont les lépas qu’on voit au reflux attachés sur les ro- chers, où l’on croiroit qu’ils sont arrivés du fond de la mer. Ces pauvres lépas, laissés à sec, attendent bien tranquille+ ment, sans bouger, le retour de la marée, qui ramène leur élément avec leur nour- riture , et le reflux suivant les laisse à la même place. Leurs voisins, les glands de mer qui les couvrent souvent à triple étage, déposent , à qui les interroge ; qu’ils vivent paisiblement ensemble sur le lieu qui les a vu naître. « Il est possible cependant que dans le grand nombre d’espèces de ce coquillage ; il y en ait quelqu’une qui se meuve; peut- être aussi n’a-t-elle , dans ce cas , que la faculté de chercher une autre place, lors- que quelqu’accident l’a détachée de celle qu'elle occupoit. « J’invite les naturalistes qui seroient de l'opinion contraire, de concilier , avant tout, d’une manière précise , les faits que j'ai cités, tant des lépas fossiles, que des lépas vivans , avec l’idée d’un mouvement progressif; en leur faisant observer, que 2 (18) tous les coquillages qui ont un mouvement certain, ne se trouvent dans aucun de ces états.» M. Deluc a joint à ces remarques sur les lépas , la description d’un bivalve ma- rin qu’il ne connoïssoit point , et qu’il n’a vu décrit dans aucune conchyliologie. « En cherchant un lépas, dit M. Deluc, gravé dans l’ouvrage de MM. de Favanne, continuateurs de Dargenville (édition de 1780), une coquille de forme alongée de la planche 4, désignée par les lettres G. G, fixa mon attention. Je lui trouvai beau- coup de ressemblance avec une des valves séparées de mon nouveau bivalve; je cher- chai, dans le discours sur les lépas, ce qui en étoit dit, et j'y trouvai la descrip- tion suivante. ( Voy. pag. 542. ) «C’est plutôtuneespèce d’opercule qu’un lépas. Lorsque nous l’avons fait graver, d’après l’original que possède madame de Bandeville, nous étions incertains sur la nature de cette production singulière ; mais M. Solandrac de Pilmont nous a assuré depuis, en. nous envoyant le dessin d’un pareil morceau ,que‘c’étoit l’opercule d’une (191) espèce de buccin des îles Maldives. ILest de forme étroite et fort alongée , finissant en pointe à une extrémité qui est échan- crée et creusée en gouttière , tandis que l’autre est large et évasée. Cet opercule est fort mince, de nature de corne et un peu flexible ; ses crues ou accroissemens sont bien prononcés ; son extérieur, peu convexe, fait voir une espèce de côte ow de pli longitudinal , assez sensible vers l'extrémité échancrée , mais qui disparoît vers l’extrémité opposée. En dedans il est fort brillant, sa couleur est verd de mer, mêlé de jaunâtre plus foncé en dessus qu’en dessous. Celui dont nous donnons la figure a vingt à vingt-deux lignes de longueur. Il s’en trouve un dans le cabinet de la reine de Suède, que Linné a placé dans le genre des lépas, en citant les figu- res qui en ont été données par Rumphius et Petiver ; mais le premier de ces deux auteurs regarde cette production de la mer comme une $orte d’opercule, et le second la donne pour une coquille tubulaire. Quel- ques curieux pensènt, au contraire, que c'estune partie osseuse de quelque poisson qui nous est inconnu. (:0) « La description qu'on vient delire, s'ap> plique parfaitement à la forme , à la tex- ture et aux couleurs du bivalve que je pos- sède. Sa seule différence consiste dans la petite échancrure du sommet, chaque val- ve du bivalve se terminant en pointe sous la forme de bec : maïs cette échancrure de l'individu gravé ne peut être qu’une frac- ture accidentelle ; car la valve d’après la- quelle Linné a fait sa description, sous la désignation de patella , avoit son sommet en pointe. Patella unguis, dit-il, vertice mucronato carinato. « Ayant le bonheur de posséder les deux valves réunies, qui , séparées , ont été pri- ses pour un lépas , un opercule , une co- quille tubulaire , et même pour la partie osseuse d’un poisson inconnu, j'ai un vrai plaisir ( si je suis le premier) de faire con- noître'la vraie nature de cette coquille , et d'en donner le dessin. « Il n’est point étonnant qu’il soit si rare de trouver les deux valves réunies. Elles n’adhèrent pas l’une à l’autre par une char- nière , ni par un fort ligament; celui qui les lie, placé près du sommet, a peu de (1) consistance , et doit bientôt se dissoudre , quand l’animal est mort. Les deux valves étant semblables et sans indice de char- nière , peuvent être prises facilement pour des univalves, quand elles sont séparées; les bords, qui s'étendent en aîles de part et d’autre de chaque valve , sont fort min- ces; le bivalve se présente à la vue par sa délicatesse, sa transparence et les nuances de sa couleur verte, mêlée de jaune en quelques endroits, d’une manière très- agréable. « Si la réunion des deux valves, par un ligament existant, n’étoit pas nécessaire pour constater l'identité du bivalve, je les aurois séparées pour voir bien à décou- vert la face interne qui doit être intéres- sante ; mais il faut le conserver soigneuse- ment tel qu'il est. Ce bivalve étant origi- uaire des mers orientales, il peut très bien venir des îles Maldives. Il forme un genre nouveau, car il ne peut être placé dans aucun de ceux qui sont déjà déterminés : on peut le nommer, d’après sa forme, bec de canard. » L'histoire des coquillages , leurs formes, (22) tantôt élégantes, tantôt singulières , quel- quelois bizarres, la beauté de leurs cou- leurs , l’éclat de leur nacre , doivent inspi- rer le desir de les connoître ; ainsi, la conchyliologie mérite, comme toutes les branches de l’histoire naturelle, les regards et l'hommage du naturaliste éclairé ; mais elle n'offre pas, comme la minéralogie, des rapports d'utilité aussi prononcés, soit dans les arts, soit dans la médecine. L'Académie a reçu de M. Beurard, agent du Gouvernement près les mines de mer- cure des ci-devant Palatinat et pays de Deux-Ponts, un mémoire sur là manière de faire les recherches des mines dans le Palatinat et d’en commencer les exploita- tions , et sur les diverses méthodes em- ployées pour l’extraction du mercure de sa gangue. x On litavecintérêtles détails économiques et les préceptes utiles que contient la pre- mière partie de ce mémoire. Avant de tenter aucune fouille , la pru- dence ordonne d'examiner les fragmens de roches qui se trouvent dans les ruisseaux , ou dans les lits de rivières ; lorsqu'on ren- (23) contre sous forme anguleuse, ou du moins peu arrondie , des espèces qui accompa- gnent ordinairement les métaux, telles que la baryte sulfatée et le quartz, pourvu que ces espèces ne soient pas les dominantes dans les montagnes qui avoisinent ; lors- qu'il existe sur-tout des indices de miné- rai; on met à découvert la partie supé- rieure d’une couche ou d’un lit; les indices subsistans , la fouille se continue, soit par le moyen de galeries de recherche, soit en construisant des puits simples, pourvu cependant que la couche ne soit pas trop profonde, et que l’on n'ait rien à redouter de l’impétuosité de l’eau. Ces sortes de fouilles sont ordinairement peu dispendieuses ; mais pour construire des bâtimens d’exploitation, pour monter un travail de mine, il est essentiel d’exami- ner le genre du minérai, de chercher à connoître la nature des sites qui le ren- ferment , et sur-tout de savoir s'il est so- Jidement établi, ou seulement superficiel et disséminé , si son extraction sera facile et peu dispendieuse ; enfin, si l’on peut pratiquer des galeries d'écoulement pour (24) Ja sortie des eaux, ou une machine à va- peurs, destinée aux mêmes fonctions. L'exploitation établie, M. Beurard croit essentiel de s'appliquer à maintenir par-tout le cours de l’air et l'écoulement des eaux, de faire marcher les travaux de profondeur avec ceux de l’étendue en longueur, et sur- tout de s’opposer aux extractions inconsi- dérées , d’où résultent des éboulemens de terre. C’est ainsi que se sont maintenues les exploitations de Landsberg et Stahlberg, tandis que celles de Wolfstein et Mærsfeld sont abandonnées, quoiqu’encore riches en bons minérais, Le perfectionnement du procédé que ré- clame M. Beurard , et dont il s’occupe dans la seconde partie de son mémoire , mérite l’attention des savans. La méthode la plus ancienne d’extraire le mercure de sa gangue , étoit une distil- lation per descensum, et se pratiquoit dans les forêts , par le moyen de vases de terre cuite, placés au milieu des charbonnières. Vers le milieu du siècle dernier, un par- ticulier de Dusseldorf, possesseur d’une mine de mercure, dans le pays de Hesse- (25) Darmstadt, découvrit un procédé de distil- lation, qui est aujourd’hui le seul en usage. M. Beurard nous transmet une description exacte de cet appareil, et observe cepen- dant que cette méthode, quoique supérieure à la première, occasionne encore une perte sensible de mercure dès les premiers coups de feu, par suite du défaut de consistance du lut; de plus, lorsque le minérai est fort riche, les vapeurs mercurielles se dégagent en si grande quantité , que la capacité des retortes ne peut suffire à leur développe- ment, et dès-lors il n’existe plus assez de fraîcheur dans les récipiens, pour opérer leur parfaite condensation ; M. Beurard paroît craindre enfin , que la chaux ne dé- gage pas tout le mercure uni au soufre, et qu'il ne reste combiné avec lui une portion de mercure plus ou moins considérable. Convaincu de cesinconvéniens , M. Beu- rard les soumet à la méditation de l’Acadé- mie , et appelle sur cet objet les lumières et les connoissances de ses membres. Nous. devons à ce correspondant des re- mercimens pour les riches échantillons de mines de mercure, qui accompagnoient cet (26) écrit, et qui sont tous originaires du pays de Deux-Ponts , ou du Palatinat. Ce pays est encore renommé par son com- merce d’agathes, de cornalines, de cal- cédoïnes , de sardoines et de jaspes. Depuis que la mode s’est emparée de ces pierres , pour en former des bijoux, leur histoire, et celle du pays qui les renferme, est sans doute devenue d’un plus grand intérêt; M. Leschevin , dans une de nos séances, nous a entretenus du pays d’Obers- tein, de la singularité de sa position, de Jétendue de son commerce , du gisement des agathes, et de la manière de les tra- vailler. Cette branche de commerce est une preu- ve de l’industrie des habitans, qui trouvent, dans la cause même de l’infertilité de leur sol ; des moyens d’existence et des sources de prospérité. Il paroît, d’après cet écrit, que la gan- gue de ces agathes est toujours soit une roche glanduleuse, soit une cornéene dont la couleur varie ; tantôt elle est d’un gris verdâtre , quelquefois d’un noir foncé. S’il est prouvé, par l’analyse de ces di- (27) vers ouvrages , combien l’Académie «st at- tentive à recueillir les faits que lui trans- mettent ses membres ; la médaille qu’elle décerne en ce jour, et les autres ouvrages que nous allons analyser, sont une preuve qu’elle ne s’occupe pas avec moins de zèle des moyens d’éloigner les maux qui déso- lent l’espèce humaine. L'Académie a continué ses recherches sur la vaccine. Un de ses membres lui a fait part d'une éruption locale , annuelle et périodique pendant les deux années qui suivirent l'insertion de la vaccine. Il a de plus observé que la forme du bouton n’est pas essentiellement circulaire ; il paroît qu’elle varie en raison du mode d'insertion. Cette Société a consulté sur cet objet ses membres non résidans ; elle a reçu d’eux trois mémoires , dont deux sont dus au zèle de M. Desgranges, médecin à Lyon; le troisième est de M. Larché, docteur en médecine dans le département du Cantal. Si nous en croyons le docteur Vibert de Pont-de-Vaux, et les médecins de Rheims, la vaccine peut être tardive sans être infruc- tueuse ; aujourd’hui M. Desgranges nous (28) prouve qu’elle est également préservative lorsque ses symptômes sont précoces, pour- vu cependant que cette accélération s’opère sous l’influence de quelque cause morbi- fique ou accidentelle. Dans le premier exemple que cite M.Des- granges , la tumeur , le cinquième jour, avoit acquis son parfait développement. Le second exemple nous offre le déve- loppement du bouton vaccin dans l’espace de vingt-quatre heures ; tous ses progrès doublèrent de rapidité ; mais lessymptômes revinrent à leur état naturel, lorsque la cause qui les influençoit cessa d’exister, et l’on doit d’autant moins douter de l’effi- cacité de ces deux opérations, que le virus qui en résulta produisit de salutaires vac- cines. Il est donc vrai de dire, contre l’opinion de Woodville, qu’une rougeur survenue dès le second jour aux entamures ou inser- tions , et que leur gonflement ou leur élé- vation précoce, ne sont pas toujours des signes certains de manque de succès. D’autres observations de M. Desgranges viennent à l’appui de ce fait, queletravail (29) de la vaccine peut déterminer une éruption secondaire de variole, et réciproquement le travail de la variole, une éruption se- condaire du virus vaccin ; sans que l’une ou l’autre des maladies soit aggravée par la présence des deux virus. On ne sauroit trop vénérer la découverte de la vaccine , si elle pouvoit de même nous préserver de la peste. Des médecins étrangers ont fait divers essais pour s'assurer de ce fait, et c’est l'exposé de ces expériences qui forme le second mémoire de M. Desgranges. Des sujets variolés , placés dans des salles de pestiférés, se sont parfaitement rétablis, sans qu'aucun symptôme de peste se soit manifesté. Lorsque la peste et la variole attaquent ensemble un même individu, quelque terri- ble que soit la peste, elle se termine toujours heureusement, sous l’influencede la variole. Ces observations sont d’Eusèbe Vailly., mé- decin à Smyrne ; il tenoit tellement à l'i- dée consolante que la variole est préserva- tive de la peste, qu’après avoir subi l’in- sertion du virus variolique, il s’enferma (301) “plusieurs jours dans un Liazaret, et commu- niqua de diverses manières avec des pesti- férés attaqués de bubons : si donc la variole est préservative de la peste, puisque la vac- ‘cine est préservative de la variole, on étoit fondé à soupçonner qu'on devoit obtenir, de Pinsertion du virus vaccin, les mêmes -résultats et les mêmes succès. Cette opinion fut accueillie de MM. Lafond et Auban ; ils cherchèrent à la confirmer par des expé- riences, dont nous trouvons les détails dans -le mémoire de M. Desgranges. M.Lafond , médecin à Salonique en Ma- cédoiné , écrivoit : «j'ai remarqué que les personnes vaccinées n’étoient plus D. tibles de prendre la peste. » A Constantinople, M. Anban, sur six mille individus vaccinés , a joui de la satis- - faction. d'observer qu'aucun n’avoit con- tracté la peste. * M. Larché nous apprend dans son mé- -moire , que le virus vaccin conserve plus long-témps sa forme limpide et sa vertu “efficiente sur les bords du bourrelét ‘il ré- “sulte encore de ses observations, que plu- “sieurs vaccinations PS PER ne doi- (3) vent pas détruire l'espoir de tout Succès, puisqu'un enfant fut vacciné quatre fois, sans qu’il se manifestât aucun symptôme de virus vaccin ; ce ne fut qu’à la cinquième insertion que la tumeur se développa, et produisit l’effet désiré. Les autres faits cités sont, analogues à ceux déjà observés, soit par Woodville, soit par Aubert ; mais ils ne sont pas moins précieux pour l’Académie , bien convain- cue de cette grande vérité, que lorsqu'il s’agit d’une découverte nouvelle, on ne sauroit réunir et accumuler trop de faits semblables. Quelqu'intéressantes que soient la méde- cine et la chirurgie , puisqu'elles s’occupent des moyens qui peuvent diminuer la.somme de nos maux ; l'enthousiasme qu’elles ins- pirent est encoré plus vif lorsqu'on les exerce au sein des camps, environné des horreurs de laiguerre et de ses nombreuses victimes ; opposer, l’art de conserver les hommes à lart.de les détruire: est une po- sition si glorieuse ; qu’on trouve en elle seule sa récompense et sa gloire,,;:son cou- rage et son activité, (32) M. Lombard est un des chirurgiens d’armée qui s’est le plus occupé des plaies faites par les armes à feu ; l'ouvrage qu’il nous a fait parvenir sur cet objet, est rem- ph de vues intéressantes ét d’excellens pré- ceptes; il nous rappelle entre autres l’usage des frictions , si recommandées par les an- ciens, et si négligées par les chirurgiens modernes; c’est d’elles qu’on doit attendre la résolution dans les parties œdémateuses, l’embonpoint dans celles qui sont atro- phiées , et le retour de la force dans celles qui sont débilitées. Le chevalier Temple avoit une si haute idée des frictions, que, dans son opinion, les riches ne devoient pas appréhender la goutte, puisqu'ils avoient des sens à leurs ordres pour les frictionner ; si les frie- tions modérées ont un si grand avantage sur la totalité de l’individu , doit-on moins espérer de celles qui sont faites sur ‘la partie malade et aux environs de la bles: sure ? :( Ainsi s’exprime M. Lombard }: « Lorsque les bords de la plaie pâlissent, « s’affaissent et se flétrissent, il est essentiel « de relever l’énergie des solides, et de les (33) « tirer de leurétat d’indolence ; desfrictions « doucesetlonguementrépétées, donneront « à ces bords languissans le ton nécessaire « pour une prompte guérison. » M. Valentin nousa fait parvenir son ou- vrage sur la fièvre jaune. Cet ouvrage a fixé l'attention de l’Académie, et donné lieu à quelques idées qu’elle a soumises à la sagacité de l’auteur. Lorsqu'on réfléchit surles symptômes qui caractérisent cette cruelle maladie , sur ses rapports plus ou moins directs, soit avec les fièvres malignes-bilieuses , soit avec le typhus-carcerum ; on estétonné de l’asser- tion émise par M. Valentin, que la fièvre jaune n’est pas contagieuse. Les remèdes qu’il emploie prouventqu'il la considère souvent comme fièvre bi- lieuse-malisne ; d’où il résulte que son trai- tement est totalement opposé à celui de la ‘plupart des médecins anglois, qui regar- dent la fièvre jaune comme maladie inflam- matoire ; cependant , d'après l’exposé des symptômes , si bien décrits par cet habile médecin , il paroît que son traitement est établi d’une manière plus.sage et plus con- 2 3 (34) forme aux principes de la saine médecine ; c'est par suite de cette manière de voir, qu'il proscrit la saignée, et peut-être elle eût été moins fréquemment employée, sans les hémorragies qui accompagnent le début de la fièvre jaune. Ces hémorragies ont fait naître la ré- flexion suivante, dont nous avons fait part à M. Valentin, et, comme nous, il pense qu’en effet elles peuvent en avoir imposé à quelques médecins, et leur avoir fait con- sidérer comme symptôme inflammatoire , un accident qui n’est que le présage d’une dissolution complette. Nous ne nous étendrons pas davantage sur cet ouvrage , qui a obtenu les éloges de plusieurs Sociétés savantes , et qui mérite, à juste titre, les suffrages et la reconnois- sance des médecins éclairés. L'étude des maladies se compose non- seulement de l’examen des symptômes qui les caractérisent, de la connoïissance du tempérament, de l'influence des affections morales ; non-seulement il faut étudier les circonstances qui dépendent des localités, il faut encore connoître l’état de l’atmos- ter) phère et son degré de température. Le prix que la Société royale de méde- cine attachoit à la science de la météoro- logie, doit nous faire sentir ce qu’on a droit d'attendre de ses observations, et la néces- sité de les suivre avecexactitude et sagacité : les ouvrages des Sociétés de Besançon, et principalement de Tours, nous sont une nouvelle preuve de cette vérité. Comme ce ne sont pas toujours les der- nières constitutions atmosphériques qu’on doit réputer causes des maladies régnantes (1), on doit désirer qu'il soit formé deux tableaux pour l’histoire des maladies, et de cette manière, il seroit plus facile de distinguer celles qui tiennent à la consti- tution du moment, et celles qui dépen- dent des constitutions précédentes: Des ouragans essuyés sur plusieurs points de l'Empire , et dans une partie de l’Europe, des débordemens de rivières presqu’ins- tantanés, des chaleurs excessives dans les (1) Ainsi, la diathèse sanguine de l'hiver dirige les catarres vernaux sur la poitrine, tandis que l’irri- tation des organes gastriques pendant l'été, attire sur eux la même affection en automne. (36) contrées du nord, rendront l’année dernière mémorable dans les fastes de la météoro- logie. EnlItalie, en Éspagne eten France, plu- sieurs contrées ont été ravagées par les tem- pêtes, la grêle et les inondations ; l’Ahr, quoique resserrée dans son lit, a cru de 45 pieds dans l’espace de trois heures ; à Stockholm , le thermomètre de Réaumur marquoit 33 degrés, à Pétersbourg 25, tandis que celui de M. Deslandes n’indi- quoit, à Tours, que 20 deg. +, et celui de M. Chevalier , à Paris, 18 deg. =. - Nousterminerons le compte rendudel’an 12, relativement à la partie des sciences phy- siques et mathématiques, par l’apperçu d’un ouvrage que nous a fait parvenir M.Haldat, et qui, par l'importance dont il peut être pour la législation criminelle , mérite de trouver place dans cette esquisse de nos travaux. Un débiteur de mauvaise foi avoit dé- naturé, par le moyen de l’acide muriatique, partie d’une quittance d’à-compte donnée sur une obligation, et avoit rendu décuple la somme comptée ; le créancier se plaint (37) de la fraude, poursuit le débiteur; mais la justice ne pouvoit prononcer sans qu'on eût fait revivre les caractères détruits ; on consulta M. Haldat, et ses recherches l’ont conduit à des résultats dont il a fait hom- mage à l’Académie de Dijon. L'auteur divise son ouvrage en plusieurs sections, ettraite successivement des causes qui peuvent altérer les écritures et l’encre moderne, des signes qui caractérisent l’al- tération des encres, et des moyens de ré- tablir les encres altérées et détruites ; tels que l’immersion des lettres altérées dans l'acide gallique , ou dans une dissolution de sulfure de potasse ; les autres sections concernent la théorie générale de l’altéra- tion de l’encre et de sa restauration, la fabrication de cette teinture, et les moyens de remédier à son altérabilité. Que n’est-il permis à l’Académie de louer l’ouvrage d’un de ses membres ! elle vous parleroit de la seconde édition du cours de physique expérimentale , de chymie et de minéralogie ; mais si un sentiment de dé- licatesse lui interdit cet acte de justice, elle peut, sans scrupule , se montrer l’in- (38). terprète du public, et classer cet ouvrage, écrit avec élégance, rédigé avec ordre et clarté, parmi les meilleurs ouvrages élé- mentaires qui aient traité de ces divers objets. L'Académie ne s’est pas occupée avec moins de zèle , de l’étude des sciences mo- rales et politiques ; l’histoire des anciens peuples, cette histoire si intéressante par les grands souvenirs qui l’accompagnent, et par l’idée qu’elle donne du génie, des mœurs et des usages des anciens , a mérité l'attention de plusieurs des membres de cette Société, et produit les travaux dont nousallons succinctementdonner l’analyse. M. Millin, dans un mémoire concernant les monumens antiques que renferme Di- jon , félicite l’Académie sur l'intégrité de ses monuméns , qu'ailleurs il a trouvé mé- prisés et dégradés. Les antiques placés au jardin botanique, les quarante-deux monumens tirés d’une fouille faite en 1781, près l’église Saint- Étienne, monumens que feu M. de Ruffey a fait incruster dans les murs de son jardin ; ceux qu'on remarque dans la cour de Ia (39 ) maison Baudot ; enfin , le triumvirat placé sur la façade d’une maison du faubourg d’Ouche , tous ces objets antiques ont fixé l'attention de M. Millin, et donné lieu à diverses observations qu’il a promis de pu- blier ; il a reconnu entr’autres, que plu- sieurs de ces monumens étoient inédits ; il a prié M. Devosges de les faire dessiner, et dans peu nous jouirons des gravures de ces monumens , qui attestent la haute anti- quité de notre ville, et le respect des anciens pour les cendresde ceux auxquels ils étoient attachés, soit par les liens du sang, soit par ceux de l’amitié. Cet habile antiquaire a porté ses recher- ches dans les campagnes qui avoisinent Di- jon , et remarqué , à Couternon, dans une maison qui appartenoit jadis à feu M. de la Marre, un bas-relief représentant le juge- ment de Pâris, dont il n’a été tiré aucune gravure. Depuis long -temps, l’Académie , dans l’espoir de mettre ses monumens à l'abri des ravages du temps, ou des funestes ef- fets de l’ignorance , avoit formé le projet de les réunir dans un seul local. Encou- ragée dans ce dessein par M. Millin, elle (4e ) a déjà fait transférer chez elle les douze monumens récemment trouvés en faisant des fouilles à la Sainte-Chapelle ; ces mo- numens nous ont offert des inscriptions gravées sur des sépultures de juifs, des dessus de mausolées ou des vestiges de vo- lutes, qui, peut-être, décoroient quelque temple élevé par le paganisme. M. Millin a retrouvé dans RL de des héritiers Ruffey , le fameux gx vionense, dont le heu du Le: is Sa Sur la moitié de ce diptyquon on distingue la figure du Consul , tenant d’une main le sceptre d'ivoire , surmonté d’un aigle et terminé par un buste , qui représente l’em- pereur alors régnant : on remarque sur l’au- tre face un rouleau, qu’on nommoit #appa circensis, espèce de signal avec lequel on annoncçoit le commencement des jeux du cirque. M. Baudot nous a transmis un ouvrage dans lequel il traite des principales mé- dailles trouvées dans le département de la Ôte-d’Or. Il est sans doute peu de provinces plus fertiles en médailles que la Côte-d'Or; et la raison s’en coneoit facilement, par le ( 41) séjour fréquent des empereurs dans ün pays si favorisé du climat et du sol , par lim- portance de plusieurs de ses villes, et l’ac- tivité de son commerce dans les intervalles de paix et de tranquillité. Le château de Brise , près Auxonne ; Pouilly en Auxoïs ; Saiserey, aux environs - de Saulieu ; Combertault, dans le voisinage de Beaune; enfin, des vignes situées der- rière, Larrey sstous ces endroits ont recélé des médailles en argent, à l'exception de celles de Combertault qui étoient d’or, et de celles de Saïserey en petit bronze. Plusieurs de ces médailles offroient l’ef- figie de l’empereur Adrien , fils adoptif de Trajan ; d’autres, celle de Victorin , et quelques-unes celle des deux Tétricus, usur- pateurs sous l’empire de Gallien. Pendant le règne des rois que se don- nèrent les peuples réunis'sous le nom de Francs, il fut encore frappé d’autres mon- noies dont on a trouvé des vestiges dans les environs de Pagny ; en 1754, dans le fond du village de Bouillan ; en 1774, dans un vieux mur du château de Barbirey-sur- Oucçhe ; en 1775 , à Saint-Seguier; et, dans (4) des temps moins reculés, à Bligny-sur- Ouche. Un autre mémoire de M. Baudot nous transmet des détails plus circonstanciés sur les médailles du bas-empire, trouvées le 5 fructidor an 11, à Combertault. On reconnoît, dans cette série de mé- dailles , l’effigie de huit personnages déco- rés de la pourpre impériale , depuis Théo- dose I, jusqu’au vertueux Avitus, qui fut obligé d’abdiquer l’an 450. Les plus nombreuses présentent l’image de Placide - Valentinien ; quelques - unes, celle d’Avitus; enfin, toutes ces pièces, dont la plus grande partie est malheureu- sement fondue , étoient des sous d’or du poids de quatre-vingt-quatre grains : M. Baudot nous fait connoître leur vraie va- leur, en la comparant à celle de divers objets de consommation ; d’où il paroît résulter que , vers le milieu du v°. siècle, le taux de ces denrées équivaloit à peu près au huitième de leur valeur actuelle : c’est, dit l’auteur , une preuve de la rareté du numéraire à cette époque, de la foiblesse de la population et de la misère publique. (4) Ce mémoire est terminé par l'explication de tous les symboles empreints sur ces mé- daiïlles. M. Leschevin , persuadé que les objets trouvés dans le lit de la Saône peuvent être de quelqu’intérêt pour acquérir des no- tions précises sur des lieux qu’on présume avoir été le théâtre de grands événemens, nous donne une description exacte et dé- taillée de tous les objets qu’il a pu se pro- curer. Nous placerons , au nombre des plus intéressans , une médaille en or de l’em- pereur Claude , (elle est remarquable par la belle tête d’une de ses femmes, frappée au revers, avec cette légende : Aorippinae- Augusta ) ; une statue de Mercure, de trois pouces de hauteur , vraisemblable: ment destinée pour un laraire , et sur-tout une statue en bronze de la Vénus anadyo: mène , de neuf pouces neuf lignes de hau- teur, et d’une conservation parfaite. Elle est d’autant plus précieuse , que la Vénus anadyomène n’avoît pas encore été trouvée de cette dimension, et que ses représenta- tons, quoique très multipliées en statues, (44) pierres gravées, etc., sont rarement bien conservées. Elle a été gravée sur le dessin de M. Desvosges, par les soins de M. Millin, qui se propose d’en enrichir sa collection de monumens antiques inédits. Si les médailles inspirent quelqu’intérèêt par les souvenirs qu’elles nous laissent de la fondation d’anciens empires, de l’exis- tence de leurs rois, des événemens mé- morablesqui ont illustré leurs règnes; quelle vivacité n’ajoute pas à ce sentiment l’en- thousiasme et l’admiration qu’on éprouve à l'aspect de ces monumens antiques, de ces statues colossales qui ont traversé des terres et des mers ennemies, ont remonté nos fleuves, nos canaux, et sont arrivés jusque dans les murs de la capitale, pour élever d’éternels monumens de dépouilles opimes ; à l’aspect de ces statues colossales qui attestent à la fois la valeur des Fran- çois , le génie guerrier de leur chef, et la perfection des arts chez les Grecs et les Romains. L’enthousiasme semble inséparable de ces sortes de productions, et cette éléva- tion d'idées se retrouve jusque dans les (45) écrits qui nous dépeignent leur mérite et leur beauté : tel est l’ouvrage de notre col- lègue , M. Denon, sur les monumens an- tiques arrivés d'Italie. Winkelman a dit : qu’on n’avoit jamais regardé l'Apollon sans prendre soi-même une attitude plus fière. M. Denon s'exprime ainsi, en parlant de la Vénus : " :« Le jeune homme le plus timide accom- « pagneroïit d’une expression de sensibilité e! Ja première phrase qu'il adresseroit à la « Vénus. Dans sa pose, tout est pudeur, « tout est amour ; ce n’est pas plus qu’une femme , mais c’est celle dont on n’a ren- contré qu’éparses toutes les perfections, c’est celle enfin dont le génie seul a pu « rêver l’ensemble. » Favorisés par la beauté du climat, la fertilité du terroir, les Romains n’eurent point à lutter contre des obstacles qui seuls peuvent déterminer les progrès de l’agri- culture, et la porter à son degré de per- fection. En France, il est des terrains ingrats et stériles, qui réclament toutes les ressour- ñ La] n n A (46) ces de l’art pour les rendre cultivables et fructueux. Si nous en croyons des mémoires que nous a fait parvenir la Société du dépar- tement de la Haute-Marne, peu d'hommes de nos jours ont servi l’art agricole avec autant de succès que M. Douette-Richar- dot; ses soins ont rendu à l’agriculture des marais impraticables , dont le jonc et le roseau se disputoient naguères la pro- priété. Des montagnes arides, où l’on distin- guoit à peine quelques traces de végéta- tion, sont aujourd'hui changées en ver- gers, ou couvertes de bois. Prendre le nivellement des eaux, les dis- tribuer avec art, faciliter leur écoulement lorsqu'elles sont trop abondantes , les mé- nager lorsqu'on prévoit leur utilité; telle est la partie agricole qui fait le plus d’hon- neur à M. Douette. Ainsi, par ses industrieux travaux, la nature a changé de face dans quelques can- tons du département de la Haute-Marne , et des lieux, jadis déserts, offrent aujour- d’hui le spectacle du bonheur et de la fer- tilité. (47) Qu’un homme , tel que M. Richardot, seroit précieux dans notre département ; cependant ses talens eussent été perdus pour la Haute-Marne, si les premières au- torités n’avoient su l’apprécier et le tirer de l’obscurité dans laquelle il vivoit. Les autorités supérieures ne recucillent donc pas moins de gloire que les savans, lors- que des découvertes utiles, lorsque des améliorations agricoles sont le résultat de l’'émulation qu’elles ont excitée, des té- moignages d'encouragement qu’elles ont prodigués. C’est donc aux autorités supérieures qu’il appartient, plus spécialement, de distin- guer , de rechercher les hommes utiles ; ainsi l’Académie doit se féliciter du choix qu’a fait l'Empereur dans la personne de M. François de Neufchâteau , pour occu- per la sénatorerie de la Côte-d'Or. Est-il un magistrat qui, par ses exemples et ses talens, ait rendu plus de services aux sciences et à l’agriculture ? Sans cesse occupé des moyens qui peuvent la faire prospérer , M. de Neufchâteau , dans l’es- poir de faciliter les concurrens au prix pro- (48) posé par la Société d'encouragement de l'industrie nationale, a publié , sur la cul- ture en grand des carottes et des panais, un ouvrage qu’il a fait parvenir à l’Aca- démie. Ne croyant pas assez éteridu le pro- gramme de la Société, il a jugé nécessaire de présenter aux fermiers des notions com- plettes , des exemples nombreux, enfin des renseignemens tels qu’ils fussent instruits de tout ce qu’on a publié sur ces sortes de végétaux depuis 1750. M. de Neufchâteau paroît pénétré de l'opinion d’Arthur-Young, et pense , com- me lui, qu’il n’est pas d’objet d’agricul- ture qui mérite plus d’attention que ce- lui-là. On retire double avantage de la culture des carottes ; elles sont pour les bestiaux , notamment pour les chevaux une excel- lente nourriture , ‘et deviennent un moyen de fertilité pour les terres qui resteroient en jachère sans cette sorte de culture. Quelle comparaison à faire pour les produits de chaque année, pour l’accroissement du fonds, entre deux domaines, dont l’un ( 49) s’épuise pour nourrir les animaux qui le labourent, tandis que l’autre se bonifie d’une manière progressive, en fournissant une nourriture abondante et saine aux ani- maux qui le travaillent ? Sans doute il est étonnant que ces deux plantes n’épuisent point le sol ; seroit-ce parce qu’on les ré- colte simplement en racines, sans attendre leur fructification ? C’est la raison que donne M. de Neufchâteau ; et cette raison ne paroît pas invraisemblable, lorsqu'on réfléchit que les blés et tous les végé- taux dont l’homme veut avoir ou le grain, ou le fruit, sont ceux qui pompent la substance de tous les élémens, et qui, par leur production complète et développée, appauvrissent la terre. En publiant cet écrit, cet estimable sa- vant s’est spécialement occupé des fermiers de la sénatorerie de Dijon ; il leur a dédié son ouvrage ; et si l’un d’entre eux mé- rite la couronne que doit décerner la So- ciété d’encouragement , il s’engage à lui faire une remise de 300 fr. sur le prix de son bail. Colbert, dont lenom rappelle de si grands 4 (& ) souvenirs, ce créateur de l’industrie fran çoise , fut le premier qui sentit l’avantage d'introduire en France les races espagnoles de Mérinos ; il voulut délivrer son pays d’un tribut qui, chaque annéé , nous en- lève une partie de notre numéraire ; mais, soit ignorance , soit insouciance de la part des cultivateurs , ces races privilégiées ne tardèrent pas à dégénérer, et, dans peu d'années, la Gironde et le Roussillon of- frirent à peine aitblques tracesde cette amé- lioration. Daubenton, le premier, revint sur ces essais ; par ses soins , Les collines de Mont- bard furent bientôt couvertes de troupeaux espagnols ; il observa leurs habitudes, étu- dia leurs maladies , fit travailler leurs toi- sons , dont les résultats le disputèrent aux plus beaux louviers ; publia ses observa: tions, ses succès , et enfin, détermina le Gouvernement à former un établissement en grand , pour ensuite propager dans les provinces les races espagnoles de Mérinos. C’est ainsi que des propriétaires aisés, des cultivateurs intelligens, ont amélioré leurs troupeaux, etconvaincues de ces ayantages, (A) les Académies , faites pour encourager les arts utiles , décernent des prix à ceux qui s’occupent avec le plus de succès de cette nouvelle branche de commerce. M. Journu - Aubert, membre du Sénat- Conservateur, vient d’être couronné par l’Académie de Bordeaux, pour avoir, dans le département de la Gironde , le plus con- tribué à l’amélioration des bêtes à laines, par ses soins , son industrie et l’introduc- tion des béliers Mérinos dans ses propriétés. La Société de Bordeaux nous a fait par- venir la brochure de M. Journu-Aubert, et les vérités qu’elle renferme sont trop pré- cieuses et trop encourageantes , pour n’en pas faire mention dans les annales de nos travaux. Qu'on ne croie pas que la race des Mé- rinos dégénère en France ; M. Journu-Au- bert pense , avec les directeurs des. établis- semens nationaux de Rambouillet et d’Al- fort, qu’elle s'améliore par des soins assi- dus, une bonne nourriture , un régime bien ordonné et constamment suivi; ce serait une erreur de croire que les Mé- rinos sont de complexion plus délicate que (52) les races communes de France; aujourd’hui l’expérienceaprouvé qu'ils vivent pluslong- temps, qu'ils sont plus robustes, et qu’ils. résistent mieux aux variations de l’atmos- phère, ainsi qu'aux intempéries des saisons. Enfin, s’il est une circonstance qui puisse augmenter le prix de ces établissemens, c’est la facilité de les faire prospérer sur des sols abandonnés pour cause de sté- rilité ; tel est l’établissement de M. Mar- mont dans le département de la Gironde, son terrain n’étoit qu'une plaine de sable, en partie ferrugineux , où nulle végétation spontanée ne distrayoit l’œil du voyageur ; cependant, par une méthode de culture bien entendue , par des alternats de gra- minées, de lésumineuses et de racines élé- mentaires ; moyennant le parcage en plein air et les engrais souvent retirés de ses étables , il obtient; de cette lande aride, des récoltes admirables ; et chaque année il retire de son établissement de Mérinos quarante mille francs; soit en laine , soit en élèves. - L'Académie, dont les regards sont sans cesse tournés vers la prospérité de l’artagri- (53) cole, désire que de tels avantages soient sentis de la plupart des cultivateurs et les tire de leur état d’insouciance. Déjà dans notre département l’on compte plusieurs établissemens de Mérinos , et l’on: peut connoître, par la leçon de l’expérience, ce qu’on doit attendre de ces établissemens. * Les vignes sont une des principales ri- chesses du département de la Côte-d'Or, et tout écrit qui tend à leur conservation, : mérite l’accueil et l'hommage du public; telle est une brochure in-8°., dont le but: est de prouver qu’on préserve les vignes des : gelées tardives du printemps, en recourant à l’usage de la fumée ; cet ouvrage appar-6 tient à l’un des membres de cette Acadé-: mie , et le voile de l’anonyme dont il s’est: couvert, nous permet de lui décerner un: tribut de reconnoissance, sans blesser sa modestie. Dansla carrière de l’agriculture, comme dans les sciences de fait, la théorie donne des connoissances, suggère des idées ; mais: elles ne peuvent devenir fructueuses que: par une sage application , et c’est toujours au milieu des productions de la nature (54) givon ‘s'instruit dans l’art le plus diffi- cile , celui de faire une application juste des connoissances acquises, et celui de les peïfectionner par l’étude de Pexpérience et de: l'observation ; c’est donc aux per- sonnes instruites, cultivant par elles-mê- mes, et non à ces spéculateurs de'cabinet, toujours loin de la vérité, parce qu’ils sont loin de la nature , qu'ilappartient plus spé- cialernent d'éclairer: les Sociétés savantes sur l’état de l’agriculture ; c’est par.suite de cette vérité, que l’Académie a formé dans: son sein un comité de propriétaires-cultiva- téurs ‘chargé de lui’ faire connoître l’état: aetuel: de l’art agricole dans ice’ départe= ment, a préjugés à détruiré, les décou: vertes! à propager.et les nouvelles -expé=: rien ces: à tenter: 9h jte eo : irovtres Une école d’expériences rurales, ‘une. pépinière placée dans le chef-lieu du dé- partement,; dont; le but seroitsles perfec- tonmement de :diverses espèces d'arbres fruitiers et la propagation d’arbres étran-: gers»; enfin, les moyens de réorganiser les: anciens. établissemens de haras, sont les: principaux objets dont s'occupe le comité ;. (55) sans doute il est des magistrats auxquels il suffit de présenter des vues d'utilité pu- blique, pour obtenir leur suffrage et leur assentiment ; puisse ce motif encoura- ger le comité, et nous mettre à même de publier dans peu le résultat de ses tra- vaux. Si l’Académie s’occupe avec zèle des con- noissances agricoles, l'intérêt majeur de * ces objets ne lui a pas fait oublier l’utilité des arts économiques. . M. de Beauséjour , ingénieur militaire , nous a fait parvenir un mémoire sur une espèce d’orme propre au département de la Charente inférieure ; l'éloge qu’il nous fait de ses qualités, et l’exposé de ses usages, doivent nous intéresser en faveur de cet arbre ; mais le terme de quarante ans jugé nécessaire pour son parfait accroissement, sera toujours un obstacle à sa culture ; l'homme jouit rarement par l’espoir de l’a- venir, c’est dans le présent qu’il cherche ses jouissances , et le Gouvernement seul peut multiplier cet arbre pour nos besoins futurs, en lui donnant la préférence sur d'autres espèces , lors des plantations qu’il (5%) se dispose à faire dans notre département pour border les grandes routes. Les réflexions qu’a fait naître ce mé- moire , ont appelé la sollicitude de l’Aca- démie sur les bois les plus essentiels aux arts, et de ce nombre est une autre espèce d’orme, vulgairement connue sous le nom d’orme tortillard; ses fibres tortueuses se üennent les unes aux autres, et présentent, en tous sens , une résistance égale ; de sorte que les ouvrages fabriqués avec ce bois, peuvent être impunément forcés sans qu’on craigne de les fendre ou de les rompre. Le prix particulier qu’on attache aux pierres gravées, a souvent fait désirer la découverte d’une matière susceptible d’un travail facile , et dont l’éclat püt répondre à la solidité. Sans doute les pâtes de verre, et celles qu’on appelle de Wudgwood, sont très précieuses ; maïs on ne retrouve pas, dans leur empreinte , la netteté de l'original, et il se perd quelque chose du génie de l'artiste. Une substance sur laquelle on pourroit graver des camées , seroit préférable à (57) | toutes ces empreintes ; c’est donc avec in- térêt qu'on doit apprendre que des expé- riences ont été nouvellement faites avec la \stéatite, et qu’elles ont obtenu un succès complet ; ces expériences ont été recueil- lies et décrites par M. Charles d’Alberg, électeur archi-chancelier de l’empire , qui consacre à l’étude des sciences et des arts le peu d’instans qu’il dérobe aux affaires. Son mémoire a été lu à l’Académie des Sciences utiles d’Erfurt, et la traduction de ce mémoire , écrit en allemand , après avoir été présentée à l’Académie , a été pu- bliée dans le journal des mines par M. Leschevin , membre résidant. Le grand avantage de la stéatite consiste dans son peu de dureté qui lui donne l’a- vantage de se tailler , de se tourner facile- ment, tandis que , soumise à l’action du feu , cette même substance devient dure, au point de produire des étincelles avec le briquet, et d’user les meilleurs limes. La stéatite passée au feu, peut être colorée par l'intermède des huiles , de l’alkool, des aci- des et des alkalis. . Chaque jour nous voyons les arts hydrau- (58) liques faire de nouveaux progrès ; on peut en juger par les travaux récemment faits, dans l’art de la navigation , par les écluses nouvellement construites ; ici tout atteste l'empire de l’homme sur l’élément le plus difficile à maîtriser ; par-tout il s’est rendu maître des obstacles, par-tout son génie a su triompher de l’impétuosité des eaux, de la difficulté d'arrêter leur cours et de leur résistance contre une ascension plus éle- vée que le point de leur départ. M. Antoine, ex-ingénieur , membre rési- dant de cette Académie , vient de publier une brochure sur la nécessité et les moyens de propager promptement les travaux hy- drauliques dans l’Empire françois ; l’im- pression de cette brochure dans les n°. 404 et 405 du journal des monumens et arts , nous dispense d’en faire l’analyse. Mais l’Académie saisit cette occasion avec joie, pour donner à M. Antoine un témoignage de son estime et de son atta- chement ; les glaces de l’âge n’ont pas éteint chez lui l’amour de l'étude; et il est beau de voir un vieillard consacrer, jusqu’à ses derniers instans, à l’utilité de (59 } son pays; au désir de perfectionner son art. M. Regnier est peut-être un de ceux qui ont le mieux servi lés arts méchaniques, par le génie de ses diverses inventions ; la dernière qu’il a fait parvenir à l’Académie, est un instrument dont l’usage est d'indi- quer la différence qui existe entre la tem- pérature de l'atmosphère, et celle dela terre à différentes profondeurs ; il est aisé de sentir tout le prix de cetinstrument ; ( que M:Regnier nomme thermomètre à piquet, } soit pour régler la chaleur des couches, et connoître le degré de chaleur le plus con- venable' aux différens légumes qui exi- gent des soins particuliers, soit-pour s’as= surer du rapport de température entre les’ terres froides ét celles qu’on regarde com- runément commeiles plus productives.’ - Les-travaux de l’Académie, dans:la par- tie des belles-lettres, se bornent aux objets suivans : f :M4:Marét nous a lu, dans une de nos séances particulières , une traduction en vers d’un morceau de Catulle:, sur-Paban- don d’Ariane dans l'isle de Naxos. (6) : Nous avons reçu de M. Petitot, associé non résidant , l'éloge manuscrit de La- harpe. Cet éloge, d’une logique profonde etd’un style pur, sera lu avec plaisir des hommes de goût, et mérite les suffrages des litté- rateurs distingués. M. Toussaint Lardillon a fait hommage à l'Académie , d’un ouvrage tendant à rec- tifier quelques-unes des remarques présen- tées par M. de Wailly; cet ouvrage est actuellement imprimé , et chacun peut ap- précier des observations que l’Académie a jugées conformes aux principes de la lan- gue françoise. On ne sauroït trop chercher les moyens d'amener à sa plus grande pu-: reté cette langue devenue presque univer= selle, et si préconisée par les étrangers ,' entr'autres par M. 22 27 l’immortel: ouvrage éternisera l’empire de la langue françoise sur toutes celles de l’Europe. L'Académie a reçu d’autres ouvrages dont elle a cru ne devoir pas faire mèn- tion ; elle espère que leurs auteurs ne se formaliseront pas de ce silence , et qu'ils n’abandonneront point une carrière qu’on C&) ne parcourt pas toujours avec le même succès: Qui doute qu’il ne soit avantageux pour les sciences , que les Académies correspon- dent entre elles et s’éclairent mutuellement, par leurs écrits, leurs découvertes et leurs observations ? La Société d’émulation de Nancy est une de celles qui ont publié le plus d'ouvrages intéressans , dans les sciences et les lettres ; la première, en France, elle a répandu des lauriers sur la tombe du Théocrite de la Suisse, Tandis que Viéland chantoit les graces pour les remercier des charmes qu’elles ré- pandoient sur ses écrits, Gessner célébroit, dans ses vers, les bords rians de la Lima, les vallées et les sites agrestes qui entourent la ville de Zurich ; il:pe crut dignes de ses pinceaux que les scènes douces de la na- ture ; son esprit fécond dédaigna ces gran- des scènes, qui étonnent et confondent l’i- magination ; promenant ses pas dans la vallée des bergers, il n’atteignit point ces pics majestueux où les idées s’agrandissent avec l'horizon; un yerd gazon, une ça- (62) bane champêtre , le bonheur domestique, la piété filiale, la tendresse paternelle , le sentiment d'amour dans toute sa pureté, occupèrent seuls ses pinceaux ; et si quel- quefois il s’écarte de ce style simple et gra-. cieux, quelles que soient alors la. force et la vivacité de ses descriptions; on leur pré: fère encore les amours de Daphné et la. piété filiale de Mirtil et Chloé. : La correspondance avec les associés non résidans présente quelques discussions d’his- toire naturelle et de médecine; chaque jour cette correspondance devient plus étendue et plus utile par les hommes de mérite ,: que l’Académie s’empresse d'associer à ses travaux. Elle a reçu, dans le cours de l’an 12, associés non résidans, Messieurs Marer, secrétaire d’État, membre de l’Institut ; Vivant Denox , membre de l’Institut natio- | nal, de la Légion d'honneur, directeur- - général du Musée-Napoléon, de la mon: noie des médailles’, etc. ; MrrziN, membre : de l’Institut national , professeur d’antiqui- : tés à Paris ; Lavarzée, chef de la 5°. divi- sion de lasgrande Chancellerie de la Légion (63) d'honneur, membre de l’Académie royale des sciences de Gottingue, de celles de Rome, Nancy, etc. ; Daru, tribun, com- mandant de la Légion d'honneur; Vax- MONS , Chymiste à Bruxelles ; Riourre, préfet de la Côte-d'Or ; Perzror, littérateur, résidant à Paris ; Marer , préfet du Loiret; et Le Bargerer aîné. Ses nouveaux membres correspondans sont Messieurs Recnier , conservateur du. Dépôt central de l'artillerie à Paris ; Tous- saint LarDi1roN , auteur de quelques ré- flexions sur les principes de la grammaire françoise. Nous terminerons ici le compte rendu de l’Académie pour les travaux de l’an 12; sans doute elle regrette de ne pouvoir of- frir quelques-unes de ces grandes vérités qui font marcher la science à pas de géant; mais au moins elle peut se flatter d’avoir employé tous ses efforts pour propager le. goût des connoissances ; il ne lui manquoit donc, pour avoir mérité l’indulgence des savans , que la satisfaction d’avoir déve- loppé l’énergie de la science par un sujet de prix, dont la solution pût conduire à la (64) connoissance du sort des générations fu- tures , et à l’établissement certain dés bases de l'hygiène publique et privée ; telle est le but de la question que l’Académie a pro- posée pour sujet du prix de l’an 12, et dont la rédaction est ainsi conçue : « Les fièvres catarrales deviennent au- < jourd’hui plus fréquentes qu’elles ne l’ont « jamais été. « Les fièvres inflammatoires deviennent « extrêmement rares. n « Les fièvres bilieuses sont moins com- « munes. , . C0 « Déterminer quelles $ont les causes qui « ont pu donner lieu à ces révolutions dans c n nos climats et nos tempéramens. » Grand nombre de mémoires nous sont parvenus sur cette question ; trois ont obte- nu les éloges de l’Académie ; mais il en est un sur-tout, qui a plus spécialement fixé ses suffrages et mérité son attention. L'auteur a divisé son ouvrage en trois sections ; il s'occupe, dans la première, de l'examen des symptômes qui caractérisent les fièvres inflammatoires, bilieusesetcatar- rales ; il nous fait connoître, en observa- (65) teur éclairé , les diverses modifications qu’elles peuvent éprouver , et donne à penser que la fièvre, dans ces trois genres, n’est autre chose que le résultat de là réac- tion sur toute l’économie de l'irritabilité augmentée dans certains organes. La seconde partie de cet ouvrage traite des causes qui doivent jouer un rôle dans le développément de ces maladies ; tels sont, par exemple, les tempéramens , les passions, l’âge, les veilles , le climat et les maladies antécédentes. Nous regrettons de ne pouvoir suivre l'anteur dans l’exposé de ces diverses cau- ses : les idées saines qu’il nous donne sur les tempéramens , en les basant sur des données certaines ; savoir, sur la prédomi- nance des fluides blancs ou rouges, sur la force ou l’atonie du système musculaire ; enfin , sur l’état de susceptibilité nerveuse, seront accueillies de tous les bons médecins. Il résulte de tous ces détails , que la force musculaire dispose aux fièvres inflamma- toires, la mobilité aux bilieuses , la foi- blesse sur tout , unie à la lenteur, aux ca- tarrales, ou pituiteuses-gastriques. . 1 $ £ (66 ) Sans doute il étoit réservé à celui qui sait si bien étudier la nature , de nous tracer le caractère physionomique qui indique le plus de disposition à telle ou telle sorte de fièvre. | Aïnsi, par exemple, un corps fort et musclé, un embonpoint plus ou moins plé- thorique , une figure rosée , ouverte, un caractère franc, vif, laborieux , présagent de grandes dispositions aux maladies in- flammatoires. | La dernière partie de cetécrit, dans la- quelle l’auteur s'occupe des circonstances qui ont déterminé successivement le déve- loppement et la coïncidence des différentes causes, u’est pas moins intéressante que les deux premières. L’auteur nous dépeint avec force les moyens en usage chez les anciens, et sur- tout chez les Grecs, pour acquérir de la force et de la vigueur. Alors, on considéroit les exercices du gymnase comme le spécifique de la santé, l’école de la guerre et l’entrée du temple de la gloire ; la ville honorée de l’athléte victorieux le recevoit en triomphe dans ses murs, et l’on a vu les vainqueurs de | (67) ë l'arène, aujourd’hui ignorés, mis au-dessus de ceux de Salamine et de Marathon. _ Des causes de vigueur et de santé en- tourèrent également le berceau de l’em2 pire romain. C'est en suivant progressivement les mœurs, les usages et les institutions des anciens ; c’est en faisant marcher leurs forces avec leurs exercices publics et mi- htaires ; le dépérissement de cet état de vigueur avec l'empire du luxe et de la mollesse ; c’est ainsi que l’auteur arrive au onzième siècle, qu’on doit regarder comme l’époque de la prédominance catarrale ou muqueuse : tous les événemens qui, depuis cet instant, ont modifié nos tempéramens et notre organisation ; tous les agens exté- rieurs qui n’ont pas exercé sur eux une moindre influence , sont ici rappelés , et liant ainsi les faits avec l’étude de la na+ ture , il termine son mémoire par cette ju- dicieuse conclusion : «Que la nature et l’or- ganisation de l’homme n’ont jamais changé; que les maladies dont il est affecté tiennent essentiellement à son tempérament, au eli-- mat, aux mœurs, et que‘le tempéraînent lui - même n’est que le résultat des deux ( 68 ) dernières causes sur les générations suc- cessives, » Ce mémoire eût parfaitement rempli les vues de la Société, si l’auteur se fût occupé davantage des épidémies, et s’il eût fait coïncider leur marche avec le genre catar- ral, comme il l’a fait découler des chan- gemens survenus dans nos climats, nos mœurs et nos institutions , et c’est par cette raison que l’Académie lui décerne seule- ment une médaille par forme d’encourage- ment de la valeur du prix (1). Même mode de Gouvernement , mêmes mœurs, mêmes usages , même éducation nationale et domestique, même climat, même atmosphère, donneroient donc à nos corps cet état de force et de vigueur qu’on admiroit chez les Grecs et les Romains. Sans doute pour combattre cette prédo- minance muqueuse, ce seroit folie que de proposer le changement de nos institutions et le retour à celles de nos pères. (1) L'auteur de ce mémoire est M. Gaillard , doc- teur-médecin de l’hospice national des incurables de Poitiers, secrétaire perpétuel de la Société d’agri- culture de la Vienne, etc. ( 69 ) ‘La marche de l’esprit humain, dans le perfectionnement de nos connoissances, ne peut point rétrograder, et les constitutions comme les mœurs, sont toujours le résultat de celles-ci ; mais n’est-il pas des moyens d’entraver les efforts de la prédominance muqueuse? ne peut-on pas diminuer les effets de ces causes tempéramentales, qui accélèrent en nous la susceptibilité catar- rale? Cette nouvelle question mérite l’exa- men des médecins éclairés, et la solution s’en trouvera, peut-être, dans une hygiène publique et privée, appliquable à notre forme de gouvernement , nos institutions et nos mœurs ; dans une hygiène diffé- remment modifiée, selon les diverses sortes de tempéramens et les systèmes qui les do- minent. Les deux autres mémoires qui ont mé- rité l’attention de l’Académie, sont loin d’avoir atteint la perfection de celui dont nous venons de donner l’analyse ; cepen- dant, on ne peut se dissimuler qu’ils font honneur à ceux qui les ont conçus. Le n°. 3 est riche en érudition , ses idées sont saines etconformes aux principes de la (70) vraie médecine (1): l’autre mémoire, dé- signé n°, 5 (2), s'occupe plus de physique. que de médecine ; mais il est rempli de re- cherches curieuses et de faits nombreux, relevés par un style élégant et pur; ces motifs ont déterminé l’Académie à décider. qu’il seroit fait mention honorable de ces deux mémoires. Sans doute la question qu’elle propose pour sujet du prix de lan 13, ne jouera pas un rôle aussi brillänt dans les annales des sciences ; mais elle ne-doit pas être d’un moindre intérêt pour ce Département. IL paroît que la culture de la vigne et la manipulation des vins, entrent pour beau- coup dans leur qualité; beaucoup de vins seroient meilleurs s'ils étoient mieux pré- parés ; l'incertitude dans l’art de la mani- pulation , la difficulté d’établir et de prou- ver la meilleure méthiode, ont créé pres- qu'autant de procédés qu’il existe de com- munes , ou du moins de cantons vignobles ; (1) Ce mémoire est de M. D docteur en médecine à Toulouse: (2) L’auteur est M. Canolle ; docteur en médecine à Poitiers. NE 7" RTE il est donc important de connoître le meil- leur’ de ces procédés, ou de ne laisser sub: sister que ceux rendus nécessaires , par les différences qui naïssent de la qualité des raisins, de la nature des terroirs et de la diversité de leur exposition. Aussi pénétrée des avantages de ces con- noissances agricoles , que du désir d’être utile au Département de la Côte-d'Or, l'A: cadéniie des sciences; arts et belles-lettres de Dijon , propose , pour sujet d’un prix à décerner dans le premier sémestre de l’a 14, la question suivante, dont la rédaction ést ainsi conçue : & Quelles sont les méthodes de cultiver | « la vigne et de faire le vin , dans les vi- « gnobles renommés des Départemens de « Ja Côte-d’Or et de Saône et Loire? com- « parer ces méthodes, exposer les motifs « de leurs différences, faire connoître leurs «avantages et les améliorations dont elles « sont susceptibles. » Le prix consistera en une médaille d’or de la: valeur de 300 fr. Les ouvrages doi- vent être remis au secrétaire avant le 1°. frimaire an 14. La mémoire du célébre Daubenton , no- (72) ire collégue etnotre compatriote; étoit trop chère à l’Académie, pour ne pas solliciter à sa louange un tribut de respect et, d’ad- miration ; dans la même séance, il sera donné une médaille d’or à celui qui aura le mieux célébré ses travaux et ses talens 3 sa gloire et son génie. Des questions d’un intérêt général, des sûjets de prix dont la solution peut influer sur la prospérité de ce Département, des travaux dans les sciences physiques et ma- thématiques , dans les sciences morales et politiques, dans les arts et les lettres, des correspondances suivies avec les Sociétés savantes, des découvertes récentes ; enri- chies de quelqües faits nouveaux ; tous ces objets, ont formé, pendant le. cours .de l'an 12, le sujet de nos veilles et de.nos méditatiôns ;sans doute nous croirions quel- que prix à nos travaux, si les savans-dai- gnoient en accepter l’hommage ; et s’il.est pour nous une récompense, c’est l’espérance -de pouvoir contribuer à l’accroissement des connoissances humaines; c’est l'espérance, non moins flatteuse , de pouvoir obténir les suffrages de nos concitoyens et de mériter leur estime. :NOTICES HISTORIQUES Sur MM. PAzumoT, GAUTHEROT, Monnier et Vronnors, rédigées par le Secrétaire, et lues à la séance publique du 1°: germinal an 13./1%06) IL est du devoir des Académies de jeter quelques fleurs sur la tombe de ceux qui les ont honorées de leurs veilles et de leurs travaux ; convaincue de cette vérité, et pé- métrée du sentiment de la reconnoissance , l'Académie parlera , avec éloge , des ou- vrages de MM. Pazumot, Gautherot, Mon- nier et Vionnois, de leurs droits à l’estime publique , et des services essentiels qu’ils -ont rendus à leur pays, aux sciences ou ‘aux arts, pendant le cours de leur exis- ‘tence. Here (74) François Pazumor, natif de Reise ; fit ses premières études dans la ville d'Au- xerre ; il y professa la science de la phy- sique avec zèle et distinction. Témoins de ses succès et de son goût pour l'étude, MM. Lebeuf et Lacurne-Sainte- Palaye l’ ho- norèrent de leur amitié ; ils l’admirent à leurs entretiens, excitèrent son émulation, et lui inspirèrent du goût pour l'étude des monumens antiques. Bientôt tous ses momens furent consa- crés à cette partie de l’histoire , si intéres- sante par les grands souvenirs qui l’accom- pagnent, et par l’idée qu’elle nous laisse du génie des anciens , de leurs mœurs et de leurs usages. : Le Mércure de France et le Journal: de Verdun publièrent ses premiers écrits ; on y remarque entr'autres ‘une dissertation sur le retranchement gaulois, situé près d’Avalon , et connu sous le nom sp camp des Alleux. «10 F. SG EME M. de Caylus avoit régardé ce camp comme un ouvrage des Romains ; cette 6pi- nion füt rectifiée par M: Pazumot ; M. de Caylus reconnut son erreur, et lui-même (75) il s’empressa de dissuader le public, en- faisant imprimer l'opinion de M. Pazumot dans le sixième volume de ses antiquités. Entraînés par les suggestions de l’amour propre, d’autres savans eussent employé l’arme du sophisme pour soutenir leur opi- nion, et c’est ainsi que se sont élevées des discussions orageuses , des débats intermi- nables, qui souvent nous laïssent dans l’in- certitude , et nous empêchent de discerner - les vrais progrès des sciences. Qu'il leur est donc avantageux d’être cultivées par des hommes qui sont étrangers au sentiment de l’amour propre , et qui ne voient dans leur étude qu’un moyen de perfectionner les connoissances humaines, de: sonlager l'humanité et de servir leur pays: En 1765 M. Pazumot consigna , dans urt volume in-12, quelques réflexions sur la direction de plusiéurs voies romaines ; et sur l’emplacement ou la topographie des anciennes villes de Chora, de Bandritum et de Gergovia. Cet écrit est un de ceux qui font le plus d'honneur à M. Pazumot.- Les porte-feuilles de l’Académie de Di- jon , ses mémoires et ses sémestres , sont (76) enrichis de ses ouvrages et de ses disser- tations. Le second volume des mémoires de l’A- cadémie nous donne sa description ducamp romain de Flogny-sur-l'Armençon, à trois lieues de Tonnère. Ce camp fut tracé par les Romains, lors de la conquête des Gaules ; il étoit un de ceux qu'on appeloit Siariwa, et ne pouvoit contenir qu’une légion. On remarque dans les nouveaux sémes- tres de l’Académie ses observations sur l’his- toire naturelle , faites dans la traversée de l’ancienne province de Bourgogne depuis Auxerre jusqu’à Chalon. M. Pazumot termine ces observations en nous faisant connoître la cause qui rend les montagnes de Suisse visiblesaux approches de la pluie. On lira sans doute avec intérêt la des- cription de ce phénomène, qui, si souvent, se retrace à nos yeux, et dont l’explication ne paroît pas moins ingénieuse que satis- faisante. Les vents du sud-ouest et du sud-sud- ouest sont ordinairement les précurseurs de Cm la pluie ; ces vents réfroïdissent les couches supérieures de l’atmosphère, et conséquem- ment détruisent l’équilibre dans l'air ; dès- lors les couches inférieures deviennent plus chaudes, les vapeurs aqueuses plus raré- fées, elles arrivent enfin à un état de par- faite dissolution ; de sorte qu’il n’existe plus d’objets intermédiaires entre ces mon- tagnes et les rayons visuels. Plusieurs auteurs s’étoient occupés des grottes d’Arcy-sur-Cure , distantes d’Au- xerre de six lieues et demie ; mais leurs des criptions étoient différentes ; il s’agissoit de connoître la vérité , et de savoir ce qu’elles contenoïent d’inexact et d’exagéré ; cette tâche sembloit réservée à la sagacité de M. Pazumot ; il pénétra dans ces souterrains, dessina leur coupe, leva leur plan, joignit à ses dessins des descriptions exactes , des explications ingénieuses , fit disparoître le prestige de ces lieux, jadis simerveilleux, et l’homme éclairé ne vit plus dans ces grottes que des excavations produites par des af- faissemens de couches intérieures. On trouve encore dans les archives de l’Académie un long et savant mémoire de (78) | cet antiquaire , Sur trente-six portions de chemins antiques qui traversent l’ancienne Bourgogne en différens endroits, et con- duisent à ses principales villes. Une vaste érudition ; une critique judi- -cieuse , une grande exactitude dans les cal- “culs géographiques , caractérisent cet écrit. Enfin, si M. Pazumot avoit besoin d’au- tres titres pour mériter l'estime du public et, la reconnoissance de son pays, nous pourrions encore citer la bibliothèque his- torique, dont il fat'un 1 des plus zélés col- “laborateurs. ‘M. Pazumot vivoit loin de nous, et nous regrettons de n'avoir pu apprécier ses qua- lités sociales comme ses travaux et ses talens. Ses liaisons intimes avec MM. Mrnerss Maret , Guyton ; Boullemier et Legouz- Gerland, sont une preuve qu’il savoit choi- sir ses amis, et qu'il recherchoit en euxau- tant ce caractère de bienfaisance qui en- noblit lame, que le goût des sciences gps F élève et l’ bon. : Appelé à Beaune pour des Te per- sonnelles, M: Pazumot fut attiqué d’uñe (79 ) fièvre maligne; à laquelle il succomba: Ses talens, comme géographe, sa vaste érudition, comme antiquaire, ses connois- sances, comme naturaliste, recommandent sa mémoire à la postérité, et nous invitent à donner à sa tombe des témoignages d’es- time et de regrets. Nicozas GAUTHEROT, membre de l’A- thénée des arts, de la Société académique des sciences , de celle des inventions et découvertes, et de l’Académie des sciences, lettres et arts de Dijon , nacquit à Is-sur- Tille en 1753. Dans le cours de ses premières années, M. Gautherot s’occupa spécialement de l’é- tude des sciences physiques et mathéma- tiques ; fixé dans la capitale , il suivit avec zèle les cours qui traitent de ces objets, et gagna , par son application à l'étude, par son désir de s'instruire , l’amitié de l’abbé Marie , successeur du célébre abbé La- caille, et celle de M. Sage, professeur de minéralogie ; d’autres liaisons avec des sa- vans non moins distingués , attestèrent son goût pour les sciences et ses heureuses dis- positions, RS PS EST () Si les expériences utiles à l'humanité ne peuvent être exposées à l'oubli, on se rap- pellera sans doute avec intérêt l'expérience du corset de liège ou scaphandre. Soutenus verticalement par ces corsets, MM. de la Chapelle, Gautherot et deux autres personnes, parcoururent plusieurs fois, sur la Seine, la distance du pont-neuf au pont-royal. L'esprit d'indépendance est ordinaire- ment le partage de ceux qui cultivent les sciences. Seroïit-ce parce que leur étude ennoblit l’ame et lui fait rejeter, avec mépris, tout ce qui peut l’humilier où l’asservir? Seroit-ce parce que le savant trouve son bonheur dans la gloire de l’é- tude , et qu’il ne faut, pour satisfaire cette passion , ni l’amour des richesses , source de tant de maux, ni cet appareil de luxe qui n’en impose qu’à la sottise et à l’igno- rance ? Quelqu’en soit la cause, M. Gau- therot demeura constamment fidelle à ces maximes, et refusa les places qui lui fu- rent offertes ; mais ami zélé des sciences et des arts, notre collégue ne négligea jamais aucune occasion de s’instruire, et partit (8) pour la Suisse avec un Anglois, qui le rechercha pour la variété de ses connois- sances et l’agrément de son caractère. À son retour de Suisse, le public com- mença de jouir du fruit de ses veilles et de ses travaux. En l’an 6, M. Gautherot fit FAR à l'institut de déaà mémoires sur l’électricité. L'année suivante , il lui dédia une disser- tation sur l’acoustique ; le rapport en fut fait par M. Lagrange, qui reconnut dans cet ouvrage des idées neuves et savantes. M. Rouhié son beau-frère nous a fait parvenir , l’an dernier, deux de ses écrits sur le fluide galvanique , dont nous ayons donné une idée dans le compte rendu. Après la mort de ses proches, M. Gau- therot parut ne plus tenir à la vie que par son amour pour les arts et les sciences; elles étoient l’objet de toutes ses pensées, l’oc- cupation de tous ses instans : jamais on ne porta plus loin que lui l'enthousiasme des sciences et l’entier oubli de soi-même; il ne craignit pas de faire, sur sa personne, diverses expériences, et dans l’espace de 6 (82) Yinot-quatre heures , il respira une quan- tité considérable de gaz oxigène. Non moins distrait que ce fameux théo- logien suisse, dontnous parle Zimmermann, ét qui, appliqué à l’étude, ne s’apperçut pas du tonnère qui tomboiït dans sa cham- bre; Gautherot, l'esprit occupé d’une nou- velle expérience, se heurta contre une char- rette , et reçut un coup dont les suites fu- rent mortelles. Telle fut la fin de cet estimable savant, qüi emporte dans la st. nos regrets et notre affection. Ceux qui aiment à trouver, dans l’ami des sciences, un homme paisible et mo- desté, un savant qui les cultive, plutôt pour accélérer leurs progrès ét servir son pays, que pour courir la carrière de la gloire ou satisfaire son ambition , honore- ront sans doute sa mémoire de sentimens d'estime et de respect.’ ‘ L’attachement de M. Gautherot à notra Société , sa naissance dans notre départe- ment, réclamoiïent de nous un témoignage solennel d’estime et de reconnoissance ; ce témoignage, nos cœurs nous l’ont dicté, (83) et nous n’ayons fait qu'exprimer ses sen- timens et ses regrets. Moxxrer, membre de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, nacquit à Besançon le 11 octobre 1753, et mourut à Dijon le 8 ventôse an 12. Son penchant pour les arts se manifesta dès l’âge le plus tendre. Semblable au fa- meux Mantegna , qui, au lieu de veiller à la garde de son troupeau , s’amusoit à le dessiner, semblable à cet habile peintre, Monnier fut, comme lui, l’élève de la na- ture : ses heureuses dispositions décidèrent seules du choix de son état, et Monnier se livra sans réserve à cette profession qui transmet , jusqu’à la postérité la plus recu- lée, les connoïissances que nous avons ac- quises ; tel est l’art de la gravure, le temps même respectant ses ouvrages, semble l’a- voir pris pour confident de ses secrets; et lorsqu'il n'existe autour de nous, aucun monument des empires les plus florissans , aucun indice des règnes les plus brillans, les entrailles de la terre recèlent encore des médailles qui nous indiquent la chûte (84) | de ces empires, et nous annoncent l’exis- tence de leurs rois. Si l’on veut se convaincre des talens de Monnier, il faut examiner la carte de la. flore de Bourgogne , les planches géogra- phiques de Pourcher , les antiquités de Le- gouz-Gerland , les gravures des œuvres de Salluste. Dans la carte botanique, la vue se re- pose avec plaisir sur le frontispice repré- sentant Zéphire qui caresse Flore. Combien de force, de vérité et d’expres- sion n’a-t-il pas mis dans les planches qui décorent les œuvres de Salluste! Ses derniers travaux sur tout sont autant de chef-d’œuvres ; nous citerons entr’au- tres les sceaux des préfectures de la Seine et de la Côte-d'Or, et nous parlerons avec reconnoissance du cachet destiné pour l’A- cadémie de Dijon. Tels sont ses titres à la gloire: ses droits à l'estime publique, nous les puiserons dans sa vie privée, et dans l’examen de ses ver- tus sociales. | Bien différent de ceux qui ne voient dans leurs talens que des moyens d’acquérir des (85) richesses et du crédit, Monnier ne s’occupa de son art que pour satisfaire son goût et servir SOn pays. O noble désintéressement! combien tu relèves les talens de l'artiste distingué ; tu ne laisses voir en lui que le plaisir d’être utile, et ses services deviennent autant de bienfaits ! Chérir ses enfans, servir ses amis, se- courir les malheureux , furent en tout temps les plus douces affections de Mon- nier , Comme ses premières jouissances. On peut donc dire de cet artiste, qu’il fut l’ami de son pays et l’honneur de son art. L’hommage qu’en ce jour nous rendons à sa cendre , le tribut de louanges et d’es- time que nous payons à sa mémoire , sont donc bien justement mérités. L’Académie se félicite d’avoir rempli un devoir si honorable ; elle espère que tous les artistes applaudiront aux talens distin- gués de Louis-Gabriël Monnier , et qu’un concert unanime de louanges et de regrets, transmettra à nos arrières-neveux, la sim- plicité de ses mœurs et la supériorité de son burin. (86) Parctppe Vronnoïs naquit à Dijon en 1764. Cet artiste eût été perdu pour la par- tie des ponts et chaussées , si un goût bien prononcé pour les arts ne lui eût révélé l’é- tendue de ses moyens, et ne lui eût donné le courage de surmonter les obstacles que ses parens apportèrent à son désir de s’ins- truire. Ce fut contre leur gré et presqu'en se- cret, qu’il apprit l’art du dessin. Témoin de son zèle et de son aptitude, M. Jolivet conçut de l'intérêt pour ce jeune artiste, il lui enseigna l’architecture et le fitnommer dessinateur desÉtats; cetteplace le fit connoître de M. Gauthey, alors ingé- nieur en chef des États de Bourgogne. Il s’'apperçut bientôt qu’il pouvoit tirer un parti plus avantageux de ses heureuses dis- positions, et dans cet espoir, il l’appela au canal du Charoloiïs ; ce témoignage de confiance encouragea M. Vionnois; il fit de nouveaux efforts pour mériter l'estime de ses chefs, et dans la construction de l’é- cluse de Digoin , qui donne dans la Loire, cet artiste développa des talens qui justi- fièrent leurs espérances , et confirmèrent son mérite. ( 87) M. Pourcher, dont les arts ont long-temps pleuré la perte, étoit à la tête de ce canal. En 2778, après son décès, M. Vionnois fut nommé à cette place, qu’il conserva jusqu’en 1792. Ce fut à cette époque qu'on lui donna les fonctions d'ingénieur du ca- nal de Dijon à Saint-Jean-de-Lône. Mais des événemens politiques rendirent ses ta- lens inutiles ét laissèrent à M. Vionnois des mômiens de loisir, qui furent consacrés x l'étude de son art. L'influence des canaux sur la prospérité des états, ne pouvoit échapper à celui qui venoit de conquérir l'Égypte , ce pays au- trefois si renommé par la culture des scien- ces , l’étendue de son commerce et la beauté de ses canaux. Il fut donc décidé qu’on reprendroit les travaux de Picardie ; M. Vionnois fut char- gé du soin d’examiner quel étoit le meil- leur projet de celui de M. Vick ou de M. Laurent. Après de grands travaux , après nombre de plans levés et dessinés, l'opinion de M. Vionnois fut d'adopter le projet de M. Wick ; le Gouvernement accueillit cette | (88) idée “et de suite des ordres furent donnés pour commencer le canal de St.-Quentin. C’est ici le moment de publier que son zèle infatigable suffisoit à tout , et tandis que M. Vionnois dirigeoit les travaux de St.-Quentin , il s’occupoit de lever les plans du canal de Bruxelles à Charleroy , qui doit joindre la Somme à l’Escaut. Jant de zèle ne put être arrêté que par une maladie grave, d’une longue conva- lescence ; mais toujours étranger à lui-mé- me , lorsqu'il s’agissoit des devoirs de son état, instruit que le Premier Consul étoit à Bruxelles, M. Vionnois part pour cette ville , et se hâte de lui présenter ses projets et ses plans sur le canal de Charleroy ; au retour de son voyage, trop foible encore pour supporter de telles fatisues, M. Vion- nois fit une rechute, et périt au commen- cement de l’an 11. Nous pleurons en lui un collégue esti- mable , dont le souvenir nous sera toujours cher ; la douceur de son caractère, l’amé- nité de ses mœurs, son extrême probité, l’absence de toute prétention, le firent re- chercher de ceux qui aiment le talent ( 89) modeste , et chérir de tous ceux qui le connurent. Mort au service de sa patrie , mort de ses travaux, il emporta dans la tombe cette idée rassurante que le Gouvernement re- connoîtroit dans ses enfans , les services essentiels qu’il lui avoit rendus. Ce seroïit un acte d'équité nationale , ce seroit un motif de zèle et d’encouragement pour les fonctionnaires qui consacrent leur existence entière à la gloire de leur pays. Que n’avons-nous assez de crédit pour implorer , en faveur de ces infortunés , la bienveillance du Gouvernement! Qui plus qu'eux a des droits à la munificence na- tionale ! | Vionnois vécut pour son pays et s’oc- cupa de le servir, sans jamais songer à s’en- richir ; trop de zèle dans l’exercice de ses fonctions, fut la cause de sa perte, et Vionnois, en mourant, ne laissa d’autre patrimoine à ses enfans, qu’un bel exemple à suivre, des talens à imiter, des vertus à égaler. (99 ) Il a été lu à cette séance d’autres mor- ceaux dont nous ne pouvons pas rendre compte, parce que les auteurs n’ont pas communiqué leurs manuscrits. M. Morland a présenté quelques ré- flexions sur la douleur et le plaisir. M. Maret a fait lecture d’une traduc- tion en vers d’un morceau de Catulle , in- titulé : Ariane abandonnée dans l’isle de Naxos. La séance a été terminée par une disser: tation de M. Brenet, sur la maladie épi- démique qui désola Dijon, dans les der- niers mois de l’an 12. SÉANCE PUBLIQUE DE L'ACADÈEMIE DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES DE DIJON. SÉANCE PUBLIQUE DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES 4 DE DIJON, Tenue le 8 Février 1809. DIJON, DE L’IMPRIMERIE DE FRANTIN. 1809. ANALYSE Drs Travaux de l’Académie des sciences , arts et belles -lettres de Dijon, pour l’année 1808. A Msssreuns, Quels que soient les travaux d’une Société savante , ils sont toujours jugés différemment par ceux qui les examinent. Il est bien difficile qu’ils puissent répondre à tous les vœux, satisfaire tous les goûts, désarmer tous les critiques. On veut d’une Académie, qu’elle mette la science à la portée de tous, et qu’elle en conserve la grandeur ; on veut qu’elle parle le langage des Dieux et qu’elle soit entendue du vulgaire. Si le temple des muses est envi- ronné d'obstacles, c’est à elle à les renver- ser ; si le chemin qui y conduit est em- barrassé par des ronces, c’est à sa main à 1 (2) les arracher. Ce qu’elle a fait, on le re: marque à peine , on n’aperçoit que ce qui lui reste à faire. Les uns, avides d'apprendre, maïs en- traînés par le tourbillon des affaires ow des plaisirs, s’effarouchent de sa gravité, de ses lenteurs ; ils s’étonnent de trouver dans l’étude un lendemain ; ils ignorent ou feignent d'ignorer que si la vérité nous est représentée sans voile, cet emblème ingénieux n'exclut pas pour cela la vapeur ténue dont elle aime à s’entourer; que cette vapeur, épaissie par l'ignorance, devient souvent un nuage obscur qui ne peut être dissipé que par l'étude et la constance. | Les autres, censeurs rigides et atrabi- laires, déversant sur tout l’ennui qui les poursuit, n’aperçoivent qu'incertitude et futilité. Il en est, il est vrai, qui se présentent sans envie, sans jalousie, sans aucun sen- timent pénible, mais ils ne considèrent la science que comme un aimable badinage , que comme une rose jetée sur le sentier de la vie; ils ne veulent que sourire et (3) folâtrer avec elle; et si par hazard la folie s'appuie un instant sur la raison, ils gourmandent , ou s'étendent et s’en- dorment. Il n’y a qu'un petit nombre d'hommes amis de l’étude , économes du temps, appréciateurs impartiaux des efforts qui nous élèvent vers le vrai, qui sache écouter et juger. Ainsi toute Société qui appelle le publie pour le mettre dans la confidence de ses travaux, se place volontairement dans une position difficile. Mais observons aussi que cette démarche devient un témoignage écla- tant de son amour pour le vrai, de l’ardeur qu’elle met à s’éclairer , et de la considé- ration qu’elle a conçue pour ceux qu’elle a réunis. C’est ce dernier point dont s’en- orgueillit } Académie de Dijon ; elle trouve dans ces communications habituelles um encouragement flatteur et la récompense de ses veilles. Et quélles craintes pourroient l’agiter danscette ville, heureuse émule d'Athènes, nouvelle patrie des sciences et des arts? Les génies que cette ville a vu naître, les souvenirs qu’elle conserve , les espé- (4) rances qu’elle renferme, tout a habitué ses citoyens à l’amour du beau. Ils estiment, ils recherchent, ils encouragent le talent. Ils se plaisent dans l'intimité des muses et des graces. Nulle espèce de gloire ne leur est étrangère ;et malgré l’enthousiasme qui semble souvent les maîtriser, ils savent modérer le feu qui les dévore, se replier sur eux-mêmes, et trouver des charmes dans la réflexion et la méditation. Devant eux la pensée n’est point comprimée, elle peut s'élever, s’abandonner à son essor, et reposer à son gré sur les objets qui lui plaisent ; ils savent bien que les travaux d’une Académie ne peuvent être confondus avec ceux des particuliers ; qu’ils diffèrent dans leur essence , dans leur but, dans leur résultat, Un homme isolé qui veut se faire re- marquer, a besoin d’écarter ses rivaux, d’écraser l’envie , de se faire jour par ses efforts, de se placer lui-même au premier rang. Il est obligé d’élever la voix pour que l’on s’aperçoive de sa présence ; et ne trouvant personne qui veuille se charger d'établir sa renommée , il est forcé d’être (5) lui-même son appui. L'on vante la modes- tie, mais elle nous laisse dans l'oubli ; quand la foule nous a dépassé, l’œil ne peut nous apercevoir derrière elle, et souvent il ne reste au talent le plus beau pour juge et pour récompense , que la postérité. Une Société savante, au contraire, se trouve dès son origine entourée de toute la considération que l’on porte à chacun de sesmembres. Dès sa naissance elleattire, si elle ne fixe pas encore, les regards du public ; elle force même les Gouvernemens à accorder quelqu’estime à ses travaux ; et si l’opinion paroît s’agiter autour de quelques questions utiles ou brillantes, c’est elle seule qui peut et qui doit la fixer ; c’est à son autorité que la Société les évoque. Les erreurs sociales ont leurs tribunaux , pourquoi n’en seroit-il pas de même des erreurs scientifiques. Ne savons- nous pas qu’elles ont leurs dangers, que le temps seul peut nous en garantir, que souvent même ses efforts sont impuissans ; la Société contre elles a donc besoin d’un appui. La voix d’un seul ne peut ramener la multitude ; les efforts d’un seul ne peuvent (6) démasquer les jongleurs. Mais une Société qui met en avant des principes, qui les expose sans chaleur, qui les présente avec clarté, qui les soutient avec fermeté , se voit bientôt entourée de l’assentiment gé- néral ; elle n’a pas besoin d'élever la voix, elle est facilement entendue. Ainsi donc les ouvrages éphémères, les systêmes , les projets, cette refonte singu- lière de toutes les sciences, cet appel con- tinuel à la renommée, ne sontetne peuvent être le partage que des hommes. isolés. Mais une Académie doit conserver le sen- timent de sa force, elle doit considérer avec calme ce qui se passe autour d’elle, peser lesopinions, analyser les nouveautés, publier ce que l'expérience à confirmé, combattre les choses séduisantes mais ha- zardées ; elle ne doitrien écrire qui ne soit digne d’elle. Elle doit veiller soigneuse- ment et à la renommée acquise, et à celle qui lui est réservée ; c’est là le but de son institution , c’est là ce qu’elle se doit à elle-même, et c’est aussi la seule chose qu’en attende un public éclairé. Cependant l'usage a créé pour ces 5o- (i74) ciétés, des habitudes qui sont devenues des devoirs; à des époques déterminées, elles doivent exposer la série de leurs tra- vaux; cetengagement qu'elles remplissent, devient en même-temps la réfutation de clameurs hazardées, et la seule récompense qu’elles ambitionnent. Elles doivent expo- ser les pertes qu'elles ont faites, rappeler les efforts et les vertus de ceux avec lesquels elles ont vécu; ce triste devoir adoucitleurs regrets et établit la mesure de leur estime, de leur amitié, de leurreconnoissance;elles doivent faire connoître enfin ceux qu’elles ont distingués et qu’elles se sont associés ; c'est là tout ce qu’elles peuvent offrir au mérite : heureusement qu'aux yeux de l’homme instruit, cette récompense est plus flatteuse que la fortune. C’est sous ces trois points de vue, que nous allons parcourir les travaux de l’Aca- démie de Dijon pendant l’année 1808. Quoiqu’une année soit un espace bien court, cependant quelques-uns de ces tra- vaux peuvent déjà vous être présentés, parce que , résultats de l’expérience et (8) lentement élaborés dans le cabinet, ils ne sont offerts que dans leur maturité ; d’au- tres au contraire ne sont encore qu'une ébauche , un premier jet ; ils renferment, il est vrai, les germes de l'utilité, mais ils ont encore besoin de recherches, d’obser- vations, d'expériences; ils n’offrentencore que des espérances ; le temps seul peut les développer, nous ne devons que les in- diquer. Vous remarquerez sans doute avec quel- que plaisir, que les premiers ont spéciale- ment pour but, la conservation de l’homme ou son éducation ; les idées philantro- piques doivent être placées au premier rang. Il est beau, sans doute, il est su- blime de s’élever dans les régions éthérées, d'y dominer en maître, de calculer et d’ordonner, pour ainsi dire, la. marche des corps célestes ; maïs il faut enfin ra- baisser sa pensée sur la terre, et l’on y retrouve l’homme et ses infirmités. Il est plus consolant alors, j’ose même dire plus beau de chercher à calmer ses douleurs.— Ceux qui sont chargés d’un emploi si tou- chant, ont plus d’un moyen de se rendre (9) utiles. Ce n’est pas tout de combattre les progrès du mal, il faut encore lutter contre l’enthousiasme et l’empirisme;et c’est avoir rendu de grands services, que de les dé- pouiller de leurs formes trompeuses. — Vous seriez convaincus, Messieurs, de cette vérité , si les bornes d’une seule séance ne nous contraignoient pas de nous renfermer dans un cadre resserré , et nous permettoient de vous présenter la disser- tation savante de M.’ Antoine, médecin, sur la doctrine médicinale de Brown. Ce médecin célèbre concouroïit pour obtenir une chaire ; son rival l’emporta sur lui. Pour se consoler et pour établir sa renom- mée , il publia une nouvelle manière d'envisager la médecine. Il mit dans cet écrit un ordre, une méthode, un coloris peu connus dans cette matière. Il réduisit la science à une simplicité frappante. IL entraîna. Mais ses tableaux ne représen- toient plus la nature ; ils firent naître des erreurs. C’est à combattre ces erreurs, que M." Antoine s’est attaché ; il a su réunir dans un seul cadre toutes les opinions émises. Il combat les erreurs de Brown (io) avec méthode, les discute avec clarté ; et malgré l’autorité des médecins qui les ont adoptées , il démontre la foiblesse de leur base et leur danger. Une même excitabilité malgré les différences d'organisation , un même excitant malgré les différences d’al- térations , étoient des idées qui pouvoient séduire par leur généralité, maïs qui ne pouvoient se soutenir devant le flambeau de l'expérience. Si quelquefois les progrès de l’art de guérir sont arrêtés par les chimères systé- matiques, souvent aussi ils sont rejetés en arrière par l’oubli des préceptes anciens. C’est ainsi que l'injection de la fumée de tabac dans le tube intestinal, si recomman- dée jadis dans l’asphixie par submersion, négligée presque sur-le-champ à cause de l’imperfection des procédés, est parvenue maintenant à un tel degré d’oubli, que la présenter est une véritable nouveauté. — Cependant les difficultés ont été vaincues, des instrumens ingénieux et d’un manie- ment facile peuvent remplacer ces pre- mières inventions ; et ils ne sont point usités. Cette insouciance coupable doit af- (ui) fliger tout homme sensible. Sans doute les efforts des anciens ne réussissoient pas tou- jours, mais on lesvoyoitsouventcouronnés par le succès. M." Protat s’est proposé de rétablir cette ancienne méthode qu’il re- garde et qu'il indique non - seulement comme un moyen trop négligé, mais encore comme un des plus efficaces que l’art puisse nous offrir. Et pour la présenter avec tous ses avantages , il développe le méchanisme ingénieux de la seringue fumigatoire de M." Hélie, corrigée par M." Cledier. — Bien au-dessus de celle de M." Piat, elle permet de diriger la quantité et la force de l’injection, elle ne laisse rien échapper de la vapeur; et celui qui est chargé de l'opération ne peut être incommodé. — A cetouvrage, M." Protat a joint un second mémoire dans lequel il décrit les hydro- pisies, leurs signes , leurs caractères, les divise , ets’arrêtant de préférence sur deux espèces, l’ascite et l’anasarque, il présente et décrit quelques faits rares de sa pratique, et indique les médicamens dont il a retiré le plus d'effet. Les médicamens et leur étude se rat- (i2) tachent naturellement à l’art de guérir. — Ils doivent être envisagés sous deux rap- ports. Les premières recherches ont pour objet leur nature ; les secondes, la facilité de se les procurer. — Le plus grand bien- fait devient un mal, et un mal cruel, s’il ne doit que nous être indiqué et jamais ne nous être appliqué. Cependantune foule de médicamens indispensables nous sont apportés des régions éloignées et dès-lors exposés aux incertitudes des circonstances, sans que nous ayons encore suffisamment examiné autour de nous si le sol que nous habitons ne renfermeroit pas dessubstances qui, nées près de nous et soumises aux mêmes influences, se trouveroient plus rap- prochées de notre organisation. — C’est dans cette vue que M." Guichard, phar- macien , s’est occupé d’une plante vulgaire jusqu'ici peu observée. Cette plante est V’ivraie , le folium temulentum de Linné. Par une suite de procédés chimiques, ik a démontré que ce végétal contient des matières oléagineuses dont les propriétés narcotiques et enivrantes pourroient trou- ver des applications heureuses dans l’art (13) de guérir. Il cherche maintenant à consta- ter par l'expérience ce que son usage peut promettre d’utile ou faire craindre de dan- gereux. Tel est l’ensemble des observations médi- cales que l’Académie a accueillies et qu’elle se plaît à présenter au public; mais ses soins devant s'étendre plus loin , elle ne pouvoit oublier les arts qui rapprochent les hommes, lient les sociétés, contribuent aux aisances de la vie, et font fleurir les empires. Ellenepouvoit oublier lessciences qui dirigent l’homme et l’annoblissent. Elle ne pouvoit oublier les lettres, ces délas- semens heureux de l’homme de goût, ces douces illusions de l'esprit qui répandent leurs couleurs mensongères mais chéries sur tout ce qui nous environne. Elle devoit donc aussi consacrer quelques instans aux arts,auxlettres, etaux sciences générales. Parmi ces sciences, les unes sont accueil- lies et fêtées ; les autres, semblables à ces enfans malheureux que rejettent des pa- rens injustes, ne sont cultivées que par un petit nombre d'hommes zélés et patiens. Mais lorsque quelques circonstances tra- (14) hissent leur obscurité, on est surpris de l'intérêt qu’elles peuvent inspirer. Telle est la science numismatique que MM. Girault et Baudot aîné cultivent avec pré- dilection. M." Coste, bibliothécaire de la ville de Besançon, avoitenvoyé à Dijon l'empreinte d’un sceau dont il desiroit que l’explication fût faite par les antiquaires Bourguignons, parce que cette pièce singulière paroissoit avoir du rapport avec certains usages de l’ancienne Bourgogne. On y lisoit pour lé- gende ces mots : Azthonius primus Buroun- né juventutis et Bazochie rex optimus $ avec la date 2444. Le fond représente un personnage vêtu d’une robe et d’un manteau bordé de four- rure, coëffé d’un chapeau rond garni d’une espèce de couronne et d’une plume : il est décoré d’un cordon d’ordre, assis sur un trône fleurdelisé , et tient un sceptre sur- monté d’une fleur de lys. Cet emblême hé- raldique se trouve également placé àchaque côté du trône. Il étoit indubitable que ce sceau d’envi- ron trois pouces et demi de diamètre avoit été fait pour servir à donner à des actes (15) le caractère de l’authenticité, puisqu'il portoit au revers une queue mobile, et qu'on a trouvé des vestiges de cire dans les profondeurs de la gravure. Deux asso- ciés de l’Académie ont essayé d’en donner l'explication. M. Girault d'Auxonne a fait voir que ce roi de la Basoche, nommé Antoine , prenoit le titre de prince de la jeunesse de Bourgogne , peut-être pour exprimer l'autorité qu’il exerçoit sur les clercs de sa juridiction qui avoient obtenu une partie du local de l’ancien hôtel de Bourgogne à Paris, pour y faire représenter Les Mystères, foibles commencemens des représentations théâtrales qui ont fait des progrès si immenses dans l’espace de deux siècles et demi. M.' Baudot aîné a pensé que le person- nage qu’on remarque sur le sceau dont il s’agit, n’est autre que le roi François 1.f* environné de tous les accessoires de la royauté véritable. Ce prince avoit vu avec plaisir, en 1540, la petite armée des sup- pôts du roi de la Basoche; et il avoit en conséquence accordé à cette corporation, des privilèges qui ont bien pu encourager (EUR) les amis du roi Antoine à faire exécuter ur sceau aussi extraordinaire, que dans ce cas il faudroït regarder comme une espèce de panñthée dont les monumens antiques et ceux du moyen âge offrent tant d'exemples. Il résulte de cette opinion de M." Baudot, que la Basoche n’avoit point de siège en Bourgogne ; que l'infanterie Dijonnaise n’a aucun rapport avec la Basoche , et que le sceau du roi Antoine est vraisemblable- ment étranger tant au duché qu’au comté de Bourgogne. Le même Académicien a présenté à la compagnie une médaille trouvée dans les environs de l'emplacement où existoit l’an- cien château de Pagny. Cette pièce, dont les deux faces sont bien conservées, por- toit un anneau soudé sur le milieu de l’un des champs, et avoit été dorée. On y lit pour légende : Monet. a. S. Johanes. Le mot rex est placé verticalement entre deux figures debout qui soutiennent un gonfa- non au lieu du /abarum. M." Baudot pense que c’est un besant de billon frappé à Constantinople sous l’empire de Baudouin II et de Jean de Brienne qui avoit été | (70 précédemment roi de Jérusalem, et qui fut placé avec Baudouin , en 1228, sur le trône des Commènes et des Porphyrogénètes. Cette pièce, d’une insigne rareté, a pu être apportée du Levant par quelque per- sonne de la suite du duc de Bourgogne, qui l’avoit eue apparemment pendant la longue expédition de la cinquième croi- sade ; et comme cette monnoiïe n’étoit pas d'un métal assez précieux pour être con- vertie en monnoie courante, ainsi qu'il arriva quand les besants d’or et d’argent cessèrent d’avoir cours en France, on l’em- ploya pour en faire un simple bouton que la feuille d’or dont on le couvrit a dû ga- rantir des ravages du temps. M." Baudot est entré à ce sujet dans des détails his- toriques et explicatifs, dignes d’intéresser vivement la curiosité de tous les anti- quaires. À ces divers travaux des sciences, se trouvent réunies une méthode bibliogra- phique par M. Girault, et employée par lui dans la classification et l’arrangement de la bibliothèque publique d’Auxonne, et deux mémoires de M." Antoine, in- ES él (18) gémicur, l’un sur les inondations des tor- rens , des rivières et des fleuves, sur les dommages qu’il causent, les moyens de les contenir dans leur lit ou de s’opposer le plus possible à leurs ravages ; et l’autre, sur la recherche des eaux nécessaires à l'établissement d’une suffisante quantité de fontaines publiques et particulières à Dijon. Cet ensemble est enfin terminé par le beau travail de M." Rouhier, sur l’édu- cation des aveugles de nâissance et des sourds - muets. — l’idée philantropique d'appliquer à ces malheureux les bienfaits de l'éducation, avoit été développée avant lui. Le Gouvernement s’en étoit emparé, et les belles institutions des aveugles-nés et des sourds-muets placées dans le centre de la capitale , prouvent qu’au sein même des plaisirs et des affaires, il reste encore des souvenirs utiles aux malhèüreux. M.' Rouhier n’a donc pu qu’'imiter ; mais ne ‘savons-nous pas qu'il est rare qu’une idée, dès sa naissance, ait reçu tous les déve- loppemens dont elle est susceptible ; que, dans une étude semblable, toute de tâton- (19) mement, c’est à l’expérience seule et au temps à nousapprendre ce quiest véritable, bon ; que le génie qui la conçoit, n’a- perçoit les choses que de la hauteur où il s’est placé; que rarement il descend dans les détails, et que les détails sont les degrés qui conduisent à la perfection ; que par conséquent la réflexion et la pratique con- duisent peu à peu à des méthodes plus simples et plus faciles. M." Rouhier a ima- siné que rien de ce qui est, n’était encore exécuté. Il a regardé chacune des méthodes comme un essai, il l’a analysée et a re- cherché ce que, dans la pratique, elle pouvoit avoir d’heureux ou de défavorable. Cette marche analytique lui a suggéré des idées nouvelles ; et dans les mémoires qu’il a déposés à l’Académie, il les présente avec toute la simplicité, toute la netteté, toute la complaisance, j'ai presqu’ajouté la bon- homie d’un père de famille. Ignoré par l'excès de sa modestie, retiré dans une campagne de ce département, consacrant tous ses instans , tous ses moyens à l’édu- cation de la jeunesse, réunissant plus par- ticulièrementses soins sur les sourds-muets ù (2) et les aveugles-nés ; il n’a encore d'au tres confidens de ses travaux et de ses veilles, que l’Académie. Les infortunés à qui il pourroit être si utile, ignorent en- core et sa demeure et son nom. Cependant six mille sourds-muets et autant d’aveugles de naïssance, sont répandus dans l'Empire français. Une école à Paris, une à Bordeaux, une à Gênes, et une quatrième en Alle- magne , Sont à ma connoissance les seuls établissemens qui leur soient offerts, et ne peuvent au plus en recevoir qu'un vingtième. L'Académie doit exprimer publiquement ses regrets de ce que les circonstances ou les richesses des particuliers ne peuvent favoriser l’établissement d’une semblable école dans nos murs. Indépendamment du bien qu’elle répandroit , elle ne contribue- roit pas peu à donner à notre ville plus de lustre et plus de célébrité. . Tels sont, Messieurs, les travaux des membres résidans. Mais ceux qui, par leur éloignement , ne peuvent assister aux séances ni participer aux discussions, aux délibérations, ne cherchent pas avec moins (a) d’ardeur à enrichir les porte - feuilles de l’Académie, des fruits de leurs recherches. Ainsi M.' Bouvier, médecin de M." Mère, fait parvenir ses observations sur l’hydropi- sie du cerveau.— M." Hernandès, médecin de la marine à Toulon, son mémoire sur les signes que présente, dans les maladies, l’état de la langue, des levres et des dents. — M." Champollion - Fijeac , secrétaire de l’Académie de Grenoble, sa disserta- tion sur l’édition d’'Homère , de Rodolphe Vestern; sa notice d’un manuscritintitulé, Albani belli libri quinque ; sa lettre à M, Fourier, sur l’inscription grecque du temple de Dendera. — M." Révolat, médecin mi- litaire à Nice, son ouvrage sur les fiévres puerpérales. — MM. Couturier , directeur du collége de Gray, et Weisse, inspecteur des postes, leurs poésies. — M." Richard de la Prade, médecin à Montbrison , son mémoire sur l'influence de la nuit dans les maladies. — M.' Sigorgne , ses obser- vations sur la chimie pneumatique. — M." Granier, son mémoire sur les fiévres catarrales observées à St. Pons à diverses époques. — M." Lesage, son superbe ou- (22) vrage contenant des mémoires extraits de la bibliothèque des ponts et chaussées. etc. Et tandis que l’Académie , renfermée dans ces nombreux travaux, examine , discute, rejette ou accueille les ouvrages qui lui sont présentés , un citoyen élevoit près d'elle et sous les yeux de tous, un éta- blissement utile; et d’après les découvertes des premiers chimistes de l'Europe , et l'exemple de quelques étrangers, il jetoit dans ce département la base d’une nouvelle industrié. Au lieu de brûler les bois à l’air libre , et dé perdre ainsi les substances lé- gères qui s'élevoient et se perdoient dans les airs, il les brûloit dans des vaisseaux clos, empêchoit ainsi les substances ga- zeuses de s'échapper , les réunissoit, s’en rendoit maître, pour les appliquer ensuite aux différens arts ;il crut pouvoir aussi les employer dans nos usages domestiques ; il fit paroître quelques-uns de ces produits sur nos tables. — Il pouvoit les présenter aux arts sans rencontrer d'obstacles ; mais les introduire de prime abord parmi nos alimens, ne devoit être ni aussi prudent, ni aussi facile. — Des craintes s’élevèrent, (23) elles arrivèrent au Magistrat. — L'Acadé- mie fut chargée d’analyser les liqueurs que M." Mollerat retiroit de la distillation du bois. D'après les diverses expériences aux- quelles ces liqueurs ont été soumises, il a été démontré ; 1. Qu’une bouteille de la liqueur qu’il nomme vinaigre simple, contient depuis quatre-vingt cinq jusqu’à cent onze centi- grammes de sulfate de chaux, ou depuis dix grains jusqu’à quatorze. 2 Que le résidu total provenant de l’évaporation d’une bouteille decettemême liqueur , est de cinq grammes trois déci- grammes, ou un gros, seize grains soixante- cinq centièmes. L'Académie déclara, ainsi que le Conseil de santé, que les substances qu’elle avoit trouvées ne devoient point alarmer le pu- blic. Elle s’en tint à cette déclaration simple , et crut devoir s'abstenir d'aucun autre détail, parce qu’elle n’avoit à pro- noncer que sur le danger de cette liqueur, ét qu’elle n’étoit point chargée de la com- parer avec les vinaigres ordinaires. (24) Tels sont, Messieurs, les travaux par-. ticuliers de la Société. Si vous y ajoutez sa nombreuse correspondance avec tout ce que la France renferme d’hommes ins- truits , les rapports de ses commissaires sur les ouvrages qui lui ont été présentés, vous aurez un tableau complet des objets qui ont fixé son attention pendant le cours de l’année 1808. Si je n’avois eu à vous parler que des travaux de l’Académie , ma tâche eût été bien douce; et après le compte que je viens de vous en rendre , je n’aurois plus qu’à exprimer les sentimens d'estime que m'ont constamment inspirés ceux qui ont bien voulu m’accueillir et m’admettre en leur intimité. Mais l’Académie a fait des pertes, et je dois vous en entretenir. — Elle re- grette M." Lancel, notre compatriote. Porté par son mérite personnel dans les administrations publiques, s’y maintenant par sa sévérité et son intelligence, résistant aux chocs politiques; il s’acquit auprès de tous ceux qui le connurent, un haut degré de considération. Peu répandu dans les cercles, peu vanté dans les sociétés, la (25) renommée ne lui a pas créé un nom, et il mourut sans éclat au sein même de ses travaux, comme il avoit vécu sans faste au milieu de ses amis. — Une vie utile et une mort aussi simple, devoient être appré- ciées par la Société dont il étoit membre. Aussi est-ce dans sa patrie, dans sa famille, que l’Académie dépose le sentimentpénible qu’elle éprouve. Une perte qui ne lui fut pas moins sen- sible , fut celle de M." Pierres, ancien imprimeur du Roï.—Il s’étoit concilié par- tout l’estime et l’amitié de ceux qui l’ap- prochoient.— Imprimeur distingué, il eut le rare mérite de savoir sacrifier son amour- propre à l’utilité publique. Il préféra des éditions simples mais correctes, aux entre- prises de luxe ; il pensoit, etavec juste rai- son, que ces éditions somptueuses, sur-tout dans les sciences, étoient une espèce de ca- lamité, puisqu'elles repoussoient l’homme studieux mais peu fortuné. Il ne fut cepen- dant pas totalement étranger à ce genre, et l’on peut citer de lui quelques ouvrages qui réunissent à la correction tout le brillant de l’art typographique. L (26) Il possédoit à fond l’histoire et les pro- cédés de l'imprimerie ; il avoit rassemblé un très grand nombre d'ouvrages rares et précieux sur la typographie, et préparoit un grand travail sur l’histoire de son art. À ces titres , il joignoit encore celui d'homme de lettres qui lui ouvrit les Aca- démies de Rouen et d'Orléans, et engagea J Académie des sciences de Paris à le char- ger de la partie de l'imprimerie pour faire suite à la collection des arts et métiers : cet ouvrage est resté manuscrit. Les essais qu'il fit, les dépenses qui en étoient la suite, diminuèrent sa fortune ; les secousses politiques, en lui enlevant sa place, le plongèrent dans l’indigence ; et celui pour lequel Louis X VI avoit créé la place de premier imprimeur ordinaire du Roi, se regarda très heureux d’obtenir enfin, et par les soins d’un ami, un emploi modique dans les bureaux des postes aux lettres de Dijon. Il avoit joui de la fortune sans faste et sans jactance , il supporta la pauvreté sans bas- sesse et sans âpreté ; il sut, parle travail et la philosophie, éloigner de lui ce que cette ( 27) nouvelle carrière pouvoit avoir de difficile. Il fut récompensé de cet effort; et une surprise pour laquelle il ne se croyoit plus réservé, fut, en habitant parmi nous, de retrouver les soins, l’amitié, les préve- nances qu'il n’attendoit plus que de sa famille. 11 osa être confiant, et sentit qu’il pouvoit s’épancher sans crainte. Il dit tout ce qu’il étoit, et vit qu’il ne blessoit per- sonne. Il jeta ses regards autour de lui, etilreconnut plusieurs étrangers également pleins de mérite , également accueillis ; il en conclut que sile Dijonnais est vif, il est bon ; que s’il est caustique , ce n’est qu’en- vers ceux qui confondent le clinquant avec le savoir, ou qui veulent écraser de leur poids ceux contre lesquels ils devroient s'appuyer. Souvent il m’a dit, les larmes aux yeux : « Je veux aussi être de la fa- « mille ; je suis né parisien, mais je veux « mourir dijonnais. » Il cherchoit à réa- liser ce plan qui lui sourioit ; déjà même il avoit fait quelques arrangemens pour fixer près de lui ceux qui devoient soutenir et partager son sort, lorsque la mort l’en- leva subitement à sa famille désolée, à ses (28) amis, à l’Académie qui s’étoit empressée de l’accueillir, et qui, pour honorer sa cendre, a voulu assister en corps à son convoi. | Tels sont les membres qui lui ont été enlevés : voici les noms de ceux qu’elle a cru devoir s’associer. M." Révolat , médecin militaire à Nice, avantageusement connu par un ouvrage intitulé : Nouvelle Hygienne militaire , ou Préceptes sur la santé de l’homme de guerre , considéré dans toutes ses dispo- Silions. M." Champollion-Fijeac, secrétaire de la société des sciences et des arts de Gre- noble, et de l’Académie celtique. M." Couturier, directeur du collége de Gray, auteur de plusieurs pièces de poésies. M. Richard de la Prade, médecin à Montbrison , ayant remporté le prix pro- posé par la société médicale de Bruxelles, sur cette question : La nuit exerce-t-elle une influence sur les maladies ? Y a-t-il des maladies où cette influence est plus ou moins manifeste , et quelle est la raison physique de ceite influence ? (29) Elle a admis au nombre de $es corres- pondans M." Weisse, auteur de plusieurs poésies pindariques. Et pour récompenser et encourager les efforts de M. Potot, inventeur d’un nouvelinstrumentaratoire, elle s’est empressée de lui offrir le même titre. L’Académie avoit proposé pour sujet du prix qu’elle devoit distribuer dans cette séance , la question suivante : « La nation française mérite-t-elle le reproche de légèreté que lui font les na- tions étrangères ? « Trouve-t-on les preuves de cette légère- té dans le caractère et les mœurs des Fran- çais, dans le genreet l’état des sciences, des artsetdela littérature, cultivés en France?» « Appliquer ces considérations aux Fran- çais des siècles passés, et, par un examen comparatif, leur opposer, sous ces diffé- rens rapports, les Français du siècle pré- sent. » Parmi les mémoires qu’elle a reçus, elle a particulièrement ‘distingué celui coté (3) N.°3,et portant pour épigraphe ces mots : Vincet amor patriae. Ce mémoire, écrit avec pureté , souvent avec énergie, a rempli toutes les conditions du programme. Le prix lui a été décerné. ‘L'auteur est M. Joseph Lemoine, au- teur du discours qui a obtenu la première mention honorable à l’Institut, sur la ques- tion de l'influence des croisades. L'Académie regrette de ne pouvoir ac- corder d’accessit; mais les deux auteurs qui se présentoient ensuite avec quel- qu’avantage , se sont eux-mêmes placés hors du concours en se faisant connoître. Ce concours a été remarquable par une circonstance intéressante. Un étranger s’est présenté dans la lice, et a mêlé ses efforts à ceux de nos compatriotes. Cette dé- marche, flatteuse pour la nation, a en- gagé l’Académie à témoïgnér publique- ment sa reconnoissance à l’auteur du mé- moire écrit en HOME allemande, et coté N. o LE PPT présente au concours les deux questions suivantes : « T. En quoi les journaux ont-ils contri- (3) buüé au perfectionnement des sciences, Fes arts et des lettres? Quel rang les ouvrages de ce genre doivent-ils occuper parmi les productions littéraires ? IT. Quel a été le peuple le plus heureux de l’antiquité ? Quelle a été l’époque de sa , plus grande félicité? Quel étoit alors chez lui l’état des sciences, des arts, et de ses institutions civiles et religieuses ? » Le premier prix sera distribué dans La séance publique de l’an 1810, et le second dans celle de 1811. Les mémoires doivent être écrits en fran- çais, et envoyés francs de port au secré- taire, pour la première question, avant le 1. décembre 1809, et pour la seconde, avant le 1.° décembre 1810. Les auteurs doivent éviter soigneusement de se faire connoître dans le texte de leurs ouvrages, soit directement , soit indirectement. L'Académie saisit cette occasion de rap- peler la question qu’elle a proposée rela- (3) tivement aux progrès et à la rétrogädation des sciences. Il faut que les mémoires sur cet objet lui soient adressés avant le 1.°° décembre 1809. ANAIYSE DU DISCOURS COURONNÉ. Arès avoir proclamé le nom de l’orateur qui vient de remporter le prix de l’élo- quence, nous allons, Messieurs, mettre sous vos yeux ses titres à la palme acadé- mique méritée par un heureux développe- ment des qualités qui constituent le phi- losophe, l'historien et l’homme de lettres. Il avoit à examiner les fondemens du reproche de lésèreté fait à la nation fran- çaise. Cette recherche , qui se lie aux époques remarquables et aux faits princi- paux de notre histoire, qui ne pouvoit être résolue que par une connoïssance approfondie de l'esprit, des mœurs qui distinguent la nation, a fourni la matière (3) de considérations importantes sur le ca- ractère français. L'auteur a envisagé la question sous ses aspects les plus intéres- sans ; il à conçu un plan vaste et fourni dignement la carrière qu’il s’est proposé de parcourir. Dans ce discours , dont nous regrettons de ne pouvoir vous présenter que l’analyse, mais dont nous aimons à penser que l’au- teur ne privera point le public, on re- marque avec satisfaction l’ordre métho- dique et l’enchaînement des preuves. Les faits historiques et les raisonnemens, tou_ jours en accord, s’y prêtent un mutuel secours ; et au milieu des subdivisions nombreuses deses preuves, l’orateurmontre qu’il connoît parfaitement l’art si difficile des transitions, cet heureux talent de con- duire et d’entraîner sans fatigue le lecteur, de le faire passer graduellement d’un objet à un autre, et de l’amener enfin, par une route sûre et agréable , au but qu’on veut lui faire toucher. Ce discours n’est pas seulement recom- mandable par ce qu’on appelle les qualités du style, il est encore l’ouyrage d’un pen- 9 | (54) seur , d’un homme qui sait joindre Îles graces de la diction à la profondeur des idées philosophiques, à la force du juge- ment, et à la solidité de l’esprit. Quelques locutions vicieuses , quelques tournures de phrases que la langue et le goût réprouvent , ont échappé à l’auteur. Ces inadvertances n’ôtent rien au mérite réel de cet ouvrage ; c’est en faire l'éloge, que de n’avoir à relever que de pareilles négligences ; et pour appliquer au style de l’auteur ce qu’il dit de quelques élémens imparfaits de la nation française, on peut regarder les fautes de ce genre comme de légères inégalités sur une grande surface. Le parti qu'a pris l’auteur , dans cette question, ne pouvoit sans doute influer aucunement dans le jugement d’un discours qui devoit être principalement considéré sous le rapport du mérite oratoire ; mais on doit savoir gré à celui qui s’est établi le soutien de ses compatriotes, qui les a si victorieusement vengés d’un reproche ridicule, et qui sait ainsi allier aux qua- lités de l’homme de lettres , les sentimens d’un bon Français. (35) L'auteur, dans son exorde, se fait cette demande qui présente analytiquement tout le plan de son discours : « S’il existoit sur &« la terre un peuple brave, industrieux , «< capable des plus hautes entreprises ; un « peuple doué de toutes les qualités qui « assurent de brillans succès dans les « sciences, dans les arts, Les lettres, dans « toutes les branches des connoïissances «humaines ; s’il savoit joindre cependant « l’agréable à l’utile , les graces à la force, « une grande facilité d'humeur au soin « des affaires les plus importantes et les « plus sérieuses, pourroit-on , sans con- « fondre ces dons heureux avec la frivo- « lité, accuser ce peuple de légèreté et « d’inconstance ? 7e « Si le reproche, continue-tl, ne por- « toit que sur des choses futiles , il tom- beroït de lui-même ; car traiter légère- « ment ce qui doit l'être, ce n’est pas « légèreté, c’est sagesse. Il faut donc savoir « si les Français sont légers dans Les choses « qui, de leur nature, excluent la frivo- « lité. » Il examine ensuite si les Français sont la] L< n (36) légers de caractère , s'ils sont inconstans dans leurs goûts, dans leurs sentimens, dans leurs mœurs ; s'ils s’attachent foible- ment à l'honnêteté ; et pour ne point s’éga- rer dans ces recherches, il étudie le carac- tère indélébile que le Français a reçu de la nature, les rapports qui lient ses idées à ses affections ; il cherche dans son esprit le secrèt de son ame, en distinguant tou- jours ce qui est chez lui le résultat des institutions , de ce qui tient essentiellement au caractère national. Les grandes choses que le Français a faites, et toutes Les qualités qui l’honorent, loin de montrer sa légèreté , semblent au contraire incompatibles avec elle. Son in- quiétude prouve le desir de faire des pro- grès ; le goût des armes, le duel même annonce la loyauté de son caractère ; sa conduite envers les femmes, la générosité ; son génie , la liberté; ses révolutions, la ‘grandeur. L’inquiétude du Français a été prise pour l'impossibilité de se fixer ; on a consi- déré comme légèreté de caractère , la viva- cité d’esprit qui le portoit vers les choses (37) nouvelles; sans penser que cette louable curiosité étoit au contraire le puissant mo- bile et comme le levier de son intelligence. L'auteur démontre que le duel tient à toute autre chose qu’à la vanité et à la légèreté. Dans le temps où il prit naissance, cet excès dépendoit de causes qu’il est fa- cile de saisir. Pour que le duel se ralentit parmi nous, il ne suffisoit pas des édits de Richelieu et de Louis XIV , il falloit que la vraie gloire succédâtau pointd’honneur. Le cercle dans lequel nous vivions étoit si resserré , le Français sentoit un si grand besoin de considération , et il en avoit st peu, qu’il s’irritoit jusqu’à la fureur lors- qu’on vouloit lui ravir le peu qui luirestoit. Le mouvement qui le portoit à venger une offense , ne tenoit pas à un excès de va- nité, ni à un esprit frivole qui fait hasarder la vie sans nécessité; mais à l’horreurde tout ce qui pouvoit l’avilir, au sentiment pro- fond de sa dignité, au desir de ne pas mourrir éternellement dans son cœur un germe de haine et de vengeance : sentiment louable , généreux, sublime, aussi éloigné de la frivolité que de la perfidie. (38) Il entre ensuite dans l'examen des prin- cipes de Duclos sur le caractère français, et fait voir que cet observateur n’avoit étudié la France que dans Paris, et la nation que dans sa société ; que resserré dans un petit cercle, il avoitosé généraliser les particularités dont il étoit frappé, et qu'après avoir connu quelques hommes, il s’étoit cru capable de juger tout un peuple. Les Français ne sont point à Paris, s’écrie Jean-Jacques, ils sont en Touraine ; les Anglais sont plus Anglais à Mercie qu'à Londres; et les Espagnols plus Espa- gnols en Galice qu’à Madrid. « Jean-Jacques araïson, ajoute notre au- « teur ; mais pour tout concilier, observons « les Français à Paris et dans les provinces, <« etn’adoptons aucun systême exclusif. Est- < ilbien vrai que Paris ait toujours présenté « l’image de la légèreté ? Rétrogradons d’a- « bordde vingt ans, perdons-nous danscette « grande multitude, pénétronsdansla classe « desgrands;nous verrons une foule d’hom- « mes livrés à l’intrigue , la Cour est là ; Le « phénomène est expliqué. Mais parmi ces « hommes, plusieurs cultivent les sciences ( 39 ) « et les lettres ; la philosophie est arrivée « jusqu’à eux, c’est elle qui charme leurs « loisirs; et en admettant les principes de « Duclos , il s’en suivroit que la nation qui « produit de pareils hommes , ne seroïit pas « frivole. « Nous descendons de quelques degrés ; « nous voilà parmi des hommes aïsés et oc- _ & cupés, dans l’heureuse classe de la rédio- « crité : et soudain se présente une foule « d'hommes qui font leur bonheur de l’al- « ternative du travail et du plaisir ; livrés à « leur état et aux charmes de la société, ils « ne connoissent ni les haines , ni les jalou- <« sies , ni la médisance. Ces sentimens sont « trop sombres, ils dérangeroient la marche « uniforme et douce de leur existence. Ces « hommes-là ont besoin du bonheur ; s'ils « ne font pas de grandes actions, ils en font < de bonnes. Leur vuen’a pasune trèshaute « portée ; mais ce n’est pas chez eux défaut « d'intelligence , C’est que ce qui paroît si « sublime ne vaut pas à leurs yeux, pour « être atteint , l'effort qu’il coûte ; et s'ils « veulent sortir du cercle où ils étoient ren- « fermés, c’est parmieux que se dévelop- (40) & pent les germes du génie; c’est là qu'éga- « lement éloignés de la misère et des gran- « deurs, d'excellents esprits élaborent en « silence les idées qui doivent quelquefois <« tant influer sur les destinées humaines. « C’est là qu’on cultive les arts , qu’on sou- «< met tout à la sévérité de l'analyse ; qu’on « estsur-toutennemide l’exagération.Cette « conduite explique ce mot de l’empereur « Julien, sur les habitans de Paris : J’aime « ce peuple, parce qu’il est sérieux et sé- « vère comme moi. Et bien que cette opi- « nion d’un grand prince prouve toute « autre chose que notre légèreté , nous ne « pouvons toutefois regarder la sévérité « comme propre au caractère français ; nos « pères devoient être sérieux lorsqu'ils « étoient dominés par les Romains. » L'auteur examine ensuite les effets de l'amour, de la galanterie et du pouvoir des femmes sur le caractère des Français ; il fait connoître l’esprit qui a présidé à l'institution de la chevalerie. La chevalerie vintadoucir la férocité des mœurs barbares. Elle avoit quelque chose de tendre, d’af- Fectueux, de grand, de loyal, de généreux, (4) qui prouve que la nation qui l’a fondée, qui l’a illustrée, ne sauroit être une nation frivole. La gaieté des Français, leurs réunions, leurs fêtes, n’annoncent pas non plus la lépèreté. « Ah ! combien nos nobles plaisirs sont « préférables à ceux de nos voisins ; à ces < carnavals sur-tout qui sontchez plusieurs « d’entre eux une si importante affaire ; à « ces farces grotesques condamnées par le « goût, la raison et la pudeur ! à ces réu- « nions auxquelles on donne gravement le « nom de conversations , et où règne sou- « vent un insipide silence ! Que nous ai- « mons au contraire ce bruit, ce murmure, « cesagréablescauseriesqui distinguentnos «< réunions , Où figurent souvent les amis « pauvres, où les femmes pudiques ne sont « pasmême déplacées,où règnela confiance « et l'amitié que repousse ailleurs une or- « gueilleuse solitude ! Peut-être y a-til « plus de philosophie qu’on ne l’imagine à « jouir ainsi des dons de la vie. Ce n’est pas « l'absence de la pensée qui rend , comme « on l’a prétendu, nos assemblées si joyeu- (4) « ses ; il y a souvent beaucoup de sagesse à « paroître oublier le malheur.Les Romaïns « se réfugioient dans le stoïcisme, les Fran- « çais dans les douces habitudes et dans les « plaisirs. Ah! loin de les blâmer, asseyons- « nous avec eux à ces délicieux banquets, « moins graves sans doute que ceux de « Platon , mais consacrés à la joie, à cette « fille bien-aimée des cieux: Hélas ! amis, « festins , convives, tout, dans quelques « instans, va rentrer dans la nuit éternelle, « et nous pourrions ne pas multiplier les « chances du bonheur, et nous oserions rejeter les bienfaits des Dieux ! Puisse «bien plutôt ce goût pour le plaisir, dis- « tinguer toujours les Français ! Puissent « leurs cœurs pleins de feuensentir toujours « le charme, et les révolutions et les mal- « heurs ne venir jamais les flétrir. » L'époque à laquelle la nation française dut paroître légère, fut sans doute celle de la régence. Duclos l’observa dans ce moment, et généralisant ses idées , il ap- pela la France l’enfant de l'Europe, enfant extraordinaire sans doute, et d’une taille vraiment gigantesque. Mais alors cette fri- A [al (43) volité étoit plutôt le défaut de la classe supérieure de la société , qne celui de la, classe inférieure qui est la plus grande et la plus saine partie de la nation. Si la politique, l'administration , la morale, si tout chez les grands étoit à cette époque dans une affreuse confusion, la France voyoit ces désordres d’un œil triste , et les hommes sages prévoyoient dès-lors que les esprits étoient mûrs pour un ordre de choses plus noble, plus grand, plus raisonnable. Les idées sérieuses et profondes sont nées du sein de cette corruption, comme plu- sieurs philosophes ont prétendu que les êtres organisés et pensans étoient sortis du limon de la terre. « Au reste, ajoute l’auteur, nous avons « été assez sérieux dans notre dernière ré- « volution ; l'Europe a pu s’en apercevoir; « et sinous nous montrâmes légers, nousle « fûmes d’une étrange manière. Il est dé- « plorable qu’on ait mis la violence à la « place de la persuasion;qu’on aitpersécuté « les vaincus avec un acharnement indigne « de la générosité naturelle au vamqueur, « Nous noussommes précipités vers la liber- (44) « té; nous avons saisi la guerre; nous avons < vorlu la république ; nous avons eu des « espèces de camps civils et politiques > OÙ « chaque parti a reçu et donné froidement « la mort. Mais il n’est pas vrai que la na- « tion se soit montrée sans majesté ; Car « on voit d’abord une assemblée poser en « principe, au milieu des orages, des points « immuables de morale , de politique et de « raison; on en voit une autre, de triste, « de coupable, de sanglante mémoire, dé- « grader souvent Les plus hautes idées, mais « alliant quelquefois une énergie et une « grandeur extraordinaires au délire de la « cruauté, faire au moins des révolutions < comme Shakespear faisoit des tragédies, « affreuses, triviales, et par fois sublimes : « et laissant là les bourreaux, nous deman- « dons si ce sont de frivoles personnages « que ces victimes qui vont à la mort com- « me on marche à une fête ; que cette « Roland , digne de figurer à côté des « Porcie, des Cornélie ; que cette Som- « breuil qui sauve son père ; que ces femmes « honteuses d’avoir été oubliéesparlecrime, « qui veulent mourir et meurent avec leurs (45) « maris; que ce Malesherbes qui ; après « s'être montré partisan des plus grandes et « des plus nobles idées, en est une des plus « augustes victimes , et se dévoue digne- « ment à la défense de son roi et à la mort! « Les bourreaux furent atroces ! eh! oui, « sans doute; mais si les bourreauxse mon- « trèrent atroces, les victimes furent admi- « rables. » L'auteur, dans la seconde partie, exa- mine les rapports qui existent entre les affections et les idées, l’esprit et le carac- tère national. Il fait connoître les progrès de l’agriculture en France , l’audace et la persévérance des Français dans les entre- prises de commerce , malgré les obstacles qui se sont opposés au développement de leur industrie. « Si le commerce et les arts manuels ne « firent pas cheznouslesprogrès qu’on avoit « droit d'attendre, ce ne fut qu’une suite « de l’estime presqu’exclusive accordée à la « profession des armes; profession utile, « nécessaire , glorieuse, mais qui replonge- « roit les nations dans la barbarie , si les « arts paisibles ne venoient se placer à côté (46) « d'elle , et partager l’estime des peuples et « des rois. Lorsque François [.® commenca « à honorer la magistrature , et à décorer < du nom de chevaliersles augustes organes «& des lois, les guerriers jetèrent un criuna- «nime contre cette innovation qu'ils re- « gardoïent comme injuste et dangereuse ; « et cependant ce fut alors que les artscom- « mencèrent à fleurir, les mœurs à s’'adou- « cir, et qu’on entrevit l'aurore de quelques « beaux jours : les malheurs qui suivirent « le règne de Charles IX , de Henri II, la « ligue et la mort prématurée d'Henri IV, « ne permirent pas à la vérité aux Français « de faire les progrès qu’on devoit attendre « d’un si grand peuple ; et il fallut enfin « qu'un grand ministre abaissât la fierté de « la noblesse, protégeit les arts, et préparât « ainsi le siècle de Louis XIV. « Il est vrai qu’alors même nous fûmes « trop guerriers , trop brillans, trop mal- « heureux, et que la corruption qui suivit « gâta le goût, et ne fut pas favorable aux « progrès des arts manuels. Ils en ont fait « cependant; les richesses ontfiltré dansles « classes secondaires de la société : la cul- ( 47) « ture s’est améliorée , le commerce s’est « étendu, ona moins rougi qu'auparavant « de se livrer aux occupations utiles. On « s’est souvenu que Mercure, chez les an- « ciens, pour être le Dieu du commerce, «n’en étoit pas moins le messager de « l’'Olympe; on a compris que les couronnes « que distribuent les muses, ont leur mé- « rite comme celles du Dieu de la guerre ; « etque Turenne, pour être grand , ne l’est « pas plus peut-être que Montesquieu, & Smith et Franklin. » Avec quelle force, avec quelle vérité il peint ce Montesquieu que les étrangers nous envient, et qui lui seul feroit la gloire d'une nation. | « Montesquieu paroît ; et le voilà , dans « ses lettres persannes, brülant ce qu'ont « adoré ses aïeux : mais il ne tarde pas à « s’apercevoir qu’il est dangereux de badi- « ner avec les opinions humaines , et que « c’est une légèreté vraiment coupable d’al- « ler tout frapper , tout renverser , tout « détruire ; il sait qu’une erreur peut être « voisine d’une vérité sublime sur laquelle « reposent les bases de la société : il sait (48) « avec un sage, qu’un peu de philosophie « suffit pour nous faire reconnoître cette « erreur , mais qu'il faut beaucoup de phi- « losophie pour découvrir la vérité qu’elle « ombrage. Aussi voyez-le dans son grand « ouvrage; avec quelle précaution il expose « ses idées ! c’est un livre que tous les hom- « mes ne savent pas lire; etje ne sache pas « quel philosophe les autres peuples peu- < vent opposer à Montesquieu, « Quelques taches cependant se font re- « marquer chez cet homme étonnant; « quelques petitesses défigurent son carac- « tère, bien que la beauté de son ame perce < à travers les vapeurs que lui donnent les « illusions de sa naissance ; les mêmes dé- ec fauts se font sentir dans ses écrits : cer- « tainschapitres décousus, des propositions « hazardées , un peu de prétention et d’af- « féterie peut-être , paroiïssent quelquefois « à côté des traits les plus sublimes. Mais « cependant qu’on se garde bien de nous « parler ici de frivolité. On peut, avec « beaucoup d’esprit et une grande légèreté « de caractère , trouver un trait, dire un « bon mot, aiguiser une épigramme ; mais « on ne fera jamais l’esprit des lois. (49) « Et si l’on venoit encore nous dire que « ce grand génie s’est élevé, comme par « magie, au milieu dune nation frivole, « et qu’il n'existe aucune proportion entre & ce colosse et les pygmées dont on le sup- « poseroit environné , nous soupçonne- « rions hardiment quelques préventions, « quelques faux aperçus, dans ceux qui « ravaleroïenf ainsi sa nation. La tête d'un « dieu ne peut être placée sur un corps dif- & forme ; et celle de Socrate ne sauroit « figurer sur les épaules d’un étourdi. » Le grave Charron dont le mordant et la réflexion rendent les écrits utiles ; et ce Rabelais qui semble avoir prouvé que la sagesse , pour tempérer l’amertume de ses leçons, peut quelquefois faire un pacte avec la folie; et La Mothe-Le Vayer, philosophe et sage sous des couleurs plus aimables ; Saint-Évremont, accoutumé à placer le bonheur dans la culture de la raison ; Bayle, assez fort pour voir le doute par-tout, pas assez peut-être pour respecter les grandes bases de l’édifice social ; tous ces grands philosophes, tous ces moralistes, auxquels les autres nations n’ont rien à À (50) opposer, donnent-ils l’idée d’un peuple léger et frivole ? 3 On ne dira pas non plus, au sourire froid et malin de La Bruyère, au coup- d'œil sombre et perçant de La Rochefou- caut, qu’ils sont de légers écrivains ; et Pascal , ses lettres et ses pensées à la main repousse cette accusation d’une manière non moins victorieuse. Et cet homme, qui n’avoit point eu de modèles et qui n’a pas encore d’imita- teurs dans l’art de poser un principe, d’en déduire toutes les conséquences possibles, de les revêtir des formes enchanteresses du style, à qui l’on doit, à qui l’on accorde la prééminence sur tous les écrivains fran- çais; cet homme qui a égalé quelquefois Montesquieu par la profondeur des idées, en le surpassant toujours par les charmes de la diction , Rousseau , avec le ton mâle et hardi qui règne dans ses ouvrages, prouve-t-il la légèreté d’un peuple au sein duquel il avoit puisé sa verve et sa fécon- dité ? Bossuet, qui, en déplorant la mort de quelques hommes, sondoit le néant de (ä) toutes les choses humaines , toujours plus grand que son auditoire où figuroient des héros, des princes et des rois ; Fénélon, moins sublime, mais plus tendre, plus ai- mable ; Bourdaloue , Massillon, et tant d’autres grands et vénérables personnages qui se groupent autour d'eux , et que la nation admire etrévère, peuvent-ils donner l’idée d’un peuple frivole ? . « En vain de beaux esprits, après nous « avoir accusés d’impiété, prétendent que « ceux d’entre nous qui se soumettent au « joug sacré, montrent en cela plus de « docilité que de profondeur. Nous savons « que plusieurs hommes, parmi nous, pa- & roissent honnêtes et religieux dans l’âge « mûr, comme ils ont été débauchés et in- « crédules dans la jeunesse; que le feu du « jeune âge passé, on en voit plusieurs « changer de vie avec une facilité surpre- « nante; que libertins et impétueux par « étourderie , ils deviennent foibles et « dévots sans plus d'examen, coulant leurs « jours dans la tranquillité d’ame , et mou- « rant le plus souvent sans avoir connu le « bonheur de la pensée, Mais gardons- (5) « nous de frapper du même anathême tous « ceux qui respectent ce qu'ont adoré leurs « aïeux. Il ÿ a souvent beaucoup de pro- « fondeur à se conformer aux idées reçues, « aux institutions établies; quand on crie « d’un côté à la superstition , et de l’autre « à l’athéisme , les chefs de famille épou- « vantés aiment encore mieux se ranger « sous les bannières religieuses, et delà <« sans doute la soumission des esprits supé- « rieurs qui, considérant de très haut le sys- « tême religieux de leur pays, ne font, en « yconformant leur conduite, que se mon- « trer amis de la vertu, et conséquens aux « principes posés par les puissances. » « Mais la profondeur que nous avons «< montrée dans notre conduite, se retrouve « dans nos écrivains politiques. Nous avons « été tellement fatigués de ces matières, « que nous pourrions craindre , en nous y « arrêtant, de blesser des intérêts et des opi- « nions; nous appelons ici l’indulgence, et « nous demandons, en dernière analyse, « ce dont il s’agit: de venger la nation fran- « çaise d’une accusation injuste; et pour- quoi alors toutes ces précautions ? Si le # (53) & nord nous cite Grotius et Puffendorf; « l'Italie un Machiavel, un Filengieri ; < nous avons Bodin dont les lumières n’ont « pas été inutiles à ceux qui l’ont suivi; « Jean-Jacques, Mably, et ce Montes- « quieu que les étrangers prétendent très « prudemment appartenir à toutes les & nations. Qui a été plus loin en hardiesse «que Mably? Qui a mieux établi que « Jean-Jacques la distinction lumineuse de « la force et du droit ? Qui a mieux montré «que Montesquieu , l’origine, le sens, la « raison des lois qui régissent le monde « depuis les campagnes brûlantes de l’Inde, « jusqu'aux glaces du pôle? Qui s’est mieux « élevé que lui à la hauteur du génie de « Charlemagne, dont il a fait un tableau « aussi noble , aussi vigoureux, aussi mâle « que le modèle? Et Voltaire! Voltaire « moins sérieux , prouve par un conte, ce « que les autres établissent par des chapi- « tres; mais il prouve ; et la légèreté chez « lui n’est plus qu’une apparence qui mas- « que la profondeur. » Dans l’économie publique, dans l’art du Gouvernement, pendant que les Anglais (54) * étoient portés par leurs institutions vers les idées utiles, parce qu’ils avoient un. parlement, nous qui n’en avions pas, nous comptions déjà en France une foule d’es- prits excellens qui, sans avoir une part active à l’administration publique, agis- soient sur elle par la puissance de l’opi- nion. La nation s’efforçoit ainsi d'arriver à la hauteur où l’appeloient son caractère et son génie. « Et ceux qui pouvoient s'élever et ap- « procher du trône, ne se montroient point « inhabiles dans l’art d’aider les princes à « tenir les rênes des États: d’Amboise, « L'hôpital, Sully, Colbert, Turgot , se « présentent : nos regards aiment à se re- « poser sur ces grands hommes, et sur- << toutsur ceSullyqu’on vit manier la plume « et l'épée, prendre des places, et adminis- « trer les finances , et qui, lorsqu'un crime « affreux lui eut ravi son prince etson ami, « conserva pendant trente années, au mi- ce lieu de sa famille, le port et la majesté « d’un roi. & Que dire de la magistrature ; des Molé, ec des Daguesseau , des Lamoïgnon , des (55) « Dormesson, qui tinrent si honorable- « ment la balance de Thémis, et donnèrent « à ceux qui eurent le bonheur de les con- « templer, l’idée de la vertu envoyée sur la « terre pour juger les hommes. « Le plaisir de payer mon tribut à ces « vénérables personnages, m’entraîne peut- « être à la hauteur de l'éloge ; mais il est « consolant de penser que la magistrature « étoit le corps établi immédiatement au- « dessus de la nation pour la juger; que la « noblesse de ces respectables familles n’é- « toit que d’une nouvelle origine, et que « l’on voyoitencore, si l’on peuts’exprimer < ainsi, la soudure qui unissoit cet illustre [al nm corps à la nation. » Dans les sciences on n’aperçoit point ce caractère de légèreté que l’on suppose aux Français. L'homme qui a porté le plus loin l’analyse, l’homme qui a appliqué l'algèbre à la géométrie, l’auteur profond du doute méthodique, qui a fait une ré- volution complète dans le systême des connoissances humaines ,undes plus grands penseurs qui aitéclairé l'univers, Descartes, paroît vers la fin du 16.° siècle, et c’est à la France que l’Europe le doit. (SD) Si l'Angleterre et l'Allemagne ont pro- duit Newton et Leibnitz, Pascal et le mar- quis de L'hôpital furent leurs rivaux, et le nom de Clairaut vient se placer à côté. des leurs. Dans les arts agréables, les Français sont-ils plus légers que les autres peuples ? S1 nous voulions nous égayer , nous pour- rions dire que ce n’est pas de légèreté qu’on a jamais accusé notre musique ; on connoît sur elle le mot de J. J. Rousseau. Et quand à la théorie , sans citer Jean de Mure et le père Marsenne, nous ne pensons pas qu'on ait mieux approfondi celle des sons que Rameau, qui fit à peu près pour la musique, ce que Descartes avoit fait pour la philosophie. Il n’est aucune science, aucun art dans lesquels les Français n’aient produit des hommes du premier ordre ; et ce qui prouve à cet égard la pente de leur caractère, c’est que, depuis vingt ans, ils ont fait dans ce genre des progrès ex- traordinaires ; tout a été chez eux dans l'anarchie, excepté les sciences et les beaux- arts. | « Et les sciences naturelles , celles de «x L5s LAS