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Anroins, Docteur en Médecine, pré- sident, ouvre la Séance, et dit : Messieurs, Au retour de chacune des époques consa- crées à la tenue de ses séances publiques, l’Académie de Dijon éprouve une satisfac- tion nouvelle et bien douce d’avoir à rendre compte de ses travaux annuels devant une assemblée nombreuse et brillante, qui, en lhonorant de sa bienveillance, lui témoigne un intérêt qu’elle a toujours ambitionné , et dont elle doit se glorifier d’être l’objet. 1 (2) Les sciences et les arts, nés du besoin qui se fait constamment sentir chez tous les peuples civilisés, ne seroient que des inven- tions oiïseuses, s'ils n’étoient dirigés vers un but d'utilité générale , et c’est pour l’at- teindre que les sociétés savantes mettent tous leurs soins à leur imprimer cette utile di- rection. L'Académie de Dijon a quelque droit de revendiquer sa part dans les progrès qu'ils ont faits, surtout depuis près d’un demi- siècle, puisqu'elle a été le berceau d’une de ces sciences positives qui n'étoit alors, pour ainsi dire, qu'ébauchée, mais qui au- jourd’hui, brillante de l’éclat qu’elle doit à une salutaire réforme, marche à grands pas vers le terme de sa perfection possible. Sans doute les membres actuels de l’Académie ne sauroient se prévaloir des mêmes succès que ceux qu'ont obtenus leurs devanciers; mais ils espèrent , en suivant leurs traces, pou- voir encore se rendre utiles à leurs conci- toyens par la culture assidue des sciences , des arts et des lettres, dont ils s’attacheront à inspirer le goût de tout l’effort de leur zèle. Si l’Académie a paru jusqu'ici s'occuper plus spécialement des sciences et des lettres, elle n’a pas, pour cela, négligé de donner (3) ses soins aux arts utiles, et principalement à l’agriculture, le premier et le plus impor- tant de tous. Elle peut en effet fournir la preuve que, dans plusieurs circonstances, elle a donné des conseils, publié des ins- tructions , soit sur des objets d'économie ru- rale , soit relativement à des épizooties dé- sastreuses qui détruisoient des troupeaux entiers, et, par cette espèce de calamité, privoient le cultivateur de ces animaux pré- cieux , qui, devenus ses compagnons néces- saires, partageoient avec lui ses travaux agri- coles. Et tout récemment encore , n’a-t-elle pas éveillé l'attention de l’autorité adminis- trative sur une pratique dangereuse , suivie par un grand nombre d’agriculteurs, et ob- tenu d'y substituer l'emploi d’autres moyens non moins sdrs, qui n’entraînent aucun in- convénient, pour opérer la destruction d’une multitude de ces animaux rongeurs , appelés campagnols, dont la longue sécheresse de l’année dernière avoit favorisé l’excessive multiplication , et qui ravageoient le terri- toire de cette belle plaine qui forme, dans notre département , le bassin de la Saône ? Pénétrée de cette vérité, que l’agriculture est le principal mobile de l’industrie, dont elle développe l'activité, et qu’elle alimente (4) le commérce qui, à son tour, porte partout l'abondance et vivifie tous les canaux de la prospérité publique, elle voit découler de cette triple source tous les avantages qui peuvent assurer le bien-être et procurer des jouissances à l’homme vivant en société. C'est en encourageant les hommes labo- rieux, voués par état à l’art de cultiver la terre ; c’est en leur faisant connoître les bon- nes méthodes de culture,que les compagnies savantes peuvent le plus dignement seconder les intentions d’un Gouvernement sage et éclairé qui paroît aujourd'hui porter un re- gard attentif sur cet art bienfaisant , dont il veut sans doute hâter la perfection. L’Aca- démie regardera toujours comme un devoir de faire pour l’agriculture ce que déjà elle a fait pour l’industrie , et ce ne sera peut- être pas sans succès; car, vous le savez, Messieurs, nous en serions encore à attendre la création de cette ingénieuse machine à fabriquer le papier, au moyen de laquelle on peut se passer de presque tous les ouvriers papetiers, sans les encouragemens que notre Société a donnés à l'inventeur, M. Ferdinand Leïsteinschneider , de Poncey, commune du canton de Saint-Seine. La même chose peut arriver à l'égard d’autres arts industriels, et (5) V’Académie , autant que ses facultés pourront le permettre, sera toujours disposée à don- ner les mêmes encouragemens. Mais suffit-il, pour assurer la félicité de l’homme social, des nombreux avantages que lui procurent les sciences et les arts, et ces avantages sont-ils capables de modérer ses désirs, de mettre un frein à son ambi- tion? L'expérience n’a que trop prouvé le contraire. Il est donc une autre science plus nécessaire à sa nature , plus propre à répri- mer la fougue de ses passions, la science de ce qui est bon, de ce qui est juste, en un mot, la morale, cette garantie puissante de l’ordre et de la tranquillité, dont ne peuvent se passer les nations policées, et qui, lors- qu'elle n’est pas méconnue, supplée toujours efficacement à l'insuffisance des lois. On conçoit parfaitement qu’il ne peut être ici question de la morale des anciens philoso- phes, qui laisse tant à désirer , et qu’on s’ef- forceroit en vain de remettre en vigueur ; mais bien de cette morale évangélique, fille de la Religion, comme la Religion est la fille du Ciel d’où elle est descendue sur la terre pour le bonheur des hommes , dont elle est la plus douce consolation dans l’ad- versité. (6) C’est cette morale pure et toute divine ; bresque foulée aux pieds de nos jours, que l’Académie s’empressera de favoriser et de répandre par la voie des belles-lettres. Elle né cessera de l’opposer à ces maximes per- verses qui corrompent les sociétés, et quicent fois pulvérisées, ne se reproduisent pas moins avec la même impudeur. Comment en effet ne pas gémir sur ces déplorables théories dé quelquesécrivains qui, dans des ouvrages tout récens, estimables cependant sous d’autres rapports, ont glissé ; non pas peut-être sans dessein , des assértions hardies, dans les- quelles on peut démèêler ; à travers le vague des pensées, l'intention bien formelle d’en- lever à l’homme ce principe immatériel qui lui est étroitement uni, et qui seul constitue son intelligence ; car ils osent attribuer à la matière la faculté de faire penser la matière, tout en convenant qu'il est dans l’homme des phénomènes inexplicables par les lu- mières de la raison. Insensés! qui ne veulent pas reconnoître que le suprême Auteur et modérateur de ce vaste univers oppose à la curiosité inquiète de l'esprit humain, des barrières qu’il n’est pas dans son pouvoir de renverser: (73 L'Académie ayant décidé que le Discaurs qui a remporté le prix seroit lu en entier à cette séance, le temps ne pourra permettre la lecture des différens morceaux qui étoient destinés à la remplir. En conséquence, le Se- crétaire fera un exposé sommaire du compte rendu, et la séance sera terminée par l’an- nonce des sujets de Prix pour 1820 et 1821. COMPTE RENDU DrEs travaux de l’Académie des sciences , arts et belles-lettres de Dijon. TS Messreurs, L'usage que les Académies ont adopté de rendre, tous les ans, un compte public de leurs travaux, est un motif qui entretient leur activité, et qui stimule leur ardeur pour atteindre le but d'utilité vers lequel elles di- rigent leurs efforts. L'Académie de Dijon a cette année la sa- tisfaction d’en fournir la preuve, en détail- lant les occupations auxquelles elle s’est li- yrée ; ces occupations ont reçu un accrois- sement par des circonstances qu’il est impor- tant de signaler. Rempli de zèle pour tout ce qui peut améliorer le sort d’un département, dont la richesse est loin de justifier le nom brillant qu’il a reçu en 1790, le Conseil général dé- siroit, depuis quelques années, voir les bon- (9) res méthodes de culture se répandre dans cette partie de l’ancienne Bourgogne, à l’ad- ministration de laquelle il coopère : il a jugé que le moyen le plus sûr d’atteindre ce but étoit d’en confier le soin à l’Académie, et il en a consigné le vœu , d’une manière for- melle , dans le procès-verbal de sa dernière session. Empressée de répondre à la confiance et aux vues patriotiques du Conseil général, l'Académie s’est occupée de former dans son sein (6 janvier 1819) une Commission per- manente d'agriculture , composée de MM. Grasser, Dézé, Bonxer-Coqueau, Masson et Varror. Cette Commission s’éclairant des lumières des diverses Sociétés d'agriculture, et des autres correspondances que pourra encore ouvrir l’Académie, répétera les essais et les expériences, y joindra les siens pro- pres, fera sur les procédés d’une utilité cons- iatée, ses rapports à l’Académie, qui rédigera des instructions claires, précises, débarras- sées des détails scientifiques, et à la portée des plus simples cultivateurs auxquels elles seront spécialement destinées; bien convain- cue que, quoique nécessaires pour éclairer la pratique , les dissertations théoriques éloignent l'attention des agriculteurs qui ne (10) s’attachent qu'aux faits, et qui ne deman- dent que des expériences dont les résultats soient certains. L'Académie, qui a déjà reçu de sa Com- mission plusieurs rapports de cette nature, les a transmis à l’autorité administrative su- périeure, et celle-ci s’est hâtée de leur don- ner de la publicité. La Commission continue ses travaux, dans lesquels elle suivra , autant que possible, l’ordre des saisons, des cultures et des récol- tes , afin que les instructions soient rappro- chées des époques où elles devront être mises en pratique. Nous commencerons par ces détails l’exa- men du travail auquel l’Académie s’est livrée depuis sa dernière séance publique. AGRICULTURE, On se rappelle l’annonce faite, l’année dernière ( Séance publique , 1818, p. 31), d’une expérience sur l’incision annulaire de la vigne (1). Elle a été tentée sur une variété de muscat , tellement sujette à la coulure, (1) Cette méthode, pour empêcher la coulure de la vigne, fut indiquée , il y a vingt ans, dans la Décade philosophique, an vrr, 5.° trimestre, pag. 503. (11) qüe chaque année on avoit le déplaisir d’être privé de fruits. IL étoit difficile de rencon- trer un échantillon plus convenable pour s'assurer des avantages du nouveau procédé. Au mois de juin dernier, cette treille en es- palier au levant, au Jardin botanique, étoit chargée de fleurs, comme elle l’est tous les ans. À cette époque, M. Varror, Docteur- Médecin, fit pratiquer l’incision annulaire sur plusieurs sarmens ; et afin d’avoir des points de comparaison, 1l fit laisser les autres intacts : les incisions n’ont été pratiquées que sur les pousses de l’année , et dans la partie du rejet qui se trouve immédiatemeut au- dessous de la grappe. Le résultat de l’opé- ration à été de provoquer la fécondation des ovaires dans les grappes situées sur les sar- mens incisés , et de leur faire rapporter du fruit, tandis que les sarmens intacts ont coulé comme les années précédentes, et n’ont rapporté que des grappes dégarnies. L’efi- cacité du procédé ne peut point être révo- quée en doute pour le cas présent : d’ail- leurs ce procédé est analogue à celui des vignerons de Frontignan , qui tordent la queue de leurs raisins ( Collect. acad, t. 1v. P:+ 213) pour en accélérer la maturation, et à l’usage de nos jardiniers qui, pour avoir (12) des primeurs, pratiquent sur les arbres frui- tiers en fleurs , des ligatures au moyen de fil de fer. Ce fait est conforme aux phéno- . mènes de la physiologie végétale , et M. Vazrorisnore pour quelle raison M. Des- chartres ( Voy. Ephémérides de la Société d’ Agriculture du départem. de l'Indre pour 1817, x1.° cahier, p.101) n'a pas réussi. Ce propriétaire annonce que sur la moitié des ceps opérés par lui, le raisin a coulé en- tièrement. L'expérience faite à Dijon a eu le succès le plus complet. Le rapport en a été fait à l’Académie ( Séance du 19 août 2818) ; il est imprimé en entier dans les An” nales de l'Agriculture française , 2.° série, tom. 3, pag. 353-358. L’incision annulaire n’épuise-t-elle pas le cep? Cette méthode , employée ancienne- ment sur les arbres fruitiers, a été abandon- née, à raison de la mort des branches opé- rées. La taille de la vigne s'oppose à cet inconvénient ; mais n’y en a-t-il pas d'au- tres ? C’est à l'expérience à prononcer. La beauté de la saison pendant laquelle la vigne étoit en fleur l’année dernière, est sans doute le motif pour lequel on n’a point employé dans les vignes la méthode de lincision annulaire ; et d’après des renseignemens (13) qui nous sont parvenus , les propriétaires de vignes pensent qu’à raison de la taille courte employée dans la Côte , cette pra- tique ne peut point être usitée dans notre vignoble. Des observations faites par M. Be- non ne sont point favorables à l'introduction de l’incision annulaire dans le Mâconnois. ( Compte rendu de la Société des Sciences, Arts et Belles-lettres de Mäcon. 17 décembre 1818. pag. 9). Comme tous les êtres organisés, la vigne a une durée limitée ; mais la culture est par- venue à la prolonger par le provignement, c'est-à-dire, le couchement des ceps. La Société des Sciences, Arts et Belles- lettres de Mâcon , a envoyé à l’Académie, pour en avoir son avis, un mémoire sur une méthode pour renouveler la vigne. (Séance du 2 décembre 1818). L'auteur de ce mémoire, M. Rugar, pro- priétaire à Vinzelles , arrondissement de Mâcon , a recouché, en avril 1813, six cou- pées de vignes usées par l’âge. Elles prirent, par cette opération , l'aspect d’une plante de quatre ans, qui est à sa première taille : elles en offrirent la progression, soit pour la beauté du bois, soit pour les produits ; et à leur cin- quième feuille , les vignerons les plus exer- (14) cés leur donnèrent huiït ans. Par cette mé- thode, le propriétaire a bénéficié des trois ans de repos nécessaires au sol, après l’ar- rachement; des trois ans d’enfance de la vi- gne, d’une année pour les chances de la re- prise , et enfin du prix de façon de la jeune vigne pendant trois ans. M. Rusar détaille le procédé qu'il a suivi; il dit que pour les terrains glaiseux ou ar- sileux , il faut l’employer au mois d'avril, mais qu’on doit en faire usage dès le mois de décembre ou pendant l'hiver, pour les terrains siliceux ou sablonneux, Il distingue deux espèces de vigne, dont il développe les caractères : le plant ordi- naire ou gamet , dont les feuilles à cinq lo- bes sont foiblement colorées ; et le plant vi- vace ou plant fin , à feuilles tribolées d’un vert foncé , et qui se distingue par l’excel- lence de ses produits, L'auteur indique en- suite la nature du terrain et l'exposition qui conviennent à chaque espèce ; il rappelle l'influence de ces deux conditions sur le pro- duit et la qualité , et rassure contre la crainte manifestée par les vignerons, qui disent en proverbe : Le gamet tuera Le plant fin. M. RugaT passe en revue les diverses ma- nières de provigner usitées dans le Mâcon- (15) nois; il les regarde comme insuffisantes ; mais il convient que le procédé usité dans /2Côte, et qui peut seul convenir dans les terrains sablonneux , ne pourroit pas être remplacé par le sien. La méthode de M. Rugar n’est point nou- velle ; elle est indiquée dans plusieurs traités sur la culture de la vigne : mais ce proprié- taire a le mérite de l’avoir employée en grand avec intelligence et avec beaucoup d’avan- tage : on peut former des souhaits pour que son exemple soit suivi dans tous les pays où le terrain et la manière de cultiver la vigne permettent de recourir à ce procédé. j M. pe Souuey , Associé non résident, a adressé à l’Académie ( 9 décembre 18:18) un mémoire intitulé : Essai sur Les moyens de prévenir les maladies épizootiques. Après des considérations générales sur les épizooties, leur contagion , leurs ravages, l’auteur fait sentir aux propriétaires, l’avan- tage de prévenir les épizooties. On y par- viendroit, dit-il, en tenant les étables pro- pres, et en déposant les fumiers dans un local approprié. En effet, dans nos cam- pagnes, les étables sont basses et nullement aérées : les animaux qui y sont entassés, y 16 éprouvent une A élevée qui les rend très sensibles à l’impression de l’air ex- térieur , lorsqu'ils sortent : les émanations qui s’'échappent de leur corps, altèrent les fourrages, qu’une distribution mal entendue fait ordinairement placer sur les étables, dans des fenils qui n’en sont séparés que par des claies. À ces causes éloignées des épizooties , M. de Souhey ajoute encore, la fatigue d’un travail excessif auquel on astreint quelque- fois les animaux ; l’usage où l’on est de les faire paître dans des lieux où ils trouvent des plantes humides ou couvertes de rosée; et en- fin le parcours(1) qu’il regarde comme nuisi- ble et perfide. L'auteur admet deux sortes d'’é- pizooties; l’une spontanée , autre par conta- sion; c’estcontre cette dernièreseulement que les mesures de police sont dirigées. La premiè- re est celle contre laquelle M. de Souhey dé- sire que l’on emploie les moyens préserva- tifs qu’il indique d’après sa propre expé- rience. Il suppose que l’on a suivi d’abord QG) Voy. les Réflexions de M. Gasquer, sur Les droits de parcours, de vaine päture ct d’usage dans Les bois. Annal. de l’Agriculture franc. 2.° série ; tom. V, pag. 2512509, (179 les conseils dont nous avons parlé plus haut, et il ajoute que la chaux vive répandue dans les étables et arrosée d’eau, puis fondue sur la litière des animaux , à mesure que l’om en forme les tas de fumier, présente le dou- ble avantage de prévenir le développement des épizooties spontanées, et de fournir un précieux engrais. M. de Souhey s’est assuré que la chaux vive mélangée intimement avec les fumiers, produit l’engrais le plus actif qui soit con- nu, puisqu'il répare l’épuisement desterres, et qu'il peut être employé en moindre quan- tité; M. de Souhey s’est assuré par lui-même qu’une partie de ce nouvel engrais fertilise plus que cinq de famier ordinaire. Cet en- grais a en outre le précieux avantage de détruire les mauvaises herbes, ce qui évite les journées de sarclage et les frais de cri- blage ; il détruit aussi les insectes, les li- maces qui causent un si grand dommage dans nos cultures, L’auteur , dans son Mémoire , rappelle aux agriculteurs que la source de leurs richesses consiste à former beaucoup d'élèves pour multiplier les bestiaux ; à éta- blir des prairies artificielles , qui sont un trésor inépuisable, sur-tout si, lorsqu’on en donne le produit au bétail, on a l'attention 2 (18) | d'y ajouter du sel. M. de Souhey termine son travail en indiquant la manière de confec- tionner le nouvel engrais. Lorsque dans la fosse À fumier, le tas est élevé d’un demi- mètre, on recouvre la surface avec trois ou quatre centimètres de chaux vive concassée : ainsi de suite alternativement (1). Ce procédé, indiqué dans le 7° raité des Engrais... par F.G. Maunrce , Genève, 1806. in-8.°, pag. 141.162, doit être d'autant moins négligé » que la confection des engrais est un des moyens le plus avantageux dans l’agricul- ture; aussi de tout temps on s’en est occupé; etaujourd’hui on prépare , dans les environs de Lyon, un nouveau compost qui, sans être le même que celui employé par M. de Sou- hey, est confectionné d’après des principes analogues. ( 4rnal. de l’Agricull. franç* , 2.° série, t.v, p. 274). On voit, d’après cet extrait, que M. de Souhey, en indiquant des moyens pour prévenir les épizooties, ne s'est point écarté des grandes règles d'agriculture. La température douce de l’automne, la sécheresse et le peu de rigueur de l’hiver, re 1 HUE UUE (1) L’eau chargée de chaux magnésienne fournit un sédiment qui, mêlé avec du fumier, forme un excellent compost. Ann. de l’Agr.franc., 2.° sér., tom. V, p- 230+ (19) avoient singulièrement favorisé la multipli- cation des rats ( campagnols) dans le pays bas. Pour s'opposer à leurs ravages , les gens de la campagne ont eu recours à l’arsenic ; ce moyen pouvoit donner lieu à de grands abus et à des accidens terribles. L'Académie, frappée du danger d’une méthode aussi dan- gereuse , chargea sa Commission d’agricul- ture de lui présenter un travail sur ce sujet important. En conséquence M. Masson, rapporteur, a lu (27 janvier 1819) le Mémoire dans le- quel la Commission insiste sur le danger de se servir de l’arsenic; cette substance ne dé- truit que peu de rats, et empoisonne le gi- bier de toute espèce, ainsi qu’on en a eu la preuve cette année : d’un autre côté, l’ar- senic fait périr les végétaux qu’il touche, et sous ce point de vue, il est plus nuisible que les rats contre lesquels on l’ emploie. Ainsi, à raison du danger et de l’inutilité de Le substance délétère , la Commission a proposé à l’Académie de s'adresser à l’Autorité pour la prier de défendre que l’on recoure à ce moyen. Elle a indiqué plusieurs procédés plus efficaces, moins dangereux , et aussi économiques , pour obtenir l'effet que l’on désire ; ce sont les pâtes avec la noix vomi- (20) que(1), l’ellébore blanc, la poudre de sta- physaigre , la lauréole , etc. etc. Elle a fait sentir que tous les moyens,quels qu'ils soient, ne seront couronnés du succès qu’autant que leur emploi sera simultané dans toute l’éten- due du canton qu’on veut délivrer ; et que tous les pièges , tous les appâts empoisonnés partiels ne produirontnuleffet. D’après l'avis de sa Commission , l’Académie à adressé à M. le Préfet une copie du rapport. Ce ma- gistrat en a senti l’importance, il s’est em- pressé de prescrire des mesures administra- tives, et de donner de la publicité au tra- vail de l’Académie : il a fait insérer un ex- trait du rapport dans le Mémorial adminis- tratif (2819, n°. 6, pag. 46 et suiv.;n.° 11, PP:93—954),eta invité les Maires à ne point perdre de vue un objet aussi important. Les plantes céréales sont sujettes à diver- ses maladies : ies plus terribles sont la carie, et le charbon (2). Le travail de M. Trrrer, (1) La noix vomique est aujourd’hui conseillée pour l’empoisonnement des loups. Ann. de PAgr. franc. , 2.° série; tom. IV , pag. 331. (2) A l’époque des semailles du seigle et du froment, la Commission d'Agriculture n’existoit pas ; c’est pour cela que l'Académie n’a publié Le procédé du vitriolage qu’à l’époque des semailles de l'orge et de Pavoine, qui, comme on le sait, sont très sujets au çharbon. (21) (aller, Bibl. bot.t.2.p.445.S.mpcxxxt) couronné dans le milieu du siècle dernier par l’Académie des sciences de Bordeaux, renferme des vues extrêmement curieuses et des expériences très exactes sur la contagion de ces maladies ; il indique, pour les préve- nir, plusieurs préparations salines dont les agriculteurs n’avoient conservé que /e chau- lage. L’insuffisance de ce moyen a engagé depuis plusieurs agronomes à substituer à la chaux un sel plus efficace. On essaya le vi- triol bleu (sz/fate de cuivre), qui fut an- noncé, il y a environ une quarantaine d’an- nées, par M. Tessier, et sur lequel M. Prevost vient de publier un Mémoire intéressant. Un de nos collégues, M. Bonwxsr-Coqueav, s’est assuré de l'efficacité de ce moyen; il en fait usage depuis plus de vingt ans ; ilen a obtenu le succès le plus complet : il fit même acheter au marché du blé le plus noir et le plus moucheté , il le vzériola pour le semer, et il en obtint du blé très sain et très beau. Persuadé que les meilleurs procédés en agriculture ne se propagent chez les gens de la campagne qu’à l’aide du mystère, il promit à plusieurs laboureurs, étonnés de la beauté de ses champs, de leur apprendre son se- cret, à condition qu'ils ne le diroient à per- (22) sonne; il savoit bien que cette condition sé- roit un motif qui porteroit les paysans à di- vulguer le secret. Les laboureurs auxquels M. Bonnet confia son procédé, s’en servi- rent avec avantage; mais ils l’abandonnèrent ensuite, parce qu’ils espérèrent qu'ils n’en auroient plus besoin, et qu’on pouvoit s’en passer. Ils se fondoient sur ce que pendant une ou deux années, la carie et le charbon (champignons parasites intestinaux) ne s’é- toient point développés dans les champs de leurs voisins qui n’avoient point usé du pré- servatif , et ils regardèrent alors comme inu- tile la préparation qu'ils donnoient à la se- mence ; mais ils ne tardèrent pas à se re- pentir de leur insouciance. La carie et le charbon ravagèrent de nouveau leurs mois- sons , sans que ce fléau les décidât à recourir au préservatif. Tel étoit l’état des choses, lorsque ces années dernières on annonça dans notre département une poudre végéta- tive qui prévenoit la carie. M. Massox , notre collésue , fut chargé d'analyser cette poudre; il reconnut qu’elle n'étoit composée que de sulfate de cuivre en petite quantité , associé à quelques autres “substances salines masquées par d’autres ma- tières inertes. La Commission d’agriculture (23) à laquelle il communiqua son travail , en fit un rapport ( 20 mars 1819) à l’Académie, Cette Société s’empressa d’adresser le rapport à l'Autorité, en la priant d'éclairer les agri- culteurs, et de leur indiquer le moyen de remplacer très économiquement et bien plus avantageusement une poudre qui leur coù- toit fort cher, et qui ne pouvoit pas produire un grand effet, à raison de la petite quan- tité de sulfate de cuivre contenue dans cha- que dose. L’Autorité, toujours empressée de saisir ce qui a rapport à l’avantage de ses administrés, a fait imprimer le travail de l’Académie dans le Mémorial administ. (28:9 , n.° 10, p. 85 et Suiv.) M. Tnouin , Académicien non résident, pour répondre aux intentions de S. Exc. le Ministre de l’intérieur , a envoyé, pour la pépinière du Département , des glands du chêne, appelé en Espagne, Ballota. Ces glands, confiés à notre collégue M. Grasser, sont actuellement disposés pour en favoriser la germination. BoTANIQUE. La famille des champignons fournit une multitude d’espèces , que les travaux des Botanistes modernes ont contribué à faire (24) connoître : le tort que ces champignons cau- sent aux objets sur lesquels ils croissent , en rend la détermination très importante ; c’est ce qui a engagé M. Varror à donner (27 janvier 1819) l'histoire de plusieurs de ces végétaux, qui ne sont point portés sur la Flore de Bourgogne. N.° 1% Agaricum album terrestre, medullam panis referens. Mrcxezrr nov.gen., p.121, tab. 63, f. 2. N. B. C’est à tort que Burzrarp ( {Zrst. des Cham- pignons de la France, p. 86), rapporte cette citation à sa seconde espèce de Réticulaire ( Réticulaire des jardins) , qui est évidemment d’un genre différent. Polyporus crustaceus , effusus, farinosus albus. Îarzer, Hist. helvet., n.° 2272. En effet, dans le mois de janvier , j'ai vu ce Bolet répandre ses graines qui sont sous la forme d’une pous- sière impalpable d’une grande blancheur. Boletus medulla paris. Jaco. Misc. austr., tom. 1, P- 141» tab. rr. Boletus medulla panis. B. Crustaceus albus effusus difformis. Gwez S. N. édit. xr1r; tom. 2, p, 14368, n.° 7#, B. Albus , durus, effusus , planus crustaceus, su- perne perforatus , #ubulis obliquis rectisque. Encycl. méth. Botan. sup., tom. r, p. 666, n.° 10. Le caractère superne perforatus , n’est pas exact, comme on le verra plus bas. Bolet mie de pain. Dsc. F1. fr. sup., tom. r, p.30, #.° 299. Ce bolet de couleur blanche, ne présente qu’une . (2) touche , qui recouvre le bois et se répand sur les corps environnans , sans adopter de forme déterminée. Il suit leur contour qu’il incruste ; il se répand sur la mousse, sur le fer, sur le mastic, sur des brins de bois, etc. etc., auxquels il adhère par sa surface stérile. La surface fructifère offre des tubes dont l’ouverture est très petite : le bord de ce Bolet paroit former un léger bourrelet , comme s’il eût été une substance fluide, telle que de la crême épaisse qui auroit coulé sur Le bois ; c’est dans ce bourrelet que réside la force de végétation , etavec une loupe on y remarque l’orifice des tubes qui doivent s’y développer. Il peut acquérir une grande épaisseur , s’il croit dans un angle, comme je l’ai observé dans la serre du jardin de Botanique où cette espèce de Bolet en détruit les poteaux, quoiqu’ils soient peints. Ce Bolet s'étend sur la surface, tournée vers le sol des traverses supérieures, et il offre dans une épaisseur assez grande, des tubes distincts; la portion, qui se ré- pand le long des poteaux perpendiculaires, offre des plaques peu épaisses , de figure irrégulière , et ne pré- sente que desstries , par l’alongement des tubes. D’après cette disposition, on voit que l’expression superne perforatus donneroit une fausse idée, puisque la surface où sont les pores, n’est jamais tournée du côté du ciel; aussi cette expression ne doit-elle se rap- porter qu’à la surface opposée à celle qui adhère forte- ment et dans toute son étendue , aux corps sur lesquels se trouve ce bolet. Dans l'analyse des espèces ( Dec. FI. fr., tom.x, p.99, n.° 6 ), elle sera désignée par : Plante crustacée étendue en plaques... B. mie de pain(299.c) N.° 2. Hydnum Hæmisphæricum. Nos. H. acaule lenticulare , supra tomentosum squailidum, infra albo flavum , margine aucto. (26) Cette espèce dure et coriace se trouve sur le boisdehêtre qui commence à se décomposer ; elle adhère par le côté du chapeau, qui esttomenteux en dessus, d’un blanc gri- sâtre ; La surface inférieure offre des pointes qui n’occu- pent que le disque, tandis que la circonférence forme un limbe dépourvu de pointes. Je n’en ai vu que du diamètre de 3—4 lignes et au- dessous. Dans l’analyse des espèces de la 2.° édition de la Flore française , par MM. De Lamarck et Decandolle, elle sera placée (tom. 1, p.98 , n.° 9), sous le titre : Pedicule nul, plante coriace..… 9*. Oblongue, violette ou vineuse en dessous, /7ydne o* MU 296: ) Lo irculaire, jaunâtre en dessous, 77ydne hémis. phérique, Nos. On la trouve toute l’année dans les chantiers de bois de sciage. N.°3. Le Bisse peau, Bissus aluta, Dec. FL. fr. tom. 5, p.10, n.° 164.2 Cette espèce est appelée Cuir des arbres, Peau de gant, Amadou blanc. Dict. sc. nat.,tom. x11, p. 150. Il en existe des échantillons d’une grande étendue de diverses figures et de différentes épaisseurs, sous les estrades de la salle des hommes à l'hôpital général de notre ville; ilsse modèlent suivant l’espace dans lequel ils peuvent se développer. Au mois d’août 1817, on releva une partie des plan- ches qui étoient posées depuis 49 ans, pour réparer les traverses qui les soutiennent; je vis alors cette espèce de Bisse garnir la surface inférieure des planches qu’elle recouvre, et former des plaques très larges : la (27) présence de ce Bisse accélère la décomposition des bois; de même que la présence de tous les autres champignons qui croissent à leur surface. Cette espèce n’est peut-être qu’une variété du Bisse gigantesque, Dec. n.° 164. N.°4. Agaric des gercures, Agaricus rimicola, Nos. Petit Agaric dont le pédicule plein? plus large à sa base, offre des radiculesblanches. Son chapiteau convexe est roussâtre dans le disque et plus clair sur les bords. Il se trouve toute l’année, après les pluies, dans les fentes de l’écorce des arbres dont le tronc est couvert de mousse. On l’y observe sous toutes ses dimensions ; son pédicule se courbe pour reprendre la verticale. Sur les tilleuls de nos promenades, sur les ormes au parc, etc. il se pourroit que le pédicule fût fistuleux , quoiqu'il m’ait paru plein; alors cet agaric seroit l'A. des écorces. Dec. F1. fr., tom. 2, p. 168 , n.° 44o. Quoi qu’ilen soit, l’Agaric que je décris a été indiqué par Micheli. (Nov. gen., p.146, n° 34, tab. 74, f. 7) sous le nom de Fungus minimus, albus, pileolo Hæmisphærico, in arborum caudicibus, toto anno post pluvias oritur. Funghino bianco , dilegine , di capo mezzo tondo , che si trova dopo le piogge ne pedali degli alberi. La petitesse de ce champignon , son apparition, toute l’année, après la pluie, me persuadent qu’il est le même que celui que j’ai appelé A. des gerçures Agaricus, ri- micola , Nos. ,et quisera l'A. des écorces, Dec: , si l’on reconnoît que le pédicule est fistuleux. N.° 5. MATIÈRE VERTE. Cette substance est encore peu connue , quoique les physiciens s’en soient beaucoup occupés, et qu’elle ait (28) été observée pour la première foispar Thomas Hexsnaw, qui la signale parfaitement (Philos. Transact., nn art. 1, an. 166$ ); il l’avoit remarquée en répétant des expériences surlarosée.(Voy. Collect.académ.,tom.2?, Pas:7-) On avoit totalement perdu de vue cette production jusqu'a Prrestiey ; puisque le savant Decanporre ( Flore française, 3.° édition, tom. ? , pag. 63), dit que ce créateur de la chimie pneumatique , est le pre- mer qüi l'ait découverte. Depuis ce physicien, elle est devenue le sujet d’ob- servations nombreuses , ainsi qu’il est aisé de s’en as- surer en consultant le journal de physique (om. xr1r, part. I, 17013 Marss p. 209; Mémoire sur la matière verte, où plutôt sur l’espèce de conferve qui croit dans les vaisseaux pleins d’eau exposés à l'air, etc. ; par M. Jean Sexesier, bibliothécaire de la République de Genève, etc. etc. , £om. xxr, part. 11, 1704 , juillet, pag. 1: Remarques sur l’origine et la nature de la ma- tière verte de M. Priesrey , par Jean 1ncen-Housz). Ce dernier auteur a confondu des animalcules infusoires avec la matière verte. Scurancr (Flora Bavarica, 2, p. 456, n.° 1595}, appelle la matière verte, Lepra infusionum. Gmezix ( Carolia LrNwé systema naturae, tom.?, p- 1394 , n° 68), la désigne sous le nom de Conferva infusionum. Vaucuer ( Ærstoire naturelle des Conferves , pag. 241), la regarde comme une Ulve. Decanpozce (For. franç., tom. 2, p.65 , n.° 160); la désigne sous le nom de Vauchérie infusoire, Vau- cheria infusiorum. ( 29 ) Dans le nouveau Dict. d'Hist. nat. ( édif. 2 , tom. X1X, p. 449)» la matière verte est regardée comme appartenant au genre de l’Oscrllaire , où on la décrit (CN. D. Æ. N., éd. 2, tom. xx1r, p. 199—200). M. Pazissor Beauvois lui a donné le nom de Coc- codée verte (Nouv. Dict. d’Hist. nat., édit.2,tom.7, Pag- 242) ; car il ne se développe pas dans l’eau con- servée dans les vases, deux sortes de matière verte, comme sembleroit l’indiquer le ( Dict. Sc. nat., tom. 9, pag. 497 ). L’âge de cette singulière production est cause de la différence que l’on a observée. La matière verte ne seroit-elle pas l’origine du Byssus flos aquae ? On doit rapporter à la matière verte le produit de l’infusion du ZLichen prunastri que décrit Giron- CHanTraAns ( Recherches chimiques et microscopiques sur les Conferves, bysses, p. 44, n° 13, p. 184, ad- dition au n.° 15 de mes Mémoires, tab. r11, f.13). Mais il faut bien distinguer la plante, des animalcules dont parle l’auteur. Ces animalcules sont le Aonas Zens. Mull. (Animalc. infusoria, p. 4, n.° 4, tab. 7, F..9—11). M. Girod-Chantrans a confondu, dans ses observa- tions , les Conferves , les Bysses , avec les Animalcules infusoires , parfaitement décrits par Muller, ainsi qu’on peut s’en assurer par les rapprochemens suivans : p: 227, tab. xxxri1 , fig. 77, en parlant d’une Con- ferve inédite (qui est une espèce de Conjugata), il re- garde les corpuscules K° K” K'” comme en faisant partie; mais ces corps sont le Wibrio lunula (Muller , an. inf., p.55, n.° 63 , tab. vrr, f. 8—:15). Les espèces de cornets qu’il décrit, p. 36, et dont il ‘ donne la figure , tab. v , fig. 9", sont les sporanges (30) d’une espèce de Tremelle , analogue à la Tremella na- tans, dont Henwic ( Theor. gener., p. 218, tab. 36, Fg..9-10 ), a représenté les sporanges. Les corpuscules dont il parle , p. 63 , et qu’il repré- sente , tab. 1x, fig. 19°”, sont le Gonium pectorale ( Mull. p. 110, n.° 114, tab. 16, f. 9— 11 ). A la pag. 166, il décrit la rouille du Pourpier pota- ger qu'ila fait graver , tab. xxrrr, f. 59. Decandolle l’a décrite depuis sous le nom de Uredo portulacae. F1. fr., tom. 5, p. 88 , n.° 637. M. Girod rendroit un vrai service à la science, s’il rapportoit aux dénominations systématiques , adoptées par les cryptogamistes modernes , les plantes qu’il a dé- crites, p. 20, n.° 4; p. 26, n.° 6; p.45, n.° 14; p.46, n.°15; p.66, n.° 20; p.74, n°21; p.94; n°993 p.111, n.° 353; p.121, n.° 38; p. 126, n.° 40; p. 132, n.° 443; p. 140, n.° 46; p. 146, n.° 493 p. 149, n.° 513 p. 203, n.° 71; p. 206, n.° 72, M. Vazzor, D. M., aégalement présente à l’Académie (24 mars 1819) un travail qu’il a rédigé, pour son usage particulier , sur les Cryptogames parasites. Cette famille in- téressante de végétaux est devenue plus nom- breuse, depuis que plusieurs Botanistes en ont fait l’objet unique de leurs méditations; les espèces se sont multipliées, et leur dé- termination , par le secours des systèmes, devient souvent très difficile, à raison de la petitesse de ces plantes et de la ténuité des (Ha) organes sur lesquels sont établis les carac- tères qui les distinguent. Pour abréger les recherches et éviter le découragement qui naît souvent de la perte de temps, l’auteur a rangé méthodiquement , sous le nom de chaque plante phanérogame, toutes les cryp- togames parasites qui croissent sur chacune d'elles. Il les désigne par une phrase carac- téristique , en indique la synonymie et les particularités : de sorte qu’au lieu de cher- cher, parmi une centaine d’espèces, celle dont on désire trouver le nom, on se trouve li- mité à quatre ou cinq. Cette distribution donne le moyen de reconnoître très prompte- ment et très sûrement la petite plante que l’on examine ; elle a ensuite le très grand avantage de lier l’étude des végétaux avec celle des cryptogames parasites qui croissent sur eux; de faire connoître tous ceux décrits jusqu’à ce jour , et de donner une véritable histoire naturelle de chaque plante, si l’on y joint ce qui a rapport aux insectes qui se nourrissent de chaque végétal. La botanique offre alors un intérêt plus vif, un attrait plus séduisant , et ne mérite plus le repro- che de ne corsister que dans un assemblage de noms plus ou moins difficiles à fixer dans la mémoire. (32) Ce travail complète celui que M. Varror a déjà annoncé (1812) sous le titre d’Zrsec- torum incunabula. Pour faire connoître le plan de ces deux ouvrages, nous donnerons deux fragmens, l’un tiré de la Cryptogamie parasite (1), l’autre de l’Insectorum incu- nabula (2), DODÉCANDRIE TRIGYNIE. CVI. Evrxorse DE Mauvnrrranwre. Encycl. méth. Bot. , tom. 2, p. 418, n.° 17. 1. ApxyTée PARASITE. Fleur sessile, haute de trois pouces, à trois pétales, et à trois étamines mona- delphes. ÆEncycl. méth. Botan., tom. 1, p. 210. Dict. Sc. nat., tom. 2, p. 275. Nouv. Dict. Hist. nat., éd. 2, tom. 2 , p. 229. (1) Cryptogamie parasite, ou distribution des Cham- pignons parasites, d’après les végétaux sur lesquels ils croissent : par J. N. Vazror , D." en médecine , mem- bre de plusieurs Sociétés savantes, etc. etc. (2) Jac. Nicol. Varzor , M. er Sc. D. Hist. nat. Prof. mule. Societ. sodalis 1NSECTORUM INCUN4A- zULA juzxtà methodicum ordinem disposita ;, adjectis differentiis, synonymis moribus, locis, observationi- bus, epochis, cum indice locupletissimo. Cet ouvrage , offrant l’état de la science entomolo- gique à l’époque actuelle , et étant le complément des travaux de LiNNÉ, Fapricrus et LATREILLE, a dû être écrit dans la langue que ces savans ont adoptée, afin d’être à l'usage des Naturalistes de toutes les Nations. (35 ) Cette plante singulière , en ce qu’elle n’a, nitige, ni feuilles , croît sur les racines de l’Euphorbe de Mauri- tanie , au Cap de Bonne-Espérance. EvrxorsEr CrPrrès. Dec. F1. fr. , tom. 3, p. 337, n.° 2156. 2. UréDo EN Écusson. Poussière nue , d’un brun foncé , entourée des rebords de l’épiderme , qui for- ment autour d’elle un receptacle blanc. Tithymalus verrucosus , Chabraeus, pag. 454, n.0 3. Esula Verrucosa , /Weinmann Phythant, tom. 2 , pag. 414, tab. 491, f. d. Dec. F1. fr., tom. 2, p. 227, n.° 606. ÆEncycl. méth. Bot., tom.&8, p. 224 , n.° 15. Cet Urédo vient de préférence sur les feuilles du haut de la tige, dont il occupe la surface inférieure ; sou- vent il est disposé sur deux séries de points, de chaque côté de la nervure de la feuille. Dans ce cas , les feuilles ne deviennent point ovales, elles sont seulement un peu plus longues , plus larges et plus épaisses. Cet Urédo paroît d’abord sous forme de petits points jaunes proéminens , qu'il ne faut pas confondre avec le premier état de l’Ecidium des Euphorbes, Trouvé en avril, au Mont-Afrique. Les tiges , attaquées de cet Urédo, portent des fleurs dont les bractées sont déformées , et des feuilles dé. figurées , ovales , épaisses, et d'autant plus arrondies ; qu’elles se rapprochent davantage du sommet ; leur sur- face inférieure paroît blanche vernissée : l’épiderme se fend irrégulièrement. 3, Écrprum de l’Eupnorge Cyprès. Petits points Le ] J (34) jaunes protubérans, qui grossissent, et s'ouvrent en une coupe circulaire , d’un jaune pâle, peu prominente ; les bords sont presque entiers, un peu réfléchis. La poussière est d’abord d’un jaune orangé, et finit par être brune ; mais elle est toujours dans une cupule. Réaum.(Mém. ins. tom. 3, p.513), dit: « Poussière « jaunâtre, qui, au microscope, imite une fleur, « produite par la piqüre d’un insecte que je n’ai pu « découvrir. » Adanson, Famille des Plantes, tom.1, p. 43. Rouille. Dec. Flor. fr., tom. 2, p. 240 , n.° 647, tom. 5, p-91»n.° 647. Ecidium des Euphorbes. Encycl. méth. Bot. , tom. 8, p. 236, n.° 76. Encycl. méth. Entom., tom. rr, p. 597, col. ?, Galles en moisissure. C’est ainsi qu’Olivier désignoit l'Écidium des Eu- phorbes , et les différens Urédo qui croissent sur ces plantes. Cette espèce paroît dès le printems sur la surface in- férieure des feuilles. On la remarque même sur les tiges qui sont à peine sorties de terre. Elle rend stériles les pousses qu’elle affecte (1). Elle répand une odeur parti- culière et désagréable , qui devient surtout plus mar- quée dans l’âge adulte. Les feuilles , chargées de cet Ecidium, sont plus larges et plus épaisses : au mois de mai, la surface in- (:) C. Bauhain Pin. p. 291 , $. 1. Tithymalus Cyparissias foliis punctis croceis notatis. Encyc.méth. Bot., tom, 2,p.438, n° 93.* Esula degener. L'auteur dit que cette monstruosité est produite par des piqüres d'insectes. N. B. Cela n’est pas; il paroît confondre cette plante ayec la précédente. (35) férieure des feuilles est couverte de petites cavités bor- dées de blanc , qui imitent les trous d’une räpe. Au printemps, sur les chemins couverts, autour de la ville. 4. Screrote DE L'Eurmorse Cyprès. Fongosité glo- buleuse , resserrée à sa base, noire à l’intérieur , d’un beau violet à l'extérieur. L’épiderme forme une petite cupule étoilée à la base de ce Sclerotium. Dec. F1. fr., tom. 8, p. 114 , n.° 740. Cette plante charnue se trouve à la surface inférieure des feuilles. 5.HYPoDERME DES BRANCHESSÈèCHES. Tachesnoires, luisantes , ovales ou oblongues , éparses , s’ouvrant par une fente longitudinale. Dec. FI. fr. , tom. 5, p. 165, n.° 8224. (0. ÆEuvPxorse pouce. Dec. FI. fr., tom. 3, p. 541, n.° 2167. 6. UrÉéDo crEusSÉ. Tubercule jaune et prominent : l’épiderme se rompt au sommet , et forme un orifice circulaire au fond duquel est une poussière brune. Dec. F1. fr., tom. 2, p.227; tom. 5, p.69, n.° 607. Encycl. méth. Bot., tom. vr1r, p. 224, n.° 16. Cet Urédo couvre la face inférieure des feuilles sans les déformer. L'ouverture, par laquelle la poussière sort, est de moitié plus petite que dans l’Urédo en écusson. Les lambeaux de l’épiderme ne forment point une bor- dure blanche autour de la poussière. Cette plante paroît en juin ; je l’ai trouvée , à cette époque , au bois d’Asnières. Evrnorse Rérerr-marrn. Dec. F1. fr., tom. 3, p.335 , n.° 2165. 7. UréDo pu Réverc-marin. Tubercules épars, (36) presque planes , d’une couleur orangée assez vive, en+ tourés par les lambeaux de l’épiderme déchiré. Dec. F1. fr. , tom. 2 , p. 232, n.° 622. Encycl. méth. Bot. , tom. 8, p. 230 , n.° 44. On ne confondra pas cet Urédo avec ceux déjà dé- crits. La couleur suffit pour les distinguer. 8. UréDo roxcrué. T'ubercule convexe, d’un jaune pâle, orbiculaire, un peu grenu; ce tubercule se couvre bientôt de cinq à sept taches protubérantes noires. Dec TT JT odOT 22 pete 30184020: Encycl. méth. Bot., tom. 8, p. 233 , n.° 59. ÆEvrxorer PErzrs. Dec. FI. fr., tom. 3, p. 330, ne. 2/40 9- Urépo conrLuenT. Tubercules d’un jaune pâle, poussière très fugace après la rupture de l’épiderme, dont les fentes ont une disposition à se réunir sous la forme d’anneaux concentriques. Dec. F1. fr., tom. 2, p 233; tom. 5, p. 86, n.° 626. Encycl. méth. Bot., tom. 6, p. 231, n.° 60. Ürépo roNcTuÉ. Voy. 8. EvrxorsEe mowxorer. Dec. F1. fr., tom. 3, p. 330, n.° 5144 10. URÉDO rRoTUBÉRANT. Tubercule applati, fauve arrondi , bordé par les débris de lépiderme déchiré. Dec. F1. fr, tom.2, p.235 , n.° 632. Encycl. méth., tom. 8, p. 233, n.° 58. À la fin de sa vie, ce tubercule se change en pous- sière rousse. Cet Urédo naît épars à la surface inférieure des feuilles. En faisant attention à la manière dont il s’est développé, onne leconfondra pas avec un Ecidium. Trraymaze rzurr. Lam. FI. fr., tom. 3, p.100, n.° 729» XLITe URÉDO PoNCTUÉ. Voy. 8. ( 37) EvPxorsr px sors. Dec. F1. fr. , tom. 3, p. 339; n.% 2163. 11. Écinium DE L'Eurnorge DES mots. Petits points jaunes protubérans épars, et qui occupent quelquefois la surface supérieure de la feuille. La poussière est orangée. Dec: F1. fr., tom. 2, p. 241, n.° 648; tom. 4, P: 91: y. Ecidium des Euphorbes. Encycl. méth. Bot. , tom. 8 , P: 237, n.° 77. Evrxorsr 4 rEerrurs. Dec. F1. fr., tom. 3, P-343 3 nos 2171. Écrprum pes Eurmorees. V3 et 10. Dec. F1. fr. , éom. 5, p. 91, n.° 647 £. La variété d’Ecidium qui croît sur l’Euphorbe ver- ruqueuse, démontre l’identité des deux Ecidiums : HD Et Ai /1. ÜUrépo creusé. Voy. 6. En mai, sur le chemin au dessus de la fontaine de Larrey. INSECTORUM INCUNABULA. Dodécandrie T rigynie. CXLVIT. Evrnorse. On trouve sur cette plante des insectes dans l’état parfait, et d’autres dans l’état de larves. Ils sont dis- tribués d’après l’ordre systématique employé par les En- tomologistes. 1. CmARANSON DE L’AirratREe. Schranck , ins. Austr., p. 105, sp. 200. Curculio Alliariæ. Est-ce le même que le C. A/liariae | Linx. Gmel. , P: 1742: n° 47 2. CarysomèLe Bonpée, Lix. Gmel., p. 1680 » n.° 39. (38) | On trouve en grande quantité cette espèce sur les Euphorbes dans le bois de Boulogne , près Paris. Encycl. méth. Ent. , tom. 1r ,p. 111, sp. 41. Al- tica marpinata, 3. PuNAISE , PATTE ÉPINEUSE. etre ins. Austr.s P: 273 » sp. 827. Cimex spinipes. Schranck a observé sur un échantillon de cette es- pèce, de petits corps ovales, d’un jaune blanchâtre, lui- sant , de la grosseur du double de celle des œufs du pa- pillon du chou. Ces corps adhéroient fortement à l’in- secte , ils étoient immobiles. Je pense que c’étoient des Acarus, ou au moins leurs œufs. 4. Punaise AG1LE. Schranck, p. 287, n.° 554. Ci- mex agilis. Geoffr., ins. , tom. x, p. 449, sp. 26. La punaise brune , à antennes, et pattes panachées. Gmel., S. N. éd. xr1r, p. 2184, n.° 4ge. Ci- mex melanochros. Latreille, Hist. nat. ins., tom. x1r, p. 207, sp..14. Coreus nugax. Cette punaise , au printems et au commencement de l'été , se trouve sur les Tithymales. Cette espèce est-elle le Cimezx agilis, FaAsr. Gmel., S. N. éd. xrir, p. 2178, n.° 431€ N. B. Fabricius , Sysé. Entom. , p. 726, n.° 148, en citant Geoffroi , a commis une erreur de pagination ( 452. 26), qui a été copiée par Gmelin, S. N. éd. X11 3 p. 2180, n.° 101. Elle pourroit faire rapporter, à la 26.° espèce de Geoffroy , le Cimex laevigatus de Lixx., qui appartient à la 46.° espèce , p. 457. C’est pour prévenir la confusion, que je relève cette erreur. ( 59) 5. PrazaænA B. Castrensis. Linn., p. 818, n.° 36. Larve velue, bleuâtre, offrant des lignes rouges, pi- quetées de noir. Voy. Alchemille I. Larve en société , vivant sous une toile. 6. Pnazana B. Hese. Lrxx. S. N., p. 820, sp. 40. Larve solitaire , velue ; les trois anneaux anté- rieurs rougeâtres. Mouffet, Theat., p. 93. Phalæna decima octava, P: 94» F8 +. Hufnagel , Berlin. Magaz., tom. 2, p. 416, xxzxrr. Phalæna festiva. Encycl. méthod. Ent. , tom. r , p. 90 , sp. 224. Nouv. Dict. Hist. nat., éd. 2, tom. 2, p. 448. Arctie Hebé. Cette larve , noire , velue , naît en septembre; elle passe l'hiver sous des feuilles. Au mois d’avril ou de mai , elle construit une coque solide , dans laquelle elle reste vingt jours ; elle s’y transforme en chrysalide noire ; eten juin , elle paroît sous la forme d’insecte parfait. La femelle pond ses œufs en juillet ; ils éclosent en septembre. 7. PHALANA geometra euphorbiata. Gmel., S. N. éd. x1Ir , p. 2482 , sp. 873. 8. PHaLana zoctua Euphorbiæ. Gmel., S. NN. éd. XIII; p. 2660, sp. 1121. Larve velue , verdâtre. Taches noires sur le dos. Deux taches lunaires rou- geâtres sur les parties latérales du cou. Encyclop. méth. Ent., tom. vrrr, p.343, sp. 306. Noctuelle de l’'Euphorbe. Albin , tab. 88, f. f.—h. Reaumur , Mém. ins. , tom. r , p. 537, 838, tab. (4) By, f 10, 48; tom. rx, p. 8g—117; tab. 4, f. 14. Roesel , ins. , tom. 1, Phal. class. 2 , tab.45. Ernest, Pap. Europ. , n.° 293. Cette chenille a sur chaque anneau dix faisceaux de poils, dont les deux supérieurs sont hors du rang deshuit autres. On voit sur les côtés du corps, des lignes alter- nativement jaunes et noires, avec des taches en forme de trèfle. La partie supérieure du cou offre des taches rouges. Au mois d'octobre , cette chenille construit une coque oviforme , dont les extrémités sont inégales. Cette coque est recouverte de feuilles très régulièrement disposées. L'insecte parfait paroît au printemps suivant. La femelle pond des œufs globuleux de couleur rose. 9. PHaranxA noctua Medicaginis. Nos. Larve à xvr pattes , d’un blanc jaunâtre , offrant des lignes for- mées par de petits traits noirs placés à la suite les uns des autres. V’oy. Luzerne. ÆEvrxorrr4a CHaracr4s. 10. CocHenizre pu CHaracras. Nouv. Dict. His naï, , tom. 4, p. #73. La femelle , d’un blanc de lait, se reconnoit, parce que son abdomen est terminé par un sac floconeux qui contient les œufs. Journ. de Phys. , 1784, tom. 24, p. 171, tab.1, Je 2: 3 — 1768, mars, tom. 26, p.207, tab. 1, fe 14-16. Encycl. méthod. Entom. ; tom. 6, p. 993 sp. 19. Coccus Characias. Latreille, Hist. nat., tom. 12, p. 368, p. 385, sp. 6. — Genera , tom. 3, p.178, z. Nouv. Dict. d’Hist. nat., éd. 2, tom. 9, p. 662. Dorthésie. (41) Dès le commencement du printemps, on trouve la fe- melle dont l’abdomen s’alonge postérieurement en un sac floconeux qui contient les œufs. Les mâles ailés pa- roissent en septembre. Après avoir fécondé les femelles, ils se retirent au pied des plantes, et restent immobiles sous les pierres ; ils se couvrent de duvet et périssent. Les femelles, après la ponte , changent de peau, pas- sent l'hiver engourdies ; et se raniment au printemps. Cet insecte se trouve sur plusieurs autres plantes. Je lai rencontré abondamment sur la route de Paris, au bas de Talant. Cocciwezze pu CHArAc1ASs. Nor. 2. Larve couverte d’une poussière blanche, qui s’insinue dans le sac aux œufs de la femelle de la cochenille. Journ. phys., 1785, mars , tom. 26 , p. 210. Encycl. méth. Ent. , tom. vr, p. 100 , col. 2. Cette larve s’introduit dans le sac, sans tuer la mère, y suce les œufs et les petits ; lorsqu’elle les a tous dévo- rés, ce qui est l'affaire de deux à trois jours, elle va à une autre femelle. ÆEvrxor8E CrrPRÈS. 11. Carysomèze De L'Eurnorse. Schranck, p. 83, Sp. 155. Encycl. méth. Ent., tom. 17, p.112, sp. 7. Al- tica Euphorbiæ. Dict. Sc. nat. , tom. 1, p. 525, n.° 12. Altise du Tithymale. 12. CAPRICORNE, TÊTE ROUGE. Schranck, ins. Aust.s P: 143 » sp. 270. Gmel., S. N., éd. xrrr, p. 1840 , sp, 208. Ceram- byx erythrocephalus. Saperda , Far. (42) 13. Gaisourt LoNGIMANE. Lave renfermée dans une coque. Gmel., S. N. éd. xr1r,p. 1703, sp. 19. Crypto- cephalus longimanus. Chrysomela ; Linx. Encycl. meth. Ent., tom. vr, p. 31, sp. 3. Clytra longimana. Voy. Trefle. Punarse AGILE. Voy. n.° 4. 14. Spainx DE L'Eurnonse. Linn., p.802, sp. 19. Cheniile cornue, noire, tachetée de blanc, ligne rouge sur Le dos ; sur les côtés , ligne et points jaunâtres. Hufnagel, Berlin. Magaz. ; tom. 2? ; p. 160 , 1x. Harris Aurel., tab. 4, f. a—c. Réaumur , ins. , fom. I, p. 289—291. Bonnet , OEuvres, 4.° tom. 7, obs. xrrr, p. 355 — 359. Bergst , Sphing. p.7, sp. 1, tab. 6,/f.9; larva ; #ab. 13, f. 9, Pupa. Cette belle chenille a une longueur de 36 à 42 lignes. Elle se retire en terre au mois de septembre, y construit une coque dans laquelle elle se tranforme en une chry- salide brune, dont les stigmates sont noirs : elle devient insecte parfait depuis le mois de mai jusqu’au mois de juillet. Cette chenille est carnacière ; elle dévore ses propres dépouilles , et souvent attaque ses semblables. Brez ( Flore des insect. , p. 196) , dit qu’elle paroît périodiquement , tantôt tous les deux ans, d’autres fois tous les trois ans , quelquefois après quatre ans. 15. PHarène pu Tiravmare. Nos. Lénn., faun. suec. , éd. 1, p. 285, n.° 826. (43) Frisch, Germ., 9, p.10, f. 8. Papilio Erucæ Tithy- mali secundæ. Phal. pectinicornis elinguis ; alis deflexis griseis 3 fasciis duabus obliquis aJbidis ;inferioribus prominulis. Cette espèce est-elle la même que la noctuelle de l'Euphorbe , n.° 8 ? 16. Cécipomye DE L'Eurxonse. Nos. Pendant l'été, on trouve souvent, au sommet des rameaux stériles de VEuphorbe Cyprès, de fausses galles rouges formées par des feuilles élargies ; se recouvrant exactement , et imitant un globule ; Tournefort en avoit fait une es- pèce , sous Le nom de 7#hymalus Cyparissias , capi- tulo rubente. ( Tournefort , inst. rei herb., p. 86 ). Au centre de cette galle , et entre les feuilles qui la forment, existent des larves apodes , blanchâtres , qui se filent des coques soyeuses blanches , d’où sortent, en juillet, des insectes parfaits, qui sont des Cécidomyes. N.B. Les galles en moisissure, AGT. sont les plantes cryptogames parasites , appelées aujourd’hui Ecidium de l’'Euphorbe. V4. p. 33 , n.° 3. 17. Garre Des Racines. On trouve quelquefois , sur les côtés de la racine, une galle grosse , ligneuse , noueuse , contenant une larve dans l’intérieur. Malpighi » Anat. plant., pars alter. , p.42, f. 66, EurnonsrA rurrurATA. Dec. FI. fr., tom. 3, p. 34? ; Sp. 2166. La fausse galle qui se remarque au sommet de cette plante , et qui est comme celle de l’Euphorbe Cyprès (n.° 16), contient plusieurs espèces d’insectes. J’y ai remarqué les suivans, au milieu de septembre : &. Une larve hexapode, à deux antennes et deux filets ( 44) à la queue. Le corps est ovale, et recouvert d’un duvet extrêmement blanc. Je pense que cet insecte est le Dorthezia Characias, Bosc. , que jai trouvé depuis aux environs de Dijon, sur plusieurs espèces de plantes ; mais à l’époque où j'ai fait l'observation , j'ignorois que la Dorthésie existât en Bourgogne, c’est pour cela que je me suis contenté de tenir note de l’insecte , sans le déterminer. Le centre de la galle étoit occupé par des larves en société, apodes et pointues à chaque extrémité. Ce sont les larves de la Cécidomye de l’Euphorbe. Voy. 16. y. Il y avoit au centre de la galle une chrysalide que je soupçonne être celle d’un Ichneumon, dont la larve avoit dévoré celles de la Cécidomye. Ces deux articles, extraits , l’un de la Cryptogamie parasite , l’autre de l’Zrsectorum incunabula , démon- trent que la Botanique peut présenter un intérêt nou- veau , dont on ne s’est point encore occupé jusqu’à ce jour. On voit en effet les rapports qui existent entre les différens êtres : et chaque plante devient un centre au- tour duquel se groupent des objets qui en rendent l'étude bien plus attrayante. Cette nouvelle méthode complette l'Histoire naturelle des Végétaux qu'il faut connoître , non-seulement d’après les avantages quenous entirons, mais encore d’après le rang que chacun d’eux tient dans le grand plan de la création. De plus, ce travail donne l’état actuel de la science ; il désigne les observations déjà faites , et détermine en conséquence si celles auxquelles on se livre , sont nou- velles. S'il eût été publié, M. Hubert n’auroit pas donné comme nouvelle à l’Institut, (an 1813), l’histoire de la ( 45 ) Chenille à hamac , qui a été publiée il y a plus de qua- rante ans par Goeze ( Naturf. , 5 stuck, p. 1—18, tab, 1, f. 3—11). Le désir de connoître l’origine des contes fabuleux faits sur les plantes, a déterminé M. Varzor à rédiger des recherches, dont il a communiqué les résultats à l’Académie (2 déc. 1818, 13 janv. 2819 ). Il démontre que tous les contes fabuleux, faits sur les plantes, ont leur source dans des faits réels mal observés, ou altérés, soit par l'amour du merveilleux, soit par le désir de piquer ‘la curiosité ; l’auteur fait observer qu’il est bien surprenant que tous ces contes aient été répétés successivement par tous les au- teurs, sans qu’ils se soient occupés de déter- miner le degré de confiance que l’on devoit accorder à des assertions aussi étranges. EXPLICATION DES CONTES rABUzrUx iMmaginés sur quelques singularités du règne végétal. (e déc. 1818.) Tous les contes avancés , en histoire naturelle , par les anciens et répétés par les modernes , ont leur source dans des faits mal observés ou altérés par l’a- mour du merveilleux , ou par le désir de tromper les amateurs , ou d'inventer une mystification. Nous en avons déjà donné des preuves ( Ÿ. Séance publ. 1817, P2g* 16-25; 1818, pag. 32). On peut en lire une autre à l’article Darc ( Ornith), Dict. Sc. nat. , tom. ar, p. 450. On en trouvera une nouvelle dans le ser+ (46) pent de mer d'Amérique , dont les journaux ont-tant parlé en 1817 et 1818, qui n’est qu’un Scomber thyn- aus de 9 à10 pieds; Bullet, soc. Philom , 1818 , pag. 190 ; Journ. phys. 1819, janv. tom. 88, pag. 111. Je me suis livré à ce travail avec d’autant plus de plaisir, que j’ai eu la satisfactiou de trouver l'explication de tous les contes rapportés par Gaspard Bauxix et par le docteur Jonsron. Quelques-uns ont déjà été éclair- cis par des savans ; j'aurai l’attentiou d'indiquer leurs recherches. C’est sous la rubrique,zerbae et arbores admirandae, que C. Bauxix a réuni tous les végétaux qui offrent des propriétés curieuses : dans l’examen que je vais en faire , je suivrai l’ordre adopté par cet auteur dans son Pinax , pag. 12 et suiv. Il parle d’abord d’une plante (1) qui a la propriété de provoquer des szeurs de sang. Ras ( Hist. Plant., tom. 2, pag. 1795) range à éort cette assertion parmi les fables, puisqu'elle n’est qu’un fait mal observé. La lettre écrite à MoxarDès est claire et positive ; elle dit « qu’un Indien, dans « la ville de Posto, guérissoit les malades, en frottant « avec le suc d’une plante, qu'il n’a jamais voulu « faire connoître , les membres affectés : le malade « s’enveloppoit de couvertures, et le sang couloit des « parties qui avoient été enduites du suc. » Il n’y a rien d'étonnant dans cet effet que nous CO = D 2 CS > (1) Planta sanguineos sudores excitans. C. B. Pin, p. 512. Arbor sanguineos sudores excitans, Jonsron Dendrol. p. 468, $ zz. (47) voyons journellement se répéter parmi le peuple ; il croit en effet que des topiques de verveine ( verbena officinalis, Linw.), appliqués sur le côté douloureux, en attirent /e sang ; ce qui est confirmé , disent les bonnes femmes, par la couleur rouge des compresses employées. Tous les médecins (Grorrroy, 77act. de mat. med. tom. 2 , p. 323), savent que l'apparence, qui séduit dans cette circonstance , ne dépend que du mélange de la matière de la transpiration avec le suc de la ver- seine , et qu'il n’y a pas plus de sang que dans les urines colorées etimitant du sang, rendues par les per- sonnes qui mangent les fruits du cactier en raquette (1) ou figuier d'Inde, cactus opuntia. Pzurener ( Amalt. botan., pag. 116) parle d’une plante (2) parasite des Barbades qui rend un suc rouge comme du sang. (1) Jonsr. Dendr., p. 7,5. xr. 4. Poma diuretica comesta urinam provocant et emittere cogunt ad sanguinis colorem. P. 56, 1.1 col. PEeRNETTI. Voy. aux Iles Malouines, tom. 3, p- 201. (2) Herba parasitica barbadensis sanguineum liquoremfundens, N. B. L'insuffisance de cette description ne n’a pas permis de déterminer le genreet encore moins l'espèce de cette plante, qui n’est point la Patience sanguine (a) ( Rumex sanguineus, Linx), acclimatée dans quelques contrées de l’Europe, quoique originaire de la Virginie. Je ne crois pas non plus que Plukenet ait voulu désigner le CROTON SaNGUIFLUUM , KUNTH, du tronc duquel il découle une liqueur rouge comme du sang. Dict. sc. n. tom. 12, p. 55. Croton sanguinolent. (a) GeorrroY, TRACT. DE MATER. MEDICA. VENETIIS tom. 2, p. 35a , $. 1v. Lapathum sanguineum. Sanguineo scatens succo, (48) On ne peut pas dire si la plante , citée par PLukexer, est celle dont parle Monarpès, puisque l’Indien n’a pas voulu la faire connoitre. PLrukenET , dans cet article, rapporte le conte de la plante Fabia , ou herbe d’amour de l’empereur Marc-Aurele. ( Mognodetus in vita Marci Aurelii, lib. 3, cap. 10 ). Cette plante laisse échapper un suc rouge qui, tant qu’il est chaud ,; provoque l’a- mour, mais qui, froid, provoque la haine, à raison de ce qu’il ressembloit au sang des animaux. Mais elle n’est pas la seule qui soit rangée parmi les p/an- tes d'amour , que les anciens désignoient sous le nom de phrltres. PLURENET en indique d’autres ; il ap- pelle la première , Scorpioïdes pénguifolium triphyl= lon, corniculis articulatis intortis :.si ses feuilles ap- pliquées avec de la salive sur la peau y causent de la rouseur, c’est un signe d'amour ; si elles font élever des pustules, c’est un signe de haine. ( Almag. botan. , p+ 337; 6. Amalth. botan. , p. 189-2). C’est l’Ornc- thopus scorpioïdes , Lin. La seconde est désignée sous le nom de Convolvulus exoticus, annuus foliis Myriophilli (Almag. botan., p.117-3. Mantiss., pag. 55). Les Malais regardent le suc de cette plante comme très efficace. C’est l’Zpo- maea quamoclit. Linn. La troisième est l’Æerba amatoriis efficax , quae circà Troglodytarum insulam zascitur. Apud Plin. lib. 13, cap. 25. PLureneT pense qu’il s’agit d’une espèce de sensitive qu’il appelle z#émosa humilis, Ind.orient., simpliciter pinnatistamarindi foliis, floribus corona- riis flavis , lituris rubris eleganter strictis. ( Almag. (49) botan. , p. 252 , 8. Mantiss., p. 131). C'est l’'Oxalis sensitiva. Lin. Enfin sous la rubrique Laurifolia nd. orient.(Cerbera manghas), Prurener ( Amalth., p, 130, 7.) cite avec doute la plante Rhaphani (1), appelée Arrire- chevaux (Plin., lib. 12, cap. 8) , et rapporte les contes faits sur elle. On sait aujourd’hui que les propriétés merveilleuses, attribuées aux diverses plantes d’amour que nous ve- nons de citer, sont nulles, et qu’elles avoient leur source dans la forme de ces plantes, dans la couleur de Leur suc propre, et dans l’étonnement que causoient les phénomènes d’irritabilité végétale offerts par quel- ques-unes d’entre elles. Une autre plante dont parle C. Bauuix, est celle(2) que l’on dit avoir la propriété de pronostiquer la vie ou la mort aux malades. « On mettoit cette plante en la main gauche du « malade que l’on tenoit long-temps serrée. Si le ma- « lade devoit en échapper, il devenoit joyeux et allè- «-gre; mais s’il devoit en mourir, il devenoit chagrin et « fâché. » ( Æist. génér. des Plantes. Lyon, 1653. fol. tom.?, pag. 747» div. xrrrr, ch. 130). (1) Hippomagnesia. C. SckoTT physic. curiosa 1368. Magia par.ir, lib. 1r,c.2,p. 434. (2) Herba mortem, aut vitam in morbis prænuntians. C. B. Pin, p. 512. / Herba Peruana quæ vitam et mortem ægris indicat, Jowsr. Dendrol. P. 472, $ 11... Earumdem, et Teoamatl (tab. cxxx1y }, virium. N. B, La figure de cette plante , copiée de Nieremberg , est le fruit de l'imagination de l'artiste. 4 (50 ) Ras (Hist. Plant. , tom. 2, pag. 1795 ) regarde avec raisor comme une fable ce que l’on dit de cette plante. Mais en se rappelant que les Brasiliens étoient très superstitieux ( GŒuil. Prsox , med. Brasil. , Liv. 3, pag. 40), on trouvera facilement l’origine du préjugé dont nous nous occupons. À défaut de médicamens po- sitifs , ces peuples , ainsi que beaucoup d’autres , ont eu recours à des pratiques superstitieuses , telle que celle de placer dans la main gauche du malade une plante particulière. Le désir de connoître l’avenir, de deviner l'issue de la maladie , aura fait supposer entre elle et la plante un rapport mystérieux, semblable à celui que les astrologues admettoient dans leurs talis- mans , les mesmériens dans leur magnétisme , les char- latans dans leur baume , etc. etc. Ne voit-on pas encore de nos jours une foule de bonnes femmes prétendre suivre le développement de l’orifice de l’utérus dans l’accouchement ( Jowsrow , Dendr., pag. 406), en observant le phénomène hy- grométrique de la rose de Jérico (1), ( tige desséchée de l’Anastatica hierochuntica, Lixx.), qui se res« serre par la dessication et qui s’épanouit dans l’eau hénomène qu’cffrentles mousses, et dontla contre-partie P 1 ; P (1) Rosa Hierichuntina. Joxsr. Dendr. p. 405-rr1, $. 1, tab. cxr , où elle est représentée cinq fois. Arbor in Sofala — äguaros Jonsr. Dendr. p. 470, $. xF 111. Arbor sine foliis. C. B. Pin. index ? PzuxeneT(Almag. p. 306 )rapportoit, avec doute à la vérité, P'Arbor sine foliis C. B. P. à son Prunifera jamaicencis fructu rubro , cujus ante maturitatem folia non promit, qui en est très différent, et qui me paroît être le Macaxocotlifera. ( Joxsr. Dendr. p. 80 ,$ 13.) ou Prune de cerf. Nieremz. H. N. exof. lib. xrr,c. 61, p.318. (51) s’observe aussi dans la vesseloup hygrométrique ( Geas- trum hygrometr. Dec. F1. fr., to. 2, p. 268, n°.720), dont lesdivisions de son enveloppe externe serecoquillent en dehors par un temps sec,et en dedans par un temps humide, À cette occasion, je rappellerai qu’il y a plusieurs végétaux hygrométriques ; les parties des uns se resser- rent par l’humidité ( les écailles des cones de pin , les cils du péristome de l’urne des mousses) , tandis que d’autres s’épanouissent dans la même circonstance ; (la rose de Jérico) : la capsule de l’ÆErofkera tetraptera qui se referme par la sécheresse, et dont la déhiscence est singulièrement favorisée par l'humidité , ( Bulles, Societ. philom. 1818, pag. 153. Journ. phys. 1819; janv., tom. 88, pag. 97) : la capsule de la Ruellia antipoda , Lixw., qui plongée dans l’eau, éclate avec force , et lance vigoureusement les graines qu’elle con- tenoit. (PLURENET, A/mag., p. 167, tab. 186, f. 2), Les étamines des prêles se contractent et se roulent en spirale autour de l’ovaire , quand l’humidité les pé- nètre ; elles s'étendent comme les pattes d’une araignée, si-tôt qu’elles viennent à se dessécher. Dans ce der- nier cas, elles se déroulent par une élasticité de ressort si brusque et si ferme , qu’elles impriment un mouve. ment projectile au pistil auquel elles sont fixées, et s'élancent avec lui à une hauteur considérable , eu égard au poids infiniment léger de cette petite machine hygrométrique ; souvent en moins d’une minute ceg bonds se répètent plusieurs fois, (Dicé. Sc, nat,, tom, Al » P. 98) La troisième plante merveilleuse dont parle Bay, (52) est celle connue sous le nom de Baharas (1). On sup- posoit « que Le soir cette plante brilloit d’un vif éclat, « qu’elle fuyoit celui qui vouloit la saisir, à moins que « préalablement elle n’eût été arrosée d’une manière « particulière, etc. etc. » Ce conte, fait par Joserx ( de Bell. judaï.), a été ré- pété par tous les auteurs du moyen âge, et même jusqu’au xvrr.* siècle. Il est un mélange de la singularité qu’of- frent les feux follets, le bois phosphorescent, les vers luisans , quelques faupins , les fulgores (Nouv. Dict. hist. nat., édit. 2, tom. 26, pag. 6), le Paussus sphaerocerus (Linnæ. trans. 1v), et les vertus suppo- sées de la mandragore. Je n’ai point parlé de la ful- guration des fleurs de la capucine, observée d’abord par MII*. Linné , etensuite par son père (Jowrn. phys. et d’hist. nat, par l'abbé Rozier , tom. 1, pag. 137, 1773. février), parce qu’elle est aujourd’hui, et avec juste raison , révoquée en doute par les Naturalistes. (Nouv. Dict. d’Hist. natur., 2.° édit. , tom. 4, p. 248 ). La Baharas n’est pas la seule plante sur laquelle on a réuni des propriétés appartenant à différens êtres ; il suffit d'ouvrir les anciens livres d’histoire naturelle , pour s'assurer que fréquemment cette cumulation avoit lieu , et qu’elle a donné naissance à des opinions bien étranges. On en a la preuve dans les prétendus arbres, (1) Baharas in Judæa radix colore flammæ assimilis, circa xesperam veluti jubare fulgurans. C. B. Pin, p. 512. Radix Baharas. JowsT. Dendrol. p. 572, $. 4, Carpax de rer. variet. lib. r1, c. 22. De subtilit. lib. prit. N. B. On ignore ce qu’elle étoit, dit un des collaborateurs du nouv. dict. d’hist, nat. édit. 2, tom. 26, p. 4. (53) dont les feuilles se convertissent en canards (1 ), et sur lesquels GuerrarD ( Nouv. Mém., tom. r, pags 244 ) a donné une savante dissertation : il a démontré que l’on avoit confondu ce qui a rapport aux conques anatifères, qui souvent adhèrent aux bois, avec ce qui regardoit une espèce de canard ( anas erithropus , Linn. ) fort commune dans le nord, où ces testacées sont très abondans ; que la diminution des conques anatifères, dévorées par les canards , avoit fait croire à leur changement , et que l’amour du merveilleux avoit engagé à dire que les feuilles des arbres, en tombant dans la mer, subissoient une métamorphose et don- noient naissance à des canards : cette extrayagance avoit déjà été réfutée dès le xrrr.° siècle par Albert le Grand. On en a une seconde preuve dans ces arbres , dont les fruits sont, dit-on, des Auftres (2): il ne s’agit cependant que de la circonstance que présentent les Mangliers (RAëzophora mangle, Linx.), dont les ra- cines et même les branches pendantes et plongées dans l’eau , sont souvent chargées d’huîtres ( Osrrea para- sitica , Guez.S. N.,ed. xr1r, tom. r, pag. 3556, n.° 118), regardées comme très délicates par les na- vigateurs. (:) Arbores anatiferæ. C. B. Pin , p. 513. Arbor in Orcadibus et Hibridis insulisanatifera Joxsr. Dendr. p- 471,5. xxr. Tab. cxxxrr, sux laquelle est une mauvaise figure du Lepas anatifera, Linx. (2) Fructus ostraceis non dissimilis arboribus nascens, C. B. Pin, p. 514. Arbor Ostreifera, Jonsr. Dendr. p. 470,%. xr, (54) Une troisième preuve se tire des arbres, dont on dit que les feuilles marchent (1), Les Phyllies ressemblent à des feuilles ; les Phasmes, à des brins de bois (2). La ressemblance de certains insectes orthoptères, Mantis gongylodes -gigas , avec des petits rameaux secs ou des feuilles d'arbres , a donné naissance à ce conte ; et à sa contre-partie attestée par Pison ( Æist. hat, et médic., pag. 317, lib. r , cap. xxt. Gaayara, Mantis songylodes, Lin.), qui regrette de ne pou: voir offrir au lecteur la plante dans laquelle s’étoit transformé un de ces insectes ( miantis gongylodes) , parce que le dessin a été égaré dans la traversée, Pison aura confondu la ressemblance de certaines feuilles avec l’insecte. On doit également rapporter ici les prétendues mou- ches végétantes de Cayenne (3), mouches végétantes des Caraïbes, observées d’abord par Joseph TorRuBgtraA: ce sont les Clavaria militaris-sobolifera qui ne crois- sent que sur les nymphes de Cigales. ( Act. Paris. 1769. pag. 467, tab. 4. Rozrer ; Obs. phys. 1971, éom. 1, part. 2, p. 238, tab. 2, f. 56, 1772, Juin. £om. vr, part. 2°, p. 199-200 ). (1) Arbor Foliis ambulantibus. C. 8. Pin, p, 512. Arbor Frondiviva. JowsT. Dendr. p: 468, $. 1r. Arbor in Borneo insula. Jonsr. Dendr. p. 471, $. xxx. () N. D. H. N.,éd.2,t. 25, p. 506; t. 26, p. 29. (3) Wazrow Pl. trans. vol. zrrr, p. 27, tab. 33, f. 4. SEELIGMAN aves, fascicul. 1x, tab. 25, Boxer. Contempl. de la nat. Part. x, p. 87: Rosier. De la nature. Tom.“ ,1p. 171. SPALLANZANI. Obs. microsc. p. 249, tab. 6. Miiren, lus. of. syst. sex. tab. ultim. fig. dextra infer. (55) La Sphaeria entomorhiza ( Encycl. méth, dict. bot, tom. vtr, pag. 326, n°. 9) croît sur les larves d’in- sectes ; et cette observation avoit déjà été faite par un savant ( Act. Paris, 1769, p. 470, tab. 6, f. 1-9), qui avoit trouvé sur des larves de scarabées une sphérie pareille ou analogue. Une quatrième preuve est fournie par les dénomina- tions équivoques, qui transportent à des substances des propriétés qui ne leur appartiennent pas : c’est ainsi que Joxsrox parle d’un arbre (1) qui, la nuit, est en- iouré d’un essaim de mouches luisantes. Ces mouches peuvent être des fulgores ou des taupins cucujo ( elater noctilucus ; Linn.); mais je ne sache point que l’on ait observé qu’elles préféroient, pour se rassembler , un arbre à un autre. Aussi PLURENET ( A/mag., p. 228, Lucinium arbor tiliae foliis majoribus americanum, £.201./f. 3. Amyris balsamifera, Lin.) rapporte-t-il dans la synonymie de son Lucinium , avec doute, à la vérité , l'arbre des mouches luisantes de Joxsrox. A cette occasion , il observe que dans les Barbades , Le Lucinium arbor , etc., est désigné, par quelques per- sonnes , sous le nom de Zzght-wood, non à cause de la /umière qu’il répand, mais à cause de la légéreté de son bois. J’observerai que Jacques Bonrius ( Æist. nat. et med. Ind. orient. , pag. 85 , lib. r , cap. xxxrrr), dit qu’au Japon il croit une plante, de la forme d’un palmier, qui, si elle est mouillée par la pluie, meurt sur-le-champ , à moins qu’on ne l’arrache aussi-tôt (1) Aïbor Muscarum splendentium. Joxsr. Dend. p. 471, $. XXF1I. (56) pour la porter dans un lieu sec , afin de la replanter ensuite, etc, Je pense qu'il y a ici équivoque , et que palmae Jigura qui se trouve dans le texte, ne doit point être traduit par figure de palmier, mais imitant la paume de la main. Alors on reconnoît dans la plante dont parle Bontius, un cactier à articulations comprimées, une raquette ou une desautrés plantes grasses, qui eneffet pourrissent par la grande humidité, et ne prospèrent que dans les climats chauds et les terrains secs. Jonsr. (Dendr., pag. 56, col. 1."°) l’avoit déjà dit du cactus opuntia , Linn : pluviae , qu& facilè corrumpitur , ini- HLECA J’ai jugé les développemens qui précèdent , nécessai- res pour venir à l’appui de ce qui me reste à dire sur la racine de Baharas , à laquelle on a attribué la pro- priété des vers luisans (/ampyris noctiluca , etc.) dont la lumière n’est apparente que la nuit; celle des feux follets qui fuient ceux qui les poursuivent , et celles de la-mandragore sur laquelle on a fait tant de contes. La Mandragore (J. Baumin, Æist. Plant., tom. 3, pag- 614-617. Dict. des Sc. médicales , tom. 30, p. 424 et suiv. ) avoit des propriétés merveilleuses ; on l’employoit à beaucoup d’usages superstitieux ; on lui attribuoit la vertu de rendre fécondes les femmes sté- riles , etc. etc. ; aussi cherchoit-on à se procurer un ob- jet aussi précieux , et les charlatans tiroient un grand parti de la crédulité du vulgaire. Ils préparoient la man- dragore, non-seulement avec la racine de la plante qui en porte aujourd’hui le nom (a#ropa mandragora, Lix.), mais encore avec des racines de guimauve (a/thaea offici- nalis , Lin. ), de bardanne ( aretium lappa ; Linn.), (57 ) d’Angélique (angelica archangelica, Linx.(1)),etc.etc. Ils en faisoient de métal, de verre, de pierres, de bois. Ces mandragores représentoient souvent la forme hu- maine toute entière , et quelquefois la partie inférieure seulement. Elles étoient connues en Allemagne sous le nom de racines d’alrune , alraune , figures alru- aiques. Gzenirscn( Nouv. Mém. de l’Acad. dé Berlin ; 1778 , pag. 36 et suiv.) donne sur la Mandragore une dissertation curieuse. Il cite à cette occasion un ancien manuscrit de Dioscoride , acheté en 1562 par Auger Bussece pendant son ambassade à Constantinople, de la part de la cour de Vienne. Ce manuscrit du v.f siè- cle, est en parchemin ; il fait partie de ceux de la bi- bliothèque de Vienne; il offre deux figures ou tableaux relatifs à la Mandragore , et au moyen qu’il falloit em- ployer pour se la procurer : l’un d’eux ( gravé à la ta- ble 3, p. 61 des nouv. Mém. Berlin , 1778) porte au bas : Canem (radicem }) eve/lentem deindè morientem > parce que l’on prétendoit que celui qui arrachoit la racine mourroit sur-le-champ, et que , pour éviter ce malheur , on se servoit d’un chien pour l’arracher. Un ancien médecin, appelé Luru-F.-DarLan, avoit déjà cherché à détruire le conte de la Mandragore ; il regardoit comme une fable la nécessité d'employer un chien pour larracher , et il dit positivement que la clarté du Baratas dépend des Vers luisans qui sont quelquefois posés sur la plante. Leonard Pruxener, célèbre botaniste anglais, à (:) Mawezr Biblioth.plarmaceutico-medica , tom.2,p.208. (58) Varticle Ninzin, seu Ginseng ( A/mag. p. 263, tab. 101, f. 7. Mantiss. P-135. Amalth. p. 152-154.) , pense que la racine de cette plante (Panax quinque folium, Lixx.),à cause des propriétés aphrodisiaques dont on Va dit douée , est la Mandragore. Il rapporte égale- ment à cette même racine ce que l’on dit de la lu- mière de la Baharas. Il s'appuie sur le rapport d’un témoin oculaire, qui lui a assuré positivement que le Ginseng, avant d’avoir des feuilles, jette de la lumière pendant la nuit. Si le personnage cité par PLURENET a vu ce qu’il dit, il n’y a pas de doute qu’il n’ait été trompé par la présence d’un ver luisant sur la racine de Ginseng. Quelques commentateurs (1) ont cru que la Man- dragore étoit le Dudaïm ; mais M. Virey a très bien prouvé que ce puissant analeptique est le Sa/ep (2). (1) Jacobi THomasr1 de Mandragora disputatio.Lipsiæ, 1655, 4.° Hall. 1739 , 4.9 Anxorea Hozzsom de Mandragora. Utrecht, 1694, 4.° Olai Rupsecx filii de Mandragora disputatio. Upsal. 1710, 8.° icon. (2) II n’a pas été si heureux en disant ( nouv. Dict. d'Hist. nat., edit. 2, tom. 22, p. 576). « Nerr De Boeur. On nomme « ainsi les tendons de cet animal, que les bouchers font sécher « pour servir de fortes courroies. On prend ordinairement pour « cela les tendons de la jambe et du calcanéum, qui corres- « pondent au tendon d'Achille dans l’homme. » N.B. Tout le monde sait que le nerf de bœuf n’est que la verge desséchée de cet animal, et que les pédagogues s’en servoient jadis pour corriger les enfans confiés à leurs soins. Cette petite note doit être jointe à celle ( séance pub. acad. Dion, 1818, p.54 ), qu'a provoquée l’article MésenTire ( Nouv. (59) D'autres commentateurs ont cru que la Mandragore etoit la Baharas : ils ont raison s’ils se servent du mot Mandragore pour désigner une racine quelconque , douée de propriétés fantastiques. À cette occasion, je rappellerai qu’il existe dans beaucoup de cabinets de curieux, des racines très dures, Dict. d'Hist. nat. , édit. 2, tom. xx, p. 532 ). On peut y joindre les suivantes : Guacaraxe. Plante indiquée par Monardus , assez semblable au Porium, mais inodore. Cette plante paroît être une GEr- MANDRÉE. (LN ).Nouv. Dict. d’Hist. nat. éd. 2,t.15 , p. 565. Oss. En consultant l’histoire générale des plantes de Lyon, j'ai trouvé ( tom. 2, p. 746, livre xrrtr, chap. 138 ) la figure de la petite plante que Monardès avoit reçue de la nouvelle Espagne; cette figuré représente le fruit du Cornaret angu- leux, Martynia angulosa, Lam. (Enc. mélh., tom. 3, p.112» n.9 2), qui croît à la Vera-Cruz. Le rédacteur de l’art. du nouv. Dict. d’Hist. naturelle, édit. 2, s’est contenté de recourir au Pinax de C. Bauuin, où il a trouvé ( p. 221, n.° rx) Polio affinis Guacatane : il n’a point cherché à s'assurer qu’elle étoit la plante dont parle Monardès, qui n’étant point un botaniste habile ( Voy. Hazzer , Bibliot. botan., tom. 1, p. 333.),a pris dans cette circonstance pour des feuilles les pointes de la capsule recourbées en crochet. ArvarDe. Lygeum Spartum , Linn. Lygeum Spathaceum. Lam. Æncycl. méth. bot. , tom. 1, p. 96. Cette plante qui croît en Espagne, où elle est employée à divers usages , a été décrite deux fois par C. Baumix. Voy. Pin., p- 5 et p. 306. Gramen Sparteum 2. Panicul& brevi folliculo inclusa. C. B. Pinip. 15: au Spartum sterile. C. B. Pin, p. 596. vr. Jonsr. Dendr. p.356, $. 7. Spartum sterile. Sur la première citation tous les botanistes sont d'accord ; et en lisant le petit extrait qui est au-dessous de Ja seconde , il ne restera aucun doute. Sparti genus in Hispa- ia et Africa, juncus proprie aridi soli, quod neque folium , (60) de: | b , 4 à fibres contournées, auxquelles ; avec très peu de travail, on a donné la figure d’un homme, ou, si l’on veut, d’un magot chinois. Ces racines sont connues sous le nom de Mandragores : on les regarde vulgairement comme appartenant à un roseau des Indes ; c’est une erreur. Ces sortes de Mandragores s’obtiennent avec neque florem , neque semen fert, quo ad varia utuntur. Guiland. pap. En réfléchissant sur cette courte note, on s’assurera que Guilandinus aura été trompé par le nom vulgaire de Spartum , que quelques anciens ont donné à l’Æ/varde ; il ne se sera plus rappelé cette dernière plante , et il aura cru que la dénomination de Spartum n’avoit jamais été donnée qu’à des plantes légumi- neuses ; ne voyant point de fleurs papillonacées sur l’Alvarde dont les feuilles sont d’ailleurs très petites, il a fait sa descrip- tion en détaillant seulement des caractères négatifs. SERPENTAIRE grande de Matthiol, ( Hist. géner. des plantes. Lyon , 1653, fol. tom. 2, p. 490, liv. xr, chap. xxrr), vue à Trente et à Venise par Matthiol, qui dit qu’elle a la racine en forme de rave. Dracunculus bistortæ folio. C. B. Pin, p. 194, 1. C. Bauuin avoue n'avoir pas vu cette plante ; il rapporte que Dodonée doute de son existence, et que si cette plante existe, elle est une espèce de Bistorte. Pena dit que malgré ses recherches il n’a point trouvé cette plante , et Guilandinus avance que la figure est de fantaisie. Il paroïît que presque tous les botanistes ont adopté cette dernière opinion, puisque Gili- bert ( Hist. des Plantes d'Europe , ou élémens de botanique pra- tique, Lyon, 1798, tom. 2, pag. 425, n.° 435) dit : fig. fict. dans sa Synonymie linneo-Matthiolienne. On ne peut plus nieraujour- d’hui l'existence de la grande Serpentaire trouvée et décrite par Matthiole , puisque Plukenet en a donné la gravure et la des- cription sous le nom de Arum caulescens Rumicis agrestis foliis sibi invicem implicitis , Virginianum. Pluken, Æ/mag. Bot. p. 50, tab.271 , {. 2. Amalth. p. 37-89. La suppression que J. Ant. Saracenus ( Sarrazin ) a faite d’un (61) des racines de Chine (smilax china , Linx. ); j'entire la preuve de la texture des racines et des échantillons qui faisoient partie des Productions végétales envoyées a l’Académie par S. A.S. Mg’. LE PRINCE DE Conpé. (CRegist. de. l Acad. , séance du 25 avril 1776). Les échantillons portoient l’étiquette suivante : Ra- cines de Chine travaillées, et vulgairement appelées RER Rene chapitre des commentaires de Matthiole sur Dioscoride de dra- contio , a fait croire que la figure de Matthiole étoit de fantaisie. Rariora novae angliae. Jo. Josselin, p. 4{. Il seroit possible que la plante décrite par Pruxewer fût l'Arum Seguinum , Linn., et dans ce cas il faudroit de nouveau décrire la grande serpentaire de Matthiole, parce que je ne pense pas qu’elle soit la même que le Gouet yénéneux ou la Séguine. Au surplus c’est une vérification à faire. Dracunculus S. Serpentaria major, Æeinmann. t. 2, p- 365, tab. 472, lit. a, cultivée dans les jardins où elle fleurit en juin et juillet, Cette Serpentaire est entièrement différente de celle appelée Serpentaria mirabilis montana. Sidereon. Rar, Hist. Plant. $ tom.3, pag. 656, $ 4. Hazzer, Bibliot. botan. tom. 1, PAS. 291, 2.4 (c) ; tom.2 , pag. 203. Weinmann Phythanthoza icono- graphia, tom. iv, p. 323, tab. 916, lit. a. Commerc. litterar. Norimberg. 1738, p. 377-379 , tab. vit, f. 12-14. La merveilleuse Serpentaire de montagne est une figure de fantaisie, faite sur une plante qui croît spontanément dans les montagnes de la Styrie et de la Hongrie; plante que Mun- tingius a cultivée pendant sept ans dans son jardin , où elle a fleuri sans donner de fruit, et qui est la même que la Spacca- locchio. ( C. del DuranTe. Herb. p. 443 ). Le dessinateur a placé une étoile dans le centre de la tige, (à limitation de celle qui se trouve au printemps dans la Chausse- trape, Centaurea Calcitrapa. Lix.) pour représenter la fleur ; et a dessiné un serpent la gueule béante, à la place de Ja ner- Yure principale des feuilles. Les botanistes de la Styrie ou de la Hongrie pourront peut- être retrouver la plante dont a parlé Muxrixerus. (62) Maxpracore ( Voy. Journ. M. S. pour servir au ca- talogue du Cabinet d’Hist. natur. de lP Acad. des sciences, arts e£ belles-lettres de Dijon, pag. 128, n°. 201). Ces sortes de racines ont été désignées par Arpro- VANDE (Monstror. historia... Bononiae , 1642, folio, pag: 135. 669. fig. , pag. 136-670), sous le nom de radix Andromorphos. La 2.° édition du nouv. Dict. d'Hist. nat. ne donnant aucun détail à ce sujet , j’ai cru qu’il étoit nécessaire de publier cette note, en fae veur des curieux dans les cabinets desquels se trouvent ces racines. L’arbuste qui rapporte des agneaux (1) est un conte fondé sur l'adresse de quelques trompeurs qui façon- noient la racine d’une espèce de fougère ( Polypodium borametz , Linn.; Dicksonia culcita , LÉrir. ) ; et lui donnoient la figure d’un animal porte-laine : comme, avec une peau de raie on faisoit des basilics,et avec une peau de serpent ; garnie de sept têtes de belette, on avoit fait la fameuse hydre de Hambourg , etc. ( Séance publ. 18:17, pag. 22-23). BauuxiN parle d’une plante qui a la propriété de rendre chaste (2). L'observation et l'expérience ont appris que certaines substances agissoient d’une manière spécifique sur (1) Frutex Tartaricus C. B. Pin, p. 512. Frutex Scythicus, Borametz. Jowsr. Déndrol., p. 471, $. 1, tab. cxxxrv. Agnus Scythicus , figure de fantaisie. (2) Arbor venereos stimulos domans. C. £. Pin, pag. #12, Joxsr. Dendr. p. 468,5, rt. (63) quelques-uns de nos organes. Tous les médecins sa- vent que le mercure agit sur les glandes salivaires ; la graine du Phellandrium aquaticum , Lixx. , sur le poumon ; le camphre et les cantharides , sur la vessie ; l'opium , sur le cerveau ; l’aloës , sur le rectum ; l’ellé- bore ( kelleborus niger, Lin.) introduit dans l’esto- mac, détermine l’inflammation du rectum. (Onrriza, Traité des Poisons, 2.° édit, tom. 2, p. 27 (1)3 ) la Bel- ladone , sur la pupille ; la noix vomique , sur les mus- cles ; la digitale, sur le cœur, etc. etc. ; l'emploi du seigle ergoté (2) paroît diriger toute son action sur Putérns. (Précis constit. médic. de Tours, 1818, 4.° trimestre , p. 12 ). On connoît les effets des Nénuphars ( Nymphaea alba - lutea ; Linn. ); on en attribue d’analogues au gatilier (3) (vitex agnus castus, Lixx.), qui jadis étoit employé à Athènes. L'usage del’eau-de-vie de datte, à laquelle les habitans ajoutent les fruits de quelques So/anum et du piment, put contribuer à la mrcrorcutipe, dont furent atteints plusieurs soldats de l’armée d'Egypte. ( Dict. scienc, med. tom. 33, pag. 371.) Il ne seroit donc point surprenant de trouver au Pérou un arbre qui possède les mêmes vertus. La superstition (1) Les lavemens de décoction de gratiole produisent la nym- phomanie. Orriza, Traité des poisons, éd.2,t. 2,p.95—96. (2) Secale luxurians. C. B. Pin, p. 23 .1r. Ergot, Tessier , malad. des grains. Sclerotium clavus, Dec. FI. fr.t. 5,p.115, 746. (3) Venereos impetus genituram dissolvendo infringit. Hinc matronis in Cereris sacro, ut castitatem servarent ex foliis lectuma sternere suetum, Jonst. Dendrol. p. 256, col. 2. (64) s’y sera jointe et aura porté les Indiens à n’employer jamais cet arbre, dont le bois est spongieux , pour faire du feu , dans la crainte de devenir impuissans. On rapporte qu’à la Chine il croît une plante (1) qui, dit-on, rezd stériles ceux qui la mangent. C’est sans doute pour faire la contre-partie de ce qui précède, que l’on a supposé un arbre dont le fruit fé- conde (2). Des lotions avec la décoction des feuilles, des fleurs et des fruits du gatilier découpé (vitex negun- do } passent pour rendre apte à la conception (3) (N.D. hist. nat. édit. 2. 1.22, p. 472); extrait de Joxsr., Dendrol., p. 182 , qui ajoute folia masticata...... stimulos Veneris cohibent. 1] suffit d’énoncer ce conte pour en faire sentir le ridicule ; car il ne faut pas con- fondre cet effet avec celui des aphrodisiaques , parmi lesquels l’AÆgnacath(4) ( Laurus persea ; Lin.) jouoit un des premiers rôles, sans compter la divinité payenne, ou ces saints que la superstition avoit rendus si célèbres en Bretagne , et auxquels il ne faut pas ajouter exces- sive confiance , quoiqu’on ne puisse pas révoquer en doute l’effet du phosphore , des cantharides, etc. etc. Les fruits du brin d'amour ( Malpighia urens , Lin.) confits, passent à St.-Domingue pour aphrodisiaques. (1) Herba Hoaco..... comesta steriles reddere putatur. Jonsr. Dendrol, p. 472, $. rr. (2) Arbor fructu imprægnante. Joxsr. Dendrol. p. 468 , $. 4. (3) Succus fruticis ignei Tlepatli conceptionem juvat. Jonsr. Dendrol, p. 124, $. 17. Cet arbre n’est pas connu des bo- tanistes modernes. . (4) Fructus validos adeo efficit ad coïtum , nt propius mira- culo sit ejus efficacia. Scazicer exercit. 133. Jonsr: Dendrol, p.125, col. s. (6) Baunix parle d’un arbre dont les feuilles se replient lorsqu'on les touche (1). Sous ce titre doivent être rangées toutes les plantes que l’on appelle sensitives : elles sont assez nom- breuses et appartiennent à plusieurs familles. Nous n’entreprendrons point d’expliquer ce phénomène dont la cause dépend d’une érritabilité végétale, plus active chez certaines plantes que chez d’autres. On peut d’ailleurs consulter l’excellent Mémoire de M. DesrontTaines ( Act. Paris. 1782) sur ce sujet; om en trouve un extrait dans le Journal de Physique ( om. xxx1, paré. 11, 1787 , décembre , p, 447 eë suiv. ). Voici le nom des plantes où cette propriété est le plus marquée : Mimosa pudica — viva — sen- SÉÉVA = CASÉa — pigra — prostrata — quadrivalyis — longisiliqua , Lin. Oxalis sensitiva ; Linx. , à laquelle il faut rappor- ter les deux plantes indiquées par C. B. Pin, pag, 359 ef 360 , sous les noms de Æerba viva Jfoliis polypodii et Herba mimosa Joliis faenu graeci sil, vestris , ainsi que l’a très bien indiqué PrurEenrr ( Almag. pag. 252 ). Jacob. Zanont ( rarior. stirp. Hist., p.221,tab131, f.2) en parle sous le nom de Todda veddi. Dionaea muscipula > Lis, , appelée vulgairement Attrape-mouche. (3) Arbor malavarensis, foliis tactu se contrahentibus. C, B, Pin, p. 512. Arbor pudica. Jowsr. Dendr. p. 468 ,$. r , tab. cxxxr1. C'est Ja figure de lOxalis sensitiva. Linw. Herba sentiens, Jonsr, Dendr, p. 473, $, xz11. À o (66) Onoclea sensibilis, Lin. , dont le feuillage est si délicat qu’on ne peut le toucher sans qu’ilene se fane AS et périsse. L’aRBRE FonraINE (1) est regardé par Ras ( Air. plant., tom.2 , pag. 1795 ), et par Hazzer ( Bibl. botan. tom. 1 , p. 459) comme fabuleux. Cependant Jean Baumin ( Aist. plant. Ghadas 1650, fol. tom. 1 , p. 463, Lib. 1v, c. 25), sous la rubrique Ærbor aquam stillans , donne la description d'un fragment de cet arbre que le duc de Wirtemberg avoit reçu, le 20 juin 1600, de Pazupanus. Le prince avoit écrit lui-même de sa main l'étiquette suivante : ÎWirabilis arbor ex insul& dicté Ferro, quae arbor à multis centenis annorum consistit, et quotidiè tantim Jundit aquae , ut incolae satis pro potu habuerint. J. Baux, après avoir décrit échantillon, rapporte ce que Benzo a écrit de l’arbre merveilleux, de la ma- nière dont il a été découvert par l’indiscrétion d’une femme , etc. etc. Joseph Heuxexs dit avoir vu beaucoup de ces ar- bres en Guinée, mais aucun qui fournisse autant d’eau que celui de l’ile de Fer. Léonard Prurener ( A/mas. botan. MANLISS. PAT 171 , sous la rubrique zbid. ad lin. 31, c’est-à-dire à Buplevrum fruticosum, Lin.) , dit : An arbor mi- rabilis ex insul& Ferro aquam stillans (J. B. tom. 1, (1) Arbor aquam fundens, C. 8. Pin, p. 512. Jonsr. Dendr. P. 469, $. rr, tab. cxxxrrr, offrant une figure de fantaisie. Si les étrennes-mignonnes , curieuses, utiles et amusantes pour 1819 , Paris , chez Demoraine et Thebaut , étoient une autorité, on pourroit témoigner sa surprise de ce que le conte se retrouve à la page 55, (67) p: 463) ex qué fortè sagapenum offcinarum . . ...,, arbores enim ex quibus ingens aquarum scaturigo in insul& Ferro et Sancti Thomae ferulæ sunt arborescen- tes , asserente Fossio. (Not. in Pompon. Melam. ) IL est surprenant que PLUKENET, citant Jean Bauniw, ait adopté l'opinion surannée de Vossrus, lorsqu'il est démontré, par la description de Jean Bauhin, que l'arbre dont il s’agit est de la famille des palmiers, #t qu’il a été vu par plusieurs voyageurs. On sait que les Nègres, qui habitent les rives du Congo , font usage d’une liqueur très agréable, que l’on nomme Palme-wine. C’est le suc qui découle ex abondance d’une espèce particulière et fort élevée de palmier, lorsqu’on perce le tronc près du sommet. Ce suc possède à un degré très remarquable la propriété si précieuse sous les tropiques , d’étancher promptement la soif. Les Nègres ont remarqué que l'opération ne réussit que la nuit, et qu'après le lever du soleil , il ne s’écoule par la blessure du tronc que de très petites quantités de liquide. ( Narrat. of expedit. by S. K, Tuckex , Annal. de Chimie et de Phys. 1818. avril, tom. VII, p. 421 ). Péron ( Voyag. de découv. aux terres australes ), parle de l’arbre du voyageur, Ravenala Madagasca- riensis , SONNERAT , ainsi appelé, parce qu’il est de la plus grande ressource aux voyageurs , auxquels il fournit une boisson ttès salutaire , lorsqu'on perce le tronc à la naissance des feuilles. Dans nos pays, le bouleau fournit aux bergers qui en percent le tronc , une sève abondante qu’ils boivent avec délices, IL existe sur la propriété du chevalier Baxks, un bosquet composé d’une centaine de bou- ( 68 ) leaux , qui depuis plus de soixante ans fournissent üne sorte de vin; on y pratique alternativement la téré- bration tous les trois ans. ( Annales de l’ Agriculture francaise, 2.° série, tom. r , pag. 231 ). Plusieurs érables donnent aussi un fluide salutaire, lorsque l’on perce leur tronc ; tel que le Couron des Canadiens (Joxsr. Dendr. p.110, $. 5), Acer saccharinum, LiNx. Le Maguey, Agave cubensis, JAcQ., distille une eau douce et transparente, lorsqu’on en a arraché les feuilles intérieures. La Caragate utriculée (1), Tz/landsia utriculafa, LiNN., conserve dans un réservoir inté- rieur, formé par l'élargissement de la base des feuilles, une assez grande quantité d’eau ou des pluies , ou des rosées très abondantes, sous les zones torrides, pour désaltérer les voyageurs. LaBandure de Ceylan, Nepenthes destillatoria, Lixx. contient toujours dans les utricules operculées de ses vrilles , une certaine quantité d’eau. Beaucoup d’autres végétaux offrent des réservoirs plus où moins considérables. Maintenant, pour connoître l’origine de la fable de Parbre Fontaine , il suffit de se rappeler , 1.° le Pal- mier cité par tous les voyageurs, et dont Jean Bauhin a décrit un régime; 2°. que les hautes montagnes ont leurs sommets perpétuellement couverts de vapeurs qui se résolvent continuellement en eau. « Au S. O. de la nouvelle Zélande est la baie obs- (1) Arbor foraminulenta aquoso humore plena, Joxsr. Dendr. P. 469,5. rit. L'auteur a confondu l'arbre avec la plante parasite ( TiUand- sia utriculata ) qui croît sur lui. (69) & cure ( Duski-bay); les montagnes de sa côte sud sont « toujours couvertes de nuages ;..... les vapeurs se « meuvent avec différens degrés de vitesse sur le banc « des collines : elles erveloppent d’un brouillard blanc « à demi-opaque, les arbres sur lesquels elles passent, « et se convertissent ensuite en bruine , en pluie... « (Second voy. de Cook. 4°. tom. 1, p.168). Le pic « d’Egmont est entouré d’un nuage... ; les montagnes « de Taïti sont humectées par les brouillards suspen- «. dus tout le jour sur leurs cimes........ Tous les « yoyageurs parlent des rvages adhérens aux pios « d'Adam, de Teneriffe, etc. etc. » (DucartA, Journ. Phys. 1784. tom. 23, pag. 31-94 ; £om. 24, pag. 392-456 , des nuages parasites ). En comparant les propriétés du Palmier vinifère et les phénomènes des nuages parasites avec ce que l’on a raconté de /’arbre Fontaine , on reconnoiît sur-le- champ l’origine du conte. Les premiers voyageurs auront confondu les deux phénomènes : pour rendre leur récit plus surprenant, ils l’auront brodé, et auront supposé que l’arbre ne crois- soit qu’à l’ile de Fer, qu'il étoit unique, et qu’il duroit depuis plusieurs siècles. Cette dernière supposition étoit fournie par l’arbre de mille ans(1), Ficus indica, Lam. (Encyc. mét. bot. tom. 2 , p. 498-8). (Jonst. Dendr. P- 48, $. 111, p.56. $. 8. ),qui subsiste pendant quelques siècles. Le nuage que l’on disoit envelopper la cime de V’arbre , prouve l’exactitude de l'explication que j'ai donnée. (1) Ciennéen. Jonst. Dendr. p. 470, $. xr1. Millenaria (70) Les Anges sur lesquels on bâtit des cabanes (1) n'ont tien d’extraordinaire , puisque nous voyons quelque chose de semblable sur nos tilleuls d'Europe ; celui du pont de Mayence, celui à une lieue et demie d'Hesdin, etc. etc. (Jowsr. Dendr. p. 211, col, 2). Les arbres dont les voyageurs ont voulu parler, sont des fromagers; c’est l'espèce appelée par Linwé, Bom- bax ceiba, auquel le renflement (2) subéreux qu'offre son tronc vers sa partie moyenne, a valucenom; c'est l’un des plus gros végétaux après le Bcobab ( Dict. Sc. méd. tom. 30, pag. 373), qui est, comme on le sait, le colosse du règne végétal ( Anaxs. fam. plant. ). Il se- roit possible que dans les dimensions attribuées à ces arbres par les copistes, on y ait rapporté celles qui con- viennent au Baobab (3), Adansonia digitata, Lin. (ApDaxs. fam. des plant. pag. cex. ) ; et au figuier d'Inde , jêcus indica, Lam. L'article, dans lequel C. Baux parle des arbres {forte ) Sinarum. S. Herba per mille annos durans. PLUKEN. ÆAmalth. p. 147—2. Joxsron Dendr. p. 472,5. 111.) dit que la décoction de cette plante a la propriété de noircir les cheveux blancs et de prolonger les jours. On sait aujourd’hui à quoi s’en tenir sur les élixirs de longue vie. (1) Arbores quibus ædiculæ superstruuntur. C. B. Pin. p.513. Ceiba seu Cerba arbor. Jowsr. Dendrol. p. 469, $. vrir, tab. exxxrv. Arbores supra quas domicilia Indorum. Tableau fruit de l'imagination, (2) Saamouna Prsox nd. Vid. ënfr. p. 79. H. (3) Licondo. C. B. Pin, p. 515. Jowstox ( Denñdr. p. 47o $. x), sous la rubrique Licondo , parle du Baobab et du Figuier d'Inde, (71) dont on fait des pirogues (1), ne convient qu’au co- cotier, cocos nucifera , Linn., dont le tronc a de 4 à 7 pieds de diamètre , et 50 pieds de hauteur. (Pisow, nd. pag. 130). Les Euterpes , dont la flèche acquiert une hauteur de 200 pieds, sont ces arbres si élevés, qu’une flèche ne peut en atteindre le sommet. Les arbres (2), employés en Virginie pour faire des bateaux, me paroissent être le Jzglans alba, Lixx., dont le tronc s’élève quelquefois jusqu’à 80 pieds; mais sur-tout l’érable à feuilles de frêne (acer negundo, Linx.), arbre qui s’élève à une hauteur considérable sur un tronc fort droit. D’autres arbres (3) ont une écorce épaisse que l’on emploie entière pour faire des canots ; l’écorce de l’un d’eux ( Yuire) est employée à faire des cordes , comme dans notre pays, on en fait avec le Liber du tilleul, Ras ( Æist. Plant. tom. 2, pag. 1802 , $. 9; om. 3, pag. 317, $. 16 ) se contente de citer ces arbres, sans donner sur eux aucun éclaircissement. è Cependant on ne peut méconnoître pour un de ces arbres le bouleau à canot, Betula papyrifera , Mrcu. (1) Arbor in summo cacumine saltem frondes minimas partu- riens ex cujus trunco integro canoas suas exstruunt. C. B. Pin. p. 513. Joxston Dendr. p. 470, $. 1x, tab. cxxx1y, où la figure re- présente un fruit simple, au lieu d’un régime. (2) Rattiak arbor ex quà in Virginea lintres fabricant, C. B. Pin, p. 513. Jonsr. Dendr. p. #70, $. xx. (3) Yga, Yuvera. C. B. Pin. , p. 513. Jonsron Dendrol. p. 470, $$. XII. XIII. Arboris Yeæ cortex ad navigia. J. B.4#.1, 1.4. p. 506. (72) jui est un des plus grands et des plus beaux arbres V- l'Amérique septentrionale , et qui est encore aujour< d’hui employé aux mêmes usages. Cette espèce de bous leau , et plusieurs autres du même pays, fournissent ; P P&YS ; en outre l’écorce propre à faire des cordes. PrOF Le Grersomoro (1) est un arbre dont l'écorce est employée dans quelques endroits de l'Inde, comme monnoies Il est très difficile aujourd’hui de déterminer l’arbre dont l’écorce étoit s2 précieuse ; peut-être appartient-il à la famille des lauriers. Toutes les recherches que j’ai pu faire ont été in- fructueuses , et je n’en suis pas surpris , d’après ce que M, Pazrssor pe Beauvors ( Flore d’Oware et.de Be- ain, pag. 40 ) a rapporté du Kola ou Cola (2), fruit du sterculier acuminé ( sterculia acuminata , Pazrss. 5 ÆEncyc. mét. botan. tom. 7, pag. 433 , sp. 16}, et que l’on regardoit aussi comme servant de monnaie. Ce fait, entièrement détruit par les détails que donne M. Palissot de Beauvois, nous apprend qu’il faut, dans bien des cas , se défier des rapports de voyageurs. Plusieurs ont dit que les Mexicains employoient le (1) Gelsomoro arboris ab incolis dictæ cortex... C: B, Pin., p. 513. JonsT. Dendr. p. 470, $. xrr. (2) C. B. Pin., p. 507, sub. rübricà x. Palma ( forte ) cujus fructus cola dicitur.…. Prukener. Amalth. Botan., p. 165. 2. Gola Nigritarum...…. utuntur eo pro moneta. Towsr. Dendrol. p. 110, 2.° col. 4. Nux de Gambra. ibid. p. 114,5. vtr, r. ou noix de Gambie. (73) -Qacao (1) comme monnoie, et que les feuilles de la Coca (2) servoient au même usage: PLureneT( Alma. p.41, Mantiss. p. 20), sous la rubrique Arbor americana sindophoros laurifolia, etc. l'arbre à dentelle, daphne lageto ou lagetta lintearia (Encyc. méth. botan. tom. 3, pag. 376), demande si ce n’est pas à cet arbre qu’il faut rapporter le Aa- tombe , arbre d'Ethiopie dont l’écorce entière , con- vertie en pagnes ou autres étoffes , sert de monnaie ; que les Portugais de l’ile de Lovando acceptent égale- ment ? Mais il n’y a point d'identité entre ces deux arbres qui croissent d’ailleurs dans des climats diffé- rens. À la Chine, on prépare l’écorce du mûrier à papier (BroussoneTiA Papyrifera, Linn.sub Morus:)Ÿ auroil- ilen Afriqueun Mûrier dont écorce pourroit être préparée demême?Onseroittenté delecroire,ens’attachantau mot Gelsomoro, qui, en italien, indique le Müûrier. C’estaux Naturalistes voyageurs à résoudre cette question. Les Pommes de Sodome et de Gomorrhke(3) ont joui d’une trop grande réputation , pour que nous les pas- sions sous silence. Ces pommes , au dire de ceux qui en parlent (Corov., Ir. Hierosol., lib. 11, cap. 18; Voyage nouveau de la Terre Sainte, lib. xv, p. 3803 Tirrer , Disserr. (1) Fructu ( Theobroma Cacao, Linw. ) olim nummorum loco utebantur Mexicani. Jonsr. Dendr. p. 124, 2.€ col. (2) Cocæ ( Erythroxylum coca, Law.) folia pro pecunia usitata, Jonsr. Dendr. p. 242, col. 2. (3) Poma Sodomæ et Gomorrhæ, Jonsr. Dendr. p. 7,6. xIV—Ye De Malis Syriæ et Gomorrhæ, J. Bawuin, Hist. plant. , fon. 1, p.27, lib. 4, cap. 2. Jossrx Bell, judaic. lib, 4, cap, 27. (74) Sur la cause qui corrompt les blés, p. 65 , nofe (a); De CHartrausriAND , /#inér. de Paris à Jérusalem, tom. 2 , p. 188—190), sont vertes : elles ont un aspect séduisant qui engage à les manger; mais si Pon veut les saisir , elles s’affaissent, se brisent, et ne laissent échapper que de la poussière ou de la cendre (1). Hassezquisr dit que les pommes de Sodome (Har- Ler, Biblioth. botan. , tom. 2, p. 403), sont le fruit de la Melongène ( So/anum Melongena , Linx.): cette assertion est répétée dans le Nouv. Dict. d'Hist. natur. (éd. 2, tom. 27, p. 525), mais je crois sans fonde- ment, puisque les fruits de la Melongène sont charnus et presque toujours ovoïdes. Si véritablement les pommes de Sodome sont un fruit, elles seroient plutôt celui de la Morelle coagulante ( So/anum coagulans, Lam. Encycl. méth. Bot. tom. 4, p.299, n.° 58), quia une forme globuleuse, et qui se trouve en Arabie. En admettant ces explications , il faudra alors sup- poser, ou que ces baies ont eu leur pulpe rongée par des larves d’insectes qui y auroient laissé le résidu de leur digestion; ou admettre que ces baies , à écorce assez ferme , conservées longtemps, offrent leur pulpe réduite en poudre , comme on seroit en droit de le con- clure des observations suivantes. Joxstox ( Dendr., p. 385, $. 111), parle d’un fruit pulvérulent ( Ceratium Monococcum , fructus Phalloï- des, fungosus pulverulentus), que je présume être (1) N’auroit-on pas supposé ces détails pour exprimer phy- siquement l’allégorie de cette phrase du langage oriental : Le pain dérobé par le méchant se réduit en poussière dans sa bouche ? (75) celui de lAJymenca Courbaril, Linn., cueilli avant sa maturité , et gardé ensuite longtemps. Ilen est de même des fruits dont parle Mancorave ( Brasil. Hist. PL, dib. , cap. x1v, p. 77. Jonsr. Dendrol, p. 7, $ xutr). Ils appartiennent à un arbuste du Brésil, que les Bo- tanistes n’ont point encore classé dans leurs systèmes , parce que la description en est fort incomplète. On la trouve sous le titre de Frurex ( cujus nomen autor non prodidit), et l’on en voit la figure à la page 78. Manrc- GRAVE dit des fruits de cet arbuste : Omnia Poma ma- ëura evacuata et inania repertuntur. Crusrus ( Exor. , lib. r, cap. 9), parle d’un arbre de la Guiane, que je crois être le Genipayer ( Arbor peregrina , ex Guinea , il faut lire Guiana , c’est par erreur que Clusius a écrit Guinea), dont le fruit est également rempli de poussière ( Fructus instar mali magni ex flavo spadiceus, nigro polline plenus).Joxsr., Dendrol, p. 7, $. xiv. 2, fructus alter Brasilianus. Ejusd. p. 232, $.1x, 1, arbor Laurifolia Guineensis, lisez Guianensis una. Joxston (Dendr., p. 7,8. xv, 3), dit que les Hracr ressemblent aux pommes de la Mer Morte ; ils sont vides et n’ont que l’écorce et le noyau. De ces divers rapprochemens, on pourroit croire que les pommes de Sodome sont des fruits bacciformes, des- séchés, et dont la pulpe s’est réduite en poussière. Mais ils r’offriroient point cette flexibilité dont parlent les auteurs, C’est dans la famille nombreuse et variée des champi- gnons, que l’on peut espérer de trouver explication désirée. En effet , cette famille offre des espèces ( Ly- CoOrERDON), dontle péridium (la peau) mince recouvre ; (76) dans la maturité , une immense quantité de graines pulvérulentes qui s’échappent par la pression. N'ayant point eu occasion de voir de ces pommes de Sodome , je ne puis dire positivement à quel végétal elles appartiennent ; mais il me paroît bien probable qu’elles ne sont qu’une plante analogue à la Réticulaire Vesse-loup (BuztrarD , Champignons de la France , P- 95 12.° espèce, tab. 446, f. 4 ; tab. 476, f. 1—3); c’est-à-dire , une espèce de Lycogola , ou peut-être une : espèce de Vesse-loup ( Zycoperdon ). Nous engageons les Botanistes de la Capitale à visiter M. Ze Vicomte pe CnareausrrAnD , pour le prier de leur faire voir les pommes de Sodome qu’il possède ; il leur sera facile alors de confirmer ou de détruire nos soupçons ; et ils auront l’avantage d’éclaircir un point d'Histoire naturelle assez curieux. Le Prxpo (1) est une grande herbe que les Sauvages mettent au-devant de leur porte , sur leurs fosses. Voyez Jean De Lery, qui n’a donné sur cette plante aucun autre renseignement, de sorte qu’on ne peut pas indi- quer à quel genre elle appartient. Les naturels ayant été presque tous exterminés , il seroit difficile aujour- d’hui de retrouver tous les usages qu'ont observés les premiers voyageurs, Nous avons parlé de la CorxeE (2) poussant des racines (1) Pindo Herbæ caules aut Pa}marum ramos ad januas ædium Brasiliani adponunt. C. B. Pin, p. 513. Jonsrt. Dendr. p.473, $. XIV. (2) Cornu plantabile. €. B. Pin. p. 514. Jonsr. Dendrol, p- 473, $. xvI. (77,7 ( Séance publ. Acad. des Sc., Arts et Bell. Letr. de Dijon, 1818 , p. 32). Nous rappellerons que l'arbre (1) qui porte des cornes, est connu des Botanistes, sous le nom d’Acacie Porte- corne (WMimosa Cornigera, Linx.), parce qu’en effet, à l’origine de chaque rameau , il a des épines grandes , creuses , arquées , et ressemblant , on ne peut mieux , à des cornes de bœuf. J’ai pensé faire plaisir aux Botanistes, en leur com- muniquant quelques synonymes de plantes ancienne- ment connues , et que l’on croyoit n’avoir point encore été observées. Ce travail facilitera les recherches aux Savans, et pourra servir de supplément à des articles du Dictionnaire d'Histoire naturelle. A. Cropror Americanorum (Czus., Exot., 1.2, c. 21; JoxsrT., Dendr., p. 182, &.1v, 3, tab. zvrrr). C’est sous ce nom que l’Ecluse a parlé de la féve du Tongo ( Coumarouna odorata, Aus. }), (Séance cit. pe 60, n.° 77 ), dont on se sert encore aujourd’hui pour aro- matiser le tabac. B. Mezissæ species agrestis (Prison , Ind., p.242 ). Xochi copalli, id est, copal floridum, et Xarapisca ( Deraer , Ind. Occ. , 1.5, c. 23; Joxsr., Dendr., p- 314, $. 1x ). Sous ces noms, Pison et Delaët dési- gnent la Verveine odorante (Zapania citriodora, Enc. méth. Bot., tom. 8, p. 845 , n.° 19), qui est aujour- d’hui si recherchée en France à cause de son odeur. Prurener ( A/mag., p. 247, tab. 306, f. 3), trompé par l'indication de Pison , a donné à tort le QG) Arbor Cornigera. Jonsr, Dendr. p. 368, $. x1r. tab. xcvr et p. 470, $. XVII. (78) Melissae species agrestis , Pison , comme synonyme de la Melissa Jamaïcana odoratissima. Ce sont deux plantes entièrement différentes. PLureneT ( A/mag., p.140), ne s’attachant qu’à la disposition des feuilles, a rapporté , avec doute à la vérité, à l’Evpatorium foliis enulae (FEupatorium pur- pureum, Linn.; Eupatorium verticillatum, Encycl. méth. Bot., tom. 2 , p.405, n.°12),le Xochicopalli, DerarT, qui n’y ressemble nullement, ainsi qu’il est aisé de s’en assurer , en se rappelant les caractères de l’Eupatoire et ceux de la Verveine odorante. C. CnequiNqQuammins Värginianorum ( JonsrT. , Dendr. , p. 194, col. 2, $111, extrait de DELAET) ; c’est le Juglans nigra, Linx., ou peut-être, le Quercus Phellos, y. Encycl.t.1,p.722,n.° 13.7; car les fruits de l’un et de l’autre sont employés de la même manière. D. Frorreunpro ex arbore quæ solum flores fert , feuctus nunquam (Jonsr. Dendr., p.243, col2,5). Boracuera arbor, cujus foliorum succusex aquà sump- tus , inebriat. (Joxst, Dendr., p. 47o, $. xxiv). Flos indicus arboreus Liliorum specie ( C. B. Pin., p.470, col. 2 , xv ). C’est la Stramoine en arbre ( Datura ar- borea , Lin.) , si répandue aujourd’hui dans nos jar- dins , et qui en effet ne fructifie point en Europe. E. Arbor Americana foliis salicis, incolis Xona- quilpatlis (Sonst., Dendr., p.446 , $. x1r), est la Spiræa salicifolia , Lixn., si commune aujourd’hui dans tous les jardins. F. Cistifolio, arbor exotica (Jowst., Dendr., p. 412.184 tapes CR. Pin, nn xrr) a dés signe le Budleja globosa ( Encycl. , 1, p.513, n.3), arbuste agréable, cultivé dans les jardins de Botanique. (79) G. Jasminum Brasilianum (Joxsr., Dendr., p. 429, $. vi), figuré à la table cxxr; sous Le faux titre (1) de Jasminum luteum vulod dictum bacciferum (Jasmi- num fruticans ; Linn.); Jasmini species (Manrcc., Hist. plant. Brasil. , 1. 1, c. 22, p. 47) , allégué par PLrurener ( A/mag., p. 108), sous le titre de CZe- matis Hederacea , Bucananthes siliquosa , indica ; est le Bignonia radicans, Linx., connu des jardiniers, sous le nom de Jasmin de Virginie. H. Saamouna ( Prson , Znd. , p. 175 , cap. xxix; Med. Brasil., p. 81, c. 35 , Zamouna), est le Bom- bex Ceiba , Linx. Vid. supr. p. 7o. PLukENET, qui ne s’étoit attaché qu’aux feuilles , avoit regardé cet arbre , avec doute à la vérité, comme (1) Joxsrox a plusieurs fois fait des transpositions pareilles ; tab. v , sous le titre : Frutex Brasiliensis innominatus, il donne à tort la figure du Guajeru tab. xxx ( Chrysobalanus icaco ). Tab. xxrr, sous le titre: Mucuitaiba, il donne la figure de V'Aninga-Iba ( Arum Seguinum, Lin. Encyc.3,p.14,n.0 23.) Tab. iv, sous le titre : Canella de malo Linschottani ( Laurus Cassia, Lin.) 1] donne la figure du Betre sive Tembul( Piper Betle , Lixx.) qui se retrouve au bas de la même table à droite. Tab. xev, sous le titre: Acacia foliis scorpioidis lesuminosae Veslingii, il donne la figure du Siliqua duleis ( Ceratonia Si- liqua, Linw. ), qui est encore représenté à la table cr. Tab. xxvi, sous le titre : Jamacaru prima species ( dénomi- nation employée par Pison pour désigner une espèce de Cactier), Joxsron donne la figure du Pitoma, répétée tab. xxx. Ces deux figures sont la copie en raccourci de la plante appe!ée par Pison ( Hist. nat., et medica, lib. 4, c. 38, p. 196 ) Betys vel Betre, qui est un poivre , ou qui appartient à un genre voisin. Joxsr, (Dendr. p. 203,5. x) parle de l’Arbor Jucaje, il faut lire Jucaiae arbor, que je soupçonne être le Myrius caryophillata , Lan. (3) synonyme de son Pavia ( Almag., p. 326), AEsculus Pavia, Linn.: s’il eût fait attention aux graines , aux épines qui recouvrent le tronc, et à sa texture subé- reuse , ilauroit bien vu que le Saamouna n’appartenoit point à l’AEsculus. J. Karanre, sive flos Persidis (ac. Zanonii, rar. Stirp. Historia, p. 135, tab. 100); c’est une mau- vaise figure de l’Æibiscus mutabilis, Linn., appelé quelquefois Rose de la Chine. K. Srler frutice vero di Plinio (Sac. Zanon., stirp., p.157; tab. 117 )3 c’est le Rhamnus Alpinus , ainsi que le prouve la corolle à quatre pétales, dessinée à part sur la planche. L. Phillo overo foglio femina Indiano (Zanon. , stirp., p. 233, tab. 181). Cette planche me paroît of- frir une mauvaise figure de la plante appelée par Linné, Clitoria ternatea. M. PompoquamM (Joxsr., Dendr., p. 6, $. vir, tab. v). c'est le Sapindus Saponaria; sa description est exacte , et la figure mauvaise. N. SwerTz( florilegium , part. 11, tab. 22, n. 4), sous le nom de Papaver Zndiae occidentalis , Swerzii. représente Le fruit du Ne/umbo ( Nymphæa Nelumbo, Linn. Nelumbo indica, Encyc. méth., tom. 4, p. 453, Te 1) Swertz a eu tort d'indiquer cette plante comme ve- nant des Indes occidentales , puisqu'on ne la trouve que dans les Indes orientales. O. Dans le bas de la même planche , à droite , cet auteur a représenté , sans y ajouter de nom , une mau- yaise figure (répétée dans Bucnoz , Décad.S, tab. 1x, Fig- ? ); d’une plante qui par sa fleur ressemble à la ( 81) rose du Japon, Âortensia opuloïdes, mais qui en dif- fère par les feuilles. P. Darrcnamp ( Hist. gén. des plantes, tom. ?, pag-740 , lib. xvrrr, chap. cxxrr), donne, d’après PEnA, la description et la figure d’un fruit , sous le titre de : Gousses d’un arbre qui retire au rosage. C. Baumix , Pin, pag. 464, $. 111, le rapporte sous le titre de : Nerio similis arbor. Il me paroît que cet échantillon appartient au Cé- ropège porte-lustre, Ceropegia candelabrurm. Linx. Q. Le fruit de l’arbre Porre-DraGon (/ist. gén.des Plantes, Lyon, 2.° vol., p.716; C. B. Pin.,p. 505, col. 2, fructus Draconis arboris ex Monardes ; Jonsr., Dendr., p. 288, col. 1 , tab, rxxxr, Aceris cognata Tiliæ folio Bengalensis, fructu amplissimis membranulis circumcincto; PLuren., Mantis, p.53, art, 4, p.120, art. 8, Angsana vel Angsava Javanica, ÆHort. Amste- lodam. , fol. 213, c. 109 ; H. J. N. Craxz, de dua- bus arboritbus Draconis, 1768 , 4.°) , décrit et repré- senté par MovarDès, qui y voyoit, en soulevant la première peau , La peinture d’un Saurien , est celui du Prferocarpus Draco , Linx., c’est-à-dire , une gousse orbiculaire , grande , comprimée, d grosses nervures ; très saillantes dans son milieu. Cette gousse, à une loge, contenant deux ou trois semences assez petites, ovales, oblongues , estenvironnée à son contour d’une large mem- brane, mince, ferme , entière , nerveuse , etc. (1) Gi) Comwerin ( Hort. Amstelodam.I, p. 215 , cap. 109, tab. 109) avoit déjà reconnu l'identité des fruits du Pterocarpus Draco avec celui décrit par Moxarpès, (82) L’empreinte des graines , les nervures de la gousse, ont représenté un dessin quiena imposé à Monardès. R. C’est ainsi que Zanont (Rarior. Stirpium Histor., p- 60, ab. 41, sous le titre de Butua radix mosam- bicensis; Ambutua leono, Butua overo Brutua arbore), représente l’Abutua à feuilles simples, et indique, sur la tranche des racines, un so/eil. Cette figure est formée par les couches concentriques, et les rayons médullaires qui y sont très prononcés ; de la même ma- nière que la tranche des racines de la Preris aquilina représente l’aigle de Pempire d'Allemagne, dont on croit trouver la figure dans deux lignes qui se croisent, dont l’origine et l’usage sont peu connus. Le même dessin se voit aussi en coupant, en bec de flûte, la tige de cette fougère par le bas : ce qui dépend de l’organisation de cette tige , et de la disposition de cer- tains vaisseaux fort gros, dont on ignore encore les vé- ritables fonctions ( Bulliard , pl. 207) (1). S. Bakezt, nom d’un arbre dont parle Zanoni, p. 43, ab. 28 , d’après Mathieu de S. Joseph. Cet arbre croît près de Negapatan , sur la côte de Co- romandel ; à ses fleurs succèdent des fruits qui ressem- blent à des oiseaux. (2) (1) Bignonia crucigera , Lin. a reçu ce nom à raison de la fi- gure d’une croix que présente la coupe transversale de ses tiges. (2) C'est le Vexpesanc,espèce d'arbre qui porte des fleurs de la grosseur du doigt, dont l’odeur est très agréable; lorsque le fruit commence à se former, il a la figure d’un canard. Cet arbre est commun dans le royaume de Lahos. Dunazne, Descript. géogr. hist. de l’empire de la Chine, t. 1, p.106, col. 7. Comm. ditt. Norimb, 1738, p. 157. (83) Il est assez difficile de déterminer exactement l’arbre dont on a voulu parler. Cependant , en examinant avec attention la figure, on reconnoit que la fleur appartient à une Malvacée, dont le fruit ovoïde, alongé et fusiforme , aura été pris pour un oiseau. Cet arbre a du rapport avec le Velaga ( Tab. regn. végét. par Ventenat, tom. 3 , p. 193), ou avec le Quararibea ( Encycl. méth. Bot. , tom. 6, p.23). T.Lamsa(Zanon. p.158, tab.36,f.3). Les fruits, de couleur d’or , ressemblent à une cerise. Les femmes s’en servent pour teindre leurs cheveux ; mais elles se cachent pour cette opération , parce qu’il est défendu , sous des peines sévères , de cueillir ces fruits destinés à la nour- riture des oiseaux. Quelques recherches que j’aie faites, je n’ai point encore trouvé à quel genre appartient le Lamba. L'arbre Maruur (1) est certainement le Sterculier fétide ( Srerculia fæœtida, Linn.), malgré que Pru- KENET, qui l’appelle Matuni( Almag.;, p.266) , pense qu'il en diffère. L'arbre de SumATRA (2) qui a pour racine un grand ver, et qui se convertit en pierre , après la chûte de ses feuilles, est un conte fondé sur la forme!singulière des racines de Chine ( Smilax China, Linn.), et sur les propriétés du Corail (Zsis nobrlis, Lixn.), ou des autres Lithophytes. L'arbre du Curzr (3), dont le père Kircner dit que (1) Matuui arbor in sofala etc. Jonsr. Dendr. p. 470, $. xIx. (2) Arbor in Sumatra etc. Jonsr. Dendr: p. 470,5, xx, (3) Arbor Chilensis cujus in foliis vermes primo nascuntur, etc. JonsT, Dendr. p. 470, 5. XXL, ( 84) les feuilles portent des vers qui, en tombant à terre ; se changent en serpens, est le résultat d'observations confuses faites sur des chenilles qui se nourrissent des feuilles d’arbres situés dans des cantons où les serpens sont communs. Ces larves , à l’époque de leur transfor- mation , disparoissoient , parce qu’elles se cachoient; les serpens restoient, et on les supposoit produits par les chenilles , comme on croyoit que la Jackie (Rana pa- radoxa ; Lin.) se convertissoit en poisson. SEBA , Mus. 1, ,t. 78. Mertan., Surinam , t. 71. L’arbre des Paizrppines (1), dont les feuilles et les racines dirigées vers lorient, sont salutaires , tandis que celles qui regardent le couchant , sont vénéneuses , a été inventé pour rendre plus merveilleux les effets de V'Ipo ( Antiaris Toxicaria, Lescn.); de l’Ahouai Manghas (2) Cerbera Manghas, qui croit aux Indes Orientales, et dont le fruit est un poison ; ou peut-être, pour rappeler le figuier du Perou , (Jonsr., Dendr., P:56,$.1, Ficus Peruana ): arbre portant des feuilles et des fruits, du côté du midi, quand l'été est sur les mon- tagnes ; et lorsque l’été est dans la plaine, qui en porte du côté opposé. Ce conte paroît avoir sa source dans l’al- ternative des saisons que présente la presqu’ile en decà du Gange, dont-la:côte orientale a l’été , dans le moment où la côte occidentale essuie l’hiver. ee mr QG) Arbor Malacensis multis radicibus prædita. C. B. Pin., p- 457. C. Scmor, Magia pars 1v. Syntagma 1,c. 2, p. 366. Arbor Philippinarum insularum etc. JonsrT. Dendr. p. 470’, $. xXxI1. (2) Cerbexa Manghas. ( Akasond siye Arkasond. Zanoni p. 12, tab. 9. (85) Prurener ( Amalth. Bot., p 103, et Mantiss., P: 86) , rapporte à tort cet arbre à son Ga/actoxylon, qui croît en Amérique, et que SLoAxE a désigné sous le nom de Laurifolia arbor venenata. Cat. Jam. Le BaxaAnaA (1) est un arbre dont les fruits sont véné- neux ; il croit dans le golfe d'Ormuz. Sa racine est un contrepoison. Ce conte me paroît fabriqué sur le Cerbera Manghas, Lin. , et peut-être aussi sur les propriétés singulières du Manioc ( Jatropha Manihot, Laxx.), dont la racine crue, ou le suc, est un violent poison, tandis que la racine cuite , ou la fécule privée de son suc , par la compression , et soumise à l’action du feu, est un aliment salubre , que l’on regardoit jadis comme un contrepoison. ( Prison , Znd., p. 115—305 ; Marc- grave , Brasil. , p. 65). Ces deux auteurs parlent d’une autre plante qu'ils ap- pellent Erva Do Raro (2) (Marcc., Brasil., p.60), Tangaraca 1.2 ( Pison, Znd., p. 302 ; PLUKENET, Almag. , p.47, tab. 144 , f. 3), dont la racine est le contrepoison des feuilles, des fleurs et des fruits, qui sont très vénéneux. On peut douter de ces récits , puis- qu’ils ne sont fondés que sur l’opinion des Brasiliens , qui avoient des idées très superstitieuses ; c’est ce qui - (1) Arbor fructu venenato , radice venenorum antidoto. C. B. Pin, p. 512. Baxana, Jonsr. Dendr. p. 476,$. v. Encycl. meth. Bolan., tom. 1, p. 391. Dict. Sc. nat., tom. 4, p. 161. PLuxen, ( Mantiss. p.23 ) dit: Baxana..…. radicibus venena- tis... fructu rirabix dicto antidoto et alexiterio. Ce qui est po- sitivement le contraire. (2) Joxsr. Dendr. p. 296, tab. zxxxrr. Tangaracæ secunda species. p. 467, 1x. ( 86 ) explique les propriétés délétères qu'ils attribuoienit à quelques espèces (1) d’acacies, parmi lesquelles l’obser« vation n’en 4 pas encore démontré une nuisible, Cette histoire merveilleuse n’auroit-elle point sa source dans les propriétés vénéneuses du Mancenillier (2) (Æippomane Mancinella, Linn.), et de l’Ahouai de Thevet ( Cerbera Ahouai, Linx.)? dont les effets ont düétonner les premiers navigateurs ; aussi y a-t-il dans leurs récits beaucoup de confusion. Le Mancenillier a été mentionné pout la première fois par Tagver ( Singul. de la France antarctique ; chap. xt , fol. 118 verso }), qui l'appelle : arbre qui porte un fruit gros comme un Esteu , et beau à voir ( Hist. gén..des Plant. , Lyon ,tom. 2, p. 722, div. XVIII , Chap. cxtt. Jean De Lernv, (Mist. Voy. Bras. , La, c. 12, p: 181); le décrit sous le nom d’arbrisseaux portant fruits ressemblans à nos nefles (Joxsr., Dendr., p.46, $&.1v). C, B. Pin., p. 512, arbor, fructu Pilæ magni- tudine. ©, B. Pin., p. 454, Mespilo similis, fructu venenato. €. B. Pin, p. 405, fructus orbicularis mi- nor, novem venis, ut et semen distinctum. Prux., Alm. , p. 44, Mantiss., p. 23, arbor Americana, Mancinello dict. (1) La racine de l_Aconitum anthora , Lin , étoit regardéé comme l’antidote des autres espèces d'Aconit, et l'expérience apprend que cette racine est uñ poison âcre: Orriza, Traité des poisons. Ed. 2, tom. 2, p. 80. (2) Voy. pour le Mancenillier, Dict, Sc. médic. tom. 40, PP. 411 et suiy. (87) L'arbre Ponte or (1) est le fruit de l'imagination. Les richesses acquises par les voyageurs qui alloient en Amérique , avoient fait penser que l’or étoit extrême- ment commun dans ce pays , et qu’il se trouvoit même dans les arbres. Il seroit aussi possible qu’un arbre crois- sant sur un terrain aurifère , ait été déraciné par un ou- ragan , que quelques paillettes d’or, mêlées avec la terre, soient restées adhérentes aux racines ; et aient contribué à propager le conte dont nous parlons. L’arbuste ANTIPATHIQUE (2), dont parle KrrCHER (Art. Magnet., lib. 111, p. 510), a reçu ce nom, parce que les fragmens de ses jeunes rameaux , coupés d’une certaine manière, se repoussent ; ce qui forme une espèce de jeu dont les enfans s'amusent. Cet arbuste est le Mollé à feuilles dentelées , ou Poi- vrier du Pérou (Schinus Molle, Linx.); quant on déchire ses feuilles , il en sort un suc laiteux qui s'échappe par jets ; si l’on place les morceaux sur l’eau , ils reçoivent à chaque éjaculation une impulsion qui les fait changer de place. (Nouv. Dict. d’Hist. nat., édit. 2.°, rom. &xr, p. 263). ; _ Si l’on secoue sur la superficie d’une eau stagnante, couverte d’ordures , le lait du Tithymale à feuilles rondes ( Evphorbia Peplus, Lin.) , on voit sur-le- champ tous les corps hétérogènes ; qui la couvroient,, se ranger sur les bords du vase ou du bassin , et l’eau devenir pure comme de l’eau de source ( Bur- (1) Arbor in Hispaniola quæ auri venas habet. Joxsr. Dendr. P: 471,6. xXXI11. (2) Frutex antipatheticus. Jowsr, Dendrol , p. 472, $. 1r. (88) tranD, Plant. vénén. de la France, p. 113 ). On obtiendra le même effet avec toutes les espèces de Ti thymale. Il ne faut pas répéter souvent cette expérience sur une eau dans laquelle il y auroit du poisson. Ce phénomène rappelle les attractions et les répulsions des fragmens de Camphre ou d’autres substances pla- cées sur l’eau, sur lesquelles on trouve un Mémoire très curieux dans les Annales de Chimie. Pour faire la contre-partie de l'arbre antipathique , Kircner ( loc. cit.) , parle d’une plante (1) qui, pla- cée entre deux morceaux de bois, les unit si bien, qu’il faut une grande force pour les séparer. Il ne s’agit que de la propriété du suc visqueux de l’Anona asiatica, dont on sesertdansle pays, aux mèmes usages que la colle-forte dans celui-ci; oubien, du Nagas des Indes ( Mesua ferrea, Linn.), dont le fruit, avant la maturité, laisse écouler un suc glutineux et extrème- ment tenace. La gomme résine de l'Evcalypte résinifère , est si solide , que les naturels de la Nouvelle Hollande s’en servent pour fixer leurs haches de pierre aux manches, et qu’elle devient presque aussi dure que la pierre même. Nouv. Dict. Sc. nat., éd. 2, tom. 10, p. 526. lusieurs arbres ont un suc propre, très visqueux ; les Xanthorrhæa ( Annal. du Muséum d’Hist.nat., tom. xvir, p. 84); les Glutiers ou Sapium , etc. etc. Les fruits du Mangoustan du Malabar ( Garcinia Malabarica) contiennent un suc glutineux , si abon- (1) Herba attractiva in insula Zeilan. Jonsr. Dendr., p. 473, 5. xv. (59) dant , qu’il s’'échappe au travers de l'écorce ; il est d’un emploi commun pour faire de la colle , employée par les Pêcheurs pour enduire leurs filets, afin de les con- server plus long-temps. ( Dict. Sc. méd., tom. xxx , p- 436). L’herbe d’'Erntiopre (1), qui éloigne les coquillages vénéneux , est une plante dont je n’ai pu découvrir le nom : l’article dans lequel il en est fait mention, ne donnant de détails, ni sur la plante, ni sur les co- quillages. Cette propriété ne seroit-elle pas modelée sur celles de POphiorrhize, de la racine d’Apinel ( Ariséolochia anguicida) , etc. etc. ? L’herbe Quer (2) est le Thé (Thea Viridis, Linn.). L’herbe Lunesin (3), qui, mangée par les chevaux, leur donne de la force et de la vitesse, n’est peut- être que l’avoine (Avena sativa, Lixn.}), que l’on croit originaire de l’île de Jean Fernandez. Ce n’est pas la graine de Jusquiame , Æyoscyamus niger, Linn.; elle donne du feu aux chevaux, mais elle les fait maigrir. Les maquignons , pour enpgraisser promptement leurs chevaux , mettent, tous les matins, dans leur avoine , plein un dé de graines de Jusquiame. Mais cet embonpoint ne dure pas, et les chevaux ne tardent point à dépérir entièrement. () Herba AEthiopica a qua venenatæ cochleæ abhorrent. Jowsr. Dendr. p. 472, $. 1v. (2) Herba Quei. Jonsr. Dendr. p. #72, $. v. (3) Herba Lungsin, Jonsr. Dendr. p. 472, $. vu. (90 ) L'herbe Asseste (1) est le minéral appelé Amiante, ou /in incombustible, et dont on prépare des tissus , du papier, qu’on nettoie en les jetant au feu. Le Pecr (2) est le fruit de la Macre bicorne ( Trapa bicornis , Linn. fl. ), plante qui est, à la Chine, où V’on en fait usage comme aliment, l’objet d’une culture réglée. Ce fruit n’a pas, comme on l’a dit, la vertu, mis dans la bouché avec du cuivre, d’amollir le métal , et de le rendre susceptible d’être broyé avec les dents. C’est un conte qu’il faut ranger à côté de celui que nous fait Bonrius ( Z2d., p.86), en disant qu’il croit, à Malacca , et dans quelques endroits du continent de l’Inde, une petite plante , dont la graine , qui imite l'orge, est plus noire et plus hérissée ; si l’on frotte les dents avec Le suc de cette plante, elles peuvent broyer des cailloux. Je n’ai pas pu reconnoître la plante dont a voulu parler Bontius. Si cette fable eût été faite dans les Indes Occiden- tales, on auroit pu facilement en expliquer l’origine, par la plante que Prurener ( A/mag. Bor., p.80), a désignée sous le nom de Canna Indica sylvestris , fructu Saxcae duritiei, et Gypsi ad instar, mansu sub dentibus scruposo. En effet, le fruit de ce Bana- nier ayant la dureté du plâtre, peut faire croire à ceux qui en mangent la première fois , qu’ils croquent de la pierre. (1) Herba Asbestos. Jonsr. Dend.. p. 472, $. x. (2) Peci fructus sinensis. Jonsr. Dendr. p. 473, $. XVUT- Peci. Dunazve , Descript. Clin. tom. 1, p. 24. 141. 174, a confondu sous le nom de Petsi quelques espèces de Né- nuphar avec la Macre bicorne, bien indiquée par les détails qu'il donne. (91) Ïl est à croire que les cailloux dont parle Boris, te sont que les graines dures de quelques végétaux, telles que celles de la Larmille, Coix Lacryma Job. Linn,; ou plutôt, que ce n’est qu’une manière inexacte de désigner l'usage que font les Indiens, du mastica- toire composé de Bétel, d’Arec, et de chaux de co+ quilles calcinées. Jonsr. , Dendr , p.151, 6. vrur. L'herbe Yu (1), dont on fait des étoffes plus belles que la soie, est, suivant moi, le Byssus des Pinnes marines ( Pinna , Linn.}). Peut-être, ne sont-ce que les fibres du Bananier, dont on fait les Nrprrs, (Nouv. Dict. d’Hist. nat., édit. 2, tom. 23, p. 4), ou celles du Môrier à papier ( Broussonetia papyrifera, Linn., sub Morus ). Piurener ( Almag., p. 203, Mant., p. 111, ÆAmalth., p. 128, sous la rubrique Xzinsu S. Byssini Aureë, herba Sinensium) , parle de l'herbe Yu. Il cite les différens auteurs qui en ont parlé , et rapporte les diverses substances végétales qu’il croit y avoir rapport. Mais toute sa synonymie n’éclaircit rien. Il dit seule- ment qu'il y a une mousse dorée , que l’on appelle laine d'agneau de Scythie ; mais il ne donne pas d’autre dé- tail. Et l’on sait que la prétendue laine de l’agneau de Scythie , n’est que le duvet qui recouvre la racine avec laquelle on fait cette ressemblance d’animal. (1) Herba Yu. Jonsr. Dendr. p. 472, $. xur. Cette plante n’auroit-elle pas du rapport avec « l’arbrisseau « singulier, et assez semblable au lierre, en ce qu’il grimpe en « haut et s'attache aux arbres; il produit des fleurs dont la « couleur est d’un jaune qui tire sur le blanc; les extrémités de « ses branches sont aussi déliées que des filets de soie. » Du- « HALDE , Descript. de La Chine, tom. 1, p. 186. Conunerc. litt. Norimb. p. 198. (92) L'herbe Pusu (1) est une espèce d’immortelle que l'os conserve toujours verte. Seroit-ce une plante grasse ? Je suis plus porté à croire que c’est une espèce d’im- mortelle appartenant à l’un des genres Graphalium : Xeranthemum, Celosia, Gomphrena. Le TEnG (2) estune espèce de Liane, que l’on ne peut déterminer, d’après la courte indication sous laquelle elle est désignée. Cependant elle est indiquée par quel- ques voyageurs. « Il croit sur les montagnesde la province de Quang- « #079, une quantité prodigieuse d’un osier admirable, & qui n’est pas plus gros que le doigt : il rampe à terre « et pousse des scions fort longs, qui ressemblent à des « cordes entortillées. Le passage en est tellement em- « barrassé , que les cerfs même ne sauroient s’en tirer. « Cet osier est très souple, ne se rompt pas aisément; « onen fait des cables et des cordages de navire; on « les sépare en des filets fort déliés, dont on fait des « corbeilles , des paniers , des claies, des sièges et des « nattes fort commodes, sur lesquelles la plupart des « Chinois couchent en été, parce qu’elles sont fraîches. » Description géographique , historique... de l’empire de la Chine... par le P. J. B. nu Harpe; tom.r, P- 222, col. 2; pag. 250, col. 2. Bucnoz { planches des trois règnes de la nature, Décad. 8, tab. rrr, fig. 3), a donné, à ce qu’il me paroît , la figure de cette /are, extraite d’un ouvrage chinois dessiné sur les lieux. Je crois que l’on peut regarder comme la même plante, (:) Herba Pusu. Jos. Dendr. p. 472, 4. 1x. (2) Teng Vimen sinense. Joxsr. Dendrol , p: 473, $. XVII (93) celle représentée par le même auteur, tab. rxxxtrr , fig. 2, (2.° cahier de supplém. des planches enluminées Pour lherbier de la Chine. ) L’herbe CHirune (1) indique aux matelots , par ses nœuds et leur intervalle , le mois et le nombre de tem- pêtes qu’ils essuieront dans l’année. IL suffit d'annoncer une pareille superstition, pour la faire apprécier à sa juste valeur ; il faut la ranger avec cette opinion des bonnes femmes, qui croient deviner le nombre d’enfans à venir, d’après les nœuds qu’offre le cordon ombilical du dernier né. La plante en question seroit-elle une graminée ? C’est ce qu’on ne peut assurer, d’après le peu qu’en disent les auteurs. J’ai tâché, dans cette dissertation , de réunir toutes les fables établies sur divers phénomènes offerts par les végétaux : en admettant que j’aie omis de citer quel- ques-uns de ces contes, leur explication se trouvera fa= cilement en suivant la marche que jai tracée, c’est-à- dire, en remontant aux sources, Où aux premiers au- teurs qui en ont parlé, et en comparant les détails qu’ils ont donnés , avec ceux transmis par leurs com- mentateurs. SUR L’HUILE DE PALME. Huize De Parme. ( Codex S. Pharmacop. gallica p- clv , ex fructibus Cocos butyraceæ , L. F. elicitur Vid. Codex, p. ciij ). Ce mot désigne tantôt l'huile de Ricin ; mais alors on dit Palmae oleum liquidum , et a (1) Herba Chifung, Joxsr. Dendr. P. 472, $, xr. (94) tantôt l'huile de Palmier ; on dit alors Pa/mac oleum sebaceum. C’est de cette dernière seule que nous nous occuperons. Deux espèces de Palmiers la fournissent. L’une , commune à la Jamaïque , à Cayenne, aux Barbades , a été indiquée par Pison , Med. Brasil. , p- 6e : ind. p.125 , lib. rv, cap. xr , sous le nom Pi#- dova. SLoAnE, (ist. Jam., p.113, tab. 214,) la désigne sous Le nom de Palmafoliorum, pediculis spinosis, fructu pruniformi luteo oleoso. BaRRERE , ÆAEquinoct. 87, Palma dactylifera acu- deata , fructu corallino. Hucnss , Barbad, , p. 111 ; Bracrw, Æerb., tab. 363 , Palma oleosa. Petr. Jonas Bercrus, Mareria medica, è regno vepetabili, tom. 2, p. 881, n.° 558$, Cocos butyra- cea. Lin. /61. Une autre espèce de Palmier, qui croît en Guinée, au Sénégal , et qui n’est point portée dans les ouvrages systématiques des botanistes modernes , fournit aussi de l’huile de palme. Elle est désignée par Tnever, (France antarct.; p.23,) «arbre fructifère et huile de grande pro- « priété. Du fruit, gros comme dattes, on en extrait une « huile qui teint l’eau en couleur jaune comme safran; « l'huile a l'odeur de violette, et la saveur d'olive. » C. B. Pixax, p. 508, xv, Arbor exotica fructu _ dactylis simili. J. Baumin, Âist. plant., tom. 1, p. 254, lib. 3, Cap. 8, Arbor tinctoria. Jonst. Dendr., p. 145. Ras, Plant. 3, lib. xxrr, p.1, tom. 2, p. 194; n.° 55 ,; Palma Guineæ. (95) SLoanE, Jam. , tom. 2, p. 215, Palma altissima mon spinosa , fructu pruniformi minore , racemo sparso. Jonst. Dendr., pag. 145, 111, Arbor tinctoria The- veti. ADanson, Senegal., p. 107. Palmiste, ses fruits sont de la grosseur d’une petite noix, et recouverts d’une chair jaunâtre dont on fait l’huile de Palme. Petr. Jon. Berçtus, Materia medica, tom. 2, p: 882. Harrer, Biblioth. botanica, tom.'1, p. 307, Oleum ex Senegà croceum , violæ odore. Excerpt. ex Carpant oper., tom. 3, p. 602. De subtilitate, lib. r11I , Oleum admirabilis naturæ. D’autres plantes fournissent de l'huile odorante. Lourerro parle d’une espèce de Camelli qui croît à la Cochinchine , dont les semences fournissent une huile d’une odeur agréable. Encycl. suppl. 2, p. 48, col. 2. M. Tourxox , Docteur-Médecin , corres- pondant à Toulouse, a adressé à l’Académie (20 janv. 1819 ) une gravure de la V’alisné- rie , qui représente les pieds mâle et femelle de cette plante, avec tous les détails des or- ganes de la fructification : cette gravure est beaucoup plus exacte que celle donnée par Micheli, (Nov. gen. plant. tab. 10). La sin= gularité de la spirale qui porte les fleurs à pis- til, pour les soutenir constamment à la sur- face de l’eau , quel qu’en soit le niveau, et la (96) manière étonnante dont les fleurs à étamines sessiles, et submergées, se détachent du pied mâle pour venir s'épanouir à la surface de l’eau, et féconder le pistil des fleurs femelles, offrent un des phénomènes les plus surpre- mans dans le règne végétal , et méritoient bien que l’on donnât une représentation exacte de cette plante si singulière, que l’on peut appeler avec raison une des merveilles de la nature. MÉDECINE. Parmi les faits étranges qu'offre journel- lement l’étude des phénomènes de l’écono- mie vivante, M. Vazcor a choisi celui que le hazard l’a mis à même d'observer , et il en a consigné les détails dans les registres de l’Académie ( 30 déc. 1818 ). Plusieurs historiens avoient révoqué en doute la sin- gularité qu'offrit le fils de Louis XIII qui vint au monde avec deux dents : un phéno- mène plus extraordinaire est arrivé dans no- tre ville au mois de décembre dernier. La femme d’un manœuvre est accouchée à terme d’un garçon bien conformé et bien portant, qui avoit ceng dents à la mâchoire inférieure. Ce fait rare n’est point unique , puisque les éphémérides des curieux dela nature (Dec.7, (97) an. 8, observ. 47, p. 795. Dec. 3, an. 3, obs. 7, p.10) en rapportent des exemples, et que des auteurs attestent avoir vu des dents chez le fœtus. ( Harrer , Physiologie, tom. VIII , part. I, pag. 46, $. xxr). Ce fait, de pure curiosité, n’en mérite pas moins l’attention de tous les physiolosistes. Deux empoisonnemens accidentels, qui heureusement n’ont point enlevé les indi- vidus, ont eu lieu au mois de décembre der- nier ; ils ont fourni le sujet d’une notice que M.VazLrorT a communiquée à l’Académie ( 20 fév. 1819) ; il a pensé qu’en signalant ces malheureux événemens , il engageroit les ouvriers à prendre plus de précautions lorsqu'ils emploient des substances vénéneu- ses; et les gens crédules, à avoir moins de confiance dans les conseils imprudens des bonnes femmes, L'un des empoisonnemens eut lieu sur un jeune homme qui, pour fabriquer du plomb de chasse, avoit augmenté la dose d’arsenic nécessaire à la réussite de l’opération, et y avoit ajouté deux gros de mercure. Ce jeune homme se servit d’un instrument de fer, à manche très court, pour rompre la croûte ‘a (98 ) formée à la surface du plomb fondu ; au même moment, une grande quantité de va- peurs d’arsenic et de mercure se dégage , le sujet de l’observation les respire, et leureffet délétère se manifeste sur-le-champ par les symptômes les plus alarmans. Les soins que l’auteur de cette observation a rendus au malade l’ont rappelé à la vie; mais les acci- dens de l’empoisonnement métallique , quoi- que bien diminués , n’étoient point encore totalement dissipés, puisque le malade ne pouvoit point marcher seul. (1) Le second empoisonnement a été observé sur une domestique, qui, pour remédier à des douleurs dont elle étoit tourmentée à chaque époque menstruelle ; prit, d’après le conseil d’une femme , une forte décoction de lauréole (Daphne laureola , Linx.) qui produisit des accidens terribles , auxquels l’auteur de la notice eut le bonheur de re- médier très efficacement. M. Casvrey (de Seurre),docteur-médecin, a envoyé à l'Académie (13 janvier 18:19) un 1) Le suiet de cette observation est aujourd’hui } ] C1. mai 1819) guéri complettement. Il est sorti de l'hôpital pour retourner chez son père à Toulouse. (99 ) manuscrit, intitulé : Considérations physio- logiques et médicales sur le sommeil. L'auteur commence par préciser la diffé- ù : png Hé rence physiologique qui se trouve entre l’état de veille et l’état de sommeil ; il examine ? l’action des organes pendant ces deux pé- riodes qui partagent notre existence; il rap- pelle la division entre les organes, dont les uns servent à la vie organique, et les autres à la vie de relation , et il examine les chan- gemens que le sommeil amène dans chaque ordre de ces fonctions. L'ouvrage est un précis de ce que les physiologistes modernes ont publié sur le sommeil. ZOOLOGIE. M. VarrorT a communiqué à l’Académie (z3 janv. 1819 ) des observations sur diverses productions marines, dont l’une est appelée le Boudin de mer, et l’autre la Crasse de mer : par le rapprochement des observations faites par divers auteurs qui ont parlé de ces substances, M. Varror démontre le rang qu’elles doivent ocenper dans les classifica- tions systématiques” et invite les naturalistes qui habitent les bords de la mer , à renou- veler les observations pour confirmer ou dé- truire les rapprochemens qu’il a faits. ( 100 ) SUR LE BOUDIN DE MER: Les observations, faites par des amateurs , serviroient bien plus aux progrès de la science s’ils avoient l'attention de désigner, par le nom systématique qui leur convient, les corps qu’ils examinent. La négligence de cette précaution nous prive de l’avantage de profiter d’une foule d'observations plus intéressantes les unes que les autres, et met les naturalistes presque dans l’impos- sibilité de les répéter pour s’assurer de leur exac- titude. Parmi les savans qui méritent ce reproche ,je ne m’a- dresserai, pour le moment, qu’à l'abbé Dicquemare. Il a enrichi le journal de physique de mémoires très curieux sur plusieurs animaux marins , dont quelques-uns ont été rapportés, par les naturalistes modernes, aux espèces systématiques auxquelles ils appartiénnent ; mais dont d’autres sont jusqu’à ce jour tellement restés incertains, que l’on seroit presque ténté de nier leur existence : témoin, l’animal décrit par Dicquemare sous le nom de Boudin de mer. On est surpris queles naturalistes, qui sont allés au Havre, n’aient pas examiné , de nouveau, cet animal qui se trouve dans ces parages. Cette production , sous forme de tuyau mol, gros comme le pouce, long d'environ un pied, renferme un animal d’autant plus singulier qu’il contient une espèce d'’éthiops plus épais que celui de la sèche. ( Voy. journ. phys. 1778, octob., tom. x17, part. Ir, p. 266, tab. 2, fig. 1—3.) La structure singulière de cet animal m’a engagé à rechercher si quelques naturalistes n’en auroient pas fait mention. (. 1071 Je trouve dans Rondelet( de insectis et Zooph. liber, p. 110, cap.1r. De Verme (L@HpopuY LOTÉ 20. De pis- cibus stagnt marini liber p.145. Longus lumbricus etc. Sub Tit. De Vermibus stagni marini. Edit. franc. p- 75. 102 , ) deux descriptions qui paroissent convenir exactement à cet animal, par la longueur, la grosseur et la forme quiimite celle d’un Boupix, dont l’intérieur ne contenoit que de l’eau et de la boue. Desrcanpes (Mém. de l’Académie des sciences de Paris, 1728, p. 401, tab. 19), parle d’une espèce de ver singulière, longue de deux pieds et demi à trois pieds, offrant une gaîne coriace toute semblable à un cuir qu’on auroit laissé tremper dans l’eau. Sa queue (1) presque ronde découpée, s'ouvre etse ferme comme un parasol. Par cette queue le ver tenoit si fortement au bordage , qu’à peine pouvoit-on l’arracher avec la main. « LiNNé ( Amænit, Academ. tom. 17, pag. 254, tab. r1r , fig. 5) , me paroît avoir parlé du même ver qu’il appelle Nereis Sacculo induta. Si ce savant natu- raliste a en effet décrit le Boudin de mer, il l'aura désigné postérieurement sous le nom de Sipunculus Saccatus, (S. N., éd. x11, p. 1078, n.° 2.) GuetrarD (Mém., tom. r1r, p. 62), parle de longs tuyaux membraneux , d’un pouce au moins de diamètre, dans les glaises. Ce ver est aussi représenté dans les planches de l’en- (G) Deslandes a été induit en erreur par la forme de la tête de ce ver. Elle ressemble en effet à la queue de la larve de la mouche armée, Stratiomys chamaeleon. ( 102 } cyclopédie méthodique. (Planck. vers mollusques, tab. 87 ; fig: 7 —8-) Le savant et modeste HermAnx , Professeur célèbre d'histoire naturelle à Strasbourg, et dont la science déplorera long-temps la perte, frappé de la structure singulière de ce ver, en avoit fait un genre particulier sous le nom de Tnecosronpytus , à cause d’une appa- rence d’articulation qu'offre la gravure de l'animal, et du fourreau qui le renferme. Dans le nouveau Dictionnaire d'histoire naturelle, (édit. 2, om. zr, p. 261, } il est dit : Bouin DK MER... ver à tuyau qui paroit avoir beaucoup de rapport avec les Néréides. Cet animal a besoin d’être observé de nouveau. N. B. D’après les gravures , je ne pense pas qu’il se rapproche des Néréides. Dans le Dictionnaire des sciences naturelles (om. 7, supl. p. 61, art. Boupin DE Mer, ) on donne l'extrait de la note de l'abbé Dicquemare. On y a joint des ré- flexions très sensées sur l’inconvenance du nom, sur l'insuffisance des détails donnés par l’abbé Dicquemare ; mais on ne fait aucun rapprochement du travail des autres observateurs sur ce ver. J'ai pensé qu’en rapprochant les différens passages où il est question de ce ver tubicole , je stimulerois la cu- riosité des naturalistes actuels, et que ceux du Hâvre seront engagés à vérifier les caractères d'un animal, sur le genre duquel on a’a point encore de données posi- tives; à moins que ce ne soit effectivement le Sipun- culus Saccatus , ce que je serois porté à croire d’après la concordance de la synonymie. à ( 103 ) SUR LA CRASSE DE MER. M. Lamoureux ignore quelle est la nature de la ma- tière écumeuse jaune, appelée crasse de la mer, qu’il soupçonne être la cause des qualités délétères des moules. Voy. sa lettre du 5 janvier 1818 , Orfila. Traité des poisons, tom. 2, p. 518. Les détails suivans serviront à éclaircir ce fait. Guerrarp étoit un naturaliste fort exact, ainsi qu’on peut s’en assurer en consultant les Mémoires de l’Académie des sciences de Paris ,et ceux qu’il a publiés à part. On regrette seulement que les descrip- tions qu’il donne ne soient point assez exactes, et sur-tout qu’il n’ait pas adopté la méthode Linnéenne pour la détermination des espèces dont il parle. Il en résulte que beaucoup d’observations très curieuses sont perdues , etqu’il est même difficile de les répéter, soit par l'impossibilité de se transporter sur les lieux, soit par la difficulté de trouver dans ses ouvrages les des- criptions qu’il a données. En parcourant ses nouveaux Mémoires (fom. 7, P- 163, tom. 1r, p. 333), j'ai trouvé l'observation suivanté qui me paroît curieuse : « Une Zimace de mer, d’un beau jaune, dépose des « masses d'œufs, également d’une belle couleur jaune , « qui forment, par leur ensemble, de longues et larges « espèces de rubans... Ce frai a l’air de rubans d’un « beau jaune et prenus. Le grenu est formé parles œufs « arrangés symétriquement : lorsque ces œufs sont « éclos, les rubans sont parsemés de trous ( £om. x, « p.164. )» Gurrrarp ( Mémoires de l Académie des sciences (104) de Parts, 1786. Paz. 157), parle d’un Lièvre märrr y jaune citron, qui fait sortir du trou qu’il a sur le dos, un panache feuilleté, composé de plusieurs branches. Ses œufs sont très petits ; ils forment par leur assem- blage des espèces de bandelettes d’un beau jaune citron, Ces œufs sont liés par une matière gluante et tenace qui prend une certaine consistance. On les trouve assez souyent répandus sur les bords de la mer du bas Poitou, À Ce frai a été observé par quelques anciens auteurs qui l'ont décrit, comme une production marine , sous le nom d’A/cyonium Taeniatum , autor. Alcyonium ver- miculatum flavescens. Tourn., I. R. H. p. 577. Cuvrer (regn. anim., tom. 2, p. 390), dit que le frai des Doris est en forme de bandes gélatineuses ré- pandues sur les pierres, les varécs. En rapprochant ces divers passages , je pênse que l’on demeurera convaincu que l'animal décritpar Guetrarn, sous le nom de Limace de mer d’un beau jaune, Lièvre marin jaune citron, est une espèce de Doris que je désigne sous le nom de Doris Flava, nor, et que l’4/cyonium taeniatum , AUTOR., en est le frai. Cette espèce n’est point décrite parles auteurs, et M. Cuvier n’en a pas fait mention dans son beau et savant mémoire sur le genre Doris. C. B. Pin(p. 368. 1rr), appelle le frai de l’Ap/ysie dépilante, Alcyonium vermiculare, imper. C'est le V'ermichiaria d’imperati. TourNeronT (2nstitur. rei herbariae, p. 376), sous le nom d’Æ/cyonium vermiculatum Purpureum indique le frai pourpre de ? Aplysie dépilante, très ( 105 ) bien décrit par Guerrarn ( Mém. tom. 3,p. 146.171: Nouv. Mém., tom. 1, p. 163, Alcyonion milésien , tom. 3, p. 333. Mém. de l Académie des sciences de Paris , 1556, p. 157 , ) de la manière suivante : « Les masses de frai ressemblent à dés vers ou des ver- + misseaux qui par leurs entrelassemens contournés de « toutes facons, forment des espèces de boules irrégu- « lières dont on trouve une grande quantité sur les bords « de la mer. « Le frai est une espèce de gelée blanchâtre, où d’un & violet plus ou moinsfoncé. Les masses d'œufs ainsi réu- « nis, sont contournées en divers sens, eton les prendroit & d’abord pour des espèces de vers réunis ensemble. Ces æ masses sont quelquefois plus grosses que le poing; on e les trouve en octobre sur les côtes du bas Poitou. » Je ne puis qu’inviter les naturalistes , qui habitent les côtes de l’Océan,à répéter les observations de GueTrarD, pour les confirmer ou les éclaircir, dans le cas où elles laisseroient quelques doutes. PHYSIQUE. M. Arnaup aîné, Docteur-Médecin , cor- respondant au Puy, a adressé ( 28 z0v. 2818) une notice , dans laquelle il annonce que tous les ouvrages de géographie ont donné une latitude inexacte du Puy. Il rapporte les différentes latitudes citées ; il les compare avec la carte de Cassini, etil en conclut que la vraie latitude du Puy est de 45° 2! 25/!; et que celle indiquée 45° 25’ 2/! est le résultat ( 106 ) d’une erreur typographique qui a été et qui est journellement répétée par les auteurs. M. Deruc, Correspondant à Genève, adresse à l’Académie (28 nov., 30 déc. 1818) de nouveaux détails pour appuyer son opi- nion relative à l'insuffisance de la neige ou des glaces pour abaisser la température de l’air dans leur voisinage , insérée dans le bulletin de Berne, n.° 6. Il s'appuie sur la vigueur de la végétation au pied des glaciers des Alpes, pour en con- clure que le réfroidissement de l’atmosphère ne dépend ni de la glace, ni de la neïge, ni de la grêle; il pense que les retours de froid, qui s’observent en été, tiennent à des chan- gemens subits dans la température de l’at- mosphère, changemens dont les causes ne sont pas plus connues que celles de plusieurs phénomènes météorologiques notés par les observateurs , et dont nous ne rappellerons que les deux suivans : On sait qu’en 1709, le froid qu’on éprouva dans la Hollande; en Angleterre et en Prusse, fut moindre qu’à Montpellier, et que le ma- ximum du froid, en janvier 1709, eut lieu à Montpellier deux jours plutôt qu'à Paris. ‘ ( 107 ) (Annales de Chimie , 1818, nov. tom.1x, Pag- 297). Le second phénomène est le suivant : Sur les côtes des Etats- Unis, la marche de quelques ouragans est du sud au nord, quoique le vent souffle du nord-est. Ce phé- nomène observé d’abord par FRANKLIN, a été revu depuis par WaRGENTIN , dans le nord de l’Europe : lorsque le vent passe à l’ouest , il se fait sentir à Moscou plutôt qu’à Abo, qui est de 15° plus occidental ;etilne parvienten Suède qu'après avoir préalablement soufflé en Finlande. (Journ. phys. 1819, janv. tom... 88, pag. 33). Jusqu'à présent, les physiciens n’ont point encore reconnu la cause de ces phénomènes. Les réglemens de l’Académie prescrivent à chaque membre de lui rendre compte desprin- cipales découvertes qui se font dans la partie dessciencesqu’ilcultive plusparticulièrement. On a rédigé l’extrait suivant dans le double but de remplir ce devoir et d’avoir un texte pour l’une des leçons de physique de la fa- culté des sciences de Dijon. L'Académie a jugé que les objets dont il traite ne se trou- vant encore que dans les journaux scienti- fiques et disséminés dans un assez grand nom- ( 168 ) bre dé mémoires, méritoient une nouvelle publicité. Elle en a ordonné l'impression , pour être jointe au compte rendu de ses tra- vaux. DE LA FLAMME. 1. Si l’on approche un fil de platine très fin à pouce de la flamme d’une lampe à esprit- de-vin, 1l devient blanc par l'effet de la chaleur ; si l’on plonge dans la même flamme un fil d'argent, il entre d’abord en ignition et se fond quelques secondes après. La tem- pérature de la flamme surpasse donc la cha- leur blanche des corps solides. 2. Si on allume, sur de l'huile, un fil de coton de - po. , et qu’on en approche un anneau de — po. de diamètre , formé d’un fil de fer de = po. , il s'éteint aussitôt, et 1900 avant que l’anneau touche la flamme ; mais si celui-ci est préalablement échauffé, on peut faire passer la flamme au travers. On observe un effet analogue en se servant d’un globule métallique de Æ po. produit par la fusion de l'extrémité d’un fil. Si on l’é- chauffe, il n’éteint la flamme qu’à une moin- dre distance : il la laisse subsister même au contact, s’il a acquis la chaleur blanche. Au reste , ces phénomènes ne sont pas bor- | (109) nés à des flammes aussi petites : je me suis assuré qu’on peut faire évanouir celle d’une bougie avec un anneau de + po. de dia- mètre , formé d’un fil de laiton de + po. 3. La flamme est généralement formée du mélange des gaz et vapeurs qui se déga- gent du corps combustible , et se trouvent à une température assez élevée pour être lu- mineux pendant leur combustion au milieu de lair atmosphérique. À chaque instant, le mélange qui brûle communique à celui qui lui succède la chaleur nécessaire pour produire son inflammation. Or, si par un moyen quelconque on dérobe à la flamme une portion notable de sa chaleur, elle ne pourra plus faire cette communication , et le nouveau mélange ne s’enflammera pas. C’est précisément ce que le métal opère dans les expériences du (N° 2), en vertu de sa faculté conductrice. Aussi, en substi- tuant à l'anneau métallique un anneau de verre (substance qui conduit mal la cha- leur) de même dimension , le phénomène n’a plus lieu, et on ne peut le renouveller qu’en diminuant le diamètre de l’anneau ou augmentant l'épaisseur du verre. 4. Le même anneau capable d’éteindre la ((ar09 flamme de l’huile ne pourroit produire le même effet sur celle du gaz hydrogène , et encore moins sur celle du soufre : il fau- droit diminuer son diamètre , ou le former avec un fil plus gros ; ainsi les mélanges gazeux qui composent la flamme possèdent des degrés différens de combustibilité. Ces préliminaires posés, étudions les cir- constances principales qui peuvent influer sur la flamme. Nous suivrons à très peu près la marche de sir H. Davy, à qui la physique doit presque tout ce qui regarde ce sujet. La première cause qui se présente est la raréfaction de l’air qui peut être occasion- née , soit par la diminution de pression, soit par la chaleur. Commençons par le pre- mier mode , il nous mettra en état de pré- voir l'influence du second. 6. Une petite lampe philosophique qui donnoit une flamme de + po. de hauteur fut placée, avec un récipient de 2 à 300 po. de capacité, sur la platine de la machine pneu- matique, et on soutira l’air. D'abord la flam- me s’agsrandit; elle arriva à son maximum quand la pression fut diminuée cinq ou six fois, puis elle s’amoindrit et s’éteignit enfin lorsque la pression fut réduite à +. ( 2120 On fit usage d’un jet de flamme plus con- sidérable ; l'extrémité du tube de verre de- vint blanc, et il fallut réduire la pression à — pour éteindre la flamme. Ce résultat avoit droit de surprendre. On devoit penser d’abord que l'hydrogène dé- gagé ne cessoit de brûler que lorsqu'il ne trouvoit plus assez d’oxigène dans l’air en- vironnant , et dès-lors une flamme plus grande , usant plus rapidement l’oxigène , devoit s’éteindre plus vîte. Le fait est entiè- rement opposé. La cause ne réside-t-elle pas dans la chaleur que le tube de verre com- munique au gaz et sans laquelle la com- bustion ne peut continuer (N.° 3)? Pour le vérifier, on attacha un fil de platine roulé en spirale au-dessus du tube de la première expérience , de manière qu'il se trouvât dans la flamme ; on le vit bientôt passer à la chaleur blanche; le jet de flamme ne s’éteignit plus comme auparavant à une ra- réfaction de +. A cette époque , le fil étoit seulement rouge à sa partie supérieure. Lors- le rouge devint obscur ; mais , aussi longtemps que la pression ne fut plus que de +, qu’il dura, la partie du jet en contact avec lui continua de brûler, et ce phénomène 3 “ (1129 ne cessa que quand la pression fut dimi- nuée des +. Notre conjecture est ainsi plei- nement justifiée. 6. Voici donc ce qui se passe : le calo- rique latent qui devient sensible à chaque instant de la combustion du gaz hydrogène, se porte sur le platine et le fait rougir; ce dernier élève à son tour le nouveau gaz qui arrive à la température nécessaire pour dé- terminer sa combinaison avec l’oxisène (a); la combustion cesse quand les gaz sont trop raréfiés pour dégager le calorique suffisant à l’ignition du fil. Nous devons en conclure que la raréfaction n’augmente ni ne di- minue la combustibilité des substances in- flammables. 7. Il suit de là que celles de ces substances qui exigent le moins de chaleur pour leur combustion, ou celles qui en développent davantage pendant qu’elle a lieu, doivent continuer à brûler dans un air plus raréfié ; l'expérience le confirme merveilleusement : 1.° La flamme de l’oxide de carbone donne très peu de chaleur, mais s'allume à la cha- (a) On sait que l’ignition visible d’un fil métallique est le degré de chaleur qui allume l'hydrogène, C8 leur rouge-obscur ; elle s'éteint, entourée du fil de platine, lorsque l’air est raréfié six fois. 2.9 L’alcohol et la cire exigent beaucoup de chaleur, parce qu’elle se dissipe dans la volatilisation et la décomposition de leur matière combustible. Aussi s’éteignent-ils lorsque l'air est raréfié cinq fois, et avec le platine , par une raréfaction de sept à huit fois. 3.° Le gaz oléfiant ne s’enflamme qu’à la chaleur blanche, mais développe presque la même chaleur que l'hydrogène; il s’éteint avec le platine quand la pression est dimi- nuée dix à onze fois. 4° Le soufre qui brûle à une tempéra- ture peu au-dessus de celle de la fusion, demande un air raréfié quinze fois pour s’éteindre , et avec un fil de platine que la flamme entretient au rouge obscur, la ra- réfaction doit être augmentée vingt fois. 5.° Le phosphore brûle dans un air raré- fié soixante fois, et l'hydrogène phosphoré donne un éclair dans le vide le plus par- fait qu'on puisse produire. 6.° Les combinaisons avec le chlore, si analogue à l’oxigène, sont soumises aux 8 (a14) mêmes lois. Ainsi, son mélange avec l’hy- drogène qui s’enflamme à une température plus basse que celui d’oxigène et d’hydro- gène , et qui développe une chaleur im- mense , fait explosion à un degré de raré- faction plus élevé. 8. Les mêmes principes conduisent encore à cette conséquence qu’en échauffant l'air raréfié, on y fera brûler des substances qui refuseroient de le faire à une température plus basse. Aïnsi le camphre s’éteint dans un tube où l'air est raréfié six fois ; mais si l’on fait rougir le tube , l’inflammation continue jusqu’à une raréfaction de neuf fois. Le naphte s'éteint à la même époque que le camphre ; mais étant mis en contact avec un fer rouge , on aperçoit une légère flamme lorsque l’air n’a plus que -“ægle sa densité. 9. Puisque la combustibilité des gaz ne varie pas en vertu de la raréfaction (N°6), et qu’elle croît avec la température (N° 8), on prévoit qu'elle s’augmente quand on ra- réfie les gaz par la chaleur, bien loin de di- minuer , ainsi qu'on l’a cru jusqu'ici. Parmi les expériences qui le confirment , je choi- sirai la suivante : M. Davy introduisit un (2150) mélange d’oxigène et d'hydrogène dans un tube de cuivre , dont le bouchon n’étoit pas tout-à-fait juste, et le soumit à l’action de la chaleur : il détonna avant que le tube fût devenu rouge, et cependant cette dernière température auroit été nécessaire si le mélan- ge n’eût pas été échauffé. Note (a), pag. 112. Le même physicien , dans le cours d’ex- périences analogues, s’aperçut qu'il se pro- -duisoit une combustion lente par une tem- pérature plus basse que celle où a lieu la combustion ordinaire. Je reviendrai bientôt sur ce fait curieux (4). Voyons maintenant quelle est l'influence des gaz étrangers sur la combustion. (8) Il chercha aussi à évaluer le degré de chaleur qui rend les corps solides lumineux dans lobscurité. Après avoir introduit un métal fusible dans un tube de verre gradué et recourbé , il l’échauffa d’abord sous l’eau bouillante , puis sur des charbons jusqu’à ce que le métal parût lumineux. Le volume de l’air étoit alors 2,25 fois celui qu’il avoit à 100° (centigrades). Or, si l’on re- présente ce dernier par l’unité , il auroit été représenté par< à o°(centigr.) suivant la règle de M. Gay-Lussac: et si £est sa température lorsque le volume est 2,25, la même règle donnera l'équation + (1+0,00375f)—2,25, delir= (2-1) 5x = ES 558°,33, Telest Frra070037rTe le degré cherché qui se rapproche beaucoup de celui que Newton avoit déduit d’un fait bien différent. ( 116 ) 10. L’explosion d’un mélange d’oxigène et d'hydrogène dans les proportions qui constituent l’eau, dont on représente le volume par l'unité, et qu’on cherche à faire détonner avec une bouteille de Leyde, est empêchée lorsqu'on ajoute, soit 11 volumes d'oxide nitreux , soit 9 d’oxigène, soit 8 d'hydrogène, soit 2 d'hydrogène sulfuré ou d'acide hydro-chlorique, soit 1 d'hydrogène carburé, soit + d'acide fluorique silicé, soit enfin + de gaz oléfiant. Généralement ces gaz agissent comme corps réfroidissans ; mais le pouvoir qu'ils exerçent à cet égard dépendant de leur fa- culté conductrice , de leur capacité pour le calorique , de leur densité, de la mobilité de leurs particules, et peut-être d’autres cir- constances physiques , on ne peut jusqu'ici le déduire de lois fixes, et il faut consulter l'expérience pour établir leurs rangs respec- tifs. 11. Ces rangs une fois fixés demeurent les mêmes relativement aux flammes de toutes les substances. 12. On prévoit sans peine que la quan- tité de gaz étrangers doit être d’autant plus grande pour empêcher la flamme d’un corps de subsister, qu'il a besoin de moins de (117) calorique; c’est ce qu’on prouve d'une façon très simple : On laisse brûler une bougie dans une bouteille à long col jusqu’à ce qu’elle s’é- teigne; on y introduit une autre bougie qui s'éteint avant d’être au bas du col; on y substitue une petite lampe philosophique qui y brûle parfaitement , après quoi le sou- fre allumé y flambe pendant quelque temps, et enfin le phosphore y brüle encore avec un éclat presque aussi vif qu’à l'air libre. 13. On prévoit encore que le pouvoir ré- froidissant d’un même gaz augmente et di- minue avec sa densité, mais la loi en est in- connue. 14. La vapeur exerce aussi un pouvoir réfroidissant qui diminue avec son accrois- sement de température de même que celui des gaz. 15. Ce n’est point ici le lieu de poser des règles pour apprécier les quantités de chaleur qui se dégagent pendant la combustion ; jere- marqueraiseulementque, touteschoseségales d’ailleurs, elles sont proportionnelles à la quantité de matière qui brûle dans un temps donné ; que celle-ci est considérablement diminuée par la présence de l’azote, et va- rie très peu lorsqu'on condense ou qu’on ( 118 ) raréfie l'air atmosphérique ; qu’il n’en est pas ainsi lorsqu'on emploie le gaz oxigène pur, surtout dans un état de condensation , et que dans le chalumeau à hydrogène et oxygène , il est probable que les matières solides exposées au jet de flamme atteignent sa température; qu’enfin les degrés de cha- leur des flammes des diverses substances sont vraisemblablement très différens. M. Davy, d'après un essai, évalue celui de la flamme du cyanogène (c) à près de 3000° ( ceutigrade ). Les connoissances que nous venons d’ac- quérir nous mettent en état d'expliquer l’ac- tion des toiles métalliques sur la flamme. 16. Lorsqu'on coupe une flamme par une toile métallique horizontale , elle est forcée de se diviser en autant de parties qu'il y à de mailles dans la toile, et chacune d’elles s'éteint par le pouvoir réfroidissant du mé- tal, comme dans l'expérience du N° 2 ; en- (c) Le cyanogène est le radical de l'acide hydro-cya- nique , autrefois nommé acide prussique. Il résulte de la combinaison de 2 volumes de vapeur de carbone et de 1 volume d'azote , condensés en 1 volume. Lorsqu’on le combine avec un volume d’hydrogène égal au sien, on obtient deux volumes de gaz hydro-cyanique. Ces résultats appartiennent à M. Gay-Lussac. (119) sorte que la partie de la flamme située au- dessous de la toile est la seule qui subsiste. 17. Ce pouvoir réfroidissant est d’autant plus grand que les ouvertures sont plus res- serrées , que le diamètre des fils est plus gros, et que le métal a plus de faculté con- ductrice et de pouvoir rayonnant. 18. On peut d’ailleurs le rendre sensible par des expériences directes : 1.° Placez la main au-dessus d’une bougie allumée , et abaiïssez-là jusqu’à ce que la cha- leur devienne insupportable : interceptez alors la flamme avec un tissu métallique ; à peine ressentirez-vous une douce chaleur. 2.9 Attachez des feuilles de papier sur les deux faces d’une toile métallique ; vous pourrez en brüler une sans que l’autre éprouve la plus légère altération. 19. Il est évident d’avance que la peti- tesse des ouvertures nécessaire pour arrêter la flamme d’une substance doit augmenter en proportion que cette substance brûle à une température plus basse, ou développe plus de chaleur durant sa combustion. Ainsi le gaz hydrogène carburé, la cire, l’huile, le gaz hydrogène, le soufre, le phosphore, exigent des tissus de plus en plus serrés. 20. On devine encore que la même toile ( 120 ) qui à une basse température intercepte une flamme, perd cette faculté lorsqu'elle est échauffée. Ainsi, lorsqu'on coupe la flamme d'une bougie par une toile convenable, on voit d’adord passer une fumée épaisse , qui diminue peu-à-peu d'intensité , et se rallume d'elle-même quand la toile est devenue rouge. Si l’on fait avec une toile plus serrée la même expérience sur la flamme du sou- fre, elle se rallume bien avant que la toile n'ait acquis la chaleur rouge obscur, parce que, comme on l’a déjà remarqué plus haut, le soufre volatilisé qui passe, s’enflamme à un degré inférieur à celui-là. 21. C’est sur cette action des toiles métal- liques et sur le pouvoir réfroidissant des gaz, qu'est fondée la construction des lam- pes de sireté, inventées par M. Davy, pour préserver les mineurs, de l’explosion des gaz hydrogènes carbonés qui se dégagent et se trouvent mêlés, suivant une proportion plus ou moins grande, à l’air atmosphérique, dans les mines. Elles consistent en général dans une lampe ordinaire sur laquelle repose une longue cheminée de verre, renflée dans sa partie moyenne, et surmontée d’un chapiteau de fer blanc garni d’une toile métallique ou (1219 mieux de deux. L’air extérieur arrive par le dessous et traverse deux toiles avant de par- venir à la mêche; un fil de fer recourbé sert à arranger et nétoyer celle-ci, et un orifice extérieur à introduire de l’huile dans le réser- voir, sans qu'il soit besoin d’enlever la che- minée. On peut aussi former cette dernière en toile métallique en lui donnant 2 pouces de diamètre. Ce mode est même préféré par l’auteur à tous ceux qu’il a imaginés; le gaz des mines étant heureusement le moins in- flammable qui existe , il est impossible que l’explosion se transmette au dehors lorsque les toiles ont 800 ouvertures par pouce carré. M.Davya montré de plusque si la proportion de gaz méphitique augmentoit trop, en sorte qu'il ne restât pas assez d’air pour entretenir la combustion , la lampe $éteignoit avant que la respiration püt en être dangereuse- ment affectée. 22. Considérons actuellement l’éclat lumi- neux des flammes. Si l’on coupe celle d’une bougie par une toile métallique , et que l’on observe 1e seg- ment inférieur que nous avons dit subsister seul, on s'assure immédiatement qu'il est composé d’une enveloppe lumineuse très { 122 ) mince, entourant un espace entièrement obscur dont la mêche occupe l’axe. La partie de la toile correspondante au cercle lumineux de la section reste nette et brillante, tandis que celle qui repose sur l’espace obscur se couvre de noir de fumée et de cire volatilisée. Si l’on allume le courant de vapeur qui passe dans les mailles de la toile, il brûle comme si celle-ci n’existoit pas, joue au- dessus d’elle, et en est séparé par un intervalle plus ou moins grand qui permet d’aperce- voir son intérieur en regardant par dessous. On le trouve aussi composé d’une mince enveloppe lumineuse qui augmente d’épais- seur à mesure qu’elle se rapproche de la pointe où elle atteint son maximum. Si l’on plie une toile métallique à retour d’équerre , de sorte qu’elle forme deux sur- faces parallèles, distantes de quelques lignes, et qu'après l'avoir plongée dans la flamme d’une bougie, on allume le courant situé entre les deux surfaces, on produit un vé- ritable tube de flamme dont l’enveloppe seule est lumineuse. Si l’on coupe la flamme d’une lampe d’Ar- ‘sand, on reconnoît que la section est for- ( 123) imée de deux anneaux lumineux séparés par une épaisseur égale à celle de la mèche. Les flammes du bois et des autres com- bustibles présentent des phénomènes ana- logues. Nous apprenons par cette espèce d’aza- tomie que la flamme n’est réellement lumi- neuse qu’à sa surface , et que son intérieur contient très peu d'air, puisqu'il s’y fait tout au plus une combustion lente. 23. On doit distinguer avec soïn la quan- tité de calorique des flammes de leur éclat lumineux ; le plus souvent l’un ne s'accroît qu'aux dépens de l’autre , peut-être parce que les particules ne peuvent devenir lumi- neuses qu’en absorbant beaucoup de calo- rique. C’est ainsi que dars le chalumeau à gaz hydrogène , la flamme est à peine vi- sible à la lumière du jour, tandis qu’elle donne une chaleur prodigieuse et procure aux corps solides la chaleur blanche la plus brillante. C’est encore ainsi que de toutes les parties de la flamme qui sont en contact avec l’air, les moins éclatantes sont les plus chaudes. 24. M. Davy plaça une toile de 900 ou- vertures au pouce carré, presqu’à l’orifice d’un tube, et alluma au-dessus d’elle le jet (194) de gaz hydrogène carboné qui en sortoit : la combustion se fit avec une vive lumière. Il éloigna de plus en plus la toile afin que le gaz pût se mêler avec plus d'air avant son inflammation, et il vit la lumière s’affoi- blir à mesure, au point de dégénérer æn une lueur bleue très foible ; mais en même temps la chaleur. s’étoit accrue , car un fil métallique fut à l'instant chauffé au blanc. Il répéta l’expérience d’une manière in- verse, en allumant d’abord le jet, et ap- prochant sans cesse la toile de l’orifice du tube. La lumière fut toujours bleue et très foible ; il ne se déposa point de charbon solide au commencement, et lorsqu’ensuite il s’en déposa , le pouvoir réfroidissant de la toile empêcha son inflammation. M. Davy en conclut que l'éclat des flam- mes est dù en très grande partie à l’ignition ‘et aussi à la combustion d’une matière s0- lide qui se produit; et que dans le cas où il ne se forme que des gaz et des vapeurs, la lumière est toujours très foible ; l'expérience le vérifie parfaitement. Ainsi le zinc et le phosphore brûlés dans l’oxigène , et le po- tassium dans le chlore , ont un éclat très vif, parce que les produits sont des solides; au contraire, l'hydrogène et le soufre allu- Gi} més dans l’oxigène , et le phosphore dans le chlore , n’offrent qu’une lumière très peu intense , parce qu’il ne se forme que des substances aériformes. Il y a plus, on peut augmenter beaucoup la lumière des flammes foibles , telles que celles du soufre et de lhy- drogène, en y plaçant des substances étran- sères susceptibles d'entrer en ignition ; par exemple, de l'amianthe très divisée, ou un tissu métallique très fin. 25. Une conséquence pratique de tout ce qui vient d’être dit, c’est qu'il ne suffit pas d’un courant rapide d’air, comme dans les lampes d'Argand, pour donner à la combus- tion son maximum d'intensité ; il faut en- core que les appareils puissent conserver au corps enflammé une température très éle- vée ; autrement une partie plus où moins grande se volatilise sans être bràlée, comme il arrive à une chandelle dont la mèche est trop grande, parce que le charbon qui s’y accumule se réfroidit par rayonnement, ne fait que rougir et s'échappe sans se consu- mer; autrement encore , il se produit de ces combustions lentes que j'ai indiquées plus haut, et dont je vais maintenant m’occuper. 26. M. Davy introduisit dans une lampe de sûreté, en toile métallique, une petite ( 126 ) cage faite d’un fil de platine de - po. de diamètre, et la fixa à 2 pouces au dessus de la mêche ; le tout fut placé sous un réci- pient dans lequel il pouvoit faire entrer , au moyen d’un gazomètre, une proportion quel- conque de gaz hydrogène carboné. Dès qu’il y eutune légère quantité de ce gaz, le platine devint incandescent , et son ignition s’accrut jusqu’à ceque la flamme de la mêches’éteignit. A cette époque, la flamme du gaz remplissoit la lampe ; il en augmenta encore la quan- tité ; la flamme disparut, et la cage atteignit la chaleur blanche très brillante. Le gaz aug- mentant de nouveau, la lumière du platine diminua ; et quand elle fut à peine visible, il suffit pour la raviver d’introduire un peu d'air. M. Davy rétablit successivement les proportions convenables d’air et de gaz; le platine redevint blanc brillant, le gaz se ralluma dans la lampe, et enfin la flamme de la mêche reparut elle-même. Cette expérience montre qu'il se produit une combustion lente par une température moins élevée que celle exigée pour une com- bustion rapide; que la chaleur qu’elle dé- gage est suffisante pour causer et entretenir l'ignition d’un fil de platine qui, récipro- quement, communique à chaque instant au | (127 ) gaz qui l’environne la chaleur capable de le faire brûler lentement. 27. Cette découverte si belle en théorie a son utilité dans la pratique : l’ignition du fil cesse quand le gaz hydrogène carburé forme les + de l'air, et alors il peut encore être respiré sans danger. La lampe de sûreté, garnie de sa cage de platine, outre l’avan- tage de préserver le mineur de toute explo- sion , remplit encore le double objet de lui donner une lueur suffisante dans les lieux où le gaz méphitique est trop abondant pour que la flamme de l'huile puisse subsister, et de l’avertir de l'instant où il seroit dange- reux de respirer l’atmosphère dans laquelle il se trouve. 28. La température nécessaire pour pro- duire les combustions lentes est bien au- dessous de la chaleur rouge. Si l’on retire un fil de platine en ignition du mélange in- flammable pour l’y replonger lorsqu’il a cessé de paroître rouge , son incandescence se ra- nime sur le champ. 29. Les mélanges d’air avec d’autres gaz inflammables , tels que le gaz oléfiant, l’o- xide de carbone , le gaz prussique , le gaz hydrogène, donnent les mêmes phénomènes; et dans le dernier cas il y a production d’eau, ( 128 ) Seulement , si ce mélange est susceptible de s’enflammer à la chaleur rouge , la présence du fil le fait détonner. 30. Les vapeurs inflammables d’éther , d’alcohol, d’essence de térébenthine et de naphte, sont susceptibles d’éprouver la même combustion : chauffez un fil de platine roulé en spirale à la flamme d’une bougie, ou mieux sur du fer rouge (afin qu’il ne s’en- duise point de noir de fumée qui lui com- muniqueroit assez de pouvoir rayonnant pour faire évanouir le phénomène) , et plongez-le dans un verre contenant un peu d’étherfroidoud’alcohollésèrementchauffé, il deviendra et restera resplendissant. La vapeur du sulfure de carbone, le plus évaporable des liquides, prend feu brusque- ment à un degré de chaleur bien au-dessous du rouge ; ainsi l’ignition du fil ne peut y exister sans lui procurer une combustion ra- pide. 31. Le platine et le palladium paroïssent être les deux seuls métaux qui aient assez peu de faculté conductrice et de capacité pour le calorique, pour se mettre en igni- tion dans les gaz et les vapeurs mate Cependant le docteur Schübler prétend avoir (129) réussi avec un fil de cuivre rouge de + po. dans la vapeur d’éther rectifié. 32. On a profité de cette découverte pour construire des appareils économiques, dits Lampes sans flamme. Ce sont des lampes à esprit de vin dont la mêche est entourée d’une spirale formée avec un fil de platine très fin, qui s'élève un peu plus qu’elle, et qui se trouve dans la flamme. On attend que ce fil soit rouge, et il demeure dans cet état, après qu’on a soufflé la lampe , tant qu'il reste de l’esprit de vin. On peut même di- minuer encore la combustion au moyen d’un entonnoir renversé, de verre, que l’on pose sur la lampe : la vapeur forme bientôt une trop grande partie du mélange qui cesse d’être combustible au même degré ; le pla- tine devient obscur, mais la combustion lente dure toujours quoique plus foiblement; et lorsqu'on enlève l’entonnoir, la propor- tion convenable d’air se rétablit, et l’igni- tion du métal recommence. Il faut substi- tuer l’éther à l’alcohol pour cette expérience. 33. Il seroit à désirer qu’on examinât avec attention les combustions lentes, et généra. lement les combinaisons lentes, et qu'on mesurât exactement les températures où elles 9 ( 130 ) ont lieu: On sait, il y a longtemps, que le chlore et l'hydrogène, ‘le fer, l’étain, le plomb , plusieurs autres métaux, et l’oxi- gène, sont susceptibles de semblables com- binaisons ; mais on n’a pas donné à ce sujet tout le soin qu’il mérite. Il est probable que leurs produits , surtout lorsqu'on traiteroit des substances composées , telles que corps organisés, différeroient très souvent de ceux des combinaisons rapides, et peut-être en ob- tiendroit-on quelquefois d’entièrement nou- veaux. Dans la lampe sans flamme , il se forme un acide qui s'annonce par une odeur très vive, très pénétrante, et dont un chi- miste anglais a déjà tenté l’examen ; et MM. Colin, mon collègue à la Faculté de Dijon, et Taillefert, inspecteur des poudres, vien- nent de trouver que la poudre à tirer est susceptible des deux espèces de combustions lente et rapide, et que si la première déve- loppe abondamment, suivant la remarque de M. Proust, du deutoxide d’azote, la se- sonde n’en produit pas un atôme. [2 (‘2879 MÉCANIQUE. Rapport sur une Pompe à cric ( 17 avril 1019), présentée par MM. Barrrevz et BETTENMAN. Messieurs, Vous nous avez nommé Commissaires , MM. Jacotot , Mathieu et moi, pour exa- miner une Pompe que vous ont présentée les sieurs Bailleul et Bettenman ( séance du 17 mars 1819 ). Nous avons rempli vos in- tentions. Mais les auteurs nous ayant com- muniqué leur modèle sous le sceau du secret, nous ne pouvons vous en faire connoître le mécanisme. Nous nous bornerons donc à quelques remarques sur les degrés d'utilité et de nouveauté de cet instrument. Il consiste dans une double pompe aspi- rante et foulante mise en mouvement par un moteur employé à faire tourner une mani- velle ou une roue extérieure, et produire un jet continu. Nous ne chercherons pas à éva- luer la quantité d’eau qu’il peut élever à une hauteur déterminée , parce qu’elle dépend des dimensions du petit nombre de pièces qui le composent, et que ces dimensions étant données, ainsi que la grandeur et la condition des pompes, on peut faire ce cal- (42320 cul sur le champ. Mais nous feronsremar- quer que l’idée ‘principale consiste à sub- stituer un mouvement de rotation, toujours dans le même sens, au mouvement de va et vient qui a lieu dans la construction or- dinaire des pompes. Nous ne devons pas vous laisser ignorer que le moyen mis en usage par M. Bailleul étoit déjà connu dans ce qu'il a d’essentiel , et se trouve notam- ment dans les Recueils de Machines pré- sentées à l’ancienne Académie des sciences; mais M. Bailleul qui l’ignoroit , y a ajouté, en l’inventant de nouveau, un perfection- nement assez remarquable : tel est l’incon- vénient pour un ouvrier exercé, d'appliquer les facultés dont la nature l’a doué , à sim- plifier et améliorer les machines usuelles, que lorsqu'il a réussi et qu’il croit n’avoir plus qu'à jouir de ses succès, il se trouve presque toujours que ses devanciers lui en dérobent le fruit. Quoi qu'il en soit, la Pompe de MM. Bailleul et Bettenman , en la sup- posant exécutée avec la précision dont elle est susceptible, et dont le modèle qui a été mis sous nos yeux donne la certitude, nous paroît devoir être préférée , soit pour les in- cendies , soit pour l’arrosement, soit pour les usages domestiques , à celles dont on se (133) ‘sert ordinairement. Elle est facilement trans- portable ; les tiges des pistons sont exemptes de tout balancement, et elle peut être mise en mouvement par un seul homme qui y applique ses forces d’une manière également avantageuse et commode. CHIMIE APPLIQUÉE AUX ARTS. L’Acabémre avoit chargé M. Girauzr de remettre en ordre ses anciens papiers (8 juillet 1818). Notre collègue , en s’acquittant de cette commission , a trouvé un paquet cacheté, présenté (séance du 2 mai 1782) par M. de Morveau, qui avoit désiré qu’il ne fût ou- vert que lorsqu'il le demanderoit. M. de Morveau étant mort sans réclamer le paquet, l’Académie après en avoir déli- béré (25 juillet 1818), a pensé qu’elle de- voit en faire l’ouverture , puisqu'il avoit été déposé pour prendre date de la découverte de quelque fait intéressant la Chimie, que l’auteur cultivoit alors avec le plus grand succès. Elle a trouvé deux feuilles manuscrites qui faisoient partie d’un plus grand ouvrage ; elles étoient paginées 21 — 31, et avoient pour titre : SecTron 4.° Des vrais Procédés économiques de décomposition du selmarin. (134) Malgré les progrès que la Chimie a faits depuis 1782, époque du dépôt, l’Académie a désiré se faire rendre compte du procédé inventé par un des collaborateurs qui ont le plus contribué au perfectionnement de la Chimie moderne. En conséquence , M. Massox ; dans un rapport ( 22 Juillet 1818) sur le Mémoire de M. de Morveau, nous a appris que si l’au- eur ne l’a pas retiré, c’est qu’il lui étoit inutile, parce qu’il a pris dans le temps un brevet (Chaptal. Chimie appliquée aux Arts, tom, 11, pag. 147). Quoique M. de Morveau avoue qu'il a été conduit à sa découverte par des observations de Scheele, il n’en a pas moins le mérite d’avoir avancé que c’é- toit réellement par la chaux que le sel ma- rin étoit décomposé, bien avant que M. Ber- tholet eut constaté sur les lieux, que le na- trum se rassembloit seulement dans les lacs dont le lit et les bords sont de nature cal- çaire. M. Masson termine son rapport en faisant remarquer que les procédés indiqués par M. de Morveau, en 1782, étoient les plus certains et les plus économiques de tous ceux connus alors; qu'ils ont été proposés dans le temps où l’on s’est occupé d’extraire la soude en grand : aujourd’hui ils sont à ( 435) la connoiïissance de tous les savans, et ils n'ont pas été mis en exécution, parce que l’on a trouvé depuis des méthodes plus ex- péditives, dont l’avantage est constaté par les produits que versent journellement dans le commerce beaucoup de manufactures. Le Mémoire de M. de Morveau contient des éclaircissemens précieux : il assure à son auteur la priorité d’une découverte qui lui fait le plus grand honneur , et qui, jointe à ses autres travaux , lui assigne une des premières places parmi les créateurs de la Chimie moderne. Dissertation sur l’origine des Céréales. M. Dsrvuc envoie à l’Académie ( Séance du 30 déc. 1818) une dissertation , intitulée : De l’origine des Céréales. L'auteur rappelle que jusqu’à ce jour on n’a point encore trouvé de pays où croissent spontanément les céréales ; il les regarde comme originaires d’un continent antedilu- vien, probablement à l’orient de l’Afrique, et qui se trouve maintenant au fond de la mer, par suite de la submersion qu’amena le déluge , dont Moïse a tracé l’histoire. Cette catastrophe, dit M. Deruc, détruisit la terre (2364 sèche qu’habitoient les hommes à cette épô- - que, et dont les ancêtres étoient cultivateurs depuis long-temps : les autres parties de la terre non habitée ne furent pointsubmergées. L'auteur se sert de la correspondance des couches entre les continens et les îles, dé lescarpement de leurs bords, pour conclure que les terres intermédiaires , qui formoient probablement, suivant lui, des régions vé- sétales, différentes de celles qui existent au- jourd’hui, s’en sont détachées et se sont af- faissées sous les eaux de la mer. Ce fut dans ces régions submergées depuis 40 siècles, dit M. Dervuc, que les premiers hommes trou- vèrent spontanées les plantes que nous ne connoïissons plus aujourd'hui qu’à l’état de culture. Le plateau de l'Arménie étoit déjà, lons-temps avant le déluge, au-dessus du niveau de la mer : il étoit peuplé de plantes et d'animaux ; mais il n’ÿ avoit point d’hom- més , point de céréales, point de bétail : les huit individus de la race humaine, préservés du déluge, avoient conservé avec eux les animaux domestiques , et les graines des plantes nécessaires à leur nourriture ; ils les propagèrent sur la nouvelle terre où ils fu- rent portés, ainsi que font les navigateurs (137) qui vont au-delà des mers fonder de nou- velles colonies. M. Deruc s’étaie du témoignage de M. de Huwsorbor, qui a trouvé chez l’un des peu- ples du Mexique, Trsrr, correspondant à Noé : il cite les Mythologies anciennes de l’Indostan , qui parlent aussi de Noé, con- servateur de la race humaine et des plantes céréales. M. Deruc fait remarquer que l’on arrive à l'absurde par les interprétations de la Ge- nèse et les extensions données à certaines expressions ; telle, par exemple, que la supposition d’un déluge par lequel tout le globe auroit été couvert en même temps par les eaux de l'Océan : comment les animaux d'Amérique , ceux des zônes glaciales au- roient-ils pu se trouver dans l’arche? Aussi M. Decvuc soutient que le continent antédi- luvien fut seul submergé, que l'arche aborda sur les côtes d’autres continens ; et que c’est là que Noé débarqua les animaux à sa por- tée , qu’il avoit embarqués , et les plan- tes cultivées dans le continent qu’il habitoit avant le déluge. M. Dszvuc termine sa dissertation en rap- pelant que la Genèse est la source la plus pure (138) de nos connoissances sur l’origine de l’uni- vers , sur celle de notre globe en particulier, sur celle des êtres organisés qui le recou- vrent, sur celle de l’homme et de son ins- truction ; et il fait voir, par plusieurs cita- tions , que tous les auteurs qui ont voulu s’écarter du récit de la Genèse sont tombés dans de graves erreurs , et ont émis des opinions entièrement contraires au bon sens. M. Deruc a encore adressé à l’Académie (Séance du 3 fév. 1819), une dissertation, ayant pour titre : Le Soleil peut-il être peu- plé d’êtres vivans ? Il se décide pour l’affir- mative ; il rappelle la structure du soleil d’après les observations d’HErSCHEL ; il raisonne sur les trois atmosphères que cet astronome y admet ; il ajoute quelques con- sidérations tirées de l’importance de cet as- tre qui n’a pas, dit-il, pour lui-même une lumière stérile et inactive ; et il conclut que le soleil peut être habité par des créatures probablement plus parfaites que celles du globe terraqué : M. Dervc rappelle que Bonnet avoit déjà émis cette opinion, qu’il regarde comme plus conforme à la majesté et à la grandeur de Dieu. (139) ANTIQUITÉS: Des fouilles faites au mois de septembre dernier,au pied du Mont-Afrique, ont donné lieu à des découvertes intéressantes , que M. Girauzr a communiquées à l’Académie. ( Séance du 16 décembre 1818 ). Rapport sur les tombeaux du Mont- Afrique. Par M. Grravir. Sepulchra fiunt sanctiora vetustate. Cic. Philip. IX , in fine. Au sud-ouest de Dijon , à deux petites lieues de distance de cette ville, non loin et au-dessus de la Cude, ci-devant premier relais de poste de la route d'Auxerre, estune montagne élevée d'environ 1750 pieds (1) au- dessus du niveau de la mer, appelée le Mont- Afrique (2), sur les confins de l’ancien terri- (1) 1698 pieds, suivant les expériences faites par M. Bollet ; 1758 pieds , suivant le père Chrysologue (Journ. des Mines) ; 141 pieds, suivant le même géo- graphe, au-dessus du niveau de l’Ouche près de l’hô- pital de Dijon; 400 toises , suivant le Dict. géogr. de Robert. (2) Si l’on cherche l’étymologie de cette dénomina- tion dans la langue celtique , nous trouverons (Bullet, Dict, celtiq. ) les mots AFRI, APRI; AVRI ; JOnCtiOn » Nc toire des Eduens et de celui des Lingons(1). Lors de la conquête des Gaules, 58 ans union, ce qui convient assez à une montagne qui unis- soit le territoire des Éduens à celui des Lingons : nous remarquerons CCUX ABAR; ABER 3; AFER3 QU COUVIE y gui environne , et cette montagne couvre les routes de Paris et de Lyon qui sont les approches de Dijon; elle environne , ou est dans les environs des territoires des Éduens et des Lingons. Si l’on veut chercher la dérivation de ce nom dans la langue latine , ce qui lui donneroit une origine beau- coup moins ancienne , on trouvera le mot AFER, ma- trice de ceux, affreux, effroi, effrayer , et de la lo- cution familière, 27 fait affre, ce qui seroit en rapport avec les escarpemens (peut-être affreux) que présente presque de tous côtés cette montagne , et pourroit ve- nir de ce qu’elle annonce des orages souvent affreux, lors- qu’on l’aperçoit chargée de brouillards et de nuages. D'autres enfin tirent le nom de cette montagne du nom des peuples affrenx , les Nègres , les Africains , qui pour la première fois apparurent aux Gaulois nos pères, et qui se trouvoient dans les légions romaines. On sait que César fut le premier qui leva des légions à ses dépens , formées des peuples des pays où il se trou- voit, qu’il habilla et arma à la manière des Romains, et auxquelles il donna par la suite le droit de bour- geoisie romaine (Acad. inscr. mém. 58-146); mais l'expédition de César en Afrique étant postérieure à la conquête des Gaules, cette opinion est de toutes la moins probable. (1) Ilest reconnu depuis long-temps que la division (ik) avant J.-C., Jules-César, pour maintenir en son obéissance les peuples qu’il venoit de soumettre, distribua ses légions en quartiers d'hiver chez les Trévirois, les Sénonois , et sur les frontières des Eduenset des Lingons : per fines AEduorum in Lingones contendit ubi duae legiones hiemabant; ut si quid etiam de su& salute ab AEduis iniretur con- silit, caeleritate praecurreret. (Cæs., lb. VI1). Chaque lésion étoit composée de 5000 fantassins et de 500 cavaliers commandés par un préteur, cinq tribuns et cinquante centurions ( Acad. inscr. mém. 264), environ 6000 hommes. C’étoit donc 12000 hommes, ou une armée consulaire ( Ti£. Liv. x. 24), que César plaça sur les frontières communes des diocèses , tels qu’ils étoient avant la révolution , a conservé celle des anciens peuples des Gaules : l’on sait que l’ancien évêché de Châlon n’est qu’un démembre- ment du diocèse d’Autun; conséquemment tous les lieux qui dépendoient des diocèses d’Autun et de Châlon : firent partie du territoire des Éduens; l’on sait de même que l’évêché de Dijon fut démembré de celui de Lan- gres ; conséquemment tout ce qui faisoit partie de ces deux diocèses étoit dans la dépendance des Lingons, < (1429 aux Eduens et aux Lingons, sous le com- mandement de l’un des Fabiens: Caium Fa- bium cùm totidem in AEduos deducit : sic enim existinmabat tutissimam fore Galliam , si Belgae, quorum maxima virtus, et AEdui, guorum summa auctoritas esset, exerciti- bus continerentur.(Hirt. Pansa, de bell. Gall., lib. viis 2n fine). Puisque ces légions étoient destinées à con- tenir les principaux peuples des Gaules, à réprimer de suite leurs moindres mouvemens, un de leurs premiers soins dut être de ne pas se laisser surprendre : aussi voyons-nous ces troupes se porter sur le lieu le plus élevé des confins de ces deux peuples, d’où ils pouvoient au loin découvrir le pays jus- qu'aux montagnes du Jura , dominer sur les Cela posé ; nous voyons Corcelles et Flavignerof au pied et au levant du Mont-Afrique , dépendre , avant la révolution, de l’archidiaconé du Loscheret, diocèse de Chälon ; et d’autre part, Notre-Dame-de-l’Étang et Velars-sur-Ouche de l'autre côté de la montagne, être du doyenné de Dijon, diocèse de Langres. ( Garr. 86-101) : conséquemment le Mont-Afrique versoit, au sud-est, ses eaux sur les Éduens, au nord-ouest sur les Lingons; il étoit donc point de contact ou de séparation entre ces deux peuples. (143) routes d'Autun , de Langres , de Lyon, de Sens et de Paris. Sur cette montagne ils trouvoient une esplanade de 210 toises de longueur sur une largeur proportionnée ; sur le revers , les bois qui leur étoient né- cessaires; à mi-côte, des fontaines; au pied, la rivière de l’Ouche ; en avant, une vaste plaine pour leurs exercices d’évolutions. Aussi les Romains établirent-ils leur camp dans la partie sud de la montagne dont nous nous occupons : cette partie est séparée de celle qu’on appelle proprement le Mont- Afrique , par une espèce d’enfoncement dans lequel est le chemin de Corcelles à Flavi- gnerot; l’autre conserve le nom de Camp De César (1). (1) Ce camp dut être comme tous ceux des Romains, qui avoient un mode uniforme pour leurs diverses es- pèces de camp, un quarré long entouré de palissades soutenues par de gros pieux liés ensemble ( Dissert. de Leg. Gerl., p. 6), percé de quatre portes à l’aspect des quatre points cardinaux , celle prétorienne au le- vant ou en face de l’ennemi ( Z%#. Liv. xz-27. ), celle décumane ou questorienne à l’opposé ( Tz#. Liv. X-35), distribué par rues alignées de l’une des portes à l’autre, avec un espace au centre où se plaçoient les magasins, les ateliers , les enseignes , les faisceaux d’armes , et la tente du général (Lert. sur Dijon, par Baudot, 94). (144) Cette partie qui, avec la première, forme en dedans un angle très obtus, dont l’ou- verture est à l’aspect du levant, est par sa nature tellement escarpée de trois côtés qu’elle est presque inaccessible. Au qua- trième côté l’on a formé à main d'hommes un fossé très large et très profond, sur- monté, du côté du camp, d’un retran- chement en pierre mureuse qui n'a pas — Un chemin conduisoit de ce camp au confluent de l'Ouche et de Suzon , en descendant la plaine de Cor- celles ; ce chemin avoit 20 pieds de largeur ; il étoit formé de plusieurs lits de pierres posées sur champ, dévioit un peu au sud à 700 toises de l'hôpital , à l’en- droit où commence la montée que termine la sommité du Mont-Afrique. ( Grivaud, 1-250 ). Mais comment 12,000 hommes (24,000, si l’on en croit Hirtius Pansa de préférence à César, Trebonium cum leg. 1111 in Belgis collocat, C. Fabium cum to- tidem in AEduos deducif) ont-ils pu tenir dans un aussi petit emplacement que cette partie du Mont- Afrique appelée Camp de César ? Cette réflexion a fait croire , à presque tous ceux qui ont écrit sur l’anti- quité de Dijon, que le camp de Fabius étoit au con- fluent de l’Ouche et de Suzon , d'autant plus qu’ils ont cru reconnoître les traces de ce camp dans la délimi- tation de la primitive enceinte de Dijon; et ils ont considéré le camp au-dessus de la montagne, comme le poste avancé , La citadelle qui protégeoit le camp (145) moins, encore aujourd'hui, de 6 pieds d’é- lévation en dedans. C’est dans les environs de ce camp, qu’à diverses époques (1), l’on a découvert plu- sieurs tombeaux. Les pluies continuelles de 1916 ayant entrainé vers le bas, la terre des lieux plus élevés, le soc de la charrue fut arrêté, dans l’automne de 1818, par des blocs de pierre que jusques-là le laboureur principal, qui éclairoit le pays, et où les soldats ro- mains alloient se relever alternativement : mais il nous semble qu’on n’a point fait assez d'attention à l’immen- sité de cette plaine en avant de Corcelles , où non- seulement 12,000 et 24,000 hommes, mais 50,000 et 100,000 auroient pu camper bien à l’aise ; et, d’après cette réflexion que commande l'aspect du local, la pré- somption d’un camp de Fabius à Dijon s’affoiblit sin- gulièrement, à moins qu’on n’admette, pour tout con- cilier , que Fabius seroit descendu pendant l'hiver tout au bas de la montagne pour y venir chercher un climat plus doux, une température moins froide que celle du séjour prolongé des neiges,une atmosphère moins rigou- reuse que celle de la sommité d’une montagne. (1) En rétablissant les signes patibulaires de Goux- Ville, lieu qui doit son existence à l’estimable Lesouz- Gerland , dont le nom ne doit se prononcer qu’avec vénération dans cette enceinte, les ouvriers trouvèrent, dit Courtépée, 111-355 , des tombeaux de pierre avec des restes d'ossemens et du fer rouillé. 19 (146) n’avoit pas rencontrés ; il creusa avec sa pio- | che autour du bloc, et y découvrit un tom- beau (1). Ce monument funéraire n’étoit pas seul dans ce champ; on en trouva une vingtaine Il y a près de 30 années, dit Mille, (1-add. 417, qui écrivoit en 1771), c'est-à-dire, vers 1740 , on trouva auprès dé la montagne , entre Velars et Plombières , des tombeaux couverts par des laves fort larges , ren- fermant des squelettes humains conservés presque en entier. Il y a environ 12 ans, dit M. Grivaud de laVincelle, (1-250, qui a publié ses monumens antiques inédits en 1817), c’est-à-dire vers 1806, que l’on découvrit dans le voisinage du camp de César , un tombeau qui ren- fermoit la dépouille d’un chevalier ; son armure étoit bien conservée, sa devise étoit gravée sur son épée, dont la lame étoit ornée de ciselures et de damasquinures. Si M. Grivaud a jugé ces armures être du temps des croisades, c’est que, ainsi que lui-même nous l’écrit le 16 décembre 1816 , la devise gravée sur la lame de l'épée étoit en français ; dès-lors il n’étoit pas possible de leur assigner une autre époque. QG) C’étoit à un demi-quart de lieue de distance du camp de César et du Mont-Afrique, dans l’espèce d’angle obtus que forment ces montagnes au climat de Montrecul, ou des Petits-Noyers , dans une pièce de terre appar- tenant à Louis Boudrot, cultivateur à Corcelles. (147) et plus, placés à côté les uns des autres sur un même alignement, formés de larges pierres tésulaires du pays, non taillées, mais cas- sées carrément, enfoncés de deux pieds dans la terre que ces laves soutenoient, fermés par une dalle plus large, que 8 à 10 pouces de terre recouvroient ; dans chacun de ces tombeaux on trouvoit un cadavre dont les ossemens paroissoient n'avoir jamais été dé- rangés depuis un laps de près de dix-huit siècles (1); les pieds du squelette étoient tournés au levant et un peu plus bas que la tête , dans le sens de la déclivité du terrain ; ces tombeaux avoient 6 pieds de longueur, 18 pouces de largeur, 2 pieds de profon- deur ; dans quelques - uns étoient deux (1) Les anatomistes, présens à ces fouilles , ont re- marqué que les dents de ces cadavres avoient conservé tout leur émail ; que dans beaucoup de mâchoires, la dent de sagesse étoit à bord de son alvéole, tandis que les autres dents le dépassoient de plusieurs lignes, ce qui indique que ces cadavres étoient ceux de jeunes gens. Ïls ont remarqué plusieurs os , entre autres un #umerzus gauche , entaillé avec un instrument tranchant , ce qui indiqueroit quelques blessures graves dont seroit mort l'individu dont on examinoit les ossemens , conséquem- ment les suites de quelque bataille, Ils ont remarqué (148) cadavres, l’un sur l’autre , mais séparés par une pierre tégulaire ; beaucoup de ces cer- cueils n’avoient aucun couvercle, mais tous avoient les quatre dalles au milieu des- quelles fut posé le cadavre. À environ six pieds de distance , on trouva un second rangs de tombeaux du même genre. Ces tombeaux sont-ils ceux d’individus Gaulois ou de soldats Romains ? C’est la première question qui se présente à exa- miner. Nous remarquons en premier ordre que ce ne sont point des tombeaux isolés , des sépultures locales sur le lieu du décès ; une aussi grande réunion de tombeaux est un véritable cimetière , et un cimetière indique / certains crânes ayant quatre lignes d’épaisseur , ce qui est en rapport avec ce que dit Hérodote ( Thalie, lib. 3, $. 13 , trad. de Larcher, 1786-111, 9. $. 12), que les têtes des Egyptiens sont si dures qu’à peine peut-on les briser à coups de pierres, et avec ce que rapporte Ambroise Paré , édit. 1607, p. 164, B, que les Maures et tous ceux qui habitent les lieux chauds, vers le midi et l’équinoxial , ont le crâne fort dur et épais : cette particularité viendroit à l’appui de ceux qui ont pré- tendu qu’il y avoit beaucoup d’Africains dans les lésions de Fabius. (149) dans le voisinage ou une peuplade ou une grande réunion d'hommes. Pour que ce cimetière ait appartenu à des Gaulois , il faudroit donc qu'ils eussent eu quelque grande peuplade autour de cette montagne, et nous n’en voyons aucune trace : les plus rapprochées seroient celles de Dijon et de Gevrey. Mais est-il probable que des Gaulois soient allés se percher dans un lieu aussi agreste, tandis qu’au pied ils avoient un terrain si fertile à défricher? Lorsque César nous dit que les Gaulois, pour éviter les ardeurs du soleil , recherchent le voi- sinage des rivières et des forêts | vitandi aestus caus® Sylvarum ac fluminum petunt propinquitates ; lorsque Polybe nous les re- présente appliqués à l’agriculture , se nour- rissant de leur chasse et de leur pêche , ne connoissant que deux sortes d’occupations, les hazards de la guerre , ou les travaux d'agriculture et le soin de leurs troupeaux (Polyb., lib. 11; AElian., lib. xr); pouvons- nous penser qu’au lieu de cultiver cette plaine fertile de Dijon, et les bords rians de lOuche, les Gaulois soient allés se ju- cher sur le plateau de la montagne, l’une des plus élevées du département, où ils ( 150 ) n’avoient ni terres à cultiver, ni troupeaux à faire paître, ni poissons à pêcher, nour- riture dont ils étoient très avides ? Lorsque nous voyons les Celtes avoir près des ri- vières leurs sépultures particulières , telles que celles découvertes à Beaugency, Mont- Lellet, Pouilly-S.-S., et autres mentionnées (Passim.) dans les Mémoires de l’Académie celtique ; pouvons -nous admettre que ces peuples seroient allés grimper les cadavres de leurs pères sur une montagne éloignée, pour les inhumer seuls au milieu des bois et des rochers ? Ces seules considérations sont suffisantes pour écarter l’idée que ces tombeaux réunis soient un cimetière gau- lois. Cette sépulture est-elle celle de soldats ro- mains ? Il est assez naturel de penser que deux légions romaines ne seront pas restées tout un hiver dans un camp sans perdre quel- ques-uns de leurs soldats ; il est plus que probable qu’ils ne leur auront pas donné la sépulture dans le camp même, mais à quel- que distance ; des raisons de salubrité doi- vent déterminer à le penser ainsi. Mais il se présente une objection : depuis (1870 Sylla, qui mourut 20 ans avant la con- quête des Gaules , les Romains n’enterroient plus leurs morts, mais les brûloient. Il est vrai que Sylla craignant pour son cadavre les représailles du traitement qu’il avoit exercé sur celui de Marius, dont il fit disperser les ossemens dans la campagne (Caelius Rhod., 17, cap. 20), fit adopter à Rome l’usage des Grecs, de brûler les ca- davres ; mais c’étoit simplement une mode nouvelle qu’il introduisoit ; il n’y eut ja- mais de décret du Sénat pour ordonner l’in- cinération et prohiber l’inhumation, et l’u- sage ancien d’enterrer les corps ne laissa pas de subsister ( Pline 7, 44 ; — Fabretti, Journ. des Sav., 1699 — 628). Cicéron lui- même, qui vécut encore quinze ans après la conquête des Gaules, n’a pas craint de blâmer la méthode de brûler les corps, et trouve que l’usage de les inhumer, et de les rendre ainsi à la terre dont ils sont sortis, est le plus ancien et le plus naturel de tous (1); en effet, nous voyons que ce grand (1) Ac mihi antiquissimum sepulturae genus id fuisse videtur ..... redditur enim corpus terrae , et ira locatum ac situm quasi operimento matris obdu- citur. (De leg. 11). (500 homme suivit l’ancien usage pour sa fille dont le tombeau fut découvert en 1550, sous la voie Appienne, portant l'inscription Tulliolae filiae meae (1). Voilà un exemple positif que la coutume d’enterrer les morts, que les Romains pra- tiquoient depuis Numa (7/7. Orb. 1 ,—82), renouvellée l’an 302 de Rome , dans la loi des XII tables (2), n’a point été expressé- ment abolie, mais que chacun avoit la fa- culté de déposer dans la terre ou dans un tombeau les cadavres de ses proches, ou de leur faire élever un bûcher, mode de sé- . pulture qui ne dura néanmoins que jus- qu’au règne des Antonins (Journ. des Sav.), 1675, 2143 — Cérém. funèb., par Muret, 2674, 1n-12). Quant aux sépultures des soldats en temps de guerre et en pays étranger , il seroit hors de toute vraisemblance de croire qu’on (1) On rapporte que dans ce tombeau l’on trouva un cadavre de femme qui au premier contact de l'air tomba en poussière, et l’une de ces lampes perpétuelles, encore allumée ; mais qui s’éteignit à l’ouverture du tombeau. (Journ. des Sav. 1682, pag. 215). (2) Hominem morfuum in urbe ne sepelito neve urito, Leg. 7o , xit tabl. PET CT ET (1535) soit du mode d’incinération au milieu d’un camp formé de matières combustibles, ren- fermant des loges de planches qui servoient de magasin de toutes les choses nécessaires à un corps d'armée ; on ne sauroit penser non plus qu’on se soit livré à la peine et à la dépense d'élever un bûcher pour un simple soldat. Rien ne répugne donc à voir dans ces tombeaux la sépulture des soldats des lé- gions de Fabius; et ce qui doit confirmer cette opinion, ce sont les restes d’armures trouvés dans ces tombeaux. L'on sait que les Romains jetoient les armes du défunt dans son bûcher. Virgile a dit, ÆEnéid., lib. xr, — 103 : Conjiciunt igni galeas, ensesque decoros. C’étoit aussi, suivant César et Tacite, le mode usité chez les Gaulois et les Germains; usage qui primitivement avoit lieu pour les morts déposés en terre ou dans des tombeaux. Les débris d’armures trouvés dans ceux des tombeaux du Mont-Afrique qu’une dalle recouvroit, consistent en deux plaques de fer d’égales dimensions, de 5 pouces de lon- gueur, 3 de largeur au-dessus, 2 pouces dans le bas, et une ligne et demie d’épais- (154) seur actuelle. La partie la plus large de l’une de ces plaques tient par une charnière à un ovale de 4 pouces de longueur et 2 de lar- geur dans sa partie la plus évasée, de 2 pouces 9 lignes de longueur sur 1 pouce de large dans sa partie la plus rétrécie ; la bande de cet ovale a 1 pouce de largeur. Chacune de ces plaques est percée dans des points correspondans, d’un trou sur le bord de chacun des côtés à la partie la plus large, et seulement d’un trou au milieu de la partie la plus étroite. Ces deux plaques sont légèrement courbées dans leur lon- gueur ; elles ont été ciselées et damasqui- nées (1) de l’un des côtés seulement, ainsi que le dessus de l’ovale et le bouton des- tiné à entrer dans cet anneau, lequel porte un pouce et demi de diamètre et 2 lignes et demie d'épaisseur actuelle. Des plaques et anneaux pareils sont gra- (1) Nous avons encore un exemple d’armures damas- quinées en argent dans les tombeaux découverts à Vélu près de Bapaume ; l'Encyclopédie méth. part. d’antiq. en parle au mot fombeau , et dit : que sur un monti- cule on découvrit , à cinq pieds de profondeur, plus de cent squelettes , sur des lignes parallèles , la tête tournée vers le midi; qu’on trouva dans les tombeaux des épées de deux pouces de largeur, quinze de lon- Liecplie unis (155 ) vés dans les antiquités du P. Montfaucon, tom. v, pl. 137, etsuppl., tom. z11, pl. 22; on en trouve aussi de semblables dans le Re- cueil des Monum. antiq. inédits, publiés par M. Grivaud de la Vincelle, pl. vir. Quant à leur forme, ces morceaux nous ont paru être les plaques, la boucle et l’ar- dillon d’un ceinturon destiné à serrer le corps au-dessus des hanches ; l’ovale placé verticalement en faisoit le milieu ; d’un et - d’autre côtés les plaques argentées, posées horizontalement, accompagnoient cette bou- cle ; le bouton passé dans icelle assujétissoit le ceinturon sur le corps. Cet ornement, quoique massif, devoit être très apparent et faire un très bon effet dans un costume militaire (1). gueur, damasquinées en argent très pur , comme une espèce de blanchiment d’alliage d’étain qui résiste au vert-de-gris et s’avive par l’eau-forte , bien conservé, sur-tout sous les clous. Les rédacteurs de cet article réputent ces tombeaux gaulois. Mais s’il est vrai que ce soit des Romains que les Gaulois aient appris l’art de damasquiner , évidemment les tombeaux où se trou- vent des armes damasquinées ne sont pas gaulois, (1) Le P. Montfaucon rapporte que les plaques ex ovale dont il donne la gravure, furent trouvés en 1705 à Montbellet, terre appartenant à l’évêque de Mâcon; il transcrit une lettre de ce prélat , envoyée à M. de Gaignières le 3 août 1710 , dans laquelle cet évêque ( 156 ) Nos motifs pour reconnoître dans ces morceaux les deux plaques d’un ceinturon pense que ces plaques étoient une coiffure des femmes gauloises : mais comme un pareil ornement étoit lourd à porter sur la tête, il se retranche à dire que cette coiffure n’étoit imitée en fer que pour les femmes dé- cédées , afin qu’étant d’une matière plus solide, elle pôût se conserver plus long-temps dans les tombeaux. Le P. Montfaucon ne se prononce pas, par respect sans doute , contre cette singulière opinion de l’évêque de Mäcon ; mais il faut convenir que si ce savant bé- nédictin eût voulu prendre la peine de réfuter le pré- lat, qui en fait d’antiquités pouvoit bien être faillible , il ne manquoit pas de motifs. Si ces lourdes plaques n’étoient faites que pour être déposées dans des tombeaux , à quoi bon les trous dont elles sont perforées , à quoi bon les ciselures ; et si c’étoit pour les conserver plus long-temps qu’elles furent couvertes d’une feuille d’argent , pourquoi n’en avoir mis que d’un seul côté ? L’évêque ni le bénédictin n’avoient pas connoiïssance de la plaque correspondante à celle attachée à l'anneau, circonstance qui dérange leur système ; car comment arranger ces deux plaques et cette boucle sur la tête d’une femme , autrement que de les faire retomber sur chaque oreille , et alors la boucle qui se trouveroit sur le sommet de la tête auroit dû en avoir la capacité pour que les plaques retombassent d’elles-mêmes ? pourquoi un ardillon pour retenir la seconde plaque contre lo- vale , toutes deux auroient dû être attachées à l’ovale par des charnières ? Il est donc tout-à-fait impossible d'admettre les présomptions consignées dans Mont- faucon. (157) sont, 1° les trous dont ces plaques sont perforées , destinés à attacher la courroie après ces plaques ; 2° la légère courbure de ces plaques qui est celle ordinaire du ventre de l’homme ; 5° les damasquinures d’un seul des côtés , preuve que ces plaques n’étoient pas destinées à être vues de l’autre ; les cise- lures argentées de l’anneau et du bouton qui ne se rencontrent que sur la partie qui dut être visible (1). Ces damasquinures doivent fixer notre attention. Si l’art de damasquiner nous est revenu de l’Orient avec les Croisés, il n’en avoit pas moins existé dans les Gaules. Pline , qui mourut l’an 79 , nous rapporte, om. 11, lib. 34, cap. 17, que ce fut à Alise que les Gaulois commencèrent d’argenter au feu les ornemens des chevaux ; que les habitans de Bourges étoient grands argenteurs. Dio- dore de Sicile , qui écrivoit sous le règne (r) Ces plaques ne pouvoient être la garniture d’un fourreau de sabre , car l’ovale n’auroit pas dû être à charnière et à charnière d’un seul côté ; l’ovale n’avoit pas besoin d’une ouverture d’un pouce de largeur pour ne recevoir que la lame d’un sabre ; les plaques n’au- roient pas eu besoin d’une courbure dans leur longueur, elles auroient dû être droites. (158 ) d’Auguste, dit, Z6. 6, cap., 9, que les Gau- lois faisoient dorer leurs armes et les sarnis- soient de corail. Ces historiens parlent-ils des Gaulois avant ou après la venue de César ? Ce seroit l’ob- jet d’une discussion spéciale , si nous n’a- vions démontré plus haut que ces tombeaux ne pouvoient appartenir à des militaires gaulois. D'autre part, l’art de damasquiner étoit bien certainement connu des Romains, puis- que Tite-Live, lib. 33, consigne qu'après la ruine de Carthage, une partie des dé- pouilles des vaincus fut employée à dorer (100 ans avant J.-C.) , les lambris du Ca- . pitole ; puisque nous lisons dans Suétone (Pit. Cas. 67), que César tenoit à ce que les troupes eussent leurs armes enrichies d’or et d'argent, afin que, pour les conserver, les soldats fussent plus acharnés dans le combat : Caesar habebat tam cultos milites ut arrentoet auro politis armis ornaret, quù tenaciores in praelio essent metu damni. Ce passage cadre merveilleusement avec l'opinion que nous avons que les débris d’armures trouvés au Mont-Afrique, sont les plaques et la boucle d’un ceinturon destiné à supporter le sabre du guerrier, soit entre (159 ) la courroie et le corps, soit suspendu par des agrafes ou chaînettes. Nous avons re- marqué des ceinturons du même genre dans les gravures de l’ouvrage de Juste-Lipse de milit. rom. , fol. 182 et 241; dans le Recueil des Costum. des anciens peuples, par And. Bardon , 1772, in-4.° tom. 1, pag. 00, pl. vrir, Où l’on voit un chef de légion des ar- mées romaines avoir un ceinturon damas- quiné de dessins arabesques , après lequel étoient suspendus, d’un côté un sabre par des chaînettes, de l’autre un poignard ; le cein- turon , comme on sait, étoit la marque dis- tinctive des officiers des armées romaines ; il l’est encore aujourd’hui des officiers des armées de l'Empereur d’occident qui a suc- cédé aux anciens Empereurs romains. Le tombeau où ces débris furent trouvés étoit donc celui de l’un des officiers des lé- gions de Fabius, même d’un officier de dis- tinction, primipile ou centurion , si l’on en juge par la richesse de son armure , indi- quée par celle de son ceinturon ; la dis- tinction d’une couverture à ce tombeau vient encore à l’appui de cette présomption, car trois de ces tombeaux seulement étoient couverts , et dans ceux-là seuls ont été trouvés quelques restes propres à faire re- ( 160 ) connoître l’époque de ces tombeaux, et le peuple auquel ils appartenoient. Dans l’un de ces tombeaux couverts , M. le juge de paix du canton avoit trouvé dans une précédente fouille, une plaque et un ovale du même genre, également chargés de ciselures et damasquinures en argent ; mais cette plaque est en cuivre, plus petite que la précédente. M. Moreau a bien voulu s’en défaire en faveur de l’Académie. Dans ce tombeau, à l’ouverture duquel M. le juge de paix a présidé, l’on a trouvé une médaille consulaire d’argent, de la fa- mille Rugrra , ayant d’un côté une tête de Neptune, derrière laquelle est un tri- dent , et au bas le mot Dossen ; au revers un quadrige sur lequel est placée une espèce d’arche présumée renfermer les statues des Dieux, et au bas, L. RUBRI. Cette médaille appartenoit à M. LesrETON , receveur des contributions (1) , qui en a fait don à l’Aca- démie. ER (1) La famille de Lucrus Rusrius Dossenus étoit ancienne à Rome ; elle avoit donné à cette ville les plus habiles médecins ( Plin. , lib. 29, cap. 1. ) : aussi voit-on ordinairement sur les médailles de cette famille les statues d’Esculape ou de Mercure ( Æ/isé, rom. par ( 161 ) Cette pièce étoit sans doute du genre de celles appelées Naurus (Diod. Sic., lib. 1), que les Payens placçoient sous la langue du défunt pour payer à Caron le passage de la barque fatale ; n’indiqueroit-elle pas que le jeune officier , dans le tombeau duquel cette pièce fut trouvée , étoit de cette fa- mille consulaire ? Les grains ensemencés dans le climat où sont ces tombeaux n’ont pas permis aux Commissaires de l’Académie (1) de faire exécuter de nouvelles fouilles , ni de pous- ser plus loin celles qu’ils avoient faites. Lors- que cette place sera dépouillée de ses fruits, il sera possible de retourner sur ce sol an- tique et de l’explorer plus amplement; peut- être y trouvera-t-on des preuves plus com- plettes pour déterminer à quels peuples ap- partiennent ces ossemens , et quelle est l’é- poque où ils ont été confiés à la terre qui, pendant tant de siècles les avoit ANS à nos regards. les Médaill. pag. 78 ); celle dont il s’agit feroit une exception, et sous ce rapport deviendroit une médaille rare. (1) M. le docteur Antoine, président; M, le doc- teur Vallot, secrétaire, et M. Giraxlt, conservateur du cabinet des antiques et médailles. ii ( 162 ) Désireux d’éclaircir quelques points d’his- toire, et de faire disparoître l'incertitude des auteurs, M. Gtrrauzr a lu à l’Académie ( Séance du 27 janvier 1819) une notice, intitulée : Les grands plaids de Dieu, tenus en juin 1116, entre Lux et Til-Chétel, au département de la Côte-d’Or. L’auteur commence par exposer l’état mal- heureux où se trouvoit la France dans les premières années du x11.° siècle : le défaut de police , les guerres privées entre les sei- gneurs, le brigandage, ne présentoient par- tout que meurtres, pillage, incendies. Louis le Gros entreprit de rétablir l’ordre ; il réduisit les seigneurs de Créci , du Puiset, de Corbeil , et remporta, aux environs de Gisors, la victoire sur les Anglais, qui s’en vengèrent en suscitant une guerre civile et intestine, dans laquelle ils étoient secondés par Thibaut le Grand, comte de Champagne. Le désordre étoit au comble , lorsque Hu- gues IT, surnommé le Pacifique, souverain du duché de Bourgogne , et GuillaumelIl], dit l'Allemand , souverain du comté de Bour- gogne , se concertèrent avec les évêques pour appeler l'intervention et l’autorité de l'Eglise. ( 163 ) Ils obtinrent de la Cour de Rome l’auto- risation de convoquer des Assisés solennelles, Ils en fixèrent le lieu sur les frontières de la Champagne et des deux Bourgogne qui offroient les preuves irrécusables des vexa- tions auxquelles on désiroit porter remède. Ils choiïsirent la plaine entre les villages de Lux et de Til-Châtel. Josserand , évêque de Langres, dans le diocèse duquel se trouvoit le lieu désigné, fut chargé d’y convoquer l’assemblée pour le 6 des ides de juin 1116, c'est-à-dire pour le 8 du même mois, Guy de Bourgogne, archevèque de Vienne , qui fut par la suite élevé à la papauté , sous le nom de Calixte IT, fut nommé pour présider ces Assises solennelles comme légat du Saint- Siège. M. Grraurr donne les détails des prépa- ratifs faits dans la plaine pour la tenue de cette assemblée ; il rapporte des fragmens du discours éloquent prononcé par le légat du Pape. Ce discours produisit tant d’effet que la paix se rétablit. M. Giraurr observe que de tous les his- toriens de Bourgogne, l’abbé Cour Terée est le seul qui ait parlé de cette assemblée qu'il appelle à tort un Concile. Il signale l'erreur (164) de Dunod, qui fixoit la tenue de ces plaids de Dieu dans la prairie de TAise , sur les bords du Doubs, à une lieue de Besançon. Il termine sa dissertation en disant que, Til- Châtel faisant aujourd’hui partie du dépar- tement de la Côte-d'Or, il est convenable de placer ces assises dans l’histoire locale du pays, et réparer ainsi le silence des an- ciens historiens de Bourgogne. M. Grrauzr annonce qu’une partie des détails que l’on vient de lire, et surtout ce qui a rapport au lieu et à l’époque de la tenue de ces assises , est extrait d’une Chro- nique rédigée par un religieux nommé Tui- gaurT , bénédictin de Bèze, qui avoit recueilli tous les miracles de Saint Prudent , auquel on attribuoit dans le temps la pacification qui a été le résultat des assises. Lorsqu'un grand homme porte le nom d’une famille illustre, on est toujours sa- tisfait d’en connoître tout ce qui y a rap- port; c’est ce qui a engagé M. GirRaAULT a communiquer à l’Académie (séance du 3 fé- vrier 1819) la généalogie du célèbre président Bouurer. 11 l’a composée , 1° d’après ce qui est écrit en tête de vieilles heures ayant appartenu à Jean Bouhier, conseiller au Parlement, th A re PT TE ro EL dl | TRE. cm (:165) ‘æieul du savant académicien ; et il l’a achevée d’après les renseignemens qu’il a recueillis. L'arbre généalogique , déposé sur le bu- reau , apprend que la famille Bouhier , en la personne de Guillaume , son chef, fut amenée à Dijon en 1418 par le duc Jean; que le fils de ce Guillaume Bouurer fut l’un des secrétaires du duc Philippe-le-Bon ; que depuis la réunion de la Bourgogne à la France, cette famille a constamment occupé des places dans le Parlement de Bourgogne, depuis sa création jusqu’à sa suppression, et qu’elle a donné à la ville de Dijon deux évêques, dont le second étoit frère du pré- sident pour lequel on donne cette généa- logie : elle est sur-tout connue par de nom- breux actes de bienfaisance en faveur des hospices et des pauvres de la ville de Dijon. On remarque dans ce tableau Jean Bovu- HIER , trisaieul du président. Ce fut lui qui commença cette fameuse bibliothèque Bz- hérienne , réputée la plus belle de celles particulières de la France ; elle étoit estimée 300,000 fr. L’un des gendres du président Boubhier , en 1751, la vendit à l’abbaye de Clairvaux pour 135,000 fr. On s’arrête avec intérêt sur le nom de cet Etienne Bouuter, bisaieul du président , conseiller au Parle- ( 166 ) ment, qui, $EuL de sa compagnie, resta À Dijon pendant la contagion de 1629 ; il aida les indigens et les pestiférés de ses soins, de ses consolations et de sa bourse ; il fut l’un des bienfaiteurs de l’hôpital de cette ville, et mourut en Provence , où il avoit été dé- puté par sa Compagnie. Ce tableau se termine à l’homme illustre dont s’honorent le Parlement de Bourgogne et la ville de Dijon , puisqu'il a porté le nom de Bovurer au premier rang des grands hom- mes de la province. M. Girautr a continué de communiquer à l’Académie le résultat de ses recherches sur les Entrées solennelles des Rois de France à Dijon ; (voy. la première partie dans le compte rendu ,188, pag. 13 —19, 87 — 103). Il lit (24 février 1819) celle de Louis XIII et celle de Louis XIV. M. Prrewor a lu des Recherches (‘séance du 13 février 1819) sur les Triomphes des Romains. Il décrit la pompe de cette céré- monie qui excitoit l’ardeur d’un peuple con- quérant, et qui entretenoit une vive ému lation parmi ses guerriers. Rome a été le théâtre de beaucoup de triomphes. M. Peignot ne les décrit pas tous; ( 167) il se borne aux plus importans ; et avant d'entrer en matière , il établit la différence qui existoit entre le grand triomphe et le petit triomphe ou ovation, ainsi appelé parce qu’on offroit une brebis fovis). M. Peignot rappelle que ce fut au triom- phe de Marcus Curius Dentatus que Rome vit pour la première fois des éléphans ; et que le triomphe de Paul Emile fut un des plus brillans. L'auteur, à chaque triomphe, fixe l’époque à laquelle eut lieu la victoire qui le provoqua, le nom des peuples sou- mis , et tout ce qui avoit rapport à un évé- nement aussi important, BEAUX ARTS. M. Marnreu (séance du 10 février 1819 ) lit une Notice sur ce que les Beaux Arts et l'Architecture ont produit de plus intéres- sant dans le cours de l’année dernière. Il termine sa Notice en indiquant la nécessité de rectifier la dénomination impropre d Arc des Orfévres , donnée à un édifice antique de Rome. Ce monument, dit-il, doit être appelé Arc des Banquiers, parce que ar- gentarius désigne un caissier, un trésorier, un banquier, et nullement un orfévre qui a toujours été désigné par le mot avrifaber. ( 168 ) M. Maruieu (24 mars 1819 ), ht un mor- ceau intitulé : SUR L'EXCELLENCE DE L'ARCHITÉCTURE. ( Ce morceau étoit susceptible de plus d’é+ tendue : il se trouve aussi restreint parce qu’il étoit destiné à être lu en séance pu blique, et qu’on a été obligé de le pro- portionner au temps qu’on pouvoit aCcCOr= der à sa lecture. ) Les beaux arts font une partie essentielle des avantages que procure la civilisation ; ils sont pour les hommes réunis en société, la source de jouissances aussi douces que pures, quelquefois vives, senties par ceux qui les exercent, et par ceux qui, sans les pratiquer, éprouvent les sensations qu’ils font naître. Chacun des arts nous affecte d’une ma- nière difiérente et qui lui est propre; ils parlent au cœur , à l’esprit, auxquels leurs productions arrivent par les organes de la perception ; ou seulement, effleurant le sens intime , leur principale impression a lieu sur la faculté même par qui le sentiment nous parvient. Si j'emploie, en parlant des beaux arts, le langage de la métaphysique, c’est que pres- que toujours l’homme qui produitlesœuvres, (169 ) fruits de ces beaux arts, et celui qui les ap- précie, ont besoin du concours d’un senti- ment profond, sans lequel le premier ne sau- roit créer le sublime, ni le juge être perti- nent. C’est cet usage des opérations de l’ame qui distingue le véritable artiste de l’ouvrier, qui peut fort bien réussir avec l’action la plus simple de l’entendement. L'architecture , considérée sous son point de vue le plus élevé, est un art qui exige sur-tout le secours de la faculté d’abstraire, les sentimens de grandeur, de proportion, d'harmonie , de bienséance : la nature ne lui offre pas de modèles qu’elle puisse imiter ou embellir ; elle a été obligée de s’en créer elle- même , qui, sans être purement fictifs, ne lui présentent cependant qu’une idée première dont elle a dû plus ou moins s’écarter. Laïssons ici parler une personne (1) dont le nom est célèbre dans les arts, et qui a traité ce sujet avec une supériorité à laquelle il ne m'est pas donné d'atteindre : «...... « C'est par-là que, généralisant de plus en « plus l’idée de son modèle , l’architecture D QG) Quatremère de Quincy, Encyclopédie métho- dique, Architecture, ce (170) parvint à étendre la sphère de limitation. Ce n’est plus ni la cabane dont elle sor- tit, ni l’homme sur lequel elle se modela, c’est la nature entière qui devient le type de son imitation ; c’est l’ordre lui-même de la nature qui devient son génie. L’imi- tation de la charpente, par les dimensions heureuses qu’elle y puisa , constitua , si l’on peut le dire , l’ossature de l’art ; l’imi- tation analogique du corps humain , par l’étude des proportions et l'application qu’elle s’en fit, revêtit ce squelette des formes raisonnées qui lui donnèrent en quelque sorte le mouvement ; limitation générale de la nature dans ses principes d'ordre , d'harmonie , relatifs aux affec- tions de nos sens et aux perceptions de l’entendement , lui ont donné l’ame , et en ont fait un art non plus copiste, non plus imitateur , maïs rival de la nature même. « Ainsi cet art, en apparence, plus asservi à la matière que les deux autres, est dans le fait plus idéal, plus intellectuel, plus métaphysique qu'eux. Nous avons vu que la nature ne lui offre par- tout que des analogies, etc. » (5739 Les qualités que doit réunir celui qui veut apporter à l'exercice de cet art la perfection dont ilest susceptible, sont nombreuses; j'in- diquerai cellesque Vitruve en exige : « Ainsi, cc cc ce cc ec La 4 cc ec £c Las €« Lea cc dit cet auteur en parlant de l’Architecte, il faut qu'il soit ingénieux et laborieux tout ensemble ; car l’esprit sans le travail, ni le travail sans l’esprit, ne rendirent jamais aucun ouvrier parfait. Il doit donc savoir écrire et dessiner, être instruit dans la géométrie et n’être pas ignorant dans loptique, avoir appris l’arithmétique, et savoir beaucoup de l’histoire, avoir bien étudié la philosophie, avoir connoissance de la musique, et quelque teinture de la médecine , de la jurisprudence et de l’as- trologie. » Vitruve donne ensuite les rai- sons pour lesquelles les connoissances dont on vient de parler sont nécessaires à l’Ar- chitecte ; puis il ajoute : « C’est pourquoi LA < Pythius , cet ancien Architecte, qui s’est rendu illustre par la construction du tem- ple de Minerve dans la ville de Priène, dit dans son livre, que l’Architecte doit être capable de mieux réussir à l’aide de toutes lessciences dont il a laconnoissance, que tous ceux qui ont excellé par une cc (172) industrie singulière dans chacune de ces sciences. Ce qui pourtant ne se trouve point véritable; car il n’est ni possible, ni même nécessaire, qu’un Architecte soit aussi bon grammairienqu’Aristarque, aussi grand musicien qu’Aristoxène , aussi ex- cellent peintre qu’'Apelles | aussi bon sculpteur que Myron ou Polyclète , ni aussi grand médecin qu'Hippocrate : c’est assez qu'il ne soit pas ignorant de la gram- maire , de la musique , de la sculpture et de la médecine , l'esprit d’un seul homme n'étant pas capable d’atteindre à la per- fection de tant d’excellentes et diverses connoissances. » On peut joindre aux dif- férens genres d'instruction que Vitruve a in- diqués , la stéréotomie, la mécanique, l’hy- draulique , la théorie de la charpenterie , de la menuiserie, de la serrurerie, de l’art du couvreur, etc. Mais une autre qualité essen- tielle, qui ne s’acquiert pas, et dont la seule nature est la dispensatrice , c’est le génie, la faculté d'inventer. Il estaisé d’apercevoir, d’après cet énoncé, qu'un véritable Architecte, possédant tous les talens qui conviennent à sa profession , n'est point un homme ordinaire, et qu’au (173) contraire il s’en rencontre peu de semblables; aussi « Platon avoue qu’un bon Architecte « étoit une rareté dans la Grèce. » En considérant l’architecture sous le rap- port de l’utilité, quelle étendue acquiert son domaine ! Je parcourrai rapidement les trois branches principales dont se compose l’ar- chitecture ; on la divise en civile, militaire etnavale. La première satisfait d’abord à l’un de nos besoins les plus essentiels, celui de nous mettre à l’abri des injures de l'air. Après ce premier secours , nous la verrons diriger la construction des bâtimens de ma- gnificence et de ceux d'utilité : les édifices sacrés, les palais épiscopaux , les séminaires, les presbytères; les palais des Rois, et leurs dépendances; ces dernières embrassent elles- mêmes un assez grand nombre de détails qui ont chacun leur genre particulier de com- position, tels que les écuries, manèges cou- verts et découverts, muettes, chenils, oran- geries, trianons , ménageries ; les jardins et leurs embellissemens, comprenant les ter- rasses, les escaliers , les pièces d’eau , les parterres , les bosquets, les berceaux : en- suite , les hôtels-de-ville, les bibliothèques publiques, les musées , les palais de justice, (174) appelés basiliques par les anciens ; les hôtels des monnoies, les bourses ou changes ; les académies , les observatoires , les colléges, les hôpitaux , les prisons , les boucheries, les manufactures, les marchés, les foires, les halles de différens genres ; les théâtres, les aqueducs , les fontaines ; les sépultures publiques et les monumens funèbres; les arcs- de-triomphe , les colonnes triomphales , les obélisques , les cirques, les portiques ; les bains, les places publiques, les promenades ; les édifices élevés en charpente, à l’occasion des fêtes publiques ou des pompes funèbres, tels que sont les salles de bals et de festins, les feux d’artifice , les illuminations , les ca- tafalques , les chapelles sépulcrales : puis, les canaux de navigation dont le commerce reçoit tant d'avantages ; ceux de dessèche- ment et d'irrigation, si utiles pour la salu- brité et à l’agriculture; les ponts, les digues, les levées, les voies publiques. L'architecture militaire , nécessaire à la sû- reté de l’État, a principalement pour objet l’attaque et la défense des places fortes; j’en- trerai dans peu de détails à cet égard ; les systèmes qui constituent cette partie de l’ar- chitecture ont varié selon les circonstances : (175) ils exigent souvent, de la part de celui qui s’en occupe spécialement, des ressources dans l’imagination pour obvier à des cas sou- dains et imprévus. Les arsenaux, les places d’armes , les portes de villes de guerre , les casernes , les prisons militaires , sont encore de son ressort. C’est par les moyens que fournit l’archi- tecture navale,que l’homme, après avoir ap- pris à reconnoître dans les cieux la trace de sa route sur de vastes mers, put se trans- porter sur les points de la terre les plus éloi- gnés, et retirer de ces voyages lointains les biens de toute espèce qu’ils procurent : ils agrandissent la sphère des sciences, contri- buent au soulagement de quelques maux ou aux aisances de la vie. Un écrivain fameux (1) a dit : « L’opéra et un vaisseau de guerre « du premier rang étonnent toujours mon « imagination. Je doute qu’on puisse aller « plus loin dans aucun des globes dont l’é- « tendue est semée. » Outre ces citadelles flottantes et les navires de différentes sortes à la construction desquels préside l’architec- ture navale, elle régit encore celle des môles (Gi) Voltaire. ( 176 ) et jetées, des phares, des quais, des ports et bassins maritimes, des bagnes, des arsenaux de marine. Le génie dont l’Architecte doit être doué, l'étendue des connoïssances qu’il doit possé- der , ont fait, dans les temps anciens et mo- dernes, traiter avec beaucoup de considéra- tion et de grands honneurs, ceux qui ont excellé dans l'architecture. Sans chercher mes exemples dans l’antiquité où j'en trouverois d’insignes, je me contenterai de citer celui de Jean-Laurent Bernini, plus connu sous le nom du cavalier Bernin, et je m’arrêterai aux particularités relatives à son voyage en France en 1665. j Louis le Grand, voulant faire travailler à l'achèvement du Louvre, et choisir pour le diriger les meilleurs artistes, s’adressa pour cet objet au Bernin qui jouissoit alors d’une haute réputation. « Le monarque lui envoya «& son portrait, enrichi de diamans, de la va- « leur de trois mille écus, accompagné d’une « lettre qui le sollicitoit à venir en France; « elle étoit conçue en ces termes : « M. le chevalier Bernini, « J’ai une estime si particulière pour votre « mérite, que je désire ayec empressement (2770) de voir et de connoître de plus près un artiste aussi célèbre que vous, pourvu que mes souhaits ne nuisent point au service de Sa Sainteté, et qu’ils ne vous dérangent point : telles sont les raisons qui m’enga- sent à expédier ce courrier extraordinaire à Rome, pour vous inviter à me procurer la satisfaction de vous voir en France. J'espère que vous profiterez de l’occasion favorable que vous fournit le retour de mon cousin le duc de Créqui, mon am- bassadeur extraordinaire, qui vous expli- quera plus amplement les raisons qui me font désirer le plaisir de vous posséder, et celui de parler avec vous sur les beaux dessins que vous m'avez envoyés pour la construction du Louvre. Au reste, je m'en rapporte à ce que mondit cousin vous fera entendre par rapport à mes bonnes inten- tions. Je prie Dieu, Monsieur le chevalier Bernini, qu’il vous ait en sa sainte garde. «. Lours. « Ce 11 avril 1665. » Le Roi écrivit aussi au Pape, en deman- dant , comme une faveur, l’agrément de Sa Sainteté pour le voyage en France du Bernin, (175) « On peut donner le nom de marche triom- « phale à son voyage. Toutes les villes par n € n lesquelles il passa, lui rendirent des hon- c n neurs extraordinaires. Le grand duc Fer- « dinand Côme de Médicis, lui fit faire une « entrée publique à Florence, le logea dans « son palais, et lui prêta sa litière pour le « mener aux frontières de l’Italie. Le duc « de Savoie le reçut avec beaucoup de dis- « tinction , et lui fit des présens dignes d’un « grand prince. Par-tout on couroit en foule « pour le voir; on s’attroupoit autour de lui « comme si, disoit-il en plaisantant, il eût « été un éléphant. Arrivé à Pont-de-Beau- « voisin, il reçut, de la part de Louis XIV, « la visite de ceux qui commandoient la « ville, et fut complimenté selon les inten- tions du Roi. Toutes les villes du royaume n Le « lui rendirent les mêmeshonneurs.Lenonce « du Pape alla au-devant de lui à une lieue « de Paris, et l’accompagna jusqu’au Lou- « vre, où un magnifique logement lui étoit c n préparé. « À son arrivée , Colbert vint le saluer de « la part du Roi, etc. (1) » @) Encyclopédie méthodique, art. Bernin. (179) Quoique les projets de Claude Perrault, pour l’achèvement du Louvre, aient été pré- férés à ceux du cavalier Bernin , le Roi combla celui-ci de riches présens ; « ses élè- « ves et ses domestiques furent aussi magni- « fiquement récompensés. Il fut défrayé jus- « qu’à Rome, aux dépens du Roi, et recon- « duit avec les mêmes honneurs. » Je ne m’étendrai pas davantage sur l’es- time et la considération que les grands Ar- chitectes ont obtenues, et sur les distinctions honorables dont ils ont été l’objet; je vais tracer l’esquisse de la grandeur de l’archi- tecture et des monumens qu’elle nous a laiïs- sés. Ces archives de l’espèce humaine nous fournissent la mesure du génie et de la puis- sance des nations de qui elles émanent. L'Egypte, regardée comme l’antique pa- trie des sciences et des arts, nous présente des restes de sa splendeur passée, faits pour étonner l’imagination : les pyramides, masses énormes élevées par des hommes, et qu’on seroit tenté d’attribuer à des géans, ont ex- cité l’admiration depuis plusieurs milliers d'années. Je citerai encore, par rapport au sentiment que font naître en nous les vastes dimensions d’un édifice , l'écrivain éloquent ( 180 ) dont j'ai déjà transcrit Les expressions : « ct Les La ce € cc Led cc ce La cc cc cc ce LAS cc La grandeur physique, dit-il, est une des principales causes de la valeur et de l’effet de l’architecture ; la raison en est que le plus grand nombre des impressions pro- duites par cet art, tiennent au sentiment de l’admiration. Or, il est dans l'instinct. de l’homme d’admirer la grandeur dont l’idée se joint toujours dans son esprit à celle de puissance et de force; s’il aime à en jouir, s’il en recherche la présence et l’effet dans ces ouvrages de la nature, dont l’immensité l’accable et l’humilie, en lui reprochant sa petitesse, combien plus doit- il se plaire en présence des grandeurs de l'architecture , et dans un parallèle qui flatte son orgueil ? Car alors il se croit d'autant plus grand qu’il se voit plus pe- tit; c’est qu’il est fier de se trouver petit à côté de l’ouvrage de ses mains (1). » Ce passage explique d’une manière à la fois élégante et précise, la nature de la sen- sation que nous éprouvons à l’aspect de ces bâtimens dont les masses imposantes s’atti- (1) Quatremère de Quincy, notice historique sur la vie et les ouvrages de M. Chalgrin. ( 181 ) rent notre admiration , mêlée d’une sorte de respect. Ceux qui ont visité les ruines de la haute Egypte, et principalement celles de la fameuse Thèbes aux cent portes , nous en offrent le témoignage. L'esprit s'étonne à l’idée de puissance que suppose la construc- tion des édifices qui existent encore, et sem- blent avoir été voués à l’éternité : les hiéro- glyphes dont ils sont couverts, donnent la pensée de la sagesse profonde qui les a dic- tés, et ajoutent à l'impression reçue. Il n'entre pas dans mon plan de donner plus d’étendue à ce qui est relatif aux mo- numens d'architecture que présente l'Egypte; je renvoie , à cet égard , à l’ouvrage magni- fique de la Commission , ouvrage qui, par sa somptuosité et les talens qui règnent dans son exécution , est digne de son sujet. Palmyre , dont les restes ont un charme qui arrête le voyageur et lui cause une es- pèce de ravissement presque extatique; Pal- myre, dis-je, laisseroit croire qu’elle a dù jadis être habitée par un peuple de qui les trésors et les richesses immenses égaloient leur goût pour l'architecture ; l'imagination se représente difficilement l’effet que produit l’espace couvert des débris de ses édifices. ( 16) Par-tout les marbres, ou une belle pietre blanche qui en a l’éclat, taillés en colon- ñes , en entablemens , en statues, sont accu- mulés et se pressent pour ainsi dire. Ce n’est plus ici la grandeur des masses qui im- pose ; Thadmora ou Palmyre , d’une origine moins ancienne que les villes de la Thébaïde, a employé le genre de l'architecture des Grecs, modifiée par les Romains, et y joi- gnant les beautés de la sculpture , l’a mis en usage avec tout le luxe qu’il comporte. Parler de l’architecture grecque, c’est ré- veiller les idées de proportion , d'harmonie, d'élégance. Les Grecs , destinés à porter tous les arts à la perfection, ont produit en ar- chitecture des chefs-d’œuvre de goût, dont quelques ruines qui subsistent nous offrent les meilleurs modèles ; 1l faut mettre de ce nombre celles d’édifices appartenant aux plus beaux temps de l’art, le Parthenon et les Propylées à Athènes, érigés depuis plus de vingt siècles. Les Romains, adoptant les parties princi- pales de l'architecture des Grecs, changèrent néanmoins sa physionomie ; la naïveté et la grâce formoient le caractère distinctif de l’art chez ceux-ci ; la grandeur , l'élégance et la ( 183) richesse furent sur-tout empreintes dans l’ar- chitecture romaine. Les premières construc- tions importantes des Romains, sous Tarquin l’Ancien , les cloaques de Rome , ouvrage étonnant , annonçoient déjà d’une manière remarquable ce que pouvoit ce peuple-roi. Depuis, ses grands chemins, ses aqueducs, ses temples , ses palais , en un mot, tous ses édifices publics, et même ses bâtimens pri- vés, ont porté la marque de sa grandeur ; des portions considérables de ces morceaux d'architecture demeurent encore et servent de témoignage à ce que les historiens nous en ont transmis : tels sont l’amphithéâtre de Vespasien , appelé le Colisée ; les ruines re- gardées vulgairement comme celles du tem- ple de la Paix; l'édifice connu sous le nom de Panthéon d’Agrippa, etc. etc. L'architecture romaine , dans toute sa splendeur sous le règne d’Auguste, com- mença à déchoir après celui d’Antonin le Pieux ; elle dégénéra de plus en plus jusqu’à Constantin, et resta dans une sorte d’anéan- tissement pendant les temps qui suivirent , jusqu’au onzième siècle, où Buschetto, de Dulichium (par la construction de la cathé- drale de Pise presque entièrement exécutée (184) avéc des débris de l'architecture antique, en partie recueillis dans la Grèce ) donna l’im- pülsion qui tendit à ressusciter le goût pour les beaux modèles. Les progrès de la restau- ration furent d’abord peu sensibles, et ne le devinrent que dans le quinzième siècle. Bru- nelleschi parut alors, et cet homme de gé- nie imprimant de nouveau à l’art un mou- vement accélérateur , cette dernière incita- tion ne se ralentit plus. Le même siècle vit naître Francesco Colonna, dont le livre in- titulé, Ze Songe de Polyphile , cachant sous le voile de la fiction, des préceptes utiles à l’architecture , et contenant en même temps les plus pompeuses descriptions d’édifices imaginaires, contribua beaucoup à ramener sur les traces des anciens, et à faire revivre l'amour des grandes entreprises. Le nom illustre des Médicis se rattache na- turellement à la renaissance des arts en Ita- lie, comme ceux de Lazarri, dit le Bra- mante, et de Michel-Ange Buonarroti, se joignent à cette basilique (1), dont la gran- deur et la magnificence sont la gloire de l’architecture moderne et du monde chré- tien. (1) Saint Pierre de Rome au Mont Vatican. { 185 ) Les bornes que je me suis prescrites dans cet aperçu, ne me permettent pas de pré- senter l’état de l’architecture des différentes nations; cependant je ne me dispenserai pas de dire quelques mots de celle de mon pays. La France n'offre pas d’édifices antérieurs à l'invasion des Romains dans les Gaules ; mais elle conserve quelques beaux restes de constructions romaines. Dans les bas temps, ou ceux de la décadence des arts, l’ancienne et pesante architecture gothique y fut in- troduite , et elle s’y mêla depuis avec l’ar- chitecture arabe, pour composer le genre appelé gothique moderne, dont nous voyons encore des chefs-d’œuvre de hardiesse et de légèreté, mais d’un goût bizarre, et sur- chargés d’une multitude de petites parties et d’ornemens fantasques. François I, ce restaurateur des lettres et des arts en France, fit venir d'Italie Sé- bastien Serlio pour lui donner la conduite des bâtimens du château de Fontainebleau. Lorsqu'il fut question de continuer le Lou- vre, Serlio en donna des projets ; mais alors comme depuis, ceux d’un architecte français furent justement préférés. On adopta les dessins de Pierre Lescot, abbé de Clagny, ( 186 ) et Serlio eut la grandeur d'ame de conseiller lui-même cette préférence. Ce qui a été exé- cuté sur les dessins de Lescot, présente en effet des détails de profils et d’ornemens d’un goût exquis et de la plus grande beauté. On a vu que sous Louis le Grand, Claude Perrault avoit donné les projets sur lesquels une portion du Louvre fut construite : ce célèbre architecte a été un des plus beaux génies qui aient honoré l’art dont il avoit fait son capital. Les édifices élevés sur ses dessins sont autant de modèles excellens : l’arc-de -triomphe du trône , érigé ( seule- ment en plâtre de la grandeur dont il devoit ensuite l’être en pierre ) en 1670 ; l’observa- toire royal de Paris; le péristyle du Louvre, chef-d'œuvre d'harmonie , d'élégance, et le plus beau morceau d’architecture qui existe. Perrault a aussi rendu à l’art un service signalé par sa traduction de Vitruve, enri- chie de notes et de commentaires pleins de recherches utiles. Les règnes de Louis XV et de Louis XVI ont vu s'élever quelques beaux monumens; mais une ère nouvelle pour l'architecture semble avoir commencé avec le 19.° siècle : les restes de l’antiquité ont été explorés avec ( 187 ) plus de soin; la construction a été mieux rai- sonnée; et la théorie de l’art perfectionnée, a trouvé de nombreuses occasions, fournies par l'administration publique , d'appliquer ses principes. L’art et les artistes ont été en- couragés et honorés ; Paris s’est embelli, il s’est orné de plusieurs édifices d’un bon style; et bientôt, il faut l’espérer, des productions multipliéesdel’architecture,recommandables par leur utilité, ou remarquables par leur splendeur et le goût qui les aura dirigées, contribueront essentiellement à la prospérité de l'État, et feront avec les sciences , les lettres et les arts, la gloire de la France : cette gloire-là ne fait pas verser des larmes ! Un anonyme a envoyé à l’Académie (séance du 9 décembre 1818), un manuscrit intitulé : FRAGMENT …. chap. 14. De l’Apti- tude de quelques peuples pour l’Harmonie et la Musique en général. L'auteur passe en revueles Allemands etles Italiens qui cultivent en général la musique; il désireroit qu’en France , dans les écoles, on inspirât de bonne heure ce goût à l’en- fance ; et il pense que de cette manière on auroit la preuve que tous les peuples sont aptes à la Musique. ( 188 ) M. Grrauzr a lu (9 décembre 1818) une Notice biographique sur le père Fourcau», minime, natif de Fontaine - Française, et qui, dans la dernière moitié du siècle qui vient de s’écouler , s’étoit rendu célèbre par les collections d’oiseaux qu'il avoit formées lui-même. (Journ. de la Côte-d'Or, 1819 , 4 janv., 6° année, pag. 6; Journ. d’ann., par Carion, 1819, 21 janv. , pag. 46). Si l’on joint à ces travaux les rapports nombreux faits à l’Académie sur tous les ouvrages imprimés (1) qu’elle a reçus depuis sa dernière séance publique , on aura une idée exacte de la manière dont ses séances particulières ont été remplies. L’AcaDémis a perdu plusieurs de ses cor- respondans : MM. Prcarp, Mrrzix, Moxce. Joseph-Gaspard Picarp naquit à Louans, département de Saône-et-Loire, en 1748. Destiné au barreau par son père, le goût du dessin lui fit quitter cette carrière pour en suivre une autre dans laquelle il tint la première place. Il rapporta aux florissantes manufactures de la seconde ville du royaume, QG) Voy. le Catalogue , pag. 195. ( 189 ) toutes les combinaisons de son esprit, toutes les créations de son pinceau , et prit ainsi une part active aux succès de l’industrie lyonnaise. Associé aux principaux fabricans , sa ré- putation s’étendit au loin ; elle parvint en Angleterre où l’on désira l’attirer ; mais notre compatriote préféra la gloire de son paysaux brillans avantages qui lui étoient offerts par l'étranger. M. Picard étoit d’une petite stature ; sa conversation piquante et spirituelle, dans la- quelle son imagination se peignoit souvent par des expressions pittoresques , rendoit sa société très agréable. Il eut le rare avantage de recevoir dans son cabinet le Cours pu Norp et Josepu Il, auxquels il développoit les procédés indus- triels de nos manufactures : « Laissez, di- « soit l'Empereur d'Allemagne à ceux qui « l’entouroient , laissez parler ce petit mon- « sieur , il sait mieux que personne se faire « comprendre de moi etm’expliquer ce que « je désire apprendre. » Il fut reçu à l’Académie de Dijon le 27 brumaire an 11 (17 novembre 1802); il étoit membre de celle de Lyon. Une attaque d’apoplexie foudroyante l’en- ( 190 ) leva , le 20 juillet dernier, à une épouse dé- solée et à ses nombreux amis. Aubin-Louis Mivrin naquit à Paris le 19 juillet 1759. Il perdit son père de bonne heure. Le goût qu’il avoit pour les sciences physiques ne lui permit pas d’acquiescer au désir de sa mère , qui le destinoit à l’état ec- clésiastique. Doué d’une mémoire heureuse, d’un ardent désir d’instruction , il com- mença par l’étude de l'Histoire naturelle : il fut un des fondateurs de la Société lin- néenne de Paris, qui le choisit pour son se- crétaire. Pendant la révolution , les membres de cette Société se réunirent sous le titre de Société d'Histoire naturelle, et M. Millin en fut de nouveau nommé secrétaire. Cette nouvelle Société provoqua de l’As- semblée constituante le décret en vertu du- quel fut armée l'expédition pour la recher- che de l’infortuné Lapeyrouse. Le désir de conserver le souvenir des mo- numens, que renversoit le marteau des Van- dales, décida M. Millin à les recueillir sous le titre d’Antiquités nationales. Victime de l’anarchie, il fut emprisonné, et ne dut son salut et sa liberté qu’au 9 ther- midor. (191) Il entreprit, avec MM. Noël et Warens, et bientôt à lui seul , la rédaction du Maga- sin encyclopédique. En 1794, après la mort de l’illustre abbé Barthelemy, il fut nommé conservateur du Cabinet des médailles , pierres gravées et antiques de la Bibliothèque du Roi; dès-lors il se livra exclusivement aux travaux de ses nouvelles fonctions. Aussi le nombre des ouvrages d’Archæologie qu’il publia est considérable. Pour réparer sa santé épuisée par de longs travaux, on lui conseilla de voyager dans le midi ; mais son activité ne l’abandonna point, et il recueillit tout ce qu’il y avoit d’intéres- sant dans les lieux qu’il parcouroit. N. B. Nousne pouvonsattribuer lesinexac- titudes, dans ce qui concerne notre ville, qu’à une rédaction faite après coup sur des notes prises avec précipitation, et qui, par la suite, auront été confondues. M. Millin avoit consacré sa bibliothèque à la jeunesse studieuse. Ce bel établissement étoit un vrai temple des Arts où l’on trouvoit des savans de tous les pays qui y prenoient des notes, des artistes qui dessinoient, etc. Cette bibliothèque fut brûlée , le 17 février 1812 , par la méchanceté de son domestique qui y mit le feu. M. Millin étoit de presque (192) toutes les Académies et Sociétés savantes de l'Europe. L'Académie de Dijon le reçut le 15 nivôse an 12 (4 janvier 1803). Il mourut le 14 août dernier , regretté de tous les Sa- vans pour lesquels le Journal qu'il avoit crée étoit un point de réunion, un centre de correspondance qui n'existe plus. On trouvera sur M. Millin des détails plus éten- dus dans l’Eloge qu’en a publié M. Krafft. (Ann. encycl., novembre 1818). Gaspard Moxce naquit à Beaune le 10 mai 1746. Ses dispositions précoces le firent entrer de très bonne heure dans l’un des corps destinés à l’enseignement , et à l’âge de 16 ans il fut chargé d’enseigner la phy- sique chez les Oratoriens de Lyon. A 19 ans il professoit , avec le plus grand succès, les mathématiques et la physique à l’Ecole royale du génie à Mézières. Ses grands ta- lens lui ouvrirent les portes de l’Académie des Sciences dont il devint un des membres les plus célèbres. Il découvrit dans les Ma- thématiques une partie qu'il appela Géo- métrie descriptive , et dont il enseigna l’ap- plication. Il en donna des lecons à l'Ecole normale. Il fut professeur , et le premier directeur de (195) l'Ecole polytechnique, pépinière qui a four- ni un si grand nombre de Savans dans tous les genres. Désireux d’agrandir le domaine de la science, M. Monge ne put voir avec indif- férence cette expédition d'Egypte qui faisoit espérer pour les Sciences des résultats si flat- teurs, et qui promettoit aux Savans, des dé- couvertes curieuses , liées à de grands sou- venirs. Aussi, il en fit partie , et fut un des membres les plus zèlés et les plus utiles de l’Institut du Caire (1). La réputation de M. Monge étoit trop so- lidement établie pour que toutes les Acadé.- mies de l'Europe ne s’empressassent pas de se l’adjoindre, et l’Académie de Dijon l’associa à ses travaux le 5 janvier 1804. Ses talens étoient accompagnés d’une bonté touchante, qui faisoit le bonheur de sa famille et de ses amis. M. Monge est mort à Paris le 29 juillet dernier, à l’âge de 72 ans. Resserrés par l'espace, nous n’avons pu (1) C’est à M. Mower que l’on doit la découverte de la cause qui produit le Wzrage : plusieurs physiciens et astronomes ont, à différentes époques, parlé de ce phénomène , dont il existe une description très exacte dans le tom, I, pag. 82, cel. 2 , de la Description géographique, historique et physique de l'empire de da Chine... par le R, P, Du H4szos. 3 1 (194) donner qu'une très courte notice sur le ca- ractère et les talens de M. Monge ; heureu- sement, nous pouvons renvoyer, pour plus amples détails sur ce Savant distingué , à l'éloge qu’en a publié M. Ch. Dupin. L’AcADÉMIE a associé à ses travaux : M. Grasset , propriétaire de Montmu- sard, membre résident, (30 décembre 1818); M. Edouard Psrir , D. M. à Corbeil, correspondant , (19 août 1818) ; Sir John Sixcraïr , baronet, fondateur de la Société d'Agriculture de Londres, cor- respondant, (19 août 1818) ; à Londres. M. Herscuez fils, membre de la Société royale de Londres, etc., correspondant, (19 août 1818); à Londres. M. Grivaup ne LA ViNceizr, historiogra- phe de la Chambre des Pairs, correspondant, ( 26 août 1818); à Paris. M. Alexandre Lenoir ,\ administrateur des Monumens de l'Eglise royale de Saint- Denis, etc., associé non résident, (2 dé- cembre 1818); à Paris. M. Prupon , peintre , associé non rési- dent , (2 décembre 1818) ; à Paris. M. H. Mirauzr, secrétaire général de l'Athénée des Arts, à Paris, etc., corres- pondant, (27 janvier 1819). ( 195 ) Carazocue des ouvrages imprimés , envoyés à l’ Académie , depuis sa dernière séance publique. L’Académie a reçu la continuation des 1. Annales de l’Aoriculture française, par MM Tes- srer et Bosc. 1818. 2. Du Journal des Propriétaires ruraux pour le midi de la France; par la Société d’Agriculture de Toulouse. 1818. 3. Appel à tous les membres de la Légion d’hon- neur , et Projet d’une Association industrielle et bien- faisante de l'Ordre, soumis au Gouvernement. Paris # 1018. In-4.° N° 1.7 4. Report of the Committee of the Board of Agricul- ture , appointed to extract information from the County reports, and other authorities, concerning the culture and use of potatoes. London , 1795. In-4.° 5. Memoir relative to the annullar Eclipse of the Sun which will happen on september 7, 1820. By Francis Barzryx. London, 1818. In-8.° 32 pag. fig. 6. Traité historique et pratique du scorbut chez l’homme et les animaux ; par M. Barme. Lyon, 1819. In-8.° 336 pag. 7. Cours de Droit criminel fait à la Faculté de Droit de Grenoble; par M. Berrrar St.-Prix. Grenoble , octobre 1815. In-8.° 167 pag. 8. Ode. Anniversaire de la mort de S. A, S. de Bourbon-Condé , Duc d’'Enghien, pour l’année 1819 ; par M. 5e Borsserorze. Paris, 1819. 1In-8,° 6 pag. 9- Extrait d’un Mémoire sur l’hydropisie aiguë des ventricules du cerveau ; par And.-Mar.-Jos. Bouvier, D. M., etc. Paris, 1807. In-8.° 22 pag. ( 196 ) 10. À Plan for the detection and prevention of for- gery, by which the bank may be enabled to exhibit to the public the proofs of the forgery of its notes without offering any advantage to forgers.…. By J. Ant. Brun. Translated from the french by *%x%, London , 1818. In-8.° 34 pag. 11. Programme du prix proposé par l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon, pour le 24 août 1819. (Eloge historique du Cardinal de Gran- velle. ) 12. Programme de l’Académie royale des Sciences , Belles-Lettres et Arts de Bordeaux , Séance publique du 26 août 1818. 13. Almanach de la Société royale de Médecine de Bordeaux , pour l’an 18109. In-12. 72 pag. 14. Notice des travaux de la Société royale de Mé- decine de Bordeaux, depuis sa dernière séance pu- blique , jusqu’au 1.*° septembre 1818. Bordeaux, in-8.° 59 pag- 15. Programme de la Société royale de Médecine de Bordeaux, séance publique du 31 août 1818. In-4.° 8 pag. 16. Société d'Emulation de Cambrai , séance pu- blique du 17 août 1818. In-6.° 217 pag. 17. Programme du prix proposé par la Société d’Emu- lation de Cambrai, pour 1819. Eloge de Lamoisnon de Malesherbes. 18. Notice de la séance publique de la Société d’A gri- culture , Commerce, Sciences et Arts du département de la Marne , tenue à Chälons le 26 août 1818. Chä- lons , 1818. In-8.° 104 pag. (197) 19. Ephémérides de la Société d'Agriculture du dé- partement de l’Indre , pour l’an 1817. Séance du 7 sep- tembre 1817. x1°. cahier. À Châteauroux. In-8.° 107 p. 20. Ephémérides de la Société d'Agriculture du dé- partement de l’Indre, pour l’an 1818. Séance du 6 sep- tembre 1818. x1r.° cahier. À Châteauroux, in-8.° 100 p. 21. Le retour de nos Rois, Ode. 3 mai 1814. In-4.° 4 pag. Au Peuple français. 3 mai 1615. In-8.° 16 pag. Harangue sur la Tyrannie; par M. A. C. de CX*X#X, Paris , 1814. In-8.° 52 pag. 22. Description des machines et procédés spécifiés dans les brevets d’invention , de perfectionnement et d'importation , dont la durée est expirée; publiée, d’après les ordres de M. le Comte Lainé , Ministre de l’intérieur, par M. CnrisrrAn, Directeur du Conserva- toire royal des Arts et Métiers. Tome second. Paris, 1818. In-4.° fig. 23. Éloge historique de Louise-Auguste de Meklen- bourg-Strelitz, Reine de Prusse, Lu à la séance pu- blique de l’Académie des Sciences, Arts et Belles- Lettres de Dijon, le 4 juillet 1818 ; par M. le Mar- quis DE CourrTivron. Dijon , 1818. In-8.° 28 pag. 24. Le Code d’Instruction criminelle et le Code pé- nal, mis en harmonie avec la Charte, la morale pu- blique , les principes de la raison , de la justice et de l'humanité. Paris, 1819. 135 pag. 25. Examen de l'opinion vulgaire, que les neiges des montagnes influent sur la température de Pair dans les plaines voisines ; par J. André Dezuc , fils de feu G:A:D,. (198) 26. Extrait d'un Mémoire sur les blocs de granit et les autres pierres éparses en divers pays; par J. A. Dezwc, fils de G. A. D., lu à la séance de la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève, le 10 avril 1817. 27, Transactions of the Society instituded at London, for the Encouragement of Arts, Manufactures , and Commerce ; with the premiums offered in the year 1783—1806. London, 24 vol. in-8.° 28. Society for the Encouragement of Arts, Manu- factures, and Commerce. Premiums offered in the Ses- sion 1818—16019. London, june. 1818. 29. Procès-verbal de la séance publique de la Société de Médecine, Chirurgie et Pharmacie, du département de l'Eure, tenue à Evreux le 28 septembre 1818. Evreux , 1818. In-8.° 62 pag. 3c. A History of the early part of the reign of James the second ; with an introductory chapter. By the right hon. Charles James Fox. To which is added an appendix. London, 1808. In-4.° Superbe exemplaire, donné à l’Académie par Lord Horz4AxD. 31. Lettre de M. le Comte Françors DE Neurcxa- TEAU, sur l'irrigation, et sur d’autres objets d’écono- mie rurale. In-8.° 40 pag. 32. Mémoire sur le Claveau et sur les avantages de son inoculation; par J. Girarv, Directeur de l’Ecole royale vétérinaire d’Alfort, membre de la Société royale et centrale d'Agriculture , etc. Seconde édition , revue et augmentée, Paris, 1816. In-8.° 63 pag. 33. Détails historiques et statistiques sur le départe- ment de la Côte-d'Or, ses arrondissemens , et sur cha- (199) cun des trente-six cantons qui le composent; par l’au« teur des Essais sur Dijon. Dijon, novembre 1818. In-8.° 96 pag. < 34. Entrée solennelle de la Reine Eléonore à Dijon, en janvier 1530 ; par C.-X. GXXx*, Dijon, 1819. In-24. 24 pag. 35. Recueil de Monumens antiques , la plupart iné- dits, et découverts dans l’ancienne Gaule ; par M. Grt- VAUD DE LA Vincezre. Tome second. Paris, 1817. In-4.° fig. 36. Dissertation surune médailleinédite d’Arsace XV, Phraate 1V, Roi des Parthes , et sur quatre médailles d’Attambylus , Roi de la Characène , dont on ne con- noissoit point, jusqu’à ce jour , ni le nom, ni les mon- noies ; par M. Grivaup DE LA Vincerze. Paris, 1817. in-8.° 17 pag. fig. 37: Mémoire sur l’usage des vases appelés Lacryma- toires ; par M. Grivaup. In-8.° 24 pag. 38. Dissertations sur deux pierres gravées inédites ; dont l’une représente les Dioscures combattant les Mes- séniens ; et l’autre, A pothéose de Fanstine la jeune ; par M. Grivau» DE LA Vincerce. Paris, 1817. In-8.° 12 pag. fig. 39. Description d’une anse de vase en bronze, ornée de bas-reliefs , découverte en 1811 dans les ruines de Na- sium ; par M. Grivaup pe LA Vinceze. Paris, 1817. In-8.° 18 pag. fig. 40. Description d’un Camée antique du cabinet de feu M. D.xxx V.Xxkx ; par M. GrivauD DE LA Vin- CELLE. Paris ; 1818. In-8.° 9 pag. fig. 41. Poems elegiac and Miscellaneous ; by M. Hac- «EtT. London , 1804. pet. in-8.° ( 560 ) 4>. Academic Annals, published by authorithÿ of the royal Academy of Arts, 1801—1809. Collected and arranged by Prinez Hoare, Secretary for foreign cofresporidance to the royal Academy. London , 1805-— 1809. În:4:° 43. The exhibition of the royal Academÿ. m, noce xviir. The fiftieth. London. In-4.° 44. Observations of a Comet, with remarks on the. construction of its different parts. Bÿ William Hens- CHEL ; LL. D. F. R. S. London, 1812. In-4.° 45. Observations of a second Comet, with remarks on ité construction. By William Herscnez ; LL. D. F;, R.S. London, 1812. In-4.° 46. Astronomical Observations relating to the side- real part of the heavens; and its connection with the nebulous part ; arranged for the purpose of critical exa- mination. By #fi/liam Henscuer , LL. D. F. R.S. London, 1814. In-4.° 47. Astroônomical Observations and éxperiments ten- ding to investigate the local arrangement of the celes- tial bodies in space, and to determine the extent and condition of the Milky Way. By sir Pi/liam Hers- cuez , Knt. Guelp. LL. D.F. R.S. London, 1817. 48. Consideration of various points of analysis. By John F. M. Herscuez, esq. F. R.S. London, 1814. In-4.° 49. On the developpement of exponéntial functions ; together whith several new theorems relating to finite differences. By Jon F. W. Herscnez, esq. B. A.F. R. S., and corresponding member of the royal Society ef Gottingen. London , 1816. In-4.° ( 201 ) 50. An Elementary Treatise on the differential and itegral Calculus. By S, F. Lacroix. Translated from the French, with an appendix and notes. Cambridge, 1816. In-8.° ( Par M. Herscnez fils. ) 51. On circulating functions, and on the integration of a class of equations of finite differences into which they enter as coefficients. By John F. W. HerscneL, esq. F. R, S. London, 1818. 52. Isoperimetrical Problems. By J. F, F. Henrs- CHEL. In-4.° 8 pag. 53. À Memoir on equations of differences and their application to the determination of functions from gi- ven conditions. Cambridge, 1813. In-4.° 54. Notice sur les maladies que les chaleurs et la sé- cheresse de l’été de 1818 ont pu développer parmi les bestiaux , et sur les moyens de prévenir celles qui pour- roient naître pendant l’automne suivant; par M. Hur- TREL D'Argovaz. 3.° édit. In-8.° 16 pag. 55. Lettres minéralogiques et géologiques sur les Volcans de l'Auvergne , écrites dans un voyage fait en 1804 ; par Lacoste, de Plaisance , ex-professeur d’His- toire naturelle à l'Ecole centrale du Puy-de-Dôme , etc. Clermont, an x111—1805. In-8.° 56. Poems, by Chandos Lercu. Second edition, with additions. London, 1818. Pet. in-8.° Exemplaire envoyé à l Académie par l’auteur. $7. Abstract of the Constitution and Laws of the Royal Academy of Arts in London, established Decem- ber 10, 1768. London, 1814. In-8.° 58. Compte rendu des travaux de la Société royale d'Agriculture, Histoire naturelle et Arts utiles de ( 202 ) Lyon, pendant le cours de 18173 par L. F. Grocwter, professeur vétérinaire , secrétaire de la Société. Lyon, 1818. In-8.° 59. Compte rendu des travaux de l’Académie royale des Sciences, Belles-Lettreset Arts de la ville de Lyon, pendant le 2.° sémestre de l’année 1818. Lyon, 1819. In-8.° 74 pag. 60. Note sur un nouvel engrais, lue à la Société d'Agriculture de Lyon, dans sa séance du 10 avril 1818; par L. F. Grocntrer. 8 pag. 61. Rapport sur un nouvel engrais, présenté à la So- ciété royale d'Agriculture , Histoire naturelle, et Arts utiles de Lyon. 1819. In-8.° 53 pag. 62. Programme des Prix décernés en 1818 ; et de ceux proposés en 1819 par l’Académie royale des Sciences , Belles-Lettres et Arts de Lyon. In-8.° 4 pas. 63. La deuxième liste des Souscripteurs pour l’érec- tion de la statue en l’honneur de Mg. le Prince de Condé. In-4.° 20 pag. 64. Observation relative au bon ordre de la Société ; par M. l’abbé Mermer. Avril 1817. In-8.° 15 pag. 65. Traité pratique de l’OEil artificiel... ; par Hazarn-Mrraurr, membre del’Athénéedes Sciences, Lettres et Arts de Paris, de la Société d’Encourage- ment pour l'industrie nationale , etc. etc. Paris, 1816. In-8.° 150 pag. 7 pl. 66. Exploration géologique et minéralogique des mon- tagnes du Vauclin à la Martinique, lue à l'Académie royale des Sciences de l’Institut de France , dans les séances des 14 et 29 octobre 18173; par Alexandre Mo- REAU DE Jonnès, correspondant de l’Académie, etc. In-8.° 20 pag. x ( 203 ) 67. Monographie du Mabouia des murailles, ou Ge- cko Mabouia des Antilles, extraite du Bulletin de la Société philomatique ; par M. Moreau DE Jonnès. Monographie de la Couleuvre couresse des Antilles , Coluber cursor, de Lacépède, lue à l’Académie des Sciences, le 30 mars 1818; extraite du Journal de phy- sique , septembre 1818. In-4.° 8 pag. ( par le même.) 68. Compte rendu des travaux de la Société des Scien- ces, Arts et Belles-Lettres de Mâcon , le 17 décembre 1818. Mâcon, 1819. In-8.° 78 pag. 69. Mémorial administratif, N.° 6, de 1819. 70. Notes sur le premier Plan de Paris, connu sous le nom de Plan de Tapisserie. In-4.° 11 pag. 71. Les morts rendus à la vie... ; par M. Ororx, de plusieurs Sociétés savantes et littéraires. In-8° 8 p. 72. Manière de préparer des médecines, qui présente beaucoup d’avantages ; par M. Opoix, inspecteur des eaux minérales à Provins. In-8.° 7 pag. : 73. Théorie des couleurs et des corps inflammables. $ par M. Ororx , inspecteur des eaux minérales, etc. etc. Paris, 1808. In-8.° 404 pag. 74. Examen de la Théorie des couleurs et des corps inflammables de M. Ororx......, et d’un Postscriptum du même auteur , sous le titre de Défense de la Théorie des couleurs , etc. Paris, 1810. In-8.° 32 pag. 75. Traité des eaux minérales de Provins; par M. Oporx, Inspecteur des eaux minérales , etc. etc. Paris, 1816. In-12. 176 pag. 76. Statuts de la Société des Sciences, Belles-Lettres et Arts d'Orléans , Orléans. In-8.° 32 pag. 77- Ajax furieux, tragédie en cinq actes et en vers; par M. de P.*X*, membre de plusieurs Académies, (204) auteur de plusieurs poëmes. Guéret , 1816. In-6.° 48p. 78. Essai historique sur la Lithographie ; par G. P. Paris, 1819. 60 pag. 79. Memoirs of the life and writings of the late John Coakley Lettsom , M. D. with a Selection from his Cor- respondance. By Thomas-Joseph Perricrew, F.L.S., etc. etc. 80. Selections from the medical papers and Corres- pondance of the late John Coakley Lettsom, M. D. LL. D. By Thomas-Joseph Perricrew, F. L.S., etc. etc. London , 1817. In-8.° 81. Rapport sur les Fosses mobiles et inodores de MM. Cazeneuve et Compagnie , fait à la Société royale et centrale d'Agriculture , dans sa séance du 19 août 1818. Paris , 1818. In-8.° 62 pag. 82. Rapport fait à la Séance publique de la Société royale et centrale d'Agriculture , le 29 mars 1818, sur les divers concours proposés pour la culture des pommes de terre. Paris, 1816. In-8.° 139 pag. 83. Annuaire de la Société royale et centrale d’Agri- culture , pour l’année 1819. Paris, 1819. In-12. 138 p. 84. Programme des prix que la Société d'Encoura- gement pour l’industrie nationale, a proposés dans sa séance du 23 septembre dernier , pour les années 1819, 1820, 1821. . 85. Description d'un Olyphantou grand cornet , chargé de bas-reliefs, trouvé dans la chaîne méridionale des montagnes du Bugey, département de l'Ain , et obser- vations sur son origine, sa destination et ses anciens possesseurs ; par M. Th. RisouD. Bourg , sans date. In-6.° 69 pag. (/3057) 86. Thermomètre régulateur , pour le décuvage des vins , composé par M. REGNIER: 2 pag. 87. Hymne au Génie, par M. Robert pe Rurrières. À Londres , 1815. In-12. 88. Précis analytique des travaux de l’Académie royale des Sciences, des Belles-Lettres et des Arts de Rouen , pendant l’année 1817. Rouen, 1818. In-8.° 198 pag. fig. 89. Séance publique de la Société d'Emulation de Rouen , tenue le 9 juin 1818. Rouen , 1818, In-8.° 62 pag. fic. 90. Programme des Prix proposés par l’Académie royale des Sciences , des Belles-Lettres et des Arts de Rouen ; pour être décernés dans sa Séance publique de 1819. 91. Notice sur quelques Monumens anciens situés dans les environs de Genève; par Eusèbe SALvERTE. Genève , 1819. 2#-8.° 30 pag. d 92. Essai moral sur l'Homme dans son rapport avec Dieu; ou Discours polémique contre l’Athéisme ; par J. TéÉranD , ancien élève du Collége de Dijon. A Cam- bray , chez l’auteur , 1818. In-8.° 37 pag. 93. Société de Médecine de Toulouse. Compte rendu des ouvrages manuscrits ou imprimés, lus en séance par quelques-uns de ses membres résidens, ou adressés à la Société par ses correspondans. Sans date. In-8.° 16 pag. 94. Précis de la Constitution médicale observée dans le département d’Indre-et-Loire, pendant les 2.°, 3. et 4. trimestres de 1818; publié par la Société médicale de Tours. ( 206 ) 99. Réflexions sur le Rapport de la Faculté de Mé- decine de Paris, concernant la fièvre jaune ; par le Doc- teur Louis VazenTIN , Chevalier de l'Ordre du Roi et de la Légion d’honneur. In-8.° 18 pag. 96. Notice sur l’Opossum , et sur quelques animaux à bourse ; extrait des Mémoires de l’Académie de Mar- seille. 1811. In-8.° 20 pag. Par M. Vazenrrn. 97. Rapport fait à la Séance du 5 janvier 1819, sur les pommes de terre ; Société d'Agriculture et des Arts du département de Seine-et-Oise. 98. Mémoires de la Société d'Agriculture et des Arts du département de Seine-et-Oise, publiés depuis sa séance publique du 13 juillet 1617, jusqu’à celle du 28 juin 1818. 18.° année. Versailles , 1818. In-8.° 146 p. Rapport de la Commission d'examen , pour le concours. MessrEurs, La Commission chargée par vous d’exa- miner les pièces adressées à l’Académie pour le concours de cette année, vous a déjà fait un rapport duquel il résulte que des cinq discours envoyés, un seul lui a paru devoir être distingué. Vous avez désiré, sur cette composition jugée unanimement digne du prix, un rapport particulier; la Commission vient aujourd’hui ( 3 avril 2819 ) vous sou- mettre le résultat du nouvel examen auquel elle s’est livrée. Au nom de Coxpt se rattachent des sou- ( 207 ) venirs bien dignes d'inspirer tout Français dont le cœur est ouvert à l’amour de la gloire et à ces grandes pensées qui sont la source de la véritable éloquence. Si l’ora- teur ne s’est pas tenu constamment élevé à la hauteur de son sujet, nous devons du moins lui savoir gré de n'avoir pas déses- péré du succès. Son discours se recom- mande par un style généralement noble et soutenu, par des sentimens généreux, par des pensées justes et profondes. On peut le diviser en deux parties, dont l’une est antérieure, l’autre postérieure à la révolution. Dans la première , les faits sont présentés de ma- nière à placer le Héros dans tout son jour; le style en est plus mâle et plus égal que dans la seconde, et l’art y mérite d’autant mieux d’être loué qu'il s’y laisse moins apercevoir; les réflexions plus naturelles s’y rattachent plus immédiatement au sujet, quoiqu'il soit vrai de dire que si l’auteur s'en écarte quelquefois, soit par des digres- sions trop prolongées , soit par des consi- dérations politiques trop approfondies , il sait toujours nous y ramener avec adresse, et ce n’est point seulement alors que son ta- lent se fait remarquer par des transitions heureusement ménagées. ( 208 ) La seconde partie offroit plus de diffi- cultés à vaincre, plus d’écueils à éviter. L’o- rateur a souvent triomphé avec habileté des unes et des autres ; il y déploie, comme dans la précédente, des connoissances historiques dont il fait le plus heureux usage, soit par des aperçus et des développemens présen- tés avec art, soit par d’ingénieux rappro- chemens ou de fines allusions ; il nous mon- tre en lui non seulement l'historien qui ra- conte , l’orateur qui loue, mais souvent en- core le publiciste qui juge, le moraliste qui pèse les hommes et les choses, le chrétien qui remonte à la cause première de tous les événemens. Lorsqu'il déplore les malheurs de son pays, il appelle à son secours la ré- signation et l’oubli dont la Religion pres- crit à tous le sublime devoir, et dont le Prince de Condé nous offre un si touchant exemple : aussi sa douleur et son indigna- tion se taisent devant les décrets de la Justice éternelle, et cèdent à l’espoir consolant d’un avenir plus heureux. IL est vrai que cette seconde partie offre, dans certains passages, plus de chaleur, plus de mouvemens oratoires , plus de vues éle- vées; mais le travail s’y fait peut-être aussi ( 209 ) sentir davantage , et, par une conséquence inévitable, les défauts du style y sont plus sensibles et en plus grand nombre. On y remarque plus de ces tours forcés, de ces locutions ambitieuses que le bon goût réprouve, de ces phrases obscures ow alongées par des développemens superflus d’une idée qui, pour conserver sa force , a souvent besoin d’être exprimée avec conci- sion. L'Académie , après avoir entendu la lec- ture du rapport de sa Commission , en adopte le contenu, et décerne le prix à l’auteur du Mémoire n.° 3, portant pour épigraphe : Fuit magnus bello, major in adversis, maximus religione. 14 ÉLOGE HISTORIQUE DE S. A. S. LOUIS-JOSEPH DE BOURBON, PRINCE DE CONDÉ. Fuit magnus bello , major in adversis, maximus Religione. Dass tous les temps, la valeur conquit les hommages du genre humain. L'art, à l’abri duquel les autres s’exercent en sûreté, fut en honneur dans l’ancienne Egypte (1); chez les Grecs, les héros eurent des autels après leur mort ; chez les Romains, des statues ; chez les peuples du Nord, des chants mili- taires : ce n’étoit point à une nation aussi suerrière que la nôtre , à leur refuser ses louanges; aussi le premier éloge public en- (1) « Après les familles sacerdotales , celles qu’on « estimoit les plus illustres étoient, comme parmi nous, « les familles destinées aux armes.» Bossuer, ist. univ. , 3.° partie. (e12) tendu par la France fut prononcé sur latombe de du Guesclin. Mais, si le guerrier que ve- noit de perdre la patrie , portoit un de ces noms que le respect des peuples a consacrés et dont le sceau des âges a fixé pour jamais la gloire ; si, humain pendant la guerre et bienfaisant pendant la paix, il avoittraversé sans peur et sans reproche une longue car- rière bordée de précipices ; tous les senti- mens particuliers se taisoient devant la vé- nération universelle qui devenoit alors une sorte de culte national. Tel, après une vie orageuse de seize lustres, s’offre à nous le dernier Prince DE Copé. Il est des génies extraordinaires qui , ne paroissant guères qu’à de longs intervalles, semblent faits pour imprimer le mouvement à tout un siècle; dont la marche étonnante nous frappe d’abord, et commande bientôt notre admiration. Mais heureusement la na- ture est avare de ces hommes qui sont nés pour changer la face du monde; et l’œil de l'observateur , fatigué de suivre dans leur course ces rares météores, ne se repose point sans plaisir sur ces caractères moins brillans, et même quelquefois plus utiles, dont la desti- nation paroît être de conserver plus que de -créer, qui consolent leur pays par leurs servi- Frases cés, qui lassent l’adversité par leur courage, et qui sayent mourir comme ils ont vécu, en souriant au danger et en faisant le bien. Le souvenir de tels hommes ne s'éteint pas avec eux. L’estime du sage leur est acquise ; ceux qui ont joui de leurs bienfaits, répètent leurs noms avec amour ; l’histoire reconnoissante recueille leurs belles actions ; et la nation qui les regrette leur paie un juste tribut d’éloges : il étoit digne du pinceau de Tacite d’immor- taliser les vertus modestes d’Agricola , après nous avoir peint Germanicus. Et nous aussi, nous venons rendre ce triste devoir au Prince De Conpé. Nous louerons peu sa bravoure et sa générosité; le sang des Boureoxs couloit dans ses veines : mais nous raconterons ce qu'il a fait pour sa patrie et pour ses Rois ; nous le suivrons au sein des camps, à la cour, dans la retraite ; nous di- rons combien il se montra grand dans les jours mauvais, combien il respecta les lois de son pays, comment il sut les défendre, et quel fut son attachement à la Religion de Charlemagne et de Saint Louis ; nous rap- pellerons enfin, que s’il fut vaillant comme du Guesclin et religieux comme Turenne, il pardonna de pluscomme Henri IV. Les Let- tres qu’il chérit et qu’il encouragea à la ma- ( 2139 nière du grand Condé, ne seront pas ingrates envers sa mémoire. Déjà les chaires de vérité ont retenti par toute la France de louanges méritées, et l’éloquence sacrée a la première acquitté sa dette à l’écard du dernier dépo- sitaire d’un nom qui rappellera toujours le chef-d'œuvre du plus grand de nos orateurs. Mais c’étoit sur-tout à la Bourgogne , à la- quelle une partie de la vie du Prince fut consacrée, à reconnoître, par un solennel hommage, sa constante sollicitude pour une province dont le bonheur étoit devenu une portion sacrée de l’héritage de ses pères. L’aca- démie , dont il s’étoit déclaré le protecteur il y a plus d’un demi-siècle, n’aura pas fait un vain appel à nos souvenirs ; ce n’est que dans les murs qui ont vu naître Bossuet qu’on. peut bien juger l'éloge du dernier Prince DE CoNDé. Né d’un père qui, après avoir gouverné la France, supportoit la disgrâce de la cour avec la fermeté d’un grand caractère , et se consoloit des illusions de la grandeur en con- tinuant aux sciences et à tous les arts le no- ble patronage dont s’étoient honoré sesaïeux, Lours-Josspx pe Bourson fut l'unique fruit de son union avec Caroline de Hesse-Rhins- feld , dont l'esprit pénétrant , nourri par une (214) instruction solide , s’étoit orné de bonne heure de tout ce que l’amabilité y peut ajou- terd’agrémens et de charmes. Le jeune prince ne devoit pas jouir de leurs leçons ; il les perdit presqu’à la fois l’un et l’autre dès sa plus tendre enfance, et demeura seul au mi- lieu des pompes de Chantilly, chargé de tout l'éclat d’un nom que le Grand-Condé, son trisaïeul , avoit rendu si difficile à porter. Cependant l’aménité naturelle de sa mère lui avoit acquis , presque dès le berceau, un protecteur puissant dans ce Roi, dont la malignité s’est tant plue depuis à exagérer les foiblesses, mais qui méritoit alors ce nom de Bien - Aimé, qu’il dut quelques années après aux alarmes de son peuple. Louis XV, dans sa jeunesse , visitoit souvent Chantilly dont il aimoit le séjour ; les qualités naissan- tes de cet auguste orphelin ne pouvoient échapper à sa pénétration naturelle , et le Monarque lui voua dès-lors une affection qui ne s’est guère démentie dans la suite. Nouveau chef d’une race de héros, qui naguères encore avoit pensé donner une reine à la France, le jeune prince reçut une éducation digne de lui. Le second frère de son père , le comte de Clermont, pour lequel il eut si constamment depuis une déférence (192$ 9 presque filiale, lui donnoit les exemples d'un bon cœur, lui transmettoit les antiques tra- ditions de la chevalerie, et formoit son ame à la pratique de ces vieux principes d’hon- neur, devenus chaque jour plus respectables à mesure qu'ils perdoient plus de leur salu- taire autorité. L’aîné de ses oncles fut son tuteur. C’étoit le comte de Charolois dont l’histoire a vanté l'esprit vif et étendu , et qui avoit su, au camp de Belgrade, comme sur le champ de bataille, obtenir les éloges du prince Eugène sous lequel il avoit appris à vaincre. Voilà sous quels auspices le qua- trième descendant du Grand Condé étudia la vie du plus illustre de ses ancêtres ; ses instituteurs savoient que les grandes choses se perpétuent par les grands souvenirs. Ils ne lui laïssèrent pas ignorer quelle place Dieu lui avoit marquée sur la terre ; mais ce fut pour l’effrayer par le tableau de tous les de- voirs que son rang lui imposoit : ils lui ap- prirent que si tous les hommes n’étoient pas faits pour être grands, tous du moins, et les princes sur-tout , étoient appelés à être uti- les ; et qu'être né du sang des rois n’étoit qu'un lien de plus pour leur rester fidelle et pour aimer leurs sujets. L'amour des lettres vint encore agrandir ses pensées. Le poëte ( 216 ) qui avoit fait couler des larmes d’admiration. des yeux de son trisaieul , fut aussi son poëte; quand l’âge eut même sp dans son ame ces premiers élans d'enthousiasme si vifsdans les jeunes cœurs bien nés, la lecture de Cor- neille exaltoit encore ses sentimens ; il le nommoit le breviaire des princes. Mais bien- tôt des études plus sérieuses et plus impor- tantes sollicitèrent puissamment son atten- tion. On lui fit méditer dans leur ensemble ces doctrines fondamentales de la Monarchie que l'ignorance dédaigne de nos jours, que la mauvaise foi calomnie , mais dont lin- fluence tutélaire n’a pu être niée que par ces ennemis de la gloire française qu’on a vus -s’égarer dans de ténébreuses recherches pour trouver un peuple d’esclaves dans la nation qui a produit d’Aguesseau et Montesquieu. Le jeune Copé apprit à interroger tour-à- tour notre histoire et les déclarations de nos Pois. Notre histoire lui montra la royauté limitée sous la première race par les sei- gneurs, sous la seconde par les seigneurs et les évêques , s’élevant sous la troisième une double barrière en affranchissant les com- munes et en créant les parlemens ; la force des armes toujours balancée par celle des coutumes ; les conseils de la nation associés (217) à la législation de temps immémorial, la né- cessité de leur consentement pour établir les charges publiques; et la France, redevenue par degrés le royaume des Francs , selon l'expression d’un de nos anciens rois, cons- tamment retenue dans les tempêtes , pour parler comme un grand publiciste, par deux ancres de salut, la légitimité et la religion, s’avançant vers la civilisation de siècle en siècle à travers les décombres du régime féo- dal. Les déclarations de nos Rois lui confir- mèrent le témoignage de l’histoire. Il lut ces antiques formules de serment où nos princes reconnoissoient solennellement que leur au- torité étoit subordonnée aux lois. Il étudia l'esprit général de ces capitulaires qui ne sont guère que les pierres d’attente d’un édifice qui ne put être construit, mais qui sont restés comme des monumens après avoir fondé le droit public de l'Europe. Mais peut-être ne Jui fit-on pas assez sentir que ces vieux mo- numens renfermoient le germe des plus belles institutions , et que le temps étoit venu de féconder ce germe, quand, sur les ruines des intérêts anciens , le colosse de l’opinion éle- voit sa puissance nouvelle à côté du trône de nos Rois, et comptoit plus d’un adorateur dans leurs conseils. ( 218 ) C’est parde telles études que le jeune prince préludoit à sa vie politique : bientôt devoit naître pour lui le moment de justifier les es- pérances de la patrie. A l’est du royaume s'étendoit une province populeuse et fertile , célèbre par les grands génies qu'elle avoit produits, par sa fidélité à ses souverains, et par la culture de tout ce qui est beau et utile parmi les hommes. Les souvenirs de la Bour- gogne n'étoient pas sans gloire. Jadis, ses monarques avoient régné depuis le Jura jus- qu’à la Loire, des rives du Rhin aux bords de la Méditerranée , et la France lui devoit son culte (1) : par ses ducs, issus de Hugues Capet comme nos Rois, elle avoit tenu plus tard le premier rang entre les pairies du royaume , et donné son nom dans la suite aux fils aînés de nos Dauphins. Il y avoit plus de cent vingt ans que le gouvernement en avoit été confié par Louis XIII au premier prince de son sang, de qui les descendans se l’étoient transmis. Une longue succession de bienfaits avoit perpétué entre sa famille et nous un long héritage de bienveillance et (1) Clotilde , épouse de Clovis, qui le convertit à la foi chrétienne , étoit du sang des rois de Bour- gogne. (219) de respects , de bons offices et de reconnois- sance. Aussi les cœurs de nos pères palpitè- rent d'espérance et d’amour à l’aspect du jeune prince qui alloit remplir avant dix-huit ans ces hautes fonctions tour-à-tour illus- trées par le plus fameux des la Tremouille et le plus malheureux des Biron. Il venoit présider une de ces assemblées triennales dont les Bourguignons chérirent toujours l’auto- rité paternelle , cette autorité qui avoit con- servé notre province à la France après la défaite de Pavie, malgré les ordres de Fran- çois I.” , captif, et la puissance de Charles- Quint. Oh ! qui de nous n’a pas entendu avec émotion le récit de ces jours solennels où tous les ordres de sujets resserroient à l’envi les nœuds qui les unissoient au trône ! Le peuple se consoloit de ses travaux en son- geant qu'ils ne seroient pas ignorés de son gouverneur général qui en retraceroit le ta- bleau à Versailles ; les charges publiques sem- bloient s’alléger en prenant la forme de dons librement consentis au chef de l'Etat. Qu'’est- il besoin de rappeler ici combien le dernier Prince DE CONDÉ animoïit ces jours de bon- heur par sa présence ? Avons-nous oublié qu'accessible à tous, populaire sans rien perdre de sa dignité, il ne s’y montra jamais ( %0:}) inférieur à son nom, soit qu'il protéseût le: mérite naissant ou des talens timides ; soit qu’il obtint du patriotisme des Bourguignons des secours pour notre marine ruinée par une guerre désastreuse ; soit qu’il encoura- geût l'établissement de cette école, destinée à propager gratuitement dans notre province l’amour des beaux-arts , dont l’habile direc- teur (1) étoit de son choix, et dont il voulut distribuer lui-même les premières récom- penses ? Mais il est temps de le montrer sur un autre théâtre plus brillant et plus périlleux. Un attentat qui doit être désavoué de tous les vrais Anglais (2), venoit d'allumer cette suerre de sept ans, l’une des plus meurtrières folies du 18.° siècle ; guerre célèbre par le choc des huit principales puissances de l’Eu- rope, et qui, féconde en événemens et en ruines, devoit embrâser les quatre parties (:) M. Devosses père. (2) En 1753, les Anglais avoient élevé un fort sur les terres de la domination française. Jumonville, offi- cier français, ayant été envoyé comme parlementaire pour les sommer de se retirer , fut assassiné. Tel fut le sujet des premières hostilités qui rompirent la paix de 1748.— Voy. Lacrétezre jeune, Æist. du 18.° siècle, tom. 3, CS21) du monde, pour assurer à ces habiles insu- laires la domination des mers : triste exemple de l'impuissance des progrès de la civilisa- tion contre les passions des hommes qui gou- vernent la terre! Tout-à-coup la querelle maritime qui nous étoit propre, prend le caractère d’une grande querelle continen- tale. Une femme qui, admise avant son troi- sième lustre aux conseils d’un puissant em- pire , s’étoit élevée depuis par la supériorité de l’héroïsme au-dessus des plus fortes épreu- ves du malheur, et sembla née ensuite pour montrer ce que peut le christianisme sur le trône pour le bonheur des peuples et la pros- périté des Etats, Marie-Thérèse, entraîna la France dans la défense de sa cause. Le peuple de Pierre-le-Grand s’armoit aussi pour elle ; il alloit pour la première fois prendre part à des débats qui lui étoient étrangers, et sen- tir de quel poids il pouvoit être dans la ba- lance de l'équilibre européen. Deux puissan- ces, descendues au second rang depuis un demi-siècle , s’unissoient à ces grands mou- vemens. Six grandes armées s’ébranloient pour accabler ce Frédéric qui avoit prouvé, à force d’entreprises et de victoires, la vérité d’un mot de Gustave-Adolphe avec lequel il eut plus d’un trait de ressemblance : z/ n°y (322) a de rang entre les princes que celui que deur donne leur mérite. Issu d’une race dont le nom étoit devenu celui de la valeur, et dont la gloire militaire se rattachoit à tous les succès des armes fran- çaises depuis deux siècles, le jeune ConDé peut-il ne pas s’abandonner aux sentimens belliqueux que la prise de Port-Mahon a ré- veillés dans tous les cœurs. Il s’arrache , à 19 ans , des bras d’une épouse qui va de- venir mère une seconde fois, pour aller dans le camp du maréchal d’Estrées partager les fatigues et les lauriers de Chevert. Déjà le Rhin étoit franchi, la Hesse couverte de nos troupes , et l'ennemi sembloit fuir devant nous. Tout-à-coup on découvre le vainqueur de Dettingue et de Culloden , retranché der- rière le Wéser, et déployant son ordre de bataille dans une position presque inexpu- gnable : c’étoit ce duc de Cumberland , qui avoit tant disputé la victoire de Fontenoy à l'immortel Maurice de Saxe. Il commande une de ces armées si rares au temps de Tu- renne , depuis si multipliées , lorsque l’Eu- rope s’est étonnée d’avoir à combattre un nouvel Attila : protégée d’un côté par des marais, soutenue par des redoutes, elle s’ap- puie encore sur une place forte; de l’autre, ( 223 ) elle est couverte par un bois épais et défen- due par des hauteurs garnies de canons. Cependant le vieux maréchal d’Estrées donne le signal de l’attaque. En vain les obstacles se multiplient contre nous ; l’impétuosité française triomphe ; Chevert et Contades ont forcé les doubles retranchemens des enne- mis. Mais ceux-ci comptent dans leurs rangs un jeune guerrier qui brûle d'illustrer son premier combat. Le prince héréditaire de Brunswick s’indigne d’une si prompte dé- faite ; il se met à la tête des Hanovriens, les ramène furieux sur le champ de bataille, s’en rend maître , et tourne notre artillerie contre nous. CoNDé, qu’anime un même be- soin de signaler ses premières armes par un coup d'éclat, s’élance pour lui arracher la victoire ; il vient de trouver un rival digne de lui. Où tous les guerriers qui l'entourent frémissent du danger , notre jeune Héros ne voit que la gloire; et, quand son premier gentilhomme le presse de faire quelques pas pour éviter la direction d’une batterie qui faisoit autour de lui d’affreux ravages , il répond sans s'émouvoir : je ze trouve pas ces précautions dans l’histoire du Grand- Condé. La fortune sourit à tant d’intrépi- dité; Brunswick mal secondé, recule; et, (204) sans cette fatale mésintelligence qui devoit trop souvent se renouveller entre nos géné- raux pour rendre vains tous nos succès dans cette guerre malheureuse, la victoire de Hastembeck nous eût épargné bien dusang et six années de sacrifices qui ne purent nous sauver du traité de 1763 : du moins cette victoire nous livra le Hanovre , et prépara cette convention de Clostersevern , trop fu- neste à la Grande-Bretagne pour être exé- cutée, mais dont la nouvelle porta le de- sespoir dans l’ame de Frédéric. Voilà par quels exploits il convenoit à un Coxné de débuter dans la carrière des honneurs mi- litaires, et de mériter le titre de lieutenant- général. Ce n’est pas la dernière fois qu’il aura à lutter contre un si formidable ad- versaire , et tout présage dans ce premier succès les journées de Gruningue et de Joan- nesbers. Passons rapidement sur les événemens qui suivirent l’occupation du Hanovre : assez d’autres ont retracé tant de batailles qui ne furent que meurtrières ; ont accusé l’indisci- pline toujours croissante de nos soldats sous des chefs jamais unis, et presque toujours inhabiles; nous ont peint Frédéric se jouant avec l'or de l'Angleterre, de projets formés (3259 sans concert , exécutés avec confusion ; et Louis XV achetant, au milieu même du dé- sordre de ses finances et des malheurs de ses armées, le silence de l’auteur d’une inven- tion plus terrible que le feu grégeois. Le sang couloit de toutes parts, mais sans ré- sultats ; et, pour me servir de l’ingénieuse expression d’un historien, la victoire n’avoit plus d’aîles. Dans cet état de choses , le jeune Prince De ConDÉ , étranger à tous nos revers, passa dans cette armée qu'illustrèrent depuis les succès du maréchal de Broglie et le beau dévouement du chevalier d’Assas ; elle étoit alors sous Les ordres d’un élève dis- tingué de Maurice de Saxe , le maréchal de Contades. Séduit par quelques avantages , ce général s’avançoit avec assurance contre le prince Ferdinand que la confiance du roi de Prusse, justifiée par trois ans de succès et la brillante victoire de Crévelt, avoit ins- crit au rang des grands capitaines. Sür de prouver qu’on ne se méprend point impuné- ment sur la position de son ennemi, ce prin- ee, immobile dans un poste inattaquable , soutient sans s’ébranler le premier choc. Vaï- nement nos attaques se succèdent; déjà notre cavalerie est dispersée , et les efforts redou- blés de nos fantassins ne font qu’augmenter 15 { 226 ) nos pertes. Toute l’impétuosité française vient se briser, comme à Fontenoy, devant une masse d’Anglais hérissée de pointes, dont la froide intrépidité rappelle ces vieilles pha- langes espagnoles qui balancèrent si long- temps la victoire de Rocroy, semblables , dit Bossuet, à autant de tours, mais à des tours qui sauroient réparer leurs brèches. Rives du Wéser! vous vîtes alors, pour la seconde fois, l'héritier du nom des Condés se mul- tiplier en quelque sorte pour réparer des fau- tes qui ne sont pas les siennes. Trois fois il tente d’enfoncer ces gros bataillons serrés à la tête de cette fameuse gendarmerie qui avoit rompu la colonne de Fontenoy ; trois {ois il se voit forcé de reculer pour arrêter le carnage. Animée par ses discours et par. ses exemples, cette gendarmerie revenoit une quatrième fois à la charge sur une pe- louse jonchée de cadavres, et déjà elle en- tamoit les Anglais de toutes parts, lorsque Contades fit sonner une tardive retraite pour ne pas prodiguer inutilement le sang fran- çais. Mais du moins la défaite de Minden ne sera pas une déroute : si nous cédons , nous cédons en braves, et l'ennemi n’ose inquiéter notre marche. Le Prince DE Con va s'éloigner encore ( 227 ) de nos soldats : les devoirs de l’amitié le rap- pellent auprès de ce Dauphin dans lequel sembloit revivre l’immortel élève de F'énélon, et qui, comme lui, fut ravi trop tôt à la France. Trop précieux à l'Etat par sa nais- sance et ses vertus, il n’avoit pas été donné au fils de Eouis XV de suivre les nobles mou- vemens de son courage et de combattre à côté de son jeune ami dans ces périlleuses cam- pagnes. Il pleuroit alors l’aîné de ses fils, ce noble enfant mort victime de son excellent naturel , et sur qui reposoient déjà de si hautes espérances (1). Les déchiremens du cœur nétoient pas inconnus au PRINCE DE Cox»; il venoit de perdre une épouse dans sa vingt-troisième année; mais il ne devoit pas goûter long-temps les douceurs de ces épanchemens mutuels. l’armée réclame sa présence ; il y vole, et ce général de vingt- cinq ans est jugé digne de ne recevoir d’or- dres que de lui-même. La campagne de 1761 est près de finir ; il veut la couronner par une conquête importante , et prouver que l’art de prendre des villes ne lui est pas moins familier que l’art de conduire une re- (1) Le duc de Bourcogne, frère aîné de Louis XVI. ( 228 ) traite ou de gagner des batailles. L'un des boulevards de la Westphalie est investi. Ni les eaux réunies d’une rivière et d’un grand fleuve qui le protègent, ni l'hiver qui s’ap- proche , ni des fortifications par lesquelles l’art a doublé les obstacles de la nature; rien ne défendra Meppen de l’ardeur des Français dirigés par un. tel chef. Cette forteresse suc- combe après quatre jours de tranchée, et sa garnison captive pose les armes aux pieds du vainqueur. De nouveaux succès l’attendentl’année sui- vante dans les plaines de la Hesse. Ilyretrouve ce prince héréditaire de Brunswick, qui unis- soit déjà l’activité du grand Frédéric au bril- lant courage de sa famille, et qui, presqu’un demi-siècle après, devoit expirer les armes à la main aux champs d’Yéna , avec l’indépen- dance et la gloire militaire de la Prusse. Fier de l’éclat récent de ses belles campagnes sur ‘leRhin, ce général croyoit y joindre bientôt de nouveaux trophées. Vain espoir! les lau- riers de Warbourg sont flétris àGruningue(1), et les canons enlevés au prince héréditaire (1) La bataille de Warbourg est un des plus brillans exploits du prince héréditaire de Brunswick. (229) “deviennent les monumens et la récompense de l’habileté de Cox ni. Ce n’étoit pasle terme de ses exploits. À peine a-t-il goûté quelques jours les douceurs de cette première victoire, que déjà Brunswick cherche à se venger ; il veut isoler les différens corps de l’armée fran- çaise , et s'approche en silence des retran- chemens dont il veut la chasser : maison a pénétré ses desseins. Non content de pré- venir une surprise, Conpé s’indigne de l’at- tendre , marche vaillamment à sa rencontre; et, bravant à la fois l'avantage du poste et la supériorité du nombre , il commande de charger l’ennemi. Ici , l’ardeur même de ses troupes faillit lui devenir funeste ; elles s’é- branlent en désordre, précipitent l’attaque, et sont repoussées avec vigueur. Cet échec passager va déceler tout le sang-froid de notre jeune héros. Nos braves se sont ralliés à sa voix : c’est au milieu du feu qu’il tient som conseil de guerre et qu’il dirige une seconde attaque. C’est alors qu'il se montre digne de descendre des vainqueurs de Cerisoles (1) (1) François de Bourbon , comte d’Enghien, gagna s à 25 ans, la bataille de Cerisoles , qui lui ouvrit le Montferrat, et qui porta jusque dans Milan la terreur des armes françaises, ( 230 ) et de Lens, en développant, au même âge qi’eux, tous les secrets de la science mili- taire. Les efforts du prince héréditaire pour prolonger la résistance de ses soldats ne re- tarderont pas le triomphe de son rival; pressé de toutes parts , il cède enfin à une attaque si vive et si bien soutenue , et abandonne sa belle position à un prince qui savoit ménager les soldats français sans rien perdre de ses ressources. La victoire de Johannesbers fut notre der- nier succès dans cette guerre ; mais du moins ne fut-il pas inutile à l’accélération d’une paix dont la nécessité a justifié dès long-temps les négociateurs. C’est alors que, rendu aux douceurs de la paix, le Prince DE CoNDÉ voulut doter de sa gloire cette Académie, qui comptoit Buffon parmi ses membres, et dont J. J. Rousseau avoit ambitionné deux fois les suffrages. Sa protection ne fut pas un vain titre pour cette illustre assemblée ; et, pour ne rappeler ici qu’un de ses bien- faits, nous n'avons pas oublié qu’il ouvrit à un académicien ce cabinet précieux d’histoire naturelle dont il avoit fait l’un des plus beaux de l’Europe, et qu'il enrichit le nôtre d’une collection d'objets curieux dont la va- riété le disputoit à l’abondance. ( 231) C’est à ces nobles soins qu’il s’étoit arraché pour aller au camp de Compiègne partager les fatigues qui achevèrent d’épuiser le Dau- phin. Bientôt il se vit menacé de le perdre. Au premier bruit de cette calamité , tous les cœurs français se troublèrent ; tous les tem- ples du royaume retentirent à-la-fois des vœux formés pour sa conservation;et, quand la mort eut glacé les dernières espérances, cette multitude de chrétiens, de tout rang et de tout sexe , qui inondoit les portiques sa- crés, se pressa pour le pleurer autour de la statue de Henri IV, comme pour associer son ombre au nouveau malheur de son peu- ple : il sembloit que ce bon monarque ve- noit de descendre une seconde fois dans la tombe... Ah! c’est ici qu’il faudroit rendre un digne hommage à la mémoire de ce Dau- phin mort, comme devoit mourir cinquante ans après, son auguste ami, avec la radieuse sérénité du juste. C’est ici qu’il faudroit pein- dre, dans l'héritier du trône de Louis XV, et sa profonde sensibilité qui n’excluoit point cette gaîté douce et inaltérable , compagne ordinaire d’un cœur sans reproche ; et toutes ces vertus domestiques par lesquelles il pré- ludoit aux vertus royales ; et surtout ce vif désir d’imiter Saint Louis auquel il dut la (232 Ÿ noble activité de sa jeunesse , la fermeté et la modération de son caractère, et cet ardent amour du travail et du bien public, sans le- quel il n’est point de bons rois. Mais non, détournons plutôt nos regards de ce lit de douleur où gisent les espérances de la patrie, et craignons de noustrop arrêter sur des regrets si souvent renouvelés depuis par nos malheurs. Nous venons d’admirer dans le Prince pe Conp*, le guerrier valeu- reux , le gouverneur paternel, et l’ami sen- sible : une épreuvedélicate va nous apprendre avec quelle juste mesure il sait concilier son respect pour le Monarque et son zèle pour les lois de l'Etat. Une lutte très active s’est engagée entre le ministère et ces grands corps dont les prétentions héréditaires , trop sou- vent exagérées, avoient plus d’une fois fati- gué nos Rois, mais qui s’enorgueillissoient à juste titre d’avoir vaincu l’inflexibilité de Louis XI, et affronté les poignards de la li- gue. C’étoient les Parlemens. L’intrigue avoit porté de leur sein, à la tête de la magistra- ture , un de ces hommes, dont l'esprit fin et délié , affranchi par l’ambition du joug puis- sant de la coutume, compte pour rien les institutions qui limitent leur influence , et dont l’étonnante dextérité se joue des obsta- (233) cles même qui semblent devoir les accabler. Couvyrant une profonde dissimulation , du masque de l’étourderie ; maître, par sa pé- nétration , du secret des autres , sans jamais livrer le sien, le chancelier savoit tour-à- tour tromper ses rivaux par la légèreté ap- parente de son caractère souple jusqu’à la bassesse , et déconcerter ses ennemis par une volonté aussi immuable que ses fonctions. Sans illusions comme sans scrupules, son mé- pris profond pour les hommes lui fit braver les anathêmesdel’opinion, fantastique déesse des temps modernes, dont le xvrrr.° siècle nous a légué l’apothéose , et dont les Fran- çais se sont si cruellement disputé les mobiles oracles. Un projet qui eût effrayé Richelieu et Louis-le-Grand dans leur toute-puissance , Maupeou le conçut sans s’intimider. Il fit plus ; il osa mettre sa volonté à la place de celle de son maître, et l’exécuta presque mal- gré lui. Elevé dans le camp de ses adversaires, ilavoitlongtempsétudié l’endroitfoible avant de frapper , et la combinaison de ses plans ne manqua, ni d'adresse, ni de profondeur. En- touré de jurisconsultes et de publicistes, dont les talens éprouvés en imposoient aux soup- çons mêmes sur les lumières qui lui man- quoient pour l’accomplissement d’un tel des- (234) sein , il para ses innovations de quelques ré- formes utiles ; et quand les magistrats furent tombés dans le piègetendu à leur opiniâtreté, il s’appuya sur cette tourbe d’écrivains qui ne pouvoient pardonner aux Parlemens leur zèle pour la religion d'un Molé et d’un La- moignon , et dont les écrits étoient déjà deve- nusune puissance. Dès-lors on vit des moyens tyranniques , sans exemple dans les annales de la Monarchie , employés pour punir une obstination qu’on avoit provoquée ; et l’an- cienne magistrature, dispersée , dépouillée, proscrite, pour faire place à une magistra- turenouvelle, sans considération et sans sou- venirs. Dès que l’inamovibilité des juges fut ébranlée , et que l’indépendance des Tribu- naux, l’une des plus fortes garantiesdel’ordre social, parut compromise ; dès qu’on eut at- tenté à une de ces lois que les Rois de France s’étoient reconnus, pour me servir de leurs propres paroles, dans l’heureuse impuis- sance de violer , le Prince DE CoNDÉ n’hé- sita point. Il ne crut pas pouvoir sacrifier, à la bienveillance dont le Roi lui avoit donné plus d’un témoignage , l’hommage solennel qu'ildevoit, comme Prince du sang de France, aux doctrines conservatrices de la Monar- chie, et il se sépara de la Cour. Mais, lors- ( 235 ) que le nom de Louis XV fut de toutes parts outragé par des libelles, et sa vie menacée par des placards atroces; lorsque le vrai cou- rage fut de rentrer dans cette Cour qui per- doittousles jours quelquechose de sa dignité, et non de persister dans une opposition tou- jours facile et rarement dangereuse parmi nous ; ce courage fut alors celui du Prince pe Conné. C’étoit assez qu’une partie de la constitution de l'Etat eût reçu des atteintes. Le projet d’une alliance illustre (1) lui per- mettoit d'espérer que, loin de laisser à des factieux le temps d’attaquerlesautres parties, il pourroit même réparer la brèche faite à nos vieilles institutions : il se rapprocha donc du Roi après s'être éloigné du ministre, et sa ré- conciliation devint franche et publique com- me sa protestation l’avoit été. À Dieu ne plaise cependant que l’éclat dont brilla toujours la vie publique du Prince DE Conpé nous fasse oublier sa vie privée! Ah! QG) Le projet d’une alliance illustre... Il s’agissoit de l’union de Monseign'. le comte d'Artois, aujourd’hui Moxsieur, avec Mademoiselle de Condé , aujourd’hui supérieure des religieuses vouées à l’Ædoration perpé- tuclle ; à laquelle les sacrifices les plus héroïques sont devenus familiers. ( 236 ) c’est surtout dans la retraite, que nous nous plaisons à considérer les héros ; c’est lorsque les prestiges de leur rang ne les environnent plus , que nous aimons les revoir dignes en- core de notre admiration première. Silenôtre n'eût jamais vécu pour lui-même, il auroit moins ressemblé au plus grand de ses aïeux ; et certes, son repos même ne fut pas sans gloire. Le printemps le ramenoït chaque an- née dans ce vieux château de Chantilly , en- core plein des Montmorency et du Grand- Condé ; chaque année , l’automne le retrou- voit toujours dans ce lieu d’enchantement, où , pour ajouter encore à la magie des sou- venirs, l’art sembloit avoir épuisé ses pro- diges, comme la nature ses contrastes. C’est- là que notre Prince reçut tour-à-tour un Roi de Danemarck, vanté avecenthousiasme pour la justesse et l’étendue de son esprit; l’héri- tier du trône des Gustaves, qui devoit bientôt marcher sur leurs traces ; le Prince Henri de Prusse , l’un des héros de Rosback et de la guerre de sept ans, qui ne put être effacé même par le Roi son frère. C’est-là qu’il re- cut encore, et ce jeune Comte du Nord, à qui les délices de Chantilly firent regretter un moment d'être appelé par sa naissance à tenir le sceptre de Catherine seconde ; et ce (237 ) même Prince héréditaire de Brunswick, jadis son émule généreux, qui, frappé de la déli- catesse qui avoit fait enlever du château les trophées de sa défaite , s’écrioit avec tant de justesse : Fous m'avez vaincu deux fois. Et qu'on ne craigne pas que la magnificence de ces fêtes fasse négliger au Prince pe ConDé les soulagemens qu'il doit à l’indigence. Son bonheur étoit d'occuper tous les ans la popu- lation de Chantilly, presque entière, à des em- bellissemensnouveaux, pouréparonerla con- fusion de recevoir à ceux qui lui faisoient soû- ter le plaisir de donner : et quand elle se se- roit effacée de notre mémoire, cette cruelle disette, où toute une contrée dut la vie à l’a- bondance de ses secours , qui ne sait combien de fois sa bienfaisance , trahie par la profu- sion même de ses dons, ne put éviter les bé- nédictions du pauvre qui l’ont suivi dans le tombeau ? Ce noble sentiment , inné chez les Bourbons , et commun à tous, ne fut pas toutefois l’unique source de ses jouissances. Dès qu’il eut fait élever dans la capitale du Royaume ce beau palais , si digne de devenir le temple des lois , il n’oublia point que, de- puis le Grand-Condé, ses ancêtres avoient toujours protégé ceux qui aimoient et culti- voient les lettres. C’étoit entre eux et des mi- ( 238 ) litaires qui avoient honoré leur profession , que le Prince partageoïit ses loisirs. L’urba- nité de ses manières, l’aménité de ses dis- cours , l’à-propos de ses réparties , les agré- mens de son esprit faisoient le charme de ces réunions où il sembloit se délasser de sa gran- deur. Tels étoient ses plaisirs habituels ; et si la chasse venoit de temps en temps l’en dis- traire, c’étoit pour faire éclater encore non- seulement sa justice, mais sa munificence. L'éducation de son petit-fils le condamna bientôt à de nouveaux soins. Mais combien n’y puisa-t-il pas aussi de jouissances nou- velles ! Sans comprimer la vivacité du goût que montroit le jeune Prince pour les exer- cices du corps, il laissa ses instituteurs déve- lopper en lui , sous sa surveillance, les qua- lités brillantes dont la nature avoit doué son esprit naissant, et s’appliqua surtout à for- mer son jeune caractère. Ce fut lui qui voulut présenter le Duc d’Enghien à la Cour des Pairs étonnée de voir trois générations de Princes siéger ensemble dans son sein (1) ; et qui fit rassembler un camp sur les frontières 1) Monseicn’. le Prince DE CoNpé, Mo’. le due D u D de Bourbon qui devoit bientôt s'associer aux fatigues À . Ë \ nl ct LI . et à la gloire de son père, et Mg". le duc d’Enghien. (259 ) de Picardie pour completter l'instruction mi- litaire de ce fils chéri. Oh! qu’il dut être sa- tisfait de voir se fortifier avec l’âge, dans une ame si belle, cette bonté qui gagne tous les cœurs, et cette loyauté chevaleresque qui les force à l'admiration ! Croîs, digne et précieux rejeton d’une race de héros; croîs à l’abri des orages, à l’ombre des lauriers de tes pères ; hâte-toi de croître pour l’honneur d’unsi beau nom et pour l’orgueil de tes augustes parens. Mais garde-toi, garde-toi bien d’empoisonner jamais leurs jours en compromettant les tiens par une téméraire confiance dans le respect dû au droit des gens, et songe qu’il est des périls plus inévitables que ceux que tu affron- teras un jour au champ d'honneur ! Mais , quand des craintes anticipées m’en- traînent déjà dans l’avenir , de quels événe- mens multipliés le présent vient préoccuper mon esprit! Louis XV est mort, emportant dans la tombe tout ce qui restoit des idées monarchiques fondées dans le siècle précé- dent ; un jeune Prince, quin’est que vertueux et éclairé, occupe son trône ; l’irrésolution s’y est assise avec lui; et lorsque les lumières politiques semblent devenir universelles, il ne sera pas donné à son inexpérience de ren- contrer un seul ministre , vraiment homme (240) d'Etat. Dans le généreux élan de sa royale bienveillance , ce Prince rappelle les Parle- mens sans conditions ; et les Parlemens rap- pelés , paroissent ignorer jusqu’au nom de la reconnoissance. Un désir exalté de réformes s'empare , sous divers masques , de ses con- seils. Sa garde même y est sacrifiée, et tan- dis que les mousquetaires , licenciés par une méticuleuse économie , vont suspendre leurs drapeaux sans tache aux voûtes de l’église de Valenciennes (1), notre or, nos munitions, nos vaisseaux , nos soldats, tout est prodigué à une république de marchands, dont l’his- toire accusatrice a déjà dénoncé à la posté- rité letiède patriotisme et lingratitude. Ainsi, par une sorte de fatalité dont on ne sauroit trop déplorer les suites , Louis XVI fonda à grands frais une puissance rivale de l’Angle- terre , sans s’acquérir de vrais alliés ; on ne lui sut pas plus de gré de sa loyauté pendant la guerre, que de sa modération en traitant de la paix ; et la gloire de nos succès mari- times ne revint pas même au jeune Roi, qui avoit su créer , en si peu d'années , la seule (1) Tout le monde connoît la prise de Valenciennes par les mousquetaires en 1677, l’un des plus beaux faits d’armes du siècle de Louis XIV. ( 241) marine qu'ait eue la France depuis le siècle des Duquesne et des Tourville. Ainsi encore, par une réaction trop peu prévue, les prin- cipes que nous avions protégés de nos armes au-delà des mers, commencèrent d’exercer parmi nous une influence funeste. Le torrent des doctrines populaires traversa l’Atlantique pour suivre dans leurs foyers les guerriers français que le Roi de France avoit envoyés les défendre ; et bientôt ce torrent ne reconnut plus de digues sous une Monarchie sans vi- gueur , où les idées religieuses n’avoient plus d’empire, et dont tous les ressorts se relà- choient par degrés, a dit un de nos écrivains, quoique aucun ne se rompît encore avec éclat. La confusion progressive des intérêts anciens avoit hâté dans les mœurs publiques une révolution presqu’universelle. Les grands eux-mêmes, en se dérobant trop au joug salutaire des convenances sociales , conspi- roient à désordonner les rangs de la société. Que devoit-on penser d’un grand peuple qui, alors même qu’il se glorifioit d’avoir atteint le terme de la civilisation, abjurant toute pu- deur nationale , et renonçant à toute son exis- tence passée , cherchoit des applaudissemens et des exemples ailleurs que dans son sein, et demandoit des pensées à un peuple voisin 16 (242) quand la monarchie de la langue française n’étoit déjà plus contestée en Europe ? Il étoit enfin venu le moment formidable où Louis XVI devoit répondre de toutes les fautes que tous avoient accumulées depuis le commencement du siècle. Ah ! loin de nous d’accuser l’imprévoyance du Monarque, de l’'épouvantable catastrophe qui doit les ex- pier toutes; loin de nous de chercher sur la terre l’incalculable force qui a dirigé cette ca- tastrophe, et de méconnoître un Dieu ven- seur......... dans les événemens qui vont se pressersousnos yeux, Comme une Providence ineffable dans ceux qui ont refermé depuis le gouffre des révolutions parmi nous. Fille aînée de la civilisation européenne , la France étoit appelée, par la haute influence de ses doctrines, à une grande mission, que ses derniers écrivains avoient trahie; ils avoient répondu à l'attente des nations par des maxi- mes corruptrices , et c’est du Royaume très chrétien, comme d’un foyer de destruction , que l’incrédulité avoit lancé tant d’éclairs, fréquens précurseurs de la foudre. La France entière portera la peine de ces étranges aber- rations qu’elle a encouragées. Elle cherchera la stabilité ; il n’en est plus pour une géné- ration complice, au moins par ses vœux, du (243) pervertissement social : elle demandera le re- pos; elle le demandera en vain. Une impa- tience scandaleuse de toutes les idées reçues tourmente toutes les têtes; un incroyable dé- dain de tout ce que les hommes avoïent res- pecté jusqu'alors, s'empare de tous lesesprits. Peut-être eût-il suffi, pour sauver la mo- narchie , d'une puissante diversion à cette ar- deur d'activité qui nous est tellement propre, qu’elle menace de nous consumer encore après trente ans d’expérience; cette puissante diversion ne nous sera point accordée. Les leçons du temps , ce grand conseiller des hommes, sont flétries du nom ignoble de rou- tine. Abusés par de vaines théories, d’im- prudens novateurs se disputent la volonté d’un Roi qui ne peut avoir de conviction po- litique; les édits contradictoires se multi- plient ; le vague des idées s'accroît; et c'est dans de telles circonstances, qu’un ministère inexpérimenté en appelle à l’inexpériencedes notables. Dépouillée des vains prestiges dont avoit voulu l’entourer un homme qui n’avoit que de l'esprit, l'administration des finances laisse pénétrer enfin toute la profondeur de l’abîme qu'un siècle de prodigalités avoit creusé. Tout-à-coup l'or de l’étranger vient accélérer le mouvement des esprits et commu- (244) niquer une impulsion nouvelle à la multi- tude. On voit pulluler dans la capitale une population nouvelle, composée de tout ce que la corruption humaine a de plus infect, de tout ce que le vagabondage a de plus vil ; et bientôt se succèdent dans une progression effrayante ces insurrections vénales , incon- nues à la génération qui alloit finir, et ce trafic de révoltes trop souvent renouvelé aux yeux dela génération quicommence. Dirai-je quel esprit de vertige animoit ce Prélat, que la confiance des notables avoit élevé à un mi- nistère, dont l'expédition de Hollande vint révéler à l’Europe la complette nullité sous un Roi qu’on osoit braver dans la solennité d’une séance royale ? Tout s’unit alors pour précipiter des événemens que tout le monde auroit dû prévoir. Le premier cri d’états-gé- nérauxestprononcé, accueilli dans cesgrands corps judiciaires auxquels la seule présence des états-sénéraux devoit enlever toute leur existence politique , qu'un de leurs premiers actes devoit abolir. Ce premier cri, le Clergé le répète avec enthousiasme , comme si un autre ordre de choses ne devoit point faire prévaloir contre lui et les ambitieux que son sein renfermoit, et les religionnaires récem- (245) ment émancipés, et les nombreux adeptes du philosophisme. C’est ici qu'il faut s'arrêter pour juger la conduite du Prince pe Conpé. Et lui aussi, il avoit encouragé long-temps cette soif d’in- nover, que la bienveillance générale, qui paroissoit dominer tous les sentimens, lui faisoit prendre pour un besoin éclairé d’amé- lorations. Mais, dès la convocation des no- tables, ces nobles illusions l’avoient aban- donné. Il n’ignoroit point que le doute est mortel en politique comme en Religion et en morale; dans le vide des spéculations qui par- tageoient les esprits , il crut trouver un point d'appui en se rattachant aux vieilles doc- trines de la Monarchie ; son erreur fut de n’en pas reconnoître l'insuffisance et l’affoi- blissement , et de ne pas même compter comme une puissance , cette opinion publique à laquelle un ministre , né sous un ciel étran- ger (1) rendoit un culte séditieux , en lui fai- sant hommage de l’éminente dignité que Louis X VI lui avoit confiée. Avouons-le sans détour ; en voulant consolider les trois co- lonnes qui soutenoient le trône, notre Prince G) M. Necker. (246) he craignit point assez l'attitude hostile du troisième ordre ; il ne vit pas que, s’il étoit possible d’éluder, en lemménageant, ce queses prétentions avoient de trop démocratique , il étoit impossible de le faire reculer. Telles étoient ses dispositions, quänd l'impunité des excès qui suivirent la prise de la Bastille, signala l'impuissance de l’autorité qui devoit les réprimer : dès cet instant, Louis XVI cessa de gouverner la France. Quel intérêt pouvoit y retenir plus long-temps le Prince ps Conpé ? Que lui restoit-il à faire, que de céder au vœu de son Souverain , qui le char- geoit de pressentir de quels efforts les Roïs et les peuples étoient capables en sa faveur ? Mais le temps des miséricordes célestes étoit loin encore, et celui des vengeances étoit arrivé. L'arbre de la Monarchie croissoit de- puis quatorze siècles sur le sol français, le temps avoit desséché plusieurs de ses racines; des rameaux parasites s’y étoient élevés. Lui rendre toute sa vigueur par le retranchement graduel des membres inutiles, c’eût été une entreprise grande et sage : la France ne fut pas jugée alors digne de la voir s’accomplir, Au lieu de greffer sur cet arbre antique de nouveaux rejetons , on le dépouilla tout-à- la-fois de ses branches et de ses racines, et ( 247) l'on crut qu'il restoit intact, parce qu’on laiïs- soit debout un tronc désormais sans racines et sans ombrage. Un vent meurtrier souffla bientôt surcetronc mutilé, etil disparutdans la tempête. Après avoir repoussé cette mobilité d’idées qui, des esprits spéculatifs, devoit passer danslesinstitutions, etsuccessivement les dé- vorer toutes avec leurs auteurs, le PRINCE DE Coxpé n’adhérera point à ces désastreuses théories. Non content de désavouer, par un manifeste énergique, cette première consti- tution , dont la caducité précoce déguisoit mal les germes de destruction recelés dans son sein, il veut conférer sur les moyens d’arrêter l'explosion qu’elle rend inévitable, avec ce chevaleresque Roi de Suède qui avoit donné à l’Europe de si hautes espérances. Mais, quand l’Europe se croit près de les voir réalisées, la main qui conduit tous ces grands événemens , va ramener Gustave III dans ses Etats, où ses meurtriers l’attendent pour l’immoler. Cependant la dévastation de Chantilly se consomme , et malgré d’élo- quentes réclamations , le Clermontois , que notre héros a sauvé de la famine , est séparé du domaine de ses pères. Bientôt même leur apanage va lui être ravi. Oh! combien il est (248) au-dessus de toutes ces pertes , quelqu'espoix que les factieux aient conçu de leur énormité! On peut appauvrir les Conpés, s’écrie-t-il , mais , les avilir, jamais! Et, pour avoir en- core quelque conformité de plus avec son troisième aïeul , l’exil et l’adversité vont dé- celer à la fois toute la noblesse et toutes les ressources de son beau caractère. Le génie des révolutions a déjà promené ses torches incendiaires sur tous les points de notre malheureuse patrie. Voilà qu’il est don- né aux hommes les plus médiocres de domi- ner le peuple le plus impatient du despo- tisme qui ait existé dans l’univers. Une force inconnue s’est rencontrée, qui les a portés à l'apogée du pouvoir ; un souffle les en pré- cipite. Que les hommes ne s’attribuent point la direction de ces grands mouvemens ; tout s’y fera contre toutes les probabilités, avec cette rapidité qui entraîne les efforts les plus opposés vers un même but. Une confiance indomptable dans leur étoile , c’est-là tout le secret des révolutionnaires ; et cette con- fiance ne sera pas démentie par les événe- anens. Chaque page de cette étrange his- toire nous présente quelque chose de passif qui confond tous les amours-propres, nous étonne par je ne sais quoi de mécanique qui | ( 249 ) repousse toutes les conjectures ordinaires et fait plier tous les obstacles. Où sont-ils ceux dont Dieu s’est servi pour ébranler les trônes? Dès qu'ils ont voulu s’écarter du torrent, le torrent les a engloutis. Qu'ils se lèvent au- jourd’hui de leurs tombeaux ces grands cou- pables qui se sont cru de l'influence. Qu'ils paroissent; que la postérité les interroge ; que l'histoire recueille leurs aveux. Qui d’entre eux oseroit se vanter d’avoir compris notre révolution ? Que dis-je ? d’avoir prévu seule- ment , un mois d'avance, ce qui arriveroit le mois d’après? Cependant, rien n’a pré- valu contre cette force secrète qui se jouoit des conseils humains. Il falloit sans doute que le pouvoir des hommes de sans se pro- longeât pour qu'ils se dévorassent eux-mé- mes , et pour que le souvenir de cette grande catastrophe et de ses causes retentît éternelle- ment dans la postérité pour l'instruction des peuples et des Rois. Peut-être falloit-il aussi que le sang de l'innocence coulât pour ap- paiser l’Eternel, et pour que nous fussions, à force d’horreurs , désabusés des préjugés nouveaux du philosophisme. À Dieune plaise que je souille ces lignes de ces effroyables ré- cits, et que, m’arrêtant à cette impudente prostitution des raisonnemens et des mots ( 250 ) qui distingue cette déplorable époque, ou à ceshorriblessaturnales, dont le souvenir seul faitpâlir, j'aille rapprocher desnomsaffreux, voués à l’exécration des siècles, de ce nom de Copé, si digne de notre vénération ! Quand la justice de Dieu nous punit d’un côté, j’ai- merois mieux montrer de l’autre sa clémence qui nous protège ; l'Eglise gallicane expiant par dix années de persécutions, son luxeet son penchant aux nouvelles idées, maïs conqué- rant l’estime de ses propres ennemis par l’atti- tude qu’elle sait conserver au milieu de l’Eu- rope ; les Français se réveillant , au pied des échafauds, de cette léthargie religieuse qui paralysoitles meilleursesprits ; Dieu couvrant d’une égide nos armées novices, pour que l'héritage des fils de Saint Louis ne reçoive point d'atteinte ; et l'ambition de ceux qui, rêvant un démembrement illusoire, profa- noient un sentiment sacré, venant expirer devant nos bataillons victorieux. Tandis que la France, semblable à un volcan isolé, porte l’épouvante et la destruc- tion dans les contrées voisines; tandis que ses Princes, rassasiés d’opprobres,sonterrans parmi les nations, et qu’on se hâte de disper- ser les pierres du Sanctuaire et de livrer à la dérision les solennités de son culte ; c’est (252 ) au Prince pe Conné et à l’énergique popu- lation dé l'Ouest, qu’il étoit réservé d’ab- soudre les Français du reproche d’avoir ac- cepté les fers sous lesquels ils gémissoient ; et certes, soyons justes envers celui qui se montra souvent fier des succès obtenuscontre lui, cette mission fut honorablement rem- plie. En effet, pour ne pas dépasser ici les bornes de mon sujet, de quels prodiges ces guerriers français d’outre Rhin n’eurent-ils point à s’enorgueillir ! Blessés ou prisonniers, ils ne peuvent dérober leurs têtes à la mort qu'ils ont évitée sur le champ de bataille ; on les a placés hors de l'humanité. N'importe ; rien ne les fera renoncer à la hauteur de leurs destinées. En vain la femme extraordinaire qui gouverne les Russies , leur offre un éta- blissement paisible dans ses États ; ils ne veulent point d'autre asyle que leurs tentes, point d’autre patrie que la France affranchie de ses oppresseurs. La discipline qui fuit les camps de la république, a suivi l’ori- flamme sur la terre étrangère ; plus d’une fois encore , 1! redeviendra l’étendard de la vic- toire, et ceux qui s’y rallieront , le trouve- ront toujours, comme le panache blanc du bon Hexear, dans le chemin de la gloire et de l'honneur. Osons le dire ; l'éclat dont bril- (‘2622 lèrent les armes françaises dans ces guerres trop fameuses , ne seroit pas connu tout en- tier , si l’on croyoit que le petit nombre de ces défenseurs du trône les laissoit inaperçus au milieu des baïonnettes étrangères. L’his- toire équitable immortalisera , entre tant de combats , ceux de Weissembourg , de Bers- theim, de Biberach et de Constance (1). Elle n’oubliera point la part active qu’eutà la prise de Mayence cette petite armée; nicettemêlée nocturne de Kamlack , qui rappelle la meur- trière victoire d’Almanza ; ni cette défense opiniâtre du pont de Munich, qui dura dix- huit jours; ni cette périlleuse journée de Steinstadt où la mort vint frapper un officier du génie entre le Prince pe Conné et le Duc de Berry. Elle peindra l’illustre commandant de cette petite armée qui grandissoit au feu, suivant l’expression d’un général allemand, aux prises avec le plus habile des généraux de la république , remportant sur lui des avan- tages, quoique inférieur par le nombre de ses soldats ; le vainqueur de Johannesberg , ré- duit, comme le Grand-Condé , à obéir à des (2) Voyez l'ouvrage de M. le marquis d'Ecquevilly sur les campagnes de l’armée de Condé. ( 253) chefs souvent au-dessous de lui, réparant leurs fautes , sauvant les débris de leurs trou- pes , et constamment animé de la bonté na- turelle à sa race et de la loyauté des anciens preux. Avec quelle sollicitude paternelle il adoucissoit les fatisues de cette poignée de braves auxquels il étoit uni par la double fraternité de la gloire et du malheur! Avec quelle abnégation de lui-même il refuse de commander, même à Suwarow, plutôtquede ne plus voir leur fortune associée à la sienne! C’étoit parmi eux aussi qu’il vouloit faire re- poser ses cendres, ignorant encore si elles pourroient être confiées au sol natal! .....…. Honte , honte éternelle au guerrier sans en- trailles , qui ne voit point pour lui de devoirs au-delà de ses opérations militaires ! il pourra nous étonner par la supériorité de ses talens, mais il ne forcera point notre admiration ; il ne connoît pas le prix des cœurs. Jamais les bénédictions du mourant n’ont frappé son oreille sourde à ses cris. Jamais l'aspect des hommes qu’il a sauvés n’est venu consoler son cœur du sang que sa terrible profession le condamne à faire répandre. Tel n’étoit point l’aïeul du duc d’Enghien. Que de fois il oublia, comme son petit-fils, les fatigues d’une longue marche ou de plusieurs heures (254) de combats pour visiter les prisonniers fran- çais, pour les rassurer contre la crainte des re- présailles, pour converser familièrementavec eux! Ah! n’étoit-ce pas déjà trop pour son cœur déchiré, d’être leurennemisurle champ de bataille ! Partout ailleurs, il étoit leur con- citoyen , leur ami, le protecteur des blessés, auxquels il faisoit prodiguer les mêmes soins qu’à ses compagnons d'armes, et souvent mê- me leur libérateur. Faut-il s'étonner, après cela, que, dans les momens d’armistice, il n'ait pascraintde s’avancer seul dansles rangs républicains, et qu'il n'ait jamais cessé d’y recueillir les témoignages du respect qu’ins- piroient ses vertus ? Au milieu des obstacles multipliés qui le contrarioient de toutes parts, ce grand Prince sut se préserver de ce fatalisme politique , re- fuge ordinaire des ames foibles dans les jours d’épreuve , quand les événemens les aban- donnent; comme sil’homme qui puise ses opi- nions dans sa conscience , soumettoit sa con- viction aux événemens. De même qu’il sait encouragerceux quil’entourent, en leurdon- nant l’exemple de toutes les privations, ilra- nimeles royalistes de l’intérieur, enleurcom- muniquant cette confiance profondémentsen- tie dans le Dieu qui juge les rois et les peu- Pi LS ( 255) ples, confiance si digne d’être enfin justifiée , parce qu’elle ne lui a jamais manqué. C’étoit ainsi qu'il avoit acquis à la cause royale un des talens les plus distingués qu’aient déve- loppés les guerres de la révolution : le Prince pe ConDé et le conquérant de la Hollande étoient faits pour s'entendre et s’estimer. Toutefois notre délivrance devoit être encore différée ; et les vœux que ces deux grands- hommes avoient formés pour nous rendre, sans effusion de sang et sans l'intervention des étrangers, à la dynastie légitime, étoient sans doute trop beaux pour qu'il leur füt don- né de les accomplir. Mais, quoique la Provi- dence eût permis qu’une si heureuse entre- prise fût découverte, il n’y eut qu’une voix en Europe sur ceux qui n’avoient pas déses- péré de l’exécuter. De tels desseins n’appar- tiennent qu'à de tels hommes ; et le Prince DE ConxDé surtout reçutdes marques non équi- voques de l'estime des capitaines les plus re- commandables comme des plus illustres Po- tentats. Le Czar Paul I.°' lui en donna une preuve bien éclatante dans la généreuse hos- pitalité qu’il lui rendit, et dans l'accueil qu’il fit à son corps d'armée, quand l’Allemagne fut fermée à ces nobles victimes des vicissi- tudes humaines. Un vaste domaine lui fut ( 256 ) assigné ; un ameublement semblable à celui de Chantilly , ornoit l’hôtel magnifique dont cet Empereur lui fit présent, et le Prince put croire un moment qu'il étoit rentré dans le palais de ses pères. Là, il méditoit encore sur l’art de la guerre dont il avoit successivement étudié toutes les parties pour en approfondir tour-à-tour tous les secrets, lorsque des hosti- litésnouvellesl’appelèrent à une nouvelle ap- plication de ces études. Mais en vain déploie- ra-t-il encore des talens qui n’ont pas été con- testés, même par l’esprit de parti; en vain joindra-t-il la bravoure d’un de nos anciens chevaliers, au sang-froid et au coup-d’œil sûr d’un vieux général; des événemens imprévus alloient rendre encore ces derniers efforts inutiles. La France, échappée au néant qui pour- suit les révolutionnaires, s’est jetée par las- situde dans les bras d’un étranger qui, pour dominer le tourbillon qui agitoit ce malheu- reux pays, lui imprime une direction nou- velle. Dieu, qui nous réservoit cette dernière lecon, le conduit de succès en succès. C’en est fait ; toutes les puissances belligérantes , fatisuées par tant de secousses, s’inclinent devant son épée, et i/ n’y a plus de rois en LE RTS Se (257) Europe (1). Quelle loi impérieuse la nécessité vint alors imposer au Prince DE Cox! C’est maintenant qu’il a besoin de toute sa cons- tance, de tout son courage ; il faut licencier son armée. Ah! sans doute elle fut bien pé- nible à tous , cette séparation fatale ! sans doute ces adieux réciproques furent bien dé- chirans! Quitter ces drapeaux témoins pen- dant dix années de tant de sacrifices héroï- ques, n’étoit-ce pas perdre une seconde pa- trie ? L’Angleterre offre une retraite à celui qui avoit formé ces bataillons et qui les avoit guidés dans tant de hasards : il court s’y en- sevelir, heureux dans son infortune de pou- voir charmer l’amertume de ses regrets, en se livrant aux lettres qu’il a toujours aimées et à ces sentimens d’un ordre plus élevé en- core, qui seuls peuvent calmer tous les cha- grins. C’est dans cette solitude qu’il consacra ses loisirs à élever à la mémoire du Grand- Condé un monument littérairedigne delui(2), un monument que respectèrent les passions () Propres paroles de Mo”, le duc d’Enghien, (2) Essai sur la vie du Grand-Condé , par L. J, de Bourbon,son 4.° descendant, Il y a eu plusieurs éditions de cet ouvrage, 17 ‘ ( 258 ) mêmes des hommes. La simplicité qui sied à la vertu, et surtout à la vertu malheureuse, semble avoir dicté cet écrit, qui, par la mo- destiede son titre et la précision destyle qui le distingue , peut être rapproché des commen- taires du plus fameux capitaine de l’ancienne Rome. Hors de ces nobles délassemens, la Religion de ses pères occupa dès-lors toutes ses pensées; elle embellissoit encore sa bien- veillance inépuisable pour ces malheureux émigrés errans sur la terre d’exil, auxquels il ne restoit d'autre patrimoine que le souvenir de ce qu'ils avoient souffert : il la mêloit à toutes ses actions. Ah ! cette Religion, quelque divine qu’elle soit, ne sauroit avoir trop de consolations pour l’horrible coup qui le me- nace. L'homme qui convoite le trône des Bourbons a soif de leur sang ; il ne peut par- venir au souverain pouvoir qu’en marchant sur le corps d’une grande victime : il est déjà fait, cet horrible choix. Le Corse en a frémi de joie; il a dit dans sa pensée : le jour est venu, la victime est dans mes mains; sai- sissons le glaive , et frappons-la. Roches d’Amesbury, de quelle nouvelle sinistre ve- nez-vous d’être frappées? D’Enghien n’est plus ; il est tombé sous le plomb homicide, en remerciant Dieu de périr de la mort d’un ( 259 ) soldat! D’Enghien n’est plus ; et le sang des Condés est désormais tari pour la France ! Oh ! qui me donnera , comme au prephète des malheurs de Sion, qui me donnera d’é- galer les lamentations aux douleurs? Non, le cœur humain n’a rien en lui qui puisse adoucir l’amertume de semblables pertes : le Prince De CoNDÉ ne se consolera point ; l'espoir de sa race n’est plus! et que peut toute la force du sage dans de telles circons- tances ? Que peut le héros ? que peut même le chrétien... Mais, que dis-je ? le chrétien peut pardonner. Si l’adversité a montré ze PRINCE DE CoNDÉ supérieur aux ames vulgaires , la Religion l'élevera au-dessus de lui-même, et les plaies de son cœur seront cicatrisées. Il n’a point péri, le monument sacré des pensées de paix dont il étoit rempli, ce testament immortel, digne d’être lu après celui du Roi-Martyr, dont il avoit si énergiquement déploré l’as- sassinat. C’est dans ce testament qu'après avoir protesté , comme lui, qu’il mouroit dans la foi des Montmorency et des Condés, il traçoit , il y a treize ans, ces paroles vrai- ment sublimes par la simplicité du style et la hauteur des sentimens : malheur au poin- tilleux panégyriste qui craindroit de les ré- ( 260 ) péter telles que l’ame du Prince DE Copé les lui a dictées : Je remercie Dieu de n’avoir jamais laissé pénétrer dans mon ame la plus petite idée de vengeance contre ceux qui nous ont fait tant de mal; et j'espère que sa miséricorde et la clémence du Roi Les ramèneront tôt ou tard à ces principes sa- crés qui peuvent seuls rendre à la France son bonheur et sa tranquillité. Ainsi les prospérités toujours croissantes qui entraînoient le colosse vers sa chûte, en augmentant la résignation du PrRiNcE De Condé , n’avoient pas éteint chez lui l'espoir de mourir dans sa patrie. Je ne sais, écri- voit-il de sa retraite, mais il me semble qu'ici je suis moins exilé. Grâces lui soient rendues dans la tombe, de n’avoir pas désespéré du cœur des Français! ..... Maïs quoi! déjà ses vœux s’accomplissent avec une rapidité inat- tendue. Ces populations armées qu’un homme avoit précipitées sur l’Europe, sont refou- lées de toutes parts dans le sein de la France. L'heure des miséricordes célestes a sonné; le fléau de Dieu est abandonné à sa propre foi- blesse et la France et l’Europe sont délivrées à la fois du faix énorme des humiliations qu’un bras vengeur accumuloit sur elles de- puis tant d'années. C’étoit à notre Prince, (:261) à cet auguste vétéran de la fidélité, qu’ap- partenoïit l’honneur d'accompagner sur la tèrre natale le Roi qu'il avoit proclamé jadis dans les camps. Ah! qu'il ne se croie point étranger aux transports qui éclatent sur leur passage. Nos braves pouvoient-ils se défen- dre d’un noble enthousiasme, en voyant cette tête blanchie dans des combats commandés par l'honneur, et que tant de périls avoient respectée ? Pourquoi faut-il que sa vieillesse ne nous permette pas de le conserver long- temps parmi nous? Mais du moins, avant de nous quitter , il jurera obéissance à cette Charte, fruit inappréciable des méditations du Monarque dans les jours mauvais; à cette Charte qui rend à la Monarchie toute sa pu- reté que le temps avoit corrompue, et toute sa vigueur que le temps avoit affoiblie. Du moins il reverra encore le sejour de ses pè- res; et, s’il n’y retrouve plus ces jardins chantés par Delille et plantés par tant de héros, si elle a disparu cette retraite de la valeur où l'étranger contempla tant de fois l'armure de Jeanne d’Arcq et de Henri IV, il connoîtra que le souvenir des bienfaits de ceux qui l’ont habitée ne s’est point effacé ; et les modestes appartemens que le dédain des Vandales a laissés debout, seront pour- ( 263 ÿ vus de tout jusqu’au luxe, pour mé servir des propres expressions de ce bon Prince. Cependant ses dernières années s’écou- loient au milieu de ces débris ; le terme d’une vie de plus de quatre-vingts ans s’appro- choit. Revenu dans la capitale, il animoit encore par sa présence et par son aménité patriarcale, une société choisie, vraiment digne de charmer les ennuis de sa vieillesse, lorsqu'une maladie de quatre jours vint l’en- lever aux indigens qui, agenouillés en foule à la porte de son palais, unissoient leurs vœux pour obtenir du Très-Haut la conser- vation de celui dont les secours ayoient cou- tume de prévenir jusqu’à leurs plaintes. Il vit la mort avec le même calme qu’il l’avoit bravée dans les batailles. Aucun murmure n'étoit échappé de sa bouche depuis son re- tour comme dans ses malheurs; on n’enten- dit aucune parole amère démentir dans ses derniers momens la sérénité d’une conscience en paix avec elle-même. Il rayonnoit déjà des sublimes espérances du christianisme ; et, comme autrefois Bayard , ses derniers mots furent une religieuse aspiration vers le Dieu des justes auquel il alloit se réunir. Disons-le hautement, les sentimens que fit éclater sa mort par-tout où il avoit vécu, ( 263 ) furent unanimes. Ceux dont il avoit adopté la gloire militaire confondirent leurs regrets avec les regrets de ceux qu’une longue so- ciété d’infortunes et de fatigues avoit ren- dus dignes de se-nommer ses frères d'armes. On a vu plusieurs guerriers toucher de leur épée celle du Prince; touchante illusion qui prête au glaive du héros le pouvoir de com- muniquer la valeur. On a vu des habitans de Chantilly se jeter aux pieds des gardes que l’affluence de la multitude a rendus néces- saires , pour obtenir de Île revoir encore une fois. Un invalide centenaire, qui semble re- présenter à lui seul cette armée témoin des premiers exploits du Prince, s’est aussi avancé dans cette foule : « et moi aussi, dit ce noble vieillard , je veux rendre un dernier hom- mage à mon général. » À ces mots, les rangs pressés de la multitude s'ouvrent devant lui : soutenu par deux soldats, il s'approche du cercueil , lentement et dans un douloureux silence ; ses yeux affoiblis y demeurent lons- temps fixés et se remplissent de larmes. Puis, tout-à-coup, se retournant vers les guerriers qui l'entourent : « Camarades, s’écrie-t-il, vous ne rendrez jamais le même devoir à un plus brave...» Ce sont-là les hommages fu- nèbres qui conviennent à un Conpé! (264) Grand Prince ! dormez en paix dans l’asite funèbre des Duguesclin et des Turenne, à côté de ce roi pour lequel vous avez si vail- lamment combattu, et qui comme vous a généreusement pardonné. Dormez en paix ; etreposez-vous enfin de vos longues fatigues. Vos cendres ne seront pas troublées par des dissensions nouvelles; votre mémoire ne res- tera point honorée à demi parmi nous. Il sera un jour réalisé ce vœu tout français s0- lennellement émis dans une grande assem- blée : votre statue s’élevera au milieu de nous, environnée des souvenirs de votre vie toute entière; et, pour rappeler sans cesse votre glorieux exemple à des Français en- fans d’un même Roi et sujets d’une même patrie, nous graverons ces mots sur le piédes- tal : À A ConNCcORDE, Après la lecture de l'ouvrage couronné, le président ouvre le billet cacheté qui y étoit joint, et proclame le nom de l’auteur (1), M, Joseph - Théophile Forsser , de Bligny- sous-Beaune ( Côte-d'Or ). QG) N. B. L'auteur n’est âgé que de 19 ans. | | PROGRAMME DES PRIX PROPOSÉS POUR 1820 ET 1821. PR Ü: préjugé funeste , qui paroît avoir pris naissance dans le moyen âge, dans ces siècles d’agitation et d’ignorance où l’Europe étoit couverte des ténèbres de la barbarie, et qui naturalisé pour ainsi dire parmi nous, s'y maintient encore , malgré la civilisation la plus avancée , a fixé l’attention de l’Acadé- mie. Ce préjugé qui n’est fondé que sur la fausse idée qu’on s’est faite de l'honneur, et qui n’en est pas moins demeuré, jusqu’à ce jour, indestructible, consiste dans le détes- table usage de provoquer un adversaire au combat singulier. C’est lui qui a fait les duellistes, les spadassins, et qui porte cha- que jour le deuil et la consternation dans le sein des familles. Contre lui les lois ci- viles actuelles sont muettes, et les lois di- vines ont toujours été impuissantes. Le meur- tre, lorsqu'il a lieu, n’est pas l’objet des recherches de la justice, et le meurtrier reste ( 266 ) impuni. Faut-il s'étonner, après cela , de la fréquence des duels et de la sécurité de ceux qui se rendent coupables d’un tel délit : aussi leur nombre semble-t-il s’accroître tous les jours, et il n’est pas rare de voir des amis intimes , des amis qui le sont dès l’enfance, forcés, par ce faux point d'honneur, à s’en- tr'égorger, souvent pour un mal-entendu. Le spadassin, toujours insolent , querelleur , n'ayant d’autre courage que celuiqu’iltrouve dans une certaine supériorité d’adresse qui lui vient de l’habitude de l’escrime , cherche un ennemi parmi ceux qui ne pensent pas à Jui, qu'il n'a même jamais connus, et que bien surement il croit d’une moindre force que lui; et si, le défi étant accepté, il vient à triompher, comme il s’y attend , alors, tout fier de sa victoire , il se croit un per- sonnage redoutable , joue le rôle de protec- teur envers ceux qui admirent sa vaillance, heureux de cacher ainsi sa lâcheté sous le manteau de la bravoure. Le faux honneur ne peut être le partage que du faux brave. Déterminée par ces considérations, l’Aca- démie propose pour sujet du Prix à décerner en 1820, la question suivante : Quels seroient les moyens les plus eff-. ( 267 ) caces d’extirper du cœur des Français, cette maladie morale , reste de la barbarie du moyen âge, ce faux point d'honneur , qui Les porte à verser leur sang dans les duels, au mépris des préceptes de La Re- lision et des lois de l’Etat ? La Météorologie nous intéresse sous une infinité de rapports. Les végétaux et les animaux qui nous nourrissent et nous ha- billent, notre santé, nos sensations, et quel- quefois la force même de nos facultés in- tellectuelles reconnoissent son influence ; aussi a-t-elle été dans tous les temps le sujet des études et des méditations des physiciens. Tant d’efforts et de travaux n’ont obtenu qu’un succès médiocre ; et tandis que notre intelligence s’élevant jusqu’à la loi qui régit la matière, peut embrasser dans leur ensem- ble les mouvemens de la terre et des astres, elle ne possède que des systèmes et des con- jectures plus ou moins probables sur les causes des météores aqueux, les plus im- portans de tous ; et cependant ils se pas- sent sous nos yeux, ils nous environnent, nous touchent et affectent immédiatement tous nos sens. C’est que l’action du soleil sur ( 268 ) les planètes est tellement prépondérante sur les actions mutuelles de celles-ci, qu’il a été permis de l’isoler pour l’étudier à part, de la mesurer , et d’en donner l’expression ma- thématique. Mais les phénomènes atmosphé- riques étant produits par plusieurs agens également puissans, dont quelques-uns sont imparfaitement connus, la difficulté de dé- mêleretcalculerla part de chacunetson degré d'influence est presque insurmontable. Tou- tefois nous sommes parvenus à une époque où des découvertes importantes présagent un meilleur succès et commandent de nou- velles tentatives : la théorie de lachaleur, son action sur les gaz et les vapeurs, les lois des mélanges de ces deux genres de fluides élas- tiques, la composition et la constitution de l'atmosphère, et plusieurs autres beaux résul- tats des recherches modernes, sont autant de fanaux nouvellement placés pour éclairer la route et dissiper une partie des ténèbres qui la couvrent. Déjà la rosée a laissé dé- couvrir son secret, et une foule de faits particuliers sont venus se ranger sous la même explication. Les phénomènes sont mesurés avec plus de précision ; les instru- mens d'observation sont devenus plus exacts ( 269 ) et plus parfaits. Nonobstant tous ces se- cours, on se flatteroit sans doute si l’on espéroit une solution complète ; mais il'est important de réunir les travaux épars, et de fixer le point où nous sommes arrivés. L'Académie propose , rour sujet du prix de Physique qu’elle décernera en 1821, cette question : Jusqu'à quel point peut-on , dans l’état actuel de la Physique , expliquer les phé- nomènes météorologiques aqueux ? Le prix pour chaque question est une mé- daille d’or de la valeur de 300 fr. Les Mé- moires, envoyés au concours, seront adressés, francs de port, au Secrétaire de l'Académie, avant le 1° mars de l’année où le prix doit être décerné. Ce terme est de rigueur. Les concurrens ne se feront connoître , ni directement ni indirectement ; ils joindront à leur Mémoire , un billet cacheté, conte- nant leurs noms , qualités et demeure , et portant la même épigraphe que celle mise en tête de la pièce. Ils sont prévenus que l’Académie ne ren- dra aucun des Ouvrages qui lui auront été adressés , mais les auteurs auront la liberté (270) d’en faire prendre des copies, s'ils le dési- rent. Les Membres résidens de l’Académie ne sont point admis au concours. Signé ANTOINE, D. M., Président. VALLOT, D. M., Secrétaire. ARTIST APCE VIRE EPST TE CAR EE TI ECAR CRE PACE SEE VE SC EPP CET) TABLE DES MATIÈRES. D'iscouxs d'ouverture. pag. 1. Compte rendu . 8 ..... AGRICULTURE . . Incision annulaire de la MAP Eee etes ele . Provignement de la vigne. 13, Essai sur les moyens de pré- venir les épizooties; par M. de Sounex. . .. . . 15. Destruction des campa- nols. + 19: Abus de l’emploi de l’arsenic 19. state sun je sellette) jet Vitriolage des céréales. . 20. Gand OR MEN ST: BOTENIQUE eee 120 Agaric des gerçures . . . . Alvarde, . Ambutua é Amour ( Plantes d’),. ... + Animalcules infusoires. . . Antipathique ( Arbuste ).. Arbre de mille ans... .. Arbre Œu GT. 7 200-208. — Des Philippines . . . . 84. “— Porte-dragon . . ... . 81. = Porte-or. . . . . , , . . 87. — De Sumatra, .....,. 83. Arbre Fontaine ...... 66. Arbre portant agneau. . . 62. Arbre porte cornes. . .,. Arbres admirables. . ... =- anatifères . . , .. be — aux mouches luisantes . =DBITÉTÈTES sente lee loue — à pirogue . .. Asbeste ( Herbe ) Dalarasss ie. CORRE Bakeln meme" MRC EL Bisse peau... -,.....1....26" Bolet mie de pain . . . . . 24. Borachera er CRC 78. Butua. , HONOR TOI 82. Chequinquammins. . . .. 78. Chifung ( Herbe ) . . . .. 03 Chili ( Arbre du ) ..... 83. Giennéen PNR 69: Cistifolio arbor. . . . .. . 78. Cola. 7.2 172 Cornu plantabile. . . . . . 76. GEOPIOH RTE NE 77. Cryptogamie parasite . .. 30. PEVAdOITAIOR ee ae ee lO Ethiopie ( Herbe d’ ) . . . 8). Euphorbe.../. "MMS 3237. Feuilles ambulantes . . . . 54. Flabia ( Plante) . .. ... 48. Floribundio . . . .. dcr 70 Gelsomoro.:.1..!4Mw)i7a. Gousses d’un arbre qui retire AU FOSage let le le 81. Guacatane . . , .. . . . . 5y. Eater les 7 Huielde Palmes 111-0092 Hydne hémisphérique. . . 25, pnsectorum incunäbula . . 37. Jasminum Brasilianum . . 79. Rarantes ati ARR . 80. ANSE D MEN + 9L. HA DANIEL PAU 83. MACONO MANUEL = TMNEATOE Lungsin ( Herba). . . .. 89. Mancenillier . . . . . .. + 86. Mandragore . . . .. ce 0: Matière verte. .. 1.127. Matuur ee ls tete etes 02 (272) Matuni. . .. .. +. - « . - 83, Melissæ species agrestis « 77. Millenaria . . . «+ . + . . + 69. Mouches végétantes. . . . 54, Nerf de bœuf . ... . .. 58. Nirabix se... + . + + +. 85. Noix de Gambie. . . . . . 72: Nux de Gambra. ... . . . 72. Oxalis sensitiva . +..." * 65. Papaver Swertzii . « . « 80. PCR Ne es hell Y0- MÉTIER. 90. Philippines ( Arbre des ) . 84. PNEU ENS PUEMEMONRS 80. Philtres. . . +... .. . 45. Prmdo: :. eue PTE DE 76. Plante de chasteté. . . . . 62. — à pronostiquer + « + - + 49: — provoquant des sueurs de sang Pommes de Sodome. . .. CAEN LPO LCA CE LOPE CHER EC Pompoquam . +. +: 80. Porte-dragon ( Arbre) . . 81. Porte-or ( Arbre) . . . .. 87. Pronostiques ( Plante à) . 49- Pusu ( Herbe ) . . . . .. 92: Quei (Herbe). . . . 11400: Rattiaks Lattes 71, Rose de Jérico. . ... . . 50. Saamouna.. . +... 7O. 7. Sensitives. . . + + + « HERO DS Serpentaria. . . ....... 60. Sidereoni edit tole 61. Siler frutice 41:02 :. torse 100: Spaccalocchio . ...... 61. Sumatra ( Arbre de ) . .. 83. Tangaraca . . +... . .. 85. Tenge-....... PRENEAT PE Valisnérie ...... +, +. 95. Xarapisca. . . . . Lori 7 Te Xochi copalli. . . . . . .. 77. Xonaquilpatlis . . . . + 78. NE EN ES Er A \7IE Yu (‘Herbe)) 4.421 . + « 91e Yuvera . . ; 71 Zamouna. .. « « « + + « + 79e MÉDECINE... e…. « « 96: Enfant né avec des dents. . 96. Empoisonnemens acciden- tels EE CN 97+ Sur le sommeil, . . . . . . 99+ ZOOLOGIE. . . see «+ 99- Boudin de mer. . . ... 100 Thecospondylus. . * ° 102 Crasse de mer. . . . . . . 103, PHYSIQUE . . . +. . + +. 105. Latitude du Puy. . ... . 105. Abaissement de températ. 106. De la flamme . .. . . . . 108. MÉCANIQUE . + + « « - « ST: Pompe à cric ... +. - : 151. Crime appliquée aux arts 133. Décomposition du sel ma- PIN lee ASE ONU e Es 133. Origine des céréales . . . 135. Le soleil peut-il être habité 138. ANTIQUITÉS. « « » «+ « » 139. Tombeaux du Mont-Afri- quel. cle nas Grands plaids de Dieu. . Généalogie Boubhier. . . . Entrées solennelles des rois de France. . . « « . » + 1 Arc des orfèvres , . . Sur l'excellence de l’archi- tecture . . se « + ee : 166. De l'aptitude de quelques peuples, etc. . . . .«. 187: NÉCROLOGIE. . + + + +. 188 Sur le père FourcauD. . 188. Sur Jos.-Gaspard PicarD. 188. Sur Aub.-Louis MILLIN. . 190. Sur Gaspard MonGz . . . 192. +. 194. en- sine deits .... Nominations . , . « . Ouvrages imprimé voyés : 195. Rapport sur le concours." . 206, loge couronné. . . . . « 210. Nom de l’auteur. . . . .. 264, Programme des prix, « . 269 ACADÉMIE DES SCIENCES , ARTS ET BELLES-LETTRES D'EDTEFON SÉANCE PUBLIQUE DU JEUDI 24 AOÛT 1820, Consacrée à la lecture du Discours qui a mérité le prix proposé par délibération de l’Académie , en date du 20 février 2820 , pour l’Éloge historique de S. 4. R, Mor. le Duc pe Berry. En dd td Sd Aiahe avoir annoncé l'ouverture de la séance , M. Duranoe , chevalier des ordres de Saint-Michel et de la Lésion d'honneur, s'exprime en ces termes : Messieurs, Trois fois, dans cette enceinte et dans un court espace de temps, nous avons déjà so- lennellement déploré la perte de grands princes non moins augustes par leurs vertus qu'intéressans par leurs malheurs. Trois fois nous avons invoqué le génie des lettres pour célébrer la gloire de nos in- fortunés Bourbons , et répandre quelques & ( cxxvrrt ) fleurs sur leurs tombes sacrées; et toujours, Messieurs, vous êtes venus partager notre deuil et notre affliction. Mais lorsque le ciel sembloit las de tant de malheurs, lorsqu’enfin les rayons de l’es- poir commençoient à luire sur notre mal- heureuse patrie, un exécrable assassinat nous a de nouveau plongés dans la plus profonde consternation. Quel sort nous est donc ré- servé? et faut-il encore des crimes inouis pour épuiser la colère du ciel ? Trois de nos princes, ceux qui avoient tant de titres à notre amour et à notre dé- youement , sont tombés sous le fer parricide : un seul, celui qui nous honoroiït de son au- guste protection, celui dont le nom si révéré rappelle la victoire et les muses, lui seul a péri par l'effet de cette inévitable destinée qui veut que rien n'échappe à la faux du temps, pas même ceux qui sont sur la terre les images et les représentans de la Divinité. La France n’aura-t-elle donc plus que des jours de pleurs et de désolation ? et sommes- nous destinés à toujours vivre au milieu des assassinats et des conjurations ? Le ciel cessera-t-il enfin de nous écraser du poids de son courroux? Ah ! sans doute, il est encore une espérance , et nous deyôns ( cxxixi) l’attendre de cette fleur qui est au moment de naître , et dont le crime des crimes a détruit la principale tige. Puisse t-elle perpétuer cette auguste dy- nastie qui, pendant tant de siècles , a fait la gloire et le bonheur de la France ! Puisse- t-elle un jour nous offrir une fidelle image de ce bon CHarzes, de cet auguste prince qui, monté sur le trône, eût rappelé et fait renaître dans un seul règne les trois époques les plus glorieuses des annales de notre his- toire, les règnes de Louis XII, d'Henri IV et de Louis XIV! Combien il est désirable que les destinées de la France soient enfin fixées et rendues dignes d’une si grande nation! Sans doute les moyens d’y parvenir sont au pouvoir du Gouvernement; mais les lettres peuvent-elles y contribuer par la pureté de leurs prin- cipes, par la noblesse de leurs écrits? Eh! Messieurs, quoi de plus ami d’un gouver- nement fixe, quoi de plus essentiellement partisan de l’ordre et de la paix que les sciences et les lettres ! Elles fleurissent et prospèrent à l’ombre de l’olivier. Elles fanent et se dessèchent au milieu des désordres et des convulsions politiques : ( cxxx ) cépendant /es lettres n’admettent point d’es- clavage, mais elles veulent une liberté sage, qui soit celle de tous. Les lettres usent de la liberté d’écrire, mais elles ne la réclament que pour la gloire et l'honneur de leur pays; elles proscrivent ces opinions erronées et systématiques , sans doute moins applicables à la civilisation qu’à l’état de nature, et toujours essentiellement subversives de tout gouvernement, de tout bonheur et de toute sécurité. Les lettres sont pleines de respect pour la religion de nos pères, mais elles ne repous- sent point la tolérance. Qui plus qu’elles sont convaincues de la nécessité impérieuse de la Religion sans laquelle il ne peut exister ni frein pour la perversité, ni consolation pour la misère, ni refuge pour l’infortune. Les lettres se prononcent contre l’adula- tion, mais elles savent estimer les grands, ou par leurs propres services, ou par ceux qu'ont rendus leurs ancêtres; c’est un hom- mage qu’elles aiment à leur rendre dans l’in- térêt de la société : mais, lorsqu'ils veulent se prévaloir de ce qu'ils sont, elles les res- pectent de loin, et les abandonnent à leur propre grandeur. Les lettres sont ennemies de l’orgueil et ( cxxxr ) des sottes prétentions , mais elles savent don- ner un juste tribut d’éloges au mérite mo- deste et aux talens utiles. Elles savent dispenser à propos et l'estime et la considération. | Avec elles l'estime s’acquiert par raison et non par cabale. Avec elles la considération se gradue par les services rendus, et jamais elles ne la font dépendre de cet éclat trompeur que n’envi- ronne aucun mérite, et qui pour lors devient la première cause de tous les maux et de tous les désordres. . Sans doute le plus beau titre de gloire des lettres sera toujours l'avantage de pouvoir préconiser les actions et les vertus des grands princes. Avec quelle satisfaction n’emprun- tent-elles pas l'organe de la renommée, lors- qu’elles voient dans un monarque le bonheur de tout un peuple, et dans un grand prince l'espoir des générations futures. Consternée de douleur , et frappée des éminentes qualités de Son ArTesse ROYALE ze Duc pe Berry, l’Académie, dans sa séance du 20 février, proposa pour sujet d’un prix à décerner le 24 août 1820, l’Eloge de très haut, très puissant et très excellent ( cxxxir ) Prince CHarres-FERDINAND D'ARTOIS, FILS DE FRANCE et puc DE Berry. Plusieurs écrivains se sont mis sur les rangs; mais il étoit impossible que leurs gé- néreux efforts fussent couronnés d’un égal succès. Sur treize mémoires qui sont par- venus à l’Académie, dont trois en vers, et notamment un poëme en quatre chants, deux seulement, écrits en prose, ont mérité et fixé d’une manière plus spéciale l’attention de l’Académie. L’unde ces mémoires, n.°8, et portant pour épigraphe : Les indifjérens même pleureront Germanicus , est généralement bien écrit; il est même quelques morceaux qu’on pour- roit citer, et qui semblent dictés par une gracieuse éloquence ; maïs le style en est quelquefois languissant et froid ; des lon- gueurs et des inconvenances sont encore une tache à son ouvrage, dont le plus grand défaut est d’avoir gardé le silence sur les derniers instans du duc de Berry, qui cepen- dant sont: une vie toute entière pleine de grandeur d’ame et d’héroïsme, de vertus et de résignation. Malgré cette omission, il est juste de dire que, jusqu’au moment de l’horrible as- sassinat , l’auteur n’a oublié aucune des s { cxxxsat) action ; aucun des faits qui valurent à Caarres l'amour des Français : rien n’é- chappe à ses recherches; on pourroit même lui reprocher d’entrer dans trop de détails; et c'est peut-être pour avoir embrassé un cadre trop étendu, pour s'être livré à des discussions étrangères à son sujet, que son discours paroît quelquefois languir, ses cou- leurs perdre de leur vivacité, son pinceau de son énergie, de sorte qu’on ne retrouve pas dans cet écrit cette éloquence du cœur, cette beauté de détails, cette belle et noble simplicité , qui caractérisent le mémoire cou- ronné : cependant, quoiqu'il lui soit de beaucoup inférieur, l'Académie a pensé à l'unanimité, qu’en raison de l’asrément de son style , de l'étendue de ses recherches , et des soins qu'il a donnés à son travail, ce mémoire méritoit une mention honorable. Quant au discours couronné, je ne vous en présenterai point l'analyse ; je ne vous en ferai point connoître la marche et le plan ; ce seroit, je pense, Messieurs, chose su- perflue, puisque je vais avoir l’honneur de vous en donner lecture. Peut-être même seroit-ce affoiblir l'intérêt en détruisant le plaisir de la surprise. Ainsi, Messieurs, je me bornerai à vous énoncer { cxxx1v ) seulement le sommaire de l’opinion de l’Aca- démie , abandonnant les détails à vos lu- mières et à votre bon goût. Un cadre heureux, un style simple et facile, des idées ingénieuses, des expres- sions bien choisies , caractérisent ce dis- cours, qui se montre constamment sous les dehors d’une belle et noble simplicité. Vous ne remarquerez point dans le cours de cet écrit cet appareil de style , ces phrases à prétention, ces exagérations outrées , plu- tôt faites pour en imposer et flatter l’oreille, que pour émouvoir et gagner le cœur. Notre écrivain a sans doute pensé que ce qu'on aimoit sans feinte devoit être peint sans art; et de même l’Académie a senti que le discours qui devoit le mieux répondre à ses vues, étoit celui dont le style simple et entraînant, seroit recherché de tous et conçu par tous; car l’éloge de notre malheureux prince doit être dans toutes les bouches , comme son image est dans tous les cœurs. Pénétrée de ces divers motifs, l’Académie de Dion a décerné, à l'unanimité, le prix proposé , au Mémoire coté n.° 12. Cependant, Messieurs, en parlant si avan- tageusement de ce discours, qu’on ne nous prête point la pensée d’avoir perdu de vue ( cxxxv ) l’éloquent éloge dont nous sommes redeva- bles à l’auteur du Génie du Christianisme. L'Académie saisit avec empressement cette circonstance pour rendre un hommage écla- tant au génie et aux talens distingués de M. de Châteaubriand; et, après un si grand écrivain , présenter sur le même sujet un travail qui inspire quelque intérêt, ce sera sans doute pour notre auteur une de ses pre- mières et plus douces récompenses. Il est, Messieurs, des gloires qu’on ne sauroit rabaïsser , comme il est des génies qu’on ne sauroit égaler. M. Duranpes lit l’Éloge de Son Altesse Royale Monseigneur le DUC DE BERRY, Fils de France, Prince de la Famille royale, coté n.° 12, et portant pour épigraphe : Laudent facta ejus. ( Prov. 31. 31. ) Deducant oculi nostri lacrymas, ( Jer. 9. 18.) Asess , il y a trois ans, dans cette lice qui s'ouvre aujourd’hui de nouveau, nous avons disputé l'honneur d’attacher une palme funèbre au tombeau du dernier héritier des Condé. Le plus lâche attentat faisoit alors le sujet de notre indignation ; une perte ir- ( cxxxvr ) réparable étoit l’objet de nos regrets ; mais cette indignation et ces regrets affranchis par le temps de leur amertume, laissoient libre- ment éclater des sentimens plus doux. Un sang fertile en héros avoit été tari dans une de ses plus nobles sources; mais ce sang pré- cieux couloit toujours avec vigueur dans les veines royales; l’auguste famille , dépositaire du bonheur de la France, voyoit encore avec orgueil, et sur des degrés plus rapprochés du trône, des princes dignes de ses soins et de notre amour. Un hymen heureux , gage de notre félicité future, venoit de s’accom- plir, et ne laissoit plus de bornes à nos es- pérances..…... Vanité des vanités! Le meurtre a dit avec une joie féroce : « je briserai ces « liens » ! et voilà qu'une main parricide , frappant le dernier rejeton de Louis XIV, nous plonge dans un deuil peut-être éter- nel , et nous force à reculer d’effroi devant notre avenir. Plus accablés du sort affreux qui menace la patrie, que soutenus par le fragile espoir qui lui reste, pouvons - nous nous abandonner sans réserve à ces entrai- nemens, à cet enthousiasme qu’excite l’hé- roïsme, ou nous élever à ces grandes pen- sées, seules interprètes des belles actions Nous demandons des expressions à la dou- ( cxxxvir ) leur, et la douleur, sans voix, nous décou- vre son visage baigné de larmes ; nous de- mandons des images à l’éloquence , et l’élo- quence nous répoñd avec Bossuet : Qze la gloire des ames extraordinaires ne peut être soutenue que par la seule simplicité d’un récit fidelle (*). Je ferai donc un récit fidelle. Je vais dire ce que j'ai vu, rappeler ce que j'ai senti, rapporter ce que j’ai entendu touchant la vie et la mort de CHarres-FerpiNaAnD n’ARTors Duc pe Berry, Prince de la famille royale de France. Puisse ma foible voix trouver grâce devant mes juges! puisse du moins cet humble et pur hommage n’être pas dédaigné par celui qui l’inspira ! J’ai vu le riche et le pauvre prosternés devant sa tombe, confondre leurs pleurs et leurs prières : remontée au Ciel sa première demeure , lame du juste accueilloit sans doute leurs vœux avec une égale bonté. C’étoit Le jour où la dépouille mortelle d’un petit-fils de Henri IV devoit être transportée du palais de ses ancêtres à la dernièredemeure des Roïs. Saint-Denis avoit préparé ses ma- (*) Oraison funèbre du grand Condé, ( cxxxvirt ) gnificences funèbres; l’airain des temples annonçoit au peuple la lugubre cérémonie, tandis quele rappel militaire rassembloit la milice nationale et l’armée. Soldat citoyen, je réponds au signal ; je revêts à la hâte cet. uniforme que je portois avec tant de joie lors de l’entrée du Prince dans la capitale; je prends ces inutiles armes qui n’ont pu le défendre, et je cours vers ce Louvre où se presse une foule éplorée. Là gît le corps de la victime : c’est-là aussi que jadis, après avoir été frappé du poignard , fut exposé le GranD, le bon Henrr. Je me joins à mes compagnons d’armes. Mais c’étoit peu pour moi de suivre pieusement de saintes reliques ; je voulois solenniser mes regrets , et leur élever un monument aussi durable que le souvenir des vertus du Prince. Jeune et déjà malheureux , puisant mon talent à la source de mes propres infortunes, j’allois sous les voûtes de Saint-Denis, parmi ses nombreux cerceuils, chercher des inspirations, comme j'en avois recueilli près d’un tombeau soli- taire, dans les remparts de Vincennes. Un roulement sourd et prolongé annonce le départ, et le cortège franchit le seuil du Palais. Une brise légère agite les drapeaux ( cxxx1x ) noirs ; les troupes marchent en silence , les armes baissées : par intervalles, un seul coup de tambour règle leurs pas. Tour à tour passent devant mes yeux : Ces cavaliers éprouvés aux combats et aux fatioues, fiers d’obéir au jeune héros qui grava sur sa bannière : znion et oubli ; Ces chasseurs et ces lanciers que le second Fils de France commandoit avec tant d’é- clat ; Ces hussards qui reconnoissent pour chef le petit-fils de Penthièvre ; Ces soldats d’Austerlitz et de la Vendée, réunis désormais par les mêmes sentimens sous l’étendard de la Garde royale. J’ai reconnu l’uniformeque portoit Condé : voilà cette redoutable infanterie française dont les baïonnettes imposèrent tant de fois silence aux batteries ennemies. A la vue d’un guerrier dont l'air abattu contraste avec les nobles cicatrices, la foule a nommé Oudinot, et ce nom glorieux a re- tenti dans nos rangs. Après lui, Fitz-James, si digne de porter pour devise : Zoujours et partout fidelle , guide un escadron de dévoués citoyens, { cxz ) tout prêts dans le péril à se montrer intré- pides soldats. Ici, je vois les vétérans de l'honneur mu- tilés, mais fiers encore; là , une jeunesse brave et studieuse , l'espoir de la patrie. Plus loin , portant le don de l’aumône, un flambeau dans la maïn, des pauvres mar- chent aux clartés funèbres. Mais, quels saints concerts ! quelle douce harmonie parvient à mon oreille ! C’est la voix imposante des Ministres du Seigneur ; c’est la voix pure des jeunes Lévites. Écou- tons : Custos quid de nocte ? Sentinelle, qu’avez-vous Custos quid de nocte? vu cette nuit? Sentinelle, que s'est-il passé ? Dixit custos. Isaïe. 21. 12.| Lasentinellearépondu: Jsaïe. 21. TA Observavit peccator jus- tum. Evaginavit gladium Ps. 26 LE Le méchant a épié le ut trucidet. 4 juste ; — il a tiré son glaive pour frapper. à ls ont gémi ceux qui Ingemueruntomnes qui Ils ont gé q : . se réjouissoient. — Le D de 3 Tsaïe. 24. {7 bruit des instrumens à gaudium tympanorum.— . ns ST cessé, la douce mélodie D a dulcedo citha des’harpes s’est tue. Justus periit, Isaïe. 17. 1. | Le juste a succombé. En me retraçant une épouvantable his- toire, ces paroles des livres saints redou- blent ma douleur ; la voix pure des jeunes Lévites vient ranimer mes espérances. lem , qui lugetis super rusalem, vous qui pleu- Léætamini cum Jerusa-11saïe. 66, 10. Consolez-vous avec Jé- eam, | riez sur elle, (‘étarr) Quia hæc dicit Domi-[Amos. 5. 4. | Car voicice queditle Set. us domui Israël. gueuràla maison d'Israël, Egredietur virga de ra-|Isaïe. 11. 1. | De la souche il doit sor- dice, et flos de radice tir un rejeton ; une fleur æjus ascendet. va s'élever de la tige. Florebit quasi lilium. |Ec. 39. 19. | Elle s’'épanouira comme un jeune lis. Ici, les encensoirs sont légèrement balan- cés, et l’air est embaumé de parfums ; toutes les voix ensemble reprennent : in Domino. sa confiance dans les pro- Domus Israël speravitfPs, 119. 19. | La maison d’Israëélamis I messes du Seigneur. Les chants ne se font plus entendre , et j'écoute encore , tout rempli que je suis de la parole divine. | Mais le mouvement du lugubre cortège a ramené sur la terre mon ame élancée vers les cieux. Dans ces voitures drapées de noir,j’ai vu les dévoués serviteurs du Prince , ceux qu’il chargeoïit avec tant de confiance, au milieu des combats , de ses ordres périlleux, ou dont il invoquoit les sages conseils dans les affaires difficiles. J’ai vu le saint Évêque , gardien d’un dé- pôt sacré que plus tard, par ordre de l’au- guste veuve, il doit confier aux paisibles retraites de Rosny. Le cœur d’un Prince qui connoissoit le prix du dévouement, reposera dans la demeure d’un loyal serviteur, d’un ami de Henri IV, tandis que ses entrailles (iexrax) seront portécsaux habitans d’une cité fidelle, pour accomplir cette promesse du Béarnois, renouvelée par le duc de Berry : Lillois, dé- ‘ sormais entre nous, c’est à la vie et à la mort. Le char funèbre s’avance..….. le cheval de bataille suit tristement le cercueil de son maître. Enfin , notre troupe prend son rang dans cette marche. Après nous viennent encore différens détachemens,puis une foule d’arti- sans et d'ouvriers pleurant leur bienfaiteur. Cependant la pompe guerrière etrelisieuse se développe sur les rives de la Seine, laissant à sa droite le monument consacré au meilleur des Rois par l’amour et la piété d’une grande nation ; après avoir traversé la place où ce Prince trop populaire tomba sous Le couteau d’un fanatique, elle s'arrête un moment sous l'arc de triomphe élevé à la gloire de Louis XIV. C’est devant ce magnifique témoignage de grandeurs qui ne sont plus, que passèrent, il y a quatre ans, deux nouveaux époux ac- compagnés d’une cour brillante. Ivres d’a- mour et de plaisirs, ils répondoient par leurs regards animés aux acclamations univer- selles. Pouvoit-on alors penser que le char ( cxzrtt ) funéraire succéderoit sitôt au char de l’hyÿ- men, et qu’un chemin parsemé de fleurs seroit si promptement arrosé de larmes ! Bientôt apparoiïssent les clochers de St.- Denis; de leurs flèches ébranlées s’élancent et se répandent dans les airs les sons des fu- nérailles. Une foule immense , accourue de toutes parts, borde les rangs du cortège. J’aperçois alors un vieillard courbé et qui marchoit avec peine ; il portoit l’habit des anciens militaires , et la décoration récom- pense des longs services. Je m’empressai de lui offrir mon aide : mon action le toucha : « Ilest, me dit-il, digne d’un jeune volon- « taire de la garde citoyenne , de soutenir « les pas chancelans d’un vieux soldat de « l’armée de Condé. » Ce nom de Condé fit battre mon cœur. J'osai interroger le vieil- lard , et j’appris qu'après avoir long-temps combattu pour la cause royale aux côtés du duc de Berry, il n’avoit revu sa patrie qu’avec ce Prince auquel il devoit toute son existence. Instruit du dessein où j’étois de célébrer une mémoire si chère , le guerrier ne se contente pas de m’encourager ; il promet de me con- fier , sur la vie du Prince, des souvenirs pré- L 1778. ( cxriv } cieux ; « souvenirs, ajoute-t-1l , maintenant « ma seule et dernière consolation. » Le cortège s'arrêta aux portes de l’église, et fit une halte. Péndant que les troupes for- ment les armes en faisceaux, je conduis le vieux guerrier, non loin de la basilique, dans un lieu ombragé de quelques cyprès. Là avoit été marquée la dernière des stations de Philippe III, roi de France , lorsqu'il porta sur ses épaules, de Notre-Dame à St.- Denis , les ossemens de St. Louis, son père, enlevés d’une terre infidelle. Nous nous asst- mes sur la pierre où le fils du saint roi s’étoit reposé ; et supplié par moi d'accomplir sa promesse , le soldat de Condé commença ainsi ? « J'ai vu sourire à sa naïssance celui qui fait aujourd’hui le sujet de nos larmes (*); j'ai vu lajoie de sa famille et celle de tout un peu- ple. La France jouissoit alors des derniers mo- mensde son bonheur; la cour jetoit aussi son dernier éclat. La relision et la bienfaisance, veillant pour ainsi dire au berceau du duc de Berry , avoient guidé les premiers pas du Gi) Le Duc de Berry naquit à Versailles le 24 Jan vier 1778, | (ext 9 royal enfant; la sagesse et l'instruction al- loient lui ouvrir la vaste carrière du monde. Un homme du plus rare mérite, M. de Ser- rent, fut choisi pour diriger cette éducation: il étoit déjà chargé d’élever M. le duc d’An- goulême, plus âgé de deux ans que son frère. Cet habile gouverneur se retira avec ses élè- ves, loin du monde et de la cour, dans la retraite de Beauregard; et si cette solitude et ce recueillement ne gênèrent en rien l’heu- reux essor des aimables qualités du Prince que nous ayons perdu, ils donnèrent au Prince qui reste notre espoir , l'habitude de ces hautes pensées, de ces profondes médi- tations qui, dans la vie privée, font les phi- losophes , et sur le trône , les grands rois. « Mais l’enfance des deux Princes s'écoule avec les plaisirs et le bonheur de leur âge ; l'histoire des grands hommes de leur pays vient réveiller en eux l’amour de la gloire. C’est l’image des combats qu'ils cherchent dans leurs jeux ; il semble qu’un secret ins- tinct les avertisse qu'ils doivent passer leur vie dans le tumulte et dans les camps. « La révolution éclata. Les Princes s’éloi- gnèrent , et je les suivis. Les deux frères pleuroiïent en quittant la France. Arrivés à Turin , M. de Serrent leur fit reprendre des 1786, Juillet 1739. 21 janv. 1793. ( ceryri) études qu'il dirigea plus spécialement vers l’art de la guerre. Pour procurer à ses élèves un délassement analogue à leur vocation, il les faisoit assister aux évolutions et aux gran- des manœuvres des troupes que le roi de Sar- daigne venoit de rassembler. « À ces jeux guerricrs succédèrent bientôt de véritables combats : la campagne de 1792 s’ouvrit. Le duc de Berry avoit alors treize - ans, et venoit d'adresser à M. le comte d’Ar- tois une lettre telle que l’auroit écrite Henri IV enfant, demandant à faire ses premières armes : cette lettre lui valut la permission de continuer dans les camps son éducation militaire : rude et sévère apprentissage ! car l’armée royale ne fut point heureuse. Une épouvantable catastrophe mit le comble aux malheurs de la campagne. La plus ancienne monarchie du monde s’écroula , et de ses débris, il ne resta qu'un testament de mort qui devoit être pour la France un signe de rédemption. Comme les premiers chrétiens, les royalistes confessèrent leur foi au milieu des supplices; d’augustes martyrs leur avoient montré le chemin de l’échafaud devenu pour lors une école de bien mourir. Chaque jour, nous avions à gémir sur de nouveaux for- faits, nous avions à admirer de nouvelles ( cxLvi1 ) vertus. Cependant le jeune duc, condamné à l’inaction dans le château de Ham, apprend les merveilles de Weissembourg et de Bert- sheim , et la gloire des trois Condés. Craïi- snant déjà que les lauriers ne manquent à son courage , il sollicite avec instance, il obtient enfin de partager de si nobles pé- rils, et rejoint à l’arméé le duc d’Enghien dont il vouloit devenir l’émule. Une vive amitié unit aussitôt les deux Princes ; leurs belles ames étoient dignes l’une de l’autre, et M. le Prince de Condé acquit un fils de plus. » « La campagne fut mêlée de succès et de revers; mais la véritable valeur trouve à s'illustrer et dans les revers et dans les suc- cès, Le duc de Berry, fidelle à sa maxime favorite, prouvoit, en chaque occasion, qu'un Fils de France vole au-devant de la gloire sans l’attendre. À ceux qui lui repré- sentoient que la vie d’un prince de la famille royale devoit être épargnée, ilrépondoit que, pour l’honneur du corps, il falloit qu’un prince de cette famille se fit tuer les armes à la main. À dix-sept ans, ces idées che- valeresques étoient excusables ; elles n’em- pêchoient pas, d’ailleurs, le Prince de se Juin 1794 ( exzvzir ) soumettre à la discipline, et de montrer déjà ce qu'il pouvoit devenir un jour. « Au milieu des vicissitudes de la guerre, la désunion commence à s'emparer des ar- mées coalisées. Le duc de Berry et le duc d'Enghien gémissent vainement de cette mé- sintellisence; fuyant le tourbillon des intri- gues politiques, ils:se réfugient pour ainsi dire dans la gloire d’un ennemi qu'ils com- battent à regret. Tout Français, sans distinc- tion de parti, est l’objet de leur bienfai- sance et de leur humanité ; souvent on les voit prêter une oreille attentive au récit d’un prisonnier , applaudir à des triomphes qui leur fermoient le chemin d’une patrie, uni- que objet de leurs vœux, et dont ils étoient si durement repoussés. Que de fois, assis sur les bords du Rhin, les yeux attachés sur l’autre rive, n’ont-ils pas versé des larmes comme ces Hébreux exilés. Ils savoient que leur pays n’avoit plus pour eux d'asile, et que la haine peut-être les y attendoit ; mais ce pays s’appeloit la France : ils ne deman- doient qu’à mourir sur son sol, pour être au moins couverts de la terre de la patrie. « En 1797, le duc de Berry assista au siège de Kell : c’est là que le général Marceau trouva la mort à dix-neuf ans. Kell se ren- (xx) dit; mais ce succès fut balancé par de grandes pertes ; et le prince Charles d'Autriche, sé- duit, comme tant d’autres, par le prestige qui s’attachoit au nom français, consentit à un armistice , prélude de la paix de Cämpo- Formio. L'armée de Condé accepta du ser- vice auprès du Czar, afin de se rapprocher du Roi Louis XVII, alors retiré en Russie. Avant le départ, le duc de Berry reçut une lettre de Sa Majesté qui lui ordonnoit de té- moigner à l’armée sa satisfaction royale. La lettre fut lue à l’ordre du jour. On ajouta quelques rubans, on accorda quelques gra- des honorifiques ; le Monarque ne pouvoit rien de plus; chacun fut satisfait, et nous primes gaîment à travers l’Allemagne la route de la Wolhinie, emportant dans un havre- sac nos dieux pénates et tous nos biens. « Le Prince rejoignit quelque temps après le Roi à Blackembourg, où il lui fut permis de faire à cœur ouvert l'éloge de ses com- pagnons d’armes ; il y mit cette vivacité, ce feu qui lui étoient naturels : « Mon neveu, lui dit le Roi, « vous oubliez de me parler « d’un brave officier , vous ne me dites rien « du duc de Berry » ; et le duc se jeta dans les bras que lui tendoit le Monarque. Octobre 1797: 1798. (cæ) « Chargé, en l’absence de son frère, du commandement des chasseurs nobles, le duc de Berry sut maintenir dans ce corps une sévère discipline dont il étoit lui-même le plus rigoureux observateur. Vif, quelquefois même au-delà des bornes, il réparoit ses torts avec tant de grandeur d'ame , en toute autre occasion il se montroit si doux et si géné- reux, qu'il étoit impossible de garder envers lui le moindre ressentiment. « En 1799, l’armée de Wolhinie fut di- rigée sur Constance : jeux bizarres de la for- tune ! singuliers spectacles ! « Un des héritiers de Robert-le-Fort tra- versoit les forêts de l'Allemagne à la tête des descendans des D’Armargnac, des Mont- morency, des Bouillon, des Latremoille, pour replacer sa dynastie sur le trône des Francs, pendant qu’un autre héritier des Robert unissant ses malheurs aux infortunes de la fille des Césars, renouoit en Cour- lande les liens de cette même dynastie. C’étoit à six cents lieues de Versailles, que les en- fans de Louis XIV , ne possédant plus que leurs nobles cœurs , venoient se jurer une mutuelle foi , et comme deux lys penchés par l'orage, se prêter un mutuelappui. (cr ) « Après avoir défendu Constance, l’armée de Condé forcée de céder au nombre, s’étoit repliée en bon ordre. Il survint une trève, durant laquelle le duc de Berry obtint la permission de se rendre à Clagenfurth au- près de son auguste mère. Madame la com- tesse d’Artois goûta une joie bien pure en revoyant un fils si digne de son amour. Elle découvroit en lui mille nouvelles qualités ; elle s’étonnoit toujours qu’un Prince qui passoit sa jeunesse dans les armées et dans les voyages, et dont par fois le caractère w’étoit pas exempt de mouvemens impétueux, eût cependant acquis tant de douceur et de srâce, et n’eût rien perdu de cette galante- ric délicate qui ne se cultive que dans l’ha- bitude continuelle des Cours. Madame fut surtout charmée de voir que le Prince avoit conservé la même franchise et la même rec- titude de cœur , dons naturels que cette Princesse judicieuse préféroit aux plus ai- mables qualités. Obligé bientôt de s’arra- cher à ses tendres soins , le Duc de Berry partit pour Naples ; il passa ensuite à Rome, cet éterne rendez-vous de toutes les célébri- tés, où les jeunes talens viennent puiser le génie, où viennent aussi soupirer les gran- Mars 1000: { cz ) des infortunes. Ce Prince enthousiaste des arts , eut à peine le temps de contenter son. ardente curiosité: Tandis qu’il méditoit sur les tombeaux des Scipions , il apprend que les hostilités sont recommencées. Aussitôt il écrit au duc d'Angoulême , chargé du commandement d’un .corps à l’armée de Condé , qu'il veut servir sous ses ordres, comme simple volontaire , et le lendemain, il s'éloigne rapidement de Rome, où il lais- soit tant de regrets. « Le duc de Berry donne lui-même dans une lettre qui m'a été communiquée, les motifs d’un si prompt départ. «La noblesse « fidelle, écrivoit-il, avec laquelle j'ai fait « huit campagnes, n’avoit jamais vu tirer « un coup de fusil que je ne fusse à sa tête ; « au moment où mon frère venoit de la « joindre , il me mandoit : nous attaquons « le 15 septembre ; et le 15 septembre j’étois « arrivé. » « Comme toutes les précédentes, la cam- pagne mal combinée par les alliés, ne fut pour les armées républicaines qu’une suite de tromphes, depuis la victoire de Marengo, achetée par la mort de Desaix, jusqu’à celle de Hohenlinden ; illustrée par le nom de ( czzrr }) Moreau. L’armée autrichienne croyoit remé- dier à ses défaites par des armistices ; et le corps de Condé, obligé sans cesse de répa- rer des fautes ou de protéger des retraites , prodiguoit inutilement son courage. Fort de 10,000 hommes à son départ de Russie, il ne comptoit plus alors que 5000 combattans. « Pour couronner cette suite d'opérations extravagantes , le Cabinet de Vienne signa le traité de Lunéville. On licencia l’armée de Condé. Des hommes qui depuis dix ans partageoient le même pain , les mêmes périls et les mêmes privations, qui couchoient sous la même tente , et qui n’aspiroient qu’au même genre de mort et à la même tombe, reçurent ordre de se séparer. Ils obéirent; rentrés en France , la plupart reprirent du service; heureux de n’avoir plus à combattre des Français, ils se précipitèrent avec plus d’ardeur encore au milieu des dangers; pour nous étroitement attachés à la mauvaise for- tune de nos Maîtres , nous jurâmes de suivre partout leurs pas , et de partager constam- ment leur exil. « Les Bourbons acceptèrent l’asyle que leur offroit l'Angleterre. Le duc d’'Enghien seul resta sur les bords du Rhin, pour ne point perdre de vue la terre natale. « Mon fils, Avril 1801. Mars 1804. 1809. | Can « lui écrivoit son père, que faites-vous si « près de votre ennemi; au nom de Dieu « éloignez-vous ! » Le jeune Condé trop ma- gnanime pour être défiant, différoit de se rendre à cesinvitationsréitérées. Tout-à-coup un bruit court à Londresquele duc d’Enghien arraché de sa retraite, vient d’être conduit en France. Ce bruit, tout incertain qu'il paroît, nous glace cependant d’effroi. On fait partir des émissaires ; déjà l’on cherche les moyens de délivrer l’illustre prisonnier. Il n’étoit plus temps; la vérité, l’affreuse vérité fut connue le lendemain. « Au reste, il n’avoit pas dépendu du meurtrier du duc d'Enghien , que le sort des deux frères d'armes ne fût exactement sem- blable. Trompé par des avis perfides , le. duc de Berry devoit descendre sur les côtes de Bretagne , où il pensoit être attendu par un grand nombre de royalistes. Il mandoit à M. de la Feronnaye : « Puisque les royalistes « se décident à reprendre les armes , je com- « battrai à leur tête, et mon sang versé au « champ d'honneur, rappellera du moins « à la France qu'il existe des Bourbons. « Mon vieux Nantouillet et toi, mon ami, « vous partagerez mon sort. » Le Prince alloit se perdre lorsqu'il fut averti. Mais M. ( civ) Armand de Chateaubriand , chargé des or- dres du Roi, fut arrêté en Normandie et fusillé dans la plaine de Grenelle. L’illustre auteur du Génie du Christianisme n’obtint que la cruelle faveur de le suivre jusqu’au lieu du supplice. « Une victime abusée n’a souvent d’autre ressource que de partager le sort de son corrupteur ; ainsi la France s’enchaîna aux destinées de celui qui l’avoit séduite. Au faîte de la gloire elle oublia sa servitude.Mais le malheur alloit éprouver cet enfant ingrat, et lui faire sentir le besoin de se jeter dans le sein d’un père. Profitant enfin des fautes de leur ennemi, et d’un regard de la victoire, les nations de l’Europe débordent comme un tor- rent sur nos belles contrées. La France étoit perdue, la légitimité la sauva. Quelle est donc cette inconcevable puissance ? Des armées avides , innombrables, se sont emparées du plus riche royaume de la terre; elles ont à venger des injures, à exercer des représailles : il leur faut du butin et du sang... Un homme vieilli dans l’exil se présente : c’est le succes- seur d’un monarque enfant ; il réclame ses droits. Aussitôt les épées prêtes à frapper, rentrent dans le fourreau ; deux cents mille prisonniers sont rendus sans rançons ; une 1014. ( czvr ) | couronne qu’on alloit briser , est placée sur la tête du sage libérateur , que tout un peuple salue Roi. ‘« La France revit enfin ses Bourbons. Le comte d'Artois traversoit la Franche-Comté sans autre garde que la fidélité de ses ha- bitans. Le duc d'Angoulême reçu avec trans- port dans Bordeaux, ville qui la première avoit secoué le joug , s’avançoit au mi- lieu d’une population affamée de le voir; la famille d'Orléans arrivoit en Provence avec une Princesse de Sicile. Louis-le-Désiré ramenant avec lui la fille de Louis XVI, et ce qui restoit de la race des Condé , prenoit à Calais possession de son royaume ; enfin le duc de Berry entroit dans le port de Cher- bourg. France! France ! s’écrie-t-il en met- tant le pied sur laterre natale. C’étoit le cri du cœur : c’est le seul qu’il put prononcer. » Ici le vieux guerrier suspendit sa narra- tion. Cependant sa voix avoit été entendue, et le nom du Prince, prononcé par lui avec enthousiasme , avoit attiré l'attention de plusieurs personnes qui s’approchèrent; un cercle se forma autour de nous. Après un moment de repos, le soldat de Condé reprit son récit d’une voix plus élevée. ( czvir ) æ De Cherbourg à Paris, le voyage du duc de Berry futun véritable triomphe. Tou- ché de tant d'amour, le Prince répétoit sans cesse , « J’en mourrai de joie ». Le voyant pour la première fois entouré d’une si grande affluence , les personnes de sa suite avoient peine à dissimuler leurs craintes. « Soyez tranquilles, leur disoit le Duc, je puis trouver des ennemis parmi les Français , TLAÏS jamais un assassin. » Partout sur son passage , il laisse pour souvenir, ou des bon- nes actions , où des mots charmans, qui partent du cœur et qui vont au cœur. À Caën il fait mettre en liberté trois cents malheureux conscrits. À Bayeux, il entend un enfant crier au milieu de la foule, et se plaindre dé la perte d’un de ses sabots : « Messieurs, dit le Duc, avec une bonhommie qui rappeloit celle du Béarnois, cherchons le sabot de ce pauvre enfant; il ne faut pas que ma présence cause ici le moindre sujet d’affliction » et la chaussure rustique est retrouvée. Une mémoire heureuse rappelle au Prince, et toujours à propos, ou les blessures de ses vieux compagnons d'armes, ou le dévouement de ses anciens serviteurs. Il suffit de le voir pour l’aimer: c’est ainsi ( czvrrr ) tue son air brave et ses manières franches changèrent en peu d'heures l’esprit du pre- mier régiment qu'il rencontra sur sa route. Il revit enfin le palais de ses ancêtres, où M. le comte d'Artois l’attendoit, et ne quitta les bras paternels que pour presser sur son sein les Maréchaux de France, prouvant ainsi qu’il plaçoit l’amour de la gloire à côté des plus tendres sentimens. « Après vingt-deux ans de guerres succes- sives, la France va goûter les douceurs de la paix. Les partis ont paru se rallier autour du Souverain légitime; une Charte, œuvre des profondes méditations du Monarque , as- sure les droits de tous, et proclame de bonne foides libertés dont jusqu'alors on n’a possédé que les vaines images. Mais à peine les Bour- bons ont-ils le temps de calculer le nombre des infortunes qu'ils sont venus réparer ou adoucir; à peine ont-ils commencé d’exer- cer, suivant l’heureuse expression du duc de Berry, leur droit le plus cher, celui de nous rendre heureux, que le trône de Saint-Louis est ébranlé une seconde fois. « Tandis que le duc d'Angoulême mon- trant dans le midi, le panache blanc de Henri IV, guidoit encore quelques soldats (''orxx ) Français, au chemin de l’honneur , et que la petite-fille de Marie-Thérèse essayoit dans les murs de Bordeaux de ranimer le feu mou- rant de la fidélité, leur digne frère désespéré de ne pouvoir mourir en sauvant la patrie, recevoit l’ordre de marcher à la tête de la maison du Roi, et de protéger sa retraite. Grand dans le malheur, imposant aux re- belles par son courage, consolant les mal- heureux par sa résignation, pardonnant à des factieux qu’il pouvoit écraser, et respec- té encore au milieu de la révolte, le duc de Berry passa la frontière. « La puissance orgueilleuse trouva son tombeau , non loin des plaines de Fleurus où le courage avoit triomphé vingt-un ans auparavant. Il ne restoit plus que les vic- times d’un héroïsme , digne sans doute d’une meilleure cause , et le duc de Berry ne cessa de gémir sur leur destin que pour vo- ler à leur secours. Le prince ne prend au- cun repos qu'il wait vu soulager la plus grande partie des blessés; il est par-tout, par-tout il donne l'exemple de l'humanité. » — « En voici la preuve, dit alors un vieux grenadier, dont le visage basané et le triple chevron annonçoient les services, « voyez M 1819, (\éEx' le mouchoir dont il enveloppa ma bles- « suré à Mont-saint-Jean ; il est là , ajoute-t- & « il, en découvrant sa poitrine sillonnée « de cicatrices; je le porterai toujours, et « je le défendrai jusqu’au dernier soupir, & comme je défendois mon drapeau. » L'accent de ce brave soldat redoubla lémo- tion des auditeurs. Le guerrier de Condé le resardant d'un air attendri , continua : « Rentré en France le duc de Berry voulut ignorer tout ce que ses ennemis av oient fait pour lui aliéner le cœur des militaires qu'il aimoit de prédilection. Il opposa le silence à la calomnie, et retourna avec joie aux oc- cupations chéries de sa retraite. C’est là qu’il songea à consolider notre repos en assurant son bonheur. Une Princessedu sang des Bour- bons fut choisie pour en être le gage. Cette princesse élevée aussi à l’école de l’adversité, issue de Henri IV, au même degré que le prince qu’elle alloit recevoir pour époux, par- tageoitson penchant à labienfaisance. On sut qu’à son départ de Palerme, la jeune fiancée avoit fondé une institution pour l'éducation des orphelines et distribué d'immenses se- cours ; que pendant son séjour à Naples, les mêmes bienfaits avoient été répandus. Ce fut le seul plaisir qu’elle se permit de goûter au ( czxt ) milieu des fêtessomptueuses d’un mariage qui devoit l’éloigner des objets de ses premières affections. La nouvelle Duchesse de Berry s’arrache enfin avec douleur des bras d’une tendre famille; elle quitte Naples et aborde aux côtesde Provence : c’est là que s’exhale le dernier soupir pour sa patrie. « Parlez-moi « Français, dit-elle avec une grâce char- «< mante au duc d’Havré, qui la recevoit sur « le rivage; parlez-moi Français , je ne sais « plus d’autre langue. » « Aux fêtes et aux témoignages d'amour et de respect qui firent éprouver aux deux époux des émotions si bien partagées, succédèrent des plaisirs moins éclatans mais aussi doux. C’est à l’Élisée-Bourbon, que lPaimable cou- ple trouva le vrai bonheur. Modeste et naïve dans ses amusemens comme dans ses goûts, la jeune Duchesse aimoit à se livrer à des jeux et à des exercices, doux souvenirs de ses premières années et de sa première patrie. Le duc de Berry redevenoit enfant pour lui plaire; et l’entourant de soins et de préve- nances, s’associoit à sa simplicité, comme il s’étoit uni à sa vertu. « Adorés dans leur intérieur, tous deux étoient chéris au dehors. Aussi que d'occa- 1816, ('euxrr\) sions pour eux de faire le bien. Arrivoit-il quelque malheur, survenoit-il quelquefléau, le lendemain tout étoit réparé, comme par une main céleste. Le bienfait ne se faisoit jamais attendre , et prévenoit souvent la de- mande.Quelquefois, sans suite, ces heureux époux assistoient dans les campagnes, à une cérémonie religieuse, à une bénédiction nup- tiale, au couronnement d’une rosière,etse mè- loientauxdansesetaux jeux du village.Echap- pant au respect ils jouissoient ainsi du plaisir de surprendre et de conquérir les cœurs. « L'ordre le plus admirable régnoit dans la maison de l’Élisée : le Prince trouvoit d’im- menses ressources dans l’économie qu’il ap- peloit le discernement de la bienfaisance. Il écrivoit un jour à M. Despallières consul de France à Anvers, qui l’avertissoit de la vente d’une très belle collection de tableaux: «dans « un temps où les pauvres réclament ma sol- « licitude, je me reprocherois d’acheter si « cher un plaisir dont je puis me passer. « Le duc de Berry consacroit des sommes considérables aux besoins de la société phi- lantropique ; il se’ plaisoit à en présider les assemblées. Depuis la mort de son protecteur, cette société a laissé vide et couvert d’un (CrRrIt 0) crêpe le fauteuil où le Prince venoïit siéger aü milieu d'elle. « Le duc cultivoit au surplus toutes les * branches de la bienfaisance. Il récompensoit magnifiquement les gens de lettres et les artistes, et leur adressoit de ces paroles flat- teuses auxquelles ils attachent tant de prix; il visitoit les manufactures autant pour ho- norer l’industrie que pour la secourir. Lors- que, par une intrépidité mise souvent à l'épreuve, il n’avoit pu préserver de mal- heureux incendiés de la perte de leurs biens, il faisoit tout ce qui dépendoit de lui pour réparer leur désastre, et son exemple exci- toit la charité publique. Il ne se bornoïit pas à vouloir être exactement informé ; il voyoit par ses propres yeux. Il parcouroit à pied et en tout sens cette capitale qui réunit tant de luxe et de misère, et il étoit rare que le prince rentrât dans son palais sans avoir fait une bonne action. Delà cette foule prodi- gieuse qui s’est trouvée au passage du convoi, et ce cortège touchant de charbonniers qui Va suivi jusqu'ici dans un pieux recueille- ment. Le prince avoit sauvé un de leurs camarades. Ces hommes pauvres, mais bons, s’en sont souyenus. Ils ont quitté spontané. 1810. 1819. ( eux.) ment leurs travaux, pour payer au prince un . dernier tribut de gratitude. «Lareconnoissance avoit dedroit uneplace parmi les vertus de M. le duc de Berry. Son premier soin en arrivant de la terre d’exil, fut de concert avec son frère d'élever un mo- nument à la mémoire de l'abbé Guénée, leur précepteur. Le Duc conservoit à M. de Ser: rent son ancien gouverneur toute l’amitié d’un fils. Il avoit la plus grande vénération pour M. le prince de Condé, son maître dans l’art de la guerre. Par un testament fait en Angleterre , le héros de Bertsheim avoit légué ses compagnons d'armes à son cher élève. Le prince de Condé mourut , et le duc de Berry le remplaça dans la prési- dence de l'association paternelle des che- valiers de Saint-Louis. Il nous dit à cette occasion, « Messieurs, nous avons perdu « notre vieux drapeau blanc. » Pensée pro- fonde, qu’il voulut cacher sous la forme d’un mot ingénieux. « Quel bon prince ; mais quel excellent père! &æ Ne vous désolez point, dit-il à Madame la duchesse de Berry, qui à l’occa- sion de la naissance de Mademoiselle, se plaignoit de n’avoir pas donné le jour à un { czxv ) prince. « Ne vous désolez point; si c'étoié « wn garcon, les méchans supposeroient « qu’il n’est point à nous, tandis que per- « sonne ne nous disputera cette chère petite < fille. 3 « Le Béarnais eût ainsi parlé. « Rien ne manquoit au duc de Berry pour ressembler à son ayeul, pas même un Ra- yaillac. « Comme Henri IV, le prince eut des pres- sentimens de sa fin tragique : il en parloit souvent. On le conjuroit alors de permettre qu'on veillât davantage à sa sûteté; il ré- pondoit : « Qze voulez-vous que je fasse. St « quelqu'un a fait le sacrifice de sa vie « pour avoir la mienne, il parviendra & « exéculer son projet un jour ou l’autre, « maloré toutes mes précautions. Dans Le .« cas contraire , je me serai rendu malheu- «< reux inutilement. » « Îl n’y a pas long-témps que chassant dans le bois de Meudon, le duc de Berry s’apprêtoit à tirer un pièce de gibier réfugiée derrière un épais feuillage, quand tout à coup, il en vit sortir un homme à figure si- nistre. « Malheureux ! s'écrie le duc , gue « faisiez-vous là , j'azrois pu vous tuer!» L'homme avoit la main cachée dans son sein; 1820. ( czxvr ) il regarda le prince avec hésitation, vit ac- courir d’autres chasseurs et disparut dans le bois. Quel étoit cet homme ? On l’ignore. « Cependant le Ravaillac moderne a dé- claré qu’il suivoit le prince à toutes les chas- ses. Étranse rapprochement ! le monstre épioit sans doute, cherchant une occasion que chaque fois sa foiblesse l’empêchoit de saisir après l'avoir rencontrée. Il remettoit au lendemain l’accomplissement de son in- fernal projet; et pendant les intervalles de ses vainestentatives, se nourrissant du poi- son des doctrines régicides, il s’exaltoit la tête , et cherchoit à se donner cette fermeté d’un moment qui lui manquoit pour l’exé- cution. Représentez-vous cet homme occu- pant ses longues insomnies par d’affreuses lectures. L’apolosie du crime excite son horrible sourire : 1l se lève et marche à grands pas. L’une maiïn tenant le libelle, de l’autre , 1l a saisi le poignard : il s’exerce à frapper. Mais le jour fatal le surprend dans ce délire frénétique.…....ce jour est le 13 fé- vrier M » « C’étoit une époque consacrée par l'usage à la joie et aux plaisirs ; le duc de Berry commença la journée par une bonne action. Cela porte bonheur, répétoit-il d’un air ( crxvir ) content. On avoit remarqué que Îe prince attachoit à plusieurs reprises avec attendris- sement les yeux sur son épouse : on ignoroit alors une heureuse circonstance qui fut ré- vélée plus tard. Le soir, les deux époux se rendent à l'Opéra. L’assassin déjà àson poste, mais n’a yant pas le temps de consommer son crime, entend donner l’ordre de venir re- prendre le prince à onze heures et se retire. Il étoit huit heures : le monstre avoit encore pour se repentir trois heures qu’il emploie à se fortifier dans son exécrable dessein. À onze heures, au moment où le duc de Berry après avoir reconduit son épouse à sa voiture, se retournoit pour rentrer dans la salle, l’as- sassin se précipite sur lui et lui enfonce tout entier un poignard dans la poitrine. Le duc s’écrie, retire le fer et tombe. Madame la duchesse, éperdue, s’est élancée de sa voi- ture : elle soutient son époux mourant qui demande sur-le-champ un prêtre. « Venez ma femme , ajoute-tl, venez, que je meure dans vos bras. » J'apprends l’affreuse nou- velle, et je vole au lieu de l’événement. Quand j'arrivai, le prince étoit déjà placé sur un lit dressé à la hâte. A son chevet, une jeune femme en habits de fête, et couverte de sang, observoit, avec anxiété, ses moin- ( cexvurx ) dres mouvemens. Ïl y avoit dans ses yeux un feu qui pénétroit; sa voix imposante ; son air et son attitude me laissèrent un mo+ ment douter si c’étoit Madame la duchesse de Berry que je voyois devant moi. Le ban- deau qui retenoit ses cheveux, la ceinture qui serroit sa taille avoient servi, à défaut de bandelettes , à contenir l’appareïl mis sur l’horrible blessure. Je ne vous retracerai ni la douleur d’un père, ni la douleur d’une épouse. M. le duc d'Angoulême tenoit la main de son frère et l’encourageoit en soldat et en chrétien ; Madame la Duchesse d’An- goulême , accoutumée à tout souffrir et à ne rien craindre, attachoït cependant tour-à- tour, avec douleur, avec effroi, les yeux sur son frère et sur son époux, comime si elle eût prévu que le mal étoit sans remède, comme sielle eût redouté qu'un second coup ne vint metire le comble à ses infortunes. Madame la duchesse d'Orléans, oubliant sa famille et son propre bonheur, se désoloit sur la destinée de sa nièce. M. le duc de Bourbon que rien n’attachoit plus à la terre, se demandoït pourquoi la mort avoit choisi cette jeune victime que tant de liens y rete- noiïent. Toute la cour dans la consterration assistoit à cet affreux spectacle, 'De minute ( czxrx ) en minute, on interrogeoit les hommes de l’art dont le découragement devenoit visible. L'un d'eux (1) a sucé la plaie, « Que faites- vous , mon ami, dit le prince , le poignard étoit peut-être empoisonné. » Malgré le sou- lagement momentané que procure ce zèle généreux, il survient un état plus alarmant, Sur les deux heures, une opération doulou- reuse , jugée nécessaire par le célèbre Du- puytren est proposée au prince qui sy sou- met. On veut éloigner la princesse. « Ne me repoussez pas ; S'écrie-t-elle, employez- 101, Je vous promets d’être courageuse. » Et elle saisit le bras de son époux. Un seul instant, elle sent ce bras céder à l'impulsion de la douleur , et tout près de lui échapper: elle le retient avec plus de force, et d’un accent impossible à rendre : Charles ! Char- les! c’est pour vous soulager; sivous m’ai- mLeZ, VOUS vous laisserez faire. Le prince se résigne et dominant ses propres souffrances, ne paraît plus occupé que de la cruelle po- sition de son épouse. Il la conjure de se re- tirer : elle résiste; il laisse alors entendre ces mots : « ménagez-vous, ma chère Caro- D (1) Le docteur Bougon, Creer: } line, songez à l'enfant que vous portez dans votre sein. » « À cette voix mourante, interprète de la vie, la duchesse s’anime et pâlit aussitôt; sans doute elle a senti tressaillir dans ses en- trailles l'espoir de la patrie. Un sentiment d’étonnement mêlé d’admiration et de dou- leur se peint un moment sur tous les visages; mais l’opération s'achève : elle ne retarde la mort que pour la rendre plus cruelle. Le blessé a la conscience de son état; il répète sans cesse à ceux qui l’entourent : « Je suis touché de vos soins, mais ma blessure est mortelle, je le sens, elle va au cœur. » Il prie l’évêque de Chartres de recevoir sa con- fession , et il fait publiquement l’aveu de ses fautes. Que l’homme est grand quand il s’hu- milie devant Dieu! queile ame mondaine n’a été convertie par cet exemple ! quelleame pieuse n’en a été édifiée! et cependant le martyr doute encore de son salut. On amène Mademoiselle ; son père étend sur elle ses mains défaillantes, « Puisse-tu, chère en- fant, être plus heureuse que ceux de ta fa- zrille. » « Le prince apprend que son assassin est arrêté. « Je l’avois peut-être offensé? — (onexr ) Non, mon fils , répond M. le comte d'Artois; cet homme n’avoit contre vous aucun motif personnel. — C’est donc un insensé, dit le duc. Un moment après , il ajoute : « Qze7je voudrois voir le Roi pour lui demander la grâce de l’homme, promettez-moi, mon père,;mon frère, promettez-moi de demander au moins la grâce de la vie. » « En voyant l’affliction des généraux, ilex- prime le regret de n’avoir pu verser son sang pour la patrie au milieu d'eux... et surtout de mourir de la main d’un Français. il se montre vivement impatient de voir le Roi; il répète plusieurs fois d’une voix affoiblie, aurai-je le temps de lui demander la grâce, et cette idée paroît le dominer entièrement. «A cinq heures du matin, les douleurs aug- mentent ; le prince pressent qu’elles vont re- doubler, et priverson ame deses facultés : il se hâte d’en faire un dernier usage. Il adresse à sa famille les adieux les plus déchirans; il recommande à son père et à M. le duc d'Angoulême les personnes attachées au ser- vice de sa maison et celles qu’il honoroit de son amitié : Il nous cherche des yeux. IInom- moit souvent M. de Nantouillet qui, debout, immobile, étoit comme anéanti par son dé- ( crxxrr ) sespoir. « Wrzens, mon vieil ami, lui disoit-il, viens que Je t’embrasse encore une fois. » Le Roi arrive pour présider cette assemblée de douleurs. Du plus loin que le mourant aperçoit le monarque, « gréce! gréce! s’écrie- t-il, pour la vie de l’homme. » — Mon fils, lui répond S. M., zous songerons à cette demande lorsque vous serez JUÉTIE. — Le Roi ne dit pas oui, ajoute tristement le prince... La grâce de la vie de l’homme eût pourtant adouci l’amertume de mes der- ziers momens. Sa Voix maîtrisée par la dou- leur, ne se fit plus entendre que par inter- valles. Nous recueillimes ces mots entrecou- pés. « 4h! du moins si... j’emportois l'idée... que le sang d’un homme... ne coulera pas à mon sujet... après ma mort. Puis sa bouche murmura quelques mots dont le sens fut perdu pour nous. « Cependant tout le monde est à genoux, le Roi seul est debout et pleure... On a lu sur le visage des médecins l’annonce du fatal moment. Il est six heures et demie : encore quelques minutes... On cherche à entraîner l'épouse dont le veuvage approche. Elle s’ar- rache des bras qui la retiennent, et se préci- pite surson époux mourant. Alorsilrèésneune ( crxxiri $ sorte de confusion, on se trouble, on se pres- se, on entoure le héros chrétien. Ici tout de- vient sublime. Le lit de douleurs rayonne tout à coup des clartés de la foi; les veux du mar- tyr sont levés avec ferveur vers le ciel qui va s'ouvrir pour lui. Ses premièrespensées ontété des pensées d’humilité et de repentir; ses der- nières paroles sont des paroles de résignation et de miséricorde. Il n'entend, il ne voit plus que Dieu. Mais l'expression de la souffrance. a disparu de son visage, ses traits ont repris leur sérénité : c’est comme un doux sommeil. Le Roï s'approche et ferme les paupières du prince. « Cher enfant, dors en paix, dit le monarque... tout étoit fini! » Le vieux guerrier cessa de parler, et ca- chant sa tête dans ses mains, il fondit en larmes. A son discours succède d’abord un silence entrecoupé de sanglots ; puis il s’é- lève comme un murmure confus de louan- ges et de regrets, d’espérances et de dou- leurs; l’on interrompt et l’on reprend sans cesse des entretiens dont la tristesse a je he sais quel charme. Au milieu de ces épan- chemens, mon cœur est serré, ma bouche est muette; mais mon oreille attentive re- cueille avec avidité des récits touchans oùse révèlent les vertus du prince. Ce sont des ( cixxtv ) émigrés qu'il a soutenus, des militaires éga- rés qu’il a ramenés, des citoyens auxquels il a fait rendre justice, des paysans dont il a relevé la cabane ou racheté l'héritage, des ouvriers qui lui doivent leur état et leur in- dustrie, des pères de famille qu’il a préser- vés de leur ruine, de petits enfans même, qu’il se plaisoit à combler de ses bienfaits. Il m'a sauvé, il m'a consolé, il m'a vêtu, il m’a nourri : voilà ce qu’on entend rappeler de toutes parts. | En ce moment un roulement prolongé sur toute la ligne, et le cri azx armes nous an- noncèrent que la halte étoit levée. Je quittai le soldat de Condé après lui avoir exprimé toute ma reconnoissance, et je suivis Le cor- tège dans l’antique église consacrée à la sé- pulture de nos Rois. C’est là que trois races royales avoient dormi paisiblement pen- dant douze siècles, et que, tout à coup, arrachées de leurs somptueux cercueils par des mains sacrilèges, elles avoient été con- fondues dans une commune tombe et cou- vertes de la même poussière. A l’époque de la restauration des trônes, les tombeaux furent aussi relevés. Ils étoient vides, .la mort infatisable les repeupla bientôt. Les ( crxxvs) cloches sonnoïent encore la venue d’un nou- vel hôte. Cependant les divins mystères s’accomplis- sent et la cérémonie s’achève. Les gardes en- lèvent le corps pour le déposer au milieu d’une chapelle ardente, en attendant le mo- ment où il doit prendre place parmi les mar- tyrs de la famille royale. Nous entourons le cercueil de douze drapeaux noirs, symbole du deuil des douze légions citoyennes; le cortège défile en silence, et le peuple descend lentement les marches du temple, abandon- nant la nef à sa relisieuse solitude. La pompe des funérailles a succédé à la solennité que je viens de décrire. L’auguste famille est venue dire un dernier adieu à son bien-aimé, et chercher des consolations dans l'éloge de ses vertus. Sous ces voûtes qui tant de fois retentirent du récit de brillantes ac- tions et de trépas glorieux, l’éloquence a tra- cé le tableau d’une vie bienfaisante et d’une mort chrétienne : de cette vie elle a tiré de srands exemples, et de cette mort de hautes leçons. Ensuite les redoutables caveaux ont reçu le dépôt précieux : les portes se sont so- lennellement refermées. Moins malheureux queses pères, puisse leprincereposer en paix! N ( czxxvr ) La mort du moins ne l’aura pas dévoré tout entier. Une sorte de prophétie échappée au milieu des douleurs est prête à s’accomplir. Le moment approche qui doit réaliser nos espérances. LU € ec cc cc Lea ce cc cc cc La 4 cc ce cc cc Las cc ce « C’est à toi, objet de tant de vœux, mais qu’un voile impénétrable dérobe encore à nos ardenssouhaits : c’està toi que je consa- cre cetteesquisse, hélas tropimparfaite'des traits d’un pèrequine doiventplus s’animer. Le marbre et la toile t’en retraceront sans doute plus fidellement l’image, et l’histoire te dira bien mieux tout ce quela grande ame de cet excellent prince renfermoit de nobles pensées, tout ce que son cœur con- tenoit de sentimens généreux. L'art et le zèle ne peuvent davantage... tes yeux du moins verront ta mère ; tes innocentes ca- resses ramèneront quelquefois le sourire ur les lèvres de l’inconsolable veuve, et peut-être un jour adouciras-tu son afflic- tion profonde. Mais quel que soit le sort auquel la Providence te destine, Ah n’en doute pas, ta naissance sera toujours une preuve certaine que la faveur divine ne nous a point abandonnés. Le sang du magnanime Henri parvenu jusqu’à toi par deux sources aussi pures, se COnseryera 2 ( crxxvir ) « sans mélange. Si, regardant enfin nos «< malheurs en pitié , le ciel te confie le soin « d’apaiser tant de haïines, de fermer tant « de cicatrices, et de sécher tant de larmes, « nous entourerons ton trône légitime de « tout l’amour et de tout le dévouement « quenous portions à ton malheureux père; « si, n’exauçant qu'une partie de nos sou- « haïts, et néanmoins toujours miséricor- « dieux, ce même ciel donne une nouvelle « protectrice aux infortunés, une nouvelle « mère aux orphelins, nous le bénirons en- « core... Il nous restera des Bourbons, et « nous aurons un ange de plus. » Le Président termine la séance en ouvrant le billet cacheté joint au Mémoire dont il vient de faire lecture , et proclame le nom de M. Antoine-Nicolas-François MaçuarT, employé au Ministère de la Marine, à Paris; auteur de l’Éloge de Monseigneur le DUC D'ENGHIEN , déjà couronné en 1817 par l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon. L'Académie s'étant fait une loi de n’ouvrir que les billets joints aux Mémoires qui ont obtenu le prix ou l’accessit, et de brûler les ( czxxvrix ) autres, ne peut indiquer le nom de l’auteur du Mémoire n.° 8. Signé DÜURANDE , Président. VALLOT , D. M., Secrétaire, Membre de plusieurs sociétés savantes, nationales et étrangères. MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE DE DIJON. 4: : L x y ol A MÉMOIRES £ DE ". L'ACADÉMIE DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES F ê DE DIJON. DIJON, FRANTIN, IMPRIMEUR DU ROIL ET DE L’ACADÉMIE. LL 0 — —0— —2— 0 ——0——0 -—0— M. DCCC. xx, ÿ FIAT HOAGAT EU JM (ei LS. | “ 142% ï l by ATATE " LR AA 4e ï : ÿn Lie ES Pot. %. rene tn riens ch dt - :. … | ACADÉMIE DES SCIENCES , ARTS ET BELLES-LETTRES DE DIJON. SÉANCE PUBLIQUE DU MARDI 30 MAI 1820. nn Sn er M. Duraxne, Chevalier des ordres de Saint-Michel et de la Légion d'honneur , Président, ouvre la séance et dit : Messreurs, Les corps académiques furent institués pour accroître les connoissances humaines, encourager les savars, et propager leurs dé- couvertes. Il est donc du devoir des Acadé- mies de faire connoître les ouvrages qu’elles ont reçus; et si cette tâche est flatteuse pour elles, par l’espoir d’encourager le goût des sciences, il ne leur est pas moins précieux de pouvoir satisfaire au besoin de la recon- noissance , en proclamant les noms des sa- vans qui les ont honorées du fruit de leurs yeilles et de leurs travaux. Dans ces vues, (vi) M. Vazror, secrétaire de l’Académie, vous rendra compte des travaux de la Société pen- dant l’année 1819. J'aurai l'honneur de vous faire un rapport sur les Mémoires envoyés au concours, re- lativement à la question du Duel. M. Maruareu vous donnera lecture d’un Mémoire ayant pour titre : Urilité de La recherche et conservation des Ouvrages qui appartiennent aux anciens. Des antiquités récemment découvertes dans des fouilles faites à Dijon , seront dé- crites par M. Grrauzr. La séance sera terminée par l’annonce des sujets de prix proposés par l’Académie pour 1820 et 1921. Le Secrétaire lit le Compte rendu. COMPTE RENDU DES TRAVAUX DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES DE DIJON. Mésssreurs, L'Académie , toujours empressée de con- courir au développement des connoiïssances humaines , s’est imposé la loi de rendre ( væ} chaque année! un compte publié de ses tra vaux : puisse-t-elle, par l'exposé qu’ellé m'æ chargé de vous soumettre, méritér l'appro- bation qu’eile: désire , et trouver dans vos suffrages la plus douce récompense du zèle dont elle est aimée. Dans les pays civilisés , l'agriculture a été regardée constamment comine l’art le plus important. Les: bienfaits d’Osiris et d’Isis, chez les Egyptiens; ceux de’ Cérès et dé Triptolème , chez les Grecs, ont'été depuis long-temps l'objet de là reconnoïssance des peuples ; et la fête célébrée par les Chinoïs , atteste encore lé prix'que, de tout temps, on a attaché à l culture de) la!terre! Les encouragemens proposés à diverses époques pour favoriser les progrès de lagrit culture, prouventquéles gouvérnemens mo: dernés sônt d’aëcord sur cé püint avec les peuples dont il ne nous resté plus aujour: d’hui que le souverir conservé par l'his2 toire. L'Académie, jalouse de seconder les‘ini tentions biénfaisantés d'une administration paternelle, s’est einpressée, nontseulement de répondre à toutes les questions Péconoi micrurale qui lui ont été adressées par M. le ( var ) préfet, de la part de S. E. le ministre de l'intérieur, mais encore de publier plu- sieurs des instructions qui lui ont été soumises par sa Commission permanente d'agriculture. Elle a su apprécier les ren- seignemens qui lui ont été communiqués ; elle a adopté ceux qui, étant le fruit d’une longue expérience, épargneront beaucoup de tentatives infructueuses aux agriculteurs placés dans les mêmes circonstances. C’est pour atteindre ce but, qu’elle a présenté ses instructions débarrassées de toute la partie scientifique, dans l’intention de se mettre à la portée des cultivateurs. C’est ainsi que l’Aca- démie a publié (1) des détails sur la manière d’employer le plâtre comme engrais (22mars 1820), afin de préciser la quantité conve- nable pour chaque journal de prairies artifi- cielles, d’indiquer les précautions à pren- dre, et l’époque que l’on doit choisir pour obtenir l'effet le plus satisfaisant, et éviter les inconvéniens graves qui résultent de l’a- bus de son emploi. Il est démontré que dans les terrains maigres, il auroit non-seulement peu d'effet , maïs encore qu’il deviendroit nuisible. (1) Voy. Mém. pag. 2. (xx) M. Boxner (8 décembre 1819) a commu- niqué des observations intéressantes sur l’erz- ploi de la poudrette (1). Cet engrais , dont l'usage commence à se répandre, est le ré- sultat de la dessication des vidanges des fosses d’aisance. L'expérience a appris que la vidange, employée fraîche , après l’hiver, altéroit les productions du sol sur lequel on la verse, au point de ne pouvoir les faire servir, même à la nourriture des porcs. Mais cette même vidange récente, répan- due avant l'hiver sur des asperges, des champs de froment, a parfaitement réussi , et n’a point offert l'inconvénient dont nous avons parlé plus haut. Des observations sur d’autres espèces d’en- grais , ont offert des résultats satisfaisans ; mais elles ont appris que ces précieux moyens ne réussissoient qu’autant qu'ils étoient ac- compagnés des précautions nécessaires pour prévenir les maladies auxquelles les céréales les plus précieuses sont sujettes. Parmi celles quilesattaquent, les deux plus terribles sont la carie et le charbon. Ordinairement con- fondues par les cultivateurs , il a paru néces- saire de les bien caractériser, afin de pré- (1) Voy. Mémoires, pag. 1. (x) venir toutes les erreurs qui résultent de ce qu'on les désigne ordinairement par un now commun, le noir ; c'est ce qui a engagé un membre à communiquer (14 juillet 18:19), un travail sur les maladies des plantes céréa- les (1). Ise borne à.donner des détails sur la carie et sur le carbon : il indique seulement l’ercotet la rouille. N présente une notice des travaux qui ont été faits sur les deux pre- mières maladies, dont il assigne les carac- tères, afin de les désigner sous Les noms bota- niques adoptés par lesmodernes; il s'applique à débrouiller la confusion qui, jusqu’à pré- sent, a régné dans les livres d'agriculture et même d'histoire naturelle; parle ensuite du chaulage', du vitrioläâge , et fait connoître les causes qui s’opposent à la réussite de l'emploi de ces procédés; ildémontre quelle vitriolage réussit seulement contre la carie : encore faut-il avoir la précaution de ne point faire entrer dans le fumier de pailles infectées ; il fait voir que le charbon, à raison de sa volatilité, ne peut:point être prévenu par le chaulage ni par le vitriolage , et que le seul moyen de s'opposer à ses ravages, con- siste dans un assolement bien entendu : il QG) Voy. Mémoires , pag: 3: (xx) appuie son opinion sur une expérience frap- pante, dont le but est de détruire dans un champ le blé de vache , #elampyrum: arvense, Liwx., lorsqu'il y est trop abon- dant. Il finit sa notice par rappeler le juge- ment porté par Amen sur une pratique en- core aujourd’hui usitée dans le département de l'Aude , pour diminuer les pertes aux-. quelles exposent la zielle ou la brélure. Depuis quelques années, par des raisons qui paroissent plausiblesen théorie, plusieurs savans se sont élevés contre la culture du mé- teil (1) : c’est, comme on le sait , un mélange: de seigle et de froment dans des proportions indéterminées. Dans une note relative au méteil, M. Box- NET à fait connoître (8 décembre 1819) les. motifs qui engagent les cultivateurs à adop- ter ce mélange ; ils sont fondés sur l’expé- rience. Ces motifs sont : 1.° la valeur vérale du QG) Du latin mzirtiolum, diminutif de mixéum , mis= fum sous-entendu D/ladum. Le méteil est appelé en Bourgogne , concean de cum secale, ce qui signifie: blé mêlé avec du seigle. Demirriolum on a fait mrs- tiol, mestiol, mestiel, enfin méteil. Voy. Mémoires, PR8» 20° (KE) méteil plus forte que celle du seigle; 2.° la récolte plus assurée du méteil; 3.° la tempé- rature variable des hivers; 4.° le plus grand produit lorsque la température est favorable au seigle et au froment. M. Boxer a ensuite répondu à l’objection de la différence d’époque de maturité des deux grains ; il a observé qu’en moissonnant un peu plus tard que si le champ étoit ense- mencé de seigle pur , et un peu plutôt que s’iln’y avoit que du froment, les deux grains avoient les qualités requises pour être ré- coltés. 1] démontre ensuite que le reproche fait au méteil de donner une farine inégale, n'existe plus depuis l'adoption générale de la mouture économique. Un membre rappelle ( 22 Juillet 1819) que dans nos campagnes le bétail rouge est sujet à une maladie désignée vulgairement sous le nom de "al noir, et bien décrite, sous le nom de charbon blanc, par M. CuaserT (Zastruct. vétérinaire 1790). Des points d'ir- ritation pratiqués de bonne heure par le secours du poivre, sont le moyen efficace et usité depuis long-temps par les gens de la campagne , pour combattre cette affection. Les moutons, si utiles par leur laine, si. (Ext) ) précieux par l’engrais qu'ils procurent, et par la chair qu'ils fournissent , ont fixé l’at- tention de la Commission. Plusieurs mem- bres ont donné (29 décembre 1819) des ren- seignemens très avantageux sur un procédé dont l'efficacité ne s’estjamais démentie dans le traitement de la gale, qui exerce souvent de très grands ravages dans les troupeaux. C’est à un vétérinaire allemand, appelé Wazz, que l’on doit l’indication de cette méthode : elle a été employée avec le succès le plus constant, non-seulement par des membres de la Commission, maïs encore par plusieurs propriétaires auxquels ils l’avoient recom- mandée : sa simplicité et sa grande utilité ont engagé l’Académie à rédiger une instruc- tion qu’elle a publiée (1) et qu’elle a distri- buée à tous les propriétaires de troupeaux. La rigueur de l’hiver dernier a fait périr beaucoup de moutons dans les bergeries où l’on a suivi trop ponctuellement le conseil d'y entretenir un courant d’air en tout temps (séance du 9 février 1820). Les propriétaires qui se sont écartés de cette méthode, ont eu lieu de s’en féliciter ; il n’ont fait aucune perte. QG) Voy, Mémoires, Cr) Il résulte de là qu’il faut construire les bergeries de manière à ce que, l'été, elles reçoivent l’air sans lumière, au moyen de stores, d’abat-jours, etc., afin de mettre les moutons à l’abri des mouches ( æstre du mouton ), et que l'hiver, en adaptant des carreaux scellés avec du plâtre, on reçoive de la lumière sans air froid. Par cette mé- thode, on préserve les moutons du danger des saisons rigoureuses. Ce moyen est pré- érable à la paille que l’on emploie ordinai- rement pour boucher les ouvertures des ber- series. M. Morer De Vinoé a publié le plan d’une bergerie; mais nos petits cultivateurs ne sont point assez avancés pour faire de pareilles constructions, malgré les avantages qu’elles présentent. Si le grand froïd tue Les moutons qui y sont exposés , la chaleur excessive leur fait aussi beaucoup de mal : c’est une observation qu'a faite (24 juillet 1819) M. Boxwer. Lors d’une année très chaude, qui avoit desséché l'herbe des montagnes, il perdit en très peu de temps une vingtaine d’agneaux , par suite d’un épaississement considérable du sang. La bois- son que l’on donnoit aux animaux, loin de les soulager, les faisoit périr en vingt-quatre Cxr) heures. M. Boxnzr eut l’heureuse idée de faire baigner son troupeau. Depuis ce mo- ment la mortalité cessa. Ce moyen fut imité par un propriétaire de ses voisins, qui en obtint le même succès. L’incision annulaire de la vigne a été de nouveau tentée(1). De nouvelles expériences ont été faites par des membres de la Commission d'agriculture. L'un d’eux, M. Masson, a communiqué un rapport ( 19 ai 1819) sur l’emploi des trois instrumens adressés à l’Académie ( 12 wat 1819) par S. E. le ministre de l’intérieur. La préférence a été donnée au céseau-rabot de M. Berrincer et à l’zstrument de M. Recnrer , notre collègue. Des expériences comparatives ont été fai+ tes, mais elles n’ont point répondu à lat- teute (1. septembre 1819). Des renseione- anens recueillis par le même membre, ont ap= pris à la Commission (17 zovembre 1819 )que lincision jannulaire de la vigne n’est point une opération nouvelle; qu’elle a été pra- tiquée anciennement en Bourgagne , sous le nom de contrôlage. Le peu d'avantages et les inconyéniens de cette opération, dont les ré- () Voy. Mémoires, pag: 29. ( xvr ) sultats n'étoient point satisfaisans, ont forcé d’y renoncer , et l’on stipuloit dans les baux la défense d’en faire usage. Les dégâts que la gelée de l’hiver a faits aux oliviers et aux navettes, a engagé l’Aca- démie à publier et distribuer une instruction sur la culture de l’œillette, conseillée par la Société royale et centrale d'agriculture (1). Cette culture a été autrefois pratiquée en Bourgogne ; jadis à Léry on semoit de la camomille ( Myagrum sativum ; Linn. ) et des olivettes ( Papaver somniferum , Lin.) Voy. Courrérée, Descript. de Bourgogne, tom. 6 , pag. 574. Afin de prouver ce que peut une persévé- rance active et éclairée, la Commission a pensé qu’elle devoit signaler (2) deux fermes (29 décembre 1819), dont l’une paie au- jourd’hui en impositions une somme pareille à celle qu’en retiroient , par amodiation , les anciens propriétaires. La ferme de Champ-Moron , ( Campus- Moriae , appelé Calmus-Retundus dans un titre de 1178, Courrérée, Descript. Bours., tom. 2,p. 406 ,) située sur le plateau d’une G) Voy. Mémoires, pag. 24. (2) Voy: Ménm, ( xvr bis ) montagne calcaire , à une lieue et un quart ouest de Dijon, fournit l'exemple de la plus grande amélioration à laquelle on puisse at- teindre dans les terres pierreuses des mon- tagnes qui nous environnent. Les cultivateurs qui ont amodié la monta- gne appartenant à la commune de Selongey, y ont établi une ferme qui présente déjà des avantages, puisqu'ils sont parvenus à culti- ver des céréales sur un plateau que l’on re- gardoit comme entièrement stérile. M. Tuouix , académicien non résident, a envoyé (12 avril 1820 )à l’Académie dix-sept espèces de graines d’arbres américains (1), (1) Voici les noms des arbres dont les graines ont été envoyées. Aralia épineux. Aralia spinosa, Bouleau noir de Canada. Betula nigra. Chêne vert des Florides. Qzercus virens americana. Épinette du Canada. Abies Canadensis. Erable à sucre. Acer saccharinum. Févier à grosses épines. G/editsia macrocanthos. Févier de laChine à grossesépines. Gleditsia ferox.M.P. Genevrier de Cade. Juniperus oxycedrus. Hickery grosse. Jrglans alba major. Laurier sassafras de la Caroline. Laurus sassafras. Noyer cendré d'Amérique. Juglans cinerea. Noyer noir de Virginie. Juglans nigra. Noyer à fruit blanc d'Amérique. Jzglans alba. Pin jaune d'Amérique. Pénus mitis. Micnaun. Platane d’occident. P/atanus occidentalis. Sapinette noire. Abies nigra. n.K. Tulipier de Virginie, Liriodendron tulipiferas { xvr cer ) cent glands doux, et un sachet de grainé de fléole (19 avril 1820). Ces envois ont été remis à des membres de la Commis- sion d'agriculture , qui ont bien voulu se charger d’en prendre soin. De l’envoi fait l’année dernière par M. Tuouix (séance publ. 1819 , p. 23 ,), neuf glands avoient germé; trois seulement ont résisté aux rigueurs de l'hiver auxquelles on avoit oublié de les soustraire. Ils sont en ce moment de la plus belle apparence. L’Académiearecu de M. Darcney (23 juin, 14 juillet 1819) des détails sur un établisse- ment qu’il a formé à Losne pour cultiver des plantes médicinales. Cet herboriste est le premier qui, dans notre département, se soit livré à ce nouveau genre de culture. Les produits qu’il fournit au commerce de la droguerie indigène , sont très bien préparés. Une dissertation sur le lieu dontle maïstire son origine , a été provoquée ( 15 décembre 1819) par l’acsertion de MM. Mrcnaup et Daru. Ces deux membres de l’Académie française , dans les ouvrages intéressans dont ils viennent d'enrichir l’histoire, ont avancé que le maïs avoit été introduit en Italie, dans le commencement du XHIL.° siècle, par le marquis de Montferrat : ils s'appuient sun (xv:x1) une charte latine, publiée en 1800 ; mais cette charte a rapport au sorgho, Aolcus bi- color, Lans, dont la culture , en Italie, date effectivement du commencement du XIII.° siècle, tandis que ce n’est qu'au XVI.® siècle que Îles Espagnols et les Portugais ont ap- porté d'Amérique en Europe le maïs qu'ils trouvèrent cultivé abondamment aux An- tilles, dans le Mexique, au Pérou, où il formoit la base de la nourriture chez les habitans de ces contrées. M.Tourxon D.M., correspondant à Tou- louse, a appris ( 22 mars 1820) que lVamel- lus dé Virgile est le populage ou souci d’ can, caltha HO Lin. M. Varior, D. M., a communiqué à l'Académie ( séance du 18 août 1819),un Supplément (1) à la Flore de Bouroogne . M. Donaxpe , D. M. * MÉDECINE. M. le docteur VarenTix, associé non ré- sidentà Nancy, a donné(1.®* septembre 1819) des détails sur une ophthakmie épidémique xéputée contagieuse, qui existoit à Mayence. th () Voy. Mémoires ; pag. 64. | B { xvirt ) U a vu dans la garnison prussienné ( un régiment seulement) quatre cent trente-six soldats affligés de cettemaladie quienarendu plusieurs borgnes et aveugles. Un autre ré- giment n'étoit point affecté ; mais on le faisoit baraquer à une lieue de la ville. Pas un Autrichien, dont le contingent étoit aussi de trois mille hommes, n’étoit atteint de cette maladie, qui régnoit pareil- lement en quelques lieux de la Belgique. Il a été lu (1.° décembre 1819 ) des obser- vaons sur des cas d’inflammation aphteuse de la membrane buccale et de la langue. Cette maladie a , comme on le sait, la plus grande ressemblance avec les accidens que produit le mercure sur la membrane mu- queuse : la salivation, le gonflement, la couche blanche qui recouvre la langue et l’intérieur de la bouche, les aphthes, sont autant de symptômes qui pourroient faire soupçonner l’emploi antérieur du mercure, si l’état et la position des malades ne dissi- poient promptement les soupçons. Un membre a donné quelques détails sur des phlvciènes gangréneuses , qui occupent l’ourlet des oreilles, les pommettes des joues, et le bout du nez. L’individu qui fait le sujet de cette observation, a passé trois ans aux (xx) Antilles sans être malade : ce n’est que de- puis son retour (1817) qu’à chaque hiver il est tourmenté de cette affection, qui dispa- roît pendant l’été. Cette singulière indispo- sition périodique n’a encore été combattue par aucun remède, parce que le malade, n’attachant nulle importance à cette affec- tion, a négligé jusqu’à ce jour de recourir aux conseils des gens de l’art ; il a remarqué seulement que lorsqu'il s’exposoit au froid, il souffroit beaucoup et le mal ausmentoit , tandis qu'en se tenant chaudement, il ne souffroit pas. Les œufs de barbeau sont nuisibles à la santé ; ils partagent cette propriété avec ceux de brochet et de lotte. Cependant quel- ques naturalistes ont prétendu que l’on pou- voit user sans inconvénient des œufs de ce poisson, et c’est le dissentiment qui paroît encore exister entre les savans, qui a en- gagé l’un de nous à rédiger (26 mai 1819) une note (1), dans laquelle sont d’abord rap- peléesles opinions des diversauteurs, et, pour ne laisser aucune incertitude , sont ensuite rapportés plusieurs faits récens qui ne per- mettent plus de douter de la propriété mal- ee A () Voy. Mémoires, Gex ) faisante dont sont doués les œufs de barbeau, de brochet et de lotte. : L'histoire naturelle, cultivée depuis long temps , laisse encore beaucoup de décou- vertes à tenter, et chaque jour peut amener da connoissance d’un fait qui n’a point en- core été observé; c’est ce que nous prouvent lés détails (9 7228 1819) relatifs à des ma- ladies observées , soit sur des feuilles de végétaux, soit sur le tronc de quelques ar- bres, et indépendantes de la présence des insectes et de celie des cryptogames parasites intestinales (1). .: Le désir d’éclaircir tous les points obscurs d'histoire naturelle, étoit une tâche que l’on s’est etforcé de remplir (7 juzllet 1819) dans une Dissertation (2) sur Les caricatures en Histoire naturelle. . À la suite de cette dissertation, est jointe “une revue d’un certain nombre d'articles d'histoire naturelle, omis ou mal indiqués dans le N. D. H. N., édit. 2. Cet ouvrage, jusqu’à ce jour, le plus complet sur cette par- tie, mérite que l’on ait l'attention d'indiquer. les fautes qui s’y sont plissées : c'est le seul RD EEE RS - (1) Voy. Mémoires, pag. 42. (2) Voy. Mémoires. ( xxr ) moyen de prévenir la propagation des er- reurs, qui ne manqueroient pas de se répan- dre à la faveur de l'autorité que lui mérite la réputation des collaborateurs. Une méthode de faire cuire les œufs, em- p'oyée par beaucoup de ménagères à la cam- pagne, manifeste un phénomène dont les chimistes n’ont point parlé; c’est ce qui a déterminé l’un de nous à en donner l’expli- cation. Il s’agissoit de savoir pour quelle raison la coquille des œufs , placés sur des charbons ardens, se couvre de gouttelettes d’eau ( 25 février 1820), lorsqu'ils sont cuits à propos (1). hr M. Deruc, associé correspondant à Ge- nève, a envoyé ( 17 zovembre 1819, 12 avril 1620) de nouvelles preuves à l’appui de l’ex- plication qu'il a donnée du passage des Alpes par Annibal, Deux Anglais (MM. Cramer et Wicknam) qui , au mois d'août 1819, ont suivi la route du général carthaginois, louvrage de M. Dervc à la main, ont con- firmé à l’un de nous l’exactitude du récit de Polybe, éclairci par notre confrère, et ont témoigné la satisfaction qu’ils avoient éprou- vée en reconnoissant qu’il étoit impossible (1) Voy. Mémoires, (‘xxtr ) de ne pas admettre le résultat du savant de Genève. Des sondes prises par un Anglais dans le lac de Genève (1), au mois d’août der- nier, et dans le lac de Neuchâtel, au mois de février suivant, ont fourni des résultats que M. Deruc a jugé assez importans pour les communiquer à l'Académie. D’après ces mesures, on apprend que la plus grande pro- fondeur du lac de Genève (922 pieds de roi), qui se trouve entre Evian et Lausanne, est précisément le double de celle du lac de Neufchâtel (461: pieds), à peu près à la moitié de sa longueur et près de la rive N. O. Ce lac est partout plus profond du côté du Jura que près de la rive opposée. Cette disposition est conforme à celle que M. pe Burron a indiquée en général pour les rivières ou les fleuves. A une lieue environ, au midi de la ville de Neufchâtel , et au milieu de la lar- geur du lac, il y a sous l’eau une colline, dont le sommet n’est recouvert que par 36 pieds d’eau, tandis que sa base est à 300 pieds au-dessous de la surface du lac. Nous lais- QG) Description du lac de Genèvè, Phël. trans, ». 66, pag. $043. { xxrr1 ) ù sons aux savans , qui s'occupent de la struc- ture du globe, le soin de tirer.de ces obser- vations les conséquences qu'ils jugeront con- venables : il nous suffit d’avoir rapporté les faits. Deux nouveaux instrumens ont été soumis à l’examen de l’Académie. L’un (1), présenté par M. Gouserr, offre l’avantage de pou- voir mesurer à la fois, et la pesanteur de l'air, etsa température ; l’autre est une pompe à jet continu , fabriquée par MM. Doux et Berrenmanx : elle est à la fois aspirante, foulante et élévatoire , sans réservoir d’air ; elle exige moins d’entretien que les autres pompes, et les inventeurs peuvent la livrer à un prix bien inférieur à celui des pompes ordinaires. L'Académie a reçu de sa Commission per- manente d’antiquités plusieurs rapports sur des objets relatifs à l’histoire de notre dé- partement, et surtout à celle de notre ville. Un tombeau trouvé près Beaune, des fouilles faites exprès sur le plateau d’Alise, et d’autres exécutées à Dijon, à l’occasion QG) Voy: dans les Mémoires le rapport fait sur cet instrument, ( xxiv ) de l'élargissement de la rue des Singes, ont fourni des antiquités inconnues , des ren- seignemens curieux sur le séjour des Ro: mains dans nos contrées, et sur l’importance de Dijon dans les temps les plus reculés. M. GirauzrT ayant fait imprimer sa des- cription du tombeau de Savigny à la suite de l'Annuaire de la Côte-d'Or pour 1820, nous nous bornerons à la note ci-dessous (1) Tour appuyer ce que dit l’auteur sur l'anti- quité des cercueils en plomb. (1) En 1758 , en creusant les fondations d’une cha- pelle à l’ancienne paroisse Saint-Philibert, dont l’em- placement étoit , comme l’on sait, l’ancien cimetière de Dijon, on trouva à quinze pieds de profondeur, plusieurs tombeaux d’un grès grisâtre , nn cercueil dè plomb, un calice de cire et des médailles. CourtTé- pÉE, Descript. de Bourgogne , tom. 2, pag. 2e4. Dans des fouilles faites en 1775, dans un cimetière de Saint-Pierre-l’Etrier *, près Autun, on a déterré trois tombeaux doublés en plomb, et une inscription por- tant: ÆEmilia Severa alumno romano posuit. Tom. 3, pag: 517 ; pag. 18. . En creusant dans l’une des cours du château de Mi- meure ; on trouva un cercueil en plomb et un tombeau enpierre. Jbid. tom. 6, pag. 164. * S. Peirus à via strata , à cause de la voie romaine qui pas soit près de ce village. ((æxv ) Les fouilles ouvertes, dans l'été de 1819; sur le plateaudu Mont-Auxois, emplacement de l’ancienne et malheureuse Alise (1), ont été l’objet de trois rapports de M. Girault, président de la Commission permanente des Antiquités formée dans le sein de l’Acadé- mie : ces rapports ont été successivement en- voyés à l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres, qui a bien voulu les hono- rer de ses suffrages (2). ( Voy. aussi Moni- A Jugny, dépendant de Billy-lès-Chanceaux , Ju- niacum , au milieu d’une vaste forêt, dans laquelle on voit lés restes d’un ancien château , on découvrit des tombeaux en plomb et en pierre. Zbid. pag. 519. (Gi) AL, montagne ; LECH, Roc; SY, deux, A, rivière ; Roc sur une montagne entre deux rivières :telie est la position d’Alise entre l’Oze et l’Ozerain, au confluent de ces deux ruisseaux et de la Brenne. ) INSTITUT DE FRANCE. ACADÉMIE ROYALE DES INSCRIPTIONS ET BELLES LETTRES. Paris , le 10 mars 1820. Rapport sur les Mémoires relatifs aux antiquités du Département de la Côte-d'Or. La Commission DES ANTIQUITÉS DE LA FRANCE a été invitée à communiquer ses observations sur les ren- ( xxvr ) teur du 6 juin 1820.) M. Grrauzr a décrit les objets divers trouvés dans les fouilles d'Alise ; ils consistent 1.° en huit morceaux seignemens qui lui ont été envoyés concernant les anti- quités découvertes dans le département de la Côte-d'Or; elle doit commencer par des témoignages d'estime à tous ceux qui lui ont fait parvenir des notices ou des rapports sur cesantiquités, mais particulièrement à M.Girauzt, qui a joint à de bons dessins des explications le plus souvent savantes et satisfaisantes. Si votre Commission croit pouvoir quelquefois en substituer d’autres, c’est sans chercher à diminuer la reconnoissance que l’on doit à ce docte antiquaire; la science des antiquités est souvent conjecturale, c'est pourquoi il est sage de pré sénter sous la forme modeste du doute les explications de ce genre. Le nom d’Alise est célèbre par le long siège que les Gaulois y soutinrent contre César : sous ce point il a été l’objet principal des fouilles, et le sujet de trois rap- ports de M. Girault qui les a fait exécuter. On ne trouve point de rapport * sur le premier envoi des dessins : je ferai observer seulement qu’il seroit utile de connoître la pesanteur exacte des ‘deux poids antiques qui font partie de cet envoi. Le second rapport concerne des débris de vase de po- terie rouge, sur lesquels on ne peut rien dire de parti- culier. Dans le n.° 2, M. Girault reconnoît un cadenas ou serrure mobile, et la Commission est entièrement de # Il a cependant été envoyé dans le temps, en suivant le forme ordinaire de la correspondance. { xxvir ) qui sont en rapport avec les cérémonies des sacrifices ; 2.° seize morceaux , qui sont des outils ou instrumens d'agriculture ; 3.° douze son avis. Il a été fait mention d’un cadenas semblable , mais entier , dans le rapport sur les antiquités du dé« partement du Doubs. Le troisième rapport de M. Girault , sur les fouilles d'Alise, présente, sous les n.% 4, 5,6, et sous les n.® 7et 8, des objets en fer fort intéressans. Les trois premiers sont, selon M. Girault, les ferremens d’une charrue antique , ou plutôt les parties qui formoient par leur réunion une espèce de soc : cette conjecture me paroît fort plausible. Il croit voir dans le n.° 7 un hoyau, ce qui ne paroît pas aussi probable. Sous le n.° 8 est dessiné le fer d’u- ne bête de somme. Catulle (Carm.17 ad Colon. in fine), parle d’un fer de mule, ferrea solea. Ce poëte étoit con- temporain de César, du vainqueur des Gaulois; ainsi, rien ne s'oppose à ce que l’on attribue ce fer aux vain- cus. Quant à sa forme, elle est aussi longue que large, ce qui retrace plutôt le pied carré du bœuf que le pied oblong du cheval. L’expression de Pline (lib. 33, c. 11, Poppea conjux Neronis principis delicatioribus jumen- tis soleas ex auro quoque induit), qui emploie l’ex- pression zzduere, annonce que c’étoit alors une espèce de sabot dans lequel on faisoit entrer le pied de la bête de somme; on ne voit point de trous pour recevoir des clous qui l’auroient assujetti, et le rapporteur de votre Commission croit que l’on rabattoit le bord de ce sabot sur le pied : c’est à peu près ainsi que l’on ferre encore ARTE ( xxvrrr ) débris de meubles et de bâtimens; 4.° six fragmens de vases ou de poterie ; 5.° six mor- ceaux de restes de poids anciens et armures dans les environs de Lyon les bœufs qui , trainant à la ville les bois et autres produits des campagnes voisines; doivent marcher sur le pavé ; Le sabot est divisé et relevé dans la fente de la corne de cet animal , puis les bords sont rabattus sur chaque portion de cette corne, On voit sous le n.° 19 le dessin d’un petit Mercure de bronze découvert près de Dijon, et une note sur cette figure. On connoît plus de cent figures de ce dieu dans les Gaules, ce qui prouve qu’on lui rendoit un culte assidu dans ces contrées. s Nous réunirons dans une seule observation le rapport de M. Morelot, sur des tombeaux découverts à Sau- lieu, et deux rapports de M. Girault, lun sur un tom- beau découvert à Savigny , l’autre sur des tombeaux dé- terrés à Dijon dans la rue des Singes ; les figures qui y sont sculptées représentent des Gaulois, comme l'ont dit les auteurs des rapports; mais ce n’est point Le sagum qui les fait reconnoître. Ce manteau n’étoit point un vêtement fermé , comme la penula dont sont revêtus or= dinairement les figures sculptées sur les tombeaux.des Gaulois ; c’étoit un manteau carré ou oblong , qui s’at- tachoit avec une agraffe , et qui ne différoit pas pour la forme des manteaux militaires des Romains. Quant aux vases semblables à nos verres à boire or« dinaires que tiennent ces figures, il faut rapporter l’opi- pion de M. Girault sans l’adopter ni la combattre, « L’emblème des gobelets, dit cet antiquaire, a été par (rxxIx ) antiques ; 6.° vingt-sept médailles gauloises et romaines , la plupart mal conservées; 7.° des agraffes ou épingles de vêtemens et ER ee SE SES « nous expliqué dans un mémoire spécial adressé à la « Société royale des antiquaires de France. * Cet em- « blème est en harmonie avec la religion des Gaulois, « dont l’eau étoit un des grands principes. Ces gobelets & témoignoient que le défunt étoit mort dans la croyance « de sa relision, comme le dis manibus le témoisnoit « chez les payens, et la croix chez les Chrétiens: un des « souhaits qu’on adressoit aux morts, dit Montfaucon, « (tom. v, pag. 34) étoit queles Dieux leur accordassent « de l’eau fraîche. » Dans le passage de Montfaucon cité ici * * ,; on ne trouve rien qui fasse de ce souhait exprimé dans des épitaphes grecques et latines , une opinion particulière des Gaulois ; d’ailleurs d’autres figures dessinées dans les rapports que nous analysons et qui paroissent évis demment gauloises4 tiennent d’autres objets qui an- noncent peut-être les arts ou les métiers que les morts avoient exercés , mais dont on ne sauroit donner une explication suffisante. La Commission gardera un silence, justifié par les mêmes motifs, sur les restes d’inscriptions que présen= tent les mêmes pierres sépulcrales ; elles sont tellement # Il a été depuis imprimé pag. 358, tom. 2 des Mémoires de la Société royale des antiquaires de France. 1820. in 8.9 ## Ce passage n’a été indiqué que par analogie, toutes les re- ligions anciennes ayant des théogonies communes et dans le même sens. D'ailleurs le passage n’a rapport qu'aux Égyptiens. ( es:) de toilette ; 8.° une petite figure en bronze; dont la tête est brisée : le personnage est vêtu de la penula et du sagum gaulois, et porte les mains dans l'attitude d’un homme qui proclame un édit, praeco : suivant un témoin oculaire, il avoit entre les mains un petit morceau de fer représentant un papier, car- tha , lequel s’en est détaché en le nétoyant de la terre qui l’entouroit. La plupart de tous ces objets sont connus et gravés dans Mont- faucon, et autres recueils sur les antiquités; c’est pourquoi nous ne suivrons pas le rap- porteur dans le détail qu’il a donné de l’énu- tronquées, que l’on ne peut juger si les lettres qui ont échappé aux ravages du tems, sont des sigles ( c’est-à- dire des lettres initiales représentant un mot, tel que ZL pour Lucius, ou des portions de mots). M. Giraurr & formé sur cés restes d’inscriptions des conjectures qui ännoncent beaucoup d’érudition : c’est en général ce que l’on peut dire des recherches de ce savant. La Commission pense donc qu’il mérite, de la part de l'Académie, des encouragemens qui doivent s’étendre en partie sur ses collaborateurs. Signé Wazckenarr ; Perrr-Ranez , Alexandre DecasorDre ; Moxcez, rapporteur. Certifié conforme à l'original : Le Secrétaire perpétuel, signé Dacren, ». « Comme toutes les précédentes, la cam- pagne mal combinée par les alliés, ne fut pour les armées républicaines qu'une suite de triomphes, depuis la victoire de Marengo , achetée par la mort de Desaix, jusqu’à celle de Hohenlinden, illustrée par le nom de (era ) Moreau. L'armée autrichienne croyoit remé- dier à ses défaites par des armistices ; et le corps de Condé, obligé sans cesse de répa- rer des fautes ou de protéger des retraites , prodiguoit inutilement son courage. Fort de 10,000 hommes à son départ de Russie , il ne comptoit plus alors que 3000 combattans. « Pour couronner cette suite d'opérations extravagantes , le Cabinet de Vienne signa le traité de Lunéville. On licencia l’armée de Condé. Des hommes qui depuis dix ans partageoiïent le même pain , les mêmes périls et les mêmes privations, qui couchoient sous la même tente , et qui n’aspiroient qu’au même genre de mort et à la même tombe, reçurent ordre de se séparer. Ils obéirent ; rentrés en France , la plupart reprirent du service; heureux de n’avoir plus à combattre des Français, ils se précipitèrent avec plus d’ardeur encore au milieu des dangers; pour nous étroitement attachés à la mauvaise for- tune de nos Maîtres, nous jurâmes de suivre partout leurs pas, et de partager constam- ment leur exil. « Les Bourbons acceptèrent l’asyle que leur offroit l'Angleterre. Le duc d’Enghien seul xesta sur les bords du Rhin, pour ne point perdre de vue la terre natale. « Mon fils, Avril 1 80 fn Mars 1804. 1909. | er UN « lui écrivoit son père, que faites-vous si « près de votre ennemi; au‘ nom de Dieu « éloignez-vous ! » Le jeune Condé trop ma- snanime pour être défiant, différoit de se rendre à ces invitations réitérées. Tout à-coup un bruit court à Londresquele duc d’Enghien arraché de sa retraite, vient d’être conduit en France. Ce bruit, tout incertain qu'il paroît, nous glace cependant d’effroi. On fait partir des émissaires ; déjà l’on cherche les moyens de délivrer l’illustre prisonnier. Il n’étoit plus temps; la vérité, l’affreuse vérité fut connue le lendemain. « Au reste, il n’avoit pas dépendu du meurtrier du duc d'Enghien , que le sort des deux frères d'armes ne fût exactement sem- blable. Trompé par des avis perfides , le duc de Berry devoit descendre sur les côtes de Bretagne, où il pensoit être attendu par un grand nombre de royalistes. Il mandoïit à M. de la Feronnaye : « Puisque les royalistes « se décident à reprendre les armes , je com- « battrai à leur tête, et mon sang versé au « champ d’honneur, rappellera du moins & à la France qu'il existe des Bourbons. « Mon vieux Nantouillet et toi, mon ami, « vous partagerez mon sort. » Le Prince alloit se perdre lorsqu'il fut averti. Mais M. CLY) Armand de Chateaubriand , chargé des or- dres du Roi, fut arrêté en Normandie et fusillé dans la plaine de Grenelle. L’illustre auteur du Génie du Christianisme n’obtint que la cruelle faveur de le suivre jusqu’au lieu du supplice. « Une victime abusée n’a souvent d’autre ressource que de partager le sort de sort. corrupteur ; ainsi la France s’enchaîna aux destinées de celui qui l’avoit séduite. Au faîte de la gloire elle oublia sa servitude.Mais le malheur alloit éprouver cet enfant ingrat, et lui faire sentir le besoin de se jeter dans le sein d’un père. Profitant enfin des fautes de leur ennemi, et d’un regard de la victoire, les nations de l’Europe débordent comme un tor- rent sur nos belles contrées. La France étoit perdue, la légitimité la sauva. Quelle est donc cette inconcevable puissance ? Des armées avides , innombrables, se sont emparées du plus riche royaume de la terre; elles ont à venger des injures, à exercer des représailles : il leur faut du butin et du sang... Un homme vieilli dans l’exil se présente : c’est le succes- seur d’un monarque enfant ; il réclame ses droits. Aussitôt les épées prêtes à frapper, rentrent dans le fourreau ; deux cents mille prisonniers sont rendus sans rançons ; une 1814. ( czvr ) couronne qu'on alloit briser , est placée sur la tête du sage libérateur , que tout un peuple salue Roi. « La France revit enfin ses Bourbons. Le comte d'Artois traversoit la Franche-Comté sans autre garde que la fidélité de ses ha- bitans. Le duc d’Angoulème reçu avec trans- port dans Bordeaux, ville qui la première avoit secoué le joug , s’avançoit au mi- lieu d’une population affamée de le voir ; la famille d'Orléans arrivoit en Provence avec une Princesse de Sicile. Louis-le- Désiré ramenant avec lui la fille de Louis XVI, et ce qui restoit de la race des Condé , prenoit à Calais possession de son royaume ; enfin le duc de Berry entroit dans le port de Cher- bourg. France! France ! s'écrie-t-il en met- tant le pied sur la terre natale. C’étoit le cri du cœur : c’est le seul qu’il put prononcer. » Ici le vieux guerrier suspendit sa narra- tion. Cependant sa voix avoit été entendue, et le nom du Prince , prononcé par lui avec enthousiasme , avoit attiré l'attention de plusieurs personnes qui s’'approchèrent; un cercle se forma autour de nous. Après un moment de repos, le soldat de Condé reprit son récit d’une voix plus élevée. ( czvrr ) « De Cherbourg à Paris, le voyage du duc de Berry fut un véritable triomphe. Tou- ché de tant d’amour , le Prince répétoit sans cesse , « J’en mourrai de Joie ». Le voyant pour la première fois entouré d’une si grande affluence , les personnes de sa suite avoient peine à dissimuler leurs craintes. « Soyez tranquilles, leur disoit le Duc, je puis trouver des ennemis parmi les Français, mais Jamais un assassin. » Partout sur son passage , il laisse pour souvenir, ou des bon- nes actions , ou des mots charmans, qui partent du cœur et qui vont au cœur. A Caën il fait mettre en liberté trois cents malheureux conscrits. À Bayeux , il entend un enfant crier au milieu de la foule, et se plaindre de la perte d’un de ses sabots : « Messieurs, ditle Duc, avec une bonhommie qui rappeloit celle du Béarnois, cherchons le sabot de ce pauvre enfant; il ne faut pas que ma présence cause ici le moindre sujet d’'affliction » et la chaussure rustique est retrouvée. Une mémoire heureuse rappelle au Prince, et toujours à propos, ou les blessures de ses vieux compagnons d’armes , ou le dévouement de ses anciens serviteurs. Il suflit de le voir pour l'aimer : C’est ainst ( crvuit ) que son air brave et ses manières franches changèrent en peu d’heures l'esprit du pre- mier régiment qu'il rencontra sur sa route. Il revit enfin le palais de ses ancêtres, où M. le comte d'Artois l’attendoit, et ne quitta les bras paternels que pour presser sur son sein les Maréchaux de France, prouvant ainsi qu’il plaçoit l’amour de la gloire à côté des plus tendres sentimens. « Après vingt-deux ans de guerres succes- sives, la France va goûter les douceurs de la paix. Les partis ont paru se rallier autour du Souverain légitime; une Charte, œuvre des profondes méditations du Monarque , as- sure les droits de tous, et proclame de bonne foides libertés dont jusqu’alors on n’a possédé que les vaines images. Mais à peine les Bour- bons ont-ils le temps de calculer le nombre des infortunes qu'ils sont venus réparer ou adoucir; à peine ont-ils commencé d’exer- cer, suivant l’heureuse expression du duc de Berry, leur droit le plus cher, celui de nous rendre heureux, que le trône de Saint-Louis est ébranlé une seconde fois. « Tandis que le duc d’Angoulème mon- trant dans le midi, le panache blanc de Henri IV, guidoit encore quelques soldats (erzx ) Français, au chemin de l'honneur , et que la petite-fille de Marie-Thérèse essayoit dans les murs de Bordeaux de ranimer le feu mou- rant de la fidélité, leur digne frère désespéré de ne pouvoir mourir en sauvant la patrie, recevoit l’ordre de marcher à la tête de la maison du Roi, et de protéger sa retraite. Grand dans le malheur, imposant aux re- belles par son courage, consolant les mal- heureux par sa résignation, pardonnant à des factieux qu’il pouvoit écraser, et respec- té encore au milieu de la révolte, le duc de Berry passa la frontière. « La puissance orgueilleuse trouva son tombeau , non loin des plaines de Fleurus où le courage avoit triomphé vingt-un ans auparavant. Il ne restoit plus que les vic- times d’un héroïsme , digne sans doute d’une meilleure cause , et le duc de Berry ne cessa de gémir sur leur destin que pour vo- ler à leur secours. Le prince ne prend au- cun repos qu'il nait vu soulager la plus grande partie des blessés; il est par-tout, par-tout il donne l'exemple de l'humanité. » — « En voici la preuve , dit alors un vieux grenadier, dont le visage basané et le triple chevron annonçoïent les services, « voyez M 1819, ( cix ) « le mouchoir dont il enveloppa ma bles- < sure à Mont-saint-Jean; il est là, ajoute-t- « il, en découvrant sa poitrine sillonnée « de cicatrices; je le porterai toujours, et « je le défendrai jusqu'au dernier soupir, « comme je défendois mon drapeau. » L’accentde ce brave soldatredoubla l’émo- tion des auditeurs. Le guerrier de Condé le regardant d'un air attendri , continua : « Rentré en Francele duc de Berry voulut isnorer tout ce que ses ennemis avoient fait pour lui aliéner le cœur des militaires qu’il aimoit de prédilection. I opposa le silence à la calomnie, et retourna avec joie aux oc- cupations chéries de sa retraite. C’est là qu’il songea à consolider notre repos en. assurant son bonheur. Une Princessedu sang des Bour- bons fut choisie pour en être le sage. Cette princesse élevée aussi à l'école de l’adversité, issue de Henri IV, au même degré que le prince qu’elle alloit recevoir pour époux, par- tageoitson penchant à labienfaisance. On sut qu’à son départ de Palerme, la jeune fiancée avoit fondé une institution pour l'éducation des orphelines et: distribué d'immenses se- cours ; que pendant son séjour à Naples, les mêmes bienfaits avoient été répandus. Ce fut le seul plaisir qu’elle se permit de goûter au ( czxt ) milieu des fêtes somptueuses d’unmariage qui devoit l’éloigner des objets de ses premières affections. La nouvelle Duchesse de Berry S’arrache enfin avec douleur des bras d’une tendre famille; elle quitte Naples et aborde aux côtes de Provence : c’est là que s’exhale lé dernier soupir pour sa patrie. « Parlez-moi « Français, dit-elle avec une grâce char- « mante au duc d'Havré, qui la recevoit sur « le rivage; parlez-moi Français , je ne sais & plus d'autre langue. » « Aux fêtes ét aux témoignages d'amour et de réspect qui firent éprouver aux deux époux des émotions si bien partagées, succédèrent des plaisirs moins éclatans mais aussi doux. C’est à l'Élisée-Bourbon , qué l’aimable cou- ple trouva le vrai bonheur. Modeste et naïve dans ses amuseméns commé dans ses goûts, la jeune Duchessé aimoit à se livrer à des jeux et à des exercices, doux souvenirs de ses premières années et de sa première patrie. Le duc de Berry redevenoit enfant pour lui plaire; et l’entourant de soins et de préve- nances, s’associoit à sa shnplicité, comme il s’étoit uni à sa vertu. « Adorés dans leur intérieur, tous denx étoient chéris au dehors. Aussi que d'occa- 1816, ( czxit ) sions pour eux de faire le bien. Arrivoit-il quelque malheur ,survenoit-il quelquefléau, le lendemain tout étoit réparé, comme par une main céleste. Le bienfait ne se faisoit jamais attendre, et prévenoit souvent la de- mande.Quelquefois, sans suite, ces heureux époux assistoient dans les campagnes, à une cérémonie religieuse, à une bénédiction nup- tiale, au couronnement d’une rosière,etse mê- loientauxdansesetaux jeux du village.Echap- pant au respect ils jouissoient ainsi du plaisir de surprendre et de conquérir les cœurs. « L'ordre le plus admirable régnoit dans la maison de l’Élisée : le Prince trouvoit d’im- menses ressources dans l’économie qu’il ap- peloit le discernement de la bienfaisance. Il écrivoit un jour à M. Despallières consul de France à Anvers, qui l’avertissoit de la vente d’une très belle collection de tableaux: «dans « un temps où les pauvres réclament ma sol- « licitude, je me reprocherois d’acheter si « cher un plaisir dont je puis me passer. ‘« Le duc de Berry consacroit des sommes considérables aux besoins de la société phi- lantropique ; il se plaisoit à en présider les assemblées. Depuis la mort de son protecteur, cette société a laissé vide et couvert d’un ( cixrit ) crêpe le fauteuil où le Prince venoit siéger au milieu d’elle. « Le duc cultivoit au surplus toutes les branches de la bienfaisance. Il récompensoit magnifiquement les gens de lettres et les artistes, et leur adressoit de ces paroles flat- teuses auxquelles ils attachent tant de prix; il visitoit les manufactures autant pour ho- norer l’industrie que pour la secourir. Lors- que, par une intrépidité mise souvent à l'épreuve, il n’avoit pu préserver de mal- heureux incendiés de la perte de leurs biens, il faisoit tout ce qui dépendoit de lui pour réparer leur désastre, et son exemple exci- toit la charité publique. Il ne se bornoit pas à vouloir être exactement informé ; il voyoit par ses propres yeux. Il parcouroit à pied et en tout sens cette capitale qui réunittant de luxe et de misère, et il étoit rare que le prince rentrât dans son palais sans avoir fait une bonne action. Delà cette foule prodi- _gieuse qui s’est trouvée au passage du convoi, et ce cortège touchant de charbonniers qui Va suivi jusqu'ici dans un pieux recueille- ment. Le prince avoit sauvé un de leurs camarades. Ces hommes pauvres, mais bons, s'en sont souvenus. Ils ont quitté spontané- 1818. 1819. (ctxty ) ment leurs travaux, pour payer au prince un dernier tribut de gratitude. _ «Lareconnoïissance avoit dedroit uneplace parmi les vertus de M. le duc de Berry. Son premier soin en arrivant de la terre d’exil, fut de concert avec son frère d'élever un mo- nument à la mémoire de l’abbé Guénée, leur précepteur. Le Duc conservoit à M. de Ser- rent son ancien gouverneur toute l'amitié d’un fils. Il avoit la plus grande vénération pour M. le prince de Condé, son maître dans l’art de la guerre. Par un testament fait en Angleterre, le héros de Bertsheim avoit légué ses compagnons d'armes à son cher élève. Le prince de Condé mourut , et le duc de Berry le remplaça dans la prési- dence de l’association paternelle des che- valiers de Saint-Louis. Il nous dit à cette occasion, « Messieurs, nous avons perdu « noire vieux drapeau blanc. » Pensée pro- fonde, qu’il voulut cacher sous la forme d’un mot ingénieux. « Quel bon prince ; mais quel excellent père! « Ne vous désolez point, dit-il à Madame la duchesse de Berry, qui à l’occa- sion de la naïssance de Mademoiselle , se plaignoit de n’ayoir pas donné le jour à un { c1xv ) prince. « Ne vous désolez point; si c’étoit « n garcon, les méchans supposeroient « qu’il n’est point à nous, tandis que per- « sonne ne nous disputera Cette chère petite cc jJelle. 2 « Le Béarnais eût ainst parlé. « Rien ne manquoit au duc de Berry pour réssembler à son ayeul, pas même un Ra- vaillac. « Comme Henri IV, le prince eut des pres- sentimens de sa fin tragique : il en parloit souvent. On le conjuroit alors de permettre qu’on veillât davantage à sa sûteté ; il ré- pondoit : « Que voulez-vous que je fasse. Si « quelqu'un a fait le sacrifice de sa vie « pour avoir la mienne, il parviendra à « exécuter son projet un jour ou l’autre, «< malvré toutes mes précautiors. Dans le « cas contraire ; je me serai rendu malheu- « reux inutilement. » « Il n’y à pas long-temps que chassant dans le bois de Meudon, le duc de Berry s’apprêtoit à tirer un pièce de gibier réfugiée derrière un épais feuillage, quand tout à coup, il en vit sortir un homme à figure si- mistre. « Malheureux ! s'écrie le duc, ge « faisiez-vous là , j'aurois pu vous tuer! » L'homme avoit la main cachée dans son sein; 1620. ( czxvr ) il regarda le prince avec hésitation, vit ac- courir d’autres chasseurs et disparut dans le bois. Quel étoit cet homme ? On l’ignore. « Cependant le Ravaillac moderne a dé- claré qu’il suivoit le prince à toutes les chas- ses. Étrange rapprochement ! le monstre épioit sans doute, cherchant une occasion que chaque fois sa foiblesse l’empêchoit de saisir après l’avoir rencontrée. Il remettoit au lendemain l’accomplissement de son in- fernal projet; et pendant les intervalles de ses vaines tentatives, se nourrissant du poi- son des doctrines régicides, il s’exaltoit la tête , et cherchoit à se donner cette fermeté d’un moment qui lui manquoit pour l’exé- cution. Représentez-vous cet homme occu- pant ses longues insomnies par d’affreuses lectures. L’apolosie du crime excite son horrible sourire : il se lève et marche à grands pas. D’une main tenant le libelle, de l'autre , il a saisi le poignard : il s'exerce à frapper. Mais le jour fatal le surprend dans ce délire frénétique.…...ce jour est le 13 fé- vrier !!! » « C’étoit une époque consacrée par l'usage à la joie et aux plaisirs ; le duc de Berry commença la journée par une bonne action. Cela porte bonheur, répétoit-il d’un air ( crxvir ) content. On avoit remarqué que le prince attachoit à plusieurs reprises avec attendris- sement les yeux sur son épouse : on ignoroît alors une heureuse circonstance qui fut ré- vélée plus tard. Le soir, les deux époux se rendent à l'Opéra: L’assassin déjà àson poste, mais n'ayant pas le temps de consommer son crime, entend donner l’ordre de venir re- prendre le prince à onze heures etse retire. Il étoit huit heures : le monstre avoit encore pour se repentir trois heures qu’il emploie à se fortifier dans son exécrable dessein. À onze heures, au moment où le duc de Berry après avoir reconduit son épouse à sa voiture, se retournoit pour rentrer dans la salle, l’as- sassin se précipite sur lui et lui enfonce tout entier un poignard dans la poitrine. Le duc s’écrie, retire le fer et tombe. Madame la duchesse, éperdue, s’est élancée de sa voï- ture : elle soutient son époux mourant qui demande sur-le-champ un prêtre. « Venez ma femme, ajoute-t-il, vezez, que je meure dans vos bras. » J'apprends l’affreuse nou- velle, et je vole au lieu de l’événement. Quand j'arrivai, le prince étoit déjà placé sur un lit dressé à la hâte. A son chevet, une jeune femme en habits de fête, et couverte de sang, observoit, avec anxiété, ses moin- (-cuxvrar ) dres mouvemens. Il y avoit dans ses yeux un feu qui pénétroit; sa voix imposante, son air et son attitude me laissèrent un mo- ment douter si c’étoit Madame la duchesse de Berry que je voyois devant moi. Le ban- deau qui retenoit ses cheveux, la ceinture qui serroit sa taille avoient servi, à défaut de bandelettes, à contenir l’appareil mis sur l’horrible blessure. Je ne vous retracerai ni la douleur d’un père, ni la douleur d’une épouse. M. le duc d'Angoulême tenoit la main de son frère et l’encourageoit en soldat et en chrétien ; Madame la Duchesse d’An- soulème , accoutumée à tout souffrir et à ne rien craindre, attachoit cependant tour-à- tour, avec douleur, avec effroi, les yeux sur son frère et sur son époux, comme si elle eût prévu que le mal étoit sans remède, comme si elle eût redouté qu’un second coup ne vint mettre le comble à ses infortunes. Madame la duchesse d'Orléans, oubliant sa famille et son propre bonheur, se désoloit sur la destinée de sa nièce. M. le duc de Bourbon que rien n’attachoit plus à la terre, se demandoit pourquoi la mort avoit choisi cette jeune victime que tant de liéns y rete- noient. Toute la cour dans la consternation assistoit à cet affreux spectacle. De minute ( crxrx ) en minute, on interrogeoit les hommes de l’art dontle découragement devenoit visible. L'un d’eux (1) a sucé la plaie, « Que faites- vous , mon ami, dit le prince, le poignard étoit peut-être empoisonné. » Malgré le sou- lagement momentané que procure ce zèle généreux , il survient un état plus alarmant. Sur les deux heures, une opération doulou- reuse, jugée nécessaire par le célèbre Du puytren est proposée au prince qui s’y sou- met. On veut éloigner la princesse. « Ne me repoussez pas , s'écrie-t-elle, employez- moi, je vous promets d’être courageuse. » Et elle saisit le bras de son époux. Un seul instant, elle sent ce bras céder à l'impulsion de la douleur , et tout près de lui échapper : elle le retient avec plus de force, et d’un accent impossible à rendre : Charles ! Char- Les! c’est pour vous soulager; sivous m’ai- mez, vous vous laisserez faire. Le prince se résigne et dominant ses propres souffrances, ne paraît plus occupé que de la cruelle po- sition de son épouse. Il la conjure de se re- tirer : elle résiste; il laisse alors entendre ces mots : «/zénagez-vous, ma chère Caro- OS ET PT __{) Le docteur Bougon, (er) line, songez à l'enfant que vous portez dans votre sein. » « A cette voix mourante, zzterprète de Za vie, la duchesse s’anime et pâlit aussitôt; sans doute elle a senti tressaillir dans ses en- trailles l’espoir de la patrie. Un sentiment d’étonnement mêlé d’admiration et de dou- leur se peint un moment sur tous les visages; mais l’opération s'achève : elle ne retarde la mort que pour la rendre plus cruelle. Le blessé a la conscience de son état; il répète sans cesse à ceux qui l’entourent : « Je suis touché de vos soins, mais ma blessure est mortelle, je Le sens, elle va au cœur.» | prie l’évêque de Chartres de recevoir sa con- fession , et il fait publiquement l’aveu de ses fautes. Que l’homme est grand quand il s’hu- milie devant Dieu! queile ame mondaine n’a été convertie par cet exemple ! quell eame pieuse n’en a été édifiée! et cependant le martyr doute encore de son salut. On amène Mademoiselle ; son père étend sur elle ses mains défaillantes. « Puisse-tu, chère en- fant, être plus heureuse que ceux de ta fa- mille. » « Le prince apprend que son assassin est arrêté. « Je l’avois peut-être offensé? — ( czxxr ) Non, mon jils , répond M. le comte d’Artois; cet homme n’avoit contre vous aucun motif personnel. — C’est donc un insensé, dit le duc. Un moment après , il ajoute : « Que je voudrois voir Le Roi pour lui demander la grâce de l’homme, promettez-moi, mon père;mon frère, promettez-moi de demander au moins la grâce de la vie. » « En voyant l’affliction des généraux, ilex- prime le regret de n’avoir pu verser son sang pour la patrie au milieu d'eux... et surtout de mourir de la main d’un Français... il se montre vivement impatient de voir le Roi ; il répète plusieurs fois d’une voix affoiblie, aurai-je le temps de lui demander la srêce, et cette idée paroît le dominer entièrement. «À cinq heures du matin, les douleurs aug- mentent ; le prince pressent qu’elles vont re- doubler, et priverson ame deses facultés : il se hâte d’en faire un dernier usage. Il adresse à sa famille les adieux les plus déchirans ; il recommande à son père et à M. le duc d'Angoulême les personnes attachées au ser- vice de sa maison et celles qu’il honoroit de son amitié: Il nous cherche des yeux. Ilnom- moit souvent M. de Nantouillet qui, debout, immobile, étoit comme anéanti par son dé- ( érsxtr ) sespoir. « Viens, mon vieil ami, lui disoit-il, viens que je t’émbrasse encore üne fois. » Le Roï arrive pour présider cette assemblée de douleurs. Du plus loin que le mourant aperçoit le monarque, « gréce! gräce! s’écrie- t-il, pour la vie de l’homme. » — Mon Jils, lui répond S. M., nous songerons à cette demande lorsque vous serez guéri. — Le Roi ne dit pas oui, ajoute tristement le prince... La grâce de la vie de l’homme ett pourtant adouci l’amertume de mes der- zicrs momens. Sa voix maîtrisée par la dow- leur, ne se fit plus entendre que par inter- valles. Nous recueillimes ces mots entrecou- pés. « Ah! du moins si... j’emportois l'idée... que le sang d’un homme... ne coulera pas à mon sujet... après ma mort. Puissa bouche murmurä quelqués mots dont le sens fut perdu pour nous. «Cependant tout le monde est à genoux, le Roi seul est debout et pleure... On a lu sur le visage des médecins l'annonce du fatal moment. Il est six heures et demie : encore quelques minutes... On cherche à entraîner l’épouse dont le veuvage approche. Elle s’ar- rache des bras qui la retiennent, et se préci- pite surson époux mourant. Alorsilrèsneune ( cHexrte ? sorte de confusion, on se trouble, on se pres- se, on entoure le héros chrétien. Ici tout de: vient sublime. Le lit de douleurs rayonne tout à coup des clartés de la foi; les yeux du mar- tyr sont levés avec ferveur vers le ciel qui va s'ouvrir pour fui. Sespremières pensées ontété des pensées d’humilité et de repentir; ses der- nières paroles sont des paroles de résignation et de miséricorde. Il n'entend, il ne voit plus que Dieu. Mais l'expression de la souffrance a disparu de son visage, ses traits ont repris leur sérénité : c’est conrme un doux sommeil. Le Roi s’approche et ferme les paupières du prince. « Cher enfant, dors en paix, dit le monarque... tout étoit fini! » Le vieux guerrier cessa de parler, et ca- chant sa tête dans ses. mains, il fondit en larmes. A son discours succède d’abord un silence entrecoupé de sanglots ; puis il s’é- lève comme un murmure confus de louan- ges et de regrets, d’espérances et de dou- leurs; Pon interrompt et l’on reprend sans cesse des entretiens dont la tristesse a je ne sais quel charme. Au milieu de ces épan- chemens, mon cœur est serré, ma bouche est muette; mais mon oreille attentive re- cueille avec avidité dés récits touchans où se révèlent les vertus du prince. Ce sont des ( crxxrv ) émigrés qu'il a soutenus, des militaires éga- rés qu’il a ramenés, des citoyens auxquels il a fait rendre justice, des paysans dont il a relevé la cabane ou racheté l'héritage, des ouvriers qui lui doivent leur état et leur in- dustrie, des pères de famille qu’il a préser- vés de leur ruine, de petits enfans même, qu'il se plaisoit à combler de ses bienfaits. Il m'a sauvé, il m’a consolé, il m'a vêtu, il m’a nourri : voilà ce qu’on entend rappeler de toutes parts. . En ce moment un roulement prolongé sur toute la ligne, et le cri aux armes nous an- noncèrent que la halte étoit levée. Je quittai le soldat de Condé après lui avoir exprimé toute ma reconnoissance, et je suivis le cor- tège dans l'antique église consacrée à la sé- pulture de nos Rois. C’est là que trois races royales avoient dormi paisiblement pen- dant douze siècles, et que, tout à coup, arrachées de leurs somptueux cercueils par des mains sacrilèges, elles avoient été con- fondues dans une commune tombe et cou- vertes de la même poussière. A l'époque de la restauration des trônes, les tombeaux furent aussi relevés. Ils étoient vides, la mort infatigable les repeupla bientôt. Les ( czxxv ) cloches sonnoient encore la venué d’un nou- vel hôte. Cependant les divins mystères s’accomplis- sent et la cérémonie s'achève. Les gardes en- lèvent le corps pour le déposer au milieu d’une chapelle ardente, en attendant le mo- ment où il doit prendre place parmi les mar- tyrs de la famille royale. Nous entourons le cercueil de douze drapeaux noirs, symbole du deuil des douze légions citoyennes; le cortège défile en silence, et le peuple descend lentement les marches du temple, abandon- - nant la nef à sa religieuse solitude. La pompe des funérailles a succédé à la solennité que je viens de décrire. L’auguste famille est venue dire un dernier adieu à son . bien-aimé, et chercher des consolations dans l'éloge de ses vertus. Sous ces voûtes qui tant de fois retentirent du récit de brillantes ac- tions et de trépas glorieux, l’éloquence a tra- cé le tableau d’une vie bienfaisante et d’une mort chrétienne : de cette vie elle a tiré de grands exemples, et de cette mort de hautes leçons. Ensuite les redoutables caveaux ont recu le dépôt précieux : les portes se sont so- lennellement refermées. Moins malheureux queses pères, puisse leprincereposer en paix! N ( crxxvr ) La mort du moins ne l’aura pas dévoré tout ! entier. Une sorte de prophétie échappée au milieu des douleurs est prête à s’accomplir. Le moment approche qui doit réaliser nos espérances. « C’est à toi, objet de tant de vœux, mais « qu’un voile impénétrable dérobe encore à « nos ardenssouhaits : c’està toi que je consa- « crecetteesquisse, hélas tropimparfaite'des « traits d’un pèrequinedoiventpluss’animer. « Le marbre et la toile t’en retraceront sans « doute plusfidellement l’image, et lhistoire « tedirabien mieuxtout ce quela grande ame « de cet excellent prince rénfermoit de « nobles pensées, tout ce que son cœur con- « tenoit de sentimens généreux. L'art et le « zèle ne peuvent davantage... tes yeux du « moins verront ta mère ; tés innocentes Ca- « resses ramèneront quelquefois le sourire « sur les lèvrés de l’inconsolable veuve, et - « peut-être un jour adouciras-tu son afflic- « tion profonde. Mais quel que soit le sort «< auquel la Providence te destine, Ah! n’en « doute pas, ta naissance sera toujours une « preuve certaine que la faveur divine ne « nous à point abandonnés. Le sang du « magnanime Henri parvenu jusqu’à toi par. « deux sources aussi pures, Se CONSer vera ( Et vi) « sans mélange. Si, regardant enfin nos < malheurs en pitié, le ciel te confie le soin « d’apaiser tant de haines, de fermer tant « de cicatrices, et de sécher tant de larmes, « nous entourerons ton trône légitime de « tout l’amour et de tout le dévouement « quenous portions à ton malheureux père; « si, n’exauçant qu'une partie de nos sou- « haits, et néanmoins toujours miséricor- « dieux, ce même ciel donne une nouvelle « protectrice aux infortunés, une nouvelle «< mère aux orphelins, nous le bénirons en- « core. Il nous restera des Bourbons, et « nous aurons un ange de plus. » Le Président termine la séance en ouvrant le billet cacheté joint au Mémoire dont il vient de faire lecture , et proclame le nom de M. Antoine-Nicolas-François M4Qu4RrT, employé au Ministère de la Marine, à Paris; auteur de l'Éloge de Monseigneur le DUC D'ENGHIEN , déjà couronné en 1817 par l’Académie des sciences ; arts et belles-lettres de Dijon. L'Académie s'étant fait une loi de n’ouvrir que ies billets joints aux Mémoires qui ont obtenu le prix ou l’accessit, et de brûler les ( cExxvrit ) autres , ne peut indiquer le nom de l’auteur du Mémoire n.° 8. Signé DURANDE , Président. VALLOT , D. M., Secrétaire, Membre de plusieurs sociétés savantes , nationales et étrangères. l EE TABLE DES MATIÉFRES. |; de la séance. =." EN tee Comic tend Ces las PRES vI AGRICULTURE. Manière d'employer le Plâtre comme engrais . VU Emplorde la Poudrette 4. 4 1.1. .. . L, 1X Sur la Carie et le Charbon... ..... .. 1X DATE MVNO LE lasers RU EE Os SET X£ Sur le Mal noir du bétail rouge. . . , . . .. XIL Sur la Galle des moutons..." "040. XIIE DLIDESÉDETRERIES Tee lee ee = ou tee ele XIIL Sur une maladie des moutons . . . . . . .. XIV Sur l’Incision annulaire de la vigne . . . . XV Calbure du PavOts Lei NN eu EE XVI Amélioration d'une ferme... che. ous XVL Envoi de graines par M. Thouin . . . . . . . xvr bis Établissement de M. Dajisuey. 143. IN. 0 xvr cer “Lieu originaire du Maïs . , . . . . . . . . . xvi ter Sur l’Amellus de Virgile, . . : . . . . «te XVIE MÉDECINE. Ophthalmie épidémique. . .......,... xVIÉ Inflammation aphtheuse de la membranebuccale xvrr£ Phlyctènes gangréneuses. . . . . . . . , . , . XVII Danger des œufs de barbeau . . . . . . . . . XIX HISTOIRE. Passage des Alpes par Annibah, . . . . . . « XX£ PHYSIQUE. Dbondes du lac de Genêve et du lac de Neuchâtel ZXI$ td ( cxxvr ) Thermo-Baromètre. . . . . . . . + + « « + . P. XXITF Pompe aspirante , foulante et élevatoire. . . . xxx1r ANTIQUITÉS. Tombeau près Beaune . . . . . . . . . . . « XXIIC Houilles du Mônt-AUuxOIS. 0e 5.1 MUR Ne XXV Rapport à l’Instüut. . ..........4. XXV Charrue gauloise . . . . . . . . . . . . . . XXXE Fer d’un animal de labour. . . . . . . . . « XXXIV Pierres antiques . . +: . . . . . . . Petite statue de Mercure. . . . . . + + + XXXVIL Ge rtelo ue le SA ALR LITTÉRATURE. Héraits d'Hishoire 2 ‘ap 2e eee senes elfes XL Recherches sur le Virgile viraien Borguignon. XLI La veille de la bataille de Pultava . . . . . à XLIE Dons faits à l’Académie . . : . . «+ © « + © « XLIIL NÉCROLOGIE. Notice sar M. Dezé. « es eo «oo 0 + + XLVIE SurM:Grivaud UT Re ee le CXIVTIL Sur ME Roze: MAS SE OS RTS Sur M. Gattey. . .. . ... .. .. LI Sur M. Delandme , , : . . . . LIIT Nominations . . .. L] L] L2 L] LZ LI L2 L L2 L2 L2 LI LZ LIV Ouvrages imprimés envoyés à l’Académie. . LVL £ P y Rapport sur le concours. « . . . + . + « « + + LXXYE Sur l'utilité de la recherche et de la conserva- tion des ouvrages qui appartiennent à l’anti- quité. . .. «ee + oo + © 0 + + + LXXXI Sur les fouilles de la rue des Singes . . . . . xcrrt Programme des prix + +... + « «ee + + + « Cxx Hate Erpeprpreees Tassranerens ste sauts 4 oi rer ET 12 dinuti “inltissaet 144 DEEE] sua Tera HOTTE 1532 CIETITEILES RE PETITT) tisies AÉEEPEETEEETE EEE HACHETTE RER RE ENERE , MT TRES PHARMA NE : : rer CETEETEEEIT EEE =. RÉRÉTETESEINT ES MTITIIIE ITTUT: rt 1 ÉEDÉTHEFER FETES DL INTER ere one rathes RARE ., HIT Ronnie sheRe 4 pp? HIS RER CHIENS » on 18 MOTRNITTE is ‘i niatsishs PTIT siditistet PÉREE PE RERIE EE EEE Mia else peiske HE " 192 41424 re y 74 de CET =: DETRE TT Pre PÉTErETETETS APE ET EEE , ser ur 1e ÉLEVÉE Hiitorses #2 le 4 EPETÉTENONETENENETETES istiers Dinsnnme-hunr pets ETES CREER DETTES PTIT IE iles